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•4 $
MEMOIRE
COUR
IMPÉRIALE
DE RIOM.
EN R É P O N S E ,
ch»,b„eï
REUNIES.
POUR
Audience du
A n ne - F rançoise N O Y E R DU S A U V A G E , 6mil‘8&
m in e u re , habitante de la ville de C lerm on t ,
et M e. G A R R O N , licen cié-av ou é en la C o u r,
son cu rateu r a d h o c , appelans ;
CONTRE
Sieur J e a n - C h a r l e s N O Y E R
VAGE
propriétaire, habitant de la ville
du Monastier
Loire
département de la H aute-
intimé
;
'
D U SAU -
EN
D u sieur H
onoré
PRÉSENCE
D E B R U S } notaire impé
rial, habitant du lieu d'A lle y r a t} commune
de S a lle tte } défendeur en assistance de
cause.
!
i
U
nE
jeune in fo rtu n ée , victim e de la co lère d’ un
ép o u x contre son épouse
est réd u ite à la triste néces-
�( 2 )
site de défendre devant les tribunaux son état menacé
par une action en désaveu.
On accuse sa mère de liaisons criminelles; on nomme
le complice ; et quoiqu’on soit forcé de reconnoître que
ces liaisons sont postérieures à la naissance d’Anne du
S auvage, le malheureux enfant est cependant enve
loppé dans la vengeance.
E t quel moment a-t-on choisi pour lui porter un coup
aussi funeste?
Celui où l’âge de la jeunesse est arrivé, où la facultéde raisonner et de sentir, déjà développée dans une jeune
personne de dix-sept ans, dont l’éducation a été soignée,,
lui feroit éprouver dans toute son amertume le sort affreux
qu’on lui destine.
Si l’action du sieur du Sauvage étoit fondée, n’auroitil pas à se reprocher d’avoir tardé srlong-temps à l’exercer?
Il connoissoit l’existence de l’enfant; il étoit allé sou
vent, il avoit habité quelque temps même dans la maison
où la jeune du Sauvage étoit élevée; il savoit enfin
qu’elle étoit née de son épouse.
Pourquoi donc garder un long silence, ou plutôt,
pourquoi rompre enfin ce silence, et porter le trouble
et le désespoir dans un cœur innocent ?
Assignée devant des premiers juges, la jeune personne'
est restée sans defense.
A lors elle a dû veiller elle-m ême à ses droits : et
quel intérêt plus c h e r, quel bien plus précieux aurat-elle jamais à soutenir ?
Cependant sa défense a paru un crime ; on lui a re
proché de l’audace.
�46r
< 3 )
A h ! l’audace lui est étrangère ; son âge est celui de
la pudeur et de la timidité.
Mais elle asentí que les lois ne pou voient être cruelles;
que les magistrats étoient les protecteurs naturels de la
foi blesse ; et elle est venue chercher un asile aux pieds
de la Cour.
F A I T S #
L e sieur du Sauvage épousa, en 178 2 , la demoiselle
Anne-Françoise de V eny.
L e contrat de mariage est du 5 août 1782; la dame
de V én y s’y constitue tous ses biens en dot.
D eux enfans mules étoient nés d’abord de cette union;
ils sont décédés.
Les événemens de la révolution firent inscrire le sieur
du Sauvage sur la liste des émigrés ;
Il prétend qu’il a quitté le sol français en 1791 ; qu’il
n’y est rentré qu’en l’an 9.
Quelle preuve administre-t-il de ces faits?
Son inscription sur la liste des émigrés;
Quelques arrêtés administratifs pris en l’an 3 , et dans
lesquels on le désigne comme ém igré;
Un jugement du 24 messidor an 4 , où on lui donne,
dit-on, la qualification d'émigré, ou réputé émigré (1).
Telles sont les preuves qu’invoque le sieur du Sauvage,
pour démontrer qu’il étoit absent, et que, suivant l’ex(1) Voir pages 5 et 6 du mémoire du sieur dn Sauvage.,
1 *
*<*>
�( 4 ) * .................................
pression de la lo i, il étoit dans Timpossibilité physique
de cohabiter avec sa fem m e.
Il sera sans doute permis à un malheureux enfant dont
on conteste l’éta t, d’examiner la force de ces preuves.
Qu’il nous suffise pour le moment de remarquer que
l’inscription sur la liste des émigrés , que les* énoncia
tions qui se trouvent dans les arrêtés administratifs et
dans le jugement, que tous ces indices, en un mot, sont
des présomptions morales et non des preuves physiques
de l’absence et de l’émigration.
Nous savons tous avec quelle légèreté, dans ces temps
d’agitation et de désordres , on inscrivoit sur la liste
fatale les personnes surtout attachées à la caste privi
légiée.
Nous savons aussi que l'inscription produisoit la mort
civile, et que, par un effet nécessaire de cette inscription,
on devoit, dans tous les actes administratifs et judiciaires,
considérer tous les inscrits comme émigrés.
Quel est aussi le Français qui ne se rappelle pas les
suites de la fameuse journée du 9 thermidor an 2 \ qui
ignore q u e , lorsque la nouvelle en fut parvenue dans
les contrées étrangères, lorsque quelques essais eurent
fait connoîtrc la diminution des dangers, beaucoup d’é
migrés rentrèrent en F rance, et y restèrent jusqu’à ce
que les événemens du 18 fructidor an 5 les eussent forces
de s’expatrier une seconde fois?
Pendant cet intervalle , les proscrits rentrés ne se
montroient cependant pas trop publiquement; ils a voient
des précautions ¿\ prendre ; les lois pénales subsistoient
�4% /
( 5 )
"
encore ; seulement un gouvernement plus doux n’en
commandoit pas l’exécution avec la dureté première.
D ’ailleurs, la rentrée des émigrés étoit plutôt tolérée
que permise 7 et ce n’étoit qu’avec un peu de prudence
et quelques déguisemens, que l’émigré rentré n’avoit
aucun péril h craindre.
Cette époque fut mémorable pour les affections; elle
a laissé de lon gs, de doux souvenirs dans les cœurs des
mères et des épouses ; combien d’elles ne vit-on pas alors
tâcher de se réunir à l’objet qu’elles chérissaient, et goûter
ce bonheur, les unes dans leur propre dom icile, lors
qu’il n’y avoit pas trop de danger, les autres dans une
autre partie de la France , partout enfin où elles pouvoient rencontrer le fils, l’époux qu’elles cherchoient.
L a dame du Sauvage voyageoit à cette époque ; peutêtre partagea-t-elle la félicité de tant d’autres épouses ?
Peut-être se réunit-elle à M . du Sauvage ?
Cette idée est douce et consolante pour une malheu
reuse fille ;
Elle se plaît à s’y arrêter;
Elle en a le droit ;
E lle n’a rien à prouver d’ailleurs.
C ’est h M . du Sauvage que la loi impose la preuve
de Pimpossibilité physique de cette réunion.
Ce fut i\ cette époque que s’annonça la grossesse de
la dame du Sauvage.
Elle revint bientôt après à Clerm ont, dans la ville où
elle étoit n ée, où elle étoit connue de tous les habitans,
où sa famille étoit domiciliée.
i
*«♦>
�( 6 )
C’eût été, pour une femme coupable, bien mal choisir
son asile.
La grossesse ne fut pas cachée ;
La naissance de l’enfant ne fut pas mystérieuse.
»
Il fut présenté à l’officier public sous le nom d’AnneFrançoise , et comme fille d’Anne V é n y , épouse du sieur
du Sauvage.
L e sieur du Sauvage a - remarqué avec amertume que
l’accouchement avoit eu lieu dans la maison d’un officier
de santé ; il en a conclu qu’il fut mystérieux.
;
L a conséquence ne seroit pas nécessaire.
L e fait, au reste, s'explique par les circonstances.
Ce fut au mois d’août que l’accouchement eut lieu.
A cette ép o q u e, toute la famille de la dame du Sau
vage habitoit la campagne, suivant son usage.
La dame de V én y étoit restée seule à Clerm ont, pour
y être à portée dos secours que son état exigeo it, et
elle avoit pris un logement chez le sieur Blancheton,
officier de santé.
D ’ailleurs elle ne se cacha pas un seul instant pendant
sa grossesse, et ses parens furent instruits sur-le-champ
de la naissance de l’enfant.
D epuis, cet enfant est toujours resté dans le sein de
la famille de sa mère.
Elevée dans la maison d’une tante q u i, par sa for
tune et son ran g, avoit des relations nombreuses, elle
a été considérée par tous les habitans d’une ville po
puleuse, comme fille de la dam e’du Sauvage; et nous
verrons môme que, si elle étoit connue sous son prénom
d'A n n a , elle l’étoit aussi sous le nom de du Sauvage,
�<7 )
L e sieur du Sauvage convient ( page 7 de. son mé
moire ) que ce fut seulement à une époque postérieure
à la naissance d’Anne-Françoise, que la dame de V én y
fit connoissance du nommé Guines.
Tirons un voile sur ce qui suivit : la personne d’une
mère même coupable est toujours sacrée pour ses enfans.
Q u’il nous soit permis cependant de rappeler que dans
aucuns des autres actes de naissance que le sieur du
Sauvage a transcrits dans son m ém oire, la dame V én y
n’a pris la qualité de son épouse.
Elle a donc, même dans ses égaremens, inspecté son
époux; •
E lle n’a donc pas voulu lui attribuer une fausse pa
ternité.
Pourquoi cette différence enti'e ces actes de naissance;
et celui d’Anne-Francoise ?
Une telle différence dans les expressions ne devoitelle pas faire supposer une différence dans l’état des enfans ; et leur sort pourroit-il être confondu dans les dé
cisions des magistrats ?
JNous avons dit que la jeune du Sauvage avoit été
élevée au milieu de la famille de sa mère.
On doit cependant convenir que le nommé Guines
étoit venu en l’an 10 la réclamer au nom de la m ère;
que meme elle lui avoit été rem ise, et qu’elle resta quel
que temps avec cet liomme.
Mais bientôt les mauvais traitemens, les outrages qu’elle
en reçut, excitèrent la sollicitude et la vigilance de ses
parens maternels; ils s’adressèrent aux tribunaux ; ils de
mandèrent qu’elle leur fût rendue ; et leurs réclamations
�Vu
furent accueillies par un jugement du 26 thermidor an io ,
qui ordonna que cet enfant seroit remis à sa tante.
L ’enfant est désigné sous le nom d’A n ne du Sauvage
en plusieurs endroits, dans les motifs comme dans le dis
positif du jugement.
C’est auprès de cette tante généreuse, c’est dans sa
maison m êm e, qu’Anne du Sauvage est toujours restée
depuis ce moment.
C ’est là que le sieur du Sauvage a pu la voir plusieurs
fois depuis l’époque à laquelle il fixe sa rentrée en
France.
C’est dans cette m aison, où il est demeuré quelque
temps lui-même auprès de sa belle-sœur, dans un de ses
voyages à Clermont 5 c’est dans cette maison , où il est
allé fréquemment dans d’autres voyages, qu’il a su que
Anne-Françoise du Sauvage existoit, qu’il a pu remar
quer sa grande ressemblance avec la dame de V é n y , et
qu’il a appris d’une foule de personnes qu’elle étoit née
de son épouse.
Tous ces faits sont antérieurs de plusieurs années au
désaveu.
A lors le sieur du Sauvage ne pensoit pas à désavouer
ce malheureux enfant.
Alors même cette jeune personne l’intéressoit, comme
il le témoigna à un de ceux qui ont déposé dans cette
triste cause.
A lors enfin il ne consultoit que son propre cœ ur, et
ne cédoit pas à de dangereuses suggestions.
M ais, depuis, quelques années se sont écoulées; ses
relations
�4 1 $.
rl -9 )
relations. avec'la famille de sonaépouse sonfo’devcnues
moins fréquentes; son cœur s’est isolé; ou plutôt, mal
heureusement subjugué, dit-on, par une affection étran
gère, il s’est laissé entraîner à former une action en
désaveu, et à envelopper Anne du Sauvage'dans ses
poursuites. '
• Un acte en désaveu est signifié le i 5 juin 1809 , et le
5 juillet suivant, le sieur du Sauvage fait réunir au M onastier, lieu de son dom icile, un prétendu conseil de
fam ille, où l’on n’a appelé aucun des paren s,-ni pa
ternels , ni maternels de l’enfant dont on se proposoit
d’attaquer l’état, et q u i, composé de voisins , d’amis du
sieur du Sauvage, choisit pour tuteur ad hoc un ha
bitant du Monastier, qui ne paroît pas avoir pris le
moindre intérêt à la défense de sa pupille.
.L’action en désaveu est formée contre ce tuteur, et
elle est jugée, le 30 août 1810 , par un jugement qua
lifié contradictoire, mais dont les motifs indiquent assez
que la contradiction fut dies plus légères.
Protégée par la justice de laiC our, Anne du Sauvage
a reçu un nouveau tuteur, par arrêt du 11 mai 1811.
Ses moyens de défenses ont été développés à l’audience
solennelle du 5 août 1812; et la C ou r, en réservant les
moyens respectifs des parties', ordonna, avant de faire
droit, que l’appelante ferait preuve que plus de deux
mois (1) avant la demande en désaveu de paternité, for
mée par le sieur du Sauvage, celui-ci, après sa rentrée en
(1) Il y a deux ans dans l’expédition de l'arrét ; c’est une '
¡erreur, sans doute'. ( V. l’art. 3iG du Code Nap. )
�' ( 10}
son domicile, et notamment en l’an î o , étoit venu cliez
la dame de M ariolles, qu’il y avoit vu Anne-Françoise, et
l’a voit reconnue pour être la fille de sa femme; 2°. qu’elle
étoit connue de lui sous le nom d’Anne-Françoise du
Sauvage; 30. qu’en présence de lui du Sauvage, et dans
la pension où étoit élevée l’appelante, elle a été ainsi
appelée et dénomm ée, et qu’il l’y a reconnue comme
la fille de sa femme ; sauf au sieur du Sauvage la preuve
contraire, dans le même délai.
En exécution de cet arrêt, des enquêtes ont été faites
respectivement.
Les dépositions qu’elles renferment sont transcrites
dans le mémoire du sieur du Sauvage, et il est inutile
de les rapporter ici.
Nous nous bornerons à rappeler ces dépositions dans
la discussion des moyens.
On verra qu’il est clairement prouvé que le sieur du
Sauvage a su, plusieurs années avant son action, qu’AnneFrançoise étoit la fille de son épouse.
A van t d’exam iner le m érite de l’action en elle-m êm e,
on pourroit faire des remarques sur ce qui l’a préparée,
et sur la singulière com position du conseil de fam ille,
du 5 juillet 1809; de ce conseil de fam ille, destiné ù
protéger la m in eure, et à lui nommer un tuteur éclairé
et vigilan tj de ce conseil de fa m ille, auquel cependant
n’ont été appelés aucuns parens, ni paternels, ni maternels
de l’enfant, et com posé, dit-on , d’amis qu’avoit la mère
au Monastier ; la mère q u i, depuis près de vingt ans,
a quitté cette ville.
La Courappréciera ces irrégularités, qui e n t r a î n e r o i e n t
�c II ) .
t. ; .
la nullité même d*une action formée contré un mineur
non valablement représenté.
O n ne donnera pas dans le moment plus de dévelop
pement à ces idées.
L e sieur du Sauvage attaque lui-même de nullité la
nomination du nouveau tuteur donné à l’appelante.
L a réponse à cette objection se trouve dans l’arrêt
qui a choisi ce tuteur ad h o c ; elle se trouveroit, s’ il
étoit nécessaire, dans la loi q u i, n’ayant prescrit aucun
mode pour la nomination d’un tuteur spécial, autorise
par son silence môme les tribunaux à le nommer.
Si l’objection est renouvelée, on la réfutera avec plus
de détail.
Examinons l’action même en désaveu, et démontrons,
i° . Q u’elle n’est pas recevable;
2°. Q u’elle n’est pas fondée.
P
r e m iè r e
q u e s t io n
.
I l action est-elle recevable?
Pleins de respect pour la dignité du m ariage, et Con
vaincus de la nécessité d’assurer sur des bases fixes la
conservation des familles, les législateurs de notre Code
ont adopté la règle ancienne : l*ater is est quem nuptice
demonstrant ; cette règle fameuse, fondement de la so
ciété, que l’assentiment de tous les peuples, que les suf
frages de tous les docteurs ont consacrée comme un prin
cipe inviolable.
Cependant, quoiqu’importante que fût la rè g le , elle
devoit être soumise aux exceptions que commande quel
quefois la force même des circonstances.
�» °
« S i- .1
C 12 >
v Nos législateurs étoient trop sages'pour'ne pas pré-*
voir ces exceptions; aussi ont-ils eu soin de décider que
la règle cessoit lorsqu’il y avoit eu impossibilité physique
de cohabitation entre le mari et la femme.
L ’article 3,12, qu i établit la règle, établit aussi l’excep
tion.
Mais les articles suivans restreignent l’exception même.
L e législateur a craint que les actions en désaveu ne
se multipliassent; il a pensé qu’elles devoient être li
mitées à certains cas- et à un certain délai.
S’il-lui-a paru juste de pourvoir à l’intérêt du mari,
il n’a pas cru devoir oublier Vintérêt de Venfant , dont
Vétat ne sauroit être trop t ô t j i x é , a-t-il dit.
- De: là. les dispositions de divers articles ; les uns qui re
fusent l’action en désavew dans plusieurs!cas,/les autres
qui n’accordent que le plus eourt délai pour agir/ *
Ces articles indiquent assez combien peu favorables ont
paru au législateur ces sortes d’actions, et quelle tendre
sollicitude olui inspiraient les innocentes victimes contre
qui elles seroient dirigées.
- L ’article 316 détermine1les? délais : voici comment il
s’exprime.
« Dans les divers cas ou le mari est autorisé à réa 'clam er, il devra le faire dans le mois1, s’il se trouve
« sur le lieu de l'a naissance de l’enfant;
« Dans les deux mois- après'son' retour, si à'ia même
époque' il est absent;
« Dans les deux mois après la découverte de la fraude,
e si on lui avoit caché' la naissance de l'enfant. »
• Supposons donc pour un instant que le sieur du Sau
vage soit autorisé à réclam erj c’est-à-dire, supposons
�C *3 )
(Ju’il ait prouvé que pendant le>;tetnj5s déterminé :paÿ
l’article 3 12 , il a été dans Pim possibilité‘physique de
cohabiter avec sa fem m e ; nous le demandons au sieur
du Sauvage, quél est celui-des paragraphes <de l’article
316. qu’il voudra; qu’on lui applique ? 01 'r¿ ú or' a;Ce devroit être, il semble, le § . 2 , celui où la lûi
parle dur mari absent. ‘
' -I ni ..
L e sieur du Sauvage ne peut sérieusement dire qu’oiï
ait employé la fraude pour lui cacher lzunaissaúce de
l’enfant»r' ’ ’T.
■
\ j . j / u f oup J-îiîo o
. ,»y
S’i l Bignóraf 'd?abordy' cé- ne! pütt ê t r e iju ’àv cause 1Ud'
son absences •* r ;[ j fj' . j i f t • : .
La grossesse d’ailleurs n’avoit pas été cachée.
L ’accouchement avoit eu lieu >dánsiila ville iriôme
qu’habitoit Ordinairement la dame de V én yt et! tóate sa
famille. ;ȟ
7*:..^ nu -¡ ¡‘.'s v.b e>o :
-;i .1 ' ni \
L ’enfant fut présenté à l’officier publie, comme né dé
J’épouse du sieur du Sauvage.
t n An ,,
-> L a légère erreuu de-prénom que l’on, remarque* dans
l ’acte, ne pouvoit faire naître aucune équivoque..''m p;
-' Car o ï ï y ‘désigne le* sienr du Sauvage ^ hàbitant du
M onasiier ,->le sieur du Sduvage-y époux'de la dame1de
V én y ; caractères d’identité qui ne ;pouvoient convenir
qu’au sieur du Sauvage qui plaide aujourd’hui.
L ’enfant, dès sa naissance, avoiü été élevé axi milieu
m êm e’derla fam ille'de su 1 mère# 1 '
r. : I \?
Les fllus- légères relations* aVec dette' famille y sufliï/oient
pour qu’on sût que cet enfant étoit celui de la dame
•du Sauvagel.l isq , niv;r ,. .r< ;,f,r>0 ut> ihi* vl'I
j -,
L e tribunal même de Cletrao\it l’avoit désigné soü6;
�C 14 )
le nom d’Anne du Sauvage, dans un jugement rendu à
une audience publique, en l’an 10.
En un m o t, il étoit'si facile de connoître l’existence de
cet enfant, que si le sieur du Sauvage l’avoit réellement
ignorée à son reto u r, c’est'q u ’il auroit refusé de voir
e t'd ’apprendre; . £
t>£ ç -U •; I‘ -?*• i> ■
'
'J '
Cependant, la loi lui ordonnoit de prendre des infor
mations ; elle ne lui accordoit qu’un délai de deux mois
pour-les obtenir,
l.;[ . h; .r :•" r '
'a
Quelque court que pût paroître ce délai dans cer
taines circonstances, le1 législateur, après de profondes
méditations, après les discussions les plus réfléchies,
n’avoit pasicru devoir en accorder un plus lon g; l’in
térêt de l’enfant l’a voit-déterminé. L ’état de l’enfant,
a voit-il j dit y ne saurait être trop tôt f i x é (i).
Ainsi la négligence du sieur du Sauvage ne pourroit
lui servir d’excuse. '
A
Il avoit p u , à son reto u r, demander et recevoir les
renseignemens qu’il prétend;n’avoir eus que long-tem ps
après./;..L ,i. ’ f
‘
II seroit donc, sous ce premier rapport, non recevable dans son action en désaveu. Vigilantibus non
negligentibus ju r a subveniant.
Mais considérons-le même comme placé dans le cas
prévu par le troisième paragraphe de l’article. ;;
Si la naissance de l’enfant lui a été cachée, s’il lui a
été long-temps impossible de la découvrir, au moins
( 1 ) Voir l’Esprit du Code Napoléon, par M. Locré , au*
l’article 316 J du mari absent.
�( i5 )
a-t-il dû se pourvoir dans les deux mois, du jour où
cette naissance lui a été connue.
Les termes de l’article sont formels.
L e mari doit réclamer dans les deux mois après la
découverte de la fraude.
'
C ’est encore l’intérêt de l’enfant qui a fait établir cette
règle salutaire.
« O n ne doit p a s, sans d oute, brusquer la fin de
« non-recevoir, disoit un des législateurs (M . R égnier)\
« mais il ne seroit pas moins dangereux de laisser l’état
cc de l’enfant trop long-temps incertain. »
Mais dans quel temps la fraude sera-t-elle considérée
comme découverte?
Cette difficulté est nulle.
<
L e délai doit courir, disoit un autre législateur, de
puis Je moment où le m ari a eu connoissance de Vac7
couchement de sa fem m e.
Depuis ce moment, il a deux mois pour réclamer.
O n proposoit même d’abréger ce délai, et de se con
form er, dans ce cas particulier, à la règle qui n’accorde
qu’un mois au mari présent \
Mais le consul Cambacérès observe avec sagesse « qu’il
« est juste de donner au père, après que h fa it est par« venu à sa connoissance , le temps de prendre des ren«r seignemens; car il voudra sans doute ne faire d’éclut
« qu’après s’être parfaitement convaincu. »
A in si, de l’observation même de cet illustre magistrat,
découle la conséquence évidente que dès l’instant où le
fait est parvenu ¿1 la connoissance du père, deux mois
seulement lui sont accordés pour prendre tous les ren-
�(.«)
.
éelgtiemeris qiï’il peut désirer, et pour former l’atkiôa
'
*
en désaveu.
•' f1'
'>•••.-r.<
Examinons donc lu1 question de fait.
^ C ’est daiis l’eriquête qu?on en trouvera la solution.
Si l’on excepte de l’enquête quelques témoins qui dé
clarant ne rien savoir,^ ou qui ne fixent pas les époques
des faits qu’ils indiquent, toutes les dépositions démon
trent, jusqu’à l’évidencè, que le sieur du Sauvage conrioissoit, plusieurs années avant l’action en désaveu ,
l’existence de l’enfant 'dont il attaque aujourd’hui l’étati
L e troisième tém oin, Victoire Vincens,Jnous apprend
« qu’il y a environ sept ans, ayant à dîner chez elle
« le sieur du Sauvage , le sieur Cellier et le sieur Gervis;
« dans le cours de ce dîner, lefsieur' du Sauvage, par
ie lantde son épouse^ dit qu’il lui’ seroit facile de rentrer
« dans ses^biens, mais pour ses en fh n s, il ne les re« connoîtroit jamais ; et c’étoit ce qui l’empêchoit de
«•poursuivre la rentrée desdits biens, a
_i Plusieurs conséquences résultent de cette déposition.
ü î'<*?!)L e sieür du Saunage ¿toit certain’ alors que son
épouse n’étoit pas divorcéè/''puisqu’il croyoit avoir le
droit de s’emparer de ses biens ; droit qui ne pouvoit
lui appartenir que comme m ari, et en qualité de maître
des biens dotaux de son épouse.
C ’est donc un vain prétexté que l’opinfon d’un divorcé
antérieur, opinion alftigucc par le éieurdü Sauvage, et
sùr’laquelle il insiste en plusieurs pages de son mémoire,
et notamment pages 2 et 40.
20. Le sieur du Sauvage savoit alors qu’il existoit des
enfans nés de sa femnfie^il le sdvàit puisqu’il le déclaré
lui-même j
�C 17 )
lui-même ; il ajoute, il est v r a i, qu’il ne vouloit pas
les reconnoître; mais il ne les désavoue pas judiciai
rement ; et la loi lui imposoit cette obligation, en lui
prescrivant même un délai de rigueur, non-seulement
pour le désaveu simple, mais aussi pour la réclamation
devant les tribunaux ( articles 316 et 318 du Gode Na
poléon ).
3°. Ce fait remonte à sept années environ , d’après la
déposition qui a été reçue le 7 septembre 1812; c’est-àdire, que déjà, en i 8o 5 , le sieur du Sauvage connoissoit
l’accouchement de sa femme et l’existence de l’enfant;
cependant son action n’a été formée qu’en juillet 180g.
Les dépositions qui suivent sont plus formelles encore.
L e quatrième témoin , le sieur Cellier, archiviste,
assistoit au dîner dont il vient d’être parlé ; il dit aussi
qu’il eut lieu il y a environ sept ans.
11 dépose «que le sieur du Sauvage, parlant de sa
« malheureuse situation à Fégard de son épouse, déclara
« qu’ils avoient eu deux enfans qui n’existoient plus;
« mais que depuis son émigration il y en avoit eu d’autres
« qui n’étoient point de lu i; que le déclarant ayant
« cherché à le réconcilier avec sa fe m m e , par des voies
« de douceur, il n’avoit pu y parvenir; qu’au contraire,
« le sieur du Sauvage avoit formellement déclaré qu’il
« ne reconnoîtroit jamais ses enfans, et qu’il ne verroit
« jamais sa femme; q u ’il savoit q u il y avoit un de ses
« enfans chez la dame de M a rio lles, sa belle-sœur ;
« mais qu’il ne le r e c o n n o i s s o i t pas pour le sien. »
Cette déposition fait naître les mêmes réflexions que
la précédente ; on y remarquera cette déclaration par-
3
�( »8 )
ticulière du sieur du Sauvage, qu'il savoit qu'il y avoit
un de ses eiifans chez la dame de M ariolles.
Il le savoit depuis i 8o 5 ; comment p o u rro it-il être
reçu h le désavouer aujourd’hui ?
L e sieur G iro n , cinquième tém oin, rappelle une
conversation qu’il eut avec le sieur du Sauvage, et qui
fut interrompue par Parrivée d’un tiers, dans un instant
où elle seroit devenue sans doute intéressante pour la
cause actuelle.
Mais il ajoute qu’à une époque q u i, d’après l’indice
qu’il donne, paroît se rapporter à l’an 10, temps auquel
la jeune du Sauvage fut retirée des mains de Guines,
« il lui fut présenté, ou p a rle sieur du Sauvage, ou par
« le sieur de T e i x , sans pouvoir assurer lequel des deux,
« trois extraits de naissance de trois enfans de l’épouse
« du sieur du Sauvage. Dans l’un de ces extraits étoit
ce le nom du sieur du Sauvage, comme père de l’enfant;
« dans le second, la paternité étoit attribuée au nommé
« Guines; dans l’autre, le père étoit déclaré inconnu. »
• Ce qui est dit sur le premier extrait ne peut évidem
ment s’appliquer qu’à l’acte de naissanced’Anne-Françoise
du Sauvage ( i) .
Cette déposition prouve, si c’est le sieur du Sauvage
qui a présenté les extraits, que tous les renseignemens
(ju’ il a aujourd’h ui, il les avoit il y a déjà dix ans; et
quand ce ne seroit que le sieur de T e i x , ne penserat-o n pas que celu i-ci, qui étoit le beau-frère du sieuir
(1) Voyez ces divers extraits dans le mémoire du sieur du
Sauvage, pages 6, 7 et 8.
�( *9 )
du Sauvage , qui était lié avec lui particulièrement,
lui auroit fait connoître les extraits qui étaient en son
pouvoir ?
L e sixième témoin, le sieifr de Vincens, parle notam
ment de plusieurs conversations qu’il eut avec le sieur
du Sauvage , sur l’enfant q;ui étoit chez la dame de Maxùolles, et qui ne paroissoit pas en sa présence.
' & Il dit qu’ayant eu à ce’ sujet plusieurs conversations
« avec le sieur du Sauvage , qu i »’ignorait pas Vexis« tence de cet en faht, qiCon lu i avoit dit appartenir
« à sa fe m m e , et être chez la düthe de M ariol/es,
« il lui avoit témoigné avoir' fefnatquê cet en fan t, et
« l’affectation de se cacher lorsqu’il se montfoit. »
Cette déposition ésf précieuse. Rien de' moins équi^
voque que ses termes.
L e sieur du Sauvage nignoroit pas Texistence de cet
enfant.
’ On lu i avoit d it qiüil appartenait à sa fem m e«
I l avoit remarqué cet erfant.
Qu’importe', après cela ,* le? surplus de la déposition
relative à' l’affectation que iWettoit l’enfant à se cacher,
au soin qu’on avoit de ne pas le faire' paraître eu pré
sence du sieur du Sauvage.
Ces circonstances ne détruisent pas; le moyen.
Le'sieur du Sauvage n’en avûit pas1 moins l’emarqué
l’enfant ;
Il n’en avoit pas moins connu son existence
Il n’en avoit pas moins su qn’il'apparténoit à sa femme.
Si donc la naissance’ lui a'Vbitf été dùcliée jusqu?alore,
elle cessa de l’ôtre £ cette époque \ la fraude lui fut dé
3 *
�couverte, et par conséquent dès ce moment commença
à courir le délai de deux m o is, fixé impérieusement
par l’art. 316 du Code Napoléon.
O r , à quelle époque le sieur de Yincens fait-il re
monter cette conversation ?
« A l’époque d’un procès que le sieur du Sauvage
« oncle avoit alors pendant en la Cour. »
T elle est la réponse du témoin à l’interpellation qui
lui est faite.
Cette époque est fixée par un arrêt même rendu par
la C o u r, dans la cause du sieur du Sauvage oncle. L ’arrêt
est du 29 messidor an 13.
A in s i, encore une fois ,, plusieurs années avant l’action
en désaveu, l’enfant étoit connu par le sieur du Sauvage.
A in s i, dès long-temps celui-ci avoit perdu le droit
de désavouer.
L e septième témoin , le sieur E sm elin, propriétaire,
habitant à A igueperse, nous apprend qu’il y a environ
dix ans, il a connu à'Aigueperse uneJille à laquelle
on donnoit le nom, de du Sauvage, qui étoit sous la
direction d’un nommé Guines ? alors logé dans l’auberge
de la veuve Tapon.
Il parle des mauvais traitemens exercés par Guines
sur l’enfant, et d’un jugement de police correctionnelle,
q u i, punissant Guines d’un an de prison, ordonna que
l ’enfant seroit remis à la dame de Mariolles,
Il ajoute
« Que depuis, ayant eu occasion de voir plusieurs
« fois le sieur du Sauvage, et lui ayant parlé de cette
« fille q u il croyoit être vraiment la sienne, il lui parla
�(21)
des mauvais traitemens exercés sur elle par Guines, et
de la punition qui lui avoit été infligée par le ju
gement de police correctionnelle; à quoi le sieur du
Sauvage ne répondit rien. »
L e témoin fait remonter cette conversation à entour
huit à neuf ans.
A in si, voilà encore un témoin q u i, quatre ou cinq
ans avant le désaveu , a parlé au sieur du Sauvage de
cette jeune fille, qui lui en a parlé la croyant vraiment
la sien n e, qui ne la connoissoit môme alors que sous
le nom de du Sauvage, et qui auroit évidemment appris
au sieur du Sauvage l’existence de cet enfant qui portoit
son nom , si déjà il ne l’avoit connue.
Nous disons, s’ilneV avoit connue, car le silence même
que garda alors le sieur du Sauvage indique assez qu’il
connoissoit alox’s l’enfant; sa curiosité eût été sans doute
vivement excitée, si déjà il n’avoit été instruit.
L e huitième tém oin, le sieur Chassaing, juge au tri
bunal de Clerm ont, déclare que dans une conversation
qu’il eut avec le sieur du Sauvage, il lui demanda s’il
étoit à Clermont avec sa femme; que le sieur du Sau
vage se récria , lui disant qu’il lui étoit impossible d’ha
biter avec elle;
Que le sieur du Sauvage ajouta
« Qu’il n’ignoroit pas que pendant son émigration,
« elle ( sa femme ) avoit eu deux ou trois enfans, dont
« notamment une fille , demeurant chez madame de
« M ariolles ; »
Que le déclarant lui ayant demandé s’il voyoit la
dame de M ariolles, sa belle-sœur, le sieur du Sauvage
répondit :
«
«
te
«
'
�( 24)
« Je la vois quelquefois, je la vois même avec plaisir;
« je fais cas d elà bonté de son caractère; mais par égard
'« pour moi elle a soin de faire disparoître l’enfant,
a lorsque j’entre dans là maison. »
L e térrioin, sur une interpellation relative à l’époque
de ces conversations , dit
•
«- Que c^toit plusieurs mois1 avant Tacquisition de sa
« nouvelle maison ; ce qui remonte à plus de cinq ans. »"
L ’extrait de l’enregistrement de l’acte d’acquisition,
constate que cette maison a été acquise le 21 thermidor
an 13 ( 9 août i 8o5 ).
L a demande n’est que de 1809.
Nouvelle preuve que plusieurs années avant cette a f
fligeante action, le sieur du Sauvage savoit que la jeune
infortunée qu’il poursuit étoit née d e son épouse.
Nouvelle preuve1 qu’il la- comroissüit alors comme il
l’a connue depuis, et que1le1 délai prescrit par la loi
etbit depuis long-temps expiré lorsqu’il a agi.
L e sieur T â p o n , receveur des contributions de la ville
de T h iers, déclare
ce' Qu’il a fréquenté la maison dé la dame de Mariolles-,
a depuis l’an 7 jusqu’en 1806-, momentanément e tp a r
« intervalle; que dans le courant de l’an 10, et années
« suivantes, il a eu occasion d’y voir à différentes fois
« le sieur Noyer du* Sauvage'; que même ledit sieur
«c d u S a u v a g e lui a dit souvent dans la conversation que
« si m a d a m e de F é n y , son épouse , n’irvoit cir des liaia sons avec le nommé Guines, il se seroit peut-être déoc cidê à fa ire du bien à A n na . »•
C e témoin ajoute « qu’il a vu Annci dans la maison
�( 23 }
« de madame de Mariolles ; qu’il l’a constamment en« tendu nommer A n n a , sans autre dénomination;
« Que ladite Anna appeloit madame de Mariolles sa
« tante, et madame de V én y du Sauvage sa mère ;
« Qu’à l’égard du sieur du Sauvage, il ne lui a jamaisr
% dit qu’Anna fût la fille de sa femme ; que quant à
o lui déposant, il est bien persuadé qu’Anna est la fille
« de la dame de Vény., femme du Sauvage; qu’il est
« d’autant plus fondé à le cro ire, que c’étoit là Popi« nion publique , et qiûuinna lu i ressemblait singu« lièremenl. »
i
Sur une interpellation qui lui est faite, le témoin
répond
«
«
«
«
ce
«
a
-
« Que le sieur du Sauvage ne lu i a pas dit préciser
ment qu’il crût Anna fille de sa femme ; que néanmoins il présume qu’il le savoit, parce que, malgré
le soin que l’on prenoit pour empêcher Anna de se
rencontrer avec le sieur du Sauvage , il rtavoit pas
laissé que, de la voir quelquefois, et ri*avoit pu fa ir e
autrement que de lu i trouver une parfaite ressens
blance avec la dame de V é n y , son épouse, »
L e sieur du Sauvage a vu Anna.
Il a du nécessairement remarquer sa parfaite ressen>
blance avec la dame de V ény.
Il a dû par conséquent la reconnoitre pour la fille de
son épouse.
Il l’a dû à cause de la ressemblance;
• Il l’a dû parce que Vopinion publique la désignoit
comme telle.
Il l’a reconnue, en effet, comme née de la dame V én y7
�.
(
2
4
)
puisqu’il a témoigné l’intérêt que lui inspiroit A nna,
puisqu’il a déclaré que sans les liaisons de son épouse avec
G uines, il se serait décidé à ¿faire du bien à A n na .
Par quelle fatalité cet intérêt touchant que lui ins
piroit la jeune fille a-t-il disparu ?
A h ! qu’il la voie aujourd’hui que les grâces brillantes
de la jeunesse ont embelli encore sa personne ; aujour
d’hui qu’une éducation soignée a développé ses vertus
et sa raison!
Qu’il la voie et'qu’il l’entende, et il sentira renaître
l’intérêt qu’elle lui inspira ;
E t son cœur désavouera une action cruelle ;
E t il retrouvera une fille qui sera la consolation de
sa vieillesse, et qui fera disparoître l’abandon qui menace
ses derniers jours.
Mais s’il faut que la loi prononce dans cette affligeante
cause, quelle plus grande réunion de preuves pourroiton désirer pour démontrer que plus de deux mois avant
le désaveu, le sieur du Sauvage a vu la jeune du Sauvage,
et qu’il l’a reconnue pour être la Jille de sa fem m e.
D ’un cô té, il a su , dès les premières années de son re
tour , que sa femme n’étoit pas divorcée. Plusieurs té
moins attestent qu’il la considéroit comme étant encore
son épouse; l’un d’eu x , le huitièm e, dit même qu’il se
proposoit de demander le divorce contr’elle ; fait im
portant dans cette cause, où le sieur du Sauvage allègue
comme un moyen puissant en sa faveur, qu’il croyoit
que depuis long-temps il existoit un divorce entre sa
femme et lui.
de
�( a 5 )
D e l’autre côté, il a connu Anne-Françoise du Sau
vage dès i 8o 5 , et même antérieurement;
Il a su qu’elle étoit la fille de sa femme;
Des témoins lui en ont parlé comme si elle étoit sa
propre fille ;
Lui-même en a parlé comme de la fille de son épouse.
Ainsi le fait principal, fixé par l’arrêt interlocutoire,
a été prouvé sans la moindre équivoque.
Quant au nom que l’on donnoit ordinairement à la
jeune fille, il est vrai que plusieurs témoins déclarent
qu’on la nommoit le plus souvent A n n a , sans autre dé
nomination.
Mais cela n’empêchoit pas qu’elle ne fût connue comme
la fille de madame du Sauvage, que l'opinion publique
ne la considérât comme telle, que les tribunaux même
ne la désignassent sous le nom de du Sauvage dans leurs
jugemens.
Si d’ailleurs on la nommoit ordinairement A n n a , c’est
par un usage admis depuis un siècle dans toutes les classes
aisées, où les jeunes personnes reçoivent un nom de fan
taisie , par lequel on les appelle toujours ; le nom de
famille n’est jamais em ployé, ou ne l’est que par inad
vertance , tant devient forte l’habitude de se servir du
prénom ou du surnom qu’on est convenu d’employer.
Quelques tém oins, et notamment les sixième et sep
tième , remarquent aussi que dans la maison même de
madame de M ariolles, la jeune demoiselle étoit quelque
fois appelée du nom de du Sauvage, soit par les per
sonnes de la maison, soit par la dame de M ariolles, par
inadvertance, si l’on veut, mais par une inadvertance
4
�( *6 )
qui prouve qu’on la regardoit comme un enfant du
Sauvage.
L e septième témoin ( le sieur Esmelin ) atteste même
que ce n’est que depuis cinq ans qu’il l’a entendu ap
peler seulement A n n a , et qu’antérieurement on l’avoit
toujours nommée du Sauvage.
« Il ajoute qu’à une époque où il ne la connoissoit pas
sous le nom d’A n n a , mais seulement sous celui de du
Sauvage, il parla an sieur du Sauvage de cette jeune
fille, qu’il croyoit être vraiment la sienne,
* Il en parla donc nécessairement en la nommant du
Sauvage; il apprit donc au sieur du Sauvage que la
jeune fille portoit son nom.
A in si, l’on peut dire que le second fait interloqué a
été également prouvé.
O n a remarqué dans îe mémoire du sieur du Sauvage,,
que pour le troisième fait interloqué, l’appelanten’avoit
fait entendre aucuns témoins.
Gela est v ra i, peut-être parce que ce fait paroissoit
peu important, d’après la preuve des autres.
Ce n’est pas qu’il n’eût été facile de prouver que dans
la pension m êm e, la jeune demoiselle étoit connue des
autres élèves sous le nom de du S a u v a g e.
Elle eût pu appeler en témoignage de ce fait plusieurs
daines de cette ville m êm e, les dames de Roclievert, de
R ignud, de Sam pigny-d’Isoncourt, les demoiselles du
V ivet,D u corail.
Ces jeunes dames se seroient sans doute souvenues de la
plaisanterie innocente qu’elles se pcrmeltoient à l’égard
de leur compagne, qu’elles appcloient quelquefois la
Sauvage.
�( =7 )
.
Mais qu’importe que ce fait secondaire ait été ou non
prouvé !
Qu’importe que les témoins entendus n’aient pas su
\tout ce qu’on leur demandoit, ou qu’ils ne se soient pas
rappelé tout ce qu’ils avoient su !
Qu’importeroit même que l’enquête ne fût pas rigou
reusement conforme à la lettre de l’interlocutoire, si elle
est conforme à la lettre de la loi !
L e système du sieur du Sauvage est de dire qu’on lui
a caché la naissance de l’enfant.
Que falloit-il donc p rouver, d’après l’article 316 du
Code ? '
Il falloit prouver que plus de deux mois avant son
action, il avoit découvert la fraude;
Qu’il avoit connu l’existence de la jeune fille;
Qu’il avoit su qu’elle étoit l’enfant de sa femme.
Ces faits ont été prouvés.
Ce que le sieur du Sauvage avoit intérêt h connoître,
il l’a connu plus de cinq ans même avant sa demande.
Ce long retard est aujourd’hui pour lui un obstacle
insurmontable.
La loi est claire;
La loi est formelle :
Elle ne peut se prêter à aucune équivoque, à aucune
interprétation.
Toute interprétation d’ailleurs, si elle en étoit sus
ceptible , devroit être faite en faveur de la foiblesse et
de l’innocence.
Et pour nous servir des expressions éloquentes du
tribun D uveyrier, le sieur du Sauvage, par le silence
4*
�qu’il a gard é, est raisonnablement supposé n'avoir pas
reçu d’offense, ou Vavoir par donnée ; et dans tous les
c a s, la loi y comme la raison , préfère le pardon à la
vengeance.
x
S
e c o n d e
q u e s t i o n
.
U action est-elle fondée ?
Cette question se résout par les termes de l’art. 312
du Code N apoléon, comparés aux preuves que rapporte
le sieur du Sauvage.
V oici comment est conçu l’article r
« L ’enfant conçu pendant le mariage a pour père le
« mari.
« Néanmoins celui-ci pourra désavouer l’enfant, s’il
« prouve que pendant le temps qui a couru depuis le
« trois centième jusqu’au cent quatre-vingtième jour
« avant la naissance de cet enfant, il é to it, soit pour
« cause d’éloignement, soit par l’effet de quelque acci« d en t, dans /’impossibilité physique de cohabiter avec
« sa femme. »
L e premier paragraphe de l’article pose la règle.
« L ’enfant conçu pendant le mariage a pour père le
« m ari ; pater is est quem nuptiœ demonstrant. »
L e second paragraphe établit l’exception.
Cette exception n’est admise que lorsqu’il y a eu im
possibilité physique de cohabitation entre le mari et la
femme.
Im possibilité physique : ces expressions sont de la
plus grande force comme de la plus grande précision.
�( *9 )
Elles renferment le résumé de la plus saine doctrine
de l’ancien droit sur cette matière.
L ’impossibilité physique, autrefois comme à présent,
étoit impérieusement exigée pour détruire la règle im
portante, pater is est, etc.
Ecoutons le langage d’un illustre orateur, l’honneur
de la magistrature, dans une cause où une foule de
circonstances, en démontrant l’adultère de l’épouse, sembloient autoriser le mari à désavouer l’enfant né depuis
des liaisons criminelles.
M . Daguesseau rappelle la définition de l’enfant lé
gitime , qu’il puise dans la loi 6 , ff. D e his qui su i
vel alieni juris sunt. Et il ajoute :
« Il n’y a donc que deux preuves contraires, qui
« puissent être opposées à une présomption aussi fayo
te rable.
« La longue absence du mari est la première ; et
« même nous pouvons ajouter, conformément.à l’esprit
« de la l o i, qu’il faut que cette absence soit certaine et
« continuelle.
« L ’impuissance, ou perpétuelle ou passagère, est la
« seconde : la loi n’en reconnoît pas d’autres. »
O r, quelles preuves le sieur du Sauvage rapporte-t-il
de rimpossibilité physique d’un instant de réunion entre
lui et son épouse; c’est-à-dire, d’une longue absence ,
qu’il prétend être certaine et continuelle?
Son inscription sur la liste des ém igrés;
Des arrêtés administatifs de brumaire et de frimaire
an 3 ;
Un jugement de messidor an 4,
�c 3° )
So7i inscription sur la liste des émigrés !
Est-ce là une preuve irréfragable de son absence?
Ne sait-on pas que des milliers de Français ont été
inscrits sur ces dangereuses listes, sans avoir jamais quitté
le sol de la France?
Ne sait-on pas avec quelle légèreté, quelle imprudence,
quelle facilité, dans ces temps de désordres, on signaloit
comme émigrés, par ces listes fatales, ceux qui ne s’étoient
absentés que momentanément même du lieu habituel
de leur résidence?
Ne sait-on pas enfin que pour éviter les dangereux
effets de l’erreur ou de la malveillance, les malheureux
proscrits, obligés de se cacher dans une retraite profonde,
n’y voyoient que leurs parens, leurs amis les plus proches?
Sera-ce dans ces jours ténébreux de nos dissensions
civiles, qu’on ira chercherla lumière propre à nous éclairer
sur la certitude, la continuité de l’absence du sieur du
Sauvage?
D e s arrêtés administratifs de brum aire, de frim aire
an 3 /
Mais ces arrêtés, conséquence nécessaire de l’inscription
sur la liste des émigrés, ces arrêtés sollicités pour pré
venir la vente totale des biens du présumé ém igré, ne
sauraient être une preuve eux-mêmes, tant qu’on ne
démontrera pas , par des preuves physiques, la réalité
et la continuité de l’absence.
A u reste, ces actes administratifs ont eu lieu au com
mencement de l’an 3; et comment prouveroient-ils que
le sieur du Sauvage a été aussi absent en l’an 4 , pen
dant cette année 4, où, les proscrits se pressoient en foule
�'(3 0
de rentrer dans une patrie q u i, devenue plus douce pour
eu x, n’attentoit plus à leur vie, pourvu qu’ils ne com
missent aucune imprudence, et qu’ils employassent quel
ques déguisemens.
O r, la naissance d’Anne-Françoise du Sauvage est de
la lin de l’an 4 , du 19 fructidor.
Un jugement de messidor an 4 /
Ce jugement n’est pas rapporté ; il n’a jamais été pro
duit : on s’étonne qu’il ait été invoqué comme preuve.
D e liis quœ noii sunt 2>el quœ non apparent idem ju diciurn.
A u reste, quand il seroit vrai que dans le jugement
le sieur du Sauvage est qualifié d’’émigré ou réputé émi
gré (1), cette qualification seroit-elle une preuve physique
de son absence, soit antérieurement, soit même à cette
époque?
Ne sait-on pas que tant que l ’inscription subsistoit,
l’inscrit ne pouvoit être désigné par les autorités admi
nistratives et judiciaires que comme émigré ou réputé
émigré.
D e tels indices ne sauroient être suffisans pour dé
montrer une absence longue, certaine et continuelle ;
Ils ne fourniroient que des présomptions d’absence.
O r , la loi n’admet pas l’arbitraire des présomptions,
en matière aussi grave.
Ce n est pas sur des présomptions que des magistrats
se décideront à livrer à l’infortune et à la honte la vie
entière d’un être innocent.
(1) Voyez page 6 du mémoire du sieur du Sauvage.
y'
�( 32 )
Il
faut des preuves de Pim-possibilité physique d’une
réunion même momentanée.
'
Mais que doit-on entendre par ces mots : L'im possi
bilité physique ?
Ecoutons le tribun Duveyrier.
« L ’impossibilité physique est absolue; elle tient toute
« sa force d’elle-même : c'est un fa it matériel et cons« t ant, qui n admet aucune autre supposition. »
Cet orateur ajoute plus bas :
a L ’impossibilité physique ne peut exister que par deux
« causes, l’absence, et l’impuissance accidentelle du mari.
« I c i, les anciens principes, conformes à la raison et
ff à l’équité , ne souffrent aucune altération. Il faut que
a l’absence soit constante, continue, et de telle nature
« que dans l’intervalle de temps donné à la possibilité de
« la conception, c’est-à-dire, dans l’intervalle de cent
« vingt jours, qui s’écoule entre le cent quatre-vingtième
« et le trois centième jour avant la naissance de l’enfant,
« Pesprit humain ne puisse concevoir la possibilité
« d'un seul instant de réunion entre les deux époux. »
• O r , L e sieur du Sauvage démontre-4 -il que l’esprit
ne peut concevoir la possibilité d’un seul instant de réu
nion enti’e son épouse et lui ?
Et la jeune infortunée dont on attaque l’état, n’at-elle pas le droit de dire
Q u’il est possible que le sieur du Sauvage ne fût pas
absent du territoire Français, en l’an 4 ;
Qu’il est possible, s’il avoit fui le sol français antérieu
rement , qu’il y fût rentré à une époque où tant d’émigrés
B’empresçoieat de profiler d’un teixips de calme et de tolé
rance f
�( 33 )
rance, pour revoir une patrie, objet de leurs souvenirs
et de leurs regrets ;
r Qu’il est possible qu’alors il se soit réuni à une épouse
près de laquelle ses affections comme ses devoirs semb loien tle rappeler;
•: Q u’il est possible m êm e, si le sieur du Sauvage n’étoit pas rentré en France, que cette épouse fût allée ellemême dans les contrées voisines, résider quelques temps
auprès d’un époux qui n’avoit alors à lui reprocher au
cunes liaisons avec Guines.
Ces possibilités sont dans l’ordre naturel.
• A insi', tant qu’elles ne seront pas détruites par une
preuve aussi claire que positive, le sieur du Sauvage
ne peut pas se placer dans le cas de Vimpossibilité phy
sique e x ig é e p a r l’article 312.
C e tte ’preuve n’est pas fa ite ;
u
;Cette preuve n’est pas même offerte.
Comment donc le sieur du Sauvage p o u rro it-il se
croire fondé-dans son action en désaveu?
On le v o it, des moyens puissans s’élèvent contre cette
action.
. :\\i
r
.
La loi protège une fille innocente ;
E lle ne permet pas d’accueillir la demande, tant qu’il
ne sera pas prouvé qu’il y a eu impossibilité physique
de cohabitation entre les deux époux.
Cette preuve même seroit insignifiante aujourd’h ui,
et elle n’empêclieroit pas qu’on ne dût rejeter une de
mande tardive, une demande formée plusieurs années
seulement après l’époque où Inexistence de l’enfant étoit
parvenue a la coimoissance du m an. iL! r :
�Mais qu’il est affligeant, pour la jeune du Sauvage,
d’être obligée d’invoquer la loi pour sa défense !
Q u’il lui seroit doux de devoir son salut au cœur seul
du père qu’elle réclame !
Par le long silence qu’il a gardé , le sieur du Sauvage
est présumé, ou n'avoir pas reçu d'offense, ou l'a voir
pardonnée.
S’il croit avoir reçu une offense, n’est-elle pas expiée
par les malheurs dont sa triste épouse est accablée depuis
long-temps ?
Qu’il ne révoque pas un pardon généreux!
Qu’il permette à une jeune infortunée de se jeter à
ses pieds, et de lui demander grâce pour sa m ère, grâce
pour elle-même !
Q u’il la reconnoisse pour son enfant ! et il trouvera en
elle une fille tendre et soumise, une fille dont les soins
touchans le consoleront, dont les vertus l’honoreront,
et qui répandra dans son âme le calme , la sérénité,
le bonheur que ne connut jamais l’homme isolé.
M e. A L L E M A N D , avocat.
M e. G A R R O N jeune, avoué licencié
A R IO M , de l’imp. de T H IB A U D , imprim. de la Cour impériale,
rue des Taules, maison L amdriot. — A vril 1813 ~
et libraire
�
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Factums Godemel
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Title
A name given to the resource
[Factum. Noyer du Sauvage, Anne. 1813]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Allemand
Garron
Subject
The topic of the resource
émigrés
reconnaissance de paternité
tutelle
divorces
témoins
conseils de famille
absence
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse pour Anne-Françoise Noyer du Sauvage, mineure, habitante de la ville de Clermont, et Maître Garron, licencié-avoué en la Cour, son curateur ad hoc, appelans ; contre sieur Jean-Charles Noyer du Sauvage, propriétaire, habitant de la ville du Monastier, département de la Haute-Loire, intimé ; en présence du sieur Honoré Debrus, notaire impérial, habitant du lieu d'Alleyrat, commune de Sallette, défendeur en assistance de cause.
Table Godemel : Tutelle : la délibération du conseil de famille portant nomination d’un tuteur n’est pas nulle pour avoir été prise par un conseil composé uniquement de parents maternels, surtout, dans la circonstance où la nomination du tuteur a eu lieu à la diligence du mari, à l’effet de former contre les enfants de sa femme une demande en désaveu.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1813
1791-1813
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
34 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2216
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0617
BCU_Factums_G2215
BCU_Factums_G2220
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The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Le Monastier-sur-Gazeille (43135)
Sallette (43231)
Clermont-Ferrand (63113)
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Information about rights held in and over the resource
Domaine public
absence
conseils de famille
divorces
émigrés
reconnaissance de paternité
témoins
tutelle
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53237/BCU_Factums_G1423.pdf
a88884e31c51389cbe502f32824340cf
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Text
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POUR
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eneviève
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C H A U D E R ON,
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et
C lau d e V illach on ,
cu ra te u r des m êm es e n f a n s , défendeurs ;
CO N TRE
A N N E - R OS E L a n g l o i s - R a m a n t i è r e s ,
J e a n L a n g l o i s - R a m a n t i è r e s , procédant sous l'autorité du
citoyen Fournier , et N i c o l a s S e m in , tuteur de l 'enfant mineur
de défunte Geneviève Langlois-Ramantières, veuve Salvert,
demandeurs en cassation.
Q U E S T I O N
D’ É T A T .
D a n s notre nouvelle législation, des enfans nés hors du mariage
sont-ils admissible à succéder à leur père quand ils ont été re
connus par lui dan» un acte authentique ?
L a loi ne permet pas de doute sur une pareille question; elle
a prononcé l'affirmative, Elle a dissipé nos anciens préjugés qui
p u n i s s eiont les enfans naturels des écarts de ceux qui le u r avoient
donné le jour: el quelle que soit encore la faveur des parens, aux
ye u x de ceux qui ont intérêt de regretter ces préjugés, cette loi doit
être consacrée par les tribunaux comme un triomphe de la nature
sur des institutions barbares.
Sans doute le législateur a dû poser des barrières capables d’arr êter l'intrigant qui pourroit tenter de s’introduire dans une famille
à laquelle il seroit étranger; et il en a élevé de telles, qu’il est
presque impossible que la plupart des enfans naturels ne regrettent
pus l ’aucienne jurisprudence.
A
�•,'V.I
( 2 )
Dans l’espèce, si le tribunal du Puy-de-Dôme ne les à pas franchies
en faveur des enfans Chauderon, si au contraire il les a religieu
sement respectées, c’est en vain que les héritiers collatéraux du
citoyen Langlois - Ramantières auront dénoncé son jugement au
tribunal vengeur des lois violées.
L e fait s’explique en peu de mots ; il est tout entier dans deux
actes dont aucune des parties ne peut dissimuler le contexte.
L e premier de ces actes , passé en l’absence des parties
intéressées, et par cela seul plus digne de foi que le second,
parce qu’on ne peut le soupçonner être le fruit d’aucune cap
tation , est conçu en ces termes :
« Aujourd’hui vingt-deux Fructidor de l’an 2 , heure de huit
après midi, je Claude Delacodre , notaire public à la résidente
de Saint-Pourçain , district de G a n n a t, département de l’Allier,
à la réquisition de L ou is-Jean -P ierre Langlois - Ramantières,
citoyen de la commune de C h a re il, me suis transporté au do
micile de Marc R o y e t , aubergiste, demeurant au faubourg de
P a lle c o t, de celte commune de Saint-Pourçain , où étant dans
une chambre haute, j’y ai trouvé ledit Louis-Jean-Pierre LangloisRamantières gissant au lit m alade, néanmoins sain d'esprit et
d’ entendement, ainsi qu’ il m’ a apparu et au x témoins ci-après
nommés et qualifiés ; lequel, de son bon gré et bonne volonté,
m ’a dit et déclaré, en présence desdits témoins, qu’il a un enfant
naturel âgé d’environ neuf à dix mois, issu de ses œuvres avec
Geneviève Chauderon ; que cet enfant est une fille , à laquelle a
été donné le nom de Marie Chauderon ; et que ladite Geneviève
sa mère est actuellement enceinte aussi de ses œuvres; qu’il ré
clame lesdits enfans comme étant réellement les sien s, et qu’il
veut et entend qu’ils en exercent les droits comme s’ils étoient
nés en légitime mariage.
» M ’a déclaré de plus ledit Langlois qu’il doit à Michel
Fournier une sounne de iooo livres, prêtée depuis environ deux
�( 3 )
J
mois ? et qu’il doit aussi à la commune de Chareil une somme
de zy liv r e s , provenant d’une confiscation de grains,
» Ledit Langlois-Ramantières m’a requis a c t e , ce que je lui
ai octroyé l e d i t s jour et an que dessus, heuie de n e u f après
m i d i , en présence de . . . . . . etc ».
Voici le second acte, reçu par le même notaire le lendemain
de très-grand matin , en présence de la m ère, qui fut amenée là
par des moyens qui seront dévoilés dans un instant.
« Aujourd?bui vingt-trois Fructidor de l’an d eux, heure de six
avant m idi, je Claude D elacodre, notaire public , e tc ,, à la
réquisition de Louis-Jean-Pierre Langlois-Ramanlière8, me suis
transporté au domicile de Marc Iloyel, aubergine, où étant dans
une c h a m b r e .. . . j'y ai frouvé ledit Louis-Jean-Pierre LangloisRamanlières gissant au lit m alade, néanmoins sain d’esprit et
d'entendement, ainsi qu’il m’a apparu et aux. témoins ci-après
nommés; lequel, de sou bon gré et bonne volonté, m’a dit et
déclaré, en présence desdits témoin», que se rappellant eonfu^
sèment que le jour d’hier il m’a fait une déclaration dont je lui
ai octroyé acte pardevant témoins, et craignant qu’elle soit l’effet
de la crise dans laquelle il se trouvait alors, il me requéroit de
vouloir lui en faire lecture; ce qu’ayant fait a haute et intelli
gible v o ix , et Payant bien entendue et comprise, ainsi qu’il me
l ’a certifié, il a dit et déclaré que c’eft «nul à propos qu'il m’a
fait ladite déelaraiion, attendu qu’il n’a jamais eu d’enfant avec
Geneviève Cliauderon, et (pie son intention n’a jamais été dès*lors
que l’enfant «jn’elle peut avoir et celui dont elle peut être en
ceinte soient regardés comme ù lu i, et tju’ ils en exercent les
droits; <|ue s’il m’a dit le contrairo le jour d’hier, il me l’a dit
sans reli gion , dans un moment sans doute où la force de sa
maladie lui ôtoit toute connoissance ; qu’il rétracte cette décla
ration , comme contraire à la vérité, attendu qu’il n’a jamais eu
A ij
�commerce avec ladite Geneviève Chauderon , qu’il ignore même
si elle a eu un enfant, et si elle est enceinte actuellement.
« Et à l’instant est comparue ladite Geneviève Cliuuderon ,
laquelle ayant pris connoisnance de ce que dessus, m’a dit et
d éclaré, aussi en présence desdits témoins, que la iG radation
dudit Langlois-Ramantières est juste en ce qu’elle n’a jamais eu
de commerce avec lui , et qu’elle a lieu de croire que s’il a dit
le contraire , ce n’a été que dans la force de son mal qui , sans
doute le privoit alors de toute réflexion. Desquels dires, décla
rations et rétractations ledit Langlois-Ilamantières et ladite Chau
dron m’ont demandé, acte, ce que je leur ai octroyé ».
Si ces deux actes avoient aux yeux de la loi la même force;
si , dans cette hypothèse, il falloit les comparer et les juger sut*
leur contexte , qu’il seroit facile de démontrer que le premier a
tous les caractères de la vérité , tandis que le second respire le
mensonge à chaque ligne !
Dans le premier, le citoyen Langlois-Ramantières est sain d’es
prit et d’entendement ; cela a paru au notaire comme aux témoins :
ni le notaire, ni les témoins n’attestent qu’il fut dans un de ces
accès de douleur qui privent un malade de l’ usage de sa mémoire
et de sa raison ; et cependant rien n’est moins équivoque qu’un
pareil état.
Dans le deuxième il est également attesté sain d’esprit et d’en
tendement. Si l’on veut croire à cette seconde attestation , pour
quelle raison ne croiroit-on pas la première ?
Mais comment croire au deuxième a c te , quand on y lit que
le citoyen Langlois-Ramantières déclare qu’il ignore si Geneviève
Chauderon a eu un enfant, et si elle est enceinte actuellement;
comment croire que , s’il avoit ignoré ces deux circonstances, il
les auroit déclarées la veille avec tant de précision et de justesse?
L e délire et le transport donnent-ils le talent de la divination ?
�C« )
Comment croire que la déclaration écrite dans le premier acte
ait été faite dans un moment de délire , quand elle porte sur
d’autres faits exacts et non rétractés? Le citoyen Langlois y con
fesse en effet deux dettes qu’il ne dénie pas dans le second acte.
A l’égard de l ’intervention delà mère que les adversaires regardent
comme d’ un grand poids , elle ne prouve à l ’homme qui réfléchit
qu’une c h o s e ; c’est qu’elle a été provoquée, et que cette femme,
soit qu’elle ait cédé à la crainte , soit qu’elle ait été séduite par
des promesses et des dons, a trahi dans ce moment la nature et
la vérité.
Mais c’est trop s’arrêter à comparer ces deux actes, quand la
loi ne peut en reconnoître qu’un seul, le premier, ainsi que nous
le démontrerons dans un instant. Poursuivons le récit des faits.
L e citoyen Langlois-Ramantières mourut le 26 Fructidor, trois
jours après ces d e u x actes.
Dès le 25 Vendemiaire, Geneviève Chauderon se présente chez
le juge-de-paix pour y déclarer sa grossesse, des œuvres du citoyen
Langlois, dont elle étoit la domestique, et dont, dit-elle, elle
seroit devenue l’épouse.
L e 22 du même mois, elle provoqua la formation d’un tribunal
arbitral pour statuer sur les droits des enfans reconnus par le
premier acte.
Un jugement du 19 Brumaire ordonna qu’un curateur seroit
nommé à ces enfans. II en fut nommé un , et bientôt après la
loi renvoya ces sortes d’affaires devant les tribunaux de district.
Celui de Ganriat qui fut saisi de celle qui nous occupe , rendit
le 18 Messidor un jugement contradictoire, dont voici les motifs
et les dispositions :
« Attendu que la loi du 12 Brumaire de l’an 2 , relative aux
droits des enfans nés hors le mariage, dans la preuve de la posses-
�m
sïon d’état ordonnée par l ’article 8 n’a pour objet que des en fans
actuellement existans lors de la publication de ladite loi; que ceux
de ladite Ghauderon et pour lesquels elle agit, sont nés postérieu
rement à ladite publication; que d’aiileùrs la reconnoîssance des*
dits en fans faite par Louis-Jean-Pierre Langlois^Ramantières le
22 Fructidor, a été par lui rétractée le lendemain a 3 , rétracta
tion appuyée et confirmée par ladite Geneviève Ghauderon ; que
d’après ce la , et aux termes de ladite lo i, il n’existe et ne peut
exister aucune preuve de paternité ni de possession d’état desdits
enfans, le tribunal déclare les demandeurs ès qualités qu’ils pro
cèdent non-recevables et mal fondés en leur demande.
Sur l’appel de ce jugement porté au tribunal civil du dépar
tement du Puy-de-Dôme, Geneviève Ghauderon articula subsidiai'
rement les faits cjue voici :
« Qu’en Novembre 1792 elle accoucha d’une fille dans la maison
du citoyen Langlois ; que celui-ci assista à l’accoucheuient et fit
donner à l’enfant tous les soins pécestsaim.
» Qu’il donna un parain et une maraine à l’enfant.
» Qu’il envoya chercher la nourrice dont il s’étolt assuré d’a
vance, lui donna dès étrennes et la paya tous les mois.
» Que souvent il visitoit l’enfant, et que lors dq sa mort il a
payé tous les frais de sépulture.
« Qu’à la naissance de M arie, deuxième enfant, le père a eu
le* mêines soins, la même conduite, les jjiCme3 procédés, qu’il
a payé la nourriture et l’enlretien.
» Qu’aprc*s la reconnoîssance du 22 Fructidor, la mère du cit,
Langlois et sa sœur, la femme de Dar qui avoient été présentes à
la reconnoîssance, se rendirent très pressantes et très-importunes
auprès du malade; que la mère et la to ur voulurent absolument
qu’elle allât se reposer daus la nuit du 22 nu 20; que toute cette
�à o s
S & ,'
C 7 )
nuit fut employée par la mère et la sœur à obtenir la rétracta
tion; (ju’el les pleurerent, firent des représentations et des promesses,
di.-oient que c’étoit une action digne de la colère divine d’incor
porer dans leur famille des billards, et de leur assurer sa succes
sion au préjudice des vrais héritiers.
» Qu’on la fit ensuite appeller ; qu’on parla de l’incertitude,
de la durée de la révolution , de la versatilité des lois ; qu’on
promit la nourriture et l ’entretien cfes enfans, 6000 livres pour
la mère.
» Que le notaire parut; que Langlois fit plusieurs fois jurer
sa mère et sa soeur 3 que l’on auroit soin des enfans ; que Ge
neviève Chauderon seroit logée, auroit 6000 livres, etc., etc.
» Que le citoyen Langlois vouloit que les 6000 livres fussent
assurées à Cencviève Chauderon par un biilet : ce que l ’on éluda
au moyen de beaucoup de protestations qu’on ne s’y refuseroil pas.
» Que le citoyen Langlois perdit connoissance le a 3 Fructi
dor vers midi, et ne la recouvra pas.
» Qu’aussitôt sa m o r t , Geneviève Chauderon fut emmenée
chez lanière du défunt, où elle fut reçue très-affectueusement,
admise à sa table, et traitée avec amitié , etc., ctc.
L e tribunal ne crut pas avoir besoin de la preuve de ces faits;
et il rendit son jugement contradictoire le 9 Nivôse dernier, en
ces termes :
« Attendu que l ’article X I de la loi du' 12 Brumaire an 2 ,
porte , qu’ en cas de mort de la mère avant la publication du
code civil, la reconnaissance du père , faite pardevant un officier
public, suffira pour constater, à. son égard, l’état de l’enfant né
hors du mariage et le rendre habile à succéder.
» Attendu que Louis-Jean-Pierre L a n g lois, par l’acte du 2
Fructidor, a déclaré, etc.
�o
f
(8 )
» Attendu que cette déclaration circonstanciée est accotnpa«
gnée da reconnoissance d’une dette de j q o o livres au profit du
citoyen Fournier, et d’une autre dette de 29 livres envers la eom»
roune de Chareil, pour confiscation de grains, porte le carac
tère et l’impreinte de la vérité ;
» Attendu qu’en question d’état la déclaration de paternité
est irrévocable ;
» Attendu que la rétractation du 23 , loin d’anéantir la décla
ration de la veille, ne peut même pas l’atténuer, dès q u e , par
essence, son irrévocabilité est incontestable;
». Attendu que cette même rétractation est accompagnée de ca
ractères de Fausseté , en c e qu’ el l o c on t r e d i t et d é m e n t des faits
dont la véracité se montre à la simple lecture de la déclaration
du 22 Fructidor, faits qui sont matériellement avoués dans la
cause quant à la naissance de l’en Faut et à la grossese de Geneviève ;
» Attendu que les enfans nés hors du mariage o n t , suivant les
lois nouvelles , le môme droit de successibilité que les enfans
légitimes, et excluent les héritiers collatéraux;
» L e tribunal, sans s’arrêter à la rétractation du 23
an 2«., qui est déclarée nulle et frauduleuse , dit qu’il
jugé e t c . , autori.se les deux enfans à porter le nom
Rmiiuuiu*rt*s , et les déclare seuls et uniques héritiers,
en possession de la succession,
Fructidor
a été mal
Langloisles envoie
C ’est do ce jugement que la cassation e6t demandée.
Prouvons que cette demande ne peut être accuiellie.
M O Y E N S .
Trois moyens sont présentés par les demandeurs : voici leur
moyen principal.
« Il
�( 9 )
» Il y a , disent-ils, fausse application de la loi du 12 Brum eire, en ce que le jugement a déféré une succession paternelle
à des enfans nés hors du mariage , sans reconnoissauce légale
de paternité, et a appliqué l’article VIII de la loi du 12 Bru
maire à un cas où le père présumé est mort antérieurement à
la promulgation de la l o i , tandis que la disposition de cet article
n ’eït a pplicable qu’au cas où le père est décédé antérieurement à
la loi ».
R É P O N S E .
Il seroit difficile de concevoir comment le jugement attaqué
auroit fait une fausse application de l ’article V I I I de la loi du
12 Brumaire an 2, puisqu’il n’est, et n’a pas dû être basé sur
cet article.
II n’a pas été basé sur cet article : car le tribunal du Puy-deDôme n’a invoqué dans ses motifs que l’article I I , et n’a rien
jugé que conformément à ce dernier article.
<
Il n’a pas dû être basé sur l’article V III : car cet article n’est
applicable qu’aux enfans naturels qui réclameront la succession
de leur père , décédé avant le ia Brumaire an 2 , et que le ci
toyen Laiiglois-Ramantières n’est décédé que 10 mois après.
Ce jugement, disons-nous, est Basé sur l’article 11 de la lo i,
et ses dispositions ont dû y être conformes.
L ’article premier de la loi porte que les enfans nés hors du
mariage seront admis aux successions ouvertes depuis le 14 Juillet
1789 ; et J’arlicle ü règle la manière dont iis devront exercer
des droits nouveaux. '
L e même article premier porte qu’ils seront également admis
à celles qui s’ouvriront à l’aveuir > sous lu réserve portée par
l’article io.
B
�t *i , '
C .i» )
€et article X est conçu en ce» termes :
: «
« A l'égard des enfans nés hors du mariage dnnt l é père e f
la mèrt* seront rnrore exisl'ans lors de la promulgation du code
civil , leur état et leurs droits seront en tout point réglés par
les dépositions du code
Mais en attendant ce code c i v i l , il falloit pourvoir au sort
des enfuns dont le père et la mère vivraient’ encore ef décéderoient cependant avant la promulgation dé ce codé si lohg-tempsattcndu. C'est ce que la loi de Brumaire a fait par l’urticle X I ,.
ainsi qu’en conviennent nos adversaires.
E l que veut celtè loi ? En voici'les dispositions littérales :
« N é a n m o i n s , en c as d e mort d e l a m è r e , a v a n t la publica«tion de la loi , la recnnnoissance du père, faite devant un offi
cier p u blic, suffira pour constater, à son cgard, l’état de l’eufant
né liors du m ariage, e t le rendre habile à lui succéder ».
E lle consacre donc en principe que Penfant né hors du ma»riage , quand il est reconnu par son père, devant un officier
public , peut recueillir sa succession.
E t voilà précisément ce qu’a décidé le jugement attaqué , quiest basé sur ce t article X I de la loi du 12 Brumaire.
Mais il faut entendre les subtilités des adversaires.
Suivant eux , I o . la mère n ’ é t o i t pas décédée ; des-lors sesenfans devoient avuir sa reconnoissance : car la loi ne se con
tente de celle du p ère, qu’en cas de mort de la m ère, elle
a clairement manifesté que l’une et l’autre étoient nécessaires*
quand le père et la mère vivoiënt.
a°. L a reconnoissance du père devoit être faite devant l’ofHcier public que laloireconnoît pour recevoir les actes de l’état civil..
Qui ne reconnoît , à de pareils moyens , l’embarras qu’on
éprouve à soutenir un systôine erronné ?
�C í* )
*°.
loi a manifesté sans doute, que pour qu’un enfant na
turel pût être admis & recueillir la succession de son père cl
de sa mère , i l devroit rapporter la reconnoissauce de l’un et
4 e l’ autre»
Aussi a-t-elle distingué clairement, que lorsque l’enfant na
turel ne rapporterait que la reconnoiasance du p ère , il ne pourroit réclamer que la succession do son père.« L a reconnoissance
du père, a-t*elle d it , suffira pour constater, à son égard, l’état
de l’eniant né hors du mariage et le rendre habile à lui succéder ».
O r , il ne s’agit ici que de la succession du père j il ne s’agit
pas de la succession de la mère qui vit encore. Il suffit donc
aux enfans Langlois de rapporter la reconnaissance de leur père ,
pour être habile aà lui succéder t,i).
a". Pourquoi faire tenir à la loi un langage qu’elle n’a pas
tenu ? Pourquoi vouloir exiger que la rcconnois«ance du père soit
faite autrement que le veut la loi ? L a loi veut qu’elle soit faite
devant un officier public. O r , c ’est un officier public qui a reçu
la reconnaissance du citoyen Langlois ; car on ne peut pas ha
sarder de dire qu’un notaire n’est pas un officier public«;
M a is , ce n’est p a s , d it-on , l'officier public qui doit consta
ter l’état civil.
Nous convenons qu’un enfant né dans le mariage doit être présenté
à l’officier civil à qui la loi a confié le soin de constater sa naissauoe.
Mais d’un côté, il ne s’agit pas ici d’un enfant né dans le|marîage.
D ’un autre côté, il s’agit encore moins de constater l’état civil
( i ) S ’ ils «voient besoin de la reconnoissance de leur m è r e , ils la tro u v e roient dans l'action que la m ère a intentée pour eu x , laquelle est bien uue
reconnoissunce q u ’iti sont nés du citoyen L an g’ois-R am antières. E t n’ ont-ils pas
d'uilleurs sa déclaration devant le juge de p a ix » qu’ils avoient pour p ère le
citü_yca L o n ^ lo is-llam u a liètes ?
B ij
�( 12
et la naissance d’nn enfanl ; il n’est question que de constater
qu’un père reconnoît un en Tant pour être né de lui C elle reconnuîï-sance qui n'est p ¡s un acte public, lin acte qui intéresse
l'ordre .social, ne dispense pas l’enfant qui se présente dans la
société, pour y prendre sa plare et y déterminer ses rapports,
de ju.sti'ier d’un acte de naissance qui aura été reçu par l’oiïicier de l’état civil.
L a recontioissance du père est un acte qui n’intéresse que
l ’individu au profit de qui elle est faite, et ceux qu’elle exclut
de la succession à laquelle ils auroient été appelés sans cet écrit;
dè.s-Iors elle peut être reçue par l’officier public qui reçoit toutes
les autres transactions entre particuliers*
E t croira-t-on que si le législateur eût voulu que ces sortes
de reconnoissances Fussent f a i t e s d e v a n t l ' o f f i c i e r d e l’ é l a t c i v i l r
il se fût contenté de dire quelles se feroient devant un officier
public ? Se seroit-il servi de cette expression générique, quand
il avoit à exprimer une idée spéciale? croira-t-on qu’il n’eût
pas dit que la reconnoissarice du père seroit faite devant l’of
ficier de l’état civil? n’est-il pas enfin bien extraordinaire qu’ou
équivoque sur un point de cette nature ? ignore-t-on ce que la
loi a eu pour objet ? ignore-t-on qu’elle a voulu éviter le scandale
qui suit toujours une recherche de paternité ? qu’elle a voulu
l’aveu du père , ou rejetter la réclamation de l’enfant ? qu’im
porte, d'après cela, que la reconnoissance du père soit faite devant
un notaire , ou devant un juge de paix , ou devant l’officier dé
l’état civil ? Le fuit dont la loi veut que le juge soit assuré, sera-t-il
plus certain , attesté devant tel ou tel homme ? l’essentiel n’est-il
pas que celui qui reçoit la déclaration soit revêtu par la loi d’un
caractère qui commande la confiance? Et encore une fois, cette
reconnoissance n’est pas l’acte qui introduit un enfant dans l’ordre
social ; elle ne"fait que l’ introduire dans une fam ille, et ne le
dispense de l’acte qui constate et son rang dans la société , et
l'époque de sa naissance.
�Ce n’est donc qu’ en confondant^ foutes les idées , qu’on a pu
hasarder Je système que nous combattons.
Tout étrange qu’il e s t , nos adversaires en poussent plus loin
le développement.
'
Ils disent qu’il n’y a pas de reconnoissance , parce qu’il y a
u n e rét ract at i on.
i
.i i
i
Mais si c’est làj leur dernière ressource, l’affaire est jugée au
tribunal de cassation.
L e tribunal du Puy-de-Dôme'a d écid é , conformément à l’ar
ticle a du 12 Brumaire , que les enfans de Geneviève Chauderon , reconnus par le Citoyen L a n g lois, leur père , devoient
lui succéder. Il a donc rendu .hommage à la loi : son jugement
est donc à l ’abri de toute censure.
On opposoit la rétractation du citoyen Langlois ; c’étoit une
nouvelle question.
Qu’a - t - i l jugé ? il a jugé que la reconnoissance de paternité
étoit irrévocable, j
Y a-t-il une loi dans notre code qui décide le conlraire ?
Si nos adversaires sont forcés de corivenir qu’il n’efi existe
pas, comment ce jugement pourroit-il en avoir violé ? et s’il n’en
a pas v io lé , où donc est le moyen de cassation ?
Il pourroit avoir mal jugé; mais un mal-jugé n’est pas un moyen
pour faire unnuller un jugement.
Mais il faut le venger même de ce soupçon : il a consacré tous
les principes reçus , les lois romaines, qui seules se sont expli
quées sur la question.
Ou n’a jamais douté qu’un a c t e , q u a n d il avoit reçu tous les
caractères qui le constituent , ne pouvoit être anéanti sans le
consentement de ceux à qui il donnoit un droit quelconque.
�CM 3
E t qu'on nç„dise pais que la xeqonnoîssance du père étant faîte,
sans l’intervention de *es enfans ^ a , , volonté seule ajant con
couru pour la fo r m e r, sa volonté seule a dû sufUre pour la
détruire.
¡v bi.
On répondroit que la volonté seule du père forme Taote civil
qui établi! la naissance de l'enfant qui est présenté à la mu
nicipalité. Cependant il ne peut pas la rétracter. Ce contrat qui
paroit unilatéral est sjllanagmatique : il se passe entre le père
qui d éclare, et la société représentée "par son officier qui accepte
la déclaration pour l’enfant. Cet a cte , comme les autres, libre
dans son principe, devient forcé et irrévocable, lorsqu’il est con
sommé. Voilà les vrais principes.
Ils sont professés par tous les jurisconsultes; et pour ne citer
que Daguesseau, voici ce qu’il établit dans son trente-quatrième
p laidoyer;
K\
.
.’ ■
i
i ; . .. î
« Il y a long-temps qu’on a demandé si l’on pouvait regarder
la déclaration du père et de la mère comme un jugement domes
tique, toujours également décisif, soit qu’il fût contraire ou favo
rable aux enfans. L e nom sacré de père et de m ère,'et la tendresse
que la nature le u r inspire pour leur propre sang, ne eembloient
pas pouvoir permettre que l’on doutât de la vérité de leur suffrage.
'i; ; i
') : l'i
r'i
.'
» On voit dans les lois romaines que la reconnoissance du père
c6t un grand préjugé pour assurer l’état de son fil» : Grande prcejudicium ad/crt pro J ilio con/essio patris. L . i , §. 12 , if. de
agnosc. et ùlcud. lib. On y voit en môme temps que quelque
déclaration que la mère ait faite contre l’état de ses enfans, la
vérité conserve toujours ses droits, et on la recherche par toutes
sortes de vo ie s, môme après le serment de la mère ».
Ce magistrat examine ensuite la jurisprudence française, et
après en avoir cité différons inonumens tous conformes à ce prin
cipe , il termine eu ces termes :
I
�(i5)
« Vous'avez donc établi ce principe général aussi eonvenablè
à l’équité naturelle qu’à l’utilité de la société civile qu’«« père
et une mère peuvent bien assurer par leur suffrage l'éta t de leurs
enfans r mais qu’ils ne peuvent jam ais le détruire ».
A in s i, loin que le tribunal du Puy-de-DÔme ait violé les prin
cipes, il les a au contraire consacrés en jugeant que le père ne
pouvoit pas rétracter sa déclaration.
E t que seroiit-ce, si nous discutions cette rétractation qui a paru
aux j e u x de ce tribunal comme un monument de surprise, d’er
reur et de mensonge ? N’y verroit-on pas à chaque ligne des traces
non équivoques de tous ces vices.
On y fait dire au père qu’ il a fait sa reconnoîssance dans un
moment où l ’accès de la douleur le privoit de sa raison : et cepen
dant tout annonce dans ce premier acte qu’il jouissoit en effet de
la plénitude de sa raison et de sa mémoire. Il y confesse deux
dettes dont il n’existoit pas de titres : il y confesse deux faits constans, c’est que Geneviève avoit un premier enfant vivant et qu’elle
étoit enceinte dix second.Dans la rétractation, au contraire, on remarque un esprit en
di'lire ou esclave de la volonté des personnes q u i l ’entouroient.
On y lit qu’ il ne sait pas si Geneviève a eu un enfant, si elle étoit
enceinle d’un second, comme si un maître pouvoit ignorer des
faits de celle nature , de la part d’une fille qui est h ses gages
et à son service; comme s i , les ignorant dans le calme de sa raison,
il pouvoit les deviner quand son esprit est troublé par l’ardeur de
la fièvre. Tout ne décèle-t-il pas le mensongç et l’artifice ?
Nous pourrions pousser plus loin l’analyse; mais c’en est assez.
•Le tribunal de cassation n’a pas à juger le fond de ce second acle.
(Quoiqu’ il en soit, il n’a pas pu détruire le premier qui étoit irré
v o c a b le ; et quand on pourroit aller jusqu’à prétendre que le tri
bunal du Puy-de-Dôme a mal jugé en rejettant celte rétractation,.,
�Il
'C *6 i)
ce ne sçroit pas un moyen capable d’opérer l ’anéaqtisçenient, de son
jugement : car il n’existe pas uneiseule, loi qui permette de révo
quer l’aveu de la paternité : et dès-lurs ce jugement ne peut avoir
violé aucune loi.
>
Examinons maintenant et avec rapidité les deux moyens auxi
liaires que les adversaires invoquent.
Voici le premier. « L a fille Chauderon est sans qualité pour
soutenir le procès ».
; T ’ "o ■
On répond avec la loi : L ’article 175 de la coutume du Bourbonuois, qui régit les parties est conçu en ces termes :
« L a m è r e est t ut r i c e et l é g i t i m e a d m i ni s t r a t r i c e de ses enfans
mineurs, tant qu’elle demeure en v id u ité ’».
M a is , disent les adversaires , cette tutelle narurelle n’est dé
férée qu’à la inère devenue yeuve : or la fille Chauderon ne peut
pas se dire veuve.
Misérable subtilité ! la fille Chauderon est veuve maintenant
sans avoir eu d ’époux. L a loi appelle veuve la mère qui a perdu
le père de ses enfans. C ’est ici une tutelle naturelle, et la loi
naturelle qui ne reconnoît pas de plus sûr soutien de l’enfanco
que la mère quand elle est séparée du père de ses enfans, est
bien loin de prononcer la distinction injurieuse imaginée par les
adversaires. L a loi civile elle-même n’a pas une institution aussi
barbare. L a tutelle appartieut à ceux qui ont le plus d’intérêt
de conserver les enfans : sous ce rapport, qui peut méeonnoîtrc
les droits d’une mère à être tutrice de ses enfans, qu’ ils soient
nés dans le mariage ou hors do cette union légitime ?
L a loi ne lui refuseroit rette qualité qu’autant qu’elle pordrnit
son état en se mariant. Mais elle est aujourd’hui dans l’état où
elle étoit ù la mort du père de ses enfans.
Au
�C *7 )
A u surplus comment peut-on se permettre aujourd’hui de co n
tester cette qualité à la fille Chauderon , quand on la lui a recon
nue et donnée ? Les adversaires ont-ils oublié qu’en luî signi
fiant le jugement de première instance, ils lui ont donné la qualité
de mère et tutrice naturelle de ses enfans mineurs:1Ont-ils ignoré
qu’ils la lui ont donnée, en les citant au bureau de p a ix, sur
l ’appel et dans tous les actes qui ont suivi ?
Ils seroient donc non-recevablés aujourd’hui à proposer ce moy en’ •
quand d’ailleurs il ne leur seroit pas enlevé par la loi elle-même.
L e deuxième moyen se détruit par une discussion aussi rapide.
Les adversaires le fondent sur ce que l’article 14 du titre 5 de
la loi du 16 Août 1790 ne permet pas d’interjetter appel d’un juge-,
ment contradictoire , après trois mois écoulés depuis la signifi
cation du jugement : or, ajoutent-ils , trois mois sont composés
de quatre-vingt-dix jours, et l'appei a ¿té signifié quatre-vingtquinze jours après la signification du jugement.
On répond, i°. que les jours complémentaires sont compris
dans ces q ua tre-vin g t-q u in ze jours, et qu’ils n’appartiennent,
d’après l’article 7 de la loi du 4 Frimaire an 2, à aucun des mois
qui composent l ’année républicaine , suivant la computation
actuelle.
On répond , z°. que les jours complémentaires forment une
fraction qui ne compte pas, lorsqu’il faut calculer par mois, mais
seulement lorsqu’il faut calculer par jour.
T e lle est la décision portée par différentes lois : celle du 19
Fructidor an 2 , sur les appointemens et traitemens, art. 1 et 2 ;
celle du 18 Frimaire an 3 , sur l ’intérêt annuel; celle du 3 Plu
viôse suivant, pour l’exposition des contrats à l’affiche des hypo
thèques ; celle sur le recours en cassation; enfin, celle du 21
ï ’ructidor an 4 >sur les vacances des tribunaux.
G
�Ce sont , disent enfin nos adversaires, des lois d’exception qui
ne peuvent être ¿tendues aux cas dont elles n’ont pas parlé.
*•
Ce n’est encore là qu'une subtilité. Il est généralement reconnu
que ces jours n’apparliennent à aucun mois, et ce ne peut être
sérieusement qu'ou hasarde un pareil moyen : aussi ne lui a-t-on
donné aucun développement daus le mémoire auquel nous ré
pondons.
O
A in si, en nous résumant .sur le moyen principal :
L a loi n’admet point la recherche de la paternité; elle exige
que l’enfant qui réclame une succession ouverte avant la promul
gation du code c iv il, vienne avec une reconnoissance de son père,
fai te d e v a n t u n o j f i c i e r p u b l i c .
Un notaire est un officier public : et la loi n’ayant pas dit que
la reconnoissance seroit faite devant l’ofHcier de l’ctat civil, celle
qui est reçue par un notaire est valable.
Cet acte n’a rien de commun avec l’acte de naissance qui doit
être inscrit sur les registres de la municipalité, et le premier ne
dispense pas du second.
C elle reconnoissance, unilatérale en apparence, est réellement
synallagmatique, et dès-lors elle est irrévocable.
L a rétractation c.st l’ouvrage de la séduction : le mensonge qui
y règne attesle qu’ une volonté étrangère l ’a dictée.
&
Voilà ce qu’a décidé le tribunal du Puy-de-Dôme.
Il faut donc consacrer son jugement, qui a rendu un hommage
si pur à la loi et aux principes.
S ’il est dur pour des héritiers collatéraux de se voir privés
I
�(19 )
d’une succession dont l’espoir avoit flatté long-temps leur ambi
tion , il est juste que des enfans qui ne sont pas coupables du
vice de leur naissance, recueillent les biens de leur père, puisque
leur père l ’a vo u lu , et que la loi l’a permis.
Le
citoyen B A R R I S ,
L e citoy en
rapporteur.
commissaire.
L e citoy en C o u r m o l ,
défenseur officieux.
•s.
-------- ---
- '
D e l'imprimerie de H o n n e r t
1
, rue du Colombier,
n°. 1160,
�
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Factums Godemel
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Description
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Title
A name given to the resource
[Factum. Chauderon, Geneviève. An 4?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Barris
Cournol
Subject
The topic of the resource
enfants naturels
successions
droit intermédiaire
reconnaissance de paternité
témoins
domestiques
rétractation
officier public
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Geneviève Chauderon, tutrice de Marie et Claude Chauderon, et Claude Villachon, curateur des mêmes enfans, défendeurs ; Contre Anne-Rose Langlois-Ramantières, JeanLanglois-Ramantières, procédant sous l'autorité du citoyen Fournier, et Nicolas Semin, tuteur de l'enfant mineur de défunte Geneviève Langlois-Ramantières, veuve Salvert, demandeurs en cassation.
Table Godemel : Enfant naturel : 1. des enfants nés hors mariage sont-ils admissibles à succéder, au préjudice des héritiers collatéraux, à leur père, décédé après la loi du 12 brumaire an 2, quand ils ont été reconnus par lui dans un acte authentique ?
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An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Honnert (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
circa An 4
Circa An 2-Circa An 4
1789-1799 : Révolution
Type
The nature or genre of the resource
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Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
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19 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1423
Source
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Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
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Saint-Pourçain-sur-Sioule (03254)
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enfants naturels
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Text
^
iff:
—
COUR R O Y A L E
MÉMOIRE
DE
RIOM.
POUR
PR EM IÈRE c h a m b r e .
G ilb e rt et Louis-Etienne GUESTON, Pro
priétaires; Françoise GUESTON, et JeanPourçain CAUSSE, son mari,
Proprié
taire et Docteur en médecine, Appelans de
jugement rendu par le Tribunal civil de
Moulins, le 28 avril 1 8 3 6 ;
CONTRE
L éonard CANU, Intimé.
D e u x jugemens du tribunal civil de Moulins sont en présence d ans
cette cause ; l'un du 19 août 1816, qui, après l’emploi des fo rm a lités
prescrites par l’art. 467 du Code civil, homologue une t ra n sa ctio n
faite par un tuteur; l'autre t de 1 8 3 6 qui annule cet acte , parce
que , d it-il, c était un partage et non une transaction.
A insi, deux jugemens du m ême tribunal ont différemment qua
lifié l'acte qui fait le fondement du procès : le premier y a reconnu
une transaction et l’a hom ologuée, à une époque où le tribunal était
�*
V
— 2 —
chargé par la loi d ’en examiner les caractères, de le qualifier com m e
il devait l’ê t r e , et de n’y mettre le sceau de son autorité que lors
qu’il aurait reconnu que le mineur avait avantage à transiger ; le se
cond , mettant à l’écart le jugement d ’homologation , et ne voyant
qu’u a simple acte de la juridiction volontaire, en a prononcé la
nullité , à une époque où il semble que , d’après les lois , il n ’avait
aucune autorilé pour examiner les caractères déjà fixés et reconnus
de cet acte, et ne pouvait l’annuler q u ’aulant q u ’il n’aurait pas été
accompagné des formalités prescrites par la loi pour l’espèce d ’acte
qu ’on avait voulu faire, et que le tribunal de
i 8 jG
avait autorisé.
Ce n’est pas la seule erreur de ce jugement.
Léonard Canu réclame une part de succession y comme enfant na
turel du sieur Gueston. O r , en reconnaissant que les droits de l’in
tim é , comme enfant naturel, étaient contestés; que son id e n tité ,
sa qualité, elle-m êm e, était en litige; q u ’en la supposant ré e lle , on
lui contestait, encore, le droit de critiquer des actes passés antérieu
rement et de bonne foi entre le père et ses enfans légitimes , le tri
bunal de Moulins n ’a pas voulu voir une transaction dans le traité
par lequel on-lui accordait une somme de 3 ,ooo fr. pour éviter un
procès sur ces questions graves, q u i , en compromettant les intérêts
desparties, tendaient à accuser, d ’une part, et à justifier, d<^l’a u tre ,
la mémoire du sieur Gueston.
Allant plus loin enco#re , il a décidé que toute transaction, fût-elle
sincère et de bonne fo i, ne pouvait être considérée que comme un
partage, si elle faisait cesser l’indivision; que la cession de droits
successifs, elle-même, perdait son caractère, d ’après l’article 888 du
Code civ il, touLes les fois que le vendeur demeurait garant d ’autre
chose que de sa qualité d ’héritier.
Enfin., et quoique , dans l’espèce , Léonard Canu , pour lequel 011
a a ccep té, avçc autorisation régulière, 3^000 fr. par forme de tran
saction, n\iût garanti, ni la qualité du droit, ni le droit' lui-même ,
ni,la qualité qui lili était contestée, et quoique tout cela résultât du
niêwe î)cto i le tribunal a décidé q u ’on devait y supposer ou y voir
�— 3 —
la vente des droits* certains déterminés 3 et le résultat d’un .partage
préexistant.
S ’arrogeant ainsi nne autorité supérieure à la sienne p r o p r e , et le
droit de contredire ce que lui, ou ses devanciers, avaient fait en 18 16,
il a déclaré nulle la transaction faite avec un mineur ;
Q uoiqu’il y eût matière à transaction , et transaction réelle sur des
points en litige , lesquels portaient sur les fondemens même du
droit prétendu pour le mineur ;
Quoique le besoin et les avantages de cette transaction eussent été
reconnus par un conseil de fam ille, et par trois jurisconsultes nom
més par le procureur du roi ;
Q u o iq u e , enfin , le tribunal co m p étent, le même tribunal, il faut
le dire , alors chargé par la loi d ’apprécier le mérite de cet acte , de
l’autoriser ou de l’empècher , l’eût homologué purement et simple
ment comme transaction, après l’observation de toutes les forma
lités prescrites.
De si graves erreurs devaient être signalées à la haute sagesse de
la C o u r, et nous lui en soumettons l’examen avec confiance. Les
faits et les actes nombreux qui constituent cette cause , les questions
assez piquantes qu’elle fait naître ou apercevoir, nous entraîneront
dans quelques détails. ¡Nous tâcherons de les abréger et de les pré
senter clairement. Elle a d ’ailleurs pour les intimés une importance
morale qui réclame spécialement l’attention.
FAITS.
I'rançois Gueston , père et beau-père des appelans, avait contracté
mariage avec Françoise lîarathon-Desgranges le 14 juin 1790. Ils se
soumirent au régime de la communauté, q u i , d ’ailleurs, à cette
époque , était la loi établie par la Coutume du Bourbonnais. La femme
avait des biens assez considérable^
Françoise Barathon décéda en 1 7 9 6 , l a i s s a n t e s trois enfans en
bas âge. Le m a ri, survivant, ne fit ni inventaire ni acte equipollent,
�— 4 —
et la communauté continua avec ses enfans , conformément à la
Coutume.
François Gueston resta ve u f, dans la force de l ’âge. Ses enfans
n ’ont pas à rechercher si les passions de la jeunesse l ’entraînèrent à
quelques écarts; ils mettraient bien plutôt du prix à couvrir de leur
respect des faiblesses qui ne sont que trop dans la nature, si la nais
sance d'un enfant naturel reconnu par lui à une époque plus recu
lée , et dont l ’origine est encore un mystère, n ’était la cause unique
de ce procès.
Marie Brunet était entrée chez lui assez jeune. Deux fois elle avait
été renvoyée et reprise. Sans nous jeter dans des conjectures, sans
adopter comme vrais des bruits publics plus ou moins vraisem
blables , et dont le souvenir existe encore dans le p a y s , nous nous
arrêterons à des faits matériels résultant des actes qui constituent le
procès , et nous ne remonterons pas plus haut que le fait qui lui a
donné naissance. Nous nous bornerons à dire q u ’après avoir ren
voyé Marie Brunet, une première fois, de son service, en 1808, Fran
çois Gueston la reprit en 1 8 1 0 , et la garda très-peu de temps.
Jusque l à , il n’avait pas manqué de tendresse envers ses enfans;
ils s’empressent de reconnaître qu ’il leur avait donné tous les soins
q u ’exigeait leur âge, et n’avait rien négligé pour leur éducation.
Mais leur retour des pensions dans la maison paternelle , leur âge
plus avancé, leur intelligence plus développ ée, qui pouvaient deve
nir un peu gênans pour lui ; enfin , l’approche de leur majorité , au
moins celle du fils aîné, qui faisait apercevoir la possibilité qu ’il eût,
bientôt, à rendre un compte de tutelle et de communauté, ame
nèrent chez lui quelques inquiétudes qui changèrent sa manière
d ’être envers ses enfans. Les moindres ch ose s, leur seule présence
lui faisait ombrage ; et en certains momens, où son esprit ne pouvait
pas être c a lm e , il allait jusqu’à menacer de faire disparaître sa for
tune , q u i, d isa it-il, lui apparjenait d ’autant plus exclusivement
qu ’elle était le fr& t de son industrie.
I ù n 8 i a , le fils aîné, devenu majeur, fut effrayé de cet état de choses.
�— 5 —
Il pensa à réclamer ses droits ; mais les menaces q u ’il avait enten
dues , l’empire qu ’on exerçait sur son père , la facilité qu ’on avait
d’influencer, surtout dans certains niomens, un homme qui autre
fois était un exemple de re te n u e , lui firent craindre que s il formait
une demande sans autre précaution, sa fortune mobilière ne disparût
d ’un coup de main. Copropriétaire par suite de la continuation de
communauté , il requit une apposition de scellés. Cette démarche
un peu bru sq u e , peut-être, à raison de sa qualité de fils, dut empi
rer la situation respective.
Au commencement de i 8 i 4 > Marie Brunet demeurait au Montetaux-Moines; elle y avait fait connaissance avec Gilbert Fratissier,
qu’elle épousa plus tard. Dans le cours de la même année , elle ren
tra chez le sieur Gueston. Â.lors elle était en ce in te , c ’est un fait po
sitif, soit que l’enfant dont elle accoucha plus tard fû t , en réalité,
Léonard C anu, dont la naissance fut constatée le 23 octobre 1 8 1 4 *
ou que son enfant fût né mort à une date différente , comme on le
croyait dans le pays. Quoi q u ’il en soit, les î g et 23 octobre, deux
actes indiquèrent légalement la naissance d’un enfant dont l ’origine
fut laissée dans les ténèbres.
Sur le registre matricule des enfans trouvés de l’hôpital-général
de Moulins, ou trouve cette insertion :
« IS'° 797. Léonard C a n u , apporté au berceau le 19 octobre 1 8 1 4 ,
» âgé d ’ un jo u r , confié le 19 dit h Françoise L o m e t, femme de Jean
» ll é n a u d , commune de Trévol. »
Et sur le registre double des naissances de la ville de. Moulins ,
pour 1 8 1 4 * on tro u ve , à la date du 23 o c to b r e , un acte qui constate
q u e , ce jour-là m ê m e, 23 octobre, Catherine ll i b i e r , préposée de
l’hôpital-général, a présenté un enfant nommé Léonard C a n u , dgé
d un jo u r , trouve exposé dans le berceau dudit hospice ; en sorte
que ce serait le infime enfant qui était âgé d ’un jour le 19 , et envoyé
le i g à l r e v o l , qui est présenté à la mairie de Moulins le 2 0 , comme
âgé d ’ un jour.
Nous oc relevons cette circonstance que comme étant le commen-
�— 6 —
cernent des singularités qui ont accompagné tous les actes dont ce
Léonard Canu a été l’objet. Au reste, on y remarque que cet en
fant n ’est reconnu par personne ; q u ’il a été exposé sans aucune
marque distinctive , comme le dit le procès verbal. S ’il était l’enfant
de Marie Bru net ; s i , ce qui était bien plus douteux encore , il était
celui de François G ueston, il faut convenir que ce prétendu père
n’avait pas eu la pensée de le réclamer un jour. L e procès v e r b a l,
en indiquant minutieusement tout ce qui avait été trouvé sur l ’enjfant : un drapeau, une bourrasse, une chemise 3 une brassière et deux
bonnets t sans autres marques distinctives qui puissent donner des renseignemens sur sa naissance, démontre que le nom Léonard Canu
ne lui avait été donné q u ’à l’hospice ; en sorte q u ’il ne restait aux
véritables parens de cet enfant aucun moyen de le reconnaître parmi
ceux qui pouvaient avoir été déposés à la même époque.
Peu de temps après, et au mois de janvier 1 8 1 5 , nous trouvons
des actes qu ’il faut nécessairement connaître, et surtout bien ap
précier. Que Léonard Canu fût l’enfant de Marie B run et, ou qu ’elle
l ’eût supposé ; qu’il fût le produit des œuvres du sieur Gueston , ou
de tout a u tre , il est certain, il est notoire dans le p a y s , que le sieur
Gueston était vivement persécuté par Marie B r u n e t, pour en obtenir
quelque chose; q u ’il y avait eu entre eux des scènes violentes ( on le
prouverait au b e so in ); q u ’enfin le sieur Gueston avait fini par aper
cevoir qu'on l ’irritait mal à propos, q u ’on l’entretenait dans de
fausses et déplorables démarches contre ses enfans, et q u ’en deve
nant injuste à leur égard, il s’éloignait pour lui-mcrne de tout ce
qui fait le bonheur de la v i e , en se laissant captiver par Marie Bru
net. 11 sentit le besoin de sc défendre et des violences et des sé
ductions qui l ’entouraient.
Au mois de septembre 1 8 1 4 • H avait acheté du sieur Renaud de
B o i s r e n a u d la propriété de Sciauve. Il n ’en avait pas payé le prix
(4 8 ,oo o fr. ) , et le devait en totalité; il ne p o u v a it pas le payer avec
ses ressources personnelles, surtout à la compagnie de Marie Bru
net. Le i 4 janvier i 8 i 5 , il en lit la vente à ses enfans, en même
�— 7 —
temps que (le ses autres biens. Les deux frères majeurs y assistèrent
Françoise Gueston, leur sœur, mineure émancipée, e t , se P5Uj¿atlt
torts pour elle, promirent sa ratification à sa majorité. La vemfe fut
laite moyennant certaines réserves de jouissance, pour la vie du
vendeur, et à la charge de p ay e r, 1*48,000 francs au sieur de
Boisrenaud et les intérêts depuis l’acquisition; 2° 10,000 fr. au sieur
Alibert; 3° 3,ooo fr. de pension viagère au vendeur, et sa provision
de bois à brûler. E n fin , le sieur Gueston y impose à ses enfans une
condition que nous devons transcrire littéralement.
« A la condition très-expresse que lesdits biens cédés seront par» tagés avec ceux de la mère des acquéreurs , et ce par égalité entre
» ses trois enfans; qu ’à cet effet, il en sera fait trois lots les plus
» justes et les plus égaux possibles , de manière que les deux lots qui
» comprendront, l’ un, le château et la réserve de Sciauve; et l ’autre,
» la terre des S a lles, seront attribués aux deux garçons, vo ulan t,
» ledit sieur Gueston p è r e , que si l’un des enfans contrevient à cette
» clause, et q u e , dans l’année de la majorité de sa demoiselle, ses
» enfans ne lui rapportent pas l’acte de partage portant attribution
» des deux lots ci-dessus, le présent demeurera nul et non avenu ;
» e t , dans ce cas, ledit sieur François Gueston dispose au préjudice
» du contrevenant à cette clause, et au profit des non contrevenans,
» de la portion disponible de ses b ien s, en meilleure forme que
» donation puisse valoir, la présente clause étant acceptée par ses
» enfans. *
On voit parfaitement ici le but et 1esprit de cet acte. L e sieur
Gueston voulait transmettre à ses enfans une propriété dont il devait
le prix et qu’il ne pouvait pas payer; il voulait qu ’ils acquittassent,
pour lui, une somme de 10,000 francs ù un, tiers; enfin, il voulait
faire entre eux une sorte de partage et attribution de lo ts, autant,
cependant, que pouvaient le permettre les conditions onéreuses q u ’il
leur im posait, et qui ôtaient h sa disposition le caractère de pure
libéralité. Il faisait, d ailleurs, cette disposition entre scs■
enfans, ses
deux garçons, sa fiUc» comme u a homme qui n’avait pas d ’autre
�— 8 —
enfant ayant droit à une réserv e, ni qui pût porter la moindre at
teints à la distribution q u ’il faisait de sa fortune. Il ne connaissait
pas
en effet , il ne pouvait pas connaître Léonard Canu , cet
enfant exposé au bac de l’hospice de Moulins, à une grande dis
tance de son dom icile, sans aucune marque distinctive, et sans que
rien pût lui indiquer qu ’il était le sien ni même celui de Marie Bru
net. S ’il fallait d ’ailleurs s’en référer aux bruits qui coururent alors,
Marie Brunet se serait accouchée sur les lieux et non pas à Moulins ;
l’accouchement aurait eu lieu à une époque postérieure au 18 oc
tobre ; enfin, elle aurait mis au monde un enfant m o r t- n é , ou né
m o rt, et non Léonard C a n u , vivant depuis le 18 ou le 23 o c to b r e ,
comme on voudra. Il ne faut donc pas s’étonner que le sieur Gueslon ne pût ni ne voulût le reconnaître. D ’ailleurs, l ’ acte du i 4 jan
vier est reçu par le sieur Boucaumont-Marzat, notaire de la famille,
au château de Sciauve, avec tous les caractères de l’authenticité.
Toutefois, placé dans cette position difficile d ’un homme qui a ,
d ’un côté , ses onfans légitimes pour lesquels il éprouve le sentiment
du père de fam ille, e t , de l ’autre, une personne du sexe vers la
quelle il a été entraîné par son isolem ent, et qui exerce encore sur
lui une sorte d’e m p ire, il ne p ut, en rendant justice à ses enfans , et
en se mettant lui-même dans l’heureuse impossibilité de les priver
de sa fortune, se défendre de subir et de leur imposer quelqnes co n
ditions. Ici se présente un fait que nous ne devons pas laisser ignorer.
Trois jours avant cet a cte, et le 11 du même mois de ja n v ier,
Marie Brunet s’était présentée à l’hospice de Moulins; elle y avait
réclamé Léonard Canu comme étant son enfant, et il lui avait été
remis par une sœur de l’hospice. Rien n ’était plus facile : l'adminis
tration publique comme celle de l’hospice y trouvaient tout h la fois
l ’intérêt de l’enfant et le le u r ; celui de l ’enfant, puisque, obligé q u ’on
était de le livrer àdes mains mercenaires, une femme qui se présentait
comme sa mère était préférable; l’intérêt de l’administration, puis
q u ’elle était déchargée des frais de nourriture , d ’entretien et d ’édu
cation. On sait, d ’ailleürs) combien l’administratiou prcnd de soins
�— 9 —
pour connaître les parens qui font déposer des enfans 'au berceau
des hospices, et pour les forcer à les reprendre. A plus forte raison
autorise-t-elle à les leur remettre , lorsqu’ils se présentent d’euxmêmes, et que ce no sont pas des gens sans aveu. La commission
administrative de l’hospice n’avait donc pas dû hésiter, sans avoir b e
soin de demander à Marie Brunet des preuves de son assertion.
Celle-ci avait pu , au surplus, choisir cet enfant comme tout autre
parmi ceux déposés satis aucune marque distinctive ; et si, en géné
ral , il y a beaucoup plus de ceux qui cherchent à se débarrasser de
ces fruits du libertinage que de ceux qui cherchent à se les appro
p rier, il n’est pas sans exemple q u ’ils deviennent un objet de spécu
lation. Cela put arriver dans l ’espèce; et nous verrons, par la suite
des faits, qu ’on en eut la p en sée, et qu ’on en éleva la question lors
de la transaction qui a donné lieu au procès.
Si Léonard Canu était l’enfant de Marie B r u n e t , il y avait quel
que chose d’extraordinaire à le lui voir retirer de l’hospice moins
de trois mois après l’y avoir déposé; aussi pensait-on généralement,
alors , qu ’elle avait pris un enfant à l’hospice pour s’en faire un
moyen à l’égard du sieur Gueston. 11 y avait quelque chose d’ingé
nieux à cette manœuvre pendant qu’on préparait les élémens de
l’acte ; et c ’était une adroite diversion, au moment même où il allait
être consommé, que de jeter au milieu de ces négociations un enfant
que Marie Brunet s’appropriait. 11 servait merveilleusement scs vues
en embarrassant le sieur Gueston de sa présence en même temps
que de ses réclamations. Quoi qu ’il en soit, le même jo ur, i 4 jan
vier, les enfans donnaient la déclaration suivante :
« Nous soussignés, Gilbert etLouis-Llienne G ueston, demeurant
» dans la commune de Meillet, et demoiselle Françoise G ueston,
® dememant en la commune de Saint-IIj'laire , reconnaissons devoir
» à M arie Brunett hlle majeure , demeurant en la commune de
» M urât, la somme de deux mille lrancs pour elle et son enfant na» tu re l, seulem ent, aux conditions ci-après, et ce par pur don et
• » par forme de récompense de ses services, pour laquelle somme
2
�— 10 —
» nous sommes convenus de lui servir et faire une pension viagère
» de trois cents francs, tant à sou profit q u ’au profit de Léonard Canu,
» son fils n a tu re l, né le 18 octobre 1 8 14 > lequel elle a retiré de
» l'hospice, le i l janvier présent mots, avec convention que si ledit
» enfant parvient à la g e de d ix - h u it a n s , ladite pension cessera
» d’avoir lieu sur la tète de Marie B r u n e t, et appartiendra en totalité
* raudit Léonard C anu, auquel cas nous nous obligeons de la payer ;
» mais s’il décède sans s’établir, après les dix-huit a n s, et que Marie
» Brunet, sa m è r e , vive, nous nous obligeons de continuer ladite rente
» sur la tête de M arie Brunet ju sq u ’ à son décès............ « Cette décla
ration est ensuite approuvée par les trois enfans, quoique écrite d ’ au
tre main.
11 n ’est pas difficile de découvrir la pensée qui a présidé à cet
acte. Ou on n’ose pas demander au sieur Gueston qu ’il reconnaisse
cet enfant dont l’origine est couverte de ténèbres, ou si on le de
mande, il le refuse. II estentouré de sa famille, de ses enfans, moins
exposé à la séduction, à la contrainte. T ou tefo is, à la suite de quel
ques familiarités avec Marie Brunet, et sans examiner si' 1enfant q u ’elle
présente comme le sien, est ou non celui du sieur G ueston, ni lui
ni ses enfans ne reculent devant un sacrifice purement pécuniaire.
Cette déclaration peut d ’autant moins avoir un autre b u t, que per
sonne n y intervient, pas mèinc Marie Brunet, pour y donner un état
à cet enfant. Elle-même n’accepte pas la disposition, qui demeure
avec le simple caractère d ’acte unilatéraf, sous seing prive, quoique
contenant un don purement gratuit’, qui renferme , par co n séqu en t,
une simple obligation morale plutôt qu'un contrat réel et légalement
consenti. Reconnaissons ici que si François .Gueston eut cru que
cet enfant était le sien, et q u ’il eût voulu le reconnaître , il n ’a u ra it
pas manqué d’ajouter q iw l entendait le réduire à cette pen sion,
conformément à l'article
t
du Code
civil. On ne peut pas
en douter; et l’acte témoigne assez nettement de cette volonté. 11
prouve plus, encore , puisqu’il est exclusif d ’une reconnaissance
que François. Gueston îuÎ refuse. D eux jours après, un no uvel'acte *
�— il —
se passe; nous devons encore en faire apercevoir les singularités.
. Nous avons dit qu ’au commencement de 1814 » Marie Brunet de
meurait au M ontet, et y avait connu Gilbert Fratissier. L e 16 jan
vier i 8 i 5 , elle passe avec lui son contrat de mariage; il constate
que son père était encore vivant, et qu elle n ’avait pas recueilli sa
succession.
« Elle se constitue les biens et droits qui lui sont échus par le décès
» de Marie M ica u d , sa mère ;
v E t , de son ch ef, une somme de deux mille cinq cent cinquante
* francs; savoir : 2 ,3 5 o fr. numéraire, par elle à Cinstant comptés
» et réalisés en espèces d ’or et d'argent ; et 200 francs de meubles
» consistant en un lit de plume et couverture avec traversin, une
» armoire en cerisier, quatorze draps de lit, deux nappes, neuf ser» vieltes et treize aunes de toile b la n c h e , au petit étroit. Dans l’ar» moire ci-dessus sont les rob es, habillemens, linges et bardes de
» la future é p o u se , non compris dans les sommes ci-dessus ¿et qu elle
* n ’ a voulu détailler ni faire estimer par les présentes. ■
>
Elle déclare que le tout provient de ses épargnes , gages et écono
mies. Elle déclare , en o u tr e , avoir une petite pièce de terre en jar
din , située à Mural, en valeur de 200 fr.
On voit q u ’indépendamment des 5 oo fr. de rente viagère promis à
Marie Brunet et à l’enfant, le sieur Gueston ne faisait pas trop mal
les honneurs du contrat de mariage, qui, toutefois, se passait hors sa
présence, devant M‘ P la ce , notaire au Montet. 2 , 35 o francs et des
meubles, d’une part, 3 oofr. de rente viagère de l’autre, une quantité
de linge qui demeure inconnue, parce que Marie Brunet n'a voulu
ni le detailler ni le faire estimer. Dans toute supposition, il n’avait
pas été déraisonnable.
Après cette constitution, le contrat renferme la clause suivante :
« La future epouse nous a requis de déclarer en ces présentes
» qu’elle est m è r e , depuis environ trois m ois, d ’un enfant mâle
» nommé Léonard C anu, suivant l’acte de naissance dudit enfant,
» constaté par M. le juge de paix du canton de Moulins, partie de
�— 12 —
i l’ouest, le 19 octobre 1814 5 extrait duquel acte lui a été délivré le
» 10 janvier, présent m o is, par M. Ripoud l’aîné, adjoint à la mairie
» de Moulins; voulant ladite future que ledit enfant soit, par cespré» sentes, et ainsi qu’ elle se propose de le réitérer par l ’acte civil de
» son m ariage, légalement et authentiquement reconnu comme son
» enfant légitime, et qu'il lui succède conjointement et par égales
» portions j avec les autres enfans quelle pourra avoir du mariage q u ’elle
a se propose de contracter ; voulant q u e , dans le cas où elle 11’en
» aurait pas d'autres, ledit Léonard Canu lui succède en totalité, et
» soit reconnu pour son iicritier universel de tous les biens dont elle
s mourra vêtue et saisie. »
Il faut en convenir : le futur époux qui consentait à une pareille
insertion dans son contrat de m ariage, si cet enfant ne provenait pas
de ses œuvres , n'était pas dominé par le respect humain. Tout
homme du p eu ple, si bas placé qu’il fût par la fortune , et s’il avait
conservé quelque chose de l'hom m e, 'n’aurait pas voulu constater
ainsi, par l’acte môme de son mariage , le déshonneur de celle à la
quelle il allait s’un ir, et sa propre immoralité ; car il y avait immo
ralité notable, si cet enfant n’était pas le sien, à consigner ce té
moignage dans cet acte solennel, pour que ses enfans et sa famille
l ’y retrouvassent à jamais. Cela n ’est pas dans la nature de l’hom m e
honnête. Dans cette supposition, quel jugement faudrait-il donc por
ter et de l’homme qui accepte une pareille condition, et de la femme
q u i, avec 0,000 fr. au m oins, des im meubles, du m obilier, un via
ger de 5 oo fr. et des droits successifs, ne trouve q u ’un pareil époux?
Où trouvera-t-elle le droit de dire à un tiers q u ’un enfant q u ’elle
vient de retirer d ’un hospice lui appartient, s i , d ’ailleurs, il n ’existe
pas de signes certains auxquels on puisse le reconnaître?
Mais cet acte fait plutôt croire que le futur époux était le père de l’en
fant, à supposer, toutefois, q u ’il pût s’en assurer. C ’est à cette pen sée’
plus morale que tendent toutes les expressions de la clause que nous
venons de transcrire. Comment, en elfet, si elle n’avait pas dominé les
esprits, y aurait-oa écrit que Marie Brunct reconnaissait Léonard
«I
�Canu comme son enfant légitim e? Comment y aurait-on stipulé qu’il
lui succéderait conjointement et par égale portion, avec les autres
enfans q u ’elle pourrait avoir du m ariage, et q u ’au cas où elle n’en
aurait pas d'autres, il lui succéderait pour le tout, et serait son hé
ritier universel? Com m ent, sans ce la , le futur époux aurait-il con
senti à le mettre sur la môme ligne de légitimité et de droits successifs
que ses propres enfans? Y a-t-il rien de plus expressif que ces ter
mes : Son enfant légitime............ .. qui succédera par égalité avec les
autres en fa n s.............. du mariage? Il n’y avait que la paternité de
Fratissier qui pût produire de semblables résultats ; et aussi s’em
presse-t-on de dire que la reconnaissance sera réitérée par l ’acte civil
du mariage ; pensée monstrueuse, si ce n ’était pas pour l’attribuer
au futur époux.
Celte réitération, il est v r a i , n ’a pas eu lieu dans l’acte civil de
célébration, et Fratissier n’a jamais reconnu l’enfant. Un instant de
réiléxion avait suffi à Marie Brunet pour en écarter la pensée. Elle
songea que quelque moment se présenterait o ù , trouvant le sieur
Ciucston livré à lu i-m ê m e , elle pourrait reprendre/ses moyens de
séduction, et l’amener à une reconnaissance , moins sans doute dans
l’intérêt moral de Léonard Canu, que pour en tirer quelque chose de
p lu s , soit pour l u i , soit pour elle-même ; car elle savait très-bien
stipuler les conditions à son profit. Poursuivons.
Le 16 février, elle se présente devant Boucanm ont, notaire. Elle
lui dépose l’acte sous seing privé du i4 janvier, et en fait acte d’ac
ceptation authentique ; acceptation complètement inutile sous deux
rapports différons ;
Inutile dans toute supposition, si elle ne comptait pas sur la fidé
lité des enfans Gueston à tenir leur promesse, puisque l'acte n’était
pas valable légalement ;
Inutile e n c o r e , si on pouvait obtenir plus tard la reconnaissance
du sieur G ueston; car, en ce cas, on était bien obligé de recon
naître qu ¡1 faudrait abandonner la pension, ou l’imputer sur la por
tion réservée par la loi à l’enfant naturel reconnu.
�-
H -
Cet acte n ’était donc q u ’une précaution pour s’assurer la pension',
au cas où on ne pourrait pas obtenir la reconnaissance. Cette pré
voyance est demeurée sans effet. L e 5 o mars
i
8 i 5 , moins de six se
maines après, Marie Brunet parvint à obtenir la reconnaissance du
sieur Gueston.La forme de cet acte est encore bonne à considérer. Le
sieur Gueston n ’y figure pas seul : Marie Brunet y comparaît avec lui
pour y répéter une reconnaissance désormais inutile, après l’avoir
faite dans le plus solennel et le plus authentique de tous les actes ;
mais sa présence était nécessaire pour que François Gueston accom
plît ce qu ’on voulait de lui. Aussi n ’est-ce plus le notaire de la fa
m ille, à Montmaraut, qui la reçoit, mais bien celui qui avait reçu
Je contrat de mariage des époux Fratissier ; e t, pour cela, le sieur
Gueston se transporte au Montet. I c i , on ne peut s’empêcher de re
marquer q u ’après une reconnaissance formelle et très - suffisante,
faite dans cet acte même par Gueston et Marie B run et, « qu’ ils ont
» donné l ’ un et l ’autre le jou r à Léonard Canu , suivant l’acte de nais» sance dudit enfant, du 19 octobre 1 8 1 4 >dont copie a été délivrée
» par Ripoud, adjoint, » on met dans la bouche de chacun d ’eux une
déclaration particulière ;
D ’abord, par Marie B ru n et, une réitération expresse de la recon
naissance portée dans son contrat de mariage ; chose fort inutile as
surément , si ce n'est pour amener celle qui la suit.
■ Et, enfin, une réquisition spéciale, par le sieur Gueston au notaire,
de recevoir sa déclaration publique et authentique, et de la rédiger
par acte en forme , chose pour le moins superflue , à côté de cette
déclaration en forme déjà écrite par le notaire, et qui serait absurde,
si immédiatement on n ’avait ajouté, o u , pour mieux dire , échappé
Je véritable motif de cette répétition surabondante :
»
A fin que ce môme enfant put recueillir dans sa succession l’ intégra <■
litédes droits que les lois accordent aux enfans naturels reconnust
s a n s rn É J U D icE d e s a u t r e s d i s p o s i t i o n s
e t ce
qui peuvent avoir été faites en
sa faveur. »
A insi, toujours le même but de la part de Marie B run et, prendre,
�recevoir et tirer à soi. A rg e n t, m obilier, r e n t e , tout cela ne suffira
pas ; il faudra d’autres promesses. Elle a voulu, par son propre contrat
de mariage, que l ’enfant qu ’elle a v a i t auparavant fût considéré comme
légitime; qu ’il partageât par égalité avec tes autres enfans q u e lle
pourrait avoir de son mariage; aujourd'hui, elle n’ose pas le quali
fier légitime à l’égard du sieur Gueston , ce qui serait absurde ; mais
elle veut, et elle lui fait dire qu ’il aura l ’ intégralité des droits de
l’ enfant naturel} en outre, et sans préjudice des autres dispositions
déjà faites en sa faveur ; tout comme si un enfant naturel reconnu
pouvait, par des dispositions directes ou indirectes, obtenir des préciputs au delà de la part que lui réserve la loi ! Q u o n dise mainte
nant que Marie Brunet a négligé les droits et les intérêts de son fils,
et q u e , quelques mois aprèst elle les a sacrifiés par un traité dé
savantageux !
Évidemment, celte déclaration était écrite dans l’acte pour porter
atteinte, autant que possible, aux dispositions que le sieur Gueston
avait faites de sa fortune au profit de ses trois enfans. Mais ceux-ci
pouvaient attaquer la reconnaissance ; ils pouvaient la critiquer comme
frauduleuse, s’ils croyaient y reconnaître ce caractère; Personne ne
savait mieux que Marie Brunet si la vérité des faits devait lui inspirer
des craintes à ce sujet. La suite va nous prouver q u ’elle en concevait
de très-sérieuses.
Certes , après une reconnaissance aussi authentique , deux ou trois
fois constatée dans le même acte, en termes géminés, elle n’avait b e
soin d’aucune autre précaution, à moins qu’un sentiment intérieur,
dicté par une vérité q u elle seule, peut-être-,, pouvait connaître tout
entierc, ne lui inspirât des doutes sur son efficacité. Dans la perplexité
ou la mettait la crainte que cette vérité ne fut connue, elle dicta au
sieur Gueston une démarche qui décèle scs inquiétudes et son em
barras.
Le 4 juillet 18 1 5 , François Gueston se présente encore au Montet
devant le notaire Place , 1homme de confiance des époux Fratissier.
11 lui dépose un paquet de papiers cacheté t concernant Léonard, son
�— 16 —
*
fils naturel. Il le requiert d ’en recevoir Je d é p ô t, se réservant de le
retirer à sa volonté, en donnant décharge ; ajoutant que « dans le cas
» où il ne retirerait pas lui-même l’objet de ce d ép ô t, il voulait et
* entendaitqu’il fûtrem is soit audit Le'onard, son fds naturel, lors de
» sa majorité, soit au tuteur qui pourrait lui être nommé ; mais à
» condition q u ’en ce dernier cas, il en sera (ait ouverture par le no» taire dépositaire, lequel constatera, de suite, en .présence du tu» teu r, l’existence des pièces contenues audit paquet, par un inven» taire détaillé. »
Lorsqu’on connaît les pièces qui étaient contenues dans ce paquet,
on se demande pourquoi tout ce mystère , si ce n ’est pour p arven ir,
par un moyen indirect, à faire répéter e n c o r e , et consolider par le
sieur Gueston , une reconnaissance dont on se défiait? C ’était tout
bonnem ent, i° l’acte de naissance de Léonard Canu ; 2®.une note
du reirait de l’hospice, par Marie Brunet ; 3° une expédition du con
trat de mariage des époux Fratissier, qu’assurément le sieur Gueston
n’avait pas retirée de son propre mouvement ; 4®l’acte d ’acceptation
de la rente viagère, en date du 16 février; 5®enfin, une expédition
de l’acte de reconnaissance du 3 o mars i 8 i 5 . Assurément, tout
cela n’exigeait pas ce dépôt mysLériéux, et il avait nécessairement
une autre cause, que tout le monde peut apercevoir, la confirmation
d ’une reconnaissance qui n’avait pas été assez spontanée pour inspirerune entière confiance. Aussi, après la mort de François Gueston,
lorsque ces enfans connurent ce d é p ô t , leur inspira-t-il la crainte
que ce paquet ne renfermât quelque chose d ’injurieux, et exigèrentils que l’ouverture du paquet fût faite en leur présence.
T outefois, Marie Brunet n’était pas encore pleinement rassurée.
Toujours pleine de sollicitude pour les intérêts matériels de Léonard
C a n u , et les siens propres, elle chercha à se tranquilliser par d ’au
tres moyens; et, n’importe que ce soit avant ou après la mort de
F ra n ç o is Gueston, arrivée le 1er mai i 8 i G , elle communiqua scs
craintes à des jurisconsultes, en leur demandant un avis. Dans un
' mémoire qui indiquerait que le sieur Gueston vivait e n co re, et on
�— 17 —
on parle beaucoup de son attachement sans bornes pour son quatrième
enfant, on dit qu’ il voudrait lui assurer une existence honnête, mais
q u ’il craint de ne pouvoir seconder l’intention de la nature , i° parce
q u ’il a vendu tous scs biens à ses trois premiers enfans, le i/( janvier
1 8 1 5 ; 2° parce qu’t'/ craint qu'on ne conteste l’identité de l ’ enfant,
qui a resté, en quelque sorte, inconnu depuis sa naissance jusqu’à la re
mise qui en fut faite à sa mère par une sœur de l’hospice de Moulins;
3° parce qu’il craint que la reconnaissance ne soit tardive ou q u ’elle
soit contestée.
Puis,
on fait observer que l’acte de pension viagère, qui
désigne Léonard Canu , fils de la B ru n et, devrait valoir comme ap
probation de la part des enfans, et faire remonter la reconnaissance
au jour de la naissance. Enfin, on demande d ’indiquer, s’il peut en
core en être temps, lotit ce qu’il est possible de faire dans l'intérêt
de Léonard Cami. Là-dessus, les jurisconsultes s’e x p liq u e n t, et
après quelques hésitations sur une question q u ’ils reconnaissent dif
ficile par rapport aux droits de l’en fan t, ils se prononcent sur tous
les points en sa faveur. Nous n ’entrerons dans aucun détail sur celte
consultation; cela n’est pas nécessaire à la cause.
Aussitôt après le décès du sieur G ueston, ses enfans firent procéder
régulièrement à l’inventaire de son mobilier*, soit à la Sciauve, où il
était décédé , soit à Moulins, où il avait une chambre à loyer. De son
cô té , Marie Brunet provoqua la réunion d’un conseil de famille, qui
lui confirma la tutelle de Léonard C a n u , lui donna pour cotuteur
Fratissicr, son mari ; pour subrogé tu te u r, G ilb e rt'C o u rre t, c l l ’aulorisa à faire ouvrir le paquet déposé chez M* Place. L e i o ju ille l,
il fut procédé à cette ouverture, qui ne produisit autre chose que les*
cinq pièces que nous venons de désigner e t, immédiatem ent, Marie
Brunet se mit en mesure de connaître et de faire effectuer les droits
qui îesultaient, au profit de Léonard Canu , de la reconnaissance et
des autres pièces renfermecs dans ce paquet. Au moins , cela servit ’
*le pretexte avant tout, elle chercha à se procurer des consulta
tions.
I c i , nous parlerons avec une délibération de famille du 5 août
3
�•=.*8
1 8 1 6 , quî est, en quelque so rte, l’ouvrage des intimés, et qui ne
saurait être suspecte à leur égard.
Sur quoi les avocats furent-ils consultés ? Quelles questions eu
rent-ils à résoudre? C ’est là ce q u ’il faut bien expliquer; car c’est le
point d e départ de toutes les opérations ultérieures; c ’est ce qui'
peut seul nous montrer parfaitement quels é taien t, i° la position
«les parties; 2° leurs prétentions respectives,. et nous apprendre si
elles ont voulu faire,, si elles ont effectué , et si la- justice a homo
logué le partage, non contesté, d ’une succession, ou une transaction
sur des difficultés réelles, plus ou moins graves, opposées à celte pré
tention.
Après avoir fait procéder à la reconnaissance des pièces déposées
chez M' P la c e , les époux Fralissier, désirant s ’éclairer sur leurs ef
fets ( c ’est la délibération du conseil de famille qui parle ) , s ’adres
sèrent à des jurisconsultes , q u i, après un mûr examen des pièces , dé
cidèrent :
« i° Que la reconnaissance du 3 o mars i 8 i 5 était valable en la.
forme et au fond......
« a® Que si, dans les termes de l’article 33 (), l ’intérêt suffit pour
» q u ’on soit admis à contester la reconnaissance d ’un enfant naturel,
» on ne voit, dans l ’e sp èce, aucune raison de craindre que les hé» riliers légitimes pussent faire accueillir une action qui tendrait à
» faire révoquer en doute l'identité de l ’ enfant reconnu,
b
Après avoir fixé, d ’après la loi., les droits de l ’enfant naturel re
connu , les jurisconsultes ajoutent :
•
« 6® Que s’il ne trouve s i réserve dans les biens de la succession,
* il peut demander la réduction des dispositions entre-vifs qui ont ex~
» cédé la quotité disponible ; »
7° Q uc > dans l’espèce , et d ’après l’artide 9 1 8 , qui exige l'impu
tation cl rapport de la valeur des dons faits, à charge de rente via
g è re , à des succcssiblcs en ligne d irecte, L éonard Canu était fondi
à demander le bénéfice de cet article ;
8* Q u ’il importait peu que la reconnaissance fût postérieure à 1&
�vente , parce que le droit résultait de la qualité do l’enfant n a tu r e l,
que le père pouvait toujours reconnaître.
Ils déterminent ensuite c e qui. doit lui revenir dans leur opi
nion.
¡'
Faisons ici une remarque essentielle. Nous n’avons pas à rechercher
si ces jurisconsultes étaient dans l’erreur pour le tout ou pour partie,
ou s’ils avaient complètement raison en décidant toutes ces ques
tions en faveur de Léonard Canu ; une seule chose nous occupe et
doit nous occuper : celle de savoir s’il s’élevait ou non des question:1
qui missent en litige le droit de Léonard Canu ; si les enfans Gueston
approuvaient toutes ces décisions, ou se mettaient en mesure de les contester. O r , deux choses demeurent constantes :
L ’une , qu ’il s’élevait des questions plus ou moins graves ;
L ’autre, que ces questions ne naissaient pas sur les détails d’un
partage dont le droit serait re co n n u , mais bien sur ce droit en luimême ; tellement que, les jurisconsultes examinent le droit au par
tage bien plus que les questions secondaires qui pouvaient naître de
l ’exercice de ce droit.
O r , à supposer même que ces questions eussent peu de gravité ,
cela demeurait sans importance; car il suffisait qu’elles existassent ,
qu’elles fussent ou qu’elles pussent être élevées, pour qu ’elles de
vinssent matière à transaction.
C ’est là, nous devons le dire, toute la question du procès.
S i , d’ailleurs , on considère ces difficultés soit isolém ent, soit dans
leur ensemble, on sera forcé de reconnaître q u ’elles étaient graves
et sérieuses.
Fasse qu ’une reconnaissance d’enfant naturel soit valable à quelq u ’époque qu’elle soit faite ; qu ’en général, il soit difficile à des enfans légitimes de contester utilement l’identité d ’un enfant naturel
que leur pere a reconnu librement ; passe encore que l’enfant ait
droit à une reserve et à la réduction de toutes d isp o sitio n s gratuites
antérieures; mais, quelle que fût là-dessus la force de l’opinion des
jurisconsultes, leur consultation ne témoigne pas moins que ces
�questions étaient élevées, et q u ’il fallait les franchir avant d ’arriver
au partage. E t , en outre, deux questions fort graves ne s’étaient pas
présentées aux conseils avec toutes leurs circon*tqjnces.
Et d ’abord, s’ils avaient examiné, dans les termes ordinaires, la pos
sibilité de contester l’identité, ils ne l’avaient pas fait par application
aux faits particuliers. Remarquons bien q u ’ils n’étaient consultés que
pat Léonard Canu ou ses tuteurs, q u i, en témoignant la crainte
qu ’on ne contestât l ’identité, ne leur avaient pas fait connaître les
motifs spéciaux de celte crainte, tous les actes, toutes les circons
tances que nous avons rappelées ci-dessus, et qui laissent apercevoir
non une volonté froide et peu croyable, de la part d ’un p è r e , de
supposer 1’cxisterhce d ’un enfant naturel, mais un système fallacieux
dont il était plutôt, lui-môme , la victime que l’artisan. A lors, il était
‘ n otoire, on étail en état de prouver, et on le serait encore anjour“d ’h u i, que l’enfant de Marie Bninet était m o rt; que la reconnais
sance du 3 o mars i 8 i 5 avait élé arrachée au sieur Gueslon par des
manœuvres honteuses; qu’il avait été dépouillé de toute liberté d ’es
prit, et subjugué par tous les moyens de séduction et de contrainte.
Les faits que nous venons d ’exposer ne le faisaient que trop pres
sentir. Les actes antérieurs h la reconnaissance prouvent que Marie
Brunet n'espérait pas faire accepter par le sieur Gueston l ’enfant
q u ’elle avait choisi à l'hospice. Il suiïit, pour cela, de lire et l'acte
constitutif de la pension du i/j janvier, et le contrat de mariage
de Marie B n in e t, du surlendemain 16. Ceux postérieurs démon
tren t, à n'en pas do uter, combien peu elle se fiait à cette reconnais
sance, qu’elle tachait de faire confirmer par des actes indirects q u ’elle
faisait faire successivement, et qui, sans cela, eussent été sans objet.
Tout cela même écarté, il fallait encore examiner une question grave
et important*:. L ’atl. ()iS, quiserait tout le litre de l'enfant naturel,
oblige seulement le successible qui a accepté une vente à fonds
perdu , à imputer ou rapporter la rnlriir de l'immeuble ainsi aliéné.
O r , ici deu* choses se rencontraient :
i* Les biens avaient été vendus non-seulement pour une rente
�viagère, mais encore pour un capital de 58 ,ooo fr., délégué aux ven
deurs de ces mêmes b ie n s, pour le prix des acquisitions, d’où on
pouvait conclure qii’il n’y avait rien à réclamer à ce sujet , spéciale
ment pour le bien d e là Sciauve, sur lequel il n’avait pas été payé une
obole par François Gueston ;
2° Et dans le cas même où il y aurait eu lieu à rapport pour le sur
plus, il était question de savoir si ce rapport pouvait s’appliquer aux
immeubles m ôm es, ou seulement à leur valeur ; o r , c ’était une ques
tion élevée.
Enfin, si on abandonnait la position présente, si on élevait en
justice de semblables prétentions contre les enfans légitimes, on
pouvait courir le grave danger de les voir retirer le pur don de 3oo f.
de rente viagère q u ’ils avaient promis par l’acte sous seing privé du
*4 février i 8 i 5 , puisque tout le monde reconnaissait qu’il était ra
dicalement* nul.
*
D où il était évident qu ’avant de former en justice une demande
c n partage, et d’en courir la responsabilité, les tuteurs de Léonard
Canu avaient de graves réflexions à faire. O r , c ’est ce qui les porta à
demander des conseils avant d ’ouvrir un litige, pour le moins incer
tain, sur les droits de l’enfant naturel à un partage de succession.
Jusque l à , il n ’y avait de débats avec personne
les tuteurs seuls
examinaient et faisaient examiner les droits de leur pupille liors la
presence des intéressés. Ils exposaient la question à leur guise; mais
quelle que fùl la décision ou l’opinion de leurs conseils, les enfans
légitimes restaient les maîtres de leurs droits et de leurs m oyens,
qu ils n ont abandonnes dans aucun temps. Pendant q u ’on se mettait en
garde contre leurs contestations, cn les prévoyant, avant môme q u ’ils
les eussent élevées, ils conservaient leur propre position. Voyons la
suite des laits, toujours dans la délibération du conseil de f a m i l l e ,
provoquée par les époux Fratissier.
Ceux-ci ajoutent « qu après avoir pris ces éclaircissemcns............ ..
* Us se proposaient de former en justice une demande en réduction de
» la donation faite cn forme de vente le i/f janvier i 8 i 5 , et en par-
�✓/
•t
*
— 22 —
» tage des cinq sixièmes d ’une locaterie qu i formait, avec la terre
» de la Sciauve j la totalité des immeubles de la succession.... , lorsque
» les enfans légitimes du sieur Gueston ont proposé de transiger sur
» lotis les droits dudit enfant naturel, moyennant une somme de
» trois mille fr a n c s, q u ’ils disaient supérieure à celle qui pouvait lui
» revenir, en admettant, ce qui t o l t a i t êtiie c o n t e s t é , selon e u x ,
» que les diverses questions précédemment agitées fussent résolues en sa
» faveur. »
Nous devons insister là-dessus, parce que ces détails fixent nette
ment la position des parties.
Au milieu de toutes les prévisions des tuteurs et de leurs conseils,
de tout ce q u ’ils disaient de favorable pour Léonard Canu , les enfans
du sieur Gueston, menacés d'un procès, se présentent. Ils leur di
sent : a Tous élevez des prétentions que nous pouvons combattre ; vos
conseils vous donnent raison sur toutes les questions agitées; nous
sommes fondés à le contester. Ils prétendent que votre identité ne
peut être révoquée en doute, que vous avez droit de critiquer la
vente de 1 8 1 5 , d ’exiger le rapport des biens ,*etc., etc. Nous pou
vons contester tout cela, repousser votre action, e t , qui plus e st,
vous refuser jusqu’aux 5 oo fr. de rente viagère promis par un acte
n u l, en 18 1 5 . Çi vous voulez ouvrir cette lu tte, nous nous défen
drons. T outefois, même e n .su cco m b a n t, vous nous aurez fait sou
tenir un procès fâcheux, peu honorable pour la mémoire de notre
auteur ; et nous préférons faire un sacrifice pour laisser ces questions
enfouies. Youlcz-vous renoncer à entrer sur ce terrain? nous renon
cerons h nous y défendre; et pour éviter toute discussion sur ces dé-'
tails fâcheu x, nous vous offrons 3 ,000 fr. Si vous examinez bien ,
vous verrez que nous vous offrons, en numéraire, plus qu’il ne vous
reviendrait en supposant tout, et que nous faisons un sacrifice réel
pour éviter un procès. Les acceptez-vous? Tout est fini. An cas con
traire, nous restons avec nosdroits, et nous les ferons valoir, assurés de
ne jamais vous devoir davantage, quand vous réussiriez , mais avec la
çhance de ne pas vous devoir une o b o le, pas inème la pension que
�nous avions promise, si vous succombez. a Voilà le véritable sujet dit
litige, le droit et la qualité môme de l’enfant naturel mis en ques
tion , et non pas seulement les détails d’un partage auquel on lui
contestait toute espèce de droit. Cette situation est dessinée autant
que possible dans cette délibération , puisqu’il n’y avait aucun procès
commencé , et que la question était de savoir si on devait s’exposer
a l introduire.
La délibération ajoute que, sur celte proposition* les tuteurs avaient
eu de nouveau recours à leurs conseils, et que ceux-ci, après avoir
pris connaissance de la valeur des biens, et en persistant à décider
en faveur de l’enfant naturel toutes les questions déjà résolues par
e» x , reconnaissent encore qu’il est avantageux à l ’ enfant naturel que
les tuteurs transigent moyennant te p rix propotc. Q u ’eussent-ils donc
d it, s’ils avaient entrevu des doutes sur les questions qu ’ils avaient
soulevées?
Pour s’en convaincre, les conseils avaient fait ou fait faire l’esti
mation des biens. Déduction faite dés dettes, ils n ’étaient en valeur
^ e de 4 6 , 196 fr. G5 cent. *, et comme , dans toutes les suppositions,
Ie mineur n ’amendait q u ’un seizième, il ne pouvait obtenir que
2*887 fr* En recevant 3 ,000 fr., il avait donc plus que ce à quoi
*1 pouvait prétendre.
D où il résultait que les enfans Gueston faisaient, en réalité, uir
sacrifice à la mémoire de leur p ère , et qu ’ils étaient à l’abri de tout
soupçon d ’injustice envers Garni, supposé môme son enfant naturel.
Voulant se conformer à l ’art. 4G7 du Code C iv il, les tuteurs de
mandent ensuite l’avis du conseil de famille. Le juge de paix com
pose ce conseil d ’amis et de voisins, attendu que l ’enfant naturel n ’ a
d autres parens que ses pire et m ère, et que , d ’ailleurs , les pareils du
pire naturel seraient trop souvent portes à sacrifier les intérêt» de l ’en
fant ne hors mariage. L e conseil de fam ille, ainsi com posé, co n si
dère que toutes les questions sont résolues en faveur du mineur. Il
deelare qtt il est à lu connaissance particulière de chacun de ses mem
bres que Us immeubles de la succession sont estimés au-dessus de tetir
�- 2 1 raleur; e t , e n fin , reconnaissant que l'arrangement proposé ne peut
qu’être avantageux au m ineur, il autorise à transiger comme il est
proposé.
L e 10 a o û t, les tuteurs présentent une requête au procureur du
roi; e t , poursuivant l’exécution de l’article 46 7, ils réclament la no
mination de trois jurisconsultes.
L e procureur du roi ne
sq
'
v
méprend pas ; il ne voit là que ce qui
y était, c ’est-à-dire un projet de transaction sur des prétentions op
posées, et non un projet de partage, qui aurait exigé d ’autres forma
lités et des mesures différentes, et il rend l’ordonnance suivante :
« Yu la présente r e q u ê te , et l ’article 467 du Code de procédure
» civile, nous commettons MM. Jutier o n cle , Ossavy et Boÿron
» fils, jurisconsultes , à l ’effet de donner leur avis su r'le projet de
b transaction dont il s’agit. Fait à Moulins , le
10 août 1816.
» Meilheurat. »
I c i , remarquons encore que les enfans Gueston , après leur pro
position faite, demeuraient étrangers à toutes ces investigations; que
les jurisconsultes rccommandables, commis par le procureur du roi,
n ’avaient, comme les conseils des tuteurs, d ’autres lumières, sur
les faits, que celles que les époux Fratissier jugeaient convenable
de leur donner. L eur consultation démontre toute l’attention
qu’ils mirent à cet examen. Faute d ’une discussion contradictoire,
ils pensent que les décisions prises par les conseils du mineur « sont
» en harmonie avec les lois nouvelles et la jurisprudence de la Cour
» de cassation ;
» Que s’il y avait des doutes............ le mineur ne pourrait s’en
* plaindre, puisque toutes les questions ont été résolues en sa fa* veür;
*
Q u ’il est reconnu, en fa it , par le conseil de famille, que les
» biens de la succession se trouvent portes à une estimation supérieure
* à leur valeur réelle. »
Q u ’e n fin , « il importe d ’éviter à l ’enfant naturel un procès qui no
» tendrait q u ’à faire naître pour lui des chances incertaines, et à rc-
�— 23 —
» m ettre en question ce qui est résolu en sa faveur, en 1 exposant a des
* frais considérables qui pourraient consommer sa ruine. »
Ainsi, les jurisconsultes ne s’occupent pas d un partage, mais bien
d ’une transaction, pour prévenir un procès qui présenterait <les chances
incertaines ; et aussi, après un mûr exam en, ils estiment qu il y a
Heu d ’ autoriser l ’enfant naturel A t r a n s i g e r pour tous les droits à lui
afférens dans la succession , moyennant la somme de 0,000 fr.
Après cette consultation, les tuteurs firent dresser la transaction
par M" G ueulettc, notaire à Moulins. Elle ne fu t, pour ainsi dire ,
qu une copie de la délibération du conseil de famille. Elle énonce ,
comme la délibération , les questions qui pouvaient s’élever sur
l’ identité de l ’ enfant, sur la validité de la vente du pere , sur la ré
duction de cet acte considérée comme donation , etc. ; e t , enfin ,
on déclare qu’on a résolu de transiger, par forme de transaction sur
procès, pour tous les droits que prétend Léonard Canu. Les enfans le
gitimes ne mettent aucune importance à ce qu on qualifie I'rançois
Cueston père naturel de Léonard Canu , puisque celui-ci ne pouvait
rien prétendre q u ’à ce titre ; cela entrait dans la transaction comme
le reste. Les enfans renonçaient à le contester, en môme temps que
les tuteurs de Canu renonçaient à demander quoi que ce soit au
delà de5 3 ,ooo fr. olferls par forme de transaction. Après cela, les tu
teurs soumettent le tout à l'homologation du tribunal. La-dessus ,
après les formalités voulues en matière de transaction , le tribun a l , sur le rapport de son p résident, et sur ics conclusions conformes
de
l\r., le procureur
du roi, prononce ainsi q u ’il suit»:
« Attendu que toutes les formalités prescrites pour la validité des
» transactions laites au nom des mineurs ont été scrupuleusement ol>» servées ;
» Attendu que le conseil de famille du mineur Canu , ainsi que
» les trois jurisconsultes désignés par M. le procureur du r o i , ont
» reconnu qu’ il était très-avantageux pour le mineur de traiter et tran-
* siger aux conditions fixées par l’acte du 12 août ;
* Le tribunal homologue la transaction passée entre les cotuteurs
4
�\ S V
.
— 20 —'
» du mineur Leonard Canu et les enfans légitimes de François Cues» to n , le 12 août présent m ois, pour ladite transaction Être exé» entée selon sa forme et teneur. »
Croira-t-on que le magistrat éclairé qui tenait le p arqu et, et le
tribunal lui-m êm e, se soient mépris sur ce q u ’ils faisaient et sur ce
qu ’il y avait à faire ? Q u ’ils aient cru apercevoir un procès avec des
chances incertaines, là
oh
il y aurait eu un droit certain et reconnu'
( car il aurait fallu qu’il fût reconnu ), et seulement un partage à ef
fectuer? Comment prêter une erreur si grossière aux magistrats de
cette époque, au jurisconsulte qui préside aujourd’hui le tribunal d e
Moulins, et q u i, avec ses' deux collègues, commis par le procureur
du roi, avait préparé et la transaction et la décision du tribunal?.
Toutefois, et en le supposant, en tenant pour certain ce qui n’ost
ni vrai m possible , la question serait encore de savoir'si on ne doit
pas prendre les choses telles q u elle s sont; si ce n’est pas une véri
table transaction qu’on a faite , une transaction que le tribunal a ho
mologuée , alors même qu’il aurait pu ou dû ne pas le fa ire , et si cen ’est pas seulement une transaction dont il faut examiner la validité.
Vingt ans se sont écoulés pendant lesquels cette transaction a été
exécutée par le payement annuel des intérêts. Nous ne disons pas
cela pour en tirer un moyen de fin de non-recevoir contre’ Canu ,
qui était mineur, niais pour montrer comment l’acte a été apprécié
par.les tuteurs, qui, mieux que personne, pouvaient en connaître la
p o r té e , par la nature des faits qui l’avaient amené. La majorité de
Léonard Garni ¿tant arrivée, les enfans Gueston lui ont offert le
payement du capital. Il l’a refusé, prétendant avoir de plus amples
droits. Le iG janvier i 8 3 6 , il lui a été fait, en personne, un acte
d ’offres; et sur son refus constaté, il a été .assigné devant le tribunalîle Moulins , pour en voir prononeçr la validité.
Le iG février, pour faire diversion, Léonard Canu a assigné les
enfans Gueston devant le tribunal de Montluçon ; il a demandé le
partage de la succession du sieur Gueston, ouverte dans l ’étendue d e
sa juridiction.
�— 27 —
L e 24 mars, il a signifié des défenses sur la demande en validité
, «l'offres, et a conclu , i° à ce que le tribunal de Moulins se déclarât
incompétent, et renvoyât les parties devant le tribunal de Montluçon ; 20 subsidiairement, à ce qi/il sursît jusqu’après le jugement de
la demande en partage. Il s’est fondé sur ce que l’acte de 1816 était
Un véritable partage sous la forme de transaction ; q u ’il était qualifié
tel par l’art. 888 du Code civil ; que les formalités du partage n ’ayant
pas été observées.à l’égard du mineur., il n ’était que provisionnel ;
<îue , dans tous les cas, il serait nul ou sujet à rescision. Il a ajouté
qu’en excipant de ce m o ye n , même devant le tribunal de M oulins,
il devenait; par exception, demandeur en partage; et que , dès lors,
le tribu n al de M o n tlu ç o n , q u ’il avait saisi par a ctio n principale , pou
vait seul prononcer §ur le litige ; que , dans tous les cas, l’action en
validité des offres était subordonnée à ce qui serait jugé sur l’action
en partage.
En venant plaider la cause , Léonard Canu a étendu ses conclu
sions : il a demandé principalement le sursis, et subsidiairement,
sans s’arrêter à l’acte du 12 août 1 8 1 6 , qui serait declatc nul
t l subsidiairement rescindable , les demandeurs fussent déclarés non
recevables, ou mal fondés dans leur demande.
Sur cette exception, le tribunal de Moulins a prononcé comme il
suit, par jugement du 8 avril i 836 :
« En fait, attendu que la qualité d’enfant naturel de Canu a été
reconnue par François Gueston et Marie lî r u n e t , suivant l’acte au
thentique du 3 o mars 181 G; que celle reconnaissance a été confirmée
dans l’acte du 12 août suivant, par l'admission, de la part des cnlans légitimes de Gueston , à l’exercice de ses droits, en cette qualité,
dans la succession île leur père ; d ’où il suit qu'aucun doute ne sau
rait s elevcr sur cette qualité de Canu comme enfant naturel de
Gueston;
*
» Attendu que la demande des héritiers Gueston contre Canu est
uniquement fondée sur 1 acte du 12 août 1 8 1 6 , d'où résulte la nécescilui d’apprécier la nature et les effets de cet acte au respect dudit
Canu ;
�» Attendu que cet a c t e , bien qu'il soit qualifié transaction, équi
vaut à un partage à l’égard de C a n u , puisqu’il en produit tous l e s .
effets pour lui ;
*
•
» Q u’il contient, en effet,«rémunération de tous les biens formant
la totalité de la succession de François Gueston, leur estimation, la
composition de la masse, la liquidation de la succession , enfin , la
détermination de la quotit^* revenant à Canu en sa qualité d ’enfant
naturel, laquelle y est fixée à un seizième par suite de la réduction
op érée, par l’exercice de ses droits, de la donation déguisée du
14 janvier l 8 j 5 ; q u ’il contient évaluation de cette quotité à une
somme un peu inférieure à 3 ,ooo f r . , et portée ensuite .à la somme
de 3 ,ooo fr. , pour désintéresser plus complètement Canu , et pour
(est-il dit à la fin dudit acte) tous les droits que peut prétendre Léo
nard Canu dans la succession de François Gueston; d ’où il suit que
cet acte renferme tous le’s élémens d ’nn p artag e, q u ’il en a , en
«jutre, le caractère essentiel et distinctif, celui dé faire cesser l’indi
vision ;
» Attendu que si l'acte du 12 août 1 8 1 6 n’est pas un partage pro
prement dit, en ce sens q u ’il n’est pas susceptible des conséquences
légales des partages ordinaires , énoncés notamment dans les art. 883
et 884 du Code c iv il, c ’est uniquement parce qu’il n’y a pas eu at
tribution , délivrance et mise en possession réelle de la portion en
nature de la succession revenant à Canu ; niais que cette partie de
l’acte de partage en est plutôt la conséquence et le résultat qu’elle
n’en est l’eQet principal et le caractère essentiel, lesquels résident
seuls dans ce double point de faire cesser l’indivision et de déter
miner la quotité ;
» Attendu que cet acte du 12 août 1 8 1 G ne peut être considéré
comme renfermant jtnc vente de droits successifs, lorsqu’on considère
également le caracterc propre et distinctif de ce genre d'aliénation ;
» En effet, le vendeur de droits successifs ne vend et ne garantit
que sa qualité d'héritier ou d’ayant-droit ; du reste, il n ’est pas ga
rant de la moindre ouîdc la plus grande étendue de ses droits; il ne
�vend que ce qui se trouve ou peut se trouver dans la succession ; o r ,
dans l ’acte du 12 août, Canu a vendu non-seulement des droits cer
tains , mais des droits liquidés, déterminés, une quote p art, enfin ,
attributive d ’une valeur fixée; en un m o t , le résultat d u n partage
Préexistant;
» D ’où il suit que l ’acte du 12 août 18 16 tient lieu de partage,
puisqu’il a fait cesser, à son respect, l’indivision de la succession à
laquelle il avait des droits et une quotité d ’ailleurs non conlestée ;
» Q u’enfin , s’il pouvait exister quelque doute sur ce point de doc
trine et de droit, il serait levé textuellement par l’art. 888 du Code
civil, disposition dans laquelle le législateur, par une sagesse remar
quable, évite avec un soin évident de se servir du mot partage, et
dit : « Tout acte ayant pour objet de faire cesser l'indivision, encore
* qu’il fût qualifié de v e n t e y d ’échange et de transaction, ou de toute
* autre manière. »
* En d ro it, attendu qu'en matière de partage intéressant des mi
neurs , la loi a établi des règles et déterminé des formes spéciales,
dont elle prescrit l’observation rigoureuse, sous peine de ne laisser
a ‘l’acte dans lequel elles n’auraient pas été scrupuleusement obser
vées, que le simple caractère et la seule force d ’un partage purement
provisionnel (articles 466 et 8/|0 du Gode civil) ;
* Attendu que l ’acte dont il s’agit, contenant transaction sur d ’au- •
très points litigieux, 'les héritiers Gueston pourraient alléguer, peutêtre , que l’admission de Canu à prendre part H a succession de leur
pure dans la proportion qui s’y trouve déterm inée, n ’a été que la
condition, par forme de transaction, de la renonciation de leur part
à dillérens droits, et notamment à celui de contester la qualité d ’enfant
naturel;
» Mais attendu que cotte considération, toutefois, noterait rien
au résiliât de lacté du 12 août 18 16 pour C a n u , et 11c s a u r a i t en
changer la nature et îles effots ;
* Attendu que si quelques inonnmens de jurisprudencecons.lcront
la validitu d\un partage par voie de ¡transaction cuire majeucs;cfjm -
�— 30 —
neurs, même avec attribution cle parts (arrêt do rejet de la Cour de
cassation, du 3 o août i 8 t 5 ) , ou doit y signaler que le partage était
alors attaqué par les majeurs, tandis que l ’inobservation des art, [\QQ
et 84 o du Code civil ne peut être invoquée que par les mineurs ;
» Deuxièmement, que les biens avaient été estimés en ju stice , et
que cette seconde garantie des intérêts protégés du mineur manque
dans l’espèce dont il s’agit ;
■
« D ’où il suit que cet acte du 12 août 1 8 1 6 , qui sert de base à la
demande, est nul en tant q u ’il détermine d ’une manière définitive la
part afférente à C a n u , comme enfant naturel, et q u ’il fait cesser
pour lui l’indivision dans la succession de François Gueston.
» En ce qui touche la surséance dem andée,
» Attendu q u ’il n ’y a lieu de surseoir à statuer sur la demande des
héritiers Gueston jusqu’après la décision de la demande en partage
formée par Canu au tribunal de Montluçon ;
» Q u’il y a nécessité, au contraire, de prononcer préalablement
sur celle dont il s’agit, parce q u ’avant de procéder sur un nouveau
partage, il est de raison, autant que de justice , de décider d ’abord
sur l’effet ou l ’invalidité d ’un partage antérieur, objet de l’acte du
1 2 août 1816 ;
» Statuant et faisant d r o i t ,
» Déclare les héritiers Gueston mal fondés en leur dem ande, les
déboute d ’ic e lle , en renvoie Léonard Canu ; fait réserve à toutes les
parties de leurs droits respectifs, à l'effet soit de procéder à un nou
veau partage , soit d ’exercer lesdits droits ainsi q u ’elles aviseront ; or*donne qu ’il sera fait masse des dépens, qui seront supportés par
quart ^ar chacune des parties. »
DISCUSSION.
En déférant aux lumières supérieures de la Cour l’examen de cfcttc
décision, les appelans n’ont pas à craindre l'influence d ’un préjugé.
S ’ils ont à critiquer au jugement de première instance , ils invoquent
�— 51 —
une autre décision du même tribunal, et en demandent la mainte
nue ; et il leur serait permis de dire q u e , pendant que la dernière
de ces décisions est sujette à l’a p p e l, la première en était affranchie
par ses caractères propres, et que le tribunal de Moulins était incom
pétent pour se réformer lui-mètne. Aussi le ministère public avait-il
Pris des conclusions diamétralement opposées.
Le tribunal était saisi d ’une demande en validité d ’offres , et il était
essentiellement compétent pour y statuer, puisque c ’était une de
mande personnelle, et que le défendeur était domicilié dans l’étendne de sa juridiction. Tout le monde, au reste, l’a reconnu ; mais
avait-i[ la capacité pour annuler, sur.une question incidente, la dé
cision judiciaire du 19 août 1816,? Nous n ’hésitons pas à dire que
n°n ; mais nous devons, tout à la fois, expliquer notre pensée et la
prouver.
Si la décision du tribunal de Moulins, du 19 août 1 8 1 6 , était un
v^ritable jugement rendu en matière conten lieuse, entre deux partlcs soutenant des propositions contraires et des intérêts opposés,
lo»t le inonde avancerait que le tribunal de Moulins, ayant epuise
*a juridiction , n ’avait plus aucune capacité pour réviser son propre
)ugeinent. L e tribunal n’a pas abordé cette question; il a cru n’avoir
P0"^ à s’occuper de la décision rendue le 19 août ib iG . l i a proC(!(lé comme si elle n ’existait pas ; il n’a vu qu’ un aclc passé devant
Gueulclic , notaire, le 12 août 1,816, et a déclaré cet acte nul.
^ ’«st donc un simple acte que le tribunal a voulu annuler; mais ,
s°us ce rapport, il est tombé dahs une erreur tout aussi grave.
■Pour que la réfutation soit plus claire, représentons-nous le sysletnc du jugement. 11 se résume en ce peu de mots :
l * Le sieur Cuestou avait reconnu Léonard Canu par IVcte du
12 août 1 8 1 6 ; cette reconnaissance a été confirmée par l’acte du
*9 août. Sa qualité était donc certaine.
Cet aclc du 19 août est le fondement de la. dem ande, et il faut
* apprécier.
Or» bien que qualifie transaction, il équivaut à un partage , et en
�— 52 —
produit toüsdcs effets; il en a d’ailleurs le caractère essentiel et dis
tinctif, celui de faire cesser l ’indivision.
Ce n’est pas, à la vérité , un partagé proprement d it, puisqu’il n’y
a point attribution de part à Léonard Canu ; mais ce n ’est pas non
pins une cession de.droits successifs : car le caractère de cette es
pèce d ’acte est que le vendeur ne demeure garant de rien. O r , ici,
Cànu à vendu non-seulement des droits certains, mais des droits liqui
dés, déterminés, une quote part attributive d ’ une valeur fix é e , en un
VlOt,
LE RÉSULTAT » ’ UN r A R Î A G E PRÉEXISTANT.
A cela vient se joindre l’art. 888 , qui veut qu ’un a c t e , qui fait
cesser l’indivision, ne puisse jamais être considéré que comme un
véritable* partage.
3° Les formalités prescrites pour les partages avec les m ineurs,
n’ayant pas été observées, l ’acte est demeuré purement provisionnel,
Nous omettons le dernier motif, qiii nous suffira plus lard pour
démontrct combien le tribunal s’est Vu embarrassé dans ce système ;
nous le prenons tel q u ’il e s t , et ne croyons pas difficile de le réfu
ter. Tout consiste, sous ce rapport, à apprécier les caractères de
l’acte du i g août 18 16.
Oublions pour un instant, quoique ce soit un moyen tranchant
dans la cause, que cet acte était passé pour un m ineur, et que la
justice y avait présidé avec sa gravité»et ses formes régulières ;
qu’elle l’avait couvert de son autorité, reconnu et déclaré valable,
en la forme qui lui était donnée ; qu ’enfin , elle en avait fixé défini
tivement les caractères, alors q u ’elld en avait le droit et le pouvoir;
supposons que Léonard Canu était majeur; que c ’est lui seul, en
personne, qui a’ Cônsenti l’acte tel qu’il est présenté, et q u ’aujour
d ’hui, il en demande pnrement et simplement la nullité, il no fau
drait qu’ouvrir la loi pour lui répondre :
« Les transactions ont, entre les parties, l’autorité do la chose jugée
» en dernier ressort. Elles ne peuvent être attaquées ni pour cause
» d ’erreur de droit, ni pour cause de lésion ( art. 2032 ). » Elles
ne peuvent l’ôtre que par suite d'crreür dans la personne ou sur l ’ objet
de la contestation , pour cause de dol et de violence ( art. 2o53 )•
�O r , lui dirait-on, vous étiez majeur, libre (le vos droits , vous les
avez réglés volontairement, et en connaissancedecauso; vous n’argu
mentez ni d ’erreur dans la personne ou sur l ’objet de la contestation ,
n<-de dol ou de violence. L ’acte demeure donc inattaquable.
Vous dites que ce n ’est pas une transaction ! Mais celui qui a
passe un acte, dans une qualification et avec des caractères qui lui
sont propres, n’est jamais recevable à le dénaturer, à lui supposer
Une autre volonté, une autre intention que celle q u ’il y a formelle
ment écrite; e t, d ’ailleurs, qu ’importerait? N’est-il pas vrai q u e ,
quels que soient ses caractères, pourvu qu’il n’y ait rien d ’illicite ,
les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les
°nt faites ? Q u ’elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement
Mutuel, ou pour des causes que la loi autorise? ( Art. 1 1 3 'j. ) L ’acte
6eriut donc valable sous une forme comme sous une autre, soit comme
transaction, soit comme vente ou cession ou autrement, puisqu’il
a °té volontairement consenti.
t ^ *a vérité, la loi ne tient pas compte de la qualification , lorsqu’il
San>t de tout acte qui a pour objet de faire cesser Vindivision e n t r e
^H éritiers ; et le tribunal a dit que le titre de l’enfant naturel étant
reconiui, il avait un droit incontestable au partage ; que l’acte ne
P°uvait pas même être considéré comme cession de droits succèsc|r,
bî mais c’est ici q u ’il est à peine besoin de signaler les erreurs de
C° sysletne, tant elles sont nombreuses et évidentes.
du
^ > d a b o r d , il n’v avait ici ni indivision ni cohéritiers. Dans l’acte
»
*
< r
*2 août 1 8 1 6 , comme dans la délibération du conseil deiam ille
(ÎU| lavait p récédé, il a été reconnu q u ’il y avait seulem ent, à cet
c‘nai d , prétention des tuteurs, appuyée par l’avis de leurs conseils,
j?a,s c°ntestée par les enfans Gueston , soit quant à la qualité de
anu, soit quant à sa prétention de contester la vente de 1 8 1 5 , d ’en
mander la réduction comme don à rente viager«;, d ’exiger le
Apport dos immeubles, etc. Avant d’arriver au partage, il fallait
^ r c d accord de tout cela , il fallait avoir franchi toutes ces difficultés,
a*t résoudre toutes ces questions; et c ’est sur tout cela qu’on a
�transigé, pour etouffer un procès dans sa naissance. Ni l’une ni
les autres parties ne sont donc admissibles à soulever aujourd’hui
toutes cesquestions. Inutilement on argumente de ce qu’il y avait eu
reconnaissance par le p è r e , le 3 o mars 1816. D ’une part, la recon
naissance d’un enfant n’empêchait pas de contester l’identité de celui
qui voulait se l’approprier. O r , une contestation grave s’élevait sur
ce point, et les circonstances que nous avons signalées y répandaient
des difficultés sérieuses; de l ’autre, les enfans légitimes
pouvaient
être admis à critiquer cette reconnaissance, comme frauduleuse ellem ê m e, autant q u ’on voudrait s’en servir pour porter atteinte aux
droits qui leur étaient acquis par des actes antérieurs.
„
Supposé même que les droits de l’enfant fussent reconnus,
et
qu ’il ne restât qu’à les régler, il y aurait eu encore, sur ce règlement,
matière à contestation sur laquelle on pouvait traiter. E11 ce ca s,
l ’acte de 1816 serait une véritable cession de ses droits aux héritiers
légitimes. O r , si l’article 888 veut q u ’on n’ait pas ég ard , dans le cas
q u ’il suppose., à la qualification de transaction, ce n’est pas pour
annuler l’acte ainsi qualifié, mais uniquement pour le soumettre à
à la rescision, comme acte qui a pour objet de faire cesser l ’ indivision
entre cohéritiers; -mais, e n co re, celte disposition n’est ni générale
ni absolue; la loi 11e veut pas soumettre à la rescision tous les actes
qui font cesser l’indivision entre cohéritiers ; elle reconnaît q u ’il est
de ces actes qui doivent en être affranchis par leur caractère propre ;
c l , aussi, elle s’empresse d ’a jo u te r, art. 88g :
« L ’action ( en rescision ) n ’cst*pas admise contre une vente de
» droits successifs faite sans fraude à l’un des héritiers par les autres
» cohéritiers ou par l’un d ’eux. »
E l , ainsi, lesdroiis de Canu supposés certains, sa qualité recon
nue, le traité sur ces droits, par 1111 majeur, moyennant une somme
fixe, serait une véritable cession de celle e s p e c ¿ , inattaquable de
sa nature, parce que c’est encore , sur la quotité et la valeur des
droits, une sorte de transaction où tous les hasards restent d ’un
�s
35 —
L e tribunal a abordé cette objection ; et si nous l’examinons* à
notre tour, quoique fort inutile à la c a u se , c ’est uniquement parce
qu’il nous a mis sur cette voie. Voyons donc comment il la re
pousse.
« Dans la vente de droits successif» ( dit-il ) , le vendeur ne ga* ranlit que sa qualité d ’héritier ou ayant-droit ; il n’est pas garant
* de la moindre ou de la plus grande étendue de ses droils; il ne
* vend que ce qui se trouve ou peut se trouver dans la succession.
* O r , dans la vente du 12 août, Canu a vendu non-seulement des
* droits certains, mais des droits liquides et détermines, une quote
* part attributive d ’une valeur fixée, en un m o t, le résultat d ’ un
* partage préexistant. »
On ne peut pas errer plus complètement et en droit et en fait.
En droit, et q u clq u’indifférent que cela soit à la question qui nous
°ccupe, il est certain qu’une cession de droils successifs peut avoir
des bases diverses sans perdre ses caractères, ni le bénéfice de l’ar
m e 889. •
Ou peut céder une quote part déterminée dans une succession ;
quoique le cédant demeure garant q u ’il y avait droit pour la qu oqu’il a v e n d u e , il sufiit que cette part soit cédée pour un prix
certain et à la charge par le cédataire de payer les dctles , pour quo
lacté soit une véritable cession de droits successifs qui résiste à l’arlicle 888.
On peut, encore, céder simplement son droit à la succession, lorsqu ¡1 y a 1itige sur la quotité, lîn ce cas, la quotité elle-même reste
aux périls du cessionnaire ; mais le cédant demeure garant q u ’il était
héritier; car la ce*ssion suppose qu ’il avait un litre; et cependant,
n)nlgré celte garantie, l’acte échappe encore à l'application de l’ar
ticle 888.
E nfin, on peut céder son droit alors même qu ’il y a litige sur sou
existence, cas auquel le cédant ne vend q u ’une chance, et 11e demeure
garant de rien. C ’est à celle dernière espèce seule que le tribunal
dont est appel a voulu réduire l’application de l’art. 889 ; erreur ma»
�— oG —
nifeste, que condamnent les principes, les lois positives et la juris
prudence de tous les temps. IN’est-il pas certain, en effet, et l’ex
périence
des affaires, comme la simple intelligence des actes,
n’apprend-elle pas à tout le monde que toutes ces espèces de con
ventions renferment ce que ^
lois qualifient jaclus relis, c ’est-à-
dire, que le cédant transforme en une somme fixe, ou une chose
certaine , des droits plus ou moins contestés, pour rejeter sur le cédataire toutes les incertitudes de son droit, de la quotité ou de
l’étendue de ce d ro it, en un m o t , tous les hasards de la succession?
Que , par cela s e u l, et n’y eut-il que la condition imposée de payer
la généralité des dettes connues ou inconnues, il n’y a jamais lieu à
rescision, parce que les parties ne pourraient reconnaître soit une
matière certaine et déterminée, soit un prix fixe et invariable , aux
quels elles pussent s’arrêter, et qu'alors il n’y a jamais possibilité de
prouver la lésion?
Au reste , remarquons bien l’antithèse qui existe entre les deux
articles 888 et 889. L e premier refuse toute conséquence à la quali
fication de transaction, lorsqu’elle est donnée à un véritable partage;
à tout acte qui fait cesser l’indivision entre cohéritiers, lorsqu’il pro
duit lotis les résultats du partage, garantie réciproque , etc. Il n’a
q u ’un b u t , celui de m a i n t e n i r l’action e n rescision qu’il introduit,
et à laquelle, sans celte disposition, 011 aurait.toujours pu échapper
par la forme et la qualification des actes. Mais la loi ne veut, et n’a
besoin de cette exception, que lorsqu’il s’agit d ’un véritable partage,
et que la qualification est donnée dans une intention frauduleuse. Il
11’esl p as, en cilet, défendu de transiger sur la matière des partages
Tpas plus que sur toute autre , lorsqu’il existe line malière quelconque
à transaction; l’art. 888 n ’a pas ce sens absolu. On peut indépen
damment de la raison , qui semblerait suffire
consulter tous les doc
teurs qui ont écrit sur cette m alière, notamment M. Chabot de l’Allie r , sur l’arlicle 888. llien de plus formel que leur doctrine. Au
surplus, tout cela n ’est autre chose que l’application spéciale de ce
grand principe de l’art. 1 l 5 G , que la nature des actes se détermine
�— 57 —
plus par l’intenlion que par le sens littéral des termes. Aussi le lé
gislateur s’empresse-t-il d ’ajouter que cette exception cessera, et q u ’il
11 y aura pas lieu à rescision contre la vente de droits successifs. Pour
quoi cela? parce q u ’une cession de celle nature (q uoiqu e premier
acte entre cohéritiers) , faite par celui qui prétend un droit à celui
qui le co n teste , soit dans sa réalité, soit dans son étendue , et alors
même qu’il ne contesterait que sur la valeur, est une véritable tran
saction entre deux parties qui ont des intérêts opposés; e t , alors,
n’importe que la transaction porte sur des difficultés fondamentales
ou sur des questions de quotité ou de détail, il y a toujours une vé
ritable transaction. En d r o it , le tribunal a donc évidemment erré.
En fait, nous ne concevons pas qu’il ait pu dire sérieusement q u e ,
« dans la vente du 12 a o û t , Canu a vendu non-seulement des droits
certains, mais encore des droits liquidés et déterminés. »
*
Quoi ! ses droits étaient certains , lorsqu’il s’était empressé de
constater lui-même qu ’il craignait contestation sur son identité? lors
que ses conseils ayant décidé que cette identité était'suiïisamment
établie , ses adversaires lui répondaient que cela pouvait être contesté,
et q u ’on l’insérait dans l ’acte même? lorsqu’enfin 011 soutenait que
la reconnaissance étant postérieure à l ’acte du 14 janvier i 8 i 5 , elle
ne pouvait y porter atteinte?
Q u o i! scs droits étaient liquides cl déterminés, lorsqu’on lui con
testait celui d ’exiger le rapport des biens attribués aux enfans, par
l ’acte du i4 janvier, et l’application 'de l’art. 9 1 8 , à raison du prix
considérable et des conditions onéreuses attachées à cet acte !
E t , enfin, où était donc ce partage préexistant, que le tribunal
voit partout, q u ’il ne peut cependant pas signaler, et q u ’on n’aper
çoit nulle part? Q u ’importe q u e , pour savoir si 011 avait intérêt *i
transiger et pour quel prix, la partie eut examiné, par l ’estimation
des b ien s, si elle aurait des chances plus ou moins avantageuses à
courir en cas de succès dans une lutte judiciaire, et voulu connaître
ce qui lui reviendrait, toutes suppositions fuites en sa faveur? Cela
cm pêchc-t-il q u ’elle ait réellement transigé sur des difficultés eiijr-
�lantes, et qui pouvaient être décidées contre elle, si elle soutenait le
procès? Q u’importe, enfin , qu’il y ait une valeur fixée, dés qu’il n’y
en a pas d ’aufre que celle de la transaction? Sans doute si, avant de
transiger, et en dehors de la transaction, on eût reconnu les droits
de Léonard Canu ; si on en eût fixé la nature, la quotité, l’étendue
et la valeur, et q u ’ensuite on lui eût attribué une somme moindre,
sous prétexte de transiger, l’argumentation du tribunal pourrait être
vraie. Mais ici, en estimant les biens et la part qui en serait revenue
à Canu en supposant son droit, on lui contestait ce droit, et on n’a
vait d ’autre but que de mettre cette valeur en regard de la somme
offerte , pour prouver q u ’on faisait une proposition avantageuse. Au
r e s te , sans raisonner nous-mêmes, nous n ’avons qu’à laisser argu
menter le tribunal dont est appel : il a senti le besoin d ’un partage
préexistant à la transaction, d ’une valeur fixée en dehors de cette
transaction ; et il nous suffit de nous reposer là-dessus, en démon
trant q u ’il ne se rencontre aucune de ces conditions que lui-même a
jugées nécessaires, et qui le seraient en effet.
A la v érité, on a dit dans la transaction que Léonard Canu était
le fils naturel de François Gueston ; mais qu’importe ? Cela résultait,
bien ou m a l, de l’acte de reconnaissance du père ; et en le répétant
dans la transaction , les enfans disaient qu'ils pouvaient contester cette
reconnaissance, postérieure à l’acte du i/j janvier
i
8 i5,
comme
faite ou surprise à leur père en fraude de leurs droits. L e tribunal
ajoute encore que cela résulte même de ce que les enfans Gueston
Vont admis à l’ exercice de ses droits en cette qualité. Mais on ne veut
pas voir que c ’est seulement par la transaction, c l en transigeant,
q u ’il a élé admis, non à exercer scs droits comme héritier, mais à
recevoir 3 ,o o o fr. par transaction. O r , dès que les enfans Gueston
sc résignaient à donner 3 ,ooo fr. , il était impossible de ne pas sup
poser à Canu un titre pour les recevoir; e t , dès lors , il fallait néces
sairement transiger sur le titre comme sur la somme ; e t , clans leur
ensemble, toutes ces conventions ne faisaient toujours q u ’une tran«action unique, où chacun renonçait à de plus grandes prétentions1,
�et "où l’admission de Canu à prendre 3 ,ooo fr. , comme enfant na
t u r e l, n ’était écrite qu’à côté de sa promesse de ne pas faire valoir
sa reconnaissance pour réclamer quoi que ce soit au delà de ces
3 ,ooo fr. , et pour accuser devant les tribunaux la mémoire du sieur
Gueston.
M ais, là-dessus, nous serons bien plus forts en laissant raisonner
le tribunal lui-même. 11 en dit plus q u ’il n’en faut, dans un motif
subséquent, pour détruire tout l’effet des p récéd en s, quand son ar
gumentation serait vraie, jutant q u ’elle manque de justesse.
« Attendu que l’acte dont il s’a g it , contenant transaction sur d ’au» très points litigieux, les héritiers Gueston pourraient alléguer, peut» être, que /’admission de Canu à prendre part à [a succession de leur
» père, dans la proportion qui s’y trouve déterm inée, n ’ a été que la
« condition, par forme de transaction, delà renonciation de leur part à
* différons droits, et notamment à celui de contester la qualité d ’enfant
» naturel.
» Mais, attendu que cette considération, toutefois, n ’ôterait rien
» au résultat de l’acte du 12 août, pour en changer la nature et les
» effets. »
Très-bien : le tribunal reconnaît rtettement que l ’acte du 12 août
contenait transaction sur des points litigieux. Ce n’était donc pas une
qualification fausse réclamant l’application de l’art. 888. Seulement,
le tribunal dit que celte transaction portait sur d ’autres points : il
aurait été fort embarrassé, sans doute , d ’en désigner d ’autres , c ’està-dire des points de litige étrangers à la question et aux droits de
Léonard Canu ; mais il s’empresse de nous rassurer à cet égard ; luimême il efface immédiatement celte qualification :
A
utres
, qu'il
vient d ’écrire, et il reconnaît qu’ un de ccs points litigieux était le
droit de contester à Canu la qualité d ’enfant naturel. D o n c , d ’après
le jugement lui-m êm e, il y avait contestation, et il y a eu transac
tion sur ce point important, fondamental , en même temps que sur
d ’autres; et l ’admission de Canu à prendre part à la succession a été
le résultat, l'effet et uue des conditions de cette transaction. Q u ’avions-
�-
4
0
-
nous donc besoin d ’examiner nous-mêmes les caractères de cet acte',
de rechercher s’il contenait ou non transaction ; et com m ent, à côté
de ce m otif, tous ceux qui précèdent peuvent-ils se soutenir ? N'estil pas désormais incontestable qu’ un de ces d roits, auxquels les héri
tiers Gueston ont renoncé, était celui de contester la qualité de Canu
comme enfant naturel de leur père , et q u ’ils l’ont fait en regard des
conditions qui ont accompagné cette renonciation? Q u ’enfin, la pro
messe de payer 3 ,ooo fr. n ’a été que la conséquence de cette re
nonciation, qui n’était faite elle-même que parce que Canu ou ses
tuteurs, pour l u i , renonçaient à toute prétention autre que celle de
ces 3 ,ooo fr. ? L e jugement le reconnaît.
Au r e s te , convenons que les enfans Gueston auraient joué une
partie de dupes, s’ils avaient consenti à reconnaître sans retour une
qualité q u ’ils contestaient, une identité q u ’ils contestaient e n co re,
des droits de réduction qu’ils ne voulaient pas souffrir, et tout cela
sans prendre aucune précaution pour lie r , à leur égard, Léonard
Canu. Evidemment, ils n’ont pas abandonné leurs m oyens; et au
jourd’h u i, si on pouvait annuler le traité, et aborder la demande en
partage, il y aurait toutes ces questions à juger. O r , ces questions,
avec un majeur surtout, seraient matière à transaction, llien n ’est
plus évident. Pourquoi donc ne l’auraient-elles pas été en 1 8 1 6 ?
Iist-ce qu’elles n’étaient pas les mêmes ?
II est donc bien évident que l ’acte de 1 8 1 6 , supposé fait entre
majeurs, ne serait pas susceptible d ’ôtre anéanti; qu ’aucun moyen
de nullité écrit dans les lois pourrait l’atteindre , et qu’en le consi
dérant même comme ayant, au fond, les caraclères d ’un acte qui fait
cesser l ’indivision, il serait inattaquable , parce q u ’il ne serait pas
moins une véritable transaction ; e t , d é jà , il demeurerait démontré
que ni le procureur du roi de 181 G, ni les jurisconsultes qu ’il avait
n o m m é s, ni le conseil de famille qui avait autorisé la transaction , ni
le tribunal qui l’a homologuée, n ’ont été si mal avisés q u ’on le sup
pose.
L a minorité de Léonard Canu, en 181G, forcerait-elle d ’adopter une
�décision, contraire ? Non-seulement nous repoussons cette proposi
tion , mais nous allons prouver que la position des enfans Gueston
devient plus favorable, et encore plus ¡également fixée par cette seule
circonstance ; et on va reconnaître q u ’alors même qu ’un majeur
pourrait encore, quoique sans avantage, agiter la question de res
cision , et un tribunal la. ju g e r , cas auquel il serait obligé de la re
je te r, comme nous venons de l’établir , tous les tribunaux sont
incompétens pour examiner le mérite et les caractères de la transac
tion judiciaire de 1 8 1 6 , et que le mineur, lui-m êm e, demeure dé
pourvu, e t , pour mieux dire, dépouillé par Ja loi même de toute
capacité pour la critiquer, parce qu ’elle a pris du jugement d ho
mologation un caractère irrévocable et une validité qui ne peut plus
être mise en question. Ici se présente une question grav e, qui tient
à l’honneur même de la justice.
Avant le Code civil, la législation n’offrait aucun moyen de faire
une transaction solide avec les mineurs; et comme on le voit dans
l’exposé des motifs de la l o i , par M. B e rlie r, sur l’article 4^7 » Ie
Code a voulu créer cette faculté dans un intérêt général.
<t Les principes admis jusqu’alors, dit M. Berlier , sans repousser
ces transactions, en rendaient l’usage impraticable; car elles ne pou
vaient valoir qu ’autant q u ’elles profitaient au pupille , et que celui-ci
s’en contentait ; si hoc pupillo expédiât ; et ce point de fait, toujours
subordonné à la volonté future du mineur, écartait nécessairement
un contrat aussi peu solide.
» De cette manière, toutes les difficultés dans lesquelles un mi
neur était engagé devenaient un dédale d ’où l’on ne pouvait sortir
q u ’à grands frais, parce que les issues conciliatoircs étaient fermées,
et que si le tuteur n’osait rien faire qui eût l’air d ’altérer un droit
équivoque, de son c ô t é , l ’adversaire du pupille ne voulait point
traiter avec un homme dont le caractère ne lui offrait aucune ga
rantie.
» De là, ruine de plus d’un m ineur; de là , aussi, de nombreuses
entraves pour beaucoup de majeurs.
v
6
�-
ni -
_ ti II convenait de mettre un terme à de si grands inconvénient,
et le projet y a pourvu en imprimant un caractère durable aux tran
sactions pour lesquelles le tuteur aura été autorisé par le conseil de
l'amille, de l'avis de trois jurisconsultes désignés par le commissaire
du gouvernement, et après que le tribunal civil aura homologué la
transaction sur les conclusions du môme commissaire.
i Tant de précautions écartent toute espèce de danger ; elles sub
viennent aussi aux besoins de la société, q u i , en accordant une juste
sollicitude aux mineurs, doit aussi considérer les majeurs ; elles don
nent enfin à l’administration du tuteur son vrai complément. Que serait-ce , en effet, q u ’un administrateur qui ne trouverait pas dans la
législation un moyen d ’éviter un mauvais procès, ni de faire un ar
rangement utile. ?»
Ces considérations, qui ont une haute portée , et qu'on trouve
reproduites dans les discours prononcés sur les art. 20S2 et 2o53
du Code civil, ont amené la disposition de l’art. 4 ^7 - Avec ce la , i)
est facile d en saisir les caractères et d ’en déterminer les effets. La loi,
toujours prévoyante, a voulu imprimer aux transactions qui seraient
faites en la forme q u e lle prescrit, le caractère de l’irrévocabilité , no
nobstant la minorité d'une 011 de plusieurs parties; et elle en a con
fié le pouvoir aux ministres de la justice. Sous leurs ailes , et avec
leur protection , les mineurs peuvent tfaire les actes qui les intéressent aussi valablement que les majeurs.
E t , aussi, dans cette nouvelle création , ne retrouve-t-on plus,
comme principô applicable à tous les cas, la hiérarchie des divers
degrés de juridiction. 11 ne s’agît plus, en effet, do ces discussions
qui naissent de la diversité des intérêts entre des parties opposées,
lesquelles peuvent élever des questions subtiles , faire naître des
doutes, embarrasser les esprits. L;\ les magistrats sont appelés à pro
noncer sur des questions souvent difficiles ; ils peuvent se méprendre
sur le sens des actes, sur la véritable volonté des parties, sur l’appli»
cation des lois; et il faut au législateur des garanties contre l’erreur
des juges oux-môincs. C ’est pour cela q u ’il établit divers degrés de
�— 43 —
juridiction comme une sauvegarde pour les intérêts privés qui sont
en présence.
- Mais lorsqu’il s’agit seulement de suppléer à l’incapacité des per
sonnes, et d ’environner les incapables d ’une autorité tutélaire qui
veille à la conservation de leurs droits, le législateur ne pense plus, il
ne peut plus admettre la nécessité des divers degrés de juridiction. L e
ministère du juge n’est plu^le même ; il n’est'plus q u ’un surveillant*
que la loi charge de protéger le mineur, et à qui elle donne toute
autorité pour mettre la sanction à ses actes, lorsqu’ils sont faits avec
les formes régulières , et qn’il y a reconnu.de l’avantage ; mais, aussi,
après qu’il les a homologués, la loi leur donne-t-elle .tout lu carac
tère d ’irrévocabilité q u ’ils auraient, si toiiLes les parties eussent été
majeures et libres de leurs droits; c ’est ce que le Code civil nous
enseigne
O dans une foule d ’arlicles.
~ i
m
Nous avons rapporté plus haut les articles 2o 5 a et 2o 5 3 * sur l’eEfet
des transactions entre personnes capables de contracter ; à cela il
faut ajouter diverses dispositions, soit générales, soit particulières,
sur les personnes incapables;
L ’art. 1123 : « Toute personne peut contracter si elle n’est pas
déclarée incapable par la loi. j
’
,
L ’art. 1 1 2 4 : « Les incapables de contracter sont les mineurs , —
» les interdits , — les femmes mariées, dans les cas exprimés. »
L ’art. 1 1 25 : « Le mineur , l’in terd it, la femme mariée, ne peu> vent attaquer leurs engagemens que dans les cas prévus parla loi. »
D ’où il résulte que leurs engagemens sont valables toutes les fois
que la loi ne les autorise pas expressément à les attaquer.
O r , tous ces articles sont coordonnés avec l’art. 467 , qui autorise
le tuteur * à transiger après autorisation du conseil de famille, et
» l’avis de trois jurisconsultes commis par le procureur du roi. »
Il ajoute que « la transaction ne sqra valable q u ’autant q u ’elle aura
» été homologuée par le tribunal de première instance. »
Quoique cette disposition ne soit exprimée q u ’en termes négatifs,
«lie ne renferme pas moins la règle que l’homologaliou du tribunal
�-
«
-
¿tiiTîra pour valider la transaction faite par le mineur} ou , pour l u i ,
par son tuteur, Elle est1-, d ’ailleurs, confirmée par l’art. 2o/f5.
Enfin , on peut y ajoutèr l’art. 1 3 1 4 :
t Lorsque les formalités requises à l’égard des mineurs, soit pour
» aliénation d ’immeubles, soit dans un partage de succession> ont
» été remplies , ils so n t, relativement à ces a ctes, considérés comme
4» s ’ ils les avaient faits en majorité. »
*
Cet article semble* ne parler que de deux cas spéciaux, la vente
des immeubles et le partage ; mais il est évident que sa disposition
est générale, o u , tout au m oins, qu’elle le devient par une inévi
table analogie.
D ’une p art, il est placé sous la rubrique générale de l ’action en
■nullité des conventions.
•i
O r , en ^ ra p p ro ch a n t des art. 1 1 23 , 1 124 et 1 1 2 5 , sur les nul
lités résultant de la minorité, et de l'art. 467 > qui autorise la tran
saction entre m ineurs, avec les formes prescrites, on demeure con
vaincu que l’ art. i 3 i 4 s’applique à toutes les conventions permises
au m ineur, lorsque les formalités requises ont ctè remplies, et que ne
lut-il pas écrit dans le Code, il faudrait l’y suppléer.
E t , aussi, dans le rapport de M. Jaubert au T ribu nal, trouve-ton ce passage décisif :
a Hors les cas spécialement exprim és, les mineurs ne peuvent être
admis à la restitution. La restitution est un bénéfice extraordinaire
et une exception. Toute exception doit &tre fondée sur une loi pré
cise.
» Cependant, il était convenable de rassurer pleinement ceux qui
traiteraient avec des mineurs, en suivant les formalités prescrites.
Cette précaution , si elle n’était pas nécessaire, est du moins u tile , à
cause de cette idée si invétérée, et qui s’est si souvent réalisée , q u ’il
n’y avait pas de sûreté à traiter avec les mineurs.
» Pour les partages, l ’opinion générale était q u ’ils ne pouvaient
être que provisdires ; quant aux ventes, toutes les formalités possi
bles n’empêchaient pas que l’acquéreur ne fût inquiété sous prétexte
de la moindre lésion.
•
�* » Il fallait souvent des demi-siècles pour savoiï si une affaire traité^
avec un minenr pouvait être regardée comme absolument con
sommée.
*
5 L ’intérêt des mineurs, celui des familles, le respect dû à là mo
rale publique, exigeaient que la personne et les biens des mineurs
Fussent environnés de toute la protection de la loi.
r » Mais enfin , an est souvent forcé de traiter avec les mineurs, et
des mineurs ont souvent besoin qu’on traite avec eux. Il faut donc
que l ’ intérêt des tiers soit garanti, lorsque les tiers ont suivi les for
mes prescrites par la loi. »
'• Evidemment celte doctrine, qui est le fondement de la lo i, s’ap' plique aux transactions comme à toute autre espèce d’acle qu’elle a
autorisés avec des formalités diverses. D ’ailleurs, cela est d ’autant
plus
évident
j que la transaction ne peut jamais avoir trait q u ’à des
meubles ou ii des immeubles. Dans le premier cas, elle est presque
toujours dans le domaine du tuteur 011 du mineur émancipé ; dans le
l’art. i 3 i/j y est expressément applicable; il l’est surtout
dans le cas particulier : car de quoi se plaint-on? de ce q u ’au lieu
d ’ouvrir un partage au mineur, et d ’o r d o n n e r une estimation judi
Second,
ciaire d'immeubles, le tribunal a autorisé le mineur à recevoir une
simple indemnité de 3 ,ooo fr. IVest-il pas évident que plus cela se
rait
Il
vrai,
plus l’art. 13 14- serait applicable?
est donc démontré qu ’une fois l’avis dit conseil de famille et des
troiâ jurisconsultes obtenu, et l’homologation du tribunal prononcée,
l’acte est irrévocable comme s’il avait été fait entre majeurs; nous
osons ajouter qu’il est cent fois plus respectable , parce q u ’il est cou
vert de la protection de la justice.
Un majeur, en effet, peut se tromper, agir avec légèreté, se lais
ser préoccuper par des apparences, par quelques entrainemens ; et
il tie faut pas moins sanctionner ce qu ’il a fait librement, alors môme
qu’il ne le voudrait plus. La justice, au contraire, ne se préoccupe
t>as; olle n'agit ptiS légèrement; elle ne dément jarrriis la gravité de
fion ministère ; et lorsqu'elle a observé les formes exigées pour tel ou
G.
�-
46 -
tel acte, toute garantie est acquise aux intérêts de l’incapable, parce
que son incapacité, suffisamment suppléée, a totalement disparu. . ,
Ici une réflexion se présente, que nous ne devons pas laisser ina
perçue.
Saisi du pouvoir d’accorder ou de refuser l’homologation , le tri
bunal de première instance est nécessairement investi du droit de
déterminer la nature de l’acte qu ’on lui p résente, et les formalités
qui lui conviennent. O r , il est et il doit être de l’essence de sa dé
cision d ’être aussi-bien irrévocable dans cette partie que sur le fond
même de l’intérêt du mineur.
î
Eh quoi ! il aurait le pouvoir d ’homologuer une transaction , et
l’obligation de l’examiner avec scrupule avant de statuer, et ¡1 n’au
rait pas le droit et le pouvoir de décider si l’acte q u ’on lui présente
est une véritable transaction !
. Qui d o n c, lorsqu’il l’a reconnu, serait compétent pour décider le
, .
«
contraire?
Serait-ce lui-m êm e, comme le juge'naturel des parties? Mais estce qu ’il pourrait proroger sa juridiction pour détruire ce q u ’il a fait?
- On comprend*bien que si l’acte a été fait sans les formalités pres
crites, il puisse en prononcer la nullité; mais pourquoi cela? C ’est
que , dans cette hypothèse, l’acte a été fait sans pouvoir, hors des
termes de la loi, et il reste sans valeur; e t, en ce ca s, le tribunal
ne fait qu’appliquer la loi dans les bornes de son autorité, en décla
rant nul un acte fait en contravention aux lo is, et qui ne se trouve
plus souscrit que par un mineur dont l’incapacité n ’a pas été légale
ment suppléée. Mais dans le cas, au contraire , où les formalités re
quises ont été observées, et l’homologation prononcée , le juge a agi
légalement; il a consommé un acte de son ministère. O r , il n’a pu
Je, faire ainsi sans fixer définitivement les caractères du contrat, et
déterminer le genre de formalités qui lui était propre. Si donc elles
o n t
été remplies, l’homologation de l’acte a épuisé sa juridiction : il
ne serait plus admissible ensuite h décider, et aucfiiî autre tribunal
ilu serait compétent pour dire qu ’il s’est trompé , q u ’il a mal apprécié
�-
47 -
'
l’acte qui lui était soumis. Il était juge , clans le cercle de ses fonc
tio n s, la première fois, comme il l’est la seconde, et il n’est pas au
torisé à se réformer.
Toute cette doctrine se résume en deux mots.
•
L é jugement qui intervient sur la demande de l’incapable, et qui
homologue l’acte qualifié transaction, n’est autre chose que la con
sommation du contrat, l’acte nécessaire pour q u ’il soit valable et
parfait, en donnant au mineur pleine et entière capacité pour le
consommer ; et si celui au nom duquel Pacte a été fait et le jugement
rendu veut se plaindre, i^faut qu ’il attaque l’acte lui-même par les
moyens ordinaires de nullité. O r , il ne lui su (Tira pas de dire que la
justice a prononcé légèrement, qu ’elle n’a pas assez examiné , il fau
dra qu’il prouve qu’èlle a été surprise , q u ’on a amené la consomma
tion de l’acte par des moyens frauduleux, exercés au préjudice de
lui mineur ou interdit, et que le tuteur qui a provoqué l’acte a par
ticipé à la fraude, ou a été lui-même trompé et surpris par le dol
d ’un tiers qui a profilé de l’acte. C ’est donc , dans cette supposition ,
une action en nullité qu’il faut exercer contre les autours de la
fraude, et q u i, en certains cas, peut amener la révocation de l’au
torisation judiciaire ; mais lorsque le mineur ne pourra citer aucun
fait de dol exercé par des tiers, et q u ’il se bornera à dire qu ’il a mal
à propos demandé l’autorisation de faire un a c t e , et q u ’on ne devait
pas riiomologuer, son action s’anéantira devant l’autorité des lois,
qui protègent les contrats régulièrement consommés, et les actes des
corps judiciaires qui les ont autorisés ou confirmés. Toute autre
doctrine serait dérisoire pour la justice. A in si, le tribunal de 18 1G a
pu decider que c ’était une transaction, il l’a fait valablement, ir
révocablement, et il n’y a plus à y revenir. Iîl comment, dans l’es
p è c e , hésiter à le reconnaître? On veut qu’en 18 1G le tribunal de
Moulins eut du employer les formalités du partage; mais c ’eût été
refuser au mineur la faculté de transigea, le forcer à p l a i d e r ' malgré
lui, l’obliger à soulever des questions, et à provoquer une décision
qui pouvait détruire jscs_espéranccs ; tourner enfin contre lui ce qui
�4 + 1
♦*
*
*
*
'* •
î
était établi en si» faveur. Mais quoi! on voudrait donc ^refuser au tri—
bùnal compétent eh 1 8 1 6 , le droit de juger ce qui était plus avan
tageux au mineur! On 11e fait pas attention qu’avant d'ordonnôr
l’emploi des formalités du partage, le tribunal de. Moulins Voyait des
questions à juger, et qu ’il a reconnu préférable au mineur qu ’elles
ne fussent pas agitées. C ’est donc avec une intention bien méditée
q u ’il a eu recours aux formes de la transaction. Est-ce q u ’il n’en avait
pas le pouvoir? E t , d ’ailleurs, quel est donc ce grief si fâcheux qui
doit soulever aujourd’hui le zèle de la justice? Il se borne à dire quô
l’estimation des biens n’a pas été faite par trois experts commis. Ou
nVa pas fait attention, e n co re , que le tribunal n’a ordonné d ’estima
tion d ’aucune espace ; q u ’il était le juge du besoin de cette estima*
t i o n , et q u ’évidemment elle n’était pas nécessaire!, puisqu’il ne fai
sait pas un partage.
Mais pourquoi tant raisonner sur des hypothèses, en droit, aloM
que le fait est positif, certain , et d’une telle évidence , quJil apparaît
de lui-mème à tous ies yeux? Est-ce q u ’il peut s’élever le moindre
doute sur la question de savoir si l’acte était une véritable transac
tion? Nous en avons assez dit ci-desSus, pages 18 et suivant., et 3 g ,
pour qu’il ne puisse pus subsister (le doutes, et iious il’y reviendrons
pas. L e tribunal dont est appel lui-mème s’est vu obligé de le recon
naître et de le consigner dans son jugement; eu sorte que ce n’est
plus seulement avec des autorités étrangères, mai .4 avec le jugement
dont est appel lu i-m è m e , que nous détruisons le système des pre
miers juges, et le fait sur lequel il est établi.
Mais ce n’est pas là seulement que nous pouvons mettre ce juge
ment en contradiction avec lui-mème ; ne dit-il pas encore que
l’acte de i 8 1 5 , portant cession de ses biens , par le sieur Gueston
père à ses enfans , était tine donation déguisée ?
Quoi ! c ’est le tribunal doi^t est appel qui juge celte question , et
qui décide en même tem fs
q u ’il
n’y avait en 1816 ni litige ni ma
tière à transaction ! Est-ce qu’il a vu quelque part que les enfans
Gueston eussent renoncé à se sfcrvir de cet acte authentique, et doftt
�— 49 —
l’exécution était depuis long-temps consommée? Est-ce q u ’il’ n’a pas
lu dans la délibération du conseil de famille , et dans la consultation
judiciaire , que les enfans Gueston entendaient en soutenir la vali
dité et se refuser à la réduction? Est-ce que cela n’y est pas exprimé
assez clairement lorsqu’on y lit ce motif des trois jurisconsultes :
« Considérant q u ’il importe d ’éviter à l ’enfant naturel un procès
» qui ne tendrait q u ’à faire naître pour lui des chances incertaines,
» et à remettre en question ce qui est résolu en sa faveur, en l’expo» sant à des frais considérables qui pourraient consommer sa ruine. »
E t , enfin, e s t - c e q u e , aujourd’hui m ô m e , cette question se
trouve jugée quelque part ?
Ce n’est pas tout encore ; lisons la disposition finale du jugement,
et nous verrons q u e , là comme dans ses motifs, le tribunal détruit,
de ses propres mains, tout le système q u ’il avait édifié.
C ’est après avoir reconnu q u ’il y avait transaction sur des points
liti gieu x, fondamentaux, q u ’il prononce sur la demande en validité
d ’offres. Considérant l’acte de 1816 comine n u l, parce q u ’il n’était
q u ’un partage, y appliquant l’art. 888 du Code civil, qui est évidem
ment étranger à cette question de nullité, il rejette la dem ande,
puis il ajoute :
« Fait réserve à toutes les parties de leurs droits respectifs, à l’effet
» soit de procéder à un nouveau partage, soit d ’ exercer lesdits droits ,
» ainsi q u ’elles aviseront. Ordonne qu ’il sera fait masse des d é p e n s,
» qui seront supportés par quart par chacune des parties.
L e tribunal savait très-bien que Léonard Canu, avait formé une
demande en partage devant le tribunal de Montluçon, dans le ressort
duquel la succession s’est ouverte , et que cette demande faisait re
vivre toutes les questions soulevées et éteintes en 1816. O r , n ’osant
pas les juger directement, il réserve aux parties tous leurs droits,
soit pour faire un nouveau partage, soit pour exercer lesdits droitsPuisque de ces deux hypothèses il fait une alternative, il a donc la
pensée, il reconnaît donc que l ’exercicc desdits droits p o u rrait écarter
la demande en partage; e t, en effet, c ’est une position inévitable,
�qui résulte de ce q u e , en annulant la transaction , il ne pouvait pas
s’empêcher de remettre chacune des parties dans la position où elle
était auparavant. Ainsi, il délaisse toutes les parties à se présenter
devant le tribunal de Montluçon , l’une pour suivre sa demande en
partage, les autres pour s’en défendre, y faire valoir leurs droits, et
faire rejeter, si elles peuvent, cette dem ande, par leurs moyens
préjudiciels. On en reviendra donc devant le tribunal de Montluçon,
pour agiter toutes les questions qui sVilevaient en 1 8 1 6 , sauf, toute
fois, la difficulté que trouveraient, peut-être, les enfans Gueston à
établir, après un intervalle de vingt années, certains points de fait
qui étaient notoires à cette époque. L à , nous aurions à examiner,
avant tout, la question d ’identité du dem andeur, celle de savoir si
la reconnaissance du 3o mars 1816 a été faite librement et avec con
naissance de cause ; ;si elle n ’était pas, au contraire, le produit du dol
exercé sur le sieur Gueston, comme on offrait de le prouver; si elle
pouvait, dans tous les cas, porter atteinte à la vente de i 8 i 5 , faite
par le père à scs trois enfans, etc., etc.
.
Sans d o u te , e n co re , le tribunal a eu la conviction que les enfans
Gueston avaient pu soutenir, sans injustice, que l’acte de 1816 était
une transaction ; c ’est le seul motif qui ait pu autoriser la compensa
tion des dépens'. O r , celte conviction a dû résulter nécessairement
de ce que le tribunal reconnaissait q u ’il y avait eu transaction sur
des points litigieux q u e , d ’abord, il qualifiait autres; qu ’ensuite, il
reconnaissait s’appliquer aux prétentions de Canu. Mais c ’est évi
demment avouer q u ’en 181.6, il y avait, comme aujourd’hui, matière
à transaction ; et comment le tribunal n’a-t-il pas aperçu q u ’en se
refusant, à lui-même (tribunal de *81G) , le. droit de reconnaître,
dans l’acte , une véritable transaction , et de l’homologuer comme
te lle , alors que la loi lui en donnait le pouvoir, il faisait lui-m êm e,
sans le d ire, en i 836 , et 6ans en avoir le droit, une véritable tran
saction, pleine, toutefois, d’inconséquences ?
Mous ne pousserons pas plus loin cette discussion. C ’est déjà trop,
sans doute. Si quelque chose est respectable au monde, ce sont les
�— 51 —
actes des corps judiciaires lorsqu’ils sont faits dans les limites de leur
autorité, et environnés de toutes les solennités prescrites par la loi.
I c i , en 1 8 1 6 , des prétentions opposées faisaient pressentir une
lutte vive, animée, chanceuse; un mineur y était intéressé. Pour en
prévenir les dangers, il a réclamé l’autorisation de transiger; un
conseil de famille y a reconnu d ’incontestables avantages; trois ju
risconsultes , régulièrement com m is, en ont démontré l’utilité pour
le m ineur, et ont signalé le danger q u ’il y aurait pour lui à ne pas
le faire. Légalement éclairé, le tribunal a couvert de sa protection
tutélaire les intérêts du mineur, et l’a relevé de son incapacité. Ainsi
couvert de son autorité souveraine, ce contrat a reçu toute sa perfection ; il demeure donc inébranlable; et c ’est honorer à la fois la
justice et son ministère, que de prononcer la maintenue d ’une con
vention fait loyalement, en connaissance de cause et avec pleine li
berté , sous la foi de la législation qui nous régit.
**
»
Me DE VISSAC avocat.
Me V EYSSET, avoué-licencié.
RIOM, IMPRIMERIE DE E. T HIBAUD
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Gueston, Gilbert. 1836]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
De Vissac
Veysset
Subject
The topic of the resource
successions
partage
enfants naturels
coutume du Bourbonnais
exposition
abandon d'enfant
fausse identité
reconnaissance de paternité
transactions
partage
domestiques
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Gilbert et Louis-Etienne Gueston, propriétaires ; Françoise Gueston, et Jean-Pourçain Causse, son mari, propriétaire et Docteur en médecine, appelans de jugement rendu par le tribunal civil de Moulins, le 28 avril 1836 ; contre Léonard Canu, Intimé.
Annotations manuscrites.
Table Godemel : Enfant naturel.
6. lorsqu’après la reconnaissance authentique d’un enfant naturel et le décès du reconnaissant, les héritiers légitimes de ce dernier ont confirmé la reconnaissance, dans un acte passé avec le tuteur autorisé par une délibération du conseil de famille, en admettant l’enfant naturel à l’exercice de ses droits, en cette qualité, dans la succession de leur père, et que, dans cet acte, qualifié transaction, après l’énumération de tous les biens de la succession, leur estimation, la composition de la masse, la liquidation et enfin, la détermination de la quotité revenant à l’enfant naturel avec évaluation d’une somme fixe, on lui abandonne une somme un peu plus forte pour le désintéresser plus complétement et pour tous les droits qu’il peut prétendre dans la succession du défunt ; cet acte bien qu’il ait été homologué en justice, à la diligence du tuteur, et sans contradiction doit-il être considéré comme vente de droits successifs et transaction, ou au contraire comme partage ?
l’enfant naturel après sa majorité, peut-il, en invoquant le véritable caractère de l’acte, s’il a réellement fait cesser l’indivision, et en excipant de ce que les formes prescrites par la loi, pour l’efficacité des partages avec des mineurs, n’ont pas été observées, en demander la nullité, ou la rescision pour cause de lésion, et conclure à un nouveau partage ?
peut-on lui opposer, comme fins de non-recevoir, l’autorité de la chose jugée, résultant, soit de la décision judiciaire qui avait homologué l’acte réglant à une somme fixe ses droits dans la succession de son père naturel ? soit du caractère et des effets de la transaction ayant eu pour objet de trancher, entre parties, des difficultés nombreuses sur la qualité du réclamant, sur le règlement de ses droits, sur les conséquences des libéralités et dispositions antérieures faites à son profit ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de E. Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1836
1814-1836
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
51 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2805
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2806
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53561/BCU_Factums_G2805.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Le Montet (03183)
Moulins (03190)
Trévol (03290)
Sciauve (château de)
Salles (terre de)
Saint-Hilaire (03238)
Saint-Silvain-Bas-le-Roc (23240)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abandon d'enfant
coutume du Bourbonnais
domestiques
enfants naturels
exposition
fausse identité
partage
reconnaissance de paternité
Successions
transactions
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53242/BCU_Factums_G1502.pdf
909b27e6f454feb8207dae025e0f2c10
PDF Text
Text
ai
COUR
D ’A P P E L
SÉANT
%»' » iu<«k iir
A RI OM.
J a c q u e s C H A V E , appelant ;
C O N T R E
Jeanne
L
A
VALLA, et E l i s a b e t h FERRIER,
sa fille , majeure intimées.
,
recherche de la paternité est interdite , et c’est
dans nos mœurs un scandale de moins. D ans ce secret de
la nature , le législateur ne p o u v o it que s’en rapporter à
la crédulité de l’ h o m m e , ou se jeter dans le vagu e des
conjectures : le prem ier parti seul étoit juste; la loi l’adopte;
et aucun enfant naturel n’a le droit de nom m er son p è re
que celui qui a vo ulu se déclarer tel.
N ul acte ne doit donc être plus lé g a l, plus lib r e , que
cette déclaration. L e soupçon seul de contrainte est incomA
�1
( o
patible avec elle ; car si elle n’est pas clairement l ’eiTet
^
spontané de la réflexion , le bu t m oral de la loi n’existe
plus.
* - *'* -uXLî^ g\
L ’appelant réclam e contre l ’oubli de ces p rin c ip e s, et se
place sous la protection de la c o u r , p o u r faire annuller un
***'
acte in fo r m e , auquel on l’a fait participer par la violence ;
4
il demande à n’être par foi’pè île rçcpnnqître un enfant. ' ',
•
y* " '
■
U fX«rilÉi)
qui ne fut jamais le sien.
-y*
^
^
L es premiers juges n ’ont pas vo u lu admettre là jîreuve*«'^ >*u
q u ’il étoit à m êm e d ’o ff r ir ; et si cette o p in io p ,'p o y v o it ^ .*
p ré v a lo ir , il en résulteroit que , contx;e ,le-*vœu'de i« l a i f
un h o m m e donneroit son nom m algré lui à u n 'e n fa n t
**••?
n a tu r e l, seroit contraint de prendre soin d’un étrtfng^r,-' *- >
et de lui laisser sa succession.
. ;
*" '
F A I T S .
Jeanne Valla^ et Elisabeth F e rrie r, sa fille, habitent le
lieu de M a z e t , m airie de Cham bon. L eu rs habitudes et
leurs mœurs étoient à peine connues de Jacques C h a v e ,
qui demeure à la distance d ’environ une lieue de leur
domicile.
Son â g e , plus avancé m ôm e que celui de la m ère, ne lui
eût donné aucun prétexte de se rapprocher de la fille. U n
séducteur à ch e v e u x blancs est ra re ; au village il ne connoît pas l’oisiveté qui nourrit les illusions, et la m onotonie
de ses travaux rustiques avance l’amortissement de ses
sensations, en occupant toute son existence.
Ces femmes étoient donc absolument étrangères à Clia ver
lorsque tout d’ uu coup il s’est trouvé m êlé à leur destinée
**
�(3)
SU
p ar une de ces sourdes m anœuvres que l ’enfer seul peut
faire concevoir.
U n matin à huit heures ( le 21 germ inal an 9 ) , Jacques
C have , m a la d e , est brusquem ent arraché de son lit par
deux frères de la fille F errier , suivis de trois autres jeunes
gens armés de bâtons ou de fourches. Il se disent envoyés
par le sieur de B an n es, m aire de C h a m b o n , et comman
dent i'i C have de les suivre dans la maison de ce sieur de
Bannes. Il s’habille et les suit.
L à il trouve Jeanne V a lla qui paroit en grande ç o l e r e ,
l ’accueille par des injures grossières , lui dit que sa fille est
a c c o u c h é e , depuis quinze j o u r s , d’un garçon dont il est
le p è r e , suivant le récit de sa fille et de M . le m aire de
C ham bon , et q u ’il faut signer sur le cham p l’acte de
naissance.
C h a ve , étourdi d ’une vespérie aussi in a tten d u e, pressé
entre les cris de la m ère , les coups de poings des f r è r e s ,
et les menaces de leurs trois hom m es d’esco rte, veut éle ver
la v o i x , et in v o q u er la notoriété p u b liq u e; des bâtons sont
levés contre lui p o u r toute réponse : il sollicite la justice
du m aire , mais le m aire le pren d à part p o u r lui dire
q u ’ il falloit céder à la circonstance, et que sa v i e .n etoit
pas en sûreté. L ’avenir a appris à C h a v e quel interet pres
sant le m aire lu i- m ê in e avoit a ce que la calom nie eut
une direction certaine.
O n com prend alors que cette derniere insinuation a
ébranlé le courage de Chave. L e sieur de Bannes prend
aussitôt le registre des actes, y efFace quelques mots, en subs
titue d’a u tre s , et remet une plum e à C h ave : une seconde
résistance am ène de nouvelles violences. I l fait enfin ce
q u ’ on exige ; il signe.
�(4)
E n sortant de chez le m a ire , les satellites le mènent au
cabaret, se font donner ù b o ire , le forcent à p a y e r, mettent
l ’enfant dans ses bras , lui font les pins horribles menaces
s’il dit un m ot ; et se retirent.
Sans doute il m an gu e à ces faits beaucoup de circons
tances
importantes ; mais C h a v e , glacé d’épouvante ,
étoit-il libre de r é flé c h ir ? L a plupart de ces détails ont
échappé à sa m é m o ire , ou plutôt à son attention».
Enfin C h a y e , revenu de son étourdissem ent, p ut réflé
ch ir sur les conséquences de l ’acte qu ’on venoit de lui
e x t o r q u e r , et sur le parti q u ’il avoit à prendre.
L a dém arche la plus pressée et la plus indispensable,
étoit de se débarrasser de l ’innocente créature q u ’une
m ère dénaturée avoit rejetée de ses bras p o u r l'aban
don ner aux. soins d ’un étranger. C h a v e hésita s’il la
r d p p o r te r o it, dans la n u i t , à la porte des F e rrie r : cepen
dant la l’e l i g i o n , l’hum anité , peut-être la terreur pourlu i-m è m e , l’em p ortèren t sur son d é g o û t , et il fit porter
l’enfant à une nourrice.
M a is aussitôt, et en signe de sa protestation, il rendit
plainte au juge de p a ix de T e n c e ; le juge de p a ix le
ren voya au magistrat de sûreté : mais com m e la plainteéloit dirigée aussi contre le m a ir e , les autorités délibé r è r e n t , et ne résolurent rien.
C h a v e in q u ie t , et ne voulant pas que son silence p ût
d éroger a son d r o i t , se décida à citer, le floréal an 9 ,
5
tant Jeanne V a lla et sa fille , que le m aire lui - même-,
p o u r v o ir dire q u ’il seroit restitué contre la reeonnoissince de paternité qui lui avoit élé extorquée p:ir la
v io lé iit e , et que le m aire seroit tenu de rayer du registre
�3ï
XO>
( 5 >
ce qui concernôit ladite reconnoissance •, et la m ere et
la iille p our être condamnées à reprendre l’e n f a n t , payer
ses alimens chez la n ourrice , avec dommages-intérets.
O n pense bien qu’au bureau de p aix la fille F e rrie r
ne manqua pas de faire la réponse d’ u sag e, qu ’elle avoit
été séduite et abusée sous promesse de m ariage , et q u ’elle
seroit en état de p ro u v e r les familiarités de C h ave avec
elle ; celui-ci l ’en d é fia , et ajouta m êm e q u ’il offroit de
p ro u v e r c e u x avec qu i elle avoit eu fréquentation.
T o u t cela étoit de trop de part et d ’a u t r e , puisqu’il
n’èst permis de rien p ro u v e r
et la fille F e rrie r ne
risquoit rien à faire b onn e contenance. Q u o i qu'il
en
s o it, un p rem ier ju g e m e n t, du 28 p luviôse an 1 0 , m it
le m aire hors de p ro cès, com m e ne p o u v a n t être juge
sans au torisation , et a p p o in ta les autres parties en droit.
Cet appointement ne fournit pas plus d’éclaircisse
ment. C h a ve persista toujours à offrir la p reu ve de la
violence exercée contre lui -, et les femmes F e r r i e r , q u i ,
au bureau de p a i x , n’a voien t paru a vo ir aucune crainte,
firent leurs efforts p o u r soutenir cette p reu v e inadmis
sible. L e u r système p r é v a lu t ; et le 14 fructidor an 1 0 ,
le tribunal d ’-Yssengeaux rendit le jugem ent qui suit.
.1
« Considérant que l'article 2 du titre 20 de l'ordonnance de 1GG7
défend de recevoir la preuve par témoins contre et outre le contenu
aux actes publics; qu'à la vérité la force, la violence, sont un
moyen pour les faire rescinder, mais qu’en ce cas il faut articuler
de menaces graves, qui feroient craindre pour la vie nietus rnortis,
ou que la partie obligée auroit souffert ‘cliarte privée, ainsi que*
Renseignent Domat en ses Lois civiles, et Potlûtr en son T ra ité
des obligations;
�7
( 6 )
» Considérant que Jacques Chave n ’a articulé qu’il lui ait été
fait aucune menace, ni qu’il ait été commis aucun excès sur sa
personne, ni dans son domicile, ni dans celui du maire où il s’étoit
rendu pour reconnoilre pour lui appartenir reniant d o n t s’éloit
accouchée Jsabeau Ferrier; et qu’étant dans ce dernier domicile,
il pouvoit articuler sans crainte les excès ou menaces qu’il auroit
éprouvés, contre ceux qui s’cn seroient rendus coupables envers
sa personne. »
Jacques Chave est débouté de toutes ses demandes tant princi
pales que subsidiaires, et il est condamné aux dépens.
Cependant C h ave avoit offert expressément de faire
p reu v e de menaces et violences : ses écritures en font foi.
Il étoit p riv é alors d ’un m oyen important. L ’expédition
de l’acte de naissance produite aloi*s au procès, ne mentionnoit ni les surcharges ni les ratures ; elle étoit délivrée
par le sieur de B a n n es, m a ire , qui avoit trop d ’intérêt
à en cacher l’irrégularité p o u r la faire soupçonner. A u
reste, C have s’est p o u rv u en la cour contre le jugem ent,
et il sera question d’exam iner de quelle influence la form e
de cet acte doit être p o u r la décision du procès.
M O Y E N S .
L ’ancienne législation française étoit extrêm em ent dure
contre les enfans naturels; et cependant, par une étrange
inconséquence., elle admettoit les preuves de paternité
sans distinction. A u jo u r d ’hui la loi a fait p o u r eu x
davantage : mais sans v o u lo ir percer le mystère qu i
cou vre leur naissance, elle rejette désormais les proba
bilités et les fausses conséquences; .elle ne vo it dans
l ’enfant né hors le mariage q u ’ une innocente créature
�^ / 7
/
digne de la pitié de tout le m o n d e , mais ne tenant à la
société que par celle qu i lui a donné le jour. Si cepen
dant un hom m e , gu id é par des apparences q u ’il a ie droit
djapprécier lui - m êm e , et cédant à l’impulsion de sa
conscience,
veut se don ner le titre de p è r e , la loi le
lui p erm et, s’ il n’est engagé dans les liens du mai’iage :
mais com ptant p o u r rien aujourd’hui toutes les démons
trations exté rie u re s, elle exige une déclaration authenti
que et non éq u iv o q u e ; elle prescrit à l’acte une solen
nité plus grande que p o u r la naissance m êm e de l ’enfant
légitim e.
L ’intention du législateur étoit si claire, q u ’elle a ôté
tout prétexte à l ’astuce, et n’a laissé de voies q u ’au faux
ou à la violence. M ais à q u i peut être réservée l ’une ou
l ’autre de ces vo ie s criminelles ? Ce n’est pas à la fille tim ide
q u i , rougissant encore d ’ une prem ière foiblesse, et par
tagée entre l’am ou r de son enfant et la honte de sa nais
sance, n’en ose no m m er le père que dans le secret de son
c œ u r, et se fait l ’illusion de penser que le mystère dont
elle s’en velop p e la p rotégera contre l ’o pin ion qui fait
son supplice.
M ais que feront ces femmes d é b o u t é e s , qui ne voient
dans la prostitution qu ’ une h a b itu d e , dans leur avilisse
ment q u ’ un éta t, et dans leur fécondité qu’ un acciden t?
Incertaines elles-mêmes d’ une paternité q u ’elles déféroient
naguères suivant leurs convenances, elles n’en arrachoient
pas moins des sacriiices pécuniaires aux homm es qui leur
étoient souvent les plus étrangers , mais q u ’ép ouvanloit
la perspective d’ une honteuse et p ublique discussion. Si
on leur laisse en trevo ir aujourd’hu i une tolérance queU
�(; » )
c o n q u e, que leu r coûtera-t-il de tenter d’autres voies p ou r
en ven ir aux mêmes lins? E t s’ il est près de leur demeure
un citoyen paisible, q u i, p ar ses mœurs douces et réglées,
puisse passer p o u r pusillanim e, quelle difficulté y aura-fc-il
de répandre adroitement que c’est là le c o u p a b le , d’ip téresser contre lui qu elqu e personne c r é d u le , de l’effrayer
lu i-m êm e sur les dangers de sa résistance, d’ameuter s’il
le faut ceu x qui ont un intérêt réel <iu succès de la n é g o
ciation ! Jadis il falloit des témoins,«aujourd'hui il ne faut
q u ’une simple signature; tout cela p eu t s’exécuter avec
rapidité : ce n’est q u ’un changem ent de com plot.
Heureusem ent cette rapidité m êm e ne laisse pas au
crim inel le calm e de la réflexion : souvent scs fautes le
trahissent, e t , quelques légères qu ’ elles soient, il faut les
com pter avec scrupule; car on est bien assuré qu’ ellesne
sont pas un simple résultat de sa n égligen ce, mais q u ’elles
ont é c h a p p é à l’excès de sa précipitation.
C e u x qu i ont gu id é la fille F e rrié r dans ses démarches
n ’ont pas visé à l’exactitude ; la co u r en sera convaincue
bientôt par la form e de l’acte de naissance qui fait son titre.
U n e seconde décou verte la convaincra encore q u ’il ne
s’agit point ici de ré p a r e r , envers une fille s é d u ite , des
torts que la m alignité suppose toujours. L a fille F errier
a , le 20 prairial an n , donné une n ouvelle p reu v e de
sa con tinence, en faisant baptiser un fils sous les auspices
de son frère et de sa m è r e , que l’acte apprend m êm e avoir
été sage-femme en cette circonstance.
Il ne paroît pas que p our cette fois la m ère et la fille
Fen-ier aient jugé à propos de réunir un conseil p o u r
disposer du nouveau n é , et lui élire un père ù la p lu
ralité
�(?)
ralité des suffrages; il est vraisem blable que la précédente
tentative les avoit intimidées.
• Q u o i q u ’il en soit, et soumettant cette découverte p ré
cieuse aux réflexions de la cou r , l’appelant ne s’en occu
pera pas plus lo n g -te m p s , et se contentera d’observer
q u ’ il n’y a rien de légal dans la prétendue déclaration de
paternité q u ’on lui a fait sig n er, et au surplus que les faits
-de violences articulés suffiront p ou r la détruire. C ’est à
l ’examen de ces deux propositions que l’appelant réduit
sa défense.
i ° . L a d éclaration de "paternité n e s t pa s légale.
Ija lo i du 12 bru m aire an 2. s’occupoit de trois espèces
d ’enfans naturels, après a vo ir décrété en principe qu ’ils
^toient successibles.
i° . C e u x dont le p è r e é t o it d é céd é , et il leu r suffisoit
de p ro u v e r une possession d’ é t a t , par des soins donnés
à titre de p a te rn ité , et sans in terru p tion ; 2°. xles enfans
d ont le père et la m ère seroient encore vivans lors du
C o d e c i v i l , et leur état civ il y étoit re n v o y é ; 3 0. de ceu x
dont la m ère seule seroit décédée lors de la publication
d u C o d e , et alors la reconnoissance du p è r e , faite devant
l ’oilicier p u b l i c , rendoit l’enfant successible.
Il s’agit ici d’ un enfant de la seconde espèce ; et le p ré
tendu p ère , quel qu ’il s o i t , de m êm e que la m è r e , sont
dits vivans.
O r , quelle nécessité, quelle
urgence y a v o i t - i l de
p réve n ir la publication du Code civ il , en faisant faire
une déclaration que la loi ne demandoit p a s , et q u ’ello
B
�ajournent au contraire ? N ’a percevroit - on pas déjà le
do l dans cette extraordinaire p révoyance ?
D ira -t-o n que le Gode civ il prescrit aussi une décla
ration au th en tiqu e, et q u ’ on n’a pas v io lé la loi en la
devançant ? M ais qui blâm era les législateurs de l’an 2 ^
d ’a vo ir vo u lu p r é v o ir q u e leur système ne seroit peutêtre pns celui du C o d e civ il ? qu i leur reprochera d’a v o ir
supposé que les dispositions de ce code seroient déli
bérées avec plus de maturité , et de s’être défiés de le u r
p rem ie r système sur une innovation aussi im p o rtan te?
Ils vo u lu ren t rég le r le passé seulement ; et les débats
qui ont eu lieu sur la lo i transitoire du 14 floréal an 11 ,
nous apprennent assez q u ’il n’y a eu , dans l ’intervalle d e
l ’an 2 à l ’an 1 1 , aucune législation touchant les enfans
naturels. L es bulletins de la c o u r de cassation sont aussi
rem plis d’arrêts qu i ont cassé tous les jugeinens dans lestjuels les tribunaux avoient vo u lu r é g l e r , m êm e p r o v i
soirem ent , le sort de quelques enfans n a tu re ls, pendant
cette lacune d e n e u f ans.
Il ne p o u v o it donc être question d e fixer l ’état d e
l’enfant d ’Elisabeth F e rrie r q u ’après le Code c i v i l , dont
l ’art. 334 p orte que la recounoissauce sera faite par un acte
a uthentiqu e, si elle ne l’a pas été par l ’acte de naissance.
M ais fût-il indifférent q u e la rcconnoissance contestée’ „
•ait été faite avant ou après le Code c iv il, m algré la sus
pension totale e x ig é e par la cou r d e cassation , et rappelée
par la loi transitoire; cette reconnoissance n ’en est pas
moins ir r é g u liè r e , car elle n ’est faite ni par l’acte d e
naissance lu i-m êm e, ni par un acte séparé authentique*
V oici com m ent cet acte est littéralement écrit au registre*
�c » î
A c T I
D I
N à Î S S A S C I i
rt D u huitième jour du mois de germinal, l’an 9 de la répu« blique française. A cte de naissance de Jacques^ f i l l e ( Ce mot
» est effacé, et on y a substitué au-dessus, dans Vinterligne,
» F e r r i e u , que l’ on a encore effacé, et l ’on a écrit à côté G11 a v e . ),
» né hors de mariage, né le septième jour du mois de germinal,
» à sept heures du soir, fils d ’isabeiu Ferrier, non mariée, domi» ciliée du lieu de la Marette, susdite commune, et Isabeau Ferrier,
» non mariée; le sexe de l’enfant a été reconnu u n e ( On a couvert
» d’encre la lettre e . ) f i l s , né hors de mariage : premier témoin,
» Jean-Pierre Ferrier, demeurant à C iiam bon , département de
» la H a u te - L o ir e , profession de cultivateur, âgé de irente-neuf
» ans; second témoin, Pierre Rue], demeurant à C h a m b o n , dé-*
u partement de la H a u t e - L o ir e , profession de tailleur d ’habits,
» âgé de cinquante-quatre ans. Sur la réquisition à nous faite par
» Marie R u e l, sage-fem m e de ladite accouchée, avons inscrit le
» sus-nommé Jacques Feuuieu ( C e mot est raturé, et l’ on a mis
y> au-dessus, dans l’ interligne, C iia v e. ), portant l e n o m d e sa
» m è r e ( Ces mots ont été rayés, et l ’on y a substitué ces mots :
» l e n o m d u p è r e . ); et ont la déclarante ne savoir signer, et les
» témoins signé. Ferrier, R u e l, signé à l'original. »
« Ledit Jacques Chave père reconnolt ledit Jacques son fils, de
» ladite déclaration de la présente, acte; le reconnoit pour son
»> véritable fils, avoir droit à tous ses biens, en présence de Jean» Louis Riou. ( -f* Ici est un renvoi. ) Constaté suivant la loi, par
» moi Annet de Bannes, maire de la commune de Cham bon, fai» sant les fonctions d ’officier public de l’état civil. Ledit maire
» approuve toutes les ratures ci-dessus. D e Bannes, maire, signé.
“
Et de Pierre C allon , et de Jean-Pierre Fresclict, et de Jeanw Pierre Ferrier ; et dit Jacques Ghavd a signé avec les tcmoin$.
13 2
�_»
t
(
)
» Ont signé, ledit Pierre Callon a déclaré ne savoir signer , C liave,
» R io u , Freschet, Fcrrier. D e Bannes, m aire, signé. »
( Nota. L ed it renvoi est en marge, en travers. )
■
Pour copie figurée :
L e secrétaire général de la préfecture
de la Haute-Loire ,
BARRÉS.
Il est aussi ¿vident q u ’il puisse l ’ê t r e , que cet acte se
compose de deux parties Lien distinctes , qui në sont pas
d ’un m êm e c o n t e x t e , ne sont pas l’ouvrage du m ê m e
m o m e n t , et cependant ne sont pas deux actes absolu
m ent séparés.
i° . A c t e de naissance bien parfait et très en r è g le , d’un
enfant né dyls a b e a u F e r r ie r , s a n s m en tion d u p ère.
O n lu i donne le nom de sa mère. Il y a deu x témoins
de cct a c te , Josep h F e rrie r et M a rie R u el. L ’acte est
donc com plet : le v œ u de la lo i d u 20 septembre 1792
est rem pli.
,
2°. V ie n t ensuite une déclaration de C h a v e , qui est à
la suite du p rem ie r a c t e , et qui a exigé des surcharges.
M a is p e u t - o n , de bonne f o i , y v o ir un acte authen
t i q u e , une reeonnoissance de paternité telle q u e la loi
la com m ande et que la raison la c o n ç o it ?
Cet acte n’a aucune date , parce q u ’en effet il a eu
lie u
le 21 g e r m i n a l, et a été ajouté a un acte terminé depuis
le 8. Com m ent supposer en effet q u e celte déclaration
finale fait partie de l’acte du 8 ? Les témoins dénommés au
.prem ier u c signent pas la déclaration.
�/
37
( 13 )
O n a raturé et interligné le prem ier acte de naissance,
sans faire i*ien ap p ro u ver aux prem iers témoins. L e maire
se u l ap p ro u ve t o u t , m êm e ce q u ’il lui plaira de raturer
e n c o re ; les autres t é m o in s , C h a v e l u i - m ê m e , ne font
aucune approbation. O r , il est de p rin cipe que les ratures
et interlignes sont inutiles dans les actes, s’il n ’y a appro
bation des parties et témoins.
Il est un autre p rin cipe élémentaire en rédaction d’actes,
quelque peu d’ importance q u ’ils aient; c’est que les tém oins
dénommés en l’acte signent à la fin : ici la sage-femme et
le f r è r e , qui ont déclaré la naissance le 8 , n ’ont pas signé
à la fin. Si c’est un seul et m êm e acte, les uns l’ont signé
au m ilie u , et d’autres à la fin : chose bizarre et rid ic u le ,
qui ne peut s’a llie r avec la g r a v ite de l ’acte qu’on prétend
maintenir.
Q u e p e u t - i l résulter d’un acte de cette e s p è c e , si ce
n ’est de la pitié p o u r ses ré d a c te u r s , et une conviction
intime que ce n’est pas C h a v e qu i est allé déclarer la n a is
san ce d’un enfant com m e s’en disant le père ?
L e but de la lo i n’est donc pas rem pli ; car dans qu elqu e
form e que dût être une reconnoissance de p a te r n ité , il la
falloit dans l’acte m êm e portant la déclaration de naissance,
ou bien il falloit un acte p a rtic u lie r, daté lu i- m ê m e , et
qui 11e fût pas réd igé dans une form e ayant p o u r but de le
rattacher à un autre acte, auquel il ne peut appartenir.
Car rappelons-nous q u e l ’article 334 du Code civ il dilt
que la reconnoissance sera faite p a r l’acte de naissance,
«u p a r un acte ath en tiqu e; à qu oi l’article 62 ajoute que
la c té de reconnoissance sera inscrit sur les registres n sa
date y et q u ’il en sera lait m ention en m arge de l’acle de
naissance.
f-V
�7
C «*
B.appelons-nous encore que le but bien positif de la loi
est de ne com pter p o u r rien les reconnoissauces antérieures
au c o d e , quand l ’auteur est vivant. Il en est de cela com m e
des testamens antérieurs à l’an 2, q u ’ il falloit refaire p o u r
les circonscrire dans les termes du droit nouveau. L a loi
a eu ici un but plus m oral : les changernens apportés au
système passé justifient sa mesure dilatoire.
E t ne nous abusons pas sur l ’im portance des formes
dans une matière aussi délicate : on est si scrupuleux
p o u r tant d’autres actes! U n seul m o t é q u iv o q u e en un
testam ent, détruit toute la volon té d’ un père de fam ille;
u n e donation exige encore des formes plus m ultipliées.
Ces actes sont-ils donc aussi importans qu e celui où il s’agit
de transmettre sou nom et sa fortune ; où il s’agit de plus
e n c o r e , de vaincre l ’opinion et de surm onter sa p ro p re
répugnance ? D ’ailleurs , p o u rq u o i 11e p ourrion s - nous
pas dire p o u r un tel acte ce que R ica rd dit des tcstam ens,
« q u e toute leur force consiste dans leur solennité, et toute
« leu r solennité consiste dans les formes ? »
A u jo u r d ’hui il faut y ajouter une v é rité bien c e r t a in e ,
c'est que la seule supposition q u ’un h o m m e est tenu et
obligé de se charger d ’ un enfant naturel sans sa libre
v o l o n t é , est incom patible avec le système indubitablem ent
reçu sur la législation des enfans naturels.
20. Cette d écla ra tion de p a tern ité est n ulle , s 'il y
a
violen ce. L e s f a i t s a rticu lés suffisent. L a preuve en
est a d m issible.
On est extrêmement sévère dans le monde pour ju ger
�5
( i
)
des eiTets de la p eu r d’autrui ; e t , quand on en com
mente les p articu larités, on détaille très-ponctuellement
la conduite qu ’ on auroit tenue en pareille occurrence.
Cependant rien n’est plus difficile à rég ler p o u r soi-m êm e;
c a r , en d e u x cas semblables , le m êm e in d ividu se c o n dui roit rarem ent deux fois de la m êm e manière. M ais
celui q u i raisonne ainsi est de sang-froid , par cela seul
qu’il ra is o n n e , tandis que le p rem ier elfet de la terreur
est d ’absorber toutes les réflexions / p o u r ne laisser place
q u ’à une seule id éed om in an te, la conservation de soi-même.
Q uelques auteurs , partageant sur ce point les idées du
v u lg a ir e , sem bleraient aussi se m on trer difficiles à ad
m ettre la p lup art des excuses fondées sur la crainte. 11
faut d is t in g u e r , d is e n t - ils , la cra in te gra ve et la crainte
l é g è r e , et on ne peut tro u v e r de m oyen rescisoire q u e
dans celle qui su ffiro itp o ur ébranler la ferm eté de l’h o m m e
le plus in tré p id e , m etus n o n v a n i h o m in is , sed q u i in
1
h om in etn co n sta n iissim u m c a d a i, . 6 , fF. Q u o d m etus
causa.
Ces a u te u rs, s’en tenant à une lo i isolée démentie p a r
beaucoup d’autres, n’ ont pas v o u lu ap ercev o ir, dans cette
rigueur étrange, un m on u m ent de la iierté romaine plutôt
qu’une règ le générale. Ce p e u p le , qu i avoit détruit le
tem ple é le v é p ar T u llu s à la C ra in te , n’ éto it, en la pros
crivant p ar ses lois, que conséquent avec lu i-m êm e . Sous;
un système de conquêtes sans b o rn e s, et avec une consti
tution toute m ilitaire, quel rom ain p ou vo it allégu er u n e
crainte lé g è re ! E le v é dans les carpps, son excuse m êm e
eut consacré sa houle , et la loi étoit rigoureusement juste
en exigeant de lui l’intrépidité d ’uu soldat.
�L a France militaire ne réprouvera pas cette législation
sévère ; elle l ?c*ût créée e lle -m ê m e , s’il falloit un code au
courage. M ais les actes civils des simples particuliers ne
se règlent pas par des m axim es nationales; la théorie
principale des lois consiste à les a p pro p rier au x mœurs
de ceux q u ’elles doivent régir.
G ardons-nous donc de l’exaltation , quand elle est hors
de m esure; ne nous obstinons pas à tro uver un Scévola
dans un laboureur tim id e , qui ne connut depuis sa nais
sance que sa charrue et le hameau de ses pères.
L es auteurs les plus judicieux du droit n’ont eu garde
aussi d’appliquer sans distinction la sévérité des principes
romains. D o rn a t surtout, à qui les premiers juges ont fait
Finjure de prêter une opinion si contraire à son discer
n e m e n t, D om at , dont l’ouvrage im m ortel n ’est que le
précis des lois rom aines, bien loin de se fonder sur la
loi 6 , ne la signale que p o u r en blâm er la rudesse.
« N ous avons v o u l u , d it-il, rétablir les principes na« tu rels, et rendre raison de ce que nous n’avons pas mis
« cette règle du droit rom ain parmi celles de cette sec« t i o n ......... T o u tes les voies de fait, toutes les violen ces,
■
v toutes les m enaces, sont illicites; et les lois condam« lient non-seulement celles qu i mettent en p éril de la
k vie ou de quelque tourm ent , mais toutes sortes de
« voies défait et mauvais traitemens. E t il faut rem arquer
« que com m e toutes les personnes n ’ont pas la m êm e
« fermeté p o u r résister à des violences et â des menaces,
ce et que plusieurs sont si foibles et si tim ides, q u ’ils 11e
« peuvent se soutenir contre les moindres impressions,
« un n e d oit pas b o rn er la p rotection des lo is con tre les
« m en a ces
�/-«
4 ^
( ij )
« m enaces et les v io le n c e s , à ne réprim er que celles
« q u i so n t capables d ’abattre les personnes les plus
« intrépides ; mais il est juste de p rotéger aussi les plus
« tim id es............
« 11 est t r è s - j u s t e , et c ’est -nôtre u sa g e , que toute
« violence étant illic ite , on réprim e celles m êm e qui
« ne v o n t pas à de tels ex c è s, et qu’ on répare tout le
« préjudice que peu ven t causer des violences qui enga« gent les plus foibles à qu elqu e chose d’injuste et de con« traire à leur intérêt : ce qu i se tro u ve m êm e fondé sur
« quelques règles du droit r o m a i n ............et ces règles
« sont tellement du d ro it n a t u r e l, q u ’zV ne p o u rro it y
« a v o ir d ’ordre dans la so ciété des h o m m e s , s i les
« m oin dres violen ces
étaien t réprim ées. » ( Sect. 2 ,
des vices des c o n v e n t i o n s , p ré a m b u le .)
•’
Il est peut-être inu tile, après a vo ir cité D o m a t , de faire
d’autres recherches ; mais les prem iers juges ont encore
fait l’ injure à P o th ie r de lui prêter des principes qui ne '
sont pas lës siens.
•
Cet auteur cite les lois ro m a in e s , et par conséquent
les rappelle
lelles q u ’elles sont. M ais il termine son
article de la crainte par dire que « le p rincipe qui ne
« connoît d’autre crainte sufTisante p o u r faire pécher un
« contrat par défaut de lib erté, que celle qui est capable
« de faire impression sur l’hom m e le plus c o u r a g e u x , est
« trop r ig id e , et ne doit pas être suivi parmi nous à la
« lettre ; on d o it, en cette m a tiè r e , a v o ir égard à l'â g e,
« an se x e et à la con d itio n des personnes ( i) ; et telle
( «) Expressions copiées mot pour mot en l'art. 111 a du Code civil.
c
�C 18 )
« crainte q u i ne seroit pas jugée suffisante p o u r a vo ir
« intim idé l ’esprit d’un hom m e d ’un âge m û r ou d’un
« m ilita ire , et p o u r faire rescinder le contrat qu ’ il aura
« f a i t , peut être jugée suffisante à l’égard d ’ une fem m e .
« ou d ’ un v ie illa r d , etc. » ( T ra ité des
page i re. , cliap. I er. , n°. 2 5 , in fin .)
obligations,
Si l’opinion respectable de ces auteurs avoit besoin d’être
fortifiée par d ’autres citations, on les puiseroit dans les lois
romaines elles-m êm es, q u ’il ne faut pas juger par un
fragm ent u n iq u e , et q u i, au c o n traire, nous enseignent
ce que D om a t et P o th ie r vien nen t de nous apprendre.
T o u t consentement doit être l i b r e , disent plusieurs
lo is; e t, p o u r être restitué, il n’est p is besoin d’une v i o
lence c o r p o re lle , mais seulement d’ une crainte inspirée
à celui qui contracte; q u p a d ju sta m restitu tio n is ca u
sa/n n ih il refert u tràm y i an inetu q u is c o g a tu r . . , .
et q u o a d effecturn ju r is u tro b i deest c o n s e n s u s , a c
libéra volu n tas p a tie n tis , ut velle Ji,on videatur. L . 1 , 3 ,
7 e t ü , ff. q u o d m et. C. L . 1 1 6 , de r e g .ju r. ( in C o rv in o .)
Ces lois étoient bien- inoin§ dures, que nç l ’pnt sup
posé les premiers juges; car elles ordonnoient de recevoir
la preuve de la c ra in te , quand m êm e C h a ve auroit été
hors d’état de désigner aucun de ceux qui la lui avoit
inspirée;, n on tatne/i ne cesse est des ig n a r e, perso n am
q u œ m etum in t a lit, sed s u jjic it p r o u a r e in c tiu n , q u ia
7/ietus habet in se ignorantiar//. f , . 14. ff. eod.
En lin , ce qui achève de convaincre que ces lois savole,nt
aussi se mettre à la portée de la foi blesse des h o m m es,
cYst q u ’elles expliquent q u ’ il 11’étoit pas nécessaire de
p ro u v e r l'existence d’un danger- r é e l , mais seulement
�4 $
*
(* 9 )
'.
.
,
.
.
la crainte de ce d a n g e r , qui en elTet devoit detruire le
i)
consentement. S i ca u sa f u is s e t , c ü r p ericu lu m tim eret\
q u am vis p ericu lu m uerb n on f u i s s e t . . . . non con sid é-.
ra tu r e v e n tu s, sed ju s ta opin io.
e0l^‘
1
L e tribunal d’Yssengeaux avoit donc un guide bien sûr:1
A u lieu d’adopter l’antique rig u e u r d ’une lo i oubliée par*
les Rom ains e u x -m ê m e s , il a 4jugé que la crainte inspirée
à C h a ve n’avoit pas été un m o tif suffisant p o u r le con
traindre ; e t cependant il ig n o ro it jusqu’à q u e l'p o in tC h ave avoit été contraint ou menacé ; il l’ ignoroit ët ai
v o u lu l ’ignorer to u jo u r s , en refusant de s’ éclairer par uné'
p reu ve : cependant les faits articulés étoient graves. C h a v e
ofl’r oit et o iïïe encore de p ro u v e r ces f a i t s articulés", etnotam m ent,, i° . que le 21 g e rm in a l îcs frères F e r r ie r ’et*
d ’autres h o m m e s arm és de bâtons SOLlt'Venus c h e z 'l u i
2°. q u ’ils l ’ont forcé de se lev er et de les s u iv r e ,'e n le
m en açan t;
3 0.
que chez de Bannes ils se sont opposés
toute e x p lica tio n , l ’ont in ju rié, menacé et frappé*,
4°.
à*
que1
de Bannes l’a pris à part pour: l ’exhorter à céder à la fo r c e 1
et éviter un plus grand m a l; °. qu’on l’a fd rc é'd e Vëriir'
5
dans un cabaret, où on lui a remis un e n fa n t, avec de
nouvelles menaces.
M a is , a dit le tribunal d’Yssengeaux/, C lia v e 5, soiti dé'
sa m aison.et conduit chez le m aire, p o ù vü it récltfifrér.
■
C e seroit une réflexion b ieiyn atu rèlle, si les faits même'de la caiise n’ étoient déjà venus la détruire ; car ce m aire
lu i-m êm e étoit si peu disposé à user de son a u t o r ité ,'
qu’ il est difficile de ne pas le juger au contraire intéressé1
à l’événem ent.
’
I
1'
il
Muis à quelle protection , il faut' le d ire , auroit pu
�( ' 2 °- )
s’attendre un m alheureux à la m erci de c in q :individus ,
dans le domicile isolé d ’un m aire de v illa g e ? Battu à ses
y e u x , Chave p o u vo it-il se croire dans un asile in viola
b l e ? L e maire lu i-m êm e, l ’e x h o rta n t'à céder à la fo r c e ,
m.ettoit le com ble à sa terreu r, et déclaroit, ou sa p ro p re
c o m p lic ité , ou au moins son impuissance.
L ’acte le m oins im portant d e là v ie seroit vicié par une
semblable v i o l e n c e , à plus forte raison celui de tous les
actes le plus incom patible avec la m oindre contrainte. U n
p ère de famille a contracté un engagement sacré envers
m*s enfans par son m a ria g e; mais c e l u i- l à m êm e qu i
auroit p rocréé des enfans naturels, ne tient à eux par
aucun lien c iv il :.so n h o n neur et les sentimens de la
nature deviennent leu r unique titre , si la paternité lui
a semblé certaine. L es enfans naturels n ’ont point de
fam ille; tel est le langage d e là lo i : elle ne veut pas qu ’ils
en aient une. Q u an d leur père se nom m eroit hautem ent
dans le m o n d e , il ne seroit tenu à rien; la loi lui perm et
seulement de se. déclarer tel par un écrit libre et authen
tique : forcer sa volon té seroit donc se croire plus sage
qu ’elle.
M ais si la loi n’exige rien d’ un père , si elle consi
dère com m e un vice m oral de lui don ner un iils que
sa prop re vo lo n té cependant n’a pas désavoué , peut-on
soutenir l’ idée révoltante q u ’ un h o m m e sera contraint
m algré lui^d’adopter un enfant dont il n’est pas le p è r e ?
Q u i lui donnera la force de supporter , dans sa de
m e u r e , la vue habituelle d ’une créaLure si étra n g è re,
placée là p ou r sa honte im m u a b le, sans aucune com pensatioU'SatisiaisantQ ? et qui oseroit répondre que dans
�4 > '
( 21 )
^
cette situation de d é sesp o ir, aigri p a r u n sentiment d’in
justice , il p û t assez maîtriser une fu re u r c o n v u ls iv e ,
q u i seroit tout à la fois le tourm ent de l’innocence
et
son p ro p re Supplice ?
E loign on s plutôt de vagues suppositions fondées sur une
p u re chim ère. L a p révo ya n ce des magistrats distinguera
la v é rité et les convenances , et éloignera d’aussi sinis
tres présages. O n ne donne p o in t à u n h o m m e l ’enfant
q u ’il repousse avec m épris , qu and la lo i n’en fait pas
un devoir. L a c o u r doit p ron o n cer ici sur les consé
quences d ’un acte l i b r e , et tout p r o u v e q u ’il n’y a pas
eu de liberté dans celui qu i donne lieu au procès. C h a v e ,
con d uit p a r la f o r c e , m enacé dans sa r o u t e , a signé
sous le bâton ; et, p o u r se s e r v ir des expressions de D o m a t,
si un consentement de cette espèce étoit jugé validç , ce
■seroit un a tten ta t a u d ro it n a tu re l ; i l n y a u r o it p lu s
d ’ ordre dans la so cié té des hom m es.
L a conduite d’Isabeau F e rrie r , l ’ép oque de ses co u -ches, c’est-à-dire, de celles qu i donnent lieu au procès,,
le c h o ix de ses croupiers , le lieu de la scèn e , la cir
constance q u ’ un acte de naissance a été c h a n g é , e t c . , tout
cela donneroit lieu à des réflexions beaucoup plus éten
dues , m a is.q u i sei’oient oiseuses, tant que la p reu ve
de la violen ce ne sera pas ordonnée.
Cette p r e u v e , sans con tred it, est adm issible; aucune
ordonnance ne la p r o h i b e ; et ce qui é to n n e , c’est que
les prem iers juges n ’aient pas v o u lu p ronon cer en connoissance de cause.
Il est possible que la m alignité toujours nvide de calom
nie , et toujours difficile ù d é t r o m p e r , prétende que C h a v e
�%
,
. .
( 22 )
n ’a pas été tout à fait innocent envers Elisabeth F errier
de ce dont on l ’accuse : mais il en prend le ciel à tém o in ,
cette fem m e lui fut toujours étrangère.
C h a v e , maître de ses actions , célibataire , feroit sa
jouissance principale de se v o ir re v iv r e dans un fils qu ’il
croiroit le sien ; à son âge, et avec ses principes re lig ie u x ,
il s’en feroit un devoir. Ces deux puissans m obiles ne
peuven t donc être vaincus 'q u e par quelque chose de
plus puissant e n c o r e , une conviction in tim e , une insur
m ontable répugnance.
Il ne demande pas à être cru sur p arole ; et si son
p rem ie r m oyen ne suffit p a s , il offre la p reu ve des v i o
lences qu i l ’ont forcé à donn er sa signature : et certes,
quand la cou r se sera assurée que C h a ve a été forcé de
sortir de son d o m ic ile , mené chez le m aire par cinq
h o m m e s , menacé et battu , elle a p p réc ie ra alors toute
la valeu r d’ une signature donnée dans de telles circons
tances ; et lorsque la vertueuse Elisabeth F e rrie r sera
convaincue q u ’il ne lui est plus libre de faire de sa p ro
géniture une charge p u b liq u e , peut-être s’e fforcera-t-elle
d e mettre un terme a sa féco ndité et au scandale de sa
conduite.
M . G I R O T , rapporteur.
M e. D E L A P C H I E R , avocat,
M e . M A R I E , lic e n c ié avoué.
~
A R IO M , de l'imprimerie de L andriot , seul imprimeur de la
Cour d ’appel. — Therm idor an 15.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Chave, Jacques. An 13]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Girot
Delapchier
Marie
Subject
The topic of the resource
enfants naturels
faux
menaces de mort
reconnaissance de paternité
code civil
actes de naissance
violences sur autrui
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Jacques Chave, appelant ; contre Jeanne Valla, et Elisabeth Ferrier, sa fille, majeure, intimées.
Table Godemel : Paternité : 1. la déclaration de paternité d’un enfant naturel est nulle, si elle a été arrachée par la violence. quels caractères doivent avoir les faits de violence ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
An 13
1801-An 13
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
22 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1502
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0705
BCU_Factums_M0307
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53242/BCU_Factums_G1502.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Le Chambon-sur-Lignon (43051)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
actes de naissance
Code civil
enfants naturels
Faux
menaces de mort
reconnaissance de paternité
violences sur autrui
-
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41286c982dbe0bfb5bb772fdc441d8c7
PDF Text
Text
■ i I
COUR
1 '
--
MÉMOIRE
D'APPEL
SÉANT
A RIOM.
P
o
Jacques
u
r
C H A V E , appelant
;
C O N T R E
J e a n n e V A L L A , et E l i s a b e t h F E R R I E R ,
1
sa f i l l e
majeure , intim ées.
L A recherche de la paternité est interdite , et c’est
dans nos mœur s u n scandale de moins. D ans ce secret de
la nature , le législateur ne pouvoit que s’en rapporter à
la crédulité de l’hom m e, ou se jeter dans le vague des
conjectures : le premier parti seul étoit juste; la loi l’adopte;
et aucun enfant naturel n’a le droit de nommer son p ère
que celui qui a voulu se déclarer tel.
Nul acte ne doit donc être plus légal, plus libre, que
cette déclaration. L e soupçon seul de contrainte est incomA
�O )
patible avec elle ; car si elle n’est pas clairement reflet
spontané de la réflexion , le but moral de la loi n’existe
plus*
L ’appelant réclame contre l’oubli de ces principes, et se
place sous la protection de la cour, pour faire annuller un
acte inform e} auquel on l’a fait participer par la violence ;
il demande à n’être par forcé de reconnoître un enfant
qui ne fut jamais le sien.
Les premiers juges, n’ont pas voulu admettre la preuvequ’il étoit à même d’offrir ; et si cette opinion pouvoit
prévaloir , il en résulterait que , contre le vœu de la loi,,
un homme donneroit son nom malgré lui à un enfant
naturel ¿seroit Contraint de prendre soin'd’un étranger^
et de lui laisser sa succession.
; n
v. ^ .
F A I T S .
C1
r
Jeanne V a lla , et Elisabeth Ferci.'er, sa fille, habitent lelieu de M azet, mairie de Chambon. Leurs habitudes et
leurs mœurs étoient à peine connues de Jacques Chave,.
qui demeure à la distance d’environ une lieue de leur
domiciLe.
Son âge, plus avancé même que celui de la mère, ne luii
eut donné aucun prétexte de se,rapprocher delà fille. U a
séducteur à cheveyx.blancs est rare ; au village-il ne connoît pas l'oisiveté qui nourrit les illusions, et la monotonie-,
de ses ti’avaux. rustiques avance l’amortissement de ses,
. sensations, en occupant toute son existence.
( Ces femmes étoient donc absolument étrangèresà Chnve,,
lorsque, tout d’un, coup il s’est trouvé mêlé à leur destinée;
�( 3 ;)
par une de ces sourdes manœuvres que l’enfer sçul.pçut
faire concevoir.;
yl . f
i;
. .!: •
■Un matin à huit heures ( le 21 germinal an 9 ) ’„ Jacques
C h a v e, malade, est brusquement arraché d,erson lit; par
deux frères de la fille Forrier ,.suivis de trqis.autres jeunes
gens armés de bâtons ou de iourch.es. Il se disent envoyés
par le sieur de Bannes, maire de Chambon , et comman
dent à Chave de les suivre dan^ la maison de ce sieur de
Bannes. Il Çs’habille
et les suit.
, itr.
'
1
. .
^
II. .
. ç
Là il trouve Jeanne Valla qui paroît en grande, co lère,
l’accueille par des.injures grossières, lui dit que sa fille est
accouchée , depuis |quinze jours , d’un garçon dont il est
le père , suivant le récit de sa fille et de Mv le maire ,de
Cham bon,, et qu’il'fautf,signer sur le champ l’acte de
naissance.
... .
Chave , étourdi d!uue, .vespériç aussi inattendue, pressé
entre les cris de la mère ,,les coups de poings des frères ,
et les menaces de leurs trois hommes d’escorte-,iveut élever
la vo ix , et invoquer la notoriété pyifyliquÇpdes¡bâtops sont
levés contre lui pour toute répons^ : il solli^itç la justice
du maire mais, le maire le prend à part pjsup lui dire
qu’il jÊ tÊ té céder à la circonstance, et q;ue sa vie n’é^#?
pas en sûreté. L ’avenir a appris AjÇhave quel intérêt pres
sant le maire lui-m êm e avoit à ce que la .calomnie eût
une direction certaine.,
On comprend alors que cette dernière insinuation a
ébranlé le courage de Chave. L e sieur de Bannes prend
aussitôt le registre des actes, y efface quelques mots, en subs
titue d’autres, et remet une plume à Chave : une seconde
résistance amène de nouvelles violences. Il fait enfin ce
quTon exige j il signe.
•
l
-
f
n
I
■' . i
j
.
. ••
/
�C4 )
En sortant de chez le ‘maire , *les satellites le inènëht ait
cabaret, se font donner à boire, le forcent à payer, mettent
Fehfant dans ses bras , lùi font les plus horribles- hlenaces^
s’il.dit un mot ; et èe'retirënt.
' Sans doute il’mâîiqùë'à.'ces füits beaucoup de circons
tances importantes; mais' Chave , glacé d’épouvante r
étoit-il1libre rde réfléchir'? La plupart de ces détails ont
échappé ;Ps;iJiVi^moirè/ou plutôt à son attention.
Enfin Chave, revenu de sdn étourdissement , put réflécliii* sûV lés cbn!st*qtfcnceâ‘ de 'Pacte'1qu’on vehoit de lui,
extorquer, ‘et ¿ur le p;a rti iju’il avoit» à prendre.-'
-:
X»a dém arche la plus pressée et la plus indispensable-,:.
ét6it‘id’é fsë d^ârraisier d e H ’innôceiitë* Créatü’re- qü’üriëmÔré'tdéniftüFéfe') avb itJire|é'tèc' ?dfe1^ës'^Biiàs^ pou r ’Pk'ban-i
donner aux soins d ’un étranger. Chave hésita «’ il las
rapj^brteroit1
, claris -la'1h u it,
la jp6rtexlés'Fert;ier!: cëpén-
darit lia r e lig io h ^ l’hündimit'é1, ‘peut-être- la térreUr pbuirlüi-Hlêittë / Péinipbrtëi’èht sur:son d'ég’cmt ,Jbt•il?1fït) '^drteifré iifa iit ;à.‘"iinfc‘ nourrice.., * 1'Ui5i'),: 1
" 10 t /;()V '
 ïaîs1a u s s it ô te t :en Signe* de sa pl&téstà tib ia il’ rendit
^ l'in te aii^juge 'de- paix d e'T én ce ; le juge^ ^ a ix lertÊiiroya au'magistrat'die 'sûreté : mais commë-wÇ|ainte*
etoit dirigée- ah^r'cOntre lé -¡Maire 7 ‘les autorités déli^
bérèrent¿t■
é
b,
: iî .
7 ’ne* itësôlüïehtr r
4î
Chave inquiet, et ne voulant pas'cjüe'sofr'¿{lfence put
déroger à son d ro it, sè décida- ;V citer, le 5 flol’éal iiri g ,
tant'Jeanne V alla' et'sa fille , que le maire Ihï -fncnie,
pour voir dire qu'il'kèrbit restitué contre la i'éiioniibissance dé paternité1qui ‘ltli‘ «voit été 6jitovipiéii!ipai;,'laviolence', et Ijùfe ïe maire seroit téüu de raycif du*registre
�( 5 )
ce qui çoEceVnoit' ladite ’ rèconnôissance y'èt la mere et
la fille pour être condaïnn^ès à Reprendre l’enfant, payer
ses alimens
chez la*1; '■nourrice
..avec
dommages-intéi’cts.
•
1. , j I J* : v“j ;
•
; J'
;
.' |
On pense bien .qu’au'bureau dé paix(la fille Ferrier
ne manqua pas de ¡faire, la réponse d’usage, qu’elle avoit
élé séduite et abusée sons promesse de mariage , et qu’elle
seroit en état de prouver les familiarités de Chave avec
elle j^cehii-cl l’on îdéfia^et¡ajouta même qu’il ofiroit de
prouver cëïtâ avèlc qui èïle avoitJeu fréquentation, i
T o u t cela étoit de trop de part et d’autre , puisqu’il
n’est permis de rien prouver ; et la fille Ferrier ne1
risquoit rien à faire bonne contenance. Quoi qu’il cri
soit, un premier jugement,' du 28 pluviôse an 10, mit
le inaire hors de procès, comme ne pouvant etre’ juge
sans autorisation , et appointa les autres parties en cjroit.
Cet appointement lie fburiyt’ pas plus d’eclaircissc-ment. Chave' persista toujours à offrir la .preuv.ç’ de la
violence exercée contre lui : et les femmes F errier, q u i,
y -ii.
■ -r"
•
’ . ' •
'.i;
.1. ■ i-.
au bureau de paix , n aVQient paru avoir aucune crainte,
firent leurs bil’orts pour soutenir cette preuve inadmis
sible. Leur système.j)rovaîut'; et le 14 fructidor an 10^
le tribunUl d’Yssengeaux rendit le jugement qui suit. ***
<r C orisîU étfan tqu e l^ à rticl^ i'tìu ' titre 20 de ¡’o rd o n n a n ce d e î GGj
ddfèttd’ ‘d e recevoir la preuve; pai1tditaoins c o n tre et ou tre le c o n te n u
a n x i é t é s ) p u b lic s ; q u ’à la vérité; la f o r c e , l a v i o l e n c ô , Sont u n
iï)o^erypo;qr ,leS fa ire rescin d er * m ais q u 'e n ce cas il fa u t a rtic u le r
d^. m çn a ce ç!g ra v e s, q ui fe ro ie n t cra in d re p ou r la-vie metus mords,
ou q u e la p a rtie o b lig é e a u ro it s o u ffe r t ch arte p riv é jî, ainsi q u e
l ’en seign en t D o m a i en ¿es L o is éiv ile s,, et! P o lliie r en son T r a i t é
<ì«'si ¿l'j^tidh’ÿj
• - ü» .
'
l'
c
il ?
.
u
�(S )
» Considérant que Jacques Chave n'a articulé qu’il lui ait été
fait aucune m çnace, ni qu’il ait été commis aucun excès sur sa
personne, ni dans son dom icile, ni dans celui du maire où il s’étoit
rendu pour reconnoilre pour lui appartenir l'enfant dont s’éloit
accouchée Isabeau Ferrier; et qu’étant dans ce dernier dom icile,
il pouvoit articuler sans crainte les excès ou menaces qu’il auroit
éprouvés, contre ceux qui s ’en seroient rendus coupables envers
sa personne. »
Jacques Chave est débouté de toutes ses demandes tant princi
pales que subsidiaires, et il est condamné aux dépens.
r
Cependant Chave avoit offert expressément de faire
preuve de menaces et violences : ses écritures en font foi.
Il «toit privé alors d’un mo}ren important. L ’expédition
de l’acte de naissance produite aimé au procès, ne mentionnoit ni les surcharges ni les ratures ; elle étoit délivrée
par le sieur de Bannes, m aire, qui avoit trop d’intérêt
à, en cacher l’irrégularité' pour la faire soupçonner. A u
reste, Chave s’est pourvu en la cour contre le jugement,
et il sera question d’examiner de quelle influence la forme
de cet acte doit être pour la décision du procès.
M O Y E N S .
*
L ’ancienne législation française étoit extrêmement dure
contre les enfans naturels; et cependant, par .une étrange
inconséquence, elle admettait les preuves de patèrriité
sans distinction. Aujourd’hui la loi a fait pour -eux
davantage : mais sans vouloir percer le mystère qui
couvre leur naissance, elle rejette désormais les proba
bilités et les fausses conséquences ; elle ne voit dans
l’enfant né hors le mariage qu’une innocente créature
�( 7 )
digne de la pitié de tout le m onde, mais ne tenant à la
société que par celle qui lui a donné le jour. Si cepen
dant un homme , guidé par des apparences qu’il aie droit
d’apprécier lui - même , et cédant à l’impulsion de sa
conscience, veut se donner le titre de père , la loi le
lui permet, s’il n’est engagé dans les liens du mariage :
mais comptant pour rien aujourd’hui toutes les démons
trations extérieures, elle exige une déclaration authenti
que et non équivoque ; elle prescrit à l’acte une solen
nité plus grande que pour la naissance même de l’enfant
légitime.
, L ’intention du législateur étoit si claire, qu’elle a ôté
tout prétexte à l’astuce, et n’a laissé de voies qu’au faux
ou à la violence. Mais à qui peut être réservée l’une ou
l’autre de ces voies criminelles ? Ce n’est pas à la fille timide
q u i, rougissant encore d’une première foiblesse, et par
tagée entre l’amour de son enfant et la honte de sa naissance, n’en ose nommer le père que dans le secret de son
cœur, et se fait l’illusion de penser que le mystère dont
elle s’enveloppe la protégera contre l’opinion qui fait
son supplice.
Mais que feront ces femmes déhontées , qui ne voient
dans la prostitution qu’une h abitudedan s leur avilisse
ment qu’un état, et dans leur fécondité qu’un accident?'
Incertainesi elles-mêmes d’une paternité qu’elles déféroient
naguères suivant leurs convenances, elles n’en arrachoient
pas moins des sacrifices pécuniaires aux hommes qui leu r
étoient souvent les plus étrangers,, mais qu’épouvantoit
la perspective d’une honteuse et publique discussion. Si
on leur laisse entrevoir aujourd’hui une tolérance quel-
�. r , .................. ■. . .
W ) .................. . .
coriqué, que Tevar cou fera-t-il de tenter d\iutres voies pour
en venir aux mêmes fins?'Et s’ il est près de leur demeure
un citoyen paisible, qui, par ses mœurs douces et réglées,
puisse passer pour pusillanime, quelle difficulté y aura-t-il
de rejoindre adroitement que c’est là le coupable, d’inté
resser contre lui quelque personne crédule, de l’effrayer
lui-même sur les’ dangers de’ sa résistance, d’ameuter s’il
le faut ceux qui ont un intérêt réel au succès de la négo
ciation ! Jadis il falloit des témoins,1aujourd’hui il ne faut
qu’une simple signature; tout cela peut s’exécuter avec
rapidité : ce n’est qu’un changement de complot.
Heureusement cette rapidité même ne laisse pas au
criminel le calme de la réflexion: souvent ses fautes le
trahissent, et, quelques légères qu’elles soient, il faut les
compter avec scrupule; car on est bien assuré qu’elles ne
sont pas un simple résultat de’ sa négligence, mais qu’elles
ont échappé à l’excès de sa précipitation.
Ceux qui ont guidé la fille Ferrier dans ses démarches
n’ont pas visé à l’exactitude ; la cour en sera convaincue
bientôt par la forme de l’acte de naissance qui fait son titre.
Une seconde découverte la convaincra encore qu’il ne
s’ agit point ici de réparer, envers une fille séduite, des
torts que' la malignité suppose toujours. La fille Ferrier
a , le 20 prairial an n , donné une nouvelle preuve de
sa continence, en faisant baptiser un fils sous les auspices
de son frère et de sa m ère, que l’acte apprend môme avoir
été sage-femme en cette circonstance.
Il ne paroît pas que pour cette fois la mère et la fille
Ferrier aient jugé à propos de réunir un conseil pour
disposer du nouveau n é , et lui élire un père à la plu
ralité
�( 9 )
ïalitc des suffrages; il est vraisemblable que la précédente
tentative lesavoit intimidées. .
Q u oiq u ’il en soit, et soumettant cette découverte pré
cieuse aux réflexions de la co u r, l’appelant ne s’en occu
pera pas plus long-temps, et se contentera d’observer
q u ’il n’y a rien de légal dans la prétendue déclaration de
paternité qu’on lui a fait signer, et au surplus que les faits
<3e violences articulés suffiront pour la détruire. C’est à
l’examen de ces deux propositions que l’appelant réduit
sa défense.
i°. L a déclaration de -paternité ri est pas légale.
La loi du 12 brumaire an 2. s’occupoit de trois espèces
d’enfans naturels, après avoir décrété eu principe qu’ils
étoient successibles.
i°. Ceux dont le pèreétoit décédé, et il leur suffisoit
de prouver une possession d’état, par des soins donnés
à titre de paternité, et sans interruption ; 2°. des enfans
dont le père et la mère seroieut encore vivans lors du
Code c iv il, et leur état civil y étoit renvoyé; 30. de ceux
dont la mère seule seroit décédée lors de la publication
du C od e, et alors la reconnoissance du père, faite devant
l’officier public, rendoit l’enfant successible.
Il s’agit ici d’un enfant de la seconde espèce ; et le pré
tendu père , quel qu’il so it, de même que la m ère, sont
dits vivans.
O r , quelle nécessité, quelle urgence y avoit~il de
prévenir la publication du Code civil , en faisant faire
«ne déclaration que la loi ne demandoit pas, et qu’elle
B
�C i° )
ajournoit au contraire ? N ’apercevroit - on pas déjà le
dol dans cette extraordinaire prévoyance ?
D ira-t-on que le Code civil prescrit aussi une décla
ration authentique, et qu’on n’a pas violé la loi en la
devançant? Mais qui blâmera les législateurs de l’an 2 ,
d’avoir voulu prévoir que leur système ne seroit peutêtre pas celui du Code civil ? qui leur reprochera d’avoir
supposé que les dispositions de ce code seroient déli
bérées avec plus de m aturité, et de s’être défiés de leur
premier systeme sur une innovation aussi importante?
Ils voulurent régler le passé seulement ; et les débats
qui ont eu lieu sur la loi transitoire du 14 floréal an 11
nous apprennent assez qu’il n’y a eu , dans l’intervalle de
l ’an 2 à l’an 11 , 'aucune législation touchant les enfans:
naturels. Les bulletins de la cour de cassation sont aussi
remplis d’arrêts qui ont cassé tous les jugemens dans les
quels les tribunaux avoient voulu ré g le r, même provi
soirement , le sort de quelques enfans naturels , pendant
cette lacune de neuf ans.
Il ne pouvoit donc être question de fixer l’état de
l’enfant d’Elisabeth Ferrier qu’après le Code c iv il, dont
l’art. 334 porte que la reconnoissance sera faite par un acte
authentique, si elle ne l’a pas été par Pacte de naissance.
Mais fût-il indifférent que la reconnoissance contestée
¿lit été faite avant ou après le Code civil, malgré la sus
pension totale exigée par la cour de cassation ,-et rappelée
par la loi transitoire ; cette reconnoissance n’en est pas.
moins irrégulière} car elle n’est faite ni par Pacte de
naissance lui-mèm e, ni par un acte séparé authentique..
Voiei comment cet acte est littéralement écrit au registre*
�C II )
À'CTÏ
DE N A I S S A N C E .
n D u huitième four dit mois de germinal, l’an g de la répu
blique française. A cte de naissance de Jacques, f ili.e ( Ce mot
est effacé, et on y a substitué au-dessus , dans l ’interligne,
F e r r ie r , que Von a encore efface', et Von a écrit à côté C h a v e . ),
né hors de mariage, né le septième jour du mois de germ inal,
à sept heures du soir, fils d ’Isabeau F errier, non m ariée, domi
ciliée du lieu de la M arette, susdite com m une, et Isabeau Ferrier,
non mariée; le sexe de l’enfant a été reconnu une ( On a couvert
d’encre la lettre e. ) f i l s , né hors de mariage : premier tém oin,
Jean-Pierre Ferrier, demeurant à C h am b o n , département de
la H a u te -L o ir e , profession de cultivateur, âgé de tren te-n euf
an s; second tém oin, Pierre R u e l, demeurant à C h am bon, dé
partement d e la H a u te -L o ire , profession de tailleur d’habits,
âgé de cinquante-quatre ans. Sur la réquisition à nous faite par
M arie R u e l, sage-fem m e de ladite accouchée, avons inscrit.le
sus-nommé Jacques F e rm e r ( Ce mot est raturé, et Von a mis
au-dessus, dans Vinterligne, C h a v e .) , portant l e nom de sa
mère ( Ces mots ont été rayés, et Von y a substitué ces mots :
l e nom du ri:nE. ) ; et ont la déclarante ne savoir signer, et les
témoins signé. F errier, R u e l, signé à Foriginal. »
u L ed it Jacques Chave père reconnolt ledit1Jacques son fils, de
» ladite déclaration de la présente, acte; le’ reconnoît pour son
» véritable fils, avoir droit à tous ses biens, en présence de Jean» Louis Riou. ( -{- Ic i est un renvoi. ) Constaté suivant la lo i, par
» moi A nn et de Bannes, maire de la commune de C ham bon, fai» sant les fonctions d ’officier public de l’état civil. Ledit maire
» approuve toutes les ratures ci-dessus. D e Bannes, maire, signé.
»
Et de Pierre C a llo n , et de Jean-Pierre Frescliet, et de Jean» Pierre Ferrier ; et dit Jacques Chave a signé avec les témoins.
’
B 2
�(
12
)
» O n t s ig n é , le d it P ie rre C a llo n a d é c la ré n e sav o ir s ig n e r , C h a y e ,.
n
R i o u , F r e s c h e t, F e r r ie r . D e B a n n e s , m a ire » sig n é . »
( N ota. L ed it renvoi est en marge, en travers. )
Pour copie figurée :
L e secrétaire général de la préfecturede la Haute-Loire ,
B A R R É S .
Il est aussi évident qu’il puisse l’ê tre , que cet acte se
Compose de deux parties bien distinctes , qtii ne sont pas
d’un même contexte , ne sont pas l’ouvrage du même
m o m e n t e t cependant ne sont pas deux actes absolu
ment séparés.
i°. Acte de naissance bien parfait et très en règle, d’ui*
enfant né d'Isabeau F e r rie r , sans mention du père*
O n lui donne le nom de sa mèi*e. Il y a deux témoinsde cet acte, Joseph Ferrier et Marie Ruel. L ’acte est
donc complet i le vœu de la loi du 20 septembre 1792
est rempli.
2°. Vient ensuite une déclaration de Chave, qui est à
la suite du premier acte, et qui a exigé des surcharges.
Mais peut-on , de bonne f o i , y voir un acte authen
tique , une reconnoissance de paternité telle que la loi
la commande et que la raison la conçoit ?
Cet acte n’a aucune date , parce qu’en effet il a eu lieu
le 21 germ inal, et a été ajouté a un acte terminé depuis,
le 8. Comment supposer en eflet que cette déclaration
finale fait partie de l’acte du 8? Les témoins dénommés au
premier ne signent pas la déclaration»
�( 13 )
On a rature et interligné le premier acte de naissance,
sans faire rien approuver aux premiers témoins. L e maire
seul approuve to u t, même ce qu’il lui plaii-a de raturer
encore; les autres tém oins, Chave lu i- m ê m e , ne font
aucune approbation. O r , il est de principe que les ratures
et interlignes sont inutiles dans les actes, s’il n’y a appro
bation des parties et témoins.
. Il est un autre principe élémentaire en rédaction d’actes,
quelque peu d’importance qu’ils aient, c’est que les témoins
dénommés en l’acte signent à la fin : ici la sage-femme et
le frè re, qui ont déclaré la naissance le 8 , n’ont pas signé
à la fin. Si c’est un seul et même acte, les uns Font signé
au m ilieu, et d’autres à la fin : chose bizarre et ridicule,
qui ne peut s’allier avec la gravité de l’acte qu’on prétend
maintenir.
Que p e u t-il résulter d’un acte de cette espèce, si ce
n’est de la pitié pour ses rédacteurs, et une conviction
intime que ce n’est pas Chave qui est allé déclarer la nais
sance d’un enfant comme s’en disant le père ?
L e but de la loi n’est donc pas rempli ; car dans quelque
forme que dût être une reconnoissance de paternité , il la
falloit dans l’acte même portant la déclaration de naissance,
ou bieta il falloit un acte particulier, daté lui-m êm e, et
qui ne fût pas rédigé dans une forme ayant pour but de le
rattacher à un autre acte, auquel il ne peut appartenir.
Car rappelons-nous que l’article 334 du Code civil d it
que la reconnoissance sera faite par l’acte de naissance,.
ou par un acte athentique ; à quoi l’article. 62 ajoute que
Pacte de reconnoissance sera inscrit sur les registres ¿1 sa
d ote, et qu’il en sera lait mention en marge de lVcte de
naissance..
�(( H l
RappelonsHnous encore que le but bien positif de la loi
est de ne compter pour rien les reconnoissancesantérieurea
au cod e, quand l’auteur est vivant. Il en est de cela comme
des testamens antérieurs à l’an 2, qu’il falloit refaire pour
les circonscrire dans les termes du droit' nouveau. La loi;
a eu ici un but plus .moral : les changemens apportés au
système passé justifient sa mesure dilatoire.
E t ne nous abusons' pas sur l'importance, des formes
dans une matière aussi délicate; : on est si scrupuleux
pour tant d’autres actes! Uri,seul mot équivoque en un
testament, détruit toute la volonté d’un père de famille-;
une donation exige encore des formes plus multipliées.
Ces actes sont-ils donc aussi importuns que celui où il s’agit
de transmettr^son nom et sa fortune ;,où il s’agit de plus
encore, de vaincre l’opinion et de surmonter sa propre
répugnance ? D ’ailleui's , pourquoi ne pourrions - nous
pas dire pour un tel acte ce que Ricard dit des testamens,
« que toute leur force consiste dans leur solennité, et toute
« leur solennité consiste dans les formes ? »
A ujourd’hui il faut y ajouter, une vérité bien certaine,
c’est que la seule supposition qu’un homme est tenu et
obligé de se charger d’un enfant naturel sans sa libre
vo lo n té, est incompatible avec le système indubitablement,
reçu sur la législation des enfans naturels,
)
O
20. Cette déclaration de 'paternité est nulle , s’il y a
violence. L e s J'aits articulés suffisent. Z,a preuve en
est admissible.
On est extrêmement sévère dans le monde pour juger
�( i 5 '}
des effets de la peui’ d’autrui ; e t , quand on en com
mente les particularités, on détaille très-ponctuellement
la conduite qu’on auroit tenue en pareille occurrence.
Cependant rien n’est plus difficile à régler pour soi-même;
car, en deux cas semblables , le même individu se con
duiront rarement deux fois de la même manière. Mais
celui qui raisonne ainsi est de sang-froid , par cela seul
qu’il raisonne; tandis que le premier effet de la terreur
est d’absorber toutes les réflexions , pour ne laisser place
qu’à une seule idée dominante, la conservation de soi-même.
Quelques auteurs, partageant sur ce point les idées du
vulgaire, sembleroient aussi se montrer difficiles à ad
mettre la plupart des excuses fondées sur la crainte. Il
faut distinguer, disent-ils, la crainte grave et la crainte
légère , et on ne peut trouver de moyen rescisoire que
•dans celle qui suiïiroitpour ébranler la fermeté de l’homme
le plus intrépide, metus non vani horninis , sed q u i in
hominem constantissimum cada t, 1. 6 , ff. Quod metûs
causâ.
Ces auteurs, s?en tenant à une loi isolée démentie par
«■beaucoup d’autresy n’ont pas voulu apercevoir, dans cette
rigueur étrange, un monument de la fierté romaine plutôt
qu’une règle générale. Ce peuple, qui avoit détruit le
temple élevé parT ullus à la Crainte, n’étoit, en la pros
crivant par ses lois, que conséquent avec ltii-même. Sons
un système de conquêtes sans bornes, et avec une consti
tution toute militaire, quel romain pouvolt alléguer une
crainte légère! Elevé dans les camps, son excuse même
•eût consacré sa honte , et la'loi étoit rigoureusement juste«n exigeant de lui l’intrépidité d’un soldat.
'
�( 10 )
La France militaire ne réprouvera pas cette législation
sévère; elle l’eût créée elle-même, s’il falloit un code au
courage. Mais les actes civils des simples particuliers ne
se x'ègleut pas par des maximes nationales; la théorie
principale des lois consiste à les approprier aux mœurs
de ceux quelles doivent régir.
Gardons-nous donc de l’exaltation , quand elle est hors
de mesure; ne nous obstinons pas à trouver un Scévola
dans un laboureur tim ide, qui ne connut depuis sa nais
sance que sa charrue et le hameau de ses pères.
Les auteurs les plus judicieux du droit n’ont eu garde
aussi d’appliquer sans distinction la sévérité des principes
romains. D om at surtout, î\ qui les premiers juges ont fait
l’injure de prêter une opinion si contraire à son discer
nement , D o m at, dont l’ouvrage immortel n’est que le
précis des lois romaines, bien loin de se fonder sur la
, loi 6, ne la signale que pour en blâmer la rudesse.
« Nous avons vo u lu , dit-il, rétablir les principes na« turels , et rendre raison de ce que nous n’avons pas mis
« cette règle du droit romain parmi celles de cette sec« tio n .........Toutes les voies de fait, toutes les violences,
c( toutes les menaces, sont illicites ; et les lois condam« nent non-seulement celles qui mettent en péril de la
« vie ou de quelque tourm ent, mais toutes sortes de
« voies défait et mauvais traitemens. Et il faut remarquer
« que comme toutes les personnes n’ont pas la même
« fermeté pour résister à des violences et î\ des menaces,
« et que plusieurs sont si foibles et si tim ides, qu’ils ne
« peuvent se s o u t e n i r contre les moindres impressions,
« un ne doit pas borner la protection des lois contre les
• « menaces
�( *7 ) '
menaces et les violences, à ne réprimer que celles
qu i sont capables d'abattre les personnes les plus
intrépides ; mais il est juste de protéger aussi les plus
timides...........
« Il est très - juste, et c’est notre usage, que toute
« violence étant illicite, on réprime celles même qui
« ne vont pas à de tels excès, et qu’on repare tout le
ce préjudice que peuvent causer des violences qui enga« gent les plus foibles à quelque cliose d’injuste et de con
te traire à leur intérêt : ce qui se trouve même fondé sur
« quelques règles du droit ro m ain ...........et ces règles
* sont tellement du droit naturel, qu’il ne pourrait y
« avoir d’ordre dans la société des hom m es, si les
« moindres violences n'étaient réprimées. >3 ( Sect. 2,
des vices des conventions , préambule. )
Il est peut-être inutile, après avoir cité Domat, de faire
d’autres recherches -, mais les premiers juges ont encore
fait l’injure à Pothier de lui prêter des principes qui ne
sont pas les siens.
Cet auteur cite les lois romaines, et par conséquent
les rappelle telles qu’elles sont. Mais il termine son
article de la crainte par dire que « le principe qui ne
ce connoît d’autre crainte suffisante pour faire pécher un
cc contrat par défaut de liberté, que celle qui est capable
« de faire impression sur l’homme le plus courageux, est
cc trop rigide, et ne doit pas être suivi parmi nous à la
cc lettre ; on doit, en cette m atière, avoir égard à Page,
« au sexe et à la condition des personnes (1) ,* et telle
«
«
«
«
(^Expressions copiées mot pour mot en Fart. 1112 du Code civil.
c
�C iS )
« crainte qui ne seroit pas jugée suffisante pour avoir
« intimidé l’esprit d’un homme d’un âge mûr ou d’un
« militaii’e , et pour faire rescinder le contrat qu’il aura
« la it , peut être jugée suffisante à l’égard d’une femme
« ou d’un vieillard, etc. » ( Traité des obligations,
page i re. , chap. I er., n°. 2 5 , in fin .)
Si l’opinion respectable de ces auteurs avoit besoin d’être
fortifiée par d’autres citations, on les puiseroit dans les lois
romaines elles-mêmes, qu’il ne faut pas juger par un
fragment unique, et qui, au contraire, nous enseignent
ce que Domat et Pothier viennent de nous apprendre.
T out consentement doit être lib re, disent plusieurs
lois; et, pour être restitué, il n’est pas besoin d’une vio
lence corporelle, mais seulement d’une crainte inspirée
à celui qui contracte; quoad justam restitutionis eau-,
sa/n niZiil refert utràm vi an metu quis cogatur. . ..
et quoad effectuai ju ris utrobi deest coiisensus, ac
libéra voluntas patientis, utveUe non vide a tur. L , 1 , 3 ,
7 et 8, ff. quod met. C. L . 116 , de reg.jur. ( in Corvino. )
Ces lois étoient bien moins dures que ne l’ont sup
posé les premiers juges; car elles ordonnoient de recevoir
la preuve de la crainte, quand même Chave auroit été
hors d’état de désigner aucun de ceux qui la lui avoit
inspirée; non tarnen necesse est designare personam
quœ metinn in tulit, sed sujjficit p r o b a r e metum, quia
metus habet in se ignoranham. I .
cod.
E nfin, ce qui achève de convaincre que ces lois savoient
aussi se mettre à la porlée de la foiblesse des hommes,
c’est qu’elles expliquent qu’il n’étoit pas nécessaire de
prouver l’cxisteiicc d’uu danger réel , mais seulement
j
�( 19 )
la crainte de ce danger, qui en effet devoit détruire le
consentement. S i causa fu isset, cur periculurn timeret j ’
quamvis periculurn verb non f u is s e t . . . . non consideratur eventus, sed justa opinio. L . 14. j f . eod.
L e tribunal d’Yssengeaux avoit donc un guide bien sûr.
A u lieu d’adopter l’antique rigueur d’une loi oubliée par
les Romains eux-mêmes , il a jugé que la crainte inspirée
à Chave n’avoit pas été un m otif suffisant pour le con
traindre ; et cependant il ignoroit jusqu’à quel point
Chave avoit été contraint ou menacé ; il l’ignoroit et a
voulu l’ignorer toujours, en refusant de s’éclairer par une
preuve : cependant les faits articulés étoient graves. Chave
oiïroit et offre encore de prouver ces faits articulés , et
notamment, x°. que le 21 germinal les frères Ferrier et
d’autres hommes armés de bâtons sont venus chez lu i;
2°. qu’ils l’ont forcé de se lever et de les suivre, en lé
menaçant; 30. que chez de Bannes ils se sont opposés à
toute explication, l’ont injurié, menacé et frappé; 40. que
de Bannes l’a pris à part pour l’exhorter à céder à la lorce
et éviter un plus grand mal ; 5 °. qu’on l’a forcé de venir
dans un cabaret, où on lui a remis un enfant, avec de'
nouvelles menaces.
. . . . . . . .
M ais, a dit le tribunal d’Yssengeaux, Cliave, sorti de
sa maison et conduit chez le maire, pouvoit réclamer.
Ce seroit une réflexion bien naturelle, si les faits même
de la cause n’étoient déjà venus la détruire ; car ce maire
lui-même étoit si peu disposé à user de son autorité ,
qu’il est difficile de ne pas le juger au contraire intéressé
à l’événement.
Mais à quelle protection., il fout le dire, auroit pu
�(r 20 )
s’attendre un malheureux à la merci de cinq individus,
dans le domicile isolé d’un maire de village? Battu à ses
yeu x, Cliave pouvoit-il se croire dans un asile inviola
b le ? L e maire lui-même, l’exhortant à céder à la force,
mettoit le comble à sa terreur, etdéclaroit, ou sa propre
com plicité, ou au moins son impuissance.
L ’acte le moins important de la vie seroit vicié par une
semblable violence , à plus forte raison celui de tous les
actes le plus incompatible avec la moindre coutrainte. Un
père de famille a contracté un engagement sacré envers
ses enfans par son mariage; mais celui-là même qui
auroit proci'éé des enfans naturels, ne tient à eux par
aucun lien civil : son honneur et les sentimens de la
nature deviennent leur unique titre , si la paternité lui
a semblé certaine. Les enfans naturels n’ont point de
famille ; tel est le langage de la loi : elle ne veut pas qu’ils
çn aient une. Quand leur père se nommeroit hautement
dans le monde, il ne seroit tenu à rien; la loi lui permet
seulement de se déclarer tel par un écrit libre et authen
tique : forcer sa volonté seroit donc se croire plus sage
qu’elle.
Mais si la loi n’exige rien d’un père , si elle consi
dère comme un vice moral de lui donner un lils que
sa propre volonté cependant n’a pas désavoué , peut-on
soutenir l’idée révoltante qu’un homme sera contraint
malgré lui d’adopter un enfant dont il n’est pas le père?
Qui lui donnera la force de supporter, dans sa de
meure, la vue habituelle d’une créature si étrangère,
placée là pour sa honte im muable, sans aucune com
pensation, satisfaisahte ? et qui oseroit répondre que dans
�( 21 )
cette situation de désespoir, aigri par un sentiment d’in
justice , il pût assez maîtriser une fureur convulsive,
qui seroit tout à la fois le tourment de l’innocence et
son propre supplice ?
Eloignons plutôt de vagues suppositions fondées sur une
pure chimère. L a prévoyance des magistrats distinguera
la vérité et les convenances , et éloignera d’aussi sinis
tres présages. On ne donne point à un homme l’enfant
qu’il repousse avec mépris , quand la loi n’en fait pas
un devoir. La cour doit prononcer ici sur les consé
quences d’un acte lib r e , et tout prouve qu’il n’y a pas
eu de liberté dans celui qui donne lieu au procès. Chave,
conduit par la forçe , menacé dans sa ro u te, a signe?
sous le bâton; et, pour se sevvir des expressions de Doinat,
§i un consentement de cette espèce étoit jugé valide , ce
seroit un attentat au droit naturel ; il n’y auroit plus
d’ ordre dam la société des hommes.
La conduite d’Isabeau Ferrier , l’époque de ses cou
ches, c’est-à-dire, de celles qui donnent lieu au procès,
le choix de ses croupiers, le lieu de la scène, la cir
constance qu’un acte de naissance a été changé, etc., tout
cela donneroit lieu à des réflexions beaucoup plus éten
dues , mais qui seroient oiseuses, tant que la preuve
de la violence ne sera pas ordonnée.
Cette preuve, sans contredit, e§t admissible; aucune
ordonnance ne la prohibe ; et ce qui étonne, c’est que
les premiers juges n’aient pas voulu prononcer en connoissance de cause.
Il est possible que la malignité toujours avide de calom
nie , et toujours difficile àdétrçynper, prétende que Chave
�( 22 )
n’a pas été tout à fait innocent envers Elisabeth Ferrier
de ce dont on l’accuse : mais il en prend le ciel à témoin,
cette femme lui fut toujours étrangère.
C h ave, maître de ses actions , célibataire, feroit sa
jouissance principale de se voir revivre dans un fils qu’il
croiroit le sien ; à son âge, et avec ses principes religieux,
il s’en feroit un devoir. Ces deux puissans mobiles ne
peuvent donc être vaincus que par quelque chose de
plus puissant encore , une conviction intim e, une insur
montable répugnance.
Il ne demande pas à être cru sur parole ; et si son
premier moyen ne suffit p a s, il offre la preuve des vio
lences qui l’ont forcé à donner sa signature : et certes,
quand la cour se sera assurée que Chave a été forcé de
sortir de son dom icile, mené chez le maire par cinq
hommes , menacé et battu , elle appréciera alors toute
la valeur d’une signature donnée dans de telles circons
tances ; et lo rsque la vertueuse Elisabeth Ferrier sera
convaincue qu’il ne lu i est plus libre de faire de sa pro
géniture une charge publique, peut-être s’efforcera-t-elle
de mettre un terme à sa fécondité et au scandale de sa
conduite.
M . G I R O T , rapporteur.
M e. D E L A P C H I E R , avocat.
M e. M A R I E , licencié avoué.
A R IO M , de l'imprimerie de L a n d r i o t , seul imprimeur de la
C our d ’appel. — Therm idor an 13.
�
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Factums Marie
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Description
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Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Chave, Jacques. An 13?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Girot
Delapchier
Marie
Subject
The topic of the resource
reconnaissance de paternité
Description
An account of the resource
Mémoire pour Jacques Chave, appelant ; contre Jeanne Valla, et Elisabeth Ferrier, sa fille, majeure, intimées.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 13
1801-Circa An 13
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
22 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0307
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0705
BCU_Factums_G1502
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53755/BCU_Factums_M0307.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Chambon-sur-Lac (63077)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
reconnaissance de paternité
-
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b6c247e4fd66c5a717f15e6b498afd70
PDF Text
Text
M
E
M
O
I
R
E
.
RECONNOISSANCE
DE
PATERNITÉ.
�COUR
D ’A P P E L
M
É
M
O
I
R
E
SÉANT
A RIOM.
P O UR
J a c q u e s C H A V E , appelant ;
C O N T R E
r
♦
Jeanne
V A L L A , et E l i s a b e t h F E R R IE R ,
sa fille y majeure, intimées.
' ’
L a recherche de la paternité est interdite , et c’est
dans nos mœurs un scandale de moins. Dans ce secret de
la nature , le législateur ne pouvoit que s’en rapporter à
la crédulité de l’h o m m e, ou se jeter dans le vague des
conjectures : le prem ier parti seul é toit juste; la loi l'adopte;
et aucun enfant naturel n’a le droit de nommer son père
que celui qui a v oulu se déclarer tel.
N ul acte ne doit donc être plus lé g a l, plus lib r e , que
cette déclaration. L e soupçon seul de contrainte est incom
•
A
�( o
patible avec elle ; car si elle n’est pas clairement l’effet
spontané de la réflexion , le but m oral de la loi n’existe
plus.
L ’appelant réclame contre l’oubli de ces principes, et se
place sous la protection de la c o u r, pour faire annuller un .
acte in fo rm e, auquel on l’a fait participer par la violence ;
il demande à n’être par forcé de reconnoître un enfant
qui ne fut jamais le sien.
Les premiers juges n’ont pas voulu admettre la preuve
qu’ il étoit à même d’offrir ; et si cette opinion pouvoit
p révaloir , il en résulteroit que , contre le vœu de la l o i,
un hoinme donnerait son nom m algré lui à un enfant
naturel y seroit contraint de prendre soin d’un étranger>
et de lui laisser sa succession.
;i a T : •
F A I T S .
Jeanne V a lla , et Elisabeth F errier, sa fille, habitent le
lieu de M a z e t, m airie de Cliambon. Leurs habitudes et
leurs mœurs étoient à peine connues de Jacques C have,.
qui demeure à la distance d’environ une lieue de leu r
dopiicile.
Son âg e, plus avancé même que celui de la m ère, ne lui:
eût donné aucun prétexte de se rapprocher delà fille. U n
séducteur à cheveux blancs est rare *, au village il ne connoît pas l'oisiveté qui nourrit les illusions, et la m onotonie
de ses travaux rustiques avance l’amortissement de ses
sensations, en occupant toute son existence.
j.
Ces femmes étoient donc absolument étrangères à Cha vc,.
lorsque tout d’un coup il s’est trouvé mêlé ¿1 leur destinée
�(3 )
par une de ces sourdes manœuvres que l’enfer seul peut
faire concevoir.
•
. U n matin à huit heures ( le 21 germinal an.9 ), Jacques
C h a v e , m alade, eàt brusquement arraché^ d^son lit par
deux frères de la fille Ferrier , suivis de trois auti'cs jeunes
gens armés de bâtons ou de fourches. Il se disent envoyes
par le sieur de B annes, maire de Ghambon , et comman
dent à Chave de les suivj^ dans la maison de ce sieur de
Bannes. Il s’habille et le^uit.^,, ......
^
L à il trouve Jeanne V alla qui.¡paroît en grande.colère,
l ’accueille par des injures grossières, lui dit que sa fille est
accouchée, depuis quinze jours , d’un garçon dont il est
le p è r e , suivant le r é c it é e sa fille et de^Mv l,e maire (de
C h am b o n , et qu’il faut, ^igner, sur le champ l’acte de,
naissance.
■ ..
. -1.
C h a v e , é to u r d i d’une v e s p é r ie aussi in a tte n d u e , pressé
entre les cris de la m ère , les coups de poings des frères ,
et les menaces de leurs trois hommes d’escorte, veut élever
la v o ix , et invoquer la notoriété publique; des,bâtons sont
levés contre lui pour toute réponse : il sollicite la justice
du maire , mais le maire le prend à part pour lui dire
qu’il falloit céder à la circonstance, et que sa vie n’étoit
pas en sûreté. L ’avenir a appris à.Çhave quel intérêt près-,
sant le maire lu i-m êm e avoit à pe, que la calomnie eût
une direction certaine.
,
j’ *
, )
:l
O n compi’end alors que cette dernière insinuation a
ébranlé le courage de Chave. L e sieur de Bannes prend
aussitôt le registre des actes, y efface q u e lq u e s mots, en subs
titue d’autres, et remet une plume à Chave : une seconde
résistance amène de nouvelles violences. Il fflit enfin ce
qu’on exige \ il signe.
�(4 )
E n sortant de chez le m aire, les satellites le mènent au
cabaret, se font donner a boire, le forcent à p ayer, mettent
l’enfant dans ses b ras, lui font les plus horribles menaces
s’il.dit un m ot ; et se retirent:.
Sans doute il manque à ces faits beaucoup de circons
tances im portantes; mais Chave , glacé d’épouvante ,
étoit-il libre dû réfléch ir? L a plupart de ces détails ont
échappé 'à°sa; ta'érfibirè,1 ott pltitôt i\ son attention.
Enfin C h ave, revenu de srînJètoàrdissem ent, put i*éflé~
efrir sifr ïéy fcâtféfruëmîes' dé 'l’âcte* qu’ on venoit de lu i
extorquer ;'e t sütU’é parti qu’il avoit à prendre.
Lîï dém arche la ptus pressée et la plus indispensable,,
étoii de se débarrasser de' l’innocëüte créature* qu'uné'
irtèrë1dénritiitéë1avo it rejetée1'd e ses1 bras poufc l’aban-donner aux soins d’un étranger. Chave hésita s’il 1&
rap p o rtero it, dans la nuit , à la porte des F e rrie r: cepen
dant la religidû , l’hum anité', peut-être la terreur pour
Îirî-mêm’é , Fefri^ortèrent sur son d é g o û t, et il fit porter
Penfant à unë nourrice;
M ais aussitôt, et en signe de sa protestation, il rendit
plainte a a juge de paix de T en ce ; le juge de paix lerenvoya au magistrat de sûreté : mais comme la plainteétoit dirigée aussi contre le m aire, les autorités déli
b érèren t, et ne résolurent rien..
!:l '
Chave in q u ie t, et ne voulant pas que ¿on sileilce pût
déroger à son drrti't, se'décida à citer, le 5 floréal an 9
tant Jeanne V alla et sa fille , que le maire lu i-m ê m e ,
pour vôrr dire q u ’il scrôit r^ titu é côtitfü la reconnbissrince de paternité qüi lui avoit été extorquée par la
violen ce, et qtie le jnail'C seroit tenu de ra^çr du registre
�( 5)
ce qui concernoît ladite reconnoissance ; et la m ère et
la fille pour être condamnées à reprendre l’en fan t, payer
ses alimens chez la nourrice , avec dommiiges-intérêts.
O n pense bien qu’au bureau de paix la fille F errier
ne manqua pas de fqire la réponse d’usage, qu’elle avoit
été séduite et abusée sous promesse de m ariage , et qu’elle
seroit en état de prouver les familiarités de Chave avec
e lle ; celui-ci Pen d éfia, et ajouta même qu’il offroit de
prouver ce u x avee qui elle àvoit eu fréquentation.
T o u t cela étoit de trop de part et d’a u tre , puisqu’il
n’est permis de rien prouver ;. et la fille F errier ne1
risquoit rien à faire bonne contenance. Q uoi qu’il en
so it, un prem ier jugem ent, du 28 pluviôse an 10 , m it
le maire hors de procès, comme ne pouvant être jugé
sans autorisation , et appointa les autres parties en droit.
C e t a p p o in te m e n t ne fournit p as p lu s d ’é c la irc is se
ment. Chave persista toujours à offrir la preuve de la
violence exercée contre lui ; et les femmes F e r r ie r , qui
au bureau de p a ix , n’avoient paru avoir aucune crainte,
firent leurs efforts pour soutenir cette preuve inadmis
sible. L eu r système p ré va lu t; et le 14 fructidor an 1 0 ,:
le tribunal d’Yssengeaux rendit le jugement qui suitt■
« Considérant que Particlo 2 du titre 20 de l'ordonnance de 16G7
défend de recevoir la preuve par témoins contre et outre le contenu
aux acte6 publics; qu’à la vérité la fo rce, la violence, sont un
moyen pour les faire rescinder, mais qu’en ce cas il faut articuler
de menaces graves , qui feroient craindre pour Ja vi e metus mortist
ou que la partie obligée auroit souffert c h a r t e privée, ainsi que
renseignent Dom at en ses Lois civiles, et Polliier en son T raité
des obligations j
�( 6)
» Considérant que Jacques Chave n'a articulé qn’iî lui ait été
fait aucune m enace, ni qu’il ait été commis aucun excès sur sa
personne, ni dans son dom icile, ni dans celui du maire où il s’étoit
rendu pour reconnoitre pour lui appartenir l’enfant dont s’étoit
accouchée Isabeau Ferrier; et qu’étant dans ce dernier dom icile,
il pouvoit articuler sans crainte les excès ou menaces qu’il auroit
éprouvés, contre ceux qui s’en seroient rendus coupables envers
sa personne. »
Jacques Chave est débouté de toutes ses demandes tant princi
pales que subsidiaires, et il est condamné aux dépens.
Cependant Chave avoit offert expressément de faire
preuve de menaces et violences : ses écritures en font foi.
Il étoit privé alors d’un moyen important. L ’expédition
de l’acte de naissance produite alors au procès, ne mentionnoit ni les surcharges ni les ratures ; elle étoit délivrée
par le sieur de B annes, m aire, qui avoit trop d’intérêt
à en cacher l’irrégularité pour la faire soupçonner. A u
reste, Chave s'est pourvu en la cour contre le jugem ent,
et il sera question d’exam iner de quelle influence la form e
de cet acte doit être pour la décision du procès.
M O Y E N S .
L ’ancienne législation française étoit extrêmement dure
contre les enfans naturels', et cependant, par une étraijge
inconséquence, elle admettoit les preuves de paternité
sans distinction. A u jourd ’hui la loi a fait pour eux
davantage : mais sans vouloir percer le m ystère; qui
couvre leur naissance, elle rejette désormais les proba
bilités et les fausses conséquences ; elle ne voit dans
l’enfant né hors le mariage qu’ une innocente créature
�k
(7)
digne de la pitié de tout le m o n d e, mais ne tenant à la
société que par celle qui lui a donné le jour. Si cepen
dant un homme , guidé par des apparences qu’il aie droit
d’apprécier lui^ -m êm e, et cédant à l’impulsion de sa
conscience, veut se donner le titre de p è r e , la loi le
lui perm et, s’ il n’est engagé dans les liens du mariage :
mais comptant pour rien aujourd’hui toutes les démons
trations extérieures, elle exige une déclaration authenti
que et non équivoque ; elle prescrit à l’acte uue solen
nité plus grande que pour la naissance même de l’enfant
légitim e.
L ’intention du législateur étoit si claire, qu’elle a ôté
tout prétexte à l’astuce, et n’a laissé de voies qu’au faux
o u à la violence. M a is à q u i peut èti*e réservée l’uue ou
l ’a u tre de ces v o ie s c r im in e lle s ? C e n ’est pas à la fille tim ide
q u i, rougissant encore d’une première foiblesse, et par
tagée entre l’amour de son enfant et la honte de sa nais
sance , n’en ose nommer le père que dans le secret de son
cœ ur, et se fait l’illusion de penser que le mystère dont
elle s’enveloppe la protégera contre l’opinion qui fait
son supplice.
M ais que feront ces femmes déhon tées, qui ne voient
dans la prostitution qu’ une habitude, dans leur avilisse
ment qu’ un état, et dans leur fécondité qu’un accident?
Incertaines elles-mêmes d’ une paternité q u ’e lle s déféroicnt
naguères suivant leurs convenances, elles n’en arrachoient
pas moins des sacrifices pécuniaires aux hommes qui leu r
etoicnt souvent les plus étrangers , mais qu epouvantoit
la perspective d’une honteuse et publique discussion. Si
.on leur laisse entrevoir aujourd'hui une tolérance quel-
�CS )
conque, que le.ur coûtera-t-il de'tenter d’autres voies pour
en venir aux mêmes fins? Et-s’il est près de leur demeure
Un citoyen paisible, q u i, par ses mœurs douces et réglées,
puisse passer pour pusillanim e, quelle difficulté y aura-t-il
de répondre adroitement que c’est là le cou p able, d ’inté
resser contre lui quelque personne créd u le, de l’effrayer
lui-m êm e sur les dangers de sa résistance, d’ ameuter s’il
le faut ceux qui ont un intérêt réel au succès 'de la négo
ciation ! Jadis il falloit des tém oins, aujourd’hui il ne faut
qu’ une simple signature ; 'tout cela peut ¿’exécuter avec
rapidité : ce n’est qu’un changement de complot.
Heureusement cette rapidité même ne laisse pas au
crim inel le calme «de la "réflexion : souvent ses fa u te s le
trahissent, e t, quelques légères qu’elles soient, il faut les
com pter avec scrupule; car on est bien assuré qu’elles ne
sont pas un simple résultat de sa négligence, mais qu’elles
ont échappé à l’excès de sa précipitation.
Ceux qui ont guidé la iille T errier dans ses démarches
n’ont pas visé à l’exactitude ; la cour en sera convaincue
bientôt par la forme de l ’acte de naissance qui fait son titre.
Une seconde découverte la convaincra encore qu’il ne
s’agit point ici de rép arer, envers une fille sé d u ite , des
torts que la malignité suppose toujours. L a fille Ferrier
a , le 20 prairial an n , donné une nouvelle preuve de
sa continence, en faisant baptiser un fils sous les auspices
de son frère et de sa m è re , que l’acte apprend môme avoir
été sage-fenune en cette circonstance.
Il ne pnroit pas que pour cette fois la mère et la Cllo
T errier aient jugé à propos de réunir un conseil pour
disposer du nouveau n é , et lui elire un père à la plu
ralité
�( 9)
ralité des suffrages; il est vraisemblable que la précédente
tentative les avoit intimidées.
- Q u o iq u ’il en soit, et soumettant cettedécouverte pré
cieuse aux x-éilexions de la c o u r , l’appelant ne s’en occu
pera pas plus lon g-tem ps, et se contentera d’observer
qu’il n’y a rien de légal dans la’ prétendue déclaration de
paternité qu’on lui a fait signer, et au surplus que les faits
de violences articulés suffiront pour la détruire. C ’est à
l’examen de ces deux propositions que l’appelant réduit
sa défense.
i° . L a déclaration de -paternité n e s t pus légale.
!La loi du 12 brum aire an 2 s’occupoit de trois espèces
d’enfans naturels, après avoir décrété en principe qu’ils
étoient successibles.
1°. Ceux dont le p èreéto it décédé, et il leur suffisoit
de prouver une possession d’ éta t, par des soins donnés
à titre de paternité, et sans interruption ; 2°, des enfans
dont le père et la m ère seroient encore vivans lors du
Code c i v i l , et leur état civil y étoit renvoyé; 30. de ceux
dont la mère seule seroit décédée lors de la publication
du C o d e , et alors la reconnoissance du p è re , faite devant
l’officier p u b lic, rendoit l’enfant successible.
Il s’agit ici d’un enfant de la seconde espèce ; et le pré
tendu père , quel qu’il s o it, de môme que la m ère, sont
dits vivans.
O r , quelle nécessité, quelle u r g e n c e y a v o it - il de
prévenir la publication du Gode civil , en faisant faire
une déclaration que la loi ne demandoit p a s> et qu’elle
B
�( 10 )
ajournent au contraire ? N ’aperCevroit - on pas déjà le
dol dans cette extraordinaire prévoyance ?
D ira-t-o n que le Code civil prescrit aussi une décla
ration authentique, et qu’on n’a pas v io lé la loi en la
devançant ? Mais qui blâmera les législateurs de l’an 2 ,
d’avoir voulu p révo ir que leur système ne seroit peutêtre pas celui du Code civil ? qui leur reprochera d’avoir
supposé. que les dispositions de ce code seroient déli
bérées avec plus de m aturité, et de s’être défiés de leur
prem ier système sur une innovation aussi im portante?
Ils voulurent régler le passé seulement ; et les débats
qui ont eu lieu sur la loi transitoire du 14 floréal a n n ,
nous apprennent assez qu’il n’y a eu , d an s l’intervalle de
l’an 2 à l’an 11 , aucune législation touchant les enfans
naturels. Les bulletins de la cour de cassation sont aussi
remplis d’arrêts qui ont cassé tous les jugemens dans les
quels les tribunaux avoient voulu régler , même p rovi
soirement , le sort de quelques enfans naturels, pendant
cette lacune de n eu f ans.
Il ne pouvoit donc être question de fixer l’état de
l’enfunt d’Elisabeth F errier qu’après le Code c i v i l , dont
l’art. 334 porte que la reconnoissance sera faite par un acte
authentique, si elle ne l’a pas été par l’acte de naissance.
Mais fût-il indifférent que la reconnoissance contestée
ait été faite avant ou après le Code c iv il, malgré la sus
pension totale exigée par la cour de cassation, et rappelée
par la loi transitoire; cette reconnoissance n’en est pas
moins irrégulière ? car elle 11’est faite ni par l’acte de
naissance lui-m êm e, ni par un acte séparé authentique«
V oici comment cct acte est littéralement écrit au registre*
�(-!■))
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rr Du huitième joyr du ntois de germinal, l’an 9 de la repui> blicjue frarçca^sç. A cte de naissance {Je Jacques, f i l l e ( Ce mot
» est effacé, et. on y a substitué au -dessus, dans Vinterligne,
» F e r r i e r , que Üon a encore effacé, et l ’on a écrit à côté C i i a v e . ),
» né hors de mariage., né le septième jour du mois de germ inal,
» à sept heures du soir, fils d ’isabeau Ferrier, non m ariée, domi» ciliée du lieu de la M arette, susdjte commune,.et-Isabeap Fermier,
» non mariée; le sexe de L’enfant a été reconnu u n ;e ( Qn a couvert
* ^*
» d’encre la lettre y.. ^f i l s , né hors de mariage : premier témoin,
» Jean-Pierre Ferrier, demeurant'^' Chambon , Méparte'merit de
» la H a u te -L o ire , profession de cultivateur, âgé de tren te-n eu f
» ans ; second tém oin, Pierre R u e l, demeurant ¿1 Ghambon , département de la H a u te -L p irp , profession ¡de tailleur d’habits,
» âgé de cinquante-quatre ans. Sur la réquisition à nous faite pxjr
» Marie R u e l, sage-femm,ef<|e ladite accpucbqe, avons inscrit le
» sus-nom rué Jacques F e r m e r ( Ce mot est raturé, et Von a mis
» au-dessus, dans l’ interligne,
»
mère
»
le
C
iiave.
),
portant
le nom
de
sa
( Ces mots ont été rayés, et l ’on y a substitué ces mots :
nom
du
pere
.
) ; et ont la déclarante ne savoir1signer, et les
« témoins Signé. F e rrie r , R u e l , signé àtPoriginal. »
•' ■'1 >!'/ • ", ■
(t ,
« L ed it Jacques Ch ave pèretreconnoît ledit Jacques son fils, de
» ladite décl^ratioij de <la présente, lacté-; le rçcqnnolt pour ^sqn
» véritable fils, avoir droit à tous ses bien^, en p n v s c n c e . d e Jean» Louis Riou. ( -J- Ici est un renvoi. ) Constaté suivant la loi, par
» moi Annet de Bannes, maire de la,commune de Cham bon, fai—
» sant les fonctions d ’ofiieier public de l’état civil. Ledit maire
» approuve toutes les ratures ci-dessus. D e B annes, maire, signé.
» ^ Et de Pierre C a llo n , et de Jean-Pierre Frescliet, et de Jeanj> Pierre F errier; et dit Jacques Chavc a signé avec les témoius.
B 2
�» Ont signé, ledit Pierre Callon a déclaré ne savoir signer, Chave >
» R io u , Freschet, Ferrier. D e Bannes, m aire, signé. »
( Nota. Ledit renvoi est en marge, en travers. )
Pour copie figurée :
L e secrétaire général de la préfecturede la Haute-Loire ,
BARRÉS.
Il est aussi ¿vident qu’il puisse l’ê tre , que cet acte se
compose de deux parties bien distinctes , qui ne sont pas
d’un même contexte , ne sont pas l’ouvrage du m ême
m om en t, et cependant ne sont pas deux actes absolu
m ent séparés.
i ». A cte de naissance bien parfait et très en règ le, d*ua
enfant né d’Isabeau F e r r ie r , sans m ention du père
O n lui donne le nom de sa mère. Il y a deux témoins
de cet a cte , Joseph F errier et M arie R uel. L ’acte est
donc com plet : le vœ u de la loi du 20 septembre 1792
est rempli.
2°. V ien t ensuite une déclaration de C h ave, qui est à
la suite du prem ier a cte , et qui a exigé des surcharges..
M ais peut-on , de bonne foi , y v o ir un acte authen
tique , une reconnoissance de paternité telle que la lo i
la commande et que la raison la conçoit ?
Cet acte n’a aucune date , parce qu’en effet il a eu lieule 21 g erm in a l, et a été ajouté a un acte terminé depuis
le 8. Comment supposer en effet que cette déclaration
fiiinle fait partie de l’acte du 8? Les témoins dénommés au
premier ne signent pas la déclaration.
�( *3 )
On a raturé et interligné le prem ier acte de naissance,
sans faire rien approuver aux premiers témoins. L e maire
seul approuve to u t, même ce qu’ il lui plaira de raturer
en core; les autres témoins , Chave lu i- m ê m e , ne font
aucune approbation. O r , il est de principe que les ratures
et interlignes sont inutiles dans les actes, s’il n’y a appro
bation des parties et témoins.
Il est un autre principe élémentaire en rédaction d’actes,
quelque peu d’ importance qu’ils aient, c’est que les témoins
dénommés en l’acte signent à la fin : ici la sage-femme et
le fr è r e , qui ont déclaré la naissance le 8 , n’ont pas signé
à la fin. Si c’est un seul et même acte, les uns l’ont signé
au m ilieu , et d’autres à la lin : chose bizarre et rid icu le,
qui ne peut s’allier avec la gravité de l’acte qu’on prétend
m a in te n ir .
Q ue peut - il résulter d’un acte de cette espèce , si ce
n’est de la pitié pour ses rédacteurs , et une conviction
intime que ce n’est pas C have qui est allé déclarer la n a issance d’un enfant comme s’en disant le père?
L e but de la loi n’est donc pas rempli ; car dans quelque
form e que dût être une reconnoissance de paternité , il la
falloit dans l’acte m êm e portant la déclaration de naissance,
ou bien il falloit un acte p a rticu lier, daté lu i-m êm e, et
qui ne fût pas rédigé dans une form e ayant pour but de le
rattachera un autre acte, auquel il ne peut appartenir.
Car rappelons-nous que l ’article 334 du Code civil dii
que la reconnoissance sera faite par l’acte de naissance,
ou par un acte atlientique ; à quoi l’ a rtic le 62 ajoute que
la cté de reconnoissance sera in sc rit sur les registres () sa
date j et qu’il en sera lait mention en marge de l’acte de
naissance.
�C H )
'
Rappelons-nous encore que le but bien positif de la loi
est de ne com pter pour rien les reconnoissancesantérieures
au c o d e , quand l’auteur est vivant. Il en est de cela comme
des testamens antérieurs à l’nn 2, qu’ il falloit refaire pour
les circonscrire dans les termes du droit nouveau. La loi
a eu ici un but plus moi'al : les cliangemens apportés au
système passé justifient sa mesure dilatoire.
E t ne nous abusons pas sur l’importance des formes
dans une matière aussi délicate : on est si scrupuleux
pour tant d’autres actes! U n seul m ot équivoque en un
testam ent, détruit toute la volonté d’un père de fam ille;
une donation exige encore des formes plus multipliées.
Ces actes sont-ils donc aussi importans que c e lu i où il s’agit
de transmettre son nom et sa fortune ; où il s’agit de plus
encore, de vaincre l’opinion et de surmonter sa propre
répugnance ? D ’ailleurs , pourquoi ne pourrions - nous
pas dire pour un tel acte ce que Ricard dit des testamens,
« que toute leur force consiste dans leur solennité, et toute
« leur solennité consiste dans les formes ? »
A u jourd ’hui il faut y ajouter une vérité bien certain e,
c’est que la seule supposition qu’un homm e est tenu et
obligé de se charger d’un enfant naturel sans sa libre
v o lo n té , est incompatible avec le système indubitablement
reçu sur la législation des enfans naturels.
2°. Cette déclaration de paternité est n u lle , S il y a
violence. L e s jfà its articulés suffisent. I ta preuve en
est adm issible.
On est extrêm em ent sévère dans le monde pou r juger
�( i5J
des effets de la peur d’autrui ; e t , quand on en com
mente les particularités, on détaille très-ponctuellement
la conduite qu’on auroit tenue en pareille occurrence.
Cependant rien n’est plus difficile à régler pour soi-même;
ca r, en deux cas semblables , le même individu se conduiroit rarement deux fois de la m ême manière. Mais
celui qui raisonne ainsi est de sang-froid , par cela seul
qu’il raisonne, tandis que le prem ier effet de la terreur
est d ’absorber toutês les réflexio n s, pour ne laisser place
qu’à uneseuleidéedom inante, la conservation de soi-même.
Quelques auteurs, partageant sur cc point les idées du
v u lg a ire , sembleroient aussi se m ontrer difficiles à ad
mettre la plupart des excuses fondées sur la crainte. Il
faut distinguer, disent-ils, la crainte grave et la crainte
légère , et on ne peut tro u ve r de m oyen rescisoire que
dans celle qui suffiroitpour ébranler la fermeté de l’homm e
le plus in trépid e, metus non va?ii hom inis , sed q u i in
hom inem constantissim um ca d a t, 1. 6 , ff. Q uod metûs
causa.
Ces auteurs, s’en tenant à une loi isolée démentie par
beaucoup d’autres, n’ont pas voulu apercevoir, dans cette
rigueur étrange, un m onument de la fierté romaine plutôt
qu’une règle générale. Ce p eu p le, qui avoit détruit le
temple élevé par T u llu s à la C rainte, n’étoit, en la pros
crivant par ses lois, que conséquent avec lui-m êm e. Sous
un système de conquêtes sans bornes, et avec une consti
tution toute m ilitaire, quel romain p o u v o it a llé g u e r une
crainte légère! E levé dans les cam ps, son excuse m êm e
«ût consacré sa honte , et la loi étoit rigoureusement juste
en exigeant de lui l’intrépidité d’ un so ld a t.
�( i6)
La France militaire ne réprouvera pas cette législation
sévère ; elle l’eût créée elle-méme , s’il falloit un code au
courage. M ais les actes civils des simples particuliers ne
se règlent pas par des maximes nationales; la théorie
principale des lois consiste à les approprier aux mœurs
de ceux qu’elles doivent régir.
Gardons-nous donc d e l’exaltation , quand elle est hors
de mesure; ne nous obstinons pas à trouver un Scévola
dans un laboui'eur tim id e, qui ne connut depuis sa nais
sance que sa charrue et le hameau de ses pères.
Les auteurs les plus judicieux du droit n’ont eu garde
aussi d’appliquer sans distinction la sévérité des principes
romains. D ornat surtout, à qui les premiers juges ont fait
l ’injure de prêter une opinion si contraire à son d is c e r
nem ent, D o m a t, dont l’ouvrage immortel n’est que le
précis des lois romaines, bien loin de se fonder sur la
loi 6 , ne la signale que pour en blâmer la rudesse.
« Nous avons v o u lu , d it-il, rétablir les principes na« tu rels, et rendre raison de ce que nous n’avons pas mis
« cette règle du droit romain parmi celles de cette sec« tio n ......... Toutes les voies de fait, toutes les violences,
<f toutes les m enaces, sont illicites ; et les lois condam« nent non-seulement celles qui mettent en péril de la
« vie ou de quelque to u rm en t, mais toutes sortes de
« voies défait et mauvais traitemens. E t il faut remarquer
« que comme toutes les personnes n’ont pas la meme
« fermeté pour résister à des violences et à des menaces,
tt et que plusieurs sont si foibles et si tim ides, qu’ils ne
k peuvent se soutenir contre les moindres impressions,
<c on ne doit pas borner la protection des lois contre les
« m enaces
�('17 )
a m en aces et les v io le n c e s ,
.
à ne réprim er q u e celles
« q u i so n t capables d'abattre
les personnes les pluà
« in trép id es; mais il est juste de protéger aussi les plus
« tim ides............
« Il est très - juste, et c'est n otre u sa g e , que toute
« violence étant illic ite , on réprim e celles m ême q u i
« ne vont pas à de tels excès, et qu’on répare tout le
a préjudice que peuvent causer des violences qui enga« gent les plus foibles à quelque chose d’injuste et de ccn« traire à leur intérêt : ce qui se trouve même fondé sur
« quelques règles du droit ro m a in ........... et ces règles
« sont tellement du droit n a tu re l, q u 'il ne p o u r r o it y
« a v o ir d'ordre dans la so c ié té des h o m m e s , s i les
« m oin dres violen ces Tiétoient réprim ées. » ( S e c t. 2 ,
d es v ic e s d es c o n v e n tio n s , p r é a m b u le . )
Il est peut-être inutile, après avoir cité D om at, de faire
d’autres recherches ; mais les premiers juges ont encore
fait l’injure à P oth ier de lui prêter des principes qui ne
sont pas les siens.
Cet auteur cite les lois rom aines, et par conséquent
les rappelle telles qu’elles sont. M ais il termine son
article de la crainte par dire que te le principe qui ne
«
«
«
«
connoît d’autre crainte suffisante pour faire pécher un
contrat par défaut de liberté, que celle qui est capable
de faire impression sur l’homme le plus courageux, est
trop rig id e , et ne doit pas être suivi parmi nous
la
«■ lettre ; on d o it , en cette m a tiè r e , a v o ir égard a P ag e ,
« ait sexe et à la con d itio n des personnes (1),' et telle
( 1 ) Expressions copiées mot pou'r mot en Fart. 1 1 1 2 du C ode civil.
c
�( 18 )
« crainte qui ne seroit pas jugée suffisante pour avoir
« intim ide l ’esprit d’un homm e d’un âge m ûr ou d’un
« m ilitaire, et pour faire rescinder le contrat qu’il aura
« f a i t , peut etre jugée suffisante à l’égard d’ une femme
« ou d’un v ie illa rd , etc. » ( T raité des obligations,
page i re. , chap. I er., n°. a 5 , i n f i n . )
Si l’opinion respectable de ces auteurs avoit besoin d’être
fortifiée par d’autres citations, on les puiscroit dans les lois
romaines elles-m êm es, qu’il ne faut pas juger par un
fragm ent u n iq u e, et q u i, au con traire, nous enseignent
ce que Dom al et Pothier viennent de nous apprendre.
T o u t consentement doit être lib r e , disent plusieurs
lois ; e t, pour être restitué, il n’est pas besoin d’ une v io
lence corporelle, mais seulement d’une crainte inspirée
¿\ celui qui contracte; quoad ju sta m restitutionis cau
sant ni/iil refert utrhm v i an metu quis cog atur. . . .
et quoad effectum ju r is utrobi deest co n sen su s, ac
libéra roluntas p a tien tis, u tvelle non videatur. L . 1 , 3 ,
7
quod met. C. L . 116 , de reg.jur. ( in C orvino.)
Ces lois étoient bien moins dures que 11c l’ont sup
posé les premiers juges; car elles ordonnoient de recevoir
la preuve de la crainte , quand même Chave auroit été
hors d’élat de désigner aucun de ceux qui la lui avoit
in sp irée; non tamen necesse est designare personam
quœ rnetum intu/it, sed sujficit p r o u a r e rnetum, quia
me tus habet in se ignorantiarn. L . 14. Jf. eod.
E n fin , ce qui achève de convaincre que ces lois savoient
aussi se mettre à la portée de la foi blesse des hom m es,
c’est qu'elles expliquent qu’il n’étoit pas nécessaire de
prouver l’existence d’uu danger réel , mais seulement
�C 19 )
la crainte de ce danger, qui en effet devoit détruire le
consentement. S i causa fu is s e t , cu r pericuîurn tim eret,
quam vis pericuîurn 'i crc non f u is s e t . . . . non considé
ra tur even tu s, sed ju sta opinio. L .
eod.
L e tribunal d’Yssengeaux avoit donc un guide bien sûr.
A u lieu d’adopter l’antique rigueur d’une loi oubliée par
les Romains eux-m êm es, il a jugé que la crainte inspirée
à Chave 11’avoit pas été un m otif suffisant pour le con
traindre ; et cependant il ignoroit jusqu’ù quel point
Chave avoit été contraint ou menacé ; il l’ignoroit et a
voulu l’ignorer Loujours,. en refusant de s’éclairer par une
preuve : cependant les faits articulés étoient graves. Chave
ollroit et offre encore de prouver ces faits articulés , et
notam m ent, i° . que le 21 germ inal les frères F errier et
il’ulitres liommcs armés île hfitous sont venus chez lui ;
2°. qu’ ils l’ont forcé de se lever et de les suivre, en le
menaçant ; 30.’ que chez de Bannes ils se sont opposés à
toute explication, l’ont injurié, menacé et frappé; 40. que
de Bannes l’a prisi\ part pour l’exhorter à céder à la force
et éviter un plus grand mal ; 5°. qu’on l’a forcé de venir
dans un cabaret, où 011 lui a remis un enfant, avec de
nouvelles menaces.
'
M a is, a dit le tribunal d’Ysscugeaux, C h av e, sorti de
si maison et conduit chez le m aire, pouvoit réclamer.
Ce scroit une réllexion bien naturelle, si les faits même
de la cause n’étoient déjà venus la d étru ire; car ce maire
lui-m em e étoit si peu disposé
user de son autorité ,
qu’ il est difficile de ne pas le juger nu contraire iutéressé
à l'événem ent.
Mais à quelle pro tectio n , il faut lo d ire , auroit pu
�( 20 >
s’attendre un m alheureux à la merci de cinq in d ivid u s,
dans le domicile isolé d’un maire de village? Battu à ses
y e u x , Chave pouvoit-il se croire dans un asile inviola
b le ? L e maire lu i-m êm e,l’exhorîMnt à céder à la fo rce,
m ettoit le comble à sa terreur, et ctéclaroit, ou sa propre
co m p licité, ou au moins son impuissance.
L ’acte le moins im portant de la vie seroit vicié par une
semblable v io le n c e , à plus forte raison celui de tous les
actes le plus incompatible avec la m oindre contrainte. U n
père de fam ille a contracté un engagement sacré envers
ses enfans par son m ariage; mais c e lu i-là même qui
auroit procréé des enfans naturels, ne tient à eux par
aucun lien civil : son honneur et les sentimens de la
nature deviennent leur unique titre , si la paternité lui
a semblé certaine. Les enfans naturels n’ont point de
famille ; tel est le langage de la loi : elle ne veut pas qu’ils
en aient une. Quand leur père se nom m eroit hautement
dans le m onde, il ne seroit tenu à rien; la loi lui perm et
seulement de se déclarer tel par un écrit libre et authen
tique : forcer sa volonté seroit donc se croire plus sage
qu’elle.
M ais si la loi n’exige rien d’un père , si elle consi
dère comme un vice m oral de lui donner un fils que
sa propre volonté cependant n’a pas désavoué , peut-011
soutenir l’idée révoltante qu’un homm e sera contraint
m algré lui d’adopter un enfant dont il n’est pas le père?
Q ui lui donnera la force de supporter, dans sa de
m eure, la vue habituelle d’une créature si étrangère,
placée là pour sa honte im m uable, sans aucune com
pensation satisfaisante ? et qui oseroit répondre que dans
�(
21
)
celte situation dé désespoir, aigri par un sentiment d’in
justice , il pût assez maîtriser une fureur co n v u lsiv e,
qui seroit tout à la fois le tourment de l’innocence et
son propre supplice ?
Eloignons plutôt de vaguessuppositions fondées sur une
pure chimère. L a prévoyance des magistrats distinguera
la vérité et les convenances , et éloignera d’aussi sinis
tres présages. O n ne donne point à un homme l’enfant
qu’il repousse avec m é p r is , quand la loi n’en fait pas
un devoir. L a cour doit prononcer ici sur les consé
quences d’ un acte lib r e , çt tout pvouve qu’il n’y a pas
eu de liberté dans celui qui donne lieu au procès. C h ave,
conduit par la fo r c e , menacé dans sa route , a signé
sous le bâton; et, pour se servir des expressions de D om at,
si uu consentement de cette espèce étoit jugé valide , ce
serait un attentat au droit n a t u r e l i l n ’y auroit plus
d ’ordre dans la société des hommes.
L a conduite d’Isabeau F errier , l’époque de ses cou
ches, c’est-ùidire, de celles qui donnent lieu au proçès,
le choix de ses cro u p iers, le lieu de la rscène, la :c ir
constance qu’ un acte de naissance a été ch an gé, e tc ., tout
cela donneroit lieu à des réflexions beaucoup plus éten
dues , mais qui seroient oiseuses, tant que la preuve
de la violence ne sera pas ordonnée.
Cette p re u v e , sans contredit, est adm issible; aucune
ordonnance ne la prohibe ; et ce qui étonne, c’est que
les premiers juges n’aient pas voulu prononcer en connoissance de cause.
Il est possible que la malignité toujours avide de calom
nie , et toujours diilicile ù d étro m p er, prétClide que Chavc
�( 2 2 )
n’a pas été tout à fait innocent envers Elisabeth Ferrier
de ce dont on l’accuse : mais il en prend le ciel à tém oin,
cette femme lui fut toujours étrangère.
Chave , maître de ses actions , célibataire , feroit sa
jouissance principale de se voir .revivre dans un fils qu’il
cro iro it le sien ; à son âge et avec ses principes religieu x,
il s’en feroit un devoir. Ces deux puissans mobiles ne
peuvent donc être vaincus que par quelque chose de
plus puissant encore , U n e conviction in tim e, une insurm ontable répugnance.
¡:
Il ne demande pas à être cru sur p a ro le; et si son
prem ier moyen ne suffit p a s , il offre la preuve des v io
lences qui l’ont forcé à donner sa signature : et certes,
quand la cour se sera assurée que Chave a été forcé de
sortir de son d om icile, mené chez le maire par cinq
hommes , menacé et battu , elle appréciera alors toute
la valeur d’une signature donnée dans de telles circons
tances ; et lorsque la vertueuse Elisabeth F errier sera
convaincue qu’il ne lui est plus libre de faire de sa pro
géniture une charge p u b liq u e, peut-être s’efforcera-t-elle
de mettre un terme à sa fécondité et au scandale de sa
conduite.
M . G I R O T , rappotteur.
M e. D E L A P C H I E R , avocat,
M e. M A R I E , licencié avoué.
A R I O M , de l ’im prim erie de L a n d r iot , seul imprimeur de la
C o u r d ’appel. — T h e r m i d o r an 13.
�
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Factums Marie
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Description
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Title
A name given to the resource
[Factum. Chave, Jacques. An 13?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Girot
Delapchier
Marie
Subject
The topic of the resource
reconnaissance de paternité
nullité
violences sur autrui
Description
An account of the resource
Mémoire pour Jacques Chave, appelant ; contre Jeanne Valla, et Elisabeth Ferrier, sa fille, majeure, intimées.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 13
1801-Circa An 13
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
22 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0614
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0307
BCU_Factums_G1502
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Chambon-sur-Lac (63077)
Rights
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Domaine public
nullité
reconnaissance de paternité
violences sur autrui
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e69c6b6506b285ce5d41f1396d09c474
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COUR
M E MOIRE
D ’A P P E L
SÉANT
A RIOM»
P O U R
J a c ques C H A V E ,
appelant
C O N T R E
-
Jeanne
‘
}
rr
V A L L A , et E l i s a b e t h F E R R I E R ,
sa fille , majeure, intimées
l A recherch e de la paternité est interdite , et c’est
dans nos mœurs un scandale de moins. Dans ce secret de
la nature , le législateur ne pouvoit que s’en rapporter à
la crédulité de l’h o m m e, ou se jeter dans le vague des
conjectures :1e prem ier parti seul étoit juste; la loi l’adopte;
et aucun enfant naturel n’a le droit de nomm er son pèrç
que celui qui a voulu se déclarer tel.
N ul acte ne doit donc etre plus lé g a l, plus lib re , que
cette déclaration. L e soupçon seul de contrainte est incomA
�C2 )
patible avec elle *, car si elle n’est pas clairement l’effet
spontané de la réflexion , le but moral de la loi n’existe
plus.
L ’appelant l’éclame contre l’oubli de ces principes, et se
place sous la protection de la c o u r, pour faire annuller un
acte in fo rm e, auquel on l’a fait participer par la violence
il demande à n’être par forcé de reconnoître un enfant
qui ne fut jamais le sien.
Les premiers juges n’ont pas voulu admettre la preuve
qu’il étoit à même d’offrir -, et si cette opinion pouvoit
prévaloir , il en résultèrent que contre le vœu de la loi ,,
un homme donnerait son nom malgré lui à un enfant
7
n a tu rel, seroit contraint de prendre soin d’un étranger T
et de lui laisser sa succession..
• .i : V:
F A I T S . .
Jeanne V alla,. et Elisabeth F errier, sa fille, habitent le
lieu de M a z e t, mairie de Chambon. Leurs habitudes et
leurs mœurs étoient à peine connues de Jacques Chave>
/ qui demeure à la distance d’environ une lieue de leu r
domicile.
... ■•
Son â g e , plus avancé même que celui de la mère,, ne lu î
eût donné aucun prétexte de se rapprocher de là fille.. Uni
séducteur à cheveux blancs est rare *, au village il ne connoît pas l’oisiveté qui-nourrit les illusions, et la monotonie'
de ses travaux rustiques avance l’amortissement de ses
sensations, en occupant toute son existence.
Ces femmes étoient donc absolument étrangères à Cbnve,,
lorsque tout d’un coup il s’est trouvé m êlé à leur destinée^
�(
3 )
par une de ces sourdes manœuvres que l’enfer seul peut
faire concevoir.
U n matin à huit heures ( le 21 germ inal an 9 ), Jacques
C h a v e , m alade, est brusquement arraché de son lit par
deux frères de la fille Ferrier , suivis de trois autres jeunes
gens armés de bâtons ou de fourches. Il se disent envoyés
par le sieur de Bannes, maire de Cham bon , et comman
dent à Chave de les suivre dans la maison de ce sieur de
Bannes. Il s’habille et les suit.
L à il trouve Jeanne V alla qui paroît en grande colère ,
l ’accueille par des injures grossières, lu i dit que sa fille est
accouchée, depuis quinze jo u rs, d’un garçon dont il est
le p è r e , suivant le récit de sa fille et de M . le maire de
Chambon , et qu’il faut signer sur le champ l’açte de
naissance.
Chave , étourdi d’une vespérie aussi inattendue, pressé
entre les cris de la m ère , les coups de poings des frè re s,
et les menaces de leurs trois hommes d’escorte, veut élever
la v o ix , et invoquer la notoriété publique;des bâtons sont
levés contre lui pour toute réponse : il sollicite la justice
du maire , mais le maire le prend à part pour lui dire
qu’il falloit céder à la circonstance „ et que sa^ie n’étoit
pas en sûreté. L ’avenir a appris à Cfcave quel intérêt pres
sant le maire lui - même avoit à ce que la calomnie eût
une direction certaine. .I
O n comprend alors que cette dernière insinuation a
ébranlé le courage de Chave. ¡Le sieur de Bannes prend
aussitôt le registre des actes, y efface quelques mots, en subs
titue d’autres, et remet une plume à Chave : une seconde
résistance amène de nouvelles violences. I l fait enfin ce
qu’on exige •, il signe.
�( 4 )
E n sortant de chez le m aire, les satellites le mènent au;
cabaret se fon t donnerii b o ire , le forcent h p ayer, mettent
l ’enfant dans ses bras , lui font les plus horribles menaces
s’il dit un m ot ; et se retirent.
Sa n s doute il manque à ces faits beaucoup de circons
tances im portantes; mais C h a v e , glacé d’épou vante»,,
étoit-il libre de réfléchir?- La plupart de ces détails ont
échappé'à sa m ém oire, ou plutôt à son attention.
Enfin C have, revenu de son étourdissement,, put réflé
chir sur lés conséquences de l’acte qu’ont venoit de lui.
e x to rq u e r, et sur le parti qu’il a voit à prendre;.
L a démarche la plus pressée et la plus indispensable,.
ëtoit de se débarrasser de l ’innocente créature qu’une
mère dénaturée avoit rejetée de ses bras pour l’aban
donner aux soins d’un étranger. Chave hésita s’il la
ra p p o rtera it, dans la n u it, à la porte des F e rn e r : cepen
dant la re lig io n , l’humanité , péüt-être la terreur pourhii-m Bm e, Tertiportèrent sür son: d égo û t, et il fit porter
Penfant à une nourrice.. j
’
^Mais, aussitôt, e t:en'sîgne de-sa protestation, il rendit
plainte au,1juge de- paix de Tence ; le juge de paix lerenvoya au magistrat de sûreté “. mais comme la plainteéto it dirigée auîssï C ontre'lél(h iaîre, les autorités déli—
’
1i
'' »
b é r è r e n t,:e t 'n e i'ésbhïrènt rien.,
Chave in q u iet, et ne voulant pas que son silence p u t
déroger à son d r o it, se d é c id a A citer, le 5 floréal an g r
tant Jeanne V aïla et sa fille , q u e le maire lu i- m e m e ,
pour v o ir-dire qu’ il serôit Vôstitué contré la réconnoissànce de paternité qui lu i''a v o it été extorquée par la
violen ce, et que le maire seroit tenu de rayer du registre
�ce qui concernoit ladite reconnoissance *, et la m ere et
la fille pour être condamnées à reprendre l’en fan t, payer
ses alimens chez la nourrice , avec dommages-mterets.
O n pense bien qu’au bureau de paix la fille Février
ne manqua pas de faire la réponse d’usage, qu’elle avoit
été séduite et abusée sous promesse de m ariage , et qu’elle
seroit en état de prouver les familiarités de Chave- avec
-elle; celui-ci Pen'-défia, et ajouta même qu’il offroit de
prouver ceu x avec qui elle avoit eu fréquentation.
T o u t cela étoit de trop de part et d’ç u tr e , puisqu’il
n’est permis de rien prouver ; et la fille F errier ne
risquoit rien à faire bonne contenance. Q uoi qu’il en
so it, un prem ier jugem ent, du 28 pluviôse an 10 , m it
le maire hors de procès, comme ne pouvant êti’e jugé
sans autorisation , et appointa les autres parties en droit.
Cet appointement ne fournit pas plus d’éclaircisse
ment. Chave persista toujours à offrir la preuve de la
violence exercée contre lu i \ et les femmes F e rrie r, q u i,
au bureau de paix.,, n’avoient paru avoir aucune crainte,
firent leurs efforts pour soutenir cette preuve inadmis
sible. L eu r système p réva lu t; et le 14 fructidor an 10 ,,
le tribunal d’Yssengeaux rendit le jugement qui suit..
« Considérant Ique l'brticfle a'du titre 20 de l'ordonnance de iGGy
défend de recevoir la p r e u v e p a r témoins contre et outre le contenu
aux actes publics; qu’à la vérité la fo rce, la violence, sont un
moyen pour les faire rescinder, mais qu’en ce cas il fqut articuler
de menaces graves, qui feroient craindre pour la vie metus mortis
ou que la partie obligée auroit souffert charte privée, ainsi que
l’enseignent Dom at en ses Lois civiles, et Pothier en son T raité
des obligations ;
�(
6
)
» Considérant que Jacques Chave n ’a articulé qu'il lui ait été
fait a u c u n e m e n a c e , ni qu'il ait été commis aucun excès sur sa
personne, ni dans son dom icile, ni dans celui du maire où il s’étoit
r e n d u pour reconnollre pour lui appartenir l ’enfant dont s’étoit
a c c o u c h é e Jsabeau F errier; et qu’étant dans ce dernier dom icile,
il pouvoit articuler sans crainte les excès ou menaces qu’il auroit
¿prouvés, contre ceux qui s’en seroient rendus coupables envers
s a personne. »
Jacques Chave est débouté de toutes ses demandes tant princi
pales que subsidiaires, et il est condamné aux dépens.
Cependant Chave avoît offert expressément de faire
preuve de menaces et violences : ses écritures en font foi.
Il étoit privé alors d’un moyen important. L ’expédition
de l’acte de naissance produite alors au procès, ne mentionnoit ni les surcharges ni les ratures ; elle étoit délivrée
par le sieur de Bannes, m aire, qui avoit trop d’intérêt
à en cacher l’irrégularité pour la faire soupçonner. A u
reste, Chave s’est pourvu en la cour contre le jugement,
et il sera question d’examiner de quelle influence la form e
de cet acte doit être pour la décision du procès.
M O Y E N S .
L ’ancienne législation française étoit extrêmement dure
contre les enfans naturels; et cependant, par une étrange
inconséquence, elle admettoit les preuves de paternité
sans distinction. A u jo u rd ’hui la loi a fait pour eux
davantage : mais sans vouloir percer le mystère qui
couvre leur naissance, elle rejette désormais les proba
bilités et les fausses conséquences ; elle ne voit dans
l’enfant né hors le mariage qu’ une innocente créature
�( 7 ')
digne de la pitié de tout le m o n d e, mais ne tenant à la
société que par celle qui lui a donné le jour. Si cepen
dant un homm e , guidé par des apparences qu’ il aie droit
d’apprécier lui - même , et cédant à l ’impulsion de sa
conscience, veut se donner le titre de p è r e , la loi le
lui perm et, s’ il n’est engagé dans les liens du mariage :
mais comptant pour rien aujourd’hui toutes les démons
trations extérieures, elle exige une déclaration authenti
que et non équivoque ; elle prescrit h l’acte une solen
nité plus grande que pour la naissance môme de l’enfant
légitim e.
L ’intention du législateur étoit si claire, qu’elle a ôté
tout prétexte â l’astuce, et n’a laissé de voies qu’au faux
ou à la violence. M ais à qui peut être réservée l’une o u
l’autre de ces voies criminelles ? Ce n’est pas à la fille timide
q u i, rougissant encore d’une première foiblesse^et par
tagée entre l’amour de son enfant et la honte de sa nais
sance, n’en ose nommer le père que dans le secret de son
cœ ur, et se fait l’illusion de penser que le mystère dont
elle s’enveloppe la protégera contre l’opinion qui fait
son supplice..
Mais que feront ces femmes déboutées , qui ne voien t
dans la prostitution qu’une habitu de, dans leur avilisse
ment qu’un éta t, et d ans leur fécondité qu’un accident ?
Incertaines elles-mêmes d’une paternité qu’elles déféroient
nnguères suivant leurs convenances, elles nTen arrachoient
pas moins des sacrifices pécuniaires aux hommes qui leur
étoient souvent les plus étrangers , mais qu’épouvantoit
la perspective d’une honteuse et publique d isc u ssio n . Si
on leur laisse entrevoir aujourd’hui une tolérance quoi-
�(B )
conque, q u elc.u r coûtera-t-il de tenter d’antres voies pou r
en venir aux mêmes lins? E t s’il est près de leur demeure
un cito3ren paisible, q u i, par ses mœurs,douces et réglées,
puisse passer pour pusillanim e, quelle difficulté y aura-t-il
de répandre adroitement que c’est là le-coupable, d’inté
r e s s e r , contre lui quelque personne crédule, de l’effrayer
lui-m êm e sur les dangers de sa résistance, d’ameuter s'il
le faut ceux qui ont un intérêt réel au succès de la négo
ciation ! Jadis il falloit des témoins, aujourd’h u i il ne faut
qu’ une simple signature ; tou t cela peut s’exécuter avec
rapidité : ce n’est qu’un changement de complot.
Heureusement cette rapidité même ne laisse pas au
crim inel le calme de la réflexion : souvent ses fautes le
trahissent, e t, quelques légères qu’elles soient, il faut les
compter avec scrupule; car on est bien assuré q u elles ne
sont pas un simple résultat de sa négligence, mais qu’elles
ont échappé à l’excès de sa précipitation.
Ceux qui ont guidé la fille F errier dans ses démarches
n’ont pas visé à l’exactitude ; la cou r en sera convaincue
bientôt par la forme de l ’acte de naissance qui fait son titre.
U ne seconde découverte la convaincra encore qu’il’ne
s’agit point ici de rép arer, envers une fille sé d u ite, des
torts que la m alignité suppose toujours. L a fille F errier
a , le 20 prairial an n , donné une nouvelle preuve de
sa continence, en faisant baptiser un fils sous les auspices
de son frère et de sa m ère, que l’acte apprendm êm e avoir
été sage-femme en cette circonstance.
Il ne paroît pas que pour cette fois la mère et la fille
F errier aient jugé à propos de réunir un conseil pour
disposer du nouveau n é , et lui élire un père à la p lu
ralité
�( 9 )
rallié des suffrages; il est vraisem blable'que la précédente
tentative les avoit intimidées.
Q u o iq u ’il en soit, et soumettant cette découverte precieuse aux réflexions de la c o u r , l’appelant n e s’en occu
pera pas plus long-temps , et se contentera d’observer,
quîil n’y a rien de légal dans la prétendue déclaration de
paternité qu’on lui a fait signer, et au surplus que les faits
de violences articulés suffiront pour la détruire. C ’est à
l’examen de ces deux propositions que l’appelant réduit
sa défense.
i
'è
i° . L a déclaration de -paternité n e s t pas légale.
ï,a loi du 12 brum aire an 2 s’occupoit de trois espèces
d ’enfans naturels, après avoir décrété en principe qu’ils
étoient successibles.
i° . Ceux dont le p èreéto it décédé, et il leur suffisoit
de prouver une possession d’é ta t, par des soins donnés
à titre de paternité, et sans interruption*, 2°. des enfans
dont le père et la m ère seroient encore) vivans lors du
Code c i v i l , et leur état civil y étoit renvoyé; 30. de ceux
dont la mère seule seroit décédée lors de la publication
du C o d e , et alors la reconnoissarice du p è re , faite devant
l ’officier pu blic, rendoit l’enfant successible.
Il s’agit ici d’ un enfant de la seconde espèce ; et le pré
tendu père , quel qu’il s o it, de môme que la m è re , sont
dits vivans.
O r , quelle nécessité, quelle urgence y a v o it - il de
prévenir la publication du Code civil , en faisant faire
une déclaration que la loi ne demandoit p a s , et qu’elle
B
�t IO )
ajournoit au contraire! ? 'N’apercevroit - on pas déjà le
dol dans cette extraordinaire prévoyance?
D ira -t-o n que le Code civil prescrit aussi une décla
ratio n authentique, et qu’ on n’a pas violé la loi en la
devançant ? Mais qui blâmera les législateurs de l’an 2 ,
d’avoir voulu p révoir que leur système ne seroit peutêtre pas celui du Code civil ? qui leur reprochera d’avoir
su p p osé.'que les dispositions de ce code seroient déli
bérées avec plus de m aturité, et de s’être défiés de leur
prem ier système sur une innovation aussi im portante?
Ils voulurent régler le passé seulement ; et les débats
qui ont eu lieu sur la loi transitoire du 14 floréal an 1 1 ,
nous apprennent assez qu’il n’y a eu , dans l’intervalle de
l’an î à Fan 11 , aucune législation touchant les eufuns
naturels. Les bulletins de la cour de cassation sont aussi
l’emplis d’arrêts qui ont cassé tous les jugemens dans les
quels les tribunaux avoient voulu régler , même p rovi
soirement , le sort de quelques cnfans naturels, pendant
cette lacune de. n eu f ans.
1
11 ne pouvoit donc être question de fixer l’état de
l’enfant d’Elisabeth Ferrier qu’après le Code civil , dont
l’art. 334 porte que la reconnoissanee sera faite par un acte
authentique, si elle ne-l?a pas été par l’acte de naissance.
Mais fût-il indifférent que là reeonnoissance contestée
ait été faite avant ou après le Code c iv il, m algré la sus
pension totale exigée par la cour de cassation, et rappelee
par la loi transitoire; cette reconnoissance n’en est pas
moins irrégu lière, car elle -n’est faite ni par -l’acte;de
naissance lui-même, ni par un acte séparé authentique.
V o ici comment cot actetist littéralem ent écrit nu registre.
�« D u huitième joiif du mois de germinal, l’an g de la rcpu« blique française. A cte de naissance d e Jacques, f i l l e ( Ce mot
» est effacé, et on y a substitué au-dessus, dans l'interligne,
» F e r r i ë r , que Von a encore effacé, et Von a écrit à côte C i i a v e . ),
» né hors‘de m ariage, né le septième jour du mois de germ inal,
» à sept heures du soir, fils d’isabeau Ferrier, non m ariée, domi» ciliée du lieu de la M arctte, susdite commune ,-et-Isabçau Ferrier,
!i
•:.. i
r;
» non mariée; le sexe de L’enfant a çté reconnu u n e ( On a couvert
(
. 11
N
#
t
.
» d’ encre la lettre e . ) J i ls , n é h ors d e m ariag e : p rem ier t é m o in ,
» Jean-Pierre Ferrier , deméùraht
Cliam bon , département de
» la H a u te -L o ire , profession de cultivateur, âgé d e tren te-n eu f
» ans; second tém oin, Pierre R u e l, demeurant à C liam bon, dé» partement de la H a u te -L o ire , profession de tailleur d’habits,
» âgé de cinquante-quatre ans. Sur la réquisition à nous faite par
» Marie R u e l, sage-fem m e de ladite accouchée, avons inscrit le
» sus-nommé Jacques F e r m e r ( Ce mot est raturé, et Von a mis
» au-dessus, dans Vinterligne, C i i a v e . ), portant l e n o m d e s a
» m è r e ( Ces mots ont été rayés, et Von y a substitué ces mots :
» l e n o m d u p è r e . ) ; et o n t la d é c l a r a n t e n e s a v o i r - s i g n e r , e t l e s
« témoins signé. F errier, R u e l, signé à l'original. »
u L ed it Jacques Cliave père reconnolt ledit Jacques Son fils, de
» ladite déclaration de la présente, acte; le reconnoît pour son
» véritable fils, avoir droit à tous ses biens, en présence de Jean» Louis Riou. ( -\J ci est un renvoi. ) Constaté suivant la lo i, par
» moi Annet de Bannes, maire de la commune de Cliam bon, fai» sant les fonctions d’officier public de l’état civil. Ledit maire
» approuve toutes les ratures ci-dessus. D e Bannes, maire, signé.
»
E t de Pierre C a llo n , et de Jean-Pierre F rescbet, et de Jean» Pierre F errier; et dit Jacques Chave a signé avec les témoins.
B a
�( 12 )
j> Ont signé, ledit Pierre Callon a déclaré ne savoir signer > C h a v e ,
» R io u , Frescliet, Terrier. D e Bannes, m àire, signé. »
( N ota. L ed it renvoi est en marge, en travers. )
Pour copie figurée :
L e secrétaire général de la préfecture
de la H aute-Loire,
BARRÉS.
I f est aussi évident qu’il puisse l’être, que cet acte se
compose de deux parties bien distinctes , qui ne sont pas
d’un même contexte , ne sont pas l’ouvrage du m ême
m om ent, et cependant ne sont pas deux actes absolu
ment séparés.
,
i° . A cte de naissance bien parfait et très en règ le, d’un
enfant né d’’Isabeau F e r r ie r , sans m ention du père.
O n lui donne le nom de sa mère. Il y a deux témoinsde cet acte, Joseph Ferrier et M arie Ruel. L ’acte est
donc complet : le vœu de la loi du 20 septembre 1792
est rempli.
2°. V ien t ensuite une déclaration de C h ave, qui est à
la suite du prem ier a c te , et qui a exigé des surcharges.
M ais p e u t-o n , de bonne f o i , y v o ir un acte authen
tique , une reconnoissance de paternité telle que la loi
la commande et que la raison la conçoit ?
Cet acte n’a aucune date , parce qu’en eiïet il a eu lieu
le 21 germ in al, et a été ajouté a un acte terminé depuis,
le 8. Comment supposer en effet que cette déclaration
finale fait partie de l’acte du 8? Les témoins dénommée, au
premier ne signent pas la déclaration»
�( 13 )
On a raturé et interligné le prem ier acte de naissance,
sans faire rien approuver aux premiers témoins. L e maire
seul approuve to u t, même ce qu’il lui plaira de raturer
encore -, les autres témoins , Cliave lui - même , ne font
aucune approbation. O r , il est de principe que les ratui’es
et interlignes sont inutiles dans les actes, s’il n’y a appro
bation des parties et témoins.
11 est un autre principe élémentaire en rédaction d’actes,
quelque peu d’importance qu’ils aient, c’est que les témoins
dénommés en l’acte signent à la fin : ici la sage-femme et
le frè re , qui ont déclaré la naissance le 8 , n’ont pas signé
à la lin. Si c’est un seul et même acte, les vins l’ont signé
au m ilieu , et d’autres à la fin : chose bizarre et rid icu le,
qui ne peut s’allier avec la gravité de l’acte qu’on prétend
maintenir.
Que p e u t- il résulter d’un acte de cette espèce , si ce
n’est de la pitié pour ses rédacteurs , et une conviction
intime que ce n’est pas C have qui est allé déclarer la naissance d’un enfant comme s’en disant le père?
L e but de la loi n’est donc pas rem pli ; car dans quelque1
forme que dût être une rcconnoissance de paternité , il la
falloit dans l’acte même portant la déclaration de naissance,
ou bien il falloit un acte p articu lier, daté lui-m êm e , et
qui ne fût pas rédigé dans une forme ayant pour but de le
rattacher à un autre acte, auquel il ne peut appartenir.
Car rappelons-nous que l’article 334 du Code civil dit
que la reconnoissance sera faite par l’acte de naissance,
ou par un acte athentique; à quoi l’article 62 ajoute que
l’acte de reconnoissance sera inscrit sur les registres à sa
d a te, et qu’il en sera fait mention en marge de l’acte de
naissance.
�( i4 )
Rappelons-nous encore que le but bien positif de la loi
est de ne com pter pour rien les reconnoissances antérieures
au code , quand l’auteur est vivant. Il en est de cela comme
des testamens antérieurs à l’an 2, qu’il falloit refaire pour
les circonscrire dans les termes du droit nouveau. L a loi
a eu ici un but plus moral : les changemens apportés au
système passé justifient sa mesure dilatoire.
E t ne nous abusons pas sur l’importance des formes
dans une matière aussi délicate : on est si scrupuleux
pour tant d’autres actes! U n seul mot équivoque en un
testament, détruit toute la volonté d’un père de famille-,
une donation exige encore des formes plus m ultipliées.
Ces actes sont-ils donc aussi importans que celui où il s’agit
de transmettre son nom et sa fortune ; où il s’agit de plus
en core, de vaincre l’opinion et de surmonter sa propre
répugnance ? D ’ailleurs , pourquoi ne pourrions - nous
pas dire pour un tel acte ce que Ricard dit des testamens,
« que toute leur force consiste dans leur solennité, et toute
« leur solennité consiste dans les formes ? »
A u jo u rd ’hui il faut y ajouter une vérité bien certaine ,
c’est que la seule supposition qu’un homm e est tenu et
obligé de se charger d’ un enfant naturel sans sa libre
v o lo n té , est incompatible avec le système indubitablement
reçu sur la législation des enfans naturels.
/
2.0. Cette déclaration de paternite est nulle , s ’il y a
violence. L e s j à i t s articulés suffisent. l i a preuve en
est admissible.
O n est extrêmement sévère dans le m onde pou r juger
�( i5 )
des effets de la peur d’autrui ; e t , quand on en com
mente les particularités, on détaille très-ponctuellement
la conduite qu’on auroit tenue en pareille occurrence.
Cependant rien n’est plus difficile à régler pour soi-même;
ca r, en deux cas semblables , le même individu se conduiroit rarement deux fois d e là m ême manière. Mais
celui qui raisonne ainsi est de sang-froid , par cela seul
qu’il raisonne , tandis que le prem ier effet de la terreur
est d’absorber toutes les réflexions , pour ne laisser place
qu’à une seule idée dom inante, la couscrvation de soi-meme.
Quelques auteurs, partageant sur ce point les idées du
v u lg a ire , sembleroient aussi se montrer difficiles a ad
mettre la plupart des excuses fondées sur la crainte. 11
faut distinguer, disent-ils, la crainte grave et la crainte
légère , et on ne peut trouver de m oyen rescisoire que
dans celle qui suffiroitpour ébranler la fermeté de l’homme
le plus in trépide, m etus non va ni hom inis , sed q u i in
hom inem constantissim um c a d a l, 1. 6 , ff. Quod metûs
causâ.
Ces auteurs, s’en tenant à une loi isolée démentie par
beaucoup d’autres, n’ont pas voulu apercevoir, dans cette
rigueur étrange, un m onument de la fierté romaine p lu tôt
qu’une règle généi'ale. Ce p e u p le , qui avoit détruit le
temple élevé p a rT u llu s à la C rainte, n’étoit, en la pros
crivant par ses lois, que conséquent avec lui-m êm e. Sous
■un système de conquêtes sans bornes, et avec une consti
tution toute m ilitaire, quel romain pouvoit alléguer une
crainte légère! E levé dans les cam ps, son excuse m êm e
eût consacré sa honte , et la loi étoit rigoureusement juste
eu exigeant de lui l ’intrépidité d’un soldat.
�C 16 )
La France militaire ne réprouvera pas cette législation
sé vère; elle l’eût créée elle-m êm e, s’il falloit un code au
courage. M ais les actes civils des simples particuliers ne
se règlent pas par des maximes nationales; la théorie
principale des lois consiste à les approprier aux mœurs
de ceux qu’elles doivent régir.
Gardons-nous donc de l’exaltation , quand elle est hors
•de mesure; ne nous obstinons pas à trouver un Scévola
dans un laboureur timide , qui ne connut depuis sa nais
sance que sa charrue et le hameau de ses pères.
L es auteurs les plus judicieux du droit n’ont eu garde
aussi d’appliquer sans distinction la sévérité des principes
romains. D o m a t surtout, à qui les premiers juges ont fait
l ’injure de prêter une opinion si contraire à son discer
nement , D o m a t, dont l’ouvrage immortel n’est que le
précis des lois romaines, bien loin de se fonder sur la
loi 6 , ne la signale que pour en blâmer la rudesse.
« Nous avons v o u lu , d it-il, rétablir les principes na« t.urels, et rendre raison de ce que nous n’avons pas mis
« cette règle du droit romain parmi celles de cette sec« tio n ......... Toutes les voies de fa it, toutes les violences,
v toutes les menaces, sont illicites; et les lois coudâm
es lient non-seulement celles qui mettent en péril de la
« vie ou de quelque to u rm en t, mais toutes sortes de
«
«
«
«
«
«
voies défait et mauvais traitemens. E t il faut remarquer
que comme toutes les personnes n’ont pas la même
fermeté pour résister à des violences et â des menaces,
et que plusieurs sont si foibles et si timides , qu’ils ne
peuvent se soutenir contre les moindres impressions,
un ne doit -pas borner la protection des lo isco n tre les
a menaces
�« menaces et les v io len ces, à ne réprim er que celles
« q u i sont capables d’abattre les -personnes les pluè
« intrépides ; mais il est juste de p ro té g er aussi les plus
« tim ides............
*
« Il est tr è s -ju s te , et c ’est notre u sa g e, que tonte
« violence étant illic ite , on réprim e celles même q u i
« ne vont pas à de tels ex cès, et qu’on répare tout le
a préjudice que peuvent causer des violences qui enga« gent les plus foibles à quelque chose d-’injuste et de con« traire à leur intérêt : ce qui se trouve même fondé sur
« quelques règles du droit ro m a in ............et Ces règles
« sont tellement du droit n a tu re l, qu’ z'/ ne p o u r v o it y
« avoir d’ordre dans la société des h o m m es, si les
« moindres violences ri étoient réprimées. » ( Sect. 2 ,
des vices des conventions , préambùHi. )
I l est peut-être inutile, après avoir cité D om at, de faire
d’autres recherches ; mais les premiers juges ont encore
fait l’ injure à P othier de lui prêter des principes qui ne
sont pas les siens.
Cet auteur cite les lois rom ain es, et par conséquent
les rappelle telles qu’elles sont. M ais il termine son
article de la crainte par dire que « le principe qui ne
« connoît d’autre crainte suffisante pour faire pécher un
« contrat par défaut de liberté, que celle qui est capable
« de faire impression sur l’homme le plus cou rageu x, est
« trop r ig id e , et ne doit pas être suivi parm i nous à la
« lettre ; on d o it, en cette m a tière, avoir égard ci Page y
« au sexe et à la condition des personnes (i) ; et telle
(i)Exprcssions copiées mot pour mot en l’art. 1112 du Code civil.
C
�C i8 }
« crainte qui ne seroit pas jugée suffisante pour avoir
« intim idé l’esprit d’ un homme d’un age m ûr ou d’un
« m ilita ire , et pour faire rescinder le contrat qu’il aura
« f a i t , peut être jugée suffisante à l’égard d’une femme
« ou d’un v ie illa rd , setc. » ( T raité des obligations,
page i re. , chap. ie r>? no, 2 5 , i n f i n .)
Si l’opinion respectable de ces auteurs avoit besoin d’être
f o r t i f i é e par d’autres citations, on les puiseroit dans les lois
romaines elles-m êm es, qu’il ne faut pas juger par un
fragm ent un ique, et q u i, au contraire, nous enseignent
ce que Dom at et Pothier viennent de nous apprendre.
T o u t consentement doit etre lib re , disent plusieurs
lo is; et, pour être restitué, il n’est pas besoin d’une v io
lence corporelle, mais seulement d’une crainte inspirée
à celui qui contracta ^ quoad ju sta m restitutionis cau
sant m in i refert utrimi v i an metu quis c o g a tu r .. . .
et quoad effectum ju ris ntrobi deest co n sen su s, ac
libera voluntas p a tien tis, u tvelle non videatur. L . 1 , 3 ,
rj et
quod met. C. L . 1 1 6 , de reg.jur. ( in Corvino.')
Ces lois étoient bien moins dures que ne l’ont sup
posé les premiers juges; car elles ordonnoient de recevoir
la preuve de la crain te, quand même Chave auroit été
hors d’état de désigner aucun de ceux qui la lui avoit
inspirée ; non tamen nccesse est designare personam
quœ rnetum iiitu lit, sed su jjicit
probare
m etum , quia
inetus habet in se ignorantiann. J . 14- ff. e°d ‘
E n fin , ce qui achève de convaincre que ces lois savoient
aussi se mettre à la portée de la foiblesse des hom m es,
c’est qu’elles expliquent qu’ il n’étoit pas nécessaire de
prouver l’existence d’un danger réel , mais seulement
j
�( r9 )
la crainte de ce dan ger, qui en effet devoit détruire le
consentement. S i causa fu is s e t , cu r periculuni tim eret,
quam vis periculum ie r c non f u i s s e t . . . . non conside-
ratur eventus, sed ju sta opinio. L . 1 4 e°d ‘
L e tribunal d’Yssengeaux avoit donc tin guide bien sur.
A u lieu d’adopter l’antique rigueur d’une loi oubliée par
les Romains eux-m êm es, il a jugé que la crainte inspirée
à Chave n’avoit pas été un m otif suffisant pour le con
traindre ; et cependant il ignoroit jusqu’à quel point
Chave avoit été contraint ou menacé ; il l’ignoroit et a
voulu l’ignorer toujours, en refusant de s’éclairer par une
preuve : cependant les faits articulés étoient graves. Chave
offroit et offre encore de prouver ces faits articulés , et
notam ment, i° . que le 21 germ inal les frères F errier et
d’autres hommes armés de bâtons sont venus chez lui ;
2.°. qu’ils l ’ont forcé de se lever et de les suivre, en le
menaçant ; 30. que chez de Bannes ils se sont opposés à
toute explication, l ’ont injurié, menacé et frappé; 40. que
de Bannes l’a pris à part pour l’exhorter à céder à la foi’ce
et éviter un plus grand mal ; 5 °. qu’on l’a forcé de venir
dans un cabaret, où on lui a remis un en fan t, avec de
nouvelles menaces.
M ais, a dit le tribunal d’Yssengeaux, C h ave, sorti de
sa maison et conduit chez le m aire, pouvoit réclamer.
Ce seroit une réflexion bien naturelle, si les faits môme
de la cause n’étoient déjà venus la détruire ; car ce maire
lui-m êm e étoit si peu disposé à user de son autorité ,
qu’ il est difficile de ne pas le juger au contraire intéressé
à l’événement.
Mais à quelle p ro tectio n , il faut le d ir e , auroit pu
�(
20
)
s’attendre un m alheureux à la merci de cinq .individus,
dans le domicile isolé d’un maire de v i l l a g e ? Battu à ses
y e u x , C h a v e pouvoit-il se croire dans un asile inviola-'
ble ? L e maire lui-m êm e, l ’e x h o r t a n t à céder à la fo rc e ,
m ettoit le com ble à sa terreur, et déclaroit, ou sa propre
c o m p lic ité , ou au moins son impuissance.
L ’acte le moins important d elà vie seroit vicié par une
sem blable violence , à plus forte raison celui de tous les
actes le plus incompatible avec la moindre contrainte. U n
père de famille a contracté un engagement sacré envers
ses enfans par son m ariage; mais ce lu i-là même qui
auroit procréé des enfans naturels, ne tient à eux par
aucun lien civil : son honneur et les sentimens de la
nature deviennent leur unique titre , si la paternité lui
a semblé certaine. Les enfans naturels n’ont point de
famille ; tel est le langage de la lo i : elle ne veut pas qu’ils
en aient une. Quand leur père se nom m eroit hautement
dans le m onde, il ne seroit tenu à rien; la loi lui perm et
seulement de se déclarer tel par un écrit libre et authen
tique : forcer sa volonté seroit donc se croire plus sage
qu’elle.
M ais si la loi n’exige rien d’un père , si elle consi
dère comme un vice m oral de lui donner un fils que
sa propre volonté cependant n’a pas désavoué , peut-on
soutenir l’idée révoltante qu’ un hom m e sera contraint
malgré lui d’adopter un enfant dont il n’est pas le père?
Q ui lui donnera la force de su p p o rter, dans sa de
m eure, la vue habituelle d’ une créature si étrangère,
placée là pour sa honte im m uable, sans aucune com
pensation satisfaisante ? et qui oseroit répondre que dans
�( 21 )
cette situation de désespoir, aigri par un sentiment d’in
justice , il pût assez maîtriser une fureur co n v u lsiv e,
qui seroit tout à la fois le tourm ent de l’innocence et
son propre supplice ?
Eloignons plutôt de vagues suppositions fondées sur une
pure chimère. L a prévoyance des magistrats distinguera
la vérité et les convenances , et éloignera d’aussi sinis
tres présages. O n ne donne point à un homm e l ’enfant
qu’il repousse avec m épris quand la lo i n’en fait pas
un devoir. L a cour doit prononcer ici sur les consé
quences d’un acte l i b r e e t tout prouve qu’il n’y a pas
eu de liberté dans celui qui donne lieu au procès. C h av e,
conduit par la fo r c e , menacé dans sa route , a signé
sous le bâton; et, pour se servir des expressions de D om at,
si un consentement de cette espèce étoit jugé valide ? ce
seroit un attentat au droit naturel ; il n y auroit plus
d’ordre dans la société des hom m es.
L a conduite d’isabeau F errier , l’époque de ses cou
ches , c’est-u-dire, de celles qui donnent lieu au p rocès,
le choix de ses croupiers , le lieu de la scène, la cir
constance qu’ un, acte de naissance a été changé * e tc ,, tout
cela donneroit lieu à des réflexions beaucoup plus éten
dues , mais qui seroieot oiseuses , tant que la preuve
de la violen ce ne sera pas ordonnée.
Cette p re u v e , sans contredit, est adm issible; aucune
ordonnance ne la prohibe ; et ce qui étonne, c’est que
les premiers juges n’aient pas voulu prononcer en connoissance de cause.
Il est possible'que la m alignité toujours avide de calom
nie } et toujours difficile àdétrom per prétende que Chave
3
�(
22
)
n’a pas été tout à fait innocent envers Elisabeth Ferrier
de ce dont on l ’accuse : mais il en prend le ciel à tém oin,
cette femme lui fut toujours étrangère,
C h a v e , maître de ses actions , célibataire , feroit sa
jouissance principale de se voir revivre dans un fils qu’il
cro iro it le sien ; à son âge et avec ses principes religieu x,
il s’en feroit un devoir. Ces deux puissans-mobiles ne
peuvent donc être vaincus que par. quelque chose de
plus puissant en core, une conviction in tim e, une insur
m ontable répugnance.
• Il ne demande pas à être cru sur p a ro le; et si son
prem ier moyen ne suffit p a s, il offre la preuve des vio
lences qui l’ont forcé à donner sa signature : et certes,
quand la cour se sera assurée que Chave a été forcé de
sortir de son dom icile, m ené chez le maire par cinq
hommes , menacé et battu , elle appréciera alors toute
la valeur d’une signature donnée dans de telles circons
tances ; et lorsque la vertueuse Elisabeth F errier sera
convaincue qu’il ne lui est plus libre de faire de sa pro
géniture une charge publiqu e, peut-être s’efforcera-t-elle
de mettre un terme à sa fécondité et au scandale de sa
conduite.
M . G I R O T , rapporteur.
(
4
M e. D E L A P C H I E R , avocat.
M e. M A R I E , licen cié avoué.
A R IO M , de l'imprimerie de L a n d r i o t , seul imprimeur de la
Cour d’appel. — Therm idor an 1 5
�
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Factums Marie
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Title
A name given to the resource
[Factum. Chave, Jacques. An 13?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Girot
Delapchier
Marie
Subject
The topic of the resource
reconnaissance de paternité
Description
An account of the resource
Mémoire pour Jacques Chave, appelant ; contre Jeanne Valla, et Elisabeth Ferrier, sa fille, majeure, intimées.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 13
1801-Circa An 13
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
22 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0705
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0307
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Chambon-sur-Lac (63077)
Rights
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Domaine public
reconnaissance de paternité
-
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a6913de896476b92bc3405d7b1f26403
PDF Text
Text
%
M E M O IR E
A CONSULTER
ET CONSULTATION
�r
4M AmVÎ ^K4luutf(
A CONSULTER
ET CONSULTATION A w ‘
POUR
Les S rs P O Y A , RO M E, dame V e ABRAHAM
et consorts, héritiers ou légataires de l’estoc
paternel de J e a n - L o u is C a r r a u d d ’U r b i s e ,
CONTRE
Les enfans d’HÉLÈNE DUROIS, se disant fille
de J e a n - P i e r r e CARRAUD , frère du sieur
d ’URBISE.
f
L e 27 août 1 7 5 1 , une fille est exposée à la porte de l’hôpital
de la ville de RIOM : son extrait baptistaire la nomme simple
ment H é l è n e , sans désignation de père ni de mère.
Jean-Pierre Carraud, fils d’un conseiller en la sénéchaussée
de Riom, à qui on voudrait déférer la paternité, a contracté ma
riage, le 23 novembre 17 5 2 , avec Marguerite Mercier, issue
�( 3)
d’une riche et ancienne famille. On lit dans cet acte réglant
CiC«\ w«\ «lejirs conventions matrimoniales, les clauses suivantes :
((*Ë^fiiveur du présent mariage, ladite Mercier a donné cl
•»'*¿îiHin(î audit futur époux acceptant, par donation entre-vifs,
tous «les biens qui lui appartiennent présentement, meubles et
“ immeubles, desquels le futur époux fera la recherche comme*
« il avisera.
« En second lieu, la future se réserve, en cas de viduité, la
« jouissance et usufruit des biens donnés, et même la réversion,
« en cas de prédécès du futur époux sans enfan s.
« Ladite donation tiendra lieu au futur époux de gain de
« survie. »
Nulle mention de l’enfant prétendu né de leur commerce an
térieur.
Le mariage a duré trente ans. Pendant tout ce temps, nulle
reconnaissance, ni de la part de dame Mercier, ni de J.-I\ Car
ra ud.
Il importe de remarquer (et c’est ce qui rend le silence sur
Pélal de l’enfant plus étonnant), qu’il n’y en a point eu du mariage.
Hélène, âgée de vingt-huit ans, s’est mariée le 12 mai 1779 ,
à Martin Valleix, cultivateur, habitant le village d’Ardeyrolles,
*
paroisse de St-Pierre-lloche, distant de plusieurs lieues de la
ville de Riom. La future prend dans le contrat la simple qualité
d’Ui'xÙNE Üuuois, iille majeure, habitante du village de l\eyvialle, même paroisse.
Elle s’y constitue, d’elle-meme, divers objets mobiliers à son
usage, d’une très-mince valeurj la moitié d’un pré appelé Loche;
cl cinq quartelées de terre appelée la Clope, qu’elle a acquises,
est-il dit, par acte du jour d’hier, reçu le même notaire, moyen
nant la somme de 700 francs.
�( 3)
La vente de ces héritages peu considérables, avait eu lieu
en effet le 1 1 mai 1779 , veille du contrat de mariage, parm i
fondé de pouvoir du sieur Jean-Pierre Carraud, en faveur
d’Hélène; mais le sieur Carraud n’était point intervenu au
contrat de mariage et avait réellement consenti vente par un
fondé de pouvoir.
Jean-Pierre Carraud est décédé en 17 8 1. Nul écrit encore,
nulle parole, nul signe, même an dernier moment, dont on
puisse induire cjii’il ait jamais imaginé être le père de l’enfant
([u’on lui attribue aujourd’hui.
11 décède, et Hélène Dubois ne paraît pas pour recueillir sa
succession. C’est Jean-Louis Carraud d’Urbise, frère du défunl,
q ni se présente.
Ce frère répudie la succession par acte au greffe du 1 janvier
1783. Sur cette répudiation, la veuve, Mmc Mercier, fait nom
mer un curateur a la succession vacante. Jacques Labat est
nommé par procès-vcrbal du 7 du même mois de janvier.
Le 10 janvier, la veuve requiert l’apposition des scellés, et,
dans sa requête, elle expose que Jean -Louis Carraud d ’Urbise}
seul habile a succéder, a répudié la succession, etc., etc.
Elle demande et obtient, par sentence du 18 mars 17 8 3, de
la ci-devant sénéchausssée de liiom, la condamnation contre le
curateur du payement de scs reprises.
Des poursuites rigoureuses ont lieu au nom de la veuve, et
enfin vente et ajudication, toujours sur le curateur à la succes
sion vacante.
Jean-Louis Carraud d ’Urbise, qui avait répudié la succession
de son frère, est décédé aussi sans enfans, le 1 1 février 1783,
laissant aux collatéraux une succession considérable, dont la
propriété et remise sont réclamées aujourd’hui par les héritiers
�ou légataires de l’estoc paternel, et par les héritiers d’Hélène
Dubois.
A ce moment (en 1783) Mmc Mercier devait sans doute re
connaître l’état de sa fille, mais elle garde le silence.
Un procès s’entame; les poursuites sont suspendues. Le 10
Iructidor an 2, après plus de l\.o ans de silence, et i3 ans après
le décès de son mari, Mmo Mercier, alors octogénaire (aux temps
orageux de la révolution), déclare, dev ant notaire, (\\i Hélène
Dubois est sa fille et de Jean-Pierre Carraud, née du commerce
qu’ils avaient eu avant leur mariage ; c’est sur celle déclaration
([u Hélène Dubois a fondé sa métamorphose•, en voici les termes:
« Dame Mercier, veuve du sieur Pierre Carraud, habitant à
« lliom, reconnaît qu Hélène Dubois, femme à Martin Yalleix,
«■ cultivateur, du lieu cl’Ardeyrolles, commune de Saint-Pierreu IW he, est sa fille naturelle, née du commerce qu’elle avait eu
K avec ledit Pierre Carraud, avant leur mariage. Voulant lui
« rendre une existence légale et le droit de successibilité, aux
« termes de la loi du 12 brumaire an 2, elle déclare qn Hélène
« Dubois, baptisée le 17 aoiit 17 ^ 1, sous le nom Hélène,
(( nouvellement née et exposée, à minuit, à la porte de l’hô« pital de cette commune, sans billet, est la fille d’elle déela« rante et dudit Pierre Carraud, et la reconnaît pour telle; et
« même ledit Pierre Carraud lui a donné, en tout temps,' des
«• preuves de paternité, soit en fournissant à son éducation, en<( trelien, soit en lui constituant une dot lors de son contrat de
« mariage avec Martin Yalleix, le 12 mai 177g.»
Marguerite Mercier est décédée en l’an 8. Le 12 mai 1800, .
clic avait fait un testament portant différons legs à des ecclé
siastiques et à des serviteurs. Il n’est point question d'Hélène
Dubois. Six jours après, Marguerite Mercier fait encore un co-
�(5)
dicille. Elle nomme la dame de Frétât, sa belle-sœur, son
exécutrice testamentaire; mais elle garde le même silence sur
Ilclene.
La dame Mercier meurt; Ilélène assure qu’après son décès,
elle s’est mise en possession de sa succession sans aucun obstacle
de la famille Mercier : c’est ce qu’on ignore.
Hélène prétend aujourd’hui avoir également droit à la suc
cession de Jean-Louis Garraud d’Urbisc.
A la déclaration de l’an 2, elle réunit les présomptions résul
tant de l’acte de vente du 1 1 mai 1779, de son contrat de mariace.
et,/ au besoin, elle a offert la preuve de differens faits:
o /
cette preuve a été admise par un jugement du tribunal civil de
lliom, en date du 3o juillet 1828, conçu en ces termes :
« En ce qui touche les demandes en intervention des héri« tiers Home et Abraham, parties de Mcs Parry et Tailliand;
« Attendu qu’elles ne sont pas contestées et que ces parties
<' sont intéressées au jugement en contestation.
« En ce qui touche le fonds :
« Attendu que, dans les anciens principes et suivant la dé« crétale d’Alexandre III, cliap. 6, la légitimation des enfans
« nés avant le mariage s’opérait par la seule force du mariage,
« et qu’il n’était pas nécessaire, ainsi que l’enseigne Pothier,
« que le consentement du père et de la mère intervînt pour
« cette légitimation ;
« Attendu qu’il est déjà établi et prouvé, par l’acte notarié
c< du 2 fructidor an 2, que la dame Mercier avait mis au monde,
« quinze mois avant son mariage avec le sieur Garraud, une
« fille qui fut d’abord portée à l’hôpital, sous le nom d'H élène;
cc Attendu qu'il est constant que cette fille a succédé à la dame
« Mercier, veuve Garraud, sa mère, et que si la déclaration
�(c)
<< faite par cette dernière, dans l’acte de reconnaissance du
« ï fructidor an 2, qu’elle avait eii cet enfant du sieur Carraud,
« ne peut lier la famille du mari, ni même être regardée comme
« un commencement (le preuve par écrit; néanmoins la circons« tance du mariage qui a suivi, rend vraisemblable le fait allé« gué, que c’était le sieur Carraud qui était le père de l’enfant
« dont était accouchée ladite dame Mercier;
« Atlendu que ce fait deviendrait encore plus certain, s’il
» était vrai, ainsi que l’ajoute la dame Carraud, dans sa re
te connaissance, que les mois de nourrice furent payés par le
« sieur Carraud lui-meme, et que ce fut par scs soins que l’en« fant fut élevé et transporté dans un domaine à lui appar<< tenant, oh il a ensuite été marié par le sieur Carraud;
« Que toutes ccs circonstances sont graves et concordantes :
« Par ces motifs,
« Le tribunal reçoit les parties de Parry et Tailband inter« venantes, et, avant laii-e droit au fonds, ordonne que, par
ti devant M. Mandat, juge, les parties de llouher feront preuve,
« tant par titres que par témoins,
« i". Que Marguerite Mercier avait eu, avant son mariage,
« iin commerce charnel avec Jean-Pierre Carraud, et (pie de
« ce commerce était née Hélène, dite Dubois} du nom de la
« mère du sieur Carraud;
«
Que ladite Hélène Dubois passait publiquement dans
« Kiom pour être la fille de Jean-Pierre Carraud, et qu’elle a
« passé pour telle dans les lieux oh le sieur Carraud lui a fait
«■ passer sa jeunesse;
o 3°. Que c’est lui qui a payé les mois de la nourrice et lui
« avait recommandé cet enfant;
« /|°. Qu’après qu’elle fut sevrée, il la fit transporter dans
�(7)
« son domaine à Reyvialle, et chargea ses fermiers ou métayers
« de pourvoir îi sa subsistance et à son entretien, leur en four« uissant tous les Irais;
—
« 5°. Qu’il avait avoué dans diverses circonstances et devant
<f plusieurs personnes qu’il était le père de cette iille, et qu’il
« 1avait eue de la demoiselle Mercier avant son mariage;
« 6°. Enfin, (pie le sieur Carraud vint lui-même à Reyvialle
« pour régler les conditions du mariage d’Hélène-, qu’il lui donna
« des héritages pour composer sa dot, et que si l’acte fut coloré
« du nom de vente, il est certain qu’il n’en reçut pas le prix.
x Sauf la preuve contraire,
« Pour les enquêtes faites et rapportées, être statué ce qu’il
« appartiendra : tous moyens et dépens réservés. »
Un demande au conseil quel doit être devant la Cour de
Kioin le mérite et effet de ce jugement?
�(8)
CONSULTATION
TOUR
Les Héritiers ou Légataires de la ligne pater
nelle de J e a n - L o u is C a r r a u d d ’ U r r i s e .
I ue conseil soussigné,
Vu le dispositif d’un jugement rendu au tribunal civil de
Rioin, le 3o juillet 1828, contradictoirement entre les consullans, et les enfans d’Hélène Dubois, femme Yalleix, se disant
fille de Jean-Pierre Carraud, et en celte qualité héritière eu
partie dudit sieur Carraud d’Urbisc.
Par lequel jugement, ce tribunal se fondant sur une dér ré talc d’Alexandre III, chapitre V I, et les anciens principes
en matière de légitimation des enfans naturels par le ma
riage subséquent de leur père et mère naturels, a décidé qu’il
V* avait des présomptions suffisamment graves, précises et
concordantes pour décider qu’llélène Dubois, femme Vallcix,
est née en 17 /ïi, de la cohabitation supposée entre Jean-Pierre
Carraud et Marguerite Mercier, depuis unis en mariage (en
17Í)?.), sans avoir ni alors, ni pendant sa durée, reconnu la
dite paternité, et qu’il y avait lieu d’admettre la preuve de
la paternité dudit Jean-Pierre Carraud.
�(9)
Yu le Mémoire à Consulter, par lequel les héritiers et lé
gataires de Carraud-d’ Urbise, en contestant l’état que l’on at
tribue à Hélène Dubois, demandent si l’appel qu’ils ont inter
jette de ce jugement, devant la Cour de Riom, est bien fondé :
Est d’avis de l’affirmative;
Le Code civil, dans le titre de la Paternité et de la Filiation,
promulgué le 2 avril i 8o3, permet aux enfans nés de deux
individus, unis par le mariage, de demander à prouver par
témoins leur filiation contre les auteurs de leurs jours, lors
qu’ils ont été inscrits comme nés de père et mère inconnus,
ou sous de faux noms; mais, d’après l’article 3a3, la preuve;
ne peut être admise que lorsqu’il existe un commencement de
preuves par écrit, émané de celui dont on invoque la pater
nité, ou lorsque des présomptions ou indices résultans des faits
dès-lors constans, sont assez graves pour déterminer l’ad
mission.
L ’action en réclamation d’état est imprescriptible à l’égard
de l’enfant (art. 328); ainsi elle peut être exercée contre ses
parens décédés; l’action ne peut être intentée par les héritiers
de l’enfant qui n’a pas réclamé, qu’autant qu’il est décédé
mineur, ou dans les cinq années après sa majorité, ou qu’il
a commencé cette action, et qu’il n’a pas laissé trois années
sans poursuites, à compter du dernier acte de la procédure.
(Art. 329, 33o).
Voila pour les enfans nés de deux personnes unies par le
mariage. La présomption de droit P aler is est quem justœ nupliœ
demonstran!, les protège contre la suppression de leur état.
À l’égard des enfans nés des individus non mariés, la re
cherche de la paternité est interdite (art. 34o); ils ne sont
�( 10)
légitimés par le mariage subséquent de leurs père et mère,
qu’autant qu’ils sont formellement reconnus (art. 331).
Dans l’espèce, il paraît qu’llélène, avant sa mort, a intro
duit l’instance dont il s’agit, puisqu’aucune fin de non-recevoir
n’est opposée à ses héritiers; il est présumable toutefois, que
cette demande a été faite, depuis la promulgation du Code civil,
bien que nous ayons sous les yeux une consultation en faveur
d’Hélène, du iG ventôse an 10 , qui relate une opposition à
scellés de sa part, un procès-verbal de non conciliation, puis
une instance.
Ces premières poursuites ont du être interrompues pendant
au moins trois années, et dès-lors il faut en conclure que l’ac
tion a été introduite sous l’empire du Code civil.
Si ce point de fait est constant, la première question qui
se présente au fonds, est celle de savoir si cette action est
régie par le Code civil 011 par les lois antérieures.
Les lois n’ont pas d’eiïet rétroactif, en ce sens que celui
qui a un droit acquis au terme des lois, ne peut le perdre par
l’effet de la promulgation d’autres lois.
Hélène avait-elle à cette époque un droit acquis a se dire
enfant, soit légitime, soit même naturel du sieur Carraud?
non assurément-, son acte de naissance ne lui donnait aucun
droit; elle n’avait aucune possession d’état; elle n’avait formé
aucune demande en justice; ou, si elle en avait commencé
une, elle y a renoncé, en n’y donnant aucune suite depuis la
consultation du ^() ventôse an 10 (7 mars 1802).
C’est l'aimée suivante (en avril i 8o3) que fut promulguée la
loi qui défend la recherche tde la paternité.
Celte loi lut faite en vue de mettre fin à des scandales dont
la société et la morale avaient à souffrir, et à des décisions
�( IX)
toujours incertaines, où le mystère, dont le Créateur
a enveloppé la paternité, devait, dans la pensée de ses auteurs,
régir tous ceux qui n’avaient pas alors des droits acquis.
La loi ne distingue pas entre les enfans nés sous l’empire
des législations antérieures, et ceux nés depuis le Code civil.
La loi exige la reconnaissance du père, a dit M. Troncliet,
dans la séance du Conseil d’Etat du i 5 novembre 180 1 (24 bru
maire an 10), séance inédite, et que vient de publier M. Locré
(pag. 95 de sa Législation civile, t. v i.) « La loi l’exige, parce
« que le père seul peut juger si l’enfant lui appartient; or lors« qu’il n’a voulu le reconnaître, ni avant, ni au moment du
« m ariage, c’est une preuve qu’il doutait alors de la paternité. »
Dans la séance également inédite du 17 novembre 18 0 1, où
l’on discuta spécialement la question de la recherche de la pa
ternité, on fit l’observation que, si autrefois cette recherche
était admise à raison de la fréquentation d’une personne du
sexe, l’enfant naturel n’avait droit qu’à des alimens; qu’on doit
être plus sévère quand il s’agit d’attribuer à l’enfant naturel
des droits dans la famille; et qu’enfin la loi du 12 brumaire
an 2, si favorable aux enfans naturels, avait interdit la re
cherche de la paternité non avouée.
M. Troncliet fit la remarque qu’autrefois, une fille était libre
de faire tomber la paternité sur qui elle voulait, et qu’elle
choisissait ordinairement le plus riche de ceux qui l’avaient
fréqucntee; cette manœuvre était presque toujours heureuse;
cependant, dans la vérité, il restait des doutes sur la qualité
exclusive du père, et, indépendamment du danger d’admettre
une preuve aussi incertaine que la preuve testimoniale, c’était
donner trop de poids à la déclaration de la fille. ( V oy. pages
12 0 , 12 1) .
judiciaires
�M. Thibeaudcau ajouta que l’usage de cette action était au
trefois scandaleux et arbitraire: les lois qui y ont mis un terme
ont servi les mœurs. (Ibid, page 122).
Dans l’exposé des motifs de cette loi fait au Corps-Législatif
le 1 1 mars i 8o3, par M. Bigot-Préameneu, il s’exprime ainsi
(page 2 12 ) : Depuis long-temps, dans l’ancien régime, un cri
général s’était élevé contre les recherches de paternité; elles
exposaient les tribunaux aux débats les plus scandaleux, aux
jugemens les plus arbitraires, à la jurisprudence la plus va
riable; l’homme dont la conduite était la plus pure, celui
dont les cheveux avaient blanchi dans l’exercice de toutes les
vertus, n’étaient point à l’abri de l’attaque d’une femme im
pudente, ou d’enfans qui lui étaient étrangers; ce genre de
calomnie laissait toujours des traces affligeantes. »
Ici, l’orateur invoque la prohibition de la loi de l’an 2. «Dans
la loi proposée, ajoute-t-il, celle sage disposition qui interdit
les recherches (le la palernile cl elc* m aintenue; elle ne pourra
jamais être établie contre le père (pie par sa propre recon
naissance, et encore faudra-t-il pour que les familles soient
à cet égard à l’abri de toutes surprises, que celte reconnais
sance ait été laite par acte authentique, ou par l’acte même
de naissance. »
Le tribun Lahary, dans son llapport au tribunal, du 19 mars
8o3, après avoir rappelé tous les débats rapportés dans les
auses célèbres, s’écriait : « Llle cessera enfin celle lutte scan
daleuse et trop funeste aux mœurs; la recherche de la paterternité est interdite.» 11 invoquait aussi l’opinion émise par
le consul Cambacérès, dans le Discours préliminaire à son
projet du Code civil. (l*ag. 2G7 et 268.)
Le tribun Duveyrier, dans le Discours qu’il prononça au
�0 3 )
nom du trilwnat, devant le Corps-Législatif, dans la séance
du 3 mars i 8o3, s’élevait aussi contre l’admission de la re
cherche de paternité.
« On convenait, dit-il (pag. 3 i 8), que la nature avait cou« vert la paternité d’un voile impénétrable $ on convenait que
« le mariage était établi pour montrer, à défaut du signe na« turel, cette,paternité mystérieuse; et c’était précisément hors
« du mariage, qu’on prétendait percer le mystère et découvrir
« la paternité.
« Ces procès étaient la honte de la justice et la désolation
« de la société. Les présomptions, les indices, les conjectures
« étaient érigées en preuves et l’arbitraire en principe.«
Yoilà les égaremens auxquels la loi du 12 brumaire an 2
avait déjà remédié par des mesures efficaces, et que la légis
lation de i 8o3, à une majorité de 2 16 voix contre G, a proscrits
pour toujours. Et c’est 2^ ans après la promulgation d’une loi
aussi sage, que le tribunal de l\iom a admis cette scandaleuse
recherche, sous prétexte de l’existence des anciens principes
et sur la foi de la décrétale d’un pape qui n’a jamais joui de laulorité législative en France!
On se fonde sur un droit acquis, quand il est évident
qu’il n’en existe aucun; on transforme l’action qui eût pu être
exercée par Hélène Dubois, avant la loi de l’an 2, en 1111 droit
sur lequel ni cette loi de l’an 2, ni le Code civil, ne peuvent
avoir d’iniluence sans encourir le reproche de rétroactivité.
Mais les lois (pii déterminent la recevabilité des actions,
saisissent à l’instant même de leur-' promulgation ceux qui
pouvaient avoir droit de les exercer.
M. M erlin, dans scs additions au Nouveau Répertoire>
/. xvi 3 v° E ffet rétroactifsection 3 , agite celte question : Si
�( *4)
toute loi nouvelle, qui ne rétroagit pas expressément, est, par
cela seul, inapplicable à tout ce qui s’est passé avant le mo
ment de sa promulgation et à tout ce qui existe en ce moment.
Le principe de la non-rétroactivité repose sur la garantie due
aux membres de la société contre les caprices du législateur,
pour l’empêcher, soit de violer leur sûreté individuelle, en les
faisant punir aujourd’hui à raison dit fait d’hier, qui n’était pas
défendu, soit d’attenter à leur propriété en les dépouillant de
biens 011 de droits qu’ils avaient acquis sous le nom de lois pré
cédentes; 011 chercherait vainement ailleurs le motif de ce
grand principe. Il faut donc, pour qu’il y ait rétroactivité dans
le sens du Code civil, le concours de deux conditions: la pre
mière, que la loi revienne sur le passé et le change; la seconde,
qu’elle y revienne et le change au préjudice des personnes qui
sont l’objet de scs dispositions.
Telles sont les limites du principe de non-rétroactivité, et ou
voit de suite qu’ils ne s’appliquent pas à l’action des héritiers
$ Hélène.
D’une part, celle-ci ne trouvait pas, dans les anciennes lois,
de texte qui lui garantît le droit de rechercher le mystère de la
paternité*, en sorte qu’un tribunal qui eût rejet té son action,
n’eût pas encouru la cassation. Elle n’avait donc aucun droit
absolu, c’e st-à -d ire , garanti par la loi. La décrétale d’A
lexandre III, quand même elle serait une loi de notre patrie, ne
statue pas sur la légitimation par mariage subséquent. Elle
suppose la reconnaissance de la paternité. Il s’en faut qu’elle, ni
aucune loi d’origine ecclésiastique, autorise cette recherche.
L ’admission de ces actions tenait au pouvoir arbitraire, que
s’attribuaient alors les tribunaux, en l’abscncc de lois écrites;
et l’erreur qui avait entraîné les tribunaux ne pouvait pas se
�( i 5)
justifier. Car, si d'un côte, une femme délaissée et un enfant
abandonné inspirent de l’intérêt, de l’autre c’était une entre
prise téméraire cpie de vouloir percer le mystère de la pater
nité, et d’attribuer, par jugement, à un homme, un enfant qu’il
savait n’être pas le sien. L ’erreur, en pareil cas, était déplo
rable et de nature à soulever les honnêtes gens.
Ainsi, en premier lieu, Hélène n’avait pas de droit pour re
chercher la preuve d’un fait de paternité improuvable et qu’au
cune loi ne l’autorisait à attribuer au sieur Carraud.
D’autre part, elle n’avait pas de droit acquis en vertu des
concessions imprudentes de l’ancienne jurisprudence, lorsque
les lois de l’an 2 et de i 8o3 sont venues fixer un principe si
important dans l’ordre social 5 puisque long-temps après sa ma
jorité elle n’a pas réclamé, et pendant qu’elle pouvait agir;
puisqu’au décès de son père putatif, en 17 8 1 et depuis, elle a
gardé le silence, quoiqu’elle eut droit à la succession, si elle est
ce quelle prétend.
*
Son silence est d’autant plus inexplicable, que la reconnais
sance de maternité faite à son profit, le i 5 fructidor an 2 ,
sous l’empire de la loi du 12 brumaire precedent, la conviait a
rechercher la paternité, au moins dans les limites établies par
cette loi.
Au décès de sa mère naturelle, en 1800, elle a élevé des
prétentions; elle a su qu’une loi était proposée pour régler
l’état des enl'ans naturels; elle a laissé promulguer cette loi
(celle du i/f. iloréal an 1 1 ) sans régulariser son action; elle a
laissé également promulguer le Code civil, dont la prohibition
absolue devait détruire toutes ses espérances; et l’on prétend
encore quelle pouvait dormir en sécurité sur la foi de ses droits
�( IÔ)
acquisj quand aucun droit ne lui était reconnu dans le sens
qu’on prétend aujourd’hui l’exercer!
La loi 7, au Code de Legibus, dit que les constitutions don
nent la forme et l’existence aux affaires futures, mais non aux
faits consommés*, non ad facta p ne teri la revocariy à moins que
le législateur n’y statue spécialement, nisi nominatim et de
prœterito tempore et adliuc pendentibus negotiis cautuni sit.
Il
est évident qu’il n’y avait rien d’accompli ni de consommé
dans l’état d’Hélène, avant la promulgation du Code civil; qu’au
contraire cet état était incertain; que, par conséquent, c’était
une affaire pendante, adhuc pendentibus negotiis.
Maintenant, il sera facile de démontrer que, non-seulement
cette affaire a été soumise à l’empire du Code civil, j>ar cela
seul qu’elle était pendante, mais encore que, par deux lois spé
ciales, elle a été expressément soumise à l’empire des lois suc
cessivement promulguées sur l’état des enfans naturels.
Le décret du 1 2 brumaire an 2 .^ 2 novembre 179 3), par son
article I er, admet les enfans nés hors mariage, et alors eæistans
aux successions de leur père et mere, ouvertes depuis le i/j
juillet 1789. Comme il leur conférait un droit d’hérédité supé
rieur à la quotité admise par les lois antérieures, il y avait ré
troactivité, puisque le sort de ces successions était définitivement
fixé par le décès de leurs auteurs. Aussi la partie rétroactive
de celte loi fut-elle bientôt rapportée (loi du i 5 thermidor an 4,
1 août 1796) mais le principe relatif à la question d’état reste
intact, et la preuve que le droit à établir une filiation laissée in
certaine par l’acte de naissance, n’était pas régi par les lois
existantes à cette époque, quoiqu’il prenne sa source dans la
naissance, c’est que l’article 8 dit : » Pour être admis à l’exercice
« des droits ci-dessus dans la succession de leur père décédé,
�if y V
(*7)
« les enfans, nés liors du mariage, sont tenus de prouver leur
« possession d’état. Cette preuve ne pourra résulter que de
<f la représentation d’écrits publics et privés du père, ou de la
« suite des soins donnés à titre de paternité et sans interruption,
« tant à leur entretien qu’à leur éducation: la même disposition
« aura lieu pour la succession de la mère. »
C’est ce mode restrictif de preuve que l’on appèle la prohibi
tion de la recherche de la paternité, autre que celle avouée par
des actes directs ou indirects. Voyez l’arrêt de la Cour de cas
sation, du 3 ventôse an 10 , sur le rapport de M. Rupérou, pré
sident M. Malleville. (Sirey, 3 -- i ~ i 85, et le Recueil pério
dique de M . D alloz, vol. 1791^ l ’an in , première partie, p. 60G.
Cet arrêt décide positivement et après une discussion solen
nelle, que la loi du 12 brumaire n’a pas seulement réglé les
droits héréditaires des enfans naturels, mais aussi leur état.
C’est de cet article qu’on est parti, quand on a rédigé le Code
civil*, on voit par le projet, que la recherche de la paternité,
autre que la paternité avouée, avait été proposée pour être in
terdite. Le Code civil n’admet pas, comme la loi de l’an 2 , la
preuve de filiation résultant des soins donnés et des écrits pri
vés-, mais à part la forme de la preuve, à l’une comme h l’autre
époque, le législateur s’est cru autorisé à régler la filiation des
enfans alors vivans, qui n’avaient pas obtenu la reconnaissance
de la paternité et de la maternité. Et la preuve, sans réplique,
que telle fut la volonté du législateur, se trouve dans le décret
d’ordre du jour du 4 pluviôse an 2 (23 janvier 17 9 4 ), ainsi
conçu :
« La convention nationale après avoir entendu le rapport de
« son comité de législation sur la pétition de la citoyenne Ber« trand, tendant à ce qu’il soit rendu un décret qui autorise les
3
»
�( 18)
«
«
«
«
«
tribunaux à juger définitivement les procès en déclaration de
paternité, dans lesquels la preuve testimoniale a été ordonnée et faite antérieurement aux lois nouvelles sur les enfants nés hors mariage, passe à l’ordre du jour motivé sur ce
que les lois n’ont pas d’eiFet rétroactif. »
En exerçant l’action en déclaration de paternité et en se
faisant admettre h la preuve, dans les formes admises antérieu
rement à la loi du i :ï brumaire, la pétitionnaire avait réelle
ment un droit acquis, dont elle ne pouvait plus être dépouillée,
qu'autant que la loi nouvelle aurait formellement aimullé ces
procédures et les aurait mises au néant; iiisi nomhialim et adluic
pendentibus negotiis. C’est en effet ce qu’on aurait pu soutenir,
en vertu de l’article 17 de la loi de brumaire; mais cet article
s’appliquait, non à la question d’état, mais au mode de partage
des successions.
Du reste, il résulte Irès-évidcmment de ce décret, d’ordre du
jour, que la loi du ta brumaire a saisi tous les enfans naturels,
qui n’avaient pas formé encore de demandes en déclaration de
paternité, dans l’état oii ils se trouvaient, et les a soumis à
son empire. L ’article <8 ne laisse aucun doute sur sa généralité,
et son applicabilité a l’espèce, puisqu’il s’occupe expressément
de la recherche de la paternité à l’égard des individus alors dé
cédés, et la succession de Jean-Pierre Carraud se trouvait dans
ce cas, puisqu'il est décédé eu 17 8 1.
Or, à cette époque, Hélène n’avait introduit aucune action en
justice, ni contre son père supposé, ni même contre sa mère;
celle-ci ne l’a reconnue qu’en fructidor de la même année.
Cette reconnaissance est, sans doute valide à l’égard de la
mere, quoiqu'elle n’ait pas été passée chez l’ofiieier de l’etat
civil, puisqu’elle a été passée en forme authentique, et que
�( I9 )
l’arrêté du Directoire, du 12 ventôse an 5, n’a proposé l’annullation que des reconnaissances sous signature privée. Le
rejet de cet arrêté, prononcé par le conseil des anciens, le 12
thermidor an 6 (3o juillet 1798), laisse même à penser qu’une
reconnaissance privée, conforme à l’article 8 de la loi du 12
brumaire, a sufli jusqu’au Code civil de i 8o3. Au reste, la re
connaissance de la mère n’a pas été attaquée comme émanant
d’une personne qui avait perdu l’exercice de sa volonté (elle
avait 80 ans), et qui avait cédé à la crainte d’un procès scan
daleux; mais elle n’a aucun effet relativement à la succession
du père, à cause du mystère de la paternité.
La loi du 13 brumaire rejette la preuve de fréquentation de
la mère, et 11’admct comme preuve de paternité qu’un aveu
formel, ou une suite de soins non interrompus, donnés à titre
de paternité, tant à l’entretien qu’à l’éducation de l’enfant na
turel.
Si nous avions à examiner le jugement du 3o juillet 1828,
dans ses rapports avec la loi du 12 brumaire, nous dirions que
le tribunal a erré en autorisant Hélène ou ses héritiers à
prouver le commerce charnel du sieur Carraud avec Margue
rite Mercier, à l’époque de la conception de l’enfant, puisque
ce genre de recherche, si arbitraire et si scandaleux, est for
mellement interdit par la loi du 12 brumaire, ainsi que l’a jugé
l’arret déjà cité de la Cour de cassation, du 3 ventôse an 10.
Sous ce premier rapport, il devrait être nécessairement réformé.
Ce même jugement admet, comme deuxième chef à prouver
la commune renommée, sur les rapports de paternité qui pa
raissaient exister entre Hélène et Carraud, ce qui est encore
une extension donnée a la rl. 8 de la loi de brumaire.
En troisième lieu, le tribunal admet à la preuve d’aveux ver
�H
c
(2°)
baux émanés du père, tandis que la loi de brumaire exige des
aveux écrits, publics ou privés.
En cpiatrième lieu, quant à la preuve des soins ou des frais
d’entretien et d’éducation, le tribunal ne s’explique pas sur la
circonstance de la non-interruption, ce qui était un point capital
sous l’empire de la loi de brumaire.
Si ce genre de preuve était admis par la Cour royale de
Kiom, les consul “ans seraient donc autorisés à se pourvoir en
violation de l’art. 8 de la loi du 12 brumaire an 2, qui, comme
l’a observé M. Bigot-Préameneu, dans son Discours législatif,
(page 2 1 3), a réglé tout le passé.
Quant à l’avenir, a-t-ilajouté, « l’état et les droits des enfans
« naturels, dont le père et la mère étaient encore cxistans lors
« de la promulgation du Code civil, il fut statué qu’ils seraient
« en tous points réglés par les dispositions de ce Code, et que
« néanmoins, en cas de mort de la mère avant la promulgation,
« la reconnaissance du pere, laite devant un officier public,
(t suffirait pour constater l’état de ces erifans. »
Telle est en effet la disposition de l’art. 1 1 de la loi ; il
est clair que ce décret statuait aussi bien sur l’état que sur
les droits successifs des enfans nés hors mariage, et les pre
nait dans l’état ou il les trouvait.
Il
est aussi singulièrement à remarquer, (pic le décret de
brumaire, en autorisant la preuve de la filiation par des écrits,
même privés, émanés du père, ou par les soins non interrompus
donnés à 1’enfant, lui refusait expressément tout droit dans la
succession des pareils collatéraux; en sorte qu’011 n’aurait pu
s’autoriser des anciens principes sur la légitimation tacite par
mariage subséqnent, pour prétendre à ces successions dès qu’il
existe une disposition prohibitive dans la loi.
�L ’article q est ainsi conçu :
u Les enfans nés hors du mariage, dont la filiation sera
« prouvée de la manière qui vient d’être déterminée par l’ar« ticle 8, ne pourront prétendre aucun droit dans les succes« sions de leurs parens collatéraux, ouvertes depuis le i!\ juillet
« 1789 ’, mais, à compter de ce jour, il y aura successibilité ré« ciproque entre eux et leurs parens collatéraux, à défaut d'hét< ritiers directs. »
A insi, malgré la faveur avec laquelle le législateur de cette
époque traitait les enfans naturels, il ne voulait pas que, par
un genre de preuve si incertain de paternité, ces enfans eussent
les m êm es droits que ceux nés dans le mariage; surtout il n’a
pas voulu qu’ils vinssent dans les successions collatérales ou
vertes avant la promulgation de sc.r décret du 12 brumaire,
et c’est ce que décide virtuellement la loi du i 5 thermidor an 4
(2 août 1796), dont l’article 4 est ainsi conçu: « Le droit de
« successibilité réciproque entre les enfans liés hors le mariage
« et leurs parens collatéraux, et celui donné à ces enfans et
« leurs descendans, de représenter leur père et mère, n’auront
« d’effet que par le décès de ces derniers, postérieurement à la
« publication de la loi du 4 jnin 179^?
seulement sur les suc« cessions ouvertes depuis la publication de celle du 12 bru
maire. »
Or, la succession Carraud d’Urbise, frère du père putatif
d’IIélène, s’est ouverte depuis 1783.
Quant à la question de rétroactivité, le législateur a si bien
cru que l’état des enfans existans, dont le sort n’était pas fixé,
serait réglé par les lois à venir, que par l’art. 10 de celle du
12 brumaire, il a voulu, non - seulement que la quotité de
leurs droits successifs, mais que leur état fut réglé par un Gode
it
�civil qui n’était pas fait, et qui n’a été promulgué que dix ans
après; de telle sorte que les droits de ces enfans ont été sus
pendus pendant cet intervalle; et c’est en vertu de cette dis
position, déjà exhorbitante, que la Cour de cassation, par ses
arrêts des 21 juin 1 8 1 5 (affaire Lanclière) et 12 avril 1820
(affaire Salomon), a annullé des reconnaissances de paternité,
dans des cas non prohibés par les lois de la naissance des enfans et qui l’étaient devenus par les nouvelles. ( Voy. le Recueil
périodique de M . Dalloz} vol. 1820, i re partie, pag. 4o6.)
Venons à la loi du 14 floréal an 1 1 (4 mai i 8o3), contempo
raine du Code civil. On y lit, article i cr, que l’état et les droits
des enfans nés hors mariage, dont les père et mère sont morts
depuis la promulgation de la loi du 12 brumaire an 2 jusqu’à
la promulgation du Code civil, sont réglés par ce Code.
Dans le système contraire à celui que nous soutenons, il y
aurait donc encore ici rétroactivité, non-seulement en matière
de succession, mais en matière lYétat, puisque les droits des en
fans nés hors mariage, avant la promulgation du Code civil,
sont, par un acte de puissance absolue, places sous la règle
établie parce Code, tandis qu’ils devraient l’être par les lois in
termédiaires.
Le reproche, en effet, serait fondé, surtout sous le rapport
successif, si la loi de brumaire an 2, n’avait pas elle-même averti
tous les Français que leur succesion serait régie par la loi alors
en projet.
Quant à Yctal de ces enfans, nul reproche de rétroactivité ne
peut être imputé au législateur, puisque cet état n’étant pas en
core détermine par jugement ou transaction, il n’y avait pas
droit acquis.
�( a3)
Voyons maintenant l’objection soulevée par M. Merlin, loco
cilatOj sect. 3, art. 7, n° 3, oii il examine spécialement ce qu’il
faut penser de la rétroactivité des lois, dans le cas de paternité
ou filiation naturelle.
« Les qualités de père et d’enfant naturel (dit ce jurisconsulte,
page 235), lorsqu’elles sont établies par des preuves que la loi
reconnaît, produisent en faveur de l’enfant, une action pour se
faire donner des alimens par son père; et comme cette action a
son fondement dans le droit naturel, il est évident que, dès
qu’une fois elle est acquise, une loi postérieure peut bien en
étendre ou en resserrer les effets, soit quant à leur quantum, soit
quant à leur durée, mais non pas la détruire complètement.
Ce que la loi ne peut faire directement à cet égard, peut-elle le
faire, et est-elle jamais censée le faire indirectement? En d’au
tres termes, lorsqu’à une loi qui admettait l’enfant naturel à
prouver sa filiation, soit par témoins, soit par des présomptions
plus ou moins graves, succède une loi qui exige des preuves
d’un autre genre, celle-ci est-elle applicable aux enfans naturels
qui sont nés avant celle-là?
« D’après ce que nous venons de dire sur le mode de preuve
du mariage ou de la filiation légitime, la négative ne paraît pas
douteuse. »
Ici M. Merlin élève une doctrine en opposition manifeste avec
l’art. 8 de la loi du 12 brumaire an 2,/ et avec l’art. i crde
celle
♦
du i4 fi°i'éal an 1 1 ; car ces lois n’ont fait autre chose que
statuer sur le mode de preuve de filiation des enfans nés hors
mariage, existans lors de leur promulgation.
Le décret d’ordre du jour de l’an 2 prouve clairement que
ne sont exceptés des dispositions de la loi, que ceux qui avaient
�ic o
(4)
antérieurement formé leur action selon les lois et la jurispru
dence existantes.
Que prétend donc M. Merlin, quand il veut que l’enfant
soit admis, apparemment d’après la loi existante, au moment de
sa naissance, à prouver sa filiation ?
Si les hommes étaient ainsi régis par les lois qui gouvernent
le pays, au moment où ils ouvrent leur carrière, sans que les lois
postérieures puissent régler un état non encore assis, le législa
teur serait impuissant pour déterminer l’ordre de la société et
réprimer les abus.
Que la prestation des alimens soit de droit naturel, lorsque
l’état est constaté, rien de plus juste; mais qu’il soit de droit
naturel de prouver le mystère de la paternité par la seule fré
quentation de la mère, ou par des actes que la charité seule a
pu motiver, voilà ce qu’on ne prouvera jamais. C’est parce que
la paternité est un mystère, que la loi a sagement voulu qu’elle
ne pût résulter que d’un aveu authentique du père, et qu’elle
a proscrit l’arbitraire des présomptions.
M. Merlin argumente des principes qui régissent les enfans nés dans le mariage; mais le fait du mariage est un fait
public, d’oii résulte la présomption de paternité. Cette pré
somption, le mari a voulu la subir et elle n’a rien de déraison
nable; il n’y a pas d’incertitude sur le père, quand la femme
n’est pas accusée d’avoir fréquenté un autre que son mari.
La filiation des enfans nés dans le mariage repose donc pré
cisément sur le principe opposé au concubinage; la femme,
dans ce cas, étant libre, il n’y a pas de raison d’attribuer la pa
ternité à l’un plutôt qu’à L’autre.
31. Merlin a été si embarassé qu’il a commencé par dire: Ces
qualités de père et d’enfant naturel, lorsqu'elles sont établies par
�1
( , 5)
des preuves (pie la loi reconnaît, etc. Oui, sans doute, quand elles
sont établies, le législateur ne peut plus, par des lois posté
rieures, remettre l’état en question-, il ne peut que régler la
qualité du droit héréditaire dans les successions non ouvertes.
Mais lorsque ces qualités ne sont pas établies au profit de
l’enfant naturel, dans les formes voulues par les lois, lorsque
par conséquent, il n’existe pas de droits acquis, la loi nouvelle
saisit l’individu qui n’a pas fait constater sa qualité, dans l’état
ou il se trouve; et telle est l’opinion du célèbre publiciste et ju
risconsulte d’Amsterdam, Meyer, auteur du savant et profond
ouvrage sur les Institutions judiciaires des principaux pays de
l’Europe, dans ses Questions transitoires. (Pag. •206 et 207.)
Ses raisons sont, que l’action en déclaration de paternité n’é
tait pas, pour les enl’ans naturels, la suite nécessaire d’un événe
ment antérieur à la loi (pii la prohibe, lorsqu’elle n’est pas fondée
sur la reconnaissance formelle et par écrit du père; qu’elle pou
vait être intentée ou abandonnée au gré des intéressés; qu’elle
dépendait d’un jugement incertain en soi, sans lequel la de
mande aurait été comme non avenue; qu’elle ne peut donc être
considérée comme un droit acquis irrévocablement, à moins (pie
celte action ne soit déjà intentée} que l’intention formelle et po
sitive du demandeur se soit ainsi manifestée, et qu’elle 11e soit
devenue sa propriété irrévocable.
Nous ne connaissons pas l’opinion de Meyer autrement (pie
par ce quen rapporte 31. Merlin. Celui-ci prétend que, dans la
page 94, Meyer ne conteste pas le principe que, sur l’admissi
bilité de tel ou tel mode de preuve d’un fait, il n’y ait pas à
consulter d’autres lois que celles du temps oii le fait s’est passé.
S ’il ne le conteste pas formellement, nous 11e voyons pas qu’il
l’admette; il faudrait avoir le texte sous les yeux pour s’assurer
4
�(a6)
que la contradiction reprochée par M. Merlin à Meyer, existe
réellement.
Quoi qu’il en soit, voyons les raisonnemens que M. Merlin
oppose au passage très-formel de M. Meyer sur la non-rétroac
tivité des lois, au fait dont il s’agit.
« Quel est l’objet direct de l’action en déclaration de pater« nité?C’est principalement, c’est même uniquement, dansbeau« coup de pays, de faire déclarer le père assujetti à l’obligation
« de fournir des alimens à l’enfant qui lui devait le jour.
« Cette obligation, et par conséquent l’action tendante à en
« faire déclarer l’existence, sont-elles la suite nécessaire de la
« conception de l’enfant? Comment ne le seraient-elles pas?
« Nourrir l’enfant à qui on a donné l’être, jusqu’à ce qu’il puisse
« se procurer à lui-même sa subsistance, c’est la première dette
« de la nature; et elle lient tellement à l’essence de la pater« nité, que les animaux e u x - mêmes mettent à s’en acquitter
<( une sollicitude qui leur fait oublier leur propre conservation
« et braver tous les périls. »
Nous répondons : Sans contredit, c’est le premier devoir d un
homme, quand il a donné le jour à un enfant, de reconnaître
sa paternité, et de subir les obligations qu’elle lui impose; mais
si sa conviction intime repousse cette paternité; si, sachant qu’il
n’a existé aucun lien charnel entre lui et la mère, il refuse de
reconnaître celle paternité, et de prendre aux yeux de la société
une responsabilité morale, qui ne sera pas sans influence sur
son avenir, sur le bonheur et les droits d’une épouse délicate et
d enlans parfaitement légitimes, dira-t-on qu’ici le droit naturel
soit pour quelque chose? Et si une loi intervient, qui, pour laire
cesser 1 abus de la recherche de paternités aussi aventureuses,
prohibe la preuve de la seule fréquentation ou la preuve par
�6« !
( 27 )
témoins, quel droit naturel aura été violé? Le législateur aurat-il fait autre chose qu’user d’un droit légitime?
De quoi auront à se plaindre, la mère naturelle qui, pendant
la minorité de son enfant, ou l’enfant lui-même qui, depuis sa
majorité, n’auront pas invoqué la licence du genre de preuve
autorisé par une jurisprudence mensongère, abusive et scan
daleuse, si on les repousse en leur disant: La recherche de pa
ternité, entre personnes libres, est interdite, hors les cas parti
culiers spécifiés dans la loi-, ces cas sont précisément ceux oii il
y a un fait public, comme le rapt équivalent à un mariage
légal.
« Qu’importe, dit 31. Merlin, que cette action puisse être
« intentée ou abandonnée, au gré des intéressés ? De ce que je
« puis renoncer à une action, s’ensuit-il que ce n’est qu’en Fin
it tentant que j ’acquiers le droit de la poursuivre ? »
Oui, sans doute, quand la filiation est un fait plus qu incer
tain-, si on ne le prouve pas selon la forme admise par les lois,
on perd le droit qu’elle donnerait si elle était prouvée.
Deux arrêts de la Cour de cassation, des G juin 1820 et
12 juin 18 25, ont proclamé en principe: « Les lois qui règlent
« l’état des personnes, a dit le premier, saisissent l’individu
« au moment même de leur émission, et le rendent, dès ce mo« ment, capable ou incapable, selon leur détermination. Les
« lois qui régissent la capacité civile des personnes, a répété le
« second, saisissent l’individu et ont effet du jour de leur pro« mulgation. » En cela, elles n’ont aucun effet rétroactif, parce
(pie l’état civil des personnes étant subordonné à l’intérêt
public, il est au pouvoir du législateur de le changer ou de
le modifier, scion les besoins de la société.
M. Merlin pense que ces principes pèchent par trop de géne-
o
�te a
(>8)
ralité. Sans doute, si on les appliquait à des droits acquis par
transaction, jugement ou par action légalement intentée, avant
la loi nouvelle, à cause de la maxime : Qui liabet actionem ad
rem recuperandam, ipsam rem habere videtur.
Mais ces principes s’appliquent évidemment à un état de
meuré incertain.
M. Merlin lui même le concède :
Lorsqu'il s’agit d ’une action que la loi m’accorde par pure
faveur, et a titre de simple faculté.
Telle est bien la recherche de la paternité, hors mariage,
puisqu’il n’y a rien de plus incertain sans l’aveu volontaire du
père; et la preuve que c’était une faveur exhorbitante, ou plutôt
un abus de l’ancienne jurisprudence, c’est qu’aucune loi n’avait
consacré le principe de cette action, et que la Convention, au
moment mémo oh elle appelait les enfans naturels aux mêmes
droits que les enfans legitimes, a réglé le mode de preuve tant
pour le passé, que pour l’avenir, en prohibant la recherche de
la paternité, ailleurs que. dans les actes écrits du père, ou dans
•les faits personnels de lui à l’enfant, en rejetant les preuves
de fréquentation de la mère, etc., etc.
Au surplus, dit M. Merlin, notre question n’en est pas une
pour la France. Le législateur l’a tranchée lui-même de la ma
nière que je l’ai expliqué dans des conclusions du 9 novembre
1809, rapportées au § -x de l’art. Légitimité de 111011 Recueil des
Questions de Droit.
En se reportant surtout à l’arrêt intervenu, au rapport de
M. Cochard, le 9 novembre 1809, on voit que la Cour de cassa
tion n’a approuvé ni désapprouvé la doctrine que Fauteur des
Questions avait professée dans ce long réquisitoire.
�6 o^
( 29 )
Ce savant magistrat a prétendu alors, qu’il fallait distinguer
dans l’état des enfans nés liors mariage, ceux dont les pères
étaient décédés sous l’empire de la loi du 12 brumaire, ceux
dont les pères étaient décédés dans l’intervalle du décret du 4
juin 1793 au 12 brumaire, et ceux qui étaient décédés avant
1793. À l’égard des premiers, il dit qu’on était en droit d’exiger
d’eux une preuve authentique de l’aveu de paternité, bien que
l’art. 8 de la loi du 12 brumaire se contente d’une reconnais
sance privée. Comme on le voit, c’est la reproduction du sys
tème exposé par le ministre de la justice, dans son Rapport au
Directoire, lé 1 3 ventôse an 5, système rejeté par le conseil des
anciens, le 12 thermidor an 6. Ce rejet n’a pas convaincu
31. Merlin de son erreur, il n’en persiste pas moins à soutenir
(pie lui seul a bien interprété la loi.
L ’art. 8 du décret du 12 brumaire an 2, statue sur la preuve
de filiation des enfans dont les pères étaient décédés, sans dis
tinction entre ceux qui étaient décédés avant ou depuis le
decret du 4 J l,iu 1 7d3- Cela n’empêche pas 31. Merlin de sou
tenir sa distinction, et de prétendre que la preuve de la filia
tion, pour les premiers, pouvait encore se faire par la fré
quentation de la mère, en 1111 mot, par la voie scandaleuse
de la recherche indéfinie, tandis que la loi dit expressément
le contraire.
On sait que 31. 3Ierlin avait un rare talent pour soutenir
des griefs de ce genre, à l’aide d’une argumentation très-subtile*,
en discutant ainsi, il se fondait sur ce qu’autrement, la loi du
t 2 brumaire aurait eu 1111 effet rétroactif trop étendu. 3Iais,
soit qu’il s’agisse de pères décédés sous l’empire du décret du
4 juin 179^5 soit qu il s agisse d individus décédés auparavant,
l’effet rétroactif serait le même, si réellement la loi était ré-
%
�(3o)
Iroactive, quand elle règle l’état encore incertain d’individus
nés hors mariage.
L ’article 8, de la loi de brumaire an a, a fait cesser un abus
de jurisprudence qui n’aurait pas dû exister, et qui n’existait
pas partout. C’est donc une loi déclaratoire, plutôt qu’innovatoire. Elle disposait sur une matière non réglée, et il est de
principe que les lois qui statuent ainsi, ne sont jamais censées
rétroagir, puisqu’elles n’enlèvent pas de droits acquis. Les droits
acquis 11e sont que ceux qui sont garantis par des lois expresses.
On peut, il est vrai, appuyer l’opinion de M. Merlin d’un arrêt
rendu le 14 thermidor an 8; mais des arrêts aussi anciens ont
peu d’autorité aujourd’hui, surtout lorsqu’ils se trouvent contre
dits par des arrêts postérieurs, tels que ceux des 3 ventôse an
10, 26 mars 180G, 6 juin 18 10 , 12 juin i 8 i 5.
La manière tranchante dont est terminé le § 3 de l’art. 8,
sect. 3, de la Dissertation de M. Merlin, qui va jusqu’à dire
que la question agitée ne fait plus de doute, parce cjue le légis^lateur l’avait tranchée de la manière qu’il avait dite, ne doit
donc pas en imposer à ceux qui veulent se reporter aux preuves.
Au reste, les tribunaux se sont plus d’une fois écartés de
l’opinion de M. Merlin; l’ascendant qu’il exerçait par sa logique
et sa science a cessé depuis long-temps, et l’on n’examine plus
aujourd’hui que ses preuves.
Il
a soutenu, dans une Note additionnelle à ses Questions de
Droit, v° Testament, § G, pag. 2G9, que depuis le Code civil, il
n’y avait pas de doute sur ce que le testament mystique, nul
pour défaut de formes, ne pouvait valoir comme testament ologiaphe; mais malgré cette assertion, la chambre des requêtes
de la Cour de cassation, par arrêt du u3 décembre, rapporté
�6II
(30
dans la Gazette des Tribunaux, a rejette le pourvoi des héri
tiers Gauthey, sans délibérer.
On pourrait citer beaucoup d’autres exemples, non pour éta
blir que l’opinion de ce grand jurisconsulte est de peu de poids,
mais pour prouver que, comme un autre, il paye tribut à l’er
reur, et que ses opinions doivent être appréciées d’après la na
ture des argumens et non d’après l’autorité de son nom.
Au reste, même dans l’opinion de M. Merlin, la latitude de
preuve admise par l’ancien droit, pour la filiation des enfans
nés hors mariage, tenait à ce qu’il ne pouvait leur être accordé
que des alimens; du moment qu’on veut établir cette filiation
pour obtenir des droits d’hérédité et même de légitimité, nonseulement dans la succession du père supposé, mais encore dans
celle des parens collatéraux, des actions de cette nature doivent
être assujetties à la rigueur des formes introduites par les lois
postérieures.
Or,rllélène est décédée; elle n’a donc plus besoin d’aliinens*,
ce qu’on réclame aujourd’hui, de son chef, est la succession de
Jean-Louis Carraud d’Urbise, frère de celui dont la paternité
est recherchée. L ’action dont il s’agit est repoussée, quant au
fonds, par le texte formel de l’art, g de la loi du 12 brumaire
an 2 et par l’art. 4 de la loi spéciale du i 5 thermidor an 4*Quant
a la forme, cette action a été successivement régie par l’art. 8
de la loi de brumaire an 2, par l’art. 1 " de celle du 14 floréal
an 1 1 , et par la prohibition absolue du Code civil.
Les héritiers d’Hélène, fussent-ils recevables dans leur ac
tion et fondés dans leur revendication, d’après la jurisprudence
antérieure aux lois de 17 9 3, resterait a examiner si réellement
Hélène, après avoir prouvé quelle était enfant naturel du sieur
�Uo
( 3. )
Jean - Pierre Carraud, se serait trouvée légitimée, de plein
droit, par le mariage subséquent de ses père et mère.
On invoque encore sur ce point les anciens principes et la
dccrétalc d’Alexandre III. Il est bien vrai que, d’après une opi
nion généralement adoptée, le mariage subséquent des père et
mère d’un enfant naturel, avait pour effet de le légitimer; mais
il fallait certaines formalités, telles que de passer sous le poêle 3
s’il n’y avait eu une reconnaissance antérieure. Voilà ce qui
fut exposé au Conseil d’Etat, dans la séance du i 5 novembre
18 0 1, et ce qui lit rejeter la proposition d’admettre la légiti
mation tacite, ou par reconnaissance postérieure au mariage.
La décrétale d’Alexandre III, qui d’ailleurs est une loi étran
gère, ainsi que Potliier le reconnaît, 11c dit pas que le mariage
aura pour effet de légitimer des enfans naturels, non reconnus
comme tels : c’eut été singulièrement encourager le concubinage,
et accorder une prime à une chose qui était déjà de pure fa
veur, puisque la légitimation par le mariage subséquent, intro
duite dans la législation par Constantin, restreinte par Zénon,
rétablie par la Novelle X IX de Justinien, a toujours été con
sidérée comme faveur.
Potliier dit, il est vrai, que la légitimation s’opère par la
seule lin du mariage, sans que le consentement des père et
mère soit exprimé; mais il ajoute en parlant de l’inutilité de la
cérémonie du poêle: « Quelle n’est pas nécessaire, lorsque
<r les époux les ont reconnus pour leurs enfans, de quelqu’autre
» manière que soit, soit avant, soit depuis leur mariage; en un
« mot, lorsque ces enfans peuvent, de quelque manière que ce
a soit, justifier leur état. »
Potliier ne dit pas «pie, pour jouir de la faveur de la légi-
�(jl'S
(33)
timation, on peut faire un procès en reconnaissance de pater
nité, mais seulement qu’il fallait justifier d’une reconnaissance
de cet état.
Nous ne connaissons aucune décision judiciaire qui ait fa
vorisé les bâtards, au point d’ajouter au scandale de la recherche
d’une paternité toujours incertaine, celui de leur attribuer tous
les honneurs de la légitimité. C’eût été un moyen d’éluder les
lois du temps, qui, de l’aveu de M. Merlin, ne leur accordaient
d’action que pour leur assurer des alimens.
Ce serait créer un moyen d’éluder les prohibitions des lois
de l’an 2 et de l’an 4, dans ce qu’elles ont de salutaire, pour
empêcher les enfans naturels de revendiquer des droits de suc
cession dans les familles collatérales; ce serait renverser tous
les principes de moralité et d’ordre social.
Dès que l’action des héritiers d’Hélène a ce but, elle doit être
proscrite d’autant plus fortement.
Nous n’avons pas relevé, dans le cours de cette discussion, la
circonstance que l’action n’a été intentée que long-temps après
la mort du père, et que les consultans sont fondés à repousser
une calomnie; que le père supposé, loin de vouloir reconnaître
cet enfant, a fait des dispositions qui excluent toute idée de pa
ternité.
Nous n’avons pas, non plus, relevé la bizarrerie qu’il y a d’ad
mettre aujourd’hui, sur une déclaration faite par une femme
octogénaire, dans un temps oh la terreur devait paralyser toute
résistance de sa part, l’application de la maxime : Credilur
virgini.
* !À
�(34)
Mais nous disons avec une grande conviction, que le tri
bunal de Riom, par son jugement du 3o juillet 1828, a faus
sement appliqué la décrétale d’Alexandre III, et les anciens
principes sur la légitimation par mariage subséquent; qu’il a
violé l’art. 8 de la loi du 12 brumaire an 2, applicable aux re
cherches de paternité dirigées contre ceux qui étaient décédés
sous l’empire des lois antérieures, l’art. 9 de cette loi et l’art. 4
de celle de l’an 4 5 qui défendent l’admission de ces actions ten
dantes à attribuer des droits aux enfans naturels dans la suc
cession des parens collatéraux ;
Que, d’ailleurs, la question est régie par le Code civil; qu’ap
pliquer ce Code à une action née sous son empire, pour un état
non fixé auparavant, et ou il n’existait pas de droit acquis, sera
ne pas violer le principe de la non-rétroactivité des lois et faire
au contraire une juste application de ces lois, de l’art. 1 cr de
celle du 14 floréal an 1 1 , du décret d’ordre du jour du 4 plu
viôse an 2, de l’art. 8 de la loi du 12 brumaire an 2, et des
principes fixés par les arrêts de la Cour de cassation, de l’an
10 , de 1806, de 1 81 0 et 1 8 1 5, précités.
Délibéré à Paris, ce 28 décembre 1828, par les avocats au
Conseil du Roi, et a la Cour de cassation, soussignés:
IS A M B E R T , H E N N E Q U IN , D A L L O Z .
C L E R M O N T-F E R R A N D , DE I.’ IM P R IM E R IE . DE J . - J . V A I S S I E R E ,
rue des G ras, n* 15, maison boisson . 1820.
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Poya. 1829]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Isambert
Hennequin
Dalloz
Subject
The topic of the resource
abandon d'enfant
renonciation à succession
successions
estoc
successions collatérales
enfants naturels
testaments
reconnaissance de paternité
conflit de lois
recherche de paternité
loi du 10 novembre 1803 (travaux préparatoires de la)
rétroactivité de la loi
doctrine
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire à consulter et consultation pour les Sieurs Poya, Rome, dame veuve Abraham et consorts, héritiers ou légataires de l'estoc paternel de Jean-Louis Carraud d'Urbise, contre Les enfans d'Hélène Dubois, se disant fille de Jean-Pierre Carraud, frère du sieur d'Urbise.
Annotations manuscrites. « 19 février 1829, arrêt infirmatif en audience solennelle. Journal des audiences, 1829, p. 337 ? »
[suivi de] Consultation pour les héritiers ou légataires de la ligne paternelle de Jean-Louis Carraud d'Urbise.
Table Godemel : Enfant naturel : 5. l’enfant naturel, né en 1751, baptisé sans désignation de père ni de mère, mais produisant, plus tard, une reconnaissance émanée de sa mère, sans en rapporter une de son père putatif, peut-il prétendre qu’il a été légitimé de plein droit, par le mariage subséquent de ce dernier avec sa mère ?
pour réclamer les effets d’une pareille légitimation n’est-il pas nécessaire de prouver la filiation antérieure au mariage ?
les dispositions des lois romaines sur cette matière s’appliquant à des mœurs et à des usages qui rendaient d’ailleurs, inutile toute reconnaissance, peuvent-elles être invoquées ?
a défaut de la cérémonie du poêle, qui sous l’ancienne législation, tenait lieu, en France, de reconnaissance des enfants nés avant le mariage, et qui était tombée en désuétude, doit-on chercher des éléments de décision dans la jurisprudence antérieure aux lois intermédiaires et au code civil ?
l’ancienne jurisprudence ne présentant, en l’absence d’une loi positive sur la matière, que variation et contradiction, ne doit-elle pas être regardée comme inapplicable ?
ne doit-il pas en être de même de la loi du 12 brumaire an 2, et de celles qui l’ont suivie, quant à son exécution, soit en ce que cette loi de brumaire n’avait trait qu’aux enfants naturels existant alors et agissant en réclamation de paternité ou de maternité contre un individu pris isolément, soit en ce qu’elle n’admettait que le droit de prétendre aux successions ouvertes depuis 1789 ?
n’est-ce pas le cas, au milieu de cette incertitude, et s’agissant de déférer la paternité à un individu décédé en 1781, de recourir au principe consacré par l’article 331 du code civil, considéré, sur ce point, comme l’expression d’une raison générale ?
tout effet rétroactif ne doit-il pas cesser, dès le moment qu’il est reconnu que l’enfant naturel n’avait aucun droit acquis, au moment de la publication du code civil ?
si, dans tous les cas, l’ancienne jurisprudence pouvait être invoquée pour l’enfant naturel, soit à raison de sa naissance (1751), soit à raison du décès de son père putatif (1781), ne devait-il pas alors s’appuyer sur des commencements de preuve par écrit, sur des indices et présomptions graves établissant sa filiation, et rendant admissible la preuve des faits articulés ?
spécialement, pourrait-on admettre, sous l’empire du code civil, une recherche de paternité, à l’occasion d’une naissance arrivée en 1751, et de la part des héritiers de celle qui ayant intérêt à l’existence de cette paternité, ne rapporte aucune reconnaissance, aucun écrit de son père putatif, et qui n’a elle-même intenté son action en réclamation qu’en 1802, c’est-à-dire 51 ans après sa naissance et 21 ans après le décès du père putatif ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de J.-J. Vaissière (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1829
1751-1829
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
34 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2618
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Riom (63300)
Saint-Pierre-Roche (63386)
Ardeyrolles (village de)
Reyvialle (village de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
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abandon d'enfant
conflit de lois
doctrine
enfants naturels
estoc
loi du 10 novembre 1803 (travaux préparatoires de la)
Recherche de paternité
reconnaissance de paternité
renonciation à succession
rétroactivité de la loi
Successions
successions collatérales
testaments
-
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ebdc1e349080ed6853f23b928912a843
PDF Text
Text
r>•>'•<•• I
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IV
i'-i
:r
COUR
ME MOI RE
I MPÉRI ALE
DE R I O M .
;
POUR
M. J
e a n
- C harles NOYER
D U S A U V A G E ,J
C h a m b r e s r é u n ie !]
propriétaire, habitant de la ville du Monastier,
département de la H a u te - L o i r e , intimé;
CONTRE
A
nne
-F
rançoise
se disant N O Y E R
D U
9«—xi*^
S A U V A G E , mineure, M . e G A R R O N , avoué
en La C o u r , son curateur ad hoc , appelans d 'u n
jugem ent du tribunal civil du P u y , du 3 o août 1 8 1 0 ;
E t le sieur H o n oré D E B R U S , notaire impérial,
habitant du lieu d 'A lla ira t, commune de Sallette,
défendeur en assistance de cause.
Q U E S T I O N
DÉSAVEU
U
n
D’ E T A T ,
DE PA T E R N ITÉ .
époux infortuné, blessé dans ce qu’il a de plus
cher, se voit obligé de faire au public le récit de ses
malheurs.
*'*'*
~ ,
i
�Dans quelle position cruelle, dans quel embarras se
trouve le sieur Noyer du Sauvage? Comment pourrat-il s’exprimer avec décence sur un sujet aussi vil ?
Il voudrait conserver celte dignité qui convient à la
C o u r ; il craint tout à la fois de parler et de se taire;
mais le silence serail trop dangereux : il lui importe de
dévoiler un mystère d’iniquité, qui a mis le comble
à ses maux.
A bsent, proscrit, dépouillé de ses biens, au moment
où il retrouve une patrie, il apprend que son épouse
s’est livrée, pendant son absence, aux désordres les
p l u s criminels, à tout ce que la débauche et la crapule
peuvent présenter de plus lionleux el de plus avilissant.
Cette femme adultère, en proie aux passions les plus
effrénées, ignoble dans ses caprices, dépravée dans ses
goûls, a lié son sort à celui d’ un vil scélérat qui a
trouvé sur l’échafaud la peine de ses crimes.
Elle est devenue mère : quatre enfans sont nés pen
dant l’émigralion du mari, et ces naissances lui oui été
Caillées avec soin.
On lui avait annoncé que cette femme criminelle et
déliontée avait
fait prononcer son divorce ; celle
démarche tendait à diminuer ses peines : au moins
n ’avait-il plus rien de commun avec cet être dégradé
el corrompu.
Mais quel a été son désespoir, lorsque plus éclairé
sur ses malheurs, il a élé convaincu q u ’il n’existait
aucune trace de ce divorce sur les registres publics!
Bientôt il est instruit que quatre euians, nés d un coin-
�( 3 )
merce scandaleux, prétendaient s’élever jusqu’à lui
et se faire reconnaître comme nés de son mariage.
Saisi d’horreur et d ’effroi à cette nouvelle, il s’informe
avec soin, dans la ville qu ’il habite, aux environs, s’il
existe des traces de ces différentes naissances. A force
de recherches, il découvre que cette femme a accou
ché d’un premier enfant à Clermont, et de trois en
la ville de Tournai.
Il oblient les extraits de naissance , et s’empresse
d’user du moyen que lui donne la loi : il désavoue la
paternité.
Il réussit au tribunal du P u y ; le désaveu est accueilli ;
ces enfans de ténèbres, fruits de l’incontinence et du
crime, rentrent dans le néant : il leur est fait défense
de porter un nom auquel ils ne doivent pas prétendre.
Trois d’entr’eux ont eu assez de pudeur pour res
pecter cette décision. L e jugement est aujourd’hui inat
taquable. Une seule, Anne-Françoise, a eu l’audace
d ’interjeter appel en la Cou r, ou plutôt on l’a fait en
son n o m , sans respect pour la morale publique.
L a mère, au moins, n’a pas élevé la voix; accablée
de tous les maux qui sont la suite de la débauche , elle
a fait offrir, sur son lit de douleur, une déclaration qui
put venir au secours d’un époux offensé. L e sieur du
Sauvage a refusé lout ce qui pouvait le rapprocher
de cette senline dégoûtante; il est assez fort de ses
moyens. On n’a jamais prétendu qu5A nne-Francoise
lui appartînt, 011 ne se défend que par des fins de nonrçcevoir; 011 soutient que son désaveu n’a pas été fait
�dans le délai prescrit. On a offert de prouver qu’il con^
naissait l’existence de cet enfant; qu’il était instruit
qu’elle portait son nom depuis long-tems.
Ces assertions audacieuses ont donné lieu à un arrêt
interlocutoire; des enquêtes respectives ont élé faites;
on en examinera le mérite, lorsqu’on aura fait connaîire les faits et les circonstances particulières de la
cause.
F A I T S .
L e sieur N oy e r du Sauvage eut le malheur d’é
pouser la demoiselle Anne-Françoise de V é n y , le 9 jan
vier 1782. Les conventions matrimoniales sont fort
indifférentes dans la cause; cependant il n’est pas inu
tile d’observer que le mari reçut le pouvoir de vendre
et aliéner les biens de sa femme à la charge du rem
ploi en fonds cprtains.
La révolution arriva. L e sieur du Sauvage n’avait
rien à regretter dans son intérieur; il part en 1791.
L e 9 thermidor an 2 , son nom est insciil sur la
liste des émigrés; mais déjà sa femme n ’avait pas
l a i s s é ignorer l’absence de son mari; car on voit que
dès 1 7 9 2 , et ensuite, le 4 mai 1793, elle a présenté
une pétition au directoire du département de la HauleL o i r e , pour obtenir une pension, en sa qualité de
femme du sieur du Sauvage réputé émigré.
C ’est dans le moment le plus orageux, où le gou
vernement d’alors prenait les mesures les plus san
glantes contre ceux qui avaient quitté le sol français,
�( 5 )
que la dame du Sauvage vient elle-même publier
l ’émigralion de son mari!
'<
Elle avait cependant sous les yeux de grands exem
ples! hommage et respect à ces épouses vertueuses
dont le dévouement généreux, le courage éclatant a
sauvé lli o n n e u r , la fortune et la vie de leurs époux!
qui de nous n’a pas été témoin de ces actes d ’hé
roïsme, dans un sexe faible et tim ide, qui bravait
la misère, les supplices et la m o rt , par un attache
ment sans bornes à ses devoirs.
Mais pourquoi rappeler des souvenirs aiïligeans ,
qui feraient verser des larmes sur le sort de ces tendres
victimes! L e sieur du Sauvage n’a-t-il pas assez de
ses peines, et doit-il les aggraver par un contraste aussi
choquant?
Il lui reste encore trop de choses à exprimer; il doit
dir e, en reprenant sa narration, qu ’en l’ an 3, ses c o
héritiers se virent obligés de faire le partage de leurs
biens indivis avec la nation; et que la portion qui lui
revenait fut vendue nationalement.
Dans le mois de messidor de la même année 3 ,
la dame de V é n y , prenant la qualité de femme de
l émigré du Sauvage, attaqua en désistement des tiers
détenteurs qui avaient acquis de son mari des immeu
bles propres à la fe mme, en vertu du pouvoir qu ’elle
lui avait donné par son c o n t r a t de mariage.
Celle demande donna lieu à une discussion sérieuse
qui fut terminée par un jugement du liibunal civil
de Xliom, du 24 messidor an 4 ; on lit dans les faits
�*
•
( S )
insérés au ju g e m e n t , que Jean - Charles du Sau
vage était émigré , et que dès le 17 novembre 1 7 9 2 ,
la dame de V é n y avait présenté une pétition aux
autorités administratives de la Haute-Loire, et obtenu
une provision de 2,000 francs.
Il est souvent question dans ce jugement du sieur
du Sauvage, et toujours avec la qualification d'émi
gré ou réputé émigré.
On doit donc tenir pour constant que le sieur du
Sauvage était absent depuis 1791 : qu ’en 1 7 9 2 , il est
dénoncé comme émigré par sa femme elle-même,
d ’après son indiscrète pétition ; el que le sieur du Sau
vage était encore émigré en l’an 4 , le 24 messidor.
Cette observation ne laisse pas d’être importante
pour les faits qui vont suivre ; car c'est le 19 fructidor
qu’est née A n n e-F ra n ço ise ; et il est curieux de
connaître son acte de naissance 5 on, va le rapporter
fidèlement.
« Aujourd’h u i , 4-e jour complémentaire an 4 , a
« comparu en la maison c o m m u n e , et par-devant
« m o i , officier public soussigné, Charles Blancheton,
«■officier de santé, habitant de cette commune de
« Clermont-Ferrand , qui m’a déclaré, en présence de
« Benoite G u ittard , femme d ’Anguslin R a y m o n d ,
« instituteur, et de Mugdeleine Jouberton, fille de
a L a u re n t, cultivateur, toutes deux majeures, non
« parentes de l’enfant, qu’il a accouché clans la maison
« de lui Blancheton , déclarant, le 19 fructidor der« m er, à trois heures après midi, A n n e T^ém/y épouse
�( 7 )
« de Cliarles-A ugusïin Sauvage, propriétaire, habitant
« ordinairement de la commune de Mouastier, dépar
te tement de la Haute-Loire,
actuellement absent
,
v d’une fille qui m ’a été représentée, et à laquelle
« il a été donné le prénom d’Anne-Françoise^ de tout
« quoi j’ai dressé, etc.»
Voilà donc cette femme V é n y obligée de cacher sa
honte dans une maison de santé destinée à recevoir ces
viles créatures, pour y déposer les fruits de leur incontinence.
La femme V é n y est abandonnée, séquestrée de toute
sa famille, et n’a d’autre ressource que d’aller accou
cher chez un chirurgien; elle a encore assez de
pour ne pas présenter sa fille comme l’enfant
époux; on se garde encore bien de la qualifier
légitime; l ’acte de naissance prouve, constate
pudeur
de son
de fille
même
que le mari était absent. Ainsi il ne peut résulter de
cet acte aucune possession d’état en faveur à 'A n n e Françoise.
La femme V é n y ne quille la maison de santé que
pour se livre ra de nouveaux desoídles; elle fait con
naissance avec un avenliuier, connu sous le nom de
Guine%, et bien loi elle devient féconde; liois actes de
naissance ont élé délivrés au sieur du Sauvage; il est
encore imporlanl de les faire connaître.
L e premier esl du 2 genjiinal an 6 , devant un sieur
Bonnet, membre de radminislration municipale de la
ville de Tournai. Ce même jour, comparaît Jean-Baptisle .Baigne!, accoucheur , domicilié en la même ville,
�section Egalité, « lequel, assisté de Louis Guine%, apo« thicaire, et de Pierre François, officier de santé,
« a déclaré en Cabsence de Chartes- Joseph Guine%}
« absen t pour ses a ÿ a ire s, qu A n n e V é n y , son épouse,
« en légitime m ariage, est accouchée aujourd liui æ
« trois heures du m a l i n , en son domicile, rue du
« C y g n e , d’un e n f a n t femelle, que lui, Jean-Baptisle
« Baignet m’a présenté, et auquel il a donné les prê
te noms de Louise-Antoinette-Joseph ».
L e second est du 23 germinal an 7 , devant Mazure,
officier de l’état civil de la même ville de Tournai. C ’est
Guinez lui-même q u i , assisté de deux témoins,
a
« déclaré qu’Anne-Francoise V é n y esl accouchée hier,
« à onze heures du soir, d ’un enfant m âle, qu’il m’a
« présenté, et auqueliladonné les prénoms de Charles« Isidore, le p è r e et les témoins ont signé, etc. »
L e troisième acte de naissance est ainsi conçu : « Du.
« 6 pluviôse an 11 , acte de naissance de Ju lie Guine%,
« née le 24 brumaire dernier, vers onze heures du
« soir, fille de Charles-Joseph , rentier, domicilié rue
« du Château , et d'A n n e V én y , non m ariés, ainsi que
« l’a d é c la r é , en l ’absence du p ère , Jean -B ap tiste
« Baignet, autre Jean-Baptisfe Baignet, accoucheur;
« le sexe de l’enfant
\ a été reconnu être féminin,' etc. »
L e sieur du Sauvage, comme on peut le penser,
n’avait aucune connaissance de ces laits; il obtient une
surveillance sur la lin de l ’an 9, et revient au lieu de
sa naissance ; mais il ne fut amnistié , en vertu du sénat 11sconsulle du 6 iloréal an 10, que le 8 pluviôse an 1 1* On
se
�( 9 )
se doute bien qu’ une femme coupable n ’a pas osé se
présenter à son époux ; ses parens ou ses amis igno
raient même le lieu de sa résidence; mais on le ras
sure : on lui atteste qu’elle a fait prononcer son divorce
pendant l’émigralion, et que ce divorce a été transcrit
sur les registres publics.
Il reste dans la plus profonde sécurité, voulant sur
tout oublier qu’il fut époux, dès qu’il n'avait plus le
bonheur d’être père : il avait en effet perdu, depuis
long-iems, les deux enfans provenus de son mariage.
Plusieurs années se passent dans cet état de calme,
si nécessaire à un infortuné, qui avait traversé avec
tant de sollicitude et de crainte le tems orageux de la
révolution.
Mais bientôt sa tranquillité est troublée; il n ’entend
d’abord que des propos vagues, qui semblaient le con
cerner, mais qui ne lui étaient pas adressés directement.
Son inquiétude augmente; ilapprend enfin qu’i l n ’existe
pas sur les registres de Iraces du divorce de sa femm e;
qu ’elle a vécu dans le libertinage le plus crapuleux,
et qu’elle a donné le jour à plusieurs enfans. 11 sent
combien il est important pour lui de découvrir ce mys
tère d’iniquité; il veut suivre les traces de la femme
V é n y ; toutes recherches sont i n f r u c t u e u s e s dans le lieu
de son domicile, comme dans les villes voisines; le
hasard lui fait découvrir que la femme V é n y a fait un
long séjour dans la ville de Tournai; il écrit aux auto
rités de celle ville; et le 1 3 mai 1809, il reçoit de l’ad-
joinl de .la mairie de Tournai les trois actes de nais—
3
�V*
( IO )
sance duement en fo r m e , et légalisés, dont on vient
de rendre compte.
Ce n’est pas tout : il est aussi informé qu’il existe
à Clermont un premier enfant, dont on lui a caché la
naissance ; il se fait délivrer l’acte de naissance d 'A n n eFrançoise, qci’on a rapporté en première ligne.
Il prend sur-le-champ son parti. L e i 5 juin 1809)
il fait notifier un acte extrajudiciaire aux quatre enfans
mineurs, et à la femme Vény. Il y expose qu’il a nou
vellement découvert que les liens qui l’avaient uni
avec cette dernière n’avaient pas été légalement rom
pus, ainsi qu’il aurait dû le croire d’après la publicité
et la nature des liaisons q u ’elle avait eues pendant
l’émigralion de son mari; il se réserve de se pourvoir
contr’elle par les voies de droit.
Il ajoute que ne voulant pas laisser dans sa famille
des enfans étrangers, il entend former l'action en dé
saveu de paternité contre ces quatre enfans; il expose
qu’il lui sera facile de prouver que non-seulement il
était, pour cause d’éloignement, dans l’impossibilité
physique de cohabiter avec sa femme pendant le tems
déterminé par l’article 3 12. du Code Napoléon, mais
encore pendant plusieurs années avant ; enfin , parce
qu ’à l’époque de la naissance de ces enfans, et avant, la
femme V é n y vivait publiquement avec tout autre, ce
qui est établi par les actes de naissance, el ce qui le
serait au besoin par d’autres preuves non équivoques.
Il déclare que pour défendre à cette demande en
désaveu de paternité, il se propose de faire nommer
�4 ai
( ”
)
un tuteur aux enfans, en présence de leur mère, et
qu’il va se retirer par-devant le juge de paix de son
domicile, qui doit être, aux termes de l'article 108 du
Code Napo léon, celui de la mère et des enfans.
4 juillet 1809, cédule du juge de paix, pour con
voquer le conseil de famille. L e sieur du Sauvage a
soin d’observer que ses parens ne doivent pas être con
voqués à raison de la nature de sa d em a n d e, et il
indique huit p a r e i l s maternels, habitant tous le dépar
tement du Pu y-d e-D ôm e.
Alors le juge de paix , attendu l’éloignement, et que
le cas requiert célérité, ordonne que huit personnes
par lui indiquées comme voisins ou connus pour avoir
eu des liaisons d’amitié avec la femme V é n y , seront
appelées pour comparaître le lendemain devant l u i ,
à l ’effet de délibérer sur le choix et nomination d’ un
tuteur a d hoc aux quatre enfans mineurs.
L e lendemain, les personnes indiquées par le juge
de paix comparaissent devant l u i , en vertu de sa
cédule et de l’assignation de la veille; le sieur Debrus,
notaire, est nommé tuteur a d hoc aux enfans, et en
accepte la charge.
lie 7 juillet , demande en désaveu de paternité
des quatre enfans, devant le tribunal civil du P u y ,
contre le sieur Debrus, en sa qualité de tuteur. L e
sieur Noyer du Sauvage conclut à ce qu’il soit fait
defense à ces quatre individus de se dire et de prendre
la qualité de ses enfans, aux peines de droit.
4
�( 12 )
Le
ii
juillet, même assignation, et demande ré
pétée contre la femme V é n y.
La femme V é n y ne comparut pas: le tuteur seul
constitua avoué , ce qui donna lieu à un jugement
de jonction contre la femme V é n y , en date du 10
avril 1810.
Il s'éleva quelques discussions sur l’irrégularité de
la procédure; mais le 3 o avril
1 8 1 0 , il fut rendu
un jugement, par lequel le tribunal « Considérant
qu’il résulte des actes de naissance d’Anne-Françoise
Sauvage, Louise-Antoinetle, Joseph Guinez, CharlesIsidore G u in ez, et Julie Guinez, qu’ils sont nés dans
des communes éloignées du domicile du sieur du
Sauvage, en l’absence du sieur du Sauvage , et pen
dant son émigration ;
« Que depuis son retour, Anne V é n y et ses enfans
n ’ont pas cohabité avec lui ;
« Q u ’il parait que le sieur Noyer du Sauvage n’a eu
légalement connaissance de l’existence des enfans de
son épouse que par l’extrait des actes de naissance qui
lui ont été délivrés à Tournai et à Clerm on t, aux mois
de mai et de juin 1809; que sa demande en désaveu
a été formée dans les délais et en observant les formes
prescrites par les articles 3 r 6 et 3 18 du Code Napoléon ;
« Considérant, au fond, qu’il n’est pas disconvenu
que le demandeur fut absent du domicile conjugal, et
n’eût aucun rapport avec sa femme plusieurs années
avant lu naissance de ces enfans; qu’il est même de no
toriété publique que, vers la fin de l’année 1 7 9 3 , la
�( i3 )
femme V é n y avait f a i t , à raison de l'émigration de
son m ari, une déclaration de divorce en la maison com
mune du P a y ‘
« Q u ’on lui a donné, dans le premier des actes
de naissance, le titre de femme légitime de CharlesAugustin Sauvage, ce qui n’est pas le nom du deman
deu r; que dans les autres, on lui a donné le nom de
femme légitime de Charles-Joseph Guinez; qu’aucun
de ces enJans ne peut réclamer ainsi ni son acte de
naissance, ni la possession d'état pour se dire enfant
de Jean-Charles du Noyer du Sauvage ;
« Considérant q u ’à défaut - d’acte de naissance
pour prouver leur filiation avec le demandeur, on
n ’établit pas la possession constante de Tétat d ’enfant
légitime; qu ’on n’offre pas môme de prouver que le
demandeur ail reconnu cesenfans; qu’il lésait jamais
traitéscomme les siens; qu’il eût pourvu en cette qualité
à leur éducation, entretien ou établissement ; ni même
qu’ils aient jamais été reconnus dans la société ou dans
sa famille pour ses enfans;
« Considérant
q u ’il ne peut y avoii» lieu à faire
transcrire le jugement qui prononce sur le désaveu
des enfans, en marge des regislies de l’étal civil,
que lorsqu’ils sont inscrits sous le nom du père qui
les désavoue; que leur acte de naissance les aililie à
une famille qui n’esl pas la leur; et qu’aucun des enfans ne sont inscrits sur les registres, comme enfans
de Jean-Charles du N o y e r ;
« Par ces motifs, statuant sur la demande en désa
�( i4 )
ve u de Jean-Charles du Noyer du Sauvage, donne
défaut conlre la dame V é n y comparante, et demeu
rant le défaut joint à la demande
principale, par
le jugement du 10 avril 1810 , signifié par l’huissier
commis le 10 mai suivant; sans s'arrêter à choses
déduites par le tuteur des enfans désavoués , déclare
l a d e m a n d e régulière en la forme et b i e n poursuivie;
et y faisant droit, prononce qu ’Anne-Françoise Sau
vage , Louise-Antoinette, Joseph G u i n e z , CharlesIsidore G u in e z , et Julie Guinez ne sont pas les
enfans d e J e a n - C h a r l e s du Noyer du Sauvage; leur
fait défenses, en conséquence, de prendre son nom
à l’avenir, et de se dire nés de son mariage avec
Anne-Françoise V é n y , sous les peines de droit; pro
nonce n’y avoir lieu d’ordonner la mention du présent
jugement en marge des registres de l’état civil des
villes de Clermont et de Tournai, attendu que les en
fans n’y
sont pas inscrits comme enfans de Jean-
Charles du Noy er du Sauvage; déclare le jugement
commun avec la dame V é n y de Villemont et la con
damne aux dépens, etc. »
Ce jugement a été signifié au üiteur et à la femme
Vény. Cette dernière ainsi que les enfans Guinez ont
gardé le silence. A nne-Françoise seule a d ’abord in
terjeté a p p e l ,
m ais
ensuite elle a prétendu que sa
défense avait été absolument négligée par celui qui
avait été nommé son tuteur; elle a cru devoir pré
senter une requête en la C o u r , pour demander la
nomination d ’un nouveau c u r a t e u r , à 1’eflet de pou-
�( i5 )
4® *
voir, sous son autorisation, faire appel du jugement
rendu par le tribunal du P u y , le 10 avril 1810.
Sur celte requête non communiquée, il a été rendu
un arrêt, le 11 mai 1 8 1 1 , portant nomination de
M . e Garron, avoué en la Cou r, pouriCuraleur d'A nn e*
Françoise,* et M.e Garron, tant en son nom de curateur
qu’en celui d’Anne-Francoise, a interjeté un nouvel
appel le 14 du même mois de mai.
Cette nomination de curateur sur simple requête
est elle régulière? Cette forme paraît inusitée, et n ’est
autorisée par aucune loi. L e Code Napoléon n’indique
qu’un seul mode pour la nomination des tuteurs ou
curateurs, et c’est par la voie d’ un conseil de famille.
L e sieur du Sauvage qui ne met pas autrement d’im
portance aux discussions de forme, a cependant cru
devoir insister sur la nullité de cette nomination.
D ’un autre côlé , A n n e Françoise a aussi prétendu
que les procès verbaux du conseil de famille, des 4
et 5 juillet 1809, étaient irréguliers. Suivant elle, lë
conseil de famille devait être composé de pareils pa
ternels el maternels, el elle n’a pas voulu faire attention
qu’il était déplacé de iaire comparaître des parers du
sieur du Sauvage, d’après la nature de sa demande;
que c était dans l’intérêt même de ¡’appelante que
l ’observation avait été faite; et que les païens mater
nels étant à une plus grande distance que celle déter
minée par la loi, devait être remplacés par des amis
ou voisins.
Au surplus, ces questions de forme sont encore
�f
( 16 )
intactes; elles sont soumises à la Cour qui les appréciera
dans sa sagesse, et elles ne doivent pas retarder la dis
cussion du fond.
L e sieur du Sauvage a désavoué ces quatre enfans,
en se fondant sur l’article 3 16 du Code Napoléon,
dernier §. Les naissances lui avaient été ca il lées;
les enfans avaient été conçus et nés pendant son émi
gration, l o r s q u ’il y avait impossibilité physique de co
habitation entre les époux. Rien de mieux prouvé
que son absence, par une série d’actes qui émanent
tous de la femme V é n y , en 1 7 9 2 , 1 7 9 3 , an 3 , an
4 et an 5 . Et la cause portée en l’audience solennelle
de la Cou r, le 5 août dernier, l’évidence de sa de
mande fut portée à un si haut d e g r é , que l’ap
pelante ne parvint à en arrêter la manifestation qu’en
offrant des preuves qui tendaient à établir, i.° que
le sieur du Sauvage, après sa rentrée dans son domi
cile, et notamment en l’an 10, était venu chez la dame
Demariolles, où il avait vu rappelante, l'avait reconnue
0
et considérée comme fille de son épouse ; 2 que l’appelanle était connue sous le nom d'.Antie du Sauvage j
3.° qu’elle était ainsi nommée dans la pension où elle
était envoyée par la dame Demariolles, et dans laquelle
pension le sieur du Sauvage avait vu et reconnu l’ap
pelante comme il l ’avait fait dans la maison de la dame
Demariolles; 4.0 enfin, que le sieur du Sauvage avait
dit plusieurs fois que l’appelante ressemblait à la femme
V é n y , sa mère.
L a Cour qui met toujours la plus grande maturité
dans
�4*7
( 17 )
dans ses décisions, rendit, le même jour 5 août 1 8 1 2 ,
un arrêt interlocutoire, par lequel, en réservant res
pectivement les fins, elle ordonna, avant faire droit,
que l’appelante ferait preuve par témoins : que plus
de deux ans avant la demande en désaveu de paternité,
formée par le sieur du Sauvage, il était venu après sa
rentrée en son domicile, et notamment en l’an 10,
chez la dame Demariolles 5 qu’il y avait vu A n n e Françoise, et l'avait teconriue pour êfre la fille de sa
f e m m e ; 2 ° qu ’elle élait connue de lui sous Le nom
d ’ A nna-Françoise du, Sauvage; 3 .° qu'en sa présence
de lui du Sauvage, et dans la pension où élait élevée
l ’appelante, elle a été ainsi appelée et dénom mée, et
qu ’il l’y a reconnue comme fille de sa f e m m e , sauf
au sieur du Sauvage la preuve contraire dans le
même délai.
En exécution de cet arrêt, les parties ont respec
tivement enquêté. Il est indispensable de faire con
naître ces enquêles à la Cour.
Le
premier témoin de l’enquête directe est M.
Gauthier, juge au tribunal civil de Clermont. Il ne
sait rien des faits consignés dans l'interlocutoire; il
se rappelle néanmoins avoir entendu dire chez la dame
Lacaussade, que M. Noy er du S a u v a g e était dans l’in
tention de se pourvoir eu désaveu de paternité des
enfans que sa femme avait pu avoir pendant le teins
de son émigration : il ne peut préciser l ’époque où ce
propos a été tenu, ni par qui il l a été.
L e second témoin est lu dume Lacaussade, femme
�François:
• > / elle ne sait absolument rien des faits inlerloqués.
*•
L e troisième, Victoire Vignau , femme de Pierre
Vignau , limonadier à C l e r m o n l , dépose qu'il y a
environ sept ans, autant qu’elle peut s’en rappeler,
ayant à dîner chez elle le sieur du Sauvage, le sieur
Cellier et le sieur Gervis , dans le cours de ce dîner ,
le sieur du S a u v a g e , parlant de son épouse, dit qu’il
lui serait facile de rentrer dans ses biens, mais pour
ses enfans qu'il ne les reconnaîtrait jamais, et que
c ’était ce qui l’empêchait de poursuivre la rentrée
de ses biens.
L e quatrième témoin, Victor Cellier, un des con
vives dont parle la femm e Vignau , dépose ne rien
savoir des faits interloqués, si ce n’est qu ’il y a environ,
sept ans, étant à dîner chez la dame Vignau avec le
sieur du Sauvage et le sieur Gervis, le sieur du Sauvage ,
parlant de sa malheureuse situation à l’égard de son
épouse, dit qu’ils avaient eu deux enfans qui n’exis
taient plus, niais que depuis son émigration, il en
était survenu d’autres, qui n ’ é l u i e n t pas de l u i;
que le déclarant ayant cherché à le réconcilier avec
sa f e m m e , par des voies de douceur, il n’avait pu y
parvenir; qu’au contraire, le sieur du Sauvage avait
formellement déclaré qu’il ne reconnaîtrait jamais ces
enfans, et qu ’il ne verrait pas sa femm e; qu’il savait
qu’ il y avait un de ces enfans chez la dame Demariolles, sa belle sœur, mais qu’il ne le r e c o n n a i s s a i t
pas pour le sien.
�( *9 )
L e cinquième témoin* Jean-Baptisfe Giron , dépose
qu’il connaît depuis long-tems le sieur du Sauvage ;
qu’il a tenu sur les fonds baptismaux un enfant à lui
déposant avec la dame Demariolles, sa belle sœur;
qu’en l’an 12* étant allé voir cet enfant, qui était
à l’école secondaire de Pontgibaud, à l’époque de la
distribution des prix de celte année 12 , il y rencontra
le sieur du Sauvage, qu’il n’avait pas vu depuis longtems : il lui témoigna son élonnement de le trouver
en cet endroit. L e sieur du Sauvage lui dit qu’il y éIait
venu exprès pour voir son filleul, fils du déclarant, qu’il
lui était fort atlaclié, et qu’il voulait même le faire son
héritier* à quoi le témoin répondit que cela ne se pouvait
pas, puisqu’il avait des enfans. L e s i e u r du Sauvage ré
pliqua qu’il n’en avait pas, et qu’il n ’en connaissait
point. Lors de cette conversa lion* intervint le sieur
Gauthier de B io sat, ce qui fit que le déclarant ne
poursuivit pas plus loin la conversation.
Ajoute le déposant, qu’à une époque postérieure
à celle qu’il vient de désigner, sans pouvoir la pré
ciser, il lui fui présenté, ou par le sieur du Sauvage* ou
par le sieur D e t e ix , sans pouvoir assurer par lequel
des deux, trois extraits de naissance de trois enfans
de l’épouse du sieur du Sauvage ; dans l’un de ces
extraits était le nom du sieur du Sauvage, comme père
de l’enfanl; dans le second, la paternité était attribuée
au nommé Gu inez; dans le troisième, le père était
déclaré inconnu. Celle époque remonte à-peu-près à
celle où la fille A nne du Sauvage fut retirée des mains
6
�( 20 )
de Guinez, en vertu d’un jugemeut de police correc
tionnelle.
L e témoin interpellé, à la réquisition du sieur du
Sauvage, s’il savait le nom que portait celle fille, lors
qu’elle élait chez la dame Demariolles, a répondu qu’il
ne lui connaissait pas d’autre nom que celui d’A n n a .
L e sixième témoin est le sieur Bernard Vincent. Il
dépose qu’en qualité d’ami, soit du sieur du Sauvage,
soit de la dame Demariolles, il s’est trouvé souvent avec
l’un et avec l’autre, et même avec tous les deux en
semble ; que la dame Demariolles prenait soin, et tenait
auprès d’elle un enfant nommé A n n a - que quelquefois
les personnes de la maison l’appelaient sous le nom de
du Sauvage, mais que la dame Demariolles, publique
m e n t , ne lui donnait d’autre nom que celui d ’A n n a ;
quelquefois, et par inadvertance, elle la nommait par
celui de du Sauvage; néanmoins, lorsque le sieur du
Sauvage allait chez sa be lle-sœ ur, elle avait le plus
grand soin de faire disparaître cet enfant ; et cet enfant
l u i- m ê m e , sans se le faire dire, avait soin de ne pas
se montrer. Le déclarant y a y a n t fuit attention, avait
témoigné son étonnement à la dame Demariolles, qui
lui avait dit qu’elle estimait Irop le sieur du Sauvage,
son beau-frère, pour lui montrer cet enfant; que d ’ail
leurs il n’était pas dans ses principes de lui taire voir
un enfant qu’elle savait n'être pas à lui, quoique pro
venu de sa femme.
L e témoin ajoute à ce sujet, q u ’a y a n t eu p l u s i e u r s
conversations avec le sieur du Sauvage, qui n ’iguo-
�( 21 )
4k \
mit pas l’existence de cet enfant, qu’on lui avait dit
appartenir à sa fe m m e , et être chez la dame D e m a riolles, il lui avait témoigné avoir remarqué cet enfant,
et l’aflectation de se cacher lorsqu’il se montrait. Il le
pria de savoir où la darne du Sauvage s’était accouch ée,
el où l’extrait de naissance pourrait se trouver, et s’il
avait élé fait sous son nom : il voulait même que le
déclarant s'adressât pour cela à la dame Demariolles,
sans le nommer; celui-ci montra de la répugnance sur
ce point, mais il lui offrit de s’acquitter de la commis
sion, s’il voulait trouver bon qu’il le demandât en son
nom à la dame Demariolles. L e sieur du Sauvage ne
voulut point que la commission fût faite ainsi, en con
séquence le déclarant n’en parla pointa la dame D e m a
riolles.
Interpellé sur l’époque de cette conversation, le té
moin n’a su la préciser, néanmoins il a dit qu’elle se
rapportait à l'époque d’un procès que le sieur du Sau
vage oncle avait alors pendant à la Cour.
L e septième témoin est un sieur Esmelin, d’Aigueperse. 11 était fermier de la dame Demariolles ; mais
il dit avoir cessé de l’être depuis cinq ans. 11 dépose
qu il y a environ dix ans, il a connu à Aigtieperse,
une fille à qui on donnait le nom de du Sauvage.
Elle était sous la direction d ’un nommé Guinez, alors
logé dans l’auberge de la veuve Tapon , aujourd’hui
occupée par le nommé Claustre son gendre. Elle y a
ainsi demeuré sous la même direction pendant quatre
à cinq mois. Guinez, qui était un tiès muuuais sujet,
�( 52 )
usant de mauvais procédés envers cet enfant, on fut
obligé de se pourvoir à la police correctionnelle, où
il intervint un jugement à la requête de la dame de
Mariolles, qui remit l’enfant à cette dernière, et con
damna Guinez à un emprisonnement. L e té moin ,
ayant eu plusieurs fois l’occasion de voir M. du Sau
vage , et lui a y a n t parlé de celte fille qu’il croyait
être vraiment la sienne, il lui rappela les mauvais
traifemens exercés sur elle par G u in e z , el la punition
qui avait été infligée à ce dernier par le jugement de
police correctionnelle; à quoi le sieur du Sauvage ne
répondit rien. Suivant le tém oin , l’époque de cette
conversation peut remonter à enlour huit a neuf ans,
autant qu ’il puisse s’en souvenir. Il ajoule avoir vu la
petite fille en question dans la maison de la dame de
Mariolles. On l’appelait alors la petite du Sauvage.
Ce n’est que depuis cinq ans qu’il Ta connue sous le
nom d'A n n a . Enfin les conversations que le témoin
a eues avec le sieur du Sauvage, au sujet de cet e n f a n t ,
ont été tenues h l’auberge de Boyer , et point chez
la dame de Mariolles.
Le
huitième témoin est M. Chas^aing, juge au
•tribunal de Clermont. On a observé à ce témoin qu’il
• avait la confiance générale de la maison Villemont;
qu ’il a été chargé de plusieurs comptes et liquidations
pour cette maison; que même il a contracté plusieurs
eng.'igemcns de garantie envers les acquéreurs de la
dame de Villemont.
Lorsque lé sieur du Sauvage s’est permis do faire
�celte observation à M. Chassaing, il n’avait nullement
l'intention de le blesser. Mais il est du plus grand in
térêt pour lui cl’écarter tous ceux qui pourraient avoir
quelques liaisons avec la seule personne qui ait préparé
celte intrigue, et qui lui a suscité cet incident dans les
intentions les plus hosliles : elle ne les a pas même dis
simulées, et les a présentées à ses créanciers comme
une ressource. Dans ses indiscrètes confidences, et à
raison de la pénurie de ses mo yens, elle croit que si
elle parvenait à faire déclarer cet enfant fille du sieur
du Sauvage, elle aurait à répéter contre lui des pen
sions considérables, qu ’elle promet à ses créanciers.
Il est assez naturel dès-lors que le sieur du Sauvage
suspecle ceux qui ont contracté des engagemens, ou se
sont rendus caillions de la dame Demariolles.
M. Chassaing, il faut en convenir, a répondu avec
franchise : il a dit que cela élail vr ai, dans le tems
qu'il était a v o u é , mais que tous ces faits n’exislent plus
depuis qu ’il est dans la magistrature; que la liquidation
de la dame Demariolles, donl il était chargé comme
avou é , se poursuit aujourd’hui judiciairement, et que
bientôt les engngemens par lui contractés ne subsisteront plus • donc ils existaient au moment de la dépo
sition. La Cour appréciera ces observa lions.
A u surplus, ce témoin dépose qu ’à une époque
donl il n’est pas parfuilernenl mémoralif, le sieur du
Sauvage vint le trouver dans l’ancienne maison qu ’il
occupait alors; il était accompagné du s.r L e v e t ; il était
porteur d ’un eflet de i ?6oo fr, tiré ou endossé par la
�dame Demariolles; il le pria de le faire négocier p a r l e s *
D u m a y , son gendre. Cette négociation ayant été ef
fe ctu ée, occasionna plusieurs visites chez le déposant,
de la part du sieur du Sauvage. Dans une de ces visites,
le déclarant lui demanda s’il était ic i avec la dame son
épouse; sur quoi, le sieur du Sauvage se récria, en
disant qu'il était impossible cfh ibiler avec une femme
aussi immorale, aussi déréglée qu’elle; qu’il n'ignorait
pas que pendant son émigration, elle avait eu deux
ou trois enfans, dont, notamment une fille demeu
rant chez la dame Demariolles, mais qu’il désavouait
tous ces enfans ; qu ’il se proposait même de se
pourvoir en divorce contre sa fem m e, et en désaveu
de paternité contre chacun desdils enfans; qu’ alors
le déclarant lui dit : vous ne voyez donc pas madame
Demariolles votre belle sœur? que le sieur du Sauvage
lui répondit : je la vois quelquefois; je la vois même avec
plaisir; je fais cas de la bonté de son caractère, mais,
par égard pour moi, elle a soin de faire disparaître
1 enfant lorsque j ’entre dans la maison.
Interpellé, à la requête du curateur, sur l’époque de
c e s diverses visites et conversations, le témoin déclare
ne.pas se rappeler de l’époque, que néanmoins c ’était
plusieurs mois avant 1 acquisition desa nouvelle maison,
ce qui remonte à plus de cinq ans ail moins; n’ayant
point actuellement sous les yeu x son contrat d’acqui
sition.
L e neuvième témoin est Gabriel Gervis. Il dépose
qu ?il no sait rien des faits interloqués. Depuis très longterns
�(
2$ )
44J
tems et,antérieurement à l'émigration du sieur du Sau
v a g e , il a eu l’honneur de sa connaissance. Tout ce dont
il se rappelle, ayant rencontré ledit sieur du Sauvage
dans la ville de Germont y il l’engagea à dîner, ce que
le sieur du Sauvage accepta. Il y eut à ce dîner d’autres
convives, notamment lesieur Cellier et la dameVig nau;
mais il ne se rappelle nullement qu’il eût été question
de rien sur celle a fia ire.
L e dixième et dernier témoin est le sieur Claude
Tapon. Ce témoin a été entendu au tribunal de Thiers;
et par une singularité dont on ne peut rendre compte,
le sieur du Sauvage fut assigné pour être présent à
l ’audilion de ce tém oin , le même jour qu’il assistait
à la Cour à l’enquête faile à la requête d'A n n a . Son
avoué de Thiers a cru devoir protester de nullité, et
se réserver tous moyens de récusation.
Quoi qu’il en soit, ce témoin a déposé qu’il a fré
quenté la maison de la dame Demariolles, depuis l’an
7 ou environ jusqu’en 1806, momentanément et par
intervalles; que dans le courant de l’an 10 et années
suivantes, il a eu occasion d y voir, à différentes fois, le
sieur N oy er du Sauvage; que même le sieur du Sau
vage l u i a dit souvent, dans la c o n v e r s a t i o n , que si la
dame de V é n y , son épouse, ne s’élait pas prostituée
au nommé G u in ez, qui a été guillotiné, il se serait
peut-être décidé à faire du bien à A n n a ; qu ’il a eu
pareillement occasion de voir A n n a dans la maison
de madame Demariolles, et c e , depuis entour 14 ans,
qu’il l 'y a toujours vue depuis cet le époque jusqu’au mo
�* H*
( 26 )
ment où elle fut mise en pension, et Ta constamment en^
tendu nommer A n n a , sans autre dénomination. A n n a
appelait madame Demariolles sa tante, et la dame
de V e n y sa mère : à l’égard du sieur du Sauvage, iL
ne lui a jamais dit qu’ A n n a fût la fille de sa fe mm e;
quant à lui déposant, il est bien persuadé qu ’Anna;
est fille de la dame du Sauvage, et il était d’autant
plus fondé à le croire, que c’était là l’opinion publique,
et qu ’A n n a ressemble singulièrement à la femme Veny.
L e témoin observe que lorsque le sieur du Sauvage
venait chez la dame Demariolles, sa belle sœur, Anncu
ne venait pas à table tant que le sieur du Sauvagô
séjournait chez celle d am e, et elle y reparaissait lors
qu ’il était parti; il semblait qu ’on voulût faire en sorle
que le s>ieur du Sauvage ne la vît pas.
On demande au témoin s’il est de sa connaissance
que le sieur du Sauvage .sût qu ’A n n a était l’enfant de
]a dame V é n y son épouse. Il répond que le sieur du
Sauvage 11e lui a pasdit<précisément qu’il le savait, parcequ e , malgré lest soins qu ’on prenait pour empêcher:
A n n a de se rencontrer avec le s i e u r du Sauvage, il
n ’avait pas laissé de la* voir quelquefois, et n’avait pu
faire-autrement que de lui trouver une parfaite res
semblance avec la dame Vény.
Telle est-l'enquête directe faite à larequêt CCA n n e Françoise. On sera sans doute étonné qu ’elle 11’ait
fait assigner aucun témoin qui pût déposer sur le
troisième fait dont l’arrêt delà Cour ordonne la preuve,
fait■
très-important puisqu’il tendait à établir qu eu la
�( 27 )
présence du sieur du Sauvage, e t 'd a n s la pension
à 'A n n a , elle avait été appelée et dénommée A n n a
d u Sauvage, et qu’il l’y avait reconnue comme fille
de sa femme.
L e sieur du Sauvage a remarqué cette lacune; et s’est
déterminé, à raison de ce, à faire uneenquête contraire;
mais il s’est contenté de faire assigner deux seuls té
moins, la dame de Rigaud qui tenait la maison d’é
ducation où a été élevée A n n e-F ra n çoise, et la dame
Decham p.sa coadjutrice. Cette dernière n’a pu com
paraître; mais la dame de Rigaud a été entendue.
Elle dépose que tenant une maison d’éducation de
jeunes demoiselles , conjointement avec la dame Dechamp, il lui fut amené par la dame Dum onlel d ’Ardes,
actuellement décédée, une jeune fille, âgée d ’environ
sept à huit ans, que la dame D umonlel lui dit être
la nièce de la dame Demariolles , et lui être amenée
de sa part ; qu’en effet depuis cette épo que, et pendant
environ deux ans et demi, que cette nièce avait de
meuré com me externe dans sa maison, sa pension a
été payée par la dame Demariolles; mais elle n’était
connue dans la maison que sous le nom d'A n n a , nièce
de la dame Demariolles. Pendant Finlervalle de ces
deux ans et demi, elle *se rappelle que le sieur du
Sauvage est venu une ou deux fois dans la maison ,
tnais que ce n’était que pour voir une jeune veuvo
du P u y , qui y habitait ; il était chïirgé , de la part de
la famille de cette ve u v e , de la voir, et de lui porter do
l ’argent. 11 lui en porta en e lfet, et il n’a jamais étéques-
8
�i W
'M b
( 28 )
tion , de la part du sieur du Sauvage, de demander des
nouvelles de la fille A n n a } qui même ne lui a jamais
été présenlée.
L e sieur du Sauvage a cru devoir rapporter fidè
lement et matériellement la déposilion des témoins,
avant de se permettre aucunes réflexions; il a pensé
q u e , p a r c e m o ye n , on en saisirait mieux l’ensemble,
pour comparer ensuite les faits dont il a été déposé,
avec ceux gisant en preuves.
Dans celle matière, il n’y a rien
d’indifférent; ce
n ’est qu’après la plus mure délibération que la Cour
a resserré les faits dans un cadre étroit, a pesé ceux
qui étaient susceptibles de faire impression ou de
porter la conviction dans les esprits; elle se rappellera
su r-tou t qu’ A nna-Françoise , 011 ceux qui la font
agir, voulait prendre une plus grande latitude, et ne
niellait en avant que des laits vagues et insigniiians;
q u e , malgré ses observations, la Cour maintint son
arrêt, sans vouloir rien ajouter ni retrancher.
Ainsi A n n a avait h prouver t r o i s faits : x°. que plus
de deux ans avant la demande en désaveu de palernilé, et notamment, en l’an 10 , le sieur du Sauvage
est
venu chez la dame Demariolles , qu ’il y a vu
A n n a , et l’a reconnue pour être la tille de sa femme.
11 convient de s'arrêter d’abord sur le premier fait.
L e désaveu de palernilé est du i 5 juin 1809, et
remonte à trois ans et demi.
L e premier témoin a entendu dire, sans se rappeler
�( 39 )
l ’époque , que le sieur du Sauvage voulait se pourvoir
en désaveu de palernilé.
L e second ne sait absolument rien.
L e troisième a ouï dire, il y a environ sept ans, que
le sieur du Sauvage déclara qu’il ne reconnaîtrait j a
mais ces enfans.
L e quatrième tient le même langage : le sieur du
Sauvage savait qu’il y avait un enlant chez la dame
de Mariolles, mais qu’il ne le reconnaîtrait jamais pour
le sien.
L e cinquième a voulu observer au sieur du Sau
vage qu’il avait des enfans; celui-ci lui a répondu
qu’il n'en avait pas. 11 a vu entre les mains du sieur
du Sauvage ou du sieur Deleix trois extraits de nais
sance; il ne sait pas dire lequel des deux, ni préciser
l ’époque.
On sait que ces extraits de naissance n’ont été con
nus et retirés qu’en juin 1809 , el que le.désaveu de
palernilé a eu lieu dans le mois de la découverte.
Ce même témoin n’a connu l’appelante que sous le
nom d 'A n n a .
L a d é p o s i t i o n du s i x i è m e t é m o i n est p l u s é t e n d u e ;
m a i s il d é c l a r é b i e n p o s i t i v e m e n t c | u e lu d a m e R e m a iiolles ne donnait
p u b l i q u e m e n t à cet
enfant
q u e le
n o m d 'A n n a ■e l l e fiii-ail d i s p a r a î t r e c e l l e f i l l e , t o u t e s
les fois q u e le s i e u r d u S a u v a g e e n l r a i t c h e z e l l e ; e l l e
eslimaU t r o p son b e a u - f r è r e p o u r lui m o n t r e r cet e n
f a n t . 11 n’élail pas dans ¿es principes d e l u i faire voir
�un enfant qu’elle savait n’être pas à la i, quoique pro
venu de sa femme.
L e septième témoin a voulu entretenir le sieur du
Sauvage des mauvais traitemens que Gainez, faisait
éprouver à cette fille ; }le sieur du Sauvage ne lui a
rien répondu.
L e huitième dépose que le sieur du Sauvage lui a dit
ne pas ignorer que sa femme avait eu deux ou trois
enfans pendant son émigration, notamment un chez
la dame Demariolles, mais qu ’il désavouait tous ces
.enfans", et se proposait de former la demande en dé
saveu de paternité ; il ajoute aussi que le sieur du Sau
vage lui avait déclaré«, que lorsqu’il se présentait chez
la dame Demariolles, elle avait soin de faire retirer
■cet enfant.
Ce témoin fait remonter cette conversation à cinq
ans ; au moment où il déposait^ la demande en dé
saveu était formée depuis trois ans et quatre mois.
L e neuvième n’a aucune connaissance des faits.
L e d i x i è m e a entendu constamment appeler cette
fille A n n a , san s autre d é n o m i n a t i o n . Lorsque le s.r
du Sauvage arrivait chez la dame Demariolles, on
faisait retirer l’enfant; elle ne se mettait pas à'table.
L e sieur du Sauvage ne 'lui a jamais dit qu’il connût
l'enfant pour être celui'dè sa femme, mais il présume
que le sieur du Sauvage le savait.
lie dernier, la dame de R ig a u d , maîtresse de pe n
sion, atteste que le sieur du Sauvage n’a jamais vu
Anna, chez elle; qu’elle ne lui a jamais été présentée.
�Il n’est donc aucunement proavé qu’en l ’an i o le
sieur du Sauvage a vu A n n a chez la dame D e m a
riolles, et qu’il l’a reconnue pour être la fille de sa
f e m m e ; puisqu’au contraire il est établi que toutes
les fois que le sieur du Sauvage est arrivé chez la>
dame Demariolles , on a fait disparaître l’enfant.
Second fait : E lle était connue de Lui sous le nom
d 'A nna-Françoise du Sauvage. Pour le cou p , il n’y
a pas un seul témoin qui ait déposé de cette circons
tance ; personne ne s’est avisé de dire que le sieur du
Sauvage ait connu ou souffert que celte fille portât son
nom; et la maîtresse de pension apprend même qu’elle
n ’a été présentée chez elle que sous le nom d ' A n n a >
nièce de madame de Mariolles.
L e dixième témoin, celui q u i a é l é entendu à Thiers^
liors'la présence du sieur du Sauvage, n’a jamais en
tendu appeler cel enfant que sous le nom d' A n n a ^
sans autre dénominalion , el ne fait que présumer que
le sieur du Sauvage savait qu ’elle était fille de sa.
fem m e; mais loin de convenir q u ’elle pQijlâl le nom
de du Sauvage, le témoin lui-même le désavoue for
mellement.
Ainsi, c e second fait a donc é t é f a u s s e m e n l a l l é g u é .
Tioi.sieme fail :« Llle a ' é l é ainsi appelée et d é « nommee dans la pension où elle éluit éle vée, en.« présence du sieur du Sauvage, qui l y a reconnue
« comme fille de sa femme. »
Cette assertion a été completlement désavouée par,,
la maîtresse de pension qui a élevé A n n a : le ’ sieur
�du Sauvage ne l’y a jamais vue; elle ne lui a jamais
été présentée; le sieur du Sauvage n’esi venu à la
pension que pour porter de l’argent à une jeune veuve
du P u y ; aucun des autres témoins n’a déposé sur ce
fait si important : cependant la lilie A n n a , lors de l’arrêt
d e l à Cou r, s’appesantit sur cet te circonstance dans ses
conclusions, d ’une manière tellement précise, qu ’elle
détermina peut-être l ’interlocutoire.
Quel peut être l’espoir de celle fille audacieuse?
A -t-e lle satisfait-à l’arrêt d e ' l a C o u r ? Osera-t elle
espérer de porter un nom qui ne lui appartient pas?
Sans doute elle voudra entreprendre de discuter le
fo n d , en s’appuyant sur une disposition d’ usage , con
signée dans l’arrêt de la C o u r , « Sans préjudice des
’fins qui demeurent respectivement réservées ». Il
faut donc 'la suivre dans ce dernier retranchement.
« On ne croit cependant pas devoir s’occuper des
moyens Qu’elle a proposés en la forme ; et ce n’est
pas sérieusénient qu’elle a 1 prétendu !que le conseil!
de famille 'devait' être composé de parens du sieur
dti Sauvage et de ses parens d’elle A n n a . Malgré*
leur éloignement, « la femme mariée n’a poinf d’autre
« domicile que'celui de son mari :1e mineur émam ip é
«ra-soh dbmicile chez ses père el mère (art. 108, Code
« N a p o l é o n *
1“
' ■
*
*« iMi’sque lés parens ou alliés se trouvent à la dis—
« lance de plus de deux myriamèlres, le juge de paix
«’’ pèiit Appeler', pour Composer le conseil do famille,
«■'danslncommuncofi la tutelle est ouverte, des citoyens
* connus
�( 33 )
« connus pour avoir eu des relations habituelles cî’a« mi lié avec le père ou la mère du mineur ( art. 4 ° 9 ?
« Code Napoléon ). »
Il répugnerait au bon sens et à la raison, que celui
qui désavoue la paternité, fît appeler ses parens au
conseil; ce serait une contradiction évidente avec la
demande; en soutenant qu’il n’est pas le père, il sou
tient aussi que les enfans désavoués n ’ont aucun lien
avec sa famille.
Mais si ces moyens sont ridicules, en est-il de même
de la procédure singulière, inusitée, qu’a tenue la fille
A n n a ? Pouvait-elle se débarrasser à son gré du tuteur
qui lui avait été nom mé? P o u v a it - e lle , par un arrêt
sur req uête, non communiqué, substituer un curateur
de son choix à ce tuteur légal?
To ute tutelle doit être déférée par un conseil de
famille , lorsque le père et la mère sont dans l’in
capacité de l’être ( Art. 405 C. N. ). C ’est encore un
conseil de famille qui doit nommer un curateur au
mineur émancipé ( Art. 478 C. N. ). L a loi n’admet
aucune nomination sur requête. Elle a dérogé à cet
usage de l'ancienne procédure ; et il ne paraît pas
douteux que M . e Garron a été i r r é g u l i è r e m e n t nommé
curateur ; que l'appel est n u l el i r r é g u l i e r . L a Cour
appréciera ce m o y e n , sur lequel le sieur du Sauvage
insiste pour l’honneur des rc^gles; mais il n ’y donnera
pas d’aulres* développemeus.
Il
serait encore assez inulile d’examiner la question
d’éiat en elle-même; mais le sieur N oyer du Sauvage
9
�( 34 )
ne doit rien négliger dans une cause d’un aussi grand
in té rê t, quelque humiliation qu’il éprouve. Combien il
est cruel de se voir forcé de dévoiler la honte d’une
femme immorale, qui lui a porté un coup si funeste!
Son nme est flétrie, il ne peut plus espérer de bonheur;
des souvenirs déchirans fatiguent sans cesse son esprit
et son cœur.
Eh quoi! il était né bon, généreux et sensible; il
adorait son épouse, elle fut infidèle et perfide! Il désirait
d’être père! Ces liens touclians qui semblent perpétuer
notre existence; ces rapports aimables, d'où naissent
les charmes les plus doux, ne sont pas faits pour lui ! 11
fut père un instant, il est vrai! mais ses enfans ont
vécu! et lorsqu’il revient dans son domicile, lorsqu’il
a recouvré une patrie , que va-t-il apprendre— ? Mais
jetons un voile sur un tableau aussi dégoûtant, où le
vice est toujours en action sous les traits les plus hideux.
Ledésaveu delà paternité est sans doute une demande
pénible, elle excite la curiosité publique, elle met en
évidence celui qui est forcé d’en intenter l’aclion. C e
pendant c ’est un remède salutaire, et la loi, dans tous
les lems, a oflert ce motif de consolation à un époux
outragé.
lia célèbre maxime décrétée depuis plus de deux
mille ans * patcr est is queni clemonstrant nuptiœ , rece
vait aussi ses exceptions dans le droit romain. Plusieurs
docteurs avaient déjà remarqué que cette règle n’était
point placée parmi les texles du droit, qui parlent de
l’état des h o m m e s , puisqu’elle est tiiéc de la loi £>, iï. de
�4V
(35)
in ju s vocando; mais on trouve une exception dans la
loi fiLLam, ff. his qui su i vel alieni ju r is surit: celle loi
dit expressément que le mari n’est point tenu de reconnaîlre un enfant donl sa femme accoucherait pendant
une longue absence du mari d’avec sa femme : J îliu m
euni d ejîn in m s, qui ex viro et uxore ejus nascitur. Sed
siJ in garnit s abfuisse m arltum , çerbi gratiâ per decennuim reversum annicuium invertisse in dom osua, pLacet
nobis J u tia n i sententia hune non esse m a ritijîh u m . L a
loi prend pour exemple un enfant d ’un an , annicuium ,
après dix ans d’absence, mais elle n ’en est pas moins
générale et absolue, toutes les fois qu’il y a eu impos
sibilité physique de cohabitation : tous les docleurs,
dans ce cas, s’accordent à décider que l’enfant n’apparlienl pas au mari. C ’est la doctrine de l’avocat
général Talon, lors d’un arrêt du 16 janvier 16 6 4,
rapporté au Journal des Audiences, tom. 2 ; de Cocliin ,
dans la cause de la demoiselle Ferrand , quoiqu’il
plaidât dans un intérêt opposé; de M M . Daguesseau,
Séguier, et de tous les jurisconsulles.
L ’absence du sieur du Sauvage a duré dix ans. Il
est parti en janvier 1 7 9 1 , il n’est rentré q u ’à la fin de
1801. H n’y a pas de doute sur celle absence, le lableau
de proscription, celle liste fatale est là pour l’établir.
L a peine do mort prononcée contre les émigrés qui
rentraient ; les perquisitions cruelles et si souvent renou
velées contre le petit nombre de ceux qui ont essayé
de franchir les barrières, et qui ont été viclimes de leur
té m é r ilé , prouvent encore l'impossibilité du retour du
10
�sieur du Sauvage, jusqu’à la reslauraiion du gouver
nement; une série d’acles continuels et indiscrets de la
femme V é n y , en 1 7 9 2 , en 1793, en l’an 3 , où elle
a loujours pris la qualité de femme de l’émigré du
Sauvage; son autorisation en justice pour poursuivre
les acquéreurs de son mari; une procédure qui a duré
contre eux jusqu'en messidor an 4; le traité qui Ta
suivie; le partage de la successien de sa mère, fait en
l ’an 4 , toujours en l’absence de son mari, sont des
preuves irrésistibles de l’impossibilité de la cohabita
tion; et lorsqu’il est notoire q u e , pendant tout cet in
tervalle, la femme V é n y vivait publiquement avec tout
autre; qu’elle s’est dite femme Guùie%; a fait baptiser
un de ses enfans comme enfant légitime de ce misé
rable, ne trouve-t-on pas, dans cette horrible dépra
vation , de quoi convaincre les plus incrédules? On ne
peut pas résister à l’évidence.
Ainsi, dans l’ancien ordre, la sévérité des lois, la
rigueur des magistrats n’eussent pas été un obstacle h
la réclamation du sieur du Sauvage : il eût repoussé avec
succès ces enfans de ténèbres. N ’a-t-il pas encore plus
d’avonlage dans la nouvelle législation?
lie Code Napoléon, art. 3 12, a admis, comme dans
l’ancien droit, la maxime pater e s t, etc. « L ’enfant
« conçu pendant le mariage a pour père le mari ; néan« moins celui-ci pourra désavouer l’en fan I , s’il prouve
« que pendant le tems qui a couru, depuis le troiscen« tième jusqu’au cent quatre-vingtième jour avant la
« naissance de cet e n f a n t , il é t a it , soit pour cause
�4S J
( 37 )
« d’éloignëmenl, soit par l’efïet'de quelqu’accident,
« dans l'impossibilité physique de cohabiter avec sa
« femme ».
Voilà déjà une grande modification à la rigueur des
.anciens principes : il ne faut plus une absence aussi
longue que celle prise pour exemple dans la loi JiUutn.
L e législateur, en admettant la présomption du ma
riage pour fixer la paternité, a vu qu’il se mettrait en
opposition avec les premiers élémens du droit et de
le raison, s’il faisait prévaloir une présomption à une
preuve positive, ou à une présomplion plus forte. A u
lieu de soutenir la dignité du mariage, on l'avilirait,
on le rendrait odieux, s’il servait de prétexte à légilimer un enfant qui, aux ye u x du public convaincu
par des circonstances décisives, n’appartiendrait point
au mariage.
C'est ainsi que s'exprimait l’orateur du gouverne
m ent, lorsque la loi fut présentée.
L e mari qui se voit obligé de désavouer un enfant,
n ’est-il pas déjà trop malheureux? Comment penser
qu’il se porte à une démarche aussi scandaleuse, s'il
était véritablement père ? La nature a m a r q u é en
caractères inefîaçables les traits de la paternité; elle a
rempli le cœur des pères et mères et celui des enfans
des sentimens de tendresse les plus profonds et les plus
éclalans. El comment croire qu’un père étouffe tous
lessentimensde la nature! Comment croire qu’il allume
dans sa main les lorches de la discorde, et qu’au dehors
il se dévoue à l'humiliation, s’il n’est pas dans la con-
*<+
�\u >
( 38 )
viclion intime que l’enfant n’est point né de son ma
riage. Ce sont encore les termes dont se servait l’orateur
• du gouvernement.
L e sieur du Sauvage a le droit de se placer dans
l ’espèce prévue par le législateur; il n’est que trop
certain pour lui, que la dignité du mariage est avilie:
il en appelle au public, à tous ceux qui ont eu des rela
tions avec sa famille; à tous ceux qui connaissent la
femm e Vény. Ne sont-ils pas convaincus, par les cir
constances les plus décisives, que l’enfant désavoué
n ’appartient pas au mariage?
Mais il ne s’agit pas ici d’une naissance tardive ou
prématurée, prévue par l’article 3 i 2 du Code. Aux
termes de l’article suivant, le désaveu est admis lorsque
la naissance de l’enlanl a été cachée au mari; et suivant
l ’article 3 i 6 , le désaveu doit avoir lieu dans le mois,
si le mari se trouve sur les lieux de la naissance de
l ’enfant; dans les deux mois après son retour, si, à la
m êm e époque, il est absent ; dans les deux mois après
la découverte de la fra u d e , si 011 lui avait caché la
naissance de l ’e n f a n t .
L a naissance d’ Anne-Francoise a-t-elle élé cachée
au sieur du Sauvage ?
A quelle époque a-t-il découvert la fraude?
A - t - i l formé sa demande en désaveu dans le délai
prescrit par la loi ?
Si le gieur du Sauvage établit ces trois propositions,
il aura rempli sa tache. Anne-Francoise sera repoussée
avec indignation.
1
V
�( 39 )
L ’acte de naissance d’ Anne-Françoise établit sans
réplique que la naissance a élé cachée an mari. Il
était alors absent. La femme V é n y le disait elle-même
lors du jugement du 24 messidor an 4.
C ’est le 19 fructidor an 4 , qu’A nne-Françoise a
vu le jour. Ce n’est que le 4 complémentaire de
la même année, quinze jours après la naissanee, que
celte fille a été présentée à l’officier public. Ce retard
annonce déjà le, mystère; et sans doute qu ’alors la
femme V é n y avait déjà disparu de la maison secrète
où elle avait déposé ce fardeau d’iniquité. Que dit
l ’accoucheur chargé de présenter l ’enfant ? Q u ’il a
ac couch é, dans sa maison de Lui d écla ra n t, le 19
fru ctidor dernier, An ne V é n y , épouse de CharlesAuguslin Sauvage, actuellement absent. Les premiers
juges ont remarqué que ce n’étaient ni les prénoms
ni le nom du mari, qui s’appelle Jean-Charles N oy e r
du Sauvage, et non Charles-A ugustin Sauve.ge\ mais
le chirurgien n’en savait sans doute pas davantage.
Ce qu’il y a de moins douteux, c’est que le sieur
du Sauvage ignorait tout. S’il avait élé instruit , sa
femme n’aurait pas accouché à Clermont , dans une
maison de santé destinée à recevoir des femmes de
mauvaise vie. Ce n ’est pas ainsi qu’il aurait avili, dés
honoré son épouse.
Si la femme V é n y n ’avait pas mené une conduite
scandaleuse; si elle n ’a v a i t pas eu besoin de cacher
son crime et sa honte, elle était à Clermont, au mi
lieu de sa famille qui n’aurait pas souffert qu’elle se
�( 4° )
fût cachée dans une maison d’accoucheur , pour se
dérober à tous les regards.
I/accouclieur lui-même ne prend pas sur son compte
de présenter cet enfant comme appartenant au mari;
il ne la qualifie pas de fille légitime; il dit seulement
qu ’il a accouché Anne V é n y femme de Sauvage*
actuellement absent. Personne de la famille n ’assiste
h cet acte. L e chirurgien n’est accompagné que
de deux femmes du
peuple. Ainsi
c ’est un „acte
occulte, ignoré de tous ceux qui pouvaient y prendre
intérêt. A n n a -F ra n ço ise ne peut s’en prévaloir , ni
réclamer une possession d’étal. Elle n’a pas même
osé s’en servir. 11 est donc certain que sa naissance a
été cachée au mari de sa mère. Il n ’est donc plus
douteux qu ’elle n ’appartient pas au mariage.
L a fraude a-t-elle été découverte bientôt après ?
Cela est impossible. L e sieur du Sauvage n’est rentré
que sur la fin de l’an 9 ; il n ’a été amnistié qu’en
l ’an n . Sa femme n’élait pas à son domicile, puisqu’en l’un 11 elle vivait avec Guine%, à Tournai. L e
troisième acte de naissance n’est inscrit sur les regis
tres de celte ville de T o u r n a i, que le 6 pluviôse an
11. L e sieur du Sauvage ne pouvait savoir, au M o rjaslier, que sa femme élail en Flandre, et avait suivi
un vil scélérat. On 11e s’empresse pas de raconter h un
mari des événemens aussi désagréables; on s’était con
tenté do lui dire que sa femme avait fail divorce. Le
jugement dont est appel constate que ce divorce était
notoire. L e sieur du Sauvage devait être dans celte c o n
fiance
�{ 4* )
fiance que tous ses liens étaient rompus avec la femme
V é n y ; qu ’il n’avait plus rien de commun avec e lle ;
et c ’était la plus consolante de ses idées. Mais enfin
il est averti qu'on ne trouve pas l’acte de divorce ;
que les registres civils n’en font pas mention. Il prend
alors des informations, fait des recherches, et découvre
enfin les quatre actes de naissance, qu’il se fak dé
livrer.
C e n’est qu’au mois de juin 1809 , que ces actes lui
sont remis. On sent combien il a fallu de soins et de
peines pour les découvrir; mais ce n’est qu’au moment
où il les a r e ç u s , que la fraude a été découverte, et
q u ’il a eu la faculté d’agir pour désavouer la palernilé.
Comment en effet aurait-il pu se pourvoir contre
des individus qui se cachaient dans l’ombre^ qui n’agis
saient en aucune manière? L ’enfant même qui était
chez la dame Demariolles disparaissait toutes les fois
qu’il arrivait chez sa belle-sœur. La dame Demariolles
avait alors pour principe de ne pas montrer à un beaufiere qu elle estimait, un enfant qu’elle savait ne pas
lui appartenir.
Il
fallait donc être certain que ces e n f a n s existaient,
qu ils etaient nés de la femme V é n y , pour pouvoir
les attaquer en d é s a v e u ; il n’a pu le faire qu’avec
leurs actes de naissance, qui, par leur contenu, lui
sont étrangers; ce n’est donc que du jour q u ’il les a
eus en son pouvoir, qu ’il a découvert la fraude • il
•semble qu ’on ne peut pas être divisé sur ce point de fait.
�46 *
( 4^ )
Q u’importe que des témoins de l’enquête aient dit
que le sieur du Sauvage savait qu’il y avait un en
fant chez la dame Demariolles, qu’on faisait disparaîlre loutes les fois qu’il arrivait? Il ne résulte de cette
circonslance autre chose, si non qu’on voulait lui ca
cher la naissance de cet e n f a n t , et qu’on reconnaissait
qu’il ne l u i 1 a p p a r t e n a i t pas; c’était précisément la
fraude dont il n’a pu avoir la certitude que lorsqu’il
a connu l’extrait de naissance , qui ne lui a été dé
livré que le 24 juin 1809; ainsi, ce n’est qu’à ce mo
ment qu’il a pu concevoir des craintes, et qu’il a pu
faire des démarches légales.
" Il forme son désaveu sans perdre un instant. L e
i 5 juin 1806, acte exlrajudiciaire aux enfans mineurs
et à la mère ; 4 juillet suivant, nomination de tuteur;
7 juillet, demande au tribunal du P u y : tout a été
fait dans moins d’un mois, à die detectæ fra u d is.
A tin a -F ra n çoise voudra-t-elle enfin objecter que
sa mère n’est point condamnée comme adultère; et
qu’il répugne dès - lors qu’elle soit tille adultérine?
celle objeclion a déjà été proscrite par un arrêt so- l e n n e l , du 24 août 1811 , dans la cause du sieur B011g a r e l , contre l’enfant de son épouse, qu’il avait dé
s a vou é , et dans des circonstances bien plus fortes,’
puisqu’ il avait élé prononcé un divorce entre les époux,
par consentement mutuel, pendant la grossesse de la
femme. L ’enfant 11’en a pas moins été déclaré adul
térin ; et la Cour de cassation a confirmé cet a r r ê t .
Ainsi tout se réunit en faveur du sieur du Sauvage.
�Quiconque voudrait soutenir que cet enfant doit être
- à sa charge,blesserait également la justice et l’équité;
. ce serait une atroce barbarie que d’obliger un épo u x
malheureux , de donner son nom à un être ignoble,
•v f ruit de l'inceste, et de l’adultère. Si l a loi. naturelleet la loi divine nous imposent le droit d’aimer,, desecourir nos enfans ;si la nature a imprimé dans notre
âme en traits brûl ans, une tendresse profonde pour
ceux qui nous doivent le j o u r q u e l d o it être le dé
sespoir d’ un é p o u x , de trouver , d a n s son intérieur,
une femme infidèle et perfide ; d e voir croître à ses
côtés des êtres qui lui sont étrangers? Quel doit être
son s o r t , lorsqu’il n’ a pas même la consolation de
douter; lorsque le cri public l’avertit sans cesse de son
malheur; lorsque d e s circonstances décisives entraînent
' de toutes parts la plus intime conviction? N on! il n'est
point d’état plus déchirant, plus digne de pitié ! et la
loi doit venir au secours d’ un époux aussi cruellement
o ffensé.
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Factums Godemel
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Title
A name given to the resource
[Factum. Noyer du Sauvage, Jean-Charles. 1810?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Devèze
Subject
The topic of the resource
émigrés
reconnaissance de paternité
tutelle
divorces
témoins
conseils de famille
absence
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour M. Jean-Charles Noyer du Sauvage, propriétaire ; habitant de la ville du Monastier, département de la Haute-Loire ; contre Anne-Françoise, se disant Noyer du Sauvage, mineure, maître Garron, avoué en la Cour, son curateur ad hoc, appelans d'un jugement du tribunal civil du Puy, du 30 août 1810 ; Et le sieur Honoré Debrus, notaire impérial, habitant du lieu d'Allairat, commune de Sallette, défendeur en assistance de cause.
note manuscrite : « Jugement confirmé par arrêt (sections réunies) du 5 avril 1813. Voir les motifs et l'arrêt à la fin de ce mémoire. »
Table Godemel : Tutelle : la délibération du conseil de famille portant nomination d’un tuteur n’est pas nulle pour avoir été prise par un conseil composé uniquement de parents maternels, surtout, dans la circonstance où la nomination du tuteur a eu lieu à la diligence du mari, à l’effet de former contre les enfants de sa femme une demande en désaveu.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de J.-C. Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1810
1791-1810
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
43 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2215
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0617
BCU_Factums_G2216
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53444/BCU_Factums_G2215.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Le Monastier-sur-Gazeille (43135)
Sallette (43231)
Clermont-Ferrand (63113)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
absence
conseils de famille
divorces
émigrés
reconnaissance de paternité
témoins
tutelle
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53877/BCU_Factums_M0617.pdf
8dbc85d56fa91aa40156f0e9a50b9bb7
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M É M O IR E
DE RIOM.
POUR
M. J e a n - C h a r l e s N O Y E R D U S A U V A G E ,
propriétaire-, habitant de la ville du Monastier,
département de la H a u te - L o i r e , intimé;
CONTRE
A
n n e -F ran çoi se ,
se
disant
N OYER
D U
S A U V A G E , mineure M .e G A R R O N , a voué
en la C o u r , son curateur ad hoc , appelans d'un
jugem ent du tribunal civil du P u y , du 3 o août 18 1 o ;
E t l e sieur
Honoré
D E B R U S , notaire im périal,
habitant du lieu d 'A lla ir a t, commune de Sallette,
défendeur en assistance de cause.
Q U E S T I O N D ’ E T A T.
DÉSAVEU d e
p a t e r n i t é
.
U n époux infortuné, blessé dans ce qu’il a de plus
cher, se voit obligé de faire au public le récit de ses
malheurs.
�Dans quelle position cruelle, dans quel embarras se
trouve le sieur Noyer du Sauvage? Comment pourrat-il s’exprimer avec décence sur un sujet aussi vil ?
Il voudrait conserver celle dignité qui convient ;'i la
C o u r ; il craint tout à la fois de parler et de se taire;
mais le silence serait trop dangereux : il lui importe de
dévoiler un mystère d'iniquité, qui a mis le comble
a
à ses maux.
A b s e n t , proscrit, dépouillé de ses biens, au moment
où. il retrouve une patrie, il apprend que son épouse
s’est livrée, pendant son absence, aux désordres les
plus criminels, l\ tout ce que la débauche et la crapule
peuvent présenter de plus honteux et de plus avilissant.
Cette femme adultère, en proie aux passions les plus
e f f r é n é e s , ignoble dans ses caprices, dépravée dans ses
gouls, a lié son sort à celui d’un vil scélérat qui a
trouvé sur l’éc hafaud la peine de ses crimes.
Elle est devenue mère : quatre enfans sont nés pen
dant l’émigration du mari, et ces naissances lui ont été
cachées avec soin.
On lui avait annoncé que celte femme criminelle et
déboutée avait fait prononcer son divorce ; cette
démarche tendait à diminuer ses peines : au moins
n ’avait-il plus rien de commun avec cet être dégradé
et corrompu.
Mais quel a été son désespoir, lorsque plus éclairé
sur ses malheurs, il a été convaincu q u ’il n’existait
aucune trace de ce divorce sur les registres publics!
Bientôt il est instruit que quatre enlans, nés d ’un com
�( 3 )
merce scandaleux, prétendaient s’élever jusqu’à lui t
et se faire reconnaître comme nés de son mariage.
Saisi d’horreur et d’effroi à cette nouvelle, il s’informe
avec soin, dans la ville qu ’il habite, aux enviions, s’il
existe des traces de ces différentes naissances. A force
de recherches, il découvre que cette femme a accou
ché d’un premier enlant à Clermont, et de trois en
la ville de Tournai.
Il obtient les extraits de naissance , et s’empresse
d’user du moyen que lui donne la loi : il désavoue la
paternité.
Il réussit au tribunal du P u y ; le désaveu est accueilli ;
ces enfans de ténèbres, fruits de l’incontinence et du
c r i m e ,■rentrent d an s le néant : il leur est fait défense
de porter un nom auquel ils ne doivent pas prétendre.
Trois d V n lr ’eux ont eu assez de pudeur pour res
pecter cet te décision. L e jugement est aujourd’hui inat
taquable. Une seule, Anne-FrançoLse, a eu l’audace
d’interjeter appel en la Cou r, ou plutôt on l a fait en
son n o m , sans respect pour la morale publique.
L a mère, au moins, n’a pas élevé la voix; accablée
de tous les maux qui sont la suite de la débauche , elle
a fait offrir, sur son lit de douleur, une déclaration qui
pût venir au secours d’un époux offensé. L e sieur du
Sauvage a refusé tout ce qui pouvait Je rapprocher
de celle sentine dégoûtante; il est assez fort de ses
moyens. On n’a jamais prétendu qu'Anne-Françoisc
lui appartînt, on ne se défend que par des fins de nonrecevoir; on soutient que son désaveu n’a pas ¿lé fait
�( 4 )
dans le délai prescrit. On a offert de prouver qu'il con
naissait l’existence de cet enfant; qu’il était instruit
qu’elle portait son nom depuis long-tems.
C e s assertions a u d a c i e u s e s ont d o n n é lieu à u n a rr êt
i n t e r l o c u t o i r e 5 des e n q u ê t e s r e s p e c t i v e s o nt é l é fa i te s;
o n en e x a m i n e r a le m é r i t e , l o r s q u ’ o n a u ra fuil c o n
n a î t r e les faits et les ci rc o n st a n c e s p a rt ic u li èr e s d e la
cause.
F A I T S .
t
L e sieur N oy e r du Sauvage eut le malheur d ’é
pouser la demoiselle Anne-Franc.oise de V é n y , le 9 jan
vier 1782. Les conventions matrimoniales sont fort
indifférentes dans la cause; cependant il n’esl pas inu
tile d’observer que le mari reçut le pouvoir de vendre
et aliéner les biens de sa femme à la charge du rem
ploi en fonds certains.
La révolution arriva. L e sieur du Sauvage n’avait
rien à regretter dans son intérieur; il part en 1791.
L e 9 thermidor an 2 , son nom est inscrit sur la
liste des émigrés; mais déjà sa femme n’avait pas
laissé ignorer l’absence de son mari; car on voit que
dès i 7 9 2 > et ensuite, le 4 mai 1793, elle a présenté
u n e pétition au directoire du département de la HauleLoire , pour obtenir une pension , en sa qualité de
femme du sieur du Sauvage réputc émigré.
C ’est dans le m o m e n t le plus orageux, où le gou
vernement d ’alors prenait les mesures les plus san
glantes contre ceux qui avaient quitté le sol français,
�( 5 )
que la dame du Sauvage vient elle-même publier
¡’émigration de son mari!
Elle avait cependant sous les yeux de grands exem
ples! hommage et respect c'i ces épouses vertueuses
dont le dévouement généreux, le courage éclatant a
sauvé l'honneur, la fortune et la vie de leurs époux!
qui de nous n’a pas été témoin de ces actes d ’hé
roïsme, dans un sexe faible et timide, qui bravait
la misère, les supplices et la m o r t , par un attache
ment sans bornes à ses devoirs.
Mais pourquoi rappeler des souvenirs affligeans ,
qui feraient verser des larmes sur le sort de ces tendres
victimes! L e sieur du Sauvage n’a-t-il pas assez de
ses p e i n e s , et doit-il les aggraver par un contraste aussi
choquant ?
Il lui reste encore trop de choses à exprimer; il doit
dite, en reprenant sa narration, qu ’en l’ an 3 ; ses co
héritiers se virent obligés de faire le partage de leurs
biens indivis avec la nation; et que la portion qui lui
revenait fut vendue nationalement.
Dans le mois de messidor de la même année 3
la dame de V é n y , prenant la qualité de femme de
L’émigré du Sauvage, attaqua en désistement des tiers
détenteurs qui avaient acquis de son maii des ïiriiiieiT1'bles propres à la fe m m e , en vertu du p o u v o i r qu’elle
lut avait donné par son contrat de mariage.
Celte demande donna lieu ;'i une discussion sérieuse,
qui fut terminée par un jugement du tiibunal civil
de R io m , du 24 messidor an 4 ; on lit dans les faits
�( 6 )
insérés au j u g e m e n t , que Jean - Charles du Sau
vage était émigré , et que dès le 17 novembre 17 9 2,
la dame de V e n y avait présenté une pétition aux
a u t o r i t é s administratives de la Haute-Ivoire, et obtenu
une provision de 2,000 francs.
!
Il est souvent question duns ce jugementi'du' sieur
du Sauvage, et toujours avec la qualification cTémi
gré ou réputé émigré.
t
On doit donc tenir pour constant querle sieur du
Sauvage était absent depuis 1791 ; qu ’en 1 7 9 2 , il est
dénoncé comme émigré par sa femme elle-même,
d’après son indiscrète pétition ; et que le sieur du Sau
vage était encore émigré en l’an 4 , le 24 messidor.
Cette observation ne laisse pas dfêire importante
pour les faits qui vont suivre ; car c’est le 19 fructidor
qu’est née A n n e-F ra n ço ise ; >et il est curieux de
connaître son acte de naissance ; 011 va le rapporter
fidèlement.
« Aujourd’h u i, 4.“ jour complémentaire an 4 , a
« comparu en la maison co m m u n e , et par-devant
« m o i , olïicier public soussigné, Charles Blancheton,
a officier de santé, habitant de cette commune de
« Clermont-Ferrand , qui m’a déclaré, en présence de
« Benoite Guittard,
femrne d’Augüstin R a y m o n d ,
« instituteur, et de Magdeleine Jouberton, fille de
« L auren t, cultivateur, toutes deux majeures, non
te parentes de l’enfant, qu’il a accouché dans la maison
« de lui B la n ch eto n , déclarant, le 19 fructidor der« tuer, à trois heures après midi, A n n e V én y, épouse
�( 7 )
« de Charles-Àugustin Sauvage, propriétaire , habitant
« o r d i n a i r e m e n t de la commune de Monaslier , dépar
te tement de la Haute-Loire, a c t u e l l e m e n t a b s e n t ,
r d’une
1111e
qui m ’a élé représenlée, et à laquelle
« il a été donné le prénom d’Anne-Françoise, de tout
te quoi j’ai dressé, etc. 35
Voilà donc cetle femme V é n y obligée de cacher sa
honte dans une maison de santé destinée à recevoir ces
viles créatures, pour y déposer les fruits de leur incon
tinence.
La femme V é n y est abandonnée, séquestrée de toute
sa iamille, et n’a d’autre ressource que d’aller accou
cher chez un chirurgien ; elle a encore assez de pudeur
pour n e pas p r é s e n l e r sa fille c o m m e l’e n f a n t de son
é p o u x ; on se g a r d e e n c o r e b ie n de la q u a li fi e r de fille
légitime; l ’acte de naissance prouve, constate même
q u e le m a r i était absent. Ainsi il ne peut résulter de
cet acte aucune possession d’état en faveur à 'A n n eFrançoise.
La femme V é n y ne quille la maison de sanlé que
pour se livrer à de nouveaux désordres; elle fait i onnaissance avec un aventurier, connu sous le nom de
Gmne%, et bientôt elle devient féconde; trois actes de
naissance ont élé délivrés au sieur du Sauvage; il est
encore important de les faite connaître.
T/e p r e m i e r esl du 2 g e r m i n a l an 6 , d e v a n t un sie ur
B o n n e t , m e m b r e de l' a d m i n i s t r a t i o n m u n i c i p a l e d e la
ville de J ourn ai. C e m ê m e j o u r , c o m p a r a i t J e a n - B a p liste B a i g n e l , a c c o u c h e u r , d o m i c i l i é e n la m ê m e v i l l e ,
�( 8 )
seclion Egalité, « le que l, assislé de L ou is Guine%, apok lliicaire, et de Pierre François, officier de santé,
« a déclaré en Cabsence de Charles-Joseph Guirie%,"
« absent pour ses affa ires, qu A n n e T^ény, son épouse ,*
« en légitime m ariage, est accouchée aujourd’hui à
« trois heures du malin , en son domicile , rue du
« C yg n e , d’un enfant femelle, que lui, Jean-Baptiste
« Baigne! m ’a présenté, et auquel il a donné les pré« noms de Louise-Anfoinetle-Joseph ».
L e second est du 23 germinal an 7 , devant Mazure,
officier de l’état civil de la même ville de Tournai. C ’est
G a i n e z lui-même q u i , assislé de deux témoins, « a
« déclaré qu’Anne-Françoise V é n y est a c c o u c h é e h i e r ,
« à onze heures du soir, d ’un enfant mâle, qu’il m’a
« présenté, et auquel il a donné les prénoms de C ha rl es
te Isidore, le
père
et les témoins ont signé, etc. »
L e troisième acte de naissance est ainsi concu : « D u
« 6 pluviôse an 1 1 , acte de naissance de Ju lie Guine%,
« née le 24 brumaire dernier, vers onze heures du
« soir, fUle de Charles-Joseph, rentier, domicilié rue
« du C h â t e a u , et d’ A n n e V e n j , non m ariés, ainsi que
« l a décla ré, en l ’a b s e n c e du père, Jean - Baptiste
« B a ig n e l, autre Jean-Baptiste Baignet, accoucheur;
« le sexe de l’enfant a été reconnu être féminin, etc. »
L e sieur du Sauvage, comme on peut le penser,
n’avait aucune connaissance de ces faits; il obtient une
surveillance sur la fin de l ’an 9, et revient au lieu do
sa naissance; mais il ne fui amnistié,en vertu du sénalusconsulte du 6 floréal an 10, que le 8 pluviôse an 11. On
se
�( 9 )
se d o u t e b i e n q u ’ u n e f e m m e c o u p a b l e n ’a pas osé se
p r é s e n t e r à son é p o u x ; ses p a r e n s o u ses a m is i g n o
r a ie n t m ê m e le lieu d e sa r é s i d e n c e ; mais o n le ras
sure : o n lui a tt es te q u ’elle a fait p r o n o n c e r son d i v o r c e
p e n d a n t l ’é m i g r a l i o n , et q u e c e d i v o r c e a é t é trans cr it
suk
les registres publics.
Il reste dans la plus profonde sécurité, voulant sur
tout oublier qu’il fut é poux, dès qu’il n'avait plus le
bonheur d’êlre père : il avait en effet perdu, depuis
long-t ems, les deux eufans provenus de son mariage.
Plusieurs années se passent dans cet état de calme,
si nécessaire à un infortuné, qui avait traversé avec
tant de sollicitude et de crainte le tems orageux de la
révolution.
M a i s b ie n t ô t sa tra nq u ill ité est t r o u b l é e ; il n ’ e n t e n d
d ’a b o r d q u e des p r o p o s v a g u e s , q u i s e m b l a i e n t le c o n
c e r n e r , mais q u i ne lui é ta ie n t pas adressés d i r e c t e m e n t .
Son i n q u i é t u d e a u g m e n t e ; il a p p r e n d e n fi n q u ’ il n ’ exis te
pas sur les registres d e trac es d u d i v o r c e d e sa f e m m e ;
q u ’ elle a v é c u dans le l i b e r t i n a g e le plus c r a p u l e u x ,
et q u ’elle a d o n n é le j o u r à plusie urs enfa ns . 11 s en t
c o m b i e n il est i m p o r t a n t p o u r lui d e d é c o u v r i r c e m y s
t è r e d ’i n i q u i t é ; il v e u t s u i v r e les tr ac es de la f e m m e
V é n y ; toutes r e c h e r c h e s sont i n f r u c t u e u s e s dans le li eu
d e son d o m i c i l e , c o m m e dans les villes v o i s in e s ; le
ha s a rd lui f a i l d é c o u v r i r q u e la f e m m e V é n y a fait u n
l o n g s é j o u r dans la ville d e T o u r n a i ; il écrit a u x a u t o
rités d e c e l t e v i l l e ; et le i 3 m a i 1 8 0 9 , il re ço it d e l ’a d
j o i n t d e la m a ir i e d e T o u r n a i les trois a ct es d e n a is -
3
�( 1° )
sance cîuement en f o r m e , et légalisés, dont on vient
de rendre compte.
Ce n’est pas tout : il est aussi informé qu’il existe
à Clermont un premier enfant, dont on lui a caché la
naissance; il se fait délivrer l’acte de naissance $ A n n eF ran çoise, qu’on a rapporté en première ligne.
Il prend sur-le-champ son parti. L e i 5 juin 1809,
il fait notifier un acte extrajudiciaire aux quatre enfans
mineurs, et ¿1 la femme Vény. Il y expose qu ’il a nou
vellement découvert que les liens qui l’avaient uni
avec cette dernière n’avaient pas été légalement rom
pus, ainsi qu’il aurait dû le croire d’après la publicité
et la nature des liaisons q u ’elle avait eues pendant
¡’émigration de son mari; il se réserve de se pourvoir
contr’elle par les voies de droit.
Il ajoute que ne voulant pas laisser dans sa famille
des enfans étrangers, il entend former l’action en dé
saveu de paternité contre ces quatre enfans; il expose
qu’il lui sera facile de prouver que non-seulement il
était, pour cause d’éloignement, dans l’impossibilité
physique de cohabiter avec sa iemme pendant le teins
déterminé par l'article 3 i z du Code Napoléon, mais
encore pendant plusieurs années avant ; enfin , parce
qu’à l’époque de la naissance de ces enfans, et a v a n t , la
femme Vény vivait publiquement avec tout autre, ce
qui est établi par les actes de naissance, et ce qui le
serait au'besoin par d’autres preuves non équivoques.
Il duclaro que pour défendre à celle demande en
‘
désaveu de paternité, il se propose'de faire nommer
�( II )
un tuteur aux enfans, en présence de leur m ère, et
qu’il va se relirer-par-devant le juge de paix de son
domicile, qui doit être, aux fermes de l ’article 108 du
Code Napo léon, celui de la mère et des enfans.
4 juillet 1809, cédule du juge de paix, pour con
voquer le conseil de famille. L e sieur du Sauvage a
soin d’observer que ses parens ne doivent pas être con
voqués à raison de la nature de sa demande , et il
indique huit pîtrens maternels, habitant tous le dépar
tement du Pu y-d e-D ôm e.
Alors le juge de p aix , attendu l ’éloignement, et que
le cas requiert célérité, ordonne que huit personnes
par lui indiquées comme voisins o u c o n n u s pour avoir
eu des liaisons d ’a m i t i é a v e c la f e m m e V é n y , seront
appelées pour comparaître le lendemain devant l u i,
à l’effet de délibérer sur le choix et nomination d’un
tuteur ad hoc aux quatre enfans mineurs.
L e lendemain, les personnes indiquées par le juge
de paix comparaissent devant l u i , en vertu de sa
cédule et de l’assignation de la veille; le sieur Debrus,
notaire, est nommé tuteur ad hoc aux enfans, et en
accepte la charge.
L e 7 juillet , demande en désaveu do p a t e r n i t é
des quatre enfans, devant le tribunal civil du P u y ,
contre le sieur Debrus, en sa q u a l i t é de tuteur. lie
sieur Noyer du Sauvage conclut à ce qu’il soit fait
defense a ces quatre individus de se dire et de prendre
la qualité de ses enfans, aux peines de droit.
4
�( 12 )
Le
ii
juillet, même assignation, et demande ré
pétée contre la femme Vény.
La femme V é n y ne comparut pas: le tuteur seul
constitua avoué , ce qui donna lieu à uu jugement
de jonction contre la femme V é n y , en date du 10
avril 1810.
Il s’éleva quelques discussions sur l ’irrégularité de
la procédure; mais le 3 o avril 1 8 1 0 , il fut rendu
un jugement, par lequel le tribunal « Considérant
qu’il résulte des actes de naissance d’ Anne-Françoise
Sauvage, Louise-Antoinette, Joseph Guinez, CharlesIsidore G u i n e z , et Julie G u i n e z , qu’ils sont nés dans
des communes éloignées du d o m i c i l e du sieur du
Sauvage, en l’absence du sieur du Sauvage , et pen
dant son émigration ;
« Que depuis son retour, An ne V é n y et ses enfans
n ’ont pas cohabité avec lui ;
« Q u ’il paraît que le sieur Noyer du Sauvage n’a eu
légalement connaissance de l’existence des enfans de
son épouse que par l’extrait des actes de naissance qui
lui ont été délivrés à Tournai et ¿i Clermont, aux mois
de mai et de juin 1809; que sa demande en désaveu
a été formée dans les délais et en observant les formes
prescrites par les articles 3 16 et 3 i 8 du Code Napoléon;
. « Considérant, au fond, qu’il n’est pas disconvenu
que le d e m a n d e u r fût absent du domicile conjugal, et
n’eût aucun rapport avec sa femme plusieurs années
avant la naissance de ces enfans; qu’il est même de no
toriété publique que, vers la fin de l’année 17 9 3 , la
�( i3 )
femme V é n y avait f a i t , à raison de Cémigration de
son m ari, une déclaration de divorce en la maison com
mune du P uy •
« Q u’on lui a donné, dans le premier des actes
de naissance, le iilre de femme légitime de CharlesAuguslin Sauvage, ce qui n’est pas le nom du deman
deur; que dans les autres, on lui a donné le nom de
iemme légitime de Charles-Joseph Guinez; qu ’aucun
de ces enfans ne peut réclamer ainsi ni son acte de
naissance, ni la possession d’état pour se dire enfant
de Jean-Charles du N oy er du Sauvage ;
« Considérant qu ’à défaut d’acte de
naissance ,
pour prouver leur filiation avec le demandeur, on
n’établit pas la possession c o n s t a n t e d e l'état d ’e n f a n t
légitime; qu ’on n’offre pas même de prouver que le
demandeur ait reconnu ces enfans; qu’il lésait jamais
traités comme les siens; qu’il eût pourvu en celle qualité
à leur éducation, entretien ou établissement; ni même
qu’ils aient jamais été reconnus dans la société ou dans
sa famille pour ses enfans;
,
« Considérant qu’il ne peut y avoir lieu à faire
transcrire le jugement qui prononce sur le désaveu
des enfans, en marge des registres de l’élat civil,
que lorsqu’ils sont inscrits sous le nom du péri* qui
les désavoue; que leur acte d e naissa nce les affilie a.
une famille qui n’est pas la leur; et q11 a u c u n des enfans ne sont inscrits sur les registres, comme enfans
de Jean-Charles du N o y e r ;
« Par ces motifs, statuant sur la demande en désa
�( i4 )
veu de Jean-Charles du N oyer du Sauvage, donne
défaut contre la dame V é n y comparante, et demeu
rant le défaut joint îi la demande principale , par
le j u g e m e n t d u 10 avril i 3 i o , signifié par l ’huissier
com m is
le 10 m a i suivant; sans s’arrêter à choses
déduites par le tuteur des enfans désavoués , déclare
la demande régulière en la forme et bien poursuivie;
et y faisant droit, prononce qu’Anne-Fruncoise Sau
vage , Louise-Antoinette, Joseph G u in e z , ChailesIsidore
G u in e z ,
et Julie
Guinez ne sont pas les
enfans de Jean-Charles du Noyer du Sauvage; leur
fait défenses, en conséquence, de prendre son nom
à l’avenir, et de se dire nés de son m a r i a g e avec
Anne-Françoise V é n y , sous les peines de droit; pro
nonce n’y avoir lieu d ’ordonner la mention du présent
jugement en marge des registres de l’état civil des
villes de Clermont et de Tournai, attendu que les e n
fans n’y
sont pas inscrits comme enfans de Jean-
C h a r l e s du Noyer du Sauvage; déclare le jugement
commun avec la dame V é n y de Villemonl et la con
damne aux dépens, etc. »
Ce jugement a été signifié au tuteur et à la femme
Vény. Cette dernière ainsi que les enfans Guinez ont
gardé le silence. A nne-Françoise seule a d ’abord in
terjeté appel j mais ensuite elle a pretendu que sa
défense avait été absolument négligée par celui qui
avait été nommé son tuteur; elle a cru devoir pré
senter une requête en la Cour , pour demander la
nomination d ’un nouveau curateur, à l’eilet de pou
�( i5 )
voir, sous son autorisation, faire appel du jugement
rendu par le tribunal du P u y , le 10 avril 1810.
Sur cette requête non communiquée, il a été rendu
un arrêt, le 11 mai 1 8 1 1 , portant nomination de
M . e Garron, avoué en la Cou r, pour curateur à’A n n eFrançoise; et M.e Garron, tant en son nom de curateur
qu'en celui d’Anne-Françoise, a interjeté un nouvel
appel le 14 du même mois de mai.
Cette nomination de curateur sur simple requête
est elle régulière? Cette forme paraît inusitée, et n ’est
autorisée par aucune loi. L e Code Napoléon n’indique
qu’un seul mode pour la nomination des tuteurs ou
curateurs, et c ’est par la voie d’un conseil de famille.
L e sie u r d u S a u v a g e q u i ne m e t pas a u t r e m e n t d’im
portance aux discussions de forme, a cependant cru
devoir insister sur la nullité de celle nomination.
D ’ un autre côté, Arm e Françoise a aussi prétendit
que les procès verbaux du conseil de famille, des 4
et 5 juillet 1809, étaient irréguliers. Suivant elle, le
conseil de famille devait être composé de païens pa
ternels et maternels et elle n’a pas voulu faire a tien lion
qu il élait déplacé de faire comparaîlre des parons du
sieur du Sauvage, d’après la nature de sa demande;
que c ’élail dans l’intérêt même de l’a p p e l a n t e que
1 observation avait été faile; et que les païens mater
nels élant à mie plus grande dislance que celle déter
minée par la loi, devait être remplacés par des amis
ou voisins.
A u surplus, ces questions de forme sont encore
�( i6 )
intactes; elles sont soumises h la Cour qui les appréciera
dans sa sagesse, et elles ne doivent pas relarder la dis
cussion du fond.
l ie sieur du Sauvage a désavoué ces quatre enfans,
en se fondant sur l’arlicle 3 ï 6 du Code Napoléon,
dernier §. Les naissances lui avaient élé cachées ;
les enfans avaient élé conçus et nés pendant son émi
gration, lorsqu’il y avait impossibilité physique de c o
habitation entre les époux. Rien de mieux prouvé
que son absence, par une série d’actes qui émanent
tous de la femme V é n y , en 1 7 9 2 , 179^, an 3 , an
4 et an 5 . Et la cause portée en l’audience solennelle
de la Cou r, le 5 août dernier, l’évidence de sa de
mande fut portée à un si haut d e gré , que l'ap
pelante ne parvint à en arrêter la manifestation qu’en
offrant des preuves qui tendaient à établir, i.° que
le sieur du Sauvage, après sa rentrée dans son domi
cile, et notamment en l’an 10, était venu chez la dame
Demariolles, où il avait vu l’appelante, lavait reconnue
et considérée comme fille de son épouse ; 2 ° que l’ap
pelante était connue sous le nom d 'A n n e du Sauvage ;
3.° qu’elle était ainsi n o m m é e dans la pension où elle
était envoyée par la dame Demariolles, et dans laquelle
pension le sieur du Sauvage avait vu et reconnu r a p
pelante comme il l’avait fait dans la maison de la dame
Demariolles; 4.0 enfin, que le sieur du Sauvage avait
dit plusieurs fois que l’appelante ressemblait à la femme
V é n y , sa mère.
La Cour qui met toujours la plus grande nnituiilé
dans
�( i7 )
dans ses décisions, rendit, le même jour 5 août 1 8 1 2 ,
un arrêt interlocutoire, par lequel, en réservant res
pectivement les lias, elle ordonna, avant faire droit,
que l’appelante ferait preuve par témoins : que plus
de deux ans avant la demande en désaveu de paternité,
formée par le sieur du Sauvage, il était venu après sa
rentrée en son domicile, et notamment en l’an 10,
chez la dame Demariolles ; qu’il y avait vu A n n e ' F rançoise, et l’avait reconnue pour être la fille de sa
f e m m e ; 2.0 qu’elle était connue de lui sous le nom
d ’A nna-Françoise du Sauvage - 3.° qu’en sa présence
de lui du Sauvage, et dans la pension où était élevée
l ’appelante, elle a été ainsi appelée et dén om m ée, et
q u ’il l'y a r e c o n n u e c o m m e tille de sa f e m m e , s a u f
au sieur du Sauvage la preuve contraire dans le
m êm e délai.
En exécution de cet arrêt, les parties ont respec
tivement enquêté. Il est indispensable de faire con
naître ces enquêtes à la Cour.
Le
premier témoin de l’enquête directe est M.
Gauthier, juge au tribunal civil de Clermont. Il ne
sait rien des faits consignés dans l’interlocutoire; il
se rappelle néanmoins avoir entendu dire chez la dame
Lacaussade, que M. Noyer du Sauvage était dans l’in
tention de se pourvoir en désaveu de p a t e r n i t é des
en fans que sa femme avait pu a v o i r pendant le teins
de son émigration : il ne peut préciser 1 epoque on ce
propos a été tenu , ni par qui il l’a été.
L e second témoin est la dame Lucaussade, femme
�( i8 )
François; elle ne sait absolument rien des faits in
terloqués.
L e troisième, Victoire V i g n a u , femme de Pierre
Vignau , limonadier à Clermont , dépose qu’il y a
environ sept ans, autant qu’elle peut s’en rappeler,
ayant à dîner chez elle le sieur du Sauvage, le sieur
Cellier et le sieur G e rv is , dans le cours de ce d î n e r ,
le sieur du S a u v a g e , parlant de son épouse, dit qu’il
lui serait facile de rentrer dans ses biens, mais pour
ses enfans qu'il ne les reconnaîtrait jamais, et que
c’était ce qui l’empêchait de poursuivre la rentrée
de ses biens.
L e quatrième témoin, Viclor Cellier, u n des con
vives dont parle la femme Vignau , dépose ne rien
savoir des faits interloqués, si ce n’est qu ’il y a environ
sept ans, étant à dîner chez la dame Vignau avec le
sieur du Sauvage el le sieur Gervis, le sieur du Sauvage ,
parlant de sa malheureuse situation à l’égard de son
épouse, dit qu’ils avaient eu deux enfans qui n’exis
taient plus, mais que depuis son émigration, il en
était survenu d’autres, qui n’étaient pas de lu i;
que le déclarant a y a n t cherché à le réconcilier avec
sa f e m m e , par des voies de douceur, il n’avait pu y
parvenir; qu'au contraire, le sieur du Sauvage avait
formellement déc laré qu il ne reconnaîtrait jamais ces
enfans, et q u ’il ne venait pas sa femme; qu ’il savait
qu'il y avait un de ces enfans chez la dame Demariolles, sa belle sœur, mais qu’il ne le reconnaissait
pas pour le sien.
�(<ï9 )
L e cinquième témoin, Jean-Baptiste Giron , dépose
qu’il connaît depuis long-lems le sieur du Sauvage ;
qu’il a tenu sur les fonds baptismaux un enfant à lui
déposant avec la dame Demariolles, sa belle sœur;
qu ’en l’an 12, étant allé voir cet enfant, qui était
à l’école secondaire de Ponlgibaud, à l’époque de la
distribution des prix do cette année 12 , il y rencontra
le sieur du Sauvage, qu’il n’avait pas vu depuis longtems : il lui témoigna son étonnement de le trouver
en cet endroit. L e sieur du Sauvage lui dit qu’il y était
venu exprès pour voir son filleul, fils du déclarant, qu’il
lui était fort attaché,.et qu’il voulait même le faire son
héritier, ¿1 quoi le témoin répondit que cela ne se pouvait
p a s , p u i s q u ’il a v a i t des enfans. L e sie ur d u S a u v a g e r é
pliqua qu’il n’en avait p a s , et qu’il n’en connaissait
point. Lors de cette conversation, intervint le sieur
Gauthier de B io sat, ce qui fil que le déclarant ne
poursuivit pas plus loin la conversation.
Ajoute le déposant, qu’à une époque postérieure
à celle qu’il vient de désigner, sans pouvoir la pré
ciser , il lui fut présenté, ou par le sieur du Sauvage, ou
par le sieur D e te ix , .sans pouvoir assurer par lequel
des deux, trois extraits de naissance de trois en fa n s
de l’épouse du sieur du Sauvage ; dans l’un de ces
extraits était le n o m du sieur du S a u v a g e , c o m m e père
de 1 enfant 5 dans le second, la p a t e r n i t é était attribuée
au nommé Guinez; dans le t r o i s i è m e , le père é ta it
déclaré inconnu. Cette époque r e m o n t e à-peu-près à
celle où la lille A n n e du Sauvage fut relirée des mains
6
�de-Guinez, en vertu d’un jugemeut de police correclionnelle.
L e témoin interpellé, à la réquisition du sieur du
Sauvage, s’il savait le nom que portait cette fille, lors
qu’elle était chez la dame Demariolles, a répondu qu’il
ne lui connaissait pas d’autre nom que celui A’A n n a .
L e sixième témoin est le sieur Bernard Vincent. Il
dépose qu ’en qualité d’ami, soit du sieur du Sauvage,
soit de la dame Demariolles, il s’est trouvé souvent avec
l’ un et avec l’autre, et même avec tous les deux en
semble ; que la dame Demariolles prenait soin, et tenait
auprès d’elle un enfant nommé A n n a ; que quelquefois
les personnes de la maison l’appelaient sous le nom de
du Sauvage, mais que la dame Demariolles, publique
m e n t , ne lui donnait d’autre nom que celui d’A n n a ;
quelquefois, et par inadvertance, elle la nommait par
celui de du Sauvage; néanmoins, lorsque le sieur du
Sauvage allait chez sa b elle-sœ u r, elle avait le plus
grand soin de faire disparaître cet enfant ; et cet enfant
l u i- m e m e , sans se le faire dire, avait soin de ne pas
se montrer. L e déclarant y ayant fait attention, avait
témoigné son étonnement à la dame Demariolles, qui
lui avait dit qu’elle estimait trop le sieur du Sauvage,
son beau-frère, pour lui montrer cet enfunl ; que d ’ail
leurs il n’élail pas dans ses principes de lui faire voir
un enfant q u ’ e l l e savait n’être pas à lui, quoique pro
venu de sa femme.
L e témoin ajoute h ce sujet, qu’ayant eu plusieurs
conversations avec le sieur du Sauvage, qui n'igno
�/
( 21 )
rait pas l’existence de cet enfant, qu’on lui avait dit
appartenir à sa fe m m e , et être chez la dame D e m a riolles, il lui avait témoigné avoir remarqué cet enfant,
et l’ailectation de se cacher lorsqu’il se montrait. Il le
pria de savoir où la dame du Sauvage s’était accouchée,
et où l’extrait de naissance pourrait se trouver, et s’il
avait été fait sous son nom : il voulait même que le
déclarant s'adressât pour cela à la dame Demariolles,
sans le nom mer; celui-ci montra de la répugnance sur
ce point, mais il lui offrit de s’acquitter de la commis
sion, s’il voulait trouver bon qu’il le demandât en son
nom à la clame Demariolles. L e sieur du Sauvage ne
Voulut point que la commission fût faite ainsi, en con
s é q u e n c e le d é c l a r a n t n ’e n pa rla p oi nt à la d a m e D e m a
riolles. ,■
Interpellé sur l'époque de cette conversation, le té
moin n’a su la préciser, néanmoins il a dit qu’elle se
rapportait à l’époque d’un procès que le sieur du Sau
vage oncle avait alors pendant à la Cour.
L e septième témoin est un sieur Esmelin, d’ Aigueperse. Il était fermier de la dame Demariolles; mais
il dit avoir cessé de l’être depuis cinq ans. Il dépose
qu’il y a environ dix ans, il a connu à Aigueperse,
une fille à qui on donnait le nom de du Sauvage.
Elle etail sous la direction d’un nommé Guinée, alors
logé dans l’auberge de la veuve T u p o n , aujourd’hui
occupée par le nommé Claustre son gendre. Elle y a
ainsi demeuré sous la même direction pendant quatre
à cinq mois. Guinez, qui était un liès-inauuais sujet,
�( «
)
usant de mauvais procédés envers cet enfant , on fut
obligé de se pourvoir à la police correctionnelle, où
il intervint un jugement à la requête de la dame de
Mariolles, qui remit l’enfant à cette dernière, et con
damna Guinez à un emprisonnement. L e témoin,
ayant eu plusieurs fois l’occasion de voir M. du Sau
vage , et lui ayant parlé de cette fille qu’il croyait
être vraiment la sienne, il lui rappela les mauvais
traitemens exercés sur elle par G u in e z , et la punition
qui avait été infligée à ce dernier par le jugement de
police correctionnelle; à quoi le sieur du Sauvage ne
répondit rien. Suivant le témoin, l’époque de celte
conversation peut remonter à entour huit ¿1 neuf ans,
autant qu’il puisse s’en souvenir. Il ajoute avoir vu la
petite fille en question dans la maison de la dame de
Mariolles. On l’appelait alors la petite du Sauvage.
Ce n’est que depuis cinq ans qu’il Ta connue sous le
nom d'A n n a . Enfin les conversations que le témoin
a eues avec le sieur du Sauvage, au sujet de cet enfant,
ont été tenues à l’auberge de Boyer , et point chez
la dame de Mariolles.
L e huitième témoin est M. Cliassaing, juge au
tribunal de Clermont. On a observé à ce lémoin qu ’il
avait la confiance générale de la maison Villemont ;
qu’il a été chargé de plusieurs comptes et liquidations
pour cette maison; que même il a contracté plusieurs
engngemens de garantie envers les acquéreurs de la
dame de Villemont.
Lorsque le sieur du Sauvage s’est permis de faire
L
�( 23 )
celte observation à M. Chassaing, il n’avait nullement
Fintenlion de le blesser. Mais il est du plus grand in
térêt pour lui d’écarter tous ceux qui pourraient avoir
quelques liaisons avec la seule personne qui ait préparé
celle intrigue, et qui lui a suscité cet incident dans les
intentions les plus hostiles : elle ne les a pas même dis
simulées, et les a présentées à ses créanciers comme
une ressource. Dans ses indiscrètes confidences, et à
raison de la pénurie de ses mo yens, elle croit que si
elle parvenait à faire déclarer cet enfant fille du sieuv
du Sauvage, elle aurait à répéter contre lui des pen
sions considérables, qu’elle promet à ses créanciers.
11 est
assez n a t u r e l dès-lors q u e le s ie u r du S a u v a g e
s u sp e ct e c e u x qui on t c o n l r a c l é des e n g a g e m e n s , ou se
sont r e n d u s c a u t i o n s d e la d a m e D e m a r i o l l e s .
M. Chassaing, il faut en convenir, a répondu avec
franchise : il a dit que cela était v r a i, dans le iems
qu'il élail a v o u é , mais que tous ces faits n’existent plus
depuis qu’ il est dans la magistrature; que la liquidation
de la dame Demariolles, dont il était chargé comme
avoué, se poursuit aujourd’hui judiciairement, et que
bientôt les engagemens par lui contractés ne subsiste
ront plus ; donc ils existaient au moment de la dépo
sition. La Cour appréc iera ces observations.
A u surplus, ce témoin dépose qu’à une époque
dont il n’est pus parfaitement m é n i o r a l i f , le sieur du
Sauvage vint le trouver dans l’ancienne maison qu’il
occupai! alors; il élail accompagné du s.r Levet ; il était
porteur d un eilet de 1,600 fr. tiré ou endossé par la
�( M )
dame Demariolles; il le pria de le faire négocier p arles.'
D u m a y , son gendre. C e lle négociation ayant été ef
fe c tué e , occasionna plusieurs visites chez le déposant,
de la part du sieur du Sauvage. Dans une de ces visites,
le déclarant lui demanda s’il élait ici avec la dame son
épouse; sur quoi, le sieur du Sauvage se récria, en
disant qu’il était impossible d’ habiter avec une femme
aussi immorale, aussi déréglée qu’elle; qu’il n’ignorait
pas que pendant son émigration, elle avait eu deux
ou trois enfans, dont, notamment une fille demeu
rant chez la dame Demariolles, mais qu’il désavouait
•tous ces enfans ; qu’il se proposait même de se
pourvoir en divorce contre sa fe m m e , et en désaveu
de paternité contre chacun desdits enfans; q u ’ alors
le déclarant lui dit : vous ne voyez donc pas madame
Demariolles votre belle sœur? que le sieur du Sauvage
lui répondit : je la vois quelquefois; je la vois même avec
plaisir; je fais cas de la bonté de son caractère, mais,
par égard pour moi, elle a soin de faire disparaître
l'enfant lorsque j ’entre dans la maison.
Interpellé, à la requête du curateur, sur l’époque de
ces diverses visites et conversations, le témoin déclare
n e pas se rappeler de l’épo que, que néanmoins c ’était
plusieurs mois avant l’acquisition desa nouvelle maison,
ce qui remonte à plus de cinq ans au moins; n’ayant
point a c t u e l l e m e n t sous les ye ux son contrat d’acqui
sition.
L e neuvicSme témoin est Gabriel Gervis. Il dépose
qu’il no sait rien des faits interloqués. Depuis très longtems
�( 25 )
tems et antérieurement à rémigration du sieur du Sau
vage
, il ya, eu l’honneur de sa connaissance. To ut ce dont
O
il se rappelle, ayant rencontré ledit sieur du Sauvage
dans la ville de Clerm ont, il l’engagea à dîner, ce que
le sieur du Sauvage accepta. Il y eut à ce dîner d’autres
convives, notamment lesieurCellier et la dame Vignau;
mais il ne se rappelle nullement qu’il eût été question
de rien sur celte affaire.
L e dixième et dernier témoin est le sieur Claude
Tapon. Ce témoin a été entendu au tribunal de Tliiers;
et par une singularité dont on ne peut rendre compte,
le sieur du Sauvage fut assigné pour être présent à
l ’audition de ce tém oin , le même jour qu’il assistait
à la C o u r à l ’ e n q u ê f e fa it e à la r e q u ê t e d ’ A n n a . Son
avoué de Thiers a cru devoir protester de nullité, et
se réserver tous moyens de récusation.
Quoi qu’il en soit, ce témoin a déposé qu’il a fré
quenté la maison de la dame Demariolles, depuis l’an
7 ou environ jusqu’en 1806, momentanément et par
intervalles; que dans le courant de l’an 10 et années
suivantes, il a eu occasion d y voir, à différentes fois, le
sieur Noyer du Sauvage; que même le sieur du Sau
vage lui a dit souvent, dans la conversation, q u e si la
dame de V é n y , son épouse, ne s’était pas p r o s l i l u é e
ou nommé Guinez, qui a été guillotiné, il se serait
peut-être décidé à faire du bien h A n n a , . qu il a eu
pareillement occasion de voir A n n a dans la maison
de madame Demariolles, et c e , depuis enlour 1 4 ans,
qu ’ il Ty a toujours vue depuis cet le époque jusqu’au 1110-
7
�( 26 )
menl où elle fui mise en pension, et l ’a constamment en
tendu nommer A n n a , sans autre dénomination. A n n a
appelait madame Demariolles sa tante, et la dame
de V é n y sa mère : à l’égard du sieur du Sauvage, il
ne lui a jamais dit qu'‘ A n n a fut la fille de sa fe mme;
quant à lui déposant, il est bien persuadé qu’A n n a
est fille de la dame du Sauvage, et il était d’autant
plus fondé à le croire, que c ’était là l’opinion publique,
et qa’A n n a ressemble singulièrement à la femme Vény.
L e témoin observe que lorsque le sieur du Sauvage
venait chez la dame Demariolles, sa belle sœur, A n n a
ne venait pas à table lant que le sieur du Sauvage
séjournait chez celte d am e, et elle y reparaissait lors
q u ’il était parti; il semblait qu ’on voulût faire en sorte
que le sieur du Sauvage ne la vît pas.
On demande au témoin s’il est de sa connaissance
que le sieur du Sauvage .sût qu 'A n n a était l’enfant de
Ja dame V é n y son épouse. Il répond que le sieur du
Sauvage ne lui a pasdit précisément qu’il le savait, parcequ e, malgré les soins qu’on prenait pour empêcher
A n n a de se rencontrer avec le sieur du Sauvage, il
n ’avait pas laissé de la voir quelquefois, et n’avait pu
faire autrement que de lui. trouver une parfaite res-*semblance avec la dame Vény.
Telle est l ’enquête directe faite à la requêt d 'A n n e Françoise. On sera sans doute étonné qu’elle n’ait
fait as^'gner aucun témoin qui pût déposer sur le
troisième fait dont l’arrêt de la Cour ordonne la preuve,
fait très-important puisqu’il tendait à établir q u ’en la
�( 27 )
présence du sieur du Sauvage, et dans la pension.
à.’ A n n a , elle avait été appelée et dénommée A n n a
d u Sauvage, et qu’il l’y avait reconnue comme fille
de sa femme.
L e sieur du Sauvage a remarqué cette lacune; et s’est
déterminé, à raison de ce, à faire une enquête contraire;
mais il s’est contenté de faire assigner deux seuls té
moins, la dame de Rigaud qui tenait la maison d’é
ducation où a été élevée A n n e-F ran çoise, et la dame
D echamp sa coadjutrice. Cette dernière n’a pu com
paraître; mais la dame de Rigaud a été entendue.
Elle dépose que tenant une maison d’éducation de
jeunes demoiselles, conjointement avec la dame'D ec h a m p , il lui fut a m e n é pur la d a m e D u m o n t e l d ’ A r d e s ,
actuellement décédée, u n e jeune fille, âgée d’environ
sept à huit ans, que la dame Dumontel lui dit être
la nièce de la dame Demariolles , et lui être amenée
de sa part ; qu’en effet depuis cette époque, et pendant
environ deux ans et demi, que cette nièce avait de
meuré comme externe dans sa maison, sa pension a
été payée par la dame Demariolles; mais elle n’était
connue dans la maison que sous le nom à "A n n a , nièce
de lu dame Demariolles. Pendant l’intervalle de ces
deux ans et demi, elle se rappelle que le sie u r du
Sauvage est venu une ou deux fois dans la maison,
mais que ce n’était que pour voir u n e jeune veuve
du P u y , qui y habitait ; il était chargé , do lu part de
la famille de cette ve u ve, de lu voir, et de lui porter de.
l ’argent. 11 lui en porta en effet, et il n’a jamais été ques-
8
�/
( *8 )
tion , de la pari du sieur du Sauvage, de demander des
nouvelles de la fille A n n a , qui même ne lui a jamais
été présentée.
L e sieur du Sauvage a cru devoir rapporter fidè
lement et matériellement la déposition des témoins,
avant de se permettre aucunes réflexions; il a pensé
q u e , p a r c e m o y e n , on en saisirait mieux l’ensemble,
pour comparer ensuite les faits dont il a été déposé,
avec ceux gisant en preuves.
Dans cetle matière, il n’y a rien d’indifférent; ce
n ’est qu’après la plus mure délibération que la Cour
a resserré les faits dans, un cadre étroit, a pesé ceux
qui étaient susceptibles de faire impression ou de
porter la conviction dans les esprits; elle se rappellera
su r-tou t qu ’ Anna-Françoise , ou ceux qui la font
agir, voulait prendre une plus grande latitude, et ne
mettait en avant que des laits*vagues et insignifians;
q u e , malgré ses observations, la Cour maintint son
arrêt, sans vouloir rien ajouter ni retrancher.
Ainsi A n n a avait h prouver trois faits : i°. que plus
de deux ans avant la demande en désaveu de pater
nité, et notamment, en l’an 10 , le sieur du Sauvage
est
venu chez la dame Demariolles, qu’il y a vu
A n n a , et l’a reconnue pour être la fille de sa femme.
11 convient de s’arrêter d abord sur le premier Jait.
L e désaveu de paternité est du i 5 juin 1809, et
remonte à trois ans et demi.
L e premier témoin a entendu dire, sans se rappeler
1*
�( 29 )
l ’époque , que le sieur du Sauvage voulait se pourvoir
en désaveu de paternité.
L e second ne sait absolument rien.
L e troisième a ouï dire, il y a environ sept ans, que
le sieur du Sauvage déclara qu’il ne reconnaîtrait ja
mais ces enfans.
L e quatrième tient le même langage : le sieur du
Sauvage savait qu ’il y avait un enfant chez la dame
de Mariolles, mais qu’il ne le reconnaîtrait jamais pour
le sien.
L e cinquième a voulu observer au sieur du Sau
vage qu’il avait des enfans ; celui ci lui a répondu
q u ’il n 'e n a v a i t pas. il a v u e n t r e les m a in s d u sie ur
du S a u v a g e ou du sieur D e l e i x trois e x tr a it s d e nais
sance; il ne sait pas dire lequel des deux, ni préciser
l’époque.
On* sait que ces exlrails de naissance n’ont élé con-t
nus et retirés qu ’en juin 1809 , el que le désaveu de
paternité a eu lieu dans le mois de lu découverte.
Ce même témoin n’a connu l’appelante que sous le
nom d ’ A nna.
L a déposition du sixième témoin est plus étendue;
mais il
riolles
nom d
les fois
déclare bien positivement que la dame D e m a ne d o n n a i t publiquement à cet enfan t que le
A n n a • elle faisail disparaître c e l l e fille, toutes
que le sieur du Sauvage e nl ra it chez elle; elle
estimait trop son beau-ftère pour lui montrer cet en
fant. Il n’était pas dans ses principes de lui iaire voir
�( 3o )
un enfant qu'elle savait n’être pas à lu i, quoique pro
venu de sa femme.
L e septième témoin a voulu entretenir le sieur du
Sauvage des mauvais traitemens que G ainez faisait
éprouver à cette fille ; le sieur du Sauvage ne lui a
lien répondu.
L e huitième dépose que le sieur du Sauvage lui a dit
ne pas ignorer que sa femme avait eu deux ou trois
enfans pendant son émigration, notamment un chez
la dame Demariolles, mais qu ’il désavouait tous ces
enfans, et se proposait de former la demande e n ’dé
saveu de paternité ; il ajoute aus^i que le sieur du Sau
vage lui avait déclaré, que lorsqu’ il se présentait chez
la dame Demariolles, elle avait soin de faire retirer
cet enfant.
C e témoin fait remonter cette conversation à cinq
ans ; au moment où il déposait, la demande en dé
saveu était formée depuis trois ans et quatre mois.
L e neuvième n’a aucune connaissance des faits.
. L e dixième a entendu constamment appeler cette
fille A n n a , sans autre dénomination. Lorsque le s.r
du Sauvage arrivait chez la dame Demariolles, on
faisait relirer l’enfant; elle ne se mettait pas à table.
L e sieur du Sauvage ne lui a jamais dit qu ’il connût
l ’enfant pour être celui de sa femme, mais il présume
que le sieur du Sauvage le savait.
L e dernier, la dame de R ig a u d , maîtresse de pen
sion, atteste que le sieur du Sauvage n ’a* jamais vu
A n n a chez elle; qu’ellé ne lui a jamais été présentée.
�( 3i )
Il n’est donc aucunement prouvé qu’en l ’an 10 le
sieur du Sauvage a vu A n n a chez la dame D e m a
riolles, et qu’il l’a reconnue pour être la fille de sa
f e m m e ; puisqu’au contraire il est établi que toutes
les fois que le sieur du Sauvage est arrivé chez la
dame Demariolles , on a fait disparaître l’enfant.
Second fait : E lle était connue de lu i sous le nom
d Anna-Françoise du Sauvage. Pour le coup , il n’y,
a pas un seul témoin qui ait déposé de cette circons
tance ; personne ne s’est avisé de dire que le sieur du
Sauvage ait connu ou souffert que cette fille portât son
nom; et la maîtresse* de pension apprend même qu’elle
n ’a é t é p r é s e n t é e c h e z e ll e q u e sous l e n o m d ' A n n a ,
n i è c e d e m a d a m e d e M a ri ol ie s .
L e dixième témoin, celui qui a été entendu à T h ie r s ,
hors la présence dti sieur du Sauvage, n’a jamais en
tendu appeler cet enfant que sous le nom d 'A n n a ,
sans autre dénomination , et ne fait que présumer que
le sieur du Sauvage savait qu’elle était fille de sa
fem m e; mais loin de convenir qu ’elle portât le nom
de du Sauvage, le témoin lui-même le désavoue for*
mellement.
-Ainsi, ce second fait a donc été faussement allégué.
Troisième fait : « Elle a été ainsi appelée et d é « nommée dans la pension où elle était élevée, en
« présence du sieur du Sauvage, qui l ’y a reconnue
« comme fille de sa femme. »
Celte assertion a été complettement désavouée par
la maîtresse de pension qui a élevé A n n a ; le sieur
�( 32 )
du Sauvage ne Ty a jamais vue; elle ne lui a jamais
été présentée; le sieur du Sauvage n’est venu à la
pension que pour porter de l’argent à une jeune veuve
du P u y ; aucun des autres témoins n’a déposé sur ce
fait si important : cependant la fille A n n a , lors de l’arrêt
de la Cour, s’appesantit sur celle circonslance dansses
conclusions, d’ une manière tellement précise , qu ’elle
délermina peut-être l’inlerloculoire.
Quel peut êlre l’espoir de cetle fille audacieuse?
A - t-e lle satisfait à l’arrêt de la C o u r ? Osera-I elle
espérer de porter un nom qui ne lui apparlienl pas?
Sans doute elle voudra entreprendre de discuter le
fo n d , en s’appuyaut sur une disposition d’usage , con
signée dans l’arrêt de la C o u r , « Sans préjudice des
€c fins qui demeurent respectivement réservées ». Il
faut donc la suivre dans ce dernier retranchement.
On ne croit cependant pas devoir s’occuper des
moyens qu’elle a proposés en la forme ; et ce n’est
pas sérieusement qu ’elle a prétendu que le conseil
de famille devait êlre composé de parens du sieur
du Sauvage et de ses parens d’elle A n n a . Malgré
leur éloignement, « la femme mariée n’a point d’autre
« domicile que celui de son mari ; le mineur émancipé
a a son domicile chez ses père et mère (art. 108, Code
« Nupoléon). »
« Lorsque les parens ou alliés se trouvent à la dis—
« tance de plus de deux myriamètres, le juge de paix
« peut appeler, pour composer le conseil de famille,
« dans la commune ou. la tutelle est ouverte, des citoyens
* connus
�C 33 )
« connus pour avoir eu des relations habituelles d’a« mi lió avec, le père ou la mère du mineur ( art. 409,
« Code Napoléon ). »
Il répugnerait au bon sens et à la raison, que celui
qui désavoue la paternité, fît appeler ses parens au
conseil; ce serait une contradiction évidente avec la
•demande; en soutenant qu ’il n’est pas le père, il sou
tient aussi que les enfans désavoués n’ont aucun lien
avec sa famille.
Mais si ces moyens sont ridicules, en est-il de mêm e
de la procédure singulière, inusitée, qu’a tenue la fille
A n n a ? Pouvail-elle se débarrasser à sou gré du tuteur
qui lui avait élé nominé? P o u v a it - e lle , par un arrêt
Sur r e q u ê t e , n o n c o m m u n i q u é , s u bs tit u e r un curateur
de son choix à ce tuteur légal?
To ute tutelle doit être déférée par un conseil de
famille , lorsque le père et la mère sont dans l ’in
capacité de l’être ( Art. 4o5 C. N. ). C ’est encore un
conseil de famille qui doit nommer un curateur au
mineur émancipé ( Art. 478 C. N. ). L a loi n’admet
aucune nomination sur requête. Elle a dérogé à cet
usage de l’ancienne procédure; et il ne paraît pas
douteux que M . e Garrón a été irrégulièrement n o m m é
curateur ; que l ’appel est nul et irrégulier. L a Cour
appréciera ce m o ye n , sur lequel le sieur du Sauvage
insiste pour l’honneur des règles; mais il n ’y donnera
pas d autres développemens.
Il serait encore assez inutile d’examiner la question
d ’état en elle-même; mais le sieur N oyer du Sauvage
9
�( 34 )
ne doit rien négliger dans une cause d’un aussi grand
intérê t, quelque humiliation qu’il éprouve. Combien il
est cruel de se voir forcé de dévoiler la honte d’une
femm e immorale, qui lui a porté un coup si funeste!
Son ame est liéIrie, il ne peut plus espérer de bonheur ;
des souvenirs déchirans fatiguent sans cesse son esprit
et son cœur.
Eh quoi! il était né bon, généreux et sensible; il
adorait son épouse, elle fut infidèle et perfide! Il désirait
d’être père! Ces liens touchans qui semblent perpétuer
notre existence; ces rapports aimables, d’où naissent
les charmes les plus d ou x, ne sont pas faits pour lui ! Il
fut père un instant, il est vrai! mais ses e n fa n s ont
vécu ! et lorsqu’il revient dans son domicile, lorsqu’il
a recouvré une patrie, que va-t-il apprendre— ? Mais
jetons un voile sur un tableau aussi dégoûtant, où le
vice est toujours en aclion sous les traits les plus hideux.
L e désaveu delà paternité est sans doute une demande
pénible, elle excite la curiosité publique, elle met en
évidence celui qui est forcé d’en intenter l’action. C e
pendant c’est un remède salutaire, et la loi, dans tous
les tems, a ofïert ce motif de consolation à un époux
outragé.
I,a célèbre maxime décrétée depuis plus de deux
mille an s } pater est ¿s quem demonstrant nuptice, rece
vait aussi ses exceptions dans le droit romain. Plusieurs
docteurs avaient déjà remarqué que cette règle n’était
point placée parmi les textes du droit, qui parlent de
l ’état des hommes, puisqu’elle est tiiée de la loi 5 , (1. de
�( 35 )
'la ju s voccindo; mais on trouve une exception dans la '
loi filL u m , fï‘. lus qui su i vel alieni ju r is surit : cette loi
dit expressément que le mari n ’est point tenu de recon
naître un enfant dont sa femme accoucherait pendant
une longue absence du mari d’avec sa femme : Jiliu m
eum de/in un u s , qui ex viro et u xoreeju s nascitur. Sed
si Jing am us ab/uisse m aritum , verbi gratiâ per decenm um teversian anm cuium invenisse in dom osua, pLacet
nobis JuLiani sententia hune non esse m a ritijiliiim . L a
loi prend pour exemple un enfant d’un a n , anniculum ,
après dix ans d’absence, mais elle n’en est pas moins
générale et absolue, toutes les fois qu’il y a eu impos
sibilité physique de cohabitation : tous les docteurs,
dans
c e e u s , s ’a c c o r d e n t h d é c i d e r q u e l ’e n f a n t n ’a p
partient pas au mari. C ’est la doctrine de l’avocat
général T a lo n , lors d’un arrêt du 16 janvier 16 64,
rapporté au Journal des Audiences, tom. 2 ; de Cochin ,
dans la cause de la demoiselle Ferrand , quoiqu’il
plaidât dans un intérêt opposé; de M M . Daguesseau,
Séguier, et de tous les jurisconsultes.
L ’absence du sieur du Sauvage a duré dix ans. Il
est parti en janvier 1 7 9 1 , il n’est rentré q u ’à la fin de
1801.11 n’y a pas de doute sur celle absence, le tableau
de proscription, celle liste falale est là pour l’élablir.
L a peine de mort prononcée contre les émigrés qui
rentraient ; les perquisitions cruelles et si s o u v e n t renou
velées contre le petit nombre de ceux qui ont essayé
de franchir les barrières, et qui onl élé victimes de leur
témérité, prouvent encore l’impossibilité du retour du
10
�( 36 )
sieur du Sauvage, jusqu’à la restauration du gouver
nement; une série d’acles continuels et indiscrets de la
femm e V é n y , en 1 7 9 2 , en 1793, en l ’an 3 , où elle
a toujours pris la qualité de femme de l’émigré du
Sauvage; son autorisation en justice pour poursuivre
les acquéreurs de son mari; une procédure qui a duré
contre eux jusqu'en messidor an 4; le traité qui l’a
suivie; le partage de la successien de sa mère, fait en
l ’an 4 , toujours en l’absence de son mari, sont des
preuves irrésistibles de l’impossibilité de la cohabita
tion; et lorsqu’il est notoire q u e , pendant tout cet in
tervalle , la femme V é n y vivait publiquement avec tout
autre; qu’elle s’est dite femme Guine^- a fait baptiser
un de ses enfans comme enfant légitime de ce misé
rable, ne trouve-t-on pas, dans cette horrible dépra
vation, de quoi convaincre les plus incrédules? On ne
peut pas résister à l’évidence.
Ainsi, dans l’ancien ordre, la sévérité des lois^ la
rigueur des magistrats n’eussent pas été un obstacle à
la réclamation du sieurdu Sauvage : il eût repoussé avec
succès ces enfans de ténèbres. N ’a-t-il pas encore plus
d ’avantage dans la nouvelle législation?
L e Code Napoléon, art. 3 1 2 , a admis, comme dans
l’ancien droit, la maxime pater est, e t c .« I/enfant
« conçu pendant le mariage a pour père le mari ; néan*f moins celui-ci pourra désavouer l’enfa nt, s’il prouve
« que pendant le tems qui a couru, depuis le trois cen« tième jusqu’au cent quatre-vingtième jour avant la
« naissance de cet en fant, il était, soit pour cause
�C 37 )
« d’éloignement, soit par l’effet de quelqu’accident,
« dans l'impossibilité physique de cohabiter avec sa
« femme ».
Voilà déjà une grande modification à la rigueur des
anciens principes : il ne faut plus une absence aussi
longue que celle prise pour exemple dans la loi JiUum.
L e législateur, en admetlant la présomption du ma
riage pour fixer la paternité, a vu qu’il se mettrait en
opposition avec les premiers élémens du droit et de
le raison, s'il faisait prévaloir une présomption à une
preuve positive, ou à une présomption plus forte. A u
lieu de soutenir la dignité du mariage, on l'avilirait,
on le rendrait odieux, s’il servait de prétexte à légi
t i m e r u n e n f a n t q u i , a u x y e u x du public c o n v a i n c u
par des circonstances décisives, n’appartiendrait point
au mariage.
C'est ainsi que s’exprimait l’orateur du gouverne
m en t, lorsque la loi fut présentée.
L e mari qui se voit obligé de désavouer un enfant,
n ’esl-il pas déjà trop malheureux ? Comment penser
qu’il se porle à une démarche aussi scandaleuse, s'il
était
véritablement père? L?v nature a marqué en.
caractères ineffaçables les traits de la paternité; elle a
rempli le cœur des pères et mères et celui des en/ans
des seniimens de tendresse les plus profonds ei ¡¿s plus
eclalans. Et'commenl croire qu ’ un père éloufle tous
lessenlimensde la nature! C o m m e n t croire qu’il allume
dans sa main les torches de la discorde, et qu ’au dehors
il se dévoue à l’humiliation, s’il n’est pas dans la con-
�( 38 )
viction intime que l’enfant n’est point né de son ma
riage. Ce sont encore les termes dont se servait l'orateur
du gouvernement.
L e sieur du Sauvage a le droit de se placer dans
l ’espèce prévue par le législateur; il n’est que trop
certain pour lui, que la dignité du mariage est avilie:
il en appelle au public, à tous ceux qui ont eu des rela
tions avec sa famille; à fous ceux qui connaissent la
femm e Vény. Ne sont ils pas convaincus, par les cir
constances les plus décisives, que l’enfant désavoué
n ’appartient pas au ’mariage?
Mais il ne s’agit pas ici d’une naissance tardive ou
prématurée, prévue par l’article 3 ia du C o d e . A u x
termes de l’article suivant, le désaveu est admis lorsque
la naissance de l’enfant a été cachée au mari; et suivant
l ’article 3 i 6 , le désaveu doit avoir lieu dans le mois,
si le mari se trouve sur les lieux de la naissance de
l ’enfant; dans les deux mois après son retour, si, à la
même époque, il est absent; dans les deux mois après
la découverte de la fr a u d e , si on lui avait caché la
naissance de l’enfant.
L a naissance d’^énne-Francoise a-t-elle été cachée
au sieur du Sauvage ?
A quelle époque a-t-il découvert la fraude?
A - t - i l formé sa demande en désaveu dans le délai
prescrit par la loi ?
Si le sieur du Sauvage établit ces trois propositions,
il aura rempli sa tache. Anne-Françoise sera repoussée
avec indignation.
�C 39 )
I/acte de naissance d’ Anne-Françoise établit sans
réplique que la naissance a été cachée au mari. Il
était alors absent. La femme V é n y le disait elle-même
lors du jugement du 24 messidor an 4.
C ’est le 19 fructidor an 4 , qu’Anne-Françoise a
vu le jour. Ce n’est que le 4 complémentaire de
la même année, quinze jours après la naissance, que
cette fille a été présentée à l’officier public. Ce retard
annonce déjà le mystère; et sans doute qu’alors la
femme V é n y avait déjà disparu de la maison secrète
où elle avait déposé ce fardeau d’iniquité. Que dit
l ’accoucheur chargé de présenter l’enfant ? Q u ’il a
accou ch é, dans sa maison de lu i déclaran t, le 19
fr u c tid o r
d e r n ie r , A n n e
Vény,
épouse de Charles-
Augustin Sauvage, actuellement absent. Les premiers
juges ont remarqué que ce n’étaient ni les prénoms
ni le nom du mari, qui s’appelle Jean-Cliarles N oy e r
du Sauvage, et non Charles-Augustin Sauvage ; mais
le chirurgien 11’en savait sans doute pas davantage.
Ce qu’il y a de moins douteux, c ’est que le sieur
du Sauvage ignorait tout. S’il avait été instruit, sa
femme n’aurait pas accouché à C l e r m o u t , dans une
maison de santé destinée à recevoir des femmes de
mauvaise vie. Ce n’est pas ijinsi qu’il aurait avili, dés
honoré son épouse.
Si la femme V é n y n’avait pas m e n é une conduite
scandaleuse ; si elle n’avait pas eu besoin de cacher
son crime et sa honte, elle était à C le rm o n t ,a u mi
lieu de sa famille qui n’aurait pas souffert qu’elle se
�( 4o )
fût cachée dans une maison d’a ccou ch e ur, pour se
dérober à tous les regards.
L ’accoucheur lui-même ne prend pas sur son compte
de présenter cet enfant comme appartenant au mari;
il ne la qualifie pas de fille légitime; il dit seulement
qu’il a accouché Anne V é n y iemme de S a u v a g e ,
actuellement absent. Personne de la famille n ’assiste
à
cet
acte. L e chirurgien «n’est
de deux femmes du
accompagné
peuple. Ainsi
c ’est un
que
acte
occulte, ignoré de tous ceux qui pouvaient y prendre
intérêt. A n n a -F ra n ço ise ne peut s’en prévaloir, ni
r é c l a m e r une possession d’état. Elle n’a pas même
osé s’en servir. Il est donc certain quo sa naissance a
été cachée au mari de sa mère. Il n ’est donc plus
douteux qu’elle n’appartient pas au mariage.
,
L a fraude a-t-elle été découverte bientôt après ?
Cela esI impossible. L e sieur du Sauvage n’est rentré
que sur la fin de l’an 9 ; il n ’a élé amnistié qu’en
l ’an i r . Sa femme n’était pas à son domicile, puisq u ’en l’an 11 elle vivait avec Guine%, à Tournai. L e
troisième ac le de naissance n ’est inscrit sur les regis
tres de celle ville de T o u r n a i, que le 6 pluviôse an
11. L e sieur du Sauvage ne pouvait savoir, au M o naslier, que sa femme élijjt en Flandre, et avait suivi
un vil scélérai. On ne s’empresse pas de raconter à un
mari des événemens aussi désagréables; on s’était con
tenté de lui dire que sa femme avait fait divorce. L e
jugement dont est appel constate que ce divorce était
notoire. L e sieur du Sauvage devait être dans celle con
fiance
�( 4* )
fiance que tousses liens étaient rompus avec la femme
V é n y ; qu ’il n’avait plus rien de commun avec e lle ;
et c ’était la plus consolante de ses idées. Mais enfin
il esl averti qu'on ne trouve pas l'acte de divorce ;
que les registres civils n’en font pas mention. Il prend
alors des informations, fait des recherches, et découvre
enfin les quatre actes de naissance, qu’il se fait dé
livrer.
Ce n’est qu'au mois de juin 1809 , que ces actes lui
sont remis. O11 sent combien il a fallu de soins et de
peines pour les découvrir; mais ce n’est qu’au moment
où il les a reçus, que la fraude a été découverte, et
q u ’il a eu la faculté d’agir pour désavouer la pater
nité.
Comment en effet aurait-il pu se pourvoir contre
des individus qui se cachaient dans l’om bre, qui n’agis
saient e n ‘aucune manière? L ’enfant même qui était
chez la dame Demariolles disparaissait toutes les fois
qu’il arrivait chez sa belle-sœur. La dame Demariolles
avait alors pour principe de ne pas montrer à un beaufrère qu ’elle estimait, un enfant qu’elle savait ne pas
lui appartenir.
Il fallait donc être certain que ces enfans existaient,
qu ils étaient n<5s de la femm e V é n y , pour pouvoir
les attaquer en d é s a v e u ; il n ’a pu le faire qu ’avec
leurs actes de naissance, qu i, par l e u r contenu, lui
sont étrangers; ce n’est donc que du jour qu ’il les a
eus en son pouvoir, qu ’il a découvert la fraude ; il
semble qu’on ne peut pas être divisé sur ce point de fait.
�( 42 )
Q u’importe que des témoins de l’enquête aient dit
que le sieur du Sauvage savait qu’il y avait un en
fant chez la dame Demariolles, qu’on faisait dispa
raître tonies les fois qu’il arrivait ? 11 ne résulte de celte
circonstance autre chose, si non qu ’on voulait lui ca
cher la naissance de cet e n f a n t , et qu’on reconnaissait
qu’il ne lui appartenait pas ; c’était précisément la
fraude dont il n'a pu avoir la certitude que lorsqu’il
a connu l’extrait de naissance , qui ne lui a été dé
livré que le 24 juin 1809; ainsi, ce n’est qu ’à ce mo
ment q u ’il a pu concevoir des craintes, et qu’il a pu
faire des démarches légales.
11
forme son désaveu sans perdre un instant. L e
i 5 juin 1806, acte extrajudiciaire aux enfans mineurs
et à la m è r e ; 4 juillet suivant, nomination de tuteur;
7 juillet , demande au tribunal du P u y : tout a été
fait dans moins d’un mois, à die delectœ fra u d is.
A tin a -F ra n çoise voudra-t-elle enfin objecter que
sa mère n’est point condamnée comme adultère; et
qu’il répugne dès - lors qu ’elle soit fille adultérine?
cette objection a déjà été proscrite par un arrêt so
lennel , du 24 août 1811 , dans la cause du sieur B011garei , contre l’enfanl de son épouse, qu’il avait dé
s a v o u é , et dans des circonstances bien plus forles,
puisqu’il avait été prononcé un divorce entre les époux,
par consentement mutuel, pendant la grossesse de la
femme. L ’enfant n’en a pas moins été déclaré adul
térin ; et la Cour de cassation a confirmé cet arrêt.
Ainsi tout se réunit en faveur du sieur du Sauvage.
�( 43 )
Quiconque voudrait soutenir que cet enfant doit être
à sa charge, blesserait également la justice et l’équité
ce serait une atroce barbarie que d’obliger un époux
malh eu reux, de donner son nom à un être ignoble,
fruit de l’inceste et de l’adultère. Si la loi naturelle
et la loi divine nous imposent le droit d’aimer, de
secourir nos enfans;si la nature a imprimé dans notre
â me en traits brûlans, une tendresse profonde pour
ceux qui nous doivent le j o u r , quel doit être le dé
sespoir d’un é p o u x , de tro uver, dans son intérieur,
une femme infidèle et perfide ; de voir croître à ses
côtés des êtres qui lui sont étrangers? Quel doit être
son s o r t , lorsqu’il n ’a pas mêm e la consolation de
douter; l o r s q u e le cri p u b li c l ’a v e r t i t sans cesse de s o n
malheur ; lorsque des circonstances décisives entraînent
de toutes parts la plus intime conviction? Non! il n’est
point d ’état plus déchirant, plus digne de pitié ! et la
loi doit venir au secours d’ un époux aussi cruellement
offensé.
Signé N O Y E R D U S A U V A G E .
M .e P A G E S ,
M. e
ancien Avocat.
D E V È Z E , Avoué-Licencié.
i ................................
■
, ,,
J.-C. S A L L E S , lmp. de la Cour impériale et du Barreau.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
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An account of the resource
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Title
A name given to the resource
[Factum. Noyer du Sauvage, Jean-Charles. 1810?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Devèze
Subject
The topic of the resource
reconnaissance de paternité
émigrés
divorces
témoins
Description
An account of the resource
Mémoire pour M. Jean-Charles Noyer du Sauvage, propriétaire ; habitant de la ville du Monastier, département de la Haute-Loire ; contre Anne-Françoise, se disant Noyer du Sauvage, mineure, maître Garron, avoué en la Cour, son curateur ad hoc, appelans d'un jugement du tribunal civil du Puy, du 30 août 1810 ; Et le sieur Honoré Debrus, notaire impérial, habitant du lieu d'Allairat, commune de Sallette, défendeur en assistance de cause.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
J.-C. Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1810
1782-Circa 1810
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
43 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0617
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2215
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Clermont-Ferrand (63113)
Tournai (Belgique)
Le Monastier-sur-Gazeille (43135)
Sallette (43231)
Salette-Falavaux (38469)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
divorces
émigrés
reconnaissance de paternité
témoins
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53562/BCU_Factums_G2806.pdf
9ca31f846da26b4ceb581b1b44c98f1c
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MEMOIRE
C O U R iA R O Y A L E
DE
R IOM.
EN RÉPONSE
1er C H A M B R E .
POUR
P R É C E P T E U R , INTIMÉ ;
CONTRE
et L o u i s - E t i e n n e G U E S T O N , Pro
priétaires; F r a n ç o i s e G U E S T O N et J e a n
C A U S S E , son mari, Docteur en médecine;
Appelants d’un jugement rendu par le Tri
bunal de Moulins, le 28 avril 1836.
G ilb ert
t ¡ t tfi
L
es héritiers légitimes du sieur Gueston , en s’adressant à la publi
cité, ont plutôt consulté leurs intérêts matériels, dont la conserva
tion les a toujours vivement préoccupés, que les devoirs de la piété
filiale , dont l'accomplissement était pour eux sans bénéfice. Dans le
but d ’expliquer en leur faveur les actes et les faits de la contestation
qu’ ils ont so u le vé e , ils n’ont pas craint d ’outrager la mémoire de
leur p è r e , en imprimant que la seule présence de ses enfants lui
�faisait ombrage, et q u ’il allait jusqu’à les menacer de faire disparaître
sa fortune, en le représentant comme un liomme faib le, livré à la
domination d ’une femme entièrement illétrée, et dupe des plus gros
sières mystifications. Son fds naturel accepte comme une portion
précieuse de son héritage le soin de venger sa mémoire. Il lui suffira
d ’exposer fidèlement la conduite que son père a tenue, pour le jus
tifier des reproches immérités qui lui ont été adressés, et faire res
sortir l’ingratitude de ceux q u i, après avoir partagé pendant sa vie
son riche patrim oine, ne craignent pas de Taccuser après sa mort.
Dans ces débats, qu ’il est obligé de soutenir seul contre des adver
saires opulents, sans autre appui que la bonté de sa cause, sans autre
ressource que le produit de son travail de tous les jours, il aura du
moins la consolation, en défendant ses d ro its, de remplir un pieux
devoir, et de seconder les bienveillantes intentions de son père.
Déjà le tribunal de Moulins, dont la Cour a souvent eu l’occasion
d ’apprécier les décisions empreintes de sagesse , lui a rendu justice.
Il a répudié la responsabilité q u ’on voulait lui faire encourir, en l’as
sociant à des actes dont il n’avait pu juger la portée sans débats con
tradictoires ; il n’a pas voulu q u ’arrachés à la faiblesse d ’une tutrice,
ces actes devinssent pour un mineur une'cause de dommage et de
ruine, et il l’a réintégré dans la plénitude de ses droits. Bientôt, il
l’espère , la Cour partagera les mêmes convictions , et ratifiera, après
un examen consciencieux , cette œuvre d e sagesse et de réparation.
FAITS.
Le sieur François Gucston a contracté mariage avec mademoiselle
' >
•
lîarathon-Desgranges le i juin 1790. Cette union fut de courte du
4
rée. : madame Gucston mourut en 1 7 9 7 , laissant trois enfants en
bas âge. Par son testament, en date du 21 mars 1797 , elle avait lé
gué à son mari l’usufruit de tous ses biens. Devenu veuf dans la force
de lago ,llíe sieur Gucston q u i , dans l’intérêt de scs enfants, n’avait
pas voulu contracter un second mariage, ne put cependant vivre
�dons l’isolement où l ’avait placé la perte prématurée de'sonl épouse.
H jeta les yeux suri une jeune fille de dix-neuf ans, qui était, à son
service, é t q u i ,. simple et naïve,-ne sut'résister. à lia «séduction d ’un
homme qui'avait sur-elle l’avantage de l’éducation et l’ajitorité d ’un
maître-, Marie Brun et, dans sa nouvelle position
se dévoua entière-
mentià la personne ;du sietlr Gueston ; l'attachement q u ’elle lui por
tait ;rejaillit‘sur. saijeune fam ille, dont elle soigna l’enfance avec une
tendrosse;touf;e maternelle;;D’un désintéressement à toute épreuve\
jamais, elleune, songea à tireraprofit de l'affection et de la confiance
que luv témoignait sopi maître. Pari son active surveillance’ , par soii
économie soutenue, elle contribua puissamment à l ’amélioration no
table que le sieur Gueston apporta à: sa fortune. Depuis la mort de
sa fe m m e , il avait *(! en ‘ éfiet'J »acqu is, des .propriétés considérable«;,
dont il avait ientièremerii payé1Le prixv> malgré les dépenses occa
sionnées par l ’éducation de sesjeiifantsyjeti les sacrifices qu.’iî était
obligé de faire pour les exempter.du service militaire. L e remplace
ment de' l’un d ’eux ,i notamment, s’était élevé à la somme de dix
mille franc?,! poiir laquelle il avait souscrit uneiobligatio.O:en faveur
de .lean Alibert.ùCett«: sage administration^ loin d'imposer à ses «fin
fants la recodnaissanccjqu’elle devait leur inspirer^ jne fit :qu’exciter
leur cupidités L e sieur ¡G ueston, domicilié en jB ourboun ais, avait
adopté le régime et les usages consacrés dans cette!province. A d é i
faut d’inventaire, la communauté avait continué de Subsister après
le décès dolson épouse ; ! et toutes les; acquisitions' qü’il avait faites,?
appartonaientipour moitié à ses enfants.) Impatient d !çn;profiterV.>le
sieur Gilbert Gueston , son fibtaîné, à peine parvenu,àisa majorité ,
lit brusquement apposer les scellés dans le domicile.de sOn.pèreJ et
un inventaire fut dressé’, les 28 et 29 avril
i
8i 3 ,
par le notaire Bou-
caumont. Cet inventaire constate que les seules valeurs mobilières
dépendant de la commnnaulé s'élèvent a lla som m e;de 60,000 fr.
Malgré le chagrin qu un procédé aussi violentjdùtucauser a)i sieur
Gueston, il ne contesta.pas lés droits rigoureux de son fils; i^fit
plus , il se montra à son égard généreux et bienveillant : un partage
�\.
-
X-
de tous les biens composant la communauté fut p assé , le
5
3o
avril
18 1 , entre le sieur Gueston p ère , son fils aîné m ajeur, et le cura
teur à l’émancipation du sieur Louis-Etienne Gueston.et de la demoi
selle Française Gueston, encore dans les Hens.de la minorité. On
procéda d ’abord au partage du mobilier, estimé 60,000 francs.'Il fut
convenu q u e , sur cette valeur, le sieur*Gueston père se retiendrait
dix mille francs pour solder le prix du remplacement: encore dû à
Jean Alibert. Les reprises du.'sieur Gueston p ère, soit pour les som
mes q u ’il avait recueillies dans plusieurs s u c c e s s io n s s o it pour les
dettes q u ’il avait payées dans l’intérêt de son épouse , furent réglées
à 55,891 fr. , qu ’il fut également autorisé à prélever sur les valeurs
mobilières. La portion revenant aux enfants’, soit pour les prélève
ments q u ’ils avaient à exercer, soit à titré de communistes, fut fixée
à 1
1,644 fr- 5°
cent. M. Gueston leur délivra immédiatement pour
2,265 fr. de mobilier, et paya comptant à son fils aîné la somme de
3 ,1 2 6 fr.
5o c c n t ., complétant son amendement, et s’engagea à payer
une pareille somme à chacun de ses deux autres enfants, lorsqu’ils
seraient arrivés à leur majorité. On procéda ensuite au partage des
immeubles acquis pendant la communauté. Deux lots égaux furent
form és, et attribués, par la voie du sort, l’un aux enfants, l’autre
au sieur Gueston père. Celui échu aux enfants se composait de la
5
propriété des Salles, garnie de son cheptel estimé 6,002 fr.T o c. ;
celui échu au sieur Gueston père comprenait : i* le domaine des
Veaux ; 2* celui de Loulaigue ;
mêm e-nom ;
46 ta locatcrie de
3®celui
de la Faye et la locatcrie du
Loulaigue;
5° les bestiaux
attachés ;»
l’exploitation de ces diverses propriétés.
Enfin, M. Gueston ren on ça , en faveur de ses enfants, à la jouis
sance des biens de son é p o u se , qui lui avait été assurée par le tes
tament de cette dernière.
>
:i;
■
Gct acte nous donne des renseignements précieux sur la cousislance do la fortune personnelle du sieur Gueston. Nous y trouvons
la preuve que les seules valeurs mobilières dépendant de la commu
nauté s’élevaient à 60,000 l r . , et qn’ù l'exception de 1 i,6/j4 francs
�5o cent,
—5—
reconnus appartenir à ses enfants, tout le surplus avait'été
retenu par le père comme étant sa propriété exclusive. Nous'y trou
vons aussi un indice qui peutrservir à apprécier la valeur corrélative
des immeublesisoùmis au partage ; et dont l’exploitation rd !un seul
domaine nécessitait pour plus de 6,060 fr. de bestiaux. Nous'terrons
plusitard l'estimation q u ’en ont faite les héritiers Güeston .’’ Idrsqn’ils
ont voulu liquider les droits de leur frère naturel.
1,1
Cette, conduite loyale et généreuse du sieur Gueston était de na
ture à satisfaire lesiexigences de ses enfants; e lle >ne fit que donner
plus d ’aclivité à leur ambition, ils exploitèrent habilement'une oc
casion favorable qui se.présenta dans la famille. Marie B ru n et, qui
s’était retirée à Tagnères pendant les opérations que: nécessitèrent
l’apposition des scellés et le partage de la communauté, fut bientôt
rappelée par le sieur G u e sto n , qui l’envoya chercher par la femme
Chavillat, sa locataire. Elle rentra au domicile de son m aître, dont
elle ne s’était pas séparée depuis 1808, au commencement de juin
8 3 , et non dans les
premiers mois de 1 S 1 4 , comme l’ont avancé
les héritiers Gueston dans une intention q u ’il est facile d e compren
dre. Par suite de ses relations avec le sieur Gueston; elle devint en
i
i
4
ceinte. Au mois de juillet 18 1 » celui-ci la fit conduire à M oulins,
chez les dames B o r d e t , accoucheuses, o ù , le 18 octobre 1814 , elle
donna le jour à un Gis qui fu t, le lendemain 1 9 , dépoSé à l’hospice
5
de Moulins. L e môme jour 19 octo bre, et non le a , l’enfant fut
présenté à l’officier de l’état civil, et reçut les noms d ’Éléonard Canu.
Il fut baptisé le 20 , dans l’église de Notre-Dame. Une nourrice du
lieu de T ré v o l, indiquée par la m ère, reçut de l'administration cet
enfant q u i , pendant son séjour chez sa nourrice , fut souvent visité
soit par Marie B ru n et, soit par le sieur Gueston lui-même , dont la
paternité n était un mystère pour personne. L e 11 janvier i
8i5 ,
Marie B ru n et, qui était sur le point de contracter mariage avec un
nomme Gilbert l'ratissier, récemment revenu du service, déclara à
1administration^qu elle
entendait rester chargée de son enfant. Un
acte constatant la r e m is e d ’Éléonard lui fut délivré par la sœur Bartit.
�L attachement.que lersieur Gueston portait à son enfant naturel, et
qui .cependant oe j e t a i t manifesté que par des caresses ou deilégers
présepjt£,faits à*-£a;:npumce> dor(na de,;ripquiétude.à ¡son fils aîné ,
dont prt(a déjà pu apprécier ln cpnduite.iütéressécdà l’égard.de son
pèrp.-II.ejsagéra sesci<aintçs:, et manifesta une défiance que.'lê sieur
Çiiestonlcrut devoir dissiper en faisant-encore de< nouveaux sacrifices
personnels. L e ]
4 ¡janvier 18 i 5
par afcle reçu Boncaiitpont
il icôn-
sgplijí, en*'iayeur-de ses'deux fils majeurs'et de îsatfilleiencôre xninpureij une donation , sous la forme de- vente',: de’ la majeure partie
de, ses biens.rneubleSiiet immeubles. Cette':ventc comprend : i® le
château et la,réserve[de :Sciàuve; 2,".Je domaineidei Sciauve et ses
3
dépendances ; ° le moulin des Y e a u x e t j e s dépendances » consistant
pu jardin, chenevjpres* prés et Ierres;
5° le domaine dçs.y.çaux ; 6° le domaine
4? la locatcrie
d e Bôuchon ;
de la Faye- e t la locaterie y
attenant ;'7°ile domaine d e i o u l a i g u e ; 8®-.tojJs les bestiaux garnissant
lesdils domaines ; ç)° tous, lep .meubles m eublants, à l'exception de
ceux,garnissant;]^chambre habitée par le sieur Gueston j et de quel
ques objets réservés, tçls q u ’ils:ont été.estimés datas l’inventaire des
83
28 et 2 9 ,avril j i ;i io° toutes les récoltes engrangée'siet tous les
grains écossés qui sont daris les .greniers. Vu'.'. ¡
uÀ
. Cettç vente fut consentie à la charge par les acquéreurs de payer :
1» n n f somme de 48,000 fr. au sienr de Boisrcnaud, sur le prix de
la vente qti’ile v a it consentie au sieur Gueston ; 2».collé de lo ,o o o f:
onçoni di\e ail Remplaçant A libert, e t ,’ en outre., ¡Via'charge de serjvir une rente, viagère de
5,-000 fr.
annuellement au sieur Gueston l
<•1 de quelques.prestations en nature;
¡;*ui «
1•
i-
1
8 5 , les (rois enfantsGueston souscri*-
■
Le même joui% il\ janvier i i
virpnt un acte soüs seing .’privé par lequel ils reconnurent devoir à
Marie Brunei une somme de 2 ,o o q frnnfcs pour^el)e;et>son eilfant
naturel , et 'ce par don et par forme de récompense «le ses services*.
Ils s’engagèrent solidairement à la paver au moyen d ’une rente an
5
nuelle et viagère de ôo francs, dorft Mario Brtinct profiterait jusqu’il
('A* rjUc Jiléonard \Cariu, 1son fils naturel", ne le 18 âclnbrc 1 8 1 4 > cl
�qu elle'avait retiréi le 1 1,janvier, auraitiatteinV l ’âge d eh S 'û n s], atrü
quel cas ils s’obligeaient à la payer en totalité audit Éléonard
jusqu’après son décès.- , ?o}os ai h
‘)iliir.ri( î:;jrnr>ri toinqr.i r>-f
En présence d ’un pareil a c t e y l e s héritiers Gueston peuvent-ils
encore balbutier quelques articulations, contre! l ’identité d’Éléônard ')
^Dansce moment où ils triomphaient de leur pfere ¿'où ils obtenaient
l’abandon gratuit de la presque totalité de saifortune, ils n'hésitaient
pas à reconnaître que l’enfant auquel ils promettaient une rente
3
viagère de, oOt iVàiics était l)ien réellement le fils de Marie Brunet ;
e t.c ’est parce q u ’ils.redoutaient lei concours de c e f enfant dans les-aflections et'dans le ¡partage des biens duipère co m m u n , qu ’ils con
voitaient et s’assuraient à l’avance son riche patrimoine.
Peuvent-ils également s’en prévaloir pour insinuer que Marie
Brunet exerçait un empire absolu sur l ’esprit du ^sieiir Gueston ?
Cette femme crédule et confiante allait bientôt qiiitter pour toujours
le domicile de son ancien m aître, et devenir l ’épouse^ d'un autre ;
elle n’avait même plus à cette époque les avantages de la jeunesse.
D ’ailleurs ; elle ne demandait et n’obtenait rien pour elle.1 La faible
pension constituée au profit de son fils, n ’était, de la part des en
fants G u eston , que l’acquittement d ’une dette légitime et sacrée ; et
cependant cetteprom esse si sainte, que l’h onueur, à défaut de lien ,
aurait;du laire respecter, n’a été de leur part q u ’une promesse trom
peuse, et décevante! Ils n’ont pas rougj de la.briser,' en prétendant
qu’elle était.une donation sans valeur, pour n ’avoir pas été passée
devant notaire avec.les solennités requises pour ces sortes de contrats.
Si quelqu’un exerçait une influence intéressée sur l’esprit du sieur
Gueston, que l’on prononce entre lesisieursGueston fils, q u i , après
avoir.obtenu la jouissance immédiate des biens de leur m è r e ,- Ici
partage des acquêts de la communauté, se font encore délaisser gra
tuitement pour trois cent mille francs d ’immeubles ou de valeurs
mobilières, et la femme objet de leur rivalité, q u i, après avoir sa
crifie son honneur c l vingt années de sa v ie , s’éloigne, en emportant
pour subvenir aux premiers besoins de son enfant, une promesse
�—8—
illusoire que le caprice ou’la mauvaise foi pouvaient à chaque instant
anéantir !
Ce rapprochemeut justifié par des a c te s , suffit pour faire justice
des allégations imaginées par les héritiers Gueston.
5
iij
Deux jours après, et le 16 janvier x8 1 , Marie B ru n et, contracta
mariage avec Gilbert Fratissier. Dans cet acte solennel elle reconnut
Éléonard Canu pour son fils, et l’institua son unique héritier, dans
le cas où il ne naîtrait pas d ’enfant de son mariage. Cette reconnais
sance isolée est restée complètement étrangère à Fratissier, absent à
l’époque de la conception et de l’accouchement. Les héritiers Gues
ton ont cru devoir signaler la constitution faite par Marie Brunet
comme un indice des bénéfices q u ’elle avait pu faire pendant sa lon
gue cohabitation avec le sieur Gueston. Cette observation de leur
pari ne prouve q u ’une ch o se , c ’est que le temps n’a pas amorti chez
eux cette ardeur d ’ambition intéressée qui caractérise toute leur
conduite. Eux seuls peuvent s’exclamer en effet devant un pécule de
a,
35o francs et de 200 francs de mobilier.
Après vingt années de ser
vices, certes Marie B run et, qui avait recueilli la succession de sa
mère , a bien pu réaliser ces faibles économies sans recevoir du sieur
Gueston autre chose que les gages annuels qui lui étaient légitime
ment dus. Bien loin de trouver dans cette constitution un prétexte
de blâme contre e l l e , on y puise la conviction de son désintéresse
ment et de sa loyauté. Il est. vrai que' dans son mobilier , elle n’y
comprend passes hardes et ses habillements personnels, q u ’elle n ’a
point voulu faire détailler ni estimer, et l’on s’empare de cette cir
constance pour y voir une réticence , une dissimulation coupable.
Nous y trouvons au contraire la preuve que ces objets exclusivement
destinés à son usage, ne valaient pas la peine d ’une estimation. ¡Ne
sait-on pas, du reste, que pour ne pas en transférer la propriété au
m a ri, il arrive souvent que l’on omet un détail estimatif pour se
ré-server la faculté de les conserver en nature? D ’ailleurs, ces robes et
bardes d ’une paysanne ne pouvaient pas appartenir à la famille Gues
ton. La précaution q u ’ils avaient prise depuis 1 8 1
3 de
faire tout in-
�veulorier ; cl la vente faite deux jours avant de tous les meubles
oompris dans l’inventaire, sont des actes qui doivent dissiper toutes
l<2urs inquiétudes.
Le sieur Gueston père , après s’être dépouillé d ’une fortune con
sidérable en faveur de ses enfants légitimes, se croyait quitte envers
eux. La locaterie de Loulaigue, la pension de
3 ,ooo francs,
le loge
ment et les prestations en nature q u ’il s’était réservés, les 3oofrancs
de rente créés en faveur de Marie Brunet et de son fils, lui parais
saient des éléments suffisants pour assurer l’avenir du jeune Éléonard ,
auquel il portait toute l’affection d ’un père. Accoutumé à des habi
tudes d ’ordre, de travail et d ’économ ie, il espérait, avec ces res
sources, lui créer un patrimoine convenable, et s'acquitter à cet
égard de la dette qu ’il avait contractée. Mais ce n’était pas la seule
obligation q u ’il eût à remplir. Il devait à son fils naturel un nom et
une position sociale que l ’on n’obtient pas avec de l’argent seulement.
Marie B run et, depuis son mariage, ne résidait plus avec lu i; il était
à l’abri de toute influence, si elle avait été capable d ’en exercer.
Mais le cri de l’honneur et de la conscience , plus fort que toutes les
sollicitations, s’était fait entendre, et devait trouver de l’écho auprès
du sieur Gueston. Il n ’y fut pas insensible. Le
3o mars i 8 i 5 , il
se
transporta devant M" Place , notaire , e t , en présence de tém oins,
il reconnut liléonard Canu , né à Moulins, suivant son acte de nais
sance en date du 19 octobre 1814 > pour être son fds naturel et celui
de Marie B r u n e t , et déclara que cédant à l ’ impulsion de la nature,
el voulant rendre sa reconnaissance publique et authentique, il requé
rait le notaire de la recevoir, afin que ce mime enfant pût recueillir,
dans sa succession, l'intégralité des droits que les lois accordent aux
enfants naturels reconnus t it ce sans préjudice des autres dispositions
qui peuvent avoir été faites en sa faveur.
Marie Brunet comparut également dans le même a c t e , et'renouvela la reconnaissance et la donation déjà insérées dans son contrat
de mariage.
L e sieur Gueston ne se borna pas à l’accomplissement de ce de
2
�—
10
—
voir; il prit aussi des précautions pour donner à-son fils naturel ¡es
4
85
moyens de faire respecter ses droits. Le
juillet t i !, il déposa.en
l’étude du notaire P la ce , qui en constata la rem ise, un paquet ca
cheté portant cette suscription, entièrement écrite de) sa main.et
signée par lui : « Sous cette enveloppe, sont les papiers rjai conccrncnt
Eléonard, mon fils naturel* » Sous cette enveloppe étaient : i° J’acte
1 4
de naissance d ’El^onard, du
octobre 8 i 'î 2° l’acte deJreinise
faite à sa mère le 1i janvier s8 l ; ° la promesse relative it la cons
5 3
3oo fr. ; 4° ie contrat de mariage d e
Marie Brunet ; 5 ° la reconnaissance du 5o mars 18 1.5. Pensant que
titution d ’une rente viagère de
ces actes pouvaient être utiles à son üls, craignant q u ’ils ne lui fus
sent pas fidèlement remis s’ils restaient parmiises papiers domesti
q u e s , connaissant le caractère faible et l ’inexpérience de sa mère
il avait chargé le.notaire de ne les remettre q u ’à Eléonard , lorsqu’il
serait m ajeur, ou au tuteur qui lui serait nommé.
L ’espoir que le sieur Gueston avait conçu de créer à son fils na
turel un patrimoine par son travail intelligent et scs économ ies, ne
put se réaliser. Encore jeu n e, le sieur Gueston succomba le 1er mai
1 8 1G. Sa mort tragique priva Eléonard du seul protecteur qui pût le
défendre des embûches qui furent tendues à la faiblesse imprévoyante
de sa mère.
Les scellés ne furent pas apposés après le décès du sieur Gueston.
Ses héritiers se bornèrent à faire procéder sans contradiction à la
prisée et ù l ’inventaire des objets mobiliers q u ’ils indiquèrent comme
appartenant à leur père. Ceux représentés à son domicile lurent es
65 cent. ; ceux
i’ureut évalués 58 y fr.
timés 4*209 fr.
trouvés dans sa résidence de Moulins
L e 12 juin ¡ 8 1 6 , un conseil de famille fut convoqué pour nom
mer un tuteur au mineur Eléonard. Les sieurs Gueston furent con
voqués» ils comparurent; et sans contester ni l’identité ni la recon
naissance d ’Eléonard, en l'acceptant au contraire implicitement-, ils
soutinrent que la loi n’accordait à l’enfant naturel que des droits
réels sur les biens du père qui l’avait reconnu ; mais qu’il n’existait
�—
11 —
entre lui et la famille de son père aucune parente légale. En consé
quence , ils s’abstinrent de prendre part à la délibération. L e conseil
nomma Marie Brunet tutrice, et Fratissier, son m ari, co-tnteur.
En sa qualité de tutrice, Marie Brunet retira le dépôt confié à
M® P la c e , et se disposait à faire valoir les droits de son fils, ou plu
tôt les héritiers Gueston, alarmés d ’une action judiciaire, cherchè
rent à la prévenir. A l’aide de l'influence q u ’ils avaient conservée sur
l’esprit de cette femme incapable de leur résister, et des moyens
qu ’ils employèrent auprès de Fratissier, ils les déterminèrent à sa
crifier tous les droits d ’Eléonard moyennant une somme de
3 ,ooo f.
Un partage en justice aurait révélé, par ses formes protectrices, le
préjudice qu ’uni pareil abandon causait au m ineur; une cession de
droits ex ig e a it, pour être valable , des précautions également dan
gereuses: pour ceux q u i, à vil p rix , voulaient dépouiller Eléonard ;
on eut recours à la voie détournée et plus facile d ’une transaction.
Le
5 août 1 8 1 6 , un
conseil de famille fut formé devant M. le juge
de paix du Montet-aux-Moines, arrondissement de Moulins; Il fut
composé d’étrangers, sous prétexte que l’enfant naturel n’avait aucun
parent. On leur exposanlongnement une savante dissertation , dans
laquelle les époux Fratissier d ém ontren t, comme des jurisconsultes,
que les droits d ’Eléonard sont incontestables, q u ’ils s’élèvent à un
seizième des biens composant la succession du sieur Gueston père ,
q u e , d ’après la liquidation q u ’ils ont fait faire des forces actives et
passives de la succession, la part héréditaire du mineur s’élève ¡à
3
2,887 fr- 29 «eut» q u i, étant inférieure à celle de ,ooo fr. , il est
avantageux de transiger pour le prix proposé. Comme on s’en doute
b ie n , le conseil répondit : Benè. Il déclara même qu’il était à sa con
naissance personnelle que les biens avaient été estimés au-dessus do #
leur valeur, quoique aucun des membres ne connût ni la consistance,
ni même la situation des propriétés du sieur Gueston , et qu ’aucun
nioyen de s’en assurer n ’ait été fourni. Munis de cette autorisation ,
les tuteurs présentèrent à M. le procureur du roi de Moulins une
requête à l’effet d’obtenir la nomination de trois jurisconsultes. L ’or-
�^
K 'l
— 1 2 ---donnanee portant nomination de MM. Jutier, Ossavv et Iîoyron , fut
rendue le 10 août, e t , le même jo u r , ces honorables jurisconsultesdonnèrent line consultation dans laquelle ils établirent que , sous
aucun rapport, l’on ne pouvait critiquer la qualité du mineur Klénuard; que son amendement dans la succession de son père devait ,
à raison de la quotité disponible absorbée par la donation du 14- jan
8 5 , être du tiers dans les trois quarts, ou d ’un seizième dans
vier i i
la totalité. Ils visèrent ensuite le projet de liquidation qui fait suite
au: règlement des droits de l’enfant naturel, duquel il résulte que la
succession de François Gueston tant en meubles q u ’immeubles , dé
duction faite des dettes, ne s’élève q u ’à 4^,196 fr.
65 cent. , dont
le
seizième , revenant à Eléonard C a n u , est de 2,887 fr, 29 cent. , et
pensèrent que la transaction projetée était avantageuse au mineur
puisqu’elle avait lieu moyennant un prix supérieur à son amen
dement.
;
Le 12 août 1 8 1 6 , ce projet de transaction fut réalisé : il importe
de faire connaître par une analise co m p lè te , les principales dispo
sitions de cet acte, dont le mérite fait l’objet du procès.
-, Dans un exposé préliminaire , on fait connaître l’état de la famille
du sieur Gueston p è r e , 011 rappelle l ’acte de vente du i!\ janvier
i8 i.‘j ; mais on garde le silence sur l’inventaire et le partage de
communauté du mois d ’avril i
8i3,
dont la communication aurait
servi à faire connaître la fortune du sieur Gueston. On unalisc en
suite la,promesse d’une rente viagère de
3oo francs,
la reconnaissance
4 juillet 1 8 1 5 r
faite par le sieur Gueston d ’KIéonard, le dépôt fait le
les pièces comprises sous l’enveloppe ca ch etée, et l’on d i t : Les
choses étaient dans cet é t a t , lorsque les sieur et, dame Fratissier,
^voulant s’éclairer sur les effets de la reconnaissance du 3o mars 181J»
et sur la nature «t l’étendue des droits q u ’Éléonard pouvait exercer
sur la succession de son- p è r e s ’adressèrent à des jurisconsultes qui
déclarèrent ;
i* Que b reconnaissance du 3o mars 1 8 1 S était valable en la.
forme et au fond.
.
.
�a» One l’on ne pouvail révoquer en doule l’identité de l'enfant ,
parce qu’en pareille matière, des'üllégalions ne peuvent tenir lieu de
preuve.
3°
*
Q u e , suivant l’article 757 . le droit de l’enfant naturel, lorsque
le père a laissé des descendants légitimes, est d’un tiers d e là por
tion q u ’il aurait eue s’il eût été légitime.
4° Que l’enfant naturel adroit à une réserve légale,
de môme que
l’enfant légitime, sauf la différence de quotité.
5°
Que pour fixer cette quotité , il faut l’admettre momentané
ment au nombre des enfants légitimes., et le faire concourir figura
tivement avec eux.
J
6° Q u e, par une conséquence de ces principes, l’enfant naturel
qui ne trouve pas sa réserve dans les biens de la succession , peut
demander la réduction des dispositions entre-vifs qui ont excédé la
quotité disponible.
7° Que la valeur en pleine propriété des objets aliénés par l'acte
5
du 14 janvier 1 8 1 , doit être imputée sur la quotité disponible , et
l’excédant rapporté ii la masse.
8° Q u ’il importe peu que la reconnaissance ait eu lieu après la
vente, par la raison que le droit de l’enfant est acquis par sa nais
sance et non par la reconnaissance qui ne fait que le déclarer.
9° Q u e , d ’après ces principes, le sieur Gueston ayant laissé trois
enlants légitimes et un enfant naturel, il ne pouvait disposer que du
quart de ses biens; en sorte que si Éléonard était légitime , sa pari
serait du quart des trois quarts ; que la loi lui attribuant le tiers de
cette portion héréditaire, il a droit de réclamer un seizième de la
succession.
io° Que la cté sous seing privé du 14 janvier 181 J> est nul.
On ajoute que les sieur et dame Fratissier se disposaient à former ,
au nom de leur pupille, une demande en justice contre les enfants
8 5,
Gueston, en réduction de la donation de i i
et en partage des
cinq sixièmes de la locaterie de Loulaigue , et de tout le mobilier
dépendant de la succession, pour en ôtre attribué un seizième du
�- 1-i tout à Eléonard, ’orsque les sieurs et demoiselle Gueston ont pro
posé de transiger sur tous les droits dudit enfant naturel moyennant
3 ,ooo
la somme de
francs, q u ’ils disaient supérieure à celle qui
pourrait lui revenir, en admettant ( c e qui selon eux pouvait être
contesté) que les diverses questions précédemment agitées fussent
résolues en sa faveur.
On expose que sur cette proposition, les sieur et dame Fratissier,
s’étant fait remettre les litres et papiers concernant la succession, les
ont communiqués à leurs conseils, qui ont procédé à la liquidation des
droits d ’Éléonard de la manière suivante :
i° La terre de Sciauve, telle qu ’elle a été vendue par l ’acte du 14
8 5 , a été portée pour une valeur estimative de cent mille
janvier i i
francs, c i *
• • • «
. *, 1« * > « •
20 Les cin q sixièmes de la locaterie de L o u Jaigue............................................................................
5° L e
x.00,000 fr. ®# c*
;l;
5
Z|, 5c)6
. a , o o *ij r» :
65
T o t a l ........................107,096 fr. 65 c.
mobilier constaté par les inventaires .
Arrêtons-nous un moment sur cette évaluation. La terre de
Sciauve, si vaguement désignée, ne comprend pas seulement les
objets vendus par M. de Boisrenaud , au moins 48,000 francs, puis
que cette somme était encore duc an vendeur lors de l’ouverlure
de la succession ; elle comprend encore tous les domaines attribués
au sieur Gueston par le partage du
3o avril
181
3 , dont nous avons
déjà fait connaître la consistance et la désigation.
Tous ces immeubles réunis donnaient et donnent encore un re
venu annuel de 10,700 francs, savoir : le clifiteau et la réserve de
Sciau ve, 2,000 francs; le domaine de Sciauve, a,5oo francs; le
domaine des Y c a u x , 2,3oo francs; celui de la P a ye , 1,800 francs;
celui de Loulaiguc , 1,600 francs ; le moulin des Veaux , üoo francs ;
et toutes ces propriétés sont estimées en bloc cent mille francs! Ce
n ’est pas tout, on y comprend encore tous les objets vendus le 14
janvier i
3
8i5,
c ’est-h-dire, les meubles énumérés dans l’inventaire
«le 18 1 , d ’une valeur de 60,000 fr ^ c s . Il est vrai cju*îl faut retran-
�—
lâ
cher de celle estimation la portion qu e les enfants Crueston iimendaicnt dans le partage.de La comnuinaulé, et la valè-ur des^objcts
réservés au père. La portion*des héritiérS (iiueslon datïs l'c'tfiobilier
dépendant de~la communauté, javait été réglée à 1 1 ,
6/(4 francs 5o
centimes, sur laquelle le père avait p a jé co m p ta it à son fils aîné
3,12(5 francs, ce qui fa réduisait h
8 , 5 i'8 francs r5ô 'centimes.
Les
meubles réservés, d’après"Testlination de l'inventaire* f'ait9laprès le
décès du sieur Gueston, s’élevaient à
3 , ' j e f î francs ¿5 centimes.
En
reLranchant'ces deux sdmmes de l'eValualiüti porlée dans l'inventaire
de i 8 i 3 , i l en résulte q u ’indépendamment1dés ¡¡niheuliles, les seuls’
8 5 , -et'par consé
objets mobiliers compris dans la donation de i i
quent dans l’article i cr de la liquidation, étaient d ’une valeur de
47,688 francs.
1
i,
!Tii■r
■
■r
t
Q u’on ajoute maintenant la valeur des bestiaux attachés à ex
ploitation de ces diverses propriétés , celle des récoltes engrangées,
celle du blé renfermé dans les greniers, et q u i, à cette é p o q u e ,
était d ’un prix très-élevé, et l’on aura une idée de l’exactitude de
cette estimation véritablement dérisoire.
•i
Les mêmes observations s’appliquent à la locatcrie de Loulaigue ,
d’un produit annuel de
3oo francs, et que l’on a estimée 2 , 5oo francs.
Dans le cas où les héritiers Gueston soutiendraient que les va
8 3,
leurs mobilières constatées par l’inventaire de ,i i
ne sont pas
comprises dans la vente faite à leur profit', il faudrait tirer de cette
allégation , fondée ou n o n , une conclusion encore plus directe contre
la sincérité des éléments qui ont servi à la composition de l’actif. En
e llet, ces valeurs qui formaient une partie essentielle du patrimoine
du sieur Gueston, et qui existaient à son décès, auraient été sciem
ment dissimulées par les héritiers légitimes ; et cette omission de
leur part suffirait pour caractériser la moralité de celle prétendue
transaction.
Après avoir composé l’actif de la succession , on établit son passif
ainsi q u ’il suit :
�— 16 —
i° Il était dû à SI. de Boisrenaud . ........................
2° Au nommé Alibert . j ........................................ .
3° Les frais de l’acte du
‘
:i
:l:
1
i/j janvier
T o t a l ’.
i
48 >ooo
.
fr.
jo ,o o o
8 i 5 i .................. 2,900
. . . . . .
Go.qoo
fr.
Les héritiers Gueston, qui dissimulent avec tant de soin les forces
actives de, la succession , sont plus ingénieux lorsqu’il s’agit de com
poser la masse des dettes. Les dix mille francs dus à Jean Alibert
avaient pour cause le remplacement de l’un d ’eux : cet engagement
contracté dans son intérêt personnel l’obligeait à le supporter entièrem ent,
et pouvait d ’autant moins grever la succession, que la
quotité disponible avait été épuisée. Les frais d e là donation du i
janvier 18 1
4
5 étaient une charge exclusive des donataires , avec d ’au
tant plus de raison q u ’ils conservaient les propriétés dont la mutation
Jes avait occasionnés.
Après avoir ainsi apprécié , au détriment dn m ineur, l ’actif et le
passif de la succession, on arrive à cette conclusion q u e , balance
faite, elle se compose de biens meubles et immeubles d ’une valeur
de 4 6 ,196 francs
65
centimes. On en retranche 11,5 4 9 francs 16
centimes pour le quart formant la quotité disponible , et l’excédant
montant à
partage.
Si
36,647
francs /j9 centimes devient
la
matière
du
Éléonard C a n u , est-il d it, avait été légitim e, il aurait eu le
quart de cette somme , qui est de 8,661 francs 87 centimes ; comme
enfant naturel, il ne doit avoir que le tiers, qui est de 2,887 francs
29 centimes.
'
On rappelle ensuite les diverses formalités remplies pour parvenir
à une transaction, et on termine en stipulant que pour satisfaire
au vœu de la famille, cl d ’après l ’avis des jurisconsultes commis à
cet effet, les parties ont résolu de transiger, comme de fait, elles
tra n sig en t
par forme de transaction sur procès pour tous les droits
que peut prétendre Élconard Canu dans la succession du sieur F ra n
çois Gueston , son père naturel, pour une somme de
3.,00c» fra n cs, que
�les sieurs et demoiselle GueUon s ’engagent' solidairement à payer à son\
émancipation ou à sà majorité. >»*:/.. ¡».‘nflrt'If îjH -N • n:.¡o. -...i
11
4
est surabondamment reconnu que la: prétendue- donation-faite
le ' i janvier i'SïS à Marie Brunetlet à son fils,'Jsera.nulle iet ré
putée comme 'non avenue. " :hoN
‘ïi-au ni) h i..:„u ¿i;ui
T el est en substance l ’acte idu 1 1 août 1 8 1 6 , dont il s’agit d ’ap
précier le caractère et les'effets.>On'y trotove réunis tous les «ÿémentSi
1
qui constituent un partage : il est intervenu entre'les divers ayants
droit à la succession du sieur Gueston ; il a pour objet de faire cesser
entre eux l’indivision, et de déterm iner, par voie d ’attribution ,i
l'amendement du mineur. On procède comme dans toutes les opéra
tions q u ’une liquidation exige : ’après avoir fixé , d ’aP ^ s ^avis ^es
1
jurisconsultes , les droits d ’Eléonard, on eompose la masse active des
biens meubles et immeubles ;>on en retranche-les dettes, qui sont
rappelées en détail ; on prélève sur cette masse, ainsi réduite , le
quart formant la quotité disponible ; e t , par ce travail préparatoire ,
on parvient à une liquidation rigoureuse, et en apparence exacte ,
de la portion héréditaire d ’Eléohard. Malgré le noni* donné à ce
Iruilé , il est bien constant qu ’étant entre les' parties le premier aètë
qui ait lait cesser l’indivision, il réunit tous les caractères d ’un par
tage véritable.
11 est bien
certain que les formes''employées n'ont eu
d ’autre but que d’éluder celles plus efficaces que le législateur a
tracées dans l’intérêt d u ’miri'our.
‘
I'
>r:
Cette transaction fut homologuée le 19 août. Les héritiers Guèston étaient tellement impatients d ’arriver au but qu'ils s’ôtaient pro
pose, que , dans moins de quinze jours, touteé'les formalités exîgéés
p a r la loi avaient été remplie^. A peine Eléonard était-il parvenu h
sa majorité, q u e , dand'rtspoir!U!obtienîr un,acqüiesccment'à ieéfc acte
luineux poiir l u i , ils ‘lui firerit offrir, par expldrt du 16 janvier 1636,
la somme de
3 ,000 fr. en capital, et
IcsMnlérÔt^ échus. Eléonard re-
fusa , e t, par le même acte,! il fût assigné en validité devant le1 tri
bunal dé Moulins. De son côté , il forma contre les héritiers GùeSton
une demande! en partage qtii fut portée devant le tribundl db Mont-
�— 18 —
luçon , dans l’arrondissement duquel la succession s’était ouverte.
La demande en validité d ’ofl'res avait pour, but de foire décider que
la transaction) du ,12 août était) irrévocable , letndevait,.interdire à
Kléonard toute actiontrelative àjl’exercifce de ses droits comme en
fant naturel du sieur Gueston. Pour la com battre, il a d ’abord ré
clame un sursis jusqu’à Ja décision à intervenir sur la demande en
partage pendante, devant lei tribunal de M onllüçon; e t , au fon d , il
a soutenu-que la transaction-n’étant autre chose q u ’un partage n u l,
ou du moins provisionnel^ et- dans tous les cas susceptible d ’ôtie
rescindai pour cause de lésion , ne pouvait avoir la force de paralyser
son action, et de.produire à son égard des effets déGnitifs. Sa défense
a été accueillie par un jugementrcontradictoife du 28 avril i
836 ,
textuellement rapporté dans le mémoirefde nos adversaires, et dont
nous reproduirons lesjprincipa,ux motifs en discutant son mérite.
’’T i ;
DISCUSSION. 5
.1
Avant d ’aborder la discussion du fo n d , il est nécessaire d ’écarter
immédiatement une objection présentée au nom des héritiers Gues
ton , qui aurait les effets d ’yne fin de non-recevoir, quoiqu’ils ne
1
l’aient,pas.ainsi formulée. P ’aprèseux , le jugement du i g aûut 1 8 1 >
qui a homologué la prétendue transaction du 12 aôut, est une déci
sion irrévocable qui a épuisé la juridiction du tribunal, et q u ’aucune
autre jnç peut Réformer. L e caractère de transaction q u ’il a reconnu
dans çet acte lui a été définitivement imprimé ; il n’est plus permis,
1
de , e contester. Etrange doctrine que celle qui attribuerait à un
jugement rendu sans débats j. sans conste^tation, des eil’e ts aussi
désastrçux^AinÊi l’erçeur,, d ’un tribunal ;trompé p a r le s apparences
dont op aurait revêtu un contrat ser£tl,f irréparable ; la justice res
terait,, impuissante, et désarmée pour, venir au sçcours d ’un mineur
dont,les,jintérêts ¡auraient été nûïçonnus. et sacrifiés! Sous le nom
de.transaction, un tuteur iqûdèlc|aurai^ aliéné ses biens, aurait pro
cédé à un partage /Çnns .rcjuplir aucune ,dcs formalités prescrites par
�— 19 —
la lo i, et cette œuvre de'spoliation serait à tout jamais consacrée
par le jugement d'homologation’ que le tuteur aurait’obtenu ! Ras-1
surons-nous , la loi n’a pas voulu Être complice*d’une injustice aussi
révoltante.
r'
.......’’
Pour qu’une'décision judiciaire produise' des effets irrévocables,
il faut qu’elle ait obtenu l’autorité de la chose ju^ée. Parmi les carac
tères de la chose jugée ,* définis par l’article 1
35 1 ,
lés principaux
sont que la demande soit, entre les mêmes 'parties, formée par
elles et contre elles en la même qualité. II faut donc que le jugement
ait prononcé sur des prétentions contradictoires, sur des intérêts
opposés et débattus devant la justice par diverses parties , xpour q u ’il
puisse attribuer à l’une d ’elles un bénéfice quelconque 'qui devient
définitif s’il n’ est pas attaque dans les formes et dans les délais fixés
par là loi. Un jugëm ent'd’homologation n’a aucun de ces caractères ;
rendu sur requête sur la demande isolée d ’une partie, il ne peut
conférer aucun droit à celui qui n’y figure pas ; fil manque d’un des
éléments essentiels qui constituent la chose jugée. C ’est' ce qui a
été positivement décidé par un arrêt de la Cour royale de Bordeaux,
( D a llo z , i
a , p. i
, deuxième p a rtie).
du 22 novembre i
832
83
58
T out jugement qui statue sur des intérêts d ’une nature déterminée
est susceptible d ’être réformé par l’autorité
supérieure, sur la
plainte de la partie lésée. Celui du 19 août, s’il avait les caractères
d ’un jugement contradictoire, serait encore susceptible d ’être frappé
d ’a p p e l, puisqu’il n’a jamais été signifié ni h la tutrice ni au subrogé
tuteur; et cependant com m ent, dans ce c a s , devrait procéder le
mineur Éléonard? Intimerait-il devant la Cour les héritiers Gueston?
Mais c e u x -c i répondraient : Nous n’avons pas été parties dans le
jugement de première instance ; vous ne p o u v e z, par ce m o y e n .
nous enlever le bénéfice du premier degré de juridiction. Inter
jetterait-il appel contre la tutrice? Mais e n c o r e , l’arrêt infirmatif
serait sans influence contre les héritiers Gueston. Etrangers à ces‘
nouveaux débats, par quels moyens donc obtenir la nullité de la
prétendue transaction homologuée? Par voie d ’action en nullité,
�ou par voie d ’e xception, comme l!a fait Eléonnrd, sans s’inquiéter
du jugement d ’homologation. Cette approbation donnée par la jus
tice à la tutrice qui le réclamait, est l’accomplissement d ’une for
malité exigée par la loi ; sans elle , l’acte du 12 aôut serait resté dans
le néant : soif intervention a eu poui^ effet de lui donner une valeur
comme transaction , e t d e relever la tutrice de son incapacité à con
sommer un acte dev cette nature. Mais si le mineur démontre que
cet acte n ’est pas \ine transaction , que la tutrice a excédé les,
limites de ses pouvoirs, q u e lle a stipulé une cession de droits suc
cessifs pu opéré, un véritable partage définitif,(il lui suffira d ’attaquer
le traité sîins faire réforme^séparément le jugement d ’homologation
qui-en est. J’acces^oire , et qui n’a pu ni éfpndre les pouvoirs de la
tutrice au delà des bornes fixées par la lo i, ni dépouiller le mineur
«les garanties qui le protègent,,, En faisantj.prononcer la nullité de
L’acte du 12 aôut 1 8 1 6 , ou en restreignant ^es effets à ceu xjd ’un
partage provisionnel, il fera tomber eu môme t e m p s ,o u il restrein
dra aux mêmes proportions le jugemqnt, d'homologation qui. lait
corps avec lui. De nombreuses décisions judiciaires rendues dans
des espèces analogues ♦ont ju gé que c ’était la seule marche à suivre.
Ainsi la.Gour,dc cassation , par un arrêt du i g floréal an x u ( Dencçcrsf an .x i iy p. 447 ) » a décidé en matière de v^nte de biens de
mineurs, qufil n ’était pas nécessaire d ’attaquer les jugements qui
l ’ayaient. ordonnée. En cas de vente de biens dotaux, la Cour de
Caeiv, p a r flrrÇ't (^u
4
G renoble, par arrêt du
Juillet 1826 ( D . 1827 , p. 47 ) •; la Cour de
4 aôut
1802 ( J). i
833 , p.
102 ) ont jugé
que la fonirae dç^ait ¡directement agir par voie de nullité contre les
acquéreurs,, njalg^ les jugements rendus sur requête qui avaient
autorisé v,c,s aliénations. La Cour.de Turin a consacré le même prin
cipe en nmtièrç de transaction passée par un tuteur en vertu d ’un
jugement
. p.y66.).
1
», ,’homologation.
[ T u r in , 29 ju illet
1 8 0 9 , lome 10,
pouvons donc sans crainte aborder la discussion du
et lech^rchqf dç quel c ô té s e trouve le bon droit.
,Le,traité dn ti 2 a ô u t ^ S i ô est-il une transaction ou uu partage,?
i
�Telle est la question dominante.
Les héritiers Gucston se sont
efforcés d ’établir que cet acte méritait la qualification qui lui avait été
d o n n ée, e t, q u ’à ce titre, il était irrévocable comme ayant reçu la
sanction spéciale que la loi exige pour les contrats de cette nature.
Nous allons, au contraire, cherchera d ém ontrer, i° que ce traité,
malgré sa dénomination vicieuse, est un véritable partage, dont la
nullité doit être prononcée pour n ’avoir pas été revêtu de toutes les
formalités prescrites par la l o i , ou dont les effets provisoires doivent
cesser sur la demande d ’un partage définitif; 2° que lors même q u ’il
participerait en même temps et de la transaction et du partage, il
faudrait e n co re, s’il était possible , distinguer ce qui tiendrait à l’un
ou à l’autre de ces deux contrats, et rejeter la partie du traité qui
serait relative aux stipulations d ’un partage définitif et aux opérations
qui en seraient le complément.
La dénomination que les parties donnent à un contrat est abso
lument insignifiante pour.en assigner le véritable caractère. Il se ré
vèle exclusivement par les conventions qu’il renferme , par l’objet
qui en fait la matière , par les effets q u ’il doit produire. A cet égard,
le fond l’emporte sur la form e, la chose est plus significative que le
n o m , la réalité est plus forte que l’apparence. Peu importe donc que
le traité de 1816 ait été qualifié transaction; cette appellation est
sans influence pour en juger la nature. 11 faut, pour l’apprécier, pé
nétrer plus intimçment dans les entrailles de cet acte. Les héritiers
Gueston en ont reconnu la nécessité ; aussi ont-ils cherché à faire
ressortir tout ce qui pouvait servir à lui conserver non-seulement la
form e, mais encore la réalité d ’une transaction pure et simple. Pour
y parvenir avec plus de facilité, ils ont supposé que cet acte
avait etc passé avec un majeur, et ils ont demandé si, dans cette
hypothèse, le traité intervenu ne serait pas à l'abri de toute critique,
et ne participerait pas de. l’irrévocabilité des transactions, dont il
présentait tous l»[s caractères. Nous accepterons volontiers le terrain
sur lequel la discussion a été portée ; mais il faudra bien alors con
venir qu’en admettant ce raisonnement, la conclusion sera toute con
�— 22 —
traire , si nous parvenons à démontrer que lorsque ce traité aurait
été passé avec un majeur, il ne serait pas réellement une transaction,
mais un véritable partage.
L e caractère spécial, distinctif de la transaction, est de ne pou
voir être attaqué pour cause de lésion. A r t.
2o 52.
L ’acte de partage, au contraire, destiné à consacrer l’égalité
entre chaque héritier, est toujours rescindable pour cause de lésion.
Prouver que l’acte du 12 août 1816 aurait pu être rescindé pour
cause de lésion, sur la demande d ’Eléonard Gueston , qui l’aurait
consenti en m ajorité, sera donc prouver que cet acte, aux yeux de
la lo i, était réellement un acte de partage.
O r , d ’après l’art. 888 du Code civil, est réputé partage tout acte
qui a pour objet de faire cesser l’indivision entre cohéritiers, encore
q u ’il soit qualifié de v e n te , d ’éch an ge, de transaction, ou de toute
autre manière.
Cette disposition du Code civil ne fait que confirmer les principes
anciens.
M o rn ac, sur le titre du digeste : Familiœ erciscundœ, s’exprime
ainsi : E o ju re utimur ut quocumque nomine denominetur contractus ,
scu transactio vocetur , seu non, tamen pro divisione hœrcditatis rcrumque communium accipi debeat.
Nous tenons pour maxime au palais, dit également L e p restre, que
le premier acte qui se fait entre les h éritiers, quoiqu’il soit déguisé
sous le nom de contrat d ’éch an ge, môme de transaction , est néan
moins tenu pour partage.
Bretonnier sur Ilenrys, t. 2 , p. 944» confirme cette doctrine gé
néralement admise. C ’est une maxime constante dans tous les tribu
naux, d it-il, que l’on peut revenir contre le partage quoique fait par
transaction, et quoique la transaction soit intervenue sur un procès
intenté pour parvenir au partage. Car l’acte qui finit cette discus
sion, quelque nom q u ’on lui d o n n e , est toujours un partage.
Tous nos auteurs m o dernes, sans exception, proclament les m ê
mes principes. Seulement M. Chabot, dans son Commentaire sur les
�Successions, t.
3 , p.
7 0 g , a pensé que si des contestations réelles
et sérieuses s’étaient éleyées relativement aux droits respectifs des
prétendants à la succession , sur la quotité de la portion qui doit ap
partenir à chacun, sur la validité des dons et legs, sur l’obligation
ou la dispense du rapp ort, l’acte par lequel on aurait traité sur tou
tes ces questions, et réglé les droits de tous par une attribution spé
ciale de biens déterminés, devrait être considéré comme une tran
saction , et produire tous les effets attachés à la nature de ce contrat.
Mais cette opinion contraire à la définition du partage, qui est
l ’acte qui fait cesser l’indivision, quel que soit le nom q u ’on lui
donne, et la forme adoptée pour y parvenir, est repoussée par B e leurie, t.
3 , p. 455. Tout premier acte entre
cohéritiers, dit-il, est
considéré comme un partage , et résoluble dans les mêmes cas , de
quelque nature et gravité q u ’aient été les difficultés qui s’élevaient
entre les coparlageants. M. Yazeille combat victorieusement l’opi
nion de Chabot. À ses y e u x , la transaction ne peut rester ferme que
lorsqu’elle est isolée et distincte du partage , soit en nature , soit par
attribution. S ’il y a confusion, la rescision du partage doit emporter
la nullité de la transaction. {Com . sur les Succrss. t p.
o.)
54
C ’est dans ce dernier sens que s’est prononcée la Cour de cassa
tion. Après plusieurs difficultés et môme plusieurs jugements sur le
partage de la communauté dissoute par la séparation de c o r p s , les
époux Ramonet firent, le 6 juin 1 8 2 5 , une transaction par laquelle
le mari s’engage, pour terminer toute contestation, à payer à sa
femme une somme de 80,000 francs. Au moyen du payement de
cette somme, ¡1 devait rester seul propriétaire de tout l’actif de la
communauté. Sur la demande en rescision de cet acte , formée par
la dame Ramonet, la Cour d ’Aix jugea q u ’à raison des questions
épineuses, des difficultés réelles qui s’étaient éleyées entre les par
ties, le traite du 6 juin 1825 avait tous les caractères d ’une vérir
*able transaction. Mais sur le pourvoi dirigé contre cet arrêt , la
Cour suprême en prononça la cassation par les motifs suivants :
• Considérant, en droit, que la loi déclare tout premier acte passé
�-
2i -
enlre cohéritiers on communistes, rescindable dans les cas p révus,
lorsque cet acte fait cesser l’indivision, quand même cet acle serait
qualifié transaction ;
''
’'
’
*
s Considérant que la loi ne distingue pas des autres cas ceux
où il existerait des difficultés graves et réelles, môme des procédures
et jugements antérieurs ;
» Considérant, en fait, que l’acte du 6 juin 1825 est un premier
acte entre les deux communistes; que cet acte a eu pour objet de
faire cesser l’indivision enlre eux, et qu’il avait en effet opéré le par
tage par attribution à forfait d ’une partie de l ’actif de la commu
nauté. » ( Cour de cassation, 12 août 18 2 9 ; D . 1829 , p.
332. )
On
peut encore citer, dans le môme Sens, un arrêt de la Cour de Pau ,
du 12 janvier 1826. (D . 1 8 2 6 , p. 114 .)
Toutefois, une sage distinction a été faite : il peut arriver q u ’avant
de déterminer la part afférente à un cohéritier ou à tout autre co
propriétaire, il soit nécessaire de régler des difficultés préalables ,
dont la gravité ou les chances incertaines sont de nature à engager
les parties à une transaction. Dans ce cas, l’acte peut alors réunir le
double caractère de transaction et de partage. Toutes les questions
qui se rattachent à la qualité des parties, à l ’étendue de leurs droits,
à l’appréciation des actes qu ’elles s’opposent mutuellement, sont ir
révocablement jugées par le traité qui intervient ; mais ensuite le rè
glement qui est fait en conséquence du droit reconnu de la quotité
déterminée, est un partage véritable, susceptible de rescision, si
l’un des copartageants n’a pas obtenu tout ce q u ’il devait avoir d ’a
près les bases adoptées.
Cette distinction est enseignée par M. Chabot lui-même comme
modification à l’opinion q u ’il vient d’ém ettre; il ajoute : « Mais il
s est bien important de remarquer que l’acte ne peut être considéré
; comme transaction, et non comme un simple partage, que dans
» le cas seulement où les contestations et les difficultés sur lesquel> les il'à été transigé étaient rée lle s, étaient sérieuses, et présen» taient des questions dont la solution pouvait être incertaine.........
�—
25
—
» 11 faut ajouter que même dans le cas d ’une transaction réelle.,.si,
» on avait fixé d ’abord la quotité de la portion que devait avoir cha» cun des héritiers, et q u e , d’après cette fixation, il eût été procédé
» au partage de la masse, celui des héritiers qui n’aurait pas eU|Ia
» totalité de la portion déterminée, et qui éprouverait à cet égard
» une lésion , serait encore fondé à se pourvoir en rescision. L ’acte
» vaudrait bien comme transaction quant à la fixation de la quotité
» des parts pour chacun des héritiers; sons ce rapport il ne pourrait
» être attaqué : chacun des héritiers ne pourrait réclamer que la
» quotité qui a été réglée ; mais s i , dans la distribution des parts ,
» un des héritiers avait eu moins des trois quarts de la quotité qui
» devait lui revenir d ’après les bases adoptées, il aurait le droit de
» se pourvoir contre l’opération du partage, sans toucher aux autres
» conventions ; l’acte, dans ce cas, ayant deux parties très-distinctes ,
» la transaction sur la fixation de la quotité, et le partage qui aurait
» déterminé chaque part séparément. » ( Chabot, Comment, sur les
Success. , p. 7 11 et suiv.)
Cette distinction est approuvée par MM. Duranton (Coursde droit
français, t. y , n°
o) ; et Yazeille ( Comm. sur les Succ. , p.
o).
£11 e est consacrée par un arrêt de la Cour de Nîmes, du o juin 1819
58
( D . 1 8 2 1 , p.
54
3
35 ) ; et par un arrêt de la Cour d ’Amiens,
du 10 mars*
1 8 2 1 { D . 18 23 , p. 1 1/| ).
Ces principes posés, faisons-en l'application à la cause. Comme
nous l’avons fait remarquer dans l ’exposé des faits, les prétendues
questions graves, rée lle s, que les héritiers Gueston mettent en avant
pour donner à l’acte du 12 août 1816 les apparences d ’une transac
tion , n’avaient ni gravité ni réalité.
Ils auraient pu contester l’identité d ’Eléonard comme le fils de
Marie Iîriinét! Pure allégation, ridicule et grossier m ensonge, qui
ne pouvaient faire illusion à personne. L ’acte de dépôt h l’h osp ice ,
1 acte de naissance, 1 acte de remise , la reconnaissance insérée dans
1<‘ contrat de
mariage de Marie B r u n e i, témoignage de son affection
maternelle, protestent contre une si étrange prétention. Qui aurait
4
�cru , sur le dire des héritiers Gueston , q u ’une mère affiche, son
déshonneur, s’impose des sacrifices de tous genres, pour se prêter
à une spéculation aussi immorale? La reconnaissance du sieur Gueslo n , les soins minutieux q u ’il prend pour assurer ît son>fils naturel
les actes et les moyens nécessaires de
conserver son é ta t , ne
viennent-ils pas donner encore un démenti énergique à dés alléga
tions dictées par la cupidité? Enfin, l’acte volontaire contracté par
4
les héritiers Gueston , le 1 janvier
i
8 i 5 , en faveur de Marie Brunct
et de son fils, n ’est-il pas de leur part une reconnaissance positive et
formelle?
Le droit de réserve, disent-ils e n c o r e , était contestable à l’égard
de l’enfant naturel. Sans d o u te , on peut tout contester, même l’é
vidence ; mais celte contestation ne pouvait créer une difficulté sé
rieuse et réelle. Que l’on consulte sur cette question MM. Merlin,
G ren ier, Touliier, Duranton, Loisoau, F avard, Malpel, Dalloz,
Yazeille , Delvineourt, Levasseur ; ils enseignent tous quo l’art. 761
du Code civil attribue à l’enfant naturel un droit de réserve sur les
biens du père ou de la mère qui l ’a reconnu. La jurisprudence des
Cours royales et de la Cour de cassation est également uniforme sur
la solution de cette question.
Mais, ajoutent-ils, ils auraient pu oontester le droit de réduction
pour composer cette réserve sur les biens compris dans la donation
déguisée du \l\ janvier
i
8 i 5 ; mais si l’enfant naturel a une réserve,
s’il doit com p ter, suivant les termes de l’arrêt de la Cour de cassa
tion du 26 juin ¡80 9, comme une fraction d ’enfant légitime, il doit
bien avoir les moyens de l’obtenir; et ces moyens ne doivent pas
être différents de ceux qui ont été organisés par la loi pour complé-.
1er la léserve des enfants légitimes.
Rem arquons, d’ailleurs, que cette question de réduction était
*ans inlluenco sur la détermination de la tutrice, et q u e , sous ce
rapp ort, elle n’a pu rien sacrifier pour éviter les chances d ’uno
discussion judiciaire qui aurait pu tourner contre son pupille. Eu
effet, la question do réduction des immeubles précédemment dun,-»
�nés, n’aurait pu s’agiter que dans le cas où les Liens libres provenant
de la succession du sieur Gueston n’auraient pu faire face aux droits
que la loi attribue à l’enfant naturel. Il est bien sensible que si les
héritiers Gueston avaient voulu y prendre part, ils auraient été
obligés de rapporter ceux q u ’ils avaient antérieurement reçus. Or ,
les biens libres et dont le sieur Gueston n’avait pas disposé, consis
taient: i° dans les cinq sixièmes de lalocaterie de Loulaigue, estimés
dans l’acte du 12 août i 8 i 6 à ........................................... 2,5oo fr.
2° Dans le mobilier du sieur G ueston, porté dans les
inventaires et le traité à........................................................ 4 ^ 9 6
T o t a l ...................................... 75096 fr.
Ces valeurs, malgré la dissimulation qui a été faite de celles énu
8 3 , étaient supérieures à la somme de
mérées dans l’inventaire de p i
3 ,ooo
francs attribuée à Éléonard. La question de réduction était
donc sans intérêt pour l u i , et ne pouvait porter la tutrice h accep
ter une pareille transaction.
M ais, d’ailleurs, est-ce qu ’on peut dire sérieusement que ces pré
tendues difficultés sont entrées pour quelque chose dans le règle
ment des droits d ’Éléonard? Les jurisconsultes consultés avaient ils
sur leur solution laissé à la famille, aux tuteurs, la plus légère incer
titude? IVavaient-ils pas, à l’unanimité, déclaré q u e , sous tous les
rapports, les droits du mineur Gueston étaient à l’abri d ’une contro
verse dangereuse ? Les héritiers Gueston eux-mêmes demandaientils un sacrifice-pour prix de leur renonciation à soulever ces contes
tations , dont ils connaissaient bien
le peu de fondement et de
consistance? Non. Dans l’acte du 12 août 1 8 1 6 , ils proposent3 à
lilrc de transaction, une somme de 3,000 francs supérieure à celle
qui pourrait revenir à l'enfant naturel, en admettant (ce q u i, selon
e u x , pouvait être contesté ) <juc. 1rs diverses questions agitées fussent
résolues en leur faveur, lo u te leur contestations se réduit h une
possibilité indiquée entre deux parenthèses. Loin de se prévaloir de
la ressource d ’un procès injuste pour obtenir une réduction sur
�l'étendue des droits du mineur G ueston, ils offrent, pour le désin
téresser, line somme supérieure à la valeur de son amendement. Ils
reconnaissent d o n c , par cette offre ainsi formulée, q u ’Eléonard est
bien fondé à obtenir au moins sa portion héréditaire dans la suc
cession de son père. Autrement celte supposition de leur part n’au
rait été q u ’un mensonge d ’autant plus coupable, qu’il aurait eu pour
but de tromper un frère mineur
en se donnant les avantages d ’une
apparente générosité.
A u ssi, sans s’inquiéter des prétendues questions graves et sérieuses
que l’on voudrait faire revivre, procède-t-on immédiatement à la
liquidation des droits d'Eléonard. Pour y parvenir, on compose la
succession du sieur Gueston. On récapitule les dettes qui la grèvent,
dans lesquelles on fait figurer 2,900 francs, montant des droits
85
d ’enregistrement de la vente du il\ janvier i o ; il en résulte que
l’actif est réduit à 4 6 ,1 9 6 francs. Sur celte somme , on détermine le
seizième revenant à l ’enfant naturel.
2,887
Ce
seizième est
porté à
fr” 29 c * C ’ est pour remplir Élconard de tous scs droits dans.
la succession du sieur François Gueston, son père naturel, que les
héritiers légitimes s’engagent à lui payer à>sa majorité la somme de
1
3 ,ooo francs.
f t ’est-j’ l pas évident que cet acte a eu pour effet de faire cesser
l ’indivision? ÎN’est-il pas évident que la somme de
3 ,000
francs était
l ’amendement d ’Éléonard dans la succession de son père naturel ? A
l’exceplioi) do la qualification donnée à cette prétendue transaction,
11e remontre-t-on pas dans cet acte tous les éléments, tous les caractères
qui sont propres au partage? Sa forme , son b u t, ses résultats permcttent-ilsde se méprendre sur la nature véritable de celte conven
tion? Si donc Éléonard Gueston avait passé cet acte en majorité,
il pourrait sans contredit en demander la rescision pour cause du
lésion. En démontrant que les 0,000 francs qu ’on lui offre ne sont
pas la sixième partie de ce qui lui revient dans la succession de son
p è r e , nul doute que ses adversaires seraient réduits à l’impuissanco
de combattre cette action. En vain parleraient-ils des difficultés
�i
—
29
—
sérieuses qui s’élevaient au moment où le traité'à élé passé; ii leur
répondrait victorieusement qu ’elles n’étaient pas s é r i e u s e s ‘qui;
d ’ailleurs elles ont été sans influence sur la fixation de son amende
ment.
11 leur
répondrait, avec la Cour de cassation, queT existency
de contestations réelles justifiées au besoin par des débats judiciaires,
est insignifiante pour déterminer le véritable caractère d ’une tran
saction ou d ’un partage ; q u ’il suffit que ce soit un premier acte
intervenu entre des communistes sur des biens indivis, pour qu’il
soit considéré par la justice comme un véritable partage, malgré la
dénomination que lui ont donnée les parties.
Il
leur dirait, au besoin , que si la renonciation des héritiers
Gueston à contester son droit, et la renonciation de la part de la
tutrice à se prévaloir de la promesse du 14 février, peuvent consti
tuer une transaction définitive, il n’en est pas de môme du règle
m ent, qui avait pour objet de lui attribuer auimoins le seizième de
la succession de son père. A l’aide de la distinction émise par MM.
Chabot, Duranton et Vazeillé, il leur répliquerait : Cet acte alors
renferme deux parties distinctes : d ’une part, la (reconnaissance de
mes droits, la fixation de mon amendement , l’abandon par ma
mère de ses prétentions à la somme de 2,000 francs que vous lui
aviez volontairement promise , forment, si vous le v o u le z , un traité
irrévocable; j’admets avec vous que l’on ne puisse pas faire revivre»
ces prétendues question^ préliminaires dont la solution est restée
complètement indépendante de mes droits; mais il:n’en est pas de
même de la seconde partie de cet acte , dans laquelle une somme de
3 ,ooo francs est promise pour tenir lieu de
tons mes droits dans la
succession de mon père naturel. Cette attribution, qui est calculée
sur mon amendement, est le lot que vous m’avez fait; elle n’a eu
d autre but que de faire cesser l’indivision. Dans l’intention com
mune des parties contractantes, il est bien certain q u e lle devait re
présenter le Seizième qui me revenait. Son règlement a été déter
miné d ’après les forces actives et passives de la succession et d ’après
1étendue
et la quolilé de mes droits comme enfant naturel. C e lle
�seconde partie de l’a c te , entièrement indépendante des autres dis
positions, est donc un partage soumis àitoutes les règles, à tontes
les conditions résolutoires des conventions de cetteinature. Eh bien !
je demande à prouver que',cette fixation à
3 ,ooo
francs que vous
disiez dépasser m o n 'a m e n d e m e n t, est une fixation mensongère et
décevante : je demande à prouver que je n’ai pas été lésé d ’un quart,
mais de plus des cinq sixièmes. La loi, l’é q u i t é , la nature des con
ventions se réunissent pour justifier ma réclamation.
Les conséquences légales qui dérivent des principes que nous ve
nons d ’établir sont faciles à tirer. L ’action en rescision que le sieur
Gueston serait fondé à introduire , dans le cas où il aurait passé en
majorité le traité du 12 août, ne pourrait être accueillie que parce
q u ’aux yeux de la justice cet iacte serait un véritable partage. C a r ,
aux termes de l’art. 2 o 5 2 , il serait, . comme transaction, à l’abri de
tout grief de lésion. L e caractère de cet acte une<fois légalement
fixé, ne peut pas changer; il'doit rester le même dans toutes les h y
pothèses; et la minorité d ’EIéonard, loin d ’être une raison de le dé
naturer, est au contraire une considération puissante, qui doit en
gager les magistrats à lui conserver sa véritable physionomie.
Comme partage, le traité du 12 août, malgré l’intervention de la
justice , et les formalités qui ont été remplies, est sans valeur, ou du
moins ne peut produire que des elTets.’ provisoires. Aux termes de
l’art. 466 duiCode c iv il, pour obtenir, à l’égard du mineur, tous les
effets q u ’il aurait entre majeurs, le partage doit être fait en justice ,
et précédé d ’une estimation faite par experts nommés par le tribunal
du lieu de l’ouverture de la succession. Les experts do iv en t, après
avoir prêté serment, pro cédera la division des héritages et à la for
mation des lots, qui sont tirés au sort. Tout autre partage est consi
déré seulement comme provisionnel. Les mêmes dispositions! sont
reproduites dans l’nrt. 8/|0. Dans sa sollicitude pour le mineur,'dont
les intérêts peuvent être si facilement compromis par des cohéritiers
cupides, des tuteurs inhabiles ou infidèles, le législateur a multiplié
les précautions qui doivent lui servir de garantie. l\on-seulemcnt la
�—
jl
—
justice est chargée de.veiller, mais encore elle doit êtreiéclairée par
des hommes dont les études spéciales lui font connaître d ’une ma
nière certaine la valeur et la consistance des immeubles.:¡Trois ex
perts choisis par le tribunal du lieu doTottvérture de lafsuccession ,'
après un serment quilenehaînHéuricdnsciencey sont tenus d ’estimer
les biens , et de faire connaître les bases de léiir estimation ; et y dans
la crainte encore que celte estimation soit vicieuse ou erro n é e , la
loi pousse plus loin sa sage prévoyance1: elle rejette toute combinai'
sou par voie d'attribution qui pourrait être iunq'occasion de dom
mage pour le m ineur; elle veut que devantttti’ mènibrc du tribunal:,f
ou devant un fonctionnaire public désigné iti'cét 'effetvles lois soient
tirés au s o r t , afin que l’incertitude d e 'ce litage sbit"utle"te'conimandation efficace auprès des experts et môme dos parties majeures, de
se conformer à la plus scrupuleuse égalité. :l
•
Toutes ces garanties ont manqué au mineur Gueston. Peuventelles être remplacées par l’avis d ’un conseil de famille composé d eirangers q u ’aucun lien d ’affection ne rattachait à un enfant de dixhuit mois, et qui déclarent que des biens situés dans un autre
arrondissement, et qu ’ils n’avaient même jamais vus, sont estimés
au-dessus de leur valeur, sur une indication sommaire et incomplète !
C ’est cependant le seul document qui’ ait été fourni à la justice. Les
honorables jurisconsultes qui ont été appelés à rédiger la consulta
tion , n’ont pas dû s’occuper de la valeur réelle des biens : leur mis*
sion se bornait à: examiner quelle était, en d roit, la quotité de
I amendement du m ineur, et si les actes qui servaient de fondement
à la demande en partage projetée par la tutrice, étaient réguliers. Sur
toutes ces questions, ils ont été unanimes pourldécider que les in
térêts du mineur étaient à l'abri de toute contestation. Mais, quant
a la valeur des, biens, qui leur élail entièrement inconnue, ils ont
déclaré s’en remettro a l’opinion exprimée- par le conseil de famille,
be tribunal lui-même, toul en homologuant la prétendue transaction,
II a pris aucune mesure préalable pour s’assurer légalement de la
consistance et de la valeur de la fortune immobilière du sieur G ués-
�ton.-L’omission de ces formalités importantes , et dont l’accomplis
sement est indispensable pour donner une valeur définitive au par
tage qui, in t é r e s s e r a m in e u r, né permet pas de regarder comme
irrévocable leiréglement arrOlé par le traité d u -¡12[août ¿816.1 Tout
au plus p e u t - a n lui faire produire les effets d ’un partage provisoire,
qui
mettrait ¡ le s h é r i t ie r s Gueston à l’abri d ’une restitution de!
jouissances perçues pendant plus dé vingt ans au détriment du mi-i
neur. Mais consacrer la spoliation dont se plaint Eléonard, décider,'
au t mépris des dispositions les-.plus formelles de la lo i, que ce
traité qui lui' est étranger, consommé par uneLtutrice ignorante,
illétrée ; par ùu co-tuteur soumis à l'influence des héritiers Gueston ,
a pu le lier pour toujours et lui interdire une nouvelle action en
partage, serait une monstruosité que la justice ne sanctionnera
jamais. E h ! comment pourrait-elle s y résigner, lorsqu’elle est spé
cialement chargée du soin de protéger les intérêts sacrés du mineur ;
lorsque toutes les dispositions de notre Code» témoignent de la
sollicitude éclairée du législateur, qui'; par toutes les voies possibles ;
a voulu lui fournir les moyens d ’obtenir la réparation des illégalités
ou des injustices dont il aurait été la victime? En e f fe t , pour le
inineur, il n ’y aipas de contrat qui puisse lui causer préjudice. La
simple lésion suffit pour q u ’il soit fondé à obtenir la rescision des
conventions qui auraient été passées en son nom , malgré toutes les
précautions et toutes les formalités dont on aurait pris soin de les
35
environner. L ’article i o
du Code civil porte : La simple lésion
donne lieu à la rescision en faveur du mineur non émancipé.contre}
toutes sortes de conventions. Cette disposition ne s’applique pas aux
contrats passés par le.mineur seul ; car ils seraient frappés de nullité
à raison de son incapacité personnelle; elle est spéciale aux conven
tions qui auraient obligé le mineur malgré son incapacité, c ’est-àdire , à celles passées par,le tuteur dans les limites de ses pouvoirs,
avec le concours du co n se il, lorsque son intervention est nécessaire ,
et l’autorisât ion de la justice, lorsqu’élle.'fst exigée p a rla loi. Quant
53
à c<ilie,v- ci » 'J’article 1 o
2
ne distingue p a s , i l s’applique i toutes
�sortes de conventions d ’une'manière générale, absolue. C’est dans ce
sens que cette disposition a été interprétée par M. Merlin : <? Il
» importe peu , dit-il, que les transactions avec un mineur aient été
» homologuées par la justice après toutes les formalités prescrites
» par l’article 467 , ce n ’est qu’à l’égard des aliénations d’immeubles,
» ou des partagés de successions, que l’article 1
314 ferme aux mi-
» neurs la voie de la rescision , lorsque les formalités requises à rai» son de la faiblesse de leur âge ont été remplies ; les transactions
35
» restent sous l’empire de la règle générale qu ’établit l’art. i o . »
( M erlin3 Rrp., v. Transaction, § Y , n°
8 . ) Cette opinion est égale
ment professée par M. Toullier.
Il
resterait donc à Eléonard la ressource de faire rescinder pour
simple lésion l'acte du 12 août, s’il était possible de le considérer
comme une transaction dans toutes ses parties; mais celte ressource
subsidiaire et incomplète serait loin de réparer le préjudice qu’il a
souffert: fort de son bon droit, convaincu que malgré lafausse qualifi
cation donnée au traité du i 2 a ô u t , la justice ne peut en mécon
naître le caractère, le but et la p o rté e , il persiste à réclamer
l'intégralité de ses droits, et à demander q u ’on lui attribue la part qui
lui revient dans l'héritage paternel.
Le tribunal de première instance, dont la décision est empreinte
d un caractère remarquable de sagesse et de circonspection, a consacré
ces principes par le jugement q u ’il a rendu. Il n ’est p e u t-ê tr e pas
inutile de remettre sous les yeux de la Cour les motifs principaux de
cette décision, sauf à examiner ensuite le mérite de deux considé
rants dont on a fait une critique particulière:
« Attendu que l’acte du 12 août i 8 i 6 ,b i e n q u ’il soitqualifié tran
saction , équivaut à un partage à l’égard de Canu , puisqu’il en pro
duit tous les effets pour lui ;
» Q11 il conlient, en effet, l’énumération des biens formant la tota
lité de la succession de l'rançois G ueston, leur
estimation,
la
composition de la niasse, la liquidation de la succession, enfin la
determination de la quotité revenant à Cauu , en sa qualité d ’enfant
�34
-
naturel, laquelle y est fixée à un seizièm e, par suite de la réduction
opérée par l’exercice de scs droits -, de la donation déguisée du 14
8 i 5 ; qu ’il contient évaluation de celte qu o tité àu n e somme
peu inférieure à 3 , 00a f r . , et portée ensuite à la somme de
janvier î
un
3,ooo fr. pour désintéresser complètement C a n u , et pour ( est-il dit
dans l’acte) tous les droits que peut prétendre Eléonard Canu dans
la succession de François Gueston ; d ’où il suit qüe cet acte ren
ferme tous les éléments d ’un partage , qu ’il en a , en outre , le carac
tère essentiel et distinctif , celui de faire cesser l’indivision ;
» Q u ’enfin, s’il pouvait exister quelque doute sur ce point de doc
trine et de d roit, il serait levé textuellement par l ’article 888 du
Code c i v i l, disposition dans laquelle le législateur, par une sagesse
remarquable, évite avec un soin évident de se servir du mot partage,
et dit : Tout acte ayant pour objet de faire cesser l’indivision , encore
q u ’il fût qualiûé de v e n te , d ’échange et de transaction, ou de toute
autre manière;
?
» Attendu qu ’en matière de partage intéressant dès m ineurs, la
loi a établi des règles et déterminé des formes spéciales dont elle
prescrit l’observation rigoureuse, sous peine de ne laisser à l’acte
dans lequel elles n’auraient pas été scrupuleusement observées, que
le simple caractère et la seule force d ’un partage purement provi
sionnel ;
» Attendu que si quelques monuments de jurisprudence
con
sacrent la validité d ’un partage par voie de transaction entre ma
jeurs et mineuis, môme avec attribution de part ( arrêt de rejet,
(Jour de cassation j du
3o
aôut 18 1
5 ),
on doit y signaler que le
partage élail alors attaqué par les majeurs, tandis que l’inobserva
tion des articles/jGo 840 du Code civil ne peut être invoquée que
pur les mineurs;
>
2” Que les biens avaient été estimés en justice , et que celte
seconde garantie des intérêts protégés du mineur manque dans les*
pècc dont il s’agit ;
�» D ’où il suit que cet acte du 12 août 1816 V' q u i ’ sert dé base à
la demande, est nul en tant qu ’il détermine d ’une manière définitive
la part afférente à» Canu comme enfant naturel’, et qu’il fait cesser
pour lu i, l’indivision dans la succession de François Gueston. » '
Des raisons aussi logiques n’ont pas besoin de justification.’ Les
héritiers Gueston n’ont pas cherché à les combattre autrement
q u ’en déplaçant la question, et en dénaturant le véritable caractère
du traité de 1816. Ont-ils été plus heureux dans les critiques de
détail qu’ils ont faites de deux considérants, dans lesquels ils ont cru
voir des erreurs de droit et des contradictions manifestes. Il nous
sera facile de montrer que dans le jugement du tribunal de Mou
lins , il n’y a ni erreur de droit, ni contradictions, et que toutes ses
dispositions s’enchaînent, se coordonnent, et répondent victorieu
sement aux objections des héritiers Gueston.
Nos adversaires, dans leur m ém oire, ont cherché à éluder l’ap-'
plication de l'article 888 du Code civil : ils ont voulu se placer sous
la protection de l’article 88g qui porte : * L ’action en rescision n’est
» pas admise contre une vente de droits successifs faite sans fraude
» à l’un des cohéritiers à ses risques et périls, par ses autres co » héritiers ou par l’un d ’eux. Ainsi, disent-ils, les droits de Canu
» supposés certains, sa qualité reconnue , le traité sur ces droits par
» un majeur, moyennant une somme G xe, serait^une véritable
» cession de cette espèce, inattaquable de sa nature, parce que
» c ’est encore sur la quotité et la valeur des droits une sorte d e '
» transaction. »
L emploi de ce moyen était dangereux dans la bouche des héri
tiers Gueston. D ’une p a r t, c ’était considérablement affaiblir le ca
ractère exclusif de transaction que l’on voulait conserver au traité
«le 181G. D un autre côté , présenter cet acte comme une cession de
droits successifs, c était reconnaître qu ’il rentrait'nécessairement
dans la catégorie des actes qui font cesser l’indivision , et dont s'oc
cupe l’art. 888, si l’on n’établissait pas q u ’il fût compris dans l’excep
tion prévue par l’article 88g. Aussi l’habile interprète des intérêts
�—
5G-—
des héritiers Gueston., tont en développant ce moyen avec étendue ,
prend-il la précaution d ’indiquer quç s ’ il aborde,,cette question fort<
inutile, à sa cause, c ’ est uniqiwment parce que Je tribunal l'a mis sur
cette voie. .
h, ,
tL ’objection avait été en effet présentée devant le tribunal de Mou
lins^,et le jugement y répond par les motifs suivants
« Attendu
» que l ’acte du 12 août i 8 i Ü 'n e peut être considéré comme reu» fermant une vente de., droits successifs, lorsque l’on considère
» également le caraclèfe propre ;et distinctif de ce genre d ’aliéna» tion.
*
ft.
v,, . ,
,t, 4.
En effet, le vendeur de droits,successifs ne vend et ne garantit
» que . sa [qualité d ’héritier ou d ’ayant droit ; du ¡reste , il n’eit pas
1» garant de la moindre pu de la plus grande étendue de ses droits ;
p il ne vend que ce qui se .trouve ou peut se trouver dans la suc3 cession : dans l ’acte du 12 août, Canu a vendu nonrseulement des
» droits certains, mais des droits liquidés, déterminés , une quolc
» part enGn, attributive d ’une valeur fixée; en un m o t, le résultat
» d ’un partage préexistant. »
Ces motifs répondent parfaitement à l’argumentation des héritiers
Gueston. Par une exception au principe proclamé par l ’article 888 ,
le législateur déclare qije la vente des droit successifs laite aux ris
ques et périls de l ’acheteur , était à l’abri de l’action, en rescision.
Pourquoi? parce que, dans ce cas, les forces de la succession n’étant
pas connues, les dettes qui la grèvent étant ignorées, il y a pour
les deux parties chances aléatoires dans le contrat qui intervient.«
C ’est, disent Lebrun et P o th ie r , parce que l ’ incertitude sur la quotité
de Ca ctif de la succession et sur la quotité ¡des dettes et des charges,
rend également incertaine la valeur des droits successifs. L e caractère
distinctif de cette convention est d'ailleurs, assigné par l’article 889 ,
qui exige que .la vente soit faite,«!/# risques et périls de l ’acheteur,
c ’e$t-à-dire, suivant l’opinion générale des auteurs, q u ’il reste seul
expressément chargé d ’acquitter toutes les dettes.
D a n i-le traité de 181Ü, trouve-t-pu les éléments d ’un contrat
�aléatoire'.résultant dé l ’incertitude^dans laquelle toutes les" parties!
auraient été sur la quotité des biens et sur la*quotit<*i des dettes et
descharges? Mon : l ’actif est rappelé toutes lesdettessonténumorées ;
nulle part il est indiqué qu ’elles resteront à la charge des.cessionnai*
res; loin dé là , on fait.paÿer au mineur sa part contributive , en re
tranchant ide l’actif de la succession les dettes, qui. la grevaient. C e
n ’est pas une part incertaine., ignorée des parties, et dont-: la con
sistance pCit dépendre d ’un passif inconnu:,» que se fonticéder les
héritiers Gueston , mais un seizième déterminée d ’après les droits
reconnus d’Éléonard, et les forces d e <la succession soigneusement
énumérées.
Le tribunal a donc eu parfaitement raison lorsqu’il a décidé que
le traité du 12 août ne pouvait, sous aucun rapport, être assimilé à
la cession aléatoire dont s’occupe l’article 88g , et que la vente con
sentie au nom d ’Éléonard portait sur des droits certains, liquidés,
déterminés, enfin sur le résultat d ’un partage auquel toutes les par
ties avaient réellement procédé.
Où conduisait d ’ailleurs l’objection? Quand il serait vrai que la
cession consentie au nom d ’Éléonard fût un contrat aléatoire q u i,
par sa nature m ê m e, ne peut jamais être ni autorisé ni consommé
lorsqu’un mineur y est intéressé, elle n’en resterait pas moins une
cession de droits successifs dont la nullité serait évidente. En ellet’,
I aliénation des immeubles appartenant à un .mineur ne peut avoir
lieu qu’après l’accomplissement de nombreuses formalités qui témoi
gnent de la vigilance du législateur. Ces formalités sont indiquées
par les articles
4 ^7 » 4 ^®» ^ 9
Gode civil , g
56 et
suivants du
Code de procédure. Il faut q u ’il y ait nécessité absolue , ou avantage
«•vident reconnu par le conseil de famille et par le tribunal. Il faut,
encore que le subrogé tuteur soit appelé à la vente, q u ’elle soit
précédée d ’aiTichcs , d une estimation préalable par experts , et con
sommée publiquement sur des enchères reçues par un magistrat ou
un notaire. Ces dispositions sont communes à une cession de droits*
successifs, qui comprend nécessairement aliénation d ’immeubles,
�lorsque la succession est principalement immobilière. Sous la forme
d ’une transaction, et en se conformant aux prescriptions de l’article
¿¡G"1 , il n ’est pas plus permis au tuteur de faire un partage.;qu’une
cession de droits successifs qui puisse lier son pupille; autrement
toutes les garanties dont la loi a voulu l’environner lui seraient ravies.
En matière de .transaction, elle a seulement exigé le concours de
trois jurisconsultes, parce que la nature du débat sur lequel une
convention de cette nature est provoquée, exige plutôt l’appréciation
d ’une question de droit que l’appréciation de la consistance et de
la valeur des biens immeubles ; mais toutes les fois que les droits
immobiliers d ’un mineur sont en litige, elle a pris des mesures spé
ciales et plus appropriées à la nature même des droits q u ’il s’agit de
protéger.
11
ne nous reste plus q u ’à justifier le jugement attaqué du reproche
de contradiction que lui adressent les héritiers Gueston. Après avoir
fortement démontré que l’acte de 1816 était un partage réel qui ne
devait produire que des effets provisoires, le tribunal ajoute : « At» tendu que l ’acte dont il s’a g it, contenant transaction sur d ’autres
» points litigieux, les héritiers Gueston pourraient alléguer, peut» être , que l’admission de Canu à prendre part à la succession de
» leur père dans la proportion qui s’y trouve déterminée . n’a été que
» la condition par forme de transaction , de la renonciation de leur
» part à différents droits, et notamment h celui de contester la qua>
» lité d ’enfant naturel. »
• Très-bien ! s’écrient les héritiers Gueston , le tribunal en dit plus
» q u ’il n’en faut pour détruire tout l’effet des précédents motifs; il
» reconnaît que l’acte du )2 août contient transaction sur des points
» litigieux...... ; il reconnaît qu ’un de ces points litigieux était le droit
» de contester à Canu sa qualité d ’onfimt naturel ; d o n c, d ’après le
» jugement lui-même . il y avait contestation , et il v a eu transaction
* sur ce point important, fondamental, en même temps que sur
» d ’autre.'. »
Le tribunal de Moulins avait été saisi par la demande en validité
�—
39
—
<les offres faites par les héritiers Gueston d ’une somme de
3 ,ooo l i . ,
qui devait, selon e u x , désintéresser complètement leur frère natu
rel. Pour déterminer si ces offres étaient suffisantes , il était néces
sairement amené à examiner le caractère définitif que l’on voulait
imprimer au traité de 1 8 1 6 ; mais il n’avait pas à s’occuper du par
tage, qui était pendant devant le tribunal de M ontluçon, dans le
ressort duquel la succession s’était ouverte. Il aurait pu cep en d a n t,
en appréciant toute la portée de l’acte du 12 août, décider que les
héritiers Gueston, en reconnaissant la qualité de leur frère naturel,
en ne conlestant ni'sesdroits à une réserve, ni l’action en réduction
qu’il pouvait form er, et dont le mérite avait été sanctionné par l’avis
des trois jurisconsultes, ne pourraient plus, dans l’avenir, présenter
de pareilles objections; qu e, sous ce rapport, il y avait eu de leur
part renonciation formelle ; que celte renonciation , accompagnée
de la paît de la tutrice de l’abandon des droits que lui conférait l’acte
5
sous seing privé du 14 janvier 18 1 , constituait une transaction qui
devait être respectée par toutes les parties. En le jugeant ainsi , le
tribunal n’aurait pas été en contradiction avec les précédents motifs
q u ’il avait donnés. Suivant la distinction établie par MM. C h a b o t,
Duranton et Y azeille, et d ’après la doctrine des Cours d ’Amiens et
de ¡Nîmes, il aurait pu reconnaître q u e , dans celte partie de l’acte ,
>1 y avait transaction, et dans l’autre partage q u i, à raison de la mi
norité et de l’inaccomplissement des formalités prescrites, devait se
borner à des effets provisoires; et cette décision aurait été logique ,
conséquente; et le tribunal n’aurait pas, en l’adoptant, donné 1111
démenti à 1 interprétation qu ’il avait dé,à faite du règlement de 181 (5.
Mais il 11 est pas allé jusque l à , il a été plus circonspect : après avoir
constate le fait, ¡1 s’est b o rn é , en rejetant la demande eu validité
d o llre s, à faire réserve à toutes les parties de leurs droits respec
tifs, à 1 ellet soit de procéder à un nouveau partage, soit d'exercer
lesdils droits ainsi qu elles aviseront. Les héritiers Gueston peuventils s en plaindre? S ils attachent quelque importance à ces misérables
contestations, libre à eux de les reproduire à leurs risques et périls|;
leur frère naturel 11c les redoute pas.
�-40
-
!
Q u ’on ne dise pas surtout que le tribunal a reconuu q u ’un des
points litigieux était la qualité d ’enfant naturel, et qu ’il y avait con
testation sur ce point important, fondamental. Pour motiver la ré
serve générale faite aux parties, réserve que nos adversaires récla
maient positivement dans leurs conclusions, il dit seulement que les
héritiers Gueston pourraient alléguer peut-être. Certes, traduireainsi
leur prétention, était suffisamment en apprécier la valeur. Jamais,
en e ffe t, les héritiers Gueston n’ont contesté la qualité d ’Eléonard.
Indépendamment des actes nombreux qui l’établissent, eux-mêmes
l’avaient reconnue, soit dans l’acte du 14 janvier i
8 i 5 , soit dans la
délibération du conseil de famille du 12 juin 1 8 1 6 , soit enfin dans
le traité de 1 8 1 6 , où toujours Eléonard est indiqué comme fils na
turel du sieur Gueston. Aussi le tribunal dit-il qu’aucun doute ne
saurait s’élever sur cette qualité d ’enfant naturel du sieur Gueston.
Sous tous ces rapports, les premiers juges ont fait une apprécia
tion exacte et judicieuse des questions qui étaient soumises à leur
examen. L ’erreur involontaire commise parleurs devanciers ne les a
point égarés; ils ont su la réparer au moins pour l’avenir, en lais
sant le passé sous la protection du traité de 1816 et du jugement
qui l’avait homologué. Malgré la fausse qualification donnée à cet
acte , ils lui ont restitué son véritable caractère, révélé par les prin
cipes les plus certains de notre législation , par la nature des conven
tions qu'il renferm e, et les résultats qu ’il était destiné à produire.
La C o u r, dans sa haute sagesse, n ’hésitera pas à donner une nou
velle consécration aux droits imprescriptibles d ’un enfant mineur,
que des cohéritiers malveillants et cupides ont voulu compromettre,
et qu ’une faible fem m e, dominée par leur ascendant, n’a pas su
défendre. Dans cette lutte décisive , elle prêtera son appui tutélaire
à celui que la loi a placé sous sa protection spéciale, et dont les in
térêts ont été l’objet de sa constante sollicitude. L ’arrêt que pom Miit Eléonard, et q u ’il attend avec confiance, doit fixer son avenir.
Jusq.i’à présent, malgré tous les obstacles suscités par le besoin et
la détresse , il est parvenu , secondé par un travail opiniâtre , soutenu
�4
1
par l'intérêt qu’il a su inspirer, à terminer ses études. l ' instruction
qu ’il a r e çu e , et qu ’il donne en échange pour acquitter sa d e tte, lui
permet de suivre une carrière h on o rab le, s' il parvient à recueillir
l’héritage paternel. Toutes ses espérances, tous ses eff orts viendrontils se briser dans le sanctuaire de la ju stice, où il a cherché un
refuge ?
Me L. R O U H E T , Avocat.
Me T A IL H A N D , Avoué-Licencié.
RIOM.— IMPRIMERIE DE E. THIBAUD.
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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Description
An account of the resource
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Text
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Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Gueston, Eléonard. 1836?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Rouher
Tailhand
Subject
The topic of the resource
successions
partage
enfants naturels
coutume du Bourbonnais
exposition
abandon d'enfant
fausse identité
reconnaissance de paternité
transactions
partage
domestiques
conscription
jurisprudence
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse pour Eléonard Gueston, précepteur, intimé ; contre Gilbert et Louis-Etienne Gueston, propriétaires ; Françoise Gueston et Jean Causse, son mari, Docteur en médecine ; appelants d'un jugement rendu par le tribunal de Moulins, le 28 avril 1836.
Annotations manuscrites.
Table Godemel : Enfant naturel.
6. lorsqu’après la reconnaissance authentique d’un enfant naturel et le décès du reconnaissant, les héritiers légitimes de ce dernier ont confirmé la reconnaissance, dans un acte passé avec le tuteur autorisé par une délibération du conseil de famille, en admettant l’enfant naturel à l’exercice de ses droits, en cette qualité, dans la succession de leur père, et que, dans cet acte, qualifié transaction, après l’énumération de tous les biens de la succession, leur estimation, la composition de la masse, la liquidation et enfin, la détermination de la quotité revenant à l’enfant naturel avec évaluation d’une somme fixe, on lui abandonne une somme un peu plus forte pour le désintéresser plus complétement et pour tous les droits qu’il peut prétendre dans la succession du défunt ; cet acte bien qu’il ait été homologué en justice, à la diligence du tuteur, et sans contradiction doit-il être considéré comme vente de droits successifs et transaction, ou au contraire comme partage ?
l’enfant naturel après sa majorité, peut-il, en invoquant le véritable caractère de l’acte, s’il a réellement fait cesser l’indivision, et en excipant de ce que les formes prescrites par la loi, pour l’efficacité des partages avec des mineurs, n’ont pas été observées, en demander la nullité, ou la rescision pour cause de lésion, et conclure à un nouveau partage ?
peut-on lui opposer, comme fins de non-recevoir, l’autorité de la chose jugée, résultant, soit de la décision judiciaire qui avait homologué l’acte réglant à une somme fixe ses droits dans la succession de son père naturel ? soit du caractère et des effets de la transaction ayant eu pour objet de trancher, entre parties, des difficultés nombreuses sur la qualité du réclamant, sur le règlement de ses droits, sur les conséquences des libéralités et dispositions antérieures faites à son profit ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de E. Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1836
1814-1836
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
41 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2806
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2805
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53562/BCU_Factums_G2806.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Le Montet (03183)
Moulins (03190)
Veaux (domaine des)
Loulaigue (domaine de)
La Faye (domaine de)
Châtillon (03069)
Tronget (03292)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abandon d'enfant
conscription
coutume du Bourbonnais
domestiques
enfants naturels
exposition
fausse identité
jurisprudence
partage
reconnaissance de paternité
Successions
transactions