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PLAIDOYER
PRONONCÉ à
la Toure l le-Criminelle le Jeudi 19 M ars 178 9,
p ar lefieu r B E R G A S S E , dans la Caufe du fieur KORNMANN
M
ESSIEURS,
I L faut donc que je me défende encore!
V O U S favez dans quelles conjonctures j’ai entrepris la Caufe
du fieur Kornmann; comment à l’époque de fon affaffinat, le
voyant fans appui, fans fecours, dénué de toute efpèce de
A
�;
h*
2
confolation, le plus malheureux comme le plus perfécuté de
tous les hommes; je me fuis décidé à partager fa folitude 8c fes
dangers.
Vous favez comment, expofé depuis à ce que l’intrigue a de
plus noir, la calomnie de plus audacieux, la méchanceté de
plus redoutable, de quelques menaces, de quelque fédufîiùn,
de quelques manœuvres qu’on ait fait ulage, ii a été impoffible
de me détourner un feul inftant du projet que j’avois formé de
le faire triompher de fes nombreux ennemis.
Vous favez encore à travers quelles fingulières révolutions,
ne faifant pas une démarche que je ne rencontraffe un obftacle;
les évènemens fur lefquels j’avois le plus com pté, manquant
à chaque inftant à ma prudence; ayant quelquefois à braver
toutes les autorités réunies pour me perdre; toujours tranquile.
cependant, efpérant toujours alors même qu’il falloit efpérer
le moins, j’ai amené jufqu’aux pieds de votre Tribunal, l’Infortuné, qui, depuis fi long-tems, réclame avec tant de confiance
& d’éclat, votre juftice.
Enfin , M e s s i e u r s , vous n’avez point oublié, je l’efpère au
m oins, quelle a été ma conduite dans ces circonftances mémo
rables où vous avez donné à la Nation de fi grands exemples
de fermeté, de prudence 8c de patriotifme; vous n’avez point
oublié comment, vous prenant en tout pour modèles; imitant
autant qu’il m’étoit donné de le faire , votre dévouement & vos
facrifices; n’écoutant comme vous que la voix impérieufe du
devoir, je profitai, de concert avec le fieur Kornmann, des
rapports qui exilloient entre notre fituation particulière, & les
deftinées publiques, pour parler, à votre exemple, au milieu de
la diffolution de tous les principes, le langage des Lois 8c de la
liberté, proclamant, ainfi que vous l’aviez fait, parmi les
0
�4^
3
habitudes du defpotifme, & au fein de fes plus formidables
*• vengeances, ces grandes vérités, defquelles réfultent comme
des conséquences infaillibles, le fyftême conftitutif des fociéte s , & les droits du genre humain qui ne peuvent pas
mourir.
TOUS ces faits font connus, &: il faut que je me défende
encore !
Et il s’ell: trouvé dans un Ordre juftement eftimé par fes
lumières, & à caufe des exemples de courage & de patriotifme
qu’il a donnés auffi en plus d’une occafion mémorable, il s’eil:
trouvé quatre hommes, dirai-je affez hardis, ou aiTez imprudens ( i ) , pour ofer m’accufer en votre préfence, &. m’obliger
h juftifier aux pieds de votre Tribunal, une conduite conftamment noble & généreufe, avec les mêmes foins qu’on employeroit à juitifier une conduite criminelle!
Et pendant fept audiances j’ai demeuré devant eux, écou
tant avec une patience bien étrange tout ce que la méchanceté
humaine peut inventer de menfonges, de fophifmes, de ca
lomnies, pour dénaturer les aétions les plus fimples, pour créer
des motifs malhonnêtes aux aftions les plus pures, pour faire
regarder, dans leur inconcevable délire, comme un axiome
inconteftable, cette idée auffi affligeante que faufle: qu Un y a
( i ) . M e. D o n n e r , Avocat de l a d am e K o r n m a n n .
M e- L a M a l l e , Avocat du ficur Daudet.
M e. I l i m b e r t , Avocat du iîeur de Beaumarchais»
M e. M a r t i n e a u , A v o c a t du P rince de Nailau.
Il cft iinportiblc de fc form er une idée des injures groilîcrcs que ces quatre A vo cau
p i’ont prodiguées,
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'Ui
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pas de Vertu qu’un intérêt prefque toujours odieux ne puijje pro
duire, pas de mouvement, même héroïque, dont on ne pulffe trouver
la caufe dans une affection perverje, ou unevolomé corrompue.
Et d’après cet odieux fyftém e, je les ai vus combiner entre
eux tous les moyens de me faire perdre l’ellime publique, que
j’ai malheureufement obtenue; car, je vois bien que c’eft un
malheur que d’obtenir Feftime publique à un certain degré:
8c fans pudeur, comme fans mefure, dans ce ianflua’re où
fiégent les Magiilrats que je me fuis efforcé de prendre pour
modèles, fous les yeux de ce peuple pour lequel vous m’avez
appris à me dévouer, folliciter à grands cris ma condamnation
& ma honte.
bien! queft-ce qu’ils me reprochent? Puifqu’après tant
de travaux entrepris pour faire triompher la Caufe des mœurs
Eh
& de l’humanité, c’ eil à des reproches qu’il me faut répondre ! .
n’exigeront pas, fansdoute, que je m’occupe férieufement
de l’imputation qu’ils m’ont faite, 8c qu’ils ont répété jufqu’à
la fatiété, que c’eft le defir d’une vaine célébrité, qui, me
faifant tout-à-coup fortir de mon repos 8c de ma folitude, m’a
déterminé à entreprendre la Caufe du fieur Kornmann,
S’ils n’ont vu dans mes Mémoires que les produâions d'un
efprit ambitieux , s’ils ont véritablement penfé qu’avec les
feules reiTources d’une imagination vive 8c forte , fans que la
vérité fut mon guide , il m’étoit poffible de les écrire ; que
I ls
leur dirais je ? Et pourquoi entreprendrais-je de détruire en
eux une opinion qui feroit moins alors de leur part l’effet de
la réflexion , que le réfultat nécelTaire d’une organifation
mallieureufe.
�5
S i, au contraire , à l’exemple de tous ceux qui ont lu ces
Mémoires, devenus trop fameux, ils tint compris que je n’avois
pu les compofer , fans m’abandonner à tous les mouvemens
d’une ame profondément émue , s’ils ne peuvent fe diffimuler
qu'une ame profondément émue eil toujours franche, toujours
fincère, s’ils favent comme moi qii’il y a un langage que l’efprit réduit à fes feuls m oyens, que l’imagination même la
plus brillante avec toutes fes refiources n’imitera jamais ; que
’ leur dirais-je encore ? & pourquoi voudroit-on [que , fur un
objet d’une ii foible importance, je m’arrêtafle péniblement à
leur prouver qu’ils ont constamment parlé contre leur penfée,
& que li le befoin de leur caufe ne les y avoit pas contraint, ils
euifent porté, fur ce que j’ai fait, un jugement moins févère.
J e laiiTe donc-là, une fois pour toutes , cette imputation
vague 8c fans m o tif, 8c j’arrive aux feuls reproches que j’aye
quelque intérêt à détruire.
C es reproches fe réduifent à deux.
S’il faut les croire , en défendant le fieur Kornmann , je
favois que je ne défendois qu’un coupable; enaccufant la dame
Kornmann, je favais que j’accufois une femme innocente ; 8c
pour prouver cette étrange propofition, ils ont produit des
billets écrits par moi à M,: Fournel, billets defquels il réfulte,
a ce qu ils prétendent, que je ne croyois en aucune manière
aux délits que j’imputois à la dame Kornmann, puifquc j’y
offre non-feulement de la réconcilier avec fon mari , fi elle
veut fe féparer publiquement des hommes que nous accufons
de l’avoir corrompue, mais que je m’y engage même en quelque
forte, cette féparation obtenue, à lui faciliter les moyens de
-fe jufliiier. Voilà leur premier reproche.
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S’il faut fcscroire encore, je n’ai pu , fans une pcrveriîté
dont il y a peu d’exemples ( ce font leurs termes ) parler du
Prince & de la Princefle de NaiTau comme je l’ai f a it , mani
feste r fur leur conduite des foupçons qui les outragent, leur
faire jouer un rôle indécent dans une affaire à laquelle, ainfi
que le fieur de Beaumarchais, ils n’ont pris part que pour obéir
aux mouvemens de la fenfibilité la plus refpe&able & la plus
pure; 8c, en conféquence, vous les avez vu commenter à leur
manière, c’eil-à-dire, en inve&ivant fans ceife, 8c en ne raifonnant jamais, le peu de mots qui me font échappés dans deux
de mes Mémoires fur le Prince 8c la Princefle de NaiTau, 8e
conclure de leur commentaire , à la confirmation du décret
d’ajournement perfonnel que le Prince de Naflau a obtenir
contre moi. Voilà leur fécond reproche,
J E reviens, fur le premier reproche,
V o u s favez m aintenant, MESSrEURS', ce que vous devez
penfer du fieur Kornmann 8c de fon époufe : fi mes Mémoires
n’ont pas fuffi pour démontrer l’innocence de l’un , 8c la con
duite conilamment criminelle de l’autre ; s’il reftoit encore
quelques nuages à diffiper dans cette' caufe , 8c quelques fan
tômes à combattre,grâce aux rares talensde notre défenfeur,(x)
à l’ordre dans lequel il vous a préfenté le vafte fyftéme de faits
& d e moyens dont il avoit à vous rendre compte , à l’éloquence
impofante 8c fière avec laquelle il a repoufîe lesobje&ions tou
jours faibles &. toujours faiblement expofées de nos Adverfaires, il me femble qu’aujourd’hui vous n’avez plus de doutes
à former.
Pour vous, comme pour m o i, comme pour ce Public qui
) l ) M«. Duverycr,
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m’ écoute, le plus infortuné de tous les homm es, & celui qui
a le moins mérité fes malheurs, eft inconteftablement le fieur
Kornmann ; ôc s’il faut appcller aufii infortunée la dame Korntnann , ce n’eil certes pas parce qu’elle eil innocente , mais
feulement parce q ue, malgré fes erreurs , on ne peut fe dé
fendre de quelque pitié , en fongeant à la deftinée , qui fera
déformais fon partage.
Il n’a donc pas dû exifter, dans le cours dë cette affaire, un
feul inftant où j’aye pu penfer-que la dame Kornmann netoit
pas criminelle.
< Mais alors que fignifient les billets que j’ai écrits à Mc Fournel?
Pourquoi y promets-je d’aller au iecours de la dame Korn
mann ? Pourquoi y vais-je même jufqu’à dire que fi elle fait ce
q u ej’éxigé d’elle, je m’occuperai de fa junification?
' M a l h e u r e u s e m e n t je ne puis m’expliquer ici fans rendre
compte de quelques circonftances encore inconnues, que j’aurois bien voulu pouvoir diiTimuler toujours, mais fur lefqueUes
mon honneur trop publiquement offenfé , ne me permet plus
de garder le filence.
Je vous prie , MESSIEURS, de m’écouter avec quelque at
tention.
M*Fournel, dans le cabinet duquel fe font fi à propos re
trouvé les billets dont on a cherché à fe prévaloir contre moi
dans cette audience , a été non-feulement le confeil, mais
l’ami du fieur Kornmann.
■ .'
C ’eft d’après fon avis, 8c en conféquence même de fes preffantes follicitations , que le fieur Kommann a rendu plainte
contre fon époufe ; c’eit même lui qui a rédigé cette plaints
�a* •
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( j’en puis fournir une preuve écrite de fa main (j ), ),6c..quita
‘ confeillé l’information qui l’a. fuivie.
O r , voici m aintenant, MESSIEURS, ce qu’il vous im porte
• d ’apprendre.
A l’époque' de raiïaiïinatdu fiéur Kornmann, bien que j’euffe
formé la réfolution de ne le plus quitter jufqu’à ce que jç
l’euiie arraché à l’affreux fyilême de perfécution dont il avoit
failli devenir la viitime.,.il ne me vint pas d’abord dans lapenfée
d’écrire pour le défendre.
Cette tâcfce me parut ne devoir regarder que Me Fournel,
& ce ne fut que par ce qu’il trouva bon que je m’en chargealTe,
que je me déterminai à la remplir,
Nous convînmes enfemble que je ferois un Mémoire pour
le fieur Kornmann , où je ne diiïimulerois aucun des faits
graves que celui-ci avoit à raconter, & que lui MeFournel ac
compagnerait ce Mémoire d’une Confultation lumineufe ,
comme il difoit alors, où, faifant fentir toute l’importance
de l’affaire qui y étoit traitée , il porterait jufqu’à l’évidence
la démonftration des délits que le iieur Kornmann imputoit à
fes Advèrfaires, 8c la légitimité des accufations qu’il leur avoit
intentées.
J’écrivis, en conféquence, mon premier Mémoire.
Quand il fut achevé , je le fournis aux lumières de M* Four
nel. Il approuva la manière dont il étoit écrit; mais il blâmai
fortement la modération avec laquelle j’y parlois de la dame
Kornmann. Si je l’avois cru , j’aurois dû la traiter fans
( i ) J ’ai la m in u te de cette plainte ¿crite de la m ain de M e F o u rn e l, com m e aulfi d ’au trei
C onfultations pour le ficur K ornm atm , ou ¿c ru es ou figuées p ar lui.
ménagement
�9
ménagement, caraôérifer fes fautes avec févérité, 8c au lieu dç
la prefenter au Public comme un objet fait pour l’intéreller
encore, malgré Tes nombreufeserreurs, la dévouer avec éclat
au mépris des gens de bien qu’elle n’avoit que trop mérité *
& à la vengeance toujours trop tardive des Lois, à laquelle ,
féduit par une faufle pitié, je cherchois mal-à-propos à la fouftraire(i).
• Il me fut impoflible d’adopter l’opinion de Me Fournel. Je
lavois mieux que perfonne combien la dame K-ornmann étoit
coupable; mais il me parut dur de brifer, fans retour, les liens
qui l’attachoient à fes enfans. J’aimois mieux lui fuppofer des
fentimens q u e, depuis long-tems, elle n’avoit pas, 8c je trouvai
préférable de lui ménager de loin, par la manière dont je ren
dais compte de fes fautes, les reffources d’un aveu noble Sc
tî’un falutaire repentir.
M e Fournel tint à fon avis : je ne pus abandonner le mien.
Les chofes allèrent ii loin, que je déclarai que s’il ne vouloit
pas adopter mon Mémoire tel que je l’avois compofé, je fou-
;
{ i ) Je me rappelle, qu’à cette époque , Me Fournel ne cefloit de me dire que m a modé
ration ne pourroit que faire le pîus grand tort à l’affaire du fîeur Kornmann , 3 c que li je i»e
m ’élevois avec toute l’énergie dont j’étois capable contre la dame Kornm ann, je m oterois le
droit de pourfuivre arec vigueur fes complices- O n a vu.ee même fyfb m c , tout ridicule
qu'il c i l , développé à l’audience par le D éfcnfcur de la dame K o rn m a n n , qui a pris beau
co u p de ren iêign em cn s de M e F o u rn e l, & j’ avoue que ce n’a pas etc fin» une grande lurp r ife , que j’a i entendu cet hom m e foutenir qu’ il falloit donc que la dame Kornm ann ne
fu t pas coupable > puifque je n’avois jam ais parlé d’elle qu’avec m énagem en t,
comme
£ on o c pouvoit parler avec m énagem ent d’ un coupable, puis conclure de cette proportion
citra va g a n te que , puifqu’clle n’étoit pas coupable , elle n’avoic donc pas de complicc, &
enfin entreprendre de m e prouver que fi j ’avois attaqué M - le N oir & les iieurs D audet
fit Beaum archais, ce n a v o it été uniquement que parce qu’ un jo u r , fans d o u te , où je
«a’eoaujrois de m oa o ilîveté, je m 'é to is mis dans la tête de faire beaucoup de bruit a leurs
4épexu< O a * férieufem ent dit toutes ces chofes.
�*
/
IO
haitois n’être cite en aucune manière dans l'affaire. J'ajoutai de
plus que n’attachant aucune importance k cet ouvrage , je le
priois d’en ufer ainfi que de fon bien propre , & d’en tirer ,
comme d’un canevas informe, des matériaux pour récompofer
un écrit plus conforme à fes vues.Mon Mémoire, en effet, fut p o rté, dans ce deflein , chez
M e Fournel.
Je ne dois pas omettre ici que durant le cours de ces difcufiions, Mc Fournel ne pouvant fupporter les délais que M. le
Procureur du Roi apportoit à donner des conclufions fur l’in
formation à laquelle il avoit été procédé contre la dame Kornmann, voulut abfolument qu’on lui fit des fommations judi
ciaires pour l’y contraindre , & qu’il rédigea lui-même ces foinmations.
Je ne dois pas omettre encore que ce fut auffi par le confei-Î
de Me Fournel, que le iieur Kornmann, diftinguant le iieur de
Beaumarchais de tous les complices du fieur Daudet, rendit une
plainte fpéciale contre lu i(i).
Ainfi , comme on le v o it, aucune démarche eiTentielle ne
s’eft faite en cette affaire , qu’elle n’ait été , en quelque forte r
commandée par Me Fournel.
le bruit fe répandit que j’avois compofé u n
Mémoire dans la caufe du fieur Kornmann, où M. le Noir n é CEPENDANT
toit pas bien traité.
Alors s’ouvrirent, chez M. le Procureur du R oi, ces confé
rences fameufes, dont on a tant parlé, conférences qui n’avoient
( i ) Je dirai plus b a s , dans «nc nocc t £c qui s’cft paiTc entre Me Fournel & le fieur Koc»
jnautt ,
au fujet de
la plainte contre le fieur de Bcaum arçhaij.
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it • ■
fo u r objet que,de fouftrâire M. le Noir au danger qui le menaçoit; M e Fournel fut invité à s’y trouver, 8c il nous prévint,
qu’il ne pouvoit fe difpenfer de s’y rendre.
Il faut bien le dire ; dès ce moment M>’ Fournel ne nous parut
plus le même. Il trouvoit toujours l'affaire dufieur Kornmantt
excellente au fond ; niais le fuccès, d ifo it-il, commençoit à
lui en paroître problématique;la dame Kornmann étoit encore
jeune 8c jolie ; 8c que ne pouvoit pas, dans une Ville de cor
ruption 8c d’intrigue , pour fe fouftràîre à l ’empire des L o is,
une femme accoutumée à féduire, 8c, dans cet âge encore où,
■en faveur des agrémens, on pardonne fi facilement les erreurs ;
M . le Noir fur-tout étoit puiflant. On connoifloit fesliaifons,
jfon crédit, le grand nombre de perfonnes de la Cour qu’il avoit
obligées, fes reflburces pour nuire, fes moyens pour fe garantir
des coups qu’on pouvoit lui porter ; nous étions fçuls , nous
étions foibles, 8c qu’étoit>ce que la folitude -8c la fbiblelle contre
toutes les efpèces d’autorité réunies pour protéger un cou^
pable?
Malheureufement, il eit impofiible d’obtenir quelque .choie çle moi par la crainte. Ces diverfes raifons ne firent aucune impreffion fur mon efprit. Pour toute réponfe, je demandai mou
Mémoire, 8c à quelques tems de*là je le fis imprimer.
Je fupprime à dçilein des détails curieux fur la manière dont
■cc Mémoire a été imprimé, 8c fur les précautions q u il nous a
fallu prendre pour qu’on ne devinât pas le lieu de l’impreffion,
iur une trahifon qui nous fut faite au moment même ou
l’impreflion du Mémoire étoit aehevée , trahifon qui faillit
rendre toute notre prudence inutile, f u r l’ordre qui fut donné
¿pu çonféquence, par M. le Garde des Sceaux , pour arrêter 8c
«üj
�12
110s perfonnes & notre écrit, rurTadreiTe avec laquelle nous nous
garantîmes de l’effet de cet ordre , toujours pourfuivis , jamais
atteints, & nous jouant avec une facilité &. un courage peutêtre fans exem ple, des obftacles de tout genre qu’on multiplioit à chaque inftant fur nos pas.
'[
Me Fournel eil loin de fe douter que j’ai des preuves écrites1
du rôle, pour le moins bien étrange, qu’il a joué dans des circonftances fi périlleufes pour nous, & qu’il ne me feroit pas d if-.
ftcile de démontrer qu’il en avoit un plus honorable à'rem -'
p lir(i).
•
1
( i ) Il faut dire un m ot de ce rôle & rendre com pte de la trahifon dont je viens de p arlerv
tout-à-l’heure. J’ avais cru devoir , par m énagem ent pour M e F ourn el , diffimuler ic i'
toutes ces chofcs. J’avois même porré la modération jufqu’à ne pas vouloir faire im prim er'
mon plaidoyer, principalem ent parce que j ’ ai fenti que je ne pouvois le publier, fans faire»
à M e Fournel un tort irrréparable ; mais les propos indécens qu’ il tie n t, & ceux qu’ il a
fait tenir à Js dernière audience par le D éfenfeur de la dame Kornm ann , m ’apprennent
qu’ il y auroit de l ’ im prudence à le diftinguer plus lo n g -tem s de la troupe d’homme»
m éprifables auxquelles il s’eft trop inconfidérem ment a flo cié , & qu’il a fi inal-à-propos,
entrepris de fe r v ir , en fe rendant coupable, à notre é gard , de l’abus de confiance le plus
criminel*
O r , voici ce dont il s’ a git. L e fieur K o rn m a n n , prêt à fe rendre dans la V ille où l ’ou
im p rim oit mon M é m o ire , eut l ’imprudence de confier fon fccrct à M e Fournel. C e lu i-ci
n’en fu t pas plutôt pollefleur , qu’ il chercha les m oyens d’en inftiuirc M . le Noir. E t pour
cela , ne voulant pas fe co m p ro m ettre, en lui écrivant de fa propre m a in , il fe rendit au
Palais , & y dicta , à un des E crivain s qui s’y railem blcnt, un billet à l’o n adreiTei oà
il l’inftruifoit de tout ce qui fe pafloit.
•>
M u n i de ce b il l e t , M . le Noir a lla trouver M . le Garde des S ce a u x , q u i , d e p u is, à
rapporté à D a v ille , au iîcur K ornm ann lu i même , qu’il n'avoit pu fe difpcnlèr , ' d’apres
l ’indication t.cs-précife que lui avoit donnée M . le N o ir, du lieu où nous faisons im
primer , de donner des ordres & d’envoyer des gens de la Police pour l'c faifir de notre
é c r it, & même de nos perfonnes.
Quoi qu’il en fo it, quelque tems après la publication de mon premier M é m o ire , l’Er
« rivainqui avoit r é d ig é , fo u s la d ifté e de M e F o u rn el, le b illet i-M . le N o ir ,
voyant
le
fieur K orn m ann fe promener fréquem ment dans la Salle du Palais avec M« F o u rn ct, &
�- ï.
-,'3 .
'
?
Quoi qu’il en fo it, le Mémoire parut.
Avant Ton apparition, la dame Kornmann avoit rendu quel
ques yiiites à M c Fournel ; dans ces vifites, il avoit été beaucoup
entendant dire que ce même M e Fournel éto it l’Avocat du fieU r K o rn m a n n , ne pût s’em
pêcher d’en manifefter fa furprife , & de raconter à plulîeurs perfonnes le fais du b ille t
qu’on lui avoit fait écrire.
•
C e fait parvint ainfi jufqu’à nous; d e p u is, & quand nous avons voulu en acquérir la
certitude * nous avons fait venir l’E crivain, q u i , en préfence de témoins , nous a déclaré
que non-feulem ent il ¿toit prêt à Pattefter & à m un ir fon atteftatioa de fa ilgn atu re; mai*
qu’il fe rappdloit très-bien qu’ il avoit à côté de lui,torique M e Fournel lu i d id o it le b ille t
dont il s’a g i t , un autre E crivain dont il connoifïoit toute l’honnêteté, & qui attefteroit
le fait de la même manière que lu i. Nous avons en conféquence envoyé chercher l’ autre
E c r iv a in , qui ,|cn e ffe t, a confirmé le récit du p rem ier, & tous les deux nous ont fourni
la déclaration fuivante.
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et Je fouffigné d éclare, pour rendre hom m age à la vérité , que dans le courant du moi*
» d’A v ril de l ’ année dernière 1 7 8 7 , M e F o u rn e l, A v o ca t, vin t m e trouver Grande Sallç
>5 du Palais de Juftice, au banc où j ’écris ordinairem ent, pour m e faire écrire une L ettre
» dont il tira la m inute de fa poche , qu’ il me d id ta, conçue en cet scrm cs à peu-près.
(
» la déclaration fuirante :
.
■■
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1
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*
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M.
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...
Quelqu'un qui prend p art à ce qui vous intereffi , vous avertis que M . Kornmann fa i t
dans ce moment , imprimer à C h a r t r e s le Mémoire contre vous.
» Q u ’il déchira fa m inute , plia la L e ttre que j ’avois tra n fe rite, ne la figna p a s, &
. . . .
x nie fit m ettre l ’adrefle.
.À A i. te N o i r , B ibliothécaire du R oi , &C.
1
j
.<• T
' 53 Q u e je lui fis l'obfervation que c ’étoit un anonym e qu’il m’avoit fa it copier, il ré -1
» pondit que ce n’étoit rien de conféquent.
,
|
» C e fait fe pafla en prélcuce du iîeur K ic a rd , écrivant journellem ent à côte de m oi,
m
ce que j ’offre & fuis prêt d’affirmer en tel cas requis»
1
» A P a r is , ce 0,6 A vril 1788. Signé G autier.
’
r N ota- » M e Fournel me paya 6 fols pour cette copie.
’
En m arge de c e t t e déclaration eft é c r it,
>
» J e fuis prêt & offre d’affirmer les faits énoncés en la déclaration ci-contre du fieur
j j G a u t i e r . A P a r is , c e 19 A vril 1788. Signé R icard.
.
.1 , ;
>
Je ci ois ijuc je n’ ai pas befoin de faire remarquer combien , dans cette circonlbnce j
îà condwitc de Me Fournel eft odieufe , & il m e femble qu’il a ’cA perionne qui
�14
queilion de recommencer de nouveau & toujours de la part
de la dame Kornmann, dans le defiein de tromper des négo
ciations avec le iîeur Kommann,
O r, mon Mémoire épargnant, autant qu’il étoit poffible, la
dame Kornmann , & l’opinion qu’il avoit produite dans l’efprit
du Public , n’étant défavorable qu’aux hommes qui l’avoient
égarée, on crut qu’on pourroit s’en fervip comme d’un moyen
pour m’engagér à propofer un accommodement, dont on le
propofoit bien de nous rendre les dupes.
;
En. conféquence, Mc Fournel vintnous voir, & nous proteA
tant que la dame Kornmann étoit abfolument changée, qu’elle
n’avoit pu lire, fans vepfer des larmes, l’écrit que nous venions
de publier , que c e t écrit lui avoit fait faire des réflexions férieùfes fur fa pofition, qu’elle n’afpirpit plus qu’à réparer fes
torts & à fe réunir à fes enfang, il nous conjura de l’aider dans
un projet fj louable, & finit par m’inviter à venir dans fon ca
binet en conférer avec elle (i).
tente Je regarder ; com m e une fau te légère , le crim e d’avoir livré le fecrct de fes clients,
à l'homme qui a vo it le plus d’intérêt à leur n u ire , & q u i , du propre aveu de Me F o’u r n e l,
pouvoir djfpofer dç plus de moyens pou r y parvenir.
( i ) Je puis citer pour témoins de ce que j ’avance jc i,.le .fie u r.C la v ie rc ., B a n ju içr
à
P a r is , & le liti^r B rillot de W a rv J lc , homme de Lettres d’ un m érite reconnu, q u i t u s
les deux dinoient ch rz le iieur K orn m ann , au m om ent où IVÎe. Fournei vint iiqus fiire. I4
proportion de confcntir à une entrevue avec la dame Kornm ann. Ils diront) comment le
lipur K orm an n rejctt.i d?aboul cette prbpoiîtion, avec quelle peine on parvint eofuice 4
l ’e n gager à fo jlfr ir qu’au m oins, m o i, je ville la d u n e l'Çorninannclicz M c . F o u r n il,
com m ent ce confcntcm ent obtenu > j embrallois M e. F o u rn e l, l^i d é cla ra n t, que 1) en
e ffe t, comme il me le d if o it . la (.l'âme Korrimnnn étojt repentante , je ferois pout ce qui
dépendroit de moi pour lui erre u tile, & ajoutant que le plus.beau jour de ma vie feroic
çelui où je pourryis lui faire retro u ver,' àii m ilieu de fa tymille & parm i ceux qu’cllç
devoit chérir , toutes les habitudes qdi l’avoient rendu li heureufe a u tre fo is , . . T ^ t e s
pes circonihnoes ne peuvent encore être oubliées de M e. F o u rn e l. . . ,
trpmjier 1
E t il
*QJ|u fl)Ç
�I5<
— Le fieur Kornmann fi fouvent joué par fon'épouie, eût bien
de la peine à croire à un changement fi fubit. Je fus plus
facile.
L’idée de ramener une mere à fes enfans, d’opérer entre
elle & fon mari , une paix durable après tant d’orages, de dé
tourner d'elle à jamais cette honte cruelle qui fuit nécellairement la manifeftation des crim es, mais, qu’un repentir fincère
devroit toujours effacer, cette idée fi confolante &fidoucene
pouvoit que me féduire, & je promis, du confentement toutes
fois du fieur Kornmann, de me rendre à la conférence qui
m’étoit indiquée.
■ Plufieurs jours s?écoulèrent avant le moment fixé pour cette
conférence. Pendant cet intervalle nous eûmes loccafion de
nous entretenir plus d’une fois avec M 1. Fournel, des objets
qui
devôiént y être traités.
Il me parut que dans toiit état de caufe, & fur-tout après
l'éclat que le Mémoire avoit fait, il étoit impoffible de fonger à rapprocher la dame Kornmann d’abord de fès enfans, enfuite de fon mari; fi elle ne fe fép’arôit de la maniéré la plus
décidée & la plus folem nelle, des hommes qui. avoient trop
efficacement contribué à la favorifer dans.fes défôrdres, c’elîà-dire alors, de M. le -Noir & du. fieur de Beaumarchais, car le
fieur Daudet étoit abfent. Je demandai donc avant tout, comme
on vous l’a dit, que la dame Kornmann m’écrivit une lettre que
j’auroisle droit de publier, o ù , fans s’expliquer d’une manière
détaillée fur fes fautes., relie contiendrait .en général qu’elle
avoit été féduite par de mauvais confeils , 6c ou nommant
les homm es'qui l’avoient féduite , elle déclareroit qu’elle
s’en rapportoit abfolument à moi fur ce qu’il lui conve**
�■
i6
no'it de faire dans la circonilance malheureufe où elle ¿toit
placée ( i ). .
Il me parut jencore que cette Lettre publiée, la dame
Kornmann devoit faire un Mémoire où rendant juilice à la
conduite conftamment généreufe de ion m ari, évitant des
aveux trop difficiles, mais annonçant un repentir véritable;
parlant fans aigreur de cette troupe d*hommes fans foi, aux
quels elle s’étoit livrée, mais ne diffimulant pas leurs crimes;
invoquant fur fa jeunefle & fon inexpérience la pitié de tous
les gens honnêtes, elle offriroit le fpeftacle fi touchant & ii
noble d’une femme féduite, & non pas encpre pervertie , qui
abjurant de bonne foi fe's erreurs, répare, par l’éclat de fon
retour à la vertu, le fcandale trop public que fa conduite a
.caufé.
. .
Toutes ces idées furent trouvées fages par M e^ Fournel ;
feulement il obferva que la dame Kornmann étant décrétée
'd’aifigné pouf être o u ï, né pouvoit fe difpenfer de prêter fe*
Téponfes, 8c que pour achever mon ouvrage,, il falloit que je
miffe par écrit à-peu-près ce qu’elle pourroit dire , lorfqu’elle
feroit interrogée par -M. le Lieutenant-Criminel, afin qu’elle
(ne nuifit pas, par fa propre imprudence , au rôle fi intéreflant
■que je lui deftinois.
Je n’apperçois quàpréfent le piège qu*on m etendoit alors.
Il ne me feroit, certes, jamais venu dans la penfée qu’on dut
un jour fe prévaloir contre moi des écrits qu’on follicitoit de
ina pitié en faveur de cette femme trop coupable, 8c qu’un
moment viendrait où l’on fe feroit un moyen pour me dcs( i ) J’exigeai de p lu s, conim c ot^lc verra plus b a s , qu’elle écrivit deux lettres» l ’ une
à M . le N o ir , l’autre au fieur de Oeaum arclnis > où elle leur annonceroit qu’elle renonçoit
absolum ent à leur fo ciité .
honorer
�^33
.
7
. !> .
honorer au Tribunal de l'opinion, de ce qu’on m’invitoit â faire
pour elle.
M=. Fournel, je l’ai déjà d it, étoit notre ami autant que
tiotre Confeil ; nous lux avions donné, en plus d’une occafion,
des preuves d'un attachement trop véritable pour penfer un
inftant qu’il voulut nous tromper. Il étoit donc tout fimple
que je TécoutaiTe fans défiance, & que je n’héfitafle pas à faire
tout ce qu’il trouvero.it convenable de me prefcrire, dans une
circonftance où il m e'ïembloit que, comme m oi, il n’avoit
qu’une bonne aftion pour objet,
D e -là , Meffieurs, les différents billets que j’ai écrit à
M 2. Fournel, billets écrits fans précaution, parce que je croyois
écrire à mon ami; billets néanmoins o ù , quoiqu’on ait pu
d ire , je défie , comme je le prouverai dans peu, qu’on apperçoive autre chofe que les intentions que j’expofe ici.
Je reviens à mon récit.
Quoiqu’il en fo it, le jour fixé pour la conférence arriva. La
dame Kornmann fe rendit avant moi chez Me. Fournel. J ’i
gnore quel fut le fujet de leur entretien jufqu au moment où
je parus ; ce que je fais , c’eit que ce n eil pas avec des re
proches ( i ), comme on a ofé l’avancer^ mais avec des com*
plimens vraiement exagérés, que la dame Kornmann m’ac
cueillit; ce que je fais encore, & ce que je défie de n ier, c’eft
qu’avant même que je me fuife expliqué, on me déclara qu’on
adoptoit mon plan à-peu-près dans toute Ion étendue..
’ Une feule chofe pafut devoir y ‘être modifiée. On defira
que je n’exigeaiTe pas que le fieur de Beaumarchais & M. le
Noir fuiTentexprefiement nommés dans la Lettre qu’on devoit
.(i) Das reproches á moi tic la part Jo la Jam i K o n m u n u .
c
�i8
m’écrire, parce qu’il y avoit une.forte de difconvenance , difoit-on, à ce qu’une femme, placée dans une poiition auffi dé
licate que celle où fe trouvoit la Dame Kornmann , fe déter-r
minât elle-même à flétrir les complices de fes fautes.
Je ne fus pas d’abord de cetavis. Cependant après quelques
difcuifions, je confentis à la modification qu’on me dcmandoit,
parce qu’on me promit d’ailleurs de défigner ii bien les perfonnages, que qui que ce foit ne pourroit s’y méprendre.
,
C eci convenu, on propofa de rédiger fur le champ la Lettre.
M e. Fournel & la Dame Kornmann me prefsèrent beaucoup de
me charger de ce travail. Je ne le trouvai pas convenable, parce
que cette Lettre devant être de quelqu’étendue , il étoit pofiîble qu’on y reconnût ma manière d’écrire , & qu ainii j otaffe
à la Dame Kornmann le mérite d’être revenue d’elle-même, &;
fans autre impulfion que celle de fa confcience, à fes devoirs de
mère & d’époufe.
On feignit d’approuver mes raifons. Mc. Fournel alors fe
réduiiit à me prier de mettre par écrit feulement les idées
principales qui devoient fe trouver dans cette Lettre. Je ne
crus pas la chofe bien néceffaire , je connoiiïois l’intelligence
de Mc. Fournel, ôc il me fembloit qu’il n’avoit aucun befoin de
mon fecours pour rédiger une Lettre q ui, au fond , ne me paroiflbit pas bien difficile à faire. Je cédai néanmoins , & me
plaçant à fon Bureau, j’écrivis le peu de lignes informes qu’on
vous a produit ( i ), n’employant pas une exprefïion que Mc.
( I ) V o ici CCS lign rs informes :
C onvenu entre Madame K . & moi , au nom de M . K . , qu’elle m ’écrira une L ettre
qui fera rendue publique , dons laquelle cil; dira qu’elle n’a pas attendu la publication de
mon M ém oire, pour rendre juflice à fon rnari, qu’elle a etc entraînée loin de lui par de»
circonilanccs malheurcufes , qu’au fciu de ces circonftantcs elle n’a ccflc de regretter
�Fournel napprouvât , ou q u il ne me fuggérât me me fpécialement ( 2 ),
Le projet de Lettre arrangé , la Dame Kornmann me parla
deies enfans, 8cfe cornpofantla phyiîonomie d’une mère affli
gée , elle fe plaignit de ce que je ne les avois pas amenés avec,
m oi; puis elle me prefla vivement de la conduire fans délai
chez le fieur Kornmann, afin de lui procurer la fatisfadion de
les embraifer.
Tout cela fut dit avec un intérêt fi peu véritable , qu’heureufement pour moi je ne fus pas ému. Je répondis, 8c Me.
Fournel ici feignit encore de m’approuver, qu’il m’étoitimpoffible de la rapprocher de fes enfans, tant que je n’aurois pas la
certitude, par la Lettre que je demandois qu’elle avoit entiè
rement rompu avec fes corrupteurs; qu’au refie il ne falloir pas
beaucoup de tems pour écrire cette Lettre , & que fi je l’avois
■------ -- -
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^ *■ ^
r
-----
«nfans, Je pleurer leur abfcn ce, & de fe rciTouvenir avec amertume des fix années de paft
& de tranquillité, & c. & c.
Q .t’ ellc croit devoir s’ éloigner des perfonnes q u i, foit involontairem ent, foit im pru
dem m ent, ont néceilîté k s réclamations de fcm mari ; qu’il lui paroît convenable de recou
rir
à l’homme fcn'îble & généreux qui a défendu arec tant d’intérêt la caufe de fon m a ri,
pour établir, &c. &c.
A u moyen de laquelle Lettre M . K . amènera fes enf&nS a M adam e K . , fera offrir ju
diciairement à M . de Beaumarchais ce qu’elle lui doit, & donnera a fa femme des marquât
¿ ’ une iincèrere conciliation.
Signé B E R G A S S E .
( a ) Par exemple , je me rappelle t r k - b i en que les mots f hom m e finfiblc & généreux
qu’on lit dans le projet de Lettre d dciïlis , & q u i' fcmble contenir une efpécc d clo ge de
m o i, m ’ont été diftés par M c. Fournel,‘ que j ’avois mis à la place c e u x - c i, VA m ï
vertueux , & que M e. Fournel me les fit effacer pour y fubftitucr les précédons. L u im êm e, il y a peu de jours , cft convenu ¡Je ce fait ; cette rem arque, quoique m in ucieufc,
éto it nccclfairc.
'
\"
�dans fa matinée 'du lendemain, elle verroit fes enfans le jour
même.
O n vint alors à m’expofer l’embarras où l'on Te trouvoit visà-vis du fieur de Beaumarchais. On m’avoua qu’on lui devok
dix-fept mille liv ., parce que la penfion de deux mille écus que
payoit le fieur- Kornmann , n’avoit pas toujours été fuffifante
pour les dépenfes qu’on avoit faites. •
Je n’héiïtai pas à levér , au nom du fieur Kormanrï, cette
difficulté, &, trouvant fage d’affranchir promptement de toute
efpèce de reconnoiflance envers un homme auifi. vil que le fieux
'de'Beaumarchais, une femme que j'aimais encore à. croire plus
égarée que coupable, je m’engageai , fitô-t que nous ferions
poffefTeurs de la Lettre , & même avant qu’elle fut publiée , à
'faire porter chez le fieur de Beaumarchais les 17, 000 liv. qu’il
avoit prêtées.
L
"
‘
L a conférence avoit duré deux heures. Nous- n’avions plusrien à nous dire y & j’allois quitter la Dame K o rn m an n lo rfqu'ellenouspropofa de faire avec elle un tour de promenade an
jardin du Roi. J’acceptai. Durant cette promenade, il fut encore
queftion de la conduire fur le champ chez le fieur Kornmann p
pour y voir fes enfans. Me. Fournel q u i, comme on vient de
le voir , n’avoit pas d’abord approuvé cette démarche , parut
alors fe rapprocher un peu de la Dame Kornmann. Heureufement je demeurai ferme dam ma réfolution., infiftant toujours
fur la Lettre qu’on m’avoit promife T & décidé à tout refafet
jufqu’à ce qu’on eût rempli ce préliminaire indifpenfab!e*
i
.
N ous nous féparâmes. enfin. En me difant adieu, la Dame
K.ornmann m’afTura que le lendemain j’aurois la Lettre. Je
�43/
2
i
l’attendis vainement, le jour fuivant 6c pluiieurs autres s’ecôii«
lèrent fans que j’en entendifle parler.
s
.
1
.
.
A cette époque , parut ma réponfe âü premier Mémoire dut
iïeur de Beaumarchais. Dans cette répOnfe , ainfi que dans mon
grand Memoire, la Dame Kornmann eft iingulièrement mé
nagée. Comme j’y parlois de l’avenir affreux qu’elle fe préparoit
ii elle continuoitàvivre danslafociété deshommeâqui l’avoicnt
perdue, je penfai que la peinture effrayante que j’y faifoisde cet
avenir, hâteroit encore le deifein, ou j’avois cru la laiifer, de
s’éloigner d’eux fans retour; je le lui envoyai donc, & j’imaginai
en même tems de faire figner l’envoi que je lui en fis par fes
enfans ( i ).
Il me fembla que le nom de/e s enfans tracé de leur main}& mis
fous fes y e u x , feroit quelquimpreiTion fur ion e fp rit, quelle
fe reffouviendroit enfin quelle étoit m ère, & que fa tendreiîe
pour eux la porteroit à ne plus différer ce qu’elle m’avoic
promis.
( i ) V O I C I C E T ENVOIA M aJanie K O R M A N N ;
D e la part de f e s E nfans.
Signé
A délaïde
COCO ; c'eft le nom de ion Fiis,
Kornmanrt.
que m :ÿ
me les oppofer à l ’ A u d icn ce , & cil conclure toujours avec la merric logrcjir; ,
que la Dame Kornnun croit donc bien innocente à mes yeux , puifque j a vois pu la i ertvoyer une lig n e , lignée Coco & Adélaïde Kornnunn , & que dôs-lors il fillort, de toj.e
néceflité , que je fullc un homme déteifable , puifque j’ai éié capable de 1 accuicr in-Ugre
Croiroit-orï qü’on a gardé pendant pendant deux Années ce peu de iigncs » ainfi
billets i pour
l ’opinion que j’avois de fon innocence. C ’ cA cependant à do »elles pauvret.*? qu it fane
répondre»
�V
22
Je me trompai,' mon envoi refta fans réponfe. Mais, jç
jfcmpçonnois fi peu qu’on m’eût abufé, que je n’attribuai les
délais que j’éprouvais, qu’au defir que Me. Fouinel pouvoit
avoir de rédiger avec plus de foin, qu’un Ouvrage ordinaire, la
Lettre que j’avois demandée.
f
C e p e n d a n t les délais parurent fi longs, que je commençai
h vouloir en connoître la caufe.
On ne s’attend pas à ce qui me reile à raconter.
L e crime n’efl pas toujours prudent. Je ne tardai pas à être
inflruit de la part d’une perfonne qui le tenoit du fieur de
Beaumarchais même, que cette fameufe conférence où je procédois de fi bonne-foi, n’étoit qu’un piège que m’avoit tendu
le fieur de Beaumarchais, qu’on ne s’étoit propofé d’abord que
de m’engager à écrire quelques lignes, dont on pût inférer quç
je çroyois la dame Kornmann innocente, enfuite de me dé
terminer, en intéréflant ma fenfibilité, à conduire la dame
Kornmann chez fon mari, moins pour y voir fes enfans, que
fous le prétexte d’y yoir fes enfans : il faut bien diftinguer çes
deux chofes.
Ces articles obtenus, on auroit dit au fieur Kornmann : vous
¿ivez reçu la dame Kornmann chez vous, elle y a v u , elle y a
cmbraiTé fes enfans; c’eil votre ami qui l’y a conduite, vous êtes
donc réconcilié avec elle? O r, toute aâion d’adultère eft
éteinte, fitôt qu’il eft prouvé qu’il exifte une réconciliation
entre l’époux qui accufe, &. l’époufe qui elt accufée ; il ne vous
jreile donc plus d’autre parti à prendre que de garder le filence,
�4& )
& de vous ioumettre à la loi qu’il nous plaira de vous faire
jfubir.
Ces articles obtenus , on m’auroit dit : de votre aveu, 5c’
d’après l'écrit que vous avez rédigé : la dame Kornmann eil
innocente, vous avez donc menti à votre confcience en défen
dant fon mari, en transformant en de vils corrupteurs, des
hommes recommandables qui ont pris foin d’elle dans fa mifère;
vous n’êtes donc plus qu’un audacieux Libellifle ; ceux que vous
avez outragé vont rendre plainte contre vous, & demander la
jondion du Miniflère public, pour vous faire punir comme vous
l’avez mérité. En conféquence, le Miniftère public devoit être
engagé à réquerir contre moi les peines les plus infamantes ;
& on eft allé jufqu’à me nommer celui de MM. les AvocatsGénéraux, qui, difoit-on , pour venger M. le Noir, & fur-tout
le fieur de Beaumarchais, dont on ofoit le fuppofer l’am i,
avoit promis de fe charger de cet étonnant réquiiitoire (i).
Une pareille trame eil horrible : elle m’étonna peu, comme
on le penfe bien, de la part du fieur de Beaumarchais; ce n’étoit
pour lui qu’un crime de plus. Il n’y avoit, dans tout cela, que
•le rôle de Me. Fournel qui devoit me furprendre; mais j’étois
fi aveuglé fur fon compte; d’ailleurs il auroit fallu, en le foupçonnant, lui fuppofer un cara&ère fi étrange, pour ne rien
dire de plus, que j’aimai mieux le croire abufé comme
moi (2).
( i ) 'C cft a cette m m ic époque que le fîcur de Beaumarchais annonjoit par tout qu il
alloir me faire condamner aux G A L E R E S .
(cl) J’ai ici une obfervation importante à faire. On a lu à l ’audience les originaux de
mes billets t & on a eu foin de dire , q u ’on en lifo it les originaux. Depuis j ai demande
qu’on m e proJuiiît ces o rig in a u x , comme j ’en ai in con t:ftabl:m :n t le d r o it, & je u ai pu
�Ce n’a étç qu’environ un ou deux mois après, qu’inilruit qu’il
cntretenoit des liaifons fecrettes avec M. le Noir & le fieur dç
Beaumarchais, dans le tems même où je l’avois cru le plus en
tièrement dévoué aux intérêts du fieur Kornmann, je cpmmençai à penfer qu’il pouvoit bien n’être pas entièrement
étranger au complot formé pour me perdre , 8c que je finis par
engager le fleur Kornmann à lui retirçr fa confiance. .
l’obtenir. M e. to n net s’efl: contenté d’en envoyer îles copies à M e. D u veyrier, écrites de
la main de la dame Korninann , Sc encore n’a -t il pas envoyé d’abord des Copies de tous
Us billets. C e n’a été que fur la remarque de M e. D u veyrier, qui s’vft apperçu , que parmi
ces co p iis , il lui en tjiancjuoit un : bien cilen cicllc} que nous fem m es parveuus a nous (es
procurer toutes,
'
Q r , çn premier li-u , pourquoi ne me pro lu it on pas mes originaux, & qui mV.ilure
que les copies qu’on en a faites ne font pas iufiileües ?
En fécond lieu , pourquoi les copies qu’on m ’a produites, font elles écrites de la niait»
(Je U dame Korninann ? Seroit-ce parce qu’on a u rtit voulu m énager à M ?. Fournd l’excufç
de dire cij’ a l’époque où nous nqus fommes occupés cnlsjnble de rapprocher la dame Korn_
mann de fun m a r i , il n’a cru fuivre que mes intentions en les communiquant a La
4 ame
K orninann.
M ais il y a loin cîç communiquer mes billets, à permettre qu’on les copie ; c a r , a quoi
lx>n les copier ?
M a s de p ljs , parmi ces büjet.s, il çn cft un qui ne devoit jamais (ç retrouver dans les
mains de la dam e K orn m ann , & qui cependant s’y retrouve; & on a li bien fenti qu’ il ij;
devoit pas s’y retrouver, que c ’eft précifém cnt la copie de celui-là qui ipanquoit à U
^ollcilion de M ç. D uveyrier.
J),ins cç dernier biJlct, caufant fam ilvrem en t av cc Me. Fouruèl ftim m c dans tous les
a u tre s, je dis ces mots remarquables : J e lui amènera! (es e n fin s , & nous feron s m e (cent
de larmes qui finira tout. Certainem ent un billet de cette efpèto ne devoit pas fe retioavet
dijis les mains de la dame Kortunann.
Non. Q uoiqu’on f tilc , on n’evitera pas le b liin c qu’on a encouru en livrant mes billets,
& de telles rulcs n’empêcheront pas qu’ une upiaion défavorable ne fe forlne fur [e compe
de l'hom m e peu délicat qui le$ a livrés.
Il
�44 \
*5
- i ï étoit important que je rendiiTe compte de ces circonftances.
‘ Or , ces circonilances expofées, j’ai deux chofes à demander.
A-t-on pu faire ufage de mes billets dans cette caufe ? Mes
billets iignifient-ils ce qu’on a eu la méchanceté de leur faire
iîgnifier ?
D ’abord, a-t-on pu faire ufage de mes billets dans cetti
ca.ufe ?
A qui ai-je écrit ces billets ? A M c. Fournel ; c’eil-à-dire au
Confeil du iieur Kormann, à mon C on feil, à notre ami com
mun. Qui les a produit dans cette audience ? Les adverfaires
du fieur Kornmann, les miens. Qui les a livrés à nos adver
faires? Ce même M e. Fournel ( 1 ) , qui nous dirigeoit dans
( 1 ) J’ai dit plus h iu t que c’étoit Me. Fournel qui a v jit engagé le fieur Iv a r n a u iu 1
rendre plainte fpécialement contre le fieur de Beaum archais.
O r . voici encore un fait qu’il faut raconter.
A l’époque des conférences tenues chez M . Ic Procureur du R o i, M e. F ourn il perfiita
• toujours k vouloir que le fieur Kornmann rendit fa plainte ; il la rédigea m im e & me
l ’envoya pour m'en demander mon avis , je l ’approuvai, Si il fu t décidé que le lendcm ai«
ou le furlendemain elle feroit remife à M . le Procureur du Koi.
En eonféquence le fieur Kornm ann fe
ren d it
chez M *. Fournel pour la ligner. A peine
ctoit- il arrivé que le copiflede Me. Fournel parut avec la plainte m ifeau net. Me. Fournel
f r i t la plainte des mains du copifte, & l’ ayant parcourue des yeux , il dit au fieur K orn*
irwnn , c’eft b o n , elle elt exa& cnicn t copiée , vous pouvez la ligner.
L e lietir Kornm annTieurcufem ent aufîi voulut la parcourir. Quand il arriva aux con*
d u rio n s, fa furprife fut extrême de voir que M e. Fournel y avoit ajouté une phrafe, par
laquelle l u i , fieur Kornmanrt, fe défirtoie de toute a&ion contre fon époufeÉtonné d’ une addition fi é tra n g e ,
M e. Fournel. . . .
le
fieur K ornm ann en demanda
la raifon à
J’ai v o u lu , répond celui-ci , vous mettre dans le casd'obten;r une
iuflicc plus prompte de vos cansm is. O n oc vous refufera rien , & j en ai parole, fitét
D
�chacune de nos démarches, fans l’avis duquel nous ne nous per
mettions de rien entreprendre. Mais j’interroge ici tous les
<Jurifconfultes qui m’entendent, quels fo n t, relativement à
leurs cliens , les devoirs rigoureux de l’honorable profeflion
qu’ils exercent ? Peuvent-ils en aucune occafion, révéler les
fecrets qu’on leur confie ? Exiile-t-il aucune circonftance où ils
aient le droit de faire paiTer des mains d’un clien t, dans les
mains de fon ennemi, 8c même dans des mains feulement étran
gères , des a&es, des titres quels qu’ils foien t, qui peuvent
que vous vous ferez défiftè de votre aftion contre votre époufe. M a is , rep’ ujue le lïeur
K o rn m a n n , comment voulez-vous que je puiile pourfuivre mes ennemis que vous m ’avc&
en g ag é vous même à attaquer comme complices de mou époufe, il j’ abandonns mon
a&ion contre elle; avez-vous oublié que vous avez blîm é la m anière modérée Jonc j’ai
parlé de M ad. Kornmann dans mon M ém o ire, & cela uniquement p.irce que vous avex
craint que je nenuifiiTc ainfi à l ’a£Uon que j’ intentois a fes corrupteurs? ne détruirai-jepas
infailliblem ent cette dem iere aélion , Jn moment que mon aâio n contre Made. Korm ann
n’exiftera plus ? comment .peut-on être fondé à pourfuivre des complices quand on renonce
à pourfuivre un accufé principal; y a - t il même des complices où il ne fe trouve point
d’accufé principal ?
L ’obfervat’on étoit péremptoire. M e. Fourncl en fu t un moment déconcirté. Puis fe
décidant à propos , il arracha la requête des mains du fieur Kornmann & la jetta au feu j
proteftant qu’ il n’avoit vou'u faire autre choie que nous fauver , que nous n i connoiflïons
pas le nombre & la puilÎance de nos e n n e m is, q u ’in failliblem en t nous fuccombcrions à
notre a tta q u e , Sic.
C es menaces effrayèrent peu le iîeur K o rm m n n . C r ? y e z , M oniteur, rép ondit-il, que
fi j’ avois été capable de lign er de pareilles conclufions, je m ’en l'rrois puni fur le champ »
en brûlant la main qui les auroic lignées.
Le
lendemain ou le furknd em ain de cette fcènc , Me- Fournel refit la requête d’ une
manière conforme aux intentions du ficnr K o rn m a n n , à quelques mots perfides, pris
ce p e n ia n t, que le Procureur dii iîeur K orn m ann de concert t.vcc celui - c i , crut devoir
retran ch er, avant que de la revêtir de fa fignature.
C e r é c it , n a , je crois , pas bclbin de Com m entaire, J’obfcrvcrai feulem ent que nom
étions encore , a 1 epoque ou tout ceci fe pniTi , tellement confiant dans l ’honncteté de M*
Fourncl , que nous nous contentâmes de croire qu’on l’avoit in tim id é , & qu’ il ne nous
tin t pas dans l’efjprit de foupçonner qu’il eût voulu nous tromper.
�44$
27
intereiîer I honneur de ce client ou fa fortune ? Je vais plus
loin ; quand celui qui vient implorer le fecours de leurs lu
mières feroit abfolument indigne de leur affiftance, de cela feul
qu ils l’ont écouté, ne fe forme-t-il pas entre eux 8c lu i, comme
une convention tacite, qui ne let^r permet plus de prêter leur
miniilère aux perfonnes qui fe font déclaré fes parties ?
Et fi les a&es, que livre à mon ennemi le Jurifconfulte
auquel je m’adrefle, font des titres qu’il a lui-même follicité
de ma crédulité; ii lui-même m’a tendu des pièges pour me
livrer fans défenfe aux hommes que je pourfuis; fi fon cabinet,
qui devoit être à mes yeux l’afyle de la diferétion & de la
confiance, n’a été pour moi qu’un ahtre ténébreux où fiégeoient
à Tes côtés le menfonge 8c la perfidie.
Et fi le Jurifconfulte auquel je m’adreffe , étoit non-feule
ment mon confeil ordinaire, mais mon ami, fi jufqu’au moment
où il m’a trompé , il étoit impoflible que je trouvaife dans mon
cœur auGun foupçon qui m’avertit de me défier de fa bonne foi,
fi j’ai dû m’abandonner fans craipte à fes fatales infpirations,
fi depuis je l’ai trouvé partout agiiTant fourdement pour mon '
deshonneur 8c ma ruine.
Je vous le demande à tous, exiile-t-il un délit plus grave que
celui qu’on m’oblige de révéler en ce moment? Et quand, en
effet, entraîné hors des bornes ordinaires de la prudence, j’aurois
p u -me permettre quelques démarches, tracer quelques lignes
qui m’euffent compromis, auroit-on le droit de s’en prévaloir
„ contre moi? Ne voyez-vous donc pas ici que fi les Magiilrats
pouvoient prononcer , d’après des titres obtenus par un abus de
confiance pareil à celui dont je me plains, ne v o y e z - vous pas»
fans que j’aie befoin de vous le faire remarquer, qu’il n y auroit
plus rien de facré parmi les hommes ; que le recours aux
D 2-
�k
wV
Triburiaux^déjà fi difficile, deviendroit-’ néceflairement tou
2
8
jours dangereux ; que fi l’on ofoit admettre une fois contre un
accùfé quelconque , des titres fournis par celui auquel il auroit
confié le foin de fa défenfe, il n’y auroit pas d’innocent, pas
d'homme injuflement perfécuté, qui ne dût frémir en appro
chant du'cabinet d’un Jurifconfulte; que fi ces cabinets ne font
pas des âfyles facrés h. la porte defquels veillent fans ceffe l’hon
neur &. le fiience, il n’y a plus de repos, plus de fécurité po£
•fibles pour les malheureux qui viennent implorer le fecours des
lois ; enfin que fi l’on ne pofe pas en maxime que tout titre
livré par le confeil d’une partie eft un titre obtenu contre la foi
publique, & dont l’ufage doit être févérement interdit, l’ordre
focial tout entier eft infailliblement ébranlé, p uifque l’ordre
• focial n’exifte que par la loi , &. que la loi n’eft plus qu’une
inftitution illufoire, partout où l’homme qui l’invoque peut,
’avoir quelque chofe à redouter de ceux - là m êm e, quelle a
chargé du foiii de le défendre.
Jurifconfultes honnêtes , qui m’écoutez , ces maximes
font les vôtres , & l’outrage dont je me plains , eft un ou
trage fait aufli à la noble profeffion que vous exercez. Pourquoi
m Vt-on forcé de parler, quand, depuis deux ans, bien con- vaincu de l’abus de confiance-, dont je viens de rendre com pte,
r je m’étois impofé l’obligation de me taire? Ah! croyez que de
r tout ce qu’ils ont imaginé dans cette audience, pour aigrir ou
• affliger ma fenfibilité, rien n’a été plus douloureux pour m oi,
r que la néceffitéoù ils m’ont mis de révéler une faute que j’avois
pardonnée, que la cruelle alternative dans laquelle ils m’ont
placé, ou de manquer à ce que je me devois à moi-même, ou de
faire connoître publiquement, comme un perfide, un homme
; honoré d’un Miniftère que vous rendez fi refpeitable par vos
lumières & par vos vertus.
�-9:
r - C e n’eft pas tout : non-fisuiement, orj n’a.pu.£e prévaloir de
mes billets dans cette Caufe mais 'ils offrent précifément un
fens oppofé à cçlui qu’on a eu la mauvaife-foi de leur donner ;
mais le fens qu’ils.-offrent ne fait qu’ajouter à l’opinion .qu’on
, a déjà fi généralement conçue de la pureté des motifs qui m’ont
çonftamment déterminé dans tout ce que j’ai entrepris pour la
defenfe duiîeur Kornrnan.tf.. - r
1 e n ; ,j- Car enfin, M e ssie u rs, que trouve-t-on'‘dans ces billets,
jmême en les confidérant, indépendamment des circonllanœs
dont je viens de parler ? Y trouve-t-pn, commç on a ofé vous
le dire, que j« crois la dame Ivoinmanri innocente? Que fâché
'd’avoir écrit eu fay.eur du feur Kornn^un-, je voudrais bien
trouver le moyen de la réconcilier avec lui; enfin^ qu.e^moimême j’ai follicité cette réconciliation? N on , certes: & il
falloit être doué d’ un efprit auffi faux que méchant, pour
mettre à côté de ces billets iï fimples, des opinions de ma
. part, après ce que j’avoit fait, après ce que je n’ai celle de faire,
fi peu vraifemblables 8c fi ridicules.
Q u’y trouve-t-on donc, quand ce n’eft pas avec le deffein de
de calomnier qu’on les lit? Ceci feulement, que je promets de
venir au fecours de la dame Kornmann, fi elle confent à fe
féparer avec éclat de fes corrupteurs ; fi elle m’écrit une lettre
que j’aurai le droit de rendre publique, où elle confeifera que
les confeils perfides d’une troupe d’hommes fans foi l’ont éga
rée ; fi, dans cette même lettre, elle rend hautement juiîice
aux aflions conflamment nobles, conftamment généreufes de
fon mari (i).
( i ) V o ic i co m m e D t je m ’exp lique: « V o u s rjpyc*.qu’il.cft de la plus.liuut« itnpprtance
•)} que notre plan s’exécute , il faut abfolum ent q u e vous aracniez Madame K o m it ia p a à
�I*
3°
Qu’y trouve - t - o n encore? que ces préliminaires remplis,
je m’engage à faciliter à la dame Kornmann les moyens
de fe juftifier : ce qui ne veut pas dire, ainfi qu’on a eu l’impu_
dence de le prétendre, que j’offre de lui fournir les moyens do
combattre avec avantage le fieur Kornmann, puifqu’çn même-*
tems, je le repète, je veux qu’elle lui rende hautement juilice,
puifqu’en même-tems je le repète, je veux qu’elle avoue que de
perfides confeils l’ont égarée; mais ce qui veut dire Amplement
que je fuis prêt ¿'ménager fa défenfe, de manière à ce que,
fans diffimuler fes fautes, elle en rejette tout l’odieux fur chacun
de ceux qui l’ont favorifé dans fes défordres, comme je l’avois
fait' moi-même jufqu’alors ; comme je n?ai ceiTé de le faire,
depuis ( i ) .p
*
» écrire à M . le Noir & à M . de B e a u m a rch a is, uns lettre courte, iîmple & noble, dans
» laquelle elle dira : que revenue de fe s erreurs, voyant dans toute la profondeur l'abyme où
on l ’a entraînée\ elle f e propofe de rendre compte au public de f a conduite , qu elle
t> s'éloigne d'eux f i n s retour » . E t on a. ,pr<Jduic ce billet ? l’audien cc, pour prouver que
jecro is la
dam e
Kornmanp, innoccpte ! A u .r ç ftç , remarquez dans ce billet ces mots«,
et Vous voyez qu’ il cil de la plus haute importance q\ie nQtre p|an s’exécurï » . Le plan
dont il s’ a git ici , é to itd o n c autant le plan de M®. F o u rn cl, que le ir.i:n , & comment
aprèj cela Mé. F o u rn d a-t-il eu le courage de livrer mes billets À la dame K ornm ann & à
fon défenfe ur ? C o m m e n t n’ a -t- il
pas fenti qu’ en donnant à mes billets une interpréta
tion auflî fiu llc que calqm nieufe, l ’opinion qu’ il cflayoit de former fo n tre tu p i, il la
formoit encore plus contre lui.
( i ) V o ic i encore ce que je dis dans un Sucre de mes billets : c< Sauyons M adam e K orn » mann fur toute cl.ofc ,
& préparez le canevas des lettres dont je vous ai parlé ( les
?> lettres à M . le Noir & au lieur de Beaum archais ). Vous fave? quelles font mes in ten.
» tions , & li la Nature m’ a doué d’ une âme méchante. Je contribuerai de bon cœ ur à lu j
» f.rrc jouer dans le public , le rôle le plus iiitér^flant & le plus noble, pourvu qu’elle
» veuille s’y prêter », M ais en quoi pouvoir confiftcr ce rôle intércifant& noble? n’étoit cc
pas à s’ élever, en quelque fo r te , au delTus de fes fau tes, en ne ro u giflan t p u d’en faire
l ’aveu? E t p:ut-on en douter, quand qp renia rque que je dem ande, avant t o u t , qu’oit
é t f i r c M . à le Noir & au fieor de Beaum archais ? O r , oa a vu plus haur dans quels terme*
�44.1
‘ Enfin, qu’y trouvê-t-'on, fi dn les confidère relativement
aux circonflances dans lefquelles ils ont été écrits, relative
ment aux moyens qu’on a mis en œuvre pour me les faire
écrire ?
Que j’ai été dupe, en les écrivant de'm a- confiance en un
homme dont je n’ofois më permettre de ibupçonner la bonnefoi; que j’ai peut-être trop facilemént cédé à la pitié qu’il tâchoit de m’infpirer pour une femme coupable ; qu’au moindre
figne de repentir que cette femme m’a donné, ou plutôt qu’elle
a feint de me donner de concert avec l’homme qui me trompoit, je fuis allé au-devant d’cllé pour l’arracher à la deilinée
qu’elle fe préparoit; enfin, que j’ai vivement fouhaité qu’il
put exifter un moyen de la rapprocher de fes enfans, en la féparant de fes corrupteurs ; 8c qu’en conféquence, je me fuis
prete fans effort, fans précaution, a faire toutes les démarches
qu’on a exigé de moi pour opérer ce rapprochement falutaire.
. " '
'
< .
ç;
.
!.
r
Voilà tout ce qu’on remarque dans mes billets; voilà tout
ce qui réfulte des circonflances dans lefquelles on me les a
fait écrire.
r E t ce font là des crimes! Et des intentions fi douces 8c fi
pures, ont été travefties en intentions malfaifantes! Ah! je ne
m’en défends pas. Oui, j’ai voulu fauver la dame Kornmann;
oui, j’ai faifi avec toutTempreflement d’une âme honnete 8c
fenfible, l’occafion qui m’a été offerte de diffiper l’illufion
je veux qu’on leur é c riv e , & conjtncnt j ’cxige.«ju’on Jcur déclare, qu on rcnoncc pour
toujours à leur io d écé.
4
�32
fatale dont elle aimoit à s’énvironner; o u i, j’ai defîré la fépa
rer de fes corrupteurs; oui, je nai pu fans frém ir,voir fe brifer,,
fous mesyeux , les liens qui l'attachaient à fes enfans.. . . . . . #
Une mère & des enfans, & un éternel iilence entre une mère 8c
des enfans. .*>................. .^Cette idée étoit horrible pour m oi,
8c c’étoit parce qu’elle étoit horrible , que dans tous le i
Écrits que j’ai publiés dans cette Caufe , je me fuis iingulièrement occupé depréfenter, fous un point de vue intéreflant,
celle que d’affreufes circonftances m’obligeoient d’accufer ;
c étoit , parce qu’elle étoit horrible , que plus cette
femme eft devenue criminelle , 8c plus ma pitié pour elle
efi: devenue profonde ; c’étoit parce qu’elle étoit horrible,
que plus les auteurs de fes honteux égaremens m’ont
perfécuté , 8t plus j’ai éprouvé d’émotion en fongeant au fort
cruel qui devoit être un jour fon partage, & moins j’ai pu me
réfoudre à manifefter l’opinion, hélas! trop véritable que je
m’étois faite de fa dépravation profonde ;'efpérant toujours
qu’un moment viendrait, où tant de modération de ma part,
opéreroit dans fon dîne une révolution falutaire, 8c n’ofant pas
hum ilier par des vérités trop févères, celle qui pouvoit encore
fe montrer fi digne d’être honorée, par un retour fincère à
la vertu.
Infortunée! vas, je te pardonne tout le mal qu’ils ont voulu
me faire en ton nom. Quelque part qu’ils t’ayent donnée dans
leurs lâches com plots, ne crois pas que je t’impute aucun de
ceux qu’ils ont formé pour me perdre. Non , jamais, quoique
'tu faffes, tu ne trouveras dans mon cœur que de^laco.mpalfion
& de l’indulgence.
Infortunée ! dans quel abîme de corruption ils t’ont fait des
cendre ! Comment celle qui rempliffoit fes devoirs avec une
fidélité
�fidélité fi touchante èc il refpeftable, comment celle qui pré-:
feroit aux vains plaifirs du monde , la paix de fa maiibn, le
bonheur tranquille dont elle joüiiToit auprès de fes enfans ,
comment eft-elie devenue la plus perfide des époufes , la plus
infenfible des mères ? Oh ! pourquoi n’es-tu pas ici ? Pourquoi
fous les yeux de tes J u ge s, enpréfence de ces femmes qui m’écoûtent 8c qui font mères comme toi, pourquoi ne pùis-je in
terroger ton cœur? Non , je ne le crois pas; non, quelqu’ayent
çté tes fureurs, tes égaremens, tes attentats, ils ont égaré ton
cœur, ils ne l’ont pas entièrement corrompu / La nature garde
le cœur d’une mère ; il eiï des méchans qu’elle laiife fans re
mords; mais pour la confolation 8c le bonheur de l’efpèce hu
maine , alerté d’une mère coupable, elle place toujours le re
pentir!
. Hélas ! peut-être en ce moment, tu pleures foiitaire 8c délailfée ! Peut-être tu gémis fur les funeftes confeils qu’ils n’ontceffé de te donner jufqu’à ce jour; peut-être confidérant déplus
près l’avenir dont je t’avais menacée, tu regrettes d’avoir cher
ché à me trahir, quand-je m’occupais avec tant d’intérêt de te
tendre une main fecourable ! Combien elles doivent être
amères tes larmes ! Comme je les vois totflber lentement fur
ton cœur ! Que de fautes elles expient à mes yeux'.Infortu
née , . . . tu ne verras plus tes enfans, 8c tu pleures !....
Voiis, qui devez la juger; vous, les témoins de mon trouble
8c de la douleur que j’éprouve, en fongeant au fort qui lui eft.
maintenant réfervé ; non, vous ne ferez point inexorables, vous
aurez pitié d’une mère , puifque nous nous fommes vus forcés
d’acçufer une mere devant vous ; je le fais, il en efl peu d’auiîi
coupables : mais auffi, exiih. - t - i l jamais une fociété plus ,
E
�*
H
pCrverfe, plus corrompue que celle dans laquelle une première
f a u t e l’a malheiïreufemeht entraînée? _
Lorfqu il s’àgit de punir une femme infidelle , qüélqües
foicnt Tes erreurs, quelques foient même Tes crimes, n’oublions»
jamais que la première caufe de fes erreurs & de fes crimes
• ne fut pas en elle-même ; que c’eft toujours une féduâion étrari*
gère qui les a préparées ; que la nature, qui fit les femmes polir
aim er, leur donna aufli plus d'abandon dans lé développeinéfrt
de leurs partions ou de leurs féntimens ; que prefque toujours
toute la raiion d’une femme efl dans fon cœur; qu’il eft comme
impoiTible qu’elle ait d’autre morale que celle de l'homme
qu’elle aime , & que fi cet homme eft artificieux 8c méchan*,
il faut bien enfin, à moins que quelqu’évé n e m e n t imprévu ne
diffipe le charme qui la fé d u it, qu’elle devienne , comme in
volontairement la complice de fes artifices & de fa méchan
ceté ( i).
• N on, encore:une fo is, vous ne ferez point inexorables,vous
nè verrez pas d’un même œil & les bourreaux & la viftim e, &
cette troupe d’hommes fans fo i, dont vous connoiffez mainte-
' f i j J î rem arque une choie bien étrange dans flos m œ urs. U n hom m e cité pour fa vie
Jnccntieufi , un- homme qui- aura porté le trouble dm» vin g t ménages ,. n ’en:ourrc aucunr
blâm e ; on le v ç it fin s ferupule , on l'a ccu eille avsc in té rê t, on plaidante même avec lui
de cc qui fait la d é fla tio n des fam illes qu ’ il a désho.-.orées, & une femme que tan r de
circonftances c.Tcufcnt q u e lq u e fo is , fi m aîheureufem ent fon infidélité eft devenue tro p
pttbHqne, fc trairre rout-ir-coup vouée'a l ’abâm !on & a la honte i certainem ent je ne veux
j u s q u e - la fem m e qui s'cft b iffée fé d u ire ,
4c q u i,
f u r t a u t , a donné trop d’éclat à fes
fa u te s , conferve encore une conlidération qu'elle a m érité de perdre ; m ais l'hom m e
qui l’a fédulte , n’eft il donc pas plus coupable, & p o u rqu o i.le traite-t-o n avec une R
Ihm daleufc in dulgen ce, ' UDdis qu’ on la punit, e lle , avec taat de rigu eu r & de f é » ir iic l
.
—
�4S\
35
riant tous les crim es, & l’infortunée qu’ils ont perdue. Le Ma*
giilrat, chargé des importantes fondions du Miniftère public j
faura déterminer la julle diftance qu’il faut mettre entr’eux.
Vous l’entendrez, avec cette éloquence énergique & douce,
avec cet efprit de lumière qui le cara&érife, établir des difc
tin&ions néceflaires entre la femme adultère , & celui qui la'
détournée de la route de fes devoirs ; il vous préfentera dans
tout fon jour cette vérité fi fimple & fi importante en mêmetems que la nature elle-même punit la femme adultère d’une
manière déjà bien rigoureufe, en la privant de toutes fes affedions domefliques , ( i ) en brifant les liens qui l’attachoient à fes enfans , en mettant une éternelle folitude danç
fon cœ ur, & tandis qu’il appellera toutes les vengeances de$
Lois fur la tête des coupables, que nous vous avons dénoncés,
vous le verrez accueillir, avec i n t é r ê t , la prière de celui que
nous avons défendu., la prière d’un époux couvert d’outrages,
q u i, pour fe garantir des attentats de ceux qui lui ont ravi fon
¿poufe, forcé de l’accufer elle-même, ne vous demande pas
fa honte, vous conjure , au contraire, d’éloigner d^elle toute
(0
Prçciftm cnt parce que les f : mn'.es font faites pour aim er, elles ne font Hcurcufe*
«jue par des rapports dom efiiqujcï, & ces rapports leur font-encore plut cflcntieJs qu’i
nous. L a vo cat.o n d’ une fem m e, fi je peux me fervir «le-ce m o t, cil d e tre époufe &
m ère ; & fa vie , m algré le tumulte du monde , n’eft prefque toujours qu’ L’n î vie foücaire,
in quietts & p kijje d’canifis ; quand Ies'aiRcHoiU de mère & d’époufe lui m a n q u en t..O r,
l ’ jd u ltcrc une fois cp np u, fiiparont nécciTaircmeni une fem m e de fa fam ille , I’ifol.mt
in fa illib lem en t de tout ce qu’cJJe devoit a im e r , porte avec lui fa peine, & une peine q u i,
m alheurçufcm ont.nc peut finir qu’ avec l'infortunée qui en eft l ’omet. Mais, d’apics cette
id é e , nos loi* qui p'Jni/Tent avec autant d« févérité la fcnjine infùjellc que fprç corrup
teur , ne font-elles pas fufceptibles de quelque reforme ,
& a l ’égard d f la femme in fi
dèle , fi la rature venge les m eturs a rc c tant d’énergie , fiut-il encore ajouter beau?
ceup de chofe à la vengeance f
B 'j
Hé
�condamnation trop févère , 8c ne defire autre chofe de votre
juilice , finon que vous déterminiez fon fort, de manière à ce
qu’elle ne puiiïe s’égarer davantage.
. Hélas ! j’ai vu les plus hautes protégions employées a fouftraire à un châtiment trop mérité , les fcélérats qui ont con
sommé fon opprobre. J’ai vu le Magiftrat prévaricateur, qui,
au mépris des Lois les plus faintes, s’ell occupéde la favorifer
dans fes défordres ; j’ai vu l’homme vil auquel elle s’eft aban
donnée; j’ai vu l’homme audacieux qui s’eil fait un mérite de
ta fouftraire à l’autorité de fon époux ; je les ai vus tou s, en
vironnés de ce que le crédit a de plus im pofant, l’intrigue de
plus dangereux, l’autorité quelquefois de plus formidable, 8c je
n’ai vu perfonne s’intéreiTer véritablement au fort de cette infor
tunée, & depuis qu’elle a quitté la maifon de fon époux,tous ont
cherche à mettre k profit fes erreurs, tous l’ont encouragée dans
la carrière licentieufe qu’ils ont ouverte devant elle , nul n’a
youlu lui donner un confeil falutaire. Et moi feu l, peut-être ;
j’ai cherché à la fauver, 8c vous voyez comme ma pitié pour elle
a failli me devenir funefte, 8c vous voyez comme ces hommes
affreux ont tenté de tourner à ma honte tout ce que j’ai entre
pris pour la rappeller à fes devoirs ; comme ils ont eflayé de
transformer, en démarche crim inelle, la démarche la plus in
nocente, la plus fnnple, la moins fufceptible d’une interpré
tation défavorable.
Après cela, dois-je me repentir d’avoir été trop crédule dans
une circonftance où ma crédulité, quoiqu’excitée parles motifs
les plus nobles, a pu avoir pour moi des conféquences fi cruelles?
Non : j’aime encore mieux être imprudent qu’impitoyable. S’il
efl des larmes perfides, on pourra, je le fens, me tromper en
core , 8c quelque dure que foit l’expérience que j’acquiers
�w
37'
aujourd'hui, ce fera'toujours avec le même abandon, la même
difpofition à me laiiTer féduire par de trompeufes apparencesj
que j’irai au-devant des malheureux qui imploreront mon
appui.
v
jr
Je paffe au fécond reproche qui m’eft-fait. Vous n’avez point
oublié qu’il a pour objet ce que j’ai dit du Prince & de la Prineeile de NaiTau dans mes Mémoires; qu’en conféquence de.
ce que j’y ai dit de l’un 8c de l’autre, le Prince de Nafiau a rendu
plainte contre le iîeur-K..ornmann 8c contre moi; 8c que, fur
cette plainte, grâce à la complaifance des premiers Juges,nous
nous trouvons tous les deux décrétés d’ajournement perfonnel.Je remarque, entre le Piince de NaiTau 8c m oi, deux efpèces
de difficultés : des difficultés de f o r m e , 8c des difficultés de
fond.
Difficultés de forme. Il prétend que la plainte qu’il a rendue,
contre nous eil régulière’; 8ç m o i, je foutiens qu’elle eil récri- ‘
minatoire.
Difficultés de fond. Il prétend qu’il a eu raifon de rendre :
plainte contre nous, parce que nous l’avons calomnié: 8c m oi,
je foutiens q u e , loin de l’avoir calomnié, nous n’avons pas
dit de ltli tout ce que nous pouvions, tout ce que nous devions
dire.
Je m’arrêterai peu fur-les difficultés de forme.
Le Prince de Naiïau afïure que j’ai tort de regarder comme
récriminatoire la plainte qu’il a rendue contre nous, attendu,
d it-il, qu’une plainte récriminatoire eil la plainte que rend,
un accufé contre fon accufateur, 8c que nous ne l’avions pas
accufé lorfqu’il a rendu plainte conrre nous.
�3$Et comment le ’ Prince de Naiïauveut il prouver qu’à cette
époque, il n’étoit pas accufé ? De deux manières;
5
Il n’étoit pas accufé, parce q u e , quand il a rendu plainte
contre nous, il n’étoit pas décrété, & q u e, parmi nous, il n’jr
a que le décret qui accufé,
Il n’étoit pas accufé, parce q u e , quand il a rendu plainte
contre nous , non-feulement, il n’exilloit point de décret, mais
même il n’exifloit pas de plainte fpéciale contre lui de la part
du fieur Kornmann.
A ces deux moyens, j’oppofe deux réponfes bien fimples.
Premièrement, il eil faux que, fuivant notre jurifprudence #
il faille être décrété pour êtrea'ccufé. Deux“particuliers rendent
plainte le même jo u r, l’un contre l’autre fur le même fait, en
s’accufant mutuellement. Dans cette pofition , quel eil le
devoir du Juge. Peut-il accueillir les deux plaintes à la fois?
N’eil-il pas tenu au. contraire de rejetter l’une pour adopter
l’autre? De déclarer ainfi qu’entre ces deux particuliers, l’un eil
accufateur & l’autre accufé? E t cependant il n’a point encore
prononcé de décret. Ce n’eil donc pas, comme vous le voyez ,
le décret qui accufé, mais la plainte; puifque dans cette h ypoth èfe, c’eil entre des plaintes qu’on choifit pour déterminer
quel eil l’aceufé & quel ell l’accufateur.
n
En fécond lie u , il eil faux que lé fieur Kornmann n’ait pas
rendu plainte contre le Prince de Naflau , bien antérieurement
h la plainte du Prince de Naflau, contre lu i; car, dix-huit
mois avant la plainte du Prince de Nauflau, le fieur Kornmann
avoit rendu une plainte générale contre le fieur Daudet, fes
complices, fauteurs & adhérens. O t , le fieur Kornmann a
dém ontré, & je le démontrerai dans peu davantage, que le
Prince de NaiTau eil un des complices du fieur Daudet. Il eû
�40
39
do rtc ¿vident qt/en rendant plainte contré îe iieùr Daudet,
il a rendu plainte aufii contre ïe Prince de Naffau.
Mais , dites-vous, ces mots com plices, fauteurs & adhérans
-qui fe trouvent dans la plainte contre le fieur D aud et, font
des mots que vous pouvez appliquer à tout le monde, 8c qui,
conféquemment, ne s’appliquent à perfonne.
O u i, je peux appliquer ces mots à tout le monde; maisl’effentiel eft de favoir ii je les applique bien ou mal.
S i, par exemple, je ne vous démontre pas que le Prince de
Naflau eft fauteur, complice ou adhérent du fieur D a u d et, il
fe trouvera que j’ai mal appliqué ces expreiîions au Prince de
Naffau, qu’il n*eft pas accufé, & que fa plainte n’eft pas récria
•minatoire.
Mais fi je vous démontre invinciblement que perfonne nV
plus favoriie le d élit & la continuation du délit du fieur Daudet
.que le Prince de Naffau, il fe trouvera que j’ai bien appliqué
au Prince de Naffau la qualité de com plice, fauteur ou adhé
rent du fieur Daudet; q u e, dès-lors, il eft néceffairement com
pris dans la plainte que le fieur Kornmann a rendue contre le
fieur Daudet; que, dès-lors, il eft accufé; que, dès-lors aulïi,
la plainte du Prince de Naffau eft récriminatoire.
Ces idées font trop faciles à faifir pour que je m’y arrête dar
.vantage : j’arrive aux difficultés du fond ; c’eft-à-dire, à la ca
lomnie que m’impute le Prince de Naffau.
. *.
, S’ i L faut croire le Prince de Naffau, je l’ai calomnié, nonfeulement dans fa perfonne; mais ce qui eft bien pis, dans la
perfonne de. la Princeffe de Naffau, fpn époufc.
. Et fur quoife fonde^t-il pour dire que je f a i calomnié? fur
�ti
• -\
r '4 °
(deiix phrafes qui fe trouvent dans deux de mes Mémoires. Et
quelles font ces deux phrafes (i)?
- ¿.
: - L e f i e u r d e Beaumarchais publie un Écrit, où:il annonce
qu’il ne s’eft chargé de faire des démarches en faveur dé la
dame Kornmann, qu’en conféquence de la miffion expreife
qu’il en a reçue.chez le Prince de Naffau.
'Et' moi je réponds au iieur de Beaumarchais, que la miifion
qui lui a ét.é donnée chez le Prince de Naifau, par quelques
hommes corrompus & quelques femmes fans pudeur, ne fuffit
pas p .mr le juiKfier du rôle odieux que je lui reproche.
M.. le Noir publie un Écrit où il dit. que la PrinceÎTe de
JNaiTau, a vivement follicité auprès de lui, la liberté de la
dame Kornmann, 8c ce qui eft bien plus fort, où il nous apr
prend q u e l l e a e n v o y é aux M in ières des Mémoires, dans lef-r
quels, à coup fur, afin de difculper la dame Kornmann, elle
ne traitoit pas le fieur Kornmann avec beaucoup de .ména
gement.
;
. Et moi je réponds à M. le Noir que les.follications de la
Princeffe de Naiïau, ne l’excufent en auçune façon à mes*
( i ) O n trouvera ic i trois ou quatre pages de réflexions déjà développées dans mon
grand M ém o ire contr« le P rin ce de N aflau ; il faut b ien , m a lgré m o i, répùter ces
réflexions, & trè j-fo u ye n t dans les mêmes termes >quand ;e ne puis reneontrer m ieux ;l
l’Avoc.it du Prince de Naifau n’a fait autre cliofc Ü l’audience que p a te n te r k s o b je d io n s
cf.ic je me fuis faites dans cc même M é m o ire , & tout fon art â conlîfté à ne pas dire un
m ot de mes réponfes. Cependant cet A v o c a t, comme les trois autres , prétend que mes
M ém oires font fa m e u x , que tout le monde les.a lus
mais alors n’ i - t - i l p as.un peu
m an qu é, non-feulem ent de b o n n e-foi, mais de .pudeur, en extrayant de ces M ém oires fi
connus , tout ce'que j ’y avois m is n u i-m cin e à. m a tlia rg e , afin d’en com poler fon P la i
doyer , & en laiil'ant"dû côté toÜJ l e ; raifonnemens) un peudécififs, il élt v r a i, dont je
ïn ï fuis fervi pour liét^uut fans jretour les im putations que je prévoybfadevoir un jour
m'erre faites.
yeux,
�4j y
,
.
.
.
4 *
. ..
*
.
*
yeu x, attendu qu’il favoit très-bien qu’il exiftoit desrelation£
intimes, entre elle & le fîeur Daudet, & que lui-même, en
parlant de ces relations au fieur Kornmann, ne s’en étoit pas
expliqué d’une manière bien avantageufe.
Voilà ce que j’ai écrit. O r, pour favoir fi j’ai calomnié en
écrivant ainii, il faut rechercher fi ce que j’ai écrit eft vrai
pu faux.
E t d’abord, en ce qui concerne la PrinceiTe de NaiTau, elle
ne niera pas, & tout le public fait comme moi, qu’il exiftoit
entre elle 8c le iieur Daudet, des relations intimes. M. le Noir,
defon cô té, n’oferoit pas nier, s’il fe trouvoit ici en préfence
du fieur Kornmann, qu’il n’a pas parlé de ces relations, en des
termes très-honorables.
M . le N oiravoit ent re fe s mains les regiftres de Ja Police,
remplis de notes infamantes contre le fieur Daudet , regiftres
dont, dans les cours momens de fa profpérité, le fieur Daudet
avoit vainement follicité la fuppreffion, regiftres qui dépofent
encore en plus d’un lieu cjue le fieur Daudet eft un efcroc, un
intriguant, un homme fans principes 8c fans f o i, & , d’après
cela, dequel œil M . le Noir pouvoit-il voir les relations de la
Princefle de Naffau avec un. tel perfonnage ? Et comment entreprendroit-on de nous prouver aujourd’hui que nous en avons
im pofé, lorfque nous avons affirmé que M. le Noir en s’expli
quant fur de telles relations avec le fieur Kornmann, n’en a paî
parlé d’une manière favorable(i) ?
( i)
les
b ien
L ’A rocat du fieur D audet a ofé me faire uu crime de ce que je cite ici
régim es de 'la Police , 8t il a déclaré avec une
* fuuluitcr
q u ’i l
renonçât ,
qu’ il
me
emphafe à laquelle
rcndoit
iclponfable
il ferpit
«.eCoutcs
F
les
�M a i s , me répliquez-vous , qu’importe tout ce que vous
dites ici.? En avançant qu’il ejuiloit des relations intimes entre
la PrinceiTe de Nafiau 8c le fieur Daudet, vous avez fait naître
des foupçons fur les mœurs de laPrincefle de Naffuu, 8c fous ce
point de vue vous êtes toujours bien coupable.
N on , je ne fuis pas coupable. S i , dans cette occafion ,
comme vous le prétendez , les moeurs de la Princefle de
Nafiau ont été ofïenfées, à qui doit-elle imputer cetteoffenfe?
Ju fais, pour un m om ent, une fuppofition impofliblc. Je fuppofequa le fieur Daudet, que vousconnoiiïez maintenant pour
le plus vi l , le plus odieux de tous les hommes , fi le fieur de
Beaumarchais n’exifioit pas , foit au contraire.un homme d’une
çoiu|uite pure St irréprochable. Eh bien , dans cctte hypotlicfe,
quand j’ai dit qu'il ex ifloit des relations intimes entre la Princefie de Nafiau & le fieur D audet, je n’aurai rien dit qui puilïe
faire foupçonner les mœurs de la PrincelTe de NalTau. Et pour
quoi? parce que des relations intimes entre la PrinceiTe de Naffau & un homme de bien, ne peuvent qu’être honorables.Ce
imputations que
je m’etoi* permife», d’aprèi c ; que p o iro it tontenir et» n u !h «u -
reu i re£iftrc> i l'A voeat du fieur Daudet n '.tro 'i p u befoin rie faire tin t »le fctui«; •«
xpf fiiu toii.o’J f* ren.lu lefponfable Je tout ce que /a i dit ou ¿ t n t , depuis que je me m 'Ie
Je dire o j d e a ire - Je déclare lion: ici que (i l«t Kegülrc« «le h Police n- .îipofent p u que
le fie ir D j j J c i c.1 un in tti^ u an t, un cfctoc , un homme fin? principes & O n, fu i, je cooftm a pa(Ter pour en n o i r impofé au P.ib!ic & au* M agiftrJts. Ap*es cette I r .l a t a t io a ,
le lieur Daudet n'a pîui qu'une choie à faite- C/ctl <k io llm te r un A trct de la C o u r . qui
orJonoc l’apport iîc» Ktgiftre» de la P o lic e , 01 birn je le foilictterai , r a o i , 8t pi i»
■ o j»
Il
*e »on» te qui féfu lt:ra de ta fonfron: >:i.»o de t r t Hep.-ftrei >»ee le(‘« m D aiik't.
faut dire cneoeeque t ’eft .le M le Noir . j-: r>o n te ’•vu j ie le tioa» d'i fitur Dai: let
qui fc tr o jr e e n piut d'uo lieu lu» I«* K cgi r u .U la P o ù s ', o ’jr cil n j|I-: p-ui aeion^rig
J u ta epiii
h-wotaWe, A p tit tela, c « f i;:n c r : M le No»» a*t il pu U m i ladauvc
r u an au Ikur Daudet. Je lui Utile cette q j « t W i t tii’%
»-» re .
�43
n’oft donc uniquement que parce que.le fieur Daudet eft en
vironné de la réputation la plus infâme , que je n’ai pu-, félon
vous, fans que les mœurs de la PrincelTe de Naflau aient été
oiîenfées, parler de fes relations avec elle ; mais alors , à qui
doit s’en prendre la PrincelTe de Naflau? Eft-ce à moi qui inc
fuis vu contraint, parla nécel'fité de la défenfe du fieur Kornmann , de faire remarquer de telles relations ? Ou à c l b , qui
ne s’eft fait aucun ferupule de les entretenir ? Ou h elle , q u i ,
en recevant habituellement dans fa maifon, comme fon homme
de confiance, comme fon ami , un perfonnage de tout point mal
famé; en le fervantoutre-mefure dans une circonftatice où il
ne méditoit qu’un crim e, a donné à connaître combien fa ré
putation lui étoit peu chère, 8c n’a pas craint de préparer ainfi
fur elle -même l’opinion défavorable dont vous m’accufez fi inconfidcrétncnt d’être l’ Autcur aujourd'hui ?
lu puis, pourquoi me parlez-vous ici des mœurs do la Prin
celTe de Naflau ? Kt comment pouvez-vous dire que j’aye fongé
il les oftenfer, quand les Mémoires mêmes dont vous vous plai
gnez, prouvent évidemment qu’il eft impoiTible qu’un tel dclTcin
me Toit jamais venu dans Tefprit?
N'avez-vous pas remarqué que dans ces Mémoires, en mèmetems que je parle des relations de la PrincelTe de Naflau avec
le fieur Daudet, je rends compte dans le plus grand détail de la
pafiion du fieur Daudet pour la dame Kornmann? N avez-vous
pas remarqué que dans ces mêmes Mémoires, j’expole qtte c eft
pour fervir cette pallion malhonnête, que la PrincelTe de Nallau a fait un fi grand nombre de démarches, toit auprès de M.
le N oir, foit auprès des Minirtre*.
O r , fi ?’v rends com pte dans le plus grand détail , de la p\ffiondu fieur Daudet pour la dame Kormn »tui, <>l >’ peins cnmêtrtc
K «j
�44
tems la Princeffe de Naffau, tout occupée de fervircette paflion
malhonnête , comment pouvez-vous fuppofer que mon deffein
ait été de donner à entendre un feul inftant que cette même
PrinceiTe de Naffau n’agiffoit ainfi,que parce qu’elle étoit éprife
du iieur Daudet. Ne fentez-vous donc pas que dans une pareille
hypothèfe, l’intérêt de la Princeffe de Naffau eût été précisé
ment d’éloigner la dame Kornmann du fieur Daudet , & que
dès que je vous la préfente , au contraire , employant tout ce
qu’elle a de crédit, & de moyens pour rapprocher le fieur,Daudet
de la dame Kornmann, néceffairement je fuis allé au-devant de
l’opinion qu’il ait pu exifter entr’elle 8c le fieur Daudet des ha
bitudes offenfantes pour les mœurs, des habitudes femblàbles
à celles qui exiftoient entre le fieur Daudet par exemple, & la
dame Kornmann. Tout cela eft fi clair , que je n’ai pas befoin,
de m’y arrêter davantage.
A i n s i , je n’ai pas calomnié la Princeffe de Naffau. Voyons
m aintenant fi le Prince de Naffau p e u t, avec plus de raifon ,
prétendre que je l’ai calomnié.
J’o u v R E le Mémoire du fieur de Beaumarchais ; & qu'y
vois-je ? Le Prince de Naffau agiffant ,' écrivant, multipliant
les démarches pour procurer à la dame Kornman fa liberte.
J’ouvre le Mémoire du fieur de Beaumarchais, 8cquTy vois-je?
Le Prince dé Naffau invitant le fieur de Beaumarchais à fe pré
valoir des Lettres du fieur Kornmann au fieur D au d et, pour
lépandre en fecret chez les Miniftres l’opinion que le fieur K.ornmann avoit vendu fon épotife au fieur Daudet , tandis qu’ea
Public , n’ofant pas fe prévaloir de ccs mêmes Lettres, qui atteftent précisément, 8c d’une manière invincible, l’opinion con*
�¿féî
45
traire, ils s’efforçoient l’un 8c l’autre de faire regarder le iieur
Kornmann comme le mari le plus jaloux & le plus intraitable^
Enfin j’ouvre le Mémoire du fieur de Beaumarchais , & qu’y
vois-je encore ? que c’eil aux fol licitations très-preffantes du
Prince de Naflau , a fes voyages à Verfailles, à fon crédit im.
pofant, que la dame Kornmann a dû la fatale révocation de
l’ordre qui a permis qu’elle fût transférée de la maifon des
Dames D ou ay, dans celle du Médecin Page (i).
( i ) L e terrs ne me perm ettant pas de fa ;re im prim er à préfent les lettres du Sr. K . dan
toute leur in té g rité , je les publierai après l ’A rrêt qui va in terven ir , aVec'un é c rit, où je
rapprocherai de ces lettres enfin connues, l’horrible com m entaire qu’en a fait le fieur de B .
dans fon premier M ém oire. O n fe rappelle , qü’ à cetté époque,
11concluait
de ces Ifttres,
• qu’il cito it par la m b e a u x , & qu’il ticnquoit à fa fantaifie ; que le fieur K o rcm an n é to itle
plus vil de tous les h o rrm es, q u ’ i l avoit l i v r é Jui-m tm c fon époufe au fieur Daudet. O n
fera bien fu rp ris, quand on les lira telles c u ’clles fe n t, de n’y voir autre chofe que h
m orale d’ un homme de bien , que tous les fentimens u’un époux honnête pour nne fem m e
qu’ il voudrait rappeller à fes devoirs, que la peinture du chagrin qu’il éprouve, en fongeant qu’il n’a fait auprès d’elle que des efforts inutiles.
s
T o u t cela eft fi fra p p a n t, que quelques perfom es qui les ont déjà lu e s, fc demandent ii
ce font bien là les mêmes L e t t r e s , dont le fieur de Beaum archais s’ eft l'ervi pour diftamer
le fieur Kornm ann.
Alors on fe demandera , com m ent il a pu exiiler un Avocat afïc-i peu jaloux de ion hon
n e u r , T A v o cat dtl fieur Daudet, qui les a lues, comme tout le monde les lira dans peu, pour
continuer les diffamations fi abominables t alors on concevra pourquoi M . le LieutenantC rim in el & M . le Procureur du K o i, évidem m ent de conccit avec le i:eur de
pas Toulu nous perm ettre même
1 iulpcéüon
de ces Lettres ; alors 011 faitira ,
13. , n ont
je 1efpere
plus encore qu’ on ne IV* f a i t , la néccifiiti de dépouiller les premiers Juges d’une grande
■portion du pouvoir que la L o i leur accorde, puilqu’ils peuvent en faire un li détcftable
ulage. E t cette caule qui a d i,.i tant avancé les idées publiques, nous amènera peut-être
à remarquer ce qui fe paiÎe chez nos \oilins , & à faire enforce qu’ une fois notre régim e
politique é t a b li, le Jugement par Jurés, c’eil-à-dire , la feule maniéré de juger les
hommes qui fo it raisonn ab le, s’établi/fe parmi nous, & remplace la Jurilpri^ucncc
ju flj arbitraire que barbare, ¿laquelle nous avons jufqu’à préfent obéi.
�Ce rt’eil: pas tout. Jejettc les yeux fur l'information, 8c qu’eilce que j’y trouve ? Que le fieur Daudet, corrupteur très-connu,
très-public de la dame Kornmann, que le fieur Daudet , objet
principal denosaccufations, par une condefcendance bienfcan-daleufe, a eu la faculté de fe rendre tous les jours dans la maifon du Médecin Page ; c’eft-à-dire, dans la maifon de ce même
'-Médecin, chez lequel le Prince de Naifau 8c le fieur de Beau
marchais avoient fait transférer la dame Kornmann , 8c, qu’à
cet égard , aucune gêne ne lui étoit impofée.
Voilà ce que je trouve dans le Mémoire du fieur de Beau: marchais, 8c dans les dépôfitions des témoins.
O
le
r
,
vous voudrez bien
rem arq u er,M
Prince de Naflau n’a défavoué les faits
que jamais
contenus dans le Mé
essieu r s
,
moire du fieur de Beaumarchais, que même encore dans cette
audience , il en a , comme malgré lui , reconnu la vérité , en
s’efforçant de faire regarder comme une imprudence , ce que
je lui im pute, m o i, comme un crime.
Vous voudrez bien remarquer que le Prince de Naflau ne
peut pas plus n ier, que la Princefle de Naflau , 8c qu’il ne nie
pas en effet qu’il n’exiftât des relations très-habituelles , trèsintimes entre le fieur Daudet 8c lui.
Vous voudrez bien remarquer que le Prince de Naflau ne
peut pas nier davantage que lorfqu’il s eft occupe de rendre la
liberté à la dame Kornmann , il favoit parfaitement , comme
tout le m onde, que le fieur Daudet étoit l’unique caufe de la
détention, comme le principal auteur de fes défordres.
Enfin, M e s s i e u r s , vous Voudrez bien remarquer qu’à cette
même époque , le Prince de Nafleau recevoittous les jours le
fieur D audet, q ui , de fon côté, employoit avec une incroyable
�'4 7
activité, toutes les reifources de l’intrigue, pour fe rapprocher
de la Dame Kornmann.
Et de ces circonftances bien connues, 8c quand je vois enfuitç
le iîeur Daudet fe réunir à la dame Kornmann, à peine échappée'
de chez les dames D ouay, vous me permettrez fans doute ce
conclure q u e, dans tout ce qu’a fait le Prince de Naiïau en fa
veur de la dame Kornmann, il n’a eu certainement pour objet,’
ainii que la Princeffe de Naifau , que de fouftraire la dame
Kornmann à l’autorité de fon époux, pour la replacer fous la
main de fon féduftëur.
Mais alors , qu’eft-ce à mes yeux que le Prince de Naiîau ?
évidemment un des principaux auteurs dé l’infortune du fieur
Kornmann ; 8c lî je confidère ici les fuites funeftes qu’a eu pour
iieur Kornmann , pour la Dame Kornmann elle-même , le
fuccès des démarches du Princs de NafTau auprès des dépoiîtaires de l’autorité ; s’il n’eft que trop démontré, par l’enfemble
des faits de cette caufe , q u e, fans fon intervention funeflé, la
Dame Kornmann, égarééun inftant,' mais vôifine du repentir(i),
feroit revenue d’elle-même à fes devoirs, 8c jouiroit peut-être
encore aujourd’hui de la çoniidération publique, 8c sûrement
du moins n’auroit pas à fe reprocher l ’opprobre 8c la défolatioit
de fa malheurëufe famille ; l î , fans le Prince dé Naifau, tant de
malheurs nq fe.roient’pas arrivés, taut de forfaits n’auroient pas
été commis, exiila-t-il jamais un délit plus grave que celui
dont il me force , en cet inflant ,de l’accufer.
Et ii c’eil-la un délit grave, '
Qui ofera me nièr que , dès le principe de cette affaire, je
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( 1 ) V ojrci m e » p rem ier M ém oire, .
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n’euife bien inconteflablement le droit de le pourfuivre dans les
tribunaux d’une manière fpéciale ? Qui ofera me nier que r
dès le principe de cette affaire , je ne fuife bien fondé à lui
faire fubir tous les rifques d’une procédure criminelle , ainii
qu’auiieur Daudet, ainii qu’au fieurde Beaumarchais, qu’il fecondoit ij bien dans leurs lâches complots ? Qui ofera me nier
q u e, dès le principe de cette affaire, m’armant contre lui dq
toute la févèrité des loix , il ne me devint facile de le faire
compter au nombre des principaux coupables dont j’avois manifefté les trames criminelles ? 8c publié íes yexations pu le$
attentats?r
Au-lieu de tout cela , qu’ai-je fait? Je publie un premier
M ém oire, 8c dans ce premier M é m o i r e , je garde un rigoureux
filence fur les démarches du Prince de NaiTau , quoiqu’elles me
fuifent bien connues : 8c quand m’arrive-t-il de parler de l ui ?
Quand je ne peux plus me difpenfer H’en parler; quand las dq
le voir citer à tout propos par mes Adverfaires ; quand fatiguq
d’entendre louer fans m efure, comme fans pudeur, fa bonté, fa
vertu chevalerefque, daps une circonftance où il n’a voit employé
fa bonté, la vertu çhevalerefque , que pour enlever une femme
k fon m ari, une mère à fes enfans, je fens que je ne peux plus
ipe taire fans compromettre la caufe de l’infortuné dont j’ai
entrepris la défenfe.
Et encore, MESSIEURS , comment m'arrive-t-il d’en parler?
Vous venez de voir tout ce que je pouvois d ire, vous venez
d’apprendre tout ce que je pouvois faire, 8c modéré néanmoins
3yec tant de raifousde ne 1 etre pas, je ne laiffe échapper contre
lui qu’une inculpation indirede. Le fieur de Beaumarchais me
provoque , en me parlant avec emphafe de la milfion qui
lui aveit été donnée chez le Prince.de Naffeau relatiyemertf À
�4 0
49
ia Damme Kornmann ; 8c m oi, je vous le répète, qui rugnorois
a cette époque aucune circonftance du rôle indécent que le
Prince de Naflau avoit joué dans l'affaire du fieur Kornmann.
je n attaque pas le Prince de Naflau, je me contente Amplement
de dire au fieur de Beaumarchais que je ne penfois pas que la
miffion qui lui avoit été donnée chez le Prince de Naflau par
quelques hommes corrompus 8c quelques femmes fans pudeur,
fut'fuffilante-pour excufer la conduite criminelle que je lui
reprochois.
C ’eft à cette feule phrafe que fe borne tout ce que j’ai dit
fur le Prince de Naflau.
Et c’eft fur cette phrafe fi fim ple, fur cette phrafe fi loin des
cruelles vérités que je pouvois révéler, que le Prince de Naflau
fe permet de crier à la calomnie !
E t vous , qui l’avez défendu , vous avez ofé dire que je Fai
calomnié ; mais , qui donc , je vous prie, fi ce ne font des
hommes corrompus 8c des femmes fans pudeur, qui donc a p u ,
chez le Prince de Naflau, donne* au fieur de Beaumarchais'la
miffion fcandaleufe dont il fe vante? Avez-vous oublié que
cette miflion avoit pour objet le fuccès d’un complot infâme ,
d’un complot qui offenfoit également la pudeur 8c la probité ?
E t fi ce complot ¿toit infâme, s’il offenfoit également la pu
deur 8c la probité, fi, pour le faire réuflir, il falloit employer ,
comme on n’en doute plus maintenant, toutes les reflources de
l’intrigue, tous les moyens de la calomnie , faités-nous donc
connoître ici les femmes honnêtes qui n’ont pas- craint de l’ap_
prouver, nommez-nous donc les hommes- délicats qui fe font
emprefles de l’accueillir.
•
Et vôus, qui l’avez défendu, vous avez ofé dire que je l’ai
calomnié. M ais, qu’elï-ce que calomnier, à votre avis? N’eft-ce.'
G
�V '.
pas imputer un délit à un homme qui n’en eft pas caupabfeî
Et pouviez-vous douter, d’après l’enfemble des faits que vous*
aviez fous les yeu x, 8c qui aurait dû vous amener aux mêmes
conféquence que m oi, pouviez-vous douter que le Prince de
Naiîau ne fût ici d’autant plus coupable, que, fans lui peut-être,,
nous n’aurions point eu de crimes à dénoncer, point d’accufés à
pourfuivre, point de malheurs fur-tout à réparer.
Et vous, qui l’avez; défendu, après avoir fait de vains efforts
pour me prouver que je l’ai calom nié, vous n’avez pas craint
d’ajouter quej’étois d’autant plus digne de toute îa févérité des;
Lois, que j’ai manqué à toutes les bienféances, en attaquant ,;
dans le Prince de Naffau , un homme recommandable par fai
naiffance, fon rang, fes dignités.
Sa naiffanee, fon rang, fes dignités TQuoi ! il offenfe dans lai
perfonne du iïeur Kornmann , le 3 premières lois de la morale 8c
de la nature! Q uoi! fans autre m otif que de favorifer le liber~
tinage effréné d’un homme fcaricaleux , il fépare l’époux de
l’époufe, la mère desenfans, il prépare à tous, autant qu’il eifc
en l u i , une affreufe deflinée, 8c on voudra que je refpe&e fa.
naiffance, Ion rang,'fes dignités, 8cces vaines prérogatives de
viendront un obllacle , qu’en des circonilances fi funeiîes, il ne
me fera pas permis de franchir? Et toutes les fois qu’à côté d’undélit je trouverai un nom illullre, ou un grand pouvoir, il fàudra>
que je m’enveloppe dans une circonfpeftion timide, 8c qu’ôtant
à la vérité fon énergie naturelle , je lui donne ce cara&ère
d’embarras 8c de foupleffe, qui, félon moi, ne devroit jamais
être que l’apanage du menfonge.
Sa naiffance, fon rang, fes dignités! Mais, vous qui me par
lez ainfi, ne viens-je pas de vous démontrer'que j’àvoisle droit
de m’exprimer fur le Prince de ^»affau x avec bien plus de £é-
�4^7
51
yérité que je ne l’ai fait ? Et alors, fi j’ai ici quelque reproche à
m efaire, il je Tuis coupable , n’eil-ce pas uniquement d’avoirété
tropmodéré dans une cccafionoùj’auroisdûm’abandonneràtous
les fentimens énergiques que m’infpiroit le fpeélacle d’un
homme puiiTant, combinant froidement , avec une troupe
d’hommes ians morale, la ruine d’un infortuné qu’il connoifloit
à peine, d’un infortuné qu’il auroit du connoître au moins avant
que de fe mettre à la tête du complot dont il eil encore aujour
d’hui la vi&ime.
Sa nailTance, fon ran g, fes dignités ! Mais , vous qui me
parles ainiî, vous m’auriez donc épargné tons les outrages dont
vous m’avez couvert, file prince deNaiTau n’avoit été qu’un
iimple particulier, qu’un homme fans nom, qu’un individu né
dans les dernières claiTes de la fociété ? Apprenez de moi qu’il
n’y a point de naiflance, point de rang, point de dignité devant
la L oi; que dans les pays libres la Loi affure l’égalité des hommes,
que dans les pays qui malheuteufement ne font pas libres, la
fondion de la Loi eil cependant encore de faire retrouver à
to u s, du mcins en fa préfence , cette égalité précieufe qu’ils
tiennent de la nature ; que dans les tribunaux où la Loi règne
fans partage, on n’efl ni grand, ni petit, ni puiflant, ni foible,
qu’on efl Amplement homme, que là il ne peut être queilion que
de vices ou de vertus, de bonnes aftions ou de crimes, 8c que le
vil langage des efclaves n’y eil pas plus tolere que;le langage
orgueilleux des tyrans.
Sa naiflance, fon rang , fes diguités ! Et vous avez o fe , en
nous parlaut de toutes ces chofes, comparer le P r i n c e de Naflau
au Grand-Homme qui nous écoute ( r) ; & me fupp°fant ei*
( j ) L e Prince H eari <lf PruiTç.
^
�52*
délire, vous n’avez pas craint d’avancer;que û c e t ïioihme ,objetr.
de notre admiration & de nos refpefts, s’étoit trouvé dans une
pofition femblableà celle du Prince de Naffau, je n’euffe pas
fans doute parlé de lui avec plus de circonfpettion & de me
sure. Que venez-vous nous dire ici ^& comment n’avez-vous pa&
fenti que vous me placiez dans une hypothèfe imaginaire 7 Coin*
ment n’avez-vous pas compris, qu’ayec un grand cara&ère , on
ne fait que de grandes-adions? qu’avec une ame généreufe, il
ell impoffible qu’on defcende à des démarches fans nobleiTe 8c
fans générofité? Un tel homme, d’ailleurs, foyez-en sûr, s’il
étoit né parmi nous, 8c ii quelqu’événement étrange l’obligeoit
de paroitre dans nos Tribunaux,ne fe prévaudrait pas, comme
le Prince de Naffau,. de fon rang, de fanaiffance, de fes dignités*
Il ne fe prévaudroit pas même de cette fuite d’aôions magna-*
nimesqui font de fa vie une des vies les plus illuilres 8c les plus
mémorables. Vous le verriez, M E S S I E U R S , pour rendre
hommage à la L o i, inclinant devant vous fes palmes iminor-<
telles, fe placer à côté du pauvre qui invoquerait la Loi comme
lu i, 8c, dans cet abaiffement augufte, vous offrir à-Ia-fois, ainft
que dans tant d’autres circonftances, le Héros de la guerre 8c de
l’humanité.
Je n’ai donc pas plus calomnié le Prince de Naffau que îa
Princeffe de Naffau ; je n’ai donc pas même dit tout ce que
je pçuvois dire; je ne me fuis donc pas même expliqué fur
leur compte avec cette liberté févère que la nature de leurs
démarches 81 les défordres qui en font rcfultés, me mettoit dansle cas d’employer.
>'
i
M a i S, après ce la , M e s s i e u r s , que faut-il penfer du
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5 3 .
.
décret d’ajonrnement perlonnel, dans les ‘liens duquel je fuia
retenu depuis deux ans? Que faut-il en penfer, fur-tout ii l’on
fonge aux motifs qui m’ont fait entreprendre cette affaire, à la
conduite que j’ai tenue depuis que je l’ai entreprife, au zèle il
défintéreifé, lî patient, fi pur, que je n’ai ceifé de manifefter
pour la conduire à fon dénouement mémorable*
Q uoi! je fuis décrété! quoi! depuis deux ans, je vis dans
une efpèce d’interdi&ion civile , & je n’ai fait autre chofe que
remplir envers l’amitié malheureufe les premiers devoirs de
l’honneur & de l’humanité ! & ceux qui m’ont fait décréter,
coupables du délit le plus grave, infra&eurs audacieux des plus
importantes règles de l’ordre focial, jouiifent encore de la plé
nitude de leur état û de leur liberté! & , comptant fur une im
punité funefte, ils ofenr, entre l’opinion qui les a déjà com-*
damnés, &. la Loi qui les attend pour les punir, demander
quune telle vexatiou continue, que ce décret, qui fait la honte
des Juges qui l’ont décerné, fubiîiîe dans toute fa rigueur, ce
n’eft pas to u t, qu’un Arrêt infamant contre m oi, imprimé'au
nombre de trois mille exemplaires, les venge de la perfévérance avec laquelle j’ai défendu' l’infortuné dont ils avoient
conjuré la ruine*
Un Arrêt infamant contre moi !
Et où feroient-ils afficher cet Arrêt? Si vouâ n’étiez pas mes
Juges, s’il leu ïéto it poffible de l’obtenir, dans quel lieupourroient-ils faire lire fans indignation la condamnation d’un Ci
toyen irréprochable , qui s’efl dévoué avec tant d’abandon pouf
le fuccès d’une Caufe , laquelle, par les circonflanceS fameufes
qui l’ont accompagné, n’eft pas moins aujourd’hui la Caufe
de la Patrie , que la Caufe des mœurs & de l’humanité#
Un Arrêt infamant contre moi !
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Et comment n’ont-ils pas-frémi, comment n’ont-ils pas fentî
toute leur confcience fe foulever, quand ils ont ofé former une
demande ii audacieufe? Quelle efl celle de mes allions, à côté
de laquelle ils auroient la témérité de placer la honte? & com
ment pourroient-ils fe flatter d’environner de quelqu ignominie
celui qui n’eft remarquable aujourd’hui que pour avoir rem pli,
à travers les plus grands dangers , les devoirs les plus nobles que
la Providence puiile impofer à un mortel.
Un Arrêt infamant contre moi!
Et ce feroit-là ma récompense * après trois ans de perfécutions
8c d’outrages! après avoir mené, pendant ces trois années qui
ne s’effaceront jamais de mon Souvenir, la vie la plus agitée 8c
la plus malheureufe! Et la patience dans les .calom nies, la fer
meté dans les revers , la réfignation dans l’infortune, le courage
.contre les tyrans, le dévouement pour mon pays; toutes ces
.cftofesme feroient comptées pour des crimes, dont il vous fej-oit ordonné de pourfuivrç la vengeance !
Je n’ofe me livrer, MESSIEURS, à tous les fentim.ens d’amer
tume que tant d’impudence , après tant d’attentats , excite
malgré moi dans mon cœur. Ces fentimens, je l’efpère, ou
plutôt, je n’en doute pa s , font en cet inftant partagés par
tous ceux qui m’écoutent, 8c du moins cette confolation me
tefte; du moins, j’ai cette confiance dans la pureté desprincipes
qi^i m’ont dirigé , & dans l ’intérêt fi fatisfaifant qu’on met à
m’entendre, que s’il fi trouvoit encore des hommes aiTez hardis
pour me contraindre à une apologie, il n’eft perfonne içi q u i ,
comme par un mouvement involontaire, ne-fe levât pour fe
déclarer mon vengeur, 8c ne s’honorât de prendre pn ijiain ma
défenfe.
• •
E n voilà bien aiTez, en voilà trop, peut-être, fujr les re
proches frivoles qui m’ont été faits.
�4ï !
5î
M a i n t e n a n t ', M e s s i e u r s
qne s'eft-on prbpafé, ea
me rendant l’objet d’une perfécution ii longue 8c fr cruelle?
Qu’a-t-o-n voulu, en- déclamant contre ma conduite jufqu’au
pied de votre Tribunal avec tant d'acharnement 8c de fureur?
Pourquoi toutes ces injures qui m’ont été dites? Pourquoi
toutes ces- infultes qui m’ont été faites? Pourquoi toutes ces
calomnies qu’on m’a prodigué avec Ci peu de pudeur 8c de
mefure ?
On s’étoit flatté, Je le fais, qua force d’outrages, on me
détacheroit du malheureux que j’ai défendu; on avoit efpéré
qu’à force de vexat i onson parviendrait à me faire renoncer à
la tâche fi noble que j’ai .entreprife; on avoit compté, fur-tout
dans ces derniers momens, qu’en me couvrant pour ainfi dire,
d’inve&ives groffières & d’impudens menfonges, on parvien
droit à m ’ éloigner de ce fanéluaire redoutable, où ma préfence¿toit importune, où n’ofoient fe montrer à côté de m oi, tous;
ces hommes pervers que j’ai accufés devant vous^
• Comme ils font loin de me connoître ! Comme ils fe doutent
peu de l’élévation, 8c en même-tems de la févérité des prin
cipes auxquels j’obéis.
Qu’ils apprennent que fi, par Un événement déformais im poffible,- ce Tribunal fe peuplant tout-à-coup de Magiflrats:
pour quilacaufe des mœurs feroit indifférente, 1 infortuné que
j’ai défendu, voyoit fcs demandes rejettees, fes accusations;
abolies, qu’ils apprennent que je m’unirois a .lui, d autant plus
qu’il lui reileroit moins de confolation fur la terre. L’amitie ne
fait point de facrifïces. Dans quelque lieu qu’il portât fes pas,,
je le fuivrois.La contrée qu’il auroit choifiepour y finir fes dé-*plorables jours, deviendroit ma patrie, 8c que quelque trifleque
put paroître mon fort à ceux qui ne favent pas de quelle pais;
�l\\%
43
fecrette les bonnes aôions font toujours accompagnées, je
m’efiimerois heureux, moi, d’acquitter auprès de lui, jufqua
fon dernier m oment, la dette de la Juilice 8c de l ’humanité.
Q u’ils apprennent que quelques puiiïent être encore leurs
complots, leurs intrigues, leurs perfidies; à quelques vexations
que je me trouve encore réfetvé, je ne ceflerai jamais de les
pourfuivre; que tant qu’ils feront impunis, je ne me tairai pas,
qu’il faut qu’on m’immole à leurs pieds, ou qu’ils tombent aux
miens.................... L’autel de la Jufiice efl dans ce moment pour
moi l’autel de la Vengeance; car, après tant de forfaits, la
juilice 8c la vengeance ne font qu’une même choie à mes yeux ;
6c fur cet autel, déformais funeile.................je jure que jamais
il n’y aura de paix entre nous ; que je ferai fans cefle au milieu
d’eu x , co m m e une Providence qui éclate parmi des pervers ;
que je ne les quitterai plus, que je ne me repoferai plus, que
je m’attacherai à eux, comme le remord à la confcience cou
pable; que jamais, non jamais, je n’abandonnerai ma tâche
commencée, jufqu’à l’inilant folemnel. où en prononçant fur
cette maffe d’attentats, les Magiflrats qui m’écoutent, auront
obtenu de nouveaux droits à la reconnoiflanct de la Nation
entière, attentive à la deilinée de cette Caufe mémorable.
Et vous, qui préfidez ce Tribunal augufte, vous l’ami des
mœurs 8c des Loix; vous, dans lequel nous admirons tous, à
côté des talens qui font le grand Magillrat, les vertus fimples
8c douces qui cara&érifent l’homme de bien & l’homme fenfible. , .
. recevez mes fermens (j).
r
Au refie, tous leurs efforts feront vains. Quoiqu’ils faffent,
M , le I’clJ.'tiçr âç Saint J jr g ç a u .
le
�57
Je triomphe des mœurs ne fauroit être encore long-tems différé.
O if commence à connoître, enfin, les rapports des mœurs avec
la liberte ; on commence à fentir pourquoi la corruption 8c la
tyrannie marchent toujours enfemble; pourquoi toujours il
faut dépraver les hommes quand on veut les accoutumer à la
fervitude ; pourquoi dans une fociété dont les mœurs fon diffoutes, il ne refte plus de place pour les fentimens généreux que
l ’amour de la liberté fait éclore ; dans peu la morale domeftique
il intimement unie avec la morale des peuples, ne fera plus
l ’objet d’une dériiîon fcandaleufe; dans peu, des habitudes plus
ierieufes, mais plus douces, fuccéderont à toutes ces habitudes
frivoles, qui ont été jufqu’à préfent notre partage; dans peu, 8c
quand nous ferons vraiment citoyens, nous comprendrons que
celui-là ne fauroit être long-tems bon citoyen, qui n’eft ni
Jbon père, ni bon fils, ni bon époux, qui porte avec lui
tlans les familles, le défordre 8c le trouble qui font dans fon
cœur. Dans peu nous ne douterons plus que ce ne foit du milieu
d e s vertus privées, 8c pour ainfi dire de leur fein , que s’élèvent
les vertus publiques, fi néceflaires au progrès de l’ordre focial
fi effentielles au maintien de la profpérité commune.
Ils vont donc difparoître fans retour, tous ces préjugés, que la
malheureufe dépravation de nos mœurs avoitfait éclore, toutes
ces-vaines opinions d’un monde corrompu, dans lefquelles nos
adverfaires avoient mis, je le fais, leur plus grande confiance',
les temsde notre diiTolution 8c de notre frivolité font paiTés, la
Vérité s’avance comme un Empira qui fe m eut, 8c quoiqu’on
faflepour s’oppoferàfapuiffanc'e, il n ’ y a plus d’erreur, quelque
impofante, quelque accréditée, quelque univerfclle même
qu’elle foit, qui ne doive tomber 8c s’anéantir devant elle.
Ainfi nous verrons le morale renaître à côté de la liberté.
H
�474
58
J e n’ai donc pas à craindre, qu’au commencement d'une
époque, qui fera fi fameufe un jour dans l’Hiftoire des Na
tions, les Magiftrats qui ont défendu avec tant de courage & de
zèle nos droits politiques, ne fe hâtent de concourir, autant
qu’il eft en leur puiffance, aù rétabliffement des mœurs, par un
exemple mémorable de juftice 8c de févérité.
Notre liberté étoit méconnue, 8c ils nous ont appris à la cont
noître; nos mœurs étoient détruites, 8c ils nous apprendront
combien il importe quelles renaiffent, 8c s’il n’y a pas de bon
heur durable fans les mœurs & la liberté, tout le bonheur dont
nous allons jouir au fein de l’heureufe conftitution, que nous
appelle à former avec lu i, un Monarque auquel l’Eu ro pe dé
cerne déjà, comme le plus beau titre de gloire, le nom de Roi
Légiflateur, tout ce bonheur, il l’auront donc préparé ; nous
pourons donc en grande partie le regarder encore comme leur
bienfait & leur ouvrage.
S ign é , B E R G A S S E .
B r u n e t i e r e ,
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De l’imprimerie de C a i l l e a u , rue Galande , N ° 64.
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Bergasse. 1789?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Bergasse
Subject
The topic of the resource
plaidoyer dans l'affaire Kornmann-Beaumarchais
Description
An account of the resource
Titre complet : Plaidoyer prononcé à la Tournelle-Criminelle, le jeudi 19 mars 1789, par le sieur Bergasse, dans la cause du sieur Kornmann.
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Cailleau (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1789
Circa 1789
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
58 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G0713
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Paris (75056)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
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plaidoyer dans l'affaire Kornmann-Beaumarchais