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MEMOIRE
¿«¿La
P O U R M . E s c o t , Confeiller en la Cour des Aides de
Clerm ond-Ferrand, & Madame fon E p o u fe , du chef &
~
vs«,
,
m )1
• (M||
10
à caufe d’e l l e , A p p e l a n s & Demandeurs ;
C O N T R E le Sieur A n d r a u d j Confeiller en la Sênéchauf f ee & Siège Préfidial de la même V ille &
fes
Confors, intimés & Défendeurs.
S i l’ on écarte de la préfente affaire, tout ce que le fieur
Andraud y a mêlé d’étranger & tout à la fois d’injurieux
pour M . & M a d ame E f c o t , afin de les rendre s’il pou
v o ir , défavorables aux yeux de la C o u r ; cette même affaire
fe réduit à ces deux queftion
uniques :
Premiérem ent , la renonciation faite en Coutume d’A u
vergne, ( o ù la représentation a lieu à l’infini dans les deux
lignes ) , par Marie - Barbe Garnaud ( dont defcendent ici
e fieur Andraud & fes Conforts ) , dans fon contrat de
mariage paffé en 1 7 1 5 , à tous biens paternels , maternels 3
fraternels , fororiens , & à toutes autres fucceffions directes &
collatérales, ( ce font les mots ) , cette renonciation expreffément dirigée, d’ailleurs, en faveur des mâles & de leurs defcendans réduits ici à la feule perfonne de Madame E f c o t ,
A
■Se
�s’étendoit*elle jufqu’à la fucceifion de Catherine Godivel ou
verte en collatérale dans cette mêmeCoutume d Auvergne au
mois de Décembre 17 8 3 > laquelle fait ici plaider les
parties? E t en conféquence le fieur Andraud 6c fes Con
forts , tous defcendans de Marie - Barbe Garnaud renon
çante , étoient-ils exclus de cette fucceifion , par Madame
E fco t , fille de mâle , de maniéré qu’elle y dût prendre
leurs parts & portions, indépendamment de fa part per-?
Tonnelle ?
Secondement} M . & Madame E f c o t , qui jufqu’au mois
de Juin 1 7 8 5 , ont été dans l’ignorance de fa it la plus
profonde touchant l’exiftence du fufdit contrat de mariage
de Marie-Barbe Garnaud ôc de la renonciation y contenue,
& qui par l’effet de l’erreur où les tenoit cette ignorance
& pendant tout le temps quelle a duré , ont reconnu
pour cohéritiers, le fieur Andraud & fes C o n fo rts, & les
ont en conféquence admis & même appellés à partage ;
M . & Madame E f c o t , difons - n o u s, après être fortis de
leur erreur par la découverte qu’ils ont faite au mois de
Juin 178 6 y du contrat de mariage portant renonciation,
qu’ils avoient ignoré jufqu’alors , ont-ils pu poftérieurement
& conféquemmenc à cette découverte, & fur le fondement
que tout ce qu’ils avoient fait jufques-là étoit le fruit de
Vtrreur de f a i t
j
revenir fur leurs pas, interjetter appel des
Sentences par eux-mêmes provoquées, qui ordonnoient le
partage; & vouloir, en un m o t, exclure le fieur Andraud
& fes Conforts , de tout droit & de toute participation à
cette même fucceifion, au partage de laquelle ils les avoient
appelés & admis auparavant ?
V o ilà , difons - nous , quelles font les deux queftiona
�3
( dégngées de tous hors-d’œuvre ) fur Iefquelles la Coût
a ici à prononcer par fon Artêt à intervenir.
O r , nous foutenon s, & nous établirons ci - après dans
nos m oyens, fous deux fe rio n s féparées, l’affirmative fur
l’une & fur l’autre de ces deux queftions; & enfuice nous
réfuterons fommairement, dans une troifieme fe & io n , les
écarts injurieux du iïeur Andraud.
F A I T S .
C ’eft dans la ville de B e i f e , disante de fix lieues de la
ville de C le rm o n t, & pays de Coutume ( & non pas de
Droit-écrit) de la Province d’A u y erg n e, que s’cft ouverte
en collatérale , au mois de Décem bre 17 8 3 , la fucceflion
de la Demoifelle Catherine G o d iv e l, de laquelle il eft ici
queftion.
T o u s les individus, au nombre de plus de trente s ayant
ou prétendant avoir droit à cette fucceflion , formoienc
cinq clafles ou fouches premières d’héritiers, Iefquelles fe
fubdivifoient chacune en plufieurs branches ou fouches
fecondaires.
E t nous difons , formoient cinq clajfes ou fouches pre
mières ; à raifon de ce que le tronc commun de la parenté
de tous ces individus entr’e u x , & avec la défunte D em o i
felle G o d iv e l, qui étoit J e a n G o d i v e l fon a ïe u l, avoic
eu de deux mariages cinq etifans. Car nous ne parlerons
point d’un fixiem e .enfant ( Guillaume Godivel ) , qui fut
aufl] fils de J e a n , & qui fut le pere de Catherine G odivel
de cujus; non plus que d’un frere & de deux fœurs quelle
A ij
�4
avoit eus, & qui moururent avant elle, & fans poftérité,.
comme elle.
Ces cinq enfans ( de Jean Godivel ) dont les defcendans
aujourd’hui encore vivans , fe diftribuent dans les cituj
clajfes ou Touches qui étoiept appellées par la l o i , à la
fucceflion contientieufe, ( fauf les excluions particulières),
étoient,
i° . H e n r i G o d i v e l , fils unique du premier l i t , d’où
defceïident les héritiers du nom d JAdmirât - Seym ier , de
M a y e t , & de Defcorolles , & faifant la premiere fouche.
2 °.
A n t o i n e t t e G o d i v e l , née du
fécond l i e , 6c qui
eft le chef de la fouche commune à Madame E f c o r , ôc
à fes A d v e r f a ir e s a& u els, le fieur Andraud & fes Con forts,
ainfi qu’aux enfans du nom de Chaffegay i laquelle fou
che eft la fécondé.
5 ° . U ne a u tr e
d em o iselle
G
o d iv el
, fille aufli du
fécond lit de Jean Godivel ; laquelle époufa dans le temps
un fieur E ou d et , & forme la troifieme fouche.
4.0.
L a q u a t r i è m e , remonte ultérieurement à une troi
fieme demoifelle G odivel , aijili fille du fécond lit de Jean.
Godivel , & laquelle fut dans le temps mariée avec un
fieur de la B o u t é e .
50. E n f i n ,
la c in q u ièm e
& dernier fo u c h e , comprend
toute la poftérité vivante d’une derniere Demoifelle Godivel
du nom de J e a n n e , que Jean fon pere eut également de
fa fécondé femme , & qui époufa en fon temps un fieur
Andraud de Saint - Neclaire , de même nom que le fieuc
Andr.ud ici intim é, mais non pas fon parent.
D e toute cette foule de parens de la défunte Demoiielle G o d iv e l, nul ne fut plus emprçiFé que le fieur A n
�s
draud, à recueillir fon opulente fucceilïon; fucceilion q u i,
groflie en effet de celles de fou frere & de fes deux fceurs,
prédécédés, paffoit dans le pays pour un objet de cent
mille écus au moins.
Mais le fieur Andraud avoit depuis long temps calculé,
qu’ayant fix freres ou fœ u rs, il nauroit de fon chef qu’une
très - modique part dans cette fucceiïion ( un trois cent
quinzieme)j au lieu que ÜVIadame E f c o t , qu’ on verra dans
la fe&ion troifieme de nos moyens que cet Adverfaire
voudroit donner ici pour être fans intérêt , y avoit de fon
chef un quinzième , & dans le cas de l’exclufion du fieur
Andraud & de fes C o n fo r ts , un fécond quinzième ; le
tout revenant à 40,000 liv.
L e fieur Andraud chercha donc d’un côté à acquérir,
& il acquit en effe t, à vil prix , dit - on , & à diverfes
époques, les droits de plufieurs autres cohéritiers, foit de
f a branche , foit des branches de fa fauche , foit des bran
ches & des fouches étrangères.
Il auroit même voulu acquérir les droits de Madame
E f c o t , & il en fit la propofition à Moniieur fon mari & à
e l l e ; mais cette propoficion q u i, du côté du prix feul au
roit écé inacceptable, fut à tous égards rejettée. M . &
Madame E fco t céderent cependant par la fuite ces mêmes
droits de Madame E f c o t , mais cela jufqu’à concurrence de
la moitié feulement, ( ce que la Cour voudra bien remar
quer ) à la dame deVoïjfiere, membre de.la dernieredes cinq
• fouches d’héritiers qu’on a vus plus haut
D ’un autre c ô t é , le fieur Andraud fut îe prem ier, 8c
même d’abord le feul de tous les cohéritiers, q u i, malgré
la rigueur de la faifon ( fin de Décembre 1 7 8 3 j , fe cranf-
�porta de la ville de Clermont fa dem eure, en celle de
BeiTe (fituée au pied du Mont-d O r , pays le plus froid dâ
toute l’A u v e r g n e ), où s’étoit ouverte la fucceiïion, dont les
effets, pour l’abfence des héritiers, avoient été mis fousles fcellés par les Officiers de la Juftice du lieu.
L à , le fieur Andraud demanda judiciairement la main
levée de ces fc ellés, la confe&ion de l’inventaire, le féqueftre de l’argent monnoyé, jufqu’au partage ; & dans la
fuite m êm e, ii propofa de faire porter cet argent au bu
reau des Confignations de la Sénéchauifée de Clermont
où il eft Confeiller.
Mais quand M . E fco t pour Madame fon époufe , &
les autres cohéritiers furent auili arrivés à BeiTe , tous
défapprouverent les a£tes judiciaires que le fieur Andraud
avoit déjà provoqués en leur abfence ,
fi ce n’eft la de
mande à ce que les fcellés fuiTent levés , à laquelle ils
acquiefcerent. E t en conféquence ces fcellés l e v é s , inven
taire fut fait, ôc l’argent monnoyé montant à trente mille
& quelques cens liv r e s , ne fut ni féqueftré ni porté aux
Confignations , mais partagé à l’amiable ( le 6 Février
17 8 4 ) . E t ce fut également à l’amiable que , dans un autre
voyage fur les l ie u x , au mois de Décembre de la même
année 17 8 4 , on partagea le mobilier de la fu cceiîion , en
attendant le partage des immeubles.
Mais ii n’eft pas vrai ce que dit & répété le fieur A n
draud dans fes écritures, & dans le Précis qu’il vient de
faire imprimer : « Q ue lors de l’inventaire que fuivit le
» partage de l’argent com ptant, les cohéritiers s’entre-com» muniquerent les titres juftificatifs de leur parenté &
» leurs droits à la fucceifion ; que notamment lui ,
de
fieur
�7
» Àndraud , préfenta & communiqua le contrat de mariage
» contenant renonciation de Marie-Barbe Garnaud fon
» ayeule ; que M . E fco t l u t , examina & approuva ce
a contrat de mariage , ainfi que les titres des autres cohé» ritiers , qui ,
» à partager ».
en confequence } furent admis comme lui
Toutes ces aflertions , difons-nous , font faufiles ; elles
ont été déniées par M . & Madame E fc o t dès le moment
où le fieur Andraud les a avancées en la C our ; ils l ’onc
même défié d’en faire la preuve , comme ce feroit à lui
à la faire puifque c’eiî lui qui allégué ; & il n’a jamais
ofé l’entreprendre.
L e fait e ft, en e ffe t, que tous ceux qui fe préfenterenc
pour prendre part à la fucceffion dont il s’agit , étant de
la même p ro v in ce, on pourroit même dire piefque du même
canton } & s’entre-connoiiTant tous pour parens entr’eux
& avec la défunte , ils fe tinrent réciproquement tous
pour cohéritiers j fans s’en demander les preuves ; & ceux
qui avoient des titres d’exclufion ne s’en vanterent pas.
Il n’y eut que les fieurs Mayet & Defcorolles feuls ,
.qui voulurent écarter le fieur Andraud. Pour cela ils fo r
mèrent contre l u i , le 3 Février 1 7 8 4 , la demande en
fubrogation aux droits qu’il avoit acquis notamment des
fleurs Admirat-Seymier , de la même fouche qu’eux ; & ils
fondèrent cette demande fur ce que le fieur Andraud n’avoit
aucun droit perfonnel
dans la fucceiïïan ,
à laq u elle,
par conféquent, il é t o it , difoiçnt-ils , étranger.
Mais la Cour voudra bien prendre garde que ce n’écoit
point de la renonciation de Marie-Barbe Garnaud , ayeule
du fieur Andraud , que les fieurs Mayet ôc Defcorolles
�8
argumentoient pour l’exclure , comme font aujourd’hui
M . ôc Madame E fco t ; ils argumentoient feulement du con
trat de mariage , contenant auifi une renonciation } d A n
toinette Godivel elle-même , mere de cette Marie-Barbe
Garnaud & c h e f de la fécondé fouche.
E t la C o u r voudra bien aufli obferver q u e , quoique les
prétentions fie le moyen des fieurs Mayet ôc Defcorolles ,
fi le fuccès s’en fut enfuivi , euiient pu envelopper ôc
Madame E fco t & tous les autres membres de la fouche
d 'Antoinette G odivel, dans l’exclufion qu’ils demandoient
contre le fieur Andraud ; néanmoins ils n’attaquoient que
le fieur Andraud feul ; ôc leurs conclurions fe bornoient
à demander d’être fubrogé en fon lieu ôc place pour les
cédions qu’il s’étoit fait faire. E n quoi il les fit déclarer
non-recevables par Sefltencô de la Sénéchauifée de Cler
mont du 5 Juillet 17 8 4 ., confirmée enfuite par Arrêt de
la troifieme Chambre des Enquêtes de la C o u r , du 1 2
Juillet 1 7 8 $ : ôc cela parce que
nette Godivel n’ avoit été faite qu’en
feulement de la renonçante , ôc
Defcorolles ne defeendoient que
la renonciation à'Antoi
faveur des freres germains
que les fieurs M ayet ôc
d*un frere confanguin (a).
Cependant le fieur Andraud prétendroit que cette Sen
tence & cet Arrêt concernant les fieurs Mayet & D e f
corolles , lui ont aiTuré dans la fucceflion dont il s’agit ,
la qualité ôc les droits d’héritier perfonnel , que M , 6c
Madame E fco t lui conteftent ici. Il prend aufli prétexte
(a) Voyez un Mémoire imprimé pour le fieur Andraud en 17 8 5 ,
dans cette ancienne affaire, qui vient d ctte tout récemment produit par
M . & Madame Efcot dans celle-ci.
�9
de cette ancienne conteftation, & de ce que l’avantage
«lu triomphe qu’il y obtint rejailliiToit fur Madame Efcot:
& fur les autres membres de la fouche d 'Antoinette Godiv e l } pour accufer M . & Madame E fco t d’ingratitude 3 en
ce qu’ils veulent, d it - il, le priver de fa part dans une
fucceiïion qu’il a confervée pour tous. E t
enfin, il de
mande à M . & Madame E fc o t io o o liv. pour leur part
contributoire .dans les faux-frais par lui faits contre les
mêmes fieurs Mayet & Defcorolles.
Mais on prévoit combien il nous fera aifé de réduire à
leur v a le u r, dans nos moyens', toutes ces prétentions du
fieur Andraud ; pourfuivons le récit des faits.
L a conteftation particulière , dont on vient de parler ;
& celle que le fieur Andraud foutint pour fe faire nom
mer fequejire de la fucceiïion, malgré les héritiers qui s’y;
oppofoient, avoient néceflairement éloigné le partage défi
nitif de toute cette fucceiïion.
Ces obftacles étant le v é s, M . & Madame E fc o t , q u i ,
conjointement avec le fieur Deshorts & la dame F a u c h e r,
( oncle & tante du fieur Andraud ) avoient provoqué
ce
partage en la SénéchauiTée de C le rm o n t, par les exploits
qu’ils y avoient fait d on n er, dès les mois de M ais 6c
d’Avril 1784-, aux cohéritiers apparens & finguliéremenc
au fieur Andraud , y firent enfin ordonner ce même par
tage par trois Sentences différentes, dont celle qui fut
rendue le 30 Août 1 7 8 ; , eft ( quoiqu’en veuille dire le
fieur Andraud ) la dominante. Ils firent faire enfuice , con*
jointement toujours avec le fieur Deshors &
la dame
F a u c h e r , tous les a£tes préparatoires du partage qui devoit
âttt la pleine exécution de cette Sentence.
B
�10
E t tous ces àftes ( dont le dernier eft du 2 ; F évrier
17 8 5 ) fe faifoient ainfi, du côté de M . & Madame E fc o t ,
par la raifon & dans le tems qu’ils ignoroienc encore la
renonciation qui excluoit le fieur Andraud & Tes Confors.
Mais enfin le moment étoit venu où le contrat de ma
riage de M a r i e '- Barbe G ârnaud , contenant cette renoncia
t io n , alloit être découvert. L a dame de V o iflie r e , cohéritieré perfonnelle de Ton chef., & ceilionnaire comme on
Ta v u , de la moitié des droits de Madame E f c o t , apprit
au mois de Juin de la même année 178<5 , temps auquel
le partage nétoit pas encore com m en cé, que ce contrat
tenu jufqu’alors fi fecret, exiftoit en minute entre les mains
d’ Antoinette P enijfat , veuve du fieur Beflon N o ta ire, fuc"ceflfeur à la pratique & aux minutes du feu fieur Cothon
auili Notaire devant lequel ce même contrat avoic été
paiTé le 2 6 Mars 1 7 i j .
L a dame de Voifliere ayant donc inftruit monfieur &
‘madame E fc o t de cette importante découverte , M . E fc o t
fe rendit au bourg où demeuroit la veuve Bedon , & fe
fit délivrer par le fieur M a ry , N otaire, une expédition collationnée du c o n tra t, fur la minute qu’en repréfenta &
que retira enfuite cette v e u v e , dépofitaire.
O r , on voit par ce contrat de m ariage, qui eft ici la
piece effentielle ,
qu’alors ( 26 Mars 1 7 1 j ) Antoinette
Godivel mere de la
e x ig e o it, d’après la
tionnelle de la parc
des “'fucceilions de
future époufe étoit décédée
Coutume , une renonciation
de cette future époufe pour
l’eftoc maternel. Succédions
: ce qui
conven
l’exclure
de fejîo c
maternel , dont la Cour voudra bien remarquer & ne pas
perdre de vue pour les moyens, qu’il n’y en avoit dans ce
�■
11
mo'ment-là qu’une feule d3échue ( celle de la mere de la fu
ture ; ) & que toutes celles de fes freres & fœ urs, & de tous
fes autres parens collatéraux, ainli que celle de fon ppre ,
étoient à échoir', circonftance décifive contre la grande, o b
jection du fieur Andraud que nous verrons & réfuterons
en fon lieu ; fa v o ir , que la renonciation ici ne frappoit
pas fur* les fucceificns à échoir. L e contrat porte donc
cette renonciation conventionnelle, de Marie-Barbe G arn aud , non-feulement pour les fucceilions de l’eftoc mater
n e l , mais encore pour celles de l’eftoc paternel , quoiqu’à
ce dernier égard la renonciation fût inutile. V o ici com
ment la claufe en eft conçue.
« L e fieur Martin G arn a u d , pere de ladite future époufe^
» lui a conjlitué un trouifeau évalué à 800 l i v . , plus une
» robe de fiançailles fuivant la condition des parties, le tout
» payable lors de la célébration ; & en D&t & C'hancere ,
» pour tous biens paternels & maternels & ce qui peut
» lui revenir du don & legs à elle fait par défunte Barbe
» T io lier fa grand’ mere , la fomme de cinq mille deux
» cens livres ;
»
»
»
»
y>
»
treize cens livres pour biens maternels ou tout ce qu elle peut prétendre fur fes ( lifez
ces ) biens ( maternels ) , piéfens & à venir exprimés ou
non exprimés ; cinq cens livres pour le legs de fa grandmere ; & le furplus , qui eft la fomme de trois mille
quatre cents livres , pour tous biens paternels : laquelle
fomme de ja o o liv. fera payable par ledit fieur Garnaud
sa v o ir ,
>» de fon v iv a n t, jufqua concurrence de y 000 liv. ; & les
» deux cents livres reftantes , après fon décès. M
oyennant
» laquelle conflitution , ladite demoifelle future époufe ,
» autorifée dudit
futur é p o u x , reconnoiiTant être bien
B ij
�12
»
dotée
&
appanée ^ a renoncé
&
renonce à
to u s
b ie n s ,
» paternels, maternels, fraternels , fororiens, & a t o u t e s
» a u t r e s s u c c e s s i o n s > dirc3.es & collatérales * au profit
» des mâles & d e s c e n d a n s d eux *.
Munis de cette piece , contenant une abdication aufli
claire des fuccefllons , principalement à échoir ; telles qu’étoient -d’une part celle du pere , d’autre parc celles des
freres & des fœurs , &
enfin toutes autres fucceflions
collatérales dont en effet il n’y avoir aucune d’échue ;
M . & Madame E fco t interjetterent & releverent, au mois
d’Août de la même année 1 7 8 5 , appel en la C o u r , « de
» la Sentence de la Sénéchauifée de Clermont , du 30
» Août 1 785 y & de tout ce qui avoit précédé & fu ivi : en
■» ce que le fleur Andraud & fes Confors avoient é té , par
> erreur de f a i t , appelés à la fucceflion de la demoifelle
m Godivel , de cujus ». E t c’eft cet appel qui a conduit
les Parties aux pieds de la C o u r , à laquelle M . & Madame
E fco t demandent au fond & au principal ,
*
Q u ’en vertu de la renonciation portée au contrat de
» m ariage, du 26 Mars 1 7 1 $ ) le fieur Andraud & fes Con» fo r s , comme repréfentans Marie-Barbe Garnaud renon» çante , foient déclarés exclus au profit de Madame E fco t
j> de toute part perfonnelle , dans la fucceflion dont il
» s’agit; qu’en conféquence ils foient condamnés à rendre
»
»
»
»
»
avec intérêts à madame E f c o t , tout ce qu’ils peuvent
avoir déjà pris ou reçu à titre de part perfonnelle , dans la
fufdite fucceffion; aux o ffr e s par madame E fc o t de rendre
ou compenfer proportionnellement au fieur Andraud, les
faux-frais de la conteftation qu’il a fait juger contre les
» fleurs M ayet & Defcorolles.
\
�»5
D e Ton côté le fieur Andraud demande pour lui & fes
C o n f o r s , que M . & Madame E fco t foient déclarés nonf.jcevables & mal fondés dans leur appel & dans leurs
demandes, & condamnés à lui payer mille livres pour leur
parc des faux-frais ci-deiTus.
M O Y E N S .
Suivant notre p la n , nous devons ici i ° . établir l’exclu-
fion du fieur Andraud & de fes C o n fo r s , de la fucceifion
G o d iv e l , par l ’effet de la renonciation contentieufe :
î°.
répondre aux fins de non-recevoir du fieur Andraud
contre l’a ppel, & à fes obje&ions fur l’erreur de fait ; 3 0. &
enfin réfuter fes injures, dont il voudroit fe faire des
m o y e n s.
S
e c t i o n
p r e m i e r e
.
L e fieur Andraud & fes Confors exclus en faveur de
madame Efcot j de la fuccejfion dont il s 'a g it , par l'effet
de la renonciation de Marie-Barbe Garnaud.
L e s renonciations conventionnelles des filles qui fe ma
rient , dans la Coutume d’Auvergne , fe règlent pour leurs
objets ôc pour leurs effets , fur la forclufion légale pro
noncée par l’article 2$ du titre 1 2 de cette Coutume.
Forclufion , à I’ i n s t a r de laquelle ces renonciations ont été
i itroduites : comme le dit plufieurs fois le dernier Commenta
teur de la Coutume, (M. Chabrol) fur cet a r t i c l e ^ , feûion y.
O r , f ivant l’article dont il s’agit : « F ille mariée pat
» le pere ou par l’ayeul paternel, ou par un tiers, ou d’elle» même , Iefdits pere ou ayeul paternel & mere vivans ,
* elle ni fes dcfcendans ne peuvent venir à fucceifion de pere ,
L
�» m ere j fr e r e
, }
*4
f œ u r } ni a u t r e q u e l c o n q u e , d i r e c t e
» ou c o l l a t é r a l e
tant qu’il y a maie ou defcendant de
» m âle héritant efdites fucceflions ; foit ledit defcendant
» mâle ou femelle »•
I l n’y avoit donc i c i , comme on l’a déjà o b fe rv é , que
la circonftance du prédécès de la mere de M arie - Barbe
G arnaud (Antoinette G odivel ) qui rendît néceiTaire fa
renonciation conventionnelle , pour opérer fa '!forclufion >
de toutes fucceflions du côté maternel ; puifque fon m a
riage & la Coutum e l’ opéroient de droit pour toutes celles
du côté paternel, dès que c’étoit.fon pere même ( Martin
Garnaud ) qui la marioit.
M ais , cette renonciation conventionnelle de M arie-Barbe
G a rn a u d , & cela tant pour les fucceflions paternelles que
pour les maternelles , éft écrite en toutes lettres
dans
ces mots de la claufe de fon contrat de mariage que nous'
avons rapportée plus haut : « a renoncé & renonce à tous
» biens paternels , maternels , fraternels & fo ro rien s, & à
» toutes autres fucceflions dire&es & collatérales , au
» profit des mâles & defeendans d e u x ».
E t remarquez que cette renonciation , pour les fuccef(ions quelle embrafle
eft comme calquée fur l ’article
ci-deflus de la Coutume. Car Marie-Barbe Garnaud renonce
a tous biens paternels j maternels j fraternels & fororiens ,
& à t o u t e s A U T R E S fucceffions dire de s & collatérales, au
profit des mâles & defeendans d'eux ; ôc l’article de la
Coutume 3 dans le cas de fon application , déclare la fille
m ariée , incapable de venir à fuccejfion de pere ^ mere j
frere , fœur ni autre quelconque , directe ou collatérale ,
tant
y a mâle ou defcendant de mâle.
�O r de cet article , tous les Com m entateurs, d’accord
avec l’ufage & la jurifprudence , ( & avec le fieur Andraud
lui-même , page 3 de Ton Précis) concluent entr’autres
c h o fe s , que la forclufion légale s’étend à to u s les biens des
pere & mere de ¿a f i l l e , & à to u s ceux de leurs parens
collatéraux , p réfen s ou a v e n ir . E t remarquez aufli qu’ils
concluent de la f o r t e , quoique la Coutume ne porte pas
textuellement les m ots, p réfen s & à v e n i r ; mais feulement
ceux de fu c cejjio n q u e l c o n q u e , directe ou c o lla téra le,
ta n t qu il y a m âle ou defcendant de m â l e , h érita n t > &c.
O r fi , dans la partie de la claufe de renonciation dont il
s’a g i t , on ne lit pas les m o ts, fucceilions à écheoir ou f u t u
res ou à v e n i r , on y lit c e u x , to u tes a u tre sfu c c tffio n s directes
& collatérales j
au p r o fit des m âles & defcendans ' d 'e u x .
Ces derniers mots de la renonciation, fynonymes & on
peut dire identiques avec ceux de la Coutume, comprennent
donc également les fucceilions de toute efpece qui étoienc
alors à échoir dans la famille de la renonçante,
>
* comme celle
qui étoit déjà échue ; & par conféquent ils comprennent
la fucceilîon qui nous fait ici plaider, é c h u e , com me
m u s l’avons d i t , 68 ans après la renonciation.
E t c’eii-là la premiere de nos réponfes à la grande objeftion que nous fait aujourd’hui le fieur Andrâud : « que
» cette renonciation ne contient pas littéralement les mots
» fu c cejfio n s à échoir» ; objè&ion dans laquelle nous pou
vons même dire que définitivement il fe retranche.
C a r , d’un c ô t é , il paroît par le Précis de cet Adverfaire
& par fes dernieres écritures , qu’il a abandonné tout ce
qu’il avoit dit dans les premieres , fur les prétendus vicea
de la renonciation en elle-même. Vices qui en effet n’onc
�24
jamais exifté ; cette renonciation étant faite dans les formes
& avec les conditions requifes pour la rendre valable: un
contrat de mariage ; un prix certain & a & u e l, & même
diilinft pour les fucceifions du côté marernel , & pOUE
celles du côté paternel ; & enfin une direction expreffe en
faveur des m âles, qui eft le grand m otif des renonciations
com m e de la forclufion des filles en Auvergne.
D ’un autre c ô té , nous ne regardons pas comme de*
objetlions qui méritent de bien longues réponfes , ce que
le fieur Andraud juge à propos de continuer de dire enco
re aujourd’hui : c o m m e , par exem ple , fes cavillations fur
le ftyle de la renonciation , flyle qui pour être, fi l’on v e u t,
peu élégant & peu concis , & mal orthographié dans le
m ot fe s p o fle iïif, mis pour ces démonftratif-, n’en eft pas
moins pour cela fort intelligible.
E t nous m ettrons, à peu p rè s, dans la même catégorie
les lieux communs que le fieur Andraud débite ( d’après
,
quelques Auteurs combattus par d’a u tre s), fur la prétendue
défaveur des renonciations, lefquelles il dit être odieufes
com m e défendues par les L o ix R o m a in e s, com m e con
traires à l’égalité entre enfans établieipar la nature & par la
lo i civile ; com m e excluant toute demande en fupplémenc
de légitim e ; comme pouvant priver des filles mineures de
biens & de droits à elles déjà acq u is, & partant inaliéna
bles ; comme toujours fo rc é e s , par la crainte qu’ont les
filles de ne pas fe marier ; & enfin com m e étant des armes
sûres entre les mains des p eres, pour bleiTer envers leurs
filles les droits de la nature , & pour les ruiner.
T ou s ces lieux com m u n s, difons-nous, font de facile
réfutation.
�i° . L es renonciations conventionnelles des filles font
d ites, dans nos livres ( & quelquefois par les mêmes A u
teurs ) , tantôt odieufes & tantôt favorables ; fuivant les pays
& fuivant les principes ou les faffe£tions ou les circonftances dans le/quelles les Auteurs ont écrit.
Ainfi , dans les pays dont le D ro it R o m ain fait la lo i
m unicipale, dans ceux où l’égalité entre enfans ne peue
abfolument pas être v io lé e , dans ceux où la mafculinité
& la confervation des familles par le moyen des mâles ;
n’eft: pas en fi grande confidération , & dans ceux enfin
où la Coutum e ne prononce pas contre les fille s, de forclufion
lé g a le , dont encore une fois les renonciations
conventionnelles font l’image ; ces renonciations alors peu
vent être regardée» com m e odieufes ; & c’eft ce qui les a
fait qualifier telles par les Auteurs qu’invoque le fieur A n draud , & ce qui faifoit faire à Lebrun le lo u h a it, répété
dans le premier écrit du fieur A n draud, que la légiilation
daignât les abolir dans toute la France.
M ais en attendant l’accomplifTement de ce vœ u fantafqu e, & que le fieur Andraud , en fa qualité de mâle ayant
des foeurs, ne manqueroit pas fans doute de rétrader dans
l’occafion , il faut ici fe conformer à la légiilation e x is
tante. E t il faut fe rappeler & ne pas perdre de vue que
nous fommes ici en pays de Coutume & non de Droit
écrit de la Province d’Auvergne,
O r dans cette C o u tu m e, l'égalité entre les enfans, même
venans à la fucceilion de leurs pere & m ere, n’eft pas e x i
gée ; l’intérêt des mâles confervateurs des maifons y eft
Singulièrement en crédit ; & enfin la forclufion des filles
qui fe m arient, ôc de leur poftérité, de toutes fucceflions
D
�36
échues & à échoir , en faveur des mâles 6c de leurs defcendans jufqu a extindion , y forme le droit commun &
la réglé générale. Il fuit donc de tout cela, & ceft ce qu'on
peut donner d’ailleuis pour confiant dans le f a i t , que les
renonciations conventionnelles, comme la forclufion légale
des filles, f o n t , dans cette même Coutume d’Auvergne , in
finiment favorables.
2°. Q ue fi l’effet de ces renonciations eit'de pouvoir im
punément donner atteinte à la légitime, ceft encore là un
traie de reifemblance de la renonciation conventionnelle,
avec la forclufion légale de la Coutume ; cette Coutume
au commencement de l’art. 3 J du même tit. 1 2 , portant
en effet « que la fille forclofe ne peut demander légitime
» ni fupplément d’icelle ». Mais c’eft de plus ce que la Cour
a confacré par fes Arrêts pour les renonciations convention
nelles dans tous les pays de fon
re ffo rt, tant coutumiers
que de droit écrit. (V o y e z Henrys & Bretonnier, liv.
queft. 1 1 & 1 2 .)
50. L e s renonciations des filles mineures aux fucceffions
échues & à échoir ne font point nulles, & même ne con
tiennent point de léfion quant aux fucceffions échues, lorfque le prix des renonciations pour ces fuceffions échues en
égale la valeur. O r i c i , outre qu’on ne prouve pas que
Marie-Barbe Garnaud fut mineure à l’époque de fon ma
riage , c’ eft q u e , l’eût-elle é t é , comme il n’ y avoit alors
pour elle d’autres fucceffions échues que celle d’Antoinette
G o d iv e l, fa mere ; quelle n’avoic qu’un fixieme dans cette
fucceflion , ayant alors cinq frétés ou fœurs vivans ; que
les femmes en Auvergne , où il n’y a ni communauté ni
douaire
ne laiifent d’autres biens que leur d o t , & qu’A n
�*7
toinette G odivel n’avoit eu en dot que fix mille livres ;
il ne revenoit dans fa fucceifion, à Marie-Barbe Garnaud
fa fille renonçante, que mille livres. Mais le contrat de
mariage dont il s’agit porte treize cens livres pour le prix
de fa renonciation aux biens m aternels, & l’ on pourroit
encore ajouter à ce prix les huit cent livres de trouiTeau,
fans parler de la robe de fiançailles ; ce prix à l’égard des
biens maternels, defquels feuls il s’agit i c i , excédoit donc
de beaucoup, bien loin de ne pas ég a le r, la valeur des biens
échus ; & cet excédent s’appliquoit de droit à ceux à
échoir.
4.0.
A l’égard des renonciations aux biens ou fucceifions
à échoir, que les filles mineures peuvent faite comme les
majeures, il fuffit pour leur validité qu’elles ayent un prix
quelconque, égal ou inégal aux biens, Ôc quelque modi
que même que puiiTe être ce prix ; pourvu , comme
difent les auteurs, qu’il ne foit pas dérifoire , tel que feroit
la fomme de cinq fols. E t la raifon en eft que l’incertitude
desévénemens rend abfolument impoifible, dans le moment
de la renonciation, l’eflimation de ces fucceiïions à é c h o ir ,
dont l’efpérance peut même ne jamais fe réalifer : ce qui
fait que la léfion ne peut jamais fe préfumer pour la fille
qui les abdique moyennant la d o t , telle quelle, qu’on lui
conftitue dans le moment.
50. Quant à la crainte des filles de ne pas fe marier y nous
ignorons fi c’eft le m otif des renonciations de quelques-unes;
mais nous ofons dire que ce m o tif, vrai ou faux , feroit in~
capable d’affoiblir l'efficacité de leurs renonciations ; &
certainement la Cour ne fera pas d’ un autre avis.
6°. Enfin les Auteurs qui font le moins partifans des
D ij
�28
renonciations , &
Lebrun entr’âutres ( des Suc. liv. 3 ,
chap. 7 , §. 1 , no. 3 .) difenc que «par la préfomption de
» l’affe&ion p a t e r n e l l e , une renonciation à fucceffion future
» doic être regardée comme une difpofition judicieufe
» plutôt que com m e une injufte prédile&ion, par la raifon
» que le pere eft toujours cenfé prendre le meilleur parti
» pour fes enfans ».
Cette raifon en eifec eft un adage univerfel, que les
Légiflateurs n’avoient même pas befoin d’inférer comme il
l’ont fait dans leurs Codes ( patris pietas optimum pro liberis confilium capere in dubio prœfumitur) ; parce qu’il eft
la conféquence immédiate du plus profond fentiment de
la nature, l’amour paternel; c’eft donc calomnier la nature
même que de fuppofer avec le fieur Andraud que des peres
& meres veuillent en blejfer les droits & ruiner leurs filles,
lorfqu’en plaçant ces filles avec une d o t , dans une famille
étrangère, iis les font renoncer aux fucceifions de toute
leur parenté.
Mais le fieur Andraud appuie encore fon obje£tion ( de
l’omiifion du mot à échoir dans la claufe de renonciation
de fon a y eu le), fur deux pafiages qu’il prend dans le
tome premier du Commentateur plus haut cité de la Cou
tume d’Auvergne. L ’ ü h { page 402 vers la fin) portant:
« que la renonciation doit être exprejfe , qu’il ne fufiit pas
» qu’on puiife induire des termes de la c la u fe , que la.fille
» a entendu renoncer; qu’il faut que la renonciation foit
» directe ». E t Vautre (page 4.20 vers le commencement),
où l’Auteur parlant d’une fille qui fe marieroit apres La mort
de fe s pere & mere , dit : « Q ue fi cette fille libre encore
■» de renoncer ou n o n , difoic quelle renonce à toutes fuc*■
�* cejjions diiectes & collatérales, il ne faudroit entendre
» cette renonciation que des fucceifions échues > & elle
» feroic habile à recueillir les fucceifions à échoir, parce
» qu’on n’eft pas préfumé dans le doute s’être occupé des
» chofes à venir ».
M ais le premier de ces partages bien l u , avec fa fu ite,
dans l’Auteut m ê m e , & bien entendu, ne prouve rien ici
pour le Heur Andraud.
Car l’Auteur en parlant là du moment où la fille pro
duit au dehors & exprime fon acte de renonciation , il fe
fert bien des ternies que le fieur Andraud rapporte; mais
cet Auteur ajoute trois lignes plus b a s , pour expliquer fa
p en fée , q u il n e jl pas indifpenfable q u il fo it d it , que la fille
renonce y & qu’une claufe équipoletue qui a la même force
produit les mêmes effets. E t il indique pour fondemens de
fa décifion trois anciens arrêts de la C o u r, & une Sen
tence récente de la SénéchauiTée d’Auvergne à R io m .
L e premier des A h êts (tiré de le V e ft ) , ayant jugé que
la promeffe de fe contenter d'une fomme pour tous biens préfens & à venir étoit une renonciation fufEfante ; & la Sen
tence ayant été rendue dans une efpece où il étoit feule
ment dit par le contrat de m ariage, quau moyen de fa dot
la fille demeureroit privée & forclofe 3 &c.
Il n'eft donc pas vrai qu’il foit de néceifité abfolue qu’une
fille qui renonce fe ferve précifément du mot de renoncer
pour exprimer à cet égard fon intention ; &
une phrafe
équipolente quelle em ploieroit, ayant la même force produiroit les mêmes effets. I l n’ eft pas vrai non plus qu’il faille
que ce foit la fille renonçante q u i , elle m êm e , articule &
prononce fa renonciation. Car dans les efpeces de l’Arrêc
�& de la Sentence ci-d eiïu s, il paroît que c’étoîent les pere
& mere feuls qui avoient p a rlé , dans les phrafes où réfi*
doient les renonciations , jugées fuififantes quoique non
littérales.
O r fi la renonciation, fi l’intention de renoncer peut va
lablement & efficacement s’exprimer par des mots équiva
l a i s ; n’en eft-il p as, à plus forte raifo n , de même des
o b jets, c’eit-à-dire, des fortes de fu cceifio n s, échues ou à
échoir, fur lefquelies les parties entendent que frappe 1*
renonciation quelles ftipulent?
Quant au fécond paflage de M . C h ab ro l, il manque d’ap
plication à l’efp ece, puis qu’il y eft queftion d’une fille qui
renonceroit après la mort de fes pere & mere dont par
conféquent les fucceifions feroient déjà ouvertes à fon profit ;
ce qui ne fe rencontroit pas i c i , du moins quant au pere
de M arie-Barbe Garnaud.
D ’ailleu rs, l’Auteur fuppofe que M e de renonciation
dont il parle, contiendroit feulem ent, ou purement & Am
plement ces mots : renonce à toutes fuccejjions directes &
collatérales ; & il fuppofe en c o re , qu’il y auroit en con>
féquence , du doute fi les fucceifions à échoir font de
com prife de la renonciation : décidant qu’alors elles n’en
font p a s, parce q u e , dit-il, on n’eft pas préfum é, dans le
doute, s’être occupé des chofes à venir.
Mais ici notre a£te de renonciation , comme nous Talions
faire voir dans un m om en t, eft bien loin de ne contenir
que les feuls mots renonce à toutes fuccejjions directes &
collatérales ; il eil bien loin de laiifer du doute fur la
comprife des fucceifions à éc h o ir, quoique ce mot à échoir
ne s’y life pas ; & M . C h ab ro l, enfin 3 ne dit pas que ce
�mot à échoir ne puifTe pas être fuppléé par des équivalens,
auili bien que le mot renoncer pour la renonciation en foi.
T o u t dépend donc fur l’un comme fur l’autre p o in t, de
la maniéré dont les parties ont exprimé leur intention.
Car il n’y a point fut cette matiere.de ce qu’on appelle
termes facramentels * que les L o i x ayent exigés , à peine
de ne pas reconnoître l’intention des Parties ôt la vérité,
dans tous autres termes.
Si donc dans le cas de l’obje&ion actuelle, la claufe
de renonciation eft conçue de forte que tout leâeur raifonnable exempt d’intérêt & de préjugé, y voye clairement
que les Parties ont eu véritablement cette intention que la re
nonciation comprît toutes les fucceifions qui étoient à
échoiry auiïï bien que celles qui étoient échues ; pour lors
il faut dire & juger que les fucceifions à échoir y font
réellement comprifes.
O r , on a vu que la claufe porte d’abord que ce que
le pere donne à fa fille, il le lui donne en dot & chancere;
mais en Auvergne chancere lignifie appanage, & tous deux
portent à l’efprit l’idée d’une forclufion abfolue pour le
préfent & pour l’avenir, de toutes les fucceifions de la
famille de la fille chancerée.
Il eft dit enfuite que fur les j a o o liv. de la dot &
chancere, 1 300 liv. font données à la future pour biens
maternels, ou pour tout ce quelle peut prétendre pour
ces biens, prejens & à venir exprimés ou non exprimés. Q ui
p.ourroit donc méconnoitre - là toutes les fucceifions de
l’eftoc maternel, dont une feule (celle de la mere même)
étoic préfente comme déjà échue , & toutes les autres
étoient à venir comme encore à échoir ?
�$2
On lie après cela dans l ’endroit où la fille elle - même
prononce fa renonciation, que moyennant la dot ci-deflus,
reconnoiflant être bien dotée & appanée, elle renonce à
tous biens p a t e r n e ls , maternels, fraternels ou fororiens} ÔC
à toutes autres fucceffions directes & collatérales.
M ais ne faudroit-il pas s’aveugler foi-même ,
pour ne
pas voir des biens à venir , des fucceflions à échoir, &
pour voir même autre chofe que des biens Ôc des fucceflions
à échoir, dans ces biens paternels, fraternels & fororiens, &
dans toutes ces autres fucceffions directes & collatérales ?
d’après encore une f o is , qu’alors il n’y avoit de biens préfe n s , de fucceflions échues pour la renonçante , que le
legs de fa grand’ mere ôc que la fucceflion de fa mere.
E n fin , ce qui acheveroit ici d’effacer jufqu’à l’ombre des
doutes s’il pouvoit y en a vo ir, c'eft la vocation des defeendans
de« mâles freres de la renonçante, pour recueillir à la place
& au défaut de leurs peres les fucceflions auxquelles elle
déclaroit renoncer. Car ces freres de la renonçante étoient
tous beaucoup plus jeunes qu’e lle ; ôc Gabriel l’un d’e u x i
le feul qui a eu de la poftérité, ( ôc donc Madame E fco t
eft ici la fille ) , ne fut marié que fept ans après elle. I l
n’y avoit donc que des fucceflions à échoir qui pûflent être
recueillies par ces defeendans des freres de la renonçante;
d o n c , appeller ces defeendans pour recueillir dans leur
temps les fucceflions auxquelles elle renonçoit , cétoic
manifeftement ôc néceiTairement apprendre que c’eft à des
fucceflions qui étoient alors à échoir , qu’elle entendoic
renoncer & qu’effedivement elle renonçoit.
Il eft donc démontré par tout ce qu’on vient de lire, que
la renonciation dont il s’a g i t , inattaquable ôc nous pouyons
�3*
vons dire point attaquée en e lle -m ê m e j com prenoit les
fucceiïions alors à é c h o ir , autant pour le moins que celles
qu’il pouvoit y avoir d’échues; & par conféquent l’effet‘s'en
étend aujourd’hui fur la fucceflion G odivel : ce qui n’efl:
pas contefté par le fieur A nd raud , les prémifles fuppofées.
I l faut donc que lui & fes Confors abandonnent à
M adame E fco t les parts & portions qu’ils auroient voulu
prendre dans cette fucceifion ; fi , com m e nous l’allons
maintenant prou ver, ils n’ont point de fins de non-recevoir,
ni d’autres obje&ions valab les, pour s’en défendre.
S
e c t i o n
s e c o n d e
.
L'ignorance, conjîamment d e f a i t , de M . & Madame Efcot,
touchant Vexiflence de la renonciation de Marie - Barbe
Garnaud , écarte toutes fin s de non-recevoir, & toutes
autres objections.
Ic i le fieur Andraud commence par étaler fes prétendues
fins de non-recevoir. Il conteile enfuite la nature de l’ignorance & de l’erreur de M . & M adam e E f c o t , foutenant
quelles ne feroient pas de fa it mais de droit , M . & Madame
E fc o t connoiffant, d it-il, la renonciation. Il ajoute que
Vexception de l’erreur & de l’ignorance , même de f a i t ,
n’efl: pas admiiïïble contre la chofe jugée , l’ordonnance
n’en ayant pas fait un des moyens de requête civile. I l
foutient en fin , que dans l’efp ece, l’ignorance & l’erreur
« auroient été trop groflleres & trop aifées à diffiper, pour
les fuppofer ôt les pardonner à un M agiftrat â g é , qui a
» fon fils Magiftrat ; tandis que l’homme le plus inepte n’y;
» feroit pas tombé ».
E
�Î4
Mais premièrement, les fins de non-recevoir font ici au
tant de chimeres.
N ous avons vu qu’il n’en réfultoit point de l’Arrêt obtenu
contre les fieurs M ayet & D efcorolles ; & il ne pouvoit
pas en réfu lter, à caufe de la différence des efpeces , des
P a rtie s , des titres & des moyens.
Il ne réfultoit pas non plus de fins de non-recevoir de
tous les actes judiciaires ou extrajudiciaires, aflignations ,
fom m ations, lignifications, procès-verbaux, jugemens ou
fentences , acquiefcement à ces fentences , 6c pourfuites
aux fins de les faire exécuter & de parvenir au partage
définitif de la fucceifion ; le tout fait ou provoqué par M*
& Madame E fc o t contre ou avec le fieur Andiaud & les
autres. Car tout cela conccuroit pour le temps avec l’igno
rance & l ’erreur ; tout cela n’ayant point paflfé le 2$
Février 1 7 8 6 ; &
l’ignorance & l’erreur, fa com pagn e,
n’ayant ceifé qu’au mois de Juin fuivant. O r , c’eit une
vraie pétition de principe, que de vouloir donner pour des
fins de non-recevoir contre l'e x c e p tio n de l’erreur & de fes
privilèges, les faits mêmes inglobés dans le cercle de la
durée de l’erreur , & qui précifément en ont été les fruits.
Par les mêmes raifons, il n’en réfultoit pas davantage,
de ce que M . & Madame E fco t auroient, fi l’on v e u t ,
laiffé & même ( on le fuppofe ) commis exprès au fieur
Andiaud le foin du procès Mayet & d’Efcorolles ; ni de ce
qu’ils ne fe feroient pas joints à ceux qui ne vouloient point
du fieur Andraud pour fequeftre ; ni de ce que ce feroic
M . & Madame E fco t qui l’auroient eux-mêmes affiené
>
O 9
en qu-ilitc d3héritier, pour prendre fa part dans la fuccejfion ;
ni de ce qu’ils auroient requis acte de l’adhélion & du
�confemement par lui donné à cette demande; ce qui âuro it, dit-il, formé le contratjudiciaire & communiqué aux
Sentences la force inébranlable de la chofe ju g é e , ces Sen
tences n’ordonnant que ce que M . ôc Madame E fco t avoieti
eux-mêmes demandé.
N ous difons que tout cela encore n’engendre point ici
de fins de non-recevoir contre M . & Madame E f c o t ; par
la raifon toujours que les dates yréfiftent, tour cela ayant
précédé de beaucoup le mois de Juin 1 7 8 5 , époque de
la ceiTarion de l’erreur, par la découverte du titre d’erclufion du fieur Andtaud. Cet Adverfahe ne peut donc pas
alléguer en fa faveur la chofe jugée ni le contrat judi
ciaire y puifque la chofe, laquelle feroit ici de favoir 11
par la renonciation de fon aïeule , il étoit exclus ou non
de la fucceffion G o d i v e l , cette ch o fe, par erreur de fait,
n’étoit point encore controverfée ; ôc puifque le contrat
judiciaire n’eft pas plus compatible avec l’erreur de fa it , que
le contrat volontaire, i àute alors de véritable confentement
dans l’un comme dans l’autre : Quotiiani non videntur qui
errant confentire.
Enfin , le fieur Andraud nous apprend que profitant de
ce que M . ôt Madame E fco t n’avoient pas pris d’Arrêt de
défenfes, il a , nonobftant leur appel, fait faire le partage-,
& p a y é , comme fequeftre, les honoraires des Experts.
Mais quand il nous apprendroit a u ffi, qu’il a , de p lu s,
vendu une partie des immeubles d elà fucceifion, cesentreprifes téméraires faites au mépris de la litifpendance en la
C o u r , 6c abfolument étrangères à M . 6c Madame Efcoc
( res inter alios aâce ), 11e peuvent pas lui fervir de moyens
contr’eux , nemini fraus fua patrocinari debet : 6c tout leur
E ij
�effet fera de groiïïr la maffe des reftitutions qu’il aura à
faire, & de fournir des débats a fou compte de féqueftre.
Secondement , fes obje&ions fur la nature de Yerreur où
étoient M . & Madame E fco t,n ’ont pas plus de folidité que
fes fins de non-recevoir.
D o m a t , d’après les L o i x R o m a in e s, explique parfaite
ment ce que c’cft que l’erreur de fa it 6c que l'erreur de
droit (dans fes L o ix C iviles , premiere partie , livre premier,
titre 18 , §. premier). « L ’erreur ou ignorance de f a i t t
» dic-il, confifte à ne pas favoir une chofe qui efl. L ’erreur
» ou ignorance de droit , confifte à ne pas favoir ce quune
» loi ordonne ». E t il cite , pour exemple de l’erreur de
f a i t , le cas d’un héritier inftitué qui ignoreroit la mort
du teftateur ou l’exiftence du teftament : f i nefciat decej[î(fe
teflatorem 3 aut f i nefciat efje tabulas , in f a c t o errât : &
pour exemple de l’erreur de d r o it , le cas d’un héritier qui
auroit c r u , à R o m e , ne pas pouvoir demander la poffeffion des biens avant l’ouverture du teftament, f i non putet
f e bonorum pojfejfionem petere pojfe antè apertas tabulas > in
j u r e errât.
O r ici ce n’étoit pas le point de droit « qu'une renon» ciation dans le goût de celle de M arie-Barbe Garnaud ,
» exclut en Coutum e d’Auvergne la renonçante & tous
» fes defcendans de toutes les fucceffions préfentes & à
» venir de la famille » , que M . & Madame E fco t igno» roient ; mais c'écoit le fa it même de l’exiftence de la
renonciation de M arie-Barbe Garnaud ; f i nefciat effe. tabu
las : leur ignorance étoit donc non pas de droit > mais de
fa it.
E t c’eft en vain que le fieur Andraud continue de dire
�n
qu'ils avoient cûnnoiiTance de cette renonciation ; ôc que
le contrat qui la contient fut examiné ôc approuvé, avec
tous les titres des autres paren s , par M . E fc o t lu i-m êm e,
lors de l’inventaire, ôc avant le partage de l’argent comptant
du 6 Février 17 8 4 . Ajoutant que fans cette connoiflance
M . E fco t n’auroit pas pu tracer, comme il a fait depuis ,
la généalogie des enfans de Martin Garnaud , ÔC de ceux
de M arie-Barbe fa fille ( ici la renonçante ).
C ar d’abord , pour faire une g én é alo g ie, Ôc une généa
logie que le fieur Andraud accufe même ailleurs d’être
inexad e , & une généalogie de perfonnes auiTi proches pa
rentes de l’époufe du G én éalogifte, que l’étoient ici de
Madame E fc o t tous les defeendans de Martin Garnaud &
de M arie-Barbe fa fille , il n’eil pas néceifaire de connoître
les contrats de m ariage, ni même les baptiftaires de ces
perfonnes ; & il fuffit de connoître les perfonnes mêmes ôc
de vivre ou avoir vécu familièrement avec elles & au mi
lieu d’elles.
A l’égard de la préfentation, de la l«£ture ôc de la vé
rification prétendues faites des titres des différens héritiers
& notamment du contrat de mariage portant la renoncia
tion de Marie-Barbe G arnaud, au mois de F évrier 17 8 4 .,
nous avons déjà dit que c’étoient là autant de faits fuppofés ; ôc ce qui en démontre bien la fuppoficion , c’eft
que les fieurs Mayet ôc Defcorolles , q u i, préfens à l’in
ventaire ôc au partage de 1 7 8 4 , auroient donc été auflî
préfens à la levure du contrat en queftion, n’en ont ce
pendant point argumenté contre le fieur Andraud dans leur
procès en fubrogation , déjà commencé dès Je 3 Février
1 7 8 4 , 6 c terminé feulement le 12 Juillet 1 7 8 j ; Procès o»
�iis avoient uniquement à prouver que le fieur Andraud
n’étoit pas héritier. C e que la renonciation de fon aïeule
en effet ne lui perm etcoit pas d être.
M ais ce qui prouve encore plus la fuppofition donr nous
parlons, & ce qui eft ici d é c ifif, c’eft encore une fois
l’impuiffance du fieur Andraud de faire & même d’entreprendre la preuve des faits. C a r , que le fieur Andraud
ne s’y trompe p o in t, il eft écrit dans les L o ix c iv ile s ,
comme dans les L o ix canoniques } 6c il eft enfeigné pat
D om at ( loco citato ) , que l’erreur qui n’eft pas prouvée
être de f a i t , eft préfumée n’être que de droit ; l’ignorance
étant préfumée , là , où la fcience n’eft pas prouvée. Prafu~>
nûtur ignorantia ubi feientia non probatur.
Troijîemement, que l’exception de l’erreur même de f a it t
ne foit pas ici adm iiïible, parce que l’erreur de fait n’eft
pas m ife , par l’O rdonnance, au rang des ouvertures de
Requête civile, ou fous le prétexte de la chofe ju g ée , c’eft
ce que le fieur Andraud ne perfuadera pas à la Cour.
I l y a une grande différence entre des moyens de requête
civile & des moyens d’appel ; la requête civile eft un des
remedes extrêmes contre les jugemens fouverains ; remede
particulier qui a pu être circonfcrit dans des bornes plus
étroites afin que les Procès ne s’éternifaiTent pas. L ’appel
eft le remede ordinaire & unique contre les jugemens contradi&oires des Tribunaux inférieurs, remede général dont
la L o i n’ a ni déterminé ni pu déterminer les c a s , qui font
in fin is, ôc q u elle a laiffés en conféquence à l’arbitrage des
Ju g es de l’appel. Quand donc il feroit abfolument vrai
( ce que nous n’avons point intérêt d’examiner) que l’erreur
de fait n’eft pas un moyen de requête c iv ile , il n’en feroit
�19
pas moins vrai qu'elle eft un moyen irréfragable d’appel ;
& il ne s’agit ici que d’appel ôr non pas de requête civile.
Pour ce qui eft de la chofe jugée f le fieur Àndraud a
cru voir dans quelques L o i x R o m a in e s , que ce cas n’admettoit point l’exception de l’erreur de fait ; mais on lui a
fait voir que c’étoit feulement devant le même Ju g e qui
avoit rendu la Sentence contre laquelle on vouloic revenir
pour erreur de fa it , ôc non pas quand l ’affaire étoit portée
par appel devant le Ju g e fupérieur. O r , nous fommes ici
devant le Ju g e fupérieur, qui eft la Cour.
Mais de plus , il n’y a jamais eu ici ce qu’on appelle
cho se
ju g é
F. : les Parties plaidantes
la
n’ayant jamais agité
en premiere inftance la queftion ( ici à juger ) de la parti
cipation ou de Vexclujîon du fieur Andraud & Confors de
la fucceifion dont il s’agit ; en forte que quend la Sénéchauifée deClerm ont les a admis à partager cette fucceifion,
ce n’eft point par forme difpojidve, mais feulemenr par forme
fuppofitive , d’après que l’ignorance du titre d’exclufion
faifoit que perfonne ne conteftoic l’admiiTion. C ’eft donc
la Cour feule qui jugera pour la premiere fois la queftion
qui nous fait ici plaider , & qui n’eft née que depuis
l’appel & fur l’appel ; & la Cour la jugera , nous l’efpét o n s , en faveur de M . & de Madame E f c o c , conformé
ment au principe, auiïi écrit dans les L o i x Rom aines , &
enfeigné par D o m a t , que foit en matiere de perte foit en
matiere de gain , l’erreur de fait ne nuit pas. Error fa eîi
nec in damais nec in compendiis obejl.
Quatrièmement enfin, mais le fieur Andraud nous opofe
à fon tour Domat difant ( ibid. N °. p ) qu’il faut confidérer 9 « fi l’erreur de fait feroit fi grojjiere qu’on ne doive
�» pas la préfutner ». E t il prétend que telle auroit été l’er-<
rcur de M . ôc de Madame Efcot.
Mais fans que nous tranfcrivions ici fes préfomptions ,
on va c o n n o î t r e ôc apprécier par nos réponfes, celles fur
lefquelles il infifte 6c compte le plus.
i° . M . ôc Madame E fc o t n’auroient eu la fa c ilité , peutêtre , de lever une expédition du contrat de mariage con
tenant la renonciation de Marie-Barbe G arnaud , ou d’en
demander une copie au fieur A n d raud , ou d’en prendre
communication dans le doflier du fieur Deshorts ôc de la
dame F a u c h e r , qu’autant qu’ils auroient fu que cette re
nonciation exiftoit réellement. O r , comment auroient-ils
pu même foupçonner que Marie-Barbe Garnaud avoit fait
une renonciation que fes defcendans avoient en poche ÔC
qui les écartoit de la fucceflion contentieufe , quand ils
voyoient ces mêmes defcendans fe préfenter avec l’aflurance
la plus impofante pour prendre part à cette fucceflion ?
L e foupçon en pareil c a s , auroit été trop injurieux à trop
de perfonnes pour entrer dans le cœur de M . Efcot. M a is ,
croire à la probité, eft-ce donc une erreur grofliere ?
2°. Pafle qu’il n’ y ait pas un Auvergnat qui ne fâche que
les filles mariées en Coutume d’A u v e rg n e , pere ôc mere
v ivan s, font forclofes3 t lies ôc toute leur poftérité, au pro
fit des mâles ôc de leur defcendance, de toutes fucceilions
à échoir. Mais tous les Auvergnats favent également que
fuivant la même Coutum e les filles & leur poftérité peu
vent être réfervées à l’efpoir fucceflif par leur contrat de
mariage ; ôc que fi la mere eft prédécédée, il faut de la
part de la fille une renonciation pour les fucceilions du
côté maternel. E t ces Auvergnats favent aufli q u e , quoi
qu’en
�41
qu’en dife le fieur Andraud pour le befoin de fa c â u fe , les
expéditions des contrats de mariage des filles, ne fe mul
tiplient pas ; qu’il ne s’en fait prefque jamais qu’une feu le,
qui refte au mari de la fille , comme leur titre commun ,
& qui paffe à leurs defcendans, mais non pas à leurs col
latéraux.
M . & Madame E fc o t à l’ouverture de la fucceffi o n dont
il s’agit q u i, à l’égard de Marie-Barbe Garnaud & de fa
poftérité étoit une fucceffi o n maternelle, pouvoient donc
croire fans ineptie , avec les héritiers des autres branches ,
fur-tout les fieurs Mayet & D e fc o ro lle s, & avec les Juges
des demandes en partage, & avec les défenfeurs des par
ties , & avec tous les Auvergnats enfin qui voyoient ce
qui fe paff o i t , pouvoient c ro ire , difons - n ou s, ou que
Marie-Barbe Garnaud avoit été mariée du vivant de fes
pere & mere avec réfervation aux droits de fuccéder, ou
que mariée après la mort de fa mere, elle n’avoit pas fait
de renonciation,
3°. Quand il feroit vrai que M . & Madame E fc o t auroient connu les contrats de mariage de quelques-unes des
fœurs de Marie-Barbe Garnaud , lorfqu'elles décéderent
fans poftérité; s’eniuivroit-il qu’ils auroient également connu
dans ce temps-là ou dans aucun autre , le contrat de ma.
riage de Marie-Barbe Garnaud elle-même à la fucceifion de
laquelle ils n’avoient rien à prétendre ? ce contrat
de
m ariage, abfolument étranger à la famille particulière de
Madame E fcot , &
qui n’étoit le titre que de la famille
commençante à Marie-Barbe G arnaud, & réfidante aujourd h u i dans le fieur Andraud & fes C o n fo r s ? c e contrat de
mariage, qui n’étoit ni ne pouvoit être du fa it de M . &
F
�42
de Madame Ê fc o t : ce q u i , fuivant encore les L o i x &
D o m a t , eft une circo n fta n c e qui juftifie le rre u r, in alie.nl
f a d i ignorantiâ tolerabilis error efi ? ce contrat de mariage
que M . E icot ne dut point trouver, comme il ne le
trouva p o in t , dans les papiers de Madame fon E p o u fe ,
lorfqu’ils fe marierent en 17 j 3 ; quoique le pere de M a
dame E fc o t ( Gabriel Garnaud ) eut dû payer en qualité
de mâle & d’héritier du pere c om m u n , 200 liv. faifant le
dernier terme de la dot de Marie-Barbe , fa f œ u r , renon
çante : dot qui avoit été entièrement payée depuis long
tem ps, 6r. qui fe feroit même trouvée prefcrite dès 1 7 4 J ?
ce contrat de mariage enfin , dont M . & Madame E fco t n’avoïent jamais eu ni b efo in , ni occafion de prendre connoiflfance, avant l’ouverture de la fucceifion dont il s’a g it ,
temps auquel on le leur a caché avec tant de fo in , & ,
dirons-nous, tant d’artifice ?
4 °.
L ’exemple des fieurs Mayet &
Defcorolles qui
cherchoient dans le contrat de mariage d’Antoinette G odivel
de quoi exclure le fieur Andraud par une renonciation ,
ne fait rien ici contre l’ignorance de M . & Madame E fco t
du contrat de mariage de Marie-Barbe Garnaud. L e s fieurs
M ayet &
Defcorolles pouvoient avoir fu où prendre le
contrat d'Antoinette Godivel ; fans qu’il en réfulte que
M . & Madame E fc o t connuifent ou poifédaifent, ou
fuifent en quel endioic prendre celui de M arie-Barbe G a r
naud. E t répéterons-nous ici que s’il y avoit eu polfibilité
de connoître ce dernier contrat , qui exclut bien plus
évidemment le fieur Andraud que non pas le prem ier,
les fieurs Mayet & Defcorolles eux-mêmes, qui plaidèrent
à outrance le fieur Andraud pendant plus de deux ans ,
n’auroient pas manqué de fe le procurer ?
�'4 ?
y0. L 'intérêt, de M . & Madame E f c o t , à connoître ce
c o n tra t, fi fameux depuis leur appel ôc fi profondément
ignoré d’eux auparavant, ne faurait non plus leur rendre
cette ignorance nuiiible, ôc la rendre ici profitable aux
fieurs Andraud ôc Confors qui la fomentoient par intérêt
a u iïi, mais intérêt, ofons le d ire , coupable; celui d’ufurper une fucceifion qui ne leur appartenoic pas.
L ’obje&ion , d’ailleurs, de l’intérêt, fe rétorque ici en
faveur de M . ôc Madame E fco t. C a r , puifqu’on nous parle
de préem ptions , ( tandis que fuivant les principes il faudroît pour réuiTir contre nous , qu’on nous donnât des
preuves proprement d it e s ) , e f t - i l à préfumer que fans
l’ignorance effedive du contrat en queftion, & fans l’erreur
de fait inféparable de cette ig n orance, M . & Madame
E fco t qui ont des enfans, eufTent voulu laiiTer prendre au
licur Andraud ôc C o n fo r s , une part héréditaire de 40000 1.
qui n’appartenoit qu’à eux ? O n n’eft pas ainfi libéral de
fon bien ôc de fes d roits, quand on les connoit. Nemo
jaciare fuum vellc prcefumitur.
6°. Enfin il eil auffi ridicule qu’inutile d’alléguer fans ceifc
que M . E fco t cil M agiftrat, eil âgé j ôc a fon fils M agiftrat. L ’âge ôc la Magiftrature, non plus qu’aucun é t a t , aucun
rang , aucune place fur la terre , ne mettent à l’abri de
l’erreur de fa it.
L e s préem ptions du fieur Andraud font donc auiTi in
capables que fes fins de non - recevoir & que toutes fes
autres o bjed ion s, d’empêcher ici l’adjudication des demandes
de M . ôc de Madame E fco t.
E ij
�44
S
e
c
t
i
o
n
t
r
o
i
s
i
è
m
e
.
Réfutation des écarts injurieux du. fleur Andraud.
A entendre cet Adverfaire dès le début de fon Précisa
M . E fc o t a manqué ici au foin de ià propre réputation ,
& à fa qualité de Magiftrat ; par la raifon qu’ayant cédé
les droits de Madame fon ép o u fe , l’un & l’autre ne font
p l u s , dans l’affaire , que des prête-noms fans intérêt , ou
n’ont qu’un intérêt très-modique.
Mais , encore une fois , M . & Madame E fco t n’ont
cédé que la moitié des droits de cette derniere dans la
fucceffion dont il s’a g it; ce fait ne nous eft pas contefté.
O r , au moyen de la renonciation qui excluroit le fieur
Andraud &
fes C o n fo r s , ces droits de Madame E f c o t ,
feroient de deux quinzièmes au total
faifant 40,000 liv.
N ’en eft-ce donc pas affez pour que M . & Madame E fc o t
ne puifent pas être accufés de n’être ici que des prêtenoms , ôc fur-tout d'être fans intérêt ?
Mais d’ailleurs , quand , contre la vérité du fait , ils
feroient des prête-noms, qu’en réfulteroit-il pour le jugement
de l’inftance ? R ien . Un Cédant peut, fans blâme , prêter fon
nom à fon ceffionnaire pour la pourfuite des droits cédés.
C ’eft la légitimité ou l’illégitimité des droits qu’il faut
juger , 6c non pas les perfonnes qui les exercent.
E n fécond lieu * le fieur Andraud veut que Monfieur &
Madame E fcot foient ici des ingrats ; parce qu’ils demandent
â le faire, félon lu i, priver de fa portion dans une fuccdfion
pour laquelle il fe feroit facrifié. C ’eft-à-dire, parce quils
�ne veulent pas pas abandonner à lui &
Vraifemblablement vingt mille livres pour
autant pour celui de la dame de Voifliere
E h ! quels font donc enfin les facrifices
à Tes C o n fo r s ,
leur com p te, 6c
leur ceflionnaire.
qu’il voudroit fe
faire payer fi cher f
C ’eft i° . d’avoir été le fequeftre gratuit de la fucceilion ;
ce qui lui auroit fa it , d ir - il , négliger fes propres affaires.
Mais pourquoi donc ambitionnoit-il tellement cette qualité
de fequeftre, que les cohéritiers ne voulant pas la lui dé
férer j il les plaida fortement ôc long-temps pour fe la faire
donner ?
2 °. C ’eft l u i, dit-il en co re, qui foutint feul & à grands
frais le Procès contre les fleurs Mayet ôc D e fc o ro lle s,
dont les prétentions auroient eu l’effet d’exclure de la fucceflion contentieufe la fouche entiere, dont eft, comme
lui , Madame E fcor.
Mais par le Mémoire qu’en 1 785 il donna à la C our
contre les fleurs Mayet ôc D e fco ro lle s, on voit que c’étoit
pour lui-même qu’ilfoutient ce procès : afin de conferver
les ceflions lucratives qu’il avoit p rifes, qui tenoient à la
qualité d’héritier qu’il fe donnoit, ôr aux quelles ni M a
dame E fco t ni les autres individus de la fouche n’avoienc
aucune part.
Au furplus les fieurs Mayet ôc Defcorolles furent con
damnés dans le temps en tous les dépens envers le fieut
Andraud. L es perfonnes qui pouvoient être intéreffées à
fa victoire ne fauroient donc dans tous les cas être rede
vables envers lui que des faux-frais que le combat lui au
roit coûtes. Or par les offres que lui ont toujours faites
ôc que lui font encore à cet égard M . ôc Madame E f c o t ,
ils accompliflent abondamment toute juftice.
�4*5
Quant à la gratuité du feq u eftre , elle n’exifte plus
fi le iïeur Andraud demande à ce fujet ou des falaires , ou des
dédommagemens pour le tort que la geilion des affaires de la
fucceffion auroit fait aux Tiennes. Q u’il porte d o n c , s’il v e u t,
en dépenfe & qu’il /uftifie ces falaires & ces dédommage
o n s , dans le compte qu’il rendra de fon adminiftration ;
& pour lo r s , M . & Madame E fc o t lui feront voir qu’à
cet égard encore ils ne font ni injuftes ni ingrats.
En troifîeme lieu, M . E fco t (dit le Heur Andraud dans
fesécritures) non-leulement a ufé d’ingratitude envers m o i,
mais il a manqué à fa parole, en refufant de me céder les
droits de Madame fon ép o u fe, après me l’avoir p/omis
ôc avoir arrêté avec moi les conventions de ce marché.
L e fieur A ndraud, on croit l'avoir dit, auroit voulu envahir
toute la fucceilion Godivel. D e là fes tentatives auprès des
différens appelés à cette fucceflion pour les engager à lui
céder leurs droits , tentatives qui réuifirenc auprès de plufieurs , & qui échouerent auprès des autres, & notamment
auprès de M . & de Madame E fco t. M ais il n’y eut jamais
de la part de ces derniers , de parole donnée à ce fu je t,
ni de conventions arrêtées avec le fieur Andraud ; & ce
fut dès fa premiere propofition qu’ils l’éconduifirent. V o ilà
toute la vérité.
En quatrième lieu enfin , le fieur Andraud pour com ble ;
a imputé à M . E f c o t , de n avoir eu d’autre but que de le
tracaffer 3 par fon appel & fes demandes ; c’eft la haine
perfonnelle qu’il lui p o rte , qui l’a fait agir ; il a inftruit
conire lui fe u l, laiifant de côté fes Confors ; c’eft même
pour fervir contre lui des haines étrangères, qu’il a choifi
pour ceffionnaire des droits de Madame fon E p o u fe , un
�4:7
des ennemis jurés de lui Heur A n d rau d , un homme qui
lui avoir fait toutes fortes de chicanes , & qui même avoic
cherché à exclure de ia fuccdflion toute la branche d’A n
toinette G o d iv e l, & c .
M ais ici nous demanderions au fieur Andiaud pourquoi
il veut fe figurer qu’on le hait ? D ’abord c’eft un intérêt
de 40000 livres pour M . ôt Madame E fc o t ou pour leur
ceifionnaire, qui les a fait agir contre l u i , 6c non le m otif
d’une haine perfonnelle d’autant plus im aginaire, qu’il die
lui-même ailleurs ( ce qui eft très-vrai ) que M . & Madame
Efcot avoient toujours bien vécu avec lui ? D ’un autre
c ô té , fi c’eft contre lui principalement qu’ils ont dirigé leur
appel & l’inftruûion qui a fu iv i, c’eft qu’il a le principal
rôle dans l’aifaire ; & que fes Confors & lui n’ont qu’un
même intérêt & que les mêmes moyens. E t après to u r,
M . & Madame E fc o t ont rempli vis-à-vis de ces Confors
du fieur Andrand les formes de ¡ ’Ordonnance.
Q uant aux haines étrangères qu’il prétend que M . ôc
Madame E fc o t auroienc cherché à fervir contre lui dans
le choix de leur ceifionnaire , nous ne le comprenons
point. A u dernier trait du fignalement qu’il donne de ce
ceifionnaire, prétendu fon en n em i, nous ne pourrions re
connoitre que le fieur d’E fcorolles ou le fieur Mayet. M ais
ni l’un ni l’autre ne font les ceiïionnaires de M . & de
Madame E fc o t ; &
la feule &
véritable ceifionnaire
( la dame de V oiifiere ) , n a rien de commun avec e u x ,
pas même la branche de parenté.
T outes les déclamations du fieur Andraud contre M . & *
Madame E f c o t , portent donc à faux , & ne fo n t , on le
ré p é té , que des hors-d’eeuvres par lefquels il voudroic
�■48
tâcher de rendre fur-tout M . E fcot défavorable aux yeux
de la Cour. Mais vains efforts ! La réputation de M .
' E fcot & com me homme , & comme Magiftrat > n’a fouffert
aucune atteinte dans cette affaire : la C o u r vient de ,le voir ;
& M . E fcot ne craindroit pas de prendre encore le
Public de Clerm ont & de toute la Province pour Juge entre
fon détracteur & lui.
Monfieur C L É M E N T D E
V E R N E U I L , Rapporteur . . .
M* R E C O L E N E , Avocat.
J U L H I A RD , P r o c .
De l’imprimerie de C H A R D O N , rue de la Harpe ,
vis-à-vis celle Poupée. 17 8 9 .
�
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Title
A name given to the resource
[Factum. Escot. 1789]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Clément De Verneuil
Recolene
Julhiard
Subject
The topic of the resource
successions collatérales
coutume d'Auvergne
généalogie
contrats de mariage
estoc
droit romain
droit écrit
renonciation à succession
opinion publique
Description
An account of the resource
Mémoire pour monsieur Escot, conseiller en la Cour des Aides de Clermont-Ferrand, et madame son épouse, du chef et à cause d'elle, appelans et demandeurs ; Contre le sieur Andraud, conseiller en la sénéchaussée et siége présidial de la même ville, et les consors, intimés et demandeurs.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Chardon (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1789
1783-1789
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
48 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_V0108
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Vernet
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Besse-et-Saint-Anastaise (63038)
Clermont-Ferrand (63113)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
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contrats de mariage
coutume d'Auvergne
droit écrit
droit Romain
estoc
généalogie
opinion publique
renonciation à succession
successions collatérales
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MEMOIRE
P O U R J e a n - B a p t i s t e L o m b a r d , Docteur
en Médecine , Intimé ;
CONTRE
Q
Gui-DajEAN
,
Marchand
,
Appelant.
u e l fpeftacle affligeant pour l’h u m a n ité, 'que celui
d’un fils qui dévoue, fans pudeur, la mémoire de fon pere
a- l’ignominie d ’une banqueroute !
Encore fi ce fils, peu délicat, trouvoit, dans les motifs
honteux qui l'animent,des moyens avoués par la loi ! mais,
jufqu' à cette excufe , tout lui manque.
Seul o b j e t , s’il faut l’en cro ire, d’une donation faite
a fon p e r e , il v e u t, e n fe p o r t a n r héritier bénéficiaire
de celui dont la fuccefion ne doit offrir aucune reffourcé,
dépouiller un tiers-acquéreur de bonne f o i , &
tout à la fois de fa chofe & de fon prix.
le p riv e r
Mais il ne lui réftéra que l’humiliation d’avoir infructueufement tenté de compromettre la mémoire de fon
pere & la fortune d’un tiers.
A
�D ’abordjil eft non r e ç e v a b le clans Ton appel des fcntences
qui
d éjà
le
c o n d a m n e n t .
Il
l’eft même à fe porter héritier
bénéficiaire , à faute d’avoir rempli les formalités d’ ufage
en ce cas , & pour s’être immifcé ,• avant t o u t , dans l'hé
rédité
prétendue
Q u a n d
m êm e
bénéficiaire.
«il pourroit fe pourvoir contre ces fentences &. t
fe dire héritier bénéficiaire, il.ne s’enfuivroit pas
que la donation dont il s’agit dût lui profiter.
Sans doute q u e , dans les principes , la d o n a tio n , faite
au gendre, eft cen& e l’être à la fille ou à Leurs enfans; mais
ce n’eft
l’objet
q u ’a u t a n t que le gendre
de c e t t e libéralité.
n’ a pas été perfonnellement
Ici la d o n a tio n , faite au gendre 3 ne regarde évidem
m ent que lui. T outes les circonftances qui accompagnent
c^tte donation le défignent feul, pour en recueillir l'effet.
C . t t e donation qui ( ce q u ’il eft important de remarquer)
vient à la fuite de premières difpofitions relatives feu
lement à l u i , eft dictée par ïa m itié 8c la reconnoijjance.
Elle n’eft faite que pour, p a r l u i , jou ir & difpofer du
tout , ainjt q u 'il avifera. Elle ne l’eft même que fous la
charge de ne pouvoir, par le gendre „inftituer d’autre hé
ritier que fon fils, non pas dans les feulsobjets de la dona
tion , mais dans l’univerfalité de ces biens ; cette derniere
circonftance
doit être d’autant plus précieufe que
la
donatrice n’auroit pas grevé fon gendre perfonnellement,
s’il n’avoit été que le prête-nom de fon fils ; nemo oneratus%
n iji honoratus.
A u refte , le fils avoue lui même que fon pere eft
donataire, pour fon propre c o m p t e , au moins quant à
l*ufufruit, puifqu il le fuppofe grevé de fubftitution envers
�3
lui ; fuppofition-d'autant ¡plus gauche & maladroite que ce
fyfteme de pretendue fnbftitution, qui donne prife contre
lu i, ne peut ,.à défaut d’enregiftrement & de publication,
lui être d’aucune utilité.
T elle eft én fubftance l’idée de la conteftation. Il en
•réfulte fans doute q u e , com m e l’ont déjà décide deux
tribunaux diiFérens , G ui-D ajean ne p e u t, ni com m e he-*
ritier bénéficiaire , ni com m e d o n ataire, dépouiller le iieuf;
L o m b a rd , & le renvoyer'pour fon rembourfernent, à la
fucceflion infolvable de Pierre D ajean fonpere.
F A I T S .
i i Septembre 1 7 5 1 , teftament de Louis Bourlet qui
nom m e M arie L a c o u r t , fa fem me , fon héritrere univerfelle , fous différentes charges 8c notam m ent fous celle
de rendre fon hérédité à tel de leurs enfans que bon lui
femblera.
10
O & o b re 1 7 5 3 ,
mariage de Louife Bourlet avec
Pierre Dajean. Alors , M arie Lacourt remet cette hérédité
a fa fille, en en acquittant par elle toutes les dettes. Elle lui
donne moitié de fes biens ; mais en même temps elle fe
r é fe rv e l ’ ufufm it tant de l’hérédité qùe de la donation.
E n 1 7 5 9 , L o u i f e B o u r l e t d é c e d e , lfù iT a n tu n fe u l e n f a n t ;
c’eft l’adverfaire. . ■ ■
• •1
19 Janvier 1761 , trania£bion, entre M arie Lacourt 8c
fon gendre, dont il eft important d’analyfer les principales
difpoiitions.
;
/
.
Alors, le gendre d em a n d oit, comme -tuteur^ 9 Je déjaiiTement de i’hérédité de Louis B o u r le t, enfem ble d e src(bjets
 ij
�?4
donnés par Mdrîe Lacourt. Il demandoit de plus,enfonproprc
& privé nom,) la rerriife de fa d o c , de 484flivres par lui
payées à la déchargé de Louis B o u r le t & d e Marie L acou rt,
& de 140 l i v . , qu’il avoit prêtées à cette derpiere. 1
Marie Lacourt fe d éfen doic, en qualité d'ufufruitiere ,
de
re m e ttre
l’hérédité &. les objets de fa donation. Quanc
à la reftitution de la d o t , des 484 livres de dettes &c
d e s
240 livres de p r ê t ,
fans en contefter l’e xig ib ilitéy
elle obfervoit feulement q u e , comme tuteur, fon gendre en
de voit la moitié.
En cet é t a t , M arie Lacour ren o n ce, en faveur
0
au
profit de fo n gendre , à l’ufufruit & même au droit de
retour fur les biens par elle donnés ; elle fait toutefois
dépendre la rénonciation au droit de retour, du prédécès
de Gui-Dajean. Elle reconnoît avoir reçu les induftriesde
fon gendre 8c le prêt de 240 livres. A la fuite de tous ces
avantages qui conftamment ne regardent que le g e n d r e ,
& annoncent les intentions les moins équivoques de bienfaifance envers lui , M arie Lacouic lui donne , à titre
d'am itié & de reconnoijfance , tous fes autres biens , pour s
par lui y faire & difpofer du touty ainfi qu'il avifera ; elle
ne lui fait même cette donation que fous nombre de charges
&; entr’autres, fous la condition de ne pouvoir inflituer
d’ autre héritier que G ui-D a jean ; telle eft la difpofition.
que celui-ci prétend n’être faite qu’ à fa c o n i i d é r a t i o n .
27 Avril 1773, v e n t e , par Pierre D a je a n ,e n fa qualité de
donataire, d’une grange ménaçant
ru in e , couverte de
paille & en mauvais é t a t , &C d’une piece de terre conti
nue , m oy en n a n t'4 1 4 livres, dont 24 livres font payées
comptant ; tout annonce que cette vente
n’avoit été
�5
faite que pour acquitter quelques-unes des charges de la
donation.
Ceiïïonnaire
du
droit
de retrait cenfuel ,
Lombard rembourie l’acquéreur ,
le fieur
fe met en Ton lieu 8c
place.
Le paiement des 400 livres reliantes fur le p rix , en gage,
.entre les créanciers du vendeu r,
une
inftance de préfé
rence fur laquelle in tervien t, le 18 Janvier 1 7 7 8 , fentence
qui c o n d a m n e G u i-D a je a n , fimplement com m e héritier
de
fon
pere t fans le dire héritier bénéficiaire, au paie
m ent de cette fomme.
A lors, Pierre Dajean étoit m o rt; on ignore l’époque de
fon décès.
•1
C e qui paroît certain, c’eft qu e, peu après, G ui-D ajean,
fans aucune appofition de fce llé s, fans inventaire préala
b le , fe met en polleifion de la fucceiiion de fon p ere, ôc
jouît de tous les biens qui la compofoient.
C ependant, plufieurs années après, le z i Mars 1783
Sc comme ii les chofes étoient encore entieres, Gui-Dajean
fe préfente en ju ftice, ôc croit pouvoir devenir héritier
bénéficiaire , en déclarant alors ne vouloir accepter cette
fucceiiion que fous bénéfice d’inventaire.
Le 16 y il procède à l'inventaire ou plutôt à un procès,
verbal de carence des meubles &c effets de la fucceifion.
Trois jours après & le 29 , il f o r m e , com m e héritier
bénéficiaire, en la juftice de L ign erac, une demande en
défiftement des objets dont le fieur Lom bard avoit exercé
le retrait feigneurial.
L e 7 Juillet fu iv a n t, le fieur Lombard le foutient non.r e c e v a b le , com m e ne p o u v a n t, dans les circonftances
�particulières qu’il développe , être ‘iiëiïtier bénéficiaire
& mal fondé, pareeque le,bien vendu dépendoit de la
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donation faite au profit de Pierre JJajean, vëndeur.
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L e 10 , G ui-D ajean impute*a Ion ablencd du pays le
retard qu’il avoir apporté à l’acceptation de
l'hérédité
fous bénéfice d’inventaire. Il dénié avoir fait aucun acte
¿ ’héritier. Il prétend q ù e , com m e donataire, fon pere
ne . pouvoit réclamer que 'm oitié'de s objets de la do
nation.
Alors , le fieur Lombard , en contenant cette abfence
& la non im m ixtion dans l’hérédité, obferve q u e, com m e
d o n ataire
de M arie L acou rt, Pierre Dàjean avoit d’autant
mieux pu difpofer des objets en q u eftio n , fans que G u iD ajean fût en droit de 's’en plaindre, que ce dernier avoit
trouvé, dans les biens de la donatrice , de quoi fe remplir
Sc au de-là des objets par elle donnés à Louife Bourlet fa
mere.
2
A o û t,fe n te n c e q u i,e n t r ’autres difpofitions, ordonne
la vérification êc eftimation de tous les immeubles de l’hé
rédité de Marie L a c o u r t, à l’effet de conftater s’ils fuffifent effectivement pour affurer à G ui-D àjean la valeur
des biens donnés à Louife Bourlet.
i z , Rapport qui fixe à 1,4 17 liv. la valeur des immeu
bles de cette hérédité , ôc feulement à 718 liv. la valeur
des objets vendus par Pierre Dajean ; c'étoit bien conf
tater que Gui-D ajean jouiffoit, 6c au d e - là , des biens don
nés à fa mere.
z i N ovem b re, fentence fur délibéré qui entérine le rap
port Sc déboute Gui-D ajean de fa demande en déiiftement,
attendu qu’il joui« des deux tiers des biens ayant appar
�tenu
7
à M arie L a c o u r t , en ce non compris
le mobilier.
C om m e G ui-D ajean avoit éxécucé cette dernierc fentence , en payant les dépens, le fieur Lombard , devant
fe croire propriétaire incom m utable, con vertit,p eu après,
la mauvaife grange en maifon 8c la piece de terre en
jardin.
Dix-huit mois &. plus après, Gui-Dajeiap appelle fe.ulernenl»
de cette fen ten ce, le 13 Juin 1785 , au bailliage d’Aurillac^,
àc ne fe plaint pas de celle du 1 A o û t , d ’ap,rps laquelle, il
étoit cependant condamné.
^
En ce T r ib u n a l, G u i-D a je a n imagine les difFétenis
fyftêmes qu’ il reproduit aujourd’hui. Il préfente la d o
nation comme une libéralité à lui faite'dans la pdrfonnc
de fon perc. 11 prétend en outre que cette donation eft
une véritable fubftitution à fon profit. Enfin , il place
cette donation dans la claiTe des donations fiduciaires ( i).I
•f
’
A u cu n de ces fyftê m é s, dont le premier étoit le feul
fpécieu x, ne fait fortune. U n e Sentence , du 4 Septembre
1 7 8 6 , confirme celle de la Juftice de L i^ n erac, avec
amende &. dépens.
C e nouvel échec ne décourage pas G ui-D ajean ; il fe
pourvoie en la C o u r , où fon appel fa it , en ce moment ,
la matière d un procès par écrie.
v
• ••
r
(
1
( 1 ) Le (ïcut Lombard ne s’expliquera pa* fur le fyftéme de la. don ation
fid^çiaire, fyftcmc déplorable que Gui-Dajean paroîi avoir abandonne , puifqu'il
ne l’a pas fait reparoîcrc lors de Tes falvations.
�'8
M O Y E N S.
* A v a n t 'd e développer les1 moyens fans nombre qui
dbivcnc
aiTurer
à Pierre Dajean ,
ou à Tes ayans-caufc ,
l’efFec de la donation à lui faite par M arie L acou rt; avant
d^établîr , par fuite, le bien - jugé des Sentences q u i , dans
deux Tribunaux diiFérens ,~lui ont donné fucçeiiivement
gain de caufe, le fieur Lombard croit devoir arrêter d’abord
les regards de la Juftice fur le rôle qu’il joue, 6c le mettre
en oppofition avec celui dont G u i Dajean s’eft chargé.
.
Obfervations
préliminaires.
i‘M
L e fieur Lombard ne vient pas , comme donataire „
difputer, à un héritier légitim e, un bien que la Loi lui
donnoit , 8c q u e , ceflant la donation , celui - ci auroic
trouvé dans la fucccfiïon de fon auteur.
i
Il ne paroît que com m ç tiers-acquéreur 8c même com m e
1'ayant-çaufed*un tiers-acquéreur, 8c pour conferver un bien
qu ’il poiTéde de bonne f o i , 8c dçnt il a payé la valeur. Et dans
quelle circonftance fe préfentc-t-il ? Quand le vendeur, conÊ
tamment infolvable , ne lui préfente aucune reiTource pour
ion rembourfement ; quand celui qui veut l’en dépouiller
fans pudeur 8c fans bourfe d é liée , ne rougit pas d ’ac
c e p te r , fous bénéfice d’in ven taire, la fucccilion du vendeurÿ q u a n d ccc h é r i t i e r n ’a p a s m ê m e honte de livrer par
fuite la mémoire de fon pcrc à la défaveur du ftcllionat, 8c
m êm e à l’infamie d’une faillite.
A la différence de fon Adverfaire j le fieur Lom bard
franc 8t loyal dans fa m arche, ne cherche point à faire un
bénéfice :
'
�9
bénéfice : non certat de lucro çaptando ; il fe propofe feule
ment d’éviter une perte ; certat de damno vitando.
En faudroit-il davantage pour maintenir le fieur L o m
bard dans la propriété d’un bien fi loyalement acquis, &
du prix duquel il ne p o u rro it, dans le fyftême de Ton
A dverfaire, être jamais rembourfé?
M ais il n’en eft pas réduit à, invoquer de fimples
moyens de confidération. S’il en fait u fage, c’eft unique
ment pour mettre fa conduite en oppofition avec celle
de fon Adverfaire ; c’eft pour faire voir que la fienne eft
auiîi honnête que l'autre eft vile 8c méprifable.
Les détails qui vont fuivre prouveront cette vérité il
importante pour le fieur Lom bard.
G u i-D a jea n prétend faire infirmer des Sentences qui
l o n t débouté de fa demande en défiftement ; mais il
Fins ¿c non*;
recevoir.
fa u d ro it, avant to u t, que l’appel en fût rccev ab le, &. il
ne l’cft aflurément pas.
D e u x fortes de fins de non-recevoir s’élévent contre
cet appel ; l’une réfulte du paiement des dépens ; l’autre
eft prife dans le défaut d’appel d’une autre Sentence
qui forme un préjugé puiffant en faveur de celle qui eft
attaquée.
Q u a n t à la prem iere, nul doute q u e , fi les dépens
lie .
avoient été p a yés, ce feroit un acquiefcement au jugé de
la Sentence qui en rendroit l’appel non - recevable * .
A la v é r it é , G u i-D a je a n dénie ce p a iem en t, & il le
peut avcc a va n ta g e, puifque la quittance s’en trouve
nçceiTairemcnt entre fes mains ; mais ce paiement n’en
B
* O ià cel
66j 't
tit. *7 « art- i*
�eft pas moins’ certain, Sc pourroit être attefté, au befoin ,
par nombre de perfonnes du lieu. C ’eft mêm e k caufe de
ce paiement que G u i-D ajea n a laiflé écouler près de
deux ans , fans fe pourvoir au Bailliage d’Aurillac. D e l à
vient que le fieur Lom bard a faic fur les lieux des am élio'
rations 8c des changemens qu’autrement il n’auroit pas
faits.
A l’égard de la fé c o n d é , elle eft c o n fia n te , & nulle
dénégation ne peut la rendre problématique.
En la Juftice de Lignerac , il s’agiiToit de favoir f i ,
com m e le foutenoit le fieur Lombard , G ui-D ajean avoit
trouvé , dans les biens provenans de l’hérédité de M arie
L a c o u r t , de quoi fe remplir de la donation que celle - ci
avoit faite à Louifc Bourlet.
En cet é t a t , premiere Sentence qui ordonne la véri
fication de ce fait important ; rapport qui conftatc l’exac
titude de ce fait ; fécondé Sentence qui prononce en conf é q u e n c e , ÔC qui condamne G ui-D ajean.
Jufqu’à préfent ce dernier n’a appelé que de cette der
nière Sentence. Il refpe&e toujours la précédente. Il avoue
donc implicitement le parti pris alors de faire dépendre
le fort de fa réclamation de l’établiiTement de ce fait. Il
ne peut d o n c , s’il n’appelle pas de c e t t e fécondé Sentence
prétendre k l’infirmation de l’autre.
,
Peu importe que cette fin de non-recevoir, omife au
Bailliage d’A u r i l l a c , n’ait été propoféc qu’en la Cour. Il
n’en fera toujours pas moins certain qu’une Sentence nonattaquée a fait dépendre l’événement de la conteftation
d ’un point de fait qui fe trouve con ftaté; & que , dans
�11
l’état des chofes, il eft d’autant plus impoflîble d’infirmer
un Jugement qui a prononcé en conform ité, que fon in
firmation donneroiten même tems l’être, contre le vœu de
la Loi , * à deux Jugemens contradictoires entre les memes
t>
-
r
i
A
c
•
*
Ordonnance
d e 1 É 6 7 , tit. j y ,
rarties & pour raifon de meme rait.
att.
34.
Q u an d le fieur Lom bard ne feroit point dans le cas
de faire valoir ces fins de non-reccvoir , il lui feroit en
core facile de m ain ten ir, fans leur fecou rs, le bien jugé
des Sentences dont eft appel.
G u i-D ajea n
pourfuit la nullité d’une
vente d’im-
sur le béné-
meubles q u i , s’il faut l’en c r o ir e , n’appartenoient qu’à
ih ven '
l u i , comme feul ôc véritable donataire de M arie Lacourt ;
mais il ne fait pas attention q u e , dans le cas même où il
feroit effectivement l’objet de la libéralité de c e l l e - c i , il
feroit encore non • recevable à attaquer cette vente. L e
vendeur eft fon pere ; il en eft l’héritier ; il feroit donc
garant de fa propre a& ion ; quem de evictione tenet a cîio ,
eumdem agentem repellit excepùo.
V ainem en t en a p p e l l e - t - i l à fa
qualité d’héritier
bénéficiaire, & excipe-t-il par fuite de la non-confufion :
il ne peut fe prévaloir , ni de cette qualité , ni de fes
avantages.
Q uoique, d’après la L o i Sancimus, au code de Jure de-Hb. s les lettres de bénéfice d’inventaire ne foient pas n éceflTaires en pays de droit é c r it , pour jouir du bénéfice
d inventaire , cependant des loix particulières e x ig e n t ,
m em e pour ces p a y s , l’obtention de ces lettres : Edic
de D écem bre 1 7 0 3 , D éclaration de M ars
1708.
�11
E t c’eft ce qui fait dire à. l’annotateur d’A r g o u , liv. z ,
ch. i 9 : « pour jouir du bénéfice d ’inventaire , i l fa u t
i» prendre des lettres du Prince , qu’on appelle lettres
»
de bénéfice d’inventaire.
A u tre fo is, cette formalité
»
n’éroit néceiTaire qu’en pays coutumier ; les derniers
«
E d its ù Arrêts l'ont étendue
»
ÉCRIT
AV%
PAYS
DE
DROIT
»•
O n trouve même dans L a c o m b e , verSo h é ritie r, n. i „
un A r r ê t , du 1 6 M ai
1 7 1 8 , qui ordonne ,
P A Y S DE DROIT ÉCR IT
> que l'on obtiendra des lettres de
POUR
LE
Chancellerie.
D ’après ces autorités , les lettres de bénéfice d’inven
taire font donc néceiTaires à l’héritier bénéficiaire, même
dans les pays de droit écrit.
C e la pofé , la fimple déclaration en Juftice, de la part
de cet héritier , qu’il n’entend accepter la fucceflion que
fous bénéfice d ’inventaire , eft donc infuffifance.
C ’eft: aujourd’hui un point de [droit fi confiant que
G u i-D a jea n vient d’y rendre hommage ; c a r, après avoir
fo u te n u , d’abord en la Jufticc de Lignerac , enfuite au
bailliage d ’Aurillac , & même en la C o u r , que cette
fimple déclaration, à laquelle il s’étoit b o r n é , étoic fuffif a n t e , il vient d’obtenir des lettres de bénéfice d’inven* Voy, fapro- taire
¿uftion nouvelle.
M ais ces lettres ont été tardivement obtenues; elles ne
l ’ont été que plufieurs années après l’inventaire qu’elles
auroient dû précéder ; & elles ne peuvent aiîurer aucun
des avantages du bénéfice d ’inventaire à G u i - D ajcan *
qui doit demeurer héritier pur ÔC fimple.
�3
ï
A ccorderoit - on néanmoins un effet rétroa & if à ces
lettres ? G u i-D ajean n’en feroit pas moins encore héritier
pur 8c fimple.
i°. L ’Ordonnance i 6 i y , art. 1 1 8 , exige que
1 h é
ritier bénéficiaire fafTe âppofer les fcellés : tel efl: en
particulier le vœu de la C o utu m e de Bretagne , art. 5 7 3 .
C ette appofition cft tellement néceiTaire
qu’à défaut de
cette formalité , un A r r ê t , du 1 o Juillet 1 6 3 5 , a con
damné l'héritiere bénéficiaire à payer toutes les dettes
ultra vires ; cet A rrêt fe trouve dans H e n r y s , tome pre
mier , liv. 6 , ch. 4 , queft. 11.
I c i , nulle appofition de fcellés. Q u ’eft-il arrivé ? T o u t
le mobilier avoit été enlevé avant l’inventaire , qui n’eft
autre chofe qu’un vrai procès - verbal de carence.
A défaut de cette appofition de fce llés, G ui-D ajean
ne peut donc fe dire héritier bénéficiaire.
a 0.
¿ cr . i t
D ’après L a c o m b e , ibid 3 n. 7 ; e n p a y s d e d r o i t
, les créanciers doivent être appelés a l ’ inventaire 3
0 les créanciers non connus , par des affiches publiques„
L ’A rrêt que l’on vient de citer a même condamné l’héri*
ticre in ftitu é e , qui s’étoit portée héritiere bénéficiaire ,
à p ayer, comme héritiere pure 8c fim p le , à faute d’avoir
convoqué les créanciers lors de l’inventaire.
Il ne paroit pas q u e , lors de fon prétendu inventaire,
G ui-D ajean ait rempli cette formalité eflentielle ; car on
ne voit ni aflignation pour les créanciers connus , ni
affiches publiques pour les créanciers non connus. Il n’a
pas même appelé le fieur Lom bard qu’ il devoir cepen
dant connoître pour un des créanciers de la
fucceifion 7
puifquc , trois jours a p r è s , il devoit l’aifigncr en dé(X-
�14
rem ent, & lui ouvrir, contre cette fucceiîion , une a& ion
en rembourfemenr.
Cette omiiîion, jointe au défaut d’appoiition de fcellés,
doit donc le conftituer héritier pure & fimple.
30. Il efl: un terme au-delà d u q u el, malgré l’inven
taire , l’héritier ne peut pas fe dire bénéficiaire. C e terme
eft de trente ou quarante jours dans les pays de droit
écrit. C e tems une fois révolu fans confe&ion de l’in
ventaire , l’héritier perd les avantages du bénéfice d’in
ventaire. L a loi Sancimus , déjà invoquée , en a une difpofition expreflTe ; elle efl: ainfi conçue : omni tamen modo
inventarium ab ipfo conficiatur ut ,
1NTRA
TR 1GINTA
, pofi apertas tabulas.. . . exordium capiat inventa
d i e s
rium fuper kis rebus quas defunclus 3 mords tempore > habebat.
C ’eft auifi l’opinion d’A rgou, loc. cit. où il pofe, com m e
m axim e certaine, que « d a n s l e s p a y s d e d r o i t é c r i t ,
» i l fa u t un mois ou quarante jours , après que l’héritier
>ï a eu connoiflfance de l’ouverture de la fucccflion, quV/
u fajfcprocéder a l'inventaire par une perfonne publique....
» s 'il laijfe écouler un trop long tems fans fa ire fa ire inven-
à moins qu’il n'en ait caufe lé g itim e .. . .
» RÉPUTÉ HÉRITIER PUR ET SIMPLE » .
n taire ,
il est
L ’cfpecc d ’inventaire fait par G ui - D ajean ne l’a été
que
pluficurs
années après
l’o u v e r t u r e
de
la fucceffion.
~et inventaire, néceiTaire cependant pour le fairejouir du
bénéfice , ne peut donc lui être d’aucune utilité.
Son abfcnce prétendue ne peut exeufer ce retard. O utre
qu ’elle n’eft aucunement p rou vée, c’cft q u e, quand clic le
f e r o i t , il ne pourroit en cirer parti ; c a r , ayant laiiTé
�i5
écouler plufieurs années 8c conféquemment un trop long
tems 3 il feroic fans excufe légitime.
D ’ailleurs, la même loi a prévu ce cas au §. 3 ; elle
n’ accorde alors qu’un an pour la confe&ion de 1 inventaire;
tune eis UNIUS ANNi SPATI UM a morte teflatoris numerandum damus , ad hujufmodi inventant confummationem.
Aufïî , G ui-D ajean a-t-il été co n d a m n é , comme héri
tier pur &
fimple , lors de la Sentence du t 8 Janvier
1 7 7 8 , qui le dit feulement héritier de fon perc , 8c qui
ne
pouvoit au reite le qualifier héritier bénéficiaire,
puifque ce n’eft: que plufieurs années après & en 1 7 8 3 ,
qu’ il a tenté de fe faire paiïcr pour tel.
M a i s , ce qui doit trancher toute difficulté fur Pimpoflibilité où fe trouve G u i - D a j e a n de profiter du béné
fice d1inventaire , c’eft qu’avant de faire aucune déclara
tion , com m e héritier bénéficiaire , il avoit fait a£te
d’héritier.
Ce
fait qu’établiroient
fculs
l’omiifion de
partie des formalités d’ufage en ce cas , 8c le retard ap
porté dans l’obfervation des autres, pourroit ê t r e , au bcf o i n , prouvé par le rapport fait en exécution de la Sen
tence du 1 A o û t 1 7 8 3 , de laquelle il réfultc qu’il s’eft
mis en poflcflîon de tous les biens de la donation faite
à fon perc. Les chofcs n’étoient donc plus entieres.
ne
pouvoit donc plus fe porter héritier bénéficiaire.
11
S i , com m e on ne peut en d o u t e r , G u i - D ajean eft
héritier pur 8c fimple , peu importeroit donc que cette
donation fut faite à fa coniidération 8c pour lui feul. Il
feroit non-rcccvablc à dem ander, fous ce prétexte , la
nullité de la vente fur laquelle le fieur Lom bard a
e x erce
le retrait c c n fu e l.C o m m e héritier du v e n d eu r, il feroit,
�i6
âinfi qu’on l’a déjà d it, garant de fa propre a&ion : quem
de eviclione 3 & c .
M ais G u i-D ajea n n’eil conftamment pas l’objet de
cette libéralité : c’eft ce qu’il s’agit maintenant de dé
montrer.
D o n a t i o n
pERS O N N E L L E
>U
GENDRE-
En gén éral, la donation , faire au gendre & à la fille,
eft bien cenfée faite à celle-ci : Leprêcrc ,c e n t. i , ch. 3 4 :
Dupleiîis, de la C o m m u n a u t é , / ^ . 173 ; L ebru n , même
traité , pag. 1 1 0 , n. 1 1 , &c.
Il en eft de même de la donation faite au gendre feul ;
A n jo u , 3 3 5 ;
M aine , 3 4 5 : Blois , 1 7 1 ,
&c.
L a raifon en eft qu’ une femblable donation eft réputée
faite en confidération des feuls liens du fang : prjifumitur
âatum f o li perfonx conjuncl4.
M ais cette fimple préfomption, fondée uniquement fur
Ja parenté, c e iie , quand le gendre peut être personnelle
m ent l’objet de la libéralité : la C outum e de T royes ,
art. 1 4 1 ,
prévoit ce c a s , & dit : toutefois , f i cette dona
tion étoit fa ite p a r e x p r è s a u x d e u x c o n j o i n t s , / / n’ en
demeureroit que la m o i t i é p r o p r e a u d i t e n f a n t .
A u f li, des Arrêts en très grand nombre ont, en pareille
circonftancc, déclaré le gendre l’objet pcrfonncl de la
libéralité à lui faite.
M . de C a m b o la s , liv. 6 , ch. 1 3 , remarque trois Arrêts
du Parlement de T o u lo u f c , des i Juin 1 6 3 1 ,
8 M ai
1 6 6 3 , & 1 0 Décem bre 1 6 6 4 , qui ont jugé :
Jj’un , que la donation , faite au gendre & pçur lu i a
n’eft
�T7
n’eilpas faite à la fille, parce que les beaux-peres tiennent
lieu de peres à leurs gendres.
Et les deux autres , q u e, s’il paroît que la donation faite
au gendre , le foit à fa feule confidération , elle lui doit
être acquife & non à la fille du donateur.
Et c’eft ce qui fait dire à M . d e C a tela n , arrétiftedu même
Parlement : s 'i l paroit que l a d o n a t i o n ou inflitution,
EN FAVEUR DU GENDRE , ejl fa ite A SA SEULE CON
SID ER A TIO N & non a la confidération de la fille 9 en de
cas elle d o i t Êt r e a c q u i s e a u g e n d r e 0 non a la fille .
fa ite
Lapeyrere, let. D . n°. 5 4 , rapporte des arrêts femblables du Parlement de B ordeau x, 8c fait en même tems
cette obfervation ; on efiime que, dans les bonnes réglés ,
l a d o n a t i o n , f a i t e a u g e n d r e yfans aucune relation
a la f ille , a p p a r t i e n t a u g e n d r e .
D e n ifa rd , verbo confeiîion , n°. 5 , cite un a rrê t, du 30
A o û t 1 7 6 2 , qui attelle que la jurifprudence de la C o u r ,
fur ce p o i n t , eil abfolument la m ê m e , puifque cet ar
rêt a -m a in te n u , en faveur du g e n d r e , une donation à
lui f a i t e , quoiqu'on lui oppofât que la donation, fa ite au
gendre, ¿¿oit réputée fa ite a la f i ll e , & que, f i J le gendre
avoit reçu , cétoit moins comme étant l'objet perfonnel de
f a libéralité t que comme c h e f 0 adminijlrateur de la com
munauté.
P è s que la d o n a tio n , faite au g e n d re , p e u t , fuivant les
circonilances > ne regarder que l u i , il faut donc exam i.
ner fi ? dans l’efpece , la donation n’eit relative qu’au
gçndre.
A v a n t de paÛTer à la donation , M arie Lacourt déclare.
C
�i8
renon cer, en faveur & au profit de D ajean fort gendre,
non-feulement à l’ufufruic de l’hérédité de Ton mari ,
& même des biens par elle précédemment donnés à fa
fille, mais encore au droit de réveriion , dans le cas de
prédécès de Gui-Dajean.
A la vue de ces mots : en faveur ù au profit Oc. , il
feroit difficile fans doute d’appercevoir un autre que le
g e n d re , appelé à recueillir l’effet de cette renonciation.
O utre que cesexpreiîîons n’indiquent que lu i, c’eft qu e,
cette renonciation ne d e v a n t , quant au droit
tour , profiter au
de re
gendre que dans le cas du prédécès
de G u i-D ajea n , il eft impollible de faire p o f e r , u n feul
inftant j l’objet de cette libéralité fur la tête de ce dernier.
Si M arie Lacourt n’avoit alors en vue que fon gen
d r e , il eft à croire qu’elle étoit encore dans les mêmes
fentim ens pour l u i , lorfque, s’o ccu p an t, im m édiatem ent
après , de la donation en difficulté, elle a déclaré ; &
p o u r , l ’a m i t i é p a r t i c u l i è r e qu*elle a pour ledit D ajean
fo n gendre,
<S
p o u r les bons et a g r é a b l e s services
qu’i l lui a rendus & qu'elle efpere d'en recevoir encore ,
d e l a p r e u v e d e s q u e l s e l l e l e r e l è v e , elle a donne
& d o n n e .............. audit D ajean jo n gendre 3 ci préfent &
acceptant ù h u m b l e m e n t r e m e r c i a n t , la totalité des
b iens, ô c .
C ’eft au refte ce qu’écablic, d’une maniéré non équi
v o q u e , chacun des termes de la donation.
i° . C o m m e dans les difpofitions précédentes, le gendre*
eft fe u l nom m é ( i ) ; il n’y eft m êm e aucunement queftion
de fa qualité de tuteur.
( i ) On pourroic induire de la donation faite par Marie Lacourt à fa fille
�*9
i°. Si fa belle-mere lui donn e, c’eft pour Vamitié par
ticulière q u elle a pour lu i; fentiment dont Pothier * fe * T raité des foc1
.
,
,
,» i •
•
,
i
cernons, chap. 4,
co n te n te, pour conftituer le gendre 1 objet unique de la pag.471.
libéralité de la belle-mere.
30. U n autre fentim ent détermine encore cette d o
nation , c’eft la reconnoiiTance. L e gendre n’eft dona
taire que pour les bons & agréables fervices &c.
40. La donatrice entend ii bien que fa donation pro
fite à fon gendre que , dans la crainte qu’on ne veuille
en faire dépendre TeiFet de la preuve de ces fe rv ic e s,
elle le relève expreflement de l’obligation de faire cette
preuve.
50.
E n fin ,
c’eft parce que le gendre étoit feul appelé
à recueillir cette donation , qu’il eft dit humblement re
merciant , fans que fa belle-mere s’y oppofe.
En rappochant toutes ces circonftances , il doit être
certain que cette donation eft faite au gendre &
à fa
feule confidération ; ce qui doit fuffire, d’après les au
torités c i-d e iïu s, pour le conftituer feul l’objet de cette
libéralité.
A u furplus , quand , fans indiquer tous ces motifs de libé
ralité e n f a v e u r de fon g e n d re , M arie Lacourt lui auroit fait
fa donation p u r e m e n t 6c Amplement, il ne faudroit encore,
pour fe convaincre qu’elle ne regarde que l u i , que les
différentes claufes & charges qui l’accompagnent.
i°. La donation eft faite au gendre , pour 3 par l u i ,
feute , fans nommer fon ge n d re, que, quand clic d o n n o it, elle ¿¿fignoit
eifément celui qu’elle vouloit a van tager, fahs chcichcr un prete-nom.
C
ij
,t,
�20
jou ir & difpofer du tout, ainfi q u 'il avifera. Il a donc le
droit d’ufer des objets de cette donation com m e de fa
propre chofc.
C ro it-o n
, d’apres c e la , q u il ne foit que le
prête-nom de fon fils ?
2°. C e n’eft pas to u t ; cette donation ne lui eft faire
qu û la charge de ne pouvoir inflituer autre héritier que
fo n fils ! V o ilà une charge bien importante dont le grève
cette
donation.
Elle lui interdit le droit de fe choifir
un h é ritie r, même pour raifon de fes*propres b i e n s ;
car elle ne la borne pas aux feuls objets de la donation.
Croit-on que cette donation l’eût ainii g re v é , fi elle n’eut
pas dû lui profiter ? Nemo oneratus t niji honoratus.
3°. C e n’eft pas tout encore ;cette donation, qui demeure
m uette fur des créances duement établies
que répétoit
alors le g e n d r e , e ft, jufqu’à concurrence de ces créances,
moins une libéralité qu’un paiement. N e peut-on pas in
duire de ce filence, une nouvelle preuve d ’un avantage
perfonnel au gendre q u i , a u tre m en t, auroit confervé le
droit de répéter fes créances ?
4°. Enfin, cette donation le charge de payer une foule
de dettes q u elle défigne. Elle ne le fait fans doute en
core , que parce q u elle ne devoit profiter qu’à lui ; c’eft
la jufte conféquence de la maxime , nemo oneratus Oc.
Il réfulte même de l’importance de ces dettes qui s’é lè
vent à une fom m e confidérable, que cette donation eft
plus o n é r e u f c q u e p r o f ita b le au g e n d r e .
Les termes de cette donation & m êm e
fes claufes,
to ut fe réunit donc pour la faire réfider fur la tête du
gendre, &
pour le conftituer l’objet perfonnel de la li
béralité q u e lle contient.
�II
T el eft , à cet
é g a r d ,
trouve la preuve de
l’avantage du fieur L om b ard , qu’il
ce point important dan? le pro
pre fyftême de fort adverfaire.
En eilct t abufant, com m e on le démontrera plus lo in , de
la charge impofée au gendre , de ne pouvoir inftituer
d’autre héritier que fon fils, Gui-Dajean en conclud que
cette donation eft une véritable fubftitution à fon pro
fit ( i ) ;
ôc il n e 'f a i t pas attention qu’en grevant ainii
fon pere de l’obligation
de ren d re, il
le déclare lui-
même l’objet perfonnel de cette libéralité , puifque le
grevé de fubftitution eft un véritable donataire (z), qui
peut devenir propriétaire des biens fubftitués, ii l’appelé
meurt avant lui, & qui peut mêm e difpofer valablement
à l’égard des tiers , il la fubftitution n’eft ni publiée ni
enregiftrée.
Il eft in d ifféren t, d ’après cela q u e , lors de
l’arrêc
remarqué par M M . de Cambolas & de Catelan, une do
nation faite au g e n d re , ait été adjugée à l’en fa n t; des
circonftancesparticulieres avoient déterminé cettedécifion.
i° . Il étoit évident que cette donation, faite pour évi
ter la divijion des biens, ne regardoit que l’enfant qu i,
dans la donation, étoit même die en bas âge.
2.°- Dans cette donation , nulle permilïïon au gend re,
( i ) Il perfifte tellement dans cette étrange prétention q u e , dans fes falvations , fol. 3 7 , il d it , à l’occafion de cette d o n atio n , c'tji un fid É i-com m i*
dont elle a chargé Pierre Dajean fon genare.
( t ) G u i-D a je a n en convient lui - même ; il ajoute dans les mêmes écritu
1
res; queft-ce qu'un fidti-commis î C'efi UNI_i. b e r a i.ix Î exercée envers quelqu'un ,
fo u r la rendre à un autre.
�de jo u ir ù difpofer, com m e dans celle dont il s’a g it , du
tout, ainfi qu’ i l avifcra.
3°. Il ne s’agifloit pas, com m e dans l’efp èce, de l’in
térêt d’un
tie rs-
acquéreur.
4°. A lo r s , le donataire certabat de lucro. I c i , le fieur
Lombard certat de damno.
5°. C ’étoit le donateur q u i, reclamant lui-même, annonçoit affez que c’écoit au profit de ion fils & non de
Ton gendre, qu’il avoit difp ofé, ce qui ne fe rencontre pas
en ce moment.
6°. La donation étoit purement gratuite; &. celle en
queftion eft onéreufe.
7°. A la différence de la nôtre , cette donation n’étoit
point déterminée par l ’ am itié, & caufée pour récompenfe
de fervices ( i ).
A in f i, nul argument à tirer du jugé de cet arrêt.
Peu importe q u e , lors de la donation , le gendre eût
convolé en fécondés noces. C e tte circonftance eft telle
m ent indifférente en elle-même ,
que l’on a vu la do
natrice préférer fon gendre à fes propres enfans , en l’ap
p e la n t, à leur préjudice, à rccuellir l’effet de fa renon
ciation au droit de retour. Si ce convoi ne l’a pas em
pêché de faire ainfi profiter fon gendre des avantages
de ce droit de retour , croit-on que ce convoi ait pu
former obftacle à ce qu’elle lui f ît cette donation , exclufivement à G ui-D ajean ?
Il eft faux q u e , com m e ce dernier le prétend, cette
(j) A remarquer que ces obfcrvations ne font faites que fur la feulecontioHTance
que Gui-Dajean a donnée de l’efpccc de cet arrêt.
�*3
donation n’ait été faite au gendre que com m e tuteur. C ette
qualité par lui prife au commencement de la tranfad ion
de
1761 j n’a aucunement influé fur cette donation.
C ’cft l'amitié., c’eft la reconnoifiance, c’eft l’ex tin d io n des
créances, c’eit la charge des dettes feules
q u i
l’ont déter
minée. Delà , le droit exprès de jouir 6c difpoier à. vo
lonté. D elà encore la défenfe d’inftituer un autre héri
tier que Gui-Dajean. D ’ailleurs, au com m encem ent de cet
a d e , le gendre paroît auífi en fo n propre & privé nom ;
& c’eft conilam ment en cette derniere qualité qu’il eft
conftitué donataire.
S i , com m e il n’en faut pas douter , cette donation
eft faite à la feule confidération du O
cendre *, fi elle ne
regarde que lui, celui-ci à donc pu vendre quelques o b
jets dépendans de cette donation ; fon fils ne peut donc
pas en demander le déliftement , fous le vain prétexte
qu’il eft feul l’objet de cette libéralité.
A entendre Gui-Dajean , cette donation eft une vé
ritable fubftitution q u i , ayant obligé fon pere de lui re
mettre les différens objets qui la com pofoient , ne lui
a pas permis de vendre les objets dont le défiftement
eft demandé ; Sc il fonde ce fyftêmc de fubftitution fur
1 obligation impofee à Ton pere de ne point inftituer
d’autre héritier que lui.
M ais com m ent n’a - t - i l pas fenti que toute idée de
fubftitution étoit inconciliable avec une obligation de
cette nature ?
L ’objet de la fubftitution eft toujours de g ên e r, dans
tous les cas &, dans tous les terns , la faculté de difp’o*
fer; ôc conféquem m ent l’interdidio n qui en réiulte, porte
ir.
Pointdcfubfti-»
tution.
�* 4
rtufll bien fur les a&es entre-vifs que fur les a&es à caufer
de mort. A u fli, lorfque la fubftitution eft en
r è g le , il
n’eft pas plus permis au grevé de vendre, engager & hy
p othéquer, que de tefter & difpoier en contemplation
de mort.
Pour que la donation dont il s’agit emportât fubfti
tution , il faudroit donc qu’elle eût interdit à Pierre D a jean toute efpèce de difpofitions.
Il
eft bien impoiîible d’appercevoir une femblable inter
diction dans une fimple défenfe d’inftituer un autre hé
ritier que G ui-D ajean ; c a r , avoir reftreint cette inter
diction à la feule inftitution d’héritier, c’eft avoir néceflairement permis toutes autres difpofitions ;
c’eft: avoir
notam m ent autorifé celle entre-vifs, & dès lors toutes ventes
aliénations ; cette conféquence eft: 1a fuite
m axime qui dicit de uno negat de altero,
de
la
Ecartons donc de cette donation toute idée de fubftirution qui eft: abfolument incompatible avec une dé
fenfe de d ifp o fer, limitée au feul cas de l’inftituçion
d’héritier.
Il
faut d’autant mieux lecarter q u e , com m e on l’a déjà
remarqué , le gendre étant donataire, pour >par lu i, jouir
& difpofer du tout , ainfi q u 'il avifera , il ne peut pas
être un fidei - commiflaire chargé de rendre, un fimple
ufufruitier.
Q uand il le f e r o i t , cette fubftitution purement hy
pothétique , ne pourroit pas encore être oppofée au fieur
L o m b a rd , & fonder le défiftement demandé.
défaut de
P U B L I C A T I O N ST
II eft, en matière de fu bftitu tion , des formalités qui
4
*
quand
�N
.
25
quand elles ne font pas remplies dans le délai p refcrit, d’enregistr*les rendent non-oppofables à des acquéreurs 6c à des
créanciers : alors les appelés , dont les droits fe trouvent tution.
com p ro m is, n’ont d’action que contre le grevé 6c iur
fes biens perfonnels, fans pouvoir aucunement inquieter
ces tiers.
Ces formalités font 6c l’cnregiitrement 8c la publication
exigés par l’ordonnance de 1 7 4 7 , cit. z , art. 2 7 , 18 ôC
29 ; ce dernier art. dont
la difpofition eft
finguliè-
rement applicable à l'e ip è c e , porte: « pourra néanmoins
” etre
procédé à la publication fie à l’enregiitrement
” des fubititutions , après l’expiration dudit délai de fix
» m ois; mais , dans ce ca s, ¿a fubjiitution naura d'effet ^
» CONTRE LES CREANCIERS ET LES TIERS - ACQUEREURS ,
» que du jou r qu’i l aura été fa tisfa it auxdites formalités ;
” Sa n s q u ’e l l e s p u i s s e n t ê t r e
” auront contracté avant
opposées a ceux q u i
l e d i t j o u r ».
Rien n’eit aiTurément plus fage que cette difpofition;
c a r , ceiTant ces form alités, ceffant auifi l’inutilité des fubftitutions à l’égard des tiers dans le cas
de l’inobfer-
vation de ces form alités, ces écabliilem ens^fi utiles en
eux-memes pour la confervation des biens dans les fa
m illes, 8c p o u r fauver un prodigue de fa propre fureur
feroient lin ftitu tio n la plus dangereufe 6c la plus per
fide pour le public qui , ignorant alors des difpofitions
toujours faites dans l’intérieur des fam illes, & la charge
impofée a la jouiflancé , croiroit pouvoir valablement
traiter avec celui dans la main duquel il la verroit, qui
lui paroitroit un véritable propriétaire , 6c qui cepen
dant ne f e r o it , au m oyen de la fubititution, qu’un finipie depofitaire chargé de rendre.
D
SUBSTi-.
�i
6
A u i f i, la loi, multipliant les moyens de mettre le public
à l’abri des dangers de cette in ftitu tion, foumet-elle à la
rigueur de ces
form alités
, les mineurs , les interdits, les
H ô p ita u x , les Eglii'es , fauf leur recours contre leurs
t u t e u r s , curateurs,
adminiftrateurs & marguilliers; art.
3 z , m êm e tit. Aufli ne regarde-t-elle pas com m e fuffif a n t e , pour rendre la fubftitution o p p o fa b le, la fimple
connoiffance que des tiers intéreiTés auroient pu en avo ir,
d’une toute autre manière que par la voie de l’enregiftrem ent de la publication , art. 3 ibid.
C ’eft au refte ce que la Cour a folemnellement jugé ,
en faveur d’un tiers-acquéreur, par arrêt r e n d u , le pre
mier Mars 1785 , en la premiere chambre des enqu êtes,
au rapport de M . de Gars de Courcelles ,
dans des
V la Gaz des
circonftances beaucoup moins favorables * .
Trib. rom. 13,
Dans lefpèce de cet A rrêt , un fisur B e n q u e z , pour
4
lequel écrivoitle défenfeur du fieur L om bard , avoit acquis,
en 1 7 7 4 , un bien fu b ftitu é, d’un fieur de la Barrere,
héritier du grevé de fu b ftitu tio n , fans être lui-m êm e'
appelé. Alors , la fubftitution n’étoit ni publiée , ni enregiftrée. Elle ne le fut même qu’en i7 7 8 .Q u c ft io n de favoir
f i , dans des circonftances où l’aliénation éto itfaite à non
domino y puifquele vendeur étoit étranger à la fubftitution,
le fieur B e n q u e z , acquéreur, pouvoit [oppofer le défaut
de publication c d ’e n r e g i f t r e m e n t . L a c o n t c f t a t i o n , portée
5
d ’abord par appel au Parlement de T o u lo u fe , fut décidée,
contre l ui , par arrêt du 9 Septembre 1779. Mais un
jugem ent du C o n f e i l , du
19 N ovem bre 1 7 8 1 , ayant
cafle cet arrêt & renvoyé en la C o u r , il y fut jugé que le
fieur B enquez
quoiqu’acquéreur de l’heritier du g r e v é ,
�17
lequel étoit étranger à la fubftitution, & conféquem entfans
aucuns droits dans les biens vendus p o u v o it, auifi bien
que l’acquéreur du grevé ou de l’appelé, oppofer le défaut
de publication
S i,
5c
d’enregiftrement.
dans le cas d’une acquilïtion faite de tout autre que
d’un intérefle à la fubftitution, ce moyen aréuffi, com m ent
le même moyen ne feroic-il pas admis ici ou l’aliénation
eft du fait du g re vé, fi la prétendue fubftitution dont il
s’agir n’eft ni publiée ni enregiftrée ?
Jufqu’à préfent il ne paroît ni publication, ni enreo-iilrement ; & il n ’en a pas été fait fans doute , parceque la
donation en queftion n’a jamais été confidérée com m e
emportant fubftitution.
En fuppofant donc qu’il exiftât une fubftitution , elle
feroit fans aucun effet à l’égard du iieur Lombard , en.
f a qualité de tiers-acquéreur ; &C elle le fe ro it, quoiqu’en
dife G ui-D ajean , malgré fa minorité 6c m êm e malgré
fon ignorance prétendue de l’exiftence de cette fubftitu
tion , ainii que le décident nettem ent les art. 32 ôC 33
de l’Ordonnance de 1 7 4 7 , tic. 2 ci-deiïus.
M ais
il faut en revenir à la vérité. C e tte donation
ne contient point de fubftitution. Elle eft pure & fimple.
Elle conftitue Pierre D ajean perfonnellement donataire.
Elle le charge il peu de ren d re, qu’elle lui conféré nom
m ém ent le droit de jo u ir ô difpofer du tout > ainfi qu’ i l
avifera. Elle ne le greve que de l’obligation de ne point
faire d’autre héritier que fon fils. Elle ne le greve par con féquent que dans fes dernieres difpofitions. Q uant à celles
en tre -vifs, elle le laifle abfolument libre.
�i8
Cela p o fé, les fe n te n c e s , don t l'appel n’eft d’ailleurs
pas recevable , ont donc dû com m e elles fo n t f a i t , main
tenir l’effet de la vente faite par Pierre Dajean. En vendant,
il
avoit difpofé de ce qui lui appartenoir. Il avoit ufé du
' droit que lui conféroit expreffément la donation. Il étoit
donataire libre. Quand il ne l’auroit pas é t é , quand il
auroit au contraire été grevé de fubftitution , cette vente
n’en auroit pas moins dû être m ain tenu e, à l’égard de
l’acquéreur, à défaut de publication & d’enregiftrement
de cette prétendue fubftitution. C ’étoit même d ’autant
mieux le cas de déclarer cette vente inattaquable que
com m e héritier de fon pere &
fans moyens fuff îfans
pour jouir des avantages du bénéfice d’inven taire, G u iD ajean étoit garant de fa propre action.
En conféquence , le fieur Lombard ne doute pas que
la Cour ne prononce , com m e l’ont déjà fait les Juges de
Lignerac & ceux d’A u rillac, & q u elle ne laiffe à Gui-Dajean
le regr e t humiliant d'avoir inutilement tenté de déshonorer
la mémoire de fon
p e r e , en d épouillant, fans bourfe
d é lié e , un acquéreur de bonne f o i ,
en le renvoyant
pour fon rembourfement à une fucceffion notoirement infolvable.
Monf îeur M O R E L D E V I N D Ê , Rapporteur.
M c. B A B I L L E D E P R É N O Y , A vocar.
V ig ie r
De
, Procureur.
l'imprimerie de la Veuve D'HOURY & DEBURE , Imprimeurs - Libraire*
de Mgr. le Duc d ’O r l é a n s , rue H autefeuil l e , N°. 14,1789
�
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Factums Vernet
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Title
A name given to the resource
[Factum. Lombard, Jean-Baptiste. 1789]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Morel De Vindé
Babille De Prénoy
Vigier
Subject
The topic of the resource
successions
banqueroute
donations
dot
renonciation à succession
créances
Lignerac (Justice de)
droit écrit
bénéfice d'inventaires
doctrine
Description
An account of the resource
Mémoire pour Jean-Baptiste Lombard, docteur en médecine, intimé ; Contre Gui-Dajean, marchand, appelant.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de la veuve d'Houry et Debure (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1789
1751-1789
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
28 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_V0102
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Vernet
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Chamant (15176)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
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bénéfice d'inventaires
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droit écrit
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Successions
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Text
SSBS.
y/t
consultation
S u r l’effet des renonciations convention*
nelles
}et des Forclusions coutumières*
d ’après le décret du 8 avril 1791;
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D E L’ I M P R I M E R I E D E L A N D R I O T
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Et à Clermont
11y
CHEZ BEAU VERT E T R OUSSET.
,
as
179 2.
«’
a.
jus
�CONSULTATION
Sur l'effet des renonciations conventionnelles , et
des forclusions coutumières , d ’après le décret
du 8 avril 1 7 9 1.
L
E CONSEIL SO U SSIG N É , qui a vu le contrat de
mariage de Marie Boyer avec E tienne P allier, du
19 novembre 1764 ; celui de Marguerite Boyer
avec Antoine B a rb a t, du 1 5 février 1 7 7 0 ; celui
de Catherine Boyer avec Biaise M éranville, du 14
février 1 7 7 8 ; et celui de Marie Boyer avec Jean'
Tourent, du 11 novembre 1779; lesquels contrats,
passés du vivant du père , contiennent des renon
ciations , de la part desdites Boyer , à tou tes suc
cessions directes et collatérales ; qui a aussi v u le
contrat de mariage de Jean Boyer , leur frère ,
avec Catherine Malsang , du 3 juin 1767 ; lequel
contient une institution contractuelle en sa faveur,
sur l’exposé qui lui a été fait que Joseph Boyer et
Jeanne V idal ont laissé huit enfans; savoir: lesdites
Marie , Marguerite , Catherine et autre Marie
B o yer, Jean , Antoine, autre Antoine , et Étienne
Boyer ; que Jean Boyer et Antoine Boyer , pre
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Tnier du nom , so n tm ariéi et ont des enfans ;
leu r frère A n to in e, second du nom , n’est pas
marié ; qu’Étienne B oyer, curé de Charbonnièreslès—V ie ille s, vient de décéder intestat ; que Marie,
Marguerite , Catherine , et autre Marie Boyer ,
veulent partager cette succession collatérale , con
jointement avec leurs trois frères, malgré les renon
ciations portées par leur contrat de mariage , sur
le fondement que cette succession n’a été ouverte,
que postérieurement au décret de l’assemblée na
tionale constituante , du 8 avril 17 9 1, sanctionne
le i 5 du même mois ; consulté sur la question de
savoir, si cette prétention est fondée ou non ;
E s t d ’ a v i s que Jean, Antoine,et autre Antoine
B oyer , sont en droit de partager la su ccession
d’Étienne Boyer, leur frère , exclusivement à leurs
sœurs ou à leurs descendans. Il ne doit y avoir »
à cet égard , qu’ une seule modification, c’est qu’il
ne faudra pas , lors du partage , confondre toutes
l e s portions que les filles auroient eues , si elles
n’eussent pas renoncé, pour les partager entre les
trois frères. Il faudra distinguer celle de M a r g u e r ite
B oyer , femme B a rb a t, pour la laisser à Jean
B oyer s e u l, attendu que l’effet de la renonciation
d e Marguerite Boyer a été dirigé par son contrat
d e mariage , au profit de ce dernier.
L e motif de cette décision est que les contrats de
mariage des fille s Boyer contiennent, de leur part,
une renonciation conventionnelle à toutes succes
sions directes et collatérales h échoir.
. Dans le contrat de mariage de Marie Boyer ayec
�( 5)
Étienne Pallier , du ig novembre 1764 j; on lit
cette clause : “ A u moyen de la constitution de dot,
» ci-dessus faite à ladite future épouse , lesdits
» sieurs Boyer et V id a l, ses père et mère , l’ont
« privée et forclose de leur future succession , et
» autres échues et à échoir , directes et collaté»> raies , aux termes de la coutume de cette pro» vince d’Auvergne ».
Il est inutile de rapporter les clauses contenues
dans les autres 'contrats de mariage ; elles sont
conçues à-peu-près en mêmes termes. On observera
seulement qu’ on y a encorè plus manifesté l’inten
tion oh, l’on é to it, que les filles qui se marioient
fussent privées des successions directes et collaté
rales à échoir , abstraction faite de la disposition
de la coutume ; et que l’on n’y a pas inséré ces
expressions , qu’ on trouve dans la. clause qu’on
vient de rapporter , aux termes de la çoutume de
cette province d’Auvergne.
Ces clauses présentent nécessairement l’idée d’une
renonciation conventionnelle. U ne convention ,
en quelques termes qu’elle soit écrite n’est autre
chose que le résultat des volontés des parties con
tractantes. Par conséquent une stipulation qui porte
précisément qu’une fillç n’aura rien à prétendre
dans des successions, au moyen d’une dot qui lui.
est constituée , est une convention.
On convient que dans les pays , 011, au défaut
de renonciation conventionnelle , on ne pouvoit
4>as invoquer la forclusion coutumière , on a vij
élever des difficultés s u t l a validité de pareille*
A 3
�(6)
Renonciations, la. fille sera privée ou déchie, ou
père prive , etc. On se fondoit sur ce que la fille
h ’avoit pas parlé , et qu’on ne voyoit pas une
expression suffisante de sa volonté.
Mais ces objections ont toujours été r e g a r d é e s
comme de déplorables subtilités. Parmi plusieurs
jugemens qui les ont rejetées , on se c o n t e n t e r a
de citer une sentence de l a ci-devant sénéchaussée
d’ Auvergne , du 2 septembre 1782 , rendue pour
le pays de droit écrit. Elle est rapportée par le der
nier commentateur de notre coutume , tom. 1 >
page 4 0 3 . Dans cette espèce , l a clause p o r t e n t »
qu’au moyen de la dot constituée , la future époIl$e
demeureroit privée et forclose de toutes prétentions ¿uX
successions de ses père et mère, etc.
S’agissant donc , non pas simplement d’une forcîusion coutumière , mais bien d’une renonciation
conventionnelle , le droit des milles à la s u c c e s s i o n
d’Étienne Boyer , exclusivement à leurs sœ urs,
> pst indubitable.
A v e c quelqu’empressement qu’on ait dû re c e
voir le décret du 8 avril 1791 , qui rétablit dans
t, ms ses droits la nature trop long-temps m éco n n u e
çt subjuguée par la vanité , il est impossible de
penser qu’il ait un effet rétroactif ; ce qui arriveroit si , au préjudice de semblables re n o n c ia
tions , les filles venoient prendre leurs portion5
dans des successions échues même après la publi
cation de ce décret. Ces renonciations sont dev~
nues des arrangemens de famille , qu’il seroit d’im ,
danger évident de troubler ; et personne ne sup- '
�(7 )
posera que telle ait été l’intention de l’assemblée
nationale. Aussi , est-on convaincu de ces vérités ,
lorsqu’ on se pénètre des dispositions du décret.
Les législateurs ont d’abord effacé la forclusion
coutumière , ou ce qui est de même , toute inéga
lité établie à raison de la distinction des sexes : c’est
ce qui résulte de l’article premier , dont les termes
doivent être pesés.
« Toute inégalité ci-devant résultant, entre héri» tiers ab-intestat, des qualités d’aînés ou puînés ,
» de la distinction des sexes ou des exclusions couv tumières, soit en ligne directe , soit en ligne co l» latérale, est abolie; tous héritiers en égal degré ,
» succéderont par portions égales aux Liens qui leur
» sont déférés parla loi : le partage se fera de même
V par portions égales dans chaque souche, dans les
» cas ou la représentation est admise ».
» En conséquence, les dispositions des coutumes
» ou statuts qui excluoient les filles ou leurs des»cendans du droit de succéder avec les mAles, ou
» les descendans des mâles., sont abrogées , etc ».
N e voilà, sans doute, que l'abrogation des coutumes
ou statuts qui excluoient les filles. Et on ne pourroit
pas ¿ire raisonnablement que cet article renferme
une abrogation des renonciations conventionnelles
antérieurementfaites.
Les législateurs ont bien senti que des mâles , à.
l’époque du décret, pouvoient être assurés de l’es
poir de recueillir seuls des successions qui ne pour
voient s’ouvrir qu’aprbs la publication du décret ;
que ces mâles a y oient reçu ce droit, ou par l’effet
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d’une renonciation conventionnelle , o\i par l’effet
de la simple forclusion coutum ière, et ils ont réglé
ce qui devoit avoir lieu dans ces deux cas.
Le premier cas; c’est-à-dire, celui où l’assurance
a. été donnée aux mâles par une renonciation con
ventionnelle , est prévu par l’article 4 ainsi conçu:
« Les dispositions des articles premier et trois ci» dessus, auront leur effet dans toutes les successions
» qui s’ouvriront après la publication du présent
n décret, sanspréjudice des institutions contractuelles,
« ou autres clauses qui ont ¿té légitimement stipulées,
n soit par contrat de mariage, soit par articles de
*> mariage , dans lespays où ils avoientforce de contrats,
» lesquelles seront exécutées conformémentaux anciennes
7 ) lois ».
Les renonciations conventionnelles so n t, sans
contredit, comprises sous ces mots, ou autres clauses
qui ont été légitimement stipulées , etc. Et dès-lors ,
d ’après cet article , elles doivent être exécutées,
ïriême pour les successions à éch oir, après la publi
cation du décret, puisque cette dernière partie de
l’article, sans préjudice, etc. a été ajoutée unique
ment pour former une exception relativement au par
tage de ces mêmes successions.
Le second cas, celui où les mâles ne tiendroient
l’espoir de succéder exclusivement aux filles , que.
d’une simple forclusion coutumière , a été prévi}
dans l’art. V du décret, qui est conçu en ces termes:
« Seront pareillement exécutées dans les succes» sions directes et collatérales, mobiliaires et immo
lé biliaires, les exceptions contenues dans la seconde.
�( 9 )
» partie de l’article X I du tit. premier du décret dû
» i 5 mars 1750, en faveur des personnes mariées,
» ou veuves avec enfans , et ces exceptions auront
» lieu pour toutes les espèces de biens ».
L ’article X I du décret du i 5 mars i 7 g o , porte
que toutes féodalités et nobilités des biens étant
détruites, les droits d’aînesse et de masculinité à
l’ égard des fiefs, domaines, et alleux nobles, et les
partages inégaux , à raison de Ta qualité des per
sonnes, sont abolis ; qu’en conséquence, toutes les
successions tant directes que collatérales , tant mobiliaires qù’immobiliaires qui écherront, à compter
du ju r de la publication de ce décret, seront, sans
égard h l’ancienne qualité noble des biens et des
personnes , partagées entre les héritiers ; suivant les
lo is, statuts et coutumes qui règlent les partages
entre tous les citoyens, et il ajoute : « Exceptons
» des présentes ceux qui sont actuellement mariés
?i ou veufs avec enfans , lesquels dans les partages
» à faire entr’eux et leurs cohéritiers , de toutes
7>les successions mobiliaires et immobili aires , di» rectes et collatérales, qui pourront leur échoir,
» jouiront de tous les avantages que leur attribuent
?> les anciennes lois.
En combinant l’exception portée en cet article
avec les articles V et V I du décret du 8 avril 1791,
on voit que lorsqu’il n’y a pas eu, avant la publica
tion de ce décret, une renonciation convçntionn elb ,m a is simplement une forclusion coütumière,
*t qu’il s’ouvre une succession après cette publicaA 5
�( 1° )
tïo n , alors le droit d’exclure les filles n'appartient
qu’aux mâles qui sont engagés dans des mariages
contractés avant la publication du décret, ou aux
descendans de ces mariages. Ensorte que si un mâle
n’étoitni marié ni veu f avec enfans lors de la publi
cation du décret , il n’y auroit point de forclusion
£. son égard : ses sœurs auroient le même droit que
lui.
D e tout ce qu’on a déjà d it, il résulte que la suc
cession d’Étienne Boyer appartient à ses trois frères,
exclusivement à leurs soeurs. Ils tiennent évidem
ment ce droit des renonciations conventionnelles de
ces dernières. Il importe peu qu’il ne soit pas dit ,
dans tous les contrats de mariage des filles , que les
renonciations étoient faites au profit des mâles ; la
renonciation stipulée au profit d’un des m âles,
a dû. profiter à lui seul , et celle faite sans direc
tion particulière a dû nécessairement profiter à tous
conjointement. On a bien dû entendre que les re
nonciations fussent pour eux , puisqu’elles ne pouvoient exister que par eux.
On va plus loin : on suppose qu’il n’y eût pas de
renonciations conventionnelles, qu’il n’y eût qu’ une
forclusion coufumière , Jçan Boyer et Antoine
B o y e r , premier du nom , par cola seul qu’ils sont
m ariés, viendroient toujours prendre deux tiers des
portions des filles ; celles - ci ne pourroient prendre
que le tiers restant qui seroit revenu ;l Antoine
Boyer, second du nom. Ce dernier n’étant pas marié,
feroit le seul qui ne pourroit pas invoquer la for-
�( ” )
clusion ; de manière q u e , ce qui dans l’epèçe, rend
le sort d’Antoine Boyer , jeune, égal à celui de ses
frères , c'est l’existence de la renonciation conven
tionnelle. L ’ article IV du décret du 8 a v ril, conser
vant l’effet des conventions, d’une manière absolue
et indéfinie , il ne faut pas distinguer si les mâles
sont mariés ou non. JJbi lex non distinguit, nec nos
distinguere debemus. L a circonstance du mariage ,
celle de la paternité des mâles ne sont à considérer,
d’après l’aiticle V , que dans le cas où les filles
eussent été repoussées d’une succession par le vœ u
seul de la loi, non soutenu de la convention.
J.es Boyer çonsultans ont exposé, que le mari
d’une de leurs soeurs fondoit l’espoir du succès d?
sa prétention , sur une consultation qui lui a été
donnée par un jurisconsulte célèbre de Clermont.
L e conseil soussigné ne connoît pas cette consultation. Mais il a vu pne consultation du même jurisconsulte, donnée dans une affaire semblable, entre
des particuliers de Ricm, dans laquelle il soutient en
effet une opinion contraire à celle ci-dessus. Il y a
& présumer q u e, dans la première , il fait valoir
les mêmes raisons que dans la seconde ; ensorte qu’en
réfutant celle-çi, on croira avoir réfuté l’autre.
Les objections , à l’appui des filles , se réduisent
deux.
i° . Toute inégalité résultant de la distinction dçs
sexes , est abolie sans exception; donc , les renondations des filles, desquelles résultaient de pareilles
inégalités , sont abolies. Il n’y a aucune différence
à faire entre la renonciation conventionnelle et la
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�forclusion coutumière. L ’ une comme l’autre est
une suite de la coutume ; puisque , dans l’article
a 5 du tit. 12 , elle forclot la fille mariée qui ne
renonce pas , tout comme celle qui renonce , ait
quitte ou non.
2°. En disant que dans le cas même de renon
ciation conventionnelle , les filles doivent partager
les successions qui s’ouvrent après la publication du
d écret, ce n’est pas soutenir qu’il doive avoir un
effet rétroactif ; que si ce décret ne doit pas avoir
d’effet rétroactif, c’est seulement en ce sens, qu’il
ne doit pas s’appliquer aux successions ouvertes
avant sa publication.
Les réponses à la première objection abondent.
C est un principe , que la disposition de l’homme
fait cesser celle de la loi. D e-là résulte la con
séquence que , quoique notre coutume prononçât
la forclusion contre la fille qui se m arioit, lorsque
l’espoir successif ne lui étoit pas réservé , il ne
falloit pas moins considérer la renonciation con
ventionnelle, lorsqu’elle avoit été stipulée, et aban
donner alors la forclusion coutumière , pour ne
juger le sort de la fille , que par la renonciation
conventionnelle. En coutume d’Auvergne , le père
conservoit, comme en droit é c r it, l’exercice de
sa volonté , indépendamment du vœ u de la loi.
Q u’ un p ère , en faisant renoncer sa fille , eût
dirigé l’effet de la renonciation au profit d’un des
mâles , exclusivement aux autres, cette direction
avoit son effet. Ce n’étoit cependant que par l’effet
de la volonté du père ; c’est-à-dire , de la conven-
�(i3)
jicn. Que la fille eût renoncé au profit des frère*
germains seulement; en cas de défaillance de ceux-ci
et de leur postérité , la renonciation ne profitoit
pas aux frères utérins ou à leurs descendans , et
vice versâ. Dans ce cas, la fille recouvroit ses droits.
Les frères qui n’étoient pas appelés,par la conven
tion , à recueillir l’effet de U renonciation , fai-r
soient valoir en vain la disposition de la l o i , qui
leur donnoit ce d ro it, dès qu’il n’y avoit pas de
réserve d’espoir successif} en faveur de la fille ; ils
apposôient inutilement que la clause portoit seu
lement une préférence , en faveur de ceux qui
étoient appelés par la convention , en cas da
concurrence entr’eux et leurs autres frères, mai§
qu’il n’en résultoit pas une exclusion contr’e u x ,
en cas de défaillance des mâles , au profit de qui la
renonciation étoit faite. Les tribunaux réhabilitoient la fille, par la raison qu’il ne falloit pas con-,
sidérer la l o i , mais bien la convention ( 1 ). D onc,
la convention a toujours été prise indépendamment,
et abstractivement de la loi.
D ’ailleurs , il se présente une réflexion bien
simple , qui démontre que ce raisonnement ne peut
se soutenir.
En e ffe t, l’on n’oseroit certainement pas dire,
qu’en droit é crit, et dans les autres pays où il n’y
(1) C’est ce qui a été jugé pqr un arrêt du 12 juülci;
1786 , confirmatif d’une sentence dç la ci-devant séné
chaussée de Clcrnxont, du 6 juillet 1784, entre lus Iiüii-,
tiers Godivel.
�(H )
avoit pas. de forclusion légale , les renonciations
conventionnelles antérieures à la publication du
décret, nedussent pasavoirleur effet,lequel résulte
évidemment de l’exception portée en l’article IV .
O r , comment seroit-il possible de respecter ces
renonciations conventionnelles , et d’anéantir les
a u tres, parce qu’elles auroient été faites sur un sol
différent , et souvent à une lieue des premières ?
Les frères qui habiteroient le pays de coutume ne.
diroient-ils pas avec fondement : quelle est donc
la raison de cette différence que l’on veut mettre
entre une renonciation stipulée en coutume , et
celle stipulée en droit écrit ? Quoi ! la renonciation
faite en droit écrit n’a d’e ffe t, que parce que le
droit commun , contraire en cela aux lois romai
nes , qui sont les lois primitives du droit écrit ,
a permis de la stipuler ! Mais ce droit commun n’a
permis la stipulation des renonciations, que par
les mêmes principes qui l’avoient fait introduire par
notre coutume. Y auroit-il de la justice à anéantir
une convention, par la seule raison que la loi du
pays dans lequel elle auroit été faite , n’y seroit pas
contraire , et à adopter cette môme convention,
souscrite dans un autre pays , parce qu’il y avoit
une loi primitive qui se seroit élevée contre son
execution , s’il n’y avoit pas été dérogé par un
droit devenu commun à tout le royaume?
Il ne seroit possible de sauver l’inconséquence
de cette objection, qu’en allant jusqu’à dire que tant
en droit écrit qu en pays de coutume , les renoncia
tions conventionnelles doivent être considérées
�( >5 )
comme non écrites- Mais pour vouloir trop prouver,
on ne prouveroit rien.
Il est vrai que, pour tâcher de foire adopter le rai
sonnement que Ton fait en faveur des filles, 011
ajoute que l’exception contenue dans l’article IV ,
et commençant par ces termes, sans préjudice , etc.
n’est relative qu’à des clauses q u i, comme les insti
tutions contractuelles sont stipulées à l’avantage des
époux , et qu’elle est étrangère à des renonciations
de la part des filles , qui sont d’un genre différent.
Mais cette dernière objéction ne peut pas plus se
soutenir. Lorsque dans l’article IV , après avoir dit
que les dispositions des articles I et III auroient leur
effet dans toutes les successions qui s’ouvriroient
après la publication du décret, on a ajouté , « sans
» préjudice des institutions contractuelles, çu autres
clauses qui ont été légitimement stipulées, soit par
» contrat de mariage, soit par articles de mariage dans
» les pays où ils av oient force de contrats, lesquelles
» seront exécutées conformément aux anciennes
» lois 7>. Il est évident qu’on a eriten du conserver l’effet
de toutes dispositions quelconques qui, antérieure
ment au décret, a voient assuré aux mâles le droit de
prendre les successions qui écherroient après. Il est
impossible de donner un autre sens à ces expression s,
ou autres clauses. Cette exception a été rédigée uni
quement en faveur des mâles , et une renonciation
écrite de la part d’une fille au profit d’un m âle, e s t,
sans contredit, une clause du mémo1 genre qu’ une
institution contractuelle ; car l’une n’a dû prendre
effet comme l’autre , que par la mort de ceu:: aux
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successions desquels le mâle et la fille étaient d’abord
appelés.
L a seule conséquence qu’on pourroit tirer de
l’objection qu’on vient de combattre , c’est qu’à l’a
venir on ne pourra pas faire renoncer les filles.
Mais ce n’est pas de quoi il s’agit. On ne peut
considérer du même oeil une renonciation faite avant
la publication du d écret, et une renonciation qui
ne seroit faite qu’après»
Venons à la seconde objection: on convient qu’elle
seroit décisive en faveur des filles , si elle pouvoit
être adoptée. On se rappelle qu’elle consiste à dire
que l’égalité étant rétablie par l’abolition de la dis
tinction des sexes, la renonciation conventionnelle,
ainsi que la forclusion légale doivent disparoître ,
lorsqu’il s’agit d’une succession qui ne s’ouvre
qu’après la publication du décret ; qu’alors il n’y a
pas d’effet rétroactif dans le décret ; qu’il n’y en
auroit que dans le cas , où on voudroit l’appliquer
aux successions qui seroient ouvertes , avant cette
publication.
Mais il faudroit se faire bien illusion pour ne pas
sçntir d’abord le vice qui règne dans ce raisonnement.
L ’article I V a été écrit pour déterminer l’effet
que devoit avoir l’abolition portée par les articles I
et III ; et suivant cet article IV , les dispositions des
articles I et III doivent avoir leur effet dans toutes les
successions qui s’ ouvriront après lapublicationdu décret.
Mais que resulte-t-il de ce qui suit dans la rédac
tion de cet article ? C ’est sans doute une exception
sur cet effet. L ’exception d o it, sans contredit, s’ap»
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pliquer à l’objet de la disposition, si la disposition a
trait aux successions qui s’ ouvriront après la publication
du decret ; l’exception ne peut donc concerner que
ces mêmes successions. D onc ces m o ts, sans préju
dice des institutions contractuelles ou autres clauses, etc.
lesquels , comme on a déjà d i t , comprennent les
renonciations conventionnelles, emportent néces
sairement avec e u x , l’idée que les conventions quel
conques qui établissent un mode inégal de partage*
et qui sont faites antérieurement à la publication du
décret, doivent avoir leur exécution , même pour
des successions ouvertes après cette même publi
cation.
Q uel est donc l’esprit de la loi à cet égârd ? L e
voici : Quand il s’ouvrira une succession après sa
publication, il ne faudra pas régler le droit de ceux
qui se présenteront pour la recueillir , par les lois
existantes k cette époque. On devra se décider par
les conventions antérieures à la publication du dé
cret. On ne pourra venir à une succession qu’en
vertu d’une lo i, ou en vertu d’une convention : s’il
n’y a pas de disposition ou convention , il faudra
suivre la loi qui aura lieu lors de l’ouverture de la
succession ; s’il y a une disposition ou convention
valable , elle tiendra lieu de loi. O r , cette disposi
tion ou convention sera valable, si elle est conforme
aux lois qui étoient en vigueur, à l’époque où elle
a été arrêtée. Il ne répugne en aucune manière que
le mode du partage d’ une succession ait été fixé
avant le temps de son ouverture. Le pacte successoire une fois établi valablement, doit toujours êtr?
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respecté. Le particulier de la succession duquel il
s’agit, ne sera considéré , dans la suite, que comme
le dépositaire de son hérédité. Pour la partager , il
faudra se reporter k l’époque de la convention , et
feindre qu’elle se soit ouverte à cette même époque.
Prétendre le contraire , ce seroit vouloir anéantir
des conventions sur la foi desquelles des familles se
seroient unies ; des enfansseroient nés, ce seroit ré
veiller »des passions propres k diviser ceux que les
liens du sang doivent plus particulièrement réunir.
L a loi a jeté un voile sur ce q u i étoit déjà fait avant
sa promulgation , même d’après nos préjugés. Elle
n’a pas voulu qu’ un bienfait pour l’avenir devînt
une source de maux pour le présent ( i ).
( i ) O n tro u v era p e u t-ê tre q u e l’o n v ie n t d e d o n n e r
tro p d 'é te n d u e > à l’effe t des re n o n cia tio n s c o n v e n tio n
n e lle s a n té rieu re s à la p ro m u lg a tio n d u d é c re t; m ais ce tte
é te n d u e p a ro ît ré su lte r d e la ré d a ctio n d e la lo i m ê m e , e t
le ju risco n su lte n e d o it ra iso n n er q u e d ’après la loi.
11 y a lie u de p ré su m e r q u e c e tte loi sera in te rp ré té e e t
m o d ifié e p a r u n e n o u v e lle , et alors o n
n e sero it pas
é to n n é d e v o ir so u te n ir q u e la r e n o n c ia tio n c o n v e n tio n
n e lle faite p ar la fille , d ’u n e m a n iè re va g u e et in d éfin ie
avan t la p u b lic a tio n d u d é c re t d u 8 avril 17 9 1 , n e d o it
pas a vo ir son e ffe t p o u r te u te s sortes d e su ccessio n s q u i
s 'o u v riro ie n t »près. Il ne sero it p e u t-ê tre pas ju ste de la
faire v a lo ir p o u r des su cce ssio n s co llatérales a u x q u e lle s la
fille e t ses frères no p o u v o ie n t pas s o n g e r , su r-to u t si les
p erso n n es des su cce ssio n s d esq u elles il s’a g iro it , n ’é to ie u t pas n é e s , lors d e la re n o n cia tio n : n/ais q u e lq u e
�( 19 )
On ne douterait pas de la certitude des consé
quences que l’on vient de tirer des dispositions du
décret du 8 avril 1791, quand on n’auroit eu d’autre
base que ce décret. Mais on en doute encore moins,
si l’on consulte la feuille du M oniteur, du 3 du
même mois d’a v r il, n°. 9 3.
On y voit qu’avant que la loi sur les successions
ab-intestat eût été décrétée, le comité avoitfait k ce
sujet un projet de décret ; que dans l’article 17 de
ce projet, il avoit prévu le cas où il y auroit des
renonciations conventionnelles de la part des filles,
à des successions non encore ouvertes, et qu’il avoit
décide que ces renonciations ne pourraient être op
posées aux filles, lors de l’échéance delà succession.
Mais , M. Chapelier , rapporteur du comité , ayant
mis cet article à la discussion, il fut vivement com
battu, sur-tout par M. Vieillard qui, quoiqu’il eût
personnellement un grand intérêt k ce que cet article
- passât, s’y opposa néanmoins , parce qu'il falloit
craindre les commotions funestes que cette loi nouvelle
soit la re strictio n q u ’o n p o rto clans la suite à l’effet des
re n o n cia tio n s c o n v e n tio n n e lle s , et à ce lu i des fo rclu sio n s
c o n tu m iè r e s ( lesq u elles fo rclu sio n s co u tu m iè re s n e p e u
v e n t a v o irlie u q u e p o u r les m âles m ariés , o u veufs avec cn f a n s , lors de la p u b lic a tio n d u d é c r e t), o n a p e in e à cro ire
q u ’elles soien t a n é a n tie s , q u a n t au x su ccessio n s d irectes
e t a u x succession s co llatérales des degrés les plus p ro ch e s ;
c ’e st-à -d ire , des frères et s œ u rs , o n cles et tan tes, existan s
lo rs de la r e n o n c ia tio n , p arce q u e l’o n a plus p a rtic u liè re
m e n t co m p té su r ces succession s q u e la fam ille d e là fille
rcA o n çan tc avoit l’esp o ir de re c u e illir.
�pourroit produire, si on lui donnoit un effet rétroactif'.
E n conséquence de ces observations qui furent ap puyées par plusieurs autres membres , l’article fut
rejeté, parce qu’il fut dit qu’il n’ y avoit pas lieu à
deliberer. Ce fut ensuite que le décret fut rédigé en
neuf articles, tel qu’il a été sanctionné et envoyé.
^Il est donc démontré, jusqu’au dernier degré d’évidence , et par la toi elle-m êm e, et par les discus
sions qui l’ont préparée , que l’exception portée en
l ’article IV se rapporte aux renonciations conven
tionnelles ; que ces renonciations doivent subsister,
même pour les successions qui ont du échoir après
la publication du décret ; que dès - lors le droit de
Jean, Antoine et autre Antoine Boyer, à la succes
sion d Etienne B o y e r, exclusivement à leurs soeurs,
n e peut être raisonnablement contesté.
Délibéré à Riom, le 20 fév. 1792. S ig n é,G R EN IER .
B E A U L A T O N , L A P E Y R E , G R A N C H IE R i
T O U T T É E , fils, J O U R D E , P A G È S .
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Baron Grenier
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Boyer, Marie. 1792]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Grenier
Beaulaton
Lapeyre
Granchier
Touttée, fils
Jourde
Pagès
Subject
The topic of the resource
renonciation à succession
rétroactivité de la loi
contrats de mariage
forclusion
coutume d'Auvergne
intention du testateur
Description
An account of the resource
Consultation sur l'effet des renonciations conventionnelles, et des forclusions coutumières, d'après le décret du 8 avril 1791.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Landriot (Riom)
Chez Beauvert et Rousset (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1792
1764-1792
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
20 p.
BCU_Factums_B0134
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Baron-Grenier
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Charbonnières-les-Vieilles (63093)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
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contrats de mariage
coutume d'Auvergne
forclusion
intention du testateur
renonciation à succession
rétroactivité de la loi
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Text
; -ï
MÉMOIRE
POUR
Sieur J o s e p h D E G R E IL S D E M ISSILIA C,
appelant d’un jugement rendu par défaut, au
tribunal civil de Saint-Flour, le 22 ventôse
an 7;
CONTRE
La dame M a r i e D E G R E I L S , sa tante,
intimée.
1
D a n s ces temps m alheureux de troubles et d ’orages
qui fuient déjà, loin de nous , les lois révolutionnaires
ont décidé du sort et de la fortune d ’une foule d’indi
vidus.
Ces lois étoient diversement jugées, exécutées dans
A
•
�( 2 )
toute leur rigueu r, ou quelquefois modifiées, suivant
le caractère ou l’opinion de ceux qui dorainoient alors :
mais on a observé qu’en général les personnes-les plus
opposées à ce système destructeur , sont précisément
celles qui ont voulu tirer le meilleur parti de ces lois
oppressives, et qui en ont en effet profité dans tout ce
qu’elles présentoient d’avantageux à leurs intérêts.
Cette cause en est un nouvel exemple. Un arrangement
avoit eu lieu, depuis loggxjes années, dans une famille
honorable : des filles âgées et célibataires avoient traité
avec leur frère ; elles avoient cédé leurs droits successifs
m o y e n n a n t une somme certaine qui les mettoit à l’abri
de toute inquiétude, et au-dessus des besoins de la vie.
Contentes de leur sort, elles n’eussent jamais osé se
plaindre dans l’ancien ordre de choses, et toute récla
mation eût été vaine.
/
On sent que parmi des gens bien nés on ne prend pas
toutes les précautions légales : les cessions étoient sous
seing privé. La l’évolution arrive; les enfans du cédataire
émigrent ; les Hiens du père sont séquestrés. Quel avan
tage pour lui de n’avoir traité que sous seing privé avec
ses cohéx-itiers !
On peut dissimuler ces actes, demander un partage à
la nation, soustraire une portion des biens. On use de
ce moyen , qui paroît infaillible : les sœurs cédantes
0 obtiennent leur part héréditaire. La mort a frappé plu
sieurs d’èntr’elles*, une seule survit, elle est nonagénaire :
l’exploitation des biens est au-dessus de ses forces; elle
n’a jamais usé du droit ou de la faculté qu’elle avoit
obtenue de l’administration. Mais aujourd’hui elle a
�( 3 )
d’autres idées, d’anciens souvenirs, ou plutôt e’ Ie est
dm gée et séduite par un ambitieux. B ref, elle a pris
goût à la propriété; elle veut que le délaissement qui
lui a été fait soit sérieux ; elle ne craint pas d’accabler
un neveu, un père de famille dont les pertes sont im
menses , et que cette nouvelle prétention réduiroit à la
misère.
La demoiselle de Greils p e u t-e lle espérer quelque
succès d’une démarche aussi téméraire? L ’appelant ne
fait pas cette injure aux magistrats qui doivent prononcer
sur son sort.
F A I T S .
r i anço is de la Volpilière et Marie Vedelène, auteurs
communs des parties, eurent cinq enfans; savoir, Fran
çois, Guillaume, Claude, Honoré et Marguerite.
François, l’aîné, marié à Louise Brugier, a donné le
jour à trois enfans, Gaspard, Madeleine, et Claude, se
cond du nom.
D u mariage de Gaspard de la Volpilière avec demoi
selle Marguerite Cat de Rastinliac, sont issus q u a t r e
enfans; Bertrand, père de l’appelant, M arie, q u i est
l’intimée, Magdeleine et Anne : les trois filles n ’o n t pas
été mariées; l’une d’elles, M agdeleine, est décédée en
l’an 2 ; Anne est morte en l’an 10.
Bertrand de la V olpilière, marié à Jeanne Rastinhac,
a donné le jour à trois enfans; Joseph, a p p e l a n t , marié
a Louise-Rose de P estel, François et Anne : les deux
puînés ne figurent pas dans la cause, ou du moins François
A 2
�( 4 )
ne se montre que sous le nom de sa vieille tante, à qui
la nature a départi un grand brevet de. longévité.
Suivant les énonciations qui se trouvent dans le juge
ment dont est appel, François de la Y olp ilière, second
du nom , aïeul et bisaïeul des parties, étoit donataire de
ses père et m ère, à la charge de payer une légitime
conventionnelle à ses frères et sœ ur, légitime fort audessus des forces réelles des successions.
Un traité du 24 septembre 1694, énoncé dans le môme
jugement, porte délaissement de la part du donataire aux
puînés, d’un d o m a i n e appelé du Bousquet, pour les l’emplir
de leur a m e n d e m e n t .
L e 1 3 juillet 1698, Claude, premier du nom , l’un de
ces puînés, fit donation entre-vifs à François, son frère,
de tous ses biens présens, qui consistoient principalement
dans le quart du domaine du Bousquet, délaissé par l’acte
précédent.
( Mais le donateur grève cette disposition d’une substi
tution en faveur de l’aîné des enfans mâles de son frère;
à son défaut, à la fille aînée, ou tel autre enfant, de
degré en degré, qui seroit encore vivant.
François, donataire, fit son testament en 1716; légua
pour légitime, une somme de 1200 francs à Magdeleine ,
sa fille; celle de 600 francs à Claude, deuxième du nom,
son fils puîn é; institua la dame Brugierj son épouse,
h é r i t i è r e . universelle, à la charge de remettre son hérédité
h Gaspard, son fils aîné.
Gaspard de la Volpilière, après le décès de son père,
devoit être appelé à l’ecueillir la succession de Claude,
premier du nom , son oncle, qui lui étoit substituée.
�( 5 ),
Mais il prédécéda
son
oncle,
et alors * O
A
7 donateur;
i
deleine, sa sœur, en vertu de la clause de la donation
qui appeloit la fille aînée à défaut de l’aîné des mâles,
recueillit le bénéfice de la donation du 13 juillet 1698.
L e 2Ô avril 1747, Bertrand de la Volpilière, frère de
l’intimée, et père de l’appelant, contracta mariage avec
Jeanne Rastinhac : la dame de Brugier, son aïeule, lui
fit donation de tous ses biens, sans autres charges que de
payer à ses sœurs une somme de i 5o francs chacune;
Magdeleine de la V olpilière, tante de Bertrand, lui fait
donation de tous ses biens et droits, et par exprès de la
portion qu’elle amendoit dans le bien du Bousquet, pour
avoir recueilli l’effet de la substitution portée en la do
nation de Claude, premier du nom.
V oilà donc Bertrand de la Volpilière propriétaire de
tous les biens et droits de son aïeule, du quart du do
maine du Bousquet, en vertu de la donation de sa tqnte;
ce qui lui donnoit des prélèvemens considérables sur la
succession de son p è re , dont il amendoit également sa
p ortion, et qui n’étoit rien moins qu’opulente.
C ’est en cet état que le 20 avril l'jBg, il fut passé un
traité sous seing p rivé, entre le sieur Bertrand la V o l
pilière et les dames ses sœurs-, traité qu’il est i m p o r t a n t
d’analiser, pour en faire connoître toute la force, et l’in
fluence qu’il doit avoir dans la contestation s o u m is e a u
jugement de la Cour.
Par cet acte, les trois filles majeures f a i s a n t des vœux
pour la conservation des biens dans leur famille , et
voulant éviter toutes discussions, r e n o n c e n t ail partage
quelles avoient droit de prétendre sur Jcs successions des
�(
6
)
père et m ère, et s’en démettent au profit d e ‘Bertrand la
V o lp iliè re , leur frère.
Cette renonciation est faite moyennant la somme de
35 oo francs, que le frère s’oblige de payer à chacune
d’elles, en sept termes égaux de 5oo francs chacun, avec
les intérêts à compter du jour du traité.
L e premier terme échoira à la volonté des renonçantes,
lorsqu’elles en feront la demande, ou lorsque le cédataire voudra se libérer; mais comme 1 interet est cependant
fixé à i 5o fr. par année, ce qui 11e fait pas précisément
le revenu de la totalité du principal, cet intérêt sera
payé sans retenue.
Il est ajouté : « Afin que mesdites sœurs puissent
« vivre de leurs revenus, et ne touchent point à leurs
« capitaux, je promets payer la somme de ^5o francs en
« trois termes ég a u x , de quatre en quatre m ois, dont
« le premier doit échoir au I er. mai lors prochain, sans
« imputation sur le capital. »
D e plus, le sieur de la Volpilière du Bousquet, cède
et abandonne à ses sœurs, pendant leur v i e , l’entière
jouissance de la maison de Vi'gouroux, de l’écurie, bassecour et jardin potager : les grosses réparations restent à
la charge du cédataire ; tous les meubles doivent aussi
rester aux renonçantes, sauf l’inventaire, mais sans qu’elles
soient tenues à aucune indemnité pour cause de dépé
rissement.
L e frère leur cède encore, pendant leur v ie , vingtcinq à trente charretées de bois que les fermiers de
Roupon et du Bousquet sont tenus de porter, chaquo
année, dans la maison de Vigouroux : il promet de
�( 7 )
faire obliger et contraindre à l’avenir, à cette conduite,
tous métayers ou fermiers.
A u moyen de ces conventions, les demoiselles de la
V olpilièrc tiennent leur frère quitte de tous droits légitim aires, tant paternels que maternels, de ceux échus
des oncles, tantes, aïeuls et aïeules; le sieur Bertrand de
la Volpilièrc devient responsable de toutes les dettes
contractées jusque hui, de même que de toutes créances
légitimes, pour dépenses, réparations, nourriture de ses
sœurs, et généralement pour quelque cause que ce soit.
Cet acte est fait en présence de la famille, et revêtu
de la signature des parties comme des parens, tels que
M M . Lastic de la Vergnette, Lastic de l’Escures , la
T e r risse, etc.
L e 3 mai 1769 , le sieur Joscpli Cat de Rastinliac
fuit son testament olographe, par lequel il institue pour
son héritier universel le sieur Bertrand de la V olpilière,
son neveu.
La cession de droits dont il vient d’être parlé a eu
sa pleine et entière exécution du jour de sa date. Il est
même fait mention dans l’acte que ces arrangemens de
famille avoient eu lieu depuis plus d’un an avant leur
rédaction.
Les demoiselles de la Volpilière firent un inventaire
des meubles, aussi sous seing privé; elles ont r e ç u leurs
intéi’êts, ainsi qu’il résulte d’une foule de quittances,
également sous seing p riv é , dont l’appelant est porteur.
Le i 5 janvier 17775 Joseph de la V o lp iliè re , appelant,
épousa dem oiselle Louise-Rose de Pestel ; son p ere lui
fit donation de la m oitié de ses biens , et promit de
�(8)
n’instituer d’autre héritier que lui dans le surplus, sous
la reserve de ses effets actifs, et d’une somme de 14000 fr.
La dame de Rastinhac , sa mère , fait une semblable
disposition en sa faveur, sous la réserve d’une somme
de 6000 fr. Le contrat contient encore une donation de
la terre de Roupon au profit de l’appelant. '
Tels sont les règlemens de famille : l’union y avoit
toujours régné. Lorsque la révolution arrive, l’appelant
et son frère émigrent : tous les biens du père sont sé
questrés en vertu des lois du temps. Il étoit alors septuagénaire, et se voyoit sans ressource.
Les p a r e n s et les amis conseillent au sieur Bertrand
de G r e i l s de mettre de côté les actes souscrits par ses
s œ u r s , et de leur faire demander le partage des biens
des auteurs communs , pour sauver du naufrage cette
partie, avec d’autant plus de raison qu’on craignoit qu’il
ne fût procédé à la vente des objets donnés au fils aîné,
qui est l’appelant.
On présente une pétition sous le nom de deux sœurs
du sieur Berterand de Greils, qui étoient alors vivantes
(M agdeleine, l’une d’elles, étoit m orte), à l’adminis
tration centrale du département. Cette pétition reste
quelque temps dans l’oubli ; mais enfin après la loi qui
obligeoit les ascendans- d’émigrés de faire le partage avec
la nation, il devint pressant de faire statuer sur la de
mande des sœurs. L ’administration prit un arrêté, le 29
o-erminal an 4 5 Par lequel il est dit que la demande en
partage formée p;ir les demoiselles de Greils ne concerne
pas les corps administratifs : c’est une discussion qui est
toute entière du ressort des tribunaux ; en conséquence
les
�(9)
les demoiselles de Greils sont renvoyées devant les tribu
naux compétens , pour se pourvoir contre leur frère;
et à cet effet sont autorisées à citer le commissaire près
l’administration ; mais en même temps l’arrêté autorise
les Fermiers du domaine de Roupon et de la montagne
de Trilissons , à faire compte provisoirement aux péti
tionnaires, de la moitié des fermages de ces biens.
L e 20 messidor an 4, les demoiselles de Greils citent
leur frère devant le tribunal civil de Saint -F lo u r;
elles assignent pareillement le commissaire du gouver
nement.
Elles concluent à ce que leur frère soit tenu de venir
h division et partage des biens meubles et immeubles
dépendans des successions de Gaspard Greils et Margue
rite Rastinhac, pour leur en être expédié à chacune un
quart, et un tiers du quart revenant à M agdeleine, dé
cédée ab intestat.
Elles demandent la nullité de la substitution prétendue
faite par Claude, leur grand-oncle, le 13 juillet 1698;
elles prétendent que cette substitution n’a pu profiter à
Magdeleine Greils, tante des parties, mais qu’elle a dû
revenir à Gaspard G reils, fils à François, et à ses descendans.
Elles soutiennent n’avoir reçu aucun mobilier ; que
tout celui qu’elles possèdent est le fruit de leur économie.
Cependant l’inventaire qui fut fait, à la suite de leur
cession est entre les mains de l’appelant.
Elles demandent en conséquence le rapport du mobiliei suivant l’inventaire ou suivant la commune renomïn ee, la institution des jouissances, le payem ent des
B,
�( 1° )
dégradations; elles concluent
ce que ces jouissances
leur soient payées en biens-fonds , attendu la maxime :
F ructus augent hozreditatâtn.
Elles demandent aussi, i° . le payement d’une somme
de i5o francs pour chacune d’elles, montant du legs de
Louise Brugier, leur aïeule, et énoncé au conti’at de
mariage de le ur frère; 2°; celle de 100 francs pour les
deux tiers de pareille somme de i 5o francs donnée à
M agdeleine, leur sœur; 3 °* une sotnme de 1000 francs
léguée à chacune d’elles par Joseph Cat de Rastinhac,
dans son t e s t a m e n t du 3 mai 1769 ; 40. les deux tiers
de pareille somme de 1000 francs, du chef de Magde
leine. Toutes ces sommes doivent leur être payées en
biens-fonds.
Elles offrent de tenir en compte la somme de i 5o fr.
qui leur a été payée chaque année par leur frère , de
déduire sur les jouissances celles qu’elles ont faites de la
maison de V igou ro u x, du jardin, et d’un pacage y at
tenant.
On sent que Bertrand de Rastinhac se garde bien de
contester : il ne comparoît pas sur cette demande; la lutte
ne s’établit qu’avec le commissaire du gouvernement.
Celui-ci demande acte de ce que, tant sur la demande
en payement du legs de Joseph Rastinhac, que sur celle
en partage de la succession de Gaspard G reils, il s’en
rapporte à la prudence du tribunal; mais il soutient
qu’avant tout partage il doit être prélevé au profit de
Bertrand G r e i l s , comme donataire de Magdeleine Greils,
sa tante, et de Louise Brugier, son aïeule, i° . le quart
des héritages dépeudaus du domaine du Bousquet, énoncés
�en la donation et substitution de 1694, parce que le
commissaire trouve cette substitution très-valable.
20. Il consent qu’il soit procédé à ce partage des biens
dépendans de la succession de François Greils, aïeul des
parties, consistansdans le surplus du domaine du Bousquet,
celui deR oupon, la maison des Vigouroux et ses dépen
dances, ensemble du mobilier énoncé en l’inventaire
porté au testament de François G reils, pour en être
délaissé un neuvième du chef de Magdeleine Greils,
tante, deux tiers de neuvième revenans à Claude Greils,
dans la môme succession, lesquelles portions revenoient
à Bertrand G reils, comme donataire de sa tante.
30. Que Bertrand Greils sera également autorisé à
p rélever, avant tout partage, les reprises matrimoniales
de Louise Brugier, son aïeule, à la charge néanmoins
de payer à chacune de ses sœurs la somme de iô o fr .
à elles donnée par leur aïeule.
L e commissaire du gouvernement consent que le sur
plus de la succession de Gaspard soit partagé en trois
portions égales, pour en être attribué aux deux deman
deresses chacune un tiers , h la charge de rapporter les
meubles et immeubles dont elles sont en possession,
et de contribuer, dans la proportion de leur amende
ment , aux dettes de la succession.
Mais il s’élève fortement contre la prétention des
deinanderesseâ, qui vouloient qu’il leur fût expédié des
biens-fonds pour le montant de leurs legs, ou pour la
restitution des jouissances ; elles sont simplement créan
cières de deniers pour tous ces objets.
. On ne doit pas dissimuler qu’on trouve dans les faits
B a
�( 12 )
énoncés nu jugement, la mention d’ un exploit sous la
date du 14 juin 1786, et qu’il y est dit que par cet
exploit M arie, Anne et Magdeleine de Greils avoient
formé contre B e r t r a n d , leur frère, au ci-devant bail
liage de V ie , la demande en partage des successions des
père et mère communs , pour leur en être délaissé à
chacune un quart, avec offres de se restreindre à un
supplément de légitime, s’il étoit justifie de dispositions
valables de la part de Gaspard Greils et Marguerite
Rastinhac, père et mere communs.
Cette c i r c o n s t a n c e est assez indifférente, et n’auroit
pas eu b e s o i n d’être relevée, si o n n’étoit prévenu que
l’iutiinée entend s’en faire un moyen.
Quoi qu’il en soit, le 22 ventôse an 7 , fut rendu le
jugement qui est aujourd’hui soumis à l’examen de la
Cour, et dont suivent les motifs et le dispositif.
« Attendu que d’après la clause insérée dans l’acte
« de 1698, Gaspard la V o lp ilière, fils aîné de François,
« devoit recueillir l’eiîet de la substitution, et après
« son décès, Magdeleine la V o lp ilière, fille aînée dudit
et François;
« Attendu que François et Gaspard la Volpilière ont
« prédécédé Claude, donateur; quelesenfans de Gaspard
« ne se trouvent ni dans la condition ni dans la disposi« tiou ; d’où il suit que Magdeleine la Volpilière a
« recueilli l’effet de la substitiou, surtout Agissant d’une
« donation en collatéral, et hors contrat de mariage;
oc Attendu que Magdeleine la Volpilière et Louise
« Brugier ont valablement disposé de leurs biens au
<r profit de Bertrand Greils, par son contrat de mariage
�( i3 )
« de 1747 5 qu’ainsi il doit être fait distraction , avant
« partage, sur les Liens dont il s’agit, des portions
« revenantes à Magdcleinela Volpilièreet Louise Brugîer;
■« Attendu que d’après tous les principes du droit, Je
« montant des legs est payable en deniers et non en,
« fonds, que d’ailleurs Louise Brugier n’avoit qu’une
« dot mobiliaire ;
« Attendu que les fruits augmentent l’hérédité et en
« font partie , d’où il suit que le légitiinaire a le droit
« de les demander en biens-fonds ;
« Attendu les offres faites par les demanderesses de
« rapporter ce qu’elles ont re çu , et les jouissances par
« elles perçues ;
« Attendu qu’il n’est pas établi que les demanderesses
« aient .fa it aucune cojivention avec Bertrand Greils,
« pour raison des restitutions de jouissances, ni qu’elles
« aient profité d'aucune espèce de mobilier ;
« Le tribunal donne défaut, faute de com paroir,
« contre Bertrand Greils ; et pour le profit, sans s’arrêter
« ni avoir égard à la demande en nullité de la substi« tution portée en l’acte de 1698, dont les demanderesses
« sont déboutées , condamne Bertrand Greils à venir à
ci division et partage avec ses sœurs, des biens meubles
« et immeubles dépendans des successions de Gaspard
« Greils et Marguerite Rastinliac, auteurs communs, pour
« en être expédié à chacune des demanderesses un tiers,
« tant de leur chef que de celui de Magdeleine, leur sœur;
« Ordonne qu’avant partage distraction sera faite au
« profit de Bertrand G reils, i ° . du q u a r t des butimens
« et héritages dépendons du domaine du Bousquet ?
�C 14 )
« délaissés par l’acte de 1694-, 20. du neuvième, et d’un
« autre tiers de neuvième revenant à Bertrand Greils
« dans la même succession, du chef de Louise Brugier,
k comme ayant succédé pour un tiers à Claude la V ol« pilière, son fils; ordonne que les parties conviendront
k d’experts, etc. » Le rapport du mobilier est ordonné
suivant l’inventaire , ou suivant la preuve par commune
renommée, avec l’intérêt de ce mobilier depuis l’ouver
ture des successions.
Bertrand Greils est c o n d a m n é à restituer les jouissances
depuis la m ê m e époque, avec les întcrets de ces jouissances
depuis la d e m a n d e d e 1786.
Les demanderesses sont tenues de rapporter , i° . la
somme de 1 5o francs qu’elles ont touchée chacune depuis
vingt-neuf ans avant la demande de 1786; 20. les deux
tiers de la" même somme touchée par Magdeleine, leur
sœur ; 30. la valeur de dix chars de bois par elles perçus
depuis la même époque; 40. les loyers et restitutions de
jouissances de la maison, jardin et pré situés à V igouroux.
Ces jouissances doivent être compensées jusqu’à due con
currence avec le montant de la restitution qui leur est
allouée ; l’excédent doit leur être ï>ayé en biens-Jbnds
de la succession.
B e r t r a n d Greils est condamné à payer à ses sœurs,
1°. à chacune d’elles i 5o francs, légués par Louise Bruo-ier ; 20. celle de 100 francs pour les deux tiers revenans
à M agdeleine, leur sœur , avec intérêt du tout depuis la
demande ; 30. la somme de 1000 francs ù chacune d’elles,
montant du legs du sieur Cat de Rastinhac ; 40. les deux
�(i5)
tiers de cette somme du chef de Magdeleine, avec intérêt
depuis l’échéance des termes.
Les demanderesses sont condamnées à payer à leur
frère les deux tiers des reprises matrimoniales de Louise
Brugier, les dettes par lui acquittées sur les successions,
avec intérêt depuis la même époque que les restitutions
de jouissances : les sœurs doivent contribuer dans la pro
portion de leur amendement aux dettes non encore ac
quittées.
Sur le surplus des demandes, les parties sont mises hors
d’instance ; les dépens sont compensés, pour être em
ployés en frais de partage et supportés par les parties au
prorata de leur émolument: le jugement est déclaré com
mun avec le commissaire du pouvoir exécutif près l’ad
ministration centrale du département.
Cette opération term inée, le sieur Bertrand de Greils
p ère, crut devoir se rassurer sur les événemens : les lois
devinrent moins rigoureuses-, l’année qui suivit ce juge
ment fut une époque heureuse pour la France. L e héros
magnanime qui nous gouverne parut dans toute sa gloire;
les proscrits furent rappelés, et retrouvèrent une patrie;
enfin le sénatus-consulte de floréal an 10, ordonna la res
titution de tous les biens des émigrés qui n’avoient pas
encore été vendus.
Les sœurs de Greils se félicitèrent elles-mêmes de ces
cliangemens avantageux : leur frère conservoit sa fortune;
elles laissèrent dans l’oubli ce jugement que les circons
tances leur avoient fait solliciter.
Elles n’ont rien réclamé ; l’une d’elles est décédee avant
�C 16 )
s011 frère , qui a vécu jusqu’au 14 avril 1806, et a poussé
sa carrière jusqu'il l’âge de quatre-vingt-cinq ans.
Pendant toute sa vie , le jugement de l’an 7 a resté sans
exécution. Le sieur Bertrand deGreils jouit comme de cou
tum e, donna, à titre de ferm e, pour sept ans, les biens
que convoite l’intimée : ce bail est du 2 nivôse an 9, et
a eu sou exécution. Mais un an après le décès de Bertrand,
et le I er. décembre 1807, M a r i e de Greils a imaginé de
faire signifier ce jugement au sieur Joseph de Greils,
son neveu , trouvé et compris dans une auberge de
Pierrefort.
On lui notifie en même temps le testament d’Anne de
G reils, sa tante , en date du 8 ventôse an 10, par lequel,
usant du bénéfice de la loi du 4 germinal an 8 , elle lègue
en préciput à M arie, sa sœur, la moitié de tous ses biens,
et fait quelques autres legs particuliers fort insignifians ,
puisqu’ayant un frère, elle ne p o u vo it, aux termes de la
même lo i, donner que la moitié de ses biens.
La demoiselle Marie de Greils , par cette signification,
fait commandement à son neveu de satisfaire à ce juge
ment , et de lui payer toutes les condamnations qu’il
prononce en principal, intérêts et frais, tant de son chef
que comme héritière de sa sœur Anne.
L e sieur Joseph de G reils, étonné de cette démarche,
qui est une perfidie , et qu’on a arrachée à la foiblesse
d’une fille nonagénaire , prend le parti d’interjeter appel
de ce jugement par exploit du 12 février 1808.
L ’appelant, par cet acte, rend un compte exact des »
arrangeinens de fam ille, rappelle l’exécution constante
do
�( i7 )
de ces actes, observe que le partage n’a été demande
par ses tantes, que de concert avec leur frère; qu’elles y
avoient été admises contradictoirement avec le commis
saire du gouverment, mais par défaut contre le frè re,
qui étoit alors obligé, pour son propre intérêt, de dis
simuler la cession de 1759.
Mais il a ajouté que jamais ses tantes n’ont réclamé
l ’exécution du jugem ent, qu’elles n’ont fait aucun acte
de propriété sur la portion qui leur avoit été destinée
par le partage national ; que le tout a resté dans les mains
de son p ère, et après sa mort entre celles du fils, son
donataire.
Qu’il est bien fondé à se plaindre de cette démarche
hostile; qu’il entend faire valoir la cession de 17^9,
qu’il a soumise à la formalité de l’enregistrement ; faire
réformer un jugement qui n’a plus d’objet, et qui n’existeroit pas si son père avoit fait connoître la cession de
droits successifs qu’il avoit dans les mains.
La demoiselle de Greils n’a pas moins insisté dans ses
prétentions, ou plutôt celui qui la dirige a fourni des
moyens que la moralité repousse, que l’équité proscrit,
et que la justice ne peut accueillir.
E t d’abord, que toute idée d’opulence et de grandeur
disparoisse au plus léger examen de la valeur des biens
de cette famille.
L e traité de 1694 prouve que François de la Volpilière se plaignoit de ce que les légitimes convention
nelles excédoient la disposition qui avoit été. faite a son
profit; les cohéritiers en conviennent e t acceptent le de-
�( 18 )
laissement du domaine du Bousquet pour les remplir de
tous leui’S droits.
Bertrand de la V olpilière, son petit-fils, n’étoit pas
plus opulent : les dettes étoient considérables, et le bien
m odique; la valeur ne s’élevoit pas à 30000 fr. T out
étoit dans un état de délabrement et de ruine ; les ré
parations nécessaires étoient au-dessus de ses forces. Ces
trois sœurs expriment leux* intention de conserver les
biens h leur frère ; elles prennent des arrangemens en
pleine m a j o r i t é , en présence de leurs parens et d’un
conseil éclairé.
'
Elles c è d e n t tous leurs droits successifs, jus et nomen
Jicercdis ; elles se dégagent de toute inquiétude, des
embaiTas d’une liquidation, du payement des dettes dont
le frère devient seul responsable.
Une convention de cette nature est nécessairement irré
vocable, et ne peut être sujette à restitution ; c’est un
acte aléatoire, incertain dans ses effets, et l’incertitude
de l’événement rend nécessaix’ement le marché égal.
Comment apprécier le gain ou la perte, lorsque l’évé
nement le plus commun peut réduire le cédatairp à un
état fâcheux ? Il ne faut qu’une promesse, un billet ignoré
du d éfun t, pour absorber la fortune qui paroît le plus
s o l i d e m e n t établie. Les créanciers ont trente ans pour
former leur demande, l’action en restitution ne dure que
dix ans; il est donc impossible de vérifier la lésion: une
s e m b l a b l e p r o p o s i t i o n n’a pas, besoin d’un grand déve
loppement. Dans tous les cas, on peut invoquer sur ce
point la doctrine des auteurs, de Legrand sur Troies,
�( i9 )
de Lebrun dans son Traité des successions, au titre des
renonciations, de M . Daguesseau dans son onzième
plaidoyer. Ce magistrat immortel compare le cédataire
de droits successifs à un homme qui marche sur un
feu caché sous la cendre, incedit super ignés suppositos cmere doloso ; il pense qu’on ne peut jamais consi
dérer une cession de droits comme un partage sujet à
restitution, parce que la cession est précisément déné
gative de tout partage, et que celui qui vend ju s et
nomen hœ redis, déclare qu’il ne veut pas être héritier.
Cette doctrine admise dans l’ancienne jurisprudence,
est devenue une règle de droit d’après l’article 889 du
Code N apoléon, qui porte que l’action en restitution
n’est pas admise contre une vente de droits, successifs
faite sans fraude à l’un des cohéritiers, à ses risques,
périls et fox*tunes , par ses auti-es cohéritiers ou l’un
d’eux.
Dans l’espèce, la cession est faite par tous les cohé
ritiers ; elle est aux risques, périls et fortunes du sieur
de Greils. Ses sœurs abandonnent la qualité d’héritières,
elles le chargent de toutes les dettes de la succession ,•
il est donc impossible de revenir contre un acte qui les
met à l’abri de toute incertitude et de toutes recherches.
L a demoiselle de Greils sera forcée de rendre hom
mage à ces principes , puisqu’elle renferme sa défense
dans des moyens de forme et des fins de non-recevoir.
Suivant elle, cette cession de 1769 est nulle; c’est un
acte synallagmatique ; il y avoit quatre parties contrac
tantes , les trois sœurs cédantes , et le frère cédataire.
Cependant il est seulement exprimé que l’acte a été fait
�C 2° )
double, tandis qu’il devoit être quadruple; dès-lors il n’y
a point d’engagement valable.
Ce moyen poarroit-il être sérieusement proposé ? En
général, avant la promulgation du Gode, on tenoit pour
c o n s t a n t , dans l’usage, qu’il suflisoit pour la validité d’un
actesynallagmatique qu’il contînt la mention f a i t double;
011 11’avoit aucun égard, on ne considéroit pas môme
le nombre des parties c o n t r a c t a n t e s ; on n’exigeoit pas
qu’il fût expressément dit qu’il avoit été fait triple., qua
druple , quintuple ou s e x t u p l e : des qu il étoit mentionné
f a i t double, on devoit l’exécuter, parce qu’on supposoit que chacune des parties le connoissoit suffisamment.
Mais pour exiger un double pour chacun, faudroit-il
que chacune des parties eût un intérêt distinct? O r ,
ici il n’y avoit véritablement que deux parties : les sœurs
cohabitoient ensemble, et devoient continuer cette vie
commune; c’étoit le même intérêt, la même habitation,
les mêmes clauses, les mêmes sommes étoient stipulées
pour chacune d’elles ; les trois filles réunies traitoient
avec leur frère dans les mômes intentions, pour la même
chose, pour le môme intérêt; il n’y avoit donc besoin
quô de deux doubles , l’un pour les trois sœurs, afin
qu’elles eussent les moyens d’obliger leur frère à remplir
scs engagerons, et l’autre pour le frère , afin de repousser
toute demande en p a r t a g e de la p a r t de ses sœurs. Dèslors avec deux doubles le but de la loi étoit rem pli,
et l’intérêt des parties contractantes étoit à couvert.
Mais on va plus lo in , on supposera même qu’il n’y
eût dans l’acte aucune mention qu’il a été f a i t double,
Marie de Greils n’en seroit pas mieux fondée dans sa
;
�(21
)
prétention. En effet, le Gode Napoléon, qui a réduit
toutes ces réclamations à leur juste valeur, contient en
l’article 1325, §. dernier, ces expressions remarquables:
« Néanmoins' le défaut de mention que les originaux
« ont été faits doubles, triples , etc. , ne peut être
« opposé par celui qui a exécuté de sa part la conven« tion portée dans l’acte. »
O r , Marie de Greils est bien forcée de convenir que
cet acte de 1 7 % a eu sa pleine exécution : son aveu est
consigné partout, dans l’inventaire, dans les quittances
qu’elle a fournies, dans le jugement même dont est appel,
où elle offre de tenir à compte les i 5o francs qu’elle a
reçus par année , les jouissances de la maison de V igouroux, jardin, écurie, et le bois qui lui a été livré;
de manière qu’il n’y a aucune incertitude sur ce point
de fait.
Eli ! qu’elle ne dise pas que le Code Napoléon fait en
ce point un droit nouveau ; qu’il ne peut avoir d’eflet
rétroactif sur une convention qui remonte à cinquante
ans! D ’abord ce seroit une erreur, parce que le Code doit
régler le sort des actes ordinaires sur lesquels il ne s’élève
des discussions que depuis sa promulgation : et il y a
bien moins de doute, lorsque le Gode ne fait que se ré
férer aux anciennes lois ; il en est alors la meilleure in
terprétation : et dans l’espèce particulière, sa disposition
est tellement raisonnable, qu’il semble qu’on a toujours
dû penser et juger de m êm e, parce que l’exécution des
actes est le guide le plus certain, l’interprétation la plus
sûre qu’on puisse leur donner. D ’ailleurs, dans l’ancien
ordre, il suflisoit de la mention du double, en quelque
�( 22 )
nombre que fussent les contractons, parce que cette men
tion supposoit que chacun avoit dans les mains tous les
moyens d’exécution.
Ainsi disparoît ce premier m oyen , qui ne fait point
honneur à la loyauté et à la bonne foi de l’intimée.
Elle oppose ensuite que le jugement dont est appel
a aujourd’hui passé en force de chose jugée-, elle sou
tient, i° . que l’appel est non recevable, parce qu’il a
été rendu contradictoirement avec le commissaire du
pouvoir exécutif; a°. que le sieur Bertrand Greils l’a
ex’écuté : et on veut faire résulter' un acquiescement, de
ce que le sieur Bertrand Greils a fait le partage avec la
nation , qu’il a pris l’expédition du jugement qu’avoient
retirée ses sœurs, et enfin que par une lettre du 8 vendé
miaire an 8 , il a écrit qu’il ne contestoit pas à ses sœürs
la portion qui leur avoit été attribuée. Il faut examiner
séparément chacune de ces objections.
En premier lieu , comment l’appel du sieur Joseph
de Greils seroit-il non recevable? le jugement est rendu
par défaut, faute de comparoir, contre son père; il n’a
jamais été signifié au sieur Bertrand de Greils.
A la vérité , et quoique l’intimée ne rapporte aucun
exploit de signification , elle veut y suppléer par une
prétendue saisie qu’elle dit avoir faite entre les mains
d’ un débiteur de son frère.
Mais d’abord, dans tout ce qui est rigoureux, rien ne
peut suppléer à une signification ; z°. rien n’empêclie
de faire une saisie-arrêt entre les mains d’un tiers, en
vertu d’un jugem ent, avant qu’il ait été signifié î\ la
partie, parce qu’une saisie-arrêt n’est qu’un acte con
servatoire,
�( 23 )
On va plus loin , on supposera même qu’il ait été
signifié, celte précaution n’en seroit pas plus importante
clans la cause. En effet, la loi du 16 août 1790 dit que
l’appel d’un jugement contradictoire ne sera pas reçu ,
s’il n’a été interjeté dans les trois mois à compter de sa
signification à personne ou domicile.
Il ne s’a g it, dans la lo i, que d’un jugement contra
dictoire , et on ne peut raisonner d’un cas à un autre.
Ij’appel d’un jugement par défaut n’est donc nullement
lim ité; il seroit recevable après les trois m ois, même
dans les dix ans, à compter de sa signification, aux termes
de l’ordonnance de 1667.
Cela est si vrai, que la question s’est élevée, non sur
un premier jugement par défaut, mais sur un second,
également par défaut, qui déboutoit de l’opposition au
premier. On vouloit considérer ce second jugement
comme contradictoire et définitif, dès qu’on ne pouvoit
l’attaquer que par la voie de l’appel; cependant le direc
toire exécutif, par un arrêté très-précis, décida que la
rigueur de la loi ne pouvoit s’appliquer à un jugement
de ce genre, et la jurisprudence des temps se conforma
à cet arrêté, même après la suppression du directoire,
et jusqu’à la promulgation du Code de procédure, qui
établit de nouvelles règles pour l’appel des jugemens
par défaut. La Cour l’a ainsi jugé par p lu s i e u r s arrêts,
notamment dans la cause du sieur Mazeyrut contre les
héritiers Barba t.
Ainsi quand bien même on rapporteroit aujourd’hui
la signification de ce jugement au sieur Roupon luimême , l’appel seroit toujours recevable, car il ne s’est
�(H )
pas écoulé dix a n s ’ depuis l’obtention du jugement jus
qu’à l’appel ; et si on vouloit user des nouvelles dispo
sitions du Gode de procédure, l’appel de Joseph de
Greils est venu dans les trois mois de la signification :
il n’y a donc pas de fin de non-recevoir.
M ais, d it-o n , ce jugement est contradictoire avec la
partie publique, qui représentoit alors le sieur deRoupon.
O ù l’intimée a-t-elle trouvé que le commissaire du gou
v e r n e m e n t représentât lë sieur Bertrand de Greils? Si le
sieur Bertrand de Greils eût été émigré lu i-m ê m e , si
s e s
b i e n s eussent été confisqués au profit de la nation,
on p o u r r o i t rigoureusement dire que; l’émigré a é t é re
présenté par la partie publique.
• Ici le sieur de Roupon étoit seulement ascendant d’é
migré ; ses biens n’étdient nullement confisqüés. Une
loi dé l’an 3 vouloit què les ascendans fissent le partage
de leurs biens, âpres un prélèvement de 20000 francs,
parce que la nation pren oît, à titre de présuccession ,
la portion revenante auxjémigrés. Dans ce cas, la pré
sence du commissaire étort essentielle ou nécessaire, non
pour représenter l’ascendant contre lequel il étoit partie,
mais pour veiller à l’intérêt du gouvernement et pour
empêcher les fraudes.
L e sieur Roupon, au lieu d’être représenté par le com
missaire , avoit au contraire à le combattre ; c’étoit sa
partie adverse, et la plus redoutable, parce que les armes
n’étoient pas égales; et ce combat, cette discussion qui
s’élevoit entre l’ascendant d’émigré et la partie publique,
répugne à toute idée de représentation, puisque les in
térêts étoient si fort opposés.
Le
�(
)
L e jugement dont est appel, est donc purement et sim
plement un jugement par défaut, faute de comparoir,
contre le sieur Roupon -, par conséquent il a pu l’attaquer
par la voie de l’appel ; et son fils, qui le représente, a
eu le même droit que lui.
L ’intimée ose ensuite prétendre que le sieur Bertrand
de Greils, son frère, a acquiescé à ce jugement, et l’a
pleinement exécuté ; elle a conservé fidèlement deux
lettres, dont elle ne rougit pas de faire usage.
Dans l’une, sans date, son frère lui demande l’expé
dition de ce jugement, pour l’envoyer au département,
afin que le partage se fasse avant la fa ta le loi qu'on
nous annonce.
Eli quoi ! ce père infortuné craint qu’on ne le dé
pouille entièrement ; il veut conserver quelques débris
de sa fortune; il presse l’exécution d’un partage qui lui
présente au moins une planche dans le naufrage : il l’é
crit ainsi A ses sœurs ; il leur recommande même de plier
cette pièce devenue si précieuse, pour qiùelle ne se gâte
p a s , et c’est là ce qu’on veut faire regarder comme un
acquiescement! mais n’est-ce pas au contraire la preuve
la plus certaine de la simulation de cet acte : quelle étoit
l’intention du sieur Bertrand de Greils ? de perdre le
moins possible; de damno vitando. Il a assez de confiance
en ses sœurs pour se servir de leur nom , afin^d’arcacher
à la nation une partie de sa fortune; et ses sœurs veulent
en profiter! elles viennent dire â leur frère : vous nous
avez crues sensibles et probes; les plus douces affections,
la confiance la; plus, entière dans les liens du sang vous
ont fait penser que nous compatirions à vos peines, que
ü
�( 2 6 )
nous chercherions à vous soulager; vous vous êtes trom
pé : en vous livrant sans réserve à notre fo i, vous avez
trouvé de nouveaux ennemis, pins dangereux encore que
la nation elle-même : elle vous auroit laissé des alimens;
vous auriez conservé un prélèvement de 20000 francs:
mais nous, nous voulons consommer votre ruine, vous
accabler, réduire un père octogénaire à la misère, ses
enfans au désespoir, et se.s petits-enfans à la charité pu
blique. Voilà ce que veut prétendre l’intimée, et tel est
son langage, en o p p o s a n t un prétendu acquiescement,
N on , la p e r v e r s i t é des hommes ne peut aller jusque là;
ou si la dépravation est portée à ce point, ceux à qui
il r e s te quelques idées de vertu doivent frémir d’indigna
tion et d’horreur............
La seconde lettre, du 8 vendémiaire an 8 , seroit-elle
plus déterminante? Qu’on écoute le langage d’un père
suppliant, qui veut ménager de vieilles filles célibataires,
chez qui le sentiment est au moins émoussé. Il ne se
plaint qu’en tremblant de la saisie - arrêt faite par ses
sœurs sur un bien qui lui appartient. Il ne veut pas
leur disputer les deux tiers que la nation leur a accordés,
il réclame un certain nombre de vaches qui sont à lu i;
et si ses sœurs prennent sur elles de faire saisir son
revenu, il charge son p e tit-fils , porteur de sa lettre,
de passer h Roupon , de dire au métayer de lui apporter
tout de suite cette saisie pour y répondre : ses sœurs dé
duiront leurs moyens, et lui les siens ; mais cela ne l’em
pêchera pas de vivre en bon frère.
Il ajoute avec sensibilité que ses sœurs lui marquent
que leur âge et leurs infirmités ne leur permettent pas
�C 2i )
cles sacrifices. Il leur observe, à son tour, que son âge,
ses infirmités, et la façon avec laquelle la nation l’a
traité, ne lui permettent pas aussi d’en faire. Il veut ce
pendant leur faire voir qu’il est prêt à en faire; il leur
ofFre 600 francs de pension, une charretée de b lé , une
pièce de beurre de cinquante livres, le bois qu’elles de
mandent, et le voyage au vin ,* le tout pendant leur vie
et la sienne.
- S’adressant ensuite à la sœur récalcitrante, « Et vous,
« ma chère sœur de R oupon , calculez bien h combien
« cela va ; plus , 200 francs de taille, la grange que
« je suis obligé de construire, etc. : vous verrez que
« mon tiers se réduit à rien. » Il offre de leur rembour
ser les frais faits à Saint-Flour, etc.
Une lettre confidentielle, écrite dans un moment de
douleur et de chagrin , avec les plus gi’ands ménagem ens, pour n e pas blesser leur a m o u r - p r o p r e ou leur
insensibilité , seroit opposée comme une fin de nonrecevoir ! Mais il n’est pas dessaisi ; il leur offre seule
ment une pension, parce qu’il craint de ne pas pouvoir
lutter avec avantage, dans un temps où les lois existoient
encore dans toute leur rigueur.
Il étoit forcé de respecter, ou au moins de feindre
d’adopter tout ce qui étoit fait, jusqu’à un temps plus
heureux : et on a l’impudence de dire qu’il est non
recevable ! N on , il n’y a pas d’acquiescement, loi’squ’il
n’y a pas de liberté ; il n’y a pas de consentement, lorsqu’il
y a contrainte : et tout ce qu’a pu dire ou écrire le sieur
Bertrand de Greils ne peut lui nuire, parce qu’il n’y a
�( 28 )
pas d’engagement, toutes les fois qu’il n’y a pas l’exer
cice de la volonté.
C’est le texte de toutes les lois, et la doctrine de tous
les auteurs. Et que Pintimée ne dise pas qu’elle ne s’est
prêtée h aucune simulation; qu’elle étoit dans l’intention
de réclamer contre l’acte dé 1769 ; que la preuve en résulte
de l’assignation donnée le 14 avril 1786.
C ’est le comble de la démence : il faut pardonner cette
assertion à sa vieillesse ou à sa nullité; car elle 11’agit pas
par elle-même.
En effet, sa demande de 1786^ puisqu’on en parle,
étoit un acte extravagant : 011 a dém ontré, d’après les
principes, que 'l’acte de^ 1769 n’étoit pas sujet à resti
tution pour cause de lésion.
On prouveroit par lé fait que la lésion même n’existoit pas, d’après la modicité des biens, et les charges dont
ils étoient grevés.
Mais la lésion fû t- elle admissible, l’exploit de 1786
n’est venu que vingt-huit ans après l’acte, et la demande
en institution ne peut avoir lieu que dans les dix ans
k compter de la majorité. Telle est la disposition de
l’ordonnance de 1649, renouvelée p31’ le Code Napoléon,
qui veut même que les actions en nullité soient réduites
à ce ternie, sans préjudiciel’ ni déroger aux statuts qui
auroient abrégé la durée de l’action.
Que signifie donc un exploit fugitif sans aucune suite,
qui n’est pas même précédé de lettres de rescision, qui
étoient alors indispensables; dont la copie a été souillée
dans le tem ps, ainsi qu’on le trouve énoncé dans un
�( «9 )
écrit de défunt Bertrand de G reils, et que se,s sœurs
ont laissé absolument dans l’oubli?
Il faut être bien ingénieux., pour troiiyer dans cet
exploit un moyen d’excuser la conduite du moment,
et prouver qu’il n’y a pas eu de simulation dans le
partage fait avec la nation, en vertu d’une loi promul
guée contre les émigrés et leurs ascendans, et qu’on a
prévue en 17186,.
Honneur au génie de la vieille tante, dont la pré
voyance ou l’esprit prophétique a deviné la révolution,
et qui pourroit obtenir une place à côté de Nostradamus!
La tante dira-t-elle qu’elle veut profiter de l’avantage
d’une loi l'évolutionnaire, pour dispenser ses bienfaits
avec justice , dépouiller l’un pour enrichir l’autre ,
pour marier des nièces, etc.
On la dispense de ce soin obligeant; et l’appelant aussi
a des enfans ! des filles à marier ! il avoit des moyens
honorables d’exister : il les a perdus. Il est époux et père;
ses ressources diminuent, lorsque les besoins augmentent.
Il ne veut être à charge à personne; mais il a droit de
conserver ce qui lui appartient légitimement.
Lorsqu’il réclame ce qui doit lui revenir , ce qui n’est
jamais sorti de ses mains, il n’a jamais élevé de prétentions
déraisonnables. Le legs fait par l’oncle commun, le sieur
Cat de Rastinhac , est échu après la cession ; il n’a pas été
compris dans cet acte ; l’appelant 11e l’a jamais refusé à ses
tantes; mais c’est à quoi doit se borner la demande de
J’intiiW'e ; e t , mieux conseillée, elle in’auroit jamais fait
usage d’un jugemeai de circonstances, dont l’effet est
�( 30 )
f
détruit par le rapport des lois qui l'avoient nécessite , qui
ne fut jamais qu’un remède à un grand m al, et qui ne
doit plus avoir d’effet lorsque la cause n’existe plus.
-,
Signé D E G R E I L S D E M I S S I L I A C .
M e. P A G E S (de R io m ), ancien avocat
G A R R O N
jeune, avoué.
A R I O M , de l’imprimerie de Thibaud-Landrio t , imprimeur
de la C ou r d’appel. — Décem bre 1808.,
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
Relation
A related resource
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/vignettes/BCU_Factums_M0101_0017.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Greils de Missiliac, Joseph de. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Garron
Subject
The topic of the resource
émigrés
séquestre
renonciation à succession
successions
Description
An account of the resource
Mémoire pour Sieur Joseph de Greils de Missiliac, appelant d'un jugement rendu par défaut, au tribunal civil de Saint-Flour, le 22 ventôse an 7 ; contre la dame Marie de Greils, sa tante, intimée.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1694-1808
1661-1715 : Règne de Louis XIV
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
30 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0528
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Murat (15138)
Bousquet (domaine du)
Roupon (domaine du)
Montagne de Trilissons (domaine de la)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
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Successions
-
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M E M O IR E
A CONSULTER
ET CONSULTATION
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4M AmVÎ ^K4luutf(
A CONSULTER
ET CONSULTATION A w ‘
POUR
Les S rs P O Y A , RO M E, dame V e ABRAHAM
et consorts, héritiers ou légataires de l’estoc
paternel de J e a n - L o u is C a r r a u d d ’U r b i s e ,
CONTRE
Les enfans d’HÉLÈNE DUROIS, se disant fille
de J e a n - P i e r r e CARRAUD , frère du sieur
d ’URBISE.
f
L e 27 août 1 7 5 1 , une fille est exposée à la porte de l’hôpital
de la ville de RIOM : son extrait baptistaire la nomme simple
ment H é l è n e , sans désignation de père ni de mère.
Jean-Pierre Carraud, fils d’un conseiller en la sénéchaussée
de Riom, à qui on voudrait déférer la paternité, a contracté ma
riage, le 23 novembre 17 5 2 , avec Marguerite Mercier, issue
�( 3)
d’une riche et ancienne famille. On lit dans cet acte réglant
CiC«\ w«\ «lejirs conventions matrimoniales, les clauses suivantes :
((*Ë^fiiveur du présent mariage, ladite Mercier a donné cl
•»'*¿îiHin(î audit futur époux acceptant, par donation entre-vifs,
tous «les biens qui lui appartiennent présentement, meubles et
“ immeubles, desquels le futur époux fera la recherche comme*
« il avisera.
« En second lieu, la future se réserve, en cas de viduité, la
« jouissance et usufruit des biens donnés, et même la réversion,
« en cas de prédécès du futur époux sans enfan s.
« Ladite donation tiendra lieu au futur époux de gain de
« survie. »
Nulle mention de l’enfant prétendu né de leur commerce an
térieur.
Le mariage a duré trente ans. Pendant tout ce temps, nulle
reconnaissance, ni de la part de dame Mercier, ni de J.-I\ Car
ra ud.
Il importe de remarquer (et c’est ce qui rend le silence sur
Pélal de l’enfant plus étonnant), qu’il n’y en a point eu du mariage.
Hélène, âgée de vingt-huit ans, s’est mariée le 12 mai 1779 ,
à Martin Valleix, cultivateur, habitant le village d’Ardeyrolles,
*
paroisse de St-Pierre-lloche, distant de plusieurs lieues de la
ville de Riom. La future prend dans le contrat la simple qualité
d’Ui'xÙNE Üuuois, iille majeure, habitante du village de l\eyvialle, même paroisse.
Elle s’y constitue, d’elle-meme, divers objets mobiliers à son
usage, d’une très-mince valeurj la moitié d’un pré appelé Loche;
cl cinq quartelées de terre appelée la Clope, qu’elle a acquises,
est-il dit, par acte du jour d’hier, reçu le même notaire, moyen
nant la somme de 700 francs.
�( 3)
La vente de ces héritages peu considérables, avait eu lieu
en effet le 1 1 mai 1779 , veille du contrat de mariage, parm i
fondé de pouvoir du sieur Jean-Pierre Carraud, en faveur
d’Hélène; mais le sieur Carraud n’était point intervenu au
contrat de mariage et avait réellement consenti vente par un
fondé de pouvoir.
Jean-Pierre Carraud est décédé en 17 8 1. Nul écrit encore,
nulle parole, nul signe, même an dernier moment, dont on
puisse induire cjii’il ait jamais imaginé être le père de l’enfant
([u’on lui attribue aujourd’hui.
11 décède, et Hélène Dubois ne paraît pas pour recueillir sa
succession. C’est Jean-Louis Carraud d’Urbise, frère du défunl,
q ni se présente.
Ce frère répudie la succession par acte au greffe du 1 janvier
1783. Sur cette répudiation, la veuve, Mmc Mercier, fait nom
mer un curateur a la succession vacante. Jacques Labat est
nommé par procès-vcrbal du 7 du même mois de janvier.
Le 10 janvier, la veuve requiert l’apposition des scellés, et,
dans sa requête, elle expose que Jean -Louis Carraud d ’Urbise}
seul habile a succéder, a répudié la succession, etc., etc.
Elle demande et obtient, par sentence du 18 mars 17 8 3, de
la ci-devant sénéchausssée de liiom, la condamnation contre le
curateur du payement de scs reprises.
Des poursuites rigoureuses ont lieu au nom de la veuve, et
enfin vente et ajudication, toujours sur le curateur à la succes
sion vacante.
Jean-Louis Carraud d ’Urbise, qui avait répudié la succession
de son frère, est décédé aussi sans enfans, le 1 1 février 1783,
laissant aux collatéraux une succession considérable, dont la
propriété et remise sont réclamées aujourd’hui par les héritiers
�ou légataires de l’estoc paternel, et par les héritiers d’Hélène
Dubois.
A ce moment (en 1783) Mmc Mercier devait sans doute re
connaître l’état de sa fille, mais elle garde le silence.
Un procès s’entame; les poursuites sont suspendues. Le 10
Iructidor an 2, après plus de l\.o ans de silence, et i3 ans après
le décès de son mari, Mmo Mercier, alors octogénaire (aux temps
orageux de la révolution), déclare, dev ant notaire, (\\i Hélène
Dubois est sa fille et de Jean-Pierre Carraud, née du commerce
qu’ils avaient eu avant leur mariage ; c’est sur celle déclaration
([u Hélène Dubois a fondé sa métamorphose•, en voici les termes:
« Dame Mercier, veuve du sieur Pierre Carraud, habitant à
« lliom, reconnaît qu Hélène Dubois, femme à Martin Yalleix,
«■ cultivateur, du lieu cl’Ardeyrolles, commune de Saint-Pierreu IW he, est sa fille naturelle, née du commerce qu’elle avait eu
K avec ledit Pierre Carraud, avant leur mariage. Voulant lui
« rendre une existence légale et le droit de successibilité, aux
« termes de la loi du 12 brumaire an 2, elle déclare qn Hélène
« Dubois, baptisée le 17 aoiit 17 ^ 1, sous le nom Hélène,
(( nouvellement née et exposée, à minuit, à la porte de l’hô« pital de cette commune, sans billet, est la fille d’elle déela« rante et dudit Pierre Carraud, et la reconnaît pour telle; et
« même ledit Pierre Carraud lui a donné, en tout temps,' des
«• preuves de paternité, soit en fournissant à son éducation, en<( trelien, soit en lui constituant une dot lors de son contrat de
« mariage avec Martin Yalleix, le 12 mai 177g.»
Marguerite Mercier est décédée en l’an 8. Le 12 mai 1800, .
clic avait fait un testament portant différons legs à des ecclé
siastiques et à des serviteurs. Il n’est point question d'Hélène
Dubois. Six jours après, Marguerite Mercier fait encore un co-
�(5)
dicille. Elle nomme la dame de Frétât, sa belle-sœur, son
exécutrice testamentaire; mais elle garde le même silence sur
Ilclene.
La dame Mercier meurt; Ilélène assure qu’après son décès,
elle s’est mise en possession de sa succession sans aucun obstacle
de la famille Mercier : c’est ce qu’on ignore.
Hélène prétend aujourd’hui avoir également droit à la suc
cession de Jean-Louis Garraud d’Urbisc.
A la déclaration de l’an 2, elle réunit les présomptions résul
tant de l’acte de vente du 1 1 mai 1779, de son contrat de mariace.
et,/ au besoin, elle a offert la preuve de differens faits:
o /
cette preuve a été admise par un jugement du tribunal civil de
lliom, en date du 3o juillet 1828, conçu en ces termes :
« En ce qui touche les demandes en intervention des héri« tiers Home et Abraham, parties de Mcs Parry et Tailliand;
« Attendu qu’elles ne sont pas contestées et que ces parties
<' sont intéressées au jugement en contestation.
« En ce qui touche le fonds :
« Attendu que, dans les anciens principes et suivant la dé« crétale d’Alexandre III, cliap. 6, la légitimation des enfans
« nés avant le mariage s’opérait par la seule force du mariage,
« et qu’il n’était pas nécessaire, ainsi que l’enseigne Pothier,
« que le consentement du père et de la mère intervînt pour
« cette légitimation ;
« Attendu qu’il est déjà établi et prouvé, par l’acte notarié
c< du 2 fructidor an 2, que la dame Mercier avait mis au monde,
« quinze mois avant son mariage avec le sieur Garraud, une
« fille qui fut d’abord portée à l’hôpital, sous le nom d'H élène;
cc Attendu qu'il est constant que cette fille a succédé à la dame
« Mercier, veuve Garraud, sa mère, et que si la déclaration
�(c)
<< faite par cette dernière, dans l’acte de reconnaissance du
« ï fructidor an 2, qu’elle avait eii cet enfant du sieur Carraud,
« ne peut lier la famille du mari, ni même être regardée comme
« un commencement (le preuve par écrit; néanmoins la circons« tance du mariage qui a suivi, rend vraisemblable le fait allé« gué, que c’était le sieur Carraud qui était le père de l’enfant
« dont était accouchée ladite dame Mercier;
« Atlendu que ce fait deviendrait encore plus certain, s’il
» était vrai, ainsi que l’ajoute la dame Carraud, dans sa re
te connaissance, que les mois de nourrice furent payés par le
« sieur Carraud lui-meme, et que ce fut par scs soins que l’en« fant fut élevé et transporté dans un domaine à lui appar<< tenant, oh il a ensuite été marié par le sieur Carraud;
« Que toutes ccs circonstances sont graves et concordantes :
« Par ces motifs,
« Le tribunal reçoit les parties de Parry et Tailband inter« venantes, et, avant laii-e droit au fonds, ordonne que, par
ti devant M. Mandat, juge, les parties de llouher feront preuve,
« tant par titres que par témoins,
« i". Que Marguerite Mercier avait eu, avant son mariage,
« iin commerce charnel avec Jean-Pierre Carraud, et (pie de
« ce commerce était née Hélène, dite Dubois} du nom de la
« mère du sieur Carraud;
«
Que ladite Hélène Dubois passait publiquement dans
« Kiom pour être la fille de Jean-Pierre Carraud, et qu’elle a
« passé pour telle dans les lieux oh le sieur Carraud lui a fait
«■ passer sa jeunesse;
o 3°. Que c’est lui qui a payé les mois de la nourrice et lui
« avait recommandé cet enfant;
« /|°. Qu’après qu’elle fut sevrée, il la fit transporter dans
�(7)
« son domaine à Reyvialle, et chargea ses fermiers ou métayers
« de pourvoir îi sa subsistance et à son entretien, leur en four« uissant tous les Irais;
—
« 5°. Qu’il avait avoué dans diverses circonstances et devant
<f plusieurs personnes qu’il était le père de cette iille, et qu’il
« 1avait eue de la demoiselle Mercier avant son mariage;
« 6°. Enfin, (pie le sieur Carraud vint lui-même à Reyvialle
« pour régler les conditions du mariage d’Hélène-, qu’il lui donna
« des héritages pour composer sa dot, et que si l’acte fut coloré
« du nom de vente, il est certain qu’il n’en reçut pas le prix.
x Sauf la preuve contraire,
« Pour les enquêtes faites et rapportées, être statué ce qu’il
« appartiendra : tous moyens et dépens réservés. »
Un demande au conseil quel doit être devant la Cour de
Kioin le mérite et effet de ce jugement?
�(8)
CONSULTATION
TOUR
Les Héritiers ou Légataires de la ligne pater
nelle de J e a n - L o u is C a r r a u d d ’ U r r i s e .
I ue conseil soussigné,
Vu le dispositif d’un jugement rendu au tribunal civil de
Rioin, le 3o juillet 1828, contradictoirement entre les consullans, et les enfans d’Hélène Dubois, femme Yalleix, se disant
fille de Jean-Pierre Carraud, et en celte qualité héritière eu
partie dudit sieur Carraud d’Urbisc.
Par lequel jugement, ce tribunal se fondant sur une dér ré talc d’Alexandre III, chapitre V I, et les anciens principes
en matière de légitimation des enfans naturels par le ma
riage subséquent de leur père et mère naturels, a décidé qu’il
V* avait des présomptions suffisamment graves, précises et
concordantes pour décider qu’llélène Dubois, femme Vallcix,
est née en 17 /ïi, de la cohabitation supposée entre Jean-Pierre
Carraud et Marguerite Mercier, depuis unis en mariage (en
17Í)?.), sans avoir ni alors, ni pendant sa durée, reconnu la
dite paternité, et qu’il y avait lieu d’admettre la preuve de
la paternité dudit Jean-Pierre Carraud.
�(9)
Yu le Mémoire à Consulter, par lequel les héritiers et lé
gataires de Carraud-d’ Urbise, en contestant l’état que l’on at
tribue à Hélène Dubois, demandent si l’appel qu’ils ont inter
jette de ce jugement, devant la Cour de Riom, est bien fondé :
Est d’avis de l’affirmative;
Le Code civil, dans le titre de la Paternité et de la Filiation,
promulgué le 2 avril i 8o3, permet aux enfans nés de deux
individus, unis par le mariage, de demander à prouver par
témoins leur filiation contre les auteurs de leurs jours, lors
qu’ils ont été inscrits comme nés de père et mère inconnus,
ou sous de faux noms; mais, d’après l’article 3a3, la preuve;
ne peut être admise que lorsqu’il existe un commencement de
preuves par écrit, émané de celui dont on invoque la pater
nité, ou lorsque des présomptions ou indices résultans des faits
dès-lors constans, sont assez graves pour déterminer l’ad
mission.
L ’action en réclamation d’état est imprescriptible à l’égard
de l’enfant (art. 328); ainsi elle peut être exercée contre ses
parens décédés; l’action ne peut être intentée par les héritiers
de l’enfant qui n’a pas réclamé, qu’autant qu’il est décédé
mineur, ou dans les cinq années après sa majorité, ou qu’il
a commencé cette action, et qu’il n’a pas laissé trois années
sans poursuites, à compter du dernier acte de la procédure.
(Art. 329, 33o).
Voila pour les enfans nés de deux personnes unies par le
mariage. La présomption de droit P aler is est quem justœ nupliœ
demonstran!, les protège contre la suppression de leur état.
À l’égard des enfans nés des individus non mariés, la re
cherche de la paternité est interdite (art. 34o); ils ne sont
�( 10)
légitimés par le mariage subséquent de leurs père et mère,
qu’autant qu’ils sont formellement reconnus (art. 331).
Dans l’espèce, il paraît qu’llélène, avant sa mort, a intro
duit l’instance dont il s’agit, puisqu’aucune fin de non-recevoir
n’est opposée à ses héritiers; il est présumable toutefois, que
cette demande a été faite, depuis la promulgation du Code civil,
bien que nous ayons sous les yeux une consultation en faveur
d’Hélène, du iG ventôse an 10 , qui relate une opposition à
scellés de sa part, un procès-verbal de non conciliation, puis
une instance.
Ces premières poursuites ont du être interrompues pendant
au moins trois années, et dès-lors il faut en conclure que l’ac
tion a été introduite sous l’empire du Code civil.
Si ce point de fait est constant, la première question qui
se présente au fonds, est celle de savoir si cette action est
régie par le Code civil 011 par les lois antérieures.
Les lois n’ont pas d’eiïet rétroactif, en ce sens que celui
qui a un droit acquis au terme des lois, ne peut le perdre par
l’effet de la promulgation d’autres lois.
Hélène avait-elle à cette époque un droit acquis a se dire
enfant, soit légitime, soit même naturel du sieur Carraud?
non assurément-, son acte de naissance ne lui donnait aucun
droit; elle n’avait aucune possession d’état; elle n’avait formé
aucune demande en justice; ou, si elle en avait commencé
une, elle y a renoncé, en n’y donnant aucune suite depuis la
consultation du ^() ventôse an 10 (7 mars 1802).
C’est l'aimée suivante (en avril i 8o3) que fut promulguée la
loi qui défend la recherche tde la paternité.
Celte loi lut faite en vue de mettre fin à des scandales dont
la société et la morale avaient à souffrir, et à des décisions
�( IX)
toujours incertaines, où le mystère, dont le Créateur
a enveloppé la paternité, devait, dans la pensée de ses auteurs,
régir tous ceux qui n’avaient pas alors des droits acquis.
La loi ne distingue pas entre les enfans nés sous l’empire
des législations antérieures, et ceux nés depuis le Code civil.
La loi exige la reconnaissance du père, a dit M. Troncliet,
dans la séance du Conseil d’Etat du i 5 novembre 180 1 (24 bru
maire an 10), séance inédite, et que vient de publier M. Locré
(pag. 95 de sa Législation civile, t. v i.) « La loi l’exige, parce
« que le père seul peut juger si l’enfant lui appartient; or lors« qu’il n’a voulu le reconnaître, ni avant, ni au moment du
« m ariage, c’est une preuve qu’il doutait alors de la paternité. »
Dans la séance également inédite du 17 novembre 18 0 1, où
l’on discuta spécialement la question de la recherche de la pa
ternité, on fit l’observation que, si autrefois cette recherche
était admise à raison de la fréquentation d’une personne du
sexe, l’enfant naturel n’avait droit qu’à des alimens; qu’on doit
être plus sévère quand il s’agit d’attribuer à l’enfant naturel
des droits dans la famille; et qu’enfin la loi du 12 brumaire
an 2, si favorable aux enfans naturels, avait interdit la re
cherche de la paternité non avouée.
M. Troncliet fit la remarque qu’autrefois, une fille était libre
de faire tomber la paternité sur qui elle voulait, et qu’elle
choisissait ordinairement le plus riche de ceux qui l’avaient
fréqucntee; cette manœuvre était presque toujours heureuse;
cependant, dans la vérité, il restait des doutes sur la qualité
exclusive du père, et, indépendamment du danger d’admettre
une preuve aussi incertaine que la preuve testimoniale, c’était
donner trop de poids à la déclaration de la fille. ( V oy. pages
12 0 , 12 1) .
judiciaires
�M. Thibeaudcau ajouta que l’usage de cette action était au
trefois scandaleux et arbitraire: les lois qui y ont mis un terme
ont servi les mœurs. (Ibid, page 122).
Dans l’exposé des motifs de cette loi fait au Corps-Législatif
le 1 1 mars i 8o3, par M. Bigot-Préameneu, il s’exprime ainsi
(page 2 12 ) : Depuis long-temps, dans l’ancien régime, un cri
général s’était élevé contre les recherches de paternité; elles
exposaient les tribunaux aux débats les plus scandaleux, aux
jugemens les plus arbitraires, à la jurisprudence la plus va
riable; l’homme dont la conduite était la plus pure, celui
dont les cheveux avaient blanchi dans l’exercice de toutes les
vertus, n’étaient point à l’abri de l’attaque d’une femme im
pudente, ou d’enfans qui lui étaient étrangers; ce genre de
calomnie laissait toujours des traces affligeantes. »
Ici, l’orateur invoque la prohibition de la loi de l’an 2. «Dans
la loi proposée, ajoute-t-il, celle sage disposition qui interdit
les recherches (le la palernile cl elc* m aintenue; elle ne pourra
jamais être établie contre le père (pie par sa propre recon
naissance, et encore faudra-t-il pour que les familles soient
à cet égard à l’abri de toutes surprises, que celte reconnais
sance ait été laite par acte authentique, ou par l’acte même
de naissance. »
Le tribun Lahary, dans son llapport au tribunal, du 19 mars
8o3, après avoir rappelé tous les débats rapportés dans les
auses célèbres, s’écriait : « Llle cessera enfin celle lutte scan
daleuse et trop funeste aux mœurs; la recherche de la paterternité est interdite.» 11 invoquait aussi l’opinion émise par
le consul Cambacérès, dans le Discours préliminaire à son
projet du Code civil. (l*ag. 2G7 et 268.)
Le tribun Duveyrier, dans le Discours qu’il prononça au
�0 3 )
nom du trilwnat, devant le Corps-Législatif, dans la séance
du 3 mars i 8o3, s’élevait aussi contre l’admission de la re
cherche de paternité.
« On convenait, dit-il (pag. 3 i 8), que la nature avait cou« vert la paternité d’un voile impénétrable $ on convenait que
« le mariage était établi pour montrer, à défaut du signe na« turel, cette,paternité mystérieuse; et c’était précisément hors
« du mariage, qu’on prétendait percer le mystère et découvrir
« la paternité.
« Ces procès étaient la honte de la justice et la désolation
« de la société. Les présomptions, les indices, les conjectures
« étaient érigées en preuves et l’arbitraire en principe.«
Yoilà les égaremens auxquels la loi du 12 brumaire an 2
avait déjà remédié par des mesures efficaces, et que la légis
lation de i 8o3, à une majorité de 2 16 voix contre G, a proscrits
pour toujours. Et c’est 2^ ans après la promulgation d’une loi
aussi sage, que le tribunal de l\iom a admis cette scandaleuse
recherche, sous prétexte de l’existence des anciens principes
et sur la foi de la décrétale d’un pape qui n’a jamais joui de laulorité législative en France!
On se fonde sur un droit acquis, quand il est évident
qu’il n’en existe aucun; on transforme l’action qui eût pu être
exercée par Hélène Dubois, avant la loi de l’an 2, en 1111 droit
sur lequel ni cette loi de l’an 2, ni le Code civil, ne peuvent
avoir d’iniluence sans encourir le reproche de rétroactivité.
Mais les lois (pii déterminent la recevabilité des actions,
saisissent à l’instant même de leur-' promulgation ceux qui
pouvaient avoir droit de les exercer.
M. M erlin, dans scs additions au Nouveau Répertoire>
/. xvi 3 v° E ffet rétroactifsection 3 , agite celte question : Si
�( *4)
toute loi nouvelle, qui ne rétroagit pas expressément, est, par
cela seul, inapplicable à tout ce qui s’est passé avant le mo
ment de sa promulgation et à tout ce qui existe en ce moment.
Le principe de la non-rétroactivité repose sur la garantie due
aux membres de la société contre les caprices du législateur,
pour l’empêcher, soit de violer leur sûreté individuelle, en les
faisant punir aujourd’hui à raison dit fait d’hier, qui n’était pas
défendu, soit d’attenter à leur propriété en les dépouillant de
biens 011 de droits qu’ils avaient acquis sous le nom de lois pré
cédentes; 011 chercherait vainement ailleurs le motif de ce
grand principe. Il faut donc, pour qu’il y ait rétroactivité dans
le sens du Code civil, le concours de deux conditions: la pre
mière, que la loi revienne sur le passé et le change; la seconde,
qu’elle y revienne et le change au préjudice des personnes qui
sont l’objet de scs dispositions.
Telles sont les limites du principe de non-rétroactivité, et ou
voit de suite qu’ils ne s’appliquent pas à l’action des héritiers
$ Hélène.
D’une part, celle-ci ne trouvait pas, dans les anciennes lois,
de texte qui lui garantît le droit de rechercher le mystère de la
paternité*, en sorte qu’un tribunal qui eût rejet té son action,
n’eût pas encouru la cassation. Elle n’avait donc aucun droit
absolu, c’e st-à -d ire , garanti par la loi. La décrétale d’A
lexandre III, quand même elle serait une loi de notre patrie, ne
statue pas sur la légitimation par mariage subséquent. Elle
suppose la reconnaissance de la paternité. Il s’en faut qu’elle, ni
aucune loi d’origine ecclésiastique, autorise cette recherche.
L ’admission de ces actions tenait au pouvoir arbitraire, que
s’attribuaient alors les tribunaux, en l’abscncc de lois écrites;
et l’erreur qui avait entraîné les tribunaux ne pouvait pas se
�( i 5)
justifier. Car, si d'un côte, une femme délaissée et un enfant
abandonné inspirent de l’intérêt, de l’autre c’était une entre
prise téméraire cpie de vouloir percer le mystère de la pater
nité, et d’attribuer, par jugement, à un homme, un enfant qu’il
savait n’être pas le sien. L ’erreur, en pareil cas, était déplo
rable et de nature à soulever les honnêtes gens.
Ainsi, en premier lieu, Hélène n’avait pas de droit pour re
chercher la preuve d’un fait de paternité improuvable et qu’au
cune loi ne l’autorisait à attribuer au sieur Carraud.
D’autre part, elle n’avait pas de droit acquis en vertu des
concessions imprudentes de l’ancienne jurisprudence, lorsque
les lois de l’an 2 et de i 8o3 sont venues fixer un principe si
important dans l’ordre social 5 puisque long-temps après sa ma
jorité elle n’a pas réclamé, et pendant qu’elle pouvait agir;
puisqu’au décès de son père putatif, en 17 8 1 et depuis, elle a
gardé le silence, quoiqu’elle eut droit à la succession, si elle est
ce quelle prétend.
*
Son silence est d’autant plus inexplicable, que la reconnais
sance de maternité faite à son profit, le i 5 fructidor an 2 ,
sous l’empire de la loi du 12 brumaire precedent, la conviait a
rechercher la paternité, au moins dans les limites établies par
cette loi.
Au décès de sa mère naturelle, en 1800, elle a élevé des
prétentions; elle a su qu’une loi était proposée pour régler
l’état des enl'ans naturels; elle a laissé promulguer cette loi
(celle du i/f. iloréal an 1 1 ) sans régulariser son action; elle a
laissé également promulguer le Code civil, dont la prohibition
absolue devait détruire toutes ses espérances; et l’on prétend
encore quelle pouvait dormir en sécurité sur la foi de ses droits
�( IÔ)
acquisj quand aucun droit ne lui était reconnu dans le sens
qu’on prétend aujourd’hui l’exercer!
La loi 7, au Code de Legibus, dit que les constitutions don
nent la forme et l’existence aux affaires futures, mais non aux
faits consommés*, non ad facta p ne teri la revocariy à moins que
le législateur n’y statue spécialement, nisi nominatim et de
prœterito tempore et adliuc pendentibus negotiis cautuni sit.
Il
est évident qu’il n’y avait rien d’accompli ni de consommé
dans l’état d’Hélène, avant la promulgation du Code civil; qu’au
contraire cet état était incertain; que, par conséquent, c’était
une affaire pendante, adhuc pendentibus negotiis.
Maintenant, il sera facile de démontrer que, non-seulement
cette affaire a été soumise à l’empire du Code civil, j>ar cela
seul qu’elle était pendante, mais encore que, par deux lois spé
ciales, elle a été expressément soumise à l’empire des lois suc
cessivement promulguées sur l’état des enfans naturels.
Le décret du 1 2 brumaire an 2 .^ 2 novembre 179 3), par son
article I er, admet les enfans nés hors mariage, et alors eæistans
aux successions de leur père et mere, ouvertes depuis le i/j
juillet 1789. Comme il leur conférait un droit d’hérédité supé
rieur à la quotité admise par les lois antérieures, il y avait ré
troactivité, puisque le sort de ces successions était définitivement
fixé par le décès de leurs auteurs. Aussi la partie rétroactive
de celte loi fut-elle bientôt rapportée (loi du i 5 thermidor an 4,
1 août 1796) mais le principe relatif à la question d’état reste
intact, et la preuve que le droit à établir une filiation laissée in
certaine par l’acte de naissance, n’était pas régi par les lois
existantes à cette époque, quoiqu’il prenne sa source dans la
naissance, c’est que l’article 8 dit : » Pour être admis à l’exercice
« des droits ci-dessus dans la succession de leur père décédé,
�if y V
(*7)
« les enfans, nés liors du mariage, sont tenus de prouver leur
« possession d’état. Cette preuve ne pourra résulter que de
<f la représentation d’écrits publics et privés du père, ou de la
« suite des soins donnés à titre de paternité et sans interruption,
« tant à leur entretien qu’à leur éducation: la même disposition
« aura lieu pour la succession de la mère. »
C’est ce mode restrictif de preuve que l’on appèle la prohibi
tion de la recherche de la paternité, autre que celle avouée par
des actes directs ou indirects. Voyez l’arrêt de la Cour de cas
sation, du 3 ventôse an 10 , sur le rapport de M. Rupérou, pré
sident M. Malleville. (Sirey, 3 -- i ~ i 85, et le Recueil pério
dique de M . D alloz, vol. 1791^ l ’an in , première partie, p. 60G.
Cet arrêt décide positivement et après une discussion solen
nelle, que la loi du 12 brumaire n’a pas seulement réglé les
droits héréditaires des enfans naturels, mais aussi leur état.
C’est de cet article qu’on est parti, quand on a rédigé le Code
civil*, on voit par le projet, que la recherche de la paternité,
autre que la paternité avouée, avait été proposée pour être in
terdite. Le Code civil n’admet pas, comme la loi de l’an 2 , la
preuve de filiation résultant des soins donnés et des écrits pri
vés-, mais à part la forme de la preuve, à l’une comme h l’autre
époque, le législateur s’est cru autorisé à régler la filiation des
enfans alors vivans, qui n’avaient pas obtenu la reconnaissance
de la paternité et de la maternité. Et la preuve, sans réplique,
que telle fut la volonté du législateur, se trouve dans le décret
d’ordre du jour du 4 pluviôse an 2 (23 janvier 17 9 4 ), ainsi
conçu :
« La convention nationale après avoir entendu le rapport de
« son comité de législation sur la pétition de la citoyenne Ber« trand, tendant à ce qu’il soit rendu un décret qui autorise les
3
»
�( 18)
«
«
«
«
«
tribunaux à juger définitivement les procès en déclaration de
paternité, dans lesquels la preuve testimoniale a été ordonnée et faite antérieurement aux lois nouvelles sur les enfants nés hors mariage, passe à l’ordre du jour motivé sur ce
que les lois n’ont pas d’eiFet rétroactif. »
En exerçant l’action en déclaration de paternité et en se
faisant admettre h la preuve, dans les formes admises antérieu
rement à la loi du i :ï brumaire, la pétitionnaire avait réelle
ment un droit acquis, dont elle ne pouvait plus être dépouillée,
qu'autant que la loi nouvelle aurait formellement aimullé ces
procédures et les aurait mises au néant; iiisi nomhialim et adluic
pendentibus negotiis. C’est en effet ce qu’on aurait pu soutenir,
en vertu de l’article 17 de la loi de brumaire; mais cet article
s’appliquait, non à la question d’état, mais au mode de partage
des successions.
Du reste, il résulte Irès-évidcmment de ce décret, d’ordre du
jour, que la loi du ta brumaire a saisi tous les enfans naturels,
qui n’avaient pas formé encore de demandes en déclaration de
paternité, dans l’état oii ils se trouvaient, et les a soumis à
son empire. L ’article <8 ne laisse aucun doute sur sa généralité,
et son applicabilité a l’espèce, puisqu’il s’occupe expressément
de la recherche de la paternité à l’égard des individus alors dé
cédés, et la succession de Jean-Pierre Carraud se trouvait dans
ce cas, puisqu'il est décédé eu 17 8 1.
Or, à cette époque, Hélène n’avait introduit aucune action en
justice, ni contre son père supposé, ni même contre sa mère;
celle-ci ne l’a reconnue qu’en fructidor de la même année.
Cette reconnaissance est, sans doute valide à l’égard de la
mere, quoiqu'elle n’ait pas été passée chez l’ofiieier de l’etat
civil, puisqu’elle a été passée en forme authentique, et que
�( I9 )
l’arrêté du Directoire, du 12 ventôse an 5, n’a proposé l’annullation que des reconnaissances sous signature privée. Le
rejet de cet arrêté, prononcé par le conseil des anciens, le 12
thermidor an 6 (3o juillet 1798), laisse même à penser qu’une
reconnaissance privée, conforme à l’article 8 de la loi du 12
brumaire, a sufli jusqu’au Code civil de i 8o3. Au reste, la re
connaissance de la mère n’a pas été attaquée comme émanant
d’une personne qui avait perdu l’exercice de sa volonté (elle
avait 80 ans), et qui avait cédé à la crainte d’un procès scan
daleux; mais elle n’a aucun effet relativement à la succession
du père, à cause du mystère de la paternité.
La loi du 13 brumaire rejette la preuve de fréquentation de
la mère, et 11’admct comme preuve de paternité qu’un aveu
formel, ou une suite de soins non interrompus, donnés à titre
de paternité, tant à l’entretien qu’à l’éducation de l’enfant na
turel.
Si nous avions à examiner le jugement du 3o juillet 1828,
dans ses rapports avec la loi du 12 brumaire, nous dirions que
le tribunal a erré en autorisant Hélène ou ses héritiers à
prouver le commerce charnel du sieur Carraud avec Margue
rite Mercier, à l’époque de la conception de l’enfant, puisque
ce genre de recherche, si arbitraire et si scandaleux, est for
mellement interdit par la loi du 12 brumaire, ainsi que l’a jugé
l’arret déjà cité de la Cour de cassation, du 3 ventôse an 10.
Sous ce premier rapport, il devrait être nécessairement réformé.
Ce même jugement admet, comme deuxième chef à prouver
la commune renommée, sur les rapports de paternité qui pa
raissaient exister entre Hélène et Carraud, ce qui est encore
une extension donnée a la rl. 8 de la loi de brumaire.
En troisième lieu, le tribunal admet à la preuve d’aveux ver
�H
c
(2°)
baux émanés du père, tandis que la loi de brumaire exige des
aveux écrits, publics ou privés.
En cpiatrième lieu, quant à la preuve des soins ou des frais
d’entretien et d’éducation, le tribunal ne s’explique pas sur la
circonstance de la non-interruption, ce qui était un point capital
sous l’empire de la loi de brumaire.
Si ce genre de preuve était admis par la Cour royale de
Kiom, les consul “ans seraient donc autorisés à se pourvoir en
violation de l’art. 8 de la loi du 12 brumaire an 2, qui, comme
l’a observé M. Bigot-Préameneu, dans son Discours législatif,
(page 2 1 3), a réglé tout le passé.
Quant à l’avenir, a-t-ilajouté, « l’état et les droits des enfans
« naturels, dont le père et la mère étaient encore cxistans lors
« de la promulgation du Code civil, il fut statué qu’ils seraient
« en tous points réglés par les dispositions de ce Code, et que
« néanmoins, en cas de mort de la mère avant la promulgation,
« la reconnaissance du pere, laite devant un officier public,
(t suffirait pour constater l’état de ces erifans. »
Telle est en effet la disposition de l’art. 1 1 de la loi ; il
est clair que ce décret statuait aussi bien sur l’état que sur
les droits successifs des enfans nés hors mariage, et les pre
nait dans l’état ou il les trouvait.
Il
est aussi singulièrement à remarquer, (pic le décret de
brumaire, en autorisant la preuve de la filiation par des écrits,
même privés, émanés du père, ou par les soins non interrompus
donnés à 1’enfant, lui refusait expressément tout droit dans la
succession des pareils collatéraux; en sorte qu’011 n’aurait pu
s’autoriser des anciens principes sur la légitimation tacite par
mariage subséqnent, pour prétendre à ces successions dès qu’il
existe une disposition prohibitive dans la loi.
�L ’article q est ainsi conçu :
u Les enfans nés hors du mariage, dont la filiation sera
« prouvée de la manière qui vient d’être déterminée par l’ar« ticle 8, ne pourront prétendre aucun droit dans les succes« sions de leurs parens collatéraux, ouvertes depuis le i!\ juillet
« 1789 ’, mais, à compter de ce jour, il y aura successibilité ré« ciproque entre eux et leurs parens collatéraux, à défaut d'hét< ritiers directs. »
A insi, malgré la faveur avec laquelle le législateur de cette
époque traitait les enfans naturels, il ne voulait pas que, par
un genre de preuve si incertain de paternité, ces enfans eussent
les m êm es droits que ceux nés dans le mariage; surtout il n’a
pas voulu qu’ils vinssent dans les successions collatérales ou
vertes avant la promulgation de sc.r décret du 12 brumaire,
et c’est ce que décide virtuellement la loi du i 5 thermidor an 4
(2 août 1796), dont l’article 4 est ainsi conçu: « Le droit de
« successibilité réciproque entre les enfans liés hors le mariage
« et leurs parens collatéraux, et celui donné à ces enfans et
« leurs descendans, de représenter leur père et mère, n’auront
« d’effet que par le décès de ces derniers, postérieurement à la
« publication de la loi du 4 jnin 179^?
seulement sur les suc« cessions ouvertes depuis la publication de celle du 12 bru
maire. »
Or, la succession Carraud d’Urbise, frère du père putatif
d’IIélène, s’est ouverte depuis 1783.
Quant à la question de rétroactivité, le législateur a si bien
cru que l’état des enfans existans, dont le sort n’était pas fixé,
serait réglé par les lois à venir, que par l’art. 10 de celle du
12 brumaire, il a voulu, non - seulement que la quotité de
leurs droits successifs, mais que leur état fut réglé par un Gode
it
�civil qui n’était pas fait, et qui n’a été promulgué que dix ans
après; de telle sorte que les droits de ces enfans ont été sus
pendus pendant cet intervalle; et c’est en vertu de cette dis
position, déjà exhorbitante, que la Cour de cassation, par ses
arrêts des 21 juin 1 8 1 5 (affaire Lanclière) et 12 avril 1820
(affaire Salomon), a annullé des reconnaissances de paternité,
dans des cas non prohibés par les lois de la naissance des enfans et qui l’étaient devenus par les nouvelles. ( Voy. le Recueil
périodique de M . Dalloz} vol. 1820, i re partie, pag. 4o6.)
Venons à la loi du 14 floréal an 1 1 (4 mai i 8o3), contempo
raine du Code civil. On y lit, article i cr, que l’état et les droits
des enfans nés hors mariage, dont les père et mère sont morts
depuis la promulgation de la loi du 12 brumaire an 2 jusqu’à
la promulgation du Code civil, sont réglés par ce Code.
Dans le système contraire à celui que nous soutenons, il y
aurait donc encore ici rétroactivité, non-seulement en matière
de succession, mais en matière lYétat, puisque les droits des en
fans nés hors mariage, avant la promulgation du Code civil,
sont, par un acte de puissance absolue, places sous la règle
établie parce Code, tandis qu’ils devraient l’être par les lois in
termédiaires.
Le reproche, en effet, serait fondé, surtout sous le rapport
successif, si la loi de brumaire an 2, n’avait pas elle-même averti
tous les Français que leur succesion serait régie par la loi alors
en projet.
Quant à Yctal de ces enfans, nul reproche de rétroactivité ne
peut être imputé au législateur, puisque cet état n’étant pas en
core détermine par jugement ou transaction, il n’y avait pas
droit acquis.
�( a3)
Voyons maintenant l’objection soulevée par M. Merlin, loco
cilatOj sect. 3, art. 7, n° 3, oii il examine spécialement ce qu’il
faut penser de la rétroactivité des lois, dans le cas de paternité
ou filiation naturelle.
« Les qualités de père et d’enfant naturel (dit ce jurisconsulte,
page 235), lorsqu’elles sont établies par des preuves que la loi
reconnaît, produisent en faveur de l’enfant, une action pour se
faire donner des alimens par son père; et comme cette action a
son fondement dans le droit naturel, il est évident que, dès
qu’une fois elle est acquise, une loi postérieure peut bien en
étendre ou en resserrer les effets, soit quant à leur quantum, soit
quant à leur durée, mais non pas la détruire complètement.
Ce que la loi ne peut faire directement à cet égard, peut-elle le
faire, et est-elle jamais censée le faire indirectement? En d’au
tres termes, lorsqu’à une loi qui admettait l’enfant naturel à
prouver sa filiation, soit par témoins, soit par des présomptions
plus ou moins graves, succède une loi qui exige des preuves
d’un autre genre, celle-ci est-elle applicable aux enfans naturels
qui sont nés avant celle-là?
« D’après ce que nous venons de dire sur le mode de preuve
du mariage ou de la filiation légitime, la négative ne paraît pas
douteuse. »
Ici M. Merlin élève une doctrine en opposition manifeste avec
l’art. 8 de la loi du 12 brumaire an 2,/ et avec l’art. i crde
celle
♦
du i4 fi°i'éal an 1 1 ; car ces lois n’ont fait autre chose que
statuer sur le mode de preuve de filiation des enfans nés hors
mariage, existans lors de leur promulgation.
Le décret d’ordre du jour de l’an 2 prouve clairement que
ne sont exceptés des dispositions de la loi, que ceux qui avaient
�ic o
(4)
antérieurement formé leur action selon les lois et la jurispru
dence existantes.
Que prétend donc M. Merlin, quand il veut que l’enfant
soit admis, apparemment d’après la loi existante, au moment de
sa naissance, à prouver sa filiation ?
Si les hommes étaient ainsi régis par les lois qui gouvernent
le pays, au moment où ils ouvrent leur carrière, sans que les lois
postérieures puissent régler un état non encore assis, le législa
teur serait impuissant pour déterminer l’ordre de la société et
réprimer les abus.
Que la prestation des alimens soit de droit naturel, lorsque
l’état est constaté, rien de plus juste; mais qu’il soit de droit
naturel de prouver le mystère de la paternité par la seule fré
quentation de la mère, ou par des actes que la charité seule a
pu motiver, voilà ce qu’on ne prouvera jamais. C’est parce que
la paternité est un mystère, que la loi a sagement voulu qu’elle
ne pût résulter que d’un aveu authentique du père, et qu’elle
a proscrit l’arbitraire des présomptions.
M. Merlin argumente des principes qui régissent les enfans nés dans le mariage; mais le fait du mariage est un fait
public, d’oii résulte la présomption de paternité. Cette pré
somption, le mari a voulu la subir et elle n’a rien de déraison
nable; il n’y a pas d’incertitude sur le père, quand la femme
n’est pas accusée d’avoir fréquenté un autre que son mari.
La filiation des enfans nés dans le mariage repose donc pré
cisément sur le principe opposé au concubinage; la femme,
dans ce cas, étant libre, il n’y a pas de raison d’attribuer la pa
ternité à l’un plutôt qu’à L’autre.
31. Merlin a été si embarassé qu’il a commencé par dire: Ces
qualités de père et d’enfant naturel, lorsqu'elles sont établies par
�1
( , 5)
des preuves (pie la loi reconnaît, etc. Oui, sans doute, quand elles
sont établies, le législateur ne peut plus, par des lois posté
rieures, remettre l’état en question-, il ne peut que régler la
qualité du droit héréditaire dans les successions non ouvertes.
Mais lorsque ces qualités ne sont pas établies au profit de
l’enfant naturel, dans les formes voulues par les lois, lorsque
par conséquent, il n’existe pas de droits acquis, la loi nouvelle
saisit l’individu qui n’a pas fait constater sa qualité, dans l’état
ou il se trouve; et telle est l’opinion du célèbre publiciste et ju
risconsulte d’Amsterdam, Meyer, auteur du savant et profond
ouvrage sur les Institutions judiciaires des principaux pays de
l’Europe, dans ses Questions transitoires. (Pag. •206 et 207.)
Ses raisons sont, que l’action en déclaration de paternité n’é
tait pas, pour les enl’ans naturels, la suite nécessaire d’un événe
ment antérieur à la loi (pii la prohibe, lorsqu’elle n’est pas fondée
sur la reconnaissance formelle et par écrit du père; qu’elle pou
vait être intentée ou abandonnée au gré des intéressés; qu’elle
dépendait d’un jugement incertain en soi, sans lequel la de
mande aurait été comme non avenue; qu’elle ne peut donc être
considérée comme un droit acquis irrévocablement, à moins (pie
celte action ne soit déjà intentée} que l’intention formelle et po
sitive du demandeur se soit ainsi manifestée, et qu’elle 11e soit
devenue sa propriété irrévocable.
Nous ne connaissons pas l’opinion de Meyer autrement (pie
par ce quen rapporte 31. Merlin. Celui-ci prétend que, dans la
page 94, Meyer ne conteste pas le principe que, sur l’admissi
bilité de tel ou tel mode de preuve d’un fait, il n’y ait pas à
consulter d’autres lois que celles du temps oii le fait s’est passé.
S ’il ne le conteste pas formellement, nous 11e voyons pas qu’il
l’admette; il faudrait avoir le texte sous les yeux pour s’assurer
4
�(a6)
que la contradiction reprochée par M. Merlin à Meyer, existe
réellement.
Quoi qu’il en soit, voyons les raisonnemens que M. Merlin
oppose au passage très-formel de M. Meyer sur la non-rétroac
tivité des lois, au fait dont il s’agit.
« Quel est l’objet direct de l’action en déclaration de pater« nité?C’est principalement, c’est même uniquement, dansbeau« coup de pays, de faire déclarer le père assujetti à l’obligation
« de fournir des alimens à l’enfant qui lui devait le jour.
« Cette obligation, et par conséquent l’action tendante à en
« faire déclarer l’existence, sont-elles la suite nécessaire de la
« conception de l’enfant? Comment ne le seraient-elles pas?
« Nourrir l’enfant à qui on a donné l’être, jusqu’à ce qu’il puisse
« se procurer à lui-même sa subsistance, c’est la première dette
« de la nature; et elle lient tellement à l’essence de la pater« nité, que les animaux e u x - mêmes mettent à s’en acquitter
<( une sollicitude qui leur fait oublier leur propre conservation
« et braver tous les périls. »
Nous répondons : Sans contredit, c’est le premier devoir d un
homme, quand il a donné le jour à un enfant, de reconnaître
sa paternité, et de subir les obligations qu’elle lui impose; mais
si sa conviction intime repousse cette paternité; si, sachant qu’il
n’a existé aucun lien charnel entre lui et la mère, il refuse de
reconnaître celle paternité, et de prendre aux yeux de la société
une responsabilité morale, qui ne sera pas sans influence sur
son avenir, sur le bonheur et les droits d’une épouse délicate et
d enlans parfaitement légitimes, dira-t-on qu’ici le droit naturel
soit pour quelque chose? Et si une loi intervient, qui, pour laire
cesser 1 abus de la recherche de paternités aussi aventureuses,
prohibe la preuve de la seule fréquentation ou la preuve par
�6« !
( 27 )
témoins, quel droit naturel aura été violé? Le législateur aurat-il fait autre chose qu’user d’un droit légitime?
De quoi auront à se plaindre, la mère naturelle qui, pendant
la minorité de son enfant, ou l’enfant lui-même qui, depuis sa
majorité, n’auront pas invoqué la licence du genre de preuve
autorisé par une jurisprudence mensongère, abusive et scan
daleuse, si on les repousse en leur disant: La recherche de pa
ternité, entre personnes libres, est interdite, hors les cas parti
culiers spécifiés dans la loi-, ces cas sont précisément ceux oii il
y a un fait public, comme le rapt équivalent à un mariage
légal.
« Qu’importe, dit 31. Merlin, que cette action puisse être
« intentée ou abandonnée, au gré des intéressés ? De ce que je
« puis renoncer à une action, s’ensuit-il que ce n’est qu’en Fin
it tentant que j ’acquiers le droit de la poursuivre ? »
Oui, sans doute, quand la filiation est un fait plus qu incer
tain-, si on ne le prouve pas selon la forme admise par les lois,
on perd le droit qu’elle donnerait si elle était prouvée.
Deux arrêts de la Cour de cassation, des G juin 1820 et
12 juin 18 25, ont proclamé en principe: « Les lois qui règlent
« l’état des personnes, a dit le premier, saisissent l’individu
« au moment même de leur émission, et le rendent, dès ce mo« ment, capable ou incapable, selon leur détermination. Les
« lois qui régissent la capacité civile des personnes, a répété le
« second, saisissent l’individu et ont effet du jour de leur pro« mulgation. » En cela, elles n’ont aucun effet rétroactif, parce
(pie l’état civil des personnes étant subordonné à l’intérêt
public, il est au pouvoir du législateur de le changer ou de
le modifier, scion les besoins de la société.
M. Merlin pense que ces principes pèchent par trop de géne-
o
�te a
(>8)
ralité. Sans doute, si on les appliquait à des droits acquis par
transaction, jugement ou par action légalement intentée, avant
la loi nouvelle, à cause de la maxime : Qui liabet actionem ad
rem recuperandam, ipsam rem habere videtur.
Mais ces principes s’appliquent évidemment à un état de
meuré incertain.
M. Merlin lui même le concède :
Lorsqu'il s’agit d ’une action que la loi m’accorde par pure
faveur, et a titre de simple faculté.
Telle est bien la recherche de la paternité, hors mariage,
puisqu’il n’y a rien de plus incertain sans l’aveu volontaire du
père; et la preuve que c’était une faveur exhorbitante, ou plutôt
un abus de l’ancienne jurisprudence, c’est qu’aucune loi n’avait
consacré le principe de cette action, et que la Convention, au
moment mémo oh elle appelait les enfans naturels aux mêmes
droits que les enfans legitimes, a réglé le mode de preuve tant
pour le passé, que pour l’avenir, en prohibant la recherche de
la paternité, ailleurs que. dans les actes écrits du père, ou dans
•les faits personnels de lui à l’enfant, en rejetant les preuves
de fréquentation de la mère, etc., etc.
Au surplus, dit M. Merlin, notre question n’en est pas une
pour la France. Le législateur l’a tranchée lui-même de la ma
nière que je l’ai expliqué dans des conclusions du 9 novembre
1809, rapportées au § -x de l’art. Légitimité de 111011 Recueil des
Questions de Droit.
En se reportant surtout à l’arrêt intervenu, au rapport de
M. Cochard, le 9 novembre 1809, on voit que la Cour de cassa
tion n’a approuvé ni désapprouvé la doctrine que Fauteur des
Questions avait professée dans ce long réquisitoire.
�6 o^
( 29 )
Ce savant magistrat a prétendu alors, qu’il fallait distinguer
dans l’état des enfans nés liors mariage, ceux dont les pères
étaient décédés sous l’empire de la loi du 12 brumaire, ceux
dont les pères étaient décédés dans l’intervalle du décret du 4
juin 1793 au 12 brumaire, et ceux qui étaient décédés avant
1793. À l’égard des premiers, il dit qu’on était en droit d’exiger
d’eux une preuve authentique de l’aveu de paternité, bien que
l’art. 8 de la loi du 12 brumaire se contente d’une reconnais
sance privée. Comme on le voit, c’est la reproduction du sys
tème exposé par le ministre de la justice, dans son Rapport au
Directoire, lé 1 3 ventôse an 5, système rejeté par le conseil des
anciens, le 12 thermidor an 6. Ce rejet n’a pas convaincu
31. Merlin de son erreur, il n’en persiste pas moins à soutenir
(pie lui seul a bien interprété la loi.
L ’art. 8 du décret du 12 brumaire an 2, statue sur la preuve
de filiation des enfans dont les pères étaient décédés, sans dis
tinction entre ceux qui étaient décédés avant ou depuis le
decret du 4 J l,iu 1 7d3- Cela n’empêche pas 31. Merlin de sou
tenir sa distinction, et de prétendre que la preuve de la filia
tion, pour les premiers, pouvait encore se faire par la fré
quentation de la mère, en 1111 mot, par la voie scandaleuse
de la recherche indéfinie, tandis que la loi dit expressément
le contraire.
On sait que 31. 3Ierlin avait un rare talent pour soutenir
des griefs de ce genre, à l’aide d’une argumentation très-subtile*,
en discutant ainsi, il se fondait sur ce qu’autrement, la loi du
t 2 brumaire aurait eu 1111 effet rétroactif trop étendu. 3Iais,
soit qu’il s’agisse de pères décédés sous l’empire du décret du
4 juin 179^5 soit qu il s agisse d individus décédés auparavant,
l’effet rétroactif serait le même, si réellement la loi était ré-
%
�(3o)
Iroactive, quand elle règle l’état encore incertain d’individus
nés hors mariage.
L ’article 8, de la loi de brumaire an a, a fait cesser un abus
de jurisprudence qui n’aurait pas dû exister, et qui n’existait
pas partout. C’est donc une loi déclaratoire, plutôt qu’innovatoire. Elle disposait sur une matière non réglée, et il est de
principe que les lois qui statuent ainsi, ne sont jamais censées
rétroagir, puisqu’elles n’enlèvent pas de droits acquis. Les droits
acquis 11e sont que ceux qui sont garantis par des lois expresses.
On peut, il est vrai, appuyer l’opinion de M. Merlin d’un arrêt
rendu le 14 thermidor an 8; mais des arrêts aussi anciens ont
peu d’autorité aujourd’hui, surtout lorsqu’ils se trouvent contre
dits par des arrêts postérieurs, tels que ceux des 3 ventôse an
10, 26 mars 180G, 6 juin 18 10 , 12 juin i 8 i 5.
La manière tranchante dont est terminé le § 3 de l’art. 8,
sect. 3, de la Dissertation de M. Merlin, qui va jusqu’à dire
que la question agitée ne fait plus de doute, parce cjue le légis^lateur l’avait tranchée de la manière qu’il avait dite, ne doit
donc pas en imposer à ceux qui veulent se reporter aux preuves.
Au reste, les tribunaux se sont plus d’une fois écartés de
l’opinion de M. Merlin; l’ascendant qu’il exerçait par sa logique
et sa science a cessé depuis long-temps, et l’on n’examine plus
aujourd’hui que ses preuves.
Il
a soutenu, dans une Note additionnelle à ses Questions de
Droit, v° Testament, § G, pag. 2G9, que depuis le Code civil, il
n’y avait pas de doute sur ce que le testament mystique, nul
pour défaut de formes, ne pouvait valoir comme testament ologiaphe; mais malgré cette assertion, la chambre des requêtes
de la Cour de cassation, par arrêt du u3 décembre, rapporté
�6II
(30
dans la Gazette des Tribunaux, a rejette le pourvoi des héri
tiers Gauthey, sans délibérer.
On pourrait citer beaucoup d’autres exemples, non pour éta
blir que l’opinion de ce grand jurisconsulte est de peu de poids,
mais pour prouver que, comme un autre, il paye tribut à l’er
reur, et que ses opinions doivent être appréciées d’après la na
ture des argumens et non d’après l’autorité de son nom.
Au reste, même dans l’opinion de M. Merlin, la latitude de
preuve admise par l’ancien droit, pour la filiation des enfans
nés hors mariage, tenait à ce qu’il ne pouvait leur être accordé
que des alimens; du moment qu’on veut établir cette filiation
pour obtenir des droits d’hérédité et même de légitimité, nonseulement dans la succession du père supposé, mais encore dans
celle des parens collatéraux, des actions de cette nature doivent
être assujetties à la rigueur des formes introduites par les lois
postérieures.
Or,rllélène est décédée; elle n’a donc plus besoin d’aliinens*,
ce qu’on réclame aujourd’hui, de son chef, est la succession de
Jean-Louis Carraud d’Urbise, frère de celui dont la paternité
est recherchée. L ’action dont il s’agit est repoussée, quant au
fonds, par le texte formel de l’art, g de la loi du 12 brumaire
an 2 et par l’art. 4 de la loi spéciale du i 5 thermidor an 4*Quant
a la forme, cette action a été successivement régie par l’art. 8
de la loi de brumaire an 2, par l’art. 1 " de celle du 14 floréal
an 1 1 , et par la prohibition absolue du Code civil.
Les héritiers d’Hélène, fussent-ils recevables dans leur ac
tion et fondés dans leur revendication, d’après la jurisprudence
antérieure aux lois de 17 9 3, resterait a examiner si réellement
Hélène, après avoir prouvé quelle était enfant naturel du sieur
�Uo
( 3. )
Jean - Pierre Carraud, se serait trouvée légitimée, de plein
droit, par le mariage subséquent de ses père et mère.
On invoque encore sur ce point les anciens principes et la
dccrétalc d’Alexandre III. Il est bien vrai que, d’après une opi
nion généralement adoptée, le mariage subséquent des père et
mère d’un enfant naturel, avait pour effet de le légitimer; mais
il fallait certaines formalités, telles que de passer sous le poêle 3
s’il n’y avait eu une reconnaissance antérieure. Voilà ce qui
fut exposé au Conseil d’Etat, dans la séance du i 5 novembre
18 0 1, et ce qui lit rejeter la proposition d’admettre la légiti
mation tacite, ou par reconnaissance postérieure au mariage.
La décrétale d’Alexandre III, qui d’ailleurs est une loi étran
gère, ainsi que Potliier le reconnaît, 11c dit pas que le mariage
aura pour effet de légitimer des enfans naturels, non reconnus
comme tels : c’eut été singulièrement encourager le concubinage,
et accorder une prime à une chose qui était déjà de pure fa
veur, puisque la légitimation par le mariage subséquent, intro
duite dans la législation par Constantin, restreinte par Zénon,
rétablie par la Novelle X IX de Justinien, a toujours été con
sidérée comme faveur.
Potliier dit, il est vrai, que la légitimation s’opère par la
seule lin du mariage, sans que le consentement des père et
mère soit exprimé; mais il ajoute en parlant de l’inutilité de la
cérémonie du poêle: « Quelle n’est pas nécessaire, lorsque
<r les époux les ont reconnus pour leurs enfans, de quelqu’autre
» manière que soit, soit avant, soit depuis leur mariage; en un
« mot, lorsque ces enfans peuvent, de quelque manière que ce
a soit, justifier leur état. »
Potliier ne dit pas «pie, pour jouir de la faveur de la légi-
�(jl'S
(33)
timation, on peut faire un procès en reconnaissance de pater
nité, mais seulement qu’il fallait justifier d’une reconnaissance
de cet état.
Nous ne connaissons aucune décision judiciaire qui ait fa
vorisé les bâtards, au point d’ajouter au scandale de la recherche
d’une paternité toujours incertaine, celui de leur attribuer tous
les honneurs de la légitimité. C’eût été un moyen d’éluder les
lois du temps, qui, de l’aveu de M. Merlin, ne leur accordaient
d’action que pour leur assurer des alimens.
Ce serait créer un moyen d’éluder les prohibitions des lois
de l’an 2 et de l’an 4, dans ce qu’elles ont de salutaire, pour
empêcher les enfans naturels de revendiquer des droits de suc
cession dans les familles collatérales; ce serait renverser tous
les principes de moralité et d’ordre social.
Dès que l’action des héritiers d’Hélène a ce but, elle doit être
proscrite d’autant plus fortement.
Nous n’avons pas relevé, dans le cours de cette discussion, la
circonstance que l’action n’a été intentée que long-temps après
la mort du père, et que les consultans sont fondés à repousser
une calomnie; que le père supposé, loin de vouloir reconnaître
cet enfant, a fait des dispositions qui excluent toute idée de pa
ternité.
Nous n’avons pas, non plus, relevé la bizarrerie qu’il y a d’ad
mettre aujourd’hui, sur une déclaration faite par une femme
octogénaire, dans un temps oh la terreur devait paralyser toute
résistance de sa part, l’application de la maxime : Credilur
virgini.
* !À
�(34)
Mais nous disons avec une grande conviction, que le tri
bunal de Riom, par son jugement du 3o juillet 1828, a faus
sement appliqué la décrétale d’Alexandre III, et les anciens
principes sur la légitimation par mariage subséquent; qu’il a
violé l’art. 8 de la loi du 12 brumaire an 2, applicable aux re
cherches de paternité dirigées contre ceux qui étaient décédés
sous l’empire des lois antérieures, l’art. 9 de cette loi et l’art. 4
de celle de l’an 4 5 qui défendent l’admission de ces actions ten
dantes à attribuer des droits aux enfans naturels dans la suc
cession des parens collatéraux ;
Que, d’ailleurs, la question est régie par le Code civil; qu’ap
pliquer ce Code à une action née sous son empire, pour un état
non fixé auparavant, et ou il n’existait pas de droit acquis, sera
ne pas violer le principe de la non-rétroactivité des lois et faire
au contraire une juste application de ces lois, de l’art. 1 cr de
celle du 14 floréal an 1 1 , du décret d’ordre du jour du 4 plu
viôse an 2, de l’art. 8 de la loi du 12 brumaire an 2, et des
principes fixés par les arrêts de la Cour de cassation, de l’an
10 , de 1806, de 1 81 0 et 1 8 1 5, précités.
Délibéré à Paris, ce 28 décembre 1828, par les avocats au
Conseil du Roi, et a la Cour de cassation, soussignés:
IS A M B E R T , H E N N E Q U IN , D A L L O Z .
C L E R M O N T-F E R R A N D , DE I.’ IM P R IM E R IE . DE J . - J . V A I S S I E R E ,
rue des G ras, n* 15, maison boisson . 1820.
�
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Poya. 1829]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Isambert
Hennequin
Dalloz
Subject
The topic of the resource
abandon d'enfant
renonciation à succession
successions
estoc
successions collatérales
enfants naturels
testaments
reconnaissance de paternité
conflit de lois
recherche de paternité
loi du 10 novembre 1803 (travaux préparatoires de la)
rétroactivité de la loi
doctrine
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire à consulter et consultation pour les Sieurs Poya, Rome, dame veuve Abraham et consorts, héritiers ou légataires de l'estoc paternel de Jean-Louis Carraud d'Urbise, contre Les enfans d'Hélène Dubois, se disant fille de Jean-Pierre Carraud, frère du sieur d'Urbise.
Annotations manuscrites. « 19 février 1829, arrêt infirmatif en audience solennelle. Journal des audiences, 1829, p. 337 ? »
[suivi de] Consultation pour les héritiers ou légataires de la ligne paternelle de Jean-Louis Carraud d'Urbise.
Table Godemel : Enfant naturel : 5. l’enfant naturel, né en 1751, baptisé sans désignation de père ni de mère, mais produisant, plus tard, une reconnaissance émanée de sa mère, sans en rapporter une de son père putatif, peut-il prétendre qu’il a été légitimé de plein droit, par le mariage subséquent de ce dernier avec sa mère ?
pour réclamer les effets d’une pareille légitimation n’est-il pas nécessaire de prouver la filiation antérieure au mariage ?
les dispositions des lois romaines sur cette matière s’appliquant à des mœurs et à des usages qui rendaient d’ailleurs, inutile toute reconnaissance, peuvent-elles être invoquées ?
a défaut de la cérémonie du poêle, qui sous l’ancienne législation, tenait lieu, en France, de reconnaissance des enfants nés avant le mariage, et qui était tombée en désuétude, doit-on chercher des éléments de décision dans la jurisprudence antérieure aux lois intermédiaires et au code civil ?
l’ancienne jurisprudence ne présentant, en l’absence d’une loi positive sur la matière, que variation et contradiction, ne doit-elle pas être regardée comme inapplicable ?
ne doit-il pas en être de même de la loi du 12 brumaire an 2, et de celles qui l’ont suivie, quant à son exécution, soit en ce que cette loi de brumaire n’avait trait qu’aux enfants naturels existant alors et agissant en réclamation de paternité ou de maternité contre un individu pris isolément, soit en ce qu’elle n’admettait que le droit de prétendre aux successions ouvertes depuis 1789 ?
n’est-ce pas le cas, au milieu de cette incertitude, et s’agissant de déférer la paternité à un individu décédé en 1781, de recourir au principe consacré par l’article 331 du code civil, considéré, sur ce point, comme l’expression d’une raison générale ?
tout effet rétroactif ne doit-il pas cesser, dès le moment qu’il est reconnu que l’enfant naturel n’avait aucun droit acquis, au moment de la publication du code civil ?
si, dans tous les cas, l’ancienne jurisprudence pouvait être invoquée pour l’enfant naturel, soit à raison de sa naissance (1751), soit à raison du décès de son père putatif (1781), ne devait-il pas alors s’appuyer sur des commencements de preuve par écrit, sur des indices et présomptions graves établissant sa filiation, et rendant admissible la preuve des faits articulés ?
spécialement, pourrait-on admettre, sous l’empire du code civil, une recherche de paternité, à l’occasion d’une naissance arrivée en 1751, et de la part des héritiers de celle qui ayant intérêt à l’existence de cette paternité, ne rapporte aucune reconnaissance, aucun écrit de son père putatif, et qui n’a elle-même intenté son action en réclamation qu’en 1802, c’est-à-dire 51 ans après sa naissance et 21 ans après le décès du père putatif ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de J.-J. Vaissière (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1829
1751-1829
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
34 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2618
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Riom (63300)
Saint-Pierre-Roche (63386)
Ardeyrolles (village de)
Reyvialle (village de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
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abandon d'enfant
conflit de lois
doctrine
enfants naturels
estoc
loi du 10 novembre 1803 (travaux préparatoires de la)
Recherche de paternité
reconnaissance de paternité
renonciation à succession
rétroactivité de la loi
Successions
successions collatérales
testaments
-
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fea738cd9805d33a5f6fefb3034a8f80
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A N C I E N S J U R I S C O N S U L T E S près l a Cou r
royale de R i o m
So u s s i g n é s ,
Sur le renvoi qui leur à été fait par Monsieur le Pro cureur
gé r é ral d ans l' i n t é r ê t de l ’E t a t , d ’une procédure e n
saisie réelle exercée par le chapitre de c h a u d e s a i g u e s
contre les enfans d' Antoine G oldemar, et après avoir
attentivement examiné, soit cette procédure, soit les
fait s qui l ’avaient précédée et ceux qui l ’ont accom pagn é e soi t les m o y e n s d e n u llité proposés c o ntre la
sentence d ’adjudicati on , du 22 j u i l l e t 1 786 •
E S T I M E N T que l e s q u e s t i o n s s o u m ises a la C o ur
tiennent à des faits q ui n ’ont pas été suffisamment
développés dans les écritures du procès, notamment
dans les Mémoires i m p r i éms; et i l l e u r p a r a i t néces
saire de s’ y appuyer un peu plus q u ’on ne l ’a fait
ju s q u ’à présent , parce
q u ’il peut
en résulter des
conséquences formelles, qua nt aux fins de non recevoir
q u ’on oppose aux appelans.
Des moyens de considération et de faveur ont figuré
ju s q u ’ici en première ligne dans les écrits des appelans;
ils dominent sur-tout dans le Mémoire imprimé. Il
est très-bien, sans dout e, d ’invoquer la faveur de la
Justice pour des citoyens injustement et irrégulière
ment dépouillés de leur patrimoine mais l ’ usage d ’un
„
�• l *
4
*«
*
<
i(<
( 2 )
•*>
• •» • •
... «Mfe
•
•» *
• 4^ •
**
semblable moyen doit être accompagné oc sagesse et
appuyé sur la vérité'. Il faut se tenir en ga rde *co ut re
certaines îinpreSSiotifr^ui*, en reposant sitr un prineipe#
louable, séduisent quelquefois Iq. cœ .i^, et font prendre
• **¿1 un sentiment de cornniisération la place de^a Justice.
C ’est ce q u ’on aperçoit dans les écrits ^ s âppelans.
L e défenseur a cru-ses cliens indignement trompés,
• • e t «e sentiment a présidé *lans ses moyens de djlfcnse.
.
A u j o u r d ’ hui il se fortifie de la Uualité de celifi sur qui
‘ "** i ^
'a _
retomberait la nullité de la p r o c é d u r e , c ’esi-à-^Tfe
Y Îfta tq w i représente Îe'fhîipiti’é de C'lfSf*iesîfl'gûes.
malheureux d ’un côté et le Gouver nement de l ’autre!
On sent tout ce que cette pensée ajoute de faveur à la
iVrcrtiou«des appelans.
•• • •
•**
%».
•
L e jur iscon su lte, non plus que le m ag istra t, 'n’a
pas à s’arrêter bea'ucoVp sur des’ moyen« semblables.
Il ne ferme pas leu çoeuf h la pitié, m^is il doit examiner
les questions q u on lui propose sous les rapports légaux.
L ’É t a t est soumis à la loi comme les autr es , et <pàr,
cela seul il**a droit d ’en invoquer le bénéfice comme
les simples particuliers. D ’ailleurs, il s’agit aussi de v
l ’intérêt d ’ un tiers q ui est l ’adjudicataire \ et enfin pour
être malheu reux , on n ’est pas dispensé de payer ses
dettes quand on en a le moyen. O r , dans l ’espèce, il
est constant que la famille Goldemar était débitrice de
sommes considérables, respectivement à la masse de scs
biens. Il est reconnu, par toutes les parties, que le prix
de la vente n ’a pas suffi pour les désintéresser. L e
chapitre de Ghaudesaigues était créancier d ’ un« rente,
et d ’ une obligation faite pour arrérages. Il est certain
�s •%
( 3 \ ,
q u ’on n e 'p a y a it ni ce créancier, ni les autres; il eut
donc le droit de faire vendre les biens des débiteurs.
m
Voilà la vérité du f a it , q u ’il suffit de voir à nu pour
être
con vaincu, q u o iq u ’on en ait d i t , que la poursuite,
eut un principe légitime.
;
T ou t consiste donc à voir si la procédure a été
régulière, et si ceux q u i l ’att aqu ent en ont le droit
ou la faculté : c’est l ’examen auque l doivent se borner? •
des jurisconsultes.
Si ce dernier cas posé n ’était pas un p r o b l è m e -, s il
était constant entre les parties q u ’aucune fin de non
recevoir n ’écarle la prétention des appelans;
si la
nullité de la saisie était réclamée par les héritiers du
déb iteu r, l ’examen des actes de la procédure pourrait
embarrasser dès le premier pas. T o u t en regardant
comme chimériques la plupart des moyens proposés,
ce q u ’ il est facile^de reconnaître,
le Conseil croirait
trouver dans le premier acte une difficulté sérieuse, en
ce que le commandement recordé qui devait précéder
la saisie, ne contient pas copie des titres de créance.
C ett e
nullité résulterait textuellement de la dispo
sition de l ’é d i t , et le Conseil ne croit pas q u ’on y eut
répondu suffisamment en disant que par un acte de
la veille on avait notifié la sentence. D ’ une p a r t , la
notification n ’était pas suffisante dans un simple acte;
elle devait se trouver dans le commandement, et être
attestée par les deux témoins. E n second lieu , l ’ acte
de la veille ne contenait que la notification de la sen
tence, et non celle des titres de créance, savoir : un
cojitrat de rente et une obligation de 299 f r , , et pour
�4
( 4 )
tout cela, il ne suffisait pas de rapporter la sentence.
O n sait que dans les maximes ordinaires du palais,
celui qui a obtenu par jugement une condamnation
. iondée sur un titre, ne peut pas obtenir le paiement
avec la sentence seule, parce que le défaut de représen
tation du titre suffit pour en faire présumer la remise;
et dès lors, toutes les fois que la loi exige la notifica* tion des titres de créance,
on n ’y satisfait pas en
notifia nt, seule, une sentence qui n ’est que la confir
mation du ti tr e , et qui ne peut guère avoir effet Sans
lui. Toutefois nous ne donnons ici q u ’ une idée un peu
générale de ce moyen dans un cas supposé;
nous
verrons plus tard q u ’il est à peu près sans application
à l ’espèce.
Nous devons examiner les questions q ui se pré
sentent, dans l ’intérêt de la justice; la l a v e u r , s’il
en était q u e s tio n , ne serait pas toute entière du côté
des appelans, car la position d ’ un adjudicataire q u i
a acheté de bonne foi et payé de même, et qui jouit
depuis quarante ans, a bien aussi son côté favorable.
Il ne lui est pas indifférent de conserver sa propriété
ou de la perdre même avec une garantie, et ce n ’est
pas sans raison que les docteurs ont adopté cette
maxime de notre droit : m eliu s est habere res quàm
cautiones. C e t adjudicataire ne sera donc pas défavo
rable en opposant des fins de non recevoir à un dé
bit eu r q ui a laissé vendre son bien pour n ’avoir pas
payé ses dettes. Pour les bien apprécier,
com m ençons
par établir les qualités des parties qui ont interjeté
appel de la sentence d ’adjudication.
v
�( 5 )
Sans parler des faits , si ce n est en tant qu. il sera
nécessaire sur chaque question, disons avant tout que
le chapitre de Chaudesaigues avait poursuivi celte
vente contre Jean, Philippe et Antoine G o ld em a r ,
Jeanne Goldemar et E tie n ne Fabre ,
son m ar i,
et
Jeanne Gold emar et V i t a l C r o s , son mari. Elle fut
mise à fin le 22 juillet
1786.
L ’adjudicataire prit
possession par acte du 3 i juille t, et cet acte de prise de '
possession fut notifié le 9 septembre suivant à P h ilip p e
G o ld em a r q ui possédait les biens en vertu d ’un traité
dont nous parlerons plus tard. En fin , après celte prise
de possession, l ’adjudicataire consigna le prix de son
acquisition entre les mains du greffier comme cela se
pratiquait alors, et fit ensuite procéder à l ’ordre entre
tous les créanciers opposans. Tous com pa rur en t; des
discussions s’élevèrent, et la procédure fut mise à fin
par une sentence du 20 juillet 1 7 8 7 ,
le plus grand détail
sur
q u i statue avec
toutes les difficultés q ui
sJétaient élevées. C e tt e sentence- a été signifiée et exé
cutée par l ’adjudicataire et n ’a jamais été attaquée.
Les créanciers ont été payés par le greffier, dépositaire
de la consignation, ainsi que le constatent plusieurs
quittances jointes à la procédure. V o ila une série des
laits q u ’ il ne faut pas perdre de vue.
Il faut y ajouter une autre circonstance qui n ’est
pas non plus sans intérêt. On présume quelquefois de
la fraude, de la inal-façon, lorsqu’on voit une a d ju d i
cation faite b ru s q u e m e n t, et le poursuivant devenir
adjudicataire. Ici les choses se présentent sous un
tout autre aspect. Après le congé d ’ adjuger et le placard
�de quaran tai ne, l ’adjudication fut renvoyée de plus
de deux ans. L e juge le fit sans doute dans l ’intérêt
des parties saisies. On vo it, dans la sentence, plusieurs
publications et affiches, faites dans le courant de i ^85
et au commencement de 1 7 8 6 ; enfin, après plusieurs
remises, on remarque les trois publications portant
remise de quinzaine , à la première desquelles sont
faites plusieurs enchères. A la seconde, les enchères ne
se renouvellent p a s , m ai s , à la troisième, six autres
enchères sont faites par diverses personnes. L e juge
remet encore; il prononce ainsi deux remises succes
sives, de quinzaine en quin za in e, e t , à la seconde fois,
il fixe l ’adjudication au 22 juillet. E n f i n , le 22 juillet,
et après toutes ces précautions., il la prononce au profit
de Jean Be rbigie r, c ’est-à-dire, d ’un homme étranger
au p o u rsu iv a n t, qui achète, fait faire l ’ordre, et paie
de bonne foi un prix q u ’on offre au jo u rd ’hui de lui
rendre, parce q u ’on reconnaît en avoir profilé. Voilà
l ’ensemble des faits .q u ’il faut apprécier pour bien
connaître la situation de l ’adjudicataire et des parties
saisies qui ont attaqu é la sentence d ’adjudi cat ion ,
après la consom m ation de la p rocéd u re d ’ordre où
ils étaient appelés.
*
L e premier acte d ’appel est du 3 août 178 7. Il fut
fait à la requête de Jeanne G o ldem ar, veuve de V i t a l
Cros,
tant en son nom que comme tutrice de ses
enfans. C e sont eux au jo u rd ’ hui qui la' représentent.
U n second acte d ’appel fut n o ti fi é , le 8
octobre
1 7^7 ? P‘*r Philippe G old em a r et Jeanne G oldem ar,
fem me Dejean. Philippe était frère de la femme Cros.
�.
(
7
)
Les qualités de la femme Dejean ont été contestées,
et ne paraissent pas avoir été établies.
Ces trois parties ont procédé ensemble sur les dexfx
appels, ju sq u’au 22 thermidor an 3 . A u jo u r d ’ hui les
noms de Philippe G oldem ar et des mariés Dejean ont
disparu des qualités. Ils 11’ont pas repris l ’instance
d ’appel depuis 1 79$, et il n ’y a eu de reprise que parles
enfans de Jeanne Goldemar et de V i t a l C r o s , par acte
du i 3 juin 1807. C ’est avec eux seuls que la procédure
a pté suivie ju sq u’à ce j o u r , ainsi que le constatent
tous les actes notifiés en la Co ur. L e Conseil se bornera
donc à un léger examen de la position des intimés
envers Philippe Goldemar et la femme Dejean. Il sera
suffisant pour juger si on doit, à leur égard, prendre
quelque précaution.
Si nous étions moins avancés dans le t e i n s , des
motifs de prudence auraient pu commander de les
appeler en cause, pour 11e pas avoir deux procès pour
un. Dès q u ’on était en instance avec eux., il n ’aurait
pas suffi de faire juger cette instance avec les enfans
C ro s, même en les supposant héritiers-, car si on rejette
l ’appel à leur égard, il faudrait y revenir avec les autres 5
si on l ’admet et q u ’on déclare la procédure nulles on
ne pourrait pas se désister de la propriété entière, ni
rendre les jouissances, n i , en un m o t , terminer le
procès sûrement avec les enfans C r o s , qui n ’au ra ien t
pas le pouvoir de prendre la portion de leurs cohéri
tiers. A i n s i, il suffirait que ces derniers eussent figure
dans l’ instance, pour q u e , régulièrement, les intimés
dussent les y appeler.
�(8)
Toutefois on peut s’en dispenser, si les qualités
n ’ont pas changé depuis le dernier acte de procédure,
dh 22 thermidor an 3 , parce q u e , depuis ce jo u r q u i
correspond au xo août 179 ^, il s’est écoulé plus de
trente ans.
Les parties intéressées auront à examiner si elles
sont suffisamment à l ’abri de toute poursuite u lté
rieure,
par cette seule circonstance. Cela est assez
vraisemblable, sur-tout si 011 examine la position de
ces individus, qua nt à leurs moyens d ’appel.
Philippe Goldemar avait évidemment q u a lité ; il
était fils et héritier d ’Antoine G o l d e m a r , débiteur de
la rente due au chapitre de Chau des aig ue s, et dont les
biens avaient été vendus s u r l u i- m è m e .
Mais des actes qui lui sont personnels s’opposent à
tout retour de sa part contre l ’adjudication.
Jeanne G o l d e m a r ' et V i t a l C r o s , son m ar i, étaient
en possession des biens; nous verrons bien lot ce fait
prouvé d ’ une manière in d u b ita b le ; quant à présent,
tenons-le pour constant. Il n ’y avait point eu de bail
judiciaire; le chapitre n ’agissait pas rigoureusement :
cela est démontré par les circonstances. Il avait pour
suivi depuis 1 7 5 9 ; fait en 1760 une première saisie
réelle q u ’il avait abandonnée en recevant des à-comptes.
Il avait repris les poursuites en 1782 , et fait en 1788
une seconde saisie réelle q u ’il ne mit à fin que le 22
juillet 1786. Pendant q u ’il accordait des délais, il ne
voulut pas cependant laisser les mariés Cros profiter
pour eux-mèmes des fruits de la chose saisie; et , le II
juillet 1 7 8 5 , après la notification de la sentence qui
�( 9 )
déclarait
la . procédure
valable ,
et
portait
congé
d ’adjuger, il fut passé, entre le doyen du ch apitr e,
Jeanne Goldemar veuve C r o s , Philippe Goldemar et
Jean V e y l e t , opposan s, un acte notarié, par lequel
il fut convenu en tr ’eux tous, pour l ’intérêt des créan
ciers, que Philippe Goldemar prendrait la récolte, par
fo rm e de b a il à f e r m e ; tju i l ]>aie rail 170 f r . p o u r
le s.fr u its (jui resten t, et que les blés seraient payés
suivant estimation ; que sur ce prix seraient payés
d ’abord la taille et les cens; et le su rp lu s, est-il d i t ,
fe r a fo n d s p o u r être distribué a u x créanciers, suivant
et conform ém ent à leu r ordre de créa n ces, et ¿1 la
vente q u i sera f a it e des fo n d s saisis. C et acte, passé
après la notification de la sentence portant déclaration
de la validité des poursuites et continuation d ’ icelles,
est évidem ment , de la part de toutes les parties, une
approbation de la saisie et
de toute la procédure
antérieure.
Allons plus loin : Philippe G o ld em a r , au lieu de
se pourvoir contre la sentence d ’adjudication, comparut
à la sentence d ’ordre, comme créancier opposant, pour
les créances d ’ Elisabeth B i r o n , sa mère.
Il y a été
colloque, en cette qualité, avec une quinzaine d'autres
descendons des G o l d e m a r , q ui réclamaient, du chef
de leurs au t eu rs ,
les biens vendus ,
d ’Antoine.
des droits
comme
ou
des légitimes sur
appartenant aux
eufans
E n f i n , Philippe G o ld e m a r , qui jouissait, en vertu
du bail de 178 ^ , ne voulut pas obéir à la sentence
d ’adjudication; et malgré la notification qui lui fut
3
�( 10 )
faite de cette sentence et de l ’acte de prise de possession,
il sema les blés v i f s , soit sur les terres travaillées, soit
même sur les retroubles, pour se maintenir en posses
sion. Il fit plus : il coupa
et enleva
des arbres.
Berbigier rendit p la in te, le fit décréter d ’ajournement
personnel; e t , pour empêcher la poursuite, Goldemar
passaj devant notaire, le 27 janvier 1 7 8 7 , un acte
par l e q u e l , en reconnaissant le litre et les droits de
l ’adjudicataire,
il lui abandonna la possession des
biens , et s’obligea à lui payer 327 f r . , dont 180 fV.
pour le prix de la ferme , et 147 IV. pour dommagesintérêts.
Il est dès-lors inconcevable que le même Philippe
Goldemar ait pensé à interjeter appel, le 8 octobre
suivant. O n voit très-bien pourquoi il l ’a abandonné,
et on doit pleinement se rassurer sur ce qui le concerne.
Q u a n t à la femme D e j e a n , elle n ’était pas sœur de
Philipp e et de la femme C r o s , par conséquent pas
propriétaire des biens. L a saisie n avait pas etc faite
sur elle; elle n ’était pas partie dans la sentence d ’ad
judication. Aussi on contesta sa qualité ,
elle ne l ’a
pas établie; trente ans et plus se sont écoulés depuis
q u ’elle a abandonné les poursuites; il n ’y aurait donc
aucun intérêt au jo u rd ’ hui à rechercher ce q u ’elle était,
et îi se rendre aggresscur contre elle ou ceux qui la
représentent,
pour faire juger un appel q u ’elle ne
reprendra pas et q u ’elle essaierait vainement de re
prendre.
Reste la femme Cros ; c’est aujourd ’ hui la seule
partie de la cause dans la personne de ses enfans.
Le
�( 11 )
Conseil pense que deux moyens les repoussent : i° un
défaut de qualité;
a 0 une fin de non recevoir résul
tante de faits q ui lui sont personnels. Po u r l ’établir_,
il faut reprendre quelques faits.
Jeanne Goldemar épousa V i t a l C r o s ,
le 9 janvier
1 7 5 7. Antoine G o ld e m a r , son père, lui fit donation
de tous scs biens présens et à 'venir.
Il paraît q u ’après le mariage, des circonstances qui
nous sont inconnues lu i apprirent que les a fia ires de
son père étaient en désordre. E l l e craignit sans doute
des poursuites personnelles’, pour se mettre à l ’a b r i ,
et avec le concours et l ’autorisation de son m a r i , elle
se présenta devant un notaire, et y fit, le 28 juin 17ÎÎ7,
un acte aulhentliique de renonciation à cette donation.
E l l e et son mari déclarèrent que leur renonciation
était fondée sur les articles 18 et 3 G de l ’ordonnance
de 1 7 3 1 , et sur ce q u i l s ignoraient 3 lors du contrat,
les dettes contractées p a r le d it A n to in e G o ld em a r,
donateur, et ( ju ic e lu i G old em a r avait tenues cachées.
Il est
inutile de rechercher si cette renonciation
était ou non valable, et si le droit ou la faculté de
renoncer 011 d ’opter n ’ était pas renvoyé à l ’époque du
décès du donateur, dès q u ’ il s’agissait de biens présens
et à v en ir - nous 11e parlons de cet acte que pour en
tirer deux conséquences : l ’une que Jeanne Goldemar
savait dès lors que les biens de son père étaient plus
q u ’absorbés par ses dettes; l ’autre que celte renon
ciation avait au moins pour objet de se préserver des
poursuites q u ’on aurait pu faire contr’elle comme do
nataire enire-vifs.
�( 12 )
L a répudiation était certainement ignorée du cha
pitre de Chaudesaigues, lorsqu’en 1 7 ^ 9 , il poursuivit
Antoine Goldernar et la femme C r o s , sa fille, comme
sa donataire, et q u ’en 17G0, il fit une saisie réelle.
Il ne la connaissait pas davantage , lorsqu’en 1708,,
et le 12 février, après la mort d ’Antoine Goldernar, il
reprit les poursuites contre la femme Cros ,
comme
donataire et héritière de son père ; mais les poursuites
ayant clé rallenties^, les choses changèrent de face; et
après avoir pris le lems de la réflexion ,
les mariés
C ro s, persévérant dans la volonté q u ’ils avaient ma
nifestée en 1 7 5 7 ^ parce q u e , sans d oute, les mêmes
raisons subsistaient toujours, firent une répudiation
authentique à la succession d ’Antoine Goldernar. Elle
est du 8 septembre 1 7 7 3 , faite devant notaire, connue
cela se pratiquait alors.
E l l e rappelle dans cet acte sa renonciation de 17ÎÏ7 }
elle dit que son père a laissé six autres enfans, lesquels
sont habiles à lui succéder; que com m e les créanciers
de la succession de son père f o n t des poursuites
c o n tr e lle , q u o iq u e lle n’ait ja m a is v o u lu être héri
tière} p o u r lever tout éq uivoq ue, elle a , en adhérant
h la répudiation d u d it j o u r ,
28 ju in
17£>7,' dit et
d é c la r é q u e lle répudie et renonce à la succession de
son père , com m e la reconnaissant p lu s onéreuse que
p rofita ble.
C e l te répudiation ne fut pas signifiée immédiate
m ent, et le chapitre reprit contre les époux Cros en
la même q u a l it é , les poursuites précédentes, et n o
tamment la saisie réelle de 17G0. Déjà il avait obtenu
�( >3 )
par défaut un jugement de reprise, lorsque tout d ’ un
coup il abandonna scs poursuites pour recommencer
sur de nouveaux frais. Il est facile d ’apercevoir la
cause de ce changement.
Il parait que les mariés Cros firent usage de la ré
pudiation, pu is q ue , le 9 octobre 1 7 8 2 ,
le chapitre
présenta une requête-par laq u e l l e , après avoir rendu
compte des faits précédons, il dit que P^ital Cros et
Jeanne G o ld e m a r , sa f e m m e ,
tout en jo u issa n t des
biens laissés p a r A n to in e G o ld em a r 3 prétendent néan
m oins as’ oir rép u d ié à la donation ¿1 euac f a it e j>ar
A n to in e G o ld e m a r , ainsi q u à la succession à e u x
déférée p a r la loi.
Il ajoute q u ’il pourrait les soutenir héritiers; mais
comme il lui est indifférent q u ’ils le soient ou ne le
soient pas, il se contentera de f a ir e assigner les enfaiis
q u i n ont p a s ré p u d ié,
et V i t a l Cros et sa femme,
p o u r rendre com pte des jou issa n ces p a r euæ perçues
depuis leu r mariage,, et encore V i ta l Cros en parti
cu lie r, pour voir déclarer hypothéqué à sa créance 1111
pré retiré p a r lu i du chef d ’Antoine Goldemar.
E n f i n , le chapitre demanda la permission d ’assigner
à l ’ une et à l ’autre fin. Il o bti nt une ordonnance q ui
l y autorisa, e t , le 11 du même mois, il donna une
assignation i° à J e a n , P h ilip p e et A n toin e G o ld em ar ,
A n toinette G old em a r et E tien ne F a b r e , son m a r i ,
iceux
pris comme héritiers d 'A n to in e ,
le u r père ;
20 aux mariés C ro s, seulement pour rendre compte
des jouissances. Personne ne c o m p a r u t, e t , le 14 dé
cembre 1782 , il obtint une sentence conforme.
�( >4 )
Il faut bien se fixer sur cette sentence q u i a été le
point de départ de toute la procédure. E lle se trouve
sous la cote 3 de la production j et la requête sous
la cote 2. Les condamnations q u ’elle prononce sont
positives et tout à fait distinctes l ’ une de l ’autre. Les
anciennes procédures sont mises de côté. L e chapitre
se résigne à les ab and onner, parce qu'elles é t a ie n t'd i
rigées contre les mariés Cros com m e donataires depuis
leur renonciation à la donation , et com m e héritiers
depuis leur répudiation à la succession ; que par co n
séquent elles n ’avaient pas été dirigées contre la véri
table p ar ti e,
puisque les mariés Cros ne pouvaient
avoir qualité que comme donataires ou comme héri
tiers. L e moyen opposé et tiré de ces répudiations
décida le chapitre* sans dout e, à faire le sacrifice des
procédures considérables q u ’il avait faites jusque-là.
Aussi la sentence ne prononce-t-elle pas de reprise,
mais seulement des condamnations toutes nouvelles, et
indépendantes de tout acte antérieur.
Jean,
Philippe,
Ant oine G o l d e m a r ,
Antoinette
G oldemar et F a b re, son m ar i, sont condamnés comme
héritiers d ’ Anto ine,
leur père,
à payer i° la rente
de 3o fr. depuis 17D9; 20 les arrérages adjugés par la
sentence de 1 7 ^ 9 ; 3 ° 299 fr . d ’anciens arrérages; ils
y sont condamnés chacun pour leur part et portion ,
comme héritiers et hypothécairement pour le tout.
E n f i n , eu la même qualité d ’ héritiers, ils sont con
damnés à payer 26 liv. 5 s. de dépens, adjugés par
une semence de 1766. Tous les : autres irais sont
négligé^.
: .
‘
�( 15 )
Q u a n t aux maries Cros., ils ne sont
condamnés
q u ’« représenter les jo u issa n ces depuis leu r mariage 3
vu q u e , par suite de leur répudiation, ils les avaient
indûment perçues-, et V i t a l C ro s, seul, est condamné
à sou/Fri r l ’hypothèque du chapitre sur le pré q u ’il
avait retrait.
Cette sentence fut signifiée à toutes les parties,
le 17 janvier 1 7 8 3 , notam ment aux mariés C ro s, en
parlant à leurs personnes. Il est fort remarquable
q u ’ils ne l ’ont jamais att aq uée , et qu'elle a passé en
force de chose jugée , tant à leur égard que contre les
quatre
enfans, condamnés comme héritiers. A i n s i,
elle a suffi pour fixer irrévocablement les qualités des
parties dans la succession d ’Antoine Goldemar.
E n f i n , il faut s’arrêter sur un autre fait. C ett e
«
sentence est devenue le fondement unique de la saisie.
C ’est en vertu de ses dispositions, q u ’a été fait le
commandement
recordé,
et
q u ’a
été pratiquée la
saisie réelle du 25 janvier 1783. E l l e a été dirigée
contre P h i l i p p e ,
Antoine et G u il l a u m e G ol de mar
(ce dernier, sans cloute, était le fils de Jean)} contre
les époux l a b r e , et enfin lés mariés C r o s ; ces derniers
n ’étaient pas compris dans les actes comme héritiers.
Le commandement portait sommation de satisfaire à
la sentence d u i/| décem bre dern iery la saisie étai t
faite faute d ’y avoir satisfait; ainsi on ne leur dem an
dait que de rendre com pte des jo u is s a n c e s , et 011 ne
saisissait sur e u x , que par cette raison un iqu e q u ’ils
n ’avaient pas abandonné la possession ; car il y aurait
eu une contradiction
trop m a r q u é e , de prétendre
�( 16 )
poursuivre la femme Cros comme héritière, pendant
q u e , abandonnant toutes les poursuites antérieures,
on n ’agissait q u ’en vertu de la sentence q ui lui en
refusait la qualité.
A u reste, q u ’on ne doute pas de la possession des
mariés C ro s, à l ’époque de la saisie5 ils en conviennent
dans tous les actes de la procédure; et dans leur
Mémoire imprimé, page 2 1 , ils vont ju s q u ’à prétendre
tju ils îi’ont ja m a is é té dépossédés y lundis q u ’on va se
convaincre q u ’ils l ’ont été de droit par la saisie, et de
fait par le traité de 1785 , et mieux encore par la prise
de possession , et les baux
à ferme q u i ont suivi
l ’adjudication. Toujours est-il vrai que jusque-là on
avait dû saisir sur eux com m e détenteurs.
D e tous les faits que nous venons de parcourir, il
»
résulte que Jeanne G o ld em ar , femme C ro s, par sa
répudiation de 1 7 7 3 , est demeurée étrangère aux
biens d ’An to in e Gol de mar; que le retranchement de
ses droits d ’hérédité, dans la succession de sou père,
a été consacré, d ’après son option fort volontaire, par
la sentence aujourd’ hui irrévocable, du i/|. décembre
1782 , .puisque cette sentence a accordé la qualité
d ’ héritiers à ses quatre frères ou sœur, et l ’a condamnée
à rendre les jouissances des biens d ’Antoine G oldem ar,
comme les possédant in d û m en t , faute de litre et de
q u a l ité ; enfin que c ’est sur sa provocation, et par
suiLe du moyen tiré de sa répudiation, que le chapitre
se décida tout d ’ un coup à faire le sacrifice de douze
ans de ■
poursuites , et de tous les frais qui en étaient
le résultat, pour reprendre de nouvelles poursuites,
�f r i - '
( 17 )
en
reconnaissant q n ’il
y
avait
eu
erreur sur les
qualités.
Il est dès-lors évident que l ’ appel de la sentence
d ’adjudication est non recevable à défaut de qualité.
Les enfans
Cros auraient
mauvaise grâce
aujourd’ hui plus
que
prétendre que cette répudiation ne
peut profiter à personne, parce q u ’elle est restée dans
l ’ombre et q u ’ils n ’en ont pas usé. Ils en ont us é,
qu o iq u ’on n ’en rapporte pas de signification, puisque
le créancier, par cela seul, changea toute sa procédure;
et l ’ usage q u ’ il en ont fait a été consacré par une
sentence q u ’il faut exécuter a u j o u r d h u i j puisqu elle
est irrévocable.
D ’ailleurs, remarquons ici q u ’il s’agit de l ’intérêt
et du droit de l ’adjudicataire, qui est fort étranger
au poursuivant, et q ui a acquis de bonne foi. O r , il
a le droit de prétendre que les qualités et les droits
des héritiers sur lesquels on v e n d a i t ,
lui on t
été
transmis, au moins en ce q u ’ils ont de relat if aux
biens adjugés. Il lui appartient donc de dire : « Les
quatre héritiers saisis ont accepté cette q u a l i t é ,
et
vous l ’avez abdiquée; jS les représente, et je soutiens
aux enfans de la femme C r o s , que leur mère avait
répudié, et que la vente étant faite en sa présence
sur les quatre héritiers, les qualités respectives ont
éle fixees pour moi et avec moi; que par cela seul il
s’est opéré une dévolution entière de l'hérédité sur
ceux q ui l ’avaient acceptée. »
I) ailleurs
il est difficile
de- concevoir
comment
les enfans Cros pourraient accommoder avec la justice
3
«
�r 18 )
la prétention q u ’ils réveillent après un long silence,
lo rs q u’il est constant q u ’ils étaient obérés de dettes;
q u ’ils avaient répudié; q u ’ un adjudicataire étranger
à la poursuite a acheté de bonne foi ce que la Justice
vendait pu bli qu em ent, et que le prix a été versé dans
la main des créanciers, avant toute réclamation contre
la sentence. L e Conseil ne peut apercevoir ce q u ’il y a
de favorable dans cette position.
Dès-lors, et dès que les enfans Goldernar, déclarés
héritiers, poursuivis comme t e l s e t sur qui on a fait
vendre en cette q u a l ité , ne se sont pas pourvus contre
la saisie; q u ’au contraire ils ont exécuté l ’adjudi ca
tion , il ne reste aux enfans Cros aucun moyen de
retour.
Cela ne fût-il pas aussi cl air, une autre fin de non
recevoir se présenterait encore : elle résulte du traité
de 1 7 8 5 , fait entre les mariés C r o s , le chapitre, un
créancier opposant et Philippe Goldernar.
Nous l ’avons déjà remarqué : la sentence du 12 juin
178 4 avait déclaré les poursuites valables et régulières,
et ordonné l ’adjudication. C ett e sentence avait été
notifiée aux mariés C r o s , le 2 6 ; et c’est le 1 1 ju i l le t ,
que les mariés C r o s , quoique possesseurs, et com m e
possesseurs , passent ce traité oit ils sont parties prin
cipales ,
et
où
ils
consentent
à ce
que Philippe
Goldernar jouisse des biens comme f e r m ie r ,
pour
éviter un bail judiciaire; q u ’ il en jouisse moyennant
un prix q u i f e r a f o n d s , p o u r être d istrib u é auxcréa n ciers, conform ém ent à leu r ordre de cré a n ces,
et à la ven te q u i sera f a it e des fo n d s saisis.
�( T9 )
Si on pouvait considérer la femme C ros comme
intéressée à la saisie, elle n ’aurait pas pu faire d ’appro
bation plus formelle de la sentence du 12 juin et do
la procédure qui l’avait validée; elle serait donc non
rccevable aujou rd ’ hui à proposer la nullité des actes
antérieurs. D ailleurs, elle n ’a jamais appelé de cette
sentence; on 11e peut pas la comprendre dans cette
expression générale de l’ appel : T o u t ce q u i a p r é c é d é
et s u iv i, parce que ce n ’est pas là un simple acte de
procédure, mais un acte du ministère du j u g e , qui
emporte profi t, et qui subsiste tant q u ’on ne saibit pas
le juge supérieur du droit de l ’examiner par un appel
régulier et formel. O r , dans les procédures qui ont
suivi la sentence du 12 j ui n, le Conseil n a pu aper
cevoir aucune nullité. Celles qui sont proposées dans
les écrits des appclans sont repoussées par le fait 011 par
la loi. Quelque légèreté q u ’on ait mise en apparence à
les combattre dans le Mémoire imprimé, 011 a dit tout
ce q u ’ il fallait rigoureusement pour en démontrer la
futilité. L e Conseil n ’entrera,
sur ce p o i n t ,
dans
aucun détail; il les croit superflus.
D ’ailleurs, une observation ne sera point inutile.
On a d i t , en co mmençant,
que
le moyen
opposé
contre le commandement recordé, à défaut de copie
des titres, pourrait paraître considérable, si on plaidait
contre les héritiers G o ld e m a r , parce q u ’ il aurait fallu
leur donner copie des titres de créance; mais il froit
être évident maintenant q u ’à le supposer ainsi , ce
moyen n ’appartiendrait pas aux mariés C r o s , parce
q u e , dès q u ’il ne s’agissait , à leur égard -, que de la
�( 20 )
restitution des jouissances, elle ne se référait à aucun
titre an térieur , et q u ’ il suffisait, en ce q u i les con
cernait, de leur fournir copie de la sentence, q u i était
le seul titre contre eux.
Il faut faire une dernière remarque.
Dans la
première
répudiation ,
les mariés Cros
s’ét ii e nt réservé les droits revenant à Jeanne Goldemar,
du chef d ’Elisabeth Bi ro n, sa mère; et voilà pourquoi
ils crurent pouvoir continuer de jouir; mais les jouis
sances, dont
ils furent déclarés
comptables par la
sentence de 1784? outrepassaient leurs reprises mater
nelles : voilà pourquoi ils n ’eurent aucun intérêt à
comparaître à l ’ordre. Trois de leurs créanciers per
sonnels y com par urent, et demandèrent à être colloqués en sous-ordre. Mais on voit encore, dans diverses
dispositions de la sentence d ’ordre, q u ’après avoir fait
le compte de ce que les mariés Cros devaient rapporter,
la compensation de leurs créances était plus q u ’eiTectuée;
et , en définitive, toute collocation leur fut refusée.
C ’est après toutes ces tentatives épuisées;
que la femme
Cros eut essayé un retrait
après
sous le
nom d ’un de ses fils; après que Philippe Goldemar
eut fait le même essai sous le nom d ’autre P h i li p p e ,
que les appelans ont reconnu être son neveu; après
que l ’adjudicataire eut pris possession formelle, et no
tifié sa prise de possession; après q u ’on eut exécuté la
seutence en lui en abandonnant les biens; q u ’il les eut
a florin es à des tiers; q u ’il y eut fait des réparations
coûteuses; après .qu’il a eu versé le prix-de la vente,
Ct que ce prix a éuV retiré par les créanciers colloques;
\
�c ’est après cela, disons - n o u s , que
des parties ont jugé convenable
deux seulement
d ’interjeter app el ,
comme une dernière ressource sur laquelle ils n ’avaient
pas compté d ’abord.
Ils ont cru q u ’ il leur suffisait
d ’offrir la restitution du prix; q u ’ ils pourraient, à leur
gré, changer encore une fois leurs qualités; dissimuler
cette répudiation , au moyen de laquelle ils avaient
forcé leur créancier d ’abandonner des frais considé
rables ,
et
de
recommencer
les
procédures
après
douze ans de tems perdu. On ne se joue pas ainsi de la
Justice, après s’étre aussi long-tems jo u é de ses créan
ciers. Les soussignés persistent à penser que l ' appel est
non re cevable, et qu' aucun moyen de faveur ne se
présente,
qui puisse seulement faire hésiter sur ce
moyen décisif.
Délibéré à R i o m , le 3 mai 1826.
GODEMEL.
R IO M
D E VISSAC.
I M P R IM E R IE DE S A L L E S ; PRÈS L E P A L A I S DE J U S T I C E .
�Of l'ulUiur- /Mfc,
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Factums Godemel
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Title
A name given to the resource
[Factum. Goldemar, Antoine. 1826]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Godemel
De Vissac
Subject
The topic of the resource
rentes
créances
adjudications
affichage
Chapitres
renonciation à succession
saisie
successions
ventes
Description
An account of the resource
Titre complet : Consultation. [Chapitre de Chaudes-Aigues contre Goldemar]
Annotations manuscrites. Arrêt complet du 9 juillet 1828, 2éme chambre. Appel non recevable.
Table Godemel : Répudiation : 2. les représentans de jeanne Goldemard, laquelle après avoir renoncé, en 1757, à la donation universelle que lui avait faite son père, lors de son mariage avec vital cros, répudia sa succession le 8 xbre1773, n’ont ni droit ni qualité pour attaquer soit la saisie réelle établie par le chapitre de Chaudesaigues, créancier de la succession, soit l’adjudication des biens saisis contre les autres enfans Goldemard, ses seuls et véritables héritiers ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1826
1786-1826
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
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Format
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An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2617
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Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
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Chaudes-Aigues (15045)
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Créances
renonciation à succession
rentes
saisie
Successions
ventes
-
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f427b9b9c8dc51cc2c1f0d8c08cc29fe
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fl*
\
».
GÉNÉALOGIE.
r x rjr
r/
ANNET G L A D E L ,
N.
JACQ UES,
i
a
MADELEINE
JEAN CIIASSAIGNE,
à
I'** noces.
MARGUERITE,
2« n o ces.
N . . . DU TATURAL.
MARGUERITE GLADEL.
L_______
ANTOINETTE ,
à
ANNE,
à
ANTOINE DUM ONT.
MART DOUVRELEUL.
N ...
N ...
N...
N...
N...
JEAN-FUAKÇOIS,
L
Intimés.
D e s c e n d a n c e q u i n ’ est pas en cau se
JEAN-FHAN'ÇOIS.
JOSEPH,
PIERRE.
a*» IlOCCS.
if«» noces-
ARTAUD.
1
JIA UE , née le ao avril 1701 ,
à
*J* le 7 juillet iy i .
JOSEPH MICOLON.
JEAN DOUVRELEUL.
j e a n c h a s s a ig n e .
— -J
CH ARLO TTE, née le 28 août 1738,
~^1
à
JOSEl’ lI , curé <1®Glaine.
le 8 octobre 1763.
CHRISTOPHE COL.
I
JEAJiN'E-CLAÜDINE , née le 9 octobre
à
1755.
I
GUILLAUME C 0GNASSE
■dpptlans.
,
\
1
A D ÉLAÏD E-RO SA LIE,
M A R IE ,
JACQ U ES,
BART IÉ LEM I,
née le 36 septembre 1757,
née le 28 juin 1769.
né le 38 juillet 17G1 f
né le 35 septembre 17C3 ,
*J* ab in te s ta t.
LAURENT »IA T E T .
CHARLOTTE,
à
CATHERINE,
religieuse.
3
"j~ at> in te sta t.
“ 1* a b in te sta t.
�JEAN CIIASSAIG3NE,
a** n o ce s.
1 '** n o ce s.
N . . . DU rA T U R A L .
ANTOINETTE ,
M ARGUERITE GLADEL.
AM NE,
JEAN-FKANCOIS.
jte«
JEAN C»I
JOS
1
à
M ART DOUVRELEUL.
* ANTOINE DU M ON T.
I
JEANNE-CL
à
N ...
N ...
N ...
N ...
N ...
I______________ 1
D e s c e n d a n c e q u i n ’ e s t p a s en ca u se
JEAN-FHANÇOIS,
Intimés.
JOSEPH ,
LÀUKENT 3
I
CHAULC
H
GUILLAUME <
A ppc
�MEMOIRE
EN R E P O N S E ,
POUR
Dam e
C h a rlo tte
MAYET
C O G N A S S E , son m a r i,
et le
Sieur
G u illa u m e
appelans d ’ un jugem ent
rendu par le T rib u n a l civil d ’ A m b e r t , le 3 février
1821 ;
CONTRE
Sieur J e a n - F r a n ç o i s D O U F R E L E U L Propriétaire
a A r la n c, intimé et défendeur en contre recours
E T CONTRE
Dam e M arie-A nne C O L ,
veuve de sieur Benoit
F L O U V A T , usufruitière des biens de ce dernier
Propriétaire à Am bert ;
Dam e Antoinette P O N C H O N et Sieur Antoine
L E D IE U
B A Z I N , son m ari, de lu i autorisée
Propriétaire à Am bert;
D am e Louise P O N C H O N et sieur François-Ignace
�L A V A L , son m ari, de lu i autorisée
géomètre à Am bert ;
3
expert-
Dame Marie - Anne P O N C H O N et Sieur V ila l
C O S T E S , son m ari 3 de lu i autorisée 3 expertgéomètre à A m berty
Sieur Jean-Baptiste-Thomas P O N C I I O N 3 Proprié
taire à Am bert y
Tous lesdits Ponchon , frères et sœurs, héritiers de
sieur Benoit Flouvat et de demoiselle Antoinette
F louvat, leurs oncle et tante 3 aussi intim és, dé
fen deurs en recours 3 et demandeurs en contre
recours.
Sieur Jean - Baptiste G R E L L E T - B E A X J L I E U 3
A v o ca t à Saint-G erm ain-VIlerm , aussi intim é
défendeur en recours et contre recours, et deman
deur lui-même en contre -recoursy
S ie u r 'R e n o ïx .R O L H O N -M A L M E N A ID E , Négociant
à Am bert y
D e m o is e lle M a d e le in e C E L E Y R O N 3 S ie u r JeanBaptiste et autre J e a n - B a p t i s t e C E L E Y R O N
Propriétaires à Craponne 3 aussi intim és, défen
deurs en recours et contre recours, et demandeurs
eux-m êm es en garantie contre le Sieur Douvreleul.
T
ik
dame Mayet réclame une maison dont son aycule
a été dépouillée pendant sa minorité.
On lui oppose un titre et des fins de non recevoir.
L e titre est peu sérieux. C ’est un délaissement fait
par le mari d ’une prétendue créancière de celle îi qui
�appartenait 1*immeuble j et l ’acte meine en indique le
vice.
Les fins de non recevoir sont de plusieurs sortes. '
L ’ im m euble réclamé dépend d’une succession , et
l ’on oppose à la dame Mayet :
Q u ’elle n’a pu succéder, parce q u ’elle n ’était ni née
ni conçue lors de l ’ouverture de la succession ;
Que ses droits seraient d ’ailleurs prescrits ;
Q u ’au reste, elle n’aurait eu que l ’action en par
tage, non celle en désistement.
De ces objections, les deux premières, accueillies
par le tribunal d ’A m b e rt, ne reposent que sur une
confusion de principes ou sur des erreurs de Droit.
L a troisième, sur laquelle on a le plus insisté devant
la C o u r, a pour base une erreur de fait.
Mais ce n ’était pas assez de conibattre la demande
par des moyens; le sieur Douvreleul, qui se défiait
sans doute de leur force, a cru nécessaire de les ap
puyer par des injures. Les mots : L a p lu s odieuse
des vieilles recherches.............. ; la p lu s perfide de
toutes les actions......... ; une avidité désordonnées et
d ’autres politesses semblables, ont glissé légèrement
sous sa plume.
Les sieur et dame Cognasse ne répondront pas à
ces outrages : ils dédaignent un genre aussi facile que
peu brillant; et ils respectent trop la dignité de la
Justice pour suivre le sieur Douvreleul dans ses écarts.
Ils se borneront donc à prouver que la loi protège
leur action, et q u ’ elle repousse les fins do non recevoir
dont s’enveloppent leurs adversaires.
�FAITS.
L
a
maison dont il s’agit provient de Jacques Gladel,
bisayeul de la dame Cognasse.
Décédé le 22 juin 1709, Jacques Gladel avait laissé
quatre enfans, Marguerite, Pierre, Marie et Cathe
rine : celle-ci avait fait profession religieuse, et par
conséquent ne dut pas succéder à son père. Les autres
enfans étaient mineurs, et le sieur Flouvat fut nommé
leur tuteur.
Les deux aînés, Marguerite et Pierre G ladel, de
venus majeurs, répudièrent la succession du père; la
première, par acte fait au greffe de la justice d ’Ambert, le 2 avril 17185 le second, par un acle sem
b lab le, du 17 août 1722. Une copie judiciaire de ces
deux répudiations se trouve dans le dossier de certains
des intimés, les ^gur et demoiselle Celeyron. Le
sieur D o u v r e l e u l e û t p u y voir ces r é p u d i a t i o n s . Il
aurait évité une erreur assez g r a n d e , q u i l u i a fourni
le prétexte de beaucoup de raisonnemens; celle de
supposer que le tuteur de la troisième fille , Marie
G la d e l, avait concouru pour elle à la ' répudiation
de 1718.
Loin de renoncer à cette hérédité, le sieur F louvat,
tuteur, soit avant, soit depuis les répudiations que l ’on
vient d ’indiquer, considéra toujours et fit considérer
sa pupille comme héritière de son père.
Il serait superflu, il serait même impossible de rap
peler ici tous les actes d ’adminislration exercés par le
�m ------ ;
sieur F lo u vat, comme tu teu r, sur les biens de l ’héré
dité 5 il suffira d’en indiquer quelques-uns.
Dès le 28 septembre 1 7 1 6 , Pierre Gladel poursuivit
le sieur F lou vat, comme tuteur des autres eufans de
Jacques, en paiement de la part à laquelle il avait
droit dans la dot de la mère commune. O r , à quel
autre titre q u ’à celui d’héritiers du père ces enfans
pouvaient-ils être tenus de la restitution de cette dot?
Le 17 mai 17 2 2 , le sieur F lo u v a t, en son nom et
en qualité de tu teu r, fit cession à des tiers d ’une
créance de 270 francs, qui dépendait de l ’hérédité
de Jacques Gladel.
L e 18 août suivan t, il traita aussi, en qualité de
tu te u r, avec Pierre G la d el, qui avait répudié le jour
précédent ; il lui céda plusieurs créances de la succes
sion , et lui donna à ferme, pour un a n , une maison
qui en faisait partie.
Ces actes divers d ’adition d ’hérédité n’ont pu attri
buer la qualité d ’héritière q u ’à Marie G la d e l, puisque
Catherine était morte civilement par son ingrès en
religion, et que Pierre et Marguerite Gladel en firent
cesser l ’effet à leur égard, par des répudiations q u ’ils
ont faites eux-mêmes en majorité.
Ainsi Marie G la d el, par suite de ces diverses cir
constances, se trouvait seule saisie de l ’universalité de
la succession de son père. O r , cette héritière unique
est représentée par la daine Cognasse.
Marie Gladel avait été émancipée dès 1724 : elle
était majeure en 17 2 6 ."C'est ce que démontrent divers
actes authentiques où elle est parliç. Elle a vécu
�\ li- J
C ¥ r
jusqu’au 7 juillet 1 7 3 1 , et jamais elle n’a désapprouvé
les actes d ’adition d ’hérédité q u ’avait faits son tuteur.
Elle n’a renoncé ni expressément ni implicitement à la
succession de son père.
C ’est lorsqu’elle était seule héritière q u ’eut lieu
l ’acte qui est le seul titre des intimés.
Par cet acte, en date du 9 août 1 7 2 6 , le sieur
Chassaigne, stipulant en qua lité de mari de dem oiselle
Marguerite G la d el 3 icelle créancière des successions
de f e u x A nnet et Jacques G la d e l, ses a y eu x et p ère,
ve n d it, avec promesse de garantir, à Joseph-Antoine
C ele yro n , une maison et un jardin à la suite, moyen
nant la somme de 2 5 oo fr. de principal, et 200 fr. .
pour épingles. Les 200 francs furent payés comptant
au sieur Chassaigne; 2368 fr. furent stipulés payables
à termes, h diverses personnes indiquées comme créan
cières des deux successions; et il fut dit que les i 32 fr.,
reste du prix principal , seraient payés au sieur
Chassaigne -, e n s o r te que c e lu i- c i a dû recevoir
332 fanes sur le prix fixé.
Rien n ’autorisait une pareille vente, si l ’on peut
donner ce nom à un tel contrat.
Le sieur Chassaigne, ou de son chef ou de celui de
son épouse, n ’avait aucun droit de propriété sur la
maison. E n le supposant même créancier des succes
sions, il pouvait faire vendre judiciairem ent, mais
non vendre lui-même. Aucune nécessité, d ’ailleurs,
ne le pressait; car il n ’était par chargé du paiement
des dettes d ’ une hérédité qui lui était étrangère,
&
laquelle sou épouse avait même renoncé. Enliu , il
�(
7 )
Ti’est pas certain que les créances indiquées dans la
vente fussent légitimes* Les titres ne sont pas rappelés
dans l ’acte, et aujourd’hui on ne les produit pas.
Cette v e n t e illégale, et q u i, sans doute, avait été
faite à vil prix, ne fut q u ’une spéculation du sieur
C h a s s a i g n e , hasardée dans le b u t de s’approprier une
p a r t i e de la fortune de Marie Gladel,
L e sieur Chassaigne , qui était v e u f lors de son
mariage avec Marguerite G la d e l, est représenté dans
la cause par le sieur D rouvreleul, descendant de son
premier mariage. Il parait aussi que celui-ci a recueilli,
par des libéralités, toute la fortune q u ’avait laissée
Marguerite Gladel aux enfans nés de son union avec le
sieur Chassaigne.
Cependant Marie Gladel avait épousé, le 19 août
172G , le sieur Micolon; elle avait eu de ce mariage
une seule fille, née le 28 août 1728 , qui était âgée de
moins de trois ans lors du décès de sa m ère, arrivé
le 7 juillet 17 3 1.
Cette fille , nommée
Charlotte
M icolon, est l ’ayeule de la dame Cognasse.
A la mort de Marie Gladel sa mère, Charlotte
Micolon fut saisie, non seulement des biens personnels
de celle-ci , mais encore de l ’hérédité de Jacques
G la d e l, hérédité que Marie Gladel seule n’avait pas
répudiée.
Cet enfant mineur était sous l ’administration légale
du sieur Micolon, son père, lorsqu’on 1734 , celui-ci
lut poursuivi en qualité de légitime administrateur
de sa fille , conjointement avec Marguerite G l a d e l ,
par une dame Flouvat, pour le paiement d ’une somme
�( 8 )
Je io o francs, faisant le tiers d ’une rente au principal
de 3 oo francs, et pour un certain nombre d’années
d ’arrérages.
Cette modique somme était due par la succession
de Jacques Gladel. E lle aurait dû être acquittée par
le sieur Celeyron, car elle était une des dettes indi
quées dans l ’acte de 1726.
Cependant l ’ignorance complette du sieur Micolon.
sur tous les faits antérieurs , et sur la valeur de la
succession, le déterminèrent à faire, au nom de sa
fille, un acte de répudiation. Cet acte est sous la date
du 4 février 1']%'].
Il ne fut autorisé par aucun avis de parens,
par
aucune ordonnance du juge.
On peut en voir la copie dans les pièces des sieur et
dame Celeyron; il fut signifié le 26 mars 17 3 7 , avec
les répudiations de 1718 et de 1722, par un procureur
q u i était k-la-fois ‘celui de Marguerite Gladel et celui
du sieur Micolon.
Telle est la seule renonciation que l ’on puisse op
poser à la dame Cognasse.1- On en connaît les circons
tances nous en examinerons dans la suite la validité.
Il parait que la dame Flouvat suspendit alors ses
poursuites.
E n ï 7 43 , elle fit nommer un curateur à la suc
cession de Jacques G la d el, et agit soit contre ce cura
teur, soit contre Marguerite Gladel, q u ’elle poursuivit
comme détenant un domaine appelé de Mont-Simoiul,
provenait, à ce q u 'il parait, de la s u c c e s s io n de
Jacques Gladel. Marguerite Gladel agit en recours
qui
�contre le sieur Celeyron, et se plaignît de ce q u ’il
n ’avait pas acquitté la dette.
L a dame Flouvat obtint, le 3 o août 174.3 , une
sentence qui lui adjugea ses conclusions contre Mar
guerite Gladel.
E lle la fit signifier, par exploit du 4 juin 17^4 >
au sieur Micolon, en qualité de père et légitime ad
ministrateur de ses enfans, et l ’assigna en déclaration
de jugement commun.
Cette assignation était mal dirigée; car la demoiselle
Charlotte Micolon était alorsmajeure, et même mariée,
à ce qu ’il parait. Son^ oreille 11’en fut pas frappée, puis
q u ’on ne la lui notifia pas à elle-même, quoiqu’elle
fut la seule et la vraie partie. .
Au reste, on n’a pas eu à s’en occuper; car rien
n’indique q u ’il y ait été donné suite.
,
Charlotte Micolon avait épousé le sieur Christophe
Col. Elle décéda le 8 octobre 1 7 6 3 , laissant cinq
enfans dans le plus bas âge, sous la tutelle du sieur
C ol leur père.
Il parait que celui-ci, agissant en qualité de légi
time administrateur de ses enfans, o b tin t, le 6 sep
tembre 1790, contre un nommé Pierre Alligier, une
sentence qui ordonne entr’eux le partage du domaine
de Mont-Simond, dont nous avons déjà parlé. L a sen
tence attribuait deux tiers de ce domaine au sieur
Col pour ses enfans, et un tiers à Alligier, comftie
acquereur de Jean C h a s s a i g n e . Le partage fut fait
sur ces bases, par procès-verbal d ’experts, déposé au
greffe d’Ambert le 20 mai 1791»
�..............................
" ( i o )
Cette pièce prouve que les descendans de Marie
Gladel avaient été privés, au moins depuis quelque
tems , des biens de leurs a y e u x , puisqu’ils furent
obligés d ’agir en désistement contre un tiers-détenteur.
D ’ailleurs, le partage qui le constate n ’est pas celui
d ’une succession : c’est seulement un partage d’objets
indivis. Rien n ’indique même d ’après quels titres fu
rent déterminés les lots. Si les Col n’obtinrent que
les deux tiers du domaine, peut-être fut-ce parce que
les deux tiers seulement provenaient des successions
de leurs ayeux.
Cependant trois des enfans Col décédèrent ah in
testat, laissant pour uniques héritières Marie et C lau
dine C o l, leurs sœurs.
Celles-ci, devenues majeures, s’occupèrent de la
recherche de leurs droits, q u i, pendant de longues
minorités, n ’avaient été que trop négligés.
U n sieur Flouvat était alors détenteur de la maison
vendue par Joseph Chassaigne en 1726. Les demoi
selles Col le citèrent en conciliation sur la demande
en désistement des deux tiers de cette maison,
en
offrant de lui rembourser toutes les créances q u ’il éta
blirait lui être légitimement dues par les successions
de Jacques et Pierre Gladel.
L e 26 messidor an t\, Marie Col céda tous ses droits
h sa sœur.
Le 20 fructidor suivant, Claudine C o l, agissant
en son nom et comme cédataire de Marie sa sœur,
so porta héritière pure et simple do Jacques et tic
Pierre G lad el, l’ un son bisayeul, l ’autre son grand-
�{ l l ) . .
o n cle , et révoqua les renonciations précédemment
faites.'
Le 18 ‘prairial an 5 , Claudine lit citer de nouveau
en conciliation le sieur Benoit f l o u v a t , rectifia ses
précédentes conclusions qu ’une erreur avait trop res
treintes, et demanda le désistement de la totalité de
la maison et de ses dépendances, avec restitution de
jouissances, en réitérant ses offres de payer les créances
¡qui seraient dues au sieur Flouvat par les successions
de ses ayeux.
U n procès-verbal de non conciliation fut dressé,
le i er messidor an 5 , et fut suivi d’une assignation
d u - 8 brumaire an G , qui porta l ’affaire devant le
tribunal civil du Puy-de-Dôme.
Dans la suite, le tribunal civil d ’Ambert en a été
saisi; e t, la dame Col étant décédée, sa fille et le
sieur Cognasse, son époux, ont repris l ’instance.
Cependant le sieur Flouvat ayant v e n d u , pendant
le cours du procès, la maison et le jardin en litige, le
nouvel acquéreur a été mis en causé. L e sieur Douvreleul a été lui-même assigné en garantie , comme
héritier du sieur Jean Chassaigne, par qui la maison
avait été cédée en 1726.
Le 3 février 1821 a été rendu le jugement dont est
âppel. En voici les termes :
« En ce qui touche la demande principale :
« Attendu que Charlotte Micolon , mère de la
« femme Cognasse et de Marie C o l, n ’était ni née ni
« conçue 11 l ’ouverture des successions de Jacques et de
« Pierre G la d e l, qui remonte aux 22 juin 1709 et
-a» -' V
y «A
�« 3 mars 17 2 4 , puisque son acte de naissance est
« seulement à la date du 28 août 1728;
«' Attendu q u ’il est de principe que, pour succéder,
« il faut être né ou conçu à l'ouverture de la suc« cession ;
« Attendu que les répudiations aux successions de
« Jacques et Pierre Gladel étaient régulières;
« Attendu que la vente de la maison en question,
« en date du 9 août 17 2 6 , ne présente aucun des
« caractères qui constituent un acte pignoratif, et
« q u ’ainsi les acquéreurs qui ont joui paisiblement
« jusqu’en 17 9 6 , ont en leur faveur l’avantage d’ une
« double prescription , qui s’est utilement opérée
« pendant la vacance des successions et contre lesdites
« successions; de telle sorte sorte que lesdits Cognasse
« ne peuvent invoquer ni minorité ni aucun autre
« privilège personnel à eux ou à leurs auteurs, comme
« interruptif de cette prescription ;
« E u ce qui touche les demandes en garantie et
« sous garantie :
« Attendu q u ’elles doivent suivre le sort de l'action
« principale,
« L e t r ib u n a l, statuant en matière principale,
« déclare les mariés Cognasse non recevables et mal
« fondés en leur demande en désistement contre les
«< héritiers Flouvat et le sieur Rolhion; met hors de
« cause et de procès sur les demandes en garantie et
« sous garantie ; condamne les mariés Cognasse aux.
« dépens envers toutes les parties. »
�( >3 )
Telle est la décision dont les ¿poux Cognasse ont
interjeté appel, par exploit du 8 mai 1822.
Prouver que la dame Cognasse est héritière de son
bisayeul ;
• D ém on trer
1
que ses droits,, à l ’immeuble q u ’elle
ne sont pas prescrits;
Faire connaître enfin que l ’action en désistement
était la seule qu’elle eût k former :
,
Telles sont les propositions que développeront les
appelans.
t
-réclam e
•‘j
P R E M IÈ R E P R O P O S IT IO N .
L a dame Cognasse est-elle héritière de Jacques
G la d e l, son bisa yeu l?
1•
Les premiers juges ont invoqué une maxime trèsvraie en elle-même, mais dont l ’application à la cause
est au moins fort singulière.
.
,
« Pour succéder, ont-ils d i t ,
il faut être,n é on
« conçu k l ’ouverture de la succession. »
Ils ont ensuite remarqué que Charlotte Micolon,
mère de la dame Cognasse , était née seulement en
17 2 8 , tandis que Jacques G la d e l, son ayeul, et Pierre
G la d e l, son oncle, étaient décédés, l ’un en 1709,
!>
*
0
1 autre en 1724*
De lk ils ont conclu que Charlotte Micolon n’avait
succédé ni k
pas transmis
Ce moyen
D o u vreleu l,
l ’un ni k l ’autre, et q u ’ainsi elle n’avait
ces hérédités h la dame Cognasse, sa fille.
a été renouvelé sur l ’appel, par le sieur
dans un Mémoire imprimé.
�Il a paru même y attacher quelqu’importance, si
l ’on en juge au moins par le luxe d ’érudition dont il
l ’a entouré.
C ’était, en vérité, prendre une peine fort inutile»
Quel jurisconsulte a jamais pensé à contester la
maxime : Q u ’il faut être né ou conçu pour succéder?
Quel homme , doué d ’une intelligence même ordi
naire , ignore ces deux vérités physiques ?
« Il n’y a que les morts auxquels on succède. »
« Il n’y a que les vivans qui succèdent aux morts. «
Ces vérités sont exprimées avec autant d’énergie que
de précision, dans cet ancien axiome du Droit français :
L e mort saisit le v i f .,
Jamais la dame Cognasse n’avait soutenu que Char
lotte Micolon était l'héritière personnelle et immédiate
de son ayeul et de son oncle.
Il était donc superflu de combattre une assertion
qui n’avait pas étû faite, et qui ne pouvait l ’être.
Mais Charlotte Micolon avait une m ère, Mario
Gladel. E lle avait succédé à cette mère, et par consé
quent à tous les droits, à toutes les actions, à toutes
les facultés dont celle-ci était saisie elle-même au
moment de son décès : Ilercdcs, ju r is successores sunt,
L . 9 , § 12 , ff. D e hœred. inst...... /Itères succcdit in
omne j u s m o rtu i, non tantum singularum rerum
dominium succedit. L . 37 , il. D e acq. v e l omitt.
hœred...... Ilœredem ejusdem potestatis jurisque essa
eu ju s f u it defune tus constat. L . £>9, flf. D e rcgul. ju ris,
O r,
Marie G la d el, fille de Jacques et soeur do
�Pierre, était vivante au décès de son p c r e , a celui de
son frère (i).
E l l e é t a i t leur héritière naturelle : elle leur a succédé.
'•'-vT
E lle n ’a jamais répudié les successions. On le prou
vera bientôt.
E lle avait donc transmis à sa fille , Charlotte
M i c o l o n , sa propre héritière, les droits dont elle était
saisie elle-même, relativement aux successions de son
père et de son frère.
\
Donc s’il est vrai que Charlotte Micolon ne pouvait
pas être l ’héritière immédiate de deux personnes
décédées avant sa propre existence, au moins e s t - il
certain qu ’elle a été leur héritière m édiate, c’est-à-dire
que les j u s et nomen hcereclis dont Marie G la d e l, sa
m ère, était saisie elle-même, lui ont été transmis par
celle-ci, et q u e , comme héritière de sa mère, elle était
aussi héritière et de son ayeul Jacques G la d e l, et de
son oncle Pierre.
Telle était la vraie question à examiner, au lieu de
celle q u ’ont posée les premiers juges.
E lle était fort simple aussi^ et pour la résoudre, il
suffisait de donner aux faits de la cause une légère
attention., de se fixer sur la généalogie de la famille
G ladel, et de considérer les dates des décès.
Les premiers juges ont préféré se jeter dans des
abstractions, et raisonner sur de fausses hypothèses,
(i) JSota. La mort do Jacques Giacici est du 22 juin 1709;
Celle di* Pierre, du 3 niars 17^4 »
Celle de Marie , du 7 juillcl 1731. ( Yoycz la Genealogie. ).
�(
10
)
qui devaient nécessairement les conduire à une réso
lution erronée.
Que les intimés imitent cet exemple, si bon leur
semble; que, s’appuyant sur une fausse base , ils
invoquent une doctrine vraie en elle-même, niais sans
application à la cause.
Nous ne les suivrons pas dans leurs écarts, et nous
nous bornerons à leur dire : Vous parlez fort bien j
mais non erat hic locus.
Nous avons dit que Marie Gladel n’avait pas re
noncé k la succession de Jacques son père (i).
E n effet, il n’existe aucune renonciation faite ni
par elle ni en son nom.
C ’est par erreur q u ’on a supposé, dans le Mémoire
des intimés, que le sieur Cristophe Flouvat , son
tuteur, avait fait, le 2 avril 1 7 1 8 , un acte de ré
pudiation.
Il existe, il est vrai, un acte de répudiation, de cette
date ; mais il fut fait par u n autre enfant , par
Marguerite Gladel seule, qui était alors mineure, par
cette Marguerite Gladel que représente aujourd’hui le
sieur Douvreleul.
Cette répudiation, que l ’on supposait ne pas être
rapportée, et qui a servi de prétexte h un reproche
peu réfléchi; cetie répudiation, que devait produire
le sieur Douvreleul se u l, puisque seul il est aux droits
de Marguerite G ladel, cette répudiation se trouve en
succession de Pierre Gladel, frère de Marie, n’a aussi j a m a i s
¿té répudié. cç
csi ^ au rcs{e } fort ¡jnUflercnt po^eja causu,
(« ) L a
�( J7 5
~
copie judiciaire dans le dossier même des sieur et demoiselle Celeyvon : qu on la lise, et Io n reconnaîtra
que Marguerite Grladel lut la seule qui renonça en
1 7 1 8 , et que Cristoplie F lo u v a t, tuteur des autres
enfans, ne participa pas à l ’acte de renonciation»
L o in de là , Cristophe Flouvat avait accepté pour
ses mineurs la succession de Jacques G ladel, et fît,
avant, soit après 1 7 1 8 , divers actes d’adition
d ’hérédité.
s o it
Nous avons rappelé, dans les faits, des poursuites
exercées, le 28 septembre 1 7 1 6 , contre Cristophe
Flouvat, en qualité de tuteur, pour-le paiement d ’une
dette de la succession de Jacques Gladel.
Nous avons aussi parlé de plusieurs actes par les
quels le sieur Flouvat, en qualité de tu teu r, avait
disposé des effets de l ’hérédité, et en avait payé les
dettes :
Il traite,
le 17 mai 1722, avec un nommé Ma
thieu, fils d ’un débiteur de la succession5 il lui cède
une créance de 200 fr. et les intérêts de cette créance,
qui avaient couru depuis 1709 jusqu’en 1 7 1 5 j il re
çoit 100 fr. sur le prix de la cession, et stipule des
termes pour le surplus.
Il donne à location, le 18 août suivant, une maison
qui dépendait aussi de l ’hérédité, délaisse le prix de la
location en paiement d ’une dette héréditaire.
Il cède par le même acte, aussi en paiement d ’une
dette de la succession, deux sommes, l ’une de 24 fr.,
l ’autre de 180 francs , dont cette succession était
1J
�f
■îTôus ces faits caractérisent l'acceptation de l ’héré
dité, et suffisent pour la produire. Pro hœrede gerere
quis videtur si l'ebus hcei'editariis tanquam hœres
utdtur} v e l vendendo res liœ r e d ita r ia s v e l prœdia
colendo 'locandove} et quoquomodo suam voluntatem declaret, v e l rej v e l verbo, de adeundâ hosreditate, §->7-, Instit. de hered. quces. et dis.
P ro hœrede gerit ille qui debitum paternum e x
sol vil ( L . 2 , C . de ju r e delib.').
On peut voir ces principes énoncés dans les Lois
civiles de Domat (partie 2, liv.‘ i er, t i t . S, seet. i re.).
C ’est comme tuteur de Marie Gladel, que le sieur
Flouvat a fait ces divers actes d’immixtion; c’est pour
elle q u ’il les a faits; et par conséquent il a imprimé sur
sa tête la qualité d ’héritière de Jacques G la d e l, son
père.
Marie G lad el, devenue majeure, ne s’est pas fait
restituer, contre ces actes; elle n’a pas aussi renoncé
personnellement à la succession de son père ; et par
conséquent aussi elle était saisie de cette succession ,
lorsqu’en 1731 elle décéda.
E n vain dirait-on q u ’elle s’était abstenue, pendant
sa vie, de prendre qualité.
Nous avons déjà prouvé le contraire, puisque son
tuteur lui avait fait prendre la qualité d ’héritière.
Mais, ne pût-on même produire aucun acte qui eût
une telle conséquence, on n ’en serait pas moins au
torisé à dire que Marie Gladel est décédée saisie du
d ’héritière de son père, par c^ ^ ^ aêm ejjuj^ ]^
n ’avait pus répudié la succession.
titre
�( ‘9 )
_ *1JI
C ’est une erreur,de dire q u ’en Auvergne, en ligne
directe sur-tout, la renonciation expresse était .inutile,
et que la simple abstention suffisait pour -ne pas être
héritier.
'
. i;
i:
i
Cette idée est en opposition et avec les lois ro
maines, q u i, dans le silence du-statut coutumier ,
formaient le Droit de cette proyince, et avec le texte
même d’un des articles de la loi municipalefi
D ’après les lois romaines, les enfams, ies descendans
étaient héritiers nécessaires, héritiers siensj suivant
les expressions de ces lois. Pour ne pas être héritiers, il
fallait q u ’ils renonçassent , c^est-à-dire , d’après le
D roit romain, q u ’ils obtinssent du Préteur la liberté
de s’abstenir de la succession. S’ils négligeaient cette
précaution, ils étaient héritiers de plein droit. S o ld
existentid sunt hœredes , disait d’eux la loi des douze
Y
tables; et les lois postérieures avaient confirmé le prin
cipe,
in suis hœredihus aditio non est necessaria ,
fjuià statim ipso ju r e
1T. de suis et legit.
hœredes existunt.
L.
14 ,
L a Coutum e d ’Auvergne avait adopté cette règle,
et l’avait même étendue à toutes les classes d ’héritiers.
Plusieurs articles du chapitre 12 la consacrent.
On rappellera notamment l ’article i ar et l’art. 54 L'article i cr s’exprime ainsi : « L e mort saisit le v if
« son plus prochain lignager habile à lui succéder ab
« intestat} sa.ns api'jiéiiension de f a it . »
L ’article 54 est plus positif encore :
« A u cun 11’est rccevable de soi dire n ’être héritier
�« d’aucun,
«
s ’i l
ne
A SA. SUCCESS I ON.
répu die
et
renonce
expressém ent
»
M. C h a b ro l, dans une dissertation lumineuse sin
ce dernier article , démontre q u e , dans notre pro
vince , il ne suffisait pas à l ’héritier naturel de dénier
la qualité d ’héritier.
« L a loi l ’en déclare saisi, par son ministère. S’il
« veut abdiquer, il est donc nécessaire q u ’il en fasse
« une déclaration expresse. »
M. Chabrol fait même observer q u e, dans notre
C o u tu m e , il n ’y a aucune différence entre les héri
tiers collatéraux et les héritiers directs; que les uns
et les autres sont assujettis aux mêmes règles, et sont
réputés héritiers, s'ils ne renoncënt pas expressément.
Il serait superflu de développer davantage une vérité,
élémentaire en Auvergne, fondée sur un texte trop
clair, trop positif, pour se prêter aux'subtilités de
l ’argumentation, et que notre législation n o u v e l l e a
consacrée par l ’article 784*
O r, c’est sous la Coutum e d ’Auvergne que s’était
ouverte la succession de Jacques G ladel; c’est dans le
territoire de cette Coutum e q u ’ habitaient aussi ses
héritiers; c’est par les principes de celte Coutume
seule que l ’hérédité est régie.
11 serait donc assez indifférent que Marie Gladel
e û t, ou n on , fait personnellement des actes d ’adilion d ’hérédité : elle n ’en aurait pas moins été héri
tière, puisqu'elle n ’a pas renoncé.
Il serait peu important aussi q u ’en se constituant
�des biens d otau x, elle n’eût pas compris dans la cons
titution ceux qui lui étaient échus par le décès de son
père; car le seul effet de cette omission aurait été de
rendre paraphernale cette dernière espèce de biens.
Marie Gladel n’en devrait pas moins être considérée
com m e héritière_de son père, puisque la loi lui avait
imprimé ce titre; et l ’on pourrait d ’autant moins le
lui refuser, que le sieur F lo u va t, son tu teu r, avait
fait en son nom plusieurs actes d ’adition d ’hérédité ;
q u ’elle même, à sa majorité, avait consacré ces actes,
non seulement par son silence, mais même en conser
vant la possession soit du mobilier de Jacques Gladel,
soit même des immeubles; car elle possédait, à ce
q u ’il paraît, le domaine de Saint-Sim ond, qui dépen
dait de la succession; et elle avait laissé, à. son décès,
cette possession au sieur M icolon, son m a r i, qui en.
jouissait, comme administrateur des biens de sa fille,
en 1734 ; ce qui est prouvé par un exploit d’ajourne
m ent, du 17 février 1738 (V o ir la copie de cet exploit
dans le dossier des intimés Celeyron.)
.1
' Ce n’est même q u ’après une longue possession des
biens meubles et immeubles de l ’hérédité, possession
exercée soit par Flouvat, tuteur de Marie Gladel, soit
par celle-ci personnellement, soit par le sieur Micolon
son époux, que ce dernier, assigné depuis 1734 en
qualité de tuteur de sa fille Charlotte, fit , au greffe
du bailliage d ’A m b e r t, cet acte de répudiation du
4 février 178 7, que l ’on nous oppose aujourd’h u i, el
dont il'est utile d ’examiner soit la valid ité, soit les
elfets.
�L a répudiation est nulle.
E n la supposant valable dans son origine, ses effets
auraient été détruits par l ’acceptation postérieure de
l ’hérédité de Jacques Gladel.
Nous démontrerons successivement ces deux pro
positions.
La répudiation est nulle, soit parce qu ’elle était
tardive, soit parce q u ’elle aurait dû être autorisée par
un conseil de famille.
E lle était tardive, puisqu’elle avait été précédée
d’une longue possession des biens meubles et immeubles
de la succession, et de faits géminés d ’adition d ’hérédité.
Nous avons déjà indiqué plusieurs de ces faits
émanés-de Christophe F lo u v a t, en qualité de tuteur
de Marie G la d e l, tels que location d ’im m eubles,
paiement des dettes, cession des créances de la succes
sion. Nous avons aussi parlé de la possession des biens
de cetie succession, et notamment du domaine de
Saint-Sim ond, possession exercée, soit par le tuteur
F lo u vat, soit par Marie Gladel elle-même, soit par le
sieur Micolon, q u i , d ’abord comme époux de Marie
G ladel, ensuite comme père et légitime administrateur
de l ’enfant né de leur mariage, avait continué de jouir
du domaine.
Tous ces faits constituaient les actes d ’acceptation
les plus caractérisés, ainsi que le prouvent les principes
que nous avons déjà rappelés, ainsi que l ’enseigne
aussi M. C h a b ro l, dans son Commentaire sur l ’art. 54
du titre 14. (Voyez tome 2 , page 13 7.).
O r , c’est un principe élémentaire, que la qualité
�(
»3
)
d’héritier, une fois prise, ne peut plus être révoquée :
Q u i semel hœres> semper hœres. « L ’héritier naturel
« a le choix d’accepter d ’abord ou de renoncer-, mais
« il le consomme par sa détermination ». (V o y e z
M. C h abrol, loco citcito.).
L e tuteur de Marie Gladel avait consommé ce choix
pour elle. Marie Gladel elle-même l ’avait confirmé
depuis sa m ajorité, par la possession des biens hérédi%
taires. Elle n ’aurait pu varier elle-même; elle était,
avant son décès, irrévocablement saisie de la qualité
d’héritière de son père; et cette q u a lité , elle l ’a
transmise à son décès, avec sa propre succession, à
Charlotte Micolon.
Ces premières observations suffiraient pour prouver
que le sieur Micolon, père et légitime administrateur
de Charlotte sa fille, n ’a pu renoncer pour celle-ci à
la succession de Jacques G la d el, son ayeul; car la
succession de l ’ayeul et celle de la mère s’étaient con
fondues par l ’acceptation q u ’avait faite celle-ci de
l ’hérédité de Jacques Gladel. Pour ne pas être héri
tière de l ’u n , il eut fallu aussi renoncer au titre
d’ héritière de l ’autre. Or , Charlotte Micolon n ’a
jamais renoncé à la succession de sa mère j donc elle
est aussi héritière de son ayeul.
Remarquons même q u ’en supposant
Gladel n’eut fait personnellement aucun
mixtion dans la succession de Jacques
suffirait que de tels actes eussent été faits
que Marie
acte d’im
Gladel , il
en son nom
par son tuteur, pour q u ’elle ou ses descendais ne
pussent cesser d ’être réputés héritiers, tant q u ’ils ne
�( *4 )
»«iA-
sc seraient pas fait restitu er, par la justice, contre
l ’adition d ’ hérédité qui en résulterait.
La
simple expression d ’une volonté contraire à
l ’acceptation q u ’auraient produite ces actes d ’immix
tion , aurait été impuissante pour en détruire l ’effet;
et il aurait fallu et se pourvoir en restitution, et
obtenir un sentence qui l ’accordàt.
O r , ces moyens n ’ont pas été employés. L e sieur
Micolon s’est borné à déclarer q u ’il renonçait pour sa
fille à une succession depuis long-tems acceptée, depuis
long-tems confondue dans le patrimoine maternel de
celle-ci. Cette déclaration illégale n’a pu évidemment
avoir aucune conséquence nuisible aux droits acquis
et aux intérêts de Charlotte Micolon.
Mais la succession de Jacques Gladel n’eut-elle pas
été antérieurement acceptée, se fùt-elle ouverte seule
ment pendant la tutelle du sieur Micolon père, celuici n ’ aurait pu la rép u d ie r, sans des formalités salu
taires , sans des précautions propres à garantir les
intérêts de sa pupille.
Q u ’est-ce en effet q u ’un tuteur?
C ’est un simple administrateur, chargé, par la loi,
de gérer les biens du m ineur, mais à qui il n’est
. permis ni d’aliéner, ni de transiger, ni de diminuer
par aucun acte la fortune du mineur : Tutor in re
jm p illi,
tune dornini loco habetur } cum
tuteîam
adm inistrai, non cum pupillum spoliât. L . 7 , 5 3 ,
il’. Pro cmptore.
Tout ce q u ’il fait hors des bornes d ’une simple
iidniinistration est nul à l ’éçard du m ineur, si celui-ci,
�(25)
Aa*
lie l ’approuve pas , ou si ses intercts ont été blessés, a
moins cependant que 1 autorité de la justice ue soit
intervenue pour donner au tuteui des pouvoirs qu il
n’avait pas.
O r , renoncer à une succession n’est pas un acte de
simple administration; car c’est priver le mineur d ’un
patrimoine qui lui est dévolu ; c’est diminuer sa
fortune; c’est aliéner ses droits.
- On peut opposer qu ’une succession est quelquefois
plus onéreuse q u ’u tile, et qu e, sous ce rapport, les
intérêts du mineur peuvent être ménagés plutôt que
blessés par la répudiation du tuteur.
Cette observation nej*ésout pas la difficulté. Renoncer
à une succession, abandonner un patrimoine dont l ’actif
peut excéder le passif, est un fait qui excède évidem
ment les pouvoirs d ’un simple administrateur.
Il n Jy a rien, au reste, de fort dangereux pour un
mineur dans l’acceptation d ’une succession ; car les
lois, qui le protègent, l ’autorisent à ne payer les charges
héréditaires, que jusqu’à concurrence de son émo
lument.
Mais si le tuteur croit une répudiation utile, il doit
prendre l ’avis du conseil de fam ille, convoqué devant
le juge.
Ici était l’usage autrefois ,
usage fondé sur la
restriction salutaire que les lois apportaient aux pou
voirs des tuteurs.
M. Pothier, dans son Traité des successions, chap. 3 ,
section 4 , § i cr, s’exprime ainsi :
« Un tuteur peut répudier une succession déférée
.4
'
�« à son mineur; un curateur peut répudier celles
« déférées à ceux qui sont sous sa curatelle.
« Il est d ’usage que les tuteurs et curateurs prennent
« la précaution de se fa ire autoriser pour cela par un
« avis de parens assemblés devant le juge. »
M. M erlin, dans son Répertoire, au mot Renoncia
tion , n° i , emploie le même langage :
« Il est d ’usage, en cas pareil, que le tuteur ou le
« curateur se fasse autoriser par un avis de parens
n assemblés devant le juge. »
M. Toullier, dans son Droit civil français, remarque,
sur l ’article l\Gi du C ode, q u e , dans l ’ancien D ro it,
il fallait un décret de justice pour autoriser la répu
diation. Il cite D uparc-Poullain, Principes du D r o it,
tome 1 " , p. 287. (V oir T o u llier, tome 2, p. 265.).
L a répudiation alors était valable, paxce q u ’elle
était faite après vérification, par le conseil de famille,
de l'état de la succession; parce q u ’elle était faite sous
l ’autorité du juge, et que le p ou v oir du magistrat qui
l ’avait autorisée donnait au tuteur une capacité qui
lui manquait.
L e Code civil a consacré l ’ancienne règle dans son
article 4 6 1 , qui déclare que « le tuteur ne peut ré« pudier une succession sans l'autorisation du conseil
u de famille. »
• Cet article servirait à fixer les doutes même pour
l ’ancien D roit, s’il s’en élevait; car l ’on sait que les
lois anciennes et nouvelles se prêtent un mutuel set ours, comme règles interprétatives. Leges priorcs ad
posteriorcs trahuntur et c contrit.
�( a7 )
Dans la cause, la renonciation du sieur Micolon.
père n’a été précédée d ’aucun avis de parens.
Cette renonciation n ’était pas même commandée
par les circonstances, puisque la créance qui en fut le
prétexte ne s’élevait q u ’à la modique somme de cent fr,
en principal. Aucun autre créancier n’exerçait alors,
n ’a jamais même exercé depuis les moindres poursuites.
Bien plus, aucune autre créance n ’est aujourd’hui
justifiée.
Rien ne peut excuser une telle renonciation, qui
tendait à priver Charlotte Micolon d ’une succession
opulente.
E lle est n ulle, comme n ’ayant pas été autorisée par
un avis de parens et par la justice.
Elle serait nulle, d ’ailleurs, comme ne s’appliquant
pas à une succession récemment échue, mais à une
succession ouverte depuis long-tems, à une succession
depuis long-tems aussi acceptée', k une succession qui
était confondue dans celle de Marie G la d el, mère de
la mineure, à une succession de laquelle cette mineure
était saisie, et dont les biens, que sa inère avait d ’a
bord possédés, étaient alors possédés aussi par ellemême ou par son tuteur.
Renoncer, dans un pareil cas s u r - t o u t , c’était
réellement aliéner*, c’était dépouiller la mineure d’un
patrimoine qui lui était acquis*, c’était faire ce que
la loi interdit à un simple administrateur.
Donc cette p r é t e n d u e r é p u d i a t i o n est un acte in
forme, illégal, q u i ne saurait être , dans la cause ,
d’aucune considération, et qui n’a pas empêché Char-
�;« a
.
lotte Micolon de continuer d ’avoir, comme elle l’avait
auparavant, le titre d ’héritière de Jacques Gladel ,
son ayeul.
Mais en considérant même la répudiation comme
valable, elle aurait pu être rétractée par Charlotte
Micolon ou ses descendans, tant que la succession était
restée vacante.
L e principe est incontestable. Il est enseigné par
les anciens auteurs, et consacré par le Code civil.
L ebru n , dans son Traité des Successions, examine
les exceptions à la m axim e, que l’immixtion qui vient
après la renonciation n ’est point acte d ’héritier ; et
parmi ces exceptions, il range le cas où l ’héritier
déclare positivement q u ’il accepte (i).
« L a troisième exception est au cas q u ’après une
«
«
«
«
renonciation , l ’on fasse une déclaration précise
d ’être héritier, principalement si elle est faite en
jugement. E t c’est la disposition de la loi siJîliusy
i a , ff. de interrog. »
.
L ’auteur pouvait aussi s’appuyer sur la loi 20, 5 4 ,
ff. de aquirendd v c l om ittendd hœreditate.
M. Chabrol, sur l ’article 5 /f du titre 12 de la C ou
tume d ’Auvergne, dit aussi que «celui qui a renoncé
« peut reprendre le titre d ’ héritier, s’il n’est pas encore
« occupé, et si la succession est restée vacante. »
]\I. Chabrol cite l'opinion de Lebrun.
Long-tems avant, l ’auteur des Lois civiles professait
Traité des Successions, livre 3 ; des iicnoncuilionSf
cliap. 8 , scct. a , u° G3 .
0 ) Voyn* Lebrun,
�( 29
)
la même doctrine dans une note sur le n° 4 de la
section 4 d e la r e n o n c ia t io n ti l ’ l i é r é d ü é (Voyez au
titre 4 du livre i cr de la 2e partie.)
« Si après une renonciation, dit ce.savant légiste,
« l ’héritier qui l ’aurait faite venait à s’en repentir,
« les choses étant encore au même état, sans q u ’aucun
« autre héritier sè fût présenté, rien n’empêcherait
« q u ’il ne reprit son droit. »
M. M erlin, au mot Renonciation, n° 6 , dans son
Répertoire de jurisprudence 3 parle aussi de la faculté
qu ’a l ’héritier d’accepter la succession, même après y
avoir renoncé, lorsqu'elle est restée vacante.
Le Code civil a adopté cette règle ancienne.
Après avoir d it, dans l ’article 789, que la faculté
d’accepter ou de répudier une succession se prescrit
par le laps de tems requis pour la prescription la plus
longue des droits immobiliers, il s’exprime ainsi dans
l ’article 790 :
« Tant que la prescription du droit d’accepter n’est
« pas acquise contre les héritiers qui ont renoncé, ils
« ont la faculté d’accepter encore la succession , si elle
« n ’a pas déjà été acceptée par d ’autres héritiers. »
La prescription, dans ce cas, est celle de trente ans,
qui se seraient écoulés sur la tète d’ un m ajeur; car
elle ne court pas contre des mineurs (V o ir l ’ai t. 22ÎÎ2;
voir aussi l’article 22G2, sur le tems nécessaire pour
opérer la prescription.).
Ces principes étant fixés, si l’on considère comme
valable la renonciation fai le sans aucune formalité
par le tuteur de C h arlotte M icolon, au moins doit-on
�fo À
( 3o )
reconnaître q u e , tant que la succession n ’était pas ac
ceptée par d ’autres, elle avait le droit de la reprendre,
et q u ’il eût fallu une prescription de trente ans depuis
sa majorité pour la priver de ce droit.
Charlotte Micolon, née le 28 août 17 2 8 , est dé
cédée le 8 octobre 17 6 3 , c’est-à-dire âgée seulement
de trente-cinq ans; en sorte q u ’il n’avait couru sur sa
tète q u ’environ dix ans de prescription.
C e droit d ’accepter une succession qui était toujours
vacante , Charlotte Micolon l ’avait transmis à ses
propres héritiers, à ses en fans; on se rappelle la règle
hœres in omne j u s mortui succedit.
Le plus âgé des cinq enfans q u ’a laissés Charlotte
Micolon était Claudine C o l, mère de la dame Cognasse;
née seulement le g octobre î'jSS , elle n’a été ma
jeure de vingt-cinq ans, conformément à l’ancien Droit,
q u ’en
O r,
an 4 5
en son
1780.
c’ est par un acte fait au greffe, le 20 fructidor
OU ^ septembre 1 7 9 6 , cjue C laudine G o l , tant
nom que comme cédataire des droits de M arie>
sa sœur, et en qualité d ’héritière de ses autres frères
ou sœurs et de Charlotte Micolon leur mère com
m un e, a rétracté la répudiation faite par Joseph
Micolon en 17 3 7 , et a déclaré se porter héritière de
Jacques G lad el, son bisayeul.
Il n’avait pas alors couru sur sa téte seize ans com
plets de prescription ; C11 les réunissant aux dix ans
qui s’étaient écoulés pendant la majorité de sa mère,
on ne trouverait pas les trente ans nécessaires pour
opérer la prescription.
�( 3i )
Nul doute donc que Claudine C o l , ou la dame
Cognasse, qui la représente, ne soit héritière de
Jacques G lad el, leur ascendant.
Marie G lad el, fille de Jacques, n ’avait jamais ré
pudié cette succession. Au contraire, elle avait fait
divers actes d ’adition de cette hérédité*, elle en était
morte saisie*, elle l ’avait transmise, par son décès, à.
Charlotte Micolon, sa fille unique et son héritière.
Charlotte Micolon n’a jamais elle-même renoncé k
la succession de son ayeul.
La renonciation faite pour elle par son tuteur est
illégale, comme étant postérieure à des actes d ’accep
tation qui n ’avaient pas été révoqués, et qui même
ne pouvaient plus l ’être ; comme émanant d ’ailleurs
d ’un simple administrateur h qui la loi refusait le
pouvoir d’aliéner et de nuire à sa pupille; et comme
n ’ayant été autorisée ni par un avis de parens, ni par
le juge.
Cette renonciation, eût-elle été régulière, aurait
pu être rétractée tant que la succession était vacante
et q u ’il ne se serait pas écoule trente ans de pres
cription.
Elle a été rétractée dans le délai prescrit.
Donc on ne peut refuser ni à Charlotte Micolon, ni
k la dame Cognasse, sa petite-fille, le titre d ’ héritière
de Jacques Gladel.
E x a m in o n s si l ’action en d ésistem en t de la maison
dont il s’agit d evait être écartée par la p rescrip tion .
�D E U X IÈ M E PR O PO SITIO N .
1/ action
,L a.
en désistement éta it-elle prescrite?
question doit être considérée sous un double
rapport, soit en considérant comme nulle la répu
diation faite en 1737 , par le tuteur de Charlotte
Micolon, soit en supposant que la répudiation était
régulière, et que la succession de Jacques Gladel a
été vacante depuis cette époque.
•
L e premier rapport est le seul vrai ; car nous
croyons avoir démontré que le sieur Micolon père ,
simple administrateur de Charlotte Micolon, n’avait
pas eu le droit de renoncer pour elle, sans l ’autori
sation du juge, à une hérédité dont Marie G ladel, sa
mère, était saisie îi son décès, à une hérédité dont
celle-ci avait possédé les biens, à une hérédité, qu ’elle
avait transmise à sa fille.
E11 ce sens, et abstraction faite même du vice du
titre qui a été le fondement de la possession de la
maison en litige, un simple calcul suffirait pour dé
montrer q u ’il ne s’est pas écoulé trente ans de posses
sion utile , délai indispensable cependant , d ’après
l ’article 0. du titre 17 de la Coutume d ’A uvergn e,
pour attribuer la propriété au possesseur.
Le premier acte de vente de cette maison est du 9
août 172G. Marie G la d e l, née le 20 avril 1701 , était
alors majeure de quelques mois.
Elle est décédée le 7 juillet 1731 , laissant une
�( M )
' ¿ti
seule héritière, Charlotte M icolon, qui n’est devenue
majeure elle-même que le 29 août 1753.
Celle-ci laissa, à son décès, cinq enfans, dont le
plus âgé était Claudine C o l, née le 9 octobre 1 7 5 5 ,
et la puînée, Adélaïde C o l , née le 26 septembre iy S y .
Les trois autres étaient plus jeunes, comme on peut
le voir dans la généalogie.
Tous ces enfans, après la mort de Charlotte Mico
lon leur mère, décédée le 8 octobre i y 6 3 , ont été
placés sous la puissance paternelle, dont l'effet était
d ’attribuer au sieur Christophe Col leur père, l ’usu
fruit de tous leurs biens et de tous leurs droits; et ils
sont restés sous cette puissance, qui paralysait toutes
leurs actions, jusqu’à la publication de la loi du 28
août 1792, loi par laquelle ils en ont été affranchis (1).
Il est facile, en se fixant sur les circonstances, de
reconnaître que la prescription n’a pas été acquise
avant les actions en désistement, formées par cédules
en conciliation des 8 pluviôse an 4 et 18 prairial an 5 ,
et par exploit du 8 brumaire an 6 (2).
E n effet, il ne s’était écoulé sur la tête de Marie
Gladel que quatre ans et onze mois de prescription;
sur celle de Charlotte Micolon, dix ans et un mois y
et sur celles des enfans C o l , le tems qui a couru
depuis la publication de la loi du 28 août 1792 jus(1) Les appelans ont, dans leur dossier, des actes qui prouvent qu’en
1791 le sieur Col agissait encore et transigeait comme pèio et légitimq
administrateur de ses enfans.
(2) Ces trois dates correspondent aux 28 janvier 1796, 6 juin 1707,
et 29 octobre 1797.
5
'
%
�q u ’à la date de la première demande , c’est-à-dire
moins de quatre ansj en sorte que les possesseurs de
la maison ne pourraient opposer à la dame. Cognasse
que dix-huit ans au plust de proscription utile.
Nous, avons parlé de la puissance paternelle, du
sieur Cristophe C o l, et de l ’usufruit qui y était atta
ché , crtmme ayant interrompu la prescription.
A uoun jurisconsulte n ’ignore que y sous la C o u
tume d ’ Auvergne, qui était la loi des parties, la
prescription était suspendue pendant la durée de la
puissance paternelle et de l ’usufruit légal qui y était
attaché. Il serait superflu de démontrer un point de
doctrine qui n ’est pas controversé*.. H suffira de ren
voyer à la dissertation profonde de M. Chabrol; sur
l ’article 3 du chapitre 17 d e l à Coutum e d'Auvergne
(tome a , page 730 et suivantes).
Ou remarquera, au reste, q u ’abstraction faito même
de, oe. m o y e n , suspensif de la prescription , 011 11e p o u r
rait o p p o s e r t r e n t e a,na d e p r e s c r i p t i o n entre- majeurs,
que pour la portion d ’un seuLdes enfans C o l , c’est-àdine pouj’ un cinquième de la maison reclamee.
A in si, on considérant comme nulle, la répudiation
de 17371, il iv’y a pas.de prescription acquise.
Cotte répudiation, fùt-elie régulière, le m oyen de
proscription, ne serait] pas plus, sérieux.
Les. premiers juges ont dh. q u ’une double prescrip
tion do. titflÿtÇ:
ÇQHÇU'. peudflaH la vacance de
lu succession.
L'observation n ’est, pas exacte. Elle n’a pour, base
qu un principe hasardé, q u ’un principe qui, esl, eu.
�opposition avec les règles sur l ’eftet que produit 1 adition d’hérédité, qaelle que tardivfe qu ’elle soit.
L oin de dicC qüe la prescription court pendant la
vacance de la succession, d ’anciens auteurs enseignant
une doctrine absolument contraire. V oici cohiitî'ent
s’expriment les annotateurs des Lois civiles de D o m â t,
en parlant de l ’héritier qui n’aGcepte <JUe lôhg-tetafc
après l ’ouverture de la succession (V o ir ilaê des Inoteè.
sur le numéro l^.de i a section 4? ùtrç 4> livre i ’r*
2e partie.) :
4
«
«
,«
«
« Les prescriptions-iie commencent k courir que du
jour qu ’il se porte héritier, et tout le tems qui 6’esit
écoulé depuis le j.our du décès du défunt jusqu’au
jour de Inacceptation n’est compté pour rien. Quia
conlrii non valettiém agêre non currit prœ$criptio. »
On opposera peut-être que l'article 7,9o du Çodq
civil suppose que la prescription a pu coürir avant
l ’acceptation de l ’héritier, puiscju’il résèrve aux-tiers
les droits qui peuvent leur être acquis de.cette ma
niéré : « sans préjudice néanmoins des droits qui
« peuvent être acquis à des tiers sur los biens dti la
„« succession, soit par prescription, soit par des^actes
« valablement fcùts avec le ou Bâteur à la succession
« vacante. »
•
.
La répo-nse est que le Code civil ne peüG régir une
succession ouvert© et une action forniéo long-tems
avaut sa publication.
. . 1
Mais, eu supposant même- qüe la prescription put
courir pendant lu viruanc© de l ’ hérédité , la- r^gle
devrait être e n t e n d u e .s a iù e m e n t e t s 'a p p liq u a seu-
�lement au cas où l ’habile à succéder serait majeur,
S U est mineur, la prescription doit être suspendue
à son égard pendant le tems que la loi lui accorde
pour accepter, comme elle l ’aurait é té , si réellement'
il s’était porté héritier dès l ’ouverture de l ’hérédité.
Pour reconnaître la vérité de cette dernière propo
sition, il suffira de considérer les effets que produit
l ’adition d ’hérédité, quelle que soit son époque, et de
ne pas oublier la protection que la loi accorde aux
mineurs.
Les effets rétroactifs de l ’adition d ’hérédité sont
signalés par les lois romaines , par tous les auteurs
français, par le Code civil même.
« Hœres quandoquè adeundo hœreditatem 3 ja m
« tune à morte successisse
defun clo
intelligitur.
« L . 54 ) ff* de acq. v e l omitt. hered.
« Omnia fe r è ju r a hœredum perendè habentur}
« ac si continua sub tempore mortis hœredes eccu titissent. »
Voici comment M. Domat traduit et adopte ces
règles du Droit romain :
« Après que l ’hérédité, qui avait été quelque tems
« sans maitre, est acceptée par l ’héritier, son accep« tation ou adition d ’hérédité a cet effet rétroactif
« qui le fait considérer comme s’il avait recueilli la
« succession dans le même tems q u ’elfe a été ouverte
« par la mort de celui à qui il succède; et quelque
« intervalle q u 'il y ait eu entre cette mort et l'a cte qui
« l*‘ rend héritier> il en sera de même que s 'il s ’était
.< rendu héritier au. tems de la mort. »
�( H- )
_
k
Il
serait superflu de démontrer par d autres cita
tions la vérité d'une doctrine qui est élémentaire. Il
suffira de rappeler que le Code civil la consacre par
l ’article 777 , en ces termes :
« L ’effet de l ’acceptation remonte au jour de Fou
te verture de la succession. »
■
A in si, l ’hérédité de Jacques Gladel fut-elle restée
vacante jusqu’à l ’acceptation q u ’en a faite Claudine Col,
comme représentant Charlotte Micolon son ayeule, et
Marie Gladel mère de celle-ci, l ’effet de cette acceptation
serait remonté jusqu’au jour de l ’ouverture d elà succes
sion. Cette acceptation aurait imprimé le titre d ’héritier
non seulement sur la tête de Claudine C o l, mais aussi
sur celle de ses auteurs, en remontant jusquJà Gladel
lui-même, de l ’hérédité duquel il s’agit. Les biens de
l ’hérédité, comme ses charges, seraient réputés-avoir
reposé pendant tout l ’intervalle sur les personnes de
Marie G ladel, de Charlotte Micolon et des enfans de
celle-ci ; et la prescription ne pourrait être acquise
qu ’autant qu ’il se serait écoulé, en faveur des posses
seurs, trente années, pendant lesquelles Marie G la d e l,
sa fille , et ses petits-enfans auraient été capables
d ’agir, c’est-à-dire n ’auraient été ni mineurs, ni sous
la puissance de leur père.
O r, nous avons déjà prouvé que les trente ans de
possession utile n’existaient pas.
L a prescription peut encore être écartée par une
autre observation.
.
L a loi accorde à tout héritier q u i a renoncé, le droit
de reprendre la succession [tant q u ’elle n ’a pas été
�acceptée par un autre héritier au même degré ou à un
degré subséquent.
C e d roit, qui appartient à l ’héritier majeur, ap
partient aussi, et à plus forte raison, à l’héritier mi-,
neur qui n’a pas fait personnellement de répudiation,
mais pour lequel un tuteuy a renoncé.
O r , cet héritier mineur ne peut a g ir, ne peut user
4e son droit tant qu'il est dans les liens de la m i
norité.
E t gomment pourraitron supposer que pendant ce
tem s, ou la loi veille pour Uû à ses intérêts parce
q u ’il ne peut les surveiller lui-même, des tiers pus
sent acquérir? p&v une possession que personne n ’au
rait pu interrompre , la propriété des biens de
l ’hérédité? U n mineur, si l ’on adoptait un tel sys
tème, ne serait-il pas placé, par le fait de son tuteur
qui aurait répudié pour lu i, dans une position plus
difficile q u ’ un majeur lui-même qui aurait renoncé
personnellement; car ce dernier pourrait, avant quç
la prescription fût acquise, rétracter la répudiation,
çt agir en désistement contre les tiers ?
L a loi, qui protège les mineurs, ne peut avoir voulu
les traitçr plus défavorablement que des majeurs ; et
puisqu’il ne leur est pas possible, pendant leur m i
norité, de revenir contre uue répudiation q u ’ils peu
vent ne pas connaître, dont ils ne sauraieut d ’ailleurs
apprécier l ’utilité ou le dommage, la loi ne permet
pas q u e , pendant ce tems d ’incapacité légale sous la
quelle ils se trouvent par leur âge et leur inexpérience,
ils soient exposés à être privés, par des prescriptions ,
�( 39 )
des biens d’une hérédité à laquelle ils ont droit.
Contra non v a l en te tri agere. non currit prœ sciiptio.
Soit donc que l ’on considère que, par L'acceptation
de l ’hérédité, quelque tard qui’il la: fasse, Fhtciritier
est c e n s é propriétaire des biens de la successiou dès
1g moment de son ouverture, soit-qne l ’on considère
q u ’un mineur'ne doit, souffrir d ’aticune prescription,,_
il faut décider q u e , quelque longue que soit la
vacance d’une succession„ si celui qui, est habile à,
l ’accepter est: mineur, „ aucune prescription, utile, ne
court, pendant sa m inorité, en\ faveur, des. tiers dé
tenteurs-.
Ces observations s’appliqueraient même à des suc
cessions ouvertes et ‘vacanites, sons le G«de. civil. Si
l ’article 790 parle de droits, acquis* àu dos. tiars par la
prescription, c’est parGe que le. Code a établi la pres
cription de dix ans en faveur du possesseur qui a titre
et bonne foi (voyez Code civil,, art. 2265), et q u ’il
est possible que l ’habile à succéder n ’accepte pas
l ’hérédité dans les dix ans qui suivent sa majorité.
Dans ce cas, il est juste, il est conforme aux principes
d ’admettre contre lui la prescription, parce q u ’il ne
peut être traité plus favorablement penur avoir accepté
tard , qu ’il ne l'aurait été. s’il- s’utfaiü porté huiriwep dès
le moment de l ’otLverture de la* sucxjessiow* Etant^
m ajeur, ayant pu accepter l’ hérédité et agir pins» tôt
en désistement, sa négligence daitr luii nuire. JfiQÏûntibus non ncgligentibus.juirti subveniunt:
Dans la cause, les advcrsaTres.do laidamo Gognïisso n e
peuvent lui opposer ni la proscription décennale (¡cette
A '7
%
�(4 o
)
prescription n ’étant pas connue autrefois en Auvergne)’/
ni la prescription trentenaire; car ils n ’ont pas trente
ans de possession exercée contre des personnes majeures
et capables d’exercer leurs droits.
* \
On pourrait aussi faire observer que les détenteurs
de la maison en litige tiennent seulement leurs droits
d ’un créancier de l ’hérédité. E n effet, c’est en qualité
de créancier que le sieur Chassaigne avait délaissé cette
maison au sieur Celeyron, par l ’acte de 1726. O r , ce
créancier n ’avait q u ’une possession précaire; il n ’a pu
transmettre au sieur Celeyron q u ’une possession sem
blable, suivant la maxime, Nem o p lu s ju r is in alium
transferre potest çuam ipse habety en sorte que le vice
de la possession aurait paralysé la prescription (V oyez
Code c iv il, articles 2236 et 2237.).
Mais était-on tenu d ’agir seulement en partage?
T R O IS IÈ M E P R O P O S IT IO N .
JJaction en désistement était la seule à intenter.
L e sieur Douvreleul a insisté, dans son Mémoire, sur une fin de non-recevoir, dans laquelle il a paru
avoir une confiance que l ’ignorance des faits a pu
seule exciter.
C ’éta it, d it- il, par l ’action en partage, non par
l ’action en désistement, que la dame Cognasse ou ses
auteurs devaient se pourvoir.
Quelques réflexions suffiront pour écarter l ’argument. .
�( 41 )
Pour agir en partage héréditaire, il faut avoir des
cohéritiers.
O r , il est prouvé, dans la cause, que la dame
Cognasse , comme représentant Charlotte Micolon
son ayeule, et Marie Gladel mère de celle-ci, était
la seule héritière de Jacques Gladel.
On se rappelle, en effet, que Jacques Gladel avait
quatre enfans; l’un d’eu x, Catherine G la d e l, était
religieuse, et par conséquent n’a pas succédé. Deux
autres, Marguerite et Pierre G ladel, devenus majeurs,
ont répudié la succession de leur père. Les répudia
tions sont rapportées; celle de Marguerite est sous la
date du 2 avril 17 18 ; celle de Pierre est du 17 août
1723.
Marie G la d el, qui n’a jamais fait de renonciation,
était seule héritière de son père; elle est représentée
par la dame Cognasse : celle-ci n ’a donc pas eu d’a c
tion à partage à" former contre le sieur Douvreleul ou
contre tout autre représentant de Marguerite et de
Pierre G ladel, qui n’avaient ni le titre d ’héritier ni
les droits attachés à ce titre.
D ’après ces faits, il est inutile d’examiner quel a
été le motif du mode de partage du domaine de
Mont-Simon, fait entre les enfans Col et les Alligier.
On ignore d ’après quelles hases un tiers du domaine
a étc attribué au sieur Alligier. On se bornera à re
marquer que les héritiers de Marguerite G lad el ne
sont pas parties contractantes dans le traité, et que
l ’objet de l ’acte n’est pas le partage d ’une hérédité,
mais seulement celui d ’un objet particulier.
6
�( 4» )
Quelles que soient d ’ailleurs les causes du mode de
la division qui eut lieu entre Alligier et les enfans
C o l, ceux-ci se fussent-ils même trompés alors sur
l ’étendue de leurs droits, leur erreur première ne
pourrait leur nuire q u ’à l ’égard de celui avec lequel
ils ont contracté. S ’ils ont abandonné à A lligier, en
1 7 9 1 , ce q u ’ils pouvaient réclamer, ce n ’est pas une
raison pour q u ’ils renoncent aujourd’hui à une partie
de leurs autres droits; ce n ’est pas sur-tout un m otif
pour q u ’on les renvoie à exercer une action en partage,
puisqu’il est démontre q u ’ils sont les seuls héritiers
de celui de la succession duquel dépend la maison
q u ’ils revendiquent.
La dame Cognasse a examiné les diverses objections
qui lui étaient faites.
E lle croit y avoir répondu.
E lle a démontré q u ’elle était héritière de Jacques
Gladel ;
Que ses droits n ’étaient pas prescrits;
Que l ’action en désistement était la seule à exercer.
Ses moyens, elle les a puisés dans les faits, dans
les principes du Droit. L a Cour les appréciera avec la
sagesse, avec la justice qui la caractérisent.
Il
est une partie du Mémoire du sieur D ouvreleul,
dont les appelans n’ont pas dû s’occuper, lis ont du
dédaigner les injures par lesquelles 011 a commencé,
et celles par lesquelles on a fini.
Dans une cause où toutes les difficultés sont des
�( 43 )
questions de droit, que signifient ces expressions?
A ction odieuse.......... subversive de tout ordre........
injurieuse à la ju stice.
Tous ces grands mots sont de petits moyens ; e t ,
s’ils frappent l ’esprit, c’est seulement pour lui rap
peler cette réflexion du poëte latin :
Sunt verba et v o c e s , prœtereàque nihil.
Me A L L E M A N D , A vocat.
Me I M B E R T , A voué.
R I O M , I M P R I M E R I E D E S A L L E S , PRÈS L E P A L A I S D E J U S T I C E .
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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Description
An account of the resource
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Mayet, Charlotte. 1822?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Allemand
Imbert
Subject
The topic of the resource
successions
successions vacantes
prête-nom
créances
bail judiciaire
experts
partage
ventes
fraudes
possession pignorative
répudiations de successions
renonciation à succession
curateur
arbre généalogique
ventes
bail
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse, pour Dame Charlotte Mayet et le sieur Guillaume Cognasse, son mari, appelans d'un jugement rendu par le tribunal civil d'Ambert, le 3 février 1821 ; contre Sieur Jean-François Douvreleul, propriétaire à Arlanc, intimé et défendeur en contre recours ; et contre Dame Marie-Anne Col, veuve de sieur Benoit Flouvat, usufruitière des biens de ce dernier, propriétaire à Ambert ; Dame Antoinette Ponchon et sieur Antoine Le Dieu-Bazin, son mari, de lui autorisée, propriétaire à Ambert ; Dame Louise Ponchon et sieur François-Ignace Laval, son mari, de lui autorisée, expert-géomètre à Ambert ; Dame Marie-Anne Ponchon et sieur Vital Costes, son mari, de lui autorisée, expert-géomètre à Ambert ; sieur Jean-Baptiste-Thomas Ponchon, Propriétaire à Ambert. Tous les dits Ponchon, frères et sœurs, héritiers de sieur Benoit Flouvat et de demoiselle Antoinette Flouvat, leurs oncle et tante , aussi intimés, défendeurs en recours, et demandeurs en contre recours. Sieur Jean-Baptiste Grellet-Beaulieu, avocat à Saint-Germain l'Herm, aussi intimé, défenseur en recours et contre recours, et demandeur lui-même en contrerecours ; Sieur Benoit Rolhon-Malmenaide, Négociant à Ambert ; Demoiselle Madeleine Celeyron, sieur Jean Baptiste et autre Jean-Baptiste Celeyron, propriétaire à Craponne, aussi intimés, défendeurs en recours et contre recours, et demandeurs eux-mêmes en garantie contre le sieur Douvreleul.
Table Godemel : Successibilité : 4. le demandeur en désistement ou en partage est-il admissible à former cette action, s’il est établi que l’individu, au nom duquel il agit, n’était ni né, ni conçu, à l’époque su sécès de celui dont il réclame la succession ? Répudiation : 1. lorsqu’il résulte des actes et des circonstances du procès que le tuteur d’un héritier mineur a répudié à la succession du père de celui-ci, ouverte en 1709 ; que, dans la suite, le mineur, après sa majorité, a excipé lui-même de l’existence de cette répudiation, en la réitérant, et qu’une sentence a déclaré vacante la succession, en lui nommant un curateur, la prescription a-t-elle pu valablement courir contre cette succession ?
ainsi, la vente pure et simple d’un des immeubles de la succession, opérée en 1726, avec délégation de partie du prix aux divers créanciers de cette succession, n’ayant point le caractère d’un contrat pignoratif, est-elle devenue inattaquable et les héritiers présomptifs sans actions, après un laps de temps de plus de 30 ans utiles, lors même qu’ils auraient révoqué leur répudiation dans les formes et délais déterminés par la loi ?
en supposant que les successeurs de l’héritier renonçant eussent pû, de son chef et malgré sa répudiation, réclamer la succession du défunt, n’auraient-ils pas été obligés, en éxerçant ce droit, de prendre la succession en l’état où elle était à l’époque de la demande du 8 brumaire an 6, et par conséquent de laisser subsister la vente du 9 août 1726, d’après le principe que l’on ne peut, en pareil cas, prendre les successions qu’en l’état où elles se trouvent ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1822
1709-1822
1661-1715 : Règne de Louis XIV
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
42 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2613
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2612
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53528/BCU_Factums_G2613.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Arlanc (63010)
Saint-Anthème (63319)
Ambert (63003)
Saint-Germain-l'Herm (63353)
Craponne-sur-Arzon (43080)
Saint-Férréol-des-Côtes (63341)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
arbre généalogique
bail
bail judiciaire
Créances
curateur
experts
fraudes
partage
possession pignorative
prête-nom
renonciation à succession
répudiations de successions
Successions
successions vacantes
ventes
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53527/BCU_Factums_G2612.pdf
6239c4ce43888f396181ed5389004f78
PDF Text
Text
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GÉNÉALOGIE.
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M arguerite,'
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n o ces.
N . du Pâturai.
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A ntoinette
à
Antoine D uinont.
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P ierre.
M a rie,
à
2 " noces'.
M arguerite Gladcl.
A nne
Jean-François,
à
M ary Douvreleul.
i T" noces.
Je a n Chassaigne;
2 " noces.
Je a n Douvreleul.
M
C atherine,
religieuse.
<3
Joseph Micolon;
Char!
Jo se p h ;
curé de Olaine;
Christophe Col;
g
N.
" r “T
N.
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N.
N.
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Tsomlrcmc tlw r n d a n c e qui n est
pas en cause*
’ï
”1
Jcan -F ran ço is,
!
Jo se p h ;
Adélaïde-.Rosalie.
Jeanne-C laudinc.
à
L aurent M ayet,
M arie.
Jacques;
Barthélémy^
a
C harlotte
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Guillaume C ogniasse,
Appelans,
g
Ù: JLLLLLrrjrtxp. rit.rr.rmr.rr
ÜCLEULiJÊi
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A n to ii
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lia rth L e in y i
IN
N om breuse tlesn
pas cn
r f .rrr.cr f rraffrfffffamrxgfihL >v
L1' r / c / : n r i X L í & í
�MEMOIRE
Cour royale
POUR
1ere. Chambre
J ean -F rançois D O U V R E L E U L , propriétaire
à A rlanc , intimé et défendeur en contre
recours ;
CONTRE
G
C O G N I A S S E , p ercepteu r de
la commune de S t-A n th êm e, et C h a r
l o t t e M A Y E T , son épouse , appelans
de jugement rendu par le tribunal civil
d 'A m bert, le 3 février 1821
uillaum e
E N PRÉSEN CE
De B enoit R O LH IO N - M A L M E N A Y D E ,
négociant à A mbert, intimé et demandeur
en recours.
M a r ie - A nne C O L , veuve F L O U V A T ,
de Rlom.
M
p
o u i* -
H t*
�( 2 )
F L O U V A T et autres, fous
propriétaires, habitant à Ambert, héritiers
représentais de feu B e n o i t F L O U V A T ,
intimés, défendeurs ' en recours et deman
deurs en contre recours;
A
.
J
n to in ette
G R E L L E T -B E A U L IE U ,
avocat, habitant à Saint-Germain-l’Herm,
aussi intimé, défendeur en recours et contre
recours, et encore demandeur en contre
recours ;
e a n
-B
aptiste
et autre J e a n B a p t i s t e C E L E Y R O N , propriétaires, ha
bitant à Craponne, aussi intimés, défendeurs
aux recours et contre recours ci-dessus, et
demandeurs en contre garantie contre le
sieui D O U V R E L E U L .
M
ag d elein e
I
jA
, J
ean
-B
aptiste
plus odieuse des vieilles recherches, la plus perfide
de toutes les actions, fait l’unique objet de cette cause.
U ne succession s’ouvrit en 1709.
Ell e étoit obéréé.’
L es héritiers étoient m ineurs; leu r tuteur répudia la
succession qui fut pourvue d’un curateur.
L e désir de conserver les biens les porta cependant à
�( 3 ?
en aliéner une partie pour satisfaire quelques créanciers.
N e pouvant le faire eux-m êm es sans s’exposer à une
acceptation pure et sim ple, ils se servirent du nom seul du
m ari de l’une des héritières.
C e prête-nom aliéna, en 172 6 , une maison qui appartenoit à la succession de son beau-père.
Il la vendit com m e m a ri et n’exposa personne.
Il en délégua le prix total à quelques créanciers qui
s’en contentèrent, et libéra d’autant la succession.
Les héritiers présomptifs conservèrent par là les autres
biens de la famille.
Ils firent p lu s , et par le m oyen de baux judiciaires
ou autres actes sem blables, ils restèrent en possession de
ces biens sans se rendre héritiers.
E n fin , lorsqu’un temps suffisant a été écoulé, et qu’ils
n ’ont plus eu rien à craindre des créanciers, ils ont fait
entr’eux le partage des biens.
C e devoit être assez pour les satisfaire; mais après
une révolution de près d’un siècle, l’un de ces héritiers
a brusquement accepté la succession jusque-là reconnue
v a ca n te, et a révoqué la répudiation de son auteur.
Il a porté ses vues audacieuses jusque sur la maison
dont le prix avoit, en 1726 , étouffé la voix des créanciers.
Il en a demandé le désistement et soixante-dix ans
de restitution de jouissances.
Dans l’intervalle de la vente à la dem ande, la maison
avoit été revendue trois fois.
Cette demande ayant été abandonnée pendant quinze
ans, elle a été revendue pour la quatrième fois.
Quatre demandes en recours et contre recours sont
�( 4)
donc venues accroître la masse des frais et servir d'ornemens à cette instance.
C ’est le poids énorme de ce m onstrueux procès qu'on
veu t déverser sur le sieur D ou vreleul.
O n prétend le faire p a r honneur pour la mémoire
de l’auteur commun , et sans doute aussi par reconnoissance pour le mari débonnaire q u i, en 1726, prêta
son nom pour sauver du naufrage des biens que les
appelàns possèdent aujourd’hui publiquem ent, sans crainte
comme sans danger.
O n n’a pas fait attention cependant que l'héritier du
m a ri, contre lequel on prétend la gai*antie, étoit en
m êm e temps héritier de la fem m e, et auroit droit pour
une part à la maison que son auteur aliéna en 1726 ;
Q ue c’étoit alors le cas d'une demande en partage et
non d’une demande en désistement.
Ce m o y e n , quoique pérem ptoire, n’a point été exa
m iné par le juge dont est appel. Il lui a paru plus con
venable d’aborder de suite le m oyen du fond , et il a
repoussé loin de lui les odieux calculs d’une avidité désor
donnée.
T e lle est la cause qu’un appel a soumise au jugement
de la C our. H âtons-nous d’en exposer les faits.
F A IT S .
Jacques Gladel^ auquel appartenoit la maison en litige,
décéda le 22 juin l'jo g .
11 laîssoit, outre cette m aison, deux p ré s, u n champ
et un domaine appelé de M ontsim ond.
�(
5 .}
.
Sa succession n'étoit pas liq u id e, il avoit des dettes
assez considérables et devoit notamment à ses enfans la
dot de leur mère.
Il avoit laissé quatre enfans mineurs ; Christophe
F lo u vat leur fut donné pour tuteur. Sa position pouvoit
être assez embarassante, mais il paroît que les créan
ciers ne firent pas de poursuites dans le prem ier ins
tant. A u cu n acte ne nous apprend ce qui se passa
depuis 1709 jusqu’à 1 7 1 6 , époque où le tuteur pour
suivit la ferme judiciaire des biens. E lle eut lieu par
un prem ier "bail du 20 juin 1 7 1 6 , et Pierre Gladel ,
l’un des enfans, se rendit adjudicataire m oyennant une
m odique somme de 60 fr. par année j rien n’appi-end
q u ’il fût majeur.
L e 2 avril 1 7 1 8 , le tuteur rép udia, pour les enfans
m in eurs, à la succession de Jacques Gladel.
Cette répudiation n’est pas rapportée aujourd’hui ; étoitelle va la b le , ou bien doit-on penser et m êm e présum er
de droit qu’elle étoit nulle faute d’avoir été faite avec
les formalités imposées à un tu teu r? C e seroit la p ré
tention des appelans qui aiment m ieux la critiquer que
de la produire. L a C our aura à décider, et c’est une
question prin cipale, si cette répudiation renouvelée en
en 1737 , consacrée par une sentence qui nomma un
curateur à la succession vacante, exécutée, enfin, pen
dant près d’un siècle sans réclam ations, doit être
nulle ou régulière.
Quoiqu’il en so it, un nouveau bail judiciaire
•juillet 1719 transmit encore pour trois ans a
' G la d el la jouissance des biens m oyennant 70
censée
du 19
P ierre
fr, par
�( 6 )
année. Par là il eonservoit les biens dans la famille et
tenoit les créanciers en respect.
M arguerite G ladel se m aria, le 7 septembre 1 7 2 1 ,
avec Jean Chassaigne. C e lu i-c i étoit alors v e u f d’une
demoiselle du Patural de laquelle il avoit eu des enfans
qui sont représentés aujourd’hui par une postérité nomb reuse, notamment par le sieur D o u v re le u l, intimé.
Par son contrat de m ariage, elle renonça, au profit
de son fr è r e , à ses droits dans la succession de Pierre
A r ta u d , son a ïe u l, et de Jacques G la d e l, son p è r e ,
jp our la restitution de dot delM agdelein e y lr ta u d , s ci
m ère.
O n voit par là que les enfans n’entendoient.agir sur
la succession du père que comme créanciers, et m ain
tenir la répudiation faite pour eux par leur tuteur. Ils
n’en conservoient pas moins la possession des biens par le
bail judiciaire de 1789 ; nous verrons bientôt que leur pro
jet etoit de les garder pour le u i’S créances, sans ê t r e obligés
d o n venir à une vente judiciaire qui leur eût été fu
neste. P o u r cela, il falloit appaiser les créanciers ou
les intim ider; il n’étoit pas facile, en effet, de conser
ver toujours les biens sans être h éritier, de ne pas les faire
vendre et de se m ettre à l’abri des poursuites person
nelles ; il falloit donc em ployer le secours d’un tiers.
Jean Chassaigne fut choisi par tous les membres de la
famille pour arriver à ce b u t; ils y parvinrent en sacri
fiant la maison qui excite la convoitise des appelans, et
çn versant aux dépens du prix quelques sommes dans les
mains des créanciers; mais n’anticipons pas : rappelons
encore quelques faits (jui ont précédé cette vente.
�¿y v
( 7 )
L e bail judiciaire'de 1719 veiioit d’expirer ; il falloit
prendre d’autres précautions. L e 22 août 172 2, le tuteur
Flouvjtit, mettant de côté la formalité des baux judiciaires,
afferma à Pierre Gladel la maison et un pré pour six
ans, m oyennant 40 fr. par année; il fut stipulé que
Gladei se les retiendroit en déduction de ce que lui devoit
Jacques Gladel pour la dot de M agdelcine A rtaud, sa mère.
R ien n’apprend quel m oyen fut em ployé pour donner
une couleur à la possession du domaine et des autres biens.
. P ierre Gladel fit son testament le 2 mars 172 4 , et
un codicille le lendemain ; il donna à ses deux sœurs
germ aines M arguerite et M arie, un quart en préciput;
cela prouve que Jacques G ladel avoit laissé des enfuns
d’un prem ier lit.
II déclara que les meubles de la maison lui appartenoient comme provenans de son aïeule maternelle et
les ayant acquis après la m ort de Jacques G lad el, son
père ; qu’enfin, les bestiaux du domaine de M ontsim ond
lui appartenoient en totalité comme ayant été acquis par
lui des deniers provenans de partie des effets de P ie r r e
A r t a u d , son aïeul.
O n voit par là que Pierre G la d e l, pas plus que les
autres enfans, n’étoit ni 11e vouloit être héritier de
Jacques, et qu’il rapportoit toujours à un autre prin
cipe, c’est-à-dire, à sa qualité de créancier, ou à des
acquisitions par lui faites, sa possession, soit du mobi
lie r, soit des immeubles. Nous devons rem arquer aussi
quaucun des créanciers ne prétendit le contraire et no
poursuivit ni Pierre Gladel ni ses sœurs, comme s’étant
immiscés dans l'hérédité, quoique les poursuites aient
t
�( 8)
été fréquentes et long-tem ps prolongées. Plus on les
éludoit, et plus les créanciers eussent été intéressés à
critiquer la répudiation ; cependant ils la respectèrent
constamment. A u ssi, en l’an 4 , les appelans ont-ils été
obligés de la révoquer.
1
P ierre G ladel décéda le m ême jour 3 mars. Ses sœurs
prirent la précaution de faire procéder à l’inventaire
de son mobilier ; il est dans le dossier des appelans.
L e temps s'écouloit, les créanciers se plaignoient, le
mécontentement augm entait, et la moindre circonstance
pouvoit devenir dangereuse. Il falloit prendre un parti et
au moins trouver le m oyen de payer les plus pressés. Les
combinaisons de la famille Gladel pouvoient être légitimes;
créanciers par préféren ce, il leur étoit permis de faire
quelques efforts pour éviter une expropriation qui eût
tout dévoré sans satisfaire personne, et ils purent penser
que leur conduite envers les créanciers n’avoit rien q ue
de licite ; m ais, pour tout accorder, ils crurent qu’il
étoit convenable de vendre la maison et de leur en dé
légu er le prix.
Com m ent y p arven ir? L a vente de gré à gré étoit
la seule convenable pour éviter que les créanciers, voyant
une poursuite judiciaire, ne fissent vendre tout à la fois;
mais une des filles de Jacques Gladel 11e pouvoit, même
en se disant créancière, disposer, sans d an ger, d’un im
m euble de la succession. O n jeta les y e u x , comme nous
l ’avons d it, sur Jean Chassaigne, mari de M arguerite;
il ne couroit d’autre danger que celui de la garan tie;
mais conservant par là les autres immeubles à la f a m i l l e ,
ayant de son m ariage avec M arguerite Gladel des enfans
�•
“o h
( 9 )
fans qui en profitaient;enfin p a ya n t, avec le p r ix ,le s
créanciers de la succession, il ne dut entrevoir aucun
risque, et le 9 août 17 2 6 , il vendit la maison au sieur
C e le y ro n , avocat en parlem ent, qui prit sans doute ses
précautions pour ne pas faire un acte nul. Nous devons
le faire connoître, puisqu’il est le sujet du procès.
L e sieur Chassaigne v e n d , en q u a lité de m a ri de
demoiselle G lad el, icelle créancière des successions do
J e u A n n e t et J a cq u es G la d e l, ses a ïe u l et p è r e ,
P ar vente p u re , p erp étu elle, irrévocable, dès main
tenant et pour toujours,
U ne maison provenue desdites successions , située à
A m b e rt, quartier du P o n tet,
M oyen nan t 2,5oo fr. et 200 fr. d’épingles. Les 200 fr.
sont payés et les 2,5oo fr, sont délégués à des créan
ciers des deux su ccessio n s, notamment à Jean G ladel
et aux héritiers de Joseph F louvat qui. avoient fait des
poursuites.
L ’acte se termine par cette clause :
»
«
*
«
«
« A insi s’est, ledit sieur Chassaigne, démis, dessaisi,
et d é v ê tu , au profit dudit sieur C e le y ro n , de la susdite m aison, l’en constituant vrai sieur et m aître,
avec toutes les clauses translatives de p ropriété, p ro messe de garan tir, fournir et faire valoir. »
Cette aliénation faisoit le bien de toutes les parties.
- D abord, des héritiers qui avoient répudié, parce qu’ils
y trou voient le m oyen de p ayer des sommes assez
fortes à leurs créanciers, sans frais de v e n te , et de con
server le surplus des biens.
E nsuite, des créanciers qui recevoient tout ou partie
2
�( 10)
de leurs créances sans faire de frais, et surtout sans
„ être obligés de passer à une expropriation qui leu r eût
coûté des déboursés considérables, pour se voir vraisem
b l a b l e m e n t prim és, dans la distribution du p r ix , par les
enfuns G lad el, comme créanciers privilégiés de la dot
de leur mère.
Jean Chassaigne étoit le seul qui n’eût rien à y gagn er;
e t, en effet, si on retranche sa qualité de m ari, il cessoit
d’y avoir un intérêt personnel, et tout étoit désavan
tage pour lui ; aussi devons-nous bien observer qu’il
ne contracta d’engagem ent que com m e m a r i, et n’y
ajouta rien en son nom personnel. Cette rem arque ne
sera pas sans quelqu’utilité.
D ix jours après cette v e n te , et le 19 août 17 2 6 , M arie
G lad el, sœur de M arguerite, épousa Joseph M ico lo n ;
elle se constitua tous les biens et droits qui lui étoient
échus par le décès de dem oiselle A r t a u d , sa m è r e , et
P ie r r e G la d e l, son f r è r e ; rien absolument du chef de
son père.
L es choses dem eurèrent en cet état jusqu’à 17 3 7 ,
époque à laquelle les créanciers se réveillèrent et firent
de nouvelles poursuites. P ou r s’en défendre, il fallut
renouveler la répudiation; elle le fu t, à ce qu’il p aro ît,
par M arguerite Gladel et par Joseph M ico lon , com m e
tuteur de sa fille , M arie G ladel étant alors décédée.
Joseph M icolon fit-il encore une répudiation n u lle ?
C ela n’est pas présuinable ; toujours est-il vrai que cette
répudiation n’est pas plus rapportée que la p rem ière,
seulement 011 en trouve la mention dans une sentence
du 30 a<?ût 1743.
�/ » >
D e u x circonstances principales sont indiquées, soit par
cette sentence dont on a des copies signifiées , soit par
quelques vieilles procédures éparses ;
L ’un e, que cette répudiation fut notifiée aux créan
ciers le 26 mars 1727 ;
L ’autre, qu’une sentence de la sénéchaussée nomma
un sieur M orand curateur à la succession vacante. Pouvoit-elle l’être sans une répudiation rég u lière?
L a dame F lo u v a t, veu ve de Jean G ladel, poursuivoit
toujours pour des créances dues par A n n e t et J a cq u e s
G la d el. E lle avoit, pour ce fait, exercé une demande h yp o
thécaire sur le domaine de M ontsim ond qui provenoit
d’e u x , et l’avoit dii*igée contre M arguerite Gladel et Jean
D o u v re leu l, son second m ari; c’étoit sur sa poursuite que
les répudiations avoient été renouvelées et qu’un curateur
avoit été nommé. L e 30 août 1743, elle obtint cet te sentence
q u i condamna Jean D o u vreleu l et M arguerite G la d e l, sa
fem me, à rendre les jouissances qu’ils avoient perçues, et dé
clara le domaine de M ontsim ond hypothéqué à sa créance.
Cette sentence est une nouvelle preuve de la régularité
des répudiations, puisqu'elle les vise ainsi que la nomina
tion du cu rateu r, et passe outre à une condam nation h y
pothécaire.
Cette condamnation n’avoit frappé que contre les
D o u vreleu l. E lle n’eut pas un succès c o m p le t, q u o iq u e lle leur eût été notifiée le 27 août 1744 car, le 4
■juin 1 7 5 4 , la dame F lo u vat la notifia aux M ico lo n ,
possesseurs, avec M arguerite G la d e l, du domaine de
M ontsim ond, et les assigna en déclaration de jugem ent
com m un , ce qui étoit les recoauoître
form ellem ent
a
*
�(
12
)
comme simples tiers détenteurs et avouer qu’ils avoient
valablem ent répudié. Il paroît que ce dernier acte p ro
duisit son effet ou qu’on l’abandonna; car il n'existe pas
d ’autres traces des poursuites de la dame Flouvat. Sans
doute, elle fut désintéressée de toute la partie de sa créance
qu’elle n’avoit pas reçue sur le prix de la m aison, ou de
M arguerite Gladel. Depuis cette ép o q u e, elle a gardé le
silence , et les représentans de M arguerite et M arie Gla
del sont demeurés paisibles possesseurs du domaine : rien
ne doit donc étonner des précautions qui furent pi'ises
par les enfans , puisque depuis 1709 qu’étoit ouverte
la succession de Jacques G la d e l, un de ses créanciers
n’avoit pas encore été payé en 17 6 4 , et qu’il ne put
l’être que par les résultats d’une action hypothécaire.
Nous devons faire observer ici que M arguerite Gladel
avoit eu deux enfans de son m ariage avec Jean-Baptiste
Chassaigne ; Jean-François et Joseph. Ils sont morts l’un
et l’autre sans postérité : le plus jeune ( Joseph ) étoit
curé de Glaine.
Jean Chassaigne avoit aussi des enfans de son prem ier
m ariage avec la dame du P a tu ra l, comme l’apprend en
core la généalogie. A n n e , sa fille, avoit épousé M ary
D o u vreleu l ; ce sont les père et mère de l’intimé. C elui-ci
contracta mariage le 26 août 1771 : deux clauses.de ce
contrat sont essentielles à connoître. !
P ar la* p rem ière, Joseph Chassaigne, p rê tre , son
o n cle , l’instititue son héritier pour un q u a rt, mais seu
lem ent après la m ort de Jean-François so n , frère.
Par la secon d e, Jean-François Chassaigne l ’institue
bou
héritier universel,
�13
C
)
Il résulte de là qu’ayant recueilli toute la succession
de Jean-François et le quart de celle de Josep h , il se
trouve aux droits de M arguerite G la d e l, pendant que ,
comme représentant en partie Jean Chassaigne, il est
poursuivi en garantie d e là vente de 1726. L es faits subséquens n ous,obligen t à nous arrêter un peu plus sur
ce p o in t, et à rechercher quel pouvoit être l’amende
m ent de chacun des représentans G ladel , soit comme
héritier de M agdeleine A r ta u d , et à ce titre , créancier
de Jacques G lad el, soit comme étant ou pouvant devenir
héritier de Jacques G la d e l, par suite de la vacance de la
succession.
Pierre Gladel étant décédé sans postérité, laissant sa
succession par égalité à ses deux sœ urs, et Catherine
ayant renoncé aux successions de ses père et m ère , en
m êm e temps qu’elle avoit quitté le m o n d e, M arguerite
et M arie étoient investies par moitié de l’hérédité
paternelle et m atern elle, sauf la faculté d’y renoncer.
P ar con séquen t, Jean-François et Joseph Chassaigne
amandoient moitié des biens du chef de leur m ère, soit
qu’on les considérât comme créanciers ou comme héri
tiers de Jacques Gladel.
■ Joseph Chassaigne vendit le tiers du domaine de
M onlsim ond à Pierre A llig ie r ; cet A llig ie r afferma
ou avoit déjà affermé la totalité de ce domaine par
un bail que lui avoit con senti, en 1782 , Cristophe C o l,
époux de Charlotte M icolon. L a vente faite à A llig ie r
et le bail de 1782 ne sont pas rapportés; ils sont m en
tionnés dans plusieurs actes qui ont eu pour objet de les
exécuter, et qu’il csl essentiel de faire conuoître.
�z4
C
)
D es contestations s’élevèrent entre Christophe C ol et
P ierre À lligier , sur l’exécution du bail. Col prétendoit
à des dommages intérêts pour de prétendues dégrada
tions; il en forma dem ande, et A llig ie r , comme acqué
reur de Joseph Chassaigne, forma incidemment demande
en partage et en délivrance du tiers du domaine.
L e 6 septembre 179 0 , une sentence de la sénéchaussée
ordonna le partage , et chargea les experts de vérifier
les faits qui donnoient lieu à la demande en dommages
intérêts.
Les experts firent leur ^rapport le 20 mai 1791 ; ils
présentèrent les lots du domaine de Montsimond.
L e 31 du m êm e mois , il fut passé un traité qui régla
définitivem ent les droits des parties; Charlotte M icolon
étoit alors décédée : ou voit en qualité, dans ce tr a ité ,
Cristophe C o l , tant en son nom que comme tuteur de
ses enfans, Jeanne-Claudine et M arie C o l , ses filles ma
jeures , agissant comme héritières de leur mère. Il y est
convenu que le rapport des experts sera exécuté, et cha
cune des parties 8e m et en possession de son lot. N e
redoutant plus rien des créanciers, après un siècle, les
enfans C ol ne craignirent pas de faire cet acte qui ne
pouvoit plus les com prom ettre, en le considérant même
com m euneacceptation de la succession de Jacques Gladel.
N ous rem arquons ici deux choses essentielles: l’u n e ,
q u’A llig ie r seul ayant formé la demande en p a rta g e,
comme acquéreur de Joseph Chassaigne, on ne s'occupa
pas des droits de Jeon -1 rancois q u i, cependant, en avoit
autant que son frère et qui avôit , comme lu i, possédé
le domaine conjointem ent avec les autres ayans droit;
�et que , d’ailleurs, à aucun titr e , les enfans Col n’avoient
droit aux deux tiers , mais seulement à une moitié.
L ’a u tre , que la faculté de se m ontrer ouvertem ent
comme propriétaires du domaine leur étoit donnée par
les résultats de la vente de 1 7 2 6 , et que si cette maison
eût du rentrer dans la main des héritiers, elle leur eût
appartenue dans la même proportion que le domaine.
II y avoit donc tout à la fois de l’ingratitude et une
souveraine injustice à méditer la demande en désistement
de la maison, et à faire retom ber la garantie sur les
héritiers de Jean Chassaigne, pendant qu’on consommoit
le partage des biens qui avoient été conservés par la
vente de cette maison, et qu’on profitoit ainsi du service
ém inent que Jean Chassaigne avoit rendu à la famille.
Cependant on ne tarda pas à m ettre au jour cette
misérable pensée; Jeanne-Claudine C o l, la m ême qui
étoit partie à l’acte de 1791 , avoit épousé Laurent
M a y e t, notaire et praticien-à Saint-Anthèm e. A u com
mencement de l’an 4 , ils form èrent l’un et l’autre une
demande en désistement contre Benoît F lo u va t, lors pos
sesseur de la maison ; mais , partant des bases établies
par le partage de 1791 , ils n'en dem andèrent que les
deux tiers.
Quelques réflexions, sans doute, leur firent abandonner
cette demande : ils crurent devoir la faire précéder par
1
.
.
.
ties actes qu’il est essentiel de faire connoitre.
Jeanne-Claudine C ol n’étoit pas seule héritière de sa
m ere; M a rie , sa soeur, étoit v iv a n te ; les trois autres
étoient décédées.
L e 26 messidor an 4 , un acte notarié fut passé entr’elles.
�(1<S)
M arie C ol y prend la qualité ethéritière de Charlotte
M icolon , sa m ère , M arie G lad el, son a ïe u le , Ja cq u es
G la d e l et M agdeleine A r ta u d , ses bisaïeul et bisaïeule,
et de P ierre G la d e l, leur fils.
Claudine C o l, autorisée de L au ren t M a y e t, son m a ri,
y prend à son tour la qualité de cohéritière avec sadite
sœ ur des susnommés.
M arie cède à sa sœur « les droits et actions q u e lle
« peut avoir contre la succession, héritiers, représen
ta tans o u a y a n s cause de défunt J e a n C h a ssa ig n e ,.....
« tant de son chef que de ses frères et sœurs décédés
« après ladite Charlotte M icolon , sa m ère, à l'ejfet, par
« sadite sœ u r, de J b r m e r c o n tr e u x demande en par
ti. tage des biens, tant meubles qu’immeubles
provenus
,
«
«
*
it
«
de la succession de défunts J a cq u e s G la d e l, M ag d e leine A r ta u d , sa femme , Pierre G lad el, leur fils, de
tou t q u o i ledit J e a n -B a p tiste Chassaigne s’ étoit ém
paré et en avoit disposé par contrat de vente ou
a u trem en t, com m e de chose à lu i propre. »
C ette cession est faite sans garantie et avec charge
des dettes , m oyennant s ix cents f r a n c s payés comptant.
T o u t est précieux dans cette convention.
Les deux sœurs s’y déclarent ouvertem ent héritières
de Jacques Gladel.
M arie vend à Claudine les droits qu’elle peut avoir
conf i e les héritiers et représentais de Jea n -B a p tiste
Chassaigne.
M ais apercevant que ces héritiers représentoient aussi
M arguerite G la d e l, elle rcconnoît qu’ils auront les
incmeB droits qu’e lle , et elle explique immédiatement que
c’est
�( *7 )
c’est à « l’effet d éform er contr’eux demande en partage
« des b ie n s , tant meubles qu’immeubles y provenus des
« successions de J a cq u es G ïa d e î, etc. »
E t en fin , liée par le partage de 1 7 9 1 qui avoit déjà
compris tous les biens non vendus, elle ne veut pas laisser
d’é q u iv o q u e , et ajoute que ce qu’elle cède est entre les
mains des héritiers entre les mains de Jean-Baptiste Cliassaigne, parce qu’il s’en étoit em paré; de tout q u o i, dit-elle,
i l avoit disposé p a r contrats de vente ou autrem ent.
Ce n’est pas tout ; il faut encore porter son attention
sur cette clause finale par laquelle M arie C o l, quoique
ne cédant que des droits à des choses déterm inées, mais
sachant bien que la vente de 1726 avoit été faite pour
payer les dettes et conserver le surplus des biens dont
elle avoit sa portion par-devers e lle , exige cependant,
par une stipulation expresse, que la cédataire la garan
tisse des dettes desdites successions : il ne faut pas oublier
non plus ce v il p r ix de s ix cents fr a n c s payés com p
ta n t , valant à 1 échelle qu a ra n te-hu it f r a n c s , que met
le praticien de Saint-A nthém e au plaisir qu’il ép rou
vera à afficher l’ingratitude , à semer le trouble dans
'cinq familles entre les mains desquelles a successivement
passé la maison , et à porter la ruine dans celle de JeanBaptiste Chassaigne , en reconnoissance et par suite de
la garantie d’un fait qui les en a préservés, et après avoir
partage avec l’un de ces héritiers ( comme reconnoissant
Bon droit ) , les immeubles que ce fait leur avoit conservés.
Bientôt les ates se succèdent, et nons ne pouvons nous
dispenser de les mettre sous les yeu x de la Cour.
Le
8 fructid or, la dame JVlayet, autorisée de soa
3
�( x8 )
m a r i, donne une procuration en b la n c, tant en son
nom que comme subrogée aux droits de M arie C o l,
« pour se présenter au greffe et déclarer, au nom de
« ladite C o l , fem m e M a y e t, qu’ i l se porte héritier p u r
« et sim ple des successions desdits J a cq u es et P ierre
« Gladel , père et fils....., révoquant et annulant tous
a actes de répudiation qu’auroient pu faire Cristophe
« F lo u v a t, tuteur de M arie G la d e l, et Joseph M icolon ,
« en qualité de père et légitim e administrateur. » L a
procuration porte aussi le pou voir de commencer le
procès.
L e 20 du m ême m ois, l'acceptation fut faite par u a
fondé de pouvoir et dans les mêmes termes.
A ccep ter une succession et révoquer des répudiations
antérieures, c’étoit bien form ellem ent reconnoître la va
cance de la succession. A u re s te , la demande est plus
form elle e n c o re , soit qu’on la prenne dans la citation
du 18 prairial an 5 ou dans l’exploit introductif d’ins
tance du 8 brum aire an 6.
O n y expose d'abord que « Jacques Gladel avoit laissé
« trois enfans, P ie r r e , M arguerite et M arie. Ces trois
a en fa n s, d it-on , dans la crainte que sa succession ne
« leu r fut plus onéreuse que profitable, la répudièrent
« ou plutôt elle le fut par Cristophe F lo u vat, leu r tuteur, s
On ajoute l’état de ses biens, et on ditq u e J e a n C has
saigne , sous prétexte que sa fem m e étoit créancière de
son père f vendit la m aison en 1726.
I c i , il faut redoubler d’attention.
« L ’exposante désirant fa ir e hon n eu r à la m ém oire '
« de Jacques et P ierre G la d e l, et t r o u v a n t e n c o r e
�C 19 )
* L E U R S S U C C E S S I O N S v a c a n t e s , les a acceptées pu« reinent et simplement par acte mis au greffe le 28
« fructidor an 4........M a is , en même tem ps, elle désire
« de rentrer dans tous ses b ien s, etc. » Q uelle affluence
de désirs ! désir dTionorer son p è r e , désir de rentrer dans
des biens vendus de bonne fo i, et avec lesquels on a
payé*ses dettes, désir de conserver son propre honneur,
désir de s’enrichir aux dépens d’autrui*, il étoit difficile
cependant de les satisfaire tous à la fois.
E lle relate ensuite la demande par elle form ée le 21
nivôse an 4 , en désistement des deux tiers de la maison
contre le sieur F lo u vat qui les possédoit alors. E lle ajoute
que ce titre de 1726 n’a pas pu transmettre la propriété,
parce qu’on ne jouissoit q iià titre de gage, et elle ré
clam e, contre Benoît F lo u v a t, le désistement de toute
la m aison, a u x offres de lu i rem bourser toutes les
créances q u ’ i l é t a b l i r a pouvoir lu i être l é g i t i
m e m e n t
d u es
p ar les successions de J a cq u e s et P ierre
G la d e l, ou de les com penser à due concurrence avec
les restitutions de jou issa n ces.
C e n’étoit pas se gêner. L a maison étant avantageuse
ment située à A m b e rt, les possesseurs y a voient suc
cessivement fait des réparations considérables qu’il seroit
peut-être difficile de reconnoître. D ’un autre côté, de
puis 170 9 , la valeur de cette maison a plus que quin
tuplé par la seule force de la progression naturelle; enfin,
il devenoit très-facile de rem bourser des créances dont
la somme nominale étoit toujours la même. Singulier
honneur que les sieur et dame M nyet vouloient faire
à la m ém oire de J a cq u es et P ie r r e G la d el! Mais p o u r-
3*
�(
20 ;
quoi leur en faire un crime ? C ’est une manière de voir»
comme une a u tre , et en matière d’h o n n eu r, chacun à la
sienne dans le siècle où nous vivons. Seulem ent, il seroit
permis aux héritiers Chassaigne de se plaindre qu’ils
pussent être chargés d’honorer à leurs dépens la mémoire
de Jacques G lad el, et surtout de payer aussi cher pour
a vo ir, dans le temps, honoré sa succession, payé ses créan
ciers et conservé la presque totalité de ses biens à ses
héritiers, par cette vente qu’on attaque aujourd’hui avec
tant d’amertume.
A délaut de conciliation, cette citation fut suivie d’une
assignation au tribunal civil.
M a is, soit par de nouvelles réflexions, soit par suite
de la communication des m oyens de défense, les sieur
et dame M ayet abandonnèrent cette action, et elle est
demeurée sans poursuite pendant seize ans.
Il faut penser que cet abandon fut le fruit d’une sorte
de convention ; c a r , dans l’in te rv a lle , on voit Benoît
F lo u vat vendre la maison au sieur Rolhion avec pleine
et entière g a ran tie, comme s’il n’avoit pas été sous le
poids d’une demande en désistement.
Il paroit que les M ayet ou les mariés C ogniasse, qui
les représentent, découvrirent encore quelques objets
dépendans du domaine de M ontsim ond. L e i8 août 1 8 1 4 ,
ils en firent un nouveau partage avec A lligier.
Bientôt après, et le 27 décem bre, ils reprirent l’ins
tance de l’an 6 contre les héritiers Flouvat.
Ils assignèrent Rolhion pour y assister et conclurent au
désistement pur et simple.
üolhion demanda sa garantie contre les Flouvat.
�%
C 21 )
Los Elouvnt assignèrent en contre recours le sieur
G rellet-B eau lieu , leur vendeur.
Celui-ci assigna, à son to u r, les sieurs C eleyron de
Craponne de qui il avoit acquis la maison.
E t , en fin , les C eleyron assignèrent Jean -F ran çois
D o u vreleu l seul, l’un des nom breux héritiers de JeanBaptiste Chassaigne, pour supporter, en définitif, le poids
énorm e de la demande principale et des quatres demandes
en garantie. Cette dernière demande n’est que du 6 no
vem bre 1820.
Celui-ci com parut, et le 8 janvier 18 2 1, il fit signifier
ses m oyens de défense.
Il opposa, i ° . qu’il n’étoit qu’héritier bénéficiaire de
Jean-Baptiste Chassaigne, et ne pouvoit éprouver de
condamnation personnelle;
20. Q u’il n’étoit héritier que pour une très-foible
portion;
3°. Q ue les Cogniasse, com m e représentant M a rie
G la d e l, e t , par son en trem ise, Jacques G la d e l, son
p u re, n’a v o ie n t, au sujet des biens de J a cq u e s, et
contre les représentons de M arguerite G la d e l, d’autre
action que celle en partage, les biens n’ayant jamais été
divisés entr’eu x, mais non une action directe en désis
tement contre les tiers détenteurs;
4 °* E n fin , que la maison dont il s'agit ne leur avoit
jamais appartenu; que la succession de Jacques Gladel
ayant été répudiée en 1716 et pourvue d’un curateur,
et ayant été trouvée encore v a ca n te, le 18 p ra iria l
an 5 , par les époux M a y e t, il n’avoit pas à s’inquiéter
�(
t
2 2
)
des minorités prétendues de la famille M icolon; que les
détenteurs de la maison avoient valablem ent possédé et
prescrit contre la succession vacante, et que la propi’iété
leur étoit irrévocablem ent assurée. Nous n'avons point
à nous occuper en ce m oment de certains autres m oyens
propres au sieur D o u v re le u l, et qui ne pourroient pro
fiter aux autres parties; il nous suffira d’en user dans
la discussion, dès lors surtout que le jugem ent dont est
appel ne s’en est point occupé.
Il a été rendu le 3 février 1821 ; il est concis et fondé
sur des principes surs. Nous allons le faire connoître:
« E n ce qui touche la demande p rin cip ale,
« A tten d u que Charlotte M ico lo n , mère de la dame
Cogniasse et de M arie C o l, n’étoit ni née ni conçue û.
l’ouverture des successions de Jacques et P ierre G la d e l,
qui rem onte au 22 juin 1709 et 3 mars 172 4 , puisque
son acte de naissance est seulement à la date du 28
août 1728 ;
« A ttendu q u ’il est de principe que pour succéder
il faut être né ou conçu à l’ouverture de la succession;
« A tten d u que les répudiations aux successions de
Jacques et Pierre G ladel étoient régulières;
. ,
« A tten d u que la vente de la maison en question,
en date du 9 août 1726 , ne présente aucuns des ca
ractères qui constituent un acte pignoratif; qu’ainsi,
les acquéreurs qui ont joui paisiblement jusqu’en 179 6 ,
ont en leur faveur l’avantage d’une double prescription
qui s’est utilem ent opérée pendant la vacance des suc
cessions et contre lesdites successions ; de telle sorte que
�(*s)
les Cogniasse ne peuvent invoquer ni m inorité, ni au
cun autre privilège personnel h eux ou à leurs auteurs,
comme interruptif de cette prescription.
« E n ce qui touche les demandes en garantie et sous
garantie,
« Attendu qu’elles doivent suivre le sort de l’action
principale ;
f
« L e T rib u n al déclare les mariés Cogniasse non recevables et mal fondés dans leu r demande en désiste
m ent..................M et hors de procès sur les demandes
en reco u rs, et condamne les mariés Cogniasse aux dé
pens envers toutes les parties. »
L es mariés Cogniasse ont interjeté appel; le 8 mai
1822, tous les intimés ont pris un arrêt par défaut, et
la C our a à statuer sur l’opposition.
M O YEN S.
-
A v a n t d’entrer dans l’examen des m oyens généraux
qui appartiennent à toutes les parties, le sieur D ou vreleu l
doit en em ployer deux qui lui sont propres et qui tendent
à repousser, dans tous les cas, le poids de la garantie
que réclam ent contre lui les héritiers C eleyron .
L e prem ier naît tout naturellem ent du m oyen prin
cipal qu’invoquent les mariés C ogniasse, et dont ils ont
usê> soit dans l’exploit de dem ande, soit devant le tri
bunal de prem ière instance, soit par appel.
Suivant e u x , les acquéreurs successifs de la maison
n ont pas pu en prescrire la propriété, parce qu’ils n’étoient
que des possesseurs précaires. Acquérant de Jean Chas-
�C 24- )
saigne qui déclaroit , par l’acte m êm e, ne posséder la
maison de Jacques G lad el, ne pouvoir et ne vouloir la
vendre que com m e créancier du c h e f de sa je m m e et
en sa q u a lité marC0 ils étoient suffisamment avertis qu'ils
n'achetoient pas du véritable propriétaire. D ’un autre
côté, le créancier ne pouvant avoir à ce titre q u ’une pos
session purem ent pignorative et précaire, tant qu’il ne
faisoit pas vendre la m aison, il ne pouvoit pas en trans
m ettre d’autre. L ’acquéreur n’a pas pu ignorer ces deux
circonstances qui sont écrites dans son contrat de vente.
Il résulte de l à , suivant les appclans, que l'acquéreur
ayant un titre précaire , et l’ayant accepté en pleine connoissance de cause, n’a pu acquérir ni entamer de pres
cription.
L e sieur D o u vreleu l n’avoit pas à s’occuper de ré
pondre à ce m oyen : il n’est, en effet, appelé en cause
que comme héritier du vendeur. O r , si le m oyen est
adm is, il lui suffira de dire qu’ayant transmis au sieur
C eleyro n une simple possession p ig n o rative, celle seu
lem ent que pouvoit avoir un créa n cie r, il n’est pas
tenu de garantir la cessation de cette jouissance et no
doit pas de dommages in térêts, d’autant qu’après avoir
accepté sciemment une tradition pure et sim p le, à ce
t itr e , le sieur C eleyron auroit à se reprocher d’avoir
vendu la propriété à des tiers. Si donc ce m o y e n , qui
çst le principal appui des appelans, pouvoit faire fo rtu n e ,
il sufïiroit à lui seul pour établir la défense du sieur
D ou vreleul. Cette circonstance et le peu de convenance
qu’il y auroit eu à préjuger la décision des tribunaux,
auroit suffi pour empêcher le sieur D ouvreleul de prendre
le
�( z5 K
le fait et cause des Celeyron ; il s'est borné à reconnoitre
qu’il d evoitla garantie de la vente de 17 2 6 , niais seule
m ent comme héritier bénéficiaire, jusqu’à concurrence
de la qualité qu’il y avoit prise et de ce qui seroit réglé
par la justice sur ce prem ier m oyen.
U n second m oyen particulier se présentoit encore : le
sieur Chassaigne, en 172 6 , vendit seulement en sa
q u a lité de m a ri de M arguerite G lad el, icelle créan
cière de J a cq u es ; c’est en cette qualité qu’il prom it de
garantir , fournir et faire v a lo ir , et qu’il obligea ses
biens ; car , après ces mots , les parties se sont soum ises
sur leurs biens y il ajoute : et ledit sieu r C hassaign e,
en ladite q u a lité ci-dessus. Il résulte de là que n’ayant
contracté aucune obligation p erson n elle, n’ayant pas
Vendu comme propriétaire , mais seulement com m e
m a r i, quand bien même il e û t , en cette q u a lit é , trans
mis la propriété, ayant enfin fait connoître à l’acqué
reur tous les dangers de l’éviction qu’il pou voit c o u rir,
au lieu de les lui cacher et de vendre la maison comme
sa chose p ro p re ; il n’a contracté, dans tous les ca s,
d’autre obligation que celle de restituer le prix q u ’il avoit
reçu , si on juge que l’immeuble n’appartenoit pas à son
épouse ; car, on observe bien que le trouble ne p ro vien t,
üi de son fait, ni de celui de son épouse, ni de personne
qui les représente.
Néanm oins, comme il im porte à son héritier de se
mettre à l’abri d’une garantie quelle qu’elle so it, le sieur
D ou vreleul a abordé la question du fond à l’égard des
demandeurs originaires, supposé que le moytfn tiré de
la .possession précaire ne fut pas admis; ce seroit la seule
�.
(
26 }
.
tâche qui nous resteroît à rem p lir, si nous n’avions pas
aussi à user du m oyen tiré de la qualité des parties. Nous
l’avons déjà dit : l’in tim é, en m êm e temps qu’il est hé
ritier de Jean-Baptiste Chassaigne, l’est aussi de M a r
guerite G ladel. Cette maison vendue par Chassaigne,
com m e m a r i de cette M arguerite G lad e l, pour un prix
qui a été em ployé à payer les dettes de Jacques G la
del , ne sauroit appartenir aujourd’hui aux représentons
de M a rie , sans que ceux de M arguerite pussent réclam er
ou retenir scs droits, dès lors surtout que c’est pour les
avoir exercés sur cette maison en 1726 , que Jean Baptiste Chassaigne auroit exposé ses héritiers à une
garantie. C ’étoit d o n c, dès lo rs, le cas d’une demande
en partage contre les représentans de M arguerite G la
del et non d’une demande directe en désistement contre
les tiers détenteurs. Ce m oyen qui trancheroit to u t,
a été proposé d’entrée de cause en première instance ;
nous y insisterons encore aujourd’hui ; mais pour en.
saisir avec plus de facilité l’application et les effets , il
est plus convenable de discuter d’abord la question du
fon d; elle consiste à savoir si les mariés Cogniasse peuvent
prétendre à la propriété et surtout à la propriété exclu
sive de la maison dont il s’a g it, comme héritiers de
Jacques Gladel. S i , supposant qu’elle a appartenu ou
pu ap p arten ir, en tout ou p a rtie , à M arie G la d e l, ils
ont p u , après soixante-dix ans de possession, la récla
m er contre des tiers détenteurs, ou s i, au con traire,
ceux-ci en ont prescrit la propriété pendant la vacance
de la succession. L ’une et l’autre de ces questions tiennent
à la validité de la renonciation de 1718 ; et de l’accep
tation de 1796.
�*¿0
c 27 )
Nous ne craignons pas de poser comme un principe
constant q u e, pour appréhender une succession comme
h éritier, il faut être né ou conçu à l’instant où elle s’ouvre.
C ’est la condition nécessaire pour su ccéder, et elle
est indispensable, soit qu’on vienne à la succession di
rectem ent ou par représentation d’un autre.
Il e s t, en effet, deux cas dans lesquels on peut être
héritier ; celui où on est appelé directement et comme
héritier im m édiat, et celui où on vient comme héritier
médiat et par représentation d’un tiers.
D ans le prem ier cas, il ne faut d’autre condition que
la parenté.
D ans le secon d, il faut que l’héritier immédiat soit
d écéd é, ou qu’il se soit abstenu.
M a is, dans ces deux cas , il est toujours nécessaire que
celui qui veu t être héritier ait existé au m om ent de
l ’ouverture de la succession.
O n peut bien recueillir une succession par un troisième
m o y en , lorsqu’on la trouve dans la succession de son
auteur. E t , par exem ple, la p e tit-fils, succédant à son
père qui étoit lui-m êm e héritier de l’a ïe u l, recueille aussi
les biens de l’a ïe u l, quoique né après son décès, et par
suite de ces deux hérédités pures et sim ples, est tenu
des obligations de l’aïeu l; mais il n!est p lu s, en ce cas,
considéré comme étant l’héritier de l’a ïe u l, parce que
la succession ayant été d’abord recueillie par son père ,
il la tient de lui ; qu’il ne peut séparer la succession de
1 aïeul de celle du père pour accepter la prem ière et
répudier l’autre ; qu’il n’a d’autre ressource que d’accepter
la succession de son père ou de la rép udier, e t, dans le
4 *
�( *8 )
........................................
premier cas, de prendre celle de l’aïeul dans l'état où le
père l’a mise , et comme confondue dans sa propre suc
cession , e t , dans le second, de ne prétendre ni à l’une
ni à l’autre. V oilà pourquoi le Code c iv il, ne consi
dérant proprem ent comme héritier que ceux qui peu
ven t appréhender ou répudier une succession non encore
occup ée, se sert de ces expressions si laconiques et si ex
pressives.
P o u r su ccéd er, i l jfa u t nécessciirement exister à
Tinstant de Vouverture de la succession (art. 7 2 5 ).
C ette maxime n’est pas d’aujourd’hui ; le Code civil n’a
fait que l’adopter : elle existoit de tous les temps comme
principe et comme naissant de la nature même des choses.
Les auteurs les plus respectables l’enseignent, en effet,
comme une doctrine constante. O n trouve au treizième
plaidoyer de M . Dagucsseau une dissertation savante
à cc sujet.
« P o u r ê t r e h é r i t i e r , d i t - i l , il f a u t être parent. . . .
h
...............O r , les jurisconsultes définissent la parenté
« sanguinis et ju r is vinculutn j c’est un lien qui sup« pose que ceu x q t iil unit ont existé en même temps ;
« c’est un rap port, une relation qui demande nécessai« rement deux termes, deux personnes existantes; il faut
« qu’il y ait eu au moins un moment pendant lequel ce
« lien les ait unis, et que ce rapport ait produit entr’eu x ,
* pendant leur vie> ce qu’on appelle parenté.
« L e temps dans lequel l’hérédité est déférée, dit-il
k plus lo in , est celui que la loi considère ; c’est dans ce
« moment fatal qu’elle détermine la capacité de l’héritier.
« Ce principe ne peut être révoqué en doute sans at-
�( 29 )
« taquer les règles les plus certaines, et detruire nos
« maximes les plus inviolables. »
« Si l’on ne s'arrêtait h ce point décisif, il seroit im « possible de déterminer un autre temps clans lequel on
« pût considérer la capacité de l’héritier. Ce seul moment
« est assuré; tous les autres sont incertains: quel terme
« prescrira-t-on, dans quel temps suffira-t-il d’être capable?
« sera-ce celui de d ix, de v in g t , de trente années? mais
« sur quel fondem ent fixeroit-on ce calcul arbitraire ?
« R ien n’est plus dangereux que de s’écarter des prin* cipes ; tout devient incertain aussitôt qu’on s’en élo ign e,
« et si l’on ne s’arrêtoit pas à ce moment unique pour dé« cider de la qualité des héritiers, il n’y auroit jamais de
« sûreté dans une succession. L e s créanciers se seroient
« en vain reposé sur la renonciation deshéritiers apparens ;
« ils auroient fait inutilement des poursuites contre un
« curateur à la succession vacante. O n feroit toujours pâ
te roître u n m in eu rqu irenverseroit, en un jour, l’ouvrage
« de plusieurs années : ce m ineur seroit suivi d’un a u tre ,
« car le progrès de l’égarem ent est in fin i, e t , en effet,
« il n’y auroit pas plus de raison d’exclure le fils du petit« fils que le petit-fils même ; ainsi, jamais une succession
« n’auroit un état fixe et déterm iné , et les créanciers
« feroient toujours des efforts inutiles pour sortir de
« la confusion et de l’incertitude dans laquelle ils rentre« soient à tout moment. »
Plus loin , il dit encore : « O n objecte que l’hérédité
« est encore vacante et o u verte, et qu’il suffit d’être ca« palile dans le temps qu'elle est vacante.
« O n a confondu ici vacans et delata hœ rcditas : une
�( 3® )
«c hérédité peut être vacante pendant un très-long-temps,
« mais elle est déférée en un seul m om ent, et ce m oment
« est celui de la m ort de celui à qui on succède. »
E t cela, ajoute-t-il, est vrai sans distinction et d’une
manière absolue, lorsque l’hérédité est déférée ah intestat.
I/arrêt du n mars 16 9 2 , adopta cette doctrine, et
nous devons encore rapporter une note de M . Daguesseau,
écrite sur son plaidoyer ; elle est précieuse ;
« C et arrêt a jugé qu’un p etit-fils né et conçu après
« le décès de son a ïe u l, n’est pas receyable à se dire
« son h éritier, quoique cette q u a lité ne lu i f û t contestée
« que p a r des créa n ciers, et q u ’il n y eiti ja m a is eu de
« parent q u i eût accepté cette succession.
« Depuis ce tem ps-là, autre arrêt semblable rendu
« aussi sur mes conclusions, le I er. avril 1 6 9 7 , qui
« décide la même question in ter m in i s. »
M . M erlin examinant cette question, v°, succession,
s. i r e . , § . 2 , art. I e r . , rapporte ces deux arrêts et les
regarde comme form ant une jurisprudence bien établie;
cependant il ajoute qu’un arrêt contraire a été rendu
au parlem ent de Toulouse.
« O n devine b ie n , d it-il, qu ’un pareil arrêt ne peut
« être soutenu que par des raisons très-foibles ; aussi
« n’y a-t-il ni logique ni solidité dans celles qu’em ploye
« Serres pour le justifier. »
E n fin , M . M erlin finit par décider que l’enfant né
et conçu après la m ort de son aïeul, est exclu par le
fisc, quoique M . Daguesseau ait dit que dans certains
cas, hum anitatc su a d en te, le petit-fils pourroit être
préféré au fisc, moins comme un véritable héritier que
�( 31 )
comme étant de k fam ille, comme la faisant subsister,
et comme étan t, par cette raison, plus favorable que
4
le fisc.
Nous devons ajouter que le Code civil a m ême re
poussé cette opinion qui n’étoit que de pure conve
n an ce, p a rle s art 723 et 7 5 5 , en déférant la succession
aux parens jusqu’au douzième degré seulement ; à défaut
de ce , aux enfans naturels, ensuite, à l’époux su rvivant,
et s’il n’y en a pas, au fisc.
Il est recon n u, dans notre espèce, que Jeanne-Claudine C o l, femme M a y e t, qui la prem ière a accepté la
succession de Jacques G ladel r ouverte en 1 7 1 6 , étoit
née le 9 octobre 1 7 55 ; il est donc évident qu’elle n’a pu se
porter personnellem ent h éritière, comme ayant recueilli
l’hérédité par l’abstention des héritiers plus proches.
Mais auroit-elle pu se placer dans le troisième cas
que nous avons p ré v u , c’est-à-d ire, prétendre sin on , et
à proprem ent p a rle r, à la succession de Jacques G la
d e l, comme lui étant d évo lu e, au moins aux biens qu’il
avoit laissés, comme les trouvant dans la succession do
la dame C o l, sa m è re , qui la tenoit elle-m êm e de M arie
G la d el, fem m e M icolon , son aïeule ? Ici se rencontre
un obstacle non moins insurmontable ; sa m ère ne lui
a pas transmis cette succession, parce qu’elle ne l’avoit
pas recu eillie, et parce q u e , bien loin de l’avoir ap
préhendée, la mère et l’aïeule y avoient expressément
renoncé pour prendre et exercer la q u a lité de créancières.
Nous pouvons d’autant moins en douter q u e , d’une
part, tous les anciens actes rapportés en sont des témoins
irrécusables j q u e , d’un autre c ô té , par la citation en
�( 3 0
conciliation et l’exploit introductif d’instance, les sieur
et dame M a ye t reconnurent form ellem ent que leurs
auteurs avoient ré p u d ié , et que , lors de leur accepta
tion , en l’an 4 , ils avoient trouvé la succession encore
vacante ; que , par l’acte d’acceptation mis au greffe le
8 fructidor an 4 , ils révoquèrent les répudiations faites
par Cristophe F lou vat et Joseph M icolon , comme tu
teurs, et q u e , dès lo r s , on ne peut pas s’empêcher de
reconnoitre que s’ils n’ont pas pu appréhender la suc
cesion de Jacques G lad el, comme étant héritiers médiats
ou immédiats , ils ne peuvent pas davantage en réclamer
les d ro its, pour les avoir trouvés dans la succession de
de leur m ère ou de leur aïeule.
M ais, disent les appelans, les répudiations de 1718 et
1.737 étoient n u lles, et voilà p o u rq u o i, dans notre acte
d’acceptation de l’an 4 , la dame M ayet a dit qu’elle
les révoquoit et annuloit. Elle le p o u v o it, puisqu’il ne
s’étoit pas écoulé tout à fait trente ans utiles de prescrip
tion sur sa tête ou celle de ses auteurs.
11 faut en convenir : c’est se m ettre fort à son aise.
Depuis 1 7 1 6 , époque du décès, jusqu’à 1 7 9 6 ( l ’an 4 ) ,
il s’étoit écoulé quatre-vingts ans; depuis 17 2 6 , date de
la vente , il s’en étoit écoulé soixante-dix, pendant les
quels les détenteurs ont possédé paisiblement : il seroit
fort commode de p o u v o ir, après ce tem ps-là, accepter
brusquem ent une succession v a c a n te , révoquer des
répudiations de près d’un siècle , les prétendre nulles
sans le p ro u v e r, et vouloir que la justice accédât de
suite et snns autre examen à la monstrueuse prétention
de dépouiller des tiers possesseurs de bonne foi.
Ces
�'
-
C 33 )
Ces répudiations, dit-on, étoient nulles , parce qu’elles
étoient faites par des tuteurs sans autorisation du conseil
de famille.
Cette objection est la seule derrière laquelle se re
tranchent les app elans, e t, en effet, si cette arme leur
tom boit des m ains, ils seroient absolument sans défense;
il n'est pas difficile de la leur arracher ; c’est ici que les
m oyens abondent.
E t d’a b o rd , comment prouve-t-on que ces répudiations
n’étoient pas faites avec les formalités requises pour
q u ’elles fussent valables ? on ne les rapporte môme pas.
O r , la justice présum era-t-elle et lui est-il permis de
présum er de droit que ces formalités avoient été omises?
N on certes, quand nous ferions abstraction de toutes
circonstances ; elle doit présumer un acte valable et le
déclarer t e l , jusqu’à ce qu’on lui ait prouvé qu’il est
nul.
M ais, lorsqu indépendamment de cette considération
de d roit, on rem arq u e, i° . que la répudiation avo itété
faite tout à la fois par un tuteur et par des héritiers
majeurs ; 2°. que la sénéchaussée avoit nomm é un cura
teur à la succession vacante de J a cq u e s G la d el j 30. que
des créanciers, obstinés à poursuivie pendant trente-huit
ans, n’attaquèrent pas ces répudiations ; qu’ils n’exercèrent
aucune action personnelle contre les prétendus héritiers,
€t , au con traire, dirigèrent contr’eux des actions h y
pothécaires ; 40. cnfin , que les m ineurs, au nom desquels
on avoit rép u d ié, sont devenus majeurs et n’ont point
rétracté ces répudiations; qu’ils o n t, au contraire, tou
jours agi en conséquence, et comme n’étant pas héritiers,
V
�( 34 )
mais seulement créanciers, comment la justice pourroitelle déclarer les répudiations nulles, parce qu’il plaît à
la dame Cogniasse de le dire ainsi ?
E n second; lie u , est-il donc vrai que la répudiation
fuite par un tuteur, dût être, à peine de nullité, précédée
de l’autorisation du conseil de fam ille? Si la prudence et
l ’usage l’a voient fait pratiquer sou vent, aucune l o i , qu’on
sache , ne l’exigeoit. L orsqu’après la répudiation du
tu te u r, le m in eu r, devenu m ajeur, ne la rétractoit pas
pendant sa vie par une acceptation expresse, il étoit
censé m ourir avec la volonté de ne pas être h éritier,
fû t-il en ligne directe, pourvu qu’il ne se fût pas im
miscé.
I c i, nous pouvons encore citer M . Daguesseau, quin
zième plaidoyer. Il examine une question semblable ;
e t, après avoir prouvé que le petit-fils, qui n’étoit ni né
ni conçu au décès de l’aïeu l, ne peut pas être per
sonnellem ent h éritier, il demande s’il peut l’être du
chef de son père ( q u i ne p a roissoit avoir n i accepté
n i répudié, t a n d i s qu’ici il existe une répudiation faite
par le tuteur. )
Il pose d'abord la circonstance que le père n’avoit ja-~
mais pris la qualité d’h éritie r, et il la croit déterminante.
« C e n’est poin t, d it-il, le cas d’appliquer ici la maxime
« le m ort sa isit le v if; les h éritiers, à la v é rité , sont
<r saisis de plein d ro it, mais il ne sont pas héritiers né« cessaires. I l ne se porte h éritier q u i ne veut : c’est
« une autre maxime du droit Français qui n'est pas con* traire à la prem ière.
« Pendant l'espace de soixante années, ajoute-t-il, il n’a
�•rf 0)
( 35 ?
« point pris la qualité d’héritier. A p rès c e la , bien loin
« qcion puisse demander la preuve de la renonciation >
« l ’on est obligé, au co n tra ire, de rapporter la preute
c< de Vacceptation. »
Dans cette espèce comme dans cille-ci , les enfans
avoient pris la qualité de créanciers du chef de M arie
R a g u ie r,le u r m è r e ,e tM . Daguesseau présentait comme
déterminantes ces trois circonstances :
« i° . Silence de plus de soixante années ;
« 2°. Incompatibilité de la qualité qu’ils ont prise ;
« 30. Curateur créé à la succession vacante, dont la
« qualité est reconnue par eux-mêmes. »
Ces trois circonstances existent dans notre espèce.
Il examine ensuite l’objection que la renonciation, sup
posé qu’ i l y en eût e u , auroit été faite en m in orité,
et il répond :
« Mais on n’a pas pris garde que ceux qui ont renoncé
« sont devenus m ajeurs et ne se sont pas pourvus contre
« ces renonciations, et q u e , bien loin de se p o u rv o ir,
« ils ont confirmé ce qu’ils avoient fait en m inorité, par
« la qualité qu’ils ont prise d’héritiers de Marie Raguier. »
Q uelle application ne fait-on pas de ces principes à
la cause?
M arie G ladel est devenue majeure le 29 avril 1726.
Son tuteur avoit pris pour elle la qualité de créancière
de la succession de Jacques G lad el, son p è re, du chef
et ■pour la dot de M agdeleine A rtau d ,sa m ère, et avoit
renoncé à la succession.
E lle s’est mariée en m ajorité le 19 août 1726 et a
approuvé cette qualité en se constituant « les biens qui lui
5 *
%
�1^ 1°
f-K-
( 36 )
« sont échus des successions de défunte dem oiselle A r t a u d ,
« sa m ère, et P ierre G la d e l, s o i î frère j » elle a exclu par
là l’hérédité de Jacques G lad el, son père, et n’a pu le
faire ainsi que par suite de la qualité déjà p rise, de la répu
diation faite. Par cela seu l, elle téinoignoit en majorité
son intention de s’abstenir; elle s’est donc abstenue, car
elle a survécu six ans sans changer ni reven ir contre
cette qualité : elle est morte le 7 juillet 173 1.
E lle n’a donc pas transmis à Charlotte M ico lo n , sa fille,
la succession de Jacques Gladel.
E t celle-ci ne l’a pas transmise davantage à la dame
M a y e t, sa propre fille.
M ais il y a plus ; sur de nouvelles poursuites, en 173 7 ,
contre Charlotte M ic o lo n , son père tuteur renouvela
la répudiation. C et acte surrérogatoire tém oignoit la con
tinuation d’intention de s'abstenir.
Charlotte M icolon étoit née le 29 août 1 7 1 8 ; elle est
décédée le 8 octobre 1 7 6 3 ; il s’est donc écoulé sur sa
tête qu in ze ans de m ajorité sans que jamais elle soit
revenue contre la renonciation, ni qu’elle ait repris la
qualité d’h éritière, q u ’à traders tout elle n’eût pas pu re
prendra, puisque sa m ère ne la lui avoit pas transmise,
mais dont elle a m ontré nettem ent vouloir s’abstenir.
Q u’il nous soit encore permis d’observer que le 4
juin 1754, les créanciers qui avoient obtenu en 1743
sentence qui déclaroit le domaine hypothéqué à leur
créance, la lui firent signifier et lui firent personnel
lem ent et légalem ent connoître la répudiation de M ar
guerite et M arie G la d e l, celle de M ic o lo n , son père
et sou tu teu r, et la nomination du curateur à la suc-
�C 37 )
cession vacante, et que m algré cela elle persista ù s'abs
tenir pendant plus de neuf années qu’elle vécut encore;
quelle folie n’est-ce pas que de vouloir la représenter
aujourd’hui pour recueillir la successiou de Jacques
G lad el?
Si nous avons bien dém ontré que les appelans sont
sans droit ni qualité pour demander la succession de
Jacques G ladel , il ne nous est pas plus difficile d’établir
que , pendant ce temps de la vacance de la succession ,
les détenteurs de la maison vendue en 1726 en toute
p rop riété, en prescrivoient la possession contre la suc
cession vacante. C ’est un principe constant en e ffe t, qu’on
prescrit contre le curateur à une succession va can te,
tant qu’elle est abandonnée, et ainsi , à supposer qu’un
héritier pût revenir et accepter la succession après trente
ans , comme l’ayant recueillie, il seroit obligé de prendre
les choses en l’état où elles sont, et de reconnoitre tous les
droits acquis dans l’intervalle de la vacance produite par
l’abstention des héritiers.
N ’en disons pas davantage t il n’en faut pas tant pour
repousser la prétention de la dame Cogniasse.
Nous avons diteependant q u e, sous un autre ra p p o rt,
son action seroit non recevable. Nous avons dit que
même à supposer tout ce qu’elle p ré te n d , elle auroit
dû se pourvoir par action en partage contre les héritiers
Chassaignc, et non par demande en désistement contre
les tiers détenteurs ; il nous est maintenant facile de faire
saisir toute la force de ce m oyen.
Nous avons vu que Jean-François et Joseph Chas
saignc étoient enfans et héritiers de M arguerite Gladel ;
�( s 8 )
Q ue si M arguerite G ladel avoit expressément ratifié
en majorité la répudiation faite par son tuteur , M arie
G lad el, sa sœ ur, l’avoit aussi bien confirmée q u’elle , par
son abstention et sa constitution de dot en majorité, et
q u e , néanm oins, Vune et Vautre avoient conservé la
possession du domaine de M ontsim ond, se qualifiant
toujours créancières.
Nous avons vu que les droits de M arguerite ayant
passé à ses deux f i l s J o s e p h , l’un d’e u x , vendit à Pierre
A llig ie r un tiers du domaine ;
Q u’en 1 7 9 1 , A llig ie r forma contr’eux une demande
en partage ;
E t que ceu x-ci, bien loin de lui opposer la répudia-,
tion de M arguerite et le défaut de qualité de son fils ,
les considérèrent avec raison comme ayant autant de
droit qu'eux-m êm es, et admirent A llig ie r au p artage;
qu’en fin , cette reconnoissance faite judiciairement et
sanctionnée par la justice, a été suivie d’un partage
consommé par acte p u b lic, en 1 7 9 1 , et d’un supplément
dép artagé, pour objets om is, quia été fait le 18 août 1814.
Les M icolon pensèrent alors qu’il y auroit tout à la
fois inconvenance et défaut de m oyens, s’ils tentoient de
m éconnoître le droit des frères Chassaigne; est-ce qu’il
n’en seroit pas de m êm e aujourd’hui?est-ce que la maison
l'entrant dans la main des héritiers, seroit d’une autre
condition que le dom aine? Non certes, e t, sur ce point,
les héritiers de M arguerite Gladel peuvent invoquer
deux m oyens particuliers qui ne semblent pas susceptibles
de réponse.
Jj’un , que M arguerite G lad el, ayant laissé vendre lq.
�w
( 39 D
maison par J e a n -Baptiste Chassaigne, en sa qu a lité de
m a ri seulem ent, cest-à-dirc , pour elle et en son n o m ,
il faut convenir que son abstention ne pourroit être
exécutée qu’en exécutant de même la vente de la m aison,
puisqu’elle ne la faisoit vendre que pour appaiser les
créanciers et leur en appliquer le prix ; qu’ainsi, l’exécu
tion de la vente étoit la condition de son abstention, et
qu’en un m o t, si son droit aux biens pou voit jamais
revivre , si sa q u alité, quoique rép u d iée, devoit jamais
avoir un eifet quelconque, cet effet devoit être bien
plus positif sur la maison dont elle avoit disposé que sur
les biens auxquels elle n’avoit pas touché.
C et argum ent devenoit plus sensible si on faisoit at
tention que la vente avoit été faite d’un commun accord,
et dans l’intérêt de tous ; que Jean-Baptiste Chassaigne
n’avoit été qu’un prête nom officieux, et que précisé
m ent les enfans Chassaigne, ayant confondu, en leur
personne, les deux successions de M arguerite G ladel et
de Jean-Baptiste Chassaigne, ils devenoient eux-mêmes
garans de l’exécution de cette vente. Il d even o it, dès
lo rs, évident qu’avant d’exercer aucun droit sur la maison,
surtout pour le faire réfléchir contr’e u x , il fa llo it, m ieux
encore que pour le dom aine, exercer l’action en partage;
e t , alo rs, on leur auroit démontré qu’ils ont entre les
mains pluS que leur part dans la succession, e t , dans
tous les cas, ils n’eussent rien eu a prétendre.
A u ssi, et c’est là le second m o y e n , lorsque la dame
M a y e t a acquis, par acte public, les droits de M arie C o l,
sa sœ ur, celle-ci ne lui a vendu autre chose que les droits
et actions qu'elle peut avoir contre les représentans de
Jean-Baptiste Chassaigne.
1
�( 4° )
A Veffet p a r sadiic sœ ur de fo r m e r contr’eu x dem ande en partage des biens ¡ta n t meubles qu immeubles,
provenus de la succession desdits défunts J acques G la d el
M agdeleine A r ta u d et P ie r r e G ladel.
Rem arquons que cet acte est commun ù M arie C ol
qui v en d , et à Claudine Col qui achette ;
Q u’il est fait peu après le partage de 1 7 9 1 , par lequel
on avoit reconnu les droits des enfans Chassaigne;
Q ue les deux parties y reconnoissent q u e, par suite
de 1 état des choses, ils n’ont d’autre droit, contre les représentons de J ea n -B a p tiste Chassaigne que de de
m ander le partage des successions de leurs auteurs.
C om m en t, après un acte aussi form el, après une reconnoissance si expresse et plus d’une fois réitérée, du
droit des enfans Chassaigne, Claudine C o i, contre les
termes mêmes de la cession qu’on lui avoit consentie
et qu’elle avoit acceptée, a -t-e lle pu dédaigner la con
dition qui lui étoit im posée, e t , méconnoissant les droits
de ses co-inléressés, exercer une action directe contre
des tiers détenteurs ?
C ette action étoit donc non recevable ; la jurispru
dence, pas plus que le prin cipe, ne laisse pas de doute.
Les principes, en eifet, les lois les plus positives, veu
lent qu’entre cohéritiers ou copropriétaires , il n’y ait
pas d’autre action que celle en partage. T elle étoit autre
fois la disposition nette et précise des deux titres du C ode:
J a m iliæ erciscundœ et com m uai dividundo. T e lle est
aussi la volonté de toutes les lois nouvelles.
E t , par la même l’aison, toutes les fois que l’action
intentée contre un tiers doit réfléchir contre un cohé
ritier
�( 4* )
rîtier qui avoit droit à la chose dont on demande la
p ro p riété, la règle reçoit son application toute entière.
A u s s i, la jurisprudence a-t-elle constamment repousse
les actions de ce g en re, toutes les fois qu’elles ont dû
produire un semblable effet. L e cohéritier ou coproprié
taire qui a vendu l’objet mis en litige , ou qui se trouve
l ’héritier du v en d e u r, ce lu i, en un m o t, qui se trouve
en m êm e temps avoir droit à la chose et être tenu de
garantir la vente qui en a été faite, peut opposer son
droit pour repousser l’action en désistement. Il peut
soutenir q u e , par cela seul que le désistement réfléchiroit sur lu i, il a droit de demander et de soustraire
au désistement la portion qui lui appartiendroit, de faire
déterm iner cette portion par un p artage, et de repousser
conséquemment l’action directe intentée contre son ayant
d r o it, parce que la portion du demandeur n’étant pas
déterminée par un partage, sa qualité comme son droit
restent incertains, q u e, conséquem m ent, l’action est m al
dii'igée.
L a Cour a donné récemment un exem ple frappant de
son respect pour ce principe, dans la cause de Jacques
P a g eix , A u b e rt et Brugière. Par arrêt du 13 novem bre
dern ier, ellij a déclaré non recevable une demande en
désistement form.'e par Brugière contre P a g e ix , d’une
portion u^mm-'uble qui lui avoit été vendue par A u b e rt.
I n Co ir considéra qu’A u b e r t, vendeur de P a g e ix ,
étoit copropriétaire avec sa femme de l'im m euble v e n d u ,
et de certains autres, q u e , conséquem m ent, B rugière
qui représentait la fem m e, avoit dû se pourvoir par action
6
�rS ftf
.
( 4 2)
en partage contre A u b e rt, et déclara la demande de
B rugière non recevable.
Il faut en dire autant de l’action des mariés Cogniasse.
E lle est encore mal fondée ; nous croyons l’avoir prouvé
par des m oyens pérem ptoires.
E lle n’est pas m êm e appuyée d’un m oyen tant soit
peu spécieux.
M a is, par-dessus to u t, elle est odieuse, com m e nous
l’avons d it; elle est subversive de tout o rd re; elle est
le produit d’une ambition qui s’aveugle elle-m êm e : elle
est, enfin, injurieuse à la justice qui auroit droit de s'offen
ser de la pensée qui la fit naître.
M e. D E V I S S A C , avocat.
M e. R O U C H I E R , a voué-licencié.
T H I B A U D , Im prim eur-Libraire, à R iom, — D écem bre 1822
��
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Douvreleul, Jean-François. 1822]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
De Vissac
Rouchier
Subject
The topic of the resource
successions
successions vacantes
prête-nom
créances
bail judiciaire
experts
partage
ventes
fraudes
possession pignorative
répudiations de successions
renonciation à succession
curateur
arbre généalogique
bail
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Jean-François Douvreleul, propriétaire à Arlanc, intimé et défendeur en contre recours ; contre Guillaume Cogniasse, percepteur de la commune de Saint-Anthème, et CharlotteMayet, son épouse, appelans de jugement rendu par le tribunal civil d'Ambert, le 3 février 1821 ; en présence de Benoit Rohlion-Malmenayde, négociant à Ambert, intimé et demandeur en recours. Marie -Anne Col, veuve Flouvat, Antoinette Flouvat et autres, tous propriétaires, habitant à Ambert, héritiers représentans de feu Benoit Flouvat, intimés, défendeurs en recours et demandeurs en contre recours ; Jean-Baptiste Grellet-Beaulieu, avocat, habitant à Saint-Germain-l'Herm, aussi intimé, défendeurs en recours et contre recours, et encore demandeur en contre recours ; Magdeleine, Jean-Baptiste et autre Jean-Baptiste Celeyron, propriétaires, habitant à Craponne, aussi intimés, défendeurs aux recours et contre recours ci-dessus, et demandeur en contre garantie contre le sieur Duvreleul.
Annotations manuscrites : « 20 juin 1823, arrêt confirmatif ».
Table Godemel : Successibilité : 4. le demandeur en désistement ou en partage est-il admissible à former cette action, s’il est établi que l’individu, au nom duquel il agit, n’était ni né, ni conçu, à l’époque su sécès de celui dont il réclame la succession ? Répudiation : 1. lorsqu’il résulte des actes et des circonstances du procès que le tuteur d’un héritier mineur a répudié à la succession du père de celui-ci, ouverte en 1709 ; que, dans la suite, le mineur, après sa majorité, a excipé lui-même de l’existence de cette répudiation, en la réitérant, et qu’une sentence a déclaré vacante la succession, en lui nommant un curateur, la prescription a-t-elle pu valablement courir contre cette succession ?
ainsi, la vente pure et simple d’un des immeubles de la succession, opérée en 1726, avec délégation de partie du prix aux divers créanciers de cette succession, n’ayant point le caractère d’un contrat pignoratif, est-elle devenue inattaquable et les héritiers présomptifs sans actions, après un laps de temps de plus de 30 ans utiles, lors même qu’ils auraient révoqué leur répudiation dans les formes et délais déterminés par la loi ?
en supposant que les successeurs de l’héritier renonçant eussent pû, de son chef et malgré sa répudiation, réclamer la succession du défunt, n’auraient-ils pas été obligés, en éxerçant ce droit, de prendre la succession en l’état où elle était à l’époque de la demande du 8 brumaire an 6, et par conséquent de laisser subsister la vente du 9 août 1726, d’après le principe que l’on ne peut, en pareil cas, prendre les successions qu’en l’état où elles se trouvent ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1822
1709-1822
1661-1715 : Règne de Louis XIV
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
42 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2612
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2613
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53527/BCU_Factums_G2612.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Arlanc (63010)
Saint-Anthème (63319)
Ambert (63003)
Saint-Germain-l'Herm (63353)
Craponne-sur-Arzon (43080)
Saint-Férréol-des-Côtes (63341)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
arbre généalogique
bail
bail judiciaire
Créances
curateur
experts
fraudes
partage
possession pignorative
prête-nom
renonciation à succession
répudiations de successions
Successions
successions vacantes
ventes
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53524/BCU_Factums_G2609.pdf
f8c3894008aa1d414d189565b9bd3ef2
PDF Text
Text
MÉMOIRE
CO U R R O Y A L E
EN
RÉPONSE,
DE RIOM.
i r0
POUR
Sr
A n to in e
da m e
A
G U E F F IE R -D U B U IS S O N , Propriétaire-,
n t o i n e t t e G U E F F IE R , A m a b le B A Y O L ;
son m a r i,
Officier de S a n té ,
et J e a n - B a p t i s t e
G U E F F I E R , Propriétaire, Intim és ;
CONTRE
Me
A
n to in e
G U E F F I E R D E L ’E S P I N A S S E ,
ancien A v o c a t, Appelant.
D a mihi fallere : da just.o sanctoque. videri :
Noctem peccatis, et fraudibus objica nubem!
H o r a c e , l i v r e I e r , chap i t r e 1 6 .
filia tio n des intimés et leur droit aux successions
dont ils ont d e m a n d é le partage , ne sont point
L
a
contestés : ils ne pouvaient l ’ètre. Le sieur G u e ffierL'Espinasse, leur adversaire, oppose,
pour unique
c iia m b u t:.
�m oyen, la prescription
j
dont il exalte l ’utilité dans
le Droit c i v i l , et les bienfaits dans l ’intérêt privé.
Son système, fortifié de toutes les ressources du talent
et de la m éthode, repose entièrement sur cet axiome
léon in , q u ’on n ’oserait invoquer ouvertement : Q u i
tenet, teneat : possessio va let. Il suffit de l ’indiquer
pour le faire proscrire.
Sans doute, des considérations d ’une haute impor
tance ont dû faire admettre la prescription , comme
moyen conservateur ; mais cette patrone du genre
. humain ne protège pas indistinctement tous les posses
seurs 5 soumise à des conditions essentielles qui en
règlent l ’application, elle ne consacre que la possession
faite de bonne foi , animo dom ini} et à juste titre.
L ’appelant pourra-t-il en réclamer les effets, quand
il est démontré que , par une suite de manœuvres
frauduleuses , c e l u i q u 'il représente a éloigné ses
cohéritiers de la connaissance des affaires de la succes
sion ; q u ’il
a volontairement
renoncé à son titre
d 'héritier universel, pour ne retenir que sa portion
virile comme héritier bénéficiaire ; q u e, préférant à
toute autre qualité celle de créa n cier, il a été saisi
des biens de la succession , non comme propriétaire,
mais précairem ent, aux titres successifs ou cumulés
de gardien, d ’antichrésiste , de possesseur pignoratif
et de fermier judiciaire?
Vain em en t, pour consommer une usurpation révol
tante, ce cohéritier se sera-t-il efforcé, par des p r o c é
dures clandestines, par une fraude l o n g u e m e n t méditee, et par des jugemeus c o n c e r t é s , de couvrir le vice
�de sa possession et d ’en intervertir le titre. Vainem ent,
après avoir paralyse 1 action des cicanciers et des suc-*
cessibles, aura-t-il v o u lu , Protée judiciaire, s’attribuer
le
titre u n iv e r s e l
auquel il avait formellement renoncé. ~
Toutes ces ten tatives, réprouvées par la morale et par
la Justice, n ’ont porté aucune atteinte aux droits des
cohéritiers présomptifs , parce que sa possession , se
référant au titre p rim o rd ia l, n ’a aucun des caractères
propres à, lui attribuer le bénéfice de la prescription.
FAITS.
- Six enfans sont nés de l ’union de Pierre G uefiler
et de Jeanne M artin on , bisayeux des parties : M arie,
q ui avait épousé Charles de Gouzel de L auriat 5
Antoine ,
Jean ,
Marguerite ,
épouse
de
Maurice
Nozerinej Louis et Pierre.
Jean, qui devint dans la suite bailli de Brioude,
épousa Marie-Anne Soléliage. L e u r contrat de mariage
eut lieu le 26 juin 1 7 17 .
On y lit que Jeanne Martinon, alors veuve de Pierre
Guefiier, institua le futur son héritier universel do
tous les biens q u ’elle laisserait à son décès, avec décla
ration q u ’elle les substituait à celui des enfans mâles
dont son fils ferait choix, o u , à défaut de choix, à.
19 * ' 1
1 aine des mâles, pourvu q u ’il 11e fût point d ’église.
Ces dispositions , faites sous différentes réserves et
charges, sont terminées par la clause suivante :
« Desquels biens ci-dessus substitués,
le futur
« époux ne pourra faire aucune distraction de quarte,
�« mais sera tenu de les remettre, et en leur entier, à
«
«
«
«
ceux à
et sans
puisse
époux,
qui la demoiselle Martinon les a substitués;
aussi que l'usufruit desdits biens substitués
être saisi par aucun créancier dudit futur
pour quelque cause et raison que ce puisse
« être. »
L e sieur Gueffier-rEspinasse, trouve dans ces der
nières expressions, une preuve que les affaires de Jean
Gueffîer étaient déjà en désordre.
C ’est aller chercher un peu loin un moyen de cause.
Il était plus simple de n ’y voir q u ’une stipulation de
prévoyance, pour assurer, 'a tout événement, au fu tu r,
l ’usufruit des biens. Si ses affaires eussent été dé
rangées, il n ’est pas vraisemblable q u ’il l ’eût constaté
dans son contrat de mariage, ni q u ’il eût obtenu la
main de la demoiselle Soléliage, q u i , indépendam
ment des autres biens maternels dont son père retint
l ’u su fru it, lui apporta effectivement une dot considé
rable en m obilier, argent et immeubles, notamment
cinquante œuvres de vigne et le domaine du Buisson,
au labour de deux paires de bœufs.
»
L a dame Martinon décéda le 3 septembre 1780.
Jean Gueffîer avait acquis de Marguerite , épouse
du sieur de N ozerine, ses droits légitirnaires paternels
et maternels.
Il est établi, par un traité en forme authentique,
du 10 avril 17.39, q u ’il la suite d ’un procès considé
rable avec un sieur de Bussac, ledit sieur Gucliier fut
�constitué
de celui-ci (l’une somme de 20,768 fr.
en principal, et de 53,82 1 fr. pour intérêts. Le débi
te u r, pour payer partie de ces sommes, adjugées par
arrêt de la C ham bre des enquêtes, du 8 août 1738,
lui délaissa par le même acte, i° un domaine situé
dans les faubourgs de Brioude , appelé de SaintL a u r e n t , évalué à 12,000 fr. ; 20 un autre domaine
de Vouliandre. L ’imputation du prix fut faite sur les
intérêts, le surplus et le capital de la créance demeu
rant réservés aux créanciers.
c r é a n c i e r
A la même époque, Jean Gueffîer fut appelé à recueillir
deux successions assez considérables, celle d ’Isabeau
E stiva l, qui lui avait légué une maison et ses dépen
dances, ainsi que trente oeuvres de vigne, le tout situé
à Saint-Upise} et celle d’Antoine G ueffîer, son frère,
lieutenant-colonel, q u i, l ’ayant institué son héritier
général et universel,
par testament du 21 octobre
1738, lui transmit ses droits indivis dans les biens
de Pierre Gueifîer et de Jeanne Martinon.
Sa fortune, loin de se détériorer, comme on l ’a
dit, prenait donc un accroissement progressif.
Pierre-Joseph Gueffîer de Longpré, père de l'appc^ut ,
contractant
mariage avec demoiselle
Jeanne
Léniond, le 2 août 174^3 fut institué héritier un i
versel de son père, qui le choisit également pour re
cueillir l'effet de lu substitution faite par la daine
Martinon eu 17x7. Jean Gueffîer se réserva l ’usufruit
des biens substitués, et une somme de 1 5 ,000 francs
�, sur sa fortune personnelle, pour faire la légitime de'
ses autres enfans.
L a dame Soléliage , mère du f u t u r , lui assura
3 ooo fr. , payables après son décès.
L e sieur Gueffier, b a illi, mourut le 2 avril 1760.
Indépendamment des biens de la dame Martinon
sa m ère, dont la propriété passait au sieur de Longpré, il laissait une fortune considérable, ayant fait
plusieurs acquisitions avantageuses. E n voici le tableau :
Deux maisons à Brioude ;
L e pré B ourg, contenant trente-un journaux, donné
en dot à la dame M ontfleuri, sœur de l ’appelant, pour
25,ooo f r . , par son contrat de mariage, du 2 février
1 7 8 5 , et estimé, en partage} 5o,ooo fr. ;
Des vignes à Coste-Cirgue et à Chavelange -,
L e domaine de Sain t-L a u ren t, en valeur de 12,000 fr,
au 10 avril 1739 }
Ceux de Youliandre et de Vichel;
Les biens de Saint-Germain-Lambron, réunis à ce
dernier domaine, et que Jean Gueffier avait acquis
du sieur Ranvier 5
L e domaine de Saint-ïlpise ;
TJn grand nombre d'héritages détachés ;
E t des contrats de rente pour plus de 2000 fr.
Il est vrai q u ’il laissait des d ettes5 mais à l ’excep
tion de celles par lui contractées pour prix d ’acquisi
tion , elles provenaient presqu’en totalité de Pierre
Gueffier son père,
�( 7 )
On n’a pas remarque q u ’il eût été p r i s , à cette
époque, aucune précaution pour distinguer les dettes
qui a p p a r t e n a i e n t à Jeanne Martinon. Cette confusion,
qui n ’a peut-être pour cause que l ’inadvertance, a du
nécessairement jeter de l ’obscurité sur l ’état réel de
la
succession
de Jean Gueffier.
L e 27 juin 1760, le sieur de Longpré fit procéder
à un inventaire où la dame Soléliage et Pierre-Joseph
Gueffier-Dubuisson, son frère le plus jeune et son
filleul, assistèrent seuls. Les autres cohéritiers, M au
rice, François et G uillaum e, père des intim és, étaient
éloignés.
Nulle mesure conservatoire n ’avait éic prise : les
scellés ne furent pas même apposésj on n appela au
cun créancier pour assister à cette opération , le sieur
Longpré ayant déclaré au procès-verbal que sa mère
et ses frères étaient les seuls créanciers q u ’ i l connût
avoir intérêt à la succession.
L e sieur de Longpré, qui ne jugea point à propos
de faire mettre à prisée les denrées et eifets mobiliers,
f u t chargé de tous les objets inventoriés 3 p our en
rendre compte à qui de droit. C ’était pour lui un
mode de prise de possession qui lui parut sans incon
vénient, et propre à le conduire à son but.
Par acte fait au greffe, le 27 juillet s u iv a n t,
il
réitéra la déclaration, déjà faite dans l ’in ven taire,
}•1 5
qu il n entendait accepter la succession que comme
héritier bénéficiaire, et renonça formellement à 17«.$titution d ’héritier faite en sa faveur par Jeau Gueffier
son père, le 2 août 17/15.
�E n abdiquant son titre universel3 le père de l ’ap
pelant changea la situation des parties intéressées : de
simples légitimaires q u ’ils étaient , aux termes de
l ’institution contractuelle, ses frères devinrent ses co
héritiers à portion égale. L ’acceptation q u ’il fit comme
héritier bénéficiaire ne pouvant restreindre les droits
ouverts à ses co-successibles , ne porta dès-lors que sur
sa portion virile, qui était un cinquième de l ’hérédité.
'Ainsi, comme héritier bénéficiaire, il devint pas
sible des dettes personnellement pour un cinquième,
et hypothécairement pour le tout; mais ayant d roit,
comme créancier, d ’exiger et de poursuivre, sur les
biens, le paiement de la totalité de ses créances.
Calculant que le bénéfice d ’inventaire empêchait la
confusion, le sieur de Longpré se servit habilement de
sa qua lité de créancier pour envahir l’universalité
des biens.
Dès le 3 o ju illet, et sans aucune provocation à ses
cohéritiers, à l ’eiFet de s’expliquer sur la qualité q u ’ils
entendaient prendre, un curateur est nommé.
L e 14 ao û t, agissant comme héritier substitué de.
Jeanne M artinon, et en qualité d’ héritier d ’un sieur
Armand de l ’Espinasse, il assigna ce curateur en paie
ment de ses créances contre la succession.
Il o b tin t, le i 5 novembre suivant, au bailliage de
Brioude, une sentence p ar d é f a u t f a u t e de com pa
roir , q u i, en adjugeant les conclusions par lui prises,
condamna le curateur à lui payer un capital de
33 , 45o f r . , avec des intérêts remontant h des époques
plus ou moins reculées.
�Co)
Ces condamnations ayant été obtenues sans contra
diction , il n ’est pas étonnant q u ’il se soit glissé une
foule d ’erreurs très-considérables, et toutes k l ’avan
tage du poursuivant. Voici les plus notables : L a suc
cession de Jean Gueffier, qui n’avait succédé à son
père que pour un sixième, de son chef, et pour un
autre sixième, du chef d’Antoine, son frère, fut con
damnée à restituer la totalité de la d o t , reprises et
avantages matrimoniaux de Jeanne Martinon. L a
sentence attribua au sieur de Longpré 2800 fr. pour
. les arrérages du douaire de celle-ci, tandis q u ’elle avait
joui, jusqu’au moment de sa-m ort, des biens de Pierre
Gueffier, son mari. On évalua k la somme évidemment
exagérée de i 3 , i 2 i fr. les contrats de rente et créances
actives de la dame Martinon. Plusieurs chefs furent
alloués sans être établis. Non seulement on ne déduisit
aucune des dettes nombreuses payées par Jean, b a illi, à
la décharge de la succession M artinon, mais on con
damna même le curateur à rembourser des capitaux
et arrérages de rentes dues par le poursuivant, comme
héritier substitué. Avec de telles inadvertances, il
était facile de grossir un capital. La sentence est terminée par la disposition suivante,
qu’il est important de faire connaître :
<c E t pour parvenir au paiement du montant de
<( toutes les condamnations prononcées, tant en prin« cipaux , intérêts que frais, permettons au suppliant
«
jo u ir pignorativement et se mettre en possession
« des immeubles des successions desdits Pierre et Jean
« G ueffier, si mieux il n ’aime les faire saisir et
�a
«
«
«
vendre, pour, des deniers provenant de la vente
d ’iceux être payé de ses créances ; et, attendu que le
demandeur est fondé en titres, ordonnons que notre
présente sentence sera exécutée f nonobstant oppo-
« sition ou appellation quelconque. »
L e sieur. Gueffier de Longpré, qui ne considérait
pas cette disposition comme étant purement de s tile ,
s’empressa d ’en profiter.
Après avoir fait signifier la sentence au curateur,
le a décembre 1760, il se mit en possession des biens.
Les baux à ferme que produit l ’appelant sont loin
de prouver que son père eut joui à tout autre titre ,
puisqu’ils sont postérieurs à cette signification.
C ’était p e u , dans ses intérêts, d ’être en mesure
contre ses cohéritiers, q u i , au moyen de sa jouissance
pignorative, ne pouvaient l ’expulser sans le rem
bourser préalablem ent j il fallait encore arrêter les
créanciers de la succession, dont les actions n ’étaient
point paralysées. L e génie du sieur Gueffier lui en
indiqua les moyens.
L e 7 février 1 7 6 3 , il fit faire au curateur une
nouvelle signification de la sentence, avec commande
ment recordé.
C e t acte fut suivi d ’un procès-verbal en date du 27
avril, qui saisit réellement la plus grande partie des
biens dépendans de la succession. Ceux qui étaient
les plus éloigués, et qui pouvaient n ’être pas connus
des créanciers, furent exceptés.
Sur les diligences du commissaire aux saisies réelles
de la sénéchaussée de Riom , où celle-ci avait été
�9\fô
( n )
portée,
il fut procédé, le
16 j u i n ,
au bail des
immeubles saisis.
L e sieur de Longpré s’en rendit \eferm ier ju d icia ire.
Il ne l’eût pas p u , s i , comme on le prétend, il ne
possédait ces biens q u ’en qualité d’héritier bénéficiaire,
puisqu’il aurait été à-la-fois saisissant et partie saisie.
La position qu'il avait su prendre était éminemment
avantageuse. Comme possesseur pignoratif et même à
titre d ’héritier bénéficiaire pour un cinquième, il était
devenu comptable des jouissances j en qualité de fer
mier judiciaire, il ne devait plus que la somme exiguë
à laquelle il avait bien voulu fixer le prix du bail.
D ’un autre côté , il s’était créé un arsenal dans lequel '
il puisait des moyens de défense, contre les attaques
de toutes les parties intéressées.
L e 12 mai 1 7 6 4 , le sieur G ueffier fit procéder à
l ’adjudication au rabais des réparations à faire aux
biens saisis, dont il reconnut être en jouissance comme
bailliste ju d icia ire.
Il songea bientôt à mettre les biens meubles de la
succession à couvert des poursuites des créanciers. Ce
bu t fut rempli par une sentence que Julien Nozerine,
son cousin germain, obtint seul contre lu i, le 23 août
176 4. E lle condamnait le défendeur, en qualité d ’héri
tier bénéficiaire de Jean Gueffier son père, à rendre
compte du bénéfice d ’inventaire, e t, à défaut de ce
faire, h payer audit Nozerine une somme de 1000 fr.
portée par un billet dudit Jean G ueffier, du 16 sep
tembre 1 7 4 9 , qui avait été éteint par d iffé r e n s traités
passés avec le débiteur lui-même.
\
�( 12 )
C e lle sentence, évidemment obtenue de concert,
puisque toutes les copies de signification failcs à
Nozerine sont dans le dossier de l’appelant , fut
exécutée comme elle devait l ’ètre, par un simulacre
de compte qui n’a jamais été débattu, et q u ’on a gardé
en réserve pour l ’opposer à tout venant. Pour donner
une idée de la régularité de ce compte, on se contentera
de (“a ire observer que tous les objets mobiliers, énumérés
dans l ’inventaire, n ’y sont portés que pour m ém oire,
et sans aucune évaluation.
L e premier bail judiciaire, q u i, conformément aux
ordonnances, n’avait été passé que pour trois années,
étant expiré, il fut procédé à un second, le io avril
1 7G6, pour le même nombre d ’années, si tant la saisie
réelle dure. L e sieur Gueffîer se rendit encore fermier
judiciaire : ainsi se perpétua sa jouissance précaire.
On semble vouloir tirer avantage de ces expressions:
S i ta n t l a s a isie d u r e . Mais 011 peut se convaincre, en
ouvrant le Traité des Immeubles de M. d ’JIéricourt,
à la page 1 1 7 , n° 17 , que celte clause était de rigueur,
d ’après l ’ordonnance de 1626. E lle eut pour but de
faire cesser les-fraudes qui rendaient interminables les
procédures eu saisie réelle. On n ’y peut donc rien voir
de particulier à la cause.
Parfaitement éclairé sur les forces de la succession,
le sieur de Longpré résolut de lirer parli de ses avan
tages, en composant, soit avec ses cohéritiers, soit
avec les créanciers. Les frais furent bien moins consi
dérables q u ’ou 11e voudrait le faire croire. Il est aise
de s’en convaincre.
�( >3 )
La dame Soléliage, sa mère, réclamait la restitution
de la d o t , portée, par sou contrat de mariage, à
1720 fr. ; i3oo fr. pour gain de survie, bagues et
joyaux 5 le service d ’un douaire annuel de 100 f r . , et
son l o g e m e n t ; enfin , la restitution d’une somme
de 7000 f r . , montant d’effets et créances que défunt
Jean Gueffier avait touchés pour elle, en vertu d ’une
transaclion du 4 février 1728.
- Guillaume Gueffier, père des intimés, avait droit
à une légitime sur les biens substitués de Jeanne
M artinon, et à un cinquième dans ceux de Jean
Gueffier, par suite de la renonciation de l ’héritier.
On traita sur toutes ces préten tion s, par acte sous
signatures p r iv é e s, du aG ju ille t 17 6 7 . Pour les
restreindre, le sieur de L ongpré p r é t e n d i t ce sont les
termes de l ’acte, « que la succession du sieur Gueffier
« père était entièrement absorbée par des dettes anté« Heures » 5 mais cette allégation n ’est même justifiée
par aucune énonciation.
Toutes les créances et reprises de la dame Soléliage
furent réduites à la somme de 3 ooo f r ., q u i, est-il d it,
demeurera com pensée, au jour du décès de celle-ci,
avec celle de 3 000 francs q u ’elle lui a donnée par son
contrat de mariage. E n bornant ainsi l ’avoir de sa
niere à quelques intérêts viagers q u ’il n ’osa refuser,
le sieur de Longpré méditait alors la répudiation que
nous verrons réaliser, en 1820, par son fils, qui suit
scrupuleusement ses plans.
Son frère ne fut pas mieux traitéj il promit de lui
payer la somme de 5oo francs, sans intérêts jusqu’au
�( i4 )
jo u r , « pour tenir lieu au sieur Guillaume Gueffîer
« de tout ce q u ’il pouvait prétendre, à titre de légi« time de grâce ou autrem ent, sur les biens de
« Jeanne M artin on , son ayeule , substitués
audit
« sieur Guef’fier de Longpré, ou sur les biens dudit
« sieur Gueffîer, bailli, sou père. »
Toute ridicule que fût cette espèce de destination k
l ’égard d ’un cohéritier, le sieur de Longpré eut l'ascen
dant de la faire approuver plus tard , par une ratifi
cation du 10 niai 1 7 7 5 , q u ’on a opposée comme fin
de non-recevoir aux justes réclamations des intimés.
Ce traité, du 26 juillet 1 7 6 7 , renferme mention
d ’une prétendue séparation de biens q u i aurait existé
entre la dame Soléliage et Jean Gueffîer, son mari.
On n’en trouve de traces nulle part. L'appelant ne
produit ni titres ni documens qui puissent certifier
ce fait.
C epen dan t la saisie réelle était toujours tenante elle avait été frappée de plusieurs oppositions. U n
certificat du greffier aux criées de la sénéchaussée, dé
livré au saisissant, le 24 juillet 17 6 7 , constate q u ’elles
n ’étaient q u ’au nombre de huit.
De ces créances, deux frappaient les biens de Jeanne
Martinon : celle du sieur du Gouzel de Lauriat et des
héritiers Nozerine, qui avait pour objet le rembour
sement des dots par elle promises; et les arrérages de
cens auxquels ses biens étaient assujétis, au profit du
chapitre de Brioude. Elles étaient exclusivement à la
charge du sieur de Longpré, son héritier.
L a troisième, qui était un contrat de rente de 107 liv.
�(. i 5 )
W
10 sous annuellement, consenti par Jeanne Martinon
et Jean Gueffier (alors due à dame Marie N ugicr,
veuve Yiallard) , devait être répartie par ég alité entre
les deux successions.
La q u a trièm e, consistant en un contrat de renie
de i 5 fr. au profit de l ’Hôtel-Dieu de B rio u d e , et la
cinquièm e, qui était une fondation de 20 fr. en faveur
du curé de la même v ille , concernaient la succession
de Pierre Gueffier, époux de la dame Martinon.
' L a sixième et la septième ayant aussi pour objet
deux rentes, l ’une'de i4 1 iv . 2 s ., et l ’autre de 7 5 liv .,
paraissent être dues par Jean Gueffier.
E t la dernière opposition, faite à la requête d ’un
sieur Gueffier-Taleyras, n ’était que conservatoire.
On peut ju ger, dès-lors, de l ’étendue des sacrifices
que dut faire le sieur de Longpré pour obtenir main
levée de ces oppositions, sur-tout lorsqu’on sait ce qui
résulte d’ailleurs des actes rapportés par lui , q u ’ilJ
n ’acquitta aucunes' créances 3 et que les arrangemens
avec les créanciers se bornèrent h ratifier les contrats
de rente.
Si la vente des biens saisis eût été mise à fin , les
débats de l ’ordre auraient nécessairement mis à dé
couvert le véritable état de la succession. Ce n ’était
pas le but auquel tendait le sieur Gueffier; il avait
conçu le projet de conserver les bien s, et d ’intervertir
lè titre de sa possession. Voici comment il entreprit
de l ’exécuter
Rien n’avait été négligé par l u i , pour cacher à ses
co-succcssibles la connaissance des affaires de la succès-
�( '0
)
sicm, cl (les procédures q u ’il dirigeait dans ses intérêts
personnels.
Une lettre q u Jil écrivait, le i 3 avril 1 7 6 9 , à
Me F a v a rd , son procureur, ne laisse aucun doute sur
ses plans ni sur la nature des moyens q u ’il employait
pour arriver à ses fins. On y lit : « J’ai v u , Monsieur,
« par la dernière lettre que vous m ’avez écrite, en
« réponse à ma dernière 3 que vous aurez l ’attention
«
«
«
a
«
«
d ’observer que personne ne fa sse aucune démarche
vis-à-vis le commissaire a u x saisies réelles. Vous
avez dû savoir que j ’ai un frère qui a été rester à
Iiiom y c est précisément de ce côté-là que j ’avais
lieu de craindre $ mais me voilà r a s s u r é , par l ’attention que vous me promettez de prendre à mes
« intérêts. »
Sur un réquisitoire signifié par l ’appelant, il lui a
été donné copie de cette lettre qui n ’a pas besoin de"
commentaire, et sur laquelle il a cru devoir garder le
silence dans son Mémoire imprimé.
C ’est dans ces entrefaites, et au milieu de toutes
ces précautions , que le sieur Guefiier de Longpré
demanda la radiation de la saisie réelle.
E n avait-il le droit?
L e 17 août 1770 , il o b tin t, en la sénéchaussée,
contradictoirement avec le procureur du curateur
q u ’il avait choisi, et avec celui des dames religieuses
de Brioude, créancières opposantes dont il avait ratifié
la vente, mais p ar d éfa ut contre tous les autres c r é a n
ciers et le commissaire a u x saisies réelles} une sen
tence qui ordonna « la radiation de la saisie réelle et
�( 17 )
«
«
«
«
«
<
des oppositions, et en fit main-levée, à la charge
toutefois que les droits et actions du sieur GueffierTaleyras, pour lesquels son opposition h. fin de conserver avait été formée, demeureront sains et entiers,
du consentement du sieur Gueffier de Longpré, et
« aussi à la charge de lu i rembourser les fr a is de son
« opposition, et c e u x p ar lu i fa its en conséquence
« ju s q u à ce jo u r . »
On voit avec quelle attention le sieur de Longpré
soignait, même en son absence, les intérêts du sieur
Taleyras, dont il redoutait la surveillance.
Cette sentence, signifiée aux procureurs des parties
en cause, ne l’a jamais été à leurs domiciles, pas même
à celui du curateur T h ib a u d , partie saisie.
Il est alors difficile de concevoir comment elle aurait
p u , de p ia n o , faire disparaître les effets de la saisie
q u i avait placé les biens sous la sauve-garde de la
Justice.
L e redacteur du Mémoire de l'appelant a commis
une erreur, en disant quVZ était fâ c h e u x que la sen
tence du 17 août 1770 n ’eût pas été connue des
premiers juges, parce qu e, sans doute, ils n’auraient
pas considéré comme précaire la possession du sieur
Gueffier.
Les qualités du jugement dont est appel font mention de cette sentence et de son -dispositif} elle est
meme implicitement rappelée dans les motifs. C ’est
donc en connaissance de cause, que le tribunal de
Brioude ne s’y est point arrêté.
Que se passa-t-il alors dans la famille ?
3
�Pierre-Joseph G u effier-D u bu isson , le plus jeune
des frères, allant chercher fortune en Am érique,
confia, en 1 7 6 4 , au sieur de L o n gp ré, la régie de ses
biens et droits, et notamment d ’un pré appelé des
Prés N o irs j provenant de MM. M illanges , dont il
était devenu le propriétaire en 1755. Le mandataire
tenait état des revenus pour en rendre compte au
retou r5 mais, in struit, à la fin de 1781 , de la mort
de son frère, il disposa de ses biens en les vendant à
son profit. Il se détermina à repousser, par des fins de
non-recevoir, la demande en partage de ses cohéritiers.
François G u e ffie r , célibataire, avait réclamé ses
droits, tant paternels que maternels. Des difficultés
sans nombre furent élevées par le sieur de Longpré.
Obligé de quitter la maison de celui-ci, il obtint
judiciairement une provision. A son décès, il laissa
pour son héritière testamentaire la dame de Montfleury,
sœur de l ’appelant. Il a fallu alors s’exécuter : un traité
sous signature privée a terminé leurs différends.
Guillaume Gueffier est décédé en 1 7 7 8 , après avoir
fait un testament, par lequel il a institué la dame
Lam othe, son épouse, pour son héritière universelle.
Croyan t avoir droit à la succession de Pierre-Joseph
Gueffier-Dubuisson , cette dame en avait forme la dejnande en partage contre le sieur Longpré, par exploit
du 28 janvier 1793.
Le quatrième frè r e , Maurice
Gueffier , prêtre ,
éloigné, par ses fonctions, de son pays natal, avait
aussi remis le soin de ses affaires et l’administration
de ses biens au sieur de Longpré. C e lu i-c i, comptant
�( '9 )
sans rcloute sur son. affection-, qu il avait déjà mise a
l ’épreuve j crut pouvoir usex largement du m andat ,
en ven d a n t, par acte du 7 deçembre î j ' j G, à un sieur
F o u r n i e r - S a tou raille , un bien et .des contrats de rente
que possédait Maurice au lieu, de Saint-Ilpise^ et dont
il s ’a p p r o p r i a le p r ix , porté à 6100 francs. Il est à
croire que le père de l ’appelant a procuré à son frère
des assurances tant sur cet objet que sur ses autres
droits successifs : la morale et
l ’équité
repoussent
l ’opinion contraire.
Les excès de la révolution ayant frappé plus parti
culièrement les ministres du culte, Maurice Guefiier
obtint un asile au château de l ’Espinasse, qu'habitait
le sieur de Longpré. Il y est décédé le 2/f prairial an 4
(12 juin 1796), âgé de soixante-dix-sept ans. }
On remarque avec étonnement q u ’ il n ’a été pris
aucune mesure pour constater les effets mobiliers , et
■
sur-tout les papiers, qui étaient au pouvoir du défunt.
•f '•
• < * . ) : '
>1
Après q u ’ils eurent été subrogés, par* traité du 4
brumaire an 12 , à tous les droits de la dame Lamothe
leur mère, dérivant du testament de Guillaum e Guef
iier, les intimés citèrent, le 18 thermidor de la même
année , le sieur Antoine Gueffier-l’Espinassé, appelant,
1 effet de se concilier sur la demande .qu’ ils se pro
posaient de former eu partage des successions de Jean
Gueffier et de Marie-Anne Soléliage, ayeux Communs
pour.leur en être attribué les portions àteux revenantes
du c h e f «le G m l l u u m c l e u r p è r e , d e P ie r rc -J o s 'c i.l.
�lO R
( 20 )
Gueffier-Dubuisson et de Maurice
oncles.
Gueffier, leurs
Cette première poursuite fut suspendue par des pro
positions d ’arrangement qui restèrent sans effet.
Une nouvelle citation en conciliation ayant aussi
été infructueuse, fut suivie d ’une assignation donnée
devant le tribunal de Brioude, le 3 floréal an i 3 .
Les débats qui s’élevèrent ont mis à jour les inten
tions de l ’adversaire.
Il soutint d ’abord, par ses défenses signifiées le 12
thermidor, en se l'etranchant dans un moyen généi’al,
que la demande en partage des biens et successions de
Jean Gueffier et de Marie Soléliage était éteinte par
la prescription; que dès-lors les demandeurs devaient
y être déclarés non recevables, ou, en tous cas, en
_ être déboutés.
Cette objection fut victorieusement com battue par
une requête du 5 février 1820. Les demandeurs dé
montrèrent que leur action était entière à l ’égard de
toutes les successions dont ils provoquaient le partage.
Après avoir reçu différentes sommations de venir
plaider la cause, le sieur Gueffier de l ’Espinasse se
ravisant prend le parti de se présenter au greffe et d ’y
faire la déclaration q u ’il renonce, du chef du sieur de
Longpré son père, à la succession de Marie Soléliage,
pour s’en tenir aux avantages stipulés au contrat de
mariage du 2 août
C ette démarche, faite quarante-sept ans après le
deces de Mûrie Soléliage, arrivé le i 3 septembre
�aurait pu paraître extraordinaire , si quelque chose
pouvait étonner dans cette affaire.
Alors, et par des conclusions signifiées le 4 avril
1821
fense.
le sieur l ’Espinasse établit son système de dé
'
= 1 'u ’ ’
}
' |
Il opposa sa répudiation à la-demande en partage
de la succession de la dame Soléliage 5
Contre celle de Jean Gueffier ,
i° D u chef de G u illa u m e, il fit valoir le traité du
26 juillet 1767 , ratifié par celui du 10 mai 1775 ;
20 Relativement à Pierre-Joseph^Gueffier-Dubuisson,
il se retrancha sur le défaut de preuve légale de son
décès ; •
3 ° A l ’égard de Maurice G u effier, il prétendit q u ’il
s'était écoulé un laps de tems [suffisant pour opérer la
prescription.
Le tribunal de Brioude a statué sur toutes ces ex
ceptions, parson jugement contradictoire du 23 mai
1821.
- Les intimés ont été déboutés de leur demande en
partage de la succession de Marie Soléliage et de celle
de Jean Gueffier, du chef de G u illau m e, leur père.
ïls ont été déclarés non recevables, quant ¿1 présent,
dans celle relative à la succession de Pierre-Joseph
Gueffier-D ubuisson.
Leur demande, du chef de Maurice Gueffier, a été
accueillie.
On croit inutile de faire connaître littéralement les
motifs de décision, puisque ceux relatifs au dernier
•
�^
^
( 22 )
chef, qui constitue la principale difficulté,
ont été
transcrits dans le Mémoire de l ’appelant.
L a relation exacte des faits de la cause rendra trèsfacile l ’exposé des raisons qui doivent déterminer la
confirmation du jugement quant au grief relevé par
l ’appel du sieur l ’Espinasse.
DISCUSSION,
L es in tim é s c r o ie n t d e v o ir fa ire p ré c é d e r cet examen,
p a r q u e lq u e s co n sid é ra tio n s s u r les a u tre s d isp o sitio n s
d u ju g e m e n t .
Ils ont la conviction intime q u ’ils parviendraient ,
soit k faire rejeter, comme tardive et suspecte, la re
nonciation faite à. la succession de la dame Soléliage ,
soit à obtenir l ’annullation des traités que Guillaume
G u e ffier, leur père, souscrivit aveuglément, par suite
des manœuvres frauduleuses constamment pratiquées
par le sieur de Longpré. Mais, jaloux de mettre fin
aux débats qui depuis si long-tems troublent leur fa
m ille, ils se réservent d ’examiner s’ils feront à l ’amour
de la paix le sacrifice de leurs droits sur ces deux
points.
Il ne peut y avoir de difficulté relativement au dispo
sitif du jugement qui a déclaré non recevable, quant
à présent, la demande en partage de la succession de
ï*ierre-Joseph Gueffier, deuxième du n o m , parce quç
son décès ne serait pas légalement établi.
Ce point de fait ne peut être raisonnablement mis
�(' 2 .3 )
*6$
Cil cloute. U ne lettre écrite officiellement de l ’ ile de
Saint-Domingue, le 5 décembre 1 7 8 1 , par un sieur
Vausselin, commis au bureau du trésor de la marine,
au Port-au-Prince, et adressée aux maire et échevins
de la ville de Brioude, annonce positivement la mort
de Gueffier-Dubuisson, avec invitation à en trans
mettre la nouvelle à sa famille. E lle indique en détail
les pièces qui doivent être envoyées par ses héritiers
pour recueillir la succession q u ’il a laissée dans l ’ile.
Cette lettre, qui fut alors transmise, par l ’autorité
locale, aux membres de la famille Guefiier, ne parut
point équivoque. Le sieur de Longpré nè croyait cer
tainement point h l ’existence de son frère , lorsqu’il a
disposé d ’une partie de ses b ien s, dont il a touche le
prix.
Si l ’appelant, son fils et son héritier a allégué de
puis l ’insuffisance des preuves du décès, il est aisé
d ’en apercevoir le m otif, qui tend à prolonger sa pos
session et à éloigner le compte des jouissances.
La Justice ne consacre point de semblables pré
tentions.
Mais fùt-il vrai que l ’absence de quelques formalités
« empêchât de considérer comme pièce légale et probante
la lettre produite par les intim és,
au moins reste-
t-elle au procès comme une*forte présomption du décès
q u e lle annonce. Dans cet état de choses, le tribun al
de Brioude ne devait point rejeter la dem ande, mais
Seulement ordonner un sursis, et fixer un délai pen
dant lequel les actes et procédures seraient régularisés.
C ette mesure conciliait les in léiêts de toutes les parties,
�ÏW
( 24 )
et évitait aux demandeurs l ’inconvénient grave de re
commencer un nouveau procès lorsqu’ils auront obtenu'
les renseignemens q u ’ils ont demandés aux autorités
compétentes.
Ces réflexions, qui n’exigent pas de plus grands développemens, motivent suffisamment la réserve expresse
que font les intim és, d ’interjeter un appel incident.
Si l ’on scrute avec attention le système proposé par
l ’appelant, on s’aperçoit bientôt q u ’il repose entière
ment sur cette erreur de f a i t , reproduite avec com
plaisance sous toute espèce de form e, que le sieur de
Longpré avait j dès son o u v e r t u r e , i n t é g r a l e m e n t
a ccep té la succession de Jean Guejfier son père.
E n fondant sur cette base fausse, on a aplani les
difficultés. Les principes se sont présentés en foule \
et de leur application, des conséquences pressantes ont
été déduites.
Rappelons quelques principes, et rétablissons les
faits.
Quoique la qualité d ’héritier soit universelle et
indivisible, en ce sens que le successeur ne peut en
restreindre les droits et les obligations j néanmoins,
si le défunt laisse après lui plusieurs héritiers, elle se
divise entr’eux, de manière que chacun succède à titre
universel, mais non comme héritier universel. Les
biens et les charges se distribuent proportionnellement
entr’eux, sans q u ’il puisse exister aucune
prépondé
rance pour les uns au préjudice des autres.
S il y a abstention ou renonciation de la part do
�( »5 )
l’ un des successibles, le cohéritier n’est pas contraint
d ’accepter l ’accroissement qui peut en résulter. Son
intérêt est, à cet égard , la seule réglé qu il ait a
suivre : il peut à son gré recevoir ou refuser cette por
tion. On conçoit en effet q u e , par un sentiment de
délicatesse, un cohéritier ait voulu faire honneur aux
affaires de la succession, pour sa part seulement, sans
entendre se livrer aux chances d ’un événement imprévu,
par lequel il se trouverait chargé de la totalité. S’il
n ’opte point pour l ’accroissement, son obligation per
sonnelle ne subsiste que pour sa portion seulement ;
sauf, de la part des créanciers, leur action hypothé
caire sur tous les biens de la succession , aux termes
de la loi 6 1 , J f . d e a c q u ir c n c ld v e l c in iitte n d d Jicered ita te
(i).
Voyons maintenant ce qui s’est passé après le décès
de Jean Gueffier, arrivé en 1760.
E n v e r t u d e son i n s t i t u t i o n c o n t r a c t u e l l e , le s ie u r
d e L o n g p r é a v a it la saisine lé g a le de la succession de
so n p è r e , a v e c la ch a rg e des d ette s p a s s iv e s , et l ’o b li
g a tio n d e d é liv r e r à c h a c u n de ses frères sa d e s tin a tio n
co n v en tio n n elle, o u ,
si c e lu i-c i le p r é f é r a i t , sa l é g i
tim e de d r o i t , q u i é t a it u n d i x i è m e , les e n fa n s é t a n t
a u n o m b r e de c i n q .
I l n ’ a. pas vouiïu accepte'r la r e s p o n s a b ilité a b so lu e
c£ui r é s u lt a it d u j u s et noincn hæ redis , de la q u a l i t é
d h é r it ie r u n iv e r s e l.
E n conservant cette qua lit é , il pouvait en restreindre
(1) Chabrol, tome 2 , page i 4 o.
‘
4
ft6?
* iy
�(
)
les e f f e t s , é v i t e r a u m o i n s
d e c o m p r o m e t t r e ses b i e n s
p erso n n e ls , p a r u n e a c c e p ta tio n sous bénéfice d ’i n v e n
taire :
C
il
ne
réancier
l’a
et
pas
voulu
héritier
.
tout à-la-fois, le sieur Guef-
fîer donna la préférence au premier titre.
Soit par
défiance des forces de la succession, soit par un calcul
m édité, pour ne pas confondre ces deux qualités , il
déclara l'enoncer à l ’institution d ’héritier, faite en sa
faveur, le 2 août 174^ ? et n’accepter la succession
que comme héritier bénéficiaire.
Par cette abdication profondément réfléchie, l ’ac
ceptation sous bénéfice d ’inventaire ne porta et ne put
porter que sur un cinquième de la succession , qui
était sa portion virile. L ’iustitution contractuelle ainsi
anéantie, les cohéritiers rentrèrent dans leurs droits
naturels et légitimes, et devinrent habiles à recueillir
les quatre autres cinquièmes.
Fùt-il vrai que l ’abstention de quelques-uns des
successibles eut rouvert de nouveaux droits en faveur
du sieur de Longpré, on conviendra du moins, i° q u ’il
n ’aurait pu les recueillir que dans les délais et avec les
conditions prescrits par la loi j 20 que n étant point
forcé de les accepter, il a dû exprimer la volonté d ’en
profiler. A défaut d ’option, la renonciation q u ’il avait
faite était un obstacle insurmontable à toute occupation
contraire.
Ainsi, quand les intimés n ’auraient à opposer à leur
adversaire que sa propre détermination, indépendam
ment de toute autre circonstance, ils ne devraient
point redouter l ’issue du procès.
�( 27 )
%§<)
Mais si l’attention se porte sur le$ faits qui ont
suivi, il ne peut rester le moindre doute sur la nature
de la possession du père de 1 appelant.
Lors de l ’inventaire, le sieur Gueffier entendit si
peu recevoir les denrées et effets mobiliers, en qualité
d ’héritier, q u ’il sq f i t çharger, par le procès-verbal,
de tous les objets inventoriés 3 pour en rendre compte
à qui de droit. Il en fut donc constitué gardien judi
ciaire. (.1).
A u lieu de s’adresser, comme il le devait (2), aux
héritiers présomptifs, q u ’il connaissait parfaitement,
il fit nommer un curateur à la succession, et obtint
contre lu i, sans contradiction, une liquidation abusive
de ses créances personnelles , q u ’il osa porter a la
•somme de 34>ooo fra n cs , en principal seulement.
Cette condamnation le frappait personnellement
pour un cinquièmej elle était obligatoire, quant au
surplus, pour ses cohéritiers.
Pour envahir l ’universalité des biens, il se servit
utilement de sa qualité de créancier, en obtenant de
la Justice l ’envoi en possession pignorative, à défaut
de paiement de ces quatre cinquièmes, si mieux il
n’aimait les faire saisir et vendre.
Il opta d’abord pour la jouissance pignorative, et se
«lit en possession , en vertu de la sentence qui ordon
nait rexécution provisoire.
( 0 1 igeau, Procédure civile > t. 2 , page 343 .— Code de procédure ,
art. 9^3 , n° 9.
(2)
Idem , art.
996.— Quest. de D roit y° Héritiers § 2
colonne 2, alinéa 8 .
,
,
,
p .
648,
�fi-i;,
( 28 )
Trois ans après, afin d ’écarter les créanciers qui lui
donnaient de l’inquiétude, il usa de la seconde faculté
que lui accordait la sentence, en faisant saisir réelle
ment la plus grande partie des biens.
Il se rendit lui-même fermier judiciaire.
Sa possession continua de fa it. A quels titres?
D u mobilier, comme gardien;
Des immeubles non saisis, comme créancier pignoratif;
Des objets saisis, comme fermier judiciaire.
U ne semblable jouissance, loin de pouvoir être con
sidérée comme faite animo d o m i n i ne porte-t-elle pas
tous les caractères d ’une possession précaire?
Tout au p lu s, et en abondant dans le sens de l ’ap
pelan t, pourrait-on dire q u ’il n ’a jo u i, comme pro
priétaire, que du cinquième dont il était héritier
bénéficiaire ; mais q u ’à l ’égard du surplus de la succes
sion , il ne l ’a possédé q u ’à des titres insuffisans pour
lui en transmettre la propriété.
Tel est le véritable état de la cause.
On peut actuellement suivre l ’adversaire dans la
, division q u ’il a adoptée; la réfutation de ses moyens
semble découler naturellement des faits.
P R E M IÈ R E PR O P O SIT IO N .
L a f a c u lt é d ’ accepter la succession de Jean Guefjfier
a -t-e lle
é té perdue par p lu s de trente ans de
prescription ?
A fin d ’établir que Maurice Gueffier ou les intimes
qui le représentent n’ont plus été recevables à accepter
�( 29 )
la succession cle Jean G ueffier, pour s’être abstenu
de prendre la qualité d h éritier, pendant
plus de trente ans, on invoque les lois
l ’opinion des auteurs, et l ’article 789 du
q u i, dit-on, se réfère, en cette m atière,
un laps de
romaines,
Code civil,
aux législa
tions préexistantes.
On a donné à la règle sur laquelle on s’appuie un
sens beaucoup trop absolu. P o u r l ’apprécier saine
ment , il faut le coordonner avec deux autres principes
q u ’on doit aussi respecter :
i° D ’après la maxim e, le mort saisit le v i f , con
sacrée par l ’article 724 du Code c iv il, le successible
étant saisi de plein droit de la succession, est réputé
définitivement h éritier, s i, dans les trente a n s, il n a
pas renoncé. Ce résultat ne contrarie pas la règle,
n ’est héritier qui ne 'v e u t,
puisque l ’ héritier pré
somptif peut se dépouiller de cette q u a lité , en décla
rant q u ’il ne veut pas l ’accepter.
Telle était la disposition du Droit romain.
L a loi D7 , ff. D e acquir. v e l omit, h c e r e d .il.après
avoir laissé aux héritiers nécessaires le pouvoir de
s’abstenir de la succession, explique comment on doit
entendre cette abstention > en ajoutant : Que quoique,
dans la rigueur du D ro it, ils soient obligés envers les
créanciers du d éfu n t, cependant il n ’est point donné
d action contre eux, s’ils veulent délaisser la succession :
&t v elin l derelinquere hœreditatem.
« Ce mot derelinquere, dit M. M erlin , en traitant
« cette question ( 1 ) , n’est ni obscur ni équivoque; il
( 0 Question de Droit. V° Héritiers ^.paragrnpheX
�( 3o )
^
ci signifie clairement q u e , pour n ’êlre pas soumis aux
« poursuites des créanciers, il ne suffit pas que les
«< héritiers siens ne se soient pas immisces de fait dans
« la succession , mais q u ’il faut encore q u ’ ils la répu« d ie n t; car clerclinquerc exprime un délaissement,
« un abandon ,
c’est-à-dire un
acte
positif ,
une
« déclaration fo rm elle de ne pas vouloir demeurer
« héritier. »
« L e $ 2 , aux Institûtes D e hœredum qualitate et
« dijferentiâ , dit également q u ’à la vérité les héritiers
« siens sont héritiers nécessaires, mais que le préteur
« leur pe rm et, lorsqu’ ils le v e u le n t, de s’abstenir de
« l ’ hérédité : sed his prœtor perm ittit vo lek tib u s
« abstinerc hœreditate. L o rsq u ’ils le v e u le n t , volen« tibus, leur abstention n ’a donc pas lieu de plein
« d ro it; elle ne peut donc être que le résultat de leur
« volonté*, il faut tlonc cjue leur volonté de s’abstenir
« soit déclarée expressément, pour q u ’ils soient censés
« s’être abstenus. »
C e t auteur recom m an dable, après avoir parcouru
différons textes de lois ro m a in e s, cite l ’opinion du
président F a v r e , dans son T raité D e erroribuspragma-
ticorum , où il é t a b lit , avec sa profondeur ordinaire,
que les héritiers siens sont censés accepter la succession,
p a r cela seul q u ’ils n'jr renoncent p a s , et que la
m axim c filin s , ergo hœres, s’applique à eux dans toute
son étendue.
Si nous consultons la C o u tu m e d ’ A u vergn e, sous
l ’empire de laquelle s’est ouverte la s u c c e s s i o n de Jean
G u e fiie r, q u e lle doit ré g ir, l ’article 54 du chap. 12
�( 3i )
décidera la question dans le même sens. Il est ainsi
conçu :
« Aucun n ’est recevable de soi dire n ’être héritier
« d ’aucun, s’il ne répudie et renonce expressément
« à sa succession. »
Ce texte, puisé dans les lois romaines, n ’exige pas
de commentaire. Il apprend clairement que celui
auquel une succession est déférée est le maître de
l ’abdiquerj mais il veut que l ’abdication soit expresse.
Tant q u ’il n ’y a point renonciation de sa p a r t , l’hé
ritier conserve la qualité dont la loi l ’a saisi. Il peut
en réclamer les prérogatives, comme on peut lui en
opposer les obligations.
r
« C ette règ le , dit M. C h ab rol ( i ) , est au tan t eu
« faveur de l ’héritier présomptif que contre lui ,
« puisque, s’il n ’a pas renoncé formellement, on ne
« peut pas lui opposer son abstention et son simple
« silence. Il est donc juste q u e , de sa p a rt, il ne
« puisse se soustraire à la qualité d ’héritier, q u ’en y
« renonçant dans une fo rm e suffisante et légale. »
L a disposition de la Coutum e est d ’autant plus
juste, q u ’elle est en harmonie avec la maxime que la
renonciation ne se présume p a s 3 et q u ’elle doit être
formelle (V oyez L e b r u n , Successions 3 liv. 3 , ch. 8 ,
sect. 2 , n ° 3 6 ; Code c iv il, art. 784.).
E n fin , le sens dans lequel l ’appelant a entendu
1 article 78g du nouveau C od e, le rendrait absurde et
contradictoire, en lui faisant décider q u ’après trente
�ans, la prescription anéantit simultanément la faculté
d’accepter et celle de renoncer. On ne conçoit pas
qu'un héritier puisse perdre à-la-fois l’exercice de
deux
facultés opposées; il faut nécessairement que
l ’une cède à l ’autre.
Aussi la loi ne dit pas que la faculté d ’accepter
et la faculté de répudier se prescrivent ; elle dit que la
faculté d ’accepter ou de répudier se prescrit; ce qui
signifie, suivant l ’opinion de M. Chabot ( r ) , « qu ’après
le délai de trente ans, la faculté que l ’héritier pré
somptif tenait de la l o i , ou d ’accepter la succession
qui lui était déférée , ou de la répudier, se trouve
éteinte par la prescription, et q u ’ainsi, lorsque l ’hé
ritier a laissé passer trente ans, sans avoir fait son
option, il se trouve, à défaut de renonciation expresse ,
héritier définitif, héritier obligé, quoiqu’il n’ait fait
aucun acte d ’ héritier.
C e savant commentateur justifie cette interprétation
par une dissertation à laquelle il suffit de renvoyer.
E lle est basée sur ce m otif puissant, que l’ héritier qui
est appelé par la loi ; q u i , par e lle, est saisi de la
succession, sans q u ’il soit besoin à cet égard d ’aucun
acte de sa volonté, peut bien, en manifestant une
volonté contraire, n’être pas héritier et faire cesser la
saisine; mais q u e, s’il ne manifeste pas cette volonté
contraire, en renonçant expressément dans le laps de
trente ans, il est considéré comme ayant définitivement
( 1) S u c c e s s i o n s , a r t i c l e 7 8 9 , t o m e a , p a g e 5 .'|8 .
�accepté le titre et les droits d ’héritier, que la loi lui
avait conférés.
Dès qu’il est reconnu, dans la cause, que Maurice
Gueffier n’a jamais renoncé à la succession de son père,
on a mal à propos conclu de son abstention pendant
trente ans, q u ’il a été déchu de la faculté d’accepter.
L a conséquence la plus juste à déduire e s t , au con
traire, q u ’il a v o u lu être héritier 3 puisqu’il n’a pas
répudié, et q u ’au moyen de son silence pendant la
période indiquée, son acceptation tacite est devenue
irrévocable, par la perte de la faculté de renoncer.
Ainsi tom be, sous ce premier rapport, le moyen
proposé.
2° L a thèse posée par l ’adversaire, fùt-elle absolue,
il n ’en serait pas plus avancé.
La privation de l’exercice d ’une faculté ne peut être
admise sans q u ’il se présente un adversaire qui ait droit
et qualité pour la réclamer. Lorsque la loi déclare un
héritier présomptif déchu par l'effet de la prescription,
c’est pour investir celui qui a possédé à son préjudice.
E lle ne veut point que les biens puissent rester sans
propriétaire, ce qui serait contraire à l ’ordre public.
Cette doctrine est professée par tous les auteurs.
Voici comment s’explique,
au n° 160, Furgole,
dont l’appelant a invoqué l ’opinion (pages 20 et 21
du Mémoire) , pour prouver que la faculté d ’accepter
U n e hérédité se perd par trente ans :
« Mais il faut prendre garde q u ’afin que le droit de
« l ’héritier fut éteint par la prescription, il fa u d ra it
« (ju un autie l eut acquis par la possession j car la
�(« '
! 34 )
« prescription est bien mise au rang des moyens
« d ’acquérir ou de perdre ; mais il fau t, afin q u ’elle
« ait lieu , que ce qui est perdu par l’un à cause de
« sa négligence, soit acquis par un autre à cause de
« sa possession. Si une hérédité était va ca n te, et sur
« la tète d ’un curateur qui serait un simple déposi« taire, lequel ne pourrait jamais l ’acquérir par la
« prescription, elle pourrait être acceptée,
même
« après les trente ans depuis la mort du défunt ,
« parce que le droit n ’en serait pas perdu, à cause
« qu’i l n ’aurait pas été acquis par un autre. »
M. M erlin, q u ’on a également cité , suppose aussi,
ce qui est de toute nécessité, q u ’il y a possession de la
part d ’un autre héritier, et en cette q u a lité d ’héritier.
On aurait pu remarquer, en rapportant son opinion,
q u ’elle n’est point appuyée sur les principes généraux
du D ro it, mais fondée, dans l ’espèce q u ’ il exa m in a it,
sur une disposition précise et spéciale de l’article 21
du titre 21 de la Coutum e d ’Audenarde. Elle 11e peut
donc faire impression dans la cause.
Quels sont donc les droits de l ’appelant, ou du
.sieur Gueffier de Longpré q u ’il représente , pour
opposer aux intimés une déchéance de la qualité
d ’héritier , résultant de la prescription ?
On répond : Dès le décès du père commun , il a seul
possédé le titre d ’héritier, le j u s et nomen hœredis.
C ’est une erreur.
Il
n ’a pas voulu accepter le titre d ’héritier universel
qu ’il tenait de la libéralité paternellej il l ’a expressé
ment répudié.
�Il
s’est volontairement restreint à sa portion virile.
Les autres successibles, au nombre desquels se
trouve Maurice Gueffier , ont reçu de la loi la qualité
d ’héritiers à titre universel; ils l ’ont conservée, puis
q u ’ils ne l ’ont point répudiée.
L e sieur de Longpré a lui-même fait nommer un
curateur q u i , en représentant la succession, a laissé
intacts les droits de tous les héritiers, malgré leur
abstention.
i
Il
n ’a donc aucun droit acquis dont il puisse se
prévaloir au préjudice de Maurice G uefiier, qui est
réputé héritier pur et simple , tandis qu ’il n’est
q u ’héritier bénéficiaire.
E u eiit-il? il ne les recueillerait pas exclusivement.
Les intimés seraient, sans doute, bien fondés à ré- '
clamer une portion de cet accroissement, du chef de
G u illau m e,
leur père. E n effet, la cession q u ’il a
consentie de ses droits n’aurait pu porter sur un-béné
fice qiuiè’se serait ouvert po/térieurement.
A in s i, à moins q u ’on ne prouve .que le père de
l ’appelant a légitimement possédé ^ à titre d ’héritier,
la totalité des biens, il ne peut espérer de trouver,
dans son titre se u l} le droit de s’opposer à la pétition
d hérédité, formée du chef de Maurice Gueffier. Ceci
nous conduit à l’examen de la deuxième questiou, agitée
par l ’appelant.
�( 30 )
D E U X I È M E PR O PO SITIO N .
L a propriété des biens de la succession a-t-elle été
acquise à Vappelant par une possession utile et
p lu s que trentenaire?
négative est déjà établie par ce qui précède-,
quelque réflexions compléteront la démonstration.
L a possession trentenaire suffit seule pour accom
plir la prescription, parce que celui qui a joui aussi
long-tems sans trouble, est censé avoir acquis de bonne
fo i, à moins que le contraire ne soit prouvé. Mais s’il
est représenté un titre sur l e q u e l l a p o s s e s s i o n s’appuie,
quoiqu’ancienne q u ’elle s o it, cette possession sera
L
a
vicieuse et inefficace, si le titre n ’est pas de sa nature
translatif de propriété, parce q u ’alors il démontre que
la possession n’a pas commencé de bonne foi ; ce qui
s’entend, l o r s q u e l e p o s s e s s e u r n ’ a p a s e u ju s la opinio
acquisiti dominii. Aussi les possesseurs à titre précaire,
d ’impignoration ou de nantissement; le fermier, le
dépositaire, e t c . , ne peuvent jamais prescrire, quelque
longue que soit leur possession.
Delà s’est formée la règle : A d prunordium tituli
posterior se/nper fo rm a lu r eventus, dont on lait un
usage si fréquent au Palais (i).
(i) L e b r u n , Traite des Successions, tilrc du partage, n° 78.—
Répertoire de Merlin. V° Prescription, seel. i r*t paragr. G, art. 2.
—
D o m a t,
Lois civiles, liv. 3
,
til. 7 , sect, 5 , n0> 11 et
12.—
l’olbicr,
de la Possession , n04 i 3 et 3 a.— Le m êm e, Introduction à la Coutume
d Orléans.— Code civil, art. aajG.
�)
W)
L e vice de la possession se perpétue de succession
en succession5 tn
? parce que, 1 héritier étant
la continuation de la personne du défunt, celui qui a
commeneé à posséder un bien en vertu d’un titre qui
ne lui en attribuait pas la propriété j est censé vivre
dans sa postérité, q u i, aux yeux de la loi, est la même
personne (i). Le Code civil, par son article 2287, a
consacré cette.vérité, qui est écrite également dans les
lois romaines : Usucapere hceres non p oterit, quod
defunctus non p o tu it; idem ju r is est chm de donga
possessione quœritur. L . 1 1 , if. de diversis temporibus
prœscript.
• c *
- ’r
i’ ~y
L ’application de ces principes est ici sensible, lors
q u ’on se rappelle que ce n ’est q u ’en sa qualité de
cre'ancier seulement, que le sieur de Longpré s’est mis
en possession des biens, à titre d ’impignoration, et
jusqu’à parfait paiement du montant des condamna
tions q u Jil avait obtenues.
'I '
V ' "i n
Com m ent, avec une possession aussi précaire, dont
il a transmis le vice à'son successeur, le sieur de Longpré aurait-il pu prescrire la propriété des biens?
Cette prétention est d ’autant plus insoutenable,
que ce n ’est que dans son intérêt personnel, après de
longues réflexions, et dans des vues manifestes d’usurpatlQn , que l ’auteur de l ’appelant, e n rabdiquant ou né
gligeant sa qualité d’héritier, a voulu jouir h. tout antre
titr e des biens de la succession.
(1) Polluer, Possession , „«• 33 et 5 ^ — Doinal, loco
sect. 4 > ll°
— Merlin , cod. loc. , ait.
tuprà citato
�p ffr'
( 38 ) •
Il
trouvait en effet, clans ses combinaisons artifi
cieuses, des moyens contre tous les intéressés. Il disait
aux créanciers : Je vous dois, à la vérité, sur les biens
de la succession, un ciuquième des dettes, comme
héritier bénéficiaire; mais, hypothécairement, je suis
antérieur à vous comme créancier; vous n’aves rien à
prétendre tant que je ne serai pas soldé. Quel peut
être votre b u t , disait-il aux cohéritiers? les droits des
créanciers absorbent tout, et je suis le premier, le
principal et le plus privilégié.
N ’est-il pas juste q u ’après avoir joui pendant si longtems des avantages du système q u ’il avait adopté ;
l ’adversaire en subisse aujourd’hui les conséquences
opposées.
Pour éluder les suites de sa jouissance précaire ,
l ’appelant soutient que son père n ’avait pas dem andé
à être envoyé en possession pignorative; que la dispo
sition insérée clans la sentence n ’était que de stile ;
q u ’au surplus, cette sentence lui accordant une option,
il s’était déterminé pour la f a c u lt é de fa ir e saisir et
vendrey q u ’aiqsi il n ’avait pas voulu jouir pignorativement.
Que d’erreurs et de mauvaise foi dans ces objections!
V o u s n’avez pas dem andé l ’envoi en possession
pignorative ! E t la sejitencc qui vous l ’accorde e$t votre
propre ouvrage, puisqu’elle a été rendue par défaut
faute de comparoir, contre le curateur. Vous en avez
d’ailleurs accepté toutes les dispositions, en la signi
fiant et en l’exécutant.
/><i disposition n ’est (pie de stile ! Rica n’est inutile
�( 3y )
aSil •
dans les j u g è m e n s n i dans les lois. On ne peut consi
dérer-comme telle une disposition (|iii sssure'tiu■
cvcîiii*
cicr un moyen certain d execution. L
adopte en
Auvergne prouverait seul contre vous l ’importance
q u ’on mettait à obtenir cette faculté.
V o u s n’avez pas usé de la permission ! E t votre:
mise en possession a suivi immédiatement la signifi
cation de la sentente. Vous ne justifiez d’aucun acte
de possession antéfiêure ; les baux consentis' par 'le
sieur de Longpré sont tous d’une date plus récente.
E n fa isa n t' saisir et v e n d r e v o u s avez opté pour
cette f a c u lt é , et ii avez pas vou lu jo u ir ‘p ignorative;n ient! Mais cette jouissance pignorative de l ’universa
lité des biens a duré trois ans, depuis 1760 jusqu’au
ï6 juin 17 6 3 , date du premier bail judiciaire. E lle
ii’â cessé sous cette forme que';pour se reproduire sous
un autre titr'e également précaire, celui de fermier
judiciaire. Il y a plus, les"deux modes de possession
ont résidé conjointement sur la tète du sieur de Longpré, puisqu’en même tems q u ’il possédait ,f comme
fermier judiciaire, les biens saisis réellement, il con
tinuait de jouir , à titre d’im pignoration, en vertu de
la sentence, des objets non compris dans le procèsverbal de saisie.
Les intimés sont loin de redouter l'application des
Tègles posées par d’ Argentré, et q u ’on a rapportées
dans le M émoire, d ’après M. Merlin; ils la réclament^
au contraire, puisque c’est par l’appréciation du titre,
que cet auteur juge des effets de la possession.
~
'
�( 4» )
Sentant bien l ’impossibilité de faire méconnaître la
véritable cause de la possession de son auteur ^ l ’advei>
sa ire se restreint soutenir què le titre de sa possession
a été interverti par la sentence dé 1770, qui a prononcé la radiation de la saisie réelle. Il en conclut
que dès cet instant il a joui comme héritier, comme
propriétaire, et q u ’il doit profiter,des.avantages de la
prescription, puisqu'il s>,st écoulé; trente-cinq ans
depuis 1770 jusqu’en i 8o 5 x époque de la demande
en partage.
,
Des réponses se présentent en droit et en fait.
. C est une erreur en D roit de prétendre q u ’un pos
sesseur précaire puisse se changer a lui-même la cause
de sa possession. Cette m utation , q u ’on nomme inter
version, ne peut être opérée que de deux manières :
ou par une cause venant d ’un tiers, telle q u ’une
vente, échange, donation, ou autre titre transmissiblc
«le la propriété 5 ou par la contradiction que le pos
sesseur oppose aux droits du propriétaire. C ’est ainsi
que s’en expliquent D om at, tit. 7 , sect, 5 , art. 1 2 ,
et Dunod lui-même, dont on n ’a cité q u ’un fragment.
L ’article 3238 du Code civil n ’ji pas disposé diffé
remment.
•
E n f a i t } la sentence de 1770 n’a aucun de ces
caractères.
1’ E lle n ’a attribué ni pu attribuer au sieur Gueffier aucune qua lité nouvelle, puisqu’elle avait pour
objet unique la radiation d ’une saisie réelle q u ’il avait
lui-même provoquée comme créanciery
20 ïùlle n’opère eu sa faveur aucun« transmission
�( 4i )
de droits en propriété ou possession, de la part de
tiers qui aient stipulé à cet effet ;
- > On n ’y voit point de contradiction vis-à-vis du
propriétaire, puisque la main-levée de la saisie ne
portait aucune atteinte aux droits des créanciers ou
des héritiers ;
• 4° Les circonstances qui environnèrent cette sentence
la feraient d ’ailleurs considérer comme une fraude qui
»e peut profiter à son auteur ;
E lle fu t rendue par défaut contre la p lu part des
créanciers \ soigneusement cachée aux cohéritiers*, ob
tenue dans l ’ombre du m ystère, avec toutes les précau
tions propres à induire en erreur les parties intéressées,
dont les domiciles étaient éloignés : témoin la lettre
du i 3 avril 17695
5 ° Cette sentence n’a jamais été signifiée a u x do
m iciles des parties en cause, notamment au curateur,
par lequel 011 faisait représenter la succession ; elle n’a
donc eu ni pu avoir d ’ejiécution : elle est censée même
n ’avoir jamais1 existé.
Dès-lors la saisie réelle a continué de subsister, et
dvec elle tous les effets que la loi lui attribue. Pen
dant trente ans elle a conservé les droits des parties
intéressées, et suspendu le cours de toute prescription j
6° E n f i n , e t c e tt e o b je c t io n d é t r u i t t o u t le s y s tè m e
d e défense de l ra p p e l a n t , quand la sen ten c e de 1 7 7 0
A u ra it v a l a b l e m e n t e t u t i l e m e n t o r d o n n é la r a d i a t i o n
d e la saisie r é e lle , q u e l l e en
s e ra it la c o n s é q u e n c e ?
�■
'i Cl»!.
( 42 )
Que le sieur de Longpré, qui ne trouvait plus d'avantage
à laisser vendre les biens mis sous la main de la Justice,
a continué de les posséder comme il avait commencé,
et comme il jouissait encore des objets non saisis ,
c’est-à-dire à titre d ’impignoration, en vertu de la
sentence du i 5 novembre 1760.
Que l ’appelant cesse donc d ’invoquer la prescription!
C ’est comme gardien à titre de jouissance pignora
tive , comme fermier judiciaire, que son auteur a
commencé à posséder : ces causes de possession n ’ont
jamais changé. Il a constamment pris dans les actes
la qualité de créancier et de fermier judiciaire ; la
sentence de 1760 n ’a jamais cessé d ’être exécutée $ sa
possession a toujours été précaire, et par suite inca
pable de lui attribuer la propriété.
Parvien d rait-il à faire décider que sa qualité
d ’ héritier bénéficiaire lui donnait un titre pour
jo u ir? Cette qualité, restreinte par sa déclaration, à sa
portion virile, ne pourrait s’appliquer q u ’au cinquième
de la succession, q u ’on ne lui conteste pas -, mais elle
ne préjudicie point aux droits des autres cohéritiers,
de recueillir leur amendement dans une succession
encore indivise, que la Justice a conservée pour tou s,
et à laquelle ils peuvent venir prendre part, malgré
leur abstention, puisqu’aucun autre héritier n ’a été
substitué à eux par unejiossession utile.
L a jurisprudence procure sur ce point des préjugés
aussi décisifs que nombreux. On connaît le fameux
�( 43 )
^
arrêt du 21 avril i 55 i', qui d'condamne l ’evêque de
Clerm ont à rendre à la reine Catherine de Médicis la
seigneurie de la ville de Clermont*, quoique depuis
plusieurs siècles elle fut possédée par les évêques de
cette ville. Il était prouvé, par le titre originaire ,
que cette seigneurie avait été donnée en garde a un
évêque de C lerm on t, par Jean de Bourbon, que re
présentait la reine.
.> j
t■ :
1
* 2 , r
L e Répertoire de Jurisprudence rapporte plusieurs
arrêts qui ont jugé que la possession la plus lon gu e
n ’était d ’aucune considération quand le titre qui lui
avait servi de fondement était vicieux, c’cst-à-dire
incapable de transmettre la* propriété.
L a Cour de Riom, par arrêt du 19 germinal an 10,
a admis les descendans d?un successible à prendre la
qualité d héritiers, quatre-vingts ans après ^ r é p u
diation , en rejetant la'prescription opposée par un
cohéritier qui avait joui à titre pignoratif.
' ^
L a Cour de cassation a consacré les mêmes prin
cipes, en cassant une décision dè la' Cour de D o u ai,
qui les avait violés, et adjugé q u e , 'nonobstant la
contradiction"opposée par un cohéritier qui jouissait
^es biens de la succession à titre préc’aire, la prescrip
tion 11’avait pu courir en sa faveur. L ’arrêt, du 6
novembre 1 8 2 1 , est rapporté par Sirey, tome 22 ,
I r6 partie, page 69. ‘ '
1
L ’appelant est-il favorable, lorsqu’il s’est évidem
ment créé une fortune considérable au détriment de
�( 44 )
ses cohéritiers? Lorsque, probablement, le silence de
Maurice n’est dù q u ’à cles promesses fallacieuses ou à
des garanties qui auraient disparu après son décès ?
Est-il favorable en se défendant par une fin de non
recevoir, odieuse même aux yeux de la loi, après que
son père a jou i, comme mandataire, des biens de
M aurice, que ses fonctions tenaient éloigné du lieu de
leur situ ation , et de ceux de Gueffier-Dubuisson ?
parti pour l ’ile de Saint-Domingue ?
Est-il favorable, lorsque prétendant avoir, par le
paiement des dettes, affranchi la succession des charges,
il ose alléguer que les titres de libération sont adhirés?
Ces petits moyens de considération n ’imposent
point.
i° On ne justifie point de ces paiemens, que l ’on
fait mou ter à des sommes considérables ;
20 L es actes de m a in -levée d ’opposition prouvent
q u ’on n ’a pas payé, mais assuré le service des rentes ^
3° P u isq u e , dans le système même de l ’appelant, il
ne s’était écoulé que trente-cinq ans de prescription utile
à l ’époque de la demande, il n ’est pas vraisemblable
que son père et lui-mème aient négligé de conserver
des titres aussi précieux j
4° E n fin , lors du partage, il sera de toute justice
q u ’ ils prélèvent
les sommes q u ’ils établiront avoir
versées pour le compte des héritiers.
Sans doute, les prétentions d u eieur l ’Espiuasso ne
�,( 4 5 )
W
vont pas jusqu’k faire rejeter d ’une manière absolue
la demande en partage de la succession de Maurice
Gueffier. E n s’efforçant de paraliser l ’action des in
tim és, quant a u x droits qui dérivent de Jçan Gueffier,
il n'a pas voulu se refuser au partage des biens meubles
et immeubles qui appartenaient au défunt. Le silence
q u ’il a gardé relativement à cette partie de la cause
laisse penser q u ’il sent la nécessité de faire le rapport
des biens de Saint-llpise, que le sieur de Longpré a
vendus en 17 j 6 , ainsi que du mobilier et autres objets
qui sont restés dans sa maison, où est décédé Maurice
Gueffier. ,
.,
Les droits des intimés paraissent donc établis, lis
se .présentent comme successeurs, en partie, de Mau
rice G ueffier, leur oncle ; celui-ci était héritier de
Jean son père 5 il n ’a jamais perdu cette qualité ,
puisqu’il n’y a point renoncé. L a loi a rendu définitive
son acceptation tacite5 aucun autre héritier n’ayant
utilement possédé à son préjudice, ses droits et son
action sont entiers. Ses héritiers doivent donc obtenir
de son chef, comme il l ’evit obtenu lui-m êm e, la dé
livrance de leur portion dans son amendement.
Si la résistance opiniâtre du sieur l'Espinasse ne
1
1
leur permet plus d ’espérer de sa part un acte de jus
tice, ils l’attendent avec confiance de la C o u r , qui
saura apprécier les faits et appliquer les principes.
L ’appelant n'a-t-il pas lieu de craindre q u ’on ne lui
applique ce passage énergique de LaJbruyèr.e.?
. « N ’envions point à une sorte de gens leurs grandes
�( 46 )
« richesses; ils les ont à titre onéreux, et qui ne nous
« accommoderait point. Ils ont mis leur repos, leur
« santé, leur honneur et leur conscience pour les
« avoir. Cela est trop cher, et il n’y a rien à gagner
« à un tel marché. »
BAYOL.
B A Y O L , née G U E F F I E R .
G U E F F IE R -D U B U IS S O N .
G U E F F IE R -S A U V A T .
Me G O D E M E L , ancien A vocat.
M e D O N I O L , A voué.
R IO M , I M P R IM E R IE DE S A L L E S , PRÈS LE P A L A I S DE JU STIC E .
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Gueffier-Dubuisson, Antoine. 1824?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Godemel
Doniol
Subject
The topic of the resource
successions
prescription
absence
renonciation à succession
séparation de biens
arbre généalogique
possession pignorative
saisie
créances
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse, pour sieur Antoine Gueffier-Dubuisson, Propriétaire ; dame Antoinette Gueffier, Amable Bayol, son mari, Officier de Santé, et Jean-Baptiste Gueffier, Propriétaire, intimés ; contre Maître Antoine Gueffier de l'Espinasse, ancien avocat, appelant.
Table Godemel : Absent : 2. le décès d’un individu à Saint Domingue est-il suffisamment établi par un acte en forme authentique indiquant le jour du décès, son nom de famille et l’un de ses prénoms, bien que, contre les termes de la déclaration du 9 avril 1736, il ne mentionne pas non plus la qualité ; à moins que l’on établisse qu’un autre individu du même nom ait résidé dans l’isle et y soit décédé à la date de l’acte rapporté ; surtout, si l’identité résulté d’autres documents et des faits de la cause. Renonciation : 14. l’enfant, héritier institué, qui, après avoir fait procéder à l’inventaire du mobilier existant au décès de son père, a renoncé à son institution d’héritier contractuel, pour n’accepter la succession qu’ab intestat et sous bénéfice d’inventaire ; qui a fait nommer un curateur au bénéfice d’inventaire et obtenu, contre lui, sentence de condamnation pour un capital de créances assez considérable, avec permission de se mettre en possession des immeubles de la succession, ou de les faire vendre par placard ; qui s’est réellement investi de fait de l’universalité des biens ; n’a joui, à titre de propriétaire, que du cinquième formant sa portion virile, et à titre pignoratif des autres quatre cinquième, en qualité de créancier.
Quelque longue qu’ait été sa possession, il a joui aux mêmes titres, s’il n’a pas manifesté expressément une volonté contraire ; il ne peut, dès lors, opposer aux autres enfans, ses cohéritiers, aucune prescription. malgré le nombre des actes de possession qu’il a pu faire, il ne peut résister au partage, ni se refuser au rapport des biens et jouissances, sauf à prendre le cinquième qui lui revient en qualité d’héritier bénéficiaire.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1824
1760-1824
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
46 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2609
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2608
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53524/BCU_Factums_G2609.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Brioude (43040)
Saint-Ilpize (43195)
Saint-Germain-Lembron (63352)
Saint-Domingue
République dominicaine
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
absence
arbre généalogique
Créances
possession pignorative
prescription
renonciation à succession
saisie
séparation de biens
Successions
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53523/BCU_Factums_G2608.pdf
bda2ba2b2fdc629a98ca2b4962352323
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Text
GENEALOGIE
P IE R R E G U E Y F F I E R ,
A
JE A N N E M A R T IN O N .
M A R IE .
JEAN, f i e
3 avril
1 7 60.
M A R G U ER ITE ,
à
M arie-A nke S o lé u a g e , f le i 3 septembre 1773.
M A U H I C E , p rêtre ,
né en 1 7 1 9 ,
et *1" en 179G.
A N T O IN E .
LO U IS.
P IE R R E .
à
P IE IU IE -J O S E P H
Nozerine.
F R A N Ç O IS ,
G U I L L A U M E , "j* le 28 août
à
à
Jeanne Lémovd.
P IE B R E -J O S E P H ,
ab sen t.
A g k è s - F s a n ç o is e L a m o th e , ’ {* en l ’ an 12 .
A N T O IN E ,
A ppelant.
J E A N -B A P T IS T E ,
n é le 20 ju in
17G0 ,
m ajeu r e n i j 85 ,
A N T O I N E T T E , n é e le 16 ju in 1768 ,
à
m aje u re e n 179 3 .
A m a b le B a t o l ,
Intimes.
A N T O IN E ,
n é le 3 n o v e m b re *774 >
m a je u r en i ; 9 5 ,
�MEMOIRE
COUR R O Y A LE
D E RIO M .
POUR
LE
SIE U R
G U E Y F F I E R D E L ’E S P IN A S S E ,
ancien A vo cat, A p p ela n t;
CONTRE
Sieur
J e a n -B a p tis te
sieur
A n to in e
G U E Y F F IE R -D E L A IR E ;
G U E Y F F IE R D U B U ISSO N ;
dame A n t o i n e t t e G U E Y F F I E R , et S r A
B A Y O L son m ari, intimés.
m a b le
Usucapio........ hoc est f i nis sollicitudinis ac periculi litium.
( C i c e r o , orat. pro Cæcinîi).
L a prescription est fondée sur le droit naturel, qui
attribue la propriété ,au possesseur : l ’intérêt public
l ’a fait admettre par le Droit c iv il, qui en a déterminé
les conditions et les eff e t s.
Chez tous les peuples, les législateurs ont considéré
la prescription comme nécessaire pour assurer les
I
« 'C„i l A“M L"'I v 7
'
bt
�fortunes, fixer l'incertitude des domaines, mettre un
terme aux dangers des procès, punir même la négli
gence de ceux q u i, pouvant avoir des droits, tardaient
' trop à les exercer, et protéger la sécurité des possesseurs
_ ou de leurs héritiers.
Ces considérations ont fait appeler la prescription
la patrone du genre hum ain, et en ont dicté les diffé
rentes règles. La loi présume que ceux qui n ’ont pas
agi dans le délai q u ’elle fixe, n ’ont eu aucun intérêt
à agir, ou ont voulu faire la remise de leurs droits ;
elle décide que celui qui a possédé pendant ce délai
est le vrai, est le seul p r o p r i é t a i r e , p a rc e que la pos
session est le signe de la propriété. E n conséquence,
elle le dispense de toute autre preuve que de celle de
sa possession j elle n ’exige pas de lui q u ’il produise
des titres p o s i t i f s , p ar ce q u ’il p e u t ne pas les c o n n a î t r e ,
parce q u ’ils ont pu disparaître dans la nuit des tems,
parce q u ’enfin, après le tems fixé pour la prescription,
il n’a pas dit les conserver avec une soigneuse sollici
tude.
Ces principes salutaires, qui offrent les seuls moyens
de défense que
rance de ce qui
à de vieilles et
bienfaisans ont
d ’anciens propriétaires, dans l ’igno
s’est passé autrefois, puissent opposer
à d ’injustes prétentions, ces principes
été invoqués par le sieur Gueyifier de
l'Espinasse dans une cause où leur application parais
sait aussi naturelle q u ’équitable : ils ont c e p e n d a n t
été écartés sous le prétexte le plus futile.
U n héritier bénéficiaire qui , pendant plus de
trente années, a joui à ce titre et exclusivement de
�l ’hérédité entière, 3 etc cependant sssiniilc u un pos
sesseur précaire, et déclaré incapable de prescrire ,
pour avoir ob te n u , contre un curateur au béné
fice d ’inventaire, une sentence q u i, pour ses créances
p e r s o n n e ll e s , l ’autorisait à faire vendre les biens ou à
s’en mettre en possession pignorative.
Jamais l ’héritier n’avait usé de cette dernière faculté,
dont il n’avait pas besoin, et qui ne lui offrait aucun
avantage : toujours il avait agi,'seulement comme héri
tier, dans ses actes d ’administration comme dans la
plupart de ses actes judiciaires, dans ses rapports avec
les créanciers de l ’hérédité comme dans ses traités
avec l ’un de ses co-successibles.
C e p e n d a n t s on titre d ’héritier, qui était tout à-lafois son vrai titre, son titre u n iqu e, et un titre u tile ,
puisqu’il lui attribuait la propriété de l ’hérédité, ce
titre important et indélébile avec lequel on ne pou
vait contester la prescription, a été méconnu en lui 5
et on lui a attribué un titre vicieux, un titre précaire
q u ’il n’a jamais e u , afin d ’accueillir une action depuis
long-tems éteinte, afin de le contraindre au partage
d’une succession ouverte depuis 1760, en déconfiture
alors, liquidée à grands frais depuis, et à laquelle
n avait pas voulu prendre part autrefois, lorsqu’elle
était en ruine, celui-là même au nom de qui des parens collatéraux la réclament aujourd’hui q u ’ils savent
q u ’il serait difficile, après plus d ’un demi-siècle, de
réunir les preuves de tous les sacrifices faits pour
acquitter les dettes héréditaires.
�(4 )
FAITS.
L e sieur Jean Gueyffier, ayeul des parties, avait
épousé Marie-Anne Soléliage en 1 7 1 7.
De ce mariage étaient nés cinq enfans mâles. Mau
rice, né en 1 7 1 9 , décédé en 1 7 9 6 ; Pierre-Joseph
Gueyffier de L on g-Pré, dont l ’appelant est le fils ;
François Gueyffier, qui 11’est pas représenté dans la
cause-, G u illau m e, qui a laissé deux fils et une fille
(ce sont les intimés); et autre Pierre-Joseph Gueyffier
• du Buisson, absent depuis 17 6 3 , époque à laquelle il
se rendit aux îles françaises en Amérique.
L ’hérédité de l ’ayeul Jean Gueyffier est l ’objet de
la cause. Les intimés en demandent le partage, non
du chef de G u i l l a u m e l e u r père, q u i a v a i t cédé ses
droits à son frère Pierre-Joseph de Long-Pré, mais du
chef de Maurice, leur oncle,
dont ils sont héritiers
partiels.
L e contrat de mariage des ayeux communs est du
27 juin 17 17 .
L e père de Jean G ueyffier, futur époux, était alors
décédé. Sa mère, la dame Martinon, l'institua son
héritier de tous les biens q u ’elle laisserait à son décès,
sous la réserve de quelques objets qui devaient faire
partie de l'institution , si elle n ’en disposait pas au
trement .
L lle déclara substituer à la propriété d« tous scs
biens celui de ses petits-enfans mâles dont son fils
ferait choix; e t, à défaut de choix, l ’ain^ d ’entr’e u x ,
�(
5)
pourvu q u ’il ne fut pas entré clans l ’Ordre ecclésias
tique.
1
Ôn r e m a r q u e clans ce contrat une preuve des désor
dres q u ’éprouvaient déjà les affaires du sieur Jean
Gueyffîer.
Il y fut stipulé q u e Y usufruit des biens
substitués ne pourrait être saisi p ar les créanciers du
fu tu r époux.
La dame Martinôn décéda sans avoir fait d’autres
dispositions.
L ’aîné des enfans Gueyffîer, le sieur M aurice,
reçut les Ordres sacrés.
L e puîné, Jean-Joseph Gueyffîer, pèreclel'appelant,
fut institué par son c o n t r a t de mariage, du 2. août
1 7 4 5 , l ’héritier universel de son père, qui se réserva
1 5,ooo francs pour la légitime des autres enfans. Il
fut aussi choisi pour recueillir l ’effet de la substitution
faite par la clame M artinon, son ayeule. L a dame
Soléliage , sa mère , lui fit don d ’une somme de
3ooo francs,
payable après son décès.
Cependant, loin de s’améliorer, la fortune du
sieur Jean Gueyffîer père devint de jour en jour
plus en désordrej et la clame son épouse fut obli
gée de demander une séparation de biens, q u ’elle fît
prononcer en 17 5 1.
Le sieur-Gueyffîer décéda en 17G0. Sa succession
était grevée de dettes considérables.
U n inventaire fut dressé, le 27 juin 17G0, à la re
quête de Pierre-Joseph G ueyffîe r de L o n g -P r é , son
fils, en présence de la dame Soléliage, sa veuve. Le
sieur Piene-Joscpli Gueyffîer du Buisson y assista ,
�K
(6)
faisant tant pour lui que pour ses autres frères; et,
sans vouloir prendre, en leur nom , de qualité, il se
borna à faire, pour eux et'pour lu i, des réserves de
leurs droits.
L e sieur Gueyffier de Long-Pré fut chargé des
objets inventoriés. Il se mit aussi, dès cet instant ,
en possession de tous les biens de l ’hérédité.
L o rs de l ’inventaire, le sieur Gueyffier avait dé
claré n’accepter la succession que comme héritier
b én é fi ci a i r e.
L e 27 juillet suivant, il ré it é ra cette déclaration,
par acte au greffe, et renonça même à l ’institution
iV héritier.
Le
3o
juillet 1760, il fit nommer un curateur au
bénéfice d ’inventaire.
Le 14 a o û t, en vertu d ’ordonnance obtenue le 1 1 ,
sur requête, il assigna ce curateur en paiement de ses
créances contre la succession,
L e i£> novembre 1760, il ob tin t, en qualité d ’hé
ritier de la dame M artinon, son ayeule, et à d’autres
titres, une sentence par défaut, q u i, liquidant scs
créances, condamna le curateur à lui payer en capi
taux la somme de
36,485
francs, avec des intérêts
remontant, pour certaines sommes, à des époques fort
reculées. Les frais de la demande furent liquidés k
1 8 9 francs. L a sentence se termine par une d i s p o s i t i o n
qui était alors une sorte de formule employée dans
toutes les sentences semblables.
E lle permet au sieur de Long-Pré de jo u ir jtigno-
�(7 )
rativement, et de se mettre en possession des immeubless
si m ieux il n aim e les fa ir e saisir et ven dre, etc.
On sait que cette permission de jo u ir pignorcitivem ent 3 s i m ieux n aime fa ire saisir et vendre , était
une dispos it io n de stile qui autrefois, en Auvergne
s u r - t o u t , terminait toujours les sentences des condam
nations obtenues par les créanciers contre les débiteurs.
Déjà en possession, en sa qualité d ’héritier bénéfi
ciaire, non seulement des.im m eubles, mais encore de
tout le mobilier de la succession, le sieur Gueyfiier
de Long-Pré ne pouvait pas penser à prendre une nou
velle possession des immeubles, s e u l e m e n t à titre
pignoratif. Aussi ne il t-il aucun acte tendant a executer, en ce point, la sentence qu il venait d ’obtenir.
On ne rapporte aucune prise de possession de sa part.
Il continua de posséder comme il possédait auparavant,
c’est-à-dire en qualité d ’héritier bénéficiaire, et passa,
en cette qualité, quatorze diiTérens baux à ferm e, de
puis le 9 décembre 17G0 jusqu’au 3o décembre Ï7 6 1.
Ces baux seront produits.
:
L e sieur Gueyfiier lit plus : bientôt il opta pour la
saisie réelle. Afin d ’y parvenir, il fit faire au curateur,
1« 7 février 1 7 6 3 , un commandement recordé, con
tenant signification de la sentence du i 5 novembre
*760; commandement que suivit uu procès-verbal de
saisie réelle; celte saisie fut aussi signifiée au curateur,
avec une nouvelle notification de la sentence.
Alors le commissaire aux saisies réelles de la séné
chaussée de Riom fit procédai’ , le if> juin 17 6 3 , au
bail des immeubles saisis. Le sieur G u eyfiier, déjà
�possesseur de ces immeubles, et de quelques autres ,
s’en rendit fermier judiciaire.
Nous disons de quelques autres, car la saisie réelle
et le bail ne comprenaient pas tous les immeubles de
l ’hérédité. On n’avait pas saisi notamment des vignes
situées à Costecirgues, et plusieurs rentes foncières ou
autres.
Cependant des créanciers de Ja succession poursui
virent le sieur Gueyfiler comme héritier bénéficiaire5
et une eentence de la sénéchaussée d ’Auvergne, du 23
août 1 7 6 4 , le condamna à rendre compte du bénéfico
d ’inventaire.
- L e sieur Gueyffier présenta ce compte le
3o
no
vembre de la même année. On y voit qu 'il porte ,
dans le chapitre des recettes : i° le produit de tous
les b ie ns d e p u i s l ’o u v e r t u r e de la succession j u s q u ’il la
date du bail judiciaire} 20 celui des renies et des
vignes jusqu’à la date du compte, parce q u ’elles n’avaient
pas été saisies.
Ce compte, rendu judiciairement, est une nouvelle
preuve que le sieur
Gueyffier de Long-Pré n’avait
jamais possédé, ne possédait pas même alors à titre
pignoratif.
Le premier bail judiciaire n’avait été passé que pour
trois années, si lant la saisie reellc dure, porte le
procès-verbal.
Ces troià ans étant expirés, un second bail judi?
ciaire fut aussi passé, le 10 avril 1 7 6 6 , pour trois
années, avec la même restriction, si tant la saisie
réelle dure.
�L e sieur Gueyfiier de Long-Pre se; rendit
encore
fermier judiciaire.'
Mais il ne cessa pas de se considérer et d ’agir comme
bénéficiaire; car, le 10 août de la même année,
h é r i t i e r
il donna à ferme , en sa qualité d ’héritier, un immeuble
dépendant de l ’hérédité; et, les années suivantes, il
traita, aussi en la même q u alité, soit avec le sieur
Guillaume G ueyfiier, son frère, père des intimés ,
soit avec les créanciers de la succession, i
'*
L e traité fait avec Guillaume Gueyfiier est du 26
juillet 1767. Celui-ci y agit* pour lui et pour la dame
Soléliage, leur m ère, créancière de la succession.
Il réclame pour la mère des sommes dues en vertu
du contrat de mariage, du 27 juin 17 17 .
Il demande, de son chef, une légitime de rigueur,
et prétendait avoir le droit de l ’exiger même sur les
biens compris dans la substitution.
Le traité fait connaitre le peu de ressources que
présentait alors l ’hérédité. On y dit que sa valeur
était absorbée par des dettes, même antérieures au
contrat de mariage de 1 7 1 7 ; il y est aussi reconnu
que la dame Soléliage avait obtenu sa séparation de
biens en 1 7 5 1 .
Par cette transaction, le sieur Gueyfiier de LongPré s oblige, non seulement; comme héritier, riiaià
encore en son propre nom , ;i payer à sa mère son
douaire annuel, h l u i f o u r n i r , pour logement,* une
chambre m eublée, et h servir les intérêts d ’une somme
de 700 francs, qui lui restait due sur sa dot pécu
niaire.
•’
'r
z
�w
( 10 )
Il promet aussi à son frère une somme de
5oo
fr.,
pour lui tenir lieu de légitime paternelle; et Guillaume
Gueyffier lui cède tous les droits q u ’il pouvait pré
tendre, tant sur les biens compris dans la substitution,
que sur ceux de Jean Gueyffier son père.
E n conséquence , les parties renoncèrent U tout
procès.
L e sieur Gueyffier de Long-Pré prit ensuite des
arrangemens avec, les créanciers ; il acquitta leurs
créances; et il obtint la main-levée des oppositions
q u ’ils avaient formées à la saisie réelle. On rapporte
six de ces mains-levees : les a u t r e s , et même tous les
actes d ’arrangement, n ’ont pu se retrouver : près de
soixante ans d ’intervalle en ont fait perdre les traces;
en sorte que les héritiers du,sieur Gueyffier de LongPré seraient aujourd’hui privés de la r e s t i t u t i o n des
sommes payées par leur père, si la prescription n ’écartait pas l ’action en partage à laquelle ils résistent.
Muni des traités q u 'il avait faits, le sieur Gueyffier
présente, le iG mai 1770 , en qu a lité cVhéritier p a r
bénéfice cVinventaire de Jean G uey ffier, son père ,
une requête en radiation de la saisie réelle. Il y parle
des arrangemens q u ’il a pris avec les créanciers, des
main-levées d ’opposition q u ’il a obtenues. Il demande
la permission d assigner, soit les créanciers encore
opposans, soit le commissaire aux saisies réelles, soit
le curateur au bénéfice d ’inventaire.
L a permission fut accordée; une assignation fut
donnée aux parties intéressées; e t , par sentence du
17 août 1670, contradictoire avec le curateur et
�certains créanciers opposans, par défaut faute de
plaider, contre les autres et contre le commissaire aux
saisies réelles, la radiation de la saisie fut ordonnée.
En
rayan t
la saisie, la sentence fit disparaître les
droits dû commissaire, et par conséquent les effets du
bail judiciaire, q u i , d’après ses termes m êm e, ne
devait pas durer plus que la saisie, q u i, d ’ailleurs,
était expiré depuis la fin de 17 6 8 , et qui n’avait pas
été renouvelé.
Il est fâcheux pour la justice que cette sentence
n’ait pas été connue en première instance, et q u ’elle
n ’ait été retrouvée q u e d e p u is le j u g e m e n t 5 sans doute
elle eût évité a u t r i b u n a l de Brioude l ’erreur grave
d an s l a q u e l l e il est tombé 5 car elle ne laissait pas de
prétexte pour considérer, au moins depuis 1770 , le
sieur Gueyffîer de Long-Pré comme possesseur à titre
pignoratif, lui qui avait obtenu la sentence en qualité
d ’héritier bénéficiaire , et qui , dès ce m om ent-là
su r-tout, n ’eut plus que ce titre d ’héritier bénéficiaire
personnellement, et celui d ’héritier pur et simple,
comme cédataire des droits de G u illa u m e, son frère,
pour jouir de la succession du père commun.
Plus de trente ans se sont écoulés, même depuis
cette sentence, avant que la possession exclusive du
sieur Gueyffîer de L o n g - P r é ne fût troublée par la
demande en partage su r laquelle la C our aura à pro
noncer. Seulement il paraît que Guillaum e Gueyffîer,
père des intimes , avait demande la rescision de la
cession de droits d u 26 juillet 17G75 mais les deux
�^ V, *
( 12 )
frères traitèrent sur cette dem ande, par acte du 10
mai 1775.
C e Guillaum e Gueyfiier décéda le 28 août 17 7 8 ,
après avoir fait un testament en date du 7 juin 1 7 7 7 ,
par lequel il avait institué son épouse son héritière
universelle. Il parait que celle-ci avait formé contre
le sieur Gueyfiier de Long-Pré, en 17 9 3 , une demande
en partage de la succession de Pierre-Joseph G u e yfiie r,
second du n o m , q u ’elle disait mort aux îles. Cette
demande n ’a pas eu de suite; et même, par acte passé
le 4 b r u m a i r e an 12 entre la dame veuve de Guillaume
Gueyfiier et ses enfans (les i n t i m é s ) , elle a reconnu
q u ’elle n’avait aucun d ro it, soit à la succession de
Pierre-Joseph G ueyfiier, leur oncle \ soit à celle de
M arie-Anne Soléliage, leur ayeule.
Maurice G ueyfiier, frère du sieur de Long-Pré, et
onc le des i n t i m é s , est décédé en j u i l l e t 1796. Il
n ’avait ni accepté, ni répudié la succession de Jean
G u e y fiie r,
son père; il 11’en avait par conséquent
jamais demandé le partage. C ’est de son chef aujour
d ’hui que ce partage est réclamé.
C etle demande 11’a été intentée q u ’après la mort
du sieur Pierre-Joseph Gueyfiier de L on g-P ré, contre
Antoine Gueyfiier de Lespinasse, son fils. Elle fut
formée par exploit du 3 floréal an i 3 ; elle avait été
précédée de deux citations en conciliation, l’ une du
18 thermidor an 12, qui avait été abandonnée, l ’autre
du i 5 pluviôse an i 3 , qui avait été suivie d ’ un procèsverbal de non conciliation, du 19 du
mois.
Par ces divers exploits, les trois enl'ans de Guillaume
�Gueyffier ‘ réclamèrent le partage de la succession de
Jean Gueyfiier et de celle de Marie Soléliage , leurs
a y e u x , pour leur en être attribué un cin qu ièm e,
comme r e p r é s e n t a n t G u illa u m e , leur p ère, et le tiers
de deux autres cinquièmes, comme héritiers de Mau
rice et de Pierre-Joseph Gueyffier, deuxième du nom ,
leurs oncles.
Cette action resta long-tems sans poursuites ; elle
fut renouvelée par exploit du 9 novembre
1812,
négligée ensuite, reprise avec plus d ’activité en 1820,
enfin jugée le
23 mai
1821.
Le sieur Gueyfiier de Lespinasse avait employé en
défense des moyens puissans.
A la d e m a n d e en partage de la succession de Marie
Soléliage, il avait opposé une répudiation.
Contre celle de l ’héritier de Jean G ueyffier, il avait
fait valoir :
i° Les actes des 26 juillet 1 7 6 7 , et 10 mai 177Î),
contenant cession de droits successifs par Guillaume
G ueyffier, père des demandeurs}
20 Le défaut de preuves du décès de Pierre-Joseph
Gueyffier, absent 5
3° Une
prescription plus que trentenaire, qui avait
Anéanti les droits que pouvait avoir, soit ce PierreJoseph G ueyfier, soit M aurice, son frère.
Tous ces moyens paraissaient sans réplique.
Cependant le tribunal de Brioude se borna à dé
bouter les demandeurs de leur action en partage de la
succession de Marie Soléliage, et de celle q u ’ils avaient
�formée du chef de G u illau m e, leur père, relativement
aux biens de l ’ayeul.
Il les déclara non-recevables, quant h présent seule
ment , dans l’action exercée du chef de l ’absent ;
E t il accueillit leur demande du chef de Maurice,
leur oncle, en considérant comme précaire la possession
paisible et exclusive, pendant plus d ’un demi-siècle,
du sieur Gueyfiiier de Long-Pré et de son fils (i).
( i ) Voici le texte des motifs d u jugement sur cette difficulté prin-p,
cipale :
« Considérant qu après le décès de J e a n G u c y filer, ayeul des parties,
et de la succession de cujuSy arrive le 2 avril ï ^ 6 o t Pierre-Joseph
G ueyffier, son fils aîné et son héritier institué, renonça à son i n s t i
t u tio n , par acte du 29 ju ille t, même an n ée, et se porfa son héritier
bénéficiaire, inventaire préalablement fait desmpubles, titres et papiers
dépendans de la succession, en présence de ses autres cohéritiers ; q u e ,
p e u de tems après, il fit n o m m e r u n c u r a t e u r à c e l t e s u c c e s s i o n , contre
laquelle il forma une demande tendant à être envoyé en possession
pignorative des biens en dépendant,
ou à être autorisé à les faire
vendre en la manière accou tum ée, pour être payé des reprises ou
avances qui lui étaient dues par cette succession ; q u e , sur cette de
m ande, intervint sentence par défaut contre le curateur, le 12 novembre
1760, qui adjugea les conclusions des demandeurs; qu ’en vertu de cette
senten ce, il préféra posséder pignorativement les biens de cette suc
cession, au lieu de les faire vendre; qu ’il le s fit néanmoins saisir réelle
ment à sa requête, et s’en rendit le fermier judiciaire; que c ’est ce
qui résulte d ’ un procês-verbal qu’ il fit dresser de ces biens, saisis lo
2 juillet 1763 ; saisie réelle à laquelle cependant il parait qu ’on n’a pas
donné de suite ;
« Considérant que la partie de Mallye ne peut méconnaître cello
sentence, qui est l’ouvrage de son au teu r, des faits
te n u e ,
et
que les parties de Jonquoy peuvent
succès ; qu en vain la partie de Mallyo so
la
duquel
elle est
1»< opposer avec
retranche
dans la qualité
d héritier bénéficiaire, prise par sou a u te u r , pour établir qu’il lui
�( *5 )
Tel est le jugement que le sieur Gueyffïer de Lespinasse a soumis à l ’examen de la C o u r , en interjetant
¡¡ppgj par exploits des et Q^aout 1821.
Ses moyens sont aussi simples que décisifs.
L a fa c u lt é d’accepter la succession de Jean Gueyfiier
a été perdue pour les intim és, par plus de trente ans
de prescription.
L a propriété des biens de cette succession a été
suffisait de cette qualité pour se maintenir dans la possession des Liens
dépendans de la succession de cujus ; qu ’ il n’est pas moins vrai qu ’on
doit supposer à son auteur un intérêt quelconque pour a v o i r p r é f é r é de
se f a i r e envoyer en possession p i g n o r a t i v e d e c e s m ê m e s b ie n s , en vertu
de c e t t e s e n t e n c e o b t e n u e c o n t r e un c u r a t e u r de son choix , et a 1 insu
de ses c o h é r i t i e r s ; q u ’ il n ’ e n a pas moins changé volontairement le titre
de sa possession, dans le dessein sans doute de faire voir qu’ il abandon
nait cette succession pour en jouir avec plus de sécurité ; que cette
sentence a été exécutée ; que cette exécution résulte de la qualité de
ferm ier, qu’il a prise, et que cette qualité suppose une possession or
donnée par Justice; et que cette possession ne p o u v ait, dans l ’espèce ,
que se rattacher à la possession pignorative qu ’ il avait obtenue par la
sentence de 1760; que dès-lors la partie de M allyc ne peut se plaindre
que les parties de Jonquoy invoquent contr’ellc un titre que son auleur
s’est créé lui-même dans son intérêt personnel, et qui existe dans toute
sa force, sur-tout lorsqu’ il s'agit d'écarteF un m oyen de prescription
°pposé par un héritier à ses cohéritiers,
sacrée ;
qui réclament une dette
" Considérant dès-lors que la possession de la partie de M a l l y c , ou
son auteur , n’est fondée que sur la sentence du 12 novembre 17G0 ;
qu’ elle n’a joui, par elle ou par son auteur, que pignorativement de ces
biens, que comme un gage de sa créance; qu’ une pareille jouissanco
n ’est que précaire, et ne peut produire une prescription utile, quelque
tems qu ’ elle ait durée ; q u ’il f a u t , pour acquérir une pareille p r e s c r ip
tio n , jouir animo dom ini; et que £a jouissance n ’a pas de
th 'c , etc. >1
caisc-
/
�acquise à l ’appelant par une possession utile et plus
que trentenaire.
Il suffirait, pour le succès de la cause de l ’appelant,
de démontrer une seule de ces propositions.
Il prouvera surabondamment q u ’elles sont toutes
les deux également vraies.
•
P R E M IÈ R E PR O PO SITIO N .
L a fa c u lté d ’accepter la succession de Jean Gueyjfier
a été perdue par p lu s de trente ans de prescription. >
«
Fixons les faits et leurs dates.
Jean Gueyfiier est décédé le
3 avril
1760.
A son décès, sa succession n ’a été acceptée que par
Joseph Gueyfiier de Lon g-P ré, son fils, soit lors de
l ’inventaire du 27 juin 1760, soit par un acte au
greffe, du 27 juillet suivant.
Maurice G u eyfiier, prêtre, au nom duquel agissent
les intimés, n ’accepta point alors, n’a point accepté
depuis.
Il est décédé, en 1 7 9 6 , sans avoir rien fait, sans
avoir exprimé aucune intention qui put être consi
dérée comme un acte d ’héritier.
O r , de 17G0 à 1 7 9 6 , trente-six ans s’étaient écoulés,
c’est-à-dire, plus d ’années qu il n ’en fallait pour le
cours de la seule prescription admise en Coutume v
d’Auvergne , et de la plus longue de celles connues
dans le Droit romain.
A sa m ort, ses uoveux, enfans de G u illaum e, ont
�( 17 )
encore gardé le silence; ils ne l ’ont rompu q u ’en i 8o 5 ,
pour réclamer judiciairement le partage de la succes
sion de Jean Gueyffier, dont ils ont pris alors, pour
la première fois , la qualité d ’héritiers du chef de
M a u r i c e , leur oncle.
Quarante-cinq ans d ’abstention permettaient-ils
encore à ces prétendus héritiers de se présenter pour
accepter enfin une succession si long-tems abandonnée
par eux, et qui cependant n’était pas vacante, puisque
le sieur Gueyffier de Long-Pré l’avait acceptée luimême dès son ouverture?
L ’article 789 du Code civil répondra à la question
en ces termes :
« L a f a c u l t é cV accep ter ,
ou de répudier une
« succession , se prescrit par le laps de tems requis
« pour la prescription la p lu s longue des droits
« immobiliers. »
O r , si l ’on consulte l ’article 22G2 du C od e, qui
fixe la durée de la prescription la plus longue^ on y
verra que cette durée est de trente ans :
« Toutes les actions, tant réelles que personnelles,
« sont prescrites par trente ans, sans que celui qui
« allègue cette prescription soit obligé d’en rapporter
<( nu titre, ou q u ’on puisse lui opposer l’exception
“ déduite de la mauvaise foi. »
Les textes des deux articles sont clairs et formels.
Mais, dira-t-on peut-être, que sert ici le C o d e ,
puisqu’il s’agit de droits ouverts avant son émission?
Nous pourrions nous borner à répondre que le Code
n’a pas établi un principe nouveau, et q u e , dans cette
3
�( i8 )
partie de notre droit comme dans le surplus, les nou
veaux législateurs se sont bornés à recueillir et à.
réunir en un seul corps les principes épars dans les
lois romaines, les statuts coutumiers, les autorités des
arrêts et les opinions des jurisconsultes.
Il n’est pas difficile, au reste, de prouver q u ’autre
fois, comme aujourd’ h u i, la f a c u lt é d'accepter une
succession se prescrivait par trente ans.
- Suivant le Droit romain, la prescription de dix
ans, appelée prœscriptio longi temporis , ne suffisait
pas pour d é t r u i r e l ’ a ct io n en pétition d ’hérédité. C ’est
ce que décide la loi 7 , Cod. D e petitione hœreditalis.
Pourquoi ? parce que les droits personnels n ’ é t a ie n t
pas effacés par cette sorte de prescription. C ’est la
remarque de Godefroi sur cette loi : Personales
actiones decennio nul viccnnio non tolluntur.
Mais la prescription de trente ans éteignait l’action :
P etitio hœreditatis prescribitur triginta annisj ajoute
Godefroi.
Cette prescription de trente ans s’appliquait à toute
espèce d’actions, soit spéciales, soit universelles, soit
personnelles. Elle s’étendait même à celles q u i, dans
l ’ancien droit, étaient désignées sous le nom de perpé
tuelles. La loi 3 , C . D e p r œ s c r ip tio n e 3o v e l /|0
annoruinj s’exprime ainsi :
S ic ut in rem sp écia les, ita de universitate ac per
sonales actiones ultra triginta annorum spntimn
minime protendantur......... Jfœ aillent actiones anno
triginta contmuis cjclinguantur (pue perpétua vulebantur.
�!9
L e président Faber, dans son code, rappelle cette
règle :
Il est permis à l ’héritier naturel, dit-il, de ne pas
prendre de qualité, tant q u ’il a le droit d’accepter la
succession, c ’est-à-dire pendant trente ans : Tarn d ik
eniiii tacerè illi perm ittitur, quàrn cliü liberum est ci
aclire hœreditatem, id est, usque ad triginta annos
(Voyez livre 6 , titre 11 , yjef. 46 ).
C ’est dire assez clairement que l ’héritier qui ne
s’explique pas dans les trente ans perd le droit d ’acçepter l’hérédité.
Dans la définition 11 du titre x i , l ’a u t e u r a jo u t e
que l ’héritier qui n ’ a ni r é p u d ié ni a c c e p t e , est tou
jo ur s ad m i s si b le h a p p r é h e n d e r 1 hérédité, pourvu que
ce soit dans les trente ans : Salvum illi erit ju s
adeundi quandocumquè
dum modo
intrà triginta
annorum. Le m o tif de cette restriction est indiqué
dans une note : c’est parce que le droit d ’accepter une
hérédité se prescrit par trente ans, comme tous les
autres droits perpétuels. Jus adeundi præscribitur
hodiè spatio triginta annorum , ut et cœtera ju r a
perpétua. A l ’appui de cette note, l ’auteur cite la
loi 3 , C. de prœscrip. 3o v e l /jo annorum.
Ainsi, dans
appelé par la
trente ans sans
Il ne lui était
la pureté du Droit romain, celui qui,
loi à une succession, laissait écouler
se porter héritier, était privé de ce litre,
plus permis d ’accepter l ’hérédilé.
Dans le Droit français, où était admise la maxime:
N u l n ’est héritier qui ne v e u t, comment la même
prescription n’aurait-elle pas frappé celui qui aurait
�gardé trente ans de silence absolu depuis l ’ouverture
de la succession ?
,
■
«
«
«
«
«
«
«
u
u
«
« L ’usage de la prescription, dit l ’immortel auteur
des Lois civiles, n ’est pas seulement d ’acquérir la
propriété à ceux qui ont prescrit par la possession,
et de dépouiller les propriétaires qui ont laissé
prescrire; mais il y a encore un autre usage des
prescriptions, où la possession n ’est pas nécessaire,
qui est celu i tVanéantir les droits et actions q u ’on
a cessé d ’exercer pendant un tems suffisant pour
prescrire. Ainsi un créancier perd sa dette, et tous
droits et actions se perdent, quoique ceux qui en
sont débiteurs ne possèdent rien, si on ne dem ande ,
« ou si on cesse d ’exercer le droit pendant le tems
« réglé par la loi. »
L ’application de cette doctrine aux droits d ’un
h é r i t i e r p r é s o m p t i f est aussi facile que naturelle : il
a la faculté d ’accepter; mais il la perd, cette faculté,
si trente ans s’écoulent sans q u ’il l ’exerce. Alors le
titre d’héritier et les droits qui y sont attachés n’existent
plus pour lui.
Furgole, dans son Traité des Testamens (chap. 10,
section i re, n° i 5y ) , enseigne la même doctrine :
« Afin qu ’on soit recevable à accepter une hérédité,
« il faut venir dans les tfcrns marqués par les lois, et
« que le droit de 1 héritier n ait pas été éteint par la
« prescription. »
lia loi 8, cod. de ju r e d e lib ., décide q |ie “ le
« droit d’accepter une hérédité n ’est pas sujet à la
<< prescription de long-tems, c’esL-îi-dire de di xans.
�( ai )
' M A
« Il n’est donc su jet qu’à la prescription de trente ans
«
l ’ouverture-, et quoique certains auteurs aient
d e p u i s
« cru que la faculté d’accepter une hérédité ne se
« perd pas par la prescription de trente a n s, il n’y a
« pas liç£ de douter que l ’opinion contraire ne soit
« c e r t a i n e , parce que le laps de trente ans est le
a terme fatal de toutes les actions personnelles ».
h . 4 et tôt. , tit. C. de prœscript. 3o v e l 40 annorum.
L ’auteur ajoute cependant qu e, si l'héréd ité était
v a ca n te, et sur la tête d ’ un curateur qui serait un
simple dépositaire, elle pourrait être acceptée pendant
trente ans.
M.
M e r l i n e x a m i n e la q u e s ti o n avec sa profondeur
or d in a ir e (i)* Il cite les o p in io n s de Sand et de V oet,
auteurs B e l g e s , sur la faculté q u ’a l ’héritier naturel
de délibérer pendant trente ans, s’il n’est pas poursuivi,
nemine urgente; mais sur la nécessité où il est d ’ac
cepter dans les trente ans, pour ne pas être exclu de ce
droit : Antequhm tempore ah adeundd hœreditate
excludatur.
Il rapporte aussi et développe l ’avis de Furgole.
En fin il détermine les conséquences de cette doctrine:
« Pour nous fi.\/er sur ce point important, d it- il,
<( nous devons rechercher quelle e s t , relativement
“ aux successions *qni vsont restées vacantes pendant
« trente ans , l'eflet de la prescription du droit
« d ’accepter. Cet effet est très-bien déterminé par
« Gomès, dans ses f^ariœ l'esolutiones, t. 1 , ch. 9 ,
0)
Voyez R épertoire, au mot J U iU ier, section 3 , paragr. i Cï.
�i
( 22 )
« n° 2 7 , ju s adeundiprœ scribiturper triginta annos^
« undc si infrà eos hceres.... N on adivit hœredilatem
« sibi delatam e x testamento v e l ab intcstato, amittit
\
« cam ,etdevplviturproxim ioriingraduipsiusdefuncti.
« A in si, par la prescription, du droit (^accepter,
« il s’opère une dévolution de ce droit aux parens du
« de gré qui suit immédiatement celui dans lequel se
« trouvent les parens qui en o n t, pendant trente ans,
« négligé l ’exercice. »
I
L ’auteur suppose que tous les héritiers au premier
degré o n t né gligé p e n d a n t trente ans d ’user de leurs
droits; ce q u i, en fa isa nt d is p a ra ît re ces droits, pro
duit la dévolution de l ’hérédité en faveur des hé rit ie rs
d ’un degré inférieur.
z
. A plus forte raison doit-il en être ainsi, lorsqu’un
des héritiers au premier degré a accepté la succession ;
à sa portion doit alors accroître celle de ses cohéritiers,
q u i , par trente ans de silence, ont perdu la faculté
d ’accepter.
Cette doctrine était applicable sur-tout en Auvergne,
dont la loi municipale (art. 2 , tit. 17 ) déclare que
tous droits et actions corporels ou incorporels se pres
crivent, acquièrent et perdent p ar le laps et espace
de trente ans.
Tels étaient les principes sous lesquels s’était ouverte
la succession de Jean Gueyfiier père, décédé à Brioudc.
Il avait laissé cinq enfans appelés à la recueillir;
mais ils pouvaient ne pas répondre à cet a p p e l : car
on n’est pas héritier malgré soi. Pour q u ’ ils devinssent
héritiers, il iulluic q u ’ils acceptassent; sans accepta-
*
�( >3 )
lion ils étaient seiilement héritiers présumés, avec
la faculté de devenir héritiers réels. Mais cette faculté
devait être exercée dans le délai fixé par la l o i , c’està-dire , a v a n t les trente ans. Elle s’est éteinte en eux,
s’ils n ’en ont pas u sé , et si d ’autres héritiers ont
accepté eux-mêmes. ,
O r , c’est précisément ce qui est arrivé. L a succes
sion de Jean Gueyffier n’a jamais été vacante. Le sieur
Gueyffier de Long-Pré l ’a acceptée, dès son ouverture,
sous bénéfice d ’inventaire.
L e sieur Guillaume Gueyffier, après s’être abstenu
pendant quelques années, l ’a aussi a c c e p t é e , meme
, purement et simplement, en cédant ses droits hérédi
taires, moyennant un prix, au sieur de Long-Pré ,
son frère.
A insi, ce dernier a été saisi de l ’hérédité, non seu
lement comme héritier bénéficiaire, mais encore comme
héritier pur* et simple , puisqu’il représentait son
cédant.
11 a seul possédé, dès le décès du père com m un, le
titre d ’h éritier, le j u s et nomen hceredis.
Ce titre d’ héritier, ce j u s et nomen hceredis, il l ’a
possédé exclusivement, et sans trouble, pendant plus
de trente ans.
Qu importerait donc que le sieur de Long-Pré eût
ou non été détenteur aussi des immeubles de la suc
cession ?
Fiit-il vrai même que ces immeubles avaient été
détenus précairement, tout détenteur précaire ne les
aurait possédés que pour le sieur de Long-Pré, parce
�<ÎJK
(»4
5
q u e, scs frères s’étant abstenus, lui seul, qui avait
accepté, était seul aussi rhomme'de la succession, en
était le vrai propriétaire et le vrai possesseur.
Ce titre d ’ héritier, dont il a joui sans partage
p e n d a n t le tems le plus long que les lois fixent
pour la prescription, ce litre d ’héritier, il a le droit
de continuer d’en jouir aussi sans partage, et de l’op
poser à des personnes qui ont dédaigné la succession lors
q u ’elle était embarrassée, onéreuse, et une occasion de
tracasseries et de sacrifices. Il a le droit de leur dire que
leur abstention pendant p lu s de 4o ans, et l ’occupation
du ju s et nomen hœredis, par lui s e u l , pendant ce long
période, leur ont fait perdre la faculté d ’accepter u n e
hérédité qui n ’est devenue aujourd’hui liquide que
par ses soins, affranchie de charges q u ’à ses frais, et
qui offrirait p e u t - ê t r e quelqu’avantage, mais s e u l e m e n t
j>arce que les titres des dettes acquittées se sont la.
plupart égarés, et parce que les sommes considérables
employées à satisfaire les créanciers ne seraient pas ,
dans les comptes du partage, considérées comme valant
plus aujourd’hui q u ’en 1760; tandis que la valeur des
biens s’est beaucoup accrue , tandis que les mêmes
sommes, si elles eussent servi alors à acquérir des
immeubles, au lieu de payer les dettes héréditaires ,
auraient produit au sieur de Long-Pré une valeur plus
que triple.
Cette première dissertation suffirait pour repousser
les prétentions tardives des intimés, et pour démon
trer l’erreur du jugem ent, quand il serait vrai que le
sieur Gueyffier n’aurait pas possédé pendant trente
�(
*5 )
ans, ou n’auïait possédé que pignorativement les biens
de la succession en litige.
Mais, sous ce second rapport aussi, l ’erreur du ju
gement est palpable.
D E U X IÈ M E PR O PO SIT IO N .
)
L a propriété des biens de la succession a été acquise
à Vappelant par une possession utile et p lu s que
trentenaire.
Pour, motiver leur décision, les p re mi er s ju g e s ont
dit :
Que le sieur G u e y f f i e r de Long-Pré fit nommer un
curateur à la succession de son père;
Q u ’il forma contre ce curateur une demande [ten
dante à être envoyé en possession pignorative des biens
de la succession ; '
Q u ’en exécution de cette sentence,' il préféra pro
fite r pignorativement des b ien s , que de les fa ir e
vendre ; q u ’il les f i t saisir réellem ent 3 et s ’en rendit
ferm ier ju d icia ire ; que l ’exécution de la senténce ré
sulte de la qualité de fermier q u ’il a prise ;
Q u e c e l t e q u a l i t é de f e r m ie r suppo se u n e possession
01 donnée p a r
la J u s t i c e ; et q u e c e t t e possession
ne
p o u v a i t , dans l ’esp èce, se r a t t a c h e r q u ’à la possession
p ig n o r a t i v e q u ’ il a v a i t o b t e n u e ;
Que dès-lors sa possession et celle de scs héritiers est
fondée seulement sur la sentence du i5 novembre
17G0; qu ’ils n’ont joui du bien que pignorativement,
4
)
�( ’G )
et Comme du gage de leur créance; q u ’une pareille
jouissance n’est que précaire, et ne peut produire de
prescription.
Tels sont, en analise, les motifs du jugement.
Ces motifs prouvent que les faits n ’ont été ni bien
connus, ni bien appréciés : ils présentent beaucoup
d ’idées fausses ou contradictoires.
Il y a eu erreur de f a i t , lorsqu’on a dit que le
sieur de Lon g-P ré avait formé contre le curateur
une demande tendante à être envoyé •en possession
pignorative .
L e seul bu t q u ’il ait e u , q u ’ il ait pu avoir en
agissant contre le curateur, a été de faire liquider
ses créances.
Q u ’avait-il besoin d ’un envoi en possession pigno
rative?
Déjà il avait pris la qualité d ’hériter bénéficiaire;
déjà, en cette q u a lité , il était en possession des biens.
.Cette possession réelle et légale rendait absolument
inutile pour lui une sentence d’envoi en possession
nouvelle. Mais il lui était utile d’obtenir la liquidation de
ses créances , ainsi q u ’uue condamnation exécutoire
contre une succession q u ’il n ’avait acceptée que sôus
bénéfice d ’inventaire, et dont les actions et les biens
étaient, par cette précaution, séparés de ses propres
actions et de ses biens personnels.
Tel fut le m otif qui 1# détermina
faire nommer
un curateur au bénéfice d ’inventaire, à assiguer ce
�(
27 )
curateur en paie men t, (le ses ciéances, e t a. faire pro
noncer la sentence du i 5 novembre 1760.
Cet te sentence liquide les créances à la somme de
36,485 francs de pr inci pa ux , por tant intérêt depuis
lo ng -t em s. C ett e'l iqu id a ti o n est la disposition princi
pa le de la sentence.
Il est vrai q u e , dans une disposition secondaire, il
est ajouté :
* « Pour parvenir au paiement des condamnations
« ci-dessus prononcées, tant en principal et intérêts
« que frais et dépens, permettons au suppliant de
« jouir pi gnorativefnent, et se mettre en possession
« des immeubles des successions des dits P i e r r e (1) et
« Jean G u e y f f ic r , si m ieux ri aime les faire saisir et
« vendre par décret en nos audiences, en la manière
« ordinaire. »
On voit que la sentence n ’envoyait pas directement
en possession pignorative.
Seulement elle permettait de jouir pignorativement,
et de se m ett re, à cet effet, en possession.
C ’était une faculté q u ’elle accordait, et non une
possession q u ’elle attribuait sur-le-champ.
C ette faculté pouvait être exercée ou négligée.
Cett e faculté était même subordonnée à. une action
qui devait en précéder l ’exercice, si m ieux il r i aime
fa ire saisir et 'vendrej dit la sentence.
A i n s i, pour jouir pi gnorativem ent, il eût fallu que
( . ) Pierre Gucyfficr ¿Lait le père de Jean <pi lui aYait succédé. Le?
deux successions étaient confondues.
�le sieur de Long-Pré fit quelqu’acte tendant à sa mise
en possession pignorative ; q u e , par exemple, il dé
clarât au curateur q u ’il entendait opter pour la jouis
sance pignorative ; q u ’il l ’assignât pour assister à une
prise de possession, faite en exécution de la sentence*,
et q u ’il fit dresser un procès-verbal de cette prise de
possession.
O r , le sieur Gueyffier de Long-Pré n ’a jamais fait
d ’actes semblables ; jamais il n ’a usé de la permission
de jouir pignorativement ; jamais il ne s’est mis en
possession , à cet eft'et, des immeubles de la succession;
jam ais, par conséquent, il n’a opté j>our cette faculté
que lui donnait la sentence.
C ’est donc une idée fausse, que celle qui suppose
q u i i a j o u i pignorativement.
A u contraire, il a opté pour la seconde faculté q u e
lui d o n n a i t la s e n t e n c e ; celle de fa ire saisir et vendre 3
par décret, les immeubles de la succession.
Cette seconde faculté était en opposition avec la
première. Il lui était permis de jo u ir pignorativementy si mieux n ’aimait fa ir e saisir. Il a fait saisir :
donc il n’a pas voulu jouir pignorativement.
C ’est encore une idée fausse, et contradictoire en
quelque sorte avec elle-même, que de rattacher la
jouissance comme fermier judiciaire, à la jouissance
pignorative permise par la sentence de 17G0.
Possesseur à litre pignoratif et fermier judiciaire
sont deux qualités incompatibles.
Le possesseur à titre pignoratif a y a n t , dans la sen
tence d envoi en possession, uu lin e pour jou ir, n ’a
�(
29
)
pas besoin de s’en procurer un nouveau en affermant
judiciairement.
L e possesseur à titre pignoratif jouit en son propre
n o m , administre les biens à son g r é , en conserve la
j o u i s s a n c e , tant qu ’il n’est pas payé de sa créance*, il
fait les fruits siens, et les compense ou intégralement,
ou jusqu’à due concurrence , avec les intérêts de ce
qui lui est dû.
L e fermier judiciaire, au contraire, ne jouit qu'au
nom du commissaire aux saisies réelles ; il ne conserve
la jouissance que pendant la durée de son bail ; il
doit en payer annuellement le prix au commissaire 5
c’est ce dernier seul qui est le vrai administrateur des
biens saisis.
La saisie réelle, suivie d ’un bail judiciaire, détruit
même le titre pignoratif, si le possesseur laisse exé
cuter ce b a i l , que ce soit lui ou un tiers qui devienne
fermier judiciaire; car alors les immeubles passent
sous la main de la Justice : ils ne sont plus en la
possession du créancier, et sa jouissance p i g n o r a t i v e
disparait.
C ’est donc une grande erreur que d ’avoir confondu
la jouissance pignorative avec celle d ’un fermier judi
ciaire , et de s’être servi, contre le sieur Gueyffier de
Long-Pré, de cette dernière qualité, q u i, comme 011
le verra, n ’a été en lui que momentanée, pour lui
attribuer la qualité de possesseur à titre p ig n o ra tif,
q u ’il n’a jamais eue.
M ais, pour prouver de plus en plus le mal-jugé de
la décision des premiers juges,
rappelons quelques
�PM
(
3o
)
principes, rattachons-y les faits, et déterminons les
conséquences de ce rapprochement.
D ’Argentré, sur Particle 265 de la Coutume de
Bretagne, chapitre 5 ; M. M erlin, dans son Répertoire
de Jurisprudence, au mot Prescription (section i re,
§ 5 , art. 3 , n° 5 ) , posent des règles propres h. lever
tous les doutes, et q u ’il est utile de transcrire :
« i° Celui qui a un titre est présumé posséder en
« vertu et en conformité de ce titre : c’est la cause
« appavente de sa possession, et rien n ’est plus naturel
« que de les référer l ’ un à l ’autre. Les lois ont pris
« d ’ailleurs soin d ’assurer ce principe : A d primor« clium iitu lij dit un texte célèbre du Droit romain,
« semper posterior form atur eventus, ( C ’est le texte
de la loi unique, au Code de imponendd lucrativd
descriptione. )
« 2° Celui qui a plusieurs titres est censé posséder
« plutôt en vertu de ceux dont la validité n ’est pas
« susceptible de contradiction, que de ceux dans les« quels on peut trouver des défauts ou des nullités.
« I I peut même 3 sur-tout quand i l est défendeur ,
« rapporter sa possession à ce lu i des titres q u ’il ju g e
« ii propos, pourvu q u ’en le faisant il ne choque pas
« trop la vraisemblance.
« 4° Quand il n ’y a pas de circonstances ou de
« raisons pressantes pour faire présumer q u ’ou a pos« scdé pour un au tre, c’est pour soi-i»^mc qu on est
« censé l’avoir l’a it. »
�’
% V
( 31 )
Toutes
ces
règles ont un trait direct à la difficulté
qui s’est élevée dans la cause.
Quel t i t r e avait le sieur Gueyffier de Long-Pré
p o u r posséder? et, en supposant qu ’il en eût p l u
s i e u r s , quel est celui dont il a fait dès l ’origine et
c o n s t a m m e n t usage? quel est le seul même qu ’il ait
conservé depuis 17 70 ?
La réponse à ces questions se trouve dans le résumé
des faits.
•v. L a succession de Jean Gueyffier s’ouvre le
1760.
3
août
Dans un inventaire du 27 juin', et par un acte au
greffe, du 27 juillet de la même annee, le sieur
Gueyffier déclare accepter cette succession sous béné
fice d ’inventaire.
Ainsi, dès l ’ouverture de la succession, il prend la
qualité d ’héritier; il est investi de ce titre , qui est
indélébile, comme on le sait : Q ui sem el liceres semper hœres.
Ce n ’est pas tout; il se met en possession, en sa
qualité d ’héritier bénéficiaire, de tous les biens meu
bles et immeubles de la succession. L ’inventaire du
27 juin 17G0 en fait foi, quant au mobilier. L e fait
est attesté, quant aux immeubles, par quatorze baux
passés dans les années 17G0 et 1 7 6 1 , par lesquels, en
qualité d ’ h é r it ie r b é n é f i c i a i r e , il donne à ferme des
biens de l ’hérédité.
-.
Il fa it, il est v r a i, liquider ses créances person
nelles; il obtient des, condamnations considérables
contre un curateur de la succession bénéficiaire ; ou
�■t f t f
(30
lui permet (le se mettre en possession pignorative, si
m ieux il n’aime fa ir e saisir et vendre.
Mais il n ’use pas de la première faculté; il ne se
sert que de la seconde : il fait saisir.
Pendant cette saisie, et pour ne pas perdre la
possession q u ’il avait eue dès le moment du décès du
père, il se rend, il est encore vrai, fermier judiciaire.
Mais la saisie réelle q u ’il fait faire, le bail judi
ciaire q u ’il accepte, ne l ’empêchent pas de posséder
encore, de se considérer lui-mêm e, et d ’être considéré
par les autres, même par la justice, comme héritier
bénéficiaire.
I l continue de posséder à ce titre ; car le mobilier
de l’hérédité, plusieurs rentes et une vigne qui en
dépendaient n ’étaient pas compris dans la saisie réelle;
et il en garde la possession.
I l se considère lui-m ém c comme héritier bénéfi
ciaire ; car il passe un bail en cette qualité, le 10 août
1766.
I l est considéré comme te l , non seulement p a r luim êm e, mais encore p a r la ju stice .
Car les créanciers le poursuivent et le font con
damner, en cette q u alité, par sentence du 23 août
1764$ et- c’est en cette qualité q u ’il rend judiciaire
ment un compte de bénéfice d ’inventaire; compte dans
lequel il porte en recette la valeur du mobilier, celle
des jouissances devons les immeubles jusqu’à la date
du bail judiciaire, les jouissances postérieures même a
ce b a i l , pour les rentes et les vignes q u i n’avaient pas
¿té saisies; compte où il porte, eu dépense, diverses
�V * *
( 33 )
sommes payées aux creanfciers de la succession ; compte
qui
jusqu’à l ’évidence, q u ’il n’avait jamais
p
r
o
u
v
e
'
cessé de jouir comme héritier bénéficiaire.
B i e n t ô t il traite avec son frère G u i l l a u m e , reçoit
dans l ’acte la qualité d ’ héritier bénéficiaire, et achète
les droits.d’iin héritier pur et simple.
E n fin , voulant faire disparaître la saisie réelle, il
prend des arrangemens avec les créanciers; il demande,
en qualité d ’héritier bénéficiaire , fait prononcer, aussi
en cette qualité, la radiation de la saisie, et annulle
ainsi les baux judiciaires, q u i, déjà même, étaient
expirés, n ’avaient pas été re no u ve lé s , et q u i, d ailleurs,
d’après une clause expresse, ne devaient durer q u ’au
tant que la saisie.
Comment d outer, d ’après ces circonstances, que ce
n ’est ni pignorativement, ni précairement, mais que
c est comme héritier, comme propriétaire, que le sieur
Gueyffier de Long-Pré a toujours joui des biens de. la
succession ?
N ’a-t-il pas le droit de dire, en invoquant la pre
mière règle ci-dessus rappelée, q u ’il faut considérer
1 origine de sa possession pour en apprécier les effets?
et fIue ? puisqu’au moment de l'ouverture de la
succession, il s’est déclaré héritier bénéficiaire; puisqu a ce moment même il s’est mis en possession
des biens en cette qualiié ; puisque c’eât, en cette
qualité aussi-qu’il a rendu compte du mobilier reçu ‘
lors de l'inventaire, et des jouissances perçues dès la
première année*, n’a-t-il pas le droit de dire q u ’il est
�n
(
34
)
présumé avoir possédé en conformité de son titre
d ’héritier ? A d primordium titu li semper posterior
fo rm a lu r eventus.
N ’a u r a i t - i l pas aussi le droit, s’il y avait du doute,
d ’invoquer la seconde règle ? e t , en supposant q u ’il
eût eu réellement plusieurs titres de possession, n’au
rait-il pas le droit de choisir le titre valable plutôt que
le titre vicieux, e t, lui sur-tout qui est défendeur,
de rapporter sa possession à sa qualité d ’héritier,
plutôt q u ’à un titre précaire?
Ne serait-il pas même autorisé à soutenir que s i ,
suivant les jn’incipes, le détenteur précaire possède
pour le propriétaire, et si la possession du premier
sert au second ( i ) , sa possession, même à un titre
précaire pendant un certain tenis, n’aurait pu servir
à d’autres q u ’à l u i - m ê m e , en sa q u a l i t é d ’ h é r i t i e r ?
C ar lui seul ayant accepté la succession, c’était lui
seul aussi q u i, pendant cette possession, aurait été le
vrai propriétaire des biens de l ’ hérédité, les autres ne
pouvant le devenir avec l u i, q u ’en prenant un ti t re
d ’héritier q u ’ils avaient refusé lors de l’inventaire.
Enfin le sieur de Long-Pré et son fils ne seraient-ils
pas fondés à remarquer, suivant la dernière règle de
M. M erlin, q u ’ils sont présumés avoir possédé pour
eux-mêmes , puisqu'il n ’y a pas de circonstances ou
de îaisons pressantes p o u r f a it e pre'sutner cju ils ont
possédé pour un autre?
( i ) Voyez Dunod , Traile do la
»ïliclcs 2228 et a» 3G.
P rescrip tio n
, cl». 7 , cl Code civ il,
�E t pour q u i a u r a i e n t- il s possédé?
S e r a i t - c e .
pour les autres enfans de Jean G u e y filer?
Mais ils ne s’étaient pas portés héritiers.
S era it- ce pour les créanciers de la succession ?
Mais ils avaient été désintéressés.
Serait-ce pour la Justice ou pour le commissaire
aux saisies réelles, chargé par elle d ’administrer les
biens saisis ?
Mais les biens saisis ne formaient pas tous ceux de
l ’hérédité.
Mais la Justice n ’est pas propriétaire des biens
qu’elle fait administrer : on ne peut d o n c pas posséder
pour elle.
Mais enfin la Justice elle-même avait dépouillé' le
commissaire aux saisies de son administration , en
rayant la saisie réelle par la sentence du
17
août
1770, rendue avec le commissaire, avec le curateur
au bénéfice d ’inventaire, et avec tous les créanciers.
Celte sentence nous fournirait un nouveau moyen,
s’il était nécessaire 3 car les moyens abondent dans
cette cause.
On sait que le possesseur, même précaire, peut
prescrire, lorsque le titre de 6a possession se trouve
interverti.
G est un principe élémentaire, que celui qui pos
sède précairement commence à posséder pour soi x
comme m aître, par la déclaration de sa volonté.
« Le propriétaire qui le sait et qui le souffre, dit
« D unod, est ccnsu avoir abandonné la possession
« qu’il avait.
�if'f-y
(
3C
)
« Ainsi, non seulement le fermier, mais encore le
« créancier, le dépositaire, l ’administrateur du bien
« d’a u tru i, le vassal, l ’emphitéote, le censitaire,
« l ’usufruitier, la douairière, et généralement ceux
« qui ont la possession d’a u t r u i, changent leur pos<< session lorsqu’ils le veulent, et q u ’ils le déclarent
ft ¡par des faits et des actes extérieurs. C ’est ce q u ’on
« appelle une interversion, une contradiction, relativejp,e,nt à laquelle on prescrit; car l ’on u ’acquiert
« par cette voie que ce que l ’on a déclaré vouloir
« possédçr. >f
Le
ticle
Code civil a résumé ces p r i n c ip e s d an s l ’ar
2238.
' L eu r application à la cause est facile.
Les faits et les. actes prouvent que le sieur de LongPré a toujours-joui comme héritier de tous les biens
meubles o f i m m e u b l e s de la succession de son père ,
à l ’exception, de ceux q u ’il fit saisir réellement luimèxue, en qualité de créancier, par procès-verbal du
27 avril 1763.
Il
devint fermier judiciaire des immeubles saisis ;
çt ¿i, sous ce rapport, on le considérait comme dé
tenteur précaire do, ces immeubles, au moins est-il
certain que sa possession précaire aurait cessé avec le
b a il, avec la saisit* réelle, dont la sentence de 1770
prononça la radia lion.
.CeUo sentence, il la fil rendre en (¡milité d’hériüu*'
b/MiéJicinire.
' ■
, j
1 H l'obtint contre toutes les parties intéressées., et
même contradictoirement contre lu curateur au béné-
�c
37
)
•fice d ’ i n v e n t a i r e , c’est-à-dire contre l ’ homme qui re
présentait la s u cc e s si o n , lorsqu’ il ne pouvait pas, dans
les a ctions q u ’il a v a i t à exercer, la représenter
lui-
meme.
Cette sentence f a it main-levée au sieur Gueyffier
de la saisie r é e l l e e t
nulle et sans ejjet.
ordonne q u e lle
demeurera
E n traitant d’abord, comme héritier bénéficiaire, avec
les créanciers opposans à la saisie réelle; en demandant
ensuite, en cette qualité, contr’eux et contre le cura
te u r, la main-levée de cette saisie; en la fa is a n t pro
no n c e r avec eux et le c u r a t e u r , t o u j o u r s en qua lité
d'héritier 3 le sieur de Long-Pré aurait fait évidemment
disparaître le titre précaire, dont la saisie réelle était
la base. Des cet in stan t, s il a possédé les immeubles
saisis, ce 11’est plus comme fermier, ce n’est plus pour
le commissaire aux saisies réelles ou pour les c r é a n
ciers , c’est comme héritier seulement; car il n ’avait
plus d ’autre titre de possession.
D ’ailleurs, comme créancier seulement, il n ’aurait
pas eu qualité pour faire rayer la saisie ; il 11’avait
CG droit,
les autres créanciers étant désintéressés ,
qu en sa qualité d ’héritier, c ’est-à-dire de propriétaire
des immeubles saisis.
Ainsi,, les poursuites faites pour parvenir à la main
levée de la saibic, et la sentence qui la pr ononce, sont
des actes de propriétaire, sont des actes d ’interversion
de toute possession précaire antérieure, et d ’une in
terversion d ’autant plus puissante, q u ’elle a. été faite
�t**
(38 )
en présence de la Justice, et consacrée par son autorité,
D onc, en négligeant même les années antérieures,
au moins depuis 1770 le sieur Gueyffier de Long-Pré
a possédé comme propriétaire ; et par sa possession il a
pu prescrire.
O r , de 1770 à i 8o 5 , date de la demande, trentecinq années se sont écoulées, c’est-à-dire, cinq ans
de prescription de plus que la loi n ’en exige.
Opposerait-on q u e , ne jouissant que comme h é r i
tier b é n é f i c i a i r e , le sieur de Long-Pré n ’a pu prescrire?
L ’objection serait futile.
D ’un côté, le sieur de Long-Pré, comme acquéreur
des droits de Guillaum e G ueyffier, qui était héritier
pur et simple, avait succédé à cette qualité.
D ’un autre côté, personne n ’ignore q u ’entre un
h é r i t i e r b é n é fi c ia i r e et u n h é r i t i e r p u r et s im p l e , il
n ’y a de différence q u ’en ce que le premier n ’e§t pas
tenu des dettes au-delà des forces de la succession.
L ’héritier bénéficiaire est d ’ailleurs propriétaire des
biens de la succession. Il en est saisi, p a r la lo i,
comme l ’ héritier pur et simple. E11 les administrant,
en les possédant, il administre, il possède sa chose. 11
peut en d is po s er même à son gré. S ’il^ les vend sans
form alités, la vente est valable, parce q u ’elle est faite
p a r le vrai propriétaire. Seulement il se rend alors, à
l ’égard des créanciers, héritier pur et simple.
Donc l’ héritier bénéficiaire peut prescrire comme
tout autre héritier.
Les idées qui conduisent à cette conséquence sont
trop élémentaires en droit, pour q u ’il soit nécessaire
�c 39 )
•.
*
de preuves. On peut, au reste, consulter Furgole
(Traité des T e s t a m e n s , chapitre 10, section 3 , n° 3 );
Merlin (Répertoire de Jurisprudence, au mot bénéfice
«l’i n v e n t a i r e , n° 2 1 ) ; Chabot de l ’Allier (Traité des
Successions, sur l ’article
).
E n fin , invoquerait-on de vaines considérations ,
déclamerait-on contre la prescription, la présenteraiton comme un moyen odieux, et que l ’on doit chercher
à éluderj si quelques circonstances y prêtent?
Il
serait superflu de répondre à ces déclamations;
depuis long-tems elles ont été répétées, et depuis longtems aussi elles ont été appréciées à leur juste valeur.
Les législateurs, qui les connaissaient, n ont pas hésité
cependant à maintenir une règle bienfaisante, néces
saire pour protéger la propriété, et sans laquelle tout
lie serait que tro u ble, désordre et incertitude dans les
fortunes«
C ’est, au reste , h des prescriptions courtes q u ’elles
s’appliqueraient , c'est-à-dire à ces prescriptions de
quelques mois ou de quelques années, qui sont subor
données à l'affirmation du débiteur, mais non à la
prescription trentenaire, qui n’est soumise à aucune
condition , qui fut toujours considérée comme équi
valant à un titre, que toutes les nations policées ont
admise, dont d’Argentré et les auteurs les plus dis
tingués ont fait l’éloge, et que Cassiodore a éloquem
ment appelée le seul port où les hommes soient à l’abri
des orages de la société : H ic unus inlcv humanas
procclliis portus.
l u de quelle faveur les circonstances de la cause ne
�P
t J5
(
4°
)
doivent-elles pas entourer cette prescription, qui tend
à consacrer une possession paisible de plus de soixante
ans !
L ’hérédité
était à son
ouverture plus onéreuse
q u ’utile.
Grevée de nombreuses dettes, elle n’eût pu suffire
ii les acquitter, si les biens eussent été vendus alors.
Pour en juger, q u ’on se rappelle q u e , dès 17 17 ?
les affaires de Jean Gueyffifer étaient en désordre 5
q u ’une séparation de biens fut obtenue contre lui en
1 7 5 ï ; q u ’en 1760, le sieur de Long-Pré accepta sa
succession, seulement sous bénéfice d ’ i n v e n t a i r e ; q u ’ il
crut même nécessaire de renoncer à l'institution d’hé
ritier faite en sa faveur; et que les autres enfans,
quoique tous majeurs, quoique tous représentés dans
l ’ i n v e n t a i r e , ne v o u l u r e n t pas p r e n d r e la qualité
d ’héritiers.
Que Ton considère aussi que les biens saisis avaient
été affermés, en justice,
35o
francs seulement.
Q u ’on fasse attention au grand nombre des créan
ciers opposans, sans y comprendre le sieur Gueyffier
de L o n g -P ré , créancier de 3G,ooo francs de capitaux,
et d’intérêts considérables.
C e n ’est pas sans réflexions, que Maurice Gucyffier,
majeur avant
17G0, mort seulement en 1 7 9 6 ,
n ’a
jamais demandé lui-même sa portion •d ’ une hérédité
dont il avait connu les charges et le peu de v a l e u r .
C e n’est pas sans réflexions aussi, p e n t - ê u e , qu au
jourd'hui des parons collatéraux la réclament en son
nom. Ils n’ ignorent pas que le sieur Gueyffier do
�( 4< )
ai«
Long-Pré est m o r t depuis long-tems. Il est mort après
- l a pr e sc ri p ti on a c q u i s e , à u n e époque où il devait
croire q u e t o u t danger de procès avait cessé. Il est
m o r t et avec lui ont disparu une partie de ses titres
et p eu t -ê tr e ses principaux moyens de défense. Son fils,
q u i ne peut connaître ce qui s’est passé dans des tems
r e c u l é s , son héritier, contre lequel seul l ’action a été
formée, doit-il être entendu avec défaveur, lorsqu’il
propose un moyen que la loi protège, un moyen que
la loi lui fo u rn it, pour suppléer aux titres qui se sont
égarés, aux traités que son père a dû faire avec les
créanciers de la succession, aux a r r a n g e m e n s q u ’ il a
p ris p e u t -ê tr e même a ve c ce M a u r i c e G ueyffier, du
c h e f d u q u e l on a g it aujourd’h u i; arrangemens dont
les traces ont pu s’effacer dans le cours de près d ’un
demi-siècle ?
E t comment aurait-il conservé des droits 'a l ’héré
dité, le sieur Maurice G ueyffier, qui avait cessé
d’être exposé au paiement des dettes héréditaires?
Plus de trente ans de prescription l ’avaient libéré à
l ’égard des créanciers, qui ne l ’ont jamais poursuivi.
N ’est-il pas juste aussi que plus de trente ans de
prescription l ’aient privé
de tout, droit aux biens
d’une hérédité dont il n ’avait plus à redouter les
charges ?
Dans la cause, la prescription se présente sous un
double rapport pour repousser la demande en partage :
Prescription du droit d ’accepter contre Maurice
Gueyffier ou ses représentons, qui ont laissé écouler
quarante ans sans prendre la qualité d ’héritier ; et
�‘i j i
(
42
)
prescription d ’autant moins équivoque, que la suc
cession
ritier,
ce long
le sieur
n’est pas
le ju s et
intervalle,
G u e y ffier
restée vacante, car le titre d ’hé
nomen hœredis ont été pendant
et sans interruption, occupés par
de Long-Pré ou son fils;
Prescription de la propriété des biens de l ’hérédité,
que le sieur de Long-Pré a possédés seul, sans trouble
et sans interruption, aussi pendant plus de trente ans,
non à titre pignoratif, non même par suite d ’une
saisie réelle, puisque la Justice avait annulé cette
saisie dès 1 7 7 0 mais animo dom ini, en qualité de
vrai m aître, de seul propriétaire, qualité nécessaire
ment attachée à celle d ’héritier q u ’il avait prise dès
1760 et q u ’il a constamment exercée depuis.
N ’a - t - i l pas dû se reposer avec sécurité sur une
prescription ainsi doublement car actérisée ?
N ’a-t-il pas dû croire q u ’enfin était arrivé pou r lui
et pour ses enfans l ’heureux terme de toute inquiétude
et de tout danger d ’un procès? U sucapio ............. hoç
est finis sollicitudinis ac periculi litium,
Me A L L E M A N D , Avocat.
Me G R A N E T , L icencié-Avoué.
R IO M ;
IM P R IM E R IE
DE
SA LLE S,
P R ÈS L E
P A L A IS
DE
JU S T IC E .
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Gueyffier de l'Espinasse. 1830?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Allemand
Granet
Subject
The topic of the resource
successions
prescription
absence
renonciation à succession
séparation de biens
arbre généalogique
possession pignorative
saisie
créances
vin
preuves de décès
colonat
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour le sieur Gueyffier de L'Espinasse, ancien avocat, appelant ; contre sieur Jean-Baptiste Gueyffier-Delaire ; sieur Antoine Gueyffier du Buisson ; dame Antoinette Gueyffier, et Sr Amable Bayol, son mari, intimés. Usucapio….hoc est finis sollicitudinis ac periculi litium. (Cicero, orat. Pro Caecinâ).
Annotations manuscrites.
annotations manuscrites : texte de l'arrêt.
Table Godemel : Absent : 2. le décès d’un individu à Saint Domingue est-il suffisamment établi par un acte en forme authentique indiquant le jour du décès, son nom de famille et l’un de ses prénoms, bien que, contre les termes de la déclaration du 9 avril 1736, il ne mentionne pas non plus la qualité ; à moins que l’on établisse qu’un autre individu du même nom ait résidé dans l’isle et y soit décédé à la date de l’acte rapporté ; surtout, si l’identité résulté d’autres documents et des faits de la cause. Renonciation : 14. l’enfant, héritier institué, qui, après avoir fait procéder à l’inventaire du mobilier existant au décès de son père, a renoncé à son institution d’héritier contractuel, pour n’accepter la succession qu’ab intestat et sous bénéfice d’inventaire ; qui a fait nommer un curateur au bénéfice d’inventaire et obtenu, contre lui, sentence de condamnation pour un capital de créances assez considérable, avec permission de se mettre en possession des immeubles de la succession, ou de les faire vendre par placard ; qui s’est réellement investi de fait de l’universalité des biens ; n’a joui, à titre de propriétaire, que du cinquième formant sa portion virile, et à titre pignoratif des autres quatre cinquième, en qualité de créancier.
Quelque longue qu’ait été sa possession, il a joui aux mêmes titres, s’il n’a pas manifesté expressément une volonté contraire ; il ne peut, dès lors, opposer aux autres enfans, ses cohéritiers, aucune prescription. malgré le nombre des actes de possession qu’il a pu faire, il ne peut résister au partage, ni se refuser au rapport des biens et jouissances, sauf à prendre le cinquième qui lui revient en qualité d’héritier bénéficiaire.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1830
1760-1830
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
42 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2608
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2609
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53523/BCU_Factums_G2608.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Brioude (43040)
Saint-Ilpize (43195)
Saint-Germain-Lembron (63352)
Saint-Domingue
République dominicaine
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
absence
arbre généalogique
colonat
Créances
possession pignorative
prescription
preuves de décès
renonciation à succession
saisie
séparation de biens
Successions
vin
-
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701e61d3493d19e090e01419860132f9
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P R E CIS
wxAïwLj&rd-,
a^xctr co\£j
EN
RÉPONSE
POUR
Dame
M
a r g u e r i t e
;!
-X? » -rtS
t- ' •'
AU T E R O C H E et le Sr V O Y R E T ,
son mari, Docteur en médecine, Intim és;
CONTRE
D am e M a r i e A U T E R O C I I E et le sieur F r a n ç o is
M A L A F O S S E D U C O U F F O U R , son m a ri,
A d ju d a n t
des
d ’H a v r é ,
Chevalier des
et du P h é n i x ,
G ardes
du
C orp s,
ordres de
com pagnie
S a in t-L o u is
Appelans
EN PRÉSENCE
*
1
'•
D e dame M a r i e A U T E R O C H E et de sieur B l a i s e
C I S T E R N E - D E L O R M E , son mari, aussi Intimés.
IL
s’agit de fixer l ’amendement des parties dans la.
succession du sieur Thomas Auteroche , leur père, et
de déterminer les rapports q u ’elles ont à y faire.
Les difficultés de la cause doivent trouver leur solu
tion dans l’appréciation de quelques faits constans, et
dans la saine application de principes plus ou moins
controversés.
L ’ uue ou l ’ autre des parties est nécessairement dans
�l ’erreur, relativement à l ’étendue de ses droits; mais,
dans des questions de la nature de celles que la Cour
aura à décider dans cette cause, on peut invoquer le
D roit, sans blesser l ’équité, et sans méconnaître la
volonté du père; s’adresser à la Justice pour faire régler
ses intérêts, sans ouvrir une soui'ce de désordres s
sans rompre les liens de fa m ille , et sur-tout sans
encourir le reproche d’avoir cherché à détruire l ’union
et la
bienveillance
mutuelle
qui
doivent
exister
entre parens également recommandables et faits pour
s’estimer.
Les faits sont simples; ils consistent dans l ’analise
de quelques actes de famille.
Du mariage du sieur Thomas Àuteroche avec demoi
selle Louise-Hélène L h u ilie r, sont issus trois enfans :
M a ri e , i re du n o m , q u i a épousé le sieur François
Malafosse D u c o u f l o u r , et q u i est a p p e l a n t e ;
Autre Marie, 2e du nom, épouse du sieur Biaise
Cislerne-Delorme. Cette dame a renoncé à la succession
de son père, et assiste en la cause sans y prendre aucun
intérêt a c t if;
Enfin Marguerite, épouse du sieur V o y r e t , intimée.
L e contrat de mariage des père et mère est du ic)
novembre 1764- Les apports de la dame Auteroche
et les avantages qui lui ont été faits, sont, pour le
moment,
inutiles à connaître,
ne s’agissant point
encore de régler ses droits dans la succession de son
époux.
Le premier contrat de mariage des enfans remonte
�au a 3 juin 1789 : c’est celui (le Marie,
avec le sieur Biaise Cisterne-Delorme.
Les biens du mari étaient situés dans
de Sa uvag nat ; il pouvait désirer que
épouse y fussent réunis : aussi Marie,
2e du nom,
la commune
ceux de sou
2e du nom,
reçoit-elle de son p è r e , entr’autres objets d otau x,
« tous les biens que le sieur Auteroche a dans le lieu
« et collecte de Sauvagn at , consistant en bàtimens,
« terres, vignes et prés, etc., ainsi que les rentes fonî< cières et constituées en grains et en argent, que le
« sieur Auteroclie a dans la même commune de Sàu« vagnat ». Cette constitution comprend même la
futaille et vaisseaux vinaires qui garnissaient les caves
et cuvages du domaine.
Il est inutile de parler du surplus de la dot cons
tituée par les père et mère, et des charges qui y furent
imposées.
Toutefois, la dame Cisterne renonça aux successions
de ses père et mère; et, comme cette clause empêchait
que l ’on pùt prévoir le cas de rapport à la succession
du constituant, et que l ’on ne devait se fixer que sur
la restitution de la dot, événement uniquement relatif
du mari et de ses héritiers, à la femme et à ses héri
tiers , on inséra
ragement pour
icstveindre à ce
Cette clause
une clause qui pouvait être un encou
le mari, mais qui devait toujours se
qui y était formellement prévu.
est ainsi conçue : « Dans tous les cas
«
OÙ la restitution d e d o t au ra l i e u 3 i l sera LIBR E
«
au f u t u r é p o u x ,
ou a ses héritiers ayant cause,
« de garder et reteñir les biens ci-dessus délaissés h la
�« future, en payant, à qui il appartiendra, la somme
« de 25 ,ooo francs. »
Après ce choix qui est donné à l’époux, la restitution
ayant lieu, on prévoit le décès de Marié Auteroche,
fu ture, sans enfans, et on stipule le droit de retour
en ces ternies : « Lesdits sieur et dame Auteroclie se
« réservent, pour eux et les leurs, chacun en droit
« s o i, les biens par e u x ci-dessus donnés, en cas
« q u ’elle meure .sans enfans, ou leurs enfans sans
« descendans, ou sans en avoir valablement disposé ».
Ainsi,.dans celte position, c’est le retour des biens et
non celui de la somme qui est stipulé.
•Enfin, les père et mère poussent plus loin leur
prévoyance. Ils supposent q u ’ils peuvent survivre a
leur fille laissant des enfans; et, pour cette position,
il est « convenu q u e , si la future épouse vient à
« s>tlécéder a v a n t lesdits sieur et dam e Auteroche,
« laissant plusieurs enfans, il leur sera l i b r e , chacun
« en droit soi, d ’appliquer le profit des institutions
« et constitutions, en tout ou en partie, à celui ou
« ceux des enfans mâles q u ’ils jugeront à propos, et
« de distribuer inégalement entre les autres enfans. »
L e 21 février 1794? la demoiselle ¡Marguerite Autcroclie contracta mariage en minorité. Elle épousa le
sieur Louis Voyrel-, et outre un trousseau évalué au
contrat à 1000 francs, elle reçut en dot deux parties
de rente, estimées ensemble a 10,000 f r . , dont l ’ une,
de dix-huit setiers blé ronseigle, ainsi que le droit do
mouture, était assise sur un moulin situé à Tssoiie.
Par ce contrat, les père et mère délaissèrent à. Marie
�(5)
nf
Àuteroclie, leur fille aînée, non encore mariée , tous
les biens fonds q u ’ils possédaient dans la commune
d ’Issoire, sans autre réserve que les batimens, et une
vigne à percière, située dans la commune du Perrier.
Ce délaissement, qui n’avait d ’autre charge q u ’une
rente de 200 fr., payable aux père et mère, é t a i t , par
sa valeur et par sa fixité, en tous points préférable à
la dot qui avait été constituée à la dame Voyrct.
E u effet, 011 était à une époque où il était dangereu:
de refuser les remboursemens en assignats, et d’êti
soupçonné de discréditer le papier-monnaie. Les lois
de ce teins imputaient ce refus à crime5 des lois ré
pressives, i n fi n im en t sévères, le p u n i s sa ie n t, et un
t r i b u n a l r évo lu tio n n a ir e po uva it appliquer ces lois
dans toute l e u r rigueur. M. Auteroche savait lui-même
que cette rente devait lui être remboursée $ l ’offre lui
en avait été faite peu avant le mariage de sa fille ^ de
manière q u e , loin d ’être étonné de la nécessité où se
trouva son gendre à cet égard, il dut regarder ce rem
boursement comme un malheur inévitable, dans les
circonstances où on se trouvait alors.
La première quittance du sieur Voyret est du 22 dé
cembre 1794. Elle est donnée par lui, en qualité de
mari, comme contraint et pour obéir à la loi 5 mais
comme cette rente 11’avait été remboursée q u ’au denier
vingt, et q u ’elle devait l’être au denier vingt-cinq,
plus tard le sieur voyret vint à compte avec le débiteur
reçut le montant de la différence, et fournit, le 2/j
nivùse an 3 ( i 3 janvier 1 7 9 5 ) , une quittance finale,
'/•*
*k
�pour la perfection du remboursement, extinction et
amortissement de la rente.
Ce remboursement a ensuite
donné
lieu à un
procès, dans lequel les sieur et dame Voyret ont
succombé.
L e contrat de mariage de demoiselle Marie, i re du
n om , avec le sieur François Malafosse, est du 4 plu
viôse an i i .
La future se constitue d ’elle-mème un trousseau
et 3 ooo fr. de mobilier.
Les père et mère confirment l ’avancement d ’hoirie
porté, en sa faveur, au contrat de mariage de la dame
Voyret ; ils y ajoutent les bâtimens d ’Issoire, à la
charge toutefois du rapport, si elle vient à partage.
Les père et mère lui donnent, en préciput et avan
tage sur ses sœurs, le quart de tous les biens dont ils
mourront vêtus et saisis, et l ’in s t i t u e n t par égale por
tion avec la dame Voyret dans les autres trois quarts,
à la charge du rapport de ce que chacune aura reçu
en avancement d ’hoirie.
Enfin , s’expliquant sur la rente remboursée à
madame V o y r e t , le contrat dit : « Mais attendu que
« la dame Voyret a reçu un a v a n c e m e n t d ’hoirie
« moins considérable que celui de ses sœurs, lequel s’est
« même trouvé réduit k presque rien, p a r le re m b o u r«
sentent
forcé
qui lui a été fait des rentes qui en
« étaient l ’objet, et q u ’elle souffre par conséquent
« une perte annuelle dans la jouissance, M. Auteroc lie,
« voulant être juste envers tous ses
enfans,
et l ’en
h dédommager, veut et entend q u ’à l ’ouverture de la
�r r. \
w
1 7 ) .
« succession, la clame Voyret prélève, sur le quart
« ci-dessus donné à la future, la somme de 4ooo fr. »
L e sieur A u te ro che père est déccdé le 26 février
1821.
L e 7 juillet, les sieur et dame Voyret ont formé la
demande en partage de sa succession 5 e t , le 10 du
même mois, ils ont assigné la dame veuve Auteroche,
leur mère et belle-mère, pour voir déterminer ses
droits dans la succession de son mari.
Dans cette position, et le 9 août 18 2 1, les sier
et dame Cisterne ont fait un acte au greife du tribuna
civil de C l e r m o n t , par lequel ils déclarent q u ’ils
renoncent au partage des biens de d é f u n t Thomas
Auteroche, pour s ’en tenir a u x dispositions et avan
tages portés en leur contrat de mariage.
Dans* le courant de février 1822 , les sieur et dame
Yoyret firent sommation aux sieur et dame Cisterne,
de mettre au greffe, dans les trois jours, une déclara
tion explicative du sens q u ’ils ont entendu attacher
aux expressions de l ’acte du 9 août 1821 , c’est-à-dire
une déclaration portant q u ’ils ont réellement entendu
renoncer à la succession du sieur Thomas Auteroche,
pour s’en tenir aux dispositions portées en leur contrat
de mariage.
Les sieur et dame Cisterne ne répondirent pas à
cette sommation 5 mais il est demeuré pour certain,
et reconnu entre toutes les parties, que la déclaration
du 9 août 1821 , contenait une explication suffisante,
d ’autant
mieux qu ’elle
confirmait
la renonciatiou
portée au contrat de mariage de la dame Cisterne.
yy
:>
�Les parties ont soumis plusieurs questions princi
pales à l ’examen et à la décision du tribunal civil de
Clermont. Trois d ’entr’elles doivent être de nouveau
discutées devant la Cour.
La première est de savoir comment doit se faire
l ’imputation de la dot de la dame Cisterne. Cette
imputation doit-elle avoir lieu sur la quotité dispo
nible de la loi de germinal an 8 ? Le sera-t-elle, ait
contraire, sur la part héréditaire de la dame Cisterne,
ou au moins sur sa part dans la réserve du Code civil?
Enfin ne doit-elle pas avoir lieu d ’abord sur la légi
time ancienne, et ensuite sur la quotité disponible
de la loi de germinal?
La seconde était relative aux immeubles donnés à la
dame Cisterne. Doivent-ils être compris fictivement
dans la masse de la succession, pour leur valeur à
l ’époque du décès, ou seulement po u r la somme de
25,ooo f r . , à laquelle ils ont été estimés par le contrat?
L a troisième avait pour objet le rapport de la rente
remboursée à la dame V o y re t. Devait-elle être rappor
tée, valeur nominale, ou seulement valeur à l’échelle?
Le-jugement dont est appel est du 2G août 1822.
Sur la question d ’imputation de la dot de la dame
Cisterne :
L e tribunal reconnaît en principe que la quotité
disponible est réglée par les lois existantes à l ’époque
de la donation 5 qu'au mariage de la dame DucoufTouv
cette quotité était d ’1111 q u a r t ; mais il pense que,
pour que le père put en disposer, il fallait q u ’il n’eut
fait aucun avantage antérieur.
�(9)
E n
e x a m in a n t
ensuite le clon fait a la dame Cisterne
,
le tribunal croit inutile de s’arrêter a sa qualification
qui lui paraît insignifiante. Il se fixe sur les résultats,
et décide que, lors même que ce don ne serait q u ’une
légitime , si la quotité disponible était épuisée ou em
ployée en pa rtie, le père n ’avait pu disposer en faveur
de madame Ducouftour, ou au moins n’avait pu dis
poser que de ce qui restait.
Pour reconnaître si le père pouvait disposer à l ’épo
que du mariage de madame DucouiFour, le tribunal
veut que l ’on recherche si le domaine donné à la dame
Cisterne , équivaut à une portion d ’enfant , et à la
totalité ou par tie de la portion disponible. P o u r cela ,
il veut^que l ’on connaisse la fortune des père et mère}
en conséquence que l ’on estime (valeur de 18 2 1) les
biens délaissés a la dame Cisterne, ceux délaissés aux
autres enfans, enfin ceux dont le père était eu possesà l ’époque de sou décès.
Relativement à la dame Cisterne : le tribunal pense
que son contrat de mariage doit être régi par la légis
lation sous l ’empire de laquelle il a été passé; q u ’elle
peut retenir, en renonçant, la part d ’enfant et la
quotité disponible fixée par cette législation ; q u ’ainsi
Ie domaine de Sauvagnat, compris en sa donation, ne
*t etre par elle rapporté que fictivement.
Sur la question du rapport du domaine de Sauvagnat :
L e tribunal pense que la première clause du contrat
doit être rigoureusement restreinte au cas q u ’elle pré
voit j que le choix laissé à l ’époux était un encoura-
�(
10
)
gement à améliorer (les propriétés qui pouvaient devenir
les siennes;
Que la seconde clause interprête et explique la pre
mière, de manière à ne laisser aucun doute sur le
véritable sens à lui donner ;
Q u ’enfin les motifs qui ont pu dicter cette clause
du contrat de mariage de la dame Cisterne, sont abso
lument étrangers aux autres enfans, aux droits desquels
les père et mère n ’ont certainement pas entendu porter
préjudice.
Quant au rapport de la rente demandé à la dame
Voyret,
Le tribunal, d ’après les circonstances et la déclara
tion du père, consignée dans le contrat du mariage de
la dame Ducouftour, reconnaît que le sieur Voyret a
été obligé d ’en recevoir le remboursement, et pense
que le ra pp ort ne d o i t en être fait q u ’à l'échelle , con
formément à l ’art. i 5 du titre 3 de la loi du 16 nivôse
an G.
En conséquence, sur ces trois questions, le tribunal
décide :
i° Q u ’il sera procédé à l ’estimation (valeur de 1821 ),
tant des biens meubles et immeubles délaissés à la
dame Cisterne et aux autres enfans, ainsi q u ’ils se
composaient lors des actes, ainsi que de ceux dont le
sieur Auteroclie estdécédé saisi et vêtu, sauf aux parties
à prendre sur le rapport
telles conclusions q u ’elles
aviseront ;
20 que la dame Voyret rapportera 2o34 irancs en
numéraire, valeur réduite de celle d o y 4 ° ° h '* assiguats,
�montant du re m bour sem en t fait au sieur Voyret de la
rente en bled énoncée dans leur contrat de mariage.
La dame Ducouffour a interjeté appel de ce juge
ment, p a r exploit du 24 octobre 1822.
Enfin , le 17 décembre 1823 , la damé Marie Auteroche, autorisée du sieur Biaise Cisterne son mari, a
lait au greffe de Clermont une répudiation pure et
simple à la succession de défunt sieur Thomas Auteroche son père, et a déclaré s’en tenir uniquement
aux dispositions et avantages portés en son contrat de
mariage.
Tel est l’état de la cause.
Ce précis n ’ayant d ’a u tre but que de fixer l ’attention
de la Cour sur les vraies difficultés du procès, et
d ’appeler sa méditation sur les principes qui doivent
servir à les résoudre, la discussion peut être brève et
simple. O11 la divisera en trois parties, et on suivra
l ’ordre adopté par le jugement.
Imputation de la dot de la dame Cisterne.
Sur ce p o i n t , il faut partir d ’une idée certaine j
c est que la donation faite à la dame Cisterne doit
avoir tout l ’effet que lui attribuaient les lois exis
tantes au tems de son contrat de mariage.
Mais à quel titre la dame Cisterne retient-elle le
don qui lui a été fait?
Ce 11e peut être comme part héréditaire, puisqu’elle
�a renonce à la qualité d ’héritière; ce ne peut donc être
que comme libéralité.
L a dame Cisterne a fait une renonciation à la suc
cession de son père : Par quelle loi l'effet de cet acte
doit-il être réglé?
Il est évident :
Que respectivement à la dame Cisterne, qui était
saisie avant le Co de, les effets de sa renonciation doi
vent être réglés par les lois existantes à l ’époque de
son contrat de mariage5
Que respectivement à ses cohéritiers , les effets de
cette même renonciationn doivent être réglés, pour
la légitime, par le Code civil, sous l’empire d u q u e l
la succession du sieur Auteroche s’est ouverte.
Cela posé, quels sont les principes?
U n arrêt célèbre les a i rré vo ca b le m en t fixés. II con
tient , à cet égard, une théorie complette; et si l ’on y
joint la lecture d ’un excellent rapport , chef-d’œuvre
d ’analise et de logique, fait par M. Poriquet, conseiller
en la Cour de cassation, on a pour résultats certains;
Que les principes de l'ancienne législation sont in
conciliables avec ceux du Code civil;
Que l ’ancienne législation donnait à chacun des
enfans , pour sa légitime , une créance personnelle
affectée sur les biens;
Que le Code c i v i l , au contraire, donne à tous les
enfans collectivem ent la succession tout entière;
Que les conséquences à tirer de cette différence sont,
sous le Code civil :
�( i3 )
-
**
Que l ’enfant n’ait part à la succession q u ’en qualité
d ’héritier.
Que s’il renonce à la succession pour s ’en tenir au
d o n , ce don reste fix é , pour lu i comme pour les
étrangers, à la quotité déclarée disponible (i).
E t comme l ’article 845 du Code civil borne à la
quotité disponible ce que l’enfant renonçant a le droit
de retenir , il devient évident que cet enfant ne peut
en même tems retenir aucune partie de la réserve
légale.
Ce dernier principe avait d’abord été contredit; mais
il a été adopté par un arrêt de la cour de R i o m ,
seconde chambre, du 8 mai 1821 (2), et par arrêt de
la cour royale de Toulouse, du 27 juin de la même
année (3 ).
Ce dernier arrêt a été rendu dans une espèce iden
tique.
Il s agissait d une f i l l e dotée sous l ’ordonnance de
1731 , qui a été autorisée, après avoir renoncé à une
succession ouverte sous l'empire du Code c iv il, h re
tenir sa donation jusqu’à. concurrence des six dixièmes
(t) Voyez arrôt L a r o q u e d e Mons ( S i r e y , tom. 18 , i re p a r t . , p. 98).
Il faut lire le Mémoire en cassation, contenant tout ce qui pouvait être
d ‘t a 1 appui du système contraire à celui adopté par la Cour de cassat '° n , et où sont invoquées toutes les autorités citées par M. DucouiTour;
une Consultation de M. Proudlion , professeur de Droit c iv il, que le
demandeur produisait à l ’appui de sa requôte; enfin le rapport d e
M. P oriq u et, dont l’opinion a été adoptée par l ’arrêt de rejet.
(2) Voyez Journal du Palais, page a 10.
( 3) Voyez S ire y , toiug 2 1 , 2e partie, page 102,
«
�des biens, ce q u i , sur le nombre de cinq enfans, for
mait la réunion de la quotité disponible et de la
légitime ancienne.
Ce droit n’est point contesté à la dame Cisterne.
Mais une circonstance précieuse se fait remarquer
dans l ’arrêt.
Il y avait un autre e n fan t, qui , comme la dame
DucoufFour, avait reçu, sous la loi de germinal an 8 ,
la quotité disponible.
Or r arrêt décida q u ’elle ne pourra y prendre part
q u ’autant que la dot du renonçant serait inférieure au
quart des biens, et jusqu’à concurrence de la diffé
rence entre ce quart et la somme donnée.
C ’est absolument le système de la dame Voyret : elle
ne demande pas autre chose , et convient que si la
donation Cisterne n atteint pas le qua rt, quotité ac
tuellement d isp onib le , la dam e DucoufFour au ra le
droit de prélever le surplus , mais rien de p lus.
Quelles sont les objections ?
_ On dit que la dame Voyret ne peut réclamer que
la légitime du Code , qui est un quart des biens.
C ’est une erreur.
D ’une part , la dame Voyret doit profiter du béné
f ic e de la renonciation Cisterne , tout comme elle
profiterait du bénéfice du rapport, si la dame Cisterne
venait k partage.
D ’ un autre côté, la dame Cisterne, renonçante,
doit compter comme enfant pour fixer la quotité dis
ponible , mais ne compte pas pour prendre part dans
la réserve légale.
�Dès-lors , la part qu ’elle aurait eue accroît a ses
deuoc sceurs, dont l ’amendement, pour chacune d elle,
est alors d ’un quart et demi, au lieu d’un q u a r t, si
cette quotité se trouve encore dans la succession.
C ’est le système de l ’arrêt Laroque, et les résultats
qui doivent nécessairement s’en déduire.
On objecte ensuite que le père ne peut perdre e x
post fa c to , et par une renonciation postérieure à sou
décès, la faculté de disposer de la quotité disponible,
quotité q u ’il n’avait pas d’ailleurs entendu livrer à la
dame Cisterne; q u ’on ne peut tromper ses intentions,
et que le droit de préciput, tenant à la morale, ne
saurait être le jouet du caprice ou de la fraude d ’un
enfant.
Plusieurs réponses se présentent :
On peut d ’abord faire remarquer que cette objec
tion n est pas spéciale pour la cause, et q u ’elle attaque
dans son fondement le système de la Cour de cassa
tion. Mais il ne s’agit pas de savoir si la loi peut être
meilleure, mais bien de rechercher quelle elle est;
encore moins de découvrir si le législateur a mal fait
de changer le système ancien , mais bien de s’assurer,
5 il l ’a réellement changé. 11 faut ici appliquer la maxime
nec nos plus' lege sapere debetnus.
On doit dire ensuite q u ’il n’y a pas de fraude à user
d ’un droit légal.
Il faut même ajouter que s’il était question d ’ap
précier les deux systèmes , on verrait bientôt que l’ancien
est plus choquant que le nouveau, puisque, sous son
�empire, l ’enfant renonçant retenait non seulement la
portion disponible, mais encore la légitime.
Mais si 011 aborde la difficulté de plus près , on
parvient à se convaincre que le droit du père de fa
m ille, qui a fait des avancemens d ’hoirie et qui veut
ultérieurement disposer de la quotité disponible , est
subordonné à l ’acceptation ou renonciation de l’enfant
précédemment doté.
E n effet , ce cas est analogue à celui jugé par la
Cour de cassation, le 19 mai 1819 (1).
Il s’agissait d’un enfant qui était décédé avant son
père, après avoir dissipé la dot q u ’il en avait reçue.
L ’arrêt décide que cette dot devait s’imputer sur la
quotité disponible.
'
Il consacre donc le principe que le droit du père
était subordonné au prédécès de cet enfant.
U n autre objection résulte d ’un arrêt du 28 janvier
1820, rendu par la première chambre de la Cour royale
de Iliom.
• Cet arrêt a décidé q u ’une donation faite en avance
ment d ’ hoirie, sous la loi de germinal an 8 , pouvait
être retenue par l ’enfant qui renonçait à la succession
ouverte depuis le C o d e , jusqu’à c o ncurre n ce , non seu
lement de la quotité rendue disponible par la loi de
germinal, mais encore d’ une portion viriledans le restant
des biens.
Pour la dame DucoufFour, on en tire la conclusion,
que le préciput fait à cette dame l ’ayant été sous la loi
�( 17 )
de germinal, doit être réglé de la même manière que
si la succession se fut ouverte sous l ’empire de cette
loi.
On répond :
Si on admet que , sous la loi de germinal, l ’enfant
renonçant pouvait cumuler la quotité disponible et la
légitime (question très-ardue, et q u i , comme on l ’a
v u , a été jugée dans un sens contraire par la Cour de
Toulouse), tout ce qui résulterait de cet arrêt, c’est
que la dame Cisterne, en renonçant., peut retenir sa
donation jusqu’à concurrence de la quotité disponible
et de la légitime, droit qui ne lui est pas contesté.
Mais on ne saurait induire de l ’arrêt, que le droit
accordé à un seul e n fa n t peut se diviser entre plusieurs j
par exemple, que l ’u n , en renonçant, peut garder la
légitime, et un autre prendre la quotité disponible.
Si la succession se fût ouverte sous la loi de germinal,
le mérite de la donation DucouiFour n ’en aurait pas
moins dépendu de l ’effet de la donation Cisterne }
aussi pour soutenir leur système , les appelans sont-ils
oblig és de déplacer la question que présente la cause.
Il s’agit uniquement de savoir s i , au moment du
mariage de la dame Ducouffour, la donation Cisterne
faisait obstacle au pré ciput,
E t non de rechercher si (mettant de côté la dona
tion Cisterne), le père pouvait donner à sa ixlle D ucouftour, et la quotité disponible et la légitime, c’esta-dire moitié de ses biens.
O r , en considérant la difficulté sous son véritable
point de vu e , on îeste convaincu que la donation
3
�,
( 18 )
faisait au préciput DucouiFour un obstacle conditionnel.
E n effet , si la dame Cisterne préférait sa légitime
légale à sa légitime conventionnelle, et venait à partage ,
sa donation ne faisait pas obstacle au préciput Ducouffour, parce q u ’elle en faisait rapport à la succession.
S i , au contraire, la dame Cisterne optait pour sa
donation, et, pour la conserver, prenait le parti de
renoncer à la succesion; dans ce cas, la donation Cis
terne faisait, au préciput postérieur DucQuffour, un
obstacle total ou p a r tie l, selon que cette donation
absorbait tout ou partie de la quotité disponible.
On dit quotité disponible, parce que l'arrêt accor
dant à la donataire qui renonce, le droit de retenir la
quotité disponible et une portion virile dans le restant
des biens, ne dit)pas laquelle de ces portions sera re
tenue la première, et que-, par argument tiré de l ’art. 8 4 5 du Code c i v i l , il p arait certain que c’est
d ’abord sur la quotité disponible que cette retenue
doit se faire.
Mais s’il fallait commencer par faire l ’imputation de
la donation Cisterne sur la légitime, de quelle légi
time entendrait-on parler ? Serait-ce de la légitime
ancienne ou de la réserve du Code civil ?
D ’abord on ne peut pas dire q u ’en retenant sa dona'
tion , la dame Cisterne ne retient que la réserve du
Code civil.
Doux raisonnemens bien simples détruiraient cette
assertion :
L e premier est que , sous le C o d e , il faut être héri
tier pour avoir part dans la réserve, et que le droit de
�rétention étant abrogé, l ’excédant dé la légitime nou
velle sur la légitime ancienne accroît nécessairement
aux héritiers ;
L e second, que la légitime étant, toujours en corré
lation avec la quotité disponible, on ne peut faire
concourir la légitime du Code avec la quotité disponi
ble ancienne.
r
‘
Tout ce q u ’on peut prétendre, c’est donc que la
dame Cisterne retient la légitime ancienne, q u i, dans
l ’espèce, est d ’un neuvième; donc tout ce qui excéderait
ce neuvième serait évidemment pris sur la quotité
disponible.
Il est convenu que la donation Cisterne doit avoir
tout l ’eiFet que lui attribuaient les lois anciennes,
c’est-à-dire, q u ’elle vaut sept neuvièmes, savoir : six
neuvièmes ou deux tiers pour la quotité disponible,
et un neuvième pour la légitime.
Il est certain que cette donation n’absorbe pas les sept
neuvièmes, mais elle en absorbe plus d ’un. L a question
est donc de savoir sur quelle portion se commencera
rimputation.
O r , l ’article 845 du Code civil, qui régit la cause,
puisque la renonciation a eu lieu sous ce Cod e, indique
que l ’imputation doit commencer par la quotité dis
ponible; e t , si la question paraissait douteuse, il
faudrait se prononcer en fa ve u r de l’opinion qui tend
à ramener entre les héritiers l ’égalité naturelle.
Mais au moins est-il certain que tout ce qui excède
le neuvième qui serait revenu à la dame Cisterne,
�Vttf
,
( 20 )
pour sa légitime, doit être imputé sur la quotité
disponible.
^
§ IIRapport du domaine de Sauvagnat.
L a question de savoir si le choix laissé au sieur
Cisterne, en cas de restitution de la d o t , le rendait
ou non propriétaire du domaine de Sau vagn at, ne
peut intéresser que les époux Cisterne, et conséquemment ne peut être discutée que par e u x , et jugée dans
leu rs intérêts. L e contrat de mariage, quel q u Jil soit,
ne saurait être opposé à des étrangers; il ne peut lier
que les époux dans leurs intérêts respectifs. On ne
saurait donc interpréter ce titre contre leur volonté,
et donner à l ’un d ’eux un droit q u ’il ne réclame pas,
et que l’autre ne saurait contredire, n 'a y an t, dans le
moment actuel , ni v o l o n t é , n i i n t é r ê t , n i capacité
jiour le faire.
Le domaine de Sauvagnat provient du sieur Auteroche de c u ju s ; il a été donné par lui à la dame
Cisterne, sa fille; le rapport fictif doit en être fait
à la succession du donateur,
dans l ’intérêt de ses
héritiers : comment ce rapport doit-il avoir lieu?
Les principes sont positifs.
Les articles 860 et 922 du Code civil veulent que
la réunion fictive ait lieu, d ’après l ’état des biens, à
l ’époque de la donation, et leur v a l e u r a u teins du
d é c è s d u do nateur.
'lo u l le monde sait, îi ce suje t, que restiination de
la chose donnée, portée au contrat, n’a jamais été prise
�( 2! )
en considération, et q u ’il est de principe immuable,
que l ’augmentation de valeur des biens donnés, par la
seule progression du tems, profite aux lcgitimaires.
Les clauses du contrat de mariage de la dame C is
terne changent-elles quelque chose à ces principes?
Ce contrat porte : « Dans tous les cas où la restitu
ii tion d e la d o t a u ra l i e u , i l sera l i b r e au futur,
a ou aux siens, de garder et retenir les biens ci-dessus
« délaissés à la fu tu re , en pa yant, à qui il appar« tiendra , la somme de 25 ,ooo fr. »
Il est évident que cette clause n ’établit point une
vente du beau-père au gendre, puisque les biens sont
donnés directement à la future, et non la somme.
On y prévoit un seul cas : c’est celui de restitution
de la d o t , qui est relatif du mari et de ses héritiers,
à la femme et à ses héritiers uniquement; e t , dans ce
cas, le mari a le choix de rendre les biens ou l ’argent.
O r , conçoit-on une vente sous une condition potes
tative delà part de l ’acquéreur? les principes répondent :
N u lla promissio potest consistere, quœ e x volontate
promissoris statuiti capit{L>. 1 1 8, § Ier, ff. D e v e r ò , ob.').
« Toute obligation est nulle, lorsqu’elle a été con« tractée sous une condition potestative de la part de
« celui qui s’oblige » (Code civi l, art. 11 74).
Si l ’on continue l ’examen du contrat, on y remarque
d abord que le cas de rapport n 'y est pas prévu, et
q u ’il ne pouvait l ’ètre, puisque la future renonçait à
la succession.
Mais deux autres événemens occupent la pensée du
père.
lOf
�1^
*p\
( 22 )
, L e premier est celui du décès de l ’ un des futurs
sans enfans; et alors les constituans stipulent le retour,
non de la somme, mais des biens.
L e second est relatif à la survie des constituans aux
époux laissant des enfans; et alors il est permis aux
constituans de répartir, à leur gré, le profit de leur
constitution entre leurs petits-enfans.
Ainsi, il est démontré que l ’ensemble du contrat,
les* termes de la clause, n ’annoncent q u ’un simple
avantage éventuel de la future k son futur.
Ou ne voit donc rien dans la cause qui puisse faire
déroger aux règles tracées par les articles 860 et 922
du Code civi l, puisqu’il faudrait pour cela une vente
bien positive, "et que, dans l ’espèce, il n ’y en a pas
l ’ombre.
«
11 faut ajouter que Papon rapporte un arrêt, où le
gendre avait reçu un i m m e u b le en paiement de la dot
pécuniaire de son épouse. Venant à partage, il voulait
rapporter la dot; mais il fut condamné à rapporter la
valeur de l ’immeuble au moment du décès.
Il
est actuellement démontré que les premiers juges
ont eu raison de dire :
Que la première clause du contrat de mariage de la
dame Cisterne , était étrangère aux autres enfans
auxquels le père n’avait pas voulu porter préjudice;
Que cette clause n’était q u ’un m o tifd ’encouragement
offert au m a r i , et que d ’ailleurs elle devait être res
treinte au cas q u ’elle prévoit;
Q u ’ enlin les clauses subséquentes e x p l i q u a i e n t par
faitement la première , et a n n o n ç a i e n t assez que les
�(
5.3
)
l< p
conslituans n ’avaient jamais voulu aliéner le domaine
de Sauvagnat d a n s leurs interets et dans celui de leurs
autres enfans.
' ,
§ HT.
R a p p o rt d e la rente d u e p a r le s ie u r V o y r e t .
La rente ayant été remboursée en assignats, doit-elle
être rapportée valeur nominale ou seulement valeur à
l ’échelle.
Le rapport, valeur à l ’échelle, est établi par l ’art. i 5
de la loi du iG nivôse an 6 , ainsi conçu : « Les res« titutions seront faites, par le mari, en valeur ré« d u i t e , pour tout ce q u ’ils auront reçu en papier« monnaie ». L ’article 16 ajoute : « Il en sera usé
« de même dans le cas du rapport des dots. »
L ’article 855 du Code civil dispose «que l ’iinmeuble
« qui a péri par cas forfuit, et sans la faute du
« donataire, n ’est pas sujet à rapport. »
M. Merlin, dans son Répertoire, v ei'bo Rapport,
§ 8 , n° 8 , dit : « Le rapport des rentes, soit fon« cières , soit constituées, se règle par les mêmes
« principes que ceux des héritages. Les rentes doivent
« d o n c , comme les héritages, être
rapportées
en
« espèce, et elles sont, comme eux, aux risques de
« la succession, mais sous la garde du donataire. »
Dans 1’espèce, le r em b o u rs em en t a été forcé : il
était inévitable-, et le sieur Y oyret ne p o u v a it , sans
*f> \
�( >4S )
s’exposer aux plus grands dangers, se refuser à le
recevoir.
^
Une loi du i er avril 1793 prononce des peines graves
contre ceux qui refuseraient les assignats 5 pour la
première fois, c’est une amende de 3 oo francs et de
six mois de détention; en cas de r é c i d i v e l ’amende
était du double, et la peine corporelle de vingt années
de fers.
D ’autres lois des 21 floréal an 2 et 3 pluviôse an 3
infligeaient des peines à ceux qui discréditaient les
assignats ; et pour q u ’il ne manquât rien à cette
cruelle législation, un tribunal révolutionnaire pou
vait à chaque instant en faire l ’application, et même
prononcer impunément, et suivant ses caprices, des
peines plus dures que celles de la loi.
C ’est dans ces circonstances, que le sieur Voyret a
reçu le re m b o u rs em e n t de la rente due à la dame son
épouse. Sa dernière quittance est du 24 nivôse an 3 ;
et le tribunal révolutionnaire n ’a été supprimé que le
12 prairial de la même année.
Com men t aujourd’hui pourrait-on demander compte
au sieur Voyret et à son épouse de ce remboursement,
et les en rendre responsables ? N ont-ils pas code a la
nécessité 3 à une force majeure ? Ce remboursement
n ’est-il pas un cas fortuit q u i , sous aucun rapport, ne
peut-être imputé à faute au sieur Voyret ?
Peu importe le nombre de quittances que le sieur
Voyret peut aVoir données, les formes q u ’il a employées,
�les expressions dont il s’est servi, les engagemens q u ’il
a pu y souscrire! Il était naturel qu ayant une perte a
éprouver, il la rend it la plus légère possible, et q u ’il
f i t tous ses efforts pour obtenir au moins tout ce que
la loi lui accordait. Dès que la rente n ’avait été rem
boursée q u ’au denier vingt , le sieur Voyret devait
exiger un supplément de remboursement, autrement on
lui aurait fait un reproche de ne l ’avoir point demandé.
T o ut se réduit donc à voir si ce remboursement était
fo r c é .
O r , les circonstances du tems, les lois alors exis
tantes , les aveux consignés dans les actes de famille se
réunissent pour attester ce fait.
On connaît les lois. Elles existaient à l ’époque du
mariage de la dame V oy re t; aussi le sieur Àuteroche
savait-il que cette rente devait être remboursée, puis
que ce remboursement lui avait été offert à lui-méme
peu avant le mariage de sa fille.
Toute la famille a reconnu ce fait; il est consigné
dans le contrat de mariage de la dame Ducouifour
elle-même : le père y a fait écrire que le rembourse
ment des rentes avait été fo r c é . Comment la dame
Ducouifour pourrait-elle équivoquer aujourd’ hui sur
un iait reconnu par son père et par elle-même?
On s’arrête ici. Le sieur Voyret croit avoir atteint
le but q u ’il s’est proposé : il ne voulait autre chose
que resserrer dans le cadre le plus étroit les faits et
les moyens principaux de sa cause, sachant bien q u ’il
4
�(26
)
suffi t de fixer l'attention de la Cou r sur les questions
même les plus ardues, pour être toujours sûr d ’en
obtenir une décision conforme aux principes,
à la
saine doctrine, et aux règles de la Justice.
Me Jn - C H. B A Y L E aîné, ancien A vocat.
Me M O U T O N - L A B A S T I D E , A v o u é-L icen cié.
RIOM ,
IM PRIM ERIE
D E S A L L E S , P RES L E P A LA IS D E J U S T IC E .
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Auteroche, Marguerite. 1822?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Bayle
Mouton-Labastide
Subject
The topic of the resource
contrats de mariage
dot
assignats
renonciation à succession
successions
pays de droit écrit
conflit de lois
avancement d'hoirie
Description
An account of the resource
Titre complet : Précis en réponse pour Dame Marguerite Auteroche et le Sieur Voyret, son mari, Docteur en médecine, intimé ; contre Dame Marie Auteroche et le sieur François Malafosse Ducouffour, son mari, Adjudant des Gardes du Corps, compagnie d'Havré, Chevalier des ordres de Saint-Louis et du Phénix, Appelans ; en présence de Dame Marie Auteroche et de sieur Blaise Citerne-Delorme, son mari, aussi Intimés.
Annotations manuscrites : « 8 avril 1824, 2nde chambre, arrêt confirmatif, journal des audiences, p. 255. »
Table Godemel : Donation : 17. quels doivent être les effets d’une donation, faite avant les lois nouvelles, par un père mort depuis le code civil, à une enfant qui renonce pour s’en tenir au don ? La donation fait-elle, nonobstant sa rémunération, nombre parmi les héritiers ; et peut-il retenir l’objet donné, jusqu’à concurrence de la légitime et de la quotité disponible, telles qu’elles étaient fixées par la loi en vigueur au moment du contrat ?
18. quel doit être le sort d’une donation du quart en préciput, faite à un autre enfant, postérieurement à la loi de germinal an huit, lorsque l’objet de la première donation est inférieur à la quotité disponible ancienne, et peut-être même à la disponibilité nouvelle ? - le second donataire, peut-il dans son intérêt, avec les héritiers à réserve, faire considérer le premier donataire comme légitimaire, prendre la quotité disponible au moment de la seconde donation, en imputant sur la légitime du premier donataire, les objets que celui-ci retient ? Dot : 4. dans l’ancien droit un immeuble donné en dot, avec estimation et pouvoir au mari de le retenir pour la somme indiquée, est-il présumé vendu ?
en supposant qu’il y ait eu vente, le don, devenant sujet à un rapport fictif, doit-il être estimé valeur du décès du père ? Rapport : 8. une rente foncière donnée en avancement d’hoirie doit-elle être rapportée, valeur réduite seulement, si elle a été remboursée en assignats au mari de la donataire, bien que le remboursement ait été accepté sous contrainte, qu’il n’ait pas été accompagné de remploi, et que la nullité du remboursement n’ait été mise à couvert que par le fait du mari ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1822
1764-1822
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
26 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2607
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2606
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53522/BCU_Factums_G2607.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Sauvagnat (63410)
Perrier (63275)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
assignats
avancement d'hoirie
conflit de lois
contrats de mariage
dot
pays de droit écrit
renonciation à succession
Successions
-
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c6682f46f860835d720ede7eb082e738
PDF Text
Text
COUR R O YA LE
MÉMOIRE
POUR
2me CHAMBRE.
Dame M a r i e A U T E R O C HE et le Sieur F r a n ç o i s
M A L A F O S S E D U C O U F F O U R , son m ar i,
A d j u d a n t des G a r d e s d u C o r p s , C o m p e d ’H a v r a y ,
C h e v a l i e r des O r d r e s d e Saint-Louis e t d u Ph én ix,
^ovtiX
J
Appelant d’ un jugement rendu le 28 août 1822 ,
par le Tribunal civil de Clermont ;
CONTRE
D em oiselle M a r g u e r i t e A U T E R O C H E et le
Sieur V O Y R E T son m ari, D octeu r en m édecine,
Intimés
EN PRÉSENCE
D e Dam e M a r i e A U T E R O C I I E et de S T B l a i s e
C I S T E R N E S - D E L O R M E S , son mari , aussi
intimés.
T
rop
souvent les volontés des pères sont méconnues
par les enfans. L inté r ê t source de désordres, divise
les parens les plus proches; et des procès sont suscités
par ceux-la m ême de qui l ’on ne devait attendre
qu' union et bienveillance.
t*6 l
�115.
L a dame Du Couflotir réclame l'exécution d’un don
en préciput qui lui fut assuré par son contrat de
,
mariage : les lois du tems l ’autorisaient 5 les actes de
sa famille ne paraissaient pas s’y opposer. Cependant
on le lui conteste aujourd’hui; et pour l ’en dépouiller,
on a recours à de subtiles interprétations qui tendent
à détruire plutôt q u ’à expliquer les dispositions non
équivoques d ’un contrat de mariage.
On invoque aussi un nouveau système de prétendus
principes , dont les conséquences seraient de rendre
illusoires la faculté cle d i s p o s e r accordée par la loi. ~
' Si sévères pour la dame D u Coufîour leur sœur, la
dame et le sieur V o y r e t , ses uniques adversaires , se
montrent d ’ailleurs fort indulgens pour eux-mêmes.
Ils doivent un rapport en argent : ils ne l'offrent
q u ’en valeur de papier-monnaie ; et quoique des lois
positives les condamnent,
quoiqu’un arrêt ait déjà
préjugé l ’erreur de leur prétention, ils insistent ce
pendant, et veulent que les effets de leur propre négli
gence retombent sur cette cohéritière même à laquelle
ils disputent des libéralités légitimes.
FAITS.
L es
dames D u Couffour, Voyret et Cisternes sont
les seuls enfans nés du mariage de M. Thomas Auteroche et de la dame Louise-ITélène L ’huillier.
L e contrat de mariage de ceux-ci est en date du ic)
novembre 1764. Il fut constitué à la dame L ’huillier
20,000 francs de dot et 1000 fr. de bagues et joyaux.
Depuis, il lui est ccln: d ’autres valeurs.
�H*
4
( 3 )
Le partage de la succession du sieur Auteroclie a
donné lieu au procès.
L a demoiselle Marie Auteroclie, 2medu nom, quoique
la fille puînée, se maria la première : elle épousa le
sieur Cisternes-Delormes. Leu r contrat de mariage ,
en date du 23 juin 17 8 9 , renferme des dispositions
qui sont le germe de l’une des difficultés de la cause.
Les père et mère de la future lui constituent :
i° Une somme de 5ooo f r . , dont la célébration du
mariage vaudrait quittance;
« 2 0 Tous les b i e n s q u e l e s i e u r A u t c r o c h e a d a n s l e
« lieu et collecte de
Sauvagnat,
consistant en batim en s,
« terres, vignes, prés, et de toute autre nature que ce
« puisse être, sans aucune exception ni réserve », à la
charge d ’acquitter les cens et les fondations dont ils
sont grevés }
3° Les rentes foncières ou constituées que le sieur
Àuteroche a dans la même collecte de Sauvagnat, rentes
dont il est fait le détail;
4° Enfin la somme de 10,000 f r . , qui est stipulée
exigible seulement après le décès du dernier mourant
des père et mère.
L e cas de restitution de la dot est prévu, et le
contrat renferme sur cet objet une clause remarquable :
« Dans tous les cas où ladite restitution de dot
« aurait lieu, il sera libre au futur époux, ou à ses
« ayant-cause, de garder les biens ci-dessus délaissés
« îi la future épouse par les sieur et dame Auteroclie,
ses père et mère, en payant, par ledit sieur futur
v
�( 4 )
« ép ou x, ou ses héritiers à qui il appartiendra, la
« somme de 2^,000 fr. »
Dix aus sont accordés au fu tu r épouæ ou à ses
héritiers pour le paiement de ladite somme de vingtcinq m ille fr a n cs et des autres sommes constituées.
Enfin il est dit que, sur la somme de quarante
m ille fr a n cs form ant la dot de la dem oiselle fu tu re
épouse , il y a 8000 francs pour biens maternels , et
le surplus pour biens paternels.
L a dot était en effet de la somme de l[ü,ooo francs,
d ’après le délaissement, fait à l ’ é p o u x p o u r 20,000 f r . ,
du bien et des rentes situés à Sauvagnat.
C e délaissement surprendra peu, lorsqu’on saura
que le sieur Cisternes avait des propriétés considérables
à Sauvagnat ; que ces propriétés et celles du sieur
Auteroche ne formaient autrefois que le même patri
moine, qui avait été divisé par un partage; et que ce
fut dans le but de tout réunir, que la famille C is
ternes demanda q u ’il fût stipulé , comme condition
du mariage, l ’abandon au futur é p o u x , moyennant
25.000 fr., des biens possédés par le sieur Auteroche
h Sauvagnat.
L a plus jeune des demoiselles Auteroche épousa,
en l ’an 2 ( 1794) ? le sieur V oyret.
L e u r contrat de mariage est du 3 ventôse. Les père
et mère de la future lui constituèrent un trousseau
évalué à 1000 francs, et deux rentes f o n c i è r e s estimées
10.000 fr. : l’une de dix-huit s e p l i e r s d e blé conseigle
annuellement, assise sur un moulin ; l ’autre de quatre
sep tiers un carton deux coupes de blé conseigle, une
�( 5 )
coupe de froment , une coupe de n o i x , seize livres
un q u a r t d’huile, seize livres un quart de chanvre,
assise sur divers héritages.
Par le même acte , les sieur et dame Auteroche
donnèrent à Marie , leur fille a în é e , la jouissance
d ’une vigne située dans la commune de Perrières, et
celle de tous les immeubles qu ’ils possédaient dans les
dépendances d ’Issoire.
Devenu possesseur de deux rentes considérables, le
sieur V o y r e t ne tarda pas à se faire rembourser la
principale, celle de dix-huit septiers de blé. Il accepta,
le 2 nivôse an 3 , un r e m b o u r s e m e n t , illégal soit p a r
i n s u f f i s a n c e , soi t à défaut d’emploi , soit comme
n’ayant été accompagné d’aucune des conditions prescriles par la loi du 29 décembre 1790.
Cependant, loin de profiter, comme il l ’aurait p u ,
de la nullité d’un remboursement condamné par la
loi comme par la morale, le sieur V o y r e t , soit im
prudence , soit fausses spéculations, provoqua luimème la x’ectification de l ’erreur du débiteur. IL
demanda a ce débiteur, nommé A rn au d , un supplé
ment de remboursement} il procéda avec lui à un
nouveau compte, et reçut, le 24 nivôse an 3 , 1 7G 0 fr.
de plus , pour la perfection du remboursement }
extinction et amortissement de la rente. Tels sont les
termes de la quittance qui se termine ainsi : E t au
moyen du paiement de ladite som m e, le citoyen
V oyret tient quitte ledit A rn a u d ; e t , à ce Jaire
ci obligé ses biens prdsens et à venir.
Ainsi le
il
sieur V o yret promit au débiteur une
�\
( 6 )
garantie personnelle; et la nullité du remboursement,
que le seul défaut d’emploi suffirait pour faire pro
noncer , cette nullité ne pourrait être invoquée au
jourd’hui; sans que ses effets rejaillissent sur le sieur
Y oyre t lui-même.
La
dame Marie Auteroche , l ’aînée des enfans ,
contracta mariage, le 4 pluviôse an 11 (2/f janvier
i 8o3 ) , avec le sieur Mala fosse D u Couffour. Ses père
et mère confirmèrent en sa faveur l ’avancement d ’hoirie
q u ’ils lui avaient fait par le contrat de mariage de la
dame Yoyret. Ils lui donnèrent de plus la jouissance
de certains bâtimens q u ’ils s’étaient alors réservés.
Les articles 7 et 8 du contrat renferment des dispo
sitions qui doivent être littéralement connues.^
Article 7. « Lés père et mère de la demoiselle future
« lui donnent, en préciput et avantage sur ses sœurs,
« le quart et quatrième portion de tous les biens dont
« ils mourront vêtus et saisis, pour en jouir à titre
« de bien paraphernal et extradotal; et l ’instituent
« par égale portion avec la dame Y o y r e t , sa sœur,
« dans les trois autres quarts, à la charge de rapport
« de ce que chacune aura reçu en avancement
« d ’hoirie. »
,
Article 8.
« Mais attendu que la dame Y o y r e t a
« reçu, par son contrat de mariage, un avancement
« d ’hoirie moins considérable que celui de sa sœur,
« lequel s’est même trouvé réduit à presque rien , par
« le remboursement forcé qui lui a été iait des rentes,
« et q u ’elle souffre par conséquent une perte annuelle
« dans sa jouissance, le citoyen Auteroche voulant
—
�(
((
7 )
ctre juste e n v e r s tous ses enf^ns 5 et- 1 en dedom^
« mager, il veut et enten(l
l ’ouverture de sa
« succession, ladite Yoyret prélève sur le quart ci-dessus
« donné à la future, la somme de 4ooo fr. tournois,
« a v a n t tout partage, et à titre d ’indemnité de ladite
« non jouissance ; la présente clause étant une charge
« dudit préciput. »
S i , dans le c o n t r a t , les sieur et dame Auteroche
n’appelèrent pas la dame Cisternes au partage de leurs
successions, c’est q u ’ils considérèrent q u ’elle avait déjà
reçu tout ce q u ’elle pouvait prétendre\ ils ne pensèrent
donc q u ’à régler les droits de leurs deux autres filles.
O u verra, au reste, que la dame Cisternes a respecté
ce règlement, et que la dame Yoyret seule s’en plaint,
en contestant le don du quart en préciput.
Lors du contrat de mariage de la dame D u Couffour,
le sieur Auteroche ne connaissait pas les circonstances
du. remboursement fait au sieur Y o y r e t , en papier
monnaie; car, loin d’ètre forcé, ce remboursement
avait été absolument volontaire de la part de celui-ci.
Il a été depuis reconnu et déclaré tel par un arrêt
du 28 décembre 1811 , rendu entre les sieur et dame
Y o y re t, et l ’ancien débiteur de la rente. Yoici dans
quelles circonstances :
Les sieur et dame Voyret avaient demandé la nullité
du remboursement, comme 11’ayant pas été accom
pagné d’emploi. Ils l ’auraient fait ainsi juger, si ce
remboursement illégal avait été réellement forcé; mais
le contraire fut démontré, et la Cour déclara les sieur
et dame Y oyre t non recevable's, quaiit à p résen t,
�dans leur d e m a n d e to u s moyens de f a it et de droit
é ta n t. respectivement réservés a u x p arties, lors de
l ’action de Marguerite Auteroche (la dame V o y r e t ) ,
ou de ses héritiers.'
'
Yoici les motifs de l ’arret :
« Attendu q u e , par le dernier acte passé entre les
«
«
«
«
«
parties, en la ville d ’Issoire, le 26 nivôse an 3 , le
sieur Voyret a fa it son affaire personnelle de la
consommation du remboursement, en recherchant
et recevant la somme de 1700 f r . , et un billet pour
quelques septiers de b l é , pour supplément au rem
et boursement déjà fait, le 2 du même mois de nivôse;
« Attendu q u ’en obligeant ses biens présens et à
« venir à l ’exécution de cet acte, il y a par conséquent
« affecté son u s u f r u i t , qui dure encore, en qualité de
« mari de Marguerite Auteroche. »
Ces motifs indiquent clairement q u ’une fin de non
recevoir seule, tirée du fait et de l ’obligation person
nelle du sieur V o y r e t , empêcha la Cour de confirmer
le jugement qui avait annulé le remboursement. Aussi
la Cou r n’admit-elle cette fin de non recevoir que
quant à présent, en réservant l’action en nullité,
pour l ’exercer lorsque l ’usufruit du sieur Voyret aurait
cessé.
Nous aurons à examiner si le sieur Voyret ne doit
pas seul souffrir la perte q u e , par son fait, il a seul
causée.
L e sieur Auteroche père est décédé le 26 février
1821.
Il avait fait, dès le 2 floréal an 9 , un testament
�11}
C9 )
olographe par lequel il avait legue a la dame L ’huillier,
son épouse, l’usufruit de la moitié de scs Liens.
Par ce t e s t a m e n t , il lègue aussi à la demoiselle Marie
Auteroche, sa fille, le qu a rt, en préciput, de tous ses
biens meubles et im m eubles, sans exception.
L e 7 juillet 1821, les sieur et dameVoyret assignent
la dame Cisternes et la dame D u Couffour en partage
de la succession du père commun.
Ils assignent aussi la dame L ’huillier, veuve A u te
roche, en assistance de cause et en règlement de ses
droits.
E n réponse à cette assignation, la dame Cisternes
fait au greffe un acte p a r lequel elle déclare q u ’elle
n ’entendait « prendre aucune part au partage des
« biens de Thomas Auteroche, son père; q u ’elle s’en
« tenait uniquement aux dispositions de son contrat
« de mariage avec le sieur Cisternes-Delormes, du 3
« juin 1789. ».
Par le même acte, le sieur Cisternes-Delormes dé
clare aussi « q u ’il renonçait, ainsi que venait de le
« faire sadite épouse, au partage des biens dudit dé« funt Thomas Auteroche, son beau-père; q u ’il gar«
«
«
«
«
dait et retenait les biens délaissés par les sieur et
dame Auteroche et L ’huillier, père et mère de la
dame Cisternes-Delorme, par le contrat du 23 juin
1789, pour la somme portée au susdit contrat j
ainsi q u ’il en a la faculté par icelui. »
Cette double déclaration, qui est du 9 août 1821 ,
fut notifiée, le 29 du meiiie mois} aux avoués des
parties.
V)
�Alors la dame et le sieur Voyret élèvent plusieurs
difficultés.
Ils prétendent que les biens donnés en avancement
d ’hoirie à la dame Cisternes doivent être rapportés ,
et estimés, non d ’après le prix pour lequel ils avaient
été délaissés au sieur Cisternes, mais d ’après leur valeur
au moment du décès du sieur Auteroche père ;
•
Ils soutiennent que cette valeur estimative doit être
imputée sur las quotité disponible, c’est-à-dire sur le
quart donné en préciput a la dame D u Couiîour, parce
q u e , disent-ils, la daine Cisternes, renonçant à la suc
cession, doit être assimilée à un donataire étranger,
et ne peut retenir ce q u ’elle a reçu, pour une part
héréditaire à laquelle elle n’a pas droit;
Ils ne veulent aussi rapporter la rente en grains ,
remboursée au sieur V oyre t, que suivant la valeur des
assignats dépréciés q u ’il a reçus ;
Ils demandent enfin la réduction du legs d’usufruit
fait à la dame L ’huillier, mère commune.
L a dame D u Couffour répond :
Que par le contrat de mariage de la dame Cisternes,
le sieur Auteroche a transmis à son gendre la propriété
des biens de Sauvagnat, et que c e l u i - c i n’élant tenu
de restituer que 25,ooo fr. , c’étaient seulement ces
25,ooo fr. qui devaient être rapportés à la succession;
q u Jil fallait régir les dispositions, soit de ce contrat
de mariage, soit de celui de la dame D u CouiFour,
par les principes en vigueur au moment de leurs dates,
principes d ’après lesquels la dot de la dame Cisternes
devait s’imputer sur sa part héréditaire; principes qui
�voulaient aussi que le quart en preciput donne a la
dame D u C o u f f o u r fût pris sur la masse entière du
patrimoine paternel ;
Q u ’cniin le sieur Yoyret devait seul subir une perte
que lui seul avait occasionnée, et que la valeur réelle
des deux principaux de rente donnés à son épouse de
vait être rapportés au partage.
L ’on agita aussi une question sur la valeur du
trousseau de la dame Yoyret.
L a dame L ’huillier, veuve Auteroche, réclama ellemême, i° le prélèvement de a 5 ,ooo f r . , montant de
ses reprises sur la succession de son mari ; 20 la déli
vrance du legs d’usufruit de moitié des biens.
Quant au sieur et à la dame Cisternes, ils persis
tèrent dans leurs déclarations, et demandèrent à être
mis hors de cause.
Telles furent les circonstances dans lesquelles fut
rendu un jugement contradictoire, du 26 août 1822,
qui ordonne, avant de faire droit, l’estimation, sui
vant la valeur de 1821 , des biens meubles et im
meubles délaissés soit à la dame Cisternes, soit aux
autres enfans, et qui surseoit jusque la à statuer sur
la mise hors de cause de la dame Cisternes.
Ce jugement ordonne aussi q u e la dame Y o y r e t
rapportera seulement ao34 fr. en numéraire , valeur
réduite des 9^00 reçus en assignats , par le sieur
Y o y r e t , pour le remboursement de la rente de dixhuit septiers de grains.
Lnfin il ne prononce pas sur les demandes de la
�( I2.)
dame L ’huillier, à laquelle il accorde seulement une
provision de iaoo fr. (r).
( i ) Voici le texte des motifs du jugement :
« E n ce qui touche le partage de la succession Auteroclie ,
« Attendu que toutes les parties y donnent les mains ;
« E n ce q ui touclie le quart donné en préciput à la dame Du
C o u f fo u r ,
« Attendu qu’ il est de principe certain que la quotité disponible est
réglée par les. lois existantes à l ’époque où la donation a été faite ;
.qu’au teins du mariage de la dame Du Coufl’o ur, les dispositions per
mises ne pouvaient excéder le quart de tous les biens; que, par consé
q u e n t, pour que le sieur Auteroclie pût alors disposer du quart, il
fallait que jusque-là il n’eût fait aucune disposition ;
(t Attendu que ce n’est pas à la qualification donnée à la disposition,
ni à son m ode, que s’arrête le législaleur, mais bien à son résultat ;
qu ’ainsi, lors môme que les père et mère dé la dame Cislernes n’auraient
entendu faire à leur fille, par son contrat de mariage, qu ’ une légitime
pour lui tenir lieu de tous droits dans leur succession (ainsi que le per
mettaient les lois alors en v ig u e u r ), il n’ en serait pas moins vrai que
s i, par cette disposition, la quotité disponible, ou partie d’ icelle, se
tro u v e , d’ une manière quelconque, employee en faveur de la dame
Cisternes, les sieur et dame Auteroclie n’ ont pu valablement disposer,
au profit de la dame Du Couffuur, que jusqu’à concurrence de la
quotité disponible, encore intacte ;
« Attendu qu’ il résulte de tous ces principes établis, que la question
de savoir s’ il y a lieu ou non à la réduction de la donation, faite à la
dame Du Couifour dépend entièrement de cette autre question desavoir
si les objets donnés par le contrat de mariage de la dame Cisternes, du
23 juin 178c) , équivalent ou non a la portion d ’enfant, et à la totalité
ou à une partie de la quotité disponible ; qu ’on ne peut arriver à cotte
solution sans avoir une parfaite connaissance de la totalité de la fortune
des père et mère ;
« Al tend 11 que celte connaissance ne peut s'obtenir que par une esti
mation , tant dos biens délaissés à la dame Cisternes etaux autres enfaiii,
que de ceux dont le sieur Auteroclie est mort saisi cl vôtu ;
�!% *
( ,3 )
'
Cette décision , qui tendait à annuler le don en
préciput fait à la dame D u Co uffo ur, nuisait trop îi
ses intérêts, et blessait trop les règles du Droit et les
« Attendu quJil ne peut y avoir de doute sur les bases à adopter pour
cette estimation ; et qu’aux ternies de l ’article 860 du Code c i v i l , c’est
valeur de 18 2 1 , époque du décès du sieur Auteroclie, qu ’elle doit être
faite ;
« Attendu qu’ encore que la succession du sieur Auteroclie se soit
ouverte sous l’ empire du Code, la dame Cistcrnes n ’en doit pas moins
conserver les droits que lui assurait l ’ancienne législation, sous l’empire
de laquelle a été passé son contrat de mariage ; que ces lois lui accor
daient la faculté de retenir, on renonçant, sa pari d ’enfant et la quotité
disponible sur les biens dont clic sc trouve saisie ; qu ainsi on ne peut
dire que ce soit donner au Code un effet rétroactif ;
« Attendu qu’elle a usé de cette faculté en renonçant ; que nulle
contestation 11e s est elevee 3 son égard 5 qu ainsi le bien de Sauvagnat,
qui compose en partie sa donation, ne peut être rapporté que ficti
vement.
« E n ce qui touche la question de savoir si le rapport fictif de cc
bien doit être fait en n a tu re , pour être estimé valeur de 1821 , ou bien
s’il ne doit être rapporté que le prix pour lequel le sieur Cistcrnes
aurait eu le droit de le re te n ir, si la dame Cisternes était venue à
décéder sans enfans ;
« Attendu qu’ on lit dans le contrat de mariage des époux Cislernes
la clause suivante : « Dans tons les cas où la restitution de dot aurait
« lie u , il sera libre au futur époux, ou à ses héritiers et ayant-cause,
« de garder et retenir les biens ci-dessus délaissés à la future épouse
K par ses père et mère, en p aya n t, par ledit futur ou ses héritiers, la
« somme de vingt-cinq mille francs » ;
« Allendu qu’ il résulte de l’ensemble de cette clause, et sur-tout
de ces mots : Dans tous les cas où la restitution de dot aurait lieu
q u ’en abandonnant au sieur Cisternes le domaine de Sauvagnat pour le
prix porté audit contrat, les père et mère de la dame Cisternes n’avaient
nullement eu l ’ intention de fixer la valeur pour tout autre cas que celui
prévu par ladite clause, mais qu ’ils ont seulement eu eu yuq de pré-
*4»
�■Mix
intentions da
Du
( >4 )
père de famille,
pour quo la dame
( 'ouffour we la dénonçât pas à des magistrats
supérieurs.
sauter au sieur Cisternes l’avantage de devenir propriétaire incommutable d’ un bien q u i, réuni à celui que lui donnait son père dans la
même com m une, devait former une propriété considérable, comme
aussi de l’encourager à l’améliorer, dans la certitude qu’à tout événement
il l’améliorerait pour lui ;
« Attendu que cette première clause se trouve encore interprétée par
celte autre du même contrat : « Les sieur et dame Auteroclie, et le sieur
« Cisternes-Delorme père, se réservant pour eux et les leurs, chacun en
« droit s o i , les biens par eux ci-dessus donnés et constitués aux futurs
tr é p o u x , en cas qu ’ils décèdent sans enfans, ou leurs enfans sans des« ceudans, ou sans en avoir disposé » ; et que cette dernière clause ne
laisse plus de doute sur le véritable sens à donner à la première ;
« A tte n d u , au surplus, que ces motifs sont totalement étrangers aux
autres enfans, et que bien certainement les père et mère n'ont pas
entendu leur préjudicier par cette clause du contrat de leur aînée.
« E n ce qui touche Les rapports à faire par la dame V o y re t,
« i° A l ’égard du trousseau :
« Attendu q u e , par contrat de mariage du 3 ventôse an i , passé
pendant le cours du papier-monnaie, il a été estime à la somme de
mille livres, et que celte somme est réductible en numéraire, d’après
l ’article i 5e du titre 3e de la loi du 16 nivôse an G, n° i 64 ;
« s" A l’égard de la rente en b l é , estimée, par le même c o n tra t, à
dix mille francs ,
« Attendu que le sieur Voyret a été forcé d ’en recevoir le rembour
sement en l’an 3 , ainsi que le sieur Auteroche l’a reconnu dans le
contrat de mariage de la dame Du CouiTour, et que le remboursement
fait moyennant la somme de (jjoo livres, assignats, le 12 nivôse an 3 ,
ne représente, à l'éch elle, que ao 34 livres en numéraire, et que la
dame Voyret ne doit que le rapport de cette somme, d'après 1 article i 5
précité de la loi du 1G nivôse an G , comme étant la valeur réelle qu’elle
a reçue ,
« L e t r ib u n a l, etc. »
�•H
( »5 )
Elle en a interjeté appel, par exploit des i!\ octobre
et 7 novembre 1822.
La dame veuve Auteroche s’est aussi plainte, par
un appel , de ce que ses reprises ne lui avaient pas été
accordées.
Ces deux appels font renaître devant la Cour toutes
les questions qui avaient été agitées en présence des
premiers juges.
Sur celui de la dame D u Couffour, l ’on aura à
examiner, i° quelles doivent être les valeurs des rap
ports fictifs a faire par les dames Cisternes et V o y r e t 5
20 Quel doit être l ’effet du don du quart en préc i p u t , promis à la dame D u Couflour.
§ i" .
V aleurs à rapporter p ar les clames Cisternes
et V o y ret.
Cette question se subdivise.
La dame Cisternes doit le rapport de /jo,ooo francs
seulement.
La dame Voyret doit la valeur réelle des rentes qui
lui ont été constituées.
Le rapport de la dame Cisternes ne doit être que
fictif, puisqu’elle ne vient pas au partage; niais il faut
que la valeur à rapporter soit connue, pour déter
miner la masse héréditaire, et pour prononcer sur le
don en préciput fait à la dame Auteroche.
�Selon la dame V o y r e t , on doit estimer, d ’après leur
valeur actuelle, les biens délaissés, en 1789, à la dame
Cisternes ou à
n mari; et cette valeur doit être
imputée sur la quotité disponible, parce cj[ue la dame
Cisternes renonce à la succession.
Selon la dame D u Couffour^ la valeur de ces biens
a été invariablement fixée par le contrat de 178g.
Vendus au m a r i , leur prix seul doit entrer dans le
patrimoine du père ; et la dot reçue par la dame
doit s’imputer sur la portion héréditaire
de celle-ci.
Cisternes
Cette question d ’im putat ion, que nous traiterons
dans la suite, forme, comme on le verra, tout l ’intérêt
1
de la question d ’estimation.
Les principes e n v i g u e u r lors du contrat de mariage
de la dame Cisternes, les clauses même de ce contrat,
11e permettent pas d ’hésiter à dire que les biens qui y
sont énoncés furent vendus au m ari, et sortirent, dès
cet instant, du patrimoine paternel.
Remarquons que c’est par les lois romaines que ce
contrat doit être régi, soit que l ’on considère le domi
cile des parties, soit que l ’on se fixe sur le lieu où il a
été passé.
Les sieur et dame Auteroche et la future épouse
étaient domiciliés à Issoire, pays de Droit écrit.
L e futur époux et ses père et mère habitaient
C l e r m o n t , dont le Droit écrit était a u s s i la loi.
E n f in , l’acte a été passé à Sauvagnat, près Issoire,
lieu aussi régi par les lois romaines.
�m
( 17 )
O r , une des règles élémentaires du Droit romain,
était la maxime clos estimcita , clos ? cnclita.
Cette maxime était écrite dans uae ioule de lois;
elle était enseignée par tous les auteurs des provinces
qui avaient adopté la législation romaine.
La loi 5 et la loi 10 au Code D e ju r e dotium ,
posent le principe comme règle générale.
Quolies res œstimatœ in clotem d a n tu r , dit la
première de ces lo is , maritus clominium consecutus 3
summee velut p re tii, debitor ejjicitur.
L a rè gle ne s o u f f r a i t q u ’ u n e s e u le e x c e p t i o n , s a v o i r ,
l o r s q u ’ il a v a i t é t é ré se rv é à l a
f e m m e la
liberté
de
re pre ndr e' l e ' f o n d s e s t i m é .
Fundus œstimatus non est dotalis sed marito proprius, em ptiom sjure} msi reliiicjiicitur cirbitrio m illions
fu n d um repetere (Observation de Cujas , dans son
Traité A d A fricanum , sur la loi 9 , S i m a r i t o iF.
D e fu n d o dotali.').
Au. contraire, s’il avait été convenu que la chose ou
l'estimation serait rendue, le mari avait le choix. C ’est
la décision des lois 10, § ult. , et 69, § 7 , D e ju r e
dotium.
Dans le doute même sur le bu t de l ’estimation, on
présumait q u ’elle avait été faite dans le dessein de
vendre au mari. Telle est la remarque de Serres, dans
ses institutes, où il cite la glose sur la loi 21 , Cod.
D e ju re dotium.
11 importait peu que le mari eut ou non vendu
l’objet estimé par le contrat. Dans
tous les cas ,
l ’estimation le rendant propriétaire, il ne devait res3
�( >8 )
tituer que la somme. Item si non v œ n ie r ite stim a lio
prœstari débet, h . item 3 , ff. D e pactis dotalibus.
Cette doctrine est enseignée par tous les auteurs qui
ont examiné la question pour les pays de Droit écrit.
On peut consulter notamment , parmi les auteurs
du parlement d e T o u lo u ze , Catelan, livre 4 ? ch. 3 2 ;
Serres, dans ses Institutions, livre 2 , titre 8 , ad
p r in c ip e et parmi ceux du parlement de Paris,
Rousseau-Lacombe, au mot D o t , partie 3 , sect. 2;
Roussilles, Traité de la D o t , ch. 9 , § 1 , et sur-tout
D ô m a t , dans ses excellentes Lois civiles, livre i er,
titre 9 , sect. i re, nos 5 et suivans.
Ce savant auteur cite et explique les lois romaines
sur la question.
Il s’exprime ainsi au n° 5 :
« La dot en deniers, ou autre choses, soit m eubles,
« soit im m eubles, qui ont été estimées par le contrat
« à un certain prix, est propre au mari, et il devient
« débiteur des deniers donnés en dot ou du prix des
« choses estimées; car cette estimation lui en lait une
« vente, et la dot consiste au prix convenu. »
Il ajoute au n° 7 :
« Dans le cas où les choses dotales sont estimées ,
« les règles sont les mêmes que celles qui ont été
« expliquées dans le contrat de vente; car cette esti« mation est une vraie vente ». Quia estimatio venditio est. L . 1 0 , in fin . 3 ÎF de ju r e dolium , et L . 1
et 10, C . eod.
L ’application de cette doctrine à la cause est aussi
facile que naturelle.
�( *9 )
On lit dans le contrat de mariage de la dame Cis
ternes q u ’il lui est constitué en argent 5ooo fr. , dont
l ’acte porte quittance, et 10,000 fr. payables après le
décès du dernier mourant des père et mère*, et en
immeubles, rentes ou meubles qui se trouvaient a
Sauvagnat, des objets évalués 25,000 fr.
Cette estimation , qui est répétée dans plusieurs
parties du contrat, suffirait pour attribuer au mari
la propriété des objets délaissés.
Mais on a fait plus; on a stipulé comme condition
du mariage, comme loi de famille, que, d a n s t o u s les
c a s o h l a r e s t i t u t io n d e l a d o t a u r a i t l i e u , non.
seulement le futur époux, mais même ses héritiers
ou ayant-cause seraient libres de garder et retenir les
biens en payant, à qui il appartiendrait, la somme
de vingt-cinq m ille fran cs.
Quoi de plus formel que cette stipulation? Quoi
de plus caractéristique d’une vente faite au mari et
à ses héritiers ou ayant-cause ?
Quoi de plus exclusif de l ’idée que la propriété des
objets délaissés résidât sur la tète de la dame Cisternes,
et que ces objets dussent être rapportés en nature au.
patrimoine du père?
N ’est-il pas évident q u e , dès ce moment même, le
Perc a entendu se dépouiller de cette propriété; q u ’il
l a transmise à. la famille Cisternes; que, par consé
quent, elle a cessé, comme tous les autres biens q u ’il
aurait aliénés, de faire partie de son patrimoine , e t'
qu aujourd nui elle ne doit pas y rentrer pour en
former la masse ?
�^ V JÛ
f 20 )
D ’autres clauses du contrat démontrent de plus en
plus cette vérité.
On accorde dix ans de terme au fu tu r ép ou x ou à
ses héritiers pour la restitution des 2Î),ooo fr. et des
autres sommes constituées.
O11 déclare ensuite que la somme de quarante
m ille fra n cs fo rm e la dot de la future.
Ainsi , suivant la pensée, suivant la volonté des
contractans, cette dot était seulement pécuniaire; elle
était seulement de 4.0,000 francs en a rge n t, puisque
telle est la valeur seule qu ’on lui fixe, puisque telle
est la valeur seule que le mari ou ses héritiers sont
soumis à restituer.
Opposera-t-on que le m a r i , étant libre de restituer
:i5,ooo f r . , était aussi libre de rendre les objets même;
q u ’ainsi la c o n s o m m a t i o n de la vente dépendait de la
volonté de celui-ci ou de ses héritiers?
' Cette circonstance est indifférente. La faculté ac
cordée au mari n ’établit pour lui q u ’un mode de
libération : elle n’empêche pas que la propriété des
objets délaissés ne lui ait été transmise dès le jour
même du contrat. Il devait un jour restituer la dot,
et cette o b l i g a t i o n le constituait débiteur envers son
épouse de la valeur fixée; mais cette dette, il pouvait
s’en libérer ou en argent ou en fonds, h son choix.
O r , par cela même que le mode de libération dépen
dait de lui, la propriété des choses q u ’il avait reçues
résidait nécessairement sur sa tête; il était libre d ’en
disposer à son gré, de les vendre, de les échanger, de
les donner même; il pouvait les aliéner dès le leu-
�/of
( 21 )
/
demain du c o n t r a t i l a p u , il pourra en disposer
pendant tout le cours de son mariage*, et même après
sa dissolution, ses héritiers, ses ayant-cause auront
aussi la même faculté, sauf à rendre les 2^,000 fr. ,
prix convenu.
Au contraire, le sieur Auteroclie père, la dame Cisternes n’ont plus eu, dès le jour du contrat de mariage,
le droit d’exercer aucun acte de propriété sur ces objets.
O r , n ’e st-i l pa s é v i d e n t q u e c e l u i - l à s e u l est p r o
p r i é t a i r e q u i p e u t d i s p o s e r d e la c h o se à son g r é ; et
n e r é s u l t e - t - i l pa s d e ces idé es q u e le s i e u r C i s t e r n e s
a é t é , dès 1 7 8 9 , le s e u l , le v r a i p r o p r i é t a i r e des o b j e t s
qui
furent
alo rs délaissés
par le
( V o y e z C o d e c i v i l , article
544*)'
sieur
Auteroclie ?
On peut reconnaître sous un autre rapport, que la
propriété de ces objets résidait sur la tête, du sieur
Cisternes.
Il s’était obligé ou à les rendre en natuie , ou à
rendre leur valeur, fixée à a 5 ,ooo fr. ; c’est-à-dire que
son obligation était alternative, et même q u e , d ’après
une convention expresse, le choix lui appartenait. Or,
si les choses q u ’il avait reçues avaient péri ; si les
rentes avaient été remboursées en valeur nulle; que
les meubles eussent été détruits par l ’usage ou autre
ment-, qUe i es immeu]3lcs eussent été dégradés par
quelque accident, par une force majeure même , le
sieur Cisternes eùi-il pu se dispenser de payer les
a 5,ooo fr.? N on , sans doute : la chose aurait péri
pour lui. Par la perte de cette chose, même sans sa
faute, son obligation alternative serait devenue pure
/ »
�et simple, et il aurait dû les 2 5,ooo francs (Voir Code
civil, article 1193; et Pothier, Traité des obligations,
n° 2 5o.).
t
Mais pourquoi, malgré la perte de la chose, le prix
en est-il dû? Pourquoi? par application de la maxime,t \
lies périt dom ino; et parce que tout débiteur sous
une obligation alternative à son choix, est considéré
comme seul propriétaire do la chose, tant q u ’il n’a pas
fait d ’option.
Remarquons, au reste, que l ’option du sieur Cisternes a même été consommée par la déclaration q u ’a
faite celui-ci, en présence de son épouse, au greffe du
tribunal civil de Clerm ont, le 29 août 1821.
L e sieur Cisternes avait à s’expliquer, puisque son
épouse pouvait ê t r e d a n s le cas de r a p p o r t e r sa dot à
la succession du sieur Auteroche, et lui-même, par
suite, obligé de restituer ce q u ’il avait reçu en objets
mobiliers ou immobiliers.
O r , qu'a-t-il déclaré? « Q u ’il gardait et retenait les
«
«
«
«
biens délaissés par les sieur et dame Auteroche et
L ’ huillier, père et mère de la dame Cisternes, par
le c o n t r a t dudit jour 27 juin 17 8 9 , pour la somme
portée audit contrat j ainsi q u i l en a la fa c u lté
« p ar icelu i. »
L e choix du sieur Cisternes est donc consommé. Il
retient les objets délaissés pour les 25,000 francs, prix
du délaissement; en sorte q u ’en supposant q u ’on put
considérer la vente comme c o n d i t i o n n e l l e dans l'ori
gine, la condition accomplie, ayant eu un'effet ré
troactif au jour du contrat de mariage, a rendu la vente
�( ^
)
pure et. siinpl^ des 1 înstunt même du conttat ^Voit
le Code civil, art. 1179.)A in s i , dès 1789 , il y a eu aliénation de la part du
sieur Auteroclie de ses biens de Sauvagnat. Il y a eu
aliénation, non à titre gratuit et en faveur de sa fille,
mais à titre onéreux, et dans l ’intérêt seulement du
sieur Cisternes et des héritiers de celui-ci, quels qu ’ils
fussent , directs ou collatéraux , conventionnels ou
naturels. Désuet instant les *¿5 ,000 fr., prix de l ’aliéna
tion , ont seuls fait partie de la dot de la dame
Cisternes, ont seuls été sujets à restitution d a n s t o u s
l e s c a s où elle aurait lieu, ont se uls aussi ete sujets
u rapport-, c a r le r a p p o r t est un cas de restitution.
Ainsi, la valeur actuelle de ces biens ne doit pas
entrer, même fictivement dans la masse du patrimoine
du sieur Auteroche; car si la loi veut que l ’on réunisse
U la masse les objets donnés (voir Code civil, art. 922),
elle n’autorise pas a y réunir les objets vendus, et
, sur-tout vendus h des non successibles. Sortis du patri
moine de l ’auteur , ces objets ne peuvent y être
compris ; leur prix seul, s’il est encore d ù , doit en
faire partie.
Les observations que nous venons de faire répondent
suffisamment aux motifs du jugement sur la question.
Les premiers juges reconnaissent , par exemple,
que le but de la clause du contrat a été de présenter
au sieur Cisternes l’avantage de devenir propriétaire
de ces biens de Sauvagnat.
Mais de cet aveu même ne découlerait-il pas la
conséquence évidente que le sieur Auterochc avait
�aliéné la propriété, et que cette propriété ne devait
plus à jamais faire partie de son patrimoine*, q u ’ainsi
elle ne devait y rentrer ni par la voie du rapport, ni
par aucune autre voie?
Les premiers juges disent que la clause doit être
restreinte au cas de restitution q u ’elle a prévu.
Mais un rapport n’est-il pas une sorte de restitution?
et, d ’ailleurs, si les objets délaissés ne sont restituables
ni en nature, ni en valeur actuelle; s’ils ont été aliénés,
depuis 17 8 9 , a titre onéreux à la valeur vénale de
cette époque; si, enfin, ils sont sortis dès-lors du pa
trimoine de la famille Autcroche, pour entrer dans
celui de la famille Cisternes, comment devraient-ils
être rapportés aujourd’hui à la succession Auteroche?
Les premiers juges argumentent aussi du droit de
réversion stipulé dans le contrat de mariage.
Mais outre que le cas de réversion n’est pas arrivé, .
c’est q u ’évidemment ce droit ne s’appliquait q u ’aux
25,000 f r . , prix de l ’estimation et du délaissement; car
le sieur Cisternes et les héritiers étant autorisés, dans
tous les cas où la restitution aurait lie u , à retenir
les biens, et à ne restituer que 25,000 f r . , il est clair
que cette faculté s’appliquait aussi à la réversion qui
n ’était elle-même q u ’un cas de restitution.
Enfin l’on a dit que le sieur Auteroche n’avait pas
entendu préjudiciel’ h ses autres enfans.
Etrange raisonnement! Comme si un père n’a pas
le droit, pendant sa vie, d ’aliéner son bien; comme si
le sieur Auteroche n’aurait pas eu la laculté de vendre
avant le mariage son bien de Sauvagnal, moyennant
�IT
•
( ,5 )
a 5 ,ooo f r . , soit au sieur Cisternes, soit à toute .autre
personne, et cleconstituer à sa fille cette somme; comme
s i , ce q u ’il aurait pu faire par deux actes différons , il
n’a pas eu le droit de le faire par le même acte qui.
renfermait tout à-la-fois, et la vente au sieur Cisternes,
et les conventions matrimoniales entre celui-ci et la
demoiselle Auteroche; comme s’il rx’avait pas enfin
exprimé la volonté formelle que la dot de la dame
Cisterne fût seulement, pécuniaire, et s’élevât à la
somme de 4o,ooo francs; comme s’il n’avait pas aussi
manifesté, non seulement par le contrat de mariage
de la dame D u Cou flou r , mais e n c o r e par son testa
ment , une v o l o n t é f e r m e et constante d ’attribuer à sa
fille ainée l ’avantage du quart de son patrimoine
entier, en laissant à la dame Cisternes, pour sa part
héréditaire, la dot q u ’elle avait re ç ue , et en ne vou
lant pas qu elle participai au partage du surplus de
ses biens.
Q u ’on cesse d’en appeler aux intentions du père de
famille, ou , si l’on veut invoquer ces intentions respec
tables, q u ’on s’y soumette, q u ’on les exécute; et la
discorde alors cessera de troubler la famille Auteroche.
On doit donc reconnaître que les premiers juges
ont méconnu la volonté du sieur Auteroche, violé la
loi du contrat de 1 7 8 9 , et blessé les principes des
rapports, en ordonnant l’estimation, valeur actuelle
des biens délaissés au sieur Cisternes.
Ces biens
aliénés alors au prix vénal du tems; ces biens dont k
propriété, transmise au sieur Cisternes, n’appartenait
plus à la famille Auteroche; ces biens q u ’à la dissolution
4
�( 26 )
du mariage, la dame Cisternes ni aucun de ses héritiers
n ’auraient eu le droit de réclamer; ces biens, étrangers k
la succession du sieur Auteroche, ne doivent pas y être
rapportés, même fictivement; les 25,ooo francs qui en
sont le prix doivent seuls entrer dans la masse, afin
de servir à déterminer la qu o tité d is p o n ib le , suivant
le vœu de l’article 922 du Code civil.
L ’erreur que nous venons de signaler n ’est pas la
seule qui ait été provoquée par les sieur et dame
V o y r e t , et qu ’ait commise dans leur intérêt le tribunal
dont est'appel.
Les sieur et dame Voyret devaient le rapport en
nature, 011 en valeur réelle, des deux rentes en grains
qui avaient été constituées à celle-ci par son contrat
de mariage.
L e sieur V o y r e t , à qui avait été fait le rembourse
ment de la principale de ces rentes, a obtenu de rap
porter seulement la valeur réduite des assignats q u ’il
avait reçus.
»
Cette décision eût été juste si le remboursement
eut été forcé, et s’il eût été accompagné des conditions
prescrites par la loi.
Mais le remboursement a été illégal; mais il a été
volontaire de la part du sieur Voyret.
L e remboursement a été illégal.
L a loi du 29 décembre
1790, en autorisant les
rachats des renies foncières, soumettait les débiteurs
à diverses conditions. L ’article l\ du titre 2 porte
notamment que « les tuteurs, les grevés de substilu-
�•/$7
( a7 )
«
«
«
«
tion, et les maris, clans les pays où les dots sont
inaliénables, mèmeavecle consentement des femmes,
ne pourront liquider les rachats des rentes ou redevances foncières appartenant aux papilles , aux
« mineurs, aux interdits, à des substitutions, et a u x
« fem m es mariées, q u ’en la forme et au taux ci-après
« prescrits, et à la charge du remploi. »
L ’article ajoute que « le redevable qui ne vomira
« point demeurer garant du remploi pourra consigner
« le prix du rachat. »
L e mode et le taux du rachat sont prescrits par le
titre 3 de l a l o i .
On n ’ e x a m i n e r a pas si la f o r m e et le taux du rachat
ont clé observés; cela dépend des calculs qui ont été
faits entre le débiteur et le sieur V o y r e t , calculs qui
ne nous sont pas connus, et dont on vérifiera la jus
tesse lorsque celui-ci les aura indiqués. On se bornera,
sur ce point, a dire que, d’après l ’article ?. du tit. 3
de la loi, le rachat des rentes en grains devait être fait
sur le pied du denier vingt-cinq de leur produit
annuel; et qu e , d’après l ’article 7 , le produit annuel
se déterminait en for man t, du prix des grains, une
année commune, a l ’aide des quatorze années anté
r i e u r e s à celle du rachat, années desquelles on re
tranchait les deux plus fortes et les deux plus faibles.
L e sieur Voyret aura à démontrer q u ’il a rempli
ces dispositions de la loi.
Mais une condition q u ’il a complettement négligée,
et que les débiteurs de la rente ont oubliée comme
l u i , c’est la charge du remploi.
¿ fi,
�Cependant, aux termes de l ’article 4 du titre 2 du
décret, il ne pouvait liquider le rachat q u ’à la charge
du remploi.
Le défaut de remploi rend donc la liquidation
nulle et le remboursement illégal. On connaît , en
effet, la force, en D r o i t , de cette expression prohi
bitive, n e p e u t ; S jlla b a > o n , prœposita verbo p o t e s t ,
tollit potentiam ja r is et f a c t i 3 el reddit actum nullum
et impossibile. Fait contre la prohibition de la loi ,
accepté sans le consentement même de la dame Voyret
seule propriétaire de la rente, le r e m b o u r s e m e n t ne
peut être opposé par le sieur V oyre t; il ne pourrait
même l ’être par les redevables, puisque la loi les ren
dait garans du défaut de rem ploi, et que par consé
quent ce remploi était nécessaire pour les libérer. C ’est
ce qui a été jugé par plusieurs arrêts de la Cou r, dans
des cas semblables.
U n arrêt du 19 prairial an 12 a déclaré nul le
remboursement d ’une rente dotale, faite au mari en
nivôse an 3 , accepté par celui-ci sans remploi. Il a
jugé que la nullité, fondée sur le défaut de remploi,
avait pu être demandée, même p e n d a n t le mariage ,
et il a condamné les redevables à servir la rente.
U ne semblable nullité de remboursement a été pro
noncée, le 18 juillet 1810, par le même motif, rela
tivement à une rente créée sur une maison de ville
(V oir les deux arrêts dans le Journal des A udiences
de la Cour de Riom 3 à leurs dates.).
Ces préjugés, et les termes de la loi du 29 décembre
1790, sont trop positifs, pour douter que le rembour-
�/'S')
( 29 )
sement fait au sieur Voyret n ’eut été aussi déclaré
nul, si ce remboursement avait été forcé, et si le sieur
Voyret n ’en avait personnellement garanti la valeur.
Aussi la demande en nullité, formée par les sieur et
dame Voyret, n’a-t-elle été rejetée que quant à pré
sen t, par l ’arrêt du 22 décembre 181 r , dont nous
avons rapporté ci-dessus la teneur. C ’est par une
lin de non recevoir que cette demande a été mo
mentanément écartée , et par une fin de non rece
voir résultant des faits personnels du sieur V oyre t,
de ce q u ’il a recherché, comme le dit l ’a r r ê t , et reçu
volontairement le remboursement, et de ce q u e , à
l ’exécution de la quittance q u ’il a donnée aux rede
vables , il a obligé ses biens présens et ¿1 venir.
C ’est donc par la faute du sieur V o y r e t , par les
suites de son imprudence ou de ses spéculations ,
par l ’effet de l ’obligation personnelle q u ’il avait con
tractée envers les débiteurs, que le remboursement a
été maintenu, et que la rente a péri, ou a été réduite
a une très-faible valeur.
Mais n ’est-il pas juste que le sieur V oyret soit seul
puni de ses propres fautes ? N ’est-il pas juste q u ’ il
subisse seul les conséquences de ses faits personnels?
N e-t-il pas juste que la succession du sieur Auteroche,
que la dame Voyret et les cohéritiers de celle-ci ne
souffrent pas des suites d ’un tort qui leur est étranger?
Ne sait-on pas aussi que tout fait quelconque de
l’ homme, qui cause a autrui un dommage , oblige
celui par la faute duquel il est arriv é , à le réparer
(Code civil, art. i382.)?
�( 3o )
L e sieur Voyret pouvait refuser le remboursement,
■et il l’a accepté volontairement; il l ’a même recherché,
suivant l ’expression de l ’arrêt de 18 i i . Il devait faire
un emploi, et il l ’a négligé. Il pouvait ne pas garantir
ce remboursement; s’il se fut abstenu de le garantir,
la succession forcerait aujourd’hui
les débiteurs à
servir la rente; et il a promis sa garantie personnelle,
et il a fait du remboursement sa propre affaire.
Si donc le remboursement est nul; si le sieur Voyret
a voulu s’exposer aux suites de cette n u l li t é , c’est sa
propre affaire et non celle de la succession. Les héri
tiers D u Couffour ont le droit d ’exiger, ou q u ’il re
présente la rente telle que le père de famille la lui
avait remise, ou q u ’il en rapporte la valeur réelle,
et non une valeur dépréciée, que lui seul a rendue
illusoire.
L e tribunal a donc mal jugé, en ordonnant seule
ment le rapport, en valeur réduite, des assignats que
le sieur Voyret a spontanément reçus. Celui-ci doit
rapporter, ou les rentes même en nature et dûment
conservées, ou leur valeur actuelle. Ce rapport et
celui de la dot pécuniaire de la dame Cisternes doivent
être réunis au surplus des avancemens d ’hoirie et aux
biens dont le pèrç était en possession à son décès,
pour former la masse héréditaire sur laquelle les droits
de chaque cohéritier seront déterminés,
�/¿'
( 3 0
§ II.
Q uel doit être Veffet du don du quart en p ré cip u t,
promis à la dame D u C oujjour?
L a dame Du CoufTour réclame le quart en préciput
des biens de son père. Sa demande est fondée sur deux
titres : son contrat de mariage et le testament du père.
Par le premier de ces titres , qui est antérieur au
Code civil (il est du 4 pluviôse an 11, ou 24 janvier
i 8o3 ) , les père et mère de la dame D u Couffour lui-,
ont assuré le quart de leurs biens en préciput, et
l ’ont instituée leur héritière dans les autres trois
quarts, par égale portion avec la dame Voyret. Ils ne
parlent pas dans cet acte de la dame Cislernes, à qui
ils avaient déjà donné la valeur de ses droits hérédi
taires, par son contrat de mariage du 23 juin 1789.
L e second titre, le testament du père, contient
aussi, en faveur de la dame Auteroche , un legs du
quart en préciput de tous scs biens meubles et immeu
bles sans excep tion .
L a d a m e V o y r e t rési ste à l ’ e x é c u t i o n d e c e t t e d o u b l e
d is p o s i t i o n .
V
Elle fonde sa résistance sur ce (rue la dame Cisternes
1f 1 t j
a u e c ia r e s en t e n i r à ce q u ’e ll e a v a i t r e ç u , et ne pas
vouloir venir au partage de la succession du sieur
Auteroche.
La dame Cisternes, dit-elle, a renoncé. Par sa re
nonciation , elle doit être assimilée à une étrangère.
Sa part héréditaire a accru à ses cohéritiers} et ce qui
-C<;
�**Y
( 3 0
lui a été donné doit s’imputer sur la quotité dispo
nible, suivant la règle écrite dans l ’article 845 du
Code civil. Si donc, par la dot de la dame Cisternes,
la quotité disponible est épuisée, la dame D u CouiFour
n ’a pas droit au quart en préciput qui lui avait été
promis.
Ce que la dame Cisternes a reçu, et sou refus de
venir à partage peuvent-ils priver la-dame Du CouiTour
du quart en préciput qui lui a été promis?
Telle est la question.
Cette question ne peut être résolue q u ’en faveur de
la dame Du CouiFour.
L a dame Voyret se retranche dans les nouveaux
principes q u ’elle interprète à sa manière. Elle s’appuie
aussi sur un arrêt de cassation, du 18 février 18 18 ,
q u i , dit-elle , a donné l ’explication du Code civil
p a r innovation à la législation ancienne (1).
Nous examinerons la difficulté d ’après les nouveaux
comme d ’après les anciens principes.
Mais la dame Voyret n’a pas remarqué que le Code
civil n ’aurait pu modifier, encore moins détruire une
disposition irrévocable, faite avant son émission; et
que , quelle que fût la législation nouvelle , c’est
d ’après la législation ancienne seule q u ’on devrait
apprécier l ’eftet du don en préciput fait à la dame
Auleroche.
C ’est un principe élémentaire , que les donations
entre-vifs ou à cause de mort, l o r s q u ’ e l l e s sont irrévo(1) Voir les conclusions «les sieur et dame V o y r e t, signifiées eu
première instance, le 17 novembre 18a 1.
�!A *
'
( 33)
cables de leur n ature , sont régies par la loi en vigueur
au moment de l ’acte.
Ce p r i n c i p e conservateur avait été méconnu pen
dant quelques années de désordres et d’aberration :
les lois des 5 brumaire et
17 nivôse an 2 avaient
établi une rétroactivité monstrueuse.
Mais bientôt les idées de justice triomphèrent, et la
rétroactivité fut abolie.
Depuis, les législateurs et les tribunaux ont été at
tentifs à maintenir l ’exécution des contrats, confcîrmément aux lois sous lesquelles ils avaient été passés.
Les législateurs du Code c i v i l ont pose dans le titre
p r é l i m i n a i r e , c o m m e fondement de toute législation,
«ette règle précieuse : « La loi ne dispose que pour
« l’avenir; elle n ’a point d ’effet rétroactif » (Art. 2
du Code civil.).
Une foule d’arrêts ont appliqué ce principe à. des
donations, à des institutions, e t , en général, à des
dispositions, soit entre-vifs, soit à cause de mort, qui
avaient eu lieu sous la législation antérieure au Code.
Ou peut consulter notamment des arrêts de cassation
des 3 messidor an 5 , 5 vendémiaire an 7 , 27 germinal
an 12, 17 et 25 nivôse , 7 ventôse et 8 prairial
an i 3 (1).
U n autre arrêt de la même Cour a décidé, confor
mément à ce principe, une question de réserve ou de
(«) Voir ces arrêts dans le Journal des A udien ces, par Dcnevers ,
volume de 1791 à l ’an 1 2 , pages m
page 3 i
7;
et 164 ; volume de l ’aa 12 !
volume de l ’aa i 3 , page i g S , 2 7 6 , 3oG
407^
�( 34 )
retranchement, née sous le Code civil, entre le père et
l ’épouse du général Virion. Les deux époux, par leur
contrat de mariage, du G ventôse an G, s’étaient lait un
don mutuel de tous les biens que le prémourant laisserait
à son décès. Ce don universel était autorisé par la loi
du 17 nivôse an 2; mais, le général Yirion n ’étant
mort q u ’en 1810, le père du général demanda la ré
duction du don universel jusqu’à la concurrence de la
réserve que lui attribuait le Code. Cette demande ,
accueillie e n première instance, refusée par la Cour
de Paris, a été aussi repoussée par la Cour suprême.
L ’arrêt de cassation déclare que « le don est irrévo« cable, et que, par une conséquence nécessaire, il
« doit se régir par la loi du tems où il a été fait ;
« que si, p a r la n a t u r e des c h o s e s , son exécution est
« p u r e m e n t éventuelle, cette éventualité se rattache
•« à l ’époque de la disposition, puisque c’est elle qui
« constitue le droit du donataire; que ce droit, étant
« acquis d'une manière irrévocable ; ne peut être altéré,
« eu tout ou en partie, par une législation qui lui
« est postérieure ;
« Que la prohibition de l ’efiet rétroactif des lois
« est, en effet, l’ une des bases fondamentales de notre
« législation, et que ce serait violer ce principe établi
-« par l’article 2 du Code c i v i l , que de faire prévaloir
« les dispositions de ce Code aux lois existantes à
« l’instant de la convention » (1).
(1) L ’ arrêt est du 9.8 inai 1812. Il est rapporté par D e n c y c is , volume
«le 1 8 1 2 , première partie, pages 5 o 8 et suivantes.
�f' Ainsi, il est certain que les dispositions contenues,
soit dans le c o n t r a t de mariage de la dame Cisternes,
soit dans celui de la dame D u Couffour, doivent être
régies seulement par les principes en vigueur à la date
des contrats, et q u ’ils doivent produire aujourd liui
les mêmes effets q u ’ils auraient produits si la succession
du sieur Auteroche père s’était ouverte avant le Code
civil.
O r , la dame Cisternes s’est mariée en 1789. Par
son contrat, ses père et mère lui ont constitué une
dot, en valeurs mobilière et immobilière, dé 4°500° fr* »
dont 8000 fr. ¡>our b ie n s m a t e r n e l s , et l e s u r p l u s p o u r
b i e n s p a t e r n e l s : expressions du contrat.
Il est d i t , en o u t r e , dans une autre partie
l ’acte, qu ’«M moyen de ladite constitution
de
la fu tu r e
épouse renonce a u x successions de ses père et mère.
Ainsi, la volonté manifeste du père, celle de la fille,
les intentions de toutes les parties contractantes ont
été que les valeurs données à la dame Cisternes for
massent la portion héréditaire de celle-ci. dans les
successions futures de ses père et mère.
Le sieur Auteroche père, en payant d ’avance à sa
fille la dette de la nature et de la loi, en lui attri
buant, par son contrat de mariage même, tout ce
qu elle devait avoir un jour dans sa succession , n ’a
pas dii craindre d ’ètre privé, par cet acte de justice,
du droit de disposer, à l ’avenir, d’aiicune partie de
ses biens ; il a dû croire que ce q u ’il donnait alors à
sa fille s imputerait, suivant sou vœ u, sur la portion
héréditaire de celle-ci.
�A.\
(36)
Ce serait clone blesser la volonté du père de famille;
ce serait aussi se jouer de l ’expression formelle du
contrat, que de prétendre que l ’imputation doit se
faire non sur la portion héréditaire de la dame Cisternes, mais sur la quotité disponible; q u e , par sa
renonciation, elle doit être assimilée à un donataire
étranger; que sa portion héréditaire doit accroître aux
autres héritiers ab intestaty et que c e u x-c i, sans rap
porter même les valeurs q u ’elle a reçues, sans en tenir
compte, doivent, au préjudice de la dame Auteroche,
donataire du q u a r t, profiter seuls de cette portion
héréditaire, comme si la dame Cisternes n ’avait rien
re çu, comme si sa renonciation était gratuite.
Ce système serait aussi en opposition directe avec
les principes reçus en 1789.
E n effet, tous les auteurs s’accordent à dire que
l ’enfant qui renonce aliquo (lato, celui, par exemple,
qui renonce pour s’en tenir à une donation qui lui a
été faite par son père , fait p a r t , dans l ’intérêt des
héritiers institués, pour la supputation des légitimes*
Le Brun le décide ainsi dans plusieurs passages de
son Traité des Successions.
Voici comment il s’exprime au livre 2 (1) :
« Lorsque l ’enfant, qui fait part naturellement,
« c’est-à-dire à qui il est dû par nature une part dans'
« la succession ou dans la légitime qui est une por-'
« tion héréditaire , renonce pour s ’en tenir ¿1 une
« donation, il est vrai de d i r e , en ce c a s , q u ’il a sa
(1) Clinpitrc 3 , section 6 , n°* 8 et 9.
�tfo
( 37 )
« portion légitim aire, puisqu’ i l en a la 'va leu r, et
« qu ’il est donataire en avancement d ’hoirie-, ce qui
« ne peut pas se trouver, ni dans la personne de
« de l ’enfant qui renonce sans avoir jamais rien r e ç u ,
« ni dans la personne de l ’étranger. Ainsi il est très« juste que l ’enfant qui renonce aliquo clato fasse
« part dans la supputation ; et bien loin que les
« autres enfàns aient le droit de se plaindre de ce que
«
«
«
«
cela diminue leur légitime, il fa ut, au contraire,
qu ’ils considèrent que leurs droits diminuent natuTellement, à proportion de ce qui a été donné à l e u r
frère, puisqu’il aurait p a r t a g é a v e c e u x ab intestat. »
M . L e B r u n t r a i t e l a question avec plus de déve
loppement au livre 3 (1); et après avoir rapporté les
raisons contraires, il se décide en faveur de celui qui
doit fournir la légitime aux dépens des libéralités qui
lui ont été faites. La solution q u ’il donne est conçue
en ces termes :
« Il est juste que tous les renonçans aliquo dato
« fassent part; car comme l ’on doit faire entrer leurs
« .donations dans la masse des biens, ce qui grossit
“ beaucoup la légitime^ aussi ils doivent fa ire part
" en fa v eu r de celu i qui fo u rn it la légitim e 3 ce qui
w la diminue à proportion; et l ’héritier testamentaire
« perd encore à cela, en ce que les donataires ne s’en
« tiendraient pas à leurs dons, s’ ils n ’étaient plus
« considérables que leurs parts afférentes dans la suc« cession. »
( 0 L ivre 3 , chapitre 8 , section 2 „ n°* 79 et suivau»,
�y
,
( 38 )
Ricard avait prévu la difficulté avant L e B ru n , et
il l ’avait résolue dans le même sens, eu parlant des
renonciations aliquo clato faites soit par des fils do
nataires du père, soit par des filles qui ont reçu une
dot.
« Dans ces espèces, remarque l ’a u t e u r , il n ’est pas
« absolument vrai de dire que les en fans qui s’abs« tiennent de la succession n’y
prennent point
de
« pa rt, attendu q u ’ils ont reçu leur partage en avan*« cernent d’ hoirie, et q u ’ils ne renoncent que par la
« considération de ce q u ’ils ont été. satisfaits par la
« prévoyance de leur père ». (i).
C ’est sur ces principes q u ’est fondé l ’article 34 de
l ’ordonnance de 17 3 1, qui autorise l ’enfant donataire,
contre lequel leâ autres légilimaires agissent par l ’action
en retranchement, à retenir sa propre légitime sur la
chose qui lui a été donnée, ce qui démontre claire
ment que le don doit s’imputer d ’abord sur la portion
héréditaire de l ’enfant.
E t remarquons que cette faculté de retenir sa propre
légitime sur le don qui lui a été fait, et au préjudice
des autres enfans, s’applique, à celui qui a renoncé
comme à celui qui a accepté, suivant la doctrine de
Ricard (2), doctrine adoptée aussi par M. Merlin dans
son Répertoire de Jurisprudence.
« Il est bien juste, dit le premier auteur, en par
lant de l’enfant qui renonce aliquo
dalo , il est
(1) Ricard , Traité dos Donations, 3 " p a rtie , n° ioG 3 ,
(2) Traité des Donations, 3* partie, n° i o 65 .
�/¿9
( 30 )
i«( bien juste qu ’il retienne, par forme ¿ ’exception, ce
« qui lui appartient par droit de légitime. »
Toutes les règles que nous venons de rappeler sont
enseignées par M. Merlin dans son llépertoire, au
mot Légitim e (i).
« L e donataire renonçant, dit M. Merlin, ne prend
« point part à l ’hérédité par actio n, mais il la prend
« par rétention : il faut donc nécessairement q u ’il fasse
« nombre. »
C ’est aussi d ’après ces principes que les filles dotées,
q u i , dans certains pays, étaient exclues du partage,
ou par une renonciation ou par le statut c outum ie r,
n’en faisaient pas moins nombre au profit de l’héritier
institué ou du donataire de quote; et q u e , loin q u ’on
imputât sur la quotité disponible les dots q u ’elles
avaient reçues, les enfans mâles n’étaient admis, par
droit d’accroissement , à réclamer les légitimes de ces
filles, q u ’à la charge de rapporter la valeur des d o ts ,
et de l ’imputer sur ces légitimes.
• Ainsi, dans l ’ancien D roit, les dots constituées, les
dons en avancement d ’hoirie, toute espèce de libéralité
faite par un père à son enfant étaient considérés comme
le paiement, par anticipation , de la portion hérédi
taire de celui-ci; et si l ’enfant doté ou donataire ne
venait pas partage, s’il renonçait pour s’en tenir à
ce qu il avait reçu, il n’en faisait pas moins nombre
pour la supputation des droits des autres enfans : ce
( 0 Voyez section 8 , paragraphe i , n« 7 , c l paragraphe a , article 3 ,
question 5 .
�( 4° )
qui lui avait été donné s’imputait sur sa légitime ou.
sur sa portion héréditaire, sans affaiblir la quotité
disponible.
Tels étaient les principes en vigueur en 1789, lors
du mariage de la dame Cisternes } et ces principes
élaient encore les mêmes en janvier i 8o3 , lors du
mariage de la dame D u C ou do u rj car le Code civil,
sur lequel s’appuie la dame Vo yret, n’avait pas encore
paru.
Les s i e u r et dame Auteroche savaient donc alors
que, quoique la dame V o y r e t e û t renoncé, par contrat
de mariage, à leurs futures successions, quelque fidèle
q u ’elle fut à sa promesse, ce qui lui avait été promis
ne devait pas s’imputer sur la portion disponible; ils
savaient que cette p o r t i o n d i s p o n i b l e était restée in
tacte, et q u ’ils n’en avaient pas moins le droit de
donner à la dame D u CoufFour le quart de leurs
biens, quotité autorisée par l ’article
I er
de la loi du
4 germinal an 8 , qui était la loi régnante.
C ’est sous la foi de ces anciens principes, c’est aussi
sous la foi de la faculté que leur attribuait la loi de
germinal an 8, q u ’ils ont fait, en faveur de leur fille
ainée, une disposition irrévocable de sa nature j c’est
enfin sous la foi de l’exécution de cette disposition ,
q u ’ un mariage a été célébré, que deux familles se sont
uniesj et une loi postérieure aurait pu détruire ce qui
était valable alors !
Mais, s’il en était ainsi, que deviendrait cette règle
fondamentale q u i veut q u e les contrats, et les pactes
q u ’ils renferment, soient régis par la loi du jour ou
/
/
�/f/
( 4i )
ils ont été faits? Que deviendrait ce grand principe de
la-non rétroactivité, principe si solennellement déclaré
par les législateurs du Code civil, principe qui est le
fondement de toutes les législations des peuples civi
lisés, principe sans lequel tout ne serait que désordre,
tout ne serait qu ’anarchie dans les lois et dans les
transactions sociales ?
Reconnaissons donc qu e, puisque, suivant les règles
admises soit en 1789 soit en janvier i 8o3 , la dot
de la dame Cisternes d e v a it , dans tous les cas,
que cette dame vint ou non à partage, s’ i m p u t e r sur
sa portion héréditaire, et non sur la quotité alors dis
ponible; et p u i s q u e le sieur Auteroche a disposé alors
par un contrat de mariage, par le plus respectable
des contrats, de cette quotité disponible qui était
libre dans sa main , reconnaissons q u ’ une loi posté
rieure n’a pu porter atteinte à ce don irrévocable
de sa nature; q u ’elle n ’a pu, en changeant l ’im pu
tation de la dot de la dame ¡Cisternes, anéantir ainsi
dans la main de la dame Du CouiTour la donation du
quart, dont celle-ci était saisie avant la publication de
la loi nouvelle.
La question peut encore, être considérée sous un
autie rapport qui conduirait au même résultat.
Avant le Code civil, en janvier i 8o3 , l ’ordonnance
de 1731 , sur les donations, était toujours en vigueur.
Cette ordonnance permettait au père de famille de dis
poser de tous ses biens, moins les légitimes de rigueur
des enfans. De là cette règle écrite dans l’article 34 de
oïdonnance, suivant laquelle, si le donateur no
�( 4» )
laissait pas en mourant assez de biens libres pour
fournir la légitime des enfans, eu égard à la totalité
de son patrimoine
les légitimaires avaient le droit
de demander la réduction, d ’abord des legs, ensuite
des donations, en remontant des dernières aux pre
mières.
Alors, comme le fait remarquer Furgole sur cet
article, on faisait entrer dans le patrimoine, pour le
règlement de la légitime, i° les biens existans; 2° ceux
dont le père avait disposé par testament; 3° ceux dont
il avait disposé entre-vifs, même par contrat de ma
riage, et à titre de dot.
Sur cette masse, chaque légitimaire ne pouvait de
mander que sa légitime personnelle. S ’il la trouvait
dans les biens libres, il devait l’y prendre; si ceux-ci
étaient insufiisans, il n’obtenait, sur les dispositions
testamentaires ou entre-vifs,
que ce qui lui man
quait pour compléter sa légitime;
encore devait-il
imputer sur celte légitime tout ce q u ’il avait reçu du
patrimoine paternel, avant le décès du père.
Ces légitimaires, d’ailleurs, n’avaient pas à examiner
si les autres légitimaires acceptaient ou répudiaient
la succession.
Seulement,, si la renonciation d ’ un des légitimaires
était à-la-fois gratu ite, et pure et simple, celui-ci ne
comptait pas pour la supputation, ce qui ne donnait
cependant pas aux légitimaires acceplans le droit de
reclamer les légitimes des renonçaiis, mais ce q u i ,
selon le nombre qui restait , pouvait augmenter ou
diminuer leurs propres légitimes.
�/
( 43 )
Au contraire * lorsque la renonciation d ’un légitimaire était dirigée en faveur d ’une autre personne,
ou lorsqu’elle était faite aliquo d a to , comme nous
l ’avons déjà d i t , les légitimes des autres enfans étaient
telles q u ’elles auraient été, si tous avaient accepté (i).
Ils ne profitaient pas de la renonciation ; ils ne p o u
vaient chacun réclamer, contre l ’héritier ou le dona
taire, que sa propre légitime de rigueur.
Ces principes sont enseignés par tous les auteurs,
notamment par le savant Ricard, selon lequel, « pourvu
« que les enfans tirent des biens de leur père la por« lion que la nature leur destine, eu égard au nombre
« de frères et de sœurs q u ’ils sont, du moins ceux
« qui ne sont pas absolument exclus de sa succession,
« et auxquels le père a communiqué ses b ie n s , leur
« querelle d ’inofficiosilé doit cesser, n ’ayant pas droit
«
»
«
«
“
de se prévaloir, si les autres ne demandent point
leur part ou la légitime, attendu que chacun a son
droit pour ce regard ^ et il suffit que le père ait
satisfait les autres, et q u ’il leur ait pourvu de sorte,
qu ’ils aient eu sujet de s’en contenter (2). »
C'est comme une conséquence de ces principes ,
<1*1 était admise, dans toute la France, la règle écrite
(1) V o ir M e rlin , Répertoire de jurisprudence, au m o t L é g i t i m e
section 8 , paragraphe 1 " .
*
0 ) Voir Ricard , Traité des Donations, troisième p a rt., n° 10GÎ,
i u > e rlil1’ ^
m0t U '5' l[mQ ’ SeCli° n 8> r araPr®phe 2 , question 5” ’,
N
�( 44 )
dans l ’article
concu :
307 de la Cou tu m e de Paris , ainsi
9
« Néanmoins , au cas où celui auquel on aurait
« donné se voudrait tenir à son d on , faire le p e u t ,
« en s’abstenant de l ’hérédité, la légitime réservée
« a u x autres. »
De cette théorie, la seule admise autrefois dans le
Droit français, et des termes formels de l ’article 34
de l’ordonnance de 1 7 3 1 , il résultait que l ’enfant ne
pouvait faire r é d u i r e les dispositions entre-vifs ou
testamentaires, que pour sa propre légitime, et q u ’il
n ’avait pas le droit de réclamer, en outre, par l ’action
en retranchement, les légitimes des autres enfa ns,
quoique ceux-ci renonçassent,
n ’était pas g r a t u i t e .
si leur renonciation
C e s'prin cip e s, et notamment l ’article 34 de l ’or
donnance de 1 7 3 1 , ont été la loi du contrat de mariage
de la dame Du CouiFour : ils autorisaient ses père et
mère à lui donner toute la quotité alors disponible,
et à réduire la dame Voyret à sa légitime de rigueur.
L a quotité disponible était plus faible, il est vrai,
q u ’en 17 8 9 , et la légitime plus forte; car la loi du
4 germinal an 8 permettait seulement aux père et
mère de disposer du quart de leurs biens. Les trois
quarts étaient réservés pour les légitimes.
Mais si la quotité disponible n ’a pas été excédée,
si la réserve destinée aux légilimaires a été respectée,
la dame Voyret n ’a aucune réclamation à élever.
C ’est vainement q u ’elle se livrerait à de subtiles
�( 45 )
dissertations sur le sens de divers articles du Code
civil.
L e Code civil ne doit pas régir la succession du
sieur Auteroche; car cette succession ne s’est pas ou
verte ah intestat. Avant la publication de cette loi
nouvelle, le père de famille avait disposé de tous ses
biens sous les lois anciennes : il en avait disposé , ou en
faveur de la dame Cisternes, en 17 8 9 , mais à imputer
sur sa portion héréditaire; ou en faveur de la dame
D u Cou ffour, à qui, en janvier i 8o3 , il avait donné
un quart de son patrimoine et une portion égale dans
les trois autres quarts.
L e Gode civil ne peut porter atteinte a ces dispo
sitions, valables sous la loi de germinal an 8.
La dame Yoyret doit les respecter, les exécuter telles
q u ’elles s o n t, ou se restreindre à la légitime que lui
assurait la loi de germinal, c’est-a-dire au quart du
patrimoine entier du sieur Auteroche.
Tout ce que peut donc exiger la clame Y o y r e t , c’est
qu’on compose ce patrimoine, i° des 3 2,000 fr. cons
titués à la dame Cisternes pour biens paternels; 20 des
autres dots ou avancemens d ’hoirie; 3° des biens q u ’a
laissés le père à son décès, et que sur cette masse ,
distraction faite des dettes, on lui attribue un quart.
O i , on ne lui conteste pas ce droit.
Mais en réclamer de plus étendus, c’est non seule
ment méconnaître les volontés d ’un père respectable
c’est aussi vouloir détruire les dispositions d ’actes de
famille que la loi protège.
S il était nécessaire d invoquer la jurisprudence à.
�l ’appui (le vérités aussi claires, aussi élémentaires
nous citerions un arrêt de la C o u r , du 28 janvier
1820, qui a jugé une question dont l ’analogie est
frappante avec celle élevée par la dame Voyret.
Par le contrat de mariage de la demoiselle Julienne
Arcis-Berthon, en date du 1 1 nivôse an 11 (sous la
loi de germinal an 8 ) , il lui avait été promis une
somme de 20,000 f r . , payable après le décès de son
père, a la charge du rapport à la succession , si la
donataire venait à partage. Le don n ’était pas fait en
préciput.
L e père meurt en i 8 i 3 } et la fdle déclare ne pas
vouloir venir à partage, en optant pour les 20,000 fr.
Les autres en fans prétendirent que le don devait être
restreint a u q u a r t , q u o t it é d is p o n ib le ,
e t q u e , n e se
portant pas héritière, la dame Arcis ne devait pas re
tenir, en outre, sa portion héréditaire.
L a C ou r, sans se jeter dans l'examen des articles du
Code civil, considérant que le don avait été fait sous
la loi de germinal an 8 , et que le père pouvait alors
donner h sa fille la portion disponible 3 et une por
tion 'virile dans le surplus , ordonna l’exécution de
la donation , si mieux n’aimaient les autres enfans
abandonner à la donataire un quart en préciput, et
partager avec elle, par égalité, les trois antres quarts
(Voir cet arrêt, à sa date, dans le Journal des Audiences
de la Cour de Riom.).
Des principes semblables d o i v e n t conduire à une
décision analogue, pour la cause actuelle. Comme les
frères Arcis-Berthon, la dame Voyret d o i t, ou exécuter
�G 47 )
la disposition, faite en faveur de la dame D u Couffour,
ou être r é d u i t e à sa portion dans la réserve fixée par
la loi du 4 germinal an 8 , c’est-à-dire au quart du
patrimoine du père.
Ou se rappelle que par le contrat de mariage de la
dame Du Couffour, son père lui a donné, en préciput,
le quart de tous ses biens, et qu ’ il l ’a instituée héri
tière, par égale portion, avec la dame V o y r e t , clans
les trois autres quarts, à la charge du rapport des
avancemens d’ hoirie.
On sait aussi q u e , sur le quart qui est attribué à
la dame Du Couiï’o u r , la dame Voyret est autorisée
par le même contrat a prélever 4 ° ° ° francs.
E n fin , on n’a pas oublié qu e, par son testament,
le sieur Auteroche père, en léguant à la dame D u
Couffour un quart en préciput, donne l ’usufruit de
la moitié de ses biens à la dame L ’huillier, son
épouse.
Le legs d’usufruit de moitié à madame Auteroche,
pouvait être (ait cumulativement avec le don du quart
en propriété à l’un des enfans. Cette double dis
position était autorisée, et par les articles I er et G de
la loi du 4 germinal an 8 , et par les articles r)i3 et
I094 du Code civil.
TV
'
après ces actes, les droits des pai’ties sont faciles
à régler.
L a masse du patrimoine paternel sera composée des
dots ou des avancemens d’hoirie des trois filles, et des
autres biens du père.
U n quart de cette masse sera prélevé par la daine
�( 48 )
D u Couffour, qui paiera sur ce quart 4ooo francs à la
dame Yoyret.
Sur les trois quarts, on distraira les 32 ,ooo francs
f o r m a n t la dot paternelle de la dame Cisternes.
L e surplus se divisera , par moitié , entre la dame
D u Couffour et la dame Yoyret.
Si celle-ci refuse ce mode de portage, et q u ’elle
préfère s’en tenir aux droits que lui assurait la loi de
germinal an 8 , elle recevra le quart du patrimoine
du père, en imputant sur ce quart son avancement
d ’hoirie.
Dans les deux cas, son lot sera grevé, proportion
nellement à sa quotité, de l ’usufruit légué à la mère.
Telles sont les bases du partage à faire. Ces bases
sont déterminées par les actes de famille, et par les
principes en vigueur à l ’époque du contrat de mariage
de la daine D u Couffour.
Ces bases, invariablement fixées alors, n ’auraient
pu être ébranlées par la loi postérieure. Le Code civil
ne peut régir l’exécution des contrats qui 1 ont précédé;
il n’a pu détruire un droit acquis.
Mais s’il était besoin de consulter les règles établies
par le Code civil, on démontrerait aisément l ’erreur
et le danger du système de la dame Yoyret.
La renonciation d ’un héritier naturel, dit la daine
Voyret , le rend étranger u la succession , et lait
accroître sa portion à ses cohéritiers. I)« l;i decoulent,
ajoute-t-elle, plusieurs conséquences. Les dons que le
renonçant retient sont de pures libéralités; ils s’inv
�S i*™ “
( 49 )
putent sur la q u o t i t é disponible : un second donataire
ne peut pas réclamer cette quotité.
L a base de ce système est prise principalement dans
les articles 785 et 786 du Code.
« L ’héritier qui renonce est censé n’avoir jamais été
« héritier (art. 785). »
« La part du renonçant accroît à ses cohéritiers
« (art. 786). »
Ces articles sont peu décisifs pour la question dont
il s’agit; l’un et l ’autre ne s’occupent que des cas
généraux.
L ’a r t i c l e 780 est s e u l e m e n t r e l a t i f a u cas o ù c e l u i
q u i re n o n c e n ’ a r i e n r e ç u , et
ne retient rien sur le
patrim oine du défunt.
L article *7865 611 établissant un droit d’accroisse• m e n t , suppose aussi que la successiou s’est ouverte
ab intestat.
On argumente encore de l ’article 8 4 5 , qui autorise
l ’héritier renonçant à retenir le don entre-vifs, ou à
réclamer le legs à lui fait, jusqu’à concurrence de la
quotité disponible.
Mais cet article ne s’explique pas sur le cas où la
quotité disponible a été donnée à une autre p e r s o n n e .
C ’est moins dans les articles que l’on vient de rap
peler que dans les articles 9 1 3 , 99.0 et 921 , que doit
se trouver la solution de la question.
L ’article 913 fixe la quotité disponible d’après le
nombre des enfans qui existent au décès du père.'
L article 9^®
déclaré réductibles que les dispo
sitions qui excéderont la quotité disponible.
7
�( 5o )
L ’article 921 autorise à demander la réduction ,
ceux-là seuls au profit desquels la loi Tait la réserve.
Appliquées à la cause des héritiers Auteroche, ces
règles démontrent que la dame Voyret ne devrait être
admise à critiquer les libéralités de son père, q u ’au
tant que ces libéralités excéderaient la réserve que la
loi lui attribuait.
Qu'était-elle, cette réserve? Elle était d ’ un quart
du patrimoine paternel; car le père ayant laissé trois
en fans à son décès, la quotité par lui disponible était
d ’un qu a r t, et les autres trois quarts étaient divisibles
entre les trois enfans, ce qui réduisait au quart la
portion réservée par la loi à la dame Voyret.
La prive-t-on de ce q u a rt, même en partie? elle a
le droit de se plaindre.
Mais conserve-t-elle ce quart en laissant exécuter le
don en préciput fait à la dame Du Cou flou r ? ses
plaintes sont injustes. La loi lui refuse la réduction
d ’ une disposition qui ne porte pas atteinte à sa réserve;
car elle ne peut demander cette réduction que jusqu’à
concurrence de la réserve faite à son p r o f i t ; elle ne
p e ut, à l’aide d'un prétendu droit d ’accroissement ,
réclamer la réserve légale qui était faite au profil de la
dame Cistcrncs. Le droit d ’accroissement, établi par
l'article 786, autorise à recueillir ce qui existe dans
la succession ab intestat> mais non à’ prendre dans la
main d ’ u n donataire ce que celui-ci a reçu; non à
faire annuler ou réduire une donation valablement
faite. L ’action en réduction est une action exorbitante
qui ne peut exister sans être autorisée par un texte
�c l a i r e t f o r m e l . D e s i n t e r p r é t a t i o n s s u b t i l e s e t forcées
110 p e u v e n t 1 é t a b l i r , l o r s q u e la lo i est m u e t t e .
Que l’on réfléchisse sur le système proposé, et l ’on
verra q u ’ il conduit à une injustice révoltante, et
même à l ’absurdité.
Il n’est aucun père q u i , en mariant l’un de ses enfans, ne lui donne un avancement d ’hoirie. En faisant
ce don par anticipation sur son hérédité, non seulement
il cède à ses affections, mais encore il se soumet à la
nécessité; car l ’enfant ne pourrait, sans un tel secours,
faire un établissement convenable.
O r, dans le système q u e l ’on c h e r c h e à c r é e r , le
père s’exposérait à perdre le droit de disposer dans la
suite, de la moindre partie de ses biens, par cela seul
q u ’en établissant l’un de ses enfans, il aurait, par un
don en avancement d ’hoirie, rempli le devoir de la
nature et du sentiment. Que l ’avancement d ’ hoirie soit
égal a la portion héréditaire de l ’enfant, q u ’il soit même
plus faible, cet e n fan t, par caprice ou par fraude, renon
cera à la succession du pèrej pour s’en tenir au don
qu ’il aura reçu; et le père, qui n’a pas dû craindre un tel
piège; le père qui aura voulu marquer par un bienfait
sa reconnaissance, ou une affection plus spéciale, à
celui de ses enfans qui en aura été le plus digue; le
pure sera trompé dans ses intentions. Ses libéralités
seront détruites, comme nous l’avons déjà dit, par le
caprice ou la fraude de l’enfant donataire d ’ un simple
avancement d’ hoirie.
Par le caprice, s i , sans aucun but coupable d ’ailleurs,
il veut se débarrasser de l’ennui d ’ uu partage qui ne
�( 5» )
lui offrirait qu ’ une valeur à peu près égale à celle q u ’il
a déjà reçue.
Par la fraude même. Car il pourrait arriver que cet
enfant, pour nuire à celui qui aurait été avantagé,
renonçât à la succession, fit ainsi disparaître le précip u t, et partageât ensuite secrètement avec les autres
héritiers le bénéfice que sa renonciation leur aurait
v a l u , au moyen de l’accroissement en leur faveur de
la portion du renonçant.
Un tel système serait subversif de la loi, qui n’a pas
entendu faire dépendre des héritiers eux-mèmes le sort
des volontés légales du père; un tel système tendrait
aussi à étouffer les sentimens de la nature, en empê
chant les pères de procurer à leurs enfans des unions
assorties, puisqu'ils ne pourraient d o n n e r le moindre
avancement d’ hoirie, sans s’exposer à être privés du
droit de disposer, dans la suite, d ’aucune partie de
leurs biens j un tel système aurait de trop funestes
conséquences, pour être adopté par la réilexion ; et
c’est faire injure aux législateurs, que de supposer q u ’il
est la conséquence de l’esprit de la loi nouvelle.
Dans la cause même, les mots ne peuvent pas servir
de prétexte à la théorie que l’on veut établir.
La daine Cisternes s’est bornée à déclarer q u ’elle
n’entendait pas venir à partage, afin de conserver le
don qui lui a été fait.
Elle n’a pas renoncé} elle s’est seulement abstenue
ali(juo (lato. Elle n’a pas répudié la q u a l i t é d ’héritière.
Elle est toujours héritière par rétention , si elle 11e l ’est
plus p ar action.
�0
^•53 )
Ce q u ’elle a retenu, elle a entendu le retenir,
conformément à son contrat de mariage , pour ses
droits paternels.
Donc elle ne peut être assimilée à un donataire
étranger.
Donc le don qui lui a été fait doit être imputé, non
sur la quotité disponible, mais sur sa portion héré
ditaire.
Donc les prétentions de la dame Voyret sont re
poussées, non seulement par la loi sainement entendue,
mais encore par les termes de la déclaration q u ’a faite
au greffe la dame Cisternes, et par les dispositions du
contrat de mariage de celle-ci.
La dame Voyret invoque des arrêts de cassation /
des 18 février 18 18 , et 17 mai 1 8 19 ; mais ces arrêts
ne sont pas applicables à la cause.
L arrêt de 1818 peut d autant moins s’v appliquer,
que non seulement il juge une question différente,
mais encore q u ’il est relatif à une donation faite,
le 28 messidor an 3 , c’est-à-dire sous l ’empire des lois
prohibitives, et par conséquent à une disposition qui
ne pouvait valoir comme libéralité, puisque les lois
du tems interdisaient tout avantage fait à un successible (Voir l ’arrêt dans le journal de S ir e y , tome 18,
page.98,
partie.).
L arrêt de 1819 décide aussi une question essen
tiellement différente, et qui eût été jugée de la même
manière, dans l’ancien comme dans le nouveau Droit.
Les enfans, donataires, étaient morts'sans postérité,
avant le décès de leur père, donateur. Leur prédécès
�( 54 )
ne leur ayant pas permis d ’être successibles, les dons
q u ’ils avaient reçus ne pouvaient évidemment s’im
puter sur une portion héréditaire à laquelle ils n’avaient
jamais eu droit.
Ces préjugés sont donc peu sérieux pour la cause.
Quant aux motifs de ces décisions, les invoquer, ce
serait s’exposer à faire juger à leurs auteurs des ques
tions auxquelles ils n'ont peut-être pas même pensé.
Des motifs fugitifs qui se sont glissés dans un arrêt,
ne présentent q u ’ une doctrine fort incertaine, lorsque
leur application directe à une autre question n’est pas
faite par l’arrêt même.
Au reste, si quelque doute s’élevait sur le sens et
l ’esprit du Code civil, ce serait aux principes anciens
q u ’il faudrait r e c o u r i r p o u r l ' i n t e r p r é t a t i o n des prin
cipes n o u v e a u x . On sait que les lois successives, lors
q u ’il s’agit de les interpréter, se prêtent un mutuel
secours. Loges priores ad poslenorcs traliuntur, et è
contra.
O r , l ’on a vu que sous la législation qui a précédé,
qui a préparé même le Code civil, l'enfant qui re
nonçait ciliquo dato faisait nombre dans 1 interet de
l ’héritier institué, pour la supputation des légitimes,
et q u ’il était considéré comme prenant part à l’ héré
dité, sinon par action, au moins par rétention.
Telle est aussi l ’opinion émise sous la législation
nouvelle, par des jurisconsultes dont le n o m est une
aulorite devant les t r i b u n a u x .
Telle est celle -notamment du dernier auteur du
Traité des Donations et des Testamens. Il examine avec
�V. ^ )
profondeur ordinm’C 1g cas ou. un enfant renonce,
pour s’en tenir à l’avantage qui lui a été fait; et il
prouve que si “ 1 enfant donataire ou lcgataiic ne
« vient point à la succession, le don ou le legs s’im« pute d ’abord sur sa réserve personnelle. I l en est
« saisi par la lo i » , ajoute l ’auteur (i).
M. Toullier, dans son Droit civil, reconnaît luimême que lorsqu’un enfant donataire renonce , et
qu’il existe d ’autres donations antérieures à la sienne,
il peut cependant, sur les biens q u ’il a reçus en don,
retenir sa légitime par voie d ’e x c e p t i o n , e t renvoyer
ses frères et sœurs vers les d o n a t a i r e s p r é c é d e n s , p o u r
o b t e n i r l e u r s p o r t i o n s d e la réserve légale (2).
Dc-lk découle nécessairement la conséquence que
l ’enfant donataire ne doit pas être assimilé a un
donataire étranger, et que le don qui lui a été fait
doit s’imputer, non sur la quotité disponible,
mais
sur la réserve. S’il •en était autrement,y les donataires
antérieurs lui seraient évidemment préférés, et sa
renonciation lui enlevant le litre d ’héritier , il nu
pourrait conserver aucune partie du don q u ’il aurait
reçu.
9
Ainsi, les principes du Code civil doivent être
considérés comme conformes aux principes antérieurs.
On ne doit pas, d ’ailleurs, légèrement présumer que
les législateurs du Code aient voulu apporter , aux
( i ) Traité <lcs Donations, édition in - 4° , tome 2 , page 2^3.
00 Voyez T o u llie r, Droit civil français, tome 5 , page 1 5 i , pre
mière édition.
�m
( 56 )
règles admises généralement jusqu’alors, une inno
vation aussi importante, aussi remarquable, sans q u ’il
se fut élevé même sur ce point la plus légère discus
sion lors de l ’examen du projet du Code civil. O r ,
q u ’on parcoure les procès-verbaux contenant les ob
servations faites au conseil d’Etat, l’on n’ y remarquera
rien qui annonce même que la difficulté ait été agitée.
Il ne parait donc pas que les législateurs du Code
aient eu l'intention de créer des règles directement
opposées à la législation antérieure, des règles abso
lument destructives de la faculté de disposer, faculté
que le Code civil a voulu cependant rétablir sur des
bases même plus larges que celles q u ’avait posées la
loi de germinal an 8.
Reconnaissons donc q u ’aujourd’hui même ceux-là
seuls peuvent se plaindre d’ une disposition, ceux-là
seuls peuvent la faire réduire, dont la réserve légale
est atteinte. Reconnaissons que la réduction ne peut
être demandée par un héritier à réserve, que jusqu’à
concurrence de sa portion particulière dans cette ré
serve; reconnaissons que si un enfant renonce ciliquo
clato, la chose q u ’il a reçue doit d ’abord s imputer
sur sa part héréditaire, et que c’est seulement au cas
où la part héréditaire serait plus faible, que l ’excé
dant s’imputerait sur la réserve ; reconnaissons, par
suite, que les autres enfans n ’auraient droit à l'ac
croissement de la portion du renonçant, q u ’autant
que le don retenu serait moindre que 1« part hérédi
taire; reconnaissons aussi que le père de famille a
¡reçu de la loi le pouvoir de disposer de toute Ja quotité
\
�que cette loi ne déclare pas indisponible dans l'intérêt
île chaque héritier naturel; reconnaissons enfin que
celui qui reçoit ou auquel on offre toute la quotité
qui est réellement indisponible à son égard, n’a le
droit de rien exiger de plus, et doit respecter, au
jourd’hui comme autrefois, toutes les dispositions qui
laissent intacte sa légitime personnelle.
Ou si l’on croyait superflu d ’examiner et de décider
la question d’après les principes nouveaux, convenons
que les principes anciens la jugent sans équivoque ;
convenons que les principes en vigueur eu 178g et
en janvier i8o3 , ces p r i n c i p e s , q u i sont la loi du
contrat de m a r i a g e d e la d a m e Cisternes et de celui
de la dame Du Coufl'our, commandaient d ’imputer
le don fait à la dame Cisternes sur la part héré
ditaire qui devait lui appartenir dans le patrimoine
de son père; convenons aussi q u ’à la disposition de
la loi s’unissaient les termes de la volonté expresse du
père de famille, qui avait déclaré formellement don
ner à la dame Cisternes, pour ses droits paternels et
maternels s et qui avait exigé q u ’au moyen de la cons
titution qui lui était faite, elle renonçât auæ succes
sions de ses père et mère $ convenons que le père de
famille, ayant stipulé sous la foi d ’ une législation
existante en 1789, et en v i g u e u r encore en i8 o 3 , a
dù croire que la quotité disponible était toujours
libre dans sa main; convenons que la famille D u
Coufl'our, dans laquelle entrait la demoiselle Auteroche, en janvier i 8o3 , a du se reposer avec confiance
6ur la législation la seule connue, la seule admise
8
�( 58 )
alors, et q u ’elle n ’a pas du craindre q u ’une législation
postérieure portât atteinte à un don valable au m o
ment où il a été fait, à un don irrévocable de sa
nature; convenons enfin que ce don et ses effets doi
vent être appréciés comme ils l ’auraient été si la suc
cession du père se fût ouverte au moment même , et
que, puisqu’il eût été maintenu alors, puisque la dame
Voyrct n’eût pu l’attaquer q u ’en se restreignant au
quart du patrimoine de son père, il doit être aussi
maintenu aujourd’h u i, et la dame Voyret doit ou le
respecter ou se contenter d ’ un q u a r t, qui était, en
l ’an 8 , qui est actuellement encore la seule légitime
dont la loi ne permettait pas de la priver.
Pour la calculer, cette légitime , la dame Voyret
peut, sans doute, demander que les dots et les dons
en avancement d’hoirie entrent, fictivement au moins,
dans la masse du patrimoine.
Mais elle n ’a le droit d ’y faire entrer que les valeurs
dont se composent les dots et les avancemens d’hoirie,
non les objets estimés dans les contrats de mariage , et
aliénés moyennant un prix déterminé.
Ainsi, dans le patrimoine du père ne doivent pas
être compris des objets vendus par lui au sieur Cisternes, moyennant 2^,000 fr. ; des objets sortis depuis
1789 de sou patrimoine; des objets q u i , dans tous les
cas où la restitution aurait h e u , suivant l’expression
du contrat de mariage de la dame Cisternes, ne de
vaient ni appartenir à celle-ci, n i r e d e v e n i r un bien
paternel. Le prix de l’aliénation, seule valeur à resti
tuer à l ’épouse, est aussi la seule valeur à rapporter
�( 5 9 )
fictivement à la masse de l ’hérédité, tandis q u ’au
contraire on doit y rapporter la valeur réelle d ’une
rente, dont le sieur Voyret n’était pas autorisé à
accepter un remboursement sans emploi •, d’une rente
dont la perte n’a eu d ’autre cause que les faux calculs
du sieur V o y r e t , ou plutôt des spéculations qui l ’ont
décidé à rechercher et à recevoir, pour son intérêt per
sonnel, une valeur en assignats, q u ’il a , dit-on, em
ployée fort utilement pour lui.
Ainsi, le tribunal de première instance, a commis
des erreurs graves. Il ne devait ni dispenser la dame
Voyret du rapport de la v a l e u r r é e lle de la rente
q u ’e lle avait r e ç u e en dot, ni ordonner l ’estimation,
valeur actuelle, d ’un bien vendu au sieur Cisternes,
en 1789, et dont le prix avait été alors invariablement
fixé. Au lieu de s’arrêter h un interlocutoire inutile,
et repoussé par les circonstances comme par les prin
cipes, il devait déterminer sur-le-champ les bases du
partage, et consacrer le don en préciput assuré à la
dame Auteroche, par la loi et par le plus solennel des
contrats.
La Cour réparera ces erreurs, en montrant dans
cette cause, comme dans toutes celles qui lui sont
soumises, son respect religieux pour les principes et
pour les volontés légitimes des pères de famille.
M* A L L E M A N D , ancien A vocat.
M* B R E S C HARD , Licencié-Avoué.
R I O M , I M P R I M E R I E DE S A L L E S , PRÈS LE P AL A I S DE J US TI CE.
<
�
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Auteroche, Marie. 1822?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Allemand
Breschard
Subject
The topic of the resource
contrats de mariage
dot
assignats
renonciation à succession
successions
pays de droit écrit
conflit de lois
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Dame Marie Auteroche et le sieur François Malafosse du Couffour, son mari, Adjudant des Gardes du Corps, Compagnie d'Havray, Chevalier des Ordres de Saint-Louis et du Phénix, Appelant d'un jugement rendu le 28 aôut 1822, par le tribunal civil de Clermont ; contre Demoiselle Marguerite Auteroche et le Sieur Voyret, son mari, Docteur en médecine, Intimés ; en présence de Dame Marie Auteroche et de Sr Blaise Cisterne-Delorme, son mari, aussi intimés.
Annotations manuscrites : « 8 avril 1824, journal des audiences, p. 255. »
Table Godemel : Donation : 17. quels doivent être les effets d’une donation, faite avant les lois nouvelles, par un père mort depuis le code civil, à une enfant qui renonce pour s’en tenir au don ? La donation fait-elle, nonobstant sa rémunération, nombre parmi les héritiers ; et peut-il retenir l’objet donné, jusqu’à concurrence de la légitime et de la quotité disponible, telles qu’elles étaient fixées par la loi en vigueur au moment du contrat ?
18. quel doit être le sort d’une donation du quart en préciput, faite à un autre enfant, postérieurement à la loi de germinal an huit, lorsque l’objet de la première donation est inférieur à la quotité disponible ancienne, et peut-être même à la disponibilité nouvelle ? - le second donataire, peut-il dans son intérêt, avec les héritiers à réserve, faire considérer le premier donataire comme légitimaire, prendre la quotité disponible au moment de la seconde donation, en imputant sur la légitime du premier donataire, les objets que celui-ci retient ? Dot : 4. dans l’ancien droit un immeuble donné en dot, avec estimation et pouvoir au mari de le retenir pour la somme indiquée, est-il présumé vendu ?
en supposant qu’il y ait eu vente, le don, devenant sujet à un rapport fictif, doit-il être estimé valeur du décès du père ? Rapport : 8. une rente foncière donnée en avancement d’hoirie doit-elle être rapportée, valeur réduite seulement, si elle a été remboursée en assignats au mari de la donataire, bien que le remboursement ait été accepté sous contrainte, qu’il n’ait pas été accompagné de remploi, et que la nullité du remboursement n’ait été mise à couvert que par le fait du mari ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1822
1764-1822
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
59 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2606
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2607
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53521/BCU_Factums_G2606.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Sauvagnat (63410)
Perrier (63275)
Rights
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Domaine public
assignats
conflit de lois
contrats de mariage
dot
pays de droit écrit
renonciation à succession
Successions
-
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ea5940860eb4781043a191a03bfa40e8
PDF Text
Text
v
/
v
\
y
L
PRECIS
Le sieur
EN R É P O N S E ,
COUR ROYALE
POUR
2 . Chambre.
A m é d é e - E liz a b e t h - L o u is
D E R IO M .
B aron
D E M A I S T R E et la dame D E M O N T
J
B L I N , s o n épouse, intimés;
CONTRE
Sieur
P h i l i p p e
C h a r le m a g n e
V A N -
D U E R N E . et la dame M A R É C H A L
j
son
épouse s appelans.
I L ne fut jamais de cause plus simple que celle des
sieur et dame de Maistre; la connoissance des faits, si
on les expose avec exactitude, suffit pour en démontrer
la justice. Les sieur et dame V anduerne, qui ont cru
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devoir publier un mémoire, fussent .donc tombés dans
un inconvénient fort grave, s’ils se fussent bornés à les
montrer tels qu’ils sont, tels que la justice doit les voir ;
aussi, se sont-ils efforcés de leur donner une couleur, de
les présenter sous une forme apprêtée. Pour se faire
une cause, il a fallu dénaturer le sens des actes, expo
ser des principes que les législateurs et les jurisconsultes
se garderoient d’avouer, et en faire des applications
inexactes.
\
Il y a, sans doute, un peu de témérité à jouer un
semblable rôle; il y a, il faut le dire, quelque chose
de despectueux pour la justice; mais que n’oublie-t-on
pas quand on a l’imagination exaltée par un rêve de
plusieurs millions ? C’est cet intérêt majeur qui seul peut
expliquer comment les sieur et dame Vanduerne ont
s’abandonner à l’idée d’un semblable procès. Il est
Nsi doux de penser qu’on pourroit devenir maître d’une
terre de six cent mille francs au moins, et obtenir la
restitution de cent vingt-six ans de jouissances qu’une
imagination exaltée peut aller , dans son délire, jusqu’à
espérer qu’il l’obtiendra. Que sait-on? . . . . Les frais sont
si peu de chose en comparaison des résultats, qu’on peut
avoir l’idée de tenter la fortune ! si par hasard on
pouvoit réussir, on auroit à se reprocher de ne l’avoir
pas fait! et, d’ailleurs, la crainte de lY:vènemcnt, quelque
peu fondée qu’elle soit, l’ennui d’un procès dont le
cours est si désagréable et dont les suites seroient si
terribles, en supposant tout, peuvent engager le pos
sesseur légitime à un sacrifice ; quelque peu considé
rable qu’il fû t, iir outre-passeroit de beaucoup les frais;
�*
9
d'ailleurs, si le possesseur est maintenu, comment s’y
prendra-t-il pour répéter ses dépens ? fera-t-il, pour ce
modique intérêt,la dépense d’un voyage à Bruges? sur
quoi les prendra-t-il, quand il y sera? n’auroit-il pas
plus de bénéfice à les abandonner ? On risque donc peu
de chose en faisant un procès et ce seroit sottise de
ne pas l’entreprendre. T el a été, sans doute, le calcul
des sieur et dame Vanduerne.
Les intimés n’ont pas pensé qu’aucune considération
pût leur commander un sacrifice pécuniaire. Porteurs
de titres authentiques soutenus d’une possession de plus
d’un siècle, ils se croyent légitimes propriétaires, et ne
croyent rien devoir à leur propre sûreté; ils ne sont
pas obligés à des sacrifices par la position do leurs ad
versaires et les circonstances qui entourent le procès j
les sieur et dame Vanduerne, sans doute, n’ont pas
besoin dJeux, et les intimés ne doivent aucun égard à
une prétention ambitieuse autant qu’irréiléchie ; il faut
donc aborder franchement la question, si toutefois, après
l’exposé des faits, on peut se faire une question.
Il est constant que la terre de Bompré, qui fait le
sujet du procès, provient de Claude Maréchal. Il vivoit
sur la fin du 17e. siècle; il étoit mort néanmoins avant
le 2.5 janvier 1692.
A son décès, il laissa quatre enfans ; Françoise, dont
nous ne parlerons que cette seule fois, parce qu’ayant
embrassé la vie monastique, elle fut, par la mort civile,
exclue de la succession de son père ; Jeanne, représen1 *
�C 4
)
tée par les intimés ; Claude-Bernard, auteur des appelans, et M arc, décédé sans postérité.
Le 25 janvier 1692, Jeanne épousa Nicolas Revanger;
elle se constitua tous ses biens par une clause générale,
et la dame Jacquinet de Pannessières, sa mère, lui fit
donation entre-vifs de tous ses biens et droits, même
des créances qu’elle avoit contre la succession de son
mari ; elle lui fit donation aussi de tous les biens qu’elle
laisseroit à son décès , à la charge des légitimes de
Claude et M arc, scs deux frères.
La dams Maréchal mourut peu de temps après, le
18 septembre 1693 ; sa succession, comme celle du père,
se trouvoit dévolue à ses trois enfans, Jeanne, GlaudeBernard et M arc; mais Jeanne, comme donataire de
tous les biens présens, avoit le droit de les retenir sans
prendre part à la succession; d’un autre côté, les biens
du père étoient obérés de dettes ( près de 300,000 fr. ) ; la
mère ayant des reprises plus considérables encore et que
Jeanne pouvoit exercer comme donataire universelle,
il faut reconnoître que ces deux successions furent la
chose qui dut l’occuper le moins; mais comme il ne lui
suffisoit pas de les négliger, et qu’en succession directe
surtout, la maxime la mort saisit le v i f a un effet
immédiat lorsqu’on n’en repousse pas l’application , la
daine Revanger se présenta leaô novembre suivant devant
la sénéchaussée de Bourbonnais, et y déclara renoncer
aux successions de ses père et mère, pour s’en tenir
à sa donation ; le juge lui en donna acte et prenant
en considération l’intérêt du fils (, Marc ) qui étoit en
core m ineur, ordonna qu’il seroit pourvu de tuteur et
�(
5
)
de curateur. Il est utile de remarquer ici que depuis
le 25 novembre 1693, la dame Revangcr n’est pas re
venue contre sa déclaration, et que sa répudiation n’a
été attaquée ni critiquée par personne ; c’est déjà quel
que chose pour repousser une prétention uniquement
fondée sur ce qu’elle seroit présumée posséder ccmtne
cohéritière ; toujours est-il vrai que dès le jour de cette
répudiation, les deux successions reposèrent en entier
sur la tête de Claude-Bernard et Marc Maréchal.
Les biens étoient saisis réellement par la dame F eydeau, veuve du sieur le Maistre, président des enquêtes
du Parlement de Paris, et un sieur Quesmas, procu
reur, l’un et l’autre créanciers du père. Le fils arrêtait
les poursuites par des incidens ; des procédures longues,
coûteuses, alloient dévorer une partie de la substance
des ci'éanciers, lorsqu’il parut plus convenable, soit h
eux, soit aux conseils des deux frères M aréchal, de
prendre des mesures qui fussent dans l’intérêt de tous.
Le 27 mars, il fut passé entre les saisissans, faisant
tant pour eux que pour les autres créanciers , et ClaudeBernard Maréchal, majeur de coutume ou émancipé ,
un traité sur lequel les appelans ont longuement disserté
pour établir que c’étoit un acte sans effet réel, quoi
qu’il eût eu un résultat immédiat, suivi d’une exécution
de plus d’un siècle, sans le moindre trouble ni la plus
petite réclamation. Bornons-nous h faire connoître l’acte
tel qu’il est* nous n’en citerons cependant que les parties
essentielles, à cause de son étendue.
On en expose d’abord l’objet 5 c’est « d’éviter la
« multiplicité des procédures, la dissipation des biens . . . .
« et le déiv'vi'Mpr»— '
h.Q f1ê(Tueni<,r' 7 "
�(
«
«
«
«
6
)
d’état q u i sont obtenues par ledit sieur de Bompré
fils, qu i n’y peut rien prétendre, attendu le grand
nombre des dettes qui absorbent et au delci la valeur
des biens. »
On passe ensuite à la disposition : « L e sieur Maré« chai a quitté, cédé, rem is, transporté, délaissé et
« abandonné tous ses droits successifs sur les biens
a meubles............. et immeubles..................délaissés par
« ses père et m ère, même les actions rescindantes et
« rescisoires, à la réserve de ce q u 'il peut prétendre
« sur Vacquisition Jaite de la dame de Longueval.
« Ces derniers mots sont une preuve qu’il ne cède pas tout.
« Pour lesdits créanciers en jciuir à dater de la Saintk Martin dernière ; pour quoi, les subroge en tous ses
c< droits, privilèges et hypothèques.' Les revenus qu’il
c< n’aura pas perçus appartiendront aux créanciers.
« Il est stipulé, pour l’intérêt des créanciers entr’eux,
« que les saisies réelles et mobilières demeureront en
a leur force et v 'îr tu , et tous les créanciers dans tous
« leurs droits, privilèges et hypothèques, L E S U N S A
k l ’ e n c o n t r e d e s a u t r e s . » On a longuement glosé
sur cette stipulation qui démontre, dit-on, que l’actc
ne transmettoit aux créanciers aucune p ro p r ié té , puis
qu’ils se réservoient la saisie, leurs privilèges et hypo
thèques ; on a voulu faire entendre qu’ils se réservoient
tout cela contre Maréchal, leur céJant, et on a omis
ces termes si précieux : Les uns à Vencontre des autres.
Il est évident, d’ailleurs, que la réserve étoit nécessaire,
i° . dans l’intérêt des saisissans, premiers opposans res
pectivement aux autres créanciers, parce que la vente
ne diminuoit rien de leurs droits de préférence j 2°. à
�(
7
)
cause de la minorité du vendeur, et jusqu’à sa ratifi
cation. Mais, poursuivons:
« S’il se trouve d’autres bi°ns meubles, effets et im« meubles , ils appartiendront aux créanciers.
« L e présent délaissement et abandonnement fait
« pour le prix et somme de quatre mille livres, que
a lesdits créanciers, tant pour eux que pour les autres,
« promettent lui bailler E T P A Y E R , par forme de
a gratification, sur les biens de ses père et mère ,
« quoique la totalité d’iceux ne soit pas suffisante pour
cc payer leurs dettes; ladite somme payable en la ville
« de P a r is , un mois après sa majoritéy et après qu’il
« aura ratifié ces présentes et fait ratifier à la dame
« son épouse, et sans qu’‘aucun des créanciers puisse
« faire saisir ladite somme de 4,000 livres -,........... et
« où ils le feroient, lesdits sieur et dame comparons
« seront tenus de fa ire lever lesdites saisies et en
« rapporteront mainlevée , ......... mais ne seront tenus
« de faire lever les saisies qui pourroient être fa ite s
cc à la requête de ses créanciers particuliers. »
Maréchal « s’interdit d’obtenir dorénavant aucunes
« lettres d’état, et d’user de celles qu’il a déjà obte« nues ; ................ et s’il venoit à s'en servir, il sera
« privé de ladite somme de 4,000 livres ; la rendra,
« s’il i’a reçue, et payera 3,000 livres de dommages« intérêts;
cc E t en considération de toutes ces conventions, les
cc saisissans s’obligent, en outre, à payer à Maréchal,
« dans quinze jo u rs, une somme de 1,000 livres qui
« sera prise sur le prix des récoltes de Cannée der-
�(
2
)
« n ière, à ïeffet de quoi la vente sera incessament
« faite , ........................bien entendu que le payement
« des 4,000 livres promises audit sieur Maréchal sera
« fait des deniers provenans desdits biens abandonnés,
« soit des revenus, soit des fonds. »
Il est facile de se fixer sur l’objet et les conséquences
de cet acte.
On y voit un délaissement de certains biens qui
appartiendront aux créanciers, avec droit de jouir
depuis un terme antécédant.
Ce délaissement est fait pour'un prix convenu; les
biens sont cédés, délaissés , abandonnés, etc............. ils
appartiendront aux créanciers.
lie cédant s’en î-éserve quelques-uns; il ne traite pas
avec scs créanciers personnels ; donc ce n’est pas un
simple abandonnement pour se décharger de ses dettes.
T out en stipulant, tant pour eux que pour les autres
créanciers du père, les deux seuls qui traitent s'obligent
personnellement à payer ce prix et à garantir de toutes
saisies que pourroient faire ces autres créanciers.
Ils ajoutent un supplément de prix, et c’est pour
l’intérêt du sieur Maréchal , et non par aucune condi
tion restrictive, qu’ils s’obligent de le payer sur les
récoltes de l’année précédente, et pour c e , de les vendre
incessamment ; de m êm e, la clause qui l’oblige a payer
les 4,000 livres sur les deniers provenant des biens,
soit des revenus ou des fonds, est toute dans l’intérêt de
M aréchal; c’est un privilège qu’on lui accorde sur
le produit des biens, mais cela ne peut jnmais tourner
contre lu i, puisqu’on stipule en même temps quU sera
payé
�(
9
)
payé au préjudice de tous les créanciers, et nonobstant
que les dettes surpassent la valeur des biens, et qu’au
reste on s’y oblige personnellement.
N ’en disons pas davantage ; tout le monde peut qua
lifier un acte semblable, quand on le connoît tel qu’il
est. Voyons ceux qui l’ont suivi.
Ce premier acte ne lioit pas les créanciers; ainsi il
n’eût pas eu de grands avantages pour la dame le
Maistre, si on ne le leur eût pas rendu commun, puisque
chacun d’eux auroit pu poursuivre la vente et ramener
au point qu'on avoit voulu éviter. Quesmas, qu’on peint
comme un procureur avide de procédures, y eût trouvé
son compte, sans doute ; mais il se présenta tout bonnemen comme un créancier légitimequi ne demandoit
autre chose que de toucher sa créance, même en accor
dant des termes et des facilités, et qui fuyoit les frais
de saisies au lieu de se ménager adroitement le moyen,
d’entasser des procédures par lui - même ou par autrui,
et de consumer en frais, à son bénéfice personnel,
une partie notable du gage commun de tous les créan
ciers.
Le i 5 janvier 1695, huit créanciers souscrivirent vo
lontairement à l’acte du 27 mars 1694; soit refus de
la part des autres, soit difficulté de les réunir à de
grandes distances, on n’avoit pas eu leur consentement;
mais la dame le Maistre et le sieur Quesmas qui avoient
besoin de terminer avec tous les intéressés, obtinrent,
le 13 juin 1695, une sentence des requêtes du palais
qui. homologua le traité avec ceux qui l’avoient sous~
%
�( IO )
crit, et poim't d’assigner les rtfusans pour vo :r déclarer
la sentence commune avec eux.
L e sieur Maréchal acquéroit sa majorité le 17 juin;
il avoit intérêt de son côté à la ratification du traité,
pour toucher 5,000 liv. auxquels, sans cela, il n’avoit
aucun droit; il fit,dans le même temps, et hors la -pré
sence des créanciers, les actes nécessaires pour y par
venir. Il faut les connoître.
L e 20 juin, il passe devant notaires à Paris un acte
où il comparoît seul et où il déclare autoriser son épouse
à ratifier le contrat du 27 mars 1694, et à s’ obliger,
solidairement avec ledit sieur son époux, à son entière
exécution , et, par ladite ratification, se désister de toutes
prétentions qu’elle pourroit avoir et demander sur les
choses abandonnées.
L e 30 du même mois, la femme passe à Tournay
un acte où elle figure encore seule et sous l’autorisation
résultante de l’acte précédent; elle s'oblige solidaire
ment avec son m ari, et déclare ne prétendre aucun
droit ni choses quelconques sur les susdits biens et
choses délaissées par,sondit mari.
Enfin, pour achever sur ce point, le 27 août, Maré
chal se présente devant deux notaires à Paris; il dépose
en leurs mains son extrait baptistaire du 17 juin 1670,
pour prouver sa majorité ; les actes des 20 et 30 juin précé
dent; ratifie l’acte comme majeur, en ce qui le concerne;
donne quittance de 3,117 liv. payées par le fermier judi
ciaire, sur les4,000 liv.; se réserve le surplus* etx'econnoît
avoir reçu les 1,000 livres de supplément dès le 24 mai
�C 11 )
1694. A insi, sauf le payement du surplus des 4,000 liv.,
tout est consommé quant <\ lui par ce dernier acte. .
Pendant que Maréchal se mettoit en mesure pour
tenir les promesses qu’il avoit faites en minorité, la dame
le Maistre et Qucsmas avoient dû en faire autant pour
remplir leurs obligations.
Le 19 août, ils avoient obtenu une seconde sentence
aux requêtes du palais ; ils demandoient, i°. que le traité
de 1694 fut homologué contre les créanciers refusans;
20. que le fermier judiciaire fût tenu de payer à Maré
chal la totalité de la somme qui lui étoit due en vertu
de ce traité.
Claude Maréchal demandoit lui-même le payement
de ses 4,000 livres.
E t un sieur Priés, c r é a n c i e r , q u i se trouvoit des der
niers en ordre, demandoit que les sommes payées ou
promises à Maréchal fussent supportées par tous les
créanciers, au marc le franc de leurs créances, au lieu
d’être prélevées et de frapper en entier sur les derniers
créanciers hypothécaires.
Remarquons ici que vingt-sept créanciers étoient assi
gnés; qu’on voyoit figurer parmi eux Jeanne Maréchal
et le sieur R evanger, son mari; qu’ainsi, après avoir
répudié sans condition, et se trouvant en présence de
Claude-Bernard Maréchal qui avoit abandoné ses droits
moyennant un prix, de Quesmas et de la dame le Maistre
qui étoient à ses droits, ils n’élevoient aucune préten
tion sur les bii'ns du sieur Maréchal père; qu’ils figuroient uniquement comme créanciers, et qu’ainsi leur
qualité fixée contradictoirement avec tous les intéressés,
(
2
*
�.
.
.( ■ • >
devenoit publique et indélébile, quand bien môme ils
eussent pu la changer auparavant.
A u reste, la sentence homologua le traité, en décla
rant commune à tous les créanciers assignés la sentence
précédente ; elle ordonna le payement à Maréchal des
4,000 livres, et sur la demande de Priés, elle porte :
« Jo in t la contestation à Tordre, pour y être, en ju
te géant, pourvu ainsi qu’il appartiendra. »
Ces dernières expressions sont précieuses; elles ne
laissent pas de doute sur la pensée du juge, que la tra
dition des biens se trouvoit consommée au profit de
tous les créanciers, par le résultat de cette sentence.
A u reste, observons que par son effet immédiat, les
sieur et dame Hcvanger furent investis, comme créan
ciers et devenus acquéreurs , d’un droit quelconque
à la proj)riété des biens qu’ils avoient refusés comme
héritiers. Ce fut donc en leurs mains un nouveau titre
sans relation avec l’ancien qui ne résidoit plus sur leur
tête; titre nouveau qui auroit interverti la cause de leur
possession, quand bien mêm e, ce qui n’est pas, ils auroient continué de la garder après la répudiation.
A la vérité, la circonstance qu’ils étoient acquéreurs
ou cédataires, comme on voudra, seulement pour une
portion, aui-oit suffi pour que ce ne fût q u ’un com
mencement de titi’e à la propriété du tout ; mais aussi nous
allons voir que ce titre reçut bientôt sa perfection par des
actes ultérieurs, passés avec ceux-là seuls quipouvoient
désormais prétendre droit aux biens, quant à la portion
de Claude-Bernard Maréchal, savoir, ses créanciers de
venus propriétaires.
�C 13 )
Ce qui ne pouvoit avoir effet que pour la portion
de Claude, s’appliqua bientôt à celle de Marc Maréchal;
par acte passé devant notaires à M oulins, le 26 du
racine mois d’août, et dans lequel on voit figurer les
sieur et dame Revanger, seulement comme créanciers,
dépouillés de toute autre qualité, en face de leur pré
tendu cohéritier; celu i-ci, qui ne les considère plus
comme tels, se dépouille en leur faveur de la pro
priété de ses biens, et les leur abandonne dans les
mêmes termes et sous les mêmes conditions ( quoique
pour un moindre prix ) que venoit de le faire Claude
Bernard, son frère, majeur comme lu i, et débiteur
comme lui de créances plus considérables que la valeur
de ses biens.
A in si, indépendamment d’une répudiation non ré
tractée, la dame Revanger fut reconnue par ses deux
frères uniquement comme leur créancière, et agissant
en cette qualité.
Nous n’avons pas à nous occuper ici d’une contesta
tion qui s’éleva, à ce qu’il paroît, entre la dame le
Maistre et les autres créanciers, sur la prétention qu’elle
avoit de les forcer à prendre des biens fonds en paye
ment de leurs créances : on dit qu’elle succomba sur
cette prétention, et cela peut être*, car il étoit difficile,
hors le cas d’une volonté réciproque , d’imaginer un
mode de payem ent plus extraordinaire et moins suscep
tible d’exécution; et il ne faudroit pas s’étonner que les
autres créanciers s’y fussent refusés, et qu’ils eussent
obtenus de ne pas y être forcés. M ais, où les conduisoit cette résistance ? Ils trouvoient toujours dans les
�( i4 )
personnes de la dame le Maistre et de Qucsmas des
obstacles insurmontables à leurs vues. Ceux-ci, créanciers
hypothécaires, premiers en ordre de collocation, ne
couroient aucun risque. Qu’on vendit les biens volon
tairement, ce que peut-être on ne trouvoit pas à faire, ou
qu’on continuât les poursuites en saisie réelle, ce qui exposoit les derniers créanciers à tout perdre, Quesmas et
la dame le Maistre dévoient toujours être payés. En cet
état de choses, on songea à se débarasser de ces deux créan
ciers. Ils s’y prêtèrent, et le 10 décembre 1697 fut passé à
Moulins un acte par lequel les sieur et dame Revanger
et les Farjonnet, créanciers, s’obligent solidairement a
payer ces créances. I>e sieur R e va n g er y figure tant
comme mari que comme fondé de procuration de son
père qui étoit créancier de son chef; on voit par la
suite de l’acte que ses créances s’élevoient à 10,800 liv.;
celles des Farjonnet à 138,000 liv ., et ce, non compris les
intérêts et les trente-cinq autres créances. Quoiqu’il en
soit, Quesmas et la dame le Maistre consentent à re
cevoir, l’un 4,000 liv. et l’autre 5oo liv. par an jusqu’à
extinction de leurs créances; ils s’obligent à faire ap
prouver l’accord par tous les créanciers; mais comme
il faut vendre et que Quesmas et la dame le Maistre,
abandonnant la gestion, ne seront plus à même de se
défendre de rien, il est stipulé que dans le cas où
le prix de la vente ne suffirait pas, les créanciers coutractans payeront ce qui s"1en défaudra, sans garantie
ni institution de deniers.
Après cet acte, et par requête du 14 février 1698,
les Revanger , Farjonnet et autres créanciers qui y
�C 15
)
parties, démandèrent contre Quesmas et la dame
le Maistre, et le commissaire aux saisies réelles, qu’il fût
exécuté suivant sa forme et teneur; qu’ils fussent auto
risés à jouir des biens, et qu’il fût fait défense au commis
saire aux saisies réelles de les troubler dans cette jouissance.
Les 10 mars et 10 juillet suivant, ils obtinrent d’abord
aux requêtes du palais, puis aux requêtes de l’hôtel,
deux sentences qui l’ordonnèrent ainsi ; et ces deux
sentences furent exécutées sans contradiction.
Il importeroit très-p eu , sur cette partie des faits,
que les sieur et dame Revanger eussent arrangé tout
cela pour tirer meilleur parti des créanciers, après s’être
débarassé des deux plus difficiles; on pourroit mêm e,
sans danger, admettre pour un moment cette supposition,
qu’ils avoient préparé de longue main tous ces actes
dans leur intérêt personnel, pour conserver les biens
sous un titre plutôt que sous un autre, avec le moins
de frais possible. Tout cela seroit sans conséquence, car
il ne s’agit ici que d’une difficulté unique, la seule que
les appelans osent élever ( si toutefois c’est une difficulté ),
celle de savoir si les sieur et dame Revanger ont in
terverti leur titre; s’ils ont joui comme cohéritiers ou
comme acquéreurs; et certes, pour décider cette ques
tion, il est fort inutile de rechercher, après cent vingtsix ans, à quel prix ils se sont débarassés des créanciers.
La seule chose qui intéresse pour cet objet, est de recon
noitre si les deux frères Maréchal ont conservé des droits
après les actes dont nous venons de parler, et si la dame
Revanger, donataire universelle de sa mère et créancière
de sommes considérables, a pu réunir sur sa tête la to
talité de la fortune. L ’a-t-elle fait? si elle l’a fait, a-t-elle
étoient
�pQO
( I6 )
possédé les biens légitimement et animo dom ìni? si elle
les a possédés, a-t-elle transmis à ses enfans cette pos
session ? ceux-ci, la recevant de bonne foi et la conti
nuant de même, ont-ils à craindre, après cent vingt-six
an,s, que cótte possession leur soit aussi inutile que le
titre et le titre que la possession, et qu’on leur arrache
les biens en leur faisant restituer tout le bénéfice de la
jouissance ? C’est cette dernière partie des faits et sa consé
quence qui vont former le complément de cette proposi
tion que nous avons posée du premier m ot, qu’il ne fut
jamais de cause plus simple que celle des sieur et dame
de Maistre ; à quoi nous pourrons, ce semble, ajouter
dans quelques instans q u ’il n’en fut jamais de plus dif-*
ficile, de plus déplorable que celle des sieur et dame
Vanduerne ; et voilà pourquoi des moyens entortillés
avec une narration inexacte, présentent de leur part
des résultats aussi peu positifs, qu’ils ont donné, sans
doute, de travail à une imagination sophistique.
Qu’on ne doute pas que les sieur et dame Revanger
n’ayent pris, après les sentences de 1698, le seul parti
prudent qui leur restoit, celui de payer les créanciers;
aucun cl’eux n’a rien réclamé depuis. Qu’on ne dise pas
que ces créanciers étoient imaginaires, ils figurent au
nombre de trente-sept dans les actes et les sentences.
Qu’on ne se figure pas enfin que les sieur et danjo de
Maistre seraient en peine de justifier le payement do
ces créances. Il no seroit pas dilficile d’établir quelles
s’élevoient en principal à près de 3°0;000 livres; que
la majeure partie des terres qui cornposoient Ja fortune
fut délaissée en payement aux créanciers, ou vendue
pour
�C *7
)
pour les payer ; enfin, que les reprises de la dame Revnnger, plus considérables à elles seules que toutes les autres
dettes de la succession, outre-passoient la valeur de co
qui resta entre ses mains.
Mais les intimés se garderont d’établir aucune discus
sion sur ces points secondaires et qu’ils croyent inutiles
à examiner ; ils ne chargeront pas cette cause de détails
qui y sont étrangers dans l'état où elle se présente ;
encore une fois, cela n’est pas la question, et l’intérêt
de l’homme qui soutient une cause juste, claire dans ses
faits, forte dans ses preuves, est que l’esprit du juge
ne soit pas un seul instant éloigné de la^question.
O r , pour y rester constamment, il nous suffit de dire
qu’après avoir réuni sur leur tête la propriété des biens,
en désintéressant tou9 les a u t r e s c r é a n c i e r s , les sieur et
dame Revanger voulurent consolider cette propriété dans
leurs mains, par l’autorité de la justice.
Le 8 octobre 1717? ils firent assigner une partie des
créanciers aux requêtes du palais ; la femme se présenta
comme donataire universelle de la dame sa m ère,
yeuve de Claude Maréchal, et qui avoit renoncé ¿1 la
communauté stipulée en leur contrat de mariage ,* elle
persista donc toujours dans sa qualité de créancière de
son père, jusqne-là reconnue par tout le monde comme
l’unique dans laquelle elle avoit procédé.
Sur cette requête, fut l’enduc le 2.6 novembre T7I 7
une sentence contradictoire avec un créancier, et par dé
faut contre les autres ; elle est ainsi conçue :
« La cour, parties comparantes ouïes, par vertu du
« défaut donné contre les défaillans, en conséquence des
3
�( 18 )
« payemens faits par les parties de Guillauniet (les sieur
« et dame R evanger), aux créanciers de défunts Claude
« Maréchal et Marie Jacquinet, des subrogations et
« réunions en leur personne des droits des créanciers}
« ordonne que la propriété des terres de Bornpré,
« Loutaud................avec leurs circonstances et dépen« dances, demeureront et appartiendront incommuta« blement, avec les fruits et revenus, auxdites parties de
« Guillaumet, depuis le 10 décembre i6$J qu’ ils en
« sont en possession................ce faisant, fait pleine et
« entière mainlevée de la saisie réelle et des oppositions ;
« ordonne qu’elles seront rayées des registres.
Sans beaucoup de commentaires, demandons ici aux
sieur et dame Vanduerne, car c’est le moment, sans
doute, où ils ont pris que la déclaration de propriété
n’étoit prononcée que comme conséquence d’une dis
position principale, conséquence q u e, suivant eux, il
ne faut pas séparer de son principe, ni rendre plus
puissante que lui, ou si, au contraire, cette déclaration
de propriété n’est pas elle-méme la disposition prin
cipale, la disposition unique de la sentence. A u reste,
tout évident que cela est, nous aurons à y revenir.
Cette sentence fut signifiée à procureur le I e r dé
cembre; la signification à domicile n’est pas rapportée,
et il ne faut pas s’en étonner beaucoup ; elle est, d’ailleurs,
assez inutile; mais il faut tenir pour certain qu’elle fut
faite dans le même temps, car tous les créanciers n’ayant
pas été parties dans cette sentence, ils furent appelés
aux requêtes du palais par (de nouvelles assignations
des 8 et 9 avril 1718, et le 30 juin, une nouvelle sentence
�{. *9 ;
fut rendue contre le surplus des créanciers; elle déclara
commune avec eux celle du 25 novembre précédent; et
comme l’original de la signification i) domicile fut écrit
sur l’expédition même, il y est encore joint aujourd’hui.
Certes, Claude-Bernard et Marc Maréchal, dépouillés
de tous leurs droits depuis 1695, par un consentement
volontaire, n'avoient que faire d’assister à ces sentences^';
aussi, n’y furent-ils point appelés, mais bien tous leurs
créanciers, seules parties intéressées depuis ces actes de
délaissement, vente ou abandon, comme on voudra les
qualifier. Ces sentences furent bientôt exécutées; le 23
septembre 1718 la saisie réelle et les oppositions furent
rayées, en vertu des actes passés devant notaire et des
sentences de la Cour ; cette exécution qui consistait
dans un fait lé g a l, fut accompagnée d’un autre fait
public, authentique, la possession exclusive, conforme
au titre sans douts, par conséquent, ayant pour prin
cipe la propriété incommutable transférée ou confirmée
par la dernière sentence, comme conséquence des actes
qui l’avoient précédée.
Cette possession commencée en 1697, et dont le carac
tère jusqu’à 1717 n’étoit pas incertain, quoique moins
positif, s’est exercée encore pendant cent seize ans
contre les Maréchal qui n’avoient plus paru de
puis 1695 , et une quadruple prescription setoit ac
complie sur la tête de la demoiselle de M ontblin qui
représente les sieur et dame R evanger, lorsque le
16 mars 1814, les sieur et dame Vanduerne l’ont assignée
dans la personne du sénateur comte Garnier, son tuteur.
3
*
�( 20 )
Cette redoutable assignation étoit assez difficile à ré
diger, car on vouloit lui donner des motifs, et il falloit
sortir do l’embaras où on étoit jetté par des titres ré
guliers et une possession si long-temps prolongée. A u
reste, elle est assez curieuse et il ne faut pas omettre
d’en rendre compte.
La dame Vanduerne expose qu’elle représente ClaudeJBernard M aréchal; elle dit que la dame Jacquinet,
mère du sieur Maréchal avoit été sa tutrice ; qu’en
mariant sa fille au sieur Revanger et lui remettant ses
biens, elle les chargea solidairement de continuer la
tutelle; qu’en conséquence, les Revanger et leurs représentans n’ayant pu tenir les biens q u ’au môme titre de
tuteur, ce titre est précaire et fait obstacle à toute
prescription.
Ne se fiant pas trop à ce premier moyen qui n’est
pas exact en f a it , ils disent que si les sieur et dame
Revanger n’étoient pas tuteurs, ils étoient cohéritiers
de Claude-Bernard Maréchal ; qu’ils jouissoient en vertu
d’ un titre commun, par indivis, par conséquent, pour
tous les ayant droits ; second obstacle à la prescription.
Que le vice de la possession s’est perpétué jusqu’à
ce jour, et qu’en conséquence , il faut considérer comme
nulle toute espèce de jouissance.
Passant ensuite aux prétentions que doit favoriser ce
système, ils disent qu’outre les droits personnels de
Claude, ils ont encore à exercer la portion qu’ils amen
dent dans ceux de Marc et de Françoise, et ils de
mandent le partage pour leur attribuer tout cela.
�( 21 )
E t comme Claude, leur auteur, étoit laine* des mâles,
en coutume de Bourbonnais, ils demandent prélève
ment du droit d’aînesse.
Enfin, pour arriver au résultat, ils déclarent pour
leur prélèvement, qu’ils se contenteront de l’appliquer
sur le principal manoir, qui est la terre et château
de Bom pré, et h mobilier qui en dépend ; ils récla
ment le partage de toutes les terres sorties de la famille,
avec attribution au lot des défendeurs, de toutes celles
qui ont été aliénées ; la restitution des jouissances depuis
1694, y compris les dîm es, cens et rentes , jusqiCci
Vabolition ; enfin, comme le procès doit coûter des
fr a is considérables, ils demandent vingt-quatre mille
francs de provision pour y fou rn ir.
Si après avoir fait connoîtrc le fond des demandes,
nous les oublions pour n'en voir que les moyens, tenons
dès à présent pour constant que la cause est réduite à
l’examen d’une seule question. Les demandeurs reconnoissent que si la prescription a commencé, elle n’a point
été interrompue, puisqu’ils ne l’allèguent pas ; ils se
bornent à prétendre qu’elle a été empêchée par la nature
même du titre; parce que le possesseur et ses descendans ont joui comme tuteurs ou comme cohéritiers, et
ils mettent en principe qu’une jouissance semblable ne
peut jamais, et dans aucun cas, opérer de prescription ;
ce qui est, ou autant vaut, dire nettement. que l’action
en reddition de compte et celle en partage, sont de
leur nature imprescriptibles. C’est cette législation par
ticulière:, sans doute, aux sieur et dame Vanduerne,
qu’ils ont délayée; dans leurs imprimés.
ç
�C 22 )
Nous allons brièvement, et autant seulement quu
peut être utile, en parcourir les propositions; elles dis—
paroîtront à l’aspect des véritables principes, au premier
regard de la justice.
Nous nous éloignerions grandement du plan que nous
avons adopté et qui semble commandé par la nature
même des choses, si nous suivions les appelans dans leurs
divisions et sous divisions d’articles et de paragraphes 5
nous pourrions, sur chaque proposition, isolément, dé-?montrer qu’elle est erronée; mais nous entreprendrions
sans fruit une discussion longue et fastidieuse. V o y o n s la
cause dans son ensemble, et abordons franchement les
véritables questions.
t
, Nous allons supposer que la dame Revanger n’a eu
d’autre principe de possession que sa qualité de donataire
de sa mère, même d’héritière de son père, quoiqu’elle
ait • répudié , et que sa répudiation n'ait jamais été
attaquée. En carressant ainsi le système favori des sieur
et dame Vanduerne, nous les servirons sans doute à leur
goût 7 et nous simplifierons beaucoup la discussion ,
puisque les six paragraphes de leur premier article, c’est-r
à-dire , les quarante premières pages de leur mémoire
seront chose absolument inutile à réfuter , et que, suppo
sant vrai tout ce qui y est écrit, ces vérités seroient sans
conséquence.
Nous reconnoîtrons d’abord la vérité de ce principe,
que celui qui possède en vertu d’un titre précaire, et
dont la possession n’a pas d’autre cause, ne peut jamais
prescrire, et ainsi nous arriverons à la quarante-cin-*'
�(
*3
)
quièmepage de la consultation, sans avoir d’autre réponse
à faire ; mais nous nous étonnerons en pensant qu’on ait
pris tant de peine à prouver des principes positifs ,
comme s’ils étoient contestés, et mis tant de légèreté à'
en poser les conséquences, comme si celles qu’on en
tire étoient justes et avouées; en sorte que le juge, une
fois pénétré du principe, n’auroit plus qu à prononcer
les conséquences, sans avoir autrement besoin de les
examiner. Montrer la difficulté là où elle ne peut ê tre ,
et où on est sur de convaincre, et éloigner l’œil du magis
trat de la difficulté réelle en lui présentant celte partie sca
breuse comme non susceptible de contestation, ce peut
être de l’art, mais ce n’est pas tout à fait de la rectitude.
C’est après avoir prouvé et bien.appuyé d’autorités
ces principes généraux et incontestables, que la posses
sion précaire ne constitue jamais la prescription, qu’on
commence à la page 45 à s’occuper de la cause; deux
propositions fort simples et sur lesquelles on veut per
suader par une apparente bonhomie qu’on n’a besoin
ni d’autorités, ni d’efforts, ni de logique, contiennent tout
ce qu’on à écrit directement sur la cause.
L a possession des sieur et dame Revauger étoit vi
cieuse, dit-on, par deux raisons essentielles.
La première est l’indivision. La dame Revanger, mise
en possession par sa mère de tous les biens paternels
et maternels, a joui des biens indivis dans lesquels elle
n’amendoit qu’une portion ; un partage poitçoii seul
¿faire cesser là cop rop riété , et la coutume de Bour
bonnais, article 2 6 , étoit en ce cas un. obstacle à la près-
�( H )
cription ; Vindivision avertissait ’p erpétuellement les
sieur et dame Revangcr et leurs héritiers in infinitum
qu’ils n’étoient pas propriétaires des portions de ClaudeBei’nard Maréchal ; ils n’ont donc pu les prescrire.
La seconde raison se tire de ce que, chargée par le
contrat de mariage de tous les engagemens de la tutelle
qui pesoit sur la téte de sa m ère, la dame Revanger ne
jouissoit des portions des autres qu’avec un titre pré
caire et comme un véritable administrateur; cette ad
ministration ne pouvoit cesser que par un compte rendu
et délivrance à chacun de sa part des biens ; cette dé
livrance n'ayant pas eu lieu, la possession des sieur et
dame R e v a n g e r s’est perpétuée jusques dans leur posté
rité, à titre d’administrateurs.
Ces deux propositions ainsi isolées, sont faciles à dé
truire ; un souille va les anéantir en les examinant l’une
après l’autre. Elles sont si bizarres, si incohérentes,
qu’elles ne peuvent pas soutenir la plus petite réflexion.
Posons d’abord le principe ; c’est de là qu’il faut partir.
La prescription a été introduite comme un moyen,
nécessaire à la tranquillité des familles : lorsquo le terme
en est accçmpli, elle fait présumer que le possesseur est
légitime propriétaire ; elle le défend contre les attaques
tardives qui pourroient renverser sa fortune ; elle arrête
en cela les calculs de la méchanceté et de la mauvaise
foi, et voilà pourquoi elle est qppelée la patrone du
genre humain.
Mais ce principe, admis sans restriction, eût produit
des majux plus gçajjds ençorç qije ceux qu’on vouloit
éviter
�c 25 )
éviter ; il eût été l’éceuil de la bonne foi, de la confiance?
de lafoiblesse; pour l'empêcher, les législateurs ne l’cnt
admis que sous trois exceptions.
La première -a été prise de ce que la possession n’ayant
commencé qu’à un titre précaire, et le possesseur ne
faisant qu’user des droits d’autrui, ne possédant que pour
autrui, il ne peut pas acquérir une prescription qui
suppose qu’il a possédé pour lui-mêine, anirno dom ini;
la loi déclare donc qu’une semblable cause empêche la’
prescription.
’
La seconde a été prise de l’état d’incapacité de ceux
dont les biens sont possédés par des tiers, mais qui ont
commencé à prescrire ; elle ne veut pas quon puisse
tirer avantage de leur foiblesse, et cette cause suspend.
E nfin , la présomption légale que produit la prescrip
tion ne pouvant exister que par un silence prolongé
pendant le temps nécessaire à son accomplissement, l’in
terpellation judiciaire du créancier, ou la reconnoissance:
écrite du débiteur, constitue une troisième exception ;
c’est là la cause qui interrompt.
E t c’est ainsi que, fournissant aux possesseurs de bonne
foi ( ce qui s’entend de la bonne foi légale ) le moyen
de se préserver de toutes recherches après un certain
tem ps, la loi apporte à leur droit un sage tempérament
toutes les fois qu’il a été exercé contre des individus qui
ne pouvoient pas se défendre.
N ous n’avons à examiner que le premier cas ; mais
nous avons dû parler des deux autres pour les montrer'
tous sous le même point de vue, afin qu’on puisse bien
reconnoître le motif de la .règle, celui des exceptions,
4
�discerner si on s’y trouve, et aussi pour nous assurer
dès à présent que ces trois exceptions étant les seules
admises, la prescription doit être considérée comme
accomplie dans le cas où nous sommes, si elle a pu com
mencer , puisque les appelaus ne peuvent articuler ni
suspension ni interruption.
Nous n’avons pas besoin de remonter bien haut pour
reconnoitre la doctrine qui doit nous guider. Le Code
civil, art. 2236, contient en deux lignes toute la subs
tance des anciens principes.
Ceux qui possèdent p o u r a u t r u i , ne prescrivent
jamais.
C ’est à ce caractère qu’il faut reconnoitre ceux-là seuls
qui ne peuvent prescrire ; aussi la doctrine des législa
teurs du monde se trouve-t-elle toute renfermée dans
ces deux mots qui font anthitèse avec l’article : Pour
prescrire, il faut posséder animo domini. Ne nous épui
sons pas en recherches; si la dame Revanger et ses
représentans ont possédé pour autrui, point de consé
quence à en tirer pour eux; s’ils ont possédé pour eu x,
animo dom ini, avec l'esprit de propriété, ils ont prescrit.
Voilà notre boussole; c’est celle que la loi nous donne,
en nous avertissant que celui qui s’en écarte, ira se
briser sur des écueils.
Revoyons maintenant les deux propositions des oppclans ; d’abord l’indivision q u i, dit-on, n a u roit pu cesser
que par un partage; l’art. 26 de la coutume de Bour
bonnais , et la conséquence qu’on en a tirée que le par
tage n’ayant pas été fait, l’indivision a continué, et a
Rmpêché la prescription.
�( 27 )
Cette proposition nmo't en elle-même quelque chose
de b:en étrange, si elle étoit vraie dans le sens des
appelans. Après l’avoir admise, faute de pouvoir en dis
cerner le vice, l’homme qui, sans eonnoître la science
du droit, auroit néanmoins quelque teinture des prin
cipes jointe à un jugement sain, se demanderoit bientôt
à lui-même: « Que signifient donc, en ce cas, les lois
« de tous les temps qui veulent que le cohéritier qui
« laisse jouir son cohéritier, et qui oublie pendant trente
« ans de demander le partage, en soit exclus parce que
« l’action en piirtage se prescrit par trente ans, lorsqu’il
« n’y a ni suspension ni interruption? est-ce que les lois
« peuvent renfermer des contradictions aussi palpables ?
« comment s’y prendre, en ce cas, pour les exécuter, même
« pour leur obéir ? » N ous n’.iurions pas de peine à con
vaincre cette ûmehonnête, mais sans expériences en affaires;
nous en aurons moins encore pour nous faire entendre
des magistrats qui distribuent la justice.
Tout gît dans l’explication de ces trois mots : Jouir
pour autrui. Elle seroit facile sans aucun secours ; mais,
pour ne pas encourir le reproche de nous abandonner
au raisonnement , c’est dans le répertoire même des
appelans que nous allons puiser ; c’est l’article 26 de la
coutume de Bourbonnais qui va tout expliquer.
« Quand aucunes choses sont tenues et possédées en
« commun et par indivis , l ’on ne peut acquérir ni
« prescrire le droit l’un de V a u t r e .......... par quelque
îc temps que ce soit. »
Ici, la loi se concilie bien avec elle-même; elle ne dit
pas que le coheritiex* qui jouira seul de la succession
�(28)
commune, ne prescrira pas contre les autres, mais q u j
ceux qui jouiront en commun et par indivis, ne pour
ront prescrire l’un contre l’autre le droit l’ un de
Vautre. « La raison, dit M. Auroux sur cet article,
« c’est que celui qui reconnoît posséder une chose com« m im e, soit par succession ou autrement, reconnoît,
« par conséquent, le droit de ses communs, et qu’on
« ne prescrit point contre son titre ;
« Mais, pour faire une application sûre de notre ar-*
« ticle, il fa u t que la chose soit reconnue commune
« par celui qui la possède. »
Ainsi, cela s’applique à plusieurs, jouissans ensemble
et par indivis, et qui p eu v en t toujours demander le
partage Yun contre Vautre, « même à un héritier q u i,
« jouissant seul, fait part aux autres communs des bé« néfices de la jouissance qu’il exerce, ou qui reconnoît
« par écrit qu’il n’a joui que pour eux ; » mais celui
qui jouit seul et sans en faire part à autrui, ne jouit pas
par indivis; il jouit, au contraire, fort divisément, exclu
sivement y et prescrit par cela seul le droit d’autrui.
« U in d iv is, dit M . A uroux sur ce même article 2 6 ,
« n’est une reconnoissance de la nécessité qu’il y a dç
« faire partage qu'au respect de ceux qui jouissent
« par indivis et non à Yégard d'un cohéritier q u i n ’a
a aucune possession. C’est p ou rq u oi, si on suppose que
« dç quatre cohéritiers il y en ait un qui ait gardé le
« silence pendant trente ans, et que les trois autres ayent
« jo u i par indivis de toute la succession, celui qui a
« gardé le sileuce pendant trente ans ne sera plus re« ccvable à demander sa part. »
�( ^9 )
Puisqu’il faut aux sieur et dame Vanduerne des au
torités pour leur apprendre ce que c'est que jouir par
indivis, ils ne récuseront pas celle-là, sans doute, pas
plus que celle de Semin et du président D uret, toujours
sur le même article, non plus encore que ce principe
universel que le cohéritier qui vit dans la maison
commune , quoiqu’un autre jouisse , se trouve placé dans
l’exception, parce qu’alors il jouit par indivis ; et ils
avoueront peut-être que notre législation ne reconnoissant pas d’héritiers nécessaires, ne conserve pas le
droit des successibles contre leur volonté, et que leur
silence suffit pour que leur droit se perde et s’éteigne
à jamais.
Voilà des principes, sans c l o u t e ; n o u s ne craignons
pas de l’affirmer, et la Cour ne les repoussera pas ; que les
sieur et dame Vanduerne, arrivant de Bruges, en Bour
bonnais, les yeux un peu épaissis par le désir d’une
grande possession, eussent lu l’art. 26 de la coutume,
réduit à son texte et dégagé de tout commentaire, et
qu’ils n’eussent pas bien compris les mots jouis en co?nmun
et par indivis, cette idée seroit encore supportable;
mais que dans un écrit en forme de consultation, signé
par des jurisconsultes, on soutienne que parce qu’on n’a
jamais fait de partage on peut toujours le demander, et
que le cohéritier qui s’est abstenu de la succession, qui
n a jamais jou i, qui n’a jamais vécu dans la maison com
mune, qui, au contraire, s’en est éloigné, et s’est abstenu
de prendre part aux biens depuis cent vingt-six ans
peut, sans aucun moyen d’interruption, demander un
partage et cent vingt-six ans de jouissances ; qu’en un mot,
�( 30 )
son droit est conservé par le fuit même que la loi admet
comme exclusif de tout droit, c’est ce que l'esprit se
refuse à croire, pendant que les yeux le lisent distinc
tement.
Nous n’entasserons pas ici les autorités pour prouver
ce que la loi dit impérieusement depuis des siècles, et
ce que le- Code civil ne fait que répéter, art 816.
« Le partage peut toujours être demandé , même
« quand l’un des cohéritiers auroit joui séparément de
partie, des biens de la succession, s’il n’y a eu un acte
« de partage ou une possession suffisante pour a cqu érir
« la prescription. »
Cet article, joint ù l’art 2.2.62., n’a fait que poser le
principe général que l’action en partage se prescrit
par trente ans ,• il fixe, d’ailleurs, une question de droit
qui avoitété controversée par les jurisconsultes, celle de sa.voir si entre des cohéritiers qui ont joui divisément pen
dant un certain temps, dix ans, par exemple , on pouvoit
se soustraire au partage sans en rapporter un acte;
doctrine qui avoit été repoussée par la saine partie des
docteurs, notamment Lebrun; et il érige en loi parti
culière ce qui jusque là n’ayoit été reconnu que comme
une conséquence des principes généraux, savoir, que
trente ans de jou issa n ce séparée sont nécessaires pour
dispenser un cohéritier de rapporter un acte de partage,
Il est donc inutile que nous opposions aux appelans
l’autorité des plus célèbres auteurs, sur un point qui
étoit de doctrine universelle ; nous ne leur produirons
ni Domat, ni Pothier, ni môme Dunod qu’il ont fort
imprudemment invoqué ; nous croirioiis faire injure
�C sO
aux ministres de la justice, en accumulant les citations
pour prouver qu’une jouissance séparée de trente ans
opère la prescription de l’action en partage , et nous
aurons un peu plus de respect pour les lumières d’une
Cour souveraine; mais nous ne saurions nous dispenser
d’insister sur une autorité que les sieur et dame Vanduerne ne mépriseront pas; sur laquelle, sans doute,
ils n’élèveront ni doute ni soupçon; celle de leur propre
consultation. lie principal motif qu’on invoque pour
prouver que madame Revanger, ni ses descendons, n’ont
pas pu prescrire, est celui-ci ( page 46 ).
0
' a L ’indivision avertissait perpétuellement les sieur et
dame Revanger et leurs héritiers in injînitum , qu’ils
n’étoient pas propriétaires des portions revenant à ClaudeBernard Maréchal; par conséquent, ils n’ont j «mais pu
les posséder anuno dornim. »
' A rrêton s-n ou s un instant.
On a senti le besoin de dire que le cohéritier qui jouit
pour la succession, est averti par quelque chose qu’il
ne jouit pas pour lui-même; car la prescription étant
fondée sur ce principe qu’on jouit animo dom ini,
il faut qu’un fait quelconque lui apprenne , et à ses
héritiers in injmitum, qu’il jouit pour autrui ou avec
autrui. Demandons ici aux sieur et dame Vanduerne
ce que c’est que cette indivision qui avertit perpétuellenient, si ce n’est un fait positif qui démontre
q u ’on ne jouit pas p o u r s o i , ou si cela s’applique au
cohéritier qu i, r e s t é seul dans la maison commune, ne
fait part de sa jouissance à personne ; dispose en maître
�( 32 )
et à son profit personnel de toute la succession; s’ap
proprie exclusivement les revenus ; vend les immeubles
sans en rendre compte à personne? Si cet héritier,
disposant en maître , jouissant exclusivement , ne
possède pas animo dom ini, quel sera donc celui à qui
on appliquera ces expressions? dans quel cas un cohé
ritier pourra-t-il prescrire la portion des autres? Sou
venons-nous bien que la pi'escription tient lieu de titre;
que la. possession trenténaire fait présumer de droit la
transmission de l’immeuble à titre gratuit ou onéreux,
et consolide la propriété incommutable sur la tête de
celui qui a prescrit; en sorte que sa possession eût-elle
commencé par une usurpation qui eût pu être roconnue si une demanda eût été signifiée api'ès vingt-neuf
ans onze mois et vingt-neuf jours, elle est devenue lé
gitime après l’expiration d’un jour de plus; elle le dis
pense de rapporter un titre, et l’affranchit même de
l’exception de mauvaise foi ( article 2262 ). O r, et abs
traction faite de tous les actes, sentences et arrêts qui
ont été passés oy. obtenus depuis 1694 jusqu’en 1718 ,
qulon nous dise comment madame Revanger et ses
descendans eussent dû jouir autrement qu’ils n’ont fait,
pour acquérir une possession réelle et attendre la prescrip
tion? n’ont-ils pas joui pour eux exclusivement? ont-ils
jamais reconnu Vindivision^ un fait matériel quelconque
les a-t-il jamais avertis qu’ils n’avoient qu’une jouissance
précaire, qu’ils possédoient en commun et par indivis ?
se sont-ils jamais occupés de leurs cohérities prétendus?
enfin, ne prouve-t-on. pas le contraire de tout cela en
leur
�( 33 )
leur demandant aujourd'hui cent vingt-six ans de resti
tution de jouissances ?
C ’est trop en avoir dit, sans doute, sur cette première
partie, si claire, si évidente, et qui repousscroit si hau
tement la prétention des sieur et dame de Vanduerne,
même en supposant vrai tout ce qu’ils avancent.
Nous ne devons pas être longs sur le second m oyen,
ou plutôt sur la seconde face de ce m oyen , celle qui
représente la dame Revanger jouissant comme tutrice
et ne pouvant prescrire parce qu’elle n’avoit d’autre
titre que celui d’administrateur; les mêmes principes
s’y appliquent avec autant d’exactitude.
A vant to u t, fixons-nous sur un. fait essentiel.
La dame Vanduerne agit comme représentant Claude*
Bernard Maréchal ; c’est principalement de son chef
qu’elle tiendrait le droit qu’elle exerce, s’il pouvoit lui
appartenir; aussi, s’est-elle crue obligée à prétendre que
la dame Revanger , par son contrat de m ariage, et
comme condition expresse de sa donation, avoit été
chargée de tous les engagemens de la tutelle, et que
ces engagemens portoient tout à la fois sur les biens de
Claude-Bernard et Marc Maréchal, ses deux frères. Le
contrat de mariage à la main, nous attaquerous cette
proposition dans ses fondemens, et nous démontrerons
que ce moyen n’est qu’une illusion.
Mais la supposant aussi exacte q u ’elle l’est p eu , quelle
conséquence faudroit-il en tirer? Aucune, sans doute;
c a r, si la demande en partage se prescrit par trente ans
du jour où la jouissance commune a cessé, il en est de
5
�( 34 )
même de l’action en reddition de compte du mineur
contre son tuteur.
Tant que la minorité dure, la qualité de tuteur.ré
side sur la tête de celui qui en a été légalement investi;
le mineur non émancipé n’a pas de capacité, person
nelle; il ne peut paroître en son propre nom à aucun
acte; c’est son tuteur qui reçoit et quittance pour lui,
qui paye et agit pour lu i, qui le représente, en un
mot, dans toute espèce d'affaires; et c’est cette différence
de qualités de l’enfant mineur ou majeur, cette grande
distinction faite par la loi elle-même de ceux qui sont
sui <vel alieni ju r is , qui fait la ligne de démarcation
entre l’époque ou le tuteur ne prescrit pas et celle où
commence la possession utile qui opère la prescription.
L e mineur est-il encore sous la puissance de son tuteur,
celui-ci administre, jo u it pour autrui; est-il sorti de
cette puissance, le tuteur ne peut plus le représenter ^
les actes qu’il feroit en cette qualité sont nuls, respec
tivement au pupille, quand bien même le tiers qui traite
avec le tuteur ignoreroit le changement d’état. A ussi,
s’il continue de jouir, le principe de sa possession change
comme l’état et la qualité des personnes ; il jouit pour
lui-m êm e; l’enfant, devenu majeur, n’a d’autre droit
que de lui demander com pte, et trente ans de possession
écoulés sans interruption légale, effacent à jamais ce droit.
Nous ne grossirons pas ce précis de citations plus qu’inu
tiles pour prouver un principe positif; mais nous de
manderons si dans l’ancien droit, il s’est jamais élevé
d’autre question que celle de savoir si certaines actions
�( 3* )
du mineur contre son tuteur duroient trente ou seu
lement dix ans après la majorité. Toutes ces questions
qui ne prouvent que mieux la vérité de notre proposi
tion, sont tranchées par l’articie 475 du Code civil, qui
réduit à dix ans la prescription de toutes les actions du
mineur contre son tuteur, et y enveloppe l’action en
reddition de compte.
Remarquons, au reste, combien il est étrange d’en
tendre dire ici à la dame Vanduerne, comme elle l’a
fait sur le moyen d’indivision, que parce que le compte
n’a jamais été rendu, ou parce qu’on a resté plus de
trente ans utiles sans le réclamer, on peut le demander
encore, c’est-à-dire, que la demande n’a d’autre appui
que le moyen même qui la repousse.
A in si , en fussions nous réduits là , madame Revanger
et ses descendans auroient joui pour eux et non pour
autrui, auroient possédé utilement, auroient prescrit,
quatre fois prescrit, puisque la prescription n’a été ni
suspendue ni interrompue.
Mais madame Revanger n’a jamais été chargée de
gérer la tutelle de Claude-Bernard Maréchal qui avoit
* cessé avant son mariage, et le contrat de 1692, au con
traire , la charge taxativement et exclusivement de gérer
et administrer, au lieu de sa m ère, la tutelle et ad
ministration de Marie-Marc M aréchal, son fils mineur;
comment donc s’en servir à raison des biens de ClaudeBernarcl ?
Cela est vrai, disent les appelans, page 4 7 , « mais
« Claude Bernard n’avoit pas obtenu sa portion dans
sc la succession de son p ère ......... aucun compte de
5*
�« tutelle ne lui avoit été rendu, aucun partage de la
« succession n avoit étéj'a it ; elle étoit donc restée ink divise ; la daine Revanger s’est donc chargée d’admi<f nistrer la portion appartenante à Vaîné, puisque tout
« étoit dans Vindivision.
« Cette administration ne pouvoit cesser que par un
« compte rendu..»
Une conséquence obligée de cet argum ent, c’est que
l’action n’a eu d’autre durée que celle de la reddition du
compte ; c'est bien évidemment celle qui résulte de cet
av<iu échappé au conseil des appelans, que tout cela
pouvoit finir par un compte rendu.
Mais , et toujours de leur aveu, ce moyen ne scroit rien
sans l’indivision ; ce n’est donc encore que le moyen de
Yindivision , si pauvre, si pitoyable, présenté sous une
autre face. Et si nous voulons nous occuper un peu plus
de l’embaras des appelans, remarquons bien que le
moyen d’indivision qu’ils appellent au secours de la tu
telle, 1 air a paru à eux-m êm es si foible, que pour le
faire paroitre quelque chose , ils ont cru devoir l’établir,
d’abord sur ce que la dame Revanger, en vertu de
son contrat de mariage, avoit été mise en possession
par sa jn ère de toits les biens paternels et maternels,•
de ceu x-ci, en lu i faisant la donation entre-vifs ' et
de ceu x -là , parce qu'une des conditions de la donation étoit qu’elle administrerait conjointement avec
son m ari la tutelle dont avoit été chargée la donatrice.
.A insi, dans les mains de la dame Revanger, la.
�( 37 )
totalité des biens se trouvait indivise, parce que la lé
gitime des frères n’en avoit pas été séparée. ( page 48).
D ’où il est aisé de voir que l’indivision est un m oyen,
parce quelle est fondée sur une charge d’administrer.
E t la qualité d’administrateur est un m oyen , parce
qu’elle étoit accompagnée d’indivision.
En sorte que chacun de ces prétendus moyens ne
pouvant se soutenir par lui-même, se trouve néanmoins
assez fort pour supporter l’autre, et lui donner une va
leur qu’il n’a pas à lui seul. Une qualité d’administra
teur qui n'existoit pas devient quelque chose, parce
qu’il y avoit indivision; et cette indivision dont on n’a
perçoit aucune trace, reçoit son existence et sa force de
la qualité d’administrateur qui étoit impuissante sans elle !
Bravo ! M. Vanducrne.
._
.
;
N ’ajoutons rien de plus à ces moyens si précis, à
ces principes contre lesquels on n’auroit cru néces
saire de rien écrire, s’ils n’étoient appuyés que de la
signature de la partie ; mais pourquoi avouer par son
silence des principes, des applications qui émanent de
jurisconsultes plus ou moins connus ? Ici , le dédain
n’est plus permis ; il faut répondre. Après ce peu
de mots, tenons pour certain qu’en admettant en leur
entier quarante-quatre pages de mémoire des appelons,
ils n’en seroient pas moins dépouillés de tout droit par
une prescription inexpugnable.
M ais que nous sommes loin d’avouei' que la dame
Revanger n’ait eu d’autre principe de possession que
celle d’un tuteur ou d’un cohéritier qui possède en com
mun et par indivis. La prescription n’est pas ici le seul
�moyen; nous n’en avons pas besoin pour déroger au titre’;
elle est, au contraire, Je plus ferme appui des titres;
elle a été exercée conformément à la volonté des par
ties exprimée dans des actes, aux ordres des tribunaux
écrits dans des arrêts ; elle n’est plus dès lors que le
soutien de la vérité.
S’il est vrai que celui qui détient une chose à un
titre précaire ne peut pas la prescrire, tant qu’il la
possède pour autrui ( art. 2236 ) , il ne l’est pas moins
que la prescription commence, lorsqu’il intervertit la
cause de sa possession ( art. 2238 ) , parce que si on
ne peut pas se changer à soi-même la cause de sa pos-»
session, on -peut prescrire contre son titre, en ce sens
qu’ on prescrit la libération de Vobligation que Von a
contractée ( art. 2241 ).
Nous avons prouvé qu’à supposer vicieux le principe
de la possession , il se trouvoit interverti soit par la
séparation des cohéritiers et l’interruption de la jouis
sance commune, soit par la cessation de la tutelle; il
nous reste à prouver, dans le cas particulier, qu’une
intervention d’un autre genre auroit également fait cesser
le vice, ou plutôt que le vice n’avoit jamais existé.
i°. Quant à la cause tirée de la jouissance par indi
vis, elle suppose nécessairement que la dame Hevanger
avoit joui com m e h éritière , et qu’on peut lui opposer
cette qualité ; mais comment user d’un semblable moyen
lorsqu’on lit, dans une foule d’actes authentiques, que
sa mère étant morte le 18 septembre 1693, elle renonça
le 2,5 novembre suivant, tant à sa succession qu’à celle
du père ( que la mère avoit détenue jusqu’alors ) , et
�Ç 3? A
que cette renonciation, judiciairement faite et qui n’u
jamais été attaquée d ep u is,-fu t, au contraire, recon
nue et approuvée, soit par ses frères, dans des actes
publics où elle figura seulement comme créancière,
soit par les autres créanciers de la succession , dans
des traités authentiques, soit par l’autorité judiciaire,
dans les quatre sentences de 1695, 1717 et 1718 ?
cette renonciation n’est-elle pas aujourd’hui un acte dix
fois inattaquable; n’a-t-elle pas fixé sans retour la qua
lité de la dame Revanger; et les héritiers de ClaudeBernard Maréchal ne sont-ils pas, plus que toute autre
personne, non recevablcs à vouloir imprimer la qualité
cohéritiers à ses descendans?
2°. Quant à la tutelle, il y a encore peu de loyauté
dans cet argument. Lorsqu’on détruit le fait principal
qui le fonde ( la tutelle de Claude-Bernard Maréchal ) ,
et qu’on fait disparoître le moyen d’indivision, à quoi
se réduit-il? on le demande, n’est-il pas détruit dans
sa base?
Tout cela seroit donc encore plus que suffisant pour
repousser l’action des sieur et dame Vanduerne, et nous
n’aurions pas besoin d’examiner les caractères des actes
de 1694 et 1695; car on doit bien remarquer que nous
n’en avons pas usé jusqu’ic i, si ce n’est pour établir
que la répudiation de la dame Revanger avoit été
c o n n u e , approuvée et exécutée contradictoirement avec
toutes les parties intéressées. Mais nous pouvons aller
plus loin encore ; et après avoir supposé vraie la pro
position majeure et prouvé qu’on en tiroit de fausses con
séquences, ne craignons pas de l’attaquer ouvertement
�(4 0
elle-même, et de prouver que quand bien même il y
auroit eu besoin d’actes autres que la répudiation, qui
eussent positivement interverti la cause de la possession,
ces actes existent, et ces actes, émanés des auteurs des appelans, approuvés et exécutés partons les créanciers, sanc
tionnés enfin par la justice, mettant dans la même main le
titre de propriété et une possession de cent vingt-six ans,
forment un bouclier indestructible contre la folle et témé
raire demande qui nous occupe.
Que se passe-t-il après la mort de la dame Maréchal?
Les biens de son mari étoient couverts de dettes;
elle laissoit à la dame Revanger des créances contre sa
succession.
Le i 5 novembre 1693, la dame Revanger, sa fille,
renonce à la succession du père.
Immédiatement, les biens sont saisis par Quesmas et
la dame le Maistre.
Le 27 mars 1694, Qaude-Bernard Maréchal aban
donne ses droits aux saisissans, tant pour eux que pour
les autres créanciers. N ’examinons pas encore, si l’on
veut, les caractères de cet acte, mais souvenons - nous
bien que Claude-Bernard, n'espérant rien de la succes
sion, cède ou abandonne les biens aux saisissans, moyen
nant un prix pour lequel ces deux créanciers consentent
une obligation personnelle, même une garantie du fait
des autres créanciers.
Les 13 juin et 19 août i 6g 5 , deux sentences homo
loguent cet acte avec les créanciers.
lies 20 ,30 juin, 19 et 27 août, Claude-BernardMaréchal
Ratifie cet acte, le fait ratifier par son épouse et reconnoît
dans
�(4 0
dans un acte Judiciaire que la dame Revanger n’agissoit
plus que comme créancière.
Le 26 août, Marc Maréchal, à son tour, abandonne
ses droits aux créanciers moyennant un p r ix , et sa sœur
figure dans cet acte comme créancière.
Le 10 décembre 1697, les créanciers s’unissent pour
désintéresser Quesmas et la dame le Maistre ; ils les
payent et restent à leurs droits.
Le 14 février 1698, les sieurs et dame Revanger, Farjonel et autres, agissant dans tous ces actes comme créan
ciers, demandent l’autorisation de jouir des biens, nonobs
tant la saisie, et l’obtiennent par deux sentences des
10 mars et 10 juillet suivans.
Enfin, après avoir payé tous les créanciers, soit en
argent, soit en immeubles, la dame R e v a n g e r se présente
aux requêtes du palais comme créancière de Claude Maré
chal, son père, et procédant envers la masse des autres
créanciers; elle obtient, non comme héritière, sans doute,
mais par abnégation de cette qualité et seulement comme
exerçant les créances de sa m ère, deux sentences con
tradictoires , lesquelles qui ordonnent que la propriété
des biens demeurera, et appartiendra incommutablement auxdits Revanger; fait pleine et entière main
levée de là saisie réelle et des appositions.
E t en vertu de ces sentences, la saisie est rayée.
Voilà comment la dame Revanger, créancière de son
chef de plus de 300,000 francs en capital, non compiis
les droits d’autrui q u ’elle avoit acquis, parvient à conser
ver quelque chose d’une succession qui alloit être dévo
rée en frais de toute espèce, et y parvient en désin-
6
�( 42 )
téress.int tout le monde et en se chargeant à elle seule
d’une liquidation à laquelle, il est vrai, elle ¿toit inté
ressée , mais qui ne lui en coûte pas moins vingt-un ans
de soins, de peines et de travaux de toute espèce.
Qu’importeroit alors que les actes de 1694 et 1695
eussent ou n’eussent pas la valeur d’une vente? qu’ils
ne fussent qu’un simple abandon, même précaire, à des
créanciers ? seroient - ils moins une procuration pour
vendre et se faire payer sur les deniers? et oseroit-on
dire que la cession de biens qui décharge un débiteur
de tous ses engagemens, quelqu’énormes qu’ils soient,
n’est qu’une simple procuration ? D ’ailleurs, qu’importe ?
Les créanciers qui pouvoient vendre volontairement ou
judiciairement, à leur g ré , propriétaires ou procureurs
fondés, comme on voudra, n auroient pas moins vala
blement transmis la propriété des biens à la dame R evanger par un simple acte; à plus forte raison cela est-il
valable lorsque, du consentement de tous, cette fixation
de propriété, sur la tête d’un seul, est revêtue de l’au
torité imposante de la justice.
Mais comment douter que l’acte ne fût réellement
translatif de propriété, lorsqu’on y lit toutes les expres
sions qui maintiennent cette transmission ; lorsqu’on y
voit toutes les conditions essentielles au contrat de vente;
lorsqu’en ne-pédant q u ’une partie de ses biens à deux
créanciers de son père, Maréchal reçoit de ces deux créan
ciers l’obligation personnelle de lui payer un prix quel
conque,nonobstant toutes saisies, sauf celles des créanciers
personnels du vendeur, qui, sans doute, eussent eu des
droits sur les biens du père, si ces biens eussent été plus
�(
43
)
que suffisans pour acquitter les dettes de la succession.
A u reste, deux réflexions tranchent tout. E lle sont
extrêmement simples.
Quelques doutes qu’on pût permettre d’élever sur le
caractère des deux actes de 1694 et 1695, il n’en est
pas moins vrai que dans une cause dont tout le moyen
est tiré d’un prétendu vice de possession, il faut con
venir que la répudiation, jointe aux deux actes et aux
sentences qui les ont suivies et où sont parties les frères
Maréchal, constituent l’interversion de possession la plus
évidente, la plus formelle qü’on puisse invoquer, et
excluent la pensée d’une jouissance commune et par
indivis. Premier argument q u i, sans doute , restera
long-temps sans réponse.
L ’autre, que les sentences de 1 7 1 7 et 1 7 1 8 , rendues
avec les ayans droit et représentans, in ilia re, des frères
Maréchal, et signifiées dans leur temps, portant attri
bution ou confirmation de la propriété incommutable
au profit de la dame Revanger ; rien aujourd’hui ne
peut ébranler l’autorité de la chose jugée ; et certes, ce
ne sera pas après avoir souffert cent six ans d’une pos
session conforme à ces sentences, qu’on parviendra à
renverser l’ouvrage d’une partie intéressée, qui fit le bien
de tous avec l’autorité de la justice.
E n voilà, sans doute, plus qu’il n’en faut ; cependant,
disons encore deux mots pour achever de satisfaire le
cœur , car depuis long-temps l’esprit doit être convaincu.
Remarquons que Quesmas et la dame le Maistre ,
créanciers premiers en ordre, consentent à des termes
longs, sans intérêt pour le payement de leurs créances,
�( 44 )
pour se débarasser de tout, ce qui suppose qu’il n’y
avoit pas un si grand avantage à faire vendre ou à s’ap
proprier les biens.
Remarquons que dans l’acte de 1694 Claude-Bernard
Maréchal ne traite pas avec ses créanciers personnels,
dont les créances demeurent à sa charge, ce qui n’eût
pu être adopté, ni dans son intérêt propre, ni dans
celui de ses créanciers, si ceux dela succession n’en eussent
pas entièrement absorbé les biens.
Remarquons enfin qu’une très-petite partie des biens
seulement resta à la dame R evan ger, et que la terre
de Bom pré,dont la valeur actuelle est un objet d’envie
pour les appelans, a été plus que doublée depuis 1718,
par des acquisitions considérables des successeurs de la
dame Revanger; qu’ainsi elle ne lui resta pas alors en
payement de ses créances dans toute l’étendue qu’elle
a aujourd’hui. .
E t avec ces légères observations, croyant avoir tout à la
fois repoussé les paradoxes, réduit à rien les moyens de
droit, et démontré le vide des moyens de défaveur qu’on
veut rejeter sur les auteurs de la dame de Maistre, nous
aurons la pensée d’avoir plus que rempli notre tâche, et
nous te minerons, sans prétention comme sans apprêt,
une discussion qui n’exige pas qu’on sorte de cette simpli
cité qui est toujours le meilleur moyen d’une cause de
ce genre.
M e. d e V IS S A C , avocat.
M e. B R E S C H A R D , avoué-licencié.
T H I B A U D , Imprimeur du R o i , de la Cour royale et libraire, à Riom.
�
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Factums Godemel
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Title
A name given to the resource
[Factum. Maistre, Amédée-Elizabeth-Louis de. 1820?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
De Vissac
Breschard
Subject
The topic of the resource
successions
renonciation à succession
mort civile
créances
coutume du Bourbonnais
abandonnement
séquestre
saisie
prescription
longues procédures
Description
An account of the resource
Titre complet : Précis en réponse, pour le sieur Amédée-Elizabeth-Louis Baron de Maistre et la dame de Montblin, son épouse, intimé ; contre sieur Philippe-Charlemagne Van Duerne et la dame Maréchal, son épouse, appelans.
annotation manuscrite : « 13 juillet 1820, journal des audiences, p. 316. »
Table Godemel : Abandonnement : l’acte par lequel un débiteur a cédé et délaissé à ses créanciers les droits qui lui revenaient dans une succession, ne peut être considéré comme un simple abandonnement ne transmettant aucun droit de propriété aux créanciers si l’abandon ne comprend pas tous les biens affectés au payement des créances, et s’il n’a pas été fait aux créanciers avec la faculté de vendre les biens délaissés.
un pareil acte est une véritable vente ou cession de droits successifs, surtout lorsqu’il est stipulé un prix, quoique pour forme de gratification, et qu’il est convenu que tous meubles et immeubles, autres qu’un objet expressément réservé appartiendront aux créanciers cédataires.
les représentants du débiteur cédant ne peuvent attaquer cet acte, exécuté comme vente et cession pendant un très grand nombre d’années. Tierce-opposition : 4. une tierce-opposition doit-être formée par requête. Elle n’est recevable qu’autant qu’elle a été régulièrement formée dans les trente ans de la date des jugements attaqués.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1820
1692-1820
1661-1715 : Règne de Louis XIV
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
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BCU_Factums_G2525
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Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
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abandonnement
coutume du Bourbonnais
Créances
longues procédures
mort civile
prescription
renonciation à succession
saisie
séquestre
Successions
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5370f3c5aad552151a99b10e567947fe
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OBSERVATIONS.
- !: y
’
‘ ' '
.
• •r
L e Mémoire de monsieur et madame de Maistre suppose que,
par les actes d 'a bandonnement datés de 1694 et 1 6 9 5 , l e s frères
Maréchal ont vendu à leurs créanciers les biens composant les
successions des sieur et dame M a r é c h a l, père et mère. Les con
sultations qui précèdent, réfutent suff isamment cette fausse inter-*
prétation qu ’on voudrait donner aux deux actes,
i
I l en est de même de la transaction de 1697 , et des sentences
de 1 7 1 7 et .17 18 q ui ont prononcé la main-levée de la saisie réelle
des biens abandonnés; les jurisconsultes l ’ont complètement dé
montré , chacun de ces titres est une nouvelle preuve que l ’abandonn ement duquel ils se rapportent n'est pas une vente, et que
par eux-mêmes ils n ’ont pas pu opérer translation de propriété.
Mais il ne sera pas inutile d ’ajouter quelques observations sur
certains faits allégués par les adversaires.
Ils disent ( voyez page 9 de la p ièce justificative) que les sieur
et dame Revanger n ’ont jamais été chargés, par leur contrat de
mariage , de gérer et administrer la tutelle de Marie-Marc M aré
chal. Voici textuellement la clause de ce contrat où l ’obligation
dont il s’agit est imposée com m e condition de la donation faite
au profit de la dame R evanger.
�( a )
* Ladite future sera tenue, au lieu de la darne sa m cre, de
» toutes lés garanties auxquelles elle s’est engagée, de gérer et
» administrer en son l i e u t conjointement avec le sieur futu r, la
» tutelle et administration de Marie-Marc M aré ch a l, son fils
» m in e u r, et de l'exécution de tous les autres contrats par elle
» passés, même de l ’événement de tous procès et instances aux» cjucls elle peut avoir intérêt ; sau f à ladite dame future à en
» retirer p ro fit, sJil ch ééhdt »r:
■
!'
,fr:
II.
.. Les adveisaircs disent encore ( voyez page 3 de la picce justi—
ficaùvc ) que les dettes qui grevaient la succession de Claude
M a r é c h a l, excédaient de beaucoup l ’actif héréditaire qu’il avait
laisse.
¡11
o i
A quoi donc se montaient ces dettes? On n’a , sur ce point ,
que la déclaration des adversaires q u i, dans des conclusions
signifiées le 20 février 1 8 1 5 , font monter le total des dettes ù près
de deux cent m ille li v r e s , sa n s, pointant, en justifier une Seule,•
ils s’expriment^en ces te r m e s: 0
-
i ;;
« Attendu que, par la transaction du 1 0 décembre 1697 , les
» sieur et dame Revanger se sont obliges à payer à la dame le
» Maistre et au sieur Qucsmais toutes
les
sommes qui leur
» seraient d u c s , tant en principaux qu’intérêts et frais ; et que ,
)> moyennant celle obligation et popr la valeur d ’icclle, ils ont
» été mis en possession des biens saisis. ' '' ' •
) >l
1
» Attendu qu'ils ont acquitté toutes les dettes dont les suc» cessions des sieur, et dame Maréchal étaient g r e v é e s , et q u i j e
» sont élevées à pi'ès de deux cent /tulie livres; t
,
;; ¡,
’
r( f
[j
» Attendu que l ’acte du 10 décembre 1G97 ayant reçu soi! « n -
'
�(5 )
» tière exécu tion , les sieur cl darne Rcvangcr sont entrés en
» possession des terres de Botnprè, Perccnnat, Ncaux et autres ».
D ’un autre côté, il est constant et avoué (v o y e z page 8 de la
pièce justificative ) que la seule terre seigneuriale de Rom pre
est d’ un revenu annuel de quarante mille livres , quoique la sup
pression du régime féodal ait diminué son produit des cens ,
rentes et droits seigneuriaux qu’on trouve énoncés dans les actes
d’abandonnement. Cette terre seule valait donc beaucoup plus que
les deux cent m ille livres de dettes prétendues? Par conséquent
l’actif héréditaire de Claude Maréchal excédait considérablement
ic passif en ne considérant que la terre de B o m pré j com bien
cette vérité devient frappante si on joint à ccltc terre tous les
autres objets compris dans rabandonnement !
Ainsi , p ou r moins de deux cent m ille livres qu'ils auraient
payées aux créanciers, les sieur et daine Rcvangcr se seraient e m
paré des deux successions paternelle cl maternelle , dont la pre
mière se composait de plusieurs terres parmi lesquelles, i tait celle
de lio m p r é , q u i , seule , avait une valeur infiniment au-dessus de
toutes les dettes qu’on suppose avoir existé; car il est à remarquer
qu’aucun des actes du procès n’indique la quotité des préten
dues dettes ; tout annonce au contraire qu’on a pris bien soin de
Ja cacher aux frères M a ré c h a l, pour les efirayer davantage,
déterminer l’aîné à consentir rab an d o n n e m e n t, et confirmer le
plus jeune dans la résolution de prononcer des vœux monas
tiques.
III.
M onsieur et madame de Maistre prétendent ( voyez page G de
la pièce justificative ) que lors des sentences de 1.717 et 1 7 1 8 , les
�( 4 )
sieur et dame R evanger firentt assigi
assigner Claude B ernard et M arieM arc Maréchal. Ce fait est absolument controuvé.
D ’abord Marie-Marc M a r é c h a l, entré en religion depuis près
de vingt-deux a n s , était mort civilement et ne pouvait pas être
appelé en justice. A l ’égard de son fr è r e , la lecture des deux
sentences suff it pour p rou ver qu'il n’y a point été partie. O n y
voit seulement que l es sieur et dame R evanger ont assigné des
créanciers qualifiés d’opposans à la saisie rée lle, un autre créan
cier qualifié de subrogé à la poursuite de cette saisie, et un cura
teur aux biens abandonnés et saisis. Il résulte de là que la saisie
réelle avait subsisté nonobstant les actes d ’abandonnem ent, et
qu ainsi ces a c tes n ’avaient jamais été considérés com me des con
trats de vente. On voit aussi que les deux sentences dont il s’agit
ont été rendues sans y avoir appelé C laude-B ernard M aréchal ;
et com me elles n ’ont jamais été signifiées ni a lui ni à aucun de
ses descendans , elles s o n t , pour ces derniers , des titres clan
destins , q u i , par conséquent, sont incapables d’opérer la pres
cription , com m e le démontrent les jurisconsultes.
L e Chevalier V A N D U E R N E .
D E L '’ IM PR IM E R IE STÉRÉOTYPE DE LAURENS A ÎN É .
\
�
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Factums Godemel
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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A name given to the resource
[Factum. Van Duerne. 1820?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Van Duerne
Subject
The topic of the resource
successions
renonciation à succession
mort civile
créances
coutume du Bourbonnais
abandonnement
séquestre
saisie
prescription
longues procédures
Description
An account of the resource
Titre complet : Observations.
Table Godemel : Abandonnement : l’acte par lequel un débiteur a cédé et délaissé à ses créanciers les droits qui lui revenaient dans une succession, ne peut être considéré comme un simple abandonnement ne transmettant aucun droit de propriété aux créanciers si l’abandon ne comprend pas tous les biens affectés au payement des créances, et s’il n’a pas été fait aux créanciers avec la faculté de vendre les biens délaissés.
un pareil acte est une véritable vente ou cession de droits successifs, surtout lorsqu’il est stipulé un prix, quoique pour forme de gratification, et qu’il est convenu que tous meubles et immeubles, autres qu’un objet expressément réservé appartiendront aux créanciers cédataires.
les représentants du débiteur cédant ne peuvent attaquer cet acte, exécuté comme vente et cession pendant un très grand nombre d’années. Tierce-opposition : 4. une tierce-opposition doit-être formée par requête. Elle n’est recevable qu’autant qu’elle a été régulièrement formée dans les trente ans de la date des jugements attaqués.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Laurens Aîné (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1820
1692-1820
1661-1715 : Règne de Louis XIV
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
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The nature or genre of the resource
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4 p.
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An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2524
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coutume du Bourbonnais
Créances
longues procédures
mort civile
prescription
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saisie
séquestre
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2321d47d679cd3812fe14bbc56032581
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PIÈCE JUSTIFICATIVE
L e Mémoire et la Consultation, qu'on vient de lire , sontfondés
sur la défense opposée par M. et Madame de Maistre , à la
demande formée contre eux, par M. et Madame V an Duerne
pour prouver q u 'en effe t on a répondu exactement au système
des adversaires ; on a cru nécessaire de donner copie entière
du Mémoire q u 'ils ont f a it imprimer et distribuer en première
instance.
COPIE DU MÉMOIRE
P our M .
C ont re
et Madame de M A I S T R E , à Paris ;
M. et Madame V A N D U E R N E , de Bruges.
Un grand d o m a in e , la terre de B o m p r é , situé dans l'ancien
Bourbonnais , est de v e n u , depuis 12 0 années, la propriété exclu
sive de celle des branches de la famille M a r é c h a l, qui s’est unie
à celle de Revanger de Chassignoles ; il s’y est perpétue par une
transmission continue jusqu'à mademoiselle de M o n tb lin , der
nier rejoton des Re vang er , épouse aujourd’hui de M. le baron
de. Maistre. L ’autorité antique de la chose jugée , le laps d’ un
long tem ps, tout ce qui rend un droit parfait et irr é v o c a b le ,
s'était réu ni pour compléter celui de M. de Maistre durant près
�C2 )
d’un siccle el d em i.
ÎSuI
t r o u b l e , n u lle réclam ation : tout à
c o u p , ellfe reçoit de F l a n d i a , par le ministère d 'u n h u is s ie r ,
l ’extrait d ’actes n o m b r e u x de b aptêm e et de m ariage , qui lui
apprennent q u e , dans B r u g e s , se trouve une dam e V a n D u e rn e ,
descendant aussi bien qu’elle de la fam ille de M aréch al L ’exploit
g é n é a lo g iq u e présent;; l’identité d ’o rig in e c o m m e source d ’un
droit incontestable su r les biens de m adam e de M a is t r e , et finit
p a r une d em ande en partage de la terre de B o m p r é , soit-disant
in d iv ise. A la suite arrive bientôt la n o u v e lle prétendante : elle
s ’établit en F r a n c e , su r les li e u x , à côté de la terre ,
y exerce sa
s u r v e illa n c e , se plaint d ’a b u s , m enace de destitution , jo u it par
a v a n c e , et juge seule le p rocès.
1 1 y a ign o ran ce et légèreté dans cette conduite de m ad am e
V a n D u e r n e ; elle n ’a v u que ses ti t i c s , c ’est un t o r t ; elle
devait s’in fo rm e r de ceux de m ad am e de M aistre : il n ous suf
fira de .les e x p o s e r , p o u r
établir q u ’ils
n e sont susceptibles
d ’au cu n e critique.
V e r s la fin du d ix-septicm c s i è c l e , la terre de B o m p r é a p p a r
tenait à C la u d e M a r é c h a l , qui en était seign eu r j il avait épousé
M a r ie Ja c q u in c t de Pann cssièrc , et quatre enfans étaient nés de
ce m aria ge ; J
eanne
, F
r a n ç o is e ,
M ar c et C l a u d e - B e r n a r d .
C lau d e M aréch al de B o m p r é m o u ru t dans un âge peu avan ce ,
la terre de B o m p r é se trouvait dans sa succession ; il
laissait
b eaucoup do dettes cl trois héritiers , Jeanne , Marc et ClaiulcUcrnard. T o u s les trois étaient c n c o rc m in eurs ; la dam e Ja c q u in c t
de P a n n c s s iè r c , le u r m c r e , devint leur tutrice. Q u a n t à Frn nç o i s e , c lic avait fait des v œ u x ,
et sa profession de foi l ’avait
retranchée du m o n d e cl de sa fa m ille .
J e a n n e M aréchal épousa le sieur N icolas R c v a n g c r de C h assi¿'tiolcs; le.contrat de m ariage f u t ’ passé le a 5 ja n v ie r iGga., par-
�( s )
devant M® Cantat , notaire à M oulins. L a dame Jacquinct de
Pannessière y intervint et disposa , au profit de la future , dû
l'universalité des biens qu’olle laisserait à son décès : elle lui
donna notam m ent, est-il dit dans l ’acte , tous les droits , n o m s ,
raisons , actions et créances q u e lle pouvait avoir à prétendre sur
les biens qui avaient appartenu audit défunt messire Claude Ma
réchal son époux , seigneur de B o m b ré , soit pour la restitution
de ses biens dotaux... , soit pour les créances qu’elle pouvait
avoir acquittées sur lesdits biens , etc.
L a dame de Pannessière survécut peu à cette donation ; elle
6 3
mourut Je 18 septembre i g . Ainsi les successions paternelle
et maternelle se trouvaient ouvertes ; elles étaient dévolues aux
trois héritiers , Jeanne , Marc et Claude-Bernard.
Mais Jean ne Maréchal avait d’autres droits que ses deux frères ;
du chef de sa mère , et en vertu de son contrat de mariage , el!e
était créancière de la succession paternelle.
Le
novembre iGq , elle se présenta devant le lieutenantgénéral de la sénéchaussée du Bourbonnais , et renonça , tant h
25
5
la succession de son père qu’à celle de sa m è re , déclaran t, est-il
dit dans l’acte de renonciation , qu’elle s’en tient à la donation
universelle et générale qui lui a été faite par la daine de Jacquinct
sa m ère, en son contrat de mariage du
25 janvier
»692.
Jean n e Maréchal de Bom pré perdit donc tout droit de p ro
priété sur les biens héréditaires; elle fut réduite à scs créances.
L a terre de Bom pré passa exclusivement n M arc et à Claude*
B e r n a r d ; ils ne la conservèrent pas long-temps.
Les dettes qui grevaient la succession de Claude Maréchal de
B o m p r é , auteur c o m m u n , excédaient de beaucoup l'actif héré
ditaire qu'il avait laissé. La terre de Bompré avait élé mise en
saisie immobilière ; les créanciers s’étaient unis ; ils s’étaient fait
envoyer en possession des biens, eu qualité de séquestres; ils
réso lu ren t , pour 11c pas consommer leur gage en frais multipliés,
1.
�(4)
pour en devenir eux-mêmes propriétaires , et le vendre à leur
gré, d ’acheter les droits successifs des deux héritiers, M arc et
GJande-Bernard de Bom pré.
6 4
L e 37 mars i g * ac,e passé devant l’Evêque et V a le t , n o
taires au châtelet de P a i i s , entre Claude-Bernard Maréchal dç
Bo m pré , d’une part
et madame la présidente le Maistre et le
sieur Q uesm ais, d’autre part; ces derniers, tant en leurs noms ,
et com m e créanciers des sieur et dame de Bom pré décédés ,
qu'au nom et dans l’intéièt des créanciers 11011 comparans.
I l est dit dans cet acte, que les parties, p ou r éviter la multi
plicité des procédures , la dissipation des biens desdits » eur et
dame de Bom pré et le dépérissement d’iceu x, par le» fréquentes
lettres detat qui sont obtenues par ledit sieur de B o m p ré fils ,
qui n’y peut rien prétendre, attendu le grand nom bre des dettes
desdits défunts sieur et dame de B o m p ré , qui absorbent au-dela
de la valeur desdits b ie n s , lesquels, pour la plus grande p a rtie ,
sont saisis réellement aux requêtes du palais et aux requêtes de
l ’h ô te l,
Son t volontairement convenus de ce qui s u i t , savoir : que ledit
sieur de Bom pré , en ladite qualité d ’héritier desdits défunts
sieur et dame de Bom pré , ses père et mère , a présentenient céd é,
quitté , tran sporté, délaissé et abandonne auxdits sieur et dame
créanciers comparans et acceptant, tant pour eux , que pour les
autres créanciers non comparans , tous et chacun de scs droits
successifs,
p a rtie s, portions et prétentions, exprimés et non
exp rim és, que ledit sieur de Bom pré a , ou peut avoir à pré
tendre sur les biens , meubles et immeubles , bsstiaux et effets ;
tant vifs que m o r t s , délaissés par lesdits sieur et dame de Bom pré
scs père et mère , scs parts et portions dans les terres et seigneurie
de Bom prc , L o u ta u t, et dans les autres biens délaissés par scs
�•
0
9
(5 )
dits défunts père et mère , situés dans la province de B o u rb o n
nais ; plus la terre et seigneurie deN eau , situés dans la province
de INivernois, droits d’aînesse et de légitim e, etc.
Cette cession de droits successifs fut faite par Claudc-Bernard
Maréchal , moyennant la som m e de quatre mille livres. L ’acte
d’abandon fut homologué aux requêtes du palais à P aris, par
deux arrêts des
3 juin
6 5
i 6g 5 ,
et ig août i g .
Le 27 du même mois d’août
Claude-Bernard Maréchal
se présenta de nouveau devant les mêmes notaires , produisit son
acte de naissance, constatant qu’ il était majeur, ratifia, en tant q u e ,
de besoin , l’acte dont nous venons de transcrire une partie, et rap
porta même un acte , par lequel Catherine Ilaccart son épouse ,
ratifiait , confirmait et approuvait le contrat d’abandon ; enfin ,
il donna quittance pour solde du p rix de quatre m ille livres qui
lui avaient été promises.
L e 26 août 169*5, par devant Clore cl Croisier, notaires royaux
à M o u lin s, Marc Maréchal fil de même abandon et transport de
ions ses droits su ccessifs, aux c ré an cie rs, moyennant douze cents
livres , dont il donna quitiance.
A in s i, la famille Maréchal était tout-à-fait dépossédée de la
terre d e.B om pré : Jean ne avait abdiqué les droits q u e lle y avait
eus dans le principe , en ren o n ç an t, le a
5
novem bre 1 6 9 3 , à la
succession de son pfere. Marc et Claude-Bernard Maréchal avaient
cédé les leurs aux créanciers , et en avaient reçu le prix.
J e a n n e ne tarda cependant pas à rentrer dans la te rre , mais n o u
plus u titre de succcssiblc.
Com m e créancière de la succession paternelle, du ch e f de sa
m è r e , elle avait figuré parmi les créanciers u n is , qui s'étaient
�_.
*
rail envoyer en possession des liions, en qualité de séquestres, et
qui avaient ensuite acquis les droits successifs de Marc et de ClaudeBe rnard. L ’union des créanciers était propriétaire. Jean ne Maré
chal et son m a r i , le sieur Revanger de Chassignoles , n’avaient
d o n c , pour devenir propriétaires eux-mêmes, qu’à se faire céder
les droits de l'u n io n ; c’est ce qu’ils firent.
Ils commencèrent par payer un grand nombre de créanciers,
et ensuite ils se firent reconnaître en justice com m e administra
teurs-séquestres des biens ; ils entrèrent en possession de la terre
de B o m p ré , le 26 juillet j Gc)7 ; puis ils s’occupèrent de régulariser
leurs droits.
L e 1 0 d écem b re 1 6 9 7 , devant C le rc et Bazin , notaires à M o u
lin s , intervint un e transaction entre eux et les autres créanciers
un is
-, les p a y e m e n s d e jà faits p a r M . et m ad am e R e v a n g e r de Chas-
sinoles furent recon nu s : ils en firent de n o u v e au x , dont il le u r fut
d o n n é q u itta n c e , et e n fi n , ils contractèrent l ’obligation de p a ye r
dans des termes s tip u lé s , l’intégralité du su rp lu s. D e leu r c ô t é ,
les créanciers unis les su b ro g ère n t dans tous leu rs d ro its.su r les
biens héréd itaire s, ci n o tam m en t su r la terre de B o m p r é . O n cru t
n écessaire de faire h o m o lo g u e r la transaction en justice , avec
quelques créanciers qui n ’y avaient pas c o m p a r u , et elle fut h o m o
loguée en e f f e t , p a r doux arrêts du 1 o‘ m ars et du 1 0 juillet t 6 g S ,
l ’nu des requêtes du p a lais, l ’autre des requêtes de l’hôtel.
lijtiOn, M . et madame Revanger ayant satisfait à toutes leurs
obligations, ayant désintéresse tous les créanciers, les assignèrent,
tant aux requêtes du palais qu’aux requêtes de l ’h ô t e l, pour voir
dire, qu’en vertu de la transaction, ils demeureraient définitive
ment propriétaires des biens ; ils assignèrent en même temps
Claude-Bernard cl Marc Maréchal. L e 2
5 novembre
1 7 1 7 cl le
5o
juin 1 7 1 8 , intervinrent deux arrêts, qui les déclarèrent pr.opric-
�(1 )
taires incommutables J e la terre de B o m p ré ; e t , en exécution
de ces deux arrêts , les saisies réelles et les oppositions existantes
sur les biens furent radiées de tous registres , comme on le voit
par un certificat du garde des criées, eu date du 2 septembre 1 7 1 8 .
5
C ’est depuis cette époque, que la propriété de la terre de B o m pré a été consolidée dans la famille'de Ucvangcr de Chassignoles;
elle s’y est perpétuée sans interruption, elle y a fait constammei, t
la matière des constitutions dotales accordées aux aînés ; enfin
elle est arrivée jusqu'à la dame de Maistre.
On v o it , par ce peu de m o ts, que les droits de madame de
Maistre reposent sur la transaction du 1 0 décembre 1697 , sur
les arrêts du 10 mars et du 10 juillet 1G 98, qui l ’ont h om olo
25
5
guée, et sur ceux du
décembre 1 7 1 7 et du o juin 1 7 1 8 ,
qui ont déclaré M . et madame de Ucvangcr de Chassignoles, p ro
priétaires incom mutables; on voit e n fin , qu'à ces titres inatta
quables, se joint une possession plus que centenaire , non inter
rom pue, p aisib le, pu bliq u e, non é q u iv o q u e , à titre de p r o p rié
taire , possession qui suffirait à elle seule pour crcer un droit
définitif.
Com ment se fait - il donc que madame de Maistre est trou
blée dans sa propriété ? Ecoutons
maintenant madame V an
Duerne.
E lle fonde tous ses droits sur ce qu'elle descend en ligne directe
au quatrième ou cinquième degré de Claude-Bernard M a ré ch a l,
seigneur de B o m p ré , et de Catherine Haccart son épouse , et elle
ajoute : Ma ri e J a c q u in c t de Pannessicrc était chargée de la tutelle
de Marc et de C l aude -Bernard ; o r , en mariant sa fille Jeanncî
avec Nicolas Revang er de Chassignoles, elle chargea les époux, par
leur contrat de m a r ia g e , du
25 janvier
1 G 9 2 , de continuer la tu.-
�f lï
(8 )
Ielle de M arc et de Claude - B e r n a r d , cl d ’administrer tous leurs
biens. C ’est à ce titre unique de subrogés à la tutelle, que les sieur
et dame Revanger ont possédé et administré la terre de Bom pré.
Us ont joui depuis cette époque ; mais , d'une p a r t , ils n'ont j a
mais rendu compte des fruits; d ’autre p a r t, ni e u x , ni leurs
héritiers, n’ont jamais pu prescrire la propriété, parce qu’ils n’ont
jamais pu changer leur titre : et voilà p o u rq u o i, continue madame
V an D uerne, madame de Maistre, qui représente M. et madame
Revanger, doit restituer la terre de B o m p r é , et les fruits depuis
16 9 2 : voilà aussi pourquoi madame V an Duerne, qui est ClaudeBernard Maréchal tout vivant, est prête à recevoir les fruits depuis
1 2 6 ann ées, et la terre m ê m e , qui ne vaut guère que quai’ante
mille livres de rente.
C ’est là tout le procès ; c’est à ce petit con te, qui paraît flatter
infiniment l’imagination orientale de M . et madame V an Duerne,
que M. et madame de Maistre ont à répondre.
O n pourrait dire à madame V a n D u erne, que si elle établit suffi
samment qu’elle descend de Claude - Bernard Maréchal , rien
ne p r o u v e , du moius , qu’elle soit maintenant sa seule et uni
que descendante; mais nous ne voulons pas pointiller avec elle.
11 y
aurait, à côté de madame V an D u e rn e , di x , vingt héritiers
<le Claude-Bernard , elle n ’aurait à réclamer que le quarantième
de la terre de B o m p ré , que sans doute il lui serait encore fort
agréable de recevoir le quarantième de quarante m ille livres de
l’ente , et tous les fruits 11011 acquis à madame de Maistre par
la prescription.
N ous pouvons sans crainte attaquer directement son système.
E lle suppose, en prem ier lieu, que monsieur et madame de R e v a n g e r , représentés par madame de Maistre , ne sont entrés en
�(9 )
possession (le la terre de B o m p ré , que comme subrogés à la tu
13
telle de M arc et de Claudc- erriard, donl Marie Jacquiuct de
Pannessicre élail chargée.
Nous avons établi le con traire, et c e la , par des actes, par des
arrêts qui ne sont susceptibles d’aucune critique. E lle cite Je
5
contrat de mariage du a janvier 1692. Nous l’engageons à le
relire ; elle 11 y trouvera rien de ce q u elle avance : elle ne trou- '
vera ni dans cet acte , ni dans aucun a u tre , que M. et madame
Revanger aient jamais été chargés par la dame de Pannessière,
de continuer la tutelle de M arc
et de Claude-Bernard.
E lle suppose , en second lieu , que Claude-Bernard , aux droits
de qui elle se p la c e , aurait pu revendiquer la terre de Rom pre
sur M , et madame Revanger : elle veut maintenant exercer scs
actions, elle réclame de son c h e f; nous Ja renvoyons à l’acte
d'abandon du 27 mars 1694. E lle y verra que Claude-Bernard
Maréchal a ccdé tous ses droits successifs, soit sur la terre de
R o m p r e , soit sur les autres biens paternels el maternels ; qu’il
a reçu ce p r i x , qu’il en a donné quittance pour solde j. que même
la dame Catherine H acc art, son épouse , a ratifié le c o n tra t, <m
ce qui pouvait la con cern er, et qu’ainsi Claude-Bernard M aré
chal n ’aurait aucun droit à exercer, s’il pouvait se présenter luilïlême. O r , madame V an Duerne qui veut se mettre en son lieu
et p la c e , conviendra sans doute avec nous q u e lle ne peut pas
avoir plus de droits que lui.
C ’est là le m ol delà c a u s e , c ’est dans cet acte du 27 mars 1694 ,
qu’est principalement la décision du procès; il nous dispenserait seul
de tout autre m oyen : il faut que madame Van Duerne l ’ajtaque
et. le lasse annuller avant tout , ainsi que les décisions judiciaires
qui l ’ont h o m o lo g u é , si elle veut élever des prétentions sur Ja
terre de Bom prc ; et e n c o r e , en supposant q u e lle vînt à réussir,
3
�( 10 )
n ’aurait-elle pas renversé tous les obstacles qui la séparent de la
terre? Il faudrait ensuite qu'elle fit a n n u lle r la transaction de 1697
et les quatre arrêts qui s ’y rattachent. Il faudrait enfin q u ’elle
détruisît les effets d’une possession plus que centenaire, fondée
sur des titres et sur l’autorité de la chose jugee.
Nous laissons à madame V an D uerne le soin d’ entreprendre ce
petit ouvrage ; j u s q u e - l à , la demande qu’elle a formée pourra
justement être taxée de ridicule.
E lle a la même origine que madame de Maistre , voilà tout;
madame de Maistre s’en réjouirait sans doute, si l ’exploit qui lui
a signifie une parente nouvelle ne lui avait appris en même
temps , que la nouvelle parente ose demander ce qui ne lui appar
,
tient pas.
Ce mémoire est signé, M A U G U I N , avocat.
A Paris , de l ’imprimerie de D on dey - D u p r é , rue de SaintLou is , n° 4 6 , au Marais.
DE L’IM PRIM ERlE STÉREOTYPE DE LAURENS AI N E R UE DU POT-DE-FER ? N0«1 4
\
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. De Maistre. 1820?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Mauguin
Subject
The topic of the resource
successions
renonciation à succession
mort civile
créances
coutume du Bourbonnais
abandonnement
séquestre
saisie
prescription
longues procédures
Description
An account of the resource
Titre complet : Pièce justificative. Copie du mémoire pour monsieur et madame de Maistre, à Paris ; contre monsieur et madame Van Duerne, de Bruges.
Table Godemel : Abandonnement : l’acte par lequel un débiteur a cédé et délaissé à ses créanciers les droits qui lui revenaient dans une succession, ne peut être considéré comme un simple abandonnement ne transmettant aucun droit de propriété aux créanciers si l’abandon ne comprend pas tous les biens affectés au payement des créances, et s’il n’a pas été fait aux créanciers avec la faculté de vendre les biens délaissés.
un pareil acte est une véritable vente ou cession de droits successifs, surtout lorsqu’il est stipulé un prix, quoique pour forme de gratification, et qu’il est convenu que tous meubles et immeubles, autres qu’un objet expressément réservé appartiendront aux créanciers cédataires.
les représentants du débiteur cédant ne peuvent attaquer cet acte, exécuté comme vente et cession pendant un très grand nombre d’années. Tierce-opposition : 4. une tierce-opposition doit-être formée par requête. Elle n’est recevable qu’autant qu’elle a été régulièrement formée dans les trente ans de la date des jugements attaqués.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Laurent Aîné (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1820
1692-1820
1661-1715 : Règne de Louis XIV
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
10 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2523
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2522
BCU_Factums_G2524
BCU_Factums_G2525
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53509/BCU_Factums_G2523.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Tournai (Belgique)
Bayet (03018)
Barberier (03016)
Bompré (château de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abandonnement
coutume du Bourbonnais
Créances
longues procédures
mort civile
prescription
renonciation à succession
saisie
séquestre
Successions
-
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3f30e154d96ba07147758651358afada
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Text
TT
f r f .
S */ ;!
4
■'l"l;i'
"I
*1;
t
MEMOI RE
A CONSULTER,
ET
l
CONSULTATION.
.
/
Madame M a r é c h a l de Bompré, épouse
de Monsieur le Chevalier V A N D U E R N E :
P our
Madame de M o n t b l i n , épouse de
Monsieur le Baron de M A IS T R E .
C ontre
�k W l W W W M W M t V W i m W U W M V A Ï l V V l W B V M W l l T O i m i 'W V K H M M l w . l M i w H V W W l M V V H V « « * »
MÉMOIRE A CONSULTER,
P o u r Monsieur et Madame V A N D U E R N E ,
appelans ;
C ontre
Monsieur et Madame de M A IS T R E y
intimés,
Q u e l q u e lo in que soit l’époque où se sont ouvertes les succes
sions que réclame madame Van D uerne, ses droits n’en sont pas
moins fondés et légitimes , s’ils n ’ont été détruits par aucune
espèce de prescription. C’est ce qui résultera des faits dont on
va rendre compte.
F A IT S .
Claude M aréch al, éc u y e r , seigneur de Bompré , en Bour
bonnais , épousa Marie Jacquinet de Pannessière ; leur contrat
de mariage, du 19 décembre 1667 établit entre eux communauté
de biens.
Il s eurent quatre enfans., Jean n e, Claude- B ernard, Françoise
et Marie-Marc.
Le père m o urut au mois de septembre 1 6 8 8 , laissant ses
x
�( 2 )
cufans en minorité. On dit que Françoise étüit déjà entrée en
religion, en soi te que la mère fut tutiice de sa fille aînée et de
ses deux fils.
A l’âge de vingt ans, Claude-Bernard alla demeurer a Tournay,
en Flandre, o ù , l ’année suivante, il se maria , sans l’assistance
de sa mère ; ce mariage opéra son émancipation.
On destinait Marie-Marc h la vie monastique, de manière que
la mère portait toute son affection à Jeanne , sa fiile aînée ,
comme on le voit par l ’union qu’elle lui fit contracter avec
Nicolas Revanger , fils d’un conseiller au présidial de Moulins.
E n effet, le contrat de mariage, qui est du a 5 janvier 1692,
porte donation universelle et entre-vifs de tous les biens de
sa m ère, et de tous les droits que la donatrice avait à exercer
sur la succession du seigneur de Bom pré , son mari.
Les conditions de cette donation sont d’abord une pension
alimentaire, au profit de la donatrice, et l’acquittement de
toutes ses dettes , à la commodité de la donataire ; ce qui fait
présumer qu’il n’existait point de dettes, surtout aucune n ’étant
énoncée.
.
De plus , la donataire s’oblige de garantir sa mcrc de toutes
recherches relatives aux contrats qu’elle peut avoir passés, en
qualité de tutrice de ses enfans : elle avait vendu des biens qui
leur appartenaient, comme héritiers de leur père.
La donataire , en o u tre , est tenue de 'la légitime de ses
frères ", cl enfin les deux futurs époux sont chargés conjointement
de eércr
et administrer la tutelle de Maric-Marc Maréchal.
O
A l’égard de Claude-licrnard Maréchal, il s’était émancipé par
mariage; mais la succession du père n’ayant pas été liquidée,
la part qu’il y avait se trouvait indivise avec les parts de sa sœur
cl de son frère. Ainsi la charge d'administrer los biens du mi-
�t 5 )
ncur en tutelle, comprenait nécessairement-l’obligation de gérer
ceux du mineur émancipé, jusqu’au moment du partage.
‘
E n exécution de celle donation universelle et entre-vifs , les
nouveaux époux sont mis en possession de tous les biens pa
ternels et maternels, ainsi que de tous les titres et papiers, pour
s’en servir , est il d it, en temps et lieux.
Cette possession de tous les biens indivis , parmi lesquels était
la seigneurie de Bompré , n’éprouve aucun changement jusqu’au
décès de la mère donatrice, c’est-à-dire, jusqu’au 18 septembre
16 9 3 .
Le 25 novembre suivant, la dame Revanger , sur le refus
que fait son mari de l’autoriser , se présenie seule devant le
lieutenant-général de la sénéchaussée de M oulins, accompagnée
d’un procureur qu’elle s’est constitué pour curateur, et déclare
renoncer aux successions de ses père et m ère, pour s'en tenir
à la donation portée en son contrat de mariage.
Les deux successions en conséquence deviennent la propriété
exclusive de Claude-Bernard Maréchal, et de son frère MariéMarc Maréchal.
L ’aîné de ces deux héritiers n'ayant plus à craindre sa mère ,
dont il s'était éloigné à cause des dégoûts qu’elle lui avait fait
éprouver , arrive de Flandre au château de Bompré , pour re*
cueillir sa part dans la succession de sou père. Il lui revenait
aussi dans Ja succession maternelle , sa légitime et sa préiogative d’aînesse sur les fiefs : ces deux objets n’avaient pu êiic com
pris dans la donation universelle faite à sa sœur.
On l’crtVaye par la crainte d’une multitude de prétendus
créanciers, qui , dit-on, poursuivaient, à Paris , devant les re
quêtes du palais et les requéles de l’hôtel , l ’expropriation de
tous les biens putcrncls et maternels. On le conduit dans celte
1.
�( 4 ) •
capitale, où il est livre à un procureur au parlement, qui
dirigeait les procédures. II cède aux instances réitérées , et le
27 mars i 6 ç)4 ¡1 signe un acte d’abandonnement de tous ses
Liens et droits successifs provenant de scs père et mère défunts , au
profit de la dame le Maistre et du procureur Quemais , qui se
disent créanciers poursuivans , et qui déclarent stipuler tant
pour eux que pour les autres créanciers non-comparans.
Rien ne justifie les qualités des deux poursuivans , ni leur
pouvoir de traiter au nom des autres créanciers ; ceux-ci ne
sont pas même n om m és, et nulle des prétendues créances n’est
énoncée.
Dans l'acte du 27 mars iGg 4 , particulier à Claude-Bernard
Maréchal , il se réserve expressément et ne cède pas les objets
que son père avait acquis de la dame de L on g eval,n i les sommes
que cette dernière pouvait devoir à ia succession paternelle.
On lui promet pour prix de son consentement au traité, une
somme de quatre mille livres , niais seulement à titre de grcitification /-attendu , dit-on, que la valeur des biens fcst plus
qu'absorbée par les dettes. Il est stipule, au surplus, que celte
gratification ne sera payable qu’à sa majorité, après qu’il aura
donné sa ratification à l’abandonncment ; en attendant , les
intérêts de cette somme lui seront payés.
1
Chose remarquable encore : il est ajoute que la gratification
et les interdis ne seront payés que sur le produit des revenus
Ou sur le fond des biens. Celle condition est répétée plusieurs
fois , tant les créanciers étaient résolus à ne pas s’obliger per
sonnellement au payement de la gratification promise.
Us ont bien soin aussi de stipuler que l’abandonnement n’em
pêchera pas de subsister les saisies réelles , mobilières , et les op
positions ; c’est une conséquence de riulcniion où ils sont de
�ê
(5)
ne pas s’obliger personnellement pour raison des biens mis à
leur disposition. Ne voulant pas les acquérir, il était juste qu’ils
conservassent la qualité de créanciers et le droit de poursuivre.
Par la même raison, ils ajoutent que les frais à faire en dili
gences et poursuites pour l’exécution du traité, ne seront pris
que sur les biens ; jamais ils ne s’obligent eux-mêmes, ils n'ac
quièrent donc pas; ils entendent au contraire que des poursuites
seront nécessaires de leur part pour obtenir leur payement.
Leur inteution est si formelle de rester créanciers après le
traité , qu’ils font renoncer Claude-Bernard Maréchal à toutes
lettres détat. On sait que , dans l'ancienne législation , c’était
un moyen d’empêcher les créanciers d’exproprier leurs débiteurs.
Daus le cas où Claude-Bernard Maréchal apporterait un obstacle
à l’expropriation , il se soumet à restituer la gratification de
quatre mille livres avec les intérêls, et à payer en outre une
indemnité de trois mille livres , plus, à être déchu de toutes
prétentions sur les biens de ses père et mère.
Apres ce traité , Claude-Bernard Maréchal aurait donc encore
pu arrêter les poursuites de ses créanciers. Il conservait donc
encore des droits sur les successions qu’il mettait à leur dispo
sition ; ce n’était donc pas une vente qu’il faisait , mais une
simple cession volontaire , un abandonnement.
Quoi qu'il en soit, sa majorité était arrivée depuis deux mois;
et il allait incessamment donner sa ratification et celle de son
épouse } comme il s y était obligé, lorsque Ton jugea convenable
de faire homologuer l’abandonncment du 27 mars 169 4 , avec
plusieurs créanciers qui n’y avaient pas comparu. La sentence
d'homologation rendue par les requêtes du pa'lais à Paris , est
du 19 août iGq 5 , et Claude-Bernard Maréchal 11’y a point été
appelé.
�(G )
Néanmoins ce dernier ratifia son abandonncment, par acte du
27 août i 6g 5 , et présenta un pouvoir que lui avait donné son
épouse, pour adhérer au même abandonncment ; ce qu’il fit
comme il l’avait promis. E n même temps il reçut la giatification stipulée.
L a veille du jour où cette formalité se passait à P a r is , par
les insinuations du procureur au Parlejnent, c’cst-à-dire, le
2.6 août i 6q 5 , on faisait signer à Moulins un pareil abandonnement par Marie-Marc Maréchal. On n ’avait pas eu besoin de
faire circonvenir par un procureur au parlement , ce mineur
qui faisait son noviciat dans un couvent de bénédictins ; devant
bientôt renoncer au m onde, il consentit à signer autant par
complaisance , que par indifférence, pour des biens qu ’il allait
prochainement répudier.
Son acte d’abandon est absolument semblable à celui qu’on
avait surpris à l ’inexpérience de son Ircre, sauf que celui-ci avait
fait réserve de ce qui provenait de la dame de Longeval, et que
l ’autre ne s’était rien réservé : on en conçoit aisément la raison
de la part d ’un néophyte religieux. On lui promit pourtant
une somme de douze cents francs, mais toujours à titre de
gratification , et avec stipulation expresse qu’elle ne pourra être
prise que sur les revenus des biens abandonnés. On ne voit
pas que celte somme lui ait été payée ; en avait-il besoin daus
sa retraite monastique ?
Il faut d ire aussi qu'il ne lui est pas imposé la condition do
n ’apporter aucun obstacle à la vente des biens par des lettres
d’état. O11 n’avait rien de semblable à craindre d'un jeune homme
qui voulait mourir au monde : 011 le soumet seulement à la
peine de rendre la gratification, s’il occasionnait quelqu’cmpcchcjneni à la vente des biens.
Pareillement 0.1 crut inutile d? lui faire promettre de ratifier
�( 7 )
en majorité; cette époque trop éloignée ne devait jamais arriver,
puisqu’il était à la veille de prononcer ses vœux. E n effet, son
entrée en religion cul lieu peu après; en sorte que toute ratifi
cation devint impossible.
« Par la mort civile de Marie-Marc Maréchal, ses droits dans
les successions de ses père et mère passèrent à son frère aîné
Claude - Bernard Maréchal; c’est avec lui seul que les traités
d’abandonnement devaient s’exécuter, comme étant devenu l ’u
nique héritier des sieur et dame Maréchal de Bompré.
Pressée de retirer le fruit des manœuvres par lesquelles elle,
était parvenue à obtenir de ses frères un abandon, la dame
Bevanger voulait que chaque créancier fut tenu de prendre des
biens en payement de ce qui lui était dû. Elle avait formé sa
demande à cet effet , conjointement avec quelques prétendus
créanciers ^ ses affidés; mais la dame le Maistre , en qualité de
poursuivante, et plusieurs autres, s y étant opposés, une sen
tence rendue aux requêtes du palais, le 26 mars 1697 , rejeta
sa prétention et- condamna les demandeurs aux dépens que
la dame le Maistre fut autorisée à employer en fra is de criées.
Cette sentence a donc jugé que les actes des 27 mars i 6g 4 et
26 août i Gg5 ne contenaient pas vente parles héritiers Maréchal;
car si les créanciers eussent été les propriétaires des biens cédés,
il n’y aurait eu réelhment que le partage pour sortir d’indivision,
lin proscrivant cette voie , les requêtes du palais ont décide' que
les actes d’abandonnement 11’avaienl pas enlevé la propriété des
biens aux héritiers M a ic c h a l , cl qu’ainsi la vente devait en etiv
faite aux crie'cs.
Cependant les sieur et dame Bevanger , qui ne craignaient
rien lant que de voir vendre les biens, .et surtout la seigneurie
de Bom prc, chcrchercut d’abord à *,’y maintenir , en se faisant
�(8)
n-ommer par justice administrateurs - séquestres , au rao;s d«
juillet de la même année 1697.
Ce n’était pas assez : il fallait écarter totalement les deux
poursuivans. C’est ce qui fit l’objet d’une transaction passée le
10 décembre suivant On y voit les sieur et dame Revanger ,
et un sieur Farjo n el, qui spnt cautionnés par les sieurs Revanger,
p ère, et Farjonel, fils, ils s'obligent solidairement à payer à la
dame le Maistre et au procureur Quemáis, tout ce qui peut
être dû à ces derniers en capitaux, intei'èts et frais , à raison
de 4jOûo liv. p a r a n , pour la dame le Maistre, e t d e 5 ooliv. par
an pour M e de Quémais.
Ces deux créanciers poursuivans n’agissent plus comme dans
l ’acte d abandonnemeut f.ùt par Claude-Bernard M a r é c h a l , tant
pour eux que pour les créanciers non-comparans ; ils ne stipulent
que pour ce qui les concerne personnellement. 11 n’est point
dit non plus dans celtc transaction combien il leur est dû,
ni à quel titre. Il est à remarquer qu’aucun acte , aucun juge
ment concernant celte affaire , n ’énonce en quoi consiste la
créance d’un seul des prétendus créanciers.
Au moyen des garanties que fournissent les sieur et dame
Revanger et le sieur F a rjo n el, père , ils sont subroges aux droits
des deux créanciers poursuivans, la dame le Maistre et le p ro
cureur Quémais.
t
Muuiü de jeette transaction , les sieur et dame Revanger, non
comme acquéreurs, niais c o m m e se disant créanciers de celle
de la succession du seigneur de Rompre ci son épouse, ob
tiennent aux requêtes du palais et aux requêtes de rhô.lcl , les
10 niai et 10 juillet i Gq8 , deux sentences qui les autorisent à
exécuter la transaction de 1G97, e t, en conséquence, à jouir
(des biens pour en employer les fruits au paiement des créan-
�1
( 9 )
ciers : en nièmc temps , il en ordonne que le commissaire aux
saisies-réelles les laissera jouir.
Quel devait être l’eflet de ces deux senlences qui déclaraient
commune , avec les autres créanciers, la transaction du 10 dé
cembre 1697 ? C’était seulement d’autoriser les sieur et dame
Revanger et le sieur Farjonel , père, à continuer les poursuites ,
en leur qualité de subrogés aux droits de la dame le Maistre et
du procureur Quémais. 11 n’en pouvait rien résultèr contre
Clauùe-Bernard Maréchal, qui n ’était point partie dans la tran
saction, ni dans les sentences qui en ont ordonné l’exécution.
Il n’en fallait pas moins suivre avec lui , comme devenu seul
héritier de ses père et m è re , l’effet des actes d’abandonnement,
c’est-à-dire, comme l’avait jugé la sentence du 26 mars 16 9 7 ,
procéder à la vente des biens aux criées , à la requête des créan
ciers poursuivans ou de leurs subrogés.
E n ont-ils agi ainsi? Won : les sieur et dame Revanger sont
rcste's en possession, sans faire usage de leur subrogation; et,
chose singulière, aucun des autres prétendus créanciers n'a élevé
la moindre réclamation pour faire procéder à la vente des objets,
q u i , disait-on, étaient leur gage. N’e st-o n pas bien fondé à
soupçonner de fraude tout ce qu’ont fait les sieur et dame Revanger, pour obtenir l’abaudonnement des biens, et pour ensuite
se perpétuer dans leur possession ?
«
Claude-Bernard Maréchal n’était pas aussi patient que ses pré
tendus créanciers, il faisait de fréquens voyages en bourbonnais.
Toujours de nouveaux prétextes empêchaient de lui rendre compte
de la liquidation des dettes de scs père et mère, liquidation qu’il
avait confiée aux créanciers représentes par la dame le Maistre
et le procureur Quémais , à qui les sieur et dame Rcvangcr
.avaient été subrogés. Il ne pouvait donc s’adresser qu’à ces dej--
^
2
�( 10 )
niers , surtout puisqu’il les trouvait en paisible possession de tous
les biens, dont aucun n’ayaitété vendu.
Résolu enfin de terminer, Claude-Bernard se rendit, en 1 7 1 6 ,
au château de Bom pré, ce fut pour la dernièie l'ois. Sa disparition
subite mit fin à ses importunités, qui devenaient à cette époque
'u n peu trop sérieuses pour les sieur cl dame Revanger. Nous 11c
parlerons pas des bruits qui coururent sur la cause de cet événe
ment; il en restait encore , il y a peu de temps, une fûchcuse
tradition.
On a vu que depuis vingt ans la possession des biens était
restée paisible entre les mains des sieur et dame Revanger ; il
11’avait plus été question de poursuivre la prétendue saisie-réelle ,
du moment ou ils avaient été subrogés aux droits des poursui
vons ; aucun créancier n’avait paru lésé par ce long silence. Com
ment se fait-il que la catastrophe de Claude-Bernard Maréchal
éveille des inquiétudes , que sa sœur et son beau-frère ne pa
raissent pas avoir conçues jusqu’alors, sur les formalités à rem
plir pour terminer le mandat contenu dans les actes d’abandonnement? C’est que du vivant de Claude-Bernard il était impossible
de finir avec l u i , sans lui rendre compte de ce que scs biens
étaient devenus dans les mains de scs créanciers. Ou n’avait
d'autre m o y e n , quand i] écrivait, ou qu'il se présentait, que
de tromper sa bonne foi sous toutes sortes de prétextes, plus ou
moins spécieux, qui le déterminaient à attendre.
M ais, après sa m ort, il laissait une veuve chargée de plu
sieurs cnCans en bas-Agc; ollo était fort éloignéo , et un voyage
dans le Bourbonnais ne lui était pas praticable. D ’ailleurs ,
elle l'cùt entrepris sans succès ; elle manquait des renscignemens nécessaires, qui ne se trouvaient que dans des papiers
disparus avec son mari. Le moment était donc favorable pour
/
�( 11 )
former une sorte d'obstacle , en cas d’une réclamation dans
l ’avenir par la famille de Claude-Bernard Maréchal.
En conséquence , dès l’année qui suivit la disparition fa
tale de cet infortuné, les sieur et dame Revanger rompent le
long silence qu’ils avaient gardé ; ils demandent aux requêtes
du palais la main-levée d’une saisie réelle, oubliée depuis vingt
a n s ; ils se fondent sur l'exccution de la transaction du 10
décembre 1 6 9 7 , et allèguent avoir désintéressé tous les créan
ciers , tant les poursuivans que les prétendans opposaus. Sur
celte demande , quelques créanciers comparaissent pour y
adhe'rer, d’autres font défaut.
11 ne fut donc pas difficile aux sieur et dame Revanger,
sam rien justifier, d’obtenir, le 25 novembre 17 1 7 , ' une
sentence q u i , attendu la subrogation et réunion des droits
des créanciers dans les mains des demandeurs , fair main-levée
de la saisie réelle, et les déclaré propriétaires incommutables
des biens saisis.
Ils avaient toujours parlé d’un grand nombre de créanciers,
sans jamais énoncer aucune des sommes qui pouvaient être
ducs ; ceux qui avaient élé appelés à cette première sentence,
ne paraissant pas assez nombreux , les sieur et dame Revanger
en firent assigner d’autres, l ’année suivante. Comme ce 11’était
pas des créanciers sérieux, aucun ne comparut ; et le 5o juin
1 7 1 8 , une sentence par défaut, déclara la précédente com
mune avec eux.
Aucune de ces sentences n’a été rendue avec Claude-Bernard
Maréchal ; 011 s’csl bien gardé de l ’appeler , ni lui , ni sa
v e u v e , ni scs enfans ; jamais elles 11c leur ont été signifiées;
en sorte qu’iuijourd’liui , pour la représentante de ClaudeBernard Maréchal , elles sont res inter alios acta , cl 11e peu
vent par conséquent lui être opposées.
�( »2 *)
Ce qu’avaient prévu les sieur et dame Revanger est arrivé.
La veuve de Claude - Bernard Maréchal, dans l’impuissance
d ’avoir des renseignemens suflisans pour réclamer ses biens du
Bourbonnais , passa quelques années dans des recherches qui
étaient encore infructueuses, lorsque, succombant sous le poids
de ses chagrins, elle alla rejoindre, dans la tom be, son mari
qu’elle n’avait cessé de pleurer.
Des enfans, dont l’éducation n’était pas encore achevée, étaient
trop jeunes pour s’occuper de leurs droits sur les biens qui
leur appartenaient en France. Il resta dans la famille de ces
orphelins , des souvenirs de toutes les injustices dont leur père
et mère s’étaient plaints souvent; mais ce ne fut qu'après bien
des années et par suite de divers événemens amenés par la
révolution , . que les descendans de Claude-Bernard Maréchal
parvinrent à sé procurer des titres capables d’être présentés
en justice.
Madame Van Ducrne , autorisée de son m ari, ayant découvert
que les biens de sou tuteur étaient restés dans les mains des
sieur et dame Revanger, qui les avaient transmis par successions
directes jusqu’à mademoiselle de Montblain , a réclamé contre
, cette dernière, devenue depuis épouse du baron de Maistre.
La demande en revendication a été portée au tribunal de pre
mière instance de Ganat , où un jugement par défaut, faille de
plaider, fut surpris contre monsieur et madame Van Ducrne , le
22 mai 18 18 . Il est motivé sur ce que les demandeurs , en ne so
présentant pas pour plaider , sont censés abandonner leur action.
Par exploit du 6 août suivant, monsieur et madame Van Ducrne
ont interjeté appel de ce .jugement devant la cour royale de
Rioin , où la cause se présente dans le même état qu'elle étuit
eu première instance.
�( ’3 )
Monsieur et madame de Maistre avaient fait imprimer un mé
moire où ils conviennent que la terre de Bompré leur vient en
ligne directe des sieur et dame Revanger. Ils ne peuvent pas se
dissimuler que, si ces derniers l’avaient recueillie à titre de co
héritiers, aucune prescription n ’aurait pu courir contre le s r e présentans de Claude-Bernard Maréchal. E n effet, l ’article aG
de la coutume de Bourbonnais porte, que nul ne peut prescrire
les poriions de ses copropriétaires, par quelque laps de temps
que ce puisse être.
C'est pourquoi monsieur et madame de Maistre imaginent de
soutenir que la dame Revanger, ayant renoncé aux successions de
ses père et m è r e , pour s'en tenir à la donation universelle
portée en son contrat de m ariage, elle a cessé d ’avoir aucun
droit sur ces deux successions , qui ont passé en totalité aux deux
frères Maréchal. O r , ceux-ci , par les actes de 1694 et 1 6 9 3 ,
ont vendu» tous leurs droits successifs à leurs créanciers; et ces
derniers en ont fait la vente aux sieur et dame Revanger par la
transaction de 1697. E n exécution de cette transaction, les sen
tences de 1 7 1 7 et 1718 ont déclaré les sieur et dan?e Revanger
propriétaires incommutables des biens : d o n c, c’est à titre d’acque'reurs qu’ils les ont possédés; donc , la prescription de trente ans
et plus a rendu inattaquable leur possession continuée dans leur
postérité.
'
On voit que ce système est fondé uniquement sur la suppo
sition que les actes de iGg4 et
i (hj5
sont des ventes. Si donc ce
ne sont que de simples abandounernens faits aux créanciers,
pour leur faciliter les moyens de se payer, il en résultera que
les héritiers Maréchal n’ont pas cessé dYtrc propriétaires desbiens
qui leur revenaient dans les successions de leurs père et m ère,
'• et que ct’s biens sont restés indivis entre les héritiers et leur sœur ,
�( i .4 )
qui y avait droit par la donation contenue en son contrat de
mariage.
‘
S i , d’un autre côté, la transaction de 1G97 ne contient qu’une
subrogation aux droits de deux créanciers seulement, il est évi
dent que les sieur et dame Revangcr ne sont pas devenus acqué
reurs , mais tout au plus subrogés aux droits des créanciers ,
qui n’étaient que mandataires , pour se payer sur les biens dont
ils avaient accepté la cession volontaire.
Dans ces circonstances , les jurisconsultes sont invités à s’expli
quer sur la légitimité de la réclamation de madame Y an Duerne ,
dont la qualité de descendante en ligne directe de Claude-liernard
Maréchal n’est pas contestée, et ne peut p a s l e t r e , d’après les
actes authentiques de sa généalogie,
L e chevalier V AN D U E R N E .
p c L ’ i M P n i M r . n i n s t î h é o t y v e d e l a u r e n s a 1k é > h u e d u i*O T -D E - *E n , m», i / <t
�CONSULTATION.
Conseil, soussigné, qui a pris lecture d’un mémoire à
c o n s u l t e r pour monsieur et madame Van Duerno, des pièces qui y
sont énoncées, et d’un Mémoire imprimé pour monsieur et m a
dame de Maistre,
L
e
Est d'avis que madame Y a n Duernc , comme représentant
Claude Bernard Maréchal, son bisaïeul, est fondée à revendi
quer les biens que ce dernier a recueillis des successions de scs
père et m ère, et qui se trouvent dans la possession de madame
de Maistre, à qui ils sont échus par une suite de successions di
recte venues des sieur et dame Revanger, ses auteurs.
Il est de principe que l ’héritier est considéré comme la con
tinuation de la personne du défunt ; qu'ainsi telle qu’est la pos
session de ce dernier, telle est celle de ses héritiers in infinitum , comme disent tous les docteurs , et notamment Pothier
en son Traité de la possession, n° 57 ; D o m a t, Titre de la pos
session et des prescriptions, section 4, n° 18. C ’est en confir
mation de cette ancienne législation, que le Code c iv il, article
2 2 3 7 , a consacré cette vérité, qui est écrite également dans les
lois romaiscs : usu capere hcrcs 11011 p o lcrit , quod dcfunctus non
potmt : idem juris est cimi de longd /¡ossessione qiuvritur. L .
1 1. f f . de dà’crs/s temporibus prvscript.
11 u ’est donc pas douteux que madame de Maistre possède la
�( Ifl )
terre de B o m p r’ , qui lui vient par héritage des SiC’j r ei dame
Revanger, au môme titre que ceux ci Tout possédée et trans
mise à leur postérité.
Maintenant examinons de quelle nature était la possession
des sieur et dame Revanger; ensuite nous verrons si cette pos
session bien caractérisée a pu donner, cours à la prescription.
A h tîc le
I er.
Quelle a été la possession des sieur et dame Revanger.
L ’oniGiNE de celle possession est la donation faite à la dame
Revanger par son contrat de mariage.
Après le décès de sa mère donatrice, la dame Revanger re
nonce aux successions de scs père cl mère , pour s’eu tenir ¿1 sa
donation.
*
Les deux frères, devenus seuls héritiers de tous les biens pa
ternels , ainsi que de la legitime coulumière cl feodale dans les
biens maternels, font, en 1694 et ^ 9 5 , abandonnement de
tous leurs biens cl droits successifs à leurs créanciers.
Au mois de juillet 1 6 9 7 , les sieur et dame Revanger se font
nommer administrateurs-séquestres des biens saisis.
L e 10 décembre suivant , esl passée une transaction , par la
quelle les deux créanciers poursuivans consentent la subrogation
de tous leurs droits , au profit des sieur et dame Hevanger et d’un
sieur Farjonel , lesquels s’obligent solidairement à les payer in
tégralement.
En 1 7 1 6 ,
Claudc-Dcrnard
M aréchal, resté seul héritier de
scs père e t,m ère, depuis que son frère est entré en religion ,
vient en Bourbonnais réclamer le compte que lui devaient ses
créanciers ou leurs subrogés; mais il disparaît sans avoir obteuif
justice.
�( »7
)
Profitant de cette catastrophe, les sieur et dame Revanger
rompent leur long silence de vingt ans , et , sans appeler ni
Claude-Bernard Maréchal, ni sa veuve et ses enfans, font pro
noncer la main-levée de la saisie-réelle , et déclarer qu’ils sont
propriétaires incommutables, par deux sentences des requêtes
du palais, rendues en 17 1 7 et 1 7 1 8 , avec des créanciers désin
téressés , dont la plupart ne comparaissent pas.
C ’est dans cet état que la terre de Bompré et scs annexes est
restée en la possession des sieur et dame Revanger, et est parve
nue, à titre de succession , jusqu’à madame de Maistre.
E x a m in o n s de quelle n ature était la possession des sieu r et
d am e R e v a n g e r à chacune de ces époques.
§• I-
De la donation.
E
n
exécution de la. donation u n iv e rse lle et e n tre -v ifs, portée
en son contrat de m ariage , la d am e R e v a n g e r est entrée en p o s
session de tous les biens m aternels : ils étaient indivis entre elle
et scs frères.
E u effet, la donation universelle des biens maternels ne pou
vait pas comprendre la légitime des deux fils M aréch al, ni la
prérogative de l ’aîné sur les fiefs. Ces objets, il est vrai , ne
pouvaient leur être livrés qu’au décès de la donatrice, mais la
nue propriété ne leur en appartenait pas moins.
Quant aux biens paternels , la dame Revanger s'en est mise
également en possession, en vertu de la clause qui, dans la do
nation , la chargeait , conjointement avec sou m a r i, de gérer
et adm inistrer, au lieu et place de la donatrice, la tutelle de
Marie-Marc Maréchal. Cette administration comprenait néces
sairement aussi la portion de Claude-Bernard M aréchal, puisque
3
F»
�(
)
Ja succession paternelle n’avait été ni liquidée, ni partagée entre
les trois enfans.
Ainsi les biens paternels et maternels étaient en état d’indivision
eutre les mains de 1a dame Revanger; car scs frères y avaient
des droits comme elle. Un partage potTvait seul faire cesser l’in
division.
S-
II-
D e la renonciation a u x successions.
Après que la dame Revanger, en jGg^, eût renonce aux suc
cessions de ses père et mère défunts , pour s’en tenir à sa dona
tion , la possession qu’elle1 avait des biens maternels , comme
donataire, n’a point changé de nature. Ces mêmes biens n’en
étaient pas moins indivis avec ses frères , pour leurs légitimes
coutumière et fcodale. La seule différence est que , par le décès
de la mère donatrice, ces. deux sortes de légitimes étaient deve
nues exigibles. Ainsi les portions des deux frères Maréchal dans
les biens de leur m è r e , sont encore restées indivises en la
possession de leur sœur.
Il en a été de même des biens paternels. E n vertu de sa do
nation , la danic Revanger avait droit à la communauté d ’entre
son père, et sa mère, et à exercer les reprises de sa mère sur ces
mêmes biens , qui, du reste, appartenaient aux deux fils Maré
chal , seuls héritiers de leur père depuis la renonciation de leur
sœur. Les biens paternels , après celte renonciation , oui donc
coulinué d’étre possédés par la dame Revanger dans un état
d ’indivision.
I)e p lu s , elle avait etc chargée de les gérer cl administrer au
lieu et place de lu mère tutrice, qui l’avait ainsi ordouné comme
condition de sa donation. L a dame llevangcr tenait donc les
�( «9 )
biens paternels, non-seulement à titre d’indivision , mais encore
à titre précaire d’administration.
Ce litre précaire s’étendait également aux portions légitimaires
que les deux frères Maréchal avaient dans les biens 'maternels ;
car ces portions indivises faisaient partie de la tutelle que la dame
Revanger s’était obligée à gérer et administrer.
ii
A in s i, après sa renonciation aux successions de ses père et
mère , elle a continué de posséder , à titre d’indivision et à titrç
précaire, les biens paternels et les biens maternels. Donc , tant
que sa possession a conservé ce double caractère , la prescription
n’a pu commencer, comme on le verra par la suiie.
§•
III.
Des actes cVabandonnement.
Il n’existait ni liquidation , ni partage des biens paternels et
vmaternels possédés par Ja dame R evan ger, lorsque scs deux
frères , prenant qualité d’héritiers de leur père et mère , ont
abandonné leurs droits successifs à leurs créanciers, par actes
passés, pour Claude-Bernard Maréchal, le 27 mars 169 4 , et
pour Marie-Marc Mare'chal, le 26 août i 6g 5 .
On connaît en droit la cession judiciaire , qu’on nomme aussi
cession forcée , parce que le débiteur obtient un jugement qui
force ses créanciers à la recevoir.
L a cession volontaire est celle que les créanciers acceptent
volontairement, par acte passé d’accord avec le débiteur, 011 la
uonunc alors abandonnement.
Jamais la cession judiciaire ou forcée ne peut être conside'rée
comme une vente ; elle n’est qu’un mandat donne aux créan
ciers , pour so payer sur les biens , soit par les revenus , soit
par le prix de la vente qu’ils sont autorisés à poursuivre.
3.
�( 20 )
Q u a n d les créanciers acceptent v o lon tairem en t les biens du
débiteur , il peut y a v o ir aliénation ; et alors c ’est un e vente ,
q u i,
p o u r être v a la b le , doit a v o ir tous les caractères essen
tiels à ce genre de contrat.
S i la
con ventio n .n’exp rim e pas
u n e vente fo rm ellem en t , si le débiteur s’est contenté de mettre
ses biens à la d isposition de ses créanciers ,
c’est un
sim p le
ab an d on n em en t , c’est-à-d ire , u n consentement à ce que les
créanciers se p ayen t s u r les biens q u ’on les autorise à ven d re.
Cette espèce de m andat étant purem ent v o lo n ta ir e , est suscep
tible des diverses con d itio n s q u ’il plaît aux parties de stip u le r;
m a i s , dès q u e l ’aliénation des biens ab an d on n és n ’y
est pas
c la ire m e n t e x p r i m é e , 011 11e peut pas l’y su p p léer, parce q u e ,
p o u r o p é re r une exp ro p riatio n volon taire , il faut q u ’il a p p a
raisse in d u b ita b le m e n t, d ’un c ô t e , la volon té de v e n d r e , de
l ’autre , la volo n té d ’ac q u érir.
A i n s i , q uan d cette do ub le v o lo n té 11’est pas e xp rim ée, quelles
,
que soient
d ’ailleurs les conditions convenues
biens
créanciers n’est toujours q u ’un aban d on n em en t. 11
aux
la rem ise des
11e p r iv e le débiteur que de la jo u issan ce des objets q u ’il ab an
d o n n e , et n u llem en t de le u r p ro p riété. E l l e cesse d e lu i a p
p a rte n ir à l ’épo q u e seulem en t o ù les créanciers , usant du p o u
v o ir qui le u r est conlié , fo nt p ro c é d e r à la vente.
Cette vérité est trop c o n n u e , p o u r q u ’il soit besoin de l ’a p
p u y e r de nom b reuses autorités. C iton s celle de P o tliie r ,
q u i,
dans son T ra ité du d o m ain e de pro priété , n° 3 7 3 , s’e x p ri me
en 1ces termes :
« U n d ébiteur qui fait à scs créanciers une cession et nban*
» don de scs b i e n s , soit en ju s t ic e , s o i t lun t r a n s a c t i o n , ne
„ perd pas par cet ab an d on le d o m a in e de propriété des c h o ie s
» qui lu i ap p a rtie n n e n t, c om prises dans cet a b a n d o n , ju sq u ’à
» ce
q u ’en exécution de cet ab an d on , elles ay cn l etc vendues et
�»
»
*
»
( 21 )
livrées aux acheteurs. Cet abandon n’est censé être autre
chose qu'un pouvoir qu’il donne à ses créanciers de jouir
de ses biens et de les vendre pour se payer de leurs créances , tant sur les revenus que sur le prix. »
Pour appuyer son opinion, qui n'est que l’expression de la
jurisprudence la plus constante , notre célèbre jurisconsulte
invoque la loi 3 au digeste de cessionc bonorum , qui porte :
Is qui bonis cessit anlè reruni venditionem , utique bonis suis
non caret.
C’est sur le même fondement que la cession et l ’abandonnem en t, lors du régime féodal , ne donnaient pas ouverture au
droit de lods et vente au profit du seigneur. « Il n’y a pas
» de mutation, dit llcnriqu ct, dans son Code des Seigneurs,
j> et]Hauls Justiciers, chapitre 6 , question 55 ; les créanciers,
» ajoute - 1» i l , ne sont que des régisseurs, ils ont seulement
a procuration de vendre, et le débiteur n’est que dépossédé
» sans être exproprié. »
Voyez aussi Guyot , Traité des fiefs, chapitre a , n° io. Poquet de Livoniarc , sur la même matière , rapporte un arrêt
du parlement de Paris, en date du 16 septembre 1G60 , qui
a jugé qu’un débiteur n’est point privé de la propriété des biens
qu’il a cédés à ses créanciers.
A in si, nul doute qu’une cession de biens faite judiciairement,
ne puisse jamais être qu’un mandat. La cession volontaire, ou
autrement d i t , l’abandonnement n’est également qu’ un pouvoir
donné aux créanciers , à moins qu’il ne contienne expressé
ment les caractères d ’un contrat de vente.
Les actes des 37
sions volontaires ,
des caractères du
ciers y manifestent
mars 1G9Î cl aG août îGçp , sont des ces
des abandoiinemcns. L ’on u y trouve aucun
contrat de vente; au contraire, les créan
l'intention formelle de n’être pas acquéreuis ,
�( 22 )
et de conserver leur quaüte de créanciers sur les biens aban
donnés. Ces actes ne sont donc que de simples mandats. Pour
en être convaincu , il suffit de jeter les yeux sur leurs prin
cipales dispositions; comme ils sont rédigés l’un et l’antre de
la même manière, tout ce qu’on dira de l ’abandonncmcnt fait
en
par Claude-Bernard Maréchal, s’appliquera nécessai
rement à rabandonnement fait en i 6g 5 p ar sou frère MarieMarc Maréchal.
i ° Après l’éuumération des objets abandonnés , il est dit :
« P o u r, par lesdits sieurs et dames créanciers , jouir desdils
» biens , meubles et im m eubles, et exercer les droits et actions
» qu’ils aviseront bon être. »
Il n'est pas ajouté que les créanciers en disposeront comme
de chose à eu x appartenante. C'est la clause ordinaire qui
caractérise l’expropriation du vendeur au profit de l’acquéreur.
Les créanciers ne sont donc investis que de la faculté de jouir
des meubles et im m eubles, et d’exercer les droits et actions ,
comme ils aviseront bon être , parce qu’il ne s’agit que de
leur faciliter les moyens de sc p ayer, suivant les règles pres
crites en matière de simple abandonneraient.
2° Les créanciers stipulent ensuite que les saisies mobilières,
immobilières et les oppositions demeureront dans leur force et
vertu. Ils n'entendaient donc pas faire une acquisition ; car
elle aurait nécessairement éteint toutes saisies et oppositions sur
les vendeurs. On n’aurait pas pu continuer de saisir contre
eux ce qui aurait cesse «le leur appartenir. D ’un autre côté, les
créanciers ne pouvaient pas poursuivre la saisie de choses qui
seraient devenues leur propriété. On voit par cette clause, qu'ils
n’avaient d ’autre but que de parvenir à sc payer sur les biens
sans obstacle de la part de leurs débiteurs ; c’est-à-dirô que. ceux-ci
lie faisaient pas une vente, mais un simple abandonuemeut.
/
*
�( 23 )
- 5° C’est pour celte raison que le débiteur promet de remettre
aux créanciers tous les titres et papiers concernant les biens et
droits délaissés , cédés et abandonnés , et cu ’on ne se sert pas
de l’expression vendus ; car il ne s’agissait*pas d’une vente , mais
d’un délaissement, d'une cession , d’un abandonnement.
Aussi est-il ajouté qu’il sera fait inventaire des titres, et qu’au
bas madame de Maistre s ’en chargera. Jamais dans un contrat
de vente , l’acquéreur ne se charge envers le vendeur des titres
remis par ce dernier , parce qu'ils deviennent la propriété de
l ’acquéreur. Madame de Maistrc, en s’engageant à représenter
les titres des biens cédés , n’entendait donc pas faire une acqui
sition.
4° Une clause postérieure porte que le présent délaissement et
abandonnem ent , et non pas la présente vente, est faite moyen
nant quatre mille livres pour Claude-Bernard Maréchal , et seu
lement douze cents livres pour son frère ; mais ces deux sommes
ne sont promises que par forme de gratification , à prendre sur
les biens cédés. Cette condition caractéristique du traité y est rap
pelée plusieurs fois. D ’abord, à l’occasion des intérêts des quatre
mille livres promises à Claude-Bernard M aréch al, on lit que ces
intérêts seront pris sur les fruits recueillis l’année précédente; et
dont, en conséquence, la vente sera faite incessamment. Plus bas ,
il est ajouté : « bien entendu que le payement des quatre mille
» livres, promises audit sieur Maréchal , sera fait des deniers pro» venant desdits biens abandonnés, soit des revenus, soit des
* fonds ».
La même stipulation se trouve pour les douze cents livres de
gratification promises à Marie*Marc Maréchal ; elles ne doivent être
prises que sur les revenus des biens ccdcs.
Pouvflit-on exprimer plus clairem en t que les so m m e s p r o m ise s
n ’étaient pas le p r ix d ’une v e n te , mais celui du consentem ent que
�( 24 ) ‘
Jcs débiteurs voulaient bien donner à ce que les créanciers pus
sent, sans empêchement, disposer des biens pour se payer ? 11 est
de l’essence de la vente que l’acquéreur soit obligé personnel
lement au payement du prix convenu ; i c i , les créanciers répè
tent plusieurs fois qu’ils n’entendent pas s’engager personnelle
ment , que les sommes qu’ils allouent à leurs débiteurs ne sont
pas un prix de vente , mais seulement des gratifications ; qu’à
cet effet elles ne seront pas acquittées de leurs deniers , mais
uniquement sur le produit des biens cédés. Ce n’était donc pas
une vente qu’entendaient faire les parties, ce n’était qu'une ces
sion volontaire, un simple abandonnement.
5° Le but des créanciers n'était évidemment que d’obtenir un
libre cours aux poursuites qu’ils faisaient pour être payés , sans
craindre les obstacles que leurs débiteurs pouvaient y apporter.
Ce motif est exprimé bien clairement dans le préambule des
deux a ctes, et plus spécialement dans celui fait avec Claude-Ber-
nard Maréchal. On y déclare que les parties se sont déterminées
à traiter, pour éviter la multiplicité des procédures, la dissipa
tion des biens, leur dépérissement, p a r les fréquentes lettres
d ’état qui sont obtenues p a r ledit sieur de Bompré , fils .
En conséquence, l'une des conditions auxquelles les créanciers
paraissent mettre le plus d’importance, est celle où Claude-Bernard Maréchal renonce à toutes lettres d'état obtenues cl ¿1 obtenir ,
sous peine d'etre privé et déchu de ladite somme de quatre
mille livres et des intérêts ii lui ci-dessus promis , et de toutes
prétentions qu'il pourrait avoir contre
su r les biens desdits
sieur et dame de Bompré , et même de payer auxdits sieurs et
dames créanciers la somme de trois mille livres de peine , sans
qu elle puisse être réputée comminatoire.
Des lettres d’état, dans l ’ancienne législation, étaient des dé
fenses faites aux créanciers de poursuivre leurs débiteurs. Le
�C 25 )
Roi accordait cc secours à ceux qu’il jugeait mériter de l'indulgence.
Si les créanciers de Claude - Bernard Maréchal s’étaient re
gardés comme acquéreurs , auraient-ils pris tant de soin de le
faire renoncer à toutes lettres d’état ? Elles n’avaient aucun efl’et
sur les contrats de vente. Us savaient donc que la cession , qui
était faite par Claude-Bernard Maréchal, ne le privait pas de sa
propriété, et qu’ils devaient rester ses créanciers. Voilà pourquoi
ils craignaient que leur débiteur les entravât dans la poursuite de
leurs droits.
f
Si la convention faite avec lui eût été une vente, auraientils stipule qu’il n’aurait plus de gratification à espérer? Devenus
propriétaires incommutables des. biens aliénés à leur profit, les
créanciers seraient restés nécessairement débiteurs du prixicon
venu , et dans aucun cas , J e vendeur n’aurait pu être p a y é de
la faculté de s’en faire payer.
Ce 'qui achève de convaincre rpue les créanciers ne se regar
daient pas comme acquéreurs , c’est qu’ils font renoncer ClaudeBernard Maréchal à toutes prétentions sur les biens cédés } s’il
viole sa promesse de ne pas recourir à des lettres d’état. 11 con
servait donc des droits sur les biens ; il n’en faisait donc pas la
vente; ce notait donc qu’un abandonnemcM , un simple mandat.
La peine à laquelle il se soumet de payer trois nsille livres
d’indemnité, n’est pas pour le cas où il ne livrerait pas les choses
par lui cédées ; c’était seulement pour le cas où , contre sa pro
messe , il obtiendrait des lettres d’etat. Ceux à qui il rcmenait
ses biens restaient donc scs créanciers ; ils craignaient donc la
suspension do leurs poursuites par des leitrcs d ’étal, qui ne
s’accordaient qu’aux débiteurs menacés d expropriation. Par le
traité , Claude-licriiiud Maréchal n’était donc pas exproprié; scs
créanciers conservaient donc le droit d’exercer leurs créances sur
Jcs biens cédés ; ils n’en faisaient donc pas l’acquisition.
4
�( ’G )
6° Les parties ajoutent que 'toutes diligences et poursuites
pour l’exécution du traité, et pour son homologation , seront
faites au x f i a is desdita biens , et chacune constitue , à cet cfiet,
un procureur à Paris, et un procureur à Moul ins.
S ’il eût été question d’une vente , la seule exécution entre les
vendeurs et les acquéreurs, eût été, d’une part, de payer le
prix convenu, et, de l’autre, de donner quittance; car les
objets cédés étant saisis, se trouvaient sous la main des créan
ciers, la tradition en était effectuée. 11 n’y aurait donc eu lieu
à aucune diligence, à aucune poursuite ultérieure. La consti
tution des procureurs au parlement de Paris, cl à la sénéchaussée
de Moulins , n'c&t eu aucun o b je t, surtout quand on voit que
ces procureurs ne sont chargés ni de p a y e r, ni de recevoir.
On conçoit au contraire que le traité n’étant quu’n simple
abandonnement, les créanciers ne pouvaient disposer des biens
qu’en qualité de mandataires responsables; et qu’ainsî des for
malités de poursuites leur étaient nécessaires pour parvenir à
à sc payer sur les biens abandonnés.
L a clause dont 011 parle est donc une preuve que les créan
ciers ne sc regardaient p a i comme acquéreurs de ces mêmes biens ,
et que les héritiers Maréchal n’en avaient pas perdu la propriété.
Ÿ Veut-on «ne nouvelle preuve que l'abandon était fait uni
quement pour faciliter la vente? Q u ’on lise la dernière clause
du traité : il y est dit que si Claudc-Bcrnard Maréchal fo rm e
aucun empêchement, directement ou indirectement à la vente
et disposition des b ien s , il demeurera déchu des sommes à lui
prom ises , et restituera celles qu’il pourrait avoir reçues, et p a r
corps , comme provenant d'effets saisis en justice.
L ’abandonncmcnl de Marie-Marc Maréchal porte aussi q u e ,
s’il fait aucunement obstacle à la venlc, il sera tenu de rendre la
gratification qui lui est promise.
�( 27 )
Pour l'exécution du traité, on devait donc procéder à la vente
des.biens; les débiteurs cedans y conservaient donc des droits >
en vertu desquels ils auraient pu former des empècbemens à
cette vente. L a gratification promise n’était donc pas le prix d’une
acquisition à payer par les créanciers , puisqu’elle était à prendre
uniquement sur les biens. C’est pour cela qu’on la déclare p ro
venant de deniers mis sous la main de la justice. L a saisie res
tait subsistante après le traité ; donc il n’était pas. un contrat
d’acquisition ; c’étail évidemment un abandonnement , qui ne
donnait aux créanciers que le pouvoir de vendre les biens , et
qui interdisait au débiteur la faculté de s’opposer à la vente que
voulaient en faire les créanciers pour se payer de leurs créances.
8 ° Après avoir examiné séparément les clauses caractéristiques
des deux actes
il n’offrira pas
mot n’y est pas
qualifient ni de
convention faite
de 1694 et i 0 q 5 , considérons leur ensemble :
davantage les apparences de vente. Ce dernier
écrit une seule fois; jamais les parties ne s’y
vendeurs, ni d’acquéreurs. Continuellement, la
entre les créanciers et leurs débiteurs est appelée
ou délaissement, ou abandon , ei les biens qui en font l’objet
ne sont pas désignés autrement que comme biens cédés, délais
sés, abandonnés, parce qu’en clFet les héritiers Maréchal ne
faisaient pas une vente, mais une cession, un délaissement, un
abandonnement.
Cette attention de ne point énoncer les mots vente et acqui
sition , cadre parfaitement avec toutes les clauses qu’on vient
d analyser, et d ou il resulte que les créanciers ont l'intention
lrès-formcllc de n ’être point considérés comme des acquéreurs,
mais comme voulant continuer la poursuite de leurs créances sur
les biens mis à leur disposition.
La preuve la plus convainquante-, s’il était possible d’ajouter
4-
�( =8 )
à celles qu’on a dcjà de celte vérin; , c’est que les deux actes
dont il s’agit n'expriment aucune espèce de libération en faveur
des héritiers Maréchal. Cependant , s’ils eussent réellement vendu
leurs biens à leurs créanciers , il serait arrivé que ceux-ci auraient
acquitté leurs’ débiteurs , soit du total des dettes , soit au moins
jusqu’àdue concurrence de la valeur des biens. 11 était impossible
qunl se fût opéré une vente , sans y exprimer de combien les
vendeurs se libéraient tinvers les acquéreurs.
P a s un seul m ot n ’est dit à ce su je t; les créanciers acceptent
l ’ab an d on des biens , et ils ne s’expliquent d ’aucune m anière
s u r l'effet que doit a v o ir cette cession v o lo n t a ir e , par rapp ort à
la
libération des cedans. A ssurém ent on ne prétendra pas que
c e u x -c i eussent entendu v e n d r e , sans fixer la so m m e dont ils
Se seraient trouvés déchargés. O r , il n ’u été spécifié ni la quotité
" des d ettes, ni la v a le u r des biens ab an d o n n és.
11 faut en c o n
c lu re nécessairem ent q u ’il n y a pas eu de vente, l o u l débiteur
q u i vend des biens à son c ré a n c ie r , p o u r se lib érer, fait exp rim er
la v aleu r des choses q u ’ il c è d e , et la quotité de i a d ette, dont
l'acquittem ent est r e c o n n u .
. ^
C'est donc un simple abandonnement qui a été fait aux créan
ciers , non pour les rendre acquéreur^, mais pour qu'ils eussent
à se payer sur les biens, soit par les revenus, soit, en cas
d’insutlisance, par la vente des fonds. C’est pourquoi on ne s’est
pus occupé d’évaluer les objets abandonnes , ni d’exprimer ce
ilunt les débiteurs se trouveraient libérés. La quotité dos dettes
acquittées pai^suile de cet abandonnement, devait dépendre de
ce que les créanciers toucheraient, soit par la perception des
fruits, soit par le produit des ventes qui pourraient avoir lieu.
En attendant qu'il y ait eu des aliénations opérées pttr les créan
ciers, en vertu du pouvoir qu’ils en avaient, les débiteurs cétlans restaient propriétaires : ils notaient que dépossédés cl »ou
�C 29 )
pas expropriés : ls qui bonis cessit, anlù rerutn venditioncm ,
utique bonis suis non caret. L . 3 , D. de cessionc bonorurn.
g 0 Une autre circonstance , qui achève rie démontrer que les
deux actes de iGg 4 et i 6g 5 ne sont pas des contrats de vente ,
c’est la perception du droit de contrôle. On sait q u e , dès l ’ori
gine , ce droit a été divisé en droit fixe cl droit proportionnel.
Tous acics contenant mutation de propriété mobilière ou im m o
bilière, étaient assuje'tis à un droit proportionné à la valeur des
objets aliénés ; tous ceux qui ne contenaient pas expropriation
de la part d’une partie au profit de l ’autre, ne devaient qu’un
droit fixe.
O r, pour l’acte du 27 mars i 6g 4 , passé à P aris, et celui du
aG août iGg 5 , passé à M oulins, il n’a été perçu qu’un droit fixe
de quarante sols. Les parties ne les ont donc présentés que
comme étant simple abandonnement, et les agens du fisc 11e les
ont pas non plus considérés comme opérant translation d e p r o - „
priété des mains des débiteurs dans celles des créanciers.
io° A tant de preuves que les actes de iGg{ et i 6 g 5 ne con
tiennent qu'une simple cession , et nullement un coutrat de vente,
se joint l’autorité de la chose jugée.
L ’abandonnemcnt des biens saisis devait en faciliter la vente ,
sans obstacle de la part des débiteurs. Celle vente 11e pouvait
être laite que judiciairement aux criées , parce que les héritiers
Maréchal, qui étaient restés propriétaires des biens par eux cédés,
n'avaient pas donné pouvoir d’en disposera l’amiable. Les créan
ciers eux-mêmes avaient formellement exprimé que l’abandonnement n'empêcherait pas les saisies de conserver leur force et
vertu; c’était positivement convenir que la vente n’aurait lieu
que par la contiuuation des poursuites commencées.
Celte marche contrariait sans doute les projcls des sieur et
�r
C So )
dame Revanger, qui voulaient se perpétuer dans la possession
des biens. La voie de l’adjudication leur faisait courir la chance
de n’être pas les derniers enchérisseurs. Un partage, où chaque
créancier aurait pris des biens pour une valeur proportionnée à
ce qui lui était dù , leur était plus convenable : c a r , selon toutes
les apparences, il y avait peu de créanciers sérieux , et il eût
cté plus facile de s'arranger avec e u x , pour les désintéresser.
L a dame le Maistre ayant mis pour condition dans l’acte
d ’abandonnement, par elle accepté, que les poursuites de saisie
seraient continuées, s’opposait au partage. 11 paraît que le sieur
Revanger ne put s’empêcher de reconnaître l’irrégularité qu’il y
aurait de ne pas faire vendre en justice des biens dont il n’avait
etc fait qu'une simple cession aux créanciers. Son épouse , au
contraire, s’obstina dans sa prétention; mais il refusa de l ’auto
riser à contester sur ce point, comme il avait refusé de l’autoriser
’ à renoncer aux successions de ses père et mère.
E n conséquence, la dame Revanger, seule et avec l'autorisa
tion du j u g e , forma une demande à fin de partage. Quelques
soi-disant créanciers se joignirent à e l l e , et d’autres s’unirent à
la dame de Maistre pour soutenir que les héritiers Maréchal
n'avaient pas été dépouillés de la propriété des biens dont ils
ïi’avaient fait qu’un simple abandonnèrent ; qu'ainsi, les créan
ciers n’avaient pa/s droit de se partager les biens; ils s’exposaient
à voir leurs opérations attaquées , s’ils ne suivaient pas exacte
ment la marche convenue par les actes de cession. Le but uni
que du traité fait avec les débiteurs saisis , avait etc d’enlever à
Cîaude-Iîernard M aréchal, tout prétexte de s’opposer à l ’aliéna
tion de scs biens pour l’ucquillcmcnt des dettes. Agir comme s’il
avait vendu les objets qu’il avait simplement abandonnes, c’é
tait lui fournir de justes motifs de contestations.
Ce$ moyens triomphèrent, et par sentence des requêtes du
�palais, en date du 26 mars 1697 , la dame Revanger et scs
partisans furent déboutés de leur demande à fin de partage, et
condamnés aux dépens; que madame le Maistre fut autorisée à
passer en fr a is de criées.
On ne peut pas objecter que , par celte sentence , le partage a
été jugé impraticable en nature. Les demandeurs avaient conclu
à ce que des experts fussent nommés pour procéder à l’estima
tion des biens et à la formation des lois. Les juges n ’onl pas
nicme accue lli ce préalable.
S'ils eussent pensé que les Créanciers étaient devenus proprié
taires des biens cèdes, ils n'auraient pas pu se dispenser de faire
droit aux conclusions tendant à une nomination d’experts, pour
reconnaître si le partage en nature était possible. C’est seulement
après un rapport qui aurait prononcé négativement, que la
demande afin de partager en nature aurait pu être rejetée. Bien
plus , dans ce dernier cas. m êm e, c'est par voie de licitafa’on que
les parlies auraient été obligées de procéder; tandis que c’est aux
criées quelles ont été renvoyées.
11 est donc évident que le seul point jugé par la sentence du
26 mars 1 6 9 7 , est que les créanciers n’étaient pas devenus acqué
reurs des biens à eux abandonnés ; qu’ainsi, l’action en partage
ne leur appartenait pas. C ’est pourquoi, le tribunal des requêtes
du palais n’a pas même voulu savoir si les biens étaient parta
geables en nature ; il a ordonné, non pas une licitation , ce qui
eût été admettre le droit de faire un partage, mais la continua
tion des poursuites aux criées.
11 a donc et« jugé contradictoirement avec la dame Revangcr,
que l’abandounomcju conl <>7ni par ses deux frères , n'élail point
une vente faite aux créauciers, lesquels, par conséquent ,
�n'avaient pas pu sc partager les biens cédés, nj même les liciter
entre eux; ils n’étaient autorisés qu'à les faire vendre judiciaire
ment.
Ainsi les clauses mêmes des deux actes d’abandonnement, et
l’autorité de la chose jugée, démontrent qu'ils ne sont pas des
contrats de vente , et que les héritiers ¡Maréchal, après les avoir
signés, n'ont pas cessé de conserver la propriété des objets cédés.
11 suit de là que la possession qu’en avaient conservée les sieuret
dame Revanger, continuait delre la même, c’est-n-dirc par iudivis et précaire , tant que les créanciers ne faisaient pas usage de
leur mandat pour vendreles biens compris dansl’abandonnemenl.
§ IV .
Nomination d'administrateurs-sêqiieslrcs .
N ’ayant pas pu obtenir le partage des biens abandonnés aux
créanciers, les sieur et dame Revanger se sont occupés d’em
pêcher que la vente en lût faite aux criées, comme l’avait o r
donné la sentence du 26 mars 1697. Ils commencèrent, suivant
que, l ’annonce le mémoire imprimé contre la dame Van Duerne,
par se faire nommer en justice administrateurs - séquestres des
biens saisis. C’est du 26 juillet suivant que date leur possession
en vertu de ce nouveau titre.
On sent bien que cette autorisation de retenir les biens, en
qualité d’administrateurs-séquestres, ne dépouillait pas les héri
tiers Maréchal de leur propriété. Les parts qu’ils avaient dans
ces mêmes biens n’en restaient pas moins indivises entre eux
et les sieur et dame Revanger ; ces derniers qui en nvaient
déjà l’administration, comme tenus des obligations de la tutrice,
�C 33 )
ajoutaient seulement à ce titre précaire, un autre titre de la
même nature, en se faisant nommer administrateurs-séquestres
des biens saisis.
Ainsi par celte nomination, contraire à toute idée de vente,
les rapports qui s'étaient établis entre les héritiers Maréchal et
ies sieur et dame llevanger n’ont point subi de changement :
ceux-ci sont restés possesseurs de biens qui étaient indivis , et
qu’ils administraient à titre doublement précaire.
§ v.
De la transaction du 10 décembre 1697,
\
Sans doute que le but des sieur et dame R evan ger, en se
faisant nom m er, au mois de juillet 1697 , administrateurs des
biens saisis, était d’en retarder la vente judiciaire, afin d’avoir
le temps de désintéresser les créanciers qui dirigeaient les pour
suites de saisie réelle. Ils se joignent donc au sieur F a rjo n el,
p e r e , et prenant la qualité de créanciers des sieur et dame Ma
réchal , père et m ère, lont une transaction le 10 décembre 1G97,
avec la dame le Maistrc et le sieur Q uesm ais, procureur au
parlement. Ces derniers n’agissent plus tant pour eux que pour
les autres créanciers non comparans, comme ils avaient fait eu
acceptant l ’nbandonnement consenti par Claude-Bcrnard Maré
chal ; ils ne stipulent qu’en leur propre et privé n o m , en qualité
de créanciers poursuivans la vente des biens saisis.
Les sieur cl dame Revanger et le sieur Farjonel, père, décla
rent que les poursuites faites sur la saisie réelle, et la sentence du
mois do mars précédent , qui avait rejeté la demande en partage,
les ont déterminés àoffrir de rembourser intégralement les deux
créanciers poursuivans. Us 11c mettent à celte proposition qu’uno
5
7
�( 5.4 )
seule condition , c’est que les poursuites pour les décrets , ins
tances et procès demeureront en surséance.
Au moyen des obligations solidaires et des garanties qui leur
sont consenties , la dame le Maistre et le procureur Quesniais
consentent à recevoir leur payement par à-compte de quatre
mille francs pour l’une , et de cinq cents francs pour l’autre y
chaque année , pendant lequel temps il sera sursis a u x pour
suites des décrets , instances et procès.
Les obligés solidaires doivent faire agréer le sursis ; et s’ils
n ’y parviennent pas , la dame le Maistre et le procureur Quesmais pourront continuer les poursuites, instances et procès y
comme ils auraient pu fa ir e auparavant ces présentes.
Néanmoins , les obligés solidaires s’engagent , soit à payer
les deux créanciers poursuivant , soit à leur parfaire ce que
la continuation des poursuites, au cas qu’elle ait lieu, n’aurait
pu leur procurer pour solder intégralement leurs créances : à
cet effet, les deux poursuivans subrogent à leurs droits les obligés
solidaires, mais sans aucune garantie, ni restitution de deniers.
De plus , les deux poursuivans consentent que les obligés
solidaires touchent les revenus des biens saisis , et retirent les
sommes provenant des baux judiciaires, lesquelles sont entre les
mains du commissaire aux saisies réelles.
E n fin , il est convenu qu’il ne pourra être procédé à la vente
des biens saisis , sans la présence de la daine le Maistre et
du procureur Quesinais; et que le prix en sera remis, savoir:
les deux tiers à l'u n e , et le tiers à l’autre.
Telle est, en substance, la transaction du 10 décembre 1697,
par laquelle ou prétend que les sieur et dame Rcyangcr ont ac-
�( 55 )
quîs des créanciers, les biens abandonnés à ces derniers parles
deux frères Maréchal. D’abord , on a vu , dans le paragraphe I I I ,
que les héritiers Maréchal n’ont pas fait de vente à leurs créan
ciers, qui, par conséquent, n'ont pu revendre ce qu’ils n’avaient
pas acheté. La transaction elle-même prouve que les créanciers
n’étaient pas propriétaires des biens que les héritiers Maréchal
n’avaient mis à leur disposition qu’à titre d’abandonnement.
E n effet , elle rappelle la sentence qui avait repoussé la de
mande en partage , et déclaré que le décret, ou autrement dit ,
la saisie réelle des biens abandonnés continuerait d’être pour
suivie. Les sieur et dame Revanger reconnaissent eux-mêmes
que telle a été la de'cision de cette sentence , puisque , pour
condition a 1 offre qu’ils font de payer les deux créanciers saisis6ans , ils exigent que la poursuite du décret soit suspendue.
Les deux poursuivrais ne se regardent pas davantage comme
propriétaires des biens , puisqu’ils se réservent d’en poursuivre
la saisie par eux commencée , si le sursis ne pouvait avoir lieu.
11 résulte de là que les parties qui transigeaient ne regardaient
pas l’abandonncmcnl fait par les héritiers Maréchal comme une
veute , puisque les biens abandonnés n’en devaient pas moins
être poursuivis en justice , par,les créanciers qui avaient accepte
l’abandonnement.
La déclaration des sieur et dame R evan ger, concernant la
sentence qui avait rejeté la demande en partage des biens aban
donnes , est une adhésion formelle à cette décision. La condi
tion qu’ils imposent de surseoir à la continuation des poursuites
ordonuées parcelle sentence, estim e reconnaissance formelle
que les créanciers avaient droit de poursuivre les biens à eux
abandonnes, et que par conséquent ils n’en étaient point acque5.
�,
( 36 )
reurs. En effet , s’ils en fussent devenus propriétaires , les
poursuites du décret forcé auraient été anéanties; ils n’auraient
eu à procéder entre enx que par voie de partage , seul moyen
de faire cesser l'indivision entre des co-propriétaires. Par suite
de l’action en partage , si les Liens n’étaient pas susceptibles
d’être divisés en nature, il n’y avait lieu qu'à une licitation,
et nullement à la continuation des poursuites de la saisie faite
antérieurement sur les débiteurs à qui Jes biens saisis auraient
cessé d’appartenir.
Ainsi , non-seulement il a etc jugé avec les sieur et dame
Revanger , par la sentence du 26 mars 1 6 9 7 , que l’abandonnement consenti p a rle s frères Maréchal n’était pas une vente,
mais encore les sieur et damo Ilevanger ont reconnu eux-mêmes
cette vérité, par la transaction du 10 décembre de la même
année. O r , sile s créanciers qui ont accepté rabandonnement
des biens , 11’cn sont pas devenus acquéreurs , ils n'ont pas pu
les revendre ; cl , en effet, la transaction dont il s'agit n’est pas
un contrat de vente.
D ’abord , la dame le Maistre et le sitfur Quesmais , qui transi
gent avec les sieur et dwine Revanger et le sieur iu r jo n c l , porc,
n ’agissent qu'en leur privé nom ; cependant s’ils eussent entendu
faire la vente des biens abandonnés , ils auraient stipulé tant
pour eux que pour les autres créanciers non comparons, puisqnc
les biens auraient également appartenu à ceux-ci, dans le cas ou
l'abandonnemcnt, fait au piolit de tous , cùi été une vente.
En second lieu, la dame le Maistre et le sieur Quesmais ne
transigent que sur leurs créances personnelles; ils s'assurent des
moyens d ’en être payés , et ne s’occupent nullement des autres
créanciers qui auraient pourtant été co-propriélaircs des biens ,
si l'ubandomicmeni ciii clé une vente.
�( 57 )
Troisièmement, la dame le Maistrc et le sieur Quesmais ne
livrent pas les biens saisis, comme ils auraient fait, s’ils eussent
entendu les revendre ; ils se contentent de subroger à leurs
'''■ droits de créanciers poursuivans , ceux qui s’engagent solidaire
ment à les rembourser intégralement.
D o n c , la transaction du 10 de'cembre 1697 n ’est pas une
vente faite par la dame le Maisire et le sieur Quesmais aux
sieur et dame Revanger; elle subroge seulement ces derniers aux
droits de poursuivre le décret force , pour parvenir à la vente des
biens abandonnes. Les subrogés qui étaient en possession des'
biens saisis n’ont point fait usage de leur subrogation pour les
faire vendre; ils ne sont donc restés en possession , que comme ils
l ’étaient avant la transaction , c’est-à-dire, à titre de co-propriétaires par indivis avec les héritiers ¡Maréchal , et au double titre
précaire d’administrateurs de tutelle et de séquestres.
Les sentences qui ont homologué cette transaction , et autorisé
les sieur et dame Revanger, en qualité de créanciers de la succes
sion du sieur de Rompre, à jouir des biens de ladite succession
pour l ’usage qu’ils demandaient, savoir : pour acquitter les dettes
avec les fruits , comme ils s’y obligeaient par la transaction
de iC)97,n’oi t rien changé à la nature et aux effets de cetacte; elles
prouvent au contraire qu’ils n’entendaient nullement avoir ac
quis les biens : qu’ainsi les abandonnemens n’étaient pas des
ventes; et que la transaction, faite ensuite avec les créanciers
saisissans , n’était pas une revente. Au surplus ces sentences,
comme la transaction elle m êm e, sont choses étrangères aux
héritiers M aréchal qui n’y ont point ¿lé panics.
�C 38 )
§• V I.
Main levée de la saisie réelle.
Il est à présumer que la dame le Maistre et le procureur
Quesmais étaient les seuls créanciers sérieux ; car la transaction
faite avec eux a tellement assuré aux sieur et dame llevanger la
possession des biens saisis, qu’ils en sont restés les détenteurs ,
sans qu’aucun autre créancier les ait forcés à suivre la procédure
de vente. On voit aussi dans la transaction q u e , si la vente de
quelques objets saisis était effectuée , la totalité du prix serait
re m ise , en déduction de leurs créances , savoir : les deux tiers
à la dame le Maistre, et l’autre tiers au sieur Quesmais ; ce
qui prouve que d'autres créanciers n ’avaient rien ù y prétendre.
De p lu s , il parait, par des conclusions signifiées à monsieur
et madame Van D u c rn c , le 20 février i 8 i 5 , que la saisie faite
à la requête des poursuivans, le 17 novembre 16 9 2 , était pour
avoir payement d’un capital de vingt-deux mille livres seulement;
il en résulte que les dettes dont étaient grevés les biens saisis,
étaient loin d’absorber leur valeur.
Voilà ce qui explique pourquoi les sieur et dame Revangar
tenaient à ne pas les laisser vendre, et pourquoi, après avoir
assuré le remboursement des deux créanciers saisissans , ils
n ’ont point cté troublés dans leur possession par d ’autres créan
ciers.
D e v e n u seul héritier de ses père et mère , depuis que son frère
avait prononcé scs vœux monastiques, Claude-Bernard Maréchal
était donc le seul qui inquiétât sa sœur et son beau*frere , par
de fréquens voyages au chûteau de Rompre , pour avoir compte
des biens abandonnés. Mais scs importunites , qu’on éludait
�( 59 )
chaque fois sous différons prétextes , p riren t fin lors de sa d ern ière
apparition en B o u r b o n n a i s , dans l’année 1 7 1 6 .
Sa mort clandestine , la disparition des titres et renseignemens
qu’il avait apportes avec l u i , le domicile éloigné de sa veuve
et de scs enfans, paraissent des circonstances favorables aux sieur
et dame Revanger , pour obtenir, sans contradicteur légitime ,
un litre apparent de propriété sur les biens qu’ils détenaient à litre
précaire.
Depuis vingt ans que la transaction du 10 décembre 1697 leur
avait assuré le silence des deux créanciers poursuivans, il n’avait
plus été question de la saisie réelle, qui n était plus à craindre;
c'est seulement dans le courant de l’année qui a suivi la dispax’ition de Claude-Bernard M aréchal, qu’ils imagiuent de former
une demande en main-levée de celte saisie, contre des créanciers
désintéressés, dont la plupart ne comparaît pas.
Par celte demande , les sieur el dame Revanger reconnaissent
que la saisie réelle, qui datait du 17 novembre 1 6 9 2 , n’avait
pas cessé de subsister, soit après 1 abandonnement des frères
Maréchal, soit après la sentence qui a rejeté la demande en par
tage des biens abandonnés , soit après la transaction qui a suivi
cette sentence. C’était donc reconnaître que les créanciers n’étaient
pas devenus acquéreurs des biens mià à leur disposition. Ces'’
biens 11'ayant été aliénés ni parles créanciers, eu vertu du pouvoir
qu’ils en avaient re ç u , ni par leurs subrogés, étaient donc restés
la propriété de Claude-Bernard Maréchal, comme devenu seul
héritier de scs père et mère.
D an s celte position , les sieur et dam e R ev an g er étaient-ils r e
devables à d e m a n d e r la m ain -le v é e de la saisie réelle ? L a r a is o n
de douter est q u ’ ils .'laissaient
c o m m e su b rog és au x c ré an cie rs,
li n e ffe t, la scntcncc rend ue s u r le u r d e m a n d e , le 2 5 n o v e m b r e
�( 4« )
17 i r , aux requêtes du palais, porte expressément : que la main
levée leur est accordée } vu les subrogation et réunion dans leurs
mains des droits des créanciers poursuivons et opposons.
Mais ce qui fait décider que les sieur et dame Revanger avaient
intérêt à obtenir la radiation de la saisie réelle , c’est qu’ils étaient
co-propriéiaires des biens saisis , lesquels étaient indivis entre eux
et Claudc-Bernard Maréchal.
A in s i, cette sentence, et celle rendue le 5o juin 1 7 1 8 , portant
que la précédente est commune avec les créanciers qui n’y avaient
pas figuré, n’ont pas eu d’autre eflet que de dégrever les biens ,
tant de la saisie réelle, que des oppositions. 11 n’en est pas r é
sulté que l’indivision ait cessé entre les co-propriélaires.
E n vain voudrait-on tirer argument de ce qu’après avoir or
donné la radiation de la saisie, ces sentences déclarent les sieur
et dame Revanger propriétaires incommutables ? Cette déclaration
n’est pas une disposition , mais la. simple énonciation de la con
séquence, qui résultait du dégrèvement des biens. Naturellement,
ceux qui obtenaient ce degrèvement , devenaient propriétaires
incommutables. C’est donc avec raison que les sieur et dame
Revanger ont été déclarés n’avoir plus à craindre les créanciers
saisissans et opposans ; ¡1^ devenaient effectivement propriétaires
incommutables des portions qui leur appartenaient, comme leurs
co-propriétaircs le devenaient également des autres portions ; la
main-levée profitait également aux uns et aux autres.
En déclarant l’incommutabilité de la propriété, les scntcnccs
n ’ont pas l’ait ccsscr l’indivision ; elles n’ont pas pu dépouiller
les co-propriétaircs absous, pour transmettre leurs portions aux
co propriétaires présçns ; ceux-ci n’ont pas cto déclarés seuls pro
priétaires , car il n’était question que d’une main-levée de saisie
�C 4* )
r c e lle , et nullement de savoir à qui appartenaient les Liens saîsi'7
D ’ailleurs les paities intéressées à défendre leur co-propriété, n'a
vaient pas été mises en cause. Si donc il était possible de considérer
les deux sentences comme ayant porté une disposition spoliatrice,
on ne pourrait pas les opposer aux repiésentans de Claude-Bernard
Maréchal ; ce serait pour eux res inter alios acta.
Ainsi, il n’est pas douteux que les deux sentences de 1 7 1 7 et
1 7 1 8 n'ont eu d’autre effet que de débarrasser les biens de toutes
saisies et oppositions , et que les sieur et dame Revanger ont
continué de les posséder par indivis et à titre précaire.
A r t i c l e
II.
L a possession des sieur et dame Hevanqer et de leurs descendant
n ’a pas p u produira la prescription.
I . es biens revendiqués aujourd’hui sont situés dans le ressort
de la coutume de Bourbonnais ; c’est donc à scs dispositions qu’il
faut se référer, pour savoir s’ils ont pu être acquis p a r la pres
cription ; car le Code civil, dans son dernier article, veut que les
prescriptions commencées avant sa publication, soient réglées par
les anciennes lois.
Suivant l’art. a 3 de la coutume de Bourbonnais , l’on ne peut
prescrire les biens et droits immobiliers que par trente ans. A
cette disposition s’appliquent les principes du droit c o m m u n ,
puisés dans les lois romaines, ainsi que l ’explique A u r ou x des
l'ommicrs , savant commentateur de cette coutume.
L e premier de ces principes est que la possession seule pen
dant trente a n s, suffit pour accomplir la prescription, sans
G
�( 42 )
qu’il soit besoin de titre. Celui qui a joui aussi long-temps,
sans trouble , est censé avoir acqnis de bonne fo i, à moins que
Je contraire ne soit prouvé ; voilà pourquoi , lorsqu’il n’y a
pas de tilre, la partie qui oppose la prescription, n’a autre
chose à dire si ce n’est : possideo quia possideo.
Mais s’il est représente un litre, quelqu’ancicn qu’il so it, il
fait disparaître loule présompiion , cl le possesseur est jugé ou
légitime propriétaire, ou sans droit pour conserver l ’héritage,
selon que le tilre produit, soit par l u i , soit par le réclamant,
est ou non de nature à transmettre la propriété.
Tel est le second principe du droit commun sur la prescription
de trente ans ; il a toujours reçu son application dans les cou
tumes qui n’ont aucunes dispositions contraires , comme celle
du Bombonnais; c’est ce qu’attesie Auroux des Pommiers , dans
son Commentaire, sur Tart.
23 de cette coutum e, n° 52 et
suivans.
C'est de ce principe que s’csl formée la règle si commune : a d
primordium tituli poslerior semper fo n n alu r cvcnlus. Elle est
tirée de la loi première au Code de irnpon. lucrati. dcscript. et
n’est que la confirmation de la loi cliirn , au digeste de adquir.
vel arnitl. possess. où on lit : origo nanciscendœ possessionis
exquirendu est; il faut rechercher l ’origine de la possession. S ’il
n’y a pas de titre, elle est présumée de bonne fo i; si un titre
esi représenté, il faut s’y référer.
On peut voir sur ce principe incontestable le Répertoire uni
versel de Merlin , nu mot Prescription , section r, §. V I , art. 2.
« On ne peut pas présum er, dit*il, que celui qui jouissait, il y
» a cinquante ou cent ans , en vertu d’un b a il, ou à tilre d’en» gagement, a il, par la suile, interverti le tilre de sa posscs-
�C 43 )
» sion et soit devenu acheteur , donataire , échangiste , e tc ., du
» bien qui lui était primordialement affermé ou engagé. »
A celte occasion, le même auteur tfte le fameux arrêt de Paris',
du 21 avril i 5 5 i , rapporté dans le recueil de D u lu c , livre 9 ,
titre 5 . Cet arrêt a condamné levêque de Clermont à rendre à la
reine Catherine de Médicis , la seigneurie de la ville de Clermont,
quoique depuis plusieurs siècles elle fut possédée par les évêques
de cette ville, 11 était prouvé par le titre originaire que cette sei
gneurie avait élé donnée en garde à un évêque de Clermont par
Jea n de Bourbon que représentait la reine.
C’est sur le même fondement que repose l’incapacité de l’usager
et de l’usufruitier , de prescrire la propriété même par la posses
sion la plus longue. « Tant qu’il porte sa qualité d’usager (dit
» Coquille), il ne peut acquérir droit de propriétaire. »
D u m o u l i n , s u r la cou tum e de P a r i s , titre I , §. X I I , g lo se 7 ,
an m ot Prescription , dit expressém ent que la possession plus que
c e n te n a ire , ne peut p ro d u ire la p r e s c r ip t io n , si le titre n est pas
c elu i d’un propriétaire.
D ’Argcntréc, qui n’est pas toujours de l’avis de D u m o u lin ,
embrasse le même sentiment en ces termes : ciim apparet titulus ,
ab eopossessioncslegem accipiunt; dès qu'il parait un titre , il fait
loi pour juger de la nature de la possession.
I.a possession n’est rien , dit encore M o rn a c , sur la loi i 5 ,
au digeste de publiciancl in rem actionc, si elle esl contraire au
litre : si contra tilulurn jiossessum est.
Après ces diverses citation s, le savant auteur du R é p e rto ire u n i
v ersel de ju ris p ru d e n c e ajoute q u ’ il serait aussi facile que superflu
d ’a c c u m u lc r s u r ce point un p lu s gran d n o m b r e d ’a u to r ilé s ; « de
6.
�»
»
»
u
»
»
C 44 )
leur concours, dit i l , de leur nombre, de leur unanimité, s’esr
forme cet axiome, le plus connu comme le plus sage de noire
droit français : a d primordium tiluliom nis j'orniatur evenlus.
II y a des siècles que celle maxime forme la règle des tribunaux
on v o it, en parcourant les arrêtistes , quelle a servi.de base à
une multitude d’arrèts ».
*
L ’auleur du Répertoire rappelle ensuite sept ou huit arrêts ,
qui ont jugé que la possession la plus longue n ’était d’aucune
considération, quand le titre qui lui avait servi de fondement
elait vicieux , c’est-à-dire incapable de transmettre la propriété.
« A in si, ajoute-t-il , si j’ai possédé pendant un siècle, el qu’on» recouvre un litre précaire, 011 présume que j’ai- toujours posn sédé au même titre j et dès-lors je 11e puis demeurer en pos—
» session , du moment où le propriétaire s y oppose. »
On ne peut donc pas douter, comme nous l’avons annoncé,,
que le titre qui est représenté ne rende ineilicace la possession
la plus ancienne , s’il n'est pas de sa nature translatif de pro
priété, parce qu’il démontre que la possession n’a pas commencé
de bonne foi ; ce qui s'entend , lorsque le possesseur n’a pas eu
jtts/a opinio acquisili dominii. On dit alors que le] tilre est
vicieux ; cl le vice , comme 011 l’a démontré dans l’article précé
dent, se perpétue de succession en succession, in infinilum ,
parce que l'héritier élanl la continuation de la personne du
défunt, celui qui a commencé à posséder un bien , en vertu d’uu
titre qui ne lui en attribuait pas la propriété , est censé vivre dans
sa postérité, qui aux yeux de la loi est la même personne.
Examinons donc si les titres, sur lesquels 1 héritière des .sieur
et dame Revanger appuie sa longue possession , sont ou non
translatifs de propriété , nous y trouvons deux vices essentiels,,
�( 45
)
dont un seul suffirait pour établir que les auteurs de cette hé
ritière n’ont pas pu posséder de bonne f o i , c’est-à-dire , en qua
lité de propriétaire, animo domini , les héritages réclamés.
L e premier de ces vices est l ’indivision. E n effet, la dame
R e v a n g e r, eu vertu de son contrat de mariage , a été mise en^
possession par sa mère de tous les biens paternels et maternels ;
de eeux-ci, parce qu’il lui bü était fait donation universelle et
entre-vifs; de ceux-là parce qu’une des conditions de la dona
tion était qu’elle administrerait conjointement avec son m ari
la tutelle dont avait été chargée la donatrice.
Dans les biens maternels se trouvaient la légitime coutumière
des deux frères Maréchal , et la légitime féodale de l’ainé :
ces deux sortes de légitimes n’avaient pas pu être comprises
dans la donation. A in s i, dans les mains de la dame Revanger,
la totalité des biens de sa mère sc nouvaii indivise, puisque
les portions légitimaires de ses deux frères n’en avaient pas été
séparées.
La renonciation de la dame Revanger à la succession de
sa m ère, n’a pas pu changer par la suite cet'état d’indivision,
.puisque la renonciation n ’a été faite que pour s’en tenir à la
donation.
»
A l ’égard des biens du père , décédé dès avant le mariage
de la dame Revanger, ils appartenaient évidemment pour un
tiers à elle , et pour chacun un tiers à scs deux frères’. Il est
vrai que postérieurement elle a renoncé à la succession de son
père ; mais comme c’était pour s'en tenir à la donation que sa
mcrc lui avait faite de l’unîvcrsalilé de scs biens, droits et ac
tions , elle avait à reprendre sur cette succession la part de
sa mère dans la communauté qui avait existé entre cotte dernière
�( 46 )
et sou mari. Elle a v a it, en o u tre , à exercer les reprises ma
trimoniales de sa mère qu’elle représentait. Les biens paternels
dont elle avait pris possession , étaient donc, comme les biens
maternels, dans un état d’indivision entre elle et ses deux frères.
Un partage pouvait seul faire cesser la copropriété ; et ja
mais il n’p existé de partage. O r , suivant le droit commun ,
celui qui possède par indivis, ne peut jamais prescrire les portions
de ses co-propriétaires. Il y avait des coutumes qui disposaient
autrement, mais elles établissaient un droit exorbitant.
Au reste, sans nous appesantir sur la question de savoir quel
était effectivement le droit commun sur ce point, il sufiira de
dire que la coutume du Bourbonnais décide formellement, que
l’indivision est un obstacle perpétuel à cc que la prescription
s’opère au profit du possesseur par indivis. L ’article 26 de cette
coutume s’exprime en ces termes :
« Quand aucunes choses sont tenues et possédées en com» mun et par indivis , l’on ne peut acquérir ni prescrire le
» droit l’un de l ’autre, au pétitoirc ou possessoire, par quel» que laps ou espace de temps que ce soit. »
A in s i, par la soûle raison que les biens dont les. sieur et
dame Revanger ont été mis en possession, étaient indivis entre
eux et les héritiers M aréchal, jimais cette possession n’a pu
leur servir ù prescrire les portions qui appartenaient dans ces
mômes biens aux deux frères Maréchal, et qui, depuis la mort
civile du plus jeune, sont devenues la propriété de l'aine, ClaudeBernard Maréchal. L ’indivision avertissait perpétuellement les
sieur et dame Revanger cl leurs héritiers in in/m it uni , qu’ils
n’étaient pas propriétaires des portions revenant à Claude-Bernard Maréchal. I'ar conséquent, ils n’ont jamais pu les pos*scd.cr animo ¿lomini.
�( 4 0
,
Un second vice qui se rencontre dans Ja possession com
mencée p arles sieur et dame Revanger, et continuée par leurs
descendans , résulte de ce que leur contrat de m ariage, qui est
le titre fondamental de cette possession , les chargeait conjointe
ment de tous les engagemens contractés par la mère donatrice , à
l ’occasion de la tutelle qui lui avait été déférée, et dont elle leur
remôltait l'administration.
Maric-Marc Maréchal, il est v ra i, était le seul enfant de la
donatrice qui fût resté en tutelle; mais Claude-Bernard M aré
chal , quoiqu émancipé par mariage, n’avait point obtenu les
portions qui lui revenaient de la succession de son père ; au
cun compte de tutelle ne lui avait été rendu ; aucun partage
de cette succession n ’avait été fait ; elle était donc restée indi
vise entre lui , son frère et sa sœur. En se chargenut de tous les
cnGaeemens
de la mère tutrice,' et d’administrer Ja tutelle du
o O
plus jeune de scs frcrcs, la dame Revangerse chargeait néces
sairement aussi d’administrer Ja portion appartenant à l’aîné de
ses frères, puisque le tout était dans un état d’indivision.
Depuis la renonciation que la dame Bevanger a faite aux deux
successions paternelle et maternelle, après le décès de sa mère,
elle n'est pas moins resiéc en possession de tous les biens indivis;
par conséquent elle a continué d’administrer, tant ce qui lui
appartenait dans ces mêmes biens, en qualité de donataire du
chef de sa m ère , que ce qui appartenait à scs deux frères, en
leur qualité de k'gitimaiies sur les biens maternels , et d’héritiers
des biens paternels.
Cette administration ne pouvait cesser que par un compte rendu,
et délivrance de la part revenant dans les biens, soit aux deux
frères Maréchal , soit à l’aîné après la mort civile du plus jeune.
Jamais cette opération n’ayant eu lieu , la possession des sieur et
�( 48 )
dame Revanger s’est perpétuée jusque dans leur postérité, à litre
dadministrateurs des portions appartenant à C laude-Bernard
Maréchal.
O r , la qualité d'administrateur ne confère qu’un titre pré
caire , c’est-à dire, un titre par lequel on ne possède pas pour soi,
mais pour celui à qui la chose appartient. Voila pourquoi il est
de principe qu’ un tuteur, un dépositaire, un mandataire, enfin
un administrateur quelconque ne peut jamais prescrire les biens
qui lui sont confiés, quoiqu’ancienne que soit sa possession ;
il est continuellement averti par son titre , que sa possession
n ’est pas celle d’un propriétaire.
Cette vérité est trop connue pour avoir besoin d’autorité ;
on peut voir au surplus l ’ othier, en son T r a i t é de la possession
et de la prescription; D om at, au titre où il traite de la même,
matière; D u n o d , dans son excellent Traite d e l à prescription.
] c Code civil a consacré ce même principe dans sou article
2256 , non pour introduire un droit nouveau, mais pour con
firmer l'ancienne législation, q u i, d’après les lois romaines,
avait interdit la faculté de prescrire par aucun laps de temps ,
à quiconque n'était possesseur qu’à litre précaire, non animo
domini.
De cette discussion il faut conclure que les titres , en vertu
desquels a commencé la possession des biens revendiqués, étant
représentés, il n’est plus possible de fonder la prescription sur
le seul laps de temps; c’est la nature de ces titres qu’il faut
consulter, pour savoir s’ils ont été capables de transmettre la
propriété des objets réclamés.
On vient de prouver qu’il s’y rencontre deux vices, dont un
seul suffirait pour empêcher à jamais de prescrire : l’u n , fondp
�(49 )
spécialement sur l'article 26 de la Coutume du Bourbonnais, est
l ’état d’indivision où étaient les biens à l’origine de la possession, et
où ils sont constamment restés dans les mains des sieur et dame
Revanger et de leur postérité. L ’autre est la qualité d’adminis
trateurs que ces .derniers ont eue pour les portions indivises ap
partenant aux héritiers Maréchal; qualité qui constitue un titre
précaire, qui, d’après les principes les plus certains , n’a jamais
permis à la prescription de courir au profit des sieur et dame
Revanger et de leurs desceudans.
Réponse a u x Objections.
L e s adversaires de M. et madame V an Duerne ne peuvent
se dissimuler toute la force des principes qui lour refusent la
prescription. C'est pourquoi, en désespoir de cause, ils imaginent
un système qui , suivant eux, couvrirait les deux vices inhérens
au titre de leur possession.
i ° On dit que ies deux frères Maréchal ont vendu leurs droits
successifs à leurs créanciers, par actes des 27 mars 1694 et
26 août 1 6 9 5 ; q u e, dès-lors, ils ont perdu toute prétention sur
les biens de leurs père cl mère. D où 1 011 conclut que madame
Van Duerne, qui les Représente aujourd’hui, est nou-recevable
dans sa demande en revendication.
Réponse. Ou a vu dans l’article prccedent, §. l l l , que , par
les deux ailes de 1694 et 1 6 9 5 , les héritiers Maréchal n’ont
rien vendu à leurs créanciers, que ces deux actes 11c contiennent
qu ’un simple abandonnemeut , dont tout l ’cilct élait de donuer
aux créanciers le pouvoir de se payer sur les biens abandonnés,
soit par la perception des fruits , soit sur le prix de la vente.
On ne répétera pas ici toutes les preuves qui ont été tirées de*
7
�( 5o )
deux actes m êm es, et de ce qui en a été la suite, pour démon
trer q u e , loin de trouver les caractères d’un contrat de vente
dans ces deux actes, on remarque l'intention formelle, de la part
des créanciers, de 11’être.pas acquéreurs / et, au contraire, de
conserver leur qualité de créanciers poursuivans la saisie réelle
des biens laissés à leur disposition.
Si donc les héritiers Maréchal n'ont pas e'té expropriés par
rabandoiinement qu’ils ont consenti , s’ils sont restés co-proprie'taires des biens par eux cédés, pour les portions indivises
qui leur appartenaient , la possession qu’en avaient les sieur et
dame Revanger continuait d’être, après rabandonnement, comme
elle était auparavant, c’est-à-dire, par indivis, et à titre pré
caire.
Il est à remarquer, au su rp lu s, que Claudc-Bernard M aré
chal n’a pas même abandonné la totalité de ses droits successifs.
11 s’est expressément réservé les objets que son pere avait acquis
de la dame Longeval. Ces objets au moins seraient restés possé
dés par les sieur et dame Revanger, en état d’indivision, et à
titre précaire.
n® On insiste, et on soutient que, même en supposant aux actes
de 1694 cl 1695 la nature d’un simple abandonncmcnt , les
créanciers avaicnl du moins le pouvoir de les vendre, cl rfu’en
cilct ils les ont vendus aux sieur et dame Revanger et au sieur
F a rjo n c l, père, par transaction du 10 décembre 1697. O r , dit011, depuis ce contrat d'aliénation, les sieur et dame llcvnnger
‘ont commencé une possession anima dom ini , qui a été capable
de iairc courir la prescription.
fti'fjonsc. 11 est faux que les créanciers à qui rabandonnement
des biens avait été consenti, les ayent vendus par la transaction
�( 5i )
de 1697. 11 a été démontré dans l'article précédent, §. V , que
cette transaction n’était pas le fait de l’union des créanciers; quo
les deux seuls poursuivans y figurent , et seulement en leur
propre et privé 110m; que loin de stipuler comme vendeurs, ils
se réservent expressément la {acuité de suivre le décret forcé ,
si le sursis à leurs poursuites n’était pas consenti par les autres
créanciers ; qu’enfin , ils se bornent à subroger à leurs droits les
sieur et dame Revanger, et le sieur F arjo u el, qui s'obligent soli-,
dairement à les rembourser.
L a transaction dont il s’agit n’était donc pas un contrat de
vente par les créanciers ; autrement la saisie réelle faite par eux
eut cessé d’exister par cc seul fait. O r , on a vu au même article,
§. V I , qu’il n’avait été que sursis aux poursuites par celte tran
saction, et que la saisie subsistait encore en 1 7 1 7 , puisqu’à cette
époque les sieur et dame Revauger en ont fait eux-mêmes pro
noncer la main levée.
A in si, par la transaction de 1 697, ils étaient encore, comme
a u p a r a v a n t , possesseurs par indivis et à titre précaire, des por
tions de Claudc-Bernard Maréchal, qui avait réuni sur sa tête les
droits de son frère entré en religion. Il est résulté seulement de
cette transaction que les sieur et dame Rcvanger ont augmenté
leurs droits sur les biens indivis , par leur subrogation aux droits
des deux créanciers poursuivans.
5“ Ab an d on nant encore la transaction de 16 9 7 , et pressés prr
l ’é v id e n c e , les adversaires se retranchent dans la sentence du a 5
n o v e m b r e 1 7 1 7 , suivie de celle du 3o juin 1 7 1 8 , qui a o rd o n n e
l ’exécution d e la précédente. E u donnant niain-levee de la saisie
r é e ll e , la p re m iè re de ces sem ences a déclaré les sieur cl dam e
R c v a n g e r propriétaires iu c o m m u tab lc s des biens qui avaient ét«
saisis.
7*
/
�(52 )
‘ On prétend qu’au moins à partir du jour de ce prononcé ,
les sieur et dame Revauger ont commencé une possession à titre
de propriétaires -, ce qui a dù faire courir Ja prescription.
Réponse. Il ne faut pas confondre dans un jugement les dis
positions qui statuent sur l’objet de la demande, avec l’énoncé
des conséquences qui en doivent résulter. Ce qui est essentielle
ment disposition fait sans doute loi entre les parties qui ont été
appelées au jugement ; mais ce qui est déclaré seulement , comme
conséquence , ne doit avoir que l'elfet qui résulte naturellement
de Ja décision.
De quoi s’agissait-il lors de la sentence de 1 7 1 7 ? D’obtenir
m ainlevée de la saisie réelle, attendu les subrogation et réunion
des droits des créanciers dans les mains des sieur et darne Revanecr.
O On ne soumettait au tribunal aucune contestation relative à la propriété •, c’est pourquoi les créanciers, saisissans
et opposans , avaient été les seuls assignes sur la demande.
Assurément ils n'avaient qualité que pour défendre relativement
à la radiation de la saisie , pour la consentir ou la contester.
Ils étaient parfaitement étrangers à tout ce qui pouvait con*
cerner la propriété des biens saisis.
La sentence de 1 71 7 n’ayait donc de disposition à rendre que
concernant la main-levée requise ; elle l ’a prononcée, parce
que nul créancier n’a élevé de contestation sur ce point. Si la
semence a ensuite, ajouté, qu'en conséquence d e l à radiation de
la saisie , les demandeurs demeuraient propriétaires ¡ucommutablcs , celte déclaration n'était pas une décision , mais une expli
cation de l 'cilcl que devait avoir Ja radiation. D onc, cet cllctne
doit s’entendre que jusqu'à concurrence des droits des deman
deurs , sans leur eu attribuer aucun nouveau.
O r , les d em and eurs n ’étaient pas p ropriétaires de la totalité
�%
(55 )
des biens saisis; par conséquent , en les déclarant , par suite de
..la radiation prononcée, propriétaires inconimutables , cela vou
lait d ire , pour la portion qui leur appartenait. Aussi ne voit on
pas que la sentence ait déclaré les sieur et dame Revanger pro
priétaires libres de la totalité des biens , mais simplement que
leur propriété, telle qu'elle consistait , se trouvait libérée. C’est
ce qu’on a établi plus au long , dans le §. V I de l’article précédent.
Ainsi la sentence de 17 17 n’est pas un litre en vertu duquel
les sieur et dame Revanger ayent pu posséder, animo domini,
les portions indivises qui 11e leur appartenaient pas.
«s
Mais supposons que celle sentence ait déclaré par voie de dé
cision, çt non par simple conséquence, l’incommulabililé de la
propriété des sieur et dame Revanger; supposons encore que
la même sentence ait spécilié qu’elle entendait leur attribuer la
totalité des biens, et non la seule portion qui leur appartenait;
car il faudrait ces deux circonstances réunies pour que l ’argument
des adversaires fût même spécieux ; dans celte double suppo
sition , bien gratuite assurément, ils ne pourraient pas tirer plus
d’avautage de la scnlcncc donl il s’agit : deux moyens s’y oppo
seraient.
Premier moyen. Un principe incontestable est que celui qui
possède d’une manière incapable de faire courir la prescription,
ne peut pas se changer à lui-même son titre; il faut pour ce
changement le concours d’une volonté étrangère à la sienne :
nullà extrinsecùs accidente causa , uemo sibi causant posscssionis mutare potest. L. 5. au digeste , de adquirendd et rctin.
possess. Le Code civil a consacré cette décision dans son ar
ticle aa/jo , c o m m e confirmation de l’ancienne législation. La
raison en est que le titre représenté empêche perpétuellement le
cours de la prescription, quand il 11’est pas accompagné de cette
�(54 )
bonne foi capable de donner au possesseur de la.chose, la con
viction qu’il a acquise : justa opinio acquisiti dominii. Celui qui
ne tient une chose qu’au nom d’un autre , et qui se ferait un
nouveau tilre à lui-même, n’aurait pas le moindre prétexte <Je
croire être devenu le propriétaire de cette même chose.
T el serait pourtant le cas où se seraient trouvés les sieur et
dame Revanger, si la sentence de 1 7 1 7 était comme on vient de
la supposer. Elle serait évidemment leur ouvrage à eux seuls,
du moins dans la partie qui, comme conséquence de la main
levée , déclare la propriété incomniutable.
E n effet , si cette déclaration n’a pas spécifié que les sieur
et dame Revanger n’étaient propriétaires que jusqu’à concur
rence de ce qui leur appartenait , c’est qu'ils n ’avaient pas
mis en cause leurs co-propriétaires ; c’est qu’ils s’étaient présentés
comme les seuls débiteurs saisis , qui , comme tels, avaient
désiutéressé leurs créanciers. Ils ont donc trompé la religion
du tribunal p a rle u r propre fait; ils étaient seuls en cause sur
ce p o in t, leurs créanciers n’y étaient qu’en raison de la main
levée de la saisie , et encore pour cet objet , ils étaient sans
iutérèt , puisqu’ils avaient été payés.
O11
devrait donc , dans la supposition faite, en ce qui con
cerne la conséquence de la radiation de la saisie, regarder la
sentence de 1 7 1 7 , comme un jugement rendu sur requête,
sans contradicteur, et qui eït toujours considéré c o m m e 1 ou
vrage de celui qui l'obtient. Si d o n c , celui qui possède, dans
une certaine qualité, fait prononcer, par un pareil jugem ent,
que sa possession est à un titre différent, il sc change évidem
ment son titre à lui-même, sans le concours d’aucune autre
volonté; ce qui est absolument inefficace pour la prescriptiou.
E n vain dirait-011 que la volonté des juges est intervenue
�#
( 55 )
lors de la sentence de 1 7 1 7 , et qu’ainsi le changement
a eu lieu extrinsecùs accidente causa. Ils n’onl eu de
que pour statuer sur la m ain-levée de la saisie
parce que c’était le seul objet soumis à leur décision,
sur lequel il y avait légitimes contradicteurs.
de titre
volonté
réelle ,
le seul
A l ’égard de la conséquence résultant de celte décision , les
juges n’ont eu aucune volonté. Ce qu’ils ont déclaré leur a été
dicté, sans contradicteur, par les demandeurs; ils n’ont pas
porté une décision , ils ont seulement expliqué ce que devenaient
les biens après la radiation de la saisie. Cette explication était
donc l ’ouvrage des seuls demandeurs ; c’est véritablement un
titre qu’ils se sont fait à eux-mêmes , et qui , par conséquent,
est incapable de changer celui en vertu duquej ils possédaient.
Second moyen. Ce n est pas assez pour opérer lTnterversion
de titre , qu’une volonté étrangère ait consenti un litre nouveau
en faveur du possesseur -, il faut eucore que les véritables pro
priétaires , contre qui il s’agit de faire courir la prescription ,
a ie n t e u connaissance du changement^ arrivé dans la possession t
autrement, le nouveau titre est clandestin ; ce qui le rend in
capable de faire courir la prescription.
« La clandestinité , dit Dunod , est un obstacle à la prescrip» tio n , parce que celui qui se cache pour jouir en son nom ,
» est présumé de mauvaise foi : Clandestinum factum sem per
» preesumitur dolosum , loi pénultième , au Digeste pro socio.
L e même auteur dit que l’on est possessèur clandestin , quand
on fait une chose à l’insu de celui qui n’aurait pas manqué de
s'y opposer , 011 quand ou ne la lui a pas dénoncée , lorsqu’il
est intéressé à la connaître. Cette décision est tirée de la loi 3
§. 7 , au Digeste ; quod vi mit clùm. Elle est conçue en ces
�termes: Cliim f acere vicleri, Cassius scrib it , eum qui celavit
adversarium , neqiie ci denunciavit; si modo ejas timuit controversiam , a lit timere debuil.
La loi 6 au Digeste de adquircndd et amitt. possess. , porte
également que le possesseur clandestin est celui qui jo u it , à
l ’insu de la partie dont il craint l’opposition ; ignorante eo
quem sibi conlroversiarn facturum suspicabatur.
' D ’après ces autorités, Dunod cite pour exemple d’une in
terversion de titre, le cas où un fermier achète d’un autre que
de celui dont il tient son bai l , les héritages tenus à ferme- S ’il
fait connaître au véritable propriétaire le changement survenu
dans la possession, comme s’il refuse de payer le prix du bail ,
cl que le bailleur resic dans le silence , la prescription aura
son cours. De là il faut conclure q u e , si le fermier laissait son
bailleur dans l’ignorance du changement, la possession en vertu
du nouveau titre serait clandestine, et par conséquent clic serait
incapable d’efiectucr la prescription.
L ’application de ces principes incontestables se fait facilement
à l’espèce dont il s’agit. Supposons que la sçnlcncc de 1 71 7 ait
disposé par voie de décision, des portions qui appartenaient à
Claude Bernard Maréchal, au profil des sieur et dame Revanger,
même avec le concours d’une volonté étrangère à celle de ces
derniers. supposition évidemment gratuite, il n’eu sérail pas
moins vrai que ce nouveau titre serait intervenu à l’iusu de la
seule partie intéressée u s’y o pposer, puisque ni Claude-licrnard
M aréch al, ni sa veuve , ni ses enfans n’y ont été appelés. Cette
sentence serait un titre clandestin que les sieur et dame Uevanger
auraient obtenu, ignorante co quem sibi controversiam facturum
suspicabantur.
�« 1 7
C 57 >
Jam ais celte sentence n'a été mise à la connaissance des
parties intéressées, par les sieur et dame R evan ger, ni par leurs
descendans. Us sont toujours restés dans le cas du détenteur
clandestin , qui celavil adversarium , nçque ci denunciavit.
Ainsi la sentence de 1 71 7 , fut-elle ce qu'on la suppose ,
n’aurait jamais pu opérer une interversion de titre, parce quelle
est. toujours restée clandestine par rapport à CJaude-Bernard
Maréchal et à ses représentais. E l l e aurait donc élé constam
ment impuissante, pour changer la nature de la possession des
sieur et dame Revanger.
Cette possession, qui était originairement par in d ivis, et à tiire
précaire, n ’a éprouvé aucun changement, ni par la renonciation
de la dame Revanger aux successions de ses père et mère, ni par
l’ahandonnement consenti par scs frères, ni par la transaction
quelle a faite avec deux des créanciers, ni enfin par la main-levée
de la saisie réelle.
Les biens, et notamment la terre de R om p re, dont les sieur
et dame Revanger sont entres en possession à titre d indivision
et à titre précaire, sont passes a leur postérité dans le même état
des choses , par voie de succession, jusqu’à madame de Maistre.
Cette dernière , comme héritière des sieur et dame Revanger , n’a
pas d’autres droits queux sur les biens réclamés. Elle ne peut
pas opposer, plus qu’ils ne le pourraient eux-mêmes , la longue
possession, puisque la donation qui l’a commencée , est repré
sentée, et (pie, loin d’attribuer à la donnt.iirc la propriété des
biens reclamés, elle atteste que les auteurs de madame de Maistre
11c les ont possédés que par indivis, cl a titre précaire d’admi
nistrateurs.
Les actes qui ont suivi celte donation, it commencer de la re-
8
�it*
( 58 )
noncialion de la dame Revanger aux successions de ses père et
mere, jusqu’à la main-levée de la saisie réelle des biens indivis,
n’ont pas opéré l’interversion du titre originaire de la possession,
qui est restée constamment la même.
Délibéré à Paris ce 24 septembre 1 S 1 9 ,par les anciens avocats
soussignés.
P. L E P A G E .
B O U R R É E D E C O R B E R O tf.
MUMWWVVWVWV'JWKVm’.U\VWMM
V\WWHVU\VWVVWW\%
T / a n c i e k a v o c a t s o u s s i g n é , qui a vu i ° un acte de délaisse
ment fait par Claude Bernard Maréchal, le 27 mars 1694 ; 2°une
transaction du 10 décembre 1 697 ; 5' deux sentences des requêtes
du palais, des 25 novembre 1 7 1 7 et 5 o juin 1 7 1 8 ; un mémoire
à consulter pour M. et madame Van D u e rn e , contre INI. et
madame de iNlaisire, et la consultation délibérée, par M e* L e
page et Bourrée de Corberon , le 24 septembre 1 8 1 9 ; ainsi
qu’un mémoire imprimé pour M . et madame d e M a istre , signe
par Me. Mauguinj
E s t i m e , que les droits de madame Van Duerne sont parfai
tement établis dans la consultation délibérée par M*'. Lepage
r i Bourrée de Corberon , et que les moyens de droit développés
par ces jurisconsultes doivent assurer le succès de sa demande.
Toute la cause peut se réduire à deux questions de droit.
La première, l ’acte du 37 mars 1G94 est- i I un acte de vente, ou
seulement 1111 contrat d’ahamlnuncinnnt qui n’a pas irausftré aux
créanciers de Claude-Bernard Maréchal la propriété des im
meubles cédés, mais qui les a constitués simplement mandataires
dans leur propre chose , à l’ellct de vendre ces immeubles pour
«'il employer le prix au payement de leurs créances ? La seconde ,
si l’acte du 27 mars 1G94 ne peut pas être considéré comme
translatif de propriété à l ’égard des créanciers qui ont iiguré
dans l’acte : cette propriété peut-elle être établie, soit par les
actes postérieurs intervenus par suite et comme conséquences de
l ’acte du 27 mars 1G 9 , soit par -la longue possession des auteurs
�(59 )
de M. cl madame de Maistre depuis la dale de cet acte jusqu’à
c:e jou r?
•
S u r ¡a première question , le soussigné n’hésite pas à décider
que l’acte du 27 mars 1694 11/est point un contrat de vente d’im
meubles , ni même de droits successifs, mais un simple acte
d’abandonnement , qui 1111
dépossède le cédant } lequel a
conservé sur sa tête la propriété des biens, en constituant les
cessionnaires ses mandataires dans leur propre chose , a la
charge de r e n d r e compte. C’est ce que la consultation de M es. Lepafre et Bourrée de Corbcron a démontre jusqu a 1evidencc ; ou
ne^pourrait rien ajouter aux raisons solides et judicieuses don
nées par ces jurisconsultes , et que le soussigné adopte dans leur
entier. 11 se bornera à Jaire remarquer que le caractère prin- 1
cipal du contrat de vente , et sans lequel ce contrat ne peut pas
exister, est la stipulation d ’un prix qui soit l’équivalent de la
chose vendue. Sine pretio nul la venditio est .- L e g. 2 , §. 1 ,
f f . de conlrahcnd. em pt.; o r , . 011 ne trouve dans l ’aclc du 27
mars 1G94 aucune stipulation de prix , car on ne peut pas
considérer comme stipulation du prix la clause qui porte : « que
« le présent délaissement et abandonnempnt faits par ledit sieur
« de Bom pré, pour le prix et somme de quatre mille francs,
« q u e l e s d i t s premiers et derniers créanciers , tant pour eux que
« pour les autres , promettent lui payer , pur form e de gratiji« cation sur les biens de sesdits père et marc. »
D ’ab ord, cette clause se réfère non pas à une vente, mais
à un acte de délaissement et d’abandonnement fait par ClaudeBernard Maréchal ; eusnite les créanciers ne s'engagent pas pul'erncnt et simplement à payer au cédant celle somme de qua'rc
mille francs, et de leurs propres deniers, mais seulement sur
Ifls biens cédés et abandonnés ; c’est à-dire , qu’ils s'obligent, sur
le produit de la vente des biens , à payer à Claude-Bernard M a
réchal la somme de quatre mille francs avant de Jui rendre
leurs cou»pics de l ’emploi des sommes provenant de cette vente ,
et (pii étaient destinées à payer les créanciers.
11
est si vrai «pie, pur l’acte du 27 mars tC>g.{, l’ intention des
parties n’était [»as de transférer aux créanciers la propriété des
l»iens , que par une clause expresse de cet acte les saisies qui
«vaient été faites sur le cédant à la requête de quelques créanf ,'’i s , ont été formellement maintenues sur lui-m êm e, ce qui
�( 60)
est incompatible avec l’idée de la dépossession de Claude-ber
nard Maréchal , ou de la translation de la propriété à des
tiers.
,
E nfin, on ne pourrait pas même prétendre que le prix de la
vente faite par Claude-bernard ¡Maréchal était dans sa libération
envers les créanciers , car cette libération n’est aucunement sti
pulée; et que si le produit de la vente des biens abandonnés
avait été insuffisant pour payer les créanciers , ceux ci auraient
eu le droit de poursuivre leur débiteur, qui, par l’acte lui-même,
avait renoncé à faire usage de toutes lettres d’état ou de répit
qu ’il aurait obtenues , ou qu’il pourrait obtenir dans la suite.
S u r la seconde question , le conseil soussigné estime , que les
actes postérieurs à l'acte du 27 mars 1694 , et particulièrement
la transaction du 10 décembre 1697 , et les sentences des requêtes
du palais, des 25 novembre 1 7 1 7 et 3o juin 1 7 1 8 , ne peuvent
être considérés comme des titres nouveaux et sans connexité
avec l’acte primitif du 27 mars 4
19
6
ces actes se réfèrent tous
à un contrat d’abondonnement, et n’en sont que les conséquences;
o r , si le contrat d’abandonnement ne transfère pas la propriété,
si le cédant continue à rester propriétaire , il ne cesse pas de
l’être par des actes qui ne sont que des modifications , des suites
du contrat d’abandonneme n t , et qui n’ont pu lui enlever le droit
de demander compte du mandat qu’il a donné par ce contrat.
Qua nt a la possession des auteurs de M. et madame de Maistre,
cette longue possession , qui serait plus que suffisante pour leur
avoir acquis la prescription, si elle n’avait commencé par un
titre; vicieux et qui ne pouvait servir de fondement à la pres
cription , ou, si la cause de cette possession vicieuse avait pu être
légalement changée ou intervertie, elle ne peut pas protéger et
couvrir les possesseurs actuels p a r les raisons qui ont été déduites
dans la consultation délibérée par M '1. Lepage et B ourrée de
C orberon. , et auxquelles le soussigné se réfère.
Délibéré à Paris p a r le jurisconsulte soussigné, ancien a v o c a t
à la cour de Cassation , le 17 avril 1820.
G . DARD.
d e l 'i m p r i m e r i e s t é r é o t y p e d e L a u r e n s a i n é r u e d u p o t d e f e r n 1 4
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Van Duerne. 1820?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Lepage
Bourrée de Corberon
Dard
Subject
The topic of the resource
successions
renonciation à succession
mort civile
créances
coutume du Bourbonnais
abandonnement
séquestre
saisie
prescription
longues procédures
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire à consulter, pour monsieur et madame Van Duerne, appelans ; contre monsieur et madame de Maistre, intimés. [suivi de] Consultation.
Table Godemel : Abandonnement : l’acte par lequel un débiteur a cédé et délaissé à ses créanciers les droits qui lui revenaient dans une succession, ne peut être considéré comme un simple abandonnement ne transmettant aucun droit de propriété aux créanciers si l’abandon ne comprend pas tous les biens affectés au payement des créances, et s’il n’a pas été fait aux créanciers avec la faculté de vendre les biens délaissés.
un pareil acte est une véritable vente ou cession de droits successifs, surtout lorsqu’il est stipulé un prix, quoique pour forme de gratification, et qu’il est convenu que tous meubles et immeubles, autres qu’un objet expressément réservé appartiendront aux créanciers cédataires.
les représentants du débiteur cédant ne peuvent attaquer cet acte, exécuté comme vente et cession pendant un très grand nombre d’années. Tierce-opposition : 4. une tierce-opposition doit-être formée par requête. Elle n’est recevable qu’autant qu’elle a été régulièrement formée dans les trente ans de la date des jugements attaqués.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Laurent Aîné (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1820
1692-1820
1661-1715 : Règne de Louis XIV
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
60 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2522
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2523
BCU_Factums_G2524
BCU_Factums_G2525
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53508/BCU_Factums_G2522.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Tournai (Belgique)
Bayet (03018)
Barberier (03016)
Bompré (château de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abandonnement
coutume du Bourbonnais
Créances
longues procédures
mort civile
prescription
renonciation à succession
saisie
séquestre
Successions
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53492/BCU_Factums_G2506.pdf
5e71d9a8dd1c16f25591efdff1a820e8
PDF Text
Text
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MEMOIRE
COUR R OYALE
d e ri om .
EN RÉPONSE,
P o u r dame Marie-Sophie L
an g heac
I T® CHAMBRE-
de
M
o n tlo g is
,
procès par é c ri t
religieuse, habitante de la ville d’Aurillac: Marie- s—
^
.
M. Tassin de VillepionJ
Judith L a n g h e a c , veuve de sieur P i a l e s ; Marierapporteur.
Honorée L a n g h e a c - L i g n a c , toutes deux propriétaires,
habitantes du lieu et commune de Viviers , sieur
B rassat- M
urat
, docteur en médecine, et autres,
A p p e la n s ;
C o n t r e s ie u r F é l i x V a l e n t i n
p r o p r ié t a ir e , et la
d a m e S o p h ie -M a rie N o u v e a u , son épou se , d e lu i
autorisée
héritière , sous b én éfice d ’in ven taire ,
d e s ie u r Jo s e p h - A y m a r d N o u v e a u , son o n cle /
lesd its m ariés V a l e n t i n habitans d u lieu et c o m
m une d e C a lv in e t , In tim és ;
EN P R É S E N C E
De
s ie u r
P ie r r e -A n t o in e
C a p e lle -P e u c h -Je a n ,
et d es d e m o ise lle s S o p h ie et M a r ie C a p e l l e , f r è r e
et sœ urs
habitans d e la v i l l e d ’A u r i l l a c , héritiers
de M e A n to in e C a p e l l e , le u r p è r e , a u ssi Appelans.
L
es sieurs et dames de Montlogis n’ont dans la cause
qu un intérêt secondaire. Leurs droits sont subordonnés
à la décision d’ une question importante qui s’agite
entre les héritiers Capelle et les époux Valentin.
C est sur l'interprétation et l’effet d’une donation
�( » )
portée par 1111 contrat de mariage du 23 septembre 1 786,
que roule la difficulté principale.
Les héritiers de l ’époux réclament les biens donnés,
comme donataires directs dans un cas prévu, et qui
est arrivéLeurs adversaires présentent la condition comme
une substitution que les lois nouvelles ont abolie.
S ’ il n’y a pas de substitution, les sieurs et dames
de Montlogis n’auront aucun droit aux biens compris
dans la donation.
Au contraire , s’il y a substitution , une portion
des biens donnés, portion faible, il est v ra i, doit leur
appartenir.
Cependant ils ne prendront aucune part à la
discussion de cette question.
L ’intention connue de la donatrice ne leur permet
pas de s’élever contre les droits des héritiers Capelle.
Cette intention , manifestée dans une transaction
du 20 décembre 17 9 1 , exprimée de nouveau devant
les premiers juges, leur impose le devoir de s’en rap
porter à droit sur l ’objet principal , et d’examiner
seulement quelques questions subsidiaires.
Leur examen ne peut être ni long ni difficile.
Faire ajouter au jugement une disposition que l ’inat
tention seule a pu omettre, et réfuter deux prétendus
griefs, incidemment présentés par les époux Valentin :
tel est le but que se proposent les sieurs et dames de
Montlogis.
FA IT S.
Il serait inutile de retracer avec détail des faits que
l’on trouve dans deux mémoires déjà publiés. Les
�• .t
<»>
v
sieurs et dames de Montlogis ne rappelleront que ceux
qui se rattachent au développement de leurs droits.
On sait que la dame Marie-Judith Langheac de
Montlogis, leur sœur ou leur tan te, avait épousé le
sieur Capelle : le contrat de mariage est du 23 sep
tembre 1786.
L a future se constitua personnellement tous ses
biens présens et à venir. Les biens présens consistaient
en une somme de 10,000 liv. , due k la future pour
ses droits légitimaires paternels et maternels.
Au contrat intervint la dame Judith Langheac de
Montlogis, une des appelantes. Cette dame, qui était
alors veuve du sieur Jalinques, et qui depuis a épousé
le sieur M u râ t, répandit sur les deux époux des bien- faits qui sont devenus la source de la contestation
actuelle.
Le sieur Capelle décéda le i 5 janvier 1794*
U n inventaire fut dressé le 17 février et les jours
suivans, entre la veuve Capelle et le tuteur des enfans
mineurs du défunt.
Dans l’ inventaire sont détaillés divers objets mobi
liers dépendant de la succession Capelle ; certains
meubles réclamés par la veuve, comme sa propriété
particulière-, plusieurs livres-journaux du défunt-, des
papiers qui lui appartenaient, et un grand nombre de
titres, notamment ceux de diverses créances comprises
dans la donation faite eu 1786.
L ’année suivante , la veuve Capelle épousa en
secondes noces le sieur Nouveau.
Dans leur contrat de mariage, en date du i!\ fri-
�(4 )
maire an 3 , elle lui donna, en cas de survie, la
propriété et la jouissance d e s d o m a in e et en clo s d e la
Rouc/uette et d é p e n d a n ce s.
Mais comme ce domaine était un des objets donnés
par la dame M urât, en 1 7 8 6 , la veuve Capelle, incer
taine si elle en était propriétaire, prévit le cas où elle
ne pourrait en disposer; et, dans ce cas, elle fit don
au sieur Nouveau de ses autres biens meubles et
immeubles.
Dans la suite diverses contestations s’élevèrent entre
la dame Nouveau et les héritiers Capelle.
Alors on exam ina principalem ent h. qui devaient
appartenir en propriété les biens donnés par la dame
M u râ t, dans le contrat de mariage de 1786. Des
mémoires respectifs furent publiés. Dans celui des
héritiers Capelle, on invoqua l ’intention de la dame
M u rât, et l’on s’en référa à l ’attestation même de
celle-ci, pour dém ontrer q u ’en vou lan t que les biens
donnés
fussent a c q u is
au s ie u r
C a p e lle
ou
à ses
h éritiers , elle n’avait pas entendu les leur attribuer à
titre de substitution iidéi-commissaire.
Si elle eût été appelée en cause a lo rs, la dame
Murât eût été prête à dire la vérité toute entière y
même contre l’intérêt de sa propre sœur.
Depuis, son intérêt personnel n’a pu l’engager à la
dissimuler.
La dame Nouveau décéda le G avril 1 8 1 5 , laissant
pour héritiers des neveux et plusieurs sœurs, l ’une
desquelles était la dame de Murât elle-même.
11 fut fait, le 2 octobre i 8 i 5 , et les jours suivans,
�H
( ' >
en présence du sieur Nouveau, du sieur Capelle et de
la dame Judith Langheac de Montlogis,' un inventaire
descriptif du mobilier qui existait dans les biens
qu’avait possédés la dame Nouveau. On allait com
prendre dans l ’inventaire les divers titres de créances
et tous les papiers, lorsque le sieur Capelle et la
demoiselle de Langheac déclarèrent qu’ il était inutile
d ’en Taire un second inventaire, « d ’a p rès les o ffres
« présentem ent f a it e s par le sieur Nouveau, de faire la
« représentation de tous les titres d e cré a n ce s et
« p a p ie rs énoncés au premier inventaire, par nous
« fait au décès de feu sieur Capelle, et de justifier de
« l ’emploi des créances par lui levées et perçues, et
« de représenter tous les autres titres et p a p ie i's en
« nature. »
Telles sont les expressions même des offres faites par
le sieur Nouveau.
Les titres de créances et les papiers ne furent donc
pas inventoriés.
Cependant le sieur Nouveau assigna en reprise
d’instance les héritiers naturels de son épouse.
Au nombre de ces héritiers était la dame de Murât,
qui avait fait la donation portée au contrat de mariage
de 1786.
Cette donatrice connaissait mieux que personne les
intentions qui avaient dicté ses bienfaits. Elle savait
qu elle avait entendu donner au sieur Capelle et à ses
enfans'j et, dans cette conviction, réunie à s e s cohéri
tiers , elle s était contentée de la dot que sa sœur
s c ia it personnellement constituée en 178G, et de celle
*v»
{¿ fc
�I f 'k
( 6 )
qu’elle avait elle-même apportée au sieur Jalinques,
son premier m ari; (lots dont le sieur Capelle père
s’était chargé, et dont sa succession était par consé
quent débitrice-, dots sur lesquelles elle traita avec les
enfans Capelle.
Ces arrangemens, faits dans la pensée qu’il n’y
avait pas de substitution, et que les héritiers Capelle
étaient seuls propriétaires de tous les biens donnés en
1 7 8 6 ; ces arrangemens furent suivis d ’une déclaration
que la loyauté commandait.
D an s une écritu re signifiée le 18 novembre 1 8 1 6 ,
la dame de M u râ t et ses cohéritiers reconnurent les
droits des héritiers Capelle a u x biens p ro ven a n t d e la
su ccessio n J a lin que s , et f a is a n t p a rtie d e la donation
p o rtée p a r le con trat d e
m a ria g e d u
23
septem bre
1786.
Ils déclarèrent que leur seul intérêt était de se f a i r e
restituer les som m es apportées en d o t 3 soit p a r la d a m e
M u r â t 3 soit p a r la d a m e N o u v e a u , et reçu es p a r
leu rs p re m ie rs m a ris; m ais q u à cet é g a r d , le sie u r et
les d e m o ise lle s C a p e lle le u r en avaien t f a i t raison .
Ils en tiraient la conséquence qu’ ils devaient être
mis hors de cause.
Cette déclaration fut spontanée. Elle ne fut refFct
d’ aucune impulsion. L a vérité seule la d icta, quelque
favorable qu’elle put être aux héritiers Capelle.
Cependant le sieur Nouveau voulut en profiter,
pour s'affranchir de l ’obligation de rendre compte des
biens de la défun te, et notamment pour rétracter
�l'offre qu’il avait faite dans l'inventaire du 23 octobre
1 8 1 5.
Cet étrange système ^ proposé dans une écriture
du 26 avril 18 1 7 , fut repoussé par les héritiers de la
dame Nouveau, dans une réponse signifiée le G août
suivant.
Les sieur et dame de Montlogis firent observer
« qu ’il ne pouvait plus être question de leur mise hors
« de cause, dès que la déclaration qu’ ils avaient faite
« pouvait tourner au profit du sieur Nouveau , contre
« leur volonté hautement manifestée depuis long« tems. »
E n . .conséquence , ils demandèrent que le sieur
Nouveau fut condamné « à se désister en leur faveur,
« ou en celle des sieurs et demoiselles Capelle , de
* « tous les biens immeubles possédés par la dame
« Nouveau à son décès, provenant principalement de
« la succession Jalinques;
« Qu’il fût aussi condamné à leur remettre :
« i° Le mobilier existant à la Rouquette, au décès
« de la dame Nouveau, leur sœur et tante, constaté
« par les inventaires des 7 février 1794 5 et 2 octobre
« 18 15 ;
« 20 Les cheptels de la réserve et des domaines de
« la Borie-Basse , outils aratoires et autres objets
« mobiliers existant dans lesdits domaines et réserves,
« aussi d’après les susdits inventaires}
«
A représenter et remettre tous les titres de
« créances, papiers, livres-journaux , et documens
« appartenant à la succession Jiüinques, et par exprès
�KQ&
( 8)
«j ceux énoncés en l ’inventaire du 7 janvier 17 9 4 ; k
« justifier de l ’emploi des créances par lui perçues et
« levées, le tout en exécution de l!obligation qu’il a
« contractée dans le procès-verbal du 2 octobre i 8 i 5 ;
« à rendre ' compte de)( toutes les autres sommes non
« portées audit inventaire de 1794? appartenant k la
« succession Jaliuques. »
On voit que, par les conclusions que l ’on vient de
transcrire, la dame de Murât et ses cohéritiers deman
daient que les condamnations fussent prononcées en
faveur des héritiers Capelle; la raison en fut qu’ils
connaissaient le vrai caractère de la donation de 178G,
et l ’intention qui l’avait dictée.
Cette intention que la dame de Murât pouvait
d’autant moins méconnaître , qu’elle avait été la
donatrice; cette intention qu’elle avait exprimée for
mellement dans le traité de 1 7 9 1 , a dû être aussi
manifestée par elle, dès qu’elle a été appelée dans la
cause.
Les sieurs et dames de Montlogis lui rendront un
nouvel hommage, en répétant que leurs intérêts n’ont
rien d ’opposé à ceux des héritiers Capelle; que s’ils
ont rèr.u
de ceux-ci la restitution des deux dots,' c’est
s
parce qu’elles 11’étaient pas comprises dans la donation
éventuelle faite au sieur Capelle ou k ses héritiers ( 1) ;
( 1 ) L ’ une de ces dots appartenait à la (lame Nouveau ; elle était de
10 ,0 0 0 fr. L ’autre était celle <le la dame de M u r â t; elle ne s’élevait
qu’à 3000 fr. E lle en fit don pur et simple à sa s œ u r , par le contrat de
mariage même de 17 8 6 .
�(
9
)
et que s’ils réclament aujourd’hui de plus grands
droits, c’est en faveur des héritiers Capelle, auxquels
seuls ils entendent que ces droits soient attribués,
comme faisant partie des biens qui leur étaient donnés '
conditionnellement.
Les mêmes conclusions furent prises lors du juge
ment contradictoire du 3 i décembre 1 8 1 7 .
L e tribunal décida la question principale en faveur
du sieur N o u v e a u , et lui attribua en conséquence la
propriété du domaine de la Rouquette et de ses dépen
dances; mais il jugea en principe, par les motifs du
jugement , que les bestiaux et
les outils aratoires
n’ étaient pas compris dans le don d ’ immeubles que lui
avait fait son épouse.
L e dispositif condamne le sieur Nouveau « h resti« tuer aux sieur et demoiselle C apelle, ou aux héri« tiers naturels de son épouse, tous les meubles
« meublans qui garnissaient le château de la Rouquette
« au décès du sieur Capelle, compris dans l ’inventaire
«
«
«
«
de 1794? ainsi que ceux qui avaient été délaissés
par la dame Murât à sa sœur, distraction faite de
ceux qui avaient été remis au sieur R e y, tuteur des
enfans Capelle •,
« E t vu les offres faites par lui dans l ’ inventaire
» de 1 8 1 5 , et acceptées par les héritiers de son épouse,
« de représenter tous les titres et papiers compris dans
<i 1 inventaire de 17 9 4 ? de justifier de l ’emploi des
« créances par lui levées et perçues, et de représenter
« tous les autres titres et papiers en nature,
« Le tribunal le condamne à faire ladite représen-
�«
«
«
«
tation et remise, ou à faire raison aux sieur et
demoiselles Capelle, ou aux héritiers de la dame
Nouveau, du montant des titres qu’il ne représentera pas. »
Le dispositif est d’ailleurs muet sur les bestiaux et
outils aratoires, que les motifs attribuaient cependant
aux héritiers de la dame Nouveau.
Ceux-ci ont interjeté appel de ce jugement, par
exploits des 12 féyrier 1 8 1 8 , et 9 mars suivant.
Ils ont demandé l ’adjudication des conclusions qu ’ils
avaient prises en première instance.
L e sieur Nouveau a interjeté lu i-m êm e un appel
in c id e n t, dont les griefs sont développés dans son
mémoire imprimé.
L ’appel principal a pour but de faire dire que tout
le mobilier qui s’est trouvé dans le château de la
Rouquette et dans les domaines dépendant de la suc
cession Jalin q u es, sera attribué aux héritiers de la
dame Nouveau , sous l ’exception seulement des objets
que le sieur Nouveau a lui-même achetés.
Il tend aussi à faire exprimer que les bestiaux et
les ustensiles aratoires seront considérés comme faisant
partie du mobilier.
Par son appel incident, le sieur Nouveau a demandé :
i° Que les bestiaux fussent déclarés une dépendance
des immeubles donnés au sieur Nouveau , dans son
contrat de mariage du 14 frimaire an 3 .
, 20 Que le sieur Nouveau fut affranchi de l ’obligation
à laquelle il s’élait soumis par l’inventaire de 18 1 5 .
�( 11 )
L ’examen des deux
appels présente trop peu de
difficultés, pour exiger de longues réflexions.
S I er.
A P P E L P R IN C IP A L .
Quel est le mobilier que doit remettre le S r Nouveau >
E n épousant la veuve C ap elle, le sieur Nouveau
est venu habiter dans le château de la Rouquette,
dont celle-ci était en possession.
»
Ce château était garni de mobilier.
Les domaines qui en dépendaient, et les autres
domaines dont jouissait la veuve Capelle , étaient
aussi garnis de meubles, d’instrumens d’agriculture,
et de bestiaux.
L a consistance des divers objets q u i , par le second
mariage de la veuve, passèrent en la possession du
sieur Nouveau, pourrait être en grande partie déter
minée par l ’inventaire du
29 pluviôse an 2 , ou
17 février 1794*
Mais il se pourrait aussi que, dans l ’intervalle delà date
de cet inventaire à celle du second m ariage, d’autres
objets mobiliers eussent été placés par la dame Capelle
dans ses domaines.
r
O r, le second mariage est seulement du 14 frimaire
an 3 j et le sieur Nouveau ne prit alors aucune précau
tion pour faire constater ce qui lui était remis.
Dans de telles circonstances, 011 doit lui appliquer
une règle d’équité et de justice, qui est élémentaire
en droit, savoir : (jue tout le mobilier q u i , au' décès
�de la clame Nouveau, s’est trouvé dans les bâtimens
qui lui appartenaient, est présumé lui avoir aussi
appartenu, et doit être compris dans la masse de sa
succession.
Le principe est enseigné par M. Chabrol, sur l ’art. 4
du chapitre 12 de la coutume d ’Auvergne (tome i er,
page a 5 3 ). L ’auteur l’applique non-seulement aux
bestiaux, mais aussi au mobilier ordinaire.
1
« S i , la femme étant héritière, dit-il, le mari avait
« été demeurer dans sa maison, qu’il aurait trouvée
« meublée, le fonds de ce mobilier serait réputé
« appartenir à la femme , et le m a ri ne p o u rra it
« re tire r que les m eu b les q u ’il p ro u v e ra it avoir
« apportés ou acquis . »
M. Chabrol atteste sur ce point la jurisprudence
de la sénéchaussé d’Auvergne. Celle de la Cour y a
toujours été conforme, lorsque l’occasion s’est présentée.
Cependant les premiers juges n’ont condamné le
sieur N ou veau q u ’à la restitution des meubles meublans 3 compris dans l ’inventaire de 1794*
Ce n’est sans doute que par inattention, qu’ils n’ont
pas généralisé la disposition, en condamnant le mari
à rendre non-seulement les meubles meublans existant
en 17 9 4 , mais aussi tous les autres objets mobiliers
alors existant y de quelque nature qu’ils fussent5 mais
encore tout le mobilier qui s’est trouvé dans les bâti
mens, lors du décès de la femme, sous la seule excep
tion de ceux que le sieur Nouveau prouverait avoir
acquis pendant le mariage.
. Cette omission doit être réparée par la Cour.
�( i3 )
On conçoit que les observations que l ’on vient de
faire s’ appliquent aux bestiaux et aux outils aratoires,
sur lesquels le dispositif du jugement est muet.
Ce silence n’est sans doute que l ’eifet de l ’oubli j
car les motifs du jugement déclarent que les bestiaux
et les outils aratoires doivent appartenir aux héritiers
de la dame Nouveau. Aussi le sieur Nouveau a-t-il
considéré ce point comme jugé, puisqu’il en a fait un
des objets de son appel incident.
:
Cependant il est bon que l ’arrêt ajoute au jugement
une disposition formelle, qui puisse prévenir des
difficultés ultérieures.
Les sieurs et dames de Montlogis se borneront à ces
courtes observations, pour justifier leur appel prin
cipal.
L ’appel incident est facile à repousser.
§ II.
A P P E L IN C ID E N T .
Cet appel est fondé sur deux griefs :
L ’un relatif aux bestiaux et aux outils aratoires;
L ’autre ayant trait aux titres, papiers et créances
que le sieur Nouveau avait offert de représenter.
Pour justifier le premier grief, le sieur Nouveau fait
remarquer (pages 100 et 10 1 de son mémoire)
Que son épouse lui donna, par leur contrat de
mariage de frimaire an 3 , « les domaines et enclos de
« la Rouquette et dépendances........... •
« Que le mot domaine, employé dans sa significa» tion commune , ne saurait permettre même k la
�( *4 )
« pensée de séparer les bestiaux du labour des terres
« labourables-,
« Que le mot dépendances ne pouvait s’appliquer
« qu ’aux bestiaux ;
« Que la dame Nouveau l ’avait reçu de sa sœ ur,
« qu ’elle l ’a livré de même au sieur Nouveau. »
Ces diverses raisons sont peu solides.
On pourrait même se dispenser d’y répondre •, car le
sieur Nouveau prend soin de se réfuter lui-même, en
convenant qu ’autrefois , avant le Code c i v i l, on ne
connaissait pas les immeubles p a r destination.
C om m en t donc alors des objets mobiliers au raien t-
ils pu- être considérés comme une dépendance d’un
immeuble ?
Si les bestiaux, les ustensiles aratoires, sont aujour
d’ hui réputés dépendre des immeubles, c’est unique
ment parce que le Code civil (article 52 4) les a déclarés
im m eubles p a r d estin a tio n .
Auparavant , ils n’en dépendaient pas davantage
que les meubles meublans ne dépendaient du château
de la Rouquettej observation consignée dans l’un des
motifs du jugement, et à laquelle le sieur Nouveau a
cru superflu de répondre.
On lui a fait aussi remarquer que le sieur Jalinques,
premier mari de la dame M u râ t, en laissant à la
dame de Gironde la jouissance du domaine d ’AyrollesY ieilles, léguée à celle-ci par le père Jalinques, l ’avait
privée des cheptels et des ustensiles aratoires, parce
q u ils n avaient pas été nommément spécifiés dans le
�(•5 )
legs. Cet exemple de famille n’a pas excité l'attention
du sieur Nouveau.
Mais s’il le croit nécessaire, qu ’il consulte tous les
auteurs anciens, et tous les recueils de la jurisprudence
antérieure au Code civil $ il y verra qu’autrefois on ne
considérait jamais comme donnés, ni même comme
vendus avec un corps de domaine, les bestiaux et les
instrumens d’agriculture qui y avaient été p l a c é s à
moins qu’il ne fût expressément déclaré dans l ’acte
qu’ ils étaient donnés ou vendus (i).
L a Cour a jugé la question en thèse, par un arrêt
du 22 janvier 1 8 1 9 , rendu pour la famille Veyni. Le
père du marquis de Veyni l ’avait institué, par testa
ment du 9 août 1767 , héritier universel de tous ses
biens de droit écrit, et légataire du quart des biens
de coutume. L e testateur était domicilié à C lerm on t,
pays de droit écrit. L a Cour lui a attribué les bestiaux
qui servaient a la culture de plusieurs domaines situés
dans le territoire des coutumes d’Auvergne et de
Bourbonnais.
« L a Cour a considéré que par leur nature les
« bestiaux sont meubles \ que l’esprit général des
« coutumes les considérait comme meubles ; qu ’à la
«< vérité un petit nombre de coutumes les regardaient
« comme immeubles par destination, mais qu ’on ne
(1)
On peut consulter notamment M azuer, au titre des Successions;
Latliaum assière, sur la coutume de B erry , titre 4 , page 10 6 ; A u r o u x ,
sur l ’article a 85 de la coutume du Bourbonnais ; M e r l i n , au mot
b e stiau x, u° 4»
^
*
�( >G )
trouve point une disposition de ce genre dans les
coutumes d’Auvergne et de Bourbonnais; que par
conséquent, sous l ’empire de ces coutumes , les
bestiaux qui garnissaient les domaines et servaient à
la culture, conservaient leur qualité de meubles;
que cette espèce de biens, en quelque lieu qu ’ils
fussent situés^ était régie par la loi du domicile du
défunt ; que' le marquis de Yeyni père était domi
cilié dans un pays régi par le droir écrit; que dèslors les bestiaux, même existant sous les coutumes
d ’Auvergne et de Bourbonnais, appartiennent exclu
sivement au marquis de Y e y n i, héritier universel*
du mobilier de son p è re ; que l ’on ne peut invoquer
la disposition du Code civil , qui considère ces
bestiaux.comme immeubles par destination, parce
que ce serait donuer à cette disposition un effet
rétroactif. » .
-,
Ainsi la Cour a cru qu’ il, lui était permis de
S ép a rer las b e stia u x d u la b o u r des terres la b o u r a b le s ,
et de ne pas regarder les b e stia u x co m m e une d é p e n
d a n c e d e s d om ain es.
Il est à croire que la Cour se donnera encore une
semblable permission.
Les dépendances d’un corps immobilier ne peuvent
être que des objets de même nature , c’est-à-dire ,
immobiliers comme la chose principale; par exemple,
des héritages détachés qui ont été réunis au domaine.
L e sieur Nouveau’ a présenté largement cette idée
devant les premiers ju ges; il s’est fait attribuer,
comme d é p e n d a n c e s d u d o m a in e et d e l ’e n clo s d e la
�(
*7
)
des héritages qui étaient attachés à la ré
serve du propriétaire, et dont la donation ne parlait pas.
L a dame Nouveau avait re çu , dit-on , le domaine
R o u q u ette,
garni de bestiaux ?
Mais on ne fait pas attention que sa sœur lu i‘ avait
donné non-seulement les biens immeubles, mais aussi
tous les biens meubles, sous quelques réserves qui ne
s’appliquaient pas aux bestiaux ?
Qu’y a-t-il de semblable dans le don fait au sieur
Nouveau? L a comparaison n’est pas heureuse.
C ’est trop sans doute s’arrêter à l’examen d’un grief
futile.
. !
Passons au second chef de l’appel incident.
On se rappelle que, lors de l ’inventaire du 2 octobre'
i 8 i 5 , au moment où l ’on allait faire la description
des titres de créances et des papiers qui se trouvaient
dans la maison où était décédée la dame Nouveau, le
sieur Nouveau, pour éviter cette m esure, offrit de
f a i r e la représentation d e tous les titres d e créa n ces
et p a p ie rs én on cés au p r e m ie r in ven taire , f a i t
au
d é c è s d u sie u r C a p e lle ; d e ju s t ifie r d e l ’e m p lo i des
créa n ce s p a r lu i levées et p e rç u e s 3
s e n t e r
t o u s
l e s
a u t r e s
t i t r e s
e t
e t
d e
r e p r é
p a p i e r s
EN
n a t u r e .
Cette offre formelle empêcha le second inventaire.
Aujourd’ hui qu’ il a obtenu l ’avantage qu’il se pro
posait, le sieur Nouveau voudrait éluder l’exécution
de son offre.
Les pretextes ne lui ont m anqué, ni en première
instance, ni en cause d’appel.
3
�Il (lisait, devant les premiers ‘ juges, que l ’offre
n’avait été faite qu ’aux demoiselles de Montlogis; que,
si le sieur Capelle avait assisté à l ’inventaire, c’était
seulement en qualité de procureur fondé; que, les
demoiselles de Montlogis ayant déclaré être sans intérêt
dans la contestation ,i l ’offre devait disparaître, parce
qu’elles seules et non le sieur Capelle pouvaient exiger
qu ’elle fut remplie.
Il ajoutait que la veuve Capelle avait reçu beau
coup de créances pendant son veuvage , en avouant
cependant qu’il n’avait pas encore découvert ce qui
lui avait été payé (i). '
Il reconnaissait néanmoins avoir touché lni-même,
savoir, en assignats, une somme de 24,898 fr. 90 c .,
et, en numéraire, une somme de 2 2,39 4 fr. (2).
L a première objection est futile; car, en supposant
que les sieur et demoiselles de Montlogis eussent cédé
leurs droits au sieur C apelle, celui-ci devait être au
torisé à exercer toutes les actions des cédans. Mais les
demoiselles de Montlogis conclurent elles-mêmes à*
l’exécution de l ’offre : le prétexte dut alors disparaître.
Aujourd’hui le gieur Nouveau se réduit à une hy
pothèse.
S ’il prouve, dit-il, par des quittances, que la dame
Nouveau avait reçu, avant son convoi, certaines des
créances, il aura rempli son obligation.
( 1 ) V o i r , dans le dossier d u sieur N ou veau , une écriture signifiée
le aG avril 1 8 1 7 .
(2) V oir la môme écriture.
,
�(
)
L e sieur Nouveau, au reste, s’embarrasse peu de
prouver- Il ne rapporte aucune quittance. Son but est
donc d’obtenir la permission de faire des preuves quand
bon lui semblera, c’est-à-dire d’embarrasser de diffi
cultés futures la liquidation et les comptes.
N ’est-ce pas se jouer de la justice, que de demander
à rétracter ou à restreindre une offre solennelle, une
offre acceptée, sans chercher même à en démontrer
l ’erreur ?
M ais, produisit-il des quittances de son épouse, le
sieur Nouveau ne serait pas affranchi de l ’obligation
qu ’il a contractée par son offre ; car la dame veuve
Capelle n’était pas une dissipatrice-, et si elle a touché
quelques sommes pendant son court veuvage, elle a
dù les remetti’e au sieur Nouveau ; celui-ci en aurait
donc profité, et par conséquent il en doit compte.
Ces faits auraient été éclaircis lors de l ’inventaire
de 1 8 1 5 , si le sieur Nouveau eût laissé faire la des
cription des titres et des papiers. On eut trouvé peutêtre, ou des notes de la main de la dame Nouveau,
ou quelque état sous seing privé, constatant ce que
le sieur Nouveau avait reçu d’elle au moment du
convoi, et remplaçant l ’inventaire qu ’aurait dù faire
alors le sieur Nouveau. Celui-ci avait intérêt que rien
ne fût connu. Cet intérêt le détermina à offrir la
représentation de tous les papiers et des titres de
créances énoncés dans l’ inventaire de 179/j , ou à
rendre compte de leur valeur. L ’offre doit être rem
plie intégralement, parce que les choses ne sont plus
dans le même état où elles étaient en 1 8 1 5 ; parce
�( 50 )
q u ’il serait impossible aujourd’hui de rien vérifier, et
parce qu’il serait injuste d’abandonner les héritiers
Montlogis à la discrétion du sieur Nouveau ou de ses
représentans.
L e second grief est donc aussi illusoire que le
premier.
E t ne doit-on pas s’étonner de cet appel incident?
Ne sem blait-il pas que les époux Valentin avaient
^ obtenu auprès du tribunal de première instance un
succès assez brillant pour en être satisfaits? Ne devaitil pas leur suffire d’avoir fait adopter une interpré
tation rigoureuse et forcée, et d’avoir été déclarés ,
contre l ’ intention de la dame de M u r â t , propriétaires
de biens considérables, que la donatrice avait destinés
aux héritiers Capelle?
L ’appel incident, hasardé peut-être pour faire
diversion à l’objet important de la cause, sera facile
ment apprécié par la C o u r; et si, dans sa sagesse ,
la C o u r pensait q u ’ il y a substitution, au moins
n’ hésiterait-elle pas à repousser les griefs chimériques
de la dame V alentin, et à rectifier ou à expliquer le
jugement, en la condamnant à restituer les bestiaux,
les ustensiles aratoires, et en général tout le mobilier
compris, soit dans l'inventaire de 1 7 9 4 , soit dans
celui de 1 8 1 5 .
Me M A R I E , Licencié-Avoué.
RIOM , IM PR IM E R IE DE SALLES , PRÈS LE PALAIS DE JU S T IC E .
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Langheac de Montlogis, Marie-Sophie. 1819?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Marie
Subject
The topic of the resource
donations
contrats de mariage
fideicommis
pensions viagères
renonciation à succession
assignats
élevage bovins
immeubles
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse, pour dame Marie-Sophie Langheac de Montlogis, religieuse, habitante de la ville d'Aurillac ; Marie-Judith Langhéac, veuve de sieur Piales ; Marie-Honorée Langhéac-Lignac, toutes deux propriétaires, habitantes du lieu et commune de Viviers ; sieur Brassat-Murat, docteur en médecine, et autres, appelans ; Contre sieur Félix Valentin, propriétaire, et la dame Sophie-Marie Nouveau, son épouse, de lui autorisée, héritière, sous bénéfice d'inventaire, de sieur Joseph-Aymard Nouveau, son oncle ; lesdits mariés Valentin habitans du lieu et commune de Calvinet, intimés ; En présence de sieur Pierre-Antoine Capelle-Peuch-Jean, et des demoiselles Sophie et Marie Capelle, frère et sœurs, habitans de la même ville d'Aurillac, héritiers de maître Antoine Capelle, leur père, aussi appelans.
Table Godemel : Bestiaux : Pour l’ancien législateur, les bestiaux attachés à la culture et les instruments aratoires n’étaient pas nécessairement considérés comme immeubles par destination, et accessoires du domaine. – ainsi, ils ne faisaient point partie de la donation du domaine, s’il n’y avait clause expresse et spéciale. Instruments aratoires : sous l’ancienne législation, les bestiaux attachés à la culture et les instruments aratoires n’étaient pas nécessairement considérés comme immeubles par destination, et accessoires du domaine. – ainsi ils ne faisaient pas partie de la donation du domaine, s’il n’y avait point de clause expresse et spéciale
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1819
1786-1819
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
20 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2506
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2503
BCU_Factums_G2504
BCU_Factums_G2505
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Calvinet (15027)
Cassaniouze (15029)
La Rouquette (château de)
Agrovieille (domaine d')
Saint-Michel (domaine de)
Mallaret (domaine de)
Ladinhac (15089)
Vézac (15255)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
assignats
contrats de mariage
donations
élevage bovins
fideicommis
immeubles
pensions viagères
renonciation à succession
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53491/BCU_Factums_G2505.pdf
7ec7192dbb265424796b31bb291cfb2f
PDF Text
Text
f
COUR R O YA LE
MEMOIRE
EN RÉPONSE,
P
our
™
'
les héritiers C A P E L L E , A p p e l ans;
C ontre la dame N O U V E A U et le S r V A L E N T I N ,
SON m a r i , I n t i m e s ;
EN
PR É SE N C E
D es dames L A N G H E A C D E
M O N TLO G IS
et autres aussi Appelans.
L
e s
héritiers Capelle pensaient avoir suffisamment
développé leur défense
déjà publié;
clans l ’écrit q u ’ils avaient
Ils avaient tâché d ’etre courts sans être obscurs;
Ils avaient voulu sur-tout être vrais dans l’exposé
des faits ;
Ils avaient cru raisonner juste dans la discussion
des moyens.
*"
-
M. Tassin de Vîllepion*
rapporteur.
�^
Lj^
( 2 )
Mais par un long mémoire en réponse, le sieur
Valentín les a avertis, en termes fort d ou x, que leur
défense était établie sur des suppositions erronées; que
les sacrifices dont ils parlaient n’.étaient que des rêves;
que leurs moyens de droit étaient plus subtils que
solides.
L e sieur Valentín a consacré trente-neuf pages à un
exposé destiné, d it-il, à rétablir des faits, dans les
quels tout était in exa ctitu d e 3 et à prouver à chaque
pas a u x héritiers C a p e lle , le contraire de ce q u ’ils
avancent.
Soixante pages ont eu pour but de leur enseigner
la vraie doctrine sur les substitutions.
Les héritiers Capelle ne parcourront pas tous les
détails dans lesquels on est entré; mais ils doivent
démontrer que s’il y a des inexactitudes, elles ne leur
appartiennent pas ; que si quelqu’un a rêvé des sacri
fices, c’est le sieur V a le n tín ; et que si leurs moyens
avaient été sans force, ou ne les aurait pas éludés au
lieu de les combattre.
D IS C U S S IO N D E S FAITS.
Le sieur Capelle était père de plusieurs enfans nés
d ’un premier mariage, lorsqu’il épousa, en 178 6 , la
demoiselle Marie-Judith Langheac de Montlogis.
Toute la fortune de celle-ci se composait d ’uue dot
de 10,000 francs.
Celle du sieur Capelle était considérable.
�Il n’y avait entre les deux fortunes aucune propor
tion : il y en avait peu dans les âges.
Mais une parente de la demoiselle de M ontlogis, la
dame veuve Jalinques, qui avait reçu ses richesses des
libéralités de son époux, voulut les répandre sur une
personne de la même famille ; et le sieur Capelle était,
parent du sieur Jalinques.
L a veuve Jalinques ménagea une union q u ’elle dé
sirait , et la récompensa par ses bienfaits envers les
deux époux.
E lle leur donna les biens dépendant de la succession
Jalinques ; elle entendait les donner à l ’époux comme
à l ’épouse*, à celle-ci, dans le cas seulement où elle
aurait des enfuns du présent mariage. Dans tous les
autres cas, les biens donnés deyaient a p p a r t e n i r au
sieur Capelle, o u , si celui-ci prédécédait, à ses héri
tiers naturels, ou à l ’héritier de son choix (i).
Des charges très-onéreuses, imposées au sieur Capelle
lui-inéine, grevaient la donation. L e sieur Capelle s’y
soum it, parce que ses sacrifices devaient enrichir ses
en fans.
Telles furent les principales circonstances de l ’union
du sieur Capelle et de la demoiselle de Montlogis.
U n mémoire imprimé les avait exposées, avec plus
de détail même, en première instance.
On ne les avait ni contredites, ni censurées alors :
elles étaient trop notoires.
( i) . N ota. L a veuve Jalinques disposa, en faveur de sa sœur seu le,
de
3ooo
fr. de d o t , formant sou patrim oine particulier.
�( 4 )
On a cru devoir les critiquer avec amertume devant
la Cour.
On a parlé de spéculation, de v ieille J i llc .........
épousée uniquement p our sa fortun e.
Enfin l ’on a moralise sévèrement*, et néanmoins, dans
la page précédente, méconnaissant sa propre morale,
le sieur Valentin nous apprend que c’est sous la f o i de
la fortu n e q u ’on lui dispute, q u o n t été contractés
cleuæ mariages successifs , ce lu i du sieur Nouveau ,
et c e lu i du sieur V alen tin .
Les sieurs Nouveau et Valentin ont donc sp écu lé
eux- mêmes.
Les spéculations du sieur Capelle avaient au moins
de louables motifs. Ses enfans étaient en bas âge 5 il
trouvait dans sa nouvelle union le double avantage,
et de les confier aux soins d ’une seconde m ère, et de
leur procurer une
fortune
considérable , dont les
charges n ’étaient que p o u r lui.
L e s i e u r N o u v e a u n’avait point d ’enfans et n ’en a
jamais eu. Il se fit donner des biens litig ie u x , et prévit
le litige.
L e sieur Valentin s’est marié pendant le procès
actuel.
A in si, pour lui et pour le sieur Nouveau, tout a
élé calcul d ’intérêt personnel.
Pour le sieur Capelle, au contraire, les calculs
n ’avaient été que ceux de la tendresse paternelle.
Que le sieur Valentin s’applique donc à lui-meinc
scs propres leçons.
Les héritiers Capelle avaient fait observer l ’éienduc
�des charges qui grevaient la donation de 1786,, l ’obli
gation solidaire qu ’on avait imposée à leur p è re , les
sacrifices q u ’il avait faits pour s’acquitter.
Ils en avaient tiré non-seulement de puissans moyens
de considération, mais encore un argument décisif en
droit, et propre à écarter toute idée de substitution.
Ils avaient dit que les principes sur les substitutions
ne permettaient pas de supposer que des substitués,
dont les droits, incertains jusqu’au décès du grevé,
pouvaient ne jamais s’ouvrir, eussent été soumis euxmêmes , et solidairement avec le grevé, a acquitter les
dettes et les diverses autres charges de la libéralité.
A u lieu de répondre à l ’argument , on a tenté
d’affaiblir les considérations, en alléguant des inexac
titudes , et en soutenant :
Que les charges n ’étaient pas aussi grandes q u ’on le
supposait ;
Q u e , si la réserve de 120,000 f r . , que s’était faite
la dame de M u râ t, fut réduite à 100,000 f r . , ce f u t
une véritable générosité ;
Que les sommes payées furent peu considérables 5
Que les biens donnés étaient d ’une grande valeur ,
et qu e,
les charges ne devant s’acquitter que par
termes d e ' 3 000 francs, les revenus couvraient^ à
chaque terme, l ’intérêt et le principal 5
Que le sieur Capelle n ’y employa pas le prix de ses
biens propres, et qu ’il avait de quoi payer, par le
résultat de la doua lion.
foutes ces assenions des sieur et dame Valcnlin
�ont été ornées des mots in exa ctitu d es} i l n’ est pas
v r a i......... , ils osent d ire, et d ’autres expressions du
même genre, toutes d ’une urbanité remarquable.
Examinons si leurs propres traits ne réfléchissent
pas sur eux-mêmes.
L ’étendue et la valeur des charges de la donation
ne sauraient être sérieusement contestées. On en trouve
le détail dans l ’acte.
Payer à la donatrice une réserve de 120,000 francs;
Servir une rente viagère de Goo francs, due à la
dame Delons de G iro n d e , et lui laisser la jouissance
du domaine d ’Ayrolles-Vieille \
L oger, nourrir à l e u r p o t e t f e u et compagnie ,
éclairer, chauffer et blanchir, tant en santé q u ’en
maladie, le sieur Bouquier de Labro pendant sa vie ;
Acquitter toutes les dettes de la succession du sieur
Jalinques ;
Telles étaient les obligations que le sieur Capelle et
son épouse avaient contractées solidairement.
Elles n ’étaient pas légères, sans doute.
Nous osons d ire, il est vrai, que la réserve de
120,000 francs ne fut réduite à 100,000 francs, par
le traité du 20 décembre 1-91 , q u ’en retranchant les
paiemens faits par le sieur Capelle.
O r , selon les sieur et dame Valentin , les d eu x
traités de 1-86 et de 1791 prouvent que ce f u t une
véritable générosité de la dame de 3 Iurat.
Q ui 11c croirait, à ce ton de confiance, que le sieur
�Valentín a lu. dans les traités qu ’il indique, les preuves
de ce q u ’il assure?
Cependant le traité de 178G n’existe pas, ou au
moins, s’il existe,, il n’est pas connu : il ne se trouve
dans les pièces d’aucune des parties. L e sieur V alentin
en argumente, et ne le produit pas; on le demande à
son avoué qui ne peut le représenter.
C e prétendu traité serait même en contradiction et
avec celui de 1791 , et avec l ’arrêt du 28 août 1790,
qui condamnait le sieur et la dame G apelle à exécuter
la donation selon sa form e et teneur.
L e traité de 1791 est dans les deux dossiers.
On y lit cette clause remarquable :
« Savoir : que déduction et compensation faite de
« toutes les sommes généralement q u e l c o n q u e s , que
« ladite dame de Lanzac-Murat se trouve avoir payées
« à l ’acquit des sieur et dame C a p e lle , et que le sieur
« Capelle peut avoir payées à la clame de L a n za c« M urât ou ¿1 son acquit 3 ainsi que de celles que
« ladite dame de Lanzac-M urat avait perçues sur les
« fm itse t revenus du domaine de Saint-Michel, faisant
« partie des biens par elle donnés auxdits sieur et dame
« Capelle, la somme de cent vingt mille livres que
« ladite dame de Lanzac-Murat s’était réservée dans la
« donation par elle faite en faveur desdits sieur et
« dame Capelle , dans leur contrat de mariage ,
« demeure réduite et modérée à celle de cent m ille
<< livres en principal. »
On demandera au sieur Y alentiu lui-même si de
�OU
( S )
telles expressions, écrites dans un traité authentique,
n’autorisaient pas les héritiers Capelle à dire que la
réserve avait été réduite à 100,000 f r . , en retranchant
les paiemens fa its par le sieur Capelle ?
On lui laissera d ’ailleurs à décider de quel côté sont
les inexactitudes.
On lui fera cependant une petite observation ; c'est
q u ’il a en son pouvoir les titres de la famille Capelle,
les livres-journaux de leur père, ses quittances, tous
ses papiers en un m o t, q u i , des mains de la veuve
Capelle , sont passés d ’abord en celles du ‘ sieur
Nouveau , en l ’an 3 , et depuis en celles du sieur
V alen tin ; et qu ’ il est peu généreux, en retenant leurs
documens, de les accuser d ’incxar.Litudes.
On vient de voir combien l ’accusation a été peu
réfléchie quant aux charges; vérifions si l ’on a été plus
vrai touchant les paiemens.
Il suffirait peut-être de remarquer que les charges
étant considérables, les paiemens ont dii l ’être aussi,
et jeter le sieur Capelle, ou dans de grands embarras,
ou dans de grands sacrifices.
Mais entrons dans quelques détails.
D ’après le traité du 20 décembre 1 7 9 1 >
principale
des charges, celle de 120,000 francs, lut acquittée en
très-grande partie : il ne resta plus dù que 5 3 ,000 fr.
D epuis, le sieur C apelle, si l’on en croit les époux
Valenlin ou le sieur Nouveau q u ’ils représentent,
aurait payé sur cette réserve une somme de 18 ,118 fr.;
�( 0 )
en sorte q u ’il n’était d u , au décès du sieur Capelle,
que 34.5882 francs de principal.
Nous disons, si Von en croit les ép ou x
a l en tin
et le sieur N ou vea u ; car q u ’on ne s’y trompe pas;
c’est sur les renseignemens fournis par leurs adversaires
eux-mêmes, que les héritiers Capelle calculent. Ces
renseignemens sont consignés dans l ’écriture signifiée à
la requête du sieur N ouveau, le
avril 1817 (p. 89).
Les héritiers Capelle ne connaîtront rien person
nellement , tant que leurs pièces ne leur seront pas
rendues.
■Une réserve de 120^000 fr. réduite à 34,882 f r . ,
prouve, par une simple soustraction, q u ’il avait été
payé en principal 8 5 ,118 fr.
L e sieur Capelle avait été en o u t r e c li a r g é d ’acquitter
toutes les dettes dé la s u c c e s s io n J a l i n q u e s , et il
parait q u ’il en a payé pour une assez grande valeur,
Quelles on.t. lé té ses ressources pour ces paiemens?
Leâ biens donnés, dit-on ; il y avait beaucoup de
créances actives ; les termes exigibles 11’étaient que
de 3 ooo f r . , et les revenus des immeubles couvraient,
a chaque terme > l ’intérêt et le capital1.
. Pour justifier ces allégations, les époux Valentiu
évaluent les immeubles à 120,000 francs; les créances
à 46,108 francs (1).
Ou indiquera bientôt ce que sont devenues les
créances.
>
,(j) V oyez le M ém oire des in tim es, page
�( 10 )
Quant à la valeur des immeubles, c’est un agréable
Îiction qui donnerait à croire que les époux Valentin
spéculent aussi sur des ventes futures, si le succès les
couronne devant la Cour.
L e sieur Capelle a plusieurs fois offert tous ces
immeubles, y comprises les rentes seigneuriales qui en
dépendaient, pour C 5 ,ooo fr. : il n’a jamais pu lesobtenir.
Vaudraient - ils davantage aujourd’ hui que les
rentes seigneuriales sont abolies, quoique la valeur
des biens ait pu augmenter?
L e sieur Capelle avait le pouvoir de vendre les
immeubles ; ce qui prouve que les revenus ne suffisaient
pas pour acquitter les charges : car c’élait à cause des
charges, que le pouvoir avait été donné.
Heureusement pour les époux Y a le n t in , le sieur
Capelle n ’a pas usé de son pouvoir. S ’il en eut usé, le
procès actuel n ’existerait pas.
Malheureusement pour ses enfans, il a payé de ses
propres r e s s o u r c e s , d a n s l ’ e s p o ir de leur laisser des
biens dont 011 veut les priver aujourd’hui.
Les 46,108 fr. de créances dont parlent les époux
Valenlin n’ont pas été d ’un grand secours au sieur
Capelle. Ce n’est pas lui q u i a louché ces créances 5
c’est le sieur Nouveau, qui nous l ’apprend lui-meme
dans cette écriture déjà citée, du 26 avril 1 8 1’j , où
il reconnaît q u ’il en a reçu,
Savoir : en assignats, pour . . .
2/1,893 fr. 90 c.
J£t en numéraire , p o u r ................
22,394
lin tout....................
4 7 ; ?-^7 h - 9 ° c '
�(,
IX
w
-;
•"
E n sorte que les créances s’élevaient réellement à.
plus de 4.6,000 francs, mais que le sieur Gapelle n’ en
a pas profité.
L e sieur Capelle a cependant payé 8 5 , n 8 fr. sur
la réserve , et de quelle manière ?
Cela est facile à expliquer.
Avant le traité de 1 7 9 1 , il avait payé
réellement ou par compensation................
Lors du tra ité , il paya de ses deniers
20,000 fr.
une somme d e ............... ’...................... 12,788
P l u s , en délégation , une somme de
11,8 12
f r . , composée d’un capital de
10,000 f r . , dot de son épouse, et des in
térêts qui lui appartenaient à lui-même
comme mari, c i...............................................
E n principaux des rentes dépendant
1 1 ,8 12
des biens donnés..............................................
24,000
Par le délaissement du domaine de 1
S a in t - M ic h e l...................................................
8,000
Depuis le traité de 1791 , il a payé . .
18 ,118
9 4 j 7 *8
Desquels il faut retrancher 9G00 francs
T
o t a l ....................
fr'
d’intérêts dus d’après le traité de 1791 ,
C1....................................................................................
9>6oo
Ce qxii réduit le capital payé par le
sieur Capelle, à ...............................................
8 5 , n 8 fr.
Ces détails sont fastidieux sans d o u te ’, mais au
�moins sont-ils exacts, et convaincront-ils les époux
Valentin
d ’accuser.
q u ’il
est
nécessaire
de réfléchir avant
Si de cette somme de 8 j , i i 8 fr. on retranche les
rentes et le domaine délaissés, ainsi que le capital de
la d o t, on verra que le sieur Capelle a acquitté, à ses
j)ropres dépens, une somme de
1 18 fr.
Il a de plus acquitté beaucoup de dettes de"la suc
cession Jalinques.
Il n’est donc pas -étonnant q u ’il ait été obligé de
vendre
d ’aussi
besoin
m en t,
le domaine de Mallaret pour l ’aider à remplir
grandes charges; sans elles, il n’aurait pas eu
de le vendre ; car il no devait’ rien personnelle
quoiqu’en ait dit le sieur Valentin.
Q u ’importe q u ’il ait emprunte 10,000 francs à la
demoiselle Chaunac de Montlogis : cet emprunt ne
suffisait pas.
Au reste, s i, comme on le prétend,
il avait eu des besoins, n ’aurait-il pu emprunter
pour lui-m êm e, et éviter par-la de vendre? ]N" est-il
donc pas évident que ce sont les trop nombreuses
charges de la donation, qui ont causé les embarras de
la fortune du sieur Capelle?
Les époux Valentin ne disent q u ’ un mot sur les
dettes de la succession Jalinques; ils 11’en parlent que
pour assurer q u ’il n ’y avait pas de dettes.
Les héritiers Capelle assurent le contraire; et l ’on
peut dire q u ’entre le oui et le non, l ’esprit doit rester
incertain.
Mais l ’inccrtilude est facile à lever.
�( :3 )
On l ’a déjà dit-, tous les papiers de la famille C a
pelle sont au pouvoir du sieur Valentin.
Ces papiers sont rappelés dans l ’inventaire du 4 jan
vier 1794*
Il y est parlé , page 9 , d’un journal contenant
l ’état des créances dues à la maison de la Rouquette;
Page 10, d’un auti'e livre-journal, par ordre alpha
bétique, des contrats de rente et obligations consen
tis à feu sieur L a Ilouquette ;
Page 2 6 , d’un journal couvert de basane, où sont
plusieurs notes et mémoires, et certains autres papiers
et mémoires écrits tant par f e u Pierre Ja lin q u es, que
par ledit fp u CappTley
Page 48 j à ’ u n r e le v é e t é t a t d e s c r é a n c e s e t d e s
r e p r is e s ,
é c r i t d e la m a in d e f e u
C a p e lle , p our' lu i
s e r v ir d e m é m o ir e e t in s t r u c t io n .
A la fin de l ’inventaire il est dit q u e , du consen
tement du tuteur des m ineurs, tous les papiers portés
dans Uinventaire sont demeurés au pouvoir de la
dame veuve C a p elle, ainsi que toutes les c le fs , la
quelle en demeure chargée.
L a veuve Capelle l’emit tous ces papiers au sieur
Nouveau, lorsqu’elle l’épousa.
Le sieur Nouveau, à son décès, les a laissés aux
sieur et dame Valentin.
Les héritiers Capelle les ont souvent demandés.
L e jugement dont est appel a. condamné à les res
tituer. Mais, cités devant un notaire à cet eflet, les
�époux Valentin ne se sont pas présentés (V o ir un
procès-verbal du i cr mai 1819).
Q u ’on produise tous ces papiers, et la vérité s’éclair
cira.
>
Il est plus prudent de ne rien produire et de
déclamer beaucoup, et de se présenter soi-même comme
ayant fait de grands sacrifices.
C ’est ainsi q u ’on parle souvent de quittances dans
le mémoire, et q u ’on n ’en représente aucune.
C ’est ainsi q u ’on affirme avoir exactem ent p a y é
EN
n u m é r a ir e
, cle ses propres deniers, les sommes
considérables qu i étaient dues à la dame M urât ( 1 ) ,
quoique n o n - s e u le m e n t ,
n e soit pas établi, mais
même que le contraire soit facile à prouver avec les
propres écrits du sieur Nouveau.
Arrêtons-nous un instant sur ce point.
Les héritiers Capelle avaient dit que les sieur et
dame Nouveau avaient d ’abord remboursé, en as
signats, à la clame Murât ce qui lui était d û ; q u ’en
suite ils s’étaient adressés au
tuteur des mineurs
Capelle pour leur faire un semblable remboursement.
Les sieur et dame Valentin ont répondu par deux
i l n’est pas v r a i (2).
Civilité à p a rt, recherchons la vérité.
Les sieur et dame Valentin assurent, en parlant
de la daine M u rât,
i° q u ils ne Vont remboursée
(1) V o ir page 96 du mémoire des intimes.
(2) Pages a 4 ct
�( *5 )
fjii après les mineurs C a p elle; 20 q u ’ils ne l ’ont pas
remboursée en assignats : t o u t A é t é p a y é e n
NUM ÉRAIRE.
L a première circonstance serait assez indifférente :
on ne la relèvera qu’à cause de la forme de l ’assertion.
Que les sieur et dame Valentin lisent
signifiée par le sieur Nouveau, le 26 avril
ils y verront, page 7 9 , article 2 9 , q u ’une
u ,o o o francs fut payée, le 11 germinal an
l ’écriture
1 8 1 7 ; et
somme de
3 , par le
sieur Nouveau, aux sieur et dame Murât.
O r , le tuteur des mineurs Capelle n ’a reçu luimême que le 2 5 messidor suivant.
L a seconde circonstance est plus importante.
Ils ont tout pctj-c en num éraire, disent-ils ; et de
leurs propres deniers, ajoutent-ils ailleurs (1).
On les renvoie à la page 79 , et à l ’article cité de
l ’écriture de 1817 ; ils y verront q u ’au moins le paie
ment des 11,000 francs fut fait en assignats.
Ils peuvent aussi consulter ce q u ’a dit le sieur
Nouveau, page 93 , où il déclare q u ’il a payé les sieur
et dame Murât., partie en assignats, partie en numé
raire.
Mais ont - ils réellement
deniers ?
payé
de
leurs propres
On pourrait les croire sur parole , quoiqu’ils ne
produisent aucune qu itta n ce, si la même écriture ne
nous apprenait pas que le sieur Nouveau avait touché,
(1) V oir le mémoire des iulinj.es, page 96.
�^ iG )
sur les créances comprises clans la donation, la somme
de 24,89.3 francs 90 centimes en assignats, et celle de
22,394 fr. en numéraire; et q u ’ainsi, sans avoir besoin
de ses propres deniers, il avait plus q u ’il ne lui fallait
pour acquitter les 34,852 fr. q u ’il déclare avoir payés
aux sieur et dame M urât, partie en assignats, partie
en numéraire (V o ir page 93 de l ’écriture\ voir aussi
pages 7 4 , 80 et 87).
Ainsi s’évanouissent les illusions des sieur et dame
V a len tín , tandis que ce q u ’ils voulaient faire considé rer comme des inexactitudes, de la part des héritiers
C apelle, sont des faits très-réels, et dont les consé
quences seraient, pour ceux-ci des plus funestes, si,
après avoir été. dépouillés d ’une partie de leur patri
moine pour acquitter
de nombreuses charges , ils
étaient aujourd’hui privés des biens qui étaient le
prix de tant de sacrifices.
Sans doute il eut été à désirer pour les enfans
C apelle, que leur père eût persisté dans la répudiation,
q u ’il avait faite en 1790. L a donation aurait disparu,
il est vrai; mais s’ils n’eussent pas eu les biens q u ’on
leur dispute aujourd’h u i, au moins n’auraient-ils pas
éprouvé de pertes; e t , dans ce cas, q u ’auraient à de
mander les sieur et dame Valentín ?
Sera-t-il nécessaire de répondre à quelques autres
observations du sieur V alentín et de son épouse?
Ils se plaignent du reproche q u ’on leur a fait sur lo
remboursement, en assignats, de messidor an 3. Ils sc
�(
*7
)
justifient par l ’offre q u ’ils font aujourd’hui de ne
compter les assignats que pour la valeur réduite.
Mais ils devraient ajouter que leur offre n ’a de la
générosité que l ’apparence. Aujourd’hui que c’est avec
les héritiers de la dame Nouveau seuls, que les héritiers
Capelle ont à régler leurs comptes, il importe peu aux
représentans du sieur Nouveau, que les sommes rem
boursées soient calculées en argent ou en valeur
d ’assignats. Le sieur Nouveau qui avait payé pour son
épouse , ne pouvait, dans tous les cas , réclamer contre
elle ou ses héritiers, que des valeurs réduites.
Ils crient à la calomnie, relativement à quelques
plaintes de spoliation dirigées contre la dame et le
sieur Nouveau.
Mais ils oublient q u e , dans un mémoire imprimé
en première instance, les héritiers Capelle avaient fait
entendre les mêmes plaintes, avaient aussi parlé de la
négligence de leur tuteur sur cet o b je t, et avaient
même offert la preuve des spoliations (i).
Enfin ils allèguent une collusion entre les héritiers
Capelle el ceux d e là dame Nouveau, s’étendent lon
guement sur ce sujet, font de brillantes remarques,
et disent que le langage des seconds a été dicté par les
premiers.
Il faut avouer que s’il y a eu collusion , on n’a pas
au moins cherché de déguisement. E n la supposant, il
( i ) Voyez le Mémoire de première instance , pages i5 , 19 , 80, 88.
3
�( '8 )
eût été facile aux héritiers Capclle d ’empécher q u e ,
dans une écriture, on ne d it , au nom des sieurs et
daines de Moutlogis, q u ’ils n ’avaient aucun intérêt
dans la cause , parce q u ’on leur avait remboursé les
deux dots, seul objet de leurs prétentions. Quanti on
collude, 011 se sert mieux mutuellement.
Il n’y a e u , entre les uns et les au tres, de collusion,
que celle de l ’amour de la vérité.
Les sieurs et dames de Montlogis n ’ont employé
dans la cause que le langage tenu par la dame de
M urât seule, dans le traité du 20 décembre 1791 , où
elle répète, à chaque phrase, que la donation a v a i t été
fa ite a u x sieur e t clame Cap e l l e ; où sont des clauses
exclusives de toute idée de su bstitution, et qui 11e
présentent que celles-d’une donation conditionnelle,
dont les avantages devaient profiter, suivant l ’événe
ment , à la dame C apelle, si des enfans naissaient
de son premier m ariage, à l ’époux et aux héritiers de
c e l u i - c i , s’il n ’y a v a i t pas d ’enfans du mariage.
Les héritiers Capelle ont invoqué le témoignage de
la dame de M u râ t, donatrice, dans leur mémoire
imprimé en première instance, c’est-à-dire, avant la
mort de la dame Nouveau, sa sœur, e t, par conséquent,
à une époque oil cette déclaration 11e pouvait être
suspecte (1). Pourquoi n’en a-t-011 pas déféré alors à
cette respectable attestation?
(1) Voyez ce Mémoire, page 92 , inJinc,
�( *9 )
' Oïl le voit : il a été facile aux héritiers Capelle
de repousser tous les argumens tirés des faits, tous
les reproches hasardés d ’inexactitude', et de ren
voyer, a l ’adresse qui leur convient, les complimens
q u ’ils ont reçus des sieur et dame Valentin.
Peut-être se sont-ils trop arrêtés à combattre tant
de vaines allégations; mais ils trouveront leur excuse
dans leur désir de se montrer, aux yeux de la C o u r ,
tels q u ’ils sont réellement, tels q u ’ils ont toujours été.
'
O B SE R V A T IO N S SUR L E S M O Y E N S .
Les sieur et dame Valentin ont fait de longs efforts
pour prouver que la disposition q u ’ils attaquent ren
ferme une substitution fidéi-commissaire. N ’auraientils pas par-là même décelé leur impuissance ?
Ramenons l ’examen de la difficulté à des idées plus
simples.
Les substitutions étaient autrefois faciles à recon
naître aux termes de l ’acte.
L ’esprit des lois anciennes qui les avaient permises,
celui des lois nouvelles qui les ont prohibées, ne sont
pas équivoques.
Les caractères principaux qui les distinguent sont
aussi faciles a signaler.
Il semble donc que , pour juger sainement de la
libéralité qui nous occupe, 011 ne saurait mieux faire
que de rechercher si l ’on y trouve les termes usités
poui les substitutions ; si 1 on peut y appliquer l’esprit.
�( 20 )
des lois de la m a tière,_ e t si l ’on y remarque les
caractères principaux de ces sortes de dispositions.
Q uoiqu’il n ’y eut pas autrefois de termes sacra
mentels pour constituer une substitution, cependant
il était d ’usage d’employer des expressions qui ne
laissassent aucun doute sur la volonté du bienfaiteur.
Les mots j e
charge de rendre à un te l......... , j e
substitue...... j e mets à la p la c e .......... ^ étaient les plus
familiers. On peut voir ce que dit à cet égard
M. Thevenot d ’Essaules (chapitre 1 1 , § 6 , 7 et 8).
O r , ces formules ne se rencontrent pas dans la
donation de 1786. L a dame Capelle n’est pas chargée
de rendre à son mari-, il n’est pas dit que celui-ci ou
ses héritiers lu i sont substitués } sont mis à sa p la ce.
Seulement un événement est prévu, celui de la mort
de la dame Capelle sans enfans nés du mariage; e t ,
dans ce cas, les biens, au lieu d ’appartenir à la dame
Capelle , a p p a r tie n d r o n t au mari ou aux héritiers de
celui-ci, ou'a l'héritier de son choix.
L ’observation n ’est pas indifférente, sur-tout si l ’on
remarque aussi q u ’à cette époque on 11’était pas gêné
dans le choix des expressions; que l’on ne pouvait pas
prévoir q u ’ un jour les substitutions seraient abolies
par une loi à laquelle un effet rétroactif serait attaché;
et q u ’ainsi les parties n ’avaient aucun intérêt à éviter
des mots qui pussent prêter à l’application rigoureuse
de cette loi future.
Il faudrait être sans doute plus sévère dans Tinter-
�A 2 1 -)
prétation d ’une disposition faite sous la loi prohibitive,
parce qu ’on serait autorisé à croire que l ’ambiguité des
termes a été un moyen de fraude pratiqué pour éluder
la prohibition.
Mais dans quel esprit les substitutions avaient-elles
été établies autrefois, et par quels motifs ont-elles été
abolies depuis?
Elles avaient été établies dans le but de conserver
le lustre des familles puissantes : aussi les biens qui
en étaient l ’objet ne pouvaient pas être aliénés} aussi
le donateur établissait-il lui-m êm e, par une vocation
personnelle} un ordre de succession qui dérogeait à la
succession légitime, et dont il n ’était pas permis au
grevé de s’écarter.
Elles ont été abolies pour faire renti-er les biens
dans le commerce, et pour faire cesser les fraudes si
faciles à l ’égard des tiers, q u i, ignorant l ’existence de
la substitution , contractaient avec le grevé, auquel ils
supposaient une fortune opulente qui leur échappait.
L ’esprit des lois anciennes, les motifs des lois nou
velles , sont également inapplicables a la donation de
1786.
La
veuve Jalinques, donatrice , en
libéralités sur les deux
versant scs
époux ; en donnant
tous
ses biens au sieur Capelle , dans le cas prévu} en dé
clarant qu e, s’il ne naissait pas d’enfans du mariage,
les biens appartiendraient au sieur Capelle ou à ses
héritiers naturels} ou à l ’héritier de son ch o ix y la
veuve Jalinques n’établissait pas elle-même un ordre
�particulier de succession; elle ne faisait pas d évocation
personnelle ; elle s’en référait à la loi, ou au choix du
sieur Capelle, son donataire; elle voulait que celui-ci,
mourùt-il même avant son épouse, transmît les biens
donnés à ses propres héritiers légitimes ou testamen
taires ; elle n ’avait q u ’ un b u t , celui de gratifier un
des parons de son premier époux, des biens q u ’elle en
avait reçus.
»
Aussi ne prohiba-t-elle pas l ’aliénation de ses biens ;
elle l ’autorisa au contraire expressément ; et si elle
exigea le concours de la dame C a p e lle , c’est q u e ,
jusqu’à l ’événement prévu, celui du décès sans enfans
nés du m a r i a g e le don n’était que conditionnel.
Toute la propriété d s v a it, selon l ’événement, appar
tenir , dès
l ’o rigin e , ab initio , à celui des deux
donataires auquel cet événement l ’attribuerait; (mais
tant que le cas n’était pas arrivé, l ’incertitude com
mandait la précaution de faire concourir les deux
donataires éventuels aux ventes qui seraient faites,
afin q u ’elles fussent valables, quel que fut l ’événement.
Les appeians avaient déjà fait remarquer, dans leur
mémoire, la faculté d’aliéner, écrite dans le contrat
de mariage de leur père, et le peu d’application à leur
cause des motifs qui ont dicté l ’abolition des substi
tutions.
Que leur a-t-on répondu?
« Q u ’il pourrait se faire que certaines dispositions
« particulières se trouvassent comprises dans la prohU
�( *3 )
« b ition , quoique leur esprit ne fût pas celui qui a
« été le m otif de la loi. »
I l p o u rr a it se f a i r e !
L a réponse n’est pas lumineuse. N ’eùt-il pas été plus
adroit de se taire que de dévoiler ainsi son embarras?
L ’on ajoute, il est v rai, que la dame Capelle et
son mari ne pouvaient disposer l ’un sans l ’autre.
Mais cette circonstance n’empêchait pas que les biens
ne fussent dans le commerce, et que les tiers ne
fussent exposés à aucune fraude.
Ou
remarquera
d’ailleurs
q u ’il n ’est
pas exact
d ’assimiler le sieur Capelle à un substitué, puisque
m êm e, en cas de prédécès, il devait transmettre les
biens à ses héritiers. S’il y avait eu substitution, les
héritiers Capelle auraient été les vrais substitués , et
leur consentement eût été nécessaire, dans le système
des in tim és, pour la validité des aliénations.
Nous venons de démontrer q u ’on ne pouvait invoquer
contre les héritiers C ap elle , ni les termes usités pour
exprimer une substitution, ni l’esprit de la législation
ancienne, ni celui de la législation n ouvelle, sur ces
sortes de dispositions.
Il sera facile de prouver aussi q u ’on ne trouve pas,
dans la donation de 1786 , les principaux caractères
qui distinguent les substitutions fidéi-commissaires.
Il n y a substitution que lorsqu’il y a c h a rg e
c o n se rv e r , et charge d e rendre
a
un
t ie r s
de
.
Quelles que soient les expressions employées dans la
clause, il faut que la charge de conserver en résulte
�24 )
nécessairement; sinon, les biens pouvant disparaître,
la charge de rendre serait sans effet ( i ) ; et le tiers,
gratifié en second ordre, ne recevrait q u ’une libéralité
illusoire, dont le sort dépendrait, non de la volonté
du donateur, mais de celle du premier donataire. O r ,
il est de l ’essence des substitutions que ce soit le
donateur et non le grevé, qui gratifie le tiers substitué.
Si dans leur premier mémoire les héritiers Capelle
avaient fait usage de la définition donnée par le Code,
c’est parce q u e , quoique plus courte, elle est plus
parfaite; car elle embrasse dans ses termes tout ce que
doit contenir une bonne définition, c’est-à-dire, les
principaux caractères de la substitution, savoir, la
charge de c o n s e r v e r c e l l e de rendre} et la vocation
personnelle du tiers substitué.
L a définition donnée par Thevenot d ’Essaules avait
paru moins parfaite, en ce sens seulement q u ’elle ne
s’exprimait pas en termes aussi précis et aussi clairs,
q u o i q u ’ e lle établisse absolument la même règle, comme
nous l’apprend l’auteur lui-même en fixant le résultat
de sa définition (2).
Au reste, c’est l’espèce de substitution définie par
l’article 896 du C o d e ,
qui seule a été l ’objet de
l ’abolition ordonnée par la loi du 25 octobre 17 9 2 ,
et de la prohibition prononcée par le Code civil même.
(1) V o ir D icvcnot d ’Essaules, dans son T raité des Substitutions ,
chapitre I er, n° a i .
(2) V oir chapitre
I er,
paragraphe
3.
�( 25 )
Les discours des orateurs du Gouvernement en font
foi.
On
lit
dans
l ’exposé des
motifs présenté^ par
M. Bigot-.Préameneu :
« Parmi les règles communes k tous les genres de
« dispositions, et que l ’on a placées en tête de la l o i ,
« la plus importante est celle qui confirme Vabolition
« des substitutionsfidéi-com m issaires. »
Plus bas, le même orateur rappelle les motifs qui
ont déterm inéj dit-il , à confirmer Vabolition des
substitutionsj déjà prononcée par la lo i d'octobre
1792.
Reconnaissons donc
que la vraie définition des
substitutions abolies est celle que nous avons posée, et
que l ’on ne doit trouver une substitution que dans
les dispositions qui renferment :
i° Charge de conserver*,
20 Charge de rendre à un tiers que l ’on gratifie en
second ordre (1)
Nous avons prouvé par le premier mémoire, q u e ,
dans la donation de 17 8 6 , il n ’y avait pas charge de
conserver, puisqu’il était permis d’aliéner la totalité
des biens donnés*, et puisque le résultat de cette faculté
indéfinie pouvait être de priver de la totalité des biens,
les héritiers C apelle, q u i , cependant, étaient appelés
par l’acte à recueillir ces b ie n s , dans le cas où leur
père décéderait avant son épouse.
V oyez Thevcnot d’E ssaulcs, cliapitrc
4
I e r ,
n° 7
»
�( 2(5 )
De cette circonstance importante nous avons conclu
q u ’il n’y avait pas de substitution.
Cette vérité, nous l’avons appuyée de l ’opinion des
auteurs les plus recommandables, et de l ’autorité de
plusieurs arrêts ( i) .
Que nous a-t-on répondu?
Q u ’il y avait aussi pouvoir de vendre les biens
dotaux ;
Que le pouvoir n ’était donné q u ’a la charge de re
connaître;
Que d ’ailleurs, d ’après l ’essence des substitutions,
une telle faculté était toujours de sa nature considérée
comme restreinte;
Enfin q u e , pour savoir s’il y avait substitution, il
fallait consulter , non les principes actuels et les
s
auteurs nouveaux, mais seulement les lois romaines.
Ces objections sont-elles bien sérieuses?
On parle du pouvoir de vendre les biens dotaux.
Mais ce pouvoir était un simple mandat donné par
la femme au m ari, que celui-ci exerçait seul sans le
concours de l ’épouse de laquelle il émanait; qui ne
s’appliquait q u ’aux biens propres de la femme, à des
biens q u ’elle ne tenait de la libéralité de personne,
dont elle pouvait disposer librement elle-même, et à
la conservation desquels des tiers n ’avaient aucun
intérêt.
U n tel pouvoir de vendre n ’a rien de commun avec
( i ) Voir le Mémoire des intimés , pages
3o , 3 i , 5a.
�(
27
)
la faculté de tout aliéner, émanée d’ une donatrice *, de
cette faculté accordée à des donataires ; de cette faculté
inconciliable avec la charge de conserver, avec celle
de rendre , et
par
conséquent avec
l ’idée
d ’ une
substitution.
\
L e sieur Gapelle devait, dit-on, reconnaître sur ses
biens propres le prix des aliénations.
L ’objection est peu considérable.
La
reconnaissance pouvait bien être de quelque
utilité à la dame C a p e lle , si par l ’événement les biens
donnés lui appartenaient.
Mais elle était absolument illusoire pour les substi
tués , s’il y avait eu réellement substitution } car,
d’après le con trat, les substitués auraient été les
héritiers naturels du sieur Capelle ou l ’héritier de son
c h o ix ; et, comme cette, qualité d'héritier était indis
pensable pour leur attribuer un droit aux objets
donnés , que pouvait signifier pour eux une reconnais
sance du sieur Capelle? Elle n ’aurait pu évidemment
les autoriser à agir contre les tiers détenteurs des biens
propres du sieur Capelle, si celui-ci, usant d ’un droit
illimité , avait aliéné tout à-la-fois et son patrimoine ,
et les biens donnés; o r , personne n ’ignore que c’est
dans l ’intérêt des substitués, que la loi impose la
charge de conserver.
Donc cette charge n’existait ni directement ni indi
rectement.
Est-ce avec plus de vérité q u ’on prétend que le
�( =8 )
pouvoir d ’aliéner devait être restreint de plein d r o it ,
d’après l ’essence même des substitutions?
Si l’on avait lu avec plus d ’attention les auteurs
que l’on a c ité s , on y aurait vu une décision toute
contraire. Thevenot d ’Essaules traite la question dans
son chapitre 4 8 , n° 787.
Voici comment il la pose :
« Est-il de l ’essence de la substitution fidéi-coin« missaire , que le grevé n’ait pas la liberté indéfinie
« d ’aliéner? » N o n , répond-il. L e substituant peut
permettre Valiénation indéfinie.
L ’auteur cite ensuite l’opinion de Peregrinus.
M. T o ullier, au tome 5 , n° 38 , parle de la charge
de rendre
i d q u o d su p e r er it ,
et dit que ces sortes de
dispositions étaient valables en Bretagne, quoique les
vraies substitutions y fussent défendues.
Nous avons déjà rappelé l ’opinion de M. Grenier.
Celle de Rolland de Villargues et les lois romaines
s’appliquent seulement au cas où la perm ission d e tout
a l ié n e r
n ’était pas écrite dans l ’acte même. ( Voir
Thevenot d ’Essaules, n° 788).
Dans le contrat de mariage de 1786, on donne aux.
futurs époux la liberté
de vendre ,
a l ié n e r
en
tout
ou en p a r tie les biens donnés.
Ainsi il y a erreur dans le principe invoqué par les
intimés.
C e n’est pas plus heureusement q u ’ils prétendent
qu e, pour interpréter la disposition, et dans le but de
ra n n u lle r, il faut consulter les lois romaines, non les
�( *9 )
;
- .:J b
nouveaux principes. Cette idée qui leur s o u rit, car ils
la présentent plusieurs fois ( i) ; cette idée, à l’appui
de laquelle ils citent M. T o ullier, est en opposition
directe avec ce que dit M. Toullier lui-mème.
C et auteur, aussi équitable que savant, remarque,
dans plusieurs parties de son ouvrage (2) , que si les
lois romaines interprétaient les actes de manière à
admettre facilement une substitution, c’était dans le
bu t de faire valoir la disposition, et que ce serait aller
directement contre Vesprit de ces lois, que d’appliquer
leurs règles afin de détruire, et non afin de conserver.
On ne doit jamais oublier-cette maxime ancienne,
dictée par la sagesse et la justice, et q u i, dans le droit
Français comme dans le droit Romain, servit toujours de
règle en matière d ’interprétation d ’une clause ambiguë:
L ’interprétation doit tendre à maintenir l ’acte plutôt
.q u ’à l ’annuller. Potin s ut actus valeat quant ut pereat.
A u reste, nous avons démontré plus haut que la
loi du a 5 octobre 1792 et le Code civil s’appliquaient
aux mêmes dispositions; que les législateurs du Code
avaient seulement confirm é Vabolition déjà prononcée
par la loi de 1792 (V o ir l ’exposé des motifs). Ainsi
une disposition qui serait permise aujourd’ hui , n ’a
pas été annullée par la loi antérieure. On sait que dans
la législation ancienne, il existait beaucoup d ’espèces
de substitutions : les vulgaires, les pupillaires , les
(1) V o ir notamment pages 69 et 95.
(2) V oir notam m ent n° 43 , page Gi , et n° 45.
�(
3o
)
compendieuses, celles qualifiées de
eo q u o d su p e r e r it,
et qui valaient même dans les coutumes prohibitives,
enfin les fidéi-commissaires proprement dites. La légis
lation nouvelle n’a aboli que cette dernière espèce de
■substitution ; elle a respecté toutes les a u tre s , et
notamment les charges de rendre
q u o d supererit
: tous
les auteurs nouveaux s’accordent à professer cette
doctrine. M. Rolland de Yillargues lui-même l ’établit
lumineusemént dans son chapitre i
et il cite plusieurs
arrêts qui l’ont consacrée.
Q u ’importe donc que l ’on qualifie de substitution
la disposition dont il s’agit?
Cette disposition n ’attribue au sieur C a p e l l e O U à
ses héritiers, que
les biens q u i r e s t e r o n t d e c e u x
c i-d e s s u s d o n n é s ,
est-il dit 5 elle n ’est donc pas une
vraie substitution fidéi-commissaire; elle ne serait tout
au plus q u ’une substitution
e ju s q u o d su p e r e r it ,
c’est-
à-dire une disposition maintenue par la loi de 17 9 2 ,
comme par le Code civil.
Sera-t-il nécessaire de répondre au plus futile des
argumens, présenté sous la forme d ’un dilemme? Ou
la faculté d ’aliéner était lim itée, dit-on, et alors il y
avait substitution; ou elle était indéfinie, et alors la
dame Capelle, n’étant gênée par rien, a pu disposer
de tout au profit du sieur Nouveau.
Nous avons répondu à la première partie de l ’ob
jection.
Q uant à la seconde, y a-t-on bien réfléchi?
Q u ’on relise lu clause du contrat de mariago, et
�l ’on y verra-, i° que s’il y avait pouvoir de vendre ,
c’est-à-dire d’aliéner-à titre onéreux, .il n?y avait pas
celui de disposer à titre gratuit ; 2° que la dame C a^
pelle n’avait pas même seule la faculté d ’aliéner, et
que cette* faculté, qui exigeait le concours du mari et
de la femme, a disparu au décès du sieur Capelle ,
parce q u e , dès cet instant, les héritiers de celui-ci ont
été saisis de la propriété des choses données.
On sera de plus en plus convaincu de la validité de
la disposition invoquée par les héritiers Capelle ,« si
l ’on considère que, dans la clause qui la renferme, il
n ’existe pas de charge
de rendre
à
un
t ie r s
: second
caractère distinctif et essentiel des substitutions pro
hibées.
L a clause est conçue en ces termes :
« Dans le cas que ladite future épouse vienne à dé« céder sans e n fa n s d u p résent m a r i a g e , audit cas
« seulement, les biens qui resteront de ceux ci-dessus
« donnés
seront remis et ap p a rtie n d ro n t a u d i t f u t u r
«
é p o u x ; et_, en c a s d e p r é d é c è s } à ses héritiers > ou
«
(i c e l u i d ’entr e u x q u ’i l a u ra ch o isi. »
On a beaucoup disserté sur les mots
appartiendront
seront rem is et
y ,011 a cherché à y voir une charge de
rendre imposée à la dame Capelle j on a dit que les
biens ne devaient appartenir q u ’au moment où ils
seraient remis, et que la propriété n’était que reflet
de la remise faite au décès de la personne grevée, la
dame Capellç.
On 11’a pas voulu considérer q u e , dans les substi-
�tutions, les charges de rendre n ’étaient jamais expri*
mées en de tels termes; que les expressions seront remis
et appartiendront indiquent plutôt le cas d ’un simple
usufruit laissé à la dame Capelle pendant sa vie.
Si l’union du sieur et de la dame Capelle donnait le
jour à des enfans, la dame Capelle devait être pro
priétaire des biens donnés. Mais si elle n’avait point
d ’enfans, sa propriété conditionnelle disparaissait ab
solument , en sorte q u ’elle était réputée n’avoir jamais
été propriétaire. D ejiciente conditione j u s resolvitur.
A u contraire, l ’événement rendait le sieur Capelle
propriétaire dès le jour même du c o n tra t, parce que
les biens lui étaient donnés, au cas où il n ’y aurait
pas d ’enfans nés du mariage; l ’événement a accompli
la condition en sa faveur, et la condition accomplie a
eu un effet rétroactif au jour même du contrat (Voir
Code civil, articles 1 1 77 , 1 1 7 9 .).
Dès-lors le sieur Capelle est devenu donataire pur
et simple, et doit être considéré comme ayant toujours
été le seul donataire.
Dès-lors aussi la dame Capelle n’a été q u ’une simple
usufruitière; aussi n’est-elle pas chargée de rendre les
biens. Il est dit que les biens seront remis et appar
tiendront 3 ce qui indique une propriété antérieure à
l ’époque de la remise. La propriété est la cause; la
remise est l ’effet : ils doivent être remis à ceux à qui
ils appartenaient dès l’origine. C ’est ainsi que l ’on dit
tous les jours, q u ’au décès d ’ un usufruitier les bien»
seront remis et appartiendront au propriétaire.
�< » )
M ais, pour se convaincre de plus en plus que la
disposition dont il s’agit était un don conditionnel, et
non pas une substitution fidéi-commissaire, considé
rons les autres caractères des dons conditionnels, et
comparons-les à ceux qui distinguent les substitutions
prohibées.
Dans les dons conditionnels, le donataire, saisi, dès
le jour du con trat, par l’accomplissement futur de la
condition, transmet la chose donnée à ses héritiers,
môme lorsque la condition n’est accomplie q u ’après le
décès de ce donataire.
Dans les substitutions, au contraire, si le grevé
survit au substitué, celui-ci ne transmet rien à ses
héritiers : la substitution disparait.
Dans les dons conditionnels, le donataire est partie
contractante.
Dans les substitutions, le substitué est un tiers qui
n’est pas ordinairement partie au c o n tra t, q u i , au
moins, est toujours étranger aux stipulations.
Ces principes ne sauraient être contestés.
Ricard examine la nature et les effets des dons con
ditionnels dans plusieurs de ses ouvrages (i).
Il établit que la condition opposée à une donation
entre-vifs n’empêche ni la tradition de fait ni celle
de droit.
(») Y o ir notamment son T raité des D onations, partie i Te, n0' io 3p
et suivans; et celui des Dispositions C onditionnelles, n05 191 et suivans,
gi2o et suivans.
5
�I II distingue
.. les conditions apposées aux dispositions
, (
3
4
)
testamentaires, de celles contenues dans les contrats,
et enseigne q u e , dans les actes entre-vifs , la condi
tion est présumée échue au tems du contrat (i).
De ces règles découle la conséquence que le dona
taire conditionnel transmet le don à ses héritiers ,
quelle que soit l ’cpoque à laquelle la condition s’ac
complisse, ne fut-ce q u ’après le décès du donataire..
M. Toullier,
dans son Traité des Droits civils ,
examine aussi avec beaucoup de détail la nature et
1’effet des conditions apposées aux contrats; il consi
dère notamment les conditions casuelles et suspensives.
E t comme ces sortes de conditions sont indépendantes
de la volonté de celui qui s’est ob ligé, il pense que le
créancier, quoique son action soit suspendue, n’en a
pas moins acquis, p ar la convention, un droit éven
tuelj qui ne peut lu i être enlevé sans son consente
ment y un droit irrévocable , quoiqu incertain et qui
ne peut s é v a n o u ir q u e p ar le d é f a u t d ’accom plisse
ment de la condition (Voyez tome 5 , n° 528.).
Il fait observer (n° 543 ) que 1’efFet de la condition
suspensive j lorsqu’ elle est arrivée, est de r e m o n te r au
jo u r du contraty et il cite plusieurs lois romaines à
l ’appui de son opinion.
Il remarque aussi (n° 53 o) que le droit du créan-
( i) V oir notamment le T raité des Dispositions C onditionn elles, e t
les observations faites au n° 222.
�(
35
)
cier conditionnel passe à ses héritiers 3 s’i l meurt avant
Vaccomplissement de la condition.
L e Code civil a consacré cette doctrine par l’ar
ticle 1 1 7 9 , qui déclare que la condition accom plie
'
a un effet rétroactif au jo u r du contrat 3 et que,
si le créancier est mort avant l ’accomplissement de
la condition, ses droits passent à ses héritiers.
Ces règles s’appliquent aux donations entre-vifs ;
car des conditions peuvent être apposées aux donations
comme aux autres actes, pourvu q u ’elles ne dépendent
pas de la volonté du donateur (V o ir Code c iv i l , ar
ticle 9 4 4 .); et l ’on sait que la donation, dès q u ’elle
est faite, devient une obligation pour le donateur, et
un droit ou une créance pour le donataire.
Mais ces diverses règles ne conviennent pas aux
substitutions fidéi-commissaires.
Pendant la vie du grevé, le substitué n’a aucun
droit acquis; il n’est saisi de rien
: il n ’a q u ’une
simple espérance; et cette espérance s’évanouit s’il
meurt avant le grevé. Tel est un des caractères prin
cipaux de la substitution fidéi-commissaire. Tel est le
caractère qui établit l ’ ordre su ccessif s et ce q u ’on
appelle, en droit, le trait de tems.
Dans les substitutions, il y a ordre s u c c e s s if,
parce que le grevé est seul propriétaire pendant sa
vie; q u elq u e soit l'événement, la propriété aura tou
jours résidé sur sa tête; le droit du substitué ne com
mencera qu ’au jour de l ’ouverture du fidéi-commis ; ce
droit n’aura pas d'effet rétroactif au jour du contrat.
�( 36 )
Dans les dons conditionnels, au contraire, la pro
priété est suspendue jusqu’à l ’événement. Alors, par
un effet rétroactif qui remonte au jour du contrat, la
propriété est réputée avoir toujours résidé sur la tête
de celui à qui l ’événement l ’attribue. I l n y a pas
d ’ordre successif.
C ’est ce caractère important qui distingue la substi
tution du don conditionnel.
On peut consulter sur la différence de ces deux
dispositions, M. Thevenot d ’Essaules, chapitre 2 6 ,
S 1 , 3 et 4 ? et chapitre 28, § 8.
« L ’ouverture est la form ation du droit au profit
« du substitué , en telle sorte que le fidéi- commis
« commence à lui être du (V o ye z n° 4 ^4 )*
« Par l ’ouverture il acquiert un droit q u ’il transmet
« à ses héritiers } en cas de décès (Voyez n° 487)« Si l ’appelé décède avant que la substitution ait
« été ouverte en sa faveur, il ne transmet rien à son
« héritier ( n° 5 2 1 ). »
Cette doctrine de M. Thevenot d ’Essaules est fondée
non-seulement sur les lois romaines, mais même sur
un article formel de l ’ordonnance des substitutions.
L ’article 20 du titre I er s’exprime ainsi :
« Ceux qui sont appelés à une substitution , et
« dont le droit n ’aura point été ouvert avant leur
« décès 3 ne pourront en aucun cas en avoir transmis
« l'espérance à leurs enfans ou descendans, encore
« que la substitution soit faite en ligne directe par
« des ascendans. »
�X»
3? )
M. Thevenot fait observer que la caducité du fidéicommis, par le prédécès du substitué ,v ne s ’ applique
pas moins au fidéi-com m is p ar donation entre-vifs ,
qu au fidéi-com m is par testament (n° £>28).
« L ’ordonnance des substitutions elle-même n’admet
« point à ce sujet de distinction. »
Nous avons vu q u ’il n ’en était pas ainsi des dons
conditionnels faits par actes entre-vifs.
1
« Par cette espèce de donation , il n ’est pas néces« saire d’exister, 1lorsque la condition arrive, pour
« transmettre à son héritier le bénéfice de la dispo
s itio n .
(
•
«
«
«
«
1
•
■
I
j
« Dans les actes entre-vifs, la donation a effet
rétroactif au tems de l ’a c te , en telle sorte que le
droit est censé avoir été fo r m é des V origine j quand
définitivement la condition arrive (V o ye z le même
auteur, n° 53 o et 5 3 1). »
•’ V *
E n appliquant cette doctrine à la cause des héritiers
Capelle, pour reconnaître si la libéralité était un
fidéi-commis ou un don conditionnel, il 'suffit de
considérer si le décès du sieur Capelle, étant-antérieur
à l’événement de la condition , devait ou non rendre
le don caduc, et empêcher le sieur Capelle de le
transmettre à ses héritiers.
.
O r , q u ’on lise la clause constitutive de la libéralité,
et 1 011 y verra littéralement stipulé q u e , si la demoi
selle fu tu re épouse décède sans enfans du présent
mariage, les biens qui resteront de ceuæ ci-dessus
donnes seront remis et appartiendront audit f u t u r
�m
( 38 )
ép o u x ; e t,
ENyCAS DE PRÉDÉCÈS , A SES HÉRITIERS
OU A CELUI
d ’e
N T r ’ e U X QU I L AURA CHOISI.
L ’expression n ’est pas équivoque. L e sieur Capelle,
quoique décédé avant l ’événement p r é v u , pouvait
transmettre à ses héritiers, pouvait même exprimer
une volonté, faire un ch oix, et attribuer les biens
donnés à celui de ses héritiers qui serait l ’objet de son
affection spéciale.
Donc il n’était pas un simple substitué; donc il était
saisi d ’un droit dès l ’instant même du contrat de
mariage ; donc l ’événement de la condition ^devait
avoir en sa faveur un effet rétroactif q u i, remontant
au jour du contrat, lui attribuait ab initio la pro
priété des biens donnés, et lui permettait de transmettre
cette propriété; donc la clause du contrat était consti
tutive d ’un don conditionnel, non d ’une substitution
fidéi-commissaire.
C et argument avait été présenté dans le premier
mémoire des appelans, avec moins de développement
peut-être (i). On a ‘ feint de ne pas le remarquer; on
s’est dispensé d ’y répondre.
, E t q u ’aurait-on pu y répondre de sérieux?
Pour le «détruire, il eut fallu renverser toute la
théorie des principes sur les substitutions.
Aurait-on’ dit que les héritiers du sieur Capelle
étaient les vrais substitués, en cas de prédécès de
celui-ci ?
( i)
V o y e z
pages 39 c l suivantes.
�( 39 )
M i '''
Mais ne serait-ce pas éluder le moyen au; lieu de le
combattre? Ne serait-ce^ pas1 vouloir; transformer tout
don conditionnel en substitution.Pc: Ne serait-ce pas
confondre toutes les règles , dans l'injuste but de par
venir à détruire une convention écrite, et de se jouer
de la volonté d ’une bienfaitrice?
Mais que deviendrait alors la vocation personnelle ,
qui est aussi un des caractères des-substitutions? C a r,
selon Thevenot d ’Essaules r il faut q u ’il y ait charge
de rendre à un tiers que Von gratifie èn second ordre
(V oyez son Traité, chapitre i " , n0 '])'■
Il faut donc que le substituant désigne lui-même le
tiers ; il faut que le substituant gratifie lui-même.
O r , en devait-il être ainsi dans l ’espèce, puisqu’en
cas de prédécès du sieur Capelle, les biens donnés
devaient appartenir à ses héritiers } quels q u ’ils fussent,
enfans ou collatéraux , ou à Vhéritier du ch o ix du
sieur C a pelle? L a donatrice n’avait d’affection pour
aucun des héritiers \ elle n ’en désignait aucun : peu lui
importait. Ce n ’étaient pas e u x, mais le sieur Capelle
spécialement q u ’elle enténdait gratifier; c’était aussi
le sieur Capelle seul qui devait désigner et gratifier
lui!- même, si tel eût été son désir, celui auquel il aurait
entendu attribuer les biens donnés.
Ce serait donc, il semble, se refuser 'a reconnaître
1 évidence m êm e, que de soutenir encore q u ’il y a
substitution.
Sera-t-il nécessaire de répéter ici que le sieur C a-
�-v ^ v x
( 4» )
pelle n ’était pas un tiers, dans le sens q u ’attachent à
ce mot les principes s u r les substitutions ?
Les sieur et dame Valehtin ont fait beaucoup d ’ef
forts pour écarter ce m oyen, présenté dans le premier
mémoire; ils ont visé à être profonds : n ’auraient-ils
été q u ’obscurs?
L eur réponse à l ’argument est difficile à saisir ; et
ce q u ’on y trouve de plus remarquable, ce sont quel
ques vérités naïves, telles que celle-ci : P o u r se marier,
i l f a u t être d e u x :
A-t-on voulu dire un bon mot ? Soit ; mais il fallait
y,ajouter de bonnes raisons; e t , par exemple, prouver
q u e, dans les substitutions même, il est nécessaire
d ’être deux pour recevoir la première donation ; q u ’il
est nécessaire d ’être deux pour en accepter les charges;
q u ’il est nécessaire d ’être deux pour s’obliger solidaire
ment envers le donateur.
\'
i.) ,
.i
-' 1
Sans doute, on peut être présent dans un contrat,
et être un tiers par rapport à l ’une des dispositions que
ce contrat renferme. Telle eut été-la position du sieur
C ap elle, s i , le don étant fait à son épouse se u le ,
elle seule aussi, eût été soumise par la donatrice aux
paiemens considérables, aux charges nombreuses qui
furent le prix de la libéralité.
Mais il n’en fut pas ainsi.
f
Il
fut expressément stipulé que le sieur Capelle
supporterait aussi ces charges, et q u ’il en serait tenu
solidairement. Partie contractante dans la disposition
même , le sieur
Capelle pourrait-il être considéré
�comme un tiers , comme un simple substitué ? Ne
sait-on pas q u ’un substitué n ’est soumis à aucune
charge, tant que son droit n ’est pas ouvert-, et q u e ,
si son droit ne s’ouvre jamais, s’il n’a aucun avantage
à transmettre à ses héritiers, au moins il n’aura rien
payé, et ses héritiers ne pourront être exposés à au
cunes poursuites.
1 Cette position n ’est pas celle des héritiers Capelle :
leur père s’était obligé, et a beaucoup payé ; et ils
seraient contraints de payer eux-mêmes à la dame
M u rât, s’il lui était encore dû; aux créanciers de la
succession Jalinques, s’il s’en présentait. C ar l ’obliga
tion solidaire, contractée par leur p ère, a passé sur
leurs têtes. Comment concevoir q u ’ils ne doivent être
étrangers q u ’aux bénéfices?
Reconnaissons donc que la disposition critiquée n’est
pas une substitution. Reconnaissons q u ’elle n ’en pré
sente ni les termes, ni la n a tu re , ni les principaux
caractères; q u ’on n ’y remarque ni charge de conserver,
ni charge de rendre, ni tiers substitué. Reconnaissons
que la libéralité q u ’elle renferme est un don condi
tionnel et éventuel, dont l'effet, déterminé par l ’évé
nem ent, et remontant au jour du contrat, a saisi, dès
ce jour-là même, le sieur Capelle seul de la propriété
des biens donnés, et l ’a rendu capable de transmettre
6es droits à ses propres héritiers, quels q u ’ils fussent,
ou a 1 héritier de son choix.
Mais, y eût-il doute sur le sens du contrat, l ’inler-
6
�4 >•
( 4a )
prétation devrait tendre à conserver plutôt qu’à dé
truire.
Les intimés ont daigné je te r un regard sur cette
dernière proposition. Leur vue faible sans doute ne
leur a pas permis d ’y fixer un œil scrutateur; car leurs
observations SOtlt'‘à peu près nulles. Cependant les
auteurs invoqués, les arrêts cités sur ce point dans le
mémoire des-appelans, paraissaient dignes d ’un peu
plus d ’attention ; et l ’on doit présumer que si une
réponse eût été possible, ils nous en auraient fait part.
Mais il fallait glisser sur la difficulté, parce que les
lois romaines que l ’on invoque veulent que l ’interpré
tation soit favorable à l ’exécution de l ’acte ; parce
que Toullier que l ’on cite, dit lui-même que ce serait
a ller directement contre l ’esprit des lois romaines 3
que d ’appliquer ,
pour détruire , des dispositions
q u e lle s n avaient établies que p our conserver.
M. Rolland de Villargues professe la même doctrine
dans tout son ouvrage, et notamment dans le cliap. 7;
et il en conclut que toutes les fois q u ’on pourra, sans
blesser les principes, attribuer à l ’acte un sens dif
férent, un sens d ’après lequel les dispositions conser
veraient leur effet, un effet p lu s ou moins éten d u ,
c est-là l ’interprétation que l ’on doit admettre.
Il
serait superflu de rappeler ici la jurisprudence.
Aucun des arrêts opposés ne s’applique aussi parfaite
ment à la cause que ceux invoqués par les appelans.
D’ailleurs la diversité de la jurisprudence ne pourrait
�. ( i3)
que laisser les esprits incertains , et dans le------- ----la disposition devrait être maintenue.
M a is , nous l ’avons prouvé , il n ’ y a pas même
doute. L a disposition est un don conditionnel, non
une substitution fidéi-commissaire; et les héritiers
Capelle, pleins de confiance dans l ’esprit lumineux
et méditatif de leurs magistrats, doivent attendre
avec sécurité la décision de cette cause importante.
CAPELLE.
i
Me A L L E M A N D , A vocat.
R I O M , IM P R IM E R IE D E SA LL ES , PRÈS LE PALAIS D E JUSTICE.
* 9 *
'O Y A L E
1
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Capelle. 1819?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Allemand
Subject
The topic of the resource
donations
contrats de mariage
fideicommis
pensions viagères
renonciation à succession
assignats
élevage bovins
immeubles
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse, pour les héritiers Capelle, appelans ; contre la dame Nouveau et le sieur Valentin, son mari, intimés ; en présence des dames Langheac de Montlogis et autres, aussi appelans.
Table Godemel : Bestiaux : Pour l’ancien législateur, les bestiaux attachés à la culture et les instruments aratoires n’étaient pas nécessairement considérés comme immeubles par destination, et accessoires du domaine. – ainsi, ils ne faisaient point partie de la donation du domaine, s’il n’y avait clause expresse et spéciale. Instruments aratoires : sous l’ancienne législation, les bestiaux attachés à la culture et les instruments aratoires n’étaient pas nécessairement considérés comme immeubles par destination, et accessoires du domaine. – ainsi ils ne faisaient pas partie de la donation du domaine, s’il n’y avait point de clause expresse et spéciale
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1819
1786-1819
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
43 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2505
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2503
BCU_Factums_G2504
BCU_Factums_G2506
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53491/BCU_Factums_G2505.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Calvinet (15027)
Cassaniouze (15029)
La Rouquette (château de)
Agrovieille (domaine d')
Saint-Michel (domaine de)
Mallaret (domaine de)
Ladinhac (15089)
Vézac (15255)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
assignats
contrats de mariage
donations
élevage bovins
fideicommis
immeubles
pensions viagères
renonciation à succession
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53490/BCU_Factums_G2504.pdf
9e8a2baf7ee2bafdc40ef575b0fff936
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Text
MEMOIRE
EM PLOYÉ PO U R RÉPONSE A GRIEFS
k“ '
J
DE RIOM.
EN E X E C U T IO N
**"•
DE L’ARRÊT DE LA COUR
DU
18
AOUT
1819,
‘Wl p“ écriu
iïa*ÙÊ t&J.
.
PO UR
Sieur
Pier r e- F
élix
V A LENTIN
et
dame
N O U V E A U , son épouse,
propriétaires, habitant le lieu de la Rouquette,
^ commune de Cassaniauze , arrondissement
d 'A urillac, département du Cantal, intimés;
M
ar ie
-S
Chambre.
ophie
CONTRE
Sieur P i e r r e - A n t o i n e C A P E L L E , P u e c h J e a n d e m o is e lle s M a r i e et S o p h i e CA-
�c o
P E L L E y frère et sœurs , propriétaires,
habitant ladite ville ¿CAurillac, appelons
de jugement rendu par le Tribunal civil
d'Aurillac , le Si décembre 1 8 1 7 3 suivant
les exploits des 12 février et 11 mars i 8 i 8 y
E T EN C O R E C O N TRE
La dame M arie-So ph ie L A N Z A C D E
MOJSTLOGIS¡religieuse^habitante de la
ville d ’Aurillacy M a rie-Ju d ith L A N Z A (7,
veuve du sieur P I A L E S >et M arie-H on orée L A N Z A C ^ toutes deux habitant le
lieu et commune du Viviers y le sieur
P . B R A S S A T -M U R A T , docteur en médecïney et la dame Ju d ith L A N Z A C 3 son
épouse, de lui autorisée, habitans de la
v ille d 'A u b ie r y autre M a r i e - %f üDi Tt t
L A N Z A C D E M ONTL 0 GIS-CH ANAT\
propriétaire, habitante au lieu de la Rou(juette } commune de Cassaniauze 3 canton
de Montsalvj y le sieur M A R S IL L A C y
docteur - médecin , O l i m p i e - S i l v i e L A N
Z A C D E M O N T L O G IS , s o j i épouse, de
lui 'autorisée y M a r i e - C h r i s t i n e L A N
Z A C D E M O N T L O G IS y M a r i e - A n n e
�( 3 )
C H A U D E S A I G U E S D U T U R R I E U 'y
veuve de C lau de L A N Z A C D E M O N T L O G I S , tutrice de leurjils mineur; Jo s é
p h i n e - J u d it h
L A N Z A C D E M O NTL O G I S , tous propriétaires 3 habitans du
lieu de Dousques , commune de V éza c y
P ie r r e -A le x a n d r e et P ie r r e -H o n o r é
L A N Z A C D E M O N T L O G I S , proprié
taires , habitans du lieu de Montlogis , com
mune de Ladinhou y susdit canton de Monts a lv j 3 aussi appelans du même jugement,
S ’IL falloit en cro ire les h éritiers C a p e lle , ils au ro ien t
à com battre u n e préten tion odieuse, et leur cause
toute favorable, appelleroit, au contraire, la bienveil
lance de la justice, Donataire direct de la dame Jalinques,
par la stipulation de son contrat de mariage, leur auteur
auroit acheté par d’immenses sacrifices les biens qu’on
paroissoit lui donner à titre purement gratuit. U n moyen
de substitution, péniblement inventé par un donataire
postérieur, 6eroit aujourd’hui opposé à ses enfans, pour
les dépouiller, pour leur arracher violemment une pro
priété qui lui avoit coûté tant de soins, d’inquiétudes,
et jusqu’au sacrifice de sa propre fortune. Suivant eux,
1 idée de substitution n’est qu’une chimère que la cupi
dité a rêvée, et dont elle veut abuser aujourd’hui; enfin,
I *
�( 4 )
c’est des appelons qu’il faut dire que malgré les décisions
nombreuses qui ont tenté de ramener les esprits à la
vérité et à la ju stice, les leçons de Vexpérience sont
ordinairement perdues pour les plaideurs.
Les intimés ne nieront pas ce que cette assertion
peut avoir de vrai, même dans la contestation actuelle;
mais ils la repousseront loin d’eux, et laisseront à la
justice de décider si les appelans n’ont pas fait en cela
le tableau de leur propre cause. En rétablissant les faits,
ils démontreront que les héritiers Capelle ont établi
leur défense sur des suppositions erronées, sur des moyens
de droit plus subtils que solides.
Nous verrons, en effet, combien le tableau qu’ils ont
présenté diffère de la cause. La dame Jalinques, en
donnant sa fortune à sa sœur, avoit, il est vrai, témoi
gné de la bienveillance à son futur beau-frère; elle
l’avoit gratifié en second ordre, et ordonné que les biens
lu i seroient remis au cas mais seulement au cas où
la fu t u r e , sa sœur, décéderoit sans erifans. Le sieur
C ap elle n’âvo it ni efforts ni sacrifices à faire p o u r exé
cuter les conditions de cette libéralité, et il n’eut pas
le mérite d’y avoir satisfait. Possesseur de biens consi
dérables, en vertu de la donation, il fit des procès à la
bienfaitrice de son épouse, qui étoit la sienne propre ; car
il participoit au bienfait comme mari et comme substitué.
Sa veuve, maîtresse de ses biens, en gratifia un nouvel
époux; long-temps on ne contesta à l’un ni à l’autre la
légitimité de leur possession, et certainement on n y
eût jamais pensé, si une demande formée par les intimés,
en restitution de quelques sommes, n’en eût inspiré
�( 5 )
l’idée; mais on n’avoit pas encore eu l'ambition de s’appro
prier une fortune sous la foi de laquelle ont été con
tractés deux mariages successifs, celui du sieur Nouveavi
et celui du sieur Yalentin. On n’avoit pas rêvé de
prétendus sacrifices qu’on avoit jamais faits ; des dan
gers imaginaires qu’on n’avoit jamais courus; des faits
qui n’ont jamais existés. On ne savoit pas encore qu’en
acquérant les droits des héritiers de la dame Nouveau,
on pouvoit, sous leur nom, prêter à la disposition de
la dame Jalinques un caractère autre que le sien propre,
et se faire un moyen auprès de la justice d’une décla
ration émanée des sieurs Capelle eux-mêmes, sous le
nom de la dame de Murât. Le temps des rêves est
arrivé et le procès a commencé. Il ne devoit pas s’ar
rêter en première instance ; le grand intérêt qu’il
comporte ne le permettoit pas, et il appartenoit à la
Cour d’y mettre le sceau de sa sagesse. Les intimés
esp èren t lui d ém on trer que la décision des premiers
juges est à l’abri de la censure, au moins dans la dis
position principale dont se plaignent les héritiers Capelle.
F A IT S .
Le 23 septembre 1786, le sieur Capelle épousa MarieJudith Lanzac de Montlogis.il étoit veuf alors, et avoit
trois enfans de son premier mariage. Nous n’avons pas
à rechercher s’il fut porté à ce nouvel hymen par ¿es
illusions de goût ; il est peu ordinaire que ce motif
soit celui qu’on donne à l’union conjugale ; il ne nous est
pas difficile, d’ailleurs, (le discerner un motif beaucoup
�( 6 )
plus naturel, beaucoup plus respectable. Le sieur Capelle
avoit trois enfans en bas âge, un garçon et deux filles;
il avoit besoin de quelqu’un pour soigner leur enfance,
et rester à la tête de sa maison. Un homme livré à luimême est ordinairement peu capable de ces soins minu
tieux et délicats qui sont pourtant indispensables. Le
sieur Capelle le pensa pour lui-même ; il crut devoir
donner une seconde mère à ses enfa ns, et nous ne craignons
pas de dire qu’il avoit atteint son but. A entendre les
appelans, sa tendresse pour eux ne lui auroit fait faire
que des calculs d’intérêt personnel, et son second mariage
n’auroit été qu’une spéculation ; il auroit épousé une
vieille fille, qui ne lui offroit x^as même des illusions ,
et il l’auroit épousée uniquement pour avoir sa fortune.
Nous ne savons pas s’il y avoit de sa part absence totale
de goût; mais si cela étoit vrai, le motif de cet hymen
ne rendroit pas sa spéculation plus recommandable aux
yeux de la justice, et peut-être ses enfans eussent-ils
mieux fait de le taire. Quoiqu’il en soit, nous pouvons
facilem ent supposer que le sieu r Capelle n’avoit pas
sacrifié toutes les convenances, et foulé aux pieds le
respect dû à une union sainte par elle-même, pour n y
faire qu'un marché et n’y voir qu’un intérêt pécuniaire;
et qu’au moins il avoit mêlé à ses calculs un motif plus
noble et plus digne du mariage. Au reste, l’âge de la
demoiselle de Montlogis et le sien, sa condition et la
sienne, sa fortune et la sienne, sans parler de celle de
sa sœur ; tout cela étoit assorti, et la future épouse étant
capable de donner à ses enfans les soins d’une m ère,
elle offroit au sieur Capelle un avantage de plus,
�( 7 )
Nous ne répéterons pas ici les conditions de ce mariage,
déjà transcrites dans le mémoire des appelons} page
et suivantes; ils en ont fait ressortir toutes les expressions
auxquelles ils ont cru pouvoir trouver un sens qui leur
fût avantageux. Il est si facile d’y voir la véritable inten
tion des parties; elles se sont exprimées si simplement,
qu’il nous suffira de rappeler les dispositions principales.
Nous ne parlerons que de la clause qui donne lieu au
procès; car c’est elle qui doit nous apprendre à qui la
clame veuve Jalinques a donné et voulu donner. Après
la constitution dotale de tous biens présens et à venir et
le pouvoir de vendre donné au futur époux par clés
clauses qui lui sont étrangères , elle intervient au contrat,
et s’exprime ainsi :
« Laquelle, pour Vamitié 'particulière qu elle a pour
« la fu tu re épouse, sa sœur, a , en faveur du mariage,
K donné, à titre de donation entre-vifs pure et simple,
« A SADITE SŒUR, future épouse, CE ACCEPTAN TE,
« tous les biens meubles et immeubles dépendans de la
« succession du sieur Jalinques, son. m ari, dont elle est
« héritière testamentaire....................................................
Cette donation est faite sous diverses réserves et con
ditions, notamment de payer à la donatrice une somme
de 120,000 liv. ,dont 20,000 liv. dans six mois, 10,000 liv.
un an après, et les 90,000 liv. restant, par 3,000 liv.
d'année en année ; de payer une pension viagère de
600 livres à une dame Delom, et d’acquitter toutes les
dettes de la succession du sieur Jalinques. Cette dernière
condition n’étoit que de forme. Le sieur Jalinques avoit
laissé un actif considérable en créances, billets et obli-
5
�( 8 )
gâtions, qui faisoient partie de la donation faite à la
future épouse ; par conséquent, pas de dettes; il n’en
existoit que pour 2,000 livres, et le sieur Capelle nen
paya jamais une obole ; cette somme a été acquittée par
le sieur Nouveau, après le second mariage.
Enfin, et c’est là le grand, le principal moyen des
appelans, les fu tu rs époux, le sieur Capelle comme la
demoiselle Lanzac, s’obligent solidairement à remplir
ces charges.
Il faut en convenir, si le contrat de mariage s’arrêtoit
là , si on ne savoit pas autre chose, la charge imposée
au sieur Capelle, solidairement, pourroit paroître exor
bitante; car il est bien incontestable que la donation n’étant
faite qu’à la fu tu re épouse, n’étant acceptée que par
elle, le sieur Capelle, qui ne figuroit pas du tout dans
la disposition, et qui n’avoit que son droit de jouissance
comme m a ri, auroit contracté un engagement un peu
sévère; mais lorsqu’on saura que par la suite de l’acte, la,'
donatrice s’engage à remettre aux futurs pour 80,000 liv.
de créances actives ; que ces effets étoient livrés au sieur
C a p e lle , comme mari et maître des biens dotaux, quoique
sa fortune ne présentât pas une garantie suffisante;
lorsqu on saura que le recouvrement des effets devoit
couvrir, et bien au delà les 30,000 livres payables en
dix-huit mois ; qu’enfin, et indépendamment de ses effets
actifs, la dame Jalinques liyroit au sieur Capelle des
immeubles dont le revenu excédoit de beaucoup les
3,000 livres qu’il devoit payer par année, on ne sera
plus étonné d’une précaution que commandoient les
circonstances, et qui nétoit plus du tout onéreuse pour
le
�( 9 )
le sieur Capelle ; car il est peu de ¿futurs époux qui
refusassent leur engagement personnel de payer 30,000 1.
en recevant personnellement des effets pour 80,000 liv.,
et de payer 3,000 liv. par an en prenant la jouissance
d’immeubles qui produisissent beaucoup au delà. Les
avantages qui en résultaient dès lors pour les époux,
ceux que le mari pouvoit lui-même en espérer par lu
suite, et enfin l’impossibilité qu’il pût entrevoir pour
lui-même aucun danger; tout cela, sans autre motif,
étoit suffisant pour lui faire donner son propre enga
gement, sans qu’il fût besoin d’aucun autre don propre
a lui seul. Il ne faut donc pas supposer la nécessité
dune donation directe au mari lui-même, qu’on s’efforce
de trouver partout, parce qu’on ne la trouve nulle part;
et le contrat de mariage se fût - il borné à ces dispo
sitions , elles n’auroient rien d’inconciliable avec la
position des parties, rien même d’extraordinaire en soi.
Mais les parties n e s’a rrê te n t pas à ces premiers termes j
une stipulation secondaire suit cette première disposition;
elle concerne le fu t u r époux qui n’avoit aucune part
à la précédente. Qu’est-elle? que peut-elle être? Voilà
ou résidé la difficulté de la cause. L ’esprit doit être
prépare d’avance à la nature de cette disposition, puisque
déjà il en existait une parfaite, absoluç, et qui constituoit
a elle seule une véritable libéra/î^i; on s’attend dès
lors à voir une clause qui contienne une disposition se
condaire. Au reste, lisons-la immédiatement.
« D ajis le cas où la demoiselle future épouse vienne
« à décéder sans enfans du présent mariage, audit cas
»
�( 10 )
« seulement, les biens qui resteront de ceux ci-dessus
« donnés, s e r o n t r e m is et appartiendront audit futur
« ép oux, et en cas de prédécès, ¿1 ses héritiers ou à
r< celui d’entr’eux qu'il aura choisi , avec néanmoins h•< ber té à la future épouse de disposer de la somme de
■< trois mille liv r e s ................. en faveur de qui bon lui
« semblera; et au m oyen de tout ce que dessus, ladite
« dame de Lanzaç de la Ilouquette s’est dessaisie et
« dévêtue desdits biens donnés , et en a saisi et vêtu,
a tant EN PROPRIÉTÉ qu’en usufruit, LAD ITE DEMOI« s e lle
f u t u r e é p o u s e , p o u r , par elle et lesdits
c< futurs ép ou x, en jouir dès à présent....................
Voilà la clause. Ne nous occupons pas encore des
facultés qui y sont ajoutées; ce n’est pas là ce qui cons
titue le don ni ses c a ra c tè re s; la disposition entre la
donatrice et ceux qui reçoivent directement ou indirec
tement est complète ; elle est terminée par ces expressions
finales : et au moyen de ce que dessus, ladite dame
s’est dessaisie et dévêtue.
Considérons cette^ stipulation avec une entière fran
chise; dépouillons-nous de toute prévention; voyons la
pensée des contractons avec cette simplicité qui se trouve
dans la clause m êm e, et
qui est immanquablement
compagne de la v é r ité , et nous serons convaincus,
sans qu’il nous en ^ A t e beaucoup de méditation, que
cette clause n’est qu’une véritable substitution.
E h ! que pouvoit-elle être autrement? Il existoit déjà
une donation parfaite, entre-vifs, dirigée au profit de
la femme seule, acceptée par elle seule; toute autre dis-
�/ f*
( ” )
position ne pouvoit donc être qu’une substitution ou
une association à la donation primitive, avec ou sans
accroissement, c'est-à-dire, une autre donation directe
de la dame de Lanzac au sieur Capelle ; donation q u i,
en ce cas, devroit se trouver dans l’acte, en termes
exprès, et qu’on n’eût pas manqué de faire accepter
par le sieur Capelle, comme on l’avoit fait pour la
future, si on eût eu la volonté, et surtout la volonté
préméditée de faire une véritable donation.
Mais, au lieu de cela, on voit la dame de Lanzac
stipuler, qu'en cas de décès de la future, et audit cas
seulement, les biens.............................seront remis et
appartiendront au futur époux, et en cas de prédécès,
a ses héritiers; assurément il n’y a pas là d’association à la
donation ; on n’y fait pas la part de chacun des pré
tendus donataires; on ne donne pas conjointement, avec
droit d’accroissement ; il eût cependant fallu l'un ou
l’antre, s’ils eussent été donataires dix’ects tous les deux.
Ne nous occupons pas encore de savoir si l’obligation
de remettre portoit sur tous les biens, ou seulement sur
çeux dont la dame Capelle n’auroit pas disposé ; ne
parlons pas encore principes; mais ne perdons pas de vue
que c’est ¿1s o j i décès, et seulement en cas de décès sans enfans du mariage, quelle doit remettre les biens au futur
ou à ses héritiers. Nous verrons, lorsque nous serons à l’ex
position des principes, que tous les docteurs reconnoissent
cette condition comme celle qui est le plus essentiellement
caractéristique de substitution. Remarquons aussi qud
pour ne laisser aucun doute, c’est après avoir stipulé au
profit du sieur Capelle, cette remise conditionnelle des
3 *
«
�biens, ou de ceux qui resteront, peuimporte, que la clona*
trice ajoute ces expressions désespérantes : et au moyen de
ce que dessus , ladite dame s’est dessaisie et dévêtue des
biens donnés , et en a saisi et v ê t u .............qui ? Si deux
donataires sont appelés directement, c’est le cas de les
vêtir tous les deux; mais, pro/idolor ! on a saisi et vêtu,
tantEN p r o p r i é t é qu’en usufruit, LAD ITE DEMOISELLE
fu tu re
É p o u s e ; elle seule et personne q u e lle , parce
qu’on n’avoit, donné qu’à elle, que personne qu’elle
n’avoit accepté le don, et que si elle et le futur époux
doivent jo u ir , c’est comme une conséquence nécessaire de
ce qu’on venoit de donner des biens à sa fu tu re, tant en
-propriété qiüen usufruit , et de ce que ces biens étant
dotaux, il lui appartenoit d'en jo u ir , mais seulement
d’en jouir en sa qualité de mari.
Nous ajouterons, puisque cela peut faire plaisir aux
héritiers Capelle, qu’on donne ensuite la liberté au futur
époux de vendre et aliéner les biens donnés, mais du
consentement de la fu tu re épousej de recevoir le prix
des ventes et des sommes dues, mais à la charge de les
reconnoitre et de les rendre à qui il appartiendra ; et s’il
est besoin de quelque réflexion sur ces clauses accessoires,
et sur lesquelles les appelans ont tant glosé, nous verrons
plus tard combien elles sont insignifiantes pour arriver
au but où les héritiers Capelle veulent atteindre par
tant d’efforts. Nous devons nous borner, en ce mo
ment, à ce récit simple et exact du fait qui concerne la
difficulté principale du procès, et ne pas pousser plus
loin les réflexions. La cause se voit toute entière dans ce
peu de mots; elle se présente d’une manière nette et
�3
( i )
concise. Nous verrons si la discussion y changera quelquè
chose, car il faudra bien discuter, ne fût-ce que pour
répondre, par des principes positifs, aux arguties, aux in
terprétations de mots dans lesquelles se retranchent les
héritiers Capelle.
Poursuivons le récit des faits.
Peu après le mariage, il fut question de réaliser la
promesse de la dame Jalinques, de remettre pour 80,000 .
d’effets ; elle n’en eut que pour 70,108 livres. A in si,
d’après la convention du contrat, elle devoit diminuer
95892 livres sur les 120,000 livres qu'elle s’étoit réservées.
Elle fut plus généreuse, car par un traité du 4 décembre
*7^6, deux mois après le mariage, elle fit remise de
20.000 livres sur sa réserve, qui fut dès lors réduite à
1
100.000 livres, et elle abandonna aux sieur et dame
Capelle une quantité assez considérable du mobilier qu’elle
s’étoit égalemant réservé, notamment six lits de maître,
beaucoup de linge et d’ustensiles de ménage.
Bientôt après, la dame Jalinques contracta un nouveau
mariage avec le sieur de Murât. Nous devons dire ici que
le sieur Capelle, au nom duquel on dit beaucoup aujour
d’hui qu’il n’aimoit que les donations directes et positives,
avoit compté sur un avantage qui ne lui étoit promis
nulle part, pas même par substitution, pas même par
une assurance verbale. Il comptoit bien ne jamais payer
ou voir revenir dans ses mains, comme mari, les 100,0001.
réservées par la dame Jalinques; c’étoit une partie de
sa spéculation. Le second mariage de la donatrice la
faisoit disparoître; avec elle s’évanouirent les illusions,
car elles avoient duré jusque-là. Le sieur Capelle prit
�4
( i )
de l’humeur, la manifesta, et ne se croyant pas donataire
direct, ne voyant pas un dédommagement suffisant de sa
solidarité, dans l’espoir d’une saisine à venir , ne voyant
là que le bien être futur de ses en fans et non pas le
sien propre, il parut exiger de la dame son épouse qu'elle
répudiât à la donation; celle-ci refusa d’y consentir.
De cette époque, le sieur Capelle se retira à SaintConstant, et laissa la dame Lanzac à la Rouquette. Il
çst vrai qu’alors il montra moins d’attachement à son
épouse que de regrets de voir évanouir des espérances
qu’il n'avoit pas été autorisé à concevoir.
Quoiqu’il en soit, plusieurs procès et non un seul,
s'élevèrent sur le refus de payer; quoiqu’on en dise dans
le mémoire des appelans,le mari et la femme n’avoient
pas le même but; l'un vouloit répudier, et vraisem
blablement répudier seul, quoiqu’il parût vouloir aussi
la répudiation de son épouse , car il lui auroit été
bien doux de conserver les biens comme m ari et de
ne rien devoir solidairement; l’autre répugnoit à ce
m o y e n peu con ven ab le. Si l’obligation personnelle du
mari eut été causée par une donation directe qui
lui fût propre, sans; cloute, il eût eu le droit de s’en
affranchir‘en répudiant; mais ne faisant qu’abandonner un
droit de substitution non encore ouvert, ce qui ne sign:iioit rien dans l’intérêt de la donatrice, et son obligation
ayant d’autres causes, les conventions du contrat étoient
indivisibles. Aussi la sentence du 29 août 1790 ne laissat-elle d’autre option que celle d’exécuter la condition ,
faute de quoi, elle déclara la donation révoquée;. Il faut
convenir qu’en refusant de satisfaire à la condition, soit
�(«5 )
pcrsounellement, soit comme m ari, le sieur Capelle avoit
uu excellent moyen de s'en' affranchir, puisque la révo
cation s'ensuivoit. Il eut ses raisons, sans doute, pour ne
pas prendre ce parti, auquel il n’avoit qu’à perdre.
r
A u reste, un acte positif, la transaction du 20 décembre
17 9 1, nous apprend ce qu'il en avoit coûté jusque-là au
sieur Capelle pour satisfaire aux charges de la donation.
lJas une obole n’étoit payée .sur le. capital, quoiqu’il y
eût 36,000 livres d’échus, et 9,600 livres étoient dues sur
les intérêts. Certes, le sieur Capelle qui avoit joui des
biens, et sans, douté reçu des capitaux de créances, étoit
bien débiteur personnel des intérêts, et il ne résultait
pour lui aucune perte, même momentanée, de l’obli
gation de les payer; pourquoi ne l'avoit—
il pas fait?
Quoiqu’il en soit, par ce traité la dette est liquidée
a i ° 9 ,6°o livres : le sieur Capelle payé. . . 12,728 liv.
D o n t 9,600 liv re s sur les in té rê ts, en sorte
q u ’ il ne p a y e de ses d e n ie rs, ’su r le’ cap ital,
q u e la m od iqu e som m e de 3 ,18 8 liv res.
Le sieur de Lanzac, frère de son épouse,
paye sur sa dot.........................................i. . ^ 8 1 2 liy.
La dame de Murât reprend le domaine
de Saint-Michel, faisant partie de la donation,
Pour..................................................... ...
. . . .
8,000 liv.
Enfin, elle reprend de ses propres créances
ou capitaux de rente, jusqu’à concurrence de 24,000 liv.
Voilà donc 46,990 livres acquittées, sans que le sieur
Capelle, qui prétend avoir fait de si grands sacrifices,
ait l)ay t de ses deniers au delà de 3,188 livres; le sur-
�( 16 )
plus est couvert par la reprise d’une partie des biens
donnés et les deniers de son épou sequ i étoit donataire,
et qui n’avoit pas voulu cesser de l’être. Quant au sur
plus , il est stipulé par la transaction qu’il sera payé par
termes de 3,000 livres chaque année.
Pour y satisfaire, il lui restoit :
i°. Le domaine de Lauriol, qui a été vendu
dans la suite...................................
20,000 liv,
20. Trois gros corps de domaine, composant
les propriétés de la Rouquette et d’AirollesVielle, dont on a trouvé plus d’une fois. . . ioo,OQoliv.
30. Des prés, terres et bois détachés, et
environ quarante setiers de rentes seigneu
riales qui étoient encore dues à cette époque.
Ne les portons que pour mémoire.
40. Enfin, des créances pour. . . . .
46,108 liv.
En tout.
? 166,108 livT
C’est-à-dire, plus de trois fois la somme de 53,000 liv,
dont il restoit encore débiteur. Ajoutons que, devant
payer par termes de 3,900 livres chaque, les revenus
couvroient à chaque terme l’intérêt et le capital, et les
couvroient d’autant mieux, que le sieur Capelle, jouis
sant des biens, ne payoit et n’étoit obligé de payer qu’en
assignats, soit le capital, soit les intérêts; et qu’en outre,
il reçut dans l’intervalle plusieurs remboursemens de
créances; cela est établi.
Disons encore que dans cette récapitulation, nous
n’avons pas compris la valeur des cheptels et du mobilier
éjuü le contrat de mariage porte à une valeur considé
rable ,
�( 17 )
rable, puisqu’il estime à 102,708 livres les choses mo
bilières comprises en la donation, et que la donatrice
ne s’oblige à remettre que pour 80,000 liv. de créances,
ce qui laisse 22,600 livres pour les meuble9 et cheptels.
Voilà quelle étoit la position du sieur Capelle après
le traité de 1791^ il est aisé, dès lors, de juger des sa
crifices qu’il dut faire, et de la nécessité oü il f u t mis
par cette donation, de vendre ses biens à vil prix, pour
en acquitter les charges, pour augmente?' les cheptels,
et surtout pour placer au bien de la Rouquette un mo
bilier d’une grande valeur ( mémoire des appelans,
page 1 4 Certes, si le sieur Capelle eût été tellement
gene par les obligations qu’il avoit contractées envers la
dame de M urât, c’eût été un acte d’une bien mauvaise
administration que de vendre ses biens à vil p rix, et
d en employer une partie notable à un mobilier de luxe,
surtout lorsq u e déjà le m o b ilier étoit considérable. Mais
comme tout est inexactitude dans les faits exposés par
les héritiers Capelle, il n’est pas difficile de leur prouver
à chaque pas le contraire de ce qu’ils avancent.
Ils osent dire (page 13 ) que la réserve de 120,000 liv.
avoit été réduite à 100,000 livres , en retranchant les
payemensfaits par le sieur Capelle à la dame de M urât,
et les deux traités de 1786 et 17 9 1, prouvent que ce
fut une véritable générosité de la dame de Murât.
Ils présentent le m obilier, les cheptels, comme ayant
besoin d’augmentations considérables ; et le contrat de
mariage, par son évaluation, établit qu’ils étoient d’une
valeur énorme,
3
�( i8 )
Ils disent qu’il ne put pas payer, parce que les dé
biteurs étoient insolvables, et le traité de 17 9 1 Prouve
que la donatrice reprit pour 24,000 livres de ses propres
créances, dont la majeure partie en contrats de reilte.
Ils ajoutent que dans l’intervalle du traité à son décès,
le sieur Capelle paya 18 ,118 livres, et qu il fu t fo r c é ,
pour y parvenir, de vendre pour 22,000 liv. le domaine,
de Maillcret qui vaut 60,000 liv., et les faits même qu’il
articule ou qu’il avoue, prouvent tout le contraire.
Nous devons examiner ces faits d’un peu plus près.
Le traité de 179 1 fixoit les payemensau 20 décembre
de chaque année, à commencer le 20 décembre 17 9 2 ,
et nous avons bien établi que jusque-là le sieur Capellen’avoit pas payé un denier, si ce n'est les 3 ,1 88-livres
portées par le traité.
Avant son décès arrivé le i janvier 1794, il échut
3,000 livres le 20 décembre 17 9 2 , et 3,000 livres le 20
décembre 17 9 3, en tout 6,000 livres, dont le paye
ment ne pouvoit pas être bien onéreux, car les pre
m iers 3,0 0 0 liv r e s v a lo ie n t à l’échelle 2 ,1 3 0 livres, les
autres valoient i , o livres, en tout 3,780 livres. O r, in
dépendamment des revenus et de ce dont les appelons
ne conviennent pas sur les capitaux, ils reconnoissent
que leur père avoit touché 4,000 livres sur les créances
données. Il est difficile de concevoir, dès lors, par
quelle circonstance prise dans la donation, il avoit été
Jb r c é d’aliéner ses biens à vil prix.
5
65
Allons plus lo in , et nous verrons encore de l’inexactituue.
�C 19 0
Au lieu de payer 6,000 livres seulement, le sieur
Capelle paya 18 ,118 livres: cela est vrai; mais d’abord,
qui l’y obligeoit? Certes, il y auroitbien du mérite à
nous prouver aujourd’hui qu’il fut fo r c é à vendre des
.biens à vil prix, pour payer ce qu’il ne devoit pas, et
user d’une clause qui lui permettoit d'anticiper les payemens, parce qu’il voyoit du bénéfice à payer en assignats.
Mais, d’ailleurs, il est prouvé au procès que ce ne fut
pas avec le prix de ses biens qu’il paya les 18 ,118 livres.
D ’abord, on ne prouve pas que cela soit.
En second lieu, il avoit, par les résultats de la donation,
'de quoi en payer au moins une partie.
Enfin , n’est-il pas reconnu qu’à la même époque, et
pour faire ces payemens, il emprunta à la demoiselle de
Montlogis, sa belle-sœur, une somme de 10,000 livres?
qu’il lui eu fitiun billet? qu’il mourut sans l’avoir payé?
.qu’après le second mariage de sa veuve a v e c le sieur
N o u v e a u , ceu x -ci l’ont ‘retiré et y ;ont substitué un
payement effectif ou leur engagement personnel, ce qui
■est«-la môme chose?'Ces faits sont prouvés par des «pièces
produites,-et dont nous aurons une autre occasion de
parler; et cependant les héritiers Capelle^qui, en pre•jnière instance, avoient osé prétendre que‘leur père avoit
remboursé ces 1 0,000 livres, assertion qu’ils furent obligés
.d’abandonner, avancent encore aujourd’hui.que leur père
paya 18 ,118 livres, tde ses ‘deniers et aux dépens de ses
-biens propres; ils s’en font, tout à la'fois, des moyens
'de faveur et un moyen de droit; comme leur père, ils
sont sujets aux illusions. Celles-là ne sont pas les seules dont
leur'esprit se soit enveloppé. En première instance, Üs
3
*
�( 20 )
en eurent plus d’une autre non moins grave, sur lesquelles
nous ne pouvons pas garder le silence.
Nous insistons sur les faits , non qu’ils changent
quelque chose aux caractères de la donation qui cons
tituent la véritable question de la cause ; ils ne sauroient,
en effet, la dénaturer , pas plus que les expressions
qu’on a pu employer dans la transaction de 1791 ne
sauroient la changer; tout cela n’empêche pas que la
disposition ne soit et ne reste ce qu’elle est; mais il n’est
pas hors de propos de montrer la vérité dans la série
des faits qui ont amené le procès,, lorsqu'on voit les ap
pelons tirer tous les argumens de leur cause de certains
moyens de faveur qu’ils invoquent sans cesse, et qu’ils
ne manquent pas d’assaisonner de quelques calomnies
contre la seconde femme de leur père. C’est pour se
rendre plus favorables, sans doute, qu’après avoir, aban
donné une action qui n’étoit que ridicule, ils glissent,
dans le cours d’une narration peu fidèle, que la veuve
de leur père avoit soustrait, dans sa succession, de l ’a rgc?it, des effets, du m obilier; que des poursuites en
spoliation avoient été dirigées contr’e lle , mais qua
leurs tuteurs négligèrent ces poursuites.
Peu de mots suffiront pour repousser cette calomnie.
A l’époque du décès de son m ari, la dame Capelle
étoit venue à Saint Constant pour lui donner des soins.
I<e sieur Capelle avoit auprès de lui une de ses sœurs
et un beau-frère qui ne le quittoient pas. A peine eutil fermé les yeux qu’on apposa les scellés ; sa veuve
revint à la Rouquette et trouva déjà les scellés apposés
pendant sa courte absence : ils l’avoient été même sur
�( 21 )
ses armoires; en sorte que revenue, dans l'habitation
qu’elle occupoit seule depuis plusieurs années-, elle-fut
privée ¡de son linge, denses hardes; en un mot, des
objets les plus nécessaires.
Un tuteur fut nommé aux enfans du défunt,jet ce
tuteur fit procéder à l’inventaire , en présence du sieur
Chaule, oncle des mineurs , qui avoit rçsjté auprès de
leur père jusqu’au dernier moment. L ’inventaire prouve
que tout fut trouvé sous les scellés, même, le livrejournal du défunt qui fut dans la suite un grand sujet
de difficultés; aussi ne sc plaignit-on de rien, ne paruton pas soupçonner la moindre soustraction, dansjous les
actes qui furent faits en présence de la veuve, à l’occa
sion de cette succession; mais on le prétendit dans la
suite. Qui intenta cette action? fut-ce le tuteur et fut-ce lui
qui la négligea ensuite? Les appelans osent le dire, tandis
qu’au contraire,, il est d ém o n tré, par la p ro céd u re,, que
cette demande, loin d’étre isolée, étoit une branche du
procès actuel; que ce fut après six ans et demi depuis
la demande formée en Van ix contre leur tuteur, par
les sieur et dame Nouveau, que par des conclusions
incidentes prises à l’audience du 20 juillet 18 10 , les
appelajis eux-m êm es et non leur tuteur, formèrent
une demande relative à ces prétendues soustractions,
demande si déplorable qu’ils ont été obligés de l’aban
donner pour se réduire à une question qu’ils ne sou-»
tiennent encore que par un long tissu de subtilités.
Ces inexactitudes multipliées dont les héritiers Capelle
sentent le besoin pour se rendre favorables, se sont
�X 122 )
encore' acbrues siir l’appel : nous les relèverons à me
sure et *sdnsircinticiper sur le s‘faits.'Quelle triste res
source! Si‘ tout cela étoit vrai , • qu’en résulteroi t-il ?
quelques moyens de faveur qui ne changeraient pas
la cause ; mais par quoi est remplacée cette faveur, lorsqu’ori’ iaperçoit que les faits ne sont pas exacts, et qu’on
'les 'a faussement articulés ? quel est le sentiment qui
’naturellement se substitue à la place de ce mouvement
-tle bienveillance qui indique la faveur ? Ce n’est pas à
nôüs de répondre; il nous suffit de savoir que la justice
“liesse laissé pas aussi Facilement prévenir.'
Poursuivons :
- La dame Capelle se remaria; le sieur Nouveau ne
la trouva pas indigne de sa recherche, quoiqu’elle-eût
alors quelques années de plus qu’en 1786. Les appelans
ont rapporté deux clauses de son contrat de mariage
'(‘ page i ); nous n’en dirons donc qu’un mot. On voit
que la dame Capelle donna à son nouvel époux le bien
de la Rouquette, et que prévoyant le Icas où cette dis
position pourvoit être contestée, elle lui donna tous ses
'autres biens préséns et à venir.
« Cette donation Secondaire, ‘ disent ici les *enfans
« Capelle, indiquePassez l’opiniôn de 'la dame Lanzac
« elle-même sur le droit qu’elle s’arrogeoit de disposer do
« la terre de la Rouquette. »
Et de là il semble j'à les‘entendre ,¡que par cela-seul
elle a long-temps d’avance jugé tout le procès.
Il n’est pas difficile encoi'e de repousser cette argutie,
jA côté de cette claùsfc, écrite ouvertement et sans dé«
5
�3
(* Î
tour clans un acte public, se trouve la donation formelle
de la propriété; d’où il est évident1que la dame Capelle
croyolt et prétendoit l’avoir ; que'seulement, par une
stipulation de pure'prévoyance^ élléirëhtendoit prévenir
les difficultés. Mais, en écrivant sans mystère cette clause
dans le contrat, eile li’enteÀ&oit'pas assurément affoiblir
ni'dénaturer lés droits dont elle Venôit d’user, ni donner
à ses adversaires un témoignâ^b public de son opinion,
contre elle-même. A u reste, que signifieroit l’incerti
tude d’une femme sur les effets d’une substitution? sur
la question de savoir si une disposition est à la fois directe
et actuelle, ou seulement oblique et en second ordre ?
il est aujourd’hui même'des esprits plus exercés, plus or
nés de la science du droit, plus méditatifs enfin, qui ont
sur ce point des idées divergentes, qui sq trompent sur
les règles q u ’il faut y a p p liq u e r; com m ent donc attri
b u e r q u e lq u e conséquence à ces expression s de la veuve
Capelle ?
1
Au reste, et des clauses mêmes de'ce contrat de mariage, nous tirerons contre les héritiers Capelle des con.
séquences bien plus fortes. Nous verrons bientôt, par la
conduite qu’ils ont tenue, quelle opinion ils ont de leur
cause, lorsque,pendant le procès, pendant qu’ils étoient
entourés de jurisconsultes qui pouvoient, mieux que la
dame Nouveau, juger les effets de la clause, ils ont cru
prudent d’acquérir les droits de ses héritiers naturels;
droits qui ne peuvent exister qu’en cas d’exécution de
la donation faite au sidur Nouveau ; car si les héritiers
Capelle étoient donataires directs de la dame de M u râ t
tous les biens qu’elle avoit donnés à la dame Capelle, sa
�( H )
sœur, leur appar tiendraient, et alors le sieur Nouveau,
ou ses ayant droits, recueilleroient tout le surplus des
biens qui provenoient à la dame Nouveau d’un autre
chef que de su sœur, c’est-à-dire, ce qui constituait sa
dotproprement dite. E n ce cas, il n’y auroit pas do
succession ab intestat, et l&sœuride la dame Nouveau
n’auroient rien à prétendre. A quelle fin les appelans
ont-ils donc, avec beaucojip dp méditation, remboursé
la dot ou acheté les droits de ces héritiers, si ce n’est
parce qu’ils ont jugé, en grande connoissance de cause,
que le bien de la Rouquette appartenoit au sieur Nou
veau , parce qu’il? ne pouvoient pas y prétendre en vertu
d’une donation directe, et que les aufjes biens de la dgnie
Nouveau demeurant libres, ils appartenoient à ses héri
tiers; que, dès lors, il y avoit du bénéfice à les acqué
rir? Certes oui, il y avoit du bénéfice, car, en acquérant
pendant le procès, oij argumentait contr’eux de rincer?
titude; on obtenoit une cession à v il p rix , et en faisant
cela par des actes secrets, on se réservoit encore de parler
en leur nom devant la justice; de leur faire tenir un langage
dont on pût se servir contre le sieur Nouveau ; de leur
faire déclarer ouvertement qu’il n’y avoit pas de substi
tution, mais une donation directe, et autres petits moyens
de ce genre,qui peuvent aider lorsqu’on n’en connoît
pas le principe, mais qui perdent tout leur prix lorsqu’on
le découvre; or, c’est encore un fait prouvé au procès.
N ’y auroit-il pas, par liazard, des conséquences beaucoup
plus sérieuses à tirer de là, sur l’opinion secrète qu’ont
eue les adversaires eux-mêmes, entourés de leur conseil,
qu’on ue peut en trouve;’ dans une clause de prévoyance,
jîcrito
�( ^ )
écrite de bonne foi dans un Ucte publié par la daine
N ouveau ?
En poursuivant le récit des faits, les appelans con
viennent ( page 16 ) que les sieur et dame Nouveau
agirent en propriétaires ; puis, ils ajoutent :
» Ils remboursèrent d’abord à la dame de M urât, en
» assignats d’une valeur presque nulle, les sommes qu1
» lui restoient dues d’après la transaction de 1791*
» Ils s’adressèrent ensuite aux mineurs Capelle, et firent
» à leur tuteur, par acte du
floréal an 3 , offre de
» 11,8 35 livres d’assignats, somme à laquelle ils fixèrent *
» d’après leur calcul, les remboursemens dont ils étoient
» débiteurs envers les mineurs Capelle, pour le rem» boursement des payemens faits par leur père à la
» dame de Murât.
» Le tuteur refusa ces offres comme insuffisantes et
» immorales, et demanda un compte. »
Ils ajoutent enfin q u e par la force de deux jugemens,
le tuteur reçut, comme contrain^ ces valeurs idéales ,
le 2Ô messidor an 3 , le jo u r même où fut rendue cette loi
si connue , qui, réprimant les spéculations peu hono
rables de certains débiteurs, déclaroit nuls les rem
boursemens en papier monnoie, si ruineux pour les
créanciers.
Très-bien: encore des inexactitudes, et toujours à
dessein de prévenir la justice ; il faut encore les relever.
i ° . Il n’est pas vrai que les sieur et dame Nouveau
aient commencé par rembourser la dame de M urât; ils
ont été exacts à remplir à cet égard leurs engagemens,
5
4
�( 2 6 )
mais ils ne l'ont remboursée qu’après les mineurs Capelle.
2°. Il n’est pas vrai qu’ils l’aient remboursée en assi
gnats; tout a été payé en numéraire. Nous n’aurions
besoin que d’une simple négation pour détruire l’assertion
contraire, puisqu’elle est dénuée de preuves ; puisque,
d’ailleurs, ce fait n’intéresse point les héritiers Capelle;
mais les intimés ont dans les mains toutes les quittances
dont la date embrasse tout l’intervalle, depuis le 27
thermidor an 6 jusqu’au 14 décembre 1810.
De quel œil faudra-t-il donc voir ces accusations
irréfléchies ?
Il est vrai que les sieur et dame Nouveau firent des
offres en assignats au tuteur des mineurs Capelle; que
ces offres furent maintenues par deux jugemens; que
le tuteur fut obligé de les recevoir et d’en donner quit
tance; mais les circonstances du fait ne sont pas moins
inexactes dans le mémoire des appelans; car, suivant
eux, on leur auroit offert 11,836 livres, et rien de
plus, quoiqu’il y eût eu 18 ,118 livres de payées. Mais
il falloit passer sous 90 silence un fait essentiel, parce
que ce fait détruit une assertion à laquelle on tenoit
beaucoup.
Rétablissons le fait en cette partie.
Nous l’avons déjà dit: le sieur Capelle, depuis la tran
saction de 17 9 1, avoit payé, sur le capital, 18 ,118 livres,
dont la majeure partie par anticipation ; s’il étoit do
nataire direct, il avoit payé pour lui-méme; s’il ne
l’étoit pas, il devenoit créancier de 21,306 livres, en
y ajoutant 3,188 livres payées avant la transaction.
�27
(
)
Remarquons bien que les 18,188 livres avoient été
payées en assignats, motif réel qui avoit excité le sieur
Capelle à anticiper les payemens, et que pour cela Capelle avoit emprunté 10,000 livres de la demoiselle
de Montlogis, sa belle sœur ; les sieur et dame Nouveau,
qui avoient retiré le billet après le décès de Capelle,
ne se soucioient pas du tout de rembourser en numé
raire 21,306 livres payées en assignats ; ils voulurent
payer; on refusa; ils firent des offres, non-seulement
de 11,8 35 liv. pour le capital et les intérêts, mais, en outre,
du billet (de 10,000 livres ) de Capelle, avec Vacquit
en marge en fa v e u r du sieur Nouveau, Ce sont les
termes du jugement qui valida les offres.
Ainsi, ils offroient aux héritiers Capelle, en payement
de 10,000 livres, les mêmes 10,000 livres qu’ils avoient
empruntées pour les payer à la dame de Murât. A la
vérité, le surplus offert étoit d’une moindre valeur que
les 3 ,1 8 8 liv. argent et les 8 , 1 1 8 liv. assignats payées
par le sieur Capelle; mais, d’une part, il étoit impossible
de calculer aussi juste; de l’autre, la loi du
messidor
an 3 ne s’appliquoit pas aux remboursemens de ce genre,
et on ne faisoit rien d’injuste en offrant des assignats pour
des assignats ; enfin, on ne disconviendra pas, sans doute,
et d’ailleurs la procédure le prouvoit sans réplique, que
dès l’origine les sieur et dame Nouveau ont offert judiciaire
ment auxhéritiers Capelle de compter les payemens respec
tifs pour ce qu’ils valoient à l’époque des payemens, et de
rembourser l’excédent dont ils se trouveraient débiteurs ;
offre admise par le jugement dont est appel, quoique sans
cesse refusée par les Capelle, parce qu’ils préféroient so
25
4
*
�( *8 )
•
servir du fait comme un moyen de défaveur contre les in
timés ; mais il leur importait aussi de ne pas trop s’expli
quer sur ce point, pour ne pas découvrir le fait relatif
au billet de 10,000 livres, emprunté par Capelle pour
payer la dame de M urât en assigjiats , et réduire
à sa véritable valeur, c’e st-à -d ire à rien, le grand,
l’indispensable moyen tiré de l’obligation où on prétendoit avoir été de vendre un domaine au plus vil prix,
pour payer les réserves de la dame de Murât.
Il est vrai, néanmoins, que le sieur Capellc vendit le
domaine de Mailleret, mais déjà ce que nous venons
de dire prouverait que ce ne fut pas pour payer
j forcément les sommes dues pour les réserves de la do
nation , puisqu’il avoit emprunté pour anticiper les
payemens. S’il falloit ajouter autre chose, nous répé
terions ici ce que déjà on a dit et redit en première
instance aux héritiers Capelle, et ce à quoi ils n’ont
pu faire aucune réponse solide, savoir: que leur père
n’étoit propriétaire que d’un vingt-deuxième de ce do
maine ; qu’il avoit acheté les autres portions de ses co
héritiers, et que n’ayant pu les payer, il avoit été obligé
de revendre. Certes, on voit bien plutôt là le motif
d’une vente forcée, qu’on ne peut le trouver dans un
payement fait par anticipation. Preuve évidente que
jamais Capelle n’a été forcé de vendre pour payer la
dame deMurat ; preuve encore, par la position de sa propre
fortune, qu’à lepoque de son contrat de mariage, il
ne pouvoit calculer, ni sur son aisance, ni sur ses res
sources pécuniaires, pour s’imposer, dès lors, des sacrifices
personnels, comme l'équivalent d’une donation directe
�/;/
C 29 )
et actuelle que lui auïoit fuite la clame de Murât; que,
par conséquent, on se méprend en voulant prouver par
cela seul la nécessité d'une donation directe.
Nous arrivons h l’époque de la demande: elle fut for''
mée le 27 nivôse an 12 , par les sieur et dame Nouveau;
ils réclamèrent, i ° . 6,938 ,livres perçues par le sieur
Capelle, des débiteurs de la dame Nouveau; 2°. la ga
rantie des 21,000 livres payées à la dame de Murât, et dont
on ne leur avoit, ni remis les quittances, ni justifié le
•payement; ils y joignirent trois autres chefs de demande,
dont deux ont été abandonnés pour cause de leur peu
d’intérêt; le dernier avoit trait aux frais qu’avoient coû
tés à la dame Nouveau la noui’riture et entretien des
deux demoiselles Capelle, pendant vingt-un mois qu’elles
avoient resté auprès d’elle après la mort de leur père.
Ce chef de demande étoit certainement fondé en'droit;
mais il répugnoit à la dame N o u v e a u , p arce q u ’en pre
nant auprès d’elle les enfans de son premier mari, elle
n’avoit eu d’autre idée que celle de leur donner des
soins plus convenables à leur enfance; elle abandonna
encore bientôt après ce chef de réclamation.
Jusque-là les héritiers Capelle n’avoient rien dit, et
n’avoientpas pensé à réclamer le bénéfice d’une prétendue
donation directe, «\ laquelle personne ne croyoit, et qui,
si elle eût existé, eût reçu son accomplissement par la
mort de Capelle, puisqu’il en résultoit la certitude qu’il
ne naîtroit pas d’enfans du mariage. Cinq ans et plus
se passèrent sans qu’on osât élever cette prétention ;
enfin, on la proposa dans une écriture du 3 mai 1809.
L a dame Nouveau mourut avant le jugement. S’il n’y
�( 30 )
avoit pas de substitution, si les biens de la Rouquette
et autres, provenans de la dame Jalinques, devoient être
remis aux héritiers Capelle, les sœurs de la dame Nouveau
n’étoient pas intéressées dans le procès ; car la dot de
la dame Nouveau et le surplus de ses biens personnels
appartenoient en ce cas au sieur Nouveau, et les sœurs
de sa femme n’avoient rien à réclamer; les sieurs Capelle
les mirent néanmoins en cause, et ceux-ci firent signifier
une requête le 18 novembre 1816.
Il est assez curieux de voir cette requête et les cir
constances q u i l’accompagnent. Les enfans Capelle ont
voulu mettre les héritiers Lanzac dans leurs intérêts ;
p lacer dans leur bouche des moyens dont ils pussent
se servir ; pour cela il a fallu ach eter, non leur silence,
mais la permission de les faire parler; aussi, on a com
mencé par leur rembourser la dot de la dame Nouveau,
qui ne pouvoit leur appartenir qu’autant que le sieur
Nouveau seroitpropriétaire de la Rouquette; on a acheté
d’eux les répétitions qu’ils pouvoient avoir contre le sieur
N o u v e a u p o u r des som m es q u ’il auroit re çu e s do son
épouse, et qu’il doit rendre s3il conserve la Rouquette ;
et après cette opération , les Capelle ont présenté, au
nom des héritiers Montlogis,la requête du 18 novembre
18 16 .
Ne doutons pas que cette requête ne soit l’ouvrage
des héritiers Capelle personnellement; le langage qu’on
y tient sulhroit seul pour le prouver; mais, pour qu’on
n’en fasse pas de doutes, la grosse de cette requête est
réunie ù leur propre dossier. Elle est fort courte ; elle
avoit moins pour objet de discuter et de faire des frais
�31
(
)
que de présenter des moyens saillans, dont les Capelle
pussent tirer avantage.
On y dit que « les héritiers de la dame Nouveau,
« appelés en cause après son décès, ont été instruits que
« les sieur et dame Capelle soutenoient que d’après le
« contrat de m ariage................les biens..................leur
« appartenaient; tandis que les sieur et dame Nouveau
« avoient prétendu que la clause du contrat n’étoit qu’une
« substitution fidéicommissaire ; — qu'ils ont appris d’ un
« autre côté que le sieur Nouveau entendoit conserver
« le domaine de la Rouquette ; ...................que les ex« posans, en leur qualité d’héritiers naturels de la dame
« N ou veau ,forces de prendre un parti dans Vinstance
« où ils ont été appelés, APRÈS AVOIR F A IT MUREMENT
« EXAM INER LES CLAUSES DU CONTRAT DE M A« RIAGE ........................... SE SONT CONVAINCUS de la
« légitimité de la réclamation des sieur et demoiselles
« C apelle , avec d’autan t p lu s clc i-aison q u e la dam e de
« Murât q u i avoit fait la donation, et qui connoît mieux
« que personne l’intention respective des parties con« tractantes, déclare que sa volonté fo rm elle étoit d’as« socier directement le sieur Capelle ; .................... que
« la pensee d'une substitution ne vint à aucune des
« parties , NI AUX CONSEILS qui présidèrent aux con*
« vendons ; — qu’ainsi leur seul intérêt seroit de se faire
« restituer les sommes apportées en dot, soit par la
« dame de Murât, soit parla dame Nouveau, et reçues
« par leurs premiers maris. »
V o ilà, excepté un, tous les motifs de ces conclusions.
Les héritiers Lanzac ont été instruits ; ................. ils ont
�3
( * )
appris, à*un autre côté; ils sont fo rc é s de prendre un
p a jtij cela peut être; car, s’il y a substitution, ils seront
propriétaires du domaine d’Airolles-Vielle et autres
immeubles provenans de la dame de Murât, et non donnés
au sieur Nouveau par son épouse ; plus, de toutes les
reprises, soit de la dame de M urat, soit de la dame Nouveau,
personnellement; si, au contraire, il n’y a pas substi
tution , mais une donation directe, il ne leur revient
rien du tout; car, en ce cas, tous les biens provenans
de la dame de Murât appartiennent aux héritiers Capelle,
et le surplus des biens de la dame Nouveau appartient
à son mari par la stipulation même du contrat. Par quel
eiïet magique les héritiers de la dame Nouveau, instruits
par hasard, et encore d’un autre côté, et fo rcés de
prendre un parti, sont-ils assez débonnaires pour recon
noitre de prime abord, et sans contestation, qu’il n’y
a pas de substitution, mais une donation directe, faite
au sieur Capelle, lorsque cette donation doit les dépouiller
entièrement ? Ils vont nous le dire : c’est parce qu’ils
n'ont à réclamer que les som m es apportées en dot, soit
par la dame de M u r â t , soit p a r la dame Nouveau; que
le s s ie u r e t d e m o is e lle s c a p e l l e l e u r en o n t
f a i t r a i s o n ; q u il ne leur reste ¿1 dém êler , n i avec
le sieur Nouveau, jii avec les héritiers Capelle, et
qu’ils doivent être mis hors de cause. C’est le motif
qui complète leurs conclusions. Très bien: nous voyons
maintenant pourquoi les héritiers Lanzac ont été si complaisans ; on les a payés ; on leur a donné le montant
de reprises qu’on ne leur devoit pas. Vraisemblablement
( et il n’en faut pas douter ) , on y a ajoulé quelque
chose
�( 33 )
chose pour la propriété du domaine d’Airolles-Vielle et
des autres biens qui leur appartenoient en cas de subs
titution ; mais les héritiers Capelle ne sont pas obligé de
le dire; toujours est-il vrai, d’après leur déclaration,
qu’on leur a remboursé les reprises qu’on ne pouvoit
leur devoir que dans le seul cas où on reconnoîtroit
l’existence de la substitution ; c’est déjà, de la part dès
Capelle, avoir assez défavorablement jugé leur propre
cause.
Il fait réellement pitié de voir le certificat de la dame
de Murât que la pensée d’une substitution ne vint à
aucune des parties. Qu’étoit la pensée, l’opinion des
parties, et particulièrement de ,1a dame de Murât qui
assurément ne sait pas ce que c’est qu’une substitution?
Aussi compte-t-elle son opinion pour peu de chose ; car
elle atteste immédiatement la pensée des conseils. Qui l’a
„chargée de cette mission? sont-ce ces conseils? Mais leur
pensée toute en tière doit se tro u v e r dans l’acte qu’ils ont
rédigé, et c’est toujours là qu’il faut en revenir. D ’ailleurs,
qu’elle est donc cette autorité si imposante pour faire
un acte ou l’expliquer à sa manière, trente ans après sa
date, lorsqu’elle n’a plus aucun intérêt à le soutenir,
et, il faut le dire, qu’on l’intéresse pour aider à le dé
truire. Quelle foi mérite encore la déclaration de tous
ces cohéritiers, qu'ils ont J a i t mûrement exam iner le
contrat , et qu'ils se sont convaincus qu’il n’y avoit pas
de substitution, et que la prétention des héritiers Capelle
est légitime? qu’est-ce que tout cela veut dire, lorsqu’ils
conviennent qu’ils ont reçu ce qui leur reviendroit en
cas de substitution, et que tout leur intérêt est d’étr<$
5
�(3 4 3
mis hors de cause ? Ce n’est pas seulement de la mala
dresse; on ne peut pas être plus dépourvu de raison et
mettre plus évidemment au jour une collusion peu hon
nête.
Mais ce, n’est pas tout : ces héritiers Lanzac, désin
téressés et plus que désintéressés, ne s’en sont pas tenus
là. Après cette déclaration formelle, ils ont cru, ou ceux
qui parloient en leur nom ont cru qu’il auroit mieux
valu parler autrement, et le 6 août 18 17 , ils ont pré
senté une nouvelle requête, par laquelle ils ont conclu
contre le sieur Nouveau, à ce qu’il fut tenu de se dé
sister en leur faveur ou en faveur des sieur et dame
Capelle, de tous les biens compris en la donation, et ils
ont ajouté que leurs moyens étoient les mêmes que ceux
des héritiers Capelle : ces conclusions sont répétées lors
du jugement dont est appel. On rougit, en vérité, de
Ja petitesse de ces moyens qui démontrent la triste idée
que les,sieur et dame .Capelle avoient de leur cause, après
avoir fa it exam iner mûrement la clause du contrat.
•Les héritiers Capelle éprouvèrent un certain embarras
su r le fo n d de la contestation. Ils n e se bornèrent pas
à prétendre que le contrai de mariage de 1786 contenoit,
au profit de leur père, une donation directe et actuelle;
mais, dirent-ils ( et ils le disent.encore à demi ) , cette dispo
sition n’étoit pas du tout gratuite. Les sacrifices personnels
du sieur Capelle, les obligations qu’il contracta solidai
rement, tout cela déxnontroit dans la disposition une
espèce de contrat xommutatif qui en faisoit plutôt une
vente ou cession des biens qu’une véritable donation. On
repoussa ce système,<etil fut .de suite abandonné; mais
�( . 35 v
les appelans l’ont converti en moyen de considération ,
et c’est pour cela qu’il a fallu bien établir les faits, pour
démontrer l’inexactitude de ceux dans lesquels ils s’étoient
enveloppés.
<
Le jugement dont est appel, en statuant sur la ques
tion principale , embrasse aussi les accessoires par des dis
positions secondaires. Il seroit superflu de nous en oc
cuper. Deux de ces dispositions exigeront cependant
quelques explications prises dans des faits positifs; mais
il est inutile de les donner en ce moment ; elles ne feroient
que détourner l’attention sur ceux qui sont relatifs à la
question principale. Il faut, ce semble, la discuter immé
diatement. Nous appliquerons ensuite à ces deux dispo
sitions particulières , les faits qui leur appartiennent, et
qui n’exigeront pas de grands développemens.
Nous allons p o ser les prin cip es ¿ non des principes
d o u teu x et susceptibles de controverse, mais des règles
constantes et avouées par tous les docteurs, comme celles
qui sont en cette matière les fondemens du droit. Nou9
nous bornerons à une exposition simple et précise, sans
l’embarrasser de l’examen des objections. Nous ne les dé
daignerons que pour cela; et après avoir montré com
ment, d’après les principes, il faut considérer la disposition
dont il s’agit,-nous ferons voir la futilité des objections
qui nous sont faites.
'v.
M O YEN S.
Nous n’aurons point à contester pour savoir ce qui
constitue essentiellement une substitution fidéicommis5 *
�*\ 1
C 3« )
saire; avec les appelans, nous prendrons la définition de
Thévenot d’Essaules; elle est d’autant plus incontestable ,
qu’elle a été adoptée par tous les docteurs qui ont écrit
après lui. C’est, dit-il, «une disposition de l’homme,
« par laquelle, en gratijiant quelqu’un expressément
« ou tacitement, on le charge de rendre la chose à lui
« donnée, ou une autre chose, à un t i e r s Von gratifie
« en second ordre. »
Cette définition , simple, exacte, est en même temps
la plus juste qu’on trouve dans les auteurs, quoique les
appelans la qualifient imparfaite. Remarquons que c’est
le donateur lui-même qui doit gratifier au second ordre
comme au p rem ier ; m ais la disposition diffère suivant
les cas. Lorsqu’il gratifie deux personnes conjointement,
ou que les saisissant l'une et l'autre, il prévoit un évé
nement qui doit attribuer à l’une exclusivement, tout
ou partie de l’objet donné, il a fait à l’une et à l’autre
une donation directe , car la condition simple n’en
change pas les caractères. M a is lo rsq u ’il donne à un seul
d’a b o r d , et q u ’ il stipule qu’après le décès de ce dona
taire, les biens seront remis à un tiers, c’est-à-dire,
à une autre personne que le donataire lui-même, il n’y
a plus qu’une substitution fidéicommisaire, parce qu’il
n’y a plus don actuel, tradition actuelle, avec ou sans
condition, mais qu’il y a trait de temps et ordre suc
cessif.
Ainsi, nous n’aurons aucune difficulté sur ces prin
cipes généraux ; mais nous en avons sur les conditions qui
établissent l’ordre successif et le trait de temps, la charge
de rendre et celle de conserver. C’est, en effet, sur ces
�37
C
)
principes particuliers, que les appelans dissertent, expli
quent, obscurcissent; car cela paroît si simple, et le
sens.de ces conditions si naturel, qu'on ne conçoit pas
le moyen de faire une difficulté sérieuse.
Nous ne devons pas omettre d’observer que, dans
l’origine , les substitutions étoient faites verbalement et
n’exigeoint aucune formalité. Lorsqu’ensuite, on exigea
quelles fussent écrites, on ne les assujétit à aucuns termes
mai’qués ; on les reconnoissoit aux caractères de la dis
position , a l’ensemble de l’acte, sans les rechercher dans
des expressions obligées; aussi, disoit-on qu’elles s’établissoient par conjectures.
Cependant on ne voulut pas donner trop de latitude
à 1 esprit de l’homme ; on ne voulut pas que les con
jectures fussent entièrement livrées à l’arbitraire, et elles
furent pour la plupart d éterm inées par les lois, c’est-àdire, q u ’on jugeoit l’acte par le caractère que telle ou
telle circonstance imprimoit à la disposition.
Celle qui fait le sujet du procès a été faite sous les
anciennes lois ; elle n’étoit donc assujétie à aucun5terme*;
elle pouvoit et devoit s’établir par les conjectures légales,
et c’est en quoi nous ne sommes pas tout-à-fait dans la
même position que s’il s’agissoit d’une libéralité stipulée
depuis le Code.
Nous avons dit que la définition de Thévenot étoit
parfaite ; rien n’est plus vrai, quoiqu’il y manque la
charge de conserver, ce en quoi les appelans la soutien
nent imparfaite. On pourroit penser, d’abord, que la
charge de rendre suppose nécessairement l’obligation de
conserver, par la nature même des termes, et cela étoit
�( 38 )
vrai dans l’ancien droit. Ce seroit cependant une erreur
si on généralisoit trop cette proposition; car, aujour
d’hui que le Code civil interdit les substitutions, qu’il
les définit nettement, en exigeant que le donateur soit
précisément chargé de conserver et de rendre ,• qu’enfin,
il annule, non-seulement la substitution, mais encore la
donation qui en est grevée; que, dès lors, tout doit
tendre au maintien de l’acte, et toute incertitude doit
s’interpréter favorablement, on pourroit juger que l’obli
gation de rendre, imposée à un donataire, sans aucun
terme, doit s’exécuter au moment même de la tradition;
qu’ainsi,il n’y a pas de trait de temps, pas de substiution,
mais un fidéicommis pur et simple qui s’ouvre en même
temps que l’effet de l’acte qui le contient.
Mais, dans l’ancien droit, il n’en étoit pas de même ;
la charge indéterminée de rendre supposoit que le grevé
devoit conserver les biens pendant sa vie ; la condition
de la mort du grevé n’avoit pas besoin d’être annoncée
expressém en t n i im p licitem en t ; c’est en core ce que nous
dit Thévenot, qui explique en cela le sens de sa défini
tion ( chap.
), et c’est ce que nous dit M, Toullier,
. 3 , tit. 2 , chap. I er., n°. 22. « C’est cet usage constant
« d’entendre en ce sens la charge de rendre, qui l’a faite
« employer simplement et sans y ajouter à la mort du
« donataire, dans l’article 896.
« Cette expression est ici ( dans l’article ) d’autant moins
« équivoque, qu’elle est accompagnée de la charge d&
« conserver. »
E n sorte, poursuit-il, n°. 2 3 , que « quoique dans Tan
ce cienne jurisprudence française, la simple charge de
1
56
�39
(
)
a rendrefCtt suffisante pour faire présumer que le gr,evé
« n’étoit obligé à restituer les biens qu’à sa m ort, ou pour
« établir ce qu’on appeloit une substitution, à moins
« qu’il n’y eût dans l’acte quelque tejrme ou quelque
a circonstance qui indiquât le contraire, sous l'empire
« du Code, elle ne suffiroit pas si elle n'étoit accoin
te pagnée de la charge de conserver, et ne contituemoijt
« qu’un ildéicommis pur et simple, etc. »
On voit par là que la condition de remettre les biens
à la mort est celle à laquelle on s’attache le plus pour
reconnoître la substitution fidéicommissaire, tellement
qu’autrefois il falloit la supposer de droit par la seule
charge de rendre, quoiqu’on n’y trouvât pas la charge
de conserver. Mais s’il n’y avoit pas de doute en ce cas,
il y en avoit moins encore lorsque ce terme du décès
du donataire
contrat; c’est
temporis , et
qui faisoient
se trouvoit textuellement écrit dans le
cette condition qui constitue le tractus
ce trait du temps est une des conjectures
légalement présumer la substitution.
Quant à l’ordre successif, c’est encore chose plus
simple; comme nous l’avons dit ci-dessus, il se trouve dans
la disposition qui renferme d’abord une donation faite
à une personne nommée, et ordonne ensuite la remise
à une autre personne non comprise dans la donation ;
c’est-à-dire, toute disposition faite à deux personnes qui
ne sont pas conjointes, et dont l’une ne doit recueillir
qu’après l’autre.
Lorsque le legs a été fait conjointement à plusieurs,
avec déclaration qu’il appartiendroit au survivant, il
n y a pas substitution, dit M. Toullier, n°. 46; » on
�C 40 )
« peut dire, en effet, que chacun des deux légataires ne
» doit être, jusqu’à l’événement de la condition, con» sidéré que comme usufruitier de sa moitié, usufruit
» qui se consolidera à la propriété du tout, en faveur
» du survivant; que la propriété est suspendue jusqu’au
» décès d\i prémourant, ce qui rend le legs conditionnel
» (Jliant à la propriété, sans qu’il y ait de substitution. »
Nous devons ajouter, pour ne pas donner trop de
latitude à cette pensée de la suspension de propriété,
qu’elle ne demeure pas incertaine pour le temps qu’a
duré la condition ; car on sait que l’accomplissement d’une
simple condition a un effet rétroactif qui fait valoir
la disposition ab in itia, comme si elle eût été exécutée
de suite et sans condition.
>
Mais, ajoute M.' Toullier , n°. 49/ » on ne peut
» s’empêcher de voir une substitution dans le legs fait
» à plusieurs, non pas conjointement, comme dans
» l’espèce du n°. 46, et avec déclaration que le tout
» appartiendrait au survivant, mais séparément à
» chacune d’elles, lorsqu’elles se marieront, avec la
» clause qu’en cas que l’une d’elles vienne à mourir sans
» enfàns de son mariage, sa part retournera aux autres
» légataires. La Cour de Bruxelles l’a ainsi jugé, et avec
» raison, dans l’espèce suivante: Ja c q u e s - Jo s e p h Drion
» avoit institué françois Drion, son frère, son héritier
» universel, et Favoit chargé de donner à chacun des en» fans encore à marier de leur frère Adrien Drion, une
» somme de 6,000 francs, lorsqu’ils se marieront de son
» consentement.
« Ju s q u e -là point de substitution; mais le testateur
« ajoutoit
�«
I
(4 0
« ajoutoîfc qu'en cas qu’un desdits enfans vint à mourir
« sans laisser de ’génération de son mariage, sa p a rt’
« retourneroit à ses autres frères et sœurs. Cette clause
« de retour rénfermoit évidemment et nécessairement
« la charge de conserver et de rendre, c’est-à-dire, une
« substitution conditionnelle et réciproque des légataires
« les uns aux autres, et, par arrêt du 14 juillet 1808,
« rapporté dans le recueil de jui'isprudenee du Code,
k la Cour de Bruxelles déclare nul le legs de 6,000 livres.
« Cette espèce est bien différente de celle du n ° . 46,
« ci-dessus ; dans celle-ci, le legs étoit fait conjointement
« îi plusieurs légataires, et au survivant d’entr’eux ; on
« prouvoit donc que chacun d’eux, jusqu’à l’événement,
« n’étoit considéré que comme usufruitier de sa moi« tié, etc. »
Ainsi, tenons pour certaine la différence qui existe
dans les effets que leur donne la l o i, e n tre la donation
conjointe et avec droit d’accroissement, qu’autorise, même
aujourd’hui, l’article 1044 du Code civil, et la donation
à un seul, avec la condition de remise à un autre, après
le décès de ce donataire.
Nous ne parlons pas de plusieurs distinctions que fait
M. Toullier, de plusieurs exemples qu’il cite, et qui
tous confirment ce que nous venons de dire; nous en
rappellerons ce qui sera nécessaire dans la réponse aux
objections des appelans ; pour le moment', nous nous
retranchons ) dans un court exposé de principes; nous
tuchons de les réduire à des idées nettes et simples, autant
que la matière peut le comporter.
r
Nous pourrions nous borner à cette seule autorité,
6
�( 42 )
elle est assez respectable ; elle est, d’ailleurs, si conforme
aux principes connus et aux idées de raison, qu’elle nous
su/ïiroit, sans doute ; mais nous pouvons la fortifier par
celle d’auteurs non moins recommandables. Nous ne
citerons pas directement les docteurs de l’ancien droit,
ni Ricard , ni Furgole , auteurs profonds autant que
judicieux; on nous accuseroit peut-être de mêler à cette
discussion de la métaphysique, de la subtilité, à laquelle
prête nécessairement une foule de nuances des substitu
tions dans l’ancien droit ; nous resterons sur le terrain où
les appelans nous ont placés ; nous nous bornerons aux
auteurs qui ont écrit depuis le Code civil, et cela par
deux raisons.
L ’une, que la loi actuelle étant plus favorable à ceux
qui repoussent l’existence d’une substitution, par cette
raison qu’elle les interdit, et qu’on doit naturellement
présumer qu’une disposition est faite dans l’esprit de la
loi ; les appelans ne pourront pas récuser cette doctrine,
si elle les condamne.
L ’a u t r e , que ; des auteu rs ont ré d u it les p rin cip es à
des idées plus simples, et les ont dégagés de toutes les
distinctions, souvent subtiles, cjui les obscurcissoient dans
l’ancien droit.
.'
Nous citerons notamment M. M erlin, et l’auteur du
dernier traité des donations, M. Grenier.
Nous devons, cependant, relativement à ce dernier
auteur, faire une remarque que commandent les cir
constances. Sans doute, il est permis de citer des auteurs
vivans; mais lorsque l’autorité dont on se prévaut est
celle d’un magistrat devant lequel on parle ; lorsque 1 au-
�43
(
)
leur que l’on'interpelle est lui-même assis sur les lys,>
tenant d’une main sûre et équitable la balance de la justice,
dans laquelle il est appelé à peser les moyens respectifs
des parties, cette position commande le respect, et on
doit user de circonspection en interprétant devant lui
ses propres pensées. Aussi, nous tenant dans les bornes
d’une respectueuse discrétion, nous ne citerons de cet
auteur que ce qui sera nécessaire pour repousser les
moyens que les appelans ont voulu se faire à l’aide de
quelques-unes de ses expressions.
-*M. Merlin, v°. substitution fidéicommissaire, enseigne
la même doctrine que M. Toullier. Après avoir adopté
la définition de Thévenot, et posé quelques principes
généraux, il s’explique plus particulièrement sur les con
ditions qu^nous examinons en ce moment; il s’explique
ainsi, section 8 , n°. 3.
, . >n .
« Une autre condition essentielle pour établir un
« fidéicommis, est que les termes dont on se sert pour
« l’exprimer emportent l’ordre successif ou trait de temps,
« c’est-à-dire , qu’ils n’appellent le substitué qu’en second
« ordre', et -après que Vinstitué ou donataire immédiat
« aura recueilli.
v
Ainsi, le testateur qui dit: J ’institue un tel et ses
« enfans, ne fait pas de substitution, parce qu’il n’y a
« rien dans sa manière de parler qui indique l’ordre suc« cessif ; tout y annonce, au contraire, qu’il y appelle le
«1 père et les enfans ENSEMBLE ................. ou qu’il subs« titue vulgairement les enfans au père.
« Mais si je dis : J ’institue un tely et APRÈS LUI ses
« eiifans, il y aura fidéicommis, parce que les enfans sont
6 *
�44
(
)
« appelés pour recueillir après leur père, et non pas)
« concurremment avec lui.
« II en sera de même , si je dis : J'institue un tel et
<c ses héritiers, car le mot héritier désigne une qualité
« qui ne peut avoir lieu qu’après la mort de Vinstitué ,
« et, par conséquent, emporte l’ordre successif.
>2
« Si j’instituois quelqu’un pour l u i , ses héritiers ou
« ayant cause , ces termes , uniquement relatifs à la
« transmission qui a lieu de droit au profit des héritiers,
« ne pourroient pas caractériser un fïdéicommis.
\.
« Mais si à ces termes se trouvoit jointe quelque qua« lification particulière qui intervertit Vordre des suc« cessions légitimes; ily auroitfidéicommis, par exemple:
« J e donne à un tely pour lui et ses hoirs mâles *
« I l en seroit de même de toute autre désignation
« particulière qui, sans produire nécessairement. une
« pareille interversion, emporteroit toujours le trait du
« temps ; par exemple: J e donne à tel et à ses enfans àr
« naître ; en ce cas, le père est saisi par la donation ,
« m a i s les enfuns ne peuvent pas l’ê t r e , puisqu’ils n’existent
« p a s ; il n’y a donc pasvocation simultanée, mais ordre 1
« successif, par conséquent, jidéicom m is. »
y
Après avoir dit au n°. 4. que les mots je substitue em
portent de droit le trait de tempsy parce qu’ils com
prennent tous les genres de substitution, M .-M erlin
examine ensuite s’il en seroit ainsi des mots ye .mets à
*a place, et il.pense qu’oui; car, substituer et mettre à
la place n’ont qu’une seule et même signification, commele prouvent la loi romaine et l’article 67 de l’ordonnance
de J
*
747
�( 4$ )
a Cependant, dit-il, Thévenot pense quails ne pro« duiroient la fidéicommissaire qu’autant qu’ils seraient
« joints à des termes emportant trait de temps, comme
« si on disoit : J'institue un tel, et A son d écès je mets
« un tel à sa place. »
jn
• Il se demande ensuite si les mots, eli cas de décès^
auroient le même effet que ceux à son décès; il sem
blerait, dit-il, qu’ils'n’emportent d’autre idée:que celle
d’une substitution vulgaire ; et il rapporte l’arrêt de
Pompadour, qui l’avoit ainsi jugé le 2 juillet
Mais il ajoute immédiatement qu’i l ne faut pas croirè
cette décision exacte; que Thévenot pense le contraire,5
et qu’il finit adopter sa doctrine. Il en donne la preuve
la plus convaincante, en rapportant un arrêt rendu sur
les conclusions de M : l’avocat-général d’ Aguesseau, qui
admit la requête civile contre celui du 2 juillet 1766,
et déclara la substitution existan te.
A in s i, lo rsq u ’on recherche si un acte contient des dis
positions conjointes ou simultanées, ou seulement des
dispositions successives marquées par des termes divers,
an voit quelle importance les auteurs donnent à ces ex
pressions : à son décès, lors du décès, en cas décès.
Sans anticiper sur ce que nous serons obligés de dire
lorsque nous réfuterons le moyen tiré de la différence
que font les appelans entre les substitutions et les con
ditions, nous devons faire ici quelques observations cer
taines en principes.
i°. Toutes les conditions ne sont pas des substitutions,
car il en est beaucoup qui n’ont pas ce caractère, et ce
�(4 6
y
sont celles dont nous avons entendu parler plus haut sous
le nom de conditions simples. Mais toutes lesjconditions
ne sont pas valables; il en est d’impossibles, de contraires
aux bonnes mœurs, de prohibées par la loi, et de ce
nombre sont aujourd’hui les substitutions, car les subs
titutions fid,éicommissaires sont de véritables conditions.
2°, Un fidéicommis peut être pur et simple ou con
ditionnel ; je lègue à'tel une terre', à la charge de donner
20,000 francs à telrautre; voilà un fidéicommis pur et
simple qui ’exécute au moment ou l’acte commence
d’piyoU’cson;jeffet ; qui saisit le donataireudirectement;
qui ne saisit., à la vérité, celui-qui est dans la condition
quq p ar ^entremise du donataire direct, mais qui le saisit
de suite ; et alors il n’y a pas trait de temps, comme
nous l’avons déjà observé ; ou bien, je lègue à tel ma
terre;, et il remettra 520,000 francs à tel autre lorsqu'il
mourra ; ic i, le fidéicommis devient conditionnel et
emporte substitution.
. v 1
3°. La substitutionfidéicommissaire peut', elle-même,*
être pure et simple-ou conditionnelle.
>
E lle est pure et simple, lorsqu’on dit : J e donne à tel
ma terre, à la charge de la rendre à so?i décès, ou de
la conserver et faiivndre à tel autre* 1
;.v
-H
• JîllCiqst conditionnelle^ lorsqu?on dit: à la charge de
la rendfe, s'il meurt sans énfans, parce que si le dona
taire a ¡dés enfans qui lui survivent, la substitution n’existe
pas.
Mais qu’elle soit conditionnelle ou pure et simple,
elle n’est :pus moins substitution ; elle n’est pas moins
6
�47
(
)
interdite pas le Code ; elle n’a pas moins été abolie pài*
la loi du 14 novembre 1792, si elle u’étoit pas ouverte
auparavant.
Ces observations nous étoient nécessaires pour ne pas
confondre la condition simple mise A une institution ou
donation', et celle qui accompagne une substitution à la
quelle seule elle est apposée ; elles sont d’ailleurs utiles pour
saisir les nuances de chaque espèce ,* et appliquer saine
ment la jurisprudence des ai*rêts : nous devons en citer
quelques exemples.
'JiioJ r i
« J ’institue P aulm o n héritier universel, et s 'il meurt
« sans eirfans, je le charge de rendre ma succession à
« Pierre: Voilà, dit M .3Toullier, page i , une subs-»
« titutiôn conditionnelle ,' et cette substitution est abolie
« comme les autres, quoiqiié'1l’ordre Successif ne soit
« établi qûè conditionnellement, car la'loi n’a pas disfc tingué en tre celles q ui sont p u res et sim ples et celle»
« qui sont faites sous condition. »
:
' À l’appui de cela, M. TouHier cite un arrêt’ •trèsremarquable. Jean Mérendol avoit institué Alexandre
Merendol sorïhéritier universel,- pour jouir ét dispose^ du
tout, lorsqu’il auroit atteint lage de vingt-quatre ans, et en
cas de moi t avant Vâge de vingt-quatre ans, le testateur
léguoitLà Jean-Baptiste C avy, 10,000 liv ., et à Jacques
Merendol pareille somme , à prendre sur' tous ses biens.
C ertes,ily uvoit dans cette espèce grande facilité à disser
ter sur la différence des simples Conditions avec les subs
titutions proprement dites; 011 pou voit dire ( et rien n’étoit
plus spécieux'^ que le testateur n’avoit ni substitué ni
chargé de rendre ou de remettre ; qu’il avoit légué direc-
5
�tementà tous, que tous tenoient de lui, mais sauf l’évé
nement d’une simple condition qui n’empêchoit pas la
saisine du légataire pour le tout. Cet argument étoit à lui
seul plus capable d’ébranler que tout ce que peuvent
appliquer les appelans à la clause qui nous occupe.
Mais la différence des termes établissoit que l’un ne
devoit recueillir qu’après l’autre, et ne permettait d’y
voir, ni une substitution vulgaire, ni un legs fait con^
jointement ; la condition elle-même établissoit le tractus
temporis, et la Cour de cassation jugea que le testament
se réduisoit à une substitution des deux sommes de
1 0,000J'y. yfa ite sous la condition de la mort de Vhéritier
avant sa vingt-quatrième année (T o u llier, n°. 37, à la
n o t e E t en effet, il y avoit là, n on un fidéicommis pur
et simple , mais un fidéicommis conditionnel en cas de
mort ; et quoiqu’il s’agît d’une disposition faite depuis le
Code, que, par conséquent, la fayeur fût du côté des léga?
taires, et que l’interprétation tendante à maintenir l’acte,
dût être adoptée de préférence; tout-fut annulé, soit la
disposition p r in c ip a le , soit la condition,
M . M erlin, s. 10 , §. I er., rapporte un arrêt très-:
remarquable encore.
l.e 6 janvier 1792, Joseph Arboré fait son testament;
instituera mèi’o son héritière, et fait à l’abbé Raynal un
legs de 30,000 livres. Jusque-là tout est bien; mais il
ajoute : dont je l’engage à disposer enfa v e u r dç madame
de K ercado, sa nièce. Il meurt le 6 février 1792 ; l’abbé
Raynal survit à la loi du 14 novembre, et meurt pen
dant la ; durée,,dç quelques.contestations, cjui|,avoient ar-r
rîtlé le payement du leg s., .
-, ,. • •
Demande
�( 4 9 )
Demande eu délivrance par la dame Kercado, qui
se prétend la véritable légataire ; elle ne peut nier le
fidéicornmis qui résultoit alors des termes de prière,
comme des termes impératifs ; mais elle soutient qu’il
étoit pur et simple et non conditionnel, parce qu’elle
étoit l’objet direct de la disposition ; qu’elle étoit faite
dans son intérêt et non dans celui de l’abbé Raynal, qui
étoit simple 7ninistre.q\iel\e étoit saisie de suite et sans
term e; qu’ainsi il n’y avoit pas substitution.
Jugement qui le décide ainsi.
Appel et arrêt de la cour de Paris qui infirme.
Pourvoi en cassation.
M. Merlin fit ressortir , avec sa profondeur ordi
naire, les principes relatifs aux fidéicornmis condition
nels ; il les établit par plusieurs lois romaines, par les
principes du droit français. Il prouva que l’abbé Raynal
n’étoit pas chargé de rendre à l’ouverture de la succes
sion ; qu’il pouvoit conserver jusqu’à l’époque où il lui
plairoit de restituer, ou jusqu’à sa mort, et le 4 août 1808,
un arrêt de la Cour de cassation rejeta le pourvoi par ce
motif très-simple, et dont on eût dit peut-être q iC ilri avoit
pas exigé beaucoup de méditation :
« Attendu qu’en supposant que la question dût être
« résolue par les principes du droit romain, on ne pour« roit néanmoins disconvenir que la jurisprudence des
« arrêts, fondée sur l’autorité des docteurs les plus dis« tingués, n’y eût apporté cette modification, qu’unjid éi« commis de l’espèce de celui dont il s'agit ne pouvoit
« être réputé que. conditionnel. »
E t cette ju risp ru d en ce étoit celle dont nous avons
7
�. ( 5 0 }
parlé plus haut, et qui avoit fait admettre, dans nuire
usage la charge de rendre, comme emportant le droit
de conserver jusqu’à la mort.
Ces arrêts, comme on le voit, établissent des prin
cipes. Nous verrons quelle application il faut en faire
à la disposition qui nous occupe.
Nous ne devons pas omettre un pi’éjugé du plus grand
poids,,un décret impérial du 31 octobre 1 8 1 0 , inséré
au bulletin des lois, et rapporté pai M. Grenier, tom. I er..,
page 121.
Le pluviôse an 1 3 , codicille de la dame Malloz; elle
lègue à l’hospice de Bois commun quatre arpens de pré.
5
L e 7 m ars 1 8 0 9 , elle m odifie cette disposition par un
second codicille ; elle v e u t q u ’un arp en t soit distrait au
p ro fit de Ju lie n n e -F ra n ç o ise , sa fille n a tu re lle ; mais que
si Ju lie n n e v ie n t à décéder sans enfans , l’arp en t dont
elle aura foui re to u rn e à l ’hospiceCertes, tout étoit, dans cette espèce, susceptible d’une
interprétation favorable. Deux codicilles qui prenoient
effet le m êm e jo u r p a r la m o rt du te sta te u r, q u i conten oien t l’un et l’autre l’ensemble de ses dernières vo
lontés, devoient être censés un seul et même acte. Les
deux dispositions qui y étoient contenues, embrassoient
simultanément deux personnes qui pouvoient être consi
dérées l’une et l’autre comme l’objet direct de la dispo
sition. ü n pouvoit dire, avec beaucoup de raison, que
l’hospice étoit légataire de tout, sous une simple condition,
et qu’au cas de décès sans enfans ( ce qui netoit qu’une
condition suspensive de l’exécution, mais non de l'effet
de la disposition ), Julienne-Françoise n’étoit et n’avoit
�5
( i )
jamais été, dans riutention de la testatrice, qu’une simple
usufruitière ; qu’enfin, cette intention se manifestoit par
les propres termes du testament, les biens dont elle aura
joui.
Cependant, le gouvernement décide qu’il y a subs
titution; « et néanmoins, voulant concilier le respect
« dû à la lo i, avec celui qui est dû aux intentions de
« la bieirfuitrice de l'hospice, » il lui laissa la jouissance
de l'arpent de pré.
On voit, par cette décision,combien on jugeoit formelle
la disposition de la loi et ses conséquences, sous le Code,
où la charge de conserver et de rendre semble devoir être
expresse ; où le testateur, quand il ne dit pas le contraire,
est présumé de droit n’avoir pas voulu faire ce que la
loi lui défendoit ; cependant, comme c’est la nature des
dispositions qu’il faut voir, on se croit obligé d’y recon
noitre une v é rita b le su b stitu tio n , parce qu’il y avoit
fidéicommis, qu’il étoit conditionnel, qu’il établissoit
ordre successif et-irait de temps, que, par conséquent,
les termes dont elle aura jo u i, ne pouvoient pas être
appr°priés à ce genre de disposition, dans un sens res
trictif, et ne pouvoient pas la dénaturer.
Nous ne devons pas ometttre de citer un auteur dont
l’ouvrage, pour être nouvellement publié, n’en a pas
moins bien du mérite (*). Destiné à fixer les caractères
auxquels on doit reconnoitre les substitutions, il réunit,
en un seul corps, la doctrine des auteurs les plus distin
gues, et réduit celte matière à des termes simples et à des
(*) M . Roland de V illarg u es, des caractères auxquels on doit reconnoitre let
substitutions prohibées p a r le Code civ il, publié en 1820.
7 *
�52
(
)
principes positifs. Nous n’en citerons que quelques traits
principaux sur la question qui nous occupe.
Il établit, page 4 7 , qu’il faut, pour la substitution,
qu’il y ait ordre successif ; « il faut donc, dit-il, d’après
« Pérégrinus, que les deux donataires soient appelés
« successivement, et non pas concurremment , ordine
« successivo et non conjunctivo , seu simulta?ieo.
Il recherche, page o,ce qui autrefois constituoit Z’ordre
s u c c e s s ifet le reconnoît à trois caractères; il falloit,
i ° . Que le droit de l’appelé fût éventuel, c’est-à-dire,
soumis à une condition suspensive’
20. Qu’il dût s'écouler un temps avant la remise du
fidéicommis ;
3 0. Que l’époque de la remise fut celle de la mort
du grevé.
Le premier de'ces caractères indique la substitution,
parce que la condition laisse reposer la propriété sur la
tête du grevé, jusqu’à son accomplissement, et la fixe
sur la tête du substitué, lors de cet accomplissement ;
ce qui , dit - i l , est bien différent que si le droit de
l’ap p elé n’étoit suspendu par aucune condition, mais
seulement par un terme ; car, en ce cas, la transmis
sion s’opéreroit directement et immédiatement du tes
tateur à l’appelé. N ’est-ce pas^ en effet, poursuit-il,
parce que l’appelé n’a qvüune simple espérance , subo?donnée à Vaccomplissement de la condition j n'est - ce
pas cette incertitude de la propriété qui est la princi
pale cause de la prohibition des substitutions ? . . . .
car nos substitutions sont ce qu’étoient, dans le droit ro
main, les fidéicommis conditionnels.
5
�53
(
)
Le second caractère, le temps, indique la substitution ,
parce qu’il établit un ordre particulier de succession ,
et, pour cela, il sufïïsoit, dans notre ancien droit, que le
disposant eût entendu appeler le second donataire après
que le prem ier auroit recueilli ou reçu. Verba trac tum temporis habentia , ita ut substitutio post a d i t a m h æ r e d it a t e m videatur fa cta .
Et comme, dans notre usage, la mort du grevé étoit
toujours censée ajoutée à la charge de rendre ( à plus forte
raison si elle étoit écrite); cela cônstituoit le troisième
caractère.
« Remarquons , dit-il page 6 i , que dès que la m oit
« du grevé doit être le terme de la rem ise, toutes les
« fois que la charge de rendre sera conçue dans ce sens,
« la substitution réunira, par cela seul, les différens ca« ractères que nous venons de parcourir et qui doivent
« constituer l’ordre successif. »
De là , cette conséquence que si on trouve dans un
acte deux donations à deux personnes différentes, il faut
principalement considérer si elles sont faites concurrem
ment, de manière à ce que toutes les deux, ou celle
des deux dans l’intérêt de laquelle est faite la disposi
tion, recueille au moment où l’acte commence d’avoir
son effet; ou si elles sont successives, en ce sens, que
la propriété repose pour un temps sur la tête de l’un,
et doit, après ce temps, et surtout après la mort du
premier donataire, se placer, p a r la remise, sur la tête
du second. Voilà la pierre de touche pour reconnoître
les caractères de l’acte et les effets qu’il doit produire.
Nous nen dirons pas davantage ici; nous ajouterons
�seulement qu’aux chapitres 6 , 9 et 10 , il développe cette
doctrine, d’après Ricard, Bergier, Thévenot, M erlin,
Toullier , Grenier , qui lui servent constamment de
guides, mais revient toujours à la distinction d’entre les
fidéicommis purs qui ne forment qu’une condition, et
les fidéicommis conditionnels qui emportent toujours
substitution, lorsque la mort du grevé est l’époque de
la remise.
Nous pourrions citer de nombreux arrêts qui ont con
sacré ces principes; par exemple, le 22 décembre 18 10 ,
la Cour de Turin a jugé que l’institution faite au profit
d’un tel, pour lui et ses descendans mâles, renferme
substitution (1).
Le 17 messidor an n , même décision de la Cour de
cassation, pour le cas d’une institution faite*pour lui et
ses eirfans à naître (2).
Plusieurs arrêts ont jugé que le rappel des héritiers
légitimés, en cas de prédécès du donataire, étoit subs
titution.
E n f in , le 2 2 juin 1 8 1 2 , la C o u r de cassation, en
cassant u n arrêt de Montpellier, a jugé qu’après une
donation entre-vifs, avec réserve, le don de la réserve
à un tiers, avec stipulation de retour pour le donataire
lui-même y emportait substitution (3).
Observons que la plupart de ces autorités si respec
tables s’appliquent aux principes du Code civil, où, ce( O D e n e v e r s , 1 8 1 1 , supplément, page 12G.
(a )D e n e v e rs , 17 9 1 à l’an i a , page 714*
( 3) Denevcrs, 1 8 1 3 , page 557-
�( 5 5 )
pendant, tout s’interprète avec bienveillance, par deux*
raisons également puissantes.
L ’une, que la substitution étant défendue, le donateur
est censé, dans le doute, n’avoir voulu faire que ce que
la loi lui permettoit.
L ’autre, que par cette même cause, l’existence de la
substitution tendant à détraire l’acte, on ne doit l’y
voir que lorsqu’elle y est nécessairement.
Avec quel avantage n’appliquerons - nous donc pas
ces principes à vin acte fait sous les anciennes lois, où
la substitution étant permise, on doit beaucoup plus
facilement présumer que le testateur avoit voulu subs
tituer, plutôt que de chercher dans l’acte qu’il a fait
une disposition embarassée, insolite, fût-il même possible
de la concilier avec l’ensemble de l’acte et les caractères
qui lui sont propx-es? A une espèce où la nullité de la
substitution, bien loin de re n v e rs e r tout l’édifice des
volon tés du testateur, ne fait que rendre pure et simple,
par la défaillance de la condition, la disposition la plus
naturelle, la disposition directe de la dame de M urât,
la seule, il faut le dire, qui fût dans le contrat de ma
riage une disposition réelle et parfaite.
C’est ce que nous allons démontrer par quelques ap
plications très-simples de ces principes à la disposition
dont il s’agit.
Y verrons-nous] une donation faite conjointement à
deux personnes appelées chacune pour le tout, ou avec
accroissement de l’une à l’autre de la portion de chacun ?
Y lirons-nous une vocation simultanée ?
�56
(
)
Si cela n'y est pas, y aura-t-il un fidéicommis?
Ce fidéicommis sera-t-il pur ou conditionnel ?
N ’cn doutons pas : il faut qu’une de ces choses se trouve
dans la disposition; car, quelle autre chose pourroit s’y
trouver, et s’y trouver valablement?
Voyons donc ce qui y est; car, c’est aux expressions
d’un acte, coordonnées avec la pensée des parties ; c’est
à son ensemble, à ses caractères, au genre d’effet et
d’exécution qui lui est propre, qu’il faut juger de ce qu’il
est, de ce qu’il peut valoir.
Voyons d’abord le motif de la dame Jalinques de qui
émane la disposition. Elle est veu ve, sans enfans ; la
future épouse est «a sœur.
O r, elle donne pour motif Vamitié particulière qitelle
a pour la future épouse, sa sœur. Cela seul suffit pour
ne pas se méprendre sur son intention, pour juger quelle
personne a été l’objet direct de sa disposition. Voyons
si la disposition y est conforme.
E ll e donne à sadite sœur, fu tu re épouse, ce accep
tante : ju sq u e-là tout est clair, positif, parfait ; elle donne
et sa sœur accepte; elle ne donne qu’à elle et elle seule
accepte. Pas de difficulté; voilà un*; disposition complète.
Elle ne s’en tient pas là ; voulant prévoir un événe
ment qui est incertain, elle fait une disposition secon
daire.
D ans le cas où la demoiselle fu tu re épouse vienne à
décéder sans enfans, les b ie n s ............................. seront
remis et appartiendront au futur époux.
Y a-t-il possibilité de voir là une donation conjointe;
l’un
�57
(
)
’un est donataire direct et accepte; l’autre le sera dans
un cas, si telle chose arrive; aussi n’accepte-t-il rien,
parce que la donatrice ne lui fait aucun don direct et
actuel. A la vérité, si l’événement arrive, les biens lui
appartiendront, mais il ne les prendra pas directement
de la dame Jalinques; car, dans l’intervalle, un autre
les aura possédés comme propriétaire ; seulement ils lui
seront remis. O r, ils ne pourront l'être que par celui
qui les aura déjà recueillis, et, en effet, le donataire
q u i accepte les aura recueillis, possédés, parce que
du jour même de la donation ils lui appartiennent,
Il aura eu le droit de les conserver ju squ à son décès;
il ne sera tenu qu’alors de les remettre, et encore s’il
n’y a pas d’enfans du mariage. Ainsi, il y a deux dis
positions distinctes et successives \Vxme actuelle, parfaite,
l’autre incertaine et sans effet actuel ; l’une et l’autre
marquée par les term es qui leur conviennent et le genre
d’effet qui leur est propre.
S’il n’y a pas de donation fa ite conjointement, il
r iy a pas non plus de vocation simultanée. Il n’y a
pas à s’y méprendre, lorsque les parties ont employé
des termes si clairs, si précis et si conformes avec l’in
tention exprimée. Nous pouvons d’autant moins en
douter, quaprès avoir fait cette disposition oblique,
la donatrice, voulant couronner ses volontés par la
clause finale ordinaire, après l’une et l’autre disposition,
ajoute qu’elle s’est dessaisie et dévêtue des biens donnés,
et en a vêtu et saisi, tant en propriété qu’en usufruit,
LA D IT E DEM OISELLE FU TU RE ÉrO ÜSE. On ne peut
8
�58
(
)
donc pas douter que malgré ce qu'elle vient de dire de
sa volonté ù l’égard du futur et de s;:s héritiers, t-iln’ait donné et voulu donner qu’à la future; que la
future, seule donataire, seule acceptante, ne le soit
tant en propriété qu’en usufruit ? cela étant, quelle
autre personne quelle eût pu remettre? à qui le sieur
Capclle eût-il pu demander la remise, si ce n’est à ses
héritiers? Or, comme cette remise ne devoit être effectuée
que dans un cas prévu, il est d’autant plus indispensable
d’y voir un fidéicommis, que, sans cela, la disposition
secondaire ne seroit susceptible d’aucun effet, et ne
pourroit être éxécutée d’aucune manière; car, remar
quons bien que dans les espèces où des dispositions
faites à plusieurs ont été maintenues, on a considéré
que celui qui étoit dépouillé par l’événement, par
l’accomplissement de la condition, n’étoit, dans la pensée
du donateur, qu’un simple usufruitier, et que la pro
priété étoit censée avoir résidé, ah initio, sur la tête
de celui qui y étoit appelé à défaut de l’autre ; mais
ici le don est transm is tant en propriété qu’en usufruit,
et c’est en ces termes qu’il est accepté; la charge de
re m e ttre pesoit donc sur la dame Capelle, propriétaire
et usufruitière tout ensemble, et cette charge constituoit
évidemment un fidéicommis.
Mais ce fidéicommis étoit-il pur ou conditionnel?
Le fidéicommis pur ne peut exister, nous l’avons v u ,
que lorsque le légataire direct est chargé de remettre
à l’instant même, et que le testateur n’a eu en vue que
le fidéicommissaire seul et non l'intérêt du grevé, en
�( 59 )
quoi il est peu compatible avec la donation entre-vifs.
Alors le légataire direct n’est qu’une personne interposée
pour faire valoir une disposition qui autrement pourroit
ne pas valoir, ou pour satisfaire des vues particulières
du testateur ; il est ce qu’on appelle un simple ministre, et
ici il est évidemment impossible de trouver un fidéicommis de ce genre. La dame Capelle, donataire directe,
ne doit-elle pas garder les biens jusqu’à son décès ? ne
peut-elle pas les conserver jusque-là, tant en propriété
qu’en usufruit? la remise quelle doit faire et qu’elle
seule peut faire, puisqu’elle est saisie de la propriété,
n’est-elle pas suspendue par un événement qui est
incertain jusque dans;son existence à venir? n’y a-t-il
pas, de toute nécessité, ordre successif, puisque le sieur
Capelle ne doit recueillir qu’après elle et trait de temps,
puisqu'elle doit posséder avant lu i, posséder seule et
comme propriétaire? peut-on douter que l’intérêt de
la demoiselle de M ontlogis, Vamitié particulière que
luiportoit la donatrice, ne fût la cause finale de la dis^position? oseroit-on dire que la dame Jalinques avoit en
vue seulement, ou même principalement, l’intérêt du
sieur Capelle et non celui de sa sœur ? en vérité, lorsque
sur une telle clause, on met en doute ces conséquences
inévitables , ne ferme^t-on pas les yeux à la lumière ?
ne s’efforce-t-on pas de prouver l’existence de ce qui
u’existe nulle part, et de nier ce qui est partout?
N ’en disons pas davantage ; tenons-nous en à ces idées
simples, claires, évidentes. Eli ! pourquoi disserter lon
guement? L ’application des principes se fait d’elle-même;
8 *
�( 6o )
les conséquences viennent naturellement et sans effort.
Restons dans cette simplicité ; elle est, nous l’avons déjà
dit, compagne ordinaire de la vérité.
Concluons de là , que quand bien même la disposition
seroit modifiée par quelques termes particuliers, elle resteroit toujom*s ce qu’elle est. Ne pouvant être exécutée
que comme substitution fideicomrnissaire, elle ne sauroit
perdre cette qualité qui la constitue, qui est de son es
sence , et sans laquelle elle n’existeroit pas ; car, on le
demande, si les substitutions fidéicommissiares avoient été
inconnues ou n’avoient jamais été admises dans notre
droit ; par quel mode, par quelle fiction auroit-on pu
prétendre à la validité de cette clause et à la possibilité
de son exécution? Arrêtons-nous sur ce point ; plus on
avance et plus on est convaincu.
Passons aux objections des appelans ; ils nous reste
à y répondre, à les réfuter. Nous ne croyons pas que
cette tâche soit difficile ; c’est encore avec les principes
que nous allons le faire. Malgré le désir d’être concis,
nous serons en core o b ligés à q u elq u es développemens T
à des citations ; tou t cela est inévitable.
Deux propositions sont établies par les appelans.
i° . Il n’y a pas de substitution fidéicommissaire.
2°. Dans le doute, la disposition devroit être main
tenue.
Pour prouver la première proposition, ils en établis
sent deux autres.
i ° . Il n’y a pas charge de conserver;
29. Il n’y a pas charge de rendre.
Nous allons les examiner successivement.
;
�9,o*
( 6i )
r
•
*...•*
f
P r e m iè r e O b je c t io n . •
\
• 5t
Les motifs qui ont dicté Vabolition des substitutions
/?e se rencontrent pas dans Vespèce j la crainte des
fra u d es envers les créanciers] le but defa ir e ientrer
les biens dans le commerce.1 ' ^
°
Cet argument est bien peu de chose. Fut-il rigou
reusement vrai, que signifieroit-il ? Ces motifs principaux
peuvent avoir dicté une disposition générale; or, comme
il n’est pas de règle générale sans inconvéniens, quelque
bon ne qu’elle soit , il pourroit se faire que certaines
dispositions particulières se trouvassent comprises dans
sa prohibition, quoique leur esprit ne fût pas celui qui
a été le motif de la loi. Ainsi, quoiqu’un individu n’eût
que des idées très-légitimes, très-naturelles, en substi
tuant un de ses enfans à l’autre, sa disposition ne scroit
pas m oins nulle, p a r cela seul q u ’elle co m p ren d ro it u n e
substitution. D ’ailleurs, si le législateur a pensé que ce
mode de disposition prêtoit à la fraude et faisoit sortir
les biens du commerce, c’est parce que le grevé ni le
substitué ne peuvent en disposer librement l’un sans
l’autre, et ici cette condition se rencontre; car, et pour
qu’on n’en doute pas, elle est positivement écrite dans le
contrat; or, toutes les fois qu’une substitution fidéicommissaire étoit réduite au premier degré, et qu’après son
ouverture, les biens devoient appartenir au substitué,
dune manière absolue, et sans condition, il semble que
rien nempêchoit le grevé et le substitué de disposer
des biens, pur une volonté commune, avant l’ouverture
�S ô2)
de la substitution; ainsi, en le disant dans le contrat,
011 donnoit moins une faculté aux futurs époux, qu’on
ne leur imposoit textuellement une condition qui, d’ail
leurs, étoit propre à la substitution, et qui semble la
prouver davantage, bien loin d’en repousser l’idée.
Cette réponse fort simple a une double application ;
car elle repousse cette autre objection tirée du pouvoir
de vendre; mais n’anticipons pas, puisqu’on la repro-r
duit ailleurs. Les appelans continuent :
D e u x iè m e O b je c t io n .
On reconnaît une substitution à ses expressions et ci
ses caractères. Quoiqu’il ne soit nécessaire d’aucun
terme m arqué, dans le cas actuel, auctaie expression,
ne Yindique. On donne dans un cas à la fu tu re ,
et dans un autre cas au fu t u r ; les biens lui appar
tiendront ', est-il dit.
•*
r
Un moment: recueillons d’abord cet aveu des héri
tiers Capelle, qu’il n’est nécessaire d’aucuns termes mar
qués , et d em an d on s-leu r s’il ctoit nécessaire de s’expri
mer autrement qu’on ne l’a fait pour créer une substition. On donne à la fu tu re épouse qui accepte ; on le
fait A cause de l’amitié particulière qu'on a pour elle ;
mais si elle décède sans enfans, cette amitié n’aura plus
d’objet plus rapproché de la future que son mari; alors,
et seulement en ce cas, on dit que les biens lui appartiendront ; mais pourquoi lui appartiendront-ils ? com
ment lui parviendront-ils ? Parce quV/i lui seront remis;
et pour qu’on ne doute pas de la personne qui les lui
�I
( 63 )
remettra, on ajoute, après avoir dit cela, qu’en consé
quence on a saisi et vêtu , tant en propriété qu'en
usufruit , la demoisellefuture-épouse. Si on ne reconnoit
pas à ces expressions deux personnes qui recueillent
successivement la propriété par la remise que l’une lait
à l’autre, autant vaut dire que dans l’ancien droit aucun
terme ne peut remplacer ceux-ci: J e substitue; et alors
il ne faudroit pas convenir qu’il n’y avoit pas de ternies
marqués.
O n con tin u e en ;irefusant de v o ir dans la clause les
caractères de la su b stitu tio n , et ici l’objection se sub
divise.
T r o is iè m e O b je c t io n .
I l ri y a pas charge de conserver,
z°. Parce q u i l y a pouvoir indéfini d'aliéner;
2.°. P a rc e qu’on ne chargeoit de remettre que les biens
QUI r e s t e r o n t d e c e u x
c i-d e ssu s d o n n é s
.
Nous allons répondre, après avoir observé, cependant,
qu’il seroit difficile en général de refuser les caractères
de la substitution à une clause qui la marque évidem
ment par ses expressions. A u reste, parcourons les détails
de cette objection.
La permission de vendre étoit nécessaire ici ; elle étoit
au moins utile. Elle étoit doublement stipulée au contrat ;
d abord, pour les biens dotaux en général ; 20. pour
les biens donnés et substitués par la dame Jalinques en
particulier. Or f cette faculté n’empêchoit pas plus les
biens donnés par la dame Jalinques d’être substitués
�A C6 4
)
qu’elle rn’empêchoit d’être dotaux les autres biens de la
dame Capelle. L'exception admise par suite des circons
tances, et de la position des parties, ne changeoit, ni les
caractères de la constitution de l’épouse, ni ceux de la
donation de sa sœur. Les conditions, les règles attachées
à la dotalité et à la substitution, suivoient l’effet de cette
exception et en étoient inséparables, et la permission
d’aliéner des biens substitués ne change pas plus leur
caractère que celle d’aliéner les biens dotaux n’empêche
les deniers d’être dotaux comme l’immeuble lui-même.
Les inconvéniens qui peuvent en résulter par événe
ment ne changent rien au principe des choses. Quelquefois,
pour les biens dotaux, le pouvoir est donné indéfini
ment, et alors il y a danger pour la femme; quelque
fois il y a charge d’emploi ,%et le danger est bien moins
grand ; quelquefois le pouvoir n’est réseryé qu’avec Je
consentement de la femme et à la charge de reconnoîlre ;
et, dans tous les cas, les biens acquis en remploi, ou
les deniers eux-mêmes, çonsei’v e n t le caractère de l’iin*
m eu b le. Il fau d ro it en dii*e autant des biens substitués,
lorsque surtout la permission d’aliéner n’est donnée au
mari substitué qu’avec le consentement de Vépouse, do
nataire grevée, et à la charge de reconnoître.
Mais réduisons-nous à une observation très-simple;
elle résulte du, fait...La dame JalinqUes imposant des
charges à sa libéralité , et le sieur Capelle ne voulant
exposer, ni ses propres biens, ni son aisance personnelle
pour payer les dettes d’autrui, la donataire devoit donner
la liberté de vendre pour payer et les dettes et sa ré
serve ;
�C (Ï5 -0
serve; elle le fait, et aussi, voulant substituer le sieur
Capelle, elle charge seulement de lui remettre les biens
qui resteront de ceux ci-dessus donnés. Il sembleroit
assez évident que la dame Jalinques neut d’autre but
que celui d’autoriser la vente pour satisfaire aux charges,
et de laisser tout le l'este dans la donation grevée de subs
titution; car elle n’autorise la dame Jalinques à disposer
que de 3,000 livres seulement, preuve qu’elle la lioit
pour tout le reste ; mais nous donnerons à choisir aux
héritiers Capelle de l’une des deux interprétations qu’on
peut donner à cette clause; où la faculté d’aliéner, c’està-dire, de disposer, étoit indéfinie et n’obligeoit à resti
tuer au sieur Capelle que ce qu’il plairoit à la dona
trice de conserver, et alors n’étant gênée par rien,
elle a pu librement disposer au profit de son second
m ari, comme au bénéfice de tout autre ; ou cette faculté
rentroit dans la classe de ce qu’on appeloit autrefois fidéicom m is de eo quod supererit, et il y avoit substitution.
Ce doit être une chose ou l’autre.
Tout doux, disent les héritiers Capelle, page 28; la
première partie de l’objection n’est qu’une équivoque;
la dame Capelle 11 étoit pas propriétaire absolue ; elle
n’avoit qu'un droit subordonné à un événement, et
cet événement étoit Vexistence d'enfans nés de son
premier mariage. Propriétaire dans un cas , elle pour
voit disposer à son g ré; non propriétaire dans le cas
contraire, elle navoit pas qualité pour en gratifier
qui que ce soit.
A notre tour, nous ferons remarquer que c’est là que
se trouve 1 équivoque; nous le prouverons sans réplique,
9
�( 6 6 ) .
,
lorsque nous examinerons la différence qui existe entre
les substitutions et les simples conditions qui ne vicient
pas une donation; mais, en attendant, nous devons ré
péter que la dame Capelle étoit donataire de la propriété
comme de l’usufruit, et que cet événement qui paroît
si peu intéressant aux sieurs Capelle, étoit celui de sa
mort et de sa mort sans enfa n s , cas seulement auquel
elle devoit remettre, après avoir néanmoins possédé jus
que-là en propriété.
Pour ne rien laisser à désirer sur ce point de ce
qu'il est nécessaire de dire en ce lieu, nous reviendrons
sur ce que nous avons indiqué ci-dessus, page 47, d’après
IVI. Toullier, sur la substitution conditionnelle.
Il faut bien distinguer, en effet, la condition mise
à la donation de celle qui est mise seulement à la
substitution.
Si la dame Jalinques après avoir simplement donné
à la dame Capelle , eût dit : à sa mort les biens se
ront remis au futur époux, personne n'élèveroit de
doute sur la substitution 5 car il y iiuroit évidemment
don de propriété, charge de conserver jusqu’à la mort
et de remettre à la m ort; mais la substitution seroit
pure et simple.
T^a condition apposée : s 'il n existe pas d’enfan s ,
change-t-elle quelque chose aux caractères de la donation?
Non certes. La charge de remettre et de remettre à la mort
est 11 seule chose qui modifie la donation; mais ensuite cette
stipulation est, elle-même , modifiée par une condition :
la charge de remettre la subsitutioxi ne sera pas indé-
�7
(¿ )
finie; elle ne sera pas pure et simple, mais conditionnelle.
A in si, que cette substitution ait ou non son effet,
la future sera propriétaire; elle le sera jusqu’à sa mort;
car , nonobstant la condition déjà apposée de cette re
mise, on l’a vêtue et saisie, tant en propriété qu’en usu
fruit. S’il y a des enfans à sa mort, la propriété lui.
restera d’une manière absolue. Si elle n’en a pas, cette
propriété passera, sera remise, au. futur époux; c’està - dire, que le sieur Capelle sera substitué dans un
cas; qu’il ne le sera pas dans l’autre; mais toujours
la donation directe restera parfaite en propriété, sauf la
remise en cas d’événement.
Cette explication nous paroît un peu plus juste, un
peu plus conforme à l’acte, que celle des héritiers Capelle.
E h ! comment, d’ailleurs, pourroient-ils s’accorder avec
eux-mêmes ; ils veulent que la charge de rem ettre ne
çoit ici q u ’une condition sim ple ; o r , comment une
simple condition pourroit-elle devenir elle-même con
ditionnelle; être elle-même chargée d’une autre condition?
Ne jouons pas sur les termes, et reconnoissons que ce mot
qu’on neveut pas dire, cette chose qu’on ne veut pas v o ir,
c’estune substitution qui aura lieu dans un cas, n’aura pas
lieu dans un autre , qui sera conditionnelle, et q u i,
sauf l’événement de la condition, grevera, dans tous
les cas, la propriété dans les mains du donataire.
En sorte que s’il y a des enfans, rien ne gênera le
libre exercice de la propriété dans les mains de la dame
Capelle, et la donation faite au sieur Nouveau sera
valable ; s’il n’y en a pas, l’obligatiou de remettre,
9 *
�( 68 )
........................................
lui arrachera à sa mort la propriété qui aura jusque-là
résidé sur sa tête. Voilà le résultat primitif; niais par
l’effet de l’abolition des substitutions, la donation faite au
sieur Nouveau sera valable dans les deux cas.
Les héritiers Capelle se défendent plus mal encore
sur la seconde hypothèse de la substitution de eo quod
si/pererit ■ suivant eux , elle r?étoit considérée comme
fideicommissaire , qu’autant que le pouvoir d'aliéner
étoit restreint.
E t d’ailleurs, il faut appliquer ici la législation nou
velle qui n’abolit pas cette espèce de substitution ; les
auteurs et la jurisprudence sont d’accord là-dessus, et on
cite M. Toullier, M. Grenier.
Une erreur de droit et une mauvaise application des
plus saines autorités composent tout cet argument.
Qu’on ouvre tous les auteurs sur ce genre de substi
tution : Thévenot d'Essaules , ch. 22; M. Merlin , sec. io r
§. 9 ; M. Roland de Villargues, ch. 14 ; M. Toullierr
M. Grenier lui - même qui n’en dit qu’un mot, et on
c o n v ie n d ra
que cette disposition étoit to u jo u rs, de sa na~
tare, considérée comme restreinte; qu’au moins le grevé
devoit conserver la quarte ; que si quelquefois on lui permettoit de l'entamer, c’étoit par des considérations par
ticulières, mais que cela n’empêchoit pas qu’il y eût
substitution. Ce n’étoit donc pas, lorsque le pouvoir
d'aliéner étoit restreint par l’acte même qu’on refusoit
d’y reconnoitre la substitution, mais c’étoit, au contraire,
par la nature de l’acte et la nécessité d’y voir une subs
titution qu’on regardoit de droit la faculté comme res
treinte , et qu’on exigeoit du grevé qu’il conservât quel
que chose.
�f
6
9
E t, encore une fois, si, dans l’espèce, la faculté avoit été
tellement illimitée, que la dame Capelle ny eût pas
éprouvé la moindre gêne, sa disposition envers le sieur
Nouveau seroit bonne et valable.
Quant à l’application qu’on veut faire du Code civil,
des auteurs et d’un arrêt de Bruxelles ( pag. 30 ), qui au
jourd’hui ne regardent pas cette clause comme line subs
titution réelle, que les héritiers Capelle lisent'encore,
et ils y verront ce motif que le Code ayant pro
hibé les substitutions, il ne faut en voir que la où on
y sera forcé par les termes ou les caractères de la dis
position, et qu’on ne doit pas voir Vobligation de con
server dans une disposition de ce genre ; mais tous reconnoissent que sous les anciens principes cela opéroit substitution. M. Grenier, en le disant sur l’arrêt de
1809, ajoute : « c e q u i p e u t s e u l j u s t i f i e r l ’a r r ê t ,
« c est que sous une législation telle que celle qu i ré«usiilte de Varticle 896 du Code
on doit se tenir
« à cette législation, sans avoir égard, au moins sur
« ce point, aux lois romaines dont le génie étoit de
« favoriser et détendre les substitutions.» Voilà ce que
dit ce profond jurisconsulte , en approuvant l'arrét.
Cette autorité en vaut bien une autre, et nous n’avons
pas besoin de nous'étayer des opinions contraires, dont
on convient ( page 31 ), même sous l’empire du Code
civil, car nous ne sommes pas sous le'Code pour la ques
tion qui nous divise.
Enfin, on se résume sur ce point ( page 34 ) , en
disant qu’il ne ^peut y avoir substitution là où celui
�\ r\
«/>
( 7° )
qu’on indique comme substitué a pu être, privé de tous
les biens.
E t ici nous répétons deux choses :
i°. De tout ce qu’on vient de dire, il résulte que
le substitué n’a pas pu être privé par la seule volonté
du g revé, puisque le consentement, le concours du subs
titué étoit nécessaire pour vendre ; donc il ne pouvoit
être privé des biens que par sa volonté propre; donc le
donataire étoit chargé de conserver,
2°. Cela est tellement vrai que cette obligation de
conserver est le seul titre des héritiers Gapelle ; car
de quoi se plaignent-ils? De ce que la dame Nouveau
n’a pas c o n s e rv é , de ce qu’elle a disposé à leur préjudice;
la faculté d’aliéner étoit donc limitée, suivant eux-mêmes,
ou bien, si elle étoit illimitée, ils' n’ont plus de titre pour
se plaindre. Les appelans ont beau se débattre, appeler
à leur secours toute leur logique et celle de la famille de
Montlogis; elle ne sauvera pas leur argument des con-r
séquences de ce dilemme.
Qu atrièm e Objectio n ,
I l rfy a pas charge de rendre à un tiers.
Nous devrions avoir peu de chose à répondre ici, car
nous ne pouvons pas avoir prouvé qu’il y avoit charge
de conserver et de conserver jusqu’à la iiiort, sans qu’il
en résulte la charge de rendre. Onne peut conserver
que pour l’intérêt d’un autre , et cet intérêt ne peut
consister que dans la remise des biens; si autrefois la
�( I1 )
Charge de rendre supposoit celle de conserver, l’obligation de conserver1emportoit à plus forte raison celle
de rendre, surtout lorsqu’une autre personne étoit nom
mée pour recevoir à l’époque de la remise.
Les appelans ne se sont pas dissimulés la force de
cette Conséquence ; aussi ont - ils tâché de prouver qu’il
n’y avoit pas charge de conserver, et prétendant l’avoir
fait, ils disent, page 34 , qu’en Vabsence de ce carac
tère principal, il importerait peu que des caractères
1noms importans fussent reconnus dans la clause dont
il s’agit. A notre tour nous dirons, avec bien plus d’avantaSej qu’après avoir aussi clairement prouvé que la charge
de conserver se trouve dans la donation, il seroit fort
indifférent qu’on n’y eût pas écrit des conditions moins
importantes, parce que ce caractère principal q u i,
d’après eux, constitue l’essence des substitutions, suffit
et en traîn e tous les autres
Mais cela ne suffit pas aux appelans; abondans en idées
plus ou moins subtiles, ils nous forcent encore à discuter.
La charge de rendre, disent-ils, doit exister au profit d’un
tiers ; or, ce tiers doit être une personne non présente
à Vacte de libéralité. X-e sieur Capelle n’étoit pas un
tiers ; c’étoit une partie contractante.
Cette proposition tendrait à établir qu’on ne pouvoit
jamais, dans un contrat de mariage, faire une donation
directe à l’un des époux et substituer l'autre, et qu’on
ne peut davantage user d’un semblable mode dans aucun
ac te entre-vifs. Cela seul sullit pour démontrer q u ’elle
repose sur une erreur.
Un tiers, une tierce personne, est celle qui est étran-
�( 72 )
gère à la chose dont on s’occupe, ù la disposition qu'on
fait, qu’elle y soit ou non présente. Ainsi, un individu
qui est institué ou légataire par un testament, n’est pas
un tiers, parce que la disposition l'intéresse quoiqu’il
n’y soit point partie. Si une autre personne lui est subs
tituée, cette personne devient un tiers, non par cette
raison qu’elle n’est pas partie dans l’acte, mais parce
qu’clle est étrangère à la disposition principale, parce
qu’elle est tiers , respectivement à l’institué.
De même , si un seul contrat renferme plusieurs
dispositions en faveur de diverses personnes, chacune
d’elles, quoique partie dans l’acte, est un tiers respec
tivement à la disposition qui n’est pas faite à son profit.
Ainsi, on peut n’être pas partie dans un acte, et
cependant n’être pas étranger à ses dispositions; on peut
y être partie et demeurer étranger à quelque disposition,
être tiers respectivement à cette disposition et à ceux
qu’elle concerne.
C’est ce qui arrive dans le cas présent, et ce qui se
prouve par les principes m êm es q u e nous avons établis.
Si la donation est conjointe, simultanée, elle concerné
directement le sieur Capelle, et alors, pas de difficultés.
Si elle n’a pas ce caractère ; qu’il y ait deux dispositions
successives, et que le sieur Capelle ne soit appelé que
par la seconde , il est étranger à la donation directe;
il est un tiers respectivement au donataire, et cette
conséquence nous donne la satisfaction que toujours,
et dans tous les cas, nous revenons au même principe.
Que voulez-vous dire, s’écrient les appelans? ne
scmblç-t-il pas que le sieur Capelle n’est dans cet acte
qu’une
�73
C )
qu’une partie accidentelle? qu’il s’y trouve comme par
hasard? Cependant il en est la partie principale. C’est
le futur époux ; c’est en faveur du mariage que sont
faites toutes les libéralités qu'on lit dans le contrat; c’est
en cette qualité qu’on lui attribue la propriété des biens
donnés, s’il n’y a pas d’enfans; cela n’est-il pas irréfragable?
( page 37 )
Il n’est encore pas difficile de répondre.
Certes oui, le sieur Capelle est partie principale dans
le contrat de mariage; car tout le monde sait que pour
se marier il faut'être deux, et qu’au contrat de mariage
les deux futurs époux sont les deux personnes dont on
peut se passer le moins. Ainsi, dans l’espèce, on ne
pouvoit, ni passer le contrat, ni stipuler les conditions
qui étoient de son essence, sans la présence du sieur
Capelle; mais, on le demande, tout cela ne pouvoit-il pas
être sans que la dame Jalinques intervînt pour faire
une donation?
Elle est intervenue, dit-on, et cette circonstance,
comme les autres, a été une condition du mariage.
Très-bien: nous ne contesterons pas non plus que
tout ce qui est écrit au contrat ne soit fait en contem
plation du mariage; mais n’oublions pas que nous no
sommes encore occupés qu’à rechercher si le sieur Capelle
eut ou non partie directe dans la donation. O r, la
demoiselle de Montlogis, en intervenant pour donner
son bien, étoit maîtresse, sans doute, de le donner à
qui elle voudroit, et seulement à qui il lui plairoit; elle
pouvoit imposer des conditions, et en les acceptant, on
étoit obligé de s’y soumettre. Vous conviendrez bien dq
ïQ
�ilA)
cela, héritiers Capelle! il faut le penser pour votre
honneur.
Si cçla est, vous conviendrez bien nuçsi que dans un
contrat de mariage où votre père étoit une forte inté
ressante partie, la dame Jalinques pouvoit ne pas du
tout s’occuper de lui, donner à sa sœur pour' Vamitié
particulière qu'elle lu i portoit, et vouloir donner à
elle seule; qu’elle pouvoit stipuler que les biens donnés
seroient dotaux, ou les laisser tomber dans la stipulation
générale de dotalité, mais sans donner pouvoir au futur
de les aliéner, ni s’occuper de lui pas plus que s’il
n'eût pas existé. Auriez-vous osé dire, en ce cas, que
votre père avoit sur ses biens des droits de propriété ?
qu’il étoit donataire direct? qu’en un mot, parce qu’il
étoit le futur époux, il étoit partie essentielle dans la
donation, où on n’avoit pas le moindre besoin de lui pas
même pour autoriser l’acceptation? Il faut croire que vous
n'irez pas jusque-là ; vous auriez dit que comme mari,
il avoit droit de jouir des biens donnés comme des autres
biens dotaux, mais vous auriez a v o u e , sans d o u te , qu’il
n’étoit pas partie dans la donation, quoique partie au
con trat. Très-bien: avançons un peu plus.
Vous conviendrez bien encore que la dame Jalinques
pouvoit stipuler que les biens donnés seroient parapliernaux; que la future en jouiroit exclusivement à son
mari, et sans s’inquiéter de sa puissance ni de son
autorité. Si cela étoit écrit dans le contrat, diriez-vous
que le sieur Capelle, partie contractante, futur époux
9*ns la présence duquel la future épouse auroit été fort
�c ? 5 )
embarrassée de stipuler un. contrat de mariage, étoit.
néamoins partie directe et nécessaire dans la donation?
Quelle chimère, dites-vous ; le mariage ne se seroit
pas fait, car la double donation en étoit une des con
ditions.
?
Un instant, sieur Capelle! ce n’est pas là la question
qu’on vous fait. Mariage ou non , condition acceptée
ou non, dites-nous ce que vous auriez à répondre, si
cette clause étoit écrite dans le contrat, et qu’alors votre
père qui y contractait l’eût trouvée bonne. Vous
avoueriez, n’est-ce pas, que votre père, quoique partie
au contrat, étoit fort étranger à la donation; qu’elle
ne le regardoit pas du tout, et qu’il étoit bien certaine
ment une tierce personne respectivement à la dame
Jalinques et aux biens qu’elle donnoit à un autre, à
son épouse , si vous le voulez, mais en lui défendant d’y
toucher, môme pour en jouir. Il faut bien avouer cela
ou se taire. Très-bien encore ; faisons un pas de plus et
raprochons-nous du fait réel de la cause.
Si la dame Jalinques, adoucissant un peu sa sévérité >
eût jeté un coup d’œil secondaire sur le futur époux,
votre père, et, sans se départir dz l ’amitié particulière
qu'elle portoit à sa sœur, eût dit formellement : « Je
« veux qu’en cas de décès sans enfans ( ou même à son
* décès), ses héritiers soient chargés de rendre les biens
« ci-dessus dojmés au sieur Capelle, futur époux, ou à
« ses héritiers en cas de prédécès, lesquels je substitue »
( ou même sans ajouter ces derniers mots ) ; diriez vous
que, parce que le sieur Capelle étoit partie contractante,
qud étoit iutur époux, il n’y avoit pas charge de con*
io *
�. c7 6 }
server, et qu’il n’y avoit pas charge de conserver, parce
que la charge de rendre n’étoit pas stipulée pour un tiers,
attendu que le futur époux ne sauroit être tiers dans
un acte si intéressant pour lui ? ne penseriez - vous
pas plutôt que cela démontre que votre interprétation
du mot tiers est déplorable ? qu’on doit prendre les li
béralités pour ce qu’elles sont, et qu’il faut être fou pour
vouloir être donataire direct lorsqu’on est si évidem
ment et si clairement substitué? et cela ne vous conduiroit-il pas par hasard à penser, et ne vous obligeroit-il
pas à reconnoître que si les expressions pouvoient être
moins claires, l’intention moins positive, ce ne seroit
pas parce que le substitué ou prétendu tel seroit partie
au contrat comme fu tu r époux qu’il faudroit refuser de
voir une substitution là où elle se trouve réellement ?
faire une donation directe, principale, d’un fidéicommis
conditionnel ? mettre un individu dans la vocation au
premier dégré, lorsqu’il n’est appelé qu’en second ordre ?
enfin, dénaturer une libéralité, parce qu’elle est écrite
dans un con trat de m a ria g e , et que le futur époux veut
qu’elle soit autre qu’elle n’est? ne penseriez-vous pas,
d’ailleurs, au moins à part vous, si vous ne vouliez pas
en convenir, qu’on a formellement imprimé au sieur
Capelle la qualité de tiers, d’étranger à la donation et
à la propriété actuelle des biens, en disant que les
biens lu i seront remis si la future décède sans enfans,
et en ajoutant immédiatement, qu'en conséquence on
investit et saisit, tant en propriété qu’en usufruit, la
demoiselle fu tu re épouse. Dites-nous, s’il vous plaît,
ce que c’est que cette conséquence..........de saisir. . • »
�( 77 )
de la propriété........... la fu tu re épouse, si c’est à son
futur époux qu’on vient de donner directement, et ac
tuellement, sauf l’événement d’une condition ? E t vous
qui prétendez que votre père avoit dicté la condition
dans son intérêt, ce qui suppose qu’il avoit médité ses
stipulations, dites-nous comment il avoit trouvé que l’un
étoit la conséquence de l’autre ; nous aurions grand
besoin que votre logique où celle des héritiers de Montlogis nous forçât de voir dans un acte le contraire de
ce qui y est écrit, lorsque tout nous ramène sans cesse
à reconnoître que, tiers ou non, c’est l’esprit et les termes
de la clause qu’il faut considérer.........Répondez donc.
Quelle perfidie ! semblent dire les héritiers Capelle ;
depuis quand^ est-il permis de mettre ainsi les gens à
la question? et pourquoi, sieur Valentin, ne voulezvous pas voir que cette libéralité conditionnelle n'étoit
pas fa ite à titra gratuit ; quelle étoit le prix des sa
crifices considérables qu'on imposoit au sieur Capelle
et auxquels il s'oblige oit..............enfin, qu'en se sou
mettant à ces obligations y il stipuloit par réciprocité
ses propres intérêts, car dans tout acte synallagmatique, et surtout dans un contrat de m ariage, toutes
les clauses sont réputées corrélatives et être la condition .
les unes des autres ( page 38 )?
Un moment : nous répondrons à votre réciprocité ;
mais nous ne sommes pas obligés de satisfaire votre
impatience , et il faut bien vous observer , en pas
sant , que tout cela est inutile pour savoir ce que c’est
quun tiers respectivement ù un donateur et à une
donation; que cela ne change rien à la question, sous
�.
(
7
8
\
ce rapport, et ne sauroit aiToiblir les argumens que nous
venons de vous faire ; mais si vous croyez avoir un besoin
indispensable de cette nouvelle tirade pour fortifier l’ar
gument, nous allons vous répondre encore. Déjà tout
ce que nous venons de dire y suifiroit. N’en résulte-t-il
pas, en effet, que quelles que soient les circonstances
qui entourent l’acte, c’est la clause qu’il faut voir?
jfitout cela étoit écrit dans le contrat, à côté de la sti
pulation de substitution, telle que nous venons de la
supposer en termes exprès, y seroit-elle moins écrite?
en seroit-elle moins supprimée par la loi? et ne nous
est-il pas permis de dire encore que si on trouvoit les
termes moins positifs (et certes ils le sont assez ), il n’en
faudroit pas moins voir la clause telle qu’elle est, parce
que tout cela n’est pas exclusif de substitution? ne sommes
nous pas autorisés à dire que si la stipulation appartenoit
au sieur Capelle, si elle avoit été dictée p a r lu i, comme
maître de ses conditions, à titre de réciprocité, elle
n’en devient alors que plus claire, puisque c’est lui qui
n’a pas dem andé q u ’on le saisit de la propriété, et qui
n’a pas voulu qu’on apportât la moindre modification
à cette transmission de propriété, à la saisine de la
fu tu re jusqu’au moment de sa mort ? et si cette clause
étoit aussi obscure qu’elle est claire, ne seroit-ce pas
contre lui qui prétend l'avoir stipulée, l’avoir dictée,
que se feroit l’interprétation ?
Au reste, nous avons déjà répondu en fait à ces pré
tendus sacrifices, à ces obligations si considérables; ils
ont disparu comme une fumée ; il fie nous reste qu’à
ajouter un mot.
�79
C
)
Les obligations du sieur Capelle se rattachent bien
plutôt, nous l’avons dit, à sa qualité de mari, à la cir
constance qu’on lui livroit des biens considérables, no
tamment des effets mobiliers dont lui seul avoit la libre
disposition, non comme donataire, mais par la seule
qualité de mari.
Mais la meilleure preuve qu'on ne lui imposoit aucun
sacrifice personnel, qu’il ne contractoit aucune obligation
sur ses biens propres, résulte de cette permission de
vendre, que sans doute il avoit exigée pour ne pas
compromettre ses propres biens ; faculté qui le mettoit
(.VrtYftant plus à l’abri, qu’elle étoit plus illimitée, puis
qu’il pouvoit en user sans mesure. Voilà la clause réelle
qu’il avoit stipulée comme condition de son engagement
personnel, mais non une donation personnelle , qu’en ce
cas il n’auroit pas oublié de faire écrire. Ainsi, il est évident
qu’il ne contractoit aucune obligation qui mît en danger
ses propres biens et lui imposât des sacrifices personnels.
Au reste, l’événement l’a justifié, puisqu’il n’a rien
vendu pour payer, pas même partie des biens donnés.
Il est vrai qu’il n’avoit pas acquitté les charges, si ce
n’est une modique somme en assignats, ne valant pas ce
qu’il avoit touché ; le sieur Nouveau lui-même n’a rien
vendu des biens compris en la donation, et il a tout payé
en numéraire. Où étoit donc ce chimérique danger, puis
qu’on n’a pas même eu besoin de la ressource qu’on s’étoit
réservée?
Enfin, la sentence de 1790 vient mettre le comble
à ces preuves. Le sieur Capelle répudioit pour son
compte; son épouse ne répudioit pas. La sentence le
�( 80 )
condamne à exécuter les charges de la donation, faute
de quoi la déclare révoquée. Certes, si elle étoit si
onéreuse pour lui, il avoit un fort bon moyen de mettre
ses biens à l’abri. Jusque-là il ne lui en avoit pas
coûté une obole, puisqu’ayant joui des biens et tou
ché 4,000 livres des créances, il étoit encore en arrière
de 9,600 livres sur les intérêts, lors du traité qui
suivit cette sentence. Il savoit pour combien il pouvoit en
être quitte. Il n’avoit qu’à laisser écouler trois mois, et la
donation étoit révoquée de droit, sans même qu’il y
eût de dommages-intérêts contre lui; certes, la chance
n’étoitpas périlleuse. Que fit-il? Ne pouvant pas ret 1« »
les biens sans être personnellement obligé à remplir
les chai*ges, il p ré fé ra garder les biens et s’exposer à
payer; preuve évidente qu’il y voyoit du bénéfice et
non de la perte; des bénéfices actuels pour son épouse,
et pour lui comme mari, et des bénéfices possibles dans
l’avenir, pour lui -personnellement; preuve encore, et
preuve sans réplique, que s’il se fût cru donataire
direct, il n’eût pas fait ce procès; car il auroit eu
p erso n n ellem en t le bénéfice qui appartenoit à son épouse,
et s’il crut, après la sentence, que la considération de
ce bénéfice devoit le décider à garder la donation,
quoiqu’elle n’appartînt qu'à son épouse, il se fût bien
gardé auparavant de répudier lui-même, s’il eût pensé
être donataire direct.
Les héritiers Capelle ne s’arrêtent pas là ; prenez
donc garde , nous disent-ils encore ( page 38 ) ,
qu'il est de l’essence même de la subtitution , qu'elle
g’éteigne par le prédéçès du substitué, et qu’il n'en
transmet
�(Sx ) _
transmet pas le droit à ses héritiers; or, ici le sieur
Capelle stipule non-seulement pour lu i, mais encore
pour' ses héritiers ; cette circonstance, comme les deux
précédentes, n’écarte-t-elle pas toute idée de substitution.
E t nous aussi, nous le dirons: faites attention; voyez
que vous intervertissez le principe.
Il est très-certain qu’il est dans la nature de la substi
tution qu’elle ne passe pas aux héritiers du substitué
lorsqu’il prédécède.
E t nous ne craignons pas de dire que si on ne trouvoit
pas dans le contrat de 1786 ces expressions formelles,
en cas de prédécès , à ses héritiers ou à celui d’entr’eux
q u 'il aura choisi, les héritiers du sieur Capelle n’auroient
eu aucun droit à la disposition; parce que, de sa nature,
elle ne leur étoit pas transmissible; parce que la condition
de remettre, qui ne prenoit eiFet qu’à l’époque fixée,
étoit purement personnelle à l’appelé.
A la vérité,les héritiers Capelle auroient pu parvenir
à se faire adjuger les biens, s’ils eussent pu d’abord faire
juger que leur père étoit donataire direct; mais leur
saisine auroit été seulement la conséquence de cette
décision, bien loin d’en être l’antécédant; évidemment
les appelans prennent ici la conséquence pour le principe.
Nous pouvons supposer en passant que l’événement
prévu ( de la mort sans enfans) fût arrivé avant l’abolition
des substitutions, et que les enfans Capelle eussent, de
leur chef, demandé la délivrance des biens comme dona-”
taires directs, et quoique cela ne change pas la question,
nous demanderons si cette1 prétention, à cette époque,
eut paru autre chose qu’une absurdité ; il faut cependant
11
�C 8 â )
la voir sous ce point de vue pour la bien apprécier;
car on n’auroit pas pu dire alors que Féxistence de
la substitution tendant à détruire l’acte, il falloit tout
voir favorablement pour le sieur Capelle.
Au reste, nous irons plus loin, et de cela seul que
la dame Jalinques s’est vue obligée d’appeler les héritiers
du sieur Capelle, en cas de prédécès, nous concluons
qu’elle n’a fait qu’une véritable substitution; car, sans
cela, il eût été inutile de les appeler.
Or donc, s’ils ont eu quelques droits, ils résultent
non de la loi ni de la nature de la stipulation, mais
de la vocation expresse de leur personne. La dame
Jalinques n’a pas voulu faire plusieurs d egrés de substi
tution , mais elle a voulu que si le père ne recueilloit .
pas le bénéfice de la substitution, il appartînt à ses
enfans; on pourrait dire que c’est une espèce de substitu
tion vulgaire ajoutée à une substitution fidéicommissaire;,
stipulation qui, pas plus que la faculté d’élire, n’étoit pas
insolite dans les substitutions ; car, encore une fois, une
substitution p o u v o it être c o n d itio n n e lle ; elle pouvoit
être modifiée par toutes conditions licites, qui seulement
ne prenoient effet que par l’ouverture de la substitution,
elle-même.
Nous nous arrêterions ici ; nous croirions pouvoir et
devoir le faire, si les appelans ne revenoient, en cet
endroit, à leur moyen principal tiré de la différence
qui existe entre une donation purement conditionnelle
et une substitution, et si nous n’avions pris l’engage
ment de détruire de fond en comble le système qu’il»
te sont créé sur ce point. L ’examen plus particulier de
�( 83 )
de cette difficulté qu’en effet nous n’avons qu’efileurée,
allongera nécessairement une discussion déjà fort éten
due ; mais nous ne devons rien négliger sur la partie
essentielle d’une cause d’un aussi grand intérêt ; car la
fortune des intimés y est attachée toute entière. Au
reste, nous laisserons parler les auteurs, et nous ne dis
cuterons que pour soutenir l’attention et lier entr’elles
les diverses citations qui nous seront nécessaires.
Nous pourrions, sans aucun danger, nous placer dans
l’espèce d’une simple disposition conditionnelle, et ne
pas chercher, dans les principes des substitutions, des rè
gles qu’on soutient à tort n’être pas applicables ; la cause
des appelans n’en seroit pas meilleure.
Ce n’est pas tout, en effet, que de placer en avant
le mot condition , pour le mettre en opposition avec celui
substitution , et de partir de là pour en faire toujours,
et dans tous les cas , des choses différentes dans leur prin
cipe et dans leurs effets. La première de toutes les
conditions, pour raisonner juste en cette matière, est
de commencer par bien définir ce que c’est qu’une con
dition , et de savoir si, parmi les diverses espèces qu’il
en faut reconnoître, celle qui est apposée à la donation
faite'à la dame Capelle ne dégénère pas en substitution.
Consultons Furgole(des testamens, ch. 7,sect. 2 ,n ° . 12);
il fait une grande différence eptre les conditions sus
pensives et résolutoires.
« La condition suspensive, dit-il, est celle qui fait dé« pendre l’effet et la validité de la disposition d’un évé« nement à venir ; c'est ce que les lois appellent prov prement condition, et la résolutive est celle qui ne
M *
�« suspend et n’empêche point l’effet et l’exécution de la
« disposition, mais qui la résout et l’anéantit diins le cas
a de quelqu’événement à venir. La condition négative,
« la charge et le mode, quand il est fondé sur une cause
« finale, produisent l'effet de résoudre et d’anéantir les
« dispositions auxquelles ils sont attachés;»
Cette distinction est certaine, et il est fort important
de ne pas s’en écarter.
E n effet, si en faisant une libéralité à un individu,
on y met cette condition négative qu’il ne fera pas telle
chose, le donataire accomplit la condition tant qu'il ne
la viole pas ; il est, dès lo rs, investi du legs dès le moment
où l’acte commence d’avoir son effet, et si, par la suite,,
il viole la condition, cette circonstance résout dans ses
mains la donation, et il doit rendre et la chose et les
fruits.
S i, au contraire, la condition est affirmative, je lui
donne , s’il fa it telle chose , ou si telle chose a rriv e ,,
il faut accomplir la charge pour pouvoir demander la
délivrance; alors la donation est suspensive, et il ne faut
pas oublier ce mot de Furgole, que c’est ce que les lois
appellent proprement condition.
Or,, si nous examinons la condition dont il s’agit, en
supposant deux donations directes faites à la dame Capello et à son m ari, nous ne pouvons douter qu’elle
réunit ces deux qualités, suivant la personne à laquelle
on veut l’appliquer..
I,a considère-t-on respectivement à la dame Capelle,
donataire en premier ordre? Elle est évidemment né
gative: si elle ne meut tpas sans errfans. La donataire, saisie
�C 85 3
à l’instant même, est propriétaire jusqu’au moment ou
elle m ou rra sans enfans du inarige ; mais, si ce cas aï-rive,
la donation est résolue.
S i, au contraire, on la considère respectivement à la
donation supposée faite au sieur Cappelle, elle est évi
demment affirmative : si la fu tu re meurt sans enfans
du m ariage, alors, comme la donation faite au mari ne
doit avoir lieu qu’au seul cas où l’événement arrivera,
la condition est suspensive, non-seulement de l’exécu-^
tion, mais encore de l’effet de la disposition.
Notre supposition de deux donations directes est
assurément bien gratuite ; car la preuve que nous ne
sommes pas ici dans le même cas, se tire tout à la fois
des termes de la clause et de la nature de la disposition
qui est successive ; d’ailleurs , si ce cas existait , la
donation faite à la dame Capelle, et simplement sus
ceptible de résolution, n’auroit pu a vo ir son effet qu’à
la charge de donner la caution que le droit romain appeloit mucienne ; et la résolution venant, elle auroit été
obligée de rendre la chose et les fr u it s , parce que, dans
ce ca sce lles des deux donations qui doit subsister dé
finitivement, a son effet ab initio , comme donation
directe et actuelle. Mais ici ce mode d’exécution étolt
impossible , parce que la dame Capelle n'avoit été
chargée de remettre qità sa mort ; aussi n’a - 1 - on
jamais osé lui demander la restitution des fruits ; preuve
évidente qu’il ne s’agit pas de deux donations di—
lectes, prcmnt effet en même, temps, quoique sous
une condition résolutoire ou suspensive , mais biendune substitution qui n’oblige de rendre qu’à Tévé-
�8 5 }
nement du décès , sans (restitution
de fruits et voilà
que tout en consentant à chercher dans l’acte deux dona
tions conditionnelles, nous nous retrouvons toujours sur
le terrain des substitutions.
A u reste, Roland de Yillargues va nous l’expliquer
clairement, n°. 49, bis.
« La substitution prohibée suppose essentiellement le
« concours ou l’existence de deux donations ou deux
« libéralités, dont l’une, qu’on peut appeler principale,
« faite pour avoir lieu jusqu’à un certain temps ( la
« mort du prem ier donataire avant celle du second ), est
« résoluble dans le cas où la condition sous laquelle la
« seconde donation est faite vient à échoir; dont l’autre,
« la seconde, faite sous la forme d'une disposition mo« d a le , et pour n’avoir son effet qu’après un certain
« temps ( le prédécès du premier donataire ) , est su«' bordonnée à une condition suspensive, dont le résultat
« est de laisser reposer la propriété sur la téte du pre«. mier donataire, et de la p la c er, en-cas de prédécès
« de ce dernier, sur la tête du second donataire > td’où
« naît l'ordre successif. »
Cela est fort clair, et il importe fort peu que le cas
prévu soit celui du prédécès du second donataire, et
qu’on ne parle pas de ses héritiers; cette nuance dans
notre espèce naît d’une stipulation particulière qui ne
change rien à la nature de la disposition ; nous l’avons
prouvé.
Mais.M. Roland de Villargues s’explique plus claire
ment cpçoyc } et repousse d’avance une objection dans
la note insérée en cet endroit.
L
�W )
( 87 )
r « Ce n’est pas, à proprement p a rle r, que la pro« priété du grevé soit soumise à une condition résolu« toire, dont Vévénement effaceroit le trait de temps,
« et auroit pour effet de résoudre ries libéralités, tout
« de même que si elle n’avoit pas été faite () art. 1 1 8 3
« du Code civil ). Sans doute, le grevé cesse d'être
« propriétaire lorsque l’événement de la condition arrive;
a mais, jusque-là, sa propriété n’en a pas moins été réelle
« et pleine : non ideo minus rectè QUID n o s t r u m ESSE
c< VIND ICABIM US, QUOD ABIRE A NOBIS DOMINIUM
« s p e r a t u r , si conditio legati extiterit ( 1 . 6 6 , fF. de
« rei vind. ) ; aussi, est-il constant que la propriété du
« grevé n’est pas résolue ab initio, en telle sorte qu’il
« soit censé n’avoir point été propriétaire ; elle n’est ré « solue que ut ex nunc , et non pas ut ex tune , comme
« disent les auteurs. Aussi est-il constant que la pro
se priété du substitué ne rem o n te qu’à l’ouverture de
« la substitution ( Thévenot y chap. 36 );
E h bien! sieurs Capelle, cela est-il clair? cela est-il
applicable à une clause, où après avoir dit que les biens
vous seroient remis au décès, on a ajouté que la dame
Capelle n’en seroit pas moins propriétaire, et que jusque'
là on ne vouloit pas moins la saisir, tant en propriété
qu’en usufruit ? avez - vous donc eu tort de ne pas
demander la remise au décès du sieur Capelle > quoi
qu’alors il devînt certain qu’ il ne naîtroit pas d’enfans
du mariage ? avez-vous eu tort de ne pa9 demander les
fruits, et de reconnoître par là que vous ne pouviez
pas résoudre la donation de la dame Capelle ab initio ?
que, par conséquent, vous n’étiez pas non plus donataires
�(88)
ab initio , ce qui étoit, en un mot, reconnoître*qu’il
y avoit ordre successif\ et que vous n’étiez que subs
titués ?
N ’est-ce pas encore assez? Nous n’ajoüterons plus qu’un
mot sur ce point. L ’auteur du dernier traité des dona
tions examine la différence qui existe entre les substi
tutions et les donations purement conditionnelles, p. 1 1 3
et suivantes, et il s’exprime ainsi, pag. 1 1 .
«Les modes de vocations de plusieurs personnes sont
« étrangers au fidéicommis, et deviennent simplement
« conditionnels lorsque leur résultat est de fo rm er l’un
a ou Vautre de ces trois ordres de choses, qui sont ceux
« qui arrivent ordinairement et q u ’il faut Lien saisir. »
Il faut donc l’un de ces trois caractères pour ôter à
la disposition la qualité de fidéicommis.
5
k i ° . Ou le disposant a simplement en vue pour son
« héritier ou son légataire un particulier, mais avec la
« prévoyance que ce particulier pourra être dans l’im« possibilité ou l’incapacité de recueillir, et alors le disc< posant e n ap p ellera u n autre. »
C’est la substitution vulgaire qui n’est qu’une véritable
condition. ' « 2°. Gu le disposant a en vue deux ou plusieurs per
te sonnes, mais avec des idées qui ne tiennent point à
a un ordre successif de l’une de ces personnes aux autres,
« et de celles-ci cntr’elles, de manière que chacune
« d'elles a droit, dès Vinstant du décès du disposant,
« à une portion déterminée des biens, q u i l u i e s t
« a f f e c t é e r A R LA d i s p o s i t i o n , ou à une somme
« à prendre sur ces mûmes biens.
«3°.
�ofit
( 89 )
« 3 °. Ou le disposant entend ne donner qu’à une
k
personne, ou même à plusieurs CO NJO INTEM ENT,
« mais sous une condition éventuelle, et q u i, l’événe« ment venant à arriver, emporteroit la révocation de
« la disposition. »
Eh bien ! héritiers Capelle, dites-nous, s'il vous plaît,
lequel de ces trois cas est le votre ? votre père étoit-il
substitué vulgairement à la donation entre - v ifs ? lui
avoit-on fait une portion déterminée? lui avoit-on donné
conjointement? et si vous n’êtes dans aucun de ces trois
cas, où est donc la donation directe et conditionnelle faite
à votre père ? car, pour vous personnellement, vous
n’étiez pas donataires; vous étiez bien des tiers non
parties à l’acte : qu’en dites-vous ?
r Nous n’ajoutons aucune réflexion ; nous en avon s au
moins assez dit là-dessus ; m ais après a v o ir , quoiqu’un
peu plus légèrement, établi le principe, nous devions,
au risque de nous répéter un p e u , réserver ces auto
rités imposantes, pour montrer, dans toute sa nudité,
une objection que les appelans reproduisent sans cesse,
et sous toutes les formes possibles.
Les appelans citent des exemples pris dans la coutume
d’Auvergne ; il ne nous faut que peu de réflexions pour
en démontrer l’inapplication , et nous ne croyons pas
devoir les omettre.
E t d’abord, nous pourrions dire qu’il n’y a point d’a
nalogie, parce que là où la substitution étoit défendue,
on ne devoit pus la présumer, parce qu’on ne présume
pas la violation de la loi, et que là au contraire où elle
�C 90 )
étoit permise, la présomption étoit inverse. Au reste,
voyons ces exemples.
Le premier ( pag. 42 ) , est ce fameux exemple des deux
frères Simon et Amable, qu’on trouve partout, et où
assurément, il n’y avoit pas d’ordre succesif, car aucun
des deux frères n’étoit saisi avant l’autre, ni plus que
l'autre ; mais la saisine de tous les deux étoit subor
donnée à un événement qui devoit décider à qui la pro
priété appartiendront ab initio.
Le second est assez maladroitement choisi. « J e lègue
« 10 0 fr. à T itiu s, et où il viendroit à mourir sans en« fans ni descendans , ledit légat retournei'a à mon liéri»
« tier ab intestat. La sénéchaussée, dit-on, jugea que la
« disposition devoit avoir son effet. »
S’il ne nous étoit permis de lire cette citation que
dans le mémoire des appelans, nous avouons que la
décision nous étonneroit un peu, quoiqu’elle fût prise
dans un pays où on ne devoit pas présumer la substitu
tion j mais il est p erm is à tout le m on de d’a lle r lire la
page 128 de M. Chabrol, et c’est alors la citation qui
étonne.
M. Chabrol dit, en effet: » Ce jugement est rapporté
» SANS DATE par M e. Marie ; mais il cite en même
» temps une sentence du mercredi 11 ju in 1 6 6 1, sur
» la plaidoirie de M M . Pro/iet et F a y d it, q u i a jugé
» le contraire. » M. Chabrol rapporte l’espèce], parfaite
ment semblable * celle de Titius.
A la vérité, il trouve que la première sentence rappor
tée SANS d a t e par un seul auteur, et sans qu’il fasse
�90
C
connoitre l'espèce qui a plutôt l’air d’un exemple, étoit
beaucoup plus juridique; mais outre qu’il n’en donne
a u c u n e raison convaincante, il ajoute encore : •
Néanmoins une autre sentence du 2.4. juillet 1663
a encore jugé sur les mêmes principes que celle de
t66i. Il ajoute que les avocats de Paris n’étoicnt pas
de cette opinion.
L ’espèce de cette dernière sentence étoit simple:unmari
avoit légué à sa femme le quart de ses biens, en cas que son
fils mourût avant elle. Il étoit très-possible de juger
'qu’il n’y avoit pas substitution, car l’enfant n’étoit pas
institué; on pouvoit dire qu’il étoit dans la condition
et non dans la disposition, et peut-être pourroit-on
regarder cette sentence comme très-sévère ; mais néan
moins elle fut rendue, et elle est un peu plus authen
tique que celle rapportée sans date par M e. M arie,
sous le nom' de Titius qui assurément n’étoit pas un
auvergnat?:' '
'
Qu’il nous soit permis de dire, au surplus, que l’espèce
,de cette dernière sentence est posée comme exemple
par M. Toullier, page 69, et par M. Grenier, page
ïi8 . Le premier pense qu’il n’y auroit pas substitution
sous le Code. M. grenier décide le contraire, en ajoutant
qu’il ne peut se rendre à cette opinion, quoique M.
Chabrol atteste que c’étoit celle des avocats d’Auvergne,
«le Bourbonnois et de Paris, et M. Roland, page 95,
s’expxime ainsi :
» A ne consulter que la rigueur des principes, il est
» certain que la clause dont il s’agit ri exprime qu’un
J2 *
�C 92 )
« legs conditionnel. » Il en donne des raisons plausibles, et
qu’on peut voir, Loc. Cit.
« Mais, poursuit-il, il s’agit de savoir si un legs con« ditionnel de l’espèce de celui dont il s’agit, n’a pas,
« dans le f a i t , pour résultat, d’opérer une substi« tution, et si, dès lors, il ne doit pas être considéré
« comme une tournure prise pour éluder Ici disposition
« prohibitive des substitutions.
« O r, que le legs dont nous parlons opère en résultat
« une véritable subtitution, c’est ce qu’on ne peut ré« voquer en doute. En effet, appeler la mère après le
« décès des enfans, n’est-ce pas la réduire à un simple
« droit éventuel à la propriété des biens légués ? n’est-ce
« pas laisser reposer cette propriété su r la tête de ces
« enfans, tout aussi bien que s’ ils eussent été qualifiés
« expressément, à la charge de rendre à leur mort ?
» n’est ce pas, dès lors, établir un véritable ordre suc» cessif? » Ces principes sont ceux que M. Grenier
avoit professés, page 118 et 119 .
Gela nous suffit pour juger de l'à-propos de la citation
que font les appelans de la sentence de Titius.
Nous ne craignons pas de dire qu’aucun des autres
exemples cités ne peut arrêter un instant l’esprit du
juge ; les principes que nous avons exposés en repoussent
l’application. Nous ne devons nous arrêter un instant
que sur celui rendu par la Cour le 28 avril 1806.
Si cet arrêt n’a été dicté par aucune circonstance
particulière, nous nous tiendrons dans les bornes du
rtspect et nous retrancherons dans deux mots :
�93
(
)
L ’un, que l'espèce de cet arrêt n’a point d’analogie
avec l i nôtre;
L ’au tre, qu’il faut juger legibus , no?i exemplis.
Nous nous arrêterions là sans faire nous-mêmes la
critique de cet arrêt, si des autorités graves ne nous y
autorisoient.
M. Grenier, page 1 1 9 , prend une espèce semblable
pour son troisième exemple, et décide qu’il y a substi
tution.
Pour assurer davantage la justesse de cette opinion,
il cite une espèce copiée mot pour mot sur celle de
l’arrêt du 28 avril 1806, et rapporte un arrêt de la
Cour de Bruxelles, du 26 avril 1806, qui jugea tout
le contraire; preuve que dans la même semaine tout le
monde ne vit pas des mêmes yeux.
Il ajoute à cela un arrêt semblable de la Cour d’A ix ,
du
juin 1809.
E t enfin, il s’exprime en ces termes :
« Mais, à ces autorités, il s’en joint une du plus grand
« poids à l’appui de cette opinion, qui même est telle
« qu’on peut dire qu’elle ne laisse plus de difficultés. »
et il rapporte le décret impérial du 31 octobre 18 10 ,
que nous avons cité plus haut, page o. Et il n’y auroit
pas de substitution! il y auroit donation directe!
Comment, disent les appelans, car ils ne se tiennent
battus sur rien, vous osez méconnoitre à notre titre le
le caractère de donation directe, lorsque la transaction
de 1791 qui vous est propre, avoue à chaque page que
le sieur Capelle est donataire? n’a-t-elle pas fixé le vrai
sens du contrat de mariage?
5
5
�( 94)
Nous ne concevons guère comment la relation d’un
acte dans un autre forceroit à juger cet acte autrement
que lui-même'ne l’indique. Nous ne concevrions guère
mieux comment les termes de relation dont on s’est
servi dans la transaction de 179 1 pourroient avoir cet
effet rigoureux et contraire à la loi, de dépouiller une
femme de ses biens dotaux pour enrichir son mari qui
contractoit avec elle et dictoit la stipulation. Mais la
transaction, en les qualifiant l’un et l’autre donataires,
a-t-elle dit qu’ils le fussent conjointement plutôt que
successivement? a-t-elle dit que le mai*i étoit donataire
direct plutôt que donataire substitué ? a-t-elle dit que la
donation directe regardât le sieur Capelle autrement
que comme mari? et n’est ce pas toujours le contrat
qu’il faut consulter pour le savoir?
En voilà sans doute assez, et plus qu’il n’en faut pour
avoir rempli notre tâche, avoir prouvé par les principes
qu’il y a substitution, avoir pulvérisé les objections de
nos adversaires. Il ne nous reste plus qu’à jeter un re^
gard sur leur dernière proposition, que dans le doute la
disposition doit être maintejiue.
N ous disons un regard; pourquoi, en effet, nous y
arrêterions-nous long-temps? n’ayons-nous pas tout exr
près tiré nos autorités, notre discussion toute entière,
des principes existans sous le Code civil ? n’avons-nous
pas démontré qu’à supposer même que l'acte dont il
s’agit eût été fait depuis le Code, on ne pourroit, d’après
les principes, y voir qu’une substitution, parce que la
disposition ne peut être exécutée par aucune autre voie?
Mais, pour ne rien laisser à désirer sur ce point, nous
�wy
c
9
5
}
répéterons qüe l’interprétation de l’ambiguïté des dis
positions faites sons le Code, doit être faite en sens inverse
de ce qu’elle est pour les dispositions anciennes. Sans
doute, aujourd’hui, la substitution étant une violation
de la loi, et son existence devant détruire l’acte entier,
il faut tout interpréter au maintien de l’acte, parce que
la disposition doit être entendue dans le sens où la loi
lui donne un effet ; mais si on vouloit appliquer ce prin
cipe dans le même sens à une disposition faite sous les
anciennes lois, ce seroit, dit M. Toullier invoquer la
lettre des lois romaines pour en détruire Veffet ; car,
sous ces lois, la substitution étoit un acte valable; elle
produisoit son effet ; tout tendoit donc à la présumer,
même la faveur que réclamoit la volonté du disposant ;
et ce n’est pas parce qu’une loi subséquente a aboli les
substitutions, qu’il faut voir différemment; car cette loi
n’a pas plus changé les actes ou dénaturé les affections,
qu’elle n’a pu rétroagir sur l’intention d’un donateur, qui
depuis long-temps avoit reçu sa perfection. C’est encore
ce qu’a reconnu, le 29 mars 1 8 1 1 , la Cour royale de
Besançon, par un arrêt que rapporte M . Toullier,
page 67.
E t, de là, il est évident que les deux arrêts de Riom
et de Limoges, cités par les appelans, ne peuvent leur
être d’aucune utilité. Qu’ont-ils jugé? Que sous le Code
une disposition qui pouvoit présenter l’idée ou d’un
fideicommis ou d’une substitution vulgaire, devoit être
considérée comme valable, parce que la substitution vul
gaire est permise. On le demande ; que peut-on en inférer
pour la cause ?
�. C 96 )
Au reste, après avoir détruit tons les moyens fie fait
que les appelans articulent pour obtenir la fa veu r, que
seroit-il besoin de dire encore ? Quoi ! ce seroit eux que
la justice devroit regarder avec bienveillance, pour qui
elle devroit se laisser fléchir! il faudroit refuser de voir
une substitution là où elle est si clairement écrite, non
pour maintenir les intentions de la dame Jalinques, mais
pour en renverser l’édifice ! il faudroit qu’une donation
directement faite par des motifs d’aifeçtion personnelle,
fut anéantie, précisément parce que, dans le doute, les
actes doivent être maintenus! que la dame Nouveau,
qu’on prétend avoir eu la faculté illimitée d’aliéner ,
pour prouver qu’elle n’étoit pas chai’gée de conserver
et de rendre, n’eût pu faire aucune disposition au profit
d’un nouvel époux! ij faudroit que cette proscription
pesât toute entière sur le sieur Nouveau et ses héritiers,
après que sur la foi de cette donation, et pour en conrserver l’objet, soit à sa femme soit à lui, il s’est étroitement
gêné ! qu’il a exactem en t p a y é en n u m é r a ir e , et de ses
propres deniers, les sommes considérables qui étoient
dues à la dame de Murât, comme une charge de cette
donation qu’on ne veut plus reconnoitre aujourd’hui !
et, dans le doute, il faudroit ruiner ses héritiei’s, leur
arracher l’espoir de leur propre contrat de mariage et
des promesses qui leur ont été faites! et pour qui? pour
les héritiers Capelle qui achètent les reprises de la dame
Nouveau , et ne craignent pas d’accabler les sieur et dame
Valentin de saisies, parce que ces reprises sont exigibles,
tandis qu’en même temps ils lui contestent la propriété
de la Rouquette, qui seule peut en être chargée dans
leurs
�97
(
)
leurs mains; tandis qu’encore que si cette propriété leur
étoit enlevée, ce seroicnt eux qu’on poursuit pour les
payer qui scroient propriétaii'es et créanciers de ces
repi’ises! Ah! sieurs et dame Capelle, quand vous parlez
de doutes, quand vous invoquez la faveur, convenez
que vous n’y pensez pas.
Mais les héritiers Capelle y pensoient-ils davantage, lors
que ne se trouvant pas assez sûr de leurs propres forcés'’,
et voulant profiter doublement de leur convention avec
les héritiers de la dame Nouveau, ils les ont fait inter
venir en la cause? lorsqu'ils ont présenté, au nom de
ces héritiers, la ridicule requête du 18 novembre 18 16 ,
qu’ensuite ils ont sonné la trompette sur cette décla
ration qu’ils attribuent à la véracité des héritiers de Montlogis et à la bonne mémoire de la dame de Murât? Ces
pauvres Capelle ! ils ont oublié la grosse de cette requête
dans leur dossier. Ils n’ont pas fait attention qu’elle étoit
écrite de la main qui a grossoyé toutes les leurs ; que
le copiste, le clerc de leur propre avoué avoit l’habitude
d’écrire en marge de chaque grosse, M e. Bastid, avocat,
■parce que M e, Bastid étoit en effet l’avocat rédacteur
de leurs mémoires signifiés ; et que croyant toujours
travailler pour le moitié maître, il écrivit encore
en tête de celle attribuée aux Montlogis, ces mêmes
mots : M e. B astid , avocat\ qu’on aperçoit encore un
peu , quoique le chef de l'étude , lorsquul s’en est
aperçu, ait effacé ou fait effacer très-soigneusement ces
mots pour y ’mettre au-dessous, M K. Grognicr, avocat.
Les héritiers Capelle n'ont pas vu tout cela! F in isso n s*3
�9
( 8 )
en ; c'est presque abuser de la permission de montrer la
pauvreté d’une cause et la petitesse de ses moyens.
Nous avons annoncé que les sieur et dame Valentin
avoient à réclamer contre deux dispositions du jugement
dont est appel ; elles concerneroient les héritiers de la
dame Nouveau, et ce n’est que par suite de la cession
qu’ils ont faite de leurs droits aux héritiers Capelle ,
qu’on doit les discuter contr’eux; l’une d’elles est assez
intéressante par son objet ; néanmoins , chacun de ces
deux griefs peut se réduire à peu de mots.
ü n sait que la dame Jalinques avoit remis au sieur
Capelle un certain nombre de titres des créances com
prises dans la donation ; il n’en avoit perçu qu’une trèsmince partie, et le surplus étoit dans ses mains lors de
son décès ; il en fut fait inventaire.
Lorsqu’on i i sa veuve, épouse du sieur Nouveau
décéda, il fut fait un nouvel inventaire. Le sieur Nou
veau , pour éviter une nouvelle description des papiers,
offrit de justifier de l’emploi des créances par lui perçues
et de re p ré se n te r en n atu re tous les autres titres et pa
piers énoncés au p re m ie r inventaire. Cette offre fut ac
ceptée par le sieur Capelle qui avoit requis l’inventaire
comme porteur d'une procuration de la dame Lanzac de
Montlogis, religieuse.
,
Mais dans l’intervalle du décès du sieur Capelle à
son second mariage avec le sieur Nouveau, la veuve
Capelle avoit reçu et quittancé certaines sommes.
O r, le sieur Nouveau, en s’obligeant à représenter
en nature tous les effets dont il n’avoit pas l'eeu le mon-
85
�c 99 ;
tant, s'est bien interdit de prétendre que clans l’inter
valle d’un inventaire à l’autre , les titres pouvoient avoir
été dénaturés par la dame son épouse ; mais il ne s’est
engagé qu’à justifier de l’emploi des sommes reçues, et
à représenter tous les autres titres et papiers. Il semble
évident, dès lors, qu’il satisfera à son obligation, qu’ il
prouvera Vemploi des sommes reçues, en justifiant des
quittances données par la dame Capelle pendant son
veuvage, et il ne devra représenter que les autres titres
comme il s’y est obligé.
Cependant le jugement le condamne à représenter
tous les titres compris dans l’inventaire de 179 4 , ou cl
¿faire raison de leur montant.
Les sieur et dame Valentin soutiennent que cette con
damnation excède les termes de l’offre du sieur Nouveau,
acceptée parle sieur Capelle, dans l’inventaire de i 8 i 5.
Voyons quelle étoit la position du sieur'Nouveau et ce
que cet acte y a changé.
■
[
La dame Capelle, ayant resté un certain temps dans
le veuvage, et l’état de ses créances actives n’ayant pas
été constaté lors de son convoi avec le sieur Nouveau,
celui-ci n’étoit directemnt chargé d’aucnne partie déter
minée de ces titres, et au'décos de la dame son épouse,
si on n’eût rienc trouvé , ou qu’on n’en eût trouvé
qu’une partie, on ne pouvoit pas lui demander de remplir
1 inventaire de 179 4 ; on ne pouvoit exiger de lui tout
ou partie de ces titres de créance, qu’après avoir, prouvé
qu’il les* *avoit -reçus; u*’>12 'J
*
i
E11 faisant, pour éviter la description dps effets, l’offre
13
*
�•*V
*<¿'
( 100 )
écrit« clans l’inventaire de i& i , le sieur Nouvcr.û perdit
l'avantage de sa position; il fut présumé de droit nanti
de tous les titres inventoriés en 1794; mais cette pré
somption de droit ne fut pas exclusive de la preuve
contraire.
Or, s'il prouve, par des quittances, que la dame
Nouveau avoit reçu, avant son convoi, certaines de ces
créances, il aura rempli, 011 le repète, son obligation;
il aura justifié l’em ploi, comme il s’y est soumis ; il
seroit évidemment injuste d’en exiger davantage , et de
lui faire payer ce que sa femme auroit reçu avant son
mariage, lorsqu’il le prouve par écrit.
5
I«a seconde difficulté
d évelop p em en s.
n’e x ig e
pas de plus gran ds
La dame veuve Capelle, en contractant son second
mariage avec le sieur Nouveau , lui donna les domaine et -enclos de la Rouquette et dépendances j ces
objets lui avoient été livrés tels qu’ils étoient lors du
contrat de 1 7 8 6 ; elle les livra encore au sieur Nou
veau-de la même manière en l’an 3. Un domaine com
posé de terres labourables et d’un cheptel et l’enclos de
la Rouquette faisoient tout l’objet de cette donation.
Il est quéstiûn aujourd’hui de savoir si le sieur Nou
veau , supposé qu’il les conserve, doit les garder tels
qu’ils lui ont été donnés, ou si les héritiers Capelle auroient droit d’en retirer tous les besliaux. Trois raisons
déterminantes semblent s’y opposer, quoiqu’avant le
Code on n’eût pas la règle générale des immeubles
par destination.
�C 101
)
La première , que le mot domaine , employé dans
sa signification commune, ne sauroitpermettre, même
à la pensée , de séparer les bestiaux de labour des
terres labourables ; car il ne sauroit y avoir de do-'
maine sans exploitation, ni d’exploitation sans bestiaux.
La seconde, qu’en donnant le domaine tel qu’il étoit
-composé, et en outre avec ses dépendances , le mot
dépendance ne pouvoit s’appliquer qu’aux bestiaux qui
étoient et sont encore un accessoire indispensable, une
dépendance nécessaire du domaine. • •
Le troisième enfin , que la dame Nouveau l’avoit reçu
de .sa sœur ; quelle l’a livré de même au sieur Nou
veau; et quà ces deux époques, quoiqu’on ne connût
pas les immeubles pav destination, on a livré à la
dame Capelle, et elle même a livré à son second mari,
le dom aine tel q u ’il é to it, avec les b e s tia u x , p arce q u 'il
l
îs son intention de les distraire.
pendant, le jugement, en condamnant les intimés
à rendre les meubles de la Rouquette, n’autorise pas
à retenir les bestiaux. Cela sembleroit exclure celte retenue; et, soit erreur, soit oubli, soit préméditation,
le jugement peut servir de titre pour le refuser. Les
intimés ne doivent pas laisser dans l’incertitude celte
partie de la cause, d’autant que la valeur des bestiaux
d’exploitation est considérable.
Il y auroit, sans doute, une fort grave injustice à
maintenir une telle disposition ; peut-on concevoir l’idée
qu un donataire fût tout à coup privé des bestiaux qui
�( 102 )
sont nécessaires à l’objet donné, et qu’il fut arrêté dans
la culture au moment le plus intéressant de l’exploita
tion, des semailles, de la récolte ? On ne peut concevoir
l’idée d’une donation semblable; 0n pourroit peut-être
s'en faire une question dans une vente où chacun stipule;
mais dans une donation ! Impossible.
Il ne reste plus aux intimés qu’à conclure sur ces trois
chefs; ils se réservent de développer davantage leurs con
clusions par leur inventaire de production ; il leur suffit
de les indiquer ici.
Ce considéré, il plaise à la Cour, sur l’appel principal,
mettre l’appel au néant, avec amende et dépens.
E t sur les deux chefs ci-dessus, dans le cas où la C o u r
croiroit ne pas pouvoir p ro n o n cer p a r simple interpré
tation, donner acte de l’appel incident interjeté en tant
que de besoin; ce faisant, dire mal jugé en ces deux
chefs ; ordonner que les sieur et dame Valentin ne seront- *
tenus de faire raison des créances qu’en deniers ou quit
tances , dans lesquelles celles données par la dame veuve
C a p elle seront adm ises ; o rd o n n er que les bestiaux et
cheptels du domaine de la R ouquette y demeureront
réunis comme en étant l’accessoire; condamner les appélans aux dépens, et ordonner la restitution de l’amende.
M. T A SSIN D E V IL L E P IO N , rapporteur.
M E. D E V IS S A C , avocat.
M c. V E Y S S E T , avoué-licencié.
T H I B A U D , Im primeur du R o i, de la Cour ro ya le, et libraire , à R iom.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Valentin, Pierre-Félix. 1819?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Tassin de Villepion
De Vissac
Veysset
Subject
The topic of the resource
donations
contrats de mariage
fideicommis
pensions viagères
renonciation à succession
assignats
élevage bovins
immeubles
Description
An account of the resource
Titre complet : mémoire employé pour réponse à griefs, en exécution de l'arrêt de la Cour du 18 août 1819, pour sieur Pierre-Félix Valentin et dame Marie-Sophie Nouveau, son épouse, propriétaires, habitant le lieu de la Rouquette, commune de Cassaniauze, arrondissement d'Aurillac, département du Cantal, intimés ; Contre sieur Pierre-Antoine Capelle, Puech Jean, demoiselles Marie et Sophie Capelle, frère et sœurs, propriétaires, habitant ladite ville d'Aurillac, appelans de jugement rendu par le tribunal civil d'Aurillac, le 31 décembre 1817, suivant les exploits des 12 février et 11 mars 1818 ; Et encore contre la dame Marie-Sophie Lanzac de Montlogis, religieuse, habitante de la ville d'Aurillac ; Marie-Judith Lanzac, veuve du sieur Piales, et Marie-Honorée Lanzac, toutes deux habitant le lieu et commune di Viviers ; le sieur Brassat-Murat, docteur en médecine, et la dame Judith Lanzac, son épouse, de lui autorisée, habitans de la ville d'Aubier ; autre Marie-Judith Lanzac de Montlogis-Chanat, propriétaire, habitante au lieu de la Rouquette, commune de Cassaniauze, canton de Montsalvy ; le sieur Marsillac, docteur-médecin, Olimpie-Silvie Lanzac de Montlogis, son épouse, de lui autorisée, ; Marie-Christine Lanzac de Montlogis, Marie-Anne Chaudesaigues du Turrieu, veuve de Claude Lanzac de Montlogis, tutrice de leur fils mineur ; Joséphine-Judith Lanzac de Montlogis, tous propriétaires, habitans du lieu de Dousques, commune de Vézac ; Pierre-Alexandre et Pierre-Honoré Lanzac de Montlogis, propriétaires, habitans du lieu de Montlogis, commune de Ladinhou, susdit canton de Montsalvy, aussi appelans du même jugement.
note manuscrite : « 6 avril 1821, journal des audiences, p. 197.
Table Godemel : Bestiaux : Pour l’ancien législateur, les bestiaux attachés à la culture et les instruments aratoires n’étaient pas nécessairement considérés comme immeubles par destination, et accessoires du domaine. – ainsi, ils ne faisaient point partie de la donation du domaine, s’il n’y avait clause expresse et spéciale. Instruments aratoires : sous l’ancienne législation, les bestiaux attachés à la culture et les instruments aratoires n’étaient pas nécessairement considérés comme immeubles par destination, et accessoires du domaine. – ainsi ils ne faisaient pas partie de la donation du domaine, s’il n’y avait point de clause expresse et spéciale
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1819
1786-1819
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
102 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2504
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2503
BCU_Factums_G2505
BCU_Factums_G2506
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53490/BCU_Factums_G2504.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Calvinet (15027)
Cassaniouze (15029)
La Rouquette (château de)
Agrovieille (domaine d')
Saint-Michel (domaine de)
Mallaret (domaine de)
Ladinhac (15089)
Vézac (15255)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
assignats
contrats de mariage
donations
élevage bovins
fideicommis
immeubles
pensions viagères
renonciation à succession
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53489/BCU_Factums_G2503.pdf
181338465512a0752a39a52964da5ee6
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MÉMOIRE
PO U R
L e sieur P ierre - A ntoine C A P E L L E - P E U C H - J E A N ,
et les demoiselles S ophie et M a r ie C A P E L L E ,
frères et sœurs, habitans de la ville d’Aurillac ,
héritiers de M e A n t o i n e C a p e l l e , leur père,
appelans
CO NTRE
Sieu r F élix V A L E N T I N , - pro p riétaire,
et la dam e
son épouse , de lu i
autorisée h éritière, sous bénéfice d'inventaire
de sieur Joseph-Aym ard N ouveau , son o n cle, lesdits mariés V a le n t in , habitans du lieu et commune
de Calvinet intim és
S o p h ie - M arie
NOUVEAU,
EN PRÉSENCE
D e dame Marie - Sophie Langheac de Montlogis ,
religieuse} habitante de la v ille d ’A u rilla c ; MarieJudith Langheac, veuve de sieur P ia le s Marie-
�Honorée Langheac-Lignac, toutes d eu x propriétaires,
habitantes du lieu et commune du V^iviers y sieur
Brassat - M u râ t, docteur en m édecine, et dam e
Judith Langheac, son épouse¿ de lu i autorisée ,
habit ans de la v ille d ’A u b ie r ; autre Marie-Juclith
Langheac de Montlogis-Chanat, propriétaire„ habi
tante du lieu de la Rouquette} commune de Cassaniouse
canton de JSIontsalvy y sieur Mai’sillac ,
docteur en médecine ; Olympie-Silvie Langheac de
Montlogis, son épouse 3 de lu i autorisée y MarieChristine Langheac de Montlogis, Marie-Anne
Chaudesaignes de Turrein, veu ve de Claude L a n
gheac de Montlogis, tutrice de leu r f i l s mineur y
Joséphine - Judith Langheac de Montlogis, tous
propriétaires, habitans du lieu de Dov.sques, com
mune de J^ eza c; Pierre-Alexandre Rigobert, JeanAlexandre et Pierre-Honoré Langheac de Montlogis,
propriétaires 3 habitans du lieu de M o n tlo g is c o m
mune de Laden hac 3 susdit canton de JSIontsalvy }
■aussi appelans.
I l n’est pas de loi dont la cupidité n ’abuse, et dont
elle ne cherche à s’emparer pour favoriser une préten
tion injuste.
L a loi qui a aboli les substitutions fidéi-commissaires
est une de celles qui a fourni le plus de prétexte aux
arguties de l'intérêt personnel.
Cependant son but était marqué j elle avait celui
�( 3 )
de prévenir les fraudes, et de faire rentrer dans le
commerce une grande masse de propriétés qui en étaient
sorties.
Mais ce Lut a été méconnu. E n détournant le sens
de la lo i, on a voulu l ’appliquer k toutes les dispositions
conditionnelles, k celles même qui ne présentaient
aucun des caractères du fidéi-commis ; et delà sont
nées des discussions multipliées, des argumentations
subtiles, qui ont répandu le désordre et l ’obscurité sur
les idées les plus simples, et qui ont créé .une branche
fécondé de nouveaux procès.
E n vain les tribunaux ont-ils, par des décisions
nombreuses, tenté de ramener les esprits k la vérité
et a la justice ; en vain même, dans les cas douteux ,
se sont-ils décidés d’après la maxime équitable qui
veut que l ’interprétation tende k faire valoir l ’acte
plutôt qu’k l ’ a n n u lle r . L ’ in té r ê t p e rs o n n e l ne s’est pas
tenu pour battu j et des contestations toujours renais
santes apprennent aux magistrats que les leçons de
1 expérience sont ordinairement perdues pour les
plaideurs.
Les héritiers Capelle réclament des biens dont la
pioprieté leur a été assurée par le contrat du second
mariage de leur père.
Ces biens sont d’ une valeur assez considérable-, mais
ils ne sont pas le fruit d’une pure libéralité : de grands
sacrifices en ont été le prix.
La demoiselle Nouveau prétend que ces biens lui
appartiennent. Son titre est postérieur -, c’est une
�( 4 )
donation faite au sienr Josepli-Aymard Nouveau, son
oncle, et sur laquelle même cet oncle n’avait pas dû
compter 5 car elle porte avec elle la* preuve que la
donatrice doutait qu’elle eut le droit de disposer de
ce qu’elle donnait.
Ce titre équivoque, le seul que fasse valoir la
demoiselle Nouveau , est devenu puissant à ses y e u x ,
parce q u e , selon ses idées, une substitution , annullée
par la loi du il\ novembre 17 9 2? serait le seul fonde
ment des droits des héritiers Capelle.
C ’est donc sur les principes des substitutions, com
parés aux termes du contrat de mariage du sieur
Capelle père, que doit rouler la discussion.
F A IT S.
M* Antoine Capelle, avocat, avait épousé, en pre
mières noces, demoiselle Hélène Bastid.
T r o is e n fa n s é t a ie n t n és d e ce m a ria g e : ce so n t les
a p p e la n s .
L e sieur Capelle contracta, en 17.86, un second
mariage avec demoiselle Marie - Judith Langheac de
Montlogis.
Les illusions du goût et l ’espoir d’une paternité
nouvelle ne présidèrent pas à cette seconde union. La
demoiselle Montlogis était d’un âge avancé.
L e sieur Capelle y fut déterminé par sa tendresse
pour les enfans de son premier mariage.
L a demoiselle Montlogis n’avait elle-même qu’ un
�( 5 )
.
tnodique patrimoine ; mais une sœur opulente, enrichie
des dons d’un premier m a ri, assurait ses biens aux
deux époux, sous des réserves cependant, et sous des
charges très-onéreuses.
Le sieur Capelle croyait avoir assez de fortune pour
satisfaii'e aux charges. Il était dédommagé de ses sacri
fices par les richesses qu’ il devait laisser à ses enfans.
Telles furent les intentions qui dictèrent le contrat
de mariage, du a 3 septembre 17 8 G , dont on va faire
connaître les principales dispositions. <
« Ladite demoiselle future épousé Vtést constitué en
« dot tous Ses biens présens et à’ v e n ir, avec pouvoir
« audit futur époux d’en faire la recherche, traite r,
« t r a n s i g e r c é d e r , transporter, vendr'é1, engager,
« aliéner, toucher, recevoir, fournir quittance et dé« charge valable, îi la charge par lui de re c o n n a îtr e
« to u t ce q u ’ il re c e v ra s u r to u s ses biens présens et
« à venir ^ lesquels deméùrent dès à présent affectés
« pour la restitution, le cas arrivant-,
« E t aux présentes est intervenue dame Judith
« Langheac de Montlogis, veuve de sieur Jean-Pierre
« Jalinques de la Rouquette;, ancien gendarme, habi« tant en son château , paroisse de Cas'saniouse ,
« laquelle, de gré, pour l ’amitié particulière qu’elle a
« pour la future épouse, sa scèur, a , en faveur du
« picsent mariage, donne h titre de donation entre« 'v iis, pure, simple, et à jamais irrévocable, a sadite
« sœur, future épouse, ce acceptant, tous les biens
“ meubles, immeubles, et effets dépendant de la
�(6 )
«
«
«
«
«
«
«
«
succession dudit sieur Jalinques de la Rouquette,
son mari, dont elle est héritière testamentaire,
suivant son testament olographe, du 3 juillet 1782 ,
déposé ès-mains de Bouquier, notaire, le 1 1 février
suivant, en forme, en quoi que lesdits biens consistent et puissent consister , ensemble la somme de
3ooo francs, qui lui a été reconnue par ledit
sieur Jalinques, dans leur contrat de mariage, du
«, 10 avril 17 7 2 .
« Ladite donation ainsi faite, sous les réserves,
« charges et conditions ci-après 5
. : Savoir : i° de tous les meubles meublans, qui
« sont dans le château de la Rouquette........... \
« 2 0 D ’ u n e ju m e n t .................5
t
. « 3 ° De tout ce qui est dù par le sieur. Auriac de
« C alsary............., par le sieur Jalinques de Barsagol,
« tant en principal q u ’accessoires5 de tout ce qui peut
« être aussi dù par le sieur Delcamp , greffier de
« Calvinet.............. j
« 4° D e tous les -arrérages de rentes et revenus
« actifs, échus jusqu’à çç jour, ainsi que de tous frais
« et dépens dus à ladite succession, liquidés ou à
« liquider.
c 5 ° Sous la réserve de la somme de cent vingt
« m ille fr a n c s , que ladite dem oiselle fu tu re épouse }
« et ledit sieur fu t u r é p o u x , s o l i d a i r e m e n t Vun
« p o u r Vautre, sans division ni discussion, sous
« quelque prétexte que ce soit y seront tenus , ainsi
« q u ’ils s’y obligent, de payer îi ladite dame Lan-
�( 7 )
« gheac de la Rouquette, savoir : 20,000 livres dans
« six mois, à compter de ce jour-, 10,000 livres dans
« un an d’après, et les 90,000 livres restant, 'a raison
de 3 ooo liv. par a n , dont le premier terme écherra
un an après celui ci-dessus de 10,000 livres, avec
l ’intérêt de ladite somme totale de 120,000 livres,
à compter de ce jo u r , lequel diminuera à proportion
des paiemens qui seront faits sur le principal \
« 6° A la charge p a r ladite dem oiselle fu tu re
« épouse y et ledit fu t u r é p o u x , ainsi q u ’ils s’y obli« gent aussi solidairem ent, de payer la pension viagère
« de la somme de 600 livres, due à la dame Delom de
« Gironde, veuve du sieur Joseph Jalinques, à com« mencer au i er octobre 1787 , et ainsi continuer
« jusqu’au décès de ladite dame de Gironde, et ce,
« outre et au par-dessus la jouissance du domaine
« d’Agrovieille, sa vie durant, cjui lui a été léguée
« par le testament dudit sieur Joseph Jalin ques, son
«
«
«
«
«
« mari.............. • de loger, nourrir à leur pot et feu et
« compagnie; éclairer, chauffer et blanchir, tant en
« santé que maladie, sieur Antoine Bouquier de
« L abro, sa vie durant-,
,
« 70 A la charge encore, par lefcdits futurs époux,
«« d acquitter toutes les dettes de ladite succession }
« ainsi qu’ils s 'y obligent comme dessus;
(( 8° D ans le cas que ladite dem oiselle fu tu re
« épouse vienne à d écéder sans enfans du présent
« m ariage} audit cas seulem ent, les biens qui reste« ront de ceuçc ci-dessus donnés 3 seront remis et
�( 8)
appartiendront audit fu t u r é p o u x y et j en cas de
prédécès 3 à ses héritiers, ou à celu i d 'en tr’e u x
q u ’il aura choisi, avec néanmoins liberté à la de
moiselle future épouse de disposer de la somme de
trois mille livres, reconnue sur les biens dudit
sieur Jalinques, à ladite dame de Langheac son
épouse, en faveur de qui bon lui semblera; et au
moyen de tout ce que dessus, ladite dame de Langheac de la Rouquette s’est dessaisie et dévêtue
desdits biens donnés, et en a saisi et invêtu, tant
en propriété qu ’en usufruit, ladite demoiselle future
épouse, pour, par elle et ledit futur époux, en jouir
dès à-présent j avec liberté audit fu t u r épo u x de
vendre } alién er} en tout ou en partie lesdits biens
donnés, à tel p r i x , charges, clauses et conditions
q u ’i l avisera 3 du consentement de la d it e fu tu re
épouse y de recevoir le montant du p r ix , ainsi que
des sommes dues fa isa n t partie des biens donnés y
t r a i t e r t r a n s i g e r s u r to u s p ro cès^ in s t a n c e ; du
tout fournir quittance et décharge valables 5 à la
charge de la reconnaissance des sommes qu ’il rece
vra, pour le tout être rendu, le cas dé restitution
arrivant, à qui il appartiendra; et à cet effet, ladite
dame Langheac de la Rouquette promet remettre et
délivrer, audit sieur futur époux, les titres de
créances, jusques à concurrence de la somme de
quatre-vingt mille livres en principal, intérêts ou
frais, soit en rentes constituées ou autrement, pour
par lui en faire le recouvrement............. E t dans le
�( 9 y
_
y,
« cas que lesdites créances, en principal, intérêts et
« dépens, ne monteraient point à ladite somme de
« quatre-vingt mille livres, audit cas, la réserve de
« cent vingt mille livres ci-dessus demeurera d’autant
« réduite, jusques à concurrence de ce qu’ il se trou« vera manquer pour parfaire ladite somme de quatre« vingt mille livres, et lesdits futurs époux déchargés
« d’autant a prendre sur les derniers ternies de ladite
« somme de cent vingt mille livres. » '
Tel est l ’acte où l ’on croit trouver une substitution
fidéi-commissaire, grevant la demoiselle Montlogis en
faveur de M. Capelle ou de ses héritiers ; comme si le
principal caractère d’une telle substitution n’était pas
la charge de conserver et de rendre la totalité des
biens, et non celle de restituer seulement ce (jui res- '
lerait dès biens donnés; comme si un simple substitué
pouvait être lui-même partie c o n tr a c ta n t e clans l’acte
de d is p o s it io n , et d e v a it être astreint personnellement
à quelques obligations, à quelques charges, avant
meme que la substitution fût ouverte.
Oii n’aurait pas exigé, sans doute, du sieur C a
pelle, et celui-ci n’aurait pas contracté des engageméns aussi onéreux, s’il n’eut pas été considéré, et
s il ne se hit pas considéré lui-même comme donataire
direct, dans le cas prévu par le contrat.
Ses engagemens, il commença h. les remplir; mais
bientôt il s’aperçut qu’ils excédaient scs forces , et
qu’ ils compromettaient toute sa fortune personnelle ,
parce que
plupart des créances comprises dans
2
*
�les biens donnés étaient d ’une valeur nulle, à cause
de l ’insolvabilité des débiteurs, soit parce que les im
meubles n’offraient qu’une vente difficile.
Il voulut échapper à la rigueur de ses obligations et
h la vivacité des poursuites qu’exerçait contre l u i , à
raison des 120,000 livres qui lu i étaient dues, la dame
veuve Jalinques, alors remariée avec le sieur Murât j
il renonça donc à la donation, en ce qui le concernait,
par acte du 1 4 j uin 1 78S ; et réuni, à son épouse, il
dénonça sa renonciation à la donatrice, par acte du
25 février 1789.
Alors s’éleva, entre la donatrice et les donataires,
un procès sérieux, qui fut porté au bailliage du Palais,,
à Paris, et qui y fut jugé par une sentence du 28 août
179 0 .
L e sieur Capelle renouvela sa renonciation devant
la justice; il offrit de rendre tout ce qu’ il.avait reçu :
il demanda en conséquence à être affranchi de. toutes
ses obligations.
L a dame Capelle consentait à conserver le titre et
les droits de donataire; elle demandait que les objets
donnés lui fussent remis; elle offrait d ’acquitter les
charges de la donation.
L e but des deux époux Capelle était de dégager les
biens du mari. Dans ce cas, le,sieur Capelle aurait
consenti à ne profiter d’aucun des avantages que la
donation lui assurait.
,
Mais alors, réduite aux seules, ressources que présen
tait la dame Capelle, la donatrice eût été mal payée :
�)
aussi ré sista -t-e lle et k la renonciation du mari e t aux
offres de l ’épouse. Elle demanda, ou que la donation
f u t annulée pour le to u t, ou que l ’acte fut exécuté
dans toutes ses clauses.
C ’est cet qui fut décidé, le 28 août 1 7 9 0 , par les
magistrats du 'bailliage du palais.
Voici les termes de leur sentence :
« Sans nous arrêter aux répudiations faites par la
« partie de Me Rimbert (le sieur C ap elle), disons que
« la donation dont il s’agit sera exécutée selon sa forme
« et teneur ; en conséquence, ordonnons que les pour"« suites commencées seront continuées*, et à faute par
« les parties de Mc> Rimbert et Populus (1) de remplir
^ lès clauses et les conditions portées en ladite dona« tion, dans le tems et espace de trois mois, à compter
« du jout de notre présente sentence, disons qu ’en
« vertu ¿le la d it e s e n te n c e , e t sa n s cju ’i l en soit besoin
« d’autre, ladite* donation et tous actes postérieurs
« itératifs seront révoqués; en conséquence, autorisons
«^lesdites parties de Me ^le'unier (la dame «t le sieur
« Murât) a entrer en jouissance, possession et pro« priété de tous les biens immeubles, meubles et effets
« compris en 'ladite donation , etc. »
Cette sentence était juste-, car l ’acte de donation
était •indivisible.
Cependant les débats se prolongèrent par un appel;
ils furent terminés par une transaction du 20 dé(T) M Populus était Vavocat do la dumc Capelle,
y
�eembre 1 7 9 1 ? qui fut faite par la médiation et de
l ’avis de trois anciens jurisconsultes.
Le sieur Capelle se décida à ne plus persister dans
une répudiation qui eut privé son épouse, comme lu i,
de tous les avantages que pouvait présenter la donation.
Aussi cette donation fut-elle considérée comme com
mune à l ’un et à l ’autre.
On remarque dans l ’acte des expressions non équi
voques sur le sens et l ’eifet de la donation.
« Les parties, est-il dit dans l ’exposé, désirant ter« miner les différentes contestations pendantes entre
« elles en différons tribun aux, tant en première ins« tance que par appel, à raison de l ’exécution de la
« donation fa ite p a r ladite dame de Lan gh eac. de
a M urât , en fa v e u r de ladite dame de Langheac
« Lascom bes} et dudit sieui' Capelle son m ari 3 dans
« leur contrat de mariage du 23 septembre 1786. »
Plus b a s, et dans le corps de l ’acte, des expressions
semblables sont employées.
Ou y parle du domaine de Saint-Miçhel, comme
fa isa n t partie des biens donnés auxdits sieur et daine
C apelle.
On y rappelle la somme de 120,000 f r . , que la dame
de Langheac de Murât s’était réservée dans la dona
tion p a r elle fa it e en fa v e u r des sieur et dame Capelle.
O11 cède h compte le domaine de Saint-Michel, tel
et de même q u 'il f u t délaissé auxdits sieur et dame
C apelle , p a r la donation fa ite en leur fa v e u r.
On abandonne aussi en paiement une rente faisant
�( ' 3 )'
p a rtie, est-il ajouté, de la donation fa ite p a r ladite
dame de M urât a u x sieur et dame C apelle.
Nulle part la dame Capelle n’est déclarée, n’est
môme indiquée comme seule donataire.
E t cependant des jurisconsultes habiles concouru
rent au traité.
S ’ils s’exprimèrent ainsi, ne fut-ce pas parce qu’il
était juste j parce qu’ il était conforme à l ’intention des
parties et au sens bien entendu du contrat de mariage,
que le sieur Capelle , qui participait aux charges,
devait aussi participer dès-lor.s même aux bienfaits, et
avait le droit d’être considéré comme un codonataire ,
non comme un simple substitué.
Par cette transaction , après avoir retranché les
paiemens faits par le sieur Capelle à la dame M u rât,
la somme de 120,000 fr ., que s’était réservée celle-ci, 1
fut réduite a 100,000 fr. en principal, et à 9600 fr.
en intérêts.
L e sieur Capelle paya un,à-compte de 12 ,7 9 8 fr.
Il consentit au paiement d'une somme de 1 1 , 8 1 2 f r . ,
valeur des droits légitimaires de son épouse, en prin
cipaux et en întcrets, et cette somme fut aussi touchée
par la dame de Murât.
11 lui laissa le domaine de Saint-Michel pour le prix
de 8000 francs’ 5
.
. Il lui céda une rente foncière d’ un principal de
4 °°o francs j
.
Il lui remit 20,000 fr. de créances, faisant partie
des objets donnés.
�< *4 )
Tous ces paiemens réduisirent la dette k 5 3 ,ooo fr .,
qui furent stipulés payables par termes.
Le sieur Capelle a exécuté fidèlement, depuis, la
donation et le traité.
Il a payé les dettes qui grevaient les biens donnés.
<
Il s’est aussi acquitté en partie envers la dame
M u râ t, à laquelle, selon le sieur Nouveau lui-même,
il ne devait q u ’environ 3 4 >ooo fr. lorsqu’il décéda.
E t comme les ressources que lui offrirent les biens
donnés étaient insuffisantes; comme il ne put retirer
que 4ooo francs des créances comprises dans la dona
tion , il fut forcé, pour satisfaire k ses engagemens ,
d’aliéner à vil prix une partie de ses propres biens, et
notamment le domaine de Mallaret , vendu pour
21,0 0 0 francs, et qui en vaut aujourd’hui plus de
60,000'fr.
Cependant le sieur Capelle, qui devait se considérer
désormais comme propriétaire des biens donnés, y fit
de grandes réparations, augmenta les cheptels du bien
de la Rouquette, principal immeuble, et y plaça un
mobilier d’ une grande valeur.
Le sieur Capelle ne jouit pas long-tems d ’une for
tune qui lui avait coûté tant de sacrifices : il décéda
presque subitement , le i 5 janvier 1704*
Ses enfans du premier lit étaient mineurs.
Il n’avait pas eu d’enfans du second mariage.
Des scellés furent apposés huit jours après son décès:
un inventaire fut fait dans le mois suivant.
Ou a reproché k la veuve d’avoir soustrait l’argent,
�C. ‘5 )
les effets, u n e partie du mobilier. Des poursuites en
spoliation avaient même été dirigées contre elle. Mais
les tuteurs des enfans Capelle négligèrent ces pour
suites.
Cependant là dame veuve Capelle passa à de secondes
noces avec le sieur Joseph Aymar-Nouveau.
Leur contrat de mariage, en date du i 4 frimaire
an 3 , est le titre invoqué aujourd’hui par le sieur
Nouveau.
Voici les clauses utiles à connaître.
« L a citoyenne Langlieac, future épouse, donne et'
« lègue audit citoyen Nouveau, son futur époux, aussi
« en cas de survie, la propriété et jouissance des do« maïnes'et enclos de la Rouquette et dépendances,
« francs et quittes de toutes charges, dettes et hypo« thèques présentes et à venir, sous la réserve de tous
« ses autres droits, actions et prétentions, dont elle
« pourra disposer, ainsi et comme bon lui semblera. »
L a future épouse donne ensuite au sieur Nouveau
pouvoir de vendre ses immeubles, à la charge d’en
employer le prix en acquisitions, ou en paiement des
dettes auxquelles ils étaient affectés.
Enfin on remarque la clause suivante :
« 11 demeure encore convenu que, dans le ças où
*< ladite future épouse ne pourrait disposer ni aliéner
« ses biens immeubles, e t, par exprès, ceux par elle
“ donnés audit futur époux, à titre de gain de survie,
« comme il çst dit plus haut} en ce cas, elle donne,
« à titre de donation entre-vifs, pure^ simple et irré-
�« vocable, audit futur époux, tous ses autres biens
« mobiliers et immobiliers, présens et à venir. »
Cette donation secondaire indique assez l ’opinion
de la dame Langheac elle-même sur le droit qu ’elle
s’arrogeait de disposer de la terre de la Rouquette ,
objet principal des libéralités contenues dans son pre
mier contrat de mariage.
Cependant les sieur et dame Nouveau agirent en
propriétaires.
Ils remboursèrent d’abord à la dame Murât , en
assignats d’une valeur presque nulle, les sommes qui
lui restaient dues d’après la transaction de 17 9 1 •
Us s’adressèrent ensuite aux mineurs Capelle , et
firent a leur tuteur, par acte du 5 floréal an 3 , offre
de i i j 835 francs d’assignats, somme à laquelle ils
fixèrent, par leurs calculs, les rembourscmens dont
ils étaient débiteurs envers les mineurs Capelle, pour
les paiemens faits par leur père à la dame Murât.
Le tuteur refusa les offres, comme insuffisantes et
immorales. Il demanda un compte.
Le sieur Nouveau obtint, le 25 floréal, un jugement
par défaut qui déclara les offres valables.
Un second jugement par défaut débouta le tuteur
de son opposition.
Celui-ci reçut, comme contraint, ces valeurs idéales,
le 25 messidor an 3 , le jour même oii fut rendue cette
loi si connue, q u i, réprimant les spéculations peu ho
n o rab les de certains débiteurs, déclarait nids les remboursemens en papier-monnaie, si ruineux pour les
créanciers.
�( *7 )
E n l ’an 12 commença le procès principal.
Les sieur et dame Nouveau formèrent la première
demande.
Par un exploit du 27 nivôse an 12 , ils récla
mèrent , i° 6938 livres qu’ils disaient avoir été
touchées par le sieur Capelle sur les capitaux de la
dame Nouveau; 2° 80 livres pour les frais funéraires
du sieur Capelle; 3 ° i a 35 livres pour frais de la nour
riture et de l ’entretien des enfans pendant deux ans
et cinq mois; 4° 275 francs pour les dépenses du procès
de l ’an 3 ; 5 ° la remise des quittances justificatives des
paiemens faits par le sieur Capelle à la dame Murât.
Depuis, les sieur et dame Nouveau ont reconnu le
ridicule de plusieurs de ces réclamations, et les ont
abandonnées.
L e s héritiers Capelle s o u t in r e n t d a n s le u r s défenses
q u ’ ils é ta ie n t se u ls propriétaires des biens compris
dans la donation faite par le contrat de mariage de 1786.
Ils conclurent aussi :
i° A la restitution du mobilier de la Rouquette;
20 A la remise des papiers et livres-journaux de
leur père ;
3 ° Au paiement d’une somme de 3 oo fr. en argent,
et de Goo fr. en assignats, qu’avait laissés leur père;
4 ° Au compte des arrérages de rente et des intérêts
de créances, qui étaient dus au sieur Capelle à son décès,
et dont avaient profité la- dame et le sieur Nouveau.
L a cause ayant élé portée a l’ audience, il fut ordonné
qu’elle serait instruite par écrit.
3
�( .8 )
Tel était l’état (les contestations, lorsque la dame
Nouveau décéda, laissant pour héritières les demoiselles
de Montlogis, ses sœurs.
Celles-ci ont été mises en cause à la requête du sieur
Nouveau.
Elles ont comparu, et ont fait signifier, le 18 no
vembre 1 8 1 6 , une requête dans laquelle la dame
M u rât, l ’une d’elles, déclare qu’elle avait entendu ,
non pas substituer, mais associer le sieur Capelle à la
donation qu’elle avait faite dans le contrat de mariage
du a3 septembre 1786.
Les héritiers Capelle ont demandé, par requête du
i 5 fé v r ie r 18 17 , le désistement de tous les biens donnés
à leur père.
Le sieur Nouveau a soutenu qu’ ils lui appartenaient,
parce que le sieur C apelle, simple substitué , avait
perdu ses droits, à l ’émission de la loi du 2 5 octobre
1 7 9 2 , et que la dame Capelle, saisie dès-lors irrévo
c a b le m e n t de la propriété, avait pu la transmettre à
son second mari par leur contrat du 5 novembre 1 79A•
C ’est sur ces prétentions respectives, et sur quelques
autres, qu'a prononcé le tribunal d’Aurillac, par juge
ment du 3 i décembre 18 1 7 .
Ce jugement déclare « que la donation portée en
« l ’article 8 du contrat de mariage de la demoiselle de
« Montlogis avec le sieur Capelle, en date du a 3 sep« tembro 17 8 6 , contenait une substitution en faveur
« du sieur Capelle et de ses héritiers, abolie par la
« loi du 25 octobre 1 7 9 2 ; maintient et garde le sieur
�( *9 )
Nouveau clans la paisible possession et jouissance des
« deux domaines de la Rouquette, enclos et dépen« dances, composes de tous les héritages qui étaient
« attachés à la réserve du propriétaire. »
Les motifs de cette décision n’ont pas coûté beaucoup
de méditation.
« Attendu, disent-ils, que l ’on trouve dans la clause
« du contrat «de mariage charge de rendre, trait de *
« tems, et ordre successif, qui étaient les principaux
« caractères par lesquels on distinguait les substitutions
« fuléi - commissaires des autres espèces de substitu« lions ; que dès-lors la donation faite par la dame
« veuve Jalinques à sa sœur, contenait une véritable
« substitution iidéi-commissaire, du moins de eo quod
« supereritj en faveur du sieur Capelle et de ses
« héritiers ;
« Attendu que cette substitution n’était pas encore
« o u v e rte h l ’ époque de la publication de la loi du
« 25 octobre 17 9 2 , qui abolit les substitutions fidéi« commissaires qui n’étaient pas encore ouvertesj que
« dès-lors les biens qui étaient compris dans cette do« nation devinrent entièrement libres sur la tête de
« la dame Capelle, q u i, par une conséquence natu« relie, put en disposer à son gré, tant à titre gratuit
« qu’à titre onéreux5 et que par conséquent la dona« tion par elle faite, à titre de gain de survie, au
« sieurNouveau, dans le contrat de mariage, du /j dé
cembre 17 9 4 , doit être confirmée et maintenue. »
Le jugement prononce sur d’autres objets dont il
n est plus question dans la cause, à l ’exception d’ un
�( 20 )
chef relatif au mobilier qui garnissait les bàtimens (le
la Rouquette.
11 ordonne notamment un compte relatif aux sommes
payées et reçues par le sieur Capelle, compte qui sera
le germe d’une foule de difficultés, et que rendrait
inutile une décision contraire sur la question principale.
Les héritiers Capelle ont interjeté appel du jugement.
Les dames Montlogis se sont aussi rendues appe
lantes.
Depuis l ’appel, le sieur Nouveau est mort. Une
nièce, son héritière, a repris l ’instance ; et c’est contre
cette héritière collatérale, que les. enfans Capelle ont
déjà discuté leurs droits devant la C our, à plusieurs
audiences.
Un arrêt du 18 août dernier a ordonné que la cause
serait instruite par écrit.
Les héritiers Capelle démontreront :
i° Que le contrat de mariage ne contient pas de
substitution fidéi-commissaire;
a° Que, dans le doute même, la disposition devrait
être maintenue.
P
r em ièr e
p r o po sitio n .
L e contrat de mariage de 1786 ne contient pas de
substitution J i d e i -commissaire.
Nous n’entrerons-pas ici dans le détail des diverses
espèces de substitutions. Ce serait nous livrer à une
théorie aussi compliquée qu'inutile.
�Il suffit de savoir que les substitutions fidéi-commissaires sont les seules qu’ait abolies la loi des
oc
tobre et 14 novembre 179 2.
C ’est ce que déclare M. Merlin dans son Répertoire
de Jurisprudence (1).
C ’est aussi ce qu’a remarqué M. Bigot-Préameneu,
en présentant au Corps législatif le titre du Gode civil
sur les donations et le§ testamens.
« Parmi les règles communes à tous les genres de dis« positions, a-t-il d it, la plus importante est celle qui
« confirme l ’abolition cles substitutions jicléi-com m is« saires. »
Cet orateur, qui était en 1792 membre de l ’assem
blée législative, nous fait aussi connaître les motifs
qui dictèrent cette première innovation de nos lois
anciennes.
« L ’esprit de fraude introduisit les substitutions ;
« l ’ ambition se saisit de ce’m oyen, et l ’ a perpétué.......
« L ’expérience a prouvé que, dans les familles opu«
«
«
«
lentes , cette institution^ n’ayant pour but que
d’enrichir l ’un de ses membres en dépouillant les
autres, était un germe renaissant de discorde et de
procès..............
« Chaque grevé de substitution, n’étant qu’ un
« simple usufruitier , avait un intérêt contraire à
« toute amélioration.
(1) Voir lo Répertoire do M. Merlin , au mot Substitution Jidéi-commissaire, section i " , § i3.
�( 22 )
« Unetrès-grande masse de propriétés se trouvait
« perpétuellement hors du commerce.
« Ceux qui déjà étaient chargés des dépouilles de
« leur fam ille, avaient la mauvaise foi d’abuser des
« substitutions pour dépouiller aussi leurs créan« ciers...........
« Ce sont tous ces motifs qui ont déterminé à con« Jîrm e r l’abolition des substitutions, d éjà prononcée
« par la loi d’octobre 179 2. »
On voit qu’il y a conformité parfaite sur la matière
entre la loi de 1792 et le Code civil; en sorte que les
raisonnemens, les principes, les arrêts applicables à
l ’une des législations, peuvent aussi être invoqués pour
l ’autre.
L ’on doit faire une autre remarque très-importante,
que nous empruntons des auteurs les plus distingués (1).
Personne n’ignore qu’il y a des rapports sensibles
entre les substitutions et les conditions : mais il n’est
pas défendu de donner sous condition. Il faut donc bien
se garder de c o n fo n d re les conditions qui forment une
substitution fidéi-commissaire, avec celles qui n’en
ont pas les caractères; ce serait compromettre le sort
de dispositions que la loi respecte;
Ainsi les magistrats ne sauraient user de trop de
circonspection, lorsqu’ils ont à prononcer sur des ques
tions aussi délicates.
(1) Voyez le Commentaire de M. Chabrol, tome 2 , page 12G, et le
Traité des Donations de M. Grenier, observations préliminaires, n° 9 ,
tome i " , pages i i 3 , 114 , 2' édition.
�Mais examinons la nature de la disposition qiii a fait
naître le procès, et pour cela rappelons en analise la
principale clause du contrat de mariage.
« Dans le c a s, est - il d i t , que ladite demoiselle
« future épouse vienne à décéder sans enfans du p ré-
« sent m ariage ^ audit cas seulement, les biens qui
« resteront de ceux ci-dessus donnés, seront remis et
« 'appartiendront audit sieur futur époux*, e t , en cas
« de prédécès, à ses héritiers, ou à celui d’entr’ eux
« q u ’ il aura choisi, etc. »
Le
futur époux a la lib erté de vendre , a lié n e r,
en tout
ou e n . p a r t i e , lesdits biens donnés, à tels prix,
charges, clauses et conditions q u ’ il avisera, du con
sentement de la future épouse ; de recevoir le montant
du p r i x 3 ainsi que des sommes dues fa isà n t partie des
biens.
C e s s t ip u la t io n s c o n te n u e s clans le p lu s solennel des
contrats , ces stipulations qui furent la condition du
mariage même, ne pourraient être critiquées, q u ’ autant
q u ’on prouverait q u ’elles renferment nécessairement
une substitution fidéi-commissaire.
Toute
autre convention',
toute autre disposition
faite dans un lel acte doit être considérée comme in
violable.
Mais à quoi reconnaît-on
une substitution
fidéi-
commissaire ?
A ses expressions ou à ses caractères.
A ses expressions. C a r q u o iq u ’on ne fût pas obligé
autrefois d ’employer des termes m arqués, cependant il
�( 24 )
y en avait de consacrés par l ’usage, tels que ceux-ci :
J e substitue.. .. J e charge mon mandataire de con
server et de rendre......... J e le prie de rendre.
O r, aucune expression semblable ne se trouve dans
la clause; aucune charge n’est directement imposée à
la future épouse.
On lui donne dans un cas ;
Mais dans un -autre cas, dans celui où elle mourrait
sans enfans, les biens sont donnés au futur époux :
c’est à lui qu’ils appartiendront, est-il dit.
Cette observation serait peu considérable, s’il s’agissait d’une disposition faite depuis les lois nouvelles,
parce qu’on pourrait croire qu’on a cherché à. éluder
leur prohibition.
Mais elle est importante , si l’on considère qu’à
l ’époque du contrat de mariage, les substitutions étaient
permises; q u ’ainsi on n’élait pas gêné dans le choix des
expressions; qu’on n’aurait donc pas hésité à employer
les te rm e s usités, et à d ire : J e su b stitu e 3 o u j e c h a rg e
d e c o n s e r v e r et d e r e n d r e , si l ’on avait entendu réel
lement faire une substitution fidéi-commissaire.
-Fixons-nous aussi sur les caractères de cette sorte de
substitution.
Ces caractères sont indiqués dans la définition que
donne l’article 896 du Code civil, dont voici le texte :
« Les substitutions sont prohibées.
« Toute disposition par laquelle le donataire, l ’héri« tier institué, le légataire sera chargé de conserver
« et de rendre à un tiers, sera nulle.' »
�( 25 )
l û<)
Nous avons clioîsi cette définition comme la plus
claire et la plus juste; comme ayant été donnée par
le législateur lui-m êm e afin de prévenir toute équi
voque ; comme convenant aussi aux substitutions sur
lesquelles a frappé la loi d’octobre 1792 ; car nous
avons vu que cette loi et le Code civil s’appliquaient
à la même espèce de substitution.
L a définition du Code civil est d’ailleurs, à peu de
chose près, la même que celle donnée par M. Thevenot
d’Essoles, q u i, a p r è s y a v o i r l o n g - t e m s r é f l é c h i ,
définit la substitution fidéi-commissaire u n e d i s p o s i
tio n
de Vhom m e j
p a r l a q u e l l e 3 en g r a t if ia n t q u e l
q u 'u n , e x p r e s s é m e n t o u t a c it e m e n t } o n le c h a r g e d e
ren d re la ch o se à lu i d o n n é e ,
A
un
t ie r s
ou
une
a u tre
ch o se,
q u e l ’ o n g r a t if ie e n s e c o n d o r d r e ( 1 ) .
Quoique dans cette définition imparfaite ne soit pas
placée la charge d e c o n s e r v e r , il est é v id e n t que cette
charge résulte de la définition même ; la condition
de rendre la chose donnée suppose nécessairement
qu’on la conservera; aussi l ’auteur explique-t-il, au
même chapitre, n° 2 1 , que c e l u i q u i e st c h a r g é d e
ren d re
n ’a p o in t,
en
g é n é r a l,
la
lib e r t é
in d é f in ie
d 'a l i é n e r , p u i s q u e , s ' i l a v a i t c e tte l i b e r t é i n d é f i n i e ,
l a c h a r g e d e r e n d r e s e r a it p r e s q u e t o u jo u r s s a n s e ff e t .
On voit donc que la définition du Code c iv il, soit
par sa conformité avec les anciennes définitions, soit
(1) Voyez le Traité des substitutions fidéi-commissaires, par M. Tlievenot d’Essoles, section i re, chapitre 1 " , S 2.
4
�(
)
par sa simplicité et son exactitude, soit par le but que
se sont proposé les lois nouvelles en annulant les
substitutions, est la seule à consulter pour vérifier si
une disposition ancienne est comprise dans l ’abolition
prononcée par la loi de 1792.
De cette définition ressort avec évidence le principe
que l ’on va poser :
Ce qui constitue essentiellement une substitution
jidéi-com m issaire
est
la
D E R EN D R E A UN T IE R S .
ch arge
de
co n server
et
_
Ce principe, nous l ’avons puisé dans une source
abondante en doctrine (1).
O r, rien de ce qui constitue essentiellement une
substitution ne se rencontre dans la clause ci-dessus
transcrite.
Il n’y a pas charge de conserver.
Il n’y a pas aussi charge de rendre h. un tiers.
§ I er.
I l n’y a pas charge de conserver.
Cette vérité n’est pas douteuse, d’après les termes
du contrat de mariage.
Le futur époux a la liberté d’aliéner, en tout ou en
partie , les biens donnés ;
Il peut les vendre à tel p r ix } clauses ou conditions
q u ’il avisera;
(1) Voir le Traité «les donations, déjà cité, tome i*r, page n \ }
a® édition. Voir aussi le Droit civil de M. Toullier, tome 5 , n° 1.
I
�( 27 )
Seulement il faut le consentement de l ’épouse}
Mais avec le consentement de celle-ci, il est permis
de ne rien conserver, de faire dispaxaître, par des alié
nations , la totalité des biens donnés.
Comment reconnaître, dans une faculté aussi illi
mitée , le principal caractère d’une substitution fidéicommissaire, la charge de conserver, qui constitue
essentiellement une telle s u b s t it u t io n disent les au
teurs , et sans laquelle, par conséquent, il ne saurait,
y avoir de substitution ?
Par une conséquence du pouvoir indéfini d’aliéner,
l ’on dit seulement dans le contrat que les biens qui
resteront de ceu x ci-dessus donnés appartiendront au
futur époux ou à ses héritiers.
Singulière substitution, qui n’assure rien aux per
sonnes qu’elle indique, et de laquelle il résulterait que
celles-ci n’auraient pas la moindre chose à réclamer,
dans le cas où to u t aurait etc vendu !
Comment trouver aussi dans la clause l ’application
des motifs principaux qui ont dicté l ’abolition des substi
tutions, la crainte des fraudes envers les créanciers, le
but de faire rentrer les biens dans le commerce?
Les biens donnés îi la dame et au sieur Capelle
n’étaient jamais sortis du commerce, et leurs créan
ciers ne pouvaient être trompés, puisque le pouvoir de
s’obliger à leur égard était évidemment renfermé dans
celui de vendre, de traiter, transiger, recevoir toutes
sommes, etc.
Cependant l ’argumentation s’est emparée de ces
///
�( =8 )
expressions m êm e, qui resteront des biens donnés 3
pour y puiser diverses objections.
Prem ière objection. Si la clause ne s’applique qu’à
ce qui restera des biens donnés, la dame Capelle aurait
fait une disposition valable en faveur du sieur Nouveau,
son second mari.
L ’objection n’est qu’ une équivoque.
L a dame Capelle n’était pas propriétaire absolue des
biens compris dans la donation } elle n’y avait qu’un
droit subordonné à un événement} et cet événement
était l ’existence d’enfans nés de son premier mariage.
Propriétaire dans ce dernier cas, elle eut pu disposer
k son gré des biens donnés.
Non propriétaire dans le cas contraire, elle n’avait
aucune qualité pour en gratifier qui que ce soit.
Aussi, par le contrat même, la faculté de disposer
à titre gratuit fut-elle restreinte à une somme de
3 ooo francs.
Mais e lle p o u v a i t , c o n jo in te m e n t a ve c son premier
m ari, tout aliéner à titre onéreux} et c’est en ce sens,
que l ’on ne peut pas dire qu’il y eût dans le contrat
charge de conserver, ni par conséquent substitution.
»
D euxièm e objection. Dans l ’ancien droit, on con
naissait la substitution ejus quod supercrit; ainsi,
fût-elle de cette nature , celle dont il s’agit n’en
aurait pas moins été annulée par les lois nouvelles.
Deux réponses écartent l ’argument.
*
Dans l’ancien droit même, la substitution ejus quod
�( 29 ) '
supererit n’ était considérée comme fidéi-commissaire,
q u ’autant que le pouvoir d ’aliéner était restreint.
Lorsque l ’ acte gardait le silence sur la quotité de
l ’aliénation permise, cette mesure était à l ’ arbitrage
du ju ge; il le fallait ainsi, pour que le fidéi-commis
ne fût pas vain.
In totum diminuere non potest, dit C u ja s, alioquin
inane esset fideicom m issum . L e x ait posse diminuere
bond fid e et e x ju s tâ causa (i).
Mais la loi n’avait rien à régler, lorsque l’acte dé
terminait lui-même la faculté d’aliéner, et lorsqu’il la
déclarait indéfinie. Alors, qu’on qualifiât la disposition
conditionnelle de substitution ou de toute autre ma
nière, ce qui était indifférent dans l ’ancien droit, au
moins ne pouvait-elle pas être considérée comme J id é icommissaire (2). O r, nous avons vu qu’il n’y avait
que cette dernière espèce de substitution qui eût été
abolie.
Dans le contrat de mariage du sieur Capelle, la
donatrice ne s’est pas bornée aux premières expressions,
par lesquelles elle attribuait au sieur Capelle ou à ses
héritiers, seulement ce qui resterait des biens donnés;
elle y a ajouté expressément un pouvoir indéfini de
vendre, la lib e rté , est-il d it, d 'a lién e r, en tout ou
en p a rtie 3 les biens donnés, c’est-à-dire, qu’elle a
autorisé à rendre complètement illusoire le don éventuel.
(1) Voir Thcvenot «l’Essoles, section 3 , chapitre 22.
(2) Voir Thcvenot d’Essoles, section i re, chapitre 1 " , n° a i.
�( 3o )
Donc il n’y a pas de substitution fidéi-commissaire.
Au reste, si l ’on consulte la législation nouvelle, on
verra que la substitution ejus quod supererit n’est
pas comprise dans l ’abolition qu’elle prononce.
Les auteurs et la jurisprudence s’accordent sur la
question.
M. Tou llier, dans son droit c iv il, remarque, en
deux endroits différens ( i ) , que la charge de rendre
ce qui restera des biens, à la mort du d o n a t a ir e id
quod supererit y ne constitue pas une substitution
prohibée. Il rappelle l ’ usage de ces sortes de disposi
tions sous la coutume de Bretagne , qui cependant
n’admettait pas les substitutions. Il dit qu’on doit
les considérer comme valables aujourd’h u i, « parce
n qu’elles ne contiennent pas l ’un des caractères essen« tiels des substitutions prohibées, la charge de
« conserver. »
L ’auteur du dernier Traité des Donations cite un
a r r ê t r e n d u , le i 4 n o v e m b re 18 0 9 , par la Cour
de Bruxelles, qui a jugé qu’ il n’y avait pas de substi
tution fidéi-commissaire, dans une clause par laquelle
l ’institué dans la propriété de tous les biens était chargé
de rendrej a u x héritiers de Vinstituant} ce q u 'il 1 1 au
rait ni dépensé ni alién é.
Ce profond jurisconsulte, en approuvant l ’arrêt,
fait observer qu’il ne faut pas avoir égard,'au moins
(1) Voir tome 5 , a0* 38 et 47 1 première édition.
�( 3. )
sur ce point, aux lois romaines, dont le génie était de
favoriser et d’étendre singulièrement les substitutions.
« On doit ne v o ir, ajoute-t-il, de substitution fidéi« commissaire , que la où l ’on doit nécessairement
«< supposer une charge de conserver et de rendre à un
« tiers (i). »
On pourrait trouver quelques opinions contraires;
Mais ces opinions rigoureuses ne s’appliqueraient
qu’à des cas où le pouvoir d’aliéner aurait été limité ;
sinon elles seraient en opposition directe avec les termes
comme avec l’esprit de la législation nouvelle, qui a
aboli seulement les substitutions dans lesquelles il y
avait charge de conserver; qui les a abolies, principa
lement par des considérations politiques, afin de pré
venir les fraudes dont elles étaient le germe, et pour
faii'e rentrer dans le commerce des biens considérables,
que ces sortes de substitutions en avaient fait sortir.
Ni les termes, ni l ’esprit de cette législation ne
s’appliquent à la disposition qu’invoquent les héritiers
Capelle, puisque la totalité des biens donnés pouvait
être vendue, et par conséquent perdue pour eux.
Une troisième objection est présentée.
Ce qui restera des biens donnés, dit-on, doit s’en
tendre de ce qui restera, les charges remplies : or, il
y en avait un assez grand nombre.
L ’objection est peu sérieuse.
Ï1 eût été fort inutile de dire qu’ori rendrait seule(i) Voir observations préliminaires j pages 1 1 2 et J i 3.
�( 3> )
ment ce qui resterait après le paiement des dettes.
Cela était de droit. Personne n’ignore la maxime :
B ona non dicuntur nisi deducto œre alieno. Il n’y
avait de donné à la dame Capelle elle-même que ce qui
n’était pas dù.
Ainsi ces expressions du contrat, les biens qui resteront de ceu x ci-dessus donnés, ne peuvent s’en
tendre que de ce qui n’aurait pas été aliéné, en vertu
du pouvoir illimité accordé au sieur et à la dame
Capelle.
Au reste, ce n’est pas sur les mots les biens qui
resteront, etc. , qu’il faut seulement se fixer. C ’est
cette liberté indéfinie d’aliéner q u ’il faut considérer,
ce droit de vendre la totalité des biens, droit extraor
dinaire en matière de substitution fidéi-commissaire,
droit évidemment exclusif de la charge de conserver,
qui forme l ’essence d’une telle substitution.
Ici se présente une dernière objection qui pa
r a ît r a p lu s f u t ile e n c o r e , p o u r p e u qu’on l ’approfon
disse.
On oppose que, si le sieur Capelle pouvait vendre,
et toucher le prix des ventes, il était tenu de recon
naître, sur ses propres biens, les sommes qu’il rece
v ra it, p o u r le tout être ren d u , le cas de restitution
arrivant, à qu i i l appartiendra.
On veut trouver dans cette clause une charge de
conserver, puisque ce qui ne se trouverait plus eu
nature devait se recouvrer en valeur.
�On répondra que la stipulation pouvait bien être
quelque chose pour la daine Capelle elle-même.
Car si elle avait eu des enfans de son premier ma
riage, événement qui l ’eût rendue propriétaire des biens
donnés, elle aurait pu exercer ses reprises sur les biens
de son mari; et si celui-ci avait vendu ses propres
biens, elle aurait conservé, à l ’aide des précautions
prescrites par les lois, le droit d’agir hypothécairement .
contre les tiers-détenteurs.
Mais si l’on considère à qui devaient appartenir les
biens donnés, dans le cas où la dame Capelle n’aurait
pas d’enfans de son premier mariage, on s’apercevra
que la reconnaissance des sommes reçues par le sieur
Capelle devenait absolument insignifiante, et ne pou
vait équivaloir à une charge de conserver.
E n effet, ce n ’ est pas un tiers étranger au sieur
C a p e lle , à qui les biens donnés devaient appartenir
par l ’ événement.
C ’est au sieur Capelle lui-même 3 ou à ses héritiers.
Or, dans ce dernier cas., le seul où la prétendue
substitution aurait eu son effet, il est évident que la
dame et lesieur Capelle pouvaient tout dissiper, savoir,
l ’ un et l’autre, en vendant les biens donnés; ou le
sieur Capelle seul, soit en disposant du p rix, soit en
contractant des dettes qui auraient absorbé la valeur
des biens.
Quel effet aurait produit alors la reconnaissance des
sommes ?
�( 34 )
Que serait devenue cette
conserver ?
prétendue charge de
Le sieur Capelle lui-même n’aurait pu se plaindre
de ses dissipations.
Ses héritiers n’auraient pas eu plus de droits que
lui} car tenus de ses faits, en leur qualité d’ héritiers,
ils auraient été obligés ou d’acquitter ses dettes, qui
auraient absorbé les biens, ou de renoncer a leur titre
d’héritiers, ce qui eût été renoncer aussi à la donation.
O r, il n’y a charge de conserver, dans une substi
tution fidéi-commissaire, que lorsque c’est en faveur
du substitué lui-même que la charge est établie.
Donc l’on ne peut pas dire qu’il y a substitution,
si celui que l ’on indique comme substitué a cependant
pu être privé de tous les biens.
Comme la charge de conserver constitue l ’essence
des substitutions aujourd’ hui proscrites, les héritiers
Capelle ont dû s’attacher à démontrer que cette charge
n ’ e x is t a it pas dans le contrat du mariage de leur père}
ils croient avoir rempli cette tâche} et ils pourraient
sans danger se borner à cette première discussion ,
parce qu’en l ’absence du principal caractère d’ une
substitution, d ’autres caractères moins importuns ,
fussent-ils même reconnus dans la clause dont il s’agit,
ne suffiraient pas pour faire déclarer la disposition
nulle.
Mais les autres caractères indiqués par les auteurs
n'existent même pas.
�(35)
'
§ II.
I l ri y a pas charge de rendre à un tiers.
Il est dit dans le contrat qu’au cas où la future
épouse vienne ¿1 d écéder sans enfans du présent m a
riage , les biens qui resteront seront remis et appar
tiendront au fu t u r é p o u x y et en cas de p ré d é c è s, a
ses héritiers> ou à celu i d 'e n tr e u x qu il aura choisi.
Nous démontrerons bientôt que ces expressions n’ in
diquent pas une charge de rendre, plutôt qu ’un don
conditionnel ou tout autre convention, q u i , même au
jourd’hui , serait licite dans un contrat de mariage.
Mais remarquons que ce n ’est pas un tiers y c’est
une partie contractante, le futur époux à q u i, dans
le cas prévu, doit appartenir la chose donnée.
Cependant ce qui indique en général une substi
tution fuléi-commissaire, c’est qu’un tiers non présent
à l ’acte est appelé à en recueillir le bénéfice, après la
mort du grevé (i).
L e grevé seul accepte ; et son acceptation su ffit,
parce que l ’obligation de rendre étant la charge de la
libéralité qui lui est faite , produit une action en
faveur du substitué.
Mais aussi lorsque le subtitué meurt avant le grevé,
la substitution s’éteint; l ’ héritier du substitué ne peut
demander les biens au grevé qui demeure affranchi de
la charge (a).
(1) Voir llicvcnot d’Essoles, section i , chapitre i et, n® n .
(2) Voir Thcvcnot û’Essolcs, sect.
chap, 28 el 29 , u05 5a 1 , 534
^
�( 30)
Pourquoi cela ?
Le même auteur nous en explique les raisons (i).
C ’est que les fidéi-commis diffèrent des stipulations
conditionnelles.
Dans les stipulations conditionnelles, l’espérance se
transmet à l ’ héritier ; e t , même après notre m o rt,
celui-ci recueille si la condition s’accomplit.
Ex
condition a li stipulalione t a n t u m s p e s e s t
D E B I T U M j r i y eamque ipsam spem in hœredem
transm ittim us, s i, priusquàm conditio extet 3 mors
nobis contigerit. Instit. De verb. oblig. , § 4 Cela est fondé sur ce que, dans les contrats, on est
censé stipuler, tant pour soi que pour ses héritiers.
Quia plerum que tant j i æ r e d i b u s N O S T R IS quàm
nobismet ipsis cavemus. L . 9 , ff. De probat.
Il en est ainsi notamment dans les legs et les ildéicommis, où il n 'y a personne qui stipule.
In hœreditatibus et legatis 3 dit C u jas,
T R A N S m it titu r i n
sp es
non
h æ r e d e r i j qu œ tam en tra n sm it-
titur in stipulationibus et omnibus contractibus.
E t remarquons avec M. Thevenot d ’Essoles, que ce
principe de la caducité du fidéi-commis, par le pré
décès du substitué, 11e s’applique pas moins au fidéieoinmis par donation entre-vifs 3 qu’au fidéi-commis
par testament (2).
Aussi l ’article 20 du litre i er de l’ordonnance des
substitutions déclare-t-il, d’une manière générale et
(1) Voir aux n05 5 iG ,
, 5 18 , 528 , 529 , 53o.
(a) Numéros 5a8 et suivaus.
�absolue, que ceux qui sont appelés à une substitution,
et dont « le droit n’aura pas été ouvert avant leur
décès, ne pourront en aucun cas être censés en avoir
« transmis l ’espérance à leurs enfans ou descendans. »
E t M. Furgole, sur cet article, en rappelant le § l\.
aux instit. D e verb. o b lig a t.j qui établit la trans
mission de l ’espérance aux héritiers, dit que ce para
graphe peut bien « être appliqué aux stipulations et
« aux contrats à titre onéreux, ou bien aux donations
« entre-vifs, en faveur du donataire ; mais il ne peut
« pas être appliqué a u x substitutions. »
Tels étaient les principes en vigueur, lors du contrat
de mariage du sieur Capelle père avec la demoiselle
Montlogis.
D ’après ces principes, l ’idée d’ une substitution pré
sentait celles :
i° D 'u n tier-s appelé à recueillir après le grevé, mais
non partie au contrat qui renfermait la libéralité;
a° D ’une libéralité conditionnelle, mais gratuite,
et qui ne soumettait le substitué à aucune charge, à
aucun sacrifice anterieur au moment où son droit serait
ouvert.
3 ° D ’une simple espérance qui s’évanouissait par le
prédécès du substitué, et que celui-ci ne transmettait
pas à ses propres héritiers.
Recherchons si ces idées caractéristiques d’une
substitution fidéi-commissaire conviennent à la dispo
sition qui est l'objet de notre examen.
Nous l’avons déjà dit ; ce n’est pas un tiers : c’est le
futur époux, c’est le sieur Capelle lui-même, rune
�( 38 )
des parties principales du contrat, à qui est attribué
la propriété des biens donnés, si le mariage qu’il con
tracte ne donne le jour à aucun enfant.
Cette libéralité conditionnelle ne lui est pas faite a
titre g ratu it, mais elle est le prix de sacrifices consi
dérables qu’on lui impose, et auxquels il s’oblige ,
puisqu’ il se charge de payer les dettes nombreuses
auxquelles étaient affectés les biens donnés, et de plus
une somme de 120,000 francs à la donataire.
E n fin , en se soumettant à des obligations, il stipule
par réciprocité ses propres intérêts -, car dans tout acte
synallagmatique, et sur-tout dans un contrat de ma
riage, toutes les clauses, quelle que soit la forme de
leur rédaction, sont réputées corélatives, et être les
conditions les unes des autres.
Bien plus, non-seulement il stipule pour lu i, mais
il stipule aussi pour ses héritiers, puisqu’il est expres
sément convenu que le droit conditionnel qui lui est
a t t r i b u é a p p a r t i e n d r a , en c a s d e p r é d é c è s , à ses h é
r itie rs ,
ou
à
c e lu i
d 'e n
tr eu x
(¡u i l
a u r a c h o is i.
(Expressions littérales de la clause.)
Ces diverses circonstances n’écartent-elles pas toute
idée de substitution ?
Ne caractérisent-elles pas, au contraire, des conven
tions réciproques, dont les conditions ont été dictées
par toutes les parties, même par le sieur Capelle, qui
achetait h grand prix, pour lui ou pour ses enfans, un
droit encore incertain ?
Com m ent conciliera-t-on , sur-tout avec les principes
des substitutions, la transmission, stipulée dans le
�( 39 )
I 9fi>
contrat, du droit ou de l ’espérance du sieur Capelle
à ses héritiers, ou même à l ’héritier de son choix?
Supposera-t-on que la donatrice, quoiqu’étrangère
à la famille Capelle, et sans autre motif qu’une pure
générosité, ou un étrange caprice, eût préféré, nonseulement le sieur Capelle, mais encore l ’héritier que
celui-ci choisirait un jour} qu’elle eût préféré, disonsnous , un inconnu à sa propre fam ille, aux enfans
qu’aurait pu avoir sa soeur d’un second mariage, à
elle-même enfin , qui pouvait succéder à cette soeur, et
qui réellement lui a succédé ?
Que l ’on cesse donc de parler de substitution fidéicommissaire.
Que l ’on reconnaisse dans l ’ensemble des clauses du
contrat de mari.age du sieur Capelle le do ut i/eidu droit
romain , c’est-à-dire des obligations et des avantages
réciproques, et auxquels le s lo is n o u v e lle s n ’ o n t pu
p o r te r a t t e in t e }
Que l ’on y cherche si l ’on veut une libéralité con
ditionnelle, mais une libéralité de la nature de celle
dont parle le savant auteur du Traité des Substitu
tions } une libéralité dont le droit est censé avoir été
fo rm é dès Vorigine,, quand définitivem ent la condition
arrive ( i ) ; une libéralité q u i, dans l ’acte même, n’a
pu être déclarée transmissible aux héritiers du sieur
Capelle, que parce qu’on a considéré celui-ci comme
saisi dès-lors des biens donnés, si révénemen€Çprévu
avait lieu dans la suite.
Quoique conditionnelle, une donation n’en est pas
( i ) Numéro 53o.
*
�( 4o )
moins valable, et n’en doit pas moins être fidèlement
exécutée, si la condition s’accomplit.
« Car cette donation, qui est faite pour avoir son
« effet en un cas, ne laisse pas d’être parfaite en sa
« disposition, dès l ’instant de la donation, quoique
« la condition ne soit pas échue (i). »
L e Code civil indique, dans l ’article 1 1 7 9 ? l ’effet
de l’accomplissement de la condition.
« L a condition accomplie a un effet rétroactif au
« jour auquel l ’engagement a été contracté. Si le créan« cier est mort avant l ’accomplissement de la condi« tio n , ses droits passent à son héritier. »
Tels sont les seuls principes applicables à la dispo
sition faite en faveur du sieur Capelle et de ses héritiers.
Un don est fait dans le contrat de mariage.
On déclare, il est vrai, qu'il est fait à la future épouse.
Mais aussitôt cette déclaration est modifiée par une
clause expresse.
L a future épouse ne sera propriétaire, qu’autant
qu’elle aura des enfans nés du mariage même qu’elle
contractait.
Si elle n’a pas d’enfans de ce mariage, en eùt-elle
d’une seconde union , son droit s’évanouit.
Alors, est-il d it, les biens s e r o n t r e m is et a p p a r
t ie n d r o n t
a u f u t u r é p o u x e t à s e s h é r it ie r s .
A in si, dans l ’ un des cas , c’est l ’épouse qui sera
donatiiiure.
Dans l’autre cas, c’est à l’époux, que les biens ap
partiendront.
(1) Ricard, Traite des Donations, partie première, u° io44 >
�( 4* )
D o n c , dès l ’ instant même du contrat de m a ria g e,
l ’époux a été saisi conditionnellement aussi bien que
l ’épouse.
L ’événement seul devait apprendre quel serait le
propriétaire des biens donnés.
L ’époux était saisi, puisqu’il transmettait à ses hé
ritiers, et que nul ne peut transmettre un droit qu ’il
n’a pas.
Donc la disposition contestée est un don condi
tionnel , non une substitution iîdéi-commissaire.
Argumentera-t-on des expressions seront rem is, pour
en induire une charge de rendre ?
Mais des inductions hasardées, des interprétations
forcees ne suffisent pas pour établir une substitution.
C est moins aux mots qu’aux choses } c’est moins à
1 ecorce qu’à la substance, qu’on doit s’ari’êter pour
juger de la nature d’une disposition : potîüs 'voluntatem qucim verba spectari placu it.
Ici la volonté des parties n’est pas équivoque ; et la
substance de la disposition résiste, comme nous l’avons
démontré , a toute idée de substitution.
Les mots seront remis s’entendent de la cessation de
1 usufruit des biens*, car la dame Capelle devait en
jouir jusqu à son décès. On dit tous les jours, dans le
langage du droit, qu ’à la mort de l ’ usufruitier les
biens seront remis au propriétaire.
Aussi la clause porte-t-elle que les biens seront remis
et appartiendront , ce qui indique la remise comme
(levant être l’eifet de la condition, dont l’accouiplisseG
�ment atirait attribué cl’avancc la propriété au sîeur
Capclle et à ses héritiers. (Voyez l ’article 1 1 79 du
Code civil.)
La distinction que nous venons de faire entre les
substitutions fidéi-commissaires et les dons condition
nels, est écrite dans l ’ancienne comme dans la nouvelle
jurisprudence.
Autrefois, dans plusieurs de nos provinces, les cou
tumes prohibaient les substitutions iidéi-commissaires.
Nous rappellerons notamment les coutumes d’A u
vergne et du Bourbonnais.
E t cependant, sous l ’empire de ces coutumes, on
considérait comme valables des dispositions semblables
à celle qui nous occupe.
t
Nous citerons deux des exemples rapportés par
M. Chabrol, sur l’article 53 du titre 12 de la coutume
d ’Auvergne. (Pages 1 2 6 , 12 7 .)
P rem ier exem ple. Gabriel Dossandon, qui avait
deux fils, et plusieurs filles, avait légué le quart de
ses biens à celui de ses deux fils qui vivrait jusqu’à
l ’àge de vingt-cinq ans; et s’ils atteignaient tous les
deux leur majorité., il donna les trois quarts du quart
à l ’aine, et le reste seulement au cadet.
L ?un des frères décéda mineur; le survivant réclama
le quart entier.
Les sœurs le lui disputèrent , prétendant qu’il y
avait substitution réciproque.
L a sénéchaussée d ’Auvergne jugea que la disposition
-n’éiait qu ’un legs conditionnel.
�D euxièm e exem ple. U n testateur avait fait u n
legs conçu en ces termes : « Je lègue 100 liv. à Titius j
« et où il viendrait à mourir sans enfans ou désun
it Mans, ledit légat retournera à mon héritier ab in« testât. »
L a sénéchaussée décida aussi que la disposition de
vait avoir son effet.
On pouvait dire cependant qu’il y avait charge de
conserver et de rendre à un tiers, si le légataire mou
rait sans enfans.
Mais les magistrats pensèrent que l ’on ne devait
pas interpréter avec rigueur, dans le but d’anéantir
la disposition.
M. Auroux , sur l’article 3 2 $ de la coutume du
Bourbonnais, rapporte, au n° 1 8 , plusieurs sentences
qui déclarent valables des legs conditionnels , dont
l ’analogie avec des substitutions paraissait frappante.
La
sé n éch a u ssé e (le M o u lin s c o n fir m a u n legs fa it
par Madeleine Bidon à Jean Bechonnet, son m ari, au
cas que leurs enfans vinssent à m o u rir, et non au
trement.
Elle ordonna aussi l ’exécution de deux autres legs
semblables •,
L ’ un fait par Antoinette Poincet , en faveur de
Jacques Ilermant, son m ari, p o u r avoir lieu après le
décès de la disposante et de sa f i l l e ;
L ’autre par lequel Gervaise Martin avait aussi
donné le quart à son m a ri, après le décès de G ilbert
Ja rm et, leur fils,
�( 44 ;
Ces diverses dispositions prêtaient plus aux subti
lités de la critique, que celle invoquée par les héritiers
Capelle; et cependant elles furent maintenues.
Telle était la jurisprudence en Auvergne et en BourbonnaiSj lorsqu’à été publiée la loi du i4 octobre 179 2,
qui n’a fait que rendre commune à toute la France
une prohibition qui était restreinte à quelques pro
vinces.
Doit-on être plus sévère aujourd’ h u i, pour anéantir
des actes faits de bonne foi, q u ’on ne l ’était alors
contre des actes dont on pouvait croire que les expres
sions avaient été déguisées dans le but d ’ éluder la loi?
L a jurisprudence nouvelle a été aussi sage et aussi
juste.
L a Cour de Riom a donné, par un arrêt du 28 avril
18 0 6 , un des premiers exemples de l ’équité des déci
sions nouvelles en cette matière.
Par leur contrat de mariage, du 3 mai 1 7 7 8 ,
Marien Bâtisse et Marguerite Chaumelte s’étaient
d o n n é ré c ip ro q u e m e n t to u s leurs b ie n s présens et à
venir, pour, par le survivant, en jouir en toute pro
priété, avec convention que les biens qu’ils pourraient
avoir seraient partagés par moitié entre les héritiers
de chacun des contractans, après la mort du survivant.
Marien Bâtisse meurt sans enfans, le i 5 juin 1790.
Sa veuve reste en possession des biens qu’ il avait
laissés.
Elle décède elle-même en fructidor.
Ses héritiers veulent tout retenir, sous prétexte que
�la clause renfermait une substitution iîdéi-com m is
saire , non ouverte à la publication de la loi d ’ octobre
1 7 9 2 , et abolie par cette loi.
L e u r système, accueilli en première instance, fut
rejeté par la C o u r , qui ordonna le partage de tous
les biens, par moitié, entre les héritiers du mari et
ceux de la femme.
Voici les motifs de l ’ arrêt :
1; Attendu que la disposition réciproque portée au
« contrat de mariage du
3 mai 1 7 7 8 , n ’a aucun ca-
« ractère de la substitution, et que les lois abolitives
« des .substitutions ne s’y appliquent pas;
«
«
«
«
«
« Attendu que le but de la substitution, et son effet
sont de réserver à l ’appelé nominativement en second ordre, les biens confiés au grevé, et que, dans
l ’espèce, non-seulement le survivant p o u v a it tout
a lié n e r o u d is s ip e r , m a is même qu’il ne s’y rencontre
pas de vocation personnelle; qu’au contraire, les
« héritiers de l ’un et de l ’autre des époux doivent
« recueillir, aux termes de droit, ce qui restera ;
«
«
»
«
«
«
« Attendu que cette disposition, purement conditionnelle, a eu pour objet unique de confondre les
biens des époux, de n’en faire q u ’une seule masse,
de laquelle le survivant aurait eu la pleine propriété,
mais qu i, au décès de celui-ci, et pour ce qui en resterait, devait se répartir par égalité entre les héritiers des deux époux ;
'< Attendu que cette clause n’a rien de contraire
�« aux bonnes mœurs , et qu’elle est licite en elle« même. »
Trois circonstances ont décidé la Cour :
L e pouvoir qu’avait le survivant de tout aliéner ou
dissiper y
L e défaut de vocation personnelle d’ un individu
t
désigné ;
L a restriction de la disposition à ce qui resterait des
biens.
Ces trois circonstances se rencontrent dans la cause
des héritiers Capclle.
Aucun d’eux n’était personnellement appelé dans le
cas du prédécès du sieur Capclle.
Il y avait liberté indéfinie d’aliéner et de dissiper.
Les héritiers du sieur Capelle ne devaient avoir que
ce qui resterait des biens donnés.
Quoi de plus frappant qu ’ une telle similitude!
L ’espèce étant semblable, la décision pourrait-elle
être différente ?
U n arrêt de la Cour de Bruxelles, du 17 avril 180 6,
a décidé qu'il n’y avait pas de substitution dans la
disposition par laquelle un époux avait donné à son
conjoint l ’usufruit de ses biens, dans le cas où les
enfans que V époux donateur laisserait à son décès 3
mourraient avant le conjoint donataire (1).
L a Cour de Rouen, par un arrêt du 10 juin 1 8 1 4 >
a déclaré qu’il n’ y avait pas substitution dans une
( 1 ) Sircy, tome G, a* partie, page 271.
�disposition faite en faveur de plusieurs pérsonnes, avec
la condition que la part de ceu x qui seraient décéde's
sans postérité 3 et sans avoir disposé, accroîtrait a u x
survivans.
Pourquoi? Parce qu’ il n’y avait pas charge de con
server (i).
L a Cour de Poitiers a considéré comme un don con
ditionnel , non comme une substitution, une disposi
tion entre-vifs, par laquelle le donateur avait déclaré
qu’en cas de prédécès du donataire, il fa is a it la même
donation à un tiers (2).
rL a Cour de Montpellier n’a pas vu de substitution
dans un testament par lequel un héritier avait été
institué pour « par lui jouir et disposer de l ’hérédité
« en bon père de famille, et à la charge de la rendre
« à ses enfans légitim es. »
Le principal motif fut que l ’ héritier n’avait pas été
soumis à Vobligation de conserver.
L a Cour de cassation a respecté celte décision, par
arrêt du 12 mai 1 8 1 9 (3).
L a Cour de cassation a jugé aussi qu’il n’y avait pas
substitution dans un testament par lequel, en insti
tuant Pierre et Paul ses héritiers, le testateur avait
(1) Voir l ’arrêt dans le Journal du continuateur de Denevers, t. 12 ,
suppl. , page 63.
(2) L arrêt est du 3 avril 18 18 ; il est rapporté dans le J o u r n a l du
continuateur de Denevers, volume de 1818 , suppl., page
(3) Voir 1 arrôt dans le Journal de Sirey, tome 20 , première partie ,
page 79. •
�déclaré que si l'un (Veux venait à m ourir sans posté
rité, sa portion profiterait au survivant.
L ’arrêt est du 19 juillet' 1 8 1 4- (1).
La même Cour avait jugé, le 12 pluviôse an 4 >
sous l ’empire de la loi du \l± novembre 1 7 9 2 , que la
disposition par laquelle plusieurs propriétaires d ’un
immeuble se donnent mutuellement leur portion, avec
accroissement entr’euæ à mesure clu décès du prém ou
rant, ne contient pas une substitution prohibée (2).
On pourrait multiplier les citations, mais cela de
viendrait fastidieux autant qu’ inutile.
Peut-être argumentera-t-on de décisions différentes.
Il serait peu étonnant q u ’il s’en rencontrât sur des
questions où l'argutie des raisonnemens et l ’arbitraire
des opinions sont livrés à un vaste champ.
Cependant les héritiers Capelle ne croient pas qu ’on
puisse leur opposer un seul préjugé qui ait considéré
comme substitution fidéi-commissaire, une disposition
qui ne r e n fe r m a it p a s , au m o in s im p lic it e m e n t , la
charge de conserver} réunie à celle de rendre à un
tiers non présent à l ’acle, et à un tiers qui n’aurait pu
transmettre son droit à ses propres héritiers , avant
d’en avoir recueilli lui-même le bénéfice.
C ’est l’absence de toute charge de conserver, charge
incompatible avec la liberté indéfinie d ’aliéner;
(1) Voir le Journal du continuateur de Dcncvcrs, tome 1 2 , p.
(2) Voir cet arrôt dans lo Journal dcDencvers, vol.de 1791 à l’an ta,
page 3a8.
�m
49 )
C ’est le concours du sieur Capelle au contrat qui
renferme la disposition éventuelle*,
C ’est la stipulation expresse, d’après laquelle les
droits du sieur Capelle sont transmis à ses héritiers
ou à l’ héritier de son choix, s’il meurt avant son
épouse.
1
Ce sont toutes ces circonstances, si opposées aux
caractères distinctifs des substitutions fidéi-commissaires, qui ne permettent pas de donner un tel nom
à la disposition dont il s’agit, et qui doivent la faire
considérer, ou comme un don conditionnel, ou comme
toute autre convention, que l ’on devrait respecter clans
un acte quelconque, que l ’on doit maintenir sur-tout
dans un contrat de mariage, le plus favorable des
contrats, celui que la législation a toujours entouré
d’une protection spéciale, et dans lequel elle autorise
le s p a c t e s , quels qu’ils soient, lorsqu’elle ne les in
terdit pas formellement.
Les héritiers Capelle doivent donc espérer que la
Cour ne verra pas de substitution fidéi- commissaire
dans le contrat de mariage de leur père , et qu ’elle
ordonnera l ’exécution d’un pacte solennel, sous la foi
duquel deux familles s’étaient unies.
Mais si quelques doutes s’ élevaient, les principes et
les circonstances devraient faire pencher, en faveur
des héritiers Capelle, la balance de la justice.
7
AVI
�D E U X IÈ J IE
P R O P O S IT IO N .
D ans le doute > la disposition devrait être maintenue.
C ’est un principe de justice admis par la législation
de tous les tem s, que « dans le doute sur le sens d’une
« clause, l'interprétation qui tend à valider l ’acte
« dont cette clause fait partie, doit être préférée à
« l ’interprétation qui tendrait à le faire annuler (i). »
Tel était le langage que tenait M. Merlin , en exami
nant la validité d ’une disposition testamentaire, atta
quée comme contenant une substitution.
Ce langage était emprunté de la loi 1 2 , ff. D e rebus
dubiis.
1
»
Quotiès in actionibus aut in exceptionibu's ambigu a
oratio est} commodissimum est id a c c ip i, cjuo res 3 de
qu d agiturj magis v a le n t, quàm pereat.
Cette rè g le b ie n fa is a n te est ra p p e lé e p a r tous les
auteurs., comme devant servir de guide h la décision
des magistrats.
L ’auteur du dernier Traité des Donations dit que
l ’on ne doit voir de substitution fidéi-commissaire que
là oii l ’on doit nécessairement supposer une charge de
conserver et de rendre.
M. ToUllier, dans son Droit civil français, enseigne
(1) Voir le Répertoire tic Jurisprudence , aux mots Substitution fulci~
commissaire, sect. 8, n° 7.
�(50
'V
que l ’esprit général de la loi, et celui’*de la jurispru
dence est de n’annuler une disposition qu ’ a u t a n t
q x iid le p r é s e n t e
n éc essair em en t
u n e s u b s t it u t io n , et
q u ’ e ll e n e p e u t ê tr e s o u t e n u e d ’ a u c u n e m a n iè r e ( i ) .
L ’équité 'des Cours royales a rendu de fréquens
hommages à ce principe.
’
La Cour'de Riom (premièré chambre) l ’a'appliqué ,*
notamment par un arrêt rendu le 28 mai 1 8 1 9 , dans
la cause de la famille Maret.
*
Il
s’agissait d’un legs universel fait par Bonnet
Maret en faveur de ses trois neveux, mais grevé de
1 usufruit de leur père.
Le testament contenait la clause suivante :
« Je veux que si quelqu’un d’eux (des légataires)
« vient à d é c é d e r s a n s e n f a n S j sa portion soit r e v e r « s ib le sur les'autres héritiers ci-dessus institués.;»
L e testament avait précédé de quelques jours seule
ment la mort du testateur.
Les légataires étaient non m ariés, et mèche im pu
bères.
‘
*
Le décès d’u n ’des légataires sans enfans ne parais
sait pas devoir ¿’entendre du cas où ce légataire mour
rait avant le testateur; car les enfans, n’étant pas
institués eux-mêmes, n’auraieni pas recueilli la portion
donnée à leur père.
*
'* '• ,
Les circonstances, comme le''sens le plus naturel
de la phrase, indiquaient donc que, dans l ’ intention
«
'
I
(1) Voir lomc 5 , page 68, première édition.
‘ »1
�clu testateur, après l ’ouverture même du legs, si l ’uix
dos légataires qui aurait recueilli mourait sans enfans,
la chose léguée retournerait aux autres , ,c’est-à-dire
serait rendue, ce qui emportait charge de conserver.
Cependant la Cour pensa qu’on pouvait interpréter
(
la clause dans le sens d’une substitution vulgaire, et .
qu ’il suffisait qu ’elle pût être entendue dans un Sens
propre à maintenir l ’acte, p o u r cju o n .d ü t p ré fé rer
cette interprétation..........;
.'
« Parce qu’il est de principe que les'clauses d’ un
« acte susceptible de plusieurs sens, doivent être inter« prêtées dans celui qui tend à maintenir l ’acte, plutôt
« que dans celui qui en entraînerait la. n u llité, potiùs
* ut actus va lea t quàm ut pereat ; ,
« Parce q u e , dit aussi la Cour , 011 ne voit pas, dans
« cette clause, la condition expresse de conserver et
« de ren d re, caractère essentiel aux substitutions que
« l ’article 896 a voulu défendre. » . > _ .
Ces motifs remarquables.peuvent être littéralement
a p p liq u é s a la disposition contenue dans le contrat de
mariage de 1 7 8 6 , puisque la clause constitutive de la
libéralité peut s’entendre d ’un don conditionnel, plutôt
même que d’une substitution fidéi-commissaire; puisqu’aussi on ne trouve pas dans cette clause la condition
expresse de conserver et de rendre , caractère essentiel
des substitutions proscrites par la loi de 1792 comme
par le Code civil.
L a Cour de Limoges, dans un arrêt du 3 janvier
1 8 i G, eu déclarait valable uu legs, attaqué de nullité
�(
53 )
commeprésentantunesubstitution prohibée, s’était alissi
fondée sur le principe q u e, « lorsqu’un acte quelconque
m présente un sens qui peut le faire valoir , il doit être.
« préféré à celui qui l ’anéantirait. »
L e legs était conçu dans des termes qui prêtaient
singulièrement k la critique : « J e donne et lègue à
Joseph et à M arie M eu lliera t, mes petit-fils et petitef i l l e , la m oitié de tous mes biens.........; et dans le
cas ou l ’un de mesdits petits-enfans meure sans enfa n s j e lu i s u b s t i t u e Vautre survivant.
Ici le mot même j e substitue venait ajouter an
danger du sens* que présentait le surplus de la clause.
Cependant la Cour de Limoges décida qu’il n’y avait
pas de substitution fidéi-commissaire prohibée, mais
seulement une substitution vulgaire autorisée par la
loi •, et la Cour de cassation a confirmé cette décision,
par arrêt du 1 1 ju i n 1 8 1 7 , en rappelant la règle d’une
interprétation favorable à l ’acte.
«
«
«
«
«
«
«
« A tten d u , dit l’arrêt de rejet du pourvoi, què les
termes dans lesquels était conçue la clause, pouvant
se prêter à l ’une ou a l ’autre interprétation , la Cour
royale n’a vio lé, ni l'article1 896 du Code c iv il, ni
faussement appliqué l’article 898', en interprétant
la vo lon té du testateur dans le sens q u i donne
fo r c e et exécution à l ’acte testamentaire dont il
s’agit (1). »
f.
Les expressions de ce m otif de la Cour suprême rie
v
(1) Voir cet arrôt dan» lu Journal de Sirey-, t. ^ y !*• partio, p. 294*
�p*
"
( 54 )
bont-ils pas xinéi invitation indirecte aux Cours royales,
d ’éviter toute interprétation tendant h annuler i les
actes, et à autôriser les donataires à se jouer de la vo
lonté de leurs bienfaiteurs? .
Cqtte volonté si respectable sera-t-elle blessée par les
magistrats eux-mêmes, destinés par la loi à l ’entourer
d ?une protection spéciale?
Cette volouté ne doit-elle pas être au contraire le
principal guide des décisions de la justice?
O r, dans la cause des héritiers Capelle , rien de
moins équivoque que l ’intention de la donatrice.
A la simple lecture du contrat de mariage de 1 7 86,
on reconnaît qu’elle a voulu que sa fortune! appartînt
au sieur Capelle, ou aux héritiers de celui-ci, si des
enfans ne naissaient pas de ce mariage même.
Il est donc évident qu ’elle a donné , dans ce cas, ses
biens au sieur Capelle.
E t les doutes même ne seraient-ils pas dissipés par
la c o n s id é ra tio n d es c h a rg e s c o n s id é ra b le s imposées au
sieur Capelle?
Croira-t-on que le sieur Capelle eut consenti h con
tracter pour lui et pour ses héritiers, des obligations
aussi. grandes, si lui-même et ses héritiers n’avaient
pas dù être indemnisés de leurs sacrifices par le don
conditionnel, mais irrévocable, qui lui était fait?
Le vrai sens du contrat de mariage n’aurait-il pas
été fixé, sur-tout par cette transaction du 20 décembre
x 7 0 1 » lerine (l’ un procès qui durait depuis plusieurs
années; par cette transaction à laquelle concoururent
�(55)
toutes les parties'intéressées , i la donatricë, la< dame
Capelle et le sieur Capelle; par. cette transaction où
les deux époux furent, également qualifiés de dona
taires , et où il fut répété plusieurs fois que la dona
tion avait été faite au mari comme à la femmei^par
cette transaction sans laquelle la*contestationîactuèllë
n’existerait pas; car si le sieur Capolle avait persisté à
renoncer à la donation, afin de s’ affranchir des charges
qui pesaient sur lu i, la donation aurait été révoquée,
ainsi que l’ordonnait la sentence ,du 28 août 17 9 0 ’ ;
la donatrice serait rentrée en possession de ses biens;
la dame Capelle les aurait perdus; et si le sieur C a
pelle en avait été privé lui7m ème, au moins aurait-il
conservé et transmis à ses enfans les sommes qu ’il em
ploya et les biens qu’il vendit pour remplir les obliga
tions auxquelles il se soumit une seconde fois par-le
traité.
v.*
: 1 . 1
Serait-il juste que la demoiselle Nouveau, c’est-àdire qu’une étrangère à la donation;, aux; donataires ,
à toutes les parties contractantes, profitât seule aujqurd hui du prix de tant de sacrifices P^Yc vo s non
vobis. .
.
.
.
I, —
.1 •
.•!(* ;; 1 "
-La veuve Capelle elle-même, et le sieur NôuSveau ;
son second m ari, n’ont jamais cru à une aussi grave
injustice. Qu’on se rappelle, en eifel les doutes exprimés
par la veuve Capelle dans sou seOoiul contrat de 111*1r^ 8 e ) où, tout en donnant au sieur Nouveau le bien
de la Rouqaette, elle prévoit que ce don pourra ne
�^
•
( 56)
pas être valable, et lui fait une libéralité secondaire
de tous ses autres biens.
p i.
t .
Les plus puissans moyens, les plus grandes considé
rations protègent la demande dtís héritiers Capelle.
L a clause qu ’ils invoquent résiste à l ’idée d’une
substitution fidéi-commissaire.
E lle ne présente ni charge
d e ren d re
a
un
t ie r s
d e co n server> n i ch arge
.
On y remarque au contraire le pouvoir indéfini
d’ aliéner.
L e sieur Capelle, destiné, dans le cas prévu, à
profiter de la libéralité, n’est pas u n t i e r s ; il est une
des parties contractantes, et même une des parties
principales.
Bien plus, il stipule non-seulement pour l ui , mais
aussi pour ses héritiers; car s’il meurt avant son épouse,
il tr a n s m e t à ses h é r it ie r s n a t u r e ls , ou à l ’héritier de
son choix, les avantages qui lui étaient promis.
Com m ent dès-lors l’assimiler à un simple substitué,
dont les espérances incertaines disparaissent, si le grevé
lui survit, et qui ne transmet rien , s’ il n ’a rien re
cueilli lui-même avant son décès?
Comment ne pas reconnaître à cette transmission de
droits une disposition étrangère aux substitutions,
c’est-à-dire, un don conditionnel,qui, par l'accomplis
sement de la condition, avait saisi le sieur Capelle dès
�l’instant du contratj d’ un droit que son décès a fait
passer à ses héritiers ?
Comment concilier aussi avec l ’ idée d’ une substitu
tion ,
les engagemens
les sacrifices
auxquels s’ est
soumis le sieur C a p e lle , sous la foi de l ’ exécution de
l ’avantage éventuel qui lui était assuré ?
L a loi du 14 novembre 1.792 n’a pu atteindre une
pareille disposition-, elle n’a frappé que les charges de
conserver q\xi avaient placé les biens hors du commerce,
et les charges de rendre à des tiers qui n’ étaient saisis
de rien.
L a loi a respecté les conventions réciproques, celles
sur-tout qui , consignées dans un contrat de mariage,
avaient été le gage de l ’ union des deux familles.
Les héritiers Capelle pourraient-ils avoir à redouter
une d é c isio n fa ta le à le u r s d r o its , eux qui ont en leur
faveur les principes unis à une jurisprudence constante
qui ne permet pas d’annuler une donation, si elle ne
présente nécessairement une substitution, et s’ il n’est
impossible de l ’ interpréter dans un sens propre à la
maintenir ?
L ’acte serait-il plus rigoureusement interprété par
des magistrats, qu’ il ne l ’a été par la donatrice et par
toutes les parties intéressées, lors du traité de 1 7 91 ?
Les tribunaux douteraient-ils moins des prétendus
dioits de la iamille Nouveau, que n’en doutait la
dame Nouveau elle-m êm e, lorsque, cherchant à. les
attribuer à un second mar i , elle exprimait si ciairc8
�ment ses craintes sur l ’exécution de ses injustes vo
lontés.
Les lois, les opinions des auteurs, les arrêts, l ’équité,
tout ce qu’il y a de recommandable devant la justice,
semble inviter les héritiers Capelle à attendre avec
sécurité l ’arrêt qui prononcera sur leur sort.
S ’ils succombent cependant, malgré tant d’avan
tages, ils se résigneront avec respect. Mais leur exemple
ne prouverait-il pas qu’elle est un guide quelquefois
infidèle, cette fière raison dont on fait tant de bruit!
L eu r exemple ne rappellerait-il pas cette sentence d’un
philosophe romain, selon laquelle il n’y a , dans les
opinions des hommes, rien de certain que l ’incertitude :
Solum certum nihil esse certi.
Monsieur TA SSIN D E V I L L E P I O N , Rapporteur.
Me A L L E M A N D , A vocat.
Me M A R IE , L icen cié-A vo u é.
RIOM, IMPRIMERIE DE SALLES, PRÈS
PALAIS DE JUSTICE.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Capelle-Peuch-Jean, Pierre-Antoine. 1819?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Tassin de Villepion
Allemand
Marie
Subject
The topic of the resource
donations
contrats de mariage
fideicommis
pensions viagères
renonciation à succession
assignats
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour le sieur Pierre-Antoine Capelle-Peuch-Jean et les demoiselles Sophie et Marie Capelle, frères et sœurs, habitans de la ville d'Aurillac, héritiers de maître Antoine Capelle, leur père, appelans ; contre sieur Félix Valentin ; propriétaire, et la dame Sophie-Marie Nouveau, son épouse, de lui autorisée, héritière, sous bénéfice d'inventaire, de sieur Joseph-Aymard Nouveau, son oncle, lesdits mariés Valentin, habitans du lieu et commune de Calvinet, intimés ; en présence de dame Marie-Sophie Langheac de Montlogis, religieuse, habitante de la ville d'Aurillac ; Marie-Judith Langheac, veuve de sieur Piales ; Maire-Honorée Langheac-Lignac, toutes deux propriétaires, habitantes du lieu et commune du Viviers ; sieur Brassat-Murat, docteur en médecine, et dame Judith Langheac, son épouse, de lui autorisée, habitans de la ville d'Aubier ; autre Marie-Judith Langheac de Montlogis-Chanat, propriétaire, habitante du lieu de la Rouquette, commune de Cassaniouse, canton de Montsalvy ; sieur Marsillac, docteur en médecine ; Olympie-Silvie Langheac de Montlogis, son épouse, de lui autorisée ; Marie-Christine Langheac de Montlogis, Marie-Anne Chaudesaignes de Turrein, veuve de Claude Langheac de Montlogis, tutrice de leur fils mineur ; Joséphine-Judith Langheac de Montlogis, tous propriétaires, habitans du lieu de Dousques, commune de Vezac ; Pierre-Alexandre Rigobert, Jean-Alexandre et Pierre-Honoré Langheac de Montlogis, commune de Ladenhac, susdit canton de Montsalvy, aussi appelans.
Table Godemel : Bestiaux : Pour l’ancien législateur, les bestiaux attachés à la culture et les instruments aratoires n’étaient pas nécessairement considérés comme immeubles par destination, et accessoires du domaine. – ainsi, ils ne faisaient point partie de la donation du domaine, s’il n’y avait clause expresse et spéciale. Instruments aratoires : sous l’ancienne législation, les bestiaux attachés à la culture et les instruments aratoires n’étaient pas nécessairement considérés comme immeubles par destination, et accessoires du domaine. – ainsi ils ne faisaient pas partie de la donation du domaine, s’il n’y avait point de clause expresse et spéciale
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1819
1786-1819
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
58 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2503
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2504
BCU_Factums_G2505
BCU_Factums_G2506
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53489/BCU_Factums_G2503.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Calvinet (15027)
Cassaniouze (15029)
La Rouquette (château de)
Agrovieille (domaine d')
Saint-Michel (domaine de)
Mallaret (domaine de)
Ladinhac (15089)
Vézac (15255)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
assignats
contrats de mariage
donations
fideicommis
pensions viagères
renonciation à succession
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4f0e8acd6b14b96238e1338e1c024436
PDF Text
Text
W \ \U V « V M V V \W V \ U U W V W * V U V U V W V
MÉMOIRE A CONSULTER,
C
DE
ET CONSULTATION,
P O U R E mmanuel A U B IE R -L A M O N T E IL H E , Propriétaire,
SU R
SON
POURVOI
C O N T R E un Arrêt rendu en la 2e chambre de la Cour impériale
de R io m , le 1er août 18 12 ,
entre lu i, les Sieur et Dame
S T. M A N D E , et la Dame veuve de L A M O N T E I L HE.
mandais d’arrêts décernes contre moi par le comité révolutionnaire de
Paris, les 11 et 20 août 1792, m’ont forcé de fuir et de passer les fron
tières.
Pendant ma proscription , ma sœur a été ma mandataire ; elle s’en est ac
quittée avec un zèle vraiment fraternel ; elle m’a sauvé les débris de mon pa
trimoine.
D eux
Par les conclusions sur lesquelles est intervenu l'arrêt contre lequel je me
pourvois, elle a demandé acte de ce qu’elle me reconnaissait pour propriétaire
irrévocable du dernier immeuble dont elle devait me passer, pardevant
notaire , l’acte de transmission convenu.
Elle a fait la même déclaration en ce qui concerne le bien de Sauze t , qu’elle
avait déjà transmis à mon fils Lamonteilhe , en exécution de ma volonté,
comme elle l’a déclaré au procès, et même imprimé.
L ’arret a refusé de donner acte de ces déclarations; il a converti les trans
missions en libéralités , qui , bien loin d’être irrévocables, se trouveraient
d’avance, si cet arrêt subsistait, frappées de nullité, attendu que ma sœur ayant
institué ses héritiers, son fils et sa fille, celle-ci représentée par un m ineur,
et ayant de plus disposé de sa réserve par leurs contrats de mariage , elle n’a
pu disposer de rien à titre gratuit.
CA
�( 2 )
Par-là cet arrêt leur assure le droit de me dépouiller de tout, ainsi que mes
petites-filles Lamonteilhe , d’abord après la m ort de ma sœur.
Mais cet arrêt viole les dispositions les plus précises du Code C ivil, sur le
mandat, sur les engagemens de celui qui a géré volontairement les affaires
d ’autrui.
Dans le nombre infini des erreurs consignées dans les motifs de cet a r r ê t,
on y présuppose des conclusions qui n’ont jamais existé ; on y présuppose aussi
que le jugement de première instance contient une disposition qui n’y est pas.
Le malheur qui me poursuit depuis si long-tems a voulu que ma sœur,
gouvernée par son fils , lui abandonnât la direction de cette affaire, et
que celui-ci donnât toule sa confiance à un étranger q u i, après avoir longtems promené scs essais à Maçon , Lyon , Montbrison , le Puy , Iliom ,
est venu fixer à Glcrmont son talent pour embrouiller les procès : devenu
homme de loi pendant l’anarchie, il l’a portée dans ma famille, et malheu
reusement avec succès.
11 a égaré ma belle-fille au point de la faire intervenir en faveur de son
système , et d’invoquer contre m o i, qui l’ai comblée de bienfaits, les tables de
proscription dont le Gouvernement m ’avait effacé ; elle dont le père y avait
été inscrit et avait dû le salut de sa fortune à la fidélité de son mandataire ;
au point de solliciter elle-m êm e, comme tutrice , l’arrêt qui assure à mon
neveu les moyens de dépouiller scs filles mineures de la propriété que je leur
ai donnée.
Mon respect pour une cour où il y a tant de membres si intègres et si
éclairés , ne saurait être affaibli par l’erreur de cinq membres ( y compris un
jeune et nouvel auditeur ) , dont l’avis a décidé l ’arrêt qui sanctionne la per
sécution que j’éprouve.
Je prouverai mon respect pour ce corps en m ’abstenant dans mes réponses
aux motifs de cet arrêt, de quelques observations qui seraient cependant d’un
grand poids.
Avant tout, je vais présenter à la Cour suprême les faits, les lettres, les
actes constatant le mandat, son acceptation, son exécution.
Mon père est morL en réclusion le 22 brumaire an II.
Le 24 pluviôse suivant, mon frère , chanoine , a péri révolulionnairement à
Lyon.
A leur m ort, je n’étais inscrit sur aucune liste d’émigrés; on peut vérifier
le fait sur les listes imprimées.
Les ministres qui avaient arrêté la liste générale des émigrés , le 16 plu-
�( 3 )
6 c?i
viosc an II ( i ) , me trouvant sur celle des fugitifs <lu tribunal révolutionnaire,
avaient décidé que je ne devais pas être porté sur celle des émigrés.
Je n’ai été inscrit sur celle-ci que le 18 germinal an II (2). Il en résulte
qu’à la mort de mon père et de mon frère , arrivée le 22 brumaire et le
24 pluviôse an I I , leurs successions m’ont été dévolues, et que j’en ai été
saisi de droit, conformément à mon contrat de m ariage, qui me faisait seul
héritier de mon père , sous réserve de la légitime stipulée pour mon
frère et de ma sœur , et,au contrat de mariage de ma sœ ur, portant renon
ciation à toute succession dire.de et collatérale, à tous droits échus cl ¿1 échoir,
moyennant 3o,ooo livres de dot par moi garanties.
Le séquestre sur mes biens a été la suite de mon inscription.
En août 1792 , avant de quitter Paris, j’avais envoyé à mon père une p ro
curation pour soigner mes intérêts, avec pouvoir de s’adjoindre et de subs
tituer qui il voudrait : ma sœur a partagé et. continué ccs soins ; sa gestion de
mes affaires remonte à cette époque, et dès-lors même elle fut lice envers moi
par le quasi-contrat résultant de la gestion de la chose d’autrui.
D ’abord après la paix de Bâlc , j’écrivis à ma sœur et à ma femme pour les
prier de solliciter ma rentrée en France et dans mes biens ; je savais qu’ils
n’étaient pas encore vendus.
Ma sœur me répondit qu’elle se chargerait de continuer de gérer mes af
faires, de solliciter ma radiation cl de me conserver mes biens, mais qu'elle
(1) Ils l ’avaient décidé après avoir vérifié que les mandats d’arrêts avaient été décernés uni
quement parce que j’avais suivi Louis X V I à l ’assemblée le 10 a o û t, et veillé à son clievet aux
F euillans, où il coucha avant d’être conduit au Tem ple.
Considérant que ma place de gentilhomme ordinaire de la chambre du roi m’ attachait au
service de sa personne, ils avaient eu l’indulgence de prendre pour soumission de me repré
senter l ’acte du 12 décembre 1792, par lequel j’avais requis le général de l ’armée du N ord et le
ministre de France à L a H aye de me recevoir prisonnier, et de me faire transférer à la barre
pour y être entendu , et concourir à la défense de L ouis X V I . Ma
réq u isitio n
avait élé envoyée
au Gouvernem ent, à qui mes amis avaient aussi représenté la lettre que M. de M alesherbes
m écrivit à ce sujet, par ordre de Louis X V I , le 12 janvier 1793; elle est connue.
G est sur ces motifs qu’en 1802 le Gouvernem ent m ’avait dispense d une des conditions de
l ’am nistie, et que, par décret du 10 décembre i 8 o 5 , S. M . 1 Lm percur m a confirmé cette
dispense et m ’a maintenu dans mes droits c iv ils , en me permettant de garder la place de
chambellan du roi de Prusse que j’avais alors.
D ep u is, j’ai satisfait à la loi de rentrée en France , du 4 avril 1810.
(2) Je l’ai été sur la demande d'une personne de ma famille que je m ’ abstiens de nommer.
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•
(4 )
voulait des pouvoirs illimités , pour cire libre de prendre toutes les mesures que
les eve'ncmens, que j e ne pouvais pas juger de si lo in , pourraient demander ■
qu’elle les voulait sans partage avec ma fem m e, parce que leur ancienne
mésintelligence était devenue excessive.
Elle m’apprit que ma femme avait fait divorce; que ce divorce lui avait
fait obtenir le domaine de Crèvecœ ur , dont j’avais payé le p rix, et que
par - là ma femme était payée de tout ce qui pouvait lui etre d û, tandis
qu’elle (m a sœur) était exposée à perdre les 12,000 livres que je lui devais
du reliquat de sa dot.
Ma sœur disait que son mari n’avait aucune confiance dans les achats de
Liens nationaux; qu’il ne voulait pas se procurer l’indemnité de ces 12,000 liv.
en soumissionnant quelques-uns de mes fonds ruraux séquestrés , dans la crainte
qu’on ne les lui reprît; qu’il ne voulait point faire inscrire sa créance sur le grand
liv r e , parce qu’il pouvait arriver telle crise où le litre de créancier de l’Etat
deviendrait dangereux, et où leur lisle pourrait devenir une liste de proscrip
tion ; mais que si j ’envoyais à ma sœur des pouvoirs avec promesse de garantie
dans tous les cas, envers et contre tous, il consentait à ce qu’elle soumis
sionnât mes biens pour mon compte , comme mon homme d’alï'aires, sans au
cune autre condition que celle de lui payer ses 12,000 liv. en numéraire.
l\ien de plus juste que cet accord ; il conservait à chacun de nous ce que
son contrat de mariage lui assurail: lo u t.se réduisait à satisfaire le Gouver
nement; et comme c’était moi qui avais encouru la confiscation , il mettait à
ma charge les frais de sa rédemption et le hasard de toutes les conséquences.
La contestation actuelle me force à dire en quoi ma sœur avait intérêt de
ne pas faire comme tant d’autres pareils ou amis , qui achetaient pour leur
compte personnel, et qui par-là demeuraient libres d’imposer telles condi
tions qu’ils voudraient ; le voici :
Avant de in ’avoir demandé mes p ou voirs, ma sœur avait cru sauver ses
12,000 liv. en faisant, en son propre nom , des actes d’héritier dans la succession
de mon père et de mon irere ; o r , non-seulem ent m on conti'at de mariage et
1(5 sien me faisaient seul héritier de l’un ci de l’autre , mais j’etais de plus alors
créancier de mon père d’environ 120,000 liv. , et mes hypothèques étaient
antérieures de neuf ans à la constitution dotale de ma sœur.
L ’adilion d’hérédité, faite par ma sœ u r, la rendait responsable envers moi
de toutes mes créances dès que je serais rayé.
A celte époque , ma radiation ne paraissait pas devoir souffrir de difficulté;
car depuis la mort de Robespierre jusqu’au 18 fructidor, 011 l’obtenait faci-
�lcment pour ceux qui étaient sortis de France après mandat d’arrêt : ma sœur
avait à craindre que, déduction faite du prix dont le quart était payable en
num éraire, cette acquisition ne rendît pas assez de bénéfice pour faire face aux
dettes, de manière à lui conserver l'intégrité de sa dot.
Il était donc très-sage de sa part d’obtenir de moi une garantie envers et
contre tous, qui emportât renonciation de ma part en sa faveur a l’anteriorite
de mes hypothèques ; elle ne pouvait xne là demander qu’en prenant l’enga
gement de racheter mes biens pour mon compte.
Cette observation explique tout, et particulièrement pourquoi ma sœ ur re
doutait tant que je donnasse ma procuration à ma fem m e, qui l’aurait tour
mentée, et avec qui elle était en guerre;
Pourquoi mon beau-frère n’avait voulu prendre part à rien dans ce qui con
cernait les affaires de la succession de mon père et de mon frère , et les
miennes ;
Pourquoi il avait consenti à ce que ma sœur prît la qualité de maîtresse de
ses biens extra-dotaux, quoique son contrat de mariage ne le lui permît pas ;
Pourquoi c’est en cette qualité qu’elle avait fait, sans l’autorisation de son
mari, l e s actes d’héritier qui, par ce m oyen, pouvaient être désavoués par
son m a ri, demeuré libre de faire ce qui deviendrait le mieux pour lui.
Sa prudence allant jusqu’à la défiance, il déclara, comme ma sœur me l ’a
mandé , qu’il ne lui prêterait pas un sou pour cette opération, et n’autori
serait aucun emprunt.
En envoyant une première procuration à ma sœur , je lui mandai qu’avant
d’avoir reçu scs offres, j’avais donné une procuration notariée à un M. Degènes de Paris, et une autre à un M. Lam olte, négociant de Hambourg , pour
suivre ma radiation; enfin, une troisième à M . L ev y, banquier de B erlin , pour
qu’en cas de confiscation de mes biens, il les fit soumissionner par son cor
respondant en France.
Ma sœur me manda qu’il y aurait du danger de tout gâter, faute de s’en
tendre, si je ne les révoquais pas; qu’elle ne pouvait demeurer chargée qu’à
cette condition.
Je les révoquai.
Deux mois après , ma sœur m’é criv it, par la voie des négociateurs de Baie ,
ce qui suit ;
« J ’ai attendu pour te donner de mes nouvelles, d’avoir réussi à obtenir ce
:» que je sollicitais auprès du corps administratif, qui est la jouissance pro» visoire desdits biens de la succession de mon père ; on me l’a accordée à
�(6 )
s» charge de donner caution. Je pense que lu approuveras le parti que j’ai pris ;
» je ne l’ai fait que d’après le conseil et l’exemple ,de tes ainis, sans aucune
» vue d’in térêt, puisque je suis toujours comptable ; ce n’est que de l’embarras
» que je prends : j’avais d’abord demandé le partage pour mettre obstacle aux
« ventes, j’y ai réussi ; maintenant mon but est d'empêcher tfe couper les
« arbres, d’entretenir les bâtimens : si, comme je l’espère , tu parviens à sortir
» de la classe des ém igrés, ce sera avec toi que j e fera i mes comptes, et lu es
» bien sûr que sans autres intérêts que les t ie n s , je me bornerai à nia légitime,
» que j’espère bien que tu auras la juslice de me donner en fonds, car les
» papiers ne sont plus que monnaie factice; rien ne m’occupe plus que ce
» qui t’intéresse ; je souhaite que tu me rendes la juslice de le croire. »
Ce projei échoua, parce que ma sœur ne trouva point de caution.
Une lettre du i 5 mars 1796 porte qu’elle avait communiqué ma procuration
aux administrateurs ; qu’on n’avait pas voulu s’expliquer sur sa validité.
On n’aurait pas élevé de doute sur sa validité, s’il n’y avait été question
que de demander ma radiation ; 011 joignait tous les jours de pareilles procu
rations aux demandes en radiation : le doute venait de ce que je donnais à
ma sœur pouvoir de soumissionner mes biens pour mon compte avec ma
garantie.
Ma radiation a été refusée dans les premiers jours de m ars, parce qu’au
lieu de rechercher et produire mon mandat d’arrét (que j’ai fort aisément
retrouvé en 1801 aux archives du comité révolutionnaire , et que j’ai produit
alors à la commission des ém igrés), l’agent de ma femme avait présenté des
mémoires qui contredisaient ceux de ma sœur et les miens, et parce qu’on me
confondait avec un de mes parens du même nom.
Dans ce c h o c , le Directoire avait décidé que je devais attendre l’amnistie
qu’alors on projetait de donner à tous ceux que les mandats des comités
révolutionnaires avaient forcé de fuir; la décision m’a été transmise le i 5 mars
officiellement.
M a sœur m’ayant confirmé que ce refus nécessitait qu’elle soumissionnât
mes biens , et réitéré qu’elle ne voulait le faire que pour mon compte, je lui
envoyai une nouvelle procuration notariée, afin que ma promesse de garantie
eut plus d’authenticité; elle contenait des pouvoirs bien illimités pour cette
soumission.
Cependant je lui m andais, p a r la lettre d ’e n v o i, de reculer les frais de rachat
tant qu’elle po u rrait, pour avoir le tems de chercher de l’a rg e n t, et parce que
l ’espoir d’ un adoucissem ent se mêle loujoui’s aux angoisses des infortunés,
�Ma sœur m’a accuse la réception de cette procuration et son acceptation,
par lettre du 4 mai 1796.
“
Les qualités de l’arret contre lequel je me pourvois, rédigées par le défen
seur de mes adversaires , établissent judiciairement en point de f a i t la récep
tion de celle procuration et son acceptation par nia sœur.
J’avais cru inutile de faire légaliser ma procuration par le ministre de
France à B erlin : ma sœur m’ayant observé que cela serait m ieux, je lui en
lis légaliser une seconde; il me l’accorda, parce que j’élais fugitif du tribunal
révolutionnaire ; il le refusait à ceux qui ne prouvaient pas cette exception.
Mon paquet fut retardé en route; ma sœur me mandait à ce sujet, le
4 juin 175)6 :
« J e suis inquiète: il p a ra ît, par une lettre écrite à madame Blau , que lu
« m ’envoyais une procuration légalisée par le m inistre ; je ne l’ai pas reçue ,
» je crains de ne pouvoir éloigner plus long-tems les acquéreurs qui se pré>' sentent; j’ai été bien secondée, mais actuellement je tremble. B o ir o t, qui
» m’avait conseillé de rester tranquille, veut absolument que je soumissionne
» tout, et tout de suite ; mais j e n ’ai pas d ’argent,, première difficulté. Dans
» la nécessité où je suis d’acquérir la fortune , j e ne veux rien que ma légitime.
» L e département m ’a refusé un mois de sursis ; l'ambassadeur rie laisse
» a u c u n espoir ; si j’achctc , le contrat passé, je vendrai des objets à loi pour
» le second paiement et simplifier la recette ; 011 est de part et d’autre irop
» méfiant pour mettre la te te dans le sac ; j e n ’ai pas envie du bien des
« autres. »
L ’im palicnce qu’elle m ontre d’avoir la procuration légalisée confirm e l ’acccplalion qu’ elle avait faite de mes pouvoirs dès l’envoi de la prem ière expé
dition non légalisée; sa peur d’etre obligée de soumissionner avant d’avoir
celle légalisation, prouve com bien elle était prudente , car j’élais aussi obligé à
la garantie par la procuration non légalisée qu’ elle avait déjà que par une
seconde expédition légalisée.
L a dernière phrase avait été occasionnée par une lettre de mon troisième
fils , sûr le ton de la défiance.
C ’est le 27 therm idor suivant (ao û t 1796 ) que ma sœur a soumissionné mes
biens , c l par conséquent ce n’est que trois mois après l’acceptalion de ma pré
cédente procuration , faite par le llrc du 4 inai I 79^-
A l’inslanl de la soumission, en pleine séance, un des administrateurs
demanda à ma sœur s’il était bien vrai qu’elle soumissionnât pour moi ; elle
répondit hautement ; Qui oserait en douter? Ce inot écarla aussitôt divers
�concurrcns : je le rapporte, parce qu’il honore à la fois ma sœur, les adminis
trateurs et mes concitoyens, f^ïe la situation de mes hiens à la porte de
Clermont devait attirer; en même tems, il prouve qu’en achetant, ma sœur
exécutait mon m andat, était mon prête-nom.
M a sœur ne soumissionna que les sept-neuvièmes de mes hiens , parce que
sa légitime fournit une dispense de payer cette portion ; clic promit de l’abdi
quer quand je serais rayé, et aurais complété le paiement de la dot de
3 o,ooo livres, moyennant laquelle elle avait x'enoncé a louL ; elle l’a fait.
L e 24 a o û t, immédiatement après la soumission, ma sœur me donne avis
qu’elle a exécuté le mandat ; elle annonce d’abord ce que mon perc avait
laissé.
»
»
»
»
»
« Tout ce qu’il laissait de denrées a été ven d u , pillé en quatre jours ; les
biens l’auraient été aussi, puisqu’ils étaient de droit confisqués. Les soins de
Boirot et les miens, incidens sur incidcns, que nous avions eu soin de faire,
ont retardé jusqu’à cet instant où rien ne peut échapper. Dans la journée ,
ils allaient être vendus à un étranger, après l’avoir refusé à cinq ; il a fallu
emprunter par-tout, vendre cher à soi (1) pour soumissionner ; m ais, mon
» cher , songe donc que c'est pour toi seul que j’ai pris cette peine.
« Yoilà le quart qu’il faut payer en numéraire ; je suis bien forcée de vendre ;
* il est possible que si ta femme parvient à semer des inquiétudes, je ne
trouve pas d’acquéreurs, alors je serai forcée de me laisser déchoir , étant
» bien résolue de n ’y mêler pour rien la fortune de mon mari.
» L ’opération d’experts m ’a coûté beaucoup d’em barras, a coûté cher. Si
» madame Aubier est d’aussi bonne foi que m o i, nous sauverons quelque
» chose, et encore une fois, ce n’est pas pour m o i; j e crois l ’avoir assez
v répété. »
Le sursis qu’elle ditlui avoir été refusé explique ce qu’elle enLcndait, en disant,
dans la lettre du 4 mai précédent, qu’elle allait faire opposition aux ventes; on
sait que l ’opposition était im possible, sur-tout au nom d’un émigré inscrit;
aussi elle n’en a jamais fait : ma sœur dit qu’elle 11c veut y mêler pour rien la
fortune de son mari; elle dit qu’elle n’achète pas pour elle ; elle dit qu’elle
a soumissionné pour moi seul, et par conséquent en exécution du mandat.
Le premier septembre elle m’é c r iv it.
(1) Ce m ot indique la maison paternelle , de vieilles possessions de la famille que je. devais
recueillir seul, comme seul héritier. J\Ia sœur élait dotée en argent, et n’a pu rien vendre à elle,
%
�( 9 )
«
»
»
»
o y /
« 11 csl juste que je te donne quelques détails. L ’adjudication est faite de
tous tes bien s, moyennant 100,000 liv. Ti^vois que ce n’est pas im m ense;
niais aussi je n’ai pas quitté les experts un m o m en t, et j’ai été bien s e c o n d e e ,
tant par les gens du pays m ontagneux, que par ceux de la plaine. Je n'ai
pas dissimulé rues intentions ; j ’éprouve que même, les plus patriotes ( i) on!
» pitié de ceux qui Joui leur devoir. J ai ¡1 nie louci de tous mes amis ; leur
« bourse m ’était ouverte , et l’on nie prévient, la femme , au c o n tia iie , ne
» trouve pas un sou ; j’ai paye to u t, et le sixième en numéraire.
» L e p etit village n ’a pas le moindre reproch e à se faire ; ils sont venus
« m 'offrir leur bourse ; j’ai refu sé, cela me gênait pour la ferme ; j’ai accepté
« du meunier des Forges , je l’aurais affligé. J e vais fa ire mon testament que
» je remettrai à l ’ami B o iro t ; je ferai l e s d é c l a r a t i o n s NÉCESSAIRES en cas
« que je vienne à m ourir. O n n’aura cependant rien à craindre, car il y a plaisir
» à entendre mes enfans. »
Quelle déclaration ma sœur devait-elle faire , si elle n’était pas ma manda
taire , mon prête-nom ?
Dans une lettre du 3 novem bre , elle dit « que les adm inistrateurs ne lui
>> ont rendu qu’alors ma procuration qu’elle leur avait laissée. »
L e 3 décembre elle m ’écrit : « Il y a quatre jours que le départem ent m ’a
» rendu tous les papiers de famille ; je suis occupée à les m ettre en ordre ; je
» les étiquette. J ’ai tro u vé, à mon grand étonnement , ceux relatifs à la no» blesse ; au moins il en manquera peu : ceux relatifs à ta femme y
sont
» aussi.
3) J ’ai payé les arrérages des dettes de l ’a b b é .... ( notre frère ).
» L e vicaire du petit village y dem eure caché ; il prie pou r loi dans la cha-
»
»
»
»
»
»
pelle. Je ne saurais assez te dire com bien ces gens t'aiment ; et vraiment,
s ’ils me croyaient capable de te tromper, j e crois qu'ils me chasseraient. Je
ne me serais jamais cru Autant d’a c tiv ité , et je doute que po u r les miennes
je le fusse autant ; cet intérêt est différent : il y a quelque chose qui flatte.
M on m ari me recommande de ne pas prendre une b ro ch e, que l’on ne p o u rrait plus faire ses comptes. »
ISon-seulcm ent elle dit que c’ est p o u r m on co m p te qu’elle a g i t , mais m êm e
qu'elle en est flattée.
C erta in em en t si le départem ent n ’ eût pas recon nu dans m a sœ ur m a m a n -
(1) Les plus exagérés disaient alors, comme les ministres avaient dit: c’est un fu gitif du
tribunal révolutionnaire cjui ne devait pas être inscrit.
a
�''V’ X ,
( 10 )
dataire, il ne lui aurait pas donné les papiers qui m’appartenaient person
nellem ent, sur-tout ceux de m^femme un acquéreur national n’avait pas
qualité pour les réclam er, encore moins ceux de la noblesse (i).
La renonciation de ma sœur la dispensait de payer les dettes de mon frère.
Il est si vrai qu’elle les a payées pour mon compte, qu’elle a porté tous les paiemens qu’elle a faits pour les dettes de mon frère, de même que tous ceux qu’elle
a faits pour dettes de mon père , dans le compte qu’elle m’a rendu , clos par
l ’acte du 8 mai 1801.
E n fin , il était si notoire que ma sœur n’était que mon homme d’affaires ,
que les paysans 11e voulurent point passer bail, avant que je leur eusse écrit
de Berlin , que je les agréais pour fermiers.
Le juge de paix ( M. D eberl ) voulut avoir un mot de ma main qui lui lînL
lieu d’ une expédition de ma procuration. En voici la preuve dans une lettre de
ma sœur, du 17 mars :
« J ’ai vendu la terre de B o u r r e à M . Debert ; quoique je lui aie fa it lire la
» procuration que la m ’as envoyée, il me prie de t’engager à mettre sur un
» billet séparé, dans une de tes lettres , que tu approuves celte vente : il en
» donne pour raison que , ne pouvant pas déposer ta procuration , elle ne lui
» sert à rien , si je viens à mourir. »
Les lettres ci-dessus ont été produites ; elles en disent assez pour que je me
dispense d’en transcrire tant d’autres ; j’en ai produit davantage, et j’en ai plus
de cen t, où ma sœur parle toujours en mandataire, se qualifiant mon prêtenom , mon homme d ’affa ires, demandant des insti'uctions, même sur les
objets les plus minutieux.
En janvier 1801 , mon retour fut annoncé à ma sœur par mon fils aîné; elle
lui répondit : « Le retour de votre père me fait un sensible plaisir ; mon cœur
» est satisfait, et l’intérêt de vos affaires , celui de ma tranquillité, le rendaient
» nécessaire : alors nous réglerons nos comptes, et je lui rendrai tout ; et c’est
» de lui seul que vous pouvez et devez dépendre ; je ne suis et n’ai ete que son
» homme d affaires , ne voulant rien disposer sans lui. »
Ce n’était que parce que ma sœur avait acheté comme ma mandataire, que
sa tranquillité demandait que je vinsse ratifier ce qu’elle avait fa it, recevoir
ses comptes , lui donner décharge.
(1) Lorsque l’assemblée de la noblesse de C lc rm o n t, dont j ’étais m em bre, sc sépara,
<*ti 1789, elle m’avait fait dépositaire de ses papiers,
«
�( ” )
Je suis arrivé à Clermont en mai's 1801.
Aussitôt ma sœur me présenta plusieurs personnes avec qui elle avait traité
pour mon compte , afin que je leur donnasse les ratifications qu’elle leur avait
promises de ma part ; jusqu’à ma radiation je les ai données sous seing-privé.
Ma radiation éprouva des retards (1) , parce qu’on avait mis à ma charge ce
qui concernait un autre Emmanuel A u b ier, mon cousin et mon filleul (aujour
d’hui subrogé-tuteur des mineursLamonteilhe). Il était alors absent, et aurait
été compromis si je ne lui avais pas donné le tems de rentrer avec un certi
ficat de non inscription qu’on lui avait obtenu, en mettant a ma charge ce
qui le concernait, même son inscription sur la liste des émigrés.
Ma sœur voulut qu’un acte constatât aussitôt qu’elle n’avait rien fait que
pour mon compte , qu’elle m’avait rendu ce compte.
En le rédigeant aussitôt, je ne m’attachai qu’à employer les expressions
qui pouvaient le plus satisfaire ma sœ ur, et lui exprimer ma reconnaissance
de son zclc pour moi.
J ’étais loin de prévoir qu’on pût lui faire désavouer un jour le mandat qu’elle
s’honorait alors d’avoir si bien rempli , dont elle me rendait compte et me de
mandait décharge.
L ’acte a été signé le 8 mai 1801 ; il porte que c’est elle qui a exigé que j’exa
minasse et appurasse ses comptes ; il ne peut pas y avoir d’aveu plus formel du
mandat. Cet acte étant p ro d u it, je me borne à en donner ici l’extrait.
Il est qualifié et intitulé , décharge et convention.
D é c h a r g e , p a rce que son p re m ie r et p rin c ip a l b u t était de constater que
ma sœur n ’ayant rien fait que p o u r m on c o m p t e , je là déchargeais de toute
responsabilité personnelle des opérations p ar elle f a it e s , soumission de mes
biens , a c h a t s , em prunts p o u r les solder , reventes de divers héritages p ou r
acquitter les em prunts , administration de tous im m eubles et meubles ; que je
la déchargeais de toute recette p a r elle faite des débiteurs de m on p ère , de
m on frère , de mes enfans, des traites avec ceux qui avaient des intérêts a d é
m ê le r , soit avec la succession de m o n p è r e et de m on frère, soit avec moi-m êm e.
Si ma s œ u r eût soumissionné mes biens com m e tout acquéreur n a t io n a l, et
p o u r son co m p te p e r s o n n e l, elle n’ eût rien eu de tout cela à faire ; elle l ’avait
(1) M a fam ille.cl mes amis m ’ avaient prop osé, en *79 ° ’ ma radiation par des certificats de
résilience; j’avais répondu que ma sortie de France était trop connue pour que je ne craignisse
pas. de compromettre ceux qui voulaient bien m ’offrir de m ’atlcslcr, et que je 11c pouvais pas
jprÊtcr serment de n’èlre jamais sorti de France,
�l'ait comme ma mandataire , parce que mon mandat était illimité pour toutes
affaires où je pouvais avoir in térêt, et parce que je l’avais expressément chargée
de faire honneur à la mémoire de mon père et de mon frère , ainsi que le dit
cet acte.
Convention , en ce que cet acte devait constater , comme il le fait , que ma
sœur n’avait soumissionné m es biens tjiie pour me les conserver ; que j’étais de
meuré propriétaire de to u t, même des deux neuvièmes que l’administration
s’était abstenue de vendre en les lui laissant comme portion héréditaire ; qu’elle
me remettrait cela comme le reste pour s’en tenir a sa dot constituée, moyen
nant laquelle elle avait renoncé à toute succession directe et collatérale, à
tous droits échus et à échoir ; enfin que je ne lui devais plus quç 2000 liv.
Convention, en ce que par cet acte je m’obligeais ¿1 la garantir envers et
contre tous , même, des recherches quelle pourrait éprouver comme héritière ,
à cause des imprudences que son conseil lui avait fait commettre : ma garantie
sur ce poinl était le prix de scs soins , comme ma mandataire.
Convention, parce que la transmission définitive , par acte notarié , n ’étant
pas possible avant ma radiation, il devait être expliqué que nonobstant la
décharge donnée , l ’acte serait différé jusque-là , et que par conséquent ma
sœur devait jusque-là demeurer mon prête-nom pour la propriété.
En prévoyance du cas où je mourrais avant d’être rayé , il y est déclaré que
mes trois enfans sont appelés à me remplacer collectivement.
Cet acte prévoit aussi le cas où je trouverais à marier mon fils Lamonteilhe
avant d’avoir obtenu ma radiation, et dit que je me propose de fixer sur sa tête
les principales propriétés que je laissais encore reposer sur celle de ma sœur.
Mais il ne dit pas que nous voulons par-là les sortir de la masse de mes biens
paternels que ma sœur reconnaît s’être chargée de me conserver: c’est un
avancement d’hoirie qu’il annonce.
Cet acte charge mon fils Lamonteilhe de la régie ; je lui attribue pour cela
1200 liv. d’appointcmcns : c’élnit chose inusitée entre père et fils , mais laite
avec réflexion pour constater qu’il n’était pas propriétaire.
Il y est dit qu’il est représentant de toute la famille , parce que mes enfans
étaient appelés collectivement, par la précédente disposition, à me représenter
si je mourais avant d’être raye, et avaient par-la, dans cette hypothèse, chacun
un tiers de chaque objet à réclamer ; scs frères étaienl absens. Je voulais que
le mot représentant constatât qu’il leur devait compte de to u t, mais qu’il était
autorisé à retenir 1200 liv. par an pour scs peines.
Cet acte contient une reconnaissance bien importante, celle que tous les
�papiers ont etc remis à mon fils Lamonteilhe ; ils sont encore dans les mains de
sa veuve , ce qui me met dans l’impossibilité de produire une multitude d’autres
preuves du mandat.
J ’aurais plus clairem ent exprim é dans cet acte que j’étais le seul et vrai p ro
priétaire, si je n’avais pas été dans le cas de craindre, com m ecela est avoué pat
ines adversaires , que le fisc voulût encore liériler de mes biens, si je mourais
avant d’être rayé.
En exécution de cet acte , et quoiqu’on m’eût touL confisqué , je renou
velai seul tous les engagemens pour dettes de mon pere, de mon frère et de mes
enfans, qui étaient dans le cas d’être renouvelés ; pas un de leurs créanciers
n’a perdu un jour d’intérêl , n’a reçu un assignat, n’a été renvoyé au grand
livre , n’a éprouvé l’échelle de dépréciation.
Personne n’a souffert de ma fu ite , et le fisc a été payé de tout ce qu’il a
voulu.
Lorsque j’avais mis dans l’acte du 8 mai 1801 , que je me proposais de fixer
sur la tête de mon fils Lamonteilhe les principales propriétés, s’il trouvait un
mariage qui me fût agréable , mon fils et ma nièce , aujourd’hui sa veuve ,
m’avaient déjà fait part de leur inclination: peu après , ils me pressèrent de les
unir sans attendre ma radiation. Ts’écoutant que ma tendresse pour eux , trop
confiant dans les senlimens que ma belle-fille m ’exprim ait, j’y consentis.
Comme c’est sur les promesses que je fis alors qu’elle a fondé son inter
vention , il est nécessaire que je rende ici compte des faits et des actes.
Dans le fait, je promis de faire tout ce qui me serait permis par la l o i , dès
que je serais rayé de la liste des émigrés , et en attendant de délaisser à mon
fils le bien de Sauset, sous réserve de 700 liv. viagères sur ma tête, e t 3 oosur
celle de mon troisième fils.
Alors, Sauset ne paraissait pas valoir la m oitié de la m asse, et les liquida
tions sur le Gouvernem ent paraissaient devoir solder tout reliquat de dettes, et
com pléter la légitim e de mes autres enfans.
Les jurisconsultes décidèrent que mon fd s risquerait de se voir dépouille de
Sauset d ’abord après la mort de ma sœur, par ses représentons, si le contrat
de mariage donnait lieu de croire <jue ma sœur fut, donatrice.
De plus, ma sœur trouvait qu’il était contraire à sa délicatesse qu’elle eût
l ’air de disposer de ce qui m’appartenait ; elle ne voulait point d’ un sim u la cre
de vente qui supposerait qu’elle avait reçu de l’argent; enfin, je ne voulais rien
qui pût frauder la légitime de mes autres enfans.
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' * ■.
( *4 )
Il fut décide; qu’on suivrait le plan annonce' par l’acte du 8 m a i, en fixant la
propriété de Sauset sur la tète de mon fils, au moyen d’une subrogation qui le
substituerait à ma sœur, qui était reconnue mon prête-nom, sauf à faire, quand
je serais rayé , tous les actes qui paraîtraient nécessaires.
La délibération de famille-, portant cette subrogation, .est datée de la veille
du contrat de mariage.
^
Pour se convaincre que nous n’avons voulu en faire qu’un délaissement
anticipé en avancement de ma future successio n , il suffit de remarquer ,
i°. qu’il y est déclaré que le prix du ra c h a t de Sauset a été fait de mes fonds;
2°. que mon fils y délaisse à ses frères, par anticipation, le tiers du domaine de
Crèvecœur que j’avais acheté au nom de mes trois enfans et paye pour eux ;
3 °. qu’il y consent à un prélèvement sur la masse de ma succession de i 5 ,ooo liv.
en faveur de chacun de scs deux frères: c’était réellement un retour de lot q u i,
avec les liquidations , devait faire plus que la légitime de droit.
Il est vrai qu’il est dit qu’il en sera comme si ma sœur avait été, quant, à
Sauset, prélc-nom de mon fils seul; mais le mot comme exprime que c’était
une fiction dont il fallait se servir dans un acte destiné à devenir public , afin
de se préserver du fisc, si je mourais avant d’être raye et pendant l ’absence
de ses frères.
Si on avait voulu alors, comme mon neveu le prétend aujourd’h u i, que Sauset
fut une libéralité de ma sœ ur, elle aurait été partie dans le contrai de mariage ;
eile n’y est pas même mentionnée comme témoin, quoiqu’il soit signé chez elle
et devant elle.
Il fut rédigé par l’avocat devina b elle-fille, cl M. C osle, son homme d’af
faires alors comme aujourd’hui.
T r o i s mois après ce mariage , mon fils me demanda une subrogation n o ta riée
de Sausel, parce que les fermiers voulaient avoir un bail notarié, il m’offrit
nn e contre-lettre qui déclarait que cet acte n’était qu’une ratification de la
délibération de famille , et qu’il tiendrait les conditions y exprimées.
La subrogation et la contre-lettre furent rédigées par M. Coste , homme
d’affaires de ma belle-fille; je les signai.
C ’est après ce t'acte que ma sœur m’a répété par deux lettres produites:
Tr mis avez eu le plaisir (le doler votre fils ......Je n ’ai été que votre prête-nom.
J’ai été amnistié le a 3 fructidor an X , et réintégré dans mes droits civils.
Aussitôt je me fis admettre à la qualité d’héritier bénéficiaire de mon père,
sous réserve de mes créances. Mes créances sur la succession de mon père se
montaient dès-lors à plus de i3o,ooo liv.; je suis prêt à le prouver: presque
�( i5 )
-
toutes primaient la dot de ma sœ ur; j’étais subrogé de droit aux 12,000 liv.
que je lui avais payées, à 5ooo que j’avais fait payer à la sœur de mon père }
pour reliquat de sa d ot, et à d’autres créanciers.
Mes répétitions se grossissaient d’environ 27,000 livres de dettes que je
m’étais encore chargé de payer pour mon père, mon frère et mes enfans.
L ’adition d’hérédité que ma sœur avait faite avant d’avoir reçu la procu
ration par elle acceptée, le 24 mai 1 7 9 6 l’avait rendue responsable de tout
envers moi ; ses acquêts en étaient grevés envers m oi, si e}le n’avait pas acheté
comme mon prête-nom : Sauset l’était comme le reste.
A in si, tous mes droits sur scs biens me demeuraient conservés, si j’eusse
voulu supprimer toute preuve du mandat et m’en tenir à mes créances.
C ’était le parti le plus avantageux pour m o i, car elles valaient quatre fois
plus que le V erger, seul objet qui me resta après avoir payé , pour ma fam ille,
deux fois plus que je n’en ai jamais eu , non-seulement en capitaux, mais
même en revenu.
Je fis ces observations à ma sœur et à mon beau-frère, le 7 vendém iaire (1802),
à St. Mande , en leur faisant part de mon amnistie et de ce que j’avais pris
la qualité d’héritier bénéficiaire , tant pour les co u vrir de l’im prudente adition d’hérédité de ma sœ ur, que pour consolider la garantie que j e leur avais
donnée envers et contre lous.
Ils me demandèrent de mettre sur leur double de l’acte du 8 mai 1801
que ma sœur m’avait rendu compte de la gestion qu’elle avait continuée •
qu’ils n’avaient retenu que les 2000 livres qui leur étaient redues sur les
12,000, complément de sa d o t, et qu’ils m’avaient soldé le reste; je le iis.
Ce deuxième compte et cette décharge, sont de septembre 1802; ils cons
tatent qu’après ma radiation , ma sœur et mon beau-frère ont reconnu la va' lidité du mandat accepté par ma sœ u r, .et par elle exe'culé pendant que j’ai
clé sur la liste des ém igrés, ce encore après ma radiation.
Je reconnus alors que Sauset, que ma sœur avait estimé de Go,000 à
70,000 livres lors du mariage, valait plus du double , tandis que la liquidation,
qu’on avait dit équivaloir à Sauset, n’ayant pas été mise en règle en tems utile ,
péi'iclitait.
En attendant une décision du Gouvernem ent , je demeurais sans aucun
moyen de subsistance en France , parce que j’avais engagé tout ce qui me
restait de revenu au paiem ent des intérêts des d e ttes, et à donner chaque
année des à-coinptes sur les capitaux, jusqu’à leur cxliuclion.
�*• V ' V '-'
( IG )
Déjà ma b elle-fille, pour qui je m’étais trop dépouillé, refusait de me re
cevoir, parce que je ne pouvais plus lui rien donner.
Embarrassé des instances de mes autres enfans pour obtenir des secours
que je ne pouvais plus donner , il fallut leur prouver qu’il n’y avait pas de ma
faute; à cet effet, je constatai, par acte reçu Sarray , notaire, le i 3 oc
tobre 1802 , mes représentations et leur inutilité.
Je profitai de.ee que le Premier Consul voulut bien me permettre d’aller
jouir en Prusse de la place et des ressources que la bonté du roi m ’y con
servait ; mon fils aîné était sur le point de s’y marier.
M a.sœ ur m ’offrit de se charger de mes pouvoirs; je les lui renouvelai,
laissant encore la propriété du Verger sous son nom pour retarder un gros
droit de mutation.
M on fils Lamonteilhe est mort en 1804.
En i 8 o 5 , j’appvis que le fils de ma sœur, mon neveu , prétendait que mon
séjour en Prusse, quoiqu'avec permission du Gouvernement, me faisait perdre
mes droits civils, et que cela autorisait sa mère à refuser de me passer acte
notarié de remise de la propriété dix Verger.
Je priai le ministre de France à B erlin , et S. Exc. le maréchal Duroc qui
s’ y trouvait, de demander pour moi , à S. M. l’E m p ercu r, une décision.
Un décret impérial de l ’Em pereur, en date du 10 décembre i8o!>, me
confirma la conservation de mes droits civils et français (1). Je l’envoyai à ma
sœur pour le présenter au préfet selon l’usage ; elle me le refusa.
Depuis la mort de la fille de ma sœur, son fiis avait pris sur elle un ascen
dant absolu, et ne cachait plus sa haine pour moi ; j’en fus d’autant plus affecté,
que j’avais pour lui cette prédilection que le titre de parrain inspire à celui
qui voit dans ce lien religieux une sorte d’adoption.
En 1809, je suis venu fixer ma résidence en France.
J ’ai satisfait à la loi du 24 avril 1810, devant M. le procureur-impérial de
Paris.
Par une lettre d’octobre 1809 , nia sœur m’avait annoncé qu’elle voulait être
totalement débai’rassée de la gestion qu’elle exerçait toujours par suite de mon
mandat, et comme étant encore mon prêle-nom pour la propriété, du Verger, etc.
Elle avait ajouté, sinon j e saurai vous y obliger; ce qui me menaçait des
actions que le mandataire peut exercer contre son mandant : celle menace me
(1) Il y ajoutait la permission de garder la place de chambellan du roi de Prusse.
�c *7 )
W 5
.
rappelait une autre lettre où elle s’était plainte de ce que je différais d’ac
cepter une transmission notariée. ,
Je lui répondis que j’étais prêt à l’accepter , qu’elle pouvait choisir dans
C lerm ont, pour terminer entre nous fraternellement, tel conseil qu’elle
voudrait, avocat, magistrat, notaire, avoué , bourgeois, que je donnerais un
blanc-seing à celui qu’elle nommerait.
J ’avoue que j’avais cet avantage, qu’il n’y avait presqug pas un habitant à qui
elle n’eût dit qu’elle était ma mandataire , parce qu’elle aim ait à être com pli
mentée sur son zèle fraternel.
M ais, précisément par cette raison, mon neveu lui avait donné pour conseil
l'étranger dont j’ai déjà parlé.
Il me fit répondre que ma sœur pourvoirait à tout par son testament ; c’était
une derision , car ma sœur a sept ans moins que moi et un bon tempérament.
Je profitai de l’occasion d’une maladie de cet étranger pour aller lui
faire visite et lui proposer d’être arbitre ; mais ce fut inutilei^icnt.
Pendant un a n , j’ai encore inutilem ent sollicité u n arbitrage : mes parens ,
mes a m is, mes concitoyens y ont échoué ; mon neveu est venu rom pre avec
arrogance une entrevue de conciliation chez un m agistrat ; enfin , ma sœur
m ’a fait dire qu’elle voulait être citée devant le juge de p aix, que cela pourrait
s’arranger ; elle fut citée.
Le juge de paix se trouvait être ce M. D ebert à qui elle avait montré ma
procuration en lui vendant un des objets du mandat. Mon neveu sentit que
si ma sœur paraissait en personne, elle ne pourrait pas désavouer ma procu
ration qu’elle lui avait montrée pour traiter avec lui ; pour l’éviter , on lui fit
envoyer un fondé de procuration , qui déclara que le détail du mandat lui pa
raissait inutile , qu’elle refusait toute conciliation.
Se borner à dire que l’aveu du mandat était in u tile , c’était avouer en
quelque sorte son existence.
Il devenait évident qu’on ne refusait de le reconnaître que pour que mon
neveu , et tous représentans de ma sœ u r, pussent soutenir après sa m o rt, que
toute transmission par elle faite était une libéralité faite en contravention à la
lo i, attendu qu’ elle avait institue ses deux enfans héritiers par égale portion,
et donné toute sa réserve à son fils.
Ma situation avec les créanciers cl avec mes enfans m’ayant forcé d’insister
pour avoir un litre notarié, ma sœur me fit dire qu’elle voulait être assignée ,
parce qu’une décharge judiciaire lui donnerait plus de surelc.
E n juin 1811 , ma sœur c l m oi convînmes de nous en rapporter à deux,
3
�( 18 )
magistrats respectables qui avaient notre confiance, comme ils ont celle
de tous nos concitoyens ; ils arrêtèrent entr’eux une transaction qu’ils
croyaient concilier les intérêts respectifs , et que je m ’empressai de signer
chez l’un des deux à P a ris, le 2 juillet 1811. 11 y est dit : « Emmanuel Aubier
» ( c ’est m oi) approuve et ratifie de nouveau, entant que besoin serait, ce
» qui a été fait par la dame de St. Mande , sa sœ u r, en vertu des pouvoirs
» confidentiels par lui donnés, confirmés ensuite par diverses procurations,
» i°. Pour acheter d*u domaine national les biens provenus des successions
» d’Antoine A ubier, leur père commun, et de Jean-Baptiste A u bier, leur frère ,
» lesquels étaient échus audit Emmanuel A ubier , en vertu de son contrat de
;> mariage, et par l ’effet des renonciations portées dans celui des sieur et
j> dame Si. Mande ; 20. Pour payer lesdilesluljudicalions, régir et administrer
» lesdits biens; 3°. Pour revendre, échanger diverses parties desdits biens,
j> et spécialement pour subroger Jérôme A u bier, second fils d’Emmanuel, à
» la propriété de Sauset. En conséquence , il promet de garantir et indem» niser M. et M me de St. Mande envers et contre tous. «
Par l ’art. 2 , ma sœur me transmettait le V erger, à condition, i°. qu’il de
meurerait chargé envers elle et son mari des garanties par moi promises ;
20. d’une rente viagère de 3 oo liv ., provenant d’emprunt fait pour ma femme ;
3 °. d’une dette en capital de i 3 , 5oo liv., provenant d’emprunt fait par mon
père : clause avantageuse à mes petites-filles.
U n des deux magistrats l’envoya à ma sœ ur , signée de m oi , p o u r qu’elle
la signât ; mais dans l’intervalle , les intrigues de l’étranger l’avaient em porté
sur la sagacité des conciliateurs ; elle refusa.
ISon-seiilement l’étranger avait décidé ma sœur à refuser tout arrangem ent,
mais il était encore parvenu à décider ma belle - fille à in t e r v e n ir en
faveur de ce systèm e, qui devait donner a mon neveu le droit de dépouiller
scs filles.
Il n’avait été que trop bien secondé par les faux amis qui entourent ma
b e lle -fille , qui la ru in en t, qui trem blaient qu’elle 11c p rît confiance en m oi et
que je 11c lui ouvrisse les yeux (1).
(1) Ils lui ont fait vendre pour 200,000 liv. de biens ruraux, à elle donnés par son père et
sa m ère; ils se sont fait céder ce qui était à leur convenance, et notamment, les bAtimens,
caves, celliers, etc., dont elle ne peut se passer pour l’exploitation du reste, afin «pic la dépen
dance dans laquelle cela la tient, amenât d ’autres affaires; ils lui en ont dévoré le prix des
�( i9 )
C e lle société avait décidé ma belle-fille , en lui persuadant qu’une ratifica
tion de la subrogation de Sauset par mon neveu vaudrait bien mieux que la
m ienne, parce qu’il était riche.
Cependant il n’y avait pas un de ces faux amis , et sur-tout l’homme de loi,
qui ne sût, i°. que la loi annulle tous engagemens pour droits successifs non
ouverts ;
2°. Que mon neveu partage la qualité d’héritier de ma sœ ur avec le m ineur
Chardon , fils de sa fille ; que le tuteur de celui-ci ne pouvait pas donner pa
reille ratification , et qu’en supposant qu’il se fît autoriser par un avis de pa
rons à la donner, ce serait encore une renonciation à droils successifs non
ouverts qui ne vaudrait rien ;
3 °. 11 était évident que, dans le cas où mon neveu viendrait à m ourir avant
ma sœur, et lorsque celle-ci viendrait ensuite à décéder , les tuteurs des m i
neurs , tant de mon neveu que de sa sœur, seraient obligés , par le devoir de
tu teu r, de demander la nullité de la subrogation de Sauset, nonobstant toute
ralilicalion , s’il n’avait pas été reconnu que ma sœur avait été ma mandataire ,
puisque sans celte reconnaissance, la subrogation de Sauset devenait libéralité
faite en fraude des héritiers.
Dans l’instance entre ma sœur et moi, on a conclu, i°. à ce que je fusse main
tenu dans la qualité de seul héritier dém on père et de mon frère ; 2°. à ce qu’il
me fut donné quittance de t2,ooo liv ., reste de sa dot ; 3 °. à la remise du Verger.
Par sa requête d’intervenlion , ma belle-fille demandait que je fusse déclaré
non-reccvable dans toutes mes demandes; ainsi elle voulait que je ne fusse pas
héritier, de mon père.
Elle se disait autorisée par un avis de parens ; mais n’en donnait pas copie.
Les parens questionnés chacun séparément, disaient n’avoir jamais enlendu
qu’on me contestât ma qualité d’héritier, ni la quittance de 12,000 liv., ni
le Verger ; ils disaient que quand on les avait menés sans citation chez le juge de
paix signer un avis, on ne leur avait parlé que de me demander de respecter le
don de Sauset, et même qu’on leur avait dit que la petite formalité qu’on leur
faisait signer n’était que pour amener un arrangement entre ma sœur et m oi,
où je ratifierais le don de Sauset.
ventes ; ils lui ont fait surcharger le reste de tant de dettes, que depuis deux ans les prêteurs sont
o b lig é s
de se contenter d’hypothèques sur l’usufruit de mes bienfaits que luidonne son contrat
de mariage, et sur la part qu’elle amende dans la succession de mon petit fils, m ort après son
père: ces faux amis jouent sur la dépouille de mes enfans.
�( 20 )
Vérification faite sur la minute de cet acte dont on refusait copie , que dit-il ?
qu’on a exposé aux parens que ma demande contre ma sœur tendait à faire
annuller le don de Sauset, comme fait sans autorisation de ma part : on ne
trouve pas , dans cet acte , un mot d’aucun des trois points auxquels l’affaire
avec ma sœur se bornait.
'
•
Rem arquons, i". que dans l ’exploit introductif, je déclarais que c ’était
par mes ordres et comme-ma mandataire, que ma sœur avait remis Sauset
à mon fils ; i°. que depuis ma demande j’en avais signé la ratification, que cet
étranger avait fait refuser par ma sœur et par ma belle-fille.
Cet exposé prouve qu’on sentait bien que les parens n’autoriseraient pas
l ’intervention , si on leur disait vrai : il prouve en même tems qu’on avait senti
que si on leur avait dit la vérité , ils auraient d éclaré, que bien loin
d’adopter le système de l’étranger, on devait se réunir à moi pour le
combattre. On a donc trompé les juges , en se disant autorisé à y adhérer.
On vient de voir avec quelle adresse cet étranger a d’abord égaré mon
neveu ; comment , à l’aide du fils , il a captive la m ère, et com m ent, à l’aide
de la mère et du fils, il a abusé de la confiance de ma belle-fille ; com m ent, à
l ’aide des trois, il a trompé les parens.
Bientôt il veut que ma sœur, ma belle-fille et mes petites-filles invoquent
les tables de proscription, la m ort civile contre moi. Mais il sait que les
avocats deClerm ont pensent trop bien pour se charger de plaider un si odieux
moyen , au nom des enfans contre leur père.
D ’ailleurs tous savent par la notoriété, et presque tous pour avoir été
consultés, que ma sœur avait accepté mon mandat. Que lait-il ? Il fait révo
quer par ma belle-fille l’avoué qui avait présenté son intervention, et consti
tuer celui de ma sœur: il le fait dès-lors parler au nom de ma sœur cl belleiille collectivem ent, afin de confondre ensemble deux intérêts , qui, au fond ,
étaient opposes. O u i, opposes, et diam étralem ent, puisque ce système assure
aux représentans St. Mande le moyen de dépouiller les mineurs Lamonteilhe.
Aussitôt il fait paraître des conclusions motivées el un mémoire, l’un et
l ’autre imprimés. En incident préalable , on y soutenait que l ’affaire n’était
pas de la compétence des tribunaux civils j qu elle devait être renvoyée aux
autorités administratives.
On voulait faire préjuger p a r -la que j’étais un émigré perturbateur d’acquereurs nationaux , à livrer à la sévérité des lois.
C ’était d autant plus ridicule, que l’autorité administrative près de qui on
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avait intrigué, avait dit franchement, que bien loin que ma demande annonçât
un rebelle aux lois contre les ém igrés, elle prouvait que je m ’étais empressé
de me soumettre à la confiscation, en chargeant ma sœur de soumissionner
mes biens pour mon com pte, et que par-là je m’étais moi-mème déclaré
acquéreur national de mon propre bien ; aussi n’avais-je pas hésité à proposer
au secrétaire-général du département d’etre arbitre.
! Dans ces conclusions et ce mémoire , l ’étranger soutenait que mon inscrip
tion sur la liste des émigrés , à l’époque où ma sœur avait accepté ma px-ocuration et soumissionné mes biens , annullait mon mandat ; on en concluait que
ma sœur était devenue propriétaire de mes biens avec faculté d’en disposer.
On allait plus loin , on soutenait que mon beau-frère était devenu aussi proprié taire de mes biens sans y paraître , et qu’il demeurait propriétaire m al "ré
lui.
A l’appui de ce système, on invoquait contre moi les tables de proscription,
et sur-tout la mort civ ile , tandis que c’était pour me préserver de ses con
séquences et me conserver ma propriété que ma sœur avait accepté mon
mandat.
La manière dont l’étranger justifie ce m oyen, est curieuse en morale comme
en droit. L ’intérêt est la mesure des actions, dit-il; et suivant lui ma b e lle fille et mes petites-filles ont besoin de ma mort civile pour que Sa use l soit
réputé don de ma sœ ur; elle a besoin qu’il soit don de ma sœur, pour q u ’il
ne soit pas compté dans la masse paternelle , et que mes autres enfans ne
puissent pas demander un supplément de légitime.
Il est vrai que dans l’état actuel des choses, mes petites-filles courent
risque d’avoir 10,000 liv. à rendre à mes aulres deux enfans ; mais pourquoi ?
1“. parce que Sauset vaut i 5o,ooo liv. au lieu de Go à 70,000 qu’il fut estimé
par ma sœur ; 20. parce que 160,000 liv. de liquidation destinées aux frères ont
cle forcloses p*^' negligence de mon fils IjAmontcilhe : ainsi c’est parce que
mes petites filles ont de moi 80,000 livres de plus que je n’avais promis ,
parce que j’ai etc trop libéral, parce que leur père, et après lui ma belle-fille7
ont etc negligens, que je dois demeurer à leur égard mort civilement.
E t a qui regrette-t-on de voir donner 10,000 liv. après ma m ort par mes
petitcs-iilles! Aux frères de leur père, dont l'un, l’aîné, était appelé p a rle tes
tament de mon père à tout avoir si je demeurais mort civilement.
Daillcurs, il. est encore bien incertain que mes petites-filles aient à donner
les 10,000 liv. , car ce 11’est qu’après ma mort qu’on peut savoir si je n’aurai
pas amélioré nia fortune ; le Gouvernement peut m ’accorder quelque
�indemnité des liquidations, car nos créances sont prouvées , fondées ; nous
n’avons été forclos que faute d’avoir suivi en tenis utile.
Il serait trop long de détailler ici les mensonges injurieux dont ce mémoire
est tissu ; je dois cependant en relever deux qui tiennent à la question à
juger.
On y lit que je veux reprendre Sauset pour en vendre la moitié , et rejeter
la légitime de mes autres enfans sur l’autre m o itié, tandis que ma demande
porte approbation du don de Sauset.
On y lit que je suppose des dettes pour les faire payer par mes enfans,
tandis que, par ma demande , j ’ai requis acte de ce que je me chargeais pour mes
petites-filles d’une dette de i 3 , 5oo liv. que l’acte du 8 mai 1801 avait assignée
sur Sauset, comme emprunt fait par mon père pour son premier achat.
Je ne relèverai poinl ici les divers persifflages ofTensans que ce mémoire
contient. A l’audiencc , l’étranger prononça en termes absolus que je devais
dem eurer, à l’égard de ma belle-lille, dans le néant d’ém igré, parce que
j’étais encore sur la liste le jour du mariage.
J’avoue que lorsque je rédigeais moi-même ( ainsi'qu’elle l’a imprimé )
l ’acte par lequel je ne me suis que trop dépouillé, n’écoulant que scs belles
pi’otestations de reconnaissance et de tendresse , je ne prévoyais pas que ma
nièce , la fille de mon compagnon d’infortune en émigration , inscrit comme
moi , me tiendrait un tel langage.
Mon avocat répondit avec la modération qui convient, à un père outragé, que
selon les lois romaines et françaises , celui qui était m ort civilement pouvait
encore faire les acLes du droit des gen s, et que le mandat était un acte du
droil des gens ;
Que telle était la jurisprudence de la cour de cassation.
Il démontra la réalité du m andat, par l ’acceptation de la procuration , les
lettres et les actes.
M es adversaires avaient fortement insisté sur ce qu’on lisait dans la lettre
du 4 mai 1796 , portant acceptation de ma procuration , ces mots j e vais en
faire usage pour fo rm er opposition au x ventes ; ils avaient voulu en conclure
que ma sœur ne l’avait acceptée qu’a cet effet.
Mon avocat p rou va, par la lettre de ma sœur, en date du 24 août, lende
main de la soumission , que par le mot opposition , elle avait entendu parler
de la demande en. sursis d’ un mois qu’elle y dit lui avoir été refusé;
Q u’il avait éte*impossible que ma sœur se fût chargée d’opposition au*
�( ^3 )
^3
ventes, puisque l’opposition étant un acte du droit civil, il était impossible
d’en faire une à ma requête , tandis que la soumission, comme mon prêtenom, étant un acte du droit des gens , elle pouvait s’en charger; que la loi
ne permettait pas même d’opposition à la requête de ma sœur ;
Que l’opposition, en la supposant possible , eût été sans effet et dangereuse ,
tandis que la soumission , comme mandataire , devait obtenir tout son e ffe t, et
était sans danger en gardant le secret.; que le bon esprit du pays l ’avait tellement
dispensée du secret, qu’elle avait affecté de publier qu’elle était ma mandataire;
que, de son aveu, elle n’en avait été que mieux sccondee; enfin , que toutes
les lettres constataient que ma sœur avait acheté comme ma mandataire.
Dans tout le cours de cette discussion , dans le mémoire et la plaidoierie, ma
sœur et mon beau-frère ne m ’ont pas une seule fois refusé la qualité d’héritier
de mon père, ni la quittance de 120,000 liv. E t depuis le projet de transac
tion que j ’avais signé chez un magistrat de la c o u r , ils ont toujours dit vouloir
me donner un acte de transmission du V erger pardevant notaire, pourvu
qu’on n’y dit pas que ma sœur avait été ma mandalaire.
Cela atteste leur désintéressement personnel , mais cela prouve que leur fils
les a subjugués au point d’en faire les instrumens du système dont ils n’ont
pas voulu eux-mêmes profiter.
Le ministère public conclut en ma faveur.
V oici le jugement prononcé en première instance , le 20 mars 1812 :
« En ce qui touche la demande de M. A u b ie r , tendante à être maintenu
» dans la qualité de seul héritier de son père et de son frère ,
» Attendu l’abdication de la dame de St. M ande, en faveur d’Emmanuel
« Aubier , son frère , de la part et portion à elle attribuée par les arrêtés de
» l’administration centrale, pour s’en tenir à sa constitution dotale;
» En ce qui louche la demande de M. A u b ie r, relative à la transmission ,
» de la part de la dame de St. M ande, à son p r o fit, du Grand-Verger de
» Montferrand ,
»
»
s*
»
» A ttend u , qu’il résulte de la correspondance des parties , et du traité
du 8 mai 1801 , que la dame de St. Mande n’a été que la mandataire d’Em manuel Aubier , son frère , à l’effet de racheter pour son compte ledit
héritage , cl qu’elle l’a soumissionné en execution dudit m andat, et l ’a
acquis de l ’administration centrale, paracle du 25 thermidor an 4 ,
« Attendu d’ailleurs que la transaction d u d itV erger n’est pas contestée ;
« En ce qui touche la demande de M. A u b ie r, relative a la quittance de
» 12,000 livres -,
�¿4 )
« Attendu que cette quittance a clé offerte par M. et Mad. de St. Mande;
» En ce qui touche la demande en remise des titres de famille ,
Attendu que de'funt Jérôme A ubier a été constitué dépositaire desdils
» titres, par l’acte du 8 mai 1801;
V ^
» En ce qui touche les interventions et demande de la dame veuve de
» Jérôme A u b ier,
» Attendu que l’acte du 8 mai 1801, enregistré à Pionsat, le 2 vendémiaire
» an X , par Chaudillon , qui a i*eçu un fr. 10 cent., et la subrogation du
» domaine du Sauset, reçue Costes, notaire, le 8 fructidor an. I X , enregistrée
» (ï C lcrm on t, le i 3 dudit m o is, ne sont point, attaqués , et que toutes dis>’ eussions à cet égard seraient prématurées , et que dès-loi’s son intervention
» est sans intérêt :
» Le tribunal , ouï M. Picot-Lacom be , procureur-im périal, déclare Em » manuel Aubier seul héritier de son père et de son frère ;
» Ordonne que dans la quainzaine de la signification du présent jugem ent,
» les sieur et dame de St. Mande seront tenus de passer pardevant nolairc acte
» de transmission à la partie de Jeudi, de la pleine propriété du Grand-Ycrger,
» situé à M ont-Ferrand', énoncé et confiné en l’exploit de demande ; sinon ,
>' et faute de ce faire dans ledit teins , et icelui passé , ordonne que le présent
33 jugement en tiendra lieu , sous les conditions néanmoins , i°. que le Verger
3) demeurera grevé , envers M. et Mad. de St. Mande , de la garantie de toutes
» recherches généralement quelconques , pour quelque cause que ce soit ;
3) 20. que ledit sieur A ubier demeurera chargé de la rente viagère de
»• 3 oo livres au profit de M lle D cbar ; 3 ». qu’il demeurera chargé des
3> intérêts, et garant du capital de *3 , 5 oo livres mentionné en l’acte du
» 8 mai 1801 ;
3> O rdonne q u e , dans le délai de quinzaine de la signification du présent
3) jugement , le sieur de St. Mande sera tenu de passer au sieur Aubier quil3) tance pardcvanl. notaire des
12,000 livres que le sieur A ubier lui a
» payées ou fait payer pour solde de la dot de la dame de St. Mande; sinon ,
« et faute de ce faire , ordonne que le présent jugement en tiendra lieu , et
3) servira de bonne et valable libération en laveur de M. A u bier;
» Ordonne enfin que tous les papiers de famille seront remis au sieur Aubier
* par la dame veuve L am onlcillie, représentant à cet égard son m ari, ou
» par loul. autre dépositaire , état sommaire d’iceux préalablcmsnt dressé,
» au pied duquel il sera donné décharge.
�LU»
( 25 )
» Sur le surplus (les demandes , fins et conclusions de M. A ubier et la
» dame de St. Mande , ainsi que sur les interventions et demande de la dame
« veuve Lamonteilhe , met les parties hors de procès , dépens compensés ,
» hors l’expédition du présent jugem ent, qui sera supportée par M . A ubier ,
>. demandeur.
>> Fait et prononcé judiciairement à l’audience de la première chambre du
» tribunal civil de Clermont -Ferrand , séant MM. JJom al, p résid en t,
« Chassaing , Gauthier. »
Le 29 avril 1812 , il m’a été signifié , par acte séparé , deux appels de ce juge
ment , l’un à la requête de ma sœur et de son m a ri, l’autre à la requête de ma
b elle-fille. Ils n ’ont rien écrit ni dit avant l’audience.
L ’avoué de ma sœur et son avocat y ont conclu : « à ce qu’il plût a la cour
« mettre l'appellation au néant; émandant et donnant acte à la dame de
'
» St. Mande de scs offres de déclarations consignées dans le jugement dont est
» appel , (le passer au sieur A ubier, à ses fra is, quittance authentique de la
» somme de 12,000 liv ., et acte de transmission.du Verger ; le déclarer non» recevable , ou en tout cas l’en débouter, et le condamner aux dépens des
« causes principales et d’appel , et cependant donner acte aux sieur et dame
» de St. Mande , de leur consentement à ce qu’il soit déclaré que les bleus
» n ’ont jam ais été acquis par ladite dame de St. M ande pour en fa ire sa
» propriété personnelle, sans qu’elle ait jamais été mandataire du sieur
» Aubier ; acte de ce qu’elle ne les a acquis que pour les conserver au sieur
» A ubier , son fr è r e , ou à ses enfans , et qu’elle a valablement transmis la
» propriété de Sauset à Jérôme Aubier , son neveu , et le surplus (les biens à
» Emmanuel A u b ie r , son frère ; qu’enfin les biens sont la propriété iirévo» cable de ceux à qui ils sont transmis. »
Ces déclarations sont un désaveu form el des conclusions prises en leur nom
en première instance, puisqu’on y avait soutenu que ma sœur était devenue
personnellement propriétaire de mes biens; tandis que, par ses conclusions ,
elle reconnaît les avoir achetés pour me les conserver ou à mes enfans ; enfin ,
que nous sommes propriétaires i r r é v o c a b l e s .
11 n est pas inutile de dire ici ce qui a engagé M. et Mad. de St. Mande à
ordonner qu’on fît ces déclarations.
Deux mois après l’a p p el, M. de St. Mande père ignorait qu’on avait inter
jeté appel en son nom du jugement de première instance ; il avait même dit
à plusieurs amis qu’il en clflit satisfait. Un de scs amis a essuyé des reproches
4
�( 26 )
pour le lui avoir appris. C'est par hasard qu’il apprit aussi qu’en première
instance on avait plaide, qu’il était devenu propriétaire de mes biens sans le
vouloir : c’est à la suite de cette révélation, et dans un élan de cette probité
qui lui est si naturelle, qu’il voulut qu’on fit en son nom et au nom de sa femme
(ma sœur) les déclarations ci-dessus. Mais il ne sort jamais de'la campagne; il
laissa ce soin à son fils, toujours dirigé par l’étranger; de là celte intercala
tion des mots sans q u ’elle ail jam ais été mandataire, au lieu de l’aveu du
mandat que l’ensemble de ces déclarations annonce, et que dans le fait elles
contiennent implicitement.
En principe de d ro it, on ne peut pas devenir propriétaire sans le vouloir,
et par conséquent de ce que xna sœur a déclaré judiciairement n’avoir jamais
voulu devenir propriétaire de mes b iens, il s’en suivait de droit qu’elle ne l ’a
jamais é té , pas même une minute.
En principe de d r o it, il ne peut pas y avoir d’achat sans acquéreur ; ainsi,
de ce que ma sœur n’avait pas acheté pour clle-mdme , il s’en suivait qu’elle
avait acheté pour une autre personne.
Cette autre ne pouvait être que m o i, puisqu’elle avouait avoir reçu de moi
une procuration , l ’avoir acceptée, et n’en avoir jamais eu d’autre que de m oi;
puisqu’elle déclarait s’être chargée de me conserver mes biens , et ne les avoir
soumissionnés qjie pour cela.
D ’autre p a r t, on ne peut transmettre valablement, la propriété d’un bien
que quand on en est propriétaire , à moins qu’on ne soit mandataire du vrai
propriétaire ; ainsi ma sœur, en demandant acte de ce qu’elle avait valable
ment transmis Sauset à mon fils, déclarait qu’elle l ’avait transmis comme ma
mandataire et mon prcle-nom; aussi, après avoir passé l’acte, elle me mandait,
par sa lettre d ’avril 1801 : T u as eu le plaisir de marier et doter to n fis ; je n’ai
été que ton prête-nom.
Enfin , il est bien démontré que dans tous les cas , dès qu’elle déclarait judi
ciairement qu’elle 11’élait pas devenue propriétaire , dès qu’aucun autre 11e
l ’avail chargée de le devenir, j’étais demeuré propriétaire, puisque la propriété
demeure à l’ancien propriétaire jusqu’a ce qu’un nouveau soit revêtu de ce
droit.
Dem ander (à la suite de la déclaration qu’elle s’était chargée de me con
server mes bien s) acte de ce qu’elle nous reconnaissait pour propriétaire irré
vocable , c’étaii im plicitem ent com pléter la preuve du mandai.
�( 2? )
Ces mots, sans qu'elle ait ja m a is etc mandataire, ne peuvent jamais détruire
ces déclarations ; ils sont tellement hors-d’œuvre , entre deux virgules, qu’ils ne
peuvent pas les atténuer. C ’est une amphibologie ; or toute amphibologie
placée dans le milieu d'un discours s’explique par l’ensemble de celui-ci ;
quand elle est dans le milieu d’une phrase, comme ic i, il est impossible de
l ’entendre autrement que par le sens entier de la phrase : ce sens y est si
opposé, qu’on crut d’abord que c’était une erreur de copiste. On verra dans
les motifs de l’arrêt à quel usage 011 destinait cette escobarderie. •
On devait s’attendre que l’avoué et l’avocat de ma belle-fille et de scs mineures
demanderaient acte de ce que ma sœur et mon heau-frere reconnaissaient que
Sauset avait été valablement transmis au père des mineures , et de ce qu’elle ch
était propriétaire irrévocable ; mais cela aurait dérangé le plan de l’anarchiste
directeur de cette affaire, qui voulait au contraire préparer à mon neveu les
moyens de les dépouiller.
L ’avoué et l ’avocat de ma b elle -fille , dociles à scs o rd res, ont conclu à
ce que je fusse déclaré non-recevablc dans toutes mes demandes ; ainsi ils ont
demandé que la cour me refusât la quittance de 12,000 livres; qu’elle me
refusât la transmission du V erger, dont mon beau-frère et ma belle-sœ ur me
réitéraient l ’offre , et même qu’elle me refusât la qualité d’héritier de mon père
et de mon frère, que ma sœur et mon beau-frère m ’avaient reconnue par tant
d’actes difTérens.
Qui aurait jamais pu imaginer que le don de SauseJ, quand même il eût été
fait par ma sœur en son nom personnel , pourrait donner à ma belle-fille le
droit de me faire priver des qualités d’héritier de mon père et de mon frè re ,
malgré mon contrat de mariage , malgré celui de ma s œ u r, quoique le Gou
vernement m ’eût réintégré dans mes droits civils par arrêté form el, malgré le
décret spécial, par lequel S. M. l’Em pereur me les avait confirmés? qui aurait
jamais pu penser que ce don lui donnait le droit de me faire rentrer dans le
néant, pour me 6crvir de l’expression de leur avocat en première instance?
Mon avocat en cour d’ap p el, fidèle à la modération que j’ai toujours mise
dans celle affaire, ayant dit qu’il voyait avec plaisir ma sœur renoncer à l’in
vocation de cet odieux m oyen, celui de ma belle-fille l’interrompit pour dire
qu’elle n ’y renonçait point; et c’est une chose fort importante a rem arquer,
qu’à chaque pas on a grand soin de faire dire par ma belle-fille et ses m ineures,
ce que mon neveu n’ose plus faire dire au nom de sa mère depuis que ces
déclarations le désavouent.
Il ne saurait y avoir de plus forte preuve de l’habileté en intrigue de l’c'tran-
�( 28)
ger qui'les dirige, que de voir l’avocat le plus instruit du barreau de R iom , si
renommé, séduit au point de défendre un système dont la conséquence légale
doit tôt ou tard dépouiller ses clientes de toute leur fortune.
M . l’avocat général, à qui la loi confie le soin de protéger les mineurs contre
les erreurs de leurs tuteurs et de leurs défenseurs, condut à la confirmation
pure et simple du jugement de première instance.
Il motiva son avis i sur ce que le mandat, ainsi que l’acliat, étaient des actes
du droit des gens, d’où il résultait que le mandat par moi donné pendant mon
inscription sur la liste des émigrés n’en était pas moins valab le, et que son
acceptation n’en avait pas moins irrévocablement lié ma sœ ur, conformément
à l’art. ig 84 du Code Napoléon ;
a". Sur ce que les lettres antérieures et postérieures à la soumission de mds
biens disent qu’elle avait acheté pour moi seul, et déclarent qu’elle était en
cela mon homme d 'affa ires, mon prê.le-norn ;
3 °. Sur ce que l ’article ic)85 du Code Napoléon , portant que le mandat peut
se contracter par lettres, elles suffisaient pour établir en point de droit irré
vocablement que mon mandat avait été donné et accepté , à l’effet de sou
missionner mes biens pour moi seul ;
4 °. Sur ce que la seule lettre dont on voulaiL induire que ma sœur n’avait
accepté le mandat qu’à l’effet déform er opposition aux ventes, disait seulement
qu’elle allait faire usage de la procuration pour former opposition, mais ne
disait pas qu’elle n’avait voulu se charger que de former une opposition q u i,
dans le d ro it, était impossible, et qu’elle n’a pas faite ;
5 ®.Sur ce que les lettres postérieures , de même que l’acte du 8 mai et tant
d’au tres, confirmaient qu’elle avait accepté le mandaL sans restriction , et
l ’avait exécuté ;
6". Sur ce que l’art. 1986 porte que l’exécution du mandai prouve son exis
tence, et rend ce contrat indissoluble, à plus forte raison le compte rendu et
la décharge donnée par acte.
L ’arrêt a déclaré au contraire que ma sœur n’avait pas été ma mandataire,
et m ’a débouté de ma demande.
Je vais le transcrire en entier, parce que les tournures employées pour tra
vestir la question de droit en question de fait sont si étonnantes, qu’on ne
voudrait pas me croire , si je me bornais à en donner l’extrait.
§. I". Aiiendu.cn droil tjuc le mandat ne se présume p a s , et ne se forme que
par l acceptation du mandataire.
�( 29 )
'
OlJS. Le Code dit que quand un mandat a etc exécuté, on doit juger qu’il
avait existé et avait été accepté ; il n’y a pas là d’autre base qu’une présom p
tion légale. Le législateur s’est fondé sur ce qu’en législation, comme en phy
sique, et même en métaphysique, il est impossible que ce qui a été n’ait pas
été ; mais le rédacteur de l’ari'et voulait que ce qui a ete n eut pas etc ; voila
pourquoi il a débuté de la sorte : on va voir comment il chemine vers son but.
E n attendant, il est bien certain que ma sœur a accep té, par lettre du
4 mai 1796, ma procuration, puisque le défenseur de mes adversaires , ré
dacteur des qualités de l’a rrêt, n’a pas pu se dispenser de le mettre dans le
point de fait; certainement rien ne peut empêcher que les conséquences
légales de la présomption légale établie par l’article 1986 , soient des ques
tions de droit.
L a question de savoir s i , en acceptant mon mandat illimité sans annoncer de
restriction, ma sœur aurait pu , par restriction mentale, limiter ses engagemens, et se réserver la faculté d’acheter pour elle-m êm e, serait encore une
question de droit.
II. Attendu, en point de fa it que la correspondance de la partie de F'issac
avec JEmmanucl A u b ier , son frère , alors émigré ou prévenu d'ém igration,
n ’établit pas qu’elle ait été constituée mandataire, à l'effet d ’acquérir pour lui
ses biens confisqués , et rnis en vente par l ’administration , en vertu des lois du
terns ; attendu au contraire que toutes les lettres dont argumente la partie de
B a y le , loin de faire présumer un m andat, sont d É n k g a t i v e s du m andai, en
vertu duquel Em m anuel Aubier soutient que sa sœur a soumissionné ses
biens, et s ’en est rendue adjudicataire.
§.
Or»s. Jamais mes adversaires n’ont osé en dire autant, parce qu’ils n’ont
jamais présente ni cité aucune lettre dénégative du m andat, et qu’ils savaient
bien que l’usage qu’ils ont fait d’un seul passage tron qu é, dont il sera question
ci-après , se rétorquait contr’eux.
E t comment le rédacteur peut-il qualifier dénégatives , i°. les lettres de la
première époque, antérieures à la soumission de mes biens, où ma sœur s’engage
à acheter pour moi s e u l , à rendre tous biens fo n d s , capitaux, revenus;
2U. rIoutes celles postérieures à la Soumission , où elle dit ne l’avoir fait que
pour moi seu l, q u ’elle n ’est que mon homme d ’affaires, que tout est à m o i,
que mes enfans n ’ont rien à y voir, que c ’est de m oi seul q u ’ils peuvent tenir
ce q u ’elle a soumissionné pour mon compte;
�( 3o )
3 °. Celles postérieures au mariage de mort fils , où clic déclare avoir etc mon
prêle-nom un tout, et n'avoir élé que mon prêle-nom; que j'étais maître de
tout ; que a'était de m oi seid que mes enfans devaient tenir ?
Ces lettres elaient produites ; elles étaient dans les mains du rédacteur dos
motifs , quand il a écrit ce paragraphe. Elles font plus que faire présumer le man
dat, elles le prouvent ; car l’art. ig 85 du Code Napoléon porte que le mandat
peut être établi par lettres ; et quelle force ne reçoivent pas ces lettres de
l’aveu qu’elles avaient été précédées d’une procuration ? L ’acceptation de celleci est présumée de droit illimitée , par le refus que ma sœur fait de la présenter ;
si elle avail élé limitée , ces lettres suffiraient pour prouver que j’avais donné
une ampliation de pouvoirs par les nouvelles procurations ou plutôt par
les confirmations de procurations que j’ai envoyées ensuite, et dont il est
parlé dans les lettres.
L e juge de paix ne doutait pas du m andat, lorsqu’il dit qu’il ne lui suffisait
pas-d’avoir lu ma procuration ; que puisqu’on ne pouvait pas la déposer chez
un notaire, à cause de mon inscription, il voulait un écrit de ma main à lui
directement adressé pour lui tenir lieu de l’expédition.
Les paysans de mon village , à qui ma sœur montrait ma procuration , parce
qu’ils avaient voulu voir ma signature, ne doutaient, jni de l’exislence, ni de la
validité du m andat, quand, de son aveu, ils lui disaient que s ’ils la croyaient
capable de me tromper, ils la chasseraient.
Je n’ai produit que 25 lettres; je pourrais en produire c e n t, où ma soeur
me rend compte de l’exécution du m andat, des détails de sa gestion. Selon
l’art. if )85 du Code Napoléon, chacune de ces lettres a la force d’acte d’ac
ceptation ou ratification du mandai. Leurs conséquences légales sont de même
nature que tousles genres d’acceptation ; dans celle matière, toute lettre vaut
contrat.
III. Attendu , continue l’a rr ê t, que les mêmes lettres apprennent que la
partie de V'issac a spontanément, p a r pure générosité, par la seule impul
sion de l ’irdérêt q u ’elle portait à sa ja m itié, soumissionné les biens confisqués
sur son frère, cl q u ’elle les a acquis au moment même où la partie de
B a y le , espérant les soustraire à la main-mise nationale , sur le fo n d e m e n t
(fu’il clail É t r a n g e r A LA, F R A N C E , n'imaginait pus q u ’ils pussent être mis
en vente.
§.
Q bs . Le premier mars 1796, le Directoire, en me refusant ma radiation, avait
�( 3i )
répondu que je devais attendre l’amnistie qu’on projetait alors de donner aux
Français dont la fuite avait etc forcée.
Cette réponse prouve que j’avais réclame comme F ran çais, et que le D irec
toire voyait en moi un Français. L ’étranger qui dirige la persécution que
j’éprouve , a intrigué pour que ce fut moi que l’arrêt fit étranger a la France.
Comme c’est une lettre du roi de Prusse, du i 5 mars 1793, dont les Gazettes
parlèrent alors, qui lui a servi de p rétexte, je vais la transcrire ici.
« M. d’Aubier , des sentimens pareils à ceux dont vous avez fait foi envers
» l’infortuné monarque que vous avez servi, sont toujours sûrs de mon estime ;
» les pei’sonnes qu’il honora de la sienne y ont d’ailleurs, par celam em e, des
» titres clicrs à mon cœ ur, et chaque fois que je puis récompenser en elles
» les services que Louis X Y I ne put acquitter, je crois offrir un dernier tribut
» à la mémoire de ce souverain respectable et malheureux : je vous donne ma
» clef de chambellan; je vous la donne comme un gage du tendre souvenir que
» je conserve à votre maître , et j’ y joins une pension de six cents écus sur la
» caisse de l’Etat de la cour , pour qu’à l ’abri de l ’infortune, qui poursuit
» vos compagnons d’e x il, vous puissiez consacrer des jours plus tranquilles à
» sa mémoire et à celle de ses vertus, de ses bienfaits et de scs malheurs. J ’ai
» donné ordre à mon ministre , à B e rlin , de vous en expédier le diplôm e, sans
» qu’il vous en coûtât les frais ordinaires, et prie D ie u , M. d’A ubier , qu’il
» vous ait en sa sainte et digne garde ».
Signe F h é d é îu c - G u illa u ih e .
F ra n cfo rt,
i 3 mars 1793.
On voit que le roi de Prusse m’offrait des ressources pour le tems de mon
exil; il ne me demandait donc pas de renoncer à la France, et encore moins à
la qualité de Français , qu’on peut garder hors de France. E l pourquoi me
les offrait-il? Pour services rendus au monarque français.
Comment les connaissait-il? 1°. Parce que le 12 août, quand, dans sa cellule
aux Feuillans, Louis X Y I connut le prem ier mandat d’arrêt contre moi dé
cerné, en me disant de fuir au plus vite , il me chargea d’informer ses frères
et le roi de Prusse des faits du 10 août, du mauvais effet du manifeste, et
de m’opposer à d’autres imprudences ; ce que j’ai fait (i).
(1) Les mémoires du lems disent par quelles représentations j’ai empêché un deuxième ma
nifeste, qui était tourné de manière à compromettre Louis X Y I de plus en plus.
�2° Paire que les hasards de la guerre avaient fait tomber dans ses mains la
lettre que Malesherbcs m’écrivait le 12 janvier 179a , par ordre de Louis X V I ,
où Malesherbcs me disait que Louis X V I ne voulait pas qu'un des hommes
de sa cour dont il était le plus aime, et qu'il estimait, le p lu s , se compromît
inutilement ; qu'il le conjurait de ne pas venir, parce q u ’on rejeterait son
témoignage comme celui d ’un homme à qui son attachement ne permettait pas
d'être impartial. Je n’ai point eu d’autre correspondance qu’avec Malesherbcs
jusqu’à sa in o r t, et je m’honore d’avoir mérité sa confiance ; il ne l ’aurait pas
donnée à un étranger à la France.
Informé qu’on intriguait pour que les motifs de l’arrêt me qualifiassent
étranger à la France, j’ai été, avant le jugement, présenter ces lettres au prési
dent; il les lu t, me dit avoir vu celle du roi de Prusse dans les journaux du
tems , et avoir entendu parler de celle de Malesherbcs ; c’est le lendemain
que, dans les motifs de l ’arrêt, il me fait étranger à la France.
Est-ce parce que j’ai toujours aimé le gouvernement monarchique que je
suis devenu aux yeux du rédacteur un étranger à la France ?
Ou est-ce parce que le roi de Prusse m’envoya la clef de chambellan ?
Mais Voltaire , d’Argens l’avaient reçue sans cesser d’être Français.
Jusqu’au Code , j’ai pu en jouir sans perdre aucuns droits ; cela est si vrai,
que c’est sur la production de la lettre du roi de Prusse et de celle de
Malesherbcs qu’en 1802 le Prem ier Consul me dispensa d’une des conditions
de l’amnistie.
Depuis le Code , j’ai eu besoin d’une permission ; S. M. l ’Empereur me l’a
donnée, par décret spécial de i 8 o 5 ; je n’ai pas attendu la guerre pour
rentrer en F ran ce, et satisfaire au décret de 1810.
A u reste, qu’importe aujourd’hui ce qu’on a pu dire en vain au comité ré
volutionnaire , à la ré g ie , au D irectoire , pour éviter une confiscation
dont la loi m’aurait préservé , s’ils avaient vu en moi un étranger à la
F r a n c e , au lieu d’y voir un Français. Si chacune des phrases employées
pendant la terreur pour échapper à la guillotine , aux tortures, aux confisca
tions, sauver.(lu pain à scs enfans, pouvait être relevée aujourd’hui et servir
de base à un droit (le propriété , en Javeur de tiers, il v a trente mille familles
dont les propriétés pourraient être revendiquées par diverses personnes à la
fois avec un égal titre, celui d’avoir aidé à les cacher, en prêtant leur nom
pour 1rs conserver ; c’est dans ces termes que ma sœur dit s’en être chargée.
Dans tous les c a s , 011 ne pouvait pas dire qu’en août 1796 , je pensais que
�( 33 )
mes biens ne pouvaient pas être mis en vente ; puisque les pièces produites
prouven t,
i°. Que le refus définitif de ma radiation est du premier mars 1796 ;
20. Que ce refus m’a été notifié le i 5 mars;
3 °. Que ma sœur en a été informée a lo rs, et m’a mandé que cela néces
sitait le rachat ;
4 °- Que c’est sur cela que je lui ai envoyé ma procuration ;
5 °. Q u’elle l’a acceptée par lettre du 4 mai, trois mois avant la soumission
de mes biens , et qu’elle m’a mandé qu’elle achèterait pour m oi seul.
Attendu que la partie de Vissrvc est devenue adjudicataire, de son
propre mouvement, dudit bien, dans la seule et honorable idée de les conserver
à son frère ou aux enfans de celui-ci; que celte résolution subite et indépen
dante a clé le résultat d ’un bien dangereux dévouement.
§. I Y .
O b s . Le rédacteur n’a pas pu croire que la resolution de ma sœ ur fût
subite , indépendante , puisqu’il était prouvé que cela était convenu depuis
six mois , et que la procuration était acceptée depuis trois mois.
Elle a fait une action généreuse en faisant gratuitement mes affaires ; elle
l ’aurait faite quand même elle n’aurait pas eu le m otif de sauver les 12,000 liv.
que je lui devais , et d’obtenir ma garantie pour s’affranchir de la responsabi
lité de mes créances qu’elle avait encourue.
Ce n’est donc pas m oi, c’est le rédacteur des motifs de l’arrêt qui veut lui
ôter le mérite de sa générosité, en supposant qu’elle a acheté mes biens pour
se les approprier ou en disposer.
Il la suppose coupable de fausseté , car selon son système , ma sœur ne
m’aurait demandé mes pouvoirs, ne se serait opposée à ce que je lui associasse
ma femme, ne m’aurait fait révoquer ceux que j’avais donnés à d’autres, ne
m’aurait écrit qu’elle achetait pour moi seu l, que pour que je me chargeasse
seul des dettes pendant qu’elle deviendrait propriétaire de mes biens , et libre
de garder tout ou d’en disposer au profit de tout autre que inoi.
Ma sœur en était incapable; elle a, par scs conclusions sur l’appel, désavoué
l 'étranger qui l’avait dit en son nom en première instance.
§. Y . Attendu encore qu'en vertu d'un mandat d ’Em m anuel A ubier, la
partie de V issac , sa sœ ur, ne pouvait acquérir sans compromettre son exis
tence personnelle, et donner même après la vente, ouverture à nouvelle con5
�( 34 )
fiscation, qui aurait irrévocablement dépouillé Em m anuel Aubier sans espoir
de retour.
O bs. L e rédacteur avait sous les yeux les lettres de ma sœur qui désa
vouaient la supposition qu’ elle pût com prom ettre son existence; elle y dit
franchem ent qu’elle a manifesté qu’elle achetait pour m oi ; que les administra
; qu’elle a été approuvée par tout le monde , même les
plus patriotes ; qu’on vient lui offrir de l ’argent ; qu’elle en accepte d’un ancien
d o m estiqu e, crainte de l’affliger; que les liabitans de notre village sont venus
lui po rter leu r b o u rse ; qu’elle l’a refusée; qu’ ils la chasseraient s ’ils la
croyaient capable de me tromper.
D ’ailleurs, la peur de se compromettre eût bien pu exiger qu’elle ne dît
pas si publiquement qu’elle achetait pour m o i, qu’elle était mon pretc-nom ;
mais celle peur ne pouvait pas annuller le mandat.
teurs l’ont
secondée
§. Y I. Attendu que les lettres d ’Em m anuel Aubier démentent le mandat
q iiil présuppose avoir donné ti sa sœur, et qu'il y est d it , que même après sa
radiation, U ne peut avoir que ce que sa sœur lui cédera, et q u ’en conséquence
il n ’aura ja m a is de droit sur le domaine de Sauset.
O b s . H n ’y a pas une seule lettre qui démente le mandat.
L e passage obscur que cet article indique est tiré d’un fragment tronqué
d’une lettre qui prouve le mandat au lieu de le démentir.
En e ffe t, c’est parce que dans cette lettre j’annonce à ma sœur que je
veux donner Sauset à mon fils, sans attendre ma radiation , que j’ajoute qu’a
près ma radiation je n’aurai aucun droit sur Sauset , et c’est parce que
j ’annonce que je ne cède que Sauset, et me réserve le reste , que je lui dis que
j’aurai besoin, après ma radiation , qu’elle m ’en fasse la remise.
Si j’y parle des appréhensions de m on f i l s , c ’est qu ’ il craignait que le
don des avantages ne fût pas so lid e , p a rc e que ce don est un acte du d roit
civil qui ne p o u v ait pas être valid e tant que j’étais su r la liste ; mais il était
loyal et b o n frèi’C ; il ne vo u la it pas frau der la légitim e de scs f r è r e s , il voulait
seulem ent être sûr qu’ on ne d é m e m b re ra it p o in t Sauset p a r un partage , q u ’il
on serait q u ille p o u r un r e to u r de lo i en argent.
Pourquoi mes adversaires n’onl-ils produit que la moitié de la lellre , cl
ont-ils supprimé l’auirc moitié? C ’esi parce qu’on y aurail trouvé bien claire
ment celle explication.
�( 35 )
¿m
Si ce passage, pris isolém ent, eut présenté un doute , il était levé par toutes
les lettres postérieures où ma sœur dit avoir été mon prête-nom, Elles
étaient produites, le rédacteur les avait sous scs yeux.
§. VII. Attendu que la prétention actuelle de la partie île Bayle , ouvertement
condamnée par sa propre correspondance et par celle de sa sœ ur, trouve encore
sa réprobation dans les actes postérieurs qui ont eu lieu dans le sein de la f a
mille ; qu'en effet on y l i t , qu'après la plus mûre délibération à laquelle assis
tèrent vingt-cinq paren s, la partie de
issac, adoptant elle-même la sagesse
des motifs qui ont déterminé cette réunion imposante , et le projet de mçiriage
d ’Em m anuel Aubier avec M arie-Claudine Cham flour, lui a transmis, sous
diverses conditions qui ont été modifiées ensuite, la pleine propriété du do
maine de Sauset, et lui en consent subrogation, comme si elle avait été prêtenom de lui seul pour en fa ire l'acquisition.
O b s . i ». Si ma prétention était ouvertement condamnée par ma propre co r
respondance, on n’aurait pas manqué de produire les lettres qui le d iraien t, et
on n’a pas même osé en citer une ; l ’abus qu’on a fait de l’équivoque d’un
passage tronqué d’une lettre dont on a déchiré la moitié pour lui faire dire ce
qu’elle ne disait pas , prouve qu’on n’avait rien à dire.
2°. S’il y a des actes qui contiennent réprobation de ma prétention, pour
quoi ne pas les transcrire , les citer, au moins en dire la date ?
3 °. Dire qu’il en sera comme si ma sœur avait été p rête-n om , c ’est dire
que c’est une fiction; car telle est, dans la langue française, l’acception du
mot comme ainsi placé ;
/f». L ’interprétation que l’arrêt veut donner à cet a c te , est désavouée par
toutes les lettres postérieures de ma sœ ur ; dans une du 3 juillet suivant, elle
dit : J e n'ai jam ais dem andé, mon frère , le renvoi de mes lettres; vous m’avez
dit qu'elles faisaient preuve que j ’avais été votre prêle-nom; dans une suivante,
elle répétait : J e n ’ai été que votre prête-nom.
Comment se fait-il que sans cesse les motifs de l’arrêt prêtent à ma sœur
des intentions, une conduite autre que celles consignées dans les lettres de sa
main, produites au procès, et q u i étaient entre les mains du rédacteur de
ces motifs ?
Si ma sœur avait voulu que Sauset fût réputé donné par elle, elle l ’aurait
fait mettre dans le contrat de mariage; elle y aurait été donatrice , au lieu de
ne pas même vouloir y être mentionnée comme témoin, Ma sœur désira que
�(36 )
vingt-cinq parens assistassent chez elle à la signature de ce con trat, pour que
tous vissent qu’elle n’y était pour rien ; qu’ils signassent la subrogation
faite par arrêté de fam ille, sous seing-privé, pour qu’ils vissent qu’elle
n’avait été que mon prête-nom ; elle le leur d it , et me l ’écrivit le lendemain:
sa lettre était produite.
Quant à m o i, j’ai désiré l’assistance des parons, pour que leur concours
à l’émission de ma volonté engageât mes autres enfans à la respecter dans
le cas où je viendrais à mourir avant d’être rayé , et à ne pas abuser de ce
que l ’acte du 8 mai les appelait à partager, dans ce ca s, tous également.
Je désirais que Sauset ne fût pas partagé; je comptais sur les liquidations
que ma sœur disait certaines, pour compléter la légitime de mes autres
enfans.
§• V III. Attendu que dans les mêmes acles elle reçoit les remercîmens d ’E m
m anuel A ubier son frère et de toute la fam dle assemblée, des soins qu'elle
a pris, des peines infinies qu 'elle s 'est données pour la conservation des biens et
de sa générosité, sans q u ’Em m anuel A ubier ail fa it entrevoir q u ’elle ait été
sa mandataire.
O b s . Mon fils Lamonteilhe et mon neveu St. M an de, son beau-frère ,
Chardon , le frère de celui-ci, M M. B o ir o t, D artis, jurisconsultes, ont signé
la reddition de compte du mandat, l’acte de mai 1801 : comment ont-ils pu le
faire , et. sur-tout des jurisconsultes aussi éclairés, sans entrevoir que ma
sœ ur avait été ma mandataire ? Cet acte a été remis au père de ma bellefille et à son avocat avant le mariage.
La preuve que le père de ma belle-fille partait de cette base en traitant
avec m o i, est consignée dans un écrit de sa main qui avait été produit, et
que le redacteur avait sous les yeux quand il a écrit ce paragraphe.
A u s s i, quelques mois après le mariage , ma sœur répétait dans scs lettres:
J e n 'a i agi que pour toi seul, cela te laisse maître de faire ce que lu
voudras ; j e te proteste que c'est pour toi que j 'a i ag i, qu'à ton retour, maîlr»
de. ta fo r tu n e , lu as eu le plaisir de marier et doter Ion f i s . Dans une autre :
N'oubliez pas que c ’est vous qui avez choisi Lam onteilhe, et cela depuis
trois ans.
Si tout cela ne laisse pas entrevoir que ina sœur a été ma mandataire , mon
prête-nom , que faul-il donc?
�( 3, )
§. IX. Attendu que l'ensemble de ces actes démontre que la partie de V i s sac
n'eut jam ais celte qualité, mais bien q u ’elle se rendit adjudicataire de sa propre
détermination, et par un dévouement sans borne à son frère et à ses neveux;
attendu que tous les actes auxquels Em m anuel Aubier a concouru attestent
encore la profonde reconnaissance dont il était alors pénétré pour ¿oui ce
q u ’avaitf a i t etfaisa it alors sa sœ ur, et exclut toute idée d ’un mandat.
O b s . Ma reconnaissance, de ce que ma sœur a etc gratuitement ma man
dataire , ne peut pas exclure toute idée du mandat.
Ce mandat avait donné beaucoup de peine à ma sœur ; ma reconnaissance
était juste, mais l’arrét ne devait pas supposer des dangers qu’elle n’a pas
courus, pour lui en faire un droit de disposer des biens dont elle n’avait
jamais voulu , droit qui eût été injuste, puisque c’est sur le fondement que
tout était à m oi, qu’elle m’avait engagé à me charger de toutes les dettes, et
à lui donner garantie envers et contre tous. On lui fait tort en lui prêtant cette
intention. L ’équivoque de sa conduite dans cette affaire appartient à l'étranger.
§. X. Attendu que ces actes doivent être respectés, et q u ’il n ’est pas permis
à la partie de Bayle de se préparer par une voie indirecte le moyen d ’anéantir,
ou du moins d ’atténuer au futur la transmission fa ite par la partie de T^issac
à Jérôme Em m anuel A u bier, du domaine de Sauset, q u ’il n ’attaque pas
dans ce moment.
\
O b s . A i-je pu montrer plus de respect pour les actes qu’en signant les ra
tifications , et particulièrement celle deSauset ? L ’étranger l’a fait refuser, parce
que la famille St. Mande devait aussi ratifier, ce qu’il ne voulait pas; ce
refus ne peut pas avoir eu d’autre m otif que l’envie de demeurer libre d’at
taquer le don de Sauset après la m ort de ma sœur.
§. XI. Attendu qu'Em m anucl A ubier et ses enfans ont du recevoir avec une
respectueuse reconnaissance la loi et les conditions que leur a imposées la partie
de V is s a c , et les ont effectivement subies comme les actes l ’attestent.
O b s . C ’est la partie de Yissac ( ma sœur ) qui a répondu d’avance à cet
article. Dans une lettre postérieure au m ariage, qui est p roduite, on lit :
Q u ’elle ne m ’a imposé aucune condition, que le supposer c ’est l ’outrager.
Ma sœur a toujours dit et dit encore de même.
§. X II. Attendu que le même Em m anuel A u bier, qui voudraitfaire déclarer
�^
( 38 )
que sa sœur f u i mandataire , est non-recevable dans sa dem ande, après avoir
reconnu q u ’il ne pouvait rien obtenir que de la bienfaisance et de l ’obligation
morale contractée envers elle-même dans les principes de la délicatesse, et
après avoir resté pendant d ix ans dans le plus proforul silence sur celte pré
tention inconvenante, et repoussée par tous les fa its dé la cause.
O bs. i °. Selon le C ode, le mandat esl un contrat de bienfaisance: ainsi
j’aurais pu employer ce mot sans qu’il en résultat une fin de non-recevoir;
mais on ne cite ni lettre ni acte où je l ’ai dit.
2°. Si le retard de ma demande avait jamais pu être de nature à élever une
lin de non-recevoir, elle serait écartée par un acte reçu Sarray, notaire ,
en octobre 1802 , par lequel, dans les deux mois qui ont suivi mon amnistie,
quinze mois après le mariage de mon fils , j’ai offert d’op érer, entre tous mes
enfans, un règlement définitif, en me bornant à un très-médiocre viager ; j’avais
proposé, par cet a c te , pour arbitres , M M . Dartis et Mauguc.
3®
. Si j’e'tais devenu non-reccvable, il fallait dire en q u o i, et prononcer la
fin de non-recevoir, au lieu de déclarer qu’il n’y avait pas eu de mandat.
On voit bien pourquoi on ne l’a pas fait. L ’invocation d’une fin de nonrecevoir contre l ’exercice d’un d ro it, dit que ce droit a existé. E lle n’exclut
que celui qui s’est mis dans le cas d’être déclaré non-recevable ; ain si, dans
l ’espèce , en me déclarant personnellement non-recevable , on n’aurait point
attaqué le principe des droits de mes petites-filles sur Saüset. L ’arrêt veut
que M. de St. Mande fils demeure maître de leur ôter Sanse t.
§. X I II . Attendu q u ’en présupposant, q u ’il eût existé dans le principe un man
dat d ’Em m anuel Aubier ¿1 sa sœur pour ac<juérir, ce m andat eût été anéanti
par celui qui l ’a d onn é , et les actes qui l ’ont suivi.
O b s . i°. P ou r fónder l’arrêt sur l’assertion que le mandai a été anéanti
par uii a clc subséquent , il aurait fallu citer , dater et produire l ’acte
subséquent qu’on suppose la v o ir anéanti; o r on ne le cite même pas.
20. Un acte qui anéantirait un mandat constitué par un précédent a c te ,
prouverait l’existence du mandat ; car on n’avait pas besoin de l’anéantir s’il
n’existait pas. On révoque un m andai, mais on ne peut pas faire qu’il n’ait
pas exisié , sur-tout quand on a opéré en exécution du mandai, quand on en
a rendu com pte, reçu décharge et garantie, parce que les conséquences
légales en soni réciproquement acquises à qui de droit. La r é v o c a t i o n ou
l'anéantissement ,
si
on veut l’appeler ainsi , ne pourrait pas rendre jna
�< 39 >
sœur propriétaire de ce qu’elle avait soumissionné en vertu du m andat,
sur-tout après avoir demandé judiciairement acte de ce qu’elle n’avait pas
voulu devenir propriétataire , de ce qu’elle n’avait été que conservatrice ; pour
que le mandataire devînt propriétaire, pour qu’il pût disposer, il faudrait
que le mandant lui cédât ses droits à la propriété.
§. X IV . Attendu que la partie de Pages a eu droit d'intervenir dans la contes
tation pour empêcher que , par une voie oblique , Em m anuel A ubier ou ses
cnfans puissent ja m a is porter atteinte à la transmission de Sauset, et aux
clauses du contrat de mariage qui sont déterminées par cette transmission.
Je n’ai jamais cherché à porter atteinte à la transmission de Sauset, et
je défie que dans les quatre ou cinq cents lettres qui se sont écrites sur nos
O bs.
affaires dans le cours de douze ans , on en trouve le moindre soupçon ; au con
traire , j’ai reconnu sa validité, j’en ai signé la ratification qu’on a refusée.
Si , comme il p a ra ît, par l’adroite c o m b in a is o n de ce paragraphe avec les
précédentes suppositions, on a voulu dire que lors du mariage de mon fils Lamonteilhe , on a eu l’intention cl le but de sortir de la masse de mes biens le
domaine de Sauset, afin qu’il ne comptât pas dans l’évaluation de la légitime
de mes autres cnfans, c?est une fraude dont on suppose coupable ma bellefille , son p è r e , ma sœur , vingt-cinq parens, les quatre jurisconsultes et le
notaire qui ont concouru aux actes : le plus coupable serait l’avocat de ma
belle-fille et de son p è re , qui a tout dirigé , qui a fait le contrat de mariage à
tête reposée chez l u i , qui a revu , rectifié la délibéi’ation de famille , qui a
fa it, avec le notaire de ma belle-fille et son p ère , l’acte de subrogation notarié
de Sauset.
Je les croyais trop délicats pour prêter leur ministère à une fraude ; c’est
cependant ce que nous serions forcés de croire, s’il fallait s’en tenir à ce que
disent les motifs de l’arrct.
Nos juges n’ont pas fait attention qu’eux-mémes, en donnant de tels motifs à
l’arrêt* ont l’air de sanctionner une fraude, tandis que le texte précis du
Code Napoléon leur ordonne au contraire de proscrire tous les moyens indi
rects et frauduleux qui auraient un pareil but.
Cette fraude n’aurait pas même le but d’être utile aux mineurs, comme on
le suppose ; car si Sauscl est une libéralité de ma s œ u r , les mineurs le per
dront tôt ou tard : tous représentans de ma sœur et leurs créanciers en auront
le droit, et de minorilé en m inorité, ce droit peut sc perpétuer cent ans.
�•<
( 4o )
§. X V. Attendu que les deux appels des parties de P~issac et de Pages ont eu
pour objet unique de faire reformer lejugem ent, ainsi attaqué dans la dispo
sition qid déclare la partie V issa c m andataire, et que l'une et l ’autre n'ont
point réclamé contre les dispositions secondaires du ju g em en t , en tant qu'elles
sont fondées sur le consentement qu'a généreusement donné la partie de
P ls s a c , même en abdiquant les droits héréditaires sur la succession de son
père et sur celle de son fr è r e , morts révolutionnai rement à Lyon.
Les deux actes d’appels étaient indéfinis, illimités : on peut aussi voir
dans les conclusions prises à l ’audience ( transcrites , pag- 25 et dans les
qualités de l’arrèt ) , qu’elles ne disent pas ce que le rédacteur leur fait dire.
On peut v o ir , pag. a 3 , que le jugement de première instance ne contient
point de disposition qui déclare ma sœur mandataire.
On peut v o ir , dans les qualités de ce jugement qui sont imprimées , que
O bs.
jamais je ne l ’avais demande ; que je n’avais parlé du mandat que comme m otif
et moyen de ma demande : mes adversaires l’avaient nié , c’était leur moyen
de défense ; mais ils n’avaient jamais demandé qu’il fût prononcé que ma
sœur n’avait pas été ma mandataire. Ils avaient seulement conclu à ce que
je fusse déclaré non-recevable dans mes demandes : or je n’en avais formé
que trois; la prem ière, en maintenue dans la qualité d’héritier: ma sœur et
mon beau-frère y avaient consenti ; la deuxièm e, pour avoir quittance des
12,000 liv. : ils l ’avaient offerte ; la troisièm e, en transmission du V erger : ma
sœur y avait aussi consenti.
Le rédacteur des motifs dit que ces trois demandes et les dispositions qui
les ont accueillies étaient secondaires d’une demande principale qu’il suppose;
jamais mes adversaires n’ont dit cela , et encore moins dans leurs conclusions
sur l’appel où est cette demande principale.
11 veut que je n’aie été héritier de mon père et de mon frère que par
l'effet du consentement de ma sœur et de mon beau-frère, tandis que mon
contrat de mariage et celui de ma sœur me constituaient seul héritier ; tandis
que ma sœur avait renoncé à toute succession directe cl collatérale, à tous
droits échus et à échoir, et déclarait s’en tenir à cela.
C ’est en exécution de ces contrats de mariage et de cette renonciation que
mon beau-frère et ma sœur avaient abdiqué la légitime en corps héréditaire ;
même pendant mon inscription, ma sœur ne pouvait pas avoir tout à-la-fois
Ja dot constituée et la part légitimaire en corps héréditaire ; et certes elle
�( 4i )
avait grand intérêt de s’en tenir à ma garantie de la d o t, puisque les dettes lui
auraient fait perdre les corps héréditaires.
A u reste, la confiscation des biens et droits des émigrés n ’avait pas été p ro
noncée au profit de leurs parens , et par conséquent elle n ’avait pas autorisé
m on beau-frère à se dire h éritier de mon pore.
«
»
»
»
»
«
L e dispositif de l ’arrêt n’est pas moins singulier que ses motifs. L e voici :
« La cour dit qu’il a été mal jugé par le jugement dont est a p p e l, en ce que
la partie de Vissac a été déclarec mandataire de la partie de Bayle bien
appelé ; émendant faisant droit tant sur cette demande que sur l ’inlervention de la partie de Pagès, déboule en ce point la partie de Bayle de sa
demande, et déclare que la partie de Yissac n’a pas été mandataire d’Em manuel Aubier pour acquérir les biens confisqués sur lui ; au résidu , donnant acte a la partie de Yissac de ce qu’elle consent à l’exécution des autres
» dispositions du meme jugem ent, ordonne que ces dispositions sortironl leur
» plein et entier effet sous les conditions qui y sont exprimées (i). »
D e quelle demande suis-je déboulé? Je suis forcé de le rép éter, je n’eiï
avais formé que trois : la i re, en maintenue de nia qualité de seul héritier de
mon père et de mon frère ; ma sœur et morl beau-frère y ont acquiescé avec
grand plaisir, cela les débarrassait; la 2e en quittance de 12,000 liv. : ils y ont
acquiescé avec plaisir , parce que cela constatait qu’ils s’en étaient tenus à
la dot ; la 3 ' en transmission du Verger : cl ils y ont aussi acquiescé en pre
mière instance, le jugement le dit ; ils auraient seulement voulu qu’on les
dispensât d’avouer le mandat.
Cependant ils n’en avaient pas moins demandé acte de c,e qu’ils n’avaient
pas voulu devenir propriétaires de mes biens ; de ce que ma sœur s’était
chargée de me les conserver, ce qui confessait formellement le mandai; ; de
ce qu’ils me reconnaissaient pour propriétaire irrévocable, de ce Verger ; ils
( 1) M. le président V ern y a voulu qu’on sût (ainsi je ne commets point d’indiscrétion
en le répétant ic i, et m im e je le dois à la délicatesse des autres membres de cette respectable
c o u r ) , que c’était lui qui avait rédigé les motifs de l’ai r ô t , ainsi que le dispositif, et
comment il avait fait prévaloir son avis. Il y avait neuf délibérans ; il a révélé que quatre con
seillers avaient ete de l’avis de l’avocat-géuéral sur la validité du mandat et de confirm er le
jugement de première instance; que trois conseillers s’étaient rendus à l’avis du président; que
L’arrct avait été décidé par l’avis du jeune auditeur, qui était le neuvième opinant: c’est l ’élève
du président et le beau-frère de son fils , lequel est aussi conseiller.
Le
gendre du président plaidait contre m oi; et -son n e v e u , a v o u é , occupait
m o i, e t c ., etc.
6
contre
�( 4a )
en disaient autant pour Sausct en faveur de mes petites-filles. Cela déclarait
judiciairement l’existence, le but et l ’exécution du mandat.
Pourquoi l’arrêt n’a-t-il pas donné acte de ces conclusions , portant recon
naissance de nos droits de propriété ? C ’est qu’on voulait en faire des libéra
lités révocables, que St. Mande fils pût faire annuller après la mort de sa mère.
Cet arrêt, en déclarant que ma sœur n’avait pas élé mandataire, ne dit pas
pourquoi on le déclare ainsi. On a glissé tout bas que c’est parce que j’avais
été sur la liste des émigrés; mais on a craint de heurter trop ouvertement
les principes en le mettant dans les motifs.
On a fait quinze paragraphes pour dénaturer graduellement les questions
de droit, et altérer les faits de manière à travestir la question de droit en
question de fait ; mais i°. l ’acceptation de la procuration n’en est pas moins
avouée et prouvée; 20. les lettres, l’exécution du m andat, la déclaration
qu’elle a acheté pour rnoi seul comme mon homme d 'affaires, mon prêtenom , vingt actes ou traités avec divers intéressés à la succession de mon père
et de mon frère , enfin le compte rendu du mandat n’en sont pas moins, selon
les articles 1984 , ig 85 et 1986, des contrats irrévocables, authentiques, dont
toutes les conséquences légales sont des questions de droit.
S’il suffit de qualifier de négatif l’acte qui est affirmatif pour soutenir que
la cour suprême ne peut plus examiner si on a violé la loi, il est inutile de
passer des actes ; le législateur a fort inutilement pris la peine de faire des
lois pour en fixer les conséquences et les effets ; il a inutilement chargé la cour
suprême de les faire respecter.
Une cour, en disant qu’un acte d’acceptation de succession est un acte de
répudiation, serait-elle maîtresse de faire passer à un tiers les droits de l’hé
ritier contractuel qui a accepté la succession? Le cas est le même ici : danscette m atière, l ’acceptation de la procuration, les lettres, les actes , son exé
cution, attestent qu’il était illimité et sa spécialité à l’cftel du rachat ; ce sont
autant de contrats d’acccptation.
E t de même que la loi serait violée et l ’arrêt cassé pour le cas où l ’accep
tation d’hérédité serait travestie en répudiation, de même il doit l’être pour
le cas où Vacceptation du mandai est travestie en refus du mandat.
Le dispositif de l’arrêt suppose que le jugement de l ’inslance contient une
disposition qui déclare ma sœur mandataire On a vu que cela n’est pas ; il
est seulement vrai que la transmission est motivée sur la preuve du mandat.
La tournure de l’arrêt suppose aussi que mon beau-frère , ma sœur et ma
belle-sœur ont conclu à ce qu’ii fût déclaré que ma sœur n’a pas été ma manda
�( 43 )
4
?
taire , et cependant leurs conclusions n’en disent pas un mot ; l’ordre judiciaire
s’oppose à ce qu’on tolère que, pour violer plus aisémenl la l o i , les juges puis
sent supposer des conclusions qui n’existent pas.
Le directeur de toute cette intrigue a si Lien senti que le silence des conclu
sions sur celte demande , leurs contradictions avec les motifs et le dis
positif de l’arrêt décelaient les vues de celui-ci, qu’en faisant imprimer les mo
tifs et le dispositif, il en a écarté les qualités où se trouvaient les conclusions ,
les déclarations de ma sœur, et l’aveu de l'acceptation de ma procuration.
Il paraît que c’était pour que mes petites-filles ne pussent point, à leur ma
jorité, former tierce opposition à l’a rrê t, que l’étranger avait imaginé de faire
intervenir leur mère en qualité de tutrice, afin de donner à son système force
de chose jugée contradictoirement avec les mineurs.
Il paraît que c’est pour y ajouter la force d’un acquiescement spontané
à l’arrêt qu’on l’a fait lever par ma belle-fille , qu’on me l’a fait signifier, tant
en son nom personnel qu’au nom de tuteur de mes petites-filles ; q u ’ on m’a fait
sergenler en toute rigueur, à leur requête, pour l’cxéculoire du coût de
l’a rrê t, quoique j’eusse offert de le payer sous réserve ; mais plus la légèreté
et la faiblesse de ma belle-fille se prêtent à tout ce qui peut compromettre
les droits de ses enfans, cl plus je crois qu’il esl de mon devoir d’aïeul de
travailler à leur sauver des ressources en défendant mes droits , qui sont aussi
les leurs , puisqu’elles doivent hériter de moi.
Au point où 011 a mené les choses , une renonciation de mon neveu au b é
néfice de cet arrêt ne remédierait point au m al, puisqu’il s’agit des droits
successifs non ouverts ; puisqu’il a un cohéritier mineur ; puisqu’il peut mourir
avant sa mère laissant des mineurs: de minorité en minorité , mes pelites-filles
ne pourraient obtenir aucune sûreté, même de la bonne volonté des tuteurs.
Le seul moyen qui pût les mettre à l’abri, serait une garantie de M. de
St. Mande père ; mais il a repousse la proposition qu’on lui en a faile.
Il me semble que la cour suprême doit être plus sévère contre la violation
de la l o i , lorsque le mal jugé est si évident ; lorsqu’on se pavane de ce qu’une
injustice tournée en fait, met à l ’abri de sa censure, car c’est ainsi (pie s’ex
priment ceux qui ont dirigé cette tournure ; lorsque celte violation de la loi a
pour but de donner à des tiers les moyens de dépouiller des mineurs du patri
moine dont leur aïeul avait doté leur père.
La cour suprême 11e voudra pas que deux innocentes , l’une de douze ans,
l’autre de on ze, soient, par cet a rrê t, privées de tout espoir d'établissement ; que
tout moyen de subsistance pour elles dépende, après la mort de ma sœur, des
�( 44 )
caprices d’un jeune homme qui fut élevé dans de bons principes , il est v r a i,
mais à qui les flagorneries de cet étranger on tpcrsuadé qu’il avait le droit d’être
le despote de toute sa fam ille, et qui le fait débuter par en proscrire celui
que l’ordre de la nature , les lois religieuses et civiles,, les contrats de ma
riage , les testamens et toutes les conventions de famille en ont fait le chef ;
qui a passé sa vie à la servir, à payer éducation , placem ent, mariage et dettes
de tous. Un père pousse-t-il trop loin ses prétentions quand il borne son am br
lion à tenir encore aux enfans qu’il a dotés , à les servir, à maintenir l’ordre
et la juslice parmi eux?
J’invoque la justice de la cour pour moi-même : encore chargé de diverses
dettes et de garanties pour ma fam ille, après avoir payé pour elle quatre fois
plus que la valeur du seul objet qui me reste , demeurerai-je exposé à être
dépouillé le jour où j’aurais le malheur de perdre ma sœur? Serai-je à la
merci d’un neveu , d’un filleul qui a répondu à ma prédilection pour lui par les
procédés les plus offensans? Quelle persécution contre un oncle de soixante-cinq
ans , au bout d’une vie si pénible, d’une carrière si malheureuse !
La cour suprêm e, conservatrice des lois que la France doit à la restaura
tion de la monarchie, symbole du gouvernement patriarchal, ne peut pas
penser que le père doive rester dans le néant à l’égard de ses enfans , comme
le décide l’étranger, parce que son attachement au gouvernement monar
chique le fit proscrire quand la monarchie même était proscrite.
Lorsqu’on 1802 le Premier Consul me dispensa d’une des conditions de
l ’amnistie; lorsque S. M. l’Em pereur me maintint la qualité de Français cl ses
droits (quoiqu’alors chambellan du roi de Prusse) , ce fut sur l ’exposé des
circonstances de ma conduite, où le rédacteur des motifs a voulu qu’on vît
celle d’un étranger à la France.
Signé A U B IE R - LAMQ3NTE1LIIE.
�( 45 )
CONSULTATION.
L es anciens avocats en la cour impériale soussignés qui ont lu le mémoire à
consulter du sieur Emmanuel Aubicr-Lam onteilhc, ensemble l’arrêt rendu en
la cour impériale de Riom , le i er août 1812 , et les pièces y jointes sont
d’avis des résolutions suivantes :
De ce que la loi du 16 septembre 1807 a statué que l’erreur dans l’interpretation des conventions ne constitue qu’un mal jugé contre lequel le recours
en cassation n’est point admis , on ne doit pas conclure q u e par cela seul que
les motifs d’un arrêt semblent réduire la question litigieuse à un point de
fa it, cet arrêt se trouve à l ’abri de la cassation.
11 est des cas où la discussion d’un point de fait devient elle-même une
preuve de violation de la lo i, comme par exemple lorsque la loi elle-même
attache à un fait des effets et des conséquences qu’un arrêt a refusé d’adop
ter, ou lorsqu’un fait se trouvant constaté par des a ctes, les résultats légaux
de ces actes ont été méconnus.
t
C ’est ce qui se rencontre dans l’espèce actu elle, pour éluder la disposition
des lois sur le mandat ; la cour impériale de Riom a été plus loin ; nonseulement elle a dénaturé la convention sous le prétexte de l’interpréter, mais
pour faciliter cette violation elle a été jusqu’à mettre en fait Vinexistence d’un
mandat qui était légalement prouvé , qui était reconnu judiciairement, et qui
avait été exécuté dans tout son contenu par la mandataire.
En travestissant la question de droit en question de fa it, cet arrêt a jugé
» que la daine de St. Mande n’a pas été la mandataire de son frère pour ac» quérir ses biens confisqués sur lui par suite de son émigration. »
Examinons si l’existence de sa procuration est légalement prouvée et judi
ciairement reconnue , et si la dame de St. Mande a exécuté le mandat dont
son frère l’avait chargée ; ce premier point établi, il sera prouvé que l ’arrêt
attaqué viole ouvertement les dispositions des articles 1984, ig 85 et 1993 du
Code Napoléon, et les articles i 35 o et i 352 du même Code.
�( 46 )
E t d’abord il a etc avoué cl judiciairement reconnu que la daine de
St. Mande a accepté , par lettre du 4 mai 1796, une procuration de son
frère ; ce qui , selon l’article 198/f du Code Napoléon , la constitue manda
taire : il a été avoué que cette procuration a clé acceptée par la dame de
St. Mande , à la suite d’une gestion volontaire de sa part des affaires de
son frère, laquelle a commencé à l’instant de la mort du père q u i, jusque la r
en était chargé ;
A la suite d’une correspondance confidentielle sur lesdites affaires, par la
quelle le sieur Aubier approuvait et avouait tout ce que sa sœur faisait pour
son compte et dans ses intérêts ;
Enfin , après que la radiation d’Einmanuel Aubier de la liste des émigrés
avait été refusée, ce qui ne laissait plus rien a faire dans son interet que de
soumissionner ses biens pour son com pte, mais sous le nom de sa sœur
comme prête-nom, parce qu’il était sur la liste des émigrés.
Ils est avoué dans la cause, et judiciairement constaté dans les conclusions
prises sur l ’appel par les sieur et dame de St. Mande, que celle-ci s’étail char
gée de conserver à Emmanuel A ubier son frère ses biens, et par conséquent
de les racheter pour son com pte, puisqu’il n’y avait pas d’autres moyens; elle
a demandé acte de ce quelle n’avait pas voulu en devenir propriétaire, de ce
qu’elle a voulu que son frère demeurât propriétaire irrévocable de l’immeuble
dont il s’agit, et les mineurs Lamonteilhe, petites-filles de celui-ci, du bien
de Sauset, qu’elle leur avait transmis ; dès lors le m o lif, le but et l’existence
du mandat ont été judiciairement constatés, et l ’existence du mandat a été
reconnue judiciairement ; dès-lors la confirmation du jugement de première
instance a cessé d’être au fond réellement contestée par les sieur et dame de
St. Mande.
En supposant que l’intervention et les conclusions de la dame veuve
Lamonteilhe pussent former obstacle à la confirmation pure cl simple du juge
ment de première instance, la cour devait dans tous les cas au moins donner
acte des conclusions judiciaires prises p a rles sieur et dame de St. Mande,
cl mettre les parties hors de procès sur l’appel précédemment interjeté par les
sieur el daine de St. Mande.
Mais puisque la cour a pris un parti opposé, nous devons ajouter ici quelques
observations.
Emmanuel Aubier a articulé, et aucune des parties n’a contesté le fait, que
lorsque le sieur Aubier fui forcé de quitter la France pour se soustraire au
mandat d’arrêt décerné contre l u i , il avait chargé son père de la gestion de
�( 47 )
scs affaires : à la mort de celu i-ci, la dame de Si. Mande se chargea de conl'nuer celle gestion, qu’elle a toujours suivie; en conséquence elle s’élablil dèslors la mandataire lacite de son frère.
Lorsque la venle de ses biens fut décidée, la dame de St. Mande s’occupa
du soin de les lui conserver ; ce qu’on ne pouvait faire qu’en les raclielant du
Gouvernement.
Dans ces circonstances, une procuration est adressée à la dame de
St. Mande par le sieur Aubier; madame de Si. Mande en accuse réceplion.
Puisqu’il est avoué par la dame de St. Mande qu’elle l’a reçue et acceptée , il
est indifférent qu’elle eût demandé cette procuration à son frè re , ou que
son frère l’ait envoyée de son propre mouvement. Quand les lettres pos
térieures ne le prouveraient pas, il y a présomption légale que celle p ro
curation élail illimitée , comme le sieur A ubier le soutient, et qu’elle conte
nait pouvoir de soumissionner. Cette présomption devient l ’évidence m êm e,
lorsqu’on remarque que madame de St. M ande, qui p o u v a it faire cesser tous
les doutes sur le contenu de cette procuration en la représentant, ne l’a pas
exhibée dans le cours de l’instance , et n’a exihibé aucune des autres pro
curations qne d’après ses lettres elle paraît avoir reçues.
Il est de principe de droit que le défendeur qui fait valoir une exception
est tenu de la justifier in exceptione reus fit actor.... actori incurnbil anus
probandi. Madame de St. Mande prétend tardivement que la procuration
n’était pas spéciale à l’effet de soumissionner scs biens ; c’est à elle à justifier
la non spécialité du mandat par sa représentation : elle ne la représente p a s,
l’articulation du sieur Emmanuel A ubier et la présomption légale restent
tout entières ; elles rendent la dame de St. Mande non-recevable à opposer
celle exception : d’ailleurs si elle autorisait à faire toul ce qui serait nécessaire
pour lui conserver ses biens, la spécialité du cas particulier se trouve comprise
dans la généralité.
Madame de St. Mande a soumissionné les biens , et s’en est rendue adjudi
cataire : elle en a vendu une partie pour solder le prix? elle a afferm é,
échange, perçu les revenus, liquidé le.s dettes. A u retour de son frère en
ïra n c e , elle lui a rendu un compte général de scs opérations ; elle a porté en
dépensé dans ce compte le prix de ia soumission , et les frais accessoires ; elle
a porté en recette le produit des ventes partielles et des revenus.
Elle a exigé de son frère qu’il ratifiât en son nom toutes les ventes et
échanges qu’elle avait faits ; celui-ci a contracté dans l ’acle qui reçoit ce
compte les conditions de garautio cnycra et conlre tous \ il a parfait le paie
�\ V
C 48 )
ment en numéraire des douze mille francs qui étaient dus à sa sœur sur sa
constitution dotale. C ’étaient les seules conditions qu’elle avait apposées à
l’exécution du mandat. C ’est la loi qui détermine la conséquence de ces faits,
puisque après avoir dit que le contrat du mandai formé par 1’acccptalion du
mandataire, article 1984 , le Code Napoléon ajoute : L ’acceptation du mandat
peut n'être que tacite et résulter de l ’exécution qui lui a été donnée par le
m andataire, article ig 85 .
Il en résulte que l ’arrêt de la cour impériale deRiom , en déclarant que la dame
de St. Mande n’a pas acquis les biens de son frère comme mandataire, lors
qu’il était reconnu au procès que le mandat avait été reçu et exécuté, lors
qu’il est prouvé que la dame de St. Mande avait rendu compte de son exécu
tion, a violé ouvertement les dispositions des articles 1984 et 1985.
E n vain dira-t-on qu’en déclarant que la dame de St. Mande n’a pas été
la mandataire de son frère pour celle acquisition , la cour impériale de lliom
n’a jugé qu’une question de fait dont la cour de cassation ne doit pas con
naître; le législateur a déterminé, par un article précis de la loi (1985), com
ment l ’acceptation du m andat, et par conséquent son existence, pourrait se
reconnaître en cas de dénégation.
Les cours n’ont pas le pouvoir de prononcer contre le texle de la loi :
¡’interprétation contraire à celle que la loi a donnée est une violation positive
de la loi.
L a cour de cassation , dans son arrêt du 22 juillet 18x2, a. établi que lors
qu’il s’agil de déterminer la nature et l’essence d’un acte, une fausse interpré
tation qui tend à maintenir ce (pie la loi prohibe ou annulle est une véritable
violation de la loi; que lorsqu’ une clause est claire et précise, il n’y a pas lieu
à interprétation ; à plus forte raison dans l’espèce présente, où c’est le texte
précis du Code Napoléon qui a fixé l ’effet et les conséquences de l’acceplalion
de la procuration et de son exécution.
Le m andat, dit l’arrêt c o n tre lequel on se pourvoit, ne se présume pas:
c’est une erreur; l’art. 1985 du C o d e N a p o l é o n , porte que l’acceptation peut
s’établir par le seul fail de l ’exécution : comme on ne peut ni accepter, ni
exécuter ce qui n’existe pas , le Code Napoléon a très-justement statué que
l ’existence s’établit, comme l’acceptation, par le seul fail de l ’exécution.
Dans l’espèce, il ne s’agit point d’une présomption fondée sur de simples
raisonnemens, sur des analogies, sur des circonstances, mais d’une présomption
dont l'article 1985 fait une présomption légale; elle dispense de toute preuve
celui au profit duquel elle existe , art. i 35 o et x31)2 .
�(J / S
À*
( 49 )
Quand on voudrait faire à la dame de St. Mande la concession qu’elle n’a
point eu de mandat spécial de son frère pour soumissionner ses biens , l’aveu
par elle fait qu’elle les a achetés pour le compte de son frère et pour les lui
conserver, a dû suffire pour l’établir negotiornmgestor, et la soumettre en
conséquence à toutes les obligations du mandat ? En cela,' de son aveu , elle a
été constituée la mandataire de son frère? L ’arrêt viole donc l ’article 1372 du
Code Napoléon.
C ’est ainsi qu’il devient de plus en plus constant que l’arrêt attaqué a violé
les art. ig 8 5 , i 35 o et i 352 du Code.
E t pourquoi la dame de St. Mande aurait-elle exigé que son frère reçût
son com pte, lui donnât décharge, garantie, si elle n’était pas sa mandataire ? Ce
genre de preuve de l’existence du mandat est plus qu’une présomption légale ,
car cela constate irrévocablement qu’elle a été mandataire. Si madame de
St. Mande voulait se ménager les moyens de contester le m andat, soit qu’elle
voulut le supposer n u l, soit qu’elle voulût contester sa réalité ou en modifier
l ’effet, et sur-tout si elle avait le projcL de faire de la remise des biens une
libéralité, elle ne devait pas présenter à son frère un compte de ses opérations,
exiger q u ’il Vapurât., qu’il donnât décharge et garantie ; en l e faisant, elle s’est
ôté tout moyen et même tout prétexte pour v e n ir, onze ans après , sou
tenir qu’elle avait seulement eu l’intention de s’opposer aux ventes, quand
il est démontré en droit que l ’opposition était impossible; qu’en d ro it, la dame
de St. Mande pouvait soumissionner pour le compte de son frè r e , parce que
l’achat est un acte du droit des gens, quand les faits et les actes constatent
qu’elle l’a fait ; l’arrêt Blayac dit qu’en tel cas on n’écoute pas ce que les
parties disent avoir voulu faire, mais ce que l ’acte atteste avoir été fait.
D e quelle importance n’est-il par pour le sieur Aubier que la dame de
St. Mande ait été sa mandataire! Elle a soumissionné scs biens, et il s’est
chargé des dettes : elle est remboursée du p rix ; il a rempli très-scrupuleuse
ment toutes les conditions que lui imposait sa qualité de mandant, et toutes
celles que la dame de St. Mande avait apposées elle-même à l’acceptation
du mandat de son frèx’e. Il a donc le droit d’exiger, q u ’aux termes de l ’ar
ticle igg^, la remise de ce qui a été acheté en vertu du mandat soit motivé sui
te mandat.
Vainement on dira que la dame de St. Mande offre de faire à M. Aubier
la transmission de propriété de tout ce qui lui reste de la soumission de ses
biens; que l’arrêt confirme le jugement qui la condamne à faire cette trans
mission.
�.
( 5« )
11 faut en revenir à ce point : quel caractère a du avoir, quel caractère doit
conserver la transmission P
Si on s’arrête aux apparences de la transmission de Sausct, faite dans un
tems où on n’osait pas parler bien clair, en faisant abstraction des autres actes
qui constatent que madame de St. Mande a été la mandataire d’Emmanuel
Aubier, cette transmission devient, par l ’effet de l’arrêt, une libéralité, puis
qu’il n’y a pas de prix fixé pour cette transmission , et que la cause qui lui a
donné l’être n’est point exprimée : sera-ce au même titre que le sieur Aubier
aura reçu la transmission du Verger? L ’arrêt le veut ainsi.
Si la dame de St. Mande n’a pas été la mandataire de son frère pour faire
l’acquisition de scs biens , et que la transmission ne soit pas fondée sur le man
dat , cette transmission étant alors également gratuite, ce sera une libéralité
contraire a la lo i, attendu les engagemens qu’elle a pris par les contrats de
mai'iage de scs enfans ; au décès de leur inère , ces enfans viendront dépouiller
le sieur Aubier ou les siens d’un bien qui est incontestablement sa propriété.
L e sort de tous les acquéreurs partiels des biens du sieur Aubier est lié à
cette contestation ; si la dame de St. Mande n’a pas acquis pour le com plc de
son frère , si elle n’est pas jugée sa mandataire, comme la dame de St. Mande
a traité avec les acquéreurs en son nom seul, et sans aucune autorisation de
son m a ri, toutes les ventes par elle faites seront nulles ; malgré les ratifications
du sieur A u b ie r, les acquéreurs de bonne foi seront évincés de leurs pro
priétés; si la dame de St. Mande n’a pas élé mandataire de son frère , tous les
traités par elle passés pour les affaires des deux successions sont nuls , car c’est
le sieur Aubier qui est déclaré seul héritier ; si elle n’a pas été mandataire de
son frère , les m ineuresLam onteilhe, ses petites-filles, perdront tôt ou lard la
propriété de Sauset, de même qu’il perdra le Verger à lui transmis. Voilà
quelles seraient les conséquences d’un système trop légèrement adoplé en la
cour impériale de J\iom !
Nous ne nous étendrons pas davantage sur cela ; nous renvoyons à la con
sultation de M, P o irie r, a celle des jurisconsultes de l\io in , au Mémoire de
M. Darricux ; les principes y sont développés avec la plus grande clarté.
Il ne nous reste plus qu’a dire un mot sur l’intervention de la dame
Lamonteilhe.
Suivant les principes ordinaires du droit, l ’intervention n’est admissible
qu’en faveur du tiers qui a intérêt à la contesta lion pour la conservation de
droits actuels. ^Madame Lamonteilhe n’était pas dans ce cas; en effet, que la
dame de St. Mande ail été mandataire de son frère, cela ne porte aucune
�(50
atteinlc au droit actuel de la dame Lamonteillie et de scs enfans, puisque
M. Aubier reconnaît la validité de la subrogation de S ausct, et l’approuve
comme si elle eût été faite par lui-méme.
La dame Lamonteillie dit : si madame de St. Mande n’a été que le prêlenom du sieur A u b ier, mon mari aura reçu Sauset en avancement de la suc
cession paternelle, et alors ce d o m a in e sera sujet à retranchement pour la
légitime de ses frères; mais c’est en prévoyance de ce cas que le pacle de
famille porte que chacun des autres enfans de M. Aubier a droit de prendre
sur scs biens paternels un prélèvement de i 5 ,ooo livres, au moyen duquel
et de l’abandon; consenti par le sieur Lamonteillie de son tiers dans le
domaine de Crèvecœur , ce dernier est dispensé du rapport du domaine de
Sauset; les craintes de la dame Lamonteillie sont donc rejetées dans une éven
tualité qui ne peut pas légitimer son intervention.
Mais comment ne s’est-elle pas aperçue qu’elle courait un danger plus grand
et certain si la prétention de madame de St. Mande était accueillie ; car il en
résulterait que la transmission de Shusci n’éiaii qu’une libéralité de madame de
St. M ande, libéralité qui, dans tous les cas excéderait ce dont la dame de
St. Mande aurait pu disposer, qui lui était interdite , et qu’elle ne pouvait pas se
permettre depuis l'institution contractuelle qu’elle avait stipulée au profit de
ses enfans en les mariant ; ceux-ci au décès de leur mère auraient donc le droit
de demander la révocation de celte libéralité, et le délaissement à leur
profit du domaine de Sauset ; les mineurs Lamonlcilhe seraient totalement
dépouillés de la propriété de ce domaine ; d’ailleurs on ne peut pas plus pour
des mineurs que pour des majeurs se faire un titre d’ une fraude , et dès que
, Sauset a été acheté pour le compte d’Emmanuel Aubier père, qui a tenu compte
du prix à sa sœ u r, le soustraire à compter dans la masse serait une fraude ;
si c’élait cela que l’arrêt a voulu , il a violé d’autres dispositions du Code.
Il est à regretter que par erreur sans doute, cl par l’effet de quelques con
seils inconsidérés, madame Lamonteillie a it, dans cette circonstance, agi contre
les véritables intérêts de ses enfans, q u i, si cet arrêt n’était pas cassé , p er
dront lot ou tard le bien de Sauset.
Nous finirons par observer que s’il demeurait jugé que la dame de St. Mande
n’a pas été mandataire de son frère , comme c’est en qualité de mandant qu’il
a promis garantie envers et contre tous, il resterait dans le droit d’exercer
toutes ses créances sur les acquêts de sa sœ ur, à cause de la responsabilité en
courue par celle-ci par l’adition d’hérédilé.
Emmanuel A u b ie r , et après lui scs enfans, pourraient demander compte
�( 52 )
du prix du rachat de Sauzet , que la subrogation dit avoir été faite des deniers
paternels; lu i, et après lui ses enfans, auraient droit de rentrer dans la partie
de Sauzet qui n’a pas été soumissionnée ; puisqu’il a payé à sa sœur sa légitime
en deniers, elle n’a pas pu la retenir en biens-fonds.
Il pourrait également, et après lui ses enfans, demander compte de la
partie des autres biens revendus par la dame de St.. M ande, qui n’a pas été
vendue par le Gouvernem ent, ainsi que de tout l’actif de la succession de son
père et de son frè re , touché par la dame de St. Mande et tous autres;
E n fin , Emmanuel Aubier resterait maître de disposer comme il voudrait, et
le sort des mineures Lamonteilhe serait empiré sous tous les rapports. Mais
la cassation de cet arrêt ne peut pas être refusée, et l ’intérêt des mineurs la
sollicite.
Délibéré
à
Paris, le 16 A ou t 18 13
Signé R O U X - L A B O R IE , L A C R O IX - F R A IN V I L L E , D E SÈ Z E .
A PA R IS, DE L ’IMPRIM ERIE D E P IL L E T , RU E CH RISTIN E, N» 5.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Aubier-Lamonteilhe, Emmanuel. 1813]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Roux-Laborie
Lacroix-Frainville
De Sèze
Subject
The topic of the resource
émigrés
prête-nom
successions
renonciation à succession
mandats
amnistie
administration de biens
divorces
dénonciation
créances
forclusion
assignats
médiation
exécutions révolutionnaires
transactions
mort civile
séquestre
correspondances
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire à consulter, et consultation, pour Emmanuel Aubier-Lamonteilhe, propriétaire, sur son pourvoir, contre un arrêt rendu en la 2° chambre de la Cour impériale de Riom, le 1er août 1812, entre lui, les sieur et dame Saint Mande, et la dame veuve de Lamonteilhe.
Table Godemel : mandat : 3. le mandat se présume-t-il, en droit, ou ne peut-il se former que par l’acceptation du mandataire ? l’interprétation de la correspondance et des actes invoqués pour prouver le mandat appartient-elle aux juges du fond ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Pillet (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1813
An 2-1811
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
52 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2128
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2124
BCU_Factums_G2123
BCU_Factums_G2122
BCU_Factums_G2125
BCU_Factums_G2126
BCU_Factums_G2127
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Yvoine (63404)
Clermont-Ferrand (63113)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
administration de biens
amnistie
assignats
correspondances
Créances
dénonciation
divorces
émigrés
exécutions révolutionnaires
forclusion
mandats
médiation
mort civile
prête-nom
renonciation à succession
séquestre
Successions
transactions
-
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0701678de69aaa47da281a6a43e1d900
PDF Text
Text
/
R
E
S
U
M
E
POUR
M . E m m a n u e l A U B I E R - L A M O N T E I L H E , ancien
magistrat, demeurant en la ville de Clerm ont, intimé;
CONTRE
Dam e M a r ie -F r a n ç o is e
B e n o it
FABRE
D E
A U B I E R ,
ép o u se de
S t . M A N D E , a u to r is é e
p a r j u s t i c e , e t le s ie u r D E
S t . M A N D E , so n
m a r i , a p p e la n s ;
ET ENCORE C O N T R E
D am e M a r i e - C l a u d i n e D E C H A M P F L O U R
veuve de sieur Jérôme-Emmanuel A UBIER-L A MONTEILHE , tant en son nom qu'en qualité de tutrice
de leurs deux enfans mineurs t appelante.
L a dame de St. Mande a acquis les biens de M. A ubier, son
frère. L ’adjudication lui en a été faite pendant l'immigration de
ce dernier , qui soutient que sa sœur n’a acheté et agi qu’en
vertu du mandat q u 'e lle avoit reçu et accepté de lui.
En première instance, la dame de St. Mande a prétendu , en
fait, que n’y ayant point eu d’acte synallagmatique constatant
le m andat, elle n’avoit pas été mandataire; en d ro it, qu’il ne
pouvoit pas y avoir de m andat, parce que M Aubier , mort
A
�c 2 \
civilem en t, ne pouvoit s’obliger ni obliger personne par cette
espèce de contrat.
Les premiers ^juges ont vu dans la cause un m andat, et en
ont ordonné l’exécution.
La .dame de St. Mande s’est pourvue contre leur jugement.
Elle a paru d’abord fonder son espérance sur le point de droit.
On lui a répondu par une consultation..
Elle annonce aujourd’hui qu’elle veut s’en tenir au point de
fait.
On lui répond par un résumé des faits.
Antoine Aubier de Lamonteilhe avoit épousé Jeanne de Champilour, à laquelle il a survécu. D e ce mariage sont issus Emma
n u el, intim é, Jean >Baptiste , supplicié révolutionnairement à
Lyon , et Marie-Françoise , épouse du sieur de St. Mande ,
appelante.
L e 4 décembre 1768, Emmanuel a contracté mariage avec
Jeanne Margeride. Ses père et mère l’onflnstitué leur héritier
■universel, sans autre réserve que celle de la somme de 40,000 fr.
pour la légitime paternelle et maternelle de Marie-Françoise, et
celle de Jean-Baptiste, leur frère.
Le 10 février 17 7 7 , M arie-Françoise a épousé le sieur de
St. Mande. Par son contrat de mariage , sa dot a été fixée à
o,ooo francs, pour droits paternels et maternels, moyennant
quoi elle renonce à toutes successions directes et collatérales,
et à tous droits cchus et ¿1 échoir.
L e z brumaire an > Antoine Aubier père est mort en ré
clusion. '
Dans le mois de'pluviôse de la même année, Jean-Baptiste
a perdu Is* vie à Lyon.
A cette époque, Emmanuel étoit fu gitif; il cherclioit à éviter
l ’exécution de deux mandats d’arrdt qui avoient été décernés
contre lui les 11 et ao août 1792. Mais il n y avoit point eu de
jugement par contumace ; son nom ne so trouvoit sur aucuno
liste d'émigrés ; ses biens n étoient ni séquestrés, ni annotés :
5
5
4
�3
(
)
ainsi il s’est trouvé saisi des successions d’Antoine , son père ,
et de Jean-Baptiste , son frère.
Son inscription sur la liste des émigrés , a eu lieu à la m u
nicipalité de C lerm on t, le 18 germinal a» , et au départe
ment , le 7 floréal de la même année. Le séquestre de ses
biens en a été la suite.
M. A u b ier, alors retiré en Prusse, chercha , comme beaucoup
de ses compagnons d’infortune, à conserver ses propriétés , et
à les soustraire à la rigueur des lois révolutionnaires. Il avoit
pour cela deux moyens à em ployer; le premier étoiü, en ob
tenant sa radiation, de se faire restituer ses biens ; le secon d ,
de s’en rendre lui-m ém e adjudicataire, dans le cas où il ne
pourroit empêcher la vente avant d’étre rayé.
Il étoit impossible à un émigré d’agir directem ent ; il falloit
à M. Aubier un intermédiaire. La dame de St. M ande, sa sœur
(e t sa créancière pour reste dé sa d o t), accepta son mandat.
Ses nombreuses lettres montrent qu’elle a répondu à la con
fiance de son frère, avec exactitude, courage et générosité.
Pendant long.temps M. Aubier n’a vu dans ces lettres que
la preuve de la tendresse de sa sœur ; il les conservoit par reconnoissance. Il étoit en effet difficile de croire qu’elles pussent
devenir un jour des pièces de procès, et que M m\ de St. Mande ,
après avoir tout fait pour conserver la fortune de son frère ,
voudroit elle-méme détruire son ouvrage , faire suspecter ses
intentions, et contraindre M. Aubier à produire à la justice,
comme titres obligatoires, ce mêmes lettres.
Aujourd’hui, la dame de St. Mande ne veut plus avoir été la
mandataire de son frère ; cédant aux conseils qui l'entourent
elle se prétend propriétaire des biens par elle acquis.
4
9
Il faut donc lui montrer par ses lettres, rapprochées des actes
de la c a u s e , qu’elle a reçu le mandat de M. A u b ier, q u ’e l l o
l’a accepté , qu’elle l’a exécuté.
Pour c e la , il faut classer les faits sous trois époques.
La première comprend ce qui s’est passé depuis l’émigration
A a
'
�(4)
de M. A u b ier, jusqu'à l’adjudication de ses biens, qui a eu lieu
le
thermidor an 4La seconde embrasse le temps qui s’est écoulé de cette ad
judication à la rentrée de M. Aubier, qui eut lieu avant sa ra
diation, et ne fit conséquemment point cesser l’état de mort
civile que la loi prononçoit contre lui. C ’est pendant ce temps
qu’a été contracté le mariage du sieur Aubier fils avec la de
moiselle Champflour , veuve de Bullion.
E n fin , la troisième se compose de tout ce qui s’est passé de
puis le mariage jusqu’au moment actuel.
25
P
remière
E
poque.
Les premières démarches à faire étoient de provoquer la ra
diation de M. Aubier ; la mainlevée du séquestre devant en être
la suite nécessaire. Pour y parvenir , il falloit simultanément
agir auprès de l’administration du département, et auprès du
ministère : la dame de St. Mande se chargea de présenter,
comme fondée de la procuration de son frè re , toutes les péti
tions qui pourroient être nécessaires, et de surveiller les démar
ches qu’un sieur Busche faisoit à Paris, soit directem ent, soit
par l’intermédiaire de l’ambassadeur de Prusse.
Les difficultés étoient sérieuses ; il falloit du temps pour les
vaincre : intermédiairement les biens pouvoient se vendre, si
l’on ne parvenoit à embarrasser la marche trop active de l'admi
nistration. Mme. de St. Mande seule avoit les moyens de le faire ;
comme cohéritière de son frère , elle pouvoit demander le par
tage , l’envoi en possession provisoire; elle pouvoit m êm e, si les
circonstances l’exigeoient, former opposition aux ventes, et a c
cumuler t o u s les obstacles que la prudence p o u r r o i t lui suggérer,
pour empêcher 1 adjudication ; et ce n’étoit qu après avoir épuisé
toutes ces ressources, q uelle devoit elle-même se rendre adju
dicataire.
La dame de St. Mande a-t-elle agi d une manière conforme
�c 5 }
aux idées que l ’on vient d’expliquer? a-t-elle agi pour M. Aubier?
a-t-elle agi en vertu de ses procurations ou mandats?
Sur toutes ces questions, qu’on l’écoute elle-méme.
D ans une prem ière le ttre , du 20 septembre 179 5, elle d it:
« Il seroit très-urgent d’a g ir, pour te procurer la rem ise de tes
« biens. » E lle assure avoir obtenu un arrêté qui l’envoie en
possession provisoire ; arrêté dont elle n’a pas fait u sa g e , parce
q u ’elle craignoit les suites du partage que le district vouloit
provoquer. E lle ajoute : « Je ne ferai rien qui puisse heurter
« tes vrais intérêts ; hâte-toi de travailler à lever les d ifficultés....
« l ’acte e t brevet que tu as envoyés à ta fe m m e , ne sont pas
« su tfisa n s...... Elle avoit vu d’abord avec chagrin mes clèmar« ches; mais on lui en a fa it sentir /'avantage : je ne désire rien
« que pour ton utilité.
« T u écris souvent à ta fem m e; j’espère que tu me rends la
« justice de me croire portée pour tes intérêts. »
A in s i, la dam e de St. M ande annonce qu’elle n ’agit que pour
son frère ; elle l’invite à lever les d ifficu lté s, en envoyant un acte
plus détaillé ; et elle ne tém oigne qu’un seul chagrin , ce lu i de
voir la confiance de M. A ubier partagée entre elle et sa bellesœur.
P ou r faire cesser les querelles de rivalité entre sa fenrme et
sa sœ ur, M. A ubier leur avoit proposé d’envoyer un de ses fils ,
qui auroit été le fondé de pouvoir de M. A u b ie r; elles s’y re fu
sèrent , en disant que ses trois enfans étoient inscrits ( ce qui
ne s’est pas trouvé vrai ). M me. de St. M ande est ainsi demeurée
seule chargée du mandat de son frère.
Une nouvelle lettre apprend à M. Aubier que sa sœur a ob
tenu l’envoi en possession provisoire de son b ie n , mais qu’elle
n’est que son h o m m e d ’a f f a i r e s . « J’ai agi, dit-elle, par le conseil
« de tes am is, sans aucun intérêt, puisque je serai t o u j o u r s
c< c o m p t a b l e . 53 Elle n a demandé le partage que p o u r mettre
obstacle à la vente, et empêcher la d é g r a d a t i o n . Elle d i t e n f i n :
« Si tu parviens à te faire rayer, ce sera avec to i que je ferai
�( 6 )
« nies comptes ; et tu es bien sur que sans autres intérêts que
« les tiens, je me bornerai à ma légitime. 33
Voilà la dame de St. Mande qui se reconnolt homme d’af
faires , comptable de M. Aubier.
Allons plus loin. Dans une troisième lettre , après avoir re-r
proché à son frère d’avoir envoyé les pièces probantes à d’autres
qu’à e lle, elle dit : « J’ai présenté ton mémoire au département;
« il n’a pas été accueilli............Si l’adjudication se faisoit, j’y
« mettrois opposition, en provoquant le partage. >3
Ainsi encore la dame de St. Mande agit pour son frère.
Une quatrième lettre s’exprime ainsi : « Comment se fait-il
« que je ne reçoive plus de tes nouvelles? Dans un moment.où
« tu dois avoir à me mander ce que tu veux que je fasse, tu
« dois être im patient de savoir où en sont tes affaires ; elles
cc n’avancent pas............ Ici les soumissions se font : on croit
« cependant les ventes reculées, à raison du discrédit des msn»
cc dats........... Je vais faire , en vertu de ta phocuhation , les
te oppositions a u x ventes , et former tous les obstacles que tes
k conseils me suggéreront. »
Cette lettre ne laisse aucune équivoque. La dame de St. Mande
non-seulement n’agissoit que pour M. A u bier, mais encore elle
se conformoit en tout à sa volonté : les actes qu’elle faisoit
n’avoient lieu qu’en vertu de la procuration de son frère , et elle
sentoit elle-méme la nécessité de conformer sa conduite aux
avis des conseils de M. Aubier.
Mais pourroit-on exiger plus d’explication? Que l’on lise la
cinquième lettre.
La dame Aubier y parle des démarches du sieur Busche au
près du ministère; elle dit qu’un voyage à Paris , et une lettre
au ministre de Prusse , seroient nécessaires ; elle ajoute ensuite :
(c J’ai présenté aujourd’hui ton mémoire au département : on
te a eu 1 air tres-étonné j et sans me faire aucune réponse sur
et la validité de ta rnocuiiATiON , on m’a remise à quatre jours,
u M. Boirot a maintenant plus de confiance cri ton a ffa ire, sans
�( 7 ")
« Cependant en répondre. Quand même tu rcussirois h sauver
« la confiscation , il te restera toujours la qualité de père , et
« par conséquent le séquestre. »
Quoi de plus clair ! Toutes les démarches de la dame de
St. Mande ne sont-elies pas dans l’intérét de M. Aubier ? n’estce pas lui qui les dirige? n est-ce pas de son affaire dont il
s’agit? la dame de St. Mande consulte-t-elle dautres conseils
que ceux de son frère , et pour dautres intérêts que les siens?
enfin, fait-elle un seul pas sans produire la procura tion, ou
sans en parler? ne va-t-elle pas jusqu’à craindre que ce guide
de t o u t e s ses démarches ne soit insuffisant ou irrégulier?
Ici les choses changent. Les mesures que le gouvernement
avoit cru devoir prendre contre les émigrés , devenoient de
jour en jour plus sévères, et étoient exécutées à la rigueur. Il
n’y avoit plus de moyens d’obtenir la radiation de M. Aubier ;
le refus en avoit été notifié officiellement au ministre de P russe,
qui lui-méme en avoit donné avis à M™. de St. Mande , sui
vant son propre aveu. La confiscation étoit définitive ; et pour
sauver ses biens, il falloit recourir à la ressource extrême de
l’adjudication.
La dame de St. Mande étoit pressée par le conseil de son
frère , qui Vouloit qu’elle acquit sur-le-champ ; m ais, d’une part,
elle ne trouvoit point sa procuration assez régulière; de l’autre,
elle avoit des craintes , et même des arrangemens à prendre,
qu’elle communique à son frère dans une lettre dont voici l’analise.
Bile dit d'abord qu’elle n'a pas reçu une procuration léga
lisée du m inistre, que M. Aubier lui envoyoit; qu’elle craint
de ne pouvoir plus long-temps éloigner les acquéreurs, et que
M. Boirot lui conseille de soumissionner t o u t , et to u t de su ite;
elle est arrêtée par le défaut d’ argent, et par la crainte de dé
plaire à sa belle-sœur, à qui elle veut donner la jouissance sans
lui donner la propriété , à moins q u e lle ne l ’y fo rce. Mais ,
dit-elle, « dans la nécessité où je serai d'acquérir ta fo r tu n e ,
« je ne veux rien que ma légitime. » Revenant ensuite sur la
�' ( 8 )
nécessité qu’il y a d’acquérir promptement ,■soit parce que le
département ne veut donner aucun d élai, soit parce que le sieur
Busche et l’ambassadeur de Prusse ne laissent plus aucun espoir,
soit enfin parce que les émigrés même rentrés ne peuvent ob
tenir aucune restitution , elle finit par dire : « Si j’ach è te , le
« contrat passé, je vendrai d e s o b j e t s a t o i pour faire le second
« payem ent, et s i m p l i f i e r l a r e c e t t e ; car on est, de part et
« d’autre, trop méfiant pour que je mette la téte dans le sac. »
L ’on ne peut douter que la dame de St. Mande ne pouvoit ni
ne vouloit acheter pour son compte ; que l’état de sa fortune
l’empéchoit même d’y penser ; et qu’il étoit aussi conforme à
ses intérêts, comme créancière de son frère pour sa légitim e,
qu’à l’honnêteté de ses vu e s, de n’acquérir que pour M. Aubier.
Aussi veut-elle une procuration régulière, qui lui permette nonseulement d’acheter, mais même de vendre. Elle ne doit courir
aucune chance ; elle sent bien qu’elle va devenir comptable ;
mais comme elle ne doit acquérir la fortune de son frère que
pour la lui rem ettre, elle veut en distraire tout ce qui sera né
cessaire pour la p a yer, sans y rien mettre du sien.
D euxième
E poque.
i
M. Aubier soutient que la dame de St. Mande ayant reçu la
procuration légalisée qu’elle désiroit, et qui lui avoitété adressée,
acquit, comme mandataire, les biens dont il s’agit, et les ad
ministra ensuite en la même qualité; il ajoute même que tout
acte de transmission de ces biens, qui a pu être fait par la dame
de St. M ande, n’a eu lieu que pour lui et en son nom.
La dame de St. M ande, pour agir utilement en faveur de
son frè re , avoit différentes précautions à prendre. Elle devoit
d’abord intéresser l’adm inistration, et le public même , à la
situation de M. Aubier : l’administration, pour obtenir d'elle un
expert qui n'exagérât point la valeur réelle des biens dont elle
vouloit devenir adjudicataire; le public, pour éloigner les per
sonnes
�9
C
)
sonnes qui auroient eu envie de soumissionner ces mêmes pro
priétés. Le moyen le plus simple étoit de déclarer qu’elle ac*
quéroit pour son frère.
Devenue adjudicataire, la dame de St. M ande, se trouvant
à la téte de l’administration de toute la fortune de son frère ,
devoit également lui rendre un compte exact de sa gestion : de
là la nécessité de ne rien lui laisser ignorer. Les payemens , la
manière dont ils dévoient être faits , l’emploi des revenus ou des
capitaux provenant des ventes qu’il voudroit autoriser, les ré
parations que les héritages exigeoient, tout devoit être connu de
M. A ubier, afin de lui donner les moyens d’apprécier sa situa
tion, et faciliter le compte qu’auroit à rendre la mandataire.
Les pièces et les lettres vont-apprendre ce qu’a fait la dame
de St. M an d e, et en quelle qualité elle a agi.
L ’adjudication est du
thermidor an 4 ; elle comprend les
biens d’Antoine et Jean-Baptiste Aubier , et a été faite moyen
nant la somme de 99,258 liv. 9 sous.
Comme la dame de St. Mande avoit qualité pour venir à
partage ( en rapportant les sommes reçues à compte de sa lé
gitime ), pour rendre le rachat moins onéreux à son frère, elle
ne se fit adjuger que les sept neuvièmes des biens composant
les deux successions.
La dame de St. Mande va nous apprendre toutes les circons
tances et toutes les suites de cet acte.
Une première lettre , du 16 septembre 1796 , dit que l’adju
dication a été faite moyennant 100,000 fr. , parce que l’adju
dicataire n’a pas quitté les experts qui devoient estimer les biens.
Mme. de St. Mande ajoute qu’elle a été secondée par tout le
monde, parce qu’elle a manifesté son in ten tion , et que tous sea
amis lui ont ouvert leur bourse. Après avoir expliqué quelle
vente il faudra faire pour p ayer, elle parle de ré g ie , de répa
rations , des héritages qui ont plus ou moins souffert pendant
le séquestre, et se plaint de ce que l’administration voudroit
exiger la garantie de son mari ; ce qui la gène , car elle a
B
25
�C i° )
tout f a i t en son nom. E lle assure ¡ensuite avoir fait an testa
m ent où l’on trouvera les déclarations k îc e ss a ir e s ; elle dit
q u e , pour les payem ens , elle a fait venir des mandats de Paris ,
parce q u ’ils étoient moins c h e r s , et term ine par ces mots -: « Je
« ne m ’o ccu p e que de cela i j’y suis toute entière et s e u le ,
« le. mari n’étant o ccu p é que d e ses tropues affaires . »
C ette lettre n ’indique-t-elle pas pour qui la dame de SaintM ande a agi? L 'intention qu’elle a m anifestée pou voit-elle* être
autre que d’apprendre qu’elle acquéroit pour son frère? E lle an
nonce que c ’est la source de Y intérêt qu’elle inspiroit à tout le
m onde. La déclaration consignée dans son testam ent pouvoitelle avoir un autre objet ? le soin qu’elle apportoit à em pêcher
que son mari ne contractât -des obligations personnelles , ne
prouve-t-il pas que c ’est p arce qu’e lle agissoit seulem ent com m e
m andataire, e t parce qu’e lle craignoit les suites de son m a n d a t,
qu'elle prenoit toutes les précautions possibles pour em pêcher
que la fortune de son mari ne fût com prom ise?
U ne seconde lettre s’exprim e ainsi : « V oilà le quart qu’il
*t faut payer en num éraire, je suis bien forcée de vendre. Il est
k possible que si ta fem m e parvient à 6emer des inquiétudes ,
a je ne trouve pas d’acquéreurs : alors je serai forcée de m e
« laisser déchoir , car je suis bien résolue de tiy mêler pour
•c rien la fortune de mon mari. L ’opération des experts m ’a
« donné beaucoup d’embarras «t coû té cher. N ous sauverons
« quelque chose ; e t , encore une f o is , cb n ’e s t pas pour moi.
« P r in c ip a u x , revenus , seront bien comi>tiLs , bien ren d us ;
« j’en réponds. »
Ainsi la dam e de St. Mande reconnolt qu’elle a dirigé l’opé
ration des experts. En annonçant qu’elle se laissera d é c h o ir,
s’il faut payer des deniers de son m a ri, elle donne pour raisoo
que c e n’est pas pour e l l e q u ’e l l e a acquis , et s è reconnolt
com ptable des principaux et des revenus.
Dans une troisième lettre, elle dit : « T a femme cherche à
« ven d re, pour rentrer dans le pays montagneux. Lorsque j ’a i
�C
)
ce a ch e té , Ce n’est que pour empêcher q u e l’on adjuge à ’ un
cc autre. On m’a rendu ta rnocunATiON , mais on a gardé le
« mémoire. » Cette lettre parle ensuite des ventes qu’il faut
faire pour finir d'acquitter le. prix de l’adjudication.
Ici se placent plusieurs réflexions. L ’on voit q u e , dans ces deux
lettres , la dame de St. Mande avoit conçu des inquiétudes sur
le compte de M“ e. A u bier; d’abord, elle craignoit qu’elle n’éloignât les acquéreurs ; ensuite elle lui suppose le projet de se
mettre en possession des biens de montagne. Comment la dame de
St. Mande auroit-elle conçu de pareilles idées, si elle eut acquis
pour elle? Ses intérêts étoient absolument séparés de ceux de la
dame Aubier : il est évident que cette dernière ne pou voit rien
exiger de sa belle-soeur; et ce ne peut être que parce que
M me. de St. Mande reconnoissoit que les biens q u e lle venoit
d ’acquérir appartenoient toujours à son fr è r e , qu’elle supposoit à la femme de ce dernier le droit d’y rentrer par des moyens
quelconques.
La procuration dont il est parlé n’est pas insignifiante : c ’est
en vertu de ce titre que la dame de St. Mande agissoit ; et ",
pour donner plus de publicité à ses dém arches, elle l’avoit
déposé à l’administration, après l’avoir communiqué à beaucoup
de monde.
Vient actuellement une quatrième le ttr e , du
décembre
1796, qu’il faut analiser, parce q u e lle prouve tout à la fois, le
mandat , l’administration la plus générale , et l'obligation de
rendre compte.
Elle commence en ces termes : « Je suis toujours occupée
« de TES a f f a i r e s : mes payemens sont faits jusqu au jour. »
Elle dit qu’elle cherche à vendre la maison; qu'elle a affermé
le pays montagneux ,000 francs ; q u elle a fait des réparations
au verger, où elle a planté six douzaines de pommiers. Et après
avoir dit que le département a rendu tous les papiers de fam ille,
elle termine en ces termes : « Je ne saurois assez te dire coma bien les gens de ton village t’aiment : sana cesse ils parlent
B 2
3
5
�(12 )
« de tes enfans ; e t, vraim ent, s ’ils m e connoissoient capable
« de te trom per , je crois qu’ils me chasseroient. Tns a f f a i r e s
cc m’occupent beaucoup. Mon mari me recommande de ne pas
« prendre une broche , que l’on ne pourroit ensuite faire le
« compte. »
N ’est-ce pas toujours des affaires du sieur Aubier dont il est
question ? Un mandataire peut-il reconnoitre plus formellement
qu’il doit un com pte, entrer dans plus de détails; et chacun
de ces détails ne prouve-t-il pas de plus fort le mandat.
A cette ép o qu e, M. Aubier travailloit à se faire rayer de
la liste des émigrés. Sa sœur avoit connoissance de l’instruc
tion qui se faisoit à la police sur cela.
Le 16 janvier 1797, elle lui écrit que l’acquisition qu’elle a
faite de ses biens rend cette mesure inutile ; que la restitution
du p rix , qu’il pourroit espérer, ne produiroit autre chose
qu’une inscription sur le grand livre; ce qui n’étoit pas un
avantage assez considérable pour balancer les sacrifices qu’il
seroit obligé de faire. Cette lettre contient ensuite un tableau
de la position de M. Aubier ; elle lui fait de nouveau sentir la
nécessité de vendre pour payer le prix de l’adjudication ; elle
termine : « Je n’ai d’autres intérêts que les t i e n s ............Si je
« donne quelque chose à ta femme, ce sera en numéraire . . . .
ce Je ferai aller du jour au jour. »
Il est difficile de comprendre pourquoi la dame de St. Mande
ne vouloit pas que M. Aubier se fit rayer. Dans tous les c a s , si
la dame de St. Mande n’eut pas acquis pour son frère , et pour son
frère seulem ent, pourquoi lui parle-t-elle toujours de ses intérêts,
et lui rend-elle com pte, à chaque courrier, de l’administration
d’une propriété qui ne lui auroit pas appartenu? pourquoi annonce-t-elle qu’elle prend sur les revenus de cette propriété ce
qu elle donne à Mm*. Aubier de la part de son mari ?
Une sixième lettre, du 19 janvier 1797, contient l’envoi des
bordereaux de m andats qui ont servi à acquitter le prix de la
vente j elle explique ensuite la manière dont les payemens de-
�3
( i )
voient se fa ire , et comment elle les a effectués; elle dit qu’elle
doit en core, sur le prix de la v e n te , une somme de 16,000 f r .,
envoie la note de ce qui reste à payer aux créanciers de JeanBaptiste, décédé à L y o n , et finit par ces expressions : « C ’est
un dédale où je me perdrois moi-même, si je n’écrivois-exac
tement toutes recettes e t dépenses, e t encore bourse à part. »
- Si la dame de St. Mande a été la mandataire de quelqu’autre
personne que de son frère , que le mandant montre , s’il est
possible, des lettres aussi explicatives qui puissent établir son
droit ; qu’il prouve avoir envoyé des procurations comme
M. Aubier père.
Le 17 mars même année, la dame de St. Mande écrivoit :
« J’ai vendu la terre de Burre, qui touchoit M. de Beyre (1)......
« Quoique je lui aie fait lire la p r o c u r a t i o n que tu m’as en« vo y ée, il me prie de t’engager à mettre sur un billet séparé,
« dans une de tes le ttres, que tu approuves cette v en te ............
« Il donne pour raison que ne pouvant pas déposer cette rno« c u r a t i o n chez un notaire, qui ne la recevroit pas, elle reste
« dans mes m ains , et ne lui sert à rien si je venois à mourir. 33
Cette lettre contient ensuite d’autres détails sur les ven tes, sur
les réparations à faire, et en général sur l’administration des biens.
F a u t-il quelques observations sur cette lettre? La dame de
St. Mande peut-elle dire qu’elle n’avoit point de procuration de
son frère? mais elle nous apprend elle-méme que c’est en vertu
de cette procuration qu’elle agissoit. P eu t-elle dire que c ’est
pour un autre que pour son frère , qu’elle avoit acquis et qu’elle
revendoit? mais c ’est à lui qu’elle s’adresse pour obtenir une
ratification de ces ventes, et pour tranquilliser les acquéreurs,
qui craignoient que la procuration qu’avoit la dame de St. Mande
leur fût in u tile, dans l’impossibilité où elle se trouvoit de la
déposer chez un notaire.
7
( l ) ^USC
Pai* «le M ontferrand, lieu du domicile de la famille et de la situa
tion de la majorité des biens.
�r4
C
)
Dans une autre lettre, de la fin du mois de mars même
année, la dame de St. Mande annonce à M. Aubier l’envoi
qu’elle vient de faire d’une lettre de change au troisième fils
de M. Aubier. « J e t’en préviens, d it-e lle, ne voulant jamais
« leur faire d’envoi à ton insçu. »
A in si, de même que la dame de St. Mande rendoit compte
à M. Aubier de son administration, et des sommes qu’elle avançoit à la dame A u b ie r, de môme elle croyoit devoir l’inforr
mer de tout ce qu’elle envoyoit à ses en fans, parce que c ’étoit
de l’agrément de leur père, et pour son com pte, qu’elle leur
faisoit ces envois.
P e u t-il y avoir une reconnoissance plus formelle' qu’elle est
sa m andataire, dans cette disposition de fonds, comme en touti
L ’on trouve parmi les lettres de Mme. de St. Mande, pro
duites par M. A ubier, quelques-unes adressées aux fils de ce
dernier ; dans toutes, la dame de St. Mande convient qu’elle
n’a été que l ’ i ï O îh m e d ’ a f f a i r e s de M. Aubier père ; elle ajoute
q u e lle désire être débarrassée des peines que sa gestion lui
donne; elle dit positivement qu’elle leur refusera toujours l’ar
gent qu’ils pourroient dem ander, à moins que le pere ne con
sente à leur en envoyer.
A u commencement de 1801, M. Aubier est rentré en France;
il navoit point obtenu sa radiation; il étoit en surveillance y et
conséquemment toujours privé de l’exercice de ses droits civils.
Son retour fu t annoncé à la dame de St. M ande, par le sieur
Aubier, fils aîné, qui reçut de sa tante,dans le courant de février,
la lettre que voici : « Le retour de votre père me fait un plaisir
ce sensible ; mon cœur est satisfait, et l’intérêt de vos affaires,
te celui de ma tranquillité le rendoit nécessaire ; j espère qu’il
« sera rayé définitivement, et alors nous réglerons nos comptes;
« je l u i rendrai t o u t , et c ’est a l u i s e u l et d e l u i s e u l que
« vous pouvez et devez dépendre. Je ne suis et n’a i été que
et SON IlOMMB D AFFAIRES, HC POU VANT, IIQ Voulant RIEN DISPOSER ,
« RIEN A U Î N E n SANS LUI. »
�15
c
)
Cette lettre, qui n’a pas besoin d’interprétation, précéda de
peu de temps l’arrivée de M. Aubier à Clermont. A peine est-il
de retour, que la dame de St. M ande, et tous les acquéreurs à
qui elle avoit toujours dit qu’elle n’étoit que l'homme etaffaires
de son frère , engagent celui-ci à ratifier les ventes qu’elle avoit
consenties. Mme. de St. Mande témoigne en même temps le dé
sir le plus v if de rendre compte de sa gestion , et de se débar
rasser, sinon du mandat de son frère, au moins de toutes les
peines que lui donnoit l’administration de ses biens.
M. Aubier pensoit devoir obtempérer à la volonté de sa sœur;
mais l’un et l’autre étoient arrêtés par les difficultés résultantes
de ce que M. A u b ie r, n’étant pas encore rayé de la liste des
ém igrés, étoit en état de mort civ ile , «t ne pouvoit conséquemm ent reprendre ses propriétés, qui auroient été nécessairement
remises sous le séquestre ; il ne pouvoit non plus les administrer
publiquem ent, puisqu’il auroit eu les mêmes dangers à courir,
et que d’ailleurs les démarches qu’il avoit à faire pour obtenir
'sa radiation, ne lui permettoient pas de se livrer à l’embarras
de ses affaires domestiques. Il falloit donc faire un acte q u i,
tout en débarrassant la dame de St. Mande de l’administration
des biens , lui laissât la qualité de m a n d a ta ir e il falloit égale
ment que cet a cte , tout en constatant que les biens a voient été
acquis pour M. Aubier lui-m êm e, et qu’il en étoit le vrai pro
priétaire , comme il l’avoit été avant leur confiscation, fû t assez
équivoque pour que, dans le cas où le gouvernement voudroit
séquestrer de nouveau ses b ien s, on pût répondre au fisc que
que M. Aubier n’étoit pas propriétaire.
L e sieur Aubier fils parut être, à la dame de St. Mande et
à son frère, un intermédiaire qui pourroit faire cesser toutes ces
difficultés, et l’on pensa à le faire intervenir dans l ’acte * pour
en fa ire , ou le subrogé mandataire de la dame de St. Mande r
dans le cas où M. Aubier nuroit capacité pour reprendre ses
biens, et qualité pour recevoir le compte que lui devoit sa sœur,
ou le représentant de tous les enfans de M. Aubier p è r e , vé-
�C
)
ritable mandant, dans le cas où la continuation de sa mort civile
s’opposeroit à ce qu’il put valablement recevoir la transmission
que la dame de St. Mande vouloit lui faire de ses biens.
En conséquence, tout cela ainsi réglé, il est passé , le 8 mai
1801 , un acte entre la dame de St. Mande, d’une p art, et les
sieurs Emmanuel Aubier , son frère , et Jérôme - Emmanuel
A ubier, son second fils, d’autre part. .
C et acte est intitulé d é c h a r g e et convention.
La dame de St. Mande dit qu’elle a acheté les biens prove
nant d’Antoine et Jean-Baptiste A ubier, pour conserver lesdits
biens à s o n f r è r e ...... ou aux en fan s de son frère; qu’ayant réi
téré ses offres de faire l’acte de transmission desdits b ien s,
Em m anuel A ubier l ’en rem ercie, tant en son nom q u a u n o m
d e s e s e n f a n s , de qui il a déjà remis à sa sœur acte d’adhé
sion à tout arrangement.
L on ajoute ensuite que acte authentique de transmission
définitive desdits biens à E m m a n u e l A u b i e r , n’étant point pos
sible solidem ent, jusqu’à ce que celui-ci a it obtenu sa radia
tion définitive ; d’ailleurs , Emmanuel et sa sœur voulant fixer
sur la téte de Jérôme les principales propriétés, s’il trouve un
mariage avantageux ; que les conditions de ce mariage , et le
résultat de quelques affaires non term inées, devant influer sur
la nature et la quotité des réserves qui doivent être faites ,
tant pour Antoine et Jean-Baptiste-Antoine , premier et troi
sième fils d’E m m anuel, que pour la subsistance nécessaire à
celu i-ci, surtout s’il perdoit sa p la ce , les parties sont convenues
de différer l’acte définitif de transmission.
Cependant la dame de St. Mande , voulant être délivrée des
peines que lui a données le soin de ces propriétés, il a été
convenu qu’elle en demeure dès à présent déchargée.
On examine ensuite le compte de sa gestion.
On la remercie de l ’avance des fonds, et des emprunts qu’elle
a faits ; de l ’emploi des revenus et des ca p ita u x , et des objets
qu’elle a revendus pour éteindre tous lesdits emprunts.
1
Em m anuel
�7
( i
)
E m m an uel, tant en son nom q u e n celu i de ses t r o i s n t s ,
ratifie toutes les ventes , et garantit la dame de St. Mande de
toutes recherches.
Il reconnolt que la dame de St. Mande a fait raison de toits
les revenus desdits biens ; de manière q u e , par le résultat du
compte et des compensations, elle est créancière de 2,000 fr.
sur la légitime paternelle et maternelle, que lesdits sieurs Aubier
s’obligent
Jusqu’à
radiation
plutôt un
de lui payer.
l ’arrangement d éfin itif qui sera fa it, soit après la
é£Emmanuel A u b ie r , soit plutôt, s’il se trouvoit
mariage avantageux pour Jérôme, ce lu i-ci est établi
a d m i n i s t r a t e u r des biens, et r e p r é s e n t a n t de toute la f a m ille ,
pour toutes les affaires ; mais ju sq u ’ à la radiation d ’E m m anuel,
il ne pourra recevoir les remboursemens des principaux, faire
aucune vente ou échange, passer de transaction définitive, s a n s
l ’ a u t o r i s a t i o n d e sa t a n t e ; i l reconnoît que ce lle -c i lu i a
remis les titres et papiers desdits biens e t des deux successions ,
q u ’elle a pu retirer des dépôts des autorités constituées.
Jérôme prélèvera sur les revenus 1,200 francs pour sa dé
pense personnelle et ses s o i n s ; il fera du surplus des revenus
l ’emploi qui lu i sera indiqué chaque année par sa tante ,
jusqu’à ce que son père a it obtenu sa radiation.
N ’est-ce pas là le constituer subrogé m andataire?
L ’on a dit en première instance, pour la dame de St. Mande,
que cet acte devoit expliquer ce que les lettres pouvoient avoir
d’équivoque sur le fait du mandat. Cette id é e , dans la situation
où se trouvoientles parties, n’est pas exacte sous tous les rapports.
Mais ce qu’il y a de plus certain , c ’est que cet acte, rappro
ché des différentes lettres que 1 on a déjà analisées , ne sauroit
laisser aucun doute sur le m andat, sur la personne qui l’a
donné et r e ç u , sur celui auquel le compte en est rendu. Lors
même qu’il seroit permis de l'isoler de tous les faits de la
cause, seul il prouveroit encore le mandat.
En e ffe t , la dénomination de l’acte apprend que c ’est une
G
�8
( i
)
décharge qu’a voulue la dame de St. Mande. L ’acte dit que c ’est
pour des biens qu’elle avoit ach etés, à l’effet de les conserver, et
qu’elle offre de remettre : c ’est delà qu’elle tire la nécessité d’une
décharge. Lesdits biens avoient nécessité une gestion; la dame
de St. Mande en rend compte. Il avoit fallu vendre une partie
de ces propriétés pour conseryer le reste; la dame de St. Mande
fait ratifier les ventes. L ’administration de ces biens devient pé
nible et gênante; la dame de St. Mande se fait substituer par
un tiers, en ne conservant que la surveillance. Tout cela n’éta
blit-il pas l’existence d’un mandat? ce qui s’est passé lors de
l ’acte de 1801 n’en est-il pas la suite nécessaire?
La dame de St. Mande avoit acquis pour conserver les biens
« son fr è r e , ou aux enfans de son frère ; elle ne peut point les
transmettre au frère , parce qu’il n’a point sa radiation dé
finitive ; elle retarde cette transmission jusqu’au moment où il
sera rayé : donc elle reconnolt que c ’est pour lui qu’elle avoit
acquis, et que lui seul pouvoit définitivement la décharger des
suites de son mandat. C ’est, d’ailleurs, avec lui personnellement
qu’elle traite ; c ’est à lui que tout se rapporte ; et lorsqu’il est
question des enfans du mandataire , c ’est lui qui les nomme , et
qui en parle toujours en termes collectifs.
M. Aubier père a toujours le soin de les désigner tous les trois,
lorsqu’il s’agit de-recueillir l ’effet du m andat; et s’il est plus
particulièrement question de Jérôme dans cet acte, c ’est parce
que son père le nomme pour représenter toute la famille auprès de
la dame de St. M an de, dans le cas où il ne pourroit recueillir
l’effet de son mandat ; et Jérôm e, devenant alors le subrogé
mandataire de la dame de St. M ande, contracte lui-inéme des
obligations, soit envers la première m andataire, soit envers le
sieur Aubier p ère, lui-m éine.
Jusque - là il étoit impossible de supposer que la dame de
St. Mande pût élever la prétention d’avoir acquis pour son propre
com pte, et avec la faculté de disposer à son gré de ces biens.
Jérôme Aubier voulut bientôt contracter mariage avec la de-
�C 19 )
moiselle Champflonr. M. Aubier père avoit l’intention de faire
à son fils tous les avantages que sa fortune et les lois lui permettoient ; il ne pouvoit prendre, à ce sujet, des renseignemens
certains qu’auprès de la dame de St. Mande; elle connoissoit,
mieux que lu i , l’état réel de sa fortune ; e t, sur l’aperçu qu’elle
lui en donna, il fut convenu que l’on délaisseroit à Jérôme
Aubier le domaine du Sauzet, et le mariage fut conclu.
L ’état de mort civile dans lequel se trouvoit M. A ubier, rendoit
difficile le délaissement de ce domaine. La dame de St. Manda
ne pouvoit agir publiquement, comme mandataire d’ un émigré.
On convenoit cependant qu’elle ne pouvoit rien transmettre
sans l’autorisation de M. Aubier ; et comme il étoit alors frappé
de mort civile , on imagina de le faire assister d’un conseil
de famille , comme cela se pratique pour un homme interdit
de ses droits. La dame de St. Mande y dit qu’elle a acquis pour
transmettre à Em m anuel, si la demande en radiation prospéroit,
ou pour procurer des établissemens aux enfans dudit Emmanuel ;
en conséquence, en présence et du consentement dudit Em m a
nuel, elle délaisse le bien du Sauzet à Jérôm e, moyennant cer
taines conditions, entendant qu’il en jouisse comme s i elle n'avoit
été que le prête-nom de lu i seul. Ainsi cette délibération établit
encore que la dame de St. Mande étoit la mandataire de son
frère ; qu’elle avoit besoin de son consentement pour disposer
de ses biens ; et ce n’est qu'avec l’agrément de M. A u b ie r,
qu’elle dit qu ’ on supposera qu’elle a acquis comme préte-nom
de Jérôme.
Le contrat de mariage de ce dernier est du 11 prairial an g :
Jérôme s’y constitue le bien du Sauzet, toujours du consentement
de son père.
T
roisième
E
poque
.
Mm*. de St. Mande va dire elle-m ôm e si elle a agi comme
propriétaire des biens qu’elle avoit acquis, si elle les a transmis
en-son nom?
G 2
�( 20 )
~ En avril 1801 , elle écrivoit à son frère :
- « Je n’ai agi en tout que pour to i ; il n’a jamais été question ,
« avant le m ariage, que d’une p r o c u r a t i o n que je donnerai à
« ton fils , pour qu’il régisse ce qui resteroit, à ma place , à
« la charge de te rendre compte : cela te laisse bien le maître
« de faire ce que tu voudras. Je te proteste que c ’est p o u r t o i
« que j’ai agi ; qu’à ton retour , m a î t r e de ta fortu n e, tu as eu
« l e plaisir de marier et doter ton fils. Le reste suffit pour les
« autres. »
Ainsi la dame de St. Mande ne regardoit elle-méme l’acte
de 1801 que comme une procuration donnée au fils de M. Aubier
pour gérer à sa place ; elle convient que M. Aubier a toujours
été le maître de ses biens , et que c ’est lui qui a marié et doté
son fils : donc , encore une fois, elle n’agissoit dans ces derniers
actes que comme mandataire ou prête-nom de son frère.
M. Aubier s’aperçut bientôt q u e , pour le porter à faire des
avantages considérables à son fils, on lui avoit déprécié Sauzet,
d’une p a rt, e t , d’autre p a rt, exagéré le reste de sa fortune ,
particulièrem ent les liquidations sur l’E ta t, qui depuis ont été
refusées. Il éprouva quelques chagrins d’avoir été trom pé, le
manifesta à sa Sœur, et se plaignit de ce qu’elle l’avoit engagé
dans une démarche qui faisoit un tort réel et irrévocable à ses
enfans.
L a dame de St. Mande répondit qu’elle avoit pris conseil ;
qu’il lui paroissoit inutile que son frère prit amnistie, parce que
Jérôme ne pouvoit frustrer ses frères, tous les avis étant que l'on
pourra lu i disputer ce q u 'il a , mais qu’il ne pourra, lu i, dis
puter à ses frères ce qu ’ils auront par m oi ; elle dit qu’elle sera
exposée aux tracasseries de Mme. A u b ier, « qui me fera inter« peller pour savoir s i j ’a i été ou non ton prête-nom ........Plus
« je vois tes idées s’em brouiller, et plus je tiendrai à ne pas
« me défaire du verger , quand môme tu resterois et accep
te terois l’amnistie. Je dois pour ma sûreté, pour l’utilité de
« mes n eveux, dire et soutenir que cet objet est à moi; tu
�C 21 )
« 'en auras le revenu ; au lieu que s’il est à t o i , tu n’en auras
cc bientôt plus un sou. »
Quelle lettre ! et combien toute seule elle prouve de choses!
La dame de St. Mande se garde bien de dire qu’elle n’est pas
la mandataire de son frère ; ses lettres, ses actes ne pouvoient
lui permettre un désaveu à cet égard. Mais elle use de finesse
pour se soustraire à l’effet du mandat ; elle engage son frère à ne
point solliciter son amnistie; elle cherche à dissiper les craintes
que sa disposition en faveur de Jérôme lui avoit inspirées; elle
lui fait penser qu’il a tout à redouter des tracasseries de son
épouse ;■elle craint d’étre obligée à'avouer à la justice qu’elle
a été son prête-nom; elle y glisse que, pour sa sûretc, elle dira
que le verger est à elle. Ainsi cette lettre est la plus forte preuve
du mandat. S’il n’eût point existé, la dame de St. Mande auroit
franchement déclaré que les biens lui appartenoient; elle con
vient , au contraire, qu’ils sont à M. Aubier ; et ce n’est qu'en
cas de discussion qu'elle se réserve de nier.
L ’amnistie de M. Aubier est du 10 septembre 1802.
Il parolt , par la correspondance , que les démarches de
M. Aubier à ce sujet étoient contraires aux conseils que lui
avoit donnés Mme. de St. Mande. Cela donna lieu à quelques
altercations épistolaires, au sujet desquelles la dame de SaintMande écriv it, le o septembre : « Je n’a i , vous le savez, jamais
« fait ni signé d’actes que ceux que vous avez im aginés, ré« digés, consultés, et a v o u s s e u l : ainsi il en arrivera ce qu’il
« plaira à Dieu dans la suite. Je ne mets aucune partialité dans
« toutes vos affaires : il m ’est indifférent pour qui en sera le
« succès. »
5
Le 8 juillet 1802, elle disoit : « Je n’étois que votre prête« nom et celui de vos enfans ; je ne l’ai jamais nié. N ’oubliez
« pas que c ’est vous qui avez choisi Lam onteilhe pour a i n i 5 ,
cc et cela depuis trois ans. »
Ces deux lettres 11e disent-elles pas suffisamment que la dame
de St. Mande n’agissoit que comme mandataire, dans les actes
v
�22
(
)
qu'elle prétend aujourd'hui lui appartenir? N ’e s t- c e point
M. Aubier qui a choisi son héritier ? n’est ce pas lui qui a tout
fa it, qui a im aginé, rédigé les actes? La dame de St. Mande
n’est-elle pas obligée de convenir qu’elle s’étoit contentée de
prêter son nom à ces difiérens arrangemens ? ne dit-elle pas
qu’ils lui étoient si étrangers , que le succès des différentes
contestations auxquelles ils peuvent donner lieu lui étoit abso
lument indifférent?
Le contrat de mariage de Jérôme Aubier-Lamonteilhe a été
suivi d’une subrogation que la dame de St. Mande lui f i t , du
domaine du Sauzet, toujours du consentement de M . A ubier,
Elle est postérieure au mariage de trois mois.
A l’occasion de cette subrogation , la dame de St. Mande
écrivoît : « Dans le cas que tu aies des raisons pour ne pas si« gner, je déclare qu'alors j e ne -veux pas q u e t u r e n d e s l ’acte
« a TO a fils , ne voulant absolument le faire qu’autant que tu
« signeras toi-même. »
Ainsi encore la dame de St. Mande avouoit la nécessité de
la signature de son frère ; elle craignoit les suites de tout en
gagement contracté sans sort consentement. Pourquoi ces crain
te s, si elle n’eût point été la mandataire de M. Aubier?
L e juillet 180 î , la dame de St. Mande écrivoit : « Je n’a i,
« mon fr è r e , ni demandé ni désiré le renvoi de mes lettres.
« Vous m’avez dit qu’un jour elles feroient preuve que j e n ’ètoisr
<c que votre prête-nom e t celui de vos enfans; j e n e l ’a i j a m a i s
5
« NIÉ. 5»
«
«
«
u
«
83
L e ao octobre i o , nouvelle lettre : « Vous avez eu six semaines pour voir vos papiers ; vous avez agi l i b r e m e n t , s e u l,
et en pleine connoissance de votre position....... Vous vous
êtes lié et m’avez liée. Si les actes sont illégaux, vos enfans
seront toujours à tem çs, après la mort de leur m è re , de les
faire annuller. »
Enfin, le 26 avril 1804, la dame de St. Mande disoit encore :
« Quant à l'acte fait, dites-vous, par m oi, à Lamonteilhe ,
�« avant ou après le mariage , rien n ’est plus /aux ; et sûrement
« vous ne le croyez pas vous-même. Je n’ai J a it et signé d ’actes
<c que ceux que vous m'avez dictés : je n ’a i et n ’aurai jam ais
« d ’intérêt à en fa ire d ’autre, et je ne comprends pas les motifs
cc que vous avez à m’en prêter. »
Nous terminons ici l’extrait de cette correspondance, et le
bornons à ce qui étoit indispensable pour prouver le mandat.
L ’on auroit pu ajouter à cette p reu ve, en rapprochant beaucoup
de faits consignés dans une foule d’autres lettres ; mais le sieur
A u b ier, animé du désir de ne rien écrire de désagréable à qui
que ce s o it, a cru d evo ir, pour le moment a c tu e l, se res
treindre aux faits qu’il vient de développer.
La dame de St. Mande s’étant plaint à M. A u b ier, par plu
sieurs de ses lettres, de ce qu’il tardoit trop à faire passer l’acte
de transmission du v e rg e r, tandis que d’autre part elle se relusoit à ce que 1 acte énonçât qu elle le lui transmettoit comme
ayant été sa m andataire, M. Aubier la Bt assigner à cet e ffet,
comme elle le désiroit, par exploit du avril 1811.
La dame de Lam onteilhe, contre laquelle M. Aubier ne dirigeoit aucune demande , est intervenue dans la contestation,
pour em pêcher, d it-e lle , que la dame de St. Mande ne çoit
considérée comme le prête-nom de son frère.
Ces deux dames ont plaidé conjointement au tribunal civil
de Clermont ; un mémoire a été imprimé sous leur nom , et
elles n’ont pas craint d'y invoquer toutes les dispositions des
lois sur les émigrés, et d’en demander l’application contre leur
frère et beau-père.
3
Un jugement du 20 mars 1812 a accueilli la demande de
M. A ubier, et a réjeté l'intervention de la veuve Lam onteilhe,
parce que les actes qui lui ont transféré le domaine du S a u z e t
ne sont point attaqués.
Il y a appel de ce jugement.
En la C o u r, les appelantes divisent leurs défenses.
Quels peuvent être leurs moyens ?
�( H )
Quant à la dame de St. M an de, il est impossible q u elle ne
reconnoisse pas qu’elle a agi comme m andataire, lors de l’ad
judication des biens qui appartenoient à M. Aubier, son frère;
ses lettres, les actes qui les ont suivi, ne laissent aucun doute
sur ce fait; elle ne peut le désavouer.
Il est également évident que le mandat avoit été donné par
M. Aubier ; les mêmes lettres l’établissent : elles parlent de
procurations envoyées à différentes époques, et toujours pour
le même objet ; elles s’expliquent sur les suites qu’ont eues ces
procurations ; et comme la dame de St. Mande ne prouve pas
qu’elle ait reçu de mandats d’autres personnes que de son frère,
il faut qu’elle convienne que si elle a été liée envers quelqu’un
par cette espèce de contrat, ce ne peut être qu’envers M. Aubier
père. La transmission qu’elle a faite à Jérôme ne change rien ;
les actes qui ont eu lieu ne sont que la suite du mandat qu’avoit
accepté la dame de St. Mande; c ’est toujours en exécution des
volontés de son frè re , et pour son fr è r e , qu’elle a agi : tous ces
actes sont faits du consentement de ce dernier; conséquemment
ils lui appartiennent, et lui seul doit en garantir l’exécution,
ou en provoquer la nullité.
Quant à la veuve Lam onteilhe, elle n’a point d’intérêt dans
la cause.
D ’abord , M. Aubier n’a formé contre elle aucune de
mande : il a toujours respecté les engagemens qu’il a pris ; il
est même obligé de garantir la transmission qui a été faite à
son m ari, du bien du Sauzet : mais s’il pouvoit s’élever quelques
difficultés , elles ne naltroient qu’au décès de M. A u b ie r, et
entre ses enfans.
En supposant que la dame Lamonteilhe osAt soutenir que sa
tante étoit la mandataire de Jérôme A u b ie r, pour le domaine
du Sauzet, au moins n’oseroit-elle pas aller jusqu’à prétendre quo
son mandat portoit sur tous les biens de M. Aubier. Dès-lors,
le verger ne seroit point compris dans ce»mandat ; et comme
il aeroit au moins certain q u e , sous ce rapport , la dame do
�25
(
)
St. Mande auroit été la mandataire de son fr è r e , il resteroit
également pour constant que la dame de Lamonteilhe n’avoit
ni qualité ni intérêt pour intervenir dans un procès dont l’objet
étoit d’obtenir le délaissement de propriétés qui ne lui ont jamais
appartenu.
Outre ce m oyen, qui seul est déterminant dans la cau se, ne
s’en élève-t-il pas un foule d’autres contre la dame de Lamonteilhe?
E t d’abord, cette dame parolt craindre que les enfans Aubier
ne viennent, par voie de retranchem ent, prendre leur légitime
sur le bien du Sauzet ; mais ne voit-elle pas qu’elle a de plus
grands dangers à courir du côté des enfans de la dame de SaintBlande ?
En e ffe t, si elle a acquis pour e lle -m ê m e , il est évident
q u e lle n’a pas pu disposer de la presque totalité de sa fortune,
et qu’alors ses propres enfans viendront reprendre entre les
mains de madame de Lamonteilhe la plus grande partie du do
maine qui lui a été transmis.
Q ue l’on aille plus loin , et que l’on suppose , si l’on v e u t,
que madame de St. Mande n’a pas été la mandataire de son
frère : au m oins, comme il est certain qu’elle a été mandataire
de quelqu’un, il faudra bien que l’on recherche qui lui a donné
<ce mandat. Eh biei^J si ce n’est point le père s e u l, ce n’est
nonjilus Jérôme seul. Ç e dernier n’étoit rien à l’origine du
mandat; et l’acte du 8 mai '1801 n’en a fait que le représentant
dé toute la famille. S*il-figüre hypothétiquement dans le compte
du mandat, q u ia été.tehdH à*«on père*', il y assiste autant pour
ses frères que pour lui-même. Dans.cette position, tous les avan* tages qui-lui çnt été faits seroient absolument nuls. M. Aubier
■pèrÊ n’.autoiti pu disposer de biens dont il n’étoit plus proprié'ta irfti Mm
.e-.deSt. Mande n’auroit pu Yransmettre à Jérôme seul
c e q u elle avoît acquis pïmr les trois frères ; et les deux autres
qui étoient représentés par Jérôme , et qui même avoient
envoyé leur acquiescement à la décharge du compte rendu
�(
2
6
)
à leur père, auroient aujourd’hui le droit de demander chacun,
et dés à présent, le tiers du Sauzet.
Il seroit facile d’ajouter d’autres réflexions qui démontreroient
de plus en plus que les prétentions de la dame Lamonteilhe sont
en contradiction directe avec les intérêts bien entendus de ses
enfans. Mais comme l’on ne s’est proposé, dans ce résum é,
d’autre but que celui de donner l’extrait des faits de la cause,
et spécialement de ceux servant à établir que la dame de SaintMande n’a agi que comme m andataire, qu’elle tenoit son
mandat de M. A ubier, que c ’est à lui seul qu’elle doit faire la
transmission des biens qu’elle a acq uis, l’on croit devoir s’abs
tenir de toutes discussions, se référant, à cet égard, aux moyens
développés dans la consultation, et qui seront reproduits lors de
la plaidoirie de la cause.
Signe A U B I E R père.
M e. JN. C H. B A Y L E ,
avocat.
M e. D E V É Z E , avoué licencié.
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A RIOM, de l’imp. de T H I B A U D , Im prîm . de la C o u r Im périale, et lib ra ire ,
r u e des T a u le s, m aison L a n d r i o t . — Juillet1 8 1 2 .
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Aubier-Lamonteilhe, Emmanuel. 1812]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Aubier
Bayle
Devèze
Subject
The topic of the resource
émigrés
prête-nom
successions
renonciation à succession
mandats
amnistie
administration de biens
divorces
dénonciation
créances
forclusion
assignats
médiation
exécutions révolutionnaires
transactions
mort civile
séquestre
Description
An account of the resource
Titre complet : Résumé pour M. Emmanuel Aubier-Lamonteilhe, ancien magistrat, demeurant en la ville de Clermont, intimé ; contre Dame Marie-Françoise Aubier, épouse de Benoît Fabre de Saint Mande, autorisée par justice, et le sieur de Saint Mande, son mari, appelans ; et encore contre Dame Marie-Claudine de Champflour, veuve de sieur Jérôme-Emmanuel Aubier-Lamonteilhe, tant en son nom qu'en qualité de tutrice de leurs deux enfans mineurs, appelante.
note manuscrite : « 1er août 1812, 2éme chambre, arrêt…. »
Table Godemel : mandat : 3. le mandat se présume-t-il, en droit, ou ne peut-il se former que par l’acceptation du mandataire ? l’interprétation de la correspondance et des actes invoqués pour prouver le mandat appartient-elle aux juges du fond ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1812
An 2-1811
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
26 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2127
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2124
BCU_Factums_G2123
BCU_Factums_G2122
BCU_Factums_G2125
BCU_Factums_G2126
BCU_Factums_G2128
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53423/BCU_Factums_G2127.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Yvoine (63404)
Clermont-Ferrand (63113)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
administration de biens
amnistie
assignats
Créances
dénonciation
divorces
émigrés
exécutions révolutionnaires
forclusion
mandats
médiation
mort civile
prête-nom
renonciation à succession
séquestre
Successions
transactions
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53422/BCU_Factums_G2126.pdf
70500c959a031c6a0b4c0c89fc07d92c
PDF Text
Text
C ONSULTATION
[!;.:■ C, P
COUR
-/IMPERIALE
D E RIOM.
2 e . CHAMBRE.
L
e
c o n s e il
s o u s s ig n é
,
Après lecture du jugement contradictoire, rendu au tribunal
civil de Clermont-Ferrand, le 2 0 mars 1 8 1 2 , entre M . A u b i e r L a m o n t e i l h e p è r e , d’une part ; M. et M me. d e S a i n t - M a n d e ,
son beau-frère et sa sœ ur, et la d a m e C h a m p f l o u r , veuve
L a m o n t e i l h e , sa belle-fille, d’autre part;
C onsulté , 1°. sur la manière dont la transmission du GrandV erger, situé à Montferrand, que réclame M. Aubier, doit être
opérée pour être irrévocable ;
20. Sur l’intervention de la dame Champflour, veuve Lamon
teilhe ;
que M. Aubier doit attendre avec sécurité la décision
de la Cour impériale de R io m , sur l’appel interjeté par M. et
Mme. de Saint-M ande, et par la dame veuve Lamonteilhe , du
jugement sus-énoncé.
E stim e
1°. M. et Mme. de Saint-Mande ne refusent pas de transmettre
a M. Aubier la pleine propriété du Grand-Verger : les conclu
sions im prim ées, signifiées en prem ière instance, en contiennent
l’offre précise.
�Mais M. et Mme. de Saint-Mande, après avoir dit que jam ais
ils rion t refusé au sieur slu bier de lu i passer acte devant no
ta ire, et à ses f r a i s , ajoutent : Pourvu que le sieur A ubier ne
donnât point dans cet acte , à la dame sa sœ ur, les fausses
qualités de prête-nom et de mandataire.
A in si, M. et M me. de Saint-Mande attachent à la transmission
du V erger, la condition qu’elle ne sera point faite de la part de
la dame de Saint-M ande, comme ayant été la mandataire de
M. Aubier dans.; l'acquisition qu’elle en a faite de la nation.
Cependant la transmission offerte par M. et Mm*. de SaintMande doit avoir une cause : pourquoi ne pas vouloir exprimer
la véritable, la seule cause qui y donne lieu? M. Aubier doit
compter sans doute sur la délicatesse de M. et M” e. de SaintMande ; sans doute ils ne cherchent point à rendre illusoire la
transmission qu’ils lui feraient ; mais beaucoup trop d’inconvé*;
niens, étrangers même à M. et.Mme- de Saint-Mande, pourraient,
résulter d’une subrogation à la propriété du V erger, qui serait
faite sans cause, ou qui aurait une cause autre que celle qui
existe réellem ent, pour que M. Aubier ne doive pas persister
h demander une transmission à sa sœur, cpmme.n’ayant acquis
que pour lu i, d’après les pouvoirs qu’il lui avait.donnés .et qu’ellft.
ayait acceptés.
*
L ’existence d’un mandat entre M. Aubier et M me. de Saint) Mande, ne saurait être problématique.
L e contrat de mandat peut se former sans qu’il intervienne
aucune déclaration expresse de la volonté des parties. Il peut
être donné par lettres, et son acceptation peut résulter de
1 exécution qu’il a reçue de la part du mandataire. Pothier,
Traité du contrat de m a n d a t, chap. i er- > section 5 , nos. 28
et 29. — Code N apoléon, art. i g 85..
O r , le fciandat donné par M. A u b ier, son acceptation par
M me. de Saint-Mande, sont établis, non-seulement par les lettres
de M me. de Saint-Mande, que rapporte M. A ubier, mais encore
«
�( 3 )
f?
par les différens actes passés dans la famille depuis le retour de
M. A ubier, et surtout par l’acte du 18 floréal an g ( 8 mai 1801 ).
Les expressions de ces lettres, de ces actes, sont claires; et il
en sort positivement que ce n’était que pour M. Aubier que
M 1,,e. de S a i n t - M a n d e , d’après les pouvoirs cju’elle avait reçus
de lu i, se rendit adjudicataire des biens qui lui appartenaient,
vendus par la nation.
<
M. et Mme. de Saint-Mande ont contesté faiblem ent, en point
de fait, l’existence du mandat. Ils se sont retranchés sur le point
de droit ; et c ’est sur le point de droit cjue M. Aubier demande
particulièrement l’avis du Conseil.
La loi du 28 mars 179D avait déclaré les émigrés banrtis à
perpétuité du territoire fr a n ç a is , et morts civilement. Suivant
la même lo i, tous les biens des émigrés étaient acquis à la répu
blique. La loi du 12 ventôse an JB, relativement au!x émigrés
avant le 4 nivôse an 8, confirma le principe qu’ils ne pouvaient
-invoquer le droit civil des Français,
M. Aubier ayant été inscrit sur la liste des émigrés le 7 floréal
an a , a-t-il pu ensuite donner à Mn,e. de Saint-Mande un mandat
à l’effet d’acquérir pour lui ceux de ses biens séquestrés qui
seraient vendus par la nation?
Mn,e. de Saint-Mande a-t-elle été liée par l’acceptation et l’exé
cution de ce mandat?
M. et M'ne. de Sàint-Mande soutiennent la négative.
Il est facile d’é ta b lir, d’après les principes élémentaires du
droit, et d’après la jurisprudence,
Q ue le mandat est du nombre des conti-ats du droit des gens ;
Que les émigrés étaient capables de tous les actes qui dérivent
de ce droit :
D ’où se tirera la conséquence que M.' Aubier et M me. de Saint-
?
r V .;
�C4)
Mande étaient respectivement liés par le mandat donné par l’un
et accepté par l’autre.
On a distingué, dans toutes les législations, le droit des gens,
du droit civil.
Les hommes forment différentes sociétés. Il existe des relations
entr’eu x , soit qu’ils fassent partie de la même société, soit qu’ils
fassent partie de sociétés différentes. C ’est comme hommes, et
non comme citoyens d’un é ta t, qu’on doit alors les considérer.
Sous ce rapport, les hommes sont régis par des régies générales,
qui ont été puisées dans la nature, et qu’ils observent tous éga
lem ent, sans qu’elles soient soumises, quant à leur substance,
à aucunes formes particulières.
Ces règles constituent le droit des gens. Qnod naturalis ratiointer omnes homines constitu.it, id apud omnes perœque custo d itu r, 'vocaturque ju s gentium , quasi quo jure ovines gentes
utantur. Instit. de jur. nat. gent. et c i v ., §. i er.
Chaque société, indépendamment des régies universelles, est
soumise aux règles particulières qui ont été établies spéciale
ment pour les hommes qui la com posent, ou q u i , communes
à tous dans leur principe, reçoivent des modifications pour cette
société ; règles particulières qui peuvent faire dépendre la vali
dité des actes qu’elles autorisent, de certaines formalités ou con
ditions qu’elles imposent.
Ces règles constituent le droit civil. Quod quisqitc populus
ipse sibi ju s constituit, id ipsius propriurn civitatis.est, -vocaturque ju s civile , quasi ju s proprium ipsius civitatis. Ibid.
Les relations entre les hommes de différens états devaient
avoir particulièrement pour objet la vente , le louage , le p r ê t,
le commerce, le m andat, la société , le d ép ô t, etc. Aussi les lois,
contiennent-elles l’énumération des contrats , comme tenant en
général au droit des gens. E t e x hoc jure gentium omnes petic
contractus introdueti s u n t, ut emptio et v en d itio , locatio eù
�’
5 }
concluctio , societas , depositum , m utuum , et a lii innumerabiles. Ibid. § 2.
L. 5 , ff. D e justit. et fur. — L. i 5 , ff. D e
interdict. et releg. et déport,
Les adversaires de M. Aubier ont soutenu en première ins
tance , et dans les conclusions imprimées , que le mandat est
un acte qui appartient au droit civil.
Les lois citées ne font pas , à la v é rité , une mention parti
culière du m a n d a t, dans les contrats qu elles disent avoir été
introduits par le droit des gens ; mais serait-il possible que le
mandat ne fût point compris dans ces expressions employées
dans les lo is, et a lii innumerabiles, et caetera sim ilia ?
L e mandat est de sa nature un contrat de bienfaisance, un
contrat qui repose sur la confiance qu’une des parties a dans
1 autre. Il est gratu it, à moins de convention contraire, et le man
dataire fait un office d’ami. A ces caractères on doit reconnaître
un contrat du droit des gens.
D ’ailleurs, le mandat se rattache le plus ordinairement aux
contrats dont parlent les lois , tels que la vente , l’échange , etc.
Un étranger ne peut souvent acquérir et vendre que par le
ministère d’un tie rs, à cause de la distance où il se trouve du
lieu de la vente. Pourrait-il ne pas charger ce tiers de traiter
pour lui? sa présence serait-elle une condition inhérente à la
capacité que la loi lui donne? et en étendant cette réflexion aux
émigrés , q u i, comme on l’établira bien tôt, pouvaient consentir
tous les actes du droit des gen s, n’aurait-ce pas été les en pri
ver que de les obliger à traiter en personne, eux q u i, d’après
la loi du 28 mars 1793, étaient bannis à perpétuité, et ne pou
va ie n t, sous peine de m ort, enfreindre le bannissement?
Le mandat est donc essentiellement un contrat du droit de*
gens. Aussi les auteurs qui ont eu occasion de s’en expliquer ,
ne se sont même pas fait de difficulté à cet égard.
« Le contrat de mandat est de la classe de ceux qu’on appelle
« contrats du droit des gens y contractus ju n s gcntium ; il se
3
�(6 )
« régit par les règles du droit naturel. L e droit civil ne l ’a
« assujéti à aucunes form es, ni à aucunes règles qui lui soient
« particulières, » P o th ier, du contrat du m andat, cliap. i er. ,
section i erc. , n°. 2.
v L e mandat est de la classe des contrats du droit des gens;
« il n’est assujéti à aucune forme ni à aucune règle qui lui soit
cc particulière. Il est aussi-du nombre dés contrats de bienfai« sance, etc. » Répertoire de jurisprudence, au mot M a n d a t,
§. i er., n°. xer.
>
« Le droit des gens est celui qui lie tous les hommes en gé« n é ra l, abstraction faite des sociétés politiques auxquelles
« chacun d’eux peut appartenir. Les actes qui émanent de ce
« droit sont ceux qui établissent des relations entr’e u x , tels
« que la •vente , le dépôt, la société, le p rêt, le m a n d a t etc. »
M. Grenier, Traité des donations et testamens, discours histo
riqu e, page i ere.
,
\
Après avoir établi que le mandat doit être rangé parmi les
contrats du droit des g en s, examinons si les émigrés pouvaient
consentir des pareils contrats.
Les lois prononçaient contre les ém igrés, le bannissement à
perpétuité et la mort civile. O r, dans le droit romain, comme
dans l’ancien droit français, la mort civile, résultant de la dépor
tation ou du bannissement perpétuel, n’emportait que la perte
des droits civils. Les bannis, morts civilem ent, restaient capa
bles de tous les actes du droit des gens.
On trouve ce principe dans la loi i 5 , ff. D e interdictis et
relegatis et deportatis, déjà citée. Deportatus civitatem am ittit,
non llbertatern ; et speciali quidem ju re civitatis non f ru itu r,
ju re tamen gentium utitur.
R icher, dans son Traité de la mort civ ile, page ao 5 , après
avoir dit que , suivant les lois romaines, il est certain que la mort
civile ii’empéchait point d’acquérir à titre onéreux, et de vendre
%
�(7 )
ce qu’on avait acquis; qu’en un m ot, elle ne portait aucune
atteinte à la capacité active et passive, par rapport à ces sortes
de contrats , ajoute :
« T elle était la jurisprudence des Romains sur cette matière ;
« et nos auteurs décident presque tous unanimement que la
« même chose s’observe parmi n ou s, et que celui qui est mort
cc civilement peut jouir des biens par lui acquis depuis sa mort
« civile encourue.
« Carondas , en ses observations , au mot b a n n i, rapporte un
ce arrêt du 5 juillet i 558 , qui a jugé qu’un homme banni à per
te pétuité hors du royaume pouvait trafiquer en France par cor« resporidant, n’étant pas de pire condition qu’un étranger, et
« n’étant pas mort civilement à l’égard du pays où il demeure,
cc O r , cette permission de trafiquer renferme nécessairement
« les facultés qui constituent le trafic, c ’est-à-dire, d’aliéner
« et d’acquérir.
« Lebrun , en son Traité des successions , livre i er. , cliap. 2 ,
« section 2, n°. 9 , dit qu’on succède aux acquisitions faites
cc par un homme condamné au bannissement perpétuel, depuis
cc sa condamnation exécutée : d’où il suit que cet auteur concc vient qu’un homme en cet état peut acquérir. »
Richer pense néanmoins que pour décider de la capacité de
ceux qui sont dans les liens de la mort civile , même par rapport
aux contrats du droit des gens, il faut distinguer les causes qui
opèrent la mort civile. A in si, si elle provient d’une condamnation
à mort naturelle prononcée par coutum ace, il incline à croire
qu’elle ne laisse pas à celui qui l’a encourue, la faculté de con
tracter , au moins dans le royaume.
cc Mais il n’en est pas de m êm e, d it-il, à l’égard de ceux
cc qui n’ont été condamnés qu’à une peine q u i, en leur laissant
cc la v ie , les retranche du nombre des citoyens , comme les gâ
te 1ères ou le bannissement à perpétuité. La justice a cru devoir
cc leur laisser la faculté de vivre. Elle leur a enlevé l’être c iv il,
ce mais elle leur a laissé l’être p hysique, même l’être moral.
4
•
�« N ’ayant pas voulu le leur en lever, elle tolère qu’ils usent des
« moyens qu’ils peuvent tirer de leur industrie, pour se le
« conserver. »
Despeisses, tome 2, page 683 , en rapportant l’arrét du 5 juillet
i 558 , cité par Richer d’après Carondas, enseigne le même prin
cipe.
« L e banny à perpétuité, dit cet a u te u r, s’estant retiré en
« autre pays, y peut user du droict commun. Ainsi un tel banny
« ayant envoyé des marchandises en France pour les y faire
« vendre par sa fem m e, et le procureur du roi les ayant fait
« saisir, par arrest du parlement de Paris, du 5 juillet i 558 ,
« elle en eust main-levée contre le procureur du roi ; car il ne
« doit pas estre de pire condition que l’estranger, et partant
« audit pays il peut contracter, etc. »
On lit dans le Recueil de jurisprudence civile, deRousseaudLacom be, au mot Bannissement, n°. 3 , qu’i l n y a que les bannis
à perpétuité du royaume q u i soient morts civilement.__q u ’ils
retiennent ce qui est du droit des gens...... q u ’ils peuvent tra
fiqu er en France par correspondans. Rousseaud-Lacombe cite
Legrand , sur l’article i 35 de la coutume de Troyes , glos. uniq. r
n05. 54 et 35 , et l’arrét du 5 juillet z 558»
Si dans le droit rom ain, et dans Tancien droit français, le
banni à perpétuité pouvait faire tous les actes du droit des gens,
l’ém igré, sous l’empire de la loi du 28 mars 1793, aurait-il pu
ne pas avoir la même capacité?
Sans contredit, suivant les lois d’alors, l’émigration était con
sidérée comme un grand crim e; mais c ’était un crime politique
qui portait atteinte aux lois particulières de la F ran ce, sans
porter atteinte aux lois universelles et fondamentales reconnues
par toutes les nations, et q u i , comme on l’a vu , forment le
droit des gens. A u x termes de la loi du 12 ventôse an 8 , les
émigrés ne pouvaient invoquer le droit civil des Français. La
peine de l’éinigration était donc bornée à la perte des droits
civils.
�( 9 ); . .
Et comment pourrait-on aujourd’hui lui donner plus d’exten
sion ?
La mort civile encourue par suite de condamnations judi
ciaires , et pour crimes que toutes les nations punissent égale
m ent, ne prive pas néanmoins ceux contre lesquels elle a été
prononcée , de la capacité de contracter. Celui q u i, à cause de
ses opinions, fut forcé de s’expatrier , serait-il traité avec plus
de rigueur ?
Ajoutons que la position de M. Aubier lui imposait la néces
sité d’une fuite q u i , de la part de beaucoup d’autres , était vo
lontaire. Les 11 et 20 août 1792, des mandats d’arrét avaient é té
décernés contre lui par le comité révolutionnaire de Paris. Ses
co-accusés périrent peu de jours après sur l’échafaud.
- Les anciens principes sur les effets de la mort civile n’ont
donc reçu aucun changement par rapport aux émigrés. La Cour
de cassation l’a ainsi décidé par d iffé r e n s arrêts. Il y a p lu s, la
Cour de cassation a jugé que les peines portées par la loi du 28
mars 1795, et les lois subséquentes , n’avaient été établies quo
dans l’intérét de la nation.
Les arrêts de la Cour de cassation, qui sont en date' des 24
germinal an 4 , 20 fructidor an 1 1 , i 5 ventôse an 12 , 28 frimaire
an i 3 , et 28 juin 1808 , ont été rendu s, les uns contre des
émigrés qui demandaient la nullité d’actes par eux consentis
pendant leur inscription ; les autres en leur faveur (1).
Nous nous bornerons à citer quelques-uns des motifs des deux
derniers arrêts.
1.
«
et
«
cc
« Attendu , porte celui du 28 frimaire an i 3 , que les
sitions prohibitives des lois des 28 mars et 26 juillet
ne sont relatives qu’il l'intérêt n a tio n a l, et que par
quent l’émigré , auteur de l’aliénation, ainsi que ses
sentans , sont non recevables à s’en prévaloir ; — q u e
dispo1793 ?
consérepréla dis-
(1) V o y . le Journal de D encvcrs, volume Je l’an 12, png. 97 et 44 1 > vol. de
l’an i 3 , Pag- 17^5 e*
1808', pag. 368 .
H *.
�et
«
cc
«
«
«
position de la loi du 12 ventôse an 8 , qui veut que ceux qui
étoient considérés comme émigrés avant le 4 nivôse an 8 , ne
puissent invoquer le droit civil des Français , ne peut s’appliquer qu'aux actes qui dérivent uniquement de la lo i civile
et du droit de cité , et que dans l’espèce il s’agit d’une vente ,
espèce de contrat qui est du droit naturel et des gens, »
« Attendu , porte également l’arrét du 28 juin 1808, que la
cc mort civile prononcée contre les émigrés par la loi du 28 mars
« 1795, ne leur interdisait que les actes dérivant du droit de
ce cité , et non ceux dérivant du droit naturel et des gens , tels
« que les acquisitions et oblig ation s........... »
La Cour de cassation a fait l’application du même principe,
dans un sens plus favorable encore aux émigrés.
P a r u n arrêt du 17 août 1809, elle a jugé qu’un émigré qui
avait vendu un i m m e u b l e , av a it p u , avant sa radiation, exer
cer l’action en rescision pour cause de lésion d’outre-m oitié,
et ester en jugement sans l ’assistance d’un curateur ; « Consi« dérant que la mort civile n’interdit aux individus qui en sont
c< frappés , que l’exercice des droits et actions q u i dérivent
« du droit civil; qu’aucune loi expresse, avant la promulgation
« du Code Napoléon , ne privait ces individus des droits et
« actions qui dérivent du droit des gens ; — Considérant que « la vente étant un contrat du droit des g en s, l’action en payecc ment du juste prix résultante de ce contrat, dérive nécessai
re rement du même droit des gens; — Considérant qu’à l’époque
« de la vente dont il s’a g it, comme à l’époque de l’action en res
te cision, le vendeur était inscrit sur la liste des émigrés, sans que
te l’ o b je t vendu ait été séquestré; — Considérant que celui qui a
ce droit de vendre, a conséquemment le droit d’exiger le prix... j>
C et arrêt est rapporté , précédé des conclusions conformes
de M. le Procureur-général M erlin, dans le Recueil des ques
tions de droit de ce m agistrat, au mot M ort civ ile , §. 3.
La jurisprudence constante de la Cour de cassation ne laisse
pas de doute sur la capacité qu’avaient les émigrés de consentir
�C
)
tous les actes du droit des gens ; et le mandat est du nombre
de ces actes. Mais on.peut citer un arrêt rendu même pour le
cas particulier du mandat.
Le 2 septembre 1807 , la Cour de cassation a décidé « que les
« émigrés ne peuvent exciper de la mort civile dont ils ont été
«c frappés, pour faire annuller les actes par eux fa its , ou par
« leurs fondes de pouvoirs, pendant la durée de cet é ta t( i) . »
Ce qui a été jugé contre les ém igrés, l ’aurait été contre les
tiers qui avaient traité avec le mandataire, si la nullité des actes
avait été demandée par eux ; et cela surtout d après le prin
cipe consigné dans l'arrêt du 28 frimaire an i 3 , que les disposi
tions prohibitives des lois sur Immigration n’étaient relatives qu’à
l’intérét national.
Quoi qu’il en soit, il résulte évidemment de l’arrêt du 2 sep
tembre 1807 , que les émigrés étaient légalement représentés par
des fondés de pouvoir dans les actes qui leur étaient permis.
L ’arrét du 5 juillet i 558 avait jugé la même chose, à l’égard
des bannis à perpétuité, en décidant qu’ils pouvaient trafiquer
par correspondans.
M. et Mme. de Saint-Mande font une objection fondée sur
l’article 20o5 du Code Napoléon , d’après lequel le mandat finit
par la mort naturelle ou civile soit du matidant, soit du manda
taire ; ils en concluent que l’individu mort civilem ent ne peut
pas constituer de mandat.
Cette conséquence n’est pas ju ste, et l’article 2003 du Codo
ne fournit aucune induction contre M. Aubier.
Il est hors de doute que la mort civile dépouille celui qui l’a
encourue de tous les biens et droits qu’il possède ; il ne peut plus
exercer d’action contre personne, et personne ne peut en exercer
contre lui.
Mais il faut bien distinguer les biens et droits que le mort
(1) V o y . le Journal de D cncvers, vol. tic 1807, p^S'
4**o.
�( 12 )
civilem ent possédait avant d’avoir encouru la mort c iv ile , des
biens et droits qu’il acquiert par la suite.
A l’égard de ces derniers, il est comme s’il n’était pas mort
civilem ent ; il peut en jouir, et il a le droit d’exercer les actions
qui en naissent. C ’est le résultat de ce que dit R iclier, pages 2.0S
et a 5o , et de l’arrêt du 17 août 1809.
O r, de même que le mort civilem ent peut, après la mort civile
encourue, acquérir, vendre et intenter des actions relativement
aux objets dont il est devenu propriétaire ; de m êm e, après la
mort civile encourue, il peut constituer un mandat.
Un mandat donné par un individu peut avoir pris fin dès l’ins
tant de sa mort civ ile, par la môme raison que cet individu a
été dépouillé de tous ses droits et actions généralement quel
conques. Mais un mandat donné pendant la mort civile a obligé
celui qui l’a donné et celui qui l'a re ç u , par la même raison
qu’une vente, ou tout autre contrat, aurait produit des obli
gations réciproques entre le mort civilem ent e t l’autre partie con
tractante.
D ’après c e la , dire qu’un individu mort civilement ne peut pas
constituer de m andat, parce que la loi prononce l’extinction
du mandat par la mort civile, c ’est comme si l’on disait que le
même individu ne peut pas acquérir de b ien s, parce que la loi
le dépouille de tous ceux qu’il a.
C ependant, des acquisitions sont permises pendant la mort
civile. Le mandat l’est également, soit parce que deux contrats
d e la même nature 11e peuvent être régis par des règles diffé
rentes , soit parce q u e , ainsi que la remarque en a déjà été faite,
le mandat se rattache ordinairement à la vente et aux contrats
de la même esp è ce , et que presque tous les individus qui ne
6eraient pas capables du m andat, seraient privés du bénéfice
des autres contrats.
Au reste , la Cour de cassation , par son arrêt du a septembre
1807, a précisément jugé que le mandat donné par un individu
Avant son émigration n’avait point fini, h son égard, par la mort
%
�C *3 )
civile qu’il avait encourue. L ’engagement étant réciproque, le
mandat n’a pas dû prendre fin à l’égard du m andataire, plus
qu’à l’égard du mandant.
Si donc le mandant et le mandataire étaient liés par le mandat
donné et accepté avant l’émigration , à plus forte raison ils
doivent l’étre par le mandat donné et accepté pendant l’ém i
gration.
C ’est le cas dans lequel se trouvent M. Aubier et Mme; de SaintMande.
Il s’ensuit que M. Aubier a contre Mme. de Saint-Mande ,
< l’action appelée en droit manclati directa , de même que M me. de
Saint-Mande a contre lui l’action m andati contraria.
Il s’ensuit que Mme. de Saint-Mande doit à M. Aubier la trans
mission du Verger qu’il réclam e, comme ayant été sa manda
taire à l’effet de racheter cet héritage pour son compte ; et que
le jugement du tribunal civil de Clerm ont, qui a ordonné ainsi
cette transmission, doit être c o n f i r m é p a r la C o u r .
Il
reste à répondre à un moyen qu’on a fait valoir pour M. et
Mme. de Saint-Mande ; moyen qui n’a pas trait à la question qui
vient d’être discutée, et qui porte sur un défaut d’intérêt de la
part de M. Aubier.
uQu’im porte, d it-on , que ce soit à titre de mandataire, ou à
tout autre titre , que M««e. de Saint-Mande transmette à M. A u
bier la pleine propriété du Grand-Verger?
La propriété du Verger ne doit pas être incertaine. Doit-elle
rester sur la tête de Mme. de Saint-Mande, ou passer sur la tête
de M. Aubier? Mme. de Saint-Mande, on n’en doute p a s, est pour
ce dernier parti. Eh bien ! si la propriété du Vet-ger doit passer
sur la tête de M. A u b ier, elle doit y passer sans restriction ; et
il ne faut pas qu’après la transmission, on puisse douter encore
si M. Aubier est, ou n o n , le véritable propriétaire.
O r, quel serait l’effet d’une transmission pure et simple?
On ne pourrait la considérer que comme une libéralité, i
�(
}
Cela posé, Mme. de Saint-Mande, qui avait acquis le bien du
Saulzet, comme le V<rger de M ontfenand, en a transmis la
propriété au sieur l.amonteilhe fils; et cette transmission, si
M me. de Saint-Mande n’était pas jugée la mandataire de M. Aubier,
paraîtrait n’avoir été qu’uae donation de sa part en faveur du
sieur Lainonteillie, de même que la transmission du Verger pa
raîtrait n’étre qu’une donation en faveur de M. Aubier.
Par la transmission du bien du Saulzet, Mme. de Saint-Mande
n’avait-ellc point épuisé la faculté de disposer que lui donnait
la loi?
T elle est la question qui serait élevée après le décès de Mme. de
Saint-Mande, par des héritiers ayant droit de réserve, et qui
pourrait l’étre notamment au nom de mineurs , dans l’intérét
desquels leurs tuteurs devraient, sous leur responsabilité per
sonnelle, scruter les actes passés dans la fam ille; et l’on croit
devoir dire , d’après les faits constans et avoués dans les m é
moires imprimés, que cette question ne pourrait être décidée
à l’avantage de M. Aubier ou de ses héritiers.
A insi, M. Aubier serait obligé de rendre le V erger, qui ren
trerait dans les mains des héritiers de Mme. de Saint-Mande.
M. Aubier devait prévoir cette circonstance. Il a donc agi
prudem m ent, pour lui et pour ses enfans, en n’acceptant pas
une transmission pure et simple du V erger, que Mme. de SaintMande a acquis pour son compte. Son intérêt est évid en t, tandis
que Mn,e. de Saint-Mande , d’après les bonnes intentions qu’elle
a manifestées , n’en a absolument aucun pour persister à de
mander que le titre de mandataire ne lui soit point donné dans
1 acte de transmission.
1
4
2°. Mais la veuve du iils de M. A ubier, la dame Chainpflour,
veuve Lamonteilhe , fa it, en qualité de tutrice de ses enfans,
cause commune avec M. et M0“ . de Saint-Mande; elle est inter
venue dans la contestation.
L e sieur Aubier-Lamonteilhe fils, par son contrat de mariage
�C 1 5 -)
avec la dnme Champflonr, du 11 prairial an 9 , se constitua en
toute propriété le bien et domaine qui lu i appartenait dans le
lieu du Saulzet.
Le domaine du Saulzet appartenait à M. Aubier p è r e , et „
ainsi qu’on vient de le v o ir, il avait été acquis par Mme. de SaintMande, de même que le Verger de MontferrancL t
Ce domaine a été transmis au sieur. Aubier-Lamonteilhe , de
la part de Mme. de Saint-Mande, par des actes auxquels M. Aubier
père a concouru, et qui ont été passés en sa présence, et de son
consentement spécial.
La dame Cham pflour, veuve Lamonteilhe , craint que les
droits de ses enfans ne soient lé sé s, si M. Aubier, parvient à
obtenir la transmission du Verger de M ontferrand,,au titre qu’il
la réclame. C ’est, du moins là le prétexte de son intervention.
Le tribunal civil de Clermont a jugé que cette intervention,
était sans intérêt , « attendu que l’acte du 8 mai 1801,, et la
« subrogation du domaine du Saulzet , ne sont point attaqués,,
« et que toutes discussions à cet égard,seraient prématurées. »
Ces motifs sont décisifs.
La dame v e u v e Lam onteilhe, au nom de ses enfans',, e st en
possession du domaine du Saulzet. M. Aubier a toujours dittqu’iL,
entendait respecter les actes qui avaitnt.étéf passés; il ne de
mande rien à la dame veuve Lamonteilhe (a.)..
(t) Non-seulem ent je n’ai jamais attaqué la subrogation de Sau lzet, mais
m êm e, en tout t. ntps , j’ai offert.de ht ratifier; 11.depuis ma réclamation du
V e rg e r, j’ai signé chez M. Favart, médiateur, une ratification de la subroga
tion de SaulzU. Elle a été imprimée en première instance, à la fin de l’exposé
des
Cela n’a pas empêché M n>e. Lamonteilhe d’assnrcr, dans un mémoire im
prime’ , . ft signé d’elle, que je travaillaistà dépouillerim es;petites-filles de la
moitié de Saulzet, pour vendre cçttc moitié., et fdire-jrctombcr isuf l ’autre Ja
légitime de ses deux beaux-frères.
AUD
1E R
père.
�C 16 )
On dit pour M me. Lamonteilhe :
Etant jugé que M,ne. de Saint-Mande n’a été que la manda
taire de M. A u b ier, à l’effet de racheter ses biens séquestrés ,
il sera jugé que le domaine du Saulzet provient directement de
M. A u bier, que le sieur Lamonteilhe le tient de lui. Par suite,
ses enfans venant à la succession de M. Aubier , devront le
rapport de ce domaine ; ils auront tout au moins à craindre
l’action en retranchement pour la réserve des autres enfans de
M. Aubier.
En premier lieu , ce qui sera jugé avec M. et Mme. de SaintMande pourra d’autant moins être opposé à la dame veuve Lam onteilhe, que M. Aubier a toujours déclaré, et que le juge
ment dit que la subrogation du Saulzet n ’est point attaquée.
En second lieu , il ne peut être question de rapport à une
succession , d’action en retranchement d’une donation , tant
que la succession n’est point ouverte.
Le rapport n’est du que par des héritiers. Le droit de réserve
est attaché au titre d’h éritier, et il ne peut y avoir d’héritiers
d’un homme vivant. Kiventis nulla est hccrcditas.
La dame veuve Lamonteilhe ne peut donc élever aujourd’hui
des questions qui ne pourront être agitées qu’après la mort de
M. Aubier.
En troisième lieu , la dame veuve Lamonteilhe agit contre
le propre intérêt de ses enfans.
En supposant que les choses arrivent comme elle parait le
redouter, ses enfans ne devraient point le rapport du domaine
du Saulzet : les actes de transmission en contiennent la dispense
expresse.
Ils auront au moins, dit-on, à subir un retranchement !
O u i , si M. Aubier ne laisse pas assez de bien pour compléter
la réserve de ses autres enfans.
M ais
�( i7 î
Mais ce retranchement serait beaucoup plus considérable ,
M me. de Saint-Mande n’étant pas jugée mandataire de M. A ubier,
et la transmission du Saulzet étant dès-lors censée être une libé
ralité de sa part.
- ' :-vn ¿‘A ’•~q ■' < > ■
■
En e ffe t, et nous raisonnons toujours cl_après les faits constans et' avoués dans les m ém oires, les enfans Lamonteilhe de
vraient rendre au moins les deux tiers du domaine du Saulzet,
en même temps que M. Aubier devrait rendre le V e r g e r , dont
la transmission serait postérieur^.
.. Dès-lors les enfans Lamonteilhe_courraient_le risq u e , nonseulement d’étre dépouillés de la plus grande partie du domaine
du Saulzet, mais encore de ne rien conserver , pas plus que leur
grand-père et leurs oncles et tantes , des autres biens acquis par
Mme. de Saint-Mande comme mandataire de M. Aubier.
» La dame veuve Lam oateilhe doit-elle donc faire tant d’ef
forts !......
1
E n fin , on ajoute pour la dame veuve Lam onteilhe que la foi
des contrats de mariage ne doit jamais être violée.
Il
ne peut y avoir lieu à l’application de ce principe. M. Aubier
n’attaque point les conventions portées dans le contrat de m a
riage des sieur et dame Lamonteilhe.
La dame veuve Lamonteilhe n’aurait d’ailleurs rien à redouter.
M mfi. de Saint-Mande jugée mandataire de M. Aubier à l’effet cia
racheter ses b ien s, la propriété incommutable du Saulzet n’ en
devra pas moins rester aux enfans Lam onteilhe, puisque M. A u
bier a concouru aux actes de transmission.
1
Et la circonstance d’un retranchem ent!à souffrir p eut-être,
ne rend point cette propriété incertaine; car la faveur du con-*
trat de m ariage, en supposant même qu’il contint la transmis
sion , ne pourrait porter obstacle à l’exercice du droit de réserve,
s il y avait lieu : point certain qui ne pouvait manquer d étre
prévu lors du m ariage, les dispositions des lois étant précises ;
�( 18 )
ce qui écarte toute idée de violation de la foi due au con-;
trat (1).
D é l ib é r é
à R io m , par les avocats soussignés, le
3 o mai 1812
A L L E M A N D , J n. C h. B A Y L E ,
B E R N E T -R O L L A N D E .
Me. D E V È Z E , avoué licencié
(1)M a belle-fille, après avoir bien prou vé, dans son mémoire im prim é, qu’elle
tient Saulzet de ma seule volonté , n’ en a pas moins dit et fait plaider qu’ elle
aimait mieux que ses filles tinssent la confirmation de ce d on , des enfans de
Mme. de Saint-Mande que de moi leur a ïeu l, et de mes enfans leurs oncles. Ce
pendant, quand même elle serait sûre que M . d e S a in t-M a n d e fils conservera,
après la mort de sa mèr e , autant de bonne volonté que M mc. Lamonteilhe lui
en croit à présent, la minorité du p e tit-fils de Mme. de Saint-Mande héritier
pour moitié de celle-ci, ne met-elle pas un obstacle insurmontable à ce qu'on
dispense mes petites-filles de rapporter à la succession de ma sœur plus de moitié
de Saulzet, si ma sœur était réputée avoir acheté mes biens pour son propre
com pte, et non comme ma mandataire, en même temps que ce système me
mettrait dans la necessité de rendre à la mort de ma sœur le V erg er dont
il s’agit?
Je ne suis malheureusement que trop certain que M . de Saint-Mande fils
est le principal prom oteur de cette affaire, du changement de ma sœur à mon
égard, et du refus de toute conciliation.
Je supplie mes juges de pren d re la peine de lire les m ém oires im prim és en
prem ière in stan ce; ils sont absolum ent nécessaires p o u r bien conn aître le gen re
de persécution et d ’offense que j’ép ro u ve de la part d ’une b elle-fi l l e p o u r q u i
j ’ai fait des sacrifices tels q u e , dans l’état actu el des choses, les re v e n u s à m oi
réservés passent en entier à l ’acq u it des dettes assises sur S aulzet, que je paye
p o u r elle.
AUBIER
père.
A R I O M , de l’imp. de T H I B A U D , im p rim . de la C o u r Impériale, et lib raire,
rue des T a u le s , maison L a n d r i o t , — Juin 1812.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Aubier-Lamonteilhe, père. 1812]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Allemand
Bayle
Bernet-Rollande
Devèze
Subject
The topic of the resource
émigrés
prête-nom
successions
renonciation à succession
mandats
amnistie
administration de biens
divorces
dénonciation
créances
forclusion
assignats
médiation
exécutions révolutionnaires
transactions
mort civile
séquestre
Description
An account of the resource
Titre complet : Consultation.
Table Godemel : mandat : 3. le mandat se présume-t-il, en droit, ou ne peut-il se former que par l’acceptation du mandataire ? l’interprétation de la correspondance et des actes invoqués pour prouver le mandat appartient-elle aux juges du fond ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1812
An 2-1811
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
18 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2126
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2124
BCU_Factums_G2123
BCU_Factums_G2122
BCU_Factums_G2125
BCU_Factums_G2127
BCU_Factums_G2128
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Yvoine (63404)
Clermont-Ferrand (63113)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
administration de biens
amnistie
assignats
Créances
dénonciation
divorces
émigrés
exécutions révolutionnaires
forclusion
mandats
médiation
mort civile
prête-nom
renonciation à succession
séquestre
Successions
transactions
-
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3155b9188522e58351e027fa85e4a13e
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JUGEMENT
DU T R I B U N A L D E 1er I N S T A N C E
D E C L E R M O N T (dont est appel; sur quoi, voyez les
Observations à la suite du ju g em en t),
R endu
entre
M.
A u b ie r -L a m o n te ilh e
p ère , in tim é
M . et M a d . de S . - M a n d e , sœur et b e a u -fr è r e dudit
A ubier
et la dame
C hampflour , V e L a m o n te ilhe ,
sa b e l l e - f i l l e , appelans.
N A P O L É O N , par la grâce de Dieu et les Constitutions de l’Empire ,
Empereur des Français, Roi d’Italie, et Protecteur de la Confédération du
R h in , à tous présens et à venir, S a l u t . Savoir faisons que
L e Tribunal de première instance de la ville impériale de Clermont-Ferrand,
chef-lieu du département du Puy-de-D ôm e, a rendu le jugement suivant:
Entre Emmanuel Aubier, ancien m agistrat, habitant de cette ville de
C lermont-Ferrand, demandeur au principal, aux fins de l’exploit du 3 avril
18 11, enregistré le 5 , et défendeur à l’intervention, comparant par M e GilbertHugues Imbert-Barthomeuf, son avoué, d’une p art;
E t dameMarie-Françoise A ubier, femme du sieur Benoît Fabre de S.-M ande,
propriétaire, habitante du lieu de S.-M ande, commune de S .-Y voin e, autorisée
en justice , défenderesse, comparante par M . Etienne T ré b u ch e t, son avoué ,
d’autre part;
E t encore ledit sieur Emmanuel A u bier, demandeur en assistance de cause
et autres fins, suivant les requête, ordonnance et exploit des 3 et 13 juillet
1 8 1 1 , comparant comme dessus, aussi d’une part,;
Et ledit sieur Benoit Fabre de S.-M ande, propriétaire, habitant du lieu de
Saint-Mande, commune de S.-Yvoine , défendeur en assistance de cause, com
parant par M* T réb u ch et, son avoué, d’autre part ;
Et encore entre dame Marie-Claudine de C h am pflo u r , veuve de JérômeEmmanuel Aubier-Lamonteilhe, tant en son nom qu’en qualité de tutrice de
leurs deux enfans mineurs ; propriétaire, habitante de cette ville de ClermontI
�u
( 2)
Ferrancî, intervenante et défenderesse suivant sa requête d’intervention du
i i novembre, signifiée en la cause le i 4 » comparante par ledit M e T réb u ch et,
par révocation de M e M ayet, son avoué, précédemment constitué, d’une p art;
Et ledit sieur Emmanuel Aubier et les sieur et dame de S.-Mande, défen
deurs à ladite intervention, comparans comme dessus, chacun par leur avoué,
d’autre part.
Les conclusions du sieur Emmanuel Aubier sont à ce qu’il plaise au tribunal,
en ce qui touche l’intervention do la dame veuve Aubier-Lamonteilhe, ès-norn
et qualité, la déclarer purement et simplement non-recevable, et la condamner
aux dépens.
En ce qui touche la demande principale :
D ire et ordonner que le sieur Emmanuel Aubier sera maintenu dans la
qualité do seul et unique héritier de son père et de son frère, conformément h
son contrat de mariage et celui de sa sœ ur, et comme admis au bénéfice
d’inventaire.
D ire et ordonner que le sieur de S.-M ande sera tenu de passer quittance au
demandeur , des douze mille livres qui lui restoientduessurladot de sa femmS,
et dont il a été p a y é , soit par le demandeur m êm e, soit pour son compte, par
sa sœur, et de deniers à lui appartenans; et c e , avec subrogation à tous droits,
en conséquence de la renonciation de la dame S.-Mando à toute succession
directe et collatérale.
En ce qui concerne la dame de S.-Mande, en sa qualité personnelle de man
dataire du demandeur :
Ordonner que, dans le jour de la signification du jugement à intervenir, les
sieur et dame de S.-Mande seront tenus de passer, par-devant notairo, acte
de transmission, au demandeur, de la pleine propriété du Grand-Verger, situé
à M ontferrand, de la contenance d’enlour cinq cent3 perches quarrées, joignant
la voie commune de m id i, o lie pré du sieur Dumas do bise; sinon et faute do
ce faire, que le jugement à intervenir en tiendra lieu; qu’en conséquence, lo
demandeur en restera et demeurera propriétaire incom m utable, pour en dis
poser comme il avisera, sous les conditions déjà convenues et acceptées entre
les parties, savoir : i° que ledit vorger demeurera grevé e n v ers les sieur et
dame de S.-M ande, de la garantie de toutes recherches généralement quel
conques, pour quelque cause que ce soit; 2° q u ’il demeurera chargé do la
rente viagère do trois cents francs par an, créée nu profit de mademoiselle
D e b a r , moyennant trois millo francs empruntés d’elle, pour les prêter à
madame Aubier; 3 ° qu il demeurora chargé des intérêts, et garant du rapitai
do treizo mille cinq cents francs, mentionnés en l’acte de mai mil huit cent u n ,
jusqu'il ce qu’il ait été pris d autres arrangemens entre ses enfans et petits-enfans ,
pour l'extinction de ladito dette.
Donner aclo au demandeur do ce qu’il so soumet à employer lo surplus des
�jy j
revenus dudit verger, si plus y a , en payement des intérêts et capitaux de«
autres emprunts par lui faits pour ses autres enfans.
Ordonner qu’il demeurera subrogé à tous droits quelconques, corporels et
incorporels, mobiliers et immobiliers, des sieur et damo de S.-M ande, par eux
prétendus ou à eux alloués, de quelque manière et pour quelque cause quo
ce soit , sur les successions paternelles et maternelles ; de même qu'à tous
revenus, échus, courans ou à échoir, aux offres qu’il fait de ratifier toutes les
garanties par lui promises à la dame de S.-Mande.
Ordonner pareillement que tous les papiers de famille lui seront rem is, tant
par la dame de S.-Mande, sa sœ ur, que par tous dépositaires, état sommaire
d’iceux préalablement dressé, au pied duquel il donnera décharge. E t, enfin,
condamner les sieur et damo de S.-Mande aux dépens.
E t , pour parvenir au payement des condamnations à intervenir contre la
<iaine de S.-M ande, condamner ledit sieur de S.-M ande, son m ari, à indiquer
des biens d’icellej à cet effet, de justifier de leur contrat de m ariage; sinon, et
faute de ce faire dans la huitaine de la signification du jugement à intervenir,
dire et ordonner que lesdites condamnations lui seront et demeureront person
nelles, sans qu’il soit besoin d’autre et nouveau jugement.
Les conclusions des sieur et dame de S.-Mande ont été à ce qu'il plût au
tribunal déclarer le sieur Emmanuel Aubier non-recevable dans toutes ses
demandes; ou, en tous cas, l’en débouter, et le condamner aux dépens.
Les conclusions de la dame veuve Aubier-Lam onteilhe, ès-nom et qualité ,
ont été à ce qu’il plût au tribunal la recevoir partie intervenante en la cause
entre les parties; et, faisant droit au fond, déclarer le sieur Emmanuel Aubier
père non-recevable dans ses demandes, ou autrement l ’en débouler, et le
condamner aux dépens ( * ) .
( * ) M adam e Lam ontcilhc a fo n d é l a ji n de non-rcccvoir sur la supposition que
le m andat, par m oi donné à ma sœ ur, et par e lle accepté à F e ffe t de racheter
pour m oi les lie n s de la succession de mon père et de mon f r è r e , d é v o lu s, par leur
m o rt, avant mon inscription sur la liste des ém ig rés, à m o i, n'étoit obligatoire
que dans l'ordre moral , mais n 'étoit point obligatoire dans l'ordre ju d icia ire ,
parce que f é t a i s in scrit sur la liste des ém igrés quand j 'a i donné le m andat, quand
ma sœur l a a cce p té, lorsq u 'elle s'est engagée à me transmettre to u t, et lorsqu e lle a renouvelé cet engagement par acte du 8 m ai 18 11. Cependant la Cour de
cassation a constamment ju g é , que les é m ig ré s, de même que tout banni à perpé
tu ité , pouvoicnt fa ir e validcm ent les actes du droit des gens , et a spécialem ent
appliqué ce principe au m andat, q u i , par son essen ce, appartient plus au droit
des gens que toute autre espèce d'acte.
(Note de M. Aubier.)
2
�V
( 4 )
POINTS
DE FAIT.
4
Antoine Aubier de Lamonteilhe est m ort, en réclusion, le 25 brumaire an 4 *
laissant de son mariage avec Jeanno do Cliampflour, prédécédée, trois enfans :
Emmanuel, demandeur} Jean-Baptiste, prêtre, chanoine do la cathédrale de
Clermont; et Marie-Françoise, épouse du sieur de S.-M ande, défenderesse.
Jean-Baptiste a péri révolutionnairement à L y o n , en pluviôse suivant.
Par le contrat de mariage d’Emmanuel Aubier avec Jeanne M argeride, reçu
Baptiste, notaire, le 4 décembre 1768, enregistré le 10, Antoine Aubier avoit
institué ledit Emmanuel seul héritier de tous les biens qu’il laisseroit, e t, en
vertu des pouvoirs à lui donnés par ladite Champflour, son épouse, predécédée, il avoit également nommé ledit Emmanuel seul héritier de celle-ci; le
tout sous la réserve de quarante mille francs, pour en faire les légitimes pater
nelles et maternelles des Jean-Baptiste et Marie-Françoise A u bier, ou en disposer.
Par le contrat de m a ria g e de Marie-Françoise Aubier avec le sieur Benoît
Fabro de S.-M ande, en date du 10 février 1770, Antoine Aubier lui avoit cons
titué en dot une somme de trente mille francs, pour tous droits paternels et
maternels, moyennant laquelle elle avoit renoncé à toute succession directe et
collatérale, et à tous droits échus et à échoir.
A l’époque de la mort d’Antoine A ubier, Emmanuel étoit fugitif a cause des
mandats d’arrêt contre lui décernés révolutionnairement les 1 1 et 20 août 1792 »
h l’occasion des faits du io août et des services rendus à Louis X V I , par ledit
Emmanuel A ubier, gentilhomme de sa chambre; mais il n’avoit été prononcé
aucune contumace ; ses biens n’avoient été ni annotés, ni séquestrés ; et il n’étoit
inscrit sur aucune liste d’émigrés, ni générale, ni particulière, ainsi que cela est
constaté par les listes imprimées, publiées par le Gouvernement, et par le certifi
cat du Préfet de ce département, dûment enregistré ; de sorte qu’il a été saisi do
fait et de d roit, do la propriété réelle des biens des successions à lui dévolues.
L e 18 germinal suivant, il a été inscrit sur la liste des émigrés, par la muni
cipalité do Clormont.
Le
7 flo réal m êm e
a n n é e , il a é té in sc rit s u r la listo des é m ig r é s , p a r
l ’a d m in istra tio n d é p a rte m e n ta le , et SOS b ien s ont é té séq u estres.
Emmanuel Aubier articulo et soutient que très-long-temps avant que ses
biens fussent mis en vente, ladam odoSaint-M ande, sa sœ ur, s’étoit chargée de
soigner ses intérêts, do suivre toutes ses affaires, et avoit reçu et accepté do
lui des pouvoirs confidentiels pour travailler a lui conserver ses biens, soit en
obtenant restitution gratuite desdits biens par voie de radiation do la liste dos
ém igrés, soit par leur rachat, si besoin etoit; qu’ensuite, et bien avant que sa
sœur les soumissionnât, elle avoit reçu dudit Emmanuel A u b ier, accusé
îécoption et accepté plusieurs procurations notariées, à l ’effet do racheter
�lesdits tiens pour le compte dudit Emmanuel Aubier seu l; qu’elle a rép été,
par toute sa correspondance, sa promesse de les racheter et conserver pour
lui seul , et qu’elle s’est aussi constituée et reconnue sa mandataire pour lo
rachat, et son prêle-nom pour la conservation de ses biens, jusqu’à ce qu ’il
fût rayé de la liste des émigrés.
L ’acte du 25 thermidor an 4 , par lequel l’administration départementale a
vendu à ladite Marie Françoise A u b ier, sœur dudit Emmanuel, les biens de
celui-ci, avoit alloué à ladite Marie-Françoise Aubier quelques portions dans les
prix des ventes, à raison de ses droits legitimaires et héréditaires ; mais Marie
Aubier et le sieur Benoît Fabre de S.-M ande, son m ari, se sont abstenus de
répéter contre lo gouvernement lesdites portions, ont préféré de s en tenir à la
constitution dotale de ladito Marie A u b ier, et aux clauses de leur contrat de
mariage. Ils ont abdiqué, au profit dudit A u bier, toute prétention, à la seule
condition d’ôtre p a yé , par lu i, en num éraire, des douze mille livres qu’il
j-edevoit sur cette constitution d otale, tant comme seul héritier d’Antoino
Aubier p ère, que comme ayant garanti personnellement ladite constitution,
par acte reçu Baptiste, notaire, le n lévrier 177 7, dûment enregistré.
Emmanuel Aubier a payé ou fait payer les douze mille livres en numéraire,
audit sieur de S.-M ande, qui en convient.
Plusieurs parties des biens ont été revendues avec l ’exprès consentem ent
d 'E m m anuel A u b ie r , porté par une nouvelle p r o c u ra tio n , ratifiant c e qui
avoit été déjà fait.
L e produit des reventes , ainsi quo les revenus des biens, ont été employés
,
à acquitter les emprunts faits pour le rachat des bien s, à payer diverses dettes
des deux successions, notamment ce qui étoit redû à la dame de S.-Mande sur
sa dot, et à la dame Aubier, veuve D ucrozet, leur tante, sur ses droits légiti—
maires; une partie a été envoyée audit Emmanuel A u b ie r, qui déclare et
offre de prouver l’avoir employée en entier aux affaires communos de sa
fam ille, et en avance pour ses enfans.
11 est constaté, par acte du 8 mai 1801, enregistré, quo Marie A u b ie r, femme
de S.-M ande, a rendu compte à Em m anuel, son frère , de toutes ses opérations,
achats, reventes, em plois, dépenses; qu’elle a demandé décharge, et offert de
transmettre aussitôt toutes les propriétés.
Par cet a cte, Emmanuel Aubier a tout approuvé, ratifié; a donné décliargo à
ladite dame de S.-M ande, avec promesse de garantie; a é ta b li J érû m e -E m m an u e l
A u b ier, son fils, régisseur desdits biens , et représentant do la fa m ille , pour
soigner ses affaires, avec douze cents francs d'appointement : à l’effet do quoi
l ’acte constate que tous les papiers de f a m il le , jusques-là demourés entre le s
mains do Marie-Françoise A u bier, ont alors été remis audit Jérômo-Emmanuel
Aubicr-Lam onlcilhe par ladito damo do S.-M ande, qui en a été déchargée.
Par acte reçu Costo , notairo , lo 8 fructidor an 9 , Mario - Françoise
3 .
�( G) .
.Aubier, avec le consentement exprès dudit Emmanuel A u b ie r, mentionné
dans ledit a c te , a subrogé Jérôm e-Em m anuel A u b ie r, son second fils , à la
propriété du domaine du Sau lzet, sous réserve d’une pension viagère de sept
cents livres par an , sur la tête et en faveur dudit Emmanuel Aubier.
Une contre-lettre du même jo u r, enregistrée, porte qu’il avoit été convenu,
dès le principe, que la réserve seroit de mille fran cs; mais qu’Emmanuel
Aubier avoit. réglé que trois cents francs seroient, payés à Jean-BaptisteA n to in e A u b ie r.d e I\ioux, son troisième fils; à l’effet de quoi ledit Jérôme
s’engage, par ladite contre-lettre, de les payer audit Jean-Baptiste sous les
conditions y énoncées.
D e tous les biens provenus desdites successions et du rachat, il n’est
demeuré sur la tête de Marie - Françoise Aubier , que le grand verger
situé entre les villes de Clermont et M ontferrand, mentionné en l’exploit
introductif de l’instance , et quelques recouvremens à faire pour reliquat do
reventes ou autres causes, dont la rentrée a été employée par Marie-Françoise
Aubier et son frère, soit à l’acquit des dettes desdites successions, soit aux
autres affaires communes de la fam ille; sauf trois petits articles dûs , à Montierrand, par François Defiorges, Annet Y eysset, et le nommé L an tin , provenant
de reliquat de reventes, lesquels ont été convertis en rente viagère sur la tête
et en faveur d’Emmanuel A u bier, par acte notarié reçu Gorce , enregistré; et
un article diï par le sieur Boutaudon, en vertu de sentence du tribunal de com
m erce, du 28 fructidor an 9 , enregistrée, encore due audit Emmanuel Aubier.
Emmanuel Aubier a été amnistié le 25 fructidor an 10.
L ’acte du 8 mai 1801, la subrogation de S a u lze t, et sa contre - le ttr e , ne
sont point attaqués.
D ès le mois de vendémiaire an 11 , différentes tentatives de rapprochement
avoient été faites entre les parties, pour terminer à l’amiable les difficultés
qui font la matière du procès ; ces rapprochemens n’avoient eu aucuns succès j
enfin , le sieur Emmanuel a introduit l’instance en ce tribunal.
D ’abord il a fait citer les sieur et dame de S.-Mande en conciliation, sur
la demando qu’il annonçoit vouloir former contr’eux , ayant pour objet la
transmission, à son profit, du grand verger de M ontferrand, sous différentes
conditions précédemment convenues , et qui sont rappelées dans les conclusions
ci-dessus et la remiso des papiers de famille.
Les parties ne purent so concilier, et M. le juSe
Pa*x ®n dressa procès
verbal sous la dato du 2 mars 18 11, enregistré le surlendemain.
Le 5 avril su ivan t, assignation a été donnée en ce tribunal aux sieur et dame
de S.-M ande, aux fins de la demando annoncée en la citation de conciliation,
dont les conclusions sont réitérées audit exploit.
M . de S.-Mande ayant comparu avec la dumosonépouso, par le ministère de
T réb u ch ct, avoué , déclara très-expressément qu’il n’entendoit point autoriser
sa dite épouse à ester en jugement.
�B P -------------------------------------------------------------------------------
' ( 7 )
Le 27 avril 1 8 1 1 , jugement est rendu portant autorisation par justice de
la dame de S.-Mande.
En cet état , Emmanuel Aubier a présenté requête conten an t, contre
M . S.-Mande personnellement, demande en assistance de cause, afin d’être
maintenu , lui Em m anuel, dans la qualité de seul héritier contractuel d’An
toine Aubier père, admis au bénéfice d’inventaire, et de feu Jean-Baptiste Aubier,
chanoine, et afin d’obtenir dudit sieur de S.-Mande quittance notariéô des douze
mille livres parfaisant la dot de son épouse.
En vertu do l’ordonnance de M. le président, du 3 juillet 1 8 1 1 , enregistrée
le i o , M . do S.-Mande a été assigné par exploit du i 3 dudit m ois, enregistré
le même jou r; et cette dernière demande a été jointe à la précédente par juge
ment du 28 août suivant.
En cet état, la dame Cham pflour, veuve de Jérûme-Emmanuel AubierL am o n teilh e , agissant tant en son nom que comme tutrice de leurs enfans
mineurs , s’est rendue partie intervenante en la cause, suivant sa requête du
11 novembre 1811 , et a adhéré aux moyens, et conclusions des sieur et dame
de S.-Mande.
Elle se prétend autorisée à intervenir en vertu de délibération du conseil de
fam ille, du 22 octobre précédent.
Les parties ayant fait signifier leurs conclusions motivées , la cause s’est
présentée à l’audience, et sa discussion a donné lieu à la solution sur les
questions suivantes :
POINT
DE D R O I T .
Emmanuel Aubier est-il seul héritier d’Antoine A u bier, son p ère , et de
Jean-Baptiste A ubier, son frère?
Monsieur de S.-Mande est-il tenu de passer, en faveur dudit Emmanuel
A ubier, quittance de douze m illelivres, que ledit Emmanuel lui a payées ou fait
payer pour reliquat de la constitution dotale do la dame sa sœur ?
Madame de S.-Mande a-t-elle été mandataire de son frè re, pour soumission’
ner et racheter ses biens? peut-ellp être forcée à lui passer déclaration et trans
mission de la propriété réclamée par ledit Emmanuel Aubier i
L ’intervention de la dame veuve Lam onteilhc, tant en son nom qu’au nom
de ses deux filles mineures , enfans dudit Jérôme Lamonteilhe , est-elle
recevable ?
E t quand même elle scroit recevable, n’est-clle pas mal fondéo l
Par qui les papiers do famille doivent-ils être restitues audit Emmanuel
Aubier î
Les qualités ci-dessus ont été signifiées à M e T réb u ch et, avoué des défen*
(
deurs et de l’intervenante, par acte du ministère de V id alein , huissier audien*
�( 8)
cicr, en date du i 3 avril 18 12 , enregistré le surlendemain, sans qu’il soit
survenu aucune opposition à leur rédaction.
.
Cause du rôle ordinaire, n° 620
Ouïs pendant cinq audiences Imbert-Barthomeuf, avoué du sieur Emmanuel
Aubier-Lam onteilhe, demandeur; Jeudi Dum onteix, son avocat; T réb u ch et,
avoué des sieur et dame de S.-M ande, et de la dame veuve A u bier; Rousseau,
leur avocat ; ouï aussi M. Picot-Lacombe , procureur impérial ;
En ce qui touche la demande de M . A u b ier, tendante à être maintenu dans
la qualité de seul héritier de son père et de son frère.
Attendu l’abdication delà dame de S.-M ande, en faveur d’Emmanuel A u b ie r,
son frère, de la part et portion à elle attribuées par les arrêtés de l'administra
tion centrale, pour s’en tenir à sa constitution dotale.
En ce qui touche la demande de M . A ubier, relative à la transmission, de
la part de la damo de S.-M ande, à son profit, du grand verger de Montferrand.
Attendu ce qu’il résulte de la correspondance des parties , et du traité
du 8 mai 1801, que la dame de S.-Mande n’a été que la mandataire d’Emma
nuel A u bier, son frère, à l’effet de racheter pour son compte ledit héritage, et
qu’elle l ’a soumissionné en exécution dudit mandat, et l ’a acquis de l’adminis
tration centrale, par acto du 25 thermidor an 4Attendu d’ailleurs que la transmission dudit verger n’est pas contestée (a ).
En ce qui touche la demande de M . A u b ie r, relative à la quittance de douze
mille livres.
Attendu que cette quittance a été offerte par M . et Mad. de S.-Mande (b ).
En ce qui touche la demande en remise des titres de famille.
Attendu que défunt Jérôme Aubier a été constitué dépositaire desdits titres
par l’acte du 8 mai 1801.
En ce qui touche les intervention et demande de la dame veuve de Jérôme
Aubier.
Attendu que l’acte du 8 mai 1801, enregistré à Pionsat le 2 vendémiaire an 10,
par Chaudillon, qui a reçu 1 fr. 10 centim es, et la subrogation du domaine du
Saulzet, reçue C a stes, notaire, le 8 fructidor an y , enregistrée à Clermont le 15
dudit m ois, ne sont point attaqués ( c ) , cl quo toutes discussions à cet égard
seroient prém aturées, et que dcs-lors son intervention est sans intérêts.
Le T rib u n a l, ouï M . Picot-Lacom be, procureur im périal, déclaro Emmanuel
Aubier seul héritier de son pèro et de son frère.
Ordonne quo dans la quinzaine de la signification du présent jugem ent, les
sieur et dame do S.-Mande seront tenus de passer par-devant notaire,
( a , b , c) V o y ez les notes, A la fin.
acto
�jTS/
............................................... ( 9 )
do transmission à la partie de Jeudi, de la pleine proprie’tjj du Grand-Verger,
situé à Montferrand, énoncé et confiné en l’exploit de demande; sinon, et faute
de ce faire dans ledit temps, et icelui passé, ordonne que le présent jugement
en tiendra lieu, sous les conditions néanmoins, i° que le verger demeurera
grevé envers M. et Mad. de S.-M an de, de la garantie de toutes recherches
généralement quelconques, pour quelque cause que ce soit; 2° quo ledit
sieur Aubier demeurera chargé de la rente viagère de trois cents livres, au
profit de Mad. Debar ; 5° qu’il demeurera chargé dos intérêts , et garant du
capital de treize mille cinq cents livres , mentionnées en 1 acte du 8 mai 18o i .
Ordonne que dans le délai de quinzaine de la signification du présent juge
m ent, le sieur de S.-Mande sera tenu de passer au sieur A u bier, quittance
p ar-d ev a n t notaire, des douze mille francs que le sieur Aubier lui a payés ou
fait payer pour solde de la dot de la dame de S.-M ande; sinon, et faute de ce
faire , ordonne que le présent jugement en tiendra lie u , et servira de bonne et
valable libération en faveur de M. Aubier.
Ordonne enfin que tous les papiers de famille seront remis au sieur Aubier
par la dame veuve Lamonteilhe , représentant à cet égard son m ari, ou par tout
autre dépositaire, état sommaire d’iceux préalablement dressé, au pied duquel
il sera donné décharge;
Sur le surplus des demandes , fins et conclusions de M . Aubier et de la dame
de S.-M ande, ainsi que sur les intervention et demande de la dame veuve Lamontcillie, met les parties hors de procès, dépens compensés, hors l’expédition du
présent jugement, qui sera supporté par M. A u bier, demandeur.
Fait et prononcé judiciairement à l’audience de la première chambre du tri
bunal civil de Clermont-Ferrand, séant Messieurs D om at, président; Chassaing,
juge , et Gauthier , juge à la seconde cham bre, et Monsieur Picot-Lacom bc,
procureur impérial ; le 20 mars 1812: enregistré à Clermont le 7 avril 18 12,
cases 5 , 6 , 7 et 8 ; reçu trois francs pour la reconnoissance d’héritier, mille
vingt francs quatre-vingts centimes pour le droit de m utation, sur le pied de
de vingt-cinq mille cinq cent vingt francs , à raison de 4 pour t o o ; p lu s, reçu
vingt-cinq francs pour droit de réduction sur les premiers cinq mille francs,
et cinquante-un francs huit centimes pour les vingt mille cîhq cent vingt francs
restans ; plus, reçu soixante francs pour le droit de quittance des d o u zo mille
francs, et trois francs pour la mise hors de cause des demandes en inter
vention ; plus, reçu cent seize francs quarante-un centimes pour le dixième
en sus: lesdites sommes payées par ledit sieur A u bier, sous toutes ses réserves de
droit. Signé G o y o n .
Mandons et çrdonnons à tous huissiers sur ce roquis, do mettre le présent
jugement à exécution; à nos procureurs généraux et impériaux près les tribu
naux , d y tenir la main; à tous commandans et officiers do la force-armée, de
prêter inain-forte, lorsqu’ils en seront légalement requis, En foi de quoi, lo
�l e '
( 10 )
présent jugement a été signé par le président et le greffier. Pour expédition ,
signé Laroche, commis-greffier.
Reçu trente-irois francs pour d ro it d’expédition, à Clermont, le 18 avril
an 1812. Signé R ib cy r e , pour G o y o x .
O B S E R V A T I O N S . DE
M.
AUBIER.
(a) Je dois à ma sœur et à mon beau-frère do répéter ic i, que jamais ils n’ont
voulu révoquer leur promesse d’effectuer cette transmission; au contraire , ma
sœur m’a rep roch é, dans plusieurs lettres produites au procès , d’avoir tardé
de lui demander de remplir la formalité de passer l’acte devant notaire ;
mais ceux qui , depuis quelques années, se sont emparés de son esprit, ont
trouvé un moyen indirect de l ’ompêcher, en soutenant tantôt qu’il suffisoit
qu elle me fit cette transmission par testament, tantôt en m’offrant une vente,
et surtout en voulant que l ’acte de transmission ne fit aucune mention du
mandat par moi donné à ma sœ ur, et par elle accepté pour racheter mes biens ,
seul moyen de rendre cette transmission inattaquable; ils ont voulu y substituer
la supposition qu’elle avoit acheté pour son propro com pte: il en résultoitque
le fils et le petit-fils mineur de ma sœ ur, enfin tout représentant ou subrogé
à leurs droits ou à ceux de leurs enfans , même tout créancier des uns et des
autres, auroit eu, dès l ’instant de la mort de ma sœ u r, le d ro it, t°. de mo
dépouiller du verger, parce que, dans ce système , elle seseroit trouvée avoir
épuisé, par la subrogation de Saulzet, toute sa faculté de disposer avant de mo
faire cette transmission; z°. de dépouiller mes potites-filles de la moitié do
Saulzet, comme excédant sa faculté de disposer; et comme mon bcau-frèro
n’avoit pas concouru à la subrogation de Saulzet, mes petites-filles auraient été
exposées à se voir contester mémo la totalité do Saulzet par les représentant
do ma sœur et de mon beau-frère.
L e concours des enfans do ma sœur à la transmission, ne pouvoit procurer
aucune garantie aux m iens, parce que personno no peut traiter valablement
de droits succossifs^ôuverts.
Sur ma réponse que, la vérité et l'intérêt de mes enfans ne me permettoient
pas do me prêter à ce systèm e, je fus engagé à faire citer ma sœur devant lu
juge de paix : elle pensoit, mo d is o it - o n q u ’une conciliation judiciaire assu
rerait plus solidement sa ploino décharge do tout co dont elle avoit été chargée
pour moi; mais à peine cette citation a été donnée, que, sans refuser la trans
m ission, sans désavouer lo m andat, et en so bornant h dire quo les preuves
du mandat étoiont inutiles , il y a eu refus do conciliation , avec annonco do
l ’intervontion do Mad. Lam onteilhc, pour réclamer contro moi toutes les
rigueurs des lois révolutionnaires , mort civile, etc.
�(£) L ’offre de la quittance de 12,000 francs n’a pas été effectuée, parce que
le conseil de ma sœ u r, rédacteur du projet de quittance, y avoit ajouté , et
n’a jamais voulu se départir d’y ajouter une clause , qui me faisoit renoncer
à toute propriété, à tout effet do la transmission: j’ai encore ce projet écrit de
la main de mon beau-frère.
(c) Mes conclusions transcrites
page 2 , font foi que le don de Saulzet
n’a jamais été attaqué , et que j’ai respecté dans cette occasion, comme dans
toutes, mes engagemens.
En nous mettant hors de procès sur l’intervention de ma belle-fille, les Juges
ont pensé avec raison que le don de Saulzet n’étant point attaqué, elle étoit
sans m otif, sans intérêt pour intervenir ; que dans tous les c a s , ce n’etoit
qu’après ma m ort, et avec mes autres enfans, qu’on peut élever la question,
si j’ai pu faire insérer dans la subrogation do S au lzet, que ce bien demeureroit
exempt de rapport en partage.
Ils ont eu raison à tous égards; car ce n’est qu’alors qu’on peut savoir s i ,
même en cas de rapport, il y auroit lieu à retranchement pour compléter la
légitime de mes autres enfans.
Ma belle-fille jouit en paix du bien de Sau lzet; cllo a im prim é, plaidé que
c’étoit moi qui avois voulu, rédigé, et fait signer par ma sœur la subrogation en
vertu de laquelle ma belle-fille jouit : cetto générosité de ma part peut-elle lui
donner le droit d’empêchcr que ma sœur me rende le verger que je me suis
réservé ? L e revenu de ce verger ne fait pas le tiers de celui de Saulzet; ce revenu
est pour vingt ans absorbé par les dettes de mon p ère, de mes enfans, et pré
cisément par celle de i 5, 5 oo fr. dont Saulzet étoit chargé, et que j’ai prise à
mon com pte, après le m ariage, par aveugle tendresse pour son mari et elle.
Et elle pourroit me faire priver des moyens d’obtenir du temps pour acquitter
ce que je veux bien encore payer pour elle !
Je finis en deux mots. Si le système de mort civile, sur lequel elle fondo
ces monstrueuses prétentions, étoit fondé, il autoriseroit mes deux autres enfans
à réclamer chacun sur-le-champ un tiers dans Saulzet. En effet, l ’acte do
fam ille, du 8 mai 180 1, appeloit collectivement mes trois enfans à partager
également tout, si je fusse demeuré sur la liste des émigrés. A in s i, c’est moi
q u i, dans cette affaire, défends les véritables intérêts de mes petites-filles, en
combattant le système des faux amis qui abusent de la foiblesso de leur mère ,
et qui lui font sacrifier les vrais intérêts de ses enfans, au plaisir do provoquer
contre moi l’application des rigueurs prononcées par les décrets rendus contre
les émigrés , en l ’an 5 et suivans.
Mais est-ce au profit des enfans des émigrés qu’ont été créées les listes de
proscription de leurs pères ? autant v a u d ro it diro qu’on a mené les pères à
l ’échafaud pour hâter les jouissances des enfans. Si lc3 résultats d’une si gnmde
�( 12 )
criso politique ont nécessité qu’on maintînt quelques-uns des effets des lois
contre les ém igrés, c’est seulement dans l’intérêt du Gouvernem ent, comme
l ’a décidé la cour de cassation? O r, ici le Gouvernement a été désintéressé et
pleinement satisfait à mes dépens.
Depuis qu’il est si occupé de rétablir les mœurs, peut-il vouloir que les enfans
du père émigré puissent le retenir dans l’anéantissement de la mort civile à
leur égard, et sous le joug de leur insurrection contre les lois de la nature !
Peut-il approuver cette prétention dans la bouche d’une belle-fille dont le
p ère, mon cousin-germain, et le mari ont eu les mêmes opinions que m oi, et
ont suivi avec moi le parti qui m’a mis en besoin d’amnistie ?
Quand le Gouvernement m’a réintégré dans tous mes droits civils, en a-t-il
exclu ceux que je tiens de la nature comme père, et des conventions de
fam ille, autant et plus que de la loi civile î
N on - seulement j ’ai été réintégré dans mes droits par mon amnistie ,
mais même S. M . l’Empereur a , par décret spécial du 10 brumaire an 1 4
déclaré que j’étois conservé dans mes droits civils et ceux attachés à la qualité
de Français.
Mon beau-frère, le plus probe des hommes, n’a voulu que la dot qu’il a
bien reçue en num éraire, et ne veut rien de plus.
M a sœur dit encore qu’elle ne veut rien retenir de mes biens ; ils ne
contestent point la transmission du verger, objet de la demande : tous les deux,
et surtout mon beau-frère, ont exprimé publiquem ent, pendant un mois ,
écoulé entre le jugement et l’appel, leur satisfaction de ce que ce jugement
contenoit tout ce qui pouvoit assurer leur tranquillité. L ’appel fait sous leur
nom est donc le fruit de l’ascendant qu’exercent encore sur leur esprit les
perfides moteurs des divisions de ma famille : sans leurs coupables intrigues,
des amis communs eussent réglé à l’am iable, comme je l’ai toujours demandé,
tout ce qui n’étoit pas encore totalement terminé.
Signé A U B I E R .
M 8 D EVEZE , avoué en la C o u r impériale.
Voy e z les M émoires imprimés en première instance.
A C L E R iV lO N T , de l'Imprimerie de
L andriot,
grande rue St-Genés.
«
Im prim eur-Libraire,
ii
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Jugement. Aubier-Lamonteilhe. 1812?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Devèze
Subject
The topic of the resource
émigrés
prête-nom
successions
renonciation à succession
mandats
amnistie
administration de biens
divorces
dénonciation
créances
forclusion
assignats
médiation
exécutions révolutionnaires
transactions
mort civile
séquestre
Description
An account of the resource
Titre complet : Jugement du Tribunal de 1ére instance de Clermont, (dont est appel ; sur quoi, voyez les Observations à la suite du jugement), rendu entre M. Aubier-Lamonteilhe père, intimé ; M. et Madame de Saint-Mande, sœur et beau-frère dudit Aubier ; et la dame Champflour, veuve Lamonteilhe, sa belle-fille, appelans.
Table Godemel : mandat : 3. le mandat se présume-t-il, en droit, ou ne peut-il se former que par l’acceptation du mandataire ? l’interprétation de la correspondance et des actes invoqués pour prouver le mandat appartient-elle aux juges du fond ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Clermont)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
circa 1812
An 2-1811
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
12 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2125
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2124
BCU_Factums_G2123
BCU_Factums_G2122
BCU_Factums_G2126
BCU_Factums_G2127
BCU_Factums_G2128
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53421/BCU_Factums_G2125.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Yvoine (63404)
Clermont-Ferrand (63113)
Rights
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Domaine public
administration de biens
amnistie
assignats
Créances
dénonciation
divorces
émigrés
exécutions révolutionnaires
forclusion
mandats
médiation
mort civile
prête-nom
renonciation à succession
séquestre
Successions
transactions
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RÉPONSE
tribunal
de
De M. A U B I E R - L A M O N T E I L H E père,
au
M é m o ir e
de M. et M m
e D E ST M A N D E ,
et de M me L A M O N T E I L H E , intervenante
en son nom et comme tutrice de ses mineures,
petites-filles de M. AUBIER.
M
a
dame
L am onteilh e est intervenue dans l'instance pen dan te
entre ma sœ ur et m oi.
Lorsqu e le 22 février dernier je form ai m a dem ande p rim itive,
m on beau-frère m ’avoit annoncé la nécessité de prendre les voies
judiciaires , pour obtenir de ma sœur l’acte notarié de transmission
de la propriété du v e rg e r, q u ’elle m ’a promis par acte de mai 1801,
com m e ayant été m a mandataire pour le rachat des biens confisqués
sur moi par suite de m on inscription sur la liste des émigrés (1).
Je m ’étois soumis par m a demande aux conditions convenues
entre ma sœur et m o i , par divers écrits (2).
Son conseil m ’ a mis ensuite dans la nécessité d ’y ajouter des
conclusions tendant e s , 1°. à c e que je fusse maintenu dans la qu a
lité de seul héritier de mon père et d e mon f r è r e , en vertu de m on
contrat de mariage et de celui de m a s œ u r , portant renoncia
tion à toute succession directe et collatérale; 20, à ce que M . de
( 1 ) On a v u dans mon exposé que je n’ai été inscrit qne vingt mois après ma
fuite à cause des mandats d’arrêt décernés contre moi les 11 et 20 août 1 7 9 2 et
que mon inscription a été provoquée de la manière que j ’ai expliquée dans la note
page 7 de mon Mémoire.
( 2) La copie littérale de ma demande est à la fin de cette réponse.
A
Première Instance
Clermont
1erchambre.
Audienco
du 19 décem bre 1 8 1 1 .
�V
<
( 3 )
St-M ande fû t tenu de m e passer quittance notariée de 12,000 liv.
q e je lui ai payées ou fait payer pour solde de la dot de ma sœur.
11 n ’y a en cela rien qui puisse concerner ma belle-fille et mes
pctiles-fillcs, ni d ir e c te m e n t, ni indirectement ; leur intervention
m e paroissoit une faute tirant à conséquence pour elles. J’avois
cru la leur faire éviter, en publiant, (dès que j’eus avis de ce projet,
et avant qu ’on le r é a lis â t ), un exposé des faits bien sincèrement
détaillé.
C e la n ’ a pas empêché l’intervention ; elle a été accompagnée d ’un
mém oire im p rim é, où les faits sont dénaturés, et les questions tra
vesties au nom de ma belle-fille d'une manière offensante pour m o i .
L e moteur de nos divisions vouloit absolument vin procès où il
p ût aigrir les esprits , en d o n n a n t« m a sœur l ’air d ’être infidèle à
ses prom esses, à moi l ’air d ’être in g r a t , et où ma belle-fille fû t
l ’organe de ses calomnies.
Je suis obligé d ’y répondre. L ’énorm e quantité d ’erreurs et de
suppositions m e forcera d ’être un peu long; je le serois davantage,
si je détaiilois de nouveau les faits. Je prie nos juges de relire m on
exposé. J’y ai expliqué co m m e n t ma sœur m ’ avoit offert en 1795
de se charger de mes pleins pouvoirs pour toutes mes affaires de
F r a n c e ; com m ent elle s’étoit spécialement chargée de sauver mes
b ien s, et d ’y em ployer tous les m oyens que les circonstances demanderoient :
C o m m e n t je lui avois d ’abord e n v o y é , par lettres , des pouvoirs
confidentiels illimités pour tous les cas, pouvoirs qui avoient été sui
vis , confirmés par des procurations notariées, q u ’elle a accepü-es.
Je crois y avoir bien prouvé q u ’elle avoit soumissionné mes biens
pour mon c o m p t e , et reconnu les posséder pour rnoî pour m e les
conserver.
J’ai dit pourquoi j\ 5tois encore sur la liste des émigrés, quand j ’ai
m arié mon fils L am o n te ilh c, et com m ent ma sœur a été alors mon
prête-nom pour le su b ro g e r, pour mon compte , à |a propriété de
S a u lz e t , de m êm e q u ’elle l’avoit été pour la revente de partie de
me* b i e n s , et qu ’elle l ’est encore pour le \ c r g e r , objet de m a
demande.
�^
( 3 )
P ou r suivre l ’ordre judiciaire, j ’exam inerai, avant de passer au
fond , si l'intervention est recevable.
Je finirai par prouver qu ’ il n ’existe point d ’acte régulier et va
lable de transmission de la propriété du verger , com m e on l’a sup
posé pour échapper .par un faux-fuyant à une demande qu ’on sent
incontestable.
O n donne pour base
à
l ’intervention de IVÏad. Lam onteilhe , la
supposition que je n ’ai formé cette demande que pour me préparer
les m oyens d ’attaquer le don de Saulzet.
Cette assertion est dém ontrée fausse , i*. par le texte m êm e de
m a d e m a n d e , et toutes mes conclusions; elles sont imprimées à
la fin , chacun peut y vérifier q u ’il n ’y a pas un m ot qui prête à
cette sup position ..
Elle est démontrée fausse par les ratifications que j’ai données avant
et depuis m a d e m a n d e , car elle est du 5 avril dernier, et c ’est le 2S
juillet suivant que j’ai signé, dans le cabinet de ÎVT. F avard , une tran
saction par lui rédigée, par laquelle je ratiflois le don de Saulzet (1).
Enfin , elle est démontrée fa u sse , par tout ce que j ’ai d i t , f a i t ,
é c r i t , imprimé dans cette affaire. V oyez pag. 3 1 , 32 , 34 de m o n
exposé.
L a supposition que je veux attaquer le don de S a u lz e t, prend
un caractère de calomnie plus g rav e , quand on dit que je v e u x , dès
à
présent, réduire mes petites-filles
à
la moitié de S a u lze t, et q u ’elles
sont menacées de m e voir vendre la moitié que je reprendrai ,
de m a n iè r e ,d it-o n , p. 35 , que l’autre moitié seroit ensuite attaquée
pour contribuer aux légitimes de mes autres enfans.
Je savois que l ’auteur du M é m o ire seroit chargé de débiter
cette calomnie ; pour lui en éviter les r e g r e ts, M . I m b e r t , mon
a voue, a été de ma part lui c o m m u n iq u e r, avec diverses autres
pièces, l’original d ’un écrit fait triple entre ma sœur et moi et
m on fils L a m o n t e ilh e , par lequel je m ’étois volontairement en-
( 1 ) C é to it ma. sœur qui avo ;t proposé M. Favard pour m édiateur.
A 2
�(
4
)
gagé à ne jamais vendre aucune propriété, e t'j’avois statué que si
je les parlageois avant ma m o r t , entre mes e n f a n s , ils ne pourroient rien vendre ; j’avois donné l’exemple de cet engagem ent, pour
obtenir le m êm e engagement de mes enfans.
L ’auteur du M ém oire répondit qu ’il avoit le double de cet écrit;
il l’a bien l u , puisqu’ il en parle plusieurs fois dans ce M é m o ire
pour d'autres o b je ts; ainsi, quand il m ’a accusé , et a répété l’accu
sation en l’a g g r a v a n t, il avoit sous ses y e u x la preuve écrite de la
fausseté de son accusation.
Il dit que le verger et le bien de Crève-C œ ur sont assurés à mes
autres enfans; il les compte com m e biens paternels, parce q u ’il sait
que c ’est moi qui ai payé le prix viager de l’achat de C r è v e -C œ u r ; il
porte ces deux objets ensemble à 100,000 liv. ; il estime Saulzet
i 3o,ooo üy. : d o n c , d'après la connoissance q u ’il avoit de mon
engagement
ne r*en aliéner , et de ne pas souffrir d ’aliénation,
il ne pouvoit craindre pour mes petites-filles, au pis-aller, et selon
sa manière de co m p te r, q u ’un retour de lot de i 5 ,ooo 1. ; donc il ne
pouvoit en aucun cas craindre cette revendication de moitié de
Saulzet, et encore moins que je le vendisse; cela devoit lu i; faire
sentir que son accusation étoit fausse sous tous les rapports?
C e n ’est pas le seul point de ce M é m o ir e , où ce q u ’on lit dans
une page est démenti par ce qui est dit dans qu elqu’autre.
Observons que quand m on fils L am onteilh e a reçu S a u lz e t , il
étoit afferm é 3,000 l i v . , qu ’on ne l’a estimé que 60,000 l i v . , parce
q u ’en 1801 les biens n'avoient pas pris toute leur v a le u r , et que les
grains étoient à bas prix ; on avoue q u ’il vaut aujourd’hui i3 o ,o o o l.,
quelquefois on le porte jusqu’à i 5o,ooo l i v . ; donc les mineures
L a m o n te ilh e , m êm e en faisant le retour de i 5 , 000 l i v . , auroient
encore le double de ce que j ’avois promis à leur p ère; ainsi quand
l ’auteur dy M ém oire a ajouté à sa supposition que la famille Cham pilour se trouveroit trompée , il ne pouvoit pas le croire.
A i - j e fait d ’ailleurs quelque chose qui annonce rarrière-pensée
qu ’on me prête i Entre beau-père et belle-fille, les procédés ne sont
pas sans conséquence, pour l ’intérêt des enfans et pour prévenir
�(5)
J4)
les procès ; puisque l'auteur du M ém oire nous y m è n e , je vais dire
exactement tout ce qui s’est passé.
Il y a environ dix m o is, qu ’ayant fait demander à M a d . L a m o n teilhela permission d ’aller la voir, je lui présentai devan t M . de C lialier
son beau-frère, e t M .d e T r é m i o l e s p è r e , qui m ’avoient accompagné,
un mém oire où je lui rappelois, dans les termes les plus affectueux,
que son m ariage avoit été décide par m a confiance dans son carac
tère ; où je lui représentois que Saulzet valoit le double de ce
q u ’on l’avoit e s t im é , tandis que la perte de 80,000 liv. de liqui
dations faisoit craindre à ses beaux-frères de ne point a vo ir, après
m a m o r t , leur légitime de rigu eu r, et m e m ettoit dans une gêne
telle que je ne pouvois plus les aider ; ou je lui offrois la confir
m ât on de tous les avantages dont je pouvois disposer, sans lui rien
dem ander de mon vivant de plus que ce q u ’elle rendoit, quoique le
revenu en fû t double de celui sur lequel elle avoit dû co m p te r ,
de sorte q u ’elle jouiroit paisiblement jusqu’à ma m o rt ;
O ù je la priois de prendreenconsidération que mon fils aine avoit
renoncé , pour faciliter son m a riag e , aux avantages q u ’il avoit dû
espérer, étant Paine et indiqué par mon père pour avoir la préfé
rence ; que sa soumission
aux décrets de
l ’E m p e r e u r , d ’oc
tobre 1807 , lui ayant fait perdre l’emploi honôrable et utile qu’il
a v o it, et que les malheurs de la Prusse ne lui permettant pas d ’y
trouver des ressources jusqu’à la m o tt de son b e a u -p è re, je la
priois de faire à mon fils aîné quelques avances dont il lui assureroit la r e n tré e , tant en intérêt q u ’en ca p ita l, sur tout ce à
quoi il avoit déjà ou pourroit avoir droit ; que M . d ’Orcières étoit
p o r te u r,
à cet e f f e t , d ’une procuration pour lui en passer a cte,
et pour plus grande sûreté , d ’une lettre de change de 6,000 liv.
M a d . Lam onteilhe me répondit q u ’elle en conféreroit avec son
conseil. J’ai long-temps sollicité une réponse , mais inutilement.
Sans lui faire aucun reproche , je lui ai fait dire par un ami
com m un , que je renonçois à ma p riè re , qu'elle m e fcroit plaisir
de me renvoyer mon M ém oire. Elle l'a gardé. On peut y vérifier
si ce que j’ ai dit est vrai : je n ’ai fait aucune autre démarche. Dos
�»
'
( 6 )
représentations d'un beau-père à sa belle-fille , des prières ( car
je me suis servi de ce m ot ) , ne sont pas un trouble de possession,
quand m êm e je n ’aurois pas retiré ma prière com m e je l’ai fait.
C ’est le cas d ’ajouter ici, que depuis son mariage M a d . L a m o n teilhe, ma belle-fille , a laissé sans réponse toutes les lettres que je
lui ai écrites sur le ton le plus a m i c a l, presque toutes étrangères à
toutes affaires, et m êm e celles accompagnées de manière à exiger
réponse.
Sachant q u ’elle répondoit à d ’autres m em bres de la f a m ille ,
j ’ai cherché à pénétrer la cause de la différence. O n m ’a a v e r t i,
dès 1 8 0 2 , q u ’on le lui avoit d é f e n d u , parce que ses réponses
pourroient se trouver en contradiction avec le plan q u ’on avoit arrêté,
dès q u ’on eut obtenu les signatures qu ’on d é s ir o it, de s ’acheminer,
petit à p e t i t , à soutenir un jour q u ’on ne tenoit rien de moi ; à
m e retrancher de ma fam ille ; à m ’y faire traiter com m e m o rt
civilem ent u son égard. D e la est venue l’excessive hum eur q u ’on
a eue quand j ’ai e n v o y é , en 180 6, le décret du 10 brumaire an 1 4 ,
par lequel S. M . l’E m pereur , en me permettant de garder la
place de chambellan du roi de P r u s s e , me conservoit tous mes
droits.
Il m anquoit aux amertumes dont on m ’a fait abreuver par les
dames derrière lesquelles les directeurs de ce plan se tiennent cachés,
de me voir signalé co m m e un spoliateur de mes petites-filles, pour
lesquelles au contraire je me suis dépouillé m oi-m êm e outre m esure.
D a n s le f a i t , l’instance où ma belle-fille intervient ne conduit
pas plus à la question de savoir s’il y aura lieu h retour de lot
après ma m o r t , q u ’à celle d ’un prétendu projet de m a part de
revenir contre les actes par lesquels j ’ai d o n n é , ou fait d o n n e r ,
Saulzet à mon fils représenté par mes petites-filles , puisqu’on ne
pourroit agiter qu ’après ma m ort cette question de retour de l o t ;
car ce n ’est q u ’alors q u ’on peut savoir ce que je laisserai.
L ’auteur du mém oire défend un acte rédigé par moi , où il est
dit que mon fils L am onteilhe sera dispensé de rapporter Saulzet
en partage. Je ne l’ ai pas attaqué ; et si mes enfans vouloient
�( , )
l ’a tt a q u e r , ils ne pourrolent le faire qu ’après ma m o rt. E n quoi
l ’acte notarié de transmission du verger que je demande ù m a
sœur , peut-il empêcher mes petites-filles de le faire valoir alors?
Il doit suffire pour faire déclarer cette intervention non recev a b le , d ’observer ici que l ’acte de mai 1801 , par lequel ma sœur
s’ est obligée à me passer , par-devant notaire , la transmission que
je de m a n d e , est signé dem enfiis Lam onteilh e. Sa veuve intervient
donc pour s’opposer à çe qui a été convenu avec son mari ; elle
ne peut pas m êm e dire que cette convention n ’a pas été bien
connue de la fam ille Cham pflour avant le mariage. E n e f f e t , on
dit de sa part que le projet de fixer les principales propriétés sur
la tête de mon fils L a m o n t e ilh e , qui est énoncé dans le mêm e
a c t e , avoit été la première base de leur confiance. Elle intervient
donc pour entraver l ’exécution d ’un acte q u ’elle réclam e dans le
m êm e M émoire sous d ’autres rapports.
Cependant cette intervention a été autorisée par une délibération
surprise à six parens. D e p u is, plusieurs d ’entre eux m 'o n t dit, ou fait
d ire, q u ’on leur avoit persuadé que j ’avois déjà attaqué mes petitesfilles, et qu ’ilsavoient cru seulement autoriserla tutriceà les défendre.
D an s
les s i x , il
y
en
a
eu quatre du côté C h a m p flo u r , c ’ est-
à -dire, de ma belle-fille , deux seulement du côté p aternel; tandis
que la loi veut égalité de n o m b 1e , à peine de n u llit é , et que la cir
constance le demandoit encore plus rigoureusement, puisque c ’étoit
la m è r e , née C h am pflour, qui dem andoit une autorisation pour
faire plaider ses mineures contre moi leur aïeul paternel.
Il me semble que l’intérêt des m ineures, autant que la d é c e n c e ,
et mille autres raisons, devoient engager le subrogé tuteur, E m m a
n u el Au bier de C o n d a t ( 1 ) , à chercher à s'éclairer avec m oi sur le
véritable état de la question, avant de faire com m encer les hostilités
par mes petites- filles. Cela eût probablement amené une concilia
( 1 ) Mon cousin et mon fille u l, dont les im prudences avoient été mises à ma
ch a rg e, m avoient compromis et ont tan t retardé ma ra d ia tio n , comme je l a i d it
page »3 de mon Expos«?.
�t i o n , même avec m a sœur ; mais ce n ’étoit pas pour être conciliât eur
que le m oteur de nos divisions l ’avoit fait venir d ’Ardes.
O n avoit tourné l ’exposé de cette délibération de m anière q u ’on
eût pu donner à l ’aggression le sens dont j'ai p a r l é , page 34
d e mon E x p o s é , si celui-ci ne lui eût pas ôté tout espoir de faire
réussir le parti q u ’on vouloit tirer de mon inscription sur la liste
d e s 'ém igrés.
L ’auteur du mém oire dit q u ’au contraire la délibération porte
« autorisation pour défendre les mineures , dans le cas où je vieil-
» drois à alléguer m a m ort civile pour détruire l’effet des signa» tures apposées à ces titres. » L a délibération du conseil de
fam ille ne contient pas cela. A u contraire , elle porte pouvoir
d'intervenir dans une affaire où il ne s’élève aucune question
contre les mineures. O n doit donc en conclure que m on Exposé
ayant renversé son premier p l a n , il s ’est retourné.
.
II y a une autre conclusion à en tirer, c ’est qu ’attendu qu'au lieu
d ’alléguer ma m ort c i v i l e , j ’avois excipé dans mon Exposé de ce
qu ’elle n ’avoit pas pu vicier les divers actes que j ’avois passés avec
m a famille , parce que ces actes sont du droit des gens , et attendu
q u ’au lieu d'attaquer ces a c t e s , j’en ai offert la ratification, il
n ’y avoit pas lieu à l’intervention. M ais la besogne étoit p rê te ;
on n ’a pas voulu q u ’elle fu t p e r d u e , et on s ’est contenté de la
r e to u r n e r , au risque de sc voir en contradiction avec soi-m êm e
ü chaque page.
Si l ’intervention étoit recevable, il faudroit mettre en cause
mes autres e n fa n s; car ils se trouvent parties nécessaires dans la
cause , dès q u ’on veut traiter d ’avance de leurs droits sur mes
biens après ma m o r t , sur la qualité et la quantité des biens qui
doivent entrer en partage.
L ’auteur du M ém oire annonce aussi le projet de m et t r e en
cause le fils et le petit-fils de ma sœur. Ici on ne peut s'empêcher
de reconnoître q u ’il suit bien docilement toutes les idées du m o
teur de nos divisions. V o u la n t éterniser l’a ffa ir e , il veut que le
procès s’établisse* entre ma s œ u r , son m a r i , ses enfans , m o i , mes
en fan s,
�(9)
e n f a n s , mes petits - en fan s , en diverses qualités op p osées, d'où
doivent dériver diverses prétentions et des droits contradictoires ;
et pour q u ’ils le soient encore plus , ils seront à traiter sur h yp o
thèses opposées ; l’u n e , où m a sœur auroit acheté p our elle ;
l'a u t r e , où elle auroit acheté com m e m a mandataire ; de là
doivent n altredeux séries différentes de droits opposés sur les m êm es
biens , à traiter entre l’aieul et les petites-filles ; — entre le beaupère et la belle-fille ; — entre le frère et la sœ u r; — entre mes fils
et leurs nièces mes p etite s-fille s ; — entre m a sœur , tante et
grand’ t a n te , et mes fils ses neveux et mes petites-filles ses petitesnièces; — entre les co usins-germ ains, mes fils et les enfans de
M a d . de S. M a n d e ; entre les représentans et les représentés.
Il veut que M . de S t - M a n d e , m on beau-frère , y figure , no nseulement co m m e autorisant sa f e m m e , mais encore com m e ayant
acquis f sous le nom de sa f e m m e , un droit personnel à mes pro
priétés. C ’est en faire le propriétaire malgré lu i , car il avoue que
M . de S t-M ande ne l'a jamais voulu ; c'est ce que j'ai déjà dit
dans m on e x p o s é , en rendant hom m age à la pureté de son â m e ,
à la loyauté de son caractère.
C ’est com m e héritiers présomptifs d e M . et M a d . de S t-M a n d e ,
qu’il veut y appeler leur fils et leur petit-fils, a fin , d it- il, qu 'en
cette qualité ils puissent consolider le don de S a u lz e l, en fa v e u r
de mes petites-filles, en contractant judiciairement la renonciation
de leurs droits à ce b i e n , après la m o rt de m a sœur ; ainsi il
com m ence par mettre en doute la validité du don d e S a u lz e t, et il
démolit pour avoir le plaisir de faire du nouveau.
M ais quand le C o d e Napoléon annulle tout traité sur droits suc
cessifs non ouverts, faits pendant la vie de ceux dont on doit hé
r i t e r , quand il proscrit tout moyen*indirect de les lie r , ne proscrit-il pas cette espèce de comédie de mise en cause, de déclarations,
de co n v e n tio n s, avec lesquelles l’auteur du Mém oire veut créer
un m oyen indirect de faire ce que la loi défend ? Il n'en dem eureroit qu ’une chose: une reconnoissance en faveur du fils et du petitfils de M a d . de S t-M a n d e, d'un droit éventuel sur S s u lz e t , qu'ils
B
�n ’ont pas. A u cu n e renonciation ne pourroit en détruire l’effe t;
celle de M . de S t.-M an d e fils, quoique m a jeu r, ne vaudroit pas
m ieux que.celle, d e : M . Chardon pour son mineur ; " M . de St.M a n d e fils, tout en feignant de se faire mettre en cause pour
servir mes petites-filles, auroit acquis contre elles, de m êm e que
le mineur Chardon , le droit de d e m a n d e r , après la m ort de ma
sœ u r, la nullité de la subrogation de Saulzet ; celte nullité se trou■veroit déjà préjugée , et m êm e leur droit reconnu , par l ’adhésion
de M a d . Lam onteilhe à ce systèm e: je ne veu x pas dire que ce
soit cette seule arrière-pensée qui rende M . de S t.-M a n d e fils si
ardent pour ce système ; il y met peut-être plus d ’amour-propre '
que de spéculation d ’intérêt; mais il n ’en est pas moins vrai que
M a d . Lam onteilhe a ya n t un ¡peu différé de présenter sa requête
en in terv en tio n , M . de S t.-M a n d e fils est accouru ici ; il n ’a
pas quitté avant de l’avoir vu présenter et d ’avoir vu imprimer
l ’adhésion de M ad. Lamonteilhe à ce systèm e, le plus dangereux
de tous ceux qu^on put imaginer contre ses enfans.
J ’ai prouvé que M a d . Lam onteilh e étoit non recevable dans son
interven tion ; que si elle étoit recevable, on ne pourroit pas se
dispenser d ’appeler en cause mes autres e n fa n s, au lieu de ceux
de M a d . de S t-M ande, tout à fa it étrangers à cette a f fa i r e , sur
tout pendant la vie de leur m ère.
3q passe au fond de l ’instance.
J 'y répondrai d ’avance à tout ce q u ’on voudroit faire valoir pour
M a d . L am o n te ilh e, si l ’intervention étoit admise.
C o m m e l’auteur du M ém o ire me reproche un défaut d ’ordre et
de clarté, je m ’astreindrai à l ’ordre judiciaire de» questions à
juger :
i*. Suis-je héritier de m on p ère?
2*. M . de St-Mande doit-il m e donner quittance des 12,000 liv.
que je lui ai payées ou fait p a y e r, pour solde de la dot de ma sœur ?
5*. M a sœur a-t-elle été ma mandataire ?
4*. E n fin , la transmission q u e lle m ’a promise par acte de mai
1 8 0 1, est-elle faite ?
�< ">
i er0. Question.
- t *
Suis-je héritier de mon p è r e ? L ’ auteur i du
M ém oire avo ue, page 6 , que je sms'héritier u niversel' de m on
p è r e , et page 24» <ïue suivant la loi du g fructidor an 9 , l’ ins
titution contractuelle faite par mon p è r e , en m a fa v e u r , restoit
toujours valable ;
•
20. Q ue m a sœur a renoncé à toute succession directe èt co l
latérale et à tous droits échus et à échoir. V o y . page 6 . '
Il est prouvé que je n’étois pas sur la liste des ém igres, quand
m on père et mon frère sont morts ; par conséquent je dois être
maintenu dans la qualité d ’héritier de mon père et de mon frère (1).
Quand on a l u , t page 6 , que ma sœur a renoncé à tous droits
échus et à échoir ; quand on a l u , dans dix endroits d iffé r e n s ,
que son mari et elle ont voulu s’en tenir l à , com m en t concevoir
q u ’on soutienne, page 5 i , que m a sœur pouvoit prétendre à un
90 dans la succession de m on p è r e , et à la moitié dans la suc
cession de m on f r è r e ? vouloient-ils avoir ce 9 e et cette moitié
au par-dessus dea 3o,ooo l i v . , ce qui eût été contraire aux con
ventions? alors il ne falloit pas déclarer q u ’ils s’en tenoient à la
dot co n stitu é e , q u ’ils étoient fid è le s à leur renonciation à toute
succession directe et collatérale , a tous droits échus et à échoir.
Si
on n ’a feint un instant de vouloir sauver ce 9 e et celte
m o itié , que pour leur assurer de plus en plus ce que je leur d e v o is,
et épargner quelques avances jusqu’à ma rentrée dans mes droits ,
com m e M . et M a d . de St-Mande ont été entièrement payés des
5o,ooo liv. pour mon com p te, avec des deniers q u ’ils ont reconnu
m ’appartenir, ce qui est prouvé par les actes q u ’ils ont signés ; nous
avons fait une opération de toute ju stice, en laisant ce 9" et cette
moitié dans la masse qui m ’ appartenoit, lorsque nous avons traité
et com pté ensemble, par l’acte de mai 1801.
H « ’y a rien à changer à ce qui est fait à cet égard ; l ’acte de
t
( 1 ) O u sait que le testam ent Je mou père appcloit mon fils oint; à me rem pla
cer si j’avois ¿té exclu ; l'auteur du M dm oiie u’a pas pu le n ier ; mon contrat de
mariage y autorisoit mou p ère.
B 2
�( 12 )
mai 1801 est une transaction irrévocable, ainsi que tout ce qui
a été fait d ’après cette ba6e.
Q uels que pussent être les regrets
s’il en a ,
de M . de S. M a n d e fils,
car son père et sa mère pensent trop bien pour en
avoir ; quand m êm e j ’aurois envie d ’y déférer ( en quoi il s’y est
excessivement mal p r i s ) , il ne seroit plus t e m p s , puisque tout et
surtout les avantages faits à L a m o n t e ilh e , ont été pris sur le
résultat de cette opération.
Je ne m ’en cache pas, c ’est à M . de S t.-M a n d e fils, et point à son
père, que j’attribue tout ce système. Aussi, quelles erreurs, m êm e sur
les faits les plus aisés à vérifier I P a r e x e m p le , il y donne à m on
père quatre enfans au lieu de sept ; il y est dit que m a mère et m on
frère Pierre sont morts après mon m a ria g e , et ils sont morts sept
ans avant.
M a sœur n ’auroit pas donné des renseignemens aussi erro n é s ,
et si elle avoit lu le M ém oire avant q u ’il fû t im primé , elle auroit
certainement redressé celte e r r e u r , co m m e tant d ’autres qui lui
font perdre une partie d u m érite de sa belle conduite.
L ’auteur d u M é m o ire suppose que j ’ai reconnu à ma sœur la
qualité d 'h éritiè re , en disant dans l ’acte de m ai 1801 que je pro
met tois de la garantir de tout ce q u ’on pourroit lui demander
co m m e héritière de m o n père ; m ais c ’est au contraire précisé
m ent parce q u ’elle demeuroit fille d o t é e , avec renonciation à m o n
p r o f it , et parce que je restois héritier u n iv e rse l, co m m e il le
d i t , page 34 » <îue cette clause lui promet d e la garantir contre
ceux qui la supposeroient héritière.
M a sœur est née à C l e r m o n t , pays de droit écrit ; c ’est là que
son cotnrat de mariage a été passé , et que m on père et mon
frère étoient domiciliés quand ils sont m orts , et cependant l’au
teur du M ém o ire invoque la C o u tu m e d ’A u v e r g n e , sur le règle
m ent des qualités et droits à leur succession.
T o u t est erreur en droit com m e en fait.
a 8 Q uestion . C e que l ’auteur de ce M ém oire d i t , pour que
M.
de
S t.-M a n d e
soit
dispensé
de
donner quittance
des
�12,000 lîv. par lui tou ch é e s, et à lui payées pour m on com pte
pour solde du reliquat de la dot de sa fe m m e , est rem arquable,
com m e choquant les notions les plus communes.
C e tte quittance existe d é jà , dit-il, parce q u e , lors d ’un 2* compte
de sa gestion que ma sœur m ’a rendu le 27 vendémiaire an n ,
j ’ai mis en marge du double, qui est dans les mains de M a d . de
S t - M a n d e , la mention qu’ils avoient retenu les 2,000 liv. dont
j ’étois demeuré redevable envers le mari sur la dot de m a sœur, lors
du précédent com pte de mai 1801.
" M ais outre que pareille mention n ’est point une quittance suf
fisante , elle n'est pas sur m on d o u b le, elle est seulem ent sur celui
de M . de S t-M an d e. O r , le bon sens dit, co m m e toutes les l o i s ,
que la quittance doit être dans les mains de celui qui se lib è r e ,
et non de celui qui a reçu.
M a confiance en eux étoit toute entière ; ils la m éritoient ; ma
6œur étoit chargée de mes affaires; j ’ai cru que son m ari lui
remettroit la quittance. C e la a été différé ; q ua n d je l'ai dem andé ,
on a voulu larder cette quittance de clauses qui m ’ôtoient le
verger et les réserves, et d ’ailleurs très-nuisibles à mes enfans.
• C e tte quittance nepeut m ’être refusée ; elled oil être pure et simple.
3* Q uestion. M a sœur a-t-elle été m a mandataire ?
L ’auteur du M é m o i r e , fertile en questions préalables ,
me
r e p ro ch e , page i 3 , d ’avoir o u b lié de conclure à ce que M . de
S. M a n d e autorisât sa fem m e à plaider sur cette question.
Je réponds que cela étoit in u tile ; le C o d e N a p o lé o n , article
1 9 9 0 , a confirmé l’ancien principe que la fem m e peut être
mandataire sans être autorisée par son m a r i , celui-ci ayant tou
jours voulu qu’elle usât de cette fa cu lté , m a sœur en a y a n t u s é ,
et m ’ayant déjà rendu c o m p t e , sans l ’assistance de son m a r i ,
com m e cela est prouvé par l’acte de m ai 1801 ; enfin ma demande
n ayant pas alors d ’autre objet que m a réquisition de l ’acte nota
rié qu elle m ’avoit promis s e u le , et q u ’elle devoit passer seule ,
il eût été déplacé d ’appeler le m a ri qui vouloit éviter de s en
mêler. C ’est précisément pour constater q u ’ il ne se mêloit de
�( *4 )
rien de ce qui concernoit ce m a n d a t, q u ’il a voulu ensuite que
m a soeur fu t autorisée par justice. On voit par là que l’auteur
du M ém oire n ’a point consulté M . de S t - M a n d e , en faisant
celte difficulté.
L ’auleur du M ém o ire avoue , i*. que les inscrits sur la liste
des émigrés , de même que tous bannis , ont été capables des actes
du droit des g e n s , et que l’achat est un contrat de ce genre ; 2°.
que le mandat étant aussi un acte du droit des g e n s , que l’inscrit
pouvoit avoir un mandataire qui fit pour son compte tous les actes
du droit des gens. A i n s i , de son aveu , ma sœur a pu être m a
mandataire , à l’effet de r a c h e te r , pour m on compte et à m on
p r o f it , les biens sur moi confisqués.
Il ne s’agit donc plus que de savoir si elle a reçu et accepté
m on mandat.
J ai déjà démontre dans mon E x p o sé , par une chaîne de faits
bien notoires , surtout a C l e r m o n t , qu elle l’avoit reçu , accppté^
q u ’elle avoit acheté pour mon co m p te , qu ’elle avoif été mon prêtenom pour posséder et gérer, pour revendre une partie, pour subro
g e r , par mon o r d r e , m on fils L am onteilh e à la propriété de
S a u lz e t , et j ’ai dit q u ’elle étoit encore mon prête - nom pour me
conserver le verger, sous la condition de m e le transmettre ( i ) .
O n a répondu à m a demande par une sommation de déposer
au g r e f f e , avec inventaire, toutes les pièces qui pouvoient prouver
que ma sœur avoit été ma mandataire et mon prête-nom .
Ici je dois observer q u e , lors du procès verbal de non-concilia
tion , ma sœur et son m a r i, loin de nier les f a i t s , Se sont bornés
u dire q u ’ils étoient inutiles ; ce qui emportoit aveu.
• ^ après cela , j ’aurois cru blesser la délicatesse de ma sœur , en
supposant qu ’elle put jamais autoriser un doute sur un fait si
notoire , sur un fait où tout étant son o u v r a g e , je n'avois jamais
cru avoir besoin d ’autres preuves que sa conscience.
( i ) J'observe i c i , par a n ticip atio n , que la preuve que cette transmission n’est
pas encore fa ite , c ’est qu’on fait encore aujourd'hui les actes et dém archés relatives
i* la propriété du v e r g e r , sous son nom.
�L e Palais n ’a vu dans cet incident qu ’ une envie de paralyser
l'a ffa ir e , calculé sur la gêne dans laquelle on me sàvoii. En e ffe t,
cela ne me m eltoit pas seulement dans le cas de faire t im b r e r ,
enregistrer deux cents lettres de ma sœur , ou de ceux avec qui elle
m ’avoit mis en relation à l ’occasion de ce m a n d a t, lettres contenant
la série des instructions qu ’on me demandoit à chaque instant et
de leur exécution , et contenant de plus mention des promesses
et de payemens qui dévoient donner lieu à de gros droits , cela
m ’eût aussi forcé à déposer au greffe plusieurs sous-seings privés,
dont l'am end e,et le double droit auroient porté les avances à envi
ron 10,000 fr.
L e tribunal m ’a délivré de cette ch ica n e , en autorisant la co m m u
nication amiable de toutes les pièces entre défenseurs, com m e je
l ’avois offert.
D ès que le défenseur de ces dames a vu que cette com m unica
tion ne devoit plus me coûter de frais, il a dit q u ’il nen avoit plus
besoin; au reste, je n ’avois pas attendu c e lle décision pour envoyer
lui o ffrir de faire porter chez l u i , de confiance, tout ce que j'avofs
en mon pouvoir , en lui observant, com m e je l ’avois déjà répondu
par é crit, que lorsque j ’étois reparti pour Berlin , en 1802, lais
sant à ma sœur une nouvelle p rocuration, et encore plein de la
plus grande confiance , je lui avois laissé tous mes autres p ap iers,
M a d . Lam onteilhe doit avoir le reste; l'acte de mai
1 8 0 1, fait
foi que tout avoit été alors remis à son mari par m a sœ u r, et
que rien ne m ’avoit été remis.
E n atte n d a n t, et pendant qu ’il travailloit encore à son m é m o ire ,
je lui avois e n v o y é , co m m e il l’a v o u e , les originaux de sept le t
tres plus que suffisantes pour constater que m a sœur avoit reçu
de moi des pouvoirs illimités confid en tiels, et qu'elle avoit reçu
diverses procurations en form e ( 1 ) , et cela , avant la soumission
de mes biens.
( 1 ) Dans ce nombre il y en avoit une légalisée p a r le m inistre de France à B e r liu .
�( 16 )
C e tte soumission est du 26 fructidor an 4 «
U n e de ces lettres portant expressément mention de procurations,
est du 16 mars p ré c é d e n t, une autre du
4 mai ; ces dates y sont
d e la m ain de m a sœur : leur contenu fixe la date de l ’a n n é e ,
et prouve surtout q u ’elles sont bien antérieures à sa soumission de
m es biens, puisqu’il est dit dans celle du 4 m a i , q u ’elle va faire
usage de m a p ro cu ra tio n , pour s’opposer a u x ventes ou au moins
les retarder.
C ’est parce que ces lettres contenoient des preuves sans réplique
de la réception du m andat confidentiel , des procurations no
tariées et de leur acceptation ; c ’est parce q u ’il a su q u ’il y en
avoit une m ultitude aussi claire s, où m a sœur se déclaroit m on
agent d'affaires et mandataire comptable ; c ’est parce que ce
dernier point étoit prouvé par l’acte de mai 1801 , constatant
compte et apurement de c o m p te , que l’ auteur du M é m o ire a
imaginé de dire que tout cela étoit insignifiant, dès que je ne justifiois pas d ’un acte synallagmatique antérieur à la soumission de
mes b ie n s , qui portât qu’elle ( m a sœur) se constituoit m a m anda
taire et m on p rête-nom , qui détaillât nos obligations réciproques
et leurs conditions, et qui fut fait double s’il étoit sous-seing privé.
Il a invoqué à l’appui de ce systèm e l ’article i 325 d u C od e
N apoléon.
J ’observe d ’abord qu ’ il y a dans le C o d e un titre particulier
du m a n d a t ; que ce n ’est pas là que se trouve cet art. i 3a 5 ;
il est chap. 2 des co n v e n tio n s, section de la preuve littérale.
D a n s le chapitre du m a n d a t, qui est la véritable et seule loi sur
ce d o n l il s’agit , on l i t , article 1 9 2 5 , que le m andat peut être
donné par lettre , que l'acceptation peut même n étre que ta cite,
e t résulter de l'exécu tion qu i lu i a été donnée par le mandataire.
L e s lettres de ma sœur prouvent q u ’elle a reçu mes pouvoirs ;
les lettres de ma sœur portent acceptation de me* pouvoirs; ses
lettres portent q u ’elle a exécuté le m andat, et que dans son exé
cution elle s’est déclarée mon agent d ’a f fa ir e s , par conséquent
ma mandataire ; l ’acte du 8 mai porte q u ’elle a v o u l u , com m e
tout
�.
,
(
*7 )
fs s
tout m andataire, rendre c o m p te , avoir d é ch a rg e , que cela a été
f a i t ; q u ’elle a de m a n d é , com m e tout mandataire
des actes de
ratification et de garantie envers et contre tous ; que je les ai
donnés.
P eut - il y avoir jamais une réunion plus frappante de preuves
de tout genre du m andat? ne vont-elles pas au-delà de ce que le
code demande , pour que le mandataire soit bien irrévocablement
obligé ?
T o u s les raisonnemens que l’auteur du M ém oire fait sur ce que
j ’ai témoigné dans la lettre par laquelle je répondois à l’avis de
l ’exécution de mon m a n d a t , un peu d ’élonnernent de ce que m a
sœur s’étoit hâtée , ne prouvent r ie n , si ce n ’est que j ’avois con
servé plus long-temps l ’espoir d ’une radiation et de la restitution
gratuite.
M ais cela mêm e prouve q u ’elle m ’avoit donné avis q u ’elle avoit
acheté com m e ma mandataire ; car pourquoi auroit-elle voulu
m e prouver qu ’il y avoit urgence à ce q u ’elle r a ch e tâ t, si elle n ’avoit pas été e n cela m a m andataire, mon agent d ’a ffa ires , com m e
elle ne cessoit de me le m ander, com m e elle l’avoit dit à C le r
m ont m ê m e , en pleine séance des A u to r ité s, le jour du rachat.
Cette observation, fortifiée par toutes les lettres de ma s œ u r ,
anéantit tout ce que l’auteur du M ém oire d i t , pour faire croire que
les procurations q u ’il ne peut nier n ’étoient relatives q u ’à m a ra
diation.
J’en ai envoyé plusieurs ; il y en a eu où ma radiation étoit le
principal o b j e t , où le mandat de r a c h a t , qui étoit le pis-aller, n ’étoit
donné qu’en ces te r m e s , fa ire tout ce que les circonstances de
manderont pour me conserver mes biens ; parce qu ’il ne falloit
pas parler plus clair à certaines personnes exagérées à qui la pro
curation devoit être com m uniquée : mais il y en a eu d ’autres
parlant plus clair du rachat; chaque lettre d ’envoi confirmoit des
pouvoirs confidentiels illimités; le C o d e , en validant le mandat par
c
le t tr e , n a-t-il pas validé les pouvoirs confidentiels ? Je défie qu ’on
�( i 8)
en produise aucun qui limite mes pouvoirs à obtenir ma radiation
et la restitution gratuite de mes biens.
C e r ta in e m e n t, ma sœur n ’a pas autorisé l ’auteur du M é m o ire
à faire entendre q u ’elle a v o u lu , en acceptant mes pouvoirs, se
réserver, par restriction m e n ta le , d ’acheter pourelle-m êm e, si ou
ne m'accordoit pas ma radiation. Si c ’est son fils qui a fait faire
cette insinuation par l’auteur du M é m o i r e , c ’est une grande légéreté démentie par tous les faits, toutes les lettres, et que repousse
l ’opinion que ma sœur a donnée de son caractère. Elle a accepté
le mandat purement et simplement ; or il est de principe que celui
qui s’est chargé d ’une opération pour un autre , en acceptant son
m a n d a t , ne peut plus faire celte opération pour l u i - m ê m e , ni
pour aucun autre que celui dont il a accepté le m andat ; l’ applicacation de ce principe doit être d ’autant plus stricte ic i, que ma
sœur m avoit o ffe rt de se charger de m on m a n d a t , q u ’elle m ’ avoit
empêché de le donner à d ’autres, en m e disant que le désir de
sauver les 12,000 liv. que je lui devois Vintéressait à ce que l ’opé
ration f û t faite par e lle ; de sorte qu ’ il y auroit abus de confiance
préparé par un piège, si elle avoit acheté pour en disposer; abus
de confiance d ’une sœur vis-à-vis d ’un frère sous le glaive; abus
de confiance pour lui ôter l’ancien patrim oine de ses pères, que
celte sœur s’étoit chargée de lui conserver : ma sœur ne mérite
pas un tel reproche; elle a reconnu avoir fait l ’opération, comme
mon homme d’ affaires ; elle désavouera cette légéreté qui la c o m
promet.
Si ma sœur m ’eût annoncé sa restriction , j ’aurois donné la
commission du rachat aux banquiers étrangers qui m ’avoient offert
de s en charger , parce qu'alors ils faisoient en France de pareilles
commissions (1).
A u lieu de so dégager du m a n d a t , elle m ’a toujours écrit q u ’elle
travailloit pour moi se u l; héritages , c a p ita u x , revenus , tout te
sera fid èlem en t rendu, disoit-elle dans ses lettres.
( 1 ) Ils avoient alors l’argent à B erlin à /( , et en tiroient ao en F rance.
�(i9)
¿ 3
L ’ auLeur du M ém oire veut aussi exciper de ce que j ’ai donné
des procurations à ma sœ u r, postérieurement au rachat. O u i , j’en
ai donné une; mais pourquoi ? parce que les premières ne parloient
que de racheter mes biens de la confiscation, et de me les con
server ; o r , il falloit en revendre pour p a y e r, et les acqu éreurs,
à qui m a sœur disoit que c ’étoit pour moi q u ’elle avoit a ch eté ,
et qu’elle revendoit, vouloient voir ma procuration; en m ê l a de
m a n d a n t , ma sœur a donné une nouvelle preuve q u ’elle avoit
acheté en vertu de mon m a n d a t , et qu’en fidèle m andataire, elle
ne vouloit pas l’outre-passcr, sans ampliation de pouvoir.
Si elle avoit acheté pour son propre compte , pour avoir mes
biens à sa propre disposition , elle n ’avoit pas besoin de nouvelle
p ro cu ra tio n , elle pouvoit gérer et revendre sans cela ; les acqué
reurs ne m ’auroient pas demandé les ratifications que j ’ai don
nées; elle n ’avoit pas besoin de ce préalable, pour me faire ensuite,
ou faire à mes e n fa n s, tel ca d e a u , telle restitution q u ’elle auroit
voulu.
L ’auteur du M ém oire dit que l ’acte de mai 1801 ne contiendroit pas autant de rem erclm ens, si m a sœur avoit été m a m an
dataire. M ais est-ce q u ’un mandat gratuit n ’exige pas des rem ercimens ? est-ce que la difficulté des circonstances n ’augmentoit
pas le mérite de la conduite de ma sœur ? Je lui devois de la reconnoissance , des rem erclm en s, et c’est cette reconnoissance q u i ,
à mon retour en F r a n c e , m ’a a veuglé, en m ’empêchant de bien
ex a m in e r, si l’ exposé qu’ elle me faisoit de mes affaires n ’étoit
pas erronné. Elle s’offensoit des doutes ; je cédois à sa d ir e c tio n ,
crainte de lui déplaire ; j’ai continué sur ce pied jusqu’à ce que
je me suis vu réduit à une situation qui ne m e le permettoit p lus;
com m e elle ne croit jamais à l'impossibilité de ce q u ’elle ve u t, et
com m e elle n ’aime pas qu’on lui fasse des représentations, elle s’en
est ofienSée, et elle a prêté l ’oreille aux mauvais conseils qui la
dirigent.
M a confiance dans ma sœur étoit encore toute entière lors du
mariage de m on fils L a m o n te ilh e , et ma confiance clans le carac-
C 2
�c ,!-
( 20 )
tère que M nd. L am o n lcillic m ’avoit montré jusques - là fixa mon
clioix ; je ne savois pas qu ’il se mêlât tant de foiblesse à sa bonté
naturelle.
L e s affaires de ma f a m i lle , surtout les valeu rs, étoient plus
connnes de M . de Cham pflour qui étoit sur les lieux , que de moi
qui arrivois de quatre cents lieues, après dix ans d ’absence, sans
m ’être mêlé des biens de ma famille avant ma sortie , parce que
cela regardoit mon père qui vouloit être maître ; d ’ailleurs ma
fam ille me disoit que la révolution avoit tout déprécié , dégradé.
On avoue que la fam ille Cham pflour connoissoit l’acte de mai
de 1801.
Si o n . trouve qu'avant cet acte la qualification de prête-nom
n ’étoit pas le terme le plus propre à ajouter à celle de ma m an
dataire , il faut avouer qu ’au moins à dater de cet
acte , le
term e le plus propre a été celui de préte-nom , puisqu’il porte
que ma sœur possédera pour m o i, jusques à ce que m a radiation
permette de faire définitivement une transmission notariée.
E n tre cette promesse du 8 m ai 1801 et son e xé cu tio n , ma
Sœur n ’a pu être qu’un préte-nom . C e t acte est bien synallagm atique, com m e le demande l’auteur du M é m o ir e , et bien antérieur
à la subrogation de Saulzet; d o n c , quand m a sœur n ’auroit pas
été avant ma m andataire, cet acte suffiroit pour constater q u e ,
lors de la subrogation , ma sœur étoit m on prête-nom .
L ’auteur du Mémoire nous dit lui-m êm e pourquoi nous devions
éviter d ’em ployer dans nos actes le m ot mandataire et le mot
prête-nom , par la peur du fisc. II avoue que tant q u ’on éloit encore
sur la liste, et j 'y étois lors des actes dont il s’a g i t , on d e v o it à s o n
m a n d a ta ire , à son prête-nom , de ne pas le déclarer trop ouver
te m e n t, a plus forte raison dans des actes écrits, qui dévoient se
promener chez les homm es de loi , où ils pouvoient être rencontrés
par les agens du fisc ; il dit q u ’un inscrit qui auroit révélé q u ’il
étoit devenu p ro p riéta ire, auroit pu courir risque d ’une nouvelle
confiscation .de sa propriété ; que s il etoit m o r t , le fisc auroit hérité
de lui. V oilà ce que j ’ai voulu éviter.
�( 21 )
Pourquoi , après avoir d i t , pour les conserver a Emmanuel
A ubier son fr è r e , avons-nous ajouté ou ses en fa n sl C ’est afin
que la survivance d ’un seul de m e se n fa n s empêchât le fisc d ’hé
riter de m oi, si je mourrois avant ma radiation ; et c ’est au nom
de mes e n f a n s , au nom de la belle-fille qui jouit de presque tout
le bénéfice de ces précautions, q u ’on voudroit en abuser, pour
empêcher de reconnoître le principe de mon droit sur les débris !
L ’auteur du M é m o ire , en y révélant lui-même le danger d ’expres
sions plus claires, donne le m o tif et l ’excuse de toutes les réticences
des acles passés avant ma radiation, et de l’amphibologie qui peut en
résulter; mais cela ne détruit pas le fait p rim itif qui explique tou t,
le fait que ma sœur avoit, dès le principe , été m a mandataire , et
que son acceptation de mes pouvoirs l’avoit irrévocablement liée à
n ’être que mon représentant , fait qui donne la solution de tout.
Il étoit reconnu que la propriété n ’étoit sur sa tête que pour
m e la conserver ; q u ’elle nie représentoit, que la jouissance étoit
pour moi , mais sous son nom ; par conséquent elle étoit mon
prête - nom quand je l’ai autorisée, co m m e l’avoue l ’auleur du
M é m o ir e , à subroger mon fils Lam ontrilhc à la possession de
Saulzet ; donc c’esl com m e mon prête-nom que ma sœur a passé
cette subrogation , par acte fait en ma présence et de mon consen
tement. On ne pou voit pas l’indiquer plus clairement que le pacte
de famille le porte ; on y lit ces term es, comme si M ail, de St~
Mande n'avoit été dans celte acquisition que le p re te -n o m dudit
Jerôme-JLmmanuel sJubier seul.
On ne peut pas dire plus clairement que ma sœur avoit été le
prête-nom de quelqu'un, et que ce n ’etoit pas de mon fils Lam onteilhe , car dire que ce sera connue si elle l’avoit été de L a m o n teillie, c ’esl dire q u e lle n'avoit pas été le prête-nom de Lainonteilhe, mais d ’un autre.
D e qui ma sœur pouvoit-elle être prête-nom , si ce n ’est de moi
qui lui avois donné des pouvoirs ; de moi de qui elle les avoit accep
tés ; de moi pour qui elle avoit déclaré conserver les bie n s: ce
mot dit tout. L e mandat avoit été donné pour conserver. 11 n ’y
�\ u .
( 22 )
a que celui qui étoit précédemment propriétaire, à qui ce mot
puisse s’appliquer; car si le m andat avoit eu lieu au profit de tout
a u t r e , il n 'eû t pas été un acte conservatoire ; il eût ôté au vrai
propriétaire primordial, ce que l’ordre de la nature et des conven
tions de famille lui avoit assuré , pour donner à celui qui n’y étoit
pas appelé: or , le propriétaire prim ordial, c ’étoit moi.
Aussi , on lit dans cette mêm e délibération de famille , signée
de vingt-cinq parens et de plusieurs jurisconsultes, quelques lignes
plus h a u t , que le premier but de la conservation avoit ét ê pour
m o i, et pour me remettre mes biens dès que ma radiation Ièveroit les obstacles qui en retardoient la remise.
Rem arquons bien que c ’est dans l’assemblée de famille la plus
no m breuse, la plus solennelle, dans les actes même faits pour
régler les conditions du mariage , que ma sœur , mon fils L a m o n teilhe et son épouse , son père , M . de S t- M a n d e , son f il s , sou
gendre, ont reconnu que ma sœur étoit mon préte-nom.
Je crois que cela répond à tous les sophismes de ce Mémoire.
II est d i t , dans cet acte, que mon fils pourra se constituer Saulzet ;
dans son contrat de mariage daté du lendemain , on n ’a pas dit
qu’il 'avoit été subrogé par mon préte-nom , parce q u ’il dcvoit
passer sous les y eu x du f is c , et le M ém oire nous a dit le danger
auquel ces mots exposoient.
L a subrogation n otariée, reçue par C o s t e , trois mois après,
est déclarée par une contre-lettre, du même instant et du m êm e ré
d a cte u r, n ’être qu’une ratification de la délibération de famille où
L am onteilhe a reçu Saulzet de mon préte-nom.
C ette subrogation le fait renoncer ù toute s u c c e s s i o n paternelle,
et du côte paternel 5 c ’étoit encore p o u r éviter de réveler au fisc
la vraie base de la
d élib é ra tio n
de fa m ille ; elle accordoit i 5,ooo
liv. de préciput à chacun de scs frères, avec le tiers de C rè v e -C œ u r;
le tout étoit une espèce de retour de lot du don de S a u lz e t , ce qui
eut donné lieu à de gros droits.
L e lendem ain, M . C h am p flo u r, qui avoit dicté l’acte à M . C o s t e ,
et me l’avoit envoyé tout prêt , fit faire une consultation à
�fJ O )
^
( 2 3 )
Riom , pour prouver
On étoit déjà
que
cette renonciation
convenu que cette
étoit nulle.
renonciation ne vaut pas
m ieux que celle à la succession maternelle, contenue dans un sousseing privé de
1802, dont ma sœur et M . de C on dat se sont
déclarés dépositaires, en m ’en envo}rant copie de leu r main.
A lo r s Lamonteilhe vouloit renoncer à toute part dans la suc
cession m a te rn elle , pour garder Saulzet en son entier, sans avoir
à donner un plus grand retour delot que son tiers dans C rè v e -C œ u r .
M o n fils Lamonteilhe voyoit que Saulzet valoit le double de ce
qu'on l ’avoit estimé , et que les liquidations destinées à ses frères
étoient peu sûres ; il connoissoit un écrit de M . de Cham pflour
que j’ai encore dans mes m a in s , constatant que la négociation de
son mariage avoit été ouverte et conclue sur la base du plus ou moins
d ’avantage que je pourrois lui faire , com m e père et vrai proprié
taire de tout ce que m a sœur avoit racheté pour moi ; il convenoit
que Saulzet en fatsoit partie, q u ’en conscience et en honneur on
ne pouvoit le n i e r ; il étoit l o y a l , bon fr è r e , il vouloit rendre
justice à ses frères; mais il ne savoit que f a i r e , parce q u ’il ne
pouvoit connoître ma fortune qu'après que le sort des liquidations
seroit c o n n u ; celle de sa m è r e , q u ’après que les espérances don
nées par M a d . de Chazerat seroient réalisées ; de sages conseils
lui avoient dit qu'il ne pouvoit traiter solidement qu ’après ma
m ort pour le paternel, après celle de M a d . Aubier pour le maternel.
A u jo u rd ’hui sa veuve veut Saulzet à p a r t , et encore réserve de
part d ’enfant partout : q u ’elle attende notre m ort pour élever la
question.
E n ce moment il ne peut être question , m êm e sur le fon d de
l ’intervention, quede ce qui fait l’objet du fond de l’instance
en tre
m a sœur et moi : o r , il ne s’agit que d ’accomplir la formalité de
la transmission du verger par-devant n o t a ir e , à l’égard duquel
elle ne peut pas nier qu’elle est ma m andataire, et mêm e q u ’elle
est mon prête-nom , au moins depuis l ’acte de mai 1801 , par
lequel elle a promis cette transmission.
E t co m m en t, après toutes les preuvesque j’en ai données, ne pas
�(H )
être excessivement éfonné de ce qu'on l i t , page 3s du M ém oire
auquel je réponds. — M . Chardon a itérativement reconnu et
confessé que la dame de St-M ande , sa belle-m ère, ri avoit
acheté de la nation les biens de son fr è r e , que pour les con
server aux enfans de son frère ; mais quand M . C hardon a
confessé c e l a , car voilà le m o t que l’auteur du Mém oire em
p lo ie , il avoit signé l’acte de m ai 1801 , portant que M ad. de
St-M ande avoit acheté pour ¿on frère , et que les enians ne dé
voient remplacer leur p è re , que dans le cas où celui-ci ne seroit pas
ra yé ; il avoit signé la délibération de fam ille où il étoit répété
que M a d . de St-M ande avoit acheté ces biens, pour les conserver
à Em m anuel Aubier son frère ( à m o i ) , et me les rendre dès que
je serois rayé.
M . Chardon est un hom m e d ’honneur ; ce noble caractère ne
rend souvent que plus aisé à être trompé ; les directeurs de cette
m anœuvre ont été assez habiles, pour en faire leur instrum ent, soit
qu'ils lui aient surpris sa signature, soit qu'ils soient parvenus à
lui faire illusion.
C e t acte est un des m oyens employés clandestinement pendant
m on absence, pour exécuter le plan de me retrancher de ma
fa m ille , de m ’en e x c lu re , de m e tout ô te r, qu ’on m ’avoit révélé
en 1802 , et auquel je n ’avois pas voulu croire.
L 'a u te u r de ce plan com biné avec plusieurs calomnies imaginées
pour m ’aliéner mes enfans , a cru que l’offre des débris du reste
de ma fortune séduiroit mes autres e n f a n s , et les entralneroit
com m e M a d . Lainonleilhe.
Je ne craindrai jamais que mon fils aîné y participe ; je me tais
sur ce qu’on a employé pour séduire la fougue irréfléchie du troi
s iè m e ; un père ne se souvient jamais des erreurs de SCS e n fa n s,
que pour les avertir de ne plus écouter les mauvais conseillers qui
les ont égarés ; mais le cœur
me saignera jusqu’à la m o r t , de
tout ce que j'ai été dans le cas d ’apprendre, de tout ce q u ’on m 'a
fait éprouver ; je me tais.........
Dans le f a i t , on ne vouloit pas que je revinsse. On avoit cru
que
�■( 25 )
que la guerre entre la France et la Prusse m ’auroit ferm é pour
toujours la porte. M ais je m ’étois conduit de manière que toutes
les autorités françaises militaires, politiques et civiles m ’ont éga
lement rendu justice et témoigné leur eslime.
L ’ acte que je réfute révèle pourquoi on
avoil empêché m a
sœur de présenter à M . le Préfet le décret de S . M . l’E m p e re u r,
du
10 brumaire an i/^ > q11' m'avoit conservé tous mes droits,
en me permettant de garder ma place de chambellan du roi de
Prusse.
P e ut - o n imaginer une inconséquence plus grande que celle qui
se trouve dans ce M é m o ir e , quand, après avoir em ployé qvielques
pages à vouloir prouver que ma sœur a acheté mes biens pour ellem êm e et pour en disposer à sa v o lo n té, on y fait valoir des actes
où les enlans de Mad. de St-Mande déclarent q u ’elle n 'a achetéque
pour conserver aux en fans de son frère.
T o u t e s ces variations sont êgaleirientdangereusespourmospelilesfilles ; car si M a d . d e S t - M a n d e n ’avoit acheté que pour l e s e n f a n t
de s o n frè r e , l'effet de cette expression collective se parlageroit
également entre tous mes enfans par é g a lité , et par conséquent
l ’aîné et le troisième pourroient à l ’instant demander chacun un tiers de S a u lz e l, et sans attendre ma mort.
Mais il faut être bien convaincu d ’avance qu ’alors M a d . L a m o n teilhe auroit grand soin d ’opposer à ses beaux-frères tous les actes
qui constatent que ma sœur a été ma mandataire, et mandataire
de moi seu l; q u ’elle a été mon prdte-nom ; que j’étois le vrai
propriétaire de Saulzet, quand j ’ai autorisé ma sœur à subroger
Lamonteilhe à cette propriété; et qu’ au m oin s, jusqu'à ma m ort,
ils n ’ont aucun droit à critiquer les actes par lesquels je l’ai inves
tie. L ’auteur du Mém oire copieroit, pour défendre M a d . L am on
teilhe et mes petites-filles , tous les raisonnemens q u ’il a trouvés
absurdes dans mon Exp osé; sous sa pl ume ils deviendroient des
vérités élémentaires , q u ’on ne peut [tas combattre de bonne foi.
A u reste, com m e dans les trois rôles d iffe re n s , que ma sœur
prend tour-à-tour dans cette a ffa ir e , elle n ’en persiste pas moins
�dans le noble désintéressement dont son m aii lui a donné l ’exemple,
il ne faut y voir q u ’un changement d'idées sans e ffe t, parce que
le fait prim itif q u ’elle a été ma mandataire s’y oppose.
Passons à la 4 e question.
A cet égard , l ’auteur du M ém oire dit que la transmission du
verger que je demande , existe déjà , par un acte du 5 -fructidor
an 9 ; mais ce ne peut pas être sérieusement qu il le dit.
E n e f f e t , i \ l’écrit auquel il veut donner cette im p ortance, ne
n o m m e pas le verger ; or , il est de principe qu’un acte translatif
de la propriété d'un immeuble , et surtout d ’une propriété rurale ,
doit désigner sa n a tu re , sa situation, et au moins deux de ses
confins ; cette désignation est ordonnée par le C ode Napoléon , a
peine de nullité , m êm e pour une simple action ré e lle , à plus forte
raison , pour l'acte translatif de propriété ;
20. C e t écrit est antérieur, de plus d ’un an , à m on amnistie f
o r , il avoit été statué par l ’acte d e m ai 180 1, antérieur à cet acte,
que l ’acte légal et notarié de transmission définitive ne pourroit
être fait q u ’après ma radiation ou amnistie.
Si cet écrit avoit réellement effectué celte transm ission, pour
quoi encor» aujourd’h u i , tous les actes et démarches de proprié
taires se feroient-ils encore au nom de m a s œ u r , et par son fondé
de pouvoirs?
Pourquoi m'auroit-elle o ffe rt une vente e t m ’auroit-elledit, ainsi
q u ’à lout le monde , qu'elle avoit déposé chez M . C h assaig n e, no
taire, un testament o ù , prévoyant le cas où elle mourroit avant
que nous eussions tout term in é, elle m e transmettoit le verger.
T o u t cela n ’étoit-il qu ’une mystification ?
C e t écrit n ’a été fa it que com m e déclaration de la base qui
m o liv o it la jouissance que je faisois sous le nom de ma soeur, et
pour a jo uter, dans des cas im p ré v u s, à la force de la promesse
contenue dans l’acte de mai 1801.
En lisant cet écrit amphibologique, com m e lous ceux faits avant
ma radiation, et y réfléchissant, on verroit qu ’il étoit fait princi
palement en vue de statuer entre.m a sœur et m o i, com m e règle-
�J ÏS
( 27)
ment de fa m ille , que je ne voulois jamais aliéner aucune propriété;
c ’esl l'écrit dont j’ ai déjà parlé à ce s u je t; je Pavois fait pour
imposer d ’avance à mes
en fa n s
, par mon exemple , com m e je Pavois
déjà d i t , la condition q u ’ils ne pourroient rien aliéner de ce que je
leur partagerois de mon vivant.
Il est signé de ma s œ u r , de moi et de mon fils Lam onteilhe ;
celui-ci est le seul de mes enfans qui 1 ait signe , parce que les au
tres étoient alors en Prusse ; mais ils avoient donné un billet d ’hon
neur portant adhésion à ce que j’aurois réglé.
C e t écrit prolongeoit la réserve de Saulzèt, après ma m o r t, dans
un cas éventuel expliqué ; cette prolongation avoit été convenue
en considération de ce q u e , par acte postérieur de trois mois au
mariage de mon fils Lamonteilhe (ép oqu e où on exagéroit encore
plus If s liquidations), j'avois déchargé L am onteilhe d ’une dette de
i 3, 5oo liv. Je voulois éteindre celte d e tte , sans prendre sur les ca
p ita u x , et rien aliéner; cet écrit étoit sur tous les points la m esuçc d ’ un père de fa m ille , désespéré de ce q u ’on vouloit toujour»
vendre.
Je demande à ces dames et à l’auteur du M é m o i r e , à qui j ’ai
fait co m m u n iquer, par mon avoué, mon double de cet é c r i t , si je
puis le déposer chez un notaire, dans l ’état où il m ’est revenu de la
communication que ma sœur en avoit donnée à quelqu’un pendant
* mon voyage à Paris en 1802 ?
M es enfans peuvent - ils m ’envier la propriété de ce v e r g e r ,
quand il me représente loule l’hérédité de mon p' re et de m on
frère , que personne ne peut me c o n te s te r , puisque je n ’élois pas
inscrit sur la liste des émigrés quand ils sont morts ; quand il me
représente de plus les 200,000 liv. de créances que j’aurois sur celte
succession, par l ’accumulation des intérêts, enfin les 100,000 liv.
d ’avances que j ’ai faites pour mes en fan s, au-delà de ce que j ’ai
touché de nia fam ille, à quelque titre que ce soit?
Je ne demanderois pas c tt acte notarié, si je n ’en avois pas
besoin pour constater ma propriété aux yeux de ceux avec qui
ma sœur elle-m êm e m ’a invité de prendre seul des engagemens
d
2
�(a8)
pour ma famille , ^ ur les assurances qu ’elle me donnoit que je
disposerois seu l de tout. J ’ai annoncé aux créanciers que je m ’étois
interdit d ’aliéner la propriété; mais j’ai gradué mes engagemens,
de manière que les 20,000 liv. de dettes qui restent encore à p ayer,
seront acquittées successivement en capital et intérêts, par l ’ap
plication entière non-seulement des revenus du verger, mais encore
de toutes les réserves viagères que ‘je peux avoir du côté de ma
fa m ille , jusqu'à ce que les 20,000 liv. soient totalement payées.
Personne n ’a reçu de moi un assignat ; aucun des créanciers dont
je me suis chargé pour m a fa m ille , n ’éprouvera de retard aux
époques convenues, si on me laisse libre de pourvoir aux moyens :
si on m'entrave , le désordre tournera au détriment de tous mes
enfans (1).
E t n’est-il pas bien extraordinaire que M a d . Lam onteilhe oublie
que dans cette dette de 20,000 liv. , il y a i3,5o o liv. que je me
suis chargé de payer pour son mari depuis son mariage ; elle sait
que Saulzet dont elle jouit étoit chargé de cette dette ; elle en a la
preuve dans les doubles qui sont en ses mains de l’acte de mai
18 0 1, et de trois autres actes par lesquels j ’en ai pris la charge
sur m o i , actes où son m a r i, m a sœur et moi en avons assigné
le payement sur le revenu du verger; elle sait tout aussi-bien , que
les autres 6 , 5oo liv. sont le reliquat de dettes faites pour son
m a r i , de mêm e que pour ses frères ?
M a d . Lamonteilhe sait q u ’en 1 7 7 3 , quand mon beau-père , M .
M a r g e r id e , mit en vente C r è v e - C œ u r , il consentoit que l’achat
en fût fait en mon nom ; je voulus qu’il le fû t au nom de mes
( 1 ) J’ai
63
ans , jc su;s
sort;r ,le tu telle, >
’» moins qu’on ine fasse inter
dire ; on a murmuré , hasardé ce mot ï\ l’occasion île cette assemblée de fam ille
qui a autorisé l'intervention.
Il paroît que , quoique 4 <lcs parons fussent du ciitc de M. Cham pflour ( lui en
t è t e ) , le m oteur de nos troubles n’a pas osé risquer la propos it iou ; le juge de
paix l’a embarrassé sans doute : ce n est pas une cliose qu’il soit aussi aisé de
faire clandestinem ent, que des écrits du genre de celui que le Mémoire nous r é v ile
sans nous tout dire.
%
�(
29
)
enfans, pour que les parens de M ad. A u b ie r ne pussent pas dire
que j’avois voulu en faire ma propriété personnelle. J’ai payé le
viager ; le tiers qui revenoit à son mari dans le bien, lui a servi de
retour de lot sur Saulzet. Cela est avoué dans son M émoire.
M a d . Lam onteilhe sait q u ’en 1 7 8 4 , un an après avoir acheté
la charge de gentilhomme ordinaire de la cham bre, dont la finance
étoit de 5o,ooo l i v . , j ’ai transféré la propriété de cette finance sur
la tête de mes trois
en fan s
par égalité ; d ’a ille u rs, la preuve en est
dans les actes reçus M o n o t , notaire à Paris.
M a d . Lam onteilhe sait que j ’ai été seul chargé de son mari
com m e de ses frère s, depuis le premier janvier 1 7 7 3 , sans avoir
retenu un sou du revenu de M a d . A u b i e r , qui n ’a jamais con
tribué en rien au soutien de ses enfans.
M a d . Lam onteilhe sait que je n ’ai jamais rien touché du capi
tal de M ad. A u b i e r , placé par son père chez le mien ; que jamais
je n ’ai été mis en possession d'un seul héritage ni de M a d .
A u b i e r , ni de mon père;et elle s ’étonne qu'il soit encore dû 6, 5oo
livres du reliquat des différons emprunts faits par moi seul en
diverses époques pour faire face à tout sans redemander les capi
taux que mon père avoit à moi !
E t M ad. Lam onteilhe ose appeler cela dette supposée , ou fa ite
pour avoir e x c é d é nies moyens en P r u s s e ! C ’est pousser trop loin
la foible docilité pour les intrigans qui la dirigent.
Je n ’ai
jamais excédé mes m o ye n s,
qu'en comblant à l’ex
cès son mari et elle d e mes bienfaits , bienfaits dont elle jouit
aujourd’hui seule, jusqu’à ce que ses filles aient dix-huit ans.
C e Mémoire me reproche aussi la vente de quelques f o n d s ,
dont 011 porte le prix à 6,000 liv. Eh bien , il est prouvé par les
actes de vente qu ’elle a été faite par mon fils L a m o n te illie , en
vertu de procuration de ma sœur ; il n ’y en a pas eu tout à fait
pour 5,ooo liv* , et cette somme a été „aussitôt employée à des dettes
de mou frère, qui avoient été hypothéquées sur les biens ayant
qu 011 les confiscât. L e rachat avoit été fait u mes dépens.
�^» v \
( 3o)
D e p u i s , tout ce qu*il y a eu d'autres recouvremetis r tant en
capitaux q u ’en revenus à moi appartenons , mêm e le produit des
réserves en viager alimentaire , a été employé aux dettes ou en
avances à mes enfans et pour leur établissement. Cela est aisé à
vérifier en comparant les preuves d'emploi avec le# comptes de ma
sœ ur, qui a tout géré jusqu’au
I er
janvier 180 9, qu ’elle a donné
procuration à M . G orce.
Pendant que M a d . Lamonteillie et son père semoienl sur cela
les plus ridicules commentaires , je me taisois sur les immenses
ventes q u ’ils ont faites depuis le mariage de monfils a\ec M ad. L a in on teilh e, et qu ’elle a faites particulièrement depuis q u e lle est
veuve. Il me semble cependant que , com m e aïeul paternel de
mes petites-filles, j’ a i , surtout depuis la mort de leur p è r e , bien
autant de droit que l ’aïeul m aternel, de faire mes observations
sur ce que devient la fortune que lors du mariage on disoit assurée.
Qui de la famille Cham pflour ou de m o i, a été bercé d'espé
rances trompeuses , quand il est prouvé que M a d . Lamonteilhe
n ’aura pas de son côté moitié de ce qu ’on annonçoit, et qu’ elle
a de moi le double de ce que j’ai promis ?
M a d . Lam onteilhe et M a d . de St. M a n d e me menacent de
M a d . A u b ier , et par là elles m e forcent de leur ra p p e le r, que
lorsqu’il étoit question du mariage de Lam onteilhe , je voulois
préalablement composer avec M ad. A u b i e r , et mêm e lui faire
quelques sacrifices pour établir une paix générale dans la famille.
M a s œ u r , mo n fils , le père de M ad. L a m o n t e ilh e , s’y oppo
sèrent égalem ent, pour obtenir encore plus pour La mon t e i l h e ; ils
disoient que M a d . Aubier étoit remplie de ce q u ’elle pouvoit pré
tendre en vertu du traité de 1 7 7 9 , et q ue les pertes q u ’elle nous
îivoit occasionnées depuis , dévoient m ’éloigner de tout sacrifice.
J ’aurois traité malgré ces représentations avec M ad. Au bier , si
celle-ci n ’avoit pas rompu la négociation entamée par M . Dartis.
M ais n ’est - il pas bien étonnant que ce soient aujourd’hui les
mêmes personnes qui cherchent à exciter sur cela de nouvelles
divisions entre M a d . A u b ie r et moi ?
�N ’ont-elles pas déjà causé assez de pertes à mes enfans ?
Je serois fort fâché d ’avoir quelque démêlé avec M a d . A u b ie r ;
mais si elle m ’ altaq uoit, je saurois me défendre et lui opposer
les responsabilités qu’elle a encourues envers moi.
L ’auteur du Mémoire me menace de quelques lettres d ’où il croit
pouvoir tirer de grands argumens ; il n ’a pas la clef de notre cor
respondance, dans ces temps orageux; je l ’attends avec sécu rité,
bien sûr que tout ce que j ’ai d i t , écrit et f a i t , étoit toujours dicté,
et souvent exigé par l ’intérêt de mes enfans , eu égard à chaque
circonstance; com m e elles varioient souvent, il a fallu souvent
varier de mesures et d ’instructions à ma sœur com m e à mes enfans.
Je n ’ai point fait de sarcasmes sur M . C h am pflo ur, mais j ’ai
rendu à saillie la justice qui lui étoit d u c , quand j ’ai dit q u ’elle avoit
erré par lés conseils de son père.
M . Cham pflour a tort de se dire m alheureux ; un père ne peut
pas l'être, quand il est entouré d ’enfans , pelits-enfans , gendres,
qui se conduisent aussi-bien que les siens à son é g ard , dont les
soins sont toujours assidus , empressés , et dont l’obéissance ne
calcule jamais avec lui.
Je n ’ai persifilé personne, comme le suppose le M ém o ire , et
n ’ai voulu nuire à personne.
Je n ’ai parlé de casuiste que parce q u ’on avoit toujours opposé',
à mes observations les plus justes , quelque décision de casuiste
q u ’on ne nommoit jamais.
J’ai voilé le mieux que j’ai pu ce qui eût demandé d ’être traité,
surtout par un p è r e , un a ïe u l, avec des réflexions plus sévères;
mais elles ne sont pas dans mon caractère.
E n résumé, je persiste à dire que le système q u ’on a fait adopter
par M a d . de S l- M a n d e , en la m ettant aujourd’hui en contra
diction
avec elle m ê m e, est ce q u ’on pouvoit imaginer de plus
dangereux pour mes p e t i t e s - f i lle s ; par conséquent ma
belle-
fille a le plus grand tort d ’intervenir pour l’a p p u y er; mais heu
reusement pour nies petites-filles, l'intervention n ’est pas reccvable.
�' •k
( 32 )
A u r e ste , ma sœur, m a belle-fille et mes autres enfans veulentils s’accorder pour accepter une renonciation à la qualité d ’héritier
de m on père et de m on fr è r e , au profit d ’eux tous , ou de tels
d ’entre eux qu ’ils voudront choisir ? je suis très-disposé à la fa ire ;
mais com m e je demeure créancier de 200,000 liv. sur quiconque
représentera la succession de mon p è r e , composons : si l’esprit
d ’égalité veut ici que le père rende compte à ses enfans, ceux-ci
lui doivent alors compte de toutes ses avances pour e u x , et elles
vont à 100,000 liv.
Je ne suis pas difficile en composition ; je suis prêt à me ré
duire pour tout à 2,000 liv. de pension viagère alim entaire, sur
laquelle je rabattrai les petits viagers déjà créés.
Mais pour cela , il faut que M ad. Lam onteilhe commence par
m e donner les i 3, 5oo liv., dette de mon père sur Saulzet, dont j’ai
déchargé ce bien , et dont j'ai renouvelé seul les e ffe ts; attendu
que m oi-m êm e je ne pourrois plus les renou veler, quand on saura
que je suis exclu de tout bien ; il faut qu ’elle ou mes autres en
fans me fassent les 6 , 5oo l i v . , parfaisant les 20,000 liv. dont je
suis encore chargé pour eux.
11 faut q u ’on se charge de toutes les garanties, et q u ’on m ’en
décharge pour toujours.
V eu t-o n en revenir à la transaction faite par notre respectable
m édiateur et a m i, M . F a v a rd , que j’ai déjà signée chez lui le 25
juillet dern ier, contenant ratification spéciale de la subrogation
de Saulzet ( 1) , et généralement de tous mes autres engagemens
avec m a s œ u r , ma belle-fille et mes petites-filles ? J ’y consens :
elle contient toutes les conditions déjà convenues.
(0
Art* 1 • ft'nnianucl A ubier approuve et ratifie *lc nouveau , en tant que (le
besoin , ce qui a etc fait par la tlninc «le S t-M an d e sa s œ u r, en vertu (les pouvoirs
confidentiels par lui donnds, confirmes ensuite par diverses procuration s, i° . pour
acheter du domaine national les b ien s provenus des successions d’A ntoine A ubier
leu r père commun , et de Jean-Baptiste A ubier leur frère ; lesquels biens étoient
échus audit Emmanuel A u b ie r , en vertu de son contrat de mariage et par l’ effet
des renonciations portées dans celui de» sieur et daine de St-Mandc ; a°. pour
11
�(33)
Il y a motivé la transmission du verger sur ce que ma sœur
avoit racheté pour mon com pte, en vertu de mes pouvoirs confi
den tiels , suivis de procurations notariées , parce que cela éloit
surabondamment prouvé; parce que la sûreté de mes petites-filles,
de m êm e que de mes autres e n f a n s , des créanciers et de m o i ,
reposoit toute entière sur cette v é r ité , sur cette base.
O n l ’a jugée également importante pour M . et M a d . de S tM a n d e , com m e établissant à ja m a is, contre mes enfans et ayant
d r o it , le principe de l ’obligation que j ’ai contractée envers M . et
M a d . de S t - M a n d e , de les garantir et indemniser envers et contre
tous de toutes recherches quelconques.
D ’où l’on voit que ma sœur n'a rejeté celte transaction , quoi
que ce fû t elle qui eût choisi M . Favard pour médiateur ( i ) , que
parce que le moteur de nos divisions, son c o n se il, s’est entêté à
vouloir nous faire plaider.
s.
II a voulu que m a sœur eût l ’air d'être infidèle à ses promesses,
p a y e r lesdites adjudications , régir et adm inistrer les biens qui en faisoient partie j
3°. pour revendre , ¿changer diverses parties desdits b ie n s , et spécialem ent pour
subroger Jérôme A u b ier , second fils d’E m m an u el, à la possession de Saulzet.
Emmanuel ,A u b ier reconnoît que le tout a été fait pour son com pte , avec son
autorisation et con sen tem en t, ainsi qu’ il est porté par divers actes , notamment
celui de mai 1801 , déposé chez M. G ile t , n ota ire, et la subrogation de Sau lzet
reçue Coste , notaire , l’un et l’autre dûment enregistrés.
E n conséquence , il prom et de garantir et indem niser M . et M ad. de St-Mande
envers et contre tous de toutes recherches quelconques.
A rt. a. Pour tout term iner , M arie-Françoise A u b ier rem et par ces présentes à
Em m anuel A ubier son frère ,
le
verger situé entre Clerm ont et M ont-Ferrand ,
confiné au midi par la grande r o u te , du nord par le prd du Mas.
Ce pré demeurera ch argé, i° . des garanties promises p ar Em m anuel A ubier aux
sieur et dame de St-Mande , par privilège h tout ; a0, de la rente viagère c r é é e ,
au profit de M ademoiselle de B a r, par acte dûm ent enregistré; 3°. de la garantie
des treize m ille cinq cents francs mentionnés dans l’acte de mai 1801 , tant du
capital que des intérêts , jusqu’à ce qu’il y ait été pourvu par
tous co-intéressés.
arran gem en t
entre
( 1 ) A u bout de 8 ans de refus de nom mer des arbitres , e lle -m im e , pour ter milier tQUt ce qui d iy ijo it la fam ille.
E
�(34)
que son mari m ’engageât à prendre les voies judiciaires, afin de
pouvoir ensuite
m e
supposer m oi-m êm e infidèle à mes engagemens,
pour mettre la division en tout sens, il a fait intervenir M ad.
L am onteilhe
en son nom et au nom de mes petites-filles, qui
n ’eussent jamais dû y êlre que des anges de paix. L e mal ira
toujours croissant tant qu ’on suivra son systèm e; j’en appelle de
nouveau aux sentimens naturels de ma s œ u r , à la b o n t é , à la
justice dont elle nous a donné tant de preuves avant q u ’elle chan
geât de conseil. Q ue de malheurs un bon conseil peut épargner à
une fa m ille ! que de malheurs un mauvais conseil lui attire! on
les oublie aisément quand la paix renaît.
A v e c quel plaisir je verrois renaître dans toute ma famille l’union
pour le retour de laquelle j ’avois fait tant de sacrifices!
En attendant, forcé par l’état des choses, je dois prendre des
conclusions judiciaires.
C O N C L U SIO N S.
M es conclusions s o n t, à ce qu'attendu que dans l’instance pen
dante entre ma sœur et m o i, je n'attaque point la subrogation
de Saulzet, ni aucun autre de mes engagem en s, en faveur de mon
fils Lam onteilhe représenté par sa veuve et mes p e tite s-fille s;
attendu que je consens à leur exécution jusqu’à ma m o r t , M ad.
L am onteilh e soit déclarée non recevable dans
l'intervention par
elle f o r m é e , tant en son nom q u ’au nom dé mes petites-filles;
A ce qu'attendu que je n ’étois point inscrit sur la liste des
émigrés quand mon père et mon frère sont m orts, je sois m ain
tenu dans la qualité de seul héritier de mon pere et de mon
fr è r e , conform ém en t à mon contrat de mariage et celui de ma
sœur ;
A ce q u ’attendu que M . de
S t-M and e a réellement touché
les 12,000 liv. à lui redues sur la dot de sa f e m m e , et qu ’il en
a été p a y é , soit par m o i- m ê m e , soit pour mon c o m p t e , par ma
f
�57!
(35)
sœ u r, et de deniers à moi apparlenans , il soit tenu de m ’en pas-
'
ser quittance , avec subrogation à tout d r o i t , en conséquencé de
la renonciation de ma sœur à toute succession directe et collatérale;
En ce qui concerne ma sœur en sa qualité personnelle de m a
mandataire;
A tten d u qu’elle a reçu et accepté mes pouvoirs confidentiels
suivis de procurations notariées, à l ’etfet de racheter, poi r m on
c o m p te , mes biens par elle soumissionnes et à elle vendus p arles
administrateurs du département du P u y -d e -D ô m e , le 26 fructi
dor an 4 > et ce qui résulte de l’acte du 8 mai 1801 ;
« Ordonner q u e , dans le jour de la signification du jugement à
intervenir, les sieur et dame de St-M ande seront tenus de
me
passer par-devant notaire acte de transmission de la pleine pro
priété du
verger situé à M o n t-F e rra n d , contenant environ cinq
cents perches quarrées ; et faute de ce f a ir e , que le jugement tiendra
lieu ; q u ’en conséquence je resterai et demeurerai propriétaire inco m m u ta b le , pour eu disposer co m m e j ’aviserai, sous les condi
tions déjà convenues et acceptées entre les parties ; savoir, i*. que
ledit verger demeurera grevé envers M . et M ad. de S i M ande de
la garantie de toutes recherches généralement quelconques, pour
quelques causes que ce soit ; 2*. q u ’il demeurera chargé de la rente
viagère de 5oo fr. par an , créée au profit de mademoiselle de B a r ,
m oyennant 5 ,000 f r . , empruntés d ’elle pour les prêter à M ad. A u
bier; 3*. qu ’il demeurera chargé des intérêts, et garant du capital de
i 3, 5oo fr. mentionné en l’acte de mai 1801, jusqu’à ce qu'il ait
été pris d'autres arrangemens entre m o i, mes enfans et petilsenfans, pour l’extinction de ladite d e tte ;
D onner acte de ce que je me soumets à employer le surplus des
revenus dudit verger, si plus y avoit, en payement des intérêts et
du capital des autres emprunts par moi faits pour mes enfans;
Ordonner que je demeurerai subrogé a tous droits quelconques
et tous revenus éch us, courants ou à échoir, aux offres que je fais
de ratifier toutes les garanties par moi promises à dame de StM ande.
-
�Ordonner pareillement que tous papiers de fam ille m e seront
remis , tant par ma sœur que par tous dépositaires, état sommaire
d ’iceux préalablement dressé, au pied duquel je donnerai décharge.
S ig n é E m m anuel A U B IE R - L A M O N T E I L H E , père.
M onsieur P I C O T - L A C O M B E , Procureur impérial.
M . J E U D Y - D U M O N T E I X , A vocat.
I M B E R T - B A R T H O M E U F , Avoué.
P . S. S i ma se n sib ilité , a ce que me fo n t éprouver les moteurs
de nos divisions qu i dirigent ces dam es , m’avoit f a i t é c h o p p e r
quelqu'expression qu i pût b l e s s e r personnellement la délicatesse
de ma sœ u r , à qu i toute la fa m ille a tant d obligations , je
m'empresserai de lu i en fa ire m es ex cu ses.
Je prie le
L ecteu r
de relire mon Exposé des faits, où se trouvent
disertement les m o y e n s , ceci n ’étant q u ’une réponse aux objections.
A CLERMONT
, de l ’Im p rim erie d e L a n drio t ,
ru e S t.-G en ès.
Imprimeur
do
la
P réfe c tu r e
�
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Factums Godemel
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Description
An account of the resource
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Text
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Title
A name given to the resource
[Factum. Aubier-Lamonteilhe, père. 1811]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Picot-Lacombe
Jeudy-Dumonteix
Imbert-Barthomeuf
Subject
The topic of the resource
émigrés
prête-nom
successions
renonciation à succession
mandats
amnistie
administration de biens
divorces
dénonciation
créances
forclusion
assignats
médiation
exécutions révolutionnaires
transactions
mort civile
séquestre
Description
An account of the resource
Titre complet : Réponse de M. Aubier-Lamonteilhe père, au mémoire de M. et Madame de Saint Mande, et de Madame Lamonteilhe, intervenante en son nom et comme tutrice de ses mineures, petites-filles de M. Aubier.
Table Godemel : mandat : 3. le mandat se présume-t-il, en droit, ou ne peut-il se former que par l’acceptation du mandataire ? l’interprétation de la correspondance et des actes invoqués pour prouver le mandat appartient-elle aux juges du fond ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Clermont)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1811
An 2-1811
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
36 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2124
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
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Saint-Yvoine (63404)
Clermont-Ferrand (63113)
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divorces
émigrés
exécutions révolutionnaires
forclusion
mandats
médiation
mort civile
prête-nom
renonciation à succession
séquestre
Successions
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d8d860d9953126b0d8ec9b4d39c9d9e0
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tribunal civil
de
CLERM ONT.
MÉMOIRE
P O U R
D
ame
F
M
a r i e - F r a n ç o ise
abrede
A U B I E R , épouse de M . Benoît
S t . - M e n d e , autorisée p ar j u s t i c e , e t p o u r ledit
Sieu r D E S t . - M E N D E , propriétaires , habitant à S t.M e n d e , co m m u n e de S t . - Y v o i n e , défendeurs ;
E t encore p o u r D a m e MARIE-CLAUDINE D E C H A M P F L O U R ,
ve u v e de M . Jérôm e-E m m an uel A ubier- l a - M onteilhe ,
tant en son nom q u ’en qualité de tutrice de leurs d e u x
enfans m in e u r s , aussi prop riéta ire, d em euran t à C le r
m o n t-F e rra n d , intervenante et défenderesse ;
C O N T R E
M . E m m a n u e l A U B I E R - L A - M O N T E I L H E , ancien magis
trat } demeurant en la même ville ; demandeur.
M. A u b i e r ? frappé de mort civile par l’inscription de son
nom
sur la liste des é m ig r é s , a été réintégré dans ses droits par
un brevet d ’amnistie du 20 fructidor an 10. A ssu rém en t, depuis
n e u f ans, il a eu le tems de méditer le projet de traduire devant
1.re chambre
1 8 1 1.
�les tribunaux la dame de St.-M ende , sa sœ ur , et M. de S t.Mende , son beau-frère , pour les forcer de déclarer que , dans
l ’acquisition que la dame de St.-M ende a faite de la nation
des
biens séquestrés par suite de son ém igration, elle n ’a été que son
prête-nom ou sa mandataire. Ce projet s’est enfin réalisé , puis
qu ’il l é s a fait assigner à ces fins par exploit du 5 avril 18 11.
D ès ce moment , il a été facile de prévoir les desseins de ¡VI.
A u b i e r , et de calculer les conséquences de ses demandes. Aujour
d ’hui tout est connu } puisqu’il « révélé sa pensee d une manière
fort é te n d u e , dans un meinoire im p r im e , auquel celui-ci ya servir
de réponse.
Attaquer la dame sa soeur , en obtenir la déclaration qu’il e x ig e ,
n ’avait pour objet que de s’ouvrir une route pour arriver ensuite
à la dame veuve de la M o n te ilh e , sa belle fille , alin de lui faire
connaître que s i , lors de son mariage , elle a cru pouvoir compter
que le domaine de Saulzet serait une propriété assurée à ses enfans,
elle s’était grandement trompée , et que c’ était vainement que la
dame de S t.-M en d e , et lui même M. A u b i e r , en avaient souscrit
la subrogation à Jérôme A u b i e r , père desdits enfans.
L a dame de S t.-M e n d e , qui avait déjà apperçu le but que se
proposait M. son frère , ne voulant point être exposée au reproche
d ’avoir trompé la famille de Champflour , s’est refusée constamment
ù l’exécution dé pareils desseins, et a préféré combattre des p ré
tentions qu’elle ne peut aucunement approuver.
Mais
comment une s œ u r , qui a exposé mille fois sa v i e , dans
les tems les plus orageux de la révolution , pour le salut de son
fiè re ,
est-elle livrée aux ennuis d ’un procès
im agin é,
sous tous
les rapports , pour navrer son cœ ur de douleur ?
Com m ent encore un b e a u - f r è r e , qui a eu la générosité de refuser
tous les avantages quu les lois nouvelles lui procuraient , est-il in
quiété et soumis à une action judiciaire?
M . A u bier , dans la première ligne de son mémoire , répond d ’a
vance à
ces
convertit
questions, en assurant le public qu’une cruelle fa ta lité
en
procès ce gui eût du cimenter l ’ union dans sa Jam ille.
C e r te s, il faut croire que cette fatalité n ’est pas seulement cruelle,
siais q u e lle est encore bien aveugle , puisqu’elle amène des résultats
�(3 )
totalement opposés aux sentiîrjens que devaient faire naître natu
rellement des actions louables , de» services sigualés et de noble»
sacrifices.
Quoi qu’il en s o it, les choses en sont arrivées au point de fixer
l ’attention de la justice sur l’objet de la contestation, sur les faits qui
la constituent et sur les moyens de droit qui doivent la décicibr, Mais
ici remarquons que la dame de St.-Mende , son m a r i , et la dama
veuve de la Monteilhe ont des moyens différens à faire v a lo ir , et
que s^ils s’occupaient de chaque fait mis en avant par M. A u bier , la
tribunal perdrait nécessairement de vue le véritable point de la cause.
.
Il a plu à M. Aubier , sous le prétexte d’exposer les faits de sa
cause , de donner au public l’histoire de sa vie , et de n oyer l’affaire
qui doit nous occuper dans des détails si m u ltip liés, qu’à peine il est
possible de la reconnaître et de la saisir. A la vérité , cette histoire
est écrite avec la délicatesse de style qu’on acquiert plus particulière
m ent dans les cours des rois ; mais la cla r té , la précision , voilà ce qui
est nécessaire dans les cours de justice. Il y a même lieu de s’étonner
qu ’il ait négligé ces deux qualités essentielles, lui qui , a u tre fo is,
dans l’exercice des fonctions du ministere public , se faisait distin
guer par la réunion des trois qualités les plus precieuses , celles
d’être érudit , fleuri et concis.
Il faut pourtant convenir que M . Aubier a su trouver des res
sources extraordinaires, pour parvenir a masquer les défectuosités
de la plus déplorable de toutes les causes.
Il fallait commencer par se rendre intéressant.
Il a fait aussitôt connaître comment les circonstances les plus glo
rieuses de sa vie avaient en même teins causé ses infortunes ( page 6
de son mémoire ).
Il fallait aussi jeter un vernis odieux sur la conduite actuelle
de sa soeur , devenue son adversaire , et une petite teinte de ridicule
sur un beau-frère que sa probité notoire met à l’nbri de tout autre
genre d ’attaque ; il n’était pas même indifférent de répandre quel
ques agrémens sur un sujet aride et fastidieux de sa nature.
C ’est dans cette vue que M. Aubier a fait e n tier dans son
histoire un petit épisode relatif à un certain casuiste, qui est tout
�entiéi* de sa c r é a tio n , et auquel il fri! tenir un langage ridicule èt
mem.e absurde. Il le présente néanmoins comme le directeur des
consciences de M. et Madame de
S t.-M en de. Mais , d’après les
conseils de ce casuiçîe , M. de St.-Mende , qui veul qu'on rende, ne
sa it comment s'y prendre , et M adam e de St.-M ende ne veut
rendre q u ’ après sa m ort, c'est-à-dire } ja m a is ( pages 2 4 , 2 5 ,
20
27 de son m ém oire).
Il convenait d ’ajouter à l’intérêt de sa personné celui qu’inspirent
des enfans infortunés , et des créanciers sans espoir.
A u s s i , M . Aubier
gémit sur le sort de ses enfans qui , suivant
l u i , seront privés de toute légitime à sa m o r t , et sur le sort de ses
créanciers qu’il 11e pourra jamais p a y e r , si la dame sa sœ u r ne lui
rend rien ( page 56 ).
Enfin , il fallait neutraliser l’intérêt opposé que devait naturelle
m ent exciter la position d ’une veuve et de deux orphelines , obli
gées de se défendre contre un grand-père qui veut leur ôter la
moitié de leur fo rtu n e , assurée par des actes sacrés , tous signés
p a r lui-m êm e.
M. A u bier n ’est point embarrassé de cette difficulté; non-seule
m ent il parvient à neutraliser l ’intérêt de leur cause, mais il fait p lu s ,
il
s’en empare en
se présentant
comme leur vrai défenseur.
Suivant l u i , la fortune de ses petites filles court les plus grands
dangers. La dame de la Monteilhe } leur m è re , est une imprudente ;
elle ne voit pas qu’ un jour les enfans de S t.-M en d e peuvent leur
reprendre le domaine de Saulzet; que les actes qui ont transmis cette
propriété à Jérôme A u b i e r , leur père , sont nuls , et que leur grandp ere ne stipule ici que leurs intérêts , en cherchant à substituer à des
titres invalides , des actes irréfragables ; que s’il no peut leur assurer
que la moitié du domaine de S a u lz e t, c’est que la loi ne permet pas à
un père d ’en faire davantage } et qu ’il vaut mieux , pour ses petites
fille s , avoir une moitié c e rta in e , que d ’être exposées un jour à ne
rien avoir du tout (pages 27 et suivantes).
C ’est ainsi que le génie de l ’homm e peut applanir
tontes les
difficultés , et même les faire tourner à son avantage. Il est fâcheux
pour M. A u bier que les prestiges de l’imagination ne soient pas de
longue durée } (ct qu’on puisse lui prouver que son système do
�défense n ’est dû qu’aux efforts d’ un
esprit brillant , capable de
produire des effets séduisans ; mais d’un esprit qui , à force de
t r a v a il , se subtilise et s’évapore pour faire bientôt place à la vérité
à qui seule appartient le droit de fuiie des impressions duiables et
d ’obtenir des succès non-équivoques.
O r la vérité est que la dame de St.-M ende n ’a point été le p rê le nom ni la mandataire de M. son f r è r e , lors de son acquisition de
la nation.
l i a vérité est q u e, depuis dix a n s , la dame de S t.-M en d e ne
tient rien par le pur effet de sa générosité des biens de M. son
frère ; que le Saulzet est possédé depuis cette époque par les enfans
de la daine veuve de la M o n te ilh e , et que le grand verger de M o n t ferrand est possédé par M . Aubier lui-même.
L a vérité est que les deux fils de M. A u b ie r auront une légitime
a sa m o r t, parce qu’il ne peut vendre le grand verger et le domaine
de C rêve-cœ u r , l’ un à cause des hypothèques et garanties, l ’autre
parce qu’il appartient à ses fils.
L a vérité est que , si M. Aubier ne p aye pas ses créanciers
c ’est
q u ’il aura niai calculé ses ressources et excédé ses moyens.
L a vérité est que les petites-filles de M. A u b ie r sont très-soli
dement propriétaires de Rentier domaine de Saulzet j qu ’il voudrait
leur en ôter la moitié pour pouvoir vendre ensuite à son a is e, afin
d ’acquitter ses prétendues dettes en Prusse
et ailleurs.
L a vérité , enfin , est que la dame de St.-M ende n’a disposé des
biens qu’elle avait achetés de la nation , que par des actes souscrits
conjointement avec M .son frère; que le domaine de Saulzet tout entier
fut assuré à défunt Jérôme A u b i e r , pour lui obtenir la demoiselle
de Champflour en mariage ; que si M. A u b ie r en a regret } la dame
de S t.-M en d e , au contraire, n ’en a aucun r e g r e t , et qu ’elle
c jo î-
rait m a n q u e ra tout ce qu’elle se doit à e lle -m ê m e , que de porter
atteinte à des actes faits en connaissance de cause , et sur la foi
desquels les deux familles A u b ie r et C h a m p f l o u r l a dame de la
Monteilhe et ses enfans ont dû com pter pour toujours.
E n voilà suffisamment pour donner une juste idée de la cause;
maintenant nous allons rappeler les fuit» principuux } a p iès quoi
nous passerons à la discussion des points de droit,
�> 0 *
V -'
( G)
F A
I T
S .
D u mariage d e M . Antoine Aubier-la-M onteilho avec clame A nneJeanne de C h am pflo ur, sont nés quatre enfans , sa v o ir, M. A u b ie r ,
actuellement d e m a n d e u r, M. Pierre A u b i e r ,
M. Jean-J 3aptiste
A u b ie r , qui a été chanoine de la cathédrale de C len n on t , et la
^ !
dame de St.-M en d e.
L e 4 décembre 1 7 G8 , M. Aubier s’étant m a r ié , a été institué
héritier universel de son père.
Quelque teins après, la dame Aubier est décédée, ainsi que Pierre
Au bier , son fils.
i
L e 10 février 1777 , M. de S t.-M en d e ayant épousé mademoiselle
A u b ier , le pcrc de celle-ci lui constitua une dot de 5 o,ooo livres ,
j
1
au moyen de quoi elle renonça à toutes successions directes et co lla -
'
tcrales , et à tous droits échus et à échoir.
M . Antoine A u bier , père c o m m u n , est décédé le 25 brumaire
an 2 ; son fils aîné était alors en fuite pour échapper à des persé
cutions.
M . le chanoine Aubier a péri révolutionnairement à L y o n .
Dans cet état , quelle fut la conduite de M. de St.-Mende ?
j
M. Aubier dit lui-même ( page 5 do son m é m o ir e ) , que « M. de
» S t.-M en de n’hésita pas à d é c la r e r , dès l’instant de la m ort de
» M. A ntoine A u b ie r ,
q u ’il s’en tenait cà la constitution dotale
)> faite à sa femme , et qu’il y aurait des millions à g a g n e r , il
y
)) ne voudrait pas profiter du malheur de son beau-lrère )>.
j
Il était encore du 12,000 livres à M. de S t.-M en de sur la dot de
6on épouse.
L e 18 germinal an 2 , M. Aubier a été inscrit par la municipalité
de C l e r m o n t sur la liste des émigrés. Cet!« inscription a été bientôt
suivie du séquestre des birns délaissés par son père et par son frère ;
et lorsqu’au mois de messidor an 4 , un étranger allait les soumis
sionner , la dame de St.-Mende en fuL avertie , prit les devants et
les soumissionna elle-même
en sorte que les administrateurs du
�département du P u y - d e - D ô m e lui en ont passé vente le 2 5 ther
midor suivant.
Au m om ent de cette acquisition , la dame de St.-Mende ne fut ni
le p rête-n om ni la mandataire de M. son frere. 11 est vrai qu’elle
n ’entendait pas
plus
que son m a r i , profiter de la dépouille de son
fr è r e ; mais il est vrai aussi q u e , si ses intentions lurent toutes en
faveur de ce frère et de ses enfans , rien ne les commandait, et
q u ’elles prenaient leur source dans son extrême affection pour eux ,
ce qui est bien différent que si elle eût été l’instrument nécessaire
des volontés de M -so n frère. Au surplus, la conduite postérieure
de la dame de St.- M ende a bien prouvé la sincérité de ses intentions;
car quel usage a-t-elle fait des biens qu’elle avait achetés ?
Elle en a vendu une partie pour payer à la nation le prix de la
to ta lité , pour acquitter des dettes de M. son p è r e , pour rem plir
son mari des 12,000 livres qui lui restaient dues sur sa dot. Q u e l
usage a -t-e lle encore fait des revenus du surplus ? Elle les a fait
passer à M. son frère et à ses fils. E lle a donc fait tout ce q u ’une
tendre sœur peut faire , ce que peu de parens ont osé enlreprendre
dans des tems si terribles ; et quand le moment est arrivé , elle a
mis le comble à ses procédés généreux par la transmission des fonds.
A u mois de mars 1801 , M. A u bier ayant obtenu de rentrer en
F ran ce , sous la surveillance de M. le p r é f e t , revint à Clerm ont.
« Il se rappelle ( page 16 de son mémoire ) , la joie qu’il éprouva
« de se retrouver dans sa patrie , au sein de sa famille ». A h !
la dame de St.-M ende , sa soeur , se rappelle aussi ce jo u r de
f é lic it é , où elle put serrer dans ses bras un frère cliéri , p ou r
lequel elle avait risqué tant de fois sa vie. Cette allégresse fut
commune à M. de St.-M ende et a ses enfans. A peine M. A u b ier
eut-il goûté quelques jours de r e p o s , que sa sœur lui fit connaître
jusqu’à quel point elle avait porté la tendresse pour lui ; combien
il avait été l ’objet de ses pensées dans son acquisition et dans ses
opérations ultérieures, et combien elle désirait, par un compte e x a c t }
lui prouver que n ’ayant agi que dans l'intérêt de ce frère et de ses
f i l s , elle voulait bien ne garder pour elle quo les peines et les
soins de son acquisition , et leu r en laisser tout le profit.
\
�(8)
E lle ne présumait pas alors que , pour lui faire perdre le mérile
de ses actions son frère profiterait un jour des témoignages d’ une
affection sans bornes , pour la regarder à la lettre comme son prête-
nom , sa m andataire, et lui dicter des lois , et qu’il ne craindrait pas
de la traduire eu justice pour lui faire im prim er ces titres avec
toute la force et les effets que la loi leur donne.
C e r ta in e m e n t, M. A u b ier était alors aussi bien éloigné d’avoir de
telles pensées, et rien ne peut le mieux prouver que l’acte du 8 mai
1801 ( 18 floréal an 9 ) , passé entre la dame de S t .- M e n d e , son
frère et Jerôme A u b ie r , son fils , par les conseils de M M . Boirot
et D a r t is , en présence de M M . Dorcières et de Chardon. On est
étonné que M. Aubier ( page 16 de son m ém oiie ) , ne rappelle cet
acte que pour en extraire deux lignes : « L a dame de St.-M ende
)) y reconnaît , d i t - i l , avoir acheté mes biens pour me les co n se r)) ver. Cet acte finit par une promesse de faire
la transmission
J) définitive de tout , dès que je serai rayé. »
C e n ’était pas cela seulement qu’il fallait y re m a rq u e r, mais
bien si on avait traité alors avec elle comme avec un prête- nom , un
mandataire ; si , au moins , il y
avait quelques expressions qui
pussent en donner l ’idée.
L a lecture de cet acte suffit seule pour détruire toutes les
prétentions de M . A u bier touchant les qualités qu’il veut aujour
d ’hui donner à la dame sa sœur.
D écha rg e et convention entre M adam e de S t.-M e n d e , E m m a
n u el A u b ier , son fr è r e , et Jérôme E m m anuel A u b ie r , son
second fils.
M adam e de S t . - M e n d e aya n t , e n t r e a u t r e s p r e u v e s de tendresse qu’elle a
données à sa fam ille, fait la pénible en treprise d 'acheter de la rép u b liq u e le bien
de S a u lz e t , le grand v e rg e r et autres propriétés provenues de la succession
d’ A n toin e A u b ie r , sou p è r e , m ort en réclusion , et de Jean-B aptistc A u b i e r ,
sou frère , clianoiu c de la cathédrale de C lc r m o n t , condam né par lo trib u n al
ré v o lu tio n n a ire de L y o n , pour conserver lesdils biens à son frère E m m an u el
A u b i e r , soussign é, ou a u x enfans do son frère , et M adam e de S t.-M en d e
a yau t c cjo iiid ’ Iiui réitéré
scî
offres
de
faire l ’ucLu de transm ission desdits b ien s,
�E m m n nu cl A u b ie r l ’cn rem ercie avec la plus v iv e reconnaissance , tan t en son
muni propre qu’au nom de ses enfans , (le q u i il a déjà rem is à sa sœ ur acte
d adhésion à tout arran gem en t q u i p o u rrait être con clu en tre lad ite dam e de
S t.-M e n d c et E m m an u el A u b ie r.
I l la rem ercie p a rticu lièrem e n t des soins m aternels q u e lle a pris pour p rou
v e r que ses enfans n’étaien t point dans le cas de l ’ém igration , d en a v o ir
obten u des certificats au th en tiq u es, et d ’ a v o ir préparé les voies a sa l’ad iation
personnelle de la liste des é m ig ré s, dem ande sur laqu elle est in terven u e u n e
perm ission p ro v iso ire de re n tre r , sous la su rveillan ce du P réfet.
L ’acte au then tiq u e de transmission d éfin itive desdits biens à E m m a n u el
A u b ie r , n ’étant point possible solidem ent , ju squ ’à ce que c elu i-ci ait obten u
sa radiation d éfin itive ; d ’ailleurs E m m a nu el .Aubier et sa sœur se proposant
de fix e r les principales propriétés sur la tête de Jérôm e-E m m anuel A u b ier ,
second des fils d’E m m a n u e l, si ou tro u v a it pour lu i un m ariage avantageux:
agrce de son père et de sa ta n te , enfin , les conditions de ce m ariage e t le 3
résultats de quelques affaires non term inées d evan t in flu e r su r la n atu re e t la
q u alité des reserves q u i d evron t être faites ta n t p o u r A n to in e et Jean-B aptiste^ n t o i n e , p rem ier et second fils d’E m m an u el A u b ie r , que p o u r la subsistance
nécessaire à c e lu i-c i , sur-tout s’il perdait sa place , les partiesso n t convenues
d e difTerer l ’acte d éfin itif de transm ission.
M adam e de S t.-M en d c aya n t cependant désiré qu’ on ne différât pas de la.
délivrer des peines infinies que lu i a données depuis q u atre ans le soin desdites
prop riétés et de toutes les affaires de ces d e u x successions , i l a été con ven u
q u ’elle en dem eurerait dès-à-présent déchargée.
M adam e de St.-M endc aya n t e x ig é de son frère et de son n e v e u , q u ’ils ex a
m inassent le com pte de sa gestion , ils Vont f a i t uniquem ent parce q u ’ elle
l ’exigeait.
Us la rem ercien t de l ’avance de fonds et des em p ru n ts qu’elle a v a it eu la
com plaisance de faire pour cette acquisition , et d u sage em ploi q u ’elle a fa it
des revenus et des cap itau x des objets qu’elle a reven d u s , à éteindre tous
lesdits em p ru n ts, à solder ladite a c q u is itio n ,e t à liq u id e r les affaires des deux
successions très-em brou illées.
E m m a n u el A u b i e r , ta n t en son nom
qu’au nom d’A n to in e e t de Jean-
B ip tis te A n to in e , ses fils, et Jérôm e , soussigné eu son prop re nom , p rom etten t
de ratifier toutes v e n tes.e t re v e n te s, échanges , traités , et autres engagem eiis,
de ga ran tir et indem niser M adam e de S t.-M e n d c de toutes reclirrches quelcon
ques, soit q u elles fussent exercées con tre elle , comme acquércuse desdits biens ,
soit q u e lle fû t seu lem ent actionnée com m e héritière t n partie de aon père et
de son fr è r e .
E m m an uel A u b ie r a rem ercié plus p articu lièrem en t M adam e de S t.-M e n d a
d a vo ir fuit hon neu r à la m ém oire de leu r p è re
et a ïe u l, ainsi que de le u ï
�( ro )
frère et oncle ,en dédom m ageant en n u m éraire quelques personnes dont la créancese tro u v ait ren v o y ée sur le grand liv r e par la confiscation.
Ils reconnaissent que M adam e de S t.-M e n d e leur a f a i t raison des revenus
desdits biens , de m anière que par le résu ltat de tous comptes et de toutes com
pensations , M .“ e de S t -M onde est encore créan cière de d j u x m ille fr .sur sa lé g i
tim e paternelle ou m aternelle,qu ’ils s’obligen t de lu i payer d èsq u ’slle le v o u d ra ;
attendu qu’il est dû sur S au lzet une somme de treize m ille cinq cents francs ,
p ro v en a n t de n e u f m ille fran cs prêtés en 1 7 9 1 à A n toin e A u b ie r , père f par
sim ple b illet portant promesse d’in té r ê ts , pou r solder le p r ix de S au lzet , et de
tou s les intérêts de ce prêt qui sont dûs depuis lors
ju sq u 'à ce jo u r > le déten
t e u r de S au lzet fera p a y er à M adam e D eliolles , v e u v e du gén éral G r o b e u ,
subrogée à celte créance , la ren te v ia g è re de m ille francs , m oyen n an t laq u elle
i l a été composé de cette créance par un arran gem en t con ven u en tre elles et
E m m an u el A u b ie r , q u i porte aussi sur quelques autres ob jets. Jusqu’à l ’arran .
gem eu t d éfin itif qui sera f a i t , soit après la rad iation d’E m m an u el A u b ie r»
père , soit p lu tô t , s’il se tro u v a it plu tôt un m ariage a v a n ta g eu x pou r Jérôm cE m m an u el A u b ie r , c e lu i-c i est étab li ad m in istrateu r desdits biens , et rep ré
sentant de tou te la fam ille pour toutes les affaires des d eu x successions ; m aiSj
ju sq n ’à la rad iation d’E m m an uel A u b i e r ,
son p è r e , il ne p o u rra re c e v o ir
les rem bourseincns des p rin c ip a u x , faire aucune ven te ou échange , passer de
tran saction d éfin itive , sans l ’au torisation de sa tante ; il reco n n aîtq u e c e lle -c i
lu i a remis les titres et papiers desdits biens , et de ces deux successions qu’ elle
a p u retirer des dépôts des autorités constituées.
Jérôm e-E m m anuel A u b i e r , p rélèv era su r les reven u s desdits biens douae
cents francs par an , pour sa dépense personnelle et ses. soins ; l ’em ploi du
su rplu s des reven u s , après charges et entretien payés , lu i sera réglé et in d i
qué chaque année par sa tante , ju squ ’à ce que son père ait ob ten u sa rad iation.
F a it
trip le en tre nous ,
M a r c il l a t
par les Conseils de M M . B o i r o t , D
, Jurisconsultes , Tj U i l t .i e r ^ D o r c i e r e s ,
de-Cuardon
- D
ar tisd e
-
uranquet,
C lerin on t , le 18 floréal an 9 ( v. s . , 8 m ai 1801 ).
A U B IE R , Jérô m e A U B I E R , M a r i e AU B IE R - S r . - M E N D E ,
Em m anuel
L u i l l i e r - D o rcik re s , C u a rd o k - D u r a n q u e t, B o ir o t , D a iitis - M a r r c illa t^
M ich e l C hardon ,
Em m anuel
S t.-M e n d e .
En m a rg e -
Je reconnais que ma soeur m 'a f a i t raison de tou t ce qu elle a reçu pou r m oi,
’depuis le 8 m ai 180t , ju s q u ’ à ce jo u r , sur q u o i elle se retient les deux m ille
fr a n c s à elU dits, suivant l ’ acte ci-contre ; en conséquence elle demeure déchargé*
de toute recette , et j e demeure quitte desdits deux mille fr a n c s , le 7 vendémiaire
a n 1 1 . E m m a n u el A U B I E R ,
Depuis cet acte
,
l 'A B R E - S t . - M E N I ) E .
que s'est—il passé pour son exécution touchant
la transmission des biens acquis
par la damo do St.-M en de.
Jérôme Aubier ayant recherché en mariage la dame de C h a m p -
�f lo u r , alors veuve (le M. fie Bullion , M. Aubier , son p è r e ,
ras
sembla vingt-cinq parens le 10 prairial an 9 , et il fut arrêté que
de son consentement Madame de S t.-M en de subrogeait M. Jéiômo
A u bier à la pleine propriété du domaine de Saulzet , sous diverses
c h a rg e s, notamment de payer à INT. son père une somme annuelle
de 700 * , et qu’il laisserait à ses frères le tiers à lui revenant
dans le domaine de C r ê v e -c œ u r , dont Madame Aubier a la jouis
sance. Moyennant les conditions enoncees dans cet arrete , il fut
dit que , dans tous les cas quelconques , Jérôme Aubier dem eurerait
dispensé de rapporter le domaine de Saulzet a aucun p artage >
et qu’il était autorisé à se le constituer dans son contrat de mariage.
E n e f fe t , le lendemain 11 p ra iria l, le contrat de mariage ayant
été signé entre. Jérôme A u bier et la dame de Cliampflour , veuve
de JJtillion , il se constitua le domaine de S a u lze t, dont lui et ses
enfans n ’ont pas discontinué de jouir depuis cette époque.
L e 3 fructidor suivant , la dame de S t.-M en d e mit M . Aubier
son frère en possession de tout ce qui lui restait de son acquisition ,
et celui-ci lui donna une nouvelle décharge complète, avec la garantie
la plus étendue. Si depuis la dame de Saint-Mende a donné au sieur
G orce u n e procuration pour toucher les revenus du grand v e r g e r ,
avec ordre de les faire passer à M. son f r è r e , elle n ’a donné
ce
pouvoir que pour l’obliger , et non qu’il lui fût nécessaire.
L e casuiste qui , suivant M. Aubier , conseille à sa sœur de ne
rendre qu'après sa m ort , ignore apparem ment toutes ces conven
tions ; car , sans cela , il 11e se creuserait pas le cerveau pour cal
culer l ’époque et la manière de rendre des biens qui . depuis plus
de dix ans , ne sont plus au pouvoir de la dame de S t.-M en d e .
C e casuiste ne sait pas non plus , sans doute , que par un der
nier acte du 8 fructidor an 9 , passé devant M . Coste , notaire à
Beaurnont , la dame de St.-Mende , en présence et du consente
ment exprès de M . A u b ie r , non frère , qui a signé avec les p arties ,
a fait une subrogation bien authentique à Jérôme Aubier du do
maine de S a u lz e t , à la charge , i.° de maintenir les ventes et échan
ges que la dumo de S t.-M en d e a consentis de quelques petites par
celles d’héritages dudit bien; a.° de la garantie de toutes re ch erch e s,.
�5.° de la renonciation de Jérôme Aubier à son tiers dons le domaine
de C rêve-C œ u r , et à toute succession de l’estoc paternel $ 4 .° et
m oyennant une rente viagère de 700
au profit «le j\I. son père.
Si le casuiste eût su tout cela , il se serait dispensé de donner des
conseils sur des choses faites et non à f a ir e , ou plutôt comme M .
et Madame de'St.-M ende n ’ont pas dû lui laisser rien i g n o r e r , il est
clair que c ’est iin personnage de pure invention.
E t comment en d o u t e r , quand on voit M. A u b ie r ( page 58 de
6on m é m o ir e ) , convenir que « celui qui a le talent de conduire sa
» sœur d ’une manière si opposée à son caractère naturellement
)) noble et délicat, lui est tout-à-fait inconnu » ?
1
Si donc tout a été rendu par la dame de S t .- M e n d e , il y a plus de
d ix ans, comment comprendre queJYJ. son frère lui suscite un p ro
cès pour faire ce qu’elle a fait ?
C e qui a porté M . Aubier à en venir aux voies judiciaires , c’est
q u ’il 11e trouve rien de bon , rien de solide dans tous les actes dont
»
nous venons de rendre compte ; et cependant il les a médités avec
des jurisconsultes d’un grand mérite ; il les a présentés à la sanction de
vingt cinq païens j tous les ont non seulement app rouvés, mais signés,
et depuis dix ans ces actes ont reçu leur pleine et entière exécu
tion. T outes ces circonstances n ’ont pu tranquilliser M . A u b i e r , ¡1
a v o u lu ’absolument détruire ces actes , sans égard aux droits des
tiers , et il suppose que c’est sa sœur qui veut détruire ce qu’elle
a fait pour lui ( page 57 du m ém oire).
Puisqu’il voulait des actes n o u v e a u x , rédigés dans son intérêt et
dans le but qu’il avait en v u e , la dame de St.-Mende a trouvé que
ne pouvant y adhérer , il valait mieux lui laisser prendre les voies
judiciaires.
L e 5 avril 1 8 1 1 , M. A u bier fit signifier ù M . et Madame de S t .Mendo le procès-verbul de non-conciliation dressé par M. le juge
d e
p a i x
de M ontferrand le a mars p ré céd e n t, et les traduisit en ce
tribunal pour lui voir adjuger les conclusions suivantes, auxquelles
on doit faire une grande attention , parce que ce sont les conclu
sions qui fixent l’objet de la contestation.
�( i3 )
• V o ir d ire et o rd o n n er q u e , clans le jo u r de la signification tin ju g e m en t
'
!
1
à in te rv e n ir , les sieu r e t clame de St.-M cn de seront tenus de lu i laisser et
abandonner le grand v e rg e r situ e à M ontferran d ,
contenant en viron c in q
cents perches quarrées , et fau te de ce fa ire , que le d it ju gem en t tien d ra
lie u d ’acte de délaissem ent de leu r part ; qn’en conséquence le req u éran t
T estera e t dem eurera p rop riétaire
I
incom m utable , pour en disposer com m e
il a v is e r a , sous les conditions déjà convenues et acceptées entre les parties.;
s a v o ir ,
i,® que le d it v e rg e r dem eurera grev é en vers
M . et M .“ ®de S t.-
M endc de la garan tie de toutes recherches généralem en t quelconques , p o u r
quelques causes que ce soit ; 2.® qu’ il dem eurera charge de la rente v ia g è re
de 3 oo fr . par an , créée au profit de M .lle de I î a r t , m oyennant 3 ooo fr . ,
i
em prun tés d ’elle p o u r les p rêter à M .mc A u b ier , q u i doit les ren d re à l ’épo-
I
que fixée par son ob ligation ; 3 .° qu’ il dem eurera cliargé des in térêts , et
ga ran t d u cap ital de i 3 , 5 oo fr. , m entionné en l ’acte de m ai 1801 , ju squ ’ à
ce q u ’il a it été pris d’autres arrangem ens en tre le req u éran t et ses enfans
et petits eufans p o u r l ’ex tin ctio n de lad ite dette ;
V o i r donner acte au req u éra n t de ce qu’ il se soum et à em p lo yer le surplus
des reven u s d u d it v e r g e r , si plus y
a v a i t , en paiem ent des in térêts
et
d u ca p ita l des autres em prunts par lu i faits p o u r ses enfans j
V o i r ord on n er que le requ éran t dem eurera subrogé à tous droits q u el
conques et tous reven u s échus , courants ou à éch oir , a u x offres qu’il fa it
de ratifier toutes les garanties p a r lu i prom ises a u x sieu r et dame de S t.M en d e ;
V o ir ordonner p areillem en t que tous papiers de fam ille seront rem is audit
re q u é ra n t, tant par lesdits assignés que par tous dépositaires , é la t som m aire
d ’ic e u x préalablem en t dressé , au pied duquel i l donnera décharge ;
E t en ou tre pou r procéd er sur autres conclnsious que le req u éran t se xésorve de prendre par la suite , en tou t éla t de cause et à fin de dépens , sans
p réju d ice au req u éran t de tous ses au 1res d ro its , actions et prétentions géné
r alem e n t
quelconques , et pou r p a rv e n ir au paiem ent des condam nations à
in te r v e n ir contre lad ite daine de St.-M eu d e , se v o ir le d it sieu r de S t.M e n d e , son m ari ,
condam ner à in d iq u er des biens d’icelle à cet e ffe t,
ju stifie r de le u r con trat de m ariage , sinon v o ir d ire et ordonner qu’aprè*
liu ita m e ex p iré e de la M gilificalion
sont et lu i
fra is.
du ju gem en t , les condam nations lu i
d em eu reron t personnelles ,
Ces conclusions sont précédées
tant en
de
p rin cip a l , in té r ê ts , quô
vingt-trois motifs ,
dont
d ix -h u it uu moins sont inutiles ou sans liaison directe avec elles.
On remarquera que I\l, A u b ie r avait oublié de conclure à ce que
�( i4 )
M. de St.-Mendc autorise sa f e m m e , ou qu’elle Ferait autorisée par
la ju s t ic e , comme l’exigent les articles 2 i 5 et 218 du code N a
poléon. Néanmoins M. de St.-M en de , qui n ’avait sans doute pas
fait attention à cette omission , et qui ne voyait pas pourquoi on
lui intentait un procès , à lui qui ne s était melé de rien , déclara
q u ’il ne voulait pas autoriser sa lemine ; ce qui a donne lieu à un
jugement d ’autorisation , rendu le 27 avril dernier.
<
M. A u bier , qui voulait absolument tenir en cause M. de S t .Mende , imagina de présenter une requête tendant à ce qu’il lui
fût permis de l’assigner personnellement , en qualité de mari et
maître des actions dotales de sa femme \
P o u r assister en la cause pendante entre lu i M . A u b ie r et sa soeur , à cause
d u m andat par elle r e m p li, et autres conclusions , pour v o ir d iie qu’en exécu
tion du con trat de m ariage de M . de St.-M ende , lu i M . A u b ie r sera m aintenu
dans la q u alité de seul h é r itie r con tractu el bénéficiaire de son père , et appelé
à r e c u e illir tou t ce qui est proven u de sa succession , ainsi que de celle de son
fr c r c le clianoine j tou t ce q u i a etc conservé et rach eté
à quelque titre et
de quelque m anière que ce s o i t , et attendu que m oyennant la dot de 3 o,ooo fr.
fa ite à la dam e de S t.-M ende , elle a renoncé à toutes successions , et que celle’
d o t a été réellem ent payée à M . de S t.-M en d e , p o u r le com pie de M. A u b i e r ,
i l sera tenu d’en passer q u ittan ce en sa fa v e u r , dans le jo u r de la signification
d u ju gem en t à in t e r v e n ir , sinon que le ju gem en t v a u d ra q u itta n c e ; qu’en
conséquence , M . A u b ie r sera subrogé à tous droits légitim aires , de mémo
q u ’à toute h ypoth èq u e sur tou t ce q u i est p roven u , a été conservé ou racheté
p o u r son com pte ; v o ir au surplus , adjuger ti SI. A u b ie r les conclusions par
lu i prises c o u tr e la dame de S t -M e n d e',personnellem ent com m e sa m an d ataire,
pour la conservution et rach at des biens desdites successions , avec dépens , sous
la rc s e iv e que M . A u b ie r se fa it, pour tous les cas quelconques ,d e ses créances ,
e t de dem ander à q u i il appartien dra d’eu ôtro rcsponsablo le com pte do
tous cap itau x et intérêts.
Cette requeto du 8 juin a été notifiée à M. de St.*Mende le i 3
juillet avec assignation, et lo 28 a o û t , M. Aubier a obtenu
par
défaut 1111 jugement qui joint cette instance a la précédente dirigée
contre sa soeur, pour etre statué sur le tout par un seul et même
jugement.
Depuis et dans le courant d ’octobre , la damo veuve
de la
�( i5 )
M o n te illie , instruite des demandes de M. Aubier , et ne pouvant se
dissimuler qu’elles tendaient à préparer à son beau-père et à ses
enfans des moyens de Kevenir contre la subrogation du domaine de
Saulzet, a senti la nécessité d’intervenir dans la cause pour surveiller
les intérêts de ses deux filles mineures , et combattre les prétention»
de leur grand-père.
Comme t u t r i c e , elle devait se faire autoriser par le conseil de
famille , aux termes de l’article 464 du code Napoléon. Elle l ’a fa it,
et son intervention a été signifiée.
A ce s u je t , nous remarquerons que M. A u bier ( page 3 g de son
mémoire ) , annonce que sa belle-fille veut repousser ses demandes ,
en lui disant : V o u s êtes mort civilem ent pour m o i,
vous êtes
retranché de la fa m ille ; tandis qu’au contraire elle a obtenu l’au
torisation du conseil de famille pour défendre les droits et les titres
de ses enfans, sur-tout dans le cas où leur grand-père viendrait à
alléguer sa mort civile pour détruire l’effet de ses signatures appo
sées à ces titres.
L e procès-verbal du conseil de fam ille, la requête d’interven
tion , signifiés à M. A u b i e r , ne lui permettaient pas de prêter à sa
belle-fille des sentimens tous contraires à ceux qu’elle a e x p r im é s ,
et une défense indécente.
Mais continuons.
Com m e il était essentiel de connaître les actes sur lesquels M.
A u bier s’appuyait pour soutenir que la dame de St.-M ende n’avait
été que son prête-nom ou sa mandataire dans son acquisition de
]a nation , nous l’avons requis de nous donner une copie exacte
de ces actes, et de les déposer pour en prendre communication.
A p rè s nous avoir annoncé qu’il en avait une m ultitude, il a fini par
nous
communiquer sept lettres qui
nous dispensent
d’en yoir
davantage.
Dans l ’u n e , Madame de St.*Mende lui écrit d’un ton familier t
qu’elle n’est que son homme de confiance ; dans une a u t r e , elle
mande que le département lui a remis les litres de la famille j dans
une autre , elle dit qu’elle a présenté le mémoire et la procuratiou
aux administrateurs 3 et que l’ un d ’eux l’a persiflée. E n un
mot,
�iii
(
'
16
)
ces lettres sontloin de faire regarder la dame de St.-M ende comme
un p rê le -n o m ou la mandataire de ¡NI. son frère. Elles n ’ont mémo
pas de date , et leur contenu seul peut faire préjuger l’époque où
elles ont été écrites.
Au r e s te , que peuvent signifier des lettres quand les parties ont
souscrit des actes postérieurs bien plus clairs
bien plus positifs
q u ’une correspondance ? Si M. Aubier a des lettres de sa s œ u r ,
elle en a aussi de lu i, elle l’invite à ne pas la forcer d ’en faire usage.
Maintenant que les faits essentiels sont rappelés , il faut s’occuper
de la discussion.
m
o
y
e
n
S ..
§. I.er
M o yen s de la dame de St.-M ende.
M . Aubier veut que la dame sa sœ ur ait été son prête-nom et sa
mandataire dans son acquisition de la nation. Il allègue ce fait
( page i 5 de son m é m o ire ) , mais il ne le prouve pas. A u contraire ,
il en dit assez pour prouver qu’elle n ’était ni son prête-nom , ni sa
mandataire. Il convient « qu’il avait ignore l ’urgence du rachat j
)) que dans le premier in sta n t, il crut que sa sœur s’étaittropjhâtée,
» mais qu’il n’en fut pas moins empressé à a v o u e r , à ratifier ce
)> qu’elle avait f a i t , et qu’il lui envoya une nouvelle procuration. »
Si la dame de St.-M ende eût acquis de la nation comme prêtenom ou comme mandataire de M. son fr è r e , il n ’aurait pu ignorer
l ’ urgence du r a c h a t , et elle n ’aurait eu besoin ni de son aveu , ni do
sa ratification , ni d ’une nouvelle procuration.
Mais puisque M. A u b i e r , qui devait tout p ro u v e r, n ’a pu rien
prouver , la dame de S t.-M e n d e qui n’est tenue d’aucune preuve, va
faire cesser à l’instant
les vaines déclamations de son frère , en
démontrant à la justice deux vérités : la p re m iè r e , qu’elle n ’a pas
été son p r ê t e -n o m , ni sa mandataire ; la seconde , que ni l u i , ni
elle , ne pouvaient avoir cette pensée au tems de l’acquisition , et que
c ’est par un abus des mots que M A u bier voudrait faire croire à l ’exis*
tencodeln
d o u b le
qualité qu il a imagine do donner
à
la daniesa sœur*
D ’abord, qu’est-ce qu’ un prête-nom dans la réalité , et dans le sen»
des lois ?
�Si
m
( *7 )
C ’est une personne qui, pour accéder aux désirs d ’un autre, consent
à lui prêter sou nom dans une opération qu’elle se propose de faire.
Si le p rête-nom n ’en lire aucun bénéfice ( c e qui est rare ) } c ’est
un pur service ; si le prête-nom prend une rétribution, le service
ayant une récompense , n ’a plus autant de droits à la reconnaissance.
Mais , dans tous les cas possibles , il ne peut y avoir de prête-nom
sans un acte syn a lla g m a tiqu e, c ’est-à-dire, une convention par
laquelle les contraclans s’obligent réciproquement l’ un envers l’autre.
L a nécessité de cette convention résulte de ce que, sans cette p ré
caution, le prête-nom courrait personnellement toutes les chances
de l ’opération , et que celui auquel il aurait prêté son nom pourrait
être déçu de toutes ses espérances.
E n effet , si celui qui achète sous le nom d ’un autre , n ’a pas
fait une convention antérieure qui le prouve , comment pourra-t-il
forcer son prête-nom, qui est en qualité dans le contrat d’acquisition ,
à lui délaisser l’objet acquis? e t , si celui auquel 011 a prêté son nom
ne veut plus tenir ses engagemens
comment le prête-nom qui ne
devait être chargé de rien , et qui cependant est nominativement
obligé dans le contrat,pourra-t-il forcer l’autre à tenir ses engagemens?
Il est donc évident q u e , pour qu’il existe un p rê te -n o m , il faut
une convention antérieure ou authentique , ou du moins sous seingprivé , rédigée en autant d ’originaux qu’il y a de parties ayant un
intérêt distin ct, comme le veut l’art.
i 525
du Code K apoléon.
M. Aubier représente-t-il cette convention ? non. D onc il n ’a
pas eu de prête-nom dans l’acquisition qu’a faite ladame de St.-Mende.
Supposons qu’après son acquisition , la d a m e de S t.-M en de eût été
désavouée par M. son frè r e , qu’elle eût été poursuivie pour payer
la nation , et qu’ elle n eut pu se procurer de l ’a r g e n t, com m ent
serait-elle parvenue à forcer M. son frère à exécuter son marché ?
elle n’aurait pu y p a r v e n ir , parce que n ’étant lié par aucune con
vention antérieure y il lui ét^it impossible de le traduire devant
les tribunaux de Berlin , pour le faire condamner à remplir les
engagemens qu’elle aurait souscrits pour lui.
Il faut donc convenir qu’elle n ’était pas son p rê te -n o m , puis
qu 'elle n’ayait aucun titre ù faire valoir contre lui.
3
�Si elle eût été son p rê te -n o m , est-ce que M. Aubier aurait ea
besoin d’avouer et de ratifier ce qu’elle avaiL fait ? est-ce que , d ’un
autre c ô t é , la dame de S t.-M em le aurait eu besoin de son aveu
et de sa ratification ? leur convention aurait été leur l o i , et il n’a u
rait pas fallu autre chose que la montrer.
A p rès avoir fait voir que la dame de St.-Memle n ’a point été le
prête-nom de M. son f r è r e , allons plus a v a n t, et faisons sentir à
tout le monde que ni l ’un ni l ’autre n ’ont pu avoir cetto pensée
au tems de l’acquisition.
M. Aubier était en m ort civile au 25 therm idor an 4 . Dans cet
é ta t , il pouvait encore a c h e te r, vendre et d o n n e r, parce que ce
sont des contrats du droit des gens , et que les lois ro m ain e s, adop
tées par la jurisprudence française,accordaient cette faveur à celui
qui était en cet état.
Mais il faut prendre garde queles auteurs qui ont traité dé la mort
c iv ile , tels que R i c h e r , page 2o4 et 432 , L e b r u n , dan3 son traité
des successions , liv. i , chap. 2 , sec». 2 , n." 9 , rappellent que
les biens acquis par celui qui était en mort civile , passaient au fisc
après sa mort n a tu re lle ; et C u ja s, en ses observations } lib, Q >
cap. 2 5 , nous en donne la raison : c’e s t , dit-il, parce qu'un hom m e
jnort civilement ne peut pas avoir d héritier.
Si donc M. A u bier ne pouvait ignorer cette rigueur du d r o i t ,
c o m m e n t lui serait-il venu dans l’esprit de racheter ses biens par la
voie d’un p rê te -n om > p o u r , en cas de mort naturelle 3 les laisser
retourner au fisc }
Il y a plus : la rigueur des lois romaines n’était pas à com parer
avec celle des lois p o r t é e s contre les émigrés. L e corps politique >
tourmenté par une fièvre ardente , semblait ne pouvoir se désaLtérer qu’avec le
sang
de ses ennem is, et les emigiés fin en t mis en
prem ière ligne. La peine de m o r t , la confiscation, tout était employé
pour les ruiner et les détruire. O n n ’aurait pas souffert qu’ils jouis
sent en France des biens qu’ils auraient achetés , et s’ils avaient eu
la folie d ’acquérir } 011 leur aurait repris le lendemain
au raien t
racheté la veille. Ils 11e pouvaient tester
leurs droits , elle s’élait
réservé celui
ce qu’ils
la nation était ù
de succéder pendant 5 ®
ans pour c u j , e t de jouir dca usufruits (¿ui reposaient sur leurs têtes.
�( '9
)
C o m m e n t, sons une pareille législation , M. Aubier aurait il pensé
q racheter ses biens par la voie d’un prête-nom ? L a convention qu’-il
aurait passée à ce sujet avec sa sœur , n ’avait qu’à se découvrir par
quelque événement f o r t u i t , son bien retombait encore sous !e poids
cio la confiscation. 11 n ’avait qu’à venir à m o u r ir, ses enfans ne
pouvaient lui succéder , et c ’était encore le fisc qui devenait son.
héritier.
Madame de S t.-M e n d e ,
de son c ô t é ,
pouvait-elle servir de
prête-nom a son f r è r e ? Quelle garantie aurait-elle eue contre ce
fiè r e entièrement dépouillé ? Quelle action aurait-elle pu diriger
contre un homme mort civilement ?
M ais , flit M. A u b i e r , si ma sœur n ’a pas été m on prête-nom t
elle a du moins été ma mandataire.
Pas davantage , et la chose était encore plus impossible.
P o u r elre mandataire d’ un a u t r e , il faut deux c h o s e s , d’abord
qu’il y ait un m a n d a t, ensuite qu’on en fasse usage. O r quand on
supposerait , ce qui n’est nullement p ro u v é , que M . Aubier aurait
envoyé à sa sœ ur des pouvoirs confidentiels pour racheter son
bien , elle eût fait un acte de folie que de s'en servir; car alors la
nation aurait encore le lendemain repris ce qu’elle aurait vendu la
veille ; ou p lu tô t, comme les lois punissaient de m ort quiconque
entretenait des intelligences avec les é m ig ré s, si la dame de S t . Mende eût eu la témérité de se présenter avec une procuration
de son frère pour racheter ses biens , elle se serait jetée elle-m ême
dans le précipice. L a procuration
et le mém oire qu ’elle d i t ,
dans une de ses lettres , avoir présentés au d é p a r te m e n t, n’étaient
relatifs qu’à la radiation de M. A u b i e r , comme cela est avoué dons
l ’acte du 8 mai. M. Aubier était si éloigné de regarder la dame de
S t.-M e n d e , sa s œ u r , comme son prête-nom et sa m andataire,
qu il lui é criv it, peu do jours avant le mariage de son fils Jérôme f
que celui-ci a va it p eu r sans doute que son p è te on ses frères
le trompent. I l me semble cependant , ajoutait M. A u b i e r , que
nantie de tout t contre un père in scr it, sans titr e , sans qualité
p ou r agir , q u i , même après sa radiation , ne peut avoir que
ce que tu lu i céd era s , et p a r conséquent n’aura ja m a is de
�.\*
(
20
)
droit sur Sa u lzel } contre deux fr è r e s , à la vérité munis de
certificat de non-inscription , grâces à t o i, m ois étant à l ’étran
ger , n'ayant point de certifca t de résidence , p a r conséquent
ne p ou v a n t réclam er , de p lu s ne pouvant avoir que les droits que
tu leur transmettrais , il devrait être sans inquiétude,
V oilà qui est encore clair et décisif.
Mais , répond M. Aubier , si ma sœ ur n’a été ni mon p rê t e nom ni ma mandataire , pourquoi a-t-elle donc déclaré , dans l’acta
du 8 niai., qu’elle n ’avait acheté mes biens que pour me les con
server ? Pourquoi m ’a t-elle rendu un co m p te ? Pourquoi m ’a-telle demandé des ratifications et des garanties ? Pourquoi n ’a-t-elle
disposé de rien sans mon consentement revêtu de ma signature ?
Si elle était véritable propriétaire , elle était la maîtresse de faire
comme elle l’e n te n d a it, elle n ’avait pas besoin de moi. O u i , sans
doute , la dame de St.*Mende aurait pu agir comme maîtresse
absolue depuis son acquisition ; mais, pour rem plir ses intentions,
elle devait tenir la conduite qu’elle a tenue.
E lle n ’avait acheté vos biens que pour vous les transmettre ,
si votre demande en radiation prospérait , ou p ou r les em ployer
£ procurer des étal)hssemens et vos enfans . ce sont les termes
des actes du 18 floréal et du 10 prairial an 9. Or un prête-nom >
un mandataire n ’a rien à transmettre, puisque tout appartient à
celui auquel il a prêté son nom , ou à celui qui lui a donné ses
pouvoirs. Si donc la dame de St.-Mende a transmis à vous et à
votre
fils Jérôme
ce
qu’elle avait acheté
de
la nation ,
elle
ne l’a évidemment fait que par l’împulsion de son c œ u r , et non
comme y étant obligée par aucune des qualités que vous lui donnez
actuellement.
Si elle vous a rendu compte , c’est qu elle 1 a bien voulu j et
aussi vous d ites, dans l ’acte du 8 m a i , que vous avez exam ine
ce compte uniquem ent parce q u 'elle Vexigeait . E st-ce là le lan
gage qu ’on lient à un mandataire?
Si elle a demandé des ratifications , c’était pour tranquilliser
des acquéreurs tim id e s, q u i, avant le
18 f r u c t id o r , craignaient
une réaction , ou bien après votre radiation, pour leur servir de
preuve de votre ap p rob atio n , ce qui leur faisait plaisir.
�( 21 )
Si elle vous a fait stipuler des garanties , lors de la transmission
de vos biens , c ’est qu’il était bien juste qu ’en cas de recherches
au sujet de ces mêmes biens } vous l’indemnisiez , puisque voua
en aviez eu tout le profit , et qu’elle n ’en avait retiré que des
peines infinies : ce sont encore les termes de l’acte du 8 mai.
Si elle n ’a disposé de rien que conjointement avec vous , de votr»
co n sen tem en t, et sous l’approbation de vos signatures , c’est que
n ’ayant jamais eu d ’autre intention que de disposer des biens par
elle achetés que d ’une manière qui vous fût agréable et avanta
geuse à vous et à vos enfans, elle a voulu constater par vos signa
tures qu’elle n ’avait suivi à cet égard que vos propres déterminations^
L ’excès de la délicatesse l’a conduite, et aujourd’hui vous faites
ce raisonnement : « M a sœur a agi comme l ’aurait fait un prête-nom
» ou un mandataire , donc elle doit être regardée comme tel. »
V oilà tout le fondement de vos prétentio ns, mais il n ’a rien de
solide, parce que la différence est trop sensible.
L a dame de St.-M ende a agi dans votre i n t é r ê t , pas de doute;
mais elle n ’a agi que par sa propre im p u lsio n , et non par vos
o rd res, ni par l’efiet d ’aucune convention qui la soumît à faire
ce qu’elle a fait.
V oilà la pierre angulaire contre laquelle se brise tout votre s j's tême. P a r ses procédés généreux , elle a cru s’acquérir des droits
éternels à votre reconnaissance , tandis qu’elle en aurait bien peu
si elle s’était rangée dans la classe d ’un p rê te -n o m ou d’un man-:
dataire. Il est impossible que la justice prenne jamais le change
sur les motifs de sa conduite. E t dès-lors vous n ’avez rien à espérer
des tribunaux. L ’autorité publique a le droit de surveiller les actions
et de prendre connaissance des affaires des particuliers ; mais quand
elle ne voit que des actes de bienfaisance , elle se contente d'y ap
p la u d ir , et ne s’ingère jamais à en régler le mode et les conditions.
Q uant à la remise des papiers de famille , vous lui en avez donno
décharge par l ’acte du 8 mai. V os demandes conlre la dame votre
sœ u r doivent donc être re je tée s, car les magistrats, comme le public^
auront meme peine ù comprendre quelle illusion a pu vous décider
ù les m cllre au jour.
�M oyens de M . de St.-M ende.
M . A u b ie r a traduit son beau-frère devant la justice , et il a
pris contre lui trois chefs de conclusions , comme le prouvent ses
requête et exploit des 8 ju il le t i 5 ju ille t, ci-devant relatés.
Il v e u t , i.° que M. de S t - M e n d e , comme mari et maître des
actions dotales de sa fe m m e , soit témoin des débals touchant l’exé
cution du prétendu mandat qu’il prétend avoir donné à sa sœ ur
p our racheter ses biens ; 2.0 que M. de S t.-M e n d e le reconnaisse
pour seul héritier contractuel bénéficiaire de M. Antoine A u b i e r ,
son père ; 3 .° qu’il lui donne quittance de la dot qu’il a reçue.
L a réponse à ses demandes ne sera ni longue ni difficile , et
néanmoins elle sera pérem ptoire comme la précédente.
P r e m iè r e m e n t , M . de S t.-M en d e n ’a jamais voulu profiter des
avantages que les lois nouvelles procuraient à l u i , à sa femme et à
leurs enfans. Content de la dot faite à son épouse , il n ’a jamais été
tenté d’en prendre davantage. Profiter de la dépouille d ’un beau frèro
était une idée propre à le révolter. T o u t ce que-son épouse a fait lui
paraissait si digne de sou approbation t qu ’il ne s ’y est jamais
opposé.
Il savait qu’ elle n ’agissait que dans l ’intérêt de son frère ou de ses
en fa n s; m ais, quoiqu’il apperçût bien tous les dangers auxquels
e ’.le s’e x p o sa it, il crut devoir la laisser f a i r e , persuadé qu ’il existo
une protection
souveraine qui tôt ou tard couronne les bonnes
actions d’ un plein succès. Il voyait dans son épouse une sœur ardente
à sauver du naufrage les biens d ’un f r è r e , conduite par les sentiniens d ’une affection sans bornes, n’ayant que de bons desseins ; c ’en
était assez pour qu’il louât ses dém arches, au lieu de les contrarier.
Jamais il n’a pensé qu e, pour agir a in s i, elle fût le prête-nom ni la
mandataire de M. A u b ie r ; au co n tra ire, il a toujours cru que sa
conduite ne recevait d ’autre impulsion que de son cœ ur ; e t , coinmo
la dame de S t.-M en d e l’a démontré jusqu’à l’évidence da ns scs
m oyens personnels de défense , M. de St -M ende ne peut-être que
témoin de lu défuite de M. A u b i e r , et du rejet de ses demandes
relatives à son prétendu mandai.
�( *3
X
)
Secondem ent, il est vrai que M. A u b ier a été seul h éritie r institué
de son père , et que la dame de St. Mende , m oyennant une dot
fixée à 00,000 fr. , a renoncé à toutes successions directes et c o l
latérales. Mais qui est-ce qui a contesté ce fait à M. Aubier ? p e r
sonne. M. de St. Mende a -t-il demandé et reçu plus que le montant
de la dot qui lui avait été promise ? non. A -t-il pris quelque
portion dans la succession du chanoine A u bier , son beau-frère ?
non. D e quoi se plaint donc M. Aubier , puisqu’il a
pris avec
son fiis Jérôme l’entière succession de son père et de son frère ,
des mains libérales
de sa soeur ? M. Aubier se plaint de ce que
la dame de S t.-M en d e , sa s œ u r , a pris la qualité d ’ héritière en
partie de son père et de son frère le c h a n o in e , dans plusieurs
actes, tandis qu’elle n ’était qu’une fille dotée et renonçante.
V o y o n s donc si elle a eu le droit de
p rend re cette
qualité
tChéritière en p a r tie , qui e st-ce qui la lui a donnée , qui est-co
q u i l ’a reconnue comme t e l le , et si on peut maintenant la lui ôter.
Ce n ’est point M. de S t.-M en d e qui a fait donner à sa fem m e
la qualité d ’héritière en partie de son père et de son frère Je
ch a n o in e , car il est constant qu’il ne s’est mêlé de rien. C ’est la
loi seule qui la lui a donnée : en voici la preuve.
L ’art. I X de la loi du 5 brumaire an a a prescrit le partage
par égalité de toutes les successions directes et collatérales
ouvertes
depuis le i 4 juillet 178g.
L ’art. I X de la loi du 17 nivôse suivant l ’a ordonné de m ê m e ;
et l ’art X I a voulu que les dispositions contractuelles faites en mariant
un héritier présom ptif ne pussent lui être opposées pour l’exclure
du partage é g a l , à la charge de ra p p orter ce qu ’il avait reçu lors
de son mariage.
L ’art. 1 " de cette loi avait annuité les institutions contractuelles
dont l’auteur était encore v i v a n t , ou qui n ’etait décédé que depuis
le 1 4 juillet 1789.
Ces deux lois de brumaire et de nivôse contenaient évidemment
un effet rétroactif. Il fut détruit par la loi du 9 fructidor an 2 , qui
décida que ces lois n ’auraient d ’effet touchant la transmission des
biens qu à compter do leur promulgation. L a loi du .î vendémiaire
&u 4 s u r v in t, qui régla le mode de restituer aux héritiers rétablis
�( 2i
^
les Liens
qui avaient clé
soumis
)
au partage
d’égalité ; or ces
Tiérifiers rétablis étaient ceux dont les auteurs étaient décédés avant
la loi de nivôse. E t comme M. A u b ie r , père co m m u n , ¿taitdécédé
avant cette loi , son institution contractuelle restait toujours valable ,
et la dame de St. Mende n ’avait droit qu’à une légitime de r ig u e u r,
mais elle avait droit au partage d’égalité de la succession de son frère
le chanoine, mort ab intestat. A u s s i , lorsqu’au a 5 thermidor an 4 ,
la darne de St. Mende acheta lés biens délaissés par son p è r e , et
son frère le chanoine , TAdministration départementale régla ses
droits à une légitime de rigu eu r, c ’e st-à -d ir e , d'un neuvième dans
la succession de son p è r e , et à la moitié de îa succession de son
frère le ch an oin e, revenante , dit l’arrêté de l’Administration x à
M a rie A u b ie r , acquéreuse , comme héritière dans cette propor~
iion fie Jean-B aptiste A u b ie r , son frère..
L.a qualité ¿Vhéritière lui fut donc imprimée par l ’Adm inislration départem entale, d’apres les lois existantes ; mais , comme la
République représentait le frère é m ig r é , elle s’attribua le béné
fice de l’institution faite en sa faveur.
Depuis cette époque est survenue la loi du 18 pluviôse an 5 ,
q u i , par son art. X , a déterminé que les filles forcloses par les statuts
seraient appelées au partage des successions ouvertes postérieure
ment à la publication du décret du 8 avril 1791 , et que les filles
qui auraient renoncé dans les p ay s de non-exclusion prendraient
p art au partage des successions ouvertes depuis la publication de
la loi du 5 brumaire an 2.
Il résulterait donc de cette loi ( si tout n ’avait été réglé auparavant
p ar l’arrêté de l’administration d é p a r te m e n ta le ), que la dame do
S t .- M e n d e , quoiqu’ayant renoncé à toutes successions directes et
collatérales dans son contrat île mariage passé à Clerm ont ( pays de
droit écrit ou de non exclusion ) , a dû partager la succession de son
père , mort après la loi du 5 brumaire an u , et qu’ainsi la qualité
d ’héritière en partie de son père et de son frère lui ayant été
donnée par la loi ir.êm e, personne ne peut ni lu lui contester , ni
la lui ôter.
Il suffirait même que l ’administration
départementale
lui eût
imprimé celte qualité, pour que Ai. Aubier n ’eût rien à dire , parco
�(
25
)
q u ’n!ors la nation le r e p ié s e n ta it, et qu’un émigré rayé ou amnistié
doit prendre les choses en l’élal où elles se trouvent. D ’ailleurs , les
tribunaux ne peuvent rien changer aux arrêtés des corps adminis
tratifs , puisqu’ils n’ont pas même le droit de les i n t e r p r é t e r , et
q u ’en cas de dispute sur leur véritable sens , il faut absolument leur
en faire le renvoi, pour qu’ ils y statuent eux-mêmes.
*11 n’y a pas d ’exemple d’ un procès aussi extraordinaire que celuici. M. Aubier a Un-même reconnu sa sœur en qualité A'hèrU i re
en partie de son père et de son fr è r e , dans l’acte du 8 mai. 11 lui a
promis une pleine garantie pour tout ce qu’elle aurait fait en celte
qu alité; et voilà qu’oubliant son propre fait,
il veut que M. de
St.-Mende en réponde , q u o iq u e M .d e St.-Mende n ’y ait coopéré
en rien. C e n ’est pas tou t: M. de S t.-M en de pouvait exiger que sa
femme conservât pour elle et ses enfans les portions de biens qi,e la
nation lui a délaissées comme héritière de son père pour un neu
vième
et comme héritière pour moitié de son frèie le chanoine",
et cependant il lésa refusées pour augmenter la fortune de M. Aubier.
Com ment comprendre qu'un pareil acte de générosité lui vaille un
procès ?
L a qualité d ’héritière est imprimée par la loi même sur la tête de
la dame de S t.-M en de , et M. A u b ie r , après l’avoir reconnue , p ré
tend la lui ôter !
Cette qualité n’ a tourné qu’au profit, de M. A u b ie r , et c’ est lui
qui s’en plaint ! Pourrait-on jamais croire des singularités de cette
espèce ?
T ro isiè m e m en t, et relativement à la quittance de la d o t , M .
Aubier en a déjà plusieurs. Com bien lui en faut-il ?
Par l'acte du 8 mai , Madame de S t.-M e n d e reconnaît qu’il ne
lui est plus dû que 9,ooo liv. sur sa légitim e, et en marge est la
quittance de ces 2,000 liv. , signée de M. de S t . - M e n d e , à la date
du 7 vendémiaire an 11.
D e p u is , M. Aubier a reçu diverses lettres qui prouvent qu’il ne
doit rien rie la légitime de sa sœur ; et enfin , pour lui com plaire,
011 lu ia o lle r t une nouvelle quittance le 28 juillet d e rn ie r, et il l’a
refusée ; elle est encore dans notre d o s s i e r .
T o u t ce que M. do S t.-M en do vient de dire p our sa défense est
4
�tellement d écisif, que M. Aubier doit se reconnaître vaincu aussi
bien par son beau-frère que par sa soeur.
§.
III.
M oyens de la D am e veuve de la M onteilhe,
L ’intervention de la dame veuve de la Monteilhe , tant en son
nom que comme tutrice de ses enfans , était nécessaire , parce qu’en
définitif c ’était sur elle et sur ses enfans que devait porter tout le
poids de la contestation.
E n e f f e t , si la dame de St.-M en de n ’avait été que le prête-nom
ou la mandataire de M. Aubier dans son acquisition de la nation ,
il en résulterait un litige forcé sur la validité de la transmission
du domaine de S a u lz e t, faite à Jérôme A u bier par la dame de S t .M ende et par M. Aubier lui-m ême.
M. A u bier ou ses enfans auraient dit que la transmission de ce
domaine n ’avait pu s’opérer par la dame de S t.-M en d e ^ jugée
n ’être ni acquéreuse ni propriétaire v é rita b le , et que cette trans
mission émanée de M. A u b i e r , jugé véritable acquéreur sous le nom
de sa sœur , ne pouvait valoir que pour la portion héréditaire
de Jérôme Au bier , dont les enfans auraient été tenus de rapp orter
à la succession de leur grand-père le domaine de Saulzet pour c i r e
partagé en trois lois.
On pouvait même appréhender que M . A u b ie r n ayant signé la
subrogation de ce domaine que pendant sa mort c iv ile , son consen
tement ne devînt l’objet d ’une discussion.
Toutes ces considérations ont déterminé le conseil de famille à
autoriser la dame yeuve de la Monteilhe à soutenir les droits de ses
enfans.
F rap p ée de la solidité des moyens développés par la dame de
St.-M ende , elle n ’a point à craindre qu’on répute cette dame prêtejiotn ni mandataire de son frère dans son acquisition de la nation;
et dès-lors la subrogation du S a u lze t, fuite par la dame de S t.M ende à Jérôme Aubier ; conserve loulc sa force c l doit produira
tous ses effets.
�( 27 )
Néanmoins il est à propos de faire sentir u la justice que , quelque
convention qui eût pu exister entre la dame de St.-Mende et son
frère , la dame de la Montcillie et ses enfans
n ’auraient jamais
dû en être les victimes.
L a dame veuve de la Monteilhe s’est mariée avec Jéiôme Aubier.
E lle était alors veuve de M. de Bullion. Elle avait une propriété
personnelle , plus la jouissance des gains nuptiaux que lui avait
assurés son prem ier m a r i , un trousseau et des bijoux d’ une valeur
assez considérable.
E lle
pou vait
être certaine de trouver 25 o,ooo fr.
pour sa portion dans la succession de ses père et m ère ; et ceuxci , en attendant, lui constituaient un revenu annuel de 2}5 oo fr.
A la v é r i t é , elle avait une fille de son prem ier mariage ; mais le
patrim oine de M. de Bullion , son père , et l ’hérédité universelle
de sa grand’m è r e , procuraient à celle demoiselle une assez jolie
fortune personnelle pour n ’êlre jamais à charge à sa mère.
Dans cette situation, Jérôme Aubier l’a recherchée en mariage.
L e s intérêts des deux époux ont été examinés et déterminés par
deux jurisconsultes distingués et par vingt-cinq parens. L ’arrêté
de famille du io prairial an 9 en fait foi. Cet acte fut l’ouvrage
de M. A u b ie r , et il fut trouvé si parfait par les ju risconsu ltes,
q u ’ils l’approuvèrent en tous points. L a preuve s’en trouve encore
dans cotte même lettre écrite par M. A u bier à sa s œ u r , dont nous
avons déjà cité un passage. Elle commence ainsi :
Je devais , ma chère, amie , a ller te voir hier 3 et te porter
l ’acte que j'a v a is p rojeté , il y a six jo u rs. I l avait eu Vap
probation de Pâgés et B c ir o t, sans changer une virgule. Oit
m 'a traîné dix fo is de Coste à P a rtis , de D artis à liio m , etc.
parce que, d isa it-o n , la subrogation étant sans p rix donné p o u
vait être critiquée. B o ir o te t Pages trouvaient q u e, relativem ent
A un acte de fa m ille de bonne f o i , l ’ objection était ridicule.
J ai d u à Caste , auteur de l'objection , q u ’ elle était de p lu s
indecente , et j e l'a i dit a la DIonteilhe , qui revient dix fo is
en a rriéré , « /a crainte que ses avantages ne soient p a s bien
consolidés. P e u m'importent toutes ces difficultés.
C e lle lettre finit par ces mots : L e projet du contrat de m ariage
est littéralement de P a g é s , j ’ avais seulement ajouté l ’ article ,
page 4 .
—
�L a dame de St.-Mende subrogea Jérôme Aubier au domaine du
Saulzet ; et M. A u b ie r , son père , consentit à ce qu’il se constituât
ce bien en mariage. E t ce fut sous la foi de cette constitution
que le mariage a eu lien , et qu’il fut stipulé dans le co n tra t, qu’en
cas de p rédécès, les époux se donnaient mutuellement l’usufruit
de la moitié de leurs biens.
On sait que des conventions matrimoniales sont sacrées , que
la bonne foi doit y présider , et qu’étant le gage de l’ union des
époux et de leurs deux familles , elles sont aussi le fondement de
la fortune des enfans qui naîtront du mariage. On n ’ignore pas
non plus que les droits des tiers sont sous la protection spéciale
des lois et de la justice.
O r la dame de la Monteillie et ses enfans pourraient-ils jamais
souffrir des arraiigemens secrets qui auraient pu avoir existé entre
M . Aubier et Madame de St.-M en de, sa sœ u r? non.
Nous en avons une preuve bien récente dans une circonstance
semblable , qui a donné lieu à une affaire jugée en la cour de
cassation le i . " août dernier , rapportée dans le journal de M.
i
D e n e v e r s , page 4 oy du 10.' cahier de cette année.
L a demoiselle Iiereur-de-M alans, inscrite sur la liste des é m ig ré s,
n ’a été éliminée qu’en l’an g ; et en l ’an 1 2 , elle fut interdite
pour cause de démence. E n l’an 4 , elle avait donné une partie de
ses biens au sieur Higonaux par contrat de mariage.
A p rès son interdiction , son curateur attaqua de nullité cette
donation ; m ais, par arrêt rendu le 5 o mars 1 8 1 0 , la cour de
Besançon l’a m aintenue, « attendu que la loi du 12 ventôse an 8 ,
)) qui frappait de mort civile la demoiselle de Alalane , ne pouvait
» avoir l’effet d ’anéantir, au préjudice d'un tiers , les droits qui lui
» étaient acquis par la donation , avec d autant plus de raison ,
}) que le mariage du fils Rigonaux n ’a eu lieu que sous les auspices
» de cette donation , et que ce serait p riv e r deux familles et les
» enfans issus de ce m ariage, de l’e(Tet d’une libéralité fuite dans
» les formes voulues par la l o i , et sur laquelle ils ont dû compter. »
Cet arrêt a été attaqué , mais la cour do cassation a rejeté lo
pourvoi des héritiers de ]\lalaus ,
»
Attendu (¡u’avant la promulgation du code Napoléon , la dona-
�( 2g )
S 2 5
)> tion entre-vifs éta it, comme appartenant au droit des gens , et
3) non au droit c i v i l , au rang des actes dont les individus morts civi» lement étaient capables ; qu’ainsi la demoiselle de Malans a pu t
)> quoique frappée de mort c iv ile , transmettre valablement partie
» de ses biens à Rigonaux fils , p a r la donation insérée au contrat
» de mariage dudit Rigonaux du g frimaire an 4 , et que la dis—
» position de l’arrêt attaqué qui maintient cette donation , est
)) conforme aux principes et aux lois de la matiere. ))
O n voit , par cet a r r ê t , que les signatures de M. Aubier aux actes
de subrogation du domaine de Saulzet, quoique données pendant sa
inort civile sont valables , et qu’ainsi , sous tous les rapports , le
domaine de Saulzet a été irrévocablement assuré tout entier à Jérôme
Aubier j on voit que les droits des tiers ne peuvent recevoir aucune
atteinte ; on v o i t , enfin , que des conventions matrimoniales doivent
cire respectées. Dans l’espèce actuelle, la dame veuve de la Monteilhe
a de plus la satisfaction de reconnaître que la dame de S t.-M en d e
étail seule propriétaire du domaine qu’elle a cédé à Jérôme Aubier ,
ce qui tranche toute difficulté et dissipe toutes ses inquiétudes.
Elle ne peut néanmoins qu’êlre surprise d’entendre son beau-père
alléguer qu’il n ’aurait pas consenti a la transmission de l’entier
domaine de S a u lz e t, s’il n ’avait été trompé sur sa valeur ; qu’on lui
avait persuadé qu’il n’était afiermé que 5 ,ooo fr. , et que dans cette
proportion avec la masse de ses b ie n s , il n ’avait vu aucun obs
tacle à en saisir son fils Jérôme.
Comment M. Aubier peut-il tenir ce langage ? ... il ne pouvait
pas ignorer la vraie valeur du domaine de S a u lz e t, car dans son m é
moire (page 54 ) , il dit que M. son père l ’a acheté i o 5 ,ooo fr. en 1788.
L e s vingt-cinq parensqui ont été témoins de la subrogation de la dame
de St.-Mende connaissaient aussi la vraie valeur de ce bien. Environné
de tant de lum ières, à portée de juger par lui*mème , croira-t-on
qu’il ait agi par imprudence ? et c ’est après dix ans de mariage de
sa belle-fille , après le décès de son fils , qu’il fait une pareille
réclamation ! E s t - c e que l’acte du 8 mai ne prouve pas qu’il a voulu
fixer ses principales propriétés sur la tête de ce fils ? n est-il pas
constant que le domaine de Saulzet était la propriété principale»
de toutes celles achetées par la dame de St.-M ejide ?
/
�I
* i
(
So
)
M. Aubier se récrie aujourd'hui sur ce que le domaine de Saulzet,
fixé sur la tête d ’un de ses fils , met ses deux autres fils dans
le cas de n ’avoir point de légitime à sa m o r t, comme si la daine
de St.-Mende l’avait violenté dans cette résolution ; tandis qu’on
a v u , et par la c l e du 8 m a i , et par sa lettre à su soeur, que la
subrogation du Saulzet en faveur de son fils Jérôme, fut toujours
dans son intention , el qu’en cela même M. Aubier ne blessait point
la portion héréditaire de ses deux autres fils , sous le rapport des
dispositions du code Napoléon , qui leur servira de règle.
Pour bien ju ger
des choses , il faut se reporter au tems où
elles ont été faites, et apprécier l’esprit qui les a dictées. O r , le
domaine de C rêve-cœ u r , le grand verger , valent bien 100,000 fr. ,
et au tems de la subrogation du domaine de Saulzet
M. Aubier avait
encore plus de 80,000 fr. à espérer d’une liquidation du G o u v e r
nement. N ’y avait-il pas là de quoi assurer la légitime de ses deux
fils ? et fraudra- t-il
parce que celte liquidation est tombée en
déch éan ce, que la veuve et les enfans de Jérôme Aubier en sup
portent la perte ? non. C ’est en vain que M. Aubier colore son
attaque d ’un v if sentiment d ’intérêt pour ses deux fils , il a fait pour
le mariage de son autre fils J é r ô m e , tout ce qu’1111 père pouvait
faire , sans
que ses
autres enfans accusent
son coeur ni
sa
sagesse.
C ’est encore bien vainement qu’il veut persuader à la dame veuve
de la Monteilhe , qu’en assurant par de nouveaux actes à ses p etitesfilles la moitié du domaine du Sau lzet, il leur ferait un bien r é e l ,
et les mettrait à l’abri des attaques que pourraient un jour leur faire
les enfans de S t .- M e n d e , car elle n’a aucune inquiétude
de ce
côté-là.
Q u ’est-co que les enfans de St.-M ende pourraient demander aux
enfans de la dame de la M onleilhe ? quelles seraient leurs p r é
tentions ?
Suivant M. Aubier , les héritiers de St.-M ende pourraient récla
m e r tous les biens achetés de la nation par leur mère , sous le pré
texte que s’étant mariée d o ta lcm e n t, toutes ses acquisitions étaient
nécessairement dolalcs et inaliénables.
�( 3i )
Quand la daine veuve de la Monteilhe n ’aurait pas tous les motifs
qu’elle a de croire à la délicatesse des enfans de St.-Mende , qui se
feront toujours honneur d’imiter leurs pere et m e r e , en- v é r i t é ,
elle ne les craindrait pas.
La subrogation du domaine de Saulzet a été consentie au profit
de son mari par la dame de S t.-M e n d e , comme maîtresse de ses
biens aventifset paraphernaux ; or cette qualité lui a été reconnue
par M. Aubier dans tous les actes qu’il a passés avec elle, et par M. des
S t . M e n d e dans l’arrêté de famille du 10 prairial an y. D ’après c e la ,
comment les enfans de St.-Mende pouiraient-ils s a\isei de donner ,
iur cette qualité r e c o n n u e , même par vingt-cinq pareils et par les
jurisconsultes qui ont signé cet a c te , un démenti à leurs père et
m è r e , et aux deux familles Aubier et Cham pilour ?
L e s biens acquis par la dame de St.-Mende et ceux que l’admi
nistration départementale lui a délaissés en qualité d'héritière pour
un neuvième de son p è r e , et pour moitié de son f r è r e , et qu elle a
ensuite transmis à ce frère et à son fils Jérôme , lui étaient véri
tablement aventifs et
paraphernaux.
La
raison
en
est toute
évidente.
Dans le principe , la dame de St.-Mende avait été mariée avec une
dot fix e , moyennant laquelle elle avait renoncé à toutes successions
directes et collatérales ; mais son contrat de mariage ne porte nul
lement qu’elle se soit constituée en dot ses biens présens et à venir.
O r , comme les articles i / r et 8 du chapitre
i 4 de la Coutuir.e
d’Auvergne , à laquelle M. et Madame de St.-Mende se sont e x p r e s
sément soumis par leur contrat de mariage , répute aventifs et p ara
phernaux tout ce que la fille qui a une dot particulière peut avoir
d ’ailleurs , il est clair que les portions de successions que Madame
de St.-M ende a recueillies an delà de sa dot de 50,000 1. , s o i t comme
héritière de son père , soit comme héritière de son frère le chanoine,
lui est a ve n lif et paraphenuil ;
voyez Chabrol ,
sur l’article 8
précité. L lle a donc pu l’aliéner ensuite à son gré , sans mêm e
1 autorisation do son m a r i , parce q u ’avant le Code , cette auto
risation n était pas nécessaire.
Maintenant qu il est reconnu que la dame do St.-M ende a eu des
biens aventifs et paraphernaux , personne ne peut soutenir que
ses acquisitions soient dotales et inaliénables,
�f C ’est d ’abord une très-fausse idée que de vouloir répnier dotales
et inaliénables des acquisitions faites par une femme niariee , quand
jmême elle se serait constituée en dot ses biens pjésens et à venir.
Dans ce cas là m ê m e ,
ses
acquisitions sont réputées appartenir au
mari. L a loi Quint us M utins 5 i , //• de don. ¡nier vir. et ux. le
d é c id e , e t e l l e a été
adoptée dans
notre jurisprudence. M. C h a b ro l,
liv. 1 , p. 5 i , fait voir par des exemples que ces acquisitions entrent
dans le patrimoine du mari. A i n s i , dans cette hypothèse m ê m e ,
M. de St.-M ende ayant signé la subrogation du S a u lz e t, cette trans
mission consentie par lui-m êm e serait suffisante pour empêcher tes
enfans de la critiquer.
Dans notre hypothèse , il s’agit évidemment de biens p ara p h e rnaux transmis par la dame de S t.-M en de , qui en était dame et
jn a îtresse , comme s’exprim e l’art. 1 du chap. i 4 d e là Coutume.
Com m ent donc ses enfans pourraient - ils attaquer cette trans
mission ?
A la mort de Madame de St -Mende, ils pourraient d i r e , à la vérité,
que les subrogations faites par leur mère ne sont pas de véritables
aliénations; que celle du grand v e r g e r , à la date du 5 fructidor
an g , n ’a aucun prix , et que celle du Saulzet n ’est grevée que
d é ch a rg é s et conditions utiles à M. Aubier et à ses deux fils, et
n ’a rien produit à leur mère ; q u ’ainsi tous ces actes ne peuvent
être considérés que comme des donations
Partant de-là , ils invo
queraient l’article g i 5 du code Napoléon pour établir que leur
mère n’ayant pu donner à des étrangers que le tiers de ses b ie n s,
lesd& ux autres tiers de ce6 acquisitions leur reviennent p a r la force
de la loi.
Cette difficulté semblerait présenter des suites fâcheuses ; mais co
danger qui est dans l’ordre des possibles , a peu d ’npparence et
moins encore de réalité : d’une part , M.
épouse , fille de M. de S t.-M en d e , ont
de Chardon et son
signé l’arrêté de famille du
j o prairial ail (| ; M. de Chardon a encore signé l’acte du 8 mai, et
par un écrit particulier il a itérativement reconnu et confessé que
la dame de S t.-M e n d e , sa belle-mère , n'avait acheté de la
nation les biens de son fr è r e que p ou r les conserver aux enfans
�de ce frère , et qu'ainsi lesdits biens ne fo n t p oint p artie de la
succession de la dame de St.-M ende.
L e fils (le Madame de St.-Mende fait une pareille déclaration. Ainsi
quelle inquiétude peut-on avoir du côté des enfans de St.-M ende ?
Veut-on quelque chose de plus f o r t ? il est facile de consolider
ces déclarations , et de leur donner plus d ’authenticité. Il suffit
d’appeler en cause les enfans de S t.-M e n d e } qui les réitéreront
devant la justice.
L e jugement qui donnera acte de leurs déclarations ne sera point
susceptible d ’être attaqué par eux par voie de tierce opposition après
la m ort de la dame de St.-Mende ; car cette voie n ’est ouverte qu’à
ceux qui n ’ont pas été parties dans les jugeraens } suivant l’art. 4 y 4 du
code de procédure. Ils ne pourraient se pourvoir non plus par
requête c i v i le , n ’ayant à faire valoir aucun des m oyens indiqués
par le titre 2 du livre 4 du même Code. D ’ailleurs , le code Napoléon
ne prohibe point de pareilles déclarations. N ulle loi ne force p er
sonne à garder dans son patrimoine des biens qu’elle ne croit pas en
honneur pouvoir retenir , et qu’elle n ’a achetés que pour les conser
v e r à un autre , et avoir le plaisir de les lui transmettre. Quand
on supposerait donc qu’après un pareil ju g e m e n t , les enfans de
St.-M endë voudraient se déshonorer publiquement en attaquant
M . Aubier et les filles de Jérôme A u b ie r , ils seraient victorieuse
ment repoussés, i.° parce qu’aucune voie judiciaire ne leur serait
ouverte pour attaquer ce jugem ent ; 2.0 parce que leurs déclara
tions s’élèveraient contr’e u x , et qu’ils ne pourraient pas les faire
considérer comme de simples actes de soumission et de déférence à
la volonté de leurs père et mère ; puisque , loin qu’ils soient suspects
d ’avoir participé à aucune fra u d e , la bonne foi de leurs déclara
tions se trouvera justifiée par tous les actes qui auront servi de base
au jugement.
I) après cela , on ne voit pas com m ent jamais les enfans de
Jérôme Aubier pourraient être troublés dans la propriété de l’entier
domaine du Saulzet. Ils n ’ont donc à craindre que leur grand-pere
puisque, sous le prétexte de leur assurer irrévocablement la moitié
de ce dom ain e, il leur euléve l’autre m o itié , et rompt à l’inslant, de
5
�son autorité , les conventions matrimoniales de leurs père et mère.
C e p e n d a n t, si l’on en croyait INI. A u b ie r , ses petites filles seraient
dans un danger im m in e n t, et il y aurait une imprudence extrêm e de
la part de leur mère de ne pas préférer les avantages certains qu’i!
leu r offre aux incertitudes de l ’avenir. E h bien! ne nous contentons
pas de sonder le terrein , puisque M. Aubier prétend
ferm e
qu’il re n
un volcan capable de renverser un jo u r toute la fortune
de ses p e t ite s - f ille s ,
creusons ce te r re in , vérifions-le dans tous
les s e n s , et n ’ayons rien à nous reprocher.
Supposons l’impossible , plaçons-nous au centre du danger dont
on menace la dame veuve de la Monteilhe et ses enfans , et cal
culons si les effets du mal prévu seraient dans le cas de faire regretter
un jour des offres gracieuses qui l’auraient prévenu.
Adm ettons pour un instant qu ’à la mort de la dame de St. M en d e,
ses enfans ne soient arrêtés par aucune considération , par aucun
m oyen ni de fo r m e , ni de d r o it, qu’ils trouvent une justice capa
ble de consacrer leur in ju stice , c ’e s t-à -d ir e , de faire entrer dans
la succession de cette dame tous les biens par elle acquis de la
nation , et de décider qu’elle n ’a pu en sortir que le tiers par voie
de donation.
Dans ce cas , on trouverait que sa succession serait forte de
216,000 fr., savoir, sa dot de 5 o,ooo fr , le Saulzet valant i 5 o,ooo f r . ,
le grand verger 5 o,ooo fr. , et les héritages vendus à Malintra ou
ailleurs par M. A u b i e r , 6,000 f r . , le tiers serait donc de 72,000 f r . ,
irrévocablement acquis aux enfans de Jérôme Aubier. Joignons-y le
tiers du domaine de C r ê v e - c œ u r , qui appartient aux enfans (le
M. A u bier , et qui vaut au moins 54 ,000 fr. , il est clair que ses
petites filles auraient toujours 90,000 fr. Si les acquisitions deMadaino
de St.-M ende pouvaient être réputées appartenir au mari , le tiers des
biens de celui-ci formerait plus de i5 o ,o o o fr.
L orsqu e M. Aubier prétend que ces donations n ’en ont pas la
forme , il ignore donc quo , par plusieurs a r rê ts , la Cour de cassation
a jugé que les ventes simulées sont reputees donations valables pour
Ja portion disponible, quoique non revetues des formes des donations.
M aintenant, qu’auraient-elles d’assuré, si la dame veuve de la
�( 55 )
$ "£ > I
Monteilhe , leur mère , préférait les avantages qne leur offre leür
g ran d-père? elles auraient la moitié de sa succession , savoir , le
quart en préciput , et un autre quart pour leur portion héréditaire
dans les trois quarts. Si la fortune de M. Aubier se co m p osa it, à
sa m o r t , du Saulzet et du grand v e r g e r , on trouverait 180,000 fr.
an prix que nous avons porté ces mêmes biens ; m a is , comme
il prétend avoir 20,000 fr. de dettes , il ne resterait que 160,000 f r . ,
en sorte que les demoiselles la Monteilhe auraient 80,000 fr. p ou r
leur m o itié , plus 18,000 fr. dans le domaine de C r e v e * c œ u r , en
tout 98,000 fr. , ce qui présente une différence de 8,000 fr. de
bénéfice sur ce qu ’elles auraient, au cas où les enfans de St.-M ende
parviendraient à les spolier tout à leur aise.
Mais qui p eu t, répondre que M. Aubier laissera dans sa suc
cession 160,000 fr. ? S ’il était reconnu qu’il a racheté de la nation
ses propres biens par la voie d’un prête-nom ou d ’ un mandataire ,
il serait le maître de réduire sa succession bien plus bas ; c a r , quand
il ferait donation de la moitié du S a u lz e t, et mêm e du grand verger
à ses petites-filles , elles ne seraient pas pour cela sûres de la garder.
M. A u bier pourrait vendre l’autre moitié du Saulzet pour payer les
dettes qu’il prétend a vo ir, ou qu’il contracterait jusqu’à sa mort.
Alors resteraient le grand verger , et la moitié donnée du S au lzet,
qui feraient n 5 ,ooo f r . , dont ses petites-filles auraient la moitié
de .67,500 f r . , qui , réunis aux 18,000 fr. de Créve-coeur , feraient
75,5oo fr. , somme inférieure de i 4 , 5 oo fr.
à celle qui ne p e u t
jamais leur échapper , malgré les entreprises et les succès supposés
des enfans de St.-Mende.
Mais s’ il était vrai encore que l’épouse de M . Au bier eût des
créances considérables à exercer sur les biens de son m a r i , com m e
elle s’en vante p ubliquem ent, il serait possible qu ’elle s’em parât
du grand verger , et il 11e resterait à partager que la moitié du
S au lzet, c ’est-à-dire que la portion des demoiselles la Monteilhe
serait reduite à û2,5oo francs q u i , joints
aux
18,000 francs de
C r e v e - c œ u r , feraient 5 o, 5 oo francs. Ces calculs nous font voir que
la dame veuve de la Monteilhe ne p eu t, ni pour son intérêt, à
cause de sou usufruit et de sa portion dans la succession de sou
'
�( 36 )
y a
fils , décédé après son père Jérôme , ni pour l’intérêt de ses enfans ,
accepter les offres de M. A u b ier , puisqu’il est évident que , dans la
position la plus fâcheuse , les demoiselles la Monteilhe auraient presqu ’autant que si la succession de leur g ran d-pèie devait compii-mlre
tous les biens achetés de la nation par la dame de St.-Mende , et
q u ’en acceptant ses offres, elles courraient des dangers beaucoup
plus grands que celui dont on leur fait peur. Com m e le danger
re la tif aux enfans de St.-Mende n ’est qu’une chimère , M. Aubier
trouvera bon qu’elles préfèrent une fortune de i 5 o,ooo francs à une
nouvelle donation qui commencerait par leur en enlever la m oitié,
sans même pouvoir leur garantir l ’autre moitié.
D ’après c e la , M. Aubier peu t-il tant s’étonner que sa belle-fille
soit intervenue dans une contestation qui l’intéresse si é m in em m en t,
ainsi que ses enfans ? Devait-elle suivre le conseil qu’il lui donnait
d attendre les évènemens , sous le prétexte que la voie d e là tierceopposition lui serait toujours ouverte ?
Si M. A u b ie r eût réussi à faire déclarer sa sœur son prête-nom
ou sa m a n dataire, et que la dame veuve de la Monteilhe ou ses
enfans eussent attendu la mort de M . Au bier ou de Madame de St.M ende p our s’en plaindre , elles auraient vu alors si leur tie rce opposition aurait fait fortune , ou plutôt elles ne seraient pas arri
vées à cette é p o q u e , sans ressentir tous les fâ ilieu x effets de leur
silence.
Si la dame veuve de la Monteilhe ne fût point in terv en u e, elle
aurait manqué de prévoyance , elle aurait fait une faute impardon
nable , surtout pour une mère tutrice. L a dame de St.-M ende seule
n ’avait qu’à succomber , faute du développement de
tous ses
m o y e n s , il serait arrivé que M . A u b ie r aurait fait tout ce qu’il
aurait voulu.
Supposons qu’il n ’eût rien vend» , ses petites-filles n’en auraient
pas moins passé dans te public pour ruinées de la moitié de leur
f o r t u n e , et par conséquent auraient été très-embarrassées lors de
leur établissement.
Supposons que leur grand-père eût vendu une partie du do
maine de Saulzet pour payer les 20,000 fr. qu’il prétend devoir ,
�c 57
)
aussitôt sa "belle-fîlle était obligée de former tierce opposition au
jugement qu’il aurait obtenu contre sa soeur.
Is'e valait-il pas m ieux intervenir de s u i t e , profiter des p iè c e s ,
des documens et des moyens de Madame de St.-Mende , et par
un concert de justice et de raison , arrêter le mal dans sa source ?
Si M. A u bier ne veut pas convenir de cette v é r ité , tout le monde en
conviendra pour lui. L a dame veuve de la Monleilhe arrelerail~la
sa d éfen se, si M. son beau-père ne l’avait forcée d ’y ajouter quelque
chose.
E lle lui demandera d’abord à quelle fin il a p lacé, dans la page 5 i
de son m ém oire, une note tendante à faire croire qu’elle est plus
que ruinée , puisqu’il lui attribue seulement 4 ,000 fr. de revenus ,
chargés d'un paiement annuel de 6 , 5 oo fr. Cette note n'était d’aucuue
utilité pour la cause de M. A u b ie r ; c a r , la fortune plus ou moins
grande de la dame la Monteilhe ne peut influer sur la question de
s a v o ir , si la dame de St.-M ende a été son prête-nom ou sa manda
taire. Il y a plus , cette note tournerait dans la cause au profit de la
dame la Monteilhe ; car moins elle aurait de fortune , plus la justice
devrait se refuser à lui en ôter. E n ajoutant cette note dans son m é
m o ire , M. Aubier aurait dû sentir q u ’elle était pernicieuse pour
la tille aînée de Madame la M o n te ilh e , arrivée dans l ’âge d ’un
établissement ; que c’était faire un mal gratuit à la m ère et aux
enfans qui ne le méritaient certainement pas.
L a dame
veuve
de la Monteilhe
défend
ses droits
et ceux
de ses e nfans, contre les prétentions de M. A u b i e r , parce qu’elle en
a senti toutes les conséquences. E lle n ’emploie que des moyens
justes et honnêtes. Pourquoi M. Aubier e st-il sorti de son sujet pour
composer une note aussi déplacée ? puisqu’il reconnaît dans son m é
moire , et même vante les bonnes qualités et la douceur de sa
b e lle - f ille , il semble qu’il aurait dû user de ménagemens envers
elle. H eureusement que M. A u b ie r convient que les soeurs de la
dame la Monteilhe ont eu chacune 25 o,ooo fr. dans le partage
anticipé des biens que leur ont cédés leurs père et mère , et que
dès-lors on no peut douter qu’elle en
a eu
autant quo scs soeurs f
non compris ce qu’elles auront par la suite dans les biens reserves»
par M. et Madame de Champilour.
�C elte n o t e , au su rp lu s, l’a bien moins fatiguée que tout ce que
M. A ub ier s’esl permis de dire touchant M. de C h am pflo ur,
père.
Mais
qu’a
donc fait
M. Cham pflour
pour
sou
exciter le
courroux de M. Aubier ? « Il a été placé en Lête de la liste des parena
)> composant
le conseil de famille qui a autorisé la dame de la
)) Monteilhe à
former
son
intervention
» ( page 5 g
de son
m ém oire ).
Oui , sans dnule, M. Champflour a eu la place qu’il devait te n ir ,
suivant l ’article 4 oy du code Napoléon. E st-cç qu’ un père ne doit
pas élre le premier appelé pour autoriser sa fille ? Est-ce qu’ un
grand-père ne doit pas tenir le prem ier rang dans une assemblée
de parens convoqués pour l’intérêt de ses petites-filles ? C e n ’est
pas lui pour cela qui p ré s id e , mais bien M. le juge de p a i x , suivant
l ’article 4 16 du code. Com m ent M. Aubier peut-il donc se répan
dre en sarcasmes
en épigrammes , en reproches virulens" contre
un père qui 11’a fait que ce que la loi l’obligeait de faire ?
M. Aubier ( page 18 de son mémoire ) dit que M. Coste , homme
tV a ffa ires , et guidé p a r M . Champflour , a rédigé la subrogation
du 8 fructidor an 9 ; qu’ on lui a offert une contre-lettre également
rédigée par M. Coste , guidé p ar 31 . Cham pflour , portant que cette
subrogation n ’était qu’ une simple ratification de l ’acte de famille.Plus
h a u t , à la page 1 7 , M. A u bier avait dit qu’à la suite de quelques
conférences avec M. P a g ê s , avocat de M . Cham pflour , il avait
rédigé l’acte de famille du 10 prairial an 9.
N e croirait-on pas , d’après ces expressions , que M. Champflour
a ‘ tout m e n é , tout conduit pour les intérêts de la dame la M on
teilhe , sa fille ; que M. Coste aurait fait les actes sous sa diclée ,
et comme subordonné à ses vo lo n tés; qu ’e n f in ,
M. I’agès lui—
mêm e 11’aurait manifesté dans les conférences que
des pensées
utiles à M. Champflour ? et n’en conclurait-on pas que M. A u bier
a été circonvenu de toutes parts ?
Cependant il suffit de lire sa lettre à sa sœ ur , ci-devant trans
c r i t e , pour y trouver la justification de M. Champflour. On y lit
ces propres mois : P a gès et Boirot trouvaient qu'en se consti
tuant lu i même seulement scs biens présens et à v en ir , ccux-ci
�( 3 f) )
¿laieut suffisamment établis p a r l ’ acte de fa m ille . L a M ontheille
insiste pour se constituer Saulzet , cepsndant Cham pflour ne f a i t
aucune difficulté.
On y a déjà vu que M. Aubier a rédigé tous les actes,et notamment
l ’arrêté de fam ille, auquel les jurisconsultes ont donné leur a p p ro
bation , au point de
n’en pas retrancher une virgule 5 que
M.
C cste a reçu des reproches assez amers de ce q u 'il fa isa it des
objections-, qu’enfin M. Pages avait rédigé le contrat de mariage de
son fils J é r ô m e , de manière que M. Aubier avait seulem ent ajouté
Varticle page 4 .
Puisque M. Cham pflour ne faisait aucune difficulté , il est évident
qu’il s’en est rapporté à M. Aubier.
Pourquoi donc attaquer une personne qui n ’est pas dans la cause,
et ne peut dès-lors se défendre par lui-même ?
Pourquoi l’aflecter par des imputations injustes?
Quiconque connaît M.
A u b ie r et M. Cham pflour } conviendra
que le p rem ier devait avoir de l ’avantage sur le second , car un
ancien magistrat très-éclairé ne peut se laisser surprendre.
E n o u t r e , à quoi servent les d ia trib e s, surtout entre p arens?
L e s gens de bien les m ép risent, et le public s’en amuse. Ce n ’est
point ainsi que l’on conserve l’honneur des familles et la considéra
tion , qui est un bien précieux , très-difficile à obtenir et très-facile à
perdre.
Vainem ent voudrait-on diminuer dans le cœ ur de la Dame de
la M o n t e i lh e , la force des sentimens qu’elle a p our M. son père ,
elle dira hautement qu’aucun père n’a plus fait pour ses enfans
que M. de Champflour ; il s ’est élevé au-dessus des préjugés et
de l’hab itude, pour ne suivre que l ’équité naturelle dans la distri
bution de ses biens entre tous ses enfans ; et Madame de Champflour
en a agi de même ; l ’égalité de tendresse envers eux a amené l'ego Hlé
tte fortune. M. et Madame de Cham pflour se sont dépouïllés&euxmemes avant le t e m s , pour investir leurs trois filles des sept hui
tièmes de leurs propriétés. Ces exem ples 11e sont pas communs
mais ils n en sont que plus dignes d ’éloges. Ainsi l ’amour filial
devant etre en
rapport avec l ’amour paternel , la dame de la
Monteilhe se sentira toujours blessée quand on blessera M, son
père.
�( 40 )
A quoi bon peuvent encore servir ces déclamations de M. Aubier
qui terminent son mémoire ? et surtout cette p h rase ( page 3 9 ):
V o u s avez des appuis , mais nous avons un préfet ju ste 3 et
le tribunal où l'affaire va être ju g ée l'est aussi. Q ui est-ce qui
doute de la justice de M. le préfet., et de celle du tribunal ? Estce donc à M. et Madame d e S t.-M en d e et à Madame de la M o n teiLhe à redouter la justice des autorités et des organes de la lo i?
Si quelque partie de la cause pouvait se flatter d ’avoir des appuis ,
ce serait bien plutôt M. Aubier. Il est partout , il anime tous
les cercles , il compte de nombreux amis dans toutes les conditions
de la société. C ’est l'effet naturel de son m é r i t e , et de l’amabilité
de son caractère. Chacun de ses parens ne peut que l ’en féliciter.
Mais quels appuis peuvent avoir une veuve et deux orp h e lin es,
telles que la dame veuve d e la Monteilhe et ses deux petites-filles,
sinon ceux qui aiment la justice et désirent sa gloire ?
M . Champfl our , leur père et g ran d -p ère, n ’ignore pas que dans
]a prospérité on a beaucoup d 'a m is , mais qu’il en est tout autre
m ent dans l’adversité. Enfin , M. et Madame d e S t.-M e n d e , relégués
dans une maison de campagne is o lé e , loin des vanités du m o n d e ,
ne
cherchent d ’autres appuis que dans le témoignage de leur
co nscience, d’autre bonheur que celui de leur famille , et se reposant
tranquillement dans le sein de la ju s t i c e , ils ne croyent pas qu’on
puisse avoir jamais besoin de la solliciter.
Signé FABRE-DE-St.-MENDE , AUBIER
femme
DE St.-MENDE , DE CHAMPFLOUR, veuve AUBIERLA-MONTEILHE.
M. P1COT-LACOMBE, procureur-impérial .
M.c C. L. ROUSSEAU , ancien avocat.
M.e TRÉBUCHET, avoué.
A
CLERMONT-FERRAND,
Chez J. VEYSSET , Imprimeur-Librair e r u e d e l a T reille.
1 8 1 1.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Aubier, Marie-Françoise. 1811]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Picot-Lacombe
Rousseau
Trébuchet
Subject
The topic of the resource
émigrés
prête-nom
successions
renonciation à succession
mandats
amnistie
administration de biens
divorces
dénonciation
créances
forclusion
assignats
médiation
exécutions révolutionnaires
transactions
mort civile
séquestre
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour dame Marie-Françoise Aubier, épouse de M. Benoît Fabre de Saint-Mende, autorisée par justice, et pour ledit sieur de Saint-Mende, propriétaires, habitant à Saint-Mende, commune de Saint-Yvoine, défendeurs ; et encore pour dame Marie-Claudine de Champflour, veuve de M. Jérôme-Emmanuel Aubier-la-Monteilhe, tant en son nom qu'en qualité de tutrice de leurs deux enfans mineurs, aussi propriétaire, demeurant à Clermont-Ferrand, intervenante et défenderesse ; contre M. Emmanuel Aubier-la-Monteilhe, ancien magistrat, demeurant en la même ville, demandeur.
Table Godemel : mandat : 3. le mandat se présume-t-il, en droit, ou ne peut-il se former que par l’acceptation du mandataire ? l’interprétation de la correspondance et des actes invoqués pour prouver le mandat appartient-elle aux juges du fond ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Chez J. Veysset (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1811
An 2-1811
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
40 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2123
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2122
BCU_Factums_G2124
BCU_Factums_G2125
BCU_Factums_G2126
BCU_Factums_G2127
BCU_Factums_G2128
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Yvoine (63404)
Clermont-Ferrand (63113)
Malintrat (64204)
Saulzet (domaine de)
Crève-Cœur (domaine de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
administration de biens
amnistie
assignats
Créances
dénonciation
divorces
émigrés
exécutions révolutionnaires
forclusion
mandats
médiation
mort civile
prête-nom
renonciation à succession
séquestre
Successions
transactions
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53418/BCU_Factums_G2122.pdf
996920ea8d637f6a28c2d007588feb19
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^~r^ )CCoi -tCco
/
l-tC e-
EXPOSÉ
Faits de la Cause pendante au Tribunal
de prem ière instance, entre E m m a n u e l
A U B IE R -L A M O N T E IL H E p ère, et M. D E
S T M AN D E et M a r i e A U B IER , son épouse,
Des
S œ u r d ’EMMANUEL,
U n e cruelle fatalité convertit en procès ce qui eut dû cimenter
l ’union dans ma famille.
On sait quel zèle ma sœur a montré pour moi dans les temps
d ’anarchie , où la difficulté des circonstances ajoutoit à son mérite;
on se rappelle que le jour où elle soumissionna m es b ien s, un
administrateur lui ayant d e m a n d é si c 'étoit pour m o i, elle répondit
hautement: Q u i p o u r r o it e n d o u te r !
L ’Empire a terrassé l’anarchie; cependant la transmission de
mes biens est arrêtée, parce que de mauvais conseils ont conduit
petit à petit ma sœur et mon beau-frère à contester sur tout.,
même sur ma qualité d'héritier de mon père et de mon f rère.
Je les ai long-temps suppliés de nommer eux-mêmes un média
teur ; je me réjouis quand ma sœur choisit un magistrat de la
première cour de l’Empire, aussi respecté à cause de sa profonde
érudition qu'à cause de ses belles qualités morales.
L e 25 juillet dernier, j’ai signé dans son cabinet, à P a ris ,
les deux doubles de la transaction qu’il avoit rédigée, après véri
fication des fails et des actes entre lui et un magistrat d’ Issoire ,
conseil de ma sœur. Ce médiateur la lui a envoyée ( 1).
Quelque mauvais conseil a prévalu ; il a décidé ma sœur et
(1 ) V o y e z à la fin la c o p ie d e c e tt e p iè c e , a in s i q u e la c o p ie d u p r o je t p r é c é
d e m m e n t p ro p o s é p a r M d e
S t. M an d e.
yvus ci
a
tx—f'a jv& x à- f* rtsotCitJ ■
�>.
( o
'
son mari à vouloir qu’il y ait plaidoirie, publicité de débats,
jugement solennel.
C e qui nous divise a deux principes très-différens, à traiter
séparément; i°. ma qualité d’héritier de mon père; 20. le rachat
de mrs biens, fait pour mon compte, par ma sœur, munie de
mes pouvoirs.
Cet exposé contient les faits les plus nécessaires à leur déci
sion ; les mesures dont on me menace me font hâter l’impres
sion , et me feront dire plus que je ne voulois; il aura du moins
l’ utilité de prouver que les divisions de ma famille doivent être
attribuées à des conseillers perfides, auteurs des ridicules versions
qui ont été répandues.
Ier
O
bjet
.
»
— Suis-je héritier de mon père?
Par mon contrat de mariage, en date du 4 décembre 1768,
mon père m ’a institué son seul et unique héritier.
En vertu du- pouvoir à lui donné par ma mère, il m ’a aussi
nommé seul héritier de celle-ci; dont la dot avoit été fondue
dans les biens de mon père.
Il s’en est réservé la jouissance , et sur le tout, 40,000 liv. pour
en former les légitimes de mon frère et de ma sœur.
Par le contrat de mariage de ma sœur, de 1777, elle a renoncé
à toute succession directe et collatérale , moyennant 3 o,ooo liv . ,
tant pour bien paternel que pour bien maternel.
L ors de sa’ signature mon frère réclama ; les 10,000 liv. qui
restoient lui paroissoirnt insuffisantes pour sa légitime; il annonça
qu’à la mort de mon père il en demanderoit le complément par
réduction de la dot de ma sœur.
.
Je mis fin à cette querelle en m ’engageant sur le champ à
garantir personnellement à ma sœur l’intégrité de sa d o t , à mon
frère l’intégrité de sa légitime, et à payer de plus les legs rémunératoires que mon pore voudroit faire; il voulut que l’acte reçu
B aptiste, notaire, limitât cette faculté à 3 ,000 liv.
IVlon père est mort en réclusion le a 5 brumaire an 3, sans avoir
usé de cette faculté.
�( 3 )
J’étois absent; j’avois été obligé de fu i r , par deux mandats
d ’arrêt décernés contre moi par le comité révolutionnaire de Paris,
les i i et 20 août 1792 , et par les poursuites du tribunal révo
lutionnaire créé par le décret du 19 août (1).
A la mort de mon père, il étoit redù à mon beau-frère 12,000
liv. pour reste de la dot de ma sœur.
L eur contrat de mariage ne réservoit'à ma sœur aucun para
phernal , aucune action extra-dotale ; ainsi elle devoit etre en tout
subordonnée à la volonté de son mari.
Gelui-ci n’hésita pas à déclarer, dès l’instant de la mort de mon
père, qu'il s’en tenoit à la constitution dotale; qu’ il y auroit des
millions à gagner, qu’il ne voudroit pas profiter de mon malheur.
Ses opinions politiques et religieuses lui firent ajouter, qu’il
aimeroit mieux perdre les 12,000 liv. à lui dues , que de traiter
avec les agens de la révolution, même pour conserver mes biens,
gages de sa créance ; mais qu’il laissoit à ma sœur la liberté de
fa ire , pour mon compte , les opérations qu’elle jugeroit utiles pour
me sauver mes biens, à condition, i° . q u 'il se ro it d is p e n sé de signer
aucune autorisation de sa fem m e, 20. de faire aucunes avances,
3*. qu’il seroit payé en numéraire des 12,000 liv. à lui redues.
L ’autorisation du mari eût été absolument nécessaire, si ma
sœur eût voulu agir , soumissionner pour son propre compte ,
puisque son contrat de mariage ne lui permettoit point d'extradotal; elle n'avoit pas besoin d’être autorisée par son mari pour
être mon homme d'affaires, mon prête-nom,, comme elle l’a si
souvent d it, écrit. L article iqqo du Code Napoléon a confirmé
ce principe. C e n ’est pas ici que je dois rendre compte de ses
opérations; il suffit de savoir que M . de St. Mande a reçu
e
r
f les 12J000
fr. de ma part, qu’ils lui ont été remis pour mon compte par
ma sœ ur, des deniers à moi appartenans, provenant du rachat
( 1 ) Pour^ punir de mort ceux qu’on ajipcloit alors les com plices <le I.oms X V I ,
pour les finis du r 0 août. MCs coaccusi-s L a p o n e , Iiaclmiami et outres oflicicrs des
gardes-suisscs du r o i, ont ¿ t <5 par lui cn vojc's aussitôt à l’t c h a f^ d .
A 2
�(4)
et revente de mes biens , dont il sera ci-après parlé, et q u ’elle m ’a
porté ces 13,000 liv. en dépense dans le compte qu'elle m’a rendu.
L e dernier payement a été fait en octobre itfoa: ma grande
confiance dans M. de St. Mande,- l’économie des droits, fit différer
d’en prendre quittance notariée ; nous nous bornâmes à en mettre
mention à la fin du double d ’une reconnoissance portant l ’arrêté,
de compte ci-dessu3, demeuré dans les mains de M . de St. Mande.
A la même époque, je donnai connoissanceà Mad. de St. Mande,
de mon amnistie; de l’arrêté me réintégrant dans l ’exercice de mes
droits jusques-là s u s p e n d u s , de mon admission à la qualité d ’héri
tier bénéficiaire dé mon père, par ordonnance du tribunal de pre
mière instance, du 20 vendémiaire an 11.
En i 8 o 5 , quelqu’un ayant cKt à mon beau-frère qu’il pourroit
être recherché en rapport de ce qu’il avoit reçu , il désira un
nouvel acte de garantie de ma part; je le lui envoyai de Berlin ;
il l’a déposé chez M . Clément, notaire h Issoire.
En 1809, j ’ai eu besoin d’avoir quittance notariée; je l’ai
demandée. La première réponse de M . de St. Mande approuvoit la rédaction que je lui avois proposée: peu de jours après,
il m ’envoya un projet totalement écrit de sa main, tout différent;
on m 'y avoit ôté la qualité d’héritier de mon père. On y avoit
inséré cette clause : Emmanuel A u bier contracte l'obligation de
ne rien répéter contre la dame sa sœ ur, pour cause de la ges
tion et administration qu'elle a fa ite pour l u i , n i a u t r e m e n t .
C ’ctoit m’ôter tout'ce que j’avois au monde; car tout étoit dans
les mains de ma sœ u r, ou sur sa tête.
Convaincu .que mon beau-frère n ’avoit point celte intention ,
je lui écrivis qu'il avoit été sans le 'vouloir l'instrument de quel
qu'un qui avoit voulu nous brouiller ; que sûrement ni lui ni
ma sœur n’avoient voulu me dépouiller de ce que ma sœur s’étoit
engagée de me transmettre ; que pour lui prouver ma grande
envie de lui pla ire, je transcrivois littéralement son projet,
quoique la rédaction en fût vicieuse sous tous les rapports,
mais que l ’intérêt de mes énfans, de même que le mien me forçait
%
�( 5)
4
3
d’y ajouter la réserve de ce qu'un acte du 8 mai 1801 me
promettoit.
Je ignai l’acte, jele lui envoyai de Paris, daté du......avril 1810.
Par lettre du 9 avril 1810; mon beau-frère refusa la réserve et me
renvoya l’acte. Peut-être n’a-t-il pas lu ma lettre : on lui a dicté
la réponse.
Sur de nouvelles représentations de ma p a rt, il me dit de
prendre les voies judiciaires.
C ’est alors et à ce sujet que j’ai appris qu'on lui avoit persuadé
qu’e/z conscience il ne pouvoit pas me reconnoître pour héritierde mon p è r e , parce que peut-être mon absence, lors de la mort
de mon pèrç, m ’avoit fait perdre mes droits irrévocablement.
vLes mots en conscience avoient été employés pour interdire
toute réflexion à mon vertueux beau-frère, et l’entraîner à me
forcer à prendre les voies judiciaires comme nécessaires à la dé
charge de ¿a conscience.
Les confiscations révolutionnaires ont réduit la succession béné
ficiaire de mon père à environ 100 liv. de renie dont il reste 80 liv.
chargées de beaucoup de dettes : je l’ai acceptée pour éviter qu’elle
fût déclarée vacante, et un curateur qui auroit occasionné des frais
énormes. Je ne la défends donc point par cupidité ; mais c’est
précisément parce qu’on n’élève de doute sur mes droits que pour
perpétuer le désordre, que je dois les établir, les défendre.
Eh puis , quel père pourroil souffrir qu’un caprice le raye de
$a famille, et menace son existence civile au nom d ’une sœur
q\ù avoit demandé et reçu de ce frère des pouvoirs illimités
pour défendre scs droits, comme on le verra bientôt; elle n ’en
disconvient pas.
J’ai dit que j’avois ote institué seul héritier par mon père; la
question de savoir si h sa mort j’avois conservé mes droits civils,
se résout par les faits et leur date.
O u i , j’étois absentquand mon père est mort; mais je n ’étois ins
crit sur aucune liste d ’émigrés ) je n ’avois point été déclaré en pré.
venlion d'émigration, ce qui tîroitbicn moins à conséquence pour les
droits civils qued'étre inscrit ; enfin je n’étois pas dans le cas de l’èlre.
�*» ■
( 6)
En effet, les perquisitions de ma personne, l’apposition des
scellés chez moi comme fugitif des mandais d ’a rrêt, faites à mon
domicile à Paris, ( domicile de droit par ma charge, domicile de
fait par ma résidence continue depuis quelques années dans la
maison dont le roi m ’avoit donné la jouissance, ) me classoient,
par actes émanés des autorités administratives et judiciaires, parmi
ceux qu’elles avoient obligé de f u i r , malgré leur volonté de
demeurer.
Une condamnation par contumace auroit pu me priver de mes
droits civils; il s’en seroit suivi une confiscation au profit de la
république, comme si j'avois été guillotiné ; mais cette contumace
n ’a jamais été prononcée.
11 y a m ie u x : le courroux qu’avoit excité contre moi ma con
duite près de Louis X V I , avoit été détourné par la réquisition
que j'avois faite à Dumourier à Liège, et à M . Dubois*-Thainville,
chargé des (i) affaires de France à la H a y e , de me recevoir pri
sonnier et de me faire transférer à la b a r r e , pour y défendre
Louis X V I ,
et y répondre aux faits qui m ’étoient imputés;
tous ceux qui avoient un rôle parmi les autorités ne partageoient
pas le délire ; quelques - uns d'accord avec le vénérable M . de
Malsherbes (3) m ’avoient su gré de ma démarche.
C ’est à leurs bons offices que j ’ai dû de n’avoir jamais été ins
crit ni sur la liste de la municipalité de Paris, mon domicile, ni
sur celle du département de la Seine, ni sur la liste générale
arrêtée par les ministres le 29 brumaire an 2..
Notez que celle-ci a été faite par recensement de toutes les listes
particulières de tous les départemens, de toutes les dénonciations
des divers comités des recherches, dont l'un , celui de Paris, pro
vocateur des poursuites faites contre moi.
( 1 ) J'ai leu r réponse en date des 14 décem bre 179a et 7 janvier 1 7 9 3 , annon
çant riífiírj aux m inistres.
( a ) J ’ai u n e ré p o n se d e M a lsh e rb e s en «late d u î a ja n v ie r 1 7 9 3 , <?crite d u T e m p lo
sou* la d ic té e d e L o u is
p lu s ailUL*.
XVI,
q u i d a ig n o it m e .q u alifier l'h om m e d o n t il c’toit le
�( 7 )
Mon père et ma sœur avoient fait valoir d'autres moyens à la
municipalité de Clermont et au département du Puy-de-Dôm e:
inutile de rechercher pourquoi on ne m ’y a voit pas inscrit, il
suffit du fa it que je ne l’étois pas. L ’inscription est un fa it qui
se constate par des registres et listes authentiques ; par conséquent
il ne peut jamais être incertain: o r, il est prouvé par les listes,
par attestât de M . le préfet, par un autre de M . le maire de Cler
m o n t, que je n ’étois inscrit sur aucune liste générale, ni parti
culière, ni supplémentaire, avant le 18 germinal an 2, date de
mon inscription à la municipalité de Clermont.
Je n’ai été inscrit sur la liste départementale que le 7 floréal
suivant.
L ’une et l’autre inscription ont été provoquées par l’espèce de
dénonciation publique, résultante de ce queMad. Aubier a demandé
son divorce comme abandonnée pour cause d’émigration (1).
( 1 ) Madame A ubier a toujours mis tant de franchise dans scs caprices à mon
égard , que je ne peux, pas la soupçonner d ’avoir co n çu , dirigé ce qui s’est pratique
pour Son divorce.
Il étoit si aisé de divorcer le 6 frim aire an a , qu’il devoit lui suffire de m otiver
sa p étitio n , sur l'incom patibilité d’humeur déjh prouvée p a r la séparation depuis
a o ans , et la transaction sur p ro cè s, de 1 7 7 9 , qui régloit tout.
E lle donna sa confiance à quelqu’un qui voulut en faire une occasion de forcer
la m unicipalité de C lerm on t, où se portoit la p étitio n , à m’inscrire sur la liste des
émigrés où je n ’étois pas : à cet e ffe t, sans p arler de l ’incom patibilité , il fonda la
dem ande en divorce , sur la supposition que p a v o is abandonné ma fem m e pour
¿m igrer : il fortifia cette dénonciation par un prétendu acte de n o to rié té , disant
que j’ avois abandonné ma fem m e pour é m ig r e r, quoiqu’il fût notoire à Clennont
que nous étions séparés depuis ao a n s , et que les poursuites du tribunal révo
lutionnaire m’avoient em pêché de revenir a Clerm ont : il y joignit un prétendu
certificat d’adinihistrateur du d ép a rtem en t, disant que j ’étois déjà iu s c r it , quoi
que les listes et registres fissent foi du contraire.
Je suis fondé à d it s que cette pièce est fa u sse , parce qu’aucun des administra
teurs n’a été capable
de certifier un fait dém enti par les actes
authentiques
dont il est dépositaire.
C est cependant sur cela que le divorce f u t prononcé pour f a i t d ém igration e t
d 'in scr ip tio n , le C frim aire au 3 , par É sop e
T ru ch o n ,
ci-devant François*
�Mon père cloit mort le a/j brumaire an 2; par conséquent mes
droits civils et successifs n’avoient alors reçu aucune atteinte; par
conséquent j’ai été saisi dès l’instant même de sa rnort de tout ce
qu'il laissoit.
Supposons que j’en eusse été exclu; j’ai dans mes mains un
testament de mon père, par lequel, en profitant de la faculté
qu’il s’cn étoit réservé par mon contrat de mariage, il a nommé
mon fils aîné son seul et unique héritier, dans le cas où je ne
pourrois pas profiter de son institution en ma faveur.
E tienne , ce sont les term es de Pacte fait en séance publique de la m unicipalité ;
ce qui mit. la m unicipalité dans la nécessité de m’inscrire le 18 germ inal suivant.
Si Mad. A u b ier eût été capable de p areille dénonciation, elle en eût été détournée
par intérêt pour ses enfans et pour elle-m êm e ; car il étoit bien évident que cette
dém arche amenoit mon inscription et la confiscation des biens de mon père , sur les
quels elle avoit 41,000 1. provenant de la vente d’une m aison, rue de la T r e ille , et d’un
bien à Romagnat e tc ., dont le p rix avoit été p lacé par son père chez le m ien, et que cette
dénonciation’ l’exposoit à tous les genres de responsabilité envers moi. A ussi a-t-elle
eu ensuite la sagesse de ne faire aucune poursuite contre moi p ersonnellem ent; elle
s’est fait liquider contre la république par arrêté du d é p a rte m en t, du i 3 fructidor
an 8 ,
pour les 4>>°o° liv .
ci-d e s su s , à quoi se m ontaient toutes scs reprises
quelconques ; elle s’en est p ayée aussitôt par sa mise en possession de C rèvec œ u r , domaine acheté pour ses enfans , sur lequel la transaction de 1779 asseyoit
tout ce qu’elle pourroit jam ais prétendre , m êm e si son divorce étoit ré g u lie r:
cette transaction fut rédigée alors p ar M. Redon son a v o c a t , de l’avis de toute la
fam ille de M ad. A u b ie r , alors m ajeure , qui la sig n a , autorisée par son p ère et par
ju s tic e , et assistée de M. G ro s , représentant sa fam ille.
Par respect pour les principes , et pour que mes enfans ne pussent pas me repro
ch er d’avoir négligé les précautions de sûreté pour la conservation de propriétés
dotales qui lui sont échues depuis son divorce , jo lui ai fait notifier par deux
notaires m* protestation m otivée.
A u re s te , Ici actes sur lesquels M ad. A u b ier s’ est fait liq u id e r, p rouven t que
personnellem ent jo n’ai jamais reçu un sou de sa d o t , ni été mis en possession d ’un
seul héritage.
C ’est dans les mains de Mad. A u b ier qu’est dem euré le, porte-feuille de «on
p è r e , formant toute sa fo rtu n e , lors de sa m o r t, eu mon a b se n ce , parce qu ’il
avoit tout v e n d u , même la succession de scs sœurs
et son m obilier par antici
pation : cela est p rouvé p ar acte public.
D ’autres nctes constatent que depuis 1773 , c est Mad. A ubier qui a t o u c h é tout
revenu , que je suis seul dem eure chargé des trois enfans.
Ainsi
�( 9 )
.
O r , non seulement mon fils aine n ’a jamais ¿té inscrit, mais
même, par décret spécial du 5 germinal an 12 , il a été conservé dans
ses droits. Ce testament réduit ses frères à la légitime de droit.
D ’après ce testament, ce ne seroit ni ma sœur, ni les mineures
Lam onteilhe, ni mon fils de Rioux, qui pourroient profiter de mon
exclusion , si elle pouvoit avoir lie u , ce seroit mon fils aîné.
Je me plais à remarquer que ce testament m ’a été remis par ma
sœur; alors elle n ’écoutoit pas les conseils qui la dirigent en ce
moment.
Si M . et Mad. de St. Mande vouloient me contester la qualité
d ’héritier bénéficiaire de mon p è re , ils devoient prendre qualité
d ’héritier pur et simple; c'est ce dont ils n ’ont pas voulu courir
les risques.
J’étois et je suis le plus ancien créancier de mon père pour des
sommes considérables.
II a laissé entre les mains de mon be au -frè re un long mémoire
écrit et signé de sa main, où il se reconnoit mon débiteur de 80,200!.
C e mémoire 11e peut pas être s u s p e c t , puisque mon père y déclare
l ’avoir fait, parce qu’on lui avoit dit que je voulois révoquer mes
précédentes garanties, et que dans cette crainte il vouloit réunir
tout ce qu’il croyoit pouvoir faire réduire mes droits , accroître
ceux de mon frè re , et dispenser ma sœur de se servir de mon acte
de garantie.
A in si c’est pour donner des ridicules à M ad. A u b ie r , qu’on lui prête d ’avoir dit
que j’ai eu 200,000 liv . d’elle : il est vrai q u e , lors de son m ariage, son père annonçoit que j ’aurois de lu ia o o ,o o o liv . et le double de Mad. de C h azerat; mais, outre
qu il y avoit en cela mémo de 1 exagération , je n en ai jam ais rien reçu que l’hon
n e u r ’de p ayer des dettes , et le plaisir .de lui être utile dans le procès Chazerat.
A u r e s t e , M ad. A u b ier n a probablem ent jam ais lu ce qu’elle a signé contre
moi et contre scs enfans ; car son conseil lui a fait présenter de plus au d istrict,
des déclarations dcnonciativcs contre scs enfans du même genre que contre moi »
heureusem ent qu’on les dédaigna, qu’ ils n’ont jam ais été in scrits, que innsccur leur
obtint certificat de lion in scrip tio n , et que j’ai obtenu pour eu* deux décrets spéciaux,
des 3 frim aire et 5 germ inal an 1 1 , qui m aintiennent leurs droits.
Mais in tcn n éd iaircm en t, elle leu r a occasionné de grandes p o rtes, a retardé leur
rentrée , et leur a fait c o u r ir , sans en
avo ir
l'intention , de grands dangers.
Ii
v
�L e .rapport à lui fait étoit de toute fausseté, puisqu'au contraire,
en toute occasion, j’ai ratifié et renouvelé mes actes de garantie (i).
11 me seroit aisé de prouver que cette prévention l ’a conduit à
près de 20,000 liv. d’erreur à mon préjudice, telle que celle de
m ’imputer sur les capitaux des payemens faits pour intérêts réel
lement dus.‘Mon père se laissoi t gouverner alors par l ’a d u la t i o n ;
je le servois b ie n , lui étois bien soum is, mais je ne savois pas
l ’aduler comme d ’autres.
Il est reconnu que postérieurement à cette reconnoissance de'
80,200 liv., j ’ai emprunté pour mon père , à Paris, et lui ai livré
9,000 liv. par lui employées à achever de solder Sauset ; 'ce qui
porteroit mes créances à 109,000 liv. Si on y
toutes les sommes à moi dues depuis 1 7 9 1 ,
créances à plus de 200,000 liv. , et quiconque
de la qualité d’héritier de mon père, par une
s im p le , deviendrait mon débiteur de tout.
joint les intérêts de
cela porteroit mes
voudroit m ’exclure
acceptation pure et
Si ma sœur avoit conservé quelque doute, ce seroit parce qu’elle
ne se seroit pas donné le temps de lire les papiers de mon père ,
quand elle les fit retirer du lieu où mon père les avoit fait enfouir
par D efforg es, serviteur et ami de la maison; elle les fit jeter par
celui-ci dans la fosse d ’aisance ; elle peut avoir cru qu’il étoit
prudent de cacher au district mes créances , pour être plus libre
dans les démarches qu’alors elle vouloit essayer en son n o m ,
comme elle me le manda, pour me sauver quelque chose.
Plus d'un an après, en 1795, j ’ai'dû penser qu’elle avoit trouvé
( 1 ) Outre les garanties que j’avois données à mon frire c l nia sœur , j avois
ratifié et cautionné la vente faite par mon p o r c , avant ou après mon m ariage, de sept
domaines à A ugerolle ; «le trente journaux de terres et dix-sept journaux de p r is à
M o n t-F erran d , de la maison à Clcrm ont ; des Liens de R io u x , montagne de Lamonteilb e et C licz-Jam bcl. •
Il avoit trouvé les liiens de sa fam ille en saisie réelle , et a tout p ay é par. des
ventes g ra d u elle s; il est reconnu que je n’en ai jamais touché un
so uî
il vouloit
nantir tous intéressés de ma ga ra n tie, crainte que je ne mourusse avant l u i , et que
mes cu faiu ne fussent pas aussi soum is.
_
�(( 1 1
^
1)
dans mon propre secrétaire les papiers qui devoierit justifier toutes
mes créances; en e ffe t, lui ayant demandé si elle avoit sauvé
les papiers de ce secrétaire, elle m ’envoya par M . Barthélém y,
aujourd’hui sénateur, alors négociateur à Basle, une bague que
j ’avois laissée dans le même tiroir, comme preuve, disoit - elle ,
qu?aucun furet n’y avoit mis le nez.
A u reste,- M . et Mad. de St. Mande sont payés de to u t, et
munis de ma garantie: mon frère est m o r t , je suis son seui héri
tier, en vertu de la renonciation de ma sœur à toute succession
collatérale, dont j’ai acquitté le prix. Ainsi il ne peut plus y avoir
lieu à discuter entre eux et moi, sur l’antériorité, le privilège, l ’éten
due de mes créances ; je ne puis en avoir besoin que contre des
étrangers, s’ ils me recherchoient, et j’ ai encore plus qu’il ne faut
pour leur prouver la légitimité de mes créances.
M on frère ayant péri révolutionnairement à L yo n , bien avant
mon inscription, tout ce que je viens de dire quant à la succession
dém on père, s’applique également à celle de mon frère; j ’ai été saisi
de droit de tout , en vertu de la r e n o n c ia tio n de n ia sœur.
Les lois nouvelles, qui ont supprimé les forclusions coutumières,
ont conservé toute leur vigueur aux renonciations conventionnelles :
ainsi nulle difficulté.
J’ajoute, pour ne plus revenir sur cet objet : ma sœur n ’auroit
rien gagné à ne pas être forclose ; le refus de la restitution deé
40,000 li v ., en numéraire ou en lettres de change, trouvées sur
mon frè re, et la confiscation de ses biens, ont fait que le peu de
débris qui ont été sauvés ont été absorbés par ses dettes (1).
2 .e O
bjet
.
Rachat de mes biens.
Sur ce point les détails sont très-importans.
Les biens à moi dévolus par la mort de mon père et mon frère
( 1 ) L es hospices , HIM. Poisson , Chazelède , P e t i t , M ercier, Brufle, etc. , peuvent
X
?
attester avoir été p a y é s , en n um éraire, par ma s œ u r, pour mon co m p te, ou par
moi-m um e, sans qu’un seul ait reçu d’assignats, ni élé renvoyé au grand-livre , tandis
que ceuv qui me critiquent ont p ayé en assignats d ép réciés, quoiqu’ils n’aient pas
éprouve' comme nous confiscation.
B
3
�( 12 )
avant mon inscription, étoient sous le séquestre; j ’étois à Berlin
lorsque M . Barthélémy, négociateur de la paix de Basle, voulut
bien faire passer à ma femme et à ma sœur des lettres par lesquelles
je les priois de s’entendre entre elles et avec moi , pour procurer
la rentrée de mes enfans et la mienne, et sauver notre fortune.
M ad. Aubier répondit aussitôt franchement par un refus.
M a sœur me laissa deux mois sans réponse.
J’allois faire comme d ’autres émigrés en Prusse, accepter les
bons offices de banquiers de Berlin trafiquant en France , d ’y suivre
mes affaires, et de racheter au besoin mes biens, pour mon compte,
lorsque je reçus réponse de ma sœur.
Elle m ’offroit ses services, m ’apprenôit, comme je l’ai d it ,
que son mari ne vouloit avoir aucune relation avec les agens na
tionaux pour les 12,000 liv, à lui dues; me représentoit que si je
donnois mes pouvoirs à ma fe m m e , et que c e l l e - c i rachetât
mes biens , comme elles étoient mal ensemble , elle la renverroit
sur le grand livre: elle m ’ajoutoit tous les détails qu’elle croyoit
les plus- propres à m ’inspirer plus de confiance en elle qu’en ma
fem m e; elle ne mettoit aucune autre condition à son offre de se
charger de mes pleins pouvoirs, que celle d ’être payée en numé
raire des 12,000 liv., reliquat de sa dot.
Je l’acceptai.
Les premiers pouvoirs que je lui ai envoyés étoient confiden
tiels ; la circonstance l’exigeoit : le Code Napoléon a confirmé ce
principe de tous les temps, q u ’ ils peuvent être donnés par lettres;
ils étoient illimités pour toute demande en radiation, rentrée,
réclamation de biens, rachat, au besoin, etc.
Sur ces entrefaites , M ad. Aubier me somma par lettres de lui
renvoyer ses enfans; l’ainé et le troisième étoient avec moi, l'autre
à la Martinique.
Je lui offris de lui envoyer sur le champ le troisième, comme le
plus intelligent et le plus disposé à rentrer aussitôt en France.
J’attendois le passe-port qui m ’avoit été promis à Basle, quand
je reçus une lettre de ma femme qui s’opposoit fortement à ce
�(
*3
)
retour : je l ’ai, elle est d’avril 1795 ; ma femme m ’y faisoit en-*
tendre que mon fils éloit sur la liste , ce qui n ’étoit pas vrai: ma
sœur, qu*e j’avois consultée, en parloit de même.
J’envoyai bientôt après à celle-ci une procuration notariée.
Dans les suites je lui en ai envoyé une légalisée par le ministre
de France à Berlin.
Je le remarque, parce qu'il a\oit ordre de refuser des légalisa
tions aux Français inscrits sur la liste; il me l’accorda, parce qu’il
savoit que le conseil exécutif avoit pensé que je pouvois être classé
parmi les évadés du tribunal révolutionnaire.
M a sœur me manda que M ad. Aubier la tracassoit, en m'observant avec raison, qu’il y avoit entre elles celte différence, que
M ad. Aubier vouloit avoir mes biens pour elle seule, en refusant
de s’engager à rien , pas même envers ses enfans, tandis qu’elle
( ma sœur) ne vouloit rien pour elle que ses 12,000 l i v . , ne vou
loit sauver que pour m oi, ou si je mourois avant d ’être ra yé , pour
mes enfans.
M a s œ u r m e d i s o i t q u ’ a tle n d u q u e je n e p o u v o is p a s s a v o ir c o m m e
e lle c e q u e les c ir c o n s ta n c e s d e m a n d o i e n t , il n e fa llo it é c r ir e à
ma femme et à mes enfans , que dans le sens que ma sœur m ’indiqueroit.
Peu après, mon fils, excité par sa m ère, ayant écrit à ma sœur
sur un ton qui annonçoil qu’elle seroit tracassée si je mourois avant
d ’être rayé, je fis souscrire par chacun de mes trois enfans un
écrit portant qu’ils adhéroient d ’avance à tout ce que ma sœur
auroit fait de concert avec m o i , et acceptation de tout ce qui auroit été réglé entre elle et moi.
L ’espoir d’obtenir mes biens sans les soumissionner fut prolongé
lo n g - te m p s , parce que plusieurs personnes inscrites sûr la liste
après s’étre soustraites à des mandats d’arrêt, obtinrent s u c c e s s iv e
ment leur radiation et la restitution de leurs biens ; les négociateurs
de Haslc voulant bien m ’appuyer, cela d e v o it me réussir.
Mais malheureusement ma famille hasarda , sans mon aveu,
�de dire au département qu’un article secret de Basic m ’accordoit
ma radiation et la restitution de mes biens ; cela fut mandé aux
ministres ; cette supposition les courrouça. Ils repoussèrent les
sollicitations qu’avant ils écoutoient avec indulgence.
M a femme acheva de tout perdreen allantàParis produire partout
l ’acte de divorce prononcé pour fa it d’émigration', en cela elledonnoit un démenti aux notes données en ma iaveur par le ministre
de Prusse appuyé par M . Barthélémy.
En y joignant l’inconséquence de demander, sur le fondement
de mon émigration, la cession gratuite de mes biens, elle occa
sionna l’ordre de les vendre.
M a sœur, avertie par un ami qu’un étranger alloit les soumis
sionner, étant déjà munie de mes pouvoirs illimités, les soumis
sionna sans avoir le temps de me consulter.
J’ai dit en débutant qu’elle avoit déclaré en séance publique
qu’elle achetoit pour moi.
Je le répète avec rcconnoissance, la difficulté des circonstances
augmentait le mérite de sa conduite, quoiqu’aucune loi ne le lui
interdit. A u contraire, la loi romaine, alors en vigueur, dit que
l’achat est un contrat du droit des gens que le banni à perpétuité
peut faire faire par mandataire.
Ce principe n ’a point ¿té abrogé depuis par aucune loi ; la Cour
de cassation l’a reconnu par deux arrêts postérieurs à la publi
cation du Code Napoléon ; l ’article 2 de celui-ci dit en maxime
f o n d a m e n t a le que la loi n ’a point d’effet rét oactif; ainsi quand
011 y trouveroit matière à douter sur cette question, cela seroit
indifférent.
M . Caillard , ministre de France à Berli n , disoit à ce sujet : « Il
» est de l’intérêt politique de la France de le tolérer, pour faire
» rentrer les fonds sortis par les émigrés, ceux qu’ils peuvent gagner
» hors de France, et les rattacher à leur patrie en attendant
» qu’une amnistie les rappelle. »
Et qu’on ne dise pas que cette idée d ’amnistie n’étoit pas encore"
venue , elle étoit déjà venue au moins pour les fugitifs du tribunal
�( i5 )
révolutionnaire : c’est ce qui résulte d’une réponse du Directoire,
me concernant, faite à M. Sandoz en mars 17 9 6 ; j ’en ai la
preuve écrite.
J’avois ignoré l’urgence du rachat; j’avoue que dans le premier
instant je crus que ma sœur s’étoit trop hâtée; mais je n ’en fus
pas moins empressé à avouer, a ratifier ce qu’elle avoit fait ; je
lui envoyai une nouvelle procuration, non seulement pour la ges
tion , comme mon prête-nom, mais encore pour les reventes par
tielles nécessaires pour se libérer, tant des emprunts faits pour
l ’achat que pour diverses dettes , notamment pour payer à son
mari les 12,000 liv. à lui dues, et à ma tante Ducrozet ce qui lui
étoit encore du par mon père, etc. etc.
L e retard de la soumission, occasionné par nos espérances, nous
coûta de payer le quart en numéraire et le reste en mandats. Nous
avions cru bien faire.
M a sœur annonça aussitôt publiquement mes pouvoirs; elle
m e m a n d a q u 'il n’y a v o it p a s u n d e c e u x à q u i e lle r e v e n d o it , q u i
e û t a c h e té , s ’il n ’a v o it p as su q u e c ’é lo it p o u r m o n c o m p te .
M . D e b e r t , ju g e d e p a i x , é t a n t en m a r c h é d ’u n e te rre , d e m a n d a
q u e je lu i é c riv is se q u e je F a p p r o u v o is ; je le fis.
M . Gorce, notaire à Monl-Ferrand , chargé des ventes , ayant
fait marché pour lui-même de 4° œuvres de vignes , voulut que
l’acte notarié fût différé jusqu'à mon retour, afin que je le signasse;
cela s’est fait.
Enfin ma sœur me mandoit par une lettre que j’ai encore, « Si
» les gens de Sauzet croyoient que je n ’ai pas acheté pour toi,
» ils me chasseroient. »
J'ai dit ci-devant que j’avois emprunté pour mon père et mes
enfans ; toutes les fois qu’il en a été question entre ma sœur et
m oi, elle ni a répondu : « Comme c est pour toi seul que j ’ai a ch e té ,
» comme.je ne suis que ton prête-nom, ton homme d’affaires pour
v tes biens, c’est à toi seul à renouveler les effets des dettes dont tu
» voudras que les biens soient chargés. »
C est sur la ioi de c e s diverses p ro m e s se s que j'ai renouvelé seul
�les engagemens des emprunts faits par mon p è re , ou de ceux faits
par mes enfans.
Si j’avois douté de ma sœ ur, jemeserois bien gardé de les signer.
M . de S a n d o z , ministre du roi de Prusse à Paris , ayant obtenu
ma rentrée sous surveillance préparatoirement à ma radiation ,
je suis arrivé à Clermont en fin de mars 1801.
T o u t aussitôt chacun des acquéreurs a voulu que sans attendre
ma radiation, je donne les ratifications promises par ma sœur de
ma part; je lésai données , à mesure que ma sœur me les proposoit,
et en sa présence.
M a sœur voulut aussi que sans attendre ma radiation, un acte
constatât qu’elle avoit rendu le compte qu’elle reconnoissoit devoir
comme le doit tout mandataire, pour tout ce qu’elle avoit acheté,
revendu , géré pour mon compte.
Il a été signé , le 8 mai 1801 , entre elle et m o i , en présence
de mon fils Lamonteilhe et de quatre parens ou amis. Elle y reconnoit avoir acheté mes biens pour me les conserver.
Il finit par une promesse de faire la transmission définitive de
t o u t , dès que je serai rayé.
La joie de me retrouver dans ma patrie, au sein de ma famille,
après tant de crises, achevoit d'effacer de mon souvenir tout ce
(pii avoit pu jadis m’y mécontenter: j ’avois toujours été , sans
rancune, disposé à chercher l’interprétation la plus aisée à excuser,
croyant aux bonnes intentions de mes proches dès qu’il y avoit
p o s s ib ilit é de* me faire illusion, parce queje suisné confiant, aimant.
Cela encouragea mon fils Lamonteilhe à m'annoncer son Incli
nation pour ma nièce Cham pflour, V e Bullion , et qu elle partageoit scs sentimens: ma nièce nie ravoua. Ils me proposèrent de
consentir à leur union; ma sœ ur, mes autres parens me pres
sèrent de donner cette grande preuve d ’une parfaite réconciliation.
La douceur de caractère que j’avois toujours connue dans ma
nièce, sa conduite avec son premier mari et ses parens, l’impres
sion qu'avoil laissée dans mon cœur les vertus, les belles qualités
de ma respectablemere , née Chanipfiour, celles de M ad..Blau, et de
tant
�( *7 )
tant d’autres demoiselles Champflour qui avoient fait le bonheur
des maisons où elles étoient entrées, me décidèrent en faveur de
ma nièce Champflour, V e Bullion.
Je promis tous les avantages qui seroient à ma disposition ; je
n ’étois pas encore rayé : ma radiation étoit entravée, parce qu’oa
avoit mis à ma charge, devant la commission des émigrés, des
imprudences graves d’un de mes parens , de même nom ,
prénom ( i ) , de même commune et même département, mon
filleul , en écartant son surnom particulier j il étoit absent.
Cela seul m ’avoit fait suspendre mes démarches : si je ne les eusse
pas suspendues, j’aurois eu ma radiation avant le mariage.
Cependant mon fils Lamonteilhe et sa future craignoient que
je ne mourusse avant d’être rayé, ce qui les auroit privés d ’un don
régulier des avantages.
Je consentis, en prévoyance de ce cas, à nantir mon fils L a
monteilhe du bien de Sauset, en considération de ce mariage, et
et à le fix e r sur sa tête.
J ’avois annonce ce projet par une clause de l’acte du 8 mai précé
dent ( époque où on m ’avoit déjà proposé ce m a r i a g e ) ; elle portoit
q u e la transmission définitivedecedontma sœurdemeuroit ma d é p o
sitaire, ne pouvoit avoir lieu qu’après ma radiation : je me pro
posons de fix e r les principales propriétés sur la tête de Lamon
teilhe , si avant ma radiation il trouvoit un mariage qui me fût
agréable.
C ’est moi qu i, à la suite de quelques conférences avec M . Pages,
avocat de M . Cham pflour, ai rédigé l’acte de l’assemblée de famille,
sous seing-privé, en date du 10 prairial an y , par.lequel, en ma
présence et de mon consentement, ma sœ u r, mon prête-nom et
( 0 On lie peut pas clouter de cela j ¡1 y a eu audition de 18 témoins à la préfecture
do I’ uris pour écarter l'iden tité ; et lu i-m im e, à son reto u r, a signé chez L asteyras,
notaire , I acte de notoriété de non identité. Il eut été très-com prom is, si je ne lui
eusse pas donne le temps de rentrer , de se mettre en règle avant l'exam en «le >na
demande eu radiation: on verra ensuite que cette com plaisance est la source de ce
procès.
c
�mon chargé de pouvoirs, a subrogé mon fils Lamonteilhe quant
à Sauset.
Par une clause préparatoire d'un partage définitif entre lui et
ses frcres, Lamonteilhe y délaisse à ses frères, en retour de lot
anticipé , son tiers dans le domaine de Crèvecœur, acheté sous le
nom de mes trois enfans, mais payé par moi. Il y est stipulé que
chacun des deux frères recevra, à ma mort, un préciput de quinze
mille livres à prendre tant sur ce qui leur viendra de m oi, que de
ce qui viendroit de toute autre source , du côté paternel, de quel
que branche que ce soit.
L e vague de cette expression fut convenu en prévoyance de
ma mort avant que je fusse r a y é , pour que ce préciput s’exécu
tât sur ce dont ma sœur demeureroit encore mon prèle-nom.
Cet acte est signé par vingt-cinq membres de la famille et deux
jurisconsultes.
C ’est M . Pages qui a rédigé le contrat de mariage , par lequel,
sans autre litre que la permission que je lui en avois donnée la veille,
mon fils s’est constitué le bien de Sauset.
L a délicatesse de M . Pagès assure qu’il ne vouloit pas plus que
moi frauder la légitime de mes autres enfans; il connoissoit les
lois mieux que m o i, mais il étoit comme moi induit en erreur
sur le fait de la valeur des objets composant la masse, et tout le
monde disoit alors que Sauset étoit loin de valoir moitié de la masse.
C ’est M . Cosle , homme d’affaires de M . Champflour, q u i ,
guidé par celui-ci, a rédigé la subrogation notariée du 8 fructidor,
trois mois après le mariage : on l’a obtenue de moi en me disant
que les colons faisoient difficulté de reconnojlre mon fils pour
leur maître; qu’on ne pouvoit pas se s e r v ir de l'acte sous seing
privé pour les y forcer. Je fis quelques difficultés sur ce qu’on avoit.
supprimé la clause accordant à chacun de mes autres enfans i 5 ,ooo
livres préciput sur le reste do mes biens : on l’avoit remplacé
par une clause par laquelle mon fils renonçoit à ma succession
et à toulcsuccession paternelle. On inc dit que c’éloit pour épargner
des droits , et on m'offrit une contre-lettre également rédigée par
�M . Coste, guidé par M . Champflour, portant que cette subroga
tion n’étoit qu’une simple ratification de l’acte de famille.
En m ’observant qu’il y avoit dans le reste plus qu’il ne falloit
pour la légitime des autres frères, que la loi veilloit pour eux , on
obtint à force d’instances ma signature; cela se passa dans la
chambre de M. d ’Orcières, devant lui; M . Duranquet-Montluc
y a assisté à une partie des conférences.
La conduite de Mad. Lamonleilhe avec son mari a justifié la
bonne opinion que j’avois de son caractere.
Sous beaucoup d'autres rapports , les espérances, les assurances
que m ’avoit données sa fam ille, n’ont pas été remplies : je m ’ex
p liq u e r a i davantage quand on le voudra.
Pour moi, je suis coupable envers mes autres enfans; mais c’est
seulement pour avoir eu trop de confiance dans le tableau esti
m atif, en actif et passif, de ce qui m'avoit été sauvé, qui me fut
fait par ma famille, plus spécialement par ma sœur. Je connoissois
d ’autant moins les biens, que mon père avoit tout régi sans permettre
que je m ’en mêlasse, et que Ja révolution avoit renversé les notions
imparfaites que j ’a v o is pu a v o ir.
Dans ce tableau, Sauset étoit estimé 60,000 liv ., tandis qu’il
vaut plus du double.
Les liquidations en divers articles considérables, à nous dues
par l ’É t a t , que je destinois partie à mes autres en fa n s, partie à
payer les dettes, y étoient présentées de manière à me persuader
qu’elles iroient à 80,000 liv., et présentées comme assurées, tan
dis qu’après le mariage il ne s’est trouvé en règle qu’un seul petit
article qui a fait 1900 liv.
L e passif y étoit extrêmement rabaissé, dissimulé.
Enfin, jugeant des sentimensde ma famille par les miens, j’avois
cru qu’en supposant qu'il y eût des erreurs , mes enfans s’en fer'oicnt
amiablement raison lors d'un partage définitif.
Je croyois encore à la solidité des liquidations, et j ’élois encore
dans l’erreur sur la valeur de Sauset, lorsque par sous-seing privé
du 18 prairial an 9 , je déchargeai Lamonteilhe de la dette de i 5, 5oo
C 2
�liv. restée à la charge de Sauset par l’acte de mai i 8 o r ,d e lui signé,
commeprovenant de l'emprunt fait pour l'achatde Sauset, etlorsque
par autre sous-seing privé avec ma sœur et l u i , du 26 messidor an
9 , j’en chargeai le verger entre le s deux villes, demeuré sur la tête
de ma sœur comme mon prête-nom; enfin, lorsque lassé d’être
tourmenté par mon troisième fils pour vendre le verger, et em
barrassé de ce que ma sœur disoit qu’elle étôit prête à le faire si je
l’autorisois, je Assigner, le 5 fructidor an 9, une convention portant
qu’il ne seroit point aliéné, ni par moi, ni par mes e n fa n s, si je
le leur partageois (1).
L e mécontentement de mes autres enfans est fondé , parce que
je me suis mis hors d’état de pouvoir les aider autant que je voudrois;mais il me semble que j ’ai fa it, dès 1802, tout ce qui devoit
m ’excuser, en consacrant aux dettes qui devoient rester sur le ver
ger qu’ils doivent avoir à ma mort , non seulement tous les reli
quats de vente, de rentrée et tout le revenu de ce verger, dont
je devois jouir seul pendant ma vie, mais encore les petites réserves
viagères destinées à ma propre subsistance, établies sur Sauset, et
quelques reliquat d’affaires.
M on amnistie est du 23 fructidor an 10. Avec la permissiondu Ier
C o n su l, je suis retourné , en novembre suivant , en Prusse, où la
bonté du roi me conservoit un état honorable et des ressources.
J’y avois de plus des espérances de fortune pour mes autres
enfans, qui pouvoient me mettre dans le cas non-seulement de
confirmer le don de Sauset en entier en faveur de Lam onteilhe,
mais peut-être d ’y ajouter.
Avant mon départ, ma sœur à qui j ’avois donné de nouveaux
pouvoirs ( en vertu desquels elle avoit géré mes affaires pendant
mon séjour à Paris, de novembre 1801 à novembre 1802 ) , me
rendit un nouveau compte , toujours disant qu’elle n ’étoit que mon
prête-nom , qu’il lui i'alloit un apurement de compte : il a été
( 1 ) 11 faut garder du pain m algré eux aux eufaiis quî veulent tout faire vendre.
�21 )
clos par une décharge que j’ai donnée en marge de celui quVUem ’aToit rendu le 8 mai 1801 : je lui ai donné de nouveaux pouvoirs
pour administrer pendant mon absence.
Pendant mon séjour à Berlin, j'ai été dans le cas de m ’aperce
voir qu’on la travailloit contre moi ; les absens ont tort : l’art. 17 du
Code avoit donné lieud’espérer de pouvoir attaquer mesdroits. Pour
y remédier j’ai obtenu d e S .M . l’Empereurun décret, en datedu 10
brumaire an i4> q u i, en me permettant de garder la place de
chambellan du roi de Prusse , me maintenoit dans tous mes droits
civils et dans ma qualité de Français : je l’envoyai â ma sœur pour
le présenter à M . le préfet; elle s’y refusa : ce refus annonçoit le
plus grand changement dans ses dispositions pour moi : au bout
de 6 mois de prières inutiles , j'eus recours à M . de Trémioles qui
s’en acquitta.
Cependant elle a continué avec zèle la gestion de mes affaires ,
m ’envoyant exactement les rentrées: elleétoit devenue plus minu
tieuse pour les quittances; mais, en cela m ê m e , elle confirmoit
Ce qu’elle mandoit e n c o r e , q u ’e lle ctoit d d p o sita ir e d e m e s pro
priétés, mon homme d affaires, expression qu’elle employoit ,
sans quoi je ne me la permettrois pas.
L ’année précédente, j ’avois obtenu pareil décret pour chacun
de mes enfans.
Toutes nos liquidations ont péri parl’çffet de deux décrets géné
raux de 1808 et 1809, parce que la réclamation n’en avoit pas
été introduite avant l'an cinq. Ce m otif de forclusion n ’avoit pas
encore été publié lors du mariage : ce n ’est pas par ma faute,
puisque je n ’ai eu la permission de revenir en France qu’en l’an
9 ; et si' la faute pouvoit en être imputée à quelqu’un , depuis le
mariage, ce seroit à Lamonteilhe, que l’acte d é n ia i 1801 char. geoit des affaires communes.
A in s i a péri par le fait du Gouvernement, depuis le mariage
de Lam onteilhe, ce qui ctoit destiné à la légitime de scs frères,
ou à payer 1GS dettes.
J’avois compté sur cette ressource pour les 30,000 l i v . , reliquat
�des emprunts faits pour mon père et mes enfans , dont je me
suis chargé, savoir, i 5 , 5oo l i v . , dette pour ç auset déjà expliquée,
et 6,5oo liv. , reste d ’emprunts faits pour les affaires et les pro
priétés en commun de mes trois enfans (i).
Excessivement embarrassé, j'ai sollicité du porteur des effets
un arrangement; il s'y est prêté, parce qu il a vu que mon em
barras ne venoit pas de ma faute. H m'a donné les dehiis les plus
commodes , en morcelant et graduant par année le rembourse
ment du capital, moyennant l’intérêt au taux du commerce, à 6
pour i o o , décroissant à mesure des payemens.
J’ai promis de justifier dans l’année de propriétés le garantis
sant contre le cas de ma mort avant d ’avoir tout payé; c’est ce
qui me presse d ’agir.
Intermédiairement, ma sœ ur, comme mon fondé de pouvoir,
a emprunté 5 ,oooliv. , qu’elle a prêtées à Mad. Aubier: j’en paye
3 oo liv. rente viagère, sur la tête de Mlle. Debar et de sa nièce.
Pour faire face à tout cela , j’ai été obligé de retirer 5 oo liv.
par an sur les Soo que j ’avois attribuées à mon troisième fils.
Par lettre de novembre 180g , ma sœur qui avoit paru jusquelà préférer de garder la gestion de mes affaires et ma propriété
sur sa tê te , m ’a annoncé qu’elle vouloit en être déchargée. Elle
a ajouté qu'elle sauroit m ’y obliger.
Je ne peux pas deviner la cause de ce ton de menace ; c ’étoit
m ’imposer elle-même l’obligation de lui demander la transmission
définitive promise par l’acte de mai 1801. Je l’ai fait ; elle l’a
refusée avec humeur.
On a vu dans la première partie qu’à l’occasion de la quittance
de 13,000 liv. que je demandois à son mari , on avoit fait insérer
dans le projet que celui-ci m ’ e n v o y a en juin 1790, la clause que
je recopie ici :
( 1 ) Je n’y com prends pas 5 , 5o<> liv. d’emprunt fait pour l’ctnlilioscment de mon
fil» a în d , par mon canal et avec ma signature , parce que c’est sa dette p articu lière,
il devroit la rapporter à la masse , si je p arois pour lui comme sa caution.
�Emmanuel Aubier contracte Vobligation de ne rien répéter
de sa sœur pour la gestion et administration qu’elle a fa ite
pour lui , ni a u t r e m e n t .
II y a une singulière contradiction entre l’aveu qu’elle a géré pour
m o i , et cette exigence d ’une renonciation générale à rien répéter de
tout ce dont elle étoit encore dépositaire pour moi. On est bien
plus frappé de cette contradiction , quand on lit quelques lignes
plus bas , dans ce projet écrit de la main de M . de St. M a n d e , que
ma sœur a tout fait dans les vues et la seule intention de sa u v er,
pour mon compte, les débris de ma fortune etd ecelled e mon frère;
la proposition de celte renonciation est tellement en contradiction
avec la noblesse de son caractère , avec les engagemens envers moi,
dont elle s’est toujours fait gloire .et mérite auprès de tous nos
compatriotes, qu’il m’ a été même impossible de croire que cela
fut sérieux.
11 étoit évident que ma sœur avoit été subjuguée par quel
qu’un qui vouloit me dépouiller. Je lui fis des représentations : pour
toute réponse , ma soeur me fait écrire par son mari de. prendre
les voies judiciaires ; il a jo u lo it t r è s - p o lim e n t cju’c l le le v e r r o it sans
a ig r e u r.
J’ai rappelé dans ma citation en conciliation devant le juge de
paix , que je ne prenois la voie judiciaire que parce que ma sœur
et mon beau-frère l'exigeoien t.
M . F aure, fondé de procuration spéciale, signée de M . et
M ad. St. M an d e, a comparu ; sans nier les faits , en se bornant
à dire que plusieurs étaient inutiles , sans rien opposer à la de
mande déduite , il a déclaré, au nom des deux , qu’il n’y avoit
pas lieu à conciliation.
On devoit croire que M . de St. M a n d e , disant qu’il n ’y avoit
pas lieu à conciliation, autoriseroit sa femme à plaider; il a refusé.
IVlon conseil a cru qu’en cela leur conseil vouloit se ménager le
moyen de revenir, au nom du m ari, contre le jugement que j ’aurois obtenu.
L a question de savoir si j’étois héritier de mon père, ou si
�c ’étoit sa fem m e, ne pouvoit pas se juger sans lui , puisqu’il
s’agissoit d'un droit dotal ; de plus , c ’étoit à lui à nie donner
quittance des 12,000 liv. reliquat de dot que je lui avois fait
payer. En conséquence j’ai demandé qu’il assistât personnellement
dans la cause ; et cela a été o r d o n n é .
J’ai dit en débutant qu’après des instances infinies , j’avois
obtenu de ma sœur de nommer un médiateur , et que le 2S juillet
dernier j’avois signé une tr a n s a c tio n rédigée par ce médiateur.
Par cet acte je ratifiois tout ce que ma sœur avoit fait en
vertu de mes pouvoirs , et spécialement la subrogation de Sauset
en faveur de mes petites-filles. Cela renvoyoit après ma mort la
question de savoir si Sauset excède ce dont je peux disposer, si
elles devront quelque retour. Ainsi cet acte leur confirmoit impli
citement la jouissance jusqu'à ma mort ; ma sœur ne l’en a pas
moins refusé.
Je dois répondre ici aux diverses objections qu’on m ’a faites, en
son n o m , dans le cours de mes tentatives pour obtenir un arran
gement amiable.
On a débuté par me dire que le casuiste consulté (1) par M . et
Mad. de St. Mande , pensoit qu’il suffit pour l’acquit de leur cons
cience, i°. que Mad. de St. Mande déclare par son testament être
payée de sa dot; 2°. qu’elle dispose en ma faveur, par ce testament,
de la propriété du verger qui est encore sur sa tète.
Ainsi selon ce soi-disant casuiste, ma sœur auroit pu acheter pour
mon com pte, le reconnoître par divers actes postérieurs, promettre
par .celui de mai 1801 de me transmettre dès que je serai r a y é ,
et cependant à l ’aide d’une restriction mentale, se réserver de
no me rien rendre qu’après sa mort.
Mais ma sœur n’a que £7 ans , j’en al 63 ; elle est d’un tem-
( 1 ) Ma soumission à lV glisc et mon respect pour scs m inislrcs sont connus : les
casuistcs en sont l’clite; mais je suis l)tcn convaincu que celui •, q„| <m a (]onn(r cc
titre dans cette affaire , n a pas cc caractère : au,m oins est-il certain qu’il n’est pas
l ’clùvc tic notre digne e v iq u e ni de son prédécesseur.
pérament
�( ^5 )
pérament bien sain ; je dois, selon l’ordre de la nature, mourir
avant elle : en conséquence il ne me sera jamais rien rendu.
Ainsi selon ce casuiste , c'est à la femme et non au mari à
donner quittance de la dot ; car il n ’offre ni quittance ni testa
ment du m a r i, qui est aussi plus jeune que moi.
Ainsi quand ma sœur a voulu que je renouvelasse seul les
lettres de change ou engagcmcns de mon père et de mes enfans, elle
a voulu , par restriction mentale, que je n ’eusse jamais de quoi
les payer.
Mais avec de pareilles restrictions mentales , il ne falloit pas
faire écrire aux créanciers que si je mourois avant d ’être ra yé ,
on ne payeroit jamais. J’ai quelques-unes des lettres; c ’est par
ménagement que je ne nomme pas ceux qui les ont écrites.
C e que j'ai déjà d i t , prouve combien j'étois confiant dans les pa
roles de ma sœur ; mais ce que je viens de dire des restrictions
mentales du casuiste qui la dirige, me permet de demander, sans
lui manquer de respect, qui garantit, à ceux avec qui j’ai des affaires
à régler, l ’existence d'un te s ta m e n t qui a été aussi quelquefois pro
mis à c h a c u n de mes enfans, parce que l ’o n gouverne les hommes
avec des espérances. Où est-il? qui est - ce qui garantit que s'il
existe, i lne sera pas révoqué? Un père de famille, chargé d ’engagemens pour sa fam ille, peut-il présenter à personne pour garant
l ’espoir d ’un testament, quand tant de faits, tant d ’actes positifs
sont méconnus par le soi-disant casuiste qui dirige celle au nom
de qui on promet le testament ?
Et pourquoi veut - on faire disposer du verger par un testament
de ma sœur? C ’est pour substituer à la vérité qu’elle avoit acheté
pour mon compte , la supposition qu elle a acheté pour son propre
compte. Voyons à quoi cette supposition mène? i°. A ce que la
disposition par testament soit caduque ; car la valeur du verger
excède ce dont la loi lui permet la disposition.
a . A rendre la subrogation de Sauset également c a d u q u e ; car
elle excède bien davantage ce dont Mad. de St. Mande pourroit
D
�disposer. Elle ne sera pas seulement réductible, elle sera totale
ment nulle ; car si en soumissionnant Sauset, elle en est devenue
propriétaire pour son compte , Sauset est devenu à l’instant même
bien dotal, en vertu de son contrat de mariage, qui ne lui permet
poiiit d ’extra-dolal , et par-là il est devenu inaliénable. Mad. de
St. Mande n’ auroit pas pu en disposer même avec le concours
de son m a r i, à plus forte raison sans le concours du m ari, qui
n ’a point signe cette subrogation.
Rappelons ici que M . de St. Mande a voulu que sa femme, ma
sœur, agisse seule dans l’achat, les reventes, la subrogation , pré
cisément parce qu’il a voulu qu’elle ne les fit que comme chargée
de mes pouvoirs, et pour mon compte. Remarquons q u e , pour
écarter tout soupçon , il a poussé le scrupule jusqu’à ne vouloir
elre té m o in d ’a u c u n des actes d’achat, revente, transaction, compte ,
décharge, etc.; d a n s le principe il déclaroit ne vouloir paroitre que
pour loucher les 12,000 l i v . , et en d o n n e r q u it t a n c e ; p a rle z à luimême , il dira que c’est encore ce qu’il v e u t ; s’il a différé cette
quittance , s’il préfère q u ’elle soit prononcée par jugem ent, c ’est
que lecasuiste qu’on fait parler, a alarmé sa conscience, en élevant
des questions qu’il ne sait pas lui expliquer.
C e rte s, c ’est un singulier casuiste que celui qui a pensé qu ’en
conscience M . de St. Mande ne devoit pas profiter ni souffrir que
sa femme profitât de ma dépouille; qui décida alors qu’elle devoit,
en conscience , acheter ma dépouille pour mon compte , et q u i,
après m ’avoir empêché, par de telles promesses, de prendre un
autre fondé de pouvoirs, veut aujourd’hui que ma sœur ne puisse
pas reconnoilre avoir acheté pour mon compte, et que M . de St.
Mande 11c puisse pas souffrir q u ’e lle me rende à ce titre.
Je ne ferois pas de cet homine-lù un instituteur de la jeunesse.
Embarrassé de la probité de M . de St. M a n d e , qui au fond
veut qu’on re n d e , et ne permet de disputer sur la manière que
parce qu’il croit ne pas la com prendre, on m ’a proposé une
vente simulée du verger , moyennant un prix sim ulé, dont ma
�'
(v)
^
sœur donneroit une quittance sim ulée, avec une contre - lettre
portant que le payement n ’est que simule'.
Mais d ’abord , c'est un mensonge, de plus un mensonge inu
tile; car trente actes précédons le dém entent, de même que tous
les fuils dont on ne peut plus faire disparoitre les preuves.
C ’ est un mensonge dangeieux pour mes petites fdles ; car si
vous supposez que ma sœur a acheté pour son compte, le Sauset est
devenu aussitôt dotal comme le verger, et par conséquent inalié
nable , même avec le consentement de son mari, q u i , dans le fait,
n ’a pas concouru à la subrogation de Sauset. Enfin , avec cette sup
position on mettroit les choses au point que ma sœur ne pourroit
pas , même par testament, rendre à la subrogation de Sauset la
validité que ce système anéantiroit irrévocablement, sans possibi
lité d ’y trouver remède.
Vainement on croit pouvoir y remédier, en faisant intervenir
la garantie ou une ratification anticipée des enfans de ma sœur:
si on suppose qu’elle a acquis pour son propre compte au lieu
du mien, le Code détruit d ’a v a n c e l e consentement donné par
les e n f a n s pour l’aliénation de ce bien devenu dotal à leur m ère,
de même que pour étendre sa faculté de disposer.
C r o it- o n que le tuteur d e là mineure, petile-fillede ma sœur,
veuille violer ses devoirs ? c’est un homme d ’honneur qui respecte
la vérité, et qui ne voudroit point participer à une fraude, même
en faveur de son propre enfant.
Si je ne consultois que mon propre intérêt, celte manière plus
expéditive de me faire délivrer le verger auroitpeu d’inconvénient
pour moi ; mais les faits et les actes passés la rendent impossible ;
de plus le projet qui m ’a été proposé éloit plein de clauses astu
cieuses , très-dangereuses pour mes antres enfans.
L'anarchie condamna beaucoup d’honnêles gens à simuler des
actes pour lui arracher ce qu’elle vouloit d é v o r e r : tous les admi
nistrateurs honnêtes aidoient à y parvenir. Onsimuloit tout alors :
on faisoit publiquement serment aux professeurs de licence et
d impiété .qui se croyoient des dieux , de faire ce qu on savoil con-
D 2
�traire à la volonté de Dieu ; on juroil tout Las le contraire
dans le fond de son cœur ; mais ces horribles temps sont passés. Si
nous avions été forcés d’user précédemment de quelques simu
lations, ce seroil l’instant de les effacer et de révéler toute la véri
té: o r , ici la vérité est que ma sœur a acheté pour mon compte;
elle doit le déclarer; le soi-disant casuiste lui fera-t-il affirmer le
contraire? Je peux croire qu’il le lui conseillera; car, dans'ses
instructions par é crit, on lisoit : Mad. de St. Mande n est pas
obl'gée de dire pour le compte de qui elle a acheté. Mais si elle
a voit acheté pour un autre que m o i, elle ne pourroit pas, en cons
cien ce, me vendre, surtout pour un prix sim ulé, avec quittance
simulée , car elle n’auroit pas même ce prix à offrir à l ’autre.
M a sœur est incapable d’affirmer, quand même le so i-d isan t
casuiste lui promettroit de l’absoudre.
Il a p e u r d e c e r e f u s , il se r e to u r n e .
M a sœur pourroit b ie n , dit-il, déclarer qu’elle a acheté pour
moi et mes enfans , indéfiniment, collectivement; on veut con
clure de ce système que je n ’aurois eu droit qu'à un quart.
M ais, i°. ce subterfuge ne peut pas détruire tous les actes antécédens, notamment celui de mai 1801 , et i 5 o lettres de ma sœur
constatant qu’elle a acheté pour moi seul ;
2°. La subrogation passée sans mes autres deux en fa n s, n ’au
roit pas pu les dépouiller du quart que ce système altribueroit
à chacun deux dès l’instant même de l’achat; et remarquez bien
que ce quart pour chacun est précisément ce que le Code Napo
léon leur attribue dans ma succession, dans le cas du don absolu
de ma part de tous les avantages dont la loi me p e r m e t la dispo
sition. C e code est précis sur cela ; il p r o s c r it tout moyen indirect
de s’y soustraire, même les ventes.
D e qui les mineures Lamonteilhe pourroient-elles tenir le quart
auquel ce système me réduiroit? de moi. Quel seroit leur titre ?
mon consentement à la subrogation préparatoire du don d’avan
tages, que j’ai promis d’effectuer dès que je scrois ra y é , par une
transmission définitive que l’acte de mai 1801 renvoie à cette
époque.
�( 29 )
_
Supposons que je me prèle à toutes les fantaisies du soi-disant
casuistede ma sœur, que jesouffrepatiemmentqu’ilmedéclaremort
civilement ; que sa volonté soit plus forte que l’arrêté du Gou
vernement, qui m ’a réintégré dans mes droits , que le décret spécial
de PEmpereur , qui me les a confirmés.
11 s’ensuivroit que ma sœur a été le prête-nom de mes trois
enfans, seulement collectivement; mais ils auroient un droit égal ;
car aucun d’eux n ’est indiqué pour avoir la préférence, et ma sœur,
ne s’est réservé par aucun acte le droit de choisir : au contraire
Pacte de mai 1801, signé par Lam onteilhe, bien connu de toute
la famille Champilour avant le mariage, les appelle tous trois à
me remplacer.
Alors la subrogation de Sauset ne vaudra , en faveur de mes
petites-filles, que pour un tiers , les autres deux tiers appartiendront
déjà, en pleine propriété, à mes autres deux enfans.
Pour m o i , en voyant tant de dangers pour mes petites-filles,
je suis tenté de croire que le conseil secret tend des pièges à Mad.
Lamonteilhe comme à m o i, sans q u e M . et Mad. de S t . Mande
aient tout son secret ; il sème pour la chicane.
L ors du mariage de Lamonteilhe, celui-ci et ses amis Irouvoient
fort avantageux que le retard de ma radiation retardât ces arrangemens définitifs, parce que la loi transitoire d ’alors ne me laissoit pas
autant de liberté d ’élendre ce don , qu’il en étoit annoncé par
le projet du Code Napoléon connu dès-lors.
Les futurs , plus occupés de leurs sentimens que des formes du
don que je leur avois prom is, nous tourmentoient pour hâter la
célébration du mariage. On multiplia, on varia les actes et les
clauses préparatoires : de là une grande différence entre l’acte de
famille et le contrat de mariage; le premier daté de la v e ille , le
second du jour même de leur signature , quoique la signature des
deux ait eu lieu en même séance, dans la chambre de ma sœur.
D e là v ie n t q u e la s u b r o g a tio n n o t a r i é e , r e ç u e p a r Coste,
n o t a i r e , p a r lu i r é d ig é e so u s la d ir e c tio n d e M . C h a m p il o u r , d o n t
il e t o it 1 h o m m e d ’a i t a i r e s , s ig n é e tro is m o is a p rès la c é lé b r a tio n ,
d if i è r e si fo r t d es d e u x p r e m ie r s a c t e s .
�D e là vient que la contre-lettre du même jour, rédigée parCoste,
guidé par M . Champflour, diffère encore de la subrogation , quoi
que signéeau même instant : on ne savoit pascequ’on pouvoit füire;
on alloità tâtons, faisant la version en plusieurs façons, en atten
dant le thème définitif.
Et qu’on y prenne bien garde, en variant à chaque instant de
système sur leur interprétation, on se conduit à une autre question
fort dangereuse pour mes petites-filles.
En e f f e t , ces actes n ’o n t aucune des clauses expressives de dona
tion prescrites pour la validité d ’une donation ; par conséquent
si je mourois avant d ’avoir régularisé, en faveur de mes petitesfilles , le don d ’avantages dont la loi me permet la disposition ,
mes autres enfans seroient fondés à dire que ces subrogations
variées n’ont transmis à leur frère que le caractère que ma sœur
avoit relativement à moi. Quel étoit ce caractère? l’acte de mai
1801 l’a bien déclaré , fixé : celui de dépositaire d’un objet acheté
pour mon compte; d’où ils conclueroientque léur frère n ’a transmis
à ses filles, leurs nièces, que le titre de dépositaires , en attendant
la
ne
ce
de
transmission définitive que l'acte de mai 1801 avoit déclaré
pouvoir avoir lieu qu’après ma radiation. Ils arguëroient de
que Lamonteiîhe, requis par m o i , d ’abord après ma radiation ,
traiter de cet arrangement définitif, le refusa; ils diroient
donc que ses filles ne sont encore que dépositaires.
M . Champflour prévoyoit c e la , et que ces actes ne donnoient
point une sûreté définitive, quand , six mois après le mariage, il
me fit témoigner par un ami commun, M . d ’Orcières, son inquié
tude : j’envoyai aussitôt à M . Champflour un écrit, assurant que
je régnlariscrois le don des avantages, d ’abord après ma radiation.
J’ai sa réponse; il me remercie de mes sentimens pour sa fille.
11 n'y témoigne plus qu’une seule inquiétude, celle que mon fils
n ’ait pas un jour 1 5o,000 üv. de fortune, soit paternelle, soit mater
nelle, ainsi qu’il l’a voit espéré.
Eh bien! malgré la perte des 80,000 liv. de liquidations par le
fait du Gouvernement, malgré d ’autres perles, mes petites-filles
V
�( 3* )
4
auront de nous les i 5 o,ooo 1., car on avoue que Sauscl vautentour
1 5 0.000 liv. ; le verger, le bien de Crèvecœur valent bien ensemble
100.000 liv. ; Mad. Aubier aura de plus entour 180,000 li v . , qui sont
assurées par la confirmation du testament Chazerat. Quand elle
réduiroit ses petites - filles à la légitime de rigueur, celles-ci auront
1 5 0.000 liv. ; pour qu’elles ne les eussent pas , il faudroit que leur
part dans les 280,000 liv. de biens paternels ou maternels autres
que Sauset, ne valut pas ce qui manque ou ce qu’elles auroient à
rendre sur Sauset à leurs oncles lors d ’un partage définitit (1).
Q u ’ai-je fait dès que j’ai été ra yé ? J’ai offert d ’effectuer mes
promesses. Mais quoiqu’on eut encore confiance dans une partie
( 1 ) Il m e sem ble que l’aïeul paternel peut se perm ettre même question que
I’aieul m aternel ; mes p etites-filles en auront-elles autant de leur mère ?
M . C h am pflour, me prom enant, lorsdu m ariage, à B eau m on t, à B e y s s a t, à M a rlilla t,
à Savennes, me disoit : Ma fille aura de nous 4 à 5 oo,ooo liv res; elle a acheté et p ay é
a la fam ille Bullion cette forêt. Cela me paroissoit d o u te u x , exagéré , quoique ma
Sttur et d’autres p a r e ils l’attestassent. Mais ce n’étoit pas cet é ta la g e , c ’étoit la
douceur de sa lille qui »10 plaisoit. Q u ’a-t-elle ré ellem en t, définitivem ent ! quel
ques héritages épars à Ueauinont , sans h a b itatio n , sans bâtimens d ’exploitation ;
on les dit affermés 4,000 liv. , mais elle p aye par an 6 , 5 oo liv. ; son p ère; lui-m êm e,
dans une certaine o cca sio n , m’en a fait com m uniquer l’acte par un ami. Il y a
encore des restes de p rix de vente quelque p a r t , dit-on ; mais on avoue qu’ils sont
entravés par quelques créanciers , et cela se fond aisém ent.
E lle fut avantagée par son contrat de mariage du bien de T au ves , bien m aternel ;
son père l’a vendu depuis : il a produit iGo,ooo liv . dont le père a d isp osé, etc.
Je suis bien éloigiré de la blâm er d ’avoir consenti à l’égalité avec ses sœ urs;
mais ou est cette égalité , aujourd but que les deux belles propriétés paternelles
avec belle liatitation sont entre les mains de ses sœurs q u i , à cet égard, n’ont fait
que ce que l’intérêt de ses enfans dicte à toute m ère ; celle qui est le moins avanta
geusem ent partagé en a jo u r entour a 5 o,ooo liv . L eurs m aris ont eu raison de
vouloir d’autres sûretés que des vain es paroles : la m ort d’un père est toujours
une grande perte ; celle de mou fils Lam onteillic a eu les plus funestes conséquences
pour mes mes petites-filles.
Mad. i.am onteilhe a obéi à son père : le respect filial est la source de ses erreurs
en ca lcu l, en spéculation; à mes yeu x il jette un voile honorable sur ces erreurs;
son estim able fiüe aînJ(. enseignera cette vertu
ù
scj
petites soeurs , sa sagacité
saura les eclairer sur la m esure à garder , pour concilier tous leurs devoirs.
�(32).
des liquidations qui ont péri depuis, il étoit déjà évident qu’il y
avoit erreur dans les estimations qui avoient servi de base aux arrangemens préparatoires.
Après plusieurs prières inutiles , j’ai offert par acte instrumentairedeSarray , notaire, en date du 20 vendémiaire an 1 1 , de sou
mettre tout à des arbitres; j’ai déclaré que je nommois de ma
part M . Dartis*, jurisconsulte aussi conciliant que respectable, et
que partant pour B e rlin , je laissois chez lui une procuration notariée , pour accepter ce qui seroit réglé.
On s’y est refusé. A mon retour, j’ai réitéré cette offre ; on
l ’a rejetée dédaigneusement, dérisoirement. On a fait répandre,
par les dames les commentaires offensans dont les hommes ne
vouloientpas se charger : que je revenois contre ma signature , pro
messes , etc. etc. C'est tout le contraire : j’offre de mettre en forme
légale exécutoire les promesses qui n'ont pas encore ce caractère;
je les offre avec plus de latitude qu’elles ne pouvoienl en avoir lors
du mariage ; mais comme je respecte le Code Napoléon , comme
je suis un sujet fidèle incapable de fraude pour me soustraire à la
l o i , je dis qu'il faut subir les conditions de la lo i, respecter les
limites que la loi met à ma volonté. C e n ’est pas pour moi, c’est
pour mes autres enfans que je la rappelle à Mad. Lamonteilhe : et
quelle loi?4celle par laquelle le Gouvernement n’est que l’interprète
du droit naturel, qui veutqucla fantaisie du père ne soit pas libre de
priver ses autres enfans du nécessaire , pour procurer le superflu à
celui qu’il préfère. L e Gouvernement a modifié le droit de nature
qui sembloit appeler les enfans également. Parce qu’il connoit les
foiblesses humaines, il a voulu que le père eût une certaine liberté
de disposer, pour attacher, par l’espérance ou|p«>r lareconnoissance,
les enfans aux pères. L'anarchie lui avoit appris que les enfans
pouvoient s’égarer ; mais il a posé des limites aux préférences des
pères , parce qu’il a remarqué que l’enfant adulateur donnoit quel
quefois à un pèrefoible des préventions contre le frère trop loyal.
Je veux me conformer au Code Napoléon, au devoir que la loi
divine et naturelle prescrit à tout père : et je crois que le casuiste
de
�de ma sœur rie peut m'absoudre d’aucune violation de ccs devoirs.
Mad. Lamonteilhe aime mieux, d it-on, contester mes droits
qu’accepter la ratification de mes promesses; soit: si c'est son bon
plaisir.
On m ’annonce qu’elle va intervenir, au nom de mes petites-filles,
pour appuyer les difficultés élevées au nom de ma sœur; cela ne
change rien aux faits et aux actes ; la question demeure donc la
même.
Mais il me semble que sous le point de vue de l’intérêt de mes
petites-filles, c ’est une inconséquence bien inutile, imprudente et
même dangereuse.
En e f f e t , tout ce qui auroit pu être jugé entre ma 6œur et
m o i , sans que les mineureé fussent parties, ne pouvoit jamais
préjudicier à leurs droits , s’ils étoient bien établis.
;
•
Si le jugement entre nia sœur et moi avoit pu’ leur nuire après
ma mort pelles auroient pu alors y former opposition, remettre la
question en jugement. Mad. Lamonteilhe et ses filles n ’en auroient
pas moins joui de Sauset, juisques à m a m o r t ; c a r je n 'a i pris au
cune conclusion relative à cela; je ne les ai pas mises e n fcause.
Supposons que l’intervention de Mad. Lamonteilhe fasse juger
la question comme Mad. Lamonteilhe le veut : à m a ’ mort mes
autres deux enfans auront la même voie dé tierce-opposition ; un
jugement sans eux ne peut pas les empêcher de renouveler une
question où ils sont les vraies parties intéressées, et celles avec
qui elle doit être jugée: veut-on les appeler, cela m ’est bien égal;
mais quoi qu’on puisse juger, même eux en cause, les enfans ne
peuvent pas être liés /selon le Code , par ce qu'on leur fait faire ,
du vivant de l’ascendant, pour sa succession.
T o u te question ici est subordonnée à deux futurs contingens.
Vivrai-je assez pour avoir pu payer avant de mourir toutes les
dettes dont je me suis chargé pour ma famille ?
Parviendrai-je à améliorer ma fortune ?
Cela seul dit qu'on ne peut pas savoir encore s’il y aura matiçre
E
�( 34 )
à procès ; par conséquent qu’on a grand tort de vouloir faire procla
mer d'avance par ma belle-fille un acte solennel d ’ingratitude.
« Mais, dit-on , Mad. Lamonteilhc veut élever une question fort
» importante, celle de savoir si la circonstance, que vous n’étiez
« pas rayé quand elle s’est mariée, ne peut pas »faire juger que
» vous étiez, relativement à elle et à ses enfans, comme mort civi» lement ; elle croit que par s u ite on doit juger d’avance qu’après
» votre mort Sauset ne comptera pas pour bien paternel. » .
C elle dernière question seroit encore une question à juger, après
ma m ort, entre mes petiles-filles et mes autres enfans': la faire
juger d’avance avec moi est une chose inutile, puisque mes
autres enfans pourront revenir contre le jugement ; c’est une chose
contre nature; car jamais on n’a dit à un père : Nous venons dis
puter avec vous la question de savoir ce que nous ferons de'volre
dépouille, quand nous aurons eu le plaisir de vous enterrer.
Si je meurs avant que cela soit terminé , mes autres enfans
demeureront libres de faire ce qu’ils voudront.
Mais comme les torls de Mad. Lamonteilhe ( naturellement
bonne, mais gouvernée par_ quelque b o u t e - f e u ) , ne diminue
ront jamais ma tendresse pour mes petites-filles, je déclare que
mon intention est de leur donner, par testam ent, tout ce qui est
à ma disposition, à la charge de la légitime de droit de leurs oncles,
et que la valeur réelle de Sauset entrera dans le règlement de cette
légitime comme bien paternel , attendu que c'est de moi que leur
père le tenoit.
Lors du mariage, Mad. Lamonteilhe ne me demandoit que
2.000 liv. de revenu. On me présenta un bail de Sauset à 3,ooo 1. ,
en me laissant ignorer que le bail étoit , peu de temps a v a n t, de
5.000 liv. , taux a u q u e l le revenu a été porté après le mariage.
L a réserve fut fixée à 1>0oo liv. , elle est la même depuis que
Sauset a été reporté à 5 ,ooo liv. ; elle jouit donc du double de ce
que je lui ai promis.
Sauset a tté acheté en 1808 par mon perc io 5 ,ooo livres;
�( 35)
8 o,ooo liv. en furent aussitôt payés avec pareil capital que mon
père a reconnu alors avoir à moi ( i ) , avec gooo liv. q u ’il a
reconnu avoir fait emprunter par moi à Paris sur ma signature ,
et reconnu avoir employées à payer Sauset (2) ; lje reste du prix
a été fait avec le prix de parcelles d ’héritages à C e y r a t , vendus
par mon père.
L e rachat de Sauset en 179$ a été payé avec le prix d ’héritages
à moi appartenant à Mont-Ferrand , revendus pour payer Sauset.
Je suis encore chargé de i 35 oo liv. de d e tte s, dérivant de l ’em
prunt fait pour payer S a u s e t , restées à la charge de ce bien par
l'acte de mai 1801.
J’ai payé le via g er,
m oyennant lequel Crèvecœ ur avoit été
acheté sous le nom de mes e n f a n s , et les frais du procès pour le
leur conserver, terminé en leur faveur par transaction de 1779*
J’ai payé la finance de la charge de gentilhomme ordinaire de la
chambre de Louis X V I ; et en mettant le titre sur la tète de mon
fils a în é, j’ai mis la fin a n c e de 5o,ooo livres sur leurs trois têtes
en commun ; libéralité qui prouve q u e j-'otois p lu s o c c u p é d ’eux
que de moi , car je n ’avois que cela au m o n d e , fruit de ma
sagesse , et que j’avois le mêm e zèle pour tous trois (3).
J’ai fourni à tout pour eux pendant le cours de quarante-trois
ans de mariage , sans être aidé par leur mère depuis 1773.
J’ai avancé pour leur entretien , éducation , p la c e m e n t, voyages
militaires et ceux occasionnés par la révolution jusqu'au premier
janvier 1793 , la somme de 36 ,400 liv., toute en numéraire. J’ai
avancé depuis pour eux en numéraire 32 , 3 i o l i v . , non compris
les divers frais pour affaires com m u nes, et ceux de tous les voyages
tant en A lle m a g n e qu’en France, commandes tant par les affaires
com m unes
que pour pourvoir au placement de c h a c u n , et les
(0 ^°Xez page9.
(a ) V o y e z l’acte île niai >8o i.
(3 ) 1 : ainti se seroit trouv<? ainsi avoir les frais du service ù sa ch a rg e, sans avoir
plus que les autres dans l'in térêt de la finance, sau f 45 o 1. par quartier pour la table.
E 2
�préserver, eux et leurs biens, des malheurs et pertes dont les
circonstances les menaçoient.
Je suis prêt à l’expliquer, à compter.
C e que j’ai reçu de mon père, avant ma sortie de F ra n c e ,
n ’est que l ’équivalent de la partie du cas d’incompatibilité ou
verte par la sortie de ma femme , le premier janvier 1773 , de la
maison de mon père, qui retenoit le reste pour nourriture de mes
enfans; un compte régulier le prouveroit.
T o u t ce que j ’ai reçu de ma sœur depuis le rachat de mes
biens , a été employé pour aider mes enfans, aux affaires com
munes , â payer les dettes, entre autres à payer ma tante
D ucrozet, ma s œ u r, etc. e t c ., le tout en numéraire, sans que
personne ait reçu d’assignats, ou ait été renvoyé sur le grandlivre.
En résultat, je suis en avances pour ma famille de près de
100.000 l i v , , indépendamment des créances d o n t j’ai parlé cidessus. J’ai fait ces avances sans avoir jamais possédé un pouce
de terre de ma famille , mon père s'étant borné à m ’instituer
héritier sans me revêtir d ’un seul héritage.
Je les ai faites sans avoir jamais possédé un pouce d’héritage à Mad.
A u b ie r, sans avoir jamais touché un soude son avancement d ’hoi
rie placé c h e z ^ n père par IejjÎK?n , ni d’aucune autre manière.
Je les ai faites quoique privé, depuis 17 7 6 , de tout revenu
d ’elle, c a r , depuis cet instant, tout revenu lui a été abandonné,
quoique j'aie gardé les trois enfans ;
J’ai tout fait sans avoir une hypothèque à offrir aux amis qui
m ’offroient leur bourse : et l’on s’étonne que je leur d o iv e encore
20.000 liv. en reliquat de tant d ’avances !
Et on veut me refuser les moyens de les payer, même le titre de
propriété dont ils demandent que je justifie, pour attendre que
les revenus les payent petit à petit !
L e revenu du verger et de tout ce qui reste en réserves viagères
de toute espace, y compris les 5 oo liv. que j ai retirées de mon
fils de R io u x , est actuellement de 2800 livres : c ’est sans e sp o ir
�( $7 )
d ’augmentation depuis là perte dés liquidations, 'et que tous les
petits recouvremens de reliquats de vente sorit finis.
Il y a à payer par an a3oo 1., pour intérêts de dettes ou en à-compte
sur le capital de 20,0001., jusqu’à ce qu’il soit éteint;ce qui sera long.
Dans ces dettes il n’y a pas un sou emprunté pour moi ; toutes
sont reconnues par divers actes de famille signés de ma sœur et
de mes e n fa n s, dont un billet d ’honneur de mon fils de R io u x,
portant d’avance adhésion aux arrangemens que je viens de prendre
pour les dettes : chaque année il paroit quelque réclamation pour
reste d ’affaires et de frais à liquider; en sorte que l’année 1810,
il y a eu déficit d’entour 65 o liv. : cette année il sera plus fort.
. Ainsi j’ai vécu des bienfaits de mes augustes ‘protecteurs, et
je vis encore de quelques reliquats de mes économies sur le fruit
de mes services dans des places honorables mais très-peu utiles;
économies que j’ai faites à force de privations qui, à 65 ans,
deviennent plus pénibles.
r
Que pouvois-je et q u e p u is - je f a ir e de mieux pour contenter ma
famille?
.
J'aurois renoncé à tout pour avoir la paix, si mes engagemens
pour dettes de famille ne m'avoient pas rendu absolument néces
saire ce qui est encore sur la tête de ma sœur, mon prête-nom.
Si ce n’éloit pas pour mon compté- qu’elle eût acheté, revendu,
subrogé, m ’auroit - elle à chaque instant demandé des actes de
ratification, de garantie envers et contre tous de toutes recherches,
pour toutes opérations , etc. etc. Je les ai donnés, répétés.
M . de St. Mande a l’àme la plus pure, un cœur excellent;
ma sœur est serviable, elle l’a bien prouvé.
Mais que de maux me coûtent les rivalités et les entêtemens des
dames de ma familleà qui j'ai affaire depuis 40 ans ! Elles ont entra
v é , daos chaque occasion , ce que j’ai entrepris pour mes en fa n s,
rendu inutiles mes efforts ; et aujourd’hui ma sœur se conduit
commesi ellevouloitdéfaire ce qu’ellea fait pour moi ; cependant son
cœur est naturellement bon ; tout est l’ouvrage de mauvais conseils.
Je ne veux pas croire que le magistrat d ’Issoire que ma sœur dit
�être son conseil, soit l’auteur des difficultés que j’éprouve , parce
qu’en me parlant à moi - m ê m e , il m ’a montré des opinions
opposées à celles qu’on veut lui prêter ; sa correspondance avec
le médiateur pour tout arranger amiablement , repousse ce
soupçon.
L e jurisconsulte que ma sœur a chargé ici de sa cause contre
m o i , est un homme probe, moral, instruit; mais un avocat n’est
pas toujours l’auteur du s y s tè m e qu’il défend avec chaleur; il y a
souvent, derrière la partie qui lui prescrit ce système, un souffleur
tout puissant sur l’esprit de la partie, que l’avocat ne connoit pas,
ne soupçoune pas.
Il y a encore tant de ces incurables de l’ anarchie (i), bien mas
qués en régénérés, qui s’industrient pour brouiller les familles
qu’ils ne peuvent plus torturer autrement ; ils ont tant de plaisir
à vexer l'homme qui eut le malheur d’êlre remarqué pour sa fidé
lité aux principes de la monarchie et i son chef.
Il m ’est tout à fait inconnu , celui qui a le talent de conduire
ma sœur d ’une manière si opposée à son caractère naturellement
noble, délicat, tel qu’elle l’a montré à mon égard jusqu’au mariage
de mon fils Lamonteilhe.
Je suis persuadé que souvent elle déplore en secret la foiblesse
qui l’a fait céder à ces conseils; mais elle croit prouver qu’elle a
du caractère en y persistant.
Vous qui lui avez fait refuser pendant si long-temps tout arbi
trage, qui lui avez fait rejeter la transaction rédigée par le média
teur de son choix ; vous qui voulez me faire punir par elle-même
de la confiance que j’ai eue en elle;
Vous qui avez choisi pour me porter vos coups la main d’une sœur
en qui tant de malheurs domestiques et publics avoient concentré
mes affections et ma confiance, la main d ’une belle-fille que j ’avois
préférée quand quelques souvenirs pouvoient m ’en éloigner;
( 1 ) Ils ont fait pt'rir mon père en p ris o n , îlgti de 77 ansj fait fu s ille r, à L y o n ,
mon ir c r c , chanoine de la C athédrale: leu r avoir échappé est un crim e.
�Vous qui couvrez votre système du nom de mes petites-filles,
pour le rendre plus cruel à un cœur trop sensible;
Montrez-vous : venez dire vous-même en quoi je suis un per
turbateur d’acquéreurs nationaux.
Vous avez des appuis, mais nous avons un préfet juste; le
tribunal où l’affaire va être jugée l'est également : je lui prouve
que c’est moi qui ai été l’acquéreur national de mon propre bien ,
que mes petites-filles le tiennent de rnoii
Quand ces petites innocentes viennent à moi, en sautillant,
me dire : Comment te portes-tu, grand-père? elles ne se doutent
pas que vous voulez me faire dire par elles, devant le tribunal:
l yu es mort pour nous , fu is de nouveau tafam ille ; maman veut
que tu n’en sois plus.
i'
- Non , ce n’est pas là ce que pense-ma belle-fille.
J’appelle d ’une dame séduite par de mauvais conseils, à ma
belle-fille réndue à ses sentimens naturels, faisant usage de son
propre jugement.
L e p ere de ma belle - fille a é té a u ssi s u r la lis te d es é m i
grés , et b ie n a v a n t m o i ; il y a v o it été m is à tort, à grand
tort ; il l’a prouvé par de bons certificats de résidence: mais
si Mad. Lamonteilhé se fût mariée pendant que son père étoit
encore sur la liste, certainement elle .n’auroit pas élevé contre
son père et ses sœurs la question qu'elle veut élever, au nom de
ses enfans , contre moi grand-père, de la tendresse de qui leur
père tenoit tout ce qu’elles ont ; elle n ’auroit pas dit à son père :
Vous êtes mort civilement pour m oi, vous êtes retranche de la
fam ille. Non certainement : sa conduite passée répond pour elle.
E
mmanuel
A U B I E R - L A M O N T E I L H E , Père.
1M B E R T - B A R T H O M E U F , Avoué.
N o la . On re co n n o îtra aisém en t a u x fa u te s , a u x n ég lig en ce s do m on style,
que j’ai p assé les d ix -h u it d e rn iers
de ma vio au milieu d 'u n peup le q u i
p arle une au tre la n g u e. J’espère ce p e n d a n t q u ’on comprendra assez co que j ’ai
Youlu dire , pour ju g e r quo co n ’é to it pas lo ca s de m e m e n a c e r , co m m e l ’o n t
fa it ces d a m e s , d’un conseil de fam ille , c h e z lo juge do p a i x , ni do mettre , en
této do U lis te , M. C h a m p ilo u r et lo parent d o n t j ’ai p a rlé à la p age 17.
�( 4o)
P R O J E T à!Acte proposé par 31. de S t. Mande a M . A ubier,
en juin 1810.
N o ta . L es deux parties qui sc trouvent à la s u ite , en n o te , entre, deux paren
thèses , sont les additions propose'es par M. A u b ie r ; la prem ière se trouve tldjà dans
plusieurs actes précédons ; M. de St. M ande a refusé l’a c te , quoiqu’il r eût p ropose,
à cause de la reserve contenue dans la seconde addition.
]N"ous , soussignés, sieur Benoît Fabre de St. M ande, Marie-Françoise A u b ie r,
épouse dudit sieur de St. M ande, et Emmanuel A u bier, leur frère et beaufrère , avons fait les reconnoissanccs et décharges qui suivent :
»•1 x- .
'
,
Benoît Fabre de St. Mande reconnoît qu’il ne lui est rien dû de la consti
tution dotale faite à la dame son épouse, par leur contrat de mariage du.........
Quo les douze mille francs qui restoient à payer do cette constitution, au
décès de M . Antoine A ubier, pèro ot beau-père des soussignés , l ’ont été en
dix-huit cent un et dix-huit cent deux, sur les fonds que ladite dame a eus à
sa disposition , pour lo compte dudit Emmanuel Aubier, soussigné j que tous
actes relatifs à cet objet ne peuvent lui être opposés comme faisant double
emploi : lo sieur Fabre de St. Mande renonce à toute action contre ledit
sieur Emmanuel Aubi«r pour cause de cette môme constitution , comme ledit
Emmanuel Aubier contracte l ’obligation de ne rien répéter contre lad. dam®
sa sœ u r, pour cause de la gestion et administration qu’elle a faite pour lui ni
autrem ent, reconnoissant. que tout ce qu’a fait ladite dame dans les temps
malheureux de la révolution, a été fait de concert avec lui $t n’a été fait que
dans les vues et la seule intention.de sauver de la tourmente révolutionnaire ,
pdur le compte dudit Emmanuel A u b ier, alors fu gitif, quelques débris tant
de sa fortune que de celle de Jean-Baptiste A u b ie r, chanoine de l’église de
Clerm ont, supplicié révolutionnairement à L yo n , et que ladite dame de St.
Mande n’en a rien retenu, dont quittance et pleine et entière décharge *.
11 sera passé à la premièro réquisition da l’une ou l’autro des parties, mais
aux frais d’Emmanuel Aubier seu l, acte notarié des présentes **.
* ( A vec prom esse, de la part dudit Emmanuel Aubier , de garantir M ad.
de St. M ande de toutes recherches. )
** ( D e même qu'acte notarié de la -transmission de tous biens ou droits
ayant appartenu soit à Antoine Aubier p è r e , soit à Jean-Baptiste A u b ie r,
chanoine, ou provenus il'eux , f/ui pourraient encore sc trouver entre les mains
ou sous le nom do M ad. de St. Mande ).
TRANSACTIOty
�(4 0
T R A N S A C T I O N re'dîgëe par le médiateur choisi par M ad. de
S t. M an d e, signée à Paris par M . Aubier, le a 5 juillet der
nier , envoyée par le médiateur à M ad. de S t. Mande , et par
elle refusée.
JN fou s, soussignés, sommes convenus de l’acte qui suit:
P a r -d e v a n t , e t c .
Sont comparus Emmanuel A ubier, seul héritier contractuel d’Antoine Aubier
p è r e , admis au bénéfico d'inventaire, d ’une part j
M. Benoît Fabre de St. M ande, en qualité de maii et maître des biens
dotaux de Marie-Françoise Aubier son épouse , et ladite dame de lui autorisée,
d’autre part ;
Lesquels , pour terminer tout ce qui peut les diviser, et spécialement l ’ins
tance pendante au tribunal de première instance entre lesdites parties , sur
la citation à eux faite à la requête d’Emmanuel A u b ier, par exploit d u ...........
et celle formée contre ledit sieur de St. Mande , par lequête et exploit du . . . .
ont transigé irrévocablement ainsi qu’il suit :
A r t . 1er. Emmanuel Aubier approuve et ratifie do nouveau, en tant que de
besoin , co qui a été fait par la dame de St. Mande sa sœ ur, en vertu des
pouvoirs confidentiels par lui donnés, confirmés ensuite par diverses procura
tions , i°. pour acheter du domaine national les biens provenus des successions
d’Antoine Aubier leur père com m un, et de Jean-Baptiste Aubier leur frère ;
lesquels biens étoient échus audit Emmanuel Aubier, en vertu de son contrat
de mariage et par l'effet des renonciations portées dans celui des sieur et dame
de St. Mande ; 2°. pour payer lesdites adjudications , régir et administrer les
biens qui en faisoient partie ; 3°. pour revendre , échanger diverses parties
desdits biens , et spécialement pour subroger Jérôme A ubier, second fils d’Em
manuel , à la possession de Sauset.
Emmanuel Aubier reconnoit que le tout a été fait pour son compte , avec
son autorisation et consentem ent, ainsi qu’il est porté par divers actes , notam
ment celui de mai i8oi , déposé chez. M. G ile t, notaire , et la subrogation
do Sauset reçue C o ste, notaire , l ’un et l’autre dûment enregistrés.
En conséquence, il promet do garantir et indemniser M . et Mad. do St.
ISlando envers et conlro tous de toutes recherches quelconques.
A r t . 2. I’ourtout terminer, Marie-Françoise A u b ie r remet par ces présentes
it Emmanuel Aubier son frè re , le verger situé entre Cloi rnont et M ont-Ferrand , confiné au midi par la grande tou te, du nord par le pré du Mas.
F
�\ \ ;À
( 42 )
C e p ré dem eu rera ch a rg é , 1°. des g a ra n tie s p ro m ises p ar E m m a n u el A u b ie r
a u x sieu r et dam e de S t. M a n d e , p a r p r iv ilè g e à t o u t ; 2°. de la rente v ia g è re
cré é e , au p ro fit d e M a d e m o ise lle de B a r , p a r a c te d û m en t en registré ; 5 °.
de la g a ra n tie des tr e iz e m ille c in q c e n ts fra n c s m e n tio n n é s dans l ’a c te de
m ai
i
8 o i , tan t d u c a p ita l q u e des in té r ê t s , ju s q u ’à ce q u ’il y a it é té p o u rv u
p a r arran gem en t entre tous co -in té re ssés.
A r t . 3 . E m m a n u el A u b ie r co n tin u e ra de jo u ir et p e r c e v o ir s e u l les sep t cen ts
fra n c s de ré serv e via g è re a lim en ta ire su r la t ê te d u d it E m m a n u el , p o rtés en
la s u b ro g a tio n
de
S a u s e t su s m e n tio n n é e ; les
via g e rs a lim en ta ire s dûs
ce n t q u a tre -v in g t-se p t fra n cs
p a r F ra n ço is D e sfo rg e s ; c e n t v in g t fran cs via g e rs
alim en ta ire s dûs p a r A n n e t V a isset ; q u a ra n te fra n cs v ia g e rs a lim en ta ire s dûs
p a r L a n tin ; et tro is cen t s o ix a n te fra n c s via gers a lim en ta ires dûs p a r M .
B o u ta u d o n , to u s é g a le m e n t cré é s s u r la tête du d it E m m a n u el A u b ie r .
A r t . 4 - M . B en oît F a b re de S t. M a n d e re co n n o ît que p en d a n t que sa fem m e
a é té ch a rg ée de l ’a d m in istra tio n des a ffa ire s de son frè re , elle lu i a p a y é ,
p o u r le co m p te d u d it E m m a n u el , la so m m e de d o u z e m ille fra n c s en c a p it a l,
d o n t le d it E m m a n u el A u b ie r é to it resté d é b ite u r en v ers le d it sieu r B en o ît
F ab re de S t. M an d e , p o u r c o m p le tte r le p a y e m e n t des tren te m ille fr a n c s ,
m o n ta n t de la c o n stitu tio n d o tale de la d ite d am e de S t . M a n d e .
E n c o n s é q u e n c e , led it sie u r de S t . M a n d e et so n é p o u se de lu i au to risée ,
tien n en t q u itte le d it E m m a n u el A u b ie r de t o u t ; d é cla ra n t n ’a v o ir p lu s rie n
à p ré te n d re n i su r le s d ites su cce ssio n s , n i su r les bien s ra ch e tés , n i co n tre
le d it E m m a n u el A u b ie r , q u i d em eu re su b ro g é à leu rs d ro its.
T o u s p ap iers de fam ille é ta n t e n co re a u p o u v o ir do M a d . de S t. M a n d e ,
s e r o n t p a r e lle re m is de b o n n e foi a u d it E m m a n u el A u b i e r , q u i dem eu re
ég alem en t a u to risé à les re tire r de to u s d é p o sita ire s. Il en sera fa it é ta t so m
m a ire a u bas d u q u el il en d o n n era d é ch a rg e .
F a it d o u b le en tre
nous , avec
p ro m e sse do p a sser le p ré se n t a c t e d e v a n t
n otaire à la p re m iè re ré q u isitio n de l ’un de n o u s , et a u x fra is do M . A u b i e r ,
le v in g t-six iè m e de ju ille t m il h u it c e n t o n ze .
A CLERMONT , de l'imprimerie d e L a n d r i o t , Imprimeur-Libraire ,
rue St.G enès.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Aubier-Lamonteilhe, Emmanuel. 1811?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Aubier-Lamonteilhe
Imbert-Barthomeuf
Subject
The topic of the resource
émigrés
prête-nom
successions
renonciation à succession
mandats
amnistie
administration de biens
divorces
dénonciation
créances
forclusion
assignats
médiation
exécutions révolutionnaires
transactions
mort civile
séquestre
Description
An account of the resource
Titre complet : Exposé des faits de la cause pendante au tribunal de première instance, entre Emmanuel Aubier-Lamonteilhe père, et M. de Saint Mande et Marie Aubier, son épouse, sœur d'Emmanuel.
note manuscrite : « voir le jugement à la page 573 et l'arrêt à la page 628. »
texte de la transaction rédigée par le médiateur.
Table Godemel : mandat : 3. le mandat se présume-t-il, en droit, ou ne peut-il se former que par l’acceptation du mandataire ? l’interprétation de la correspondance et des actes invoqués pour prouver le mandat appartient-elle aux juges du fond ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Clermont)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1811
An 2-1811
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
42 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2122
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2123
BCU_Factums_G2124
BCU_Factums_G2125
BCU_Factums_G2126
BCU_Factums_G2127
BCU_Factums_G2128
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53418/BCU_Factums_G2122.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Yvoine (63404)
Clermont-Ferrand (63113)
Augerolles (63016)
Berlin (Allemagne)
Lyon (69123)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
administration de biens
amnistie
assignats
Créances
dénonciation
divorces
émigrés
exécutions révolutionnaires
forclusion
mandats
médiation
mort civile
prête-nom
renonciation à succession
séquestre
Successions
transactions
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53417/BCU_Factums_G2121.pdf
b89f963bc6f5af571d3730902c80bbea
PDF Text
Text
MÉMOIRE
.
EN
RÉPONSE,
~
DE r io m :
'
I re . CHAMBRH ü
POUR
Sieur Jean-Henry DES ISSARTS, intimé
incidemment appelant;
et
CONTRE
Les sieur et demoiselle BANCAL , les sieur
et dame DALBINE appelans et incidemment intimés.
■- *
*
«
*
î
L E sieur Bancal des Issarts n’eut pas eu l’idée de pu
blier sa d éfen se, si on ne lui en eût donné l’exemple.
Il n’en eût eu aucun besoin,, après le m ém oire de
ses adversaires, s’ils eussent fidèlement exposé les faits.
A
�•
.
.
.
(
2
}
E t même aujourd’h u i , quoique la cause soit dénatu
r é e , il y est moins forcé peut-être par le besoin de sa
défense, que pour justifier une conduite qu’il ose dire
sans reproche.
Il a demandé deux choses :
i° . Sa part héréditaire dans la succession paternelle.
2°. U n compte de l ’administration de ses bien s, qu’on
avoit faite en vertu de sa pi*ocuration.
O n lui a répondu par deux fins de nanrrecevoir.
A sa demande en partage on a opposé un écrit par
lequel il a déclpré tpnir quiftg la; §uccessipn de son p è r e ,
et consentir à l’exécution d’un testament qu’il ne connoissoit p a s, et par lequel il étoit prétérit.
E t au même temps on reconnoissoit, ce qui d’ailleurs
résulte clqiçenipnî de cet é c rit, qu’il l ’a voit donné sans
rien recevoir de
success/qp.
.; •
_•
O n a combattu la demande relative aux jouissances de
ses biens, par des arrêtés decpm pte sur des objets parti
culiers, et seulement pour les années postérieures à 1796.
.. 4\îais on n’a pas arficqlé, et on n’articulera pas même
aujourd’hui qu’aucune somme a it‘ été payée, ni aucun
compte rendu pour les années antérieures de la gestion,
ni pour la totalité des choses jouies. ‘
O n est allé plus loin ; on a formé contre le sieur Bancal
une demande incidente en remise d’ un acte qui n’a jamais
existé.
O n lui a imputé de l’avoir Soustrait.
■
?
• O n l’a accusé de m entir à sa conscience.
L e sieur Bancal l’avoue : il lui est difficile*de penser
que si ses neveux eussent été livrés à e u x -m ê m e s , s’ils
�( 3 )
eussent bien connu les élémens des comptes déjà rendus,
et auxquels ils n’ont jamais directement participé , ils
eussent élevé cette lu tte , bien moins encore qu’ils y
eussent ajouté l’outrage. Jusqu’à présen t, il les avoit
crus incapables de déguiser la v é r i t é , plus incapables
encore de la trahir par un mensonge. Il se plaît à leur
rendre ce témoignage ; il se plaît à penser que cétte
vérité a été cachée à leurs propres yeux par un tiers qui
seul l’a parfaitement connue, qui a fait toutes les affaii’es,
dressé tous les comptes, et abusé plus d’une fois de l’imprévoyanté facilité du sieur dés Issarts.
I *
Cette cause n’a besoin qiie d’être connue. L e sieur des
Issarts peut avoir fait des fautes dans son intérêt per
sonnel , en ne calculant pas assez, et n’exigeant pas en
même temps tout ce qu’il pôuvoit demander; mais quand
bien même ces fautes pourroient nuire à sa demande, ce
que ne permettent pas les principes, elles ne seroient
qu’un témoignage de plus de sa bonne foi et de sa trop
grande confiance.
L e fait est assez compliqué ; il 'deinande à être bien
saisi : on va l’exposer ici sans déguisement. L e feieiir
Bancal ne dissimulera pàfe ce qui peut en apparence se
présenter contre sa demande : la justice saura tout ap
précier.
Dominique-Françoifc Bancdl et Arine Cosse, auteüta
communs, eurent sèpt enfanâ ; six fils appelés Dortiini^uc-Jeany Antciine^-Frunçais^ Fulcrarid-Poscal, Joseph,
Jèa n -L o u is, Jetm-Henry* et urie fille appelée T h é r è s e
Aa
�o
\\
.
( f }
Ils ne firent aucune distinction entre leurs enfans quant
h l ’éducation qui leur fut donnée ; elle fut également
soignée pour to u s , et tous en profitèrent égalem ent,
chacun dans leur état. On se voit obligé de le démon
trer ; car les appelans ont recherché jusque dans une
prétendue différence d’éducation du sieui’ des. Issarts,
et dans une plus grande dépense faite exclusivement
p o u r l u i , le principe de l’oubli qu’en avoit fait le père
commun dans son testament de 1784.
L ’a în é , D o m in iq u e-J ea n , fut élevé dans la maison
paternelle \ il fut formé de bornée heure au commerce
intéressant que faisoit cette famille. On sait assez qu’ il
consistoit principalement en une belle manufacture de
bas de soie, et une vente habituelle de soies non ou
vrées. Destiné à être l’héritier de la famille, Dom iniqueJean Bancal se livra de bonne heure à ce com m erce,
que ses enfans tiennent encore aujourd’hui.
A n toine-François et J o s e p h , après avoir fait leurs
études, entrèrent dans la partie des domaines. O n sent
que les dépenses de leur éducation durent être longues,
puisqu’avant d’obtenir des emplois on est long-tem ps,
et très-long-temps surnum éraire, c’e st-ù -d ire, occupé
dans un bureau , sans recevoir aucun émolument. E n
1 7 8 4 , lors du testament du p è r e , l’un étoit contrôleur
ambulant des dom aines, et devint ensuite receveur de
l ’enregistrement à Dijon ; l’autre étoit contrôleur des
actes à A p ch o n , et y acheta ensuite un oüice de notaire.
Fulcrand-Pascal mourut sans postérité.
J e a n -L o u is fut élevé dans les écoles militaires; ses
dispositions naturelles et son application, engagèrent le
�( 5 0 .
père à le pousser dans une carrière brillante. En 1784,il étoit capitaine de génie.
T o u t ce que nous disons est établi par le testament
de 1 7 8 4 , ou d’autres actes que les appelans ont dans
leur dossier.
Jean-H enry, après ses études, entra chez un procureur
au cliâtelet ; après six mois d’exercice, il gagna sa pen
sion , et devint bientôt maître clerc. Il passa ensuite chez
M e. B eraud, n otaire, où il gagna 800 francs; il n’y
demeura qu’un an. Il désira faire son droit à Orléans :
son père eut la bonté de condescendre à ses désirs, et
de l’y entretenir pendant trois ans. Il revint ensuite à"
Paris ; et après quelque temps encore de cléricature,
il acheta l ’office de notaire au cliâtelet. M e. Beraud eut
la bonté de le cautionner; son père et son frère caution
nèrent M e. Beraud : le sieur des Issarts l’a payé de ses
propres deniers, sans q u’il en ait rien coûté à son père.
V o ilà la vérité ; le sieur des Issarts n’en parle que pour
démontrer que son père ne peut pas l’avoir prétérit avec
intention, et que certainement au moins il n’avoit pas
eu le motif qu’on lui prête. Il n’envie pas à ses frères
ce qu’ils ont reçu; mais il a voulu prouver qu’il n’avoit
pas reçu davantage.
Si on le n ie , le sieur Bancal n’a pas la prétention que
la justice doive croire à son assertion, plutôt qu’à la
négation absolue de ses adversaires; mais au moins devrat-elle cédor à des preuves, et certainement ce qu’on vient
de d ire, lui démontrera qu’elle a été trom pée, loi'squ’on
lui a insinué que lui seul avoit reçu une éducation so ig n e e , et avoit été ïo b je t de la plus grande affection j
�(6>y
lorsqu’on lui donne a croire que tous les autres avoient
été réduits à une éducation au moins m odeste, et lui*
seul élevé au com ble de la -prospérité par les énormes
sacrifices du père.
Les enfans de l ’héritier institué lui envieroien t-ils
donc la portion de tendresse que ses père et mère eurent
poür lu i? se seroient-ils persuadés que toute leur afTec-:
tion s’étoit concentrée en lui seul, parce q u ’il étoit le
plus jeu n e? Ils le rem arquent avéc affectation; cependant
l ’institution de leur p è re , et là prétérition du plus je u n e ,
leur démontrent le contrairè d’une fcnanière palpable.
Q ue n’orit-ils donc envié aux autres les efforts q u’avôit
faits le père pour en maintenir d e u x , pendant longues
années, dans des bui-eaux, comme surnuméraires, et leur
procurer des emplois; un aiitré dans les écoles et dans
le corps militaire du g é n ie?
Ê n 1 7 8 8 , Jean-Henrÿ Bancal së défit de sa charge
dè notaire; il y àvoit fait dëé économies, et se vit à
même de faire qüelquès ‘acquisition!?.
>
Il n’eh fit cejséndànt pa's jusqu’au moment de la rév o
lution. ËUes devinrent alors plus faciles et plus fructuéü&të, par la itiise èn vénte des domaines üàtionatix.
Projetant de revenir habiter son pays [natal, il donna »
ën 1 7 9 1 , à son frère a în é , ürié prôcüratiôn pour ache
ter des propriétés et g é ie r sês biefaé : le père cûmiiiun
¿toit alors décédé ‘depuis 1790.
S o n frèïé'èk& cüta le m aiïdatdV cc fidélité; fe siëur t]Cs
Issai’ts a souvent témôigrié p ar écrit lù réfcônnoîssahfcë
qu ’ il en avoit. Il est loin d e v o i r cîirfngé de penséë.
Ld pi-ëiniôre adquisitioü frit cellé d’un doriiainè à A u l -
�t 7 )
nat; elle fut faite le i juin 1 7 9 1 , moyennant 40,100 fr.;
les intérêts portèrent la somme à 41,297 francs, que le
sieur des Issarts paya en eptier, et qu’il a voit achevé de
5
solder le 27 mai 1793.
A cette ép oqu e, et dès 1 7 9 2 , il étoit députp à la con
vention nationale, par conséquent très-occupé des af
faires publiques et des mouvemens de la révo lu tion ,
et très-peu en état de donner le moindre soin à ses af
faires personnelles.
L e I er. juillet, fut acquis le pré-verger des Carmes,
moyennant , qo francs. L e 19 du même m ois, le sieur
des Issarts paya i , oo fr. L e surplus , montant à 4,712 f r .,
55
5
fut payé par le sieur Bancal, aîqé.
L e 27 juillet 1 7 9 1 , il .acquit le domaine de Bonneval. Cette acquisition' étqit considérable.; elle fut faite
moyennant 124,100 francs, q u i , cumulés avec les in
térêts à ven ir, prqduisirent 136,645 francs ; le sieur des
Issarts ne put en payer que ,086 fr ., dont p,ooo fr.
furent acquittés le 27 août 1 7 9 1 , un mois après l’adju
dication; le surplus, montant à 58,469 fr., fut acquitté par
l’aîné. Nous aurons bientôt occasion de faire une re
58
5
marque importante sur l’époque de ces ppyemens et de
ceux qu’il a faits pour les adjudications postérieures.
Six autres acquisitions furent successivement faites dp
divers héritages détachés dans la commune d’Aulnat.
L e sieur des Issarts paya 300 francs sur celle c}u pré L iand i e r , acquis le 4 mai I 7 9 2 i tout le reste été payé par
l ’aîné.
Observons ici que ce fut à peu près l’époque à la
quelle le sieur .Bancal fut livré aux A u trich ien s, chez
�( 8 )
lesquels il resta trois ans en captivité, et n’en revint
que pour passer au conseil des Cinq-cents. Pendant tout ce
temps il ne put ni payer, ni ré g ir , ni jouir ses proprié
tés; le sieur Bancal aîné, ou mieux encore le sieur L o u yrette, agent d’affaires assez connu, administra, perçut les
revenus et paya diverses sommes. C ’est ici le lieu de
faire une remarque essentielle sur l’époque des payemens
faits en papier-monnoie par le sieur Bancal aîné.
U n état de ces payemens, écrit de la main deL o u yrette,
apprend qu’il a versé 124,485 francs sur les diverses ad
judications. Il est essentiel de se fixer sur les époques.
E n 1791 il paya seulement 1,104 francs.
E n 1 7 9 a ..................................... 10,878
E n 1 7 9 3 ..................................... 8,410
E n l’an 2 ................................... 22,400
j
E n l’an 3 ................................... 81,693
E t de cette dernière somme, 57,693 francs furent payés
dans les six derniers mois de l’an 3 , c’e s t - à - d i r e , au
moment de la plus grande dépréciation des assignats.
O n voit que les payemens augmentoient à mesure
que les assignats perdoient davantage. O n sait que le
sieur Bancal ainé jouissoit de toutes les propriétés ac
quises pour son frère. Les revenus étoient considéra
bles; le prix des ventes seul démontre qu’ils devoient
l ’être. Une partie étoit en ferm e, une autre en régie ou
en réserve. Il ne falloit pas , à cette ép o qu e, une grande
quantité de denrées pour rem plir un portefeuille d’assi
gnats , et l’administration recevoit pour valeur nominale
•les assignats dépréciés. Il ne fut donc pas très-difficile
au sieur Bancal aîné de payer 124,485 fr. Les 10,878 fr.
payés
�4 fC > 7
9
(
) ..........................
payés en T792, quoique déjà dépréciés, avoient peutêtre plus de valeur que tout le reste ensemble.
L e sieur des Issarts rentra dans sa patrie dans le cours
de l’an 5 ; il vint momentanément dans sa fam ille, et
bientôt Louyrette lui pi’ésenta des comptes et des projets
d’actes qu’il est essentiel de connoître.
U n premier état porte le tableau de toutes les acquisitions
faites, de leurs dates, et de celles de chaque payement fait par
l ’un ou l’autre des deux frères : c’est dans ce tableau que
nous avons puisé tout ce que nous venons de direà ce sujet.
U n second porte la fixation des sommes payées par le
sieur Bancal a în é , pour Bonneval seulem ent, et leur
réduction en numéraire suivant les époques; on y ajoute
les intérêts à dater de chaque ép o q u e, et on forme un
total d e ............................................................ 18,647 f.
O n porte ensuite « les constructions,
« plantations, achats de futailles, impo
li s itio n s , faits a B on neval, en 1 7 9 2 , à.
» c*
ce 14,377 fr- 5 réduits , suivant l’é c h e lle. .
Les intérêts de cinq a n s .........................
»
»
•
»
•
-
«
.
8,463
2 ,1 1
5
2C},2251.
1
■ 1
■■ 1 ■
■
»C.
O n y ajoute la valeur de certains four
rages , prétendus tirés des prés acquis par
le sieur Bancal a în é , et consommés à
B o n n e v a l. . . . . . . W . v ......... .......................' 2, i 5 o
T o t a l ....................................................... 31,375 f.
»
» c.
V ien t ensuite une grave observation de la façon du
sieur Louyrette, qu’il est utile de transcrire littéralement.
« L e citoyen Bancal aîné seroit en droit de demander
B
�C 10 )
« une indemnité sur les pertes qu’il a éprouvées dans
« toute sa gestion, attendu que les sommes par lui ayan
te cées, pendant tout le temps de son administration,
« ne lu i sont rentrées que long-temps après , et par
« conséquent en valeur bien moindre que celles qu’il
« avoit avancées. Les dépenses étoient journalières, m o« mentanées; les recettes de ferm ages étoient annuel« les et toujours retardées ,* en conséquence, la perte
« qu’il annonce est vraie et sensible. I l est constant que
« les payemens des J e r mages de 1794 ne lu i ont été
« fa its qu’à Cépoque oit les assignats étaient sans va« leur, et que soixante mille livres qu'il s'est trouvé
« avoir reçues sur les arrérages , ne lui ont pas valu cent
« cinquante écus. L e citoyen Bancal aîné ne compte pas
« le linge qui s’est usé et p e r d u , les sacs, les dépenses
« qu’ il a faites pour d’autres petits objets, encore moins
« son travail, ses soins; «n portant le surplus à sa plus
«
«
«
«
juste valeur, après .ayoir épuisé, anéanti son commerce,
et avoir éprouvé la rigueur de la dépréciation du papier-m onnoie, il est créancier généreux et malheureux
IJ
f» » c.
de la somme d e .........................................
« P lu s , pour avances en num éraire,
« suivant le com pte.....................................
2,298
»
3 375
« P lu s, pour argent prêté à son frère.
600
T o t a l .......................................................
34>273
»
»c.
Ces avances en numéraire se réfèrent sans doute à un
compte particulier, fourni en même temps par le sieur
L o u y re tte , des revenus de 1796.
Ce co m p te , toujours émané du sieur L o u yrette , et
�# o a
( >1 )
écrit de sa m a in , est intitulé : Recettes faites en numé
raire, sur les produits des baux à ferme et denrées de
1796. Les détails n’y embarrassent pas; il a en tout trente
et une lignes.
L e total de la recette, pour Bonneval,
est d e ................................................................
E t pour A u ln at, un seul à-compte d e . .
15
2,914 f.
931
» c.
»
3,845
»
* L a dépense est portée à 5,963 . s.
E t dans cette somme on voit deux ar
ticles remarquables ;
2 81
i° . P o u r im positions. i , i . u s .
20. P o u r dépense de
jou rn ées d'ouvriers pour
les m oissons, battages, ven(
danges, depuis le 12 mai
1796, jusqu’au 30 août 1797 2,905
8
4>I23 I* *9 s*
E n sorte qu’une année de récolte de Bonneval n’avoit
produit que 2,914 francs, et les journées em ployées,
pendant seize mois , pour moissonner, battre et vendan
g e r , avoient absorbé, A 9 fr. près, la valeur des denrées et
des prix de ferme d’une année entiere, sauf le prix delà,
récolte en v i n , qu’on y dit perçu par le sieur des Issarts.
E t cependant il y avoit pour 1,218 francs d'impôts.
Compte fait des dépenses montant à . .
5,963b
s.
3^845
»
avec la recette montant à .........................
5
L e sieur des Issarts se trouvoit débiteur,
sur 179 6, d e ...................................................
2 ,11 8 !.
5 s.
�( 12 )
'Q uoique Bonnevnl rapporte environ ,ooo francs.
C ’est apparemment ce qui a fondé l’article des avances
en numéraire, porté au compte de Bonneval à 2,298 fr.
5
L e sieur des Issarts ne peut pas expliquer la différence
de 180 francs; il reçut ce compte de bonne f o i , croyant
bien qu’on le lui rendoit de même. S’il en parle aujour
d’h u i, ce n’est pas pour demander un nouveau compte
pour cette année particulièrement; il sait assez qu’il doit
le prendre tel qu’il est, puisqu’il l’a reçu les yeux fermés;
mais c’est pour ne rien taire, et pour prouver qu’à aucune
époque on n’a compté des revenus de 1 7 9 1 , 179 2 , 17 9 3 ,
1794 et 1 7 9 5 , que son frère aîné ou JLouyrette avoit
cependant perçus.
Revenons aux 'avances pour Bonneval, arrêtées à
34,273 liv. 19 s.
Remarquons bien que cette somme de 34,273 francs
est précisément celle qui fît le reliquat du compte pré
tendu fait double , le 13 messidor an , et dont on parle
aux pages 5 et 6 du m émoire des appelans; et dès quenous en avons les élémens, il nous sera facile de voir
si le fait articulé par les appelans est vraisemblable, ou
même possible.
Il y eut un compte, cela n’est pas douteux ; il fut p ré
senté par le sieur L ouyrette, écrit de sa main. L e sieur
B^ucal le représente ; on vient de le transcrire fidèlement.
A la vérité, si on se fût borné à ce projet, le sieur
5
Bancal aîné n’y eût pas trouvé de titre : et il devoit lui
eu être donné un ; mais cela fut fait : il reçut un billet
p u r et simple de 34,273 francs, que lui fit le sieur des
lssarts, lo 6 vendémiaire an 6 , et dont il a conservé
�( 13 )
la copie. Fixons-nous sur scs termes ; ils sont absolument
concordons avec la teneur du compte présenté par
Louyrette.
« Je soussigné reconnois que , compte f a i t des
« sommes qui ont été avancées par mon fr è r e a ¿né
« tant pour compléter le prix des sommes de mon ad« judication du domaine de Bonneval ,q u e pour recans
ie tructions, plantations , achat de fu ta ille s , contribu
ai tions publiques , et autres objets d’amélioration faits
« audit dom aine, ledit compte f a i t , tant des capitaux
« que des intérêts , jusqu’au I er. juillet d ern ier, je dois
7
à mon frère aîné, la somme de trente-quatre mille
deux cent soixante-treize livres d ix -n eiif so u s , que
je m’oblige de payer aux époques qui seront convenues entre nous, avec les intérêts à cinq pour cent,
c< à compter du I e r . juillet dernier. »
L e I er. juillet 1797 étoit précisément le 1 3 messidor
an 5 , jour auquel on rapporte cet arrêté de compte
prétendu fait double, avec des conventions si importantes.
S’il eût existé, il n’eut pu être que la copie fidèle du
«
«
«
«
projet de L o u yrette,q u e Jean-Henry Bancal a encoredans
les mains, car l’époque en est la m êm e, puisque les intérêts
sont arrêtés au
I er.
juillet 1797 ; le résultat en est le même,
puisque les appelans conviennent, et que tous les comptes
postérieurs établissent que la créance fixée au 13 messidor
5
an
fut de 34,273 francs : ainsi il est évident que ce ré
sultat égal n’eût pu être que le produit des mêmes
élémens.
O r , dans le projet de Louyrette, ni dans le billet, on ne
trouve rien qui ait rapport aux jouissances perçues par
�( *4 )
•
l’aîné, ni à l’abandon des adjudications partielles ; et si on
l’y eût com pris, on eût été obligé de retrancher de la
créance i , oo francs payés sur le pré des Carmes, 300 fr.
payés sur le pré L ia n d ie r, et les intérêts de ces deux
sommes; ce qui eût diminué d’autant les 34,273 francs.
L ’a-t-on fait?
Les appelans ont osé l ’affirmer, pages 23 et 24 de
leur m ém oire, et il le falloit bien ainsi pour donner
quelqu’apparence de vérité à leur assertion ; mais le
tableau de compte écrit de la main de L ouyrette , qui
contient tous les élémens de la créance de 34,273 livres
19 sous, dépose hautement d’une vérité contraii*e.
Il n’est donc ni vrai ni possible que cet arrêté de
compte eût compris l’abandon des adjudications par
t ie lle s , et cependant fixé la créance à 34,273 liv. 19 s.
5
D ’autres réflexions tirées du fait, et qu’il ne faut pas
en séparer, l ’établiront formellement encore.
Nous avons vu de quelles parties a été composé le
compte de L ouyrette; uniquement des sommes payées
par Bancal a în é , sur B o n n e v a l, des intérêts de ces
sommes ju sq u ’au I e r . ju illet 1 7 9 7 , des constructions,
réparations, plantations, achats de futaille, im p osition s,
faits à Bonneval , en 1792 , et des intérêts "pendant
cin q ans ; enfin de la valeur des foins prétendus tirés
des propriétés acquises par l’a în é , et consommés à Bon
neval.
T o u t cela réuni forme la créance de 34,273 liv. 19 i.
L e sieur des Issarts s’oblige ¿\ la payer sans q u’on lui
fasse aucune déduction.
E t cependant l’aîné avoit joui pendant tout ce temps
�if/ 5
( i )
des biens acquis ; il sembloit naturel de ne pas répéter
le prix des adjudications, moins encore les im positions
et les in térêts, lorsqu’on avoit été payé de tout ou par
tie, et peut-être surpayé par les jouissances. O n dit sur
p a y é , et cela n’étonnera pas; car le sieur Bancal aîné
5
n’avoit pas seulement joui de B onneval, mais encore
du domaine d’A u ln a t, qui ne lui devoit r i e a , puisqu’il
n’y a voit rien dépensé, et que le prix en avoit été to
talement payé par le sieur des lssarts, et aussi des autres
propriétés détachées, que ce dernier avoit payées en
partie.
D ira - t-on encore qu’il en rendit un compte p a r t i
culier ?
M a is , d'une part, si cela eût été, la créance de
34,273 fr. en eût été au moins diminuée de beaucoup,
sinon absolument éteinte.
D e l’a u tr e , cette idée est impossible à faire accor
der avec la circonstance prétendue que le sieur Bancal
devint en même temps propriétaire des héritages dé
tachés; car il est matériellement impossible qu’ il pût
tout à la fois conserver ces h éritages, sans rendre les
i ?8oo francs, avoir rendu compte des jouissances, et
cependant rester créancier de 34,273 francs.
Mais l’écrit de L ouyrette, dans les ,réflexions qui le
terminent, suffit pour tout expliquer.
Il convient que les som m es p a r lu i avancées dans
tou t le temps de son adm inistration lu i sont rentrées.
Il se plaint seulement qu’elles ne lu i sont rentrées
que long-temps après j p u r con séquent? en valeurs bien
m oindres.
�( 16 )
Il dît que les recettes de fermages étoient annuelles,
mais toujours retardées ; que les payemens de ceu x de
1794 ( an 2 ) lu i ont é t é ju it s au m om ent où les assi
gnats étaient sans valeur.
E n fin , il convient qiC il a reçu 60,000,fr a n c s sur les
arrérages ; mais, suivant l u i , ils ne lui ont pas valu cent
cinquante écus.
Cependant il compte tout ce qu’il a avancé, sans dé
duction des sommes rentrées.
Q u ’importent les époques de dépréciation ? n’avonsnous pas remarqué que l’an 3 , notamment les six derniers
m ois, furent celles où le sieur Bancal paya pour son
frère 81,693 francs, et qu’en l’an 2 , ou 179 4 , il avoit
payé 22,400 francs ?
O ù prit-il ces fonds? f u t - c e dans son portefeuille?
a l l a - t - i l jusqu’à é p u is e r , anéantir son co m m erce,
comme le prétendoit L o u yrette? Assurément 81,693 fi\
de l’an 3 , ne pouvoient pas y porter atteinte ; et il ne
seroit pas étonnant, d’ un autre cô té, que ce commerce
ne fût pas très-florissant, à une époque où il n’étoit pas
plus facile de vendre des bas de soie, qu’il n’étoit prudent
de s’en vêtir.
• •
Comment donc expliquer cette incohérence du compte
présenté par L o u y r e tte , si on ne reconnoît qu’en se res
treignant au remboursement des sommes payées sur Bonn e v a l, et en avouant que ces avances avoient é té , quoi
qu’on moindre valeur, couvertes par les jouissances et
la rentrée des arrérages, et ne les déduisant pas, il
entendit rejeter cette valeur sur les sommes qu’ il avoit
avancées pour les autres adjudications, et dont il ne demandoit
�¿ f(S
( 17 )
mandoit pas alors le compte ni le payement; qu’il en
tendit fixer seulement ses avances pour en avoir un titre,
comme le sieur des Issarts avoit dans sa procuration et
la jouissance publique de ses b ien s, qu’avoit faite son
fr è r e , un titre toujours v iv a n t, pour en demander le
com pte?
Cette id ée, la seule possible, est bien exclusive encore
de l ’existence d’ un abandon des héritages acquis partiel
lem ent; sans cela le compte de l’an
seroit inexact. L e
billet de l’an
su rpris, et l ’omission étant établie par
les détails du com pte, ce seroit une erreur toujours ré
6
5
parable; il faudroit revenir à com pte; et bientôt les élémens du billet de 34,273 francs, et des quatre obliga
tions qui le représentent, disparoîtroient entièrement. E t
c’est là ce qu’a demandé le sieur des Issarts, parce que
les sommes avancées pour les adjudications partielles ,
sont bien loin de couvrir celles reçues par le sieur Bancal
a în é , sur les cinq années de jouissances.
Il ne faut cependant rien taire. L ors du compte de
l ’an , ou du billet de l’an 6 , ou même après ( le sieur
5
des Issarts ne s’en rappelle pas ) , Louyrette lui présenta
un projet d’a cte , qu’il n’eut besoin que de lire pour le
refuser : il faut le faire connoître.
A p rè s un assez long préambule sur les qualités des
parties, et les événemens qui avoient précédé l’époque
des comptes, on faisoit parler ainsi le sieur des Issarts:
« Je reconnois que mon frère m’a présenté le com pte
« détaillé des avances qu’il a bien voulu faire pour m o i,
a ainsi que le compte des recettes q u 'il a fa ite s du
« produit de ces mêmes biens ju sq u 'il ce jo u r ; qu’ayant
C
%
�^
w
(
1 8
)
«. bien examiné et calculé le tout, j& me suis trouvé
« redevable envers lu i de 34,763 livres 19 s o u s, valeur.
« num éraire en écus. »
Rem aïquons la conséquence qui résultoit de cette pre
mière partie de l’acte. L e sieur des Issarts, constitué dé^
bileur de 34,273 livres 19 sous, par un compte qui ne
contenoit aucune déduction des sommes reçues pendant
tout le temps de la jouissance antérieure, reconnoissoit
que ce reliquat étoit fo r m é , non-seulement du compte
des avances, mais encore de la déduction des som m es
reçues.
Il fulloit bien un peu compter sur la confiance du sieur*
B ancal, et sur une vivacité de caractère qui ne lui permettoit jamais de réflexion envers les personnes qu’il ne
soupçonnoit p a s, pour lui tendre ce piège.
P o u r le libérer des 34,273 livres 19 sous, on lui faisoit
ensuite consentir pour 24,000 f r . , et avec pleine garantie,
une vente du domaine d’A u ln a t, qui lui coûtoit 41,297 f . r
payés par lui seul.
. O n lui faisoit faire un billet de i o , oo f r . , payable
dans uu an avec intérêt.
O n lui faisoit reconnoître que son frère aîné avoit payé'
la totalité du prix des adjudications partielles, notam —■
m ent du verger des C a rm es; et sans bourse d é lie r, ni'
lui rendre les 1,800 fr. par lui payés, 011 le faisoit re
noncer i\ la déclaration de m ie u x , faite à son profit.
O u faisoit accepter cette déclaration, cette vente e t
cet abandon par le sieur Bancal aîné.
5
E t on faisoit obliger le sieur des Issarts u en passée
acte par-devant notaire, à f r a i s communs..
�19
'(
)
L e sieur Bancal des Issarts se révolta contre cette pro
position.
/
P o u rq u o i, en effet, e iit-il reconnu que la fixation
de sa dette à 34,273 fr. étoit le résultat du compte dé
ta illé de toutes les avances et des recettes q ii’a ç o itfa ite s
le sieur B a n c a l du produit de ces mêmes b ien s, lorsque
le détail des comptes qu’il avoit entre les mains lui apprenoit que les recettes n’avoient été ni déduites, ni
précomptées ?
• Pourquoi e u t - il donné pour 24,000 fr. le domaine
d’A u l n a t , qui lui en coûtoit 4 1 ,2 9 7 , à celui-là même
qui en avoit joui cinq ans, sans lui rendre compte des
jouissances ?
- Pourquoi eût-il abandonné la déclaration de m ie u x ,
faite en sa fa v e u r , sans déduire sur sa dette 1,800 fr,
q u’il avoit avancés ?
E t surtout comment eût-il p u , dès qu’il s’obligeoit h
payer les 34,273 fr., abandonner ces héritages, sans rien
réclamer de ce qui devoit opérer compensation , et ab
sorber bien au delà ce que le frère aîné avoit payé pour
ces adjudications ?
E n fin , pourquoi se fût-il obligé à payer à frais com
muns le coût d’ un acte que la vente d’A u ln at devoit
rendre considérable ?
A u reste, il lui suffit de nier formellement que ce
double ait jamais existé ; et son assertion mérite autant
de f o i, elle vaut autant, pour la justice, que celle de
ses adversaires.
A la v é r ité , ils prétendent en établir l’existence par
des comptes postérieurs, qui parlent de ce compte verbal
G 2
�v>\v
5
(
20
)
J'ait en m essidor an
,* mais il y a loin d’ un com pte
verbal à un double qui contient un abandon de pro
p riété; et bien loin d e ji ie r le compte verb a l, le sieur
Bancal l’a toujours reconnu , puisque , dès le premier
instant du procès, ce compte, écrit de la main de L o u yrelte, a été attaché à son dossier.
Et on sait que ce compte fut suivi d’un billet pur et
simple de 34,273 fr. Il ne pouvoit y avoir aucun autre
acte pour cet objet.
Mais le sieur des Issarts a de meilleures preuves encore
à donner de ce qu’il avance.
Lorsque l’affaire a com m encé, il a produit non-seu
lement le compte des 34,273 liv. 19 s., mais aussi le
projet d’acte dont nous venons de parler : il l’a com
m uniqué sans défiance à ses adversaires.
E n réponse à cette communication'franche et amiabley
on trouve dans le dossier des adversaires une note écrite
de la même main ( celle de Louyrette ) ; et il le falloifc
bien ainsi, car lui seul a connoissance de ce qui s’est passé
à cette époque. L e sieur dès Issarts atteste qu’il n’a jamais
eu affaire qu’à lu i, que jamais il n’a ouvert la bouche à'
son frère des comptes qu’ils avoient ensemble. Son frère
¿toit dans un état d’infirmité assez g ra v e ; il ne s’occupnit pas d’affaires, et le sieur Louyrette lui a voit expres
sément recommandé de ne pas lui en parler; sa foible
santé n’étant p a s , d isoit-il, capable de le supporter.
Q u o i qu’ il en soit, voyons la réponse de Louyrette surla communication qui lui a été donnée de ce projet d’acte*
« Environ quatre m ois après le compte arrêté le«r 13 m essidor an
5 ? le sieur des Issarts, pour se libérer'
�4
é
«
«
«
«
«
«
«
«
«
cc
«
«
«
«
(y
( 2Ï ) ~
envers son frère du reliquat de Ta somme de 34,273 liv.
19 s . , lui proposa la cession du domaine tl’A u l u a l ,
pour la somme de 24,273 f r . , et promeüoit de payer
les 10,000 fr. restans en peu de temps. L e sieur Bancal
aîné refusa la proposition, en lui remontrant que l’eniploi qu’il avoit fait de ses fonds p a r ses a cquisition s
particulières , ou pour libérer celles faites pour le
sieur des Issarts, avoient altéré les fonds nécessaires à
son com m erce; qu’il ne pouvoit absolument faire de
nouvelles acquisitions; et la proposition en resta lù.
« Cette proposition étoit écrite d o u b le, sans date ni
signature : tous sont restés entre les mains du sieur
des Issarts. L ’ un a été produit à l’audience, et se trouve
encore dans le dossier remis à M'. G a r r o n , son avoué,
O n ignore l’usage qu’il en veut faire; mais, dans tous
les ca s, il est contre l u i , etc. »
Cette explication est curieuse.
Cette proposition dont parle la n ote, et qu’on a v u e
dans le dossier de l’intim é, n’est autre chose que le projet
de compte et traité dont on vient de parler.
Remarquons bien que Louyrette , qui doit m ieux
que personne en savoir l’époque, puisqu’il est écrit de
sa m a in , la fixe A quatre mois environ après le compte
de messidor an .
5
Remarquons aussi que c’est I,onyrette qui a fait tous
les comptes et tous les projets du sieur Bancal aîné, et
qui s’en est toujours occupé exclusivement à tout autre,
parce qu’ il faisoit tontes ses affaires.
Comment se fait-il maintenant, si cette proposition
étoit émanée du sieur des Issarts, et qu’elle fut faite:
.
^
�' v'
(2 2 )
'
à son f r è r e , 'c ’e s t - à - d i r e , au sieur L o u yrette, qui seul
traitoit des intérêts du* sieur Bancal aîné ; co m m en t, di
s o n s -n o u s , se f a it - il que cette proposition, présentée
au sieur Louyrette en deux doubles, se trouvât écrite
de sa m a in , et que déjà il y eût consigné l’acceptation
du sieur Bancal aîné , dont il dirigeoit toutes les démar
ch es? N ’est-il pas é v id e n t, au contraire, que ce projet
q u i se trouve dans le dossier du sieur des Issarts, lui fut
présenté comme une proposition de son fr è r e , par le
sieur L o u yrette, son intermédiaire?
E t si cette proposition fut faite quatre m ois après
le compte de m essidor an
, comment L ouyrette y
consigna-t-il comme convention nouvelle et non encore
écrite, l’abandon des héritages détachés, et l’acceptation
5
du sieur Bancal, si déjà cet abandon étoit consommé
depuis quatre mois ?
Comment le sieur Bancal aîné refusa-t-il cet aban
d o n , que cependant Louyrette lui faisoit accepter, et
po u r lequel on lui faisoit faire encore un sacrifice de
1,800 fr. payés en 1 7 9 1 , tandis que lui-meme avoit payé
ces propriétés en assignats dépréciés, et que le sieur des
Issarts eût trouvé un grand bénéfice à les reprendre?
Croira-t-on maintenant au double sous seing privé du
13 messidor an ?
Ce n’est pas que le sieur des Issarts conteste qu’il ait
5
voulu se libérer en abandonnant le domaine d’A uln at;
q u’il ait su gré à son f r è r e , de ses peines et de ses soins.
Il n’a jamais manqué d’exprimer une reconnoissance quiest encore dans son cœur : aussi n’a-t-il jamais regretté
à son frère ni à ses n e v e u x , les agrémens, les a van-
�42!
23
(
)
tages réels qu’ils trouvoient dans la jouissance de BonD e v a l ; mais il n’a jamais proposé de céder son domaine
d’Aulnat pour la moitié de sa va leu r, et de ce qu’il lui
coûtoit réellement. Il se persuade que si ses neveux
eussent réfléchi davantage, ils n’eussent pas cru, et n’eus
sent pas prêté leur nom aux imputations injurieuses
q u’on lui a faites.
D e tout ce que nous venons de dire résulte, ce semble,,
l ’éclaircissement d’un fait qui n’a pas besoin d’auti’es
preuves.
L e sieur Bancal aîné a joui de tout depuis chaque
acquisition.
5
Il a présenté , en messidor an
, un compte de ses
avances pour le domaine de Bonneval seulement.
Il n’y a pas compris ses avances pour les autres ac
quisitions.
11 n’en a pas déduit ce q u ’il avoit reçu pour les jouis
sances de cinq années.
Il a reçu un billet de 34,273 livres ig so u s, m on
tant de ses avances pour le payement de Bonneval.
E t il n’a été rendu à cette époque aucun compte ni
des autres avances, ni des sommes qui pouvoient les
compenser.
V o ilà en résultat la réalité du fa it; c’est à cela qu’il
faut le réduire. Il a été nécessaire de rétablir en commen
çant, afin de bien le fixer avant d’en voir la suite. Ce
récit, qui tient de la discussion , nous dispensera d’y re
v e n ir , et mettra à même de saisir beaucoup plus ai
sément le sens et les conséquences des actes postérieurs.
Nous arrivons à celui epu est le plus important de la
cause.
�C 24 )
L e sieur des Issarts avoit pour son frère le plus grand
respect et la plus teadre amitié ; il ne faisoit que lui
rendre un sentiment de tendresse, que son frère lui avoit
toujours témoigné ; aussi reçut-il sans examen le compte
que lui présenta le sieur L ouyrette, parce qu’ il avoit la
confiance de sou frère ; aussi signa-t-il sans réflexion l e
Lillet de 34,273 francs, lorsque le sieur Louyrette le lui
proposa , s’imaginant avec raison que ce compte des
avances pour BounevaJ. n’étoit pas exclusif du compte des
revenus qu’on ne cessoit pas un seul instant de lui devoir.
Il n’avoitpas davantage réclamé le principal ni les jouis
sances de sa portion héréditaire; il avoit été toujours et
exclusivement occupé des affaires pu b liqu es, et avo!t
abandonné à son frère le soin des siennes p ro p res, dont
il ne connoissoit pas la moindre chose,
L e billet de 34,273 fr. fut bientôt suivi d’un autre écrit,
U n projet d’alliance avoit été conçu entre sa nièce et lui;
son frère lui en avoit même écrit pendant qu’il étoit au
conseil des Cinq-cents. Il ne connoissoit pas alors le testa
ment de son père; mais il savoit que son frère ne se soucioit pas de démembrer ses propriétés, et de rendre un
com pte de jouissances. Plein de reconnoissance pour la
conduite de son f r è r e , et se laisant aller à un m ouve
ment irréfléch i, il remit un jour à sa nièce qui se trouv o it seule avec l u i , cette déclaration du i er. prairial an 6 ,
dont on tire une fin de non-recevoir contre sa demande
en partage : elle est, ù ce qu’il p aroît, entièrement écrite
de sa main.
« Je déclare, d it-il, que je consens à la pleine et entf tière exécution du testament de mon père ; que je f a i s ,
«c en
�$23
5
( î
)
« en tant que de besoin , toute délivrance de legs et
« dispositions fa ite s pat' mon père; et que je quitte
« aussi sa succession et celle de ma mère de toutes choses
« quelconques, sans réserve , en remerciant D i e u .d e
« toute la reconnoissance que je leur dois. »
Cet écrit ne lui fut dicté ni demandé par personne ;
il le donna par une impulsion dont il ne chercha pas
à se défendre; il le confia à sa nièce, et à sa nièce seule.
Il crut que son frère en éprouveroit du plaisir, qu’il y
seroit sensible; il trouvoit son indemnité dans les con
ventions du mariage.
L a simple inspection démontre qu’il fut l’ouvrage de
sa seule pensée, qu’il ne fut qu’ un véritable projet où il
consigna ses intentions que personne ne connoissoit, et
que personne n’accepta comme une obligation actuelle et
valable en soi.
Depuis , le sieur des Issarts continua la môme manière
de v iv r e ; il reçut des comptes partiels sans ombrage
comme sans défiance. Cet état de choses a duré jusqu’à '
son mariage avec la demoiselle Girard.
L e i er. floréal an 7 , il reçut du sieur Louyrette un
état de compte de tout ou partie de ses revenus, depuis
le i cr. juillet 1797.
7 499
,
l. 16 s.
L a dépense fut portée à .......................
La recette seulement à ............................ 7>3r9
»
Il se trouva débiteur de 360 livres 16 sous, qu’on
convint de porter au chapitre de dépense du com pte
suivant.
L e 20 thermidor an 8 , nouveau compte des recettes
et dépenses, depuis le I er floréal an 7.
D
�( 26 )
La recette fut d e ...................
La dépense d e ..........................
6,7
I.
4,684
2 s»
Il y eut donc excédant d e .....................
2,100 .
1
» s.
85
On compte ensuite trois ans (Cintérêts des 34,2731.19s.;
on eu déduit les 2,100 liv ., et ajoutant 3,0401. i s. 9 d.
qui restent, aux 34,273 liv. 19 sous, on l'orme un capital
de 37,314 liv. 5 sous 9 den., dont le quart produit chacune
des obligations de 9,328 liv. 11 sous, qui furent deman
dées au sieur des Issarts, et qu’il consentit à ses neveux,,
à la charge de l’intérêt à cinq pour cen t’, qu’il a servi
depuis.
L e billet de 34,273 francs comprenoit déjà 4,81 fr.
d ’ intérêts ; ils avoient produit d’autres intérêts qui sont
calculés avec ceux du capital, et montent, au 20 theivmidor an 8, toute déduction faite, à 3,040 liv. i sous;
5
5
5
et ces intérêts d’intérêts sont encore confondus dans le
capital des obligations, pour produire d’autres intérêts.
L e sieur Bancal a tout signé avec une confiance sans
bornes.
Toujours est-il démontré que l’arrêté de compte à
34,273 francs, a été la baSe de celui de l’an 8. Ce dernier
s’y r é i è r e ,e u le rappelant comme compte verbal fa it
au mois de messidor an 5 ,• il est établi sur les memes
bases, fait dans les mêmes expressions, et seulement pour
le temps postérieur au précédent.
Et ainsi-il demeure constant que les appelans, nantis
des jouissances qu’ ils ont faites pendant lecoursdu papîermonnoie , ont néanmoins contre leur oncle une créance
de 37,314 francs, dont ils pei’coivent les intérêts, quoi-
�271
(
que les Siemens qui en ont formé le capital, fussent plus
q u ’absorbés par ces jouissances.
?
C ’est à ce compte du 20 thermidor an 8 , que les appelans fixent l’époque à laquelle ils prétendent que le
sieur des Issarts redemanda le prétendu double de l’an ,
p our ne pas fa ir e double emploi.
Cette assertion est aussi impossible qu’inexacte.
D ’abord ce n’eût pas été avec le compte de l’an 8 ,
ni avec les obligations, mais bien avec le billet de ven
démiaire an 6 , que cet arrêté eût fait double emploi.
20. O n ne craignoit pas de faire double emploi de
l ’arrêté de compte de l’an 8, avec les quatre obligations,
puisqu’on laissoit subsister l’un et l’autre.
3°. Si même le double emploi eût existé entre un
compte de l’an , et celui de l’an 8 , ou les obligations',
il n’en étoit pas de même de l’abandon des héritages dé
tachés, qui emportoit tradition de p ro p rié té , et qui ne
se retrouvoit nulle part ailleurs.
Sans doute on ne pouvoit guère répéter cette trans
lation de propriété dans les obligations ; mais dès qu’in
dépendamment de ces titres particuliers, on conservoit
un compte sous seing p r iv é , on pouvoit tout aussi-bien
le faire d o u b le , en y transcrivant les conventions ex
primées dans celui de l’an .
5
5
5
E t qui doutera que les sieurs B an cal, ou pour eux
le sieur Louyrette, eût manqué à le faire, et à conserver
ce titre unique de propriété , q u e , suivant l u i , il avoit
cru devoir exiger en l’an ?
Qui croira qu’ il s’en fût départi au moment même
o u , donnant au sieur des Issarts une marque de défiance,
D 2
5
�.
' (28)
il exigeoit au nom de ses neveux des obligations nota
riées au lieu d’un b illet, et se hâtoit de mettre aux h y
pothèques des inscriptions qu’il avoit promis de ne pas
prendre?
^
D ’ailleurs, le sieur des Issarts a prouvé que ce compte
ne fut autre que le projet qu’il représente, de la main
de L o u yrette, et que le x’eliquat en fut fixé par un billet
pur et simple qu’il a retiré ou dû retirer ( il l’a perdu
de v u e ) en consentant les obligations.
L e sieur des Issarts avoit seul en son pouvoir tous les.
arrêtés de compte signés de sa nièce et de l u i , puisqu’ils
n’out pas été faits doubles; il a tout produit dès le pre
mier instant, quoique quelques-uns se présentent en ap
parence contre sa demande. Comment soupçonner qu’il
ait détourné la moindre chose ?
Comment surtout l’en accuser durement, sans preuves
et sans vi’aisemblance..
D eu x autres comptes ont été projetés, mais non arrêtés,,
en l’an ro et 11. L e sieur Bancal doit néanmoins convenir
qu’ il a payé 692 francs dont il n’a pas de quittance, et
qu’on lui a dit être avancés outre les jouissances de ces.
deux années : il n’y a vu aucune conséquence pour les
temps antérieurs.
Les choses ont resté en cet état, jusqu’à l’époque où
le sieur des Issarts a épousé la demoiselle G ii’ard d’A u Jjièrc.
- Les appelans disent qu?il a gardé long-temps le silence
qu’ ils alloient le poursuivre eu payement des obligations
la vérité est qu’il'a réclamé presqu’aussitôt. Des pou r
parlers, des projets d’arrangement, deux ans employés à
�( 29 )
~
un arbitrage in fru ctu eux, ont retardé les poursuites ;
elles n’ont commencé que le 11 octobre 18 11. Il faut se
fixer sur la demande.
E lle a deux objets très-distinctement énoncés.
i° . L e partage de la succession des père et mère. L e
sieur des Issarts demande sa portion afférente, et conclut
contre ses neveux au rapport du m obilier, du fonds de
com m erce, de l’ inventaire, etc.
20. Il demande le compte de la gestion et
tration des domaines nationaux acquis; savoir,
maine situé à A u ln a t,e £ autres héritages, du
de Bonneval, et du p r é - v e r g e r situé près les
adminis
d’un do
domaine
Carmes :
ladite a d m in istra tion , est-il dit, rem ontant à l'époque
de chaque adjudicationRemarquons bien ici que le sieur des Issarts, dans sa
demande, comprenoit tous les biens acquis, même les
héritages détachés , puisque tous ces autres héritages
situés ù A u ln a t, et le pré des Carm es, remplissent les
adjudications. Il les regardoit donc tous comme à lui.
Mais ce qu’ il y a d’étonnant, c’est que le rédacteur
de l'exploit, ignorant sans doute que le sieur des Issarts .
11e possédoit, ni ces autres héritages, ui le pré des Carmes,,
se borne à demander les jouissances passées, et ne con
clut pas au désistement.
Observons aussi qu’ il demande un compte g é n é r a l,.
sans prétendre rien changer aux comptes particuliers de
chaque année, qu.’il supposoit devoir y être portés tels,
qu’ils sont, saut les erreurs ou omissions reconnues.
Les défendeurs se présentent, concluent à c e q u ’ il soit
déclaré non recevab le, subsidiaircment débouté ; et c’est
�(3 0
en cet état que la cause ést' portée à l’audience du tri
bunal de Clerm ont, le 13 mars 1812.
L e sieur des Issarls, en renouvelant ses conclusions,
demanda subsidiairement le compte des cinq années an
térieures à 1796.
- Il demanda aüssi le désistement du verger des Carmes,
aux-offres de tenir en com pte les sommes payées; mais
sans demander celui des autres héritages détachés dont
il continua de réclamer les_ jouissances.
- Les défendeurs reprirent leurs conclusions tendantes
à la fin de n on -recevo ir, subsidiairement au débouté.
Ils opposèrent, quant aux com ptes, que le sieur des
Issarts n’étoit plus recevable, depuis les obligations de
l ’an 8 , à demander aucun compte antérieur.
»
E t quant aux comptes postérieurs, ils soutinrent,
d ’une p a r t , qu’ils ne pou voient concerner ni le sieur
Bancal ni la dame Dalbine, et que mademoiselle Bancal,
qui seule avoit g é ré , les avoit tous rendus.
O n ne trouve nulle part de conclusions tendantes à
la rertiise du prétendu acte double du 13 messidor an .
Mais ils semblent eu x -m êm es demander la révision
du com pte, en soutenant qu’on devoit leur tenir compte
du p r ix des bestiaux qui n’avoient pâs été compris dans
les comptes.
L e tribunal a ordonné le partage, le désistement du
p r é , et la révision des comptes par Boutai , notaire, à
l ’effet de savoir si le p ri* des bestiaux y est compris; et
il a rejeté la demande d’un compte général formée par
5
le sieur des Issarts.
Les adversaires ont interjeté appel,
«•
�(
3
1
}
i 0'. En. ce que l’écrit de l’an 6 a été rejeté;
2?. E n ce que le désistement du pré des Carmes a
¿té ordonné;
3°, Eu ce que le sieur des Issarts n’a pas été condamné
à remettre le prétendu double de l ’an ,
L e sieur des Issarts a lui-même interjeté appel inci
dent, en ce que le tribunal a rejeté sa demande en com pte;
il demande le compte gén éral, subsidiairement celui des
cinq années antérieures à 17 9 6 , et celui des héritages
détachés, pour tout le temps de la jouissance; enfin, il
réclame la procuration donnée en b la n c , pour vendrç
le domaine d’Aulnat.
5
T e l est l’état de la cause : nous pouvons la discuter
dans le même ordre que l’ont fait les appejans; c’est-ù-,
d ire, exam iner, i° . le mérite de la demande en partage,
et de la déclaration de l’an 6 , et en même temps la fia
de non-recevoir incidemment proposée contre la nul
lité de cette déclaration.
2°. La demande en désistement du verger des Carmes.3 9. L a demande en reddition de compte.
§. I er.
\
La déclaration de Tan 6 est-elle un acte va
lable qui puisse écarter la demande en par~
tage ?
A v a n t d’aborder cette question, le sieur Bnncal des'
Issarts n’a pas dû se dissimuler que les circoüi>tanceS'
exigeoient de lui une autre explication..
�(3 0
Il ne suffît pas, en effet, à l’homme probe et délicat,
de critiquer dans sa forme un acte qu’il a consenti en
m ajorité; car il a dû avoir des motifs de le consentir,'
il a dû savoir ce qu’il faisoit; et la solennité de l’acte
n’ajoute rien à la réalité de son engagement, s’il s’est
réellement et valablement engagé.
‘ -1A u ssi, le sieur des Issarts a suffisamment fait sentir dans
le récit des faits, dans quelles circonstances et par quel
mouvement il donna cette déclaration. Nous reviendrons
sur cette explication ; mais il im porte, avant to u t, de bien
conn oître, en d r o i t , quelle peut-être la valeur de cet
écrit : nous serons mieux à même d’en déterminer les
conséquences , surtout en le rapprochant des circons
tances qui y ont donné lieu.
O n le considère comme approbation du testament, et
abdication de la légitime : la simple réception du legs,
dit-on , vaut approbation form elle; et cette approbation*,
toujours considérée comme valable en soi, exclut la que
relle d’inofficiosité, même la demande en nullité du tes
tament.
• ,
O n cite des textes q u i , dit-on , le décident formelle
ment et pour tous les cas.
Il est très-vrai,en d ro it, que la réception du legs ex
clut la plainte d’inofficiosité ; mais c’est une erreur trèsgrave que de vouloir étendre ce principe à tous les cos:
l ’ordre môme des principes ne le permettroit pas; il
suffit, pour s’en convaincre, de les méditer un instant.
L ’ héritier de d r o i t , qui est réduit par le testament à
un legs moindre que sa légitim e, peut refuser le legs
et demander l’intégralité de ses droits! Néanmoins il
�33
(
)
n ’y est pas o b lig é , et il est absolument le maître d’exé
cuter le testament, si d’ailleurs il trouve en lui-même
des motifs de le respecter, ne fussent-ils puisés que dans
sa délicatesse ou dans les convenances. 11 est censé avoir
connu le testament, par cela seul qu’ il a reçu le legs.
A in si il ne peut pas dire ensuite qu’il a été induit en
erreu r, ou qu’il n’a pas connu les dispositions du tes
tament, puisque son approbation, accompagnée de la
réception du legs, démontre qu’il en a connu toute la
substance, et que la lecture du testament même ne lui
en eût pas appris davantage.
A llo n s plus loin. L ’héritier exhérédé par un testa
m ent, peut encore l’approuver, car l’exhérédation n’est
pas par elle-même un vice; elle peut être fondée sur
une juste cause , et dans ce cas l’héritier peut avoir pardevers lui des motifs de garder le silence, soit parce
que la cause étant vraie, l ’exhérédation est valable, soit
parce que des motifs de respect pour lu i-m ê m e peuvent
lui faire éviter avec réflexion de rendre p u b liq u e, et
l’exhérédation, et les motifs qu’on y a donnés.
Aussi la lo i, présumant ce m otif, dit-elle q ue, dans
ce c a s, l ’héritier qui a connu le testament, et qui en a
demandé l’exécution au nom d’ un autre dont il étoit
procureur fondé, a fait une approbation valable. A g n o visse enirn videtur qui quale quale ju d iciu m defuncti
comprobavit. Ce sont les textes dont s’autorisent les
appelans.
La raison de ces dispositions de la loi est bien simple.
Dans ces cas comme dans tous ceux d’inoiliciosité, la
disposition portée au testament est valable en soi ; elle
E
�.
f 34 5
n’est ni contraire aux bonnes mœurs, ni prohibée p a r
les lois : le testament peut subsister avec elle.
'
Mais il en est bien autrement des nullités intrinsèques;
par exem ple, la prétérition : c a r , soit d’après les lois
romaines, soit même d’après l’article 53 de l’ordonnance
de 173 5 ,1a prétérition est un vice radical et substantiel,
par la seule force duquel le testament est annullé d e
plein d roit; tellement que si l’enfant prétérit ne s’en
plaint pas, tout autre héritier non prétérit peut demander
la n u llit é , et la justice doit la prononcer.
Cela est fo n d é, non-seulement sur ce que la loi ne
permet pas qu’on touche à la légitime des enfans, mai&
encore sur l’injure qui résulte de l’omission. Elle ne
s’en remet plus à personne pour venger cette in ju r e ;
elle déclare qu’elle lui est insupportable; et pour la
bannir à jam ais, elle prononce elle-même la n u llité,
et déclaré sans force l’acte qui la renferme.
Cette doctrine nous est enseignée par les deux doc
teurs les plus solides et les plus lumineux du droit écrit,
D o liv e et Furgole. Elle est celle des lois comme celle
des principes et delà saine raison : nous allons le prouver
immédiatement.
Iiii loi i rp. ,ff. D e Jiis qvœ u t indign. au fe r ., s’ex
prim e ainsi : P o s t legatum acceptum , non tantùrn licebit fa is uni arguera testa mentum , sed etiarn non ju re
fa c tu m contendere : inojjiciosum autern dicere non perviittitu r.
V o ilà une disposition générale qui n’est faite pour
aucun cas particulier, mais qui prévoit les difficultés
et prévient les mauvaises applications, en établissant
une distinction de principe. .
�Ainsi l’héritier qui a reçu son legs ne peut plus cri
tiquer le testament comme inofficieux.
Mais il peut l’arguer de faux.
• E t il peut tout aussi-bien en demander la n u llité,
¿V/ est contraire a u x lo is , sans que la réception du legs
y fasse obstacle.
Il est cependant possible de rejeter certaines de
mandes en nullité ; par exem p le, des nullités pure
ment de forme extrinsèque, qui ne touchent pas à la
substance du testament, et que l’héritier peut négliger.
A in si on a vu des exemples qu’ une nullité de forme que
l ’héritier avoit pu ou dû connoître, étoit déclarée cou
verte par la réception du legs. C ’est dans cette espèce
que se range l’arrêt de la Y o lp iliè r e , cité par les appelans.
E t c’est aussi le cas dont parle R icard , lorsqu’il dit que
le testament peut subsister par la seule volonté du défunt,
si l’héritier le reconnoît et l’a p p ro u v e , quoiqu’il soit
invalide en solenn ité; parce q u e , dans ce cas, le tes
tament subsiste malgré la nullité d e f o r m e , tant qu’elle
-n’est pas prononcée. Mais ces sortes de nullités ne sont
pas de celles qui sont toujours réservées, parce qu’elles
vicient le testament, comme les cas de prohibition ab
solue, qu’exprime la loi par ces termes: N o n ju re fa ctu m .
L a loi
L e §.
I er.
5 , au
même titre , n’est pas moins formelle.
nous dit : D e eo vero q u ileg a tu m accepit f s i
' neget ju re fa c tu m esse testar/ientum , divus pins Uct
rescripsit : cognati Sophronis licet ab Jiœrede instituto
acceperunt legata , tarnen s i his ( hceres ) ejus condi
t io n s f u e r i t visus ut obtinere hœreditatem non p o ssit
<et ju re intestati ad eos cogna tos p ertin et, pet ere hœ re
dit a te t u ipso ju re potuerunt.
�i 3 6 },
V o ilà encore un principe général tracé par la loi. II
est toujours le même.
Il ne faut pas dissimuler cependant qu’ immédiatement
l’empereur semble apporter une modification à cette
règle qu’il vient de prescrire par ces termes rigoureux
ipso ju r e . O n n’y. auroit trouvé aucune conséquence, si
Güjas n’y avoit prêté un sens extrêmement étendu et
absolument contraire au texte. C ’est avec F u rg o le , et
sur l’évidence du f a i t , que nous le disons ainsi.
!La loi continue en ces termes :
P ro h ib en d i autem s in t, an non , ex cu ju sq u e.p eis o n a , con dition e, œ ta te, cognita causa à ju d ice constituendum erit.
Ces expressions ne doivent pas être séparées de la
phrase qui précède. Dans la première on trouve la
r è g le , et dans la suite on trouve l’exception ou plutôt
la modification. Et comme remarque F u rg o le, Cujas a
fait de l’exception la règ le , et de la règle l ’exception.
Ces derniers termes de la loi , traduits soit littérale
ment , soit dans leur sens naturel, semblent devoir s’ex
pliquer ainsi :
« Néanmoins ils seront repoussés ou non, suivant que
« le jug e en décidera en pleine connoissance de cause,
« en consultant l’â g e , la condition et la position des
« personnes. »
Assurément cela ne veut pas dire que la nullité ne
pourra être admise que dans le cas de m inorité, ainsi
que l’ont prétendu Cujas et quelques auteurs après lui;
car il eut été, d’une p art, tres-inutile d’une loi spéciale
pour dire que le mineur peut se faire relever d’une
�37
(
)
réception do legs et d’une approbation de testament ,
comme de tout autre acte; les principes généraux sur
la minorité le disoient assez : de l’autre , le premier
m em bre, qui à lui seul contient la rè g le , eût été inex
plicable. T o u t ce qu’on peut y v o ir , c’est qu’en ouvrant
la voie de la uullité malgré la réception de legs, la loi
ne veut pas cependant que cette règle soit absolue, et
elle donne au juge toute la latitude possible pour l’ad
mettre ou la rejeter , suivant que l’ùge et la condition
des personnes , et l’ensemble des circonstances donne
ront à la demande un caractère de bonne ou mauvaise foi.
C ’est ainsi, en effet, que l’explique la loi 4 3 , ff. D e
hœred. p e tit., qui rapporte le même rescrit.
Im perator A n to n in u s , rescrip sit, d i t - e l l e , e i , q u i
legatum e x testamento ab&tulisset causa cognita hœ~
reditatis petitionem negandam e s s e , SCILICET SI MA
NIFESTA CALUMNIA S ïf.
Cette interprétation de la loi elle-m êm e ne laisse sub
sister aucun doute sur le sens d’ailleurs simple et naturel
du rescrit d’Antonin ; évidemment il en résulte que le
juge peut toujours admettre la demande en nullité, mal
gré la réception du legs, a-moins que les circonstances et
la qualité des personnes ne lui démontrent qu’elle est
de mauvaise foi : Scilicet s i m anifesta calum nia sit.
Aussi Furgole a - t - i l professe celte doctrine avec as
surance; on trouve au cliap. 6 , sect. 3 , n°. 126 etsuiv. ,
une profonde et lumineuse dissertation , où il développe
les véritables principes de cette matière: il est impossible
de ne pas s’y rendre.
11 est vrai qu’ü combat l’opinion d’auteurs non moins
�»V
/
(
3
8
3
recommandables, Cujas, R ica rd , Brodeau; mais outre
qu’en droit écrit l ’autorité de F u r g o le , appuyée sur ta
loi m ê m e , est toujours plus imposante, il faut remar
quer que ces auteurs sont divisés sur un point qui n’est
pas le nôtre; car ils le sont principalement sur ce que
F urgole prétend appliquer à toute espèce de nullité ,
même à celles purement extrinsèques, le principe de la
l o i ; ce que les autres avoient nié ouvertement : et il est
vrai que quelques arrêts rapportés par L ouet et Brodeau,
comme celui de la V o lp iliè r e , les y avoient autorisés. >
Gela p o s é , de quelle conséquence peuvent être les lois
et les autorités citées par les appelans? Elles sont toutes
dans le cas de l’inofficiosité , ou de ces nullités extrin
sèques qui peuvent diminuer de la solennité, mais qui
ne touchent pas à la substance du testament. Que l’on
examine les textes et les opinions invoqués par eux
partout on verra que soit les textes, soit les arrêts qui
ont fondé les o p in io n s, notamment celle de L ou et et
B rod eau, ne se rapportent qu’aux cas dont nous venons
de parler.
E h ! comment l’appliquer au cas de la prétérition ?
a-t-il la moindre analogie avec l’approbation résultant de
la réception d’un legs? Non sans doute; car s’il dépend
de l’héritier de recevoir moins que sa légitime , et de
s’en contenter par des considérations quelconques, il n’a
pas la puissance de faire valoir un testament qui le frappe
de prétérition, puisque son propre sileqce n’empêcheroit
pas la nullité , et qu’ un autre pourroit aussi-bien que
lui la faire prononcer. C ’est ici qu’on va sentir l’im pos
sibilité d’appliquer au cas de la prétérition les lois et les
exemples invoqués.
�39
(
)
U n héritier peut en général approuver un testament :
cela est v r a i , lorsque le testament contient une disposi
tion quelconque qui le concerne; car il peut en recon
noitre la justice; encore faut-il que cette disposition soit
autorisée par la loi. Et voilà pourquoi l’exhérédation
ne peut donner lieu qu’à la plainte d’inofïiciosité, parce
qu’elle est permise dans un testament, à moins qu’elle
ne soit fondée sur une cause fausse; ca r, en ce cas, dit
encore F iirgole, elle est semblable à la p rétéritio n , et
entraîne nullité.
Mais si le testament est muet sur l’ un des héritiers
directs, il ne peut être un titre pour l’exclure, et aucune
approbation ne peut le faire valoir comme titre d’exclu
sion. Une approbation , pour être valable, et avoir un
effe t, suppose une disposition préexistante. E t de même
que la simple l’atification faite par un m ineur, d’un acte
essentiellem ent n u l, et auquel il n’étoit pas personnel
lement partie, comme émancipé, est un acte sans force
ni valeur, quia hujusm odi ratio n ih il ddt ; de même la
simple approbation par le prétérit d’un testament entaché
de prétérition , ne peut produire aucun effet ; car ce
testament n’est pas un obstacle à son droit de légitime.
Ce n’est pas que l’enfant prétérit soit obligé de récla
mer sa portion héréditaire; il peut l’abandonner, il peut
la ce der, il peut reconnoitre qu il l’a reçue; mais alors
lq titre de son cohéritier ne résulte pas du testament >
mais bien de l’acte consenti depuis l’ouverture de la suc
cession ; et voilà pou rquoi on exige que cet acte soit va
lable en lui-même , et emporte disposition , sans cela
l ’action en pétition d’hérédité est toujours admise.
�w
.
( 4 0 )
Cela est évident, cela est dans toute la rigueur des
principes; la loi les eût méprisés si elle eût dit le con
traire. Mais cela est aussi dans la l o i , comme nous l’avons
v u ; cela est dans la jurisprudence des arrêts, comme
l ’atteste F u rg o le , et comme le prouve un arrêt du 13
juillet 17 4 0 , rendu dans les plus forts termes.
A ntoine V iala avoit légué > oo francs à Antoine et
Jeanne, ses enfans, et 1,000 francs seulement à M arie,
femme F a u ré , son autre fille; sa femme fut instituée
h é r itiè r e , sans charge de fidéicommis. Les legs ne furent
pas faits à titre d’institution.
A p rès le décès d’A n to in e , le sieur F a u r é , époux de
M a r ie , reçut le legs de 1,000 francs, et en donna quit
tance. A ntoine etM arieform èrent demande en délivrance
du legs de 3,5oo francs, et obtinrent, le 10 septembre
1 7 3 6 , un arrêt qui le leur adjugea en principal et in
35
térêts. Antoine décéda avant de l’avoir reçu.
Bientôt a p rès, Jeanne et les enfans Fauré deman
dèrent la cassation du testament, et la délivrance de
leur légitim e, tant de leur chef que de celui d’A ntoine; et
malgré la quittance du sieur F a u r é , et l’arrêt de 1736,
leur demande fut adjugée, parce que les enfans du tes
tateur n’étoient pas institués, et que la nullité fut consi
dérée comme absolue.
Ce cas, assurément, est bien plus fort que celui ou
les enfans sont absolument om is, et où la prétérition est
complète. O n ne peut pas citer d’exemple plus tranchant.
Les principes une fois bien connus, et leur application
bien déterminée en gén éral, examinons l’écrit dont il
s’agit en la cause. V a u d r a - t - i l comme approbation?
comme renonciation ? comme quittance?
�4
( i )
- i° . Comme approbation !
- Nous l’avons déjà dit : on ne peut ratifier par une
simple approbation qu’un acte valable dans scs élémens,
et dans lequel on est partie ; on ne peut approuver un
testameot d’une manière valable respectivement à soi, que
lorsqu’on y est dénommé par une disposition quelconque.
Hors ces cas, il faut que l’approbation ne soit pas pure
et simple, mais qu’elle emporte disposition actuelle.
Encore fa u t-il, pour que l’approbation soit valable,
qu’elle soit faite en pleine connoissance de cause; ce que
l ’on ne présume jamais de d r o it, ù moins que l’acte ap-probatif ne le démontre : n i s i cognitis perspictisque
verbis testainçnti. Combien n’a-t-on pas vu d’exemples
d’approbations annullées par cela seul que le testament
n ’étoit pas daté , ni ses dispositions visées ; ce qui se
.rencontre dans l’espèce.
Cela est dans l’ordre des principes généraux du droit.
Q u ’est-ce, en effet, qu’ une approbation en g é n é ra l?
.que faut-il y trouver pour qu’elle valide un acte nul ?
-Il faut, dit D u m o lin , qu’elle soit faite cuni causœ co~
g n itio n e ; que celui qui approuve soit pleinement ins
tr u it du vice de l’acte, sciens nullitatem et vitium con jir m a t i : elle est sans force, si elle est faite seulement
in fo rm a com m uni.
Il explique ensuite à quels caractères on reconnoîtra
■
la n u llité, ou la validité de l’approbation.
Elle sera nulle comme faite in fo r m a com m uni, quando
non exprim itur ad longum , ténor con/irm ati, sed confir m a n s se refert ad illud et confirm ât sicut sine pra^vitate, vcl sicut jettte et légitima obtcntum f u i t .
�C 42 )
Elle sera valable, au contraire, comme emportant nou
velle disposition quando enarrato toto tenore confir7n a ti approbatur, recogniscitur et confu inatur ¿1 putestatem Icibente.
Les articles 13 3 8 , 1339 et 1340 du Code Napoléon r
ont érigé en loi positive ces principes que la jurispru
dence avoit jusqu’alors constamment adoptés; seulement
ils contiennent quelques exceptions qui ne s’appliquent
point à notre espèce, quoique les appelans aient l’air
de citer avec quelque confiance l’article 1340 ; car il est
toujours vrai qu’on ne peut approuver sans le connoître
un acte nul en soi ; et la connoissance n’est jamais p r é ’sum ée, si elle n’est positivement établie par l’acte approbatif.
Ces principes s’appliquent aussi-bien aux testamens
qu’à tout autre acte et à toute espèce de convention..
E t voilà pourquoi le testament nul pour cause de pré
te n t io n , ne vaut ni comme fidéicommis, ni même par
la force de la clause codicillaire. Ord. de 173^, art. 33.
* V o ilà pourquoi encore le testament imparfait en la vo
lo n té, n’est pas validé par un codicille parfait, à 7/ioins
que les dispositions ne soient répétées dans le codicille.
C ’est la doctrine de tous les auteurs, F u rg o le , Ricard^.
Henry s , Rousseaud-Lacom be, etc.
Comment donc concevoir qu’il soit validé par une
approbation pure et sim ple, qui ne constate même pas
que le testament ait été con n u ?
E t si l'h éritier, par respect pour la mémoire de son
p è r e , avoit voulu l’approuver sans le connoître, dans la
juste confiance q u’il étoit au moins honorable pour lui^
�43
C
)'
r
pourroît-on en tirer la conséquence qu’il a approuvé sans
le savoir l’injure qui lui étoit faite?
*Qu’il a entendu déverser sur lui-même tout l ’odieux
d’ une prétérition ?
Q u ’il a uroi t accepté, sans les avoir et sans le d ire, l ’injure
d’une exhérédation infamante, et fondée sur de fausses
causes?
Disons-le sans hésiter : cela n’est p a s, cela ne peutêtre ; et si une approbation n’apprend pas que celui de
qui elle est émanée a connu le testament, au moins en
le datant et en le visant d’une manière spéciale, elle ne
peut le faire valoir.
L e sieur des Issarts l’atteste, il ne connoissoit p a s,
en l’an 6 , le testament de son p è re ; il ne l’a v u , pour
la première fois , qu’après son m ariage, et lorsqu’il a
voulu connoître sa position et réclamer ses droits. Il ne
se x’appeloit pas du tout à cette époque la nature de
l ’écrit qu’il avoit remis à sa nièce, sans quoi son pre
mier chef de conclusions eût été d’en demander la remise.
I c i, les appelans ont fait leur thème avec beaucoup
d’aisance.
« L e p è re, disent-ils (page 3 ) , est m ort en 1790; après
« son décès, tous seà autres enfans se sont empressés d’ap« prouver et exécuter les volontés de leur père; ils ont
« reçu les legs sans réserve : les appelans ont les quit« tances en leur pouvoir.
« L e sieur des Issarts ne voulut pas être en reste, etc. »
Ailleurs ils disent encore ( pag. 17 et 18 ) : « Il savoit
« qu’il n’y avoit rien pour lui (dans le testament); il
« ne veut rien exiger. L e père étoit mort depuis huit
Fa
�44
(
)
« ans*; ses dernières volontés a voient été exécutées par
« les autres enfans; l’héritier institué étoit en possession
co de l’universalité des biens ; le sieur des Issarts étoit
« majeur depuis longues années : il a donc agi en con« noissance de cause. »
Il semble à ces mots que le sieur des Issarts habitoit
la maison paternelle, qu’il en connoissoit les moindres
détails; qu’immédiatement après le décès du père, tous.
' les enfans se sont réunis pour approuver ses dispositions,
et que le sieur des Issarts n’a fait que les imiter. O n a
leurs quittances I
*
Répondons par des faits.
, A v a n t et après la mort du père, le sieur des Issartshabitoit Paris; le père étoit mort le 2 5 novembre 1790,.
et dès 1791 il donnoit une procuration à. son frère pour
administrer ses biens. Il 11e connoissoit ni l’état de la
fortune ni les affaires de la fa m ille, auxquelles sa posi
tion antérieure n’avoit pas permis qu’il fût jamais initié..
Il ne connoît pas l’époque à laquelle tous les autres
enfans ont ou peuvent avoir cédé. Les appelans rap
portent deux quittances seulement ; elles sont à la date
des 20 frimaire an 7 , et 24 pluviôse an 8. Ils ne s’étoient
donc pas si fort empressés ! L e sieur des Issarts n’a donc
pas été seulement l’imitateur d’un élan qu’auroit dicté
à tous le respect filial, et la juste disposition du père!
L a première de ces quittances est de Bancal, notaire.
Il approuve le testament de son p è re , e tc« conséquence
reconnaît avoir reçu le m ontant du legs J a it par ledit
testam ent, etc.
L a seconde est du receveur de Dijon. 11 rcconnoît
�45
(
)
avoir reçu 3,000 fr a n c s pour ses droits lêgitim aires,
fixés p a r le testament du 31 août 1784, etc. L e legs
n’étoit pourtant que de s , oo francs.
Ainsi ces deux frères approuvent, au moyen de ce qu’ils
reçoivent leur legs, et le legs f i x é par ledit testament.
Ainsi ils ap p rou ven t, comme conséquence de la récep
tion du legs, et ils le font en connoissance de cause.
E t en effet, on ne conçoit pas d’approbation sans un
principe et un m otif pris hors d’elle-même. Celui qui
reçoit un legs s’en contente, et en donne quittance. L e
prétérit à qui on fait vaguement approuver un testament,
5
ne s’engage à r ie n , puisqu’il n’approuve rien qui le con
cerne.
Cependant le sieur des Issarts, long-temps avant ses frè
res , avo it, dit-on , approuvé le testament. Quel avoit été
le ¡principe de cette approbation ? Les appelans essayent
encore d’y donner un prétexte : il avoit reçu quatre f o i s
sa légitime. Mais où est le témoin qui dépose de cette v é
rité ? Ce n’est ni cet acte, ni aucun autre acte; cependant
cet écrit ne peut pas valoir sans cela.Cette vérité prétendue est d’ailleurs repoussée par le
moyen de fait dont on l’étaye. Nous avons prouvé que
l’éducation du sieur des Issarts n’avoit rien eu de plus
coûteux que celle des autres ; il avoit fait ses études et
son d r o it, comme le capitaine de génie avoit fait scs
cours de mathématiques; et avant de devenir notaire,
il avoit utilement employé son travail.
A u reste, on le répète, pour que la justice pût s’ar
rêtera ces motifs, il faudroit qu’elle rn puisât la source
dans l’acte m êm e, c’est-à-dire, qu’elle pût le considérer
comme valant cession, quittance ou l'cuoucûition,
�( 46 )
Com m e cession !
O ù en seroit le prix ? où seroit l’engagement réci
proque? où en seroit le premier élément ? cette cession
seroit-elle faite à une personne certaine? est-elle acceptée
par quelqu’u n ? le cédant est-il déchargé des dettes?
Non. L e frère a în é , dit-on , étoit en possession de tous
les biens : qu’importe! en é t o it - i l moins débiteur des
légitimes ou des portions.de ses cohéritiers ? Il n’en avoit
encore délivré aucune. O ù est donc le lien réciproque
entre cohéritiers ?
Comme quittance!
Il est très-vrai que pour faire valoir une quittance,
il n’est pas nécessaire d’exprimer qu’on a reçu la somme
Ôu la chose quittancée, mais il faut au moins qu’on la
reço ive; sans cela la quittance n’est plus qu’une abdica
tion de sa créance, une renonciation au droit de la
demander.
Il n’en est pas d’ailleurs de la quittance que donne un
individu d’une créance ordinaire, comme de la pétition
d’hérédité ; car l’héritier n’est exclu qu’après avoir
réellement reçu sa p o rtio n , ou l’avoir c é d é e , ou avoir
renoncé à ses droits avec une juste cause. Un partage
môme n’est pas un acte absolument définitif, car la pro
messe de ne plus se rechercher n’empêche pas l’action:
en rescision. Et une simple déclaration qu’on ne veut
rien de la succession de son p ère, ou qu’on la tient quitte
sans rien recevoir, sans la connoître, ni par soi-même,
ni par un inventaire fidèle et rég u lier, seroit un titre
irréfragable !
Com m e renonciation !
�47
(
)
Une renonciation à une succession, comme celle dont
on excipe, ne doit pas être l’ouvrage d’un seul; elle
est révocable tant qu’elle n’a pas été acceptée. Ne l’at-on pas soutenu avec succès, et la Cour ne l’a - t- e lle
pas textuellement décidé dans la cause du sieur de
Chalagnat , malgré une renonciation solennellement
faite au greffe, à deux successions, et rétractée pour
une seule?
M a is, dit-on, la renonciation d ’un héritier fait place
-à un autre; il n’y a pas d’engagemens réciproques.
Rien de plus singulier que cette application.
O u i , sans doute, la renonciation d’ un héritier fait
place à l’autre; celui-ci, quoique p lu s ilo ig n é , a le droit
d’exclure le plus proche, en acceptant à sa place : mais
d’abord il faut une renonciation valable .et régulière ;
et jamais on n’a considéré comme valable, en cette ma
tière, une simple déclaration unilatérale, sous seing
p r iv é ; 2°. si le plus éloigné ne se présente pas pour
accepter, le plus proche peut reprendre la succession ,
si bon lui semble; il n’a besoiu que de changer de vo
lonté.
Ici le sieur des Issarts auroit renoncé : sa renonciation
seroit valable, quoique non acceptée, et il seroit encore
h éritier; c’e s t - a - d ir e , héritier pour les créanciers, et
pas pour lui-mêm e. E u effet, l’acte de l ’an 6 contient
une véritable acceptation de succession, car le sieur
des Issarts f a i t délivrance de tous legs. Cette bizarrerie
exclut le moyen de renonciation, et démontre que le
sieur Bancal ne connoissoit pas le testament, puisqn’étant
prétérit et ne recevant rien , il ue pouvoit pas faire
�'
i. \ \
( 48 )
.
délivrance des legs ; puisqu’approuvant la p rétéritîo n ,
il ne devoit pas tenir quitte ;-car, en ce sens, on ne lui
devoit rien, et aussi il ne recevoit l’ien.
L ’approbation reste donc isolée; mais quelle sera sa
valeur? osera-t-on dire q u’elle en aura davantage qu’une
donation que le sieur des Issarts auroit faite le même
jour à son frère ? elle seroit révoquée par la survenance
d’enfans.
'
E t on voudroit qu’ une approbation pure et simple,
donnée sans rien recevoir, eût plus de force en ellemême!
Remarquons enfin qu’il s’agit moins ici d’une question
de renonciation, que d’ une action en pétition d’hérédité
d’un héritier contre l’a u tre, et que constamment cette
action ne peut être éteinte que par une quittance, une
cession ou une donation valable et non ré v o q u é e ; et
comme il n’y a pas de quittance sans payement, de cession
sans p r ix , de renonciation sans acceptation, de donation
valable lorsqu’il survient des enfaris, l’action en pétition
"d’hérédité du sieur Bancal est admissible.
E t comment ne le seroit-elle pas ? L a nature de l’é
c r it, ses termes, son contexte, démontrent qu’il ne fut
pas l’ouvrage d’une volonté réciproque, mais celui de
l ’impulsion d’un seul. L e sieur des Issarts, plein de res
pect pour son frère, disons-le, pénétré de reconnoissance
pour toutes les preuves de tendresse qu’ il en avoit reçues,
ne vouloit pas lui céder en générosité. Il connoissoit son
désir de conserver intacts les biens de la famille; espé
rant une union dont les conventions dévoient et au delà
l ’indemniser, il avoit cru prouver à sa nièce et à son
frère
�49
46?
(
)
frère sa confiance sans b o r n e , et son empressement à
leur être agréable. Sa nièce fut dépositaire de cet écrit ;
il le fit seul ; il étoit seul avec sa nièce lorsqu’ il le lui
remit. L ’union projetée n’eut pas lieu; un autre mariage
s’est fait ; des enfans sont survenus : et cet écrit seroit un
acte valable ! il auroit lié une partie et non pas l’autre !
Mais tout ce que nous avons dit seroit inutile, si le
temps pendant lequel l’action étoit ouverte s’étoit écoulé
sans réclamation , si cette action n’éloit plus recevable.
O n oppose une fin de non-recevoir de dix ans, et on
invoque l’article 1304 du Code Napoléon. Répondons
immédiatement à cette fin de non-recevoir, sans en faire
un chapitre particulier; elle ne demande pas une longue
discussion, et ne sauroit être séparée de ce qui précède.
D e quoi s’agit-il ?
»
D ’une action pure et simple en pétition d’hérédité.
Cette action dure trente ans : cela est incontestable, &
moins qu’ une convention intermédiaire ne la repousse.
P o u r lors l’action doit être précédée ou au moins ac
compagnée d’une demande dont le but soit d’écarter cette
convention , c’est-à-dire, d’une demande en nullité ou
rescision.* On voit en effet que l’article 1304 du Code
ne parle que d’une convention.
La Cour a appliqué ce princice à la cause du sieur
S au ln ier, parce que depuis une vente consentie sous
Fempire du C od e, dix ans s’étoient écoulés sans récla
mation de Jacquot , qui prélendoit la faire déclarer
frauduleuse. On a jugé que dix ans lui avoient suffi pour
se p o u rvo ir, depuis le jour où il avoit connu la fr a u d e ,
et qu’après ce terme il 11’étoit plus recevablç à demander
la nullité de la convention.
G"
�M a is, par arret du 22 février 1 8 1 2 , la Cour a jugé
aussi, dans la cause des Portas, que l'approbation donnée
à un acte n u l, et la réception du prix de cet acte par
celui-là même qui l’avoit consenti, n’étoit ni une ap
probation valable, ni un acte contre lequel il fallût se
p ou rvoir dans les dix ans.
« Attendu , porte l ’arrêt, que la cession de 1766 avoit
« pour objet les droits du vendeur dans la succession
« de ses père et mère vivans; qu’une pareille convention
« étoit prohibée par les lois; qu’elle n’a pu être validée
« par la quittance de 1788, puisque cet acte n’exprime
« ni la substance du contrat,’ ni le m otif de l’action en
« nullité, ni l’intention de réparer le v i c e . . . . et qu’il
« ne s’est pas écoulé un temps suffisant pour la prèscc cription de Paction en nullité. »
, L ’application de cet arrêt à la cause est un peu plus
facile que celle de l ’arrêt Saulnier. O n y voit au moins
que la simple approbation d’un acte nul n’écarte pas la
demande en n u llité, et ne la convertit pas en un simple
droit de rescision, quoique l’acte approbatif soit synallagmatiqur.
A plus forte raison, dès qu’on a prouvé qu’ il n’est
émané du sieur Bancal aucun acte, aucune convention T
pas même une simple disposition qui lui ait arraché sa
portion héréditaire, il n’a besoin de former aucune de
mande en nullité ni en rescision ; et en effet il n’a de
mandé ni l’une ni l’autre, mais seulement un partage de
succession. Et dès qu’il n’y a pas trente ans de prescrip
tion , sa demande est recevable.
O u lui reproche d’avoir gardé quatorze ans le silence*
�5
( i )
D ’abord, ce ne seroit pas une fin de non -recevoir;
E n second lieu, les appelans n’ignorent pas qu’après la
déclaration de l’an 6 , le sieur des Issarts a resté quelque
temps encore éloigné du lieu de sa naissance; que bientôt
après son mariage il a réclamé verbalem ent; que l’espé
rance de terminer à l’amiable, lui a fait long-temps différer
une action judiciaire; enfin, que plusieurs années se sont
passées à parler d’arrangemens, et à tenter un arbitrage.
L e délai de son action n’est donc pas un moyen à lui
opposer.
§. I L
Demande en désistement du pré des Carmes»
Ce chef ne demande pas une longue discussion.
L e pré-verger, situé sous les Carmes, a été acheté p o u r
' le sieur des Issarts; l’adjudication et une déclaration de
mieux l’attestent. L e sieur des Issarts a payé i , oo fr.
sur le prix de l’adjudication.
Quel acte l’a dépouillé de cet propriété ? comment
a-t-elle passé dans les mains d’un autre? qui lui a rendu
5
5
ses i , oo f r . ? Si ces questions restent sans répon se, la
demande est établie.
O n a tenté de les prévenir. U n abandon'de la décla*
ration de mieux a été supposé dans un compte du 13
5
messidor an .
O n a supposé encore que les i , oo fr. y a voient été
5
portés; les appelans l’ont cru et l’ont articulé.
Mais le sieur des Issarts est porteur du projet de compte
présenté par Louyrette à cette époque; et il n’y est qucsG- 2
�.
(
5 2
)
t io n , ni de la'déclaration de mieux , ni desri,5 o o fr.
qu’on prétendoit avoir comptés.
Cependant le résultat du compte ¡fo r m é (Vautres éïém e n s, est identiquement le même que celui dont les appelans conviennent. Il fit la matière d’un billet sous seing
privé ; il est rappelé dans le compte de l’an 8 , et fait
le fondement des quatre obligations consenties aux enfans
Bancal.
Il n’y a donc eu ni pu avoir d’autre compte, ni d’autre
co n ven tio n , puisque surtout le sieur des Issarts n’auroit
pu abandonner à son frère le profit de la déclara tion
de m ie u x , sans recevoir au moins ce qu’il avoit versé
en assignats de 1791 , tandis que le surplus n’a voit été
payé par son frère qu’en assignats dépréciés. E t certai
nement les i , oo'fr. ne lui ont jamais été comptés, pas
5
plus que les 300 f r . , payés sur les autres héritages acquis
partiellement à Aulnat. Nous croyons avoir suffisamment
établi tout cela dans le récit des faits.
O ù est donc le titre des appelons, pour détruire celui
du sieur des Issarts ?
Les appelans se sont fait un grief d’appel, de ce qu’on
n’a pas ordonné la restitution de leur prétendu double
de l’an ; mais on ne le pouvoit pas, sans qu’ils en eussent
légalement prouvé l’existence, et on le pouvoit encore
m oin s, parce qu’ ils se bornoient à en faire un moyen
d’éxception ; car on ne trouve ni dans la pro céd u re,
ni dans le jugement aucunes, conclusions sur cette remise.
5
Comment donc .prétendent-ils se les faire adjuger en la
Cour ?
'
. L e sieur des Issarts, qui n’a pas lui-m êm e rédigé ses
�53
(
)
conclusions, s’étonne qu’il y ait une demande positive
pour le pré des Carmes, et qu’on se soit b o rn é, pour
les autres héritages partiels, à demander la restitution
des jouissances. 11 a voit demandé d’abord cette restitu
tion pour le domaine d’Aulnat et autres héritages, le
domaine de Bonneval et le pré des C arm es, ce qui emportoit prétention de propriété du tout.
Cette prétention, appuyée sur un titre authentique,
ne fut pas formellement accompagnée de la demande en
désistement.
Elle a été ensuite positivement formée pour le pré
des Carmes seul.
j
L e sieur des Issarts ne peut pas aujourd’hui proposer
à la C our de recevoir et de juger une demande plus
am ple; il faut bien qu’il la prenne telle qu’elle a été
form ée; mais ce qu’on vient de dire démontre qu’on ne
peut tirer aucun argument contre lui de la forme de sa
demande, puisqu’il a prétendu à la propriété de tout;
.et, au surplus, ce qui sera jugé pour le pré des Carmes
entraînera une conséquence forcée pour les autres hé
ritages.
.
§.
IIL
f
Demande en reddition de compte.
Ce chef de demande est plutôt de fait que de droit j
il n’entraînera pas non plus une grande discussiou , puis
que nous en avons forcément mêlé quelque chose dans
le récit des faits.
Il est constant, en d ro it, que les erreurs et les omis
sions vérifiées dans des com p tes, peuvent toujours être
recliCces : ce principe ne sera pas conteste.
�5
( 4 )
II est constant, en fait,
*
Que le sieur Bancal a în é , et après lui la demoiselle
B an cal, sa fille, ont géré et administré, depuis 1 7 9 1 ,
les biens et les affaires de l’intimé ;
' Q u ’ils ont rendu, ou qu’un tiers a rendu pour e u x ,
des comptes de diverses espèces ;
D ’abord un compte de tout ce dont l’aîné étoit créan
cier pour les avances de Bonne v a l,
Ensuite un compte de diverses années de jouissances,
en commençant à 1796 seulement;
Que le sieur des Issarts a reçu ces comptes partiels
d’années détachées.
Mais il résulte de ces états de compte, q u ’il n’a jamais
} été question entre les parties des jouissances antérieures
à 179 6, non plus que de celles postérieures, pour le pré
des Carmes et les autres héritages : et en comparant les
comptes partiels, leurs résultats et les obligations qui
constituent sa dette, il est évident qu’on n’a jamais fait
déduction de ces jouissances, que les appelans ont ce
pendant perçues.
M a is , dit-on, ces comptes, ces obligations et le paye
ment de 692 francs, résultat des états de l’an 1 0 , cons
tituent autant de fins de non-recevoir contre une de
mande en reddition de compte.
Gela demande explication.
‘ O u i , sans doute, il y fin de n o n - r e c e v o ir pour les
comptes rendus, mais non pour ceux qui ne Io sont pas.
L ’omission une fois vérifiée, comme elle l’est certaine
m ent, le sieur des Issarts a le droit de la faire réparer ; et
cela no peut sc faire quo par un compte.
Mais ce compte no pouvant Être quo celui-dos chosos
�55
(
)
omises, le sieur des Issarts sera obligé de souffrir, quelle
qu’en puisse être l’exagération, la fixation faite pour cer
taines années -, ainsi les obligations seront portées en
compte comme créance arrêtée, et supporteront seule
ment la déduction des choses omises.
Cela ne semble pas douteux ; et c’est cependant tout
ce qu’a demandé le sieur des Issarts, et ce que lui a re
fusé le juge dont est appel.
S’il eût payé les quatre obligations dont il produit
les élémens, il pourroit, en vertu de l’art. 1257 du Code
Napoléon, répéter ce qu’il auroit payé sans le devoir.
Comment donc seroit-il non recevable à vérifier ces
comptes, pour avoir consenti des obligations? L e juge
pourroit-il trouver dans la loi une exclusion aussi ri
goureuse ? L e sieur des Issarts ne sauroit se le persuader,
et s’il en étoit ainsi, il s’y soumettroit sans m u rm u re,
satisfait de penser q u e , tout en prononçant la fin de nonrecevoir, le juge demeureroit persuadé qu’il n’a jamais
reçu ce qu’il demande.
On ne refusera pas au moins de lui rendre sa procu
ration.
L e sieur des Issarts ne s’arrêtera pas longuement ici
sur 1’observation de ses n eveu x, qu’il leur a occasionné
des dépenses considérables en vivant chez e u x , et d’une
manière qui n’étoit pas la le u r; 011 l’ticcoseroit de pe
titesse, peut-être, s’ il alloit jusqu’à contester cette vérité
prétendue. Il ne le fera pas moins, tout en avouant qu’il
a quelquefois vécu chez ses n eveu x, mais sans jamais don
ner lieu à aucune dépense extraordinaire.
Non , le sieur des Issarts ne m ent pas à sa conscience ;
il n’est pas dans l'égarement : il y fut un instant, peut-
�56
(
)
être, lorsqu’il livra l’écrit de l’an 6 à une nièce qu’il
affectionnoit, qu’il estimoit, et qu’il ne cesse pas d’es
timer. Ce mouvement spontané dût-il lui devenir nui
sible, il ne sauroit roug ir, ni de son irréflexion d’alors,
ni de sa conduite actuelle. La justice dût-elle condamner
sa prétention , elle ne s’armera pas contre lui d’une in
dignation qu’il n’a pas encourue; elle ne le repoussera pas.
Outragé par ceux qui lui appartiennent de plus près,
il auroit le droit de se plaindre des injures dont on l’a
accablé sans preuve comme sans utilité; il pourroit de
mander à la justice une réparation qu’elle ne lui refuseroit pas; m ais, fort de sa conscience, il dédaigne ces
moyens de la l o i , surtout envers des neveux qui sont
dans l'égarement. Il a exposé sa cause; il s’est fait un
devoir de la faire connoître telle qu’elle est; il a dit ce
qui lui a paru en sa faveur; il n’a pas dissimulé ce qui
présente contre lui des apparences : satisfait d’avoir
éclairé sa con d u ite, il livre maintenant sa cause à la dé
cision de la justice.
Signé J . H . B A N C A L .
M e. V I S S A C , avocat.
Me. G A R R O N jeune, avoué licencié.
A RIOM, de
l’imp. de TH IBAU D , imprim. de
la
Cour impériale, et libraire
rue des T aules, maison L andriot ., — Novembre 1812.
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Issarts, Jean-Henry des. 1812]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Vissac
Garron
Subject
The topic of the resource
renonciation à succession
successions
notaires
biens nationaux
experts
testaments
créances
assignats
jurisprudence
administration de biens
manufacture de bas de soie
ventes
offices
domaines agricoles
industrie
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse, pour sieur Jean-Henry des Issarts, intimé et incidemment appelant ; contre les sieur et demoiselle bancal, les sieur et dame Dalbine, appelans et incidemment intimés.
Table Godemel : approbation. Voir mineur. Voir autorisation : 2. l’approbation d’un testament nul pour cause de prétérition rend-elle non recevable à l’attaquer ensuite ? la déclaration, de la part de l’enfant prétérit, qu’il consent la pleine et entière exécution du testament de son père, fait délivrance de toutes dispositions contenues sans ledit testament et quitte, si besoin est, sa succession de toutes choses quelconques, équivaut-elle à une approbation expresse ? quel délai l’enfant prétérit avait-il pour se pourvoir contre cette déclaration, devait-il agir dans les dix ou les trente ans ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1812
1785-1812
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
56 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2121
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2120
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53417/BCU_Factums_G2121.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Clermont-Ferrand (63113)
Aulnat (63019)
Romagnat (63307)
Bonneval (domaine de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
administration de biens
assignats
biens nationaux
Créances
domaines agricoles
experts
industrie
jurisprudence
manufacture de bas de soie
notaires
offices
renonciation à succession
Successions
testaments
ventes
-
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0cc1d0b52d49da4ffb3629e7fc42883a
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Text
PRÉCI S
POUR
Sieur
B A N C A L , demoiselle
B A N C A L , dame J a c q u e t t e
B e n o it-D o m in ique
M a gd elein e
B A N C A L , épouse de sieur
COUR
im p é r ia l e
DAL-
M au rice
deriom.
i re. C
« H A M B RE.
B IN E , chirurgien , et le sieur M a u r i c e
D A L B IN E , son m a ri, à l’effet de l’autoriser,
tous habitans de la ville de Clerm ont-Ferrand,
appelans d’un jugem ent rendu au tribunal
civil de la m ême v ille , le 13 mars 1 8 1 2 , et
intimés;
C O N T R E
*
'
Sieur J e a n - H e n r i B A N C A L D E S
I S S A R T S } propriétaire intimé et in
cidemment appelant.
L E sieur Bancal a reçu de son frère et de ses neveux
des services signalés; il leur doit son existence et la con
servation de sa fortune. L a demoiselle Bancal aînée a
A
—
*
r
a
�( O
employé sa vie entière à être utile à son oncle; et jus
qu’ici le sieur Bancal n’a cessé de donner à sa famille
des témoignages de reconnoissance.
Plein de respect pour la mémoire de son p è r e , il a
souvent exprimé ce sentiment dans ses écrits ; il en rem ercioit la providence. Il a trouvé dans son frère aîné,
père des appelans, le meilleur ami, un bienfaiteur éclairé,
un agent officieux : il a consigné sa gratitude dans une
foule de lettres qu’on fera bientôt connoître.
Aujourd’h u i , dirigé sans doute par une impulsion
étrangère, il a cru devoir attaquer le testament de son
père, et a form é, contre ses neveux et nièces, une de
mande en partage des successions de ses père et m è r e ,
et en compte de la gestion que son frère et sa nièce ont
eue de ses biens personnels.
Un égarement passager le rend injuste envers sa famille.
Il est pénible pour les appelans de plaider contre leur
..oncle, d’être contraints de dévoiler ses torts, et de lui
rappeler tout ce qu’il feint d’avoir oublié.
F A I T S .
Dominique «François Bancal, et dame Anne Cosse,
auteurs communs des parties, ont eu six enfans : leur
fortune étoit très-médiocre.
L e sieur Bancal des Issarts étoit le plus jeune de leurs
enfans *, il fut constamment l’objet de leur plus tendre
affection. Il n’y a point de sacrifices qu’ils n’aient faits,
ainsi que leur fils aîn é, pour lui donner une éducation
soignée. Lors de sa sortie du collège, ils l’ont ten u , à
�jv
( 3 )
grands frais, dans les écoles de d r o it, soit à Orléans ,
soit à Paris; ils lui ont ensuite fourni des ressources pour
acquérir une charge de notaire au châtelet de Paris, qui
a été la source de sa fortune.
Il étoit au comble de la prospérité, et son père crut
avoir assez fait pour lui. L e 8 septembre 1784, le père,
veillard vénérable, fit son testament olographe. 11 règle
la légitime de ses enfans puînés à une somme de 2,5oo fr.
chacun; il omet à dessein le sieur Bancal des'Issarts; il
institue son fils aîn é, père des appelans, son héritier
universel.
Ce testament fut connu de ses enfans, et notamment
du sieur Bancal des Issarts, qui, dit-on, fut le premier
a reconnoître la justice de l’omission, en ce qui le concernoit. Il avoit reçu bien des fois sa légitime, et ce
n’étoit de sa part qu’ un acte de justice.
L e sieur Bancal père a survécu long-temps à son tes
tament; il est mort octogénaire, le z 5 novembre 1790.
Après son décès, tous ses autres enfans se sont empressés
d’approuver et de respecter les volontés de leur père ;
ils ont reçu le legs sans réserve : les appelans ont les
quittances en leur pouvoir.
L e sieur Bancal des Issarts ne voulut pas être en reste;
il désira donner à son frère aîné des preuves de sa reconnoissance et de sa loyauté. L e 1er. prairial an 6 , il
lui remit une déclaration ainsi conçue : « Je déclare que
« je consens la pleine et entière exécution du testament
« de mon père ; que je fais, en tant que besoin, toute
« délivrance de tous legs et dispositions faits par mon
« père; et je quitte aussi, si besoin est, sa succession et
Aa
�«
«
«
«
celle de ma m ère, de toutes choses quelconques, sons
réserve, en remerciant Dieu de toute la reconnoissance
que je leur dois. A Clermont-Ferrand, etc. Signé JeanHenri Bancal. »
A l’époque de cette déclaration, la succession du père
étoit déjà ouverte depuis huit ans. L e sieur des Issarts
n’avoit rien réclamé; il a gardé le silence jusqu’au n oc
tobre 1 8 11, c’est-à-dire, pendant vingt-un an depuis le
décès du père^ et à peu près quatorze ans depuis son ap
probation.
L e sieur des Issarts, prévoyant les orages révolution
naires, avoit revendu son office de notaire avec des bé
néfices considérables. Il eroyoit avoir beaucoup de fonds
à placer, et il forma le projet d’acquérir des biens na
tionaux, rapprochés du lieu de son origine. En 1791
il charge son frère aîné de lui faire ces acquisitions dans
les environs de Clermont, et celui-ci remplit son mandat
avec autant de zèle que d’exactitude.
Il achète notamment, pour le compte de son frè re ,
un domaine ù A ulnat, provenu des cordeliers de Montferrand; un domaine bien plus considérable encore, connu
sous le nom de Bonneval, provenu des religieux pré
montrés de Clerm ont, situé dans les appartenances de
Romagnat.
Mais le sieur des Issarts se trompa dans ses calculs ; il
ne put envoyer ù son frère les fonds nécessaires pour faire
le payement de ces différentes acquisitions; et celu i-ci,
pour éviter la déchéance , se vit obligé d’avancer scs
propres deniers, et d’épuiser pour cela toutes ses res
sources personnelles.
�(
5
)
L e frère aîné et sa famille se sacrifièrent pour la régie
de ces mêmes biens. Les bâtimens, entièrement dégradés,
furent reconstruits; on les garnit de mobilier; les fonds
furent réparés et améliorés ; et toujours aux dépens du
père des appelans.
Enfin, le 13 messidor an 5 , les deux frères sont venus
à compte de toutes les avances faites par l’aîné. Ce compte
a été arrêté en deux doubles sous seing privé : le père des
appelans s?est trouvé créancier de la somme de 34,273 fr.
o cent, en numéraire.
L e I er. nivôse an 7 ( décembre 1798 ) , le sieur Bancal
aîné est décédé : ses enfans ont continué de régir les biens
de leur oncle comme l’avoit fait leur père.
L e i er. floréal an 7 , les parties réglèrent leur compte
a partir du 13 messidor an , jusqu’à ce jour I er. floréal
an 7.
Ensuite, il fut fait un nouveau compte définitif, le
6 fructidor an 8 , par le résultat duquel le sieur des
Issarts se trouva leur débiteur de 37,314 liv.
s. 9 d .,
dont il leur consentit quatre obligations notariées, de
9,328 francs
centimes.
Dans ces quatre obligations, le sieur Bancal des Issarts
rcconnoît devoir à chacun de ses neveux et nièces cette
somme de 9,328 fr.
cent., « pour le quart revenant
« à chacun d’eux dans celle de 37,314 liv. 5 s. 9 d . , que
« le confessant devoit, en principal et intérêts, à la suc« cession de défunt Jean-Dominique Bancal, son frère,
« père des acceptant, pour avances qu’il avoit faites pour
« le payement de partie du prix du domaine de Bonneval,
« reconstruction de la maison et autres butinions, achats
5
5
5
55
55
�W
( 6 )
« de meubles, pressoir, cuves et autres futailles, plan« tation de verger, jardin, et autres améliorations faites
« audit domaine de Bonneval, suivant le compte verbal
« qui en avoit été fait entre le confessant et défunt Jean« Dominique Bancal, son frère, au mois de messidor
« a?i . »
L e sieur des Issarts s’obligea de payer cette somme dans
six ans, avec l’intérêt à cinq pourcent. Les parties avoient
conservé respectivement leur double du compte arrêté
le 13 messidor an , qui contenoit d’autres conventions
fort importantes entre les deux frères. Il fut arrêté no
tamment que neuf adjudications partielles faites au sieur
Bancal aîné, au nom de son frère, et qui montent en
semble à la somme de 38,150 francs , resteraient en
propriété au sieur Bancal aîné, comme les ayant toutes
acquittées de ses deniers. Les neuf expéditions, ainsi
que les quittances, demeurèrent au pouvoir du frère
aîné. Les expéditions et quittances des adjudications des
domaines d’Aulnat et de Bonneval furent remises au
sieur des Issarts.
—
^
Ce dernier, lors de l’arrêté de fructidor an 8 , de
manda à ses neveux la remise de leur double, afin d’évi
ter, disoit-il, un double emploi. Et ses neveux, pleins
de confiance, lui remirent leur titre, sans même exiger
un récépissé : ils auraient craint de blesser la délicatesse
de leur oncle; et sans doute qu’il a lui-même oublié qu’il
avoit en ses mains le titre de ses neveux : on le lui rap
pelle, pour qu’il veuille bien le leur restituer.
Cet acte, en effet, est très-im portant; il contient le
désistement du sieur des Issarts de oeuf objets au profit
'îv ’
5
5
%
�(
7
)
de son frère aîné. I.es expéditions et les quittances ont
toujours resté au pouvoir des appelans ; et ils en ont
conservé jusqu’ici la jouissance.
Peut-être eût-il été plus sage, de la part du père des
appelans, de se faire consentir une subrogation par acte
public; mais il y avoit tant d’harmonie et de confiance
entre les frères , que l’aîné étoit dans la plus grande
sécurité : et les appelans ne feront pas à leur oncle l’in
jure de penser qu’il veuille retenir cet acte, lorsqu’on
lui aura rappelé qu’il l’a en sa possession.
Ce n’est pas qu’ils ne pussent y suppléer jusqu’à un
certain point, puisque l’existence de ce compte est rap
pelée dans tant d’actes divers, notamment dans une lettre
et une procuration, du 19 messidor an 7 , dont on aura
bientôt occasion de parler; dans le compte du 6 fruc
tidor an 8 ; dans les obligations consenties au profit des
appelans. La subrogation des neuf objets portés par ce
compte n’est-elle pas constante, par le payement des in
térêts du montant des obligations et de partie des capi
taux , par la remise des titres et des quittances du prix
de ces mêmes objets, qui sont encore au pouvoir des
appelans, et par la jouissance non interrompue depuis
cette époque de la part des appelans et de leur père.
On pourroit y joindre la lettre du 19 messidor an 7,
dont voici un extrait. « Vous savez que je suis venu ici
« en grande partie pour voir, d’après l’état de ma for« tune, comment je pourrai m’acquitter, le plutôt pos« sible, de ce que mon frère a bien voulu payer pour
« l’acquisition de mes biens. Je crois qu’il est de mon
« devoir de ne pas différer plus long-temps de réaliser
�(
«
«
«
«
«
«
«
«
«
8
)
le projet dont je vous ni fait part, de transmettre la
propriété du domaine d’Aulnat. Je joins ici une procuration pour cela. Je vous prie de réfléchir sur ce
qu’il y a de mieux à faire à cet égard , et d’en conférer avec mes frères et le sieur Louyrette. C’est un
devoir pour moi ; c’est le vœu de mon cœur, de faire
tout ce qui est juste et convenable, et de conserver
toute ma vie la plus vive reconnaissance de tout ce
que mon frère et la famille a fait pour moi. »
A cette lettre est jointe une procuration par laquelle il
donne pouvoir de transmettre la propriété, possession et
jouissance d’un domaine situé à Aulnat, consistant, etc.,
qu’il a acquis de la nation, suivant le procès verbal d’ad
judication, du i juin 1791 ; faire cette translation, ou
aux enfans de son frère aîné, pour se libérer envers eux
de ce qu’il leur d o it , du chef de leur p è r e , pour le
montant de différentes sommes que son frère a payées
pour lui sur les acquisitions des biens nationaux qu’il a
faites dans le district de Clermont, suivant le compte qui
en a été fait; ou faire cette translation à toute autre per
sonne , et faire à ses neveux et nièces, enfans de son frère
aîné, la délégation du prix de la vente, pour se libérer
envers e u x ; passer et signer tous actes, etc.
C’est après la mort du père et du frère aîné, après le
compte de l’an 5 , la déclaration de l’an 6 , que le sieur
des Issarts reconnoît sa dette envers scs neveux, qu’il veut
vendre pour se libérer ; et il ne réclame rien sur les
adjudications partielles qui avoient resté entre les mains
de son frère : la dette est indépendante de ces objets. Les
appelaus n’abusent pas de la confiance de leur oncle; ils
5
�ne veulent pas acquérir. Il substitue des obligations à
cette procuration -, et ses neveux n’ont d’autres torts à se
reprocher que d’avoir réclamé des droits légitimes et
sacrés, le payement de leurs obligations, qui sont la plus
grande partie de leur fortune. Ils étoient sur le point de
former leur demande en justice, lorsque le sieur des
Issarts a voulu les prévenir.
Par exploit du n octobre 1 8 1 1 , il les assigne pour
venir à partage des successions des père et mère et aieux
communs ; il demande qu’il lui^. soit délaissé un sixième
des biens pour sa portion afférente , avec rapport de
jouissances, payement des dégradations par eux commises,
ou leur p è re , dans les immeubles de la succession, avec
les intérêts du tout à mesure de chaque perception.
Il conclut aussi à ce que ses neveux et nièces soient
tenus de faire le rapport des meubles meublans, mar
chandises et dettes actives, dont eux ou feu leur père se
sont emparés, suivant l’inventaire ou la preuve par com
mune renommée.
Il demande, en second lie u , que les appelans soient
condamnés à rendre compte de la gestion et administra
tion qu’a eue feu leur père, en vertu de sa procuration,
des domaines nationaux dont il est devenu acquéreur;
savoir, d’un domaine situé à A u ln a t , et autres héri
tages j d’ un autre domaine appelé de Bonneval, et d’un
pré-verger provenu du chapitre cathedral ; ladite admi
nistration et gestion remontant et ayant pris cours depuis
les adjudications ( 1791 ) , jusqu’en l’an 11 ou 1803, et ce,
suivant l’estimation qui en sera faite par experts, avec les
intérêts des jouissances à compter de chaque perception.
B
�( * o
Il conclut enfin à une provision de 12,000 francs.
Les appelans, fort étonnés d’une attaque aussi impré
v u e, opposent la déclaration du iei\ prairial an 6 , pour
écarter la demande en partage; ils argumentent de tous
les comptes, des 13 messidor an ,1er. floréal an 7 ,6 fruc
tidor an 8 , 10 nivôse an 10 , 26 frimaire et icr. ventôse
an 11. Ce dernier prouve que Magdeleine Bancal, qui
avoit continué jusqu’à cette époque l’administration du
domaine de Bonneval, étoit en avance d’une somme de
692 liv. i s. depuis le compte de fructidor an 8.
L e sieur des Issarts ne fait pas grande attention h
ces moyens ; il trouve seulement que c’est une manière
commode de l’écarter du partage par une fin de nonrecevoir.
Quoiqu’il ait consenti ci la pleine et entière exécution
du testament de son père, il ne l’a pas approuvé. Quoi
qu’il ait tenu quitte sa succession, et celle de sa m ère,
de toutes choses quelconques, sans réserve, il n’a pas
donné de quittance; et sa déclaration ne vaut, ni comme
approbation, ni comme quittance, ni comme donation,
ni comme renonciation : c’est comme s’il n’avoit rien
dit. Sa déclaration n'est qu u n chiffon méprisable, qu’il
a donné à son frère pour se moquer de lu i, et qui a
été bien dupe de s’en contenter. A l’égard de la ges
tion , il a été trom pé; erreur ne f a i t pas compte; il
invoque la disposition de l’article o
du Code Napo
léon.
La cause portée à l’audience du tribunal de Clerm ont,
première cham bre, il a été rendu, le 13 mars dernier,
un jugement ainsi conçu :
5
5
2 58
�•( II )
« En ce qui touche la demande en nullité du testa« ment de l’auteur des parties;
« Attendu que ce testament est nul pour cause de
« prétérition, le sieur Bancal n’y ayant pas été appelé1;
« Attendu que l’acte du i er. prairial an 6 est inva.« lide et n u l, ne pouvant valoir, ni comme approba« tion du testament, ni comme quittance; que dès-lors
« il ne peut avoir l’effet de rendre inadmissible l’action
« en nullité dudit testament.
« En ce qui touche la demande en reddition de
« compte ;
- « Attendu qu’il est avoué par les parties qu’elles sont
« venues à compte, qu’il existe des arrêtés faits entre
« elles.
« En ce qui touche la demande en désistement di
« pré des Carmes;
« Attendu que rien n’établit que le demandeur en
■
« ait fait la transmission au profit de ses neveux et
« nièces.
« En ce qui touche la demande en partage;
« Attendu le principe que nul n’est tenu de demeure:
« dans l’indivision,
« L e tribunal, sans s’arrêter ni avoir égard au testa« ment de l’auteur commun , non plus qu’à l’acte du
« I er. prairial an 6, qui sont déclarés nuls et de nul
« effet, ordonne que les parties viendront à division et
« partage des biens du sieur Bancal, père et grand-père
« des parties; auquel partage ils feront tous rapports
« et prélèvemens de droit, pour du tout en être dé*
« laissé à chacune d’elles sa portion afférente; et pou1
B 2
�( 12 )
parvenir audit partage, etc. ; déboute le sieur des
Issarts de sa demande en reddition de compte; con
damne les héritiers Bancal à se désister , en faveur
de leur on cle, du pré dit des Carmes ; à rendre
compte des jouissances par eux faites ; condamne le
sieur des Issarts à leur rembourser la somme de 4,000 fr.
montant de partie du prix dudit pré, qu’eux ou leurs
auteurs ont payé en assignats, et ce, valeur réduite
d’après l’échelle de dépréciation du papier-monnoie;
ensemble à leur payer les intérêts à compter de l’é
poque où les payemens ont été faits : lesquels intérêts
et améliorations demeureront compensés avec les jouis
sances du pré dit des Carmes, dont le désistement a
été ci-dessus ordonné.
« A l’égard des bestiaux inis dans le domaine de
Bonneval ; attendu qu’il est articulé par les héritiers
Bancal, qu’eux ou leurs auteurs en ont fait l’achat;
et que, de la part du sieur des Issarts, il a offert d’en
faire raison, si cet objet n’a pas été compris dans l’ar
rêté de compte. L e tribunal ordonne que les parties
se retireront devant Boutai, notaire, commis à cet
eiFet, à l’effet de vérifier si, dans les arrêtés de compte,
la valeur desdits bestiaux y a été comprise; et dans le
cas où le contraire seroit reconnu, le tribunal con
damne dès-u-présent, et sans qu’il soit besoin d’autre
jugement, le sieur des Issarts à payer à ses neveux et
nièces la somme de y 5 o francs pour la valeur des
bestiaux; compense les dépens, pour être employés
en frais de partage; met les parties hors de procès
sur toutes autres demandes. »
�5
Ce jugement a été signifié à domicile, le i mai
dernier.
Les héritiers Bancal ont interjeté appel de ce juge
ment, notamment, i°. en ce que le tribunal de Clermont n’a pas jugé que l’écrit donné par Bancal des
Issarts au père des appelans, le i er. prairial an 6, valoit
quittance et décharge du payement des sommes revenant
au sieur des Issarts, pour sa légitime dans les successions
de ses père et mère ; et qu’il n’a pas été déclaré non
recevable, ou subsidiairement débouté de sa demande
en partage desdites successions. •
2°. En ce qu’il n’a pas été déclaré non recevable, ou
au moins débouté de sa demande en désistement et res
titution de jouissances du pré des Carmes; e t , enfin,
en ce qu’il n’a pas été ordonné que le sieur Bancal des
Issarts rapporteroit le double du compte fait entre lui
et son frère aîné, le 13 messidor an 5 .
D e son côté, le sieur Bancal des Issarts a interjeté in
cidemment appel du même jugement, en ce que le tri
bunal n’avoit pas ordonné un nouveau compte.
T e l est l’état de la cause ; elle présente dans sa dis
cussion deux chefs de demande bien distincts, et qui
n’ont aucun rapport entr’eux. Il s’agit d’examiner, dans
la première partie, si le sieur Bancal des Issarts a ap
prouvé le testament de son père par l’acte du i er. prai
rial an 6 ; si cet acte peut valoir comme quittance; s’il
est unilatéral, ou s’il devoit être fait double; 20. si, en
supposant que cet acte fut nul dans le principe, le sieur
des Issarts seroit recevable i\ l’attaquer après plus de dix
ans d’exécution. Dans la seconde partie, on examinera
�4
( i )
si le sieur des Issarts est fondé dans sa demande en désis
tement du pré dit des Carmes; et, enfin, s’il estrecevable
à demander un nouveau compte de gestion.
t
P
r e m i è r e
p a r t i e
.
§. 1er.
L e sieur Bancal des Issarts a approuvé le
testament de son père,
11 est certain que le testament olographe du sieur
Bancal père étoit imparfait et n u l, pour cause de prétérition ; il est inutile de s’appesantir sur un point de
droit aussi certain : les lois romaines et les anciennes
ordonnances prononcent cette nullité. Non-seulement le
père étoit obligé d’appeler et nommer tous ses enfans,
mais il devoit même leur donner la légitim e, à titre
à?institution, d’après la novelle i i et l’ordonnance de
1735. Mais, en môme temps, il n’y a pas de nullité plus
apparente que la prétérition ; et le fils qui a été prétérit
n’a pas pu l’ignorer.
Dès-lors, la plus légère approbation a dû suffire pour
écarter dans la suite toute demande en nullité. Ce prin
cipe est fondé sur les lois romaines et sur le droit fran
çais. La loi 1 6 , au code D e testant., porte: A d jicien dum e s t, ut qui ex testamento vel ab intestato hœres
exstiterit : etsi voluntas defuncti circa legata, legibus
non sit subnixa , tanien si sua sponte agnoverit im pïendi eam nccessitatem habeat.
5
�( i 5 )
La loi 32, ff. D e inoff. test.> est infiniment précieuse
dans l ’espèce ; elle repousse la demande d’un fils exhérédé , par cela seul qu’il auroit reçu une procuration
d’un légataire, pour demander la délivrance du legs.
S i exhœredatus petenti legatinn ex testamento advocationem prœ buit, procurationemve susceperit - removetur ab accusatione. Agnovisse enim videtur, qui quàle
quale judicium defuncti comprobaçit. Telle est la doc
trine de tous les auteurs, et notamment de Cujas, Brodeau , H enrys, etc.
A la vérité, on a voulu établir une distinction entre
les testamens inofficieux et les testamens nuls. On a pré
tendu que les lois dont on vient de rappeler les dispo
sitions, ne s’étoient occupées que des testamens inofficieux;
que dès-lors l’approbation de l’héritier ne pouvoit écarter
que la querelle d’inofficiosité , et n’empêchoit pas de
demander la nullité du testament. L e savant R ica rd ,
dans son Traité des donations, partie 3, n. i
, a com
battu cette opinion ; il pense que le consentement prêté
par l’héritier le rend non recevable à contester la dis
position du défunt. « La raison de cette résolution ,
« dit-il, résulte de ce que dans l’exécution d’une dona« tion ou d’un testament, quoiqu’invalide en solennité,
« ou excessif en sa qualité, il ne laisse pas de s’y ren« contrer -une obligation naturelle , qui dépend de la
« volonté du défunt, que l’héritier veconnoît par son
« approbation; et ce qui étoit capable d’arrêter l’effet
« de cette vo lo n té, n’est qu’un empêchement civil, in« troduit en faveur de l’héritier seulement, auquel il
553
�( 16 )
53 peut par conséquent renoncer, comme il fait par son
« consentement. »
Plus bas, Ricard ajoute que « les formalités d’un acte
« ne servent que pour sa justification, et pour faire voir
« qu’il est véritable. De là vient qu’elles ne sont pas né« cessaires, lorsque les parties intéressées en demeurent
« d’accord : c’est, en ce cas, un fidéicommis qui subsiste
« sur la bonne foi de l’héritier, et sur sa connoissance. a
Ricard s’appuie sur la loi 2, cod. D ejid eico m . Curn non
ex sola scriptura, sed ex conscientia relicti fideicom ?7iissi defuncli volant a ti satisfactinn esse videatur.
Ricard n’est pas le seul qui ait professé cette doctrine :
Brodeau, lettre L , somm. ; Henrys, tom. 2 , liv. ,
quest. i ve. , ont également pensé que l’approbation d’un
testament nul écartoit toute demande de l’héritier. Il est
vrai que Furgole a été d’un avis contraire. Mais en exa
minant bien l’avis de Furgole, il n’a entendu parler que
d ’un vice caché, qu’il n’étoit pas au pouvoir de l’héritier
de découvrir, lorsqu’il a donné son approbation : encore,
malgré la sagacité de cet auteur, il ne détruit pas les
motifs qui ont déterminé l’opinion de Ricard ; et la ju
risprudence du parlement de Toulouse, qu’il invoque,
n’a pas été uniforme; car Catelan, liv. 2 , cliap. 33, rap
porte un arrêt de ce parlement, du 14 février 1681, qui
déclare un fils non recevable à attaquer un testament
qu’il avoit approuvé, quoiqu’il n’eut pas été appelé dans
ce testament à titre d’institution. Aussi tous les avis se
•sont réunis pour décider que l’héritier qui a approuvé
le testament est exclu de toute demande, lorsque la nul
6
6
lité
�( 17 )
lité est apparente, qu’il a pu la connoître; tandis qu’au
contraire il peut revenir, lorsque la nullité est cachée,
qu’il n’a pu la p ré v o ir, parce qu’alors son approbation
n’est plus que reflet de l ’erreur.
L e dernier commentateur de la coutume d’Auvergne,
sur l’article 5o du titre 12, rapporte un arrêt rendu au
rapport de M.Robert-Saint-Vincent, en 1778, qui vient à
l’appui de la distinction qu’on a établie. Le comte d’A illy
avoit institué le marquis de Chombonas son héritier uni
versel, et avoit fait un legs particulier au profit du sieur
de la V olpilière, l’un de ses héritiers présomptifs. L e
légataire reçut le legs. Il voulut ensuite attaquer le tes
tament, sous le prétexte que la minute n’étoit pas écrite
de la main du notaire, et qu’il n’avoit eu connoissance
de ce vice que depuis sa quittance ; il fut déclaré non
recevable, parce qu’il n’avoit dépendu que de lui de
vérifier la minute avant d’accepter, et que rien ne prouvoit qu’il n’avoit connu la minute que depuis sa quit
tance.
Dans l’espèce particulière, le sieur Bancal des Issarts
n’a pu ignorer le vice du testament de son père ; tout
pro u ve, au contraire, qu’il l’a connu. I l consent à la
'pleine et entière exécution de ce testament; il fait déli
vrance de tous legs et dispositions : c’est le style d’un
homme exercé, d’un homme du métier. Il tient quitte
les successions de ses père et mère de toutes choses quel
conques , sans réserve. Il savoit donc que le testament
contenoit des le g s , qu’il 11’y avoit rien pour lui ; il ne
veut rien exiger. Le père étoit mort depuis huit ans ;
G
�(. 1 8 ? ,
ses dernières volontés avoient été exécutées par les autres
enfans; l’héritier institué étoit en possession de l’univer
salité des biens ; le sieur des Issarts étoit majeur depuis
longues années : il a donc agi en connoissance de cause.
Il a voulu donner cette marque de respect et de défé
rence à la mémoire de son père : quale quale testamentum approbaçit. Il est donc non recevable, par cela seul
qu’il a approuvé ce testament.
On peut ajouter, à l’appui d’une proposition aussi
évidente, la disposition de l’article 1340 du Code Napo
léon , qui porte : « La confirmation, ou ratification, ou
« exécution volontaire d’une donation, par les héritiers
« ou ayans-cause du donateur, après son décès, emporte
a leur renonciation à opposer soit les vices de fo rm e ,
« soit toute autre exception. »
Quoique la succession soit ouverte long-temps avant
la publication du Code, il n’en est pas moins applicable
à la cause, parce qu’il ne fait pas droit nouveau en cette
partie, qu’il se réfère h l’ancienne disposition des lois, et
fait cesser toute controverse.
M ais, dit le sieur des Issarts, cette déclaration ne vaut
rien; on ne peut la considérer comme une quittance,
ni comme une renonciation, ni comme une donation :
elle n’a pas été faite double ; elle contenoit cependant
des engagemens synallagmatiques. Les premiers juges ont
dit la même chose dans leurs motifs; mais, comme le
sieur Bancal des Issarts, ils ont mis en fait ce qui est en
question, sans nous apprendre pourquoi ils annulloient
ainsi un acte qui doit avoir son exécution. C’est se mettre
�( 19 )
^3
fort à son aise pour raisonner comme pour décider; mais
il faut convenir que ce n’est pas au moins la manière de
convaincre même les plus crédules.
• E t pourquoi cet acte ne vaudroit-il pas comme quit
tance? L e sieur des Issarts dira que ce seroit une quit
tance sans prix : et où a-t-il trouvé qu’il fût nécessaire
d’exprimer un prix dans une quittance? Tenir qu itte,
c’est reconnoitre qu’il n’est rien d û , et que le montant
de l’obligation a été acquitté. Ainsi le sieur Bancal, en
tenant quitte la succession de ses père et mère, a reconnu
qu’il .a reçu ce qui devoit lui revenir. Il pouvoit être
généreux, et il ne l’a pas été, puisqu’il est constant qu’il
avoit au moins reçu quatre fois le montant de sa légitime.
L e créancier du montant d’une obligation ou d’un billet,
qui donneroit quittance pure et simple, ou qui tiendroit
quitte le débiteur, sans exprimer qu’il a i*eçu le p r i x ,
pourroit-il réclamer le montant de son obligation? le
débiteur ne seroit-il pas valablement libéré? et n’en
est-il pas de même d’un légitimaire qui tient quitte l’hé
ritier de tous ses droits généralement quelconques?
Il est permis, sans doute, de renoncer à un droit
acquis, à une exception que donne la loi civile : unicuique licet ju r i pro se introducto renunciare. La loi
permettoit au sieur des Issarts d’user de l’exception de la
prétérition ; il a renoncé à cette exception, et cette re
nonciation est sans retour : rernittentibus actiones su u s,
dandus non est regressus. Comment le sieur des Issarts
voudroit-il faire entendre que son acte ne vaut pas re
nonciation, lorsqu’il a formellement tenu quitte de toüte
C 2
'
;
�( îo )
espèce de droits dans les successions de ses père et mère?
O r , une renonciation faite en majorité est toujours irré
vocable.
Une quittance, une renonciation, est un acte unilatéral;
il dépend d’une seule volonté. Il n’a pas besoin d’être
fait double, puisqu’il émane d’un seul, et qu’il n’engage
que celui qui le souscrit. La renonciation d’un héritier
fait place à un autre; mais il ne peut y- avoir d’engagemens réciproques lorsqu’il s’agit d’une renonciation pure
et simple. Il faudroit en dire.de même d’une renoncia
tion aliquo clato, d’une cession de droits moyennant un
prix; elle n’auroit nullement besoin d’être faite double,
si le prix étoit payé comptant ; elle ne seroit synallagmatique qu’autant que le prix seroit stipulé payable à
termes, parce que, dans ce cas, le débiteur doit s’obliger
au payement du p r i x , et qu’alors il y a engagement ré
ciproque.
Que le sieur des Issarts dise, tant qu’il lui plaira, que
son acte ne vaut pas comme donation; on ne l’a jamais
prétendu. Il n’est entré dans l’idée de personne qu’il ait
été généreux ; mais on a dit qu’il fut juste une fois dans
sa vie.
§. 11 .
L e sieur Bancal des Issarts est aujourd'hui non
recevable à attaquer de nullité l'acte du I er.
prairial an 6.
En admettant pour un moment que cet acte fût nul
�( 21 )
dans le principe, que le sieur des Issarts fût autorisé ù
revenir contre ses engagemens, pour cause de nullité,
ou par la voie de la restitution , il devoit former sa
demande dans les dix années.
C’est un principe constant, établi par l’article 1 34 de
l’ordonnance de 1639, qui embi’asse tous les cas de nullité
ou de lésion, et qui n’en excepte pas même les causes
de déception : c’étoit un règlement aussi sage qu’utile.
Il importe que le repos des familles ne soit pas conti
nuellement troublé. D ix ans de majorité sont sans doute
plus que suffisans pour connoître ou rechercher ses droits.
L ’article 1304 du Code Napoléon fait aujourd’hui cesser
tous les doutes, la diversité de la jurisprudence, et les
distinctions subtiles entre les nullités absolues et les nul
lités relatives. Cet article veut que dans tous les cas
ou l’action en nullité, où la rescision d’une convention,
n’est pas limitée à un moindre temps, par une loi par
ticulière, cette action ne dure que dix ans.
La Cour a appliqué avec sévérité la disposition de
cet article, par un ari’êt du 22 .juin 18 12, dans la cause
du sieur Jacquot, Contre le sieur Saulnier. Il s’agissoit
d’une vente faite par un débiteur au préjudice de ses
créanciers. Il étoit démontré que l’acquéreur avoit par
ticipé à la fraude *, on lui reprochoit même de l’avoir
provoquée, et d’avoir abuse de son ministère de juge
de paix, pour priver le créancier de son hypothèque.
Mais ce créancier avoit laissé passer plus de dix ans
sans attaquer cette vente, depuis qu’il en avoit eu connoissance. En conséquence, la Cour le déclara non re-
�(
22
)
cevable; mais prouva qu’elle ne se déterminoit que par
cette fin de non-recevoir, en infirmant le jugement dont
étoit appel, en ce qu’il avoit statué sur le fond.
Dans l’espèce particulière, le sieur des Issarts a donné
cette quittance huit ans après la mort de son père : de
puis cette déclaration , il a laissé passer quatorze ans
sans se plaindre, sans rien réclamer : donc il ne peut
plus aujourd’hui en demander ni la nullité ni la res
cision.
Et lorsqu’on voit que le sieur Bancal des Issarts n’a
fait en cela qu’un acte de justice; que c’étoit.un foible
dédommagement de ce qu’il en avoit coûté à son père,
à son frère aîné, pour lui procurer l’état brillant au
quel il étoit parvenu, on ne peut s’empêcher de rendre
hommage à la sagesse des lois qui ont limité la durée
d’une action de te genre, et qui préservent les appelans des ambitieuses et tardives recherches d’un oncle si
injuste à leur égard.
Les appelans se voient obligés de rappeler ici que leur
oncle a été logé , n o u r ri, chauffé , éclairé chez eux
pendant tous ses séjours à Clermont, qui ont été trèslongs et très-fréquens depuis la révolution.
Accoutumé aux aisances de la capitale , il ne vivoit
pas comme e u x , il ne mangeoit pas à leurs heures, il
lui falloit un ordinaire particulier; il leur a occasionné
des dépenses très-considérables en tous genres. Ils ont
tout payé pour lu i, pendant ses séjours, quand il étoit
malade ; ils ont fourni à tous les frais : et s’il s’agissoit
de faire un compte, il seroit bientôt prouvé que la nio-
�( 23 )
clique portion qu’il pourroit prétendre seroit absorbée
bien au delà par les avances qu’ils ont faites pour lui.
A u surplus, les appelans se réservent tous leurs droits
à cet égard.
D
e u x i è m e
p a r t i e
.
§. I er-
Demande en désistement du pré dit des Carmes.
Rien ne prouve la transmission de cet objet, ont dit
les premiers juges, au profit du père des appelans. L e
sieur des Issarts a-t-il pu résister au. cri de sa conscience,
lorsqu’il a réclamé cet immeuble? il fait partie des neuf
adjudications partielles dont le prix a été payé par le
père des appelans : les quittances’et les premières grosses
des adjudications ont resté en son pouvoir. L e sieur des
Issarts a dans les mains les deux doubles de l’arrêté de
compte du 13 messidor an : qu’il les produise; on y
lira qu’il n’a voit payé autre chose, sur ces adjudications
partielles, qu’une somme de i , oo francs sur le prix de
l’adjudication de deux œuvres de p ré -v erg er du cha
pitre catliédral, sous les Carmes Déchaussés; et celle
de 300 fr. sur l’adjudication d’un journal un quart de
p ré , au terroir du pré Liandier, adjugé le 4 mai 1792;
qu’au moyen de ce que le père des'appelans demeuroit
propriétaire de ces objets, ces deux sommes, montant
à 1,800 francs, ont été déduites sur le com pte, et que
5
5
�24
(
)
le sieur des Issarts se trouva encore débiteur envers son
frère aîné de la somme de 34,273 liv. 10 s. en numé
raire, qu’il s’obligea de rembourser à. volonté et requête,
avec intérêts à cinq pour cent.
L e sieur des Issarts, en payant cette somme, demeuroit propriétaire du domaine d’A u ln at, et de celui de
Bonneval qu’il habite actuellement : les adjudications par
tielles restoient au sieur Bancal aîné. Les appelans ont
demandé que leur oncle fût tenu de restituer le double
qui lui a voit été confié. Le sieur des Issarts n’a pas
répondu sur ce point ; et le jugement dont est appel
est aussi muet à cet égard : c’est un des griefs des ap
pelans. Ils ont rappelé, en commençant, les différentes
circonstances et les écrits qui pourroient, dans tous les
cas, suppléer au défaut de rapport de ce double , du
13 messidor an . Les appelans, d’ailleurs, seroient en
état de prouver l’existence de cet arrêté de compte,
puisqu’ils ont des commencemens de preuves par écrit.
5
§. I I .
L e sieur des Issarts est non recevable h demander
a ses neveux un compte de gestion.
Cette demande en nouveau compte est vraiment in
concevable : le sieur des Issarts en a été débouté par les
premiers juges, et ce chef est l’objet de son appel inci
dent. Cependant ces comptes ont été rendus avec la plus
grande exactitude, et sont tous rapportés, à l’exceptioa
de
�5
( 2 5 )
de celui du 13 messidor an , que l’intimé a en son
pouvoir. Un second a eu lieu le I er. floréal an 7 , et
part depuis le 13 messidor an . Un troisième est du 6
fructidor an 8; dans celui-ci, il fut imputé 2,100 francs
dont la demoiselle Bancal aînée restoit débitrice, sur
5,141 fr. montant de trois années d’intérêts de la somme
de 34,273 liv. 10 s. dont l’intimé s’étoit reconnu débi
teur envers son frère. Ces intérêts, réunis à la somme
principale, portèrent la dette à 37,314 fr. que le sieur
des Issarts divisa en quatre obligations de 9,328 francs,
au profit de chacun de ses neveux et nièces; il s’obligea
au payement de ces quatre obligations dans six années,
à la charge de l’intérêt à cinq pour cent sans retenue.
Comment le sieur des Issarts se seroit-il reconnu débi
teur, si ses neveux lui avoient dû un compte? Un qua
trième compte a été rendu par la demoiselle Bancal,
depuis le 6 fructidor an 8, jusqu’au 10 nivôse an 10.
Enfin un dernier, qui termine la gestion, parce qu’à
cette époque le sieur des Issarts étoit marié, est du 26
frimaire an 11 ; ce fut le terme de la gestion officieuse
de la demoiselle Bancal : elle est bien récompensée de
ses soins.
On voit, dans ce dernier compte, que la demoiselle
Bancal étoit créancière de son oncle de 692 francs, dont
le sieur des Issarts lui fit le remboursement ; au moyen
de quoi, elle le tient quitte de tout reliquat antérieur,
sans préjudice du principal des obligations, et des inté
rêts d’icelles depuis le 10 messidor an 10.
- N ’est-il pas évident q u e , loin que le sieur des Issarts
D
5
�(
2
6
}
ait rien à prétendre contre ses neveux et nièces, il doit
tout, au contraire, h leur générosité et à celle de leur
père; et lorsqu’il écrivoit à sa nièce, le 22 messidor an 6 ,
qu’il ne cesseroit d’avoir pour elle la plus vive reconnoissance de tous les soins qu’elle prenoit pour lui; lors
q u e, le 19 messidor an 7 , il disoit qu’il conserveroit
toute sa vie la plus vive reconnoissance de tout ce que
son frère et sa famille avoient fait pour lu i, lorsqu’il le
répétoit le 7 vendémiaire an 8, le 14 pluviôse an 9 , le
i floréal an 10 , le 27 frimaire an 1 1 , ces témoignages
réitérés de reconnoissance et de tendresse n’étoient qu’une
foible expression de celle qui leur étoit due.
Comment le sieur des Issarts a-t-il pu oublier tous les
services qu’il a reçus! la mémoire des bienfaits passe-telle donc aussi vite que le sentiment du plaisir ! L e sieur
des Issarts p ou rro it-il obtenir un partage, lorsqu’il a
approuvé le testament de son père, consenti à sa pleine
et entière exécution, et renoncé à tous ses droits ; lors
qu’il a laissé passer plus de vingt-trois ans depuis la mort
du père, et plus de quatorze ans depuis sa quittance,
sans rien réclamer ? pourroit-il demander un compte de
gestion, lorsqu’il l’a reçu avec tant d’exactitude, et qu’il
a lu i-m êm e payé le reliquat? p ou rroit-il réclamer le
désistement d’un immeuble, lorsqu’il n’en a pas payé le
p r ix , lorsque son frère en a joui depuis 1 791, et tandis
qu’il n’a pas osé demander les autres objets partiels dont
ses neveux sont en possession? peut-il ainsi mentir à sa
conscience, lorsqu’il a dans les mains l’acte fait double,
qui en a transmis la propriété à son frère aîné ? Des pré-
5
�7
( 2 )
tentions aussi exagérées ne peuvent être que l’effet d’un
égarement dont rougira bientôt le sieur des Issarts : dans
tous les cas, la justice les repousseroit avec indignation.
Signé B e n o i t - D
M
agdeleine
BANCAL, M
om inique
BANCAL,
B A N C A L , J acquet te
aurice
DALBIN E.
M e. P A G E S ( d e R i o m ) , ancien avocat.
Me. D E V È Z E , avoué licencié.
A R IO M , de l’imp. d e TH IB A U D , imprim. de la Cour Impériale, et libraire;
rue des Taules, maison L a n d r i o t . — Juillet 1812..
�
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Factums Godemel
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[Factum. Bancal, Benoît-Dominique. 1812]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Devèze
Subject
The topic of the resource
renonciation à succession
successions
notaires
biens nationaux
experts
testaments
créances
assignats
jurisprudence
administration de biens
manufacture de bas de soie
ventes
offices
domaines agricoles
industrie
Description
An account of the resource
Titre complet : Précis pour sieur Benoît-Dominique Bancal, demoiselle Magdeleine bancal, dame Jacquette bancal, épouse de sieur Maurice Dalbine, chirurgien, et le sieur Maurice Dalbine, son mari, à l'effet de l'autoriser, tous habitans de la ville de Clermont-Ferrand, appelans d'un jugement rendu au tribunal civil de la même ville, le 13 mars 1812, et intimés ; contre sieur Jean-Henri Bancal des Issarts, propriétaire, intimé, et incidemment appelant.
note manuscrite : « voir arrêt de la cour, seconde section, 27 septembre 1812, au journal 1813, p. 29. »
Table Godemel : approbation. Voir mineur. Voir autorisation : 2. l’approbation d’un testament nul pour cause de prétérition rend-elle non recevable à l’attaquer ensuite ? la déclaration, de la part de l’enfant prétérit, qu’il consent la pleine et entière exécution du testament de son père, fait délivrance de toutes dispositions contenues sans ledit testament et quitte, si besoin est, sa succession de toutes choses quelconques, équivaut-elle à une approbation expresse ? quel délai l’enfant prétérit avait-il pour se pourvoir contre cette déclaration, devait-il agir dans les dix ou les trente ans ?
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de l'imprimerie de Thibaud
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1812
1785-1812
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
27 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2120
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
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BCU_Factums_G2121
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Clermont-Ferrand (63113)
Aulnat (63019)
Romagnat (63307)
Bonneval (domaine de)
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Domaine public
administration de biens
assignats
biens nationaux
Créances
domaines agricoles
experts
industrie
jurisprudence
manufacture de bas de soie
notaires
offices
renonciation à succession
Successions
testaments
ventes
-
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dc9aa301f648293b61f9bfc2b57b631b
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Text
W
PRÉCIS
POUR
S rs A n t o i n e - A n g e C H A S S A I G N E - D U B O S T ,
officier de cavalerie; Joseph C H A S S A I G N E ,
docteur en médecine; C l a u d e - J e a n - M a r i e
C H A S S A IG N E , propriétaire; M e. G i l b e r t A n t o i n e - G a b r i e l C H A S S A IG N E , avocat ;
D les C a t h e r i n e et A n n e C H A S S A I G N E , ma
jeures; dame B é n i g n e - A n t o i n e t t e - A u g u s t i n e C H A S S A I G N E , épouse de Sr François
G r i m a r d i a s , de lui autorisée, appelans d’un
jugement rendu au tribunal civil de Thiers,
le 27 août 18 13;
c o n t r e
Sieur G i l b e r t V I D A L D E R O N A T subs
titut du procureur du Roi au tribunal de
1
m
�C 2 )
Tkiersj S'A
n t o in e
dame B é n i g n e
V ID A L D E R O N A T ;
V ID A L
épouse du S r Barthélémy D
DE R O N A T ,
a r r o t - D ulac y
dame Ca t h e r i n e V I D A L D E R O N A T ,
épouse du sieur Joseph-Gilbert D
arrot;
dame M a r i e - A n n e V I D A L D E R O N A T ,
épouse du S rA
rnaud y
dame A
nne
V ID A L
D E R O N A T y épouse du sieur D am ien
M a l m e n a id e
j
intimés .
X-JES enfans Chassaigne, par représentation de feue
M arie-A n toin ette Vidal de Ronat, leur m ère, sont
héritiers de défunt Claude Vidal de R onat, leur aïeul
maternel, décédé en 1811.
L a dame de Ronat, leur m ère, avoit été mariée sous
l’empire de la coutume, père et mère vivans; elle devoit
être forclose; elle n’a point été dotée par ses père et
mère, mais elle a été instituée en certains biens par un
sieur Cottier, son grand-oncle; et cette institution devoit
lui tenir lieu de sa légitime de droit dans les successions
de ses père et m ère, auxquelles elle renonçoit.
L a succession du sieur Cottier étoit étrangère au sieur
V idal de Ronat père; le sieur Cottier étoit un grandoncle maternel de la dame Chassaigne.
L e sieur Vidal de Ronat est mort en 1811 : les enfans
Chassaigne ont incontestablement le droit de venir à la
�(
3)
Z(C4
succession de leur aïeul, dès que toute forclusion est
abolie.
L e sieur Vidal père a légué en préciput à ses deux
enfans mâles le quart de ses biens. Les enfans sont au
nombre de sept ; ils amendent un septième des trois
quarts.
Pour recueillir cette portion, les enfans Cliassaigne
seront-ils tenus de rapporter à la succession de leur aïeul
la portion que leur mère a reçue de son grand-oncle
maternel ?
Dans le cas où la Cour penseroit que cette dot aventive ( dos adventitia quœ à quovis aîio data f u i t ) fût
sujette à rapport, ne devroit-on pas établir une diffé
rence entre la légitime de droit à laquelle elle a renoncé,
q u i n’étoit alors que d’un quatorzième, et la légitime
d ’aujourd’h u i , qui est plus c o n si d é r a b l e ?
Telles sont les deux questions que la Cour aura à exa
miner. La seconde n’est que subsidiaire; la première est
fort importante, et demande une discussion approfondie.
Mais avant tout, il est nécessaire de rendre'compte des
faits de la cause, et d’analiser les règlemens de famille.
F A I T S .
L e sieur Cottier-Dubost, célibataire, avoit deux nièces;
l’ une avoit épousé le sieur Guillem ot, l’autre le sieur
Vidal de Ronat.
Par le contrat de cette dernière, qui est du 8 février
*7^7, le sieur Cottier lit donation à sa nièce de tous ses
biens de coutum e, sous la réserve du quart.
1 *
^
4 jfA
�C4 )
Sept enfans sont provenus du mariage de la dame de
Lots avec le sieur Vidal de Ronat.
Marie-Antoinette V id al, l’aînée de ces enfans, réunit
toutes les affections de son grand-oncle; il la maria dans
sa maison, avec le sieur Chassaigne, le 17 octobre 1776.
Ses père et mère ne comparoissent au contrat que pour
l ’autoriser, et lui constituer un trousseau consistant aux
habits, linge et dorures à l’usage de leur fille.
« Et en dot, il est dit, est intervenu aux présentes
« messire Antoine Cottier, écuyer, seigneur du Bost,
« chevalier de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis,
« mestre de camp de cavalerie, grand-oncle de la demoi« selle future épouse, lequel, de son g r é , a fait, créé,
« nommé et institué la demoiselle M arie-Antoinette
« Vidal de Ronat, pour son héritière universelle de tous
« et un chacun ses biens situés en droit écrit, consistant
« actuellement au fief et seigneurie du Bost, domaine en
« dépendant, directe, rentes et dîmes aussi en dépen« dant, situés en la paroisse de M ontvianeix, et domaine
« de la Boutière, situé en la paroisse de Saint-Victor,
« province du Forez ; de la comprise de laquelle ins« titution d’héritier seront tous les meubles meublans,
« ustensiles de maison, bestiaux et autres effets mobiliers
« qui sont et se trouveront au décès de l’instituant, dans
« lesdits lieux et domaines du Bost, de la Boutière, et
« le cliateau dudit lieu; sous la réserve que fait le sieur
« instituant d’une somme de 20,000 francs à prendre sur
« le domaine de lu Boutière, pour en disposer en faveur
« que bon lui semblera, et par tel acte qu’il jugera à
« propos et dans le cas où il n’eu auroit disposé à. son
’3
�X t\
(5)
«
«
«
«
’«
«
«
«
«
«
«
«
décès, la somme réservée sei’a et demeurera comprise
dans l’institution d’héritier ci-dessus, et fera partie
d’icelle ; et encore à.la charge que la 'présente institution d'héritier tiendra lieu de légitime de d ro it,
tant paternelle que m aternelle, à ladite demoiselle
future épouse, laquelle, en conséquence, renonce à.
tout ce qu’elle pourroit espérer et prétendre dans les
successions de ses dits père et m è re, tout ainsi et de
môme que si la donation eût été faite par ses père et
mère; à l’exception toutefois des successiojis collatéraies desdits estoc et ligne, que les père et mère de
la future lu i réservent expressément.
« Veut et entend que la demoiselle future épouse ne
« puisse disposer du bénéfice de l’institution d’héritier
« ci-dessus, et des biens qui en feront partie, qu’en
« faveur de ses enfans ; et que dans le cas où la demoi- te selle future épouse v iendroit à dé céde r sans enfans,
« ou iceux sans descendans, les biens compris dans la
« présente institution retournent à l ’estoc et ligne du
« sieur Cottier, et pour raison de ce , à la dame mère
« de la future, ou après elle à ses descendans et à ceux
«
«
«
«
«
«
«
de défunte dame Guillemot, et ce par égale portion
à chacune des deux branches, nonobstant la proximité
de degré plus ou moins éloigné ; à l’exception néanmoins d’une somme de 10,000 francs à prendre sur
les biens de l’institution , dont la demoiselle future
aura la pleine et entière disposition en faveur de qui
bon lui semblera, et par tel acte qu’elle avisera. »
Il n ’est peut-être pas inutile d’observer que deux ans
après, et par acte authentique du 10 janvier i77^> siciu^
�( 6 ) ,
Coitier fit donation dntre-vifs, à sa petite-nièce, et sans
aucune condition, du quart des biens de coutume qu’il
s’étoit réservé par le contrat de la dame de llonat mère,
du 8 février 1757.
L e sieur Cotlier-Dubost n’a survécu qu’un an à cette
dernière donation ; il est mort en 1779. La dame Chassaigne, sa petite-nièce, a elle-même prédécédé son père,
qui a vécu jusqu’en 18 11; il a laissé un testament olo
graphe, sous la date du 7 janvier 1806, par lequel il
lègue à Gilbert et à Antoine Vidal de llo n at, ses deux
fils, par préciput et avantage, le quart de ses biens, qui
est la quotité disponible, d’après l’article 913 du Gode
civil.
L e 14 février 18 12, les enfans Chassaigne ont formé
contre les héritiers de Rouât la demande en partage de
la succession de leur aïeul maternel, pour leur en être
attribuée leur portion afférente, avec restitution de jouis
sances ainsi que de droit.
Les héritiers de Rouât ont soutenu qu’au moyen de la
clause stipulée au contrat de mariage de la dame Chas
saigne, ses enfans étoient non recevables dans leur de
m a n de en partage ; qu’ils revenoient contre un pacte de
famille qui n’avoit rien d’illicite, et devoit être exécuté,
à moins que les enfans Chassaigne ne voulussent rapporter
à la succession de leur aïeul ce que leur mère avoit reçu
de son grand-oncle maternel.
La cause portée au tribunal de Thiers, le 27 août 1813,
les héritiers Chassaigne ont été déclarés purement et sim
plement non recevables dans leur demande, et condamnés
aux dépens.
�( 7 )
.. Les premiers juges ont exposé dans leurs motifs,
« I o. Que les contrats de mariage sont susceptibles
« de toute sorte de conventions, et que tout donateur
« peut rendre son bienfait conditionnel, ou le limiter
« à son gré.
« 2°. Pour juger de l’effet d’un engagement, on doit
« consulter la loi qui régissoit au moment où il fut cou-r
« senti : la condition de renoncer à une succession à
« échoir ne présente rien de contraire aux lois et aux
« mœurs, lorsque la renonciation est faite en présence
« de celui de la succession duquel il s’agit.
« 3°. Par le contrat du 17 octobre 1 7 7 6 , le sieur
« Cottier Dubost a institué sa petite-nièce son héritière,
« à la charge que l’institution lui tiendroit lieu de légi« time de d roit, tant paternelle que maternelle; et elle
« renonce en conséquence a tout ce q u ’elle p o ur r o i t
« espérer et prétendre dans la succession de ses père
« et m ère, tout ainsi et de même que si la donation
« eût été faite par les père et mère présens.
« 4°. La stipulation à la charge expresse de cette re
te nonciation étoit inséparable de l’institution ; le pacte
« étoit indivisible, et l’institué ne peut profiter du don
« irrévocable qui lui est acquis, et se dégager par sou
« fait personnel de l’accomplissement de la condition.
« °. Ce qui est donné par donation, contemplatione
« p a tris, est une dot profectice , et regardée comme
« provenue des père et mère, au nom de qui elle a été
« constituée ; et les héritiers Chassaigne se refusent à
« tout rapport de cette donation. »
Les héritiers Chassaigne ont interjeté appel de ce juge-
5
�h V.
( 8 \
ment, dont les motifs, loin d’être convaincans, ne ren
ferment que des erreurs, et prouvent que la question
n’a pas été approfondie.
Elle est cependant fort importante. L e contrat de ma
riage de la dame Chassaigne, passé dans une coutume
d’exclu sion , ne présente qu’ une forclusion ordinaire,
telle qu’elle étoit prononcée par l’article 2 du titre 12
de la coutume. La dame Chassaigne étoit mariée père
et -mère vivans, par conséquent forclose. L ’institution
que son grand-oncle faisoit en sa faveur ne la retenoit
pas dans la maison paternelle. L ’instituant ne pouvoit
que lui réserver sa propre succession, ainsi qu’il résulte
de l’article 28 du même titre; mais il n’avoit ni le droit
ni le pouvoir de lui réserver, une part dans les succes
sions directes ; elle en étoit exclue malgré lui par la
5
force de la loi.
Sa renonciation conventionnelle exprimée au contrat
n’étoit que surérogatoire, pour se servir des termes de
l ’article 9 de la loi du 18 pluviôse an , dès qu’il y
avoit exclusion coutum ière, et n’ajoutoit rien à la for
clusion. La renonciation, comme la forclusion, ne pou
voit profiter qu'aux m âles, conformément à l’article 29
du titre 12 de la coutume, pour la forclusion, et d’après
la doctrine des auteurs et la jurisprudence des arrêts,
pour la renonciation en pays de droit écrit.
Il est impossible de contester ce principe. C’étoit une
exception à la règle qui veut que toutes renonciations
à succession future soient prohibées, comme immorales
et illicites, votum exspectandcu rnortis • et cette excep
tion ne fut admise pour les filles en faveur des m aies,
que
5
�( 9 ) ..
que par des considérations politiques, pour conserver
le lustre et la fortune des familles, ainsi que l’honneur
du nom.
Ce n’est pas sans étonnement que l’on voit dans les
motifs du jugement, que ces renonciations aux succes
sions à échoir étoient permises dans tous les cas, lors
qu’elles étoient faites en présence et du consentement des
personnes de la succession desquelles il s’agissoit, d’après
la loi Quam çis , cod. 30 , D e pactis. O11 sait que la
modification de la loi n’avoit pas été adoptée en France,
comme on l’établira dans la suite, et que les pactes de
cette nature étoient toujours considérés comme illicites.
Mais si elles étoient autorisées pour les filles, les mâles
en proiitoient exclusivement : voilà un point incontes
table.
Lors du contrat de mariage de la dame Chassaigne,
ses père et mère, c o m m e l’instituant, ne p o u v a n t ignorer
la loi, n’avoient donc en v u e que l ’intérêt et la faveur
des mâles; tout annonce que l’intention des père et mère
étoit de doter leurs filles : tel étoit l’empire de l’usage,
la force de la lo i, qu’elle faisoit souvent taire les affec
tions de la nature.
La révolution a fait naître d’autres idées, et a failli
bouleverser l’ordre social par des innovations dange
reuses, et des opinions d’égalité également chimériques.
Mais ces te m p s intermédiaires, qui fuient loin de nous,
ne peuvent rien changer aux anciens principes; et en
se reportant à l’époque du contrat, la forclusion ou la
renonciation de la dame Chassaigne étoit tout en faveur
de ses frères, et De cliangeoit rien au sort de ses sœurs.
�0 10 )
O r , on supposera que la succession du père se fût
ouverte lorsque la forclusion étoit encore en vigueur,
il n’est pas douteux que les frères auroient pris exclu
sivement toute la portion qui seroit avenue à leur sœur,
et qu’il falloit compter, quoique forclose, pour former
la légitime.
La loi n’attribue exclusivement aux mâles la portion
des filles forcloses, qu’en conférant leurs dots; mais cette
collation ou ce rapport ne s’entend que de la dot cons
tituée par le père, et non de celle qui a été constituée
par un tiers. Les frères auroient été dispensés de tout
rapport, dans l’espèce, dès que le père n’avoit rien donné»
Cependant les frères n’auroient pris la portion héré
ditaire de leur sœur que comme la représentant et exer
çant ses droits ; et s’ils eussent été dispensés de conférer
la dot que le sieur Cottier avoit donnée h sa nièce, quelle
seroit donc la raison ou le motif de faire rapporter par
la sœur tout ce qu’elle a reçu de son oncle, aujourd’hui
qu’elle Tentre dans tous ses di*oits, qu’elle est rappelée
dans la maison paternelle par le bénéfice de la loi ?
D e quel droit ses autres sœurs viendroient- elles aussi
profiter de son exhérédation, ou la contraindre au rapport
de ce qu’elle a reçu d’un parent maternel, absolument
étranger au père commun?
Les objections qu’on propose n’ont pas même le mérite
d’être spécieuses. O n dit, en premier lieu, que la dame
Chassaigne n’a été instituée que sous la condition qu’elle
r e n o n c e r o it aux successions de ses père et mère ; et ou
ajoute qu’il dépend de celui qui donne d’imposer à ses
libéralités les conditions qu’il lui plaît.
�Mais d’abord il faudrait, avant tout, que ces condi
tions fussent licites ; et jamais une transaction sur une
succession future n’a été permise. La disposition de la loi
dernière, au code D e p a c tis , n’étoit pas suivie en vente
d’hérédité, o u , ce qui est la même chose, pour une re
nonciation aliquo dato. Prœm atura est hœc species colïationis cum adhuc viçatis de eu ju s bonis quarta de~
ie tu r : irnprobum esse Julianus existim at eum qu i
solîicitus est de vivi Jiœreditate. I/. 3 , §. Interdum de
vulg. et pupill. substit.; L . i re. , D e hœred. vel act. vend,
Louet, lettre H , somm. , rapporte un arrêt du mois
de janvier 1530, rendu dans la cause d’entre Antoine
Lacouture et Louis Blanchefort, qui a jugé que la vente
d’une hérédité, bien qu’elle fût faite du consentement de
celui de euju s Jiœreditate agebatur, étoit nulle, et les
letti’es de rescision furent entérinées. Louet cite tous les
textes de droit sur lesquels on s’étoit fondé ; il rappelle
l’autorité de Cujas, sur la loi 26, in fin e , D e verb. obi.,
qui appelle un marché de ce genre corvinam convenu
tionem , et en prononce la nullité, même avec le con
sentement de la personne. La modification de la loi 30
6
n’étoit adoptée que lorsqu’il s’agissoit d’une convention
qui n’annonçoit pas le désir de succéder; et, par exemple,
lorsque le fils de famille s’obligeoit de payer une dette
quand la succession de ses père et mère lui seroit échue,
si les père et mère n’étoient pas présens à la convention,
elle étoit nulle; mais s’ils y donnoient leur consentement,
elle étoit valable. C’est encore ce que nous dit Louet à
l’endroit cité. Et il est aisé de concevoir cette différence,
parce que toutes les fois qu’on s’oblige de payer, on ne
�désire pas de voir arriver le terme du payement, et
qu’alors il n’y a pas le votum exspectandœ morlis.
Ainsi , point de doute que les transactions sur les
successions futures étoient réprouvées par l’ancien droit
comme dans le nouveau , même avec le consentement
de celui de la succession duquel il s’agissoit, et qu’il
n ’y a voit d’exception que pour la renonciation des filles
en faveur des mâles.
Cela est si v r a i, qu’on n’a jamais mis en question la
nullité d’une renonciation faite par un mâle, même en
présence du père. L e second motif du jugement dont
est appel n’est donc qu’une erreur en point de droit.
En point de fa it, que voit-on dans le contrat de
mariage de la dame Chassaigne ? Il y est dit que la
présente institution d’héritier tiendra lieu de légitime
de d ro it, tant paternelle que maternelle; c’est ensuite
la dame Chassaigne q u i , de son propre mouvement,
renonce à tout ce qu’elle pourroit prétendre dans les
successions paternelle et maternelle , tout ainsi et de
même que si la donation eût été faite par les père et
m ère, qui lui réservent expressément les successions
collatérales.
Cette renonciation est évidemment surérogatoirc, et
il n’y a ici qu’une forclusion coutumière \ la réserve
des successions collatérales en est la preuve , parce qu’en
effet, aux termes de la coutume, elle étoit même exclue
de ces successions, sans une réserve expresse.
Tout est en faveur des mâles, qui seuls pou voient
profiter de cette exclusion, et qui n’auroient été tenus
à aucun r a p p o r t d è s que le père n’avoit pas doté;
�Gomment concevoir alors que les sœurs puissent s’op
poser au retour de la dame Chassaigne ou de ses enfans
à la succession de leur a ïe u l, lorsque les sœurs sont
étrangères à la clause du contrat, lorsqu’il ne pouvoit
rien leur en revenir, qu’elles ne pouvoient en espérer
aucun bénéfice.
A l’égard des frères, et toujours dans l’hypollièse que
la succession se fût ouverte sous l’empire des anciennes
lo is , on convient qu’ils auroient profité de l’exclusion
de la dame Chassaigne.
Mais est-il bien certain que la dame Chassaigne, sous
les anciennes lois , n’eût pas eu le droit de requérir
d’être dotée par son p è r e , à raison de l’institution faite
à son profit par son grand-oncle maternel ? Les premiers
juges ont parlé, sans trop s’entendre, d’une dot proj fectice ; et qu’est-ce qu’une dot profècticc ? D ’après le
jurisconsulte U lpien, et après lui d ’après F u r g o l , ques
tion 4 2 , la dot profectice est celle qui est constituée
par le père. D o s à pâtre profecía. D o s profectitia ¿Li
citar , id est, quam pater mulieris dédit. D o s dicitur adventitia, id e s t , ea quœ à quovis alio data est. La dot
profectice est sujette au droit de retour en faveur du
père, d’après la loi Jure succursum , 6. ff. D e jur. dot.
D o s à pâtre profecía ad patrern revertitur, La dot
aventive, celle qui a été constituée par un tiers, n’a
pas la même faveur : adventilia aulem dos semper
pcmes mariturn renianet. Il n’y a donc pas, dans l’espèce-,,
de dot profectice, dès que le père n’a rien donné; et
l’institution du grand-oncle maternel ne peut être con
sidérée que comme une dot aventive..
�C 14 )
- D ’après l ’article 36 du titre 12 , la fille forclose
qui n’a pas été dotée par le p è r e , peut requérir être
dotée selon que les filles de la maison l’ont été ; et
s’il n’y en a pas qui aient été dotées, d’après l’avis de
parens , eu égard aux constitutions des mariages du
lie u , et voisins de semblable qualité.
La coutume s’arrête à ce p o in t, et ne prévoit pas
le cas où la fille auroit été dotée par un tiers. Basmaison,
sur cet article, dit seulement que si à ladite fille avoit
été constituée dot par un tiers, si c’est en faveur du
p è r e , et pour le relever, telle dot sera réputée profectice et comme provenant des biens du père.
L e dernier commentateur a embrassé cette opinion,
en distinguant cependant ; car il exige que la dot qui
a été constituée à la fille par un parent ou un étranger,
l ’ait été en contemplation du père , comme pour ac
quitter sa dette et l’aider, eu égard k la modicité de sa
fortune et au grand nombre d’enfans qu’il peut avoir. Il
est remarquable que ces deux auteurs ne citent aucuns
préjugés à l’appui de leur opinion; le dernier commen
tateur, au contraire, décide que la fille qui auroit suc
cédé à sa m è re , pourroit tout de même requérir être
dotée par le p è re , parce que son office est de doter.
P e u t - o n dire, dans l’espèce , que le sieur Coltier,
grand-oncle maternel, ait voulu doter sa petite-nièce
en contemplation du père qui lui étoit étranger ; qu’il
soit venu à son secours, eu égard à la modicité de sa
fortune, tandis que le sieur Vidal de Ronnt pouvoit passer
pour opulent? Et ne doit-on pas conclure au contraire
du silence de la loi, de l’avis même des commentateurs,
�( i5 )
que nonobstant l’institution du sieur Cottier , la dame
Chassaigne, sous les anciens principes , auroit pu re
quérir une dot, sauf ensuite aux frères à la conférer,
lorsqu’ils auroient profité de son exclusion.
Cette conséquence devient plus évidente, d’après les
inductions qu’on doit tirer des termes du contrat de
mariage.
y est dit que la dame Chassaigne ne pourra
disposer des biens compris en l’institution qu’au profit
de ses enfans; et dans le cas où elle viendroit à décéder
sans enfans, ou iceux sans descendans, les biens doivent
retourner à l’estoc et ligne de l’instituant, et pour raison
de ce, à la mère de la future, ou après elle à ses des
cendans et à ceux de feue dame Catherine de L ots, nièce
de l’instituant, femme Guillemot, et ce par égale por
tion à chacune des deux branches.
Si l’instituant ordonne impérieusement le retour des
biens à son estoc et lign e, il ne les a donc pas donnés
en contemplation du p ère, ni à sa décharge, puisque le
père étoit étranger au donateur; et cette clause posté
rieure est contradictoire avec la première.
Mais ici s’ouvre une nouvelle carrière, un droit nou
veau. La succession du père n’est ouverte qu’après le
11
Code civil; les forclusion, renonciation conventionelle,
tout ce qui résultoit de la différence des sexes ou du
droit de masculinité, est aboli ; tous les enfans sont
rappelés indistinctement aux successions de leurs ascendans; les libéralités sont limitées, en ligne directe, au
quart des biens, lorsqu’il y a plus de deux enfans.
Quels sont les rapports dont les enfans peuvent être
�Cl6 )
tenus en venant à la succession du père? Pour fixer nos
idées sur ce p o in t, il ne s’agit que d’ouvrir le Gode,
au titre des rapports.
Dans les articles 843 et suivans, on y voit que tout
héritier, même bénéficiaire, venant à une succession,
doit rapporter î\ ses cohéritiers tout ce qu’il a reçu du
défunt directement ou indirectement; qu’il ne peut retenir
les dons et legs à lui faits par le défunt, à moins,que les
dons et legs rie lui aient été faits expressément en préciput ; il ne peut même retenir les dons en préciput,
qu’autant qu’ils n’excéderoient pas la quotité disponible.
• Les dons et legs faits au fils du successible sont tou
jours réputés faits avec dispense de rapport; le rapport
ne se fait qu’à la succession du donateur ,• pas un seul
mot qui assujettisse au rapport les constitutions faites par
des tiers.
E t comment auroit-on pu assujettir au rapport une
constitution faite par un étranger, qui fut le prix d’une
forclusion-qui n’existe plus? comment soutenir que cette
forclusion fut la condition de l’institution , lorsque la
dame Chassaigne auroit été forclose par la seule force de
la l o i , indépendamment de la volonté de l’instituant,
qui n’avoit pas le droit de la retenir dans la maison du
père ?
Comment donner quelqu’eflet à une renonciation surerogatoire, dans les pays d’exclusion, qui d’ailleurs est
elle-même proscrite par les lois des 11 brumaire et 17
nivôse an 2 ?
11 semble que ce système bizarre répugne à tous les
principes
�7
( i )
principes de la nouvelle législation ; que la succession du ¿ 3 $
sieur c}e Ronat père doit être régie par le Code, et qu’au?
trement ce seroit vouloir confondre deux législations,
h
ce qui seroit absurde.
En un m ot, d’après le Gode, il n’existe ni forclusion,
ni i-enonciation; la fille qui revient à la succession de sort
père n’est tenue de rapporter que ce qu’elle a reçu de
lu i, de ce qui provient de sa substance, ex substantia
patris. II est impossible de forcer les enfans Chassaigne
de rapporter ù une succession directe une succession col
latérale qui ne vient pas du même estoc. Les sœurs ne
peuvent avoir aucune qualité pour demander ce rapport,
puisque, dans aucun temps, elles n’ont pu profiter de la
renonciation de la dame Chassaigne. A l’égard des mules,
tout droit d’accroissement est anéanti du moment que les
exclusions des filles ont été proscrites. Dès-lors les enfans
Chassaigne doivent être admis, o u , pour mieux dire,
rappelés à la succession de leur aïeul ; et les premiers
juges, en les repoussant, ont ouvertement violé les dis
positions du Code, et se sont écartés de tous les principes
de justice et d’équité.
Les appelans, devant les premiers juges comme en la
C our, ont cru, à toutes fins, devoir examiner une ques
tion subsidiaire.
S i , par impossible, on vouloit considérer la renon
ciation de la dame Chassaigne comme une condition li
cite; si on vouloit encore donner quelqu’efiet ù une for
clusion coutumière qui a disparu devant les nouvelles
lois, faudroit-il au moins reconnoitre que la condition
3
�( 18 )
du bienfait avoit ses bornes, et ne pourroit être étendue
à la portion entière de la dame Chassaigne dans la suc
cession paternelle.
Dans le contrat de mariage de 1776 , on n’y voit autre
chose , sinon que l’institution de son oncle lui tiendra
lieu de sa légitime de droit; c’est la seule privation qu’on
lui impose; et dans les actes entre-vifs, les expressions
dans lesquelles ils sont conçus doivent être prises dans
leur sens rigoureux, et sans extension : verba tantum
valent quantum sonant.
A l’époque du contrat de mariage de la dame Chas
saigne, la légitime de droit se régloit par l’authentique
tríente et semisse; c’étoit le tiers ou la moitié de ce qu’on
auroit eu dans la succession , si elle se fût ouverte ab
intestat, suivant le nombre des enfans. Il y avoit sept
enfans provenus du mariage du sieur Vidal de Ronatsuivant les règlemens de l’authentique, la légitime de
droit eût été d’un quatorzième.
Ce n’est donc qu’à ce quatorzième, en prenant la clause
dans toute sa rigueur, que la dame de Ronat, femme
Chassaigne, auroit renoncé.
Mais le sieur de Ronat n’ayant fait aucune institution
sous les anciennes lois, n’a pu, conformément à l’art. 913
du Code, disposer au préjudice des enfans que d’un quart
en préciput; ce qu’ il a fait par testament, en faveur de
ses deux enfans mâles. La réserve de la lo i, ou, ce qui
est la même chose, la légitime des enfans, est aujourd’hui
d’un septième dans les trois quarts des biens : dès-lors il
ne pourroit y avoir aucun prétexte de priver les enfans
�*9
(
)
. . . .
Q 'à S
Chassaigne de cet excédant ou de cette ampliation dé la
légitime; c’est-à-dire, qu’on devroit au moins leur faire
raison de la différence qui se trouve entre le quatorzième
et le septième des trois quarts, ce qui fait un tiers eu sus.
Ceci deviendra plus sensible par un thème. On sup
posera une masse de 14,000 fr. à partager.; dans l’ancien
ordre, la légitime de droit eût été de 1,000 fr. ; suivant
le nouveau m o d e , eu faisant distraction du quart, qui
e^t. de 3,5oo francs , il reste i o , oo fr. à partager entre
sêjîi ;Vce ^uMïîit i , t t r f r . «poui^-chacun. I)#irê' c e t t e v
pothèse , il reviendroit toujours aux .frufaos^Chassaigae f
la moitié de ce qu^ïïs auroient eu si leur mère n’avoit
pas renoncé.
Mais cette partie de la cause n’est que très-subsidiaire,
et pour ne rien négliger; car il paroît démontré que
les frères et sœurs de la dame Chassaigne ne peuvent
pas exiger de leurs n e v e u x le rapport du bénéfice de
l ’institution du sieur Cottier.
Dans le droit com m un, l’héritier n’est tenu de rap
porter que ce qu’il a reçu du défunt. La dame Chassaigne
n’a rien reçu du défunt; elle a reçu du sieur Cottier,
son grand-oncle : ce qui lui a été donné par son grand-
5
5
oncle n’a rien de commun avec la succession de son
p ère, qui n’étoit pas successible du sieur Cottier.
La condition imposée dans son contrat, ou qu’on veut
en faire résulter, disparoit avec la forclusion. Il ne faut
considérer cette condition que comme un pacte sur
une succession future, que les lois ont regardé c o m me
illicite et immoral , comme une convention inutile,
+ &
�(C V
( 20)
puisque, sans elle, la forclusion n’en auroit pas moins
eu lie u ; et, sous tous les rapports, les enfans Chasssaigne
sont appelés au partage de la succession de leur aïeul %
pour y prendre une portion égale dans les trois quarts»
M e. P A G E S ancien avocat,
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.
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M e. B R E S C H A R D , avoué .
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A RIO M , de l’imp. de T H IB A U D , imprimeur de la Cour royale, et libraire,
rue des Taules, maison Landriot. — Août 1814,
«
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Chassaigne-Dubost, Antoine-Ange. 1814]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Breschard
Subject
The topic of the resource
donations contractuelles
renonciation à succession
contrats de mariage
pays de droit écrit
forclusion
dot
successions
donations d'un collatéral
coutume du Bourbonnais
partage
conflit de lois
donations
Description
An account of the resource
Titre complet : Précis pour Sieurs Antoine-Ange Chassaigne-Dubost, officier de cavalerie ; Joseph Chassaigne, docteur en médecine ; Claude-Jean-Marie Chassaigne, propriétaire ; Maître Gilberte-Antoine-Gabriel Chassaigne, avocat ; demoiselles Catherine et Anne Chassaigne, majeures ; dame Bénigne-Antoinette-Augustine Chassaigne, épouse de sieur François Grimardias, de lui autorisée, appelans d'un jugement rendu au tribunal civil de Thiers, le 27 août 1813 ; contre sieur Gilbert Vidal de Ronat, substitut du procureur du Roi au tribunal de Thiers ; sieur Antoine Vidal de Ronat ; dame Bénigne Vidal de Ronat, épouse du sieur Barthélemy Darrot-Dulac ; dame Catherine Vival de Ronat, épouse du sieur Joseph-Gilbert darrot ; dame Marie-Anne Vidal de Ronat, épouse du sieur Arnaud ; dame Anne Vidal de Ronat, épouse du sieur Damien Malmenaide, intimés.
note manuscrite « Le 20 août 1814, arrêt confirmatif, pour les motifs exprimés au jugement ».
Table Godemel : Institution d'héritier : 10. une institution contractuelle grevée d’une condition (celle de renoncer, pour l’institué, à tous droits dans les successions de ses père et mère), doit-elle être exécutée ? le donataire, après avoir accepté l’institution, peut-il refuser de remplir la condition, quoiqu’il prétende retenir tout l’effet de l’institution ? cette condition est-elle contraire aux lois et aux bonnes mœurs ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1814
1776-1814
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
20 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2113
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2112
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Victor-Montvianeix (63402)
La Boutière (domaine de)
Bost (seigneurie du)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
conflit de lois
contrats de mariage
coutume du Bourbonnais
donations
donations contractuelles
donations d'un collatéral
dot
forclusion
partage
pays de droit écrit
renonciation à succession
Successions
-
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87ca1245af3f67228ab557bcde45720e
PDF Text
Text
PRÉCIS
COUR
ROYALE
DE RIOM.
POUR
2 *.
Les héritiers D E R O N A T ;
CONTRE
Les héritiers CH ASSAIG N E-D U BO ST.
L a question consiste à savoir si une institution con
tractuelle , grevée d’une condition, doit être exécutée
suivant l’intention de l’instituant, et si, après avoir ac
cepté l’institution, il est possible aux donataires de ne
point exécuter la condition, quoiqu’ils entendent retenir
tout l’effet de la libéralité conditionnelle.
Pour composer ainsi avec la bonne foi qui doit régner
dans tous les engagemens, on devine d’avance que les
donataires ne se prévalent pas de leur seule volonté; il
leur faut un prétexte quelconque ; et le seul qu’ils aient
CHAMBRE.1
18 août 1 8 1 4
y
�( 2 )
trouvé consiste à dire que les bonnes mœurs et les lois
leur défendent d’exécuter la condition imposée à la libé
ralité, sans s’opposer néanmoins à ce qu’ils gardent tout
ce qu’on leur a donné, et plus môme qu’on n’a eu l’in
tention de leur donner.
Ce sont là de ces tours de force qui ne sont connus
qu’au palais. Dans la multitude des lois, il s’en trouve
toujours quelqu’une q u i, par équivoque ou obscurité,
se prête au sens qu’on y cherche; mais si cette obscurité
n’est pas éclaircie par la jurisprudence ou par des auto
rités précises, l’abus des mots ne peut convaincre per
sonne, et les tribunaux finissent toujours par faire res
pecter les engagemens, tant qu’une loi évidente ne les
force pas a juger contre la raison et leur conscience.
:?
.Va'*"' -*\k’ .
F A I T S .
'
M. Vidal de Ronat père contracta mariage en 1757
avec mademoiselle de Lots.
M. Cottier-Dubost, oncle de la future, lui fit donation
contractuelle de tous ses biens d’Auvergne, sous la réserve
du quart.
s (
D e ce mariage sont issus sept enfans, dont six sont
défendeurs, et le septième fut M arie-A n n e de Ronat,
mère des demandeurs.
Elle fut mariée le 17 octobre 1776, avec M . Jacques
Chassaigne ; et c’est dans ce contrat de mariage que se
trouve la clause donnant lieu au procès : elle doit dèslors être transcrite littéralement.
« E a considération dudit mariage, les sieur et dame
.
�( 3 )
« père et mère de la future épouse lui ont constitué son
« trousseau , consistant aux habits, linge et dorures à
« l’usage de la future épouse.
« Et en d o t , est intervenu aux présentes M. Cottier« D u b o st, grand-oncle de la future, lequel l’institue
« pour son héritière universelle de tous et un chacun ses
« biens situés en pays de droit écr it, sous la réserve de
« 20,000 francs à prendre sur le domaine de la Boutière,
« pour en.disposer en faveur de qui bon lui semblera;
« et encore à la charge que la présente institution à'hé"
« ritier tiendra lieu de légitime de droits tant paternels
« que maternels à la fu tu r e épouse , laquelle , en conse
il quence, renonce à tout ce qu’elle pouri'oit espérer et
« prétendre dans les successions de ses dits père et m èrey
« tout ainsi et de même que si la d o t a t i o n e u t É T É
« f a i t e p a r s e s PEE.E e t MERE ; à l’exception toute« fois des successions collatérales desdits estocs et lignes,
« que les père et mère lui réservent. »
On lit après cela d’autres clauses qui se rattachent, à
la vé rité , à l’institution, pour le cas du décès de la fu
ture, mais elles sont étrangères à la contestation.
En 1778, M . Cottier-Dubost fit donation à la dame
'Chassaigoe du quart qu’il s’étoit réservé -en 1757; e t,
pour cette fois, il n’imposa aucune charge ni conditioa
à sa libéralité.
M . Cottier-Dubost est mort en 1779.
M . de Ronat père est mort en 181 r.
Madame Cliassaigne n’avoit pas manqué d’accepter
l’institution de son oncle , et de s’emparer de sa suc
cession en 1779. Il est à croire que si elle eût vécu t
ï *
�V-
_
( 4 )
elle en auroit rempli la condition sans tracasser per
sonne ; mais elle est décédée avant son père , et ses
enfans se sont présentés pour réclamer une portion
dans les biens de M. de Ronat.
Les autres enfans de Ronat leur ont répondu : Votre
mère n’a obtenu pour elle seule la succession de notre
oncle, qui valoit i 5o,ooo f r . , qu’à condition de nous
laisser partager sans vous la succession de notre père;
laissez-nous donc cette succession, ou renoncez à celle
qui vous a été donnée en remplacement.
A cela les héritiers Cliassaigne ont répliqué : Nous
voulons garder la succession de notre oncle, et avoir
encore ce qu’il nous a défendu de demander ; car sa
donation est bonne, et la condition est réprouvée par
la loi. D ’après cet ultimatum , ils ont assigné en par
tage de la succession de Ronat.
L e système des demandeurs est développé dans une
requête, où ils invoquent une multitude de lois pour
prétendre que leur mère n’a valablement renoncé à
rien , et qu’elle doit avoir les deux successions. Leurs
objections seront examinées successivement , sans en
oublier aucune ; mais voyons d’abord s’il existe des prin
cipes et des autorités sur la question, telle que la simple
lecture de l’acte de 1776 la présente.,
M O Y E N S .
L a vérité la plus évidente, en matière de libéralité,
c’est que celui qui donne a le droit d’imposer toutes les
conditions qu’il juge à pro pos, pourvu qu’elles soient
�ç5}
.
exécutables, et le donataire doit s’y conformer , ou ne
pas accepter le don. Tout cela est incontestable aux yeux
de la raison, qui nous apprend que celui qui est pro
priétaire de son b ie n , est pai*faitement le maître de ne
le donner qu’avec les conditions onéreuses , difficiles ,
et même bizarres, puisqu’il pouvoit aussi ne pas le donner
du tout. C’est à celui qui doit recevoir, à peser l’avan
tage ou le désavantage de la libéralité ainsi grevée; car
rien ne l’oblige de l’accepter si elle lui paroît onéreuse.
Mais lorsque le donataire a trouvé profitable d’ac
cepter, il est tout à la fois illégal et immoral de vouloir
détruire ensuite la loi du contrat, et se débarrasser d’une
charge qui étoit inséparable de la libéralité. L e droit
rom ain, qui étoit une raison écrite , défend par plusieurs
lois (i) cette violation de la volonté des donateurs. Les
auteurs les plus recommandables du droit français (2)
ont enseigné les mêmes maximes. L e C o d e c iv il (3) les
a répétées après eux ; et, sans qu’il soit besoin de trans
crire ici des citations trop longues ou trop élémentaires,
il suffit de dire que les héritiers Chassaigne auroient
trouvé dans ces vrais principes plus de réflexions qu’ils
(1) Loi 19 , ff. D e condit. et demons t. Loi 4 , D e hœred.
instit. Loi unique , Cod. de caduc, toll. Loi 48 , ff. Famil.
ercisc. Loi
5,
ff. D e oblig. et act. Lois
25 , 56
et 9 a , ff. D e
condit. et demons t.
(2) D o m a t,
Lois civiles.
Traité des conventions, tit. i er.-
Traité des testaraens , tit. i er. Ricard , Traité des dispositions
conditionnelles , tit. 2. Furgol, Traité des testamens, tome
Boucheul, Traité des conventions de succéder , ch. a.
(3) Code civil, articles n 3 4 , n 3 5 , H7_5%
�( 6 )
n’en avoîent besoin, pour s’épargner la tentative d’un
procès inconvenant, au lieu de chercher des arguties
dans des maximes de droit public , qui s’appliquent ù
toute autre chose.
La latitude donnée par les lois romaines à la volonté
de celui qui est libéral, étoit restreinte, à la v érité,
lorsque cette volonté portoit atteinte au droit public ,
ou lorsqu’elle avoit q u elqu e chose d’impossible ; et en
core y a - t - i l une différence à faire entre les testaïnens et les contrats entre-vifs; car dans les testa mens,
les conditions illicites étoient seulement réputées non
'écrites, vitiantur et non vitiant. A u contraire, elles
vicioient radicalement, dans les contrats , les clauses
auxquelles elles étoient apposées. Voilà ce qu’enseignent
Ricard ( i) , Merlin (2) et Chabot (3) de l’A llie r, d’après
le texte des lois romaines (4). Il faut, dit Ricard, que
la stipulation demeure sans eifet, si la condition réputée
impossible ne s’exécute p as, parce qu’un contrat est le
travail’de deux parties intéressées, qui sont présumées
avoir travaillé sérieusement. L e Gode civil a dit la même
chose en l’article 1172 : « Toute condition d’une chose
« im po ssib le, ou contraire aux bonnes mœurs, ou pro« liibée par la l o i , est nulle, et rend nulle la con« çention qu i en dépend. »
(x) Des dispositions conditionnelles , tit. 2 , ch.
5 , sect.
2,
h°. 224(2) Questions de droit, V a. Condition concernant les ma
riages.
(3) Q uestions tran sito ires, V*. Condition.
(4) Loi 3i ; ff* De ad, et ob. Loi 7, iï.D c verb. ob.
�7 \ ..
Jusqu’ici la découverte des héritiers Chassaïgne tour
nerait contre e u x-m ê m e s, puisqu’elle les forcerait 4
abandonner une succession opulente , s’ils s’obstinoient
à regarder la condition de leur institution comme con
traire aux lois et aux bonnes mœurs.
Mais abondons pleinement dans leur sens ; supposons
que l’anathème de la loi s’applique à toutes sortes d’actes ?
et que la libéralité peut subsister séparément, quand la
condition est illégale. Qu’en résultera-t-il ? et en quoi la
condition d’abandonner un droit éventuel pour recevoir
une succession qui vaut le quadruple se tr o u v e - t- e lle
impossible? comment cela est-il contraire aux bonnes
mœurs? quelle est la loi qui le prohibe?
Quoique la loi française soit aussi vague que la loi
romaine sur cette exception de droit p ub lic, il ne faut
pas pour cela supposer que le législateur en a livré l’in
terprétation au caprice de tous c e u x qu i auroient intérêt
d’en faire leur profit.
La condition impossible ne peut s’entendre que de ce
qui ne peut pas etre vaincu par les efforts humains :
veluti si in cœlum ascendcit. Car, suivant Ricard et la
loi par lui citée, « une grande difficulté ne seroit pas
«
«
«
«
capable d’emporter la nullité de la condition d’un legs;
il suffit qu’elle soit possible en soi et dans les moyens
d’y parvenir par quelques moyens que ce soit, quoique
la difficulté se réduise à un quasi impossibilité (i). »
(i)
■^°i
4
Ricard, Des dispositions conditionnelles. lbid> > n°. 3.22.J
> ff- Do statu liber.
�/ ( 8 )
La condition contraire aux bonnes mœurs a une lati
tude telle, qu’il faudroit recourir au Code pénal pour
y chercher des exemples. Sans doute, si une libéralité
imposoit pour condition des actes de débauche, ou toute
autre turpitude, il y auroit lieu à l’application de la loi.
D olive (i) rapporte un arrêt du parlement de Toulouse,
au sujet d’une donation faite à une religieuse, à condi
tion qu’elle renonceroit à ses vœux pour embrasser la
religion protestante. Cette condition étoit contraire aux
bonnes mœurs, parce que la religion catholique étant
alors dominante, c’étoit exiger une action scandaleuse.
O n pourroit ici examiner s’il est vrai que la renoncia
tion à une succession future soit contre les bonnes mœurs;
mais comme cette expression n’a été employée par les
lois que comme motif de prohibition, cet examen sera
renvoyé un peu plus loin.
L a condition prohibée par la loi auroit bien plus
d’étendue encore, s’il falloit l’appliquer à toutes les pro
hibitions d’intérêt privé, comme les héritiers Chassaigne
l’entendent. Par exemple, la loi défend d’établir l’égout
des toits sur le terrain d’un voisin ; elle défend à un
usufruitier de co up er des arbres; elle défend à un tuteur
d’acheter les biens de ses pupilles; elle défend de vendre
le bien d’autrui, etc. Faudroit-il donc pousser l’exagé
ration jusqu’à soutenir qu’un donateur ne pourra pas
imposer à son donataire la condition, ou de souffrir les
eaux de son voisin, ou de laisser couper quelques-uns
(x) Dolive, livre i , chap. 4.
de
�( 9 )
Z ô l
de ses arbres, ou de respecter l’acquisition faite par son
tuteur, ou enfin de consentir à la vente de son ten-ain,
faite ou à faire, par une tierce personne?
Il faut, suivant les auteurs déjà cités, distinguer les
cas de prohibition qui ne tiennent qu’au droit p rivé,
de ceux qui tiennent au droit public. Car la loi n’a eu
pour objet d’interdire que les conditions attentatoires
au droit public; autrement, et comme le dit D om at,
« lorsque les conditions dépendent uniquement du fa it
« de la personne à qui le testateur les a imposées, elles
« doivent s’accomplir comme il l’a réglé , et aussitôt
« que Vexécution "peut en être fa ite ...................... soit
« qu’elle consiste à faire ou ne pas faire , quitter ou
« donner, etc. (i). »
Domat ne cite aucun exemple ; mais Ricard (2) nous
apprend qu’une difficulté s’étoit élevée entre les juris
consultes, pour savoir s’il y av o it lieu de regarder comme
condition prohibée par les lois celle en vertu de laquelle
un testateur auroit fait un legs à son pupille, à condition
qu’il ne demanderoit pas la reddition de son compte.
On sait en effet combien est irritante la prohibition
de la loi contre tout pacte fait avec le tuteur pour la
décharge du compte non visis tabulis ; et comme le
tuteur tient son mandat de la justice, qui protège spé
cialement la minorité, il pouvoit en résulter que, sous
ce rapport, la question tenoit à l’ordre public.
Mais Ricard nous apprend que cette condition est va(1) Domat, liv.
5,
tit. i cr. , sect. 8.
(2) Dispositions conditionnelles, ibid. n°.
2
�1 -> •
( 10 )
lable, et que si le pupille veut conserver son action en
reddition de compte , il doit s’abstenir de l’hérédité. C’est
ainsi, en effet, que le prononce la loi romaine par lui
citée (i) *, et cette loi est d’autant plus essentielle à con
sulter dans le texte, qu’elle est rendue sur une préten
tion que les héritiers Chassaigne semblent avoir prise
pour modèle ; car le pupille avoit commencé , comme
eux, à s’emparer du legs, et au bout d’un certain temps
il n’en avoit pas moins réclamé son compte de tutelle.
Pa p illus legatum p rœ tu lit, et postea nihilomimis petit
quidquid ad tutorem suum ex tutella perçenerit. Mais
la loi lui répond que s’il continue de le demander, contre
la condition du testament, il y sera non recevable, comme
coupable de dol : Kespondit s i pergeret petere i d , in
quo contra conditionem fa c e r e t, dolirnali exceptionetn
obstaturam. Cependant la loi termine par dire qu’à cause
de sa minorité, il faudra lui permettre de revenir sur
le passé, et de rendre le legs qu’il a pris, s’il persiste à
vouloir la reddition du compte : JSisi paratus esset,
quod ex causa fideicom m issipercepisset, reddere,• quod
ci œtatis bénéficia indulgendum est.
Maintenant quelle différence peut-on faire entre la
condition de renoncer à un compte de tutelle, non visis
tabuîis, et la condition de renoncer à une succession à
échoir? La prohibition de la loi est moins irritante dans
cette seconde espèce; et fût-elle même plus fortement
exprimée, il n’est toujours question que de l’intérêt privé,
puisque la partie intéressée a toute liberté d’exécuter la
(1) Loi
26,
ff. Do liber, légat.
�( „
)
X ûJ>
condition, sans que le ministère public intervienne pour
s’y opposer.
A la v é r ité , la loi 30, au code D e p a ctis, déclare
nuls tous les pactes et conventions qui seroient faits sur
une succession qu’on attend; et le motif de cette loi porte
que ces sortes de conventions sont contre les bonnes
mœurs.
Mais la lecture de cette loi prouve que cette accusation
d’immoralité ne s’applique qu’à ceux qui traitent entr’eux
sur la succession d’un absent : ce motif cesse si la con
vention est faite en présence de celui de la succession
duquel il s’agit, parce qu’il n’y a plus d’ immoralité lors
que toutes les parties intéressées sont d’accord. Tune et
enim subîatâ acerbissimâ sp e, licebit e is , Mo scientQ
et jubente hitjiisrnodi pactiones servare.
Cette loi étoit en pleine vigueur en 1776. La Cour de
cassation l’a a p p liq u é e , le i « . brum aire an 1 0 , dans la
cause des frères Falcimaigne, du Cantal; et un traité sur
la succession à échoir d’un père n’a été déclaré nul que
parce que le père n’étoit pas présent à l’acte pour y donner
son consentement (1). Cette loi a été appliquée encore
par la même C ou r, le 7 août 1810. Une renonciation
faite à une succession à échoir et à une succession échue,
a été jugée valable, même pour la succession à échoir,
quoiqu’elle fût faite unico pretio, et quoiqu’elle fût di
rigée au profit d’une fille, mais en présence de la mère
de cujus (2). Ces deux ai’rêts prouvent de plus en plus
(1) Sirey, an 10, p. 119.
(2) Denevers, 1810, p. 4 29*
2
\
*
-4 ^
�C
)
que la prohibition de la lo i, dans cette espèce, n’a tou
jours été considérée que comme intéressant le droit privé.
Aucun auteur.n’a mieux expliqué que M. le Procureur
•général Grenier., le sens qu’il falloit donner aux condi
tions prohibées par les lois. Il enseigne qu’il ne faut
l’entendre que des lois tenant à l’ordre public, ou qui
sont du droit public, et qui sont établies pour l’intérêt
général de la société ; mais qu’il n’en est pas de même
des lois particulières tenant au droit p r iv é , et où il ne
s’agiroit que d’un intérêt pécuniaire ; d’où il conclut
qu’un donateur peut imposer à son donataire la condi
tion de renoncer, au profit d’un tiers, à un droit de
cette nature, parce que les lois elles-mêmes permettent
à tout individu de renoncer à son droit : la condition
est alors purement potestative à l’égard du donataire.
Après avoir professé ces principes, l’auteur prend pour
lin de ses exemples le cas même où nous nous trouvons.
« Rien n’empêché, dit-il, un donateur d’imposer à son
« donataire la condition de renoncer à une succession,
« ainsi qu’à une reddition de compte de tutelle : c’est là un
« droit simplement pécuniaii-e*,......... et c’est aussi un de
« ces cas dans lesquels la donation peut av o ir un elfet au
« profit d ’ un tiers, d’après l ’article 1 1 2 1 du C o d e (1). »
L e parlement de Toulouse, si scrupuleusement attaché
aux principes du droit romain, jugea, le i 0r. décembre
1768, qu’une institution contractuelle avoitpu être grevée
de la condition que la future renonceroit à la succession
(1) Traité des donations et testamens, tome i cr. , page
de l’édition in-8°»,
356
�C 13 )
(le sa m ère, et qu’après avoir accepté l’institution, elle
n’étoit pas recevable à se présenter au partage des biens
maternels. Gatelan (1), qui rapporte cet arrêt, en donne
pour motif que la condition étoit très-légale, et n’avoit
rien contre les bonnes mœurs : son annotateur Vedel (2)
ne revient sur cet arrêt que pour s’étonner que la ques
tion ait pu donner lieu à un procès.
Ainsi les héritiers de Ronat ont en leur faveur tous
les principes et toutes les autorités connues ; et ils n’ont
encore examiné la question que sous le rapport d’une
condition imposée par un donateur, de son propre mou
vement , et sans l’accession et la coopération de celui qui
stipuloit la condition en faveur des siens, et comme ac
croissement de sa propre fortune.
Sans doute M. Cottier-Dubost p ou voit, en instituant
sa n ièce, exiger qu’elle ne réclamai rien dans les biens
de scs père et mère; et cette cond ition eût été de rigueur;,
quand même le père et la mère n’eussent pas été là pour
accepter eux-mêmes cette condition au nom de leurs
autres enfans. On vient de le prouver jusqu’à l’évidence.
Mais les sieur et dame de Ronat ont coopéré à l’acte
de 1776; c’étoit à eux à donner une dot h leur fille, et
c’est pour les soulager de ce fardeau que M . Cottier-Dubost
intervient pour assurer toute sa fortune à la future, en
remplacement de cette dot.
Si cette intention n’étoit pas assez clairement exprimée
par la condition qu’il impose , on verroit dans l’acte
(1) Arrêts de Catelan, liv. 2, ch. 21.
(2) Observations sur Catelan, liy. 2 , ch. ai,.
�même que M . Cottier n’a pas voulu laisser d’équivoque,
puisqu’il débute par dire : E n d o t est intervenu le sieur
C o ttie r -D u b o s t, lequel, etc. ; après cela, et de peur
qu’on ne se méprenne encore sur son projet de rem
placer la dot de la future par ses propres biens, il dé
clare que son institution doit en tenir lieu à la future,
en sorte qu’elle n’ait rien à prétendre dans la succession
de ses père et m ère, tout ainsi et de même que si la
dite donation eût été f a i t e par ses dits père et mère.
D ’après une déclaration aussi précise, conçoit-on que
les héritiers Cliassaigne puissent prétendre aux deux suc
cessions dont ils sont exclus, sans renoncer à celle qui
ne leur a été donnée qu’à titre d’indemnité et de rem
placement. Qu’ils l’appellent, s’ils veulent, une simple
dot ou légitime, elle n’en est pas moins réputée dot profectice, comme si elle étoit provenue des père et mère,
dès qu’elle avoit été donnée en contemplation d’eux et
en leur nom.
On citeroit sur ce point l’opinion de Basmaison (i)
et de M. Chabrol (2), sur la coutume d’A u vergn e, s’il
n’y avoit ici qu’une simple dotation faite par un colla
téral, parce que ces auteurs en induisent la présomption
de droit que cette dotation est toujours présumée faite à
la décharge du père. Mais ces opinions deviennent ici
superflues, puisque M . Cottier a spécialement dit que
tel étoit le motif de sa libéralité. Mais comme ces auteurs
tirent de cette simple présomption la conséquence que
(1) B asm aison, art.
35,
titre 1 2.
(2) C h a b r o l, tQmç a , page 488.
�( i5 )
¿ C ô .?
la fille , ainsi récompensée par un collatéral, n’a pins
d’action pour demander une dot, malgré la réserve ex
presse de la coutum e, il faut dire , à bien plus forte
raison, que la fille dotée au triple de ce qui lui reviendroit dans la succession de ses père et mère, n’a rien à
prendre dans ces successions, lorsque telle a été la con
dition expresse de sa dotation.
O n ne veut pas conclure de tout ce qui a été dit,
que les héritiers Chassaigne soient fo rcés de s’en tenir
à la loi qui leur a été faite en 1776. La loi du 8 avril
1791 ayant rappelé les filles mariées et renonçant aux
successions futures, rien ne les empêcheroit de revenir
contre la renonciation de leur mère, s’ils veulent renon
cer aussi à la succession de M . Cottier, et la rapporter
avec les jouissances, puisqu’un don conditionnel ne peut
pas être scindé, d’après les principes.
On ne peut pas s’étonner q u e , dans ce cas, les Liens
Cottier doivent être rapportés à la succession de Ronat,
puisqu’il les a donnés à un des enfans du sieur de Ronat,
de sa part et à sa décharge. Il n’y a rien là qui ne soit
conforme à l’équité et aux principes. On lit dans Rousseau-Lacombe (1) : « Dot donnée par un étranger, con« templatione patris, est profectice, sujette à rapport,
« et s’impute sur la légitime. » Sur quoi il cite la loi
10, §. 6, D e vulg. et pup. su bit,, et l’opinion de D u
moulin et de Godefroi.
Ce rapport, s’il est offert, doit etre fait par moitié,
(0 Recueil de jurisprudence c iv ile , V?. Rapport à succès-,
sion, sect. 3 , n°. 1.
,
�(
)
h la succession échue du sieur de Ronat père, et à celle
à échoir de la dame de R o n a t, puisque les biens du
sieur Cottier ont été donnés comme dotation J'aite par
eux.
Cependant les héritiers Chassaigne font plusieurs ob
jections, qu’ils disent fondées en droit, pour fortifier
leur système. Il reste à les parcourir pour y répondre.
RÉPONSE
AUX
O B JE C T IO N S.
L e sieur Cottier, d it-o n ,
parloit à une époque où la forclusion étoit de droit ; il
a parlé dans ce sens; il n’a pas prévu l’abolition de 1791 :
cette loi a éteint une condition qui n’étoit que la con
séquence de la forclusion.
RÉPONSE. II.ne faut pas rechercher ce que le sieur
Cottier a pu penser tout bas, mais seulement ce qu’il a
pensé tout haut et par écrit. Les filles forcloses, que les
vieux coutumiers disoient être quasi anciîlœ , raro locupîetes, avoient la plus mince part; et la dame Chas
saigne a eu la plus- forte. P eu t-e tre le sieur de Ronat
l ’eut retenue dans sa maison comme héritière, si le sieur
Cottier n’eût voulu la retenir dans la sienne. Ainsi, il
ne faut pas rêver une forclusion, là où il y a une ins
titution à la décharge des père et mère. C’est pourtant
sur ce rêve qu’est fondée toute la série d’argumentations,
qui mènent à une conséquence fausse.
- Elle est fausse, quand même il y auroit une forclusion ;
car la loi qui les abolit n’a fait que rendre aux filles'-la
qualité d’héritières, sans dissoudre les conventions, autres
que
P
r em ière
o bjectio n .
�( 17 )
H
que la renonciation elle-même. Une fille qui a renoncé,
moyennant une dot, ne peut pas garder la dot et avoir
la succession : de même unefille qui a renoncé à 5o,ooo f.y
moyennant une institution de i5o,ooo f r . , ne peut pas
garder l’institution et avoir les 5o,ooo f r . ; c’est-à-dire,
la chose et le prix. U bi eadem ra tio , ib i idem ju s statuendum.
E n fin , la clause de 1776 semble avoir prévu l’ob
jection pour l’éviter; car s’il y est d’abord parlé de dot,
il n’y a pas moins renonciation à tout ce que mademoiselle
de Ronat auroit à espérer et prétendre dans les suc
cessions de ses père et mère. On ne la regardoit donc
pas comme forclose de droit. Les héritiers n’ont donc
pas la ressource de laisser entendre que l’institution n’é
tant le prix que d’une forclusion ou d’une légitime de
droit, il faudroit au moins leur donner ce qui excè d e
cette lé g itim e , p o u r atteindre leur portion dans les trois
quarts assurés par la loi actuelle. Car si la renonciation
doit avoir son effet à cause du .prix, elle comprend tous
les droits successifs, tels que la loi du décès les règle.
Ce seroitj encore une fois, scinder une clause qui doit
être exécutée toute entière, ou rejetée toute entière.
Dans le fait, on se trompe lorsqu’on dit que la for
clusion étoit de droit. Une très-forte portion des biens
de M. de Ronat se trouvoit en pays de droit é c rit, et
de Bourbonnais, pays qui n’admettoient la forclusion
qu’autant qu’il y avoit renonciation moyennant un prix;
et puis la forclusion légale cessoit avec les maies, tondis
que la renonciation moyennant un prix duroit tant qu’il
y ?Yoit des enfans, fils ou filles; en ce sens, du moins,
3
�ilû
V/A
( 18 )
qu’on ne pouvoit écarter la renonciation sans rapporter
le prix.
»
L ’institution du sieur Cottier
n’étoit qu’une espérance ; il pouvoit vendre et hypo
théquer : on auroit donc renoncé à deux hoiries pour
une chimère.
R é p o n s e . On apprenoit, dans les cours de logique,
que ah actu ad posse valet consecutio ; mais on ne
disoit pas : A posse ad actum. Si M . Cottier avoit
vendu ou hypothéqué ses biens, on diroit qu’il l’a p u ,
parce qu’il n’y avoit qu’une institution; et c’est alors
seulement qu’elle seroit une chimère. Mais il est mort
opulent, et son héritière se trouve si bien de la pré
tendue chimère, qu’elle ne veut pas l’abdiquer. Il-ne
falloit donc pas argumenter de ce qu’a pu faire M. Cottier
par ce qu’il n’a pas fait; et c’est sur un second rêve qu’est
encore fondée cette seconde objection, qui n’a pas besoin
d’une plus ample réponse.
Seconde
o bjectio n.
L e Code civil autorise la
demande en partage; l’article 900 annulle les conditionslégales apposées aux donations; l’article 1130 défend
de traiter sur les successions futures; l’article 1389 dé
fend de changer dans les contrats de mariage l’ordre'
légal des successions : la même prohibition existoit par
les lois des 5 septembre 17 9 1, et 5 brumaire an 2.
RÉPONSE. Il a déjà été répondu à l’article 900, en
prouvant que la cqpdition d’abandonner une succession
n’étoit pas prohibée par la lo i, parce qu’elle étoit to u te .
T
roisièm e
o bjectio n .
�( 19 )
dépendante de l’intérêt p rivé, et que si le donataire la
trouve onéreuse, il peut s’abstenir de la libéralité.
L ’article 1130, en défendant des pactes sur les suc
cessions futures, ne dit pas que le renonçant gardera le
prix qu’il en a reçu. Cet article pourroit être contesté
dans son application à un acte de 1776 , puisqu’il est
contraire à la loi 30, D e p a r tis, et aux arrêts cités;
mais ce seroit prolonger la discussion sans nécessité.
L ’article 1389 parle des conventions faites entre épouxf
et il est tout simple qu’ils ne changent pas d’avance
l’ordre de leurs successions. Cela n’a rien de commun
aux donations que peut faire un collatéral à qui la loi
permet de tout donner.
Les lois des 5 septembre 1791 et 5 brumaire an 2
ne disent rien de plus sur la question que l’art. 900 cidessus : il est donc inutile d’y faire une réponse particulière;
cependant on ne peut s’e m pêcher de ren vo y er i ° . aux
Questions de d ro it, de M . Merlin ( 1 ) , pour voir sa
discussion sur l’effet de ces deux lois, et l’arrêt de cas
sation qui la termine en jugeant que la condition de
faire un mariage pour associer à une institution, n’étoit
pas une clause prohibitive, et que l’associé ne pouvoit
réclamer sans exécuter la condition ; 20. aux Questions
de M. Chabot ( 2 ) , qui traite de l’effet rétroactif des
mêmes lois, et rapporte un arrêt de cassation, du 20
janvier 1806, jugeant qu’une rente viagère donnée sous
(1) Tome 2, V n. Condition.
,
(2) Questions transitoires Vy. Condition
riages.
concernant
3 *
les ma
�tax
n
( 20 )
condition de viduité étoit supprimée par le défaut d’ac
complissement de la condition, parce que l’acte étant
de 1789, ne pouvoit pas être régi par les lois posté
rieures.
L ’opinion de M . Grenier,
qu’une donation peut être grevée de la condition de
renoncer à une succession, ou à un compte de tutelle,
11e se rapporte qu’à une succession échue.
R é p o n s e . Il n’est pas possible que ce soit de bonne
foi qu’une semblable interprétation soit donnée à un
passage aussi clair. Gomment peut-on supposer qu’un
auteur aussi instruit et aussi attentif n’ait parlé que d’une
succession échue, en traitant des conditions prohibées
par la loi ? Elle ne défend pas de traiter sur les suc
cessions échues; ainsi, dans ce sens, il ne se présentait
aucune question.
L ’assimilation qui est faite d’un compte de tutelle ,
prouve que dans les deux cas il s’agissoit de choses à
venir et inconnues; car, renoncer à un compte de tu
telle, suppose évidemment que le tuteur ne l’a pas rendu,
et q u ’il a encore les pièces justificatives. L ’opinion citée
se rapporte donc à une succession à échoir.
Q u atrièm e
OBJECTION.
ClNQUlÈME o b j e c t i o n . L ’arrêt de Toulouse, rapporté
par Gatelan, ne peut être d’aucun secours aux héritiers
de R o n a t, parce que le parlement de Toulouse a été
s u p p r im é , et que sa jurisprudence est tombée avec lui.
R é p o n s e . La demanderesse en partage, qui plaidoit
alors, iuvocjuoit aussi la loi romaine qui annullc les
�Z iô
(> ■ )
conditions contraires aux lois ou aux bonnes mœurs.
L e parlement de Toulouse a jugé qu’il n’y avoit rien de
contraire aux lois, dans un sacrifice pécuniaire exigé d’un
donataire s’il vouloit garder le don. M . Grenier a eu la
même opinion depuis la suppression du parlement de
Toulouse.
Il s’agit ici de juger un acte de 17 76 , dont la vali
dité ou la nullité ne pouvoit être prononcée que par
les lois de celte époque. Les arrêts des parlemens restent
toujours comme interprètes de la l o i , et il est ridicule
de dire que la suppression a éteint ces monumens de
la jurisprudence.
Basmaison , Cliabrol et D u
moulin parlent d’une dot faite ex contemplatione patris.
Ici, au contraire, M . Cottier n’a pas eu cette intention,
parce que M . de Ronat lui étoit étranger. Il avoit élevé
la dame Chassaigne, ainsi le don étoit en contemplation
d’elle seule. L ’acte de 1778 dit expressément qu’il lui
donne le quart réservé , pour l’amitié qu’il lui porte.
R é p o n s e . Il n’est donc pas possible de rencontrer,
Si x i è m e
o bjectio n
.
même en point de fa it, une objection qui ne soit une
chicane. Les parties ne plaident pas sur l'acte de 1778,
ni sur celui de 1 7 7 6 , qui expriment littéralement et
en plusieurs manières, que M . Cottier n’a donné son
bien qu’à la décharge de M. et madame de Ronat; ce
qui est encore plus fort pour désigner qu’il a été libéral
en contemplation d’eux. Il suffit de renvoyer à ce qui
îi ¿té observé là-dessus, sans le répéter.
L ’acte de 17 78 , au lieu de prouver eu faveur des
�W fc
( 32)
héritiers Cliassaigne, prouve, au contraire, que quand
le sieur Cottier a voulu donner à sa nièce, en contem
plation d’elle seule et sans condition, il a fort bien su
le faire entendre. Ainsi la dame Cliassaigne auroit pu
garder le quart donné en 1778, et ne pas accepter la
donation de 17 7 6 , si la condition de celle-ci lui eût
paru trop onéreuse.
La dot n’est réputée profect ic e , que si elle est donnée par le père ou l’aïeul ; mais
non celle donnée par un étranger : tel est l’avis de Domat.
L ’article 85o du Code n’exige le rapport qu’à la suc
cession du donateur. M. Cottier a voulu que le retour
eût lieu à ses héritiers.
R é p o n s e . Une règle générale est une mauvaise cita
tion , à moins qu’elle n’exclue positivement toutes les
exceptions. Sans doute, si M . Cottier avoit doté sa nièce
sans condition, la dot ne seroit pas réputée profectice ;
mais la règle générale cesse lorsqu’il y a clause contraire.
L ’article 85 o , qui n’est aussi qu’une règle générale
sans application, ne devoit pas être séparé de l’article
843, q u i exige le rapport à la succession du défunt de
ce qui a été donné directement ou indirectement, à
moins que le don n’ait été stipulé hors part.
Précisément madame Cliassaigne a l’eçu indirectement
de ses père et mère les biens Cottier, puisque c’est pour
eu x qu’il les a donnés. Bien loin de dire qu’il les donnoit hors p a r t , il a spécialement dit qu’elle n’auroit
aucune p a r t, si elle vouloit les prendre. Ainsi toutes
les citations des héritiers Cliassaigne, loin de leur Être
Septièm e
o bjectio n .
�(
23
)
utiles, prouvent au contraire de plus en plus qu’aucune
loi ne condamne la condition dont ils voudroient s’af
franchir.
;
Leur observation du retour prévu aux héritiers Cottier
n’a aucun b u t, puisque le cas prévu n’est pas arrivé.
Si la dame Chassaigne fût morte sans enfans, il n’étoit
plus besoin de la doter en contemplation du père, et
alors les choses doivent reprendre leur cours naturel ;
mais ses enfans existent, et s’ils veulent partager la suc
cession qui, dans les deux cas prévus, eût été affranchie
de leur portion, la donation devient de plein droit l’in
demnité de ce qu’ils en retrancheront. Les héritiers de
Ronat ont intérêt et qualité pour réclamer cette indem
nité du chef de leur père, et comme héritiers institués,
présomptifs de leur mère. D ’ailleurs, si l’abdication est
faite par les héritiers Chassaigne, avec offre des jouis
sances , le porteur de procuration de m adam e de Ronat
sera présent à l’audience, pour accepter cette abdication
et intervenir au partage, afin d’y réclamer ses droits, et
prendre enfin toutes les conclusions qui seront dans son
intérêt.
Il répugne à la loi actuelle
que des filles forcloses, rappelées, excluent une autre
fille forclose : la loi les rappelle toutes. M . de Ronat
l ’a reconnu ainsi, en ne disposant que d’un quart pour
ses deux fils. Il leur auroit de plus donné la part de la
dame Chassaigne.
R é p o n s e . Déjà i l a été p r o u v é q u e l ’abolition des
forclusions est une loi inutile à lu dame Chassaigne, si
H
u itièm e
objectio n .
�24
on n’offre pas le rapport du prix qu’elle, a reçu pour
renoncer. Les autres filles ne l’imitent pas,' puisqu’elles
rapportent ce qu’elles ont reçu. La dame Chassaigne
n ’étant ni ne pouvant être forclose aujourd’h u i , est
comme un héritier qui répudie aliquo dato ; il ne fait
plus nombre parmi les héritiers, et on partage comme
s’il n’existoit pas. Il n’y a donc plus que six successibles;
et M. de Ronat n’a p u , depuis le C ode c i v i l , disposer
que d’un quart. Il n’a exprimé aucune intention en se
bornant à léguer la quotité disponible.
L . F. D E L A P C H I E R .
A RIO M , de l’imp. de TH IB A U D , imprim. de la Cour royale, et libraire»
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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A name given to the resource
Factums Godemel
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
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Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Ronat. 1814?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Subject
The topic of the resource
donations contractuelles
renonciation à succession
contrats de mariage
pays de droit écrit
forclusion
dot
successions
donations d'un collatéral
coutume du Bourbonnais
partage
conflit de lois
donations
Description
An account of the resource
Titre complet : Précis pour les héritiers de Ronat ; contre les héritiers Chassaigne-Dubost
note manuscrite : « arrêt. Voir journal des audiences, 1814, p. 205 ».
Table Godemel : Institution d'héritier : 10. une institution contractuelle grevée d’une condition (celle de renoncer, pour l’institué, à tous droits dans les successions de ses père et mère), doit-elle être exécutée ? le donataire, après avoir accepté l’institution, peut-il refuser de remplir la condition, quoiqu’il prétende retenir tout l’effet de l’institution ? cette condition est-elle contraire aux lois et aux bonnes mœurs ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1814
1776-1814
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
24 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2112
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2113
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53408/BCU_Factums_G2112.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Victor-Montvianeix (63402)
La Boutière (domaine de)
Rights
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Domaine public
conflit de lois
contrats de mariage
coutume du Bourbonnais
donations
donations contractuelles
donations d'un collatéral
dot
forclusion
partage
pays de droit écrit
renonciation à succession
Successions
-
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Text
m em oire
.
�Sí
G E N E A L O G I E
DES
PARTIES.
F ra n ço is V e s c lia m b e s,. m arié d eu x fois.
E n secondes noces
a
C a th erin e C o m b a rt.
E n p rem ières noces
M a rie la J a rrig e.
JeanJacq ues,
a
C la u d e .
G e n e v iè v e
la
V a is s iè r e .
M a rg u e rite . M a rg u e rite .
fo rclo se ,
à
F ran ço is
S am son .
C a th e rin e ,
idc n i
à
F ra n ço is
V escham bes.
,
M a rg u e rite , F ra n ç o ise ,
a
Ja cq u es
A n to in e
V a la rc h e r.
D a u z a t.
I
Jeanne,
à A n to in e
F au co n ;
intimés
et
appelan$.
A
¡E n grem y.
!---M ich elle ,
F ra n ço ise
F ra n ç o is ,
m ort sans
p o sté rité
après
le père.
M arg u e rite
à
N . R och e.
A n to in e ,
a in stitu é
Jacques
V a la rc h e r.
C a th e rin e ,
P ie r r e ,
à
m ort sans
Jean
p o s té rité ,
N au fa ri.
a in stitu é
M a rg u e rite
fpm m e
P ierre.
D a u za t.
I
A nue,
à
Jacq u es
de D o u e t.
I
Jeann e,
v îta l
de D ien n e;
appelons..
=JÎ
�P RECI S
E N
R E P O N S E ,
POUR
F r a n ç o i s e V E S C H A M B E S , veuve de Jacques
V a la rch er
; J e a n n e V A L A R C H E R , et
A n t o i n e F A U C O N , son mari , intimés et
incidemment appelans ;
CONTRE
Sieur
D E D I E N N E , et dame J e a n n e M a r i e D E D O U E T , son épouse, appelans
d'un jugement rendu au tribunal civil de M urat,
le II prairial an I I .
L A
V ita l
dam e de D i e n n e o c cu p e dep u is
lon g -tem p s les
t r i b u n a u x , d ’u ne v ie ille r e c h e r c h e sans i n t é r ê t , q u i jus
q u ’ici n ’a e u d ’au tre o b je t q u e d e d iv u lg u e r les m alh eu rs
d e sa fa m ille.
A
�H
( O
Un succès éphémère l’a enhardie dans ses prétentions ?
mais sa proie lui échappe au moment de la saisir ; et si
les intimés avoient été assez heureux pour avoir dans
les mains les titres, dont ils justifient maintenant T l’arrêt
de la cour, du 2 thermidor an 8 , auroit décidé dans un
sens tout contraire.
Mais aujourd’hui les suites de cet arrêt ne sont plus
effrayantes. La dame de Dienne a attaqué, contre ses inté
rêts , un traité de famille qu’elle devoit respecter. Il est
prouvé qu’elle a. plus à rendre qu’elle ne doit espérer
de recouvrer ; elle essaie de lasser la patience de ses cohé
ritiers par des discussions sans nombre ; elle ne viendra
pas à to u t de ses desseins ", elle succombera dans ses.
prétentions..
O n va présenter l’aperçu de cette cause * on élaguera
tous les détails inutiles. La généalogie jointe au mémoire
apprend l’état et les qualités des parties. On analisera
rapidement les titres qui ont donné lieu à la contes^
tation.
F A I T
S.
O n voit que François Veschambes, auteur commun
des parties , a été marié deux fois; qu’il a eu quatre
enfans d’un premier mariage, et cinq du second.
Far son second contrat de mariage avec CatherineCômbart, du février i
, sa seconde épouse se cons
titue une somme de 2700 fr. dont 300 pour meubles.
François Veschambes légitime ensuite ses enfans du pre
5
685
mier lit¿ et ceux (l u* pourront naître du nouveau mariage..
�JS
f
>
3)
Il constitue à Marguerite Yeschambes, sa fille aînée , une
somme de iooo fr. ; à autre Marguerite, 700 f r . , et à Jac
ques Veschambes, 1000 fr. ; et donne, par préciput et
avantage , aux enfans qui proviendront de son second
mariage, et au premier qui naîtra , soit fille o u garçon,
la somme de 3000 fr» de son clief, et aux autres, une
somme de 1000 fr.
L e 24 mars 1696, F r a n ç o is V e s c h a m b e s fit son tes
tament; il légua à A n t o i n e et Catherine Veschambes,
ses enfans du second l i t , et à chacun, une somme de
1000 f r . , et aux autres trois enfans la somme de 700 fr.
chacun.
Il institue pour son héritière générale et universelle
Catherine Com bart, son épouse, à la charge de payer
les légitimes , tant des enfans du premier que du second
lit. Il veut qu’en cas de convoi, sa femme soit privée de
l ’hérédité; qu’elle la rende à un de ses enfans, et du tes
tateur , que bon lui semblera , sans qu’elle soit tenue à
aucune reddition de compte ni payement de reliquat.
Si sa femme vient à décéder sans avoir fait son choix,
il veut et entend qu’Antoine Veschambes soit son héri
tier; mais cette disposition est toujours subordonnée à
l’élection de Catherine Combart.
François Veschambes, testateur, est mort le 23 février
*1700. L e 21 mars suivant, sa veuve prenant la qualité de
tutrice des enfans, tant du premier lit que du second, répu
dia a la succession de son m ari, par acte mis ou greffe de
la justice de Cheylades : il fut nommé un curateur à la
succession vacante ; mais , dans la même année, Jacques
Veschambes, fils aîné du premier l i t , représenté par
A 2
�4
(
).
toutes les parties , et se disant créancier de la succes
sion de son père, obtint une ordonnance du lieutenant
général de Saint-Flour , qui lui permit de jouir des
biens de la succession répudiée, sans qu’on pût en induire
aucune qualité préjudiciable.
Jacques Veschambes s’empara commodément de l’uni
versalité des biens; il afferma, le 13 avril 1700, à un
nommé Hugues Chevalier, un domaine appelé de la Buge.
Cette ferme fut consentie pour six années, moyennant 26
quintaux de fromage pour chacune d’elles : une partie
du prix de la ferme est déléguée à un sieur Dusaillant,
créancier personnel de Jacques Veschambes.
En 1706, un sieur D a n ty , ci’éaneier du père, trouvant
Jacques en possession des biens, le fit assigner en paye
ment de ses créances. En défenses, il oppose la répu
diation du 21 mars 1700, et soutient qu’il ne jouit
des biens que par permission de justice , et comme /
créancier.
L e 19 avril 1708, Jacques Veschambes vendit deux
prés de celte succession, moyennant 360 francs, au sieur
de Cheylades.
L e 31 mai 1708, Jacques Veschambes prit à titre de
bail emphitéotique, du sieur Dusaillant, un petit domaine
situé à la Buge, et voisin de celui de son père, moyen
nant la rente annuelle de 60 francs remboursable en deux
payemens.
Ce premier contrat fut résolu faute de payement5 mais
il lui fut consenti un second bail le 17 septembre 1729.
Il fut procédé à Pifrpcntement des héritages vendus; et
il résulte, du procès verbal des experts, que ce bien est
�(5)
d’une contenue de 12 journaux de p r é , et une septerée
et demie de terre en champ ou jardin.
On voit, d’après tous ces actes, que Jacques Veschnmbes- n’avoit d’auLres propriétés que le petit domaine qui
lui fut concédé à titre de bail emphitéotique. Il ne jouissoit que précairement des biens de son p è r e , et sous le
prétexte qu’il en étoit créancier. Cependant les appelans
veulent faire usage d’un-acte en date du 3 mars 1 7 1 0 ,
par lequel Catherine Combart avoit subrogé Jacques
Veschambes à tous ses droits et hypothèques sur la
succession de son mari. On verra bientôt qu’ils ne peuvent
tirer aucun avantage de cette prétendue subrogation qui
n’a jamais eu aucun effet.
Jacques Veschambes étoit lui-même si convaincu que
la succession de son père étoit absorbée par les dettes,
que, par acte mis au greffe de Cheylades en 1 7 1 2 , il
vient déclarer qu’il a connoissance de la répudiation
faite en son nom, le 21 mars 1700, par Catherine Com
bart, sa belle-mère : il adopte cette répudiation, et la
ratifie, et répudie de nouveau, en tant que de besoin.
Il fait un usage continuel de cette répudiation contre
les créanciers de son père. Une sentence du i mars
1 7 2 1, rendue au bailliage de Cheylades, le renvoie d’une
demande formée contre lui par un nommé M e y, mar
chand ù Billom, attendu la répudiation par lui rapportée,
et sauf aux créanciers à se pourvoir contre le c u r a t e u r
& la succession vacante. Dans cette sentence est visée
l’ordonnance rendue par le lieutenant général de SaintFlour, qui lui permet de jouir des biens de son père
sans se porter héritier.
5
�(6)
Le 21 mars 1729, Jacques Veschambes maria Michelle,
sa iille, avec François Samson ; il lui constitua une
somme de iôoo francs qui dans la suite a été payée
par Jacques Valarcher, représenté par les intimés.
L e 23 novembre 1735 , mariage de Catherine Ves
chambes , autre fille de Jacques , avec François Ves
chambes. L e père lui constitue une somme de 1400 fr.
qui a encore été acquittée par Jacques Valarcher.
Ici commencent les malheurs de la famille. En 1738 ,
Jean Naufary fut tué par Jacques Veschambes, son beaufrère. Ce dernier prit la fuite , et il fut rendu contre lui
un jugement par contumace, qui le condamna à la peine
de mort. Cette sentence fut suivie de la confiscation de
ses biens ; elle fut même exécutée par effigie; mais on ne
rapporte pas le procès verbal d’exécution.
Jacques Veschambes, en fuyant, vendit tout le mo
bilier mort et v if de la succession de son père, et laissa les
biens dégarnis de bestiaux.
L e premier octobre 1738, Antoine et Pierre Vescham
bes, frères, Marguerite, Françoise et Anne Veschambes,
nièces d’Antoineet Pierre, se virent obligés de prendre
à cheptel , d’un sieur Teillard , marchand ù M u r â t ,
vingt-quatre vaches suivies de dix ve a u x , quatre bourrets et deux doublons, m o y e n n a n t 868 francs ; ils ache
tèrent les meubles et outils d’agriculture nécessaires h
l’exploitation des biens : le prix de ce cheptel a encore
été remboursé par Jacques Valarcher.
Ces précautions n’empechèrent pas la saisie de tous les
fruits, de la part des collecteurs, pour les années 1738,
1739 et 1740. Antoine et Pierre Veschambes s’eu ren
dirent adjudicataires.
�f
7)
.
Antoine Veschambes ayant pris connoissance des pa~
piers de la famille , découvrit le testament de son père,
¿le 1696. Il apprit, par cet acte, qu’à défaut d’élection
faite par Catherine Com bart, sa m ère, le titre universel
reposoit sur sa tête. Il fit contrôler ce testament le premier
décembre 1741, se porta héritier de François Veschambes,
son p è re , et obtint, le 22 février 1743* ^ l’élection de
S ain t-F lour, une sentence qui déclara toutes les saisiesde fruits nulles, en fit main-levee à A ntoine Vesehambes,
comme propriétaii’e des biens. Cette sentence fut signifiée
le 23 février 1743, tant aux saisissans qu’à Pierre et
Jacques Veschambes, au dernier domicile de ce dernier,
en parlant à son fils. Cette sentence n’a jamais été atta
qu ée, et a acquis l’autorité de la chose jugée.
L e premier février 1 7 4 1 , Françoise Veschambes con
tracta mariage avec Jacques V alarcher; elle se constitua
tous ses biens , sans entendre néanmois^/àm? aucun acte
préjudiciable.
L e 14 mars 1744, Antoine Veschambes, qm étoit en
possession de tous les biens de Jacques, son père, en vertu
de son testament, fit donation au profit de Jacques Valarclier, de tous les droits par lui acquis, tant par le tes
tament de François Vescham bes, son père , que p a rle
deces de Catherine Com bart, sa mère. Cette donation
comprend même les droits rescindans et rescisoires ; elle
contient tradition actuelle et réelle; elle a été insinuée et
revêtue de toutes les formalités prescrites. Jacques V a îa relier s’est mis en possession de tous les biens de François
Vescham bes, a payé tous les créanciers qui se sont
présentés, et a joui de tous les biens sans trouble de^
puis, le moment de celle donation»
�(8 )
L e 31 mai 1744, mariage de Marguerite Veschambes,
autre fille de Jacques, avec Antoine Dauzat. Pierre Ves
chambes , son oncle consanguin, l’institue son héritière
universelle.
L e 4 juin 1744, traité entre Catherine Veschambes ,
veuve de Jean N aufary, et Pierre Naufary, son fils et
son héritier, et Jacques Valarcher, par lequel la veuve
Naufary et son fils cèdent à Valarcher tous leurs droits,
et tout ce qui peut leur rester dû sur la succession de
Françoise et Jacques Veschambes, en vertu du traité
passé entre Jacques Veschambes et Catherine Combart,
le 3 mars 1710.
L e 16 juillet 1744, mariage d’Anne Veschambes, mère
et belle-mère des appelans, avec Jacques de Douet. Par
ce contrat, Anne Veschambes, majeure, donne pouvoir
à son mari de rechercherions ses biens, traiter et tran
siger d’iceux , et en donner quittance.
L e 23 juillet, même année, cession de Jacques de Douet
au profit de Jacques V alarch er, de tous les droits suc
cessifs paternels et maternels d’Anne Veschambes , même
de ceux qui pouvoient lui revenir du chef de François
Vescham bes, frère et beau-frère commun: cette cession
fut consentie moyennant i 5 oo francs et quelques meubles,
le tout payé par Jacques Valarcher.
La condamnation de mort prononcée contre Jacques
Veschambes avoit entraîné la confiscation de ses biens.
M . de Montboissier, seigneur haut-justicier les réclamoit :
le 10 janvier 17 6 7, il se départit de tous scs droits eu
faveur de Jacques Valarcher et de Françoise Veschambes,
moyennant 60 francs de rente annuelle, et sans retenue;
plus,
�fo j
plus, 300 francs pour frais faits au bailliage de Saint-Flour,
et à Cheylades. Cet acte prouve que tousses biens du fu
gitif consistoient dans le petit domaine qu’il avoit pris
en empliitéose du sieur Dusaillant. L a confiscation ne
frappoit que sur cet objet.
L e 4 juillet 1757 , traité portant cession entre Fran
çois Vescliambes , mari de Catherine, à Jacques Valarc h e r , moyennant une somme de 2200 francs, payée par
ce dernier.
L e p r e m i e r février 1780, mariage de Jeanne V a la r-'
cher, fille de Jacques, avec Antoine Faucon ; elle est
instituée lieritière universelle de ses père et mère, et de
Marg uerite Vescliambes, femme Dauzat, sa tante.
La paix de la famille n’avoit plus été troublée jusqu’au
30 brumaire an 6, que la dame de Dienne et sou mari
imaginèrent d’attaquer les intimés en partage des succes
sions de Jacques Vescliambes et Geneviève la Vaissière^
leurs aïeux communs, pour leur en être délaissé leurs
portions afférentes, ainsi que ce qui devoit leur revenir
par le décès des deux mâles qui avoient profité du droit
d’accroissement d’Anne ? Michelle et Marguerite Vescliambes.
. ..
Les intimés opposèrent à cette demande le traité du 16
juillet 1744; mais les appelons demandèrent la nullité
de ce traité, sur le fondement que Jacques de Douet
n’avoit pas eu la faculté de vendre par son contrat de
mariage; que des-lors il qvoit aliéné des biens dotaux,
contre la prohibition de la coutum e; et ils c h e r c h è r e n t à
prouver que la demande en nullité 11’étoit pas éteinte
par la prescription.
B
-M
�Ils voulurent encore écarter le traité fait avec M . de
Montboissier, et soutinrent que la confiscation n’âvoit
pu avoir lieu, dès qu’on étoit hors d’état de rapporter le
procès verbal d’exécution du jugement de mort.
Toutes les prétentions, les défenses et les explications
données par les parties, n’avoient pour objet que les biens
2?ersonnels de Jacquds Vescliambes ; et sur ces contestations
il intervint au tribunal de S a in t-F lo u r , le 13 ventôse
an 8, un jugement qui déclare nul le traité du 23 juillet
1744, passé entre Valarcher et Jacques de Douet ; con
damne Valarcher et sa femme à venir à partage des biens
de Ja cques Veseham bes et Geneviève la V a issièr e ,
pour en etre délaissé aux appelans un sixième de leur
chef, un tiers dans le sixième que François Veseliamhes,
frère , décédé ab intestat, amendoit de son chef; un tiers
dans les deuxf autres sixièmes que ce même frère amendoit dans les successions du chef des deux filles forcloses ,
avec restitution des jouissances et dégradations depuis le
décès de Jacques Vesehambes et Geneviève la Vaissière.
On excepte de la restitution des jouissances toutes les
a n n é e s qu’a duré le 'mariage de Jacques de Douet avec
A nne Vesehambes. La dame de Dienne est tenue de rap
porter la somme de i oo francs, prix du traité de 1744 ,
et elle est également chargée de conférer proportionnel
lement 'les deux dots des iilles foi’doses ; elle est débou
tée dé sa» demande relative au partage de la succession
cl’Antoine Vesehambes; il est ordonné que les parties
conviendront d’experts, pour procéder au partage; les
dépens sont compensés pour etre employés en frais de
5
partage.
�Appel de ce jugement de la part du sieur Valarchev
et de Françoise Veschambes. La dame de Dienne et son
mari interjettent aussi appel incident de ce jugement, en
ce qu’ils avoient été condamnés au rapport de la somme
de i oo francs reçue par leur père; ils prétendent devoir
être déchargés du rapport de cette somme, parce qu’ils
ne sont pas héritiers de Jacques de D o u e t, leur père et
beau-père.
Il est bon de remarquer que l’appel de Valarcher et
sa femme étoit restreint au seul chef du jugement qui '
avoit prononcé la nullité du traité de 1744, et que, de
leur côté, les sieur et dame de Dienne ont respecté ce
.jugement, quant au chef qui les déboutoit de leur de
mande en partage de la succession d’Antoine Veschambes,
ainsi que de celui qui rejetoit également leur demande
en réduction du testament de 1693, à. raison de ce que
les biens étoient situés en coutume, et que le testateur
n’avoit pu donner que le quart. On ne s’est pas occupé
de ces deux objets , parce que tout est jugé entre les
parties sur ces deux points, et qu’il est inutile de grossir
le volume de la procédure qui n’est déjà que trop con
sidérable.
5
Sur les appels respectifs, arrêt de la cour,, du 22 ther
midor an 8, qui confirme le jugement du tribunal de
Saint-Flour, respectivement à la nullité du traité, et or
donne, avant faire droit sur l’appel incident, que Valar
cher et sa femme feront preuve, tant par titre que par
témoins , que la dame de Dienne a fait acte d’héritier
de Jacques de Douet, son père, en s’em p aran t de tout
B a
�m
( 12 )
ou de partie de sa succession, sauf la preuve contraire:
la moitié des dépens est réservée.
>
? En-vertu de cet arrêt, les experts ont été nommés
pour procéder au parLage. Valarelier et sa femme de
leur côté ont fait procéder à l’enquête sur l’appel incident.
La dame de Dienne a fait aussi une enquête contraire.
Les experts nommés se transportèrent pour vaquer
à leurs opérations ; il fallut établir la consistance de la
succession de Jacques Veschainbes, auteur commun; il
n’avoit laissé autre chose que le petit domaine qu’il avoit
pris à titre d’emphitéose du sieur Dusaillant; et encore
falloit-il en distraire le principal de la rente empliitéotique, qui avoit été remboursé par Jacques Vala relier.
La modicité de cette succession fait disparoître le
prestige. La dame de Dienne voit évanouir ses préten
tions chimériques, ses calculs exagérés, et alors elle veut
soutenir que les biens de François Veschambes, père de
Jacques, doivent entrer dans le partage; elle veut qu’on
y comprenne le grand domaine de la Buge qui avoit
appartenu à François.
Elle feignoit sans doute d’ignorer les répudiations
réitérées de Jacques Veschambes, son aïeul, l’institution
de François, son bisaïeul, au profit d’Antoine; elle vou■
loit mettre également de coté la disposition du jugement
de Saint-Flour qui la déboutoit de sa demande, soit en
réduction du testament de François, soit en partage de
la succession d’Antoine. Les opérations des experts furent
arrêtées; et, le i cr. messidor an 9 , nouvelle demande
des appelanSj tendant ù ce que la succession de Jacques
�3
( ï )
Vcschambcs fût composée, non-sculcmcnt des b'ens pr.r
lui acquis, mais encore cl’un dixième dans la succession
mobilière et immobilière de François Vcschambcs, son
p ore, eu égard au nombre de neuf enfans , Catherine
Combart comptant pour un ; d’un quart dans ceux de
sa mère, eu égard au nombre de quatre enfans; et qu’en
suite les jugemens des 16 ventôse et 22 thermidor an 8
fussent exécutés suivant leur forme et teneur.
C’étoit évidemment revenir contre la chose jugée.
I-e sieur Valareher et sa femme soutinrent qu’ils
étoient non-recevables dans leur demande ; ils récla
mèrent différons prélèvemens sur les biens personnels
de Jacques et sur ceux de François, son fils. Jeanne
"Valarclier, femme F au con , en sa qualité d’héritière
instituée de Marguerite Veschambes, femme Dauzat,
sa tante, demanda à être reçue partie intervenante pour
assister au partage. Toutes les parties ainsi réunies, les
intimés opposèrent que le testamént avoit été approuvé,
et que 'toutes demandes en réduction, comme toutes
réclamations contre la qualité d’Antoine , héritier ins
titué, scroieut évidemment prescrites, si déjà la question
n’étoit jugée, soit par le jugement de Saint - Flour et
1 arrêt de la cour d’appel, soit par la sentence de l’élec
tion de Saint-Flour , signifiée en 1743 , et qui n’étoit pas
attaquée. E11 conséquence les intimés conclurent que sans
s’arrêter à toutes ces demandes, il fût expédié à Jeanne
Valareher , intervenante dans les biens p e r so n n e ls de
Jacques, du chef de Marguerite Veschambcs , femme
D auzat, sa taule, un sixième qui étoit sa p o rtio n affé
rente; que la nia: se de la succession de J a c q u e s suroit
�^14^
seulement composée des biens désignés au bail ernpliitéotique de 1729 ; que cette succession seroit respon
sable, envers Valarclier et Françoise Veschambes, de
l’entier mobilier mort et v if , provenu de la succession
de François Vescliambes , dont Jacques s’étoit emparé et
qu’il avoit vendu lors de son évasion ; qu’elle seroit éga
lement responsable des jouissances par lui faites des biens
de François, depuis 1706 jusqu’en 1738, ainsi que des
intérêts des jouissances et du mobilier; que ces divers
objets seroient imputés et précomptés sur la portion
qu’amendoient les appelans ; que la dame de Dienne fût
condamnée à rembourser préalablement, et avant toute
mise en possession, et toujours dans la proportion de son
amendement, les dots de Miclielle et Catherine Vescliambes , les dettes de la succession de Jacques acquittées par
Valarclier, avec les intérêts ; que de cette succession seroit
distraite la somme de 300 francs que Jacques avoit donnée
à titre de préciput h M iclielle, sa fille, femme Samson,
et qui avoit été payée par Valarclier.
Les intimés firent en même temps donner copie de
tous les titres qu’on a analisés jusqu’ic i, notamment du
bail du 13 avril 1700, consenti par Jacques Vescliambes,
du domaine de la Buge, appartenant à François, son père;
de la répudiation de Jacques Veschambes, du 22 no
vembre 1712; de la sentence du i mars 172 1, rendue
entre Jacques Veschambes, et M e y , marchand à Billom ,
qui décharge Jacques Veschambes des condamnations,
attendu sa répudiation; des extraits des rôles de contri
bution , qui prou voient la jouissance précaire de Jacques
Veschambes.
5
�4
( i5 )
V oici le détail des prélèvemens demandés par lesr
intimés.
D ’abord, comme on l’a d it, la restitution du mobi
lier et des jouissances, les dots de Miclielle et de Cathe
rine Veschambes, le remboursement de la valeur actuelle
des biens immeubles de François Veschambes, vendus
par Jacques au sieur d’Estaing, seigneur de Cheylades,
le 19 avril 1708, la c o m p e n s a tio n jusqu’a due concur
rence avec les jouissances adjugées aux appelans, d u
capital de cheptel du 24 octobre 173^*
Plus, le remboursement des dettes de la succession de
Jacques Veschambes, payées par Jacques Vala relier; les
quelles dettes consistent, i ° . en la somme de 1200 f r . ,
prix principal de la rente empliitéotique de 1729, ainsi
que les arrérages d’icelle, suivant la quittance; 20. la
somme de 261 fr. 90 cent, due i\ René Teillard par
défunt Jacques Veschambes, en vertu de jugemens qu’on
rapporte, tout quoi a été payé par Jacques Valarelier ,
suivant un traité du 26 mai 1744; 30. la somme de 398 fr.
payée pour frais de la procédure criminelle, ainsi qu’il
résulte du traité du 10 janvier 1767; 40. une somme de
63 fr. due par Jacques Veschambes ¿1 défunt GuyonD a u ty , par obligation du 29 décembre 1708, et dont la
condamnation fut prononcée avec les intérêts contre V alarelier, par jngement du
décembre 1761 ; ». en une
somme de 329 fr. avec les intérêts, due par Jacques Vcschambes à sieur Jean-Baptiste Teillard, par obligation
du 19 juin 1736; 6°. une somme de 162 fr. pour arré
rages du bail à rente de 1729, ou blé prêté à défunt
Jacques Veschambes par un sieur llaynal de Tissonuières,
5
5
5
�( x6 )
fermier de Cheylades, et dont la condamnation avoit été
prononcée par sentences des 20 avril 1736 et 23 février
17 3 7 , signifiées le 10 septembre 1758; suivies d’autre
sentence contre Yalarcher et sa femme, du 17 octobre
1758; 7U. une somme de 169 fr. provenant d’arrérages
de la rente de o fr. portée au bail de 1729, et dont la
condamnation avoit été prononcée en faveur de Gilbert
Lagravières, par sentence du
août 1752; 8°. une
somme de 36 fr. pour reste de celle de 80 fr. due
par défunt Jacques Veschainbes à Catherine, sa sœur,
suivant une reconnoissance par lui souscrite, et suivie
d’une sentence de condamnation.
Les intimés se réservèrent tous autres droits.
I-es sieur et dame de Dienne, à leur tour, en persistant
à demander que la succession de Jacques fût composée
de sa portion dans les biens de François, demandèrent
la réduction des avantages faits par défunt François
Vcschambes, au profit de sa seconde femme. Ils pré
t e n d ir e n t que Jacques Vcschambes étoit aux droits de
Marguerite, enfant du second l it , suivant une cession
du 21 octobre 17 14 ; ils demandèrent la portion de
cette Marguerite ; ils conclurent encore à ce que la succes
sion de Jacques fût composée du quart des biens délaissés
par Marie Jarrige, sa mère, d’un tiers de sixième qu’amendoit François V e s c h a in b e s , frère d’A n n e, et décédé
ab in testa t, sans postérité, le tiers de l’accroissement
revenant à François Vcschambes dans les deux sixièmes
qu’amendoit les filles forcloses.
5
5
Cet acte du 21 octobre 1714? ne contenoit pis une
cession de droits successifs de la part de Marguerite Vescluiinbes,
�( *7 )
cbambes , mais seulement un transport d’une -somme ue^
y o fr. que Marguerite Vescbambes prétendoit avoir a
répéter. Il étoit donc ridicule que les sieur et dame de
Piçnne voulussent prétendre que ce transport faisoit cesser
M e t de la répudiation de 1712. C’est ce que repondi-^
rent Jacques Valarclier et sa,femme, et c?cst le,dernier
acte de Jacques Valai’é h e r, qui décéda bientôt après
Jeanne Valarclier, qui ne figuroit d’abord que comme,
partie intervenante, s’est subrogée au lieu et place de son
père; et en cet état, la cause portée eq. l’audience du 11
prairial an x 1 , jugement contradictoire au tribunal civil
de M urât, qui , faisant droit sur toutes les demandes,
déboute les sieur et dame de Dienne de leur demande
tendant à ce que la succession de Jacques Vescbambes
fûteomposée d’une portion des biens deFrançois; ordonne
que cette succession de Jacques sera composée, i°. du
quart des biens de Marie la Jarrige , sa ,mère et des
intérêts à compter de 1738 , époque de l’absence de Jac
ques ; 20. des biens par lui acquis , et des jouissances telles
qu’elles sont fixées par le jugement du tribunal civil du
Cantal , du 16 nivôse an 8 ; 30. de la somme de 760 f r . ,
et de la valeur d’ une bourrète pour le pr,ix de la subro
gation faite à Jacques par Marguerite Vesclnambes, sa
sœur du second lit , le 20 octobre 1 7 1 4 , avec intérêts
h compter de 1738 ; 4«. des créances que la dame de
Dienne et son mari établiront avoir été payées par Jacques
en l’acquit de la succession deFrançois , avec les intérêts
à compter de 1738 , si mieux n’aime la dame de Dienne
rendre compte des jouissances du domaine de la Buge ,
appartenant à François Vescbambes, depuis 1701 ? jour
C
5
�c« Ÿ
du bail fait par Jacques Veschambes, des biens de son
p è r e , sous la déduction de la nourriture et entretien
fournis aux frères et sœurs de Jacques ; auquel cas le
tribunal ordonne que les intérêts des créances ci-dessus
courront à compter de l’époque où elles ont été payées ;
que ceux de la créance de yôo fr. entreront dans la
masse, à compter du premier octobre 17 14 , et ceux de
la portion de la dot de Marie la Jarrige revenant à
Jacques Veschambes , à compter de la mort de Fran
çois , sauf aux sieur et dame de Dienne à tenir compte
aux Valarcher des créances dont ils justifient le paye
ment , suivant la liquidation qui en sera faite par les
experts nommés par les parties, et qui continueront de
procéder au pai’tage. Sur le surplus des demandes, les
parties sont mises hors de cause , les dépens sont com
pensés pour être employés en frais de partage.
Ce jugement est m otivé, i°. sur la répudiation faite
par Catherine Combart, comme tutrice des enfans du
premier et du deuxième l i t , le 2 mars 1700; 2°. sur
l’ordonnance du lieutenant général de Saint-Flour, du
10 avril 1701 , qui permit à Jacques Veschambes de
jouir sans qu’il puisse être réputé héritier; 30. sur la
répudiation de Jacques Veschambes, du 22 décembre
1712 ; 40. sur la sentence du 14 mars 1721 , qui renvoie
Jacques Veschambes de la demande d’un créancier du
père ; renvoi motivé sur sa répudiation ; °. sur le bail
de ferme du i avril 1700 , et sur tous les actes de Jac
ques Veschambes qui prouvoient qu’ il n’avoit jamais
voulu prendre la qualité d’héritier de son père.
Les premiers juges se fondent encore sur le principe
5
5
�Hf
( '9 )
qu’il faut être né et c o n ç u pour succéder ; et que Jacques
Vesehambes n’étant pas encore marié loi’s de sa répudia:- ,
tino, ses enfans ne pouvoient se dire héritiers de leur aïeul.
Par un autre motif du jugement, il est dit que le
transport de Marguerite Vesehambes ne peut donner
aucun droit d’hérédité, parce qu’elle n’avoit vendu qu’une
créance , et n’avoit pas même pris cette qualité.
L e tribunal civil a encore pense que Jacques Vescliambes , a ya n t r e n o n c e a la succession de son p e r e ,
n’étoit pas recevable à critiquer son testament; mais sur
la demande en rapport des jouissances faite par Jacques,
des biens de son père, il a paru aux premiers juges que
tous les enfans avoient joui en commun, et qu’il n’étoit
pas même établi que Jacques Vesehambes eût vendu et
dissipé le mobilier de son père.
Ce jugement ne faisoit pas le compte de la dame de
Dienne qui voyoit évanouir toutes ses espérances , et
elle s’est déterminée à en interjeter appel purement et
simplement; et Françoise Vesehambes et la dame Valar
cher, sa fille, se sont elles-mêmes rendues incidemment
appelantes, en ce que la dame de Dienne n’avoit pas été
condamnée à rendre compte des jouissances perçues par
Jacques Vesehambes dans les biens de François, à res
tituer le mobilier mort et v if qu’il a voit vendu ou dis
sipé ; en ce que ce jugement avoit ordonné que la somme
de 750 f r . , prix du traité du premier octobre 17 14 ,
seroit portée dans la succession de Jacques Vesehambes;
et en ce que les dépens avoient été compensés, pour être
employés en frais de partage. Les intimés ont conclu à
ce que, en émendant quant ù ce le jugement, la dame
C 2
S
�v»;
(
20 \
de D ie n n e fût Condamnée à restituer ces jouissances avec
intérêts, le mobiliër mort et v if iiussi avec intérêts; qu’elle
fût déboutée de sa demiinde relativement au second chef.
f 1‘
I
If-'
f
et qu’enfin elle fût condamnée au x dépens.
Il
fulloit bidri aussi faire statuer sur l’appel incident
interjeté par la dame de D ien n e, du jugement du 16 ven
tôse, an’ Ô, en ce qu’elle avoit été condamnée au rapport
de la somme de i 5 oo fr. , prix de la cession consentie
par Jacques de D ou et, son p è re , en 1744. On se rap•pelle que la cour avoit interloqué les parties sur ce
point ; elles ont enquêté respectivement : les enquêtes
ont été signifiées ; là dame Faucon s’est fait subroger
au lieu et placé de son Jpère; les deux appels ont été
joints par arrêt de la c o u r, et les parties en viennent
aujourd’hui sur le tout. ‘
On sent qu e, d’après l’analise de tous les actes dont
les parties argumentent respectivement, cette cause né
cessite un grand détail auquel on 11e veut pas se livrei*
dans ce moment. On se Contentera de présenter les prin
cipaux moyens des intimés, pour ¿lire confirmer le ju
gement dont est appel dans la partie qui réduit la suc
cession de Jacques Véschambes à sa juste valeur, et pros
crit les prétentions exagérées des appelans.
L e jugement de Saint-Flour , en date du 16 ventôse
an 8 , a débouté les sieur et daine de Dienne de leur de
mande en partage de la succession d’Antoine Vescliambes. Cette disposition’du jugement est indéfinie; aucune
des parties iieTa attaquée dans ce chef : il y a donc chose
irrévocablement jugée, et tftut ce que proposent les appelans à cet égard est 'plus que subtilité.
�in
#
*
c
)
Ils prétendent que, dans le motif de ce jugement, il
y est dit que les sieur et dame de Dienne n’ont pas établi
qu’Antoine Veschambes eût d’autres biens que le mon
tant de la destination à lui faite par son p è r e , et les droits
à lui échus du chef de sa mère.
Aujourd’hui on prétend qu’Antoine est héritier uni
versel de François, son p ère, en vertu du testament de
1696 : il a donc plus que la d e stin atio n qui lui avoit etc
faite ; dès-lors le dispositif doit être subordonné aux
motifs -, ot comme les sieur et dame de Dienne n’ont été
déboutés qu’à raison de ce qu’Antoine n’avoit alors que
sa légitime, ils rentrent dans leurs droits, dès qu’il en
avoit davantage.
Vouloir subordonner le dispositif du jugement aux
motifs qui précèdent, ce seroitun système nouveau. Tous
les jours on rend des jugeinens sages et justes dans leurs
dispositions, quoique les motifs puissent être critiqués :
mais ce n’est que le dispositif qui juge , qui règle les
droits des parties ; et ici la disposition est indéfinie : tout
est terminé pour la succession d’Antoine.
D ’ailleurs, les premiers juges 11’ont-ils pas dit égale
ment qu’Antoine avoit approuvé le testament de son père;
que les sieur et dame de Dienne ne pouvoient s’aider de
son chef, ni de la réduction au quart, d’après la coutume,
ni de la réduction à une portion d’enfunt moins pre
nant , d’après l’édit des secondes noces. Voilà donc d’au
tres motifs qui sufïisoient bien pour faire débouter les
sieur et dame de Dienne. Ce qu’on a dit de plus , quoique
indifférent dans la cause , n’étoit que pour fortifier davan
tage la proposition qui étoit adoptée; c ’ e s t - à - d i r e , quo
/
�les sieur et dame de Dienne étoient étrangers h la suc
cession d’Antoine Vescliambes.
Mais quand on admettroit que le motif n’est pas judi
cieux , tous les jours on confirme les dispositions d’un
jugement sans s’arrêter aux motifs ; et si la chose n’étoit
pas irrévocablement jugée , les intimés n’auroient-ils pas
un moyen plus puissant encore à opposer aujourd’hui ;
le titre universel d’Antoine Vescliambes , son appréhen
sion des biens en vertu de l’institution portée au testament
de son père , la sentence de l’élection de Saint-Flour
q u i , en cette qualité , lui a fait main-levée des saisies de
fruits, sa longue possession depuis cette époque, et enfin
la donation qu’il a faite au profit de Jacques Valarcher.
Mais les sieur et dame de Dienne prétendent que c’est
une erreur d’avancer qu’Antoine étoit héritier institué .
de son j)ère ; qu’il n’avoit qu’une somme de iooo fr. par
ce testament. A la vérité ils conviennent qu’il étoit ins
titué à défaut d’élection de la part de sa mère ; mais ils
soutiennent que la mère ne devoit élire qu’en cas de
convoi ; que le cas prévu n’est pas arrivé , puisque Cathe
rine Combart est restée veuve.
C ’est étrangement raisonner, et commenter singulière
ment un testament qui n’a rien de louche ni d’équivoque.
On voit clairement que François Vcschambcs n’a voulu
faire , au profit de sa femme , qu’une institution fidu
ciaire. A la vérité il veut qu’elle soit privée de l’hérédité
en cas de convoi ; mais, dans un cas contraire, elle doit
également rendre l’hérédité à tel de ses enfansque bon lui
semblera , sans qu’elle soit tenue à aucune reddition de
compte. Dès-lors le convoi Pobligeoit d’abandonner l’hé-
�( 23 )
l'éclîté et de rendre compte ; la viduité l’astreignoit seu
lement à la rendre sans aucun compte de gestion. Aussi
le testateur ajoute-t-il, que dans le cas où sa femme
viendroit à décéder sans avoir nommé tel de leurs enfans
pour h éritier, il veut et entend qu’Antoine Veschambes soit son héritier ; il le nomme dès à présent audit
cas et non autrement ; c’est-à-dire , en cas de décès de
sa femme sans élection. O r, Gathex-ine Combai*t est mox*te
sans élire : c’est donc Antoine qui seul a été valablement
saisi de l’institution ; et en supposant que les sieur et dame
de Dienne n’eussent été déboutés de leur demande en
partage de cette succession que parce qu’Antoine n’avoit
qu’une simple légitim e, ilfaudroit aujourd’hui les déclarer
non-recevables, dès qu’Antoine étoit héritier universel.
Les sieur et dame de Dienne, tournant toujours autour
d’un cex’cle v ic ie u x , disent qu’au moins Antoine n’a eu
de Catherine Combart, sa mèx’e , qu’une destination en
argent. C’étoit Cathexùne Veschambes , sa fille aînée ,
femme Naufaiù, qui avoit été instituée son héritière.
Si Catherine Yesclxambes a fait une cession au pi’oiit
de Jacques Valax-clier , cette cession ne comprend que
des créances des sommes elle l’estées dues -, mais qu’ im
porte au sieur et dame de D ien n e, et que peuvent-ils
avoir de commun avec Catherine Combart? d’une p a r t ,
cette dernière n’avoit porté qu’une dot m obilière, et de
l’autre, les sieur et dame de D ie n n e , qui représentent
un enfant du premier lit , ne pourroient avoir x*ien à
prétendre sur les biens Combart , qui appartiennent
exclusivement aux enfans dxx second lit.
Antoine Veschambes étoit donc le seul px’opriétaxrc des
�( M )
Liens de François. Jacques avoit répudié à la succession
de son père ; s’il a joui des biens , ce n’est point à titre
d’héritier ; il n’en a joui qu’en vertu de l’ordonnance
du lieutenant général de Saint-Flour : sa répudiation a
été produite en jugement , et lui a servi à écarter les
demandes des créaciers de son père. Depuis 1738 , c’està-dire, depuis soixante-quatre ans , Antoine Veschambes
a joui de tous les biens comme héritier : la sentence de
l’élection de Saint-Flour lui a donné cette qualité.
L a dame de Dienne a bien senti que cette sentence
étoit un obstacle invincible à sa prétention ; mais elle
prétend que cette sentence est susceptible d’être attaquée,
et elle déclare en interjeter incidemment appel. Il faut
convenir que cet appel incident est d’un grand poids
contre une sentence qui a été signifiée à Jacques Ves
chambes en 1743 , et qui n’a jamais été attaquée par lui
ni ses descendans.
On a vu également que Jacques Valarcher réunissoit tous les droits de ses beaux-frères et belles-sœurs ,
par les différentes cessions dont on a fait le détail. Les
sieur et dame de Dienne veulent écarter ces différentes
cessions par un acte du 3 mars 1710 , qui émane de
Catherine Combart ; et 011 lui fait dire qu’elle cède ses
droits personnels , ainsi que les droits et portions héré
ditaires de chacun de ses enfans, à Jacques Veschambes ,
à la charge par lui de payer une somme à chacun , sui
vant le règlement fixé par cet acte.
Mais Catherine Combart n’avoit pas qualité pour traiter
valablement des biens doses enfans; elle n’en étoit pas
même la tutrice ; elle ne prend d’autre titre que celui
de
�'
.
(
2 5
)
'
âe mère pieuse. D ’ailleurs cet acte n’a point eu d’exécu
tion ; Jacques Veschambes n’a jamais rien payé du prix ;
les sieur et dame de Dienne n’en rapportent point de
quittances, et sont dans l’impossibilité d’en rapporter;
enfin cet acte n’est qu’un simple transport de créances
que lesenfans pouvoient avoir en vertu du testament de
leur père. Jacques Veschambes n’y pi’end point la qualité
d’héritier de son pèi*e ; Catherine Combart n’y a que celle
de créancière : cet acte n’auroit donc jamais eu l’effet de
faire c o n s id é r e r Jacques Veschambes comme héritier de
François ; et la preuve qu’il n’a jamais voulu l’être, résulte
de sa répudiation et de la sentence rendue contre M e y ;
tous ces actes bien postérieurs ù la prétendue cession
de 1710.
Les sieur et dame de Dienne dissertent longuement
sur la question de savoir si Jacques Veschambes seroit
aujourd’hui non-recevable à critiquer le testament de
son père. Ils savent bien que le jugement de Saint-Flour
a encore rejeté cette prétention ; mais ils croient pou
voir revenir sur cet objet : ils soutiennent qu’il n’est pas
nécessaire d’être héritier pour demander la réduction
portée par l’édit des secondes noces. Suivant e u x , un
fils du premier lit qui a répudié à la succession de son
p è r e , peut tout de même demander le retranchement
de l’é d it, parce qu’il tient ce bénéfice de la l o i , non
comme héritier , mais comme enfant.
En lisant cette dissertation, on peut douter que la dame
de Dienne ait bien compris ce qu’elle vouloit dire. : En
effet, où pourroit la conduire cette réduction ? elle ne
conccraeroit que Catherine Combart qui scroit réduite à
D
0,
�( *6 )
#
une portion d’enfant moins prenant, et q u i , par le tes
tament de son m a ri, n’étoit elle-même qu’héritière fidu
ciaire ; mais alors cette réduction ne profiteroit qu’à l’hé
ritier institué, et cet héritier , c’est Antoine Veschambes.
Jacques qui avoit répudié à la succession de son père,
ne pou voity rien prétendre ; la dame de Dienne n’amendoit rien du chef d’Antoine : c’est encore une chose jugée.
L a cession de Marguerite Veschambes , troisième du
nom , ne oontenoit qu’un transport d’une créance de
y o fr.; ainsi tout ce qu’a dit la dame de Dienne sur ce
point, est une énigme dont on attend la solution ou h
m o t, lorsqu’elle donnera plus de développement à ses
moyens.
Vient l’appel incident de la dame Valarcher et de sa
fille. L e jugement dont est appel a dispensé la dame de
Dienne de restituer les jouissances que son père avoit
perçues dans la succession d’Antôine Veschambes. Elle
est également dispensée de la restitution du mobilier
mort et v if, ainsi que des intérêts du tout. Cependant
il est reconnu par toutes les: parties que Jacques Ves
chambes a joui de tous les biens de son père; qu’il a
vendu et dissipé une portion des immeubles ; qu’il a
également dilapidé le mobilier mort.et vif, et qu’il s’en
fit une ressource , lors de son é v a s io n .
La dame de Dienne même se fait un moyen de la
jouissance de son père, pour soutenir qu’il étoit héritier.
Les intimés prouvent au contraire, soit par la répu
d i a t i o n personnelle de Jacques Veschambes, soit par
l’ordonnance du lieutenant général de Saint-Flour, soit
enfin par la sentence rendue contre M e y , créancier de
5
�«1-2&
\
'
( 27 )
la succession de François Veschambes, que la jouissance
de Jacques n’étoit que précaire ; qu^il n’a possédé ces
biens que sous le prétexte qu’il étoit créancier; et dèslors il en doit nécessairement la restitution, sauf la comr
}
pensation jusqu’à due concurrence , avec les créances
qu’il pourrait avoir acquittées; et il est prouvé qu’il n’en
avoit payé aucune.
' P a r quelle fatalité les juges dont est appel n’ont-ils
donc pas adjugé cette restitution de jouissance, ainsi
que celle du m obilier?
'
1
Ils ont donné pour motif qu’il paroissoit que tous les
enfans avoient joui en commun. Mais, i°. rien n’établit*
cette jouissance commune; il n’y avoit pas même de;icrt-fT
habitation entre les parties. 20. Eli Vdmett.-ùnt 'cette co
habitation , tous les enfans étoient d’un fige à gagner
leur nourriture et entretien , surtout dans la condition
des parties. Il est d’ailleurs établi que Jacques V es
chambes seul avoit ailcrmé‘les'biens ; que le •prix de la
ferme étoit délégué à ses créanciers'personnels , notam
ment au sieur Dusaillant. Le'prix des ventés par lui con
senties a également tourné ù son profit. Ce bail à cheptel
de 1738 prouve encore que Jacques Veséhîimbes avoit
vendu tous les bestiaux. :L a disposition du j u g e m e n t est
donc erronée et injuste en cette partie. E t certes ! si
quelqu’un peut invoquer1 là faveur dans iine cause' de
ce genre , elle serait toute pour ce cohéritier soigneux
et diligent qui a payé les dettes, traité' avec le père de
la dame de Dienne, sur la foi de s;6h 'c o n tr a t de ma•
•
'
f*
n a g e , et qui, quarante ans après, se voit assailli d'une
! ’
*
*
•
•
|
�[ 28 )
demande qui a tout l’odieux d’une vieille recherche ,
absolument sans intérêt.
Les intimés n’ont-ils pas à se plaindre aussi de ce que,
sur une demande exagérée qui tend à revenir contre
la chose irrévocablement jugée, qui a occasionné des
frais aussi considérables, les dépens aient été compensés
pour être employés en frais de partage.
Cette-espèce de compensation fait que chacun supporte
les dépens dans la proportion de son amendement, et
il en résulte que la dame de Dienne n’ayant qu’une
portion très-exigu ë à réclamer dans la succession de
Jacques Yeschainbes, son aïeul, succession qui par ellemême est déjà très-modique, feroit supporter aux intimés
la,presque totalité des dépens qui au moins doivent être
la peine du plaideur téméraire.
, Reste l’appel incident interjeté par la dame de Dienne,
du jugement de Saint-Flour, du 16 ventôse an 8 , qui
l’obligeoit au rapport de la somme de i oo francs,
reçue par son pèi*e. Cet appel ne fait pas honneur à
la délicatesse de la dame de Dienne ; elle ne pouvoit
se soustraire à ce rapport qu’en répudiant à la succession
de son père. En même temps qu’elle attaque la répu -'
diation de son aïeul, et qu’elle veut prouver qu’il est
héritier, elle n’honore pas assez la mémoire de son père,
pour accepter sa succession ; elle veut qu’il soit mort
ir. solvable. Cependant elle s’est emparée de son mobi
lier , de ses armes ; on a vu son mari revêtu de l’habit
écarlate qu’avoit porté défunt son père. O r , d’après
Duplcssis , il n’en faudroit pas autant pour la faire
répu ter
5
�4 «.
U )
( 29 )
réputer héritière. A u surplus, la discussion des enquêtes
respectives apprendra à la dame de Dienne qu’elle auroit
dû au moins s’éviter ce désagrément, et qu’elle ne peut
se dispenser du rapport qu’on lui demande? auquel elle
a été si justement condamnée.
M e. P A G E S ( de R io m ) , ancien avocat
Me. B R U N ,
avoué.
//fcfc f^ r ,-----<*■
S w
Ÿ/~~JtOfc
A R IO M , de l'im primerie d e L a n d r i o t , seul im prim eur de l a
C our d ’appel.
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�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Veschambes, Françoise. An 13?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Brun
Subject
The topic of the resource
renonciation à succession
successions
gain de survie
secondes noces
contumace
généalogie
biens dotaux
droit coutumier
homicides
testaments
confiscations
élevage bovins
experts
longues procédures
Description
An account of the resource
Titre complet : Précis pour Françoise Veschambes, veuve de Jacques Valarcher ; Jeanne Valarcher, et Antoine Faucon, son mari, intimés et incidemment appelans ; contre sieur Vital de Dienne et dame Jeanne-Marie de Douhet, son épouse, appelans d'un jugement rendu au tribunal civil de Murat, le 11 prairial an 11.
Arbre généalogique
Notation manuscrite : 3 ventôse an 13, 1ére section, jugement, après délibéré, statue sur infinité de questions soulevées dans les plaidoiries, et même pendant le délibéré, après production d'une grande quantité de titres et pièces, fixe les droits des parties dans diverses successions et détermine les bases du partage, rapports et prélèvements. »
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 13
1685-Circa An 13
1661-1715: Règne de Louis XIV
1716-1774: Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
29 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1604
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1603
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53278/BCU_Factums_G1604.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Espagne
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
biens dotaux
confiscations
contumace
Droit coutumier
élevage bovins
experts
gain de survie
généalogie
homicides
longues procédures
renonciation à succession
secondes noces
Successions
testaments
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53277/BCU_Factums_G1603.pdf
dbc8525fe9fbb08694164f53f67f527a
PDF Text
Text
PRECIS
COUR
D ’A P P E L
P O U R
SÉANTE
Sieur V i t a l D E D I E N N E , et dame J e a n n e - M a r i e
D E D O U H E T son épouse, appelans
C O N T R E
F
C
,
V E S C HA M B E S
veuve de Jacques
V a l a r c h e r , J e a n n e V A L A R C H E R , et A n
t o i n e F A U C O N son mari, intimés et incidemment
appelons.
rançoise
ette
contestation est la suite d ’une précédente, jugée par arrêt
de cette c o u r , du 2 thermidor an 8. Elle est tellem ent hérissée
d ’actes, q u ’on a cru ne pouvoir se dispenser d ’en présenter, avant
l ’audience, un aperçu.
François V esch a m b e s , bisaïeul des p a r t ie s , étoit propriétaire
d un domaine appelé de la B u tg e , de valeur aujourd’hui de plus
de 60000 francs.
A
A RIOM.
�'iV
f i )
II s’est m arié en prem ières noces avec M arie Jarrigo.
D e ce mariage sont issus quatre e n fa n s, Jacques, représenté
par les appelans, Jean, M arguerite i " . , et M arguerite 2'. du nom.
D e ces quatre enfans il en est décédé un avant le père, qui n ’en
rappelle en effet que trois dans le testament.
11 a contracté un second mariage avec Catherine C om bard.
D a n s ce contrat de mariage il com m ence par reconnoître à sa fu
ture épouse la som m e de 2700 francs; il réglé ensuite la légitimé
des enfans <ju premier lit. Il destine à Jacques Vescham bes une
som m e de 1000 f r . , à M arguerite 1” . du n o m , pareille somme
de 1000 f r a n c s , à M arguerite 2'. une somme de 700 fr a n c s , et
à Jean celle de 600 francs. 11 prévoit le cas où il décéderoit avant
son épouse; audit cas il lui assure et donne la jouissance d ’une
cham bre dans la m a i s o n , garnie de meubles nécessaires, et la
jouissance de la moitié de ses biens , tant qu ’elle demeurera en
•viduité. P ar une autre c la u s e , il donne par preciput et avantage
a u x enfa ns, est-il d i t , q u i proviendront du présent mariage, au
premier, soit f i l l e ou garçon, de son c h e f la somme deSooofrancs,
et a u x autres la somme de 1000 fra n cs. Il est enfin stipulé un gain
de survie réciproque de 100 francs.
D e ce mariage sont issus cinq enfans^ C ath erin e mariée au
sieur N a u f a r i, A n t o in e , P ierre , tf.onc*ww e , et M arguerite 5 '. du
nom mariée au sieur Roche.
L e 4 m ars 169G , testam ent par lequel il rappelle et confirm e
les destinations déjà faites aux enfans du prem ier lit dans son
second co n trat de m ariage.
Il lègue à A n to in e et C atherin e
•Veschambes , deux, des enfans du second lit , une som m e
de 1000 fr a n c s , et aux autres Irois 700 irancs seulem ent. V en an t
ensuite à l ’institution d ’h éritier, il déclare q u ’il nom m e pour son
héritière générale et universelle Catherine C om bard son épouse;
«V eut et entend que son héritière générale et uni verselle, C atherine
aC o m b a rd
son épouse, n o m m é e , soit privée de l’hérédité en cas
; m ais bien
sem b lera , sans
» q u ’elle vienne à convoler à de secondes noces
rendre
» l ’héréditc à tel de scs enfans que bon lui
qu ’elle
�YS
(3)
n soit tenue à aucune reddition de com pte; et quand la demoiselle
» Com bard viendroit à décéder sans avoir nom m é tel de leurs en» fans pour h éritier, veut et entend que ledit A n to in e Vescliam bes
» soit son vrai héritier qu ’il nom m e pour héritier des à présent
» audit cas et non autrement ; mais au choix et option de ladite
» C om b a rd d ’en nom m er un autre tel que bon lui s e m b le r a , ainsi
» que dit est. »
O n voit q u ’A n toin e n ’étoit no m m é qu’ à défaut d ’d c c tio n ; et la
veuve elle - mêm e n ’étoit tenue de remettre 1 hérédité, et d é lir e
entre les e n f a n s , q u ’en cas de convoi.
L e cas prévu n ’est point arrivé; Catherine C o m b a rd a demeuré
en viduité.
L ’institution faite en faveur de la veuve étoit susceptible d ’une
double réduction,
i°. L e s biens étant situés en pays de co u tu m e , elle ne pouvoit
avoir effet que pour le q u a r t, d ’après la disposition de la C o u tu m e ;
elle étoit de plus réductible à la portion d u moins prenant des
e n f a n s , d ’après l’édit des secondes noces.
F r ançois
cscham bes. est m o r j ^ I ç ^ f é v r i e g 1700.
Jacques V escfîam bes, enfant du premier li t , s’est marié en 1707
avec Geneviève la Vaissière.
En 1710 Catherine V esclia m b e s, une des filles du second l i t ,
a contracté mariage avec Jean N au fari, P ar leur contrat de mariage,
ladite C atherine C om b a rd l’a instituée son héritière générale et.
universelle, à la charge de payer aux autres enfans du second l i t ,
savoir, à A n to in e et Pierre V escliam bes, la somme de 200 fr a n c s ,
et aux autres la somme de 5 oo francs.
En 1738 Jacques V escliam bes, fils du premier li t , m arié avec
Geneviève la V a is s iè r e , fut prévenu d ’un homicide. Il fut obligé
de se réfugier en Espagne. 11 paroît qu ’il y eut une procédure cri
minelle instruite par contum ace, qui n ’existe plus. Il n ’en reste de
traces que dans un acte du 10 janvier 1757 , produit par les ad
versaires, par lequel le sieur de M o n t - Boissier, seigneur hautjusticier de la terre de C h e y la d e , fait remise et abandon à F ran A 2
�«
(4)
çoise Vescham bes et à Jacques V alarclier, du droit qu'il avoit aux
biens de Jacques V e s c h a m b e s , en conséquence du jugement de
m ort rendu par contum ace en la justice de C h e y la d e ; jugement
dont la date est en blanc.
1
Jacques Vescliam bes m ourut peu de temps après, dans les cinq
années de la contumace.
Il avoit eu de son mariage avec Geneviève la Vaissière six enf a n s , cinq filles, et un m â le , François 2*. du nom , qui n’ a pas
survécu long-temps à ses père et mère.
D e s cinq fille s, d e u x , Michelle et C a th e rin e, ont été mariées
du vivant du père avant le fatal.événem ent dont on vient de parler ;
par conséquent forcloses.
D e s autres trois fille s, l ’a în é e , Françoise V e s c lia m b e s , s’est
mariée avec Jacques V alarcher. C e sont les auteurs des intimés*
L a seconde, M arguerite , s’est m ariée en 1744 avec D a u sa t,
après la m o rt du père.
L a troisième, A n n e V e s c h a m b e s , s’est mariée avec D o uh et.
L e contrat de m ariage d ’A n n e V escham bes est du 16 juillet 1 7 4 4 :
elle étoit majeure.:.P.ar..ce contrat, de m j n a g n e l l e çlgnnajiouvoir
au mari de traiter, transiger, de ses biens d o ta u x , les partager,
mais non de vendre.
L e 20 du m êm e môis de juillet 1 7 4 4 > -^nnc V esch a m b es, sous
l ’autorisation de D o u h e t, son m a r i, et celui-ci en vertu dù pou
v o ir , est-il d i t , à lui donné par son contrat de m a riag e, cédèrent
et transportèrent à Françoise V e s ch a m b e s, et V alarcher son m a ri,
tous les droits que ladite Anfte V escham bes pouvoit avoir tant en
son nom que com m e héritière en partie de François 2”. du nom ,
son frère, dans les successions desdils Jacques V escliam bes et G e
neviève V aissières, et encore dans celle de François Vescham bes
1 " . du n o m , m oyenn an t la som m e de i 5 oo francs.
Peu après ce traité mourut A n to in e V escham bes, fils du second
lit de François.
A v a n t son décès il avoit fait deux dispositions en faveur de la
m êm e Françoise V esch a m bes, fem m e V alarch e r, qui s’etoit mise
à la tête de la maison.
�*
*î
( 5)
r P a r un premier acte du 14 ma* 1 7 4 4 > ^ lui fit donation de'tous
les droits, est-il d i t , à lui acquis tant par le testament de défunt
F ran çois VeScham bes, son père, qui l ’y n o m m a pour son héritier,
que par le décès de Catherine C o m b a r d , sa m è r e , et par s,es dis
positions portées dans le contrat de mariage de Catherine V e s •chambes, sœur du do nateur, avec d é fu n t N a u fa r i, nom s, raisons
«t actions rescindantes et rescisoires, sous la réserve d ’une somme
de io o o fr. à disposer.
P a r un second acte du 50 octobre 1 7
il disposa de cette
com m e d e 1000 fr . eneore en sa faveur.
A n n e V es clia m b e s, et D o u h e t son m a r i, qui avaient cédé leurs
droits par l’acte du s 5 juillet 1744> o n t eu f^e
mariage une
fille, Jeanne-M arie D o u h et , qui s’est m ariée avec V it a l de D ienne.
C e sont les appelans.
!
C e tte cession du 23 juillet 1744 ¿toit évidem m ent nulle. D o u h e t ,
par le contrat de m a riag e, avoit pouvoir de transiger, p artager,
m ais non de vendre.
En l’an 6 , ladite D o u h et et ledit V it a l de D ienne ont fait citer
au tribunal civil du C a n ta l ladite Françoise V esclia m b e s, et V a larcher son m a r i , en nullité de ladite cession, en partage de la
succession de Jacques V escliam bes et Geneviève la Vüi&sière, et
encore en partage de la succession d ’A n to in e V escliam bes 1 " . du
n o m , pour leur en être délaissé la portion qu ’A n n e V e s clia m b e s,
leur mère et b e lle -m è re , am endoit dans lesdites successions, soit
de son c h e t , soit du ch e f de François 2*. du n o m , son f r è r e ,
décédé ab intestat .
C o n tre la demande en partage des successions de Jacques V e s cham bes et Geneviève V aissiè re, les adversaires ont opposé la ces
sion. Ils ont soutenu que ce lle cession ne p o m o it être raisonnable
m ent attaquée, s o it d ’dprès le pouvoir donné par A n n e Vescliam bes,
alors m ajeure, à D ouhet son m a r i , dans son contrat de m ariage,
de traiter et transiger, soit d ’après le laps de temps qui s ’éloit
écoulé depuis la cession. Ils ont ajouté q u ’ils ne tenoient point
d ailleurs les biens co m m e héritiers de Jacques Vescliambes ; qu’ils
�H
C 6 )
r e jouissoient point à tilre d ’héritiers, q u ’ils jouissoient en vertu
île l’abandon fait en leur faveur, par le seigneur haut-justicier, de
l ’effet de la confiscation résultante du jugement rendu par contu~mace.
'•
Ces moyens ont été facilem ent écartés.
1
C on tre la demande en partage de la succession d ’A n to in e V e s ch am bes, ils ont rappelé le testament de François. Ils ont dit que
François par son testament avoit institué Catherine C o m b a rd
pour son héritière, et destiné à A n to in e une somme de 1000 francs;
q u ’A n to in e avoit ensuite disposé en leur fa v e u r , par les deux
donations ci-dessus, du m ontant de ladite destin ation, ensemble
de tous les droits à lui échus par le décès de Catherine C o m b a r d ,
desquels droits faisoit partie l’institution testamentaire faite en.
faveur de ladite C o m b a rd par François ; qu’A ntoine n ’avoit pas
d ’autres biens.
L e s sieur et dam e de D ien n e ont répondu que l’institution faite
en faveur de Catherine C o m b a rd étoit doublement réductible; que
la donation des droits échus par le décès de Catherine C o m b a rd
ne pouvoit dès-lors porter sur tous les biens de François.
A
quoi il a été répliqué par V escham bes et V alarch e r q u ’A n
toine leur ayant fait donation du m ontant de la destination à lui
faite par le testament du pcre , il étoit non-recevable, et les sieur
et dame de Dienne de son c h e f , à s’aider de la réduction, soit de
la C o u lu m e au quart, soit du retranchement de 1 edit des secondes
noces ; que si on prétcndoit q u ’ Antoine eût d ’autres biens on devoit
l ’établir. C e sont les propres termes de leur défense consignée dans
le jugement.
En cet état, jugement est intervenu au tribunal civil du Cantal
le iG ventôse an 8 , q u i , en ce qui concerne la demande en partage
de la succession de Jacques V escham bes et Geneviève la Vaissière,
a déclaré la cession du 35 juillet 1744 'm ile; a ordonné le partage
des biens dépendans de la succession de Jacques V escham bes et
Geneviève la V aissière, avec restitution des jouissances depuis lo
d é c è i , à l'exception des années pendant lesquelles avoit duré lo
�C i)
mariage dudit D oülict arec ladite A n n e V escliam bes, à la charge
de rapporter la som m e de i 5oo fr a n c s, prix du traité, perçue par
ledit Douliet.
- E t en ce qui concerne la succession d ’A n t o in e ;
»
A tten d u qu’ A n to in e ayant approuvé le testament de François
Vescfïam bes i*r. du n o m , en disposant de la destination à lu i
faite en faveur des défendeurs , les sieur et dame de D ten n e
ne pouvant s ’aider de son c h e f, n i de la réduction au quart>
d’ après la Coutum e, n i de la réduction a la part du\moins
prenant des en fa n s , d’ après l ’ édit des secondes noces ; que^ les
demandeurs n ’ont p oin t établi que ledit A n to in e eût d’ autres
b ie n s, que le montant de la destination à lu i fa ite par son p ère ,
e t les droits à lu i échus du c h e f de sa m ère , de tout quoi il a
d isp osé en faveur des défendeurs ; a débouté les sieur et dam e
de D ie n n e de leur demande.
: ,
Françoise V escham bes et V alarch er ont appelé de la première
partie du ju g e m e n t, qui ordonnoit le partage des successions des
dits Y esch am bes et la Vaissière.
y.
L e s sieur et dam e de D i e n n e , de leur c ô t é , se sont rendus in
cidem m ent a p p e la n s, en ce q u ’ils avoient été condamnés à rap
porter et faire compte de l ’entier prix du traité de 1744» prix
perçu par ledit D o u h e t , à la succession duquel ils avoient renoncé.
Ils auroient pu aussi interjeter a p p e l, en ce q u ’ils avoient été in
définiment déboutés de la demande en partage de la succession
d ’A n to in e à défaut d ’indication de biens , tandis qu ’ils auroient
d u etre déboutés seulement quant à présent. Ils crurent cet appel
sans objet. Ils étoient loin de prévoir la contestation qui leur a
été suscitée depuis.
Sur les appels re sp e ctifs, arrêt est intervenu le 2 thermidor
an 8 en cette c o u r , par l e q u e l,
E n ce qui louche l ’appel incident des sieur et dame de D ie n n e ,
attendu l’articulation fai le par 1rs adversaires , que lcsdits de
D ienne avoient fait acte d ’ héritier dudit D ouh et en s’emparant
du m o b ilie r , a o r d o n n é , avant faire d r o i t , la preuve de l'im
mixtion.
�X s )
Faisant droit sur l’appel principal de Françoise Vescham bes et
V a la r c h e r , a dit avoir été bien jugé.
Vescham bes et V alarch er se sont pourvus en la cour de cassa
tion contre la disposition de Jarret qui les blessoit, mais inuti
lem ent. *
N ’ayant pu réussir de ce c ô t é , ils ont cherché à venir à leur
bu t d ’une autre manière.
»
« Ils ont p r o d u it ,
i°. U n e r e n o n c ia tio n , ou actes énonciatifs d ’une renonciation
faite après la m ort de François Vescham bes par Catherine C o m b a r d , tant pour ses enfans que pour ceux du premier lit , à la
succession dudit V e s c h a m b e s , par acte reçu au greffe de la jus
tice de C h e y la d e , le 2 mars 1700;
20. U n bail à fe rm e consenti par Jacques V esch a m b e s, n onob
stant ladite renonciation du dom aine de la B u t g e , dépendant de
ladite succession, le i 5 avril 1700;
5% U n e ordonnance sur requête du juge de C h eylad e , du 10
avril 170 0 , qui autorise Jacques V escham bes à jouir des b i e n s ,
sans qu'on puisse en induire aucune qualité préjudiciable ;
4“. U n e vente d u 19 avril -1708, faite par ledit Jacques V e s
c h a m b e s, de trois septerées de terre dépendantes de la succession,
m o yenn an t la som m e de 560 fr. ;
5 °. U n acte du 22 décem bre 17 12 , reçu au g reffe de la m êm e
justice de C h e y la d e , par lequel Jacques V escham bes déclare ap
prouver la renonciation faite par Cath erin e C o m b a rd le 2 mars
170 0, pour, et en son nom ;
6°. U n e sentence du 14 m ars 1721 , rendue contre un créan
cier q u i , en conséquence desdites renonciations , congédie V e s
chambes des poursuites faites contre lui , s a u f au créancier scs
actions contre le curateur nom m é à la succession va ca n te , nomination qui est rappelée dans le vu de la sentence;
7 9. U n acte de ch eptel, du i ,r. octobre 1758, par lequel, après
la disparition de Jacques V escham bes , ses e n fa n s , et A n to in e
et Pierre V e s c h a m b e s , scs f r è r e s , fils du second U t, déclarent
avoir
�r 9 )
nvoir pris à li Ire de cheptel vingt-quatre va ch e s, et autres lêtes
de bestiaux pour garnir le d o m a in e;
8°. D es reçus de re n ie s , et extraits des rôles d'impositions
jusqu'en 1 7 ^ 7 ;
'
1
9°. U n e requête présentée par A n lo iiic Vcscîiàm bes a 1 éjection
de S a in t-F lo u r , le i 5 février 1 7 4 3 , ’daris laquelle il a exposé que
les percepteurs des années 1758 , 1759 et 174° »voient lait saisir
sur Jacques Y escham bes , faute de’ payement des impositions-,- les1
ir.uils pendans par r a c in e , desquels fruits ils s étoîent' rendus ad
judicataires co m m e des biens dudit Jacqües V e s c h a m b e s , ignôrant’
le testament de François Vescham bes , par lequel il avoit été ins-i
titué héritier ; q u ’il venoit de découvrir ce testament ; qu’étànt
héritier il ne pouvoit être adjudicataire de sa propre chose ; qu ’e n 1
¿onséquence il demandoit à être déchargé du prix de l ’ adjudica»-;
lion ; requête suivie de sentence adjudicative des coirclliSiohs, dû
22 du m êm e m o i s , rendue par d é f a u t , tant contre les consuls
que contre Jacques V escham bes.
De
tous ces actes
ils ont
.
conclu que Jacques
V esch a m
bes n^avoit absolument aucun droit sur les biens d e . Françoi'Sj
i ' \ du nom ; que , par s i renonciation et par lèi tèstament
de François , testament qui
avoit été- confirmé
par la sen
tence de l’élection de S a i n t - F l o u r , tous les biens etoient sur
la tête d 'A n to in e , dans la succession duquel A n to in e les sieur
et daine
de D ienne n ’avoienl rien
à réclamer , puisque , par
le m êm e jugement dont ils poursuivoient l’ex é cu tio n , ils avòient
été déboutés de leur deniimde en partage à cet égard ; que dèslors il ne d e v o i t e n t r e r dans le partage ordonné de la succes
sion de Jacques^STilnn>l w
que ses biens personnels , c ’est - à -
d ir e , les biens par lui a c q u is , consistant en un petit domaine
appelé de la C o s t e , et aucun de ceux ayant appartenu à F ran
çois. A insi
les biens
qui d ’abord ,
pouvoir s ’aider de la cession du
et
tant q u ’on
22 juillet
avoit
cru
1 7 4 4 , éloient sur
la tête de Jacques V e s c h a m b e s , se sont trouves (oui à coup
snr la tête d ’Antoine.
B
�i l
( 10 )
D e ces mêmes actes ils ont inféré de plus, i°. que Jacques V e s chambes ayant constam m ent joui, et n ’ayant joui que com m e créan
cier , sa succession étoit comptable de toutes les jouissances par
lui perçues jusqu’en 1738 , s a u f à lui faire raison de ses créances;
2°. Que la succession étoit pareillement comptable de la valeur
des fonds q u ’il avoit aliénés;
5 °* Q u ’elle étoit également com ptable du m o b ilie r , et notam
m ent du cheptel qu ’il avoit dissipé ; que le cheptel avoit été
tellement dissipé, qu ’après sa fuite ses enfans et ses frères avoient
été obligés de prendre d ’autres bestiaux à cheptel pour garnir
le dom aine.
L e s sieur et dam e de D ien n e
ont rép o n d u que la renon
ciation avoit été sans e f fe t , puisqu’il résultoit des pièces m êm es
produites ' par les adversaires q u e , nonobstant la renon ciation,
il avoit v e p d u , a f f e r m é , et constam ment joui.
Ils ont dit que quand on donneroit à la renonciation tout
son e f f e t , il auroit acquis un nouveau droit par les cessions ou
par
le décès ab intestat de presque tous les enfans
tant du
premier que du second lit.
Ils ont produit un acte du 21 octobre 1714» par lequel
M arguerite ,y e s c h a m b e s , autre fille du second l i t , en approu
vant , est-il d i t , tous actes c i - d e v a n t fa its.e t règlemens de ses
d r o its , cède et transporte audit Jacques V escham bes tous sesdits droits , parts et portions èsdites successions de ses défunts
père et mère et autres q u elco n q u e s, m o ye n n an t la somme de
750 fr. et une bourète de ¡vache; a u ( m oyen de quoi elle quitte
et renonce auxdites
successions > et ià toutes
autres
directes
et collatérales échues et à échoir g é y ^ ’alerrrrrtt quelconques.
E n cet é t a t , Jacques Y a la r ch e r est décédé. Françoise Vescham bes , sa femme , a repris l’instance. Jeanne V alarchcr et
A n to in e F a u c o n , ses gendre et fille , sont interven us, et ont
adhéré aux conclusions prises par leur beau-père et belle-mère.
Ils ont répondu à
l’acte du 21
octobre
1714 , produit par
les sieur et dam e de D i e n n e , que cet acte étoit nul
com m e
�<*>£■
( «
/
)
contenant une renonciation à des successions échues et à é c h o ir ,
uniquo pretio.
L a cause portée à l ’audience , jugement est intervenu le 8
prairial an 1 1 , contradictoire entre les p a rtie s, doht voici les1
principaux motifs et le dispositif.
‘
« A tten d u , est-il dit , enlr’autrés motifs , que Jacques Y e s » cliambes ayant renoncé à la succession de son père, ses en'ans
» ne peuvent pas prendre sa place et succéder à leur aïeul.
» ï°. Jacques V esch a m bes n ’étoit pas marie a 1 époque de la
» m o rt de son père ; il ne s’est m arié q u ’en 1 7 0 7 , et son père
» étoit m o rt avant le 2 mars 17 0 0 ; ses enfans n ’étoient à cette
» époque ni nés ni c o n ç u s , et la renonciation de Jacques V e s » chambes ayant un effet rétroactif au m om ent de la m ort de son
» père , ses enfans ne pouvoient pas venir à la succession de
» leur aieuli 20. L e s enfans de Jacques ne pourroient venir à
» la succession de leur aïeul que par représentation de leur
» père : il est de principe consacré par une jurisprudence irrévo» cable , qu ’on ne représente pas une personne vivante.
» A tten d u que par l ’acte du 21
octobre 1 7 1 4 » passé entre
» Jacques Vescham bes et Marguerite sa sœur , du second l i t ,
» par lequel ladite Marguerite a renoncé aux successions de ses
» père et mère , et autres collatérales échues et à échoir , au
» profit
de
Jacques ,
m o yenn an t 760 fr . et
une
bo u rète,
>> ladite M arguerite a déclaré q u ’elle avoit fait des actes , par
» lesquels elle avoit réglé ses droits successifs dans lesdites suc» cessions; que la
som m e de y 5 o fr,
» légitime portion dans
les biens de
étoit sa
juste part
sesdits père
et
et
mère ;
» pour avoir une parfaite connoissance de leur co n sista n ce , et
» qu ’en subrogant par le m êm e
acte sondit frère à tous ses
» droits , pour par lui en avoir son recours sur lesdites succcs» sions , ainsi qu’il aviseroit, elle ne lui a point cédé scs droits
» rescindans et rescisoires, d ’où il résulte q u ’il n ’a e u , en vertu
* de cet acte de 1 7 1 4 » d ’autres droits que celui de demander
B 2
�(' «
)) à la succession de son
père la
)
somme
de 7 5o
fr. , et la
» bourète.
» A tten d u
q u ’ayant renoncé à la succession de son père ,
v Jacquçs Vescham bes s.eroit aujourd’hui non-recevable à criti—
» quer le testament dè son p ère ; et que cette fin de non-rece» voir ne peut être valablement opposée à un héritier repré;> sentant ledit Jacques.
» L e tribunal déboute les sieur et dame de D ien n e de leur de» m ande tendante à .ce que la.succession de Jacques V escham bes
» soit composée d ’une portion des biens de François Y escham bes :
» ordonne que la succession de Jacques Y escham bes sera com posée,
» 1°. du quart des biens de M arie la Jarrige sa m è r e , et des inté-
» rets à compter de 1 7 5 8 , époque à laquelle Jacques V escham bes
« s’est absenté, et a cessé de jouir en com m un des biens de F ra n » cois son, père; 20. des biens par lui acquis,, des jouissances telles
» q u ’elles sont fixées par le jugement du C a n tal , du iG ventôse
» an 8 ; 5°. de la somme de 7^0 fr. et de la valeur d ’une bou» r è t e , pour le prix de la subrogation à lui faite par M arguerite
» V e s c h a m b e s , sa sœur du second l i t , par l’acte du 21 octobre
» 171/f, avec intérêts à. compter de 17 3 8 ; 4 “. des créances que
» les parties de D u bois établiront avoir été payées par Jacques
» en l’acquit de la succession de François V escham bes , avec les
» intérêts à compter de 1 7 5 8 , si mieux n ’aiment les parties de
» D u bois rendre compte des jouissances du domaine de la B u lg e ,
» à compter de 1701 , jour du bail fait par Jacques Vescham bes
a des bienç.fje spn( p è r e , à la. déduction des nourriture et entre» tien des frères et sœur dudit Jacques; auquel c a s , le tribunal
)i ordonne que les intérêts des créances ci-dessus entreront dans
» 1.) tuasse de la succession de Jacques V es ch a m b e s, à com pter
» de l’époque où elles ont été pavées par ceux de la créance de
» 760 fr. et dç la valeur de la bom ète , et entreront dans la
» n ia s s e , de ladite successiot) à çpmptv«’ du 21 octobre 1714 , et
» ceux de la portion de la dot do Marie la Jarrige revenant à
» Jacquts V e s c h a m b e s , à compter de la m ort de François V e s -
�» c h a m b c s , sa u f aux demandeurs à lenir compte aux défendeurs
» des créances que ceux-ci prétendent et justifieront avoir payées
» en l’acquit de Jacques V e s c h a m b e s, suivant la liquidation qui
» en sera faite par les experts qui seront nom m és , et c e , sur les
» pièces que les défendeurs leur remettront : sur le surplus des
» d e m a n d e s, m et les parties hors de c o u r , dépens compensés. »
L e s sieur et dam e de D ienne ont interjeté appel de ce juge
m ent par acte du 6 germinal. L a veuve V alarcher s ’est rendue
aussi appelante par acte du 14 du m êm e mois , en ce que toutes
les conclusions par elle prises ne lui avoient pas été adjugées.
P endant que les parties étoient ainsi en instance au tribunal
de M u r â t , pour fixer la consistance de la succession de Jacques
V e s c h a m b e s , dont le partage a été ordonné par l’arrêt de celle
c o u r , du 2 thermidor an 8 , confirm atif à cet égard du jugement
de S a in t-F lo u r,
elles exécutoient l’autre disposition du même
a rrê t, q u i , avant faire droit sur l'appel incident interjeté p a r le s
sieur et dam e de D ien n e du jugement de S a in t-F lo u r, en ce que
par ce jugement ils avoient été condamnés à rembourser la somme
de i 5 oo f r . , prix du tra ité , nonobstant la renonciation faite à
la succession de D o u h e t , avoit ordonné une enquête sur le fait
d ’imm ixtion. 11 a été procédé de part et d ’autre devant le tri
bunal de M u r â t , com m is à cet e f f e t , à l’enquête et contreenquête.
L a cour a ainsi à statuer sur trois appels:
i°. Sur cet appel in cid e n t;
2°. Sur le nouvel appel interjeté par les sieur et dame de D ienne
du jugement de M u r â t , dont on vient de rendre co m p te;
E l sur l’appel incident de ce m êm e ju g e m e n t, interjeté par la
veuve V alarcher.
L e lout a été joint par arrêt du oo germinal dernier.
On ne s’occupera point ici du premier de ces trois appels; il
suffira de discuter à l’audience le mérite des enquêtes.
O n ne s’occupera que de l’appel respectivement interjeté par les
pnrlies du jugement de M urut , cl on ne proposera m êm e que
quelques réflexions.
�■ l*
( H
)
Depuis leur appel, les sieur et dame de D ie n n e , par la com
munication q u ’ils ont prise des pièces des adversaires, et par la
recherche des actes énoncés dans ces pièces , ont eu connoissance,
i°. D ’un acte passé entre Jacques V escham bes et Catherine
C o m b a rd le 3 mars 1710. Par cet acte , Catherine C o m b a r d ,
tant en son nom propre et privé que com m e m ère pieuse de ses
e n fa n s, et dudit François V e s c h a m b e s , a subrogé ledit Jacques
Vescham bes aux droits et hypothèques, part et portion que sesdits
enfans pouvoient prétendre sur la succession de leurdit défunt
p ère, soit par la destination portée au contrat de mariage de leur
feu père avec ladite C o m b a r d , qu’ autrem ent ; sa vo ir, pour C a th e
rine V e s c h a m b e s , fille a în é e, la som m e de 800 f r a n c s , et en.
p ayem ent d ’ic e lle , la maison , jardin et hérial , quatre brebis
et quelques m eub les; pour M arguerite et Françoise V e s ch a m b e s,
la somme de 600 fr. ch a cu n e ; et pour A n to in e et P ie r re , celle
de 55 o fr. chacun. L ad ite C o m b a rd , traitant ensuite de ses
droits personnels, cède et transporte audit Vescham bes tous ses
d ro its, est-il d i t , actions e t prétentions qu*elle a par préférence
sur les biens de Vescham bes son m ari, en quoi qu'ils consis
tent ou puissent co n sister, e t , par e x p r è s , le m ontan t de ses
conventions matrimoniales rappelées dans l’ acte , m o yen n an t la
som m e de 2700 fr. , dont partie est payée co m p ta n t, et le surplus
stipulé payable à terme. C e t acte a été découvert depuis l’appel'.
20. D u contrat de C atherine V esch a m bes l’alnée des enfans
du second l i t , du 14 mars 1 7 1 0 , par lequel elle se constitue par
exprès la maison , jardin et hérial à elle délaissés par le précédent
acte ; ce qui est de sa part une approbation dudit acte.
5°. D ’ un acte du 4 juin 1744* P ar lequel ladite Catherine V e s
chambes , fem m e N a u fa r y , alors v e u v e , cède et transporte à
Jacques V a la r c h e r , mari de Françoise Veschambes , c e qui pouvoit
lui rester du com m e héritière contractuelle de ladite Catherine
C o m b a r d , des causes du traité dudit jour 5 mars 1 7 1 0 , en ca-?
pilai ou intérêts , m oyenn an t la somme de 2000 fr,
�t)
( i5 )
4°. D ’un acte du i 5 février 1745 en Ire M arguerite Y e sclia m b e s,
qui avoit cédé ses droits à Jacques V e s ch a m b e s, par l ’acte du 21
octobre 1 714 rappelé ci-dessus, d ’une p a r t , et Valarclier d ’autre
p a r t , par lequel les parties , est-il d i t , étant venues à compte des
causes dudit tra ité , il s’est trouvé resté dû à ladite Y e s c lia m b e s ,
en capital ou intérêts, la somme de 749 fr* sur laquelle M arguerite
Vescham bes fait remise de celle de 124 f r . , et Y alarclier paye ou
s ’oblige de payer le surplus.
T e l est l’état de la cause.
Si le jugem ent de Saint - F l o u r , qui n ’ a point été attaqué
en cette p a r tie , avoit déclaré les sieur et dame de D i e n n e , à
défaut
d ’indication d ’autres b i e n s , no n -re ce va b le s
seulement
quant à présent dans leur demande en partage de la succes
sion d 'A n to in e , la question desavoir si les biens é to ien tsu rla tête de
Jacques ou d ’A n to in e seroit oiseuse ; ce qu ’ils n ’auroient pris dans
la succession de Jacques, ils l’auroient pris dans celle d ’A n t o in e ,
sa u f le prélèvement en faveur de V escham bes et V alarcher des
deux donations, de la destination paternelle, et des droits échus
de la m è r e , consistant pareillement dans la destination faite par
celle-ci.
Mais] le jugement les a déclarés indéfiniment non-recevables ,
et les adversaires se prévalent de cette disposition.
A v a n t , tout étoit à Ja cq u e s, et rien à A n t o i n e ; aujourd’hui
tout est à A n t o in e , et rien à Jacques.
L e s sieur et dame de D ien n e ont été exclus du partage de
la succession d ’Antoine. Il a été jugé e ffe c tiv e m e n t, et cette
disposition qui n ’a point été attaquée a acquis l ’autorité de la
chose jugée , q u ’ils n ’avoient rien à y réclamer.
M ais il a été jugé aussi que la succession consistoit unique
m ent dans la som m e de 1000 fr. destinée par le p è r e , et dans
les droits échus par le décès de la m è r e , droits qui se réduisoient pareillement à la destination faite
par lu mère dans le
�V!
( iS
co n lra l de mariage de
)
Callierine V cscham bes avec N a u f a r y ,
par lequel co n lra l de mariage la mère avoil institué ladite C a
therine Vcscham bes pour son héritière.
Les
adversaires ne peuvent pas scinder les dispositions du
jugement.
S ’ils ve u le n t,’ en vertu
du
ju g e m e n t , exclure
les
siéur et dame de D ien n e de la succession , il fa u t q u ’ils reconnoisscnt en même temps que cette succession se réduisoil aux
deux objets ci-dessus , à la destination à lui faite par le p ère ,
et à celle faite par la mère.
S ’il en étoit au tre m e n t, ils profiteroient de leur dol contre
la m a x im e , Nernini sua Jraus 'patrocinan debet.
L orsque pour parer au partage de la succession d ’A n t o i n e ,
ils ont borné la succession au m ontant de la destination pater
nelle
et
maternelle , lorsqu’ils ont
déclaré qu’ il n’ avait pas
drautres biens , ils ont volontairement renoncé à l’ effet de la
sentence de l ’élection de S a i n t - F lo u r , à l ’effet de la renoncia
tion de J a c q u e s , et de tous les autres actes q u ’ils opposent au
jourd'hui.
C e lle observation seule dispenseroit d ’entrer dans une plus
grande discussion ; mais allons plus loin.
P o n r r o i t - o n scinder le ju g e m e n t ; v o u d r o i t - o n
décision du
m o t if ,
faire abstraction
de
la
séparer
déclaration
la
des
adversaires ; il seroit facile d ’établir q u ’A n toin e n ’ avoit effec-*
tivement pas d ’autres biens.
C ’est une erreur d ’avancer qu'il étoit héritier institué du pèrer
il n ’avo it, par le testament du père , qu'une som m e de io o o fr,
A la vérité il est dit q u ’à défaut d ’élection de la part de la
mère , le père le no m m e dès à présent pour son héritier. Maid
ce n ’est q u ’à défaut d ’élection ; et la mère
elle-même n ’ étoit!
tenue d ’élire, e i d e remettre l’hérédité, q u ’en cas de convoi, L a
v o c a t i o n d ’ Antoine à l'hérédité, dependoit d ’une double condi
tion , du défaut d ’élection , et encore du cas de convoi ; et de
ces deux 'conditions subordonnées elle-mémcs l’une à l’autre , la
p rincipale, le cas du co n v o i, n ’est point arrivée. L a sentence de
l ’élecliou
�( *7 )
l'élection de Saint-FIour n ’a pu lui donner un droit qu’il n ’avoit
pas. Cette sentence porte sur un fait inexact. A u surplus , elle
a été rendue par défaut , et elle est susceptible, et d ’opposition,
et d ’appel ; les sieur et dame de D ienne sont encore en temps
utile pour l’attaquer. En e f f e t , par l ’arrêt du 2 thermidor an 8 ,
confirm atif à cet égard du jugement de Saint-FIour , la cession
faite par A n n e V escham bes et son mari de leurs droits dans la suc
cession de Jacques V escham bes , a été an n u llée, et les parties
remises au m êm e et semblable état q u ’elles étoient avant ladite
cession. L a cession est du a 3 juillet 1744*
sentence de l ’élec
tion de S a in t-F Io u r est de 1743. Il ne s’étoit écoulé entre la
sentence et la cession qu ’un an. À
l ’époque de la cession , les
sieur et dame de D ienne étoient donc en temps utile pour atta
quer la sentence, soit par la voie de l ’op p osition , soit par la
voie de l’appel ; et par l’arrêt de la cour ils ont été remis au
m êm e état q u ’ils étoient alors. O11 ne pense pas que les adver
saires insistent sur une sentence évidem m ent surprise à la reli
gion du tribunal qui l ’a rendue. D a n s tous les c a s , les sieur
e t dam e de D ie n n e déclarent subsidiairement s’en rendre inci
d e m m e n t appelans.
A n to in e n ’avoit donc , par le testament du
père , que la
som m e de 1000 fr.
P a r le décès de Catherine C om b a rd , il n ’a eu
également
q u ’une destination en argent. O n a vu que Catherine C o m b a rd
a institué pour son héritière Catherine V escham bes sa fdle aîn ée,
fem m e N a u fa r y .
Q u e les adversaires ne disent pas qu’ils sont également aux
droits de Catherine Vescham bes , au m oyen de la cession et subro
gation que celle-ci leur a consentie par acte du 4 juin 1744; car il
fa u t bien remarquer que cette cession n ’est que particulière. Par
cette cession , Catherine Vescham bes n ’a pas cédé la généralité
de ses droits ; elle n ’a pas cédé l’effet de l’institution contrac
tuelle faite en sa faveur par ladite Catherine Com bard : elle n ’a
cédé que le restant des sommes ù elle dues des causes du traité
C
�( i8
)
ilu S mars 1 7 1 0 , passé entre Jacques Vescham bes et Catherine
C om b a rd .
(¿u'on ne dise pas encore q u ’alors les biens aurolent appartenu
à ladite Catlierine V esch a m b e s, en vertu de l’institution faite en
sa f a v e u r , et que les sieur et dame de D ienne seroient également
sans dro it; c a r , indépendamment de l ’acte du 3 mars 1710 , par
lequel la mère, avant de marier sa fille, avoit déjà cédé et transporté
à Jacques Vescham bes tous les droits, actions et prétentions qu’elle
avoit sur les biens de son m a r i, lesquels n e pouvoient , par con
sé q u en t, faire partie de l’institution, on opposeroit la prescription
.de près d ’un siècle ; prescription que Catherine Vescham bes ne
pourroit écarter sous prétexte de co h a b itatio n , ayant été m a riée ,
et hors de la m a iso n , dès 1710.
E t cette prescription n ’a point p ro fité , m êm e en partie , à
A n to in e . Ici on com battra les adversaires par leurs propres armes.
-Leur défense contre la demande form ée par les sieur et dame de
D i e n n e , du c h e f d ’A n to in e , en réduction de l’institution faite par
François en faveur de Catherine C om b a rd , soit au quart d ’après
la C o u tu m e , soit à la portion de moins prenant d ’après l ’édit des
secondes n o c e s , défense consignée dans l ’attendu du jugement de
S a in t-F lo u r , a été q u ’A n to in e ayant approuvé la destination de lé
gitime à lui faite par le p è r e , il ne p ou v oit, ni les sieur et dame de
D ie n n e de son ch ef, demander laréduction. On va tourner contr’eux
le mêm e m oyen. L e légitimaire qui approuve la destination devient
étranger aux événemens de la succession ; il y est aussi étranger
que la fille forclose : il n ’a pas m êm e droit aux réserves coiiîuniières. C ’e s t , en effet , un principe constant , que le légitimaire
ne peut cumuler la destination et les réserves coutumières. A n
toine ayant approuvé la légitime n ’a donc pu p ro fiter, mêm e en
p a r t i e , de la proscription qui s’est acquise contre Catlierine V e s charnbes.
C V s t donc sans fondement , et contre la teneur des a ctes, que
les adversaires, changeant de langage, ont soutenu an tribunal de
M urât que la propriété résidoit sur la tête d ’A n toin e V escham bes.
�y
c 19 )
L e seul titre apparent à l ’appui de celte prétention in ju s te , est
la sentence obtenue en l ’éleclion de Saint-Flour. M ais cette sen
ten ce , contraire aux termes du te s ta m e n t, susceptible d ’être atta
q u é e , et attaquée en effet par l’appel incident qu ’on a déclaré in
terjeter , ne sauroit être d ’aucune considération.
V oudroit-on donner à cette sentence tout son effet ? elle a con
firmé le testam ent; elle a jugé que l'institution testamentaire devoit profiler à A n to in e : mais elle n ’a , ni p u , ni entendu donner au
testament plus d ’effet q u ’il 11c pouvoit en avoir. O r le testament,
s’il ne pouvoit êlre s u j e t , à l’égard d ’ A .n lo in e , au retranchement
de l ’édit des secondes noces , éloit toujours sujet à la réduction
au quart de la Coutum e. C ette sentence n ’auroil jamais opéré
contre Jacques Vescham bes une forclusion tolale.
E t qu ’on ne dise pas que Yattendu du jugement de Saint-Flour
a jugé que les sieur et d a m e de D ien n e ne pouvoient s’aider de
la réduction j car c ’est du ch e f d 'A n to in e , com m e A n toin e a ya n t
approuvé le testa m e n t, et non du ch e f de Ja cqu es, qui n ’a jamais
rien approuvé , et de la consistance de la succession duquel on ne
s’est m êm e pas occu p é, parce q u ’il falloit avant tout savoir si on
seroit admis au partage de sa succession, si le traité seroit annullé.
Sur qui résidoit la propriété du domaine ? non , encore une. fo is ,
sur la tête d ’A n t o in e , q u i, au contraire , étoit réduit à une légitime
en deniers , tant du c h e f du père que du ch e f de la mère , mais sur
la tête de Jacques , qui à sa portion directe réunissoit, ou à litre
successif par le décès ab intestat * ou par cession et tra n sp o rt, la
portion de presque tous les autres frères et sœurs.
N ous disons à titre successif: les deux enfans du prem ier l i t ,
Jean et Marguerite 1” . du n o m , sont décédés ab intestat cl sans
enfans.
P ar cession : Catherine C o m b a r d , par l ’acte m êm e du 5 mars
1710 , a cédé et les droits q u ’elle am endoit, et les droits et portions
héréditaires de chacun des enfans du second l i t , à la charge par
Jacques V esch a m bes de payer tant à chacun.
�( 20 )
Catherine Vescham bes a ratifié cet acte le le n d e m a in , en se
constituant dans son contrat de mariage ce qui lui avoit été assuré
par ce traité. Elle l ’a ratifié plus expressément encore , en cédant
depuis à V alarch er ce qui lui restoit du des causes dudit traité;
et V alarch er l’a approuvé lui-m êm e en prenant celte cession.
C o m m e aux droits de cette Catherine V escham bes Jacques V e s
cham bes a eu d r o it , non-seulement à la portion héréditaire qu ’elle
a m e n d o it, mais encore à la somme de 5 ooo fr. donnée par préciput au premier des e n f a n s , filles ou m â le s, à naître du mariage.
M arguerite 3*. du nom , veuve R o ch e , l ’a approuvé, el expres
sément par l’acte du 21 octobre 1 7 1 4 > e t ta citem en t, en ne reve
nant point dans les dix ans ni dans les trente.
V en on s au m o t i f qui paroit seul avoir déterminé les juges de
M u r â t à la renonciation de Jacques.
Quelle que soit cette renonciation , le jugement contient d ’abord
une erreur : A tte n d u , porte un des motifs , qu’ ayant renoncé à
la succession de son pcre , Jacques Vescham bes seroit aujour
d’ h u i non-recevable à critiquer le testament de son père. C ’est
en quoi les juges ont erré. Sans d o u te , pour demander la réduc
tion au quart portée par la C o u t u m e , il faut être héritier: mais
il n ’en est pas de mêm e pour le retranchement de l’édit des se
condes noces ; il n ’est pas nécessaire d ’être héritier pour demander
la réduction portée par l ’édit. Q u ’on lise P o t h ie r , L e b r u n , traité
des Successions; R i c a r d , nom bre
i
3 o i ; R e n u s s o n , t ra ité jie la
C o m m u n au té . L a raison e st, qu ’ils tiennent ce bénéfice d e l à lo i,
non com m e héritiers, mais co m m e enfans. L'institution faite par
le testament de François en faveur de Catherine C o m b a r d , n ’étoit
pas seulement réductible au quart d ’après la C ou tu m e ; elle étoit
encore réductible à la portion du
moins prenant par l ’édit des
secondes noces ; et quelque effet qu ’on veuille donner à la renon
ciation de Jacques V e s c h a m b e s , il auroit toujours eu droit au
retranchement. Pour l ’en exclure, il faudroit q u e lle comprit expres
sément le retranchement.
�- M ais quelle est c e lle renonciation ? D e quel poids peut être
une renonciation , qui n ’a été opposée q u ’aux créanciers pour sus
pendre leurs poursuites!, qui a demeuré sans effet dansila fa m ille ;
nonobstant laquelle il a j o u i , et non-seulement jo u i , mais -vendu,
et fait tous les actes de propriétaire.
' E t qui oppose cette renonciation ? une fille du r e n o n ç a n t , F ra n
çoise Vescham bes , qui seroit elle-même exclu e, si la cour s’y
arrètoit.
C e lt e renon ciation, dans aucun cas , ne pourroit com prendre
que la portion directe ; elle ne pourroil comprendre les portions
q u ’il a acquises des frères et sœurs , ou par cession et transport,
ou par leur décès ab intestat , com m e on vient de l’expliquer.
E t dans ces portions des frères et sœurs il auroit r e p r is , en
p a r tie , m êm e la portion directe qui par la renonciation se trou
verait avoir accru à tous les frères.
L e bu t q u ’on se propose dans ce m om ent n ’étant que de don
n er une idée de la c a u s e , on ne s’étendra pas davantage. O n se
réserve de développer à l ’audience les m o yens qui se présentent
pour écarter cette renonciation.
O n ne dira également q u ’un m ot sur le m o t i f que les juges ont
inséré dans le ju g e m e n t, relativement à la cession faite par M a r
guerite V escham bes 3*. du nom , par l ’acte du 21 octobre 1 7 1 4 .
Ils ont décidé que cet acte n ’assuroit à Jacques V escham bes qu ’une
reprise de 750 i r . , et non le droit de réclam er la portion héré
ditaire de ladite M arguerite V es c h a m b e s; parce q u e , d ise n t-ils
elle a annoncé dans cet acte que ses droits avoient été précédem
m e n t réglés , et qu ’elle n ’a pas cédé les actions rescindantes et
rescisoires.
E t quel besoin avoit-elle de céder les actions rescindantes et
rescisoires, puisque c ’est avec Jacques V escham bes lu i-m êm e que
les droits avoient été précédemment réglés par l ’acte du 3 mars
1790?
Q u importe q u ’elle n ’ ait point cédé le« actions rescindantes et
�rescisoires , puisqu’elle n 'a point réclam é ; et que non-seulem ent
elle n ’a point r é c la m é , m ais que soit e lle , soit Jacques V a la r c h e r , on t tout a p p ro u v é , tout ratifié par l ’acte portant arrêté d e;
co m p te , du 15 février
M ' . P A G E S - M E I M A C , jurisconsulte»
M*. C R O I Z I E R , avoué.
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la C o u r d ’appel. '
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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Description
An account of the resource
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. De Dienne, Vital. An 13?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès-Meimac
Croizier
Subject
The topic of the resource
renonciation à succession
successions
gain de survie
secondes noces
contumace
généalogie
biens dotaux
droit coutumier
homicides
testaments
confiscations
élevage bovins
Description
An account of the resource
Titre complet : Précis pour Sieur Vital de Dienne, et dame Jeanne-Marie de Douhet son épouse, appelans ; contre Françoise Veschambes, veuve de Jacques Valarcher, Jeanne Valarcher, et Antoine Faucon son mari, intimés et incidemment appelans.
Arbre généalogique.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 13
1685-Circa An 13
1661-1715: Règne de Louis XIV
1716-1774: Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
22 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1603
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1604
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53277/BCU_Factums_G1603.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Cheylade (15049)
Le Buge (domaine de)
Espagne
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
biens dotaux
confiscations
contumace
Droit coutumier
élevage bovins
gain de survie
généalogie
homicides
renonciation à succession
secondes noces
Successions
testaments
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53215/BCU_Factums_G1401.pdf
3f1665a761f135c06f078a6da23adb33
PDF Text
Text
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M
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ËT
M
O
I
R
aa-n T M
E
C O N S U L T E R ,
C O N S U L T A T I ON,
POUR
Dame M arie -A nne FILION-BANTIN, veuve
de N icolas BONCH RETIEN h a bitante de
la ville de Moulins, intimée ;
CONTRE
P
ie r r e
- Clau
de
p r o s t
, o fficier d e
habitant du bourg de Souvigny
d’Allier appelant.
sa n té
, département
J ’ A v o i s contracté un premier mariage avec Nicolas
Bonchrétien ; e n mourant il m ’a comblé de bienfaits:
devenue veuve et sans enfans, ma position piqua l’am
bition du citoyen Prost; il vit ma fortune, et en devint
amoureux. J ’eus la facilité de croire qu’ il l’étoit de moi ;
•
J eus
aussi celle de lui donner ma main . Cet homm e est
A
�,
( 2 )
]c plus inconstant que l’on connoissc; sous des manières
douces il cache presque tous les vices. P o u r preuve de
son inconstance} je n’ai besoin que dé citer son change
ment de résidence de C hâlon s-sur-S aôn e à Bourbonl’A rch am b au d , de Bourbon - l’Archambaud à M oulins,
de Moulins aux armées dé la république, et enfin, des
armées & B e n a y , près Souvigny. Quant à ses vices, ils
sont n o m b r e u x , et je m ’abstiendrai de tout détail sur
ce point. Je dirai seulement que sa conduite envers moi
fut te lle , qu’après dix mois de mariage je fus forcée de
demander contre lui la séparation de,corps et de biens,
p o u r cause de sévices et mauvais traitemens de tout genre,
pour cause tîb la dissipation de mes biens. lIssu de parens
sans éducation, sans autre patrimoine que sa lancette ,
le citoyen Prost étoit incapable de procédés honnêtes
et d’une bonne administration. ( Il ne peut pas nier le fait de
jna demande en séparation, puisque, dans une assigna
t i o n du 2 brumaire an 7 , >1
demander le r e m b o u r
s e m e n t d e t à u s le s d é p e n s q u e j e l u i a i o c c a s i o n n é s p a r
ma
d e m a n d e e n s é p a r a t io n , d u 10 m a i
1788 ).
M a première démarche fut de faire des saisies-arrêts
entre les mains de mes débiteurs, et de les dénoncer au
citoyen P ro s t, en conformité de l’article G V III de la cou
tume de Bourbonnais. Ceci étoit une entrave aux jouis
sances du citoyen Prost; il vit que celle de mes biens
alloit lui échapper, il employa mes parens et nos amis
.communs. J e pardonnai ; j’y fus engagée par quelques
témoignages de vepenlir. L a procédure lut anéantie,
et le citoyen Prost garda la possession de tous mes biens.
Il est des caractères que l ’on ne peut pas plus retenir
�( 3 )
que la p ie rre , lorsqu’elle est lancée. Celui du cit. Prost est
de cette sorte.Il recommence comme de plusbelle: nouveaux
excès de tout genre : sa façon d’agir envers m oi lui attire
l’indignation publique en la ville de Moulins. En 1 7 9 1 ,
ainsi pourchassé par l’opin io n , il se jette dans un bataillon
de volontaires ; il y sert comme officier de santé : mais
avant son d é p a rt, il enlève tous les papiers, actes, tout ce
qu’il y a de plus précieux dans la maison. Ce qu’il ne peut
pas em porter , il le dépose entre les mains-d’un sien ami
(„le cit. M auguin, marchand à Benay, auquel il donne sa pro
curation générale. ) Il me délaisse absolument : je lui écris
plusieurs fois; point de réponse. J e suis réduite à demander
en justice une pension : je l’obtiens d’un tribunal de famille.
A la compagnie du citoyen Prost ma vie avoit été en
danger: ma dot l’étoit aussi; il m ’avoit laissée sans pain.
T a n t de maux accumulés sur ma tête m’avoient fait former
la resolution d e p a sse r e n c o r e à la séparation de corps et
de biens, pour n’avoir plus à craindre la d is s ip a tio n et la
tyrannie de cet homm e : mais j’étois retenue par l’espoir
mensonger de le ramener : mais j’étois rebutée par l’éclat
inséparable d’une instruction en séparation de corps. Enfin
parut la loi du 20 septembre 1 7 9 2 , sur le divorce: je l’ai
provoqué , et il a été prononcé p o u r cause d’'incompa
tib ilité d'hum eurs et de ca r a ctè res, le 11 nivôse an 2. J ’ai
pris ce mode , i ° . pour donner au citoyen Prost le temps
de faire des réflexions u tiles, et de r e n t r e r dans la voie de
l’honneur ; 20. pour n’avoir pas à publier davantage ses
torts graves envers moi. Je n’ai pas réussi : le cit. Prost
a dédaigné tous les moyens de rapprochement.
«Te sens tout l’odieux attaché au divorce ; mon adverA 2
�(4)
'saire le met toujours en avant pour me rendre défa
vorable: mais que ceux qui auroientle moindre penchant
à recevoir cette impression, prennent pour un instant ma
place ; qu’ils se représentent tous les maux que j’ai
essuyés de sa part. J e l’avois tiré de la misère ; je l’avois
co m b lé; par mes bienfaits il jouissoit de la plus gcande
aisanco, etc. P o u r récompense de tout le bien que je lui
ai f a it , il m ’a accablé de m épris, de mauvais traitemens,
de cou ps, etc. J e le dirai cent fo is , mes jours étoient
exp osés, ma dot fétoit aussi : alors la voie de la sépa
ration de corps et de biens n’avoit plus lieu ; je fus donc
forcée de prendre celle du divorce. L e ciel est témoin
que je ne conçus jamais l’idée d’un remariage , et que
si jamais les lois permettent de faire convertir les divorces
en séparations de co rp s, je serai la première à recourir
à ce remède. P o u r bien juger de la moralité d ’une action,
il faut descendre à la position de celui qui l’a faite : il
faut ne pas se décider par les apparences} elles sont pres
q u e toujours si trompeuses! Quiconque connoîtra les cir
constances de ma manière d’être avec le citoyen P r o s t,
se gardera bien de me jeter la pierre.
J ’ai poursuivi la liquidation de mes reprises;cette liqui
dation n’étoit que provisoire, parce que le citoyen Prost,
comme oilicier de santé près les armées de la république
jouissoit des privilèges accordés aux défenseurs de la patrie.
' L e citoyen P rost, revenu
M oulin s, recueilli parson
bon ami Mauguin , en a suivi les avis pernicieux. L e
citoyen Prost a demandé une liquidation définitive. J ’ai
fait tous les sacrifices possibles pour en finir plutôt : mais
l’affaire a été conduite de telle m anière, que quoique
�. ( 5 )
infiniment simple en s o i , elle est devenue ^ès-compliquée par tout ce que la mauvaise f o i , la ruse , etc. ont
p u imaginer de plus abominable. Six jugemens ont t j
rendus entre le citoyen Prost et moi ; il en a interjeté
appel; il a publié ses moyens dans un précis de 56 pages.
J e prie m on conseil de me dire ce que j’ai à espérer ou
à craindre dans cette affaire ; pour le mettre à même d’en,
bien j u g e r , je me sens obligée à mettre en évidence les
faits principaux de la cause.
M on contrat de mariage avec le citoyen P ro s t, est du
2. juillet 178 7; il contient, i Q. stipulation de communauté
de tous les biens meubles et conquêts
faire pendant le
m ariage; 20. mise de* 100 francs dans la com m unauté,
par chacun de nous , le surplus de nos biens devant nous
demeurer propres.
I'« citoyen Prost se constitua en dot le s b i e n s à l u i
a p p a r t e n a n t , qu’il déclara n e p o u v o i r e x c é d e r e n v a l e u r
l a s o m m e d e 10,000 f r a n c s . ( A v a n t la révo lu tio n , l’on
estimoit plus ou moins les hommes par leur avoir : celui
qui avoit cent mille francs valoit plus que celui qui n’en
avoit que dix. A la fin, l’estime eût dépendu des experts.
L e citoyen Prost avoit pour tout patrim oine, pour tout
pécule, sa personne. J ’en fais ici l’aveu : tenant un peu
au p réju g é , j’étois en quelque sorte humiliée d’épouser
un homme sans fortune; il partagea ce sentiment. P a r
cette considération puérile, le c o n t r a t f u t h o n o r é d e ■
10,000 f r a n c s , que le citoyen Prost n’eut jamais, et qu’il
n’aura jamais comme lui a p p a r t e n a n t ). T o u t son avoir sc
réduisoit i\ une petite maison qu’il avoit à Bourbonl ’Archam baud > et dout il n’avoit pas encore payé le prix.
�( 6 )
.
D e mon c ô t é , je me constituai en dot tous mes biens ;
je déclarai q u 'i l s n e c o n s i s t a i e n t q i i e n e f f e t s m o b i l i e r s ,
argent
c o m p ta n t , p ro m esses ,
a c te s,
m o n t a n t ¿1 la
som m e
o b lig a tio n s
et
a u tr es
d e 2 .7,0 0 0 f r a n c s ,
que
le d it s i e u r f u t u r é p o u x a r e c o n n u a v o ir e n s a p u is s a n c e :
ce sont les propres expressions du contrat.
J ’eus la faculté d’accepter la com m unauté, ou d’y re
noncer. Il fut exprimé que, dans les deux cas r j e l 'e t i r e r o i s
m e s h a b i t s , lin g e , J ia r d e s , t o i le t t e , d o r u r e s , d e n t e lle s ,
b a g u e s e t j o y a u x , o u , p o u r m e s b a g u e s e t j o y a u x , la
so m m e de
5oo f r a n c s ,
sans aucune imputation sur les'
choses sujettes à restitution. Dans le cas de renonciation
de ma p a r t, le citoydn Prost s’obligea à r e n d r e t o u t c e
q u ' i l a u i 'o i t r e ç u d e m o i o u ci c a u s e d e m o i , f r a n c e t
q u i t t e d e s d e t t e s d e la c o m m u n a u t é .
Enfin est la dernière clause, qu’il importe de transcrire
m ot pour mot : S i a u d é c è s d u p r é d é c é d é i l n 'e x i s t e
p o i n t ( T e n f a n s , t o u s le s p r o f i t s
te c o m m u n a u té a p
p a r tie n d r o n t a u s ie u r f u t u r .
En juillet 179 2 , je demandai, en tribunal de famille,
une pension alimentaire de la somme de 1,800 francs
par a n , payable de six mois en six mois et par avance,
pendant toute l’absence du citoyen Prost ; je demandai
en outre la somme de 5oo francs, pour acquitter les em
prunts que j’avois été obligée de faire pour subsister
depuis le départ du citoyen Prost ; j’accusai avoir reçu ,
i ° . une somme de 200 francs du citoyen P ro st, lors de
son départ; 20. celle de 120 francs pour location d’une
maison à Bourbon-rArchnt'nbaud.
Par jugement par défaut du 9 août 1 7 9 2 , le citoyen
�(7 )
Prost fut condamné à me payer une pension alimentaire
de 1,200rfrancs par a n , à compter du mois de novem bre
1791 , époque du départ du citoyen Prost. Ce jugement
m ’autorisa à toucher du citoyen F ilio n , et autres y dénom
més , différentes sommes qui formoient un total de
1,229 francs.j ü y ”avoit dès lors la somme de 29 francs en
sus du montant de la pension. J ’avois accusé les deux
sommes de 200 francs d’une part, et de 120 francs d’autre,
dont je viens de parler: total, 349 francs. L e tribunal cfe
famille m’adjugea ,,en ou tre, cette somme pour payer mon
loyer , les gages de ma domestique et les frais du jugement
arbitral. Ces frais s’élevoient à entour i5 o francs; en sorte
qu’il me demeuroit à peu près la somme de 200. francs. *
L e 29 thermidor an 2 , j’obtins un second jugement
contre le citoyen P r o s t , portant liquidation provisoire de
mes reprises contre lui. Je crois devoir rapporter ici le
dispositif de ce j u g e m e n t ( 1 ) .
(1) Avons dit et statué que provisoirement la veuve Bonclirétien
est autorisée à réclamer contre Claude P ro st, avec lequel elle a
d iv o rcé , la somme de 27,000 f r a n c s , que par son contrat de
m ariage, du 2 juillet 1 7 8 7 , elle s’est constituée en d o t , tant en
effets mobiliers qu’argent c o m p ta n t, promesses, obligations, et
autres actes que le citoyen Claude Prost a reconnu avoir en sa
puissance, et dont il a donné quittance par le contrat même; pour
le 1’ecouvrem ent de laquelle somme elle pourra suivre l’effet des
saisies-arrêts par elle faites les 28 février et 13 août 1 7 9 3 , et
exercer telles autres poursuites qu’elle avisera bon être. L a eitoy.
Veuve Bonclirétien se m ettra pareillement eu possession des im
meubles procédant de son c h e f , et d o n t , pour en exercer la
jouissance, elle tse fera rem ettre, par son mari ou par tous autres
�C8 î
E n vertu de ce jugement je fis quelques poursuites
contre des tiers; j’en exerçai contre le citoyen Prost luimême. J e fis saisir et vendre quelques effets mobiliers
qu’il avoit dans sa maison à Bourbon-FArcham baud ; les
deniers de la vente, qui est du 11 nivôse ail 3 , sont encore
entre les mains de l’huissier, parce que d’autres créanciers
du citoyen Prost firent des saisies-arrêts entre les mains
de cet huissier.
E n germinal an 4 ,1 e citoyen Prost revint à M oulins,
en vertu d’un congé absolu. L e 9 pluviôse an 5 , près
d’un an après son reto u r, il me cita en conciliation sur les
demandes qu’il annonçoif vouloir form er contre m o i , en
restitution, i° . des sommes et papiers qu’il suppose que
je lui aifu rtiv em en t et clandestinem ent { cesontses propres
termes) enlevés dans le courant de 1788 ; 20. de tous les
meubles et effets, marchandises , titres, papiers existans
dans son domicile A M oulins, et dans sa maison ù J3ourbonle s -B a in s j 30 .de pnpici-s re tira s par moi des mains du citoyen
M auguin ; pour être ensuite procédé A la liquidation des
droits respectifs des parties.
L e i 5 ventôse an 5 , procès verbal de non-conciliation ;
point d’assignation de la part du citoyen Prost.
L e 9 floréal an
5 , vente par le citoyen Prost de sa maison
à Bourbon-rArcham baud, au citoyen Jardiller, officier de
santé. Opposition de ma part au bureau des hypothèques,
lettres de ratification obtenues par l’acquéreur. L e 3 fruc
dépositaires, les litres des propriétés et jouissances, sauf à la c ito y .
veuve lionchrétien à fiiiro valoir, au retour de sou m a ri, tous
autres d ro its, etc.
tidor
�( 9 )
tidor suivant, demande de ma part en rapport et déli
vrance du p rix de cette vente.
L e 3 brumaire an 7 , assignation à la requête du citoyen
P ro st, contre m o i’, assignation en vingt-quatre rôles de
minute. Il demande que, sans s’arrêter au jugement du 29
thermidor an 2 , portant liquidation provisoire de mes
reprises , je sois condamnée à lui rapporter dans quinzaine
to u t ce q u i l a laissé com posant la com m unauté ) q u i
ex ista it entre lu i et m o i, notam m ent en la m aison de
M o u lin s ' savoir : les meubles m eublans, les actes de cession et subrogation de meubles et im m eu bles, (q u ’il p ré
tend que je lui ai consentis sous seing privé , au mois de
juin 1 7 8 7 , c’est-à-dire, avant notre mariage ) , avec les
autres actes et papiers q u i concernaient tous et un
chacun les biens q u i m appartenaient, et d o n t, d it-il,
j e me suis positivem ent constitué en dot p o u r la som m e
de 27,000 j Fi'ancs ; p hes, Vargent c o m p ta n t , les effets ,
cré a n ces, m archandises , papiers , titres , prom esses,
obligations , m ém oires et quittances , ensemble ce u x
q u i l avoit en dépôt¿iBurges-les-Bains et autres endroits,
tels qu'entre les m ains du citoyen M auguin q u i en avoit
été chargé p a r le citoyen P r o s t , p o u r su iv r e , en son
a bsence, su r différens procès q u i ex isto ien t au temps de
son départ p our Tarmée ; et enfin le rapport de tous les
objets désignés ait susdit exposé et m ém oire ; ( ces e x
posé et mémoire sont dans le libelle de l’assignation ; ils
contiennent le d é ta il, i°. de quantité d’effels mobiliers;
2°. d’une bibliothèque ; 30. d’instrumens de chirurgie;
4°- d’une pharmacie; 5°. de nombre de papiers, actes, ctc.)
pour y api'ès les rapport et restitution des objets, étreproB
�( 10 )
cédé à la liquidation des droits respectifs des p a rties,
sinon et à défaut par m o i de fa ir e lesdits rapport et
restitution , que je sois condam vée au payem ent d elà
som m e de 32,000 J 'r a n c s, p o u r lu i tenir lieu de la portion ¿1 lu i revenant dans la com m unauté. Telles sont les
expressions des conclusions de mon adversaire.
M o n adversaire se permit de faire quelques saisiesarrêts comme de mes biens.
A u tribunal civil de l’A llie r , le citoyen Prost prit à
l’audience les mêmes conclusions. Il demanda main-levée
de mes saisies-arrêts, et opposition aux hypothèques, avec
600 francs de dommages-intérêts.
D e mon côté , je soutins , i Q. qu’avant son d é p a rt, le
citoyen Prost a voit enlevé tous les titres, papiers et obli
gations; 20. que les meubles que j’avois fait saisir et vendre
à B ourbon-rArcham baud , l’avoient été régulièrem ent,
en vertu dé la sentence du 29 thermidor an 2 ; et que
les deniers en étoientencore èsm.-»J»o dci'huïssier, ministre
de la vente , à cause des saisies-arrêts survenues d ep uis,
3 0. que la pharmacie et la bibliothèque existoient telles
quelles, el que le citoyen Prost n’avoit qu’à les retirer;
4 0. que lors de notre mariage, le citoyen Prost n’avoit
apporté presque aucun cfTet ; mais que j’oiïrois de lui
en fournir état, et de lui en compter le montant. Je
demandai qu’ il fût déclaré non-recevable en ses demandes,
et que la liquidation provisoire de mes droits lût défi
nitive ; je demandai main-levée des saisies-arrêts faites
comme de mes biens; ju demandai enfin acte de ce que
je renonçois à la communauté.
Sur c e , jugement contradictoire du i^r. pluviôse an 7,
�( 11 )
portant « acte t\ la défenderesse de ce qu’elle déclare qu'elle
« r e n o n c e à la c o m m u n a u té q u i
« le d e m a n d e u r , e t q u e
a e x is té
c e tte r e n o n c ia tio n
e n tr e lle et
n est pas
; lui donne pareille« ment acte des offres qu’elle fait de rapporter la biblio« théque et la pharmacie du demandeur, sans néanmoins
« qu’elle puisse être garante du dépérissement ou dété« rioration qu’ont pu éprouver aucunes des drogues com
te posant ladite pharmacie; condamne la défenderesse, de
« son consentem ent, à fournir , dans le délai de deux
« décades, à compter de ce j o u r , un état détaillé et cir« constancié des meubles et effets qui existoient avant le
« départ de son mari, et de ceux qui sont en sa puissance,
« ainsi que des sommes qu’elle a reçues, p o u r , ledit état
« fourni et contredit, être procédé à la liquidation déli
ce mtive des droits des parties , à l’audience du i ventôse
cc prochain, toutes ch o ses ju s q iit i ce d em eu ra n t e n é t a t . »
L e 13 du môme m ois, mon adversaire inc fît signifier
« f a it e en fr a u d e
d e s c r é a n c ie r s
ce jugement, avec les expressions, « e t a i t à s a t i s f a i r e a u x
« d i s p o s i t i o n s d '¿ c e l u i , d a n s le s t e m p s
y p o r t é s ; le t o u t
c< a u x p e i n e s d e d r o i t e t s o u s t o u t e s r é s e r v e s . »
L e 3 0 , je donnai l’état commandé par cette sentence.
L e 22 prairial suivant, jugement contradictoire , q u i ,
i ° . me donne acte du rapport que j’ai fait au g re ffe , de
mon état, en exécution du jugement du ici’ pluviôse;
2°. ordonne que le citoyen Prost l'avouera ou contestera;
3°. me fait main-levée de toutes saisies-arrêts comme de
mes biens, faites à la requête du citoyen Prost (1).
(1) Considérant que la citoyenne Bantin a suffisamment rempli
B 2
�C 12 )
L e citoyen Prost contredit mon état , et le 28 mes
sidor il en revient à l’audience : là s’engage une trèslongue et très-scandaleuse plaidoirie. Un délibéré est or
donné; il en résulte un jugem ent, du 28 thermidor (1),
le vœu du
fourni et
jugem ent
d épo sé
du 1 pluviôse dernier, par l’état qu’elle a
au greffe, en exécution d’icelui, sauf au citoyen
Prost à le contredire, ainsi qu’il y est autorisé par le jugement
susdaté.
Considérant qu’il ne peut pas être statué, quant à présent, sur
les demandes et prétentions dudit P r o s t , sans qu’au préalable
il n’ait fourni tout contredit contre l’état produit parla citoyenne
Bantin.
Considérant pareillement qu’ avant de statuer définitivement sur
la liquidation des droits de ladite B a n tin , il est nécessaire que les
parties se soient expliquées sur l’état et contredit de celui produit
par la citoyenne Bantin.
Considérant enfin que la citoyenne Bantin a des droits constans
à répéter contre Je cito yen P ro st, fondés sur des titrée, et que le
citoyen Prost n’a aucune créance liquide.
L e tribunal, par ces considérations, jugeant en premier ressort,
donne acte à la citoyenne Bantin du rapport par elle fait de l’état
par elle fourni et déposé au greffe, en exécution du jugement du
i ir pluviôse dernier: ordonne en conséquence que le citoyen Prost
sera tenu de fournir aveux ou contredits sur les articles dudit
état, pour par la citoyenne Bantin en prendre communication par
la voie du grelle, et en venir plaider sur le t o u t , à l'audience du 12
messidor prochain : fait m'anmoius, dès à présent, pleine et entière
inain-levée à la citoyenne Bantin, de toutes les saisies-arrêts ou
oppositions faites sur elles, à la requête du citoyen P r o s t , entre
les mains des débiteurs de ladite B a n tin , toutes questions de fait
c l de d ro it, et dépens, réservés en définitif.
(1) Le rapport a étéfa it ccjQurdhui publiquement à Vaudience;
�( 13 )
par lequel je suis renvoyée des demandes du cit. P ro st,
relatives, i<>. aux papiers, e n , par m o i , en rapportant cer, quant à trois espèces de payemens
réclamés p a r l e citoyen P r o s t, qu'en partant le citoyen P ro st
duquel
il est
résulté
avoit déposé des papiers entre les mains du citoyen M a u g u in , de
B ên a y i qu’ il n’a pas été inconnu au citoyen P ro st, que la citoyenne
Bantin avoit eu recours au citoy. Mauguin , pour lui en demander
quelques-uns dont elle avoit besoin, et qu’il ne lui a remis qu’avec
son re ç u , et la citoyenne Bantin a offert de rapporter les papiers
dont elle aussi donné sa d é c h a rg e , soutenant n’ en avoir aucun
autre, ni par conséquent ce u x desquels il voudroit faire résulter
des objets de créances.
I l e n e s t r é s u l t é encore que les meubles et effets qui étoient
dans une maison que les parties occupoient à B u r g e s-le s -B a in s,
°n t été vendus judiciairem ent par l ’ huissier D u c h o lle t, lequel est
dépositaire du prix, à cause des oppositions faites en ses m a in s,
sur le citoyen P r o s t , et que la vente a été faite en exécution des
jugemens qu’avoit obtenus la cit. 33«min en 1792 et en l’an 2 ,
contre le cit. P r o s t , ainsi qu’ il a été déclaré par la cit. Bantin.
Q ue l a c i t o y e n n e B a n t i n a s o u t e n u n ’ a v o irfa it aucune
disposition de la pharmacie du citoy en P r o s t , et de tout ce qui
en dépendoit, et que le tout éloil au même état rjue lors du départ
du citoyen P ro st, et que ce dernier a au contraire prétendu, et
s ’ est soumis à prouver que la citoyenne B a n tin avoit disposé d’ une
partie de cette même pharmacie:
a r t i c u l a t i o n qui n ’a p a s eu
DE SA PART D’AUTRE DEVELOPPEMENT NI AUCUNE SPECIFI
CATION ET INDICATION DES OBJETS QUANT A CE.
Enfin, quant au mobilier qui avoit été p lacé dans une maison que
les parties occupoient dans la commune de M o u lin s, la citoyenne
Bam in n indiqué tout le mobilier que le citoyen Prost y avoit
laissé. Le citoyen Prostasoutenu qu’ily avoit danschaquechainbre,
c t autres dépendances de cette m aiso n , d’autres effets que ceux
�^ 14 \
tains que le citoyen M auguin m ’avoit délivrés sous mon
reçu , et en affirmant n’en avoir pas d’autres directement
ni indirectement comme appartenant au citoyen Prost.
déclarés par la citoyenne B a n tin , et dont il fait le d é tail, avec
soumission de sa part de p r o u v e r , sa u f la preuve contraire.
C o n s i d é r a n t , t ° . par rapport a u x papiers, qui sont l’un des
objets de réclamation du citoyen Prost, qu’ étant constant que
ce dernier a déposé des papiers entre les mains du cit. M a u g u in ,
de B é n a y , qu’ il avoit même placés dans un porte-manteau, il est
de toute certitude que ce dépôt avoit pour objet tout ce que le
citoyen Prostpouvoit avoir d e ce g e n r e d e p l u s i n t é r e s s a n t ;
qu’ ainsi la cit. Bantin n’ ayant p u avoir d’ autre papier, et n’ ayant
pu recevoir du cit. M auguin [que ceu x que ce dernier a bien voulu
lu i remettre, et lu i en ayant donné un reçu , elle ne peut être
comptable à cet égard, que de ce dont elle s’est chargée par le
même reçu.
C o n sid éran t
e n s e c o n d l i e u , que la citoyenne Bantin
ayant o btenu, en 179 2 , un jugement contre le c i t o y e n Prost,
a d j u d i c a t i f d ’ u n e pension d e 1,3 0 0 f r a n c s , et un second en l’an 2 ,
liq u id a tif provisoirement de sa d o t , elle a pu faire vendre judi
ciairement , en vertu de ces jugemens, les efTets du, même cito y .
Prost ; qu’ainsi elle est d ’abord quitte de ceu x qui étoient dans
une maison de Burges -le s -B a in s , en justifiant de l ’ acte qui
prouve celte vente, saufles droits des parties et de tous intéressés
sur le prix, que la citoyenne Bantin déclare être entre les mains
de l’huissier D u c lio lle t, qui a v e n d u , et entre les mains de qui
des oppositions ont été formées.
C o n s i d é r a n t e n t r o i s i è m e l i e u , que le citoyen Prost n’ a
dit que vaguement, et sans aucune indication d ’objets et articles;
que la citoyenne B a n tin , qui n ’en a autrement été chargée, ainsi
que de tous effets ; que par conséquent ayant une habitation com
mune avec le citoyen P r o s t , son mari, à cette époque, lors du
�C l5 )
2q. A u x effets mobiliers de la maison de BourbonF Archam baud, en, par m o i, rapportant le procès verbal
de vente fait par l’huissier.
départ dudit P r o s t , elle est restée dans la même habitation ;
qu'ainsi elle n ’ est tenue de remettre les choses qu’ en leur état
a ctu el, en affirmant q u ’elle n’ a disposé de rien à cet égard.
C onsidérant
en fin
, par rapport a u x effets mobiliers q u i
étoient dans la maison qu’ occupaient les parties en la commune
de M o u lin s, que la cito y . Bantin en a fait une énumération qui
reçoit une grande augmentation , par l ’ indication de quantité
d ’ effets de la part du citoyen P r o s t, qui se soum et à une preuve
à cet égardî que la m atière, de3 que les parties sont contraires
en faits, est dans la circonstance disposée à une preuve lo cale;
puisque s’ agissant de divertissement, d éplacem en t, ou au moins
déficit de mobilier d’ une com m unauté co n jugale, une preuve
testimoniale n’est du to u t point prohibée par les lo is , et doit
avoir lien avant qu’il soit ultérieurement statué entre les parties
sur to u t ce qui est enir’elles en contestation.
L e t r i b u n a l , p a r j u g e m e n t e n p r e m i e r r e s s o r t , sta
tuant p r e m i è r e m e n t sur la réclamation du citoy. P r o s t, rela
tive a u x papiers par lu i laissés lors de son départ de la commune
de M o u lin s , et selon la citoyenne B a n t in , par lui déposés chez
le citoyen M a u g u in , de B é n a y , renvoie la citoyenne B a n tin de
la demande form ée à cet égard par le citoyen P r o s t , sous le
bénéfice des offres par elle de rapporter les pièces dont elle a
donné son reçu audit citoyen M auguin , et à la charge p a r e l l e
d ’ a f f i r m e r , partie présente ou appelée, qu’ elle n ’ en a eu et
n ’ en a actuellem ent aucuns autres à sa disposition, et n ’ en retient
aucun directement n i indirectement appartenans au cit. Prost.
E n s e c o n d l i e u , relativement a u x effets que réclame pareille
ment ledit P r o s t, com m e lui appartenant, et ayant existé à
tiurgcs-lcs-Bains, renvoie pareillement ladite Bantin de toutes
�(
1
6
3
3°. A la bibliothèque , à la pharmacie et aux instrumens de chirurgie, à la charge par moi d’affirmer que je n’ai
disposé d’aucun des objets en dépendant. A vant de statuer
sur les effets mobiliers de la maison à M oulins, les juges
du tribunal civil d’Allier ont chargé le citoyen Prost de
prouver par tém oins, dans les délais de la lo i , qu’outre
les objets accusés par m o i , il y en avoit tels et tels autres
dans tels et tels appartemens.
demandes quant à c e , à la charge par elle de rapporter le procès
verbal de vente judiciaire qu’elle a soutenu en avoir été fa it e , et
sa u f les droits, sur le prix de ladite v e n t e , des parties et de tous
autres intéressés.
E n c e q u i t o u c h e , e n t r o i s i è m e l i e u , la bibliothèque ou
pharmacie, et les instrumens de chirurgie pareillement demandés
par le citoyen P r o s t , renvoie pareillement ladite 13an tin de toutes
demandes à cet égard, sous le bénéfice des ofFres qu’elle fait de
rendre ces difFérens objets dans l’ état qu’ils existent, a l a c h a r g e
p a r e l l e d ’ a f f i r m e r , partie présente ou nP P c i c e , qu’ elle n’ a
disposé d'aucun des ohjcts dépendans desdites pharmacie et biblio
thèque , ni d ’aucuns instrumens.
E t a v a n t de s t a t u e r sur l e surp lu s de l a c o n te s ta tio n
d e s p a r t i e s , fins, conclusions et demandes, sur le f a i t posé
par le citoyen P ro st, qu’ en outre des differens meubles et effets
compris en l'état qui a été fourn i par la citoyenne B a n tin , le
30 pluviôse dernier, en exécution du jugement du trib u n a l , du
premier du même m o is , il en existait beaucoup d ’autres dans les
différentes chambres et dépendances d’ une maison que les parties
occupoient eu la commune de Moulins ; s a v o ir , dans la pre
mière chambre , etc.
Sur la contrariété desdits faits , nous avons les parties admises
et réglées à faire respectivement preuve d a n s l e s
la
d élais de
l o i , dépens quant à présent réservés.
J ’ai
�( 17)
J ’ai cru nécessaire de rapporter littéralem ent, et en
note, tout le contenu de ce jugem en t, afin que, l'on soit
à même de saisir plus sûrement le système suiyi par le
citoyen Prost devant les premiers juges , ei de le comparer
avec ce que ce dernier dit en cause d’appel.
L e citoyen Prost a gardé le silence pendant plus de
trois m ois; il s’est tourmenté beaucoup , et n’a pu se pro
curer des témoins qui voulussent déposer à son gré : aussi
point d’enquête de sa part.
, L e premier frimaire an 8 , c’est-à-dire, trois mois et
quelques jours après le jugement du 2 7 ‘thermidor an 7 ,
la cause appelée à tour de r ô l e , j’ai pris contre le citoyen
Prost]un jugement par défaut ( 1 ) , q u i , i°. déclare le
(1) C o n s i d é r a n t qu’aux ternies de l’ordonnance de 1667, le
citoyen Prost n’avoit que huit jours pour commencer son en
quête, et trois jours pour la parachever, le tout, à d a t e r de la
Signification du ju g e m e n t p r é p a r a t o i r e ; q u e la loi du 3 bru m a ire
an 2, dispensant de lever et signifier les jugeinens pré p a r a to ire s,
lorsqu’ils sont contradictoires, le délai pour commencer et para
chever l'enquête «doit courir du jour du jugement de règlement,
d’où il résulte que le citoyen Prost ne seroit plus à temps de
procéder à une enquête.
• C o n s i d é r a n t q u e les parties a y a n t é té réglées à f ai r e p r e u v e
de s fai ts
s ur l esquels
elles é t o i e n t c o n t r a i r e s , r e l a t i v e m e n t à
l’ é t a t des m e u b l e s et effets, f o u r n i p a r la c i t o y . B a n t i n , e t c e t t e
p r e u v e 11’a y a n t pas é t é , e t n e p o u v a n t
plus être faite , l edi t
é t a t d o i t êt re t e n u p o u r f i d è l e , s i n c èr e e t véri table.
C o n s i d é r a n t q u e les dr oi ts de la c i t o y e n n e B a n tin n ’ a y a n t
été réglés q u e p r o v i s o i r e m e n t p a r l e , j u g e m e n t d u 2 9 t h e r m i d o r
a*1 2-,
il d o i t ê t r e p r o c é d é à u ne l iqui dati on définitive.
_C o n s i d é r a n t
q u e les m a i s o n s c l j ar di n , situés en la c o n w
�c 18 ?
citoyen Prost déchu delà faculté de faite enquête; 2°. tient
pour sincère et véritable l’état que j’ai fourni ; 30. déboute
mime de Moulins et en celle de C o sn e , déclarés p a rla B a n tin j
n 'o nt pas pu faire partie de la dot de 2.7,000 fr. puisque par la
clause du c o n t r a t de mariage du 2 juillet 17 8 7 , il est dit que
les 27,000 fr. ne sont composés qu’en effets mobiliers, argent
co m p ta n t, promesses, obligations, et autres a c te s , que le cit.
Prost a reronnus avoir en sa puissance; et que par conséquent*
elle ne doit com pter ni du revenu, ni du prix.desdites maisons;
C o n s i d é r a n t que le citoyen Prost, ayant lo u ch é 011 gardé
et dissipé pendant la com m unauté la somme de 14,800 fr. pour
le restant de la dot de la citoyenne B a n lin , il est juste qu’il
en fasse la restitution à cette dernière, et doit êtle contraint
à lui en faire le payement.
que la citoyenne B antin, restant créancière de
sommes assez considérables du citoyen P r o s t , et é ta n t1nantie
des meubles et effets qu’ elle a déclarés , il est juste qu’elle re
C
o n s id é r a n t
tienne les meubles et efFcts par ses mains, pour la somme de
2,000 fr. ou le m ontant de l’ estimarion qui en sera faite en
payem ent en atténuation de sa ciéance.
C
onsidérant
d’ailleurs, que le citoyen Prôst ne se présen
tant pas, ni son fondé de pouvoir , pour plaider, son silence fait
présumer son acquiescement à la demande.
L e T R I B U N A L donne défaut, faute de plaider, contre le cit.
P r o s t, pour le - profit d u q u e l , sans s'arrêter ni avoir égard à
scs demandes et prétentions, dans lesquelles le déclare non recei’ahle et ma! f o n d é , ou dont
en tout cas débouté, le déclare
déchu de fa ir e enquête, et tient pour sincère et véritable l'état
et réponse à contredit à icelu i, fournis par la citoyenne Banlin •
ayant au contraire égard aux demandes et prétentions de ladite
Bantin , donne acte à la citoyenne Jiantin du rapport de l ’ex
trait du procès verbal de vente fa it par Duchollct> huissier, le
n
n h ’ôse an 3 , et jours suivans.
�( i9 )
le citoyen Prost de scs demandes; 4 0. me donne acte du
rapport du procès verbal de vente des eiFets mobiliers
ayant existé à Bourbon-l’Archambaud ; 5°. déclare défi
nitive la liquidation de ma d o t , jusqu’ iî concurrence de
la somme de 14,800 francs, avec intérêts à compter du
I er. pluviôse an 7 , jour de ma r e n o n c ia tio n à la com
munauté ; 6°. 'm’autorise à retenir les meubles et effets
de M o u l i n s , pour la somme de 2,000 francs, ou suivant
Ordonne que la liquidation provisoire de sa d o t, faite par le
jugement arbitral dudit jour 29 thermidor an 2 , sera et demeu
rera définitive , et que le même jugement sera suivi et exécuté
selon sa forme et teneur, jusqu’à concurrence .seulement de ladite
somme de 14,800 fr. ensemble les intérêts d’ice lle , auxquels il est
cond am né, à com pter du i er. pluviôse an 7 , jour de la demande
quelle eu a fa ite , et de sa renonciation à la com m unauté.
, Autorise la c i t o y e n n e B a n t i n à retenir par ses m ain s les m e u b le s
et effets qu’elle a déclarés par son état et réponse au c o n t r e d i t à
icelui; dans lesquels meubles et effets sont compris ceux énoncés
au procès verbal de vente, du 29 prairial an
6,
fait par C a v y ,
huissier, qu’ elle a déclarés com m e s’ils n’avoient pas été vendus;
le tout pour ladite somme de 2,000 francs, en diminution de sa
créance eij principal, intérêts et frais, à elle due par le cit. P ro st,
si mieux n’aime ce dernier suivant l’estimation qui en sera faite
par e xp e rts, et tie r s , si besoin e s t , dont les parties convien
d ro n t, etc. lequel choix il sera tenu de faire dans trois jours, à
com pter de la signification du présent
jugement:
a personne ou
dom icile, sinon d é ch u , et le choix réservé à la citoyenne I3antiu.
Ordonne au surplus que les poursuites enconunencées seront
continuées.
E t condamne le citoyen Prost aux dépens.
'
G 2
�20 )
l’estimation par experts , à valoir sur le principal, les
intérêts et frais de ma créance.
L e 4 pluviôse an 8 , c’est-A-dire, plus de deux mois
après ce jugem ent, je l’ai fait signifier, ainsi que ceux
des 22 prairial et 28 thermidor an 7 , au citoyen P ro st,
avec assignation au 1 6 , devant le tribunal civil d’A llier,
pour être présent aux affirmations que je me proposons
de faire, en exécution de celui du 28 thermidor an 7.
L e 16 pluviôse, j’ai fait ces affirmations. L e tribunal
d’Allier a , par défaut, reçu mon serment, par lequel
f a i ju r é et a ffir m é , i ° . que je ri a i eu et il a i actuel
lem ent en m a disposition , aucun autre papier que ceu x
que j ’a i ojfert de. l'apporter p a r le jugem en t susdaté
( celui du 28 thermidor an 7 ) ; et que je rien retiens
aucun autre directem ent n i indirectem ent, appartenant
au citoyen P r o s t ’ 20. que je ri a i disposé d'aucun des
objets dépendans de la pharm acie et de la bibliothèque y
énoncés au ju g em en t, n i d'aucun in stru m en t apparte- ‘
n a n t a u cito y en P r o s t. Ce tribunal m ’a donné acte de
cette affirmation.
f
L e citoyen Prost est, malheureusement pour m o i ,
d’une insolvabilité notoire. Quelle que soit l’issue de notre
procès, j’ai la perspective de perdre : j’ai donc, intérêt à
11e pas faire de frais. J ’en demeurois l à , parce que je
n’avois rien il recouvrer. A v ec Lafontaine, je pourrois
lui dire :
Quant aux ingrats il n’en est point
Qui ne meure enfin misérable.
1
L e i cr. germinal an 8 , plus d’un mois après mon
affirmation, le citoyen Prost a appelé des jugeincns des
�9 août 1 7 9 2 , 29 thermidor an 2 , 22 prairial et 28 ther' midor an 7 , et i er. frimaire an 8. Il a jeté dans le
public son précis iriiprimé; il n’oublie rien pour tacher
de me rendre1 défavorable, c o m m e s’il étoit permis de
parler faveur devant tin tribunal qui ne donne rien à
personne, qui ne fait que déclarer à qui les choses appar
tiennent. L e citoyen Prost sait parfaitement bien, et toute
la ville de Moulins sait aussi qu’il m ’a forcée à provoquer
le d ivo rce, et que si- le moyen terme de la séparation
de corps eût été encore possible, je l ’aurois préféré.
D I S C U S S I O N .
Dans son précis im p r im é , le citoyen Prost critique
amèrement chacun des jugemens que j’ai obtenus contre
lui. J e
répondrai dans le m êm e ordre.
SJugem ent du 9 août 1792.
J ’avois demandé contre le citoyen P r o s t,
i ° . une
pension alimentaire de 1,800 fr. par an , pendant toute
1absence du citoyen P rô stj 2°. une somme de 5oo fr.
pour taire face à des emprunts que j’avois été obligée de
faii*!*, afin de subsister depuis son départ.
Ce jugement m’a adjugé 1,200 fr. de pension alimen
taire et annuelle ; il m’a autorisée à toucher de tels et
tels débiteurs telles et telles sommes : total, 1,229 francs.
J a vo is eu outre reçu 320 francs 3 il y avoit donc un
�C 52 )
excédant de 349 francs ; ce jugement m ’a attribué cet
excéd an t, au lieu des 5oo francs que je demandois.
Cela posé, je n’ai obtenu, i°. qu’une pension de 1,200 f.
au lieu de 1,800 fr. que je réçlamois; 20. une indemnité
particulière de 329 fr. au lieu de 5oo fr. Il n y a donc
pas dans le jugement du 9 août 1792 ultrcipetita , comme
le prétend le çitoyen P r o s t, page 17 de son précis.
, E11 vain le 'citoyen Prost,dit-il que j’étois nantie de
t o u t , et qu’il étoit injuste de m ’açcorder une provision.
E u partant, le citoyen‘P rost avoit confié sa procura
tion générale à son bon ami M auguin ; le citoyen Prost
in’avoit fait l’injure de préférer un étranger. Sans pro
curation , je ne pouvois pas toucher un centime ; les débi
teurs m’auroient-ils p a y é ? Falloit-ib vendre des meubles
meublons?'etc. aujourd’hui le citoyen Prost m’en demande
raison. L ’événement prouve que j’ai sagement agi en
n’usant pas de cette ressource: je n’avois rien p o u r exis
ter ; il falloit donc que la-justice y p o u r v û t .
Il est éti-ange que le citoyen Prost ose dire que ma
demande en alimens étoit :prématurée.
Que le citoyen Prost cesse de parler de ses procédés
obligeans envers m oi; il est démenti par tous ceux qui
le cojmoissent bien; il es.t démenti ppr toute la ville de
Moulins. Je lui ai écrit plusieurs fois, pas de réponse. Son
silence, scs mépris envers moi ne sont pqs substantiels,
Mais au reste, ù. quoi bon s’occuper davantage du bien
ou mal jugé de ce jugem ent? Ce point de la cause ne
présente plus aujourd’hui pucun intérêt; ce jugement ne
porte rien d'irrévoc<jbJciîiput déterminé; il m ’a accordé
seulement des aljjnens, L e cit. P rç st, jouissant de mes
�C -?3 )
biens dotaux, étoidobligé de me lo g e r, nourrir-et entre
tenir. La pension de 1,200 fr. n’est que le remplacement
de celte^ obligation. .Ce, jugem ent,.n’a fait que le* con
damner à faire "ce dont il étoit tenu par la loi.
> '
. Que la pension de' 1,206 franco fut, ou n o n , exorbi^
tante, cela est indifférent» D ’abord elle ne l’ étoit pas.5
le citoyen P ro st jouissoit.de plus de 2,000 francs de rej
venu ; revenu tiré de mes biens dotaux. E n 1792 *
1,200 francs assignats valoient à peine 600 francs écus :
il n y a là que le rigoureusement nécessaire pour mon
existence.
Y auroit-il exorbitance dûns la somme de 1,200 francs?
J ’étois alors en puissance de mari ; je ne pouvois pas
aliéner mes biens dotaux au profit de mon mari. Dans
le cas où 1,200 francs, outre-passei’oient la juste; mesure,
de c e que je devois avoir alors, ce seroit chose perdue
pour le citoyen P ro s t, et cela sans espoir de répétition.
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Jugem ent du. 2Ç)ither.midor. an, 2.
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J
1
;
•
:
M
’ ~'
'
Ce jugement liquide provisoirement à 27,000 francs)
la dot que le citoyen,Proat est obligé de mé, restituer;
20. m ’autorise à me mettre en possession des immeubles
m’appartenant.
i ImJj _; 1■
Com m e dans ce jugement il n’y a rien de définitive
ment r é g lé , et qu’aujourd'hui mous en sommes sur le
définitif ■
,<’je crois devoir m’abstenir de toutes réflexions
à ce sujet.III m e suffira de rc/üarquer q u e , quoique le
�(H )
citoyen Prost fût, officier de santé près les armées de la
rép u b liq u e, e t, à ce titre, classé parmi les privilégiés,
par la loi du 4 floréal an 2 , il a été très-bien jugé par
les arbitres, parce que j’avois le titre ( j’avois mon con
trat de mariage ) ; et la provision est due au (¡tre. M on
contrat de mariage m’établit créancière de 27,000 francs :
les arbitres ont donc tr è s -b ie n fait, en jugeant p rovi
soirement que je l'étois. 1- ;
1
? ■
: :
>•
'
* §.
iii
.
Jugem ent du prem ier pluviôse a n 7.
1: 1
: .¿hfi
' Par ce jugement!, i ° . il m'est donné acte de ma renon
ciation à la communauté, et de ma d é c la r a tio n qu’elle
n ’est pas faite en fraude des créanciers; 20. il m’est donné
acte de mes offres de rendre la bibliothèque e t la p h a r
macie telles quelles; 3 0. il est dit que je d o n n e r a i , dans
d e u x d é c a d e s , é ta t d é t a i llé des meubles et effets existons
lo r s du départ du citoyen P ro s t, ainsi que des sommes
que j’ai touchées sauf le contredit du citoyen Prost.
J e dis , i ° . que le citoyen Prost est non recevablc
en son a p p d de ce jugem ent, quant à la partie dans
laquelle il l’attaque; c’e s t-à -d ir e , quant à ma renoncia
tion à la com m un auté, pour n’avoir pas été faite avec
le commissaire du gouvernement. Il me l’a fait signifier
avec sommation d’y satisfaire; par là , il y a acquiescé.
Je dis, 2°. qu’il y est mal fon dé; en effet, d’une part
ma renonciation est sincère, je n’ai rien soustrait; d’ un
autre côté, il, n’appartient pus au uiari de connaître une
pareille
�( 25 )
pareille renoneiation. Ce droit n’est donné qu’aux créan
ciers de la communauté. E n f in , dans mon contrat de
m ariage, il est exprim é qu’en cas de décès sans cnfans ,
tous les profits de la com m unauté seroient dévolus au
citoyen P r o s t exclusivem ent. L e divorce opère le m ême
effet que la mort. L a loi du 20 septembre 1792 le dit
textuellement.
§ IV .
Jugem ent du 22 -prairial an 7.
Ce jugem ent, i ° . me donne acte du dépôt au greffe
de l’état que j’ai fourni ; 20. ordonne que le citoyen
Prost fournira ses contredits; 30. me fait main-levée des
saisies-arrêts comme de mes biens.
L e citoyen Prost se récrie contre la troisième dispo• •
Sition , contre c e lle x-elative à la m a i n - l e v é e des saisiesarrêts.
J e le soutiens non recevable en son a p p e l, i° . parce
qu’en exécution de ce jugement il a fourni ses contredits i\
l ’état donné par m o i; 2°. parce q u e, lors du jugement
contradictoire du 28 thermidor an 7 , il n’a pas réclamé
contre la main-levée des saisies-arrêts.
§ y .Jugem ent du 28 therm idor an 7.
• Ce jugement contient quatre dispositions:
i ° . Il déboute le citoyen Prost de sa demande relative
aux pap iers, à la charge par m oi de rendre ceux dont
D
�( 26 )
j’ai fourni un reçu au citoyen M a u g u in , et à la charge
par moi d’affirmer que je n’en ai pas et que je n’en
retiens pas d’autres.
2°. Il déboute le citoyen Prost de sa demande relative
aux effets mobiliers à Bourbon-l’Archam baud, à la charge
par moi de rapporter le procès verbal de vente.
3°. Il déboute le citoyen Prost de sa demande touchant
la bibliothèque et la pharmacie, à la charge par moi de
les rendre telles quelles, et à la charge par m oi d’affirmer
que je n’ai disposé d’aucun des objets en dépendant.
4°. II permet au citoyen Prost de prouver par témoins ,
qu’ outre les objets par moi déclarés, il en existoit beau
coup d’autres que le citoyen Prost a désignés, et qui le
sont aussi dans le jugement.
J e soutiens le citoyen Prost non recevable en son appel
de ce jugem ent, quant aux papiers, et quant aux biblio
thèque et pharmacie, parce que j’ai fait les a ffir m a tio n s
ordonnées. Je les ai faites le 16 pluviôse a n 8; c’est-àdire , plus d ’ u n m o is a v a n t l’appel du citoyen Prost.
J e soutiens que le citoyen Prost est de mauvaise foi
sur l’article des papiers, et sur l’article des bibliothèque
et pharmacie.
i° . L e citoyen Prost est de mauvaise foi s u r j ’nrticle
des papiers, parce qu’avant son départ il les avoit sortis
de la maison , et les avoit confiés à son ami Mauguin. Pre
nant cette m esure, préférant un étranger à sou épouse,
toutes les apparences disent hautement que là où il avoit
placé toutes ses affections , là il a déposé tous scs papiers
importans.
a 0. L e citoyen Prost est de mauvaise foi sur cet article,
�S 21 )
parce qu’en cause principale il n’a offert aucune preuve
testimoniale; il n’a pas offert de prouver que j’avois sous
trait tel ou tel autre papier. Dans son précis il dit, page 3 5 ,
qu’il en a fait l’énumération ; mais dans le jugement de
therm idor, les premiers juges ont analise très-soigneuse
ment tous ses d ires, et pas un mot de preuve offerte
sur ce point. Les premiers juges ne pouvoient donc pas
l’ordonner.
3°. L e citoyen Prost est de mauvaise f o i , parce qu’en
cause d’appel il réclame, page 31 , r°. i n j i n e , e t 3a v ° .
les papiers de la créance M o re a u , puisque, dit-il, j’avois
fait citer ce dernier au bureau de paix. L e citoyen Prost
m ’accuse d’avoir touché plus de 600 francs de la part du
cit. Moreau. O h , l’infamie ! P r o s t, vous me forcez à vous
démasquer ; vous le serez paîam om nibus. V o tre conduite
envers moi a excité l’indignation de toutes les personnes
lionnetes. Toutes s’e m p r e s s e n t A m ’a id e r d e to u t leur pou
voir à vous confondre. L e citoyen Moreau m’a prêté son
double, et l’on y voit que vous-même avez réglé compte
avec lui, le i9 a o û t 1788; l’on y voit queM oreau s’est trouvé
reliquataire de la somme de 6,110 francs 12 sous, qu’il a
promis vous payer lorsque vous lui rapporteriez main
levée de la saisie-arrêt que j’avois faite en ses mains, en
mai 178 8 , par suite de ma demande en séparation de
corps et de biens ; l’on y voit que le citoyen Moreau
s’oblige
vous faire raison de m o i t ié de soixante sacs
qui appartenoient ¿\ la société d’entre lui et moi ; l’on y
voit enfin 7 que vous et moi avons donné au citoyen
M o re a u , ( l e 27 mars 1 7 8 9 ), quittance des 6,110 francs
sous, et de trente sacs. C ’est vous qui avez touché,
D a
�(28
)
et vous avez l’audace de m ’accuser de retenir les papiers
de la créance!Est-ce encore lu un de ces procédés obligeans et nombreux que vous avez eus pour m o i?
L e citoyen Prost se tro m p e, en disant que j’ai fait citer
le citoyen Moreau. S’il eût pris la peine de lire plus attenti
vement les pièces qu’il rapporte à l’appui de son asser
tio n , il n’y auroit trouvé qu’une saisie-arrêt, du 13 mai
17 8 8 , faite à ma requête ès mains du citoyen M o r e a u ,
dans le temps où je poursuivois la séparation de corps et
de biens.
4°. L e citoyen Prost ne donne pas une preuve de pro
bité, en réclamant un arrêté de compte fait avec le citoyen
L a m o u r e u x ,e t montant à plus de i , 5oo francs. J ’ai déjà
répondu par é c r it, et je répète que c’est le citoyen Prost
qui a touché la créance. J ’en rapporte aujourd’hui une
déclaration des citoyens L a m o u re u x , en date du 25 ther
m idor dernier : ceux-ci y attestent avoir payé a u citoyen
Prost lui-m êinc en 1788,
5°. L e citoyen Prost n’est pas plus honnête, en deman
dant les papiers de la créance de 7,000 fr. contre JeanJ o s e p h Bantin , mon frère. i ° . L e citoyen Prost avoit
toutes ces pièces dans son dossier ; mon défenseur les y a
vues. Dans mon écriture du 26 ventôse dernier, il a arti
culé le fait, fol. 57 et 58. Dans le précis im p r im é , le
citoyen Prost n’a pas osé répondre non ; mais les sous
seings privés ne sont plus dans son sac , il les en a ôtés :
l’on donnera à ce lait toute la valeur qu’il mérite. 20. J ’ai
accusé avoir reçu le montant de la créance , à compte de
la restitution de ma dot.
6°. L e citoyen Prost agit contre sa conscience, en reven*
�( 29 )
cliquant des papiers concernant une créance contre JeanBaptiste Bantin , aussi m on frère. Par écrit , je lui ai
répondu , et je lui répète i c i , que lorsque mon défenseur
prit communication de ses pièces , il y trouva un acte sous
seing privé , du 5 février 1786. Dans son précis im prim é,
le citoyen Prost n’a pas osé répliquer non. Cet acte n’est
plus dans son dossier. Par écrit je lui ai rép o n du, et je
lui répète i c i , que parmi ses pièces étoient quatre lettres
missives. L e citoyen Prost ayant mis tant de soin u con
server ces lettres, ne fera jamais croire à personne qu’il
n’eût pas porté le même soin à mettre en lieu de sûreté
les actes essentiels ; au reste, je l’ai consigné dans mon écri
ture du 26 ventôse dernier. A v an t son départ pour l’ar
m é e , le citoyen Prost a arrêté compte avec mon frère;
il e n a reçu le reliquat moins la somme de 9 4 5 francs,
portés par un billet que j’ai touché et déduit sur la res
titution de ma dot.
Q u ’im porte, comme le dit le citoyen P ro s t, page 3 3 ,
qu’en 1788 j’aie fait une saisie-arrêt ès mains de mon frère ;
je l’ai faite par suite de ma demande en séparation de
corps et de biens, pour empêcher que le citoyen Prost
achevât de dissiper mes biens: j’aurois dû couler à fond
cette procédure; aujourd’hui je n’aurois pas à combattre
contre l’injustice du citoyen Prost ; je n’aurois pas été
rediute à la fâcheuse extrémité du divorce : mais, au reste,
ce qui a été lait en 1788, n’a rien de déterminant pour ce
qui a eu lieu depuis.
avoue que dans le jugement du 9 août 1792 , JeanBaptiste Bantin mon frère est indiqué comme devant
JO francs; ce jugement dit seulement 5o francs, sans ex-
�C 3o )
pliquer si c’étoit en capital ou en revenu ; en sorte que
je pourrois tirer parti de l’équivoque : mais je conviens
que je croyois alors que mon frère devoit 5o francs de
rente j mais quand il s’est agi de to u c h e r, il s’est
trouvé s e u le m e n t un principal de 945 francs dûs en vertu
de billet. J ’ai pris ce capital.
Que le citoyen Prost ne fasse pas sonner si haut les
quatre lettres q u’il rapporte; elles prouvent seulement
qu’il en usoit fort mal envers moi. Celle écrite à moi par
m on frère, et ma réponse, prouvent, i°. qu’il y a eu arran
gement entre le citoyen Prost et mon frère, parce que
sans cela mon frère ne lui auroit pas remis ma réponse
du 24 janvier 1790 ; 20. que le citoyen Prost étant nanti
de celle de mon frère du 23 août 178 9 , il doit avoir tous
les autres papiers.
70. Je n’ai jamais rien touché de la créance Bourdoiseau ;
je l’ignorois du temps de mon mariage a v e c vous; elle
n’est e n t r é e p o u r r i e n dnns la somme do 27,000 francs,
m o n t a n t de ma dot. A u reste, c’est mon frère Bantin qui
a tout touché, et, lors de vos comptes avec lu i, il vous
a fait raison de la part qui m’en revenoit ; d’ailleurs,
faurois-je touchée, c’eût été pendant la com m unauté, et
vous n’auriez rien à me demander pour raison de ce,
parce qu’ une femme en puissance de mari ne peut rien
faire tendant
l’aliénation de sa dot envers son mari.
8°. V ou s me demandez l’expédition de l’acquisition
T o n n e lie r , veuve llo n d el; elle est dans vos pièces, mon
défenseur l’y a vue ; d’ailleurs il s’y agit d’un terrain de
seize toises, que vous ayez acheté moyennant i 5o francs
assignats,
�(3 0
90> *^e n a i jamais cru avoir aucune créance contre
Pruniol cle Clavelle.
io°. A van t son départ, le citoyen Prost a vendu tous
les bois des Rouchers, et en a touché le prix. Il est indé
cent qu’il me demande des p a p i e r s pour raison de ce.
i l 0. J e ' n ’ai jamais eu la donation Collin. L ors de
votre d ép a rt, vous étiez en procès à ce sujet. C ’est votre
ami M auguin qui a fait juger; il avoit donc les papiers.
12°. V ou s m ’opposez une lettre de moi au citoyen
M auguin ; vous la datez du 3 nivôse an 6 ; vous en in
duisez que j’y ai reconnu avoir reçu de lui une somme
de 5oo francs ; vous me demandez un compte établissant
l’emploi de cette somme.
La date de cette lettre est surchargée; le chiffre 6 couvre
ton chiffre 3 qui y étoit auparavant. L e faux matériel est
évident : sous le 6 on aperçoit encore le 3. Cette altéra
tion a été faite p o u r me d é s o r i e n t e r ; m a is il faut tou
jours considérer la lettre comme étant du 3 nivôse an 3.
«Pavois fait une saisie-arrêt ès mains du cit. M a u g u in ,
comme des biens du citoyen Prost. Par exploit du 12 bru
maire an 3 , j’avois cité le citoyen Mauguin en déclararation affirmative. L e citoyen Mauguiii fit un bordereau
de l’emploi des assignats qu’il avoit, comme appartenant
au citoyen Prost : ce compte me parut étrange. Ce fut
a ce sujet que j’écrivis la lettre du 3 nivôse an 3 , au
citoyen Mauguin (1).
Moulins , le
(0
3 nivôse an 3 .
« J e ne sais ou vous avez pris que vous m ’ aviez donne
« des assignats • je ne nie cependant pas d'en avoir reçu de
�(3 0
D e cette lettre il résulte que le citoyen Mauguin m ’a
remis des assignats; qu’il m’a indiqué à qui il falloit en
faire payement; que j’ai suivi son indication, et que je
lui ai remis les reçus ou quittances : mais, tout cela ne
concernoit pas ce qui m’étoit du par le citoyen Prost.
D e cette lettre il résulte encore que le cit. M auguin
m ’avoit fait un compte par lequel il m ’établissoit l’emploi
de 5?ooo francs assignats; mais cela ne prouve pas que j’ai
reçu ces 5,ooo francs assignats. L e citoyen M auguin avoit
employé cette somme à tous autres objets que ma créance.
130. L e citoyen Prost me demande un acte sous seing
p r iv é , par lequel il prétend qu’avant notre m ariage, je
lui ai cédé mes im m eubles, et dont le prix est, d it-il,
entré dans la composition des 27,000 francs, montant de
ma dot. Mais je ne lui ai jamais consenti un acte sem
blable.
Ainsi donc, sur l'article des papiers, i°. toutes les ap
parences disent que le citoyen P r o s t les a tous confiés à
vous'; mais lorsque vous m ’ en avez donné, vous m 'avez chargé
d'en fa ir e l ’ em ploi par differens payemens que vous m 'avez
in diques, et que j ai fa its dans les temps, dont j e vous a i remis
les reçus ou quittances. D e plus , vous m ’ avez J a it un compte
par lequ el vous m ’ avez trouvé l'em p loi de 5 ,000 f r . qui etoient
entre vos mains. D ’après c e la , je suis étonnée que vous m ’en
fassiez m e n tio n , et que vous m’indiquiez mon livre journal. I l
me seroit di(Jicile d 'y trouver, ceci ne me concernant pas per
sonnellem ent. Saus doute que vous voulez amalgamer mes 11 £
17 s. avec les bouteilles de vin de Cham pagne, et autres choses,
en la c ro ya n c e que j’ai d’après votre lettre.
Signé, B A NT IN - 13 O NCII R ÛTIE S.
son
�( 33 )
son ami M au g u in ; 20. en cause principale, il n’a offert
aucune preuve à cet égard ; 30. il me demande des papiers
qu’il a ; il me demande des papiers dont il a touché le
m ontant; 40. j’ai affirmé que je n’en avois aucun. Il a
laissé faire cette affirmation ; il est donc tout à la fois
non recevable et mal fondé en son a p p el, quant à ce.
P o u r ce qui est de la bibliothèque et de la pharmacie,
le citoyen Prost est encore de mauvaise foi.
i°. L e citoyen Prost sait parfaitement bien que je n’en
tends rien en pharmacie. A peine m ’eut - il épousée,
qu’il me couvrit de tout son mépris ; il m’éloigna ab
solument de toutes affaires : je n’ai jamais pu prendre
aucune notion sur son art.
2°. E n cause p rin cip ale, il n’a jamais offert aucune
preuve relativement à la bibliothèque : ce qui conduit
a la pensée que devant les premiers juges il n’avoit pas
encore imaginé aucune soustraction à cet <5gard.
30. Quant à la pharm acie, en cause principale il offroit
de prouver seulem ent que f avois disposé de partie : mais
il n’assignoit aucun article; il s’expliquoit très-vaguement;
il n’y avoit rien de précisé.
40. En cause d’a p p el, le citoyen Prost d i t , par son
écriture du 2 thermidor an 9 , et il offre de p r o u v e r ,
que j a i J a it d ép la cer, et trajisporter hors M o u lin s ,
une partie de la pharm acie et de la b ib lio th èq u e, et
que j ai voulu vendre le tout à des ojjiciers de sa n té
de M o u lin s.
Il n’est pas vrai que j’aie fait sortir de M oulins aucun
des objets de la pharmacie et de la bibliothèque.
E
�.,( . 3 4 )
Il n’est pas vrai que j’aie voulu les vendre; d’ailleurs
il y a encox’e bien loin de la volonté à l’acte.
5°. Quand il seroit vrai que les articles 1 2 , 1 4 , 1 6 ,
17 et 18 compris au procès verbal de la vente faite par
l’huissier C a v y , le 29 prairial an 6 , auroient dépendu
de la pharmacie ( ce qui n’est pas ) , cela ne prouveroit
rien contre moi. Dans mon état fourni devant les pre
miers juges, j’ai porté ces objets comme s’ils n’avoient
pas été vendus, comme s’ils existoient encore en nature.
L ’on ne peut donc pas m ’accuser de soustraction , dès
que j’accuse ces choses.
6°. L e citoyen Prost en impose, en assurant que parm i
la fe r r a ille vendue, étoit une pierre (Taim a n t précieuse.
Celte pierre existe encore ; il la retrouvera en retirant sa
pharmacie.
Que le citoyen Prost cesse de crier que je lui ai fait un
tort irréparable, en faisant vendre partie de sa pharmacie,
le 29 pr a ir ia l an 6. D ’ une p a r t , il ne vouloit pas en
retirer un grand profit, puisqu’abandonnant son état, il
s’étoit jeté dans les armées, à la g e de près de quarante
ans; d’un autre cô té, je n’ai rien détourné.
70. E n fin , j’ai fait l’alfirmation ordonnée, et par là
le jugement du 28 thermidor an 7 a acquis autorité de
la chose jugée.
Dans son écriture du 2 thermidor an 9 ? le citoyen
Prost avoit avancé, et offert de prouver, que l’ huissier
D uchollct n’avoit vendu qu'une portion des meubles
étant à Bourbon - l’Archam baud, et que je m ’étois em
parée du surplus.
�( 35 )
J ’ai nié le fait ; j’ai répondu que devant les premiers
ju g es, le citoyen Prost n’avoit offert aucune preuve sur
ce point. Dans son précis imprimé , il ne dit plus mot
sur ce p o in t , et tout le monde doit en conclure qu’il
a menti dans cette partie de la cause, .le n’ai donc pas
besoin d’insister sur un sujet qu’il â abandonné lui-même.
*
Jugem ent du
§. V I .
I er.
fr im a ir e an 8.
Je laisse au conseil le soin d’examiner et de discuter
tout ce que le citoyen Prost dit dans son précis im prim é,
pages 40 , 41 et 4 a , contre la déchéance d’e n q u ê te r,
prononcée par ce jugement. J ’en viens de suite à ce qu’ il
oppose à la liquidation de ma d o t, dont les premiers
juges O n t fixé le r e l i q u a t ù la s o m m e d e 14,800 fra n cs.
Point de doute sur le montant de ma constitution
dotale ; il est réglé par m on contrat de mariage ; il est
de 27,000 francs.
En cause principale, j’ai avoué avoir r e ç u ,
i°. Des Daubertet, héritiers de Jean-Joseph
Bantin, mon f r è r e ..............................................
2°. D e Jean-Baptiste B a n tin , mon autre
frère, 1,000 f. (D an s le fait, je n’ai touché que
945 f. montant d’un billet. L a différence seroit
de 75 fr. à mon préjudice : mais je ne re
10,000 fr.
viens pas contre l’e rr e u r, parce que le citoyen
Prost ne présente aucune ressource de recouE 2
�(
36
)
D 'a u tr e y c ir t... . < , . . . . . . .
io,o o ofr,
1,000
vi'cment. Il est et mourra insolvable. ) .........
30. D u citoyen P ro s t, lors de son départ
pour les armées, 200 francs. ( J ’aurois pu
contester cet article, parce que le citoyen
P ro s t, jouissant de mes biens dotaux, étoit obligé de me nourrir et entretenir : mais
transeat. ) ..............................................................
40. Pareille somme de 200 fr. du citoyen
Godeau , de Varennes, pour cinq années
d’intérêts d’un capital..........................................
200
200
5o. D e la n atio n , y 5 o francs pour loge
ment de la gendarmerie dans la maison à
Bourbon-l’A r e h a m b a u d .....................................
60. E n fin , 5o francs pour deux cochons
que m’a livrés l’ami M au g u in .........................
T O T A L ................................................
75o
5o
12,200 fr.
M a dot ¿toit de................................................ .... 27,000 fr.
Déduisant celle de................................................ I2 200
•
y
Il m ’est encore dû........................................... .....14,800 fr.
et non pas seulement 14,200 francs, comme l’a imprimé
le citoyen Prost j page 43 de son précis.
Je n’ai jamais rien reçu de l’abbé Merle. J ’ai touché
seulement un revenu annuel de 40 francs par a n , de la
part du citoyen G odeau, curé de Varennes-sur-Teschc
( et non sur A llier
ces intérêts.
qui devoit le principal produisant
�(37)
.
Sur l’article M o r e a u , je renvoie le citoyen Prost à ce
que j’ai dit plus h aut, §. V , n. 3.
Sur l’artifcle V illard : le sieur Bon ch rétien , mon pre
mier m ari, avoit été le tuteur dé ces mineurs, et avoit fait
quelques avances pour la tutelle. Après sa m o r t , le citoyen
Desmaisons fut nommé tuteur. Les pièces de cette tutelle
sont du nombre de celles- que j’ai retirées des mains du
citoyen Mauguin : j’ai offert de les rendre. En cette partie,
j’exécuterai le jugement du 28 thermidor an 7.
Sur l’article L a m o u r e u x , je renvoie à ce que j’ai dit,
§. V , n. 4.
Sur l’article Sallard , je réponds d’abord qu’il n’est
entré pour rien dans la composition de ma dot de
27,000 francs; je rép o n d s, en second lie u , que parmi
les pièces du citoyen Prost, est un m émoire à consulter,
du c it o y e n Pi'ost, duquel il résulte que le citoyen Sallard
devoit au s i e u r B o n c l i r é t i e n , mon p r e m i e r m a r i, ou
pour argent reçu des sieurs D u v i v i e r e t V e r n a y , de
M o n tb eu gn y, ou pour délivrance de b o is, 1,678 livres
12 sous 8 deniers. Comment se seroit-il donc fait que le
sieur Sallard se seroit trouvé créancier? A u reste, le
citoyen Prost ne rapporte aucune quittance de la part
du sieur Sallard.
Sur l'article des religieux augüstins de M oulins, i». je
ne connois aucune quittance sur ce point ;2°. je crois bien
que le citoyen Prost a plaidé avec e u x , pour une rente
qu il soutenoit ne leur être pas due. Mais s’il a eu l’im
prudence de s’engager dans un mauvais procès, tant pis
pour lui : /es frais ont dit en être payés aux dépens de
com m unauté, qui lui, demeure en entier, au moyen
�38 3
de ma renonciation et de la clause exprimée en m on
contrat de m ariage, dès qu’il n’y a pas eu d’enfans.
Point de quittances sur les articles B o u la r d , B ou rg o i n g , Desrues, et sur les frais du récollement de la
forêt de Dreuille et Soulongie. J ’ignore absolument tout
cela.
Quant à la créance B o u rn ig a t, par mon écriture du
26 ventôse dern ier, j’ai rép o n d u , i ° . que bien avant
m on remariage avec le citoyen P r o s t , j’avois déposé ès
mains du citoyen Moreau la somme de 1,800 francs pour
acquitter le billet B o u r n ig a t, payable en mai 1 7 8 7 ;
20. que le citoyen Prost a pris les 1,800 fr. des mains
du citoyen M o re a u , et s’en est servi pour payer la veuve
Bournigat. Dans son précis, le citoyen Prost n’a pas
contesté ce fait.
P o u r ce qui est des jouissances que j’ai faites du
terrain de seize toises, acquis par le citoyen Prost pen
dant la com m unauté, celles a n t é r ie u r e s a u divorce doi
v e n t sc c o m p e n s e r t o u t naturellement avec les intérêts
de ma dot. L e citoyen Prost n’y perdra sûrement pas.
Quant aux jouissances postérieures, la compensation doit
avoir lieu aussi, mais jusqu’à due concurrence.
Sur les 5,ooo francs assignats de M a u g u in , je renvoie
le citoyen Prost au §. V , n. 12.
P o u r ce qui est du mobilier vendu par l’huissier C a v y ,
le 29 prairial an 6 , je l a i compris dans mon état, comme
s’il existoit encore. Il est confondu dans l’état général.
J ’ai pris le tout en payement, ou à raison de 2,000 francs,
ou suivant l’estimation par experts.
A u moyen de ma renonciation
la com m un auté,
(
�( 39)
j’ai le droit de reprendre la somme de 100 francs, que
j y avois mise.
J ’en ai dit assez, je crois, sur ces détails fastidieux,
dégoutans. J ’en viens au dernier o b je t, à celui concer
nant ma maison à Moulins , et ma maison à Cosne. Les
premiers juges ont décidé qu’elles n’ont pas fait partie
de ma constitution dotale. L e citoyen Prost soutient le
contraire. Il soutient qu’avant notre m aria ge , par acte
sous seing p rivé du mois de juin 1 7 8 7 , je lui ai fait
cession et subrogation de tous mes biens , meubles et
im m eubles, moyennant la somme de 2 7 ,0 0 0 francs, que
je me suis ensuite constituée en dot. Il soutient obstiné
ment que j’ai abusé de son absence pour lui enlever ces
actes. Il rapporte, i ° . un mémoire à consulter écrit de
ma main ; 20. une copie de ce m êm e m ém oire écrite
par lui , où il est parlé de cession et subrogation du
mois de juin 1 7 8 7 7 3°* quelques actes du c o m m e n c e
ment d’une procédure en tribunal de fam ille, entre le
citoyen Prost et Jean -Joseph Bantin , m on frère. Par
ces actes, il paroît que ce dernier prétendoit que l’acte
sous seing privé que le sieur Bonchrétien et moi lui
avions consenti, le 29 avril 1 7 7 3 , comprenoit plus d’ob
jets que mon premier mari et m oi n’avions entendu en
vendre.
, L e citoyen Prost se replie ensuite sur la clause de
notre contrat de m ariage, contenant évaluation de mes
biens dotaux la somme de 27,000 francs.
i ° . Je l’ai déjà dit, et je répète ici qu’avant mon mariag c , je 11’ai jamais consenti ni cession ni subrogation,
ni sous seing privé ni pardevant n o ta ire, nu profit du
�C 4° )
citoyen Prost. T o u t ce qu’il dit à cet ég ard , est men
songe.
2°. L e mémoire à consulter et la copie de ce m é m o ire ,
dans l’aiFaire contre Jean-Josepli Bantin, sont l’effet d’une
ruse abominable de la part du citoyen Prost, envers moi.
Il étoit en contestation avec Jean-Joseph Bantin sur l’é
tendue de la vente que le sieur Bonchrétien et moi avions
consentie à ce dernier, en 1773- L e citoyen Prost m ’en
gagea à faire le mémoire à consulter, parce q u e, disoiti l , je savois mieux que lui tout ce qui s’étoit passé. Je
rédigeai le mémoire tant bien que mal ; il est écrit de
ma main en son entier; c’est celui qui commence par
ces mots : M ém oire sur différentes p ro p riétés, etex- L e
citoj'en Prost le mit ensuite au n et, et le signa.
A u jou rd ’hui il produit , et le projet du m ém oire, et
une copie de ce mémoire écrite en son entier par lui.
Mais ils ne commencent pas de même.
L e projet c o m m e n c e a in si : « M é m o ir e S U R D I F F É « r e n t e s T R o r R i É T É s e n b i e n s f o n d s , provenantes
« d’ un partage des successions de défunts Pierre Filion«
« Bantin, et de dame L o u ise-P ierre, son épouse; L E S « Q U E L L E S P R O P R I É T É S O N T É T É P O S I T I V E M E N T trans« m ises en m ariage p o u r constitution de d o t, pa r m o i
« M a rie - A n n e F ilio n - B a n tin , veuve en premières
« noces de défunt Nicolas Bonchrétien, résidente à Cosnc,
« en Bourbonnais, actuellement épouse du sieu r P r o s t ,
« chirurgien , q u i L E S A R E Ç U S e t a c c e p t é s a i n s i ,
« l'AR L A REMISE ET TRANSM ISSION
« ACTES
QU I
DES T I T R E S E T
L U I S O N T N É C E S S A I R E S l ’O U R C H A C U N E
« i / E L L E S j».
La
�( 41 )
La copie du mémoire mis au n e t, commence ainsi :
« Copie cCun m ém oire à consulter , f a i t par m adame
« M a r ie - A n n e F ilio /i- B a n tin , veuve B o n ch rélien ,
« CONCERNANT
PLUSIEURS PROPRIÉTÉS IM M O B IL T A l-
« RE S , et l’ usufruit
« SUBROGATION
«
«
«
«
d'icelles, D O N T L A
A ÉTÉ
FAITE
SOUS
cession
et
SEING P R I V É ,
1787 , par la
susdite Bantin , résidante à Gosne en Bourbonnais ,
I
^
au profit de P ierre-C la u d e P r o s t , ch iru rg ien , résidant à B ou rb on -T A rcha m b au d , p o u r Q U E T OU S E T
D A N S L E C O U R A N T D U MOIS D E J U I N
« U N C H A C U N DES B I E N S Q U I A P P A R T E N O I E N T
«
su sdite
«
so ien t
B
a n t in
,
t a n t
com pris d a n s l a
m eubles
masse
et
A LA
q u ’i m m e u b l e s
,
somme t o t a l e
« D E S A D O T , P O R T É E A L A V A L E U R DE 27,000 fr. *.
Dans le surplus, les deux pièces sont parfaitement con
formes ; mais il est très-important de bien saisir les nuan
ces qu’il y a entre les deux titres.
Dans le p ro jet, il est dit : M ém oire su r différentes
propriétés. Dans la copie , il est dit : C oncernant plusieurs
propriétés im m obiliaires.
• Dans le p r o je t, il est dit : L
esquelles
p r o p r ié t é s
ont été p o s i t i v e m e n t transm ises en mariage pour
constitution de d o t, p a r m oi M a rie-A n n e F ilion -B a n tin .
Dans la c o p ie , il est dit : D o n t la cession et subrogation
a été f a i t e sous seing p r iv é , dans le courant du 7?iois
de ju in 1787.
Dans le projet, il est d it , que le citoyen Prost l e s a
r e ç u e s e t a c c e p t é e s a i n s i , ( les différentes propriétés ),
p a r
sont
la r e m is e e t t r a n s m i s s i o n d es titrp s e t a c t e s q u i
u t il e s
et
n é c e ssa ir e s
lu
1
p o u r c h a c u n e d ’e l l e s ,
F
�( 42 }
:
Dans la c o p ie , il est dit plus : il est dit : P o u r que tous
et un chacun des biens q u i appartenaient ¿1 la susdite
B a n tin , tant m eubles qu im m eubles, soient com pris
dans la masse et som m e totale de sa doit} portée à la
valeur de 27,000 fra n cs.
^
'
J ’avoue que d’abord je ne concevois pas d’où prove-'
noit cette différence; mais j’ai enfin découvert le tour
d’adresse du citoyen Prost'; j’ai enfin découvert que le
citoyen P ro s t, qui me demande avec acharnement des
papiers qu’il a , des papiers que mon avoué a vus dans
le dossier du citoyen P ro st; j’ai enfin découvert, dis-je,
qu’il y a faux matériel , faux tant dans le projet fdu
m émoire , que dans la copie du mémoire mis au net. ’
Quant au projet du mémoire , ‘l'adverbe positivem ent
présente une altération qui saute aux yeux ; les deux
syllabes p o si ne sont pas de moi. Au-dessous ét à l’entour on aperçoit encore les traces du grattoir. A upara
vant il y «1voit l’actvcrbc taxcitiÇCTTlCnt OU Celui lim ita —
tivement. L ’on a enlevé les syllabes ta xa ou lim ita , pour
y substituer celles posi.
^
•
A la fin de la huitième ligne, il ÿ a deux mots ajoutés;
ces deux mots sont reçu et'': auparavant la ligne finissoit
par les mots q u i les a.
1
v u '
A u commencement de la neuvième lig n e, il y 1a un
mot effacé; on découvre encore les traces du grattoir qui
a vo ylu enlever les lettres e n , avant un t qui finissoit
le’ mot effacé ; l’on à laissé subsister le /, et au ieèond jam
bage de Mn effacée, l’on á posé un e dont la liaison va
aboutir dans le l ] 'h les ’yeu x disent encore qu’i l y a v o i t
auparavant l’advtabc subsidiaii'cm ent.
�( 43 )
Dans la même ligne on remarque que le mot par est
surchargé, et à travers on démêle encore le mot que.
* A .la troisième ligne ,1e sixièmè mot ( lu i ) est altéré;
il y a voit auparavant celui ic i, les points des deux ¿'exis
tent encore ; celui du premier n’a pas été effacé, le c for
mant la seconde lettre est dans sa forme primitive ; pour
transfigurer ic i en lu i y l’on a tout simplement posé une
1 avant le premier i.
üi-:,.
A la suite du neuvième est un espace couvert d’encre;
adjectif u t ile , venant après , a été form é aux dépens
de la défiguration d’un autre mot que l’on voit h peine,
mais on diroit qu’il y avoit l’adverbe actuellem ent.
P o u r ce qui est de la copie du mémoire , c’est là que
l’on a exercé tout son talent; mais on a fait de telle ma
n iè r e , que la pièce porte avec elle-même des signes cer
tains de sa réprobation.
Cette ipiece >est en trois feuilles, papier libre, dont
quatre rôles sont couverts d’écriture toute de la main du
citoyen Prost; au quatrième rôle sont la signature du
citoyen P r o s t , ainsi qu’une approbation et une signature
qu’il m’attribue : viennent ensuite deux rôles en blanc.
L e premier rôle est sans signature aucune, en sorte qu’il
étoit infiniment facile de changer la première feuille. O r ,
c’est ce qu’a fait le citoyen P ro s t; tout dit qu’elle l’a été.
En effet, i°. l’encre des deux premières pages de cette
copie n’est pas aussi noire que l’encre des autres pages.
2°. L e citoyen Prost avoit c h a n g é le titre : dans celui
de la copie ce ne sont pas les mêmes termes que ceux
de la première copie du projet. LecitôyenProst, en copiant
de nouveau, avoit d’abord écrit sans aucune précaution;
F 2
�'
( 4 4
)'
arrivant ù la fin de la p a g e , et voyant qu’il auroit trop
d’espace, il grossoya un peu pour remplir cette page,-et
atteindre le' même point que la page de la feuille suppri
mée. Parvenu là , le citoyen Prost n’eut pas besoin de la
m ême précaution pour le verso ; aussi remarque-t-on qu’il
est allé bien couram m ent, parce qu’il àvoit la même
quantité de mots pour couvrir* le même espace, i
3 0. U n fait plus déterminant que tout cela,..est dans
les filigranes des trois feuilles du papier. ,
* n 1.
L e filigrane des deux secondes feuilles représente,
au premier rôle, une fleur de lis entre les lettres A . G. F .
et au second r ô le , un cartel ayant au milieu un cornet de
chasseur. D e là vient que ce papier est appelé papier au
cornet.
L e filigrane de la première feuille, c’est - à - d ire, de
celle qui a remplacé celle en levée, est, au prem ier rô le ,
une coquille de mer. L e rayon du milieu du demi-cercle
q u elle fo rm e, est s u r m o n t é . d ’ u n e p i q u e ; et au haut de
cette p iq u e , est un bonnet de la -liberté. A u second rôle,
sont la lettre I , un cœur, le mot B o u g r e t, la lettre F , et
le mot Nevers.
D e toute cette description il suit que la première feuille
de la copie du mémoire a été supprimée; que le citoyen
Prost y en a substitué une autre sur du papier tout autre
que l’ancien, et que par cette opération le citoyen Prost
s’est donné la plus grande aisance pour ajouter au litre de
sa copie tout ce qu’il lui a plu. L e faux est évident ; il est
certain. Il ne faut pas dès-lors s’arrêter à cette copie. Il faut
s’en tenir uniquement au projet écrit de ma main. Il faut
surtout être en garde contre les altérations que j’ai signalées
plus haut.
�C 45 )
_■J ’observerai que le citoyen Prost a si peu cru lui-même
que la co m p o sitio n de ma dot de 27,000 fr. absorboit
tous mes im m eubles, que dans ses causes d’appel du 2
thermidor an 9, en critiquant le jugement du ie r. frimaire
an 8 , et en étalant tous les objets par lesquels il veut
éteindre ma d o t, a dit (folio 3 9 , recto in fin e') : I I f a ll o i t
bien déduire les réparations et am éliorations f a it e s p a r
Texposant a u x biens im m eubles de ladite Ba?itin ; par
mes réponses à ces causes d’àppèl , j’ai pris acte de cet
aveu. J ’avois donc encore des immeubles : tous mes im'
4
*
.
meubles n’étoient donc pas fondus dans l’appréciation de
ma dot à la somme de, 27,000 fr. V o y . page 41 recto,
in fin e , et verso.
,
T-»
' •' •
'
‘' '
Enfin , perdrois-je mon procès sur la maison à Cosne ,
et sur la maison de jardinier, à M ou lin s, le cit. Prost
Dy gag neroit absolument rien ;b ien incontestablement il
me d o it , et me devra sans doute toute sa vie la somme
de 14,800 fr. Dans son précis ypage 5 4 , il dit : L a petite
m aison située dans le village de Cosne est tout au
plus en valeur de 1,000 f r . L a petite m aison située
au dehors de M o u lin s , q u i n e s t q 11 une petite m aison
de ja r d in ie r , ensemble le ja rd in , sont tout au plus
en valeur de 3,000.
l i é bien , en jugeant le citoyen Prost par ses propres
paroles , de son calcul il résulteroit un total de 4,000 fr.
Il m’en doit 14^800 fr. il seroit donc mon reliquataire
de 10,800 fr. que dès ce moment je regarde comme
perdus. Il suit delà q u’il 11’aaucun intérêt à faire juger que
ces deux immeubles lui appartiennent, parce que s’ils m ’échappoient par désistement, je les retrouverois bien par le
�( 4* )
moyen de l’expropriation forcée. J e n’y verrois que l’in
convénient des frais q u i, tout le monde le sait, sont
énormes.
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L e C O N S E I L S O U S S I G N É , sur le m ém oire cidessus et les pièces de l’affaire,
,
’
E s t i m e que la dame Bantin. ne doit pas avo ir d’in
quiétude sur l’événement.
T o u t odieux qu’est aujourd’hui le d iv o r c e , il ne doit
pas influersur le jugement à intervenir. i° . L a demande en
séparation de corps et de biens, formée par la dame Bantin,
peu après son mariage avec le citoyen Prost (en mai 1788
annonce une conduite peu convenable de la part de ce
dernier. Ordinairement une femme ne prend cc moyen
extrême j que paix:e qu’elle y est forcée par les excès de
son mari. L e départ du citoyen P ro st, en 1 7 9 1 , pour les
armées: un homme marié âgé de près de quarante ans,
qui abandonne ainsi son épouse, son état et scs affaires;
q u i place le soin d e ses intérêts en des mains é tra n g è re s ;
qui réduit sa bienfaitrice à la très-dure nécessité de de
mander des aliinens en justice. T o u t cela excüseroit la voie
du divorce dans le temps ou celle de la séparation de corps
étoit ôtée : d’ailleurs il faut bien croire que la dame Bantin
dit en bonne f o i qu’elle fera convertir soh divorce cri
séparation de corps, si jamais une loi tant désirée, tant
sollicitée, en donne la faculté. Elle n’a pas d<S raison pour
ne pas le faire ; plusieurs, vivement senties, 1 engagent au
�( 47 )
contraire à user de ce rem ède. 2°. Quoique le divorce
semble enfin réprouvé comme étant une erreur politique,
les tribunaux doivent o u b lier, doivent n’avoir pas su que
la datne Bantin*est divorcée , parce que les magistrats ne
partagent pas lès affections plus ou moins désordonnées
des plaideurs : ainsi donc cette dame ne doit pas être
effrayée par tous les reproches'de son mari." Des repro
ches ne sont pas des moyens.
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§• I erI
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du 9 août 170)2 ^ la dame
Bantin a c}épipi?,tré(qu’a.Vijourd’huij cette partie de la cause
n’a plus_d’objet
iÇ^l^'.iîn,partant des principes trèsvrais en point de drpit , quelle mari^doit lo ger, n o u rrir,
et entretenues;? femn¡ie (1) ^ e tq u ’une femme en puissance
dpi mari nç peut ,1’icn faire qui puisse conduire à l'alié
nation de ses biens dotaux envers son-m^ri (2)., La dame
Bantin devant .être*nourrie, et entretenue par son mari»
ç
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, ( 1 ) Tous nos livres, et la jurisprucienc^ constante des tribubaux, ont’depuis long-temps proclamé-cÊttc ié r iié .
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0 ' 'V . -;»•
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(2)
L article C C X X V l de la-icdutiunë du Bourbonnais^régis
sant les parties, porte : « L e m ari , durant le mariage, ne 1peut
«fa ir e aucune association, donation ou autre contrat avec sa
« femme. » C e tte disposition’s’applique tant aux contrats directs
qu’aux contrats indirects; Cüm¡ dit la ri-g^e de d ro it, 8 4 , in^G,
quod,iuiâ viàprohibetur alicui ?âd hoc al/d vid non \lcbct admitti.
t n coutum e dè 'BourbáHíiaisy une fcinni'e petit'bien aliéner
scs bicins dotaux-; niais-,1dit* M. le président'Dùrei, il faut qu’elle
n J soit pás forcé«} : Miïlicr'phtnè'tnajor} non ri aut minis maritalibus coacta.
' î*
�(
.4
8
)
celui-ci né le faisant pas, il en résultèrent une sorte de
violence. Si elle étoit obligéefde faire raison de ce qu’elle
a: reçu à. titre de pension ^alimentaire, et de l’irnputer
sur la restitution de sa . d o t i l s’ensuivroit une aliéna
tion de ses biens dotaux ; il s’ensuivroit que la darae
Bantin auroit été v i et m inis rnaritalibus coacta. A u
reste il est tout naturel que la femme vive aux dépens des
revenus de ses biens dotaux. L e mari n’a ces revenus qu’à
la condition de fournir à sa femme les moyens d’exister ;
s’il ne le fait p as, la femme est en droit de l’y contraindre ,
d’abord jusqu’à l’épuisement absolu de ses revenus; elle
peut même toucher aux revenus d u ’mari. Dans l’espèce,
de l’aveu du citoyén P ro sty il avoit reçu un capital de
27,000 francs, donnant un intérêtannuel de i , 35o francs:
il n’est donc pas inconvenant que l’on ait adjugé à la
dame Bantin une pension alimentaire de 1,200 francs.
P o u r ce qui est du taïoyen ùltrà pet ¿ta, em ployé p arle
citoyen P ro st,1 il n’existe pas; i l 1 est dém en ti, et par la
demande de la dame B a n tin , qui s’élevoit à 1,800 fr.
et par le jugement qui n’a accordé que 1,200 fr. L a dame
Bantin réclainoit 5oo f. pour frayera ses emprunts, depuis
le départ de son mari ; le jugement n’a adjugé que 349 f.
pour cela et les irais.
S- I I .
L ’appel du jugement du 29 thermidor an 2 , n’est pas
considérable, ce jugement n’étant que provisoire. Toute
la difficulté roule aujourd’hui sur le définitif. Ilseroit puéril
de discuter sur le provisoire, quand on a à juger ledéiiuitif.
Il est pourtant vrai que ce jugem ent a autorisé la
darne
�C 49 )
dame Bantin à jouir provisoirement des immeubles à elle
appartenans ; et que s’il venoit à être jugé que ces im
meubles sont au citoyen P r o s t, c e lu i- c i se croiroit en
droit d’en demander les jouissances à la dame Bantin.
M ais, i° . ces immeubles se réduisent à une maison à
Cosne, et à une maifo:i à M oulins: le citoyen Prost les
- apprécie ensemble à la somme de 4,000 fr. Plus bas, il
sera prouvé que ces deux maisons n’ont jamais cessé
d’appartenir à la dame Bantin.
2°. Ces jouissances, s i elles étaient dues au cit. P r o st,
ne pourroient remonter qu’au jugement du 29 thermidor
an 2. L e jugement du I er. frimaire an 8 n’adjuge à la
dame Bantin les intérêts de sa d o t, q u’à compter du I er.
pluviôse an 7 , date de la renonciation de la darne Bantin
à la communauté. Il suit de là qu’il y a eu compensation
pour tout 1antérieur au ie>‘. pluviôse an 7. Jusqu e-là,
tout avoit été confondu.
E n v a in , le citoyen Prost o p p o s e - t - il que la dame
Bantin n’a pas appelé du jugement du
I er.
frimaire an 8
,
en ce qu’il n’adjuge les intérêts et la dot qu’à compter du
I er
pluviôse an 7. D ’une p a r t , la daine Bantin n’a pas
réclamé contre cette disposition, parce qu’elle a pensé et
dû penser que tout l'antérieur au I er! pluviôse an 7 ,
étôit fondu respectivement. S i a u j o u r d 'h u i le citoyen
Prost vouloit et pouvoit revenir contre, il faudroit au
moins que la chance fût égale. D ’un autre c ô t é , si la
dame Bantin étoit obligée de r e n d r e compte des jouis
sances , il seroit bien juste que, jusqu’à concurrence, elle
compensât les intérêts de sa dot , parce qu’il n’y auroit
G
�0 50 )
aucune sorte de m o tif, pour que le citoyen Prost retînt
en pur gain ces intérêts.
§.
III.
L e citoyen Prost est indubitablement non recevable et
mal fondé en son appel du jugement du ier. pluviôse
an 7-., donnant à la dame Bantin acte de sa déclaration
q u’elle renonce à la com m unauté, et que cette renonciation
n’est pas faite en fraude des créanciers.
i°. L e citoyen Prost est non recevable, parce qu’il a
fait signifier ce jugem ent, et a sommé la dame Bantin d’y
satisfaire. O r , en droit et en jurisprudence, l’on tient pour
certain qu’une partie qui a fait la signification d’un juge
m ent, en approuve par cela même les dispositions.
Il est pourtant vrai qu’après la sommation de satisfaire
aux dispositions de ce jugem ent, le citoyen Prost a ajouté,
s o u s t o u t e s r é s e r v e s . Mais d es r é s e r v e s banales ne suffisent
pas pour dire utilement que l’on n’approuve pas un juge
ment que l’on signifie avec sommation d’y satisfaire. Mais
les mots, sous toutes réserves, ne se rapportent pas à la
renonciation de la dame Bantin. Ces mots ont un tout autre
sens. L e jugement ordonnoit que la dame Bantin donneroi t, dans deux décades, état des meubles et effets existans
lors du départ du citoyen P ro s t, ainsi que des sommes
touchées par la dame Bantin, s a u f le contredit du citoyen
P r o s t. L e citoyen Prost somme la dame Bantin de satis
f a i r e a u x dispositions iC icelu i, dans les temps y portés,
a u x peines de d r o it, et sous toutes réserves : cela veut
�( 5i )
dire que s i , dans les deux décades, la dame Bantin ne
fournissoit pas l’é t a t , le citoyen Prost se réservoit de
demander contr’elle l’application des peines de droit; cela
veut dire que si la dame Bantin fournissoit cet é ta t, le
citoyen Prost se réservoit de contredire cet état. Après
les m ots, a u x'p ein es de d r o it, vient la conjonction e t ,
qui les lie ù c e u x , sous toutes réserves : en sorte que
le tout ne forme qu’un m ême membre de phra&è. C e
m em bre se rapporte à ce qui précède; il se rapporte à
l ’exécution ou non exécution de la disposition qui oblige
la dame Bantin à fournir l’état.
2°. L e citoyen Prost est non recevable en son appel,
pour ne l’avoir pas interjeté dans les trois mois de la
signification de ce jugement (i). La signification est du
13 pluviôse an 7 , e tNfappel n’est que du I er. germinal
an 8 : d’une époque à l’autre, il y a plus d'un an.
Nous-pensons que le citoyen Prost e rr e , en soütenant
que ce jugement n’est que préparatoire pour la partie qui
donne acte de la renonciation ; il al beau dire qu’il ne juge
pas la validité de la r e n o n c ia t i o n q u ’il ne juge pas que
la dame Bantin n’est pas com m un e, et qu’il en est ici
comme d’un jugement qui auroit donné acte d'offres
réelles, et permis de lesl)consighèi\1
U ne renonciation faite à la, com m unauté, se réduit
I j* '
un seul acte; il n’y a rien,de préliminaire. Quand la renon
ciation est faite contradictoirement, avec la partie inté—
*
— ----------- :-----Tr---------ï
‘
( 1 ) L ’article X I V du .titre V do Ia'Ioi du 24 a o û t 1 7 9 0 , no
dourïe que c e délai p o u r les jugemefls co n tra d icto ire s: celui en
question est dans c e tte classe.
■
v :;.A .
G 2
�(5 0
ressée, qui ne réclame pas contre, tout est consommé ; il
n’y a pas à revenir. L a renonçante déclare publiquement,
et à l’audience , qu’elle ne le fait pas en fraude ,des créan
ciers : cette déclaration est une espèce de serment. Quand
la partie contraire laisse venir les choses jusque-là, ce
doit être le'terme de toute discussion sur ce point.
Entre ce cas et celui des offres, il n y a pas d’analogie
exacte-,Après la réalisation et la.consignation des offres,
reste à en jugçr lar Validité, parce qu’une règle expresse
le i commande’ ainsi. ÎVlads■
l’article C C X L V de la coutume
de Bourbonnais, qui prescritiles conditions nécessaires à
line renonciation, ne dit pas cfu’après qu’elle aura-été
fait q ju d icia irem en t avecjles-héritiers du défunt,iceux-ci
auront le pouvoir de h* çbmbattre (ï).
'
-. ^y.
P o u r q u o i cette loi e x i g e '- t - e lle que les héritiers du
défunt soieat présens ou appelés ? C ’est afin que ceux-ci
contredisent à l’instant la renonciation, ou tout au moins
se réservent la fqcylté:.de la contredire d a n s la suite. S’ils
.ne le fqiit pas d e suite, ou s’ ils, ne se réservent pas le
droit d,e le faire ultérieurement; s’ils laissent dire que la
______
) 1 * y *:f ‘
»
.
(i) Art. CCXLV de la ççiutumCjde Bourbonnais: Et doit f a i r e
la renonciation judiciellem en t dedans quarante^ jours, (,depuis,
l'ordonnance’ de, 1667. a étendu ce délai à( trois niois pour faire
'invcntJiirè, et quarante jours pour délibérer ), après qu’elle aura
su le trépas dé son mari ; appeler pour ce fa ir e les héritiers apparens du trépassé , s’ils sont demeurans en la justice en laquelle le
défunt étoit domicilié eni Bourbonnais au temps dudit1trépas ,*
et 11 f a u t e desdiis.- héritiers , 1appeler le prvciirèur de la ju stice
dudit lieu où le trépassé ètoit domicitiéi
.
.
•
�( 53 )
renonciation n*est pas faite en fraude; par leur silence,
ces hértiiers en avouent la sincérité. Q u i tacet consentire
videtur.
Les dispositions pénales ne se suppléent pas. Quand il
n’en est pas dans le tçxte d’une lo i, il n’est pas permis
d ’y en insérer ou d’en induire. Jean Decullant, sur 1 ar
ticle Ç C X L V de la coutume de B o u r b o n n a i s , dit : Statu ta
sunt stricti j u r i s , quibus non licet quidquam addere vcl
detrahere. L a coutume ne disant pas que la r e n o n c i a t i o n
faite pourra être ensuite :contredite, on ne le peut pas
après c o u p , parce ,que ce seroit addere.
i
Ici le citoyen Prost a<-.vu faire la renqnciatiopr.de la
dame Bantin ; il n’a pas réclamé : par son silence il y a
consenti. Il a ensuite fait signifier le jugement qui l a
recueillie ; il n’a pas protesté contre la renonciation : il
l a d o n c approuvée. L a fin de non recevoir nous paroit
invincible.
,v
'
3°. lies moyens qu’oppose le c i t o y e n P r a s t contre
la régularité de là renonciation de la dame Ban tin, ne
sont pas justes. Elle a été faite judiciairement et'contra*
dictoirement avec lui-mcme ; i l etoit la seule partie inté
ressée : par là tout ce que prescritM ’art. C C L V de
la coutume de Bourbonnais a été exactement observé.
Il'hte fnlloit pas que le commissaire d-u gouvernement ?
(représentant aujourd’hui l’ancien p r o c u r e u r de la justice);
ne falloit pas, disons-nous, que le commissaire du gou
vernement fut ouï dans l e j u g e m e n t du i e i . pluviôse
il
an 7. Sa présence et s e s Nç o n c l u s i o n s n auroient <5té rjg011”
reusement n é c e s s a i r e s , q u e dans le, cas où le cit. PipsÇ
auroit fait défaut; et .à f a u t e desdits h é ritie rs, dit far-
�( 54 )
tîcle C G X L V de la coutume de Bourbonnais , appeler le procureur de la ju s tic e ; et si les héritiers sont
présens ou appelés , point de commissaire , parce que
cette loi ne l’exige c\\xàjhuta desdits héritiers.
Peu importe qu’A u ro u x dise, n. 17 : « Mais l’usage est
•• v que la veuve fasse cette renonciation judiciairement ;
« et q u e , su r la réquisition du procureur du r o i , elle
« prête serm ent q u elle ne la f a i t pas en f r a u d e des
a créanciers, a
I c i , A u ro u x ne parle que d’usage ; et un usage ne sauroit l’emporter sur la loi ( I ). Q u ’avant la révolution ,
certains-procureurs du r o i , voulant étendre leurs attri
butions , aient exigé que cela fût ainsi ; cela est indifférent
aujourd'hui. Qu^avant la révolution, les veuves embar
rassées d’assigner des héritiers souvent éloignés; que pour
a b ré g e r, l 'o n se soit contenté di faire la renonciation avec
le procureur du ro i; cela pouvoit avoir quelqu'avantage:
mais cela ne dit pas q u e , même avant la r é v o l u t i o n , une
renonciation ne s c r o it p a s r é g u l i è r e , par cela seul qu elle"
n ’ a u r o it été faite qu’avec les héritiers appelés, et sans la
présence dp procureur du roi. Quand une loi laisse l’alter-
(1) A van t lu i, M . François M enudcl avoit dit qu'on n’appeîoit plus les héritiers, mais seulem ent le procureur du roi: Q uod
non obscn>amiis \ dit-il >sed p cssim è, hœc enim statuti solem nitas
est loco fidclis inventivii desiderati à consuctudiiie parisiensi.
Prcvses noster, dit M . Sem in, en parlant du président D u re t,
liane solem nitatcm , ut hœredcs roccntur, rcso hit esse neccssarià
requisitam, quant tamen non 'o}>sëri>\imus, et sufficit lume reniaitiationem fieri in ju d ic io , procuratore regio aut jis c a li prccscntc.
�,
Ç 55 )
native de deux formalités ; q u a n d , pendant deux
siècles on ne se seroit servi que d’u n e, cela n’empêcheroit pas qu’au bout de ces deux siècles, l’on ne pût
très-bien user de l’autre qui auroit été oubliée.
A u reste , voudroit - on que l’usage eut prévalu ; ce
seroit un abus qu’il faudroit c o r r ig e r , parce qu’on ne
prescrit pas contre la disposition des lois. Depuis l ’or
donnance de 1 6 6 7 , les cours souveraines avoient bien
reçu pendant trente ans les oppositions aux arrêts par
d éfa u t, faute de comparoir. Les nouveaux,tribunaux ont
ravivé la force de cette ordonnance, et après la huitaine,
fin de n o n . recevoir. P a r parité de raison , il faudroit
revenir à l’art. C C X L V de la coutume de Bourbon
nais : les premiers juges s’y sont conform és; la renoncia
tion est donc régulière.
Il est bien vrai que la dame Bantin n’a pas renoncé
dans les trois mois et quarante jours accordés par l’ordonnance de 1667. Il est encore vrai qu’elle est nantie des
meubles meublans étant dans le domicile des parties à.
Moulins. Dans ce se n s, on pourroit d i r e , que s’étant
écoulé cinq a n s , entre son divorce de l’an 2 , et sa re
nonciation de l’an 7 , les choses n’étoient plus entières.
M ais, d’une p a rt, les parties se trouvoient dans une
position singulière. L e citoyen Prost étoit aux arm ées,
et la dame Bantin à Moulins. L e citoyen Prost n’étoit
pas i\ M oulins, pour prendre les meubles meublans do
la maison de Moulins.
D ’un autre cAté , ces meubles étoient une partie de
ceux que la daine Bantin n v o i t apportés en mariage au
citoyen Prost j ils lui étoieut dotaux ; ils lui appartenoient;
�C
)
clic avoit droit de les reprendre; elle en étoit saisie dë
plein droit (i).
1
_
L e citoyen Prost compare une femme commune pré
som ptive, à un héritier présom ptif: mais l’argument sè
rétorque contre lui-même. En effet, si en droit on d it ,
Sem el hceres, semper h œ r e s, l’on dit aussi que l’addition
d’hérédité plus est a n im i q u à m fa c ti. Si une femme n’agit
pas expressément comme com m une; si elle a tout autre
titre, on ne peut pas en induire une addition de com
munauté.'
'
O r , la dame Bantin n’a jamais agi comme com m une;
elle a agi seulement comme créancière; puisqu’en l’an 3
elle a fait saisir et vendre les meubles que le cit. Prost
avoit à Bourbon-l’Archam baud ; puisqu’en l’an 6 elle a
fait vendre d’autres effets mobiliers dans la maison de
Moulins. Elle n’avoit donc pas' intention d’être commune.
Mais quand la dame Bantin seroit commune , quel
profit en tireroit l e c i t o y e n P ro s t? En cette qualité, elle
ne seroit pas tenue des dettes de la communauté au delà
de la valeur de ce qu’elle y auroit pris. T e l î j est la dis
position de l’article C C X L I I de la coutume de B o u r
bonnais, de l’article C C X X V I I I de celle de P a ris, et de
l’article C L X X X V I I de celle d’ Orléans.
E n fin , un moyen péremptoire résulte du contrat de
mariage d’entre les parties; elles y ont stipulé qu’en cas
(1) A rt. C C X L V 1 I de la co u tu m e de B ourbon nais: « L a prov prié té des biens dotaux retourne à la fem m e ou à ses héritiers,
a le mariage d isso lu , et en est ladite fem m e saisie et en posu session, o u scs héritiers, $ans autre appréhcnsioij de fait. »
de
�( 57 )
tle non enfans, au décès de l’une d’elles, tous les profits
appartiendroient au citoyen Prost.
Ici même position , même raison que s’il y avoit décès,
puisque l’art. I V du §. III de la loi du 20 septembre 1792
veut que les parties soient réglées de même (1).
Ici la convention e st, qu’en cas de non enfans, toute
la communauté appartiendra au citoyen Prost. Il n’y a
point d’enfans ; tout est donc à l u i , et alors il ne falloit
pas de renonciation de la part de la dame Bantin : elle est
surabondante.
L e citoyen Prost ne peut pas dire qu’il veut admettre
la dame Bantin à la communauté : la clause du contrat de
mariage doit être exécutée, par cela seul qu’elle est écrite. Il
doit ici y avoir égalité de conditions. Si la dame Bantin
v o u lo it, contre le gré du citoyen P ro s t, participer à la
com m unauté, il la repousseroit par la clause du contrat
de mariage, s i p a r i, la dame Bantin peut s’abstenir
d’entrer dans la communauté , et cela en vertu de la m êm e
clause. En dernière analise , sa renonciation est redon
dante : il n’y a donc pas d’utilité de s’occuper davantage
des moyens de régularité ou d’irrégularité de cette renon
ciation.
(1) A rt. IV du §. III : « De quelque manière que le divorce
« ait lieu , les époux divorcés seront réglés, par rapport à la com« m unautéde biens, ou à la société d’acquêts qu» a existé en lr’eux,
« soit par la lo i , soit par la convention, comme si l'u n d ’ e u x
* était décédé. »
II
�' L e jugement du 22 prairial an 7 n’a jamais p résen té,
et ne présente pas surtout aujourd’hui un grand intérêt.
L a dame Bantin y a obten u, il est v ra i, main-levée défi
nitive des saisies-arrêts faites comme de ses b ien s, à la
requête du citoyen P rost; mais ce jugement a encore été
exécuté, et c’étoit vraiment le cas d’une main-levée défi
nitive et non d’une main-levée provisoire. L e cit. Prost
n’avoit aucun titre pour saisir et arrêter. Il est bien v r a i,
comme il le dit, qu’il avoit le contrat de mariage de 1787 :
mais ce contrat étoit contre l u i , puisqu’il le constituoit
débiteur de 27,000 fr. envers la dame Bantin : il étoit déjà
établi qu’il ne pouvoit qu’être redevable en définitif.
L e citoyen Prost ne pouvoit pas se dire commun avec
la dam eBantin, puisqu’il y avoit, de la part de cette der
n ière, renonciation à la c o m m u n a u t é ; puisqu il y avoit
toute cessation de com m un auté, au moyen du cas de la
dissolution du mariage sans enfans.
Il faut pourtant convenir q u e , pour raison des meables de la maison de M o u lin s, pour raison de tous les
effets dont la dame Bantin a fourni état devant les pre
miers juges, le citoyen Prost avoit une action contr’elle:
mais c’éloit une simple action 5 mais cette simple action
ne lui donnoit pas le droit de saisir et arrêter des biens
de la dame Bantin. P ou r pouvoir faire une saisie-arrêt,
il faut ou un titre exécutoire, ou tout au moins une ordon
nance de ju g e, et le citoyen Prost u’avoit ni l’un ni l’autre.
En eet état des choses, les premiers juges ont v u , d’ un
�( 59 )
cô té , la dame Bantin créancière de 27,000'fr. en vertu
de son contrat de mariage ; e t , d’un autre c ô lé , le citoyen
P ro s t, sans autre qualité que celle d’ un demandeur tracassier et de mauvaise foi. Ils ont dès-lors dû donner, et
ils ont donné main-levée définitive des saisies-arrêts: en
cela ils ont parfaitement bien fait.
A u reste, le citoyen Prost a acquiescé à ce jugement, en
fournissant ses contredits à l’état de la dame Bantin; il ne
sert à rien qu’il dise qu’il étoit obligé à donner ces contre
dits : mais au moins il devoit protester contre la main
levée définitive des saisies-arrêts. A u lieu de protester, il
a acquiescé purement et simplement, en obéissant au juge
m ent; il a persisté dans son acquiescement, puisque lorsqu’après coup les parties en revinrent à l’audience , il ne
dit mot contre cette main-levée.
§ V.
L e citoyen Prost est incontestablement non recevable
en son appel du jugement du 28 thermidor an 7 , et quant
aux papiers, et quant à la bibliothèque et à la pharmacie,
- ( dans la pharmacie sont compris tous les instrumens comme
en dépendans ) : il est non recevable, parce que ce juge'm ent l’a débouté de ces deux chefs de conclusions, à la
charge par la dame Bantin d’affirmer ; parce qu’il a laissé
faire l’affirmation, le 16 pluviôse an 8 , et que son appel
n a été interjeté que le premier germinal suivant, c’est-àd ir e , quarante-cinq jours après l’affirmation (1).
(1)
M . D o m a t, en scs lois civiles, üv. III, lit. VI", scct. VI, d it:
« Lorsqu’ une partie, ne pouvant prouver uij fait qu’elle avance, s’en
II 2
�( ¿0 )
L e serment a été ordonné le 28 thermidor an 7 ; le
jugement est contradictoire : il a été signifié au citoyen
« rapporte au serment de la p a r tie , ou que le ju g e défère le
« serm ent, celu i à qui il est déféré, ou par le ju g e ou par sa
« partie, est tenu de jurer. »
A l’art. V I', le m êm e auteur dit : « Lorsque le serment a été
« déféré à une partie et qu’ elle a ju r é , il sera d é c isif ; car c ’ éto it
« pour décider que le serment a été déféré. A in s i il aura autant
« et p lu s de fo r c e qu'une chose ju g é e , et fera le même effet
« qu'un p ayem en t, si celui à qui on demandoit une somme jure
« ne rien d evo ir, ou qu’ une transaction, si c’ étoit un différent
« d une autre nature. » Sur ce p o in t, M", R om at nous renvoie
à la loi 2 , ïï. de jurejurando. Jusjurandum speciem transactionis
co n tin et, majoremque hahet auctoritatem quàm res judicata.
P ige a u , en sa procédure, c iv ile , liv. I I , part. I I , lit. I I , ch. I ,
en parlant des effets du serment ju d iciel, dit : « On ne peut ad« ministrer contre ce serment aucune des preuves que l ’ on a lors
«
«
«
«
«
«
de sa prestation, parce qu’en laissant affirmer sans en u s e r ,
c’est y re n o n cer, à moins qu’on ne veui l l e dire qu’ on a caché
les preuves p o u r déni grer so n adversaire. Lorsqu’ on a à se
plaindre de la sentence qui défère le serm ent, et qu’ on a eu
le temps de prendre un, parti entre cette sentence et l'affirmation ; si on ne l ’ a pas f a i t , on ne peut p lu s appeler. En l a i s î
« S A N T A F F I R M E R , ON A A C Q U I E S C É AU J U G E M E N T QUI
«
d o n n o i t
.
L’oR-
» E t Part. V du tit. X X V I I de l'ordonnance de 1667,
m et au nombre des sentences qui doivent passer en force de
chose jugée , celles auxquelles les parties ont acquiescé.
R e n iza rt, verho S E R M E N T , d it, a. i 5 : « (^uand le serment
« déféré par le juge est f a i t , il a la force de la chose jugée. »
E t n. 18 : « S ’ il y a un intervalle entre le serment ordonné et
« la réception, il y a f i n de non recevoir contre l ’ appel interjeté
« après le serm ent, parce que l’appelant pouvoit suspendre le
« serm en t, en signifiant son appel avant l’affirm ation faite. »
�( 6 i )
Prost le 4 pluviôse an 8 ,- avec assignation au 1 6 , pour
voir faire l'affirmation. L a citoyen Prost connoissoit ce
ju g e m e n t, puisqu’il y a été ouï. D u ¿8 thermidor an 7
au 4 pluviôse an 8 , date de la signification , le cit. Prost
a eu un intervalle de plus de cinq mois. D u 4 pluviôse
an 8 au 16 du même m o is , le citoyen Prost a eu un délai
de douze jours. Il a donc eu un temps suffisant pour
prendre un p a rti, pour interjeter appel. L e jugement de
thermidor an 7 a donc passé en force de chose jugée.
Dans tous les temps les tribunaux ont toujours eu le
plus grand respect pour le serment même judiciel; l’idée
du parjure est révoltante. Tou s nos livres sont pleins
de préjugés où il a été prononcé par fin de non rece
voir contre l’appel en pareil cas. Il n’y a eu que quelques
exceptions infiniment rares; ces exceptions ont eu lieu
lorsque l’on a acquis, depuis le serment, des preuves de
sa fausseté j des preuves retenues p a r le J a i t de la p a rtie
q u i a affirm é, et cela, par argument tiré] de l’art. X X X I V
du titre X X X V de l’ordonnance de 1 6 6 7 , permettant
le pourvoi en requête civile pour cause de pièces recou
vrées depuis le serm ent, et retenues p a r la partie.
Mais il n’est jamais arrivé que l’appel ait été r e ç u ,
lorsque l’appelant s’est présenté seulement avec les pi-euves
qu’il avoit déjà au temps du serment reçu.
I c i, le citoyen Prost ne se présente pas avec plus de
preuves qu’il n’en avoit en cause p r in c ip a le , avant l’af
firmation ; il ne se présente pas avec des preuves rete
nues par la dame B a n tin .
Par rapport aux papiers, devant les premiers ju ges,
le citoyen Prost n’a offert aucune preuve écrite de faits
�(60
de soustraction de la part de la dame Bantin. D e 1 analise du jugement du 28 thermidor an 7 , il resuite merae
que le citoyen Prost ne s’cst soumis a aucune preuve
testimoniale.
Aujourd’hui le citoyen Prost demande d’éfre admis
à prouver q u i l avoit laissé dans sa m aison des p ap iers,
et que la dame B a n tin s'en est emparée.
i ° . C e tte p r e u v e n ’ est p as c e lle d ’un fa it n o u v e a u ; il
la
dam e
B a n t i n ; ce n ’est p a s u n e p r e u v e re te n u e p a r la
dam e
devoit
s’y
s o u m e ttre
avant
l ’a ffirm a tio n
de
B a n t in : p a r c e tte r a is o n , il est n o n r e c e v a b le à la p r o
p o s e r e n ce m o m e n t ; il y v ie n t b e a u c o u p tr o p ta rd .
2°. F ru strà probatur quod probatum non relevât.
L ’article I er. du titre X X de l’ordonnance de 16 6 7 , dit:
« V o u lo n s que les f a i t s q u i gissent en preuves, soient
succinctem ent articulés. »
L ’article X L I I de celle de 1 6 3 9 , veut %ue lesf aits
soient positifs et probatifs.
L ’on ne doit p a s s’ a rrê te r à des allégations vagues.
P a r faits p r o b a t if s , l ’ o n e n te n d it to u jo u r s d es faits b ie n
c i r c o n s t a n c i é s , des faits c o n c lu a n s.
I c i , rien de plus vain que la preuve que demande à
faire le citoyen Prost ; elle faite, il seroit impossible
de juger.
E n effet, supposons que le citoyen Prost eût prouvé
qu’ il a laissé des papiers : quid indè ? La dame Bantin
a déclaré dans son état du 30 pluviôse an 7 ; cette d am e,
disons-nous , a déclaré que dans la chambre de la cour
il y avoit un sac contenant des papiers : en sorte que 1 en
quête du citoyen P rost, conduiroit seulement a la preuve
�(¿3
)
d’un fait avoué ; et f r u s t r a probatur quod probat uni
non relevât.
Considérons ensuite la conduite du citoyen Prost, lors
de son départ. Il enferme des papiers dans un porte-man
teau, et le confie à son ami M auguin.C e trait prouve sa
grande méfiance pour sa femme. U n homme qui en
agit de la sorte , fait cr o ire , et tout le monde doit cr o ire ,
que le citoyen Prost a renfermé dans son porte-manteau
tous les papiers en valeur, et que dans le sac étant dans la
chambre de la co u r, étoient tous les insignifians.
Comment ensuite le citoyen Prost ose-t-il demander,
i°. les papiers de la créance M o re a u ? lui qui a touché
toute cette créance, suivant son reçu du 27 mars 178 9 ;
20. les papiers de la créance Lamoureux ? liii qui l’a
reçue, suivant une déclaration de L a m o u re u x , ep date
du 25 t h e r m i d o r dernier; 3 0. les papiers de Jean-Baptiste
Bantin ? lui qui les a en sa puissance. L e co n seil, sous
signé les a vus dans le dossier' du citoy en P r o s t , lorsqu il en prit com m unication pour répondre a u x causes
d'appel de ce dernier. D ep uis, ces papiers ont disparu;
nous ne les avons plus retrouvés, lorsque nous avons
pris une seconde communication de ce dossier. On con
çoit bien comment la chose s’est passée. Dans l’écriture
du 26 ventôse dernier, nous avons r e p r o c h é au citoyen
Prost qu’il demandoit ces papiers, et qu’ il les avoit dans
son dossier ; nous les avons signalés, de manière qu’il
sentit bien toute la force de l’a r g u m e n t . L ’on a envoyé
ou remis au citoyen Prost la c o p ie de cette écriture; il l’a
lue. Il a fouillé dans son d o s s i e r , et en a retiré les pa
piers de Jean-Baptiste Bantin, sans en faire la confidence
�( 6 4 ) ;
h personne. L ’auteur du précis imprimé n’a pu dès-lors
les voir, aussi n’en a-t-il pas dit un mot.
Ces traits de mauvaise foi de la part du citoyen Prost,
produisent le plus mauvais effet contre lui ; joints à
d’autres circonstances relevées par la dame Bantin, et
superflues à rappeler ic i, il s’ensuit que le cit. Prost
mérite toute ¡’animadversion de la justice. Il est pourtant
bon de faire ressortir encore le fait de la lettre de la
dame Bantin au cit. Mauguiu.
L e citoyen Prost la présente avec la date du 3 nivôse
an 6 , tandis qu’il est apparent qu’elle étoit du 3 nivôse
an 3. L e chiffre 6 , couvrant celui 3 que l’on entrevoit
encore, est un faux matériel.
Quelle raison a - t - o n cru avoir pour commettre ce
faux ?
L a dame Bantin avoit fait, le 12 brumaire an 3 , une
saisie-arrêt ès mains du cit. Mauguin comme des b ie n s
du citoyen Prost ; elle demandoit au cito ye n Mauguin
une d é c la r a tio n a ffirm a tiv e . C e lut dans cette position ,
que le cit. Mauguin donna des explications par lesquelles
il indiquoit l’emploi de 5,000 francs assignats. Ce fut
dans cette position, que la dame Bantin écrivit la lettre
du 3 nivôse an 3.
L ’on a mis la date de l’an 6 , pour l’éloigner de l’époque
de la saisie-arrêt et de la demande en déclaration allirm a t iv e , pour donner une apparence de justesse aux
inductions que le citoyen Prost tire de ces mots : V o u s
w ’avez f a it un compte p a r lequel vous m 'avez trouvé
ïem p lo i de 5,000 f r . q u i étoient entre mes m ains.
M ais, en rétablissant les choses dans leur état v ra i,
en
�( 65 )
en restituant à la lettre sa date du 3 'nivôse an 3 , en
la rapprochant du fait de la saisie-arrêt de la dame
Bantin, le manège du faussaire est en défaut.
En analisant cette lettre, on y trouve deux choses bien
certaines : l’on y tro u ve, en premier lieu, que la dame
Bantin y avoue avoir reçu du citoyen Mauguin desassinats ; mais elle ajoute en même temps : L orsqu e vous
n i en avez d o n n é , vous n i avez chargé d'en fa ii'e X em
ploi p ai' différens payem ens que vous n i avez in d iqu és;
c e q u e f a i f a i t dans les temps , dont je vous a i remis
l e s r e ç u s o u q u i t t a n c e s . Ceci signifie que les assi
gnats donnés par le citoyen Mauguin à la dame Bantin ,
n ’étoient pas pour cette dernière ; ils étoient pour toutes
autres personnes indiquées par le citoyen Mauguin. L a
daine Bantin a suivi ces indications ; elle a p a y é , elle
en a remis les quittances ou reçus au citoyen Mauguin.
.Cette partie de la le ttré n e p r é s e n te a u tr e c h o s e q u ’ u n e
déclaration de la part de la dame Bantin; déclaration qui
suivant les principes ne sauroit etre divisée.
• E n second lieu , on voit dans cette lettre que la dame
Bantin dit au citoyen M a u g u in , que celui-ci lui a fait un
compte par lequel le citoyen Mauguin lu i a trouvé Rem
p lo i de 5,ooo f r a n c s qui étoient entre les mains du
citoyen Mauguin. En cet endroit de la lettre il paroît que
le citoyen M auguin indiquoit le livre journal de la dame
Bantin; mais celle-ci rép o n d , I l me seroit im possible d'y
trouver, ceci ne me concernant pas personnellement.
Ces mots intéressans dans la cause, ceci ne me concernant
pas personnellem ent, signifient que tout cela étoit étran
ger à Ici dame Bantin ; mais cela ne dit pas qu’elle a
I
�C 66 )
touché les 5,ooo francs, et cela suffît dans les circonstances.
Quant aux actes sous seing p riv é , constatant qu’avant
le mariage , la dame Bantin a fait cession et subrogation
de ses biens meubles et immeubles au citoyen P ro s t,
la dame Bantin doit en être crue en sa dénégation;elle
a affirmé devant les premiers juges qu’elle n’avoit pas
d’autres papiers que ceux par elle déclarés. Ces sous seings
privés ne sont pas au nombre de ceux déclarés : c’est
donc chose jugée irrévocablement.
P o u r ce qui est de la bibliothèque et de la pharmacie,
le citoyen Prost n’offre pas en cause d’appel des preuves
retenues p a r la dame B a n tin .
E n cause principale, le citoyen Prost se soumettoit
seulement à prouver que la dame B a n tin avoit disposé
de partie de ta pharm acie , ( pas un mot sur la biblio
thèque). Les premiers juges ont rapporté dans l’exposé
de leur ju g e m e n t, dans leur troisième c o n s i d é r a n t , que
le citoyen Prost 7i*a dit que v a g u e m e n t e t sans aucune
indication iVobjets et articles. Ce n’est pas ce que l’on peut
appeler f a i t a rticu lé,,f a i t p o s itif, fa it, p ro b a tif Pour
qu’il y eût f a i t a r ticu lé, il eût fallu que le citoyen Prost
eût offert de prouver que la dame Bantin avoit disposé
de tels et tels objets. Les premiers juges ont donc sage
ment fait, en naccueillant pas le préparatoire demandé
par lui.
E n cause d’a p p e l, le citoyen Prost offre de prouver
que la dame Bantin a f a i t déplacer et transporter hors
M ou lin s une partie de la pharm acie et de la biblio
thèque , et quelle a voulu vendre la tout à des officiers
de santé de M oulins.
�( 67 )
M a is , i ° . ce n’e s t,e n d’autres term es, qu'offrir h peu
près la même preuve que celle que n’ont pas admise les
premiers juges. Il n’y a en plus que la circonstance que
la dame Bantin a voulu vendre le tout ; et quand cette
dernière auroitfait déplacer et auroit voulu ven dre, cela
ne diroit pas qu’elle a v e n d u , parce que le signe de la
chose n’est pas la chose, parce que la volonté de vendre
n’est pas la vente. Cela ne diroit pas que la bibliothèque
et la pharmacie ne sont plus dans le même.état que lors
du départ du citoyen Prost. Cette preuve faite ne seroit
pas concluante.
2.°. Ceci ne seroit pas une preuve n ouvelle, une preuve
retenue p a r la dame B a n tin .
Dans ces circonstances , il nous paroît que tout est fini
à cet é g a r d , au moyen de l’affirmation de la dame Bantin:
c’est chose ju g é e .
P o u r ce qui est des m e u b le s d e la m a iso n à Bourbonl’A rch am b au d , dès que dans le précis imprimé le citoyen
Prost n insiste pas, dès qu’il ne dit plus un mot sur la
preuve qu’il avoit offerte dans son écriture du 2 ther
m idor an 9 , il y a lieu de croire qu’il »econnoît son
erreur.
D ’ailleurs, le genre de preuve qu’il offroit par ses causes
d’appel est infiniment vague. Dans ses causes d’appel, il
demandoit à prouver que l’huissier n’a vendu qu’une
portion de ces meubles, et que la dame Bantin s’est em
parée du surplus. Mais au moins le citoyen Prost auroit-il
dû offrir de prouver, i°. que dans sa maison à B o u rb o n ,
il y avoit tels et tels effets; ( la preuve une fois faite on
auroit confronté l’enquête avec le procès verbal de vente
I â
�'
( 68}
de l’huissier Duchoîlet ; par là on eût été à même de
juger si cette vente comprend ou non la totalité ) ; 20. que
la danje Bantin a pris tels et tels objets non vendus par
Duchoîlet. Sans cela rien de positif, rien de probatif, rien
de concluant.
Enfin, d e v a it les premiers juges le citoyen Prost n’a
présenté auçühe donnée , aucune preuve ; ce qui conduit
a penser qu’ijrrient'aujpurd’hui sur ce point. Enfin encore,
l'on nesauroit être trop en garde contre les rubriques du
citoyen Prost ; il y auroit imprudence à l’autoriser â pro
duire des témoins. Dans cette affaire, il y a plusieurs faux
matériels : il y auroit tout à craindre de la part de cet
homme.
’
.
V I.
Il nous pproît. certain que, Jes premiers juges ont trèsbien jug4 par leur jugement du premier fr im a ir e an 8 >
et en déclarant le c ito y e n P r o s t déchu du droit d’enquêter,
et dans les autres dispositions de ce jugement.
D ’abord il faut ne pas perdre de vue que l’appel du
citoyen Prost n’est pas indéfini , quant au jugement du
28 thermidor an 7. Dans son écriture du 2 thermidor
an 9 , il a désigné les chefs dont il demande la réforma
tion : celui concernant la preuve est excepté par lui ; il
soutient qu’il est encore en droit de faire sa preu ve; en
sorte que cette disposition est approuvée par lui : c’est
donc chose jugée.
O r , il est intéressant de rappeler les'tçrmcs dans lesquels
ce jugement a permis la preuve testimoniale. « Sur la con
te trariété des faits, y est-il d it, nous avons les parties
�( 69 )
« admises et réglées A f a i r e r e s p e c t i v e m e n t p r e u v e
« D A N S L E S D É L A I S D E L A LOI. » Ainsi donc voilà les
parties obligées à faire entendre leurs témoins dans le
délai de la loi.
Ici quelle étoit en thermidor an 7 la loi qui fixoit les
délais d’enquêter? là est toute la difficulté.
Il est bien certain q u e c e n ’étôitpascelledu 7 fructidor
an 3 : elle ne parle pas de délais ; elle dit seulement que les
témoins seront entendus publiquement, que notes seront
prises de leurs dépositions, et que l'affaire sera jugée de
suite , ou au moins à l’audience suivante.
Il est bien certain aussi que ce n’étoit pas plus celle du
3 brumaire an 2 : elle est absolument muette sur les délais
d’enquêter. En so n article I V , elle dit bien que les témoins
à e n te n d r e se ro n t assignés, ainsi que la partie , en vertu
d une cédille a c c o r d é e p a r le p r é s id e n t (x). C e n ’est pas
ici chose nouvelle. L ’ordonnance d e 1 6 6 7 , titr e X X I I ,
art. V , a même disposition (2). Mais la loi du 3 b r u
maire ne dit pas ici de quel instant courra le délai d’en
quêter.
L ’art. V de la loi du 3 brumaire dit bien que dans
la cédule sera la m ention des j o u r s , lieu et heure a u x
quels il sera procédé à Vexécution du ju g em en t prépaA rt. I V (le la loi du 3 brumaire : « L o r s q u ’il s’agira de faire
« entendre des tém oins, ou de faire o p é r e r cîes experts , les uns
(1)
« ou les autres seront assignés en vertu d’ une cédule qui sera
« accordée par le président. »
(2) A rt. V du tit. X X I I de l’ ordonnance de 1667: « Les témoins
« seront assignés pour déposer, et la parlie pour les voir ju re r,
« par ordonnance du j u g e , sans commission du greffe, »
�( 7° )
ratoire (i). Mais elle ne dit pas quand cette cédule sera
prise et signifiée: elle ne dit pas que cela ne sera pas fait
dans le temps prescrit par l’ordonnance de 1667. E n sorte
qu’il y a un silence absolu sur ce point dans la loi nou
velle : elle est incomplète.
En cet état des choses, fâut-il se jeter dans l'arbitraire?
non sans doute. E n cette partie, il y auroit seulement in
su ffisan ce. Quand une loi nouvelle n’a pas d e disposit on
précise pour un ca s, il faut recourir à l’ancienne, s’ il en
existe une : N on estnovum ut priores leges adposteriores
trahantur. L . 26, au tit. de legibus. Sed etposteriores leges
a d priores p ertinen t, n isi contrariœ sin tj idque m ultis
argumentis probatur. L . 28, cod. Les lois anciennes ser
vent à expliquer les nouvelles , à moins que ces dernières
n ’abrogent formellement et intégralement les anciennes.
D e tout ceci il suit que la loi du 3 brumaire ne dé
terminant rien , il faut remonter à l’ordonnance de 1667,
à laquelle il n’y a point de d é r o g a t i o n n i expresse ni impli
cite dans la lo i d e brumaire ; parce que l’ordonnance de
1667 assigne précisément le délai d’enquêter; parce que
Ja loi de brumaire n’en disant rie n , c’est la loi de 1667
que les premiers juges ont appliquée,
O r , le dernier clerc du palais sait que l’article II du
titre X X I I de l’ordonnance de 16 6 7 , veut que l’enquête
soit com mencée dans Ja huitaine de Ja signification du
jugem ent in terlocutoire, et parachevée dans la huitaine
suivante.
Mais l’article III de la loi de brumaire autorise seu(3) L’ordonnance de 1667, art. V I , dit la même chose.
�( 71 )
lement la signification des jugemens définitifs; elle auto
rise seulement la signification des jugem ens prépara
toires , s’ils sont p a r défaut. Elle repousse toutes autres
significations ( i ). h iclu sio unius est exclusio alterius.
L a loi de brumaire n’ordonnant de signifier que les ju
gemens préparatoires par défaut, il en résulte que les
jugemens contradictoires ne peuvent pas l’être; il en
résulte encore qu’il ne faut pas de signification pour
faire courir le délai de huitaine. Cette huitaine date du
jour du jugement qui permet l’enquête.
E n vain le cit. Prost dit-il que le jugement du 28 ther
midor an 7 , devoit être signifié, parce qu’il est défi
n itif, en ce qu’il rejetait la preuve par lui offerte.
i ° . U n ju g e m e n t q u i est to u t à la fo is d é fin itif d an s
u n e partie, et p r é p a r a to ir e d an s le s u r p lu s , n’a b e so in
d ’ê tr e signifié, p o u r la p a rtie d é f in i t i v e , q u e lo rs q u e l’ o n
V e u t fa ire c o u r ir le délai des trois mois pour l’appel j
m a is ce n 'est pas u n e ra iso n a b so lu e pour qu’il faille u n e
s ig n ific a tio n p o u r la p a r tie p ré p a r a to ir e . L a d a m e Bantin
n’ayant pas fa it signifier, il e n s u iv o it q u e les tro is m o is
p o u r l’a p p e l n e c o u r r o ie n t pas.
20. L e jugement de thermidor n’a pas admis la preuve
du cit. P ro st, relativement à la bibliothèque; mais il est
prouvé que cette branche de la contestation est finie in
variablement , par l’affirmation de la dame Bantin.
(1) A rt. III : « S i les parties comparoissent, H ne sera notifié
« au procès que l’exploit de demande et le jugem ent définitif.
« S i l ’ une d’ elles ne eomparoît p o in t, il lu i sera notifié d ép lu s
« les jugem ens préparatoires. L a notification de tout autre acte de
« procédure ou jug em en t n’ entrera point dans la taxe desfrais. »
�Il
C 73 )
y a une erreur impardonnable, à comparer une en
quête;! une expertise. Il y a une erreur impardonnable,
à dire qu’une partie ne seroit pas déchue de faire opérer
des experts , parce qu’ils ne l’auroient pas fait dans la
huitaine. Il y a u n e erreur impardonnable, à en conclure
que la huitaine pour faire enquête , ne court pas à
c o m p t e r du jugement. D u n cas à l’a u tre , il y a une
différence immense. Des experts sont du choix respectif
des parties; ce sont des juges du fait de la contestation ;
l à , il n’y a pas à craindre la subornation. Dans une enquête,
au contraire , l’expérience a prouvé combien l’intrigue est
malheureusement puissante ; c’est pour empêcher ce mal
affreux, que l’ordonnance de 1667 a grandement resserré
le cercle des délais.
E11 vain encore le cit. Prost oppose-t-il que les enquêtes
étoient à la commodité des juges, et non à celle des
parties ; en vain oppose-t-il que les tribunaux éloient
en usage d’indiquer les jours où les té m o in s seroient
e n te n d u s , et q u ’ils n e se so n t jamais astreints au délai
de huitaine.
i<\ Il n’est pas certain que les enquêtes fussent à la
commodité des juges. Tous les fonctionnaires publics
s o n t, comme les simples citoyens, obligés de se con
form er aux lois.
2°. Il est très-vrai qu’au tribunal civil du Puy-deD ô m e , lorsque ce tribunal ordonnoit une enquête, par
son jugement il indiquoit le jour où elle seroit faite;
m ais, d’une part, ce n’étoit que chose d’usage, et l’u
sage ne pouvoit pas l'emporter sur la l o i , sur l’ordon
nance de 1667. Si l’on avoit réclamé con tre, le tribunal
de
�( 73 )
de cassation auroit cassé. D ’un autre côté , l’usage
d’un tribunal n’étoit pas une règle pour un autre tri
bunal. I lp a ro ît, par le jugement du 28 thermidor an 7 ,
qu’au tribunal de l’Allier on ne procédoit pas de cotte
m anière, puisque ce tribunal a dit que Ion enquêteroit
dans le délai de la loi. Point d’indication de jour pour
l’audition des témoins. Par là les parties étoient obligées
de se conformer à l’ordonnance de 16 6 7 , et de com
mencer leurs enquêtes dans la huitaine.
A u reste, la faculté de faire p reu ve, accordée au cit.
P rost, n’étoit pas indéfinie. Il falloit bien qu’elle eût un
terme. O r , comment en auroit-elle eu u n , si ce terme
n’étoit pas, et dans le jugement du 28 thermidor an 7 ,
et dans l’ordonnance de 1667 ? Ce terme ne pouvoit
pas être dans la signification du jugement pi’éparatoire,
puisque la loi du 3 brumaire an 2., ne passoit pas en
taxe cette signification. La dame B a n tin n ’é to it pas
obligée de prendre céd u le, et de la signifier au citoyen
P r o s t , pour faire courir le délai d’enquêter. L a cédule
n’étoit nécessaire que pour assigner les témoins :(art. I V
de la loi de brumaire ). Quand on n’a pas de témoins
à assigner, il ne faut pas de cédule. L e citoyen Prost
étoit chargé de la preuve directe. Il ne la faisoit pas.
L a dame Bantin étoit dès-lors dispensée de faire une
contre-enquête. Donc point de cédule à prendre et à
faire signifier par elle au citoyen Prost. E n sorte que
n’y ayant pas, suivant lu i, de moyen de faire courir
son délai, il auroit été perpétuel. Pensée ridicule!
Enfin , le jugement du 28 thermidor an 7 , a été signifié
4« citoyen P rost, le 4 pluviôse an 8 ; tout au moins
K
�C 74 )
fauclroit-il compter le délai d’enquêter', à partir de ce
jour là. L e citoyen Prost a laissé écouler beaucoup plus
que la huitaine.
Dira-t-il qu’il en a interjeté appel ? Mais son appel
n’est que du premier germinal an 8 ; il est postérieur
de cinquante-six jours à la signification du jugement in
terlocutoire. A u temps de son appel, la fin de non en
quêter étoit o p é r é e , et il n’y avoit plus moyen d’y
revenir.
.
. Si le citoyen Prost avoit eu vraiment l’intention et la
puissance de faire sa p reu ve, aussitôt la signification da
•4 pluviôse an 8 , il auroit formé opposition au jugement
du premier frimaire, qui n’étoitque par défaut; il auroit
ensuite demandé de faire entendre ses témoins. Ce n’est
pas que l’on croye qu’il eût réussi, parce que déjà la fin
de non recevoir étoit parfaite r mais il auroit eu aum oins
une apparence de raison, tandis qu’en ce moment il ne hii
reste aucune ressource.
-
Sur les objets de compensation du citoyen Prost, la
discussion de la dame Bantin nous paroît exacte, quant
à ceux Godeau, M o re a u , V illa rd , L am ou reux,Sallard,
les augustins de M oulins, B oulard, etc.
Quant à celui des 5,000 francs assignats Mauguin, il y
a faux e t mauvaise foi de la part du citoyen Prost.
Pour les objets vendus par l’huissier C avy, le 29 prairial
an 6 , la dame Bantin a prononcé contre elle-même comme
l’auroit fait le tribunal le plus sévère; elle a portédans
son état ces objets c o m m e s’ils existoient encore; elle a
offert de déduire sur sa créance le montant et de ces effets,
�( 75)
et des autres, ou sur le taux de 2,000 francs, ou à dirè
d’experts. Cela est juste et raisonnable. Si ces effets avoient
disparu en totalité, qu’auroit pu demander le citoyen
Prost ? leur valeur. O n lui offre 2,000 francs pour cette
valeur : s’il ne veut pas cette somme, il faut en passer par
une estimation; c’est la règle qu'on suit tous les>jours.
A u moyen de la renonciation à la communauté, au
moyen de la clause exprimée au contrat de mariage du
2 juillet 178 7, par laquelle, en cas de non enfans, toute
la communauté est au citoyen Prost, la dame Bantin ne
doit point perdre la somme de 100 francs par elle con
fondue dans la masse de la communauté. Eu effet, ce
contrat porte que, dans le sens de la renonciation à la
com m unauté, tout ce que ledit sieur f u t u r époux aura
reçu d’e lle , ou à cause d’elle,, lu i sera rendu et res
titué. fr a n c et quitte des dettes de la com m unauté.
M . A u r o u x , s u r l'a r tic le
C C X J L V I I d e la
c o u tu m e
de Bourbonnais, dit: « En renonçant à la communauté,
« elle ( la femme ) n’a droit de reprendre que la partie
*
«
«
«
«
de sa dot quelle a stipulée propre, et non l’autre partie
qui est entréo dans la communauté, à m oins q u elle
lia it stipulé dans son contrat de m a riag e, q u elle
reprendra , en renonçant à la com m unauté, tout ce
q u e lle y aura apporté. »
D e ceci il suit que la dame Bantin , ne devant pas
perdre cette somme de 100 francs, elle n’est pas obligée
de la déduire sur sa créance,
A l’égard de la cession et subrogation que le citoyen
Prost prétend lui avoir été consenties avant son mariage,
par la dame Bantin, de tous les meubles et immeubles
K 2
�(
7e
)
de cette dernière, non-seulement il y a faux matériels,
mais encore le citoyen Prost est contredit par lui-même.
D ’abord, le citoyen Prost ne rapporte pas les cessio?i
et subrogation ; cela suffiroit pour écarter sa prétention.
Il est vrai qu’il dit qu’elles étoient sous seing p r i v é ,
et que p e n d a n t son absence la dame Bantin les lui a
volées ; mais il est difficile de croire q u e , lors de son
départ, le citoyen Prost les eut laissées dans son domicile
à M oulins, et sous la main de la dame Bantin en la
quelle il n’avoit aucune confiance. Il met des papiers
dans un porle-manteau ; il remet le porte-manteau au
citoyen Mauguin. T o u t le monde doit induire de ce fait,
que là sont ses papiers les plus précieux. Aujourd’hui il
produit des mémoires et des lettres peu conséquens : et
il auroit négligé de mettre aussi en lieu de siireté des
actes sous seing privé infiniment importans ! cela est in
vraisemblable.
E n second l i e u , il faut mettre à l’ é c a rt la copie de
mémoire à c o n s u lt e r , é c r ite delà main du citoyen Prost:
il faut la r e je t e r , parce que la première feuille n’est pas
la vraie ; elle a été changée. Il y a un faux matériel qui
saute aux yeux ; il est exactement décrit par la dame
Bantin. Entre cette copie et le projet du m ém oire, il y
a , dans les deux litres de ces pièces, une différence trèsconsidérable, une différence toute à l’avantage du citoyen
Prost; cela n’est pas étonnant, puisqu’il tenoit la plume,
puisqu’en changeant la première feuille , il a é té le maître
d’écrire tout ce qu’il a voulu dans la nouvelle feuille.
Dans le titre de sa copie de mémoire , le cit. Prost
a mis des choses qui n’étoient pas dans le mémoire lui-
�. #C 77 )
même. Dans la co p ie , il fait reconnoitre formellement
par la dame Banlin, qu’en juin 1787 la dame Bantin
lui avoit fait, sous seing p r iv é , cession et subrogation
de tous ses biens meubles et immeubles, et qu’ils étoient
tous compris dans sa dot de 27,000 francs, clioses qui
ne sont pas dans le titre du mémoire lui-même.
E n repoussant, comme on doit le fa ire , cette copie,
il ne demeure plus que le mémoire ; mais il faut faire
bien attention aux altérations qui y sont, et il semble
que le titre de ce mémoire doit être rétabli ainsi qu’il
suit :
« M ém oire su r différentes-propriétés en biens fo n d s ,
« provenantes d’un partage des successions de défunts
« Pierre Filion-Bantin et de dame Louise Pierre son
« é p o u s e , lesquelles propriétés ont été taxativem ent ou
« nom inativem ent transmises en m ariage, pour consti« tution de d o t , par moi M a r i e - A n n e Filion-Bantin,
« veuve en premières noces de feu Nicolas Bonchrétien,
« résidante à Gosne en Bourbonnais, actuellement épouse
«
«
«
«
du sieur P rost, chirurgien, qui les a subsidiairem ent
acceptées, ainsi que la remise et transmission des titres
et actes qui ic i sont actuellem ent nécessaires pour
chacune d'elles. »
Remarquons ici ces termes, différentes propriétés. Celui
différentes désigne certaines propriétés, mais non la gé
néralité des propriétés de celui qui parle ; ainsi, dans
l’espèce, les mots différetites propriétés indiquent les pro
priétés qui formoient le sujet du litige entre le citoyen
Prost et le citoyen Jean-Baptiste Bantin. Si dans le fait
tous les biens meubles et immeubles de la dame Bantin,
�( 78 )
nvoient été fondus dans la constitution de dot de 27,000 f.
on se seroit servi d’expressions indéfinies.
L ’adverbe taxatiçem ent ou lim itativem ent signifie
que la. transmission n’étoit pas générale, qu’elle embrassoit seulement tels et tels objets.
Les mots rem ise et transm ission des titres et actes q u i
ic i sont actu ellem en t nécessaires , prouvent que tout se
r a p p o r t o i t uniquement à l’objet de la contestation d’entre
le citoyen Prost et le citoyen Jean-Baptiste Bantin.
Dans celte position, on peut faire au citoyen Prost
ce dilemme : O u il n’existe pas de cession et subrogation,
ou il en existe une. Dans le premier cas, point de diffi
culté; dans le second cas, vous l’avez sûrement. Vous ne
la produisez pas, parce quelle est limitative; elle n’em
brasse que tels et tels objets : cela résulte du préambule
du projet de m ém oire; cela résulte bien plus fort des
faux matériels. C a r , pourquoi ces faux ? si ce n'est pour
déguiser la v é r it é , et vous faire des titres qu’on n’a jamais
eus. Mais v o u s ne p o u v e z p as rétendre au delà de ses
limites.
N ’importe que par le contrat de mariage du 2 juillet
17 8 7 , la dame Bantin ait déclaré que sa dot consistait
seulement en effets mobiliers. Cette déclaration ne dé
truit pas le fait positif 5 qu’outre les 27,000 francs, elle
avoit en propre une maison à Cosne, et une maison
à Moulins. Il en résulterait seulement qu’elle n’avoit mis
en dot que les effets mobiliers, (parm i lesquels étoit la
dette de Jean-Baptiste Bantin, dérivée de la vente immobiliaire de 1 7 7 3 ) , qu’elle n’avoit mis en dot que 27,000 fr.
et que le surplus étoit parapliernal, à l’abri de l’usufruit
marital du citoyen Prost.
�(7 9 )
Enfin dans le sens de la mobilisation des biens im
meubles de la dame Bantin , dans le sens de leur fusion
absolue dans la somme de 27,000 francs , la dame Bantin
n’en auroit plus eu aucun. T o u t auroit appartenu au
citoyen Prost. Cependant celu i-ci , dans son écriture
du 2 thermidor an 9 , lui demande raison, 1 °. des
jouissances qu’elle a faites dans ses propres immeubles ;
20. des réparations et améliorations qu’il prétend avoir
faites dans les immeubles de la dame Bantin. D e là suit
l’aveu bien exprès que cette dernière a toujours des
immeubles. Ces immeubles sont la maison à Cosne et
celle à Moulins. L a dame Bantin a pris acte de cet
aveu. Il est irrévocable, et d e là la conséquence de plus
fort que le citoyen Prost ment à sa conscience, en pré
tendant que ces deux maisons appartiennent à lui.
DÉLIBÉRÉ à R i o m , le 24 brumaire an 11.
G O U R B E Y R E .
A R IO M , de l’imprimerie de L a n d r i o t , seul imprimeur du
Tribunal d’appel. — An 11.
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Filion-Bantin, Marie-Anne. An 11]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Gourbeyre
Subject
The topic of the resource
divorces
séparation de biens
séparation de corps
coutume du Bourbonnais
communautés de biens entre époux
renonciation à succession
violences sur autrui
pension alimentaire
officier de santé
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire à consulter, et consultation, pour Dame Marie-Anne Filion-Bantin, veuve de Nicolas Bonchrétien, habitante de la ville de Moulins, intimée ; Contre Pierre-Claude Prost, officier de santé, habitant du bourg de Souvigny, département d'Allier, appelant.
Annotation manuscrite : arrêt du 4 germinal an 11, 1ére section.
Table Godemel : Appel : 4. l’appel d’un jugement donnant acte à la femme divorcée de sa déclaration qu’elle renonce à la communauté, et que cette renonciation n’est pas faite en fraude des créanciers, est-il recevable de la part du mari qui a fait signifier le jugement avec sommation de l’exécuter, sous toutes réserves ? peut-il encore, étant interjeté plus de trois mois après la signification ? 5. l’appel d’un jugement contradictoire qui a ordonné une affirmation est-il recevable, lorsqu’il a été interjeté postérieurement à la signification du jugement portant assignation pour voir faire l’affirmation, et 45 jours après que l’affirmation ait été prêtée ? Renonciation : 6. l’appel d’un jugement donnant acte à la femme divorcée de sa déclaration qu’elle renonce à la communauté, et que cette renonciation n’est pas faite en fraude des créanciers, est-il recevable de la part du mari qui a fait signifier le jugement avec sommation de l’exécuter, sous toutes réserves ?
la renonciation ayant été faite judiciairement et contradictoirement avec le mari, est-elle régulière si le procureur du Roi n’a pas été entendu lors du jugement ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
An 11
1788-An 11
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
79 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1401
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Souvigny (03275)
Moulins (03190)
Bourbon-l'Archambault (03036)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
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communautés de biens entre époux
coutume du Bourbonnais
divorces
officier de santé
pension alimentaire
renonciation à succession
séparation de biens
séparation de corps
violences sur autrui
-
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86dde4378d4258258969971868ad6edc
PDF Text
Text
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M
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M
O
I
R
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E T C O N S U L T A T I ON.
�Q U E S T IO N S .
Iere. F i lle renonçant à succession f u t u r e , en pays
de droit écrit au profit de l'héritier q u i seroit institué,
sa renonciation profite aux m â les, si le père meurt
sans f a i r e d'autres dispositions.
IIME- E n pays de droit écrit, o u l'institution est né
cessaire pour la validité des testamens , l'institution du
posthum e, dont la fem m e est enceinte, comprend tous
les posthumes q u i naissent après le testament.
�Ï2>\
_
C 'A
TRIBUNAL
M E M O I R E
ET C O N S U L T A T I O N ,
P O U R j e a n C A R T I E R , propriétaire, habitant
de la commune de Saint - Germain - l'H erm ,
appelant
,
C O N T R E L o u i s e C A R T IE R e t m a r c B A R R IE R E ,
son m ari officier de sa n té, habitans de la même
com m une, intimés
E t encore C O N T R E m a g d e l e i n e C H R IS T O P H L E
veuve de F r a n ç o i s C A R T IE R F r a n c o i s e t m a r i e
C A R T I E R , tous citoyens de la même com m une
intimés.
a:
F A n ç o i S CARTIER et Magdeleine Christophle ont
R
eu plusieurs enfans, dont quatre seulement : deux gar
çons, Jean et François Cartier; deux filles, Louise et
�( o
Mario Cartier ont survécu à leur père , mort le 16
mai 1791.
Il habitoit la commune de St. Germain - l’Herm ,
pays de droit écrit ; la principale partie de sa fortune se
régit par la même loi : une très-petite portion est située
en pays de coutume.
A u mois d’août 1769 , François Cartier "fut atteint
d'une maladie dangereuse, qui lui laissoit peu d espoir
de retour à la vie : il avoit alors un garçon (Jean Cartier)
et trois filles : Magdeleine Christophle, sa femme , étoit
grosse.
• L e 1 3 'août-1769, il fit un testament nuncupatif, par
lequel, entr’autres dispositions, il légua à sa femme, pen
dant sa vid uité, là jouissance universelle de ses biens', à
la charge par elle d’accepter la tutelle de s q s bnlans, sans
être tenue de lyur. rendre compte.
Il institua Jean Cartier, son fils, héritier universel ¿le
tous les 7)iens dont il mourrait vêtu et saisi', mais qù’il
ne pourroit recueillir qu après la cessation de 1 üèüfrüit
.......
^
légtfé’iVsa mère.
; jCette institution fut encore faite à la-charge.par-lui
de ])nyer à Louise, M arie, autre M arie, ses sœurs ,et> au
posthume dont la fem m e étoit enceinte, la somme de
deux mille liv re s, et un ameublement, chacun suivant
leu r état et condition, pour laquelle somme de deux
mille livres et un ameublement, il institue lesdiles Loiii^q,
Marie , autre M a rie , et le posthume , sés héritiers-'par
ticuliers.
Si lu "posthume est un m aie, le testateur lui donnomillfc
�. -t.
V'
( .3 )
livres de plus : si l’héritier universel vient h décéder avant
que de se m arier, il sera libre à Magdeleine C'iristophlede choisir pour l’héritier celui de ses enfans qu elle vou
dra préférer ; mais, si le posthume est un m âle, il sera
dans le cas prévu son héritier de droit : seulement dana
ce cas le posthume donnera à chacune de scs sœurs mille
livres de plus.
Telles sont les principales dispositions , et les seules
utiles à rappeler du testament du père commun. Il se réta
blit de la maladie grave dont il étoit attaqué, et a sur
vécu vingt-deux ans à ce testament.
L ’enfant dont la mère étoit grosse alors n’a pas vécu;
il est mort long-temps avant le père : mais depuis , M agdeleine Christophle a eu un autre enfant; c’est François
Cartier, toujours vivant : l’une des filles, appelée M arie,
a également prédécédé son père.
L e 2.6 février 1 7 8 6 ,François Cartier a marié L ouise,
sa fille aînée, avec Marc Barrière : ses père et mère lui
constituèrent un ameublement détaillé au contrat de mariage, et une somme de trois mille livres en dot; savoir :
deux mille neuf cents pour biens paternels , et cent pour
biens maternels ; au moyen de q u o i, Louise Cartier a
renoncé au x successions à venir seulement de ses père
et m ere, en faveur et au profit de l’héritier que les père
et mère jugeront à propos d’instituel’.
• Après le décès du père com m un, arrivé, comme on
Ta dit, le 16 mars 1 7 9 1, Jean Cartier voulut profiter du
bénéfice de l’institution faite en sa faveur par le testa
m ent; mais cet acte fut attaqué par Jcelloi des ’enlan$
z
�qui y avoit le moins d’intérêt Louise'Cartier , femme
Barrière , avoit'-renoncé expressément à la succession
de^son père; une pareille'renonciation, laite par contrat
de m ariage, à.une succession a éch oir, est valable en
faveur des nulles.
j
Elle prétendit que le décret du 8 avril 1791 , qui
supprime les forclusions coutumières, abolit également
les renonciations fuites en droit écrit. Feignant d’ignorer
que son père étoit mort avant la promulgation de cette
lo i, puisque François Cartier est décédé le 16 mai 179 1,
.et que la loi n’a été en vo yée que le 24 du même m ois,
elle vouloit absolument s’en appliquer les dispositions,
sur le fondement quelle n’avoit renoncé qu’en faveur
de l’héritier qui seroit institué, et qu’il n y avoit pas
d’institution valable.
'
■ .
En effet, suivant elle le testament étoit nul pour toutes
les dispositions qu’il contient; il y avoit prétérition dans
son systèm e, parce que le posthume, qui étoit conçu lors
du testament, est décédé depuis , et qu’il y avoit eu un
:autre enfant dont le testament ne fajsoit pas m ention, ce
qui entraînoit la nullité de l’institution, d’après l’ordon
nance de 1735.
Elle attaquoit encore le legs d’usufruit fait h sa m ère,
parce que, disoit-elle, ce legs n’a été fait qu'à la charge
d’accepter la tutelle de scs enfans, et lors du décès du
testateur , tous les enfans étoient majeurs ou hors de
tutelle. Elle accusoit encore sa mère d’avoir fait 1111 in
ventaire frauduleux.
D ’un fiutrc côté, elle soutenoit que ce legs, étant
�f 5 J
universel, étoit également annullé par la prétérition ;
en conséquence elle demanda le partage et une portion,
égale dans les biens de son père.
Jean Cartier combattit avçc avantage les singulière*
prétentions de sa sœur •, suivant tous les principes, la
renonciation d’une fille à une succession à échoir, faite
en droit écrit par contrat de m ariage, etoit valable en
faveur des mâles ; il irnportoi-t peu qu’elle fût dirigée
au profit de tel ou tel autre} tant qu’il existoit des mâles
ou descendans d’e u x , la renonciation avoit tout son effet.
Dès qu’il n’y a pas de forclusion légale en pays de
droit é crit, on ne pouvoit pas appliquer une loi qui ne
supprime que les forclusions coutumières.
..D ’ailleurs , la loi du 8 avi'il 1791 n’a pas d’effet
rétroactif} elle ne regarde que les successions qui s’ouvrirontà compter de sp publication; et, suivant lé certificat
donné par le départem ent, la loi n'a été promulguée
que le 24 mai 1791 ; le père étoit décédé huit jours
auparavant; Louise Cartier n’avoit donc aucune .action.
Eût-elle qualité pour demander le partage, l ’institution
testamentaire faite au profit de Jean Cartier devoit avoir
tout son efïet , dès que le posthume, c o n ç u l o r s du testa
m ent, avoit été institué : cette institution a com pris tous les
posthumes qui pouvoient naître dans la suite, par 1 egalito
d’affection qu’on présume dans le testateur pour tous les
posthumes, qui lui sont également inconnus: telle est la
disposition des lois auxquelles l’ordonnance de 1736 n’a
rien changé.
l ’ ouï- ce qui regarde le legs d’usufruit fait à la m èrc3
3
�( .6 } , . •
le système de Louise Cartier étoit absurde; lu charge
daccepter la tutelle disparoît, dès qu’il n y a plus de
mineurs , mais la libéralité reste ; ce u’est d’ailleurs qu'iui
legs particulier, puisqu’il ne consiste qu’en jouissance ,
et la prétéritiou d’un légitimaire n’annulleroit tout au plus
que l'institution universelle.
T e l étoit l’état des choses, qui devoit faire espérer un
plein succès à Jean Cartier; mais la loi du 17 nivôse
vint mettre tout le monde d’accord ; il fallut partager par
égalité.
Cette loi révolutionnaire-ayant été rapportée dans ses
effets rétroactifs, Louise Cartier a renouvelé scs pré
tentions devant un tribunal de fam ille, qui a porté une
décision aussi injuste qu’inattendue ; il est indispensable
d en faire connoître les motifs et les dispositions?
Les arbitres de famille ont' d'abord posé quatre ques
tions.
K i° . La forclusion de Louise Cartier est-elle valable ?
« 2°. Dans le cas où la forclusion ne seroit valable
« qu’en partie, quelle portion de sa dot devroit-on con« fondre avec la partie des biens dans lesquels elle seroifc
« admise h rentrer ?
« 30. L e testament de François Cartier est-il nul par
« vice de prétention ?
« 40. En cas de nullité, d oit-elle entraîner celle de
« legs d’usufruit fait à la mère ?
« A ttendu, sur la première question , est-il d it, qu'il
« faut distinguer, dans la succession de François Cartier,
« k s biens de coutume et ceux du droit écrit,* q u à
�« l'égard, des prem iers, la renonciation, quoique voguo
« meut dirigée, a un effet légal qui ,1a dirige au profit
a de tous les mâles indistinctement, parce que la coutume
« d’Auvergne eût opéré la forclusion légale, quand il
« n’y auroit pas eu de renonciation précise ; qu’on no
« peut pas opposer, en, faveur de Louise Cartier, la,lo i
« du 8 avril 1 7 9 1, qui abolit les forclusions coutumières,
« parce que cette loi 11’a point d’effet rétroactif, et n’a été
v publiée dans le district d’Am bert que postérieurement
* au décès de François Cartier.
« Que pour ce qui concerne les biens de droit écrit,
« a l égard desquels il faut une renonciation expresse et
« directe, on ne peut pas dire que ces deux caractères
« se rencontrent dans la renonciation de Louise Cartier,
« en ce qu’elle n’a renoncé qu’au profit de l’héritier
que ses père et mère jugeront à propos d’instituer, et
« que dans le fait, après ce m ariage, ils n’en ont point
« institué ; d’après quoi une renonciation conventionu nelle ne pouvant s’étendre^ d’après les principes, d'une
« personne à une autre, ni d’un cas à un au tre, il en.
« résulte qu’aucun des enfans de François Cartier ne peut
« s adjuger cette renonciation , ni Fopposer ù Louise
« C artier, qui dès lors ne peut être dite avoir valable« ment renoncé aux biens de droit écrit. Qu’enfin si
« on pouvoit étendre cette renonciation à un héritier
« déjà institué, malgré les expressions du contrat de ma« riage, et l’irrégularité d’une pareille extension, la for« clusion ne se seroit pas pour cela opérée, en ce q u il ne
« se trouve parle fait aucun héritier valablement institué
* par les motifs qui seront déduits ci-après.
4
�(8)
« Attendu, 2°. que la forclusion étant valable pour le»
biens de coutum e, et ne l’étant pas pour les biens de
droit écrit, la x’ègle la plus siiro, et la plus juste et sin
cère pour l’imputation de la d o t, est une restitution
des biens de l’une et de l’autre espèces, pour déter
m iner, à proportion de chacun,-quelle'somme devra
rapporter Louise Cartier, quand il en sera temps.
« Attendu, 30. que si , avant l'ordonnance de 1730 ,
les auteurs éloient divisés sur l’application de 1 institu
tion d’héritier au profit du pojthurne ; et s i, en géné
ralisant une novelle tic Justunen, on paroissoit fixé à
l’appliquer à tous les posthumes conçus ou n o n , lors
du testament, cette variabilité ne peut pas avoir lieu
depuis l’ordonnance des testamens', qui ne laisse plus
d’équivoque sur cette question, d’après les articles 49
et fío , qui veulent que Finstîlùtion soit assez claire
ment expliquée pour désigner les enfans nés et à naître :
d’après q u o i, si on peut dire que François Cartier a
assez clairement désigné le posthume dont sa femme
étoit enceinte, on ne peut pas dire qu’il ait désigné
du tout celui dont elle ne pouvoit l’être alors, et qui
n’est né que quelques années après le testament ; de
sorte que , inclusio unius , est exelusio allerius , et
c’est précisément parce qu’il a très-clairement institué
Je posthume alors con çu , qu’il y a prétérition pour
celui qui 11e l’étoit pas alors, le père 11e pouvant être
excusable dans cette prétérition , parce qu il a vécu
plusieurs années a p r è s la naissance de ce fils prétérit.
« A ttendu, 40. que l’article 70 de l'ordonnance qui
�( 9 7
« com prend, "dans la nullité opérée par la prétéritioii,
« les dispositions universelles', ne semble pas devoir
a s’étendre à un legs d’usufruit, q u i, quoiqu'universel,
et ne peut être considéré que comme un simple legs, de
« manière qu’il est maintenu par l’article 53 de Tordon« nance, qui-, malgré la nullité de l’institution, conserve
« les legs portés par le testament ; que l’article 70 ne
« paroît devoir s’appliquer, par exem ple, qu’au cas où
« un pèi’c, croyant n’avoir pas d’enfant, fait un legs uni* versel à un étranger, ou bien dans le cas d’une substi« tution, tout quoi est entraîné dans la nullité comme
« disposition générale. Que les moyens d’inventaire
« frauduleux, allégués par les demandeurs , ne peuvent
« donner contre la mère qu’une action en spoliation de
k la succession, quand il en sera temps ,* mais qu’autre« ment on n’a pas d’action contr’elle, dès que son usufruit
«■est valable, et qu’elle ne peut être contrariite de tout
«■laisser, lorsqu’on ne sait pas encore, ni qu’on ne doit
«• pas savoir en quoi consiste une succession dans laquelle
* on n’a que des droits à venir. Que tout au plus a-t-on
<r le droit de surveiller les dilapidations et les détérioa rations de l’usufruitier, pour en tirer tel parti que
<r de droit. Qu’en fin , à l’égard de la maintenue en
<r jouissance, elle n’a plus d’objet, d’après la suppression
cr decretée et publiée de l’ciTet rétroactif donné à la loi
«■du 17 nj^ôse, et que d’ailleurs c’étoit une action pos«■sessoire, de la compétence du juge de paix.
«Attendu enfin que les dempndeurs n’ont pas d’action
« actuelle en partage, dès que la citoyenne Christoplile
�1^0
( 10 )
« a l’usufruit universel, et que leur droit n’aura sou effet
« qu’à la cessation légale de cet usufruit.
« L e tribunal do fam ille, sans s’arrêter au contrat de
et mariage de Louise Cartier , quant à Ja renonciation.
« par elle faite h la succession de son père?, à l’égard des
« biens situés en pays de droit é c rit, déclare ladite re« nonciation nulle et de nul effet, e t , en tant que de
« besoin, déclare ladite Cartier restituée; et néanmoins,
« ayant égard au testament de François Cartier, en date
« du 3 août 176 9, en ce qui concerne le legs d’usufruit
e fait à Marguerite C h ri'top h le, sa veuve, lequel testa« m en t, en cette partie, sortira son plein et entier effet,
e déclare les demandeurs non recevables en leur demande
« en privation d’usufruit; et, sur la demande en partage
« par eux formée , les déclare quant à prescrit non recc« vables en icelle ; sauf a eux à se pourvoir ainsi qu’ils
c aviseront, lors de la cessation dudit usufruit; déclar
« x*unt, en tant que de besoin, le testament du 13 août
« 1769 nul et de nul effet, quant aux institutions d’hé« ritiers , pour vice de prétérition de François Cartier,
« posthume , non compris auxdites institutions. Sur le
« surplus des demandes, met quant à présent les partie«
a hors de cause ; compense les dépens, etc. »
Celte décision, aussi obscure dans scs motifs qu'injuste
¿ans ses dispositions, blesse évidemment les intérêts de
Jean Cartier et ceux de la famille, en ce qu'elle rappelle,
contre les principes les plus évidens, une fille renonçante.
Jean Cartier s’est pourvu par appel au tribunal civil du
¿épavtemetit : çt, couune sa mère et ses autres frère et
�\i\\
( 11 ) '
sœurs clolent en cause , il les a également intimés. Il de
mande au conseil de vouloir bien l’éclairer sur ses moyens
de défense. Cette cause présente un assez grand intérêt
dans sa discussion, comme dans son ob jet, et demande
une certaine publicité, pour qu’elle soit mieux connue
dans ses détails.
L e C O N SE IL S O U S S IG N É , qui a pris lecture, i
du testament de François Cartier, du 13 août 1769 ‘
2°. du contrat de mariage de Louise Cartier avec Marc
Barrière, du 26 février 1786,* 30. de la décision du
tribunal de fam ille, dont est ap p el, en date du 8 ven
démiaire dernier • 40. de l’extrait mortuaire de François
Cartier, du 16 mai 1791 ,• ensemble du mémoire à1 con
sulter,
e s t i m e que la décision du tribunal de famille est
injuste et contraire aux principes, dans toutes les dispo
s io n s qui concernent Jean Cartier \ ice sont aussi les seules
qu on doit exam iner, attendu qu’il 11e s’élève pas de diffi
culté entre le fils aîné et la m ère, et les autres frère et
sœurs non mariés ; d’ailleurs Louise Cartier , femme
B arrière, ne se plaint pas de la disposition qui a con
firmé le legs de Magdeleine Cristophle, mère commune.
P our mettre plus de clarté dans cette discussion, 011
suivra le même ordre qui a été adopté par les arbitres
de faxnifie ; il est important d’examiner d'abord quel
!
�14*
.
‘
.
.
. C .I 2 }
eiïet doit avoir la renonciation do Louise Cartier, femme
Barrière , parce que dans le cas où cette renonciation
seroit valable , Louise Cartier est sans intérêt, comme
sans qualité, pour attaquer le testament de son père.
O r , la validité de la renonciation ne peut faire la
matière d’un doute dans notre droit français. La renon
ciation des filles à succession future étoit regardée comtnc
une disposition judicieuse, plutôt que comme l’elFet d’une
injuste prédilection. L e p ère, premier législateur de ses
enfans, est toujours censé prendre le meilleur parti pour
e u x ; aussi jugeoil-on qu’une l’enonciation faite par une
fille , moyennant un certain p r ix , étoit plus solide que
l’espérance de grands Liens à venir , qui peuvent se
perdre par une infinité d’accidens que la prudence
humaine ne peut éviter.
Ces sortes de renonciations, d’ailleurs, n’avoient été
admises qu’en faveur des maies, et il est malheureux
sans doute que dans de certaines circonstances les pères
aient abusé de leur p ou voir, en obtenant de leurs filles
des renonciations pour des prix modiques, et peu pro
portionnés à leur fortune; car les renonciations ou for
clusions étoient une des grandes et belles opérations de
notre droit; c’étoit le seul moyen d’éteindre les procès
dans les familles.
Aussi toutes les fois qu’il y avoit des mâles, les re
nonciations faites par les filles, en pays de droit écrit ,
étoient valables , pourvu qu’elles fussent faites par contrat
do mariage. C’est ce que nous enseignent tous les auteurs
qui ont traité la m atière, comme L ebru n , dans son
�//fS'
( T3 )
traité
des
m c c c s s io n s , tit.
des
r e n o n c ia tio n s , liv*. 3.
ch ap . 8. d’E sp eisse, tom . 2, p. 3 ^ 3 , et L a c o m b e , au
m o t renonciation , section prem ière.
Les arbitres de famille n’ont pas attaqué ce principo,
en ti’.èse générale; ils ont dit seulement qu'il fallo it,
en pays de droit écrit, que la renonciation lût expresse
et directe , et que ces deux caractères ne se rencontroient
pas dans celle de Louise Cartier ; elle 11’a renoncé , disentils , qu’au profit de riiérifier que scs père et mère jugeroient à propos d’instituer; les père et mère n’ont
pas fait d’institution après ce mariage; on en a conclu
qu une renonciation conventionnelle ne pouvant s'étendre
d'une personne ¿\ une autre, ni d’un cas à un au tre,
aucun des enfans de François Cartier ne pouvoit s'ad
juger cette renonciation, ni l’opposer à Louise Cartier,
qui, selon eu x, n’a pas renoncé valablement aux biens
de droit écrit.
Ce système est une erreur en point de droit. Il est de
principe que toutes les fois que la fdle a renoncé , en
laveur de ceux qui seront institués , la renonciation pro
fite aux mâles , quoique le père n'ait pas fait de testament.
C est ce que décide le savant Dumoulin , conseil 55 ,
tome 2 , page 968, nombre 6 , o ù , après avoir dit que
la renonciation de la fille étoit valable, lorsqu'il y avoit
des m aies, ajoute : JLt lam músculos tune institutos }
quàm instituendos , quoniam institut us propric is est,
qui teinpore jnortis instituentis talis inven i t u r } cm/i
et voluntas sit ambulatoria , imb illud paclum
non
J'cstringitur ad liberos rnasculus institutos ¿ et sic non
�*4
( i4 )
oljstat quod patar decessit ab intestdto, sed satis qïwd
non ridetur mutasse voluntateni.
Lebrun , à l'endroit déjà cité, nombre 4 , dit : « Qu’au
« cas qu’une fille eût renoncé en faveur de ses Jrères qu i
tr seraient institués par le testament de son p è re , la
a renonciation n’en est pas moins valable , quoique dans
« la suite le père n’eût point fait de testament ; car comme
« on peut croire que la clause n’a été apposée que contrôles
« exhérédés, et à l’effet de les exclure du profit de la re« nonciation, elle doit être présumée apposée en faveur
« de ceux qui ne seront point déshérités, et qu’ainsi,
« le père n’ayant point fait de testament, elle profite
« aux frères. »
Rousseau-La com be, au mot renonciation, section i ere,
nombre 6 , tient le même langage; il d it, que quand la
fille a renoncé en faveur des frères qui seront institués, sa
renonciation profite au frère, quoique le père n’ait pas
fait de testament.
C’est pour la p rem ière fois d’ailleurs qu’on a entendu
dire qu’une renonciation, pour être valable, doit être
directe, parce que les renonciations n’ayant été introduites
qu’en faveur des nulles, ainsi que l’enseigne L o u et, toutes
les fois qu’au temps de la renonciation il y a des m âles,
la renonciation pure et simple est présumée au profit des
fils seuls. I/article 309 de la coutume de Bourbonnois
en a une disposition précise, et A u ro u x - Despoxnmiers
enseigne encore cette vérité : Que la renonciation soit
expresse ou tacite, d it- il, elle est valable en faveur des
m âles, -et sont telles renonciations approuvées par la.
t
�couhira^ générale'rd e 'F r a n c e t a r if en pays coutum îcr,
que de droit écrit. L eb ru n , à l’endroit cité, nombre 14,
dit que s i, au temps de la renonciation, il y a des fils et des
filles, la renonciation ptird et 'simple est présumée laite au
profit des fils, qui en d o iven t profiter seuls, dans la pureté
des maximes. Il cite Aufrérius et Paul Decastres, cons.
31 x. L e p re m ie r s’exprime en termes tres-precis ; u4.ddey
quoà s i sunt ducv sorores fr a lr e m habentes, quorum
un a renuntiavit Jiœreditati yaternee , in j'a v oram f i citr is , et non sororis, ridetur rcnimtiasse. E n fin, c’est
une maxime certaine en‘ d roit, qui n’est aujourd'hui
ignorée de personne, et qui n’a pas besoin d’un plus
grand développement.
Lors de la renonciation de Louise Cartier, il y avoit
deux fils • que la renonciation soit expresse ou tacite ,
qu’il y ait eu un héritier institué ou n on, sa renonciation
n en profiteroit pas moins aux mfdes ; et tant qu’il en
existe, elle 11’a aucune action à exercer.
Celte décision termine sans doute le procès, et établit
le mal jugé de la décision ai’bitrale. Louise Cartier 11e
peut pas exciper de la loi du 8 avril 1791 , puisque, lors
du décès du p ère, cette loi n’étoit pas promulguée, et que
les arbitres en conviennent. D ’ailleurs, cette loi ne semble
s appliquer qu aux forclusions cou lumières , et il s’agit
ici dune renonciation en pays de droit écrit, qui n’admettoit pas les forclusions. On pourroit donc s’arrêter ù
ce point, qui juge toute la cause, parce que Louise Cartier,
étrangère à la succession, n’a plus de qualité pour attaquer
le testament de sou père.
�( i 6 )
Mais il est important de prouver que la renonciation
de Louise Cartier profité à Jean , son frère, seul ; qu’il
a été valablement institué, et que le testament de son père
est revêtu de toutes les formes requises.
Par ce testament, François Cartier institue’ J e a n , sou
fils, son héritier universel de.tous les biens dont il inourroit
vêtu et saisi, à la charge de payer à L ouise, M arie, autre
Marie , ses sœurs, et au -posthume dont sa fem m e étoit
enceinte, la somme de 2,000 liv. et un ameublement,
chacun suivant leur état : pour laquelle somme et ameu
blem ent, il institue ses trois enfans, et le posthum e, ses
héritiers particuliers : si le posthume cst un m âle, le
testateur lui donne mille livres de plus.
L e père a survécu long-temps à ce testament. L e pos
thum e, dont la femme étoit enceinte , est mort peu de
temps après avoir vu le jour. D epuis, il est né uu autre
enfant, toujours pendant la vie du testateur, et cet enfant
est François Cartier; le testateur est décédé sans avoir
rien changé à scs dispositions 5 on prétend que François
C artier, second lils , a été prétérit, et que le testament
est nul pour vice de prétérition. Cette prétention est
choquante et contrarie ouvertement la disposition des lois.
L a question qu’on va agiter n’est pas nouvelle; elle a
été traitée, exprofesso, par plusieurs savans jurisconsultes,
et décidée uniformément par différons arrêts. L ’institution
du posthume comprend tous les posthumes qui naissent
après le testament. Henrys, liv. 5 , quest. 1 1 6 , décide
que l’institution d’un posthume , dans uu seul cas , s’étend
à tous les autres. Voici coumient il s’exprim e, nomb. 8 ,
�/47
( 17 )
après avoir rappelé les anciennes et nouvelles lois, et
concilié loutes celles qui pouvoient paraître contraires :
« Il nous a donc été proposé qu'un père auroit institué
« son héritier universel le posthume ou la, p.osthiimc
« dont sa femme se trouverait enceinte après son décès ,
* et où elle feroit un fils ou une fille, auroit laitle. fits
« héritier et légué à la fille une somme a titre diustitu* tion , comme encore où elle feroit deux; fils, il ins¡i« tue, l’aîné ,• et où elle feroit deux liiles posthumes', les
« auroit laites héritières par égale p o rtio n , et qu’api^s
« ce testameut, et le testateur viv a n t, lui seroit né une
« fille de laquelle sa femme p o u v o it, lors dudit t;‘sta* m ent, être enceinte, et depuis seroit encore né un fils
« pendant la vie dudit testateur ? Nous avons harù:mo:it
« répondu, qu’ertcore que ce fils fût né du vivant du p ère,
« il ne laissoit pas d’être compris dans finstUutioa du
« posthume dont la femme se trouverait enceinte lors
« du décès, et d’autant plus favorablement que c’est p v.ir
« faire subsister le testament; et ut potiùs actas valeat,
« quant ut pereat ; et c’est en effet le fondement que
* Justinien prend en la loi dernière , G . de posthuni.
* liœredib. mstituend. ad adjuvandant lesta lorunt tq « luntateni. »
V oici comment s’exprime cette loi : Nobis ilaquc corn ni
sententiam decidentibus, cum f^requen tissi ma s levées /;,)•
su in iu s, testatoruni volunta tes adjuvantes, : ex tieuh-;,
hujusniodi verhorum compositione , rupturn ficri t. wtamentum videtur ; s e d , sivè vivo testa tore, .sivè po.st
morteni cjus y intra deceni niaises ¿1 morte testaient#
�( i8 )
m unerandos. Jllius v e ljlliœ f ie r in l pi'ûgenili, maneat
testatoris voluntas immutilata , nec pœnam palialur
prœ teritionis, qu i s nos ftlios non prœteriit.
Henry s cite à l’appui de sou opinion , celle du docte
Cujas , sur la loi com m odissim e, ff. de V.b.etposthum. ,
et encore sur la dernière du C. qu’on vient de rappeler.
Ctî savant auteur adopte la même résolution, et Henrys
dit qu’il faut s’en tenir à l’avis de ce grand jurisconsulte.
Bretonnier, sur H enrys, d it, nomb. 18 : Si le testateur
a institué le posthume, dont sa femme pourrait être en
ceinte *, si plusieurs posthumes naissent, soit de la mêtne
grossesse, ou en différens temps, tous seront également
héritiers ; il ajoute, nomb. suivant, que, si le testateur
a légué seulement une certaine somme au posthume qui
n aîtra, et qu’il en naisse plusieurs , la même somme
sera due à chacun. T e l est encore le sentiment de Papon ,
clans ses arrêts, liv. 20 , nomb. 13. Il rapporte un arrêt
du parlement de B ordeaux, qui a jugé que l’institution
faite en faveur d’un posthume, par un testateur qui
m o u rra it sans autre testament, s’étendoit tant au posthume
de cette fois, qu’aux autres nés depuis le testament.
Catelan, dans ses arrêts, toin. 2 , chap. 62, dit qu’une
institution faite en ces termes: La posthume> dont ma
fem m e est enceinte, comprend tous les posthumes qui
naîtront de cette femme , par l’égalité d’afîection qui.
est à présumer dans le testateur pour tous les posthu
mes qui lui sont également inconnus ; il rapporte
plusieurs arrêts qui l’ont juge de cette manière j 1 un ,
du 1 mars 1668; un second du 4 avril 1 65*5 ; un troi-
�( *9 )
r
sicme1 du 6 mars 1638; un autre du 9 mai 1642. La
nomination de la femm e, d it-il, fait présumer que le
testateur a eu en vue tous les posthumes qui naîtroient
d’elle *, il ajoute même que les jurisconsultes sont allés
plus avant,- car ils ont décidé q u e , sous cette institu
tion du posthume, dont la femme est enceinte, sont
compris tous les posthumes qui naîtroient d’une autre
femme.
On voit que les auteurs sont uniformes sur cette
quéstion. Les arbitres de famille ont prétendu, au con
traire , qu'ils étoient divisés , mais que , depuis l’ord. de
1735, il ne p o u vo ity avoir de doute que l’institutioil
d’héritier ne s’appliquoit pas aux posthumes non conçus,
lors du testament, parce que les art. 49 et 5 o de l’ord.
de 1735 , 'voulaient que l’institution fût assez clairement
expliquée^ pour désigner les enfans nés et à naître. Mais
d’abord il semble que les arbitres ont fait une fausse
application'dé l’art. 4 9, parce que cet art. ne pàrle que
des:'institutions universelles , et non de l’institution particulière pour ceux qui n’ont qu’un droit de légitime. On
conçoit le in’otif de cet art. ïl est essentiel à la qualité
d héritier iriAtihié , que cet héritier prenne la place du
defurit après sa m ort, et que l’hérédité ne co u rre point
risque'clé demeurer valante. (Jc'scroit une institution
idéale et chimérique ; voilà pourquoi cet art. dit que
l'institution d’héritier île pourra v a lo ir , si celui ou ceux.,
ou profit de qui elle aitra été faite, n’étoiont ni nés ni
connus lors du décès du testateur. L art. 60 est le pre
mier qui parle 'de ceiix^qui ont droit de légitime. A
�(
)
la vérité il veut qu’ils soient institués héritiers au moins
en ce que le testateur leur donnera , et les institutions
faites en les appelant par leurs nom s, ou en les dési
gnant de telle manière que chacun d’eux y soit com
pris; ce qui aura lieu , même à l’égard des. enfans qui
ne seroient pas nés au temps du testament, et qui
seroient nés au temps de la mort du testateur. Mais ,
loin de voir dans cet article un m otif d’annuller le
testament pour vice de prétérition, on n y vo it, au con
traire, que la confirmation des principes de droit écrit,
suivant lequel le posthume doit être institué. Il est
évident que l’ord. n’a point dérogé, ni entendu révo
quer la loi dernière du code qu’on a cité plus h au t, non
plus que l’explication qu’elle a reçue de la jurisprudence
et des interprètes du droit. Rien ne le prouve ni ne le
fait présum er, et comment même pourroit-on appe
ler par son nom un posthume qui n’en a pas encore ?
Il n’y a rien d assez précis dans l'art, de l’ord. pour en
induire qu elle ait entendu d é ro g er aux principes qu’oïl
vient d'établir.
En un m o t, comme le remarquent les jurisconsultes,
il yaudroit mieux dans le doute adopter un parti qui
tend a consci vei le testament, plutôt que celui qui tend
à le détruite. On ne peut pas dire d’ailleurs qu’il y ait
p réléritio n , des que la femme est nom m ée, et que le
posthume qui naîtra d’elle est institué; on doit néces
sairement appliquer l'institution à tous les posthumes ¿1
qui elle donne le jour.
En résumant, Jean Cartier a été valablement ins-
�0<*
*
2
1
titué ; il n 'y a point de prétention dans le testament
de son père, L a renonciation de Louise Cartier doit
profiter à s on frère , dès qu’elle est dirigée au profit de
l’héritier qui se ro it institué. Quoique cette disposition
soit au fu tu r, et que Jean Cartier fût dès lors institué,
néanmoins la clause n e peut concerner q u e lui ; il
étoit institué par un testament , qui est un acte ambu
latoire et révocable à volonté ; son institution ne devoit
prendre effet q u 'a compter du décès d e so n p è r e et
dès que le testateur a per sisté dans. sa volonté, en ne
changeant rien à ses dispositions, la r enoncia tion ne
s’applique qu’à lui seul.
Il est inutile d’examiner la disposition du jugement;
qui a confirmé le legs d’usufruit , aucune, des parties
ne s’en plaint, et Jean Cartier lu i-m êm e , lo in de la
contester, en a toujours soutenu de la validité ; la décision
des arbitres de' famille doit
donc être confirmée en
».
cette partie.
Délibéré à R io m , le 19 nivôse ,, l’an 4 de la répu-,
"blique fr a n ç a is e une et indivisible. P A G E S . •
,
-
,
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T O U T T É E , A N D R A U D , G R A N C H IE R ;
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Cartier, Jean. An 4?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Toutée
Andraud
Granchier
Toutée jeune
Grenier
Deval
Subject
The topic of the resource
renonciation à succession
successions
conflit de lois
testament nuncupatif
testaments
usufruit
posthume
droit écrit
forclusion
inventaires
tribunal de familles
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire et consultation, pour Jean Cartier, propriétaire, habitant de la commune de Saint-Germain-l'Herm, appelant ; Contre Louise Cartier et Marc Barrière, son mari, officier de santé, habitans de la même commune, intimés ; Et encore contre Magdeleine Christophe, veuve de François Cartier ; François et Marie Cartier ; tous citoyens de la même commune, intimés.
Annotations manuscrites: arrêt de la cour d'appel.
Table Godemel : Institution d'héritier testamentaire : en pays de droit écrit, où l’institution est nécessaire pour la validité des testaments, l’institution du posthume, dont la femme est enceinte, comprend tous les posthumes qui naissent après le testament. Renonciation : 5. fille renonçante à succession future, en pays de droit écrit, au profit de l’héritier qui serait institué, sa renonciation profite aux mâles, si le père meurt sans faire d’autres dispositions.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 4
1769-Circa An 4
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
21 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1209
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Germain-l'Herm (63353)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53167/BCU_Factums_G1209.jpg
conflit de lois
droit écrit
forclusion
inventaires
Posthume
renonciation à succession
Successions
Testament nuncupatif
testaments
tribunal de familles
usufruit
-
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631394dd4a6108e9cfb0c90d3a5ec0f5
PDF Text
Text
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A C a u s e s et M
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d'appel, et a M
imprimé
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,
é m o ir e
P O U R M a r i e L A C O U R S , et P i e r r e
B L A N Z A T , son mari; A n n e L A C O U R S ,
et F r .. B E R T E T , son mari; A n t o i n e t t e
L A C O U R S , et S i m o n B A R R A U D , son
mari habitans de la ville de Clermont, défen
deurs en opposition, intimés;
,
,
,
CONTRE G a s p a r d LACO U RS propriétaire
habitant de la même commune demandeur en
opposition appelant ;
,
En présence de J e a n - B a p t i s t e RODDIER
et d ’A N N E T H E R I D I E R E S , consorts,
habitans de la même ville.
Q
u
elesépreuves de douleur et de retenue pour
la piété filiale !
Les filles Lacours , mères de famille, encore jeunes,
réclament, moins pour elles que pour leurs enfans, la con
firmation d’un jugement, qui ne leur a accordé que ce
A
�Sk0
v
( 2 )
qui leur étoit assuré par la nature , attribué par les lois,
établi par des actes authentiques, par des actes dont la
clarté dans les expressions ne présente pas plus de doute
dans le fait que dans le droit.
Dans cette lutte affligeante, comment se peut-il que
leur père imagine des invraisemblances , pour éluder la
justice qu'il doit à ses enfans ? A quel embarras ne réduit-il
pas ses filles, de se faire entendre sur certains points, par
le silence, d’éclairer et mouvoir la vertu magistrale par
des réticences révérencielles ?
F A I T S .
Marie-Jeanne et Amable G uyot, filles de Gaspard Guyot
et de Gabrielle Teytard, furent mariées, l’une avec Gaspard
Lacours, appelant, l’autre avec Bonnet Gauttier.
Par le contrat de mariage de l’aînée avec Lacours, du
3 février i y 55 , ses père et mère lui constituèrent une
dot, et l’instituèrent leur héritière, conjointement avec
Amable Guyot, sa sœur, cependant avec un avantage de
5 oo francs. Les instituans se réservèrent une somme de
1,000 f r . , pour en disposer en préciput, et la faculté de
disposer de cette réserve fut laissée h Gabrielle Teytard,
dans le cas où elle survivroit h Gaspard Guyot, son mari.
Il fut fait un avancement d’hoirie h la femme Lacours
en immeubles, et en 2,000 fr. pour trousseau, meubles
et argent.
Par le contrat de mariage d’Amable G uyot, sœur puînée
de M arie-Jcanne, avec Bonnet Gauttier, du 9 novembre
�*f
( 3 )
.
1-759 , Gappard Guyot et Gabrielle Teytard, ses père et
nière, firent en sa faveur constitution de dot, institution
sous la même réserve , et un avancement d’hoirie en
immeubles, trousseau, meubles et argent.
1
De l’union conjugale de Marie - Jeanne Guyot avec
Gaspard Lacours, sont issus seize enfans; il n’en est resté
que quatre qui ont succédé à leur m ère, les trois filles
intimées, et leur frère Jacques Lacours.
Amable G uyot, femme Gauttier, n’a eu qu’une fille,
nommée Gabrielle.
L a femme Gauttier est décédée en juin T765, quelques
jours avant Gaspard G uyot, son père.
Gabrielle Gauttier, sa fille , est morte en basrirge , et
avant Gabrielle Teytard, son aïeule.
L e décès de Gabrielle Teytard est du 17 janvier 1773.
Amable Guyot et Gabrielle Teytard avoient leur domi
cile dans le faubourg de Saint-Alyre près de Clermont, conséquemment sous l’empire de la coutume d’Auvergne;
les autres immeubles étoient situés dans la ville de Cler
mont et aux environs, par conséquent en droit écrit.
Marie-Jeanne G u yo t, mère des intimés, recueillit l’en
tière succession de Gabrielle Teytard, sa mère , qui a sur
vécu à Amable G uyot, sa fille, et à Gabrielle Gauttier, sa
petite-fille; elle succéda à Gaspard Guyot, son père, pour
la totalité des biens situés en pays de coutume, sauf l’usu
fruit de la moitié acquis à Bonnet Gauttier, comme ayant
survécu à Gabrielle Gauttier, sa fille, qui avoit succédé
pour la moitié à Gaspard Guyot, son aïeul, sauf encore le
prélèvement de i , 5oo fr. pour le préciput de 5oo fr.
stipulé par le contrat de mariage de Marie-Jeanne Guyot,
A 2
v
�(4 )
et pour la réserve de 1,000 f r ., dont Gabrielle Teytard
disposa en faveur de la femme Lacours, par son testament
du 10 mai 1766, d’après la faculté stipulée dans le contrat
de mariage du 3 février i y 55.
Marie-Jeanne Guyot succéda à son père pour moitié
dans les biens situés en droit écrit; Bonnet Gauttier, hé
ritier de Gabrielle Gauttier, sa fille, qui avoit recueilli,
du chef de sa m ère, l’effet de l’institution qui lui avoit
été faite par Amable Guyot, son aïeul, est devenu pro
priétaire de l’autre moitié.
E n fin , la mère des intimées a recueilli des biens pro
venus de Philippine Teytard, tante de Gabrielle Teytard,
-su u
f décédée à la fin de 1776 ou dans les premiers
jours de 1777.
Marie-Jeanne Guyot, femme Lacours, est décédée le
25 nivôse an 3.
Les intimées étoient toutes établies à cette époque; elles
avoient été constituées en dot par leurs contrats de ma
riage des 20 février 1786, 22 février 1789 , et 24 janvier
1 793 Aucun de ces contrats de mariage ne renferme, de la
part du père Lacours, la réserve d’usufruit.
lia loi du 28 août 17 9 2 , portant « que les majeurs ne
« seront plus soumis à la puissance paternelle », a ouvert
en faveur des intimées, le droit de demander, dès l’ou
verture de la succession de leur m ère, tous les biens do
taux et aventifs, meubles, mobilier et immeubles qu’elle
avoit portés ù Gaspard Lacours; mais elles eussent aban
donné ce droit, si leur père ne les y eût forcées.
On passe sous silence tous les procédés doiucbtiques :
�('5 )
mais plusieurs ventes réalisées de la part du père Lacours,
non seulement de ses immeubles, mais encore d’une partie
de ceux provenus de la dot de sa femme, des affiches
posées pour la vente du surplus, jetèrent l’alarme dans
les familles des trois filles Lacours; pressées par des besoins
, lors actuels , effrayées sur l’avenir par la réclamation
muette de leurs enfans, lassées par une triste condescen
dance de leur époux, elles ne purent encore se résoudre
à former aucune demande à leur père.
Résistant encore à des rigueurs, à des excès même non
mérités, elles ne purent se refuser à leurs propres reproches
sur les dangers de voir à la fois leur m ari, leurs enfans,
leur propre père et elles-mêmes, exposés h la plus affreuse
misère ; elles ne purent prévoir, sans effroi, l'impossibilité
inévitable où elles seroient de satisfaire au vœu de la na
ture et de leur cœ ur, de venir au secours de tous, si elles
ne prenoiçnt au moins des mesures conservatrices. Deve
nues instruites que leur père dénaturoit son actif, en
substituant, par des quittances, aux privilèges et à des
obligations hypothécaires , des papiers négociables , la
femme Barraud tenta infructueusement auprès de son père,
la conciliation, en pluviôse an 4.. ......................................
Cependant toutes les filles Lacours s’abstinrent encore
d’aucune .action directe; elles se contentèrent, les 1 3 . et
17 prairial an 6, de former opposition au bureau des hypo
thèques , et de fiiire des saisie-arrêts entre les mains des
citoyens B.oddior et Iléridivres.
Ceux-ci parurent n’être pas indifférons.sur ces actes de
précaution, puisqu’ils exigèrent de Lacours une promesse
�( 6 )
de garantie de sa part des effets de ces oppositions; Lacours
pi'omit de leur en rapporter m ain-levée, et néanmoins
reçut 3,000 francs, par acte du 25 ventôse an 7.
Lacours pressentantbien la difficulté d’obtenir cette main
levée, resla dans l’inaction; mais Roddier et Héridières,
après l’avoir fait inutilement citer en conciliation, ainsi
que les intimées, firent assigner le père et les filles au
ci-devant tribunal civil du département, pour voir déclarer
les oppositions nulles, et qu'au surplus Lacours fût tenu de
les en garantir et indemniser.
Un jugement du 6 messidor an 7 , contradictoire avec
les intimés, déboutèrent Roddier et Héridières à l’égard
des filles Lacours, et donnant défaut contre leur père,
le condamna à garantir.
Celui-ci y forma opposition, et fit citer en conciliation,
tant ces tiers détenteurs que ses filles et leur mari.
Cette voie ayant été infructueuse, Lacours, par exploit
du 28 thermidor an 7 , fit assigner les intimés Roddier
et Héridières au tribunal civil, pour voir dire qu’il seroit
reçu opposant au jugement du 6 messidor, en ce qu’il
avoit été débouté de sa demande en main - levée; au
fond , « se voir lesdits compris condamnés à justi
ce fier des titres en vertu desquels ils ont fait faire ladite
« saisie, celle faite entre les mains des citoyens et citoyennes
« Boutarel, frère et sœurs, et une inscription sur lui au
« bureau des hypothèques, et faute de justification de
« litres valables , voir dire que lesdites saisie - arrêts,
<r opposition et inscription et toutes autres faites ou à
« faire , seront déclarées nulles et de nul effet, avec
« main-levée, radiation cl dQiniiiagos-iutérûts; et en cas
�M s
( 7 )
« de justification de titres valables, voir dire et ordonner
« que lesdits compris seront tenus de déduire et tenir
« en compte sur ce qui pourroit leur être légitimement
« dû; savoir, Lacours et Blanzat, la somme de 3,461 fr.
« pour les trousseau, meubles , argent et contrat de
« rente, suivant leur contrat de mariage ; Lacours et
« Bertet, la somme de 3,300 francs pour même cause;
« et lesdits Lacours et Barraud, la valeur à dire d’ex« perts d’une vigne de sept œuvres; d’une terre ci-devant
« vigne d’entour huit œuvres, et 5oo francs pour la valeur
« du trousseau, si mieux n’aiment ces derniers, se désister
« purement et simplement desdits héritages et lui en aban« donner la propi’iété.......... E t attendu qu’il résultera
« d’après lesdites déductions, que les filles JLacours seront
« payées de leurs créances , voir prononcer les main« levée et radiation. V oir néanmoins donner acte audit
« Lacours des offres qu’ il fa it, dans le cas où il seroit
« débiteur de quelque chose, de parfournir-ce qui pourra
« se m anquer pour compléter ce q u i doit légitimement
« revenir auxditesjilles Lacours, dans le cas seulement où
« il seroit déchu de l’usufruit des biens de sa femme......
« qu’il se réserve. »
Par exploit du 4 fructidor an 7 , les intimées accep
tèrent les ofFies et consentement de leur père, de leur
payer ce qu’il leur doit.
Cest le 14 de ce merne mois, que toutes les parties
en vinrent h l'audience du tribunal civil.
L a question sur la privation d’usufruit éprouva de
longs dél'ats.
Il fut soutenu de la part de Lacou rs, que l’on ne pou-
�(8)
voit étendre l'effet de la loi du 28 aoiit 1 7 9 2 , qui abo
lissent la puissance paternelle, à celui de faire cesser l’usu
fruit absolument étranger et indépendant de cette puis
sance, qu’il falloit juger par la loi et non par induction ;
que la disposition de la ci-devant coutume d’A u v e r g n e ,
cjui accorde au père l’usufruit des biens de sa fe m m e ,
reste dans toute sa vigueur ; qu’ on invoqueroit en vain
l ’article 48 du chapitre 1 4 de cette coutume, parce que
cet article suppose des biens acquis à la fille au moment
de son m a riag e, tandis que les filles Lacours n’avoient
rien d’acquis, puisqu’elles ont été mariées père et mère
v iv a n s ; que la forclusion qui en résultoit, équivaudrait
à une réserve d’usufruit, puisque cette forclusion ne laissoit
aucun espoir aux filles Lacours ni en propriété ni en usu
fru it, du chef de leurs père et m è r e ; qu ’au surplus les
filles scroient remplies, et au delà, des sommes qui leur
reviennent du chef de leur m è r e ; que tout ce cju’il A
t o u c h é s’élève à une somme de 21,292 francs ; que cer
taines déductions faites, cette somme demeure réduite pour
les trois quarts l’evenant aux trois filles L a c o u rs , à 1 5 ,6 3 1
francs 10 sous, et que ce qu’elles ont touché par leur con
trat de m ariage, se porte à plus de 22,000 francs, d’après le
compte qu’il en fait; que quand elles ne scroient pas rem
plies, leurs intérêts sembleroient résister aux persécutions
qu’elles font éprouver à leur p è r e , étant appelées p arles
nouvelles lois à sa succession , sa fortune s’élevant i\ TLUS
reste, la compensation qu’il
dem ande, résulte de l’axiom e nemo libéra Lis , nisi libé
ra tus , que dès que la volonté de l’homme fait place à
DECENT MILLE
f r a n c s : cju’au
la volonté de la lo i; dès q u e , par la cessation de la for
clusion
�(93
cl usi on les filles sont appelées par égalité avec leur frère
au partage des successions de leurs père et mère ; il en
résulte qu'il n’existe plus de contrat entre les parties; et
la forclusion cessant, la dot qui en étoit le prix doit
également disparoître ; que ce sacrifice étoit conditionnel
de la forclusion ; qu’il cesse avec l’existence de la forclu
sion ; que tout ce qu’il a donné de son chef, doit être
•imputé sur sa dette, et que dès-lors sa dette est couverte,
-et au-delà.
. •
♦
.i
Les intimés opposèrent que la privation d’usufruit s’opéroit par la lo i, pour les biens en pays de droit écrit, et par
le défaut de réserve pour ceux situés en paj's de coutume ;
que pour les premiers, d’après la loi cùm oportet, au code
de bonis quœ lib eris, l’usufruit n’étant qu’une émanation
et un effet inséparable de la puissance paternelle, cet effet
ne pouvoit pas plus durer que la cause, d’autant que les
•biens qui étoient l’objet de cet usufruit, ne leur sont éclius
qu’après qu’elles ont été sorties de la puissance paternelle,
pour passer sous la puissance maritale....
Que quant aux biens situés en coutume, le statut local
s’explique d’une manière impérieuse.
« Quand le père fiance ou marie sa fille » , porte l’article
X L V III de cette loi municipale, «il est privé de l'usufruit
cc i\ lui appartenant ès biens maternels ou aventifs de sadite
.« fille, SÎ EXPRESSÉMENT IL NE LE RÉSERVE.
A ux autorités des commentateurs on a joint celle de la
jurisprudence , soit dans le cas de la forclusion, soit dans
celui de la renonciation conventionelle, tant pour les biens
échus, lor6 du contrat, que pour ceux à v e n ir, parce que
B
�5 M>
\
( 10 )
l’article généralisant le principe , ne souffre pas d’excep
tion ; parce q u e, si le père avoit un droit, en mariant sa
fille, il a dû se le réserver ; parce que, s’il n’en avoit pas,
il n’a pu l’acquérir ; paxxe qu’enfin on ne peut juger par
équipollence, quand la loi est im pérative, lorsque la forclusion qui ne peut être opposée à la femme Barraud ,
mariée en 1793? a été détruite jusques dans ses racines, à
l’égard des deux autres filles, par la loi du 8 avril 17 9 1.
Pour ce qui concerne la libération prétendue par le père,
il étoit répondu de la part des filles Lacours, que le père
étant dans le devoir de doter ses filles , toutes les consti
tutions qu’il fait, sont réputées l’avoir été de sa propre
substance; que néanmoins elles veulent bien tenir à compte
à leur père les biens à lui appartenans pour former la légi
time maternelle , si en effet il leur en a donné avec cette
destination. Passant ensuite à l’analise des contrats de ma
riage contenant dot paternelle et dot maternelle, il fut
observé que la femme Blanzat n’a rien reçu du chef mater
nel ; que la femme Bertet a eu une vigne, estimée 600
francs, mais que cette vigne provenant de la mère , elle ne
peut pas être l’objet d’une imputation sur ce que Lacours
père doit h ses enfans, parce qu’il ne peut éteindre sa dette
qu’avec des objets qui lui sont personnels ; que la femme
Barraud ne doit pas non plus souffrir aucune compensa
tion , puisque d’un côté elle n’a rien reçu des 2,000 francs
argent, qui lui ont été constitués pour dot maternelle,
payable seulement après le décès des père et mère ; que
de l’autre, les deux héritages dont elle jouit, proviennent
à la vérité , du père , mais qu’il ne peut pas en employer la
valeur à acquitter la dette de sa femme. Enfin il fut fait une
�C 11 )
remarque décisive, que le père Lacours annonçant luimême une fortune de plus de c e n t m i l l e f r a n c s , et
n’ayant que quatre enfans, n’avoit pas disposé du douzième
en faveur des trois filles réunies, puisqu’on retranchant
les immeubles provenus de la m ère, elles n’ont touché
entre elles qu’un capital de 6,961 francs. Il en fut conclu ,
avec raison, qu’un tel prétexte de prétendus sacrifices ne
pouvoit autoriser le père à retenir le bien de ses enfans,
chargés de nombreuses familles , et les laisser dans les hor
reurs des besoins, quand il a dix fois plus de revenus
qu’il lui en faut de son bien personnel.
C’est sur cette discussion, rapportée sommairement,
que fut rendu le jugement dont est appel. En voici la
teneur :
«Attendu , respectivement aux biens régis par le droit
a écrit, que l’usufruit, attribué aux pères par les lois ro« maines, est une émanation de la puissance paternelle ;
• « Attendu que l’émancipation faisoit cesser l’usufruit
* pour m oitié, et conservoit l’usufruit de l’autre moitié
« au pèi’e, même sans réserve, suivant la disposition de
« la loi cùm oportet, au cod. de bonis quæ liberis ;
« Attendu que l’effet de la puissance paternelle a été
« aboli par la loi du 28 août 17 9 2 3 Ç[ue l’usufruit n’étoit
« attribué au père en pays de droit écrit, qu’en vertu
« de cette même puissance ;
« Attendu, en ce qui touche les biens situés en coutume,
« 1 art. X L V III du tit. 14 de la coutume qui porte, que
« quand le père fia n c e ou m arie ses f d le s , il est privé
« de f usufruit de plein d ro it, si expressément il ne se
c< le réserve.
B 2
�t
( 12 )
« Attendu , quant aux jouissances, qu’elles sont dues ;
« Attendu qu’il est justifié queLacours père a reçu , i°.
« suivant son contrat de mariage, i , 55o francs, distraccc tion faite de ses gains; 2°. 3,600 francs, suivant sa quit
te tance du 30 décembre i j 65 ; 3 0. celle de 3,000 fr. en
« un contrat de rente par lui constitué en faveur de Ga* brielle Teytard, sa belle-mère, le 1 1 avril 17 6 9 ; 40.
«• celle de 2,000 fr. en un autre contrat, du 16 septembre
« 17 7 0 ; 5 °. celle de 9,892 fr. suivant la reconnoissance
«f du 5 décembre 1780.
« En ce qui touche la valeur des marchandises et du
« mobilier provenus de Gaspard G u yot, attendu que
« Gabrielle Teytard étoit usufruitière de ces objets qui
cc ont demeuré confondus dans sa succession ;
« Attendu que la reconnoissance de 1780 comprend
ce évidemment tout ce qui, dépendoit en meubles, argent,
c< elfets de la succession de Gabrielle Teytard, qui avoit
« réuni dans sa main tout ce qui provpnoit en mobilier
ce de Gaspard Guyot;
ce En ce qui touche la demande tendante à ce qu’en
ce. cas de privation d’usufruit, Içs filles Ldcours soient tenues
ce d’acquitter, sur leurs, droits;maternels, tout ce qu'elles
ce ont reçu de leur père et de sa propre substance, aux
ce termes de leurs contrats de mariage;
« Attendu, i°. les principes que le devoir du père est
ce de doter ses filles, et que, dans le fait, il leur a fait,
« de son chef, des constitu tions particulières ; 20. que ces
« constitutions distinguent ce .qui devoit être pris sur les
ce biens maternels, d’avec cc qui éloit donnépqrLacourSj
« de sa jM-oprc substance;
�///
( >3 T)
« Attendu néanmoins que Lacours a compiTs, dans leset constitutions faites par lui: personnellement, des;biens« maternels, et qu’ il seroit injuste de lui en faire remplacer'
« la valeur en biens h lui appartenans;
a En ce qui touche la demande en restitution de la
« somme de io,ooo livres, prétendue provenue de la suc« cession de Philippine Teytax’d, et touchée par Lacours;
« Attendu, i ° . que la reconnoissance de 1780 a été sans
« préjudice de la valeur des objets provenus de la suc
ée, cession de Philippine Teytard, et qu’il a été énoncé dans
«. cette reconnoissance, par Lacours lui-même, qu’il avoit
« fourni une quittance séparée de ces objets, par-devant
«:. notaire ;
« 2?. Que cette quittance donnée par le mari à sa femme
« qui l’a prédécédé, a dû nécessairement être trouvée
« par lui dans sa succession, et que Lacours, qui en est
«„présumé rétentionnaire, doit la représenter; 3 0. que
« son refus d’en faire l’exhibition, fait naître contre lui
« une violente présomption de mauvaise.foi;
«Le tribunal déclare Gaspard Lacours privé de l’usufruit
« des biens maternels de M arie, Anne et Antoinette La« cours, filles; en conséquence, condamne ledit Gaspard
« Lacours à se désister en faveur de ses filles , des trois
« quarts des immeubles dont il est encore on possession ,
« provenant de Marie-Jeanne Guyot, leur mère, à leur en
« laisser la libre possession et jouissance; fait défenses audit
« Lacours de les y troubler; le condamne à restituer A ses
« filles les jouissances desdits immeubles, depuis le décès
« de ladite Marie-Jeaiine G uyot, suivant l'estimation qui
« en sera faite par experts dont les parties conviendront,
�C *4 )
» ou q u i, à leur refus, seront pris et nommés d’office,
« en la manière ordinaire; aux intérêts du montant des« dites jouissances, savoir, de celles antérieures à la de« mande, à compter d’icelle, et de celles qui lui seront
« postérieures , à compter de chaque perception. Con« damne pareillement Gaspard Lacours à restituer auxdites
« filles Lacours la somme de quatorze mille huit cent
« quatre-vingt-une livres dix sous formant les trois quarts
« de toutes les sommes énoncées dans les motifs du présent
« jugement, et portées par les actes des 3 février i y 55 ,
a 30 septemb. 17 6 5 , 25 février 17 6 9 , 26 septemb. 1770 ,
« et 5 décembre 17 8 0 , avec les intérêts à compter aussi
« de l’époque du décès de Marie-Jeanne Guyot ; condamne
« aussi ledit Gaspard Lacours, à représenter, dans le mois,
cc à compter de la signification du présent jugement, la
« quittance ou reconnoissance authentique énoncée en
« l’acte du 5 décembre 17 8 0 , et relative aux sommes et
« autres objets touchés par ledit Gaspard Lacours, procc venant de la succession de Philippine T e y ta rd , tante
«c de la mère desdites filles Lacours ; sinon et faute de ce
ce faire, dans ledit temps, et icelui passé, sans qu’il soit
« besoin d’autre jugement, condamne ledit Gaspard L a
ce cours à payer à ses filles les trois quarts de la somme
ce de 10,000 francs q u i, suivant la déclaration des filles
ce Lacours, forme l’objet de la quittance énoncée en la
ce reconnoissance dudit jour 5 décembre 1780 , avec les
ce intérêts de ladite somme, depuis le décès de Mariece Jeanne Guyot.
ce Sans s’arrêter à la demande en main-levée de saisie
ce et eu radiation d’inscription formée par ledit Gaspard
�3$$
C15 )
« Lacours, de laquelle il est débouté , confirme les saisie« arrêts faites à la requête des filles Lacours, entre les
« mains desdits Jean - Baptiste Roddier et Annet H éri« dières, comme des biens de Gaspard Lacours; en con« séquence, faisant droit sur les conclusions judiciaires
c< des filles Lacours, condamne lesdits Roddier et H éri« dières à vider leurs mains en celles des filles Lacours,
« des sommes dont ils se trouveront débiteurs envers
« Gaspard Lacours, jusqu'à concurrence de ce qui est dû
« à ses filles, à imputer, i°. sur les intérêts et frais, etc. •
« Faisant droit sur les conclusions de Roddier et Héri« dières, contre Gaspard Lacours, déboute ledit Lacours
« de son opposition au jugement par défaut, du 6 messi« dor dernier j ordonnons que ledit jugement sera exécuté
« suivant sa forme et teneur ; condamne ledit Gaspard
« Lacours aux dépens envers toutes les parties, et ordonne
« que le présent jugement sera exécuté, nonobstant et
« sans préjudice de l’appel. »
L ’appelant n’attendit pas la signification de ce juge
ment , pour notifier, le 26 du même m ois, par extrait,
i° . un traité passé entre lu i, comme mari de Marie-Jeanne
G u yo t, et autres prétendant à la succession de Philippine
Teytard, du 30 janvier 17 7 7 ; 2°. une q u it ta n c e dont il
n énonce pas la date, en marge de ce traité , de la somme
de 1 3 1 francs 20 centimes, ensemble des intérêts encourus
et des frais. Il prétendit par là , satisfaire à la disposition
relative h cet objet, pour faire tomber la condamnation
des 10,000 francs.
Le 12 ventôse an o 3 les causes et moyens d’appel ont été
signifiés.
�( 1 6 }
Le 22 du même mois, un jugement par défaut, a pro
noncé le bien jug'é. Il y a eu opposition , le 6 germ inal,
et il circule un mémoire imprimé sous le nom de l’ap
pelant, qui n'a point été signifié, et qui n’est signé de
personne.
Les intimées avoient d’abord résolu de ne point écrire;
mais les efforts qu’a faits leur père de les rendre défavo^
rables , même odieuses à la justice et à l’opinion publique,
les forcent d’éclairer l’une et l'autre par une publicité au
thentique de leur défense.
A une analise exacte des deux écrits de l’appelant ; suc-»
cédera la réfutation dans le même ordre.
D I S C U S S I O N .
Lacours a d’abord semblé par les conclusions, qui sont
le prélude de ses causes et moyens, limiter son appel au
dispositif du jugement, qui a pour objet la liquidation
qu’il contient des répétitions dues aux filles Lacours, du
chef de leur m ère; cependant, soit dans le cours de cette
production , soit dans son mémoire imprimé , et notam- ^
ment par sa requête en opposition, il réclame contre
l’entier jugement.
Les intimés vont donc répondre à tous les chefs de
discussion opposés par l’appelant.
I a i dot, dit-il, donnée aux fille s , et leur renoncia
tion d la succession de la mère , pourraient aisément
rem placer
�///
( *7 )
remplacer la réserve que le père étoit en droit d é fa ir e
par le contrat de m a ria g e, m ais qu 'il était inutile ,
puisque les fille s r i y devoient succéder.... Q uen te q u i
concerne ( pages 10 et n du mémoire ) les bie 7is situés
en droit écrit, la loi q u i a supprimé la puissance pater
nelle r i a pas ordojiné cette privation contre les pères ;
quelle ne s’est pas expliquée à ce sujet ; q u il riest pas
perm is d'ajouter c l ses dispositions ,*qu en ce q u i touche
les biens de coutum e, la réserve d’ usufruit étoit inu
tile , puisque sesfille s avoient été dotées ; quelles devoient
être forcloses ; quelles avoient même renoncé expres
sément aux successions paternelle et maternelle ; . . . .
que cet abandon absolu de leur part emportoit avec soi
la déchéance de f usufruit j et que s i on veut induire de
Tabolition de la puissance paternelle celle de ïu s ifr u it
que les lois anciennes accordoient au père , il ri est pas
possible, p a r une suite conséquente, de ne pas convenir
que la privation de tous les droits sans exception , sti
pulée contre les f il le s , contenoit aussi la privation de
Tusufruit à leur égard.
>
L ’appelant invoque , à l’appui de celte assertion, les
principes immuables de la saine raison, qui est la pre
mière des lois.
Ce sont précisément ces principesrde la saine raison,
que les filles Lacours opposent avec succès à leur père.
N est-il pas de la saine raison, que les descendons suc
cèdent aux ascendans ? N ’est-il pas de la saine raison, que
la servitude personnelle, qui faisoit autrefois de la puisC
�C 18 )
sance paternelle une tyrannie qui flétrissoit les tendres
sentimens que la nature fait naître , fût de plus en plus
restreinte à ces doux rapports, premiers rudimens de la
vertu, qui prescrivent aux enfans le devoir de la piété
et de la reconnoissance envers leurs ascendans , sur-tout
envers leurs pères indigens , qui imposent à ces mêmes
enfans, devenus eux-mêmes chefs de fam ille, un triple
devoir également sacré, de venir à la fois au secours de
ceux qui leur ont donné le jour, de leur propre progé
niture, de rentier corps social? N ’étoit-il pas temps que ces
anciens flambeaux des siècles de ténèbres pfdissent devant
l’éclat de la vérité, et que la France, subjuguée depuis
si long-temps par l’autorité des lois romaines, soumît
enfin les préjugés à l’autorité de la raison , et qu’après
avoir été l’esclave de ces préjugés, elle en devînt le juge?
L ’usufruit des pères étoit un reste de cette barbarie
prim itive adoptée par R om ulus, de la loi des douze tables,
qui donnoit aux pères droit de vente et de mort sur leurs
enfans. L ’adoucissement des m œ u rs, peut-être le besoin
des législateurs, en m êm e temps qu’ils réduisirent insen >
siblement l’effet de cette puissance , d’abord à la propriété
indéterminée des objets de succession et du pécu le, en
suite à une portion v ir ile , enfin à l’usufruit, bien plus
encore à une moitié d’usufruit, en récompense de l’éman
cipation , suivant les lois au cod. de bon. mat. et de bonis
quœ liberis , et par la novelle 2 2 , chap. 3 4 , ils introdui
sirent et étendirent divers modes de cessation , soit <1e la
puissance paternelle, soit de l’usufruit qui en étoit l’émânatiun.
�( 19 )
L ’inégalité, suite nécessaire du régime féodal, avoit
introduit la forclusion et les renonciations des filles en
faveur des mâles.
Nos premiers législateurs commencèrent par abolir, le 8 avril 179 1» « toute inégalité ci-devant résultant entrç
« héritiers ab intestat , des qualités d’aînés ou puînés ,
« de la distinction des sexes ou des exclusions coutu« mières soit en ligne directe , soit en ligne collatérale.......
« En conséquence les dispositions des coutumes ou statuts
« qui excluoient les filles ou leurs descendans du droit de
« succéder avec les mâles, ou les descendans des mâles,
« furent abrogées. »
L ’article 4 de cette loi, ordonne que ses dispositions
.« auront leur effet dans toutes les successions qui s’ ouvrir ront après la publication. »
Les renonciations conventionnelles ne recevoient point
d’atteinte par cette loi ; elles pouvoient encore en entraver
les résultats. Mais la loi du 28 août 17 9 2 , en abolissant
la puissance paternelle , en affranchissant à la fois, et sans
indemnité, les enfans sortis de cette puissance, et de l’usu
fruit qui en étoit l’effet’, et de toute renonciation qui
pouvoit émaner de la crainte révérencielle , ou ce qui est
la raeme chose, de cette même puissance , assura un
prompt eifct de la loi précédente, et dégagea de tous
les obstacles que les lois ai’bitraires avoient introduits et
entretenus, malgré les réclamations de la loi naturelle, cet
axiome le mort saisit le v i f , qui est une suite nécessaire
de la saine raison. Cette saine raison l’a donc enfin emporté
sur le prestige^ des préjugés qui y étoient contraires , et
qui avoient été cependant le type des lois positives.
C2
J
�M
w
C 20 )
C’est donc par les règles de la nature et de l’équité,
que D ieu , comme l’observe Domat, liv. p rél., tit. I e r ,
sect. i ere , som. 2. et 3 , a lui-m ôm e établies, et qu’il
enseigne aux hommes par les lumières de la raison ; c’est
donc par les propres armes de l’appelant, que sou système
est renversé. Or , si l’usufruit, cet effet de la puissance
paternelle qui en étoit l’unique cause , la forclusion déri
vant d’un statut coutumier , et les renonciations conven
tionnelles stipulées et voulues impérieusement par le père
par un autre effet de sa puissance, ont été anéanties par
les deux lois qui coïncident naturellement en faveur des
majeurs héritiers a 7j intestat, il est bien évident que les
lois arbitraires qui. avoient créé cette dérogation au droit
naturel ; disparoissent ; que celui-ci a recouvré toute sa
force ; que tous les raisonnemens qui ont pour objet de
rappeler les conséquences des principes éteints, viennent
se briser auprès de cette saine raison qui les proscrivoit;
enfin que c’est cette saine raison qui , seule dans cette
partie, doit être la base du jugement d’appel, comme elle a
été le motif du jugement dont l’appelant demande la réformotion: Quodvero naturalis ratio inter ornnes hornines
constituit, id apud omnes peraquè custoditur. D. L. G.
Ainsi s’écroule l’objection reproduite, sans nouvelles
p reu v es, par l’appelant, sur les effets de la d o t, de la
forclusion , des renonciations, de leur prétendue équipol
lence A une réserve qui n’auroit pas un meilleur sort. Ainsi
doit ê t r e confirmé le jugement qui a foudroyé des para
doxes aussi opposés à deux lois d'autant plus impératives
qu’elles émanent du plan d’égalité civile , principale base
du régime républicain.
�( 21 )
Mais il y a plus; si, abstraction faite de ces deux lois,
le frère des intimées fût décédé avant la mère; et que les
filles préférant, après le décès de Marie-Jeanne Guyot, la
réalité de cette succession à l’espoir éventuel de la succes
sion paternelle, eussent demandé contre le père la priva
tion d’usufruit, en vertu de l’art. X L V III du lit. 14 de
la coutume d’Auvergne, elles eussent également réussi,
parce que c’eut été la faute du père de n’avoir pas prévu
l’événement, par une réserve expresse ; parce que la loi
n’établit aucune équipollence, et qu’il ne peut pas être
suppléé à l’expression exigée rigoureusement par le statut.
.C’est l’avis du dernier commentateur, deuxième et sixième
question ; il cite une sentence de la sénéchaussée d’A u
vergne, de 1779- C’est aussi la doctrine de D uperrier, de
Catelan, pour les pays de droit écrit, d'après les lois de
bo?iis quœ liberis et de emancipat.
Au surplus, les lois des 8 avril 17 9 1 et 28 août 179 2, ne
laissent rien à désirer, et on doit juger combien peu l’ap
pelant a compté sur ce moyen principal, par les efforts
qu’il fait de rendre caduques les dispositions secondaires
de ce jugement, en attaquant et la liquidation, et le mode
de payement qu’elles renferment
Avant d’entamer cette discussion, il convient d’établir
les situations chronologiques des fortunes de . Gaspard
Lacours et de Marie-Jeatine G u yo t, sa femme.
Le m ari, par son contrat de mariage de 1766, fut cons
titué par ses père et mère , en une somme de 1,400 francs,
payable seulement après leur décès. Il fut de plus institué
héritier par Julien Lacours, son oncle.
Lu femme Lacours, indépendamment des institutions
�( 22 )
dont elle ne devoit recueillir l’eiTet qu’après l’ouverture
des successions de ses père et m ère, reçut eu avancement,
un ameublement estimé 200 francs, i , 5oo fr. en numé
raire , une septerée de terre et une vigne de quatre œuvres
et demie , pour jouir dès l’instant du mariage.
Jean Lacours, père de Gaspard, est décédé environ en
176.5; sa veuve n e ju i survéquit qu’environ trois ans.
C’est à cette dernière époque que leur fils Gaspard L a
cours eut quelques parcelles de biens, dont la valeur étoit
absorbée par les dettes; car laTourdias, sa femme, avoit
été obligée de se faire séparer quant aux biens , et il étoit
reconnu dans la famille que Jean Lacours étoit mort in
solvable.
Julien Lacours, oncle de Gaspard, mourut le même
jour que Jean Lacours, son frère ; mais Antoinette Triozon, sa femme, lui ayant survécu environ douze ans,
Gaspard Lacours n’a recueilli cette succession, qu’environ
en 1777. Elle consistoit dans une mauvaise maison, rue
du P o r t, qui étoit louée 60 francs par an , et dans trois
œuvres et demie de vigne. Lacours a été encore obligé
de payer beaucoup de dettes sur cette hoirie.
Marie Tourdias laissa une succession tellement obérée,
que Lacours, son fils, y répudia.
Si on doit réduire h presque zéro les successions des père,
mère et oncle de Gaspard Lacours, on va remarquer com
bien étoit féconde la fortune de Marie-Jeanne Guyot.
Gaspard Guyot et Gabrielle Teytard, ses père et m ère,
gens simples, ennemis de tout lu xe, n’ayant que deux
filles, outre une forlune au-dessus du médiocre, en im
meubles, étoient parvenus par leurs épargnes, ù avoir un
�c
)
numéraire considérable, pour l’activité de leur commerce.
Indépendamment des fabriques de toiles, pour lesquelles
ils employoient journellement douze ouvriers, ils ache
taient de très-grandes quantités de pièces de toile et
d'étoffe, et ils en vendoient à chaque foire de Clermont,
aux Languedociens, pour 8 à 10,000 francs. Ils n’ont jamais
eu recours à des emprunts pour entretenir ce commerce,
et on va se convaincre combien précieuse étoit à Gaspard
Lacours, cette mine d’industrie.
C’étoit dans ce trésor que Lacours alloit puiser, avec
cette assurance que lui présentoit la prédilection marquée
qu’avoient ses beau-père et belle-mère pour sa femme, leur
fille.
Lorsque cette épouse épanchoit ses chagrins et ses
regrets dans le sein de ses filles, elle calculoit par détail,
jusqu’à 60,000 f r . , ce que son mari avoit reçu pour elle.
Mais si Gabrielle Teytard, femme de Gaspard G u yo t,
surpassoit en intelligence et en activité son m ari, Philip
pine Teytard sa tante ne lui cédoit en rien.
Cette fille , que Gaspard Lacours présente comme une
misérable domestique, avoit fait un commerce considé
rable de vin ; elle l’achetoit ordinairement dans le temps
des vendanges, au comptant, de certains vendeurs habi
tués et de confiance ; elle leur laissoit un bénéfice pour
la revente, et chaque année elle faisoit des profits d’au
tant plus surs, quelle ne dépensoit presque rien.
Ce lut cette tante qui chérissoit tendrement MarieJeanne G u yot, femme Lacours , sa petite-nièce , qui crut
acheter, en faveur de sa bien-aimée, de bons procédés de
la part de son m ari, en venant à leur secours par une
�Ch )
somme de 3 , 5oo fr ., dont Gaspard Lacoilrs fît reconnoissance par acte notarié, du 30 septembre 17 6 5 , au profit
de sa femme , comme lui ayant été « donnée manuelle« ment, est-il dit, par demoiselle Philippe Teytard , sa
« tante , habitante de la ville de Riom ; et laquelle somme
« ledit sieur Lacours a employée dans son commerce. Les
« présentes déclarations et reconnoissance faites par ledit
« sieur Lacours pour la sûreté de sa conscience , et à la
a restitution de laquelle , le cas arrivant, il a obligé tous
« ses biens présens et à venir par les mêmes forces et
« compulsions que de ladite somme portée par ledit contrat
« de mariage , A V E C L A LIBERTÉ A L A DEMOISELLE
« G
uyot
d ’e n
d isposer
comme
DE BIENS AVENTIFS-
« ET PARAPHE RNA UX . »
GabrielleTeytard, devënueveuve Guyoten I765,etusufruitière des biens de son mari, continua avec le même succès
son commerce; et ce fut sans l’afFoiblir qu’elle se dépouilla
d’une somme de 5 ,000 f r . , qu’elle donna en rente à son
gendre L a c o u r s , par deux actes notariés , des 25 février
1769 et 30 septembre 1770.
Il est important de remarquer que, par ces actes,
Lacours consentit expressément, et par condition du bail
de l’argent, que ces rentes sortiraient à sa femme, nature
de bien aventif et paraphernal, malgré qu’elle fût héri
tière instituée de Gabrielle Teytard.
Il y a entour trente ans, que Gaspard Lacours fit l’ac
quisition de la métairie de Fontlïède, de valeur aujour
d’hui de 30,000 fr. Il ayoit alors touché', oiitre la dot de
sa femme , soit de Philippine, soit de Gabrielle T eytard,
scs tante et belle-mère, 8, 5oo fr. Il acheta aussi à peu près
à
�J(>2>
( 2 5 )
à la même époque, de la veuve Tourdias, des portions
qui revenoient h ses deux enfans dans les deux maisons j
rues des Gras et de Saint - Barthélémy. Lacours les fit
abattre et reconstruire ; il a ensuite éprouvé un procès,
sur la demande en désistement formée contre lui par les
enfans Tourdias , des objets vendus par leur m ère, et il
en a coûté à L acou rs, pour assoupir cette affaire , plus
de 5.000 fr.
L ’usufruit des biens d’Amable Guyot ayant pris fin
par le décès de sa veuve , Gabrielle Teytard, en janvier
1 7 7 3 , le 30 avril suivant, il y eut traité entre Lacours
et Bonnet Gauttier, beaux-frères. Celui-ci, héritier de
Gabrielle Gauttier, sa fille , réclamoit par représentation
d’Amable Guyot, sa m ère, en propriété, la moitié des
biens délaissés par Amable Guyot en pays de droit écrit, et
l’usufruit de la moitié de ceux situés en pays de coutume.
Ce réclamant fut désintéressé, au moyen de la libération
de ce qu’il avoit reçu par son contrat de mariage , et de
ce qu’il devoit personnellement, au moyen de la propriété
:de quelques immeubles, au moyen enfin d’une somme de
800 fr. une fois payée, pour, est-il dit, lui tenir lieu de
Tentier usufruit.
On remarque, dans ce traité, une contradiction bien
révoltante; il fut reconnu une vérité constante, que la
maison et le domicile de Gaspard Guyot étoient situés dans
le faubourg de Saint-Alyre, près de Clermont, régis par la
coutume, et que c’est sur la moitié de ces biens, consi'quemment sur la moitié du mobilier dont la disposition
est réglée par le domicile, que Gauttier, comme héritier
de sa fille, avoit l'usufruit; et cependant Bonnet Gaultier
D
�( 2 6 )
comprend dans la cession qu’il a consentie, sa portion en
propriété dans le mobilier de la succession de Gaspard
Guyot, son b eau -p ère; et cet objet, dont la propriété
entière appartenoit à la femme Lacours, mère des intimées,
fut néanmoins acheté moyennant trois sommes réunies,
formant la somme totale de 2,700 fr ., peut-être encore
moyennant la cession qui lui fut faite de la partie de rente
de i , 5oo francs : les intimées font, contre cet acte, toutes
réserves et protestations.
Ce fut encore, environ dans ce temps, que Lacours,
p è re , échangea avec le citoyen Boutarel le domaine de
Fontfrède pour celui de Ternia, dans le Marais, moyen
nant le retour pour plus-value de ce dernier, d’environ
16,000 francs que Lacours compta à Boutarel. C’est depuis
1792 ou 17 9 3 , que Lacours est rentré dans la propriété
du domaine de Fontfrède, et que la famille Boutarel a
recouvré le domaine de T ern ia; mais Lacours a eu pour
retour environ 30,000 francs, qui forment l’objet des saisiearrêts entre les mains de Roddier, dTIéridières et des
Boutarel.
On a dit que Philippine Teytax*d étoit décédée en i ’"77,
et que Lacours a fait donner copie, par extrait,d’un acte
qu’il passa au sujet de cette succession , le 30 janvier 1777,
ensemble d’une quittance dont il ne fit point mention de
Ja date, ni dans l’exploit du 28 thermidor an 7 , ni dans
les causes et moyens d’appel, mais qu'il apprend, dans son
mémoire imprimé, être du 6 décembre 1789.
Par la connoissance que les intimées ont prise de ces
actes, il paroît, i ° . que Philippine Teylard avoit des im
meubles, puisqu’elle en a légué un demi-quart à chacun
1
�( 27 )
de deux de ses cohabiles à lui succéder, par son testament
du 8 avril 17 7 6 ; 2°. qu’il fut fait des réserves des sous
tractions faites dans sa succession ; 3 0. que l’on doit néces
sairement inférer de la déclaration qui termine cet acte,
de la part des Vidal et Régnai, de garantir Teytard et
Lacours de toutes poursuites h raison d’autres titres de
créance, que tout n’a pas été terminé par cet acte, ou
qu’il y a eu des omissions ou des réticences qui supposent
un actif beaucoup plus considérable dans cette succes
sion.
De même qu’en 17 7 3? les deniers reçus de Gabrielle
Teytard servirent à Lacours pour faire des acquisitions,
de même les deniers provenus de PhilippineTeytard furent
employés par lui en augmentation du domaine de T ern ia,
soit par des acquisitions de prés et terres, soit par des
constructions entières de biitimens, par des plantations,
par des jardins.
Lorsque Lacours a été évincé du domaine de T ernia,
il a vendu séparément tous les objets qu’il y avoit réunis
par acquisitions.
A ce tableau mêlé de certitude et de désirs d’entière
démonstration, il faut ajouter l’observation que fait luimême Lacours, page 2 de son m ém oire, « qu’il a eu
« de ce mariage seize enfans.......que ces enfans ont été
« élevés d une manière convenable : 011 pourroit même
a- dire qu ils ont reçu une éducation au-dessus des facultés
« du pore. Les filles ont été placées l o n g - temps dans les
« couvens; le fils a eu des maîtres de latin, de danse,
« et rien n’a été négligé à cet égard. »
On 11e surchargera pas ce tableau de l’historique qui a
D 2
�(
2
8
}
réduit le nombre de ces seize enfans à celui de quatre.
On a fait mention de la femme Chollet ; on instruira bien tôt
de la constitution de dot qui lui fut faite. Il existoit encore
une fille décédée après avoir été religieuse dans la com
munauté dite de N otre-D am e, à R io m , pour laquelle
Lacours avoit dépensé environ 4,000 francs. Enfin il y
avoit encore un garçon qui étudioit la langue latine.
Maiscequeles intimées ne peuvent se dispenser d’ajouter
pour la défense de leur cause, c’estl’énormité de dépenses
que Lacours , sans autre ressource industrielle que celle de
l’état de chapelier, a faites pour élever une nombreuse
fam ille, donner à plusieurs de ses enfans une brillante édu
cation , faire des acquisitions aussi considérables , des cons
tructions ruineuses , et de soutenir des procès dispen
dieux, dont un dernier lui a coûté plus de 26,000 fr.
Il lui restoit, en 1780 , sept enfans; il se proposa d’établir
l’un d’eux, Gabrielle Lacours, avec Chollet.
La femme Lacours profita de cette circonstance , pour
exiger de son mari ce qui avoit été refusé à de longues
réclamations., à des reproches, à des larmes multipliées,
la reconnoissance de ce que son mari avoit recouvré de
ses biens dotaux et aventifs.
Lacours se détermina aussi difficilement qu’imparfai
tement à cet acte de justice; et abusant à la fois de son
autorité et de sa répugnance à faire cette reconnoissauce,
il crut mettre à profit la timidité , la crainte de JYIaricJeanne (îuyot.
Par acte du 5 décembre 1780 , « il reconnut avoir reçu
�s6t
( 29 \
« depuis environ sept ans 9,892 f r ., tant en deniers comp« tans qu’en meubles meublans , argenterie, effets et mara chandises en toile; tout quoi lui est échu et advenu par
« le décès de demoiselle GabrielleTeytard,sa m ère,veuve
« de sieur Gaspard Guyot, son père, m archand de toile
« en cette v ille , et à laquelle demoiselle Teytard, ladite
« dame Lacours , a seule succédé d’abord après son décès ,
« arrivé depuis environ s^pt ans ; dans laquelle susdite
« somme ne sont point compris les contrats de constitu« tion de rente qui appartenoient à ladite demoiselle
« T eytard , et qui font partie de sa succession , dont ledit
« sieur Lacours jouit c o m m e e n a y a n t l ’ u s u f r u i t ;
« laquelle somme ledit Lacours a assignée sur tous les biens
« présens et à ven ir, pour, par ladite demoiselle Guyot
« son épouse, y avoir recours A r n È s l e d é c è s d e s o n
u M A R I , sans préjudice des constitutions exprimées par
« leur contrat de mariage, et des gains et avantages ma
te trimoniauxy énoncés; tout quoiladitedeinoiselleGuyot,
« se réserve de même que tous biens aventifs à elle échus
« par le décès de demoiselle Philippine Teytard , sa tante
et maternelle , LESQUELS LEDIT SIEUR L A C O U R S A
« REÇUS SÉPARÉMENT , ET DÉCLARE EN A V O I R FOURNI
« QUITTANCE D E VA N T NOTAIRE. »
Cet acte, du 5 décembre 17 8 0 , fut passé dans l’étude
du notaire Chevalier , à Clerm ont, et c’est trois jours
après, le 8 , que Gaspard Lacours et sa femme stipulè
rent en personne dans la maison de la demoiselle Brizard,
veuve Ciiollet, à Aigueperse, dans le contrat de mariage
de G a b r i e l l e Lacours , leur fille , avec Claude Chollet.
Ils lui constituèrent un trousseau en meubles ou argent,
�( 3° )
évalué à 1,200 f r . , et une dot de 10,000 f r . , y compris
1,000 fr. pour la réserve contenue dans le contrat de
mariage du 3 février
, à elle légué par Gabrielle
Teytard dans son testament, du 10 mai 1766. Il fut au
surplus d it, qu’ily avoit dans cette constitution,la somme
de 1,000 fr. seulem ent, du chef de la mère de la future.
Par le contrat de mariage de Marie Lacours, l’une des
intimées, avec Blanzat, du 20 février 17 8 6 , ses père et
mère lui constituèrent pour trousseau, en nippes, meu
bles et argent, 1,700 fr. ; un capital de rente, de 2,461 fr. ;
une terre et deux vignes ; et enfin 3,000 fr. payables après
le décès des Lacours et Guyot. La terre et les vignes dé
livrées, et la somme de 1,000 fr. dans les 3,000 fr. à
recevoir après le décès, furent déclarés être du chef de
la Guyot, femme Lacours.
Par celui d’Anne Lacours avec Bertet, ses père et mère
lui constituèrent un trousseau de 5oo f r ., 1,200 fr. en
argent, un contrat de rente au principal de 1,600 fr .,
une vigne estimée 600 fr ., et 3,000 fr. payables deux ans
après le décès desdits père et mère ; la vigne de 600 fr.
et 1,000 fr. à prendre dans les 3,000 fr., furent stipulés
du chef maternel.
Enfin par celui d’Antoinette Lacours, autre intimée,
avec Barraud, du 24 février 17 9 3 , il lui fut constitué par
ses p è r e et m ère, un trousseau de 5oo fr. une vigne, et
une terre jadis vigne, pour 1,800 fr. et une somme de
3,000 fr. payables après les décès desdits père et m ère,
dont deux mille lurent déclarés être du chef maternel.
Ce détail étoit indispensable pour préparer à l’appré
cia fion des moyens inventés p a r l’appelant. Son but a été
�( 3 1 ■;
d’équivoquer sur la clarté des stipulations employées dans
les actes , d’obscurcir la vérité, sur-tout d’éluder les con
séquences qui résultent naturellement de la vacillation
continuelle dans ses procédés, et d’une tendance soutenue
dans son imagination cl amoindrir l’effet des reconnoissances, qu’il ne se détermina sans doute à consentir,
que pour éviter l’éclat dont il étoit menacé de la part de
Marie-Jeanne Guyot.
C’est le moment de présenter ce clief-d’œuvre de combi
naison de Lacours, sinon afin d’annuller la liquidation
prononcée par le jugement dont est appel, au moins pour
faire tomber indirectement la disposition qu’a confirmée la
privation d’usufruit, déjà ordonnée parles lois et par la
coutume. Tous ses efforts ont pour objet de changer, le
vrai sens des actes, pour attribuer ïi libéralité ce qui
émane d’une obligation indispensable et certaine, pour
faire renvoyer après son décès, un payement qu’il a été
condamné de faire présentement.
Commençons par ce' qui est provenu de Philippine
Teytard; 3,5oo fr. d’un côté, pour la reconnoissance du
30 septembre 17 6 5 , et 10,000 fr. portés par le jugement
dont est appel.
L appelant a combattu ces deux chefs l’un par l’autre.
La reconnoissance, d it-il, ne renferme qu’une libéra
lité déguisée. Il est invraisemblable qu’une domestique pût
exercer aussi gratuitement une telle générosité.
a J e n’ai jamais vu Philippine Teytard , et je n’ai jamais
« r ie n reçu ; j’eusse fait une reconnoissance: cette fille,
« par intérêt pour Jeanne G u yo t, n’eût pas manqué de
« l’exiger. Tout au moins s’en fut-elle réservé la jouis-
�(3 2 )
« sance. Quant aux 10,000 francs, il est inconcevable que
« le tribunal ait pu adjuger cette somme sans aucune es« pc*ce de renscigncmens, de connoissance de cause. Le
<r traité que j’ai passé avec les cohéritiers, du 30 avril 1777,
« et que j’ai produit lors du jugement du 14 fructidor
« an 7 , prouve que Philippine Teytard ne laissa qu’un
« mobilier fort modique, dont elle avoit disposé plusieurs
« années avant sa mort, et seulement une somme de 900 f.
« dont je 11e touchai que 13 1 fr. 5 sous , à la vérité pos«• térieurement à la x-econnoissance du 5 décembre 178 0 ;
« mais il est évident que la rcconnoissance se réfère à cet
« acte................. Du reste, les x-econnoissances des 30 sep« tembre et 5 décembre 1780 , ne sont que des libéralités
« déguisées. Lors de cette dernière, j'étois malade au
« point que l’on désespéroit; et ces reconnoissances par« venues à la connoissance de mes enfans, excitèrent leur
« réclamation ; tils ne se bornèrent pas à des plaintes, ils
<* passèrent bientôt aux reproches, aux menaces envers
« la mère : c’est ce qui me détermina à lui léguer par mon
« testament clos, en 1790, l’usufruit de tous mes biens,
a et je confirmai les reconnoissances que je lui avois faites;
« mais je ne fis tout cela qu’afin de maintenir Je respect et
« la soumission de mes enfans envers leur mère. »
Ces moyens sont épars, soit dans les causes et moyens
d’appel, soit dans le mémoire imprimé, avec ces deux
différences, i ° . que là, la maladie supposée à toute ex
trém ité, dégénère ici en simple fièvre ; 20. que là, le tes
tament de 1790 annonce une confirmation des reconnois
sances faites à la femme, et qu’ici il n’en est fait aucune
mention.
Qu’imporle
�J7 I
( 33 )
Qu’importe à la vérité, à la clarté des expressions de
l’acte du 30 septembre 176 5, que Lacours ait vu Philip
pine Teytard, et qu’il ait reçu d’elle directement ou par
l'intermédiaire de M arie-Jean n e Guyot, la somme de
3 ,5oo francs? Les termes de la reconnoissance ne cons
tatent-ils pas ce dernier fait? La sûreté de sa conscience,
qui en a été le m otif, n’exclut-elle pas toute idée de li
béralité? Si Lacours n’eût entendu que stipuler une li
béralité, auroit-il souffert que Maric-Jeanne Guyot, sa
femme, exigeât, dans cet acte, cette clause : « Avec la
«■ liberté, à la demoiselle Guyot, d’en disposer comme de
« biens aventifs et paraphernaux ? »
De ce que Philippine Teytard n’a pas paru dans cet
acte, et de ce qu’elle ne s’en est pas réservé la jouissance, il
résulte deux conséquences naturelles, et elles se rétorquent
contre l’appelant; la prem ière, qu’elle ne vouloit point
passer aux yeux de ses autres parens, ni de personne,
pour avoir de l'argent; la seconde, que ce n’étoit qu’un
léger superflu des sommes considérables qui formoient son
commerce secret : ces deux inductions s’accordent parfai
tement, et avec la déclaration faite par Lacours, dans l’acte
du 5 décembre 17 8 0 , qu’il avoit reçu d’autres sommes
provenant de Philippine Teytard avant cette époque, et
avec les résultats que présentent l’acte du 30 janvier 17 7 7 ,
et la quittance en m arge, du 6 décembre 1789.
Ce n’est pas inutilement que Lacours, pressé autant que
fâché de faire la reconnoissance du 5 décembre 17 8 0 ,
a déclaré qu’ il avoit fait une quittance séparément et pardevant notaire , des biens aventifs échus i\ sa fem m e,
p a r le décès de Philippine Teytard. Il ne pouvoit pas
E
�( 34)
être question de l'objet de la quittance postérieure de
neuf ans, à 1780. Cette quittance d e ^ S c ) , eu marge
de l’acte de 17 7 7 , expédiée sur papier du timbre anté
rieur à lu révolution , étoit produite, selon l’aveu de
I<acours, lors du jugement du 14 fructidor an 7 ; et il
11’en a pas fait la même application que sur l’appel.
Cette déclaration ne forme-t-elle pas une preuve par
écrit contre Lacours? ne présente-t-elle pas une vrai
semblance que, soit à titre de dépôt, soit par don manuel,
au lit de mort, il ait reçu cette somme de 10,000 francs,
qu’il en a fait réellement une reconnoissance notariée,
peut-être par un notaire étranger aux deux villes, ou qu'il
a seulement dit à sa femme, le 5 décembre 178 0 , que
cette reconnoissance existoit, afin de prévenir la demande
que Marie-Jeanne Guyot pouvoit former contre lui, et
les preuves qu’il étoit possible à sa femme d’articuler et de
faire pour établir sa réclamation ? Ce qui donne un degré
de certitude à cette vraisemblance, c’est la réunion des
circonstances, i°. que le don secret de 3,5oo f r ., et sans
réserve de jouissance de la part de Philippine T e y t a r d ,
annonce une dissimulation et des richesses pécuniaires chez
cette fille; 2 0. qu’elle avoit disposé de ce qui étoit appa
rent, par des donations particulières entre-vifs et testa
mentaires, des années 1772 et 17 7 6 ; 30. que les réserves
de Lacours, par l’acte de 17 7 7 , de se pourvoir pour sous
tractions, font présumer ou qu’il accusoit pour prévenir
qu’on l'accusat, ou qu’il a traité particulièrement de l’objet
de ces soustractions; 40. que la décharge qui termine cet
acte de 17 7 7 , enveloppe 1111 mystère ténébreux qui fait au
moins présumer qu’il existoit d’autres sujets de réclama-
�» 3
( 3 5 )
tions, de libérations ou de compensations. Si, lors de l’acte ;
du 5 décembre 17 8 0 , Lacours n'eut détourné l’attention
de Maric-Jeanne Guyot, par l’assurance qu’il lui-donna
d’une quittance antérieure, il se fût, sans doute, élevé
une discussion entre le mari et la femme. Lacours voulut
l'empêcher ou la prévenir, sinon par la vérité, au moins
par le stratagème, en lui disant qu’il existoit une recounoissance particulière, notariée. Lorsque les filles Lacours
ont articulé 10,000 francs pour tenir lieu du rapport de
cette quittance, c’est d’après la certitude que leur a donnée
leur mè re : et dans l’état où s’est présentée la cause devant
les premiers juges, pouvoient-ils décider différemment,
ou d’accorder les 10,000 francs, ou d’ordonner le rapport
de la quittance dont Lacours avoit annoncé authentique
ment l’existence? Ces juges pouvoient-ils annuller la dé-.,
claration faite librement par Lacours, en présence de sa
femme, dans l’acte du 5 décembre 17 8 0 , de l’existence
de cette quittance? Aujourd’ hui même que la quittance
de 1789 ne peut suppléer celle annoncée exister avant
l’acte du 5 décembre 17 8 0 , que reste-t-il à la justice ? nulle
autre ressource que celle de déférer le serment in litem
aux femmes intimées , et qu’elles offrent, qu’en tant qu’il
est de leur connoissance, d’après la déclaration de leur
m ère, Lacours, père, a reçu 1 0 ,0 0 0 francs de la succes
sion de Philippine Teytnrd, au par-dessus des 3,5oo fr.
contenus dans la reconnoissance du 30 septembre i y 65 .
C’est le seul parti à prendre; il est commandé par les
principes et par les circonstances.
Ou Lacours a dit v ra i, en assurant sa femme que cette
E 2
�I
(Z6 )
reeonnoissilnce particulière existoit, et, clans ce cas, c’est
uue mauvaise foi d’en refuser le rapport ; ou il eu a im
posé, et,alors c’est un dol. Dans les deux cas, la mauvaise
foi et le dol ne peuvent profiter à celui qui les commet,
pour retenir injustement ce qui ne lui appartient pas ; il
est constant qu’en vertu de la déclaration laite par le père,
dans l’acte du 5 décembre 1780 , il doit être condamné à
payer uue somme quelconque : il n’est question que d’en
déterminer la quotité , et dès-lors cette quotité ne peut
être réglée que par le serment ùi /item. Tout ce que l'on
pourroit ajouter, ce scroit d’y joindre une preuve de com
mune renommée; mais cette preuve d’une industrie prou
vée clandestine, remonte à plus de trente ans, et c’est par
le dol personnel de Lacours , d’avoir fait mention d’ une
quittance qu’il ne rapporte pas, que Marie-Jeanne Guyot
ne fit pas les preuves qu’il lui auroit été au moins possible
alors de proposer; et certes, d’ un côté , une somme de
10,000 francs n’est pas exhorbitante pour une fille indus
trieuse , q u i, onze ans auparavant, avoit fait un présent do
3 , 5 oo fr. ; d’un autre côté, Lacours mérite-t-il quelque
confiance, quelques égards ? lui qui annonce à sa femme
une reconnoissance qu’il ne rapporte pas ; lu i, qui s’est
emparé de tous les papiers qu’avoit sa femme à son décès;
lu i, qui n'a pas craint de produire dans son dossier les
expéditions des actes délivrés ¿\ sa femme; lu i, qui défioit,
dans le principe du procès, sesenlansderapporterdes titres ;
lui q u i, si 011 en croit au bruit public , a fait brûler après
la mort de sa femme beaucoup de papiers qui établissoient
les répétitions qu’elle avoit prétendre; lui enfin, qui,
�S ïJ
(37 )
dans tous les actes qu’il a passés au sujet des recouvremens
des biens dotaux et aventifs , n’a cherché qu’à y mettre
de la diffusion, de l’insuffisance , de l’incertitude.
Enfin , il y auroit encore un parti qui ne doit être re
gardé que comme très-subsidiaire, et qui paroît ne pas
devoir être pris d’après le titre du 5 décembre 17 8 0 ; ce
seroit de surseoir à faire droit sur ce chef, jusqu’à l’ou
verture du testament queLacours a appris lui-meme avoir
fait devant Chevalier, notaire à Clermont, en 17 9 0 , et
cju’il dit contenir des reconnoissances, ou ratifications de
rcconnoissances, en faveur de Marie-Jeanne G uyot, sa
femme. Il n’a pas répété cet aveu dans son mémoire im
prime ; mais il suffit qu’il existe dans ses causes et moyens
d’appel ; en tant que de besoin les intimés acceptent cet
aveu, et ils invitent Lacours à consentir que cet acte de
vienne public. S’il ne défère pas à cette invitation, ce n’est
certainement que parce qu’il en redoute l’événement.
La prétendue maladie qui faisoit désespérer du rétablis
sement de la santé de Lacours, et le langage comme le
sentiment supposés aux filles Lacours, décèlent la per
suasion intime de l’appelant de l’indébilité de l’acte du
5 décembre 1780.
Quant à l’allégation de la maladie, elle est littéralement
démentie par l’acte même du 5 décembre 178 0 , et par le
contrat de mariage passé à Aigueperse trois jours après,
le 8 décembre 1780.
Le premier de ces actes constate que Lacours sc trans
porta, avec sa femme, chez le notaire, et la contexture
de la rédaction prouve les débats et les souvenirs des objets
�i i i
( 38 )
en détail, dont résulta le total des fractions qui fut porté
à 9,892 francs.
Il est’prouvé par le second, i°. queLacours se transporta
à Aigueperse; qu’il médita sur la dot qu’il constitua à sa
fille, sur la réversion qu’il stipula.
Il est rai'e, quand on s'écarte de la vérité, qu’on ne
tombe en contradiction.... Selon les causes et moyens d'ap
pel, Laconrs êtoit alors très-m alade; on dcsespétoit
que sa santé pût se rétablir. Selon le mémoire im prim é,
page 6 , il avoit gardé les fièvres depuis long-temps.
Quant h la sensation supposée aux filles Lacours sur les
causes, sur les effets de ces reconnoissances , l’invraisem
blance se joint à la fausseté.
Le sexe et l’âge des intimées peuvent-ils d’abord faire
présumer des calculs, des reproches , des menaces si op
posés à leur inexpérience, à la confiance et à la douce
affection envers une mère qui en étoit autant digne , aux
emportemens et aux mauvais tvaitemens qu’elles éprouvoient fréquemment de la part de leur père , et qu’on cite
encore dans le voisinage de l'habitation Lacours, comme
des traits inconcevables?.........................................................
Il est aisé de juger sous combien de rapports l'intérêt
des filles Lacours étoit que leur père rendît pleine justice
à leur m ère, si l’on considère la conduite qu’il a tenue
pour l’administration de sa fortune, depuis le décès de
IVlarie-Jeanne Guyot; les intimés voudroient bien que le
public fût aussi circonspect sur les véritables causes de ce
procès .........................................................................................
�Srr
C 39 )
« Au fond, continue Gaspard Lacours ; la reconnoissance du 5 décembre 178 0 , n’est qu'une libéralité dé
guisée. Dans le fait, il est impossible que Gabrielle
Teytard eût 9,892 fr. puisque l’inventaire du mobilier
de Gaspard G u yo t, d’autant moins suspect, qu’il avoit
pour contradicteur Bonnet Gauttier,qui avoit fait appo
ser les scellés , ne présentoit qu’une valeur de 1,206 fr.
dans le droit; il faut plus juger des conventions par le
fait que par les expressions, poliùs idquod actum quàm
id quod diction sit sequendion est. Dès que cette reconnoissance ne sera réputée que comme libéralité,
Lacours a pu y apposer la condition qu’il lui a plu, de
ru payer le montant qu’après son décès. Les dispositions
faites par des personnes malades, ont été souvent regar
dées comme suspectes. C’est par ces motifs que les donationsentre-vifsdégénéroienten donations àcausedemort.
O r, si c’est une libéralité, on ne peut pas se refuser au
délai du payement. C’est ainsi que le tribunal civil l’a
jugé dans la cause d’entre un nommé M argot, de Combronde, et la fille naturelle de sa défunte femme,
Margueritte Pouzolz. Quant aux contrats de rentes, ils
ne confèrent que le droit de percevoir les revenus an
nuels, parce que les filles Lacours n’ont pas plus de droit
que Gabrielle Teytard, leur m ère; parce que les filles
Lacours n avoient pas formé l’action principale en rem
boursement des capitaux , ce qui eût exigé de passer au
bureau de conciliation ; parce qu'enfin , n’y ayant pas
eu d’oppositions de leur part sur les ventes des deux
maisons, elles étoient censées avoir renoncé à la de
mande en remboursement.»
�(4 0 )
Ce n’est que sur l’appel que Lacours a hasardé des con
ceptions aussi futiles. Mais est-il recevable à attribuer, au
jourd’hui, à donation, à donation à cause de mort, à des
calculs conjecturaux des rcconnoissances, dont lui-même
a articulé avoir t o u c h é le montant? N ’a-t-il pas dit for
mellement, lors du jugement du 14 fructidor an 7 , « que
« tout ce qu’il a t o u c h é , s’élève à une somme de 21,292
« fran cs.. . . ? » N ’a-t-il pas compris dans cette somme les
9,892 francs? Ne s’est-il donc pas accordé avec la lettre de
l’acte du ‘5 décembre 17 8 0 , pour rappeler qu’il a réelle
ment TOUCHÉ les sommes détaillées, qui sont l’objet de
cette reconnoissance? L ’evit-il fait s’il eût imaginé alors,
que pour le besoin d’un appel, il substituerait le mot de
libéralité à celui d’obligation ?.
Au surplus, les 9,892 francs, montant de la reconnois
sance, n’ont pas été seulement composés des objets inven
toriés après le décès de Gaspard Guyot ; ils l’ont été aussi
de l’argent monnoyé et des effets de Gabrielle Teytard, non
compris dans l’inventaire, ou qu’elle avoit accrus par son
commerce depuis 7 à 8 ans. Le dessaisissement de sa part
de 5,ooo fr. donnés en rente à son gendre, prouve qu’elle
avoit pardevers elle assez de fonds pour l’entretien de cette
industrie. Du reste, d’un côté, l’évaluation des objets inven
toriés à 1,206 francs, n’avoit d’autre objet que de fixer la
pexxeption du fisc. D ’après le relevé fait des articles, les
valeurs s’élèvent à plus de 4,000 francs, et le dépouillement
des inventaires qui ne comprend que 36 francs en argent,
suffit pour établir l’étendue du commerce des mariés Guyot
et Teytard : d’un autre côté, Gautlier n’avoit rien pré
tendre ni contre Gabrielle Teytard ni sur sa succession.
N ’oublions
�^
( 4* )
! N ’oublions pas que d’une part, il y avoit à prélever d’abord
la dot de Gabrielle Teytard, puis i , 5oo fr. de la part de
Marie-Jeanne G u yot, en vertu de son contrat de mariage
et du testament du 10 mai 1766 ; d’un autre côté, Bonnet
Gauttier n’avoit que la moitié en usufruit du mobilier pro
venant seulement de Gaspard Guyot, dont le domicile étoit
en pays de coutume.
On n’avoit sans doute pas besoin de cette explication ,
pour appuyer la reconnoissance du 5 ^jH^bre 17 8 0 , dont
la clarté dans les expressions comme dans les causes, ne
laisse aucune équivoque.
Lacours eût été , sans doute, le maître de donner tout
son bien à sa femme. Aucune loi ne le lui défendoit. Il n’auroit donc pas eu besoin de feindre d’avoir touché les objets
articulés. Le faitest donc constant qu’il a touché réellement.
-L ’intention de manifester ce fait, n'a pas pu être plus claire
ment expliquée. Ainsi, les maximes invoquées par l’adver
saire, qui ne s’appliquent qu’aux contrats de vente , sont
étrangères à l’espèce; et s’il y avoit de l’ambiguité ou de
l’obscurité, elles s’interpréteroient contre lui. In ambiguis
pro dotibus respondendum. L . in am biguis, ff. de ju re dot.
Am bigua p etitio , vel exceptio aut oratio interpretatur
secundùrn intentionem proferentis.lL.Siquis intentionenij
67, dejudiciis. Am biguitas in stipulatione contra stipulatorem est interpretenda.En voilà assez pour l’ambiguité.
Quant au doute, les principes sont aussi certains en faveur
de la lettre de l’acte. In dubio enim standum est instru
mento not. in L. ult. cod. dg fuie instrument.
Bien plus, 011 doit conjecturer combien il en a coûté à
Lacours de faire cette reconnoissance, puisqu’il a voulu,
F
�( 42 )
par abus de son autorité, aggraver le sort de sa femme et
sans le consentement de celle-ci, en s’arrogeant l’ajouté d’un
attermoiement. Mais cet ajoutéabsolument nul,n’a été obli
gatoire ni pourMarie-Jeanne Guyot, nipourses héritiers.
Du reste, y auroit-il à cet égard quelque difficulté, et
bien que les principes sur les remboursemens des princi
paux de rente soient vrais, la fin de non recevoir écarte ces
deux assertions. Lacours, soit par son acte signifié le 28
thermidor an ^-y'soit par l’acceptation qui a été faite de
la part des intimés, par exploit du 7 fructidor suivant, soit
enfin par le jugement dont est appel, ily a eu contrat judi
ciaire sur les offres faites par Lacours de se libérer de tous
les objets, si la privation d’usufruit étoit prononcée. Il ne lui
est donc plus possible de revenir sur ses consentemens. Ce
contrat dispense de réfuter tous les sophismes employés par
l’appelant sous le prétexte de libéralité, de donation, du
jugement dans l’affaire M argot, du défaut de demande
principale de la part des intimées, et de l’abstentiond’opposition de leur part sur la vente des maisons. Nous oppose
rons cependant sur ce dernier objet à Laco u rs, que de son
aveu, ses filles ont eu pour lui cette déférence,et que si elles
n’eussent pas pris celte précaution sur les ventes ulté
rieures , elles eussent été réellement victimes des fins de
non recevoir.
A u surplus, d’après les oppositions sagement avisées et
exécutées A propos, Lacours n’a pu se refuser h ces rem
boursemens. Les acquéreurs contraints de les faire euxmêmes, ont exigé comme il a été dit , que Lacours rap
portât main-levée de ces oppositions. Lacours s’cM expres
sément soumis à faire le rapport de ces main-levées, et c’est
�S$\
( 43)
en conséquence de cette soumission qu’ il a offert lui-même
le payement, et il a , par cet expédient j dispensé scs filles
de changer leurs conclusions, de former une demande
principale inutile, et de tenter préalablement la concilia
tion sur cet objet. E n un m o t , tout a été consommé à cet
ég ard , par l’acceptation et par le jugement dont est appel,
qui a consommé le contrat judiciaire.
L ’adversaire se retranche encore sur sa libération ; il
veut qu’on impute sur ce qu’il doit, ce que ses filles ont
reçu par leur contrat de mariage, ensemble 3,5oo francs,
d’une part, qu’elles ont reçus de Roddier etH éridières,
et 2Ôo fr. qu’il dit avoir payés à Bonnet Gauttier, pour la
moitié delà vigne restée en commun dans le traité de 1773.
Quant au premier article, l’appelant n’a pas attaqué le
principe, qu’il est du devoir du père de doter ses filles.
Cette obligation est consacrée par la loi 19 , ff. de ritu
nupt. , par celle cognovitnus 19 , cod. de hœred. , et par la
novelle n 5 , chap. 3 , §. s i alicui. C’est la doctrine de
Despeisses, de Domat, de Bretonnier, d’A lbert, de Cam
bólas, du président Fabre, au cod. liv. 2 , tit. 1 2 , déf. 8 ,
n°. 4 : N on enim su jjic it quod pa ier maritum quœ rat
Jiîic c , nisiet eam dotet competenterpro modofacultatum.
Mais de combien a dû être cette dot ? Le père a luimême distingué ce qui étoit de sa substance dans la dot
qu’il a constituée à chacune de ses filles : il ne peut donc
pas aujourd’ hui changer la destination qu’il a lui-même
imposée, et reprendre , pour la libération de ce qu’il doit
du chef maternel, ce qu’il a pu être contraint de donner,
et ce qu’il a réellement donné du sien.
F 2
�( 44)
L ’observation que fait Lacours ( mémoire, page n ) ,
que son fils n’a point formé d’action contre lu i, ne peut
point atténuer le jugement dont est appel ; l’un des motifs
de ce jugement porte , qu’il seroit injuste de faire rem
placer par le père , en biens à lui appartenons, ceux ma
ternels qu’il a compris dans la constitution faite par lui
personnellement, et il n’a été condamné à se désister que
des trois quarts des immeubles, dont il est encore en pos
session , provenans de la mère. C’est donc une inexacti
tude de la part de Lacours de dii'e, qu’il a été condamné
au désistement de tous les immeubles , tandis qu’il n’a été
condamné qu’au désistement des trois quarts. Mais lors
du partage, l’égalité se réalisera entre les quatre enfans;
il sera fait des lots, et s’il est dû aux filles une récompense
ou indemnité de la part du père, Lacours fils sera étranger,
dans ce moment, à cette discussion : la disposition du juge
ment, dans cette partie, doit donc être maintenue.
A l’égard des 3,5oo fr. reçus de Roddier et Héridières,
et des 25 o fr. réclamés par Lacours pour prétendu paye
ment fait à Gauttier , les intimés n’en contestent pas la
déduction, à la charge, quant à ce dernier article, de jus
tifier le payement ou le compte mentionné dans la quit
tance du 12 juin 1782. Les déductions qui seront faites
seront à imputer d’abord sur les intérêts des principaux
et sur les frais , et ensuite sur le montant des arrérages et
intérêts d’ iceux , des deux rentes de 1769 et 17 7 0 , dûs
d’ul ord jusqu’au décès de Gabriel 1e Teytard, arrivé le 17
jam er 1773? si ce n’est que Lacours n’en rapporte quit
tance ; autrement ces arrérages forment un capital dans les
mains de Gaspard Lacours, dont il doit les intérêts depuis
�( 45 )
le déiès de Marie-Jeanne Guyot. Ces déductions seront
ensuite imputées sur les arrérages de ces rentes, à partir
du décès de Gabrielle T eytard , jusqu’au décès de MarieJeanne Guyot, puisque Lacours reconnut que ces capi
taux faisoient partie des biens aventifs et parapliernaux de
sa femme, par condition expresse contenue dans chacun
de ces contrats.
Les intimés sont encore fondés de réclamer les intérêts
courus depuis que Lacours a touché les autres biens aven
tifs de sa fem m e, soit en principal, soit en intérêts. Per
sonne n'ignore les distinctions qui ont été faites par les
auteurs sur la disposition de la loi dernière, cod. depactis
couvent. , tels que Bretonnier et Menocliius, qui exigent
le consentement de l’épouse, et l’emploi des fruits à l'usage
commun. Mais ces distinctions disparoissent, lorsqu’il est
prouvé qu e, par ces fruits ou ces intérêts, le mari est de
venu plus riche. Dans ce cas , le mari doit rendre les fruits
i\ sa femme \ c’est conforme à la loi 1 7 , cod. de donat.
inter vir. et uxor. non n isi in quantum locupletiorfuit
habere te actionem. C’est l’opinion de Bartole sur la loi
s i stipulata 33 , §. siu x o r.Jf.d e donat. inter vir. et uxor.
O r, c’est un lait constant que lorsque Lacours a recueilli
la succession de Philippine Teytard, les fonds qu'il en a
retirés, l’ont placé au périgée de sa fortune.
il
«
«
«
Ce n’étoit pas assez pour Lacours de dépouiller ses filles,
a fallu encore les calomnier, et se faire piteux. « Elles
ont, dit-il, juré ma ruine ; et on peut dire, qu’elles ont
déjà trop bien réussi dans leur funeste projet..............
Outre les dots promises, je n’a vois cessé de les combler
�m < 46)
« de bienfaits ; le prix de la vente de la cave fut donné
« à la femme Bertet qui étoit alors à Gannat.
« J ’ai été obligé de vendre deux m aisons.. . . Il ne me
« reste pas 300 fr. de revenu net ; chacune de mes filles est
tf plus riche que m o i.. . . Lorsqu’il a été dit, au moment
«. du jugement, que ma fortune s’élevoit à 100,000 fr.
« c’étoit une assertion irréfléchie, absurde, et qui nepro« vient pas de moi......... » Il termine par leur reprocher
de vouloir arracher des mains de leur p ère, la modique
portion de la fortune qui lui reste.........Qu’on n’ose pas
dire qu’elles semblent prévenir son décès par leurs vœux ,
mais que leur ambition le feroit présumer.
Est-ce bien le citoyen Lacours qui ose tenir un pareil
langage ?
Est -ce avoir juré sa ruine, d’avoir tardé trop long-temps
a la prévenir, d’avoir attendu depuis le
nivôse an 3 ,
jusqu’en l’an 6 , pour réclamer l’exécution des lois ?
Est-ce avoir juré sa ruine, de ne s’être déterminé qu’à
des actes conservatoires, au moment où des ventes rap
prochées et sans besoin , les menaçoieut de perdre le bien
de leur mère? Lies modiques dots promises par leur p ère,
les ventes et les quittances factices ne préparoient-elles pas
l’amertume de se voir privées, par leur négligence, de
l’espoir consolant de partager avec leur père, des alimens
laissés c\ ses petits-enfans par leur aïeule, et arrosés des
sueurs et des larmes de leur mère ?
Est-ce avoir juré sa ruine , d’avoir prévenu les effets de
la garantie qu’ il devoit i\ Roddier et Iléridièrcs ?
Enfin est-ce avoir juré sa ruine, de l’avoir arrêté dans sa
course précipitée vers l'abîme, que des causes malheureu-
�( 47 )
sement trop notoires lui creusèrent depuis'long-temps ?
Si les filles Lacours ont à se féliciter d’avoir réussi dans
un projet, c’est d’avoir élevé par leurs oppositions et leurs
saisie-arrêts, une digue assez forte contre le projet de
leur p ère, manifesté par des aliénations, par des affiches
indicatives de vente de tout le surplus, par des quittances
simulées, de priver ses enfans, et de leur légitime dans ses
biens, et de la succession de leur m ère; c’est sur-tout d’a
voir sauvé, malgré lu i, leur père j de la risée, du mépris,
de la misère où l’eût nécessairement entraîné la réalisa
tion de ses projets.
N ’est-ce pas une dérision de rappeler, de la part d’un
père, des dots promises, des bienfaits envers ses enfans.
Quant aux dots : les avoir seulement promises, ensuite
éluder cette promesse, en vendant les immeubles qui en
sont la sauve-garde, et gourmander ses enfans de pour
voir à cette sûreté que réclament des petits-enfans ; si ce
sont là des bienfaits, de quelles expressions se servira-ton désormais pour peindre au sentiment, les sollicitudes
paternelles d’exécuter les engagemens que la tendresse et
le devoir leur ont fait contracter pour la félicité de leur
descendance !
IVlais peut-on faire sonner si haut ces mois dots promises,
si on les compare à la légitime dont la fortune de Lacours
présentoit la perspective ?
Lorsque Lacours établit la première de ses filles avec
Chollet, il lui constitua de son chef plus de 8,000 francs.
Il avoit. alors sept enfans, ce qui supposoit une fortune de
cent douze mille francs.
�.
.
.
4
8
}
Ce n’étoit donc ni irréfléchi ni absurde d’avoir dit en sa
présence, sans contredit ni désaveu de sa p art, que sa for
tune s’élevoit à plus de cent mille francs. On eut donc
raison de lui ripostez-, dans le même instant, qu’un père qui,
d’après lui-même, a une fortune de plus de cent mille fr.
et qui n’a que quatre enfans, n’excède pas ses facultés; qu’il
ne remplit pas même ses devoirs, en donnant à trois de
ses enfans réunis, moins que le douzième de sa fortune.
Cette contrariété d’assertions de la part de Lacours
mène à un dilemme d’où il lui sera bien difficile de se tirer.
Ou votre fortune est approximative de cent mille francs,
ou, pourmeservir de vos expressions, il vous reste àpeine
de quoi subsister.
Au premier cas, il seroit injuste et ridicule de votre part,
de retenir à vos enfans et petits-enfans ce que la loi leur
défère du chef de leurmère, et de leur refuser la sûreté d’une
dot que vous leur avez promise infiniment au-dessous de
leur légitime de rigueur, puisqu'il ne vous reste d’enfant
l é g i t i m e qu’un seul fils.
~~
Dans le second cas, vous pouvez d’autant moins trouver
mauvais nos mesures conservatrices , que vous nous
apprenez vous-même, moins par votre langage que par
vos projets déjà trop réalisés des ventes d’immeubles, qu’il
résulterait pour nous, pour nos enfans, pour vous-même,
un danger évident de privation d’alimens.
A l’égard des prétendus bienfaits postérieurs aux dots
promises, le respect filial doit triompher de la véracité.
Les filles Lacours se contentent de rappeler à leur père,
qu’elles n’ont jamais démérité auprès de lu i.........................
Le
�H r
( 49 )
Les pertes, vraies ou supposées, arrivées parla révo
lution, ne présentent qu’un décroissement dans le mobi
lier; la diminution delà fortune a eu des causes d’autant
plus douloureuses pour les filles Lacours, qu’elles ont
acquis trop de publicité ; mais elles ne font pas plus de tort
dans l’opinion publique aux intimés, que l’esclandre que
fit Lacours , au sujet de quelques chapeaux , et qui occa
sionna une telle indignation populaire, qu’il fut peut-être
redevable de la vie h celle qui lui devoit le jour.
La femme Bertet n’a cessé, et ne cesse depuis 1792, d’a
voir des chagrinsbien cuisans. Bien loin de recevoir de son
père des soulagemens, tout au moins quelque consolation,
il ne fait qu’y ajouter en la forçant d’acheter chèrement
des tribunaux , la justice qu’elle auroit cru obtenir du
cœur paternel.
A h ! Lacours ose dire que chacune de ses filles est plus
riche que lui ! Il est donc riche de son propre aveu? Mais
chacune de ses filles, chargée de famille, est pauvre, non
pas à mendier, parce qu’un travail pénible les met ¿1 l’abri
de cc fâcheux expédient. L ’étalage que fait l’appelant, de
la situation de ses filles, ne mérite pas plus de confiance
que ses autres assertions; selon sa coutume, il les dément
lui-même, en ajoutant que Bertet est à l’hospice d’hu
manité, et qu’il ne coûte rien «\ sa femme. Insultera-t-il
toujours à la vérité, à la nature, au malheur? lia femme
Bertet riche! et elle souffm'roit son mari à l’hospice d’hu
manité! O u i, la femme Bertet a son mari à l’hospice; il
lui reste deux enfans, de sept: non seulement elle est privée
do l'industrie de cet époux infortuné, mais encore elle ne
G
�C 5o )
peut retirer cc qu’elle lui a porte en dot. Hélas! la femme
Bertet est en butte à la misère, au désespoir! et elle est/
d’après son père, plus riche que l u i ! ...............................
Les filles Lacours sont bien éloignées de vouloir rien
arrach er de la fortune de leur père; elles ne font que
réclamer ce que le devoir d’épouse, le devoir de mère,
leur ordonnent impérieusement : elles ont démontré, par
leurs procédés, dans toute la conduite de cette affaire,
combien il en a coûté à leur cœur d’engager cette lutte.
La consolation d’arracJier leur père à l’état affligeant de
détresse qu’il redoute, et dont il n’est menacé que par luim êm e, les résout, les encourage à supporter le déchire
ment que cause à leur ame l’insulte par laquelle il finit
son libelle.
Qu’il daigne descendre dans sa conscience ! qu’il veuille
bien y rappeler et les accens douloui’eux et'les vertus de
son épouse! que dans ce doux et tendre épanchement, il
accepte les propositions avantageuses que l’on n’a cessé de
lui offrir pour son agrément et pour la conservation de
ses propriétés? Refusera-t-il toujours d’honorer, dans ses
fi lies, l'exemple de gratitude et de moralité qu’elles donnent
h leurs enf’a ns? H é! ces enfans ne sont-ils pas les siens?
Qu’il se laisse enfin toucher! qu’il s’établisse le magistrat
de sa famille! qu’il sacrifie à la nature, à la justice, les
impulsions ennemies de son repos , et qui le maintiennent
dans l’éloignement de ses fillos ! il lui seroit si aisé de
remplir, à sa satisfaction, le vœu de tous ses enfans !
Tout se réunit, jusqu’à la propre défense de l’appelant,
�SVCy
( 51 } .
pour confirmer un jugement qui a rendu à la fois hom
mage aux lois propices à la nature, à la raison, à la né
cessité de sanctionner des obligations authentiques, et de
les délier de tous les obstacles que l’abus d’autorité a pu
y introduire.
A quoi serviroit aux intimées d’étre réintégrées dans
leur propriété? à quoi mèneroient leurs actes conserva
teurs? Comment maintenir le contrat judiciaire consommé
par le jugement, du 14 fructidor an 7 , si la sagesse et les
lumières du tribunal ne faisoient triompher la candeur,
la vérité, la misère, la tendresse filiale, de l’a rt, du men
songe , de l’opulence, et d’une rigueur sans exemple?
Un p ère, sans doute , mérite les plus grands égards : mais
un pève qui ne doit son aisance qu’à sa femme; un père
q u i, dans peu d’années, sans nécessité, vend, et donne
quittance pour plus de 40,000 francs; un père qui ma
nifeste l’intention la plus marquée de priver ses filles des
biens qui leur sont également acquis par la nature et par
les lois, pour les réduire, ainsi que leurs enfans, à la
mendicité; un père qui renouvelle tous ses efforts pour
soustraire à ses filles la connoissance de leur m atrim oine,
qui va même jusqu’à nommer libéralité une obligation
aussi-bien motivée : ce père, qui ne se contente pas de
consommer la ruine de ses enfans, en les faisant plaider,
veut encore les déshonorer, et ajouter l’opprobre à l’indi
gence : ce père ne devient-il pas un sujet particulier de
rcconnoissance publique aux lé g is la t e u r s qui ont si bien
calculé et restreint l’effet ou plutôt l’abus de la puissance
paternelle, en secondant le vœu de la nature, qui exclut
les renonciations à successions a échoir, et qui consolide
�( 52)
à la propriété un usufruit si utile à l'’âge où l’on peut
être à la fois père de famille et citoyen.
Par conseil, C O U H E R T - D U V E R N E T ,
ancien jurisconsulte.
C R O I Z I E R , avoué.
A R io m d e l'im p r im e r ie
de L
an d rio t
d ’appel. —
,
A n 9.
im p rim eur du tribunal
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Lacours, Marie. An 9]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Couhert-Duvernet
Croizier
Subject
The topic of the resource
successions
contrats de mariage
dot
usufruit
vin
famille nombreuse
éducation
renonciation à succession
forclusion
avancement d'hoirie
coutume d'Auvergne
droit écrit
pays de droit coutumier
experts
commerce de toiles
foires
chapeliers
créances
textile
Description
An account of the resource
Titre complet : Réponse à causes et moyens d'appel, et à Mémoire imprimé, pour Marie Lacours, et Pierre Blanzat, son mari ; Antoinette Lacours, et Simon Barraud, son mari ; habitans de la ville de Clermont, défendeurs en opposition, intimés ; Contre Gaspard Lacours, propriétaire, habitant de la même commune, demandeur en opposition, appelant ; En présence de Jean-Baptiste Roddier et d'Annet Heridieres, consorts, habitans de la même ville.
Table Godemel : Usufruit : en pays de droit écrit, l’usufruit attribué aux pères par les lois romaines était une émanation de la puissance paternelle dont l’effet a été aboli par la loi du 28 août 1792. sous l’empire de la coutume d’auvergne, le père qui fiance ou marie ses filles est privé de plein droit de l’usufruit des biens maternels, s’il ne le réserve expressément.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
An 9
1755-An 9
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
52 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1122
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1121
BCU_Factums_M0131
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53150/BCU_Factums_G1122.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Clermont-Ferrand (63113)
Riom (63300)
Saint-Genès-Champanelle (63345)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
avancement d'hoirie
chapeliers
commerce de toiles
contrats de mariage
coutume d'Auvergne
Créances
dot
droit écrit
éducation
experts
famille nombreuse
foires
forclusion
pays de droit coutumier
renonciation à succession
Successions
textile
usufruit
vin
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53138/BCU_Factums_G1110.pdf
ba637958d60fcac06a9337b12e74c9a4
PDF Text
Text
'MÉMOIRE
P
C
J e a n - B a p t i s t e Q U I S S A C , proprié
taire, habitant de la commune de Châteldon;
G eorges C O L L IN , A n n e QUISSAC,
son épouse, de lui autorisée, propriétaire ha
bitant du lieu de Rougères, même commune
de Châteldon, appelans de deux jugemens
rendus au ci-devant tribunal civil du P u yd e -D ô m e, les 26 floréal et 2 prairial, an 8.
o u r
o n t r e
G
e n è z e
G R A N G E O N , veuve
J acques QUISSAC,
et commune de
vivant propriétaire au lieu de G e n e s t o u x , habi
tant actuellement en la ville de T h i e r s , in
timée.
com m une, fa u te pa r elle d 'avoir f a i t une renon
ciation judiciaire dans les quatre mois et dix jo u rs
du décès du m a ri?
Quissac se maria en prem ières noces avec Catherine D u vergier-D u garet. P ar ce
A
TRIBUNAL
d
’
a p p e l
�( O
contrat de mariage il fut stipulé, entre autres condi
tions, nn gain de survie de iooo francs pour l’époux
survivant ; 300 francs de bagues et joyaux et un habit de
d eu il; wn douaire de i 5o francs par année, pendant la
viduité de la future , si elle venoit a su rvivre; une
chambre garnie et ustensiles suivant son état et con
dition.
Il fut encore convenu, que les époux seroient com
muns en tous acquêts et conquêls ; que pour avoir
droit à la comm unauté, la future épouse y confondroit
te tiers de sa dot. Enfin les époux furent associés avec
les père et mère de Jacques Quissac, pour partager lesacquêts qui auroient lieu pendant leur cohabitation
savo ir, une moitié pour les ép o u x, et une autre moitiépour les père et mère de Jacques Quissac.
D e ce mariage sont provenus deux enfans, Anne et
Jean-Bapf.iste Quissac. .
L e 5 avril 17 8 0 , Anne Quissac épousa Georges Collin;
ses père et mère l’instituèrent leur héritière universelle y
conjointement avec Jcan-Baptiste , sou frè re , sous la
réserve d’une somme de 10000 francs que se firent les
instituans , pour en disposer au profit de celui de leurs
enfans qu’ ils voudroient choisir.
L e I er. août 1 7 8 5 , Jean - Baptiste Quissac contracta
mariage avec D o n n iol; ses père et mère renouvelèrent
l’institution portée par le contrat de mariage d’Anne
Quissac, sa sœ ur, et disposèrent à son profit de la ré
serve de 10000 iiancs portée au contrat de mariage
d’ Anne Quissac.
L e 18 décembre 17 9 0 , Jacques Quissac, qui avoifc
�C3 )
déji\ disposé de tous ses biens au profit de ses deux
enfans, fit en leur faveur, 011 ne sait trop pourquoi,:)
une donation entre-vifs de la somme de 60000 francs,
sa v o ir, 3Ôooo francs à son fils, et 2Ô000 francs à sa
fille.
D eux jours après cette donation, Jacques Quissac,
veu f depuis quelques années de Catherine D uvergierD ugaret, passa à de secondes noces avec Genèze Gran
geon. Il est essentiel de connoître les dispositions de ce
contrat de mariage.
Genèze Grangeon se constitue, sans aucun d étail, un
trousseau en valeur de 2000 francs, dont le contrat porte
quittance; 2°. la moitié et le seizième d’une maison
située au faubourg du M outhier de la ville de T h iers,
ou le prix d’icellequi est évaluée à 2260 fr a n c s ; plus, un
contrat de rente foncière de 85 francs par année, con
senti au profit de feu Augustin Grangeon , son père ,
par acte du 1 1 juin 1768. P lu s, la somme de 1000 fi\.
produisant intérêt, due par Laurent Serindat 5 trois
rentes foncières, l’une de 40 francs par an n ée, l’autre
de 20 fran cs, et la troisième de 36 francs.
Elle se constitue encore la somme de 5230 francs ,
qu’elle dit avoir par devers elle en espèces d’or et d’ar
gent ou effets de commerce. L e mari reconnoît c o m p la i
samment avoir reçu le tout immédiatement avant ces
'-présentes.
L e mari stipule encore pour son épouse un gain de
survie de 3000 francs, un douaire de 600 fr. par année',
payable de six en six mois et par avance; une somme
de 1000 francs pour bagues et jo yau x, indépendamA 2
�s*
(
4
}
. .
ment de ceux dont elle sera saisie. On stipule enfin uhe
communauté de tous biens, acquêts et conquêts, dans
laquelle communauté Genèze Grangeon ne devoit con
fondre qu’une somme de 5oo francs, pour y avoir part.
On doit rem arquer la différence qui se trouve entre ce
second contrat et le premier.
Par le premier contrat, la première femme n’a voit que
1000 fr. de gain de su rvie; la seconde en a 3000. Il n'y
avoit que i 5 o fr. de douaire pour la première femme ; la
seconde en a 600. On donnoit à la demoiselle D u vcrgier
trois cents francs de bagues et joyaux • Genèze Grangeon
en a pour une somme de 1000 fr. I<a première femme de
voit confondre le tiers de sa dot pour pi’endre part à la com
munauté ; la seconde n y porte qu’une modique somme de
5 oo fr. Cependant, Jacques Quissac avoit disposé de tous
ses biens; il avoit épuisé le montant de sa réserve; il ne
pouvoit plus être libéral : mais il étoit épris des charmes de
sa nouvelle épouse, et il oublia qu’il falloit être juste avant
d’être généreux.
Il est né de ce second mariage une fille unique, Rose
Quissac , qui est encore dans les liens de la minorité.
Jacques Quissac a vécu plusieurs années avec sa seconde
femme ; il n'a cessé de lui donner de nouvelles preuves de
sa tendresse. Le premier thermidor , an 3 , il lui a consenti
une reconnoissance de 4000 fr., et d’un mobilier assez con
sidérable , dans lequel se trouvent plusieurs glaces ou
iniroirs, beaucoup;de meubles de toilette; il les évalue à
\ine somme de .3000 francs, et s’oblige de les restituer en
»
nature.
L e 6 germ inal, an 6 , Jacques Quissac, toujours occupé
�de son épouse, fait un testament, par lequel il lui lègue
le dixième de tous ses biens, pour la récompenser de ses
bons et agréables services.
Jacques Quissac mourut peu de temps après. Les scellés
furent apposés sur les meubles et effets de sa succession.
Sa veuve form a, en son nom personnel, la demande en
partage de la succession, pour lui en être expédié le dixièm e,
conformément au testament;elle réclama aussi le payement
de ses reprises, et conclut à une provision de 3000 francs,
par exploit du 6 brumaire an 7.
Bientôt ap rès,et par un second exploit du 8 germinal
'de la même année , elle forma , en qualité de tutrice de
Rose Quissac, sa fille , la demande en partage des biens de
la succession de Jacques Quissac son m ari, et conclut pour
sa pupille à une provision de 1200 francs. Un premier ju
gement du 17 p r a i r i a l , an 7 , lui fit c r o ir e q u ’elle avoit e n
core l'habitude d’être gratifiée. Ce jugement ordonna qu’il
seroit procédé à la'réinotion des scellés, dressé inventaire
du mobilier ; qu’il sera fait remise à la v e u v e , du mobilier
compris en lareconnoissance du premier therm idor,an 3 ;
lui fait personnellement provision delà somme de 1200 fr.,
et lui adjuge 600 fr. de provision pour sa mineure.
Il faut observer que Jacques Quissac étoit mort depuis
le mois de germ inal, an 6. Sa veu ve, jusques-là , n’avoit
fait aucune renonciation à la communauté stipulée par son
contrat de m ariage; elle fait signifier le jugement du 17
prairial, an 7 , sans autre explication; on procède le 12
m essidor, an 7 , à l’inventaire du m obilier de feu Jacques*
Quissac ; cet inventaire est fait à la réquisition de la veu ve,
comme des autres héritiei's. Il constate que la veuve Quissac
3
�(6 )
a retire* tout ce qui lui appartient en mobilier; ses meubles
personnels qui se trouvoient A T h ie rs, comme ceux qui
étoient compris dans la reconnoissance de l'an 3 , à l ’exccption de quelques objets qui ne se trouvent point dans la
succession , et dont elle se réserve le recouvrement.
L a veuve Q)uissac faisoit sans contredit des actes de com
mune , en se faisant délivrer son mobilier avant aucune re
nonciation préalable; cependant elle poursuit le payement
de scs reprises.
Les enfans du premier lit, qui ne veulent pas la sur
p ren d re,-la préviennent que faute par elle d’avoir re
noncé à la communauté, elle est non-recevable dans sa
demande , parce qu’entre communs ou cohéritiers, il n y a
pas d'autre action que celle en partage.
Elle croit prévenir l’objection , en faisant une renoncia
tion qu’elle dépose au greffe le 12 floréal, an 8 , c’est-à-dire,
plus de deux ans après la mort de son m ari, lorsqu’elle
avoit entre les mains son m obilier, lorsqu'enfin les choses
n’étoient plus entières.
Ü11 plaide sur la fin de non recevoir •, un jugement du
26 floréal an 8 , accueille encoi’e la renonciation tardive
de Genèze Grangeon ; elle est assez heureuse pour obtenir
•un jugement qui décide quelle n’est pas commune. Voici
les motifs et les dispositions de ce jugement singulier.
« Attendu que par la demande que Genèze Grangeon
« a formée contre les enfans Quissac,elle a suffisamment
« manifesté sori,.intention de ne pas vouloir accepter la
« commu îauté , puisque .oette demande est contraire et
> incompatible avec la- qualité de commune;
« Attendu que Geuè/,0 Grangeon a renoncé form elle-
�, ( 7 )
,
« ment à la communauté, avant que l’affaire ait été portée
« à l’audience, et qu’elle a même réitéré cette renoncia« tion à l’audience;
« Attendu que l'ordonnance de 1667 , postérieure ¿1 la
« coutume de BourLonnais, y a dérogé relativement à
« ces dispositions, concernant la renonciation de la veuve
* à la communauté, et l’assimilant à cet égard ¿\ l’héri« tier ;
« Attendu dès lors que la v e u v e , comme l’ héritier, peut
« renoncer quand, comme lu i, elle ne s’est pas immiscée
« dans les biens de la succession, et que les choses sont
« encore entières;
« Attendu que Genèze Grangeon , en recevant les meu• bles détaillés au procès verbal d’inventaire, ne les a reçus
“ que des mains des héritiers de son m ari, comme à elle
« appartenans, et non comme com m une, qu’ainsi on ne
« peut pas en induire aucune immixtion dans la commu« nauté ;
« Attendu enfin que Genèze Grangeon n’a jamais jus« qu’à présent été attaquée, ni n'a pas défendu comme
« commune,et qu’ainsi le temps pour accepter ou renoncer,
« porté par l’ordonnance de 1667 n’a pas couru contre elle;
« L e tribunal ayant égard à la renonciation de Genèze
« G ran g eo n , faite au greife, le 12 iloréal dernier, et
« réitérée en cette audience, desquelles renonciation et
« réitération il est donné acte à Genèze Grangeon , et sans
« s’arrêter à la demande en nullité de ladite renonciation
« formée ù l’audience par les enfans Quissac, ordonne que
a les parties en viendront au fond sur la demande de
a Genèze Grangeon, h l’audience du 2 prairial, lors pro« chaiu, dépens réservés ».
�■
,
,
,(i'8 )
II eût été dangereux sans doute de défendre à la de
mande principale, après une décision sem blable, qui viole
ouvertem ent, comme on le verra bientôt , les disposi*
lions de la loi municipale qui régit les parties ; c’eût été
Approuver ce jugement bizarre, et les enfans Quissac se
•sont bien gardés de se présenter.
. Un second jugement par défaut, du 8 prairial an,8>
a condamné les enfans Quissac , chacun personnellement
;pour «a part et portion , et hypothécairement pour le
■tout, à payer à Genèze Grangeon ; i ° . L a somme de
4,100 francs , qu’elle s’est constituée en dot : savoir , du1
chef paternel, 8870 francs, y compris 2000 francs pour
Ja valeur de son trousseau ; et du chef maternel, 5,230'
francs ; 20. Celle de 4000 francs , comprise en la reconnoissance du premier thermidor an 3 , comme aussi la
valeur d’une écuelle et de deux couverts d’argent, pro
venus de la même succession , si mieux n’aiment les défaillans, remettre ces objets en nature ; 3 0. L a somme
de 3000 francs d’une p art, pour gain de survie ; et celle
de 100 francs d’autre r pour bagues et jo y a u x ; 4°. Celle'
de 600 francs'annuellement, pour douaire, payable de six
en six m ois, à com pter-du décès de-Jacques Quissac,
avec intérêts du tou t; 5°. La'somme de 24 francs, p o u r
frais du testament de Jacques Quissac y du 4 germinal
an 6 , ¡aussi avrc intérêts-, du jour de la dem ande; les
enfans Quissac soht c'ondaiünés aux dépens, i
On ly-oit que la ’veuve Quissac a fait grâce aux enfans
du premier «lit r du legs du dixième dont son mari l’avoit gratifiée par-son testament.; elle ne demande que
les frais d’expéditioii'et enregistrement.-
�( 9 ) r
Les enfans Quissac ont interjeté appel de ces deuxjugem ens, et c’est sur le mérite de cet appel qu’il s’agit
de prononcer.
Les appelans ont à pi*ouver deux propositions : la
prem ière , la plus essentielle , consiste à établir que
Genèze Grangeon est absolument et irrévocablement
commune avec son mari ; que sa renonciation est irré
gulière et tardive; que les choses ne sont plus entières;
qu’ainsi elle est non recevable dans sa demande , sauf à
elle à se pourvoir en partage de la communauté , ainsi
qu’elle avisera.
Subsidiarement, et parce qu’en cour souveraine il faut
conclure à toute fin , les enfans Quissac démontreront
que la plupart des prétentions de la veuve Quissac sont
exagérées et contraires à l’édit des secondes noces , et
que scs demandes devoientêtre singulièrement restreintes.
P r e m i è r e
P r o p o s i t i o n .
%
Genèze Grangeon est réputée commune avec son
m a ri, faute par elle d’avoir renoncé dans le délai pres
crit par la loi.
Il est utile sans doute de rappeler les dispositions
de la loi municipale qui régit les parties , et que les
premiers juges ont si étrangement interprétée.
L ’article 245 de la coutume de Bourbonnais porte :
« L a femine , après la mort de son m ari, peut renoncer
« à la communauté quelle avoit avec feu son m a ri, et
« néanmoins avoir et retenir son héritage et douaire, et
* ne sera tenu d’aucunes dettes procédant de ladite commu5
�«• nauté ; et doit faire la renonciation judicieïïem eut deK dans quarante jours après qu’elle aura su le trépas de
« son m ari; appelés pour ce faire, les héritiers apparens
« du trépassé, s’ils sont demeuransen la justice en laquelle
« le défunt étoit domicilié en Bourbonnais au temps
« dudit trépas , et à faute desdits héritiers , appeler le
«procureur de la justice dudit lieu où le trépassé étoit
« dom icilié, et pendant lesdits quarante jours, vivre en sou
« m én age,au x dépens de l’héritier dudit d éfu n t, et peut
cr nonobstant ladite renonciation, prendre et emporter
« l’une de scs robes et habillemens , qui ne sera ne le meil« leur ne le pire , mais le m oyen, quand il y en a plu« sieurs, et s’il n y a qu’un habillem ent, appartiendra à
« ladite femme ».
L ’article 246 s’exprim e ainsi : « E t s’il est trouvé qu’elle
k ait soustrait ou recèle aucuns desdits biens communs
« entr’elle et son m a ri, elle est tenue de payer la moitié
« desdites dettes , nonobstant ladite renonciation ; et
« néanmoins sera tenue à restitution et à dommages et in« térets ; et si dans les quarante jours elle n’a fait ladite
« renonciation, elle est tenue et réputée personnière , sans
« qu’il soit besoin lui requérir en faire déclaration , ni
« qu’elle l’ait déclaré ; nonobstant qu’il eût été convenu
« de faire ladite renonciation dedans plus long - temps
« que lesdits quarante jo u rs, au contrat de mariage ou
« autrement ».
Ces deux articles sont sans doute clairs et précis; leur
disposition est irritante et absolue; la veuve doit renon
cer dans quarante jours , compter de celui où elle a su
le trépas de son m ari; sa renonciation doit être faite
�en jugement*, et si elle ne renonce dans le délai prescrit
par la l o i , elle est tenue et réputée com m une, sans qu’il
soit besoin lui requérir en faire sa déclaration. Il ne s’agit
pas de savoir si la veuve s'est immiscée ou non dans la
communauté ; si elle a demandé ou défendu comme
commune ; la coutume veut qu’elle renonce dans le
délai fixé ; s’il n’y a pas de renonciation, elle a accepté
la communauté. T el est le texte de la lo i, tel est le sen
timent de tous les anciens commentateurs de la coutume.
Il s’agit d’examiner en quoi l’ordonnance de 1667
peut avoir dérogé ou modifié la disposition rigoureuse
de la loi municipale.
L ’article 1 e1'. du titre 7 de cette ordonnance, accorde
à l’héritier trois mois , depuis l’ouverture de la succes
sion , pour faire l’inventaire , et quarante jours pour dé
libérer.
L'article 2 ne donne à l’héritier aucun délai pour dé
libérer , lorsqu’il a été assigné, et si avant l’échéance de
l’assignation il y a plus de quarante jours que l’inven
taire ait été fait en sa présence.
. L ’article 4 accorde un délai convenable à l'h éritie r,
s’il justifie que l’inventaire n’a pu être fait dans les trois
m ois, pour n’avoir eu connoissance du décès du défunt,
d u à cause des oppositions et contestations survenues.
. Enfin l’article 5 porte : « Que la veuve qui sera^ssignée
« en qualité de commune , aura les mêmes délais pour
« faire inventaire et d élib érer, que ceux accordés ci« dessus à l’héritier, et sous les mêmes conditions ».
L a veuve commune est donc assimilée à l’héritier T
d’après l’ordonnance ; et les premiers juges ont conclu
�iW *
«\ .
( 12 )
de l’article 5 , qu’il falloit que la veuve fût assignée en
qualité de com m une, pour qu’elle fut tenue de s’expli
quer ; tant qu’elle n’a pas été assignée , elle est toujours
à temps d’accepter ou de renoncer.
Etrange conséquence ! d’où il résulterait que si la veuve
n’est pas assignée pendant trente ans, elle peut toujours
se jouer de sa qualité, vivre aux dépens de la commu
nauté , tant qu’elle sera profitable ; la répudier si elle
devient onéreuse, et frustrer ainsi les créanciers du gage
de leurs créances.
Etrange conséquence !• qui est absolument contraire
au texte littéral de l’ordonnance de 1667. E n e ffe t, dès
qu’on assimile la veuve à l’h éritier, l’ordonnance ne donne
à l’héritier que trois mois depuis l’ouverture de la suc
cession pour faire inventaire, et quarante jours pour
délibérer. C ’est donc à compter du jour de la succession,
que le délai commence à courir.
L ’assignation qui lui est donnée, ne lui accorde aucun
nouveau délai, si avant l'échéance de l’assignation il y
a plus de quarante jours que l’inventaire est fait ; ce n’est
qu’autant qu’il n’a pas eu connoissance du décès du
défunt, ou dans le cas d’opposition, qu’il peut deman
der un nouveau délai.
L a veuve est assujettie aux mômes conditions ; donc il
faut qu’elle renonce dans les quatre mois et dix jours du
décès de son m ari, lorsqu’elle a eu connoissance du décès
et qu’il n’y a point eu d’opposition qui l’ait empêchée de
s’expliquer.
L ’ordonnancc de 1667 n’a modifié la coutume de
Bourbonnais, qu’en ce qu’elle a accordé un délai de
�■14f
( 13 )
quatre mois et dix jours au lieu de >40 jours prescrits ;par
la coutume. C’est ce qu’explique directement À u rou xdes-Pommiers sur l’article 245 déjà cité ; voici comment
il s’exp rim e, nombre n e ts u iv a n s : «-Deux-conditions
« sont requises pour rendre valable la renonciation à la
«com m unauté; la prem ière, qu’elle soit faite les choses
« entières; la seconde, qu’elle soit faite dans le temps
« fixé par la lo i, et ce temps est fixé à quarante jo u rs ,
« à compter de celui où la veuve a su le trépas de son
« mari ; et si dans ces quarante jours la veuve ne fait sa
« renonciation, elle est tenue et réputée commune , sans
« q u ’il soit besoin lui requérir en faire sa déclaration.
« C’est la disposition de cette coutume en notre article et
« en l’article suivant , et telle étoit la jurisprudence
« anc’enne en ce siège, et le sentiment de nos anciens ».
«■ Mais on est aujourd’h u i, ajoute A urôux-des-Poin« m ie rs, dans un usage contraire ; car , comme lord on « nance de 166.7 > t' tre 7? article 5 , accorde à la veuve
« un plus long d é la i, elle se peut prévaloir de l’ordon« nance, et renoncer'dans les quarante jours , à compter
« depuis l’inventaire , en prenant aussi les trois mois de
« 1inventaire, conformément à Fotfdonnancc. La raison
« de décider ainsi est, que l’ordonnance, par une clause
« g én érale, a dérogé à toutes les coutumes contraires T
« et ainsi s’observe dans cette p ro vin ce, conformément
« a 1ordonnance. C’esbla remarque deM . Jean Fauconnier
« sur le présent article, et ije l’ai vu ainsi juger différentes
« fois , tellement que Ton accorde à la veuve pour re« noncer, le>teraps de quatre mois et dix jo u rs, et metne’
« un plus long délai, s’il est justifié que l'inventaire n’r
« pu être fait dans les trois m ois, comme il est ditdang;
« l’article 4 du titre 7 de l’ordonnance de 1667
�( 14 )
C'est-à-.lire, si ]a veuve a ignoré le trépas de son m ari,
ru qu’ il soit survenu des oppositions ou contestations qui
aient empêché de faire l’inventaire.
C mment a-t-on pu croire qu’il falloit que la veuve fût
a sign ée, et que jusqu’à l’assignation elle avoit toujours le
droit d’accepter ou de renoncer, lorsque l’article 246 dit
expressém ent, que si dans quarante jours elle n’a pas fait
la x’enonciation, elle est tenue et réputée personnière, sans
qu’il soit besoin lui requérir en faire la déclaration, ni
qu’elle l’ait déclaré; lorsqu’enfïn l’ordonnance de 1667
n’a fait qu’ajouter un délai de trois mois à celui de qua
rante jours prescrit par la coutume ? Aussi P o th ier, en
son commentaire sur Bourbonnais, ne fait-il aucune dif
ficulté de décider que la femme est réputée personnière,
faute d’avoir renoncé dans le délai : quod pendetex legesi
b o n a , au cod. de adminis. tut. pa ria sunt non fa c e re
ïe/npore prœjïnito , etfacere forrnâ non expletâ.
Il n’est sans doute pas besoin de se livrer à des discus
sions étrangères , de multiplier les citations sur un point
de droit aussi clairement établi ; tout ce que la veuve a
dit devant les premiers juges, s’applique à des coutumes
étrangères qui n’ont pas la même disposition que celle
du Bourbonnais. C’est en germinal an 6 , qu’est décédé
Jacques Quissac; ce n’est que le 12 messidor an 7 , qu’il
a été procédé à l’inventaire, à la réquisition de la veuve
comme des autres héritiers. E n fin , ce n’est que le 12 flo
réal an 8 , qu’elle a fait sa renonciation au greffe , plus
de deux ans après la inort de son mari ; elle n’a pas ignoré
son décès'; il n’y a pas eu d’oppositions ni de contestations
qui l’aient empêchée de s’expliquer ; par conséquent sa
renonciation est tardive; elle est réputée com m une, et
�( i5 )
comme telle, non recevable quant ¿1 présent clans sa de
mande, parce qu’entre communs comme entre cohéritiers,
il n y a point d’autre action que celle en partage.
M ais, en supposant que la veuve eût pu encore, contre
toute évidence, renoncer utilement plus de deux ans après
le décès de son m ari, sa renonciation seroit irrégulière et
nulle.
L ’article 245 de Bourbonnais veut que la renonciation
soit faitejudiciellement. Suivant l’usage attesté par A uroux,
N °. 1 7 , ia veuve doit renoncer judiciairement? et sur la
réquisition du ministère p u b lic, elle doit prêter serment
qu’elle ne le fait pas en fraude des créanciers ; non ergo ,
dit M. D urel, sur le mot judiciellem ent , dom i vel judice
ah senti ,• etenim omnia rerba statuti convenire et veriJ ic a r i debent , ut habeat lociim ejus dispositio. Jg itu r
non tabulis lic etp er tabellionem coirfectis, sed solenmi
jitris ordine apud judicem , et intellige de ordinario
judice dom icilii ipsius defuncti , quo tempore vitâ e x
cessif , non de alio incompetenti judice.
Genèze Grangeon s’est contentée d’un simple acte au
greffe, par lequel elle a déclaré qu’elle renonçoit. Ce
n’est pas là une renonciation judiciairement faite; elle
11’a pu renouveler cette renonciation h l’audience ; il
falloit y appeler, et les héritiers du défun t, et le mi
nistère public; il falloit'prêter serment qu’elle ne renon
çoit pas en fraude des créanciers.f
E n fin , les c! 10s.es ne sont plus entières : l’inveutafre
du douze messidor an 7 , constate que la veuve s’est
- fait remettre tout le mobilier qui étoit h son usage per
sonnel, ainsi que celui qui étoit énoncé dans la reconnoissance du premier thermidor an 3 ; provenant, est-il dit a
de la succession d’une sœur de Genèze Grangcoa»
�16 }
.
Tout ce mobilier faisoit, sans contredit, partie de Ta
communauté : il n y a pas de difficulté pour ce qui
étoil à l’usage personnel de la veu ve; elle ne pouvoit
prendre, d’après l’article 2 4 5 , qu’une de ses robes ou
liabillemens, qui ne fût ni la meilleure ni la pii’e ; elle
"a pris tout ce qui étoit ù son usage; elle a donc fait acte
de commune.
On sait encore qu’une succession mobiliaire qui échoit
pendant la communauté, tombe dans la communauté et
en fait partie, lorsqu’il n y a pas de stipulation contraire
dans le contrat de mariage ( et celui de Genè'ze G'ran'geon ne contient aucune clause de ce genre ). Cependant
Genèze Grangeon s’est fait délivrer ce mobilier énoncé
clans la reconnoissance du premier therm idor, et prétendu
jjrovcnir de la succession de sa sœur.
A quel litre a-t-elle donc pris ce m obilier, si ce n'est à
litre de com mune? tant qu’elle n’a pas fait de renoncia
tion , elle est réputée personnière ; si elle prend avant
d’avoir renoncé, elle fait donc acte de commune.
On assimile la veuve commune à l'héritier; o r , si
l’héritier prenoit les meubles du défunt, avant d’avoir
r e n o n c é , 11e feroit-il pas acte d’héritier? seroit-il reçu
à répudier, après une main-mise sur le m obilier? Non
sans doute ; et ubi eadem r a tio , ibidem jus.
Aussi A u ro u x , sur l’article 246, n. 1 4 , d it-il, d’après
Lou is V in cen t, que l’acceptation de la communauté est
semblable à l’addition de l’hérédité; et si la veuve a pris
des meubles avant sa renonciation, elle sera déclarée?
commune.
• Que Genèze Grangeon se juge elle-même : elle n’a
point renoncé ; elle a pris le mobilier de la commu
nauté ; elle ne veut cependant pas être commune.
�( 17 )
Les premiers juges, embarrassés de cette objection si puis,
santé, et voulant répondre à tout, ont dit dans l’un des
motifs de leur jugem ent, que la veuve avoit reçu le mo~
bilier des héritiers de son m ari, comme à elle appartenant
et non comme commune; qu’ainsi on ne peut pas en in
duire aucune immixtion dans la communauté.
Mais que doit-on donc en induire ? si une veuve qui n’a
pas renoncé , prend un mobilier qui fait partie de la com
munauté , à quel titre peut - elle le prendre , si ce n’ est
com me conim une ?
Elle ne pouvoit le demander ni le prendre qu’en cette
qualité. Pour le prendre autrem ent, il falloit renoncer à
ïa communauté ; ce n’est qu’onze mois après qu’elle a fait sa
renonciation , lorsqu’il y avoit de sa part appréhension de
fait et de d ro it, dans la communauté ; de fait, en prenant les
meubles ; de droit, faute de s’être expliquée dans le délai
prescrit par la loi.
E n un m o t, c’est vouloir se refuser à l’évidence, c’est
méconnoître la lo i, et tous les principes, que de préten
dre que Genèze Grangeon a pu renoncer utilem ent, deux
ans après le décès de son m ari, et après avoir pris ce qui
faisôit partie d’une com munauté, qu’il lui plaît d’aban
donner aujourd’ hui par un caprice dont elle ne sait pas se
rendre raison , et que les premiers juges ne devoient pas
adopter si légèrement.
» Les appelans pOurroient s’en tenir à cette première
proposition : la fin de non-recevoir est insurmontable ; la
veuve est commune, et ne peut se pourvoir que par faction
en partage : vouloir décider autrem ent, c’est violer ouver
tement le texte de la loi municipale, et de l’ordonnance.
Ce n’est donc que très-subsidiairement que les appelans
�a\.
C 18 )
vont prouver que dans tous les cas, les prétentions de la
veuve Quissac sont exagérées, et que ses demandes doivent
être restreintes.
S e c o n d e
P r o p o s i t i o n .
L e jugement du 2 prairial, an 8 , a mal jugé sur plusieurs,
points.
Il faut se rappeler .que Jacques Quissac n’avoit plus rien
de disponible, lors de son second mariage ; il s’étoit lié
précédemment par des réglemens de fam ille; il avoit ins-;
titué sa fille son héritière, conjointement avec son fils,
sous la réserve d’une somme de dix mille francs ; il ins
titua ensuite son lils héritier universel, et disposa, à son
p ro fit, de la totalité de sa réserve.
Comment s y prendre pour être libéralenvers une jeune
épouse, lorsqu’on n’a plus rien à donner, lorsque la loi
veille scrupuleusement sur les intérêts des enfans du pre
mier lit ?
On fait constituer à la seconde femme, un trousseau
de deux mille francs, sans autre explication.
On lui fait constituer, en outre de sa légitim e, une
somme de 5230 f r ., qu'elle dit avoir par-devers elle en
espèce d’or ou d argen t, 011 effets de com m erce, que Ja c
ques Quissac reconnoît avoir reçus, immédiatement avant
ces présentes.
On ltii assure un- gain de survie de trois mille francs,
quoique la première fenune n’en eût qu’un de mille francs.
On lui donne pour mille francs de bagues et joyau x,
indépendamment de ceux dont elle sera saisie, et dont elle
est comblée en se m ariant, quoique la première femme
fût modestement réduite à une somme de 300 francs pour
ces objets.
�o ,i
( T9 )
■
•
On lui promet six cents francs de pension viduelle pen
dant sa v ie , payable de six en six mois et par avance,
tandis que la première femme n’avoit qu’un douaire de
1 5 o fr. pendant sa viduité.
On lui fait enfin une reconnoissance dans la suite,
de_ 4,000 francs, et d’un mobilier assez considérable.
>
E n fin , le mari lui lègue le dixième de ses biens, pour
lui donner une dernière preuve de sa tendresse et de
son affection.
Mais comme le m ari a fait ce testament dans un temps
où il ne pouvoit rien léguer* en propriété , et après
avoir disposé de tout son bien, Genèze Grangeon prend
généreusement son parti, et n’insiste pas sur la délivrance
du legs.
On pourroit soupçonner ces constitutions, ces reconnoissances de libéralités déguisées, en fraude de l’édit
des secondes noces, et des institutions déjà faites par
Jacques Quissac, en faveur de ses enfans du premier lit.
Ce ne sera pas fort exigeant de la part des appelans, que
d’inviter Genèze Grangeon de vouloir bien indiquer la
source d’où pouvoit lui être provenue une somme aussi
considérable que celle de 5,230 francs, qu’elle avoit par
devers elle, et que son mari a reçue immédiatement avant
ces présentes ;
D éclairer les enfans du prem ier lit sur la consistance
de la succession d’Antoinette Grangeon , sa sœ u r , et
comment elle a pu en tire r, pour sa p a rt, une somme
île 4,000 fr. un mobilier aussi élégant et aussi précieux ;
Comment il arrive sur-tout que parmi les meubles com
pris dans cette reconnoissance,il s’en trouve plusieurs qui
�( 20 )
garnissoient la maison de Jacques Quissac , antérieure
ment à son mariage avec Genèze Grangeon.
Relativement aux gains et avantages m atrim oniaux, les
enfans du premier lit sont assez justes pour reconnoître
que le père avoit peut-être le droit de stipuler des gains
et avantages matrimoniaux en faveur de sa seconde fem m e,
quoiqu'il n’eût aucuns biens libres dans ses mains.
S’il en étoit autrement, il faudroit en conclure que le
p è r e , qui a disposé de ses biens en faveur de ses enfans,
n’a plus la faculté de se remarier.
M a is, d’après L e b ru n , Rousseau-Lacom be, et géné
ralement tous les jurisconsultes qui ont traité la matière,
lorsque ces gains sont excessifs, ils doivent être réduits
ad legitimun modum ; et on n’accusera pas les enfans
du premier lit d’être incivils, lorsqu’ils proposeront à la
veuve Quissac de la traiter comme l’avoit été leur mère -,
c’est-à-dire, de lui payer les mêmes gains et avantages ma
trimoniaux que ceux qui avoient été assurés à Catherine
D u vergier-D u garet, prem ière femme de Jacques Quissac.
Les appelans ne donneront pas plus d'étendue à cette
seconde partie de la cause; ils espèrent même n’avoir
b e s o in de la discuter avec plus de détail, que lorsque
Genèze Grangeon viendra demander le partage comme
com m une, et s’en payera à elle-m êm e une partie en
cette qualité.
P ar conseil, P A G E S .
A
RIO M , DE
L’I M P R I M E R I E
DE
LANDRIOT,
Im primeur du T rib u n al d’appel.
�
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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Description
An account of the resource
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Quissac, Jean-Baptiste. An 8?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Subject
The topic of the resource
coutume du Bourbonnais
gain de survie
contrats de mariage
douaire
remariage
renonciation à succession
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Jean-Baptiste Quissac, propriétaire, habitant de la commune de Châteldon ; Georges Collin, Anne Quissac, son épouse, de lui autorisée, propriétaire habitant du lieu de Rougères, même commune de Châteldon, appelans de deux jugemens rendus au ci-devant tribunal civil du Puy-De-Dôme, les 26 floréal et 2 prairial, an 8. Contre Genèze Grangeon, veuve et commune de Jacques Quissac, vivant propriétaire du lieu de Genestoux, habitant actuellement en la ville de Thiers, intimée.
Annotations manuscrites pour jugement 14 thermidor An 8, recueil manuscrit p. 6. Jugement confirmé.
Table Godemel : Communautés : 1. une rénonciation faite en coutume de Bourbonnais, par une veuve, à la communauté, est valable, quoique faite en greffe, et quoique la veuve eut reçu, des mains des enfans, lors de l’inventaire, quelques effets mobiliers. le délai pour renoncer ne commence à courir que du jour où la veuve est attaquée comme commune ; elle peut renoncer tant qu’elle ne s’est pas immiscée. Gains : 1. les gains et avantages nuptiaux sont réductibles à la quotité disponible.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 8
1758-Circa An 8
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
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BCU_Factums_G1110
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Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
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fre
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The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Châteldon (63102)
Thiers (63430)
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contrats de mariage
coutume du Bourbonnais
douaire
gain de survie
remariage
renonciation à succession
-
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d83e3eea55c78195955b49a94bab0d9d
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Text
^
4
M É M O I R E .
'«
v
S I G N I F I É ,
P O U R Sieur J e a n A l t a r o c h e , Confeiller du
R oi, Receveur de la Maîtrife des Eaux & Forets
de Saint-Flour, Défendeur & Demandeur.
■ i
C O N T R E Demoifelle M ichelle A ltaroche
époufe de Sieur J e a n - J oseph H a r d y ; &
Demoifelle M ari e A lta r oche , femme du
Sieur G ui llaume Ge nt on , Demandereffes y
Intervenantes & Defendereffes.
L es adverfaires du fieur Altaroche le fatiguent
fans interet & fans droit, par des recherches tardives;
furpayés depuis long-temps de leurs légitimes, ils
viennent réclamer des fupplémens que la loi leur
refuferoit, s’ils n en avoient déjà reçu la totalité.
A
�/
.jg* ^
r
oc &
Altaroche, père commun de toutes les
parties, laiifa, de ion mariage avec Marguerite
Tallhandier, dix enfans.
Jean Altaroche étoit l’aîné; il fut inftitué héritier
univerfel de Tes père ÔC mère, par ion contrat de
mariage du 8 mai 1 7 5 2 , à la charge de payer des
légitimes aux puînés.
Ces légitimes Rirent fixées à 400 liv. pour chacun
dans les biens maternels, ôc à 1600 liv. dans la
fucceilion paternelle, pour les filles, & à 800liv.
pour les mâles, outre 120 liv. de frais d’apprentiiïage.
Les neuf autres enfans font Jean Altaroche qui
avoit commencé l’inilance, ôc qui s'en eft départi;
Michelle Altaroche , femme du fieur Hardy, ôc
Marie, femme du fieur Genton, qui font aujourd’hui
les feules parties au procès.
Matthieu, Pierre, Guillaume & Charlotte Altaroche
font abfens ou morts avant le décès de Marguerite
Tallhandier,leur mère; enfin, Jean-Baptifte Altaroche,
fécond du nom, ôc Marguerite, femme du fieur Gilbergue, n élèvent aucune prétention, ôc condamnent
par leur iilence la réclamation des autres.
Le ip juillet 1 7 7 0 ? J ean Altaroche reconnut avoir
reçu la fomme de io j’o iiv. reliante de celle de
120 0 liv. qui lui avoit été conitituée en dot par fes
père ôc mère.
J
acques
�>
Marie Altaroche, femme de Guillaume Genton,
intervenante, fe maria le
janvier 1755?; elle fe
conftitua en dot la fomme de 2000 liv. qui étoit la
même portée par le contrat de mariage de fon frère,
& un trouiîeau de 2^0 liv. ces objets ont été payés.
Michelle Altaroche contraéla mariage avec Jofepli
Hardy, le 14 novembre 176^3 ; fa mère & fon frère
lui conftituèrent pareillement en dot la légitime qui
lui avoit été deilinée par le contrat de mariage de
l’aîné, moyennant quoi elle renonça à la fucceiTiont
de fes père & mère, en faveur de l’héritier inilitué.
Le 3 1 décembre 175 f , Guillaume Altaroche
déclara qu’après avoir pris leéture du contrat de
mariage de Jean Altaroche, du 8 mai 1 7 5 2 , il
acquiefcoit au règlement de fa légitime, porté par
cet aéïe, pour ce qui concernoit les biens paternels,
moyennant 800 liv. il confentit que ce règlement
fortît fon plein & entier effet, il reçut 600 liv. à
compte des 800 liv. en confëquence il fe départit
en faveur defon frère, de tous droits & actions 3 noms ,
raifons & généralement de tout ce qui pouvoit lui
revenir & appartenir dans la fucceffion de fon père.
Le 18 juin 1 7 5 7 , Charlotte Altaroche entra en
religion; & , pour faciliter fes vues, on fut obligé
de lui conftituer une dot de 3000 liv. fort iupérieure
à celle qui lui revenoit; auili ne demande-t-on rien
de fon chef.
Pierre Altaroche, à fon tour, reconnut, le 10 avril
1 7 7 2 , avoir reçu de fon frère 1200 liv. pour ia
A z
�\45
légitime fixée par fes père & mère, 8c 60 liv. pour
la portion dans celle de Matthieu Altaroche, fon
frère, qui étoit décédé ah - intejlat ; il promit de
ne plus rechercher Jean Altaroche, & lui fit, en
tant que de befoin, ceifion de Tes droits dans la
fucceiîîon de Matthieu Altaroche mort fans poftérité.
Matthieu Altaroche n’avoit pas été entièrement
rempli de fa légitime ; mais il lui a été fait différens
paiemens, à compte, & notamment les frais de fon
apprentiifage chez un marchand.
Marguerite Altaroche contracta mariage, le 4
février 17 5 6 , avec Jean Gilbergue ; elle reçut fa
dot & renonça.
Tout paroiifoit terminé avec les légitimaires,
lorfqu’il plut à Jean Altaroche qui, comme on Ta
obfervé, s'efl; défifté depuis, de faire ailigner le
défendeur en partage des fucceflions des père &
mère communs; & il obtint une fentence en la juilice
de Mafliac, qui lui accorde un fupplément de légi
time en deniers feulement, dans les biens du pere,
tant de fon chei, que de celui de Guillaume,
Matthieu 3c Pierre décédé:; fans enfans; elle ordonne
auifi le partage de la fucceilion de la mère, même
du cheF de ceux de Guillaume, Matthieu & Pierre
Altaroche qui fe trouveroient avoir furvécu à. la
mère : il étoit reconnu au procès que les deux premiers
étoient morts avant la mère.
J e a n Altaroche entraîna fes foeurs dans la querelle:
Le 28 avril I77<?> Marguerite Altaroche, femme
�fo \
du fieur Gilbergue, & Michelle Altaroche, femme
du fieur Hardy, intervinrent; elles conclurent à ce
que le défendeur fût condamné à leur rendre compte
de l’adminiitration qu’elles prétendoient qu’il avoit
eue de leurs biens, depuis le décès du père, & à ce
que, fans ' s’arrêter aux renonciations portées par
leurs contrats de mariage, qui feroient déclarées
nulles, il fût ordonné que les parties viendront à
partage des biens du père, pour leur être délaiiîée
à chacune une légitime de droit de leur chef, & une
portion dans celles de Matthieu, Guillaume & Pierre
Altaroche, leurs frères, décédés après le père, avec
reftitution de jouiffances.
Bientôt après , Marie Altaroche , femme de Guil
laume Genton, fe réunit à les deux fœurs; elle inter
vint par requête du 3 janvier 178 0 , & elle adhéra
aux concluions que Marguerite & Michelle Alta
roche, fœurs, avoientprifes;Marguerite, femme dufieur
Gilbergue, n’a pas perfévéré long-temps dans fa ten
tative , ou plutôt elle ne l’avoit pas faite ; on avoit
abufé de ion nom; elle l’a reconnu.
Le combat n’eit reilé, enfin, qu’avec Michelle 8c
Marie Altaroche, femmes des fieurs Hardy & Genton.
prétention a donné lieu à agiter plufieurs
queilions
. .Lapremière, de favoir fi dans le reiTort du parle
ment de Paris , & en pays fcoutumier, fur-tout l’en
fant qui avoit reçu fa légitime, pou voit demander le
fupplément de légitime.
�'( « )
La fécondé, iï dans cette fuppoiîtion il falloît confldérer la valeur des biens, à 1:’époque du décès du
père , ou relativement à la demande.
La troiilème, il le fieur Altaroche, héritier inilituéde
fes père & mère, étoit réputé avoir été adminiftrateur
& protuteur de fes frères &fœurs puînés.
L e fieur Altaroche, défendeur, a établi folidement
que les demandeurs ayant reçu , après la mort de
leur père , la totalité de la légitime qui leur avoit été
promife fans réferve,ni proteftation,& ayant approu
vé le jugement du défunt, ne pouvoient demander ni
légitime ni fupplément de légitime dans le point de
droit.
Il a foutenu, dans le point de fait, que s’ils avoient
ce droit, l’eflimation des biens ne pourroient fe faire
que fuivant la valeur qu’ils avoient au temps du dé
cès , d’autant mieux qu’ils étoient iurpayés dès-lors.
Le défendeur a foutenu même que, quand il faudroit confidérer le temps de la demande, fes frères
& foeurs fe trouveroient également furpayés, parce
que les légitimes qui leurs avoient été affeétées en
deniers, étoient fupérieures à la légitime de droit.
Enfin, ila démontré qu’il n’avoit été, ni pu être leur
protuteur; qu’ils avoient demeuré toujours en la com
pagnie & fous l’adminiflration de la mère ; que s’il
avoit jouit des biens, c’eft en fa qualité d’héritier in£
titué qui lui en donnoit ld droit.
Ces motifs ont prévalu; il a été néanmoins ordon
né, par une fentence interlocutoire du 24 août 1780^
�/o s
C 7 ).
que les fleurs Altaroche conviendroient d’experts, à
l'effet d’eftimer & de fixer la valeur des biens-meubles & immeubles dépendans des fucceffions de Jac
ques Altaroche & de Marguerite Tallhandier, père Sc
mère communs, lors & au temps de l'ouverture ’des
fucceffions , Si jufqu'à ce , il eft furcis à faire droit
fur les demandes formées par Michelle & Marie Aitaroche.
Les experts ont fixé la valeur des biens paternels à
17 3 0 6 iiv. 15* f. en cas qu'un tenement appellé de la
Saleife, acquis par la femme pendant le mariage, fut
jugé un bien paternel ; & , dans le cas contraire , ils
ont dit qu'il devoit être déduit 3600 liv. fur la maffe
de 17 3 6 0 liv. 15 f. Celle des biens maternels a été
portée à 7^0 liv. feulement, fauf à y ajouter 3 600 liv,
fi le tenement de la SaleiTe étoit réputé un bien ma
ternel.
Par rapport au mobilier, les experts l’ont laiile
indécis , parce qu’ils ont trouvé une difproportion
énorme entre les états refpe£Hfs que les parties leur
avoient fouinis;& qu’ils n’étoient pasautorifés à enten
dre des témoins fur la véritable fixation de ce moblier.
Il réiultoit aiTez de l’eftimation des experts, que
Jean-Baptiile Altaroche étoit rempli, & fort au de là
de fa légitime de droit. Cette vérification l’a conduit
à fe départir de l’inftance.
Il ne fubfifle donc plus de difficulté qu’en ce qui
concerne Michelle Altaroche, femme du lieur Hardy,
Si Marie Altaroche, femme du fieur Genton: l’une Sc
�, ..c 8
l’autre ont reçu la légitime
qui leur avoit été deftinée
par les père & mère communs ; & même. Michelle
Altaroche a renoncé expreiTément aux fucceiïîons de
'fes père êc mère, en faveur de fon frère.
Il faut remarquer que chacune de ces filles a reçu
800 liv. déplus que les mâles : on a déjà dit que, par
le contrat de mariage de Jean Altaroche, les légi
times paternelles des filles avoient été fixées au dou
ble de celles des mâles; les fillesdevoient avoir 1600
liv. tandis que les mâles étoient réduits à 800 liv. à
la vérité, les fils devoient avoir 120 liv. de plus pour
un apprentilTage ; mais les filles ont eu un trouifeau
qui valoit encore plus.
Si donc Jean-Baptiile Altaroche a été obligé de re
connoitre que fa légitime de droit étoit remplie, à
plus forte raifon en eft-il de même de celle des deux
filles qui ont reçu 800 liv. de plus que lui; les autres
mâles fe font également contentés de leur légitime, 8c
fans réclamer; ainfi chacun d’eux à reconnu qu'à 800
liv. près, leur légitime de droit étoit remplie; & les
demandereifes imaginent qu a 1600 livres la leur eft
bleifée.
Mais quand elle le feroit, c’eil pour la premiere
fois qu’on a propofé en coutume d’Auvergne qu’une
fille q u i a renoncé aux fucceiTions de fes père & mère,
par fon contrat de mariage, ou qui a approuvé & reçu
la légitime qu’ils lui avoient deftinée, peut demander
un fupplément.
Il cil vrai que Michelle & Marie Altaroche fe fonc
mariées
�C 9 >f
mariées en minorité, mais il n’efl pas moins confiant
qu’elles n’ont réclamé qu’après plus de dix ans de
majorité ; Michelle Altaroche n’a fait fignifier des
lettres de refciiion, que le 27 juin 17 8 0 , & Marie
n’en a même pas obtenu.
Michelle Altaroche étoit née le ipoélobre 17 4 0 ,
ainil elle avoit près de quarante ans, lorfqu’elle s’eft
pourvue au fceau.
Michelle a renoncé expreifément aux fucceilions
de fes père & mère, moyennant un prix diftinél pour
chacune d’elles, & ce prix eft le même que celui qui
avoit été deftiné par le contrat de mariage de l’héri
tier.
On n’a jamais propofé qu’une fille qui a renoncé à
la fucceiîion échue de fon père, moyennant le prix
qu’il avoit affeété pour fa légitime , puiile réclamer,
après trente-cinq ans : l’Ordonnance de 15 39 porte
expreifément, en l’article 13 9 , qu’après l’âge de trentecinq ans , les mineurs ne pourront revenir fous pré
texte de léfion, ni même par voie de nullité contre
les a«fies qu’ils ont paifés en minorité.
Si Marie Altaroche n’a pas renoncé auffi difertement à la iucceffion de fon père, l’acceptation qu’elle
a faite de la légitime qu’il lui avoit deftinée, produit
les mêmes effets. Notre coutume porte en l’article y o
du titre 12 , que celui qui a accepté le legs qui lui
a été fait par le défunt, ou qui autrement a agréé fes
difpofitions. Qui agnovitjudicium defiuicli3 eft tenu de
les garder & accomplir.
�Si Marie Altaroche fe prétendoit léfée par cette
acceptation , elle avoit la faculté , étant mineure ,
d’obtenir des lettres de refcifion dans les dix ans de
fa majorité ; mais elle n’a pas pris ce parti ; dès-lors
elle eft non recevable.
Vainement elles ont dit l’une & l’autre, qu’on doit
les coniïdérer comme ayant été fous la puiifance de
leur frère, & qu’il a été leur protuteur; c’eft une idée
très-commune à ceux qui ayant été mineurs, ont.
cédé leurs droits à l’héritier inftitué , fous prétexte
que l’héritier a joui des biens de la fucceilion , ils
le traitent de protuteur ; mais ce moyen bannal n’a
jamais fait fortune ; la jouiifance des biens de la
fœur ne rend pas l’héritier protuteur, puifque fon
titre, pour jouir, c’eft la qualité d’héritier inftitué, ÔC
non pas celle de protuteur ; il jouit pour lui comme
héritier, & non pour les mineurs ; il a un titre univerfel qui lui donne les fruits de la fucceiïion ; & ,
quand même il ne feroit pas inftitué héritier pour
l’univerfalité , quand il ne feroit que cohéritier, la
jouiifance qu’il auroit eue des biens, 1 obligeroit bien
à les rapporter au partage, mais ne le rendroit pas
protuteur.
C eft ce qui a été décidé par un arrêt du 15) avril
rapporté par Brillon, verbo } intérêts , n°. 3 ,
qu’il a tirée de Lapeyrere , lettre I, n . 82 de l’édi
tion de 170 6 ; il a été jugé, dit-il qu’zz/zfrère héritier qui
doit cifon frère pour légitime , iiefl. pas pour cela fon,
protutcur ; & quand même il adroit joui du bien que le
�■jor
( 11 )
légitimalre pouvoit avoir d3ailleurs , en vertu de fa
procuration,
D ’ailleurs , il ne fuffit pas, pour devenir protuteur
d’un mineur, de jouir d’un bien commun avec lui, la
protutèle réiulte bien moins de la jouiifance des biens,
que de l’adminiitration de la perfonne : or, Jean Altaroche n’a jamais eu la moindre autorité fiir la per
fonne des mineurs ; ils étoient en la compagnie de
leur mère qui n’eft morte qu‘après la majorité acquiie
à tous ; quand elle s’eft féparée de fon fils aîné , ils
l ’ont fuivie dans fa nouvelle demeure ; ils ne l’ont
quittée que lorfque les filles fe font mariées, & que
les garçons ont pris des apprentiffages chez des mar
chands.
Enfin , la queflion efl: jugée , puifque la fentence
même dont le fieur Altaroche feül étoit appellant t
lui a fimplement donné une aétion en fupplément de
légitime & en deniers , au lieu que fi le fieur Altaroche aîné eût pu être réputé protuteur, il auroit été
indifpenfable d’ordonner le partage purement &: fim
plement , à la charge par Jean-Baptifte Altaroche, de
rapporter ce qu’il avoit reçu , & Jean Altaroche au
roit été condamné à rendre compte.
Il faut donc écarter pour toujours un auflî vain
prétexte.
Quel moyen refle-t-il donc dès-lors à Marie & à
Miclielle Altaroche ? le paiement de la légitime, fé
lon elles, n’exclut pas l’aéKon en fupplément de légi
time : ce font deux a&ions différentes; ôc, iuivantla
Ba
�4jo 4>
» ■%
C « )
loi generaliter
> end. de inojfi.'tefl. i’enfantqui a
reçu la légitime , n’eil pas privé du fuppiément, à
moins qu’il n'y ait renoncé expreiTémënt.
Premièrement, ce moyen ne s’applique pas à MichelleAltaroche,puifqu’elle ne s’eft pas contentée de
.recevoir fa légitime ; elle a renoncé aux fucceiTions
¿e Tes .père ôc mère ; 8c a-t-on jamais mis en doute
dans cette coutume, qu’une fille qui a renoncé, peut
encore demander le fuppiément de légitime.
Elle ne le pourroit pas, quand même elle auroit re
noncé, moyennant un prixfimplement convenu avec
celui au profit duquel elle renonce ; elle le peut bien
moins encore , quand elle a renoncé, moyennant la
fommequefon père lui avoit deftinée pour fa légitime
qu’elle a acceptée; il réfulte de là line double fin de
non recevoir contr’elle : celle qui renonce n’aban
donne pas feulement fa légitime, elle abandonne
néceiTairement tous les droits qu’elle pourroit
avo ir, légitime , fuppiément de légitime , portion
héréditaire: une renonciation eftune cellion, & on
n’avoit pas encore ouï dire que celui qui cède l’univerfalité de fes droits, en retienne néanmoins une
partie.
A l’égard de Marie qui s’eft contentée d’approuver
fa légitime, & qui l’a reçue, il y a le moyen de renon
ciation de moins; mais ion approbation du jugement
du défunt fuftit, fuivant l’article jo du titre 12, de
notre coutume. Le père avoit fixé là légitime à 1600
iiv. Marie Altaroche l’a reçue fans réferve, tout eil
confommé.
�Joû)
C r3 )
Ii pourrdit y avoir du doute dans la jurifprudence
-romaine : d’un côté, la loi generaliter réferve le fuppléroent de légitime à l’enfant qui a reçu fa légitime,;
de l’autre , la loi 8 , § i , cod. de inoff. teflam,- décide*,
comme notre coutume., que l’enfant qui a approuve
la difpoiition du père , ne peut plus réclamer ; mais
parmi nous, & iuivant la jurifprudence du parlement,
principalement dans les pays de coutume, la loi generaliterncQ: point obfervée.
D ’abord cette loi dégénère en pure fubtilité ; car
on doit remarquer qu’elle n’accordepas généralement
le fupplément de légitime à celui qui a reçu fa légi
time ; elle lui reiufe, au contraire, ce fupplément, fi,
en recevant fa légitime, il a renoncé au iiipplément;
de là il fuit que fon droit dépend.du ityle du no
taire un peu plus ou un peu moins éclairé; & comme
il n’y a pas de légitimaire q u i, en recevant toute fa
légitime, ait la penfée de fe réferver quelque chofe
de plus, auifi n’y en a-t-il point qui refufe de foufcrire
•à une renonciation à toute légitime & tout fupplément de légitime , fi on l’exige ainfi.
Ilne faut point raifonnerici de la jurifprudence des
parlemens de droit écrit, dont quelques-uns ont cru
devoir fe conformer à la difpofition de la loi getieraliter; mais le parlement de Paris ne Pa jamais admife,
principalement pour les pays coutumiers.
Plenrysquia écrit, pour le pays de droit écrit même,
obierve au tome a ,ü v . 5 , queft. 33 , que l’enfant
qui a reçu ia légitime n’elt pas xeceyable à rien pré-
�( 14 )
tendre de plus, à titre de fupplément, nî autrement.
Le brun eft du même avis dans fon traité des iiio
ceilions, titre de la légitime, fection i ere. il dit que
l'enfant ayant accepté le legs purement & fimplemenc,
n’eft pas recevable à demander le fupplément de légi
time.
Mais il y amoins de difficulté dans la coutume d’Au
vergne, puifqu’elie a une difpoiition préciiè fur cette
matiere ; li un héritier cède fa portion héréditaire égale,
il ne peut pas revenir, quoique léfé de plus que ia lé
gitime; par quel motif celui qui cède fa légitime auroitil droit de demander un excédent ?
On a oppofé un arrêt prétendu, pour la nommée Menayde du 22 oétobre 1
, rapporté par Denifart,
verbo, légitime.
Mais premièrement, cet arrêt a été rendu pour le
Forez, pays de droit écrit ; & fa difpofition ne s’appliqueroit pas à la coutume d?Auvergne.
Secondement, Denifart remarque , note A , que la
caufe avoit été renvoyée devant un avocat; c’eftdonc
l’avis d’un jurifconfulte homologué,plutôt qu un arrêt
du parlement.
Mais fi d’un côté cet arrêt eft fans application, & G
de l'autre il ne forme pas de véritable préjugé, il n’en
eft pas de même de celui qui a été rendu au mois d’aoûc
dernier, entre le iieur Viétor-Anne Dumafel, gentil
homme de la grande fauconnerie, intimé, & Jeanne
Jouvenel, femme de fieur Pierre Andraud,appellante.
•Cet arrêt a confirmé la fentence de ce fiége, du 1 3
mars 177p .
�J II
............ C
is
)
Robert Jouvenel' & Jeanne Rabÿ de Nonette ,
avoient trois enfans; Marie-Màgdeleine qui époufa le
iieur Bonfils, & qui étoit repréfentée par le fieur Dumafel; Jeanne Jouvenel, femme du fieur Andraud, ôc
Marie qui mourut fans poftérité.
Par le contrat de mariage de Marie-Magdeleine Jou
venel, du 4 novembre 1 7 2 3 , fes père & mère l’inftituèrent lèur héritière univerfelle,àla charge de payer
13 0 0 liv. à chacun de leurs autres enfans, nés & à
naître ; favoir 3000 liv. pour biens maternels, & le
furplus pour biens paternels, outre 100 liv. pourfon
trouifeau.
- Jeanne Jouvenel fë maria le I er'. o&obre 1 7 4 7 ,
après la mort de fes père & m ère,& elle fe conilitua
en dot la fommede 120 0 liv. pour les biens paternels,
à laquelle elle avoit été dotée & légitimée parle contrat
de mariage de fa fœur aînée, du 3 novembre 17 2 3 ,*<&
10 0 liv. pour les meubles : c’étoient les termes du
contrat.
Elle fe conilitua, de plus,Îa portion dans pareille
fomme, à laquelle Marie Jouvenel, fa fœur, décédée
iàns poftérité , avoit été apanée. Son contrat de ma
riage ne contenoit aucune renonciation.
Par exploit du 1 ^ novembre 1 7 7 69 elle forma une
demande en partage; il feroit difficile de trouver une
reiTemblance plus parfaite avec lefpèce préfente : il
y a feulement ici la circonftance de plus, que Michelle
Altaroche a renoncé expreflement, moyennant fa lé
gitime.
�( *6 )
. On oppofaà la Dame Andraud, qu’elle n’auroit'eu
a précendre qu’une légitime & non une portion héré
ditaire , fi elle n’avoit pas penfé que la légitime en
deniers étoit au deiiiis de celle qu’elle auroit pu eipérer de droit: la dame Andraud fe réduiiitalors comme
les demandereiïes à un fupplément de légitime ; elle
fît valoir, comme elles, l’arrêt de Menayde, la loi ge~
neraliter, la jurifprudence des pays de droit écrit ;
mais ni la fentence, ni le parlement ne fe font arrêtés
à ces moyens ; elle fut déclarée non recevable en ce
iiége ; & la fentence a été confirmée avec amende ÔC
dépens.
. La caufe de la dame Andraud avoit encore ce rap
port avec celle des demandereifes, qu’elle avoit tou
jours été en puiifance de mari; elle n’ofoit cependant
pas en tirer un moyen ; elle n’ignoroit pas qu’à cet
égard, la condition des femmes mariées ne diftéroit
point de celle des autres ; que l’approbation du juge
ment du père, rend tous les enfans également non
recevables, & que s’ils ne l’étoient même qu’après un
certain laps de temps, s’il y avoit une prefeription à
acquérir, elle courroit contre les femmes mariées ,
comme contre les autres ; parce que le fupplément de
légitime eft dans la femme une aéfcion extradotale ,
ainfi que fes allions refeindantes & refeifoires; il n’y a
de total en coutume d?Auvergne, que ce que la femme
fc conftitue en dot par fon contrat de mariage; l’ar
ticle 8 du titre 14-de la. coutume , dit que,s’il y a dot
particulière en traitant le mariage, le furplus, dans ce
�C i7 )
cas, i^eft pas dotal ; & l’article Ier. porte qu’à cet
égard, la femme n’eil pas en la puiiTance de ion mari:
les demandereiTes ne fe font conilituées en d ot, que
les fommes qui leur avoient été deilinées pour légi
time par leurs père & mère ; iî donc elles avoient
quelque droit de plus , à titre de légitime, ou autre
ment , ce iiirplus formoit pour elles un bien féparé
de la dot. Bafmaifon en a fait l’obfervation fur l’ar
ticle 8 : & fi s dit-il, par la conflitution de dot qui fera
faite ( à la fille mariée ) par fes frères & autres . . „
la femme efl léfée, le droit & bénéfice derefcifion quelle
a contre fes quittances & renonciations , & ce qui lui
fera donné pour fupplément , n entrera point en nature
de dot, & ne fera point augmentation d’ icelle „s3il 11 ejl
expreffément accordé 3 & fera le droit de refcifion, vu
ce qui fera donné pour icelui bien paraphernal à la.
femme, & non pas dotal ni aventif
On a démontré que les demandereiTes n’avoient
aucun fupplément de légitime à demander en point
de droit ; mais leur tentative eil fi déplorée, que la
queilion ne fe remontre même pas en point de fait.
Cette vérité réfulte du rapport d’experts qui a été
fait de Tautorité de la cour : les immeubles paternels
n ont été eilimés que 17 3 0 6 liv. 1 1 fous,dans la fuppofition qu’un cfiêt qui eft véritablement maternel ,
fût un bien paternel ; & comme c’eft la femme qui
avoit acquis en préfence, & du confentement de
fon mari, il 11’y a pas de doute que ce ne fût un
bien maternel j ainû les biens - immeubles de la
C
�C 18 )
fuccefîion reilent pour 13 7 0 6 livres 15 fous.
Il y avoit dix enfans vivans lors du décès du père ;
leur légitime étoit un vingtième, le vingtième de
13 7 0 6 liv. 15 fous, eft de 68j1 liv. 6 f.y d. & les demandereffes ont eu chacune 1600 liv. pour biens pa
ternels , outre leur trouifeau.
Il faut ajouter le mobilier : Le fieur Altaroche en
a donné un état montant à 739 7 liv. 8 fous ; il n’y a
pas compris les meubles meublans, parce qu’ils appar-.
tenoient à la mère : le fieur Altaroche pere étoit
venu demeurer dans la maifon de fa mère, & l’avoit
trouvée meublée & uftenfiiiée; le vingtième de cette
fomme ne monteroit qu’à 369 liv. 17 fous 5 deniers.
Cette fomme jointe à l’autre ne forme que la moitié
à-peu-près de la dot ou légitime que les demandereifes
ont reçue.
_
j
Il eft vrai que les demandereifes ne voudraient
pas, fans doute, s’en tenir à cet état : Jean Altaroche
avoit même ofé dire que le mobilier montoit à 70000
liv. quoique, par l’exploit de demande, il fe fût reftreint à 40000 liv. Cette première exagération ne lui
en avoit pas interdit une plus forte encore; mais il
confondoit d’ailleurs le mobilier de la mère avec
celui du père; enfin, les demandereifes n’ont qu’à
indiquer les articles qu’elles prétendront omis, &
rapporter les preuves de leur exiftencc. Ce qui eft
évident, c’eft que, quand on tripleroit l’état fourni
>ar le fieur Altaroche, il ne donnerait pas encore une
égitime de 1600 liv. aux demandereifes, en y joi-
Î
�J\ s
( 19 )
gnant l'immeuble qui eft invariablement fixé à 1 1 3 0 6
livres i f fous.
Mais fur cette mafie, encore qu’elle foit confidérable, il faut diftraire les dettes que le fieur Altaroche
s’eft réfervé d’établir.
D ’après ces réflexions, on n’a point à examiner le
point fubfidiaire de {avoir ii les demandereifes étant
iuppofées recevables à réclamer un fupplément de
dot, elles auraient droit de le demander en corps
héréditaires, ou en deniers feulement : il eft prouvé>
d’un côté, qu’elles n’ont droit d’en demander aucun;
& , de l’autre, qu’elles ont reçu beaucoup plus que
le montant de leurs légitimes. On n’obfervera donc
que très-fubfidiairement que dans les pays&dans les cas
où le fupplément de légitime eft dû, ilnefe paie jamais
qu’en deniers, fi la légitime elle-même a été reçue en
deniers; la fentence dont efl appel, l’avoit jugé ainiï
en faveur de Jean-Baptifte Altaroche qui ne s’en eil
pas plaint; mais il n’y a qu’une voix’a cet égard parmi
tous les auteurs du droit écrit : le fupplément de légi
time eft dû en la même nature que la légitime a été
laiifée; & fi les enfans la reçoivent en tout ou en par
tie, ils ne font plus recevables : c’eft ce qui eft établi
par Guy-Pape, queft. 487; Ferrerius & Ranchin, ies
annotateurs, ibid. DefpeiiTes, tom. 2, pag. 3 2 8 ,
n°. 1 2 , eft de ce fentiment qu’il fonde fur un grand
nombre d’autorités; Papon, liv. 20, tit. 7 , art. 3 ;
6c Cambolas, liv. 4,chap. 3 j , rapportent des preuves
de la juriiprudence.
\
�ili
V
( 20 )
Marie & Michelle Altaroche n'ont donc rien à
demander de leur chef; mais on a obfervé que Guil
laume, Matthieu & Pierre Altaroche étoient décédés
fans enfans, & elles réclament auili une portion dans
leur fucceilion.
Guillaume Altaroche eft abfentj & on ne pourrait
demander le partage de fa fucceilion, qu'après des
formes que les demandereifes n’ont pas remplies.
Mais on a vu dans le récit des faits, que, par aéle
du 3 1 décembre 1 7 5 5 , Guillaume Altaroche avoit
approuvé le règlement fait par fon père; qu’il Ta reçu,
Sc qu’il a cédé même au fleur Altaroche, fon frère,
tous les droits s actions y noms3raifons généralement
de tout ce cjui pouvoit lui revenir & appartenir dans la
fucceffion de fon père : on ne croit pas que vingt-huit
ans après une pareille ceiTion de droits fücceJîifs, &
une approbation aulîi expreife du jugement paternel,
on puiife, du chel d’un abfent, demander un fupplétnent.
Les demandereifes ne font pas mieux fondées du
chef de Pierre; il avoit reçu, par aéle du 10 avril
1 7 7 2 , fa légitime entière Sc fa portion dans celle de
Matthieu Altaroche, fon frère, Si il avoit cédé à l’hé
ritier fes droits dans cette fucceilion.
Il ne refie donc plus de droit aux demanderefles
que fur la fucceilion de Matthieu Altaroche, où elles
amandent chacune un feptième.
Le fieur Altaroche a payé, à compte de la légitime
ide Matthieu Altaroche, diiférentes fommes.
�( 21
)
1 ° . Le (? février 17 6 3 , au fieur Charles, marchand
de cette ville, avec lequel Matthieu avoit fait un bail
d’apprentiifage, 2 10 .
2°. 17 4 liv. au fieur Chevalier d’Eipinchal, qu’il
avoit fournies pour racheter fonengagement, fuivant
fa quittance du 17 juillet 176 7.
3 0. Au fieur Obrier, 28 liv. le 6 mai 1768.
4 0. Au iieur Hardy', fils, le 2 1 oétobre i j 6 6 ,
ij'o liv.
<j°. Au fieur Graveron, chirurgien, le 15 mai 17 6 j ,
40 liv. pour les frais de la derniere maladie de
Matthieu.
Toutes ces fommes reviennent à celle de 702 liv.
Le fieur Hardy eil débiteur du fieur Altaroche, de
plus que fa portion dans ce qui refloit dû à Matthieu
Altaroche; il lui a fait un billet de 3^8 liv. 1 ÿ fous,
le 20 octobre 17 6 6 ; & s’il s’eil reconnu fon bébiteur
de 30 liv. par une lettre du 30 juillet 17 6 7 , le fieur
Hardy a confenti à la compenfadon ; ce qui a été
accepté : il ne s’agit donc plus que de faire un calcul,
& de le faire condamner au paiement du furplus de
fes promefies.
Le fieur Hardy doit de plus au fieur Altaroche, en
qualité d’héritier de Pierre Altaroche, le fixième de
la fomme de 62 f liv. 14 fous, que le fieur Altaroche
avoit payée aux créanciers de Pierre Altaroche, qui
font les fieurs ck; Vauzeilles, Efteve, Prieur & Bec ,
<lont les titres font produits au procès.
A l’égard du fieur Genton, on lui a offert le feptièmè
�î »
(22 )
de ce qui reftoit dû. à Matthieu Altaroche, déduction
faite des paiemens faits en fon acquit; ni l’un ni l’autre
ne peuvent demander rien au de là des fommes fixées
pour la légitime de Matthieu Altaroche, puifqu’il eft
démontré que la fomme étoit fupérieure à fa légitime
de droit.
Vn
Monfieur M O N T A N I E R , Rapporteur.
l]
B u ss a c , Procureur.
Il üJ
V\
A R I O M , chez
Libraire
D É G O U T T E , Imprimeurprès la Fontaine des Lignes, 1783.
M a r tin
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Altaroche, Jean. 1783]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Montanier
Bussac
Subject
The topic of the resource
successions
légitime
dot
experts
coutume d'Auvergne
renonciation à succession
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire signifié, pour Sieur Jean Altaroche, conseiller du Roi, receveur de la maîtrise des eaux et forêts de Saint-Flour, défendeur et demandeur. Contre demoiselle Michelle Altaroche, épouse de sieur Jean-Joseph Hardy ; et demoiselle Marie Altaroche, femme du sieur Guillaume Genton, demanderesses, intervenantes et défenderesses.
Table Godemel : Légitime : 1. en pays coutumier, l’enfant qui avait reçu sa légitime, pouvait-il demander le supplément de légitime ? en cas d’affirmative, de quelle époque fallait-il considérer la valeur des biens, du jour du décès, ou de celui de la demande ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Martin Dégoutte (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1783
1752-1783
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
22 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1023
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
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coutume d'Auvergne
dot
experts
légitime
renonciation à succession
Successions
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53103/BCU_Factums_G1005.pdf
63ad709365d119088506808fd95c18a0
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Text
TRO ISIÈM E MÉMOIRE.
RÉPONSE
A U S E C O N D M É M O IR E D U D É F E N D E U R .
PO U R J e a n D E V È Z E , J e a n n e D E V É Z E , sa sœur, fille
majeure tant en son nom propre et privé, qu’en qualité
de cédataire de Michel et Marie D evèze, ses frère et
sœ ur, tous héritiers de Jeanne G azard, leur m ère,
; e t par représentation de Gabriel G azard, leur a ïe u l,
. et de Marguerite Bouchet, leur grand’m ère, deman
deurs.
C O N T R E G a b r i e l G A Z A R D , second du nom, leur
oncle, notaire royal, habitant de Saint-Mary-le-Plein 3
défendeur.
L a
sentence interlocutoire du 5 septembre 17 8 6 ,
paroît avoir réduit la contestation à savoir si la dot
constituée à Jeanne G azard, mère des demandeurs, a
A
�( o
excédé la portion qu’elle amendoit dans la succession
de Gabriel G azard, premier du nom , son père,, de manière
q u ’on puisse lui trouver dans l’excédant, une somme quel
conque pour le prix de sa renonciation à la succession
de Marguerite Bouchet, sa mère, ou si au contraire cette
même dot n ’est qu’égale ou même au-dessous de sa portion
dans la succession du père, ensorte qu’il soit évident que
la renonciation à la succession maternelle a été faite sans
prix.
E n cela, la sentence interlocutoire paroît avoir adoptéle principe de l’arrêt da Pont - Carré, suivant lequel la.
renonciation faite par une f i l l e , en même temps à une
succession échue et à une succession à échoir pour un
seul et même p rix , ejfuso sermone, et sans distinguer
ce qu’il y a dans ce prix pour la succession échue 4
et ce qu’il y a pour la succession à échoir, n’est valable
qu’autant que, dans le prix convenu, il se trouve pour la
succession à échoir un excédant au-delà de ce qui devoit
revenir i la renonçante pour sa portion dans la succes
sion échue , sans quoi la renonciation est absolument
n u l l e pour l’une et l’autre successions. C ’est une modifica
tion établiepar cet arrêt à la doctrine de l’auteùr'du traité
des. successions qui avoit enseigné en général que la renon
ciation faite unico pretio à une succession echue et à une
succession â échoir, étoit radicalement nulle.
Pour la décision de la contestation , il faut donc prin
cipalement s’attacher à connoître la valeur des biens de
Gabriel Gazard , premier du nonx, Qt comparer ensuite la
portion que devoit y avoir Jeanne Gazard avec la dot qui
lui fut continuée, pour juger si dans cette dot il y a eu un
�excédant au-dessus de sa portion, qui ait pu faire un prix
quelconque de sa renonciation à la succession à échoir de
Marguerite Bouchet, sa mère.
Voyons d’abord ce que nous apprend le rapport d’ex
perts, fait en exécution de la sentence interlocutoire, et
nous parlerons ensuite des omissions faites dans ce même
rapport, mais qu’il faut nécessairement y suppléer.
Les experts ont évalué les immeubles de la succession
de Gabriel Gazard, premier du nom, qui leur ont été indi
qués à la somme de 5,240'*'; mais quoique la sentence in
terlocutoire l’eût ordonné , ils ont omis de faire l’estima
tion du m obilier, et l’inventaire de ce mobilier commencé
par Gabriel Gazard lui-même avant sa m ort, et continué
par le juge des lieux après sa mort, ne porte point d’esti
mation particulière des meubles et effets qui y sont dé
taillés. Seulement il fut fait mention en marge de l’inven
taire, que les parties avoient déclaré que les meubles étoient
en valeur de 1,7 0 0 ’*', compris les obligations, chetels et
autres effets. O r, 011 sent parfaitement que cette évalua
tion ne pouvoit pas faire la lo i, n ’étant faite que par une
simple déclaration de la tutrice, partie intéressée. D ’ailleurs
on comprend qu’on n ’avoit principalement en vue dans
cette déclaration que de fixer les droits de contrôle et de
les réduire le plus possible. Quoi qu’il en soit, adoptons
pour un moment cette évaluation, sauf à la rectifier.
V oila donc 1,700'*' à ajouter à la somme de 5,240"** à.
laquelle les experts ont estimé les immeubles. Cela fait un
total de 6,940'*'.
On a vu dans les écritures et mémoires du procès, que
Gabriel G azard, second du nom , devoit prélever un quart
A 2
�, ( 4 )
(le la succession de son père par les dispositions de son tes
tament. L e quart ¿toit donc de
5 ^ , ce qui réduiroit
la masse à 5 ,2 0 5 ^ , formant les trois quarts divisibles par
égalité entre le frère et la sœur , et dont la moitié revenant
à Jeanne G azard, eût monté ^.2,602^ 10
Sous ce point de v u e, la dot constituée à Jeanne
Gazard étant de 5,0 0 0 ^ , et sa portion dans les biens pa
ternels ne montant qu’à 2,6 0 2 ^ 10 J , elle auroit reçu un
excédant de 3 9 7 ^ 10 J qu’on pourroit appliquer au prix de
la renonciation à la succession à échoir de sa mère ; et
alors dans le préjugé de l’arrêt de Pont-Carré , elle se fut
trouvée, elle ou ses enfans^ hors d ’état de réclamer contre
la renonciation.
Mais il s’en faut bien qu’on doive ainsi réduire la masse
de la succession de Gabriel G azard, premier du nom.
i ° . Les experts ont estimé infiniment au-dessous de
leur valeur les immeubles de la succession qui leur ont
été indiqués , et à cet égard on ne pourroit pas refuser aux
demandeurs l’amendement de rapport qu’ils ont demandé
subsidiairement, et qui porteroit ces immeubles à une
valeur bien supérieure.
2 ° . L e rapport des experts contient l’omission de plu
sieurs immeubles qui ne leur ont pas été indiqués , et il
est de toute justice d’ajouter à la niasse la valeur de ces
immeubles.
5 0. Nous n ’avons pas non plus l’estimation de l’office
de notaire royal dont étoit pourvu l’auteur commun,
autre objet encore qu’on n e peut se dispenser d’ajouter à
la masse.
4 ° . E n fin , il faut encore augmenter la masse de la
�(
5
)
valeur du mobilier au par-dessus la somme de 1,7 0 0 ^ , à
laquelle on l’avoit seulement évalué par la déclaration
mise en marge de l’inventaire ; et c’est encore un reproche
tr'es-grave à faire aux experts, de n’avoir point fait cette
estimation qui leur étoit expressément prescrite par la
sentence interlocutoire.
Or si l’on ajoute tous ces objets à la masse de la suc*
cession de l’auteur commun, il en résultera évidemment
,un déficit considérable dans la dot de 3,000^ constituée
à Jeanne G azard, pour la remplir de ses droits dans la
succession de son père, et il restera démontré qu’elle n’a
absolument rien pu recevoir pour la succession à échoir
de sa mère. Reprenons en détail tous les objets.
1 9. On est persuadé que les experts ont estimé à moins
de l,ooo'tt' de leur valeur les immeubles qui leur ont été
indiqués, ce qu’on pourroit vérifier par l’amendement de
rapport qu’on a demandé subsidiairement ; mais laissons
cet article dans ce moment pour mémoire seulement.
2 0. On a omis dans le rapport des experts l’estimation
de trois corps d’héritages quineleur ont pointété indiqués.
Ces héritages ont été désignés dans l’écriture signifiée de
la part des demandeurs, le 2 septembre 17 9 0 , qui est sous
la cote I du second sac de leur production. C e sont des
héritages connus dans le pays sous le nom vulgaire de
Brughas; c’est-à-dire, des terres froides qui servent le plus
ordinairement de pacages, mais que cependant on défriche
quelquefois pour leur faire produire des récoltes de temps
à autre. On veut bien ne porter ces trois héritages qu’au plus
bas prix possible , et n’en supposer la valeur qu’à 600^.
Mais les experts ont encore omis un objet immobilier
A 3
�( O
'
dont il est facile , sans leur secours , de fixer la valeur ;
c’est une boutique de maréchal qui, à l’époque de la mort
de Gabriël Gazard, premier du nom , étoit affermée par un
bail encore alors subsistant, moyennant 1 8 cartons de seigle
par a n , avec la charge du ferrage des bestiaux de la mai
son. Quand on n’évalueroit le carton de seigle qu’à 1 5 ^ ,
les 18 carrons monteroient à 1 3 ^ io ^ , dont le capital
seroit de 2 7 0 ^ ; et à l’égard du ferrage, ce seroit bien peu
l’estimer que de le fixer à 40’*" par an ; mais réduisons-le
de moitié , et ne le portons qu’à 20 ^ . L e capital seroit
de 4oo't+' à ajouter aux 270'*' pour le capital des 18 car
tons de seigle ; ce qui feroit un tout dè 6 70^ .
L e défendeur n ’a point contesté ni l’existence de la
boutique dont il s’ag it, ni qu’elle fît partie de la succes
sion de l’auteur commun. Mais il a prétendu que cette
boutique faisoit partie de la maison qui a été estimée par
les experts. A cet égard , le rapport des experts ne
confirme pas cette assertion ; il n ’y est fait nulle mention
de cette boutique. D ’un autre côté, on peut d’autant
moins présumer qu’ils aient entendu la comprendre dans
leur estimation de la maison , que cette boutique en est
absolument détachée , et à plus de 18 toises de distance.
A u reste , on trouve dans l’inventaire la preuve que
cette boutique dépendoit de la succession , puisque le
bail de ferme de cette boutique fait la cote 31 de cet
inventaire , qui fait encore foi que le prix du bail étoit
de 18 cartons seigle. Il est vrai qu’il n’est pas parlé, dans
l’inventaire , de la condition du ferrage des bestiaux de
la maison , que l’on s’est borné à évaluer à 2 0 ^ par an ;
mais les demandeurs avancent le fait comme positif j et
�il doit passer pour t e l , jusqu’au rapport du bail com
pris dans l’inventaire, le q u el, ainsi que celui de tous
les titres inventoriés , est constamment à la charge du
défendeur.
Un autre objet encore , qui doit être ajouté à la
m asse, pour une somme quelconque, est l’office de no
taire royal , d o n této it pourvu l’auteur commun. Il est
vrai que cet office étoit tombé aux parties casuelles ,
d ’où il fut relevé par le défendeur ; mais il n’en doit pas
moins rapporter la valeur de cet office à la masse, sous la
déduction de la finance qu’il a payée aux parties ca
suelles , d’après les quittances qu’il en doit représenter.
Indépendamment de l’office de n otaire, il faut encore
ajouter à la masse la valeur de la pratique. A cet égard,
l’inventaire fait foi de l’exercice de cet office , par
l ’auteur com m un, pendant les années 1 7 1 5 , i j i 6 ,
1 7 1 7 , 1 7 1 8 , 1 7 1 9 , 1720 et 1 7 2 1 ; c’est-à-dire ,
pendant sept ans , puisqu’on trouve dans cet inventaire
l ’état des minutes des actes qu’il avoit reçus pendant ces
sept années.
On ne croit donc pas excéder, en portant la valeur ,
tarit de la pratique que de l’office , et déduction faite
de la finance payée aux parties casuelles , à une somme
de 1,0 0 0 'tt'.
Au surplus , on a prouvé dans les précédentes écri
tures et mémoires , par l’autorité de deux arrêts du
conseil , de 1 636 et de 1 61 9 , rapportés par Denisart,
que pour un office levé aux parties casuelles , la préfé
rence est accordée aux plus proches parens du défunt ;
que c’est en considération de la succession 5 que
A 4
�(
8
)
cette préférence est établie. C ’est en vain que le défen
deur a prétendu que la préférence n’a lieu qu’en faveur
des plus proches parens qui auront fait les diligences
pour lever l’office , et contribué au paiement du prix ,
dans le temps de préférence. Cette objection se dissipe
facilem ent, si l ’on fait attention qu’à la mort de son
père , Jeanne Gazard avoit à peine deux ans , et
qu’elle étoit hors d’état de faire aucune diligence pour
la levée de l’office. E lle étoit encore mineure, lorsqu’elle
se maria en 174^ ; à cette époque , l’office de son père
n ’étoit pas encore levé aux parties casuelles ; son frère
n ’en étoit pas encore pourvu , puisque , dans le con
trat de mariage de sa sœur , il ne prend que la qualité
de praticien , et non pas celle de notaire. Or , par ce
contrat de m ariage, Jeanne Gazard ayant fait une renon
ciation au profit de son frère , il n ’est pas surprenant
que celui-ci ait seul fait les diligences nécessaires pour
la levée de l’office ; mais comme ce n’est qu’à la faveur
de sa renonciation , que Jeanne Gazard a été éloignée
de concourir à ces diligences , il en résulte justement
que j la renonciation se trouvant n u lle , son frère doit
lui communiquer le bénéfice obtenu , par la levée aux
parties casuelles de l’office du père commun , à la suc
cession d u q u el, elle ou ses enfans se trouvent rappelés
par la nullité de sa renonciation.
5 0. Enfin , on doit augmenter la masse de la succes
sion , de l’excédant de la valeur du mobilier , au par
dessus la somme de 1,700 ^ , à laquelle il se trouve seu
lement évalué , par la déclaration mise en marge de
l’inventaire 3 pour la fixation des droits de contrôle ;
�( 9 )
.
et cet excédant doit plus que doubler et tripler la som m e/
de 1,7 0 0 ^ . C ’est ce qu’il est facile de ju ger, seulement
par le détail de ce mobilier , compris dans l’inventaire ,
et dont on a déjà présenté un tableau estim atif, par
approximation , dans l’écriture du 2 septembre 1 7 9 0 ,
sous la cote i ere. du second sac de la production des
demandeurs , et par lequel on a porté ce mobilier à
3,079 ■*" 19 ^ ; mais réduisons-le encore , si l’on veu t,
à 2,4.00'*' ; ce sera cette somme de plus à ajouter à la
masse.
E n réunissant toutes les sommes qu’on vient de prou
ver devoir être ajoutées à la masse de la succession de
Gabriel G azard , premier du nom , sans y comprendre
l ’augmentation de valeur des immeubles indiqués aux
experts , augmentation qu’opéreroit certainement un
amendement du rapport d’experts, et qu’en attendant on
n ’a présentée que pour mémoire, toutes ces sommes monteroient à celle de#4,67o'tt\ Otons un quart à prélever
par le défendeur, qui seroit de 1,16 7 '* ' 10 6 ; les
trois quarts restans sont de 3,502 ’**" 10 J , dont il
xevenoit la moitié à Jeanne Gazard, qui est de 1 , 7 5 1 ^
5 J , qui , ajoutée aux 2,6 0 1'*' 10 J , pour sa part ,
expliquée ci-devant dans l’estimation des experts , ou
dans les 1,70 0 ^ de la déclaration du m obilier, mise en
marge de l’inventaire , détermineroit l’intégrité de son
amendement dans la succession de son père , à une
somme de 4,3 53
15 J , et par conséquent à 1 , 353^*
15 J , au-delà de la dot de 3,000 ^ , qui fut le prix dû
sa renonciation à la succession échue de son p è re ,
et à celle à échoir de sa mère j d’où il reste démontre
�( IO )’
qu’il n ’y a pas eu de prix pour la renonciation de la
succession à échoir, puisque la dot est même fort infé
rieure à ses droits dans la succession échue.
Encore n ’a-t-on pas parlé des restitutions de jouissan
ces que Jeanne Gazard auroit eues à réclamer de sa por
tion , dans les biens de son p'ere. Sur quoi il est bon
d ’observer que , quand on auroit pu déduire sur ces
jouissances sa nourriture et son entretien, toujours
auroient - elles présenté un excédant assez intéressant ,
sur-tout eu égard à la fortune des parties ; mais même on
n ’auroit pu répéter ces nourritures et entretiens que pour
les premières années de l’enfance de Jeanne Gazard ;
parce qu’une fois parvenue à l’âge de 1 1 à 1 2 ans, elle les
avoit bien gagnés par son travail ; car il ne faut pas seu
lement considérer l’état de notaire de son père et de son
frère , il faut aussi faire attention qu’ils ténoient en même
temps auberge dans leur maison, et Jeanne Gazard y
faisoit le service d ’une domestique. On ne' doit pas être
étonné qu’un notaire fut en même temps aubergiste ; le
fait est vrai, et ne peut être contesté par le défendeur.
Ensuite il y en avoit sur-tout dans ces temps-là plusieurs
exemples dans les campagnes, et on en connoît de temps
encore moins reculés.
Concluons que dès à présent il est plus que démontré
que la dot de 3,000 ^ faite à Jeanne Gazard, ne remplissoit
pas à beaucoup près ses droits dans la succession de son
père ;q in ls ’enfalloitaum oinsdeplusde i^ o o ^ e t p a r c o n
séquent qu’on ne peut pas trouver dans cette dot un prix
quelconque applicable à sa renonciation à la successsion
échoir de Marguerite Bouchet, sa mère : donc nous sommes
�y
( 11 )
dans l ’ espèce la plus favorable du principe enseigné par
l’auteur du traité des successions, qui annulle la renoncia
tion faite unico pretlo à deux successions, Tune échue et
l’autre a échoir , puisqu’il est évident que le prix de cette
renonciation n’a pas même, à beaucoup près, rempli les
droits de la succession échue, et n’a rien laissé pour le
prix de la succession à échoir, comme il le faudroit dans
l ’adoucissement apporté à la règle générale par le préjugé
de l’arrêt de Pont-Carré.
M ais, encore une fois, ce que l’on ne présume p a s, s’il
restoit encore l’ombre de difficulté, au moins n’y en auroitil pas à ordonner l’amendement de rapport, dont en tout
les demandeurs ont offert d’avancer les frais.
E n fin , si cet amendement de rapport étoit ordonné, il
seroit à propos pour ne plus y reven ir, de tracer la marche
des bouveaux experts, il faudroit leur prescrire , i Q. outre
la nouvelle estimation des immeubles indiqués aux pre
miers exp erts, d’estimer encore les trois héritages connus
vulgairement sous le nom de B ru ghas, et désignés dans
l’écriture des demandeurs, du 2 septembre 1 7 90; 2 °. d’es
timer la valeur de la boutique de m aréchal, omise par les
premiers experts 5 3 0. d’estimer aussi l’office et pratique
de notaire, sous la déduction de la finance payée par le
défendeur aux parties casuelles; 40. enfin, d’estimer éga
lement les m eubles, bestiaux et effets mobiliers compris
dans l’inventaire de la succession de Gabriel G azard ,
premier du nom.
ü n pourroit sans doute borner ici la défense des de
mandeurs, et négliger ses objections auxquelles on a déjà
suffisamment répondu dans les mémoires et écritures qui
�( 12 )
ont précédé ; aussi ne va-t-on que parcourir et rappeler
.rapidement les principes qui détruisent la seule objection
sur laquelle le défendeur paroît encore insister; c’est celle
de la prescription.
On ne parle que du moyen de prescription ; c a r ,
pour la fin de non recevoir des dix a n s , quoique le
défendeur ait encore voulu en p a rle r, il faut absolument
récarter dans l’espèce où il s’agit de la renonciation faite
sans prix à une succession , et on vient de voir qu’il n’y
a point eu de prix pour la succession maternelle à échoir.
Or 5 le dernier commentateur de notre coutume , M.
Chabrol , qui avoit été le défenseur du défendeur dans
toute cette affaire , et qui étoit l’auteur de tous ses mé
moires et écritures, enseignoit sur l’art. 25 du tit. 14 ,
tom. 2 , pag. 4 15 , que l’action pour faire prononcer la
nullité d’une renonciation faite sans p rix , avoit la même
durée que l’action en partage des biens de la succession,
et par conséquent q u ’il ne peut y avoir à cet égard d’autre
prescription que celle de 30 ans.
On ne doit pas non plus faire attention à la garantie
de la renonciation que l’on avoit fait stipuler au mari ,
parce qu’une telle garantie d’une renonciation n u lle, et
¿ ’une nullité qui ne procède pas seulement de la minorité ,
jiiais qui se tire ex visceribus rei> doit suivre le sort de la
renonciation qui est annullée.
D ’ailleurs, la sentence interlocutoire a nécessairement
préjugé qu’il ne pouvoit y avoir lieu à la lin de non rece
voir de dix ans ni à la garantie du m ari, sans quoi l'inter
locutoire eût été absolument inutile , et les demandeurs
eussent dû dès-lors être déchus de leurs prétentions.
�( >3 ) .
. Venons-en donc à la prescription. ..On( pourroit direr
encore à cet égard que la sentence interlocutoire a aussi
préjugé qu’il n ’y en avoit p a s , puisque l’interlocutoire
auroit été également inutile , s’il y avoit eu prescription.
Mais dans le fait il n’y avoit pas lieu à l’opposer.
Cela est d’abord certain à l’égard de Jean n e Devèze
et de Jean Dev'eze, deux des défendeurs. E n effet, à la
mort de Jeanne G az ard ,leu r mère , qui étoit née le 27
janvier 1744 , et qui décéda.le premier décembre 1765 ,
la prescription n ’avoit pu courir que pendant les 20 ans
et 1 5 jours de majorité qui se trouvent dans^cet intervalle.
O r, Jean n eD evèze n ’a été majeure que le 2 août 1 780 ,
et de ce jour à celui de la demande qui est du 25 juillet
1 783 , il ne se trouve pas trois années entières : donc il
n ’y avoit eu à son égard que 23 ans d’utiles pour la pres
cription , et il en auroit fallu 30. Il y a encore un an de
moins à l’égard de Jean Devèze qui ne parvint à sa majo
rité que le 24 septembre 1 781 .
Il faut avouer cependant qu’à l ’égard des trois autres
enfans , Gabriël, Michel et Marie D evèze, il auroit couru
plus de 30 ans utiles; mais dans la circonstance, Gabriël
Gazard ne peut point leur opposer la prescription ; parce
que si elle avoit l ieu, ce ne seroit pas à lui, mais aux
deux autres enfans, Jeanne etJean D evèze, qu’elle pourroit
profiter, et sans doute, ils sont bien les maîtres de ne pas
s’en prévaloir contre leurs frères et sœurs.
C ’est aussi ce que la sentence interlocutoire paroît
encore avoir préjugi , sans quoi ils auroient été dès-lors
déclarés déchus de leurs prétentions, et cet interlocutoire
n ’auroit été ordonné qu’avec les deux enfans contre les
quels il n ’avoit pas couru 30 ans utiles.
�..
. '( <I 4 )f f' •i ' Tr‘ f- j r
-s ~
Mais on a d’ailléurs parfaitement'démontré dans le
premier mémoire des demandeurs par l ’autorité des l oi s,
et la doctrine de le Brun et celle du savant R icard , que
‘les enfans seuls contre lesquels la prescription n’auroit
pas opéré , auroient profité des portions de ceux contre
lesquels elle se seroit accomplie par l’effet de l’accroisse
ment qui a lieu entre les héritiers ab-intestat, et qui ne
se fait qu’à ceux de la même branche , et non à ceux d’une
autre branche. L e cas particulier de la prescription ne
change rien à l’effet de l’accroissement qui auroit lieu par
une répudiation ou une abstention des cohéritiers de la
même branche ; idemque e r it, dit la lo i, et si tempore exçlusus sit. Ainsi il est évident c[ue si Gabriël, Michel et
Marie Devèze .avoient pu perdre par la prescription les
droits qu’ils avoient comme héritiers de leur mère dans
la succession de leur a ï e u l , et de leur grand’mère , ces
droits n ’auroient accru'qu’à Jeanne et Jean D evèze, leur
sœur et leur frère^ e.t non à Gabriel G azard, second du
n o m , leur oncle.
On se persuade donc d’avoir solidement établi les de
mandes qui ont été formées contre le défendeur. Il doit
même dès-à-pjésent paroître très-évident que Jeanne
Gazard n’a pas été repiplie, à plus de 1,2 0 0 ^ près, de sa
portion dans les biens de son père, par la dot de 3,0 0 0 ^
qui fit le prix de sa renonciation , et que par conséquent
la renonciation à la succession de la mcre se trouve sans
prix ; c,e qui opcre la nullité de la renonciation, tant pour
l ’une que pour l’autre successions. L ’insuffisance dé la
dot de 3,ooo‘t+' devroit donc des-à-présent être regardée
comme démontrée , sans ^u’ilfut besoin d’en venir à une
�(1 5 )
nouvelle estimation. C e ne peut donc être que très-subsi~
diairement qu’on a demandé un amendement de rapport
ma i s , en tout c a s , s’il pouvoit encore rester l’ombre
difficulté, cet amendement ne pourroit etre refusé, dès
. que les demandeurs offrent d’en avancer les frais.;
Monsieur D E V A L , Rapporteur
Me. A N D R A U D , Avocat
a
M A N D E T , je une , Avoué
. à
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Devèze, Jean. 1792]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Deval
Andraud
Mandet
Subject
The topic of the resource
successions
renonciation à succession
donations universelles
dot
tutelle
office de notaires
pays de droit coutumier
prescription
doctrine
experts
fraudes
minorité
Description
An account of the resource
Titre complet : Troisième mémoire. Réponse au second mémoire du défendeur. Pour Jean Devèze, Jeanne Devèze, sa sœur, fille majeure, tant en son nom propre et privé, qu'en qualité de cédataire de Michel et Marie Devèze, ses frère et sœur, tous héritiers de Jeanne Gazard, leur mère, et par représentation de Gabriel Gazard, leur aieul, et de Marguerite Bouchet, leur grand'mère, demandeurs. Contre Gabriel Gazard, second du nom, leur oncle, notaire royal, habitant de Saint-Mary-le-Plein, défendeur.
Annotations manuscrites avec transcription de l'arrêt, les 3 héritiers majeurs ont été déclarés non recevable et la demande en partage a été acceptée pour les deux autres.
Table Godemel : Mineur : une renonciation faite par une fille mineure, dans son contrat de mariage en 1743, autorisée par sa mère qui était sa tutrice, au profit de son frère, à la succession échue du père et à la succession à échoir de la mère, moyennant un prix unique, est-elle nulle, surtout, lorsque dans le même contrat la mère commune fait au fils donation universelle de tous ses biens, sans avoir rendu compte de la tutelle ? si la prescription trentenaire est acquise contre quelques-uns des demandeurs, et que la minorité des autres ait conservé leurs droits, les mineurs ont-ils relevé les majeurs ? en tout cas ces mineurs peuvent-ils profiter des droits des majeurs par droit d’accroissement ? 2. une renonciation faite par une fille mineure, dans son contrat de mariage, en 1743, autorisée par sa mère qui était sa tutrice, au profit de son frère, à la succession échue du père et à la succession à échoir de la mère, moyennant un prix unique, est-elle nulle, surtout lorsque, dans le même contrat, la mère commune fait, au fils, donation universelle de tous ses biens, sans avoir rendu compte de la tutelle ? le délai pour se pourvoir en rescision contre cette renonciation est-il de dix ou de trente ans ? Rescicion : le délai pour se pourvoir en rescision contre une renonciation à succession échue du père et à échoir de la mère, est-il de dix ou 30 ans ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1792
1721-1792
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
15 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1005
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1002
BCU_Factums_G1003
BCU_Factums_G1004
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53103/BCU_Factums_G1005.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Mary-le-Plain (15203)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
doctrine
donations universelles
dot
experts
fraudes
minorité
office de notaires
pays de droit coutumier
prescription
renonciation à succession
Successions
tutelle
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53102/BCU_Factums_G1004.pdf
8180c952e621e3562f8081511308938f
PDF Text
Text
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R É P O N S E
POUR
Me.
G
a b r i e l
G A Z A R D , Notaire
royal , Défendeur,
AU SECOND MÉMOIRE
De
J
e a n
,
J
e a n n e
& G
a b r i e l
D EVEZE
Demandeurs.
LE fieur Gazard a établi dans fon premier Mémoire que
les Défendeurs , qui font les enfants de Jeanne Gazard , fa
Tante, font non-recevables & mal fondés à réclamer contre
la renonciation que leur mère a faite en faveur de fon frère
par fon contrat de mariage aux fucceffions de fes pere &
mère , l’une échue & l’autre à écheoir ; ils y font nonrecevables, parce que tous ont laiffé paff er le terme de dix
ans de majorité auxquels l’ action récifoire eft b o rn é e; &
A
�même de cinq enfants qui ont fuccédé à Jeanne Gazard , il
y en a trois qui ont laifle accomplir la grande prefcription
de trente ans ; les Demandeurs qui ont acquis leurs droits
pendant l’inftance , ont donc acheté une adion vaine &
illufoire , & celle qu’ils ont de leur chef ne l’eft pas moins ,
parce que les dix ans fuffifent pour repouffer leur prétention.
Ils font auili mal fondés que non-recevables, parce que
Jeanne Gazard avoit reçu plus que fa portion afférente dans
la fucceifion échue de fon p è re , & qu’elle pouvoit renon
cer pour le prix le plus médiocre à la fucceifion à écheojr
de fa mère ; elle avoit renoncé à la fucceifion éch u e,
moyennant la légitime qu’il lui avoit lui-même aifignée par
fon teftament qu’elle avoit approuvé, & un fupplément en
fus ; & quand les deux prix ne feroient pas' ainfi diftingués
l ’un de l'au tre, il demeure convenu entre les parties qu’il
fuffifoit que le prix total furpaflfât la portion de la renon
çante dans la fucceifion échue ; cette circonftance fe rencon
tre encore dans l’efpèce.
Quoique ces motifs fuifent décififs, néanmoins la Sénéchauifée d’Auvergne a ordonné par Sentence du y Septembre
1 7 8 6 , une eftimation par experts des biens de la fucceifion
de Gabriel Gazard & de Marguerite B ouch et, auxquels
Jeanne Gazard , leur fille , avoit renoncé ; mais elle avoit
ainfi jugé fous la réferve expreife du droit des parties au
principal, & dans lefpérance fans doute que les moyens de
fait viendroient à l’appui de ceux de droit ; elle ne s’étoic
pas trompée dans cette attente.
En e ife t, il réfulte du rapport d’experts , que les biens
de Gabriel G azard, p ère, étoient dune valeur de cinq mille
deux cents foixante-dix livres ; & ceux de Marguerite Bou**
�//
cîiet, m ère, de deux mille quatre cents quatre-vingt livres ;
il ne revenoità Jeanne Gazard que la moitié des trois quarts
de la première fom m e, parce que Gabriel G azard, père ,
avoic inftitué autre Gabriel G azard, fon fils, Défendeur, Ton
héritier univerfel, à la charge d’une légitime de mille livres
envers Jeanne Gazard ; elle pouvoit l'approuver ou ne pas
1 approuver; mais au moins la difpofition valoit en faveur de
1 héritier inftitué pour le quart, ce qui réduifoit Jeanne
Gazard à une moitié dans les trois quarts, montant à dixneuf centsfoixante-onze livres cinq fous, fur une maiTe fixée
a cinq mille deux cents foixante-dix livres ; or elle a reçu trois
mille livres & un troufleau confidérable , elle a donc eu douze
cents vingt-huit livres quinze fous & fon troufleau au-delà
de fa portion afférente dans les biens paternels éch u s, fie
cette fomme feroit plus que fuffifante pour fervir de prix à
fa renonciation à la fucceifion maternelle ; elle pouvoit
renoncer a une fucceifion à écheoir pour une fomme môme
inférieure a fa légitim e; or dans une malle portée par les
experts à deux mille quatre cents quatre-vingt liv re s, la lé
gitime qui étoit un fixième , ne feroit montée qu’à quatre
cents treize livres fix fous huit deniers; o r, fuivantla jurifprudence la plus certaine, l’incertitude de l’événement valide
les renonciations aux fucceffions à éch eoir, pour une fomme
bien inférieure à la légitime de droit.
Il eft vrai que les Demandeurs veulent faire ajouter à la
malTe de la fucceifion paternelle, le mobilier que , félon e u x ,
ies experts n’ont point eftimé ; mais le prix fe trouve fixé
par 1 inventaire des biens du père , à dix-fept cents livres, ôç
c ’eft parce que les experts ont trouvé cette eftimation jufte,
«ju’ils s’y font référés y la moitié des trois quarts d’une fomme
A 2
�4
de dix-fept cents livres , feroit de fix cents trente‘ fept liv.
dix fous ; l’on a vu déjà que Jeanne Gazard avoit reçu
onze cents vingt-huic livres quinze fous & un troufleau audelà de fa portion dans les immeubles ; en ajoutant à cette
première fomme celle de fix cents trente-fept livres dix fous
pour le mobilier j ces deux fommes n’en compoferoient
qu'une de deux mille fix cents treize livres ; or Jeanne
Gazard a reçu trois mille livres & un troufleau ; il y auroit
donc toujours un excédant de trois cents quatre-vingt-fept
liv re s, & le troufleau à imputer fur la dot maternelle ; ce
qui feroit plus que fuffifant.
Les Demandeurs critiquent l’eftimation des experts ; ils
difent qu’il n’eft pas vraifemblable qu’un domaine à deux
paires de bœ ufs, ne valût, lors du mariage de Jeanne Gazard ,
que cinq mille deux cents foixante-dix livres ; mais les ex
perts ne l’ont porté qu’à cette fom m e, & depuis quand
fixe-t-on fur des vraifemblances la valeur du bien ; d’ailleurs
où font même les preuves de cette vraifemblance con
traire à l’eftimation ? les experts affurent que le domaine
eft fans fourrage, l’eftimation des Demandeurs fur de pré
tendues vraifemblances prévaudra-1 - elle à une eftimation
judiciaire ? d’ailleurs „ fi le domaine vaut plus aujourd’hui ,
c ’eft par les améliorations que le Défendeur y a faites :
vainement les Demandeurs répondent - ils qu’il n’étoit dû
aucun compte des améliorations faites par le D éfendeur,
parce qu’il ne les a faites que depuis la renonciation, &
que le domaine n’a été eftinié que relativement au temp*
de cette renonciation ; cettetobfervation eft fophiftique : c’eft
parce que le domaine n’a dû être eftimé que ce quJil valoir
au temps de la renonciation, qu’il a fallu diftraire les amé
�liorations perfonnelles âu Défendeur., qui en. âugmentoient
l ’ancienne valeur : au furplus, les experts n’ont point eu
¿gard à ces am éliorations, & c'eft au Défendeur à fe plaindre.
Un fécond reproche qu'on fait aux exp erts, c'eft d’avoir
Omis d'eftimer trois Bruyeres qui dépendent, dit-on du
domaine dont il s’a g it; mais ces Bruyeres font trois petits
com m unaux, dont l’un eft indivis avec trois v illa g es, ôc
chacun d’eux n’a pas produit à tous les propriétaires
enfemble, trois deniers en vingt ans : il eft ridicule d’oppofer
au Défendeur qu'il n’a pas déclaré ces trois êtres de raifon
aux experts ; il n’étoit pas préfent à leurs opérations, &
les Demandeurs ne les quittèrent point ; ils doivent donc s’en
prendre à e u x -m êm es, s'ils n’ont pas ofé faire connoître
ces précieux héritages aux experts ; mais leur rapport prouve
qu’ils les ont vus , & ils ont jugé qu’ils n’étoient pas fufeeptiblçs d’eftimation.
* L es Demandeurs reprochent en troifième lieu aux experts
'de n’avoir pas parlé d’une maifon fervant de boutique à
un Maréchal : il n’exifte dans la fucceiTion qu’une maifon,
. & elle eft entrée dans Teftimation. On y a pratiqué un
petit réduit pour former un travail de M aréch al, mais ce
réduit fait partie de la m aifon, & cette maifon a été eftiin ée; ils demandent un bail à loyer de cette loge qu’ils difent
inventoriée fous la cotte 51 de l’inventaire de Gabriel Gazard ;
on ne voit pas ce qui pourroit réfulter de cette produ&ion,
puifque la maifon dont la loge fait partie , a été eftimée ea
fa totalité ; mais le fieur Gazard n’a point ce b a il, & ne
la jamais eu en fon pouvoir.
On veut faire entrer un nouvel objet dans la mafïe des
Jrïens paternels, c’eft l’Office de Notaire donc Gabriel Gazard
�7«
5
¿toit pourvu 6c fes minutes : mais l’Office a été concédé
au fieur G azard, fils, par les parties cafuelles, & la pratique
de cet Office étoit un être de raifon ; Gabriel Gazard
étoit nouvellement reçu à fon Office de N otaire/q u ’il n’a
exercé que pendant trois an s, quoique les Demandeurs eri
fuppofent cin q , & cela ne rendroit pas leur droit beaucoup
plus confidérable, car le produit de ces minutes ne s’efï
pas ¿levé au-deiîus de trente fous pendant tout le temps
de l’exercice du fieur Gazard , fils ; le défunt avoit fait un
état de fes minutes j fur lequel on peut en- prendre une
idée.
Les Demandeurs prétendent que la conceffion qui a été
faite au fieur Gazard de l’Office de fon p è re , doit tournée
en faveur de la fuCceffion, parce que, difent-ils, des Arrêts
du Confeil de 1636 & de 1 7 1 P , accordent la préférence au
plus proche parent du défunt ; ces Arrêts qui font un règle
ment entre les enfants & les veuves des O fficiers, fe réduifent à accorder la préférence aux premiers fur les veuves
non communes, & il ne s’agit point ici de cette queftion
de préférence entre une veuve & des enfants; mais il n’y,
a point d’Arrêt du C o n feil, ni d’autre Tribunal qui porte
que , parmi les enfants du titulaire, le R o i ne pourroit pas
en choifir un préférablement aux autres ; au contraire, l’Arrêe
du Confeil du 1 1 Septembre 17 3 6 , réduit à un mois le droic
de préférence des héritiers les plus proches fur l’étranger, & à
plus forte raifon fur les propres co-liéritiers , & il y eft ajouté
qu’en levant l’Office par le plus proche parent dans le mois
de préférence, les quittances en feront expédiées fous h
noiji de celui qui fe trouvera le flu s proche, ou qui rap~
portera le confentctnent des autres parents au me me degrc t
�yj
qui auront f a i t , comme lu i, leurs diligences pour lever ledit
Office j & qui auront contribué au paiement du prix Audit
Office dans le mois de préférence au moyen de quoi lefdits
"parents difpoferont dudit Office dans le mois de préférence.
Ici Jeanne Gazard n’a point fait de foum iflion, ni de dili
gen ce, elle n’a pas contribué au paiement du p r ix , elle ne
peut donc avoir part à l’O flice, aux termes de TArrêt du
Confeil de 1636. Il fe trouve dans le recueil de D énizart,
verbo Paulette , N °. 18.
C ’eft avec raifon qu’on a diftrait de la maiTe trois ou
quatre petits billets , montant enfemble à quarante deux liv.
'dix-huit fous, puifqu’ils n’ont pu être recouvrés, & qu’on
les rapporte : les Demandeurs difent que la tutrice a dû les
faire rentrer ; m ais, en fe difant héritiers de la tutrice j ils
font bien tenus autant de fes faits que le père du Défendeur.
Quel appui f r i v o l e p o u r p r o u v e r laléfion ,que celui de pareilles
& de fi modiques promettes; il eft vrai que les Demandeurs
en indiquent un autre de quarante-cinq fous.
A l’égard des meubles dont les principaux étoient huit
lits de cabaret, & de m uletiers, les Demandeurs ne juftifient
fur aucune bafe l’eftimation exceiïive qu’il leur plaît d’en
fa ire , & les beftiaux étoient, lors du décès de Gabriel Gazard,
du prix le plus médiocre.
*
Les Demandeurs propofent d'ajouter au mobilier de Ga
briel Gazard l’intérêt de ce mobilier pendant la tutelle de
la m ère; mais cet intérêt, ainfi que le produit des immeu
bles, étoit néceifaire pour l’entretien 6c les aliments de Jeanne
G azard , 6c certainement fon revenu étoit trop modique
pour lui permettre des épargnes; d’ailleurs il en feroit reve
nu encore plus au fieuç G azard, fils, parce qu’il avoic le
,
�s
quart en précîput : enfin ie peu de meubles que Gabriel
G 3z a rd avoit l 3i(Té,étoità l’ufage même des mineurs, comme
les lies , le lin g e , & c. E t quand on dit que les dépenfes des
mineurs doivent être réglées de manière que tous leurs
revenus ne foient pas confommés, cela s’entend relativement
à l’objet de leur fortune ; car on ne peut pas porter le
même jugement du mineur qui a des biens confidérables „
& de celui dont le revenu eft à peine fuffifant pour ie nécef*
faire ftri£h
E n fin , quand il feroit poiTtble d’adopter quelqu’un des
objets ajoutés par les Demandeurs, il s’en faudroit encore
à beaucoup que la dot de Jeanne Gazard fût inférieure à ce
qui lui revenoit dans les biens paternels.
M ais la queftion de fait eft furabondante, quand elle eft
écartée par une de droit. O r il eft certain que Jeanne Gazard
avoit renoncé aux fuccefiîons paternelles & maternelles,,
moyennant deux prix féparés ; en ce que le prix de fa renon
ciation eft fixé à la fomme de trois mille livres , dans laquel
le font compris, dit-elle, les mille livres à elle conflituées
par fon père ; or c’eft donc au moins cette fomme de mille
livres qui a fait le prix de la renonciation aux biens pater
nels ; les prix font donc diftin&s, & il n’étoit pas néceffaire qu’ils le fuifent, dès que le total étoit fupérieur à la
valeur de la fucceflion échue.
Mais quand Jeanne Gazard auroit eu le droit de fe pour
voir contre fa renonciation, le délai n’auroit été que da
dix an s, & ce terme s'eft écoulé à l’égard de tous fes enfants,
même celui de trente ans par rapport à trois d’entre e u x ,
& déduftion faite "de toute minorité.
On ne fait ou les Demandeurs ont 'puifé q u e, dans les
principes
�y/
principes du fieur G azard , l’aétfon pour fe pourvoir contre
une telle renonciation, duroit autant que Ta&ion en parta
ge ; les principes qu’on lui reproche feroient bien erronés >
mais il ne les a jamais propofés •' d’ailleurs , TatHon en par
tage feroit elle-même preicrite , vis-à-vis trois des enfants
de'‘Jeanne Gazard , qui ne l'ont demandée qu’après un efpace de trente ans.
Suivant les Demandeurs , Marguerite Bouchet devoit un
compte à Jeanne Gazard , lorfqu’elle a renoncé ; fuivant eux
encore Jeanne Gazard a renoncé à.fon p rofit, quoique fa
renonciation ait été dirigée en faveur de fon frère y parce
que cette renonciation libéroit Marguerite Bouchet du
compte qu'elle devoit à fa fille ; ils concluent de-là que
cette a&ion a duré trente ans, parce que Jeanne Gazard a
traité fans un compte préalable.
'M ais toute cette gradation de prétentions en démontre
facilement le vice ; Marguerite Bouchet n’a point profité de
la renonciation de fa fille , pour fe fouftraire au compte
quon prétend qu’elle lui d evo it, & dont l’a&ion , dit-on ,
a paflfé à fon fils, cédataire de fa fœur ; la renonciation faite
au fils de la tutrice , frère de la renonçante, n’eft pas cenfée
faite à la m ère, mais bien perfonnellement à un frère , fuivant le vœu de la Coutume ôcl’ufage de la Province, & au
jugement du père ; c’eft évidemment parce que le fieur G azârd étoit frère de Jeanne Gazard , qu’elle a renoncé en ik
faveur, & nullement parce quJil étoic fils de fa tutrice: on
a déjà donné les preuves de cette propofition, & on les a
appuyées fur la jurifprudence ; vainement dit-on que le fils
eft devenu, par le même contrat de mariage , & par une
claufe poftérieure, donataire de fa mère ; d’un côté , il n’efi;
B
�. 10 ' r . r
pas moins vrai que c eft en fa qualité de frèré , 6c non d'en
fant? d e la, tutrice , qu%la renonciation a été faite , & fa
fœxir a ifuiwMen cela le vœu »paternel, puifque Gabriel G azatdV ert’ inftituanù fôn-fils fon-héritier univerfel, avoit léw
gitîtaé-Jeanne .Gazard ; c’eft donc ,par refpeâ: pour le jugement paternel * & en entrant dans l’efprit de la loi , qu’elle
a renoncé \ Ôc non pas^'en confidération de fa mère , ni
pour lui plaire-, ou 'lu i obéir } enfin , les difpofitîons de là
mèfe^ en faveur 'd e fon«fils j ont demeuré fans e ffe t, pui£
quelles n’ont pas été infmuées ; & il eft frivole de répondre
qu’il n'a pu faire perdre à fa, fœur un droit qui lui étoic
acquis , en fe difpenfant de faire infinuer la donation ; il étoic
bien-le maître fans doute de fe départir directement de fa
donation ; c’eft un principe certain que tout donataire peuc
abdiquer expreiTément, ’ &• en tout tem ps, attendu que ce!
qui eft fait par: un principe de' libéralité , ne peut jamais de?;
venir onéreux i tels font les principes de Ricard & de tous|
les Jurifconfultes.
Enfin , quand la donation faite par Marguerite Bouchée
au fieur G azard , ne feroit pas poftérieure à la renonciation ±
(co m m e elle l’eft dans l’ordre de l’écriture) ? quand elle fe
roit valable nonobftânt le défaut d’infinuation , & quand
elle n’auroit pas pu être abdiquée , comme elle l’a été ; en{
omettant cette infmuation , quel empire le fieur Gazard au-*
roit-il pu acquérir fur fa fœ u r, pendant que le Notaire écri-:
voit le contrat ? Quel afeendant auroit-il pu prendre fur
elle , dans un aufli court intervalle, pour devenir incapable
d’accepter de fa part une renonciation ? Q uieft-ce quilgnore
que l’obftacle où eft le tuteur de traiter avec fon mineur *
provient de l’autorité qu’il a fur lui ; ôc le fieur Gazard pou-
�11
voit-il en.avoir acquis fur, fa 4foeur en c o n flu e n c e d’une
Jdonation que lui -fit fa mère , dans la fuite du même a£te
.qui contient la renonciation de Jeanne Gazard ? Peut-on
recourir à des préfomptions ii frivoles, quand on a fous les
yeux la preuve évidente des motifs qui déterminèrent Jeanne
. Gazard le vœu de fo n père 6* de la loi ;. & quand il fau'droit confidérer la renonciation ôc la donation , comme faites
dans la même minute conjointement , il en réfulteroit les
mêmes conféquences contre les Demandeurs.
On ne peut tirer aucune indu&ion de ce que Jeanne Gâzard a été autorifée dans fon contrat de mariage par fon
frère ; cette autorifation qu’il n’avoit point droit de faire ,
& qui étoit parfaitement in u tile, a été furément du ftyle du
N otaire, fans l’aveu d’aucune des parties, & il ne peut rien
en réfulter,
t e s Demandeurs terminent leur mémoire par des répé
titions de plufieurs moyens infoutenables 5 ils difent que
Jeanne Gazard n’a pu agir pendant le mariage j parce que fon
mari étoit garant ; on leur a répondu qu’il eft faux que le
mari fut garant, puifqu'en donnant quelqi^e crédit au moyen
de Jeanne Gazard, il étoit commun à fon m ari; les Deman~
deurs annoncent même ce principe, & ils prétendent, fe met
tre à l’abri de l’application, en difant qu’il étoit naturel que
Jeanne Gazard n’exerçât point une a&ion qui pouvoit trou. bler la paix de fon ménage. Mais prémièrement l’on voit
que le mari n’étoit pas garan t, & rien n’empêçhoit qu’il
ne fe réunît avec fa femme pour un intérêt commun à l’un
& a l’autre ; de plus, l’a&ion étoit paraphernale à la femme >
& fuivant la Coutume elle n’étoit point, quant à le x e r j
fcice d’une pareille a& ion} en la puiiTance de fon mari.
�v .'
r\ i
E n fécond lieu , c’eft tomber dans une contradi&ion bien
étrange de reconnoître que le mari n’étoit pas garant, &
néanmoins de foutenir que la femme ne pouvoir pas agir ;
puifque le raifonnement fe réduit véritablement à dire que.,
quoique le mari ne foit pas garant, néanmoins la queftion
doit être décidée comme s’il l'étoit. L e fophifme faute aux
y e u x , & il eit bien fingulier qu’on fe permette d’avancer
que ce moyen eft avoué par le Défendeur , au m oins, il ne
le feroit pas par la juftice qui connoît les loix.
Les Demandeurs conviennent que Jeanne Gazard a furvécu pendant 20 ans & iy jours à fa m ajorité, c’en étoic
aflez pour interdire à fes enfants toute opinion de retour ^
puifqu’elle en étoit déchue elle-m êm e depuis plus de 10
ans. Mais la prefcription a continué fur la tête de fes cinq
enfants, dont trois ont même laiiTé acquérir la prefcription
trentenaire.
C ’efl: une idée bien révoltante d’ofer dire que la prefcrip
tion acquife contre eux , a profité à leurs co-héritiers & non
au Défendeur.
D ’abord la révolution des dix ans a réu ill, & elle s’eft
opérée vis-à-vis tous.
Mais ils divifent ce dernier moyen en deux branches. Lai
première a pour objet de prétendre que la minorité d’un des
co-héritiers profite aux autres. On a établi à cet égard lea
principes les plus lumineux de la Jurifprudence , fuivanc
laquelle il faut diftinguer les chofes indivifibles de celles qui
font indivifes feulement. Les L oix , les Coutumes, les Arrêtsi
des différents Parlements , & tous les Jurifconfultes fe font
* réuni? fur, çette diftintlion. On oppofe en vain que la Sénéchauffée d’Auvergne avoit jugé le| contraire j mais elle 4
�Jrétra&é depuis fa Jurîfprudence, 6c quand elle ne lauroic
pas^ fa it, c’eft par les L o i x , fans doute, & non par les Au
torités qu’on fe détermine. On a dit d'ailleurs que les
Demandeurs ne prouvoient pas , & que le Défendeur ignoroit parfaitement que la SénéchauiTée d'Auvergne eût jugé
contre la prefcription , dans le cas d’une adtion révocatoire.
Que veulent dire encore les Demandeurs , en fuppofant,
pour la çroifième fois , que le Défendeur veut établir une
opinion contra.di3.oire à fe s propres principes. Ou a-t-il foutenu une pareille erreu r, ou ne l 'a - t - i l pas combatue au
contraire ?
On a ajouté avec raifon que s'il y avoit une diftin£tion à
faire dans la L o i qui a prononcé que le privilège du mineur
ne peut être invoqué par le majeur dans les chofes Ample
ment indivifes , ce ne feroit certainement point dans l’hy—
pothèfe d’a&ions refcîfoires & révocatoires , comme celle
dont il s’agit , 6c la négative a été jugée en effet par utv
Arrêt du 7 Février 1652 , rapporté par Catelan , L iv. I I I ,
Chap. X I I . Les Demandeurs difent qu’il ne s’agit point ici
d’une a&ion refcifoire , mais d’une action réelle ; comme ii
une a&ion refcifoire & refcindante ne pouvoit pas être réelle.
Mais , outre que le principe invoqué par le Défendeur ,
s applique à toute a£tion révocatoire , il fuffit de leur de
mander s'ils prétendent que l’a&ion foit indivifible ou non.
S i , avec l’évidence , ils la reconnoiifent divifible, c’eil
convenir tacitement que le privilège du mineur , relative
ment a la prefcription , ne fert point en général aux majeurs,
& par conféquent que cette prefcription feroit accomplie
contre trois des enfants de Jeanne G azard , quand, ce qui
n eft p oin t, elle feroit entière vis-à-vis les deux autresk|
�L â ' fé c o n d branehe.tfu dernier rroyen des Demandears
confifte à dit?e que la -jportÎQnïde celui;qui renonce à i’héré“
dicé , ou qui s’en abftienc, accroît à fes co h éritiers( ; mais
les trois enfants de Jeanne G azard , dont le-droit eft prefc r it , de l’aveu des Demandeurs , n’ont point renoncé, &
ne fe font pas abftenus de l’ hérédité ; la preuve fans ré
pliqué de cette vérité
preuve plus claire que le jo u r,e ft
que dans l’exploit introduûif de l’inftance ils agiflent tous
cinq en qualité d’héritiers de leur mère , & cette qualité
a été reconnue par leurs frères , qui font parties dans le
même exploit. Ce dernier moyen eft donc vraiment dérjfoire , & laifle trop à découvrir le jugement que les D e
mandeurs portent eux-mêmes de leur caufe. Ils abufent des
çxpreilions de Ricard , qui dit que ceux qui font incapa
bles de la fuccefjîon ou qui là répudient volontairement ,
font cenfés abandonner leur portion aux-autres parents ha
biles à fuccéder avec eux. Les trois enfants qui ont laiiTé
«acquérir la prefcription de 30 ans ,-n’ont ni renoncé volon*
tairement à la fucceilion de leur m ère, ni été dans l’inca
pacité de l’accepter. AuiH , lo in ,d’y renoncer , ils l’ont
-acceptée ; lqin qu’ ils aient été incapables de la recueillir,,
■leurs co-héritiers les ont reconnus habiles ,à. fuccéder avec
eux , & c ’eft en cette qualité d’héritiers qu’ils ont ailigné
le Défendeur.
Les Demandeurs ont encore reconnu la qualité des au
tres héritiers , en acquérant leurs droits fucceilifs ; il eft
«fmgulier de prétendre que ceux dont on a acheté les droits
fucceflifs , avoient renoncé à la fucceilion.
Les Demandeurs qui ne fe rendent à rien, propofent enfin
un amendement de rapport j mais ils ne peuvent être écoutés
,
�dans cette dernière retraite. D ’un cô té, les moyens de droit
font décififs contr’eux ; la Sentence interlocutoire les a
réfervés expreffém ent, & on ne fe diff imulera pas qu’il
eût été beaucoup plus régulier de déclarer d’abord les D e
mandeurs non recevables ; d'un autre côté., l’on n’ordonne
point le fécond rapport lorfque les réfolutions du premier
font claires & évidentes. E n fin , il s'agit ici d’un procès
du plus modique intérêt , dans lequel il n’y a déjà eu que
trop de frais. C ’eft l’application d’une des maximes de
L oifeil , Inftitut. L iv . I V , T i t I I I , Art. X V I I I ,
qui dit qu'en jugement d'un v il procès, il f e fa u t contenter
de ce qui s 'y trouve, fans y rechercher & interloquer
davantage.
Monfieur D U V A L ,
Rapporteur
B U S S A G t
A
D e l’imprimerie de M
R
I
a r t i n
L ib raire, v i s - à - v i s
O
A voué,
M,
D É G O U T T E
, Im prim eur
la Fontaine des Lignes, 1 7 911
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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A name given to the resource
Factums Godemel
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Gazard, Gabriel. 1791]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Duval
Bussac
Subject
The topic of the resource
successions
renonciation à succession
donations universelles
dot
tutelle
office de notaires
pays de droit coutumier
prescription
doctrine
experts
fraudes
minorité
Description
An account of the resource
Titre complet : Réponse pour maître Gabriel Gazard, notaire royal, défendeur, au second mémoire de Jean, Jeanne et Gabriel Devèze, demandeurs.
Table Godemel : Mineur : une renonciation faite par une fille mineure, dans son contrat de mariage en 1743, autorisée par sa mère qui était sa tutrice, au profit de son frère, à la succession échue du père et à la succession à échoir de la mère, moyennant un prix unique, est-elle nulle, surtout, lorsque dans le même contrat la mère commune fait au fils donation universelle de tous ses biens, sans avoir rendu compte de la tutelle ? si la prescription trentenaire est acquise contre quelques-uns des demandeurs, et que la minorité des autres ait conservé leurs droits, les mineurs ont-ils relevé les majeurs ? en tout cas ces mineurs peuvent-ils profiter des droits des majeurs par droit d’accroissement ? 2. une renonciation faite par une fille mineure, dans son contrat de mariage, en 1743, autorisée par sa mère qui était sa tutrice, au profit de son frère, à la succession échue du père et à la succession à échoir de la mère, moyennant un prix unique, est-elle nulle, surtout lorsque, dans le même contrat, la mère commune fait, au fils, donation universelle de tous ses biens, sans avoir rendu compte de la tutelle ? le délai pour se pourvoir en rescision contre cette renonciation est-il de dix ou de trente ans ?
le délai pour se pourvoir en rescision contre cette renonciation est-il de dix ou de trente ans ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Martin Dégoutte (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1791
1721-1791
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
15 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1004
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1002
BCU_Factums_G1003
BCU_Factums_G1005
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53102/BCU_Factums_G1004.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Mary-le-Plain (15203)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
doctrine
donations universelles
dot
experts
fraudes
minorité
office de notaires
pays de droit coutumier
prescription
renonciation à succession
Successions
tutelle
-
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PDF Text
Text
//
SECOND MÉMOIRE
APRÈS LE R A PPO R T DES E X P E R T S , O R D O N N É
PAR L A S E N T E N C E IN T E R L O C U T O IR E .
P O U R J ea n D E V È Z E , J e a n n e D E V È Z E , sa sœur,
fille M ajeure, et
G
abriel
D E V É Z E , leur frère, tant
en son nom propre et privé, qu’en qualité de cédataire
de Michel et Marie D ev èze, ses frère et sœur, tous
héritiers
de Jeanne
G azard,
leur
mère ,
et par
représentation de Gabriel G a za rd , leur a ïe u l, et de
Marguerite B ou ch et, leur grand’mère, Demandeurs.
C O N T R E M e . G a b r ie l G A Z A R D
,
second du nom
,
leur o n cle, N o ta ire R o y a l, habitant de S a in t-M a ry le -P lein , Défendeur.
J ea n n e G a z a r d , mère des d e m a n d e u r s , a renoncé
en minorité, et par contrat de m ariage, pour un seul
A
f i*
�H
( O
- .
et même p r ix , aux deux successions de ses père et
m'ere , l’une échue et l’autre à écheoir.
C e t acte a été consenti sous l’autorisation expresse
de la mère , tu trice, et du frère de la renon çante,
au profit de qui la renonciation étoit faite.
Celui-ci devenu par le même acte donataire universel
de sa m ère, est aussi devenu en même temps débiteur
du compte de tutelle que sa donatrice n ’avoit pas
rendu.
Comme plusieurs vices essentiels infectoient cette
renonciation, on a pris la précaution de la faire garantir
par le futur de la renonçante, et celui qui alloit devenir
son beau-père.
L a renonçante a vécu vingt-deux ans dans les liens
du mariage ; e t , retenue par le motif des garanties
stipulées, elle n ’a osé demander la nullité d ’une renon
ciation surprise à sa foiblesse et à l’ignorance où elle
étoit du véritable état de la fortu n e de son père.
Ses enfans, m ineurs, lors du décès de leur m ère,
ttmajeurs à des époques différentes, n ’ayantpasles mêmes
motifs d ’honnêteté publique qui avoient retenu leur
m ère, qui l ’avoient empêché de relever le vice radical
de nullité de sa renonciation, ont enfin invoqué le
secours de la lo i, et pris surabondamment des lettres
de rescision contre la renonciation de leur mère; ils
ont demandé la nullité de cet acte, et à être réintégrés
dans le droit de demander le partage des deux succes
sions contre leur o n c l e , sans toutefois préjudicier à
l ’effet des dispositions testamentaires faites en sa faveur,
�. (
F
<5 )
en tant qu’elles n ’excéderoient pas la quotité disponible
par la coutume.
Gabriël G a z a r d , oncle des dem andeurs, a fourni
des défenses ; et sur les productions respectives des
parties, il a été ordonné 3 le 5 septembre 1786, avant
faire droit définitif, et sans préjudice des fins et moyens
de droit, qu’estimation seroit faite par experts des
biens-meubles et immeubles provenus de chacune des
successions dont il s’agit.
L ’expérience a été faite quant aux im m eubles, et
elle est rapportée. C ette estim ation, défectueuse par
plusieurs omissions im portantes, fixe à une somme
de 5,270 liv. la valeur des immeubles paternels, et à
2,480 liv. celle des immeubles maternels.
Mais il y avoit dans la succession paternelle un
mobilier considérable, consistant tant en meubles meub la n s , qu’en bestiaux , denrées et effets m obiliers,
tels que des billets et obligations consentis au profit
de l’auteur com m un, par divers particuliers, et exigibles
a son décès , les minutes de l ’office de n o taire , dont
¿toit pourvu le d é fu n t, et enfin l’office même de
notaire.
11 n ’est point fait mention de ces divers articles, dans
le rapport des experts, quoique la sentence porte que
1 estimation sera faite tant des biens-meubles que des;
biens-immeubles. L e défendeur a produit un inventaire
de ses biens-meubles, commencé par Gabriel Gazard ,
auteur com m un, peu de temps avant son d écès, et
achevé le 4 août 1721 , par le juge de la terre et seigneuA 2
�%
■-*»
(
4
)
rie de S a in t-M a ry-le-P le in . Il est dit dans cet inventaire
que les parties ont déclaré que les meubles ne sont que
d e l à valeur de 1,700 liv. compris les obligations, chetels,
bestiaux et meubles.
U n e clause du testament de Gabriel G azard , premier
du nom , déclaroit Marguerite Bouchet exempte de toute
reddition de compte envers ses enfans, si elle en acceptoit
la tutelle, de là les .parties présentes à l’inventaire furent
moins attentives à porter le mobilier à sa juste valeur,
soit qu’elles fussent retenues par cette considération ,
soit par le désir de ménager les intérêts de la vc-uve, en
présentant un résultat qui fut sujet à moins de contrôle.
Aussi le défendeur, quelque soin qu’il ait mis à d épo
ser ce m obilier, n ’a pu se dispenser de rendre hommage
à la vérité de cette assertion , puisqu’il le porte à une
somme de 150 liv. au-dessus de l’estimation insérée dans
l ’inventaire 9 c e lu i-c i fixe le mobilier à 1,700 liv. et le
défendeur à 1,850 liv. 14 sous. Mais cette évaluation est
encore très-inférieure à la valeur rée lle, comme il sera
facile de le démontrer.
A v a n t d ’en venir à cette discussion, il est bon de
rappeler que Gabriel G a z a rd , défendeur, avoit été insti
tué par le testament de son p è r e , son héritier universel,
à la charge par lui de payer à Jea n n e, sa sœ ur, une dot
de cent pistoles, et que les avantages faits par testament
du père au fils, en pays coutum ier, se réduisant de droit
a u q u a r t de ses b iens, Jeanne Gazard amandoit moitié
dans les trois quarts qui restoient.
L ’on v o it en conséquence que rien n ’a
¿té
négligé
�( .5 }
dans les diverses estimations pour empêcher que la
portion de Jeanne Gazard atteignît la somme de 3,000 1.
qui lui a été constituée en dot par sa mere et son
frere, par la raison que l’on espéroit que ce qu’il
s en faudroit pour attein dre'cette somme de 3,000 hv.
seroit considérée comme représentant le prix de la dot
constituée par la mère.
O r , tous les efforts du défendeur se bornent à pré
senter un résultat d ’après lequel il paroit que Jeanne
Gazard auroit reçu une somme de 329 liv. 14 sous 9 den.
au-delà de ce qui lui revenoit dans, la succession de
son père, et qui devroit, par conséquent, être imputée
sur le prix de sa renonciation à la succession maternelle.
C ette prétention est-elle fondée ? est-elle même vrai
semblable /
Il suffit pour la renverser d ’établir que la succession
paternelle s’élève à une somme de plus de 660 livres
au-dessus du prix de-l’estimation des immeubles et de
celle des effets mobiliers, d ’après le calcul du défendeur.
Car il ne s’agit pas ici d’une demande en restitution
de sommes, mais d ’une demande en partage des effets
appartenans aux deux successions. Ainsi donc il suffiroit
que les demandeurs prouvent que la somme de 3,000 1.
constituée en dot à leur m ère, et la valeur du trousseau
qui augmente cette constitution n ’excède pas ce qui lui
revenoit dans la succession de son père : o r, rien de
si facile.
10. Quant à l’estimation des immeubles p atern els, il
est ¿vident par soi-même qu’elle est inférieure à la vraie
�Vv
( o
valeur.Com ment concevoir, en effet, qu’un domaine du
labourage de deux paires de bœufs n ’ait été estimé ,
même à l’époque de la renonciation de Jeanne G a za rd ,
qu’à une somme de 5,270 livres/ C e que l’on dit d ’ail
leurs du peu de fourages qu’il y a dans ce dom aine,
est absolument supposé. On n ’a jamais acheté de foin
pour les bestiaux ; au contraire, il y a toujours eu des
prés de réserve affermés ; il faut donc qu’il y ait des
fourages suffisans , puisque ce domaine a toujours com
porté la tenue de 8 à 10 bêtes à cornes. A u surplus,
les améliorations prétendues faites p a rle défendeur, sont
absolument chimériques ; et d ’ailleurs, les expertsn’ayant
fait leur estimation qu’à l’époque de la rer o iciation , ils
n ’auroient dû tenir aucun compte des améliorations
postérieures à cette époque.
20. Les experts ont déclaré qu’ils n ’auroient point
considéré les c o m m u n a u x dépendans de ce do m a in e,
comme un objet de p roduit, s’ils n ’çn eussent été requis ;
m a is, on n ’a point présenté à leur estimation les trois
bruyères dont il a été parlé, et ces trois bruyères ne sont
point des communaux, mais des propriétés particulières
de la succession de Pauteur commun. L e défendeur est
donc coupable d ’avoir caché aux experts ces trois héri
tages particuliers.
30. L a boutique de maréchal n ’est point un effet de
si petite importance que le défendeur voudroit le faire
croire ; qu’il consulte le bail à rente qui en a été consenti
à son profit en 1 7 5 2 , et on ne craindroit pas de dire
qu’il ne céderoit pas son marché pour un principal de
�(
7)
.7 à Soo livres., trois setiers de seigle et toute la façon
des meubles et ustensiles en f e r , à l’usage de sa maison
et de son dom aine, y compris le ferrage des bestiaux.
Telles sont les conditions de cet acte. L ’évaluation de
ces ouvrages, dans le co n tra t, à la quantité de deux
quartons seigle, ne séduira pas, sans doute, le lecteur. 11
falloit une évaluation quelconque pour le contrôle, et la
moindre possible étoit celle qui naturellement convenoit
aux parties. Celui qui consentoit la rente déclare, dans
cet a c t e , qu’il en avoit joui pendant longues années ; il
en connoissoit donc bien la valeur ; son appréciation sert
à la fixer. L ’on peut même assurer que telles étoient, du
temps de l ’auteur com m un, les conditions de sa jouis
sance, à l’égard des fournitures et du ferrage. On le
prouveroit aisément, si le titre ne fut resté entre les
mains du défendeur ; car il est certain, par la cote 3 1
de l ’inventaire, qu’il existoit dans la succession, au décès
de Gabriel Gazard ; on n ’a donc pu confondre cet article
dans l’estimation générale des bâtimens ; il avoit un objet
y*
particulier , et on ne l’a pas même porté à son taux , quand
on l’a estimé seulement 360 livres. Il faut de plus estimer A n ttuU iuut# *',
les fournitures et le ferrage^si le défendeur prétend l e ^
contraire,
n ’a qu’à rapporter le bail compris dans Y ' \ n - f i t U '
ventaire./£pur ce qui concerne l’office de n o ta ire, il a i / J ? / *
dit-on, été levé aux parties casuelles par le fils du titu/
laire, et on prétend en conséquence q u’il est sorti de la / ^ *
succession paternelle. C ’est une erreur ; deux arrêts du
conseil, l’un du n juillet 1 6 7 6 , l’autre du 13 octobre*
l 7 l 9 y cités par D en isa rt, au mot paillette, ont jugé que
2/1
« ^
*******^
�I
)b
(
8
)
le droit de préférence appartenoit aux plus proches parens
du défunt : o r , l’usage est au conseil, de taxer modéré
ment ces sortes d ’offices, en faveur des héritiers qui les
demandent. On ne dira pas certainement que cette préfé
rence est dévolue de droit personnellement à l'héritier
(fui l'eve l’office : on voit clairement, et Denisart cite
plusieurs arrêts qui l’ont ju g é , que c ’est en considération
de la succession que cette préférence est accordée au
proche parent qui lève l’office. L a succession entière doit
donc jouir de cet avantage, et celui qui est pourvu ne
peut exercer de répétition que pour ce qui lui en a coûté
pour parvenir au rachat. L ’office de notaire dont il s’a g it,
fait donc partie de la succession, moins ce qu’il en acoûté
au défendeur pour lelever aux partiescasuelles. D é p lu s ,
Gabriel Gazard a été notaire cinq ans et d e m i, et non trois
ans, comme le prétend le défendeur qui voudroit induire
de cette assertion, que ses minutes sont de peu de
valeur. On n ’a donc rien dit de trop, quand on a estimé
l ’office et les minutes, cent pistoles.
, .>
'
V ,
. ^
, succession patern elle, pour prouver que Jeanne Gazard
n ’avoit pas été satisfaite poür ce qu’elle amandoit dans
*W
'
.
. *
, ,
,
cette succession. Nous voici certainement bien au-dessus
du compte.
-
* C e n ’est pas tout: le défendeur distrait de la succession,
sous des prétextes frivoles, plusieurs sommes dues par
:
•
Il ne falloit trouver que 6 à 700 livres de plus dans la
■
> V
v a*.
billets. Il prétend, que certains billets q^i font les articles
y, * 5 , 1 2 et 1 3 , dans la dernière écriture des demandeurs,
et qui s’élèvent \ une somme de 42 livres 18 sous, doivent
être
�être rayés de compte,sous le prétexte qu’ils sont rapportés
et qu’on n ’a pu en être p a y é , parce que ces billets sont
^ 1706 et 1709. L e défendeur ne peut disconvenir
qu’aucun d ’eux n ’étoit prescrit, puisque Gabriel Gazard
n ’est mort que le 4 août 172 1. Ils existoient donc à cette
epoque dans sa succession, et s’ils sont prescrits depuis,
c ’est la faute de M arguerite B o u c h e t , t u t r ic e , et du '
V.«v’
défendeur qui s’est emparé des titres, et qui n ’établissent y „ iî#
aucunes diligences, par eux faites, pour le recouvrem ent „
v
r
üe ces sommes ; d ’où il résulte une action en garantie en
,
faveur des demandeurs contre le défendeur, donataire d e ^
*
sa mère. L a valeur de ces effets doit donc toujours entrer
'
dans la masse de la succession.
.
'*■**"* A ^ ‘ V* * *•
L ’article 15 indiqué sous la cote 43 de l ’inventaire, e s " ^ * ^ ^ .1^ *
sous la cote 45 , et il est de 45 sous. Mais le défen deu r^ ; -+x. t ,■ • f,: décèle tout-à-fait son in tention , quand il estime les ^
^
meubles meublans et bestiaux qui se sont trouvés dans .
la succession du d éfu n t, l ’on juge aisément qu’il craint _
de ne pas trouver un excédant pour représenter la succes7
sion maternelle.
Selon l u i, dix lits, tout le linge pour la garniture de
ces ü t s , celui destiné à l’usage ordinaire de la maison,
lous les autres m eubles, huit bêtes à cornes, dont quatre
d c c u i s dans la force de l ’â g e , trois vea u x, une jum ent,
cent betes à la in e , et.le s ustensiles du labourage du
dom aine, ne valent que 1,018 liv. Les demandeurs
croient n ’avoir pas exagéré en les portant à 2,400 liv. le
défendeur retranche, tout d’un coup sur cet article,
^382 liv. Y auroit-il quelque excès dans l’estimation des
^
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( 10 )
. demandeurs ? au moins se flattent-ils qu’elle ne pourroit
souffrir une diminution si exorbitante.
E t encore si le défendeur bomoit là ses prétentions !
mais il va plus loin ; il retranche en entier l’intérêt du
mobilier, et soutient que parce qu’on lui alloue les jouissances des immeubles, on doit aussi lui allouer les intérêts
mobilier. U n peu de réflexion cependant lui feroit
considérer que Jeanne Gazard et lui étoient dans la plus
ten^re enfance à la mort de leur père ; qu’ils n’étoient âgés
<îue de deux et trois ans; que pendant un temps très-con-
* ^rnnrr / r f ^ idérable 1,eurs nourriture et entretien, ont été d ’une
modique dépense : une complaisance devient pour lui un
titre pour en exiger une autre. L a cour sera, sans d o u te,
judicieuse; elle pensera que le revenu d ’un domaine
4i~H*MÎ0t€y
deux paires de bœufs, a dû suffire pendant long-temps
2
j XA/M~à<j/iuAc^Uj^auiXê^AUli^ la nourriture et à l’entretien de deux jeunes enfans. Les
d Ali^rflemandeurs seront admis à répéter les intérêts d ’un mobiconsidérable, de la comprise duquel se trouve une
;
près de 900 liv. exigible à la mort de l ’auteur
y __
^ fb r tC Î tJ S Ù L r
*
C ette demiere reflexion n a besom que d ’être présentée
frapper l ’attention des juges ; car en supposant que
j ftttniJuw
^es meubles m eublans, doit dans l’espèce être
| *t* ¿>Tt,
considéré du même œil que la jouissance des immeubles,
i
£t-*Y Ù A Îôù *.y i# U au moins ne peut-on refuser celui des 880 liv. montant
iQtU-jCU ¿fcz.
<
,
I
— des billets et obligations ; ce qui fait au moins un principal
pour les 23 années qui se sont écoulées de la mort de
.p v v u ' G a b r i e l
G a za rd , premier du n o m , à la renonciation de
liu î& r U Ï — Jean n e, sa fille.
¿u a i
{afàÂü*S*'
/ ÿ jtv ù t- 9
vm.
4
-vut&A/uM******* ~&c^ jî* d u /tA^ •
�( ■
■)
Pour se convaincre de la légitimité' de cette demande 3
il suffit de rapporter ce que dit M. Doinat, d ’après la dis
position des loix, livre 2, des tuteurs, section 3 du titre i :
Les dépenses pour l ’éducation des mineurs, doivent être
réglées , de sorte que tous les revenus n 'y soient pas con
sommés■
, et il ajoute que la loi prescrit de prendre l ’âge
des mineurs, en considération. Ætatem etiam contemplari
debet. Fût-il âgé plus favorable que celui des mineurs dont
il s’agit
Les demandeurs sont donc' bien fondés dans la répéti- tion des intérêts du mobilier : o r , la somme à laquelle ils
s’élèven t, excède de beaucoup celle q u’il falloit pour
épuiser la constitution dotale qui lui a été faite, et repré
senter le prix du trousseau qui étoit de peu de valeur. L a »
mère des demandeurs n ’a donc pas même reçu en dot une
somme à beaucoup près équivalente à la moitié des trois
quarts de la succession paternelle. E lle n ’a donc rien
reçu pour la succession maternelle ; sa renonciation est
donc bien dans l’espèce de l’arrêt de Poncarxé; elle est
sans p rix, et par conséquent nulle.
Dans les principes même du défenseur du défendeur,
1 action'qui tend à faire prononcer la nullité de cette
renonciation, doit avoir la même durée que l ’action en
partage des biens de la succession. L ’action dont il sagit
n est donc plus dans l’espèce des actions rescindantes et
rescisoires, pour l’exercice desquelles la loi n ’accorde
que dix ans.
Il
ne s’agit donc plus d’examiner si Jeanne Gazard a
dû agir dans les dix ans qui ont suivi sa renonciation ;
• B 2
�( rO
mais si la prescription de 30 ans est acquise contre les
demandeurs. On a fait la preuve du contraire dans le
mémoire imprimé, et signifié au défendeur. O n se con
tentera d ’en rappeler les moyens sommairement, et d ’y
ajouter peu de réflexions.
Mais avant de passer à ces m o yen s, il est bon d ’ob
server que Jeanne Gazard étoit mineure, quand elle a
traité sous l’autorité de sa m ère, sa tutrice, et de son
frère, directement au profit de celui-ci, et indirectement
au profit de sa m ère, puisque, par sa renonciation, elle
la dispensoit du compte de tutelle. O r, les actions qui
qui résultent de pareil traité, durent 30 ans, de l’avis du
défenseur du défendeur. Vainement il relève avec affec
tation l’erreur prétendue des demandeurs, de citer un arrêt
rendu sur les conclusions de M. l’avocat général, Joli de
Fleury, tandis qu’il n ’existe point. Q u ’importe que l’arrêt
ait été rendu ou non sur les conclusions ? L e principe
existe et est conforme aux conclusions de cet avocat géné
ral ; le défendeur en convient; il nous suffit : l’application
seulement est importante. L a renonciation a été faite au
profit de la m ère, si elle en a retiré quelqu’avantage : o r ,
elle en a retiré l’avantage d’être tenue quitte de son compte
de tutelle. A la vérité le défendeur, son fils, en est devenu
débiteur en acceptant la donation que sa mère consentoit
en sa faveur, dans le même acte; ensorte que par les
mêmes principes qui annullent les renonciations faites au
profit des tuteurs, il n ’a pu accepter celle faite par sa
sœur, en sa faveur, sans compte préalable rendu, non visis
tabulis. O r, la raison de nullité des actes passés entre les
�( >5 )
tuteurs et les mineurs, n’est pas seulement leur foiblesse ;
1 ascendant du tuteur, mais plutôt le défaut de connoissances où se trouve le mineur, de l’état de l’objet sur
lequel il transige, quand il ne lui a pas été rendu compte.
En vain le défendeur soutient-il qu’il n ’a été donataire
qu’après la renonciation, et que par conséquent il n ’a pu
contracter une dette envers celle qui avoit déjà renoncé
en sa faveur. On répond que la donation et la renonciation
n ’ont eu d’effet qu’au moment de la signature du notaire.
C ’est cette signature qui a fixé l’instant des conventions ;
il n’y en a eu qu’au moment même où cette signature a été
apposée à l’acte. C ela est si vrai, que jusqu’à la signature
du notaire , chacun a été libre de tout engagement. L e
défendeur s’est d o n c , dans le même instant, constitué
débiteur du compte de tu telle, et en a reçu quittance
sans l’avoir rendu ; ce qui donne lieu à une action qui
dure 30 ans ; on peut même dire qu’il s’est donné luimême cette quittance, puisqu’il autorise sa sœur dans cet
acte, conjointement avec sa mère ; conduite qui peut être
arguée de dol et de surprise, et qui donne par conséquent
lieu à l’action de 30 ans.
A la vérité le défendeur oppose qu’il a renoncé à
la d on ation , en ne la faisant pas insin uer, comme
S1 ce défaut d ’insinuation qui n ’est pas du fait de la
renonçante, pouvoit lui nuire , en validant sa renoncia
tion. C est un astuce de plus de la part du donataire,
et qui prouve combien peu la bonne foi présidoit à
toute cette contexture de conventions.
L ’on peut donc , attendu les nullités radicales de
�(14
)
renonciation, et sans renoncer aux moyens de droit
qui ont été déduits dans les écritures et dans le premier
mémoire imprimé, s’en tenir à rappeler quelques-uns des
moyens qui établissent que la prescription de trente
a ïs n’est point acquise contre les demandeurs.
Ils se réduisent à deux : le premier est que Jeanne
G azard, par principe d’honnêteté publique, n ’a pu agir,
lors et constant son mariage ; qiioique l’on convienne
avec le défendeur que la garantie de son mari n’étoit
pas fondée, parce que la nullité étoit radicale, parce
que ses exceptions étoient plus réelles que personnelles,
il étoit cependant tout naturel que Jeanne Gazard
craignît d ’intenter une action qui pouvoit troubler la
paix de son m én age, et dont on conteste si fort la
validité. C e moyen est avoué par le défendeur, et
cependant il n ’eût pas moins éxigé des démarches qui
auroient inquiété le mari. Réfuter son objection plus
lo n g - te m p s , seroit se répéter.
Mais la prescription eût-elle commencé à courir pen
dant la durée du m ariage, elle n ’auroit pu s’accomplir
sur la tête de Jeanne Gazard qui est décédée après
vingt ans et quinze jours de majorité ; elle n ’a p u ,
dans ce c a s , continuer son cours sur la tête de
tous ses enfans : deux d ’entr’eux n ’ont été majeurs
qu’en 1780 et 1781. Il ne peut y avoir de difficulté
pour ces deux derniers, puisque l’ation a été intentée
en 1783.
Mais l’on a démontré que la prescription acquise contre
�( 15 )
trois des demandeurs ne peut profiter au défendeur ;
-qu’elle tourne seulement à l’avantage de ceux des deman
deurs, qui sont dans le temps d ’agir.
Plusieurs moyens péremptoires ont été présentés ; le
premier est conforme à la jurisprudence constante du
siège, attestée par le défenseur du défendeur, M. Chabrol,
dans son commentaire de la coutume, suivant laquelle il
a été décidé qu’en choses indivises, le mineur relève le
majeur. L e défendeur prétend, à la vérité, que les actions
rescindantes et rescisoires, sont limitativement person
nelles ; il ne veut pas considérer qu’il ne s’agit pas ici
seulement d ’une action résultante de la qualité de mi
neur de la renonçante, mais bien plutôt d’une action réelle,
d une exception tirée ex visceribus rei> qui par conséquent
ne sauroit être sujette aux règles ordinaires touchant
les actions rescisoires ; ainsi vainement diroit-il que la
cour n ’a jamais jugé qu’en matière rescisoire , le mineur
ne relève point le majeur. Il ne cite d ’ailleurs aucune
sentence confirmative de la nouvelle opinion qu’il veut
établir contradictoirement à ses propres principes ; le
moyen reste donc dans toute sa force.
L e second m oyen consiste dans le droit d ’accroissement
de la portion de celui qui renonce ou qui s’abstient en
faveur des cohéritiers de la même branche ; ce m oyen
a été clairement développé dans le premier mémoire,
et l’on a lieu d ’espérer que le défendeur ne réussira pas
à persuader que les demandeurs ne sont pas dans l’espèce
des principes que l’on a établis d ’après les autorités de
Lebrun et de Ricard. L a réflexion que fait le défendeur,
�( \6 )
en disant qu’aucun des héritiers ne s’est abstenu et n ’a
renoncé; que tous ont agi; qu’ils sont tous en cause, et
que les demandeurs sont en contradiction avec euxmêmes, en disant que la portion de ceux qui se sont
abstenus, accroît aux autres. Il suffira pour lui répon
dre de lui rappeler les expressions du savant Ricard,
au lieu cité dans le premier mémoire. S i, dit-il, quelquesuns des héritiers ab-intestat sont incapables de la succes
sion ou la répudient volontairement, leur part et portion
accroît aux autres du même degré avec lesquels ceux qui
renoncent ou qui sont inhabiles à succéder étoient con
jointement appelés par la loi. C eux qui ont laissé
accomplir la prescription sont les inhabiles à succéder
dont parle Ricard ; c ’est ce qui est exprimé par cette
partie de la loi 23, ff. u lt.d e innoff, test, idemque erit etsi
tempore exclusus sit. V oilà le cas de la prescription bien
prévu:ainsi, que l’action de quelques-uns des enfans soit
prescrite, ou qu’elle ne le soit pas, peu im porte, puisque
leurs portions accroissent non à leur on cle, mais à leurs
frères, parce qu’ils ont une même manière de succéder.
L ’objection tirée de la prescription, est donc totalement
anéantie.
L ’expérience ordonnée par la sentence est toute en
faveur des demandeurs; elle vient à l’appui de leurs
moyens de droit exposés dans le premier mémoire, et
résérvés expressément par cette sentence ; ils sont dor.c
fondés à attendre un jugement favorable : si la cour y
voyoit cependant quelque difficulté, les demandeurs,
attendu le préjugé résultant de l ’expérience ordonnée,
�persistent dans les conclusions qu’ils ont prises, relati
vement à un amandement de rapport, parce qu’ils seroient
en état d ’établir que les immeubles paternels sont d une
valeur bien plus considérable que celle à laquelle les
premiers experts les ont portés.
Monsieur D E V A L ,
Rapporteur.
M. A N D R A U D ,
M.
A
M an det
Avocat.
jeu n e. Procureur.
R I O M , de l'imprimerie de L A N D R I O T , imprimeur
Libraire v is a v is la Maison Commune. 1791..
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Devèze, Jean. 1791]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Deval
Andraud
Mandet
Subject
The topic of the resource
successions
renonciation à succession
donations universelles
dot
tutelle
pays de droit coutumier
prescription
rescision
minorité
Description
An account of the resource
Titre complet : Second mémoire après le rapport des experts, ordonné par la sentence interlocutoire. Pour Jean Devèze, Jeanne Devèze, sa sœur, fille majeure, et Gabriel Devèze, leur frère, tant en son nom propre et privé, qu'en qualité de cédataire de Michel et Marie Devèze, ses frère et sœur, tous héritiers de Jeanne Gazard, leur mère, et par représentation de Gabriel Gazard, leur aieul, et de Marguerite Bouchet, leur grand'mère, demandeurs. Contre Maître Gabriel Gazard, second du nom, leur oncle, notaire royal, habitant de Saint-Mary-le-Plein, défendeur.
Annotations manuscrites sur le ferrage et des mesures de blé.
Table Godemel : Mineur : une renonciation faite par une fille mineure, dans son contrat de mariage en 1743, autorisée par sa mère qui était sa tutrice, au profit de son frère, à la succession échue du père et à la succession à échoir de la mère, moyennant un prix unique, est-elle nulle, surtout, lorsque dans le même contrat la mère commune fait au fils donation universelle de tous ses biens, sans avoir rendu compte de la tutelle ? si la prescription trentenaire est acquise contre quelques-uns des demandeurs, et que la minorité des autres ait conservé leurs droits, les mineurs ont-ils relevé les majeurs ? en tout cas ces mineurs peuvent-ils profiter des droits des majeurs par droit d’accroissement ? 2. une renonciation faite par une fille mineure, dans son contrat de mariage, en 1743, autorisée par sa mère qui était sa tutrice, au profit de son frère, à la succession échue du père et à la succession à échoir de la mère, moyennant un prix unique, est-elle nulle, surtout lorsque, dans le même contrat, la mère commune fait, au fils, donation universelle de tous ses biens, sans avoir rendu compte de la tutelle ? le délai pour se pourvoir en rescision contre cette renonciation est-il de dix ou de trente ans ?
le délai pour se pourvoir en rescision contre cette renonciation est-il de dix ou de trente ans ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1791
1721-1791
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
17 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1003
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1002
BCU_Factums_G1004
BCU_Factums_G1005
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53101/BCU_Factums_G1003.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Mary-le-Plain (15203)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
donations universelles
dot
minorité
pays de droit coutumier
prescription
renonciation à succession
rescision
Successions
tutelle
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53100/BCU_Factums_G1002.pdf
e17335bf383260dfaf717ad7fc5bb0ea
PDF Text
Text
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G a b riel
I
G azard
R
E
, Notaire - R o y a l,
Défendeur.
C O N T R E
G a b r ie l
Jean e t
D evèze 3
Jeanne
tant
D evèze , e t
en fo n nom y que
comme cédataire de M ichel & M arie Devéz e
fe s frère & fœur , Demandeurs.
Lse héritiers d’une fille qui a renoncé , par fon
contrat de mariage , en faveur de fon frè re ,
moyennant fa d o t , & qui a furvécu pendant plus
de vin gt ans de m ajorité, font-ils recevables à
réclamer contre cette renonciation ? les principes
& la jurifprudence ont bientôt décidé la queftion,
ou plutôt ils ne permettent pas de l ’élever : on
fera encore plus furpris en apprenant que trois des
A
�demandeurs ont laiifé écouler la prefcription de
trente ans utiles.
F A I T S .
>
D u mariage de Gabriel Gazard , avec Mar
guerite B o u ch et, iiîurent deux enfans, Gabriëlï
G a za rd , fécond du n o m , défendeur, & Jeanne
G a za rd , mère des demandeurs.
Gabriël G azard , mourut le 1 7 juillet 1 7 2 1 :
fes enfans étoient en bas âge ; fon fils n’avoit quer
trois ans. ‘
Par fon teflament du mois de juin 1 7 2 1 , il
nomma Marguerite B ou ch et, fa fem m e, tutrice ,
avec décharge de rendre com pte; il fixa la dot de
fa fille à une fomme de 1000 liv re s, & inftitua
fon fils fon héritier univerfel : la mère fut confir
mée tutrice le 24 juillet 17 2 1 , fous la même
condition^ & difpenfée également de rendre compte:
il fut procédé à un inventaire , & elle géra les biens,
jufqu’au mariage de fa fille qui étoit alors'dans ia
vingt-cinquièm e année. L e défendeur étoitâ gé de
vingt-cinq ans & un m ois, & encore clerc de pro
cureur en cette v ille , fa mère continua de gérer
pour lui-m êm e, après le mariage de fa fœ ur, comme
auparavant, & il n’eft point v r a i, comme on le dit
( pag. 2 ) , fans en tirer d’indu ¿ lio n , qu’à ia
majorité j il prît avec fa mère le gouvernement de;
�( 3 )
la maifon, puifqu il reila deux ans après le mariage
de fa fœur en cette v ille , en qualité de clerc.
Par le contrat de mariage de Jeanne Gazard ,
qui eft du 6 février 1743 > Marguerite Bouchet, fa
mere , ôc Gabriel Gazard, fon frère, lui conjlituèrent
pour toute part & portion dans la, fuccejfion échue
de fo n père, & dans celle à échoir de f a mère, un
troujj'cau & la fomme de 3000 liv res, pour toute
part & portion dans lefdites JucceJJions . . . . bien
entendu que la conjlitution que fo n défunt père lui
avoit f a i t e , f e trouve comprife & confufe dans les
préfentes, . . . moyennant q u o i, elle a renoncé &
renonce par ces préfentes , autorifée de fondit futur,
mLX fiïfdites deux fucceffions, T els font les ter
mes de l’a& e : ainfi le prix de la renonciation
aux biens paternels, écoit de 1000 liv re s, & la
dot maternelle de 2000 liv re s, outre le trouifeau.
Par une claufe poitérieure, M arguerite Bouchec
fit donation au défendeur de fes b ien s, fous réferve
de lu fu fru it.
L a totalité de la dot fut payée le 24 février
I 7 4 ?* Jeanne Gazard mourut le 12 décembre
176$ , après vingt-deux ans de majorité : ainfi, en
fuppofant qu’elle eût été lé fé e , ce qui n'efl: p oin t,
fa renonciation fe trouvoit confirmée par le laps
de temps.
Ses enfans ont encore attendu dix-huit ans après la
mort de leur m ère; ils ont été mineurs : mais
A 2
�( 4 )
Gabriel D e v è z e , l ’un -d’e u x , avoic trente-neuf ans
M ichel D evèze trente-fept, & Marie D evèze trentef i x , lors de la demande : ainfi il y avoit plus de
trente ans utiles , depuis la renonciation de Jeanne
G azard, relativement à trois de fes enfans, & environ
vin gt - cinq à l’égard des deux autres : M ichel &
Marie D evèze ont cédé leurs droits à Gabriel qui.,
de fon ch ef & du iien ( conjointement avec Jean
& Jeanne D evèze ) , ont formé une demande en
p artage, le 25 juillet 178 3 ; dans la fuite ils ont
obtenu des lettres de refcifion le 1 1 avril 1784*
- O n leur a oppofé la renonciation de leur m ère,
la prefcription de trente ans utiles écoulés rela
tivem ent à trois des .enfans de Jeanne G azard, la
fin de non recevoir des dix ans révolus, à l’égard
des autres, & l ’ordonnance de ij* 3 9 , qui fixe en
l ’art. 1 3 4 , le délai de la refcifion des aétes faits
par les mineurs , à dix ans après la majorité , fans
que poftérieurement ils puiifent y être admis , fous'
prétexte de nullité d3aliénation d’ immeubles, par
décret , ou auireriienti Les demandeurs ont agi après
quarante-deux ans de l’a & e , dont il y -en a plus de
trente utiles vis-à-vis trois des enfans, & vingtcinq contre les deux autres.
Ils ne fefon t pas rendus, Si ils oppoient, i° . que
la renonciation eilnulle en elle-même, parce qu’elle
a été fa ite , félon e u x , à deux fucceiîlons, l’une
.échue, l'autre à échoir,.moyennant un feui & même$
I
�u
■
(
s
)
......................................................................................................................................................................
prix; 20. que cette renonciation n’avoit point été
précédée de c o m p te , & qu’ elle a été faite en fa
veur d’un donataire de la comptable ; 30. que
la prefcription n’avoit pas couru pendant le mar
riage de Jeanne Gazard ; 4 0. que la minorité des uns
devoit profiter aux autres, & enfin , que par droit
d’accroiiTement, ceux qui viennent à la fucceiîion ,
ont droit à la portion des renonçans.
L e premier moyen s’écarte par deux motifs :
l’un, que la renonciation a deux prix ; l’autre, qu’un
feul iuffifoit, dès qu’il rempliiToit la part de la
renonçante dans la fucceiîion échue.
A u fécond m oyen, on répond que la renoncia
tion n’a point été faite à la mère , tutrice & déchar
gée de rendre co m p te, mais au frère, fuivant le
vœ u de la coutume & dans tous les cas l’aéHon
de trois des enfans de Jeanne G azard , ne feroic
pas moins prefcrite.
L e troiiième eft contraire au principe qui faic
courir la prefcription des aélions refcifoires pen
dant le mariage ; le quatrième moyen eft une erreur:
la minorité d’un des cohéritiers en matière refcifoire
n a jamais profité aux autres.
E n fin , la dernière objeélion des demandeurs
manque totalement d'application, puifqu’aucun des
enfans n’a ren o n cé, & la demande a été formée
* m em e, au nom de tous.: il s’agit de développer cesi
réponfes générales, auxquelles ¡’affaire fe réduit^
�M.
»4 .
m
^
|
R éponse a
i
la
pr em ièr e
'
O bjectio n .
L e s renonciations faites par les mineurs dans
les contrats de-mariage aux fucceflions échues, font
iujettes à refciiion ; celles aux fucceflions à échoir,
moyennant un p r ix , font valables. On eft furpris
que les demandeurs ofent dire ( pag. j ) que les
premières font nulles ; elles peuvent être annuliées,
û le mineur agit dans les dix ans ; mais perfonne
n’avoit encore prétendu qu’elles fuiTent nulles en
elles-mêmes : l’ordonnance de 1 5 3 9 , décide le con
traire.
L es demandeurs prétendent que les prix des
fucceflions échues & à é ch o ir, doivent être féparés : dans le fait ils le font ; dans le droit il
n'eft pas néceiTaire qu'ils le foient.
,
L e prix des deux renonciations de Jeanne Gazard, eft diftin<5t : ii la dot paroîc être d’abord
d’une fomme de 3000 livres en gén éral, on y
rappelle au fli-tôt la dot que le père avoit fixée pour
ce qui le concernoit : il eft dit que la conflituiion
fa ite par le père y demeure comprife & confondue ;
ainiî, en confultant le teftament du père, il eft évi
dent que le prix de la renonciation à la fucceflion
échue, eft de 1000 liv re s , & celui de la fucceflion
à é ch o ir, de 2000 livres,
Il eft très - indifférent qu on n’ait d it, ni quelle
/
�( 7 )
étoit cette fomme , ni par quel a&e elle avoit été
fixée : outre que le teftament & fes difpofitions
étoient très-connues dans la fam ille, il iuffit qu’il
exiftât,& que la dot paternelle y fut réglée à io o o liv .:
pour qu'une renonciation qui rappelle cette d is
position, & . qui y eft relative,, foit réputée fa ite ,
moyennant la même fomme de io o o livres : la
mère donne 3000 livres , la dot réglée par le père
comprife & confondue. C ette dot pour les biens*
paternels étoit réglée à 1000 livres : la renonciation
à la fucceiîion paternelle avoit donc un prix de
1000 livres; le furplus repréfentoit la dot maternelle ;
a in fiily a eu deux prix diitin<5ts ÔC féparés, & de
plus le trouiTeau étoit néceiTairement un bien de
la mère , puifque le père n’exifloit plus depuis'
vingt-trois ans.
,
' Mais il n’étoit pas .néceiTaire que les deux prix>'
fuiTent diflinéts ; il fuffifoit que dans le prix to ta l,
i i f e tro u vâ t, déduction faitè des biens é c h u s, un
excédant qui pût s'imputer fur la fucceiîion à échoir ,
parce que la renonciation aux fucceilions de c e tte r
dernière qualité, peut fe faire valablement pour une
fomme plus ou moins fo r te , attendu l’incertitude
& la cafualité des biens à échoir : c ’eil ce qui a
été jugé par un arrêt de 1 7 1 0 , contre madame de
Pontcarré , première préfidente: au parlement de
Rouen : elle avoit renoncé, moyennant un même
prix , à dçs fucceiTiotts échues & à échoir j mais}
�1
s )•
le prix excédoit Tes droits dans la fucceiïïon échue«
Gueret , fur Leprêtre cent. I er, chap. 3 6 , rap
porte un arrêt du 27 février 16 4 6 , qui a jugé que
file fur vivant des père & m ère, conftitue une dot à
ià. fille pour les deux fucccilions, cette dot doit
s’imputer d’abord fur la iucceiïïon échue , Sc le
iiirplus fur celle à échoir : les motifs de décifion
paroiifent les mêmes dans les deux cas: il dans l’u n ,
la dot entière eit cenfée ie rapporter à lafuccefiion
échue jufqu à concurrence de fa valeur, pourquoi
dans l ’autre cas rehiferoit-on d’appliquer à la fucçeifion à échoir l ’excédant du prix total, dont il ne.
falloit qu’une partie pour faire face aux biens échus.
. Les demandeurs oppofent le fentiment de L ebrun ,
dé fon annotateur, de Brodeau & de L acom b e, Sc
les arrêts qu’ils indiquent ; mais les citations de ces.
auteurs 11e font point exa&es : L e b ru n , renvoie aux
arrêts rapportés par L eveft, chap. 1 9 9 , B o u c h e l,
liv . I er, chap. 6 6 , Sc L o u e t, lettre R , fomm. 1 7 .
. L ’arrêt de Leveft ( pag. 9 7 1 ) a ju g é , die
l ’arrêtiile, qu’une fille etoit recevable à f e pourvoir
contre un contrat & ratification par elle fa its s au
préjudice de fe s droits en la fuccejfion de f a mère
& de fo n oncle, au profit de fon père ; on ne voie
pas qu’il y . eût* u n , ou deux prix j ni que les
deux fucceilions fuifent l’une échue , l ’autre à
échoir.
: Dans^ Tefpèce de l ’arrêt de B o u c h e l, la fille
avoic*
�A/
19 5
avoît renoncé à la fucceiïion échue de fa m ère,
pour 4^0 écus , & à celle à échoir du père,
moyennant 1500 écus : fi elle fut reftituée, ce ne
tfut donc pas par le m otif que les deux prix n’étoient pas diftinéts.
L o u et & l ’annotateur de L e b ru n , ne rapportent
aucun arrêt fur cette queftion : il en eft de
•même de l ’annotateur de Lebrun.
Brodeau en cite trois, d’après R obert : le prem ier,
du 22 décembre 1 5 7 6 5 confirme la renonciation,
& elle n’avoit pour objet qu’une feule fucceflion;
dans l’efpèce du fécon d , de 15 9 2 , les prix étoienc
diftin&s : la renonciation fut néanmoins admife
pour la fucceifion échue, & rejetée pour la fu c^ceiîion à éch o ir; le troifième, tiré de D u v a l, eft
-rendu dans le cas où le père, tuteur de fa fille, l’avoitfait renoncer aux iucceiîions échues & à échoir,
moyennant i< o o livres; on mettoit en fait que la
fuccelîion échue valoit feule plus de 6000 livres.
E n fin , Lacom be fe fonde fur un arrêt du 16
juillet 16 6 1 , rapporté au journal des audiences,
qui n’a point jugé cette queftion : ïl fufïira,de trans
crire les termes par lefquelsjle journalifte termine le
compte qu’il en a rendu. P a r cet a rfêt, ¿içj- il.,
// a été ju g é que l3art. 244 ( de la coutume
d Anjou , où la queftion fe préfentoit ) ij.ç s’ en
tend point de la fuccejjion collatérale, & que fi la
îja u r noble, q u i, ejl mariée par f i n frère } renonce, à
�( 1° )
des fuccefftons collatérales 3 & qu elle ait été lé fé e t
elle peut fe faire reftituer.
L e fentiment des auteurs qu’on oppofe n’ayant
pour fondement que des arrêts fur l’efpèce defquels
. iis fe font trompés , s’évanouit néceifairement avec
ces préjugés: au furplus, la queftion a été fixée par
' l ’arrêt de 1 7 1 0 '; & D a rg o u t, dans fes inftitutionsr,
liv. 3 , chap. 1 7 , dit que la diftin&ion qu’on
vient de combattre a plus de fu b tilité que de
folidité.
Dans l ’efpèce préfente, la fomme de 3000 livres
& le trouifeau étoient fupérieurs de beaucoup à
la portion que Jeanne Gazard auroit pu préten
dre dans la fucceffion de fon p è r e , & fur-tout
fi on confidère, comme on le d oit, la valeur des
biens au temps de fon contrat de m ariage, le
furpius auroit été le prix de la renonciation a la
füccefTion de la m ère, il les deux prix n’euifent
•pas été diftingués.
Enfin , ce moyen devoit être propofé dans les
dix ans, au moins, du décès de la m ère; elle e il
morte au mois de feptembre 1 7 4 p: ce délai étoit
révülu i^lors même du décès de ia fille, arrivé en
rfeptembre 1
,
-Ȕ :
£
-
'■
R éponse
.
a
la
seconde
O bje ctio n .
¡On ne peut pas .valablement renoncer, difentS
�s *
% 11 ^
les demandeurs, au profit du tuteur qui n’a pas
rendu compte & Marguerite Bouchet étoit tutrice
de fa fille.
Marguerite Bouchet avoit été déchargée de
rendre co m p te, & par le teftament de fon mari r
& par l’aéle de tutelle : ces deux titres n'ont jamais^
été attaqués , & remontent à plus de foixante ans.
Mais Jeanne Gazard n’a point renoncé , au profit
de fa mère :7 elle a renoncé en faveur de
. »fon fr,ère,
->.J■
'
fuivant l’efprit de la coutume & le vœ u général
des habitans qu’elle régit : or , le frère, âgé de trois
ans à la mort du père , n’avoit été ni pu être tuteur
de fa fœ u r, & la mère avoit été chargée de la
tutelle par le père , la famille & le juge.
. r)
O n oppofe qu’à la fuite de la renonciation, 8c
par le même contrat de mariage , la mère a fait une
donation de fes biens à fon fils , Sc qu’il effc devenu
par ce moyen débiteur du compte que la mère étoit
chargée de rendre.
Mais prem ièrem ent, il ne l’avoit pas été avant
la renonciation de fa fœ u r , puifque certainement
la donation ne l’a pas précédée; elle eft inférée
dans le même a& e & à la fuite ; elle n’eft donc
pas antérieure 5>& le fleur G azard, n’étoit comptable
alors ni comme donataire de fa m è re , ni fous^
aucun autre rapport ; il n’avoit ,pu acquérir , fans
d o u te , fur la perfonne de fa fœur cette autorité s
,çet empire} qui fait préfumer par la loi- que tout e s
B ï
�•
•
C I* )
qui a" été fait entre le mineur & le tuteur avant
le compte ren d u , eft l’efFet de la contrainte.
Jeanne Gazards’eft déterminée à renoncer en faveur
du défendeur, non, fans doute, parce qu'il a été dona
taire enfuite des biens préfens de fa m èrem a is parce
qu’il étoit fon frère : c’eil ainii que le legs fait par
Jeanne & ‘ Anne D efgirau d , en faveur d’Am able
DefgTrâud , fémme du fieur Savy , fon tu teu r, a
, été -confirmé par un arrêt du parlement', du 7 feptfcrribre ï 6 j 6 , rapp’orté au journal du palais : quoi(Jué4aîfeîJn,m er;dli uïteur ibit dans la ÿnême prohi
bition qtie lui ÿ bn jügeù que le legs' avoit été fait
à la légataire, comme fœur des teflatrices,
non
comme femme de-leur tuteur : c ’eft ainii encore qu’un
mari ayant fait un legs à fa femme qu’il chargebit
d;être tutrice de fes enfans, ce legs fut confirmé'
par arrêt du dernier avril 1 5 8 7 , quoiqu’elle1 eût
abandonné la tutèlle, & que le legs fait à celui qu’on
nomme tuteur foit cenfé conditionnel, fuivant la loi
5 > § 2 , f f . de his quœut dtidign. aufer. mais on
' jugea que1 ce qui avoit ¡-déterminé le le g s , étoit la
qualité de femme du teftateur, plutôt que celle de
tu tric e , non u t ju t r i x *, fe d ut uxor. M o rn a c, ad.
t. Lï , [jff. u b iJpu p*,yeduc* uyel mor. deb, rapporté*
Cet^Jar’rêt* '"jr i L' %
>
y
“ f,
Zi;iMaiHW donation lrdont lefs dëtnandeiirs abufenc
ne' doit'être comptée pour rien : d’abord , dès que
Jeanne: Gtàtâd ren on goit, c ’en étoit. aflez pouij
�(
I 3 -)
que les biens de Marguerite Bouchet fuiTent dévolus
au iîeur G a za rd , puifqu’elle n’avoit pas d’autre
enfant : la donation ne faifoit donc que confirmer
ion droit.
En fécond lieu , il n’a jamais fait ufage de cette
donation, c’eil dans cette vue qu’il ne la fit point
infinuer ; il Ta abdiquée de fa it, parce qu’elle lui
etoit in u tile , & on ne peut défavouer le prin
cipe qui autorife celui qui a accepté une dona
tion à n’en faire aucun ufage : ce qui eil fondé'
fur ce qu’un acte de libéralité ne peut jamais-deve
nir un titre onéreux. L e défendeur a déclaré dans
1 inftance qu’il ne prétendoit d’autre qualité dans la
fucceiîion de la mère , que celle d'héritier ab~
tnteflat, & les demandeurs ont pris en conféquence
de nouvelles conclufions. O n demande ce que peut
opérer en cet état une difpofition qui eil comme
non avenue , & fi,n e prcduifant aucun avantage
au défendeur qu’on a voulu favorifer , elle a pu
lui devenir nuifible & défavantageufe. C e n’eil
pas feulement parce que la donation n’a point été
înfinuée, qu’elle devoit être réputée n’avoir poinü
exifté : on ne lui a point donné la forme néceifaire
pour avoir fon effet; & quand elle auroit été infi
rmée , elle a été formellement abdiquée. Les deman
deurs conviennent eux-mêmes ( pag. 6 ) que
le défaut d’infirmation a fa it q u ils ont conclu
incidemment au partage pour moitié' de la f u c c e f
i
�c
14
y
jton de leur grand'mère, puifqu’ils veulent que la
fuccellion foit déférée ab-intejlat, il n’exifte donc
pas de donation : le fieur Gazard ne peut donc
être confidéré comme donataire, encore moins
comme donataire antérieur à la renonciation de
leur m ère, lui - qui ne l ’a été avec effet ni
avant ni depuis ; ils veulent recueillir le fruic
de l ’abdication du bienfait, & en faire fupporter
les charges ( qu’ils fuppofent dues ) par le dona
taire qui a abdiqué : qu’ils tâchent de fe concilier
avec eux - mêmes.
R éponse
a
la
tr o isièm e
O bjectio n .
L e s aflions refcifoires qui appartiennent à une
femme mariée,'prefcrivent pendant le mariage, parce
qu’elles forment une a<5Hon extradotale, dont elle
feule a l’exercice ; elle en eft dame & maîtreife :
Bafmaifon enfeigne ce principe qui ne peut être
contefté.
Les demandeurs tâchent de l ’élu d er, en difant
q u ’il reçoit une exception pour les aélions dont le
mari eft garan t, & que par le contrat de mariage
de Jeanne G azard, Jean D evèze a promis de ga
rantir fa renonciation : il n’eft cependant pas vrai
qu’il fût garant, parce que les demandeurs ont
fondé leurs lettres de refcifion & demandes fur
des m oyens réels & tirés ex vifceribus rer. le cau^
�•4*
( 15 )
tiorinement du mari n’avoit pas plus de fiabilité
: que l’engagement de la femme : les moyens réels
>rofitent également, fuivantl’expreife difpofition des
oix, au garant & au principal o b lig é , parce que
ce qui eft une convention injufte pour l ’un , ne
‘ peut être réputé jufte à l’égard de l’autre. Ces prin
cipes font avoués par les demandeurs eux-mêmes
C Pag* 7 & 8 ) , & cependant ils raifonnent dans
des maximes contraires ( pag. 16 , ) : quoi qu’il en
foit, les principes de la page 7 , font ceux des lo ix ;
elles ne varient point.
M ais, en établilfant ces prin cipes, c’eft reconn o ître , difent - ils , que les demandeurs ont des
moyens de nullité réels , & c ’eft leur donner beau
coup d’avantage.
On ne peut hafarder un raifonnement moins
jufte. L e fieur Gazard fou tient & croit avoir établi
que les demandeurs n’ont aucun m oyen ; mais
il n’eft pas moins certain qu’ils prétendent en avoir
deux tirés, l’un du défaut de com pte, l’autre du
défaut de prix : ce font, à la v é rité , deux grandes
erreurs dans l’application qu’ils en font ; mais ce
n’en eft point une de leur répondre qu’en les fuppofan t, le mari de Jeanne Gazard n’en étoit nulle
ment garant envers elle , puifqu’ils n’étoient obligés
1 un & l’autre , que de la même manière , & par des
liens également flexibles,
t,: jLes demandeurs l’avouent enfin y mais Us dernan^
Î
�«*•
iCC if )
'dent fi c’éft à la femme à juger de la folîdité des
engagemens de fon m a ri, & il elle eft en état
-de le décider. Ces queftions font faciles à réfoudre.
'N u l ne peut prétendre avoir ignoré la loi : telle
eft la préfomption de droit. C eux qui ie défient
. de leur lum ière, ont la voie de recourir à des jurif.
confultes pour les éclairer.
R éponse a
la
q u atr ièm e
O bjectio n ,
E n fuppofant que l’a&ion tardive des demandeurs
eût été de nature à durer trente années utiles, ce
term e, de l’aveu des demandeurs, eft expiré vis-à-vis
trois des enfans de Jeanne Gazard : on l’a prouvé,
& cette vérité a été reconnue par eux-mêmes; ainfi,
en fuppofant que leur a6tion ne fût pas fujette à
la fin de non recevoir des dix ans, certainement
elle feroit preferite par le laps de trente ans utiles,
vis-à-vis la plus grande partie des héritiers de Jeanne
Gazard.
Mais l ’a&ion n’a duré que dix ans, & fous ce
japport elle eft preferite vis-à-vis tous.
C ’eft à pure perte qu’on emploie pluiîeurs pages
.à prouver que l ’a&ion en reddition de com pte,
dure trente ans. I l ne s’agit point ici d’une aétion
de cette nature, mais de la validité d’une renon
ciation faite par une fœ ur, en faveur de fon frèret
-o r, il eft très-ailîiré qu’une pareille aétion s’icein t
par
i
�4*
( 17 )
par le laps de dix ans u tile s, & ' ils font écoulé*
vis-à-vis tous les demandeurs.
On a donc obfervé très-iurabondamment q u en
donnant à l’aélion une durée de trente ans, elle feroit
toujours prefcrite pour trois des enfans de Jeanne
G azard; mais ils difent que ce laps de temps
n'étant point accom pli pour deux autres, ils doivent
participer à leur privilège.
Cette queftion, comme on Fapperçoit au premier;
eoup d’œik, eft parfaitement oifeufe. : i’aclion .étoic
bornée à dix ans, & ce 'la’ps-. de. temps ef£ accom pli
utilement par rapport à tous*
v 7
Mais en fuppoiànt que factio n en refciûon d’une
renonciation ait dû iubiifter pendant trente an s,.la
minorité -qui bmp.êcheroit que .ce laps de temps
eut-été utile pour deux des parties, intérelfées, n e
pouvoir produire-aucun effet pour les autres : le
principe Si la loi font encore i c i , comme dans le;
furplus de: la défenfe du fieur G azard , les; aufpices
ibus lefquels -il marche.
^
.
~ Les loix diftinguent le s a&ions indiviiibles de
celles qui peuvent fe divifer : dans les premiès
res, la*: minorité de l ’un profite ’néceifairement à
tous; mais dans les -autres, chacun» peut & doi&
agir pour foi' : lx>bûacle qui retient l ’un & eil totai
talement indifférent aux autres, quàmvis.... minor prq>
portionefua rejlitiùionis aux ilium implorarepojfityvobis
tomôn^majoribus^dcQmtnufikandum ediâi henefîciuüi
�cjws cetas patrocmari. non p o tejl, «lie la loi uniq.'cod.
fi in comm. &c. on ne peut deiirer une décifion plus
préciie Si plus claire.
- La coutume de Bourbonnois q u i, après le droit,
a une
grande autorité parmi nous contient une
difpoficion conforme en l ’article 24 : Quand une
chofe ejl diyifible & commune, d it- e lle , entre plufieurs mineurs ensemble,. & l3un d*eux ejl majeur
avant les autres 3 la prefeription continue à avoir
lieu contre ledit majeur pour f a portion, feulement
depuis * qu’ il ejl^fait majeur.
L a jurifprudence de tous les parlemens eil con
forme. L ouet & Brodeau, lettre H , fomm. 2 0 ,
n°. 4 , & lettre M , fomm. 1 5 , en rapportent deux
arrêts de 1 5 7 4 & de 1 6 f o : Augeard en a recueilli
un fem blabie, du 3 août 1 7 1 1 , dans le cas même
d u n e rente commune à un mineur & à un majeur:
il s’en trouve deux conformes dans Catelan, liv. ÿ 9
chap. 1 2 ; l’u n , de 1 6 5 7 , l’autre, de 16 9 4 .: Henrys
appuie fortement cette décifion , chap. 2 , liv. 4 ,.
queft. 1 9 , ainfi que Bretonier & Ferrières, fur l’ar
ticle 113 de la cout. de Paris.
^
j Mais il n’y eut jamais aucun doute en matière
d’a â io n refeifoire .: lesf deux~ârrêts de 1 6 5 7 Sc de16 9 2 fo n t dans cette h y p o t h è f e & c’eft la même
qui ferpréfente.svv' ; >(¿‘J Ji ..
'
r
j
v Q u ’oppofent les demandeurs à des principes auiîî
aflÜrés? que la cour. à. jugé le -contraire ; on ne.
. f i
,
�4i
( *9 )
T a point révoqué en doute : l'es écritures du iieur
Gazard le leur ont appris ; mais d’abord on ne
■croit pas qu’elle l’ait jamais jugé en matière d’aélion
trefcifoire, parce qu’il y a un principe particulier ipour
~ces'fortes d’aélions, qui les rend encore plus per
sonnelles &• plus incommunicables que toute autrer;
'c e ft qu^il eil dans leur nature, que celui qui a-droit
‘ de les :e xércer ÿ- y réfifte,* retenu par la pudeur :
■pudoH-ifuo p a r c e iïs coram'Q;difent les lôix : d’après
'cela s’fcil formée^cette -jurifpruidence certaine,ofuivant laquelle les a 6Hô'ns^refci foires ne paifent point
au fucceüeur iingulier, & ne font jamais cenfés
compriies dans' une ceifiôn même générale, fi elles
n y font nommément exprimées : L o u et, lettre C ,
î-fom. 12, ; M ornac, ad tit.jf. derefcind. vend. & C henu,
'ce n t. 2 , queft. a i , en rapportent un arrêt précis
du mois de juillet i f ê y . Un cohéritier ne peut donc
: demander la refcifion, du chef d’un autre, ni par
•'c’o nféquent fe>fervir de privilège. & de les moyens
^particuliers.
j : t ’ t
V
> ••• : ;jp
En fécond lieu , on afïure que la cour, a adopté
- depuis peu ces maximes : on le tient même de plu- fleurs magiftratSj & on ignoroit que ce fut une contra
diction de -dire que telle etoit l ’ancienne jurifprudence
-d u fiege,
qu’il s’en eft départi. M ais, fans èntrer,
dans des difcuflions dont le m otif n’efi: point dJéclaircir la queflion, il fuffit d’obferver, i ° . qu’on
^ignore que la cbujf ait jugé la queflion en matière
�•cl’a&icins refcifoires;' a°. que quand elleTauroit faie,'
i&L invariablem ent, le fieur Gazard ne doit pas
moins , s’attendre à un jugement favorable , puii•iqu’il réunit jen^fa faveur les lo ix , les coutumes ,
-les arrêts i de,idift'érens tribunaux & le fentirnenc
¿unanime des jurifôonfultes ; 3°. enfin, qu’o n ,n ’éil
. point dans les termes de cette queftion , parce
:que l ’aélion en reiciiîon de Jeanne G azard, contre
ia renonciation à la iucceflîon paternelle, n’a duré
quet dix an s, & il s’en eft écoulé utilement un
^beaucoup plus grand nombre.
♦
c.
» ’
R éponse
a
la
cin q u ièm e
O bjectio n .
“ ; *
T o u s les enfaris de Jeanne Gazard fe font réunis
pour demander la refcifion de la renonciation de leur
'm ère; tous ont pris la qualité de fes héritiers, &
•:ont agi en vertu de ce titre. Q ui auroit donc pu
¿ p r é v o i r qu’on traireroit fur la! fin. de cette affaire
la queftion de favoir f i, lorfqu’un des héritiers
renonce, ou s’abftient de la fucceifion, fa portion
-accroît aux autres, & >en quelle manière cet ac-.croiffcment fe fo r m e l cela ..ifuppofe uneigrande dénfianceideis'mt3fy.ens rpfop'ofés yauparavant.-jb o ir
i *}--îj.Cetteiqueftiôn he;s’appilique, point y püifqu’ènoore
-n n c fo is la .prefcriptioÀ eft acquife.jcohtre,.tous les
/¡enfans-dr Jeanne. Gazard.
Ji t no . p
•
!>
;il
icrangfe ¿ ¡ u s a em ploie.quatre pages
�à1 prouver que la portion de l'héritier qui renonce
accroît aux autres dans le même degré, tandis qu’au
cun des enfans de Jeanne Gazard n’a renoncé à
fa iucceiïîon, l’abftention n’auroit pas fuffi, & furtout avant trente ans : notre coutume exige une
renonciation expreife, & tous, au contraire , ont
accepté expreiTément : G a b rië l, Jeanne ôc Jean
D evèze font en caufe ; ils procèdent en qualité
d’héritiers de Jeanne G azard, & Gabriël agit tant
de fon ch ef en cette qualité, qu’en celle de cédataire de M ichel & de Marie D e v è z e , dont il a
acquis les droits dans la fucceifion de Jeanne Gazard,
& lui-même ofe dire que fa propre portion & celle
de fes cédans ( qu’il demande ) ont accru aux deux
prétendus mineurs.
Ricard dit que les enfans qui demandent leur
légitim e profitent des portions de ceux qui demeu-'
•jent dans le filence. A ucun des enfans de Jeanne
Gazard ne garde le filence : tous réclament une
•portion dans la fucceiïion .de leurs aïeul & aïeule;
niais tous en font exclus par la renonciation de
ieur m ère, & la plupart d’eux par la prefcriptioi}
trentenaire.
Lçs demandeurs .prétendent que i ’inaélion des
iins a produit 4e ^même effet que leur renonciation
expreiTe; mais où eft donc cette in a& ion, lorfque
'tous agiiTent.
v,- Secondem ent, comment jpeut-on imaginer que
�{*1.
C « )
le même individu puifle en même temps être héri
tier & ne l’être point? héritier pour recueillir ce
qui exifte, & renoncer à la fucceffion, relative
ment à une aétion qu’il a laiiTé prefcrire. A ucun
jurifconiulte n’a p ro p o fé , (ans d o u te, une telle
opinion. Quand la loi citée par les demandeurs a die
que l’abftention d’un cohéritier formoit le même
effet que fa renonciation, cela s’entend d’une abftention totale de l’hérédité; mais elle ne dit pas quurl
enfant héritier pourra abeliquer fa portion dans tel
effet, & reftreindre fa qualité,d’héritier aux autres;
Les demandeurs prétendent-ils appliquer leurs prin
cipes à la iiiccefïion de Marguerite Boucher? mais
elle a été dévolue au iîeur Gazard feu l, par la renon
ciation de fa fpeur, & ii elle avoit droit de récla
m er, elle ne le partageoitf avec perfonne : fes cinq
enfans ayant été tous fes héritiers, ont fuccédé
également à fa prétendue aétion , & au cu n , dans
le fa it, ne s’eft abfténu d’en faire u fage, puifque
tous fe font déclarés expreifément Sc qualifiés héri
tiers de leur m è re , ont pris • fes bien s, à fon
décès, & ont pourfuivi l ’aétion refeifoire, loin de
renoncer.
Enfin, le moyen eft d’autant plus déplacé, que
l ’aétton eft amplement preferite contre tous & chacuii
‘des enfans de "Jeanne Gazard.
'
’
>
E lle pouvoit attaquer fa renonciation en faveut
rde. fon frère, dans les dix ans d e-fa m ajorité, ^
�( 23 )
l ’égard de la fucceffion paternelle, & elle n’a eu
ce droit en aucun temps pour la fucceffion de fa
m ère; elle eft morte après vingt-ans de majorité,
fans réclamer; trois de fes enfans ont laiffé paffer
douze ou quinze ans de majorité; ce qui joint au
temps échu pendant la vie de leur m ère, excède
trente années utiles : il fuffit, à l ’égard des autres ,
que les dix années utiles aient été révolues, pen
dant la vie de la mère : ainfi, il feroit indifférent
de favoir fi la minorité des uns a pu profiter aux
autres; queftion qui ne peut cependant encore être
décidée qu’à l ’avantage du fieur Gazard,
Monf i eur F A Y D I T , Rapporteur.
B ussac,
A
RIOM,
ch ez
M artin
Procureur.
DÉGOUTTE,
la Fontaine des Lignes, 1786,
près
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Gazard, Gabriel. 1786]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Faydit
Bussac
Subject
The topic of the resource
successions
renonciation à succession
donations universelles
dot
tutelle
pays de droit coutumier
prescription
rescision
minorité
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour maître Gabriel Gazard, notaire royal, défendeur. Contre Jean et Jeanne Devèze, et Gabriel Devèze, tant en son nom, que comme cédataire de Michel et Marie Devèze, ses frères et sœur, demandeurs.
Table Godemel : Mineur : une renonciation faite par une fille mineure, dans son contrat de mariage en 1743, autorisée par sa mère qui était sa tutrice, au profit de son frère, à la succession échue du père et à la succession à échoir de la mère, moyennant un prix unique, est-elle nulle, surtout, lorsque dans le même contrat la mère commune fait au fils donation universelle de tous ses biens, sans avoir rendu compte de la tutelle ? si la prescription trentenaire est acquise contre quelques-uns des demandeurs, et que la minorité des autres ait conservé leurs droits, les mineurs ont-ils relevé les majeurs ? en tout cas ces mineurs peuvent-ils profiter des droits des majeurs par droit d’accroissement ? 2. une renonciation faite par une fille mineure, dans son contrat de mariage, en 1743, autorisée par sa mère qui était sa tutrice, au profit de son frère, à la succession échue du père et à la succession à échoir de la mère, moyennant un prix unique, est-elle nulle, surtout lorsque, dans le même contrat, la mère commune fait, au fils, donation universelle de tous ses biens, sans avoir rendu compte de la tutelle ? le délai pour se pourvoir en rescision contre cette renonciation est-il de dix ou de trente ans ?
le délai pour se pourvoir en rescision contre cette renonciation est-il de dix ou de trente ans ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
chez M. Dégoutte (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1786
1721-1786
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
23 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1002
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1003
BCU_Factums_G1004
BCU_Factums_G1005
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53100/BCU_Factums_G1002.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Mary-le-Plain (15203)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
donations universelles
dot
minorité
pays de droit coutumier
prescription
renonciation à succession
rescision
Successions
tutelle
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53099/BCU_Factums_G1001.pdf
212f368759e137d132f63b5407d7bdb4
PDF Text
Text
4
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SIGNIFIÉ,
PO U R . J e a n D e v e z e , J e a n n e D e v e z e , fa fœur,
fille majeure, & G a b r i e l D e v e z e , leur frère,
tant en fon nom propre & privé , qu’en qua
lité de cédataire de Michel & Marie D e v è z e ,
fes frère & fœur , tous héritiers de Jeanne
Gazard , leur mère , & par repréfentation de
Gabriël Gazard , leur a ïe u l, & de Marguerite
Boufchet , leur grand’m ère, Demandeurs.
CONTE Me G
G
, fécond du
nom } leur oncle, Notaire Royal 3 habitant de
Saint-Mary-le-Plein 3 Défendeur.
abriel
a z a r d
»
demandeurs réclament contre la renonciation arra
chée à Jeanne Gazard } leur mère , dans fon contrat de
A
es
�( 2)
mârîage , aux fucceffions de Tes père & mère ; & à la
faveur de la nullité de cette renonciation , ils demandent
le partage de ces fucceiïïons.
L e défendeur élève deux fortes de difficultés ; il foutient la validité de la renonciation ; m a is , prévoyant le
cas où elle feroit déclarée n u l l e , il oppofe encore à quel
ques-uns des demandeurs la prefcription de l ’a&ion en
partage.
L e récit des faits amenera l ’état des
fe propofe
de difcuter avec toute la
!
qu’on
queftions
préciiion
qu’elles
peuvent comporter.
Gabriel G a z a r d , premier du n o m , étoit l ’auteur com
mun des parties : de fon mariage avec M arguerite Boufch et , il avoit eu deux enfans, Gabriel Gazard , deuxièm e
du n o m , qui eft le d éfe n d eu r, & Jeanne G azard , mère
des demandeurs.
G abriel G a z a r d , premier du n o m , avoit fait un
tefta-
m ent o lo g ra p h e , fans date du j o u r , mais qui eft daté
du mois de juin 1 7 2 1 : par ce teftament , il avoit nommé
M arguerite B o u f c h e t , fa fe m m e , tutrice de, leurs enfans;
il lui avoit légué la jouiiTance de tous fes biens , pen
dant fa viduité , avec difpenfe de rendre c o m p t e , & il a v o it
ïnftitué Gabriel G a z a r d , deuxième du n o m , fon fils , fon
héritier u n iv e rfe l, à la charge d’une légitim e de 1000 liv.
feulement à Jeanne G a z a r d , fa fille.
L a m ort de G ab rël G azard furvint bientôt après : la
m ère fut nommée tutrice de fes e n fa n s , & elle géra la
t u t e l l e , jufqu'à la majorité de fon fils qui alors prit avec
elle le gouvernem ent de la maifon.
Jeanne
G a z a r d ; m ère des
dem andeurs2 écoic encore*
�'( 3 )'
mineure , lorfqu’elle fut mariée avec Jean D e v è z e . L e co n
trat de mariage du 6 février 1743 , mérite la plus grande
attention : elle y eft autorifée , tant par fa mère , qui
cependant n’y prend pas la qualité de t u t r i c e , que par
Gabriel Gazard , Ton f r è r e , qui dès - lors étoit majeur.
C ’eft la mère & le fils qui conjointem ent conftituent une
dot à Jeanne Gazard : les termes d oivent être remarqués :
la dot eft conftituée pour tenir lieu à Jeanne Gazard , de
toute part & portion dans la fucceffion échue du p è r e , &
dans celle à échoir de la mère. E lle confifte en un coffre
garni de robes & linges & une fomme de 3000 Iiv. on
ne diftingue point ce q u i , dans cette d o t , eft donné pour
la fucceifion é c h u e , de ce qui eft donné pour la fucceflion
à échoir : feulement on ne doit pas diiïimuler qu’il eft dit
que dans la fomme de 3000 liv. fe trouve comprife la
conftitution que fon père lui avoit faite : mais rien n’in
dique ni quelle étoit cette conftitution , ni par quel a&e
elle pouvoit avoir été faite : on n’y fait aucune mention
du teftament du père parfaitement ignoré par la fille ; on
fait enfuite renoncer Jeanne Gazard aux deux fucceflions ,
celle du père échue & celle de la mère à échoir , au
profit de fon frère , & on fait garantir la renonciation par
le futur époux & par fon père : e n fin , ce que l’on ne doit
pas non plus perdre de vue , c ’eft que dans le même contrat
de m a ria g e , M arguerite B oufchct fait à Gabriel G a z a r d ,
fon f i l s , une donation univerfelle de fes biens.
C ’eft ici le lieu de préfenter quelques obfervations qui
n’interrompront pas pour long-tem ps le récit des faits.
G abriel G a z a r d , auteur commun des parties, Iiabicoit
le lieu de S a in t -M a r y - le - P le in , qui eft pays de c o u t u m e ,
Ce il y avoit tous
fes biens ; d’où il réfulte que G abriel
A ij
�(4 )
G a z â r d , premier du n o m , n e p o u v o i t , par Ton teftam ent,
que difpofer du quart, & qu’ainfi toutes les difpofitions du
teftament étoient réductibles au quart. Il avoit donné la
jouiflance de tous Tes biens à M arguerite Boufchet , fa
fe m m e , & l ’avoit difpenfée de rendre c o m p te , & il avoit
de plus inftitué fon fils fon héritier univerfel : la fille pouv o it donc demander la r é d u û io n , tant contre fa mère ,
que contre fon fr è r e , fa u f à- s’arranger entr’eux
pour la
préférence des difpofitions faites en faveur de chacun d’eux ;
& par là la fille dévoie a v o i r lib re m e n t, fans aucune charge
de jouiflance ou d’ufufruit, la moitié dans les trois quarts
de la fuccefiion de fon père ; & com m e la mère étoit
t u t r i c e , elle étoit comptable envers fa f i l l e , de la geftion q u e lle avoit e u e , à concurrence de la moitié des
trois q u a rts:d e là auflî fa mère étant co m p ta b le, elle ne
pouvoit obtenir une décharge v a la b le , fans avoir rendu
com pte de fa geftion. Mais la renonciation que la mère
ilipula de fa f i lle , dans le contrat de mariage de c e lle - c i ,
emportoic avec elle la décharge du compte de tutelle ,
fans que ce com pte eût été rendu ; par conféquent cela
fuffifoit pour rendre nulle cette renonciation.
Il eft vrai que la renonciation fut dirigée en faveur d u .
fils : mais dans quelle circonftance ? c ’eft dans un a£te par
lequel en môme temps la mère fait à fon fils une dona
tion univerfelle q u i , par fa nature m ê m e , m ettoit le fils
à la place de fa mère & le rendoit perfonnellement com p
table lui-mâme envers fa focur, de la geftion de fa m ère,
puifque le donataire univerfel eft tenu des dettes : on ne
peut pas môme fuppofer d’intervalle entre la renonciation
de la fccur 6c la donation faite au f r è r e , puifque l’une fie-
�(s)
l ’autre font renfermées dans le même a£ie, &
dans le
m ême inftant q u e ,
comm e
que
c ’efl
donataire , le frère
devient comptable envers fa focur 6c que celle-ci renonce en fa‘
f a v e u r f a n s qu’il lui ait rendu compte ; par c o n fé q u e n t,
la renonciation qui emporte la décharge du co m p te , n'eft
pas moins n u l l e , à l ’égard
du fr è r e ,
qu’à celui
de la
mère.
A près ces obfervations qui peuvent déjà faire preïïentir
l ’état des queftions qu’il y aura à traite r, reprenons la fuite
des faits.
Jeanne G a z a r d , de ion mariage avec Jean D e v è z e , eut
cinq enfans.
i° . G a b rie l D e v è z e , né le 22 décembre
conféquent majeur le 22 décembre 1 7 6p.
2°.
M ic h e l D e v è z e . , né le
27 février
1 7 4 4 , 6 c par
1746 , majeur
le 7 février 1 7 7 1 .
3°. M arie D e v è z e , née le 23 mai 1747 , majeure le
23 mai 1772.
?
. 4°. Jeanne D e v è z e , née le 2 août 1 7 5 J , majeure le 2
août 1780.
j ° . Jean D e v è z e , né le 24 feptembre 175-^, ôc majeur
le 24 fe p te m b re -17 8 1.
Jeanne G a z a r d , mère de ces cinq enfans , n’avoit ellemême atteint fa majorité que le 27 Janvier 1 7 4 4 ,
ôc elle
décéda le premier décembre 17^5' ; c ’eft-à-dire, feulement
après vin g t ans & quinze jours de majorité.
O n a vu qu'à la m ort de Jeanne Gazard tous fes enfans
étoient mineurs : ce n’eft que lorfqu’ils ont été tous parve
nus à leur m a jo r ité , les uns p l u t ô t ; les autres plus tard £
�r o '
q u e le 2? juillet 1 7 8 3 , ils ont demandé, contre le défendeur ^
leur o n c l e , le partage des fucceflîons de Gabriel G azard ,
premier du n o m , leur a ïeu l, & de M arguerite B o u f c h e t ,
leur grand’m è r e , & qu’il rapportât au partage le mobilier
& les jouiflances, depuis le décès des auteurs communs. C e tte
demande em portoit avec elle celle du compte de tu t e lle ,
puifque ce com pte devoit être com pofé des jouiflances de
tous les biens & de la valeur du mobilier : on obferve que
l ’on avoit demandé que dans le partage il fut
délivré la
m oitié des biens de G abriel G a z a r d , premier du nom : on
n’avoit pas alors connoiffance du teftament; mais on n’avoic
demandé qu’une légitime de droit dans les biens de la mère ,
parce qu’on connoiiToit la donation univerfelle faite par là
m ère au fils, dans le contrat de mariage de fa focur , Ôc
on avoit lieu de croire que le fils avoit fait revêtir cette
donation de la formalité de l’infinuation : on verra dans la
fuite que c ’eft le défendeur lui-même , qui eft venu s’accufer d’avoir négligé cette formalité 'eiTentielle ; ce qui a fait
que les demandeurs ont conclu incidemment au partage par
m oitié de la fucceflion de leur grand’m è r e , com m e de celle
de leur aïeul.
L e s faits une fois c o n n u s , il s’agit d’établir les demandes
qui ont été formées. L e partage des fuccefïions de Gabriel
G a z a r d , premier du n o m , & de Marguerite B o u fch e t, ne peut
avoir lie u , qu’autant que la renonciation faite
par Jeanne
G azard , dans fon contrat de mariage , fera déclarée nulle :
c ’eft donc à établir la nullité de cette renonciation qu’il
faut d’abord s’attacher ; on examinera enfuite les moyens
oppofés contre le partage à quelques-uns des demandeurs.
�( 7 )
N ullités de la renonciation de Jeanne Ga^ard.
I l y a trois m oyens de nullité contre cette renonciation.
i ° . L a renonciation a été faite par une fille m ineure, après
la mort du père ; elle eil donc n u lle , quant à la fucceilion
du père. z°. C e tte renonciation eft encore n u lle , tant pour
la fucceilion échue du p è r e , que pour celle à échoir de la
m è r e , parce qu’elle a é té faite pour un feul & même p r ix ,
fans diftin£tion de ce qu’il pouvoit y avoir dans ce prix
pour chaque fucceilion. 30. E lle eft également nulle , parce
qu’elle emportoit une décharge du compte de tu telle , au
profit de la m ère & du fils , fans qu’il y eût eu auparavant
un compte de rendu.
L a première nullité s’établit d’elle-m êm e. U n mineur ne
peut pas renoncer à une fucceilion échue : c ’eft une fuite de
Tinterdiction générale de l’aliénation des biens des mineurs.
Mais s’il n’y avoit que cette feule nullité dans la renon
c ia tio n , les demandeurs ne pourroient peut-être pas en faire
ufage , parce qu’ils font héritiers de leur père qui avoit
promis la garantie de la renonciation de leur mère.
I l n’en eft pas de même des deux autres nullités ; elles
frappent autant fur la garantie promife par le m a r i, que
fur la renonciation faite par la femme : ce font de ces nul
lités qui profitent à la c a u tio n , comm e au principal obligé.
O n connoît à cet égard la diftin&ion des exceptions qu’on
appelle en d r o i t , exceptiones in perfonam , de celles qui
font nommées exceptiones in rem. L es premières , qui ne
font attachées qu’à la perfonne, com m e celles qui ne font
fondées que fur la fimple minorité a ne peuvent pas êtrg
�I'*']
o p p o s e s par la caution ou le g a ra n t; mais celles qui fonfi
attachées à la chofe appartiennent à la caucion , com m e
au débiteur principal .* rei cohcerentes exceptiones etiam fid ejujjbribus competutit. Ainfi la nullité qui peut procédèr de
ce que la renonciation à deux fucceflions , l’une é c h u e ,
l ’autre à échoir , a été faite , unico pretio , forme une excep
tion réelle attachée à la c h o f e , & par conféquent elle prô"fite au mari qui a garanti la renonciation , comm e à la
femme qui l ’a faite. Ainlï , cette autre nullité qui vient
de ce que la renonciation a été ftipulée par une mère tutrice
qui n’avoit pas rendu c o m p te , eft encore excepùo in rem ,
qui appartient également au m ari, garant de: la renonciation.
A près cette obfervation commune aux deux dernières
n u llité s , il ne s’agit que d’établir chacune d'elles en parti
c u lie r , & de répondre aux obje&ions du défendeur.
C ’eft un principe que la renonciation faite par la fille’,
en même temps à une fucceifion échue & à une fucceifion
à é c h o i r , eft n u lle , fi elle eft faite pour un fsul & même
prix. C e principe nous eft enfeigné , par l’auteur du traité
des fucceifions, liv. 3 , chap. 8 , feft. i ere. n. 28 ; il l’avo it été auparavant par Brodeau , fur les arrêts de M.
L o u e t , lettre R , n. 17 : l ’annotateur de Lebrun , au
m êm e en d ro it, cite les arrêts rapportés par le V eft & par
Bouche! ; & Roufiaud de la C om b e , en fon recueil de
ju rifp ru dence, qui tient la même d octrin e, en cite un arrêt
plus récent de \ 6 6 i , qui eft au journal des audiences.
Les auteurs qu’on vient de c ite r , n’examinent pas fi le
prix de la renonciation'aux
deux
fucceifions remplit
la
renonçante de la valeur de la fucceifion échue , ôc fi ce
ùiême prix préfente'un excédant pour la fucceifion à échoir:
c ’eit
�' ( P )
c ’èft aflez qu’ ort n*ait pas défigné un prix' particulier à cha"
que fucceflion , pour que la renonciation foit déclarée nulle
à
l’égard de l ’une & de l’autre.
C e p e n d a n t, le dernier com mentateur de la coutume , qui
a fait fur cette matière une longu e diifertation , a cherché
à établir la diftin£tion , & il la fonde fur un arrêt de 1 7 1 0 ,
quJil dit avoir été rendu contre madame de Pontcarré , &
qui a , d it - i l, ju g é valable la renonciation faite , en faveur
du fr è r e , à deux fuccelfions , l ’une échue & l’autre à é c h o i r ,
m oyen n an t un même prix , parce que la dot ex céd o it les
droits de la fille dans la fucceflion échue.
M a i s , quoi qu’il en foit de cette diftin&ion , & de l ’ar
rêt de Pontcarré , les demandeurs mettant en fait que le
prix de la renonciation ne remplit p a s , à beaucoup p r è s ,
les droits qu’avoit Jeanne G a z a r d , leur m ère dans la fuc
ceflion échue de fon p è r e , & que par conféquent leur m ère
n’ayant rien reçu pour la fucceflion à é c h o ir , la renoncia
tion fe trouve toujours nulle à l ’égard de l ’une & de l ’au
tre fucceflions ,* même en adoptant la diftinction propofée ,
& le préjugé de l’arrêt de 1 7 1 0 , fi cet arrêt
exifte en
effet dans l’efpèce in d iqu ée, alors il ne s’agiroit q u e d ’établir
laco n fiih n ce de la fucceflion de G abriel Gazard , premier du
n o m , pour connoître fi la valeur du quart 6c demi qu’y
amandoit Jeanne G a z a r d , étoit fupérieure ou inférieure à
la dot qui avoit fait le prix de fa renonciation.
L e défendeur a été plus loin : il a voulu faire enten
dre qu’il n’y avoit pas un feul prix pour ces deux fucceffïons; il a fuppofé que la mère avoit conftitué le trouffeau
& les meubles ; que c ’étoit une chofe qui lui appartenoit ;
que ce a ’étoit paç un bien de p è r e , 6c que cela fe u l fuffî^
�( io 5
fo ît pour établir deux p rix ; c ’eft-à-dirè, qu*on â prétendu
que la m ère avoit co n ftitu é, de fon c h e f , le trouffeau fie
les meubles : mais com m ent a-t-on pu le p ré te n d re , à la'
le ftu re du contrat de m ariage de Jeanne G a za rd ?
■ D ’a b o r d , ce n’eft pas la m ère fe u le , mais bien elle &
le frère qui enfem ble & conjointem ent conftituent le trouf-'
feau Ôc les m eu b les, com m e le refte de la dot. Lefdits
B ou fchet & Gazard , mère & frère de la f u t u r e , lui ont
conflitué pour toute part ' & portion, dans la fucceffion éch u t
de fo n père t & dans celle à échoir de f a mère , un coffre
garni de fo n linge 6* habits j & la fom m e de g o o o liv. I l n’y a
p oin t de différence en tre le coffre & la dot en a r g e n t, Ôc
l ’on ne vo it pas que l ’un vienne d’une fou rced ifféren te de l’au
tre : l’un n’eft point donné pour la fucceffion du p è r e , &
l ’autre p o u r celle de la m ère : l’un & l ’autre enfem ble font
donnés pour les deux fucceifions : ainfi jufque-là il n’y a
évidem m ent qu’ un feul & m êm e prix.
C ’eft en vain qu’on argum ente
de ce 'qui eft ajouté à
la clau fe du co n trat de m ariage ci-devant rapportée : bien
entendu que la conftitution que fo n défunt père lui avoit fa ite
f c trouve confufe & comprife dans ces préfentes. M ais rien
n ’annonce dans cette claufe ni dans toutes les autres du
contrat de m a ria g e, quelle étoit la conftitution faite par le
p è r e , ni par quel a&e elle avoit é té faite.
O n a bien parlé dans le récit des fa its, du teftam ent
olographe du père , dans lequel il p a ro îtro it, en effet ,
q u’il .av.oit fait un legs de io o o liv. pour la légitim e de fa
fille ; mais d’un c ô t é , -ce teftam ent n’eft point rappelé dans
Je contrat de m ariage; d’autre p a rt, il a toujours été inconnu
à la fille ôc il ne l a été des d em an d eu rs, fes en fan s, <juç
�( II)
pendant le cours du p r o c è s , lorfque le défendeur leur etv
si fait donner copie.
Ainfi relativem ent à Jeanne G a z a r d ,q u i ne connoiiToit
aucune difpofition faite par le p è r e , les demandeurs ont eit.;
raifon de dire que la renonciation aux deux fucceflions
n ’avoit eu qu’un feul & m êm e p r i x , & que par cela f e u l,
fuivant la plus com m une d o & r in e , cette renonciation feroic
nulle. E t quand on d evroit adopter la diïlin& ion qu’on
prétend établie par l ’arrêt de i 7 I O > la n u llité ne feroic
pas moins ce rta in e , dès que les demandeurs m etten t en fait;
que la dot conftituée à leur i m ère ne fempliiToit pas fe*
droits dans la fucceflîon de fon p è r e , &
par co n séq u en t
ne laiifoit aucun prix pour la fuccelfion à éch oir de M ar
gu erite B o u fc h e t, fa m ère.
. M ais il y a encore un autre m oyen de n u llité , autant
ou plus d écifif que celu i qu’on vien t d ’exam iner co n tre la.
re n o n cia tio n .d e Jeanne G azard . C e tte dernière n u llité fe
tire de la qualité des perfonnes qui o n t ftipulé la renonciation : c ’eft à-lâ-fois la m ère & le frère q u i , au m oyen d ’une
dot qu’ils conftituent co n jo in te m en t, e x ig en t de la fille la
renonciation qu’on lui fait f a ir e , au profit de fon frère ,
ôc par le m êm e a£te dans lequ el la m ère fait au frère,
une donation univerfelle de fes biens préfens.
L a m è r e , com m e tu t r ic e , d evo it un co m p te de tu telle
à fa f i lle , & le frère d even oit lui-m êm e à l’inflant o b ligé à
ce m êm e c o m p te , par la q ualité de donataire univerfel qui
le foum ettoit aux dettes & aux engagem ens de fa m èrô t
dont le com pte de tutelle faifoit partie.
L a renonciation dont il »’a g i t , opéroit la décharge du.
QQttlpte .de.la> tu telle i mais ce tte décharge n e p o u voir s’opéB ij
�( '2 )
Tèr valab lem ent, que «par l'effet d u n 'co m p te* efFeâif'; &?
tant qu’il n’en avoit pas été r e n d u , tous les a&es paifés
éntre ce u x qui devoient le c o m p t e , & la perfonne à qui il
é to it d û , étoient radicalement nuls,
•
; D ans les loix rom aines, le tuteur n’eft jamais déchargéqu’il n ’ait rendu com pte. Jufque-là il eft toujours cenféj
tuteur. N on eji funclus ■
officio} tiiji rationes reddider.it« De>
là vient que tant qu’il n’a pas rendu c o m p te , il ne p e u t ,par quel a&e que c e « f o i t , ' obtenir fa décharge ; & tou»'
a£tes qui tendent à la procurer font abfolument nuls. S i
quid ejî quod pupillus agendo tutorem fu am liberaturus e j i ?
id ipfo tutore auâare -agi reàè non p o te jl, /. ult. f f . de au thj
& conf. tutorum, & la glofe par ces m o t s , f i q u id > entend"
généralement toute forte de conventions.
^
;j
3 C e 'q u e les loix difent du tu te u r, elles le difent auifi
»îe fon héritier ou de tout autre fucceUeur à titre univer-1
fel : ncc interejl ipfe debeat qui g e jfit, five hceres ejus ,
cœterique fuccejjores.
« N o s ord o n n a n ce s, en cela conformes au droit ro m a in ,
prononcent égalem ent la nullité des aû es pa(Tés avec le
tuteur qui n’a pas rendu com pte ; elles n’exigent même pas
feulem ent le compte ; elles veulent de plus le paiement du
reliquat & la remife des pièces juftificatives. C ’eft en particu
lier la difpofition de l’article premier du titre ap de l’ordon
n a n c e de 1 66-f î ce qui doit également s'entendre de l ’héritier*
ou de tout autre fuccefleur univerfel du tu te u r, fuivant l ’ar
tic le i 2 p des arrêtés de M . le premier préfident de la
M o ig n o n qui dit que les quittances ôc décharges & autres»
conventions faites par ceux qui ont été fous la tutelle
d’a u tr u i, avec le tuteur ou les héritiers du tuteur , font;
nullesâ
�( V5 )
~ 'G é s principes pofés^' on répond facîlem ènt a lirîé'objeC r
tîon du défend eu r, que la re n o n cia tio n ’’ri’étoit pas dirigéfc
en faveur de la m ère / tu tr ic e , mais b ie ïï’ au profit dù frère
qui n’é to it;pas tuteur :on n’a 'd o n c pas-vouluifaire attention
tjue- dans lelm êm é inftàrit', où l’on-faifoit renoncer la fille ,
& ;par0le m êm e â & e v Îàfm èrét; faifoit;iaii: fils une -doiiation
u n iverfelle qui lë'ren 'd o it lui-mêm'e^débiteur^ d u 'com p te que
la m ère d e v o it, püifqu’un donataire d e to u t les biens prélens ,e f t un fuccefleur-à titre u n iverfel yi & «qu’il eft tenu’ à
toutes le s'o b lig a tio n s du "donateur j^cortim é- le* fe fo it -iirt
h é r itie r , au moins pour toutes celles qui ex ifto ieh tp a u
;m om ent "de l a 1donation H1née intêreji ipfe de beat’ quï-gejfit t
Jîve hceres f j u s } cœterique fucceffores.* '.
M a is , dit-on , dans l’ordre de la
•
>*
réda£tion du contrat
de m ariage , c ’eft la renonciation qui précède j la donation rie
vien t qu’en fu ite; d on crau m om ent de la renonciation , le
frère n’écoit pas encore donataire. C e tte objection n’eft que
frivole : peut-on donc diftinguer des' temps & des intervalles
’entre les conventions d’un feul & même a£te ? il n’y a rien
de poftérieur &
d’antérieur dans un feul a£te ;
la
figna-
ture le co n fom m e, & c ’eft l’inftant de la fignature qui eft
celui de toutes les conventions qu’il re n fe rm e , ’ fans égard
au temps qu’il a fallu pour le r é d ig e r , ni à l ’ordre qu’il
a plu au réda& eur d’y obferver.
:
Le
défendeur ajoute qu’il faut confidérer la donation
dont il s’a g i t , com m e n’ayant jamais exifté , parce qu’elle
n’a pas été infinuée. M ais c ’eft le temps m ê m e , auquel la
donation a été f a it e , qu’il faut eonfidérer. L ’in finu ation
n’é to it qu’une form alité qui ne dévoie être que poftérieure
? l'a & e , & s’il eft dém ontré par l ’a& e même qui contiens
�X r.1.4 ')
la 'donation'8c •qui, rerrferme en même* tem ps la ‘ renomeiâtioiv qui eft-a ttaq u ée j que le feul effet de cette donation
ren d oii le fils com ptable & op éroit dès l ’inflant m êm e la
nullité; 4e la jrenonciation , 'c e tte n u llité acquife dans ceç
jn ftàn t', ,n'a pas, pu être :effa cée rdans la fuite par l ’om iflioii
<de l’inijnuation / om iflion qui , p rocèd e, du fait d e 'c e lu i- lV
jnêm e qui fe^ ren d p it1 com ptable , • en accep tan t la dona
tio n : en uri m o t ^ fi J a renonciation a é té n u lle dans
4’inftanf, mêfnp , ellç frj'a^pasj.pu , après c o u p , devenir vala
b le îfa n £ Iei faiç(1d e 3 la
p e rfo n n e rà qui la
n u llité jéto it
àequifei-.fîh^ l - ? 2^1;; '. ?. . 1 i y 7 v. or ^
^ / I
c /Après, a v o if établi. les trois* nullités de la renonciation dç
Jeanne G a za rd , la prem ière tirée de la m in o rité, la fécondé
d e c e que c ’eft ’ une renonciation faite , unico pretio t à
d eu x îfu c c e illo n s , - l ’une , échue , l ’autre à é c h o ir , & la
troifièm e de ce qu’elle eft faite fous l ’autorité d ’une tutrice
qui n’àvoit pas rendu c o m p te , & du fils , donataire u n ive rfe l de fa m ère , & avoir répondu aux o b je âio n s pro*
pofées co n tre chacune de ces nullités en elles-mêmes , nou»
avons en core à écarter la fin de non recevoir oppofée pat
le d é fe n d e u r , fur le fondem ent que l ’a& ion des dem an -’
deurs n’eft venue qu’après le délai de dix ans , term e fatal
des a&ions refcifoires.
^
D ’abord eft-il bien vrai que les demandeurs ne fuflent
p as enéore dans' le tem ps dô la refcifion , lorfqu ’ils on t
dcërcé leur a&lórí ? pdur tíela il faut com m encer par exá*
.th'mer de quel temps f dafis lês d r c o n fta n c e s , le délai dç
xlix ans a pu comrhfettcer à c o u r lf; & , foua ce premier point
•île v u e , on efpère de- prouver que lôft lettres dô refcifiôrç
aquí o n t é té figiûfiées * fôrojent venues à temps. .Çc^n’eft
�( '»? )
que '"ce i m oyen lié ! fû t allez .In différen t^ p â rcè ; q u 'o iv
n âü ra pas de^peihe a p r o u v e r clan s k ia - flfite^<}U0 Fa£tiont;
-des dërnandeursr n’é to it poi-nt fôum ifé à*lar fin ‘!de non rece-l
voir de dix ans* &
qu’elle n’auroit pu s’- éteindre que par'
là prefcriptîon dé trente ans ,' mais on ne v e u t pas laiflfer au'
défendeur le plus petit-avan tage.-'
' ¿v ; ; '“ ¿o*
£; 9'J^
V o y o n s donc s’il eft vrai que les demandeurs •ne 'fufTerïtplus dans le délai' d é 3 d ix f a n s , lorftjufils roiic^ fignllfié-des
lettres de refcifion. " — '
* 5 ' • ' • ?
f C eft une vérité de jurisprudence qui ne fera pas conteftée par lé défenfeur du défendeur ,-p u ifq u e k j^ m ê n ie T a i
atteftée dans fon com m entaire /de la c o u t u m e / ‘ qu’a T ég a rd -’
des
a&ions refcifoires
de 'la femmè%
dont^ le ' m ari eft'
g a r a n t, la fin de non recevoir dé dix a n s , n éïco m m ën ce'
à courir., que du jour de la diifolution du m ariage.
; O r , i°. dans le contrat de mariage de Jeanne G azard , Jean
D e v è z e , fon mari* avôit promis de garantir la renonciation
faite par fa fem me. z ° . L a diifolution du mariage n ’arriva!
que le 12 décembre 1 7 6 ; , par la mort de Jeafine Gazard'
qui ne précéda que de quelques jours celle de Jean D e v è z e .,
arrivée le 17
du m ê m î mois. Par c o n fé q u e n t,
ïe mari étoit g a ra n t, la prefcription de dix
com m encé à courir que du 12 décembre
de la
diifolution du mariage
&
dès que
ans n ’auroit
1 7 , jour
de la mort de Jeanne
Gazard.
M ais même à cette é p o q u e , le term e de dix an6 ne put
pas com m encer à courir ; il fe rencontra un o b ftad e dans
la m inorité de deux des enfans de Jeanne G azard : Jeanne
D e v è z e n’é to it née que le 2 août 1 7 J J , & ne fu t majeure
Que le
2 août 1 7 8 0 , & Jean D e v è z e , né le
feptem ^
�( 16
b r e ',1 7 ^ ., :ne fut m ajeur que le 24 feptem bre 1 7 8 1 . D o n c
ce n’eft que de cette .dern ière époque que p ou voit co u rir
la fin de non recevoir des dix ans. A in fi, quand il n’y auroic
pas eu des lettres de re fc ifio n , on fero it encore aujour
d ’hui à temps d’en obtenir j mais elles o n t é té fignifiées
)
dès le 21 août 1 7 8 4 ; par conféquent bien long-tem ps avanc^
le term e fatal.
,
z L e défendeur a é té o b lig é d ’avouer le principe que la .
prefcription des a&ions dont le mari eft garant ne c o u r t
p oin t pendant le m ariage ; mais il a dit que dans l ’efpèce
p a rtic u liè re , l ’obligation du mari de garantir la renoncia
tion de la fem m e, étoit une ftipulation nulle & in u tile , parce
que toutes les fois que le principal o b lig é a un m oyen de
reftitution réel 6c tiré e x vifceribus r e i , le m êm e m o y e n ,
qui lui donne
c a u tio n .,
la faculté de reven ir, fe com m unique à la
O n ne co n çoit pas trop com m ent le défendeur a ofé
p ropofer cette obje& ion : n’eft-ce pas de fa part recon noître
deux des nullités q ’ie font valoir les dem andeurs, ou au
m oins une de ces nullités qui font des m oyens réels ; c Jeftà -d ire, celui qui eft fondé fur l'u n icité du prix de la renon
ciation à deux fu cc e iïio n s, ou celu i qui fe tire du défaut
de com p te rendu avant la renonciation ? & alors il d on neroit bien de lavan tageauxd em an d eurs, puifque, com m e on
le
verra
dans
la fu ite , ces deux m oyens de nullité pour-
ro ien têtre propofés fans lettres de refcifion, & ne pourroient
Être couverts que par une prefcription de
certainem ent ne feroit pas acquife.
trente ans q u i
M ais d ’ailleurs, fur quoi eft fondée la m axim e que I*
prefcription des a£ttons rçfcifo ires, dont le mari eft garant *
ne
�( 17 )
tiô peut com m encer à courir que du jour ae la di A blution
du mariage ? c ’eft fur un m o tif d’hon nêteté publique , fur
la crainte d e'tro u b ler la paix du m ariage , fi la fem m e exerço it une~a£tion que le mari fe feroic ob ligé de garantir.
M ais alors n’eft-ce pas aiTez que la fem m e fâche que fori
mari s’eft o b ligé à la garantie , pour l’em pêcher d’agir ?
eft-ce à elle à ju ger de la folidité de l ’obligation de fon
mari ? eft-elle m êm e en 'état de le .faire ? exercefca-'t- elle
a lo rs-u n e ! a£tion;qu’ellè peut croire d evoir réHéchir corftre
fon mari , connoiflant l ’obligation qu’il a con tra& ée d’eri
garantir ? n’a-t-elle donc pas toujours cette crainte d’in
quiéter fon mari ôc de troubler la paix du m ariage, q u i
eft le vrai m o tif qui dans ce cas em pêche la prefcription ?
•
’
C on cluon s donc que dans le fait p articu lier, quand même
il s’agiroit d’une nullité contre laquelle il fût befoin de pren
dre des lettres de refciiïon dans le délai de dix an s, celles
qui ont été obtenues ôc fignifiées par les dem andeurs} fon t
venues avant le terme.
Seulem ent on pourroit oppofer que les lettres de refcifion ne pourroient profiter qu’à deux des cinq enfans de
Jeanne G a z a r d , dont on établit la m in o rité, ôc non pas
aux trois autres qui ont eu plus de dix ans de m ajorité
avant la lignification des lettres de refcifion ; mais com m e
on doit retrouver la m êm e objeftion dans la fuite
de ce
m é m o ire , pour ne pas ufer de ré p é titio n , on y renvoie la
réponfe. D è s à préfent on
peut regarder com m e confiant
que quand mêm e l ’afFaire fe réduiroit à la fin de non
recevo ir des dix ans ôc à établir qu’elle n’exifte pas , le
défendeur
devroit
s'avouer vaincu. M
ais ‘il s’en
faut bien
*
•*
*
*
C
�(' »8 )
q ue les demandeurs 'e n 'fo ie n t réduits à ces term es; Ils v o n t
prouver que leur a& ion ne peut pas être repouifée par la
je u le prefcription^de dix a n s , & ; qu’e lle ne pourrait être
attaquée avec-fuccès , i qu’autant qu’o n a u ro it à leur:oppcifer
p n e prefcription de-trônce ans.
- >
P ou r établir cette p r e u v e , i l fn e ft pas.befriin de diiferter
Jong-tempS’, il rie s’agic que d e rapporter les m axim es
m êm e-q u e le défenfeur .du défendeur a enfeignées 'dans: fon
com m entaire de notre ^ co u tu m e, fiir lart. a j du tit. 1 4 >
fe£h y
tom . 2-, page 4.1 y oü; il exam ine le délai dank
le q u e l une
renonciation con ven tion n elle p eu t
être attap:
- G ^ il -là. qujil' dit. qu'une renonciation fans .prix* eft niille>
p arce qu une vente ne peut pas être lin s prix ; & que le
p rix eft un des trois caractères éiTentiels de la' vente ; quV m iî
1 a£tion qui tend à faire p ron on cer la nullité de c e tte
re n o n cia tio n , doit avo ir la
m êm e
durée que la û io n en
partage des biens de la-fu cceifion ,
>
C eft là en core qu’il en feigne q u e , il la ren on ciation
eft f a i t e , au profit d’ un tu teu r ou p ro tu te u r, qui n’a
pas rendu com pte > l ’a£tion fubfiile en core pendant tren te
ans.
*
M ais la renonciation dont- il s 'a g it; réunit les deux
carattères. i° . C ’eft une v e n te ‘fans p r ix , ou ce qui eft la
m êm e c h o f e , il n'y a qu’un feul p rix pour les deux fucfeflion s q u e lle co m p ren d , & le prix eft au-deifous de la
valeur de la fucceifion du p è r e ; ce qui fait
p oint
une
fe n d u
de prix pour la
renonciation
fucceifion
qu’il n’y a
de la m ère. 20. C ’eft
flipulée par une tu trice qui n’avoit pas
«om ptç. A in f i, fous l ’un <6c ¡’autre rap p o rts} l ’acV
�( TP )
-tîo n pour réclamer
trente ans.
contre cette ;iénonciation â du dure«?
, -,
.
„ .•
..
y
C ela p o f é , le défendeur eft o b ligé de reconnoître que.
cia
prefcription tde
trente ans ne feroit pas acquife contre
deux des enfans de Jeanne G a z a r d , d ont la m inorité l’auroit interrom pue , & quand m êm e la* prefcription de trente
-ans auroic com m encé à.courir pendant le m ariage de Jeanne
-G a zard .
.
i j.
. _ ; !
M ais mêm e pour la prefcription de trente a n s, les. dem an
deurs fon t fondés à foutenir qu’elle n’eft acquife co n tre
aucun d’ e u x , & que quand elle le feroit co n tre quelquesuns , elle feroit fans effet pour le défendeur qui ne p ou rroit pas s’en prévaloir , dès qu’il n’auroit pas prefcrit co n tre
to u s , deux propofitions qui vo n t term iner
demandeurs.
la défenfe des
E n prem ier lieu , il n 'y a de prefcription con tre aucun des
dem an d eu rs, s’il eft vrai que cette prefcription n’ait pu
çom m ençer à courir , tant qu’a duré le m ariage de Jeanne
G a z a r d , leur m ère : à cet égard , on a déjà établi que la
prefcription n e peut c o u r i r , pendant le m ariage , lo r s
que le mari eft garant de T aftion que ‘la fem m e peut
e x e r c e r ,. & il eft inutile
ont été données.
de revenir aux preuves qui en
A in fi dès que la diiïolution du m ariage de Jeanne G azard
■neft arrivée qu’en
17.6.5,. ôc que l ’a&ion des demandeurs a
¿té exercée en 1783 , la prefcription n 'é to it p as, à beau
coup près j acquife: contre
•.puiflent. même; avoir
les enfans ,
quel' âge- qu’ils
am décès de leur
'
t. E nc fécond 'lieu-, q u a n d ' mêriie là prefcription-de tren te arts
•eût été? a c q u it ’ contré- plufieur$-r ce -feroit aflea-quHl; y^tk
C ij
�( ±o)
eût deux contreilefquels elle-ne l’e ftp â 's, pour que le défen
deur ne pût pas s’en prévaloir à l’égard des autres.
c En* général p a r ‘ la jürifpriidence confiante de la fénéchauffée d’A u vergn e y en chofes indivifés , le m ineu r‘ relève
- le majeur* O n c o n v ie n t,¡d e la part du d éfendeur, que telle
wétoit en effet l’ancienne jurifprudence ; mais on prétend
;qu e d e nouveaux arrêts ont. jugé le contraire : on convient
aufîi que c’étoit l’ancienne jurifprudence de ce f i è g e , mais
- o n a jô u t e ’qu’on s’y eft départi de cette ancienne jurifprudence.
O n mettra ici le défenfeur du défendeur en contradic
tion avec lui-même , en le renvoyant à fon commentaire
-de l a x o u t u m e , tom . 2 ,-p a g e 725?; il y pofe la queftion, fi
clorfqu’un droit eft commun à un mineur & à un m a je u r,
fclè privilège du mineur fe- communique au majeur ; il traite
la queftion à fa manière ; mais il attefte lui-même la jurif- prudence de ce fiège pour l’affirmative. Il en cite trois fen- '
, tences : l’u n e , de 1 7 4 0 , au rapport de M . A rch o n de la
¡ R o c h e ; la fé co n d é , de 1 7 ^ 0 , au rapport de M . V iffac ,
f une ;dernière, au rapport de M . Brujas.
'¡..•fi .
&
. Si on fait attention que ce commentaire ne vient
• que de paroître, Ôc que le défenfeur du défendeur qui en
¿eft l ’a u t e u r , dit cependant dans les écritures du p r o c è s ,
que la fénéchauffée d’A u vergn e s’eft départie de fon ancienne
ju rifp ru d e n c e , (ans néanmoins en citer aucun ju g e m e n t ,
,011 ne pourra pas difeonvenir qu’il eft en contraHiÛion avec
lui-m êm e ; à moins que dans le fait depuis le com mentaire
;qui n e vient q u e .d e paroître
il n’eût été rendu quelques
no u ve lle s fepçences qui fe fuffent éloignées de l ’ancienne
-jurifprudence. Mais quelle ap p a ren ce,
s’il *y
en
avoit 3
Îlu’on ne les eût point indiquées dans les écritures du procès.
�( 21 )
M ais il y a u n 'fé co n d m oyen q u i, en adoptant m êm e la
n o u velle jurifprudence que l’on fu p p o fe, n’en écarteroit pas
moins la prefcription en faveur des majeurs. Il ne s’agit
'que de rétablir ce m o yen , tel qu’il a été déjà annoncé dans
;le p ro c è s, en y ajoutant une n ou velle autorité.
L e droit d’accroiflem ent a conftam m ent lieu entre les
héritiers ab-intejlat. A in fi il eft de principe que l ’un d’en tre
plufieurs héritiers venant à répudier ou à s’abftenir de la
fu c c e flio n , la part qu’il y avoit accro ît de plein d roit aux
autres héritiers.
M ais il faut diftinguer dans les diverfes fortes de cohéri
t ie r s , ceux qui viennent à une fucceflion par tête ou par
repréfentation.
S ’ils viennent tous par tê te , com m e Iorfque tous les enfans
encore vivans viennent à la fucceflion de leur père , alors
l ’accroiflem ent fe fait à tous les co h é ritie rs, ou ce qui eft
la même chofe , fuivant le langage des lo ix , l ’accroiflem en t
fe fait à la fucceflion rci} non perfonœ j enforte que la
renonciation ou l’abftention d’un cohéritier opère le m êm e
effet que s’il n’avoit jamais été co héritier &
laifle un héri
tier de moins dans la fucceflion , & en ce cas les autres
p a rta g e n t, com m e fi celui qui s’eft abftenu ou qui a répu
d ié , n’avoit jamais été héritier.
M ais il n’en eft pas de m ê m e , Iorfque quelques-uns des
cohéritiers viennent par repréfentation ; alors il faut diftin
guer la branche des rep réfen tan s, ôc fi la répudiation ou
l ’abftention procède du fait d’un des héritiers de cette
b ra n c h e , l’accroiflem ent ne fe fait qu’à la branche m êm e ,
idont il é t o i t , i &
d on t il s’eft retranché par fa répudiation
Pu par, foix abftention ; c'eft-à-dire t au profit des auçrej
�( 22 )
héritiers de cette même b ran ch e , ôc non pas au profit de
c e u x des héritiers qui viennent par t ê t e , ou par repréfenr
tation dans une autre branche.
Il
eft inutile de citer les loix qui é ta b lire n t cette do£Mne,î
il fuffit de. la recueillir dans le traité des fucceiïions de
L ebrun , 1. 3 , c. 8 , feft. 2 , n. 66 ôc fuiv. L a maxime
g é n é r a le , dit L e b r u n , eft que la renonciation profite i
celui qui fuccède , de la m ême manière précifément que
le renonçant auroit f u c c é d é , s'il n’avoit pas r e n o n c é , ôc
avec qui il avoit une liaifon plus é tro ite ; mais i l faut 1?
conform ité de la fu cceffio n , parce que c ’eft elle qui induit
cette liaifon plus étroite. V o ilà le principe général enfeigné
par le Brun : voici l ’application qu’il en fait aux cas par
ticuliers.
A i n f i , d it - i l, un fils qui renonce à la fucceffion de fon
p è r e , profite à fes frères ôc fccu rs, parce que s ’il s’é t o i c
porté h é ritie r, ils auroient tous fu ccéd é , de la m ême
manière.
L a renonciation du même f i ls , ajoute-t-il , profite à la
branche des enfans d’un autre fils qui eft p réd éed d é, parce
que tous les petits-fils d’une même branche ne font qu’une
tête dans la fucceffion de celui de cujus : & ainfi le profit
de cette renonciation regarde la branche c o h é r itiè r e , plu-,
tô t que la perfonne de chacun des petits-fils.
, A u co n tra ire , continue encore. L e b r u n , pour fa ir e , ¿b
tous les cas poffibles, l ’application du principe g é n é r a l, au
contraire, fi un des petits-fils vient à r e n o n c e r , le profit
regarde fes frères & facur.s, avec quii il auoito unie tmanière!
de.’ fuccéder commune. & une. lidifan p lu sîd trôitè , ‘étanb’
tous. des„membres i b u s' un. même: càc£.:’En.éfFetv,iconcluD
#
4
�( 23')
L e b r u n , après avoir fait une tête dans la fucceflîon de
l ’aïeul ^ ils étoient égalés dans la fubdivifion : ainfi chacun
d’eux avoit une manière de fuccéder bien plus conforme
au refpeft de fes frères 6c foèurs, que non pas au refpe£t
de fes oncles : c ’eft pourquoi la renonciation de celui-ci'
profite' à fes frères & foeurs, &- non à fes‘ oncles.
>
D ’après ces règles invariab les,’ fuppofons qu’après la
mort de Gabriel- G a za rd ', prèmier du- nom ,' & de M a r
guerite B o u fc lie t , il e û t’ été queftion du- partage de léurs
fucceiïions entre le défendeur,- leur ü l s :, ôc les enfans de
Jeanne G azard ', f i 1 fceur : ce partage eut* é t é f a i t , fans
d o u t e , en deux portions é g a le s , dont lam e aurait apparu
tenu- au' défendeur &■ l ’a u tre à tous' les enfans de Jeamie
Gazard.
Mais fuppofons en m êm e temps qu’un ou plufieurs des
enfans de Jeanne G azard euflent répudié ou fe fuifent abftenus de la fucceilion , on conviendra bien aufli que leur
répudiation ou abftention n’auroît profité qu’aux autres
enfans de Jeanne G a z a r d , &
le u r oncle.
nullement à G abriel G a z a r d ,
D e là on arrivera facilement à la folution de la queftioa
<3e prefcription oppofée par le défendeur.
L in a & i o n
de
quelques - uns
des’ enfans
de Jeanne
G a z a r d , pour réclamer leurs portions dans les fucceilions
•de leur grand-père & de leur grand’m è r e , ne peut avoir
un effet différent de celui qu’auroit
eu leur répudiation
ou leur abftention de ces mêmes fucceilions ; & f i , par
une fuite de cette ina£tion ils avoient laifTé acquérir la
Çrefcription , ce n’auroit jamais pu être qu’au profit
cohéritiers de leur branche qui auroient co n fervé l’ac^
�( 24 )
tion pour tous les droits de la branche dans les fucceflioni
de l ’aïeul & de la grand’mère.
L e favant R icard , trait, des don. part. 3 , n. 4 7 4 , établie
que le droit d’accroiffement dans les fucceiïions lé g itim e s,
n ’a lieu qu’entre les héritiers du même d e g r é , avec lefquels
ceu x qui renonçoient étoient appelés conjointem ent 3 & au n«fuiv. il donne à l’abftention ou au filence du co h é ritie r, le
m êm e effet qu’à fa renonciation toujours en faveur des
héritiers du même d e g r é , &
il fonde fa
do&rine fur la
difpofition d’une l o i , dont les termes paroiiTent en effet
formels : S i duo fratres fin t exhœredaù & ambo de inofficiofo
tejlamento egerint * unus pojleà conjîituit non agere , pars
ejus alteri accrefcit : idemque e u t & Jî tempore exclufus f it >
l. 2 3 , f f . ult. de inoff. tejî. Il eft donc évident que la
prefeription , de même qu’une répudiation , donne lieu au
droit d’a ccroiifem en t,
&
par
conféquent il doit fe faire
dans un c a s , com m e dans l’a u tre , aux héritiers du m ême
d e g r é , ou com m e le dit L e b r u n , aux cohéritiers qui ont
une manière de fucccider plus conforme entr’eux & une
liaifon plus étroite : l ’accroiiTement ne doit fe faire qu’au,
profit des frères & fœurs de celui qui a laiffé acquérir la
p referip tion, & non pas à fes oncles, de même qu’on l ’o b ferve dans (le cas de la répudiation.
Mais fi
ces frères &
raccroiifem ent &
fœurs peuvent feuls
profiter de
en priver leur o n c l e , ce feroit eux feuls
qui pourroient oppofer la prefeription à celui ou .à ceu x
qui auroient laiffé acquérir la prefeription : l ’oncle ne peut
pas l’o p p ofer; il y eft fans intérêt ^ puifqu’il n’en pourro it
pas profiter.
Mais , fans d o u t e , on . ne fera pas un
crim e.à ceux qui ont confervé
leurs a û i o n s d e Ine pa»
vouloir
�( 25)
vou loir
profiter de l ’inaction de leurs frères
&
foeurs
A u re fte , le m oyen qu’on vien t de propofer contre la
prefcription de trente ans, oppofée par le défendeur à quelq u e -u n s des demandeurs , ce m oyen auroit le même effet
contre la fin de non recevoir de dix ans qu’on a com battue
ci-devant. S i cette fin de non recevoir é to it adm iffible en
g é n é r a l, dès q u'elle ne pourroit pas avoir lieu co n tre quel
ques-uns des demandeurs , à caufe de leur m inorité , le
défendeur feroit fans in térêt à la faire valo ir contre les
majeurs , puifque les mineurs feuls en devroient profiter
par une fuite des règles établies pour le droit d’accroiffe-,
m ent en m atière de fucceff ions ab-inteflat.
Ici fe term ine la défenfe des dem andeurs ; Ils ont prouvé
que la renonciation de Jeanne G a za rd , leur m è r e , eft nulle
de plufieurs n u llités; que ces nullités font abfolue? & n’em
portent pas la néceffité des lettres de refcifion ; que quand
il en auroit fallu , elles auroient été prifes dans le délai ;
mais que n’en étant pas befoin &
l’action ne pouvant s’étein dre que par une prefcription de trente ans , cette prefcription
n ’eft pas, à beaucoup p rè s , a cc o m p lie , puifque m êm e le délai
d e dix ans pour les actions refcifoires ne le feroit pas : &
q u ’enfin , quand m êm e l’une & l ’autre le fe r o ie n t, à l’égard
de quelques-uns des demandeurs , il fuffiroit qu’elles ne le
fuffent pas à l’égard de to u s , pour que le défendeur , qui
n’en pourroit pas p ro fiter, ne pût pas non plus s’en prévaloir.
Monf i eur F A Y D I T t
Rapporteur
M e A N D R A U D , A v o ca t.
M
andet
3 je u n e, Procureur.
A R I O M , CHEZ M, D É G O U T T E , près la Fontaine des Lignes. 1786.
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Devèze, Jean. 1786]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Faydit
Andraud
Mandet
Subject
The topic of the resource
successions
renonciation à succession
donations universelles
dot
tutelle
pays de droit coutumier
prescription
rescision
minorité
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire signifié, pour Jean Devèze, Jeanne Devèze, sa sœur, fille majeure, et Gabriel Devèze, leur frère, tant en son nom propre et privé, qu'en qualité de cédataire de Michel et Marie Devèze, ses frère et sœur, tous héritiers de Jeanne Gazard, leur aieul, et de Marguerite Bouschet, leur grand'mère, demandeurs. Contre Maître Gabriel Gazard, second du nom, leur oncle, notaire royal, habitant de Saint-Mary-le-Plein, défendeur.
Annotations manuscrites reprenant de la doctrine et de la jurisprudence et une sentence de 1776 sur la question des partages.
Table Godemel : Mineur : une renonciation faite par une fille mineure, dans son contrat de mariage en 1743, autorisée par sa mère qui était sa tutrice, au profit de son frère, à la succession échue du père et à la succession à échoir de la mère, moyennant un prix unique, est-elle nulle, surtout, lorsque dans le même contrat la mère commune fait au fils donation universelle de tous ses biens, sans avoir rendu compte de la tutelle ? si la prescription trentenaire est acquise contre quelques-uns des demandeurs, et que la minorité des autres ait conservé leurs droits, les mineurs ont-ils relevé les majeurs ? en tout cas ces mineurs peuvent-ils profiter des droits des majeurs par droit d’accroissement ? 2. une renonciation faite par une fille mineure, dans son contrat de mariage, en 1743, autorisée par sa mère qui était sa tutrice, au profit de son frère, à la succession échue du père et à la succession à échoir de la mère, moyennant un prix unique, est-elle nulle, surtout lorsque, dans le même contrat, la mère commune fait, au fils, donation universelle de tous ses biens, sans avoir rendu compte de la tutelle ? le délai pour se pourvoir en rescision contre cette renonciation est-il de dix ou de trente ans ?
le délai pour se pourvoir en rescision contre cette renonciation est-il de dix ou de trente ans ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
chez M. Dégoutte (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1786
1783-1786
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
25 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1001
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Mary-le-Plain (15203)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53099/BCU_Factums_G1001.jpg
donations universelles
dot
minorité
pays de droit coutumier
prescription
renonciation à succession
rescision
Successions
tutelle
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53016/BCU_Factums_G0607.pdf
e0dc03074c7fcfb59a818893466ba431
PDF Text
Text
**
^
4*
fr
.
__
. . . . . . . . _____ .
_
......................................... ..................................
REPONSE,
P O U R
les fieur &
D em oifelle D
esm orels,
D é fe n d e u rs ;
A U
S E C O N D
De R o b e r t
& autres
L
,
M É M O I R E
& B l a i s e
F a u g e r e s
,
Demandeurs & Itith n k *
\
ES
F a u g e r e s , en répondant au M ém o ire des fieur & D e m o i
felle de la C h a p e l l e , ne fe fo n t e n c o r e attachés qu ’à jetter
des nuages fur la conteftation : ils n’ont pas é té plus exacts dans
le récit des f a i t s , & dans la n o u v e lle analife q u ’ils ont fait des
pièces produites au p r o c è s. Ils ne ceff ent de fe répéter fur des
q u e ftions fur lefquelles un arrêt rendu contradictoirem ent a v e c
leurs a u te u r s , ne laiffe plus lieu à aucune forte de difcuffïon ; en
u n m ot , ils ne s’attachent qu’à faire perdre de v u e le point eff entiel & d e cifif de la feule queftion qui eft à juger : c ’eft à q u o i
tendent toutes les o b je ctions du fécond M é m o ire des Faugeres.
Il n’y a rien d’ob fcu r ni d’é q u iv o q u e dans les différentes dif pofitions de l’arrct de 1724. Les Faugeres éto ien t a p p e la n ts de la
A
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M
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2»
fentence du 16 juin 1 7 1 1 , qui les a v o it é vin ce s h y p o th é c a ir e
m e n t ; ils s’étoient départis de ce prem ier a p p e l , parce c n ’au
m o y e n de leur deguerpiffem ent , la conteftation ne p o u v o it plus
les intérefler ; ils interjeterent dans la iuite un fécond appel , fur
le q u e l ils dem andèrent la r é v o c a tio n de ce déguerpiflem ent ;
ils ont tou jo u rs refté en c a u f e , ils n’ onr pas cefié de co n te ltc r ;
& l’ arrêt a maintenu le (leur de longa dans la picine propriété,
pojfeffion & jou ijjanct du domaine ; il lui a adjugé la reltitution
des fruits.
C e t arrêt fo rm e manifeftement un titre de p rop riété i r r é v o c a
b le en fa v e u r d u fieur de L o n g a ; dès-lors il n’eft plus q ueflio n
d ’exam iner fi l’abandon fait par les Faugeres elt un déguerpifiem ent pur & f im p le , ou ii c ’eft un fimple délaiffement par h y p o
théqué ; ii c e t abandon a été difeuté ou s’il ne l’a pas été luffif a m m e n t; s’ il a été accep té ou s’ il ne l’a pas é t é ; fi c ’ eft enfin
fur cet abandon ou fur tout autre m o tif que la décifion de l’arrêt
a porté. Les D em a n d eu rs ne p eu v e n t faire cefler l’effet de cet
a r r ê t , qu’ en l’attaquant par les voies de d r o i t , s’il y a l i e u , o u
p a r celle de l’interprétation : j u f q u e s - l à cet arrêt form era néceffairem ent une fin de n o n - r e c e v o i r in vin cib le contre toutes leurs
prétentions ; & cette difcuifion ne pourroit être portée qu ’au même
tribunal d ’oîi la décifion eft ém anée.
Les D em and eurs réclament la propriété du dom ain e , fur le
fondem ent que le déguerpiffem ent , fait par leurs auteurs ,
n’é to it qu ’ un fimple délaiflement h y p o t h é c a ir e , un abandon re la
t i f à leur d é p o ffd fio n . Ils ajou tent que par des écrits poftérieurs
à leur déguerpiflem ent ( mais antérieurs de plufieurs années à
l’arrêt ) I ^ .ü ju c de L o n g a a v o it renoncé à tout l’effet qu ’il
p o u v o it en retirer. Ils dii'ent e n c o r e , que les Faugeres qui a v o ie n t
d é g u e r p i, n’etoient pas feuls propriétaires du dom aine : ils difent
e n f in , que q u o iq u e l’ arrêt ait maintenu le fieur de L o n g a dans
la p r o p r i é t é , c’ eft ;V eux feuls que cet arrêt a dû p r o fite r , p arce
qu,$, le iieur de Longa ne l’a v o it obtenu que c o m m e leur g ara n t,
S i, après; ftvoir pris leur fait & caufe.
M ais toutes ces objections , fi elles n’ ont pas été p ropofées
fur l’ appel de la Serçtence de 1712. , vien d ro ien t à tard , elles
d o iv e n t dans tous les cas é c h o u e r contre la lettre précife de l’arrêt ;
il faut néceiïairem cnt s’y c o n fo rm e r ^ a n t q u ’il fubfiftera. La c o u r
«il- bien faifie de l'exécution des arrêts du parlem ent , mais elle
ne peut jws aller co p tre leur difpofition p ré ciic ôc litté ra le , elle
ne peut pas les r e fo r m e r , elle ne peut pas les interpréter.
D es titres fit des picces nouvellement recouvrées, &c qui au-
�.5
.
. W
ro ie n t été retenus par le fait ou p ar le do l de celu i qui ?ur o it obtenu un arrêt en fa fa v e u r , forrr.eroient fans dou te un
m o y e n de requ ête c iv ile co n tre l’a r r ë t; mais oferoit-on dire que
la d é c o u v e r te de ces titres fufHroit p o u r a utorifer une n o u v e lle
dem ande dans le même tribunal donr étoit ém anée la S entence
fur laquelle l’ arrêt auroit ftatué ?
Il en eft de m êm e de tout ce que les D em a n d eu rs op p o fe n t ; tous
leurs m o y e n s réunis 011 exam inés f é p a r é m e n t , font autant de
griefs contre l’arrêt de 1 7 1 4 , o u , fi on le v e u t , autant de motifs
p o u r fe p o u r v o ir par la v o i e de la requ ête c i v i l e , de la tierce
o p p o fi t i o n , o u de l’in te r p r é ta tio n ; mais tous ces m o y e n s ne fignifient r i e n , tant que l’arrêt fubfiftera ; ce n’eft q u ’en l’attaquant
par les v o ie s de d r o i t , q u e l’on peut p a rv e n ir à en faire ceffer
l ’effet ; j u f q u e s - l à , il d o it faire la lo i des parties : o n n ç
p eut r e co n n o ître d ’autres propriétaires du dom ain e dont il s’a g i t ,
q u e le fieur de L o n g a , puifque c’ eil à lui feul que l’arrêt en a
adjugé la p ropriété.
C ’eft donc inutilem ent q ue les D em a n d eu rs r e n o u v e lle n t line
p rétention ju g ée par un arrêt q ui fubfifte dans toute ia f o r c e ; ôc
il n’en faut pas da va n tag e p o u r repouffer cette vie ille 3c injufte
rech erc h e .
Si les D éfen deurs font entrés en difeuffion fur les m o y e n s du
f o n d s , ç’a été uniquem ent p our faire v o i r q ue les chofes ne font
plus e n tie r e s , que tout eft décidé irr é v o c a b le m e n t p ar l’arrêt de
17 2 4 , 6c c ’eft le même ob jet q u ’ils fe p r o p o f e n t , en ajoutant q u el
q ues réflexions en rép on fe au fé co n d M é m o ir e des D em and eurs.
Il eft très-vrai qu ’ en prennant le v é rita b le fens de la demande
f o rm é e par les Faugeres, lors de la dé n on ciation qu’ils firent au fieur
de L o n g a , de la demande h y p o th é c a ir e qui a v o it été form ée contr’ eu x par le fieur de la C h a p e l l e , ils ne dem andoient q ue la
réfolu tio n du c o ntrat de 1 6 8 8 , re la tive m e n t à la faculté qu’ils y
a v o ie n t ftipulée de p o u v o i r dégu erp ir quand bon leur fe m b le ro it;
ils n’a v o ie n t pas im agin é alors cette idée c h im é r iq u e , d'être dé»
dom m ages , en cas d’ e v i& io n , de la v a le u r du dom ain e.
M ais rien n ’eft plus indifférent que cette circonftance , & la
difeuffion en feroit inutile : il n’y a qu’ un feul point à exam iner
p ar r ap p o rt à l’abandon fait par les Faugeres. Eft-ce un déguerpiflement pur &c fimple & abfolu , ou n’ eil-il qu ’un limple délaiffem ent h y p o t h é c a ir e ? V o i là à q uoi fe reduiroit toute là c o n te s
tation à cet é g a r d , s’il étoit p e rm is, contre tous les p r in c i p e s ,
d ’aller con tre la difpofitioix cxpreiTe & littérale d’ un arrêt qui
n ’eft point attaque,
'
' 1
�O r l’ abandon que les F augeres ont f r 't p ar l’ a&e du 28 juillet
1 7 1 1 , eft un déguerpiiTement pur 6c
, un abandon a bfolu
& illimité de la propriété du d o m a in e ; il faut rétablir la claufe
de cet a f t e , dont les D em and eurs ont jugé à p ro pos de fupprim e r une partie eiTentielle.
Les Faugeres , après y a v o i r e x p o fé , qu 'attendu qu'ils ont payé
annuellement la tente portée par le contrat , jujques & compris i j i i t
& qu'ils n'entendent plus jou ir du domaine , comme s’en trou
vant dépoflédés, déclarent qu'ils déguerpirent & abandonnent ledit
domaine.
11 n’ en faudroit fûrem ent pas dava n tag e p o u r rendre ce déguerpiffement pur & iimple & indépendant d’aucune condition , dé
clarent qu'ils déguerpirent & abandonnent ledit domaine ; fu r - to u t fi
l ’on fait attention que le fieur de L on g a s’étoit mis en ré g lé fur
la prife de fait & caufe , & q u ’il leur a v o it notifié l’arrêt qu’ il
a v o i t o b te n u , qui faiioit défenfes au fieur de la C h a p e lle de
m ettre à e x é cu tio n la fentence du 16 juin 17 12 .
Mais les Faugeres* font allés plus l o i n , ils n’ont v o u lu laifler
a u cu n e -in ce rtitu d e fur la nature de leur a b a n d o n ; ils ont déclaré
to u t de fuite , qu’ /Vi confentoient que te Jieur de Longa p û t agir
contre le Jieur de la C hapelle, pour raifon de la propriété dudit do
maine , ainji q u'il verroit être à faire.
Q u e l’ on réunifie à préfent à ce déguerpiiTement fo rm e l &
illim ité , la dénonciation que les Faugeres en firent au fieur de la
C h a p e l l e , le 11 août i u i v a n t , & il ne fera plus poffible d’é le v e r
le m oindre doute fur l’irré v oca b ilité de c e t abandon.
Les Faugeres y déclarent dans les termes les plus e x p r è s , q u ’;/*
fe fo n t défijlés de la propriété du dom aine, a la charge de demeurer
quittes de l'effet du f'ujait contrat de rente, f a u f au x dits Jieurs de la
Chapelle & de L ongua, de prendre telles mefures qu'ils jugeront à pro
pos de difputer entr eux, pour taijon de ladite propriété dont ils Je fo n t
départis & départent, &c.
Eft-ce ainfi cjuc s’ e xp liq ue un e m p h y té o te é v in c é h y p o th é c a i
rem en t , & qui n’ a pas la liberté de déguerpir , f u r - t o u t après
une prife de fait & caufe de la part de Ion g a r a n t, fu ivie d ’un
arrêt de défenfes d ’e x écu ter la fentence qui l’a é v in c é ? L ’e m p h y té o tc cjui n’a pas la faculté de d é g u e r p i r , & dont l’é v i& io n n’eit
p o u r ainfi dire que m om entanée & furfife jufqu’à ce qu’ il aura
cté fait droit fur l’appel de la lentence qui l’a é v i n c é , fera fans
doute bien fondé de dem ander à fon garant de faire ccfler l’é v i c
tion , ou de Pindeinnifer : mais cet e m p h y té o te ne dira ifircment pas, q u ’il déguerpit ôc r e n o n c e à la p r o p r ié t é , q u ’il s’en
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ÏL O /
d é f i f t e , qu ’il n’ y prétend plus aucu n droit ; il ne dira pas qu’il
rem et cette p ropriété à ion g a r a n t, & qu’il co nfent que fon garant
agifle co m m e il a v i l e r a , p our réunir cette propriété utile à la
feigneurie d ir e ft e ; c’e il cependant ainfi q u e s’en font expliqués
les Faugeres par l’ a ile de leur déguerpiflem ent.
R ie n de plus inutile que d’ e xam in er les m otifs q ui les y o n t
déterm inés ; que P é v i â io n qu’ils a v o ie n t fouffert en ait été la
caufe , qu ’ ils aient eu en v u e de fe libérer d’ une rente q u i , dans
ces temps-là p o u v o it leur être onéreu fe , ou q u ’ils aient eu quelqu e
autre vu e , tout cela eit abfolum ent indifférent ; ils a v o ie n t la li
berté de déguerpir par une cLiufe ex p reiïe du contrat .d’e m p h y té o fe ;
ils ont déguerpi & ils ont abandonné fans r e to u r la propriété du
dom.iine , dans les termes les plus précis &C les moins fufceptibles
d u 10 interprétation co n tra ire.
La r é fe r v e q u e fe firent les F augeres de l’ex é c u tio n d e
f en_
ten ce qu’ils a v o ie n t obtenue co n tre le fieur de L o n g a , ne form e
pas une con ditio n , elle ne reilrein t point l’ effet de leur déguerpiflement , elle en e il abfolum ent indépendante ; cette ré fe r v e fe
réun iroit même , p o ur p r o u v e r q ue dans l’in te n tio n , co m m e dans
le f a i t , l'abandon a été p u r & f i m p l e , & qu’on ne p e u t , en aucun
c a s , le coniidérer com m e un fimple délailfement fo rc é ou fubordon né à aucune condition.
O n v o it en effet dans l’a& e du 28 juillet i y i i q u i , fans être fa m tu x t
eft d é c i i i f , que les Faugeres ont com m en cé par rejetter la prife
d e fait & caufe du fieur de L o n g a , en difant qu 'tilt tjl ytnut
à tard. ; & ils déclarent en m em e temps , qu’attendu qu ’ils o n t
p a y é la rente jufques &c com p ris l’année x y i i , ils ne prétendent
plus aucun droit de propriété du d o m a in e , qu ’ils abdiquent cette
p r o p r ié té qui d e v ie n t dès-lors l’affaire propre & perlonnelle du
iieur de L onga , & qu ’ils n’y prennent plus aucune forte d’intérêt.
L e fieur de L ongua n’étoit cep endant pas vtnu à tard ; dès le
m o m en t de l’é v i d i o n il a v o it pris le fait & caufe des Faugeres ;
il a v o it obtenu un arrêt qui faifoit défenfes de mettre la f'entence
à e x é cu tio n : dès-lors il ctoit en règle fur la demande en reco u rs
q ui a v o it été e x e r cé e contre lui ; &c c ’e il malgré cette prife de
fait & c a u f e , qui m ettoit les Faugeres hors de tou t in térêt, qu ’ils
on t fait l’abandon le plus précis de la propriété du D o m a in e .
Il c il donc ridicule de d i r e , que les Faugeres ont aban donn é
cette propriété f o r c é m e n t , &c que cet abandon n’ eil r e la tif qu ’à
leur dépofleffion ; rien ne les y o b lig e oit : l’é viclio n , co m m e
■on l’a déjà d i t , n ’étoit pas a b i o l u e , & elle n’a v o it d ’ailleurs
aucun trait à la p ropriété dont elle ne les é v in ç o it p a s ; le fo rt
�de cette dépofleifiondépendoit de l’é vé n em e n t de l’appel que le fieur
de L o n g a a v o it pris fur fon c o m p te ; rien n’ o b lig e o it d o n c les
Faugeres à d é g u e r p ir , &C de-là la co n fé q u e n ce néceffaire que leur
déguerpifl'ement a été v o lo n ta ir e , & q u ’ils ont ufé librement
fans y être contraints & fans aucu ne néceflité, de la faculté ftipulée
par le contrat d ’e m p h y té o fe .
Les F a ug eres a v o i e n t d eu x a â io n s en co n féq u e n c e de l’h y p o th e q u e qui a v o it été e x e rcé e fur e u x ; l’une qui d ériv o it de la
garantie qu’ils p o u v o ie n t prétendre en cas d’ é v i â i o n , l’ autre ftipulée e xp reflem en t par le contrat de b a il à rente ; c ’é toit h fa
culté de dégu erp ir : il faut néceflairem ent que l ’une de ces d e u x
a & io n s cède à l’ autre : ils a v o ie n t d ’ abord e x e r cé cette p rem iere
a â i o n par la dén onciation qu ’ils a v o ie n t faite au fieur de L o n g a ,
de la dem ande h y p o th é c a ir e du fieur de la C h a p e ll e , & par la
dem ande en garantie qu’ ils a v o ie n t fo rm ée contre le fieur de
L o n g a ; ils d e v o ie n t donc s’ en tenir l à , fur-tout après la prife
d e fait ôc caufe du fieur de L o n g a , 8c après a v o ir obtenu contre
lui une fentence qui le condam noit à faire ceffer l’é v i â i o n ; ils
n’a v o ie n t plus aucune forte de dém arches à faire ; ils n’a v o ie n t
q u ’à attendre l’évé n e m e n t de l’a p p e l , que leur garant a v o it in
t e r je t é , com m e tout autre tiers détempteur auroit fa it, & auroit
même été fo rcé de f a ir e , s’il n’a v o i t pas eu la faculté de d é g u e r
p i r , dès-que fon garant faifoit les diligences néceiîaires pour faire
ceffer l’é v i â i o n : ils nerifquoient plus rien , 6i. ils ne foufïroient
rien ; ils n’ a vo ie n t déb ou rfé aucuns deniers , &c s’ils étoient
privés des fruits in te r m é d ia ir e s , ils ne p a y o ie n t pas la rente ;
fi la fentence a v o it été confirmée , leur attion en dom m ages &c
intérêts , & la fentence qui les leur adjugeoit fe tr o u v o ie n t en
tiè r e s; f i , au co n tra ire , la fentence a v o it été in f ir m é e , ils revenoient à leur prem ier é t a t , ils auroient repris leur, pofleifion pri
m itiv e , ils auroient eu la reftitution des fruits.
Mais ce n’ eft pas la conduite qu’ ont tenue les Faugeres ; ils ont
entièrem ent abandonné cette p rem ière aftion ; ils ont rejette la
prife de fait & caufe du fieur de Longa ; ils y ont renoncé. Autorifés à déguerpir par une elaufe exprefle de leur c o n t r a t , ils
ont d é c la r é , de la m anière la plus exp refle , q u ’ils.fe défilloient
de la propriété du dom aine. D ans de pareilles circonftances, n’eftc e pas aller ou vertem en t contre la lettre précife ôc l’efprit bien
m anifcilé de l’afte du 28 juillet 1 7 1 2 , de. le préfenter c o m m e un
iimple délaiflemcnt h yp o th éc a ire ou fub ordonn é à la dépofleflion
des Faugeres?
Il en cft de meme de la ré fe rv e faite par les F a u g e r e s , de l’e x é
�cution de la fentence qu ’ils a v o ie n t obtenu con tre le fieur d e
L o n g a , le prem ier juillet 1 7 1 2 , c o m m e d’ un t r a i t é , par le q u e l
une des parties c o n tra ria n te s, après s’ être départie de l’a& ion q ui
fa ifo it l’ob jet du t r a i t é , fe feroit r é fe r v é e d’ autres droits exprim és
ou non exprim és ; cette ftipulation laifleroit fans doute fubfifter
l ’a iK o n , p our raifon des droits r é f e r v é s ; mais elle ne feroit pas
renaître l’aftion déjà éteinte par la tranfaction: les Faugeres , après
a v o i r déguerpi purement & A m p le m e n t, après a v o i r déclaré q u ’.iis
ne prétendoient plus aucune fo rte de droit à la propriété du d o m a i
ne , fe font ré fervés l’e x écu tion de la fentence q u ’ils a v o ie n t
o b tenu contre le fieur de L o n g a ; ce n’eil do n c exa& em ent que la
r é ie r v e d’ une a û i o n à p o u rfu ivre con tre lui ; a£tion abfolum ent
indépendante de leur d é g u e rp ifle m e n t, puifque la ré fe rve eft pure
& f im p le , &i qu’elle ne c o n tie n t pas l’alternative de faire ceiTer
l ’é v i â i o n .
Mais cette fentence p o u v o i t - e l l e a v o i r fon e x é c u t i o n , dès-que
les F augeres a v o ie n t d ég u erp i vo lontairem en t & fans être f o r
cés ? V o i là tout ce qui é to it à difcuter entre le fieur de L o n g a
t e les Faugeres , v o ilà tout ce qui réfultoit de cette r é fe r v e .* o r
il étoit manifefte que cet abandon pur & f im p le , e x c lu o it les
Faugeres de toute forte de dom m ages & intérêts ; c’eft auili c e
ui détermina le fieur de L on ga , d e v en u propriétaire au m o y e n
e ce dég uerpiflem ent, d ’interjeter appel de cette l e n t e n c e , p o u r
en faire ceiTer l’effet ; & l’arrêt de 1 7 2 4 a jugé d ife rte m e n t, qu ’il
n’ étoit pas dû dom m ages &t intérêts.
S i les D e m and eurs n’ ont pas tr o u v é la m ention de cet a p p e l ,
foit dans la co p ie qui leur a été fignifiée , foit dans l’expédition
originale de l’arrêt dont ils difent e u x - m ê m e s qu’ ils ont fait le
dépouillem ent le plus exaft pendant le temps qu’ils l’ont eu en
com m un ication , c ’eft parce q u ’ils n’ ont pas vou lu l’y t r o u v e r ,
& q u ’ils a vo ie n t intérêt de ne l’y pas tr o u v e r ; mais il n’y c il
pas moins rappellé dans les termes les plus exprès : v o ic i c o m
ment le fieur de L o n g a s’e xp liq ue dans une requête qui y c il
v ifé e , aux fol. 63 , 64 & 6 5 , fous la date du 15 mai 1 7 2 4 ,
D o n n e r acle au fieur de Longa de Ja dénonciation au fie u r de la Cha
pelle , de la demande hypothécaire inflruite contre lefdits Faugeres , de
la fentence qui avoit ordonné le défiflement du 11 ju i n ' 7 ( ? des exé
cutoires qui avoient J 'u iv i , & des pourjuites & procédures en recours
que lefdits Faugeres avoient exercé contre ledit M onnet de Longa , DE
3
2
LA SENTENCE QU'lLS AVOIENT OBT1-NU CONTRE LUI, A RIOM , LE
PREMIER JUILLET 1 7 1 2 , ET DES APELLATIONS QUE LEDIT MON-
L o n g a a v o it
SENTENCES; c e ja ija n t,
n e t de
in t e r je t é
en l a d it e
C our
d e s d it e s
que ledit Dtjmorels de la Chapelle , cornait
�garant formel dudit de Longa. , jero lt condamné de faire ceffer la de~
hy pothécaire y ET FAIRE INFIRMER LESDITES SENTENCES,
AVEC DOMMAGES INTÉRÊTS.
m ande
C e t a p p e l , dont on ne peut plus r é v o q u e r en doute l’ e x ifta n c e ,
en rejettant fur les D em andeurs leur fauffe imputation d’ altération
& de Jabtilitéy m et la conteftation dans le plus grand jo u r ; il
p r o u v e que le iieur de L o n g a a v o i t accepté le déguerpiffem ent
d e 1 7 1 2 , qu’il en f a i r t j j ^ i f a g e , & que c e déguerpiffem ent form oit une diicuifion entre les Faugeres & l u i , q ui a v o it donné
lieu à l’ appel qu ’il a v o it interjeté de la fentence qui le condam noit
en leurs dom m ages intérêts, dont il d e m a n d o it, en cas d’é v é n e
m ent , d’être indemnifé par le fieur de la C h a p elle.
C e tte p r e u v e , qui eft une conféqu ence néceffaire de l’appel
du fieur de L o n g a , eft portée jufqu ’à la d é m o n ftra tio n , par la
requ ête qu’il donna le 12 juillet fuivant.
O n a déjà v u au p r o c è s , que le fieur de L onga , après a v o i r
d em a n d é a â e par cette r e q u ê t e , qu ’il donnoit en fon nom f e u l ,
de ce qu'il recllfioit , txpliquoit & augmtntoit fe s demandes, a e x a c
tem ent diftingé celles qui lui étoient p e r fo n n c lle s , & qu ’il form oit
en fon nom , de celles q u ’il form oit com m e garant des F a u g eres;
il dem andoit en fon nom f e u l , d’ être gardé & maintenu définiti
v e m e n t dans la propriété du dom aine , dans la poffeflion duquel
il a v o it déjà été ré in tég ré, par l’arrêt de 1 7 2 1 ; 6c com m e garant
des F a u g e r e s, il dem andoit la m a in - le v é e des exécutions qui
a v o ie n t été faites fur eu x , &c d’être garantis & indemnifés de
tout ce q u ’ils p ou rro ie n t répéter contre l u i , à quelqu e titre que
ce fût.
O n ne peut pas confidérer ces dem andes com m e la fuite ou l’acceffoire l’une de l’ autre , ou co m m e n’ a yant pour ob jet que la prife
de fait & caufe du fieur de Longa ; il ne p o u v o it d e m a n d e r , co m m e
on le p ro u v e ra dans un m om ent , d’ être maintenu dans la p r o
priété du d om ain e , qu ’en c o n féqu en ce du déguerpinem ent des
F a u g e r e s , & c’ eft contr’eux feulement , & non contre le fieur
de la C h a p e lle , qu’il p o u v o it diriger cette demande ; d’ où il
fuit n é c e fla ire m e n t, que le fieur de Longa a v o it accepté p lei
nement l’abandon fait par les Faugeres , & que l’arrêt l’a c o n
firmé en le maintenant définitivement dans la propriété du dom aine ;
p r o p r i é t é , en core une f o i s , à laquelle il ne p o u v o it a v o ir droit
qu’en co n féq u e n c e de ce dcgucrpiiTement.
Il 11’eiV pas pofliblc de don ner un fens différent aux c o n c lu
fions de cette r e q u ê t e , & la co n féqu en ce qui s’ en tire naturelle
m ent , que le fieur de Longa , depuis l’appel q u ’il a v o it interjeté
de
�de la fentence du prem ier juillet 1 7 2 1 , n’agifloit plus c o m m e a ya n t
pris le fait & caufe des F a u g e r e s , & qu’il demandoir au c o n tra ire
l’ exécution de leur d é g u e rp ille m e n t, a paru fi folide aux D e m a n
d e u r s , q u ’ils ont été hors d ’état de rép on d re à l’ o b j e â i o n .
C ’eft une petite mais bien m auvaife chicane , de dire que
cet a p p e l , du iieur de L o n g a , n’a pas été jo in t au procès ;
les D éfen deurs font hors d’etat de rap p orter les pièces de leur
p ro céd u re , & cela n’eit pas étonnant , après une r é v o lu tio n
de tant d’a n n é e s , & les m in orités qui fe l o n t fuccédées dans
leur f a m ille ; mais o utre que cet ob je & ion ne fe ro it pas p r o p o fable après un arrêt contradittoire qui a fait droit définitivement fur
toutes les demandes & les prétentions re fp e ftiv e s des p a rties , l ’ar
rêt de 1 7 2 4 p r o u v e non - feulement que cet appel a été j o i n t ,
mais il p r o u v e en co re q u ’il a été fait droit fur cet appel.
O n tr o u v e d’ abord dans le v u d e cet a r r ê t, la jonftio n de
différentes appellations fans en déterm iner l’objet ; mais on y
p r o u v e une m ention e x a & e & p récife de la jondtion des dem an
des que le fieur de L o n g a a v o it form ées , tant par fa requ ête du
15 mai 17 2 4 , qui con ten oit la dénonciation de fon appel au fieur
de la C h a p e l l e , que par celle du
juillet f u i v a n t , par laquelle
il a v o it pris des conciufions relatives à cet a p p e l , dont la j o n c
tion par conféqu ent ne p ou rroit pas faire la matiere d’ un doute
raifonnable.
D ’a ille u r s , fi peu que l’on fafle attention aux différentes én o n
ciations du difpofitif de l’arrêt de 1 7 2 4 , on y v o i t clairem ent
qu’ il a fait d ro it exprefïem ent , tant fur l’appel interjeté par le
fieur de Longa , de la fentence qui l’a v o it condam né aux dom
mages &: intérêts des Faugeres , que fur la demande qu’ il a v o it
form é , afin d’être maintenu perfonnellem ent &C en fon nom ,
dans la propriété du dom aine.
O n rem arqu e d’a b o r d , que Iorfqu’ il s’agit d’énon cer les appel
lations interjetées par le fieur de L o n g a , elles ne fo n t pas dé
terminées com m e celles des Faugeres : au fimple appel de la fen
tence du 16 juin 1 7 1 1 , il y eft d i t , & fu r les appellations dudit
M on n et d t L o n g a , EN SON N O M , & c o m m e prenant le f a i t & caufe
des Faugeres d e s d i t e s s e n t e n c e s . Les appellations du fieur de
Lo n g a n’étoient donc pas limitées
la feule fentence du 16 juin
1 7 1 2 ; elles a v o ie n t e n core p o u r o b je t ,
c elle n’en p o u v o ie n t
pas en a v o ir d ’a u tr e , que la fentence du prem ier juillet fu iva n t.
O n v o i t enfui t c q u e l’a rr êt , après a v o i r mis les a p p e l la t i o n s
& les fentencCS au n é a n t , en é m a nd an t & ayant égard aux requêtes
données par le fieur de Longa que l’on v ie n t de r a p p e lle r , & dpres
B
5
�a v o ir déboute Je fieur de la C ha p elle de fa demande h y p o té caire , a fait droit , par une difpofition exprefTe 6c fé p a r é e , fur
les appellations &C demandes des F a u g e re s, en leur faifant main
le v é e des exécutions faites fur leurs biens ; l’arrêt ne va pas plus
loin en ce qui les concerne ; mais s’il n ’a v o it été queltion au
p ro cè s que du fimple appel de la fcntencc du 16 juin 1 7 1 2 ; fx
le fieur M onnet n’a v o it p rocédé que com m e garant des F a u g e r e s ,
6c co m m e a ya n t pris leur fait 6c caufe , li l’on n’a v o it regardé
la réintégrande p r o v iio ir e ordon née au profit du fieur de Longa
par l’arrêt de 1 7 2 2 , que c o m m e une fuite 6c un accefl’o ire de
fa prife de fait 6 c cau(e , la difpofition de l’arrêt eût été limple ,
elle eût été unique : après a v o i r débouté la fieur D e fm o rcls de
fa demande h y p o th é c a ire , l’arrêt auroit fait m ain-levée aux Fau
g e r e s , des exécutions faites fur e u x ; il auroit condam né le fieur
de la C h a p elle à leur reilituer les fruits ; voilà tout ce qui p o u
v o ir faire l’ objet des appellations de la ientence du 16 juin 171 2 ,
dès qu’ elle ctoit infirmée; l’a r r ê t , en faifant droit fur ces appel
lations , 6c fur la prife de fait 6c caufe du fieur de L onga , n’a vu it
plus rien à juger.
Mais l’a rrê t, après a v o ir fait droit fur ces a p pellatio ns, a porté
line fécon dé décifion qui leur étoit absolument é tr a n g è re ; 6c par
une difpofition féparée 6c abfolum ent indépendante 6c manifeftement contradictoire a v e c la p r e m i e r e , il a gardé 6c maintenu le
fieur de L on g a , dans la propriété, po(Je{Jion & jnuijjanct du domaine,
ts i l a condamné le Jieur de la Chapelle à lui en rtflituer les fruits.
C e tte difpofition de l’arrêt frappe néceffairement fur une d e
m ande qui n’eft pas analogue aux appellations de la fentence du
16 juin 1 7 1 1 , & à la prife de tait 6c caufe du fieur de L onga ;
elle n’a pu porter que fur des demandes particulières formées par
le fieur de Longa , à tout autre titre , en toute autre qualité 6c
à tout autre droit que ne lui donnoit fa qualité de garant des
F a u g e r e s , p our raiion de leur é v i d i o n ; 6c le fieur de L o n g a
n’ a pu form er cette d em ande, qu’ en c on féqu en ce du dég uerpiflenient fait par les Faugeres.
La troifieme difpofition de l’a r r ê t , par laquelle le (leur de la
C h a p e lle a cte condam ne aux dépens ja its par le Jîeur de Longa ,
contre les Faugeres , & à Facquitter des dépens ejquels il auroit été
çoadamné envers e u x , eft e n c o re , à remarquer.
Si le fieur de L o n g a n’a v o it été en caufe , 6c qu’ il n’ cùt agi
que co m m e garant des F a u g e r e s , 6c com m e a y a n t pris leur fait
6c caufe , où feroit l’ob jet des frais qu’ il auroit pu faire contre
çu x ? L ’arrêt de 1 7 2 2 6c celu i de 1 7 2 4 , ne le condam nent en
�3 ,0 ?
I I
aucune forte de dépens en vers les Faugeres. Q u e ls feroient donc
les dépens auxquels il auroit fu ccom b é , & dont le fieur de la
C h a p e lle étoit condam né de l’ acquiter en vers eux , fi ce n’ étoient
pas ce u x qui a vo ie n t été adjugés aux Faugeres par la fentence
q u ’ils a vo ie n t obtenu fur le reco urs qu ’ils a v o ie n t exercés contre
le fieur de L o n g a , dont il a v o it interjeté a p p e l , 6c dont il a v o it
demandé d’être in d e n m ifé , par fa requête du 15 mai 1 7 1 4 , qui
conten oit la dénonciation de cet a p p e l , &C par celle du 12 juillet
f u i v a n t , qui c onten oit une ex p lication précife de toutes fes de
mandes.
C e t a rr ê t, exam iné dans toutes fes d ifp o fitio n s , p r o u v e donc
c la ire m e n t, que ce n’ eft pas pour 6c au nom des F a ug eres, c o m m e
leur g a r a n t, 6c c o m m e a yan t pris leur fait 6c caufe , que le fieur
de L o n g a a été maintenu dans la p ro priété du dom aine ; que c ’ eft
p erfonn ellem en t & en fon n o m , & à to u t autre titre que celui
de garant des F a u g e r e s , q u ’il y a été maintenu ; que c’ eft enfin
fur une difeuffion fu ivie dès avant l’ arrêt de 17 2 2 , qu’il a été
fait droit par celui de 1 7 2 4 ; 6c il n’ y a q ue la queftion feule de
la validité du déguerpiftem ent des Faugeres , qui ait pu donner
lieu à cette difeuffion.
En e f f e t , la queftion fur la p ropriété ne p o u v o it s’ é le ver qu ’e n
tre le fieur de L on g a 6c les Faugeres ; le fieur de la C ha p e lle ne
la réclam oit pas , & il ne p o u v o it pas la réclam er en vertu de la
fentence du 16 juin 1 7 1 2 , qui ne lui d o n n oit aucun droit à la
propriété.
Le Sr de la C h a p elle étoit un fimple créancier qui a v o it e x e rcé fon
h y p o th é q u é fur le dom aine dont il s’ a g it; il a v o it obtenu fentence
qui a v o it déclaré le dom m aine affe&é 6c h y p o th é q u é au paiem ent
de fes créan ces; il lui étoit permis en con léq u cn ce d’ en jouir pignorativem ent jufqu ’à l’entier p a ie m e n t, ou de le faire faiftr réel
lement.
La demande du fieur de la C h a p e lle & la fe n te n c e , ne portoient
aucune atteinte à la p ropriété ; elles n’y a vo ie n t aucun trait. O n
fait que le tiers d é te m p te u r, dépofl'édé h y p o th é c a ir e m e n t, n’eft
pas é v in c é de la propriété , parce que le créan cier qui l’a é v in ç a
n’a jamais eu aucun droit à cette p r o p r ié té ; il p e u t , à la v é r i t é ,
faire ven d re , s’il n’eft pas p a y é ; mais la faifie réelle ne peut même
être faite que iur le tiers d é te m p te u r, qui refte toujours p r o p r ié
taire juiqu’à ce que l’héritage a été ven du ; il eft toujours à temps
jufqiies-là d’ écarter le créan cier en le rembourfant.
C e n’eft do n c qu ’entre le fieur de L on g a 6c les F a u g e r e s, que
la difeuffion fur la propriété s’étoit é l e v é e , & il n’y a eu que le
B ij
VqI
�déguerpiflem ent des Faugeres qui ait pu form e r cette difcuflion ;
d ’où il fuit n é c e fla ire m e n t, que tout ce que les D em andeurs oppoient fur la form e ou fur la validité du d é g u erp ifle m en t, fur la garan
te la prife de fait 6c caufe du fie u rd e Longa , n’ eft que fophifm c 6c
illufion, puifqu’il eft dém ontré que c ’eft uniquement en conféqu ence
de ce déguerpiflem ent , & en faiiant droit iur la queilion qui s’étoit
é le v é e fur la va lid ité du dég u erp ifle m e n t, que l’arrêt a maintenu 6c
pu maintenir le fleur de L o n g a dans la propriété du domaine.
C ’eft une vérité d’ autant plus certaine , qu’elle a achappé aux
D em a n d eu rs eux-mêmes dans leur premier M é m o ir e , oit ils ont
dit très-expreflem ent , que la révocation du déguerpiflement avoit f a it
l'ob jet du Jecond appel qui les Faugeres avoient interjeté,
11 eft vrai qu ’ils ont v o u lu retraiter cet a veu , 6c qu’ ils ont
m êm e ofé le d é f a v o u e r ; ils ont o p p o f é , page 15 , ligne prem iere
de leur prem ier M é m o ir e , qu ’/ j n ont pas d it que P appel & les
griefs des Faugeres , contre la Jentence de 1 7 1 1 , tendiffent à la révoca
tion de leur déguerpiflement , mais q u ils ont dit que ces griefs Juppo-
7
fo ien t q u 'il n'en était p lu s queflion.
O n p ourroit d’ab ord leur r é p o n d r e , que ces griefs même p r o u v o i e n t que l’abandon fubfiftoit alors dans toute Ta f o r c e , puiique
les concluiions de leur requête ne tendoient qu ’à ce qu’ en infir
mant la fentence ôc en émandant , ils fuiîent déchargés des
condam nations qui a v o ie n t été p ro n on cées contr’eux : o r la d é
ch arge. de ces condam nations n’ a v o it d’ autre ob jet que la
reftitution des fruits , 6c les dépens auxquels ils a v o ie n t été
c o n d a m n é s ; ils n?a v o ie n t feulement pas conclu
ce que le ficur
de L o n g a fût débouté de fa dem ande h y p o th é c a ir e , ce qui p r o u v e
bien qu’ils 11; prenoient pas alors aucun intérêt à la p rop riété
du dom aine qu’ ils a v o ie n t déguerpi ; mais fans s’ arrêter à ces
ob fe rv ation s qui ont déjà été difeutées , il n’y a q u ’à vérifier
le fait.
O r v o ic i ex a & em cn t les termes dans lcfqtiels les D em and eurs
fe font e x p li q u é s , au troifieme alinéa de la page^îç de leur pre
m ier M ém o ire. S i l'abandon de i y i z eût J u b fijlé , s 'i l eût dû avoir
f o n exécution , Us Faugeres n'auraient pas pris Jur eux de faire fig n ifier les griefs : on voit même que le fic u r Defm orels les foutenoit non-receia b lcs , caaw'.e s'étan t départis d'un premier appel. Cette fin de non-recevoir a été rejetée pa r l'a r r ê t, ET LE NOUVEL APPEL É TO I T SANS
UOUTE FONDÉ SUR LA RÉVOCATION DU PRÉTENDU DÉLAISSE
MENT DE 1 7 1J -
V o ilà d o n c , de l’a v e u m ême des D e m a n d e u r s , un n o u v e l appel
interjeté par les F a u g e r e s , ôc c c n o u v e l appel n’étoit fondé que.
fur la r é v o c a tio n de leur déguerpi/Tcnicnt.
�Mais ce n o u v e l a p p e l , conftaté d’ailleurs par l’ arrêt
fufBroit
feul p our p r o u v e r qiie le déguerpiflem ent étoit alors adopté par
toutes les parties , ¿t qu’ il étoit accepté par le fieur de Longa ,
fans q u o i , &; s’il n’eût pas fubfiiîé , ce n o u v e l appel eût été abfolu m en t inutile , dès que le fieur de L on ga n’auroit reiîé en caufe
que p our la garantie des Faugeres ; mais quel degré de p r e u v e
n ’aquiert pas ce n o u v e l a p p e l , dès que les D e m a n d e u r s , fans doute
m ie u x iniîruits que les D éfen deu rs de la p ro céd ure de leurs au
t e u r s , apprennent eux-m êm es qu ’il n’ étoit fondé que fur la r é v o
cation du déguerpUTçm ent; &C il n’eft pas d o u te u x , in d é p e n d a n t" ^ " ^
m ent de leur j r t w ; que ce n o u v e l appel ne p o u v o it pas a v o ir un
o b jet différent.
C ’eft donc inutilement que les D e m and eurs veu len t faire renaître
en la C o u r une prétention proferite difertement par un arrêt rendu
contradi& oirem ent a v e c eux.
Il eft in c o n c e v a b le que l’ on re v ie n n e toujours à préfenter les
deux é c rits , ou pour m ieu x dire , les deux chiffons de 1 7 1 6 & 1 7 2 1 ,
c o m m e une fuite & une é x é cu tio n de la garantie &. de la prife
d é f a it
caufe du Sr de L o n g a , & c o m m e une p re u v e que l’aban
don fait par les Faugeres n’étoit q u ’un fimple délaiiîement h y p o
thécaire ; ce raifonnem ent renferm e une co n tra di& io n manifeile.
Si les Faugeres n’a v o ie n t regardé l’abandon qu’ils a vo ie n t fait
du dom aine , que com m e un fimple délaiiîement h yp o th é c a ire , tk.
que le fieur de Longa n’ eût effe& ivem ent agi que pour eux &C
c o m m e leur garant ; ces deux écrits étoient évidam m ent fans objet ;
les Faugeres a v o i e n t 't o u t e la fureté qu’Jtfs p o u v o ie n t d efire r, foit
par la qualité de leur abandon , foit par la dénonciation q u ’ils
a v o ie n t fait faire au fieur de Longa , a v e c fom m ation de faire
c efler ! l’é v iftio n , (oit enfin par la fentence qu’ils a vo ie n t o b
tenu contre lui. C e n’efl don c & ce ne peut ê t r e , que parce q ue
les Faugeres n’ ign oroien t pas qu’ au m o y e n de l’abandon qu’ ils
a v o ie n t fait , ils n’ a vo ie n t plus aucun droit au dom aine qu’ils auroien t ftipulé par ces denr: prétendus écrits ; ainfi ils fe réuniroient
e n c o r e p o ur p r o u v e r que le déguerpiflem ent dont il s’a g i t , eft .
un déguerpiflem ent v o lo n ta ire , un déguerpiflem ent a b fo lu , & n on
^
un fimple délaiiîement h yp o th écaire.
Mais on a déjà réfuté , plus que fuffifam m ent, ces deux préten-^-dus é c rits 'd o n t il ne icroit pas poflible , en aucun cas , q u e les
D em and eurs puflent faire le moindre ufage ; on fe contentera d’a jo u
ter une fimple réflexion : ou ces deux écrits a vo ie n t été produits *******
f u r i e n o u v e l appel que les Faugeres a vo ien t i n te r je té , & fur
celui du fieur de L o n g a , de la fentence du p rem ier juillet I712 ,
�ou ils n’ont pas été produits ; au prem ier c a s , tout efl confom m é
ir r é v o c a b le m e n t , par l’arrêt de 17 2 4 ; au fécon d c a s , les D e m a n
deurs ne p ourroient les o p p o fe r que com m e des pièces n o u v e lle
ment décou vertes , à l'effet de fe p o u r v o ir par requête civ ile contre
cet a r r ê t, s’il y a v o it lie u ; mais tant qu’il fubfiftera , il eft abfurdé
de prétendre qu ’ils p euvent donner lieu à l’aftion qu ’ils ont form é
en dififtem ent du do m a in e, dans la propriété duquel le fieur de
L o n g a a été maintenu par un arrêt rendu contradi& oirem ent a v e c
\ leurs auteurs , & fur la plus ample difeuffion, & ces deux écrits
&C tous les raifonnements captieux que les D èra^nje u r s ont hanté
fur ces deux prétendus écrits , ne p euvent être conlidérés que
co m m e autant d’illulions.
D è s qu’ il efl manifeile que l’arrêt de 1 7 1 4 n’a maintenu ni pu
maintenir le fieur de L o n g a dans la propriété, pofltjjlon & jo u 'tjjancc
du dom aine du Perier , que parce que les Faugeres lui a v o ie n t
abandonné cette propriété par leur d é g u e rp iffe m e n t, rien ne feroit
plus inutile que d’ exam iner fi. le fieur de L onga s’eft maintenu
dans la poiTeffion réelle qu ’il a v o it pris en exécution de l’arrêt
p r o v iio ir e de 1 7 2 1 ; le bail em ph itéotique de 1688 étoit p lein e
ment réfolu par cet a b an d o n , adopté par l’arrêt de 1 7 2 4 ; àc dèslors dès que la propriété du domaine ne p o u v o it plus intérefler
les Faugeres , il d e v o ir leur être indifférent que le dom aine fût
pofïédé par le fieur de Longa ou par tout autre ; mais tout ce
que les Dem andeurs op p olen t à cet é g a r d , q uoiq ue très-étranger
à la cor.teftdtion , n’eft encore fondé que fur une faufie fuppofition.
Le fieur de la C hapelle n’a jamais joui du dom aine depuis l’arrêt
de 1 7 2 2 , qui a réintégré le lieur de L on ga dans la poiTeffion de
cc dom aine ; c’ eft le fieur de Longa qui en a eu la poiTefîion jufqu’à
l'on décès ; la p reuve de cc f a i t , q uoiq ue très-inutile, fe tir e , i°. de
l’arrêt de 1 7 2 2 , en exécution duquel le fieur d e Longa a v o it pris
pofleffion , du confentcm ent du fieur de la C hap elle ; 20 . de lu
requête du fieur de Longa du 12 juillet 1 7 2 4 , par laquelle il n’a v o it
demandé la reilitution des fruits que jul'ques en 1722 ; 30. de
l’arrêt de 1 7 1 4 , q u> n’adjuge pas au fieur de Longa les fruits in
t e r m é d i a i r e s ; 4 0. de la iaifie des fruits du dom aine que le fieur
v de la Ch.ipelle a fait faire fur le fieur de L o n g a , par procès verbal
du 2 août 1 7 2 4 , q u i énon ce la fentence du 14 juillet p r é c é d e n t,
*' en vertu de laquelle,la faifie fut f a i t e , auquel cil jointe la copie
■ d’ une r c p i é t e 6c d ’u.ie afîignaïion donnée
la diligence du C o m niiliYirc , tant au lieur de Longa qu ’au lieur de la C h a p elle , pour
être préfents
la vente des fr u its ; •)°. enfin , la p re u v e de la
�poficflion continuée du iieur de Longa jufqu’à fon décès , réfulte
de l’extrait des rôles des tailles de la paroifte de la C h a p e lle fur
U f f o n , depuis & compris 1724 , jufques &c com pris 1727 , date
du décès du iieur de L on ga ; üs font conçus en ces termes : p our
chacune de ces différentes années, U domaine du P crier , irppanena n t au Jîeur de la Chapelle & au fu u r de Longa , labourant à troîs
paires de bœufs , taille & c. ( O n a déjà vu au p ro cès , la rnifon
p o u r laquelle il n’y a v o it qu’ une cotte indivife entre les fieurs de
la C h a p e lle 6c de Longa. ) Il eft donc manifefte que le fieur de
ia C h a p e lle avoir quitté la poiTeffion du domaine depuis l’arrêt
de 17 12 , 6c que c’ eft le iieur de L on ga feul qui a peflédé depuis
cet arrêt jufqu’à fon d é c è s , qui eft a rrivé en l’ année 1 7 2 7 , ik.
non en 1 7 2 4 , c o m m e les D em andeurs sffeftent de le i u p p o f e r .
La n o u ve lle d é c o u v erte que les D em andeurs fe félicitent .d’a
v o i r fait du rôle de la taille de l’année 1 7 3 1 , n’eft autre ch o ie
q u ’une petite fubtiliré , fondée fur une é q u iv o q u e de noms, i-é
fieur D e fm o r c ls de la C ha p elle , a y e u l des D em and eurs , partie
dans l’arrêt de 1 7 2 4 , c i r l’on fuppofe a v o ir été en poiiélTion
en l’ année 1 7 3 6 , n’a jamais été ' connu fous d’ autre nom que
celui de D e s m o rc ls de la C h a p elle , 6c il étoit décédé depuis
l’année 1731 ; ce n’eft donc pas lui qui a été e fn p lo yé din s ce
r ô le , 6c encore moins qui a écrit de la main les endofiém erts qui
y font couchés ; c ’eft ciiifi fur le fieur de la C h a p elle de SaintJulien , que L's D éfendeurs ne représentent pas que « cotte a
e té faite. L’ob je iïio n en eiî une d’ autant plus de tr.auvaife foi ,
que les D em andeurs ne p o u v o ie n t pas ign orer le décès du fieur
D e lm o r e ls de la C h a p e lle , puifqu’ il eft rappellé de la maniéré la
plus expreile dans le préam bule de la trjn fa ftio n de 1 7 4 2 , dont
ils ne ceflent d’a rg u m e n te r, en ces term es : le Jieur Defmorels
étant décédé en l'année i -j j 1 , la D am e dt la Faye f it aJJ>Zner 5 & cAinfi cette d é c o u v erte des Dem andeurs 1e réunit e n co re pour
p r o u v e r qu'ils ne cherchent qu’à furprende.
La flipulation qui ie tro u v e dans le" traité de 1742 , paflee entre
le fieur de la F.iyo 6c le père des D é te n d e u r s , n’ a rien de c o n
traire à ce que l’on vient de dire ; le fieur D e f m o r e l s s eft (itb r o g é à la reftitution des f r u i ts , que le Jîeur & dam: de l.i F a y i pou
vaient prétendra depuis £• compris i j i l , j u f q u a u j our du traité;
c’ eft une aiHon qui lui eft cédée pour la faire v a l o ir contre c e u x
qui avo ient .>erçu induement les fruits ; s’il n’ eft pas fait m ention
dans ce traité ni de meubles d'a gricu ltu re, ni de boftiaux ; la railon
eft fenfible ; les F.lugeres , lorl'qu’ ils furent é v in c é s , retirèrent ce u x
qui y étoient ; lorique le iieur de la C h a p e lle à fon tour fut évincé
1
�16
ii retira c e u x dont il a v o i t meublé le dom aine , Sc le fieur de
Longa ne l’a vo it fans donute pas rem eublé ; voilà la raifon p our
laquelle le traité garde le iilence fur ces différents objets.
M ais, e n c o re un c o u p , rien de plus inutile que toute cette difcuifion ; il c il é vide nt que les D em andeurs en multipliant les objeflio n s dont une partie cil lans application , 8c l’autre n’eil fondée
que fur de faufles fuppofitions, n’ ont eu d’autre v u e que d’embar*
rarter la conteilation la plus fim p lc: il faut néccflairem ent r ev e n ir
h fon véritab le ob je t ; c ’eil le déguerpiffem ent des Faugeres , 8c
l’arrêt de 1 7 1 4 , qu ’il faut uniquement conlulter p our en. form er
la déciiion ; â’c il cil d é m o n t r é , on ofe le d i r e , que cet arrêt en
m aintenant le lieur de L on g a dans la propriété, pojjcjjïon & jouifjance
du dom aine, a réfolu 8c anéanti tous les droits que les Faugeres
a u roien t pu y a v o i r à q uelque titre que ce f û t , p uifqu ’il n’a pu
le maintenir qu ’en conléqu ence de leur déguerpifTement.
Les D éfen deu rs n’entreront pas dans un n o u v e l exam en du
traité de 17 4 2 ; c ’eil une pure rê v e r ie de tr o u v e r dans cet a£le
une fu b ro g a tio n particulière 8c uniquement déterm inée au bail
d ’em ph itéoie de 1688; ce feroit v o u lo ir donner du crédit à l’illuf i o n , de s’arrêter plus long-temps à la difeuter : ce traité n’efl
autre ch o fe qu’une fubrogation générale 8c indéfinie à tous les
droits de la D a m e de la P a y e , créan cierc de la fucceflion du
fieur de L o n g a , fur le dom aine dont il étoit décédé propriétaire ;
8c il c il d ’autant plus abfurde de dire que le fieur de la C hap elle
a r e c o n n u , par ce traité , l’exiilance du bail de 1688 , que l’on
y v o it la ilipulation la plus expreffe de la rem ife de l’ a£le du
déguerpiffem ent de 1 7 1 2 , p o u r , par le fieur de la C h a p e l l e , le
faire va lo ir dans le cas où l’on tenteroit de faire renaître ce b a i l ,
qui a v o it été réfolu par le déguerpifTement.
T o u t ce que les D em andeurs oppofent co ntre la p r e fe r ip t io n ,
ne m érite pas plus d’ attention : la diflinilion qu’ils font de c e u x
des Faugeres qui a vo ie n t d é g u e r p i , d’ a v e c ceu x qui n’étoient pas
parties d în s l’acle d ’a b a n d o n , ne fignifie rien. L e déguerpifTejnent a été fait par ceux qui poffédoient le d o m a in e , 8c qui en
étoient reco nnu s feuls p rçpriétaires ; 8c c’eft plus de foixante ans
après cet abandon , que l’on vient fuppofer qu ’il y a v o it d’autres
Faugeres qui a v o ie n t une p o rtio n dans cette p r o p r i é t é , qui n ’a•voient pas déguerpi.
D ’ab ord les D em andeurs n’ont pas encore diilingué jufqu’apréf e n t , c e u x d’entr’eux dont ils fu p p o lcn t que les auteurs a vo ie n t
part à la propriété du d o m a in e , 8c qui n’ ont p a s été parties dans
l’a îlc du déguerpifTement , de c e u x qui ont déguerpi. O n v o it même
dans
�Z\2
*7
dans la co p ie qu ’ ils ont fait iig n if ie r , de différents extraits baptiilaires &c m o r t u a ir e s , m algré la confufio n q u ’ils ont a ffe âé dans
leur re q u ê te de p rod u ctio n s, que la m ajeure partie de ceux de
la m in o rité defquels ils e x cip e n t , font deicendus de V ita l Faug e r e s , partie dans l’abandon de 1 7 1 1 , & au p rocès fur lequel
eil in terven u l’arrêt de 172.4*
O n y v o i t a u ffi, que m algré les m inorités q u ’ils f u p p o fe u t,
leur a& ion , s’il p o u v o it en être q ueilion , feroit évid e m m e n t
éteinte par la prefcription , puifqu’ à c om p ter de la date du dég uerp iffem en t de 1 7 1 2 , jufqu’à la dem ande form ée en l’année é v ‘/ /
fe t r o u v e r o it b ea u c o u p plus de trente ans utiles p o u r la~
p refcrip tion , & on ne peut pas do u te r au moins en ce q ui c o n
c ern e ce u x des D em a n d e u rs , q ui prétendent que leurs auteurs n’ on t
pas d é g u e rp i , que la prefcription n’ ait c o m m e n c é à prendre cours
du jo u r q u ’ils ont ceffé de j o u i r , & q u e le temps utile p o u r
la p refcrip tion , v is -à -v is e u x , fe ro it e n c o r e p r o lo n g é jufqu’au
jo u r de le u r 'in te r v e n tio n ; mais e n c o r e , à ne partir que de l’arrêt
de 1 7 2 4 , la p refcrip tio n fe ro it p leinem ent accom p lie co n tre les
uns & les autres.
C ’eit une v é r ita b le e rre ur de p rétendre que la prefcrip tion n’a
pu c o m m e n c e r à prendre cours qu ’à la date du traité de 1 7 4 2 ;
c ’eil un a ile ab folum ent étranger à tous les Faugeres , p u ilq u ’il
n’ a pas été paffé a v e c eu x : o n a déjà fait v o i r qu’ils ne p e u v o ie n t
en tirer aucun a vantage au fonds ; com m ent leroit-il don c poiïible qu ’ils puffent en faire ufage p o u r re le v e r la p refcription?
C e q u ’il y a de rem arquable , c’ eil q ue les D em and eurs fo n t
forcés de c o n v e n ir que les D éfen deu rs n ’auroier.t pas pu faire
u iage de ce traité co n tr’ e u x ; la raifon q u ’ils en donnent c il de
dire , q u ’ils n ’y ont pas été parties ; mais s’ ils n’y ont pas été
p a rtie s , cet a ile eil à leur égard rts inter alios acla; & dès lors
co m m e n t p e u v e n t - ils l’o p p o fer aux D é fe n d e u r s , qu ’ ils c o n v ie n
nent n’a v o i r pas traité a v e c eux.
Il
n’e il pas do u teu x que c e traité fo rm e le titre des D éfen deurs ;
c’ eil ce traité qui leur aifure la p ropriété du dom aine par la fubrogation q u ’ils ont acquis au déguerpiffem ent de 1 7 1 2 , & à l’arrêt
qui a confirmé le déguerpiiîem ent ; mais il c il bien fingulier
d ’op p o fe r ce traité, abiolum ent étranger aux D e m a n d e u r s , c o m m e
lin a û e qui r e le v c en leur fa v e u r la prefcription du bail d’ em p h y té o fe de 1 6 8 8 , tandis qu ’il eil évid e n t qu’il n’ a eu d ’autre
ob jet que celu i de la réfolution du contrat.
Au relie , quoique ce que l’on vient de dire foit décifif, toute
cette difcuÆon eft encore furabondante ; les Défendeurs n’ont opC
�M
< r.
pofé la prefcription que très-fubfidiairement ; tant que l’arrêt de
1 7 1 4 f u b fiilc r a , les D e m and eurs féparés ou réunis , ne p eu v e n t
pas aller contre fa difpofition ; elle doit néceilairem ent faire la
1 loi des parties ; l’arrét a gardé & maintenu le fieur de L o n g a dans
la propriété, poffejjlon & jouifianct du domaine du Perier : après la
difcuilion la plus a m p le , on ne peut pas l’é v in c e r à q u e lq u e litre
que ce f o i t , ou c e u x qui le repréfentent , qu ’en faifant cefier l’effet
de cet arrêt ; & o n ne peut y p a rv e n ir qu’en l’attaquant par les
v o i e s de droit.
w y»
C e n’eit pas pour détourner l’attention du vé rita b le objet de
l a c o n t e i l a t i o n , que les D éfen deurs n’ont fûrement pas interêt;de
faire perdre de v u e , q u ’ils ont parlé des vingt pieces de terre ,
dont les Faugeres a vo ien t ufurpé la jouilfance . q u o iq u ’elles ne
fiffent pas partie du bail de 1688 ; c’eit la demande in é d fin ie , q u o i
q u ’à tous égards deftituée de f o n d e m e n t , que les D e m and eurs ont
fo rm é en d é fifte in en t, qui a ob lig é les D é fe n d e u rs de faire cette
o b fe rv a tio n . Il n’ elt pas v r a i que l’arrêt de 1724 a déb o u té le
fieur de la C h a p elle de. fon h y p o th é q u é , .p ou r raifon de ces
vin^t pieces de terre. O n v o i t , dans l’a r r ê t , que le lieur de L o n ga
a v o i t déclaré p r é c if é m e n t, qu ’il n’y prétendoit r i e n ; q u ’il ne
dem andoit d’être réintégré dans la poifefïïon du dom aine , q u e
c on form ém en t à la v e n te qui en a v o it été faite au fieur M onnet
fon a y e u l , en l’année 1 6 7 9 ; 6c c’ eil conform ém ent à ce contrat
de ven te f e u l e m e n t , que l’arrêt de 1 7 1 1 , a ordon né la réintégrande , & que le lieur de L o n g a a pris pofléflion en vertu de cet
arrêt. C e lu i de 1 7 1 4 y eit exactement c o n fo rm e , piiifqu’en d é
boutant le fieur de la C h a p e lle de fa demande h y p o th é c a ir e fur
le d o m a in e , il a ordonné que les parties contefteroien t plus a m
plem ent pour raifon de ces vingt pieces de terre dont le fieur de
la C h a p e lle a toujours dem euré en pofleiïion , 6c dont les K m geres
ne p ourroient l’ é v i n c e r , dans le cas même où ils ponrroien t a tta -.
q u e r l’arrêt de 17 2 4 ', 6c qu’ils p a rv ie n d ro ie n t à en faire cefl'er
l’effet , pui(qu’ ils n’ ont jamais eu d’ autre droit que celui que
leur donnoit le bail à rente de 16 8 8 , 6c que les v i n g t pièces de
terre n’ont jamais fait partie de ce b a il , ni du contrat de ven te
de 1 6 7 9 , conform ém ent auquel le fieur M onnet le u r a v o it emphiîé ofé le dom aine.
T o u t ce que les D c m en d c u rs opposent fur P enlcvem en t q u ’ils
fuppofent a v o ir été fait de leurs p i è c e s , n’a fulement pas le
mérite de la vraiflem blance ; ils ont dit dans leur premier M é
m oire , que le fieur de L on ga & les Fa ug er es agiiToicnt de c o n
cert au Parlement ; cpi’ap rcs l’A rrêt de 1 7 2 4 , ils firent v e n ir leurs
�1
9
pieces , 6c q u ’ils co n v in ren t de les dépofer entre les mains du
iieur G enuit , N o ta ire
Saint-G erm ain-Lam bron , chez qui elles
furent enlevées par le iieur de la C h a p elle .
Le ridicule; de cet t e m a u v a i f e fabl e c i l mani feft e ; qnand o n
p o i i r r o i t h i p p o f e r c e . c o n c e r t e n tr e les Fauger es &c le fieur de
L on g a , q u o i q u ’é v i d e m m e n t d é m e n t i p a r les d i i cu f ï io ns mul t i pl i ées
e n t r’ e u x j uf q u ’ au m o m e n t de l’arrêt ; il n’ ei l p a s d o u t e u x q u e
t o u t ét oi t c o n f o n i m é par c e t a rr êt défi ni t i f ; il n’é t oi t pl us q u ef t io n q u e de le met tr e à e x é c u t i o n , o u de la part des F a u g e r e s ,
s’ il n’ a v o i t été o b t e n u q u e p o u r e u x , o u de la part du (ieur de
L o i g a fi c ’ ét oit p o u r lui i é u l , 6i n o n c o m m e . g a r a n t des F a u g e r e s ,
q u ’il l’a v o i t o b t e n u ; il n’y a v o i t plus r i e n à r é g l e r c o n t r ’ e u x ,
'
d es- Io rs q u e l a u r o i t pu êt r e l ’o b j e t de ce d é p ô t r ef pe & i f s d c l e u r s
p i e c e s en mai n t i e r c e .
. ;
:
Les D em andeurs fe font tin m o y e n de ce q ue le fieur .de la
r a y e a demandé en l’année 1 7 3 8 , l’exécution de l’arrêt de 172.4;
q u ’il a obtenu en ,c.o-n(équence les deux arrêts <ie 1741 6 i >741?
6c que la même année 1 7 4 2 , il a traité a v e c le iieur de- la C h a
pelle : le, fieur de Longa n’a v o it do n c pas dépofé fes pieces chez
le fieur G en u it , puifque c ’ell fur les deux arrêts qui auroient ("ans
doute fait l’objet eilentiel 6c néceflaire du dépôt que le fieur de le
Faye s’eft fonde pour en p o u riu iv re l’e x é c u W n , 6c q u ’il a traité
a v e c le fieur de la C hap elle.
Si les D em andeurs eu x-m êm es a vo ie n t -déoofé leurs p i : c e s , ils
auroient (ans doute çk'poie en même temps les à c u x f m i e u x écrits
de 1716 6c 1 7 2 ’ , puil-jue , iuivant eux , ce icn t les deux pieces
décifives pour établir le droit qu’ils prétendent a v o ir à l’arrêt de
* 2 ,
• •
C ’efi u ne f up p o f i t i o n d é m o n t r é e fa 11iTe , d e dire qu e les D é fe n
74
d e u r s , ¡o nt (aiiis de 1 o ri gi n a l de l’ a d e du d é g u e r p i f i c m e n t des Fau
g e r e s ; ils en r a p p o r t e n t un fimple e x t r a i t c o l l a t i o n n é e , i ur la repréientatio^n q u e les Fauger es firent de l’ o r i g i n a l , & cet ext rai t
fait foi qu’ ils retirerent 6c q u ’il retinrent cet original p ar-d eve rs
eux.
La date de cet extrait eil r e m a r q u a b le ; elle cil du
novem
b re 1 7 1 2 , 6c le dé^iier'piÜijjjj^nt cil du 18 juillet précécU‘ iit. La
circonihincc de la proxim ité de ces dates & <1- li d é livran ce de
1 ex trait, dans un temps où il n’ y a v o it encore eu d ’autres dili
gences fur l’appel que l’arrêt de d é f e n i c s , obtenu p îr le fieur de
L on g a , fourniroit au befoin un m o y e n de plus aux D é fen d e u rs elle p r o u v e ro it que les Faugeres , qui a v o ie n t déjà rejeté la n rifo
de fait & cauie du fieur de L o n g a , perfiftoient alors de bone
fo i dans l’abandon qu'ils lui a v o ie n t f a i t , & q u ’ils lui en a vo ien t
v-
�d é liv r é un e x t r a i t , cnfem ble l’ o rigin a l de l’afte de dénontiation
qu ’ ils en a v o ie n t tait faire au fieur de la C h a p e lle , qui étoit à tous
égards une piece inutile p o u r e u x , dès q u ’ils dem euroient faifis
de l’afte de leur d é g u e rp ifle m e n t, p o u r , par le fieur de L o n g a ,
en faire tel ufage q u ’il ju g e ro it à p rop os contre le fieur de la
C h a p e lle .
Mais indépendem m ent de toutes les o b fe rv atio n s que l’on v ie n t
de f a i r e , les D é fe n d e u rs rapportent la p r e u v e la plus exa& e de
l ’im p ollu re de l’af^ertion des D e m a n d e u r s , fur l’enlevem ent du
dép ô t qu’ils ont fup p oié a v o i r été fait par le fieur de la C h a p elle
ch ez le fieur G en u it : v o i c i ce q u i s’eft paifé vis-à-vis de ce pré
tendu dépofitaire.
L e fieur de la C h a p e lle a v o it pris plufieurs termes à p a y e r , p a r
le traité de 1742 : le fieur de la F a y e , p o u r e n gager le fieur de
la C h a p e lle à fe tenir e x a â e m e n t à fes te r m e s , fe retint entr’autres
p i e c e s , les ex p éd ition s des d eu x arrêts de 1 7 2 1 & 1 7 2 4 ; il ne
d é liv r a au fieur de la C h a p e lle , lors du traité , que l’extrait collationné du déguerpilTement de 1 7 1 2 , & l ’original de l’ex p lo it de
dén o n tia tio n que les Fa ug er es en a v o ie n t fait faire au fieur de la'
C h a p e lle , que l ’on reg a rd o it fans dou te com m e les d e u x pieces
les plus eiTcntielles, p o u r affurer au fieur de la C h a p e lle la p r o
priété du dom aine -¿«'‘ qui faifoit l’ob jet du traité.
Ap rès le décès du fieur de la F a y e , le fieur M onfanier, fon gen
dre , fut p a y e du prix de la f u b r o g a t io n , jufques à co n c u rre n c e
d ’ une fom m e de 30 liv. qui lui reftoient dues , &c de quelqu e
bois de f e ia g e , que le fieur de la C h a p e lle a v o it fans doute p r o
mis , outre le prix de la fub rogation.
Le fieur M on ta n ier fit un v o y a g e à S aint-G erm ain-L am bron ,
d’ où il é c r iv it au fieur de la C h a p e lle , qu ’il y étoit a rrivé , &
q u ’«/z des p rin cip a u x motifs de fon v o y a g e , étoit de f in ir entièrement
avec lu i. Il ajou ta , qu i l avoit porté Les papiers q u 'il devoit lu i remet
tre ,
ÿ«’/V lu i étoit très-intérefiant de retirer ; que s 'il perdait cette
oçcafion , ils pourroient f e con fon d u avec d 'a u tres, & qu i l fero it diffi
cile de les retrouver. L e fieur de la C hap elle demanda un délai au
fieur M o n f a n i e r , qui chargea le fieur G en u it de le faire p a y e r ,
& lui laiffi les papiers p o u r être * è « » « n i i r f i c u r de la C h a p e ll e ,
lo rfq u ’ il auroit fatisfait à fes engagements.
Le premier mai «749» le fieur G e n u it é c r iv it au fieur de la
C h a p elle , qu’// en v o y o it ch oifir le refiant des bois q u 'il d ev o it d é li
vrer au Jïtur M o n ta n ie r , gendre du fieur de la F a y e , 6* q u 'il le p ria it
de ne pas la ijjer p a r tir le P o rteu r f a n s y a v o i r J a tis fa it : Vous
,
a jou ta le .lien r G e n u i t , que vous d e v e i j o liv res , & que l'o n n'a
retenu
�x ir
2. I
retenu nos papiers que pour être payé de cette fo m m e, & avoir le bols
que vous reftez; ainfi j e vous prie de fin ir , fa n s quoi j e ferai obligé de.
le faire a
f voir à M. Montanier , qui me preffe beaucoup là-deffu s .
Le fieur de la C h a p e lle ne fe rendit pas à l’in vita tio n du fie u r
G en u it : il décéda quelques annees a p r è s ; & ce ne fut qu ’au m o is
de mai 1 7 6 6 , pofterieurem ent à la prem iere de m a n d e q u e les
D e m a n d e u rs a v o ie n t form é & qu ’ils ont laiffé to m b e r e n p érem p t i o n , q u e la D a m e de C h a b a n o ll e s , mere & tutrice des D é f e n
d e u r s , a p a y é cette fom m e de 30 liv re s au fieur G e n u i t , & qu ’e lle
a retiré , mais tr o p t a r d , les papiers qu ’il a v o i t entre fes m a i n s ;
p a rce que dans c e t intervalle il s’ en étoit éclipfé la m ajeure partie.
Les D éfen deu rs rapportent la lettre du fieur M o n t a n i e r , ce lle d u
fieur G e n u i t , & la quittance que le fieur G e n u it a fourni à la
D a m e de C ha b a n olles leur m ere : v o i l à exactem ent quel a été l’ob
je t du prétendu dép ô t fait entre les mains du fieur G e n u i t , dont
les D em a n d e u rs ont fait tant de b r u i t , & don t ils ont tiré de fi
fauff es conséquences.
Les D é fe n d e u rs on t été fo rcés d ’entrer dans tout ce détail , p o u r
effacer les impreffions qu’auroient pu faire les aiffertions c a lo m
nieuses des D em andeurs , & p o u r p r o u v e r en m êm e temps qu’ils
n ’o nt eu d’autre ob je t que d’en i m p o f e r , m u ltipliant les m o y e n s
q u ’ils o n t fondés f ur cette fauffe im p u tation .
Monf i eur A R C H O N
M e.
D E S P E Y R O U S E
P R A D I E R ,
Rapporteur
p e r e , A v o c a t.
P A G É S , je u n e , Procureur.
A RIO M ,
de l’imprimerie de la V euve C A N D E Z E , 1773;
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Desmorels. 1773]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Archon Despeyrouse
Pradier
Pagès
Subject
The topic of the resource
bail emphitéotique
successions
déguerpissement
délaissement
renonciation à succession
prescription
rentes foncières
réintégrande
abandon de jouissance
Monnet de Longat
Description
An account of the resource
Titre complet : Réponse pour les sieur et demoifelle Desmorels, défendeurs ; au second mémoire de Robert et Baise Faugères, et autres, demandeurs et ?.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'Imprimerie de la Veuve Candeze (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1773
1679-1773
1661-1715 : Règne de Louis XIV
1716-1774 : Règne de Louis XV
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
21 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G0607
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G0604
BCU_Factums_G0605
BCU_Factums_G0606
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53016/BCU_Factums_G0607.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Perier (domaine de)
La Chapelle-Usson 63088)
Saint-Germain-Lembron (63352)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abandon de jouissance
bail emphitéotique
Déguerpissement
délaissement
Monnet de Longat
prescription
réintégrande
renonciation à succession
rentes foncières
Successions
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53015/BCU_Factums_G0606.pdf
a5dcbdf19683a67474eea9f48a4fa15a
PDF Text
Text
R
É
P
P
O
O
N
S
U
R
E
,
LES $RS. FAUGERES,
DEMANDEURS,
A U MEMOIRE
DES SR. ET D lle . DESMORELS.
D É F E N D E U R S .
E S fieurs Faugeres ont fuffifamment établi leur droit ; mais
o n leur fait de nouvelles objefc ions , & on leur impute d’a
vo ir négligé ou déguife des claufes eff e ntielles : ils font donc
obligés de rétablir les faits, de faire vo ir que les reproches des
Défendeurs font l’effet d ’une pure vifion , & que leurs derniers
m o yen s ne peuvent pas faire plus d’impreffion que les précé
dents
L
�O n ne peut contcftor que les fieurs Faugeres ne foient primi
tivement prorictaires du Domaine de Perier ; le bail à rente de
1686. eft leur titre. O n leur oppofe qu’ils ont déguerpi ce D o
maine au fieur Monnet de Longat par a&e du 28 Juillet 1 7 1 2 .
Mais ce déguerpiffement prétendu étoit relatif à r é v i s io n , &c a
ceffé avec elle ; il n’ avoit été lignifié qu’avec la réferve des dommages-intércts, prononcés par l’a û e de 1686. qui font la valeur
même de la chofe ; il a été anéanti par deux aftes de 1 7 2 2 . & d e
1724. & enfin il n’ eft l’ouvrage que d’une partie des coproprié
taires , & ils n’ y amandoient que quatre dixièmes.
Les Défendeurs entreprenent de combattre ces vérités par leur
premiere proportion : ils commencent par dire qu’on a confondu
le déguerpiffement avec le délaiffement par hypothéqué ; que le
délaiffement, à la v é r ité , ne prive pas le détenteur de la pro
priété ; mais que le déguerpiffement, qui n’a lieu qu’en matiere
de r ent es foncières , réfout le bail & tranfmet la propriété au pre
neur , èc que le déguerpiffement qu’ils oppofent eft de la fécondé
claffe.
Les fieurs Faugeres n’ont rien confondu : le bail à rente de 1688.
contient deux claufes dont l’application étoit différente : fuivant
les différens événem en s, on y prévoit le cas d’évi&ion fo rcé , Sc
on y prévoit celui du déguerpiffement volontaire. V o ici les deux
claufes mot pour mot.
Prem iere Claufe.
Sans que le fi tut Monnet fo it tenu à aucune garantie que Je fes
faits & pramefjes , ni d'aucuns dommages - intérêts , en cas qu'il re
vienne éviction tf aucun des héritages fujanentés , que de la valeur
d'iccux , à dire X E xperts, dont les Parties feront ternies de conve
nir fa ns frais.
•
■
Seconde Claùfe .
Pareillement feront tenus lefdits preneurs, en cas de déguerpiffement ;
de rendre lefdits bejliakx & meubles fufmentionnès, aufft à dire cl'Experts,
û fa n s fra is, avant aucun délaiffement. ^
Il eit clair que les Parties ont diilingué le déÎaifïement h y p o
thécaire d’avec le dégiterpiffemeent dé droit. Il rfifte à examiner
laquelle des deux claufes fe rapporte l’abandori'qui fait toutô là'c6n
fiaece des Défendeurs,
�Jean Defm orels forma une demande hypothécaire en 1702.
contre les (leurs Faugeres : le 4 Mai de la mcm'c année ceux-ci
la firent dénoncer à Jean M o n n e t: ils lui remontroient que, par
contrat du 20 Juillet 1688. ledit Jîeur Monnet leur avait bailli à titre
de rente annuelle perpétuelle , avec promeffe de garantir & faire valoir,
de fes faits & promeffes , & de faire ceffer les ¿viciions générales &
particulières, à dire d'Exper.s , le Domaine de Perier ; que cepen
dant ils avoient été aflignés en matière hypothécaire par le iieur
de la C h a p e lle , laquelle affîgnation regarde ù fa'.t l'affaire ptrfonnelle du fieur de M onnet, qui efl tenu par ledit contrat de garantir
& faire jouir lefdits Inflans dudit Domaine.
En conféquence ils le fomment de faire ceffer l’ailion h y p o
thécaire , ou Us décharger de F effet général du contrat de rente, confentir à la réfolution (Ticelui, le tout en conformité de la claufe tT'tcelui ; offrant audit cas cf exécuter , de leur p a rt, les claufes y appofées , & C .
Cette dénonciation n’ annonçoit pas un deguerpifiement qui a
lieu lorfque le débiteur de la rente , fe trouvant furchargé , aban
donne volontairement au créancier le fonds fujet à la rente pour
être difpenfé de p a y e r l’avenir. Il eft évident que les Faugeres
avoient en vue & demandoient l’exécution de la premiere claufe ,
par laquelle , en cas d’éviû ion , le fieur Monnet s’ étoit obligé à
payer la valeur des fonds , à dire
Experts.
La demande hypothécaire du fieur Monnet lui fut adjugée
par Sentence du 16 Juin 17 12 . ils furent dépofledés, iuivant un
procès-verbal du 23 Juin; néanmoins Monnet obtint un Arrêt de
défenfes le 4 Juillet, qui enjoignit a u x Faugeres de de Je tenir dans
la poffefjîon du Domaine , & il le leur fit dédoncer. C ’eit dans ces
circonftances que furvint le fameux aile du 28 Juillet 17 12 . que
les Défendeurs qualifient de déguerpiflement volontaire , & par
lequel il cil énoncé que l’Arrêt eft furvenu trop tard , qu’ils ont
etc dépofledés; qu’ </i conféquence le contrat de rente. . . . fe trouve
interrompu , & qu'ils ne peuvent jou ir pai(iblement dudit D om aine.
D ’après cela , ils déclarent qu'ils confentent & accordent que le f u f dit
contrat de rente fo it & demeure interrompu , nul & comme non fa it 6•
avenu , fans préjudice des dommagts-intérits à eux adjuges contre les
fleurs du R o d el, Longat & Berard, par Sentence a eux ftgnifiée ;
& , à cet effet, attendu que les Faugeres ont annuellement payé ,
la rente portée par le f u f dit contrat, jufques & tomptis iy n . 6*
qu'ils n entendent plus jouir dudit D om aine , C O M M E S' E N
T R O U V A m D É P O S S É D É S , ja i déclaré que lefdits Faugeres déguer~
p'lJfent fi* abandonnât ledit Domaine , fans préjudice à leurs dom-*
�'
4
.
.
.
.
ma^es-intcrêts, dont ils f t réfervent de pourfuivet la liquidation £' le
paiement.
Il fuffit de lire cet a£te pour être convaincu que l’abandon qui
y cil porté eft relatif à la premicre elaufe du bail à rente de 1688.
par lequel il étoit d i t , qu’ en cas d’é v iâ io n , le fieur Monnet feroit
obligé de payer la valeur des héritages, à dire d’Experts, & non
à la faculté qu’a tout preneur à rente de déguerpir. C e qui décidoit l’abandon étoit la Sentence qui déclaroit le Dom aine h y p o
théqué au fieur D cfm o re ls, &c la dépoiTeiîïon qui en avoit fuivie.
Après en avoir rendu compte , les Faugeres difoient, quV/i conféquence , le contrat de rente ft trouvoit interrompu, & qu'ils ne pou
vaient jouir. Ainii ce n’étoit pas un déguerpiffement vo lo n ta ire,
mais un abandon forcé en conféquence de la Sentence 6c du p ro
cès-verbal de dcpoiTeiïion. Par ces a£tes le contrat de rente fe trouyoit interrompu ; ce n’étoit donc pas les Faugeres qui l’interrompoient volontairement ; ils déclarent qu’ils n’entendent plus jouir
du Domaine comme s’ en trouvant dépojjcdés. C ’eil donc cette dépoiTefiion (n o n procédant de leur fait) qui les forçoit à ne plus
jouir du Domaine.
Enfin, ils le réfervent les dommages-intérêts qui leur avo it
été adjugés par Sentence. O r , dans le cas du déguerpiflement
v o lo n ta ir e , le rentier ne prétend pas de dommages - intérêts ;
les Juges n’en accordent pas, & iliero it abfurde qu’un rentier, dont
il. dépend de refter en pofieffion ou de déguerpir , prétendît des
dommages-intérêts pour prix de fon déguerpiflement. Il faut donc
fe refufer à la lumière pour ofer qualifier l’aile du 28 Juillet 1 7 1 1 .
de déguerpiflement volontaire.
C ’étoit un abandon occafionné par la Sentence d’éviftion , 5c
que l’A rrêt, qui infirme cette Sentence , a fait cefler ; les Monnet
n'avoient point accepté ce délailïement , &: ils n'avoient garde ,
puifquc cette acceptation les auroit obligé de payer un dédom
magement onéreux.
Mais tel cil l’aveuglement des Défendeurs que , félon eux , les
Arrêts de 1 7 1 1 . & de 1 7 1 4 . qui ont fait ccfler la Semence de
1 7 1 2 . & par conféquent le dclaiflcnicnt qui y étoit relatif, l’ont
confirmé au contraire, & ont déclaré Monnet propriétaire exclu
r e n t aux Faugeres : Monnet ne l’avoit pas im aginé, puifque ,
poftérieurement à TArrct du 29 Août 1722. & par atte du 19
Septembre 1722. il confent que Pierre Faugeres rentre dans la pofftffion du Domaine fous les mêmes conditions qu'il en jou i [foi t aupavane . . . . ce que Faugeres a accepté.
Mais comment peut-on imaginer que Içs Arrêts de 17.22. &;
�de 1724. ont déclaré le iieiir Monnet propriétaire cxcluiivemènt
aux Faugeres ? D ’abord il auroit fallu qu’il fe fût élevé un co m
bat entre Monnet & les Faugeres fur cette propriété, tans quoi
les Arrêts n’ont pu juger la qu ftion .E n fécond lieu , les Arrêts
de 1722. & de 1724. emploient dans le difpofitif même le fieur
Monnet en qualité comme prenant le fait & caufe des Faugeres.
O n oppofe que les motifs du déguerpiffement des Faugeres ne
changent rien à la qualité & à la fubftance de l’a b a n d o n , qu’il
cft pas moins pur & fimple & fans condition.
Mais les motifs de cet afte indiquent fa nature 8c démontrent
que ce n’eft pas un déguerpiffement volontaire ; que c’eft un délaiffement forcé par une é v i & i o n , & qui a cette avec l’évi£Hon..
O n fait bien qu’/'Z ne s'agit pas d'un dèguerpifjentent fait par un
preneur qui y auroit renoncé, puifqu’un pareil rentier ne peut pas
déguerpir ; il feroit abfurde de raifonner fur les effets de fon
déguerpiffem ent; les Faugeres p ouvoientdéguerpir fans éviûion
nour fe libérer de la rente ; mais ils nel’ont pas f a i t , ils ont délaiffé
la propriété du Domaine en conféquence d’ une é v i û i o n , relativement
à la claufe de leur contrat quien ce cas leur affuroit la valeur des
héritages, à dire d’Experts , ils s’en font fait la referve.
Il n’clt pas vrai q u e , dans le fyfléme des Faugeres , Us auroient
pu faire valoir leur abandon, fans que Monnet pût s'en prévaloir contr'eux. Il faut diftinguer entie un Arrêt qui auroit confirmé la
Sentence de 17 12 . &c un Arrêt qui l’auroit infirm ée, comme cela
eft arrivé.
Dans le premier cas, Pabandoç devenoit la loi refpeftive des
Parties : Monnet auroit payé la valeur du D o m a in e , à dire d’Ex-,
pçrts , ik le délaifiement ieroit devenu irrévocable.
Dans le fécond c a s , l’Arrêt faifant ceffer r é v i s i o n , l’aban
don devenoit ians objet ; les Faugeres ne pouvoient plus en
cxciper ; il ne pouvoit non plus leur être oppofé ; tout devenoit
égal de part ù d’autre.
C e qui ç l li n ju il c , ce qui attaque la ré cip r o c ité , c’ eiî le fyfteme des D é fe n d e u rs, qui veulent que l’abandon des Faugeres,
en conféquence de l’éviûion , & avec condition de leurs dommages-intérets , fubiiffe après que l’éviction a c e lle , & qu’il ne foit du
aucun dommages-intérêts ; quoique ce fût la condition expreffe de
cçt abandon ; qu’ils répo n den t, s’ ils le p e u v e n t, à cette réflexion.
Les Défendeurs prétendent qu’ il n’étpit pas dû des dommageîintérêts , ôi que les Faugeres , en tranferivant dans leur Mémoire
une partie de la claufe du contrat de 1688. ont négligé , par
inadvertcnce, d’y tranferire un mot qui donne un fens fort dif.
�6
feront à la claufe ; qu’ ils ont omis la ftipulation que le fieur
Monnet ne feroit tenu que de la garantie de Tes faits & promettes,
6c qu’jlson t d i t , qu’en cas d’évi&ion des héritages , le fieur Mon
net feroit tenu pour dommages-intérêts de leur valeur, fans ajouter
lu mot aucun, qui précédé les héritages.
Les Faugeres n’ ont point parlé de la claufe qui porte que M on
net ne fera tenu d ’autre garantie que de fes faits & promefles,
parce qu’ elle n’a aucun trait à la conteftation. C ’eft après cette
claufe qu’il cft ajouté qu’i/z cas qu'il arrive éviction d'aucun des hé
ritages arrentés , Monnet ne fera tenu £ autres dommages - intérêts...
que de la valeur, à dire d'Experts. Ainfi que Monnet eut promis d’a
bord une garantie plus ou moins étendue ; elle fe trouve fixée &
déterminée à payer , en cas d’é v i& io n , pour dommages-intérêts,
la valeur des héritages, à dire d’Experts ; les Faugeres n’ ont donc
pas d'omiifion à fe reprocher à cet égard.
II en eft de même 6c avec autant d’évidence fur le mot aucun
qu’ils n’ont pas rappellé ; ce n’eft point par inadvertence , les Dé-,
fendeurs font trop indulgen s, mais c’eit parce que , fuivant les
réglés du bon iens le plus commun , il étoit inutile de copier un
mot qui n’ajoutoit rien. Il eit égal fans doute de dire que s’il
arrive éviclion d’aucun des héritages arrentés, ou s’il arrive éviclion
des héritages arrentés , ou payera pour dommages - intérêts la va
leur des héritages évinces : fi l’évi&ion n’arrive que pour une
partie des héritages, les dommages-intérêts ne feront dus que
pour cette partie ; fi elle arrive pour la totalité, les dommagesintérêts feront dus pour le tout : il n’y a perfonne qui puiffe en
tendre différemment cette claufe.
Il eft vrai que les Défendeurs ont ofé donner une interpréta
tion contraire; ils prétendent que la claufe du dédommagement
n’a été relative qu’au cas oîi l’éviflion feroit particulière, & non
au cas où elle feroit générale ; mais une ob jeûio n fi méprifable
ctoit impoflîblc à fuppofer. L’évi&ion d’une partie ne devoit pas
a vo ir un fort différent de l’cviftion du total : il feroit ridicule de
prétendre que le Domaine de Perier, étant compofé, on le fuppofe,
de cinquante feptérées de t e r r e , il eût été du un dédommagement,
en cas d’e v if t io n , de quarante-neuf feptérées , & qu’il eût celle
d’être dû , en cas d’éviftion des cinquante feptérées. Ainfi Vinadvertence des , F augeres, le tort qu’ils peuvent a v o i r , confifte à
n’a vo ir pas prévu une objection abfurde.
11 eft affez fubtll de vo ulo ir que cette claufe ne doive opérer
qu’une diminution de la rente, la valeur des héritage* évincés n’eft
�pas îans doute une fini pie diminution de la rente; après tou t, s’il n’etoit dû aucuns dommages-intérêts pour l’évi&ion , qu’en ieroit-il
réfulté ? que les Faugeres , qui ne faifoient l’abandon du Domaine
que fous la condition des dommages-intérêts , n’abandonnoient
rien , fi on pouvoit leur conteiler ees dommages-intérêts. O n ne
doit point divifer les claufes d’ un adle, & on ne peut l’ accepter
qu’intégralement.
11 paroît étrange aux Défendeur qu’un Rentier , qui eft é v i n c é ,
puifle demander le dédommagement de la valeur de l’ h éritage,
& ils difent qu’il ne peut exiger que d'être ¿¿dommage à proportion
du profit q u i! auroit pu faire après la tente payée. Mais , d’un c ô t é ,
on ne peut s’écarter des claufes de l’ a d e de 1686. de l’autre, les
Faugeres ne prétendoient, dans la fuppofition de l’évi&ion , que
d’être dédommagés de la valeur des héritages , après la rente payée ,
& enfin on ne pouvoit divifer les conditions de leur abandon
dans le temps qu’il fubfiftoit.
Comment peut-on dire que l’effet de la claufe du dédommage
ment a été anéanti par l’abandon, tandis que cet abandon môme
en contient Sc «’ n rcpetc la réferve la plus diferte?
O n dit que les Faugeres ne demandoient en 1702. que de faire
cefl'tr l’éviftion ou de conientir à la réiolution du contrat ; mais ,
par inadvertence, fans d o u te , on a fupprimé les mots qui fuivent,
le tout en conformité de la claufe d'icelui.
Il e i t , vrai qu’en matière de deguerpifj'ement volontaire de la par:
du prtneur à rente, il ne peut exiger aucuns dommages-intérêts ;
c ’eit donc parce que le déguerpifTement des Faugeres n’étoit pas
vo lo n ta ire, qu’ ils en exigeoient.
O n eft furpris d’entendre dire que l’ Arrêt de 172.4. a co n
damné lefieur de la C h a p e lle , pour tous dommages-intérêts, aux
dépens envers les Faugeres; que c’eft le fort de la réferve que
les Faugeres s’étoient fait par leur déguerpificment, & que l’Arrêt,
en adjugeant le Domaine à M o n n e t, a jugé que le déguerpiffement iatfoit coller l’cfFct de la Sentence q u ia cc o rd o it les domma
ges intérêts.
C e font de véritables.illufions ; il n’y a jamais eu d appel de
la Sentence qui adjuge des dommages- intérêts ; l’Arret n y a
ftatué ni puiftatuer ; il ne fait droit que fur l’appel de la Sentence
du 16 Juin 1712. 6c cette Sentence n’eil pas celle qui adjuge des
dommages-intérêts aux Faugeres ; au contraire elle avoit disjoint
la demande cn jdénonciation.
Les dommages intérêts auxquels elle condamne le fieur D e i ;
m o r d s envers les Faugeres & Monnet n’ o n t , rien de commun
�s v è c ceux qui avoient etc accordés aux Faugeres à raifon de r é
v i s i o n ; ces derniers l'ont également relatifs aux failics-exécu
tions faites fur les Faugeres ; ils en demandoient la main-levée
avec doninmges-inîérêts, elle leur a etc accordée fans autres dommages-intérêts que les dépens ; on ne plaidoit point fur la demande
en dénonciation contre le fieur Monnet.
Au lurplus, fi l’ Arrêt maintient Monnet dans la propriété & poffcilion , c’eit en la qualité en laquelle il procédoit ; comme prenant
le fa it & caufe des Faugeres, & cette qualité eft même la feule en
laquelle il avoit été employé par l’Arrêt de 1712.
Les Défendeurs prétendent néanmoins que la queftion a été
jugée par l’ Arrêt de 1724. ils difent que le iieur Monnet avo it
appelle de la Sentence qui adjugeoit contre lui des dommagesintérêts, & que l’Arrêt condamne le fieur de la Chapelle aux
dépens , pour tous dommages-intérêts envers les Faugeres.
il y a dans cette obje&ion de l’ altération & de la fubtilité ;
on ne connoît point d’appel de la part de Monnet de la Sen
tence qui le condamdoit aux dommages-intérêts des Faugeres;
ce qu’il y a de certain , c’eft que cet appel n’a pas été joint
au procès de de 1724. & que l’ Arrêt n’y fait pas droit ; la con
damnation des dépens qu’elle adjuge aux Faugeres pour dommages-intérêts, eit relative à la demande que c e u x -c i avpient
formée contre lefieur Defmorels , h caufe de là faifie-exécution faite
fur eux , & non aux dommages-intérêts , qu’ils demandoient contre
U fieur M onnet, à raifon de l’éviction. Le Parlement n’étoit pas
faili de cet objet.
M ais, dit-on , les Faugeres ne demandoient pas la réintégrande
& c’eft au fieur Monnet que l’Arrêt de 1722. l’a accordée ; c’cft
lui qui cft gardé & maintenu dans la propriété en 1724.
Les réponfes fc trouvent dans les actes de 1 716 . & de 1722.
Monnet ne travailloit que pour les Faugeres ;ils dévoient donc
le repofer iur lui. Secondement on vient de faire obfervcr que
l’Arrêt de 1722. n’eft rendu en faveur du fieur Monnet que comme
ayant pris le fa it 6' canfc des Faugeres ; & que dans celui de 1 7 1 4 .
il eft em ployé tant en fon nom que comme prenant lt fa it & caufe
des Faugeres ; enfin, fans les écrits de 1 716 . & de 1722. les
Faugeres auroient pourfuivi l’exécution de la Sentence qui con*
damnoit Monnet en leurs dommages-intérêts , c’eil-à-dire, au paie
ment de la valeur du D o m a i n e , à dire d’ Experts.
O n dit que l’Arrêt de 1722. fuppofe que le déguerpiflement a
été a c c e p te , fans quoi les Faugeres auroient été ré in té g r é s ,
puifqu’ils étoient en Cauie.
Les
�9
Les Faugeres ne demandoicnt pas la réintégrande , elle ne pôuv o it donc pas leur être adjugée; ils étoient en caufe , mais uni
quement pour demander des dommages-interêts contre le fieur de
la Chapelle à raifon d’une Jaifie exécution.
Ils ne demandoient pas la réintégrande, mais Monnet la demandoit pour eux , & comme ayant pris leur ja it & caufe.
Elle eft adjugée à Monnet ; cela étoit indifpenfable ; mais le
même j o u r , précifément qu’il prend poiîeflion en conféquence
de l’ A r r ê t , il déclare qu’il confent que Faugeres rentre dans la
poffeffion du Domaine ftits les mîmes conditions qu'il en joui([oit
auparavant. Voilà ce que les Défendeurs appellent une accepta
tion du déguerpiifement. Des y eu x moins prévenus y liroient un
département d’acceptation , fi précédemment il eût été accepté.
O n dit qu’il avoit demandé la réintégrande perfonnellement
& en fon n o m , par une Requête du 27 Juin 1720. que l’ Arrêt
de 17 12 . entérine; & on écrit ces mots , perfonnellement & en
fon nom , en cara&eres italiques, comme s’ils fe trouvoient dans
la Requête ; mais c ’eft une erreur qui a échappée aux Défendeurs.
A u iurplus , toutes les procédures d’une inftance font relatives
à laqualité en laquelle on procédé ; Monnet eil em ployé dans
l’ Arrêt de 1722. même dans le difpofitif, comme ayant pris le fa it
& caufe des Faugtres,
C ’eil une pétition de principe de dire qu’ il ne pouvoit plus
agir pour e u x , puifqu’ ils avoient déguerpi & qu’il avoit celle d’être
leur garant ; on affefle toujours de confondre un délaiflement
néceiïité par une éviflion , accompagné d’une demande en
dommages-intérêts , abandonné par deux aftes , avec un déguerpiilement volontaire ; auiïi le fieur Monnet agiffoit comme ayant
pris le fa it ù cauje des Faugeres ; &c on oppofe contre un fait précis
des raifonnemens impuiflans.
O n a dit que Monnet lui-m ême, par une Requête du 30 A vril
1720. avoit demandé la reftitution des f r u i t s p o u r les Faugeres ;
les Défendeurs répondent que les Faugeres trouvent dans les a£les
ce qui leur convient & ce qui n’y eil pas ; qu’ils ont l u , ave c
l’attention la plus fcrupuleufe, l’Arrêt de 1722. & qu’ils n’y ont
pas trouvé l’indication de cette Requête : c’eft encore une nou
velle méprife de leur part. V o ici les termes du rôle 8. de la
copie des Faugeres. Caufes & moyens d'appel fournis par ledit Alonnet , tant en (on nom , que comme prenant le fa it & caufe dejdits Fau
gtres le 30 Avril /720. cane contre la Sentence du 16 Juin t y n . qut
contre lefdits Exécutoires , faifies & exécutions faites en conjéquence
d 'ic e lu i........... contenant fes conclufions, c ce qu'il plût à notreditt
B
�Cour, mtitrt Us appellations au niant ; débouter ledit Defmorels dt
fes demandes en déclaration d.'hypothéqué par lui formées contre lefdits
Faugeres par Exploit du 2(T Août iyo2. & condamné à refiituer
A U X D I T S F A U G E R E S Us fruits par lui perçus ju r les
héritages énoncés audit Exploit depuis fon indue détention ; enfemble,
les meubles & autres effets faifis à fa requête fur lefdits Faugeres , f i
le tout étoit en nature, ù c. condamne ledit Defmotels aux dommages-intéréts defdits Faugeres, & en tous les dépens. Les Défendeurs
doivent convenir maintenant que leur très-fcrupuleufe attention
a été imparfaite ; la requête du 27 Juin 1720. viiée dans le difpofitif, n’eft point une rétra&ation des caufes & moyens d’appel du
30 A vril ôc n’a rien de contraire ; il en eft de môme de la Requête
du 12 Juillet 1724. que l’on a ni diffimulé, ni eu intérêt de diffimu 1er ; ainfi l’objeûion eil déplacée à tous égards ; & puifque les
Défendeurs avoient tant de peine à relever le peu d ’exactitude des
F a u g e r e s , ils n’avoient qu’à dire la vérité.
Suivant les Défendeurs, on attaque la vérité des faits prouvés
par l’ A rrêtde 1724. en fuppofant que lefieur Monnet n’a jamais eu
la pofleiîion du Domaine de Perier , &: que le fieur de la Chapelle
s’y étoit maintenu ; ils difent que le fieur Monnet ne dem andoit, par
line Requête du 12 Juillet 1724. la reftitution des fruits que jufqu’au 22 Septembre 1722. jour auquel il avoit été réintégré dans
la pofieflion , que l’Arrêt ne lui en adjuge pas davantage ; que
le fieur Monnet prit cette poffefiion en prcience du fieur D efm orels le 19 N ovem bre 1722. qu’au mois d’Août 1724. le fieur D e f
morels fit faifir les fruits du Dom aine fur le fieur Monnet , faute
de paiement des Impofitions , & qu’il a été compris dans les Rôles
de la C h a p e lle , com m e Propriétaire du Domaine de Perier.
Le fieur Defmorels n’a pas ceffé d’être en pofleiîion réelle du
Dom aine de Perier. C e fait eft démontré par la tranfa&ion du
19 Août 1742.011 il eft Partie conjointement avec Françoife Mon
net, femme du fieur de Lafaye , petite-fille de Jean Monnet de Longat ; il y eft dit que la Dam e Monnet avoit fait affigner les fieurs
D efmorels pour être condamnés à la reßitution des fruits du D o
maine de Perier , P°Ür ^es années fpécifiées en CArrêt de 1724. même
pour les années échues depuis \yx2. jufqii au décès de leur pere ,
( arrivée en 173 1. ) & encore pour celles échues depuis jufqu'au jour
fur laquelle demande il eß intervenu des Arrêts par défaut les 3 Juin
JJ41. & 17 Mai 1742.
A qui perfuadera-t-on que la Dame M onnet, fi elle eût été en
pofleiîion réelle du Domaine de P e r ie r , imaginär de faire a l i
gner le fleur Defmorels pour la reftitution des jouiflanccs qu’elle
avoit perçue elle-même ?,
�Secondem ent, que répondoient alors les fieurs de la Chapelle?
qu’/7i prétendoient conufler plujiturs années de/dites jouiffanccs , &
la demande tn dégradation des bâtimens. Eft- ce le langage d’une
Partie qui n’auroit dû aucurue reftitution de jouiflances ?
En troifieme lieu , il eft dit que le fieur de L a fa y e , mari de
la Dame M o n n e t, jubroge . . . lefieur Defmorels . . . . pour les arré
rages de rente en rcjlitution de fruits qu'ils pourroient prétendre depuis
& compris Cannée i j i i . ju fq uà pré/'ent.
Comment feroir-il poiïîble que les fieur
Dam e de Lafaye
euffent fubrogé le fieur Deimorels à des reftitutions de jouiflances
qu’ils avoient perçues ? C e ieroit une abfurdité, & on ne cede
pas un droit contre foi-même : ils cédoient les arrérages de rente
ou reftitution de fruits qui leurs étoit du s; or , il ne pouvoit leur
être dû ni arrérages de rentes , ni reftitution de fruits, s’ils avoient
joui eux-mêmes.
Enfin, le prix de la fubrogation eft de 6000 1. les fieurs de
la Chapelle ne fe feroient pas porté à payer une Tomme aufti confidérable, s’ils n’avoient dû les jouiiTances que depuis 1 7 1 1 . jufq u ’en 1 7 1 1 . la rente de 160 1. à laquelle les fieur & Dam e de
Lafaye les fubrogent, ne formoient qu’ un capital de 3200 1.
dix ans de rente ou de jouifiance, dans des annés où la valeur
des biens avoit fouffert une grande dim inution, ne feroient montés
qu’à 16000 1. & on comprend bien que les fieur & Dam e de
Lafaye , dont le domicile étoit à G a n n a t, éloigné de dix-huit lieues,
du Domaine de P e rie r, n’ ont pas dû faire un marché délavantageux pour les fieurs D e fm o r e ls, qui demeuroient dans la ParoifTe même de la Chapelle où le Domaine eft fitué.
O n ne voit dans la tranfaûion de 1742. aucune claufe relative
à la r é c o lte , aux meubles d’Agriculture , aux beftiaux ; fi les fieurs
Defmorels n’avoient pas été en pofTefîion effective du D o m a in e ,
on auroit réglé le temps où les fieur & D am e de Lafaye s’en rctireroient , à qui la récolte qu’on coupoit alors appartiendroit,
quels beftiaux on délaifleroit ; cependant la tranfaftion n’a rien
de relatif à tous ces différons objets qui ne manquent jamais d en»
trer dans les conditions d’une vente ou d’un délaifTement ; quand
le vendeur eft en pôfTeiTion, c’ft une nouvelle preuve que cette
pofleifion n’éprouvoit aucun ch angem ent, & que l’objet du
traite n etoit que d’en afturer la continuation pour l’ avenir à un
titre différent.
Auiïï a-t-on raifonné dans tout le cours du procès d’après le
fait certain que le fieur de la Chapelle s’étoit maintenu en poffeffton , fans que ce fait ait jamais été contredit.
B 2
�Après cette explication, après ce qui cil reconnu par la tranfa£Hon de 1722. il fera facile fans doute de répondre aux ob jec
tions que font les Défendeurs pour obfcurcir une vérité qu’ils
ont compris être fi décifive contre eux.
Le fieur Monnet prit, à la vérité, pofieiîion publique après l’Arrêt
de 1721. mais les Arrêts de 1741.&: de 1742. & les Rôles des Taillesprouvent que cet a&c n’eut point de fuite , & fans cela les iieurs
Faugeres auroier.t joui en vertu de Patte du même jour où le fieur
Monnet dè Longat reconnoifioit qu’il ne travailloit que pour eux ,
ou fi le fieur de Longat s’étoit mis en poffeifion effe&ive , il faudroit fuppofer , comme la tranfaftion de 1742. le p r o u v e , que
peu après le fieur de la Chapelle , qui étoit fur les lieux, faifit
le m oyen de fe remettre en poiîeiîion par le décès du ûeur de
Longat qui arriva auffi-tot après PArrêt de 1724. le fieur de Lon
gat ne revint pas même de Paris où il pourfuivoit le Jugement
de cette affaire; il y fut tué. Lés Défendeurs nous apprennent
que fa fuccefiîon fut répu diée; le fieur de la Chapelle trouvoit
donc une occafion favorable de fe remettre en poffeiîion, s’il
. s’ étoit défifté, & il en ufa ; peut-être même l’Arrêt de 1724. n’avoit-il p¿s été expédié avant la nouvelle demande de 1 7 4 t.
Si le fieur Monnet ne demandoit en 1724. que les jouiiTances
antérieures à 1723. fon omiiîion pour cette année , qui étoit la
feule écoulée depuis l’Arrêt de 1722. ne prouvoit pas d’une ma
niere certaine qu’il eût joui en 1723. encore moins en I724, fa
Requête du 10 Juillet étant antérieure à la récolte de la même
année. D ’ailleurs, quand il auroit joui en 1723. & en 1724. même
la tranfaûion de 1742. prouve que les fieurs Defmorels avoient
joui d epuis, & qu’ils étoient alors en poffeiîion.
Les Défendeurs tombent même dans une contradiâion quand
ilsdifent que les Colleitcurs jouifloient : les repréfentans , le fieur
de Longat n’étoient donc pas en pofteiïïon, & on le préfumera
d’autant moins que fil fucceifion ctoit vacante : o r , les C o lle c
teurs auroient confervé le droit de celui
qui il appartenoit.
O n a diniandé la communication d’une Sentence de l’Ele&iou
d’ IiToire, q u i , félon les D é fe n d e u rs, condamnoit le- iieur de
Longat à rembourfer la moitié des Impolitions du Dom aine de
P e r ic r ; d’un p r o c è s - v e r b a l de faifie de fruits fait en exécution ,
que les Défendeurs datent du 12 Août 1724* & des Rolos de la
ParoiiTe dans lefquels on prétend que le fieur de Longat é to it ’
c o m p r i s ; mais les Défendeurs n’ont pas été en état de rapporter
ces places. On va vo ir qu’ils les ont alléguées trop légèrem ent,
& qu’ils ont occafionné la découverte d ’une nouvelle preuve-,
cpntr’cux.
�O n a recouvré en effet les Rôles de la Taille de 1736. Et voici
comment l’Impofition a été faite. Le Domaine de Perier, appartenant
au jieur dt la Chapelle de Saint-Julien , provenant du fieur de Longat,
a trois paires de bœtijs 83 l. 12 f. &c. Il y a pltiileurs endofieinens
fur ce Rôle de paiement faic par le fieur de la Chapelle. Il y cil
dit : payé par les mains du jieur de Saint-Julien le 2 Mai So t. Payé
par les mêmes mains 24 l. . . • Plus , paye 21 l. par mes mains le 2
Juillet 1736". Ainii c’ eft le fieur de Chapelle (c o n n u fous le nom
du fieur de Saint - Julien) qui écrivoit lui-même ces endoffemens,
& ils font de fa main.
Si au mois d’ Août 1724. le fieur de là Chapelle avoit fait faifir fur le
fieur deLongat les fruits du Domaine de Perier, faute de paiement
des Importions ( c e qui n’ eO pas étab li) , cela pourroit tout au
plus jeter un nuage fur la perception de 1724. & expliquer ce
que le fieur de la Chapelle difoit dans le traité de 1742. qu ’;7
prétendoit contejîer plufîeurs années defdites jouiffances. Mais les Rôles
6c la tranfanclion démontrent qu’il ne pouvoit pas compter éga
lement les aunes années de jouijjances.
Enfin, pour répondre péremptoirement en un feul mot à une
allégation nouvelle &c fi contraire à la bonne f o i , les fieurs Faugeres offrent de prouver par témoins que le fieur de la Chapelle
ctoit en poileilion du Domaine de Perier lors de la tranfaâion
de 1742. & en avoit joui au moins depuis le décès du fieur de Longat arrivé en 1714. Mais il y a déjà tant de preuves par écrit
qu’ils efpercnt que la C our le trouvera fuffifamment éclaircie fans
ce lecours.
O n a dit avec fondément que les Faugeres firsnt fignifierent des
griefs le 31 Janvier 1721. contre la Sentence d e i 7 i 2 . c e q u ip r o u v e
que le prétendu déguerpiffement avoit cédé d’avoir effet.
Les Défendeurs répondent que les Faugeres avoient intérêt
d e faire cefler les condamnations prononcées contr’eux par la
Sentence de 1712. pour la reftitution des fruits & les dépens, &
pour la main-levée desfaifies faites fur eux , & que le fieur M o n n e t
leur devoit la garantie de tous ces ob jets; mais cette garantie
avoit été p l e i ne m e n t prononcée par la Sentence du premier Juillet
1712. qui avoit fuivi de près celle du 16 Juin de la même année,
dont ctoit appel ; par conféquent les Faugeres n’ a v o i e n t intérêt de
pourluivre eux-mêmes le mal jugé de la S e n t e n c e du r6 Juin ,
qu’autant qu’ ils ne renonçoient pas à leur propriété du Domaine
de Perier.
Auifi le« Faugeres demandoient, félon les Défendeurs eux-mêmes,
¿être, .liécha'gés des condamnations portées par la Sentence & l'E x c -
�.
x4
cutoire , & qu'il leurfû t fait pleine & tn titn nm ndtvit dtschofts foijîts
Jurciix, avec dommagcs-intérits. On oppofc qu’ils ne demandoient pas
la réintégrande, ni la reftitution des fruits; mais on a déjà répondu
que le iieur Monnet la demandoit pour eux & comme leur garant.
Il n’eft pas bei’oin de faire de profondes recherches pour d evi
ner fur quels objets l’Arrêt de 17x2. ordonna une conteftation plus ample : c’eft <ur les appellations 6c demandes qui y
font vifées , & il n’étoit pas quellion du prétendu déguerpilTem e n t , puifqu’il ne paroît pas même qu’il ait été p ro d u it, qu’il
n ’a été vile dans aucun des Arrêts , & que perfonne n’en a deman
dé l’exécution.
O n prétend que les Arrêts ne vifent que les demandes & les
concluions des R equêtes, & non les titres ; m a i s , outre qu’on
l ’avance trop légèrem ent, il eft certain qu’au moins le déguerpiffement auroit été rappellé dans les conclufions des Requêtes , fi
elles l’euffent eu pour o b j e t , 8c enfin il fuffit aux fleurs Faugeres qu’il n’ y ait aucune preuve que le dégucrguerpiiTement ait
paru au procès de 1724. ni q u ’il en ait été fait ufage.
Cependant les Défendeurs difent que le déguerpiiTement a été
adopté & confirmé irrévocablement par f Arrêt de 1724. ÔC qu’ils peu
vent répondre avec fu c c è s , prenei & life\.
Les fieurs Faugeres l’ont pris 6i lu , &C ils n’y ont rien vu de
femblable. Les Défendeurs ne lifent que dans leur imagination ;
ils voient dans les aftes ce qui n’y eft p as, & n’y voient rien
de ce qui y eft.
Us oppofent que fi M o n n e t , après les A rrê ts, avoit voulu
obliger les Faugeres à reprendre le Domaine , il n’auroit pu y
réufllr malgré eux ; qu’ils lui auroient oppofé que le déguerpifiement avoit été adopté & confirmé par ces Arrêts, &c que s’il ne
pouvoit les contraindre à reprendre le D o m a in e , ceux-ci ne pouvoient les forcer A le leur rendre.
1°. Il n’y a pas de doute que le déguerpiiTement, n’étant fondé
que fur l’éviû ion prononcée par la Sentence de 1712. le fieur Mon
net auroit été en droit de foutenir que cette évi&ion ayant ceffé
par l’A r r ê t , le déguerpiiTement ceffoit avec la Caufe éphémere
qui l’avoit p ro d u it, & il n’eft pas vrai que les Faugeres auroient
pu lui oppofer que l’Arrêt adoptoit & confirmoit le déguerpiiTen ie n t, puifque c’eût été une fuppofition trop facile à détruire en
présentant l’ Arrêt 6c en difant : Prtnt{ ù lifei,
2y . Les écrits de 1716. & de 1722. ( c e dernier poftéricur à l’Arrêt
de réintégrandc ) démontrent qu’il n’étoit plus quellion de déguerpiffement,
�O n n’ a point dit que l’ appel ôc les griefs des Faugeres, contre la
Sentence de 1 7 12, tendirent à la révocation de leur déguerpijjement ;
mais on a dit que ces griefs fuppofoient qu’il n’en étoit plys quefr io n , & cela eft p rouvé par les deux écrits; dès lors tous lesraifonnemens auxquels les Défendeursfe font portés par cette faufle fuppofition tombent d’eux - m êm es, & ne méritent pas de réponie.
Il y a plus que de la témérité à avancer que \'Arrêt dt 7724.
fans avoir égard à la demande en révocation des Faugeres, a maintenu
le Jîeur de Longat dans la propriété du Domaine ; l’Arrêt ne prononce
pas ainfi ; il ne le pouvoit pas ; on n'y vife aucune Requête femb la b le , ¿1 il maintient le iieur de Longat comme ayant ayant pris
le fa it & caufe des Faugeres.
Les Défendeurs ne font que propofer de petites chicanes fur
les deux écrits : celui de 1716. diient-ils, portoitque la vente feroit
faite a-t’-tllts autres conditions qui feront portées par h contrat &
qui feront arrêtées ; ainii le fieur de Longat difpofoit en maître ; il
changeoit abfolument toutes les conditions du bailde 16S8. ôc c’e ft,
dit-on , de l’événement de ces conditions que devoit dépendre
l’exécution de fon engagement.
Le fieur de Longat promet de paiTer contrai de ventt ou renti
rachetable du Domaine à lui appartenant appelle de Ptrier . . . & cefl
moyennant en principalfemblabli fomme que aile portée par ledit contrat
de rente que les Faugeresferont tenus de lui payer dans les termes quiferont
accordés ; lequel contrat de vente Jera paffé d’abord après le mois deSeptembre a-t-elle% autres conditions qui feront portéis par ledit contrat, &
qui feront arrêtées entre nous, &c. T els font les termes de l’a&c.
Le prix en eft fi:;é pour le principal à femblable fomme que celle
portée par le contrat de r e n te , c’eft-iWire , au principal de 1601. de
rente.Les autres conditions qui dévoient être arrêtées entre les Parties,
n’ayoient point trait A la fixation du prix, & par conséquent n’empû«
choient pas que le marché ne fût confom m é, quand même il auroit
queftion d’un premier marché ; au lieu qu’il s’ agiffoit de l’exé
cution d’un précédent, à la charge que la vente ftipulée non rache
table feroit rachetable.
O n dit que file bail iubfiftoit le fieur Monnet ne pouvoit faire
la loi au Rentier ; mais il ne l’a pas faite non plus; il s’eft référé
au prix convenu primitivement : l’affaire étoit encore indécife
au Parlement ; c’eft pourquoi il dit à la fin de l’afte que fi la décifion eft retardée , il rendra ce qui lui a été payé. ¡Ciáis, poftérieurem ent, il reçut deux paiemens ; ce qui prouve que les
Parties exécutoient leur traité de bonne foi ; le fieur Monnet accordoit la faculté de rachat de la vente ; par ce m o y e n , il ne
�T6
devoit plus être queftion du déguerpittement qui l’inquiétolt &
qui lui étoit fi funefte , puifc^u’il ne pouvoit avoir lieu l’ans l’expofer à des dommages-intérets confidérables.
Comment peut-on dire que l’a&e de 1722. n’étoit pas obliga
toire? Les promettes de v e n d re , dit-on, ne le font que quand
ce qui eft relatif à l’effence de Fade eft défigné; mais dans l’efpece
préfente il reftoit à régler les conditions.
i Q. L’ écrit de 1716. contient tout ce qui eft effentiel la vente ,
la choie , le prix , le confentement, tk il eft double ; les autres
conditions à régler ne pouvoient porter fur fur rien de ce qui
étoit ettentiel à la vente.
2 0. 11 ne faut pas confidérer cet écrit comme le premier afte
paffé entre les Parties ; leur droit dérivoit du bail de 1688. on
n’a fait qu’y ajouter en 1716. une faculté de rachat.
O n oppofe que les Faugeres n’ont fait aucun ufage de cet écrit
pendant huit ans, & jufqu’à l’Arrêt de 1 7 2 4 Les Défendeurs
ajoutent que cet écrit a été anéanti par l'A rrêt, qui n'y a eu aucun
égard.
O n a déjà eu occafion de dire plufieurs fois que les Défendeurs
croient lire dans les Arrêts ce qu’ils ne puifent que dans leurs
idées : l’Arrct n’a pas anéanti l’écrit de 1716. puifque perfonne
n’en dem andoit, ni n’en conteftoit l’exécution , & qu’il ne vl’a pas
même connu.
En fécond lieu , l’écrit n’étoit deftiné à avoir fon exécution
qu’après l’Arrêt , & autant que l’ Arrêt infirmeroit la Sentence;
cela réfulte & de l’ettence de cet afte & des termes qu’on y a
em ployé ; il falloit donc attendre l’Arrêt.
En troifieme lieu , dès que l’Arrêt provifoire a paru , il a été
fait ufage de l’é crit, puifque le ao Septembre 1722. jour même
de la prife de potteiTion du fieur M onnet, il a donné un fécond
écrit portant que Pierre Faugeres rentrera dans la pojfefllon du
Domaine fous les mêmes conditions qu'il en jouijjoit auparavant, &
autant que le fieur Monnet auroit lu i-m êm e le droit d’en jouir ;
cet a&e eft l’exécution du premier. O ù eft donc ce filencc &c
cette inexécution de huit ans ?
On a répondu à l'objection tirée de la prefeription. i ° . L ’Arrêt
de 1724. n’a eu fon exééution que par celui de 1 7 4 1 . la preferip
tion n’a pu courir plutôt. 2Q. Les Défendeurs n’ont de pottettion
à oppofer que depuis la tranfaftion de 1741. ce qui eft infuffifant;
les droits des Faugeres ont été reconnu lors de cette traniaflion;
ils étoient entiers alors ; ils ont été pourfuivis dans les trente
.
ans.
Les
«
�17,
Les obje£lions qu’on fait contre l’écrit de 1 7 1 1 . font méprifables ;
l’o n trouve fingulier qu’il foit daté du même jour que le fieur Mon
net prenoit poiTeflîoa ; & précifément il a du avoir cette mcme
date par une iuite de l’écrit de 1 716 . fuivant ce premier é c r i t , le
fieur Monnet ne pourfuivoit que pour les Frugeres ; il obtint un
premier Arrêt de réintégrande; fidele à fes premiers engagemens,
il déclare, au moins en termes équivalens par le fécond titre , qu’ il
ne prend poiTeifion que pour Faugeres : Je confins que Pierre Faugeres rentre dans la. pojfejjïon du Domaine fous les mîmes conditions
q u il en jouiffoit. Telles font les expreiîions de cet écrit.
Monnet n’y rappelle p as, d it-o n , le bail de 1688. mais que
fignifient donc ces mots : Sous les même conditions qu'il en jouiffoit ?
ces conditions ne font-elles donc pas celles du bail de 1688 ?
O n répété à chaque inftant que Robert Faugeres n’a pas demandé
l’exécution de cet écrit; mais, encore une fois , la conteilation ne
s’eft terminée que par l’Arrêt &c la tranfa&ion de 1742. il auroit
agi auffi-tôt ; mais l'on décès arriva précifément le 9 A vril 1742.
fes enfans étoient mineurs ; c’ eft ce qui a fait retarder la de
mande.
Enfin , on oppofe que l’a£le de 1722. n’ a pas été fait double ;
m aisil n’eil que l’exécution & la confommation de celui de 1 7 1 6 .
qui étoit double : Robert Faugeres n’ avoit pas befoin d’y contrac
ter de nouveaux engagemens ; le fieur Monnet de fa part ne lui
donnoit l’écrit de 1722- que pour le raffurer contre fa prife de poffeflion, qui ne devoit profiter qu'à lui.
Il n’ eft point vrai que Faugeres pouvoit demander l’exécution de
l’écrit , ¿c que le fieur Monnet n’avo it pas la même faculté. Le
fieur Monnet trouvoit cette faculté enticre dans l’écrit de 1716.
qui étoit double, dans le bail même de 1688. dont l’abandon avoir
été aboli par l’A r r ê t , &c c’ eft fans le moindre fondement qu’on
dit que l'écrit de iyiG. ne pouvoit avoir d'exécution que par un confententement libre €r réitéré du fieur de Longat. Q u e veut-on dire par
1a ? Eft-ce que le fieur de Longat étoit interdit en 1716. ou que
I o n doive réitérer un confentement pour qu’il i oit obligatoire?
O n attend que les Défendeurs s’expliquent.
Q uoique le déguerpiffement prétendu n’ait pas lie ceux dont
il étoit l’ ouvrage il eit évident qu’ il eft encore plus indifférent
A Robert Faugeres, qui amandoit dans le Domaine une m o itié,
& fa portion afférente dans l’autre moitié : les Défendeurs, hors
d’état de répondre, difent qu’il n e peuvent après tant d’années
pénétrer dans le fecret d’une fam ille, il n’y a qu’à lire l’afte de 1688.
pour connoître le droit ôc la portion de chacun : ils veulent qu’orç
�prélume que ceux qui firent iignifier l’a&e de 17 12. étoient
i'euls Propriétaires; m a is o n ne peut pas le préfumer contre le
titre qui prouve le co n traire, l’écrit de 1 716 . qui établit que R o
bert Faugeres y avoit confervé Ces premiers droits ; o r , l’aile
de 1712. lui étoit totalement étranger.
Enfin , ce prétendu déguerpiflement, dont les Défendeurs font
tant de à bruit n’a pas été accepté par le fieur M o n n e t , &z il auroit
fallu l’ccepter avec fes conditions de dédommagemens fans pouvoir
d iv if e r ; d è s qu’il n’ a pas été a cce p té , les chofes fort demeurées
e n tieres, & le traité de 1716. a remis au premier é ta t; ajoutons
qu’il étoit nul , parce qu’un des deux témoins de l’a&e étoit un
H uiflier, nommé Guillaume G rofm a rie , & il en prend la qualité;
or , un Huiflier ne. peut être témoin dans un aile du miniftére d ’un autre Huiflier. C ’eft la difpofition de l’art. 1er. du tit.
1er. de la Coutume.
Les deux dernieres propofitions du Mémoire des. Défendeurs
ne méritent pas une longue difeuflion.
O n Arppofe, dans l’une-; que le bail de 1688. ne fubfiftoit plus;
c’eft une pétition de principe ; elle a été folidement détruite ;
l’Arrêt de 1724. la fait fubfifter ; &C les écrits de 1716. 6i de 1 7 1 1.
lui auroient donné un nouvel être , s’il l’avoit fallu. Ces propopofitions ont été démontrées.
Q u e la Dame Monnet , qui a a pafle la tranfaâion de 174a. fut
héritiere 011 créanciere du lieui Monnet de Longat fon frere ; c’elt
le fait le plus indifférent ; elle exerçoit fes droits, elle n’en avoit
donc pas plus que lui ; elle fubroge le fieur de la Chapelle à toutes
fes a£tions nommément au bail à rente & aux deux Arrêts. V oilà
le titre des Défendeurs : ils font Propriétaires de la rente à laquelle
ils font fubrogés ; on ne le contefte pas , fauf les paiemens ; on
les a fubrogés aux Arrêts de 1722. & de 1724. mais l’effet de ces
Arrêts appartenoit aux Faugeres , & ils ont réclamé dans les trente
ans de cette fubrogation, qui ne pouvoit être faite à leur préjudice.
La Dame de Lafaye favoit parfaitement que le Domaine appar
tenoit aux Faugeres ; c ’eft pourquoi elle ftipule depuis le com m en
cement du traité julqu’à la fin que le fieur de la Chapelle prend
fur fon compte l’événement ; il pourra faire valoir , dit-elle , le
prétendu déguerpiflement ; mais aufli fi on lui oppofe les Arrêts
q u i , en faiiant cefler l’é v iftio n , ont anéanti le délaiffemcnt qu’elle
avoit occafionné : û on lui oppofe les écrits de 1716. &C,ile 1722.
il garantira la Dame de Lafaye de toutes les aûions qpe lc's.Fau
geres pourroiént exercer en conféquence.
Les Défendeurs , hors d’état de répondre à la circontfance qu’il
�»9 .
font fubrogés au bail de 1688. difent que la Dairtc de Lafáye',
fimple cré a n cie re , ne vouloit rien prendre fur fon compte ; mais
cette réponfe eft vuide de fens ; elle exerçoit les droits de fon
frere , &c en difpofoit ; il étoit égal que ce fût en une. qualité
ou en l’autre ; cela ne pouvoit les augmenter , ni les diminuer.
O n a eu'raiion de dire que les Défendeurs ont trouvé un avan
tage confidérable dans le traité.quia fixé leur débet à 6000 1. quand
ils n’auroient pas dû les frais des Arrêts de 1721. & de 1724. mais
feulement ceux des premiers ;A r r ê t s , ce qui ne paroîtce pendant
p a s; il n’eft pas moins vrai quviis auroient acquis un pritipal d«j
160. & quarante annees de jouiffances pour .¿ r o o 1.
,0 i;
La p reicription, derniere; reilource de; la.: mauvaife . f o i , iiTa
pas plus de fondement que leá precédeos m oyens : elle n’auroit
pu courir que depuis l’A r r ê td e i7 4 2 . & :la tranfaâion qui a iujvi ;
on a agi dans les trente ans de cette.époque , & ils nîont plat, été
utiles, à beaucoup 'prés.
. •;
i.
>. n' <
Les Défendeurs repetenttoujours que le £cur de la Chapelle n’etoit pas en poffeiTion depuis . 1722. ¿ ¿ i l e f t p ro u vé par fa propre
reconnoifîance , confignée dans lu traniaflicm de I742. ( q u e les
Défendeurs, fi exa&s fur ies faits, fupprim ent, ) qu ’il avoit joui
jufqu’en 174*. Il y a lieu de penfer q u e .le décès du fieur de
Longat , Sc la renonciation à fa fuceeffion , ont perpétué
l ’uiurpation du fieur de là .Chapelle , ou qu’ilren ont occafionné
une nouvelle..
¡ .
. , : •; ,‘ ¡
Quand le fieur Monnet auroit été en pofTeilion en 17.42.. il n’y
auro.it pas plusjde ¡Yrefcnptittñ ; Ktonnet ne pQU.Yüit i’óppbíerlen
1742. contre fes écrits de 1716. :& de 1722. contre l’Arrêt de 1724.
qui feul auroit pu ouvrir l’a&ion des Faugeres ; & le. fieur do
la C h a p e lle , qui ne, pourroit dater,dans tous les ças^ fa poffeffeiîion que de 174a. a, été. attiiqnc dans les trente ans ; il neipeut
joindre fa poiTeflion à celle de M o n n e t, qui n’auroit^oui que pour
les Faugeres, & qui n’avoijt agit eif 1742. comme en 1722. ¿c en
1724. que comme leur garant..
> .
’
Il eft ridicule de répondre que Monnet étoit mort long-temps
avant l’Arrât de 1741- il n’eft plis moins vrai que ceux qui agiffoient le faifoient en exerçant leS droit* ou comme hqritiej-s , ou
comme créanciers f peu im p orte*.& Ils.droits qu’ils exerçpietit
étoient inféparables de fa garantie.
Les Défendeurs demandent où l’on a pris qu’urt créa n cier, quj
exerce fes droits fur uñe í'uccdflioñ jlioit teni'i des engagem.cns du
défunt.
.'
'•
j
Q u ’ il folt permis de demander a.cx.Défendeurs,,à leu r.to u r, ou
#ls ont p risqu ecelui qui exerce les droits de fon d é b i t e a i t plus
�*M
'
10
de droit que l u i , & que le défunt ne pouvant pourfuivre une
aélion que comme garant, ils ont le droit de la pouriiiivre fans
cette charge de garantie ; fans doute le fimple créancier n’eft pas
tenu des faits de ion débiteu r, lorsqu'ils font indépendansde l'ac
tion qu’il exerce ; mais imaginer qu’il puiiîc divifer cette-a&ion ,
en faire valoir l’utile &i en écarter les charges, c ’eit un fyltême
qui'étoit réfervé aux-Défendeurs ; le fieur de Lafaye ne devo it
point <le garantie en fon nom aux F a u g ere s; mais il exerçoit une
aftion
laquelle cette garantie étoit attachée; & il ne pouvoit
pas fe donneri plus de droit que n’en avoit fon débiteur.
Il eit étrange que les Défendeurs nient que l’exiftence du bail
de: *68$. ait-été reconnue dans le traité 1741. tandis qu’ils s’y
ionr fait fubroger expreflement ; ils font aux droits du fieur'Monnetyiilî le n t tenus des mêmes engagemens ; le traité d e 1742.
r e n d . hommage-aux-droits des Faugeres, ôc les a perpétué.
O n oppofe que f i , après les trente ans de l’A rrof de 1724. le
fiéur'.dela C B ap dle a v o it voulu contraindre les Faugercs.au paie
ment' de;ia-rqrtte ; ils auroifcnt'pu lui oppoler la prefeription ,
& quçlfc traité de I742.. ne .pouvoit leur nu ire, parce qu’ils n’y
cto^ent p a s P a r t i e s - r’ que le droit doit être-égal de part & . d’ autre.
Cexttî o b je ifio n , ùn-peu approfondiei, ne peut faire impreff i o n ; i e s F a u g e r e s ne font pas Parties dans l’atle de 1742. ainfi
on nelpoilrroit en tirer aucun avantage contr’eux ; mais-les Défen
deurs y ctoient Parties, c’eit leur titre; on peut donc en cxcipcr.
Contr’eux." ' n •
'
Les Défendeurs., da«£ la vue de détourner l’attention du véri
table- objet de Litonteflatioin, nexeflént de parler de vingt pièces
de t e r r e , îd ô n t. ils prétendent que' les Faugeres ont jo u i, quoiqu’elles tic, fuflent pas ccmprrfes dans 1* b a i l d e 16-8#. C ’eit-un
objqt étranger-fur lequel on n’ établit riett ,-qui n’a donné lieu ù
aucunes cort<l<»iions',;ÜC qui ne adneerne pas' même les Défen-»
deuiis.-'En; ciVc?t, cc n’eft ;pas Iclieur DcfmortiU qui avoit-ofigin a i r e m c i u formé une difficulté fur ces vingt pieci'ifde-ttffre ;• ,1’açli0rt- avoit- été'intentée par le fieur; de la-GuiUtfiifnie '6c iUne tant
pas les confondre; Le ticur de I3 Guillhiuni<r létoït‘hrbailleur'A
rehto \ & 'le iitît<Pt'rcle la Chapelle fe pretendoit fon^rébnciol''; il
fit déclaro-r jtar Sentence: le Domainc/dc !pefii;rrhypôtlïéqué à ‘{'es
prétendues créances ; 1Arrêt jugfca qu’i h u ’en frvoit pôînt le
iié.iVr- de-' la 'Gfiillaiiinie' qiii'-dQtnandon les !vi<Jgtipioccs: d<J terre ,
lit? iMit'OtHblir'to'rt droit tiMliabâinlortni.J-MüiS'le fieur de la Ch.iipelle n’a jamais prétendu .d'autrç d r o it, à cet ej’ ard, que n iypüthdi
que dont l’ Ariot le ¿cbbiûfï. Les D é c o d e u r s ne cherchent donc
m ut oblc^rt-r-J’
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Ils difent auffi qu’ on ne peut leur imputer l’enlevement des
p i eces des Faugeres; que le traité de 1 7 4 2. prouve que le fieur
de Lafaye , leur a remis l’act e de déguerpiff ement & fa fignification.
C ’eft l’original même de cette fignification que les Défendeurs
rapportent ; l’induction qu’ on a tirée de ce fait fubfifte malgré la
réponfe. C om m ent cet original étoit-il parvenu au cédant des
Défendeurs ? ou le déguerpiff ement avoit été remis au fieur
M o n n e t , comme n’ayant pas d’ objet , ou ces pieces avoient été
enlevées ; enfin les Faugeres font privés de leurs pieces par un
enlevement qui fut fait chez le fieur G e n u it, & cela a donné
lieu à la prodédure extraordinaire.
Il ne peut refter aucun doute légitime fur le droit des Faugeres;
ils réclament leur ancien patrim oine; l’abandon de 1 7 1 2 . occafionné par d e s circonftances qui ont ceff ées ne les en a point privé ;
l e s Arrêtsde 1 7 1 6 . & de 1 7 22. les leur auroient rendu , & on n’auroit pu exciper de l’abandon , qu’ en leur payant les dommagesintérêts, qui en étoient la condition; la prefcription ne peut pas
'être o p p o fé e; elle n’a commencée à courir que depuis le traité
de 1742. Les Défendeurs ne peuvent pas oppofer une plus lon
gue poff effion , ni du ch e f du fieur de Lafaye , puifqu’ il ne jouiff oit pas a up aravan t, ni de leur c h e f , puifqu’ils avoient été troublés
par l’Arrêt de 1742. obtenu par les garans des Faugeres , comme
les deux Arrêts de 1722. & de 1724. C es Arrêts ne profitent pas
moins aux F augeres, que fi e u x - m ê m e s avoient formé l’act i o n ,
par le traité ; le fieur de la Chapelle a reconnu l’exiftence des
droits des F a u g eres, & s’eft même fait fubroger au bail à rente
de 1688. cette fubrogation leur affure la r e n te ; mais ils-ne pe u
yent a v o i r la chofe & le prix.
Monfieur A R C H O N D E S P E Y R O U S E , Rapporteur.
V
e r n i e r e s
, Procureur.
A R I O M , de l’Imprim erie de la v e u v e C A N D E Z E , 1 7 7 2
»
�
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Factums Godemel
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Faugeres. 1772]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Archon Despeyrouse
Vernières
Subject
The topic of the resource
bail emphytéotique
successions
déguerpissement
délaissement
renonciation à succession
prescription
rentes foncières
réintégrande
abandon de jouissance
Monnet de Longat
bail
Description
An account of the resource
Titre complet : Réponse, pour les sieurs Faugères, demandeurs au mémoire des sieur et demoiselle Desmorels, défendeurs.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'Imprimerie de la Veuve Candeze
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1772
1679-1772
1661-1715 : Règne de Louis XIV
1716-1774 : Règne de Louis XV
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
21 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G0606
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G0604
BCU_Factums_G0605
BCU_Factums_G0607
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Perier (domaine de)
La Chapelle-Usson 63088)
Saint-Germain-Lembron (63352)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abandon de jouissance
bail
Bail emphytéotique
Déguerpissement
délaissement
Monnet de Longat
prescription
réintégrande
renonciation à succession
rentes foncières
Successions
-
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SER VANT DE R É P O N S E
P O U R M e ffire Gabriel D e fm o re ls, E c u y e r,
Sieur de la Chapelle ; Demoifelle Benoîte
D e fm o re ls, & M e. Pierre Roux , Prêtre &
.C u r é de la Paroiffe de la C Hapelle-fur-Uffon
leur Curateur, Défendeurs.
C
O
N
T
R
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E
Robert & B la ife Faugeres ; J e a n , Antoine &
Pierre Faugeres , D em a n d eu rs, & Antoine
F a u geres, tant en fon nom , q u e' n qualité de
mari de F rançoife F a u geres, & d e Tuteur de
B arthélém y & M arie Aurillon , & ladite
F rançoife F a u geres, Intervenans.
■■ !
■>.
’ E m p h y t é o t e qui a déguerpi avec toutes les formalités néceffaires , don t le déguerpiff em ent réitéré & adopté par deux
Arrêts rendus c o n tra d ictoirem en t avec lu i, a été fuivi d’ un abandon
L
réel .de l’héritage em phytéofé, depuis près-de foixante ans ,
e
ft-il recevable aujourd’hui à r é c la m e r'l’exécution du b a il
A
�etnphÿféfctiqne ? T e lle efr l’idée générale de la qucftion qui eft
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.it ; *
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à *juger!
■' ” _
L ’afBrmative de cette propofition eft, fans doute, un paradoxe
évident ; ee n’eft auifi qu’ en déguifant les faits, & en donnant une
interprétation, qui réfifte en même temps à là lettre &c à l’efprit
des différera aflesqui ont-été produits au procès , que les Deman
deurs fe r o n t flattés qu’Hs pourroient parvenir^ la faire réufîir;
mais unè’^nalyfe- plus exafte de ce qui s’eft paiïe entre les auteurs
des Parties, fuffira pour démontrer toute l’illufion de ce nouveau
fyftême.
^
q
F
A
I
T
S.
Jean IDefmorels Sieur de la Guillaumie étoit propriétaire
d’un Domaine appellé de Perier ; outre> ce Dom aine, le-fienr
de la Guillaumie poffédoit, dans le même lieu de Perier , plufieurs
héritages párticuliers, d’une valeur confidérable ; ces héritages
n’ avoient jamais fait partie du Domaine : le fieur.de la GuiÜaïunie
étoit cependant en ufage d’affermer le tout par un feul &c même
baSJ & pour un feul & même prix ; il en étoit de même-de la
taille "qui étoit impofée ; . i l n’y avoit,aucune,-diilin£Uon entre la
taille; dit- Domaine & qellé^de ces héritages détachés ; il n’y avoit
qu’une feule &c même inipoûtion.
En l’année 1679. lefie'iir de
Guillaumie vendit le D o m ain e,
fous facultés de rachat pendant fix ans, au fieur Monnet, Marchand,
Habitant de la Ville dé Saint Germain-Lambron , moyennant la
fomme.de 2600 1. que fe iieur Monnet fe retint entre (es mains,
eq paiejnent.de pareille fomme qui lui étoit dûe par le fieur de
là;-Giiillàütol<k -,
. Le contrat de vente contient le détail le plus e x a û de la confifîapce^ôC^des confins, tant des bâtimens que des héritages qui compofoient Ife Donlaine ; le vendeur avoit un intérêt fenfible à cette
défigaation,• poui ne pas confondre les héritages qui lui demeu-.
roient réfervës , & pouf éviter toutes les difcuifionst qu’ auroit pu
finre'naitré-ùne^hufe g é n é r a l e e n flipulant fimplement la vente
du Domaine, avec fe s ,circonftances & dépendances.
Le fieur de la Guillaiïmiè eft décédé peu de temps après la vente
¿ans le cours de la même année 1679,
^:ETii’ai)riée.iô88.;îe'fieurM Q nnetdéiâiiîa le même D o m ain e , à
ittr9idQfî^nïer;fonciefol&i flon'-raehetable, 6* tel <¡u!¡l t avoit.acquis
à.jRôbért.'.& |eaa(F au g e re s, .auteurs des. D em andeurs*
m oyen n an tîïr r*nt©_de¡ lôonl. chaque année : toutes les iUpula-,
loafc db Qebûlôjnjphytéotique font à remarquer..
�/4 /
* *
3
II y eit dit que le fieur Monnet a délivré aux Faugeres un bail
de Ferme de l’année 16 7 7 . confenti par le fieur de la Guillaumiei,
au profit des nommés Rigolet : il fautfe rappeller ici robfervation
que l’on a déjà faite , que le fieur de la Guillaumie étoit en ufage
de ne faire qu’un feul &c même b a il, tant de ion Domaine que
des héritages détachés hors du Domaine.
_
t
Le fieur Monnet délaiffa aux preneurs , par le même b a il, une
quantité de beftiaux & d’uftenfiles confidérable, dont le Domaine
étoit garni ; il eft dit que c’ eft fans aucune augmentation du prix.
Par la claufe fu ivan te, il eft ftipulé que le fieur Monnet ne
fera tenu d’aucune garantie que de fes faits & promeiles, ni d’autre*
dommages &C intérêts , en cas d’é v iilio n , d'aucuns des héritagef
arrentés , que de la valeur d’iceux ,
dire d’ÉxpertSo:./o
Enfin , il eft d it , par une derniere claufe, q u e , dans le cas 011
les Faugeres déguerpiroient le Domaine , ils feroient tenus dé
rendre les beftiaux & -les meubles qui leurs ont ,4 tô délaifffS » 4
dire d’Experts, & fans frais.
.
•;»' :/
-iL ->'1 ¿L> ¿n
C e bail ne donnoit droit aux Faugeres que fur le Dom aine>
tel qu’il avoit été vendu au fieur Monnet par le contrat de 16 7 9 .
mais les Faugeres fe prévalant de la minorité & du bas
des
■Bnfans du fieur de la Guillaumie, & , par un abus manifefte du
bail de 16 77 . qui leur avoit été remis par le fieur M o n et, fe
mirent en pofleflion , tant du Domaine que du furplus des héri*
tages fitués au lieu de P e r ie r , qui appprtenoi.erçt à la fucceifion
du fieur de la Guillaumie ; & ils en ont jouijufqu’ en l’année 1 7 1 a .
En l’année 1 7 0 1 . Jean D efm orels, Sieur de la C hapelle, aïeul
des Défendeurs , créancier de fommes. confidérables du défunt
fieur de la Guillaumie,fit affigner en ceSiege, endéfiftement hypo«
thécaire, P ierre, Antoine, Annet & Vital Faugeres , freres com
muns en biens, & qui éioient. feuls en poffellion, tant du D o
maine de P e rie r, que des héritages,féparés;
Les Faugeres dénoncèrent cette demande au .{ieur. Monnet, avec
afiignation pour être condamné à la faire ceffer, ou d tU s décharger
dç ^effet général du contrat de rente dt 16SS. & conjentir a la refolution ef icelui , U tout en conformité de la,\claufe du contrat j offra(it r
de leur p a rt, d’exécuter les claujes particulières y appofees ; & t faute
de ce faire & pour ne Cavoir fa it en temps du y être condamné ert^
tous dommagts-intirtts. ■; 1 ■
ai
. . u fu; : ...ifr ■
Le fieur Monnet étant décédé petrde temps après, les Faugeres
firent afiigner en reprife d’inftance. le .fieur Monnet d e L o n g a t ,.
fils 8c héritier du fieur Monnet j ou quoique ce io it la Dame Berar4 '
^
�fa rmere & f a tutrice ; cette inftance en recours fut jointe dan s '
la fuite à l’inftance principale.
On n ’entrera pas dans une plus grande difcuiSon fur la pro
cédure qui fut faite en ce Siege ; le détail en feroit inutile.. .
I1‘ fuffira d’oblerver , qu’après'" un' Appointement en droit il
intervint Sentence contràdiftoire, le 16 Juin1 1 7 1 2 . par laquelle *
en^isjoignant la demande en recours, formée paroles Faugeres,
le Domaine de Perier fut déclaré affefté & hypothéqué au paiement
dei'créances du fieur Defmorels de la Chapelle; il lui fut permis
en-cônféquence d’en jo u ir, ffc-de le faire faifir réellement : les
Faugeres furent condamnés à la reftitütion des. fruits depuis la de
mande & aux dépens.- •
En exécution de cette Sentence, le fieur de la Chapelle prit
poffefïion du Domaine & de tous les héritages féparés de ce D o
maine, dont les Faugeres avoient toujours joui fans aucun droit',
puifqu’ilsnîa-vbient jamais fait partie ni du contrat de vente de 1679.
ni de l’emphytéofe de 1 688. J’afte de prife d e pofleifion eft du
1 3 du même ¡mois de;Juin 171a:..r
? Le fieur de'la Chamelle fit enfuite procéder à la taxe des ^dépens
qui lui avoient été''adjugés ; il obtint-un exécutoire de la fom*me-de 1 8 5 IL en vertu duquel,il fit procéder par exécution fur
leS'immeuDles des Faugeres
fit faire différentes faifies &£ arrêts
entre -les maios;;de lenrs-débiteurs. Il n’en a jamais rien retiré.
Les Faiigeres^' de leur p a r t , interjeterent appel en la Cour de
Paftement, tarit de la Sentence que des faiiies & exécutions qui
avoient été faites de leurs biens. Ils pourfirivirent en même temps
en ce Siege le Jugement de leur demande en recours contre la
Dame Berard ,&c ils obtinrent Sentence le premier Juillet fuivant*
qui fait droit fur cette demande.
-u Le^-du même mois de Juillet y le fieur Monnet deLongat , alors
émancipé d’â g e , &c procédant fous l’ autorité de Robert Geneix, fon
dufâteilr ,'fe'pourvut a«fli par appel au Parlement de. la Sentence
d ü jl ô Juin i j i i i . ’ il obtint A rrêt, tant e n 'fo n jio m , que faiiant &
prenant eû main pour les Faugeres par lequelil fut fait défenfes
au fieur de la Chapelle de mettre cette Sentence à exécution.
Le fieur de Longat fit fignifier cet Arrêt le 18 du même mois
il* Juillet, ta n t aux f a u g e r e s , qu’a u \fieur.de la Chapelle , avec
fornication aux Faugeres de fe maintenir dans la pofleifion du
{ & ?défenlcs; au fieur d è Ja Chapelle;; conformément à
lVïftl'Çt^ dft^aiïer :OÙtrej à l’eicécution de la Sentence & aux pour*
libcB qti'.il.fiiiroii contre'eux pqur le paiement de l’Exécutoirc. qu’ il
a voit obtenu.
�A i*
II Stoit tout naturelqué les Faugeres, en adhérant à la fo m m »
tion qui leur étoit faite par le fieur de Lon gat, attendirent au moins
l’événement de l’a p p e l, puiique le fieur de Longat paroiffoit alors
le prendre fur fon compte, & que par là il les mettoit hors de
tout intérêt.
Mais les F au geres, au lieu de fuivre la route que le fieur de
Longat leur indiquoit, & d’adhérer à fa prife de fait S c c 3 u fe ,
lui firent faire un a& e re co rd é le 28 du même mois de Juillet,
dont il eft cffentiel de bien prendre toutes les difpoiitions. G ’eft
le déguerpiffement des Faugeres.
Ils commencent par déclarer que la dénonciation qui leur a été
faite de F Arrêt de déftnfes , contre la Sentence de ¡ y i ï . vient à tard'^
attendu qu'ils ont été dépofjédés du Domaine par le fitu r de la Chap tllz, qui en a pris pojjeffîon depuis le 23 Ju in précédent ; ils cor.fentent & accordent en conféquence que le contrat de bail à rentt du i j
Juillet 1 €88. fa it & demeure interrompu, nul & comme non fa it &
Avenue
Ils ajoutent, qu’attendu qu'ils ont payé annuellement là rente portée
par le ju fdit contrat jujques & compris tyii. & qu'ils n'entendent plus
jo u ir du Domaine, dont ils font dépoffédés , ils déclarent qu’ils déguerpiffent & abandonnent ledit Domaine , & confentcnt que le fitu r
de Longat puiffe agir contre le fieur de la Chaptlle pour la propriété
dudit Domaine, ainfî qu'il a viftra,fe réfervant l'exécution de la Sen
tence qu'ils avoient obtenu fur leur demande en recours.
Il n’y a sûrement rien d’équivoquedans aucune des déclarations
que les-Faugeres ont fait dans cet a£le ; il contient ui> déguerpif
fement précis & abfolu , qui les'dépouilloit dans l’inftant de tout
droit à la propriété du Domaine.
Mais les Faugeres allèrent encore plus avant. Le fieur de la
Chapelle les avoit fait ¿(ligner pour être préfenfcià la batture des
grains qu’il avoit recueillis dans le Domaine , en çonféquence de
fa m ife en pofieiïïon en vertu de la Sentence du 16 Juin ; ils lui
firent lignifier un afte le 1 1 A o û t p a r leq uel, en juilifiant de l’aile
. d’ abandon qu’ils avoient fait depuis le. 2& Juillet précédent, ils
deelarerent que , s'étant dcfijlés de la propriété du Domaine , & s'en
- étant départis à là charge ae demeurer quitus de l'effet du contrat dt
rente , au moyen du déguerpilfement qu'ils tn avoient fa i: , Us ne prenoient plus aucun intérêt i foit aux’, fruits ,f o ii à la propriété du D o
maine ,■dont ils riitéroient le déguerpiffement.
L ’appel delà Sentence de 1 7 1 a ..f u t inftruit au P a r le m e n t t a n t
a v ec les Faugeres, qu’avec le fieur Monnet de Longat.
Les Faugcyes fournirent leurs griefs co n tre’cette Sentence par
•
�6
«ne Rèquâte du 3 1 Janvier 1 7 1 1 . Iis n’ignoroicnt pas alors la va
lidité de leur déguerpiflement, & , qu’au moyen de l’abandon qu’ ils
avoient fait , le bail emphytéotique de 1688. étoit pleinement
réfolu : les concluions qu'ils prirent par cette Requête en fourniffent la preuve la plus exafte.
Ces concluions tendoient à ce que Us appellations & ce dont avoit
i ù appelle fufjent mifes au néant, èmtndant qu'ils Jufltnt déchargés
des condamnations portées par lefdites Sentences & Exécutoire ; qu’il
leur fû t fait pleine & entiere main levée des cho/es JaiJies Ju r eux , avec
dommages & intérêts.
S i les Faugeres n’avoient pas été convaincus, qu’ au m oytn de
l ’ ab an don qu’ils avoient fa it , ils n’avoient plus aucun droit à la
p r o p r ié té du Domaine : i) cft fenfible qu’ils auroient demandé d’être
réintégrés avec reftitution de fruits ; mais leurs concluions n’a
voient aucun trait à cette réinté^rande ; ils avoient été
condamnés à la reftitution des fruits depuis la demande hypo
thécaire jufqu’au déiiftement ; ils avoient été condamnés aux dé
p e n s ^ c’eftà la décharge de ces différentes condamnations, qu’ ils
reftreingnoient leur appel. C'étoit auffi le feul objet qui pouvoit
les intéreffer ; tout ce qui concernoit la réintégrande ou la pro
priété du Domaine leur étoit devenu étranger , en conféquencc
de leur déguerpiflement.
Le fleur de Longat devoit , à la v é r ité , les garantir de ces
différentes condamnations ou les en faire décharger : voilà à quoi
-fe -réduifoient dès-lors la prife de fait & caufe 6c tous les engagemens du fieur de Longat fur l’exécution du bail de 1688.
Mais il favoit en même temps que le déguerpiflement des Fau
geres lui avoit transféré la propriété utile du Dom aine, à laquelle
ils n’ avoient plus aucun d ro it, au moyen de l’ abandon qu’ ils lui
en avoient fait.
C ’eft dans ce point de vue que le fleur de Longat donna uns
Requête le 1 7 Juin de la même année 1 7 1 0 . par laquelle, en met
tant à l’écart lés Faugeres & la prife de fait & caufe , il conclut
perfonnelltm ent & enjon nom , à ce , qu’ en attendant l’événement
des conteftations au fo n d , il fut ordonné qu’il feroit réintégré dans
la pôfleflion du Dom aine. & que les fruits lui en en fuffent reftitués depuis l’indue pofleilion du fieur de la Chapelle.
Il faut obferver que pendant le cours de l’inftruâion fur l’appel,
le fleur de la Chapelle donna une Requête, par laquelle il expofa
que le fieur M on net, aïeul du fieur Monrict de L o n g a t , après
l’acquifition par lui faite en 1679. du Domaine de Perier , s’etoit
• mis en pofleilion , non-feulement de tous les fonds & héritage^ qui
�formoient ce D o m a in e , mais qu’il s’étoit aulîl mis en pofleifion '
de vingt pieces d’héritages défignées 8cconfignéesdans la Requête,
que c’étoit une pure usurpation de la part du fieur Monnet; le
iieur de la Chapelle conclut en conféquence à la reftitution des
fruits de ces vingt pieces de terre , depuis la date du contrat de
Ï679. jufqu’à la Sentence de 1 7 1 2 . en exécution de laquelle le
iieur de la Chapelle s’en étoit remis en pofleffion.
Le fieur de Longat oppofoit à cette demande que !c fieur Monnet
fori aïeul n’ avoit joui que de ce qui faifoit partie du Domaine
qui lui av o ir été v en d u , conformément aux confins énoncés au
con trat, relativement auquel feulement il demandoit d’etre réin
tégré dans le Domaine ; que l’ ufurpation ou la jouiflance que les
Faugeres avoient pu faire de ces vingt pieces de terre, ne le con-i
cernoient pas.
En cet état, il intervint un premier Arrêt le 29 Août 1 7 2 2 . par
lequel il eft dit , qu’avant faire droit fur les appellations 8c dif
férentes demandes, les Parties contefteront plus amplement dans
quatre m ois, 8c cependant fans préjudice du droit deid. Faugeres,
Monnet de Longat 6c Jean Befmorels au principal ; ayant aucu
nement égard à la Requête dudit Monnet de Longat du 27 Juin
I720. jointe au procès ; il eft ordonné que ledit Monnet de
Longat rentrera en pofleifion du Domaine ôc Métairie, fitué au lieu
de Perier, vendu par Jean de la Colombe de la Guillaumie, à
Jean Monnet, par contrat du 1 4 Mars 1679. L’ Arrêt ajoute, qu’ayant
égard à la déclaration du fieur de Longat, qu’il n’a point pofledé,
ni entendu poiféder d’autres héritages que ceux compris au con
trat de vente de 1679.
m*s hors de Cour fur la demande
qui avoit été formée contre lui, pour raifon des vingt pieces de
terre qui n’avoient pas fait partie de ce contrat ; fauf au fieur
de la Colombe de fe pourvoir pour raifon de ces ufurpations
contre les Faugeres , ainfi qu’il aviferoit.
Cet Arrêt fut pleinement e xé cu té ; le fieur Monnet de Longat ; prit pofleifion du D om ain e, perfonnellement &c en fon nom , par
a£le du 29 Septembre 1722. Le fieur de la Chapelle y fut ap
pelle. Le fieur Monnet déclara au procès-verbal qu'il n’entendoit prendre pofleifion que conformément aux confins exprimés
,«m contrat de vente de 1679. ^ f,cur de la, Chapelle adhérat à
ia prife de pofleifion du fieur Monnet fous cette condition ; dès
ce moment le fieur de la Chapelle quitta la pofleifion du D o
maine ; le fieur de Longat en demeura paifible poflefleur ; & le
.fieur de la Chapelle i'e maintint dans la pofleifion des vingt pieces
de terre détachées , qui n’avoient jamais fait partie nx.du contrat • ‘
de vente de 16 7 9 . ni de l’ emphytéofe de '¿68#*
�Lès • Parties xxxastSSmt de procéder au fond en exécution de û
plus ample conteftation ordonnée par l’a r r ê t ; le fieur de Longat,
pendant le cours de l’inftru&ion , fe rendit incidemment Appèllant
de la Sentence que les Faugeres avoient obtenue en ce Siege le
premier Juillet 1 7 1 1 . par laquelle il avoit été fait droit fur la de
mande en dommages-intérêts qu’ils avoient formée en conféquence
du recours qu’ ils avoient exercé contre eux.
Poftérieurement à cet appel, & le 12 Juillet 172.5. le-fieur de
Longat-donna une Requête dont il eft important de ne pas perdre
de vue les concluions ; les Demandeurs ont eu l’attention de
l’oublier dans leur Mémoire.
Le fieur de Longat demanda a ftè , par cette Requête, de ce
qu’ e/z rtclifiant, augmentant & expliquant Jes demandes , il concllioit
à ce que la Sentence obtenue par le iieur de la Chapelle le 16 Juin
1 7 1 2 . fut in firm ée; émanaant que le fieur de la Chapelle fût
d éb ou té de fa demande hypothécaire ; ce faifant que lui Monnet
de Longat fû t gardé & maint tnu dans la propriété, pojjcjjion & jouiffance de ce Dornaim ; que le (leur dt la Chapelle fu t condamné de lui
en re/lituer les fruits , depuis & compris Cannée l’j t i.ju fq u ’au 22 Stptembte <722. jo u r auquel il avoit été réintégré dans la pojjejjîon de ce
Domaine.
Par un fécond chef des concluions de cette Requête, le fieur
de Longat conclut à ce que le fieur de la Chapelle fut condamné
de le garantir & indemnifer de tous les frais auxquels il avoit
fuccombé envers les Faugeres par la Sentence qu’ils avoient obtenu
contre lui le premier Juillet 1 7 1 2 . & autres qu’ ils pourroient pré
tendre ; enfemble, de tous leurs dommages - intérêts & dépens.
■ Rien n’eft plus précis que cette Requête ; le fieur de Longat
s’ eil expliqué clairement ; il a diftingué bien exa&ement les de
mandes qui lui étoient perfonnelles , de celles qu’ il formoit comme
garant des Faugeres; ildtmandoit en fon nom feul , 8c comme
ayant feul dtoit de propriété du Domaine qu’ils avoient déguer
pi > d’y être maintenu ; & , comme garant des F a u g e r e s , il âemandoit d’ être indemnifé de tout ce qu’ ils pourroient répéter con
tre l u i , en vertu d elà Sentence du premier Juillet 1 7 1 2 .
C ’eft le 24 du même mois de Juillet 1724. qu’eft intervenu
F Arrêt définitif, q u i , en faifant droit au fond fur tous les droits
refpeftifs des Parties, a adopté de la maniéré la plus expreife les
concluions de cette derniere Requête. Voici le difpoitif de cet
Arrêt.
Notredite Cour, par fon Jugement 0 A rrêt, faifant droit définitif
vtmentjur les appellations & demandes interloquées par. ledit Arrêt du 25
Août
�ts
9
'Août t y i l , en tant que touche les appellations, tant defdlts Pierre
Vital & Jean Faugeres, de la Sentence du procès par écrit du /G Ju in
1 71 2. exécutoire de dépens , faifies & exécutions faitei en conféquence ,
que dudit Monnet de Longat en fo n nom, & comme prenant le fa it
& caufe des Faugeres defdites Sentences , exécutoire de dépens & de ce
qui s'en efi enfuivi, a mis & met lefd. appellations , Sentences & ce au
néant ; émendant ayant aucunement égard aux demandes dudit Monnet
de Longat, portées par Requêtes des 27 Ju in tyzo. / j Juillet i j n .
i J M a i, ¡ 1 & te) Juillet 17x4. déboute ledit Defmorels de fes de
mandes , y fa it pleine & entiere main levée aux Faugeres des faifies
& exécutions fu r eux faites à la requête dudit Jean Defmorels , &
des faifies &
-f- _ f a w ix r rr'* 1— * été faits entre les mains dis
débiteurs defdits Faugeres , à la requête dudit Jean Defmorels ,
M A IN T IE N T & garde ledit Monnet de Longat dans la propriété,
pofjeffion & jouiffance dudit Domaine de Perierj condamne ledit Jean
Defmorels de rendre & reflituer audit Monnet de Longat les fruits &
revenus de tous les héritages compris audit exploit de demande du 2 6 A vril
1 7 02. depuis & compris le 23 Ju in i j t z . qu’il s'en <Jl mis en poffejjlo n , jufques au 22. Septembre 172.2. que ledit Monnet de Longat a
été réintégré en vertu de CArrêt du 20 Août t-jo.2 . . . . S U R L E
S U R P L U S des demandes refpeclives dudit Jean Defmorels , dtfdits
Faugeres & dudit Monnet de Longat, met les Parties hors de Cours
& de procès ; C O N D A M N E ledit Jean Defmorels , pour tous dommages-intérêts, aux dépens envers lefdits Faugeres & ledit Monnet de
Longat, & encore aux dépens faits par ledit Monnet de Longat contre
lefdits Faugeres , & à f acquitter des dépens auxquels II a été condamne
envers eux.
11 eft à remarquer que le fieur de L o n g a t , par fa R e q uête du
i l Juillet 1 7 1 4 . n’ avoit conclu qu’à la reftitution des dwrtJ échus
jufques à 1*Arrêt de 1 7 1 2 . & que celui de 17 14 - ne lui adjuge
pas les fruits intermédiaires , c’ eft-à-dire, ceux échus depuis 1 7 1 2 .
jufqu’au jour de l’Arrêt définitif. Cette obferyation recevra fon.
application dans la diieuifion des moyens.
L ’Arrêt contient une dernieredifpofition qui p orte fur la demande
que'ficur de la Chapelle avoit formée , tant co n tre le iieur de
Longat que contre les F au ge re s , en reftitution des fruits des
vingt pièces de terres qu’ils avoient ufurpées. L ’Arret de 1 7 2 1 *
comme on l’a déjà v u , avoit mis le ficur de Longat hors de
Cours fur cette demande , fauf au ficur de la'Chapelle à la fuivre
contre les Faugeres. Le fieur de la Chapelle avoit repris ,cette}
demande contre e u x , & l’ Arrôt de 1 7 1 4 . ordonne , qurA cet
é g a r d , les Parties contefteront plus amplement dans trois mois ,
dépens quant à ce réferyés,
B
�Les Défendeurs s’étoient propofés de renouveller cette demande
en ce Siege , maïs ils fe font apperçus qu’elle étoit liée au Par
lement par la plus ample conteftation ordonnée par l’Arrêt.
Le fieur de Longat jouiiToit tranquilement du Domaine depuis
1 7 2 1 . mais il n’étoit pas exaft à en payer les Importions. Il ne
paya pas celles de l’année 1724. Il n’y avoit jamais eu, comme on l’a
obfervéau commencement de ce Mémoire , qu’une feule & même
cote , tant pour raifon du Domaine , que pour raifon des vingt
pieces de terre j j w>èn i3a< qui n’ en faiioient pas partie ; les Colle â e u rj , chargés du recouvrement, jugèrent à propos de s’ adreffer au fieur de la Chapelle, qui fut contraint de payer.
Le fieur de la Chapelle fit affigner en coniéquence le fieur dç
Longat en l’ Eleftion d’ IiToire, où il obtint Sentence qui condamne
le fieur de Longat à lui rembourfer la moitié de ces Impofitions.
En exécution de cette Sentence , le fieur de la Chapelle fit
procéder par faifie de fruits, comme des biens du fieur de Longat,
lur quelques héritages du Domaine de Perier. Le procès-verbal
eft du 1 Août 1 7 1 4 .
Le fieur de Longat eft décédé quelques années a p r è s , paifiblc
poiTeffeur du Domaine ; il ne Iaifla ni enfans, ni petits enfans ,
de la minorité defquels le fieur de la Chapelle put fe p rév alo ir,
comme les Demandeurs l’ont hafardés dans leur Mémoire ; il n’avoit pas été marié. Le fieur de la Chapelle, aïeul des Défendeurs ,
eft décédé en l’année 173 r. peu de temps .après le fieur de Longat.
La Dame Monnet de L a fa y e , feeur du fieur de Longat & fon
unique heritiere préfomptive, répudia à fa fucceflion, fur laquelle
elle avoit des droits considérables à exercer.
Le fieur de L o n g a t, après le décès de Jean M onnet, aïeul
commun, s’étoit emparé de tous les biens de fa fucceflion ; il en
revenoit une moitié à la Dame de Lafaye fa fœur ; il lui devoit
suffi la reftitution des fruits.
•• La Dame de Lafaye fit nommer un curateur à fa fucceflion v a
cante ; elle obtint' Sentence en ce Siege contre ce curateur en
l’année 17 3 5 . q u i, en ordonnant le partage des biens de la fucceflion de Jean Monnet , liquide en même temps les créances
dues à la Dame de Lafaye.
Comme la fucceflion du fieur de Longat avoit etc vacante depuis
fon décès , le Domaine l’avoit etc aufli; les. Colle&eurs de la Pa«
roifle de la Chapeljejfur-UiTon, le faifoient valoir fucceifivement
pour fe procurer le paument de? Impofitions. Us obtenoient à cet
effet chaque année iine ''Ordonnance de l’E leâion d’ Ifloire, qui les
y àutoriioit, Antoine Faugercs, l’un des Demandeurs, l’a exploité.
�lui-même en fa qualité de ConfuI en Tanncc 17 3 7 . Ces faits font
de notoriété publique fur les lieux.
^ En l’année 17 3 8 . la Dame Monnet de Lafaye , en qualité d’ héritiere de Jean Monnet, fon aïeul, & créanciere 'privilégiée de la.
fucceÿion dufieur Monnet de Longat, Jon frere, obtint un Commiffion du Parlem ent, à l’effet de faire affigner Jean Defmorels de
la Colombe , pere des Défendeurs, pour voir déclarer exécu
toire contre lui l’ Arrêt de 17 2 4 . en conféquence être condamné
à la reftitution des fruits du Domaine de P e r ie r , tant de ceux
adjugés par l’Arrêt provifoire de 1 7 1 2 . que ceux échus depuis.
La demande étoit évidemment infoutenable , par rapport à
la reftitution des fruits depuis 1 7 2 2 . puifque à cette époque le
lieur de Longat avoit été réintégré dans le Domaine , dont il avoit
joui jufqu’à fon décès ; que le fieur de la Chapelle étoit décédé
peu de temps après lui, & que depuis le décès du fieur de Longat
le Domaine n’avoit plus été exploité que par les Colle&eurs pour
le paiement des Impofitions.
La Dame de Lafaye obtint cependant deux Arrêts par défaut;
l ’un faute de comparoir , 6c l ’autre faute de défendre , qui lui
adjuge fes concluiions.
Le pere des Défendeurs, pour éviter une plus ample difeuflion,
prit alors le parti de ftipuler la fubrogation des droits de la Dame
de Lafaye fur la fuccefîion du fieur de Longat fon frere.
Il y eut en conféquence un traité paffé entre le fieur de Lafaye,'
en qualité de mari de la Darne M on net, héritiere pour une moitié,
de Jean M on net, fon aïeul paternel, & créanciere privilégiée de Is
fuccejjîon du fieur dt Longat Jon frere , le 19 Août 1 7 4 2 . dont il
eftj eflentiel de réunir toutes les difpofitions ious lin feul point
de vue ; on ne peut pas les d iv ife r; elles font néceffairement
relatives l’ une à l’autre.
I l efl d it , par ce traité , que le Jîeur de Lafaye , auxdits noms
a Jubrogé le Jîtu r Defmorels, pere des Déjendeuis , au lieu & place de
ladite Monnet ,‘à Ceffet du contrat dt vente du 14 Mars tGjÿ. & du
bail emphytéotique du 10 Juillet 1688. & des Arrêts des 29 A v ril
I J 2 2 . & 24 Juillet <724. enfemble pour les arrérages de rente
ou re/îitution de fruits que lefdits fleur & Dame de Lafaye pourroient
prétendre depuis & compris i j 12. jufqu à préfent, même pour les f a i s
qui ont été faits tn la Cour de Parlement contre lui & fes freres , fu r
la dtm&nie delà Dame veuve Monnet, le tout (ans aucune garantie pour
quelque Cdufe que ce fa it , f i et n efl de celles qui feront ci-après ex
pliquées , moyennant le p rix de la fo m m e de 6000 l. pour le paiefittnt dt laquelle, . , . . W moyen defquellts délégations & paiement
<
B z
�ledit finir Defmords demeurera quitte du prix de là fubrogation, confentle par Us (leur & Dame de Lafaye , qui, en recevons dans lefdits
termes & fous la réferve de leurs préférences & hypothèques, émanées
defdit s contrats & Arrêts , promettent de garantir ledit (leur Defmorels
de ladite fomme de 6000 l. au cas que, par quelques êvénemtns im
prévus , il fouffre éviclion dans la rente emphytéotique , à laquelle il e(l
fubrogé ci-defjus ; s'obligent pareillement d * le garantir des faifles....
Ledit Çitur Defmorels prend furfon compte toutes les demandes , garan
ties & ¿viciions que pourroient former contre ladite Dame Monnet &
ledit fleur de Lafaye , les héritiers defdits Robert & Jean Faugeres ,
¿> communs , en vertu dudit bail emphytéotique du 10 Juillet 1688. &
des Arrêts ci-de(fus da.tés , tant pour refUtution de fruits & jouiffances ,
que p o u r dépens, dommages-intétêts ; en forte que lefdits fleur & Dame
de Lafaye ri en foient inquiétés en aucune maniéré, S A U F A U D I T
S I E U R D E S M O R E L S , àfaire valoir, comme bon lui femblera , à fes
périls , rifques & fortunes , le déguerpifftment que lefdits Faugeres ont
fa it flgnifier à Me. Blaife Celin , Sieur Durodcl, à Dame Gilbertt
Betard ,fon époufe, auditfleur Monnet de Longat & à Robert G eneix,
fon curateur, de. la propriété dudit Domaine de Pener, à eux empkytéofé , par acte du 28 Juillet i j i 2 . dont il a été fait extrait & colla
tion Ju r Coriginal, repréfentèpar l ’un defdits Faugeres , devant Btrard,
Notaire roy al, le 16 Novembre i j i z . f l g n é dudit Faugeres , contrôlé
a Iffoire le t j du même mois, par Légat ; lequel extrait & collation %
le fl(u r de Lafaye a préfentement délivré audit fleur Defmorels , avec
l original d ’un exploit fa it à la requête defdits Faugeres le it Août tyix.
par G iro t, Huifjler, contrôlé a Saint Gtrmain-Lambron par Grtnet,
énonciatif dudit acle de déguerpifjement ; lefquelles deux pieces Jedic
fleur Defmorels a retiré pour s’en fervir ainjl qu’il avifera, pour la
garantie , fiipulée de f a part , par les fleur & Dame de Lafaye ,fanslaquelle ils n’auraient confentis à ces préfentes.
Telles font exaâemenr les claufes de ce traité , que les D e
mandeurs préfentent comme unaûc de fubrogation pure & Ample*
fait par l’héritier du fieur de L o n g a t, & uniquement déterminé
au bail emohytéotique de 1688.
Le fietir Defmorels , en conféquence de ce traité , fe mit en
pofleiïion du Domaine de Pericr , ôc il en a joui tranquillement
jufqu’ à fon décès.
Les Défendeurs, après le décès du fieur Defmorels, leur pere,'
ont auiïi joui paifiblement jufques en l’année 1766. Ils étoient
alors fous la tutelle de la Dame Chabanolles, leur merc.
Les Demandeurs la firent afligner en défiftement du Domaine,’
avec reilitution de fruits depuis 1 7 1 1 . Ils abandonnèrent cette
demande, ôc l’ayant Iaiffé fans pourfuites, la Dame de Cha-
�banoles obtînt Sentence en 176 9 , qui déclara la péremption
acquife.
C e n’ eft que deux ans après cette Sentence & le 19 Janvier 1771.
près de foixante ans après le déguerpiiTement fait par leurs auteurs,
que les Demandeurs ont imaginé de former une nouvelle demande
contre les Défendeurs. •
On ne peut pas fe difpenfer de relever ici une obiervation auifi.
peu décente que déplacée , que les Demandeurs ont hafardée ,
&£ qu’ ils ont affe&é de multiplier dans leur Vlémoire.
Ils ont dit que s’ ils ont laifle tomber en péremption la demande
qu’ ils avoient formée contre la Dame de Chabanollcs, ik s’ ils
ont demeuré depuis fi long-temps dans l’inattion , c’eft qu’ils
ctoient privés de tout ce qui pouvoit fervir à leur défenfe, par
l’enlevement qui avoit été fait de leurs pieces, entre les mains
du fieur G e n u it, Notaire il Saint Germain - Lambron , qui les
avoit en dépôt.
vî Ils ont ajouté qu’ ils ont rendu plainte de cet enlevement ; qu’ils
ignorent le fecret des informations ; mais qu’ils v o ie n t , avec
furpriie , que les Défendeurs ont produit l’original même de
la lignification qui fut faite au fieur Definorels, leur aïeul, le 1 1
Août 1 7 1 2 . du déguerpiiTement du 2<? Juillet précédent, & une
copie collationnce de ce déguerpiiTement, faite fur la repréfention
de Pierre Faugeres le 15 Novembre 1 j i i . ils fe font enfuite e x
pliqué plus clairement , ils ont imputé g * enlevement aux D é
fendeurs.
Outre que le prétendu dépôt fait entre les mains du fieur Genuit
paroit nfTez llngulier , i l ne feroit pas moins extraordinaire que les
Demandeurs euilent demeurés plus de foixante ans dans l’inaflion ,
fans faire la moindre* recherche , & que c 3*fût précifément qu’à
la veille du Jugement du procès , dans les temps qu’il étoit entiè
rement inllruit, èc qu’ ils avoient fait ufage généralement de toutes
les pieces fk. de tous les aâes qui pouvoient leur être néceflaires,
qu’ils ie font apperçus de cet enlevement imaginaire y car il faut
remarquer que c’eft pour la premiere fo is, & dans leur M ém oire
feulement que les Demandeurs ont ofé avanturcr ce fait.
Mais quoiqu’il en foit de cct enlevement prétendu , l’imputa
tion n’en elt pas moins harfardée ; les Demandeurs avoient fous
les yeux , lors de la rédaftion de leur Mémoire , le traité de
1 7 4 1 . ils y voient que les deux aftes , dont ils difent que la pro
duction les a fnrpris , avoient été délivrés par le fieur de Lafaye ,
pour , par le fitu.r Defmorcls , s'en fervir , ainfi qu’il avijeroit , pour
U garantie à laquelle il s'étoit obligé par ce traité. Il n’y auroit rien
�14
eu du fait des Défendeurs dans cet enlevement im agin é ; & dèslors l’affettion des Demandeurs rfT némffliBiniî très-peu réfléchie.
Les Demandeurs ont juflifié pendant le cours du procès de
deux écrits fous fignature p r iv é e , dont il refte à rendre compte.
Le premier de ces écrits eft du 9 Juin 1 7 1 6 . Il a été paiTé double
entre le fieur Monnet de Longat 6c Robert Faugeres , faifant tant
pour lui que pour fes freres. Il eiî conçu en ces termes.
« Nous fouiïignés Jean Monnet, héritier de Me. Jean Monnet
» mon pere , & Robert Faugeres , faifant tant pour moi , que
>> pour Blaife , Antoine &c Jean Faugeres, mes freres , avons con» venus de ce qui fuit. Savoir , que moi de Longat prometspaÿer con~
» trat de vente ou de rente rachttable au profit defdits Faugeres ,
» du Domaine à moi appartenant, appelle de Perier, fitué dans les
» appartenances de la Chapclle-fur-UfTon, provenu de mon aïeul,
» & tel qu H ejl déclare par le contrat de rente qu'il en avoit confenti
» au profit des Faugeres, & ce moyennant le principal porté par
» ledit contrat de rente , que lefdits Faugeres feront tenus d«r
» nie payer dans les termes qui feront par nous accordés , lequel '
» contrat de vente fera bon après le mois de Septembre prochain,
» à telles autres conditions qui feront portées par ledit contrat & qui
» feront arrêtées entre nous ; fur le prix duquel contrat à paffer ,
» moi Monnet reconnois avoir reçu defdits Faugeres la fomme
» de 300 1. dont je les tiens quitte ; & , en cas que le différent que f a i
>. pendant au Parlement, pour taifon dudit Domaine, ne foit entié» rement décidé dans le fufdit temps , moi Monnet promets aux
» Faugeres de leur rendre , aux prochaines Fêtes de N o ë l , la fuf» dite fomme de 300 1. enfemble l’intérêt, en foi de ce avons
» fignés. »
On trouve enfuitc de cet écrit deux quittances du fieur
Monnet de L on gat, l’ une de la fomme de 40 1. en date du 1 7
Septembre 1 7 1 6 . & l’autre de la fomme de 100 1. du 8 Décembre
l 7 l 7, .
Le fécond écrit que les Demandeurs rapportent eft du 29 Sep
tembre 1 7 a ! . Le fieur Monnet de Longat déclaré que la poiTeflion
du Domaine
Métairie de Perier, dans laquelle il a. été renvoyé
par Arrêt du aq Août précédent, n’eft que p rovifoire, & qu’il
çonfent que Pierre Faugeres rentrera dans la poflefïion de ce D o
maine , fous les mêmes conditions qu’il en jouiil'oit auparavant j
ce qui a été accepté par ledit Pierre Faugeres.
C et é c r it, qui eft d’une main étrangère , paroît infiniment fufpett ; il cil fimplement fouferit-par le fieur de Longat fans appro
bation ; il n’a pas été fait double. Le fieur de Longat prit le mémo
�1SI
15
jour poffeffion du Domaine pcrfonncllcmcnt & en ion nom, fans
faire aucune mention des Faugcres dans l’a&e de prife de poffeilion.
Tels font les faits qu’il étoit néceffairc de rappeller ; on ne craint
pas que les Demandeurs entreprennent d&icontcfter l’exa&itude ;
ils annoncent d’ avance le peu de fuccès qu’ ils doivent attendre
d’une demande qui ne doit fon exiftence qu’à la cupidité. Les fonds
font aujourd’hui portés à un prix exceffif ; le Domaine de Perier eit
aâuellement en meilleur état : ils fe font imaginés, qu’à la faveur des
deux écrits, dont on vientds rendre compte,qui avoient demeurés
enfevelis dans l’ oubli pendant plus de foixante ans, en donnant
un fens forcé aux Arrêts de 1 7 1 1 . & de 1724. en interprétant
à leur gré la tranfaûion de 1 7 4 1 . & en déguifant 011 fupprimant
les faits les plus eflentiels, ils pourroient parvenir à faire perdre
de vue le déguerpiffement que leurs auteurs avoient fait du
Domaine dont il s’ agit.
Mais les faits rétablis. C ’eft dans ces écrits même , dans les deux
Arrêts & dans la tranfa&ion, que les Défendeurs puiferont
leur défenfe. Ils la diviferont en trois propofitions.
Ils établiront, dans la premiere, que le bail emphytéotique de
i6 8 £ . a été pleinement réfolu par le déguerpiffement fait par les
Fau geres, ¿C que la réfolution de ce bail eft devenu irrévoca
b l e , par la dit'poiition de l’ Arrêt de 1 7 1 4 .
Ils feront v o i r , dans la fécondé , que c’ eft abufer ouvertetement des différentes ftipulations du traité de 174 2 . de le confidérer comme une iubrogation pure & fimple au bail d’emphytéofe^ de 1688. qui n’ exiftoit plus , & que ce traité , qui eft un
a£le étranger aux Demandeurs , n’ a eu d’autre objet qu’une fubrogation générale &c indéfinie aux droits de la Dame de Lafaye.
On prouvera , enfin , dans la troifieme, qui eft purement fubfidiaire, que dans le cas où l’on pourroit penfer, contre la véri
té démontrée , que le bail de 1688. n’ a pas été réfolu , foit par
le déguerpiffement de 1 7 1 1 . foit par l’ Arrêt de 1724. l’aâion des
Demandeurs feroit preferite. On répondra en même temps aux
objeâions fur chaque propofition.
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REMIERE
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P: iR O P O S I T I O N .
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Les Demandeurs ont affefté de confondre le déguerpiiTcment
avec le fimple délaiffement par hypotéque.
Il eft vrai quç,,dani l’ u fage, on lefert affei ordinairement du
�i6
terme de dègturpïjjcmtnt pour fignifîer l’un Sf. l’autre : il y a cependant
One différence effentiele faire ; 6c les effets ne font pas lesrtiêmes.
Le délaiffement que fait«^ tiers acquéreur , pourfuivi par les
créanciers hypotécaires de
—m
ne le dépouille point ;
il ne tranfmet pas la propriété de l’héritage au créancier qui
l ’a troublé par une demande en déclaration d’hypothéque ; parce
que ce créancier n’a jamais eu droit à la propriété de cet héri
tage ; ce délaiffement n’a d’autre effet que celui de difpenfer de
la reftitution des jouiffances , 6c d’autorifer le créancier à faire
vendre fur un curateur au déguerpiffement, la propriété 6c la
poffeilïon civile de l’ héritage, relient toujours fidîivement per
manente fur la tête du tiers du détempteur ; il ,n’en eit ftrpniiiyn
irrévocablement que par une vente judiciaire.
Il n’en eft pas de même du déguerpiffement ; il n’ a lieu qu’en
matiere de rentes foncières, ou autres charges réelles ; il fe fait
par le preneur au bailleur de l’héritage iï la charge de la rente ,
l’effet de ce déguerpiffement eit de relourdre le bail à rente , le
droit de l’ emphytéote eil dès-lors éteint 6c am o rti, 6c le Seigneur
rentre dans fon ancien d r o it , pour jouir pleinement de l’ héri
tage, comme il en jouiffoit avant qu’il l’eût emphytéofé. Cela eil
fondé en difpofition de droit, & c’eftainfi que s’expliquent gé
néralement tous les Auteurs.
O r , il n’eft pas poflible iU» 1» uei1 lin doute raifonnable fur la
qualité de l’afle d’abandon fait par les Faugeres du Domaine dont
il ’sagit ; c’eft un vrai déguerpiffement, un déguerpiffement propre
ment dit: il a été fait par le preneur au bailleur du Domaine , à la
charge de la rente ; il a été fait régulièrement &C fuivant les formes
preferites par la Coutume ; on ne peut pas le confidérer fous un point
de vue diftérens.
>
Les Faugeres ont donc renoncé dès-lors à tout droit de pro
priété fur le Domaine ; cette propriété utile, qu’ils avoient acquis
par le bail de 1688. a etc réunie dans le même moment, par la
réfolution de ce bail à la propriété direâe qu’ avoit le fieur de
Longat ; c’eit une reftitution, comme diient les Auteurs, qui lui
a été faite de cette propriété.
Ce feul a â e d e déguerpiffement, réitérée par les Faugeres, lors
de la dénontiation qu’ils en firent au fieur de la Chapelle, 6c con- *
tre lequel on réclame àujburd’hui, pour la première f o i s , après
foixante ans d’inaâion , fufiroit fans doute pour rep o u ffer la pré
tention injuite des Demandeurs. Mais Jes d e u x Arrêts de 1 7 1 1 ôc
1 7 1 4 . rendus contradi&oirement avec les F au ge res auroient, dans
tous les cas, rendu l’effet de ce déguerpiffement absolument irré
vocable.
Toutes
�Toutes les queftions qui pouvoient s’ élever Tur la validité du
déguerpiffement, ont cté jugées difertemcnt par ces deux Arrêts.
Les Faugeres étoient en caufes ; cependant, p?.r le prem ier, le fo u r
de Longat , a été réintégré perfonnellement & en Ton nom dans
la pofleiîion du Domaine ; ôc l’Arrêt définitif, en le confirmant
dans cette pofleffion, Lui en a aufli adjugé perfonnellement &: en
ion nom la propriété abfoliie , avec reftitution de fruits.
C ’eft donc fe refufer à l’cvidence, &C aller ouvertement contre
la chofe jugée par un Arrêt irrévocable, de prétendre, que , mal
gré le déguerpiffement, malgré la difpofition la plus précife des
deux Arrêts, la propriété du Domaine de Perier, n’ a pas cette de
réfider fur la tête des Faugeres.
C e n’eft aufli, comme on l’a déjà dit, qu’en hafardant des faits,
en défigurant ceux qui font établis, £c en abufant manifeftement
de la lettre & de l’efprit, tant de l’aüe de déguerpiffement que
des deux Arrêts , que les Demandeurs ont imaginé qu’ ils ponrroient faire renaître , pour ainfi d ire , l’emphytéofc de 1688. C'eft
ce que l’on fe propofe de développer en répondant aux moyens
que les Demandeurs ont a. oppoféj^fur cette premiere propofition.
Objections.
Les Demandeurs oppofent, i ° . que le déguerpiffement, fait par
les Faugeres, n’a été que conditionnel; qu’ ils avoient étédépoffedés de fait ; qu’ils ont déclarés en conséquence au fieur de Lon gat,
que les choies n’ étoient plus entieres ; qu’ils c on fen to ien t à f inter
ruption du b a il, fans préjudice de leurs dommages & intérêts ;
que leur abandon fe rapporte à cette dépofleflion de fait ; qu’ils
n’ ont *pas fait cette dém arche, en vertu du droit qu’a le Rentier
de déguerpir, mais comme troublés &• rtfwo u V dans leur poflefiion ; & c’ eft la raifon pour laquelle ils flemdhdoicnt des dom
mages & intérêts.
i ° . Que le déguerpiffement de 1 7 1 2 . n’ a pas été accepte par
le [fieur de Longat ; qu’il n’ avoit garde d’y déférer, P|*rce ^ue
les conditions lui étoient bien moins avan tag eu fes ; que fi les Fau
geres avoient confer.ti de fe remettre en pofleffion , conformé
ment à l’Arrêt de défenfes, avec
autant plus de raifon que les
dommages & intérêts , qui étoient dus aux Faugeres , n'auroient pu
être moindre^ que de la valeur actuelle du Dom aine, puifqut /’acle de
1G88, les fixe à la valeur des héritages à dire, d'Experts.
3° . Qu’ on ne peut pas leur oppofer l’Arrêt provifoirc de
�\lja.
>
. 1 8
*
172.2. la po/TeiTion prife par le iieur de L o n g a t, en exécution
de cet A r r ê t , ni l’ Arrêt définitif de 1724. parce que le fieur de
L o n g a t , n’ avoit agi que comme garant formel des Faugeres ;
que la réftitution des fruits, ne lui avoit été accordée que pour
leur compte ; que l’ Arrêt définitif ne pouvoit maintenir, dans la
propriété du Domaine , que le fieur de L o n g at, qui demandoit
cette maintenue comme garant,
non les Faugeres, q u i'fe r e pofoient fur leur garant. Que fi l’ Arrêt de 1 7 1 2 . énonce un R e
quête du fieur de Longat du 27 Juin 172 0 . par laquelle il avoif
conclu en fon nom à la réintégrande , & à la reftitution des fruits ;
ce même Arrêt en vife un autre du 30 Août 1720 . par laquelle
Je fieur de Longat demandoit très-difertem ent, que le fieur
, Defmorels fût tenu de reiiituer aux Faugeres lès fruits perçus,
& qu’il faut s’ en tenir préférablement à ces conclufions polîérieures du iieur de Longat.
Les Demandeurs oppolent, enfin , que l’aftc d’abandon, fait par
les Faugeres , eft pleinement effacé par les écrits de 1 7 1 6 . & 1 7 2 2 .
que le fieur de Longat , non-feulèment n’ a pas voulu en tirer
avantage ; mais, de plus, qu’il leur a confervé leurs anciens droits,
& qu’il leur en a acquis de nouveaux. .
Tels font en fubftance tous les moyens propofés par les D e
mandeurs contre le déguerpiirement fait par leurs Auteurs. Il
faut les fuivre dans le détail.
Il n’y a rien de conditionnel dans le déguerpiiTement fait par les
yf
Faugeres le 28 Juillet 1 7 1 2 . c’eft un déguerpiiTement pur & fim/■ -z y
pie d’ un abandon abfolu de la propriété du Domaine dont il s’a------------------------ git ; abandon qui-^MÉBkM« dépouillé fans retour de tous droits de
propriété à ce Domaine.
‘ \
Cet abandon ne contient aucune forte d’alternative ; les Faugeres
déclarent préciiément quils déguerpiffent, & abandonnent’ ledit
Domaine ; qu'ils confentent que le fieur de Longat puijjt agir contre
h jitu r de la Chapelle , pour U propriété de ce D o m a i n e a i n j î q u i l
avifera. L ’a£te de dénonciation, qu’ils firent faire au fieur de la
Chapelle de leur déguerpiiTement ‘lé 1 1 Août fiiivànt^ 'n’efl pas
mbins précis. Ils déclarent encore difertement, qu'en conféquence de
tabandon qu'ils ont fait au Jitù r de LongAt, ils ne prétendent plus
aucun droit, ni aux fru its, n i à la propriété.11 faut un effort d’ima
gination pour trouver, dans une déclaration aufli cxa&c 5c auili
✓
�i9
déterminée i une condition ou uns alternative quelconque.
Le préambule de cet ade de déguerpiflement ne peut étro^.
d’aucune confidération ; les Faugeres ont expofé fi CTSësHHSBtles motifs qui les déterminoient à déguerpir; mais ces motifs ne
changent rien à la qualité ou
la fubîlance de l’ abandon il
n’ en eft pas moins pur &c firople & fans condition.
Il en eft de même de la réferve que ie firent les Faugeres
des dommages 8c intérêts qui leurs avoient été adjugés contre le
iieur de Longat par la Sentence du premier Juillet précédent;
cette réferve ne forme 8c ne peut former ni alternative ni con
dition ; le déguerpiflement n’eft pas moins précis 8c abfolu, fauf
aux Faugeres à faire valoir la Sentence qu’ils avoient obtenue ,
ainfi qu’ils aviferoient.
Il faut remarquer que les Demandeurs ne cherchent qu’à faire
illufion ; il ne s’agit pas ici du déguerpiflement fait par un pre
neur , qui y auroit renoncé par le contrat de rente ; le bailleur
dans ce cas la , en faifant cefl’er l’ é v i& io n , auroit mis le Rentier
hors de tout intérêt : il pourroit l’obliger de continuer la rente
qu’il n’avoit pas la faculté de déguerpir.
Mais , dans l’efpece préfente , le cas du déguerpiiTement avoit
été prévu par le bail à rente ; les conditions en avoient été
réglées; les Faugeres avoient en conséquence la faculté de déguer
pir quand bon leur fembleroit , foit qu’ ils fuflent évincés, foit
qu’ils ne le fuflent pas ; 8c le fieur de L o n gat, n’auroit pasété le
maître de les forcer de continuer la rente.
Dans le fyftême fingulier des Demandeurs , les Faugeres auroient pu fe jouer de leur déguerpiflement ; ils auroient pu fairtf
valoir l’abandon qu’ils avoient fait ; 8c le fieur de L o n g a t, n’au
roit pas pu s’en prévaloir contr’eux.
'
Les Faugeres avoient annoncé leur déguerpiiTement d’entrée
de cau fe; ils avoient conclu fur la demande en recours qu’ ils
avoient formé contre le iieur de Longat, à ce qu’il fût tenu de faire
ceffer la demande en déclaration d’ hypothéque qui avoit été for
mée contr’e u x , ou.de les décharger de C effet général du contrat de rente ;
(onfentir à ta réfolution de ce contrat, en conformité dt la. clauft <Ticelui,
. aux offres d ’exécuter de leur part les claufes particulières y appofées.
Le iieur de Longat s’étoit mis en réglé ; il avoit pris leur fait
& caufe, il avoit obtenu un Arrêt qui faifoit défenfes d’ exécuter
. Ja Sentence qui avoit évincé les Faugeres, & il leur avoit fait
'fignifier cet Arrêt, avec fommation de fe maintenir dans la pofT
içiTion du Domaine.
..
n. , jw. ■
Mais les Faugeres, fans avoir aucun é g ard , ni à la priie de
�fait & ca u fe , ni a I’ A rrct, préférèrent de s’ en tenir à l’alterna
tive qu’ils avoient offert par leur demande en recours: ils fe dé
terminèrent de répondre à la prife de fait & caufe du fieur de
L on gat, par le dégucrpiiiement pur &C fimple qu’ ils lui firent fignificr le 28 Juillet 1 7 1 2 /
Dans de pareilles circonftances / ri’eft-ce pas abulcr o uverte
ment des termes de l’abandon fait par les Faugeres, de le préfenter
comme un déguerpiilement conditionnel ?
On y v oit au contraire clairement que les Faugeres ont ilfé
pleinement
fans reftrifHon de la faculté qu’ ils avoient de
déguerpir ; qu’ ils ont en effet déguerpi purement &c Amplement
6c fans condition ; on y voit anfii qu’ils ont renoncé expreflement à la prife de fait & caufe du fieur de L o n g a t , fous la fimple
réferve des domm ages-intérêts qui tafravoient été adjugés. .
Mais cette r é f e r v e , comme on l’a déjà d i t , ne rend pas le dcguerpiiTement con d ition nel; pour qu’ on pût le fuppofer t e l, il
auroit fallu que les Faugeres , enflent donné l’ option au fieur de
L o n g a t , ou de faire ceifer l’é v iû io n ou de les dédommager.
Mais ce n’eft pas dans ces termes qu’ils fe font expliqués ; c’eft
après que le fieur de Longat a eu pris l’éviûion fur fon compte ;
après qu’ il leur a déclaré par un a£le en forme qu’il avoit pris
leur fait & caufe, qu’en rejetant cette prife de fait
caufe du
fieur de L on gat, &'en ufant de la faculté üipuléepar le bail à rente
de 1688. qu’ils ont abandonné la propriété du Domaine par le
déguerpiiTement pur & fimple qu’ils en ont fair.
D ’ailleurs eft-il bien vrai que les Faugeres , en déguerpiiTant ,
fuffent fondés de prétendre des dommages-intérêts contre le fieur
de Longat ; Sc que ces dommages & intérêts, comme les Deman
deurs le fuppofent, fe trouvoient fixés par le contrat de rente k
la valeur du Domaine }
Il ieroit|très-indifférent, pour la décifion de la queftion quieftA ju
g er, q i ’il fût dû des dommages-intérêts aux Faugeres, ou qu’ilne leur
en fûtpasdû ; il en feroit de même , dans le cas ou ces dommages &
intérêts auroient été fixés par l’a£te de bail à' rentc ; toutes ces
circonftances font indépendantes du déguerpiflement ; les Faugeres
s ’étoient fait la réferve de la Sentence q u ’ils avoient obtenu con
tre le fieur de.Longat ; ils pouyoient la faire' v a f ô i r , s’ils y étoient
fondés. V o ila ù quo i fe réduifoit tout l’effet dé. la réferv e faite
par les Faugeres ; le déguerpiilement n’ en étoit m o in s àbfolii , la
réfqrve ne formoit pas une condition.
\ r
Ueft manifefte que le déguerpiilement, fait par les Faugeréspoftérieurement à la prife do fait
caufe du fieur de Longat , avoit
fait ceffer i’ eifet de la S:n ten:e qu’ils avoient obtenu , éc qu’ en
�2,1
16 $
conféquence de ce déguerpiiTement il ne leur étoient dîi aucuns
dommages-intérêts.
Il faut encore remarquer que les Demandeurs , en tranferivant
dans leur Mémoire, une partie feulement t^e la claufe du contrat
de 1688. fur laquelle ils prétendent établir les dommages Si inté
rêts des Faugcres, n’auroient pas pu être moindres que de la valeur ?
du Domaine , ont négligés fans doute par inadverrence d’ y traniT^
crire un feul mot, qui donne cependant un fens bien différent à
cette claufe.
Il eil dit, par le c o n tr a t , que le ficur Monnet a délaiffé le D o
maine aux Faugcres tel cu ’il lui avoit été vendu par le fieur de
la Guillnumie ; fans qu'il fait tenus d'aucune garantie que de fes
faits de promefles , ni d'aucuns dommages & intérêts, en cas qui ùirvînt évi&ion d'aucun des héritages ftisém****, que de la valeur
d’iceu x, à dire d’Experts.
Les Demandeurs ont annoncé cette claufe dans leur Mémoire,
d’une maniere bien différente ; ils ont paffé fous filence la pre
mière partie, par laquelle le iïeur Monnet à ftipulé qu'il ne feroit
tenu d'aucune^ garantie que de fes faits & promefjes ; 6c dans la fec o n d e ,qui eft celle qu’ils ont tranicrit en oubliant lc wit-, d'aucun,
ils ont dit iimplement qu’il étoit convenu qu’ en cas d’éviction
des hè'itagts , le fieur Monnet feroit tenu pour dommages-intérêts
de leur valeur.
Il eit facile d’ apperccvoir la différence qu’ il y a entre ces
énonciations ; le fieur Monnet déclare d’ abord qu’il vend fans
aucune garantie que de fes faits 6c promettes; il ajoute néan
moins que dans le cas ou les preneurs feroient évincés d'aucun
des héritages qui leur étoient donnés à rente , il feroit tenu de
le dédommager de leur valeur.
Le fens de cette double ilipulation ne paroît pas équivoque;
le lieur Monnet vend en général fans garantie ; m ais, dans le cas
«l’ une éviâion particulière d'aucun des héritages donnés à rente;
il s’ oblige de garantir de la valeur de l’ héritage évincé, c’eil-àdire , de diminuer la rente à proportion de la valeur de l’ héri
tage; cela étoit ju ñ e , 6c il ne paroît pas poiîible d’interpréter
cette claufe d’ une maniere différente.
C ’eit donc forcer abfolument la lettre précife & le fens naturel
•de la claufe , de l’éteiidrc à l’évi&ion générale du Domaine , pour
raifon de laquelle le ficur Monnet a déclaré qu’il ne fe fou nettru
;\ aucune garantie à cet égard qiic de fes faits 6c promeffes ; garan
tie qui fe rapportoit au contrat de 1679. fur la foi duquel il avoit
donne à rente le Domaine qu’il avoit acquis par ce contrat.
y
*ù 1
�Dans le cas d’une vente pure & limplc , moyennant un prix
déterminé, l’ acquéreur, en cas d’é v i û i o n , outre le rembourfement du p r i x , ne pourroit jamais exiger des dommages-intérêts
que relativement à la perte qu’il auroit fouffert, eu égard à
la valeur actuelle des héritages lors de l’éviftion.
Mais dans un contrat de rente où le preneur ne débourfe rien
il lcroit fans doute bien extraordinaire que ce preneur à rente,
étant évincé , il put demander d’être dédommagé de la valeur de
l’ héritage ; on n’a jamais vu jufqu’à préfent une llipulation fembla.ble dans un contrat de rente ; mais tout ce que le preneur k
rente pourroit exiger , ce feroit d’être dédommagé à proportion
du profit qu’il auroit pu faire après la rente payée. Au furplus ,
.le conrràt de vente de 1688. non-feulement ne contient pas une
fembUble ftipulation , il en contient une exadement contraire.
Que l’on fuppofe cependant la claufe du contrat telle que les
Demandeurs l’ont prélentée, ileft certain que les Faugeres n’auroient pas pu s’ en prévaloir ; l’effet de cette claufe auroit été
anéanti par leur déguerpiffement.
Il ne faut pas perdre de vue que les Faugeres, dès le moment
même qu’ils furent affignés en déclaration d’hypotheque , dénon
cèrent cette demande au fieur de L o n g a t, & qu’ils lui laiiferent
alors l’ alternative , ou de faire ceiTer l’éviftion ou de confentir
à la réfolution du contrat ; fi le fieur de Longat s’étoit déterminé
tout de fuite à les décharger de l’ effet de ce contrat, il ne paroît
pas douteux que les Faugeres , qui demandoient eux-mêmes cette
réfolution , qui d’ailleurs ne fouffroient rien de l’evi&ion , puis
qu'ils n’avoient débourfé aucuns deniers, n’auroient pas été écou
tés dans leur demande en dommages-intérêts.
Mais quand il feroit vrai que cette demande eût été alors fondée,'
faute par le fieur de Longat de prendre leur fait & caule &c de
faire ceffer l’évi£H on,il faut convenir que l’ aâion des Faugeres
auroit ceiTée, ou du moins qu’elle auroit été fufpendue, par la
prife de fait & caufe du fieur de Longat, & par l’ Arrêt de défenfes
qu’ib avoiZW obtenu. C ’eiî de l’événement de cette pril'c de fait
& caufe qu’ auroit dépendu le fort de leur demande ; ils n’ avoient
rien fouffert jufcju’a lo rs, puifque s’ils avoient payé la rente ; ils
avoient toujours joui.
Mais les Faugeres , au liçu d’ accepter la prife de fait & caufe.,
ils y ont renoncé expreflement par l’aüe de déguerpiiTement qu’ils
ont fait lignifier fur la dénonciation que leur a fait le fieur de
Lon gat, qu’en prenant }eur fait & ca u fe , il avoit obtenu un
�^
a3
Arrêt qui faifôlt défenfes de mettre la Sentence à exécution.
C ’eft donc volor.tairemerit 6c fans y être forcés, faute par le
fieur de Longat de faire cefler l’évidtion, que les Faugerts ont
abandonné le Dom aine; & on a jamais oui-dire, qu’en matière'
de déguerpiiTement volontaire, de la part du Preneur à rente ,
celui qui déguerpit pût exiger aucune forte de domniàges-intérêts.
Au reile , c’ cft agiter une queftion jugée : les Faugcres a v o ie n t,
à la vérité , obtenu, niais avant leur déguerpiiTement, une Sen
tence, q u i , en faifant droit fur leur recours, leur adjugeoit des
dommages &C intérêts ; mais on a v u , dans le récit des faits, que.
le fieur de Longat avoit interjeté appel de cette Sentence ôi que
l’ Arrêt de 172.4. avoit condamné le iieur de la Chapelle, A qui'
le fieur de Longat avoit dénoncé cette Sentence, pour tous dom
mages-intérêts, aux dépens envers les Faugeres.
Voilà le fort qu’ a eu la réferve que les Faugeres fe font fait
par leur déguerpiiTement. L’ A r rê t, en maintenant le fieur de
Longat dans la propriété du Dom aine, a juge difertement que le
déguerpiiTement, qu’ ils avoient fait volontairement & poftérieüment à la prife de fait & caufe , faifoit cefler l’effet de la Sen
tence qui leur avoit adjugé des dommages &c intérêts.
Ce n’ eft fans doute pas férieufement que les Demandeurs ont
oppofés que le déguerpiiTement , fait par les Faugeres, n’ a pas
été accepté & qu’ils font toujours en droit de le révoquer.
S’il eft vrai en général que le déguerpiiTement eft révocab le,
i l eft bien certain aufli qu’il ne peut être révoqué qu’autant que
les chofes font entières & qu’il n’a p3S été accepté par le bail
leur à rente , foit par une acceptation judiciaire , ou par la mife
en pofleflion des héritages déguerpis : dans l’un & dans l’ autre
cas , le preneur ne peut pas revenir ; il ne peut plus révoquer
. le déguerpiiTement.
O r , le dcguerpiflement fait par les Faugeres a été accepté de
toutes les maniérés dont il pouvoit l’être.
*
i ° . l’ Arrêt de 1 7 1 2 . en réintégrant le fieur Monnet dans la
pofleflion du Dom aine, fuppofe néceffairement une acceptation
judiciaire du déguerpiiTement; fans quoi il ¿toit tout naturel de
réintégrer les Faugeres dans cette poffeiîion ; ils ctoient en caufe ;
ils diieutoient leurs droits ; c’étoit eux qui avoient été dépofledés.
Quoique cet Arrêt ne fut que p roviloire, & que les droits des
Faugejcs au principal euiTent été réferves par cet A rrê t, il n’eil
pas moins fenfible que le fieur de Longat n’a été ni pu être
réintégré dans cette poffeiîion qu’en conféquence de ce qu’il avoit
�I
'
■
accepté le déguerpiffement fait par les Faugeres , fur-tout fi l’on
fait attention que l’ Arrêt porte , en termes exprès , que cV/Z en
ayant égard à la Requête duJieur de Longat du 27 Ju in t y i o . jointe
au procès-, qu’il a été réintégré ; & le fieur de Longat, comme on
l’a déjà remarqué dans le récit des faits , avoit conclu , par cette
Requête , personnellement 6c en l'on nom , à cette réintégrande.
2^. L’ Arrêt définitif de 172 4 . écarte abfolument toutes les mauvaifes difficultés que les Demandeurs ont élevé fur ce point de la
conteilation.
Les Faugeres étoient toujours en caufe. On trouve dans le vu de
l’Arrêt I’énonciation de plufieurs Requêtes qu’ils avoient donné;
cependant la pleine propriété du Domaine ell adjugée au fieur de
L o n g a t , & c’eft à lui que le fieur de la Chapelle ell condamné
de reilituerfTe déguerpiflement avoit donc été accepté , puifque
l’ Arrêt l’a adopté.
C ’eft une véritable illufion de dire que le fieur de Longat, étant
garant formel des Faugeres 6c ayant pris leur fait & caufe, les
Arrêts qu’il a obtenu & fa mile en pofieifion n’ont pu profiter qu’à
eux feuls, & que tour ce qu’il a fait, il ne l’a fait que pour eux.
Cette objection n’ eft fondée que fur une vraie pétition de prin
cipes. La difpofition de l’Ordonnance, que les Demandeursont
citée , eft fans application.
On a déjà vu que les Faugeres n’ ont déguerpis qu’ après la dé
nonciation que le fieur de Longat leur avoit fait de l’Arrêt de
défenfes qu’il avoit obtenu en prenant leur fait & u i u f e , &c que
les Faugeres , fur cette dénonciation, ont déclarés expreiTément
quils abandonnaient la poffeffion & la propiété du D om aine, pour
raifon de laquelle le fieur Monnet pourroit Je pourvoir à F avenir ,
ainfi qu’il avijeroit.
Les Faugeres ont donc reconnu alors, de la maniéré la plus exprefle , que tout ce que le fieur de Longat feroit & pourroit faire
ii l’a v e n ir , pour raifon de la propriété du D om ain e, ce feroit
pour lui & non pour eux qu’ il le feroit ; ils auroient déchargé
le fieur de L o n g a t, o u , pour mieux dire , ils avoient renoncé
h toute garantie de fa p art, pour railon de cette pro p riété, dé
clarent qu ils deguerpiffint & qu’ils abandonnent le Domaine, & confentent que ledit (leur de Longat puijfe agir contre le fitu r de la Cha
pelle pour la propriété dudit Dom aine, ainji qu’il avijera.
Le fieur de Longat , quoiqu’il eu pris le fait & caufe des
Faugeres, ne pouvoit pas fe .r e fu fe r à l’abandon qu’ils lui faifoient ; ils avoient la liberté de déguerpir ; la Loi en étoit écrite
clans Ip contrat du bail à r e n te ; dès le moment de cet ab an d on ,1
le fieur
�le fieur de LOngat n’avoit plus la liberté d’agir pour eux £c comme
prenant leur fait & caufe ; tout ce qui conccrnolt la propriété
du Domaine lui étoit devenu perfonnel ; il ne ^spSHSTÎâréclama^
que pour eux ; il ne pouvoit plus forcer les Faugeres de prendre
cette propriété qu’ils avoient déguerpi ; ce déguerpiffemert avoit
néceffairement réfolu le bail à rente ; le fieur de Longat n’ avoit
plus de titres contr’eux.
Mais quoique les. Faugeres eu/Tent renoncés à la garantie qui leur
étoit due en ce qui concernoit la propriété du Domaine, le fieur
de Longat ne pouvoit cependant pas éviter de continuer fa prife
de'fait 6c caufe pour la garantie qu’il leur devoit, pour railon
du furplus des difpofitions de la Sentence qui les avoit évincés.
Les Faugeres avoient été condamnés, par cette Sentence, à la
reftitution des fruits depuis la demande hypothécaire jufqu’au défiilemcnt. Ils avoient été condamnés aux dépens ; le fieur de la
Chapelle en avoit obtenu Exécutoire , en vertu duquel il avoit
fi?it procéder par exécution fu rie s biens, & fait différentes faifies
& arrêts entre les mains de leurs débiteurs.
Le fieur de Longat d evoit les garantir de ces différentes co n
damnations, qui n’avoient aucun trait à la propriété du Dom aine.
V oilà à quoi fe réduifoit la prife de fait &c caule du fieur de
Longat fur l’exécution du bail de 1688. la prife de fait & caufe
ne fubfiftoit plus pour ce qui pouvoit concerner la propriété du
D om aine; la difcuflîon, à cet é g a r d , ne pouvoit concerner les
Faugeres, qui avo ien t abdiqués irrévocablem ent cette propriété
par leur déguerpiffement.
C ’eft aufiï en conféquence de cette renonciation abfolue, à toute
garantie à cet é g a rd , que le fieur de Longat a agi en fon n o m ,
tant pour la réintégrande, que pour la pleine maintenue dans la
propriété , en conféquence de la vente qui en avoit été faite
au fieur M o n n e t, fon aïeul , en 1679. & qu’il a continué de
prendre le fait ôc caufe des Faugeres pour les faire décharger des
condamnations que la Sentence, qui les avoit évincés, avoit pro
noncé contr’e u x , ôc des fuites de ces condamnations.
La mention qui eft faite dans le difpofitif de i’Arrât ne 1 7 2 1 , ’
du fieur de L o n g a t, comme prenant le fait & caufe des Faugeres ,
n’ a rien de contraire à ce que l’on vient de d ir e , elle fe réunit
encore pour prouver que le fieur de L o n g a t , n’ag iffo it, comme
garant des Faugeres, que pour raifon de la reftitution des fruits
& des dépens auxquels ils avoient cté condamnés ; & , cju’en ce
qui concernoit la mife en pofleffion du D om ain e , il agiffoit en
ion nom propre & p r i v é , ôc comme dégagé à cet égard de toute
garantie envers les Faugeres.
D
�26
Il eft dit dans le difpofitif, qu’avant faire droit, tahl fu r tes ap
pellations dtfdits Faugeres , que dudit Monnet de Longat, commt 'pre
nant leur fa it & caufe , & furies demandes formées par le Jicùr D tJm ords, les Parties contefieront plus amplement dans' quatre mois ; &
cependant fans préjudice du droit defdits Faugeres, Monnet de Longat
& Jean Defmorels au principal', ayant aucunement égard à la Re
quête dudit Monnet de Longat du 2 7 Ju in /720. il efi ordonné que
ledit Monnet de Longat rentrera en pojjejjion du Domaine & Métairie
de Pcrier, vendu par Jean de la Colombe de la Guillaumie à Jean
Monnet par contrat du 14 Mars /67p. Et c’eft précifément par cette
Requête que le iieur M on net, comme on l’a déjà ob fcrvé, avoit
demandé en fon nom feul d’être réintégré dans la poiTeifion du
Domaine. On pourroit demander quel eft le genre des conclucluiions que le fieur de Longat auroit pu former en Ton n o m ,
fi elles n’ a v oient pas eu pour objet la réintégrande dans la poffeffion du Domaine.
L e.fieu r de Longat ne reftoit en C a u fe , comme garant des
Faugeres , que pour faire ceffcr l’ eftet de la Sentence qui les avoit
condamnés à la reftitution des fruits & aux dépens ; & c’ eft
fur les demandes formées à cet égard par le fieur Monnet qu’il
eft indiqué comme garant, & qu’il eft dit que les Parties contefteront plus amplement.
L ’Arrêt ordonne, au furplus, la réintégrande au profit du fieur
Monnet perionnellement , conformément à la demande qu’il en
avoit formée. On peut encore remarquer que l’Arrêt a- mis à
l’écart le bail à rente de i6<?8. dont il n’ eft feulement pas fait
mention dans le vu du procès ; le fieur de Longat eft réintégré
dans le Domaine acquis par le fieur Monnet, fon aïeiil, par le con
trat de 167g.
Il eft donc évident q u e, bien loin que les Demandeurs puiffent
prendre avantage de ce que le fieur Monnet eit indiqué dans la
difpofition de cet Arrêt, comme prenant le fait & caufe des Faugercs , cette indication ne fert au contraire qu’ù prouver de plus
en plus que le déguerpiflement des Faugeres ctoit abfolù , que le
. fieur de Longat l’avoit accepté & qu’il agiffoit en conféquence
, en Ion nom leul pour.la revendication, tant de la poiTeifion que
de la propiiété du Domaine. Mais ce n’eft qu’en préfentant les
objets fous un faux point de vue que les Demandeurs cherchent
à fe faire des moyens.
Ils oppofent que fi l’ Arrêt de 1 7 2 2 . énonce une Requête du
: fieur de Longat dit 27 Juin 172 0 . par laquelle il avoit conclu à
la réintégrande, & à la reftitution des fruits ; cc mOme Arrêt
�2.7
en vifc une autre du 30 Août 1 7 1 0 . par laquelle le fieur de Longat
demandoit la reftitution des fruits pour les Faugeres, & qu’il
faut fe tenir préférablement aux conclufions poilérieures du fieur
de Longat.
Les Demandeurs trouvent dans les a&es tout ce qui leur con
vient, même ce qui n’y eft pas. On a examiné, avec l’attention
la plus fcrupuleufe , tout le vu de l’Arrêt de 1 7 2 1 . ôc l’on y a
pas trouvé l’énonciaîion de cette Requête poftéricure, que les
Demandeurs rappellent dans leur M émoire, tantôt fous la date du
3. tantôt fous celle du 30 Août 1 7 2 0 . on ne l’a trouvée , ni fous
P u n c, ni fous l’autre de ces dates. C ’ eft donc à la Requête du
27 Juin 17 2 0 . vifée dans l’ A rrêt, qu’il faut rapporter les dernieres conclufions du fieur de Longat ; les Demandeurs ne vont même
pas jufques à dire que le fieur de Longat ait conclut, par cette
Requête imaginaire du 3. ou du 30 A o û t , à ce que les Faugeres
fuilent réintégrés dans la poffeffion du D om aine, dont ils avoient
été évincés ; il eût cependant été tout naturel, fi le fieur de Lon
gat , en donnant cette prétendue Requête poftérieure, avoit enten
du agir comme garant des Faugeres, à raifon de la propriété du
Domaine , qu’ en demandant pour eux la reftitution des fruits,
il eût conclu en même temps à ce qu’ils fuffent réintégrés.
Mais il faut faire attention que ce n’eft pas fimplement par forme
dénonciation que cette Requête du 27 Juin , déjà vifée dans l’Arr ê t , eft rappellée dans le difpofitif ; c’eil précifément fur cette
Requête que porte la décifion de l’ Arrêt. Il y eft dit : qu’ayant
aucunement égard à la Requête dujleur Monnet de Longat du 27 Ju in
, 7.zo ’
rentrer0lt en poffejjion du Domaine de Perict, vtndu à fo n
tûeul en iGyy. Ainfi quand la Requête fuppofée du 3 ou du 30
Août précédent, auroit exiftée, l’Arrêt n’y auroit pas eu égard.
Dès que les Demandeurs conviennent que c’ eft aux conclufions
poftérieures du fieur de Longat qu’ il faut s’en rapporter pour dé
terminer la nature des garanties , & pour diftinguer les demandes
qu’ il formoit en fon nom , de celles qu’il formoit comme garant
• des Faugeres ; ils auroient pu rappeller, dans leur Mémoire , les
dernières conclufions qu’il a prife au p ro c ès douze jours feulement
avant l’Arrêt définitif, par la Requête qu’il a donnée le 1 2 Juillet
17 2 4 . mais ce n’eft pas ce qu’ils vouloient trouver dans l’Arrêt ;
ils ont jugés à propos de la diffimuler.
1
Cette Requête feule fuffiroit pour écarter toutes obje&ions
que les Demandeurs Ont propofé, foit fur la validité du déguerI>iflement fait par. les Faugeres , foit fur le recours , dont ils pré
tendent,que le fieur de Longat étoit tenu enyers eux.
D z
�Les Défendeurs en ont fait l’analyfe dans le récit des faits ; on
y a vu que le iiear de Longat, en rectifiant, augmentant & expli
quant les concluions qu'il avoit pnjes au procès , avoit conclu à ce
que la Sentence du 16 Juin 1 7 1 2. fût infirmée; émendant que le
fieur de la Chapelle fût débouté de fa demande hypothécaire, 6c
que le Domaine de Perier, acquis par le fieur Monnet en 1679.
fût déclaré exempt & non fujet aux prétendues hypothèques que
le fieur de la Chapelle avoit entendu exercer ; que lui fieur Monnet
de Longat fû t gardé & maintenu dans la propriété, pofjefjion & jo u iffance dudit Domaine ; que le Jiertr Defmorels fû t comdamné de lui
en rendre & rejlituer les fruits , depuis & compris l'année 1712. ju fquau 1 2 Septembre 1722. jour auquel il
été réintégré dans le
D om aine, en vertu de CArrêt du 29 Août précèdent.
Le fieur de Longat conclut enfuite à ce que le fieur de la Cha
p e l l e condamné tn outre de l’acquitter, garantir & indemnifer
de tous les frais auxquels il avoit fuccombé envers les Faugeres par
la Sentence quils avaient obtenue contre lui le premier Juillet i j t i ,
& autres qu ’ils pourroient prétendre ; enfemble de tous les dommagtsintérîts.
Il faut fe rappeller que le fieur de Lon gat, précédemment à
cette Requête , avoit interjeté appel de cette Sentence du premier
Juillet 1 7 1 2 . qui l’avoit condamné à des dommages-intérêts en
vers les F augeres, ôc qu’il avoit dénoncé cet appel au fieur de la
Chapelle.
Les Demandeurs n’ ont fans doute pu imaginer rien d’équivoque
dans les concluiions de cette Requête; ils ont eu l’attention de la
iupprimer dans leur M ém oire; il eft plus facile de diilimuler une
o b je& io n , que d’y répondre d’une maniéré folide ; ôc ces conclufions forment fans doute non-feulement le dernier état des de
mandes du fieur Monnet ; mais elles rectifient, augmentent & explipliquent celles qu’il avoit prifes pendant tout le cours du procès.
Le fieur de Longat s’explique bien clairement; toutes les conclu
iions de cette Requête lui font perfonnelles ; c’ eft en fon nom feu l,
& comme ayant droit feul à la propriété du Domaine , qu’il
demande d’être maintenu définitivement dans cette propriété ; il
demande en même temps que le fieur de la Chapelle ioit con
damné à le garantir de l’effet de la Sentence que les Faugeres
avoient obtenue contre lu i, dont il étoit Appellant. *
Mais fi le fieur de Longat avoit entendu prendre le fait & caufe
¿ e s Faugeres, il n’auroit pas pris de iemblables concluions,* la
raifon cft fcnfible ; en agiflant comme recours des Faugeres, &
en faifant ceffer l’cvi£Uon 6c l’effet de la Sentence qu’ils avoient
�.
29
obtenue contre lui ne fubfiftoit plus ; il ne leur 'icvojt pas ¿es
dommages & intérêts pour raiion de révit'iion; h , au contraire ,
le fieur de la Chapelle avoit réufli dans f i demande hypothé
caire , il ne devoit aucune garantie au fieur de Longit ; ce n’ eil
donc & ce ne peut être qu’en conséquence dudfc déguerpilïer.ienî
fait par les Faugeres , que le fieur de Longat a demandé d’ être
gardé & maintenu dans la propriété , &C qu’il a demandé en outre
en tout événement, dans le cas où ce dégnerpiflement ne ie
mettroit pas à l’abri des dommages-intérêts que les Faugeres avoient
obtenus contre l u i , que le fieur de la Chapelle fat condamné de
i’en garantir 8c de l’indemnifer. Cela paroît démontré.
C ’eft atifli ce qui a été jugé bien difertement par l’ Arret de
1 7 1 4 . ilj^eft calqué exaâement fur cette Req u ête, fur laquelle
& fur celle énoncée dans l’ Arrêt de 17 2 2 . il y cil dit di>ns les
termes les plus précis , que cejl en ayant égard à ces Jeux Requêtes,
que le jitu r de Longat a ¿té maintenu dans la propriété , pojftjjltin
0 jouijjancc du Domaine de Perier.
Le lieur de Longat cft bien en qualité dans cet A r rê t , tant en
lïi
>
fon nom , que c o m m e prenant le fait Sc cau fe des Fau ge res.
Ce font des faits que l’on ne conteftera fans doute pas, l’expé
dition originale de l’ Arrêt eft produite, 6t les Défendeurs en ont
fait l’ analyle la plus e xaâe dans le récit des faits.
' 11 eit inconcevable , après une difpolition auiïï prccife de
cet Arrêt, rendu contradi&oirement avec les auteurs des Deman
deurs , qui allure irrévocablement la propriété du Domaine au
fieur de Longat pcrfonnellement 8c en fon nom , avec la reftitu«
tion des' fruits , que les Demandeurs aient ofé former la demande
en défiftement de ce Domaine, avec reilitution des fruits ; furtout fi l’on fait attention qu’ils n’ont pas réclamé l’exécution du
contrat de 168S. pendant la vie du fieur de L on gat; que ce
n’ eft que près de cinquante ans ap rès, à compter de la date de
l’Arrêt , qu’ils ont imaginé de former leur demande.
C ’ eft aller ouvertement contre la vérité des faits .punir*
par l’ Arrêt de 172 4 . de fuppofer q u e ’ le fieur de L o n g a t n’a ja-"
mais eu la pofleiîion de ce Domaine , & qu’ au mépris dès deux
Arrêts &c de la prife de poffe/fion du fieur de L o n g at, le fieur
de la Chapelle s’étoit toujours maintenu en pofieflion.
On n’a du remarquer dans le récit des faits ( & c’ cit ici que
l’ obfervation que l’ on y a fait reçoit fon application
que lé
lieur de Longat, par fa Requête qu’il avoit donnée m » o n u lc
l’Arrêt le 1 1 Juillet 1 7 2 4 - n’avoit demande la reftituiion des fruits,-—
5iue depuis 1 7 1 1 . jufqu’au 1 1 Septembre i j z i . jour auquel i l
_____
............................
�3°
avoit été réintégré dans la poffeifion du Domaine , & que l’ A rrëf
de 1 7 1 4 . ne lui adjuge par les fruits échus depuis; la conféquence eft donc forcée que lors de l’Arrêt de 172 4 . le iieurde
Longat étoit en poiTeflion paifible ôc tranquille du Domaine de
puis 1 7 1 1 .
On a vu aufli que poftérieurement à l’ Arrêt du mois d’Août
17 x 4 . le fieur de la Chapelle avoit fait faifir les fruits du D o
maine ç t r le fieur de L o n g a t , en exécution d’ une Sentence qu’il
avoit obtenu contre lui faute de paiement des Impofitions de ce
Domaine ; fi le fieur de la Chapelle en avoit été en poileifion ,
il n’auroit fans doute pas aâionné le iieur de Longat , pour le
paiement de ces Importions $ il auroit encore moins fait procé
der par faifie fur les fruits du D om ain e , comme des biens du
fieur de Longat ; il eft évident que les Demandeurs ne s’ attachent
qu’a jeter des nuages fur l i t conteilations , par des luppoiitions
contraires aux faits les mieux établis.
Les Défendeurs ont fait une obje&ion bien finguliere ; ils ont
dit que les Faugeres firent fignifier le 3 1 Janvier 1 7 2 1 . des griefs
contre la Sentence de 1 7 1 2 . aux périls rifques & fortune de
de leur garant ; que fi l’abandon eût fubfifté, s’il eût du avoir
fon exécution , les Faugeres n’auroient pas pris fur eux de faire
iîgnificr ces griefs ; qu’on voit encore que le fieur Defmorels les
foutenoit nonr-ecevables , comme s’étant départi d’ un premier
appel ; que cette fin de non-recevoir auroit été rejetée par l’Arrêt
de 17 2 2 . ÔC que le nouvel appel étoit fondé fans doute fur
la révocation du délaifiement de 1712.
Cette o b je â io n , qui s’écarte par plufieurs réponfes , fufïiroit pour
prouver , s'il en étoit befoin , que l’Arrêt definitif de 17 1 4 . n’a
adjugé la propriété du Domaine au fieur de L o n g a t , qu’ en conféquence du déguerpiiTement de 1712.
i Q. Quoique le deguerpiffement fait par les F a u g e r e s , les eût
mis hors de tous intérêts pour raifon de la propriété du D o
maine, à laquelle ils avoicnt renonces par l’abandon volontaire
qu’ils en a voient fait ; & que l’appel de la Sentence cet égard
ne les concernât plus ; ils avoient néanmoins un intérêt fcnfible
d’être Parties dans l’inilancc d’appel, pour fe procurer la décharge
des condamnations qui avoient été prononcées contr’eux par la
Sentence de 1712. foit pour la reftitution des fruits , foit pour
les dépens, foit enfin pour faire " - J "nn~r h niin'—ininin i l " fiifir
& exécutions, ou des faifics arrêts, qifi avoient été faites fur
leurs b ie n s ; le fieur de Longat ne poyvoit pas fe diipenfer dei
faire cçiTer toutes ce^ condamnations „ow de les <jn gqrantir, ôç
�3*
c’ eft à q u o i , comme on l ’ a déjà dit plufieurs f o i s , fe réduifoît la
prife de fait & caufe du ficur de L o n g a t , depuis l’ abandon qui
lui avoit été fait.
C ’eft aufii ce que les Faugeres ont reconnu expreflement par
les griefs, qui font le fondement de l’objedtion ; ils ont conclu
par la R equ ête, qui contient leurs griefs, à ce que les appellations
&C ce dont avoit été appellé, fuifent mifes au n é a n t; émendant
qu'ils juffent déchargés des condamnations portées par lefditcs Senten
ces €' exécutoires , & qu’il leur fû t fa it pleine & entiert main levée
des chofes faifies fur eu x , avec dommages-intérêts.
O r , peut-on penfer raifonnablement ,'ii le déguerpiiîement des
Faugeres eût été alors révocable , 011 s’ ils avaient été dans l’in
tention de le révoquer par leur R eq u ête, qu’ ils n’auroient pas
conclut tant' à la réintégrande , qu’à la restitution des fruits ;
c’ étoit une fuite néceffaire de la révocation de leur déguerpiflement, 8c. leur Requête ne contient à cet égard aucune forte de
concluions.
2 'i . S’ il eft v r a i , comme les Défendeurs le difent , que ces
griefs n’ont en pour objet que /a révocation du délaiiTemcnt de
I712. il eft manifefte que c’eft fur cette demande en révocation
‘"•que l’ -Arrêt de 1 7 2 1 . en réintégrant le fieur Monnet dans la poffeifion du Domaine , a ordonné que les Faugeres conteileroient
plus amplement dans quatre mois , Se que c’ eft fur cette plus
ample contestation que l’ Arrêt définitif de 1724. en maintenant
le fieur de Longat dans la propriété du Domaine ; a jugé que le
déguerpiiîement étoit v a la b le , qu’ il étoit pur 6c limple 6c fans
condition , qu’ il 11e pouvoit plus être révoqué.
Il n’elt pas furprenant que l’afle de déguerpiiTement ne foit pas
vifé dans l’ Arrêt. Il eft d’ uiage de ne faire l’extrait que des de
m and es, & des dates, £c dos conclufions des Requêtes; on tro uve
dans le vu de celui de 17 2 2 . dénonciation entiere des conclufions
que les Faugeres avoient prifes dans l’exploit de leur demande'
' en r e c o u r s , fur leiquelles on a déjà fait des objections qu’il feroit inutile de répéter.
C ’ eft donc inutilement 6c en ?purc perte que les Demandeurs ^
par un cercle vicieux , ne ceflent de répéter que le déguerpiiTement ftit par les Faugeres, n’eft qu’ un abandon conditionnel ; un
iimple délaiflement panhypothéque ; que le fieur de Longat etoit
1 leur garant formel ; qu’il s’eft reconnu te l; que l’ Arrêt J
*714.
' ne l’a maintenu dans la propriétédu Dom aine qu’ en cette qualité;
' c u ’il eft de'difpofition d’Ordbrirtance quê tout ce que faille garant,
1 il ne fait que pour le garanti, 6c que c’ eft au garanti que doivent
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profiter toutes les difpcfitions des Sentences & des Arrêts que le
£c.run: obtient. On a déjà difeuté en détail tout ce tiflu d’obje&ions ;
rr.ais ou y répond encore en un m ot, en difant que fi elles avoient
pu erre de quelque confédération avant l’abandon fait par les
Faug?res, leur déguerpiflement volontaire, adopté & confirmé ir
révocablement par l’Arrêt définitif de 1724. ont rendus tous ces
moyens fans application. On leur répondra toujours avec fu c ccs,
&' l/fe^.
On peurroif ajouter une réflexion que l’on a déjà faite au
procès, & à laquelle il ne paroît pas que les Demandeurs aient
t
répendu dans leur Mémoire d’une maniéré folide.
Si le fieur de L o n g a t, après avoir obtenu les deux Arrêts de
1 7 2 1 & 172.5. avoit voulu obliger les Faugeres de reprendre le
Dom aine, à la charge de la rente , fur le fondement, que quoi
qu’il eûr obtenu les Arrêts en fon nom , il n’auroit cependant a gi,
ni entendu agir , & les obtenir que pour e u x , ÔC comme leur,
garant formel.
Les Faugeres lui auroient fans doute oppofé avec fuccès , que
la difpofuion de. ces Arrêts ne le regardoit pas; qu’ils avoient
déeuerpi la propriété du Domaine , 6* qu'ils avoient déclaré, par
tatU ae leur déguerpiflement, que le fieur de Longat pouvoit agir
peur raifort de cette propriété , ainfi que bon lui J'embUroit ; qu’ils n’y
prenoient plus aucune forte d’intérêt ; que le fieur Monnet avoit
accepté leur déguerpiflement; qu’ilavoit été adopté¿¿confirmé par
les deux Arrêts ; que la choie étoit jugée , & que le fieur de Longat
ne pouvoit pas aller contre les propres titres.
Il
efl manifefte que dans ce c a s , le fieur Monnet auroit été dé
claré non-recevable & mal fondé dans fa demande.
Mais fi le fieur Monnet n’avoit pas pu contraindre les Faugeres
de reprendre le Domaine , en vertu de ces deux A rrê ts, comment
ert-ce que les Faugeres auroient pu parvenir
lui évincer cette
propriété , en vertu des mêmes Arrêts? Cela cil inconcevable. Ces
exceptions, que les Faugeres auroient été e» droit d’oppofer au
fieur M cnnct, poiir repoulTôr fon aftion , auroient été les mêmes
pour repouffer celle que les Faugeres auroient formé contre lui.
La paralelle a embarrafTé les Demandeurs ; ils n’y ont répondu
que par la pétition de principe qui fait Üdww de tous leurs
m oyens.,,
;
.. Ils ont o p p o fé ,
que.lç fieur de Lon gat, ayant fait ceffer
* l’é viâio n ,.p ar un Arrêt définitif, il auroit été bien fondé de fou' tenir que les Faugeres j i ’âuroient p lu s s e prétexte d’ exciper de
. cette éviûion , pour demander U réfçlution de la rente avec
.............................
*
dommages
»
�dommages & intérêts,' comme ils faiioîcnt. i ° . Que quand if
feroit vrai que le iieur de Longat auroit été recevable à contefter l’abandon , il n’ en réfulteroit pas que l’évenement dût être
réciproque.
On a déjà réfuté plus que fuffifamment la premiers partie de
l’objeQion ; on a p rou vé, on ofe le dire , jufqu’à Ta démo.nflration que l’abandon'fait par les Faugeres ne peut être confidéré
comme un lîmple délaiilemcnt par hypothèque ; que c’eit un
déguerpiffement pur & fimple fait au propriétaire en exécution
de la ftipulation exprefle portée par le contrat, &C les Demandeurs
ont négligés de répondre aux moyens qui fe tirent des Arrêts.
La leconde partie de l’objeûion ne mérite pas une réponfe férieufe ; les exceptions des Faugeres Sc du#fieur de Longat, dans
l’efpece propofée, auroient été nécefiairement réciproques; elles
dérivoient des mêmes titres.
^Les Demandeurs n’ ont pas pu fe diiïimuler le foible de leur
reponfe ; ils ont ajouté que c’ étoit une queftion «i é w - , parce erCj’^ '
que le fieur de Longat a reconnu ,p a r les deux écrits de 1 7 1 6 . S z
1 7 1 2 . que l’abandon de 1 7 1 2 . ne faifoit pas , ou ne faifoit
plus la Loi des Parties, & que cela eft prouvé d’ailleurs par les
griefs cités dans l’A r r ê t , que les Faugeres firent fignifier le 30
Janvier 17 2 2 . contre la Sentence de 1 7 1 2 . Il faut donc examiner
fi les Demandeurs feront mieux fondés dans
moyens qu’ils
tirent de ces deux é crits, dans lefquels il paroît qu’ils mettent
toute leur confiance.
Il faut d’abord obferver que l’écrit de 1 7 1 6 . eft antérieur de
plufieurs années aux deux A rrêts, & que celui de 17 2 2 . eft anté
rieur de deux années à l’ Arrêt de 17 24. Les Faugeres étoient Parties
dans l’un & l’autre de ces A rrêts; ils ont été rendus contradiftoirement avec e u x , & les Demandeurs fé font fait lin moyen
de ce que l’appel ôc les griefs des Faugeres tendoient à la révo-,
cation de leur déguerpifïiament.
Cette feule obfervation fufiroit fans doute pour écarter toutes
les induirions que les Demandeurs ont tiré de ces deux écrits.
On trouve déjà une contradiûion fen/ible dans l’ objeftion ;
*” ai* ^ans quelque fens qu’ on la prenne, la folution fe préfente
d’elle-même.
n
r
>
Si l’abandon fait par les Faugeres n’étoit qu’ un fimple délaiflement par h y p o th éq u é, la révocatio n devenoit inutile. Les Fauge«
res n’avoient qu*à refter tranquilles ,
attendre l’événement de
TArrêt fur l’é v i â i o n ; mais ils n’ignoroient pas que cet abandon
«toit abfolu ; ils l’ont même reconnu pofitivem ent, comme on
E
�l’a déjà fait v o i r , par leur Requête du 30'Janvier 1 7 1 2 . fi au con
traire leur appel étoit fondé fur la révocation de leur déguerpiffem e n t, ils reconnoiffoient alors , encore plus pofitivement , que
ce n ’ étoit pas, un fimple délaiflement par hypothéqué , que c’étoit
un déguerpiffement en forme , dont ils ne pouvoient faire ceffer
l’ effet qu’ en l e révoquant ; il n’ eft pas douteux que , dans ce cas
là , ils ont fait ufage des deux écrits ; & la queftion eft jugée bien
ditertement par l’Arrêt de 17 2 4 . puifque fans avoir égard à la de
mande en révocation des Faugeres, il a maintenu le iieur J e
Longat dans la propriété du Domaine.
Il faut encore remarquer , que les Demandeurs n’ ont rapporté
dans leur Mémoire que les énonciations de Usante de 1 7 1 6 . dont
ils ont cru tirer avantage ; ils ont préfenté cet écrit comme une
promeffe de vendre* qui contenoit , d’une maniéré e x a â e
& déterminée , le prix & toutes les conditions de la vente.
Ils ont oublié de remarquer , qu’ indépendamment du principal qui
y eft exprimé , il eft ajouté que la vente fera faite à telles autres
conditions qui feront portées par le contrat, & qui Jeront arrêtées entre
nous. Ce font les termes de cet écrit ; cette circonftance recevra
bientôt fon application. Il faut entrer dans le détail.
C ’eft abufer ouvertement des ftipulation de l’écrit de 1 7 1 6 . de
dire que , non-feulemtnt le fieur di twft»|iii-n’ a pas voulu tirer
avantage du déguerpiffement de 1 7 1 2 . m ais, de plu s, il a confervé aux Faugeres leurs anciens droits.
Le fieur de Longat, par cet écrit, difpofc en maître de la pro
priété utile du D om aine; 11 change abfolumeut toutes les condi
tions du bail emphytéotique de 1688. il y en a fur leiquelles il
ne juge pas à propos de s’ expliquer & qu’ il remet à la paffation
du contrat. C ’ eft de l’événement de ces conditions que dépend
l’ exécution de fon engagement ; fi les Faugeres les acceptent , il
leur paffera contrat ; s’ils ne veulent pas s’y foumettre , la pro
mette de paffer contrat n’aura plus lieu. Voilà le véritable fens
de cet écrit ; on ne peut pas lui en donner d’autre. Comment
peut-pn trouver dans une pareille ftipulation , que le fieur de
Longat n’a pas voulu tirer avantage du déguerpiffement fait par
les Faugeres & qu’il leur a jcçnfcrvé les droits qui derivoient du
contrat de 1688 ?
,
.
Cet écrit prouve néceffairement que le [fieur de Longat a connu
toute l’étendue du droit que lui donnoit le déguerpiffement des
F^ugerçs fur la propriété utile du D om aine, t e q u e les Faugeres
ont reconnu , de leur part , que,, par l’ab an d on qu’ ils a voient
fa it, ils avoient renoncé irrévobablcm«nt à cette propriété Utile»
�Eft-ce ainfî , en effet, que s’ expliqueroit un Seigneur direfl
vis-à-vis de ion Emphytéote? & feroit-il fondé de le faire /> Sur
quel motif prérendroit-il faire la loi à cet Emphytéote, dont le
bail à rente fubfifteroit ?
Les Parties ont donc reconnu bien pofitivement, par l’écrit dé
1716 . que le bail à rente étoit réfolu ; que le fieur de Longat avoit
réuni la propriété utile à la propriété direâe ; & qu’au moyen
de l’abandon qui lui avoit été fait, il étoit le maître ded ifpofer,
tant de la propriété direâe que de la propriété utile.
Si les Défendeurs ont négligé d’examiner la queftion de ik
v o ir fi lej promeiTes de vendre font obligatoire ; c’efl parce
qu’ils ont penfé que cette queftion étoit inutile pour la décifion
des queftions à ju ger; mais il eft temps d’ y revenir , & cette difcuffion leur fournira de nouveaux moyens.
S ’il eft vrai en général que les promeftes de vendre font obli
gatoires , il n’eft pas moins vrai qu’elles ne le font qu’autant que
les conventions de la vente y font déterminées'. C ’eft là l’efpec5
de l’Arrêt rapporté par Henrys.
Mais, fi toutes les conditions, & les conventions de la vente,'
fi tout ce qui doit être relatif à l’effence de l’afte , ne font pas
rappellées dans la promeffe de v e n d r e , fi enfin, il refte encore
quelque choie à r é g le r, dont l’explication dépende de la volonté
réciproque des Parties , la fïmple promeffe de vendre n’ eft pas dèslors obligatoire. C ’eft le fentiment unanime des Auteurs. Mr. Hen
r y s , dans l’endroit mêmecitépar les Demandeurs, v a encore plus
loin ; il établit en général qnc la iimple promeffe de vendre n’eft pas
obligatoire , Sc que l’effet fedsww-en fimples dommages-intérets.
Mais , dans lefpece préfente , il ne s’agit pas d’une fimple promeffe de v e n d r e , dont les conditions font absolument réglées %
comme dans l’ Arrêt rapporté par Bretonnier ; il s’agit d’ une pro
meffe de vendre dont les conditions font à régler; à tilles autres con
ditions qui ftront portées parle contrat, & qui feront réglées entre nous.
Les Parties n’étoient pas d’ accord fur les conditions à régler
lors du contrat, leurs engagemens ne fubfiftoient plus, fi l’une ou
l’autre fe refufoit à ces conditions.
Ainfi l’écrit de 1 7 1 6 . bien examiné dans toutes fes ftipulations , fur-tout dans celles que les Demandeurs ont eu l’attention
de fuppritner ; il en réfulte évidemment, que le fieur Monnet a
tiré tout l'avantage qu’il pouvoit tirer dudéguerpiflement de 1 7 1 1 .
qu’ il a ilipulé dans cet é crit, comme propriétaire abfolu du D o
maine , dont l’abandon lui avoit été fait; que les Faugeres n’ ont
pas réclamé contre leur déguerpiflement, & qu’ils l’ont au
�YW
f ‘M
36
contraire reconnu de la maniéré la plus expreffe ; enfin, il eft
•
évident que les Parties, lors de cet écrit, s’en étant rapporté
„
des conditions à régler lors du con trat, cet écrit n’étoit pas oblig atoire, puifque /anii ii't<iTiinir~dépendoit de leur acceptation li_________________. -bre & volontaire dt ces conditions à régler.
On n’entre pas en difcution fur le furplus des raifonnemens cap
tieux, que les Demandeurs ont difperfés dans toutes les parties
de leur Mémoire fur cet écrit ; on fe contentera de leur répondre,
i ° . que les Faugeres ont reftés en cauie depuis cet é crit, jufqu’ à l’ Arrêt de 17 1 4 - qui lui eft poftérieur de plus de huit ans ;
qu’ ils ont fait ufage de cet écrit, puifque leur appel, fuivant les
Demandeurs eux-mêmes , étoit fondé fur la révocation de leur
déguerpiffement , & que cet écrit fe trouvoit par conféquent
anéanti par l’ Arrêt, qui n’y a eu aucun égard. 2 0. Que la promette
portée par cet écrit n’étoit pas obligatoire ; puifque la perfedion
de la vente dépendoit des conditions qui ctoient à régler lors de la
paflation du contrat. 3 0. Enfin, que dans tous les c a s , cet écrit
n’auroit donné aux Faugeres, qu’une fimpleaftion, qu’ils auroient
JaiiTé prderire ; l’obje&ion avoit été faite ; mais les Demandeurs
n’ont pas jugé à propos d’y répondre.
L’ écrit de 17 2 2 . eft encore moins confidérable ; & ces deux
écrits ne fe concilient pas ; ils font évidemment contradiâoire.
Celui de 1 7 1 6 . eft paiTé double avec Robert F au geres,
faifant, tant pour l u i , que pour Blaife & Jean Faugeres, fes freres,
& le fieur de Longat ; il y eft dit ¿ique le fieur de Longat promet
lui pafler contrat de vente ou delrenté rachetablc , aux condi~
tions réglées & à régler ; & c’ eft Pierre Faugeres qui ftipule feul
& en fon nom , dans celui de 17 2 2 . fous des conditions absolu
ment différentes de celui de 1 7 1 6 . L’ un de ces écrits devroit
néceflairement cédera l’autre, puifqu’ il/aàrf: pas le même ob jet,
& qu’ils font paffés entre des Parties différentes.
Mais comme il eft indifférent aux Défendeurs , qu’ on les réu
nifie OU qu’ on les fépare, & qu’ils efperent d’avoir prouvé qu’on
ne peut pas leur oppoler celui de 1 7 1 6 . il leur fera facile de faire
v o i r , qu’on ne peut encore moins leur oppoier celui de 17 2 2 .
Cet écrit eft un vrai chiffon, un afte informe & infiniment
fufpeft , q u i , à tous égards , ne peut être d’aucune confidération.
En effet, il eft bien extraordinaire que le même jour que le
fieur de Longat p ig e poiTeftion perfonncllemcnt & en fon nom ,
y-tn C
en vertu d’un Arrêt qu’il a obtenu aulîi perfonnellement & en
fon n o m , il ait pafie un a â e , par lequel il déclare qu’il confent
que Pierre Faugeres rentre dans la poffelfion du Domaine fous
�les mêmes conditions , qu’il en jouifloit auparavant.
Il faut remarquer que le fieur de Longat ne dit pas dans cet
aile , & il ne pouvoit pas le d ir e , que la réintégrande provifoire , qu’ il avoit obtenu , étoit pour les Faugeres, & que c’eit
pour eux qu’il va prendre pofleifion ; il confent feulement que
Pierre Faugeres rentre dans la poiTeflion du Domaine ; c’ eit cepen
dant lui qui prend cette poiTeflion publique ; il ne fait mention
-des Faugeres dans l’ aôe que pour annoncer que c’eft en vertu
d’ un Arrêt rendu contradiftoirement avec eux , qu’il prend cette
poiTeflion ; il ne rappelle nulle part le bail à rente de 1688. tandis
qu’il rappelle en difîerens endroits le contrat de vente de 1679.
Et Pierre Faugeres,-3»swi»i-du confentemcnt qu’ il a ftipulé du fieur ,
de L o n gat, demeure dans l’inaôion , non-feulement dans le temps_
de cette prife de poiTeflion, non-feulement pendant la vie du fieur
de L o n gat, mais il ne la fait paroître que foixante ans après fa
date , 6c près de cinquante ans après le décès du fieur de Longat;
,cela ne peut pas fe concilier.
Les Demandeurs conviennent que les Faugeres, fuivant cet
ccrit , auroient du dès-lors entrer dans la pofleifion du Domaine ;
ils ajoutent, à la vérité, que s’ ils ne l’ont pas fa it , le fieur de Lon
gat n’e<n a pas joui non plus , parce que le fieur de la Chapelle
continua de s’y maintenir par violence ; mais le fait eft avéré
faux.
i ° . L’ aûe de prife de pofleifion fait foi que c’eft en préfence
du fieur de la Chapelle & de fon confcntement, que le fieur de
Longat a été mis en pofleifion. Ce feul a£te fuffiroit pour prouver
que le fieur de ht Chapelle s’ eil défifté volontairement de
la poiTeflion du Dom aine, & qu’il en a laifle le fieur de Longat
tranquille & paifible poflefleur.
i ° . On a vu que , deux ans après la prife de poiTeflion dit fieur
de Longat , il a donné une Requête , par laquelle il n’a demande
la reilitution des fruits que jufqu’au jour de cette prife de potfeflion , & que l’ Arrêt ne lui a pas adjugé ceux qui étoient échus
depuis. La raifon cil fenfible ; le fieur de Longat ne pouvoit pas
demander, & l’ Arrêt ne pouvoit pas lui adjuger la reilitution
des fruits, qu’ il avoit perçu lui - même depuis fa prife de poffcifion
3 ° . On a aufli v u , qu’ au mois d’Aoiit 1 7 M '
de la Cha
pelle avoit fait faifir fur le fieur de Longat les fruits du D on ain e
de P e rie r , faute de paiement des Impofitions de ce Dom aine; le
fieur de Longat croit donc alors en poiTeflion paifible & tran
quille j le fieur de 1% Chapelle ne s’y oppoioit pas.
�£ nfjn f jes Rôfes ¿ Cs Impofitions de laParoifle de la Ch*pelle-fur-UiTon, forment encore une nouvelle preuve que le
fieur de L o .ig at, a eu pendant fa v ie , la poiTeffion la plus paifible
&. la plus tranquille; il a toujours été compris dans ces R ô le s ,
comme propriétaire du Domaine de P ericr, &c après l'on décès,
la cote a été faite fur fes héritiers.
Il eft facile de fe former des moyens enfuppofant des faits; mais
c’ eft une reiTource beaucoup plus préjudiciable qu’elle n’eft utile,'
lorfque la fauffeté de ces faits vient à fe découvrir.
Les Demandeurs ajoutent que les Faugeres n’ ont pas perdu
le fruit de cet a£te en fouifrant la poiTeffion du fieur de Longat,
puilqu’il n’en a jamais eu , même un fcul inftant; qu’ils ne l’ont pas
perdu non plus, en lui laiiTant obtenir l’Arrêt de 1 7 1 1 . puifqu’il
ne l’a obtenu que pour e u x , & comme ayant pris leur fait ÔC
eau fe.
C ’eft toujours le cercle v ic ie u x , la même pétition de principe;
le fieur de Longat , a refté en poiTeffion jufqu’à fon décès ; il a été
réintégré perfonnellement & en fon nom par l’ Arrêt de 17 2 2 . &
l’Arrêt de 17 2 4 . lui en a adjugé la propriété irrévocable, auiîi
perfonnellement & en fon nom ; la preuve de l’un ôc de l’autre,
en a été portée jufqu’à la démonftrarion.
Enfin , l’écrit de 1 7 1 2 . n’ avoit pas été fait double ; dès-lors cet
écrit auroit été radicalement nul.
Les Demandeurs n’ont pas contefté le principe qu’en fait d’ engagemens réciproques, la convention doit être paiTée pardevant
Notaire , ou qu’elle doit être itipuléc par un écrit d ou ble ; or ,
on ne peut confidérer l’écrit de 17 2 2 . que comme un a&e fignaliamatique refpe&ivement obligatoire.
Si Pierre Faugeres , en exécution de cet é c r it , avoit pu
obliger le fieur de Longat à lui dclaiifer le Domaine
la
charge de la rente à laquelle il étoit aiTervi avant le déguerpiffement , il étoit tout naturel que le fieur de Longat , de fa p a rt,
pût obliger Pierre Faugeres i\ reprendre la poiTeffion du D o
maine , en exécution du contrat de rente ; ces engagemens font
refpeftifs; ils font abfolument inféparables l’ un de l’autre.
M ais, dans la circonitance de cet écrit, Pierre Faugeres auroit
été feul en état d’en iuivre l’exécution , s’il y avoit trouvé fon
intérêt, parce qu’il étoit fcul faiii de l’afte qui l’y auroit auto*
r ifé , & le fieur de Longat n’ auroit eu aucune aâion contre lui,
parce qu’il n’auroit pas été faiii du double de cet aû e ; le fieur
de Longat n’ auroit jamais été tranquille , ni dans la poile/Iion ,
ni dans la propriété de fon D o m ain e , fi Pierre Faugeres avoit
�été en droit de l’évincer ên vertu de cet écrit. Il n’eft donc pas
douteux, d a n s a s principes, que cet écrit étoit un afte radica
lement n u l, 8c dont les Faugeres n’auroient pu faire aucun ufage.
Les Demandeurs répondent que le fieur de Longat n’avoit pas
befoin de cet a&e ; qu’il av o it en fa faveur le contrat de rente
de 1688. 8c le double de l’écrit de 17x6 . qu'il avoit, de plus ,
des moyens jujjifant pour contraindre Pierre Faugeres à retenir Le D o
maine ; que Pierre Faugeres, lors de cet écrit, ne deiiroit qu’ une
aflurance ; que cette prife de poiîeiïion n’étoit que pour lui ; qu’ on
ne voit par-tout que l’anéantiflement du déguerpiiïèment de 1 7 1 2 .
ui a pu être révoqué , 5c que le fieur de Longat n’avoit garde
e l’accepter, puifqu’il étoit fait à des conditions plus onéreufes
pour lui, que la contituation du bail à rente de 1688. Tous ces
m o y e n s, qui forment le précis de tous les moyens fur leiquels
les Demandeurs fe (ont fondés , font autant d’illufions.
Le contrat de 1688. ne fubfifloit plus ; il avoit été réfolu par
le déguerpiiîement des Faugeres , pleinement accepté 8c confir
mé p a r l’ Arrêtde 1 7 2 4. L’ écrit de 1 7 1 6 . contenoit des conven
tions différentes de celui de 1 7 2 2 . Cet écrit de 1 7 16. ne pouvoit
d’ailleurs avoir fon exécution que par un confentement libre 6c
réitéré du fieur de Longat. A l’égard des autres moyens que le fieur de
Longat pouvoit a v o ir , pour contraindre Pierre Faugeres à retenir
le Dom aine, malgré la difpofition de l’ Arrêt de 17 2 4 . on n’en pré
voit aucun ; les Demandeurs auroient du les expliquer. Bien loin
que l’on trouve nulle part l’anéantiffement du déguerpifiemcnt ,
de 1 7 1 2 . tout prouve la validité de ce déguerpiiîement , on
trouve cette preuve particulièrement dans les mêmes écrits de
1 7 1 6 . 6c 17 2 2 . puifque l’on y reconnoît le fieur de Longat pour
vrai propriétaire du Domaine, 6C que c’eft avec lui qu’on ftipule
en cette qualité. Si l’effet de l’abandon de 17 12 . ne pouvoit ceiler
que par la révocation, on n’a donc pas dû le confidérer comme
un fimple délaifietr ent par hypothéqués mais comme un dégucrpiiTerhent pure 6c lunple fait par lé preneur au bailleur A rente ;
& l’Arrêt de 1724. n’a aucun égard à la révocation prétendue
-faite par les Faugeres ; puifque, malgré cette révocation, il a
maintenu le fieur de Longat dans la propriété du Domaine; enfin,
le fieur de-Longat n’avoit rien à craindre des domniages-intérêts
adjugés aux Faugeres par la Sentence du premier Juillet 1712. leur
déguerpiiîement pur & fimple auroit fait ceffer l’effet de cette Sen
tence 8c l’Arrêt de 1724. l’a jugé difcrtemcnt.
Voilà auiïï en précis la réfutation de toutes les objtftions des
Demandeurs fur tout les objets qui peuvent concerner la validité
Î
�'40
du déguerpiiTement de 1712. 8c la réfolution du bail à rente de
1688. On ne penfe pas que cette réfutation foit fufceptible d’une
réponfe folide ; on fe flatte de l’avoir établi. Il faut à préfent
palier à l’ examen de la fécondé propofition ; elle ne paroît pas
fufceptible d’une longue difcuflion , non plus q u e ‘ celle qui con
cerne la prefcription , parce q u e, dès qu’il eft établi que le bail
à rente de 168Ü. a été pleinement réfolu par le déguerpiffement
volontaire des Faugeres , & , qu’en conféquence de ce déguerpif
fement, le fieur de Longat a été maintenu, tant dans la poffeifion ,
que dans la propriété du Domaine , toutes les objections que les
Demandeurs ont fait fur le lurplus des propofitions que l’on a
annoncées, tombent & s’évanouiilent.
SECONDE
PROPOSITION.
Le bail à rente de 1688. ne fubfiftoit plus ; il avoit été réfohi
par l’abandon pur & fimple que les Faugeres avoient fait volon
tairement & lans être forcés de la propriété du Domaine. Cet aban
don avoit été pleinement accepté ; il avoit été adopté & confirmé
par l’ Arrêt de 1724. Le traité de 1742. qui eft un a£te étranger aux
Faugeres, n’ auroit donc pas pu redonner l’être à ce bail à rente ,
quelque ftipulation que l’on ait em ployée, dès que les Faugeres n’y
croient pas Parties. Mais ce traité n’ eft rien moins qu’une fubrogation
pure & ûmple à l’effet de ce contrat ; il contient une fubroga
tion générale & indéfinie à tous les droits de la Dame de Lafaye ,
en qualité de créancitn du fieur de Longat fon frere. C ’eft ce que
l ’on fe propofe de prouver en répondant aux objedlions.
Objections.
Les Demandeurs oppofent que le fieur de Longat n’avoit pas
la p ro p riété du Domaine ; d’où ils tirent la conféquence que Je
fieur de L a fa y e , en qualité de mari de la Dame Monnet, iœur
& h ir ltltr t du fieur de L o n g a t , n’a pas pu tranfporter aux Défendeurs cette p rop riété.
Ils ajoutent qu’ils ont prouvé mille fois que les Arrêts de 1 7 2 1 . ’
& 1 7 2 4. n’ ont rien de contraire^au bail à rente de 1688. que ces
Arrêts ne font que rétablir les « c l w y s au même état qu’elles
étoient avant la demande téméraire du fieur D efm orels, ¿ ¿ q u ’ils
ne font par conféquent que confirmer le bail ù rente.
Il*
�lis oppofent enfin que le traité de 1742. ne contient pas de fubrogation au déguerpiffement de 1712. nu’il contient une {impie
réferve au fieur Defmorels de l^Jaire valoir à Tes périls, rifques
& fortunes ; qu’on lui cédoit la rente , fauf à lui de prouver ,
com m eilaviferoit, qu’ elle avoit été réfolue par le déguerpiffement
de 1712.
On va examiner ces moyens dans tous les points de yue fous
lefquels ils ont été préfentés.
Réponje.
On écarte promptement les deux premières obje&ions ; comme
elles émanent d’un faux principe , on jn’ en a pu tirer que de
fauffes conféquences.
Le fieur de Longat étoit feul & vrai propriétaire utile du D o
maine de Perier ; le bail à rente de 1688. avoit été pleinement ré
solu par l’abandon qu’en avoient fait les Faugeres en 1712. fur
lequel les Demandeurs n’ont celle de varier , en le repréfentant
alternativement comme un fimple délaiffemcnt hypothécaire , &C
lin déguerpiffement abfolu ; mais c’eft fous ce dernier point de v u e ,
qui eft le feul fous lequel on puiffe le confidérer , que lMrrêt de
1 7 1 4 . l’a adopté en adjugeant définitivement & irrévocablement
la propriété du Domaine au fieur de Longat. Ce n’ eft pas p3r de
vaines fubtilites que l'on peut donner un fens différent à la difpofition précife de cet Arrêt ; ce feroit fe répéter continuellement
de revenir à la difcufîion de cette objeâion & des conféquences
que le Demandeurs en ont tiré ; le principe cil fa u x ; les consé
quences ne peuvent être qu’erronées. Les Demandeurs peuvent
bien avoir dit mille fois , il peut y avoir encore de la modeftie
dans la fupputation; mais ils l’ont d i t , fans le p ro u v e r, que les
Arrêts n’ ont fait que confirmer le bail à rente ; 8c on leur a prouve
autant de fois que c’étoit une erreur démontrée.
Les Demandeurs abufent manifeflement des difpofitions du traité
de 17 4 2 . Le fieur de Lafaye y a fubrogé le fieur de la Chapelle
indifVm&ement & indéfiniment à tous les droits de la Dame Mon
net fon é p o u fe , en qualité de créanciere de la fuccefïïon du fieur
de Longat fon frere ; 8c la Dame Monnet n’avoit pas elle-même,
èn cette qualité ; un droit plus, particulier au bail de 1688. s’il avoit
éttifté, qu’ elle âvoit foit au contrat dd rente de 1679. ^"°‘ t au dé¿uerpiffement de 1 7 1 2 . foir enfin aux deux Arrêts de 1 7 1 1 . 6 1 1 7 1 4 }
L a Dame Monnet ne reprénfentoit pas fon frere à titre d’héF
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Jet
�AT
'4 *
riticrc ; elle n’ étoit pas tenue de fes engagemens ; elîe avoit répudié
• ' à (a fuccefiîon ; élie en étoït Simplement créancière, 5c elle avoit
fait liquider Ces créances par une Sentence quelle avoit obtenue
contre le curateur nommé
cette iuccèfïion répudiée.,.
( ,
Si on s’en efl expliqué différemment au procès ; c’ eft parce,,quff
l’on écrivoit iur une copie peu coreÉte ; ce ri’ eft que par I? comjnunication que les Défendeurs ont prife de l’expédition de ce
traité , qu’ ils en ont connu les véritables énonciations. Cette expé
dition eit la même que celle qui avoit été faite à la Dame veuve
Montanier , fille de la Dame de Lafaye ; ce qui paroît bien fingulier.
La feule qualité de créanciere .de ta fucceiîion du fieur de Longat,
fon frere , en laquelle la Dame Monnet a cédé fes droits , expli
que & détermine fuffifamment le véritable fens de. ce .tranfpojt ;
iïiais la lettre y eiî encore conforme.
r
Il y efl dit, en termes généraux, que le iieur de L a fa y e , en
qualité de mari de la Dame Monnet, créanciète de la.lucceffion du
fiüur de Longat , fon frere , a fubrogé le fieur. de la Chapelle
au contrat de vente de i G^jC). à ci fui de bail à rente de i 6'3 8 '. & au*(
deux Arrêts de i j i 2. & iyï^.,\[ cil dit enfuite que cette.fubrogation cil faite tYauf au f lLUr
Chapelle 4i fi if e valoir le dxguerpijjement de i j n . dont il lui ejl délivre une expédition , a in fi'q u il
avifera pour la garantie (lipulèedef a part parlesfleur & Dame.de Lafaye,
On ne peut pas féparer ces différentes Stipulations ; elles ont
«ne liaifon néceffaire les unes avec les au tre s,.le iieur de la
Chapelle étoit autorifé fans diillnflion à faire-valoir toi^s les'droits
que la Dame Monnet e lle -m ê m e ^ en fa qualitcijde créancier*
auroit pu exercër cil vehtù des différeps titres,qui ÿforttiénoncés j
fur quoi il eft bon de'remarquer qLie.de tous ces titres le déguer-,
piffemeht de 1 7 1 2 . eil le Seul dont la délivrance foit rappelléc
dans l’afte de Subrogation.
. ,
f.
Eil-ce ainfi qu’on s explique dans une Subrogation déterminée j
àahs une'Snbrogatiort pure à Cm pie à un contrat quelconque ?
Cette circonilance prouve déjà que ce n’ eft pas pour faire va-»
loir le bail de 1688. que l’ expédition du déguerpiflement fut dé
livrée au fieur delà Chapelle ; que c’ eft au contraire pour repouflec
l’ aâ io n des Faugerçs , dans le cas où ils auroient réclamé l’exé
cution de ce b a il; que cette expédition lui. a cte remife, & p ? u i
te mettre à. l'abri de la garantie-qui l'oa- Qipuloil dt-'lid, ,
:r;.{ 0<
;cvcil donc inutilement que les Demandeur;?,, en fin co pan tjpa
différentes- di'fpofitiôns du tr:aîto qn’o a 1 n£0pçut pas; divifv’^iHfl©
ceffent do fe répéter dans tout leur Mémoirelur les, iKpulatiüf&da
¿arantie que Iq. fieur de la. Chapelle i jg n fc s fu j ivn compte,
�'M
• Le fieur de Lafaye a vovila ¿vîter toutes fortes de diicufîions pour
raifon de la fubrogation qu’il a fait ; & c’ eft ordinairement fans
garantie que le créancier ftipulé une fubrogation indéfinie à fes
d ro its; c’ eft par cette raifon que le fieur de Lafaye a tlipulé toutes
celles qui font énoncées dans Patte de fubrogation.
,j. •
“ D ’ailleurs , le fieur de ¿ a fa ÿ e , en fubrogeant purement & fini*
’p lement le fieur de la Chapellè au bail à rente de i6<?8. l’auroit
fubrogé à un être de raifon ; on a déjà fait v o ir que fi lç
fieur de Longat lui-même avoit voulu exciper des deux Arrêts
de 17 2 2 . & de 1 7 1 4 . pour contraindre les Faugercs à exécuteç
ce b a i l, il y auroit été évidemment non recevable par la fimple
difpofition de ces deux Arrêts ; les créanciers du fieur de Longat
n’ avoient pas plus de droit de lui ; la fubrogation à leurs droits
ne pouvoit pas former un nouveau titre à celui qu’ils avoient
fubrogé pour faire revivre ce contrat, irrévocablement rélolu
par le déguerpiffement que ces deux Arrêts avoient confirmé. ,
Il faudroit que le Demandeurs, pour donner quelque couleur
à leur fyitême fingulier , parviniTent à prouver que le traité de
1 7 4 2 . n’a eu pour objet que le rétabüiTement du bail à rente , qui
11e fubfiiloit plus ; &c que le fieur de h Chapelle a ftipulé par ce
traité un engagement précis 6c déterminé fur l’exécution de cd
contrat ; que c’eft à ce feul2& unique objet que fe font bornés
tous les droits auxquels i r a voit été fubrogé ; &c encore dans
ce cas là le fieur de la Chapelle n’ auroit pu tirer aucun avan
tage de cette fubrogation prcciffc 8c déterminée, qu’ autant que* 1<&
Faugercs Pauroîent acceptée ; de ils n’ étoient pas Parties dans 'cd.
traité.
Mais on ne trouve rien de femblable dans les différentes ftipulations du traité ; elles fe rapportent toutes néceilairement les
unos aux autres, Sc en. lçs, réunifiant >,comme on ne peut pas
éviter de le fa ire , on y t r o u v e , on eft forcé de le. répéter, q u ’une
fimple fubrogation de la( part du créancier à faire v a l o i r par la
fuhrogé , ainfi qu’ il ' ayifera ? fans auçüpe garantie de la part duCréancier, ôi à la charge , par- le lu brogé, de le'garantir dans tous
les cas dç tous les. événemens. .
N e pourroit-on pas ajouter que les Demandeurs , dans leurs
O bjeâions fur la. p r e m iè re propoütipn de cç M ém oire;, ont r e ^
m arq u é,^ù é c ’étpiti au^. ¿prnieres conçlufions
Je- fieur de
^ * ¿ 4 » 4vqVt.
’t a « dftYojf .s’ a n c r e r pQur <Jé-+
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fc des différentes fubrogations ftipulées au traité de 1 7 4 1 .
F a
�c’ eftpar la fubrogation aux deux Arrêts S i au déguerpiiTement
que fe termine la fubrogation qui fe trouve par conféquent poftérieure à celle du bail de 1688 ?
Mais tout cela eit inutile; il faut s’ en tenir à la lettre & au fens
que préfente naturellement le traité de 1742. ori l’a fuffifamrrierit dé
veloppé ; on n’y reviendra pas ; on fe contentera d’ob ferverque
tous les raifonnemens des Demandeurs viendront toujours échouer
contre l’abandon de 1712. & contre les deu:: Arrêts auxquels le
fieur de la Chapelle a cté fubrogé. Il eit manifefte que c’ cft cette
fubrogation qui a fait le feul & unique objet du traité ; fi l’on y i
trouve renonciation de la fubrogation au bail dé 1688. c’ e it ,
encore une fois, parce que le fieur de Lafaye , finiple créancier
de la fucceflion du ficur de Lon gat, a voulu écarter vis-à-vis lui
toutes fortes de difcuiTions par un tranfport indéfini de tous les
droits qu’ il pouvoit a v o i r , à quelque titre que ce ffit ; faut au fieur
de la Chapelle à faire valoir ceux que bon lui fembleroit ; & à
écarter , comme il aviferoit, les Faugeres , dans le cas où ils réclameroientPexécution d’ un contrat que les Parties ne pouvoient pas
méconnoître avoir été pleinement réfolu par l’abandon de 1712 .
& par les deux Arrêts.Il eft manifefte que le fieur de la Chapelle, en ftipulant la fitbrogation du fieur de Lafavr . n’ ? eu en vue que de fe procurer
des droits à la propriété cuD oniaine : il n’ auroit pas acquis une
rente de 160 1. au prix de 0000 1.
Les Demandeurs ont prétendu prouver par un calcul arithmé
tique d’ addition, que le fieur de la Chapelle, moyénant. cette
fomme-de 6000 1 .«Sjaaeçk- une' créance de ioooô 1. en fe tenant
à la fubrogation au bail à rente ; leur calcul leroit jufte, s’ il n y
avoit que la réglé de l’addition, & qu’ il n’y en eut pas de fouftraftion.
Mais fans entrer dans un détail exaft à cet égard, il faut dis
traire tout d’un coup de ce calcul Ja fomme de 7000 l/ q u ’ils ont
employée dans le compte qu’ils ont fait à leur fantaifie; ils y ont
porté cette fomme pour les frais dûs à la fucceflion du fieur de
Longat, ou pour le coût des deux Arrêts de 17 2 2 . & 17 2 4 . mais
outre que ces frais avoient été parftin au fieur de Longat ou
à fon Procureur, qui en avoit obtenu exécutoire en fon nom ^
c’eil qu’il n’en eft pas dit un mot dans le traité de 1 7 4 1 . ,
Le fieur Defmorcls y cil bien fubrogé aux frais qui avoient ét£
fait par la Dame Monnet, fur la demande q u ’ elle avait formée
contre lui ; mais ces frais confiitoient uniquement.dans ceux' des
deux Arrêts par défaut qu’ elle avoit obtenu j l’un faute de
�'p àroir, & l’autre faute de défendre. C ’cft avec peine qu’on fe voit
obligé de relever encore le peu d’exailitude des Demandeurs,
ioit dans la rélation des faits , foit dans les énonciations des aftes.
M ais, pour revenir aux difpofitions du traité que l’ on vient
d’exam iner, on efpere avoir prouvé que les Faugeres n’en peu
vent tirer aucun avantage ; ils n’ont pas ftipulé dans ce traité ;
ils n’ y ont pas été Parties ; c’cft à leur é g ard , us inttr alios aeîa.
Il eil vrai que le bail de i6Stf. eft rappellé, mais c’eft dans r é
nonciation feulement des différons droits auxquels , le fieur de Lafaye iubrogeoit indéfiniment le fieur Defmorels , fans aucune
fubrogation particulier': 8c déterminée à ce bail qui ne fubfiftoit
plus. Le fieur de la Chapelle n’a pas voulu ie fubroger , & le fieur
de L a fa y e n ’a pas entendu le fubroger tout à la fois au bail à
rente &c à la réfolution de ce b ail; il a ilipulé une fubrogation
indéfinie à tous fes droits , fauf au fieur de la Chapelle à les faire
.valoir comme il aviferoit, 8c le fieur de la Chapelle ne pouvoir
en faire valoir d ’autre que fur la propriété du Domaine qui appartenoit à la fucceflion du fieur de Lon gat, fur laquelle il acquéroit des créances , par cette fubrogation. Voilà l’objet de ce
traité , 5c ce n’ eft que par imagination qu’on peut lui donner un
fens différent.
Il
faut pafler maintenant l’examen de la troifieme propofition ,
qui concerne la prefeription : cette propofition, comme on le v o i t ,
eft très-fubfidiaire. Dès que les Faugeres n’ avoient aucun droit à
la propriété du D om aine; ils n’ avoient pas d’aûion pour reven
diquer cette propriété ; dès-lors il ne peut plus être queition de
prefeription.
TROISIEME
PROPOSITION.
Pour établir que le droit des Faugeres, s’ils en avoient eu
à la propriété du D om aine, auroit été preferit, lors de la de
mande qu’ils ont formée en défiltement de ce Domaine, il n y a
qu’à confulter les dates.
t
On pourroit fans doute partir de celle du déguerpmement ;
mais en la rapprochant , il eitau moins f a n s difficulté que la pref
eription à commencée à courir librement, à compter du jour de
l’afte de prife de pofïeffion du fieur de Longat du 1 9 Septem
bre 1 7 1 1 .
O r , le s Demandeurs n’ ont formé leur dem ande, que le 2 1
Janvier 1 7 7 1 . il s’ eft donc écoulé près de cinquante ans depuis
�1^
' *
,1a prife de poffeflîon jufqu'à.Iai demande. T o u t ‘ ce tem psa été
u t ile , puifque les Demandeurs n’établiflent aucune m inorité;
la preicription auroit donc été pleinement acq u ife, lorfqu’ils ont
demandé le défiftenient du Dom aine. Mais il faut examiner leurs
obje&ions.
Objtclions.
Les moyens des Demandeurs fe réduifent en général à d ir e j
i ° . que le fieur de la Chapelle, malgré les Arrêts de 1 7 1 2 . &
1 7 1 4 . s’étoit toujours maintenu dans la pofle/fion du Domaine
de Perier; que tant qu’il n’a pas été dépoffédé, les Faugeres ont
eu les mains liées , & que leurs droits n’ont, pu commencer
à prefcrire, qu’a compter des Arrêts de 1 7 4 1 . & »741* qui ont
ordonné l’exécution de ceux de 17 2 2 . & 17 2 4 .
. Que la tranfaâion de 1742. exclut promptement, par ellemême , le moyen de prèfeription ; qu’il y eft dit, que le fieur de
Longat avoit pris le fait.Sc caufe des Faugeres, & obtenu Arrêts
.de défenfes ; qu’il procédoit pour eux ; qu’il étoit impoflîble ,
par conféquent, tant.que cette procédure a fubfiftéc, que le fieur
de la Chapelle pût leur oppofer la preicription , que le fieur de
Longat a pourluivi jufqu’à l’Arrêt de 17 4 2 . & -q u e c’eft à cette
époque feulement que la prèfeription a commencée de prendre
cours.
j ° . Que le fieur D efm orels, ayant été fubrogé par cette tranf^ftion’iau bail de 1688. il a reconnu par là l’exiftence a&uelle
de ce b a i f à rente.
40. Qu’il eft vrai que le traité de 17 4 2 . n’ a pas été pafle avec les
Faugeres ; mais qu’il a été paffé avec leur garant formel ; que leur
droit a été reconnu comme exiftant & non preferit ; ils a joutent *
que l’Arrêt de 1722. écarte toute prèfeription.
¡f
7
.R t p p n ft ?
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....
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-J
I
• T o u tes ces objeflions ne; font fondées que fur-les m o y en s du
Îonds que l’ on a amplement! réfutés ; on y reconnoît aifément
le cercle v icieu x ; c ’eft le même principe difperfé dans toutes les
parties du Mémoire des-D emand e u r s , & to ujo urs préfenté^ouj
de faux points de v u e , pour *^¿¡ 0 3 » » « l’attention ,■ Sc pouf
répanërtydçs nuages- fur' le-véritable état de la quéftibrr. t *
_
;i t c j j Demandeurs, partcitt1 r<}ii]btvr«-dè!1la ftippoiltioh q u c , LmalV
�gré les Arrêts de 1 7 1 2 . &: 1 7 14 . le iîeur de la Chapelle s’eft toufours maintenu dans la pofleflion du D om ain e; ¿c on a démon
tré que le feul Arrêt de 17 14 . forme la preuve la plus comptette,
que le fieur Defmqrels a quitté volontairement la poffefîion du
Dom aine dans le moment même que le iieur de Longat en a
pris poffellion. On a auiTi démontré q u e, lors de l’ Arrêt de 17 14 .
le fieur de Longat en étoit pailible poiTeiTeur, 6c que cette poifeifion tranquille & paifible a continuée jufqu’à Ton décès. Il
feroit inutile d’y. revenir ; ta fuppofition eft avérée faufte; Tous-'
les raifonnemens que lés Demandeurs ont hantés fur ce fait I 1 3 fardé , font donc a-utsnt de fophifnies qui- ne méritent' pas Une'
plus ample difcuiîîoh.
j .
: C ’eft cependant à ce feul m o y en ,-q u i d’ailleurs ne fignifieroit
rie n , comme on l’ a fait vo ir au p ro cè s, que l’on doit rapporter"
toutes les objt&ions des Demandeurs ; mais s’ il eil v r a i , comme
on ne peut pas le révoquer en doute, qu eT A rrêt de 17 12 .U 'e u j{ne; pleine & rentiere exécution ,• & que1, ;dès le moment de cet
A rrêt, le fteur de Longat ai eu-la paifible poffeiîion du DoiYiainè ; ;
la coniéquence e il néceiTaire, que c’ eft dès ce m o m e n t mêrile
ue les Demandeurs auroient du fe pourvoir pour l’exercice des
roits qu’ils auroient pu. a v o i r ,.;& que la prefeription a com
mencée de prendre cours.
1
^D iront-ils que cet Arrêt de. 1 7 1 1 . étoit Amplement provi-,
foire''/&: fans préjudice.de leurs droits? Mais TArrêt de 17 2 4 .
les a défin i, ôc à compter de la date de cet Arrêt a leur dèniandé:,
leur aâi0n le trou veroit encore prefque doublement preferîte.
C e n’eft. donc pas les Arrêts de 1741. & 174 2. qui ont dépofledé
le fieur de la. C h apelle; il l’ étoit depuis l’ Arrêt de 1722. &
ces! Arrêts n’ ont pas interrompu le cours de la prefeription. Si
le fieur de la Chapelle avoit eu cette pofleffion depuis le décès
du fieUr de.Longat., ce qui n’eft pas vrai ,ila poiTeifion-qu’il auroit
eu n’ auroit été fondée que fur une tiftlrpation ; elle ne pouvoit
pas détruire ce lit du fieuride L o n g at, qui avoit eu là pofteffion
de droit Sc de fait jufqu’à fon détès ; dès que le iieur de L o n g at,
ou ceux qui avoient droit de le repréfenter , auroient interrompu •
le cours de cette poiTeffion ufurpée.
u1
On. ne faitpasjce que les Demandeors veulent dire , lorfqu’ils
oppofentque le fieur de L o n g at,e n pourfuivant toujours l’ exccut’ion de l’ Arrêt d eri7 2 2 . ôc de celui de 17 2 4 . n’agifloit que pour
les Faugeres, & que tout ce qn’ il feroit ne pourroit profiter
qu’à eu*, en qualité de leur garant ¿ qu’il étoit leur mandataire, leur
Procureur conftitué,
3
�Le fieur de Longat étoit décédé depuis dix à douze ans avant
ces A rrêts; ainfi, il ne pouvoit pourfuivre ni en fon nom , ni
comme garant des Faugeres ; il n’auroit encore rien eu à pourfuivre
s’il avoit été vivant lors de ces Arrêts ; tout étoit confommé vis-àvis lui par l’Arrêt de 17 1 4 .
Il
y a apparence que les Demandeurs ont entendu parler du
fieur de Lafaye, qu’ils annoncent comme héritier du fieur de
Longat , & par conféquent tenu de la même garantie qu’ils pré
tendent qui leur étoit due par le fieur de Longat.
M ais, i ° . le fietir de Longat ne leur devoit aucune forte de
garantie ; depuis le déguerpiflement pleinement confirmé par les
Arrêts ; ce point de droit a été plus que fuffifamment prouvé.
2 °. Le fieur de Lafaye n’étoit pas héritier du fieur Monnet ;
il étoit fon créancier ; & où a-t-on pris qu’ un créancier qui, exerce
fes droits fur une fucceffion, ioit tenu des engagemens de celui
dont la fucceffion eft ouverte ?
Si ces engagemens forment une hypothéqué antérieure auxdroits que ce créancier réclam e, on les lui oppofera fans doute
pour écarter fes créances poiîérieures ; mais on ne lui oppofera
jamais , ou du moins, c’eii fans fondement qu’on lui oppolcroit ,
qu’en exerçant fes droits fur la fucceffion, il a pris fur fon compte
les engagemens de celui de la fucceffion dont il s’a g it , qu’il a pris
fpn fait &c cauie pour l’exécution de ces engagemens ; tandis que
l’exercice des aftions de ce créancier, ne peuvent avoir d’autre
objet que d’ en faire ceffer l’effet.
O r , le fieur de Lafaye n’ a jamais a g i , ni pu a g i r , qu’ en qua
lité de créancier, puifque la Dame Monnet fon époufe, av o it
répudiée à la fucceffion du fieur de Longat ; ce n’eft auffi qu’en
cette qualité qu’il a agi lors des Arrêts de 1741. & 1742. qu’il a
ftipulé dans la tranfaüion de 1742.
C ’ eft donc une erreur démontrée de dire que le fieur de Lafaye n’ a obtenu ces Arrêts que romme garant formel des Faug eres, & que c’eft en cette qualité q u ’ il a Üipulc dans le traité
pailé fur ces Arrêts; il ne leur devoit aucune garantie, & il n’a
a g i , & il n’ a ftipulé, comme tout autre créancier , que pour
exercer fes droits fur la fucceffion du fieur de Longat ; dès - lors
il eft évident que ion ailion n’ a pu former aucun obftaclc à la
prefeription. .
■
On a vu , dans l’examen qui a déjà été fait du traité de 1742,*
que les Faugcres ne peuvent en tirer aucun avantage. Au fonds
comment pourroient-ils donc cn%faire ufage pour «carter la pref.
crlption ?
*
.
.
.
�*tv
On convient qu’il e x ifte ,d a n s le préambule du traité , que le
le fieur île Longat avoit pris le fait &c caufe des Faugeres , 6c
qu’il avoit obtenu Arrêt de défenfes : c’ eft une vérité à laquelle
les Défendeurs n’ ont ceiTé de rendre hommage dans tout le cours
du procès.
Mais, c’efl: par cette prife de fait Si caufe , même qu’ ils ont prou
vé que le déguerpiffement fait par les Faugeres, poftérieurement
à l’Arrêt de défenfes qui leur avoit été fignifïé , étoit un aban
don volontaire 6c abfolu de la propriété du D om ain e , pour
raifon de laquelle la garantie ôc la prife de fait &i caufe du peur
de Longat, à laquelle ils avohnt renonces par ce déguerpiilcinerft, ne fubfiftoit plus,- ainfi cette énonciation dans le préam
bule de la tranfaclion ctoit néce/Tairement rélative à ce qui s’ é}oit pafîé depuis cette prife de fait & caufe ; Si les Arrêts de
îyz z. & de 1724. ont jugés que le f:eur de L o n g a n’étoit tenu
d’aucuns dommages-intércts, ni d’aucune garantie , pour raifon de
cette propriété.
D ’ailleurs, il ne faut pas perdre de vue que le fieur de Lafaye
n’a ilipulé dans ce traité qu’en qualité de créancier de la fucceffion du fieur de Longat ; il n’avoit aucun intérêt d’ examiner le
fuccès qu’avoit eu cette garantie. Il fubrogeoit indéfiniment
tous fes droits; il ne portoit pas fes recherches plus loin ; il n’ en
-ioffrtlft pas davantage pour écarter toute idée de fubrogation par
ticuliere au bail à rente de 1688. mais les différentes difpofnion.
de cet a&e font auiTi exa&ement contraires à cette prétendue
fubrogation ; c’eil aux conventions ilipulées par la tranfaûion que
l’on doit avoir égard. On ne doit pas s’arrêter aux énonciations
du préambule d’un traité ; elles annoncent les prétentions des Par
ties, mais elles n’ en font pas la décifion.
C ’efl donc inutilement, Se contre les ternies les plus précis de la
tranfaûion , que les Demandeurs reviennent à dire que le fieur de
la Chapelle y a reconnu l’exiftence du bail de 1688. & qu’ il a contradé l’ obligation d’entretenir ce bail.
On ne trouvera nulle part, dans cette t r a n fa â io n , que le fieur
de la Chapelle a reconnu l’ exiflence du bail de 1688. & encore
moins qu’il ait contra&c l’ engagement de l’entretenir ; on y voit
au contraire que le lieur de la Chapelle s’y eil réfervé expreflement de faire valoir le déguerpiffement de 1712. qui avoit réfolu
ce b a i l, dans le cas oïl les Faugeres entreprendroient d’ en de
mander l’exécution. 11 faut avoir bien de l’ imagination pour trou
ver une affirmative dans une négative abfolue.
P è s que le fieur de la Chapelle n’ a contracté aucun engageG
�. 5°
ment pour raifon de l’exécution du bail de 1(588 . par Je traité de
1742. ¡1 cil manifeilc que ce traité cil abfolument un a£le étran
ger aux Faugeres.
On n’entrera pas en differtation ,fu r l’efpece propofée parles
Demandeurs ,d e la ceffion faite à la charge expreffe de payer une
telle ou une telle créance ; la dilparité eil trop fenfible ; la ceifion'
fdite au fieur de la Chapelle n’ eil pas faite à la charge d’ exécu
ter le bail de 168S.
Mais on propofera une autre efpece qui s’applique exaûement
h la queition.
L ’Arrêt de 1724. a confirmé le déguerpiffement de 1712. cela
n’cil pas douteux ; mais qu’ on fuppofe, pour un moment, que
cet Arrêt n’a dû profiter qu’aux Faugeres ; que le bail à rente
a fubfitlé malgré la difpoiition précife de cet Arrêt ; & que
c’ eil dans ces circonilances que le fieur de Lafaye a fubrogé
purement Ôc Amplement le fieur de la Chapelle, à l'effet de ce
{rail à rente.
S i , après la prefeription pleinement acquife, à partir de cet
Arrêt , le fieur de la Chapelle avoit voulu contraindre les Faugercs au paiement de la rente , & leur demander la ratification
du contrat, n’auroient-ils pas été bien fondés de lui oppofer qu’ils
sivoient preferits ; que le traité de 17 4 2 . dans lequel ils n’avoient
pas été Parties , ne pouvoit pas leur préjudicier; que c’étoit un
E&e qui leur étoit étranger? &c le fieur de la Chapelle n’auroit
eu rien de folide à répondre à des moyens auffi décififs.
Mais fi ce traité n’avoit pas pu relever la prefeription contre les
Faugeres, par quelle raifon auroit-il eu plus d’effet pour en inter
ro m p r e le cours contre le fieur de la Chapelle ?
C e que l’on vient de dire répond fuffifammentà l’écrit de 1722.’
c’ eil un aOe radicalement nul , dont les Faugeres n’ auroient pu
faire aucun ufage contre le fieur de Longat lui-même ; mais dans
tous les cas ils n’auroient pas pu en tirer plus d’ avantage que de
J’exiftence réelle du contrat de rente lors de l’ Arrêt de 1724. cet
écrit ne leur auroit donné, tout au plus , qu’ une aftion qui ferait
également éteinte par la prefeription.
'' n ' .
Les Demandeurs ont fait une obfervation fubfidiairc qui ne
chance rien A l’état de la queilion , ÔC qui ne peut pas influer
1 dcciiion.
1'
1 ' rr° "
lur la
_
^
Ils ont dit que le déguerpiffement de 1712. n’ étoit L’ ouv^agç. cme'
d’une partie des codébiteurs de la rente de leurs a u t e u r s '
rTont pas pii préjudicier aux autrès.
'
lf
Cette obfervation annonce déjà le peu de fuçcè^
�A
dent de leur demande en général. Il n’ eft pas poff ible après une
révolution de tant d’années, de pénétrer dans le fecret d’une
famille, & de favoir fi ceux qui furent affign
i é s en défiftement avoient
feuls droit à la rente ou s’ils avoient des codébiteurs. On doit
cependant préfumer qu’ ils étoient feuls propriétaires du Domaine
à la charge de la rente, puifqu’ ils en étoient feuls en poffeffi o n ,
& qu’ils furent feuls affignés.' Les Demandeurs ne dift inguent
même pas ceux d’entr’ eux qu’ils fuppofent ne pas représenter
les Faugeres qui ont déguerpis.
Au refte , les Demandeurs n’ ont qu’ à fe mettre en règle à cet
égard & reftreindre leurs conclufions ; on examinera alors la
la queftion de favoir fi leur auteur, qui n’auroit pas déguerpi,
p ourroit revenir contre la difpofition de l’ Arrêt de 1724. & fi
fon aftion dans ce cas là ne feroit pas prefcr it e , tandis qu’ elle
le feroit évidemment contre ceux qui ont déguerpis. On pré
voit aifément le fort qu’auroit une pareille demande ; mais les
Demandeurs ne s’attachent qu’à faire illufion fur le véritable objet;
de la conteftation.
Monf ieur A R C H O N D E S P E Y R O U S E , Rapporteur.,
Me.
P R A D l E R
Pa g è s
p e re , Avocat.'
je u n e , Procureur.
A R I O M j de l’imprimerie de la veuve CANDEZE , 1772,
4
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Desmorels, Gabriel. 1772]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Archon Despeyrouse
Pradier
Pagès
Subject
The topic of the resource
bail emphytéotique
successions
déguerpissement
délaissement
renonciation à succession
prescription
rentes foncières
réintégrande
abandon de jouissance
Monnet de Longat
bail
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire signifié, servant de réponse, pour messire Gabriel Desmorels, ecuyer, sieur de la Chapelle ; demoiselle Benoîte Desmorels, et Maître Pierre Roux, prêtre et curé de la paroisse de la Chapelle-sur-Usson, leur curateur, défendeurs. Contre Robert et Blaise Faugeres ; Jean, Antoine et Pierre Faugeres, demandeurs, et Antoine Faugeres, tant en son nom, qu'en qualité de mari de Françoise Faugeres, et de Tuteur de Barthelemy et Marie Aurillon, et ladite Françoise Faugeres, intervenans.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'Imprimerie de la Veuve Candeze (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1772
1679-1772
1661-1715 : Règne de Louis XIV
1716-1774 : Règne de Louis XV
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
51 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G0605
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G0604
BCU_Factums_G0606
BCU_Factums_G0607
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53014/BCU_Factums_G0605.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Perier (domaine de)
La Chapelle-Usson 63088)
Saint-Germain-Lembron (63352)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abandon de jouissance
bail
Bail emphytéotique
Déguerpissement
délaissement
Monnet de Longat
prescription
réintégrande
renonciation à succession
rentes foncières
Successions
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/52888/BCU_Factums_G0211.pdf
9c1d3cd220913496ee36f4b89d529afd
PDF Text
Text
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M E M O I R E
P O U R P riest L A G A T & A n t o in e R O N G IE R
N égociants,
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7 Fermiers des O e rois de la V ille de
Clermont-Ferrand, Demandeurs.
CONTRE les Sr O FFIC IE R S M U N IC IP A U X
de La même Ville , Défe ndeurs.
L
q u i
E S Fermiers des O e rois de Cler mon t-Fe rrand ,
o n t éprouvé dans chaque année de leur Ferme
d e s
p e r t e s confiderables » occafionnées par des cas
f o r f u it s n o n p r e v u s & Par la force majeure, réc l a m e n t
au Confeil de Sa Majefté la réfolution
de'leur Bail , le compte de clerc à maitre , & la
reftitution des fommes qu’ ils ont payées à la Ville au delà du
produit de la régie. Les moyens de droit & les considerations
de la faveur fe réunifient pour faire accueillir leurs demandes.
FAIT.
L es fieurs Lagat & R o n g ie r font Fermiers pour 9 ans des
Droits d’entrées de Clermont-Ferrand par Bail du 29 Décembre
1763
pour le prix de 4 5 5 0 0 livres par année, ils ont payé un
Pot de vin de 8000 livres & la fomme de 2000 livres pour les
frais d’expédition & d’enrégiftrement du Bail.
Leur régie , qui a commencé le 1 Ja nv ie r 176 5 , a duré huit
années entieres. Elle a été faite fur des Li vres en regle , tenus
A
�lûfb
.
‘
i
des Commis aiïermentés, vérifiés tous les trois mois par le
Î)ar
l ec eve ur des 2 fols pour livre réfervés au R o i avant l’Edit de
N ov em br e 1 7 7 1 , & des 8 fols pour livre perçus depuis cet
Edit. Le tableau de la Ferme, imprimé à lafin de ce Mémoire, for
mé fur ces Livres pour les 8 années expirées , conftate que le
prix de la Ferme , en y comprenant les frais de régie & la ré
partition du Pot de vin , va pour la premiere année à 5 3 6 1 1 liv.
& pour les autres fept à 5 3 1 1 1 liv. & que dans les huit années
la dépenfe excède la recette de 60 59 4 liv. 6 fols 7 den. fans
compter les gros intérêts des fommes empruntées par les Fermiers
pour remplir le prix du Bail.
Cette perte énorme n’eft pas étonnante à la vue de fes caufes,
qui l’ont notoires dans la P r o v i n c e , & même dans le R o y au m e .
L a pofition de Clermont & de fes environs , & le tarif des
droits d’entrées fur le V in & la Vendange porté par l’Arrêt du
Confeil du 1 7 Décembre 1 7 4 3 , prouvent que le plus grand
jroduit de la régie provient du V in . Il eft confiant que pendant
es huit années du Bail c o u r a n t , il eft entré dans cette Ville trèspeu de cette denrée.
Perfonne n’ignore que le froid exceilif des hivers'de 1 7 6 6 &
de 1 7 6 7 , & la gelée du jour de Pâques de la derniere de ces
deux années, ont fait périr le bois des v i g n e s , non feulement
j u fq u ’à occiifionner une entiere ftérilité pendant ces deux années
l à , mais encore une grande modicité de récoltes dans les années
fuivantes, puifqu’outre le coup qu'a reçu le bois que les P r o
priétaires ont laiifé dans les Vignes après ces accidents, ils ont
été forcés d’en arracher la moitié.
S ’il eft vrai qu’une partie de l ’Auvergne ait été un peu dédom
magée par l’abondance des vins en 1 7 6 8 , on ne peut pas contefter que la Ville de Clermont n’ait efl'uyé cette annce-là les
mêmes malheurs que les précédentes.
Les printemps des années 1 7 6 9 & 1 7 7 0 donnoient quelques
efpérances pour les Vignes , mais la coulure arrivée dans les
ctés de ces deux a nné es, & les gelées des premiers jours d’Oftobre
de la premiere , les ont fait é v a n o u i r , en empêchant la maturité
& réduilant i. moitié la quantité de la Vendange.
La modicité de cette récolte dans les deux années dernières
1 7 7 1 & 1 7 7 2 n’eft que trop préfente à l ’efprit de tous les Habi
tants de la Province.
Pa r une fuite nécciTaire de ces fâcheux événements , les
Î
�Habitants de Clermont-Ferrand n’ont pu faire entrer dans leur
V ille qu’une très-petite quantité de vendange & de vin pendant
les huit dernieres années.
Les intempéries des faifons ne font pas les feu’ es caufes qui
ont empêché les entrées ordinaires de cette denrée. Sa rareté
dans l’Auvergne , les Provinces voifines & celles qui approvifionnent P a r i s , en a procuré le débit fu r ie champ dans
les C a m p a g n e s , foit par l ’exportation dans les Montagnes qui
prenoient suparavaut leur vin dans le Lim ouf in , le Querci &
le Languedoc , foit par la defcente coniîdérable qui s’en eft
faite pour la Capitale.
Les fortes entrées du vin qui fe faifoient autrefois dans Clerm o n t j provenoient de la vilité de cette denrée qui s’eft foutetenue dans cette Province longues années avant le Bail aftuel.
Les Habitants de cette V i l l e , où fe trouvent les meilleures ca
ves de la France j les garniiToient tous les ans , sûrs que cette
liqueur s’y conferveroit plufieurs a n n é e s, & qu’ils y gagneroient
dans des temps de difette.
Mais dans les années du Bail des iieurs Lagat & R o n g i e r ,
les Habitants qui ont des vignobles dans les V i l l a g e s , trouvant
le débit de leurs vins fur les lieux à un très-bon prix , fe font
bien gardés de les faire entrer dans la Vil le. U n grand nombre
d’entrVux ont encore fait conduire la vendange de leurs vignes
fituées dans le territoire de C l e r m o n t , dans des cuvages des
Villages v o i f i n s , foit parce que l’étranger ne vient pas fe pour
vo ir à la V i l l e , foit parce qu’outre un plus haut prix qu'ils cil
trouvent ils évitent le paiement des droits.
C eu x des Habitants de Clermont qui commerçoient fur les
v i n s , ont été bien éloignés d’en acheter à un prix plus fort
qu’il n’ait jamais été : ils ont laiffé leurs caves vuides jufqu’à de
meilleurs temps.
L a confommation du vin dans la Ville n’a pas cté à beau
coup près fi confidérable que dans le cours des Baux précé
dents , par la raifon évidente que les vivres de toutes eipcces
ayant été portés à un tauxexor bit an t, fans que le revenu du J o u r
nalier & de l’Ouvrier ait augmenté, tous les gens du peuple
ont retranché ou modéré leur boifïon , qui a fait dans tous les
temps l’objet le plus confidérable de la confommation dans
Clermont.
Il eft même établi par les Regiilrcs de la Régie que les AuberA z
�4
gifles ont fait entrer dans les années du Bail courant b e a u '
coup moins de vin que pendant les Baux antérieurs. C e t
te diminurion ne peut être caufée que par une moindre afx
fluence d ’étrangers aux foires (k marchés de la Ville , la mo
dération q ie chacun a mis dans fa dépenfe , & l ’habitude que
fe font fait-* les Aubergiftes de fe fournir de vin dans Clermont
même.
Cependant cette claiTe d’Habitants, qui paye double droit com
me achetant du vin forin , formoit un des meilleurs articles de
la R é g i e , qui n’en retire pas aujourd’hui la moitié de ce quelle
rendoit autrefois , qu’elle s’approvifionnoit au dehors , & que
les temps étoient moins durs.
L a Ferme trouvoit dans les précédents Baux un grand pro
duit dans l’entrée des beftiaux de boucherie & des fourrages.
Les raifons générales qu’on vient d’expofer ont de beaucoup
amoindri la confommation de ces deux objets. Les beftiaux ont
été & font encore d’une très-grande cherté dans l’Auvergne ; les
foins ayant manqué , & l ’armée de Corfe ayant tiré il y a quel
ques années beaucoup de beftiaux de cette Province.
Le prix extraordinaire de la viande en a ii fort rabaifle le d é b i t ,
qu’ il en eft fur'venu la ruine de prefque tous les Bouchers de
cette V i l l e , & par-là une grande diminution dans l’entrée des
beftiaux.
U n e bonne partie des Habitants des Fauxbourgs de cette V i l
le , qui en forment près de la moitié , & qui ne font point dans
l’enceinte des m u r s , vont fe pourvoir dans les Villages voifins
d ’une viande moins b o n n e , mais moins chere que celle qui fe
vend à Clermont. Plufieurs Habitants de la Ville commettent la
même f r a u d e , par la facilité qu’il y a de pafler la viande fans
qu’elle foit apperçue.
Les malheurs des temps ont forcément augmenté les contra
ventions aux droits des O& roi s. La plus grande vigilance de
la part des Em ployés de la Ferme ne peut en arrêter le cours
dans la pofition de chofes.
Un grand nombre des Habitants des F au xb our gs, qui font
tous au delà des Bureaux de la Régie pendant neuf mois de
l’a nn ée , 8c où fe trouvent la majeure partie des A u b e r g e s , font
entrer beaucoup de v i n , foit de leur cru , fou forain , & prefque toutes les autres denrées fujettes aux droits , fans rien dé
clarer , & par coniéqucnt rien payer à la Ferme.
�Il vient fouvent aux Bureaux des Voitnriers de vin déclarer
q u ’ils ne paffent leurs charges dans Clermont que pour les por
ter plus loin. O n leur donne un paffavant ; ils vont dans les
Auberges des Fauxbourgs ou de la V i l l e , & y laiflent leur vin ,
qui par cette rufe ne paye aucun d ro it , quoique fujet au plus
fort par fa qualité de forain.
D ’après les changements faits dans la Ville depuis quelques
a n n é e s , fes murailles font fi peu élevées qu’il eft tout-à-fait
aifé de faire entr er , & qu’il entre continuellement une grande
quantité de denrées en fraude des droits.
Pendant les trois mois de l’année que les Bureaux font tranfférés aux Barrieres , on ne peut empêcher d ’entrer en contra
vention que les denrées portées par les voit ur es, les clôtures
n ’étant formeés que de petits murs très-aifés à franchir , les frau
deurs font entrer par-deflus ces clôtures toutes les denrées por
tables à col.
Dans les précédents B a u x , la fraude n’étoit pas à beaucoup
près fi commune , les calamités n ’étoient pas fi grandes , & les
clôtures étoient plus sûres.
L ’établiiTement des nouveaux fix fols pour livre furies droits
d’O & r o i s , portés par l’Edit de Novembre 1 7 7 1 , n’a pas peu
contribué à diminuer les entrées depuis cette époque.
Au récit trop iîncére de la multitude & de la continuité des
accidents qui ont occafionné les pertes immenfes , fouffertes par
les Fermiers des O& rois , on ne peut s’empêcher detre touché
de leur trifte fituation , & il n’eft perfonne qui ne foit perfuadé
que leur Bail doit être réfolu , & qu’ils doivent être reçus à
compter de clerc à maître des perceptions de la Ferme.
Pour obtenir cette juftice , les Fermiers ont eu recours à Sa
Majefté. Ils ont préfenté à Ton C o n f e i l , au mois d’Avril 1 7 7 1 ,
Une Requête expofifive en gros des raifons q u ’ils viennent de
rapporter , & ont demandé au R o i qu'il lui plût ordonner que
leur B a il feroït réfilié pour les années échues & à échoir ; qu'en
confequence il fû t ordonné qu ils feroient rembourfés fu r les pre
miers produits des années fuivantes des avances par eux faites ,
ailx °ffrcs quils f a i (oient de compter de clerc à maître aux Offi
ciers Municipaux de la Ville , ou devant M gr. l'intendant du
produit des années échues & de celles à échoir du B a il , & en
°utre de continuer à réçir la Ferme des O clrois pendant la durée .
du B a il jans aucune rétribution ; fi mieux naim oit Sa Majeflé
�6
ordonner la réfiliation du B a il , & que les Fermiers feroient in
demnises par la Ville des pertes qu'ils juflifieroient avoir faites dans
leur exploitation , fuivant la liquidation qui en feroit faite par ■
M%r. /’Intendant fu r les mémoires qui feroient remis à fa Gran
deur , les comptes des Commis à ¿a perception des droits , & les
pieces jujlificatives tant des comptes que de la recette & dépenfe.
S i mieux naimoit encore Sa Majeflé modérer & réduire le p rix
du B a il , tant pour le p a fé que pour l'avenir , à la fomme de 3 6 0 0 0
livres par année , & ordonner que les fommes payées les années,
précédentes au delà de celle de 3 6 0 0 0 livres feroient imputées
ju fq u à due concurrence fu r les années fuivantes du B a il qui reftoient à échoir.
Sur cette Requête Sa Majefté a eu la bonté d’ordonner quelle
feroit communiquée aux fieurs Maire & Echevins de la V ille , &
de renvoyer les Parties à fournir leurs moyens , dires & requifitions pardevant M gr. VIntendant , pour le tout , avec fon avis ,
être renvoyé au Confeil , & être par Sa M ajejlé jlatué ce qu i l
appartiendrait.
C e renvoi à Mgr. lTntendant a été d’un heureux préfage pour
les Fermiers. Les lumières fupérieures de cet illuftre M a gi ft ra t ,
& la connoiffance perfonnelle qu’a fa Grandeur de la vérité des
faits contenus dans ce Mémoire , font de furs garants du fuccès
de leurs demandes.
Par a de du 28 Janvier 1 7 7 2 , la Requête des Fermiers au
Confeil & l’Arrêt q u ’ils y ont obtenu , ont été notifiés aux fieurs
Officiers Municipaux. Ils ont même eu la communication d’une
Requête préfentée par les Fermiers à M g r. l’intendant au com
mencement de l’année derniere, à l’effet d’obtenir un avis fa v o
rable. Ils ont enfin fourni leur Mémoire : 011 va y répondre.
M O Y E N S.
Les Officiers Municipaux ne conreftent pas la vérité des cas
fortuits imprévus & multipliés qui ont cauie les pertes qui exci
tent la jufte réclamation des Fermiers. Ces événements font affe¿ connus dans la Province , & la plupart d’entr’eux 11’y o n t été
que trop reflentis.
Ces Officiers fe bornent LWleflus à fotitenir que la plus grande
contamination occafionnée par lotablilicment du Conleil Supé
rieur en cette Ville , dans le* années 1 7 7 1 & 1 7 7 Z 3 doit com-
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penfer la perte caufée par la perception des nouveaux 6 fols p o u r
livre. S ’ils avoient fait attention au tableau de la fituation des
-Fermiers dans ces deux a n n é e s , ils n’auroient pas allégué cette
'compenfation.
L a Ville cherche à diminuer la quotité des pertes des Fermiers
en abutant le total des prix de chaque année du Bail avec le re
levé de la recette; mais il fe trouve dans fon calcul une erreur
d e i o o o o livres, montant du Pot de vin & des frais d’expédi
tion & d’enregiitrement du Bail.
L a Ville veut élever des doutes fur le droit des Fermiers dans'
leurs demandes. Elle invoque la difpofition des loix & le fentiment des Jurifconfultes fur les baux de ferme entre particuliers.
Elle foutient que la loi 25 3 § 6 , ff. locati conducli. 3 impofe
filence aux Fermiers qui ont fouffert des pertes ; que les Auteurs
les plus favorables pour eux décident qu’ils doivent perdre la femenc e , & qu’où il n’y a point de femence il faut fixer la perte à un
fixieme du prix de leur Bail ; d’après cela la Ville s ’efforce d’infinuer que ceux des 0£tro is doivent perdre leurs frais de ré
gie* qui montent à plus de 6000 livres par an.
La Ville va encore plus loin , elle prétend que fes Fermiers
doivent être moins écoutés que tous autres par la fuite de cette
claufe inférée dans les affiches faites pour l’adjudication du Bail,
■VAdjudicataire & fes Cautions ne pourront prétendre aucune dimi
nution du p rix de leur B a i l , ni être reçus à compter de clerc à
maître , fur quelque prétexte que ce f o i t , des cas fortuits , dimi
nution du produit des droits , gelées des récoltés , grêle , défaut
de maturité , arrachement de vignes , mortalité de befliaux , & au
tres prévus & à prévoir.
llien de plus aifé que d’écarter les objeûions de la Ville. E n
premier lieu } la loi q u ’elle cite , fut-elle applicable aux Fermes
des revenus publics, plus favorables que les Fermes ordinaires,
elle 11e feroit point contraire à la réclamation des Fermiers de
Clermont. Elle porte que le Fermier qui a l’efpérance de taire
un profit confidérable, ne doit pas fe plaindre d’une bien mince
perte , M O D 1C U M damnum ccquo animo ferre debet colonus ,
cui immodicum lucrum non aujertur.
Cette loi ne parle que d’une perte m od i q u e , M O D JC U M
damnum. Peut-on ainfi qualifier celle foufferte par les Fermiers
des Otlrois ? elle eft de 60 594 liv. 6 fols 7 den. en argent ; il
faut y ajouter les peines & -foins dçs Feimicrs dans une régie de
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neuf a n n é e s , & les gros intérêts des fommes q u ’ils ont emprun
tées pour parfaire le prix annuel du Bail.
L ’efprit & la lettre de la loi annoncent qu’elle ne refufe l’in
demnité de la perte qu’à la vue de l’efpérance du Fermier de fe
dédommager par l’abondance des recolres avenir de la ferme ,
cui immodicum lucrum non aufertur. Quelle perfpe&ive de dé
dommagement peuvent avoir les Fermiers de Clerrr.om dans
une feule année fur neuf , leurs pertes étant énormes & les
caufes de ces pertes fubfiftant encore ?
Il n’eft point d’Auteur qui penfe qu’un Fermier doit au moins
fouffrir la perte de la femence des terres pendant tout le cours
d ’un Bail de longue durée. Ceux qui font d ’avis que le Fermier
fupporte cette perte , ne l’étendent pas à plufieurs années du
Bail. D ’ailleurs ils ne parlent que des Fermiers partiaires , &
tous ceux qui ont traité cette matiere accordent une plus grande
faveur aux Fermiers à prix d’argent, en ce que les contrats des
premiers font plutôt des fociétés que de véritables baux.
La Ville s’eft méprife , enfaifant rationner contre fes Fermiers
M . J o l y deFleuri dans fes c o n c l u i o n s , lors de l’Arrêtdela C o u r
des Aides de Paris du 6 Février 1703 , rapporté au Jo urn al des
Audiences. Cet Av ocat G jl. balance dans fon plaidoyer les mo
y e n s refpe&ifs des Parties, c’eft en rappellant ceux des Adverfaires des Fermiers dont il eft queftion dans cet Arrêt, qu’il fait
mention de la perte de la femence & de l’o n évaluation au 6e.
du prix du Bail.
E11 venant aux raifons des F er m ie rs , ce Magiftrat s’explique
bien différemment. S ’il n’opine pas à la confirmation attuelle
de la Sentence qui adjugeoit une forte indemnité aux Fermiers,
c ’eft parce que leur Bail étant de dix a n n é e s, & ne s’en étant
écoulé que trois, il veut favoir fi les produits des années a échoir
ne récompenferont pas les Fermiers : auifi conclm-il à ce qu’ il
f o i t f u r i s à faire droit fur la demande des Fermiers jufqu’à lYxpiration du Bail , dans le cas où il leroit iLitué fur le fond de
l ’affaire , où il s’agiffoit principalement d ’un appel d’incompéten
ce du Juge.
Quoiq ue les Fermiers de cette cauie ne préfentaffent pas des
moyens li touchants que ceux des Otirois de C l e i m o n t , l’Arrêt leur fut encore plus favorable que les c on c lu io ns de M .
1’ \vocat Général , puifqu’en déclarant incompétente la Senten
ce des premiers Juges , il préjugea qu’ils éioient bien fondés
dans
�XoS
dans leur prétention, en ajoutant fa u fa u x Fermiers à f e pour
voir fu r leur demande en la Cour , & en condamnant aux dé
pens ceux qui leur avoitcontefté le dédo m ma gem en t, & dont
l ’appel étoit néanmoins accueilli.
E n iuivant pour un moment l’opinion erronée de la Vil le
fur la perte de la femence d’un C o l o n partiaire , & en cher
chant au défaut de lemence dans la Ferme des O & r o i s , un ob
jet qui put y équivaloir , les Fermiers ne pourroient-ilspas d ir e ,
avec tout l’avantage poffible 3 que la perte de leurs travaux
journaliers dans l’exploitation de leur F e r m e , celle des groffes
remifes des fommes empruntées , dont ils font à la Ville le gé
néreux facrifice , vont bien au delà de la femence jettée dans
un champ une feule fois dans l’année ?
D ’après cela n’eft-il pas étonnant de vo ir la Ville propofer
encore la perte du Pot de vin & des frais immenfes de ré g i e ,
à des Fermiers des revenus publics, qui ne peuvent être aflimilés à desFermiers des biens des particuliers , & auxquels on a
toujours donné des indemnités, même des pertes de leurs peines ?
E n fécond lieu , la Ville ne fe trompe pas m o i n s } lorfqu’elle
oppofe la claufe de rénonciation aux cas fortuits prévus & à
p r é v o i r , comme un obftacle à la demande de fes Fermiers.
i ° . Il faut obferver que dans les termes où en font les chof e s , cette claufe ne pourroit dans aucun cas être appliquée a t x
Fermiers de la Vil le. Les Auteurs qui leur font les moins f a v o
rables , & qui ont parlé de cette itipulation dans les Baux or
dinaires , Argou lui-même, cité par la V i l l e , veulent q u ’on
examine fi la rénonciation s’étend aux cas fortuits prévus &
im p ré vu s, ou feulement aux prévus & à prévoir.
Si le cas qui a caufé les pertes n’eft pas un de ceux p r é v u s ,
ces Jurifconfultes décident que le Fermier doit être dédomma
gé. S 'il efl porté par le B a i l , dit A r g o u , L i v . 3 , chap. 2 7 ,
que le Fermier ne pourra demander aucune diminution , F O U R
Q U E L Q U E C A U S E Q U E C E S O I T , cela nempêche pas
qu on ne lui en doive pour raifon de vimaircs ( les accidents de
force majeure ) comme ce font des cas extraordinaires on préfuppofe que les Parties ne Us ont pas prévus , & quelles n y ont pas
porté leur penfée.
Dans la claufe obje£lée par la V i l l e , les Fermiers ont bien
renoncé à la diminution du prix de leur B a i l , & au compte de
clerc à maître, Jous quelque prétexte que cefo it ; mais on n’a point
-¿»à
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i o
compris dans cette c l a u f e , & auroit-on pu y comprendre les cas
qui ont occaiionné les pertes de la Ferme , puifqu’on ne pouvoit
les prévoir ?
D ’autres Auteurs foutiennent que la claufe de renonciation
aux c a s fortuits ne renferme pas ceux qui arrivent par le fait
des hommes, mais l’intempéried¿ l’a i r , comme la g rê l e , l ’inonda
tion. C ’eft l’avis de D o m a t , liv. 1er. tit. 4, fe£L 4 de fes Loix C i v i
les , conçu en ces termes : La convention qui charge le Fermier
de payer le prix de fon b a il , nonobflant les cas fortuits , ne s étend
pas à ce qui arriveroit par le fait des hommes, comme une guerre ,,
une violence , une incendie E T A U T R E S C A S Q U ’O N N ’A
P U P R E F O I R ; mais elle s entendfeulement de ce qui arrive na
turellement & à quoi on ne peut s attendre, comme une gelée , un dé
bordement & autres cas femblables. Cette décifion eft tirée des pre
mieres lumieres de la raifon & de la difpofition des Lo ix : ¿niquum efl peremi pa3o , id quod de quo cogitatum non docetur ,
L . 9 , inf. ff. de trans.
N ’eft-ce pas par le fait des homm es, par celui des Habitants
même de Clermont que la vente de leurs vins a été faite dans
-leurs Campagnes pendant tout le cours du bail a & u e l , contre l’ufage de tous les temps ? N’eft-ce pas par le fait du Prince q u ’ont
été établis les nouveaux fix fois pour livre ?
Les Fermiers pou voient-ils prévoir qu’il fe feroit une exportation
il longue & il confidérable dans toutes les années de leur Ferme
des vins des environs de la Ville de Clermont en celle de Paris ,
tandis que la tradition ne fournit point d’exemples d’un fi fort enlevement de cette denrée dans la P r o v i n c e ? Ces Fermiers pouvoient-ils s ’attendre à une cherté de vivres fi générale & fi foutenue que celle qui a défolé l’Auvergne dans ces dernieres an
nées , tandis qu’on ne trouve point de relation de fi grandes ca
lamités dans l ’Hiftoire du R o y a u m e ? Pouvoient-ils même penf e r , lors de leur Adjudication , à des gelées plus rigoureufes que
celles de l’hiver de 1 7 0 9 , arrivée 34 ans avant la création
des O&rois de Clermont ? Enfin , étoit-ce à eux à favoir h cette
époque que lesbefoins de l’Etat occafionneroient l’impôt des nou
veaux fix fols? C ’cft donc bien mal a propos que la Ville infifte
fi fortement fur la renonciation des Fermiers aux cas fortuits,
puifque cette convention ne peut comprendre ceux qui ont
caufé leurs pertes.
Mais en ramenant la Ville au* vrais principes de la ma-
�tiere, les Fermiers vont la convaincre que quelque étendue quelle
pût fuppofer à la claufe concernant les cas fortuits, qu’en letendant même jufqu’aux imprévus, & aux faits des hommes & de
force maje ure , elle ne peut en tirer aucun avantage. En effet,
le texte & le fens des Loix , l’autorité des plus célébies Jurifconfultes & la Jurifprudence confiante des Arrêts fe font accordés à
regarder cetteconvention,même pour les cas prévus,comme c om
minatoire dans tous les baux de Ferme où elle eft exprimée.
Le bail à ferme étant un contrat de bonne f o i , rien n y eft
plus contraire qu’une convention qui afïure au Bailleur, malgré
toutes fortes d’accidents, le prix d ’une jouiffance dont ces acci
dents ont empêché le Fermier de rien tirer ou de retirer beau
coup moins que ce qu’il s’eft engagé de payer. Sous quelque
forme que l’intérêt falfe voir un Fermier à des Propriétaires, ils
ne doivent jamais oublier que le prix du bail n t f t pas une dona
tion qu’il entend leur f a i r e , mais la récompenfe d’une jouiffance
qu’ils lui cèdent & q u ’il fe promet de faire.
Dans un tel marché chacun fuppute ce que cette jouiffance
peut rendre, déduôion faite de ladépenfe néceffaire pour y par
venir. C e produit & cette dépenfe fe mefurentfur l’état préfent
des chofes. Les Propriétaires prennent pour eux la plus confidérable partie de la valeur qui refte après cette dédu&’on , &
laiffent l’autre au Fermier pour le récompenfer de fes peines &
avances : nulle r a if o n , nulle loi ne peuvent jamais impofer à
perfonne l’obligation de faire valoir le bien d’autrui pour rien.
C ’eft fur ce principe di£ïé par l’équité naturelle que la juftice n’a jamais eu égard aux claufes de rénonciations à tous les
cas prévus ou imprévus inférés clans les Baux , & q u ’elle a
toujours accordé aux Fermiers une indemnité de leurs pertes
caul'ées par la force majeure d ’accidents inévitables.
Cette maximeeft incertaine,qu’elleforme unedesréglesdu droit
par la loi 23 , j f . de rcgulis juris. Par cette loi le Jurifconfulte ,
après avoir établi que les conventions faites par le Bail de fer
me doivent être oblervées, paffe aux c ¡s particuliers où le F er
mier doit en être difpenfé. Dans le dénombrement de ces c a s, il
énonce les fortu its , comm e la perte desb eft ia ux , les morts & les
dommages qui lurviennent (ans la faute du F e r m ie r , &:c. fur-tout
ces cas bien moins extraordinaires que ceux arrivés dans la Fer
me des O &r ois , il finit par dire , à nullo prœflantar. A quoi 011
doit ajouter ce que porter cette même l o i , un peu plus haut,, fur
B 2
�line autre convention , hoc enim bonœ fid ei judicio contrarlum
e j l , & ità utimur.
Le même Efprit a rappelle la même déciixon dans la loi 1 5 ,
f f . locad conduüi. Servius a décidé, dit cette l o i , que tout ce
qui arrive par une force majeure , à laquelle on ne peut réfifter ,
omnem. vim cui refîfli non potefl , doit être fupporté par le pro
priétaire de l’héritage, & q u ’il doit en indemnifer fon Fermier.
Les Jurifconfultes Français les plus accrédités ont rendu hom
mage à la fageiTe de ces loix : ils n’ont point été touchés des
termes de la loi 9 , § 2 , ff. eod. oppofée par la Ville , & qui
femble dire qu’on doit avoir égard à la rénonciation aux cas
fortu its, foit parce que cette loi n’étend pas fa difpofition aux
cas im p ré vu s, foit parce qu’ayant paru trop d u r e , elle n’a pas
été fuivie dans nos mœurs.
Q u ’ il eft fatisfaifant pour la juftice & l ’humanité de lire le
fentiment du célébré M . le B r e t , en ion aftion 4 8 , où il s ’agit
de li réfolution d’un bail & d’une indemnité demandées à l’occaflon d ’un cas fortuit, p a r l e Fermier d’un droit pu b lic , qui
par fon bail avoit renoncé à tous les cas : fes expreifions
font celles de la raifon elle-même , N E C M U T A T ,
que le Fermier auroit par fon bail pris fu r Jo i le péril de tous cas
fortu its , même de l'hojlilité ; car cette claufe étant ordinaire en
tous contrats de cette nature , mefmc tournée en (lile de N otaire ,
vous ne ju^ere^ pas qu'il fu t raifonnable quelle fervit P R O
A U C U P 1Ô , pour un piege à y précipiter les plus fîmples ; car
cefl une efpecc d'injuflice , d'interpréter la loi par fes paroles nues
fans regarder à l'équité qui ejl la premiere en fon intention ,
& la fin au(Jî où elle tend toujours , (ignamment en fes contrats
de bonne fo y ;• aufji tous les Interprètes demeurent d'accord que
telles rénonciations ne font d'aucune efficace, ( i elles ne font J'pécialement exprimées.
La rénonciation à tous l e s e a s indiftin&ement, répugne fi
fort à la bonne foi , que les Canoniftes déclarent qu’un Fermier
neft pas obligé d’exécuter cette claufe , quand même i l s'y fe
rait engagé par ferment. M . J o l y de Fleuri adhère à cette aflertion dans fon plaidoyer lors de l ’Arrêt du 6 Février 1 7 0 3 , où
elle eft rapportée avec le nom des Auteurs qui l’ont foutenue.
Cette claufe de renonciation aux cas fortuits prévus & im
prévus a été proferite par la Jurifprudence ancienne 6c moder
ne des Arrêts des Cour s Souveraines q u i , malgré cette con-
�vention n’ont pas balancé à adjuger des indemnités où le compte
de clerc à maître aux Fermiers , auxquels des cas fortuits
avoient caufé des pertes coniidérables.
Ces Arrêts font en grand nombre, plufieurs d’entr’eux ont
môme rejette la claufe quant aux accidents prévus. On ne ci
tera que ceux qui font intervenus dans des efpeces femblables
ou analogues à celle des Fermiers de la Ville de Clermont.
M . le Bretdans la même quarante-huitieme a&ion en rappor
te deux de la C o u r des Aides de P a r i s , des mois de Mars 1 595
& Juin 1 6 9 7 , qui ont admis des Fermiers de certains Droits
établis fur la R ivi ere de Loire à rendre compte de clerc à
maître.
Albert, lettre C , chapitres premier & féc ond , en rappelle autres
deux du Parlement de T oul ouf e des i er. Juillet 1 6 5 3 & 18 A v ri l
1 6 5 5 3 qui prononcent les mêmes difpofitions en faveur des Fer
miers des revenus d’une Communauté d’Habitants , & du
Dr oi t de Q uart de la Ville de T o u lo u fe . C e Droit eil de la
même nature que les Oftrois de Clermont.
Celui du 6 Février 1 7 0 3 , rendu à la C o u r des Aides de
P a r i s , fur les conclufions de M. J o l y de F l e u r i , dans une Ferme
des Droits de Jauge & de C o u r t a g e , peut encore être invoqué
avec avantage par les Fermiers des OÉlrois de Clermont ,
puifqu’ il a préjugé qu’il revenoit un dédommagement à ceux
dont il écoit queftion dans la caufe. Dans les efpeces de ces A r
rêts les Fermiers avoient renoncé à tous les accidents poiTibles.
S’il eft confiant que dans les Fermes ordinaires , les proprié
taires doivent faire taire leur intérêts pour n’écouter que la vo ix
de la juftice à la vue des pertes de leurs F ermie rs, occafionnées
par des cas fortuits, ce principe doit bien être plus fcrupuleufement obfervé à l ’égard des Fermiers des revenus publics.
C e u x des Oftrois de Clermont ne fe permettent pas de rien
avancer d’eux-mêmes : ils ne parlent que le langage des Auteurs
qui ont le mieux connu les Loix & les ufagesde la matiere. M r.
L e b r e t , au même endroit ci-devant cité, atteftc , de la maniéré
laplus énergique,la maxime qu’on vient de pofer \de forte ^ dit ce
M a g i i l r a t , que fi la loi favori fe le Fermier d'un héritage d'une
équitable modération de fon prix , en cas de perte notable qui lui
fo it arrivée , non feulement de la main de D ieu , &c. mais a u jji
delà main des hommes, à qui i l na pu réfifler, &c. voir mefmes
f i elle ejl une ju jle de le décharger de fon B a i l , &c. à plus fo r-
�te raifon la même faveur fe doit fa ire à Vendroit de celui qui
P U B L I C A C U R A T , afin de /’exciter & les autres à aimer
le Public .
Cet A v o c a t G é n é r a l , enconftatant la Jurifprudence de la C o u r
de« Aides contre la claufe de renonciation aux cas fortuits,
inférée dans les baux des Fermiers des revenus publics > certifie
que la mefme chofe s'obferve au Confeildu R o i .
L a Jurifprudence de ce dernier Tribunal n ’a jamais varié fur
ce poi nt , même dans les propres Fermes du R o i , plus favorables
que celles des Villes , les befoins de l’Etat en général étant bien
plus intérèffants que ceux des Communautés d’Habitants prifes
en particulier.
Auiïï plufieurs Fermiers des Ofrrois de Clermont om-ils reffenti les falutaires effets des fentiments de juftice & deq uité »
qui font la bafe des décifions de Sa Majetfé & de Noffeigneurs.
de fon Confeil.
Par Arrêt de ce premier Tribunal de la Nation du 1 7 Dé ce m
bre 1 7 4 3 Leclerc & La llemand , Fermiers des O& rois de C le rm o n t , ont obtenu la réfolution de leur bail & une forte indem
nité de leurs pertes. Les Adminiftrateurs de la Ville ont dit dans
leur Mémoire que cette indemnité ne fut point payée. O u
tre que perfomie ne préfumera que les Fermiers d’alors aient négli
gé l’exécution de leur Arrêt fur cet article, c’eft qu’il eft prouvé
par les livres de dépenfe de la V i l l e , & fon Mémoire contre les.
cautions du baiL de Moret que Leclerc & Lallemant ont reçu
leur indemnité*
U n autre Arrêt du Conféil de 1 7 5 0 accorde un dédommage
ment confidérable aux luccelTeurs de Leclerc & Lallemanr.
Cependant ces. différents Fermiers s ’étoient fournis à la claufe
de renonciation aux cas fortuits que la Ville obje£te aujourd’hui»
Iis n’étoient pas dans une pofnion fi touchante que celle des Ferm ;ers actuels; leurs pertes n’jtoient pas à beaucoup près fi gran
des * elles n’avoienc pas été occafionnées par des caufes impré
v u e s , fi notoires & il multipliées que celles qui font rapportées,
par les fieurS' Lagat & Rongier.
O n voit journellement des Fermiers des revenus des Villes
folliciter avec fuccès au Confeil de Sa Majefté des indemnités
des p ertes qu’ils ont effuyées dans leurs FermesEn 1 7 5 9 ’ Nicolas M o u ff a ir e , Adjudicataire des Octrois de
là Ville de D i j o n , pourfuivit un dédommagement des pertes
�M\
1ï
qu’il avoit faites dans fa Ferme. Son bail renfermoit la renoncitiaon la plus expreffe à tous les cas fortuits prévus & imp r é v u s , & au compte de clerc à maître. L a Ville de Dijon lui
oppofa vivement cette claufe. Q u o iq u ’il ne fût arrivé aucun accident de force majeure dans le cours de la régie de ce Fermier,
& quM n’eut perdu que pour avoir porté trop haut le prix du
b a i l , il obtint néanmoins par Arrêt du Co nf e il, rendu en 1 7 6 2 ,
une indemnité qui lui procura du bénéfice dans la Ferme.
Dans le bail fu iv a nt , la Ville de Dijon a inféré toutes les
renonciations imaginables, afin de prévenir toutes demandes en
dédommagement; néanmoins le nouveau Fermier en a obtenu un
par Arrêt du C o n f e i l , intervenu fur l’avis de M r . D uf ou r de
Villeneuve , malgré les clauíes de fon bail & les efforts de la V ille
de Di jon .
Ces Ar rê t s, & tous ceux qui ont été rendus dans des cas femb la b l e s , font fondés fur cette maxime inviolable de la juftice &
de l’équité, contre laquelle iront toujours fe brifer toutes les re
nonciations poflibles ; que les Adjudicataires des Fermes publi
ques , qui ont fait tout ce qui eft en eux pour le bien de leurs
r é g i e s , ne doivent pas y être du leur.
Mais fi les anciens Fermiers des Oftrois de C l e r m o n t , il tout
t
t
t
recemment ceux de Dijon ont été dédommagés de leurs pertes,
juiqu’à être récompenfés de leurs peines, à combien plus forte
raifon ceux de Clermont doivent-ils être favorablement traités;
eux qui crient à leur Patrie : il étoit naturel que nous euffions
du profit dans la régie de vos 0 £ l r o i s , que nous avons faite
pendant huit ans avec la plus grande exaûitude , & que nous
offrons de continuer de même juiqu’à la fin de la neuvieme an
n é e ; cependant nous vous facrifions la récompenfe de nos tra
vaux dans un fi long efpace de temps, & les intérêts que nous
avons payés des fommes que nous vous avons avancées ; exami
nez avec l’œil le plus févere notre recette & notre dépenfe ,
preñe* tout le produit de la F e rm e , & rendez-nous feulement
les fommes que vous avez touchées de nous au delà de nos
perceptions.
La Ville , en convenant dans fon Mémoire quelle a par con*
ciliarion donné des indemnités à plufieurs des Fermiers de fes
O & r o i s , témoigne être fatiguée .<;le fe voir .traduite en Juilice
par les fieurs Lagat & Rongier ; mais elle doit fc reflou venir que
ces Fermiers n ’en font venus aux voies judiçi^ires qu’après avoir
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épuifé tous Ies moyens amiables, & après la déclaration de
la V i l l e , qu’el l e ne f e rend roit à leur réclamation que lorfqu’elle
y feroit forcée par l’autorité.
La Ville & fes Fermiers font au fanctuaire de la j u f t i c e &
de l’équité. Ces derniers ont démontré que leurs pertes font
réelles r qu’elles font très-confidérables, qu’elles ont été caufées par des accidents imprévus , des cas de force majeure , le
fait d es h ommes , celui des Habitants de Clermont même qui devoient faire jouir leurs Fermiers de l’effet de leur B a i l , qu’enfin la
claufe de rénonciation aux cas fortuits a toujours été regardée
dans tous les Tribunaux comme purement comminatoire. C ’eft
donc avec la plus grande confiance que les fieurs Lagat &
R o n g ie r ofent fe flatter que tant de raifons détermineront
l ’illuftre Magiftrat, qui réunit en fa perfonne l’eftime & l’amitié
de tous les ordres de fon département t à leur donner un avis
favorable , & NofTeigneurs du Confeil à ordonner la réfolution de leur Bail , le compte de clerc à maître & la reftitutioa
de leurs avances.
Signés , L A G A T & R O N G i E R
A
D e l'imprimerie
C L E R M O N T - F E R R A N D
de P i e r r e V I A L L A N E S , Imprimeur
R o i pres l'ancien Marché au Bled. 1 7 7 2
des Domaines du
�* (3
•
.
^
Situation du Fermier des O ärois de Clermont-Ferrand
depuis le premier Janvier i j 6 $ ju jqu au dernier
Décembre i j y z .
■Années.
Produit.
1.
1 7 66,
1767,
1768,
1769,
177°,
1771,
1771,
r.
Dépenfes.
d.
54971 14 7
4 4 1 6 9 1 1 10
34141 17
5
5O I47
45 396
.39778
46160
51043
1.
53611
53m
5j 1 1 1
6 3 53m
53111
10 1 1
i
5 53-m
7
531 1 1
i 8 I53X-H
f.
P ertes.
d.
10
1
r d.
6
6
8941 1 4 z
18 869 8 7
2963 19 9
6
7714 15 .1
13 3 3 3 3 7
6950 l9
6
6
6
6
Pour un neuvieme de Pot de vin , frais d’expédi
t i o n & enrégiftrement du B a i l , non compris dans la
•dépsnfe ci-deflus,
.
.
,
,
.
Perte totale,
.
.
Dans la perte ci-deflus, ne font pas compris les in■térêts qu’ a payé le F ermier, & qu’il paye journelle
m e n t depuis l’année 1 7 6 7 pour les emprunt? qu’il a
ifaits.pour payer à la V i l l e le prix entier du Bail.
,
2068
4 4
60841
4 6
1 112
6 8
61 954 II z
1360 4 7
60594
6 7
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Lagat, Priest. 1772]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Lagat
Rongier
Subject
The topic of the resource
régie des droits d'entrée
ferme
octrois
catastrophes naturelles
gel
vin
hausse du prix des viandes
viande
passavant
fraudes
fiscalité
contrebande
cas fortuit
jurisprudence
renonciation à succession
climat
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Priest Lagat et Antoine Rongier, Négociants, Fermiers des Octrois de la Ville de Clermont-Ferrand, Demandeurs. Contre les Sieurs Officiers municipaux de la même Ville, Défendeurs.
Table Godemel : Octroi : Les fermiers des octrois de la ville de Clermont-Ferrand , demandent la résiliation du bail des droits d’entrée pendant 9 années, en date du 29 xbre 1763, pour cause de pertes considérables résultant des gelées éprouvées par les vignes, de la cherté des bestiaux, de la stagnation des affaires et du commerce, et événements fortuits et non imprévus. cette demande portée au Conseil du Roi.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Pierre Viallanes (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1772
1763-1772
1716-1774 : Règne de Louis XV
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
17 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G0211
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Clermont-Ferrand (63113)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/52888/BCU_Factums_G0211.jpg
cas fortuit
catastrophes naturelles
climat
contrebande
ferme
fiscalité
fraudes
gel
hausse du prix des viandes
jurisprudence
octrois
passavant
régie des droits d'entrée
renonciation à succession
viande
vin