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PLAIDOYER
PO U R M.
d ’A b b a d i e
, Confeiller-H onoraire au Parlement
de Paris, Préfident à M ortier au Parlement de Navarre.
C O N T R E
Epoufe
M
L
Madame la P r éfidente D 'A B B A D I E
, fo n
.
e s s i e u r s
,
s Juges du Châtelet ont prononcé fur l’état de
M . le P ré fid e n t d’A b b a d i e , c o n fo r m é m e n t à l’avis d e fes
parens & amis aff em b lés au n o m b r e d e vin gt-fix , en l ’H ô tel
e
du fieur Lieutenant C iv il, à la vue de feize interrogatoires,
dont plufieurs ont été fubis dans des jours défignés com m e
des jours de f o lie , & dont un feul marque une agitation
paff agère, au milieu de laquelle la raifon a toujours furnagé,
à la vue d’un foule d’actes de comparution & de dire perfonnels de M l e Préfident d’A b b a d ie , à la v ue enfin du
A*
Parlement de
Paris.
Grami’Chambre*
�a
rapport de deux Médecins qui l’ont vifité pendant foixante*
huit jours confécutifs , iis ont décidé d une voix unanime
qu’il n’y avoit lieu à l’interdiôion de M . le Préfident
d’A b b a d ie , 6c ils l’ont maintenu dans l’adminiftration de
fa perfonne & de fes biens.
C e Tribunal auroit-il donc été aveugle fur l’état de M. le
Préfident d ’A bbadie, après l’inftruîtion la plus longue ôc
h plus complette ? N ’auroit-il fu reconnoître un infenfé dans
an examen de cinq m o is, & auroit-il pris le délire p ou r
le bon fens, les ténèbres pour la lum ière, les écarts de la;
folie pour la marche de la raifon ? Cela n eft pas croyable ,
& ce feroit une efpèce de phénomène dans l’adminiftration
d e la Juftice, fi les mêmes preuves ,, qui ont convaincu les;
Juges du Châtelet que M . le Préfident d’Abbadie eft dans
un état de raifon, pouvoient vous convaincre, Meilleurs r
qu’il eft dans un état de démence..
M . le Préfident d’Abbadie eft-il raifonnable ou infenfé,,
eft-il capable ou incapable dadminiftrer fa perfonne & fes
biens l V o ilà le vrai point de la caufe : elle eft fimple parelle-m £m e, & elle feroit bientôt développée, d’après la;
procédure , d’après l’expérience, fi l’envie d’attirer la déri~
iion publique fur M . le Préfident d’A b b a d ie, & des foupçons odieux fur ceux qui lui font d évo u és, ne l’avoit furchargée d’incidens faux, méchamment, amenés, fur lefquelsl e r e f p e â d û à la perfonne de ce Magiftrat, & au caractère*
dont il eft revêtu , & la défenfe qu’il doit à ceux qui ont eut
le bonheur de le férvir, ne nous permettent pas de-garder lefilence.
Trois adverfaires pourfuivoient dans le principeTinter*Ji£tion de «M.- le Préfident d’Abbadie j Le Marquis du
�5
C o u d r a i, Ton beau-frère , la Marquife du Coudrai, fa foeur,
& Madame la Préfidente d’Abbadie. La mort lui a enlevé
fa fœur^ la Sentence du Châtelet a défarmé fon beaufrère; il .lui refte pour adverfaire.celle qui n’auroit jamais dû.
l’être : fon époufe.
E lle vie n t, dans le .délire de la cupidité , dévouer fon
mari à.une efpèce de mort civile; elle vient flétrir fes enfans
dans la.perfonne de leur père , 6c les marquer, .pour ainfi
dire, du fceau de la réprobation.
E t c’eft au milieu de cette aftion effrayante dont les
ames honnêtes ont tant de peine à foutenir le fpe&acle , que
Madame la Préfidente d’Abbadie fe vante d’être digne
époufe ôc tendre mère !
A h ! l'amitié conjugale tâcheroit de détourner de deffus
Ja tête d’un mari le coup mortel de l’interdiction , & la
tendrefTe maternelle feroit des prodiges pour épargner à
des enians le préjugé que peut faire naître contr’eux la
profcription de leur père.
La digne époufe ( i ) eft celle q u i , au mois
d’A oût
dernier, défendoit fon mari accufé de démence dans ce
fan&uaire où Madame la Préfidente d’Abbadie s’efforce
d’immoler le £en.
L a tendre mère eft celle qui , combattant aux pieds de
l a C o u r pour fon é p o u x , déjà interdit au C h â t e l e t , le
c o u v r o i t de fa fille co m m e d’une
égide facrée , & recom •mandoit à la fenfibilité des Magiftrats la deftjnée de cette
enfant, l'unique efpérance de fa mai fon.
V o ilà le modèle que Madame la Préfidente d’Abbadie
devoit fuivre ; mais elle a d’autres principes & d’autre-s
La Marquife de CabrU.
A i;
�4
vues ; là fortune defon mari dont elle demande la curatelle*
eft l’idole à laquelle elle facrifie tout le refte.
i l ne s’a c co m p lira pas ce facrifice affreux. M . le Préfident d’Abbadie ne fera point vid im e de l’intrigue & de la
cupidicd : non , il ne le fera pas ; ce ferait en vain que le
c ré d it s’a rm e ro it contre lui : ce fecours décèle la foibleife
& la crainte du' plaideur qui l ’im p lore, & n’ajoute point a
fes droits. M . le Préfident d’Abbadie
fe préfente feul;
toute fa force eil en lui-même ; toute fa confiance eft dans
l.i Juftice qui s’eft déjà déclarée en fa faveur; elle ne 1 aban
donnera pas dans cette dernière attaque , & ellefaura mettre-,
un frein aux complots d’une femme qui a juré fa perte, & lu i
faire trouver enfin le repos après de longs ôcpénibles combats
dans le lieu même o ù il fe dévoua à fon faint miniftère.
L a défenfe de M* le Préfident d’Abbadie fera divifée en
deux parties.
L a première comprendra les faits antérieurs à la demanda
à fin d’interdiction de M. le Préfident d’A b b a d ie , dont la
plupart ont été dénaturés , ou font encore entièrement;
inconnus.
L a fécondé comprendra les procédures qui ont été faites
fur cette demande, dont Madame la Préfidente d’Abbadie
n a donné qu’une idée imparfaite & trompeufe.
Dans le tableau des faits on verra:,
D ’un c ô t é , Madame la Préfidente d’Abbadie méditantpendant quatre ans l’interdit\ioii de M . le Préfident d’Abba-?
d ie, fabriquant par le miniftère. d’un tiers des pièces infidieufes pour faire illufion fur fon état, & pour tromper
la Juftice , quittant fon mari pendant des années entières, ÔC
portant de temps en temps , à l’ombre dum yûère, une main
�?
ïndifcrètefur Tes reven u s, en attendant le moment où elle
doit s’aifurer de fa perfonne, & s’emparer de toute fa fortune.
E t d’un autre c ô t é , M . le Préfident d’Abbadie malheu
reux , mais toujours bon m ari, bon p è re , augmentant fes
biens par fes épargnes, ôc démontrant fans ceife par l'expé
rience qu’il eft bon adminiftrateur, tandis que la cupidité
crie autour de lui qu’il eft incapable de toute adminiftration.
Dans le tableau des procédures on verra la famille de
M . le Préfident d’À b b a d ie , fa m ère, fon oncle , fes paren s, fes amis, rendant tous juftice à fa capacité & à loti
adminiftration ; deux Médecins atteftant fous la foi du
ferm ent, après l’examen le plus long & le plus fcrupuleux,.
que fon état habituel eft un état de raifon entière ; M . le
Préfident d’Abbadie juftifïant, par des interrogatoires mul
tipliés, les témoignages qui s’élèvent de toutes parta en fa
faveur; enfin les Juges du Châtelet confacrant tous ces
fuifrages par une décifion folem nelle, applaudie du p u b lic,
refpe£tée par le Marquis du Coudrai lui-même, ôc dont
Madame la Préfidente d’Âbbadie feule affe&e de méconnoître la fageiTe & la juftice.
L e réfultat des faits & des procédure^ fera que M , le'
Préfident d’Abbadie ne doit pas être interdit, & que s’il'
a v o i t jamais le malheur de l’être , Madame la Préfixlente
d ’ A b b a d ie d e v ro it être exclue de fa curatelle comme fuf-
gefte & indigne.
F A I T S ;
f
M . le Préfident d’A bbadie, après avoir été pendant cinq;
ans C onfeillec en la C o u r , a été pourvu en 17.63 d W '
�6
Change de Préfident à Mortier au Parlement de Navarre,,
dont feu M . fon p è « avoit été titulaire.
Il a été marié en
1 7 7 ° à la demoifelle la Faurie de
M o n b a d o n , fille d’un Confeiller au Parlement de Bor
deaux. Il a v o it alors environ quarante mille livres de rente,
& de grandes efpérances que lui o.fFroit la fortune au iieur
de Borda fon o n cle , Fermier-Général.
A ces avantages fe joignoit dans la perfonne de vl. le
Prélîdent d’Abbadie., le titre de recoinmand».tion
plus
honorable.; le mérite d’avoir facrifié en 176^ for utat &
fa liberté, par zèle pour le fervice du R o i , & pour le
bien de la Patrie.
C ’eft ce Magiilrat que Madame fon Epoufe avoit d’abord
traité dans un M ém oire im primé, d'homme pufiUanime 9
en affe&ant de pafîer fous filence les évènemens mémo
rables de fa Magiürature : nous avons eu l’attention de les
lui rappeller; nous l’avons forcée à-s'enorgueillir de fon
époux , & à fe couvrir un inflant de la gloire de celui
qu’elle venoit avilir : elle a répété à cette audience l'hom
mage qiie nous avions rendu les premiers au zèle & au
courage de M . le Préfidenc d’Âbbadie. O n fait maintenant
par une bouche non fufpe&e., quel a été le dévouement
de ce M agiftrat, quelle fermeté modefte il a montrée
pendant dix.ans au milieu des révolutions publiques, à
la tête de fa C o m p a g n ie, à la fuite de la C o u r , dans les
prifons de la Baftille , & dans le lieu de fon exil. C ’eit
en la Cour qu’il avoit trouvé les modèles de ces vertus
fublimes qui l’ont diftingue dans la P ro v in c e , & c’eft vous,
MeiTieurs, qui lui en avez accordé le digne p rix , quand
vous l’avez reçu en 177 6 Confeiller H o n o r a ^ e , en con-
�7
jldèratlon de ta nature des fervices que lui avaient mfpires
depuis d ix ans f o x {èle & fort attachement au bien du fervice
du R o i
, & à £honneur de la Magijlrature.
M . le Préfident d’Abbadie en s'unifiant à la demoifelle
de M ;o nbadon avoit négligé entièrement l ’intérêt de fa
fo rtu n e, & n’avoit confulté que le penchant de ion cœur.
L e contrat de mariage ¿nonce une dot de 80,000 l i v , ,
& un p a iem e n t de 60,000 liv. à compte : mais dans la
réalité, fuivant une contre-leitre du même jo u r, la d o t
n a été que de 4^,000 l i v . , & il n’en a été payé que
25^,000 liv» ; les 20,000 liv. reliantes n’étoient exigibles
qu’après le décès de M . & de Madame de Monbadon , ôc
fans intérêt : cette fiûion a paru néceiTaire pour l’honneur1'
du co n trat, & pour afFoiblir aux yeux de la famille de
M . le Préfident d’Abbadie le facrifice qu’il faifoit de routes
fes prétentions. Il a ajouté à ce facrifice le don d’un douaire
de dix mille livres de rente, qu’il a conftitué à fon époufe.'
Il convient de- nommer ici le négociateur de ce mariage,,
qui va jouer un rôle inréreffant dans cette caufe : c ’eft le
fieur Louitau , A v o c a t , allié de M. le Préfident d’Abbadie,C e t A v o c a t , excité par un ami de M . de M o n b a d o n , a
propofé cette alliance à M . le Préfident d’A b b a d ie , qui'
féduit par des dehors flateurs n’a pas héiité l o n g - temps*
de l’accepter. L e fieur L o u ftà u eft intervenu dans le contratde mariage comme Procureur fondé de Madame la Préfidente d’Abbadie m è re , & y a fait en cette qualité une'
déclaration dont il importe de rappeller la teneur.» D éclarant ledit fieur L o u ft a u , au nom de ladite B a m e 3»
» en conioçm ité de ce qui eft porté par fa procuration ,.que-
�*
» bien qu’elle ait difpofé par le préfent contrat à titre de libé» ralité en faveur du fieur fon fils., de l h o t e l , ain.fi que de
» l’ameublement, comme d’effets à elle appartenans, ncan» moins, la vérité eft que l’acquifirion du local, ainfi que le
» bâtiment de i’iiôtel ont été faits par ladite dame., & par
» elle payés dis deniers propres & particuliers au fieur fon
» fih ; laquelle déclaration ladite dame s’eft crue obligée
:» de faire, pour lever tout doute à cet ég a rd , & rendre
juftice à la vérité
Si dès avant fon mariage M . le Préfident d’Abbadie
aba«donnoit en quelque forte à Madame fa mère une partie
de fa fortune , & fi cet abandon caraiâérife la confiance
filiale, le premier fenriment de la nature , faudra-t-il s’éton
ner de voir cette digne m£re aiTociée jufqu’à fa mort à
l’adminidration des affaires de fon fils; & iorfqu’elle inter
viendra avec lui dans une procuration relative à fon intérêt
p erfcn n el, ce foin infpiré par la tendreffe, accueilli par
le refpeft , autorifé par 1 habitude, devra-t-il être regardé
com m e un aveu tacite que la mère fera malgré elle de
la démence de fon fils ?
Continuons :
M . le Préfident d’Abbadie avoit cru former une union
heureufe : cette illufion n’a pas duré long-temps. Je ne me
permettrai point de rechercher la'caufe des diffenfions qui
ont régné entre les deux époux ; je me contenterai de lire
ce que M . le Préfident d’Abbadie en a dit lui-même le
27 Septembre 178 j en l’hôtel du fieur Lieutenant C ivil ^
en préfence de fes parens & a m is, & dans fon interro
gatoire du 18 Mai dernier. A P a u , & dans les Provinces
yoifmes où c is difleniions ont é c la té } perfonne n’aeufera
Mi
�9
M . le Préfident d’Abbadie d’avoir chargé le tableau.
« D e tout temps Madame la Présidente d’Abbadie a
Dire
du2f S‘f -
» témoigné la plus grande indiiiérence envers le compa- umbre I78*"
» raut, ¿k envers feue Madame la Préfidente d’Abbadie
» fa mère ; accoutumés à mener une vie tranquille ces
» derniers ont vu avec peine que Madame la Préfidente
» d’Abbadie ne vouloit pas s’aifujettir à leur genre de vie \
» elle portoit môme l’oubli des égards qu’elle leur devoit
» jufqu a refufer de manger avec e u x , & attendre que
» l’heure de leur repas fût paffée pour recevoir à fa table
» des convives qu’elle attiroit à leur infu : les chofes avoient
» été portées au point qu’une féparation volontaire avoit
» été arrêtée ; mais la promeife de Madame la Préfidente
» d’Abbadie d’avoir de meilleurs procédés a fuffi pour
» rétablir leur cohabitation prête à ceifer : ces faits font
» de notoriété publique dans la ville de Pau & dans toute
» la Province.
» Les promettes de Madame la Préfidente d’Abbadie
» font reftées far,9 effet : fon goût pour la diifipation n’a
» fait que s’accroître, & c. & c.
» A dit que nous fommes trop prévenus en faveur de interrogatoire du
jj
j»après
' la
i conduite
î • qu»elle
n a tenue a' 18 M J 1
» 1ladite
dame
; que d
» l’égard de lui répondant, tant à Pau qu’à Paris , & les
» chagrins d om eftiques qu’eJle lui a c a u f é s , il fe c ro it en
» droit de fe tenir éloigné d’elle ; que c’eft le feul moyen
» qu’il ait de rétablir parfaitement fa fanté , qui n’a été
» altérée que par les peines & les inquiétudes qu elle lui a
» caufées ».
Les parens &
amis qui ont été témoins des peines de
M . le Président d’A bbadie, ôc la Marquife du Coudrai fa
B
�10
fœur qui les a fi vivement fen ties, confirmeront bientôt
ce qu’il en a laifié tranfpirer.
L e chagrin a plongé M . le Préfident d Abbadie au bout
de dix années de m ariage, dans une efpèce de mélancolie
qui à ia naiifance portoit de loin en loin une confufion
paflagere dans Tes idées; mais ces legers nuages fe diffipoient promptement, & la raifon reprenoit auffi-tôt ià.
force & fa lucidité. C ’eft dans le premier de ces inftans
critiques que M . le Préfident d’Abbadie a écrit de Bourbonne-lès-Bains , le 18 Juillet 1781 , à Madame fon
époufe, une lettre dont la fin fe reffent de l’agitation dans
laquelle il étoit..
Entre ép oux, cette lettre devoit être jettée au feu, &
reiter à jamais dans le plus profond fecret. Madame la
Préfidented’Abbadi.e l?a gardée avec foin; elle y a vu labafe
de l'interdiction de fon mari dont elle a aufii-tôt conçu
le projet, &
des ce moment toutes fes' combinaifons,
toutes fes démarches ont eu pour but pendant quatre ans
cette aftion ftinefte..
O n a plaidé que dans le mois de Juillet 1781 M, le Préfi
xent d’A tbadie avoit cherché famèreàBourbonne-lès-Bains,
s-uoiqu’elle fût à Pau, & qu’il avoit dit, qu’il étoit indigne
de fe mettre à la table du (ieur de Borda fon o n cle , parce
qu’il avoit écrit au R o i , contre lui.
Mais 011 ne rapporte aucune preuve de ces faits.
Lt- quand ils leroient vrais, ils ne tireroient point à
conféquence pour l’état a£luel & habituel de M . le Préiîrient d’Abbadie..
A la réception de la lettre du 18 juillet 1 7 8 1 , Madame'
k P réfid en te d'Abbadie eft partie pour Paris x où elle eit arriv
�ii
vée le i ? août fuivant avec M e d’E tc h e g o rry , Procureur
au Parlement de Pau , logé gratuitement depuis p!us d*
vingt ans en l’hôtel de M. le Préfident d'Àbbadie. E lle
ne pouvoit pas arriver plus à propos pour intercepter une
lettre que ion mari a écrite le 16 a o û t, dans l’ardeur de
la. fièvre, à M . le Com te de M a u r e p a s ,& pour la joindre
à celle qui lui avoit été écrite à elle-même un mois au
paravant.
O n fent combien ces deux lettres font indifférentes au
bout de fix a n s , & peu propres à déterminer l’état a&ucl
de M . le Préfident d’A b b a d ie, qui eft conilatépar un rap
port de médecins & par fes interrogatoires.
L a maladie de M . le Préfident d’Abbadie pouvoit céder
facilem ent, dans le p rin cipe, à la vertu des remèdes : il
étoit naturel de confuiter des médecins 6c d’épuifer toutes
les relTburces que l’art pouvoit offrir dans cette Capitale,
■Mais quel foin Madame la Préfidente d’Abbadie a - t - e l l e
eu de fon mari dans le premier moment f E lle n’a rien fait
pour fon falu t, ôc elle a tout ramaifé pour fa profcripdon.
E lle étoit moins occupée de la fanté de M. le Préfident
d’Abbadie que de fa fortune, ficelle a preifé, au bout de
quinze jours, fon retour à P a u , impatiente de moiifonner
dans fa route les revenus de fon m ari, & de fe féparer
de lui dans la province.
E lle a fait éc fire , le * feptembre 1781 , par M c d’Etchegorry Procureur ^au Régiifeur de M. le Préfident d’A b
badie dans le P o ito u , la lettre fuivante.
» Il eft déterminé que nous partirons vendredi prochain,
» 7 , en pofte , nous prenons la route de P o itiers, nous
» comptons y arriver aux Troïs-Piiiiers} dimanche foir,
Bi j
�ta
» p Septembre. V ou s ne devez pas manquer dé vous rendre
» auifi pour le même jour , dimanche foir; mais n allez
» point loger aux Trois-Piîliers, allez à une autre Auberge.
» M adame
la
P r é sid e n t e
ne
veut
po in t
que
M.
le
» P r é s i d e n t v o u s v o y e , p a r c e q u ’e i l e c r a i n t q u e c e l a n e
» l ’i n q u i e t t e ,
to SORTES
»
que
d e forte
que
vous
devez
prendre
DE 'PRÉCAUTIONS POUR ÉVITER Q ü ’lL
vous
» Préfidente
êtes
A P o it ie r s.
en p a r t ic u l ie r
» l’o r , de l’argent
que
vous
:
toutes
NE SACHE
V o u s verrez Madame la
tâchez de vous procurer de
aurez a lui rem ettre
, foit
» de votre part, foit de la part de M . Delchamps . . .
» Faites attention à ma lettre.
M . & Madame d’Abbadie arrivent à Poitiers le p Sep
tem bre; ils foupent enfemble : M. le Président fe couche;
Madame la Préfidente & le Procureur paffert dans une
autre chambre, & y font introduire le Rdgiiïeur qui- apporte
vingt-mille livres ; celui-ci demande à parler à M. le Préiident ; Madame la Préfidente refufe; il infifte, elle lui
dit que fon mari ne peut plus entendre parler de fes terres
ni de fes revenus, fans entrer dans des accès de fureur,
& que pour menager fa foibleflfe, il falloit derober à fes
regards l’argent qu’on lui apportoit. L e
RégiiTeur n’eft
pas dupe de ce prétexte; mais il n’ofe point contrevenir
aux ddfenfes de Madame la Préfidente. Sur ces entrefaites
on entend du bruit dans la chambre de M . 1“ Préiident ;
on craint qu’il ne furvienne ; 011 fait cacher le RegiiTeur
dsns la ruelle : c’dtoit une fauflfe alarme.
Madame
la
Préfidente reçoit les facs fans compter les efpèces, tant
elle craint dé reveiller fon mari, & après avoir -conféré
avec le Régiileur fur le produit des terres du P o ito u }
�13
elle lui donne deux quittances, l’une de 12000 livres,
l’autre de 8coo livres, de la teneur fuivante (1).
» J’ai reçu de M . D efcham p s, notre receveur à Brefluire,
» laibm m ed e 12000 livres, à compte de larecette des reve» nus delà terre de Brefluire, dont je lui donne quittance pour
» mon m a ri, ne pouvant pas en donner lui-m im e, à caufe
» de maladie. A Poitiers, le 9 Septembre 1781.
S ig n é , M o n b a d o n d ’ A b b a d i e . (2)
Si M . le Préfident d’Abbadie étoit malade le
Septembre
1 7 8 1 , fa maladie n’étoit pas bien grave; elle ne lui ôtoit
ni Ja force de faire en porte un voyage de 200 lieues,
ni la faculté de reconnoître le tort que Madame fon époufe
lui faifoit, en recevant fes revenus, puisqu’elle n’a ofé les
recevoir qu’en fe derobeant à fes regards, & en fe cachant
à l’ombre du myftère.
M . & Madame d’Abbadie arrivent à Pau le 1 6 Septembre
1781,
fe fdparent au bout de quelques jours, & ne fe
réunifient jamais plus dans la Province. M . le Préfident
va paffer l’automne avec Madame fa m ère, dans fa terre
de B izanos, à un quart de lieue de Pau; Madame, la Préfidente ne juge pas à propos de le fuivre; elle, refte feule
dans fa maifon de V ille. C e procédé fixe l’attention publique,
& détermine la mère ôc le fils à prolonger leur féjour à
la Campagne. L e mari & la femme reftent feparés en
Eéarn , pendant dix-neuf mois, depuis le mois d’O ttobre
1781 , jufqu’au mois d’Avril
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1785 , époque à laquelle
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1781
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1
----
-|
1
à Poitiers,
;ittellé e p s r le R é g i i f e u r .
(3
L’aatre quittance Je 8000 livres, donnée an fieur Tonnet, Riigiileur de
terre ¿e S. Loup-
dans la même forme.
la
�i4
M . le Préfident d’Abbadie eft parti pour Paris, avec le
Frère LiiTonde, R e l i g i e u x C o rd e lie r, fon ancien a m i,
dévoué de tout temps à fa famille. Dans ce long intervalle,
Madame la Préfidente d’Abbadie n’a fait qti’une ou deux
vifites de cérémonie à fa belle-mère , & a délaiíTé fon
mari qu’ e lle avoit le foin de faire décrier dans la V i l l e ,
par des ames vénales qui fecondoient fes projets, & qui
partageoient fes efperances.
O n a cru vous perfuader, M eilleurs, que M . le Préfidenc d’Abbadie étoit heureux é p o u x , en vous faifant
le&ure des lettres qu’ il a écrites à Madame la Préfidente
d’A b b a d ie , de Paris 6c de Bourbonne-lès-Baias , dans les
prem iers mois de l’année 1781 ; mais ces lettres prouvent
fon honnêteté, 6c non pas fon bonheur; on n’y voit point
ces épanchemejis dé la confiance, ces élans de l’amitié,
ces effufions du cocur qui régnent dans la correfpondance
de deux époux éloignés depuis long-temps l’un de l’autre,
&
impatiens de fe réunir : les d;fienfions de M. & de
Madame d’Abbadie avoient éclate dès les premières années
de leur mariage; il l’appeîkût îa chère femm-». en 1781 ,
comme elle l’appelloic fon
:her mavi, ie divorce qu’ils
ont fait en Béarn en 1762 &
1 7 8 ? , pendant dix-neuf
mois, eft plus parlant que leur correfpondance antérieure,
& fait aiïez fentir quelle étoit la tendrefle de la fem m e,
& quel pouvoir être le bonheur du mari.
O n a plaidé que dans cec intervalle de dix - neuf mois,
& durant un court féjour qu’il a fait dans fa maifon de
Pau , M . le Préfident d’Abbadie fe dounoit journellement
en fpeclacle, faifoit courir les enfans après lu i, & devenoit
Ja fable de la Ville.
�Madame la Préfidente d’Abbadie eft bien imprudents,quand elle avance de pareils faits.
Q u o i! l’époufe d’un Magiftrat l’auroit vu devenir l’o bjit
de la dérifion publique ! elle auroit été témoin de cc-3
(cènes humiliantes, & elle lauroit ¿té plus d’une fois!
E t la mère de ce Magiftrat, cette mère tendre, cette
compagne fidelle de fon fils, auroit foufiert qu’il fe donnât
en fpe&acle, que les enfans s’attroupaifent autour de lui,
& qu’il fût leur jouet !
Peut-être des gens de la lie du peuple, ou des corn1plices fecrets de Madame la Préfidente d’Abbadie enten
dus dans l’enquête qu’elle a fait faire à Pau , auront-ils
dépofé tout ce qu’elle aura voulu; mais cette enquête a
été annullée au Confeil d’E ta t, ainfi que l’Arrêt qui l’avoit
ordonnée. O n ne l’a pas même jugée digue de refter au
Procès pour y fervir de M ém oire; elle doit être mife à
l’écart comme nulle, & c’eft abufer de la patience de la
Cour que d<^ lui. rendre compte des menfonges &
des.
abfurdités qu’elle renferme..
Quel garant Madame la Préfidente d’Abbadie a-t-elle
donc des faits qu’elle plaide, avec, tant d’aifurance ? elle.,
n’a que for» allégation.
Mais cette allég a tio n plus que fufpeéte, eft détruite p a r
deux exceptions.
La premiereeft la dénégation formelle.de M , le Préfident'
d’ Abbadie qui a été interrogé au Chntelet fur tous ces faits;
controuvés par Madame ion époufe & qui les a tous dé
mentis.
L a fécondé eft le. témoignage pofitif de feue Madame.’ la>.
Préfidente d A bbad ie fa m è re , configné dans une lettre':
qu’elle a écrite à fa bru le 1 p N ovem bre 1783 , &
qu’om
*
�16
voit à la page 2$ du M ém oire imprimé de Madame
d’Abbadie.
» Je ne me fuis jamais apperçue, dit-elle, que
mon
» fils Te foit donné en fpe&acle à Pau, ni n’en ai entendu
» parler ».
Q ui croirez v o u s , M M. ou de Madame la Préfidente
d’Abbadie qui allégué des faits fans a u cu n e p reu ve , ou de
M , le Préfident d’Abbadie qui les n ie , & qui a en fa faveur
le témoignage d’une mere refpe£table qui ne l a jamais
quitté ? V ous ne pouvez pas hcfiter entre l’allégation de
l ’une , ôc la dénégation de l’autre, 6c la parole d u ne mère qui
juftifie fon fils eft plus facrée à vos yeux que celle d’une
femme qui accufe fon mari 6c qui cherche à le perdre.
Ecartons donc de la caufe tous ces faits de démence
qui dans le Rom an de Madame la Préfidente d’Abbadie
rempliffènt l’efpace de temps que fon mari a paiTé en Bearn ,
depuis le mois de Septembre 1781 , jufques au mois d’A vril 17S3.
A cette dernière ép oque, M . le Préfident d’Abbadie
arrive à Paris avec le frère LiiTonde, ôc fe réunit au fieur
de Borda fon oncle qui lui avoit témoigné le defir de le
voir. Cette réunion les fîartoit également l’un & l’a u tre,
mais leur joie ne fut pas de longue durée.
A peine M. le Préfident d’Abbadie eft-il parti pour Paris,
que Madame fon époufe court après l u i , ôc vient le join*
dre dans la maifon du fieur de Borda.
Q u el eft donc cet e m p re fle m e n t fubit après un divorce
de dix neuf mois? L es tendres foins v o n t-ils fuccéder
tout-à-coup à l’indifférence la plus marquée, & celle qui
depuis
�17
depuis plufieurs années n’avoit que le vain titre d’ép o u fe,
vient-elle enfin en remplir les devoirs ?
C ’eft par 1’évencment que nous allons découvrir les
motifs de fon voyage.
L e 6 Mai 1783 , huit jours après l’arrivée de Madame la
Préfidente d’A bbadie à Paris , le fieur B o rie , fon M edecin
ordinaire, invite les fieurs Deiean & de Montabourg fes
confrères à fe rendre avec lui auprès de M . le Préfident
d ’A bbadie. Ils l’examinent pendant un demi quart d’heure,
après quoi , on leur fait figner un certificat rédigé par le
fieur B o r i e , dont la teneur feule démontre jufqu’à quel
point ce M edécin , fervilement dévoué à Madame la Préfidente d’A b b a d ie , a abufé de leur confiance.
E n effet, i°. on leur fait attefter, à la première & unique
vifite qu’ils font à M .l e Préfident d’A bbadie, quiL fe livre
à une loquacité qui fans interruption dure nuit & jo u r, que le
fommeil cflperdu , qu'il en ejl de même de l’appétit , & que cet
état dure plufieurs jours.
Q uel talent que celui de voir dans l’état d’un inftant l’é
tat de plufieurs jours , & de reconnaître au premier coupd’œil qu’un homme a perdu le fommeil & l'appétit ! Q uelle
atteftation que celle qui eft fondée fur une pareille certitude!
V oilà les té m o ig n a g e s que Madamela Préfidente d’Abbadie
venoit chercher à Paris c o n tre fo n mari en 1783 : voilà les
preuves avec lefquelles elle fe préparoità l’accufer de dé
m en ce, lorfque fa fortune feroit parvenue à fon com ble,
par le décès de fa mère & de fon oncle.
Rendons néanmoins aux lieurs Dejeanôc de Montabourg
la juftice qui lem eft due : ils n’ont fait que prêter une
fignaturs de confiance au fieur Borie qui a rédigé cette
G
�18
atteftation témeraire : ils ont réparé leur erreur en 1785*,
après plufieurs examens de l’état de M. le Président d’Abbadie : le tort qu’ils ont eu en 1785 cil celui de la probité
confiante : ils ont ajouté foi aux aifertions d’un confrère
qu’ils ne croyoient point devoir fufpeûer..
20, O n répète' au nom des trois Medécins dans le cer
tificat du 6 Mai 1 7 8 5 , ce qu’ils ont appris, dit-on, de:
la fam ille, c’eft-à-dire de Madame la Préfidente d’Abbadie,,
fur la manière dont M . le Préfident d’Abbadie avait ve<^u
en Bearn pendant les dix-neuf mois qu’jl venoit d’y paifer j
Roman imaginé par Madame la Préfidente d’A b b a d ie , compofé de faits faux dont des medécins de Paris ne pouvoient
avoir aucune connoiifance perfonnelle, ôc auxquels leur
fignature ne donne par conféquent aucune autenticité»
O n ajoute qu’ils ont appris par le rapport d’un M oine
qui accompagne M . le Préfident d’A bbadie, i°. qu’il v e
noit de pafler dix-neuf mois à Pau , toujours dans le même
état de délire. 20. Q u ’il y étoit journellement en fpe&acle3°. Q u e depuis le mois d’A vril ( 1 7 8 3 , ) époque de fon
arrivée à Paris , il avoit été dans un délire plus ou moins
f o r t , mais conftanf.
E h b ie n , ce M o in e , le Frère LiiTonde Re&eur de l’Univeriicé de Pau , que le redafteur du certificat du 6 M a l
178 3 , cite comme garant des faits qu’il dit avoir appris defa b o u c h e , lui donne un démenti formel fur tous ces
faits par fon atteftaûon du i j Décem bre dernier.
3°. L es M edécins déclarent que d'après Pexpafc des faits
ils pcnfer.t que M . le Préfident d’Abbadie eft en démence.
Mais ils n’avoient point vérifié les faits qui fervoient de
bafe à leur opinion; ils n’avoient jamais vu M . le Pré 11*
�T9
dent d’Abbadie en Bearn où ils difoient eux-mêmes que
ces faits s’étoient paifés. Ils les avoient appris de la bouche
de Madame la Préfidente d’Abbadie : leur aflertion fe
réduit donc en dernière analyfe, à dire que fuivant le
récit de Madame laPréiidente d’Abbadie,j *Ton mari eft en
démence. Q u el témoignage que celui de Madame la Préfidente d’Abbadie fur l’état de fon mari !
4°. Les Medecins attribuent, par conjecture , la maladie
de M . le Préiident d’Abbadie qu’ils n’ont pas eu le loifir
d’o bferver,à une humeur érefipélateufe fixée d’abord à la
jambe, & répercutée enfuite par des topiques.
N ous ignorons quelle a pu être la caufe des accidens
que M . le Préfident d’Abbadie a éprouvés autrefois ; tout
ce que nous avons appris par lui-même, par la corres
pondance de la Marquife du Coudrai fa focur, & par l’avis
de fes parens & am is, c ’eft qu’il a eu de grandes peines
domeftiques. Eft-ce le chagrin, cil-ce la repereuffion d’une
humeur érefipélateufe, font-ce ces deux caufes réunies enfemble qui ont altéré fa fanté ? C ’efl un problème qui n’efl
point de notre compétence , & dont la folution eft indif
férente dans ce moment. Mais fi les fieurs Dejean & de
Montabourg avoient eu le loifir de réfléchir fur la caufe
conjecturale de la maladie , indiquée dans le certificat du
6 Mai 1783 , ils n’auroient pas manqué d’ordonner l’appli
cation d’un cautère, qui étoit le remede le plus convenable
dans le fyftême de la repereufiion d’une humeur ; le M edécin
ordinaire de Madame la Prefidente d’Abbadie a mieux aimé
ordonner les faignées du p ied , les purgatifs, l’hémétique
m ê m e , rem èd es pour lefquels M . le Préfident d’Abbadic
C ij
�«
20
avoît une répugnance connue, ôc dont 1 ufage devoit nécef"
fairement irriter fa fenfibilité.
Enfin, - c e M e d é c in finit par dire que f i M . lePréfident
d’Abbadie ne devient pas plus docile à l’ufage de ces
remèdes, il ne faut pas héiiter d’employer la force, foit
dans la maifon du fieur de Borda , foit dans quelqu’une
des maifons ou l’on reçoit ces fortes de malades ; fur quoi
il laiife l’option à Madame la Préfidente d’Abbadie.
Envoyer dans une maifon de force un Magiftrat du pre
mier ra n g , un père de famille dont la fortune permettait
de 1ui adminiftrer dans fa maiion tous les fecours r.éceflaires !
L ’envoyer dans une maifon de force ! & pourquoi ? Pour
le faigner , pour le purger, pour lui faire prendre des bains
& du petit lait, comme fi l’ufage de ces remèdes étoic
plus fa c ile , ou leur vertu plus efficace dans une maifon
de force !
L ’envoyer dans une maifon de force au mois de M a i
1783 ! Mais dans ce temps là m êm e, il alloit voir fes
a m is, & il les recevoit chez lui , fuivant l’atteftation du
R e& eu r d e l’univerfité de Pau , fon compagnon de voyage ;
il correfpondoit avec fes gens d’affaires : il rcgloit des in
térêts avec le fieur Olivier caillierdu fieur de Borda, comme
on le verra bientôt dans un compte rendu par ce caiiTier;
Madame le Préfident d’Abbadie elle-même craignoic fa v i
gilance , & prenoit des rnefures pour lui ca ch e r les prépa
ratifs d’une nouvelle fouftrattion qu’elle v o u lo i t lui faire
de fes revenus; (1) il agiffoit en homme raifonnable; il
(1) Ce fait eft établi par une lettre du fieur Olivier du deux Juin 17»}
¿ont on parlera dans un inftant.
*
�21
veilloit à fes intérêts en bon père de famille; & l’on fon*
geoit à le releguer parmi des infenfés : qu’auroit-on pu faire
de plus , fi on avoit voulu le rendre femblable a eux ?
C e confeii , a-t-’on d i t , n’a pas été fuivi : Madame la
Préfidente d’Abbadie n’auroit jamais livré à dts étrangers
U N E T Ê T E SI C HE RE.
C e confcil n’a pas été fuivi : Mais le moment de le fuivre n’étoit pas arrivé. La mère & l’oncle de M . le Pre'fident
d’Abbadie n’étoient pas encore morts ; celle qui a ofé tenir
fon mari en charte privée , après fon interdi£lion provif
ne lui auroit peut être pas épargné la reclufion dans
une maifon de fotee , il elle avoit pu obtenir fon interdic
tion déiinitive. L e M edécin
de Madame le Préfidente
d’Abbadie devoit bien connoître fes intentions, pufqu’il
ofoit lui mettre en main l’avis cruel de faire enfermer fon
mari. Mais fi cet avis n’étoit pas bon à fuivre dans le premier
moment , il étoit bon à garder; c’étoit une arme nouvelle
contre M . le Préfident d’A b b a d ie , & un moyen d’obtenir
un jour fa récluficn.
Remarquez , M eilleu rs, que le fieur Borie ne laiffe
d’option dans fon certificat du 5 Mai 1783 , pour le traite
ment de M . le Préfident d’Abbadie qu’entre la maifon du
fieur de B o r d a , & une maifon de force. Il vouloit exclure
ce Magiilratde, fa p a tr ie , & l’enchaîn er à Paris : & pour
quoi? Parce que le féjour de Pau ne convenoit plus en
1783 à Madame la Préfidente d’A b b a d ie , qui craignoit
d’ailleurs les regards de fa belle-m ère, & qui ne vouloit
point perdre de vue cette tête f i chère , dont elle méditoit
la profeription. Son plaifir étoit de contempler fa victime,
& de continuer à fon aife les préparatifs du facrifice, &
�22
cette occupation ¿toit plus facile dans la maifon
d’un
oncle paralytique détenu dans fon lit, que dans celle d’une
mère dont la vigilance auroit éclairé les complots formés
contre fon fils, & les auroit fait avorter.
Cependant le traitement indiqué par la Confultation du
6 Mai 1783 étoitpeu propre à retenir M . le Préfident d’A bbadiedans la capitale : l ’ufage de lafaignée, de l’hémétique,
des bains 8c du petit lait eft aufli famillier à Pau qu’à Paris. O n
a eu recours à un remède extraordinaire , au traitement par
l’életlricité, qui n’eit pas commun dans la province. M .
le Préfident d’Abbadie eft allé chez le fleur Cornus pen
dant trois mois , au bout defquels il s’eft difpofé à retourner
en B ea rn , impatient de fe réunir à fa m è r e , qui defiroit
de fon côté la préfence de fon fils.
Madame la Préfidente d’Abbadie a fait les plus grands
efforts dans cette circonflance pour empêcher la réunion
de la mère & du fils. Elle a fait écrire à fa belle-mère
par le fieur Borie fon M é d e c in , & par Madame la Ducheife
de C ivra c; elle lui a écrit elle-même plufieurs lettres pour
l ’engager à interpofer fon autorité , & à retenir M . le Préfi
dent d’Abbadie à Paris , où elle lui faifoit effuyer des
contradictions perpétuelles.
O n voit la correfpondance de la belle-mère & de la bru à
ce fujet, dans le Mémoire imprimé de Madame la Préfidente
d’Abbadie , depuis la page 20 jufqu’à la page 26.
Je ne rendrai point compte de cette correfpondance.
Mais je ne puis m’empêcher d’y remarquer un trait frap
pant qui décèle l’adreffe avec laquelle Madame la Préfidente
d’Abbadie cherchoità faire illufion à fa belle-mère , ôc à lui
faire approuver le féjour de M . le Préfident d’Abbadie
�23
dans cette capitale, fous prétexte d'un traitement qui n’avoit
point lieu.
En effe t, Madame la Préfidente d’Abbadie dit dans fou
M ém oire imprimé, page ï p , qu’après la Confultation du
6 Mai 1 7 8 3 , M . le Préfident d’Abbadie alla pendant trois
mois chez le fieur C o rnu s, & q u ii ne fu t plus pojjlbie enfuue
de lui adminiflrcr aucun remide : le traitement par l’é le ¿tri
c h é navoit donc plus lieu au mois de N ovem bre 1785.
Cependant par fa lettre du 4 N ovem bre 1783, Madame la
Préfidente d’Abbadie mandoit à fa belle-mère, que fon mari
continuoit toujours le remède de l’éleftricité, que le fieur
Borie étoit d’avis de le continuer par le miniilère du fieur
Cornus; & en aiïurant que les fieurs Borie & Cornus faifoient efpérer une guérifon totale, elle chargeoit l’honneur fie
la confcience de fa belle-mère de l’interruption d’un remède
qui avoit déjà ceffé long-temps auparavant.
« V ou s vous rendez , M adam e, lui diioit - elle par (a
» lettre du a f Octobre 1783 , refponfable de fa guérifon
» auprès de fa famille & du public ». ( Page 20 du M é
moire imprimé ).
Q uel grand intérêt Madame la .Préfidente d’Abbadie
avoit-elle donc à retenir fon mari dans la capitale , au mois
de N ovem bre 1783 , fous prétexte d’un traitement qu’il
n’y recevoit pas, 6c à quel deiTein fecret ce faux prétexte
pouvoit-il fervir de voile !
E lle quitte fon mari en Bearn pendant dix-neuf m ois;
& elle vole après lui lorfquil vient à Paris. E lle veut l’y
retenir malgré lu i, malgré fa m è re , quoiqu’il n’y reçoive
aucun fecours : créd it, prétextes, prières, m enaces, tout
eft mis en ufage pour- tromper la tendreiTe maternelle,,
�24
pour faire violence à l’amour filial, pour tenir éloignés
une mère & un fils impatiens de ie réunir, p ou r’enchaî
ner M . le Préfident d’Abtadie auprès d’une époufe q u i ,
jufques-là, s’étoit montrée plus jaloufe du foin de furprendre quelques inftants de foiblefle , que celui de les préve
nir. T a n t d’empreifement de la part de Madame la Préfidente d’Abbadie après douze années de diiTenfions, après
un divorce de dix-neuf m o is , pouvoit-il être infpiré par
l’amitié conjugale ?
Mais tandis que Madame la Préfideute d’Abbadie faifoit
certifier d’un côté par Ton M édecin que M . le Préfident
d’Abbadie étoit en démence, & qu’il ne falloit pas héfiter, s’il
étoit in d ocile, de l’envoyer dans une maifon de force , elle
prenoit d’un autre côté les plus grandes précautions pour
lui laiifer ignorer qu’elle s’immifçoit dans l’adminiftration
de fes biens. Elle s’étoit fait envoyer par les Régiiïeurs des
terres du Poitou des états annuels de recette & de dépenfe : bientôt elle voulut avoir tous les mois un état fuccinct de la fituation de leur caifle , & l’événement va faire
voir dans un inftant que fon defir n’étoit pas un defir de
pure curiofité. C e fu tle fie u r Olivier , Caiiïier du fieur de
B o r d a , dépofitaire depuis plufieurs années des revenus de
M . le
Préfident
Poitou , l’homme
d’Abbadie , provenans
de
confiance de
des terres du
Madame la Préli-
dente d’ A bbadie, ôc celui qu’elle défigne pour curateur
onéraire de fon mari, qui fut chargé de demander ces
états de caiiTe de chaque mois, üa lettre eit du 2 Juin
1783 : elle a fuivi de près la Confultation du *6 M a i , qui
conAituoit M. le Préiident d’Abbadie dans un état de dé
mence. Cependant Madame la Préfideute d'Abbadie craint
que
�a;
que ce prétendu îniènfé fie Toit inftruit de Ton entreprife, &
faic recommander le fecret à fon Régifleur.
« Vouà fentez , dit le iieur O liv ie r , qu’il n’eftpas nécef» faire que M . d’Abbadie vo ye cette lettre.
O n favoit donc que M . le Préfident d’Abbadie âuroit
improuvé l’entreprife de fon ép o u fe, & qu'il l’auroit répri
mée , s’il en avoit eu connoiflance.
E t c ’eft dans ces circonftances qu’elle le fait déclarer infenfé par fon M é d e c in , & qu’elle conçoit l’idée de ren
vo yer dans une maifon de force !
Mais à quoi tendoit la curiofité de Madame la Préfidente d’Abbadie fur l’état de la caifle des Régiffeurs ? A
faire vuider cette
caifle dans celle du fieur O l iv i e r , &
celle du fieur O livier dans fes mains.
En effet, le 4 N ovem bre 1783 , le fieur O livier a reçu
des Régiffeurs de M . le Préfident d’Abbadie une fomme
de 22,000 livres , q u i, jointe aux deniers qu’il avoit déjà
en m ain , a formé un total de 36,000 livres , & le 8 du
même mois il a livré clandeftinement cette fomme de
35,000 livres à Madame la Préfidente d’Abbadie.
C e fait eft établi par le compte que le fieur O livier a
rendu deux jours après à M . le Préfident d’A b b a d ie, qui
lui demandoit fes fonds pour les emporter en Bearn.
L e dernier article de dépenfe eft conçu en ces termes.
« Du
18 N o v e m b re , remis à Madame d'Abbadie ,
» 3j’,9pp livres <? fols.
A u moyen de q u o i , le fieur O livier fe trouvoit qu itte,
fi M . le Préfident d’ Abbadie avoit eu la bonté de fe payer
de cette monnoye. Mais il a eu le foin de faire affigner
le fieur O livier le lendemain 11 N ov em 6 re
1 7 8 3 , par
D
�il?
devant les Juge & Confuls à fin de reftitutïon de la fomme
de 36,ooo livres.
Obfervons en partant, que le compte du fieur O livier
prouve que depuis 1781 jufqu’en 1783 , JVL le Préfident
d’Abbadie a continué de correfpondre avec lui fur fes
affaires, & de s’occuper de l’adminiftration de fes biens.
E n effet, on y v o it , i° . la mention d’une lettre de
M . le Préfident d’A bbadie, du y A oû t 1 7 8 2 , par laquelle
il avoit confenti au profit du fieur O livier une dédu&ion
de 740 livres 1 p fols : 20. la mention d’un envoi fait par
le fieur O livier à M . le Préfident d’A b b a d ie, le 2p A oû t
1 7 8 2 , d’une fomme de 20,351 livres : 30. la mentiond’une conférence du mois de Mai 1783 , de ce
même
mois où Madame d’Abbadie avoit fait déclarer fon mari
infenfé par le
fieur Borie ,
conférence
dans laquelle
M . le Préfident d'Abbadie, en chargeant le fieur O livier du
foin de recevoir à l’H ô tel des Fermes les intérêts du cau
tionnement du fieur de Planterofe, fon a llié , lui avoit dit
fuivant le fieur O liv i e r , avoir touché par lui-même quinze mois
d'intérêts montant à 15 o livres, à compter du premier Octo
bre ¡ 7 8 0 , au premier Janvier 1782, C es faits concourent
à établir la continuité de ladminiflration de M . l e Préfi
dent d’Abbadieen 1782 & 178 3 . Je mettrai bientôt fous les
yeux de la Cour d’autres preuves de cette adminiftration
qui s’eft conftamment foutenue juîqu’au moment a£luel.
M . le Préfident d’Abbadie étoit trop impatient de fe
réunir à Madame fa m è r e , pour attendre l’éyénement de
la demande
qu’il avoit formée contre le
fieur Olivier.
Madame la Préfidente d’Abbadie lui a fait remettre par les
mains de ce dernier, une fomme de 6000 livres, & a eu
�27
le foin de s’en faire donner une quittance , quoiqu’en re
cevant 20,000 livres à fon inçfu en 1 7 8 1 , elle èût déclaré
qu’il étoit hors d’état de donner une quittance. I l eft parti
feul pour le Bearn vers le i f N ovem bre 178 5; Madame fon
époufe a mieux aimé relier à Paris que l’accompagner ; elle Ta
quitté de nouveau, & a v é cu loin de lui pendantquatorze mois.
A fon arrivée à P a u , par a£te du i cr. D écem bre 1785 ♦
M . le Préfident d’Abbadie & M adam e fa m ère ont envoyé
leurs pouvoirs à P aris, à l’effet de les repréfenter chacun
en ce qui les co n c e rn o it,
dans toutes les affaires qu’ils
pourroient avoir tant en juftice qu’autrement. M ais à qui
ces pouvoirs ont-ils été donnés ?
I c i paroît un C itoyen honnête que Madame d’Abbadie
a diffamé avec une licence inouie » qu’elle a peint com m e
un homme fans é ta t, com m e le c h e f d’une troupe d’intrigans qui obfèdent M . le Préfident d’Abbadie. Q u el eft donc
cet homme fi d é c rié , fi fufpe£t ? C ’eit un allié de M adam e
la Préfidente d’A b b a d ie, le coufin iflu de germain de fon
mari ; c ’eft le fieur d’Etchegaray.
Il n’étoit pas un intrigant
aux y e u x de M adam e la
Préfidente d’Abbadie m ère, dont le fuffrage valoit bien
celui de fa. b ru , ôc qui par une lettre du 21 Février
1-78 4, l’appelloit fo n cher neveu , & le rem ercioit des
marques qu’il ne ceffoit de lui donner de fon zèle & de
fon attachement.
Il n’étoit pas un intrigant aux yeux de M adame d’A b
badie elle-m êm e, lorfque par fa lettre du 17 Janvier 1 7 8 3 ,
elle le rem ercioit des témoignages £ intérêt & Rattachement
yu il lui donnoit dans toutes les occafions, ôc lui marquoit
D ij
�A*
le défir le plus v i f de lui donner des preuves de fa re<on-noijfance.
Il n ¿toit pas un intrigant lorfque par fa lettre du onze
avril 1785 9 poftérieure de deux jours au départ de M . le
Préfident d’Abbadie pour P a ris, elle chargeoit la foeur du
' fieur d’Etchegaray de lui faire mille complimens, & de lui
confier le deffein où elle ¿toit de fuivre de près fon mari.
C ’eft la procuration du premier décem bre 1783 , dont
l’objet principal ¿toit de forcer la reftitution des 35,000 L
enlevées par M adam e d’Abbadie , qui a transformé à fes
y e u x le fieur d’Etchegaray en homme fu fp e â , en intrigant,
ôc qui l’a rendu digne de toute fa haine.
Remarquons deux circonftance3 dans cette procuration*
L a prem ière, c’eft que M adame la Préfidente d’Abbadie
mère & M . fon fils y reconnoiffent expreifém ent le fieur
d’Etchegaray pour leur parent. L e fieur d’Etchegaray ne
doit donc pas être regardé ici com m e un intrus, com m e
un intrigant qui s’immifee dans les affaires d’une fam ille
étrangère.
L a fé c o n d é , c’eft que M . le Préfident d’A b b a d ie , en
donnant fes pouvoirs au fieur d’Etchegaray , ne fait que
fuivre l’exem ple de M adam e fa m ère, qui avoit déjà éprou
v é le zèle & la fidélité de fon neveu. C e tte marque de
confiance de M . le Préfident d’A bbadie pour le fieur
d’Etchegaray & celles qu’il lui a données depuis ne doivent
donc pas être regardées com m e des marques de démence*
L e fieur d’Etchegaray pourfuivit la demande à fin de
reftitution contre le fieur O liv ie r : celui-ci fut con dam n é,
par une Sentence confulaire du ip
décem bre 1783 , à
�2P
payer en cjeniers ou quittances valables la fomme de 3 6000
livres.
L e fieur O liv ie r, ou plutôt M a 4ame la Préfidente d’A b
badie fous fon nom , interjetta appel de cette Sentence
com m e de Juge incom pétent. M . le Préfident d’Abbadie
eut pour défenfeur M e Martineau : mais il ne perdit pas
moins fa caufe. L es parties furent renvoyées à fe pourvoir
p ard evant les Juges qui en devoient connoître.
L ’affaire fut portée au Châtelet où M . le Préfident d’A b
badie auroit infailliblement triomphé par le miniftère du
même défenfeur. Mais le fieur d’Etchegaray rallentiffoit les
pourfuites, par égard pour Madame laPréfidente d’Abbadie
qui ne paroiffoit pas difpofée à reftituer ce qu’elle avoit
pris. C e ménagement déplut à M . le Préfident d’Abbadie
& à Madame fa mère : ils s’en plaignirent au fieur d’E t
chegaray , ôc ils lui donnèrent ordre de preffer le jugem ent
par une lettre du 8 mars 1784.
L e s pourfuites recom m encèrent: M adame laPréfidente
d’Abbadie demanda à com pofer. M . le Préfident d’A b b a
die envoya au fieur d’Etchegaray , le 19 avril 1 7 8 4 , une
procuration à l’effet de tranfiger ; ce qui fut fait par un
a & e du 2 ju ille t fuivant.
Par cet a& e'M adam e la Préfidente d’A b b a d ie , fous le
nom du fieur O liv ie r , rend com pte des 36,000 liv. dont
elle s’étoit emparée.
E lle impute d’abord com m e de raifon les 6000 liv. don
nées à M . lePréfident d’Abbadie le 13 novem bre p récéd en t,
fuivant fa reconnoiffance du même jour , & les dépens
de l’appel d’incom pétence auxquels il avoit été condamné.
E lle remet enfuite x 6,800 livres au fieur d’Etchegaray;
�jo
qui les envoye aufli-tôt à M . le Préfident d’A b b a d ie, dont
il a la quittance.
E t elle retient à Ton profit 15,000 livres en fus de fa
penfion annuelle de 3000 liv re s , & d’un fupplément de
600 livres q u e lle s’étoit fait donner par le fieur O liv ie r,
quoiqu’elle n’eut aucune dépenfe à faire dans la maifon
du fieur de Borda.
T e l fu t, pourM adam è la préfidente d’ A bbad ie, le fruit
de fon fécond coup d’eiTai dans le maniment des revenu«
de fon mari.
Madame la Préfidente d’A b b a d ie , dont la manie eft de
dire que fon mari eft fou , foutient qu’il l’a été à Pau
en 1 7 8 4 ; & pour preuve de fon allégation , elle cite des
lettres qu’elle a reçues de fes correfpondans, du fieur
L o u fta u , le négociateur de fon m ariage, & de la dame
d’E tchegorry fa co n fid en te, qui n’ont pas craint d’alarmer
fa tendreife pour fon mari , en lui écrivant fi fouvent &
fi inutilem ent, qu’il étoit malade- Mais des lettres mifiives
ne font point foi contre un tiers. Q u ’e it - c e que cet ama*
de lettres écrites avec tant de p rofufion , & gardées avec
tant de foin par une femme q u i, fi elles avoient été vé
ridiques, auroit dû les effacer de fes larm es, & que prou
vent-elles en ju ftic e , fi ce n’eft les mauvais defl'eins de
Madame la Préfidente d’Abbadie contre fon m a r i, & le
défir dont elle brûloit de le faire interdire.
C e n’eft pas tout : Madame la Préfidente d’Abbadie n’ayant
pu faire attefter par des M édecins de Pau que fon mari avoit
été fou à Pau en 1782 & 1783 , l’a fait attefter hardiment
par fon M édecin de Paris. E lle a fait plus : elle a fait at
tefter par ce M édecin que M . le Préfident d’Abbadie mourra
�5*
infailliblement dans la dém ence. V o ic i le certificat qu’elle
a obtenu de la complaifance du fieur B o r ie , le 6 f é v r i e r
1784..
» Je certifie que M . le Préfident d’A b b a d ie, que j’ai
» fuivi depuis le mois de mai de Tannée dernière jufqu’à
» fon départ, eft parti en novem bre 1783 dans le même
» état de démence dans lequel il étoit depuis deux a n s,
» lors de fon arrivée à P aris, & qu’il eft bien à craindre
» que fa maladie ne foit parvenue à l’incurabilité ; en foi
» de quoi j’ai figné la préfente déclaration. Borie.
Fixons un inftant nos regards* fur ce certifica t, q u i,
avec celui du 6 mai 1783 , a déterminé à Pau l’interdic
tion provifoire de M . le Préfident d’Abbadie. C ’eft une
des produ&ions les plus monitrueufes de l’intrigue & de
la mauvaife foi.
O n y diftingue trois articles.
L e p rem ier, c’eft qu’au mois d’avril 1 7 8 3 , lors de fon
arrivée à Paris , M r. le Préfident d’Abbadie étoit depuis
deux ans dans un état de dém ence.
L e fé c o n d , c’eft qu’au mois de novembre 1783 , lors
de fon départ pour le B é a rn , M . le Préfident d’Abbadie
étoit dans un état de dém ence.
L e troifièm e, c ’eft que la maladie de M . le Préfident
d’Abbadie eft probablement incurable.R eprenons
ces trois articles.
1°. A v ec quel courage le fieur B orie a - t - i l pu cer
tifier qu’au mois d’avril 1783 , lors de ibn arrivée à P a ris,
M . le Préfident d’Abbadie étoit depuis deux ans dans un
état de démence ?
�3%
M. le Préfident d’Abbadie ¿toit refté en Béarn depuis
le mois de i'eptembre 1 7 81 iufques au mois d’avril 1783 }
le lieur Borie ne "l’avoit point vu dans cet intervalle.
2°. Com m ent a-t-il pu certifier qu’au mois de novembre
1 7 8 3 , M . le Préfident d’ Abbadie étoit dans un état de
démence ?
N ous avons des preuves littérales du contraire.
L e 8 novembre 1 7 8 3 , M . le Préfident d’A bbadie écrit
une lettre à fon régifleur qui vient de la lui envoyer pour
l’aider à confondre l’impoflure.
L e 10 novembre 1783 , le fieur O livier , l’homme de
confiance de Madame d’A b b a d ie , rend compte à M . le
Préfident d’Abbadie de fes revenus du P o ito u , dont il avoit
livré deux jours auparavant, à Madame -d’A b b a d ie , le reliquâ montant à 3 5,000 liv.
L e 11 novem bre 1783 , M . le Préfident d’Abbadie fait
aiïigner
le fieur O livier en reftitution de cette fomme.
ü
L e 1 3 novembre 1783 , veille du départ de M . le Préfident d’Abbadie pour Pau , Madame la Préfidente d’Abbadie
lui fait compter 6000 liv. & en retire fa reconnoiffance,
ainfi qu’il eft établi par la tranfa&ion du 2 Juillet 1784..
Ec c ’eft dans ces circoniïances que Madame la Préfïdente d’Abbadie fait certifier qu’au mois de novembre
1783 , lors de fon départ pour le B éarn , M ‘. le Préfident
d’Abbadie étoit dans un état de démence ! C o m m e n t peuton trahir la vérité avec auifi peu de pudeur!
30. Enfin par quel génie le fieur Borie étoit-il infpiré
quand il a prédit que M . le Préfident d’Abbadie mourra
vraifemblablement dans la démence ? O ù avoit-il puifé ce
préfage finiftre? L a nature lui avoit-elle révélé tous fes fecrets ?
�h
cfets? L ’art avoit-ü déployé à fes yeux toutes Tes rciTource«?
A veu gle qu'il étoit ! il né voyoit pas fétat préfent de M .
le Préfident d’Abbadie , 6t. il vouloit prévoir fon état
avenir !
Il certifie que la maladie de M . le Préfident d’Abbadie
eft probablement incurable : mais Madame la Préfidente'
d’Abbadie mandoit à fa belle-m ère, par fa .lettre du 25
octobre 1785 , qui eft à la page 21 de fon mémoire im
primé , que le }leur Borie, lui faifoit efpérer la gtièrifon
totale de M'. le Préfident etAbbadie. Par quelle étrange con
tradiction ce m édecin, qui n’avoit plus vu M. le Préfident
d’Abbadie depuis le mois de novembre 1 7 8 5 , époque de
foii départ pour le Béarn , a-t-il donc certifié au mois de
février 1 7 8 4 , que fa maladie paroiiloit ótre parvenue à
l’incurabilité !
L ’événement a démenti fon aflertion à ce fujet : deux
médecins qui ontvifité , Tannés dernière, M. le Préfident
d’Abbadie depuis le 3 mars jufques au p m a i, ont déclaré
dans leut rapport que fa maladie eft curable, qu’elle a cédé
au temps ôt aux rem edes, fi elle a été jamais telle qu’on la
Jeura dépeinte, ôc qu’il eft dans un état habituel de raifon.
Mais ce qui doit le plus frapper les efprits à la vue du
certificat du 6 mai 1783 , ce n’eil point la foibleife que le
fieur Borie a eue de l’exp éd ier, c’eit le courage que
Madame la Préfidente d’Abbadie a eu de fe le faire déli
vrer. E lle ne va point demander à fon médecin des fecours .
pQur M . le Préfident d Abbadie; elle va chercher une arme
nouvelle contre lui. E lle n’eft pas en peine dè favoir com
ment on pourra le guérir; c ’eft: aflez qu’on lui certifie qu’il
ne guérira jamais.- E lle faific l’annonce de l’incurabilicé
E
�34
de M . le Préfident d’Abbadie comme une autre femme
faifiroit l’annonce de la guérifon prochaine de fon m a ri,
& elle garde pen d an t des années entières ce pronoftic
funefte & défefpérant avec le même foin que fi elle y
trouvoit l’alim en t de fes efpérances & une fource de confolations.
Je ne fais pourquoi ce certificat n’a été ni imprimé au
C hâtelet, ni lu à cette audience, à moins que Madame
la Préfidente d’Abbadie n’ait craint l’indignation que devoit
faire naître contr’elle une pièce auffi révoltante, & qui
la d ém afque il bien aux yeux du public. Mais il a exifté ce
certificat odieux : il a été annexé à la procédure de Pau,
où il a produit fon effet; il a été annexé à la procédure
du Châtelet, où il a été regardé avec horreur; nous en
avons une copie expédiée par le Greffier du Châtelet ; il
n’eft plus temps de le fupprimer, l’efprit qui l a difté efl
à découvert.
C e certificat efl digne de figurer à côté de celui du
6 Mai 178 3 , qui enhardit Madame la Préfidente d’Abbadie
à envoyer fon mari dans une maifon de force. Ils font
fortis de la même fabrique; ils avoient la même deftination : ce font deux monumens des machinations de Madame
la Préfidente d’Abbadie, contre fon mari, & de la com
plicité du M édecin qu’elle avoit aifocié à fes coupables
projets.
O n a plaidé qu’ en 1 7 8 4 , pendant fon féjour à Pau
M . le Préfident d’Abbadie a fait acheter deux chèvres
qu’il vouloit atteler à fa v o itu re , ôc deux oyes à, qui il
youloit apprendre l’alphabet..
O n ne dit pas qu’il ait fait atteler des clièvres à fa
�5?
^
voiture , ni qu’ H ait prononcé l’alj h i l e t devant des oye.3,
pour le leur apprendre ; on dit feulement qu il a voulu
le faire. Mais par quels lignes certains cette intention
s’eft-elle manifeftée? ceft ce qu’on ne fait pas.
Au mois d’Avril de l’année dernière, M . le Prérident
d’Abbadie a touché, dit-on, du bout de Ton manchon dans
le jardia des Tuileries, la ftatue qui repréfente le Tibre.
Madame d’Abbadie a dit dans fon Mémoire imprimé, qu’il
avoit donné un coup a cette flàtue, pour la punir de ce
qu’elle ne lui parloit pas; on reconnoit à ce tra it, le génie
familier qui veille iur M . le Préfident d'A b b a d ie, qui
connoît fes peniees mieux que lui-m êm e,
qui devine
lorfqu'il fait acheter des chèvres, que c’eft pour les atteler
à la voiture, lorfqu’il fait acheter
des o y e s , que c’eft
pour leur apprendre l’alphabet. Mais fi M . le Préfident
d’Abbadie étoit infenfé, fes a£tions ne feroient-elles pas
allez parlantes par elles-mêmes , & auroit on befoin de
deviner fes intentions, pour le convaincre de démence?
Dans le fait, M . le Préfident d’Abbadie a fait acheter
deux chèvres en 1 7 8 4 , pour l’ufage auquel elles devoient
fervir naturellement, il les a envoyées dans fa terre de
B izanos, d’où on lui apporroit du lait tous les matins.
L ’oye eft un aliment qu’il aime ; il en a fait engraifler
deux en 1 7 8 4 , parmi des poulets, des canards, des
dindons & des volailles de toute efpèce, qui garniiToient
& qui garnilfent en core, fuivant l’ufage de la P ro v in ce ,
la bafTe-cour qu’il a dans fa maifon de Pau.
C eu x qui lui ont attribué l’intention fecrette de faire
atteler des chèvres à fa voitu re, & d’apprendre l’alphabet
à des o y e s , n’ont fait que lui appliquer l’hifioire d’un
E ij
�¿6
fameux fou du Béarn, nommé B erd u c, dont la tradition
tranfmet les folies depuis 40 ans, dans cette province.
L e nommé D o u c e r , qui étoit en 178 4 , le Cocher &
i’efpion de M . le Préfident d’A bbadie, & qui a paffé depuis
au fervice de Madame fon époufe, ne parle point dans
la déclaration qu’il a faite le premier O & obre 1 7 8 ; , en
l’hôtel du fieur Lieutenant C i v i l , du prétendu projet de
faire atteler des chèvres à une voiture : c’eût été lui cepen
dant qui auroit été chargé, comme C o c h e r, de ce bizarre
attelage, fi M. le Préfident d’Abbadie en avoit conçu l’idée,
& il ne lui auroit certainement pas fait grâce de cet écart,
s’il avoit eu le plus léger prétexte pour le lui imputer.
A u furplus, & c’eft ici le mot décifif, fi des témoins
de Pau ont été auffi complaifans pour Madame la Préildente d A b b a d ie, que fon Médécin de Paris, & s’ils ont
eu la témérité de dénaturer les actions les plus raifônnables
de M . le Préfident d’A b b a d ie , par l’extravagance des
motifs qu’ils lui ont attribués, leurs dépofitions ne font
d ’aucun poids dans la caufe ; les enquêtes ont été annullées
par un Arrêt du C on feil; Madame la Préfidente d’Abbadie
n ’a à l’appui de ces faits que fa fimple allégation , qui eft
pleinement détruite par la dénégation formelle de M. le
Préfident d’Abbadie.
Il ne refie que les deux lettres des 18 Juillet & 16 A oû t
1781 : mais qu’importe que M . le Préfident d’Abbadie
ait eu , il y a iïx ans, deux mrtmens d’abfence , & quelle
connexité y a t-il entre ces nccidens anciens 8? psifagers,
& l’état a&uel & habituel de M . le Préfident d’Abbadie?
C ’eil fon -état préfent qu’il faut juger,
accidens paiTés-
&
non pas feà
�37
Ces accidens n’ont point troublé fa correfpondance,
ni interrompu le cours de fon adminiflratipn , qui s’eft
conftamment foutenue jufau’au moment actuel.
Ses parens, fes amis, fes g«ns d’affaires lui ont envoyé .
quelques-unes des lettres qu’il leur avoit écrites, & lui
ont accufé la réception de beaucoup d’autres; ces lettres
prouvent qu’il a entretenu fans ceife toutes fes relationsd’intérêt, de bienféanpe & d’amitié.
Il faut voir fur-tout fon administration depuis 1781 ,
«5poqueà laquelle on fait commencer fa prétendue démence:
c’eft la meillem-e défenfe qu’il puiOe fournir, c’t'ft le triomphede fa caufe.
Par Procès-verbal du 30 Juin 1781 , M . le Préfident
d’Àbbadie exerce le retrait féodal d’un bois , moyennant
la fomme de 3661 livres.
Par a£te du 2 Mars 1 7 8 2 , il fait le rachat d’une rente
foncière de 24.0 l i v . , moyennant une fomme de 4800 liv.
P a ra tìe du 18 Juillet 1782 , il acquiert pour la fomme
de 4788 liv. 17 fols 6 deniers, un bien-fonds dont Madame
fa mère a exercé
le retrait cenfuel comme dame de
Bizanos.
Par autre a£te du 25» du même m o is, il acquiert pour
la fomme de
livres, un autre bien -fon d s dont
Madame fa M ère a pareillement exeixé le retrait cenfuel.
Par afte du 3 Octobre 1783» il acquiert des droits
de féodalité &: de cen s, qui fe trouvent à fa bienféance.
Par afte du 22 O ttobre
1 7 8 4 , il çonfent un bail à
rente d’ un terrein qui ne lui étoit d’aucune utilité.
Par atle du 14 Mai 1785 } trois jours après un fécond '
�38
Arrêt du Parlement a s Pau j qui confirme fon inter
diction provifoire » M . le Piéfident dA bbad ic dans
1 ignorance de cet A.riêt , acquiert une portion de la
dîme de C re m ille, aux environs de fa terre de SaintLoup.
Depuis 17S1 jufqu’en 1785’ , M. le Préfident d’ Abbadie
a fait chaque année quelque acquifition, malgré les fouftnclions que Madame fon époufe lui avoit faites en 1781
& en 1785.
C ’eft principalement après le décès de Madame fa M ère ,
arrivé dnns le mois d’Août 178 4 , que M . le Préfident
d’Abbadie a donné des preuves figna’ ées de fon économie
&. de la fageife de fon adminiilration.
Il étoit feul héritier de Madame fa m ère, & fpécialement chargé du f jin d’erécuter fon teilament, qui contenoit des legs confidéra! les.
A entendre Madame la Préfidente d’Abbadie .dans fon
Mémoire imprimé, (pag. 1 1 1 ) , fon mari n'a pas encore
acquitté une teule difpofition du teftament de Madame
fà mère, ôc s’eft montré par le fait incapable du foin qu’elle
lui avoit confié.
1
Com m e le menfonge prend dans cette caufe le ton
d’affurance qui ne convient
qu’à la vérité! voici des
quittances d’environ 30000 livres, que M . le Préfident
d’Abbadie a payées dans les deux premiers mois qui ont
fuivi le décès de Madame fa mère, pour 1acquit dune
partie des legs- contenus dans fon teftament. Elle lui
avoit accordé quatre ans de terme, à la charge de payer les
intercts ; il a mieux aimé en bon Adminiftrateur éteindre
ces intérêts que garder des deniers oififs dans fa calife.
�39
E t d’où provenoient ces 30000 livres? des épargnes
q u eM . le Préfident d’Abbadie avoit faites fur 40000 liv. de
rente. T e l eft l’Adminiftrateur que Madame fon époufe
veut faire interdire comme incapable d’adaiiniftrer. Y eutil jamais de plus folle entreprife ?
A la vue d’une adminiflration auili f a g e , fi le concours
du Miniftère public n’étoit point néceffaire dans cette
caufe , vous vous lèv erie z, M eilleurs, emportés par le
fentiment de l’équité qui vous prefle ; vous vous hâteriez
de confirmer ¡a Sentence du Châtelet, 6c de mettre fin à
cette perfécution.
Q u e Madame la Préiident.e d’Abbadie faiTe dans l’inter
valle
de
1781
à
1785* ,
des
approvifionnemens
de
certificats & de lettres miilives fur l’état de fon mari-,
qu’elle le faffe décl-rer fou par les correfpondans, incurable
par fon M édecin, & digne d’être enfermé dans une Maifon
de F c r c e ; qu’elle s’exerce avec fus fi.;ppôts à imaginer
des traits de folie , pour ies lu-' attribuer , qu’elle s’amufe à le couvrir de ridicules, & à en faire aux yeux dit
public un objet de cérifion : ces jeux de l’intrigue & de
la malignité n’effaceront point les preuves de l’économie
de M. le Préfident d’ALbadie, &. n’exciteront pas fur fon
compte les alarmes d e là J u llic e , qui n’eft point en peine
de favoir quelles ont pu être quelquefois i'es idées fugitives,
& à qui il fuffit de voir quelle cil dans tous les temps fon
adminiftration.
L es années 17??, &
1784 que M. le Préfident d’Abba
die a paffées en Bearn n’ont cm de remarquable à fon égard
que la ceffation
de fes fondions ; fon zèle l’aj pelloit au
P a la is .. mais une indiferétion cruelle, lui en interdifoit l’eu-
�\
40
trée. Ses deux lettres de 1731 , dont Madame fon époufe
'
¿toit nantie, avaient été colportées dans la ville de Pau-,
& y avoient répandu contre lui les impreilîons les plus fa-
cheufés. Il redotftoit les regards du public prévenu; il
c ra ig n o it d’avoir à rougir dans le fanchnire de la Juftice :
fa modeftie ne lui permetcoit pas de fonger que la tache
\ des accidens qu’il avoit éprouvés y feroit effacée par la
gloire qu’il y avoit acquife : fa retraite comme Mngillrac
prouve l’excès de fa ienlibilité de de fa déiicateife ; mais
fon adminifiraticn comme père' de famille prouve qu’il
eft en é t a t . d’adminiilrer par lui-même , 6c c’efi: le père
de famille qu’il faut juger maintenant, & non pas le Magiiîrat.
Le décès de Madame fà mère a été fuivi dtj près de ce*
lyi ci..; (leur de Bordn fon oncle- C e Fermier-Général eil
déeé-;é le 3 Novembre 17S4. Tous deux avoient confié
à M. le Préiï lent d’Abbadie l’exécution de leurs teflamens.
Iis ne s’étoie-nt point aveuglés fur fon état; ils le connoffeient mieux que Madame fon époufe, qui ne vivolt
pas avec lu i, fit ils lui avoient continué l:ur confiance
la plus entière jufqu’à leur dernier moment.
Madame la Prélidente d’Abbadie attendoit depuis 178^,
dans la maifon du fieur de B o r d a , l’ouverture de fa
fucceffion , refolue de s’en emparer à quelque prix que
ce fût. Elle, avoit lniffé jufqu’alors à M . le Préfident
d’Abbadie la libre ad mi nift ration de fa perfonne ôt de
fes bi ens, quoiqu’elle feignit de croire qu’il etoit depuis
1781 dans.un état de démence, fic elle sxétoit contentée
de s’emparer deux fois d’une partie de fes revenus; mais
quand elle vit deux ou trois millions que la fuccefiion
du fieur de Borda offroit à foa mari, elle ne garda plus
de
�ft
de m efu re, c’étoit le moment où elle devoit recueillir le
fruit de fes intrigues & de fes machinations.
M e Bourgeon, Procureur au C h â te le t, avoit aififté à
i’appofition des fcellés dans la maifon du fieur de Borda,
■en vertu de la procuration qiie M . le Préfident d’Aèbadie
& Madame fa mère avoient envoyée le premier Décembre
1785 , au fieur D etchegaraî, chacun pour fon
intérêt
perfonnel; cette précaution déplut à Madame la Préfideite
d’A bbadie, & lui rendit Le fieur Detchegaraî encore plus
odieux.
Il fe forma d’abord deux partis dans la famille, dont
chacun vouloit adminiftrer au nom de M . le Préfident
d’A b b a d ie, s’il reftoit en Péarn , mais qui fe réunirent
pour le faire interdire, quand ils le virent arriver à Paris,
dans
le deifein d’adminiftrer par lui-même.
Ces partis étoient compofés, l’un du Marquis & d e la Marquifedu Coudrai,l’autre de Madame laPréfidente d’Abbadie,
6c des intrigans qu’elle avoit aiTocics a fes efpérances. Ces
deux partis s’adreifoient à M . le Préfident d’Abbadie luim êm e, pour obtenir fa procuration. Lamarquife du Coudrai
agiiïoit avec fa franchife naturelle ; Madame ü’Abbadie
plus adroite faifoit mouvoir en fi faveur les reiforts de
l’intrigue. C ’eft dans leur correfpondance avec M . le
Préfident d’A b b a d ie , & dans celle des partifans de M a
dame la Prélidente d’Abbadie que
nous allons voir les
divers mouvemens qu ils fe font donnés pour obtenir fa
confiance, refolus de le perdre s’ils ne pouvoient pas y
réufiii*.
L a Marquife du Coudrai a écrit cinq lettres à M . 1»
F.
�' 42
*
'
Préfident d 'A bbadie, 1e s * , 9 , \S , 23 6c 47. N ovem bre
1784.
. Dans celle du fix , elle lui accufe la réception de fa lettre
du a i O fto b re p récéd en t, qui lui a f a i t , dic-elle, grand
plaijîr, &
qui par cette raifon ne pacoh point dans, la
caufe. E lle lui mande que les affaires de la fuceeffion du
iieur de Borda font Amples.
/
» Il feroit donc déiirable, ajoute-t-elle, que vous vinflïex
» ic i, pour les diriger vous-même.
Dans celle du n e u f N o v e m b re , elle lui demande fa pro
c u ra tio n pour un homme en qui elle a de la confiance^
rnais que M . le Préfident d’Abbadie ne co n ço it pas.
Dans celle du 16 f elle lui indique un autre Procureur
fondé, & lui envoye un projet de procuration.
Dans celle du 23 , elle lui accufe la réception de fa
lettre du 11 du même mois , qui ne paroît pas dans la
C a u fe , parce qu’elle eft bonne , & elle le prefle d’envoyer
Ci procuration à l’homme qu’elle lui a défigné.
Dans celle du 2 7 ., elle lui accufe la réception de fa
lettre du 1 3 , qui ne paroît pas plus que les deux autres,
& elle lui dit: « T o u tes vos peines, au p aflé, au préfent
» & à l’a v e n ir, ont é t é , font &
feront toujours
les
» m ien n e s, par mon attachement pour ma fa m ille , &
» pour vous en particulier.
I c i , M eilleu rs, fe préfente 11ne réflexion bien naturelle.'
L a Marquife du Coudrai & fon mari dont elle étoit
évidem ment dans cette occafion l’interprète & l’organe,
engagent M . le Préfident d’A b b ad ie, dans le cas où il
ne viendroit point diriger lui-même fes affaires, d’envoyer
fr procuration à un homme qu’il* lui défignent. Ils preférent
1
�un étranger à Madame la Préfidente
d’A bbad ie, qu’ils
ConnoiiToient par eux-m êm es, avec qui ils écoient dans
la maifon -du fieûr de B orda, ÔC qu’ils voyoient à Paria
depuis vingt mois. Ils ne la jugent point digne de la
confiance de fon M a ri; ils perfiftent pendant plus d’un
mois dans le .parti qu’ils ont pris de l’exclure des fonftiona
de fimple mandataire; com m ent l’intrigue a-t-elle pu de*
puis leur fafciner les yeux , & leur faire envifàger M . le
Préfident d’Abbadie com m e digne d’interdi& ion, 6c M a
dame la Préfidente d’Abbadie comme digne de la Curatelle?,
D e fon c ô t é , Madame la Préfidente d'Abbadie a écrit
deux lettres à fon M a r i, dans le cours du mois de N o
vembre 1784.
- » Je fens, lui dit-elle, dans la première en date du 6 ,
» com bien la perte de votre oncle va vous affliger, &c
» ;e voudrois bien
être avec vous pour adoucir votre
»chagrin . . . Je vous envoye une expédition du tefp tament de votre o n c le , par laquelle vous verrez les
» preuves qu’il vous donne de l’attachement particulier
» q u 'il avoit pour vo u s, en vous nommant fon E xécuteur
» teftamentaire. L es fcellés ont été appofés ; vous appren» drez avec le plus grand étonnement que M . D etch e» garay, abufant d e là procuration que vous lui avez don
» n ée, conjointem ent avec feue M adame votre m ère, s’eft
» préfenté avec un Procureur au ChâteJet, pour aflifter à
» l’appofition des fcellés; cette démarche a caufé un vrai
» fcandale dans 1* maifon j il aurait dû fa v o irq u e , dans
» les circonftances où nous nous trouvons, il riy a que
v moi (¡ni
vous repréfenter, & porter à vos'intérêts
» & à ceux de nos enfans toute l’attention cu’ik mûrirent u.
■
�44
( le S r d’Etchegaray ne favoit pas cela ; il penfou à cet égard
comme le Marquis ôt la Marquife du Coudrai, comme toute
la famille, & comme M. le Préfident d Abbadie lui-même).
L es tentatives du Marquis & de la Matquife du C o u
drai, pour faire donner à un étranger la procuration de
M . le Préfident d’Abbadie, dans le cas où il ne viendroit
pas diriger lui même fes affaires, jettoient Madame la
Préfidente d’Abbadie dans un grand embarras. E lle n’ofoit
pas leur réfifter ouvertement
ni demander pour elle-même
la procuration de fon mari, dont elle ne pouvoit pas fe difiîmuler qu’elle avoit perdu la confiance. E lle prit le parti de
la faire folliciter par des tiers, & pour mieux ailurer fon fucc è s, elle invita M . le Préfident d'Abbadie à confuiter, fur le
choix de fon mandataire, des Avocats de Pau , qui, prévenus
par les agens de Madame la Préfidente d’A bbadie, devoient
naturellement lui donner la préférence; en tout événement,
elle fongea à attirer M . le Préfident d’Abbaçlie à Paris, dans
le foyer de la confpiration, pour avoir la facilité d’obtenir
fa confiance, ou de le perdre s’il la lui sefufoir.
» Il eft trop jufie, lui difoit-elle, par fa. lettre du &
» N ovem bre 1 7 8 4 , que fur des affaires ayifi importantes
» vous preniez un parti avec nos confeils & nos amis
» communs; le meilleur de tous, feroitr, mon cher mari,
» d e vous rendre ici; vous e n
sen tez
» vos a f f a i r e s
présence.
e x ig e n t
vo tre
la
n é c e s s ité ,
V ous fentez
» tout l’embarras qu’éprouveroient les affaires, fi nous ne
x pouvions les traiter que par correfpondance ; je ne puis
» vous le diifimuler, je ne laiife pas d’avoir bien des
» chofes à fouffrir, par les altercations fréquentes qui me
» font faites de la part de M . le Marquis & M adame la
�4Î
»M arquife du Cdudrai. Sans>douter que M . Huftafti: 'ner
» manquera pas de vous écrire pour vous faire part dç<
» Tes obfervatigns fur la conduite £i tenir.
M ?. H ü t t e a u .A v o c a t en la C o ur , étojt depuis dix ans
iam i de M . le Pfélident d’Abbadie , fon confeil & fon
défenfeur dans toutes fes caufes ; ce n’avoit été; que dans
celle,des 35,000 livres enlevées par Madame la Préfidente
d!Abbadie. qu’il avoit cédé à M u. Martineau le foin de le
défendre. Il écrivit à M. le Président d’Abbadie le 8 N o virnbre >784, uné longue lettre dans laquelle il fe plaint
d’.abord , de ce que le fieur d’Etche^aray.a.aififté aux fcellés
en vertu de fa procuration générale* ’( Madame la Préfi
dente d’Abbadie s’en plaignoit auflî ) & lui marque qu’il
ne peut fe difpenfer de défavouer ce qu’afait le Procureur
au Châtelet d’après cette procuration gén érale, dont il a ,
ajoute-t-il , (i indignement abufé. ( Q u e l grand abus pouvoiril donc y avoir dans la iimple ailiftance du Procureur de
M . le Préfident d’Abbadie à l’appoiition des fcellés ! )
« L e vrai mot de tout c e la , continue M e. Hutteau j eft
» l’avidité du Procureur au Châtelet qui, pour fon intérêt
» perfonnel, n’a pas craint de faire un aile injurieux à v o u s ,
» M . le Préfident, & à votre famille.
» C e premier point arrêté, qu’allez-vous faire aihielle» ment? Il y a les fcellés à le v e r, l’inventaire à faire; if
» faut prendre qualité
dans la fucceiTion, délivrer
les
» legs, & c . Pour toutes ces opérations fi férieufes, fi im» portantes , qui embraiTent des objets fi confidérables ,
» J e CROIS QUE VOTRE PRÉSENCE SEROIT ABSOLUMENT INDIS-
jd p e n s a b l e . ( Madame la Préfidente d’Abbadie le lui avoit
» marqué auiTi) au moins ne pourroit-on fuppléer à votre
�» abfence que par une procuration méditée & concertée
» pour que vos intérêts ne puiflent être compromis en
» rien; mais q u a n d il s’agit de procuration , il y a toujour*
» deux
ch o fes
eflentielles à confidérer , l e c h o i x
de la
» p e r f o n n e qui n o u s reprefente, & l’objet des pouvoirs
» q u ’ o n l u i donne.
M e. Hutteau a eu la difcretion de ne pas s’expliquer
ouvertement fur le choix de la perfonne; il favoit qu'il
n’étoit pas aifé de faire tomber ce choix fur Madame la
Prélidente d'Abbadie ; il a renvoyé à cet égard M . le
Préfident d’Abbadie à fes Confeils de Pau. (M adam e la
P ré fid e n te d’Abbadie l'y avoit renvoyé auiïi)
» O n doit vous laiiler le temps , difoit-il, de prendre
» votre parti avec les Confeils éclairés que vous avez à
» Pau ; peut-être aufTi defirerez vous avoir le temps de
» vous entendre, & de vous concerter avec moi.
11 entre enfuite dans une diflertation profonde fur les
qualités & les droits de M . le Préfident d’ A bbadie, dans
la fucceiïion de fon o n c l e , & il finit par lui dire:
i° V o i l à , M . le Préfident, mes obfervations; Je vous
i .es
soum ets
; que ce fuffrage eft précieux pour M . le
Préfident d’Abbadie ! c’eft un Jurifconfulte , fon ancien
C o n le il, le Confeil dciigné de la Curatelle, qui lui foumet
.les obfervations, au mois de N ovem b e 1 7 8 4 , à la veille
de la pourfuite de fon interdiction.
M e. Hutteau étoicTi éloigné de regarder M . le Préfi
dent d’Abbadie comme infenfé , qu’il lui a écrit dans le
courant du même m o is, trois autres lettres., dans l’une
‘ tlefqùelies, qui eft du 27 N o v e m b re , il lui recommande
fur-tout de ne donner fa procuration qu’à une perfonne
" ’il ço;;ncîi;.i panic^Hèrencnt & par Uti-mcmcy. cîe co:i-
�*7
fulter à P a u , fur fon c h o ix , & de né pas compromettre
fa fortu n e, par ¡es fa its de quelque, krangtr qu’il ne connût*
iroitpas.
C es derniers mots tendoient à i’excluficm du Procureur
/
fo n d é , défigné par le Marquis 6c la M arquife du C o u d rai,
qui écoit inconnu à M . le Préfident d’Abbadie ; exhorter
d'ailleurs c e Magiftrat à confulter fur le ch oix d’un man
dataire, à Pan où M adame la Préfidente d’Abbadie avoit
des
agens qui lui étoient aveuglém ent d évo u és, c’étoit
s*aiTurer qu’elle feroit défignée par préférence à tout
autre.
M . de C h e ra u te , Confeiller au Parlement de P a u ,
a prévenu l’avis des A vocats ; il fe flattoit apparemment
d’avoir aiTez de crédit auprès de M . le Préfident d’A b b a d ie,
pour déterminer fon choix en
faveur de M adame fon
époufe. I l lui a écrit à ce fujet, le 27 N ovem bre 1784.
» Sans doute, lui d it-il, que le foin de cette importante
» fucceflion vous d¿terminera d’aller à Paris , Ci votre
» fanté vous le permet ; 6c fi elle ne vous le perm ettoit
x> p a s, vous donnerez, votre confiance à quelqu’ un.
» C e foin regarde naturellement M adame la Préfidente
» d’A bbadic, . . . j’apprends avec le plus v i f chagrin qu’on
» travaille à voue déterminer à lui refuier votre confiance,
» 6c à la donner à d’autres . . .
S i vous ne com ptez
» pas fur fon exp érien ce, ôc fur le choix qu’elle feroit d’un
» bon C o n fe il,
qui vous e m p ê c h e , M o n fieu r, de lui
» en indiquer u n ,
de l’avis de
qui elle fe conduira,
» SUR LES INSTRUCTIONS QUE VOUS LEUR DONNEREZ ü ’iCI.
» J e penfe donc M onfieur, que la re lig io n , l’honnêteté
» & la décence vous impofent la loi d’accorder votre
�»"confiance à ¿elle qui unie à vous par les liens les plus
» facrés, partage-. . • votre tendrdfe pour vos enfans,
» & tous les biens 6c les maux qui vous arrivent, & c. & c .
R e m a r q u e z , Meilleurs, le iuffrage honorable qui réfulte
de te lettré de M . de Cheraute, en faveur de M . le Préiident
d’Abbâdie.
G ’eil un Magiftrat
du
Parlement de 'Pàu^
qui juge M . le Préfident d ’Abbadie capable de diriger
P a r ses i n s t r u c t i o n s
perfonnelles Madame la Préiidente
d’Abbadie ôc fon Confeil.
Devoit-on s’attendre à voir
ce Magiftrat ouvrir.peu de temps après, dans une aifemblée
domeftique, l’avis de l’interdi&ion
de M . le Préfident
d’Abbadie?
Q u o i qu’il en fo it, M . le Préfident d’Abbadie n’a pas
c r u , malgré fa déférence pour les lumières de M . de
C héraute, que la religion lui impofât la loi de confie^
à fou époufe le maniment de deux ou trois millions.^
& il ne fç fentoit pas naturellement difpofé à la charger
du fardeau d u n e adminiftration auifi importante. Cepen
dant comme M e H utteau, fon con feil, en qui il avoit mis
toute fa confiance, l’ exhortoit à confulter des Avocats
de P a u , fur le choix d’un Procureur f o n d é , dans le cas
fih il ne vi en droit pas à Paris, & qu’il* héiitoit de faird
ce voyage dans le mois de Décembre 1 7 8 4 , il a chargé
le fieur A bbé d’Erchegaray • fon coufin., fon am i, & fort
voiiin dans le pays de S o û le , où il étoît alors, d’ailer
prendre à Pau l’avis de ces Jtirifconfultes, fe refervant
de prendre enfuite par lui,- même tel -parti qu’il jùgeroit
convenable.
ta
quefiion a
été
propofée aux A vocats de P a u ,
dépouillée dçs circonflances particulières qui auroient pu
éclairer
�49
éclairer leur opinion. Us ont décidé que fi M . le PréiHent
d’Abbadie n’alloit point diriger lui-même fes affaires à
Paris, il devoit
envoÿer fa procuration à Madame fon
époufe. Mais M . le Préfident d’Abbadie s’eft déterminé
' à fe rendre dans cette C ap itale, malgré la rigueur de la
faifon, malgré l’accablement dans lequel l’avoit plongé la
mort de la mère & de fon oncle.
11 eft arrivé à Paris le 29 Décem bre 1784., avec l’Abbc
d’Etchegaray ; Ils fe font réunis dans l’hôtel du fieur de
Borda à Madame la Préfidente d’Abbadie , à íes enfans., au
Marquis & à la Marquife du Coudrai. Il n’étoit point de
la dignité de M. le Préfident d’A bbadie, d’aififter jour
nellement aux opérations préliminaires, telles que la levée
des fcellés & l’inventaire, 6c comme ces opérations étoieut
urgentes , &
que la Marquife
du
Coudrai
lui
avoit
mandé dans toutes fes lettres qu’il n’y avoit pas un inftant à
perdre, il a d o n n e le 30 Décem bre 1 7 8 4 , une procura
tion fous feing p rivé, en attendant que la fatigue du
voyage lui permît d’aller la donner pardevant 1Notaire ,
au fieur d’Etchegaray fon coufin , dont il avoit éprouvé
le zèle & la fidélité dans diverfes occafions, & fmgulièrement dans l’affaire des 3.6000 livres dont il lui avoit
fait reflituer m e partie. ■
» M a is , a-t-on d it, M . le Préfident d’Abbadie en don» nant au fieur d’Etchegaray le pouvoir
d’aflifter à la
» le v é e des fcellés, & à la confettion de l’inventaire,
» lui a d o n n é aufii le pouvoir de fe faire remettre le?
' j» titres & papiers de la fucceifion : il a livré une fortune
» immenfe à un homme fans état, &
qui avoit( deux
G
�»procès,
S °t
l’un en la C o u r , l’autre au C h â te le t, où il
» avoir été décrété d’ajournement perfonnel. Madame la
» Préfidente d’Abbadie n’a-t-elle pas dû s’alarmer en voyant
» la confiance de ion mari ii mal placée, & prendre les
» mefures les plus promptes pour en prévenir l’abus ?
N o n , Madame la Prélîdente d’Abbadie ne devoit nifuf*
peder le fieur d’Etchegaray à raifon de ces procès, ni
faire interdire ion mari , fous ce prétexte.
D ’abord, quel étoit le fujet des deu< procès que le
fieur d’Etchegaray avoit au commencement de l’année
178 j ? le voici.
i°. L e fieur d’Etchegaray avoit fait faifir une manufac
t u r e , fife à Paris, appartenante au fieur Texada Efpagnol,
fon débiteur d’une famine d’environ 20000 livres.
Le
fieur A rra g o n ,
autre Efpagnol j neveu du fieur
T e x a d a , avoit formé oppoiition à la iaiiïe, fous prétexte
que fon oncle lui avoit vendu peu de temps auparavant
cette manufadure.
L e fieur d’Etchegaray a foutenu que cette vente étoit
frauduleufe & n u lle , & l’a fait juger telle au Châtelet
avec dépens, dommages & intérêts.
Sur l’appel , le fieur Arragon a fait juger cette vente
fincère & valable.
L e tort du Sieur
d ’E tch ega ra y, dans ce p ro cès, a
donc été de n’avoir pas deviné avant de faifir la manufa& ure, que fon débiteur l’avoit vendue à fon neveu , &
d’avoir
cru
enfuite que
cette
vente
étoit
fimulée &
frauduleufe ; cette opinion que les Juges du Châtelet
avoient adoptée , ne le rendoit certainement pas indigne
tîc la confiance de M . le Préfident d’Abbadie.
�u
2*. L e procès pendant au Châtelet n’étoit pas plus grave*
L e Sieur A rra gon , débiteur d’une lettre de ch a n g e,
dont le fieur d’Etchegaray tftoit porteur, lui avoit mandé
en 1783 , qu’il ne la payeroit pas, & qu’il ne craignoit
point Tes pourfuites, parce qu’il s’étoit mis fous la pro•te&ipn. du
Confeil
de Caitille. L e fieur
d’Etchegaray
l ’avoit menacé de faire connoître fa mauvaife f o i , dans
les places de com m erce, s’il ne payoit pas. L e fieur
Arragon avoit reconnu fon to rt, & avoit payé.
Plus d’un an après, dans le mois de Janvier 1785',
dans ce môme mois où Madame la Préfidente d’Abbadie
envoyoit à Pau
le pouvoir de pourfuivre l'interdiction
de fon mari , J e fieur Arragon s’efl laiffé perfuader qu’il
falloit faire un procès
criminel au fieur d’ Etchegaray,
fur les prétendues injures qu’il lui avoit écrites en 1783.
Il a rendu plainte, ôt a furpris contre le fieur d’E tche
garay un décret d’ajournement perfonnel, qui eft intervenu
à propos pour accompagner à Pau la procuration tendante
à l’interditlion de M . le Préfident d’Abbadie.
M a is , qu’eil-il arrivé ? une Sentence du 24
Janvier
17 8 5 , a déclaré la plainte calomnieufe & vexatoire, a
déchargé le fieur d’Etchegaray de l’accufation , Ôc a
condamné le fieur Arragon aux dommages fit intérêts,
& aux dépens.
L e fieur Arragon a gardé le filence pendant près d’un
an: il vient d’interjetter appel de cette S e n ten ce, depuis
que la plaidoirie eit engagée en la C o u r , entre M . le
Préfident &
Madame la Préfidente d’A b b a d ie , comme
fi ces deux caufes étoient faites pour marcher enfemble,
G ij
�p
& ponr fe prêter un fecours mutuel. Mais quand le fieur
Arragon feroit juger que le fieur d’Etchegan.y a eu tort
de fe plaindre à lui-même & à d’autres, de la mauvaife
foi avec laquelle il lui-refufoit en 1 7 8 3 , le payement
d’une lettre de change, quand il feroit accueillir une
plainte en injures rendue après plus d’ un an de filetice,
ce
qui répugne aux principes , cet événement n’enta-
cheroit point l’honneur du fieur d’Etchegaray, & ne le
rendrait pas indigne de la confiance de M . le Préfident
d’A tb a d ie.
Madame la Préfidente d’ kbbadie a donc eu tort de
feindre des alarmes pour la fortune de fon m ari, à raifon
des deux procès que le fieur d’Etchegaray avoit en 1785",
ôc j h s grand tort encore de l’avoir peint récemment
fous ce prétexte, comme un homme fufpeft, connu dans
les rI ribunatJx, & indigne de toute confiance.
Si M. le'Préfident d’A b b a d ie, en donnantau fieur d’Etche
garay le pouvoir d’aififter à la levée des
fcellés & à
l ’inventaire , lui a donné en même temps le pouvoir de
fe faire remettre les titres & papiers, il ne l’a pas autorifé
par là à toucher les effets au porteur, ni les deniers de
la fucceifion : l’argent comptant & les effets au porteur
ne font point compris fous Ja dénomination vague de titres
& papiers : onpourroit comprendre tout au plus, fous cette
dénomination , les contrats , les obligations , h’ s billets
à ordre ; mais ces fortes de titres de créance n’auroient
jamais pu courir aucun rifque dans les mains du fieur d’Etche
garay , puifqu’il n’étoit pas autorifé à en toucher le montant,
& à en donner quittance. Si M. le Préfident d’Abbadie
lui avoit confond un pouvoir aufli étendu , le lien du
�ir
f a n g , l’exemple de Madame fa m ère, Ôcla fidélité éprouvée
du fieur d’Etchegaray auraient iuPiifié fa confiance. Madame
d’Abbadie deman Je que la curatelle onérairefoit déférée au S r
Olivier, homme fans ¿ ta t, fans confiftance, décrété à la R e
quête de M. le Préfident d’Abbadie , pour fouilra&ion de
papiers de la fuccelîion du fieur de Borda; elle veut confier
à cet étranger la fortune de l'on mari, & elle fait un crime à
fon mari d’avoir voulu confier à fon coufin des titres 6c pa-,
p iers, qu’il n’a d’ailleurs jamais eus, qu’il n’a jamais réclamés,
& dont il ne pouvoit pas toucher le montant; 6c elle fe
flatte de colorer fous ce prétexte une interdiction odieufe
dont elle faifoit les préparatifs fecrets depuis quatre ans,
& qu’elle a pourfuivie après que le fieur d’Etchegaray a eu
requis lui-même le dépôt des effets 6c des deniers comp
tant de la iuccefiion ?
Mais li c’eft la crainte que le fieur d’Etchegaray n’abusât
de la procuration de M. le Préfident d’A bbadie. qui a
déterminé les pourfuites de Madame d’A bbadie, pourquoi
les continue-t-elle depuis u nan que le fieur d’Etchegaray
s’eft défifté de cette procuration ?
La procuration donnée au fieur d’Etchegaray n’eit évi
demment que le prétexte des pourfuites de Madame d’A b
badie; fon vrai m otif a été le refus qu’elle a efluyé d’une
procuration, à l’effet d’admir.iftrcr. La procuration ou l’interdittion: c’étoit le dernier mot d e là cabale : je le trouve
dans la lettre de M e Lom bard, A vo ca t à P a u 3 à Madame
d’Abbadie, en date du 3 D écem bre 178 4 , (p a g e 58 de
fon Mémoire imprimé).
» S ’il a un moment heureux , il reconnoitra la fageife ,
�» lanéceilitéde l’avis, (lavis des Avocats de Pau concernant la
» procuration) il l’exécutera.
» S ’il ne le fait p a s, lavis fera votre premier titre pour
» les mefures que vos intérêts communs exigent ».
E t ces mefures étoient, comme l’événement l’a prouvé
bientôt après, l’interdi&ion de M . le Préfident d’Abbadie.
Il étoit donc décidé que M. le Préfident d'Abbadie fe
démettrait de fon adminillration dans les mains de Madame
fon époufe, ou qu’elle pourfuivroit fon interdi&ion.
Il a annoncé ouvertem ent à fon arrivée à Paris, l’in
tention dans laquelle il étoit d’aJlminiftrer par lui-même :
M adam e d’ A b b a d ie &
fes aifociés ont
aulïitôt travaillé
fourdement à le faire interdire.
L e 26 Janvier 1 7 8 ? , à h premiere vacation de levée
des fcellés, le fieur d’Etchegaray a confenti, de fon propre
mouvement, fans que pe.rfonnc l'eût requis, que les effets
au porteur, ôc les deniers comptans de la fucceifion fuifent
remis à M c Quatremere, N o ta ire , qui s’en chargerait,
comme dépofitaire judiciaire. Il en a été référé pardevant
le fieur L ieutenan t-C ivil, qui, par fon ordonnance du même
j o u r , a donné a¿le au fieur d’ Etchegaray
confentement , & a
ordonné qu’il feroit
de fes dire &
procédé à la
reconnoitlance & levée des fcellés, & à l’inventaire , à
la requête de M . le Préiideut d’ /Vbbadie; en conféquence,
lès deniers comptans Sc les effets de la fucceifion du fieur
de Borda paifoient dans les mains du Notaire Sequeftre , à
mefure qu’ils fortoient de deiTous les fcellés.
M . le Préfident d’Abbadie étoit avec fon époufe , ôc
ne fongeoit pas à s’éloigner d'elle , quoiquelle l’eut accou
tumé à vivre f e u j, par un long divorce. L a fucceilion
�¿toit en dépôt, & ne couroit aucun rifqu e, en attendant
le partage auquel M . le Préfident d’Abbadie vouloit aiïlilet
lui-même ,
mais qui n'étoit pas li prochain.
Il n’a voit
eu recours jufqu’alors qu’à M c Babille fon nouveau C o n f e il,
pour les ?. flaires de la fucceillon , & à M e Hutteau fon
Confeil ancien & habituel, comme il venoit de le ddclarer
à la vacation du a i Janvier 17 8 y : c ’eft dans ces circons
tances que , par a d e du 30 du même mois , Madame
d’A'bbadie a donné pouvoir à un Procureur au Parlement
de Pau ,
dt.‘ pourfuivre l'interdiction de fon mari , ôc
de demander la curatelle honoraire pour elle, h curatelle
onéraire pour le fieur O liv ie r , à la charge de lui rendre
compte tous les trois mois , ôc la nomination de M c Hutteau
pour confeil de la curatelle.
» Si mon mari avoit été à m oi, a-t-elie dit à cette audience,
» jamais je n’aurois fongé à le faire interdire ».
A qui étoit-il donc dans le mois de Janvier 178$’ ,
quand vous avez envoyé-à Pau le pouvoir de pourfuivre
fon interdittion ? A qui étoit-il dans le mois de F évrier,
quand vous l’avez pourfuivie ? N ’étoit-il pas à vous, & à
vous feule? N e demeuroit-il pas avec vous & avec vos
enfans ? Il étoit fans défiance au fein de fa famille, &
vous aviez profcrit fa tête ; il vous traitoit comme fon
époufe , ôc vous contempliez en lui votre victime ; il
vous auroit confacré fa vie , ôc dans l’attente de fa mort
civile que vous aviez demandée , vous comptiez le peu
de jours qui lui reftoient en core, impatiente de voir arriver
le^dernier : voilà donc le prix du facrifice qu’il avoit fait
de toutes fes prétentions, en vous donnant fa main ; voilà
la récompenfe de 1 amitié qu’il vous avoit v o u é e , & des
libéralités dont il vous avoit comblée par votre contrat de
�mariage. C e t o î t pour le faire interdire à P a u , à fon in rç u ,
que vous l’aviez invité à fe rendre à Paris : c étoit pour lui
porter des coups plus surs, que vous l’aviez attiré auprès
de vous : eft-ce ainfi qu’une époufe remplit le devoir que
la religion & l’honneur lui impofcnt ? eil-ce ainfi quelle
garde la foi jurée au pied des autels ?
P R O C É D U R E S .
L a requêteàfin d’interdidion d e M . le Préfident d’Abbadie
a été donnée au Parlement de Pau, le 18 Février 1787 ,
& répondue d’une Ordonnance portant que les parens
amis feroient aiTemblés pour donner leur avis.
L e 2 Mars fuivant, Madame d'Abbadie a fait convo
quer une aflemblée dans la ville de Pau. Aucun des proches
de M . le Préiident d'Abbadie , aucun de íes amis n’a été
appellé : l’afTemblée étoit compofée de M . de Cheraute, des
lieurs D a b e n fe , Darberats , laF orcade & Loufl.au , parens
& alliés à un dégré très-éloigné & preique tombé dans l’oubli.
A ces cinq parens & alliés fe font joints les fleurs Defpalungue & de Peyré , que M. le Préfident d’Abbadie n’avoit
jamais comptés au nombre de fes amis , & ls fieur de
Peborde que Madame d’Abbadie avoit admis d’autant plus
volontiers parmi les fiens, qu’il étoit le neveu de fon M éd e
cin, du fieur Borie qui lui avoit expédié fiofficieufementpour
fon mari en 1783 & en 1784 deux certificats de démence.
Ces parens éloignés , & ces fçjj - difans amis fc font
aiïembiés pardevanr M . de Sajus , R ap p orteu r, qui n’a
pas jugé à propos de leur faire prêter ferment.
On
a mis fous les yeux de l’aflemblée; i°. les deux
lettres de M . le Préfident d’Abbadie de
1 7 8 1 , qui ne
prouvoient rien pour fon état atluel en 178 ; ; 20. les deux
certificats
�n
certificats du fieur Borie des 6 Mai 1783 , & 6 Février
1 7 8 4 , fruits honteux d e l à furprife la plus inanifeile, ôc
d e là machination la plus odi<Mjfe; 30. la procuration donnée
au fieur d’E tchegaray, le 9 Janvier 1 7 8 ? , tendante à des
attesconfervatoires, & dont il n’avoit fait d’autre ufage que
d’affifter à la levée des fcellés ;4°. le Procès-verbal d e ie v é e
des fcellés du 26 du même m ois, par lequel il paroiifoit
que le fieur d’Etchegaray avoit requis lui-même , ôc fait
ordonner le dépôt des effets au porteur ôc des deniers comptans, qu’il n’avoit point d’ailleurs le pouvoir de toucher.
Il n’étoit pas aifé de trouver dans ces pièces une caufe
réelle des alarmts que Madame d’Abbadie feignoit d’avoir
pour la fortune de fon mari : cependant les parens & amis
de Pau ont apperçu , comme ils fo n t dit dans leur avis ,
un danger imminent de voir difparoître dans les mains du
fieur d’Etchegaray, un million ôc demi d’effets au porteur,
qui n’étoient point dans les mains du fieur d’E tchegaray,
ôc dont il avoit requis lui-même , ôc fait ordonner le dépôt
dans celles de M° Q uatrem ere/N otaire.
Il
n’étoit pas aifé de trouver dans ces pièces la preuve que
M . le Préfident d’Abbadie fût dans un état de démence: auffi
les parens ôcamis de Pau ont-ils atteflé dans leur avis la noto
riété publique; ce témoignage fi incertain par lui-même, que
chacun invoque à fon gré , qui n'efl: fouvent que le langage
de l’impofture répété par la crédulité, qui ne tient jamais
lieu de preuve au Tribunal de la L o i , ôc qui mérite com
munément fi peu de créance au Tribunal de la raifon.
Ils ont attefte aufîi leur connoiifance perfonnelle: mais il«
n’avoient point fait ferment de dire la vérité.
Ils ont été de l’avis de l'interdiction.
H
■ N
�*8
: C e t avis a été homologué par provifion, par un arrêt du
3 Mars 1787 , qui en interdifant M. le Préiident d’A bbadie,
ordonne que. Madame d’Abbadie fera fa curatrice hono
raire , aura foin de lui dans fa maifon , ôc lui fera adminiftre'r tous les fecours de M édecine & de Chirurgie néceffaires à fon état & à fa fituation ; que le Heur O livier fera
fon curateur onéraire, & M e Hutteau,Confeil delà curatelle,
& au principal, renvoyé les parties à l'audience.
C et arrêt doit paroître bien extraordinaire : M. le Prtifide'nt d’Abbadie eft jugé fou , par provifion, comme s’il
ne fai loi t pas juger par provifion qu’un homme eil dans
ion état naturel, qui eft un état de raifon. Un Magiftrat du
premier rang eft interdit au Parlement de Pau , avec la
même facilité qu’un citoyen, eft ail-igné devant les autres
Tribunaux, pour y défendre un mince intérêt. Fortune,liber
t é , magiftrature, exiftence civile, tout lui eft enlevé à la fois
fans aucune forme de procès : il eft écrafé par un arrêt fur
req u ête, comme par un coup de foudre: qui ne trembleroit
à la vue a ’un événement de ce genre! quel moyen l’homme le
plus fage auroit-il d e fe garant.r d’une pareille interdiction !
N e croyez point , M M . , que le Parlement de Pau
foit dans l’ufage d’interdire, pai provifion, (ans inftruction préalable , ceux qui font accufés de démence. O n
pou rroit, a-t-cn d it, citer cer.t arrêts qui confucrent cet
ufage , & on n’en cite pas un feul ; mais je vais en citer,
moi , qui établifl'ent un ufige contraire, & qui font d autant
plus frappans, qu’ils ont été rendus au Parlement de Pau ,
dans le temps même où finterdiclion provifoire de M. le
préfident d’Abbadie y a été prononcée.
L e Parlement de Pau étoit faiii au mois de Février
�170^ , de deux demandes à fui d’interdidion pour caufe de
démence , formées l’une contre M . le Préfident d’A bbadie,
l’autre contre, le fieur Cataîy , Huiilier de i’Univerlicé de Pau.
V ou s favez , Meilleurs , quelle marche a été .fume à
l ’égard de A4 , le Préfident d’Abbadie : le 2 M a rs, avis
d’une
poignée
de parens éloignes , &
de foi - difans
amis ; le lendemain Arrêt qui prononce l'interdiction pro
vifoire de ce Magîftrat : jamais procédure ne fut auili rapide
dans une nutière auili gruve.
La marche qu’011 a fuivie à l’égard du Bedeau de l’Univerfité a été plus lente fie plus folemnelle. La voici. D ’abord
avis de parens tendant à l’ipterdidion : mais point d'interdic
tion provifoire.'Arrêtdu 2 6 Février 178^ , rendu au rapport
de M. d’A u g e r o t , qui ordonne , avant faire droit, la vifice
du Bedeau par deux Médecins. L e premier Mars fuivant,
rapport des Pvlédecins qui déclarent que le fieur Cataly eft
dans un aifaiiTement qui le rend incapable de foutenir fes
idées. N ’ijiiporte, point d’interdi&ion provifoire : Arrêt
du 8 du même mois qui renvoye les Parties à l’audience.
L e ilippôtde l’Univerfité furvit à l’avis de fa famille & au
rapport des 7Æédecins, & le Magiftrat eil facriliéau premier
vœu formé pour fa perte.
N e dites donc pas que l’ufage du Parlement de Pau eil:
d’interdire par proviiïon fur un fimple avis de parens ceux
qui font accufés de démence ; fit à qui perfuaderez vous
qu’un Corps de Magiftrature fe foit formé une Jurifprudence auili étrange & auili dangereufe : à Pau comme à Pa
ris, l’état civil eil facré, 6c 11’eft point le jouet de l’opinio.!
ou du caprice d une pviignçe d’hommes privés qui peuvent
ailéiiient fe laifisr féduire & devenir, même fans le favoir,
H ij ‘
�6o
les inflrumens de l’intrigue & de la cupidité. L e citoyen
n’eft point l’efclave de fa famille, il eft l’enfanc de la l o i , &
la loi défend de l’interdire, fans la plus grande connoiiîance
de caufe. Obftrvarz prœtorem opportebit ne cui temcrè dira
caufœ coonitionemplenifjimam curatorem dct.
L e Parlement de Pau interdit quelquefois par provifion
ceux qui font accufés de prodigalité, ôcdont les diiïipations
font apparentes. Cette Jurifprudence eft fage ; le prodigue,
aliène valablement fes biens jufqu’au moment de ftfn interdiûion; il pourroit confommer fa ruine dans vingt-quatre
heures, & rendre, inutile la veille le fecours que la loi lui apporferoit le lendemain.-Mais l’interdidlion de l’infenfé a un
effet rétroa&if au jour où la démence a commencé ; elle eft
à la fois un préfervatif pour l’avenir, &: un remède efficace
pour le pafle. Rien n’exige donc qu'elle foit prononcée
par provifion comme l ’interdittion du prodigue. D'ailleurs
l’homme accufé de' prodigalité qui fe relève de fon inter
diction provifoire peut dire qu’il n’a rien perdu dans l’opi
nion publique; mais celui qui
eft interdit par provifion
pour caufe de démence, reçoit dans fa perfonne, & tranfmet à fes defeendans une tache
dont ils ont à rougir
pendant des fiècles. Plus cette tache eft difficile à effacer,
plus il faut héfiter de l’imprimer furja perfonne du cito yen ,
& principalement fur la perfonne du Magiftrat qui eft revêtu
d’un cara&ère facré,qui eft l’homme de la loi & delà patrie.
Nous pouvons le dire hardiment : l’interdi&ion pro
vifoire de M . le Préfident d’Abbadie n’a point d’exem
ple : c’eft un de ces évènemens extraordinaires qui frappent,
qui éto n n en t} & dont la caufe eft un myftère difficile à
découvrir.
�6i
Madame la Préfidente d’Abbadie vante l’Arrêt du Parle
ment de Pan du 3 Mars 178s" , quoique caflé, comme un
témoignage toujours fubfiflant de la démence de Ton mari :
mais cet Arrêt a été cailé principalement parce qu’il n’étoit
point fondé fur une~ preuve certaine de cette prétendue '
demence; c o m m e n t pourroit-il donc tenir lieu de preuve?
d’ailleurs le témoignage qu’on voudroit faire réfulter de
cet Arrêt ne paroitro.it pas bien impofant ii l’on remontoit
à fa four ce.
En e ffe t , l’Arrct du 3 Mars 1785’ , qui interdit par pro'
viiîon M. le Préfident d’Abbadie ne fait qu’homologiter
par provîfion l’avis des parens ôc amis de P a u , dont il
répète mot à mot les difpofitions.
C e t avis n’a d’autre bafe apparente que les certificats
des 6 Mai 1783 & 6 Février 1 7 8 4 , qui conftituent M. le
Préfident d’Abbadie depuis 1 7 8 1 ,
dans un état de de-
mence.
Ces certificats téméraires & faux font évidemment l’effet
de la collufion de Madame d’Abbadie avec fon M édecin
de Paris, qui y attefte le prétendu état de démence do
M . le Préfident d’Abbadie en Bearn , où il ne l’a jamais
v u , & qui l’attefte fur la parole de Madame la Préfidente
d’Abbadie.
En remontant à la fo u r c e , on voit que le témoignage
réfultant de l’interdifliion provifoire de M . le Préfident
d’Abbadie eft le témoignage de Madame la
Préfidente
d’Abbadie elle-même , tranfmis par elle à fon M édecin
de Paris , par fon M édecin de Paris , aux parens de Pau , 6c
par les parens de Pau au Parlement qui par provifion a
homologué leur avis.
M . le Préfident d’Abbadie continuoit de vivre avec fa«
�¿2
dpoufe ; il ne favoit pas qu il dtoit interdit. Il vo yo it.fa
curatrice, fou c u r a t e u r , le confeil de la curatelle, tous
les conjurés qui feig noi en t d ctre fes amis, 6c dont fa maifon dtoit le repaire. Aucun ne lui faifoit preiTentir l'on triils
fort ; toutes les bouches dtoient muettes en fa prdfence ,
tous les vifages dtoient fereins; la Marquife du Coudrai
feule pouifoit de temps en temps des foupirs en regardant
ion Acre , & ajloit cacher les larmes qui s’dchappoient dé
fes yeux, & que la cabale ne lui auroit point pardonne'es.
C e ft une lettre derite de Pau qui a appris à M . le Prdfident
d’A bbadie, à la fin du mois de Mars 178 ; , qu’il dtoit inter
dit comme fou depuis le commencement du même mois.
Q uel coup de foudre pour ce JvIagifLrac ! il eft heureux
qu'il ait fu fe moddrer dans le premier m om ent, & triom
pher de lui-meine. Il a imité le lilence qui régnoit autour de
lui ; il a didimulü, réfolu de fortir au plutôt d’une maifon
où il dtoit environné d’ennem is, ôc de fuir une époufe
qui dtoit à leur tête.
Son projet dtoit d’aller paifer les Fêtes de Pâques dans
fes terres du Poitou , où il vouloit régler les comptes.des
Régiffeurs. L e jour de fon départ dtoit lixé : c’dtoit le 25
Mars. L e nommé D o u c e t , fon Cocher , & fon efpion fami
lier , devoit être du voyage ; il en donna avis à Madame
d’Abbadie qui s’empara la veille des clefs de i’hôcel, ôc
tint fon mari, qui ne s’en doutoit pas, en chaitre-privde.
Un accident furvenu à M. le F ré fuient ci Abbadie dans
la nuit du 2j au 26 Mars fit découvrir cette entreprife. C e
Magiftrat fut atteint d’ une colique.violente. On voulut fortir
pour aller c h ei l’Apothicaire ; le Portier
rdpondit que
MaJame la Prcfidenie avoit les clefs. O n frappe à l’appar-
�tement de Madame la Préfidente, qui ne dormoit pas : point
d e rép o n fe; on dit à la femme-dechambre que M . d’A b badie foufïre des douleurs aiguës ; point de réponfe. L a
nuit s’écoule fans que
M. le Président d’Abbadie puifîe
faire venir les fecours dont il a befoin.
L e Poftillon qui devoit conduire M . le Préfident d’Abbadic, frappe à la porte le lendemain matin. C e Magifirat veut
partir; il s’apperçoit qu’il eft en prifon. Il ne va point
demander les clefs à Madame la Préfidente d’A bbadie; il
n’avoit jamais manqué d'égards pour fon époufe, il en
auroit peut-être manqué malgié lui pour fa geôlière; il prie
le fieur d’Olhaflarry , Chevalier de Saint Louis , fon eouiin, qui depuis quelques jours étoit avec lu i, d’aller inftriiire le Heur Lieutenant de Police de la violence qui lui
étoit faite dans fa maifon. C e Magifirat invite M. le Frciident d’ bbadie d’aller conférer avec lui : fa prifon lui eft
ouverte à onze heures du matin ; le iieur Lieutenant de
Police eiï frappé d’un étonnement qu’il ne peut diifimulér
en converfant svec M. le Préfident d’A b b a d ie , & l’engage
à aller voir M . le Garde des Sceaux , à qui Madame la
Préfidente d’Abbadie avoit infpiré la même prévention.
M . le Préfident d’ ALbadie va le même jour à Verfailles,
revient à Paris , où il paiTe deux jours, & part le 29
Mars avec l’Abbé Detchegarai pour fes terres du Poitou.
V ou s avez dû être frappés, Meilleurs, de la véhémence
avec laquelle le défenfeur de Madame la Préfidente d’A b
badie s’eft récrié contre ce voyage de M . le
Préfident
d’ Abbr.die , qu’il a peint fous les couleurs d’ un rapt. M. le
Préfident
d’A b b a d ie, a-t-il dit, a été enlevé par les fieurs
d’Etchegarai à fa femme , u fes enfans, à la fociété. Il
�¿4
n’a pas dit que M . le Préfident d’Abbadie avoit été interdit
un mois auparavant à la requête de Madame Ton époufe;
il n’a pas dit qu’elle l’avoit dépouillé à ion infçu de fes
droits de m ari, de père & de c ito y e n , & voilà ce qu’il
falloit d i r e , pour donner une jufte idée du voyage que
M . le Préfident
d’Abbadie a fait en Poitou à la fin du
mois de Mars i j 8 f : il n’a pas été enlevé à fon époufe , il
a fui fon ennemie; il auroit pu l’expulfer 6c refter maître dans
fa maifon ; mais le reifentiment du mari a cédé en lui à la
modération du Magi'ftrat, & il a fu refpecter aifez fon carac
tère , pour remettre à la loi feule le foin de fa vengeance.
O n a fait un crim e-au fieur Detchegarai d’avoir té
m o i g n é fon reifentiment , lorfqu’il a appris que M . le
Préfident d’Abbadie étoit en chartre-privée ; falloit-il donc
qu’il applaudît à cette v io le n c e , qu’il trahît les droits du
fa n g , qu’il confpirât contre fon parent, & qu’il fe-rangeât
parmi fes oppreifeurs ?
L ’ À b b éD e tch e g a ra i, a-t-on d i t , a éclaté en reproches &
en menaces ; ilvou loit enfoncer les portes de l’hôtel. Mais
la loi le lui auroit pardonné ,'f i fes forces le lui avoient
permis ; il étoit le prifonnier de Madame la Préfidente
d’A bbadie; tout moyen de recouvrer la liberté eft licite,
v lorfqu’elle eft ravie par la force privée.
C e n’étoit pas la peine de tant déclamer à ce fujet con
tre lés fieurs Detchegarai ; en fe plaignant amèrement de
la chartre privée dans laquelle M . le Préfident d’Abbadie
iewr coufin étoit détenu a v e c l’un d’eux , ils n’ont fait que ce
que
tout homme honnête & fenfible auroit fait à leur place.
C ’eft à la fin du mois de Mars 178 ; , fur la première
nouvelle de fon interditHon, & au fortir de la chartre pri
vée t, eue
M . le Préfident d’Abbadie m’a encacé
â
O O à affilier
aux
�aux aflemblées qui fe tiendroient pour fa défenfe dans le
Cabinet de M e. Babille Ton Confeil. Il m’a appelld au dé
faut de M e Hutteau , qui avoit été nommé Confeil de fa cu
ratelle, & qui par conséquent ne pouvoit plus être fon
c o n feil, ni fon défenfeur contre ¡’interdiction.
Je ne devrois avoir à m’occuper que de la défenfe de
M.
le
Préfident
d’A bbadie,
& fa caufe
devroit être
entièrement indépendante des qualités de fes défenfeurs.
Mais tel eft l'acharnement avec lequel Madame la Prési
dente d’Abbadie pourfuit fon mari, que ne trouvant point
des motifs d’interdidion dans fa perfonne, elle cherche
des prétextes dans les relations qu’il a avec fes confeils.
E lle ne me pardonne pas le zèle avec lequel je défends
c e Magiftrat depuis deux ans, & elle tâch e, dit-on, de
me rendre fufpect , par des inculpations dont elle fait
bien qu’il me feroit facile de me juftifier, fi elles m’étoient
faites publiquem ent, mais qu’elle a l’adreife de
femer
dans le fecret des cabinets, comme par une forte de
ménagement qui eft le dernier raffinement de la haine &
de la vengeance. Q u e puis-je faire dans des circonftances
femblables? ma feule reifource eft de protefter contre ces
délations ténébreufes, & d’attendre que la calomnie m’at
taque ou vertem en t, pour 1î> repoufier, ôc pour la con
fondre.
C e qui m’a étonné le plus dans le cours de cette
plaidoirie, c’a été d’entendre déclamer contre des intrigans qui parlent pour M . le Préfident d’Abbadie.
C ’eft moi qui ai 1 honneur de parler pour ce Magiftrat.
Seroit-ce donc moi qu’on auroit voulu qualifier d’intrigant?
I
�66
il y a *24 ans que j’exerce la profeiïion d’Avocat ; un
intrigant ne fe foutient pas fi long-temps dans une carrière
où l'honneur fert de guide, du moins , lorfque fa con
duite eft foumife, comme la mienne l’a é t é , aux rigueurs
de la cenfure, ôc il ne commence pas fi tard fon métier.
C e feroit pour la première fois que j’efiuyerois une pareille
injure, fi elle s’adrefioit à moi. Il faut avoir la preuve
à la main pour faire une inculpation auifi grave. Celui
qui la feroit au hazard, à l’inftigation d’une partie irritée,
courroit le
rifque
d’être
regardé
comme
l’inftrument
aveugle des partions étrangères, 6c l’organe bannal du
menfonge ôc de la calomnie.
C e n’eft point à l’intrigue que je dois l’honneur de
défendre M . le Préfident d’Abbadie : des motifs particu
liers
ont
pu
m’attirer fa confiance , que je n’ai point
recherchée. J’ai commencé en 1762
à exercer la pro
feiïion d’A v o c a t au Parlement de P a u , dans le reiïbrt
duquel je fuis né;
j’ai été témoin
du dévouement de
M . le Préfident d’A bbadie; encouragé par fon exem ple,
j’ai fait le facrifice de mon état, ôc fouffert pour la caufe
com m un e, la perte de ma liberté. D evenu libre, mais
toujours en butte aux ennemis de la Magiftrature, je me
fuis réfugié en \ j 6 8 , dans l’ordre des Avocats de Paris,
qui ne m’ont admis parmi e u x , qu’après avoir examiné
ma conduite pafTée, 6c vérifié les faits qui fembloient
me donner quelque droit à cette adoption.
M- le Préfident d’Abbadie avoit befoin d’un défenfeur
qui eut le courage de lutter fans cefle contre les diffi
cultés, contre les dangers .même qu’une cabale accréditée
pouvoit faire
naître dans cette caufe : il ni’avoit vu à
�61
Pau
dans de plus grands périls; voilà le m otif de la
confiance dont il m’a honoré; il ne me reprochera jamais
de l’avoir trahie, ni d’avoir abandonné fon parti, pour
en embrafler un contraire.
Par une R equête du 8 A vril 1 7 8 ; , M . le Préfident
d’Abbadie a formé oppofidon à l’Arrêt du 3 Mars pré
céd en t, &
a demandé par provifion, pour ôter à fes
Adverfaires tout prétexte d’inquiétude, a&e de fes offres
de ne
pouvoir
aliéner ni hypothéquer fes biens
que
de l’avis de M* Babille, ancien Bâtonnier des A v o c a ts ,
qu’il choifilToit pour fon Coufeil. Je ne fais quel eft le
C lerc de Procureur qui a rédigé à Pau
cette requête
dont les conclufions feules étoient conformes au voeu
de M . le Préfidçnt d!A b b a d ie, & convenables à fa défenfe. O n y fait l’éloge de la tendrefle de Madame la
Préfidente d’Abbadie pour
fon mari , & de fon défin-
téreffement. M . le Préfident d’Abbadie n’envie point à
Madame fon époufe ces louanges dont
elle s’eft tant
enorgueillie à cette aud ien ce, en difant qu’on n’auroit
ofé tenir un autre langage fur fon compte à P a u , où
elle eft connue : mais les fentimens qu’elle a pour fon
m a ri, fe peignent mieux dans fes p rocéd és, que dans
les co mp li me nt s qu'un C l e r c de Pr o c u r eu r a jugé à propos
de lui faire dans une req u ête, & l’opinion que M . le
Préfident d’Abbadie en a , après feize années d’expérience,
fe manifefte dans fes interrogatoires, & dans un mémoire
imprimé, qu’il a envoyé à P a u , au mois de M ai 1 7 8 ; ,
ligné de l u i , & dans lequel il n’a pas craint de rendre
publiquement à Madame fon époufe une partie de 1*
I ij
�68
juftice qui lui étoit due, & que le Clerc de Ton Procureur
n’avoit pas fu lui rendre dans fa requête.
L ’envoi de ce mémoire fait paraître ici un jeune homme
honnête aux yeux de tout le monde , intrigant à ceux
de Madame la Préfidente d’Abbadie feule & de Ces affociés , également inconnu à la Police & aux Tribunaux
de cette C apitale,
depuis dix ans qu’il l’habite, ardent
à obliger, d’ un défintérefiement ex trê m e, qui n’a voulu
d’autre récompenfe des fe'rvices qu’il a rendus à M. le
Préfident d’A b b a d ie, que le plaifir de les lui rendre, &
dont le feul crime eft d’être mon frère.
Il eft parti de Paris le 20 Mai 178 j , & eft arrivé à Pau
le 24, excedé de fatigue, reipirant à peine, chargé d’un mé
moire imprimé, & d’une confultation figtiée de M es Babille
& A u b ri, &: de m o i, & des pièces néceifaires à la défënfe
de M . le Préfident d’Abbadie; mais il n’éroit plus temps;
on n’avoit point voulu attendre à Pau ce m ém oire, cette
confultation ,
ces
pièces qui y avoient
été annoncés
15 jours auparavant : ni le choix du confeil fage ôt éclairé
auquel M . le Préfident d’Abbadie s’étoit fournis par prov ifio n , ni le dépôt des deniers comptans & des effets au
porteur de la fuccefllon du lieur de Borda n’ont pu garantir
ce Magifirat d’une interdi&ion provifoire & deshonorante
que ces précautions rendoient fi inutile- Un fécond Arrêt
du 11 M ay 178J a ordonné l’exécution de celui du trois
M ars, la preuve des faits allégués par Madame la Préfi
dente d’A b b a d ie , & la vifite de Monfieur le Préfident
d’ Abbadie par quatre M édecins de P a u , en préfence de
Monfieur de -Sajus ,
le
Rapporteur ; à l’effet de quoi M .
Préfident d’A bbadie
comparaîtrait à Pau aux jour
�69
& heure qui lui ieroient indiqués, comme fi on n’avoit
pas pu lui épargner la fatigue ët les frais de ce vo yage,
en ordonnant
qu’il feroit vifité par des Médecins
de
Paris; il l’avoit demandé par une requête du 8 A v r il;
Madame la Préfidcnte
d’abbadie
l’avoit
demandé elle-
même par une requête du 25? Mars précédent, dans le
temps où elle tenoit fon mari fous fa puiifance , en vertu du
premier arrêt. Mais du moment qu’il s’eft éloigné d’e l l e ,
elle a changé de fyftême : elle a voulu le faire conduire
à P au , & donner dans un efpace de 200 lieues le fpeâacle
affligeant d’un Magiftrat du premier rang, traduit malgré lui
devant des Juges qui avoient commencé par le déclarer
fou , ôc qui vouloient voir enfuite s'il l’étoit réellement.
O n s’eft hâré de faire procéder à l’en qu ête, tant à Pau
qu’à Paris, niais avec cette précaution qu’à Pau les témoins
étoient fondés d’avance, 6c qu’on avoit le foin décarter tous
ceux qui paroiifoient difpofésà rende jufticeàM . le Préfident
d’Abbadie. C ’eft ainfi qu’on a négligé de faire entendre le
Curé de Pau, quoiqu’affigné à cet effet, comme il le mar
que par fa lettre du 18 A oût dernier, parce qu’il n’avoit
que du bien à dire de M. le Préfident d’Abbadie. C ’eft ainfi
qu’on à négligé de faire alïigner le fieur P o r t e , M edécin
de M- le Préfident d’ Abbadie à^Pau, quoique prévenu
qu’il le fe ro it, comme il le marque par fa lettre du 27
N ovem bre dernier , parce qu’il auroit d o n n é , d it-il, à
» l’incommodité de M . le Préfident d’Abbadie un caradère
» bien oppofé à celui avec lequel on l’avoit défignée.
L a no u ve lle de
l’arrêt du 11 M t í 178J eft arrivée à
Paris le famedi foir 21. ,1’en ai été inftruit le lendemain.
M . le Préfident d’Abbadie craignoit d’ être arrêté, & tra
�70
duit d’abord auprès de ion époufe, ôc enfuite à Pau en
exécution de cet arrêt. M on avis a été d’aller prendre celui
de M e. Babille qui étoit alors dans fa maifon de campagne
près Meulan. N ou s fommes partis à cet effet le 22 mai à
onze heures du foir M . le Préfident d’A b b a d i e l e ileur
d’Etchegarai ôc moi ; nous avons couché en route. L e len
demain nous avons appris que M e. Babille étoit chez M. le
Garde-des Sceaux où il devoit diner : je m’y fuis rendu ,
j’ai pris fon a v i s , ôc je fuis revenu à Paris le même jour.
M . le Préfident d’Abbadie a été abfent pendant cinq ou
fix jours , jufqu’à ce qu’il a fçu que fa requête en caiïation
des deux arrêts du Parlement de Pau avoit été prèfentée ,
6c qu’on avoit pris des mefures qui le mettoient à l’abri
de toute violence.
A la fin du mois de Mars 178 j , M . le Préfident d’A b
badie avoit fait appeller le iieur P h ilip , ancien D o y e n
de la Faculté de M é d e c in e , qui après avoir examiné fon
é t a t , lui donna le 14 M ai fuivant un Certificat favorable.
*
A fon retour du Poitou , M . le Préfident d’Abbadie fe fit
vifiter plufieurs fois par cinq M edécins , du nombre defquels étoient les fieurs Dejean 6c* de Montabourg dont le
fieur Borie avoit furpris la fignature au bas de fon Certifi
cat du 6 Mai 1783. T o u s lui ont rendu juftice par leurs
Certificats des f & 1 j Juillet 1787.
Indépendamment de ces vifites extraordinaires , le fieur
Philip avoit vifité chaque jour M . le Préfident d’Abbadie
depuis le 16 Mai 178? , 6c l’avoit trouvé conftamment
dans un état de raifo n , jufqu’au 14 Juillet fuivant, jour
où il en a donné fon Certificat.
T e l étoit l’état de M . le Préfident d’Abbadie lorfqu’il
�7»
pourfuivoit la caflationdes deux arrêts qui l’avoient interdit
par provifion, comme infenfé. Il n’eft point de moyens que
Madame d’Abbadie n’ait employés pour empêcher cette
caiïation. M é m o ire s, confultations lignées de M es. Doutremont, C o l l e t , T ro n c h e t, Target ôc autres Jurifconfultes, 6c
diflribuées aux Magiflrats du C o n fe il, crédit puiflant, follicitations preflantes, tout a été mis en ufage contre la de
m a n d e de M . le Préfident d’A bbadie, dans un temps où il
ne devoit pas avoir de contradicteur : Madame d’Abbadie
étoit partie fecrete , ôc par cela même plus dangereufe ; mais
fes efforts ont été vains : un arrêt du Confeil du premier
A oû t 1 7 8 y a caiTé les deux arrêts du Parlement de P a u ,
enfemble tout ce qui s’en étoit enfuivi , ôc a renvoyé les
parties au C h â te le t, fauf l’appel en la Cour.
M . L e Préfident d’Abbadie a provoqué le premier I’inftru£tionau Châtelet par une requête du 5 Septembre 178^.
Il a requis l’affemblée de fes parens ôc amis pour être enfuite procédé à fon interrogatoire , ôc à la vifite de fa perfonne par des Medecins nommés d’office, ôc il a demandé
de nouveau atte de la nomination qu’il avoit déjà faite au
Parlement de Pau ôc qu’il réiteroit, de la perfonne de M e.
Babille pour fon Confeil. C ette requête a été répondue
d’une ordonnance de foient les -parens &' amis ajjemblês.
Madame d’Abbadie ôc conforts ont demandé de leur cô té
par une requête du 12 du même mois l’aifemblée des
parens ôc amis de IVI. le Préfident d A b b a d ie , pour être en*
fuite procédé à fon interrogatoire , de deux jours l’u n , pen
dant deux m o is , ôc com m e Madame d’Abbadie vouloit
apparemment difpofer fon mari à fubir cette é p re u ve, elle
a demandé en même temps la permiflion de l’aller vifïter
�72
toutes les fois qu elle jugeroit à propos. Mais le fieur
Lieutenant-Civil a o r d o n n é feulementl’aiTemblee desparens
& amis. Il a cru que M . le Préfident d’Abbadie pourroit
fe paifer des vifites & des leçons de Madame fon époufe
durant le cours de l’inftru&ion.
A u x termes de ces deux ordonnances, les parens & amis
de M . le Préfident d’Abbadie étoient les feuls qui devoient
être aiïemblés ; mais Madame d’Abbadie & conforts ont
trouvé plus com m ode de convoquer leurs parens & leurs
amis intimes. L e feul parent de M . le Préfident d’Abbadie
qu’ils ayent fait appeller eft le fieur de Joantho payeur des
rentes, coufm germain de M . le Préfident d’Abbadie , qui
l’a fait appeller aufli de fon côté avec fes autres parens &
amis au nombre de vingt-fix.
Une circonftance remarquable , c’eft que Madame d’A b
badie a convoqué à cette afïemblée
ceux qu’elle avoit
fait entendre à Par.is dans l’enquête faite en exécution
de l’arrêt du Parlement de Pau : cette enquête avoit été
annullée par l’arrêt du Confeil du premier A oû t 1785 :
elle a été reffufcitée fous la forme d’un avis ; des témoins
qui avoient depofé contre M. le Préfident d’Abbadie âu
mois de Juin 178 ç*, tels par exemple que le fieur de SaintCriftau Fermier G én éra l, le Chevalier de Borda & autres
étrangers dévoués ouvertement à Madame d’Abbadie , fe
font transformés tout-à-coup au mois de Septembre fuivant
en amis de M . le Préfident d’A bbadic, & font allés figurer
en cette qualité en l’hôtel du fieur Lieutenant-Civil.
Il s’efl formé deux aiTemblées qui fe font trouvées en prdfence l’une de l’autre , & au milieu defquelles M. le Préfi
xent d’Abbadie a paru, Sa comparution a déplu à Madame
d’Abbadie
�Il
'd’Abbadie : elle â effayé de l’écarter en lui faifant dire en
face quelques injures; mais il a fu les méprifer 6c il a
continué de fe montrer jufqu’au jour où fes parens & amis
devoient donner leur avis : il a fait au commencement du
mois d’O & obre
178^ , un voyage de 20 jours dans la
Normandie ou il m’a prié de l’accom pagner: on a furpris
dans cet intervalle le fieur O livier enlevant des papiers de
- la fucceflion du fieur de Borda ; M . le Préfident d’A b
badie a rendu plainte contre l u i , & l’a fait décréter au
Châtelet : il eft allé en Bearn au mois de N ovem bre fuiv a n t , pour ôter ladminiitration de fes biens & de fa maiTon de Pau au fieur Louftau , qui contre fa c o n fc ie n c e,
comme il l’avouera bientôt lui-même, avoit vo té fon in
terdiction , & pour faire choix d’un autre adminifirateur.
A u défaut de l’A bbé d’Etchegaray qui fe difpofoit à par
tir pour T o u lo u fe , M . le Préfident d’Abbadie a pris pour
compagnon de voyage mon frère qui l’a quitté à leur arri
vée en B earn, pour fe retirer dans fa fam ille, & qui n’eit allé
le joindre à Pau que lavant veille de leur départ pour Paris.
C ’eft ce voyage , le feul que mon frère ait eu l’honneur
de faire avec M . le Préfident d’A b b a d ie , & quelques vifîtes
qu’il lui a faites de ma part relatives à fon p ro cè s, qui lui
ont valu les titres d’intrigant & d’obfeffeur, dont il a plu
à Madame la Préfidente d’Abbadie de le décorer en l’afr
fociant aux coufms de M . le Préfident d’Abbadie , aux
fleurs d’Etchegaray.
Mais voici des faits conftans que Madame d’Abbadie n’i
gnore pas & qui devroient mettre fin à fes déclamations*
L ’Abbé d’Etchegaray eft depuisplus d’ un an à T o ulo ufe ;
le fieur d’Etchegaray , pour faire ceifer tout prétexte de ca*
lomnie ? s’eft défifté par a£te du 20 Février 1 7 8 6 , de la
�74
procuration que M le Préfident d’Abbadie luTavoit donnée
à l ’effet d’aiïifter à l’inventairé , & il n’a eu l’honneur de
voir ce Magiftrat que deux ou trois fois depuis un an.
M o n frère eft depuis le.mois: de Septembre dernier dans
la P r o v i n c e de Bearn avec mon père & ma m è i e , ma
femme 6c mon enfant.
L es voilà ces intrigans, ces obfefTeurs actuels de M . le
Préfident d’Abbadie ; l’un eft à T o u lo u fe , l’autre en Bearn,
à 200 lieues de Paris , ôc celui qu’on leur donne pour chef
a la difcretion de ne pas même
faire à M . le Préiident
d?Abbadie des vifues que la bieniéance autoriie, & que
le lien du fang femble exiger.
C e lu i
qui a l’honneur de voir le plus fouvent M . le
Préfident d’Abbadie , c ’eft moi : vous m’ en faites un crim e,
je m’en fais un devoir facré. Charge' de fa défenfe > je
cherche la vérité , 6c je la trouve dans fa bouche : témoin
de fes pein es, je les adoucis autant qu’il eft en mon pou
voir : je mets du baume dans la playe que vous lui avez
faite. Je l’admirai de loin dans les beaux jours de fa M agis
trature
je ne m’approche maintenant de lui que pour le
fervir dans fon, malheur.
Q u e Madame d’Abbadie ne fe flatte donc plus de colorer
les pourfuites odjeufes qu’elle fait contre fon mari en pré
textant qu il eft obfedé d’intrigans qui veulent envahir ia
fortune.
Ses immeubles .ne peuvent être aliénés que de l’avis du
Çonfeil fage ôc éclairé qu'il s’ eft donné lui-même.
Les deniers de la fucceilion du fieur de Borda font en
d é p ô t , & il doit en être fait emploi, du confentement de
M . le Préfident d’Abbadie , en préfçnce de fon Confeil :
�7Î
comment des intrigans s y prendroient-ils donc pour envahir
fa fortune ?
Madame d’Abbadie ne connoiffoit pas ces prétendus intrigans obfeiTeurs de fon mari , lorfqu’elle interceptoit fes
lettres en 1781 , pour l’accufer un jour de démence.
E lle ne les connoiffoit pas en 1783 , lorfqu’elle faifoit
certifier par des Médecins qui le vo yo ie n tp o u r la premiere
fo is , qu’il parloit nuit & j o u r , qu’il étoit en d é m e n c e ,
&
qu’il falloit l’envoyer dans une M aifon de F orce.
E lle ne les connoiffoit pas en 1 7 8 4 , lorfqu’elle faifoit
certifier par fon M édecin de P a ris , que fon mari avoit
été fou pendant près de deux ans en B e a r n , où il ne l’avoit
jamais vu , & que fa maladie paroiffoit incurable.
E lle ne les connoiffoit pas au mois de Mars
1785* 9
lorfqu’elle faifoit interdire à Pau fon mari qui étoit avec
elle à P a r is , & qui vivoit fans défiance
au fein de fa
famille.
Com m ent ofe-t-elle donc imputer après coup à des
étrangers la prétendue néceffité d’une interdi&ion qu’elle
a préparée quatre ans d’avance , & qu’elle a fait prononcer
dans un temps où fon mari ne vo yo it qu’elle , & les
intrigans qui alloient jouir avec elle du plaifir de voir
leur v i& im e , & de l’efpoir de partager fa dépouille ? E t
dans ce m om ent, où abandonnée par le Marquis D ucoud ra i, qui a reconnu fon erreur , elle a le courage de
pourfuivre feule l’interdi&ion de fon mari, & de demander
la curatelle dun adminiftrateur plus fage q u e l l e , & q u i,
par un excès de précaution, s’eft fournis à un Confeil ,
croit-elle pouvoir tacheter la honte de fes pourfuites,
qui n’ont plus de p rétex te, par les injures qu’elle fait proK ij
�76
diguer à des citoyens honnêtes qui embraifent la caufe du
pere de famille perfécuté par fon ép o u fe, & qui n’ont
jamais eu ni la v o l o n t é ni le pouvoir d’envahir fa fortune?
C eu x qui font dévoués à M . le Préfident d’Abbadie
font traînés dans la boue , & ceux qui le trahiifcnt font
élevés jufqu’aux cieux. L e cocher D o u c e t , ce traitre dont
Madame la Préfidente d’Abbadie a fait imprimer la correfpondanceavec e lle , & qu’elle a pris à fon fervice depuis
qu’il.a été chaffé par M . l e Préfident d’A b b a d ie, a entendu
faire fon éloge à cette audience , & vanter la lâcheté qu’il
a eue de fe rendre l’efpion de fon M aître, & de fecon<Ier par fes impoftures la confpiration formée pour fa
perte ; fi. un domeftiqüe, traître envers fon M a ît r e , eft
digne de lo u a n g e , quelle sûreté aurons - nous avec des
¡gens attachés à nos perfonnes, qui pourront vendre nos
fecrets 8t leurs menfonges, fans compromettre leur honneur
par ce trafic infâme, & quelle fera la récompenfe du zèle
& de la fidélité, fi la perfidiç & la baifelfe méritent un
hommage public ?
M ’arrêterai-je au foupçon qu’on a ofé élever à cette
•audience, en plaidant que de prétendus intrigans avoient
fait tirer des coups de fufil dans la n u it, aux environs de
la maifon de M . le Préfident d’Abbadie à V itr y , & qu’il«
Tavoient fait attaquer nuitamment fur le grand chemin ,
pour lui infpirer, fous ce prétexte , des foupçons odieux
contre Madame fon époufe? Q uelle abfurde atrocité !
M . le Préfident d’ Abbadie n’a jamais été effrayé des coups
defufil qu’il a entendus à la campagne: il fçavoit en 178^, que
c’étoit le Jardinier de M e C alo n n e, A vocat en la C o ur, alors
fon voifin à V itry , qui les tiroit tous les foirs avant de fe cou«
�77 '
;h e r, fuivatït un ufage a fiez généralement obfervé aux envi
rons de Paris, pour avertir les malfaiteurs que famaifon étoit
g a rd é e, & en érat de défenfe. L’été dernier, que M. le Préfident d'Abbadie occupoit une autre maifon à Vitry , il fçavoit
que r/étoient les jardiniers du fieur A b b é de M o n d en o ix,
Chanoine de Notre-D am e , & du fieur Foreftier, Tréforier
du Régim ent des Suiffes, fes proches voifins, qui tiroient
tous les foirs par le même m otif, des coups de piftolet
ou de fufil ; ils tirent encore tout cet h iv e r , tandis que
M . le Préfident d’Abbadie eft à Paris, ainfi qu’il eft attefté
par le Procureur-Fifcal du lieu. Eft-ce donc pour effrayer
.M. le Préfident d’Abbadie à Paris , & pour lui donner
des foupçons contre fon é p o u fe , que des intrigans font
tirer des coups de fufil ou de piftolet à V itry ? M .
le
Préfident d’Abbadie ne s’eft jamais plaint d’une précau
tion qui fait fa sûreté en même temps que celle de fes
voifins : falloir-il donc imputer à crime à de prétendus
intrigans un fait innoncent qui leur eft étranger ?
On
n’a dénoncé qu’une attaque no&urne que M . le
Préfident d’Abbadie a effuyée fur le chemin de V i t r y ,
le 21 Janvier 1 7 8 6 , à dix heures du foir , en revenant
de l’H ôtel du fieur Lieutenant-Civil où il avoit été inter
ro gé; il n’a jamais foupçonné que Madame fon époufe
ait eu la moindre part à cette attaque ; à dieu ne platfc
qu’il foit en proie à l’horreur d’un tel foupçon. L es pré
tendus intrigans auroient-ils donc fait fur le grand chemin
le métier daifaJfins , au rifque de périr fur un échafaud,
pour avoir le prétexte de rendre Madame d’Abbadie fufpe&e a fon mari ? Sont-ce auili les prétendus intrigans
qui ont fait attaquer fur le chemin de V it r y , le 16 Janvier
�78
1 7 8 6 , à dix heures du fo îr , le nommé Chilindron, V ale t
de Chambre de M . lePréfident d’A b b a d ie, par trois quidams
qui ont été décrétés de prife de corps ? Eft-il donc néceifaire
de recourir à une manœuvre auiïi périlleufe , pour faire
perdre à Madame d’Abbadie la; confiance de fon mari?
N e l’a-t-elle pas perdue déjà depuis long-temps ? N e fe
fouvient-elle plus de leurs diflenfions domeftiques , des
peines
qu’elle lui a caufées, comme il le dit lui-même
dans fes interrogatoires , de la fouftra&ion de 20000 liv.
à
Poitiers
,
de la
fouftra&ion
de
36,000
livres
à
P a ris, du certificat de 1783 , qui l’autorife à envoyer
fon m a r i dans une Maifon de F o r c e , du certificat de 1 7 8 4 ,
qui lui donne laconfolante certitude qu’il ne guérira jamais,
de l’interdiftion provifoire dont elle l’a frappé en 178J ,
de la Chartre privée où elle a ofé le ten ir, du refus qu’elle
lui a fait de tout fecours, dans les douleurs d’une colique
vio le n te, de l’efpionage fcandaleux dont il eft le jo uet,
de l’acharnement avec lequel elle pourfuit depuis deux
ans fa profcription ôc fa perte ? Eft-il befoin de feindre,
pour la rendre fufpe£te à fon m ari, ôc après tous les torts
qu’elle a eusenvers lui, quel intérêt des étrangers pourroientils avoir à lui en prêter un nouveau au péril de leur vie ?
N ous avons purgé la caufe de ces certificats, de ces
lettres m iflives, monumens odieux des machinations de
Madame d’Abbadie contre fon mari , du préjugé des
;Arrêts du Parlement de Pau , qui ont été caiTés, des
.enquêtes faites à Pau ôc à Paris , qui ont été annullées,
de ces inculpations atroces qui ont été prodiguées à des
citoyens honnêtes , avec une licence effrenée , ôc qui
tombent par leur abfurdité. Il ne refte que la procédure
�19
qui confiftc dans l’avis des parens 8r amis, dans les inter
rogatoires, & dans le rapport des Médecins. C ’eft ici que
la caufe de M . le Préfident d’Abbadie reprend fa iimpJicité
naturelle : c’eft dans l’expofition de cette procédure que fa
défenfe va acquérir un nouveau dégré de força & de folidité.
A v is
des
p a r e n s
e t
a m is
,
N ous avons trois avis dans cette caufe , dont deux
formés à la requête de Madame d’Abbadie & du Marquis
du C o u d ra i, l’un au Parlement de P a u , l’autre au Châtelet
de Paris, tendent à l’interdidion de M . le Prélident d’A b
badie , & dont le troilièm e, formé au C h â te le t, à
la
requête de M . le Préfident d’ A b b a d ic , tend à lui laifler
la libre adminiftration ds fa perfonne & de fes biens.
L eq u el de ces avis mérite d’être écouté ? Cette queftion eft facile à réfoudre.
D ’abord , lavis formé à P a u ,
le a Mars 1785*, eft
eflentiellement vicieux.
D ’un c ô t é , les proches de M . le Préfident d’Abbadie
n’y ont point concouru. O n
n’a appellé à l’aiTemblée,
ni fes c oufins, ni fes amis perfonnels. C e font trois amis
de M a d a m e d’A b b a d ie qui fe font joints à cinq parens
& alliés éloignés de ion mari.
D ’un autre c ô t é , ceux qui ont concouru à cet avis
n’ont point prêté ferment. Q uelle foi peuvent-ils donc faire
en juftice?
Dailleurs, deux des principaux auteurs de l’avis du 2
Mars 1785* , font en contradiction avec eux-mêmes.
1®. M. de C h erau te, C h e f de cet avis, a v o i t , peu
«Hé temps auparavant, par fa lettre du 27 N ovem bre 1784- j
�8o
jugé M . le Préfident d’A bbadie capable de diriger par fes
inftru£tions perfonnelles Madame d’Abbadie & fon C on feil.
Son vœ u eft donc une contradiction avec lui - même
;
une i n c o n f é q u e n c e marquée.
.
a 0. L e fieur Louftau, autre délibérant, avoit entretenu
une correfpondance fuivie avec M . le Préfïdent d’Abbadie :
il lui avoit écrit le ip Février 178
le lendemain d e l à
demande à fin d’interdi&ion, une lettre par laquelle , en lui
accufant la réception de deux de fes lettres, des 4 & 8
du même m o is , il lui marquoit qu’il avoit exécuté fes
ordres relatifs à l’adminiftration de fa maifon & de fes
biens dont il lui rendoit le compte le plus circonftancié.
I l le jugeoit donc le ip Février *785 , capable de bien
adminiftrer : fon avis du 2 Mars
fuivant eft donc une
contradiction avec lui-même , une inconféquence marquée.
Mais ce qui décèle ouvertement l’eiprit d’intrigue qui a
préfidé à l’aflemblée tenue à Pau 3 le a. Mars 1 7 8 y , c’eft
la lettre que le fieur Louftau a écrite à ce fujet à M . le
Préfident d’Abbadie le 7 août dernier , vaincu par le
je m o r d s , & cédant à fon repentir,
*
M onsieur,
» Il y a vingt-deux ans que j’ofe me flater d’avoir mérité
» vos bontés & votre confiance ; il y a plus d’un an que
» j’ai eu le malheur de perdre l’une & l’autre: après avoir
5) témoigné à ma famille ôt à mon gendre , la pureté & la
» fincérité de mes intentions pour vo u s, f a i été pour ainfi
» dire, étouffé le dernier dan6 la circonftance la plus inté-
» reflante pour tous & pour m o i . . . . J’avoüe que je fus
forcé
�8i
» FORCÉ D’ OPINER D ’ UNE MANIÈRE OPPOSE^ A MA FAÇON DE
» penser.
D e là , que de regrets, que de reproches ouverts
» de ma famille ôc de mon gendre ? j ’ a i
»
encore
dévoré.
été
e t j en
su is
Quelque chofe qu’il en foit, JE NE
pu is
» M EMPECHER DE VOUS EN FAIRE MES AVEUX : quelque
» coupable & quelque ingrat que je paroifle à vos y e u x ,
» je le ferois aiTurément bien moins fi vous iaviez comme
» j’ai été féduit par des pièces que j’ai en main ».
Q uelle idée peut-on avoir à la vue de cette lettre, de
l ’aiTemblée tenue à Pau le 2 Mars
1 7 8 5 , & quel cas
doit-on faire d’un avis que le c h e f de cette aflemblée
a ouvert contre fon opinion confignée dans fa lettre da
27 N ovem bre précédent, que le fieur Louftau a été forcé
de fuivre contre le cri de fa c o n fcie n ce, & que les autre®
ont adopté fans favoir quel étoit l’état de M. le Préfident
d ’Abbadie avec qui ils n’avoient aucune relation ?
L ’avis donné au Châtelet par les parens & amis de
Madame d’Abbadie & du Marquis du Coudrai ne mérite
aucun d’égard.
D ’un c ô t é , les parens & amis de ceux qui pourfuivent
l’interdi&ion d’un citoyen , font auffi fufpeds que les pourfuivans eux-mêmes.
D ’un autre c ô t é , les O r d o n n a n c e s du Heur LieutenantC i v i l , des f & 12 Septembre 178? , en vertu defquelles
l’aiTêmblée a été tenue en fon H ô t e l, ne permettoient d’y
appeller que les parens ôc amis de M . le Préfident d’Abbadie.
Les parens & amis de Madame d’Abbadie & du Marquis
du Coudrai n’avoient donc pas droit d’y aiTiiler. Leur vœu
çil donc nul dans la caufe,
L
�84
L e même efprit d’intrigue qui avoit préfldé à lalTemblée
de P a u , à prefldé auffi à celle tenue en l’hôtel du fleur
L ie u t e n a n t - C iv il, à la requête de Madame d’Abbadie.
E lle a convoqué Ton frère , domicilié à Bordeaux , qui a
reconnu la démence de M . le Préfldent d’Abbadie avec
qui il n’a jamais vécu ni à P a u , ni ailleurs, à l’honnetété
que ce Magiftrat a eue
de ne pas
poufuivre par les
voies rigoureufes après le décès de M . de Montbadon , le
payement des 20,000 liv. reliantes de la dot de Madame
d’Abbadie, ou le partage de la fucceilion de fon beau-père,
fur lequ el, comme il le dit lui-mêmf*, dans fon interrogatoire
du 13 Janvier 1 7 8 5 , il avoit déclaré à Madame de M ont
badon fa belle-mère , qu’il s’en rapportoit entièrement à
elle & à fa famille; ôc c’eft cette déference de M . le
Préfldent d’A b b a d ie, pour Madame de Montbadon, que
les enfans même? de Madame de Montbadon dénoncent à
la juftice comme une preuve de démence ! Madame d'Abbadie à convoqué aulli trois ou quatre de fes alliés, qui
ne font ni parens ni alliés de M . le Préfldent d’Abbadie ,
& qui fans le connoître perfonnellement, ont reconnu fa
démence aux deux voyages qu’il a faits pendant les vacan
ces de l’année
178 j , l’un de 20 jours en Normandie
pour fon plaifir , l’autre de cinq
femaines en Bearn,
pour fes affaires, voyages qui fuivant eux ne font que
des courfes vagabondes , & des enlevemens de fa perfonne. Elle a appellé le Chevalier de B orda, fon commenf a l , à qui le fleur de Borda donnoit la table & le logement,
quoiqu’il lui fût
totalement étranger, & qui après le
décès de ce Ferm ier-G énéral, a continué de loger pen
dant deux ans en fon h ô t e l, avec Madame d’A bbadie, & yt
�«*'
feroît encore , s’il en étoit le maître , ôc fi M . le Préfident
d’Abbadie ne l’avoit prié enfin au mois d A oût dernier par
le miniftère d’un H u iiïier, d’aller loger ailleurs. E lle a ap<
pellé l’Abbé Lagrenée , Prieur de Saint V i& o r , fon convive
afiidu, qui a vu partir quelquefois M . le Préfident d’Abbadiepour fa maifon de campagne dans l’écé de 178J , qui l’a
entendu chanter, fans qu’il prononçât des fons articulés ,
& qui a oui-dire à fon portier dont il a bien voulu être
l ’organe , que le 8 Septembre 1 7 8 ? , M. le Préfident d’A b
badie , ( partant pour la campagne) avoit paru dans la cou r,
avec une. vefte blanche ( par deifus laquelle étoit un habit
gris ) qu’il s’étoit aifis
fur des
p ou tres, ( en attendant
l’Abbé d’Ethegaray qui devoit partir avec lui.) : il a déclaré
aufli, ce font fès termes, qu’il avoit vu quelquefois Madame
d’Abbadie qui ne réclamoit que l’heureufe félicité de rem
plir auprès de fon mari, ( en le faifant interdire) les devoirs
de la religion & de l’ordre f o c ia l, & qu’il penfoit que de*
foins di&és par fa tendreife, & préfentés par la droiture de fe s
intentions, étaient plus chers à l’humanité de fon ame. Madame
d’ '\bbadie aappellé enfin des témoins qui avoient depofé
dans l’enquête que le Confeil venoit d’annuller, tout ce
qu’elle a pu raifembler de gens dévoués à fes intérêts, juf.
qu’à trois elomeftiques dont deux font à fon fervice , & à
la tête defquels eft le C o ch er D o u c e t qui après avoir eu
l ’hon neur de correfpondre avec e l l e , a eu celui de figurer
dans l’aifemblée des foi-difans parens & amis de fon maître.
C e ne font pas là les parens & amis de M . le Préfident
d’Abbadie, les feuls que les ordonnances du fieur Lieute
nant Civil permettaient d’aifembler. C e font des étrangers,
des intrus dont le vœu ne doit pas être écouté.
M
�84
L e s parens & amis de M . le Préfident d’Abbadie ont été
convoqués à fa requête : ils font au nombre de 2 6 , dont
feize parens ôc dix amis. La plupart ont rappellé les chagrins
domeftiques auxquels il a été en p roye; tous ont reconnu
la capacité , la fageife de fon adminiftration , l’habitude où
il eft de faire des épargnes & des acquifitions : tous ont été
d’avis de rejetter fon interdi&ion comme une injuftice ôc
une cruauté.
Ajoutons à l’avis des parens ôc amis de M . le Préfident
d’A bbadie, le jugement que le fieur de Borda fon oncle , ôc
Madame la Préfidente d’Abbadie fa mère ont porté fur fon
é ta t, ôc dans lequel ils ont perfifté jufqu’à leur dernier m o
ment.
L e fieur de Borda par fon teftament du trois août 1778 en
nommant M . le Préfident d’Abbadie fon exécuteur teftamentaire , déclare qu’ il lui doit cette confiance qui ne peut
» être en meilleurs mains, qu’elle opere fa tranquillité , 6c
» qu’elle fera le bien de tous fes repréfentans.
Mais , a-ton dit, page 112 du M émoire imprimé de Ma
dame d’Abbadie, ôc c’eft fans doute ce qu’on fe propofe de
répéter à cette audience, le teftament du fieur de Borda
eft antérieur à la maladie de M . le Préfident d’Abbadie
qui eft arrivée en 1 7 8 1 ; le teftateur ne pouvoit plus fe
choifir un autre exécuteur teftamentaire : il avoic efiùyé
dès le mois de Juillet 1780 une violente attaque deparalyfie
qui lui avoit ôté l’ufage de la parole ôc de la main droite.
L e fieut de Borda, dites v o u s , avoit perdu depuis le
mois de Juillet 1780 l’ufage de la parole , ôc n’avoit pu par
conféquent fe choifir un autre exécuteur teftamentaire? Mais
nous avons trois preuves authentiques du contraire,
�8*
i°. L e fieur de Borda avoit conienti le 2 $ Janvier 1781 ,-erf
faveur de M . le Préfident d’Abbadie, une procuration à
l ’effet de régler pour lui une affaire de la plus grande im
portance, avec la compagnie
de la Guianne. L e fient*
de Borda n’avcit donc pas perdu depuis le mois de Juillet
1780 l’uiàge de la parole.
2°* L e fieur deBorda a difpofépar una£tedu 27 A vril 17^81
en faveur du fieur de Saint Criftau de fa charge de Con-’
trô leu r, & Mifeur des o&rois de la ville de Nantes ; il
lui en a laiffé la finance qui eft de 2 ; j.,000 liv. à titre de
conftitution. Il n’avoit donc pas perdu depuis le mois de
Juillet 1 7 8 0 , l’ufage de la parole.
3 °. L e fieur de Borda s’eft démis par un a S e du "2 Jan
vier 1 7 8 3 , en faveur du fieur de Saint Criftan, de fa place de
Ferm ier-G énéral, & lui en a laiffé les fonds d’avance à titre
de conftitution. Il n’avoit donc pas perdu l’ufage de la paroledepuis le mois de Juillet 1780, il auroit donc pu fe choU
fir un autre exécuteur teftamentaire en 1 7 8 3 , époque pof*
térieure de deux ans à la prétendue démence,; de M . le'
Préfident d’A bbadie; cependant il n’a pas fait un autre choix j
il a perfevéré jufqu’à fon décès arrivé au mois de N o v em
bre 1784., dans la confiance qu’il avoit accordée à M. le
Préfident d A b b a d ie , & dont il lui avoit donné par fort
teftament une marque fi honorable. Il l’a donc jugé jufqu’à
fon dernier moment capable de remplir les fondions qu’il
lui avoit confiées
en 1778 , &
plus de p o id s, q u en
ce jugement a d autant?
1 7 8 3 , M . le Préfident d’ Abbadie
avoit paffé neuf mois a Paris dans la Com pagnie de fori
©ncle, qui connoiffoit parfaitement fon état.
�96
Madame îa Préfidente d’Abbadie a également confié à
fon fils l’exécution de fon teftament en date du 10 Février
1783 , & elle a perfeveré jufqu’à fon décès arrivé au mois
d’ Août 178 4 , dans la confiance qu’elle lui avoît accordée.
Q u e le jugement de la mère eft impofant ! E lle avoit tou
jours v é c u avec fon fils ; c’eft dans fes bras qu’elle a rendu
le dernier foupir. Elle connoiifoit fon état mieux que tous
autre : on ne fe perfuadera jamais qu’elle l’eût chargé du
foin d’exécuter fes dernières v o lo n té s, s’il en avoit été incapable, & l’événement a prouvé combien ce fils étoit
digne de la confiance de fa m è re , puifqu’immédiatement
après f jn décès , il a acquitté environ 30,000 liv. de
charges de fa fucceifion , avec des épargnes qu’il avoit
faites fur 40,000 liv. de rente,
L ’argument tiré de l’exécution du teftament de la mère
confiée aux foins du fils , n'eft point de m oi, M M ; je no
dois pa?en dérober le mérite à fon A u teu r; il eft d’un
jurifconfulte qui a été confulté à ce fu je t, & qui voudra
bien me pardonner, (1 je le nomme , pour confolider par
fon fuffrage cette partie de la défenfe de M . le Préfidenç
d’Abbadie, C ’eft M e. Martineau. Il ne renverfera pas fan$
doute dans le choç de l’audience, un ouvrage qu’il a compofé dans le calme du Cabinet , & il laiiTera du moins
dans cette caufe à M . le Préfident d’Abbadie un moyeu
de défenfe qu’il lui à fourni lui-môme.
L ’oncle ôc la mère de M . le Préüdent d’Abbadie, fes parens & amis au nombre de 26 , ont prononcé en fa faveur.
Il n’ont pas pu fe méprendre tous fur fon état ; la famille
fi intéreilée à la confervation de la perfonne ôc de la for
tune Je ce Magiftrat, nauroit pas été d’avis de lui laifler
�-87
ladminiftration de l'une ôc de l’autre , s’il en avoit été inca
pable.
I N T E R R O G A T O I R E S ,
Nous arrivons à l’dpoque la
(i)
plus intéreflante de l’inf*
tru&ion , celle où M. le Préfident d’Abbadie tantôt furpris
dans fa maifon , tantôt invité à fe rendre à l’hôtel du M agiftrat, fetrouve feul devant l u i , ôc répond fur le champ',
durant le cours d’environ cinq mois, aux diverfes queftions
qui lui font propofées; c’eft moins une inftruction faite fur
fon état qu’une inquifition exercée fur fa perfonne par M a
dame fon E p o u fe, qui abufant de l’extrême délicateffe du
fieur Lieutenant-Civil, n’a ceifé d’alarmer fa religion, par
de faux rapports, par des réquifitions continuelles faites
quelquefois par é c rit, ôc plus fouvent de vive v o ix , ôc a
forcé en quelque lorte ce MagiQrat d’ufer envers M , le
Préfident dA'bbadie d’une rigueur inouie qui convenoit
fi peu à fon caractère naturel, ôc que fes fondions n’exigeoient pas.
Les Interrogatoires que M . le Préfident d’Abbadie a fubis
font au nombre de f e i z e , non compris une foule d’aètes
de comparution, ôc de dires perfonnels. Ils ont commencé
le 29 D écem bre 1 7 8 ; , ôc ont fini le 18 Mai 178 6. O n
trouve d’ailleurs dans cet intervalle les vifites de deux
Medécins continuées pendant foixante huit jours confécutifs, depuis le trois mars 1 7 8 6 , julques au 9 mai fuivant.
( 1 ) L e procis-verbal d'audition de M . le Préfident d'Abbadic fera imprime fcparM
»ent avec quelques obfervations y relatives.
�88'
Une tête qui a pu refifter a une pareille épreuve, eft peut-*
être plus forte que celle qui i’accufè de foibleffe.
O n n’a pas ofé iufpt&er ouvertement la foi du fieur
L i e u t e n a n t - C i v i l dans les interrogatoires’de M . le Préfidenc
d’Abbadie : mais on a dit qu’il les avoit rédigés prefquetous,
on a cité pour preuve de ce fait un interrogatoire où il
eft dit que M. le Préfident d’Abbadie à répondu, diclant
lui-même : ce qui n’eft point dit dans les autres.
A cet é g a rd , M M , je dois avoir l’honneur de vous
obferver que Madame d’Abbadie deconcertée par fix inter
rogatoires que M . le Préfident d’Abbadie avoit fubis depuis
le 29 Décem bre 1785 jufques au 25 Janvier 1 7 8 5 , a eu
le courage de prier le fieur Lieutenant-Civil à la fin du
môme mois , de s’écarter de la manière de conftater les
réponfes qui eft en u fa g e , en pareil cas, au Châtelet, eit
la C o u r , & dans tous les tribunaux, & de faire écrire
pelles de M . le Préfident d’Abbadie fous fa di&ée immé
diate , fans les faire paffer par la bouche du Juge , en énon
çant qu’il les di&oit lui-même : elle fe flattoit de fairg
loupçonner par ce moyen que les réponfes contenues dans
les- lix premiers interrogatoires n’étoient pas les réponfes
fidelles de M . le Préfident d’Abbadie. L e fieur LieutenantCivil auroit du rejetter cette demande comme in d écen te,
comme injurieufe à fon caractère fie à fa perfonne « il a eu
néanmoins la complaifance de céder aux importunites de
Madame d’ Abbadie, & d’énoncer dans un interrogatoire que
M . le Préfident d’Abbadie avoit repondu , diclant lui-même
f a reponfe. Mais les reponfes qu’il n’a pas di&ées immédia
tement au Greffier dans les autres interrogatoires, il les a
adreiTées au iieur Lieutenant-Civil qui les a répétées au
Greffier,
�80
Greffier. C e font toujours le» xéponfes perfonnelles de
M . le Préiident d’A b b a d ie , & il faut neceifairement les
regarder comme te lle s, .jufqu’à ce quon s’infcrive en faux
contre les interrogatoires, & qu’on les faffe déclarer faux.
Dans l’état a£tuel des chofes, la foi eft due au caractère du
Juge , & à fon procès-verbal. Les réponfes que ce procèsverbal renferme font toutes aux yeux de la L o i les ré;ponfesiperfonnelIes de M . le Préfident d’A bbadie, la vraie
expreifion de fes penfées & l’image fidelle de la fituation
de fon efprit.
M . le Préfident d’Abbadie a fubi d’abord dans l’elpace
de cinq femaines neuf interrogatoires, fçavoir les 29 D é
cembre 1 7 8 ? ,
15,17, 2 t , & 2 f
J an vier, 1 , 6 , &
y Février 1786. A quoi il faut ajouter cinq aftes de corn-*
^parution perfonnelle des 3 , 4 , 8 , 1 4 , & 18 F é v r ie r , jours
ou il a Converfé avec le Magiftrat de manière à lui faire feu*
tir qu'il étoit inutile de l ’interroger.
L es interrogatoires des y & 17 Janvier ont été fubis
,à V itry dans la maifon de campagne de M. le Préfident
d’Abbadie , où le fieur Lieutenant - C ivil eft allé le furprendre , d’après deux requêtes de Madame d’Abbadie
contenant qu’il étoit aclu dans une démence complette.
Us ont duré quatre heures & demie chacun : iis ont roulé
fur les faits le plus propres à irriter la fenfibilité de M .
le Préfident d’Abbadie. E h ! pouvoit-il en être autrement*!
C ’ étoit fon époufe qui l’interrogeoit par l'organe du M a
giftrat, à qui elle adminiftroit tous ces faits. Mais fi M .
le Préfident d’Abbadie a été humilié par les queftions qu’o n
lui faifoit, Madame la Préfidente d’Abbadie a du être b ie *
M
�90
mortifiée de fes réponfes ; elles font toutes marquées an
coin du bon fens , & de la raifon,
L e s interrogatoires des 21 Janvier & premier Février
1 7 8 6 ont été fub:s fur l'invitation du fieur Lieutenant C ivil
à qui Madame la Préfidente d’Abbadie avoit infinué de vive
vo ix que fon mari étoit dans le délire. Ces deux interroga
toires & tous les autres font marqués au même coin. Il
n’y a qu’un fou qui foit capable d’y trouver le moindee;
fymptôme de folie»
Com m e M . le Préfident d’Abbadie foutenoit avec avan
tage l’épreuve des interrogatoires, on a imaginé d’y join
dre celle des vifites des Médecins. L e fieur Lieutenant‘C iv il à commis a cet effét, par une ordonnance du 20
F évrier 178£> , le fieur Philip ancien Doyen de la Faculté
de M é d e c in e , & le fi&ir la Clerc M édecin ordinaire du
R o i au Châtelet.
C ette Ordonnance a été fignifiée aux deux Médecins ,,
le 2 Mars
à la requête de M . le Préfident d ’Abba-
die ; il avoit provoqué l’avis des parens & amis & les
interrogatoires ; il a fallu qu’il provoquât auffi les vifites
Vies Médecins : c’eft peut-être pour la première fois qu’on
à vu un homme accufé dé démence prévenir fes adverfàïres dans toutes les parties de l’inftrucUon.
O n a plaidé que fi l’Ordonnance du 20 Février 1786
n’a été fignifiée que le 2 Mars fu iv a n t, ç a été parce que
M . le Préfident d’Abbadie devoit avoir un accès de folie à
îa fin du mois de Février , & qu’on ne vouloit pas que les
[Médecins débutàffent par le rrouver dans cet état.
; Mais fi M . le Préfident d’Abbadie devoit avoir un accès
«le folie à la fin du mois de F'évrier 1786 , pourquoi M a
llame ion ¿poufe ne i ’eil-elle pas empreffée de fignifier
�91
l’Ordonnance du 20 , aux deux M éd ecin s, & de faire furprendre fon mari à la fin du même mois dans ce prétendu'
accès de folie ? C ’eût été un fi beau début pour
nement fi propre à la confoler des
neuf
e lle ,
un évé
interrogatoires que
M . ie Préfident d’Abbadie avoit fubis depuis, le 29 D écem
bre 1785 jufques au n eu fF évrier
1785,
& du mauvais fuc-
cès des deux voyages que le fieur Lieutenant C ivil avoit faits
à V it r y , à fa réquifition, les 5 & 17 Janvier précédent.
M . le Préfident d’Abbadie étoit en démence à la fin
du mois de Février 1 7 8 6 , comme il y étoit les y 6c 1 7
J a n v ie r, comme il y a été tant d’autres fois qu’il a été
invité à fe rendre à l’hôtel du fieur Lieutenant C i v i l , fur
les réquifitions verbales de MaJame fon époufe , dont il a
confondu les aiTertions téméraires par fa préfence,
par fes réponfes.
ÔC
D ’ailleurs le fieur Philip attefte dans le rapport, que
depuis le 1 j Février 1785 jufqu’au 3 Mars fuivant, jour oit
les vifites juridiques ont commencé , il a vu journellement
A l. le Préfident d’Abbadie , & qu’il l’a
oujours trouvé
jouiifant de fa raifon. Il n'eft donc pas vrai que M . le
Préfident d’Abbadie ait eu un accès de folie à la fin du
mois de Février 1786.
Mais , a-t-on d i t , le fieur Philip ne pouvoit pas être
nommé Expert conjointement avec le fieur L eclerc : d’un
c ô t é , il étoit le M édecin ordinaire de M . le Préfident
d’Abbadie : d’un autre c ô t é , il s’étoit déjà expliqué fur fon
état par des certificats, & par le dire qu’il avoit fait au moi|
de Septembre 178J en l’hôtel du fieur Lieutenant Civil.
L a réponfe à cette obje&ion éft prompte ôc facile.
D ’un coté
f aucun m otif ne
doit faire exclure le Méden
M j.
�cin ordinaire d’ùn homme , de la vifite juridique de fa per-*
ibnne. L a connoiffance qu’il a <fe fon état paffé le rend'
même plus propre à faifir toutes les nuances de fon étatr
préfent, & à donner à la juftice les lumières qu’elle deftre»
L e fieur Philip eft d’autant moins fufpe& qu’il n’a point fait
de rapport particulier, quoiqu’il fût autorifé à en faire un
par l’Ordonnance du fieur Lieutenant-Civil, & que le rap
port quia étéfait eft commun entreluiôc le fieur L e c le rc , qui
l’a r é d ig é , qui en a écrit la minute entière de fa main r
& qui n’eft point fufpeft à Madame la Préfidente d’Ab«
badie.
D ’un autre côté , fi le fieur Philip s’étoit expliqué fur
l ’état où M . le Préfident d’Abbadie étoit en 1 7 8 5 , il 11e
s'étoit pas expliqué fur l’état où il étoit en 1 7 8 6 , depuis
le 3 Mars jufques au 9 M ai, & c’ell ce dernier état qu’il a ét é
çhargé d’examiner conjointement avec le fieur Leclerc. If
ne s’étoit donc pas expliqué fur l’objet de fa miiTion*
il ne peut donc pas être fufpeûé fous ce prétexte,
R A P P O R T
D E S
M É D E C I N S .
L e rapport des Médecins dit « qu’ils ont d’abord trou» yé
l’état
phyfique de M .
le
Préfident d’Abhadie
» fa carnation, fon em bonpoint, fes m ouvem ens, l’exer» cice des fondions corporelles , tout fon enfemble
j> dans ; l’ordre naturel, excepté fon afpeft , qui annon9 çoit de la mélancolie; qu’il leur a dit qu’il étoit accablé
» de chagrins dont il n'a point articulé la caufe ; qu’il
» s’eft fort appéfanti
fur ces foucis ôc peines d efprit
» dont il a paru vivement a f f e f t é .... qu’ils ont engagé la
* cenverfation fur divers objets, & fur différentes matières,
�» qu*il a répondu à tout a ve c juftefte & de manière à n’anv noncer aucune léfion des fondions de l’a m e , ‘ que fa
» m ém oire n’a point paru affaiblie à en juger par quelques
» traits d’hiftoire déjà a n c ie n n e , qu’ il a cités avec exadi«
» tude . . . . . que fon jugem ent & fa manière de rpifonner
» n’ont paru fouffrir aucune altération , &
qu’il revient
» fréquemment à fes chagrins qu’il peint avec DES c o û
te l e u r s f o r t e s e t s o m b r e s ; que pour mieux connoître
» fon état phyfique & m o r a l, ils ont pris exprès des heu» res différentes , qu’ils ont a ffe d é chaque jour de ï’entre» tenir fu r des matières diverfes &
autres que celles qui
» avoient été agitées la v e ille ., &
qu’il leur a toujours
» parlé de
b on jcn s, & fans aucune apparence de déraifon-
» nement ».
Suivant le rapport, cet état s’eft foutenu jufqu’au 17
M a rs, fans que M . le Préfident d’Abbadie ait donné le.
moindre figne d’altération., n i , au phyfique, ni au moral;
Il a eu le 18 Mars un accès de fièv re; mais fuivant le
rapport, toutes fes paroles étoient d’un jugement fa in , &
riarmonçoient aucune efpèce de léfion dans les opérât ions de
/f*
l ’ame.
L e 1 9 , il eft allé fe promené^ à C.lamar-ipus-Meudon ,
OÙ eft une maifon de campagne dépendante de la fuccefiion de fon oncle.
r
.
L e 20 , au matin, il a été vifité fucceifivement par les
'¿eux Médecipa.
,
L e ûeur Philip, a^tefte
(¡vil riapas.laijjééchapperunmot
quinefut raifonnab\eque
quent & un peu élevé..,
cependant fon pouls ¿toit fré
^
L e fierfr L e c le r c a t te ft e q u il l ’a trouvé mangeant des hui~
�• 94 _
.
très , ayant le pouls plus v if & plus "élevé que de coutume
parlant avec acîion , mais cependant s a n s 'd é r a i s o n n e r .
L e 2 1 , il ne reftoit que quelques veftiges de l'agitation
de la v e ille; mais il étoit dans l’état de raifon, qui eft,1
fuivant le rapport , fo n état habituel , & cet état s’eft foutenu jufques au 1 2 Avril.
L ’accès de fièvre du mois de Mars n’a donc pas été un
accès de folie.
M . le Préfidçnt d’Abbadie a fubi le premier Avril 1786
un dixième interrogatoire àuiïi fain que ceux qui l’avoient
précédé.
c'
D ’après les interrogatoires & le rapport des M édecins,
nous trouvons trois mois ôc demi confécutifr que M. le
Préfident d’Abbadie a paiTés dans un état continuel de
raifon, favoir depuis le 29 Décem bre 1785 , jufques au 12
'Avril 178 ¿T.
*
Q uelle fituation que celle d’un homme délicat & fen-
fible ,
d’un Magiftrat de la première claiTe,
recherché
pendant trois mois & demi, tantôt interrogé par le J u g e ,
tantôt vifité par des Médecins qui le trouvant toujours raifonn^ble.,, attendent toujours qu’il devienne fo u , ôc cher
chent Tans cefle à furprendre dans fes difcours, dans fes
regards, dans fon maintien , quelque fymptôme de dé
mence. Il lui auroit été permis de fe fouftraire enfin à
cette inquifition , ôr d’aller refpirer en liberté dans fes
terres jufqu’à ce que la juftice prononçât fur fon état qui 9
'y
après un examen de.trois mois & dem i, devoit être' fuffifemment connu. Mais5il a eu la patierice de foutenir cette'
é p r ç u v ç , encore pendant cinq femaines ; il a été raflcfïié'
^hum iliations, il a àvûlé pendarit cinq mois le calice que
�9S
lu i préparoit fon époufe, & où elle fe plaifoit à verfer
chaque jour de nouvelles amertumes.
C e qui a le plus offenfé M . le Préfident d’Abbadie du
rant, le cours de cette inqui’fition, c’eft l’audace des efpions
que Madame la Préfidente d A bbad ie fe van te, dans fon
Mémoire imprimé, d’avoir à fes ordres, & qui lui vendent
les infultes qu’ils font à fon mari.
Toutes ces vexations entroient dans le plan de Madame
la Préfidente d’Abbadie comme propres à irriter fon m a ri,
& à ébranler fa tête ; mais elles n’ont pas produit l’effet
qu’on s’en étoit promis; la patience de M . le Préüdeut
dA bbad ie a furpafTé l’audace de fes perfécnteurs.
L e 12 A v r i l , M . lePréfident d’Abbadie a fait en l’hô
tel du fieur Lieutenant-Civil un dire très - l o n g , ôc qui
marque la préfence de fa raifon.
L e 1 3 , il a fubi un onzième interrogatoire qui fuivant
le rapport des Médecins qui y ont aiTiflé, a duré deux
heures, ôc où la dernière répo-nfe feule marque une diftra&ion momentanée ; il s’en eft apperçu lui-même, tant il
eft vrai que la raifon dominoit toujours en lui dans cette
agitation éphémère , ôc le procès-verbal conftate qu’il a fiui
par dire au fieur Lieutenant-Civil, « qu’en bon père de
» famille, ( c’eft-à-dire , comme un bon Magiftrat qui eft:
» le père commun des citoyens ) s’il parloit à tort & à.
» travers, il devoitfuppléer à fon infuffifance. ».
Cette agitation eft tombée le même jo u r, fuivant le rap
port des Médecins qui ont viiité M . le Préfident d’Abbadie
le 13 Avril vers minuit pour la féconda fois t & qui ont
déclaré « qu il étoit excédé de fatigue Ôc d’envie de. dor
as m ir, mais que malgré cela 11 avoit répondu allez juile
�* *► aux queftionsqu’ilsiuîavoient faîtes,8c qu'flsluîen avoîenf
» fait aifez pour être fûrs que fa ficuation étoit changée en
» bien ».
Il ¿toit encore mieux le 14 A vril fuivanc le rapport.
S i dans la vifite qu’il a faite le 14 A vril au fieur Lieute*
tia n t-C iv il, H a laiifé au Portier, en fon abfence, un billet
dont le fens paroît obfcur, quelle conféquence peut-on eu
tirer ? Une idée mal conçue ou mal rendue par M . le Pré*.
' fident d’Abbadie cara&érife-t-elle un état de démence qui
néceiîite fon intercU&icm ? annonce-t-elle un danger
fi
imminent pour fà perfonne ôc pour fa fortune qu’il faille
lui en ôter Tadminiitration, & le rendre l’efçlave d’une
femme qui exerce une inquifition tyrannique fur fes expreflions, fur Tes m ouvem en t, fur toutç fon exiftence?
P epu is
fix ans que Madame
4a Préfidente d’Abbadie
garde avec tanr de foin deux lettres de fon m a ri, dont
l ’une 3 été écrite à elle-m êm e, dont elle a intercepté
Vautre, & qui marquent une diftraûion paflTagère, la per
fonne 6c la fortune de M , le Préfident d’Abbadie ont-elles
fouffert quelque atteinte ? N e jouit-il pas au contraire d’une
meilleure fànté, fuivant le rapport des Médecins qui ont
comparé fon état ancien tel qu’il leur a été d é p e in t, à
fon état préfent tel qu'ils l'ont obfervé eux-m êm es? n'at’il pas Fait chaque année des épargnes ôc des acqüifitions ?
L e billet du 14 A vril 1786 a-t-il été fuivi de quelque
accident funefte arrivé à fa perfonne, ou de quelque échec
furvenu à fa fortune? Q u ’importe donc qu’il ait fait une
ou deux réponfei dilfonantes dans fon interrogatoire du
13 A vril dernier, ôc qu’il ait écrit dans la matinée du 14
yn billet dont le fens foit enveloppé? Quelques idées obfcures
�*> - ■ 9 1
cures ôc incohérentes mêlées à des idées claires ôc juftes
pendant un ou deux jours feulement dans un efpace d’en
viron cinq mois ne forment pas un état de démence ; un
nuage qui paife n’efface point la clarté du jour ; une di£
tradion
momentanée
n’annonce
point l’éclipfe
de la
raifon.
Auifi les Médecins déclarent-ils dans leur rapport « que
» depuis le 14 A vril il n’y a eu aucun nuage, M . le Pré» fident d’Abbadie ayant toujours joui de toute fa raifon
» 6c de fon bon fens , qu’il s’eft foutenu dans un calme
» parfait, jufqu’au 9 M ai inclufivem ent, jour où ils ont
» terminé leurs vifites ; que le bon état dans lequel ils
» l’ont laiifé a continué fans interruption depuis le 14
» A v r i l , n’ayant apperçu aucun figne d’altération dans fa
» raifon , quoiqu’il eût paffé de plufieurs jours l’époque de
» fa prétendue crife, à laquelle ils avoient dû s’attendre,
» depuis le commencement du mois de M a i, d’après les
» renfeignemens qui leur avoient été communiqués».
Cinq interrogatoires que M. le Préfident d’Abbadie a
fubis depuis le 14 Avril jufqu’au 18 M a i, ôc divers dires
qu’il a faits en l’hôtel du fieur Lieutenant Civil confirment
à cet égard le rapport des Médecins.
C ’efl à la vue de cette procédure , la plus longue 8c la
plus .complette qui ait jamais éré faite en pareil c a s , que
la Chambre du C onfe;l du Châtelet a rendu le 27 Juil
let dernier, d’une voix unanime, une Sentence qui décide
qu’il n’y a lieu a 1 interdiction de M. le Préfident d’A bbadie,
& qui lui donne a&e de fes offres, de ne pouvoir faire
aucuns adçs tendans a 1 aliénation de fes biens, qu’en préfence 6c du contentement de M e B a b ille , ancien BatonN
�5>8
nier des Avocats qu’il a choifi pour fon C o n fe il, comme
aufïi de Tes offres de faire emploi en préfence du même
C o n f e il , des fommes provenantes de la lucceffion du fieur
de Borda , à l’exception des intérêts, fruits 6c revenus dont
il s’eft réfervé la libre difpofition.
L e Marquis du Coudrai a ceffé fes
p o u rfu ite s
à la vue
de cette Sentence; Madame la Préfidente d’Abbadie feule
en a interjetté appel. V o ic i le quatrième combat que M .
le Préfident d’Abbadie eft forcé de foutenir contr’e l l e , ôc
le terme heureux de cette attaque fcan.'aîeuie dont
i’é p G u f e
d’un Magiftrat n’auroit jamais dû donner l’exemple.
L e premier foin de M . le Préfident d'Abbadie, après la
Sentence du C h â te le t, a été de réclamer fes enfans âgés
l’un de dix ans, l’autre de f e p t , pour leur donner une
éducation convenable. Une Ordonnance du fieur Lieutenant
C ivil l’a aurorifé à fe les faire remettre. Il s’eft tranfporté'
lui-même à cet effet dans la rraifondu feu fieur de B orda,
accompagné de deux Notaires ôc d’un Procureur au C h â
telet-; mais fa démarche a été vaine ; Madame la Fréfidente
d’Abbadie a également méconnu l'autorité paternelle ÔC
l ’Ordonnance du Magiftrat.
Q uelle fcène, M eilleurs, que celle qui s’eft paifée danscette
occafion ! ces enfans ont jetté des cris d’effro i, ôc ont
pris la fuite à la vue de leur père. Q u e l ennemi commun
a donc étouffé dans ces jeunes cœurs les fentimens naiifans de la confiance ôc de l ’ a m o u r filial ! quel forffle impur
y a éteint le feu facré de la Nature ! malheureux père ! il
va chercher fes enfans , & il a la douleur de les voir fuir
devant lui : il tend la main à l’un', il le tient, il le carreffe, ôc un Laquais audacieux s’efforce de le lui enle
�pp
ver^(i). C e n'étoic pas encore là le dernier malheur qui
lui étoit réfervé. Reftés au pouvoir d’une mère qui facrifie tout à e lle -m ê m e , ces enfans font à la fois les inftrumens & les vi&imes de fa cupidité : on les conduit
chez les Magiftrats : ils follicitent par leur préfence l’interdi&ion de leur père : ils demandent fans le fçavoir, d’être
flétris 6t profcrits avec lui ; & c ’eft une mère qui eft leur
interprête & leur organe ! . . .
Mais fon vœu ne fera
pas rempli : la loi vient au fecours de ces êtres innocens,
& prend foin de leur deftinée, en protégeant l’état de leur
père ?
M
O
Y
E
N
S
.
L ’interdi&ion pour caufe de démence eft; une dégra
dation to ta le , une efpèce de mort civile. L e citoyen in
terdit comme infenfé eft déchu de toutes les prérogatives
qu'il tient de la nature & de la loi ; il n’a plus que l ’ap
parence de l’hcm m e; c’eft un objet de dérifion & de mé
pris, un être pailif alfervi a une volonté étrangère, & dont
l’unique droit eft de recevoir des alimens qui prolongent
fa miférable exiftence.
Plus les effets de l’interdi£Uon font funeftes, plus l’ac
tion qui tend à la faire prononcer, eft odieufe. Il eft dans
l’ordre que le père de famille jouifle de fon é t a t , de fa
liberté, de fes propriétés : lui ravir cettz jouiftance eft un
a£te violent qui répugne à la nature , & que la loi ne per-
(1} Ce Laquais eft le nommé Ticrcelln , dont la femme eft F -mnie-deChambre de Madame la Prélidenre d'Abbadie , & dont le Père vu «ians le
P o ito u , des bienfaits de M. le Pré ident d’ Abbadie
N ij
�IOO
met qu’à regret. - C ’eft moins un bien qu’ un mal quelque
fois néceifaire, pour en prévenir un plus grand.
La demande à fin d’interdi&ion du m a ri, pourfuivie par
la femme feule, contre le vœu do la famille, bleife l’hon
neur du mnriage, feandalife les m œ urs, & doit exciter la
défiance de la juftice. L a Marquife de Cabris n’auroit pas
la curatelle du Marquis de Cabris, fi elle avoit confpiré
contre l u i , & cherché des moyens de le faire interdire. L e
titre d’époufe fufRfoit à fon cœur : ce n’a été que la larme
à l’œil qu’elle s’eit vue chargée du titre de curatrice : c’efl
principalement par le zèle avec iequel e le a pris la défenfe
de fon mari qu’elle a mérité Tcftime des citoyens & la
confiance des Magiftrats.
Mais combien une pourfuite de ce genre n’eft-elle pas
odieufe de la part d’une femme qui de tout temps a fait
le malheur de fon mari, qui a employé quatre ans à s’ar
mer contre l u i , & à faire les préparatifs de fon interdic
tion , qui s’eft fait autoriier par un certificat de Médecins
à l’ envoyer dans une maifon de fo r c e , qui l’a fait décla
rer fou
incurable en fon abfence , par un autre certifi
cat d'un M édecin qui, fuivant elle-même, venoit d^ pro
mettre fa guérifon totale , qui a fait fes délices de ce cer
tificat, & d’une correfpondance collufoire par laquelle fes
confidens, fes fuppôts, un Coch er même l’entretenoient
fans ceffe de la prétendue maladie de fon mari; qui, pour
l ’accufer de dém ence, a attendu qu’il.eût perdu fa mère &
fon o n c l e , & que fa fortune fc fût accrue de plufieurs mil
lions , qui a reconnu d’abord fa capacité pour adminiflrer,
en lui demandant le pouvoir de toucher ces millions, &
a affecté de ta méconnoître au (fi tôt qu’elle a vu qu’il vou-
�ÏOI'
loit les toucher lui-même & en faire un emploi utile ; qui
l a attiré en trahifon de Pau à Paris, pour le pourfuivre
à Pau à fon infçu , ôr a réuili à force d’intrigues à le faire
interdire par provifion , fur le feul avis d’une poignée de
parens & alliés éloignés &
de foi-difans amis;
rigueur
inouie à laquelle un Bedeau de l’Univerfité de Pau échapp o it, contre le vœu de fa famille, dans le temps même
où un Magiftrat du premier rang en étoit la v id im e ; qui
a ofé le tenir en chartre privée pour l’empêcher de fe
défen dre, & l’a privé des fecours néceifaires contre une
colique violente dont il étoit atteint ; qui s’eft emparée
clandeftinement de fes revenu s, qui le rend depuis deux
ans le jouet de l’ efpionage le plus hardi ôc le plus fean*
daleux, exerce fes enfans à jouer le rôle de folliciteurs
contre leur père , contre eux-mêmes , fait coniifter fon
honneur à les déshonorer, & femble ne pouvoir plus être
heureufe que par la profeript'on de fa famille. ?
Madame la Préfidente d’Abbadie croit elle donc que la
curatelle de M . le Préfident d’Abbadie lui feroit-déférée,
après des procédés aufii odieux, s’il étoit polîible que ce
Magiftrat fin interdit? N o n : nos loix feront m éconnues,
nos mœurs entièrement relâchées , toute idée de juftice
effacée de nos efprits, tout fentiment d’honnêteté éteint
dans nos coeurs, avant qu’une telle femme puifie être nom
mée curatrice de fon mari.
Si la demande à fin d’interdi&ion de M . le Préfident
d Abbadie eft odieufe par les circonftances qui l’accompa»
gn en t, elle eft aufii injufte en elle-m êm e,
fort qu elle
&
digne du
eu devant les premiers Juges.
11 eft évident que M . le Préfident d’Abbadie jouit de ia
�i6 i
rail fon1, ¿a qu’il eíl capable d’adminifirer fes biens.
Son état de raifon eft démontré par l’avis de fa famille,
par íes interrogatoires & par le rapport des Médecins.
Sa capacité pour adminiftrcr eíl une fuite naturelle de fon
état de
ra ifo n
; elle eft démontrée d’ailleurs par fon ad-
miniftration m êm e, par fes épargnes, parles acquiiitions
qu’il a faites depuis 1781 , époque à laquelle on fait com
mencer fa prétendue démence. Il n’a jamais a lié n é, il a
toujours acquis : que pouvoit-il faire de plus ?
Rappeliez-vous , Meilleurs, c e ta & e d’adminiftration quia
fuivi immédiatement le décès de Madame la Préfidente
d’A bbadie, m ère, arrivé dans le mois d’A oû t 1784; M .
le Préfident d ’Abbadie avoit alors en réferve fon revenu
d’une année, environ 40,000 liv. Il a employé près de
trente mille livres à acquitter des legs portés par le tes
tament de fa mère, quoiqu’elle lui eût accordé un délai de
quatre ans, pour payer les fournies principales & les inté
rêts. Ces deniers étoient oififs dans fa caiife; ils ont fervi
fur-le-champ à éteindre des intérêts onéreux ; & fon projet
é t)it d’employer fucceíTivement fes revenus à l’acquit des
charges de la fucceffion de fa m è r e , fans aliéner aucuns
fonds..Si un tel Adminiftrateur pouvoir être interdit, quel
eft l’homme qui feroit digne d’être fou Curateur?.
En vain dit-on que des interrogatoires peuvent ne mar
quer qu’ une raifon apparente, & qu’ils ne font pas toujours,
quelque raifontiables qu’i!s paroiifent,
taines d’ un état de raifon.
des preuves cer
U n , d e u x , ou trois interrogatoires peuvent être fubis
dans des moments lucides &. marquer plutôt le fommeil
�103
'de la f o lie , que le réveil de la raifon. Mais feize interro
gatoires, dont neuf font fubis dans l’efpace de cinq femaines, depuis le 29 D écem bre 178) , jufques au neuf Février 1 7 8 5 , dont plufieurs font fubis dans des jours choins
par la partie qui cherche à découvrir la prétendue démence;
tant d’interrogatoires q u i , avec une foule de dires perfonnels embraifent un efpace d’environ cinq m o is , ne peu
vent pas être des fignes douteux de la raifon qu’ils an
noncent; la raifon qui fe foutient fi long tem ps, ôc qui
réfifte à une telle épreuve , doit être réelle ôc folide. D eu x
Médecins qu i, après avoir vifité M. le Préfident d’Abbadie
pendant foixante huit jours confécutifs, ont atteilé fous
la foi du ferment, que fon état habituel eft un état de raifon,
n’ont pas pris l’apparence pour la réalité ; ôc vous-mêmes,
Meilleurs, avec qui M. le Préfident d’Abbadie a eu l’honneur
de converièr en follicitant votre juftice , vous favez fi fa
raifon eft une lueur trompeufe, ôc fi elle ne reifemble pas
à celle des autres hommes.
Si fa conduite étoit infenfée, on auroit un prétexte
de dire, que la raifon qui règne dans fes interrogatoires,
n’eft qu’une raifon apparente : mais il agit mieux qu’il
ne parle, il adminiftre mieux qu’il ne raifonne , ôc des
hommes à qui la nature a prodigué fes dons, les plus
brillans, pourtoient prendre de lui des leçons de fageiTe
ôc d’écunomie.
Il
a eu des momens de trouble ôc d’agitation , cela,
eft vrai; mais ces momens dans lefquels fa raiion ne
s’eft pas éclipfée , ainfi qu’il eft démontré par fon dire
du 12 Avril ôc par fon interrogatoire du 1 3 , ets m om ens,
difons-nous, forment un
accident indifférent pour ion
�,04
. - adminiftration, & non pas un é ta t, & c’eft l’état que la
L o i confulte en matière d’interdi&ion, & non pas l’ac
cident.
L a démence eft une maladie perpétuelle de fa nature.
On
ne met. pas au rang des foux ceux qu’une fièvre
éphemère jette dans le délire, ni ceux dont la maladie
connue fous le nom de vapeurs, trouble de temps en
temps la mémoire & la raifon, ôc ce n’eft qu’à ceux en
qui la démence eft une maladie -habituelle & perpétuelle
de fa nature, que la L o i donne des Curateurs. M enti
captisi & mutïs & fu r dis
& qui perpetuo morbo laborant
,
Curatores dandi fu u t. C ’eft la difpofition des Inftitutes,
liv. 1 , tit. 23 , § 4.
E t comment feroit-il poflTible de regarder comme infenfé
un homrre
que des preuves confiantes &
multipliées
font voir dans un état habituel de raifon? l’accident du
moment où fa raifon fe trouble fans s’éclipfer, l’emporteroit-il donc fur l’état confiant & habituel où elle fe
montre fans aucun nuage , & quand la nature laiiïe un
fi grand intervalle entre un homme habituellement fou
qui a des momeos lucides, ôr un homme habituellement
calme
& raifonnable qui a quelques infians d’agitarion,
la Loi les confondra t-elle dans le jugement qu’elle portera
fur leur co m p te, & leur fera-t-elle fubir le même fort?
Q uelle feroit la condition de M. le Préiïdent d’ Abbadie,
s’il étoit interdit fous prétexte que dans un long efpace
de temps pleinement éclairé par fa raifon , il fe feroit
ren co n tré
un
ou
deux jours, pendant lefquels il auroit eu
quelques idées moins claires & moins ln.vnneufes! il fentiroit
toute l’horreur de fon éta t, il gémiroit fans cefle fous
le
�Tô*
le poids de fes chaînes, il feroît en proîe au défefpoir.
Peignez-vous, M eiïïeurs, le
fupplice d’un homme qui,
pour une légère indifpofition fe
verrôit enterrer tout
vivant: tel feroit le fupplice de M . le Préfident d’A bbadie, fi dans l’état où il eft il fe voyoit dégradé de
l ’efpèce humaine, & traité comme un vil automate qui
n*a en partage ni le fentiment ni la raifon.
E t pourquoi M . le Préfident d’Abbadie fubiroit-il cette
dégradation flétriffante ? feroit-ce parce que dans quelques
înitans fa raifon auroit eifuyé une agitation paifagère ?
mais la L o i voit d’un œil indifférent les variations de
Tefprit humain, lorfqu’elles ne portent aucune atteinte ni
à l'ordre Public, ni au bien des familles. Q u ’un homme
parle peu ou beaucoup ,
que ià parole foit lente
ou
rapide, que fes idées foient touiours claires & juftes, ou
quelquefois obfcures &
inconféquentes : peu importe,
pourvu qu’il fâche gérer fes affaires : c’eft tout ce que la
L o i exige pour le maintenir dans cette geftion. Si elle
donne un Curateur à un infenfé, c’eit uniquement parce
qu’il eft incapable d’adminiftrer fon bien : Mente captis
& qui perpetuo morbo laborant
, quia
, Curatores dandi Junt, C e
rebus fu is fuperejje
n’eft que rtlativeme: t
à i’adminiflratioti que la L o i examine les facultés ifitelle&uelles de l’homme. S ’il étoit un genre de folie com
non pofjunt
patible avec une bonne adminiftration, celui qui en feroic
atteint ne pourroit pas être interdit.
L ’inftruttion faite au Châtelet pendant près de cinq
m o is, depuis le
D écem bre 1 7 8 ) , jufques au 18 M ai
1786, fixe le dernier état de M . le Préfident d’A bbadie,
qui eit celui fur lequel la Cour a à prononcer. Q u e
O
�10 6
trouvons-nous dans ce long intervalle ? nous trouvons
deux jours du mois d A v r i l , le 12 & le 13 j pendant
lefquels fon efprit a été agité : mais dans ces jours là
mêmes fa raifon étoit dom inante, fuivant le rapport des
M é d e c in s, & comme il eft démontré par fon dire du 12 ,
&
par fon interrogatoire du
13. L a queftion à juger
dans cette caufe eft donc de favoir fi M . le Préfident
d’Abbadie doit être regardé comme incapable d’adminiftration, fous prétexte que fa raifon a efluyé une agitation
paflagère pendant un ou deux jours, dans un efpace d’en
viron cinq mois. La fjlution de cette queftion eft facile,
& la feroit également dans le cas même où cette agita
tion feroit plus fréquente , & fe renouvelleroit tous les
mois ,
hypothèfe qui eft pleinement démentie par la
procédure.
D ’abord la raifon de
M . le Préfident d’Abbadie ne
s’éclipfe point dans ces momens d’agitation. L e rapport
des Médécins le conftate ; le. dire du 12 Avril & l’inter
rogatoire du 13 le démontrent. Les foins domeftiques
pendant un ou deux jours
n’exigent pas des lumières
plus étendues que celles qui fe manifeftent dans ce dire
& dans cet interrogatoire. O n voit dans le rapport des
Médecins un fait décifif à cet égard , & digne de la
plus grande attention : » C ’eft que dans le fort d’une crife
» on a préfenté un mémoire d’ouvrier à M . le Préfident
» d’Abbadie, qui l’a lu attentivement, en a calculé le
» montant, & a répondu fur le cham p, que ce n’étoit
» pas là le réfultat de fes conventions, qu’il y avoit une
7> grande différence du prix convenu,
» term iner,
on
n avoit qu’à
donner à
mais que pour
l’ouvrier telle
�107
j*
fomme dont il devoit être content».M . le Préfident d’A b-
badie feroit donc capable de gérer fes affaires domeftiques
même dans le cas d’une maladie accidentelle femblable
à celle des 12 &
13 A vril dernier.
D ’ailleurs, les foins perfonneb du père de famille ne
font pas de tous les inftans, ni de tous les jours. Il n’en
efl aucun dans la clafïe où fe trouve M . le Préfident
d’Abbadie, ni même dans des clalTes inférieures, qui ne
paife plufieurs jours dans chaque m o is, fans s’occuper de
fes affaires domeftiques, & qui n’en confie le détail à
des fubalternes qui lui en rendent compte à des époques
marquées. M . le Préfident d’Abbadie feroit donc capable
d’une bonne adminiftration , quand on fuppoferoit que
tous les cinq m ois, tous les deux m ois, même
tous
les mois, il eifuyeroit pendant un , deux &c trois jours
une agitation femblable à celle qu’il a eifuyée les 12 &
15 Avril dernier. Une fuCpenfion momentanée de fes foins
perfonnels ne troubleroit point le cours de fon adminif
tration , qui feroit habituellement éclairée par fa raifon,
& n’en derangeroit point l’économie.
Q uel accident peut-on craindre pour la fortune de M .
le Préfident d’A b b a d ie, dans le cas où l’agiration des
12 & 13 A vril dernier viendroit à fe renouveller ?
Craint-on qu’il n’aliene fes fonds, ou
qu’il
ne les
engage par des obligations, des billets, ou des lettres
de change? mais outre qu’il n’a jamais aliéné,, qu’il eit
dans 1 habitude dacquérir, il fe foumet à un c o n fe il, fans
lequel il ne pourra, comme il efl porté par ia Sentence
du Chatelet, confentir aucuns a£tes tendans à l’aliénatioq
de fes biens.
O ij
�io8
Craint-on qu’il ne diflïpè l’argent comptant qu’il aura en
main? mais il n’a
l ’habitude de
réferve au
ja m a is
fa ire
r l.o is
dilfipé , il eft au contraire dans
des épargnes. Il avoit 40000 livres en
d’Aoû t 1 7 8 4 , & il en a employé la plus
grande partie à acquitter d’autant les charges de la fuccefiïon de fa mère. Un homme qui a été économe jufqu’à
l’âge de f o ans , ne devient pas tout-à-coup prodigue
& diifipateur. D ’ailleurs la crainte d’une diifipation future
ne doit pas produire une interdi&ion anticipée.
Craint-on enfin que l’argent comptant qu’il aura en
main ne lui foit volé ?
Mais le crime ne fe préfume pas, ôc perfonne n’ eft à
l ’abri du vol.
Si
dent
quelqu’un entreprenoit
d’Abbadie
de
voler
M . le
Préfi
en fa préfence , même en temps
de
m aladie, il s’en appercevroit, ôc il tâcheroit de prévenir
le vol. Il étoit malade le p Septembre 1781 , à fon paflage
à Poitiers, fuivant l’énoncé
des deux quittances de la
fomme de 20000 livres, que Madame la Préfidente d’A b
badie s’eft fait remettre par
le Regiffeur, A-t-elle ofé
toucher cette fomme en préfence de M . le Préfident
d’Abbadie ? N on : elle a donné un rendez-vous fecret au
R égifieur; elle l’a fait cacher dans la ru e lle , au premier
bruit qu’elle a entendu dans la chambre de fon mari;
elle a pris les facs fans compter les efpèces, de peur
que le fon des écus n’interrompît le fommeil de M . le
Préfident d'Abbadie, ôc ne l’attirât dans le lieu où elle
s’emparoit de fes revenus. M . le Préfident d’Abbadie ne
pourroit do n c pas être volé ‘en fa préfence, même e a
temps de maladie, fans qu’il s’en apperçût.
�*0ÿ
S ’il étoit volé en fon abfence , ce qui peut arriver à
tout le monde , il ne tarderoit pas à s’en appercevoir.
I l s’eft bien apperçu que Madame fon époufe lui avoit
fouftrait 35,000 livres le 8 N ovem bre 1 7 8 3 , lorfque le
fieur Olivier lui a porté cette fotnme en dépenfe dans
fon compte du 10 du même mois, comme remifeà Madame
d’Abbadie ; & dès le lendemain, il en a pourfuivi la reftitution contre le Pieur Olivier. Il mandoit de fon Château
d’Ithorots ,a u fieur Louftau , par fa lettre du 28 N ovem bre
1 7 8 4 .,aprèsdaux mois d’abfence de la V ille de Pau ; qui i
t>trouveront
dans un petit tiroir de fon fecrèt a ire , à gauche,
» du côté de la porte de la bibliothèque , un billet du fieur
» de Beaurégard , de la Jommc de 8000 liv. fou s une enve» loppe. N ’eft-il pas évident que fi ce billet lui avoit été
volé pendant fon abfence, il fe feroit apper^u du vo l ?
L es biens-fonds & l’argent comptant font donc en sûreté
dans les mains de M . le Préfident d’Abbadie , comme il»
le feroient dans celles de tout autre adminiftrateur : ce
Magiftrat feroit-il donc interdit fous prétexte de quelque
agitation pailagère qui ne feroit aucun préjudice à fon
adminiflration ? Mais le Juge qui interdit un citoyen pour
caufe de d é m e n ce, n’eft que l ’organe de la L oi qui a pro
noncé d avance cette interdiction , & la L o i n’interdit que
celui que la privation de la r.aifon rend incapable d’adminiftrer par lui-même : quia rcfîus fu is fupereffe non poffunt
iuratores dandi Jutit. O r , il eft démontré par les interro
g a t o i r e s ^ p a r le rapport des M éd ec in s, que M . le Pré
sident d’Abbadie eft dans un état habituel de raifon , &
par une longue expérience , qu'il eft capable d’adminiftrer
par lui-même» Il n eft donc pas poflible de l’interdire.
�La jurifprudence de la Cour confirme à cet égard la
difpofition de la L o i , & des exemples anciens & récens
font des garans certains que M . le Préfuient d’Abbadie
ne fera pas interdit.
L es gendres de la Dame de Saintot l’avoient fait interdire
par les premiers J u g e s , fous prétexte d’une m élancolie,
qui
depuis quelques années avoit troublé fon «fprit &
affoibli fa Mémoire , ce qui leur faifoit craindre qu’elle
ne difposât de fon bien à leur préjudice. Un arrêt du
12 Février 1548, rapporté par S o e f v e , Centurie 2 , ch. 64 f
infirma la Sentence d’interdiftion ; & pourquoi ? « Parce
» qu’on ne voyoit point , dit l’Arrêtifte, que la Dam e
» de Saintot eût encore fait aucune diffipation de fon bien,
» & qu’il n’étqit pas jufte que des enfans demandaiTent
» l’interdi£tion de leur mère fur la feule crainte qu’ils avoient
» que dans cette mélancolie elle ne vînt à difpofer de fes
» biens mal-à-propos ; une interdiction ne pouvant jamais
» être fondée fur ce qui peut arriver , mais fur ce qui efl
» arrivé auparavant qu’elle ait été demandée & pourfuivie
» en juilice.
L e fieur Fourneau DucaiTeul étoit plongé depuis plus
de trente ans dans une yvreife journalière qui troubloit
fa raifon : fes proches detnandoient fon interdi&ion fous
ce prétexte. Mais il n’avait pas di(fipé, & il a été main
tenu dans fon état par un arrêt du 1 1 Juillet 178 6.
Une habitude de trente ans eft une fécondé nature ; un
homme dont une liqueur étrangère rouble journellement la
raifon depuis plus de 30 ans eit moins capable d’adminiftrer
que ne le feroit un homme en qui une humeur naturelle pro
duiront de loin en loin pendant un ou deux jours feule
�L I1
ment
une révolution femblable à un
commencement
d’yvreife, & affimiler à cet état celui où M . le Préfident
d’Abbadie écoit les 12 &
13 Avril dernier, ce feroit le
juger avec plus de rigueur que ne le permettent le dire
du 1 2 , & l'interrogatoire du 13.
Si la C o ur a épargné en
1648 &
en 1786 le coup
de l’interdi&ion à des gens de la claiTe com m une, dont
la raifon étoit moins faine que celle de M . le Préfident
d’Abbadie , & dont la feule défenfe étoic de dire qu’ils
rfavoient point difl/pé , peut-on croire qu’elle interdira ce
Magiftrat qui a fait des épargnes & des acquifitions , ôc
qu’elle frappera fa perfonne d’une fiétrifiure en quelque
forte héréditaire, fans aucune néceflité.
Je dis , fans aucune tiécejjiiê , & c ’eft ici mon dernier
argument que je vous fu p p lie, M elïieurs, de faifir avec
toute l'attention que mérite l’importance de cette caufe.
L ’interdi&ion d’un citoyen ne doit être prononcée que
lorfqu'elle eft d’une nécefiité abfolue pour la confervation
de fa perfonne & de fes biens.
O r , il n’y a aucune néceiTité d’interdire M. le Préfident
d’A b b a d ie , ni pour la confervation de fa perfonn e, ni
pour la confervation de fes biens.
N ulle nécellitd d’interdire M . le Préfident d’A bbadie,
pour la confervation de fa perfonne : ce point eft établi
par l'aveu même de Madame d’A bbadie, & par une longue
expérience.
Madame d’ Abbadie déclare dans fon Mémoire imprimé
nu Chatelet, page 114., « que fi M. le Préfident d’Abbadie
» lui a voit envoyé fa procuration, à l’effet de le repréferxer
» p ar-tou t, on auroit eu tout ce qu’on pouvoit attendre
�» d’une interdiction, & que feulement on s’en feroit épar» gné les ddfagrdmens ».
O r , la p r o c u r a t i o n qui auroit rendu l’interdi&ion inutile
,
de l’aveu de Madame d’A b b a d ie , ne lui auroit donné
aucun
fident
p o u v o ir
fur la perfonne de fon mari ; M . le Pré-
d’Abbadie feroit refté en Béarn , maître de
fa
perfon ne, tandis que Madame d’Abbadie feroit reftde à
Paris maîtreife de
ià
fortune , en vertu de fa procuration
:
l’interdiction n’eft donc pas ndceiTaire, de l’aveu même
de Madame d’Abbadie , pour la confervation de la per
fonne de fon mari.
D ’ailleurs, une longue expdrience démontre que M. le
PrdftdentdÀ’bbadiefaitadminiftrerfa perfonne.Depuis 1781
qu’il a continud d’être maître de lui-même , il ne lui eft
en core
arrivd aucun accident fâ c h e u x , & depuis deux ans
qu’il a quittd une dpoufe devenue fa perfdcutrice , fa fantd
eft plus robutfe, & fa perfonne eft en meilleur dtat.
* N ulle ndceifitd d’interdire M . le Prdfident d’Abbadie
pour la confervation de tes biens.
Il fe fo u m e t, par une prdcaucion furabondante, d’un
c ô t e , à faire emploi de toutes les fommes mobilières
provenantes de la fucceifion du fieur de Borda, & d’un
autre côtd , à ne pouvoir paifer aucuns a£tes tendans à
l ’aliénation de fes biens que de l’avis d e M c Babille , ancien
Bâtonnier des Avocats qu’il a ch o ifi, & que la Sentence
du Châtelet lui a donnd pour confeil.
M ais, dit-on, que deviendront les revenus dans les mains
de M . le Prdfident d’Abbadie?
Je demande d’abord moi-même ce qu’ils deviendroîent
dan* les mains de Madame d’Abbadie,
Tout
�, . 1 1 ?
,
X o u t le mond.e.répo nd'^qu’ejle les. employ eroit largement
à fés beibins & à fes plalilrs% "¿c* periorme n’eft dupe de
l ’offre dérifoire .qu'elle vient de faire en la C o u r , d’employer
l ’excédent des revenus, de l’avis d e M e Hutteau fon confeil.
A coup sûr, ,M e Hutteàu auroit été confijlté plus fouvent
fur un emploi de ce g e n r e , s’il avoit continué d’être le
Confeil de M . le Préfident d’Abbadie.
M . le Préfident d'Abbadie fera de fes revenus ce qu’il
jugera à propos. Il pourvoira aux befoins de fon époufe ;
c ’eft tout ce qu’elle a droit d’exiger; il n’épargnera rien
pour l’éducation de fes enfans ; il eft bon m a r i, bon
père : 40000 liv. qu’il avoit en réferve en 178.4, lorfqu’il
ne jouiifoit que d’environ. 40,000 livres de rente , & les
acquifitions
qu’il a faites depuis
1781 , prouvent cju’il
fçait trouver de l’excédent dans fes revenus, & l ’employer
d’une manière utile. C e que Madame d'Abbadie promet
de faire , M . d. ’Abbadie l’a déjà fait.
E t quand il feroit certain qu’il dépenfera fon re v e n u ,
feroit-ce un m otif pour l’interdire? Les fruits ne font-ils pas
eonfacrés à la jouiifance du père de fam ille, & a - t - o n
jamais interdit un m ari, de peur qu’il ne donne à fon
revenu une deftination arbitraire & indépendante de.»
goûts & des caprices .de. fa femme ?
M . le Préfident d’Abba die jouit de fa raifoh : fes
interrogatoires & le rapport des Médecins le prouvent ■
:
il eft bon adminiftraceur, fes épargnes & fes acquifitions
le démontrent. Il a clioifi. d’ailleurs. M c Babille pour fon
C o n fe il; fon adminiftration aura pour g u i d e 'l ’expérience
la plus confom m ée, & la fpgefle fera déformais la com
pagne de fa raifon.
Répétons en finiiTant ce que nous diiions l’année dernière
au Châtelet.
P
�'r i4 '
Q u e Ta. deftinée de M . le Préfident d’Abbadie eft cruelle]
Sa vie n’eft depuis, fon mariage qu’une chaîne d’épreuves
affligeantes dont la dernière tend à le dégrader & à le
plonger dans-un abîme de misère.
Il eft attaqué par un parti qui a confpiré fa perte ; &
qui voit-il à la tête de cette confpiration ? Son époufe.
Une époufe*. dans le choix de laquelle il a facrifié les.
convenances
de. l’in térêt, pour fuivre aveuglément le
penchant de fon cœur.
Une é p o u fe , qu’il a comblée de libéralités dans fon
cortrat de mariage, & qu’il auroit rendue heureufé,, fi elle
avoit fçu l'être.
T u n’as, lui dit-elle, que les dehors de l'homme :I’inftih£t.
aveugle a pris dans ton ame la place de la raifôn.
N o tre condition eft changée : je ferai déformais maîtreiTè
de m oi-m êm e, & tu relieras fous ma puiifancei
Abandonne ces richeiTes que la fortune vient d’accu
muler dans tes mains : c’eft moi qui dois-en avoir la jouitfan ce, c’eft à moi à régler la mefure de tes befoins.
Defcends du rang que tu occupes parmi les Miniftres
de la loi : ta Magiftrature eft finie, le fanûuaire de la juftiee
ya fe fermer fous tes pas.
R en on ce à tes enfans : il craindront de t’appeller leur
p è r e , & ils rougiront de te devoir la naiflance.
T u n’es plus citoyen : la fociété te proferit & te rejette
de fon fein.
T u n’as qu’une exiftence paifive, & le reffe de ta vie ne
fera qu’une mort anticipée.
Il
entend ce langage : il frémit au fëul fouvenir de celle
qui- ofe l’outrager & le menacer ainfi. L e paiTé femble revivre
pour fon fupplice; les peines qui ont empoifonné le cours
de fa viÇ y fe raifetnblent maintenant danrt fon ame > & la
�11*
'déchirent foutes à la fois. Son courage ne l'a cependant pafc
abandonné : il a fubi pendant cinq mois l’épreuve humiliante
à laquelle il a été aflujetti : fouvent il a prévenu lui-même
le Magiftrat; il eft allé lui faire voir la iktiation de fon
efprit & lui découvrir fon am e, cette ame qu’aucun méfait
n’a jamais fouillée, & qui ne cotinoît p oin tée remords;
il penfe, il raifonne, il fentr, il exprime; quiconque l’en*tend partage la douleur dont il eft pénétré, &. fes perfécuceurs, pour avoir l’air de l’immoler i.ns .finrc, feignent dô
croire qu’il eft infenfible au mal qu’ils lui font.
Ihfôrtuné Magiftrat ! . . . que deviendroit-il, fi les loixpouvoient fouifrir cet affreux facrifice !
l i e Certificat-du 0. Mai 1783 , qui autorife fon épouie
à employer la force contre l u i , fort dans fa maifon, foit
dans une maifon publique, à fon choix ; le certificat du 6
Février 1784., par lequel elle l’a fait déclarer fou incu
rable, contre fa convi£tion intime, contre l’évidence même;
la chartre privée où elle l’a tenu , & l’abandon où elle
1-a làiifé une nuit entière au milieu des dbuleurs les plus
aiguës-, font le p ré fa g e effrayant du fort qui lui eft réfervé.
R elégu é dans une maifon de force', ou détenu dans la
fienne , il ne jouiroit plus à-fon gré ni du ciel qui l’écla ire,
ni de 1-air qu’il refpire , ni de la rerre qur s’offre fous fes
pas ; la nature entière difparoîtroit à fes yetrx : fe u l, faiiî
parens, fans, amis-, étranger à tout le monde &
charge
à lui-même, il chercheroit vainement autour de lui des
êtres fenfibles auxquels il pûft fe plaindre, ôt qui priifent
part a fe’s peines. Jamais la' voix confolante de l’humanité
n e frapperoit fon oreille & ne fufpendroit le cours de &
douleur. Il n entejidroit que les infultes ôc les menaces dea
tyrans mercenaires qui s’attacheroient à fa perfonne, ôcdonc»1 feroit le jouet. & la vi&ime. L a m o r t.......... la mort trop
�i
\6
lente pour fes befoins feroit fon unique _efpérance ; elle
feule pourroit brifer fes chaînes & mettre fin à fon mal
heur.
L ’idée de cette fituation, quelque affreufe qu'elle fo it5
n’eft pas c e qui l’affecte le plus dans ce moment : il eft pere :
fon cœur fe déchire au fouvenir de deux enfans dont la
deftinée eft attachée à l a fienne, & que le préjugé envelopperoit dans fa profc ription. i l fent redoubler fon courage
en fongeant au malheur dont ils font menacés : ce feroit
peu de leur laiff er une grande fortune, s’il leur laiffoit en
.même temps un nom flétri & déshonoré : il l ’a fignolé ce
nom par d’affez grands facrifi ces , pour qu’il doive être
jaloux de le conferver fans tache : les prifons de la baftille
dépofent de fon dévouement généreux au milieu des révo
lutions publiques.; les regiftres de la Cour confacrent les
,
efforts de fo n zele pour le bien du fervice du R o i & pour l'hon
neur de la Magift rature : c eft cet honneur qu’il veut fauver
comme le .patrimoine le plus précieux de fes enfans;; en
combattant pour lui-même contre fon époufe, il .combat
pour eux contre leur mere : il défend trois victimes qu’elle
s’efforce d’immoler à la fois; mais après qu’ils auront triom
phé de ce péril com m un, il leur apprendra à oublier les
erreurs de celle; qui leur donna le jo u r, & à lui rendre le
bien pour le mal qu’elle n’aura pas pu leur faire.
M onfieur S E G U I E R , Avocat Général.
Me B E R G E R A S , A vocat.
1
A Paris, chez K N A P E N
J u l h i a r d , Procureur.
;
& F ils , Lib.-Im pr. de la
C o u r des A i d e s , au bas du Pont S, M ic h e l, 1 7 87.
�
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Factums Vernet
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Description
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. D'Abbadie. 1787]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Seguier
Bergeras
Julhiard
Subject
The topic of the resource
démence
curatelle
traitement par électricité
psychiatrie
divorces
maison de force
successions
conseils de famille
abus de faiblesse
violences sur autrui
certificat médical
témoins
experts
Description
An account of the resource
Plaidoyer pour monsieur d'Abbadie, conseiller-honoraire au Parlement de Paris, président à Mortier au Parlement de Navarre. Contre madame la présidente d'Abbadie, son épouse.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Chez Knapen et Fils (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1787
1781-1787
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
117 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_V0105
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Vernet
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_V0106
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Paris (75056)
Pau (64445)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abus de faiblesse
certificat médical
conseils de famille
curatelle
démence
divorces
experts
maison de force
psychiatrie
Successions
témoins
traitement par électricité
violences sur autrui
-
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26faad0fe7621e18785ae1baded40915
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Text
REPLIQUE
P O U R
M .D
'
A
b b a d i e
,
Confeiller - Honoraire au
Parlement de Paris, Préfident à Mortier au Parlement
de Navarre.
C O N T R E
Madame
la
P r éfidente D ' A b b a d i e
fon
E poufe.
M
U
n
e s s i e u r s
,
Citoyen R om ain, qui avoit mené une vie paifible
voyant fon nom écrit fur les tables fatales qui annonçoient
les p r o f i t i o n s , s’écria avec douleur: « Malheureux que
» je fuis ! c’ef t ma belle maifon
» mourir ».
d’A lb e qui me fait
M . le Préfident d Abbadie s’écrie aujourd’hui dans une
A
Farlem ent de
P aris.
G rand’Chambre.
�2
iituation
non
moins affligeante : « M alheureux que
» fuis ! c’eft ma fortune
qui fait de
» enaem ie
qui
m o r t e lle ,
&
ma femme
l’excite à
demander
je
mon
ma
» profcription ».
L e s faits de la C aufe ne juftifient que trop cette exprcffion de fa peine , ce cri de fa douleur*
L e plan de M adam e la Préiidente d’À lb a d ie fe réduit
à ces deux points:
« Je fu is , d it-elle, exem pte de reproche.
» E t mon mari eft infenfé ».
L a défenfe de M . le Préfident d’A bbadie roule fur les
deux points contraires.
« M o n époufe , d it -il, eft grièvem ent coupable envers
» moi.
» E t je jouis de ma raifon ».
R é ta b liro n s ces deux p o in ts , & ramenons-y toute la
Caufe.
Il n’eft pas inutile de retracer les torts de M adam e la
Préfidente d’A bbadie envers fon mari : les uns ont dcd le
prélude & les préparatifs de fon a£tion ; les autres
en
décèlent les motifs ; tous c o n c o u r a ie n t à la faire exclure
de la curatelle de M . le Préfident d’A b b a d ie , fi ce M agiftrat avoit befoin d’un curateur.
I*r«mier tort.
premier
tort de M adam e d’A b b a d ie
eft
d’avoir
rendu dans tous les te-nps fon mari malheureux.
M . le Préfident d’A bbadie a fait entrevoir une partie de
fes malheurs d om eftiqu es, en l'hôtel du fieur Lieutenant
C i v i l , dans fon dire du 27 Septembre 1 7 8 ; .
�3
E n vain obje&e^t-on que ce dire étoit écrit d’une main
étrangère. Il avoir été écrit fous la di&ée de M . le Préfi
dent d’A bbadie ; & le procès-verbal conflate qu’il a réfuté
lui-même cette obje& ion , en déclarant Jeul & fans l’ajjîjtance, de fon Procureur, q u il p erfifoit dans fo u dire.
L e dire du 27 Septem bre 1 7 8 ; n’ efi. donc pas, com m e
o n l a plaidé , l’ouvrage d’une
l ’ouvrage de M . le Préfident
volon té étrangère ; il eft
d’A b b a d i e , &c une foible
expreflion de fes malheurs.
O u b li des égards qui lui étoient dus ainfi qulà fa m ère;
mépris de fa perfontie ; contradiftions perpétuelles ; nécefiité de vivre féparément : voilà d’après le dire du 27 S e p
tem bre 1 7 8 ^ , c e que M . le Préfident d’A b bad ie a trouvé
dans le mariage.
I l s’eft expliqué un peu plus ouvertem ent dans fes in
terrogatoires.
Il dit dans celui du. 29 D é c e m b re 178J : « Q u ’il eft
» bien aife de prouver à M adam e d’A b bad ie qu’il n’a pas
» befoin d’elle pour fe maintenir en bonne fanté ». D ans
celui du j Janvier 1 7 8 5 : « Q u e M adam e d’A bbadie eft la
» caufe dè tous fes chagrins ; qu’il confent à lui donner
» dix mille livres par année pour vivre clans un c o u v e n t» .
Dans celui du 13 Janvier : « Q u ’il ne croit pas Être o b ligé
» de faire de plus grands avantages à une fem m e qui le
» perd de réputation ; qu’il la difpenfe de fon attachem ent».
Dans celui du 1 7 , «qu’il lifoit (à l’arrivée du fieur Lieutenant
» C iv il à Vitry)le M ercure de F ra n ce dans lequel étoitjriiif» toire d u n e femme qui avoit empoifonné fon m ari, &
» qu à cette occafion il s’étoit livré à quelques réflexions chaA ij
�4*
» grines, fur les malheurs que les maris font fujetsà éprou» ver de la parc de leurs fe m m e s , & fur fa propre fitua» tion ». Dans c e lu i du 22 avril , il s’écrie : « C om m e n t
» ne pas tenir rigueur à uue fem m e qui deshonore fon
» m ari, qui lui fufeite une affaire dont l’éclat le met hors
d’état d’exercer aucune
fon& ion ! enfin dans celui du 18
M a i , il répond : « qu’il perfifte dans tout c e qu’il a déjà
» dit, ( concernant la peniion de Madame d’A b b a d ie , & fa
» retraite dans un c o u v e n t ) , que le iieur Lieutenant C iv il
» eft trop prévenu en faveur de ladite d a m e , que d’après
» la conduite qu’elle a tenue à l’égard de lui répondant
» tant à Pau qu’à P a ris, & les chagrins domeiUques qu’elle
» lui a ca u fé s, il fe croit en droit de fe tenir éloigné d’e lle ;
» que c’efl: le feul m oyen qu’il ait de rétablir parfaitement
» fa fanté, qui n’a été altérée que par les peines &
les
» inquiétudes qu’elle lui a caufées ».
C e s réponfesne font point l’ouvrage d’une volo n té étran
gère: M . le Préiident d’A b bad ie étoit feul a v e c le M agiftrat,
lorfqu’il les faifoit.
V ou le z-v o u s révoquer en doute ces plaintes modérées
qu’ une douleur profonde arrache au plus patient & au plus
d ou x des hommes ? E c o u te z du moins la M arquife du
C o u d r a i , fa focur, qui ne peut pas vous être fuipe&e.
« T o u t e s vos peines, lui dit-elle dans fa lettre du 27
» N o v e m b r e 1 7 8 4 , au paiTé
,
a u
p ré le n t
ôc a 1 a v e n ir , ont
» é t é , font ôc feront toujours les miennes par mon atta» chem ent pour: ma famille ,
et
pour
vous
en
p a r t i-
» CULIER » .
E c o u te z les parens & amis de M . le Préfident d’A b b a d ie ,
notamment le fieur de Joantho , fon coufin germain , adi*
�s
gné par vous co m m e par l u i , & que vous n’avez fufpe&é
Il vainement à la dernière a u d ie n c e , que parce qu’il vous a
rendu juftice à l’un & à l ’autre. C es païens & amis parlent
dans leur avis des chagrins de M . le Préfident d’A b b a d ie ,
& des peines domeftiques auxquelles il a été en proie.
V o u s précendez prouver fon bonheur , par les
lettres
qu’il vous a écrites de Paris en 1781 ? Il eft vrai qu’il les
com m ence toutes ,
en vous appellant f a chere fem m e,
com m e vous l’appeiliez votre, cher mari, & qu’il les finit en
vous aflurant d e ¿’attachement a v e c le q u e lil eft tantôt tout à
vo u s,
tantôt votre très-humble, ferviteur. U n mari bon par
caractère, & qui feroit heureux par fa fe m m e ,
n’auroitil
donc jamais d'autre nom à lui d o n n e r , d’autre fentiment
à lui offrir ?
E n fin , vous invoquez la naiiTance de vos deux enfans
com m e une preuve du bonheur de votre mari. C e tte nai£fance prouve bien que M . le Préfident d ’A b bad ie eft p ère;
mais elie ne prouve pss qu’il foit heureux époux.
Q u e lle circonftance choifiifez-vous pour vanter le b o n
heur paiTé de M . le Préfident d’A b b a d ie ? C e l l e où vous
travaillez à le rendre le plus miférable des hommes. A h !
la pourfuite de fon interdiction ne peut pas être le premier
tort que vous ayez eu envers lui. C e n’eft que par dégrés
qu’une femme bien née acquiert l’affreux courage d’atta
quer ouvertement l’état de fon m ari, & de b r a v e r ,
vous faites depuis deux ans , la^cenfure publique,
comme
L e fécond tort de M adam e la Préfidente d’A b bad ie eft
de s être emparée à P oitiers, le 9 Septem bre 1781 , d’ une
fom m e de 20,000 liv. qu’elle s’eft fait remettre clandefli-
Sccond torr.
�6
nem ent par le R égiffeu r de fon m a r i, qui fe retiroit avec
elle en B é a r n , fous prétexte qu’il étoit m alade, & hors
d’état de donner quittance de cette fomme.
Ajoutons 2 1 3 6 liv. que M adam e d’Abbadie avoit reçues
à Paris au m om ent de fon d é p a rt, co m m e elle le déclare
dans fon M ém oire imprimé au C h â t e le t , pag. 149.
E lle avoit donc fait au mois de Septem bre 1781 une
recette de 2 2 13 6 liv.
Jettons maintenant un c o u p - d ’œil fur la dépenfe.
M adam e d’Ab bad ie porte d’abord en dépenfe une fom me
d e j o o o liv. pour frais de voyage.
C e t article ne doit pas être alloué.
M adam e d’Ab bad ie eit partie de Pau au mois d’août
1 7 8 1 , pour venir joindre fon mari à Paris, & pour retourner
ave c lui en Béarn. Sa belle-mère qui a approuvé ce v o y a g e
lui a donné yo o o liv. pour l’aller & pour le retour. Si elle
nie la quotité de la fom m e qu’elle a reçue , elle eft forcée
de conven ir du moins qu’elle a reçu fom m e fuffifante pour
les frais du v o y a g e . C e fait n’a pas befoin de preuve ; il
eft dans l’ordre naturel des ch o fe s; il eft néceilaire ; on ne
v o y a g e pas à c r é d i t , & l’époufe d’un Magiftrat qui jouit
de plus de 40,000 liv. de
rente , n’entreprend pas une
route de deux cents lie u e s , fans avoir en main au m om ent
de fon départ les fonds dont elle peut avoir befoin.
Il n’y a donc aucune d éd u û ion à faire pour frais de
v o y a g e , fu r ie s 2 2 13 6 liv. que M adam e d’Abbadie a tou
chées au mois de Septem bre 17 8 1.
D e ion aveu , elle n’a dépofé à fon arrivée à Pau , dans
les mains du fieur d cB eau reg ard qu’une fomm e de i ; o o o l .
elfe retient donc à fon profit une fomm e de 7 1 3 6 liv.
�7
V o y o n s ce qu’ eft devenu le dépôt de i j o o o liv.
M adam e d’A b bad ie convient qu’elle a touché en 1782
3000 liv. pour la penfion que fon mari lui faifoit»
R e lie n t 12000 liv.
L e fieur Louftau , 1agent de M adam e d’A b b a d ie , & fort
correlpondant a reçu le 11 Septem bre 1 7 8 2 , du lieur de
Beauregard une fom m e de 3000 liv. favoir i j o o l i v . en
a r g e n t, & un billet du fieur de Beauregard de pareille
foïHme ; à qui a-t-il remis cette fom m e & ce billet? à Ma>
dame d'Abbadie. E lle ne peut pas nier ce fait. Madame la Préfidente d’Abbadie mère donnoit au iieur de Beauregard des
reçus des iommes qu’e lle t o u c h o it : elle lui a d o n n é en 1782
trois reçus montant à 9000 I. qui font dans les mains de M a
dame d’A b b a d ie ; elle auroit donné également un reçu des
5000 liv. touchées par le fieur Louftau le 11 Septem bre
1782 , fi le fieur Louftau les avoit reçues pour elle; il les
a donc reçues ponr le com pte de Madame d’A bbadie.
V o ilà donc 1 3 ,13 ^ liv. appliquées au profit de M adam e
d’A b b a d ie , dont la maifon étoit d’ailleurs défrayée à Pau
par fon m a r i, ainfi qu’il Je déclare dans fon interrogatoire
du j Janvier 1 7 8 6. C e n’eft donc pas un a£te d’adminiitration qu elle a fait en 1 7 8 1 , lorfqu’elle s’eft emparée clandeftinement à Poitiers des revenus de fon mari ; c ’eft une
entreprife in té reffée , qu’elle ne peut pas colorer par la
pureté de fes motifs.
L e troificme tort de M adam e d’A b b a d ie eft d’avoir quitté
fon mari en Béarn pendant d ix -n e u f m o i s , depuis le mois,
d efe p te m b re 1781 jufquesau mois ¿ ’avril 17 8 3 ,
Troifième tort*
�8
» Il n’y avoit pas , d it - e lle ,
de logement pour moi
» au château de Bizanos.
S ie d - il bien à une femme de dire qu’il n’y a pas de l o
gem ent pour elle , dans un Château habité par ion mari ?
Il y a au château de Bizanos un rez-de-chauifée, ôc un
premier étage : Je rez-dechauiTée étoit occupé par Madame
la Préfidente d’Abbadie mère ; le premier étage auroit fuffi
pour Madame d’A b b a d ie , fi elle avoit été jaloufe de vivre
avec fon mari ; mais elle aimoit mieux refter feule dans ia
maifon de Pau. V o ilà quel étoit fon attachement pour
fon mari ; voilà le foin qu’elle prenoit de cette téte fi chère.
M . le Préfident d’Abbadie arrive à Paris avec le Frère
L iflon d e , dans le mois d’avril 1783. Madame fon époufe
le fuit de près à fon infçu ; que vient-elle faire ? C ’eft
ici fon quatrième tort.
Quatrième tort.
E lle fait vifiter fon mari le 6 mai 178? , par le fieur
B orie fon M éd ecin ordinaire , & par les fieurs Dejean &
de M o n ta b o u rg , & elle fait fabriquer le même jour par le
fieur Borie un certificat ,
dans lequel ces M édecins at-
t e f t e n t , après un demi-quart-d’heure d’exam en;
i°. que
M . le Préfident d’Abbadie parle nuit & jour , qu’il a perdu
le fommeil & l’appétit, & que cet état dure plufieurs jours ;
2°. qu’il a été fou à Pau , depuis le mois de feptembre
1781 , jufques au mois d’avril 1783 , & à Paris , depuis cette
dernière époque , jufqu’au 6 mai , jour de leur vifite ; ce
qu’ils ont appris , difent-ils, du Frère L i (fonde fon compa
gnon de v o y a g e , ( qui leur donne à ce fujet un démenti
f o r m e l; ) 30. qu’ il ne faut pas héfiter d’employer la force
contre M . le Préfident d’A b b a d ie , foit dans la maifon du
fieur
�9
Heur de Borda , foit dans une maifon publique ; c e qu’ils
Jaiiïsnt au ch oix de Madame Ton époufe.
C ’eft , a-t on dit à cette au d ien ce, Madame la Préfidente
d’A bbadie mère qui avoit conçu le projet de faire enfer
mer fon fils : elle avoit fait confier c e projet par le F rè re
L iifo n d e à M . de Cheraute , qui l ’en avoit détournée ;
M . de Cheraute l’a déclaré , & le Frère Liifonde ne l a
pas nié.
M . de Cheraute l a déclaré ! O ù efl donc cette décla
ration? Je l’ai cherchée avec la plus grande attention parmi
les pièces de Madame laPréfid en te d’A bbadie , ôc je ne l ’y
ai pas trouvée.
'
Si elle e x ift o it, elle ne prévaudroit pas fur les preuves
réelles que M adam e la Préfidente d’ Abbadie mère a don
nées de fa tendreife pour fon f i ls , avec qui elle a toujours
v é c u , & dont elle a été la com pagne fidelle jufqu’à fou
dernier moment.
L e Frère L iifon d e ne l’a pas nié! M ais il n’a pas été
interpellé fur ce fait ; fon filence n’en fournit donc pas
la preuve.
N o n ; le defir de faire enfermer M . le Préfident d’A b
badie n’a jamais fouillé le cœ ur de fa mère : c’eft fon époufe
qui s’eft fait autorifer à exercer cette violence. Q uand on
eft capable de demander à un M é d e c in une ordonnance de
ce g e n r e , on efl aiTûrément capable de l’exécuter.
L e cinquième tort de M adam e d’A bbadie eft de s’être
fait remettre claiideftinement par le fieur O liv ie r ,
cinquième ton
le 8
novem bre 1783 , une fomm e de 36000 liv. appartenante
à fon m ari, ainfi qu’il eft établi par le co m p te que le iieur
B
\
�ÎO
O liv ie r a rendu à M . le Préfident
d’A bbadie le 10 du
m êm e mois.
» M a i s , dit M adam e d’A b b a d ic , j’ai mandé le 11 no» vem bre 1783 , à ma belle-mère , que fur ces 36000 l i v . ,
» j’avois déjà remis 6000 liv. à mon mari ,
que j’avois
» wardé 5000 liv. pour ma dépenfe ; que j’avois converti
» les 2$ 000 liv. reftantes en billets des fermes , pour ne
» pas laiiTer l’argent o i f i f , & que j’étois prête à envoyer
» des fonds à ma belle-mère auffnôt qu’elle voudroit.
C ’eft là , en effet , la teneur d’une copie de lettre de
M adam e la Préfidente d’Abbadie, à fa belle-mère , en date
du 11
novem bre 1 7 8 3 ; copie dont rien ne garantit la
c o n fo r m ité avec l’o rig in a l, s’il a jamais exiilé , ô t que fa
teneur même rend plus que fufpefre.
D ’un côté ,
M adam e d’Abbadie n’a pas^pu mander à
fa belle-m ère le 11 novembre
1783 , qu’elle avoit déjà
remis 6000 liv. à fon m a ri, puifqu’elle ne lui a remis cette
fomme que le 13 du même m ois, fuivant la tranfa&ion du
2 juillet 178 4 .
D ’un autre côté , elle n’a pas mandé à fa belle-mère par
fa lettre du 11 novembre 1783 , qu’elle étoit prête à lui
remettre ces fonds , puifque fa belle-mère 11e lui dit rien
qui ait trait à une pareille offre , dans fa réponfe du 19 du
même mois
, & q u e lle & fon fils ont au contraire , par
leurs lettres du 8 mars 1 7 8 4 , preffé le fieur d’Etehegaray
de pourluivre en Juitice la reftitution des fomines iixrées
a Madame d’Abbadie par le fieur O liv ier ; ce qu’ils n’auroient point f a i t , l i , dès le îx novembre p récéd en t,
Ma
dame d’Abbi-die avx)it offert de les leur rendre.
Enfin , il a fallu compofer avec Madame d’Abbadie fur
�11
,
cette reftitution, & lui abandonner , par la tranfa&ion' du
2 juillet 1 7 8 4 , une fomme de 13000 liv . en fus de celle
de 3600 liv. qu’elle avoit reçue pour fa psnfion en 1783 ,
c e qui fait une fomme de 16600 liv. qu’elle a touchée
en 1785 , quoiqu’elle n’eût aucune dépenfe à faire dans la
maiion du fieur de Borda.
13000 liv. en 17 8 1 , 13000 liv. en 1783 ; voilà quels
ont été pour M adam e d’ Abbadie les fruits de cette adminiftration officieufe qu’elle exerçoit pour fon m a r i , à fon
infçu , & contre fon gré.
L e fixième tort de M adam e la Préfidente d’A b b a d ie ,
eft d’avoir quitté fon mari pour la fécondé fo is , depuis
le mois de N o v e m b re
1785 jufques à la fin du mois
de D é ce m b re 1 7 8 4 , qu’il eft venu la joindre à Paris,
& d’être reftée dans cette C a p ita le, tandis qu’il étoit en
Béarn.
E lle a cherché une premiere excufe dans la lettre de
fa b elle mère du 19 N o v e m b re 1783 , par laquelle elle
la remercie de ce qu’elle veu t bien refter auprès
fieur
de Borda.
Mais elle n’a pu recevoir cette lettre de Pau que le 26
N o v e m b r e , & elle avoit laiiTé partir fon mari dè& le 1 4 ,
avec le F rère L iflon d e qui lui a mandé qu’ils étoient arrivés
à Pau le 2 j , avant qu’elle ait reçu la lettre de fa belle mère.
C ’eil donc de fon propre m ouvem ent qu’elle s’eft déter
minée à refter feule à P a ris, & non d’après la lettre de
fa belle m è r e , qui d’ailleurs ne l’en prioit pas.
E lle a cherché une fécondé excufe dans une lettre que M .
le Préiident d’Abbadie lui a écrite de Paris le 1 9 M ai 1 7 8 1 ,
pour lui annoncer le projet qu’il avoit de l’attirer incefB ij
Sixième tort.
�\2
famment dans cette C a p itale, où elle pourroit paffer q u el
que temps.
M ais il n’y a aucune liaifon entre ce projet manqué en
17 8 1 , & le féjour que Madame d’Abbadie a fait à Paris
pendant quatorze mois en 1783 & en 17 8 4 5 en l’abfence
de fon mari, qu’elle a quitté volontairement ôc fans aucune
néceiïité.
septième tort.
L e feptieme tort de Madame la Préfidente d’Abbadie
lui a paru enfin à elle-même fi o d ie u x , fi ré vo ltan t, qu elle
n’a pas même eflayé de le c o lo r e r , &
q u e lle l a laiifé
dans toute fa noirceur. Je veu x parler du certificat q u e lle
a fait fabriquer le 5 F év rie r
1 7 8 4 , par le fieur B orie
qui y attefte : i°. Q u ’au mois d’avril 1 7 8 5 , à fon arrivée
à Paris, M . le Préfident d’Abbadie étoit depuis deux ans
dans un état de dém en ce, (quoique ce Magiftrat eût vécu en
Béarn,.à 200 lieues du'fieurBorie , depuis le mois de S eptem
bre 178 1 jufques au mois d’avril i 7 8 3 .) 2 ° Q u ’aumois d e N c vem bre 1 7 8 3 , lors de fon départ pour P a u , c ’eft-à-dire le 14
N o v e m b re jour de fon départ, M . lePréfidentJd’Abbadie étoit
dans un état de d é m e n c e , aifertiondontla fauiTeté eft démon
trée par la lettre que M . le Préfident d’Abbadie a écrite à
fon R égifleu r le 8 N o v em b re 1783 , p arle compte que le
fteur O liv ie r lui a rendu le 1 0 , par l’aiïignation qu’il a
fait donner au fieur O liv ier le 11 , & par la reconnoiffance qu’il a donnée le 1 3 , veille de fon départ , de la
fem m e de 6000 livres que M adam e la Prcfidente d’Abbadie
lui a fait -remettre. 3P. Enfin que la maladie de M . le
Préfident d’Abbadie paroît être parvenue à l’incurabilité.
Quel
trait de lumière
environne
dans
ce
m om ent
�\
n
M adam e la Préiidente d’A b b a d ie , & perce le vo ile donc
elle fe pare aux yeu x du public?
E lle fait déclarer fon mari in cu ra b le, à P a r is , trois
mois après fon départ pour Pau.
E lle le fait déclarer incurable par un M é d é c in , qui,,
fuivant la lettre qu’elle a écrite à fa belle-mere , le 2 $
O & obre
1 7 8 3 , quinze jours avant le départ de M . le
Préiident d’A bbadie pour P a u , avoit promis fa guérifon
' totale.
V o t r e mari fou incurable! Q u e l befoin aviez-vous de
cette
atteftation , le
6 F évrier 1 7 8 4 , un an avant que
vous a y e z . pourfuivi fon in te rd id io n ? Q u o i ! votre fang
ne s’eft point glacé à la vu e de ce préfage finiftre ; vous
n’avez pasrepouÎTé la main qui v o u s l ’offroit ; vous le gardez
depuis trois ans; vous le faites circuler d anstouslesTribunaux
où vous traduifez votre m a ri, & quand deux M édécins qui
l ’ont vifité récemment pendant foixante-huit jo u r s , atteftent
à la juftice fous la foi du fe r m e n t, [que fon état habi
tuel eft un état de ra ifo n , tel qu’il fe manifefte dans fes
interrogatoires, vous les a c c u f e z , l’un de com plaifance,
l’autre d’impofture; vous rejettez avec horreur une vérité
co n fo la n te, pour vous repaître d’une illufion qui devroic
vous défefpérer ; tous ce u x qui vo y en t votre inari ,
étrangers , parens , amis , M agiftrats, tous le trouvent
raifonnable 5 &
vous qui ne l ’avez pas vu depuis deux
ans, vous fon époufe , vous vous obftinez
à dire qu’il
eft infenfé ; vous démentez la notoriété p u b liq u e , vous
m éconnoiifez l’évidence m êm e ! A h ! ne cherchez plus
d e x e u fe à votre a v e u g le m e n t;
ne fuit ainfi la lumière ,
g u id e.1
jamais l ’efprit humain
que quand il a le cœ ur pour
•
�14
Huitième
tort.
L e huitième tort de M adam e la Préfidente d’A b b a d ie ,
^ d>avoir attifé fon mari dans cette C a p ita le, au mois
de D écem bre 17 8 4 , fo u s prétexte, com m e elle le lui difoit
dans fa lettre du 8 N o v e m b re p ré céd en t, que fes affaires'
e x ig e o ie n t fa p ré fe n c e , pour le faire interdire à P a u , fans
qu’il pût fe défen d re; de l’avoir tenu en chartre privée
depuis le
Mars 1 7 8 j
au fo ir ,
jufqu’au lendemain
onze heures du m atin, pour l ’empêcher de fe pourvoir
contre l’interdi&ion provifoire dont il avoit été frappé
le 3 du même m o is, & de l’avoir privé des fecours néceifaires contre une colique violente , dont il a été atteint
la nuit du 25 au 2 6 Mars.
M adam e la Préfidente d’A bbadie convient qu’elle s’eil
emparée des clefs de l’h ô t e l , le 2$ Mars au f o i r ,
pour
la première
tenu
fois ,
&
q u e lle
a
par
conféquent
• fon mari en chartre privée , pour l’empêcher de partir
le lendemain pour fes terres de Poitou : mais elle nie
qu’il ait eu la colique dans la nuit du 25 au 2 6 Mars
& elle a pour garant de fa dénégation le C o ch e r D o u c et.
C e C o ch er peut bien attefter qu’il n’a eu lui-même
aucun mal la nuit du 2 j au 26 Mars 1785* , 6c que s’il
avoit fouffert com m e fon m aître, il auroit reçu tous les
fecours qui lui auroient été néceffaires; mais fon témoi
gnage purement négatif ne détruit point le fait pofitif &
prouvé que M . le Préfident d’Abbadie s’eft plaint d’une
colique violente la nuit du z<; au 2.6 Mars 178J , fans
qu il ait pu recevoir les fecours du dehors qu’il demandoit;
&
fi c’eft une trahifon de la part de fon é p o u fe , de
l ’avoir attiré de Pau à Paris, pour le faire interdire à
- Pau à fon infçu, fans aucune inftrudion, c’eft un attentat
�de l’avoir tenu en charte p riv é e , dans une
circonftance
où il avoit tant de befoin d’être libre pour fe d éfen d re,
& une cruauté de lui avoir refufé au milieu des douleurs
les plus aigu ës, des fecours que la pitié prodigueroit en
pareil cas au dernier des hommes.
Enfin , le neuvième tort de
M adam e la
Préfidente
d’A b b a d ie , eft d a v o ir laiifé infpirer à fes enfans la crainte
& le mépris de leur p è r e , 6c de les avoir rendus témoins
des follicitations
qu’ elle
fait
pour
fon. interdi£Hon.
V o u s vous rappeliez, M e ille u rs , cette fcène qui s'eft
paifée dans la maifon du fieur de B o r d a , lorfque M . le
Préfident d’A bbadie
eft allé en perfonne réclamer
fes
enfans, accom pagné de deux N o ta ire s, de M e.B o u rg e o n
fon Procureur au C h â te le t, & du C hevalier de Saiutray.
I l a trouvé fes enfans dans le fallon ; à peine
lui ont-ils
laiifé le loifir de leur donner un premier figne d’amitié.
L e nommé
Tiercclin, laquais de
M adam e la Préfidente
'd’A b b a d ie , eft venu lui arracher l’un qui s’eft enfui dans le
jardin ; l ’autre s’eû réfugié dans les bras du C hevalier de
Saintray qu’il ne connoiifoit | a s , & à qui il ne ceifoit de
dire d’une v o ix tremblante : » M . le C hevalier e m p ê c h e z ,
» je vous p rie, que papa ne nous amene ; papa n’eft
» point
le maître ,
c ’eft maman qui eft
maîtreife de
» tout ».
; M è re aveugle ! vous fouffrez |que vos enfans n’ayent de
la confiance
qu’en vous
autorité que la v o tre !
leçons ,
avouer.
&
ne
donnez leur
ôc infpirez-leur
L ite s-le u r
,
connoiiisnt
donc
d’autre
de meilleures
des fentimens qu’ils
puiflent
qu’ils dépendent principalement de leur
N euvièm e tort.
�\6
» p i r e , que vous d é p e n d e z vous-même de votre m a ri, &
« quevous avez tous trois le même maître».
D ites leur que vous devez à votre mariage l’aifance
dont vous jo u iffe z , que toutes leurs efpérances font du
cô té de leur p è r e , & qu’ils ont droit de tout attendre
de fa tendreffe & de fa bonté.
L ife z leur l'interrogatoire du 13 Janvier 1 7 8 6 , où il
dit : « que vous devez être perfuadée qu’il n’a pas moins
» d’attachement que vous pour vos enfans ».
L ifez leur l’interrogatoire du 17 du même m o is, ou il
dit : « qu’il facrifieroit fa fortune & mêfne fa vie , s’il le
» falloir, p o u r les perfonnes qui lui appartiennent ».
L ife z leur l’interrogatoire du 22 A v ril fu ivant, où il
d i t , « qu’en follicitant la caifation des arrêts du Parlement
» de P a u , il avoit annoncé aux Magiilrats du C o n f c i l, que
» fon intention é to itd e faire emploi des fommes inobiliaires
» provenantes de la fucceffion du fieur de B o r d a , qu’il
’ perfifte dans cette réfolution , pour le bien de [es enfans f
& qu’il demande atle de fes offres de faire cet emploi.
N ’affe&ez plus d’aifocier vos enfans à vos follicitations,
com m e
s’ils
étoient intéreifés à
demander avec vous
l’interdi&ion de leur père.
Conduifez-les plutôt aux portes de la Baftille, & dites
leur: mes enfans, v o ici la prifon où votre père fut e n ferm é,
martyr de
fon zèle pour les L o ix dont il eft le Miniftre.
Souvenez-vous ,
lorfque vous ferez
élevés à
ce faint
M iniftere, de le prendre pour votre m o d è le , & de fervir
com m e lui le R o i & la Patrie.
Montrez-leur 1arrêt du 21 Juin 1 7 7 6 , & dites-leur : rrres
enfans ? voici le titre le plus précieux pour votre p è r e , la
récompenfe
�IJ
■'
récompenfe honorable de fes longs facrifices, l’arrêt de la
C o u r des Pairs qui l’a reçu parmi fes m em bres, en confidération de la nature des fervices que lui avoienu infpirês
depuis
d ix ans fo n
^èle & fon attachement .au bien du
fervice du R o i f & à l'honneur de la Magïjlrature '.
CeiTez de les entretenir des prétendues folies de leur
père ; entretenez-les de fes vertus & de ion amour pour
eux ; diiïipez une prévention funeite qui aveugle
leurs
e fp rits, & qui flétrit leurs cœurs : dites-leur la vérité , &
laiflez agir la nature.
V ou s connoiiTez , M eilleurs, les torts de M adam e d’Abbadie ; ils font g r a v e s , ils font multipliés ; permettez que
je vous le demande maintenant ; ne trembleriez-vous pas
d e la nommer curatrice de fon mari, s’il pouvoit être in
te rd it, & vous repoferiez-vous du foin de la perfonne &
dg la io r tu n e de M . le Préfident d’A b bad ie, fur une femme
qui n’a fçu refpe£ter jufqu’au préfent ni l’u n e , ni l’autre ?
M ais M . le Préfident d’Abbadie n’a pas à craindre
un
événem ent auili m alheureux, puifqu’il jouit de fa raifon.
C ’eft le fe co n d i point de la c a u fe , le point le plus eifent i e l, & qui demande le plus d’attention.
L e s parties pofent ici deux propofitions contraires.
M adame la Préfidente d’A bbadie foutient & entreprend
de prouver que fon mari e f t , depuis 1 7 8 1 , dans un état
de démence.
M.
le Préfident d’A bbadie foutient &
prouve qu’il
eft dans un état de raifon.
Ecartons d’abord les preuves de l’état de démence.
N o u s retracerons enfuité fous un point de vu e trèsfimple les preuves de l’état a&uel & habituel de raifon.
C
�18
M adame d’A lb a d ie invoque trois preuves, pour établir
que fon rr.ari a été infenfé en 1 7 81 .
,
L a première coniifte dans les deux lettres qu’il a écrites
les 18 Juillet &
16 A o û t 1781.
Mai? ces deux lettres ne prouvent que deux momens
d’abfence qu’il a e u s , lorfqu’il les a écrites. E lle s ne font
point concluantes pour fon état Habituel, même en 1781»
elles le font encore bien moins
pour fon état actue.1 &
habituel qui eft l’état fur lequel la C o u r doit prononcer.
a
L a fécondé preuve eft la lettre que le fieur dOlhaiTarry
écrite à M adam e d’ A b b a d ie , le 30 Juillet 1 7 81 .
M ais cette lettre ne parle que de mélancolie & de dïjlrac-
tïons. ]Un état de mélancolie n’eft pas un état de d é m e n ce ,
& des diftra£lions ne font point l’éclipfe de la raiion.
-La troifième preuve eft le ce rtifica t où le fieur T o n n e t ,
RégiiTeur des Terres du P o ito u , répète ce que Madame
d’Abbadie lui a dit à Poitiers, le 9 Septembre 1 7 8 1 , de
l’état de fon mari, pour colorer à fes yeux la précaution
qu’elle prenoit de le voir en fe cre t, de le faire cacher
dans la ruelle, de peur que M . d’Abbadie ne fu r v în t, 8c
de toucher vingt mille livres à fon infçu ; mais le fieur
T o n n e t n’eft dans cette partie de fon certificat que, l’écho
de Madame d’Abbadie , qui eft fans contredit le témoin
le plus fufpe£t & le moins digne de foi fur l’état de fon
mari.
Madame d’Abbadie ne prouve donc pour l’année 1 7 8 1 ,
que deux momens d’abfence qui ne forment pas un état
habituel ; & la preuve que M . le Préfident d’ Abbadie
n é to it pas en démence en 1 781 , c’eft fa correfpondance
de 178 1 avec fon épo ufe, & la précaution q u e lle a prife
�'19
,c
à Poitiers de fe dérober à fes regard s, quoiqu’il fût ma
la d e , pour percevoir fes revenus.
E lle invoque trois preuves, pour établir que fon mari a
été infenfé en 1782.
L a première eft une lettre que le (leur de Montbadon»
fon frère , a reçue de M adam e la Préfidente d’A b b a d ie ,
m è r e , en date du 30 D é ce m b re 1782.
M ais la mère dit feulement dans cette lettre que fon
fils diftrait par d’autres objets, n’a pas répondu à la de
mande que le fieur de M ontbadon lui faifoit de fa pro
curation pour procéder à un nouveau partage des biens de
la fucceffion de feu M . de M o n tb a d o n , père. E lle ne dit
pas que fon fils étoit en dém ence , le 30 D é ce m b re 17 8 2 ;
& fi M .
le Préfident d’Abbadie a refufé fa procuration
pour procéder à un nouveau partage, c ’eil parce qu’il ne
vou loit point plaider contre fa b e lle -m è r e , & qu’il lui
avoit déjà déclaré à elle-m êm e, com m e il l e d i t dans fon
interrogatoire du 13 Janvier
1 7 8 5 , qu’il
s’en rapporte-
roit aux arrangemens qu’elle feroit dans fa famille : E xem p le
d’honnêteté & de confiance refpetlueufe que les enfans
de M adam e de M ontbadon auroient dû imiter.
L a fécondé preuve de la prétendue dém ence de M *
d’Abbadie en 1782 ,
eft le certificat que M adam e
badie a fait fabriquer à P a ris,
M ai
par le fieur B o r ie ,
d’Ab~
le 6
1783.
M ais fi ce certificat porte que les M édecins ont appris
du Frère Liffonde que M . le Préfident d’Abbadie a été en
démence à P a u , en 1 7 8 2 , 1 e F rère Liffonde leur donne
lui-même à ce fujet un démenti formel.
L a troifième preuve eft l’enquête faite à Pau en 178$.
C ij
�Je la
connois
20
enfin cette enquête : on l’a citée comm e
contenant la preuve de deux faits principaux qui font ;
i°. que M . le Préfident d’Abbadie avoit fait acheter des
o i e s , pour leur apprendre l’alphabet. u°. Q u il avoit fait
acheter des chevres, pour les atteller a fa voiture.
Eh
b i e n , de 58 témoins qui ont été entendus a P a u , aucun
ne dépofe de ces faits controuvés , com me témoin o cu
laire. Les domeftiques de M . le Préfident d’ Abbadie , qui
feuls auraient été à portée d’en avoir connoiifance , n en
difent pas un feul mot. T r o is ou quatre étrangers qui en
parlent, n’en parlent que com m e témoins d’oui-dire, &
ne nomment pas le témoin principal dont ils font l’échç.
Q u e l eft donc ce témoin invifible qui a parlé par l’organe
des témoins d’oui-dire ? Faut-il le demander? C ’eft celle
qui les avoit fait aiïigner ; c’eft Madame d’Abbadie.
L ’enquête de Pau n’eft point concluante par elle-même.
E lle a été d’ailleurs annu llée, & ne peut par çonféquent
faire foi en Juftice.
Madame d’Abbadie ne prouve donc pas que fon mâri
ait été en démence en 1782 ; & la preuve qu’il n’y étoit
p as, c’eft fa correfpondance
en 1 7 8 2 , avec fes paretis ,
fes amis & fes gens d’affaires.
E lle invoque trois preuves , pour établir que fon mari
a été en dém ence en 1783.
L a première eft le
année.
certificat du 6 M ai de la même
M ais ce certificat ne prouve même pas que M . le Pré
fident d’Abbadie ait effuyé dans la journée du
6 M ai
1 7 8 3 , un accident critique. Il eft démontré faux dans la
p artie, où le certificateur dit qu’il parle d’après le F rère
�LiiTonde : il eil donc plus que fufpett dans la partie où
le cercificateur dit d’après lui-même que M . le Préfident
d’Abbadie ¿toit le 6 M a i 1783 dans un état de démence.
Si le fieur Borie en a im p o fé, quand il a dit que le F rère
LiiTonde lui avoit attedé la prétendue démence de M .
le Préfident d’Abbadie à Pau en 1 7 8 2 , qui peut s’aiïurer
qu’il n’en impofe pas égalem ent, quand il attefte fa prétendue-démence dans la journée du 6 M ai 1783 ? D ’ail
leurs ce n’eft pas l’accident du 6 ?vïai 1783 ,
q U’iI faut
juger , c ’eft l’état aftuel ôc habituel de M . le Préfident
d’Abbadie.
L a fécondé preuve de la prétendue dém ence de M . le
Préfident d’Abbadie en 1783 ,
eft la lettre de M adame
la Préfiden te d’Abbadie , m è r e , à fa bru, en date du ip N o
vem bre d e là même année, par laquelle elle promet de faire
continuer à fon fils, lorfqu’il fera à P a u ,
le traitement par
l ’éle£tricité.
Mais ce traitement convient aux maladies nerveufes ,
bien plus qu’à la démence. Madame d’Abbadie , m ère, n’a
donc pas reconnu la prétendue démence de fon fils, quand
elle a annoncé à à fa b ru , qu’elle luiferoit continuer c e
remède. E lle ne l’a pas reconnue non plus dans d’autres
lettres qu’elle a écrites à fa bru. E t com m ent pourroit-on
foupçonner qu’elle regardoit fon fils comme infenfé en
i
7 8 3 î qi,and on vo it que par fon teftament du 10 F év rie r
de la même année, elle le charge de foins qui ne convien
nent qu a un homme raifonnable.
L a troifième preuve eft la lettre du frère LiiTonde à
M adame d’A b b a d ie , du mois de N o v e m b re
1783,
où
il lui rend com pte du vo y a g e de fon mari , qui é t o i t ,
�22
dit i l , diftrait & g a i, & qui chantoit fans être prié; mais
on peut être diftrait & gai fans être en dém ence; &
M.
fi
le Préfident d’A bbadie chantoit fans en être p r i é , c ’eft
qu’il ne chante que pour fon plaifir, ôc qu’il n’eft pas un
de ces hommes qu’ on prie de chanter pour le plaifir des
autres.
M adam e d A ’bbad’te ne prouve donc pas que fon mari
ait été en démence en 1783.
E t la preuve qu’il n’y étoit p a s, c’eft fa correfpcndance
de 1783 , c ’eil la précaution que M adam e d’Abbadie a
prife de recommander le fecret pour lu i, au R é g ifle u r, quand
elle lui a fait demander l’état de fa ca ifle , par une lettre
du fieur O liv ier , du 2 Juin 1783 ; c ’eil le com pte que
le fieur O livier lui a rendu le 10 N o v em b re 1783 ; c’eft
le refus qu’il a fait d’allouer en dépenfe 36,000 liv. que
ce caiffier avoit
livrées à Madame d’A b b a d ie , le 8 du
même mois ; c’eft enfin le foin qu’elle a eu elle-même de
retirer une reconnoiflance de l u i ,
du léger à - com pte
qu’elle lui a remis, le 13 N o v e m b re 1 7 8 3 , la veille de
fon départ pour Pau , ainfi qu’il eit dit dans la tranfa&ion
du 2 Juillet 1784.
Madame
d’Abbadie invoque deux fortes de p r e u v e s ,
pour établir que fon mari a été infenfé à Pau en 1784.
L a première eft une colle£tion immenfe de lettres qu’elle
a reçues en 1784 , principalement du fieur L ou ftau , fon
agen t, &
de la dame D etchegorry , fa confidente , la
femme dd ce Procureur de Pau qui avoit aiTifté à Poitiers
en 1781 , à la recette myftérieufe de 20,000 l i v . , & que
M.
le Préfident d’Abbadie loge gratuitement dans
h ô t e l, depuis plus de vingt ans.
fon
�*3
Mais plus ces lettres font m ultipliées,
plus elles font
Îufpe&es. O n n’accable pas une femme pendant une année
en tière, de nouvelles facheufes fur l’état de fon mari, qu’autant* qu’elle le veut bien, & qu’elle le demande elle-même.
D ’ailleurs des lettres niiilives ne font point foi contre un
tiers; c’eft une maxime fa c r é e , & qui ne fera point mé
connue pour la première fo is , en matière d’état, au pré
judice de M . le Préfident d’A bbadie.
L a fécondé preuve de la prétendue dém ence de M . le
Préfident d’Abbadie en 1 7 8 4 , eft l’enquête faite à Pau en
1787.
M ais cette enquête où les témoins ne dépofent que d’ouidires fur les faits p rin cip a u x, a été annullée d’ailleurs par
le même jugem ent auquel M . le Préfident d’A bbadie d o it ,
Meilleurs , le bonheur de vous avoir pour Juges , & une
enquête nulle ne fauroit opérer la moindre convi& ion ;
quod nullum efl nullum producit effeclum.
M adam e d’Abbadie ne prouve donc pas que fon mari
ait été en dém ence en 1784.
E t la preuve qu’il n’y étoit p a s , c ’eft fa correfpondance
de 1 7 8 4 , ave c fon époufe, fa foeu r, M e H utteau, alors
fon confeil & fon a m i; M . de C h e rau te, le fieur L ou ftau ,
a v e c tous ceu x qui
faifoient les
préparatifs fecrets de
fon interdi&ion.
M adam e d’Abbadie invoque fix preuves pour établir que
fon mari étoit en détrtence en 1785.
L a première eft la procuration fous feîng-privé donnée
par M . le Préfident d’A bbadie au fieur d’E tch é g a rai, le
30 D é ce m b re
1784 ,
que Madame d’Abbadie
com m e une preuve que fon
regarde
mari étoit dans un état de
�24
démence qui ne lui permettent pas de la donner pardevant
Notaire.
Mais qui fouferit une procuration donnée fous feing-privé
peut en foufcrire une donnée pardevant Notaire. C e n eft
p a s
l a
prétendue dém ence de M . le Préfident d’A b b a d ie ,
c ’eft la fatigue de
fon
voyage qui l’a empêché de
tranfporter chez un N otaire le 30 D écem bre
fe
1784 , le
lendemain de fon arrivée à Paris.
_La fécondé preuve de fa prétendue démence en 1785' >
eft le dire de fon Procureur à la vacation du 26 Janvier de
la môme année.
• L e Procureur de M . le Préfident d’Abbadie , a bien dit
â cette vacation , q u il étoit malade dans fon lit; mais il n’a
pas dit qu’il étoit en démence.
L a troifième preuve eft la requête donnée au Parlement
de P a u , par M . le Préfident d’Abbadie le 8 avril
178; ^
à fin d’oppofition à l ’arrêt du 3 Mars précédent qui l’avoit
interdit par provifion com m e infenfé.
J 1 feroit bien étrange qu’une requête dont le but étoit de
faire juger en 178 j que M . le Préfident d’A bbadie n’étoit
pas in fen fé , contint l’aveu qu’il étoit infenié. A u di n’y
trouve-t-on pas un pareil aveu. O n y dit bien que M . le
Préfident d’Abbadie a éprouvé autrefois des crifes fâcheufes;
mais on n’y dit pas que ces crifes étoient des accès de folie.
La
quatrième preuve
d’Abbadie , dans
fon
eft l’aveu de M .
interrogatoire
17 8 ;.
C e Magiftrat a avoué dans
a v o ite u en
du
29
le Préfident
D écem bre
cet interrogatoire ,
qu’il
1 7 8 ; , pendant fon féjour dans la niaifon de
g a in t-V i& o r P deux accès d'une maladie de nerfs, dont il avoit
tu
�eu précédemment quelques attaques , & qui avoient duré deux
ou trois jours chacun ; mais loin qu’il ait reconnu que
c ’étoient des accès de folie , il dit
au contraire dans le
m êm e interrogatoire , « qu’il a cru jouir dans ces
accès
» de fa préfence d ’efprit, que quand les accès fe font paf»
» fés, il s’efi: rappel’ é
ce qu’il avoit, dit ôc fait pendant
» ces a c c è s , & qu’il a jugé raifonnable tout ce qu’il s’eit
» rappellé, com m e il en avoit jugd pendant l’accès m êm e;
» mais que ce qui le raiTure le p lu s , c’efl; le tém oignage de
» fon M é d e c in , qui lui a dit que pendant les accès m ê m e s ,
» il lui avoit répondu exactement à toutes les' queftion*
qu’il lui avoit faites ».
L ’aveu de M . le Préfident d’A bbadie efi: indivifible , &
puifqu’on veu t le convaincre par lui-même qu’il a eu deux
accès pendant cinq mois qu’il a paifés dans la maifon de
S aint-V ictor, il faut qu’on convienne avec lui que c ’éroient
deux accès d'une maladie de nerfs qui avoient duré deux ou
trois jo u r s , & qui ne lui avoient point fait perdre l’ufage
de la raifon.
L a cinquième preuve eft le. dire que le fieur P h ilip ,
M é d e c in , a fait en l’hôtel du fieur Lieutenant-Civil , le
ap Septem bre 178^.
Mais[ le fieur Philip a déclaré formellement dans ce dire
que ce qu’on appelle accès de dém ence dans la perfonne
d e M . l e Préfident d’Abbodie, n’eft qu’une maladie n e rv e u fe ,
curable de fa nature, déjà diminuée par l’ufagè des re m è
des qu’il lui a indiqués , &: qui ne lui fait point perdre la
raifon.
Enfin la fixième preuve d e là prétendue dém ence d e M .
l e Préfident d’A b bad ie, en 1 7 8 ^ , eft la correfpondance du
D,
�2
6
C o ch er P o u c e t avec M adam e la P r é s e n t e d’Abbadie. _
O n voit en effet dix-fept lettres du C o c h e r D o u c e t , qui
accufe la réception de celles que M adam e la P r u d e n t e
d’Abbadie lui a fait l’honneur de lui écrire , qui lui confe ille ,
dans une datée du
22
avril 178s1 , d’enfermer
l’A b b é d’Etchegarai dans une chambre, s’il va dans la maifon du
fieur de B o r d a , qui lui rend com pte dans
une
autre , d’un M ém oire imprimé qu’il a vu chez m o i , Jorfqu’il y a accompagné fon maître, & q ui, dans la plupart,
lui donne des nouvelles telles qu’elle les d efiro it, fur l'état
de ;M . le Préfident d’Abbadie.
Mais la correfpondance de M adam e la Préfidente d’A b
badie avec le C o ch er D o u c e t , ce faux délateur de fon
maître , chatte par lu i, &: indécemment accueilli par elle
ne prouve que les machinations de l’une & la lâche perfi
die de l’autre. L a bienféance,
l’honnêteté, la confiance
néceffaire des maîtres pour ceux, qui les fe r v e n t, le repos
des fam ^ les, la fureté du Magiltrat com m e celle du fimple
C it o y e n , dans l’azyle facré qu’ils habitent, tout crie v e n
geance contre cette correfpondance fcandaleufe , 6c la
d évo u e à la haine publiqus.
M adam e d’Abbadie ne prouve pas que fon mari ait été
en démence en 1785’ , & la preuve qu’il n’y étoit p a s , ce
font les deux certificats
des fieurs D e j e a n , de M onta-
b o u r g , D a r c e t , Philip ôc M athey* M é d e c in s ,
les j & i ç
donnés
Juillet 1785;,- après plufieurs vifites ; ce font
les deux certificats du fieur P h ilip , des 14 mai &
juillet 1 7 8 ; ; ce font les démarches continuelles
le Préfident d’Abbadie a faites
des Magiftrats du C o n f e i l ,
en
14
que M .
1 7 8 5 , tantôt auprès
pour folliciter la caifation
des
�27
arrêts du Parlement de Pau; tantôt auprès du fîeur L ie u te .
nant C i v i l , pour faire co m m encer la procédure que le C o n feil lui avoit r e n v o y é e , en calTant tout ce qui avoit été fait
à Pau ; tantôt auprès de fes Confeils pour régler avec eux
la marche de cette- procédure.
A joutons à toutes ces preuves de l'état de raifon de
M . le Président d A b b a d ie dans les années antérieures 'à
cette conteftation, le fuffrage de fa mère & de fon oncle
qui jufqu a leur décès arrivé vers la fin de l’année 1 7 8 4 ,
ont perfévéré dans la confiance qu'ils lui avoient a cco rd é e,
en le chargeant de l’exécution de leurs teftamens , 6c le
tém oignage de vingt-fix parens & amis q u i , au mois de
feptembre
178)*, ont rendu juftice dans leur a v i s , à fa
fageife & à fa bonne adminiftration. C e t avis eft plus jufte &
plus légal que celui donné à Pau le 2 mars 1 7 8 ^ , par
trois amis de Madame d’A b b a d ie , ôc par cinq parens &
alliés éloignés de fon mari , dont deux font en contradic
tion avec e u x -m ê m e s , & dont un demande pardon à M . le
Préfient d’ Abbadie de la foiblefie qu’il a eue de fe laiiTer
fé d u ire ,& d e
voter fon interdiction contre le cri de fa
confcience. Il eft plus jufte & plus légal que celui donné
au Cliâteletpar des parens , des alliés 8c des amis de M adame
d ’Abbadie , que leur qualité rendoit fu fp e & s , que les O r
donnances du fieur L ie u ten an t-C ivil ne permettoient pas
d’appeller, & plus digne de foi que la déclaration du C o
cher D o u c e t , q u i a eu l’audace d’ aller figurer avec deux
autres va lets, dont un aux gages de M adam e d’A b b a d ie
dans
raiTemblée des foi - difans parens
&
amis de fon
maître.
L e défenfeur de M adame d’A bbadie invoque fans ceiïe
D ij
�a8
ïa rrê td u Parlement d e P a u , du 3 mars 1 7 8 ? , qui prononce:
rinterdiûion
provifoire de M . le Préiident d A b b a d ie ,,
com m e un témoignage de fa demence.
Si je dis que cet arrêt a été c a f l é , il s’efforce
de le
juftifier, & il dit qu’il l’a rétabli.
Si je dis que le Parlement de Pau n’a jamais interdit
par p ro v ifio n ,. fur un iimple avis de parens , un hom m e
accufé de démence , il dit que la Jurifprudenca de cette
C o u r eft d’interdire ainfi pour caufe de dém ence , & il cite
dix-fept arrêts qui ont interdit par provifion des pères de
famille accufés non de d ém en ce, mais de p rod igalité, dont
les. diiTipations devoient Être nécefTairement établies par
des a £ t e s d o n t la ruinei auroit pu être confom m ée dans
vingt-quatre h e u re s , & dont l’interdi&ion provifoire n’a
pas été par conféquent prononcée com m e celle de M . le
Préfident d’A b b a d ie , fans connoiifance de c a u fe , & fans
une nécefïlté apparente.
Si je dis qu’un Bédeau de l’Univerfité de P a u , nommé
C a ta ly,, accufé de démence en 1 7 8 j , a échappé à Tinterdittion provifoire, malgré l’avis de fes parens, qui porte v
que fon état d’infirmité ne lui permet pas d’adminiftrer
fes b ien s, & que l ’adminiflration doit en être déférée au
fieur Cataly C u r é , il répond que Cataly n’avoit aucuns,
b ie n s , & que fa famille ne. s’o ccu poit que des moyens,
de pourvoir à fa fubfiftance.
Si je dis que les M édécins qui ont vifité C a ta ly en
exécution d’un arrêt du Parlement, de P a u , ont rapporté,
» qu’il étoit dans un état d’afïaiffement qui prodtiifoit une. '
» diminution & une difficulté de jugement qui le rendoit
» impropre à foutenir fes- id ées, » il perfifte à dire qu’il
�29
ne s’agiiToit point de l’état moral de C a ta ly , & qu’il s’agiffoit'uniquem ent de lui donner du pain.
A u refte, la procédure relative à ce Bedeau d e l’ Univerfité
eft fous les yeu x de M . l ’A vocat-G énéral. C e Magiilrat verra
ii j’ai bien ou mal lu, & aura la bonté de le dire.
Je me fuis plaint contre M adam e d’A b b a d ie de Tinterdi&ion provifoire de Ton mari ; c’étoit le droit ôc le devoir
de mon rriiniftère : maïs en parlant de l’arrêt du Parlement
de Pau , qui l a p r o n o n c é e , je n’ai pointbleiTd le refpeft du
à cette C o u r , com m e on a voulu le faire entendre. J ’ai
l’honneur d’être connu des anciens Magiftrats du Parlement
de Pau , fous les yeux defquels j’ai c o m m e n c é , il y a
vingt-quatre ans , l’exercice de ma profeflion. Ils fçavent
fi je leur fus dévoué ôc fidèle , & je crois leur prouver que
je le fuis encore , en défendant un de leurs chefs , celui
qui dans des temps orageux fe montra à leur tête , &
fçut faire a ve c eux le facrifice de fon état ôc de fa libertéN o u s voici arrivés à l’année 17 8 6 , fans que nous ayons
trouvé dans le cours des années antérieures des preuves de
la prétendue dém ence de M . le Préfident d’Abbadie. N o u s
y avons trouvé , au contraire, des preuves multipliées de
fon état deraifon. L es cinq premiers mois de l’année 1 7 8 6 ,
eoniacrés à l’examen de fa perfonne , von t fournir le co m
plément de ces preuves 3 £c mettre le dernier fceau à fon
état.
C e tte procédure a été affez longue pour fixer l’état habi
tuel de M . le Préfident d’A b b a d ie , & affez rigoureufe pour
qu’aucun fymptôme de fon état n’ait échappé aux regards
,de la Juftice.
Madame 4’Abbadie a fait diverfes defcriptions de l’état
�de fon mari : vo ici com m ent elle s’exprimoit nu Parlement
de P a u , dans fa R e q u ê te du i8 février 1 7 8 ; , qui eft la
R e q u ê te introduclive de linftance.
3) L a maladie de' M . le Préfident d’Abbadie , difoit-elle ,
» conlifte dans uns privation totale des facultés intellec» tuelles , qui. femble être atïujettie à un cours périodique
» pendant des accès qui durent huit à dix jours : . . . à ces
» accès fuccede une efpèce de cslm e a p p arent, qui fubfifte
» à-peu-près pendant le même tem ps,& dans.ce calme même
» l’efprit ne reprend qu’imparfaitement une efpèce d’ailiette
» qui ne lui b iffe que la faculté de réunir quelques idées.
» L a vie de. M . le Prélident d’Abbadie eft partagée,
» ajou toit-o n , entre celle d’un homme en dém ence, & celle
» d’ un hom m e qui conferve à peine les lumières de l’en» fan ce ».
C e langage étoit bon à Pau , où
vouloit faire interdire
Madame d’Abbadie
fon mari a b f e n t, fans inftruûion
préalable, fans connoiiiance de caufe.
Mais à P a r is , depuis que la procédure du C hâtelet a
fixé le véritable état de M . le Préfident d’Abbadie , il
n’étoit plus poiTible de divifer fa vie en deux révolutions
de huit à dix jours chacune , dont l’une le plonge dans
les ténèbres de la f o l i e , & dont l’autre lui rend à peine
les lumières de l’enfance. O n a imaginé un nouveau fyftême , auquel on a cru pouvoir donner un peu plus de
v.raifemblance : on a plaidé que tous les i£ , 18 & 20
jo u rs , M . le Préfident d’Abbadie eft fujet à des accès de
folie qui durent 4 , 8 , 10 & 12 jours.
J e n’ai befoin., pour renverfer ce fyflême , que de fuivre
rapidement l’ordre chronologique des aôes qui compofent
�J'
t
$
la procédure du C h â te ie t; je démontrerai, par ce m o y e n /
r°. que M . le Préfident d’Abbadie n’eft point malade tous
les i y , iS & 20 jo u rs ; a 0. qu’il n’eit point malade pen
dant 4 , 3 , i o &
i2 jours'; 3°. que fa maladie n’eft point
là démence.
Pour mettre plus de clarté dans l’ôr'dre chronologique
de cette p ro c é d u re , je la diviferai en deux époques; l’une
depuis le 29 D é ce m b re 178J , jour du premier interroga
to ire , jufques ali 3 Mars 1786 , jour de la première viiite des
M édecins ; l ’autre depuis le 3 Mars jufqu’au 18 M a i , jour
du dernier interrogatoire.
L e 29 D é ce m b re 17%$', premier interrogatoire o ù M . le Première époque.
Préfident d’ A bbadie développe la raifon la plus faine ôc
la plus entière.
( L e f Janvier 1 7 8 5 , deuxième interrogatoire exem pt
de critique , quoique , d’après une R e q u ê te de M adam e
d’A bbadie du 2 du même m o i s , fon mari dut être le j
dans un accès de folie.
L e s i? 6c / 2 du m ême m o i s , M . le Préfident d’A b b a d ie
comparoît en l ’hôtel du M a g i ü r a t , & demande à être
interrogé.
O
Il eft interrogé l e 13 pour la troifième fois;, & répond
avec la plus grande jufteiTe.
L e 1 7 , jour défigné com m e un jour de dém ence , il
donne dans un quatrième interrogatoire des preuves fen*
fibles de fa raifon.
L e 2 1 , jour indiqué par le M a g iftra t, cinquième- inter~
rogatoire auiïi fain que les précédens.
2 S > fixième interrogatoire également b o n , dans
�32
lequel le fieur Lieutenant - C iv il fait contracter a M . le
Préfident d’Abbadie l’engagem ent de comparoure le i
.
Février fu iv a n t, pour être entendu.
D u 2 y Janvier au premier F é v r i e r , il y a un intervalle
de fix jours; mais nous avons la preuve la plus, convain
cante que cet intervalle n’a pas été marqué par un accès
de folie : c’eft l’aveu même de M adame d’A b b a d ie , qui
dans fa note 2 , fur le rapport des M éd ecins , dit que M . l e
Préfident d’Abbadie avoit eu un accès dans les premiers
jours du mois de F évrier. E lle reconnoît donc qu’il n’a pas
eu d’accès dans les iix derniers jours du mois de J an vier;
car elle convient que les accès font divifés entr’eux par
des intervalles de i j , 18 ôc 20 jours. V o ilà le mois de
Janvier révolu fans accès, d’après l’aveu même de Madame
d’Abbadie. N ou s n’avons donc befoin que de prouver qu’il
n’y apaseu d’accès dans les premiers jours du mois d eF év rierj
& cette preuve eft confignée dans la procédure.
L e premier F év rie r , feptième interrogatoire, où l’éner
gie du fentiment fe joint à la lumière de la raifon.
L es 3 ôc 4 du même m o i s , M . le Préfident d’Abbadie
comparoît fie demande à être interrogé.
L e 6 il eft interrogé pour la huitième fo is , & répond
avec jufteiTe.
L e 8 , il comparoît de n o u v e a u , ôc demande à être
interrogé.
L e 9 , il fubit le neuvième interrogatoire, qui n’a eifuyé
aucune critique.
L e s 14 & 18 il co m p a ro ît, ôc demande à être interrogé.
Le
�33
L e 2 0 , le (leur L ieu tenan t-C ivil ordonne la vifite de«
M édecins.
Arrêtons - nous un inftant.
Du
2p D écem bre 1 7 8 j au 18 F évrier
1786 inclufi-
v e m e n t , il y a un intervalle de cinquante - deux jours
marqués par des a£tes perfonnels à M . le Préfident d’A b b a d ie , ôc fi voifins les uns des au tres, qu’ils ne laiflent
point de place à un accès de folie de 12 , 1 0 , 8 , 6 , ni
m êm e quatre jours. ( 1) Il eft donc faux que Al. le Préfident
d’A bbadie foit fujet à des accès tous les 15-, 18 & 20
jo u r s , & que ces accès durent 6 y 8 , 10 & 12 jours.
Continuons.
L ’O rdonnance du 20 F é v r i e r , qui a fufpendu le cours
des interrogatoires pour faire place aux vifites des M é J e - ,
c i n s , n’a été fignifiée que le 2 Mars fu iv a n t, à la requête
de M . le Préfident d’A b bad ie, qui attendoic que M adam e
fon époufe la fie fignifier Ôc exécuter ; ce qu’elle n’a pas
ju gé à propos de faire. E lle trouve par ce moyen un vuide
de dix jours ; fa v o ir , depuis le 20 F évrier jufques au 2
Mars , ôc com m e
elle
a befoin de tirer parti de to u t ,
elle p la c e , après-coup, dans ce vuide un accès de folie.
(1 ) I l n’y a d a n sc e t efpace de yz jourj , qu’ un feul intervalle où Madame
d ’ Abbadie puifle placer un a c c è s , qui eit l'intervalle du *9 Décembre au
y Janvier ; ( car elle convient qu’ il n’y a pas eu d’accès à la fin du mois
de Janvier ) ; mais outre que les interrogatoires fubis dans ces deux jours
excluent l’ idée d’ un accès de folie intermédiaire, dont Madame d’Abbadie
n’a , ni ne peut avoir aucune preuve , la persévérance de l'état d« raifon
dans ce court interva'le eit d’ ailleurs certifiée par le Chirurgien de V i t r y ,
qui vo yo it tous les jours M. le Préfident d’ Abbadie.
E
�34
Mais fi elle avoit cru furprendre fon mari en démence
dans les derniers jours du mois de F é v r i e r , eUe nauroit
pas manqué de le faire vifiter par les M é d e c in s , en exé
cution de l’O rd onnance du 20 du môme mois. D ’ ailleurs,
le fieur Philip attefte , dans le rapport, qu’il a vifité jour
nellement M . le Prëfident d’Abbadie depuis la première
quinzaine du mois de F évrier jufques au 3 M a r s , jour où
v les vifites juridiques ont c o m m e n c é , & qu’il l’a toujours
trouvé jouiflant de fa raifon.
M.
le Préfident d’Abbadie n’a donc pas eu d’accès dans
les derniers jours du mois de 1* évrier 1786.
N o u s avons parcouru la première époque , qui comprend
l’intervalle du 29 D écem b re »785 au 3 Mars 1 7 8 6 , c’eftà-dire foixante - quatre
jours ,
fans
que
nous
ayons
trouvé un feul accès de folie ; parcourons maintenant la
fécondé é p o q u e , qui eit du 3 Mars au 18 M ai.
L e s vifites des M édecins commencent le 3 Mars : ils
Deuxième
époque.
vo y en t M . le Préfident d’Abbadie pendant foixante-huit
jours confécutifs; l’un tous les jo u r s , l’autre tous les deux
jours. L eu r rapport conftate qu’il n’y a qu’un jour dans
le mois de M a r s , qui efl le ip , & deux jours dans le mois
d’A v r i l , qui font le 10 & le 11 , où ils ne l’ayent point
trouvé chez lui ( parce qu’il étoit forti ) ; mais il a été
vu le 11 Avril par le fieur L ie u te n a n t-C iv il, enforte qu’il
n y a qu’un feul jour dans le mois de M a r s , & un feul
jour dans le mois d’A v r i l , où M . le Préfident d’Abbadie
n’ait pas été fous les yeux de la Juftice.
D epuis le
3 Mars jufques au
î7
in clu fivem e n t, les
�M éd ecins le trouvent toujours en bon é t a t , fuivant leur
rapport.
L e 18 , il a un accès de fièvre ; maïs fes p a roles, dit
le fieur Philip , étoient d’un jugem ent fain , & n’annonçoient aucune efpèce de lézion dans les opérations de *
la m e .
L e ip , il va fe promener à Clamart-fous-Meudon.
L e 2 0 , il eft vifité fu c c e lliv e m e n t, dans la matinée ;
par les deux M édecins , qui s’accordent à dire qu’il étoit
a g i t é , mais qu’il ne déraifonnoit pas.
L e 21 , les deux M édecins le trouvent dans l’état de
r a ifo n , qui e f t , fuivant leur ra p p ort, fon état habituel.
L es 2 2 , 23 , 2 4 ,
& jours fu iv a n s , jufques au p A v ril
in clu fivem en t, ils le trouvent en bon é t a t , fuivant leur
rapport.
Le
11 A vril il comparoît en l’hôtel du M a g iftr a t, &
confère avec lui d’une manière raifonnable. C e fait eft
conftaté par le procès-verbal du 12 , qui fait mention de
la comparution du 11 .
L e 1 2 , il fait un dire lon g & raifonné en l’hôtel du
fieur L ieu tenan t-C ivil.
L e 1.3 , il fubit dans fa maifon l’onzièm e interrogatoire,
où fes réponfes marquent de l'agitation , ôf non pas la
dém ence. O n y trouve feulement deux ou trois idées dont
il reconnoît lu i-m êm e à l’inftant le peu de ju ftefle, tant
il eft vrai que la raifon dominoit toujours en lui au milieu
de cette agitation paiTagère, ainfi qu’il eft conftaté par le
rapport des M édecins , qui déclarent d’ailleurs que le même
jour 13 A v r i l , vers m in u it, il a répondu jufte aux diverfes
E
ij
�56
queftions qu’ils lui ont faites r & qu ils lui en ont fait aflez
pour s’afifurer que fa fituation étoit changée en bien.
Il étoit encore mieux le 14 A v r i l , fuivanc leur rapport.
D epuis le
14 A v ril jufques au p M a i , jour de leur
• dernière vilite , c’e f t - à - d i r e pendant vingt-fix jo u rs , les
M éd ecin s continuent de vifiter aiTidumetit M . le Préfident
d’A b b a d ie , le trouvent toujours dans un calme parfait,
dans la plénitude du bon fe n s , & le laiifent en cet é ta t;
c e qui fe trouve confirmé par cinq interrogatoires qu il
a
fubis, & par fix dires qu’il a faits perfonnellement en l’hôtel
du fieur L ie u te n a n t- C iv il, depuis le 14 A vril jufques au
18 M a i, jour du dernier interrogatoire.
Dans la fécondé époque , qui s’étend du 5- Mars au 18
M a i , ôc qui comprend foixante-dix-fept l'ours, nous trou
vons deux révolutions dans la fanté de M . le Préfident
d’Abbadie.
Suivant Je r a p p o rt, ces révolutions n’ont été que de
trois jours chacune.
Suivant le ra p p o rt, M . le Préfident d’Abbadie n’a point
déraifonné dans la première.
Suivant le rapport, ôc d’après le dire du 12 A vril , &
l’interrogatoire du 13 , la raifon de M . le Piéfident d’A bbadîe ne s’eft point éclipfée dans la fécondé , & n’a eifuyé
qu’une agitation p a iïa g ère, au milieu de laquelle elle a
toujours dominé : c’eft l’expreflion du rapport ; c’eft le
réfultat du procès-verbal d’audition.
Réfumons.
D epuis le 2p D écem bre
17 8 5 ,
c ’eft-à-dire dans
1 7 8 ; jufques
l’efpace
de
cent
au
18 M a i
quarante-un
jours que M . le Préfident d’Abbadie a paifés fous les yeux
de la J u f lic e , on n e n trouve que deux ou trois couverts
�37
d’ un léger nuâgc qui n’a point fait éclipfer fa raifon.
P e r m e tte z , M e ille u rs , que je remette fous vos yeux le
dire que M . le Préfident .d’A bbadie a fait en l’hôtel du
fieui; L ie u te n a n t-C iv il le 12 A v r i l , qui étoit un jour d’agi
tation. V o u s allez voir qu’un jour d’agitation n’eft point
pour M . le Préfident d’A b bad ie un jour de démence.
« L eq u el nous a dit qu’en rentrant hier ch ez l u i , fur
» les onze heures du f o i r , il a appris que nous avions pris
» la peine de venir le voir ; qu’il lui a été remis un billet
» que nous lui avions é c r i t , par lequel nous lui marquions
» de vouloir bien fe rendre en notre hôtel dans la fo ir é e ,
» ou aujourd’hui dans i après-midi.; que cédant à l’empref» fement de fe rendre à notre invitation., il s’eft tranfporté
» hier au foir çn notre hôtel entre onze.heures & m in u it,
» pour nous demander a£te de fa comparution ; que n’ayant
>3
point notre G r e f f i e r , nous n’avons pu faire mention fur
» notre procès-verbal de fa com parution, & nous l ’avons
» remis à c e jo u rd ’hui ; qu’il camparoît en c o n fé q u e n c e , &
» nous fupplie de lui donner a£le de fa comparution , tant
» du jour d’hier que d’aujourd’hui, & de fes offres de répondre
» aux queftions que nous voudrons lui fa ire, & a figné ».
V o ilà le langage que M . le Préfident d’A bbadie a tenu
le 12 A vril , le jour le plus critique qu’il ait eu dans l’eipace
d’environ çjnq mois. C e n’eft pas là le langage de la dé
mence.
L a procédure du C h â te le t, continuée pendant cinq mois
moins douze jo u r s , prouve i°. que M . le Préfident d’A b badie n’eft point malade tous les
ij,
18 &
20 jo u rs ;
2 0. qu’il n’eft point malade pendant 5 , 6 , 8 , 10 & 12
jours ; 30. q ue çz maladie n’eft point la démence.
�M. le Préfident
eft un état de
38
d’A b bad ie p rou ve que
fon
état habituel
raifon faine & en tiere, & que fon état
accidentel & paffager n’efl pas
un
état
de
folie.
Par quel m o tif ie r o it il donc interdit ?
L a dame de Saintot n’a pas été interdite, par l’arrêt
12
F é v rie r
du
1 6 4 8 , quoiqu’elle fût fujette à des accès de
m é la n c o lie , qui affoiblifloient de temps en temps fa mémoire
& fa raifon: & pourquoi ?
Parce
ment dans un état de ra ifo n , &
qu’elle étoit habituelle
qu’elle n’avoit pas
mal
adminiftré.
L e C o m te de Sauveterre avoit été interdit au C h â te let
en 1 7 8 2 , & M e Babille avoit été nommé d’office confeil
de fa curatelle. L a C o u r a infirmé la fentence d’interdic
tion
en lui confervant le même confeil : &
pourquoi ?
parce que le C o m te de Sauveterre n’étoit pas imbecille
quoiqu’il eût l’efprit fo ib le , & qu’il n’avoit pas encore fait
de grandes diflipations.
L e (leur Profit n’a pas été interdit pas l’arrêt du 7 Mars
préfent mois , quoiqu’il eût efluyé plufieurs crifes violentes
marquées les unes par la d é m e n c e , les autres par la fureur :
& pourquoi ? parce qu’il étoit habituellement dans un état
de raifon , & qu’il n’avoit pas mal adminiftré.
C es arrêts font conformes à la difpofition de la L o i ,
qui ne donne des curateurs qu’à ceux que leur état habituel
rend abfolument incapables de bien adminiftrer par euxmêmes. M.-'ntz captis....& qui perpetuo morbo lalorant, quia
rebus fu is fuperejje non poffunt, curatores dandi funt.
M . le Prélidcnt d’Abbadie eft en état de li e n adminiftrer
par lui-même. Sa capacité eft démontrée par la preuve la plus
co n va in ca n te , qui eft l ’expérience. D epuis 1 7 8 1 , époque
�!v
.
.
39
depuis laquelle fon époufe fe plaît à dire qu’il eft incapable
de toute adminiftration, il a fait chaque année des épargnes
!
qui ont fe rv ià augmenter íes biens ; il a em ployé en 1784,,
30000 liv. d’épargnes à acquitter d’autant les legs portés
par le teftanient de fa mere. L es a&es d’acquifition & les
quittances des legs font joints à la procédure qui conftate
I9 fituation de fon êfprit ; il fait v o ir en m êm e temps qu’M
eft dans l’habitude de raifonner, & dans l’habitude de bien
adminiftrer.
M adame d’Abbadie op p ofe deux arrêts d’interdi£tion
rendus l’ un contre M . le Préfident de P a n n e s , l’autre contre
la dame de la Garde.
L a C o u r fait par quels motifs elle s’eft principalement
déterminée à prononcer ces deux interdi&ions. E lle fait
aufii que de pareils motifs ne fe rencontrent point dans cette
caufe.
D ’a illeu rs, M . le Préfident de Pannes étoit en démence
pendant des mois entiers j des crifes auilï longues pouvoient
donner de grandes alarmes fur fon com pte; & le défenfeurde
M adam e d’Abbadie foutenoit que la dame de la Garde étoit
conftamment infenfée , fi non dans fes difcours
du moins
dans fes attio n s, c e qu’il ne peut pas dire de M . le P r é
fident d’A b bad ie, fans fe jouer de la notoriété publique.
Madame d A b b a d i e , accablée de la raifon de fon m ari,
qui s’eft foutenue fi longtemps dans fes interrogatoires,
voudroit faire entendre que
ce
de fa fagefíe, & invoque à l’appui de ce
'
preuves
paradoxe, ce que
ne font pas là des
M . d’Aguefteau dit dans la caufe du teftament.de M . l’A b b é
d Orldans.
Mais pour faire fentir la mauvaife application qu’elle
l
�4-0
fait de l’autorité de M . d’A g u e ife a u , il me fuffit d*obferver
que ce Magiftrat avoit déjà rendu com pte d une infinité de
faits qui
ca ra & e rifo ie n t
la dém ence com pletteôc continuelle
de M . l ’A b b é d’O r lé a n s , & dont la preuve étoit acquife par
l’enquête de M . le Prince de C o n t i , lorfqu’il s’eft exprimé
en ces termes :
« Suppofons qu’avec une enquête p a re ille , l’on vienne
v vous demander la confirmation d’une fentence d’interdic» tion : croira-t-on que l’on pût y trouver la matière d’une
» difficulté férieufe & véritable ? Q uand même les interroga» toires que l’on feroit fubir en ce cas à M . l’A b b é d’Orléans
» feroient fages & pleins d’une raifon apparente, pour» roient-îls jamais effacer
cette multitude prodigieufe
de
» f û t s , qui forment une image fi v iv e du cara&ere d e fo n
» efprit- ».
V o k - o n dans cette ca u fe ,
com m e dans celle de M .
l’ Abbé d’O rlé a n s , une multitude prodigieufe de faits de
dém ence ? A -t-o n feulement la preuve d’tin feul fait grave
qui annonce quelque danger imminent pour la perfonne
ou pour la fortune de M . le Préfident d’A bbad ie? O n n’a
que des témoins d’oui-dire des deux faits principaux, ou
plutôt de l’intention qu’on dit que M . le Préfident d’A b
badie a eue , d’atteler à fa voiture des chevres qu’il n’y a
point a tte lé e s , & d’enfeigner à des oyes l’alphabet
qu’il
n’a jamais prononcé devant elles , & /enquête qui
ren
ferme ces abfurditésa été annullée. Q u e lle différence entre
la caufe de M . l’A b bé d’Orléans & celle de M . le Préfident
d’A b b a d ie ! Dans la prem iere, c’étoit une multitude p ro
digieufe de faits de dém ence qui n’étoient contrebalancés
par aucun interrogatoire : dans la f é c o n d é , c’eft une m ul
titude
�41
titude d’interrogatoires pleins de raifon qui ne font contre
balancés par aucuns faits
qui cara&erifent un état
de
démence.
V o u le z-v o u s iavoir ce que penfoit de la preuve réfultante des interrogatoires,
l’illuflre Magiflrat dont vous
invoquez le fuffrage ? E c o u te z ce qu’il dit à ce fujet dans
la m ême caiife.
« Diftinguons deux efpèces d attes très-différens.
» L e s adtes de la premiere efpèce font tellem ent per» fo n n e ls , fi attachés , fi inhérens à la volon té de celui
» qui les p a if e , ils portent; un cara&ere fi évident de fon
» a & io n , de fon efprit, de fon ju gem ent, qu’ils ne peuvent
» prefque jamais être confidérés com m e l’ouvrage d’une
» main étrangère.
» T e ls font les interrogatoires de ceux qiù font accufés
» d’un c r im e , ou foupçonnés de d é m e n c e , & qui paroiifent
» en la préfence de leur J u g e , dénués de tout fe co u rs,
» fe u ls , fans autre appui que celui de leur in n ocen ce, ou
» de leur fageiTe, dans la main de leur propre confeil ,
» com m e parle TEcriture ».
J u g e z , d’après c e l a , ce qu’auroit dit M . d’AgueiTeau à
la vue de cette multitude d’interrogatoires & de dires perfonnels de AI. le Préfident d’A b b a d ie , foutenus par un rap
port de M é d e c in s , & par divers a£tes qui marquent une
bonne adminiftration , & une fage économ ie. Jugez ce que
dira le Magiftrat qui o ccu p e fa p lace, & qui y fait revivre
ion éloquence & fon zele.
A i-je befoin de combattre la demande fubfriiaire de
M adam e d’A b b a d ie , tendante à ce que fon mari foit inter
rogé de nouveau , pendant deux m o i s , de deux jours l’un?
C e tte demande inouie eft une vraie dérifion à juftice.
F,
�42
Q u o i ! n e u f interrogatoires fubis dans l’efpace de fix
femaines, depuis le 29 D é c e m b r e 1 7 8 y jufqu’au 9 F év rier
1 7 8 6 j deux interrogatoires fubis dans la premiere quinzaine
du mois d’a v r i l, cinq interrogatoires fubis & fix dires perfonnels faits depuis le ip avril jufques au 18 M ai , une
foule d’a&es de comparution & de dires p e r fo n n e ls , mêlés
pendant près de cinq mois à tous ces interrogatoires, &
des vifites de M é d e c in s , continuées fans interruption pen
dant foixante-huit jours confécutifs , tant d’a&es qui e x
cèdent fi prodigieufem ent la mefure de l’inftru&ion ordi
naire , ne fuififent pas à M adam e d’A bbadie ! Jufqu a quand
abufera-t-elle donc de la patience de fon m a ri, & quel fera
le terme de cette perfécution ?
E lle veu t que M . le Préfident d’A bbadie fubiffe encore
trente interrogatoires de deux jours l’u n , dans l’efpace de
deux mois ; mais elle avoit formé la même demande au
C hâtelet par fa R e q u ê te du 12 Septem bre 1 7 8 ; , & elle a
acquiefcé à l’Ordonnance qui l’a rejettée, puifqu’elle a requis
elle-même l’exécution de cette ordonnance par fes requêtes
des 2 &
17 Janvier 1786. C ’eft donc ch ofe jugée ave c
elle que fon mari ne doit pas fubir une pareille épreuve.
D ’ailleurs, M . le Préfident d’A bbadie n’a-t-il pas été
interrogé par le fieur Lieutenant C iv il dans des jours q u e lle
a choifts elle-même com m e des jours de folie ? N ’a-t-il pas
été vifité & entendu par deux M édecins pendant plus de
deux mois? N ’eft-il pas entendu plufieurs fois par femaine
depuis quatre mois qu’il a l’honneur de v o ir les M agiftrats,
& de folliciter leur juftice? Chaque conférence qu’il a a v e c
eux ne vaut-elle pas un interrogatoire ? Q u e l eft donc le
but de M adame la Préfidente d’A b b a d ie , & que cherche-
�43
t-elle après un com bat de deux ans foutenu devant quatre
T rib u n a u x , fi ce n’eft à juftifier fes pourfuites par leur
excès m ê m e , & à faire naître tôt ou tard, s’il eft p oflib le,
dans l’organifation fenfible de fon m a r i, une révolution qui
lui ferve d’e x c u fe , & qui allure le fuccès de fon a&ion.
L e iieur Profit, dont l ’efprit étoit agité par intervalles,
& dont l’adminiftration n’étoit pas aufii fage que ce lle d e
M . le Préfident d’A b b a d ie , n’avoit été interrogé qu’une
feule fois au C h â t e l e t , & ne l’a pas été en la C o u r. L a
dame Profit, prefque auiïi acharnée que M adam e d’A b b a d i e ,
à la pourfuite de l’interdiftion de fon m a r i , a demandé
fubfidiairement fur le barreau , qu’il fût furfis pendant fix
mois au Jugem ent de fon a p p e l , pendant lequel temps
fon mari feroit interrogé par un CommiiTaire de la C o u r ;
mais fa demande a été rejettée. M adam e d’A bbadie a-t-elle
donc pu croire que la fienne feroit a cc u e illie , & que la
C o u r , inftruite de l’état de M . le Préfident d’A b b a d ie , par
une longue p rocéd u re, ôc par l’infpeûion journalière de
fa p erfonne, laffujettiroit à de nouvelles é p r e u v e s , qui
dégénereroient en une forte d’inquifition ?
M adam e d’Abbadie propofe un fécond c h e f de demande
fubfidiaire , qui tend à ce qu’elle foit admife à p r o u v e r ,
11®, que le 12 A v ril i~j%6s M . le Préfident d’Abbadie a
paru à fon b a l c o n , un rafoir à la m ain , &
qu’il a fallu
qu’un voifin accourût de fa maïfon pour le défarmer ; 20. que
le m êm e jour ( 12 A v r i l ) M . le Préfident
d ’A bbadie a
fait toutes les folies poifibles à l’H ô t e l- d e - V ille , aux T u i
leries , ôc en l’H ô te l du fieur Lieutenant-Civil ; 30. que
toutes les fois qu’il a eu des a c c è s , il a fallu aller chercher
y n étranger pour le contenir par des menaces.
FÜ
�C es faits imaginés en défefpoir de caufe font faciles a .
écarter.
D ’abord le fait du rafoir demande une explication après
laquelle il doit paroîcre évidemment indifférent ou faux.
Prétendez-vous que M . le Préfident d’Abbadie avoit un
rafoir à la main le 1 2 A vril 178 6 , fans aucun mauvais deffein,
fans qu’il ait faic aucun m ouvement tendant au fuicide?
D ans c e cas, le fait eft indifférent^Il n’eft point d’h o m m e ;
parmi ceux qui fçavent fe rafer eux-mêm es, ( & M . le
Préfident d’Abbadie eft de ce nombre ) à qui il n’arrive
quelquefois de fe montrer à une fenêtre ou à un balcon ,
un rafoir à la main ; & la preuve d’un fait indifférent ne
doit pas être ordonnée ; frujlra enini admittitur ad probandum quod probatum non relevât.
Prétendez-vous que M . le Préfident d'Abbadie avoit le
12 A vril un rafoir à la m ain, dans le deffein de fe couper
la g o r g e , ou de fe m utiler, deffein qui n’a pu être décou
vert que par quelque m ouvem ent de fa p a r t , tendant au
fuicide ? dans ce cas, le fait eft déjà démontré faux de trois
manières; i°. par l’événem ent; 20. par le rapport de M éd e
cins ; 30. par votre aveu formel.
i°.
C e faic eft démontré faux par l’événement ; en
e f f e t , fi M . le Préfident d’Abbadie avoit eu un rafoir à
la main , &
s’il
avoit voulu fe couper la g o r g e ,
oh
fe
m utiler, il auroit eu amplement le loifir'de le faire avant
que le voifui eût eu le temps de fortir de fa maifon , de
monter dans celle de M . le Préfident d’A b bad ie, & d’arrivec
à fon balcon. S ’il ne l’a point fa it, c’eft qu’il n’avoit pas plus
la volon té que le m oyen de le faire.
2°, C e fait eft démontré faux par le rapport des M é
�4?
decins; en e f f e t , le rapport conflate que le 12 ôc le 13 avril
1 7 8 6 , M . le
Préiident d’Abbadie étoit Jans la' moindre
apparence- de fureur ni de violence,
5 0* Enfin , ce fait eft démontré faux par l’aveu formel de
Madam e d’Abbadie. C e t aveu eft configné dans fon C o m
mentaire fur le rapport des M é d e c in s , note 4.0, conçue
en ces termes.
»Jamais perfonne n’a dit que M . le Préfident d’A bbadie
» montrât de la fureur & d e là v io le n c e » .
C ’eft dans le mois de Juillet 1 7 8 6 , trois mois après la
journée du 12 avril, que M adam e d’A bbadie rendoit cette
Juitice à fon mari ; elle a donné trois ouvrages imprimés
au C hâtelet dans les mois de Juin &
de Juillet 17 8 5 ;
elle ne parle du fait du rafoir dans aucun ; &
c ’eft au
mois de Mars 17 S 7 , qu’elle imagine de dire pour la p re
mière fois , que fon mari étoit armé d’un rafoir lé 12 avril
I 7 8 5 , ôc agité par la fureur du fuicide ! Q u ’elle tâche donc
de s’accorder fur ce fait avec l’é v é n e m e n t, avec le rapport
des M é d e c in s , & avec elle-même.
L e fécond fait n’eft pas plus admifïible que le premier,
fi l’on peut appeller fait une allégation.vague qui n’a aucun
objet fixe ôc déterminé.
Q u ’eil-ce qu’on
a
voulu d ire , quand on a die que M .
le Préiident d’Abbadie a fait, le 12 avril 1 7 8 5 , toutes
les folies p o ifib le s , & com m ent concilier cette allégation
avec le dire raifonné qu’il a fait le m ême jour en l'H ô t* !
du (leur Lieutenant-Civil ?
L article premier du titre 20 de l’O rdonnance de 1 6 6 7 ,
veut que les faits qui giflent en preuve foient articulés?
�^6
c eft le feul moyen de diftinguer les faits indifférens dont
la preuve doit être refufée
d’avec les faits ielevans dont
la preuve peut être ordonnée. Tout a Us folies poffibles ne
font pas des faits articulés ; il n eft donc pas poifible d’en
ordonner la preuve.
L e troifième fait concernant l ’appel d’un étra n g er, pour
contenir M . le Préfident d’Abbadie par des m e n a c e s , n’eft
ni plus e x a d ni plus admiiTible que les deux autres ; en
effet , quel befoin peut-cn a v o i r , de contenir par des
menaces un h o m m e , q u i , fuivant le rapport des M éd ecin s,
& de l’aveu même de M adame d’A b b a d ie , n’a jamais donné
la moindre marque de fureur ni de vio le n ce ?
L a dame Profit articuloit des faits de fureur de fon mari,
poftérieurs à la Sentence du C hâtelet dont elle étoit appel
lante, C es faits ont été rejettés, & la S entence a été con
firmée. Madame d’A bbadie donne aux faits qu’elle articule,
une date antérieure de plus de trois mois à la Sen ten ce
du Châtelet où elle ne les a pas articulés. C e s faits font la
dernière refTource de la chicane qui
cherche à retarder
le jugement de la caufe la plus fimple & la plus jufte.
D e quoi s’agit-il dans cette caufe ?
S ’agit-il de pourvoir à la confervation de la peçfonne
de M . le Préfident d’A bbadie ?
Mais Madame d’A b b a d ie convient elle-même dans fon
M ém oire imprimé au C h â te le t , page 1 14., qu’elle lui auroit
laiffé l’adminiftration de fa perfonne , s’il avoit voulu lui
lailfer l’adminiftration de fa fortu ne, & l’expérience prouve
depuis plufieurs années , que M . le Préfident d’A b bad ie
fçait adminiftrer & conferver fa perfonne.
S ’agit-il de pourvoir à la confervation des deniers de la
fucceflion
du
fieur de
Borda?
�47
Mais M . le Préfident d'A bbadie offre d’en faire e m p l o i ,
& de les convertir en immeubles.
S ’agit-il de pourvoir à la confervation des immeubles ?
M ais M . le Préfident d’Abadie fe foum et à un C on feil
fans lequel il ne pourra ni les aliéner, ni les e n g a g e r,
& plus de deux millions de fes biens font grévés de fubftitution au profit de fes enfans.
Q u e refte-t-il donc ? le revenu : voilà le feul intérêt
de la caufe : M adame d’A bbadie veu t jouir du revenu de
M . le Préfident d’A bbadie ; & pour fe ménager cette jouiffa n c e , elle brûle du delir de facrifier fon état, fa lib e rté ,
tous fes droits c i v i l s , & de com prom ettre la deilinée de
fes enfans ; c’eft ainfi qu’elle prouve qu’elle eft digne époufe
& tendre mère.
Mais pourquoi M . le Préfident d’Abbadie ne continueroit-il
pas de jouir de fon revenu ?
I l ne l’a jamais diflîpé; il eft au contraire dans l’habitude
de faire des épargnes & des acquisitions ; & s’il le dépenfoit
en e n tie r , il ne feroit que lui donner fa deftination naturelle.
S o p h o cle accufé de d é m e n c e , fous prétexte qu’il négligeoit fes affaires domëftiques pour com pofer des T r a g é d ie s ,
parut devant fes Juges , tenant fon CEdipe à colonne à
la main. E co u te z , leur d it-il, ce D ram e que j’ai co m p ofé
r é c e m m e n t, & jugés fi c ’eft-là l’ouvrage d’un infenfé :
il l u t , & il fut abfous.
M . le Préfident d’A b bad ie, chargé d’une femblable accufa tio n , n’a point de production du génie à offrir pour fa
défenfe. L a nature, en le douant d’un efprit fage & judicieux
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verfa fes plus beaux dons dans fon c œ u r ; mais s’il n’a
pas le talent d’écrire com m e S o p h o c le , il joint à une raifon
faine le mérite de mieux adminiftrer.
V o y e z , dit-il aux M agiftrats, le Procès-verbal de mon
audition : les réponfes que j’ai faites durant le cours d’en
viro n
cinq mois font-elles d’un homm e en démence ?
Voyez
les acquifitions que j’ai faites annuellement de
puis 1781 : un infenfé en auroit-il fait autant?
V o y e z les épargnes que j’avois en main en 1 7 8 4 , & les
quittances de 30,000 livres de legs faits par ma m ère,
que je me fuis empreffé de payer de mes revenus. L ’homme
le plus fage auroit-il pu mieux faire ?
Je parle com m e un hom m e raifonnable, j’agis com m e
un bon père de famille ; je ne fuis ni fou ni diffipateur ;
en quelle qualité ferois-je donc interdit ?
Monjleur
S E G U IE R ,
A vocat Général,
M e B E R G E R A S , A v o c a t.
J
A
u l h i a r d
,
Procureur.
P A R I S , chez K N A P E N , Imprimeur de la Cour des A id e s , au
bas du Pont S. Michel, 1 7 8 7 ,
�
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Factums Vernet
Relation
A related resource
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/vignettes/BCU_Factums_V0102_0001.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. D'Abbadie. 1787]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Seguier
Bergeras
Julhiard
Subject
The topic of the resource
démence
curatelle
traitement par électricité
psychiatrie
divorces
maison de force
successions
conseils de famille
abus de faiblesse
violences sur autrui
certificat médical
témoins
experts
Description
An account of the resource
Réplique pour monsieur d'Abbadie, conseiller-honoraire au Parlement de Paris, président à Mortier au Parlement de Navarre. Contre madame la présidente d'Abbadie, son épouse.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Chez Knapen et Fils (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1787
1781-1787
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
48 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_V0106
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Vernet
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_V0105
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/17/53981/BCU_Factums_V0106.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Paris (75056)
Pau (64445)
Bizanos (château de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abus de faiblesse
certificat médical
conseils de famille
curatelle
démence
divorces
experts
maison de force
psychiatrie
Successions
témoins
traitement par électricité
violences sur autrui