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P O U R le Fieur J e a n - A n d r é - S i m o n R i v e s , maître
Orfèvre de la ville d’Apt en Provence , appelant ;
C O N T R E le f i eur H ug u e s } fils & héritier de défunt Pierre
Hugues
vivant
fe difant maître Orfèvre en la ville de
Marfeille 3 ledit Hugues f ils procédant fous l 'autorité de
fon curateur, intimé.
D
plus de q u i n z e ans je gémis fous la plus
cruelle oppreffion. Une procédure criminelle a été
epuis
prife contre mon pere, fur une accufation dont le m otif étoit
également faux &
miférable : il en eft mort de chagrin.
Bientôt elle a été dirigée contre moi ; & contre moi elle
n avoit pas même de prétexte. Cependant j’ai été deux fois
décrété d’ajournement perfonnel ; j’ai paffé par toutes les
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humiliations f toutes les rigueurs d une inftru&ion qui n a;
ceiTé d’être fuivïe criminellement que pour me faire éprouver
une plus grande injuftice. Cette malheureufe affaire a mis
mon état 6c mon honneur en fufpens ; elle a détruit mon
commerce , dévoré ma modique fortune , & porté la
défolation dans ma famille. E lle a été terminée par un juge
ment dont toutes les difpofitions font évidemment ou abfurdes ou iniques. L e moment de la juftice eft arrivé : je
fuis appelant en la Cour de toute la procédure 8c de la i'entence définitive : ma caufe vient d’y être plaidée ; elie eft fur
le point d’y recevoir fa décifion. Je refpire enfin ;ca r je fuis
aux pieds d’un tribunal vertueux ôc éclairé.
Je ne connois ni les lois , ni les formes
mais je n’ai'
befoin que de les fuppofer raifonnables pour être certain1
que tout ce qui a été fait contre moi par le juge des monnoies d’A ix , doit être anéanti. Je fens aufïï què j’ai droit à des
réparations proportionnées, autant qu’il eftpoiïible, à toutes
les pertes que j’ai effuyées, à tous les maux que j’ai foufïerts :
mais à qui dois-je m’adreiïer ? J’ai pour adverfaire le fils
d’un banqueroutier qui n’a trouvé que ce procès dans la fucceilîon de fon p e r e , ôc qui n’a pas craint de le recueillir,
parce qu’il n’a rien à perdre. Quelque condamnation, qui foit
prononcée contre l u i , elle fera nécessairement illufoire ;>
voilà donc à quoi je ferois réd u ita p rè s avoir fi long-temps
& fi cruellement fouffert de l’inexpérience 6c des excès du
premier tribunal ! Dans ce c a s , le citoyen le plus irrépro
chable feroit livré impunément aux calomnies & aux accufations de l’ennemi le plus vil qui pourroit compter fur le
défaut de lumieres ou la prévention d’un juge ôc fur fa pro
pre infolvabilité : mais j’ai entendu dire qu’il eft des circonf-
�N
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tânces où nos lois rendent le juge lui*même perfonnellement
refponfable de Tes erreurs 6c de fes fautes. L e récit des faits
va mettre mon confeil à portée de décider fi j’ai le droit de
prendre à partie le Général provincial & le procureur du R o i
Subrogé du iîége des Monnoies d’Aix.
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S
.
M a famille eft établie dans la ville d’A pt en Provence.
M on pere y exerçoit le commerce d’orfèvrerie. J’ai fait
fous lui mon apprentiiTage ; j’ai été depuis fon compagnôn ,
& je lui ai fuccédé dans la maîtrife, fuivant la difpofition des
téglemens.
Je ne crains pas de dire que nous avons toujours joui de
cette confidération que l’on accorde par-tout à un état hon
nête , exercé honnêtement ; c’eft ce qui réfulte d’une foule
de certificats qui ont été lus à l’audience , témoignages
flatteurs de l’eftime qu’accordoient à mon pere & dont
m’honorent auiïi- les plus refpe£tables de nos concitoyens ,
les corps les plus diftingués de notre ville.
Je fuis marié depuis
Par mon contrat de mariage , mon pere tn ajjbcia aux
bénéfices de fen commerce. Je remarque ici cette circons
tance ; car elle fut le prétexte de l’accufation dont je vais
bientôt parler.
Nous étions donc en fociété de bénéfices : mais le titre
de la m aîtrife,qui eft incommunicable, appartenoit excluiivement à mon pere ; c’étoit lui qui dirigeoit l ’atelier, qui
difpofoit du poinçon , qui conduifoit la boutique , qui gouvernoit la maifon. Je n’étois chez lui qu’un iimple compa-»
A ij
�gnon j & un vrai fils de fam ille qui ne jouiifois de rien r
pas même de la dot de ma femme. Dans cet état d’une dou
ble dépendance , de quoi pouvois-je être refponfable ? O n
ne tardera pas à voir fur quoi porte cette obfervation.
C ’eft ainli que mon pere vivoit au fein de fa famille ,
rd u produit d’un modique patrimoine 6c d’un commerce
borné), qui fuffifoit à fon ambition 6c à la nôtre. Chéri 6c
refpe£lé dans fa maifon , eftimé au dehors , qui n’eût dit
que fa vieilleife pouvoit compter fur une fin douce 6c p a i - .
fible ? Mais la calomnie l’attendoit au bord du tombeau
pour hâter fa mort & empoifonner fes derniers inilansL e nommé Hugues , natif d’A p t , y avoit fait fon appren
ti iTage d’ orfévrerie. Il pafla enfuite à Marfeille , où] il
obtint un privilège > 6c ouvrit une boutique. Son peu d’in
telligence 6c de conduite l’eurent bientôt difcrédité ; il fe vit
peu après obligé de faire banqueroute , 6c le 2 août 1 7 j <?,
il mit fon bilan au greffe de la jurifdittion confulaire. Je
rapporte le certificat du greffier de cette jurifdiction ; quoi
que fes créanciers euffent confenti une remife de 60 pour
cent , les 4.0 reftans ne font pas encore acquittés.
C ’eft ce banqueroutier qui va devenir l’accufateur de
mon pere 6c de tous les orfèvres de la ville d’A p t , 6c qui
précipitera le tribunal des Monnoies d’Aix dans les plus
fauifes démarches 6c les plus étranges écarts. V o ic i quel fut
un des principaux motifs de fon animofité.
C e t homme abfolument fans refTources crut en trouver
.une dans le produit des vexations qu’on fe permet trop
fouvent au nom du fifc. Il prit la fous-ferme des droits de
contrôle des ouvrages d’or 6c d’argent dans la ville d’Apr.
Cette ferme ne rend pas annuellement cent écus : ainfi, il
�$
eft clair que Hugues ne comptoît pas pour exifter fur les
bénéfices de ion b a i l , mais fur le rachat des vexations que
feroic craindre fon efprit de chicane très-connu.
M on pere fut le premier qu’il eiTaya de mettre à contri
bution. En i 7 69 , il lui intenta , fous le nom du fieur F orgerou , adjudicataire général des droits de marque & con
trôle , un procès en la Cour des Aides de P ro ven ce, à l’occafion d’une bague d’or non contrôlée faifie fur un étran
g er, qu’il l’accufa d’avoir vendue.
Cette tentative ne fut pas heureufe : mon pere foutint
l’attaque , & prouva fi bien la faufleté de l ’inculpation, que
le fouS'fermier fe vit obligé d’abandonner fa pourfuite.
L a méchanceté a fon amour - propre ; elle s’irrite des
mauvais fu c c è s , & cherche à fe venger du mal qu’ elle n^a
pu faire.
m
Vaincu devant la Cour des A i d e s , Hugues crut trouver
dans le tribunal des Monnoies d’A ix plus de facilité pour
opprimer mon pere , & jetter la terreur parmi tous fes coufreres de la ville d’Apt.
Il lui falloit un prétexte : il fe procura deux paires de
boucles d’argent grandes & petites, & un hochet d’enfant.
C e hochet eil devenu dans fes mains l’arme de la calomnie.
L e premier a d e .d e la procédure q u ’il va entam er, eit
remarquable, & prouve d’abord la partialité du juge. Hugues
fe préfente à lui : il lui expofe, « quildéfireroit faire informer
» de fon autorité contre les fieurs R ives & M o n n ie r , & au» très marchands orfèvres de la ville d'Apt ; ôc comme les
» offices de procureur du R o i & de greffier ne font point
» remplis ’dans fon tribun'al , ôc qu’il a intérêt d’aller en
» a v a nt , il Je fupplie d’en fubroger pour la procédure quÜ
» entend faire prendre ».
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Il eft vrai que dans le fiége de la monnoie d’A ix , il
n’y a point de titulaires des deux offices de procureur du
roi & de greffier. Mais depuis long-temps les fon&ions
en étoient exercées par les fieurs Odelin & Bayon ; on
ne voit point qu’ ils ayent allégué aucune caufe d abftentiori.
I l rt’y a point eu de récufation propofée ni jugée contre
eux, Pourquoi donc falloit-il fubroger exprès pour la pro
cédure que le banqueroutier Hugues entendoit faire prendre ?
Pourquoi, à la requête d’un homme qui ne rend pas encore
plainte
& qui n’annonce que le déjîr de faire informer ?
Pourquoi
Mais la fuite des faits va nous l’apprendre.
L e juge s’ emprelTe de déférer à cette étrange réquifition.
I l c o m m e t, pour procureur du r o i , M e. G raffan, trèsjeune avodàt au parlement d’A i x , & le fieur Pelleu pour
greffier (*), le premierfous fon ferm ent, le fécond à la charge
de le prêter devant lui ; & à l’inftant, comme un acteur
qui a fon rôle diftribué d’a v a n c e , & qui fe tient prêt à
entrer fur la fc e n e , le fieur Pelleu comparoît, prête ferment,
& lô tribunal çft formé.
Je ne fais fi cette forme de fubrogation eft irréguliere ;
mais ce que je puis d ir e , c’eft que la procédure qui va
fuivre, ne démentira pas la m axim e, que toute commiiïion
eft un figne d’oppreiïion.
Hugues rend fa plainte ; il y expofe que depuis
lo n g - t e m p s il fait un commerce considérable avec les
orfèvres d’A p t qu’il s'eft affuré, par différents cjfais, qu’ils
( * ) Dès le collège, il ¿toit ennemi du fieur Rives fils,
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étoîent dans l’habitude de fabriquer à bas titre ; ce qui
lui avoit fait
pu jufques-là
plus grande
d’empreintes
éprouver des pertes multipliées; quJil n’avcut
les convaincre de cette fraude, parce que la
partie de fleurs ouvrages ne portent point
de poinçons; qu’il étoit cependant parvenu à
fe procurer deux paires de boucles & un hochet d’argent,
marqués de celui du fieur R ives : & fur cet expofé i l
demande a&e de la remife qu’il fait defdites paires de
boucles & du hochet; la permiilion d’informer contre tou&
les orfèvres de la ville d’A p t , le tranfport & la defcente
du juge chez e u x , &
dans leur maifon com m une, pour
y vérifier les poinçons & lanternes»
Si jamais plainte & conclufions furent abfurdes, aflurément ce font celles dont je viens de rendre compte.
L e fondement de la plainte, étoit d’abord notoirement
faux. Hugues cherche à la motiver fur les tores qu’avoic
faits à fon commerce la mauvaife fabrication des ouvrages
qu’il tiroit des orfèvres d’A p t ; & il y avoit au moins trois
ans qu’il avoit fermé boutique , ce qui eft prouvé par le
certificat des gardes du corps de l’ orfèvrerie de M arfeille,
du . i p
cour,
mai
1 7 7 ^ , qui a été mis fous les yeux de la
, Hugues ne p.ouvoic donc fe plaindre que de la perte
réfultante pour lui de la défe£hioficé du titre des deux
paires de boucles & du hochet : c’étoit à quoi fe bornoiç
fon intérêt ; & cet intérêt étoit de trente ou quarante fous
tout au plus. Il ne lui donnoit d’a£tion que contre l’auteur
de ces ouvrages. Suivant lu i, ils étoientmarqués du poinçon
du Heur Rives. Sans être jurifconfulte, il me femble que
le droit de Hugues fe réduifoit à demander la vérification
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clés pointons , l’eflai des pieces ; &
fi
le titra
s’étoit
troùvé au-de (Tous- de celui de l'ordonnance , fi le poinçon
avoitàccufé mon pere , il falloir le condamner à reftituer à l’a
cheteur ce ou’ il avoit payé de tro p , eu égard à l'infériorité
du titre , & peut-être à des dommages-intérêts propor
tionnés. V o i l à , félon ce que me dit le bon fens, tout ce
que l’accufateur avoit à prétendre, s’il eft vrai que l'intérêt
foit la mefure des a&ions. C e n’eft point la marche 'Ample ,
que fuivent l’accufateur ôc le juge.
Un banqueroutier accwfe !
Un particulier intente une accufatioti générale de con
traventions aux réglemens de l’orfévrerie , 6c de fraudes
contre la loi du titre.
Il
l’intente contre toute une communauté d’orfévres,
lûrfque le délit
qu’il énonce
dans fa plainte ne peut
concerner tju’un de fes membres.
J1 demande à inform er, il requiert une defeente de
juges chez tous les maîtres, 6c jufques dans leur maifon
com m une' la vérification des ouvrages, des poinçons,
des regiftres pour conftater le bas titre de deux paires
de boucles d’argent ôc d’u n ‘h o c h e t, 6c en découvrir l’au
teu r, & cet homme eft écouté ! ôc le juge adopte
ces
extravagantes conclufions , & le procureur du roi fubrogé.,
qui feul auroit eu qualité pour faire cette pourfuite, n em
pêche pas que le banqueroutier Hugues aviliife les nobles
fonctions du miniftère p u b l i c , q u ’ il prend fur lui de remplir ;
& par fon ordonnance du
juillet 1 7 7 2 , le général
provincial donne acte à Hugues de la rémiÿlon des ouvrages
qu il joi/it à fa plainte ; ôc comme s’il fuffifoit de préfenter
une piece pour la faire priifumer fauife ou défe&ueufe, il
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:permet d’informer, avant d’avoir conftaté le corps de délit
par un efTai , ôc il ordonne fon tranfport chez, tous i c s
orfèvres de la ville d’À p t , au lundi fui'vant 27^ " du
même m ois, pour raifon d’un délit dorit ml'feul d'entre'¿ü*
eil accufé !
Je fupplie la cour de remarquer le jour fixé pour la
defeente des officiers de la fnonnoie. Il étoit bien choifi
pour donner à cette opération l’éclat le p l u s fcandaleüx',
le plus fait pour ôter au corps de l’orfévrèrie de l’a ville
d’Apt toute la confiance publique , & y détruire entière
ment cette branche de commerce.
C e t o i t le lendemain de la Sainte A n n e , fête patronale
de la ville ;
c’eft le jour même de la fête, qu’arrivent le
Général provincial , fon procureur du r o i , fon greffier,
efeortés de cavaliers de maréchauifée 3 au milieu du con
cours le plus nombreux des payfans des environs, qu’attire
en foule l’expofition des reliques de la fainte, objet
d’une vénération particulière dans ce canton de la P ro
vence.
L e lendemain, jour de foire, le juge procédé à l’exécu
tion de fon ordonnance ; mais il la reftreint arbitrairement
a ceux que lui défigne l’accufateur. D eux orfèvres font
exceptés de cette humiliante vifite. L e fieur Figuieres ch ez
lequel Hugues avoit fait fon apprentiifage, ôc le fieur
la T o u r qu’on favoit mal difpofé pour mon p ere, & qui
fut refervé, pour être entendu comme témoin dans l’infor
mation. Il ne fut accédé ( c ’eft le terme provençal) que
chez ni on p è re , & les fieur L egier & Monnier.
C ’ eft
le
27 , que le général & fon cortege
fe tranf-
portent dans notre maifon ; il y fait la plus exa£te per',i
B
�quifition ; il prend c o m m u n i c a t i o n de tous les regiflres 3
même de celui du contrôle , totalement étranger à Tes fonc
tions. Toutes ces recherches aboutiflent à faifir quatre
crochets d’argent pour femme, qu’il décrit allez fuperficiellem en t, mais fur lefquel il obferve qu’ils ne portoient,
ni empreinte du poinçon de jurande , ni contrôle. Cette
derniere remarque étoit plus .que finguliere dans un procèsverbal d’un juge des monnoies j qui ne doit point connoître
'de ce droit fifcal. Mais elle pouvoit avoir fon u t i li t é ; car
on fe fouvient que Hugues en étoit fous-fermier. Quant
au défaut d'empreinte du poinçon de jurande s le général,
qui n’oublie pas cette circonftance, oublie de conftater le
poids des p ièces, qui feul pouvoit apprendre fi ces crochets
devoient être marqués de ce poinçon ; il faifit auiïi un
paquet de cent quatre bagues de Sainte Anne. Il faut expli
quer ce que c’efï que ces bagues..
C e font des anneaux extrêmement minces qui portent cetteinfcription; Sainte Anne, prie^ pour nous. O n les fait toucher
aux reliques de la fainte , on les bénit: dans cet état, ils font
regardés parles perfonnespieufes de toutes les claiTes , & furtout par les gens delà campagne, comme uneefpece d’amulette
religieufe : il s’en fait un débit confidérable le jour de la fête
de cette patrone de la ville d’A p t , & pendant la foire qui
la fuit. L es orfèvres perdent néceiîairement fur c e t t e fabrica
tion; ôc ileft aifé de le concevoir.
Ces bagues font de deux poids ; les unes pefent
G grains ôc fe vendent fix blancs, les plus grandes en péfent
12 , & fe vendent cinq fous : depuis plus de 600 ans elles
n’ont changé ni de prix ni de titre ; & on fent. que ce
titre doitêtrç bas, foità raifon. de leur mince valeur, qui laifle
�11
^encore aflez de perte aux orfèvres , foit à caufeds leur peu
d’épaiffeur II feroit phyfiquement impoflible de foumettre à
l’ exécution des réglemens cette 'menue bijouterie , qui ne
pourroit réfifter à la foudure , fi on la portoit au titre de
i i deniers 10 grains;d’ailleurs ces anneaux plieroientalors,
comme du papier , & les payfaus,les prenant pour de l’étain
n'enacheteroient point; ce qui porteroit un notable préjudice
à l’orfévrerie de la ville d’A p t , pour laquelle les bagues de
Sainte Anne ne font pas un o b je t ,
commerce.
mais une occafion de
Cette rigueur ne feroit-elle pas extrêmement d é p la c é e ,
fous ce point de vue? ne nuiroit-elle pas efientiellement au
commerce de cette v i l l e , qui fituée entre des montagnes,
aifife fur un fol pierreux & aride, par conféquent peu
fertile en denrées ôc en produ&ions , fe fert de cette innocente amorce pour débiter à certains jours de l’année
fes ouvrages d’indufirie aux étrangers.
L a faiiie des bagues de Sainte-Anne étoit donc abfurde;
celle des quatre
agrafFes pour femme
étoit irréguliere ,
puifque le procès verbal n’en contient pas une description
aifez detaillée, & ne fait pas mention du poids. Mais que
dire de la faiiie du gros poinçon d é m o n pere, qui étoit
une interdi£lion provifoire contre un orfèvre, contre lequel
il n’exiftoit pas même de préfomption d’un délit : peut-on
rien imaginer de plus illég a l, fi ce neft ^information dont j’ai
à rendre compte ?
E t d’abord à quoi bon cette information ? de quoi s’agiiïoit»1 ? D e favoir fi les deux paires de boucles & le hochet
d argent étoient au titre ou non , ôc fi ces ouvragesétoient
marqués du poinçon de mon pere, Q u é to it-il ici befoin
B ij
de
�1ï
témoignages? C'étoit un effa l, une vérification qu’il falloie
faire : mais on vouloic du fcandale , on vouloit de la diffa
mation ; ôc v o ic i comme
on procédé a cette informa-*
tion.
L ’a c c u f a t e u r , fa mere , fes freres &
leurs affidés , tou*
gens de la lie du peuple comme eu x , s’étoient partagé les rues
de la ville : ils arrêtoient les gens de campagne , leur faifoient repréfenter leurs anneaux , leurs bagues, leurs croix,
leur aiTuroient que tout cela étoit faux ; que depuis long tçm$.
on leur vendoit du cuivre pour de l’or ; que le moment étoit
venu de faire punir les orfèvres de tant de fraudes; que le gé
néral étoit là ; qu’il/ n ’avoient qu'a lui porter tous ces bijoux
'de mauvais aloi, qu’on leur en feroit reftituer le p r ix , ou
/qu'on leur en donneroit de meilleurs.
Par tout la populace eft crédule , foupçonnenfe, prête à.
fe venger même du mal qu’on ne lui a pas fait; par-tout,
elle eft facile à féduire, prompte à s’enflammer: mais c’eil
bien pis encore fous le ciel brûlant de la P ro v e n c e , où la
fermentation peut en un moment devenir extrême , ôc où les.
effervefcences populaires ont plus d’une fois entraîné la ju f
tice elle-même dans les plus funeftes erreurs..Dans un moment,
près, de 2 0 0 témoins fe.précipitent chez l’accufateur, prêts,
à croire tout ce qu’il voudroit d ire , & à
dépofer de tout,
ce qu'ils auroient cru; de là .ils courent à la maifon où
le juge avoit établi fan tribunal : c’eft
mier entre fes mains tout ce qu’il a
d’argent ; ôc pour exciter encore cette
p a r l’aiguillon de la cupidité,Hugues ,à
à qui. mettra le pre
de bijoux d’or ÔC
forte d’enthouliafme
la porte d’une bouti
qu e, payoit publiquement la taxe des dépolirions.
T o u s ces faits font notoires dans la ville d’A p t , tous les
�' 13
honnêtes gens en dépoferoient ; & fi je ne puis eh rapporter
la preuve, c’eft que, par une incroyable bizarrerie de la
procédure dont je vais bientôt rendre compte, je n’ai pas
été mis à portée non feulement de combattre , mais m êm e
de connoître les témoins de cette information.
E t c ’ eft fur une pareille procédure que nous avons été dé
crétés, monpereôc moi , lu i, d’ajournement p erfonneljm oi,
d’alfigné pour être ouï !
Je me trompe peut-être ; car je ne fais fi c’eft l’infor
mation fur la plainte principale qui a motivé ces décrets,
ou celle fur la plainte incidente dont il meref t eà parler. L a
forme en eft finguliere.
Hugues fe trouve au palais, & là il rend'au juge fa plainte
verbale, par laquelle il accufe mon pere , moi & plufieurs de
nos parens, & de ceux des autres orfèvres, de fubornation
de témoins dans le préfent palais, fous fes yeux & fous ceux
du tribunal , & il demande permiflion d’informer.
L e général provincial croit auiïi cette ridicule imputation ;
il dreffe procès verbal de la plainte, le communique fu rie
champ au procureur du R o i, lequel conclut par fa formule
ordinaire, j e n empêche; & le général« donne a£te au fieur
» Hugues de fon exposition, ordonne que fyr le contenu eu>
» icelle, circonftances & dépendances, il fera p ar lui in» formé par addition, continuation, 6c fupplément d’informa» t io n , le tout aux fins requifes ».
O n informel en conféquence ; les décrets ne fe ferontpas.
long-temps attendre: maie pour domier quelque apparence
de fondement à cette violente procédure, le juge qui a'
commencé par informer contre les coupables ?fe fouvient qu'il
�14
efl néceflaire de
procéder à des effais , pour parvenir à
reconnoître s i l exijle un délit.
D e retour à A ix , il rend Je 13 août 1 7 7 2 , une o r
donnance portant : « Q u’ à la diligence du fieur Pierre.
» Hugues, Jean - Pierre R i v e , maître orfèvre de la ville
» d’A p t , fera aiTigné à comparaître devant lui dans l’hô» tel de la monnoie de cette v i l l e , le 2 6 du même
» m o i s ... . pour venir reconnoître les ouvrages d’orfévrerie
»
»
»
»
»
»
remis par ledit fieur Hugues lors de fa requête de plainte
du 2 y juillet précéd en t, & les poinçons appofés fur leurs
ouvrages , ôc voir procéder à l’ouverture ôc ^econnoiffance de l’état des paquets" contenant les ouvrages & le
poinçon par lui retenus ôc mentionnés dans fon verbal
d ‘accedit, du 27 du même mois de juillet , dont ôc
» du tout il fera par lui dreffé procès verbal, ôc de même
» fuite, voir procéder par M e Cabaffole, eifayeur royal dans
»
»
»
»
»
l’hôtel de la m on n o ie, à. l’eflaL du titre des ouvrages,
tant de ceux remis par ledit H u g u e s , que de ceux retenus par le juge m êm e, lequel effai portera tant fur
le corps des ouvrages que fur les pieces d’applique, fans
néanmoins toucher aux poinçons, à l’effet de quoi lef-
» dits ouvrages feront remis audit eifayeur par le greffier
» de la monnoie , duquel eifai fera dreifé rapport, en tout
» préfent le procureur du R o i; p o u r ledit rapport fait, être
*» joint à la procédure ôc être enfuite ordonné ce qu’il
» appartiendra ».
*
J’avoue que je ne vois pas bien pourquoi c’ eft à la di
ligence de Pierre .Hugues que mon pere doit être ajourné
à venir reconnoître les ouvrages faifis chez lui par le gé
�néral , &. à voir procéder à TelTai qui en fera fait. Sans connoître les formes, il me femble que le bon fens indique feul
que, ne s’agiflar.t point ici de ion in térêt, c’eft de fa part
porter trop loin la diligence.
Q u ’eft-il réfulté de l’exécution de cette ordonnance ?
Aiïigné par exploit du 2 7 août 1 7 7 2 aux fins y portées,
mon pere comparut. O n lui repréfenta les deux paires de
boucles & le hochet remis par l’accufateur, en le fommant
de les reconnoître, ou de nier que ces ouvrages fuffent
fortis de Tes mains.
Il déclara que : « Sans approbation de la procédure,
» contre laquelle il proteftoit de fe p ou rvo ir, il ne pou» v o i t , attendu la foiblefle de fa vue (#il avoit alors 7 3
» ans, ) reconnoître les piecesqui étoient très-ufées, à l’effet
» d’aflurer fi elles étoient forties de fes mains , & fi elles
» portoient véritablement fon poinçon ». En conféquence
il en requit la vérification*
Quant aux quatre crochets & aux bagues de SainteAnne , faifis par le général provincial lors de fon accedit
dans fa m aifon , il les reconnut.
Dans cette pofition, comment le juge devoit-il fe con
duire ? Il eft évident qu’après avoir fait e{[ayer les diflfé-rens ouvrages qui fervoient au procès de pieces de convic
tion , fi le titre s’étoit trouvé défectueux, il devoir ordon
ner, la vérification du poinçon mis fur ceux, que mon père
n’avoit pu reconnoître ; & s’il s’étoit trouvé être le fien ,
confifquer ces ouvrages , ordonner lâ reftitution du prix,,
condamner à une amende de 50 liv. pour la contravention
aux réglemens & fuivaj.it leur difpofition textuelle; c’étoit
a des condamnations de ce genre feulement que ce procès-
�i 6'
cîevoit aboutir, & , Ci je ne me trom p e, après une inftruiStion telle que je viens de 1 indiquer.
A la vérité , il a
procédé aux eflais dçs pieces
remifes par l ’a c c u f a t e u r , ôt de celles failles par le général;
mais d ’ a b o rd pourquoi la même ordonnance n’a-t-elle pas
p r e f c r i t celui des bijoux dépofés au greffe par les témoins
de rinformation ? Je paife ici fur cette inconféquence ,
je n examine que la forme des deux effais des 2 7 & 28
août 1 7 7 2 .
Comment l’eflayeur a-t-il opéré ? Par la voie de l’eiTai,
contre-eflai 6c reprife ? Mais & les agraffes & le hochet
étoient compofés de plufieurs pieces. Chacune en particulier
e'toit-elle d’un poids fuffifant pour fe prêter à l’opération?
L ’ordonnance ne prefcrit pas à l’effayeur de pefer. Il ne Ta
point fait. O r cette formalité étoit eifentielle. L a même
ordonnance ne commet qu'un feul eifayeur, & il faut tou
jours deux experts en matiere criminelle : car un expert efl
un témoin; Ôc la maxime tejlis unust tejlis nullus, me femble recevoir ici une application d’autant plus rigoureufe ,
q u e, de toutes les efpeces d’expertifes, celle dont il s’agit
eft fans contredit la plus 'délicate, la plus fujette à de
grandes erreurs. O n fait tout ce que la docimaftique demande
d’attention , de précifion, de foins: mais combien y a-t-il
d’effayeurs qui fentent avec quel fcrupule, pour ainfi dire
fuperftitieux, ils doivent procéder lorfqu’ils mettent en ex
périence l’honneur d’un citoyen.
L e fieur CabaiTole n’a pas cru devoir à la juûice la
preuve de fon exa£titude par un détail exaft de fes procédés:
il n’a donné que des réfultats, & quels font-ils ? Si l’on en
juge par fes procès verbaux, des quatre crochets, qu’on ne
fabrique
�17
fabrique qua pour des femmes de payfans ou d'artiians de
la derniere claiî'e , & dont les façons font depuis des fiecles
toujours reftées au même prix , il n’y en eut qu'un donc
le corps ne fut qu a 1 o deniers vingt-trois grains ; Teifai
des trois autres donna i i deniers fix grains & demi.
Leurs chaînes dont chacune portoit plus de foixante foudures, furent trouvées les unes à i o deniers vingt grains,
les autres à x o deniers.
Je ne parle pas des bagues de Sainte-Anne ; elles n’allerent qu'à 5? deniers dix-huit grains. O n fe rappele l’obfervation que j’ai faite plus haut fur la néceflité de les fabri
quer à bas titre, & pour leur donner quelque confiftance
par une plus forte proportion d’a llia g e , Ôc pour en rap
procher la valeur intrinfeque de leur prix , qui ne doit ja
mais varier. Mais d’ailleurs je demanderois à l’eiTayeur
comment il a pu eifayer ces bagues à la coupelle, & de quel
poids d'eiîai il s’eft fervi. L es femelles d*effai doivent être au
moins de dix-huit grains pour l’argent ; & les plus forts
de ces anneaux n’en pefent que douze. Il fuffit de cette
remarque pour faire apprécier fa maniéré d’opérer.
Quant aux
proprement &
fe trouvèrent
qu’à 8 deniers
pieces remifes par l’accufateur , & qui font
uniquement la matiere du procès, les boucles
à 1 x deniers trois grains } le hochet n’alla
& demi ( 1 ), fi j’en crois mon adverfaire ; car
( 1 ) C ette fabrication paroîtra fans doute exceiiïvement défeâueufe.
Elle peut néanmoins s’exctifcr , fi l’on fait attention à la forme de cette
eijjcce d’ouvrage.
*
Le hochet cil ordinairement quadrangulaire »fes quatre côtés doivent
C
�i8
la copie du procès verbal de l’eÎTayeur,qu’il m a fait figniiîer,
ne fait point mention du hochet.
Ces efiais font défeftueux fuivant les réglés de l’art ; ils
font nuls par le défaut d’exprefiion du poids tdes ouvrages ;
ils ne méritent aucune foi en juftice, parce qu’ils font l’ou
vrage d’un feul expert : mais d’ailleurs- que prouvoient -* ils
contre mon pere.
L e s pieces faifies par le général ne pjouvoient être eflayées
qu’à la pourfuite & diligence du Procureur du R o i ; & c’eft
à la diligence de H u g u es, qu’elles ne concernoient p o in t,
qu’il a été procédé à cette opération.
Quant à celles remifes par cet accufateur, en fuppofant
l ’eiTai régulier ôc bien fait , il ne fervoit qu’à conilater le
corps de délie. Pour en convaincre mon pere , il falloit une
vérification de fon poinçon , ôc elle ne fut ordonnée que
quinze mois après fa mort.
J e touche à une cruelle époque du p r o c è s , & qui me fait
bien
fentir toute l’horreur de l’injuftice du tribunal des
ctre foudés enfemble , ou au moins de deux en deux dans toute leur
lo n g u eu r; leûfFlet dont il eft furmonté doit être garni d’une pièce aflez
large par derriere en forme de languette , dont trois des côtcs doivent
être foudés. L e s quatre grelots font chacun de deux pieces foudées
enfemble , 8c recouverts d’une trèfle d’argent foudée auili fur leur co n
tour ; enfin ces quatre grelots font attachés chacun à une confole qui
doit être encore foudée par les deux appuis à la tige de ce bijou. T a n t
dé foudures ne demandent-elles pas un argent plus c u i v r é , pour qu’il
puiffe réfifter à la flamme de réverbère , p.ir laquelle il doit piller ii
iouvent i N ’exigent-elles pas une plus grande proportion d’alliage que
les ouvrages faits au m a rtea u , & qui ne portent que peu ou point de
pièces d’applique ?
�Ij>
monnoies d’Àix. J ’ai pu raconter froidement tout ce qui
précédé ; je pourrai encore conferver du calme dans le
récit de ce qui va fuivre. Il n*y fera quefiion que de ce que
j ’ai fouffert moi-môme : mais i c i . . . . . j’aime mieux encorc
lai (Ter parler les faits. L ’ame fenfible des magiftrats que j’ai
pour juges , n’a pas befoin , pour s’ouvrir à la pitié , que je
peigne mes douleurs ; iis les verront dans mon iilence ,
ôc trouveront dans ma modération même une raifon de plus
de me plaindre, ôc de s’armer d’une juftefé vérité contre mes
opprefleurs.
Sur une information qui ne pouvoit rien prouver,fur des
eflais qui prouvoient tout au plus un dé l i t , fans défigner le
coupable, le 3 1 août 1 7 7 2 , je fuis décrété d’aiïigné pour
être o u ï , ôc mon pere d’ajournement perfonnel. Ce décret
ne porte aucune mention du titre de l’accufation fur laquelle
il eft rendu.
L e 4 feptembre il eftfignifié à mon pere Ôc le 1 2 il n’étoit
plus: il fe mit au lit le lendemain, ôc dès ce moment il fut
dévoué à la mort; tout fecours fut inutile ; une fievre aiguë ôc
dévorante termina brufquement la carriere d’un vieillard de
foixante-treize ans, qu’attendoit fans doute une fin plus paifible. Il mourut en proteftant de fon innocence, ôc en pardon
nant àfon ennemi. J'étoisabfent: je n’eus point la confolation
de lui fermer les yeux; ôc, le dirai-je? ce fut un bonheur pour
moi de n’avoir pu lui rendre ce trifte devoir. L a calomnie
veilloit auprès du lit de mon pere expirant, pour chercher,
dans les foins de la pitié filiale, l’horrible prétexte d’une aceufation de parricide qui me fut même intentée , malgré
m on . abfence. Un décret de prife de corps fut lancé contre
moi par le tribunal qui fiégoit alors à la place du Parlement ;
C ij
�20
car ce fut dans ce temps de deuil public que cette calamité
tomba fur ma perfonne & ma famille. E t quel fut mon dé
nonciateur ? A i-je befoin de le dire , ai-je befoin de le
prouver?E h ! quel autre pouvoit-il être, que l’ennemi connu
de tout ce qui portoit mon nom , le même q u i , en i 7 <5> ,
avoit intenté à mon pere, en la Cour des A id e s , un procès
qu’il n’avoit ofé pourfuivre ; le même qui lui en avoit fuf-
cité un autre dans ce même tribunal, dans lequel il avoit honteufement fuccombé ; le même qui , par une délation éga
lement fecrete , mais foupçonnée de toute ma province ,
l ’avoit impliqué dans une accufation d’infanticide ; le même
qui avoit provoqué l’inique procédure que je dénonce en
ce moment à la C o u r , & pour laquelle cinq magiftrats da
Parlement rétabli , qui venoit de proclamer mon innocence ,
l ’ont condamné, par leur fentence arbitrale, aux dépens & aux
dommages-intérêts envers moi. Mais veut-on connoître mon
ennemi ? veut-on juger en même temps de fon incroyable
afcendant fur le tribunal des monnoies- d’Aix ? C ’efl: dans le
moment où la plus abfurde & la plus atroce accufation me
faifoit gémir fous les plus durs liens de la juftice, dans le
moment où , réduit au plus violent défefpoir par la fatalité
de mon étoile , ou plutôt par les lâches manœuvres de mon
acharné perfécuteur , fu g itif, errant , j’invoquois la m o r t ,
& ( je peins ici ma véritable fituation ) je l’euife trouvé peutêtre fans les principes religieux qui me foutinrent ; c’eft
dans ce moment que. mon accufateur au tribunal des mon
noies, demande, que le Procureur du R o i requiere, que le
juge prononce la converfion en ajournement perfonnel',
d’un décret de foit ouï.... qui nexiftoit plus.
C ette converfion eit prononcée le 23 octobre 1 7 7 2 5
�&i
& c’eft ainfi que le procès eil repris contre moi : c’étoit le
comble de 1abfurdité. Je n étois point compris dans la plainte
principale : & comment aurois-je pu l’être , moi , fimple
compagnon, qui n’étois par conféquent tenu d’aucune con
travention , refponfable d’aucune fraude? J’avois été , il eil
vrai , décrété de foit ouï fur la ridicule plainte en fubornation de témoins : mais cette plainte n’étoit qu’acceifoire à
l ’accufation principale é te in te , par la mort de mon pere.
Quand on le fuppoferoit même convaincu des délits qu’on
lui im p u ta it, fa mort avoit impofé filence à l’accufateur.
L ’alile inviolable du tombeau avoit mis fa mémoire à l’abri
de toutes recherches : l’a&ion civile étoit feule ouverte à la
partie civile contre fa fucceiïion ou fon héritier. C e prin
cipe eft certa in , inconteftable ; il eft fondé tout à la fois
fur la raifon, l’humanité , les lois. L e tribunal des monnoies d’A ix l’a méconnu. Il n^exiftoit plus d Jaccufation ni
contre mon pere , ni contre moi ; il me décrété ici fur une
accufation éteinte , comme il avoit
auparavant
permis
d’informer avant qu’il y eût un délit confiant.
Ceft lorfque je fuis d é c rété, que l’accufateur rend ia
plainte contre m oi, fur le fondement d’une prétendue fociété
avec mon pere, dont il va chercher la preuve dans les
claufes de mon contrat de mariage que voici.
M on pere m'y donne tous fes biens « préfens & à venir,
» en quoi qu’ils conftftent & puiffent confifter
y compris
» ceux qu’ il a recueillis de la fucceiïion de la feue demoifelle
» Jean fon époufe , fous la réferve des fruits & ufufruits
» & jouiffance fa vie durante, en payant les charges d’iceux
» & enjouiifant en bon pere de fam ille, affiliant les futurs
» époux dans fa maifon , promettant les y nourrir & entre-
�» tenir ôc leur famille à fon égal ôc ordinaire , fains ôc maîa» des, en travaillant par eux au profit de la maifon de
» concert ôc en commun avec ledit fieur R ives p e r e , ôc
» en jouiffant par icelui de la fufdite dot.
E t plus bas il eft ajouté : E t dans le cas de féparation
» ôc d’infupport, le fieur Rives fils} régira la boutique d'orjévre» rie & travaillera pour fon fe u l compte fous le poinçon de fou
» pere , fans qu’içelui puiife prétendre aucune part dans les
» profits, ôc même ledit fieur Rives promet, toujours audit
» cas de féparation, d’émanciper fon fils en bonne ôc due
» forme , ôc même de donner fa démiffion de la maîtrife
» d’orfévre, pour que fon fils puiife fe faire recevoir maître,
» comme plus ancien fils de maître».
A -t-on jamais entendu dire que les claufes d’un contrat
de mariage aient pu motiver une accufation ? ôc ma caufe
n’offre-t-elle point dans tous
fes détails des bizareries fans
exemple.
U n contrat de mariage qui eft un pa&e entre deux familles,
entre deux ép oux, étranger à tout autre, dont l’œil même du
miniftere public ne pourroit pénétrer le m yftere, devient
une piece de convi&ion dans un procès criminel. E t qui
avoit donné à mon accufateur, au procureur du R o i ,
juge même le
au
droit d’en prendre connoiflance ? n’importe;
Hugue fe préfente mon contrat de mariage à la main , il
expofe que des claufes que je viens de rapporter, il réfulte une
affociation entre mon pere Ôcmoi, ce qui m’a rendu com
plice de fes délits ôc de fes contraventions , « ôc demande
» a&e
en conféquence
de ce qu’il remet ledit contrat de
p mariage, comme preuve littérale ôc permiifion d’informer
�» fur ce que deiïus , cîrconftances & dépendances, enfemblc
» fur fes autres plaintes par continuation & addition.
V it-o n jamais pareille extravagance? Rendre plainte fur
le fondement d’un contrat de mariage , demander la permiffion d’informer par continuation contre un homme qui
n’a pas été enveloppé dans la premiere accufation ! la permiilïon d’informer fur des plaintes précédentes, contre celui
qui n’a point été compris dans ces plaintes ! c ’ eft le délire
de l’efprit de chicane & de calomnie. Mais que dire de
l ’ordonnance dont elle eil répondue ? Elle porta : » Soit la
» préfente requête retenue & jointe àla procédure, pour fu r ie
» vu des charges & informations , & fur les conclufions du
» procureur du roi , être par nous ordonné
ce qu’il appar-
» tiendra ». Une requête de plainte jointe à la procédure
pour la répondre fur le vu de charges 6c informations qui
i/exiftoient plus ! mais, pourquoi non,puifque je reilois bien
ibus les liens d’un décret d’ajournement perfonnel prononcé
par converfion d’un décret de fo it o u ï, éteint par la
mort de mon pere ?
Il paroît qu’ un jugement poftérieur p erm it, fu r
le
vu
des charges & informations d’informer contre moipar con~
tinuation -r & fur cette continuation, nouveau décret d’a
journement perfonnel, qui ne contient non plus aucune
mention du titre de Taccufation.
J ’obéis, & je fubis plufieurs interrogatoires très-longs.
Je fens qu’on doit s’étonner de ma patience. L a voie de
l’appel m’étoit ouverte. Pourquoi n ’y pas recourif ? M ais
je fuis établi en provence ; j’y ai mon é t a t , ma famille f
mon patrimoine. J’efpérois trouver enfin la juftice plus près
de moi ; j’efpérois que les perfécutions, les vexations au“
�24 roient un terme. Cependant tout devoit me détromper :
car ce fut en vain que je follicitai alors mon admiiliou
à la maîtrife de m o n pere. L ’accufateur avoic un frere q u i
pouvoit y prétendre , fi l’on parvenoit à m’exclure ou à me
dégoûter. J’ai été plus de deux ans avant de pouvoir être
reçu ; 6c mon décret fut le prétexte dont on fe fervit pour
m o t i v e r ces délais qui devoient anéantir mon commerce.
Je
voulus férieufemenc voir la fin de cette malheurenfe
affaire. Je fatiguois, le tribunal, de requêtes à fin de com
munication de pieces ôc d’a£tes d’inftru&ion, mon adverfaire , de fommations de mettre fa procédure en état. Dans
l ’origine du procès, on a pu remarquer la précipitation du
juge des monnoies d’Aix. A cette époqiis du procès, on
multiplioit les délais, on affé&oit des lenteurs. C ’eft alors
que le général provincial s’aperçoit qu’il a oublié d’or
donner l'eiTai des pieces remifes par les témoins lors de
fon acceiit dans la ville d’Apt. A la longue , tout ie ré•pare : par une ordonnance du 1 i o&obre 1 7 7 5 , ^ com
met j pour y procéder le même expert Cabaifole qui avoic
fait les deux premiers eifais , il le nomme encore feul ;
mais pour cette fois il ordonne de pefer les pieces : ôc
Ton peut juger, par fon procès verbal, combien cette for
malité eft im portante, combien l’omiiTion en eft dangereufe ; car l ’expreifion du poids me donne ici un moyen
vi&orieux de prouver le vice de Teifai. L e fieur Cabaifole
commence par annoncer qu’il a fait e ifa i, contre - eifai, ÔC
reprife. O r cela eft impoflible par rapport à la majeure par
tie des bijoux dont il s’a g i t , s’il a opéré régulièrement. L e
poids d’eifai, pour les matieres d 'o r , doit être au moins de
douze grains r aux termes des réglemens. L ’eÎTai, le contreeifai
�2?
cfiai & la reprife demandoient d o n c, pour être pratica
bles 5 que les ouvrages eiTayés fuflent au moins du poids
de trente-fix grains ; 6c la majeure partie de ces ouvrages
ne les pefent pas. L ’effayeur a donc menti à la juitice ,
ou s’eft fervi d’une femelle d’ej]ai trop foible, & alors foa
opération eft nulle : j’en parle avec affurance ; ceci eft du
reflort de ma profeiïion. Q u ’on apprécie les autres eiTa'îs
par celui dont je viens de rendre com p te, qui feul contient
renonciation du poids des pieces, d’ou réfulte la preuve
de l’impofiibilité ou de l’irrégularité de l’opération. Mais
d’ailleurs des mains de quel orfèvre étoient fortis ces ou
vrages que reliai accufe d’être à un titre trop foible ? Ils
u étoient point marqués de poinçon j leur poids les difpenfoit de cette formalité : où eft dont la preuve qu’ils fuffent de mon pere & de m oifon aiTocié, fuivant l’adverfaire?
Apparemment dans l’information même,dans laquelle avoienc
été entendus les témoins qui les avoient remis au général,
C ’étoit donc les témoignages des plaignans qu’on érigeoit
en preuves? Seroit-ce dans la continuation d’information
faite contre moi ? mais elle n’avoit d’autre objet que de
conftater ma prétendue fociété ; & cette fociété ne prouvoit pas que mon pere & moi euffions fabriqué les ou
vrages en queftion» Q uoi qu’il en fo it, c’eft l’une ou l’autre
de ces informations qui a été d é c ré té e , & décrétée d’a
journement perfonnel. L es charges étoient donc graves, les
preuves confidérables : fans doute le juge va pafler au rè
glement à l’extraordinaire. Après
des informations, des
defcentes , fur lefquelles il a été lancé des décrets , ce
ncft guere l’ufage de civilifer , à moins qu’il ne foit furvenu des preuves bien favorables à l’accufé ; & dans l’état
D
�26
de la procédure , loin qu’il fût arrivé rien de nouveau en
ma faveur, il y avoit un effai de plus qui arguoit de lraude
les pieces remifes par les témoins. Cependant régler à
l ’extraordinaire fur des accufations aufli miférables , c'eût
été trop
abfurde ; civilifer paroiifoit trop inconféquent.
D ans cette pofition embarraiTante, quel parti prendra le
tribunal des monnoies d’A ix ? O n ne s’y attend pas. L e
novembre 1 7 7 3 , il rend un jugement interlocutoire,
qui ordonne, « que le procès fera jugé en l’état; à l’effec
»
»
»
»
de quoi les parties donneront , fi bon leur femble , leurs
requêtes à fins civiles , ôc que Pierre Hugues comimin iq u e r a dans trois jours fes requêtes de plainte & en
continuation d’information, enfemble le verbal <X’accedit,
» aux accufés ; pour ce fa it , ou à faute de ce faire, être
» par lui ordonné ce qu’il appartiendra >-.
C ’eft-à-dire ,
que ce jugement
civilife
&
ne civi»
life p a s , qu’il réglé à fins ci vi l es , pour juger cependant fur
le vu de charges qui ne font point communiquées , point
converties en enquêces , fans renvoi à l’audience, fans qu’il
me foit permis de faire la preuve contraire , fans que les
dépofitions des témoins qui reflent au procès aient été
aifurées par le récolem ent, & prouvées par la confrontation,
ou attaquées dans la forme civile par des reproches, com
battues par une contre-enquête, fans même que je connoiiTe
ces t é m o in s , que je fâche feulement leur nom.
A la fin, tant d’abiurdités & drinjuflices me révoltent. L e
2p janvier 1 7 7 4 . , je fais fignifier à mon accufateur un
a£le d’appel. C e t appel étoit devenu fufpeniif, puifque le
procès étoit civilifé , au moins à la maniéré du juge des
monnoies d’Â i x . Il étoit dautant plus néceflaire ici de lui
�27
donner cet effe t, que par la bizarrerie de l’interlocutoire
dont je viens de rendre compte , je devois être jugé au
civil fur toutes les charges d’une procédure criminelle ,
que mon appel tendoit à faire atinuller*
Cependant le juge des monnoies d’ A ix ne craint point
d’aller en avfnt , quoique la cour fut faifie par l’appel : &
pour compléter fon inftru&ion, il ordonne la vérification
du poinçon de mon pere , fur les deux paires de boucles
d’argenc , & le hochet remis par Hugues lors de fa premiere plainte, c Jeft-à-dire , qu’il finit précifément par où
il devoit commencer. Je n’entrerai dans aucun détail fur
cette derniere opération , dont le moindre vice fut d’être
ridiculement tardive.
L e 13 avril 1 7 7 4., j’obtiens en la cour un arrêt qui
me reçoit appelant ôc ordonne l’apport des charges.
Je le fais fignifier le 10 mai au greffier du tribunal des
monnoies d’A ix ; mais le général provincial venoit de rendre
le même jour fa fentence définitive, qui , « pour les con» traversions commifes par Jean-André-Simon R ives j, con
» p agnon orfèvre, ajjocié au commerce de feu Pierre R ives
»
»
»
»
fon p e r e , maître orfèvre de la ville d’A p t , aux édits
déclarations & arrêts de règlement concernant le titre &
alliage des ouvrages d’orfévrerie , le condamne en 20
liv. d’amende envers le R o i , & en y o liv. de dommages
» intérêts envers la partie civile ; prononce la confifcation,
» au profit de Sa M ajefté, des ouvrages par . lui fabriqués
» & joints à la procédure , & la reilitution envers les ache» teurs, avec inhibitions & défenfes de plus récidiver, à
“ peine d’être pourfuivi extraordinairement, ôc q u i , renou* vêlant les difpofitioos
des ordonnances & arrêts de réD ij
�28
» glement, pourvoit à divers objets de la polrce ôc difcipline
» des communautés des maîtres orfèvres de la province ;
¡0 ordonne en outre 1 impreflion ôc 1 affiche de la fentence ».
T e l eft l’injurieux intitulé de ce jugement qui a été
placardé dans ma ville par un attentat puniflable contre
l'autorité de la cour. J’ai fait conftater l’affiche par un pro
cès verbal du juge ordinaire , & je le repréfente. Autre
ment pourroit - on croire pofiible ce mépris d’un tribunal
fubalterne pour les Magiftrats fuprêmes? J’appelle de fa pro
cédure , & il juge. Eft-ce parce que le procès eft refté cri
m inel, quoique civilifé? il juge ôc il exécute fon jugement.
Eft-ce parce que le jugement eft civil , ôc la matiere provifoire attendu qu’il ne s’agit que du déshonneur de quelques
citoyens ? E t avec qu’elle violence s’eft faite cette exécu
tion !
L e jour même qu’elle
eft renduef
la fentence m’eft
fignifiée à la requête du procureur du R o i ; je réponds fur
le verbal de l’huiiïier par une nouvelle déclaration d’appel,
& j’invite le procureur du R o i à y déférer. Cette réponfe
l ’irrite. Il préfsnte un réquisitoire plein d’aigreur ôc d’anim ofité, par lequel il conclut à ce que le jugement foie
exécuté pour les condamnations prononcées à fa requête,
( ôc ce font précifément les plus flécriiTantes ), à la radia
tion
des termes
prétendus injurieux de ma réponfe , à
des injon£tions contre m o i , avec défenfe de récidiver ,
ôc à raumône.
Un jugement du même jour accueille toute3 ces concluiions, à l’exception de l’aumône, qui eft changée en une
amende de 3 liv. ®
L a fentence définitive s’exécute par les voies les plus
�29
rîgoureufes ; les faifies mobiliaires , la faifie-réelle mettent
le feu dans mes affaires. Une contrainte par corps eft décer
née ; la maréchauifée eft à ma pourfuite : j’aurois été emprifonné , fi je n’avois eu le bonheur d’échapper à fes recher
ches; & j’ignore jufqu’où fe feroit portée la vengeance, fans
un arrêt de la C o u r, qui , « en me recevant incidemment
» appelant, & en adhérant à mes premieres appelations de la
» fentence du 29 novembre 1 7 7 4 , & de toutes les pour» fuites , procédures, & contraintes qui pourroient l ’avoir
» fuivie , a fait défenfes de mettre cette fentence à exécu» tion , ainfi que celle du 1 o mai précédent , & de paifer
» outre aux contraintes qui pourroient avoir été encommen» c é e s , d’attenter à ma perfonne & à mes biens, & de faire
» pourfuites ailleurs qu’en la Cour »,
C e t arrêt m’a rendu le calme & l’efpérance. Je fuis aux
pieds de la Cour*, ma caufe y a été plaidée ; je demande à
mes confeils :
i° . Si je dois me flatter que la procédure dont je viens
de rendre compte , & les jugemens qui l’ont term inée,
feront déclarés nuls.
20. Si je peux craindre quelque condamnation à l’égard
de l'héritier de Hugues.
3 0. Si j’ai droit à des dommages-intérêts.
4°. A l’impreffion ôc à l'affiche de l’arrêt à intervenir.
5 0. Enfin fi je fuis fondé, dans ma demande à fin de prife
à partie contre le Général Provincial & le Procureur du
R o i du fiége des Monnoies d A ix . Signé R
Monfîeur H Ê R A JJ L T
iv es.
Avocat général.
M e D U P O R T D U T E R T R E , A vocat.
B o u r r i c a r t , Procureur*
�C O N S U L T A T I O N .
BTîCONSEIL
L
fouifigné q u i a pris communication
de toute la procédure fuivie contre le fieur R i v e s ,
maître orfèvre de la ville d’A p t , enfemble de fes requêtes
6c demandes en la cour des monnoies, ôc du mémoire
à confulter ci-deifus ;
E stime , qu’il peut compter fur l’adjudication de toutes
fes conclufions.
i°.
L a procédure du juge des monnoies
d’A ix
eft
infettée de nullités dans fon enfemble ôc fes détails.
Une nullité générale fe préfente d’ab'ord, ôc qui feule
doit la faire anéantir ; c’eft celle de la p lainte, qu’on
regarde avec raifon comme la bafe de toute pourfuite
criminelle.
E lle contient une accufation générale ( ôc cette efpece
d’accufation n’etl point admife parmi nous, ) une accufation
générale , intentée par un particulier contre tout un corps
d’orfévres, fans l’apparence même d’un intérêt légal , ôc
à raifon de la perte qu’il, peut eifuyer fur deux paires de
boucles ôc un hochet d’argent, qu’il attribue au fieur R ives
feul. Cette plainte & fes conclufions tendantes à fin de
permiiBon d’informer , ôc de faire ordonner une defcentp
chez tous les orfèvres de la ville d’A p t , ôc dans leur
maifon com m une, ne méritoit pas d’être répondue; il »’y
fivoit qu'un moyen pour donner à la vexation qu’on méditoic
�3i
une ombre de régularité ; ce m oyen, le voici, t e procureur
du roi dévoie prendre la plainte de Hugues pour dénon
ciation , & s’emparer de la pourfuite. L a jon&ion n’étoit
pas fuffifante. C ’étoit à lui f e u l , comme repréfentant le
miniftère p u blic, à fe plaindre , à prouver des contraven
tions qui ne regardoient que l’ordre public t & qui ne
pouvoienc dans aucun cas concerner un particulier ; on
voit au contraire par toys les a&es de la procédure, que
c’eft le nommé Hugues qui ejî toujours qualifié de querellant
en contraventions aux réglemens de l'orfèvrerie ; c’eft à fa
pourfuite ôc diligence que tout eft ordonné,
que tout
s exécute.
important
Cette nullité eft radicale. « Il
eft
» d’obferver, dit la C o m b e , qu’il arrive fouvent qu’un
» particulier , en rendant plainte des faits qui lui font per»formels , comme de voies de fait , injures , calomnie , y
*> expofe fouvent, pour rendre l’accufé'plu« odieux, qu’il fe
» rend redoutable à tout le monde , qu’il a commis des
» voies de fait contre plufieurs autres perfonnes, dont il y
» en a plufieurs qui en font mortes , qu’il a
commis
» des vols ; le juge donne a&e d’une pareille
plainte ,
»
»
»
»
permet d’en informer,
faits à la requête de la
nul : il fau t en pareil
plainte , permette au
informe confufément de tous ces
partie civile ; ce qui ejl abfolument
cas que le juge donne adte de la
plaignant de faire informer des
*> faits de fa plainte qui le concernent feulem ent, & qu’il
ordonne qu’à l’égard des autres faits y portés , il en fera
» informé à la requête de la partie publique.
E t la raifon
* fur laquelle eft fondé ce p rincipe, fe trouve dans une
» autre remarque du même auteur : » C ’ejl que toute parïie- •
» civile
doit avoir fon intérêt, dans.
Vaccufation quelle
�32
» pourfuit, £• quelle ne peut la pourfuîvre que par rapport
» à fon intérêt pécuniaire, ou à une réparation de l ’injure
» qui lui a été faite, ôc qu’il n’y a que M M . les procureurs
» généraux, les procureurs du roi , ou les procureurs
» fifcaux, auxquels feuls il appartient d’accufer ôc faire les
» pourfuitespourla vindicte publique.» O rq u el dtoitl’intérêt
de Hugues ? La reftitution de ce quJil avoit payé de trop
fur deux paires de boucles ôc un hochet, eu égard au défaut
du titre, & en le fuppofant; la réparation d’ un pareil dom
mage ne poüvoit aiTurément donner lieu à une pourfuite
criminelle, même contre celui qui avoit vendu ces ouvrages,
à plus forte raifon contre tout un corps d’orfévres; ÔC
l’étendue de l’accufation eft ici ridiculement difprç>portionnée
à l ’intérêt de l’accufateur. L a plainte eft donc radicalement
nulle; fa nullité entraîne celle de tout ce qui l’a fuivi.
N ous n’entrerons point dans un plus grand détail fur les
nullités particulières, il faudroit faire un volume. T ous
les a£tes de
grofliéres. Il
féparém ent,
qu’ii ne s’y
la procédure en offrent de palpables, de
n’en eft peut-être pas un feul qui examiné
ne mérite d’être anéanti; trop heureux lorfrencontre qu’un feul vice. Ces nullités ont
été développées dans la plaidoierie; elles font indiquées
dans le mémoire à confulter ; elles feront relevées par
M . l’avocat général ; & le compte qu’on pourrait en faire
feroit trop m inutieux, trop pénible , ôc trop dégoûtant.
L a fécondé queftion n’offre pas plus de difficultés. A
quel titre le fieur R ives pourroit-il effuyer quelques con
damnations envers l’héritier de Hugues fou accufateur ?
D ’abord , de quoi feroit-il tenu envers lui ? D e la reftitutiôti
du prix des boucles ôc du hochet d’argent, ôc des dom
mages
�33
mages-intérêts ? maïs il faudroit pour cela qu’il fût conf
iant que ces ouvrages ne font pas au ticre. O r l’elî'ai
qui en a été fait efi; nul , 6c comme faifant partie d’ une
procédure infe&ée d’une nullité générale
& ■■comme
ctant l’ouvrage d’un ièul eifayeur, qui a négligé de décrire
fon p rocédé, de pefer les pieces ,
d^éhôhcsr ; d£'-quel
poids d ’efiai il s’ctoit fervi. Enfuite -à quel
fieur Rives pourroit-il devoir quelque chofe à Hugues le
fils? Ce n’eiï pas en qualité d’héritier : il a renoncé à ' i a
fucccffion de ion pere par atte mis au greffe de la "judicature royale d’A p t, le 10 février 1774' . O n né prétend ,
ou du moins on ne prouve pas qu’il s’y foit immiicé%
ni qu’il ait fait aucun afte d’héritier. Il ne l’eft donc, pâ^ ;
il ne doit donc rien à ce titre? Sa qualité de donataire
contra&uel ne l’oblige pas davantage. L ’article 17 de
l ’ordonnance de 1734. lui donnoit la faculté de fe tenir
aux biens exiftans lors de la donation, en renonçant5 atx
biens acquis poftérieurement, pour fe décharger des dettes
de ce dernier temps. L e fieur R ives l’a fait. L a donation
eft antérieure de plus de fept ans à l’accufation de Hugues.
Il ne pouvoit donc être tenu envers Hugues comme do
nataire. Il ne l’eft pas davantage comme aifocîé, ni civile
ment , parce que cette fociété n’étoit point une véritable
fociété de commerce , dans laquelle le fils eût un droit
connu qui l’obligeât envers ceux qui faifoient des affaires
avec fon père. L a fociété de bénéfices à laquelle il eft ad
mis par fon contrat de mariage, eft un pacte entre le pere
& le fils , qui ne regarde pas les étrangers. C ’eft un efpèce
de forfait pour le prix de la collaboration à laquelle le
fils s engage. C Jeft fon pere qui refte le maître, le maître
�34
abfolu, & qui gouverne à fon gré la maifon, le com m erce,
la boutique, l’atelier. C ’eft donc à fa fucceflion vacante
que lefieur Hugues doit s’adreffer, s’il a quelque reftitution à
prétendre. L e fieur R i v e s , en vertu de cette fo c ié té , fi
improprement n o m m é e, ne peut non plus être obligé ex
deliâo. E t où feroit la preuve de cette fociété de délit ?
D ans fon contrat de mariage ? Cette idée eft trop bizarre
pour mériter une réfutation. D ’ailleurs la participation aux
bénéfices du commerce n’a point changé les rapports de
maître à compagnon qui exiftoient entre les fieurs R ives
pere ôc fils ; car la maîtrife eft incommuniquable. O r le
compagnon n’eft jamais refponfable des défauts de fabrica
tion , du mauvais ufage que le maître peut faire du poinçon,
des contraventions aux réglemens qu’il peut commettre*
A i n f i , fous aucun rapport , le fieur Rives n’eft obligé en
vers l’héritier de H ugues, ôc n’a lieu de craindre aucune
condamnation.
C ’eft Hugues le fils, au contraire, qui lui devroit desdommages-intérêts, puifqu’il a repris en cette qualité fur
l ’appel en la Cour. Mais où trouveroit-il de quoi fatisfaire à cette condamnation ? Fils d’un banqueroutier, il
n’a recueilli que ce procès dans l’hérédité
de fon pere.
Heureufement qu’il_ a des coobligées folidaires, ainfi que
nous allons le prouver dans un moment.
Ces dommages-intérêts feront très-confidérables , fi on
les proportionne au tort que cette odieufe procédure a
fait éprouver au fieur R ives ; la fufpenfion de fon admiffion à la maîtrife, l’interruption ôc la ruine prefque to
tale de fon com m erce, les coups portés à fon crédit ôc
à fon honneur, par des décrets ôc des condamnations fié-
�trliTantes, les dépenfes énormes que lui a nécefTairemene
occaiionnées une affaire qui dure depuis fi iong-temps.
Nous ne parlons pas ici des tourmens , des inquiétudes ,
des anxiétés cruelles qui font la fuite infaillible de .toute
accufation, quelque injufte, quelque abfurde qu elle pyiiïe
être. Ces maux-là ne s’eftiment point.
L a juflice n a qu un feul moyen d’effacer la trace des
humiliations ôc de l’efpèce
opprobre dont les Miniftres
fubalternes ne couvrent que trop fouvent l’innocence ; c efl:
de la proclamer avec le plus grand éclat ; c ’eft de multiplier,
d’éternifer, par rimprefTion de fes arrêts, la preuve de. la
juftification de celui qui fut accufé ôc condamné injuftement ; c’eft , par la publicité de l’affiche, d'avertir les
citoyens qu’ils peuvent rendre leur eftime ôc leur confiance
à l’homme que les pourfuites calomnieufes ôc téméraires
d’un ennemi , la prévention ou l’ignorance d Jun premier
juge avoient défigné à l’opinion publique comme un cou
pable. Cette efpèce de réparation fera d’autant plus fûrement accordée au Heur R i v e s , que le Tribunal des monnoies
d’A ix n’a pas craint de faire imprimer ôc afficher fon juge
ment , malgré les appels interjetés en la C o u r , ôc un arrêt
qui ordonnoit l ’a p p o r t des charges, ôc qu’un injurieux pla
card retrace fans cefle aux yeux des concitoyens du fieur
Rives le fouvenir ôc de l’accufation ôc des condamnations
dont il a été l’objet. Il faut donc que le monument de fa
juftification foit auffi public que celui qui fut deftiné à per
pétuer la calom nie, ôc que l’arrêt à intervenir couvre la
la fentence du Tribunal des monnoies d’A ix.
Ainfi nous croyons que ces trois points, la nullité de
procédure, les dommages-intérêts, rimprefTion ôc l’affiche
E ij
�36
de larrêt ne peuvent ¿prouver aucune difficulté. Mais
quel doit être le fort de la demande en prife à partie formée
par le fieur R ives ? C ’eft la cinquième ôc derniere queftion
qui nous refte à examiner.
; I l faut convenir que ces fortes de demandes réuffiifenî
rarem en t.
C ’eft une voie extrême , un recours extraordi
naire, qu’on peut même appeler une forte de fcandale pour
la juftice, & que les Tribunaux fuprêmes n’admettent qu av e c une grande répugnance.
t
« C ’eft une maxime conftante, dit L a C o m b e , que les
» Juges ne peuvent pas être condamnés en leur nom aux
» dommages-intérêts des parties , pour fimple contraven» tion aux édits £c déclarations du R o i , commife par pure
» inattention, & même par pure inexpérience & défaut de
» f c ie n c e , s’il n’y a de leur part du dol , fraude, ou con» cuffion , à moins qu’il ne s’agiife de certaines contra» vendons pour lefquelles les Juges font expreifément
» aifujettis par les ordonnances âux dommages & intérêts
» en leur nom ».
Il eft vrai qu’il met fur le champ une reftri&ion à cette
maxime trop favorable a l’impéritie &
•
« A m oins, ajoute ce
» contravention
ne foit
à la
négligence.
criminalifte, que la fraude &
fi notable , iï confidérable ,
fi
» manifefte contre le fens commun , & fi affe£tée qu’on
» ne puifie pas préfumer qu'elle foit exempte de dol &
7> de fraude.
. Cette derniere partie de la décifton de L a C o m b e ,
reçoit une application directe à l’efpece de la caufe ; àc
quand il en auroit eu les détails fous les yeux, il n'auroit
pu mieux cara&érifer les contraventions qu’ils préientenc.
�37
Eft-il effectivement une contravention plus notable, plus
confidérable que celle qui fe perpétue depuis le com m en
cement jufqua la fin d’une procédure, qui n’eft qu’un long
enchaînement d’inepties & de nullités ?
En eft-il de plus manife/le contre le fens commun, que
de permettre d’informer fur une plainte qui n’offre pas un
intérêt de 50 fo u s; que de p ern ^ ttre, pour un pareil
in térêt, à un particulier d’informer contre tous les orfèvres
d’une ville , & de le revêtir ainfi des fondions du miniftère
public , que d’ordonner enfin une information fans qu’il
y ait de corps de délit.
Efl>il pofïible d’imaginer des contraventions plus affectées,
que la converfion en décret d’ajournement perfonnel, d’un
décret d'affigné pour être ouï qui n’exifte plus, que le
monftrueux interlocutoire par.lequel il eft ordonné qu’un
procès dans lequel il exifte des informations décrétées de
décrets rigoureux fera jugé en l’é ta t, & qui en permettant
de conclure à fins civiles, ne renvoye pas à l’audience,
ne convertit point les informations en enquêtes,
& les
laiffe fubfifter comme charges , pour juger fur leur vu &
derapport. Q ue dire de cette fentencedéfinitive, donttoutes
les difpofitions , toutes ! font abfurdes, ou Iniques, eu nulles ;
qui porte des condamnations d’iipices fur une affaire jugée
au criminel , & qui n’a pas été inftruite par récolement
& confrontation ; qui vife la plainte en fubornation de
témoins , l’information fur cette plainte, & ne ftatue point
fur la fubornation, & c . & c .
*
Un autre cas de prife à p a rtie, fuivatit le même L a
C o m b e , eft celui où un juge informero i t , f i n s un corps de
délit confiant, fu r un fa it qui ne fer oit pas certain. O r ici
�33
le fait principal de la premiere plainte , c r o i e n t les con
traventions & les fraudes habituelles des orfèvres de la
ville d’Apc , dont le juge n’avoit pour garant qu’un ban
queroutier qui commence fa plainte par mentir à la juftice,
en a llé g u a n t des pertes effuyées dans un commerce qu’il
ne faifoit plus. L a preuve de ce fait confiftoit dans les
paires de boucles d’argent, & le hochet dont le titre nétoit
point vérifié. Il n’exiifoit donc point de corps de délit ;
la permiflion d’informer donne donc ouverture à la prifts
à partie.
L a partialité évidente du juge eft encore un moyen de
prife à partie; & il eft un de ceux défignés par cette
formule
pour ainfi dire , facramentelle en cette matière
ob gratiam , inimicitias aut fordcs. O r on peut dire que toute
l ’inftru&ion eft, pour ainii dire, empreinte de ce fentiment.
Toujours favorable à l’accufateur , quelque injuftes quelque
abfurdçs que foient fea demandes, le juge les accueille
toutes, la partie publique riempêche , le général provincial
ordonne; en deux mots, voilà l’analyfe de la procédure. L es
permiiïions d’informer , lesdefcentes dans le plus fcandaleux
appareil, les décrets, les a£tes les plus illégaux , les plus
repréhenfibles ne coûtent rien à fa complaifance ; il précipite
ou ralentit, au gré du banqueroutier H ugues, la marche de
la procédure.
S ’agit-il des fieurs R ives ? on faifit le poinçon du pere ,
ceft-à-dire qu’on l’interdit de fait avant môme qu’il exifte le
moindre indice de contraventions de fa part. O n fufpend
pendant deux années la réception du fils ; on répond à fes
plus juftes remontrances par des réquifitoires
outrageans
& des condamnations féveres ; fon recours aux juges fu-
�3P
prêmes eft une rébellion qu’en punit par les contraintes les
plus violentes." L a partialité n’e ft-e lle pas manifefte ? &
ce troiiieme moyen de prife à partie n’eit-il pas de la plus
grande force?
Enfin le cinquième & dernier confifte dans l’attentat à
l’autorité de la Cour.
Si un ju g e , obferve encore la C o m b e , avoit attenté à l'au
torité de la Cour en paffant outre au préjudice des défenfes à
lui fignifiées à fon greffe , il feroit fujet à la prife à partie.
L e mot de
ne doit pas être regardé comme reftrei-
gnant la prife à partie à ce feul cas. C ’eft l’attentat à l’au
torité de la Cour qui efl le m otif de la décifion du jurifconfulte. E t n’eft-ce pas y avoir aiTez audacieufement attenté,
que d’avoir paiTé, au jugement au préjudice d’un appel que
la civilifation , quelque imparfaite qu’elle fû t, avoit rendu fu£
penf i f ? que d’avoir fur-tout procédé à l’exécution, au mépris
d’un arrêt qui recevoit l’appellation & ordonnoit l’apport
des charges, & à l’exécution de la partie de la fentence dont
les fuites étoient le moins réparables.
C e moyen a peut-être encore plus de force contre le
Procureur du R o i que contre le Général provincial. Indé
pendamment de ce que cet officier , créé pour le procès , a
confenti , approuvé par fes conclurions toutes les demandes
du fieur Hugues ; q u e , loin de s’oppofer à cette inftru&ion iï
contraire aux réglés de l’ordre judiciaire^, dont il étoit conftitué momentanément le défenfeur & le gardien , il l’a confacré par fa préfence ; c’eft lui qui a provoqué l’exécution
illégale & oppreifive du jugement définitif, qui l’a pourfuivi
avec une.animofité , une violence qui a trop rappelé au
fieur Rives le fouvenir de.leurs anciennes inimitiés*
�4°
Nous cro y o ns , d’après ces ob fervations, que le fieur
R ives eft bien fondé à demander la prife a p a rtie , & que
cette branche de fe s co n clu fions fera adoptée par la Cour. Sans
cette reffource il n’auroit aucun dédommagement à efpérer
de quinze années de vexations & de fouffrances. Son adverfaire eft notoirem ent infolvable. L e ju g e , le procureur du
R o i du fiége des Monnoies d’A ix fe font obligés folidairem ent avec lui par leur mauvaife conduite , & il eft jufte
d’humilier l’ignorance préfom ptueufe, ou de punir la préva
rication.
D élibéré à Paris , le 7 mars 1 7 8 7 . D u
Hardouin
de
la
D e l’imprimerie de D
T e r t r e ,
Reynnerie,
emonville
, rue Chriftine, 1787.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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Factums Vernet
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Description
An account of the resource
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Rive, Jean-André-Simon. 1787]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Hérault
Du Port Du Tertre
Bourricart
Du Tertre
Hardouin De La Reynnerie
Subject
The topic of the resource
procédure criminelle
juge des monnaies
banqueroute
orfèvrerie
société de bénéfice
métier
droit écrit
récusation de juges
transport sur les lieux
perquisition
jurande
fêtes votives
contrats de mariage
experts
nullité
procédures
monnaies
Description
An account of the resource
Mémoire à consulter et consultation pour le sieur Jean-André-Simon Rives, maître orfévre de la ville d'Apt en Provence, appelant ; Contre le sieur Hugues, fils et héritier de défunt Pierre Hugues, vivant, se disant maître orfévre en la ville de Marseille, ledit Hugues fils procédant sous l'autorité de son curateur, intimé.
Consultation.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Demonville (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1787
1765-1787
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
40 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_V0107
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Vernet
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Apt (84003)
Marseille (13055)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
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banqueroute
contrats de mariage
droit écrit
experts
fêtes votives
juge des monnaies
jurande
métier
monnaies
nullité
orfèvrerie
perquisition
procédure criminelle
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récusation de juges
société de bénéfice
transport sur les lieux
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5b7fa196b0efcb7209a23386424ceeb3
PDF Text
Text
m ém oire
P O U R le Sieur Abbé B R U N , Auteur
de l’Ouvrage intitulé, le Triomphe du
Nouveau Monde
CONTRE
Le R. P. M O I S S E T
,
Supérieur-Général
de la Congrégation de l ' Oratoire.
A PARIS,
D e l’im prim erie de la V e u v e H é r i s s a n t , rue N e u
tr
o
veN
D a m e , à la C r o ix d’ or.
M.
D C C.
L X X X
�t
D E S
I^ É G L E M E N S &
a
b
l
e
M A T I E R E S .
Bégime de tOratoire ,
. . .
. Page
4
Conduite & Travaux de L'Abbé B run, pendant Les doii{e
années qu il a paffêes dans FOratoire....................................... c>
Extrait fommaïre du Triomphe du Nouveau Monde.
. . .
17
Ü Abbé Brun vient à Paris pour faire imprimer fon Ou
vrage. Accueil qu'il reçoit du P. Moijfet & de fon Confeil. . . 19
Le Triomphe du Nouveau Monde paroît. Commencement
de la perfêcution....................................................................... ; 2.3
Suite de la perfêcution. Le P . Moijfet v i f te la Maifon des
Vertus. Violences & Excès commis contre CAbbé Brun,
par ordre du P . Moiffet. . .
i
L'Abbé Brun perd 17,700 liv. de Billets de Caiffe d'E f-
18
compte, un Manufcrit, des Lettres, ù c..................................... ^ l
Les Réclamations de tAbbé Brun déterminent un ordre
¿exclu (ion................................... ......................... .....
37
VAbbé Brun rend plainte. Procédures. Contre-Enquête du
P . Moiffet...................................... ..... ............................................. ......
Moyens de L'Abbé Brun.......................................................... .....
.
45
Origine du Defpotifme dans t Oratoire.
Elévation du P. Moiffet.................................................................... 46
Nature du délit du P. Moijfet.
‘
............................................. .........
Indemnités auxquelles le P. Moiffet doit être condamné. . . .
55
Les Témoins du P. Moijfet font récufés........................................ 76 .
Premiere Objection................................................................................ S’o
Seconde Objection..........................................................
gp
Troijieme Objection.......................................................
^
Quatrième Objection..............................................
Cinquième Objection...............................................
^
Calomnies contre le Triomphe du Nouveau Monde. . .
Tout t Oratoire ejl intéreffé à ce que FAbbé Brun obtienne ‘
jujlice & vengeance........................................................
no
'
7
�M É M O I R E
P O U R le Sieur Abbé B r u n , Auteur de
l'Ouvrage intitulé : L e Triomphe du Nouveau
Monde ;
le Révérend Pere M o i s s E
C O N T R E
Supérieur-Général de la
l ' Oratoire.
'
O
..
,
-
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r."
T ,
Congrégation de
.
-j.:
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•
■
•
-
•
•
N a vu long-tem ps en France deux C orps E c c lé -
fiaftiques fuivre des principes totalem ent oppofés , &
afpirer au m êm e b u t , à cet empire que d onnen t toujours
le refpect , l’eftime & la confiance.; D a n s l’u n l e d efpo-
tifm e le plus abf olu favoit infpire r à fes M em b res l’ac
t i v i t é , l’é n e r g i e , l’e n th o u fiafm e qui rendent capable de
t o u t ; dans l’a u tr e , la liberté a produit de grands hommes
& de grandes vertus» L ’u n & l 'a u t r e ch argé de l’important
A
�emploi de l’éducation p u b liq u e , a f o r m é , dans l’élite de
la N ation c o n f i é e à fes f o i n s , ÔC des fujets pour le per
pétuer , & des amis pour le défendre & le protéger :
tandis q u e l’ un embraiToit l’univers dans fes vaftes pro
jets , à l’ exécution dcfquels il marchoit d’un pas rapide
fous les livrées de la Religion , & à l’ombre des lauriers
qu’il cueilloit
dans
les champs
de l'érudition ,
des
fcicnces & de la littérature ; l’autre , moins am bitieux
peut-être, mais aufli jaloux de gloire , oppofoit à fes
envieux & à fes e n n e m is , la réputation méritée de M a ll c b r a n c h e , de Senaud , de M orin , de Maifillon , de M a fcaro.n, de Ueynaud , de l’A m i , de T h o m a ifin , de Juenin j de Q u e f n e l , de Soanen , d’Houbigham , & c . L ’un
fe croyoit inébranlable depuis la chute de P o rt-R o y a l;
l’autre , en s’appuyant
fur les débris de cette célébré
M a i f o n , avoit acquis de nouvelles forces. M a lg ré fes
triomphes 8c fes fu c c è s , la Société des Jéfuitcs a fucc o m b é , elle n’eft plus : la C ongrégation de l'Oratoire
fubfifte encore ; mais elle n’a plus de rivaux. Ne pourroit-on pas lui appliquer ce mot prophétique d’un ancien
R om ain : L a ruine de Carthage entraînera la dejîruclion de.
R o m e : &. ce m ot célébré ne fqra-t-il pas une prédidBon
prête à s’accomplir pour l ’O r a to ir e , fi les Supérieurs m a
jeurs de la C o n g r é g a t io n , oubliant les principes Sl les
maximes fous l’influence dcfquels tant de grands hom m es
fe fon t formés dans fon - fein y y. fubftrtuent le defpotifm c dtëftru&euF des J é f u k e s , ôc l’eiprit de minutie ,
peut-être utile dans la folitude du Cloître 3 mais certai
nement nuifible dans un Société favante ?
Si ce" malheur arrivai« à* 4’O c a t o ic e , fi l\ m
de fes
�3
'
M e m b r e s , injuftement o p p rim é , v e n o i t , dans nos T r i
bunaux , réclamer fa fortune anéantie &i fon honneur
com prom is par un coup d ’a u to r ité , également contraire
à nos loix civiles &
au régim e de la C on grégatio n ; fes
plaintes devroient être accueillies; les M agiftrats verroient
dans cet événem ent un C it o y e n à v e n g e r , & i ’ordre 8c
la réglé à rétablir ou à co n ferv cr dans un C o r p s , qui ,
jufqu’à p ré fe n t, a été utile à l’E g life &c à l’E t a t , & qui
ceiTeroit b ie n tô t de l'ê t r e , s’il s’écartoit d e l ’efprit de fon
régim e.
C e t événem ent eft arrivé. L ’A b b é Brun a vu difpar o î t r e , dans un in fta n t, fa fortune & fon état ; pour
le p e rd re , on a foulé aux pieds les droits de l’H o m m e ,
du C i t o y e n , de l’O ratorien. Q u e l eft celui qui s’eft permis
ces excès? L e G énéral de la C o n g r é g a t i o n . . . . . . . .
A ce
n o m les efprits fon t étonnés ; on fe rappele I â g e , F cxp é r ie n c e , la dignité de l’adverfaire de l’A b b é B r u n , &
on fe d em and e : C o m m e n t le C h e f vénérable d ’un C o rp s
célébré peut-il avoir des torts auffi graves vis à-vis d ’un
de fes C o n frè res ? M a is les p r é e m p t io n s qui peuvent
s’élever d ’abord en faveur du Pere M o i f f e t , ne d oiven t
point faire pencher la balance de fon côté , fi l ’on veut
bien réfléchir que q u a tr e - v in g ts années de travaux &C
m ê m e de vertus, ne m ettent point la vieillefTe qui c o m
m ande , à l ’abri de cet efprit de d om ination , qui e x i
geant une obéiflance a v e u g l e , trouve des délits ou des
crimes à p u n i r p a r - t o u t où il cro it éprouver la plus l é
gère réfiftance ; àc que l’on p e u t , quoique courbé fous
le poids des a n s , d o n n er 8c faire exécuter des ordres illé
g a u x , violons 5c Injuftes.
A ij
�4
A v a n t d’entrer dans le deta.il des faits de cette étoirnante affaire, on croit devoir donner une idée du gou
vernem ent 8c du régime de l’O ra to ire ; on croit auffi
devoir faire connoître l’A b b é Brun : par-là on jugera des
droits d ont jouiflent les Oratoriens dans leur C o n g r é
gation , 8c fi l’A b b é Brun a mérité qn’on les violât en
vers lui.
Pour bien connoître l'état 8c le régime de l’O ratoire y
on ne peut mieux faire que de confulter les loix qui lui
o n t donné l’exiftence eccléfiaftique 6c civile.
S u i v a n t la Bulle. d’I n ftitu tio n , donnée par Paul V y
le i o M ai 1613 , l’état de la C o n g ré g atio n de l’O ratoirc cft purement Eccléfiaftiqu e, Séculier 8c Sacerdotal ;
fes M embres ne peuvent être liés par aucun vœu : Q uod
Congregationis Oratorii J . Ch. D om ini nof in quee merè
Secularis
exiftit , proprius & ejfenùalis ftatus f it merè
Ecclefiaflicus 6 Sacerdotalis, ac Sacerdotibus & ad Sacerdotium afpirantibus , nullo atitea voto adjîriclis, conflare
debeat.
Innocent X , dans le B r e f qui a fixé les Statuts fo n
damentaux de l’O ra to ire , dit : Ite m , quod nulli in d iclâ
Congregatione votum folem ne utcumque Religiofum emittere
Itceat : ipjaque Congregatio h quocumque votum fimplex
exigere non pojtfit.
L es Lettres-Patentes du 14 Janvier 1 6 1 9 ( ï ) ,
qui
( 1 ) Ces Lettres-Patentes n’ont été enregiftrées qu’au Grand-Confeil. C e t enregiftrement, dans un Tribunal qui n’a point de territoire, & qui n’e f t , à
�aiïurent à la C o n g ré g a tio n de l'O ratoire l ’cxiilcncc c i
vile parmi nous , portent 3 « qu’attendu que ladite Con~
” grégation n’eft point une religion form ée ,-ain s f e u
» lem en t une C o m p a g n ie de Prêtres aiToeiés pour louer
« 8c fervir Dietr,, & s’employer à toutes œuvres de cha
is r ite , piété èc d é v o t i o n , te fervir plus faintement &:
« utilem ent en 1 E g life de D ie u ...... ; ils peuvent libre
» m ent
tenir tous les Bénéfices y C harges & D ign ités
« Eccléfiaftiques....., de la m êm e maniéré q u ’en jouiflenc
« & ufent tous les autres Prêtres du R oyaum e ».
» C e tte
C o n g r é g a t io n , ( i )
difent fes Réglem ens ,
proprement p a rle r, qu’un Tribunal d’évocation, fuffit-il pour donner, parmi
n o u s, l’exiftence légale à un Corps quelconque ? Quelques perfonnes, qui fe
prétendent inftruites, affurent, q u e , depuis la' deftru&ion des Jéfuitcs, l’O ra
toire a fait enregiftrer fes Lettres-Patentes au Parlement de Paris. Quand cela
feroit v r a i, il ne le feroit pas moins que cette Congrégation n’a e u , pendant
plus d’un fiecle, qu’une exiftence civile très-précaire.
(1) O n appele , dans l’O rato ire, Règkmens, une compilation des décifions
des Aflemblées générales de la Congrégation , imprimée à Paris, chez Lambert
R o u la n t, fans privilege du Roi ni date d’année. Chaque Affemblée générale
peut réformer les décifions des Aflemblées précédentes ; de niJKere qu’il n’y
a rien d e b ien fixe dans le régime. La quarante-neuvieme Aflemblée a fait utl
projet d une nouvelle r é d a ilio n des R é g le m e n s , qui a été imprlnft à Paris en
1 7 7 7 , par ordre du Révérend Pere G én éra l, & envoyé à toutes les Maifons ,
afin que les Députés à la prochaine Affemblée arrivent fuffifamment inflruits pour
apporter leur jugement. C e projet n’a pas encore reçu fon exécution, & l’on peut
dire que même usuellement l’Oratoire n’a point un corps de Réglemens. F.ftil étonnant que le defpotifme s’y foit enfin introduit, fur-tout le Général étant
inam ovible, & ayant à fa difpofition les Supériorités , & autres places des M ai
fons & Collèges?
L Oratoire n a point encore exécuté l’article V de l’Edit de Mars 17 6 8 , qui
ordonne q u e, « par les Chapitres defdits Ordres & Congrégations, qui feronr
�6
» n’étant qu’ une a flfem blée de P r ê tr e s , ou d’Afpirans k
m la P r ê t r i f c , elle ne s’engage p a s , par des v œ u x , à
« o b f e r v c r la. pauvreté, la chafteté, l’obéiffance & les con„ fe ils évangéliques.
« Il a été r é g l é , par les anciens ufages de la C o n g ré » g a t i o n q u ’aufli-tôt après le décès d ’un des P e r e s ,
« Confreres, ou Freresde l’O r a t o ir e , la c le f de fa cham bre
» ou autres qui fe trouvent dans fes h a b its, feront remifes
» entre les mains du Supérieur de la M a i f o n , & qu’in» c o n t i n e n t après fon enterrem ent, s’il eft heure com „ pétente , finon le lendemain m a tin , le Supérieur, a c
» com pagné des plus anciens Prêtres & 'd u Procureur
» ou E co n o m e de la M a i f o n , entrera dans la chambre
« du d é fu n t ,
8c y fe r a , en leur p r e fc n c e , un inventaire
« fommaire de tout ce qui s’y trouvera de m e u b le s ,
»5 livres, (autres que ceux de la M a ifo n ) argent 8c autres
« chofes appartenantes, co nform ém ent au m odele e n
voyé dans toutes nos M aifons. A l’égard des papiers
« ou titres de fa m illes, s’il s’en tr o u v e , ils feront mis
» dans une c a ffe t te , ou dans un fac ou papier b l a n c ,
» à cet effet aflemblés, foient prifes telles mefures & délibérations qu’il ap
» partiendra, pour réunir en un feul corps les Conilitutions, Statuts & R é
» glemens defdits Ordres & Congrégations , à l’effot d’âtre, s’il y éch et, ap53 prouvés par le Saint-Siège, & munis , fi fait n’a é t é , de notre autorité ,
» fuivant les formes ufitées en notre R o ya u m e, & fans qu’autrement il puiffe
» y être fait aucun changement ».
C ’eft au Miniftere Publie à pefer dans fa fagefle, jufqu’à quel point on peut
tolérer, pour l’O rato ire, l’inexécution de cetta Loi. O n obfervera feulement
q u e , dans fon origine, la Congrégation fut toute dévouée à la Cour de Rom e ;
quelle a changé de fyftêmc vers la fin du dernier fiecle.
Ne feroit-il pas à
craindre qu’aujourd’hui elle ne reprît fes premiers erremens ?
�-
7
» cacheté du fceau de la M a i f o n , &
des cachets de
»> ceux qui fe trouvent p ré fen s, pour être o u verts, lus
6c examinés en préfence des parens 8c h éritiers, ou
» de quelques-uns de leurs amis-, ayant d’eux p o u v o ir , à
m
»> q u i fe c o n f o r m e r o n t
les S u p é r ie u r s &
Econom es de
» n o s M a i f o n s , 6c a u r o n t f o i n d ’e n v o y e r au P r o c u r e u r -
>3 G é n é r a l c o p i e d e s i n v e n t a ir e s q u i f e r o n t fa its e n fa
m
f o r m e p r e f e r it e « .
D ’après ces L o ix & ces R é g le m e n s , il cft évid ent que
les M em bres de la C o n g r é g a tio n de l’O ratoire ne f o n t ,
fous aucun point de vue , ni M o in e s , ni R elig ieu x.
En
entrant dans la C o n g r é g a tio n , ils ne fu biflent aucune
efpece de m ort c i v i le , ils ne perdent aucun des droits
de C ito y e n , ils co n ferven t 6c celui de famille 6c celui
de cité ; ils dem eurent capables de poiTédcr, d’acquérir,
de r e c e v o ir,
de recueillir des biens de
toute efpecc.
L ’o r , l’a rg e n t, les effets royaux ou a u tr e s , les m e u b le s ,
les papiers qui leur appartiennent, fon t étrangers à la
C o n g r é g a t i o n ; ôc ils d oivent jo u i r , dans les M a ifo n s
qu’ils h a b it e n t , de toute fu r e té ,
de to ute p rote& ion ,
fo it de la part du C o rp s p articu lier, d o n t ils fon t M em *
b r e s , foit de la part du C o rp s f o c i a l , dont ils n’ont
jamais ceffé de fa ir e p a r tie .
V e u t - o n aftuellem cnt co n n o ître l ’efprit du régim e de
l’O r a t o ir e , ou du moins , celui qui devroit y r é g n e r ;
écoutons BoiTuet : « L e C ardinal de Berullc forma une
» C o m p a g n ie à laquelle il n'a point voulu d o n n er d ’autre
» cfprit que l’efprit m êm e de l’Eglife , d ’autres réglés
» que les C a n o n s , ni d ’autres fupérieurs que les E vê q u e s,
» ni
d'autres biens que la c h a r i t é , ni d ’autres vœ ux
�8
« folemnels que ce u x du Baptêm e & du Sacerdoce : C o m
» ■
pagnic où une iaintc liberté fait le faint engagement.;
.» ou l'on obéit fan s dépendre, ou l'on gouverne fan s com~
» m ander ; ou toute 1 autorité eft dans la d o u c e u r, 8c
» où le rcfpe£t s’ entretient fans Le fecours de la c ra in te ;
» C o m p a g n ie où la ch arité, qui bannit la crainte , opere
» un fi grand miracle , & o ù , fans autre joug qu’ellem m ême , elle f a i t , non-feulem entcaptiver , mais encore
» anéantir la volonté propre : C om p a g n ie o ù , pour for« mer de vrais Prêtres ,
on les mené à la fource de
v la vérité ,
où ils ont toujours en mains les Livres
33 Saints , pour en rechercher fans relâche la lettre par
« l’e fp rit, l’efprit par l’oraifon , la profondeur par Ja
« re tra ite , l’eftimc par la p ra tiq u e , la fin par la charité
»3 à laquelle tout fe te rm in e , & qui eit l'unique tréfor
»3 du Chrifl: ».
» C ette C o n g r é g a t io n , a dit un A v o c a t ^ G énéral au
» Parlem ent de Paris , forme un Corps où tout le m ond e
obéit &c où perfonne ne com m ande ; un fage m élan g e
33 de fubordination
& de liberté diftingué des autres
33 C o rp s : auffi cft-ce le feul où les voeux font in co n n u s,
» & où n’habite pas le repentir ».
A ces tr a its , qui peignent fi énergiquement l’efprit de
1 Inftitut de
1O r a t o n e . q u il nous foit permis d ’en ajou
ter un d e rn ie r, parti d u n e main fouvent fu fp e cte, mais
q u i , fo u v e n t , peint d’après nature: auffi e fl. ce le f e u l
Corps qui ait produit un Philofophe ( le P. M alleb ran ch c).
C e que nous venons de dire fur l’inftitut & ]c régim e
de l’O r a t o i r c , fuffic pour la Caufe. Faifons connoître
^éUicllcment l'H o m m c fur lp front duquel on veu t im
primer
�*
primer le cara& ere du d é s h o n n e u r, après avoir cau fé la,
pert.e de fa fortune ôc de fo n état.
L ’A b b é Brun a reçu dans fes foyers domefti^ues , fous
les yeux p atern els,
fous
la
dire& ion d'un Inftitu-
teur particulier , fa premiere éducation. Il a
fini fes
études jufcju’à la Philofophie inclu iivcm ent dans le C o l
lège des Oratoriens à Marfcille.
Il le publie avec rc-
co nnoiifance ; il trouva dans fes nouveaux M aîtres des
hom m es q u i , par là fageiTe de leur c o n d u i t e , la bonté
de
leur
ca ra d te re , l’étendue
de leurs
c o n n o ifla n c e s ,
étoient bien propres à fécond er le germ e des talens qu’il
pouvoit avoir reçus de la nature. Il répondit à leurs foins ;
fes progrès furent le lien puiflant qui attacha les Maître«
au. difciple & le difciple aux M aîtres.
L e jeune Brun , pailionné pour l’é t u d e , crut q u ’il tro u v eroit le bonheur dans une S ociété où il pouvoit fe li
vrer tout entier à fon goû t dom inant. JÜ afpira à deve
nir le C o m p a g n o n de fes M a î t r e s , ôc à être reçu dans
la C o n g ré g a tio n . P endant les vacances qui fuivirent fon
C ou rs de P h ilo fo p h ie , le P. G a u d ry
alors Supérieur du
C o llè g e de M a r fe i lle , lui écrivoit à ce fujet : « Il n’eil
” perfonne de ceux qui vous connoiiTent qui ne d onne
« la m a i n à v o t r e p r o j e t , & ne ie faiTc un plaifir de
» le favorifer ».
Après huit mois d ’inilitution 3 c ’eit-à d ire , de n o v ic ia t,
T A b b é Brun fut envoyé à C o n d o m & y refta deux ans.
Il y travailla de maniéré à m ériter les éloges de la C o n
grégation 8c des parens des éleves confiés à fes foins.
U n e T h e f e q u ’ il y fit foutenir fur les M a th é m a tiq c s , ôc
q u i eut le fuccès le plus b r illa n t , a n n on ça ce qu^on en
B
'
�I©
devoir attendre !c ce q u ’ il (croit un jour. Sa réputation
le fit appeler k la M a ifo n d’A * , ou ,1 fur chargé d'enfeiener la PhilofopW e à ics jeunes Confrères. L e P. Clufer,
Préfer du C o l l è g e
de
C o n d o m , lui é criv o it, en D é
cembre 1 7 7 6 : “
^u‘s c^iarm ^ CIUC vous r° Y cz contcnt
« à A ix ; & ce qui me fait plaifir , c ’eil qu’on y eft auili
„
c o n t e n t de v o u s , ainfi que le P. S e g o n , (V ifite u r de
« la C ongrégatio n ) me le marque. C on tin u ez , m on
» cher P e r e : a llon s, form ez-nous des fujets conféquens
« & pieux . . . . S oyez ailuré que je fuis toujours votre
« a m i , & que fi l’ occailon fc prëfence, je vous eu don
» nerai des preuves , Sic.
L e C o llè g e des Jéfuiccs de Tournon avoit été donné
à rO ra to ire ; on venoit d’y former une Ecole M ilitaire.
Il falloir des fujets qui puilent faire oublier ceux auxquelson f u c c ë d o it, Sc capables de remplir l'objet du nouvel établiiTcment. L 'A b b é Brun quitta A ix , ôc fut employé à Tournon en qualité de M athématicien Sc de Sous - Principal :
« Je fuis c h a r m é , » lui écrivoit le P. G a u d r y , alors
V ifiteur de la
C ongrégatio n , « que
l'emploi que le
» C o n fe il vous a affigné foic de votre goût. C ’eft à nos
» R R . PP. du C on feil que vous devez vos rem ercîm ens,
« puifque ce fon t eux qui vous ont choifi. L ’e m p lo i, il
v> eft vrai , eft
ciïcntiel ,
fur - tout dans un nouvel
» établiiTem ent, où il s’ agit d ’attirer de plus en plus la
» confiance du Souverain , en nous m ontrant dignes de
» la prote& ion dont il nous honore. C 'e ft déjà une c x
» ccllente difpofition que de fentir l’importance de fes
» obligations
vous trouverez de p l u s , dans le P. Su
ai péricur ( l e P . d ’A n g l a d e ) , 8c dans le grand P réfet de
�»s la Penfion , des confeils & une expérience q u i déter-
« m ineront vos o p é ra tio n s, dans le cas ou votre prudence
« ù votre modeflie vous porteraient a vous défier de vos
» propres lumieres ».
P e n d a n t Ton féjour à T o u r n o n , P A b b é Brun entra
dans les O rd res facrés. C ’étoit un pas qui fut d’autant
plus a g r é a b l e à fes Supérieurs , q u ’il fem bloit promettre
à la C o n g ré g a tio n un fujet qui lui refteroit attaché :
« Je vous fais m o n c o m p lim e n t, » lui écrivoit à cette
occafion le P. J a u b e r, fon ancien D irecteu r d ’inftitut i o n , c« fur votre entrée dans les O r d r e s ; j’en ai une
« véritable joie , perftiadé des difpofitions faintes que
« vous y avez apportées , ô des fervices q u ils vous met
» tront a même de rendre a la C o n g rég a tio n ...............Je
>3 vous recom m and e nos A q u ife x ta in s , &c. ».
L ’A b b é Brun profita
du temps des V a c a n c e s
pour
vifiter les lieux les plus intéreiTans des P rovinces voifines
du féjour qu’il habitoit ;
6c fes Supérieurs fe faifoient un
plaifir de lui permettre ces délaiTemens utiles. E ta n t à
Lyon
le P. B e rth o lca ti, grand P r é fe t du C o llc g e de
Tournon ,
lui d i f o i t , à la fin d ’une de fes Lettres :
A m u fc z - vous le plus que vous pourrez à L y o n : tâm ch ez de r e v e n ir b i e n t ô t ; ne vous preiïez pourtant
« pas : je ne vous prefle de revenir que parce que je
« ferois charm é de vous revoir ,
& parce
que j e fu is
» perfuadé que la penfion ejî intérejfée a votre retour ».
L e P. Bertholeau avoit raifon. L ’A b b é Brun étoic de
la
plus grande
utilité au C o lle g e
de T o u rn o n .
Une
ClaiTe de Phyfique ôc trois C lafles de M athém atiques
par j o u r , rcmpliiToient tout fo n temps ; ce travail étoif
B ij
�fcns cloute pénible ; fa fa n t é ne lui permit pas de le
continuer plus
lo n g
-te m p s : il demanda fon change
m e n t , &c qu’on le rapprochât de la C apitale.
*
L e P. G a u d r y , qu’il pouvoit regarder com m e fon
£ c r e d a n s la C o n g r é g a t i o n , Sc qui étoit devenu Afîiftant
du G é n é r a l , lui envoya un ordre pour aller profeiïer la
P h y f i q u e dans le C o lle g e de Bcaunc. L ’ordre étoit ac
co m p agn é d’une Lettre c o n ç u e en ces te rm e s : « V o u s
*> n ’aurez pas ce pourquoi vous t é m o i g n e z le plus d’in» c l in a t i o n ; il femble p o u r t a n t que vous devez être
« c o n t e n t , puifqu’enfeignant la Phyfique dans un joli
» C o l l è g e , vous pouvez fuivre votre goût pour les M a
>» thématiques . • . . . C o m m e j’cfpcrc que vous vous
» condu irez de façon à être prom u au Sacerdoce dans
» l’a n n é e , il fera aifé de vous procurer une T h é o l o g i e ,,
>J & c . >K
L ’A b b é Brun obéit & fe rendit à Bcaune ; il fut pro
mu au Sacerdoce pendant fon féjour dans cette M a ifo n .
L e P. G audry l’en félicita en ces termes : « Je vous fais
« bien m on compliment fur votre O rd in a tio n , Sc vous
» m 'a ve z fait un vrai plaifir de me l’apprendre; toutes
» les circonftances m*èn ont paru gracieufcs pour vous
» & flateufes pour la C ongrégation : de fi heureux co tn ” mencemens donnent de bonnes efpérances pour l’ave
» nir» Je faifirai avec cmprciTcment toutes les occafions
m de vous être utile
A la même époque , M . TEvêqne de Séncz écrivoit à
1 A b b e Biun . ci M . votre perc cft venu dernièrement me'
» montrer une Lettre de ?,i. votre frere, que j’ai lu e avec
» beaucoup de plaifir ; elle
cil pleine de
fentinnens.
�i3
» Je fuis perfuadé que vous Tentez auflî très-vivem ent
» le prix de fa tendreiTe , & de tout ce qu’il a fait pour
« votre éducation. L es bons témoignages de vos Supé» rieurs fo n t une preuve que vous en ave^ bien profité.
« C o n tin u e z de mériter leur fufFrage , ôc fo y e z perfuadé
» du zele avec lequel je ferai to u jou rs, ôcc. ».
C e fut en 1 7 7 9 que l’ A b b é B r u n faut entièrem ent in
c o r p o r é à la C o n g ré g atio n . L e P. M o i f f c r , S u p é r i e u r - G é
n é r a l, lui en fit p a r t, en lui difant qu’il avoit en fa fa
veur les tém oignages avantageux que tous les Prêtres
des M aifons où il avoit d e m e u ré , avoient ren d u s, de f a
p ié t é , de fa bonne conduite & de f a capacité.
Jufqu’ ici l’A b b é Brun a bien mérité de la C o n g r é g a
tion : on ne peut en douter. C e n ’efl: ni lui ni fon Dé*
fenfeur qui l’a t t e f t c n t , ce fon t fes Supérieurs, fes C o n
frères , fon Evêque. Heureux que les Lettres q u ’il pro
d u it , n ’aient pas été perdues Sc égarées avec les autres
effets qu’ il ré cla m e! M ais il faut le condu ire ju fq u ’au
fatal événem ent qui a d onné lieu à la conteftation a c
tuelle 4 il ne faut pas laiffer à fes adverfaires la foible
rcffource de pouvoir faire m êm e fou p çonner q u ’il fc foit
élevé des nuages fur fa conduite ôc fa régularité tant
qu’il a été dans la C o n g r é g a t i o n .
A B e a u n e , la fanté de l’A b b é Brun s’étoit viiiblemenc
affoiblie. O n ne doit point en être é t o n n é , fi l’on confiderc le travail auquel il s’étoit conftam m ent livré.. Les
vacances étant arrivées, il dem anda qu’il lui fût permis
de prendre quelque repos ; & on lui ailigna la M aiforc
de C lc r m o n t en A u verg n e.
11 ne paila que trois m ois dans cette M a ifo n de repos-
�14
Il y reçut un ordre pour l’E cole-M ilitaire de V e n d ô m e ,
avec u n e L e t t r e du P. d ’A n g l a d c , Afliftant : « Je ne vous
» répéterai p a s , m o n cher P . , lui d i f o i t - i l , ce que je
» m ande au Supérieur au fujet de l ’ordre que
„
nous
v o u s e n v o y o n s , ( q u ’ il rendroit un vrai fcrvice à la
„ C o n g r é g a t i o n : que la Phyfique exp érim en tale, d ont
„ il feroit c h a r g é , confifteroit en deux ou trois leçons
« d\inc heure par fe m a in e , 8c ne formeroit pour lui
» qu’un am ufem ent ) j ’ ajouterai feulem ent que je fuis
» charm é qu e vous ayez un emploi qui eft votre vrai
,1 ballot i car vous avez le goût de la chofe , ô vous fe~
» rc\
cl
même de développer vos idées f u r l'éducation , &
« d’ appliquer votre théorie a la pratique ; ô ce que vous
i» pourre\ écrire dans la fu ite fu r cette matiere , fera d ’au
,> tant plus d ’imprejjion que vous ne parlerez fu r bien des
« p o in ts, qu'après votre propre expérience. L e dix-huitieme
» jour de l'an 1781 , que j e vous fouhaitg ».
V e n d ô m e eft la derniere Maifon de la C o n g ré g a tio n
oii l ’A b b é Brun ait profeffe. Il y donna jo u rn e lle m en t,
pendant un a n , des Leçons de Mathématiques & de
Fortifications : mais les trois mois de re p o s, dont il avoic
joui à C lerm o n t , n’avoient pu fuffire pour rétablir fa
f a n t é , èc
il fe vit forcé d ’interrompre abfolum ent fes
travaux relatifs à l’cnfeigncm cnt. »Sachant qu’on avoit
befoin de Prêtres d a n s pluficurs M a iion s , Sc q u ’ il n’avoit
point encore acquis le droit de fe repofer à l’om bre de
fes lauriers, il pria le C o n lc il de lui aifigner une retraite
où fa fimple qualité de Prêtre le mît dans le cas
de
remplir un emploi. Le P. P o ir e t , A l l i f t a n t , lui fit cette
réponfe : « Le R . P. G énéral & le C o n f e i l , fo n t très-
�M
» feniîbles à votre bonne volonté. N o u s étudierons une
» circonftance favorable pour en faire tifage ,
» rien
8C ne vous:
propofer qui foit au-deffus de vos forces. V o u s
» nous ferez plaifu*, en a tte n d a n t, d ’accepter la Mai fort
» de N o t r e - D a m e de Saum ur: vous pourriez y rendre
» q u e l q u e fervice : vous y ferez b ie n , en bon air. Je vous
« prie de m e dire ce que vous en penfez. Si cette pro
» pofition vous c o n v ie n t , vous pourrez v e n ir , Sc vous
>9 en recevrez l’ordre à Paris ».
Les Magiflxats
6c les L e& c u rs peuvent actuellem ent
apprécier PA b bé Brun. O n voit quelle idée fes Supérieurs
s’en étoient form ée ; on vo it qu’ils le regardoient co m m e
un fujet qui avoit déjà rendu des fervices à la C o n g r é
gatio n ,
8c capable de lui en rendre encore. L a L e ttre
du P. d ’A n g l a d e , qui accom p a gn oit l ’ordre d e f e rendre
à P E co le-M ilita irc de V e n d ô m e , prouve q u ’ on le ju geoit
en état d ’écrire fur des matieres im po rtantes; &
celle
du P. P o i r e t , pour lui p ropofer la M a ifo n de S a u m u r,
m ontre que la C o n g ré g a tio n croyoit lui d evoir
8c des
8c des égards ; 8c il les m éritoit efFeétivem en tp a r ia condu ite 8c fes talenS.
L ’ A b b é B r u n s’écoit égalem ent co n cilié l ’amitié 8c
1 eftim e d e ics C o n f r c r e s . Sa c o r r e f p o n d a n c e épiilolaire
m énagem ens
avec les m em bres les plus d i f t i n g u é s de la C o n g r é g a
tion , feroit trop lo n g u e à rapporter. N o u s n’en rem et
trons ici fous les yeux de nos L e& eu rs que deux L c r tr e s ,
qui p o u rro n t faire juger des autres.
Q u e lq u es mois après fa fortie de V e n d ô m e , le P. B o r
d e s , qui y avoit profciTé la
R h éto riq u e lui écrivoit r
ti P e rm e ttc z -m o i de m ’adrçiTcr à vous pour favoir etes
�1
6
» nouvelles d ’une fa n te * q u i , à la le tt r e , m c i t infini
» mène p r é c ie u f e ; je vo u s félicite de toute m on am e ,
»3 de ce que le C o n fc il vous a enfin accordé ce que vous
„ defiriez..... L a feule c h o fe
qui me p e i n e , c’eft qu’il
»3 n e v o u s ait pas d on n é la M aifo n de Juilly. V o u s au
« r ie z été plus à m êm e de pourfuivre vos utiles recher
» ches..... Q u a n t à moi
>3 Eff i at. . . .
i3 à même de
je fuis fuppléant de penfion à
Je fuis très-fâché de ne pouvoir pas
profiter de vos
avis
être
pour conduire m a
» penfion ; mais fi vos occupations ôc votre fanté vous
m le p erm ettent, vous pourriez y fuppléer un peu par
»3 lettres. V o u s ne fauriez me faire un plus fcnfible plai» iir. Je fuis chargé de quarante-cinq enfans depuis l’âge
»3 de 7 à 8 ans jufqu’à 13 ou 1 4 , Ôcc. »3.
En Février 1 7 8 1 , le P. H ubert écrivoit à l’A b b é B ru n :
« Je fouhaite que votre
fanté fe fortifie, 6c que vo u s
» puifliez reprendre vos tra v a u x , q u i , de quelque genre
» que ce f o i t , ne pourront que tourner à l’avantage de la
»3 Société ôc à l’honneur du C orps 3 par les principes
m qui vous animent. Je n’aurois pas de plus grand plai» fir que de vous
v o ir à m êm e de les
» grand , ôcc. »
appliquer en
'
L ’année fu iv a n te , le m êm e P. H u bert term inait ainfi
une de Ces Lettres : « D o n n e z - m oi de vos n o u v e lle s ,
« 8c de celles de vos p ro je ts, de vos m é m o ire s, & c . il
» cola ne vous fatigue pas, Je fouhaiterois , fi v o u s vous
» déplacez , que vous vouluifiez bien paiTer par V e n »3 d o m e , pour revoir
de braves gens qui fe rappelent
î) avec le plus grand plaifir d avoir vécu avec vous
Les réflexions feroient ici fuperflues, Elles fe préfçntent
d ’ellcs-m êm cs
�T7
d ’elles-mêmes à to u t Le£tcur ja d e Sc impartial. N o u s
nous contenterons d’obfcrver que cette correfpondance
a n n on ce
l’on favoit dans l’Oratôire que l’A b b é Brun
s ’occu p oit de matières importantes ; on favoit qu’il avoit
rédigé à V e n d ô m e des M ém oires fur la légiflation c i
v i l e , la m e n d ic ité , l’é d u c a t io n , & c . &C l’on s’attendoit
q u ’il les réuniroit bientôt en un corps d’ouvrage : on ne
fe trom poit point.
Stationaire à S a u m u r , l’A b b é
Brun y p artagea Ton
temps entre les f o n d io n s eccléfiaftiqucs &
l’étude. C é
dant à l’impulfion g é n é r a le , qui porte les fc ie n c e s ,I e s
lettres & les arts à concourir au bien de l’humanité ,
&
à procurer aux hom m es la plus grande fom m e pof-
iible de bonheur ; il chercha à approfondir ces queftions
importantes de m orale 6c de p o lit iq u e , que toutes les
A cadém ies de l’Europe propofent depuis quelque temps
pour fujets de leurs prix. A n im é de re fp rit qui gu id e
aujourd’hui tous les corps favans , rempli de toutes les
grandes idées que leurs queftions fon t naître , il
form er un fyftêm e g é n é r a l, d on t le développem ent
ofa
Sc
les con féq u en ces préfenteroient la folution de ces m êm es
queftions. Se livrant fans réferve à la plus fublim e des
p a llio n s , a 1 a m o u r de l’h u m a n i t é , il co nçu t un plan
d ign e du vertueux A b b e de S a i n t - P i e r r e , mais plus étendu
& plus détaillé. Il vie dans la découverte de l’ A m é r iq u e ,
2c dans la révolution qui vient de s’y o p é rer, le germ e
d ’une m ultitude de biens 3 & la fource du bonheur de
toutes les N a t i o n s , l’un 6c l’autre fruits du c o m m e r c e ,
q u i , n étant plus concentré dans un feul E t a t , d oit bien
tôt devenir com m un à tous. Mais le c o m m e r c e , fource
C
�xS
intari (Table de richeiTes & d ’o p u le n ce , n’entraîne-t-il pas
néccÎTaircmcnt après lui le luxe , ce fléau d eftru aeu r de
cous les Empires & 'de cous les Etats commerçans qui ont
brillé fucccilivemcnc fur la furfaee du globe ? O u i fans
douce,
le luxe produit cec e flc c ; mais le luxe n’eft la
fuice du co m m erce , il ne devient deftructeur que dans
un E tat qui d’ailleurs a de m aiivaifesloix ou des loix infuffifantes.
Ici l ’Auteur devient légiffatû u r, rien n’échappe à Ton
génie bienfaifant ; Légiflation c i v i le , crim in e lle , fintinciere , eccléfiaftique , com m erçante Sc militaire : to u t
cft tr a ité , tout eft ap p ro fo n d i, ôc prefquc par-tout il propofe des vues nouvelles , des établiffemens inconnus jufqu’à n o u s , q u i , s’ils étoient ou pouvoient être exécu tés,
rameneroient parmi les hommes cet âge
d’o r , regardé
depuis fi-long-tem p s com m e une ch im ere, agréable en
fant de la riante im agination des anciens Poètes.
C e n’ eft point pour un feul p euple, pour une feule
nation que notre A uteur a travaillé. L e Philofophc 8c
fur-tout le Philofop hc chrétien , ne fe borne
point à
vouloir verfer le bonheur fur une feule portion du genre
humain ; fon cœur lui répète fans ccffe : N i h il humani
à me alienum puto. Il ne s’arrête que Iorfqu’il ne trouve
plus d’hommes à rendre heureux. S on zele ne co n n o ît
d autres limites que celles de l’univers.
Ainii a penfé l’ A b b é Brun en propofant à tous les Etats
chrétiens réunis dans une unité de d o & rin c & de cro y a n ce
religieu fe, opérée par les décifions d’un C o n c ile œ c u m é
nique , une confédération générale qui produiroit une
paix perpétuelle ; confédération à laquelle les
nations
�19
-
inchrctiennes feroient invitées , &
à laquelle l’A u tcu r
penfe qu’elles accéderoient infenfiblement , lorfqu’clles
connoîtroient les biens & les avantages qui en réfultent
pour ceux qui en fon t membres. L e com m erce feroit le
lien puiiTanc qui
les u n iro it, 5c qui leur apporteroit la
p a i x , le ch riitianifm e, & par co n féq u en t le bonheur.
Il ne nous appartient point d ’affigner la place que doit
tenir dans le m ond e littéraire POuvrage de l’A b b é B r u n .
N o u s n’en avons parlé que parce qu’il étoit nécellaire d ’en
donner une idée pour inftruire nos Lecteurs du genre de
perfécution que l ’Au teur éprouve. Q u e quelques perfonnes
p e n fe n t , q u e , co m m e Platon & M oru s ,
il s’eft q u el
q uefois perdu dans, l’immenfité de fes fpéculations ; que
les efprits légers ou attachés fervilem ent aux idées an
cie n n e s , le relèguent dans la cia île des rêveurs avec
l ’A b b é de Saint-Pierre & le M aréchal de V a u b a n ; il ne
peut qu’être honorable d ’êrre aiTocié aux Auteurs de la
R é p u b liq u e , d e l ’U topie , de la Paixperpécuelle , de l’im
p ô t u n iq u e; & il n’en fera pas moins vrai que celui qui
confacre £c. Ces veilles 6C fes travaux à l ’utilité du genre
h u m a in , ne peut ctre qu’un hom m e c f tim a b le , Sc cet
h o m m e c i l c e r t a i n e m e n t l’A b b é B r u n .
/
Le
Triomphe du Nouveau
M onde ( c ’cil Je titre de
l’O u vrage d ont on vient de préfenter un léger e x tr a it)
étant a c h e v é , l’ A b b é Brun s’occupa du foin de le donner
au P u blic. Il crut qu’il trouveroit dans la Capitale & des
confeils plus éclairés , & plus de facilité pour Pimpreiïion ,
que dans la Province. En c o n fé q u c n c e , il demanda au
Général de la C o n g ré g atio n la pcrmiflîon de venir à Paris,
C ij
�%o
L ’ A b b é Brun reçut , à A n g e r s , une Lettre du Pcre
Poiret Affiftanr, d a t é e du i8 Juin 1 7 8 4 : il lui difoit : « L e
» R P . G énéral s’efl: chargé de répondre à la demande
>s que vou s faites ; mais il me femble que pour Yaccé» lérer , vou s auriez fagement fait de vous expliquer
„ fur la nature de vos affaires. J'apprends avec un fe n » Jîble plaijîr que vous jo u ijje ^ d ’une meilleure fa n té ;
« vous pouve^ en faire ufage pour le bien de l ’ E g life Ù
» de V E tat ».
C e tte
Lettre n’annonçoit
aucune répugnance de la
part du G énéral ôc du C o n f c i l , d ’accordcr la permiffion
de venir à Paris. Elle étoit même une nouvelle preuve
de la confidération
dont l ’A b b é Brun jouifloit auprès
des Supérieurs majeurs 'de la C on grégatio n , 6c qu’ils
continuoient à le regarder com m e un hom m e q u i , par
fes talens , pouvoit être égalem ent utile à l ’Eglife 6c à
l’Etat.
-
L ’A b b é Brun déféra au confcil du P . Poiret. Il écri
vit au P. G é n é r a l,
5c lui rendit compte du genre d’af
faires qui Pappeloicnt à Paris. Il attendit quinze jo u rs ;
8c n’ayant point reçu de r é p o n fe , il prit ce filcnce pour
un eonfentem ent tacite , & il arriva à la M aifon de
Saint-Honoré.
L accueil qu’il y r e ç u t , fut une Lettre du P. Poiret qui
lui difoit : « V o u s ne recevr ez de téponfc du T . R . P.
» Général , que lorfquo vous ferez de retour à Saumur.
» A in fi vous ne po u ve z loger à S ai nc -H on or é ».
O b fervons que cette Lettre ne difoit pas ; On vous
ordonne de retourner a Saumur ; mais vous ne recevrez
�21
la permijjîon
de loger h Saint-Honoré que
lorfque vous
fe r e { de retour a Saumur. C e qui cft bien différent : l’un
eue été une défenfe de refter à Paris ; l’autre écoic fe u
le m en t un re fu s de lo g e m en t dans la M a ifo n de SaintH onoré. L ’ufage co n fia n t de journellem ent pratiqué dans
la C o n g r é g a t io n cil que les Oratoriens , avec la feule
permiflion ou agrém ent du Supérieur de la m aifon de
leur ré fid en ce, peuvent venir à Paris pour leurs affaires;
mais pour être logés dans les M aifons de P a r is , ils o n t
b efo in de la permiiîion du C o n fe il.
R etourner à Saumur pour obtenir l’agrém ent d’o c cu
per une chambre dans la M a ifo n
de S a in t - H o n o r é ,
c ’c ft-à -d irc , faire environ cent cinquante lieues ,
étoir
une condition dure à propofer , & difficile à accepter.
Si le Pere Poirer a eu le courage de la p r o p o f e r , P A b b é
Brun n’eut pas celui de l’accepter. A l'imitation d ’une
fou le de fes C o n fr è r e s , il fc logea en chambre-garnie.
C e d éfagrém ent , le premier qu’il ait reçu dans
la
C o n g ré g a tio n , fut com p cnfé par les tém oignages d ’a m i
tié , dont fes C onfrères le com blèrent dans les M a ifo n s
de Saint M agloire Sc de P Inftitution, qu’il vifita
quem ment.
fré
C ette pofition défagréable pour un h o m m e d ’é t u d e ,
accoutumé à la retraite Si à une vie ré g u liè r e , ne dura
qu’un mois.
L e Supérieur &
les Prêtres de la M a ifo n
des Vertus à Aubervilliers , proche Paris , fe firent un
plaifir d’attirer parmi eux l’À b b é Brun. L e G énéral &C fes
AiTiftans en furent inftruics.
Prefquc hon teux de leurs
procédés , ils prom irent de lui donner un ordre pour
�cette M aifo n au premier travail qui fe feroit pour les
places.
C
-ridant l’A b b é Brun s’occupoit de Ton objet im-
'
t a n t , que ces tracaiïeries ne lui firent point perdre
de v u e / H avoit confié Ton manuferit à pluficurs Orato rie n s,
Vertus.
8c notam m ent au Supérieur de la maifon des
11 en avoit engagé plufieurs autres à l’exam iner;
mais ils le refuferent. Il ch erch a hors de l’O ratoire des
lumieres. Il s’a d r e ffa à plufieurs hom m es célébrés , qui
tous j u g è r e n t l’O u v ra g c très-in té refla n t, 8c digne d’être
Hvré à Pimprcffion.
H ne balança plus à demander un
C c n fe u r ; 8c celui qui lui fut nom m é par le M a g ift r a t ,
donna une A pprobation motivée , auffi flateufe pour l’ A u tcur qu’honorable pour l’O uvragc.
A la vue de cette Approbation 6c du Privilege qui en
fut la fuite ,
le P. Général
8C fes Afliftans devinrent
plus traitablcs. L 'A b b é Brun eut la permiffion de venir
occuper une cham bre dans la M a ifo n de S a int-H o noré,
pour être plus à portée de veiller à l ’impreifion de fon
Ouvrage.
Prévoyoit-il l’orage qui viendroit bientôt foudre fur
lui ? N on , fans doute !
Il étoit convaincu que fi le
Triomphe du Nouveau M onde n’avoit pas le bonheur
de plaire au Public par le ftyle 8c par les objets n ou
veaux qu’il lui p r é fe n t o it, il feroit du moins à l’abri de
to u t reproche du côté de la R e lig i o n , des M œ urs 8c du
G o u v e r n e m e n t . Il ne croyoit courir d’autre danger que
celui de fe vçir dans la foule des Auteurs dont la vie litté
raire ne compte que quelques inftans entre la naiiïance
�*3
Sc le tofnb<?au ; il étoit bien loin de foupçonncr qu’il
dût jamais Ce trouver dans celle des Auteurs pcrfécut é s , Ôc fur lcfqucls la calom nie ÔC le fanatifmc verfent
leurs noirs poifons.
M a is il s’eft t r o m p é ; quoique l’O u vrage ait paru fans
n o m d ’A u te u r , quoiqu’à chaque feuille qui fortoit de
deiTous la prefle , il ait tout fait poiu- engager fes C o n
freres à lire ôc corriger les épreuves ; ou ne lui a fu gré
ni de ce qu’il avoit gardé l’anonym e , ni de la foum iffion ôc de
la déférence d on t il avoit d onné tant
de
preuves. E t , fans égard ni pour fa p e r fo n n e , ni pour les
fervices qu’il a rendus à la C o n g ré g a tio n , on le d énonce
ôc aux T rib u n a u x ôc au Public , com m e A u te u r d ’un
O u v ra g e infâme s égalem ent contraire a la R eligion &
à la fûretè des R ois ( i ) .
O n veut faire frapper fa tête
innocente , ôc des foudres de l’E g life ôc du glaive du
Prince , ôc par-là on ch erch e à co lorer ôc à co n fom m er
la plus injufte ôc la plus odieufe des vexations.
L e Triomphe du Nouveau M onde é toit imprimé ,
ôc
paroiiloit depuis quelques jours > lorfque le Pere G énéral
m anda l’A b b é Brun ; c ’étoit un M ardi 1 1 A v r il de l ’an-
( 1 ) Ces expreflîons ont été employées fan s m énagem ent, dans une Requête
lignifiée au nom du Pere M oiflet : on en a fait retentir la Salle d’Audience
du Châtclet. O n a voulu foulever la Sorbonne, mais en vain.
On a cherché
à exciter le Miniitere Public contre un O uvrage qui a paru fous la fan&ion
du G ouvernem ent, & qui ne refpire que la v e r tu , la Religion & le bien de
1humanité.
Les dénonciateurs n’ont pas été écoutés. O n a menacé l’Auteur
d un coup d autorité ; mais il a prévenu fes délateurs, & l’on n’a pas attenté
à fa liberté, comme ils le deüroient.
�i4
née iyS f» Aiïifté cîc ion C o n f c i l , pour rendre la c h o fe
plus foiem neU e, le G énéral lui déclare que n’étant point
de la M a ifo n , il doit la quitter au plutôt ; PAbbé B r u n ,
moins étonné de l’avis que de l ’appareil
avec lequel
on le d o n n o i t , fe permit quelqués réflexions. Prenant
la parole pour le G é n é r a l , le Pere d’A n g la d e répond ,
N ous n avons pas befoiti de motiver notre conduite, Q u ’op-.
pofer à un
pareil axiom e ?. L ’ A b b é Brun n’entrepric
p oint de le com battre ; il fe contenta
d’expofer m o-
deftement au P. G é n éra l que les affaires pour lefquelles
il
avoic
bien voulu
lui permettre de demeurer dans
la M a i f o n , étant fur le
point
d’être terminées , rien
ne l’a rrêtero it, & qu’il n’avoit qu'un t o r t , celui de s’être
laiffe prévenir ? M ais quand partirez-vous , reprend lo
P . Poirct ? Je ne puis avoir l’honneur de vous dire le
jour : cela dépend un peu des perfonnes avec lefquelles
j’ai à traiter ; & vous favez qu’^ Paris les affaires — - «
T o u t cela cft bon.
Il y a des hôtels garnis.
Q u a n d l’autorité s’exprime ainfi t il faut fe réduire
au iilencc. L ’ A b b é Brun alloic fe re tirer, lorfqu’on lui
fit lire un écrit portant ordre de fe rendre à fa maifon de
repos à S a u m u r.------? Après ce que je viens d ’avoir l’h on
neur de vous d ir e , cet ordre eft au moins inutile. Pour
quoi vouloir me faire pafler pour réfra&aire , quand je
déclare que je veux obéir? U n ordre par écrit n ’eft néç c ih ir e que lorfqu’on méprife un ordre verbal. Q u i peut
»m’avoir mérité un traitement aufli d u r? O n p r é te n d , dit
$}lors le P« Ç e n e r a l, que vous avez fait un Ouvrage rempli
4 'horreur. ,
�M
d'horreurs, de chofes infâm es.L ’avcz-vous l u , m on R é v é
rend Pere ? N o n . -------C o m m e n t donc pouvez-vous nie
co n d a m n er fans m ’avoir entendu ? N ’eft-ce pas m e co n
dam ner fans m ’entendre que de m e condam ner fans me
lire ? M o n Livre n’eft point tel que vous l’a peint l’ign o
rance ou l’envie. J’en ateefte ceux de nos Peres qui l’ont
e x a m i n é en manuferit : j ’en attefte celui que le G o u v e r
n e m e n t a nom m é pour le cenfurer : j’en attefte mes meeur?
Si ma conduite dans la C o n g ré gatio n pendant d o u ze ans;
& plus que tout c e l a , ma co n fcien ce q u i , en me difant
q u e je ne fuis pas infaillible , m e dit en m êm e-tem ps que
je fuis incapable de produire ni des chofes infâmes , ni
des horreurs. A u fu r p lu s , vous vou lez que je quitte cette
m aifon. Je la quitterai. E t co m m e je ne dois pas vous
d é f o b é i r , vous ne p o u v e z , ni d ’après le droit des gens ,
ni d ’aprçs le régim e de la C o n g r é g a tio n , me refufer le
co u rt délai que je vous demande.
C e tte icene fe paiîbit le mardi n
Avril. L e vendredi
fuivanc 1 5 3 l ’A b b é Brun , étant au réfe& oire & à table ,
le P. G audry lui apporta un papier écrit ; c’étoit un dupli
cata de l’ordre , d o n t on lui avoit fait le£turc le mardi
p r é c è d e n t . C e duplicata fuppofoit une défobéiflancc ob ftinée d e la parc d e l’A b b é Brun : O n ne r é itè r e un o r d r e
que lo rfq u il a é t é d ’a b o r d re je té o u m é p r if é . L ’A b b é
Brun n’ étoit pas dans ce c a s , puifqu’il co n fcn toit à re
tourner à Saumur. Il crut devoir s’expliquer de nouveau
avec le Pere G é n é r a l , & chercher à. le convaincre qu’on
fe t r o m p o it, ou qu’on fe ig n o it de fe tromper fur fes fentimens & fes difpofitions. Il ne reçut pour réponfes que
ces paroles menaçantes : S i vous ne partes inceffammeht,
D
�zG
vous recevrez quelqu*'ordre encore plus defagreable...... J e
vous donne 24 heures pour déloger. Avife^-vous de reficr
plus long-temps !
_
C e la n g a g e d o i t , fans doute , paroîtrc incroyable dans
la b o u c h e d u C h e f d’une S o c ié té , o ù , félon B o flù e t, on
obéit fan s dépendre, ou Von gouverne fa n s commander.
M ais ce qui va fuivre eft encore moins croyable 3 &C cepen
dant eft: prouvé juridiquement.
V in g t quatre heures étoient le feul délai accordé à
T A bbé Brun pour déloger, félon la noble expreflion du
Pcre Général. Faire fes m a lle s , raflemblcr fes e ffe ts , fue
le feul parti qui lui reftât ; il fortit triftement de la mai
fon , fi l’on peut être trifte en quittant le féjour du defpotifme.
L ’A b b é Brun pouvoit refter à Paris en chambre garnie,
fans que perfonne eût à fe plaindre ; le Pere i'oiret lui
avoit même indiqué cette marche. Mais il préféra de fe
retirer aux V e r t u s , où on lui avoit confervé fa chambre
dans laquelle il avoit plufieurs de fes effets. Il en inilruific
le Général ôc fon C o n f e i l , par une lettre qu’il laiiTa pour
Je Pere P o i r e t , abfent de la M a ifo n au m om ent de fon
départ.
'
L ’A b b é Brun obéifîoit aux ordres qu’il
avoir
reçus ;
iî
n’y contrevenoit point en allant faire une courte réfidence
à la M aifon des Vertus , parce que les délais pour fe
rendre à Saumur ne lui étoient point fixés ; 8c qu’il pou
voit m êm e s’abfenter de S a u m u r , avec la permiffion du
Supérieur de cette M a ifo n , & féjourner dans toute autre
de la C ongrégatio n , avec
à l’cxception de celles de
l’agrément du Supérieur
Paris-
local,
�*7
Pou r fc mettre parfaitem ent en r é g l é , il demanda au
Supérieur de Saumur la permiflion de refter encore quel
que temps a b f e n t , en lui rendant compte de tout ce qui
venoit de fe paiTer. Sa Lettre étoit accom pagnée d’un
exemplaire du Triomphe dy. Nouveau M ond e , 1e tout pa^r
la pofte & franc de port (i). L e Supérieur des V e r t u s ,
& tous les M em bres de la M aifon le revirent avec plaifir. Il devint leur coop érateu rd ans le fervice de la P a reille.
E t il crut fa tranquillité ailurée par une L ettre du Pere
P o ire t, qui m andoit qu’on p ou voit le garder dans la m a ifo n
en qualité de penfionnaire.
L ’orage avoit cefle de gronder fur la tête de P A b b é
Brun. Mais
cet a x io m e
m e u rtrie r,
nous n'avons pas
befoin de motiver notre conduite : cet ordre defpotique : j e
vous donne vingt - quatre heures pour déloger ; Avife^-vous
de refier plus long-tem ps, retentiiToicnt toujours à fes
oreilles.
Il ne
fut plus étonné que la Bleterie
(a)*
( 0 Le Pere du V iv ie r , Supérieur de Saum ur, répondit : fans refufer la
permiifion que lui demandoit [l’A bbé Brun , il le remercia de l’attention qu’il
avoit eue de lui envoyer fon Ouvrage ; & après lui avoir fait quelques obfervations Tliéologiques pleines de fagefle & de m odération, il finit fa lettre en
difant : » Peut-être n’ai-je pas bien faili votre penfée : je n’en ferpis pas étonné ,
» n ayant e n c o re jeté qu’un coup-d’œil fuperficiel fur le corps de l’Ouvrage.
J» Cependant j en ai a lle z v u p o u r être en état d ’a flu re r que vous avez une
» tete capable de combiner les objets les plus multipliés y de rapprocher les
» idées qui paroiflent les plus difparates, & d’exprimer avec énergie le réfultat
» de vos profondes méditations ».
( a ) La dix-huitieme & trentieme AiTemblées générales de la C ongrégation,
ont défendu à fes Membres , fous peine d’exclufion , de porter perruque. L’Abbé
de la Bleterie en avoit befoin d’une , les Statuts y réfiftoient. O n chercha ^
éluder la Loi en lm permettant une perruque de laine. Il en voulut une de
ch eveux, & il quitta la Congrégation. Croiroit-on que la quarante-cinquieme
A em
e a ftatu e, « qu’il appartiendra au C o n feil, après l’examen qu’il aura
D ij
�z3
Papon ( t ) , C o u r n a n d ( 2 ) , & tant d’autres; euflent quitté
la C on grégatio n . Il réfolut de les imiter. E t il s’occupa
du foin de fe m é n a g e r une retraite honorable en fe pro
curant un écabliffement. C ’efl: à quoi il employa la fin
d’A v ril & tout
courant de Mai. 11 touchoit au m o
m e n t de réalifer fes p ro je ts , lorfqu’un événem ent trèsextraordinaire, dans la fo c ié té c iv ile , ¡k. inoui dans l’O ra
t o i r e , vin t les renverfer. R em ettons-le fous les yeux de
nos L e & e u rs , tel qu’il fe trouve conftaté par une procé
dure juridique.
.
Le D im a n c h e 29 M a i , TAbbé B run c é lé b r a , en
1ac
quit de la ParoiiTe, les Saints Myftercs dans l ’E glife des
j> fa it, tant de la légereté ou gravité des infraûions, que du befoin réel ou
» fpécieux qui les auroit occafionnées, de prononcer fur la fufpenfion ou appli
» cation de la peine portée p a r le Statut, au fujet des perruques. » Règlement
de 177 7 , pag. 44, Ainfi , même aujourd’h u i, une perruque peut être un motif
d’excluiîon contre un Oratorien. Et c’eft en 1777 qu’on n’a p a s , comme on
auroit pu , ofé réformer un pareil Statut..
( i) . L ’Abbé Papon, Auteur de \'Hi(loire de Provence, en arrivant à P aris,
trouva à la barriere un Exempt de Police qui lui fignifia une lettre-de-cachet,.
portant défenfes à lui d’aller loger dans la Maifon de Saint - Honoré. Cette
Maifon peut loger cinquante perfonnes.
11 n’y
a pas a&uellement douze Prêtres
qui l’habitent. Ils ne peuvent pas même deflervir l’Eglife , puifqu’on falarie jour
nellement des Prêtres Irlandois, pour y célébrer des Méfiés. Pourquoi le cheflieu dune Congrégation aulTi célébré, eft-il défert ? Le defpotifme aime-t-il 1^folitude , ou la folitude. n’éft-elle que l’effet du defpotifme ?'
(2.) L ’Abbé de C ournand, aujourd’hui Profefleur au Collège R o y a l, égale
ment connu dans la carriere de l’éloquence , & dans celle de la poéfie , &. dont
le poëme fur le fty le , eft m is, par nos Littérateurs, à côté de celui des ’ Jardins ,
par l’Abbé de Lille , n’a jamais pu obtenir la permiflion de loger à SaintH o n o ré , quoiqu’il prêchât fouvent à Paris.
Il réfidoit
aux V ertus , il y
éprouva des défagrémens d’une efpece finguliere ; on lui refufoit jitfqiiaux ali—
mens qu’on trouveroit chex des anachorettes, des œufs durs,
�z'9
Vertus , & y fit, aux e n fa n s , l’inftru&ion qu’on appele
eatéchifme.**!! alla , le jeudi fu iv a n c , à M a rin e s, m aifoiï
de la C o n g r é g a t i o n , pour y pafler quelques jours avec
des amis qu’il y avoit. L e vendredi fu iv a n t, 3 Juin, le Pere
Général vint aux Vertus pour y faire fa vilîte. Le lende
main 4 ( ici nous n’emprunterons que les expreffions
des t é m o i n s juridiquement entendus ) entre huit 6c n e u f
h e u res, il a mandé le Frere A ntoine , lui a ordonné d ’aller
chercher le ferru rier, £c de l’em m ener avec lui. L e Frere
A n to in e y e i l allé fans favoir pourquoi ; l’à e m m e n é , &
Ta dit au Pere G énéral j qui lui a répondu d’aller voir le
Pere Supérieur , £c de faire ce qu’il lui diroit. Il y eft
allé ; Sc le Pere Supérieur lui a dit que le Général vou loit
qu’on ouvrît la cham bre d\i Pere Brun , 5c qu’on en retirât
tous les effets qui lui a p p a rte n o ie n t, pour les dépofer
chez le portier de Ja M a ifo n . Il a accom pagné le fer
rurier devant ladite porte : celui-ci Pa ouverte devant lu i,
8c s’efl retiré. L e Frere A n to in e eft enfuite allé c h e rc h e ry.
de la part du Pere G é n é r a l , le Frere Portier 8c le Frere
S a crifta in , qui fon t m ontés avec le petit Sacriftain ; alors
ils fo n t entrés tous quatre dans la cham bre du P. B ru n ,
8c en ont emporté tous les e ffe t s , des liv r e s , brochures
papiers, qu’ils ont pofés fur une table à la porterie.
D ’abord ils ont defeendu les effets qui étoient en évi
dence , 8c ceux qui étoient dans une armoire ouverte.
Il y avoit une malle fort lo u r d e ; le Frere A n to in e en a
trouvé la c le f dans la poche d’ une vefte , & il l’a ouverte.
Elle s’eft trouvée pleine» Elle renferm oit beaucoup de
papiers 8c de brochures ; tons trois o n t retiré partie de?
effets qui étoient dans ladite malle
6c les ont poféss à*
�3o
t e r r e , & ont d efeend u la malle chez le Portier. Succeffiv e m e n t, Us on t ouvert les armoires avec les clefs qu’ils
ont trouvées. Fouillant dans les a rm o ire s , ils en ont ôté
les effets , & les ont auifi defeendus chez le P o r t ie r , avec
ce u x qui avoient été retirés de la m a lle , & les ont pofés
fur une table. Dans le même m o m e n t , ÔC toujours d’après
les ordres du Pcre G é n é r a l, le Frere Sacriftain a ôté du
lit du Pere Brun , les matelas &c draps, qu’il a tranfportés
dans une autre cham bre , parce qu’on vou lo it qu’il la
trouvât vuide en arrivant. Entre le premier & le fé co n d
matelas , il a trouvé des papiers qu’il a porté* à la
porterie.
L e Pere Supérieur, en paffant dans un c o rrid o r, a vu
les trois Freres de la M a ifo n dans la chambre du Pere
Brun , qui faifoient des p aqu ets, & les a entendus faire
plulieurs voyages ; & ayant apperçu dans le corridor le
petit Sacriftain , il lui a dit d ’apporter dans ia chambre
tous les livres appartenans à la M aifon qui fc trouvoient
dans la chambre du Pere Brun ; ce qu’il a fait.
V e r s m id i, le Frere A ntoine cfl: de nouveau allé cher
cher le ferrurier, de la part du Pere G é n é r a l, pour mettre
à la porte du Pere B r u n , une plate-bande de f e r , qui y
a été pofée avec quatre vis en bois.
L es effets de J’A b b e B r u n font ainfi reilés expofés à la
porterie , c’eft-à-dire , dans un lieu public , les uns remis
dans la m a lle , les autres reftés d e flu s , & recouverts d’une
couverture de laine.
C etoit le fa m e d i , 4 Juin , que fe paiToit cette brik*
lante expédition. L e lundi fu ivant, 6 du même m o is , fur
Je$ représentations faites au Pcre G é n é r a l,
les p eres
�3*
de la M a ifo n 3 il envoya le P e rc N a u , Ton Aiîîftant de
v i i î t e , ordonner au Frere A n to in e de rep o rte rje s effets
du Pere Brun dans fa chambre. En conséquence , le m êm e
j o u r , on a ouvert la chambre du Pere B r u n ; 8c co m m e
on n’avoit pas le te m p s, on n’a reporté lefdits effets que le
lendemain mardi. Alors les trois Freres ont encore ou
vert la malle , l’ont vuidée , 8c m ontée dans la c h a m b r e ;
&. tous les effets du P e rc Brun fon t reftés épars fur une
co m m od e , fur une t a b l e , 6Le. Enfuite ils fon t fortis de
la c h a m b r e , 6C en ont tiré la porte qui eft reftée fermée
au dem i-tour. N ou s répétons encore ici que tout ce récit
eft tiré m ot à m ot des dépofitions de témoins juridique
m ent entendus.
Pendant toutes ces feenes o d ie u fe s , l ’A b b é Brun étoit
à M arines , M aifon de la C o n g ré g atio n , au milieu de fes
confreres 8c de fes amis ; il y attendoit tranquillement la
fin de la femaine , pour retourner aux V e r tu s y prendre ce
qui lui étoit néceifaire , 8c venir à P a ris, le vendredi fuivant , terminer définitivement l'affaire de fon éta b liffement.
L e jeudi au foir il arrive aux V e r t u s , fe rend au réfec
toire , y foupe 8c m o n te enfuite à fa cham bre ; trouve la
porte prefqu’o u v c r te , quoiqu’ il l’eût fermée à double tour ;
voit tous fes effets bouleverfés, épars çà &c là fes livres ,
fes papiers, fes vêtemens pêle - m êle , 8c tout dans la
plus grande confufion. Il voit que les armoires ont été
o u v e rte s , ainfî que fa m a l l e , qu’on a tout f o u i l l é , tout
re n v e rfé , 8c que rien , en an m o t , n ’eft dans l’état où
il Tavoit laiifé en partant pour M arines.
Il a peme à en croire fes yeux j mais enfin la chofe eft
�31
-trop frappante p e u t qu’il en p u iflï douter. Il court chex
le Pere Supérieur , lu i dem ande ra.fon d un événem ent
dont il ne peut m ê m e foupçonner la caufe.
L e P S u p é r i e u r , embarraflfé des queftions de P A b b é
Brun
c o m m e n c e par s’e x e u f e r , en l’aflurant qu’il n’é -
coit point l ’auteur de ce qui s’étoit pafle ; que tout s’ét o i t fait par les ordres du P, Général ; & il r a c o n t e , en
peu de m o t s , les détails qu’on vient de donner. M a i s ,
m on P. , j’étois ici de votre confentem ent ; le Supérieur
de Saumur ne s’ y oppofe point; vous avez m êm e une
Lettre de l’ AÎfiftant de votre département , qui vous
m a r q u e que vous pouvez me garder com m e P e n i i o n n a i r e .
V o u s n’avez donc pas fait valoir toutes ces raifons ? ----- J’ai
to u t d i t , tout fait valoir ; mais inutilement. O n n’a m êm e
arraché la plaque de fer attachée à votre porte , on n’a
rapporté vos effets dans votre ch am b re, que fur les plus
vives inftanccs des P P . de la M aifon , & fous la promeffe qu’ils ont donnée de vous déterminer à la quit
ter in ccfla m m c n t,— — A h ! m on Pere , je la quitterai.,...
JVIais mes e f f e t s ..........J’ en ai d’im portans, de précieux.
S ’ils font perdus ou égarés a qui me les rendra ?
L ’A b b é Brun quitte le Supérieur, revoie à fa ch am
bre. Ses premicres recherches portent fur une armoire ,
où jl avoic dépofé pour 17,700 liv. en billets de la caiffe
d’efeompte 6c une fomme en or & en argent b U n c : il ne
retrouve ni fes billets ni fon argent.
,
A u i ï i - t o t il envoie chercher le Frcre A n to in e , qu’il
fait avoir préfidé aux deux exécutions.
C e Frere refufe
de venir. L 'A b b é Brun va lui-même le prier de lui don*ncr quelques lumicres fur la maniéré dont fes effets o n t
été
�33
éré replacés ; il en reçoit pour route réponfe : Tout ejl
dans votre chambre ; elle n e j l pas f i grande
què vous
ne puiffie£ a vous f e u l tout retrouver. \Jn autre F re re , q u ’il
r e n c o n t r e , répond «à fes plaintes : J e n’ai agi que par
les ordres de votre M aître ô du mien. P e u t - o n attendre
autre ch o fc des inftrumcns du defpotiftne ? ne font-ils
pas Toujours bas ôc infolens ?
T o u te s ces fcencs fe pafloient le jeudi après fouper.
L a nuit s’avançoit ; il falloir que l ’A b b é Brun fe rendît
le lendem ain à Paris , de très-bonne heure ; il n’eut d o n c
le temps que de faire des recherches précipitées. L e m êm e
foir , en préfence des PP. Caiîins & le L o n g , il retrouva
un carton dans lequel il ten oit fon argent blanc ; cette
découverte pouvoit en faire cfpércr de plus importantes :
fes C o n frè res préfens l’entretinrent dans cet efpoir. F lo t
tant entre Tefpérance & la crainte , il ne ceiîa de dire
q u ’il ne retrouvoit point des objets de la plus grande im
p o rta n c e , &: qui lui étoient ab fo lu m en t néceffaires pout
ion rendez-vous du lendem ain.
L ’A b b é Brun ne s’expliqua point dans ce premier m o
m en t fur la nature des objets qui lui m aiiquoient ; une iagé
p o l i t i q u e l’cxigcoir. S ’il recouvroit fes b ille ts, il eût été
imprudent d in f tr u ir e t o u t e la M a i f o n de l’état de fa fo r
tune ; s’il ne les recouvroit pas, il étoit toujours à tempâ
de déclarer fes p e r te s , &; de prendre les m oyens n é cef
faires pour les réparer.
Il fe rendit le le n d e m a in , v e n d r e d i, à . P a r i s , & ne
co n fo m m a point l'affaire qui P y amenoir., n’ayant pas
les fonds qu il y avoit dcffcinés, 6c fans lefqucls elle ne
E
�34
pouvoic Ce terminer : c ^ c
Tant..
renvoyée au lundi fu i-
<
D e retour au x V ertu s , il ne s’occupa qu’à remettre*
de l ’o r d r e dans fes effets bouleverfés. 11 vu id a deux facs
de n u it , dans l’ un defquels il retrouva un étui de miroir,,
o ù étoient quelques doubles louis. C e t étui 8c la caiTetteà l’argent blanc é t o i e n t , avant l’expédition du P. G é n é
r a l, dans là m êm e a r m o ir e ; mais les billets ne paroiffoient p o in t, non plus qu’un M a n u fcrit auquel il attachoit le plus grand prix. I l em ploya à fes recherches une
partie du v e n d r e d i, mais elles furent toutes inutiles pelles
fervircnc feulement à le convaincre que le plus grandJ
défordre avoit préfidé aux diverfes opérations co m m an
dées par le G é n é r a l,. 8c exécutées par les Freres de la
M a ifo n . C e qui étoit dans la malle avoit été remis co n fufém ent dans les armoires ; 8c c e qui étoic dans ces ar
moires avoit été replacé pêle - mêle , partie dans la
m a lle ,
partie dans les facs de nuit. D es papiers , des
Lettres , des Livres en grand nom bre étoient entaifés
fu r le ca rre a u , il étoit néceifaire d-’examiner to u t picce*
par piece ; les billets pouvoient avoir été é g a ré s ,
8c fc
trouver parmi quelques papiers ou dans quelques L iv res:
il falloir certainement plus de temps pour cet e x a m e n ,,
qu’il n’en avoit fallu aux Miniftxcs du Pere G én éral
pour exécuter fes ordres vexacoires
mais l’événem ent
de cette perquifition paroiffoit avec raifon devoir être in
fructueux à celui à qui il caufoit tant de p ein e s , lorfqu ’i l
faifoit tant attention à la
maniéré
dont to u t
s’étoit
pailé , aux trois jours entiers pendant lcfqucls fes effets
�35
étoicn t rcftés expofés dans un lieu p u b lic , co m m e la
porterie ; 6c que , pendant le refte du t e m p s , la porte
de fa chambre étoic reftéc «\ demi-ouverte.
D a n s cette cruelle p e r p le x ité , l’A b b é Brun annonça
au Supérieur des' V e r t u s , & à fes C onfreres , q u ’il ne
pouvoit quitter la M a ifo n aufli - tôt qu’il l’auroit d é lir é ,
q u’il fa llo i r , avant t o u t , qu’il f î t un inventaire exa£t
de tous fes e f f e t s , ce qui ne pouvoit être l ’ouvrage d’un
j o u r , & qu’on ne pouvoit lui refufer les-délais* fuffifans
pour une ch ofc de cette im portance.
Il ajouta que , fi ,
d ’un côté j il a vo it retrouvé quelques objets fur Icfqucls
il avoit eu d ’abord de l’in q u ié tu d e , il étoit juftement
alarmé fur d’autres infiniment plus précieux qui lui manquoient.
L e lendem ain , famedi 3 l’A b b é Brun dit hautem ent
q u ’il alloit à Paris pour dem ander des confeils fur fon
affaire , qui paroiffoit prendre un carailere grave , &C
pouvoit avoir des
fuites férieufes , fi on ne vouloir lui
rendre ju ftic c , lui faire retrouver fes e ffe ts , & réparer
les d om m ages Si l’injure qu’on lui avoit to u t à-la-fois
fait cfT u ycr.
Paris , l’A b b é B r u n vit pluficurs de fes a m i s } leur
raconta fa trifte a v e n t u r e , &c la p e r t e de fes billets de
A
C a i f f e , de fon M a n u f c r it, & c . Ils en furent indignés. Il
s’adreffa à des gens inftruits de nos L o ix , & f a i t s , par
é t a t , pour guider les citoyens dans des circonftanccs
f e m b l a b le s à celles où il fc trouvoit. Ils lui confcillcrcnt
de rendre plainte fur l’ouverture forcée de fa c h a m b r e ,
l’enlcvem ent de fes effets , Sc les pertes qui en étoient la
fuite ; ils lui dirent qu’au m oyen d’une i n f o r m a t i o n , il
E ij
�36
acquerroit des connoiflànces qui pourroient donner des
lumières fur l ’od ieu x traitement q u ’il avoit re çu , 6c que
du moins on conftateroit légalem ent quel étoit celui qui
en étoit l’a u te u r, 6c qui étoit refponfable des fuites 6c de
l ’événem ent de fes ordres.
S ’il eût été queffion de s’adreiïcr à quelqu’A cad ém i
cien , ou à quclqu’h om m e de Lettres , l’A b b é Brun n’eût
point été embarraiTé ; mais c ’é toit un CommiiTaire au
C h â rclet qu’il lui fa llo ir, & il n’eu connoiiïbit point. O n
l’adrefïà à M c C h e n o n ; il y en a deux de ce n o m , le pere
6c le fils : pour ne pas fe tr o m p e r, il les vit l’un 8c l’au tre ,
leur fit part du fujet de fa plainte ; il fut convenu qu’il
en rédigeroit les faits par é c r it, 8c q ue l’Officier public la
recevroir.
C e t o i t le fa m e d i, n J u in , date qu’ il ne faut
pas perdre de v u e , que l’ A b b é Brun fit cette première
d é m a rc h e , pour fe mettre fous la protection de la Juftice:
il crut que fa comparution l’autoriferoit à donner à fa
plainte la date de ce jour.
D e s (retour aux Vertus , l’A b b é Brun s’occupa à de
nouvelles recherches parmi fes effets encore en d éfo rd re ,
& à rédiger les faits qui dévoient être la bafe de fa plainte.
D ès le vendredi on avoit fu .d a n s la M aifo n qu’il réclamoit
des Tommes confidérablcs; on ne ceiTa, les jouis fu iva n s,
de lui entendre répéter fes p lain tes, fes réclamations.
L e lu n d i matin , I’ A b b é B r u n d é c l a r a au S u p é r ie u r d e s
V e r t u s , qu’il avoit pris fes fûretés dès le famedi ; mais je
veux toujours me com porter en Oratorien ; fi on veut
m c rendre juftice 6c m e faire des réparations , je n ’irai
pas plus loin , ÔC je ne donnerai point de fuite à la plainte
it
•
r
;
•
que j ai portee par pure précaution. ------«Quelle juftice
voulez-vous q u ’on vous rende ? quelle réparation voulez-
�37
vous qu’on
vous faiTc ? ----- ' S ’il me m anque
quelque
c h o f c , on me le rendra : & , pour réparation } on m ’ex
pédiera un ordre pour une M a ifo n de m o n c h o i x , & qui
convienne à mes affaires a & u e ll e s .----- A p rèscet entre
tien , l’A b b é Brun fe difpofa à aller à P a r is , pour rom
pre entièrement la négociation
de fon éta b liffem en t,
n ’a y a n t plus à fa difpofition les fonds qui lui avoient é té
enlevés dans la fatale expédition com m and ée par le Pere
G énéral.
’•
•
L e Supérieur des V ertus crut qu’il devoit faire part au
G énéral de la C o n g ré g a tio n de ce qu’ il avoit appris ,
fo it
de la b o u ch e de l’A b b é B r u n , foit par la voix
publique. L e m êm e jour , lundi 13 , il fe rendit à la
M a ifo n de S. H onoré ; &: pendant que l’ A b b é Brun ann o n ç o it à c e u x avec lefquels il traitoit d ’un établiffem ent,
qu’il fe trouvoit forcé à y renoncer , le G énéral de l’O r a
toire tenoit un C o n fe il ,
dont le réfultat fut de co n -
fom m er fa p e r t e , par un
ordre d ’exclufion. C e dernier
coup d e v o i t , félon les com binaifons du P. M o if f e t , im pofer un filence éternel à l’A b b é Brun-, & étouffer à ja
mais fes réclamations. C ’eft ainfi q u e , lorfque l’autorité
légitime eft fortie de fes juftes bornes , l’h om m e qui en
abufe , cherche à couvrir fes t o r ts , en écrafant celui qui
s’en plaint. C Jeft la réponfe du fort , aux réclamations
du foible. L e
P. M o iffe t
paroîc très-verfé dans cette
profonde logique.
R e n tré aux V e r t u s , le lundi au foir , l ’A b b é Brun y
foupoit ; un Huifîicr au C h â te lct fe préfente dans le R é
fe c to ir e , & lui iignifie une
délibération du G éhéral de
l’O ratoirc &. de fon C o n fe il , par laquelle o n l’excluc
�5«
de la C o n g r é g a t i o n , Tous prétexte de défobëiiTancc , &
on lui défend de r é fid e r dans aucune de Tes M aifons.
Voilà, d on c la juftice du P. M oiflet ; c’cft ainfi , qu’ il
répare l’ injure hi plus g ra v e , par une injure encore plus
g rave s’il fe peut. li ne fc contente pas d ’avoir violé , à
l ’ é g a r d de l’A b b é Brun , les droits
les plus facrés du
c i t o y e n , d’avoir attenté à fa propriété ; il veut encore
com prom ettre fa rép utation,
par
une exclufion flétrif-
fante. Sa ruine , Ton déshonneur feront-ils donc tout ce
qu’il emportera de l’O ratoire , après lui avoir confacré
les d ouze
plus belles
années de fa vie ? N o n ,
fans
douce , il eft des L o ix protectrices de l ’innocence ÔC de
la vertu perfécutée ; elles rendront à l’A b b é Brun la juf
tice que font Général lui a refufée , 8c le vengeront des
violences &. des vexations qu’il s’effc permifes contre lui.
C e nouvel acte d’hoftilité accrut les embarras de l’A b b é
Brun. Le P. M o iflet efpéroit fans doute qu’il feroit une
divçrfion fi puijTantc dans fon
c f p r it , qu’il lui feroic
perdre de vue l ’é v én e m en t du 4 Juin &
fes fuites. S’il
cft des hom m es que le malheur a b a t , il en eft: d’ autres
auxquels il donnp une nouvelle
énergie ,
&c tel eft,
l ’A b b é Brun,
Il vole a P a r is , co n fu lte fur le
nouvel
incident qui
lui arrive. Il interjetc appel à l’AfTemblée générale de 1%
C o n g r é g a tio n , de la délibération cxclufive du G é n éra l
S i de fon Confeil. Après avoir fait cet a£te confervatoirc 9 il faut fonger à quitter la M a ifo n des V e r t u s ,
& a fc procurer un logem ent a P a n s -1 parce que les
ordres du G é n é r a l, de la nature de celui qu’avoit reçu
TAbbé Brun, fon t exécutoires nonobitant appel.
�T rois jours ne font pas un trop lo n g terme pour tan t
d ’o c cu p a tio n s; l’A b bé Brun raffemble tous fes e ffe ts , a
la douleur de n’ y r e t r o u v e r , ni fes billets de caifTc, ni
fo n M anufcric ; Sc le v e n d r e d i au f o i r fait fes adieux
à la M a i f o n dGS Vertus. V i & i m e de
la pcrfécution, il
p ou voir d i r e : N os patriam fugim us > nos dulcía linquimus
arva ( i ). Il lui étoic d o u l o u r e u x de fc féparer ainii d ’une
C o n g ré g a tio n ,
d on t les M em b res n e r e i ï e m b l c n t p o i n t
aux C h efs a & u e ls , èc q u i y pour la p l u p a r t , d i g n e s S ucceffeurs des grands hom m es q u i ont illuftré leur Corps ,
v o i e n t , en o-émiffant
une A dm in iftration arbitraire 6c
d efpotique le conduire infenfiblem eiit à fa ruine.
L e f a m e d i , 18 J u in , YA b b é Brun fe rendit ch ez'le
C o m m iffa ire C h e n o n fils , avec les faits de fa plainte
rédigés par écrit ; mais quel fut foïi é ton n em en t ! huitr
jours de délais avoienc abfolu m ent ch angé l’efpric du!
C om m iffaire : foit qu’il crût devoir des égards au G é n é
ral de l’O ratoire , foit quoiqu'autre raifon particulière que
nous ne chercherons point » p é n é tr e r , oubliant que ,
co m m e Officier p u b lic, fon miniftere appartient à to u t
cito yen qui le ré c la m e , il refufa de recevoir la plainte^
D é c o n c e rté par ce nouvel a c c id e n t , l’A b b é Brun con-
( i ) Si les perfécutions que l’Abbé Brun craignoit avec raifo n , d’après ce
qu’il avoit déjà ép ro uvé, lui avoientfait fôrrrter le projet de quitter la Congré
gation , il n’eh n’étoit pas rnoirts attaché de cœ ur & d’efprit à des Confreies ,•
parm i lefquels il avoit trouvé la- réunion fi rare de la reflource des lumieres &
des douceurs de l’amitié. Il fe fera toujours un honneur & un devoir de re
garder l’Oratoire comme fon berceau ; ces fentimens qui ne mourront qu’avec'
lu i, font les iùrs garan ï de la vér^é des regrets conügncs dans cette partie defbn Mémoire.
�40
ri
j
t> „.¡p l.n c Ils lui confeillent de s’adrcfïet à la
fuite des Praticiens. us»
.
T, r
,
Juftiee du lieu où le déht s é t o i t com m .s. 11 fc rend le
m ême jour , f a m e d i , aux V e r tu s ; va chez le ProcureurFifcal
lui préfente l’écrit qui co n te n o it les faits , & qui
avoir é t é r c f u f é le matin par le CommiiTaire C h en on .
* L e fieur C o d i e u x , P ro c u re u r-F ifca l de la Juftice des
V ertu s , &
O r g a n is e de l’Eglifc ParoiiTiale , d o n t les
Oratorîens fon t Curés , demanda jufqu’au lundi pour faire
{'es réflexions; en voici le réfultat : « Q u ’ un de fes amis ,
» Procureur au P a r le m e n t ,lu i a v o it confcillé de ne pas
„ fe charger de la plainte,t attendu qu’ il feroit défagr éable
» pour lui d’avoir à décréter des gens avec lefquels il étoic
« expofé à fe trouver tous les jours
L e ficur C o d ie u x
avoit raifon ; il cil fans doute défagréablc de décréter
des
gens dont on cfl: par état obligé de charm er les
o r e ille s , les Dim anches
Fêtes : 8c la main légère qui
tire des fons harmonieux de l’ orgue dès V e r t u s , ne de
voir pas s’appefantir, en fignant des conclufions tendan
tes à des décrets contre les Curés de la ParoiiTe.
O n ne peut qu’applaudir à la prudence avec laquelle
le fienr C o d ie u x fait concilier les deux q u a lité s, de P rocureur-Fifcal & d’Organifte. L ’A b b é B ru n , qui ne veut
compromettre p erfo n n e , jugea fes raifons très - folides ,
reprit fa plainte , & donna une nouvelle preuve de c o n
fiance au fieur C o d ie u x , en le priant dç lui indiquer un
CommiiTaire au C hâtclct. L e
ficur C o d ie u x lui indiqua
effe£tivem cnt M c de la Porte.1 Il n'auroit que des actionsI
de grâces à lui r e n d re , fi , après avoir rcfufé de figurer
dans l’affa ire, com m e P ro cu rcu r-F ifca l, par m énagem ent
pour fa qualité d’O rganifte de la Paroiffe , il n’y avoit pas
enfuite
�4i
enfuitc fig u ré , co m m e t é m o in , e u venant dépofer en
faveur des Patrons de fon orgue.
Q u o i q u ’il en f o i t , l’A b b é Brun revint le m êm e jour
à P a r i s , & M e de la P orte reçut fa plainte.
E lle eft rendue contre des Q uidam s , q u i , en fon abf e n c e , ont forcé la porte de fa c h a m b r e , & qui en ont
fait e n le v e r , & y ont fait enfuite rapporter fes effets.
E lle porte fur ce qu’ il lui a été enlevé n o ta m m e n t;
ï ° . vingt-quatre billets d e la C aiffe d’E fc o m p te , d o n t
d ou ze
&
cin q
de
i o o o livres chacun ,
de
300
livres
chacun ;
fept de
600
20. un
livres s
M a n u fcrit
q u ’il avoit laiiïe fous le c h e v e t de fo n l i t , au milieu de
pluiieurs a u tre s; 30. trois L ettres de perfon n es en pla
c e ; 40. f u r i e t o r t , peut-être irréparable, qu’il éprouve
par le b ouleverfem ent total de fes M a n u f c r its , q u i , é ta n t,
pour la p lu p a rt, des feuilles détachées ,
ne peuvent que
difficilement fe raiïem blcr en corps d ’ouvrages , m ém o
par celui qui les a co m p o fé c s .
M a lg ré cette p la in t e , l’A b b é Brun n’abandonna point
encore l'efpoir d ’o b r e n ir ,
à l’a m ia b le , du G énéral de
l’Oratoire , Sc de fon C o n f c i l , juilice 6c réparation ; il
lui en co û to it infinim ent de recourir aux T rib u n a u x S é
culiers. D e u x hom m es rcfpeftablcs fe préiencerenc c o m
m e M édiateurs ; mais les
réponfes des deux Affiftans
auxquels ils s’a d r e ff e r e n t, furent fi d éra ifo n n a b les, qu’ils
abandonnèrent la n é g o ciatio n . C o m m e n t en e ffe t trai
ter avec des C h e fs d ’une C o n g r é g a t io n Eccléfiaftique ,
affez peu amis de la paix , pour dire hard im en t : E k
b ie n ! que le P a la is retentijje de cette a ffa ire,
comme il
retentit de tant d'autres. E h bien ! il en retentira ; Sc le
F
�41
P u b lic apprendra ; » « c é t o n n e m e n t , que l'O ratoire ,
fous fes C h e fs a ttu els 3 n’eft plus ce q u i i a été , & ce
qu’on 1= croyoit encore être.
P e r d a n t t o u t e fp o ir de conciliation a m ia b le , l ’A b b é
B r u n r e p r i t la fuite de fa plainte. L e 18 Juin 1785 , il
o b t i n t u n e O r d o n n a n c e , portant permiiîion de faire in
f o r m e r . O n z e témoins ont d’abord été e n te n d u s ; & leurs
dépofirions ont établi la vérité des faits de v io le n c e , de
vexation ôc d’abus d ’au torité, expofés dans le récit deo
feenes du 4 Juin 6c jours fuivans. Il a été également c o n s
taté q u ’à la m êm e époque du 4 Juin , l’A b bé Brun étoic
p ro p r ié ta ir e d e plus de 20,000 l i v . , dont la plus g ra n d e
partie en billets de C aiile d’E ic o m p t e , qu’il deftinoit à
un établifTcment prochain.
Sur l’information , les Parties ont été renvoyées à
l ’Audience, Par R e q u ê te , O rd on n an ce 6c Exploit des 21
& Z i Juillet, le Perc M oiflet a été ailigné en la C h a m b re
Crim inelle du C hâtelet. Par une Sentence contrad i& oire
du 9 A o û t , l’inform ation a été convertie en Enquête ;
il a été permis à l’A bbé Brun de continuer à faire fes
p re u v es, 6c le P. MoiiTet a été admis à la preuve des
faits contraires. D ans une addition d ’in form a tion , P A b b é
Brun a fait entendre trois nouveaux témoins. L e Pere
M o i i î c t , dans fa co n tre -E n q u ê te , en a fait e n te n d re ;
onze , dont fix avoient déjà dép fé dans l’inform ation.
C e s fix témoins ont été réeufés par l’A b b é Brun , parce
qu’ils ne peuvent pas être entendus deux fois , pour fie
contre dans la m ême affaire 6c fur les mêmes faits. Q u a n t
aux cinq a u tre s, trois Frères Lais de
la M aifon
de
S a in t-H o n o ré , un Bourfier de la M aifon des V e r t u s , 6c
le fam eux Procurcur-Fifcal O r g a n ifte , ils ont égalem ent
�43
,
¿té ré cu fé s, les quatre premiers parce qu’ils fon t fous l'in
fluence trop immédiate du P . M o ifle t ;ÔC le d ern ier, parce
que la qualité de Procureur-Fifcal eft trop inhérente dans
lu i à celle
d’O rganifte de la ParoiiTe, pour qu’il puifTe
oublier qu’un M a g i f t r a t , h om m e p u b li c , ne p e u t , fans
m a n q u e r à ce qu’exige de lui fon cara£tere, venir ré
véler à la Juftice ce qui lui a éré dépofé fous le fceau
de la confiance. M ais quand ces réeufations ne feroient
point admifes , les dépofitions des témoins du P. M o i f f e t , m algré toute PadreiTe avec laquelle elles ont été
co n ce rté es, font impuiiïantcs pour détruire les deux faits
poficifs , de l’enlcvem ent & du pillage des h a rd es, pa
piers & effets de l’ A b b é Brun , & que cet événem ent
inoui lui a fait perdre 17 ,7 0 0 livres de billets de C a i f l e ,
un M a n u fc r it, des Lettres de perfonnes en p la ce , & un
état.
Il n'a donc point form é i\ne dem ande e x o r b ita n t e ,
lo rfq u ’il a conclu , par fes R e q u ê t e s , à ce que le Pere
M o if le t fût condam né en 50,000 livres de dom m ages
& intérêts. V o y o n s ü cette demande eft fondée.
M
O
Y
E
N
S
.
Q u a n d on co n n o ît le régim e fc lo n lequel I’O ratoire
devroit être gouverné , quand on co n n o ît la maniéré
d o n t l ’A b b é Brun a vécu pendant douze ans dans cette
C o n g r é g a t io n , on eft fans doute étonné de voir le Pere
M o if le t fe porter contre lui aux excès d ont il demande
yengeance.
M ais qu’il nous foit permis de rem onter aux
.coules, & la furprife cciTera. C e tte difeuifion n’eft point
F ij
�44
étrangère à notre fujet : 1 « intérêts particuliers fon t fouvent liés aux in térê ts généraux. Si les demandes p écu
niaires des L y o n c y o n t oecafionné ou précipité la perte
des J é f u i t e s , les plaintes de l’ A b b é Brun peuvent ame
ner la ré fo rm e de l’O r a t o i r e , Sc ce féroir une occafion
de faire un b ie n , que les M agiftrats ne laiiferoient point
échapper.
Les difputcs métaphyfiques de M allebranche avec le
grand A r n a u d ,
n’empêcherent point la d o & r i n e , les
mœurs 6c les t a l e n s de P o r t - R o y a l d e s’introduire dans
l ’O r a t o i r e . A l o r s on vit s'opérer d a n s la C o n g ré g a tio n
une révolution q u i , en produifant dans tous les M embres
une unité d’op in ion , leur donna un m êm e efprit, 6c leur
fit véritablement former un Corps. Alors l’O ratoire ne
fut plus l’efclave de R o m e , 6c il fut diftinguer le fucceffeitr de Saint Pierre d ’avec le C h e f d’une C o u r am bitieufe 8c p o litiq u e ; il refpe& a l ’ u n , 6c réfifta forcement
à l’autre. L ’om bre de Q u e fn e l, du fon d des marais Bata v e s , anim oit fes C onfrères en France. O n put le c o m
parer à cette armée q u i , faifant marcher à fa tête le
corps inanimé de fon G é n é r a l, m archoit fûremenr à la
vid o ire . Les Tribunes facrées continuèrent à retentir de
leurs voix é lo q u e n te s , 6c l’Epifcopat vint puifer dans leur
fein des vertus d ont il s’honora.
Les Jéfuites virent un nouveau P o r t - R o y a l renaître
dans l’O r a t o ir e ; mais plus d angereux pour eux que le
p re m ie r, parce q u ’auifi vertueux que le prem ier, il avoit
plus d ’étendue 6c plus de moyens pour propager fes opi
nions 6c fa do& rine.
Us n ’oferent point l’attaquer de
front., ni projeter fa deftruttion ; une C o n g r é g a tio n nom -
�45
breufe n ’étoit pas un
n ’étoit plus le m ême.
M onaftere ifolé , & leur crédit
Ils firent alors ufage
de cette
m a x im e , m alheureufem ent trop vra ie, puifqu’elle réüflît
toujours ^divide & régna : les O ratorièns
diyifés d’opi
n i o n , dévoient b ie n tô t l’ être d ’efprit ; fem blables à la
p h a l a n g e M a céd on ien n e , d o n t toute la force confiftoit
dans l ’adhéfion conftantc de tous
fes M em b re s ,
une
fois q u ’ils feroient d é fu n is , ils cc iïe ro ic n t d ’être redou
tables , & c ’eft ce qui arriva.
L a fatale Bulle , le défaftreux F o r m u la ir e , ces d eux
pom m es de d ife o rd e , qui on t cau fé parmi nous tant de
défordres publics
tant d ’infortunes particu lières, qui
o n t em p o ifo n n é les derniers m o m e n s d ’un de nos plus
grands R o is , qui o n t fait frapper fur la M agiftrature de
ces coups qui
rejailliiTent néceflairem ent fur to ute la
N ation : la Bulle & le F o rm u la ire , idoles chéries de l ’am b i
tion 6c de l’intrigue ( i ) , pafferent dans ¡ ’O ratoire , & y
portèrent ces fruits amers q u ’ils on t produits par - tout où
l’on n’a pas été a ile z fage pour les co n d a m n er à l ’oubli
le plus profond.
Dès-lors il s’éleva dans la
C o n g ré g a tio n une guerre
inceftine. Scs ennem is en profitèrent habilem ent j en ten
dant une m ain p r o t e c t r i c e aux d iffid e n s. Ils leur firent
( r ) 11 ne faut pas perdre de vue qu’on ne les confidere point ici fous leurs
rapports théologiques. 11 ne nous appartient point de décider ce fur quoi les E vê
ques de France aiTemblésen 1755 »n’ont pu être d’a ccord , & de tirer un voile
que Benoît X I V lui-méme n a pas jugé à propos de lever en entier; nous n’avons
ici d’autre but que de montrer l’origine & les progrès du defpotifme dans l’O ra
toire, pour faire appercevoir que dans l’état aftuel des chofes, les faits de vexation
& de violence dont fe plaint l'A bkéB ru n , n’ont rien que de naturel. D u reilc ,
nous nous renferm erons, comme nous le d evon s, dans les bornes du filence.
�4
6
obtenir l’appui du IVliniftrc des B é n éfices, qui crut fa
confcience e n g a g é e a rendre 1 O ratoire docile a l a C o n f *
titution. D è s -lo rs on fut écarté des dignités 6c des pre
mières places , Ci on ne fouloit aux pieds les cendres de
Pafcal , d ’A r n a u d , de Q u cfn el 3 de Soanen ,
&
fi on
ne prononçoit anathêm e à leur mémoire. U n Général
C onftitutionnaire fur placé à la tête d e la C o n g r é g a
tio n ; la paix, la douceur , la liberté ,
avoient cara&érifé fon régime ,
qui
jufqu’alcrs
difparurent ,
6c firent
place à une efpece d e m onarchie tyrannique , q u i , en
f e p e rp é tu a n t 8c s’a g g r a v a n t , fur-tout depuis la deftruc-
tio n des Jéfuites , a écarté une foule d’exccllens fujets, 6c
e n a rendu beaucoup d’autres inutiles.
Les Jéfuites triomphèrent de ce tte révolution qu’ils
avoient adroitem ent ménagée. Ils n’ eurent plus un C o rp s
redoutable pour adverfaire ,
ils n’eurent plus à c o m
battre que des particuliers ; Sc des Letcres-de-cachct furent
l’om bre d on t on chercha à ternir leurs vertus, 8c les en
traves dans lefquelles on enchaîna leurs talens. En 1753 ,
dix Députés furent exclus de PAiTcmblée G é n é r a le , par
ordre du R o i , 6c il leur fg t ordonné de fortir de la M a i
fo n de S. Honoré,,
D a n s ces temps o ra g e u x , le P. MoifTet étoit un des
zélés Se&ateurs de la Bulle ; il n’avoit pas toujours penfé
de même. N o m m é , en 1 7 3 7 , au V ic a ria t de la D albade , P aroiflc de T o u lo u fe , deüervie par les O ra torien s, il n’avoit accepté cette place q u ’à co n d ition que
les pouvoirs ne lux couteroienc
aucune dém arche c o n
traire à fa co n fcien ce 6c à fes fentimens. C ep en d a n t la
crainte de fe voir interdire par M. de. C r i l l o n , A r c h e
�47
vêque de T o u lo u fc , conduifit fa main tremblante , &
lui
arracha
( nous ne
la
fignature
fommes
bleflc lui eau fa
ici
du
Form ulaire :
oa
dit ,
q u ’Hiftoricns ) que cette foi-
des remords ; mais iis furent b ientôt
appaifés par la faveur que fon ch an g em en t lui mérita,
auprès de fo n G énéral , q ui y rnic le c o m b l e , en le
faifant nom m er Affiftant dans l’AiTcmblée de laquelle
les Députés Oppofans avoient été exclus.
C ’eft au milieu des calamités qui o nt affligé l’O ra to irc ,
que le P . MoiiTet s’eft pénétré du principe
que rien ne
d o it réiîfter à l ’autorité de celui qui co m m an d e , & q u e ,
plus terribles que les vents en f u r i e , q u i , après avoir rompu
les chênes altiers , fe co n te n te n t de faire plier les foibles
r o fe a u x , les Supérieurs de la C o n g ré g a tio n ne d oivent
trouver par - tout qu’une ob éiifan ce paflïvc, & des inftru
mens aveugles de leurs volontés abfolues. C ’eft ce fyftêm e deflxu&cur qu’on lui connoifToit d é j à , qui fit co n iig n e r, dans les M ém oires du temps i cette efp ecc de
Prophétie : I l faudra bien , f i D ieu riy met ordre , voir
des M o ijfet a la tête de la Congrégation ( i ). C ’eft fans
doute un m alheur pour l’O r a to ir e , c’cft un malheur pour
le P. MoiiFet l u i - m ê m e , de s’être im bu de ces prin
cipes, & de les a v o ir mis en p r a t i q u e dans la place h o
norable & im portante qu’il occupe. Il lui eût peut-être
( i ) O n fe croit obligé d’avertir i c i , pour éviter toute maligne interpréta
tion , que l’on ne confidere point le P. MoiiTet coir.m? fimple particulier. Sous
ce po.”.t da v u e , on s’emprefle de rendre hommage à fa probité in ta ile , à fet
mœurs pires & fa hs tache , ainfi qu’à mille autres qualités refpedables. Le D é fenfeur d ; 1 Abbé B/un détefte les libelles Sc la diffamation , il croiroit qu’en y prê
tant fa plume , il déshonorerait fa ProfeiTion , comme il croiroit la trahir, s’il ne
fe Hyroit tout entier à la défenfe de l'innocent opprim é, & du foibje perfécuté.
�48
été difficile de s’en garantir , ayant appris à c o m m a n d e r,
dans un temps où les C h e fs de la C o n g ré g a tio n ne parloien t plus le l a n g a g e doux & ch antable de leur premier
F o n d a t e u r , m a i s tonnoient avec des Lettres-de-cachct.
N e f o y o n s d on c plus étonnés d’entendre un des Aflift a n s du G é n é r a l, nourri dans les mêmes principes que
le P . M oilT et, d ir e , avec hauteur & d u r e té , à l ’A b b é
Brun : N ous riavons pas befo'm de motiver notre conduite.
N e foyons plus étonnés d’entendre le P. M o ifle t lui-m êm e
prononcer ces paroles menaçantes : J e vous donne vingtquatre heures pour déloger ; avife^-vous de refier plus long
temps! N e foyons plus étonnés d e l à fcène fcandaleufe
& violente du 4 Juin.
Mais cette f c è n e , qui n’ a rien que de vraifem blabîe ,
quand on co n n oît la maniéré de voir 8c de penfer du
P , M o i f l e t , cft-elle réelle ? n’ eft-ce pas une fi£tion ima
g in é e , pour rendre l’A b b é Brun plus in té re fla n t, & lui
fournir des armes contre fon Perfécuteur ? N o n ; il n’efl:
malheureufem ent que trop vrai q u e , le 4 Juin 1 7 8 5 ,
le P. MoiflTet a fait f o r c e r , par un ferru rier, la porte de
la chambre de l’A bé Brun ,
pendant
fon abfencc : il
n ’eft que trop vrai que fes armoires & fa malle ont été
ouvertes , que tout a été livré aux regards indiferets des
Frcres Lais de la M a i f o n ,
à leurs mains peu d élica
tes : il n’eft que trop v r a i , qu’après avoir forcé porte ,
armoires , m a lle , tout a été mis au pillage le plus dés
ordonné. T ro is Freres Lais 6c un
petit Sacriftain, inf-
trumens du defpotifm c , o n t fait une expédition digne
d ’ une troupe de Pandours ou de HuiTards : il n’eft que
trop vrai qu’après avoir fouillé les poches des h a b ir s ,lc s
armoires
�49
armoires , la malle , on a porté l’inquifition ju fq u ’aux
matelas ÔC à la paillaffe, qu’on a boule verfés & déplacés ;
il n’eftq u e trop vrai que linge, hardes, papiers , M a n u fcritsj
L ettres, tout a été pêle-m êle tranfporté à bras ÔC à pluiieurs
re p riiès, non pas dans un lieu fur ÔC p a rticu lier, rtiais
à la p o rte rie , dans l’endroit le plus public de la M a ifo n ;
& c e t t e MiaiTon cft une M a ifo n C u r i a l e , fréquentée jour
nellement par tous les Habirans de la ParoiiTc & des en
virons : il n’eft que trop vrai que tous les effets de l ’A b b é
Brun fon t reftés ainfi expofés pendant trois jours ôc trois
n u it s , les uns remis fans ordre dans la m a lle , les autres
placés deffus , ôc défendus par une fimplc couverture de
laine : il n’ert que trop vrai que le P. M oiffct a pouffé
la fureur ou la frénéfic ,
car on ne fait ici de quelle
exprefîion fe f e r v i r , jufqu’à frapper ,
pour ainii dire ,
d ’excom m u n ica tion la cham bre dém eubléc 2c dévaftée
de l’A b b é Brun , en faifant appofer fur la ferrure une
plate-bande de f e r , pour en interdire l’entrée à to u t le
m o n d e ; précaution que l ’on eût à peine p rife-q u a n d elle
eût été habitée par un peftiféré : pourquoi n’a-t-il pas or
donné de la décarreler ôc d’en reblanchir les murailles ,
co m m e o n fait dans les prifons d ’E ta r , lorfqu ’on veut
effacer jufqu’aux d e r n iè r e s t r a c e s du féjour d’un prifonnier important ?
M a i s , à cc fpectacle , qu’o n t p en fé, qu’on d i t , q u ’ont
fait les Oratoriens de la M a ifo n des V e r tu s ? q u elq u ’habitués q u ’ils fuffent aux coups d ’autorité du G énéral ÔC
de fes co - Adminiftrateurs , celui-ci les a attérés ; une
confternation m orne les a d ’abord réduits au fil'ence , c ’eft
l’effec ordinaire des violences outrées du d cfp otifm e ;
G
�5°
mais bientôt
l ’ a
b
a
t t e m
e n
t
fait place à la reflexion. C h a -
.
que fois qu’on paiTc devant la porterie , les effets aban
d o n n é s de l’ A b b é
Brun frappent les r e g a r d s , Se fo n t
naître de n o u v e l le s idées, toutes plus défolantes les unes
que les a u tres. C hacu n fe dit à f o i - m ê m e : O ù fommesnous ? Q u i fom m es-nous? nos retraites ne font-elles donc
plus un ai y le affuré pour nos propriétés? ne pouvonsnous donc plus les abandonner pour quelques inftans ,
fans craindre de les voir violées par le ca p rice , la m au
' vaife h u m e u r , ou la haine ? Sc chaque fois que nous y
rentrerons , ferons-nous donc obligés de porter nos re
gards inquiets fur ce que nous poffédons d e plus c h e r ,
pour vérifier fi rien ne nous m a n q u e , ou ne n o u s .a été
enlevé ? C e qui arrive au P. Brun n’eft-il pas un exem
ple qui doit nous faire trembler ? U n O ratorien fera-t-il
d o n c moins aux yeux du G é n é r a l, ou de tout autre Su
périeur , q u ’ un Locataire aux yeux du Propriétaire qui
lui loue un a p p a rte m e n t, ou d’un M aître qui loge fpn
domeftique? C e p e n d a n t , ni l’un ni l’autre ne fe porteroit
à faire f o r c e r , fans formalités , les ferrures , les portes
d’une c h a m b r e , ôc à en faire jeter les meubles à la
porte.
O n fe com m unique ces id é e s , & l'on e n v o i e faire des
repréfentations au nom de la M a i f o n , au P. M o iflet. Il
reconnoît lui-même rin ju ftic c , l’illégalité , la violence
de fon procédé , il donne des ordres pour qu’on enlevé
la plaque de f e r , à laquelle il avoit condam né la porte
de l’A b b é Brun , &. qu’on réintègre fes effets dans fa
chambre. C e co n tre-ord re donné le lundi, ne fut exécuté
que le lendem ain , m a r d i, ce qui complété les trois jours
& trois nuits. E t co m m en t le fut-il ? par les m êmes per-
�. 51
fonnages qui avoient été les a&eurs de la première ex
pédition , 6c qui Te com portèrent de la m êm e m a niéré;
c ’eft-à-dire, que le défordre régna dans le fécond tra n s
port des effets de l ’A b b ë B r u n , êc que tout fut expofé
une f é c o n d é fois à l’i n c u r i e ,
à l’infouciance , pour ne
rien dire de plus, des d om eiliques de la M a ifo n , qui
remirent les effets dans la ch am b re , où ils refterent co n
fondus & é p a r s , com m e on l’a déjà dit. P o u r mettre le
com ble à ces feenesauffi extravagantes que vexatoires, on
ne referma la porte qu’au demi-tour.
Arrêtons-nous ici. C o n iîd éro n s en lui-même Pa& e or
donné par le G é n é r a l, Sc abftra& ion faite de fes fuites
&: des pertes qui en o n t réfulté pour P A b b é Brun.
Q u elle é t o i t , au 4 Juin 1 7 8 5 , la pofition de l ’A b b é
Brun ? il étoit M e m b re de l’O r a t o i r e , & réfidoic aux
V e r tu s , avec l’agrém ent du Supérieur de fa M a ifo n de
Saum ur,du co n fen tem en t du Supérieur des V c r t u s , & de
plus fous la foi d ’une Lettre de PAiIîftant du d ép a rte m en t,
qui finiffoit par dire au Supérieur des V ertu s,q u ’il pouvoir le
garder dans fa M a i f o n , en qualité de Penfionnaire. C o m m e
O r a to r ic n , PA b bé Brun d e v o itd o n c réiider dans la M a ifo n
des V e r t u s , avec la plus grande fécurité ; mais cette iecun t é , il devoir P a v o ir é g a l e m e n t c o m m e fimple citoyen.
L a cham bre qu’il h a b it o it , d evoit être un afyle f a c r é ,
où fes e ffe ts , fes papiers, fon argent n’avoient à crain
dre . . • • que les voleurs. A in li l’A b b é Brun étoit aux
V e r t u s , un citoyen p a ifib le, qui y réfidoit fous la fauvegarde des L o ix générales de toute S o c ié t é , félon lefquelles il n’eft permis à perfonne d’entrer de force chez
autrui pendant fon a b fc n c e ,
encore moins de faire
G ij
�s*
enlever fes effets avec v i o l e n c e , fans une permiifion du
Ju<*e & fans en a v o ir fait conftater la nature & la quan
tité. L ’A b b é B r u n étoit M em b re de la C o n g ré g a tio n de
l’O r a t o ir e ; cette qualité ajoutée à celle de c i t o y e n , d é
voie encore rendre fa propriété plus facrée aux yeux du
P . MoiiTet. C ar e n fin , quoique S u p é r i e u r - G é n é r a l, le
P . MoiiTet n’e f t , en derniere analyfe , qu’un O ra to rie n ,
il eft primus inter pares ; Si s’il n’eût pu faire jeter à la
porte les meubles d ’ un é t r a n g e r , à qui on auroit accordé
rhofpicalité a u x V e r t u s , il pouvoit encore moins traiter
ainfi ceux d’un de fes Confreres.
Mais l’indignation s’accroît > lorfqu ’on fait attention
aux circonftanccs qui ont accom pagné les feenes qui fe
font padecs depuis le fam edi 4 Juin , jufqu’au mardi
fuivant. O n appele un ferru rier, on emploie la f o r c e ;
contre qui ? contre un hom m e abfent , que perfonne ne
re p réfe n te , que perfonne ne défend. O n entre dans*fa
chambre , les armoires , la malle font ferm ées; en fou il
lant dans les poches de fes habits , on en trouve les
c l e f s , on s’en faifit , on ouvre a rm o ire s , malle ; 8c tout
ce qu’il poflede d ép lu s précieux , de plus f c c r e t , eft li
vré à des mains groffieres, à des yeux curieux & in d is
crets ; & il cft abfent ! & le P. M o iiT e t, quand il eût
été p réfen t, n'eût pu exiger de lui cette o u v e rtu re , n’eût
pu le forcer à lui exhiber fes papiers , fes e ffe ts , Ion o r ,
fon argent ; parce que tout O ratorien cft propriétaire ,
&: que tout propriétaire ne doit compte de fa propriété
q u ’aux L o ix repréfentées par les M agiftrats. D u moin-s
le P. MoiiTet préfidera à l’expédition qu’il c o m m a n d e j
s’il croit fa dignité léfée en y aififtant, il chargera quel-
�53
qu’un d’y aiîifter pour l u i , de veiller à ce que tout fe paffe
dans l'ordre , que rien ne fe perde , que rien ne s égare.
N on , trois Freres Lais , un petit S a c r i f t a i n f o n t les maî
tres abfolus de tout ce que poifede un Oratorien ; ils
p e u v e n t , à leur g r é , tout bouleverfer , to u t p ille r, le
porter , le rapporter com m e ils le ju g e ro n t à propos ; 6C
le propriétaire eft abfent ! le P. M o iilc t le veu t a in f i , il
eft plus puiiTant que tous nos T r ib u n a u x , q u è ^ e P r in c e
lui même. Q u a n d des d é c r e t s , quand un ordre du Sou
verain co m m an d en t de s’aflurcr d’un c ito y e n ,
de faire
des perquifitions ch ez l u i , o n m et les fcellés fur fes effets ;
on ne les leve qu’en fa p r é fe n c e , ou en ce lle de quelqu’un
qui le re p ré fe n te ; mais la p rop riété, ce que la Juftice,
le Prince r e f p e f t e n t , la propriété, n’eil qu’ un jeu pour
le Père M o iile t.
C e n’eft point aiTcz , il falloit ajouter l’outrage aux voies
de fait ; une plate-bande de fer qui fcellc la porte de la
ch am bre de l’A b b é Brun , eft le m o n u m en t honteux qui
dépofe que l’autorité du G én éral l’a expulfé de la M a i
fo n des V e r tu s . Les effets expofés p endant trois jours
dans un en d roit co m m e la porterie , ce qui eft à - peuprès la m ê m e ch o fe que la v o ie publique , crien t à
chaque paflant , r A b b é Brun efl chajje de la M a ifo n .
N 'e ft-il pas alors naturel d ep en fer qu’ un pareil traitem ent
eft la fuite de quelque délit grave & extraordinaire ? &
c e p e n d a n tT A b b é Brun eft encore M em b re de la C o n
g r é g a t io n , & il eft paifiblemcnt à quelques lieues de l à ,
au milieu de fes Confreres & de fes amis , fans pouvoir
fe douter qu’on d ifp o fo it d ’une maniéré auffi violente ,
�' ? 54
auflî illégale , auffi o u tr a g e a n te , de touc ce qu’il poffé•doit au m onde.
M a is le
^
...
P- M o iffe t n ’étoit-il pas autorifé par les ré-
gÎemens dç Ja ¿ q n g r é ^ t i o n ^ à faire tout ce qu’il a fait ?
S’il exiftoit ¿a n s un C orps quelconque de pareils réglernens, il faudroit les condam ner au f e u ; mais l ’O ratoire
n ’ én a point de femblables ; Si le P. MoiiTct a excédé
ce u x qui doivent faire fa l o i , quoique non h om ologu és.
C o m m e G é n é r a l , il n’eft Supérieur im médiat d ’aucune
M a ifo n de la C o n g ré g atio n , pas m êm e de celle de SaintH o n o ré ou il réfide ; c ’eft pour cela qu’il m ange tou
jours à la fécondé t a b l e , Sa R é vé ren ce ne croyant pas
q u ’il foit convenable à Ta dignité d’occuper le fé co n d
rang à la première , qui eft préfidée de droit par le Su
périeur de la M aifon. S o n a u fo rité perfonnelle , vis-à-vis
des M em bres de la C o n g ré g a tio n , regarde leur conduite in
térieure & leur avancem ent fpirituel ; m a is, pour tout le
re fte , fon autorité ne peut s’exercer que de l’avis de fon
C o n f e il , ôc au moyeqi d ’ordres exp éd iés, avec plus ou
moins de formalités ( i ) : ainfi , com m e G énéral , il
n’avoit pas droit d’ordonner , en arrivant à la M a ifo n des
V e r t u s , qu’on forçât la chambre de l’A b b é B r u n , &
qu’on çn enlevât lc;s effets.
( 1 ) La néceflité de 1ayis du C o n feil, eft unç foible barrière contre le defpotifrae. Le Confeil eft cgmpofé de trois Afliftans ; pour que l’avis du G éné
ral paffe , il fuffit qu’il ait de fon . côté un des A fliftans, parce qu’en cas de
partage, il a la voix prépondérante. O n fent combien il eft facile au Général
¿¡’¡jvçir toujours un A g ita n t à fa djfpofition,
''
�55
A v o i t - i l ce d r o i t , co m m e V ifa e u r ? .C a r
cette
c ’e f t , en,
qualité , (qu’il s’eft rendu a , 1a Million des V e r
tus. U n
Viiïtqur icul. n e . peut ,
aux
tpinics des ^Ré-
g lc m e n s , difpofer d’aucuns fu je ts , 'ni Tes c h a n g e r '&
tituer de c h a r g e s , finon par ordre & cornmiffiori expreiTc^
du R . P . G énéral & de fon C o n f e i l , en bonne form e',
il pc nJc il en des cas preflans ic ' importai! s , . &C de l'avis ^
du Supérieur. Il ne peut cxcLure^cciîx de l a ' C o n g r é g a - 5
tion qui ont trois ans 6C trois-mois de réçeptic>n VI / , finon
en cas de caufe urgente & de péril dans le retardem ent j ”1
co m m e pour crim e n o t o ir e , ou fcandale p u b lic, èc.tôu-,
jours ' de l ’avis, du Supérieur d e . I a M a i f o n
V V a . , ^ - - ‘ ‘
' ii
• " * •' Y ’1-
L A b b e Brun n e s é t o i t rendu
:
, P ' ,T
ciuül viïite,.
■!'
' ^ l l l Jl'
coupable d a u ç u n çrim e
notoire , d ’aucun fcandale public ; il n^étoit donc pas
dans le cas prévu par les Satuts.^ D ans le cours de fa
vifitç aux V e r tu s , le P . MoiiTct n e pouvoit d o n c pas le
■ '<-■■■ - y '
J .» ; ••'•via-» i: <■> ' ■ r ; .. J
retrancher de, la C o n g r é g a t i o n
il ne p o u v o i t pas plus
, .V y- •».. r
•
r
-.W
l d i l p o f e r d e fa p r o p r ié té ; le S u p é rie u r d e Ja M a u o r i clcs
tr
v . I •»
■ : .■prr*:J im , "
V e r t u s n ’a p o i n t a u t o r i f é par f o n a v is la c o n d u i t e d u P .
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M o ille t : ce Supérieur ( l e P. M onard ). a eu grand loin
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d’aiTurcr à la J u ftice , dans fa dèpofition , cju il ne donna
aucuns ordres . de -lui-memè. ' l e P / M o i i î eij a d o n c excédé
íes pouvoirs , foie q u ’on le çonfidere copnrné Général
foit qu’on le çonfidere co m m e V/iueur dc ïa 'C o n g r é g a tion. C e n’eft donc, point ici un fimple abus ^ a u to r ité ;
c ’eft un véritable d élit, égalem ent contraire aux L o ix
civile's, & aux L o ix obfervéés dans I’Oraitôire.
M ais ce délit fi grave en lui-m êm e, puifqu’il attaque
la propriété d un citoyen , & qu’il a été accom pagné de
circonftances outrageantes , acquiert encore un nouveau
i
�56
degré de g r a v ité , par les pertes Sc les dommages qu’il a
occafionnés à l’A bbé Brun.
Il
fe plaint d’avoir p erdu , dans le double tran fp o rtd e
fes effets , i°* l 7 * l 00 ^v* de billets de CaiiTe d ’Efcom pte ;
2o un Manufcrit auquel il attachoit la plus grande im
portance ;
3 0.
trois Lettres de perfonnes en p la c e , qu’il
étoit intéreiïant pour lui d e conferver : à ces pertes réel
les , il ajoute le tort que lui a occaiionné le bouleverfem ent total de tous Tes M a n u fcrits , q u i , pour la plupart
en feuilles volantes Sc détachées , ne peuvent plus qu’être
difficilement remis en corps d’O u v ra g e ; enfin , la perte
d’ un établiffement qu*il é toit au m o m e n t de form er , ôc
q ue la fatale
aventure
du 4
Juin
l ’a forcé
d’aban
donner.
L e P. MoiiTet s’embarraffe fort peu du M a n u f c r i t , des
L e t t r e s , des Ouvrages en feuilles volantes
de
l’ A b b é
B r u n , de Ton état. Les billets de Cà'iffe font le feul article
qui paroît le gêner. C ’cft contre la reftitution q u ’on Jui ’
en d e m a n d e , com m e auteur de leur perte , qu’il a drefle
toutes fes batteries. Il prétend qu’il eft impoflible que
l ’A b b é Brun ait jamais eu cette fonim e en fon pouvoir.
A v a n t de répondre à fes. raifons d ’impoiîibilité , établir
ions le f a i t , de la m anicre dont un fait peut s’établir ,
c’eft-à-d ire, par témoins.
Jufqu’ ici nous avons évité’ a nos Lecteurs les détails
pénibles des dépolirions, parce que les faits fur lefqucls
nous avons iniïfte , ne font, point conteftés. C om m e, il
n’ en eft pas de m êm e de la pofleiïion des billets , il faut,
que nous recourions à la procédure. V o y o n s
quel en
fera le réfulrac.
Le
�57
L e fieur M arie G a v o ty , âgé de 60 ans, N é g o c ia n t de T o u
lo n ,d é p o fe « qu’il co n n oît le fieur Brun,depuis environ deux
» m ois, pour un homme de Lettres très-inftruit, menant une
» b on n e conduire . . . . qu'ayant confiance en l u i , parce
» q u ’il étoit très-éclairé , il lui confia le projet d’ un Ou_
» v riîg c pour l ’cxam inêr & lui donner Ton avis : que dans
>5 le com m encem en t de fa c o n n o iffa n c e , le fieur Brun
» lui fit part qu’il avoit un établiilèment en v u e , fans
» annoncer le q u e l;
q u ’il avoit déjà 13,000 Iiv. ; cjli’II
>5 fçavoit où en trouver 2000, & qu’ il falloit encore
» 100 louis pour compléter la fom m e dont il avoit b e
m foin ,
de dem anda au D épofanr s’il pouvoit les lui
prêter ou les lui procurer;
que le D é p o fa n t les lui
» fo u r n it, en lui donnant un m andat fur un Banquier:
» que le fieur Brun lui obferva qu’il ne gardoit point d ’ar• » g en t com ptant , & qu’il l’échangcoit contre des bil» lets de la CaiiTe d ’E fc o m p te , Sec. ».
L e fieur R a y , ex-Oratorien , âgé de vingt-fix ans ,
&
étudiant en D r o it , a dépofé « qu’il connoîr. le fieur
» B r u n , depuis environ fept a n s , pour un hom m e d ’une
« bonne c o n d u ite , très-ré g u lie r, s’appliquant beaucoup
» à l’étude . . . . que le iieur Brun lui a confié différentes
« fois q.u il avoit un établiilem ent en vue , pour leï> quel il lui falloit des fonds , ôc qu’ il avoit environ
» 10,000 l i v . , d o n t beaucoup de billets de CaiiTe d ’E f» compte , &cc. »,
L e fieur François Bourgeois , âgé de 60 a n s, N é g o c ia n t à
P a ris, dépofe « q u ’il co n n o ît l’A b b é Brun depuis quatre
v ans, qu’ils fe voient fréquem m ent quand il effcàParis ( 1),
( 1 ) L ’Abbé Brun avoit fait trois féjours à Paris ; & c’ctoit pour la q*a-
�5«
»5 &
f o n t en c o m m e r c e de L e t tr e s , lorfqu’ile ft en P r o
» vincc : que , c o m m e
il a fa c o n f i a n c e , deux jours
»5 avant Ton départ pour M a r in e s , il en fut faire parc au
», D é p o f a n t , &
a jo u t a , qu’ il vouloit faire un établifTe-
„ m c nt ; que le D ép ofa n t lui ayant obfervé qu’il fai-,
« loit des fonds pour s’établir , le fieur Brun lui die ne
» point en être em b a rra ifé, tira de fa^ poche fon p or
» te -feu ille , & lui montra douze billets noirs de la C a ille
» d ’ Efcompte ; que le D é p o fa n t lui ayant dit que cela
» n’étoit pas aflez c o n f i d é r a b l e pour s’établir ,
le fieur
» Brun lui r é p o n d i t qu’il avoit encore 5000 liv. qu’il avoit
»5 prêtées à différentes perfonnes ; cc qui n ’a point étonné
» le D é p o fa n t, fachant que ledit fieur Brun eft à fon
» aife , & c . ».
Le S r Honoré-Pierre Petticot, âgé de 27 ans, D o & e u r en
M édecine, dépofe, « q u ’il a connu le fieur Brun, pour avoir
» étudié avec lui au C o lle g e d e D ra g u ig n a n , en P ro v en ce,
» qu’il l’a cultivé depuis jufqu’ à préfent \ qu’il y a environ
» quatre mois ( cetce dépofition eft du 13 A oût 1785 )
» ayant befoin d’a r g e n t , 8c trouvant ledit fieur Brun
» ch ez un de fes a m is , à P a ris, il le pria de lui prêter
» vingt louis pour employer à fes affaires , en lui di
” fant qu’il co m p roiten recevoir, & q u ’il les lui rendroit;
” que ledit fieur Brun lui dit : V ou s êtes heureux que
” paie aujourd’hui mon porte-feuille fur moi , car je ne le
» porte pas ordinairem ent; qu’il le tira de fa poche , &
» que l’ayant o u v e rt, le D é p o fa n t y vit une quantité de
trieme fois qu’il y ven o it, lorfqu’il a été fi mal accueilli par le P. Général &
ion Coni'eil.
�59
« billets rouges & noirs de la C aille d ’E fcom pte ; que
>3 ledit iicur Brun lui en prêta un de 600 liv ., que depuis
» il a rendu cet argent au iïcur B r u n , & c . ».
D e u x témoins irréprochables,
& non reprochés 9 o n t
vu dans les mains de l ’ A b b é Brun , des billets de CaiiTc
d ’E fc o m p te ; deux autres avoient appris de lu i , dans un
temps non fufpedfc, qu’il en avoit pour environ z o ,o o o
liv. En voilà fans doute aflfez pour établir le fait de la
poiTeflion des billets. U n fait de cette nature ne peut avoir
un nom bre confidérable de témoins ; on ne confie pas k
tout le m ond e l ’état de fa fortuneL ’A b b é Brun a donc poffédé pour 17,70 0 liv. de bil
lets de CaiiTe d ’Efcom pte ; ce fait ne peut être contefté ,
d’après les d éportio n s d ’un nom bre fuffifant de témoins :
il ne les a plus ; il les redem ande au P . MoiiTet.
Il
ne les a plus. C ’eft ici un fait n é g a tif, qui , par fa
nature 3 n’eil pas fufceptible de preuve. O n peut prouver
q u ’o n a une chofe ; mais on ne peut pas prouver q u ’on,
ne l’a p a s , ou q u ’on ne l’a plus.
Si
en revenant de M arines aux V ertu s, le 9 Juin 178 f ,
l ’A b b é Brun eût retrouvé fa cham bre fermée co m m e il
en partant ; il tous fes effets n’avoient
éprouvé aucun t r a n fp o r t & a u c u n d é r a n g e m e n t ; fi, m a l
l’a v o i t laiiTée
gré cela , en fouillant dans fon arm oire , il n’eût plus
retrouvé fes billets : dans ce c a s , il eût pu rendre plainte
du vol qui lui eût été fa it ; fa feule aiïertion de fes b il
lets v o lé s, eût fuffi pour obtenir l’in fo r m a tio n ; il n’eût
pas eu befoin d’adminiftrer à la Juftice la preuve qu’il
les avoit eus en fa poiTeflion
& qu’il ne les a voit plus.
Si l’inform ation n’eût produit aucunes lumieres , il eût
H ij
�6o
perdu à ¡»mais fes billets & fes fr a is , parce qu’il n'eût fa
à qui s’adreffer.
M ais au lieu de retrouver fa cham bre dans l’état où
il l’avoic la ifle e , l ’ A b b é Brun l’a trouvée dans une confufion horrible ; fes arm oires, fa malle avoient été ou
vertes : des billets de C aiffe , un M a n u f c r i t , des L et
tres précieufes lui manquent. Il rend plainte ; les faits
d’ou vertu re, de v i o le n c e , d ’expoiîtion des effets pendant
trois jours dans un lieu p u b lic , d’ un d o u b le tra n fp o rt,
fo n t confiâtes. Il eft prouvé que toutes ces opérations fon t
le fruit des ordres abfolus du P. MoiiTet. A lors la thefc
ch an g e ; ce n ’eft point tel ou tel particulier qui eft ac~
eufé d’avoir fouftrait ou enlevé les effets réclamés : c’eft
à l’auteur de la violence , de l ’ouverture des arm oires, de
la m a lle , du double tranfport, &cc. que l’on
s'adreife.
O n lui die : V o u s avez violé les droits facrés de la pro
priété d’un citoyen , d’un O ratorien ; vous vous êtes cxpofé à tout ce qui pouvoit réfulter d ’un a & e de cette
nature. O r , la premiere peine impofée à quiconque eft
l ’auteur d’un délit fcm blable au vôtre , eft de reftituer au
propriétaire tout ce qu’il affirme avoir perdu par les voies
de fait qu’on s’eft permjfes contre lui : la fureté publi
que l’exige ainfi ; la raifon & la jufticc applaudiffent à
cette réglé.
E n e f f e t , s’il en étoit au trem en t, il feroit facile de
Cfcnfommer Couvent l’ opprciTion ôcl'injuftice. Si, dans des
'cas pareils à celui où Ce trouve l’A b bé B ru n , il
falloit
prouver rigoureufement les pertes que l’on a faites , on
feroit quelquefois réduit à l’impoffiblc.
Vous
entrez
chez m o i , dans m on abfence , manu militari ; vos fatel-
�61
lites fouillent par-tout. C e que j’ai de plus fe c r e t , eft cti
proie à leurs avides recherches ; mon fecretaire ouvert
par e u x , eft boulevcrfé : 17,700 liv. réduites en papiers
peu volum ineux &c très-lé g ers, y étoicnr. renfermées. Je
ne les retrouve plus ; j’avois célé à tous les yeux ce petit
t r é f o r , fruit précieux de mes épargnes , de mon écono
mie , de m on travail.- II m cil impoflîblc de prouver que
je I'avois. Faudra-t-il d on c que j ’en fois à jamais privé ?
vous fuffira-t-il d ’oppofer féchem ent à mes plaintives ré
cla m a tio n s, vous ne prouve^ pas que vous avie\ cette fo m me ? N o n , vous avez violé à m on égard tous les droits
de l’hom m e , du citoyen ; vous n’êtes plus dans l’ordre
ordinaire des choies : vous n’êtes plus dans la clafle des
limples défendeurs , contre le fq u d s il faille tout prouver.
V o t r e délit vous en a fait forcir ;
la L o i ne demande
d ’autre preuve, pour vous co n d a m n e r „ que m on affirma*tion : elle ne balance point entre deux citoyens , d o n t
l’un eft fans rep roch e, &: l ’autre eft un perturbateur du
repos public : &c s’il eft vrai qu'il vaut m ieux que cent
coupables foient im p u n is , qu’un fcul innocent périiTc ,
il ne l ’eft pas moins , qu’il vaut mieux que celui qui viole
Pafyle des c i t o y e n s & des propriétés , reftirue plus qu'il n’a
fait p erdre, que d ’e x p o f e r c e l u i , à la p ro p r ié té d u q u e l il
a attenté , à perdre ce qui lui a été en levé , faute de four
nir des preuves fouvent impoffibles , qu'il
poffedoit ce
qu’il réclame ; encore une fois , la fureté publique J la
première loi de toute fo c ié t é , l'exige ainfi.
C ’eft fur ce principe que
Pothier
dans Ion Traité
des Obligations , T o m . 2 , page 537 , dit : « Si un
» voyageur a donné fa valife en dépôt à un Aubcrgifte»
�6z
» . & que cette valife aie été volée dans l’A u b e rg e , le d é
» pôt étant c o n f i a n t , Sc n'y ayant que le voyageur qui
» en dem ande la reftitution , qui ait connoiffance de cc
» qu’ il y a v o i t dans la v a life ; le J u g e, pour fe détermi» ner fur la fom m e en laquelle il doit condam ner l’A u » b e r g i f t e , ne peut faire autrement que de s’en rappor,> ter au ferm ent du v o y a g e u r , fur la valeur des chofes
» contenues en fa valife
Si ,d a n s ce ca s, le ferm ent du voyageur fu ffit,
fans
qu’il fo it obligé de fournir d’autres preuves de ce qui
étoit c o n t e n u dans fa valife , que feroit-ce d o n c s’il étoit
c o n f i a n t que le M a ître de l’hôtellerie a fait forcer par fes
valets la v a life , pendant Pabfence du propriétaire, & q u e
les effets y contenus en ont été ôtés 6c tranfportés à plufieurs reprifes, fous un angar ou dans une écurie ? feroit on alors difficulté de croire le v o y a g e u r , lorfqu’ il
affirmeroit qu’il y avoit dans fa valife 1 7 ,7 0 0 1 . en billets
de CaifTe d'Efcompte qui lui m anquent ?
O n nous dira , peut-être, que la parité n’efl pas e x a ile .
Elle ne l’efl pas , en cc que la cham bre de l’A b b é Brun ,
aux V e r t u s , devoit être un afyle pour fes e ffe ts , m êm e
pendant fon a b f e n c e , mille fois plus fur q u ’une hôtel
lerie ; mais elle l ’e ft, en
cc
que le principe d’après
lequel le maître de l'hôtellerie cft condam né fur la
fimple affirmation du voyageur , doit é g a l e m e n t faire
condam ner le P. MoiflTet à reflituer les billets de CaifTe,
fur la fimple affirmation de l’A b b é B r u n , qu’ils on t été
perdus dans les fcencs des 4 & 7 Juin.
L A b b e Brun fait donc plus qu’il ne d e v ro it, en prou
v a n t , par des témoins non fu fp e & s , qu’au m om ent de la
�fcen c du 4 J u in , il avoic en fa pofïefîion pour 1 7 ,7 0 0 J.
de billets de C a life d ’E fcom pte ; 6c la Juftice d oit le
c r o ir e ,
lorfqu ’il vient lui déclarer que ces billets ont
été perdus, égarés ou enlevés pendant les différentes ex
péditions ordonnées par le P. MoifTet.
N o u s prions nos L c& e u rs de vouloir bien fe rappeler
le Statut de l’O ra to ire , rapporté au co m m en cem en t de
ce M é m o i r e , par lequel il eft d i t , qu’au décès de tout
O ratoricn , le Supérieur de la M aifon fe tranfportera
dans fa cham bre auiTi-tôt après fo n inhumation ;
q u'il
drefTera un inventaire de tous fes meubles 8c e ffets, qu’il
fera fiçncr
du Procureur de la M a ifo n ,s & de deux O raO
toriens préfens; que les titres de familles & autres pa
piers feront mis dans des cartons fcellés du cachet de la
M a ifo n ,
Sc des trois PP. préfens, pour le tout être
remis aux héritiers du défunt. R ien de plus fage que ce
Statut. Q u elle conféqu ence préfente-t-il pour la caufè
a& uelle ? L a voici.
U n O ratoricn v iv a n t, vaut bien certainement un O r a
toricn mort. D a n s le cas du décès de l’ A b b é B r u n , aux
termes des Statuts , ni le Supérieur l o c a l , ni le G énéral
n'auroient pu faire jeter fes effets à la porte. Ils ne le
pou voien t pas plus de Ton vivant. M ais f u p p o f o n s que
l ’A b b é Brun fût décédé le jour m êm e de la brillante ex
pédition com m andée par le P. MoifTet ; que , le lundi fuiva n t , fes héritiers fe fuiTcnt préfentés à la M aifon des
V e r t u s , & cufTent trouvé fes effets expofés à la porte
rie ; le P. MoifTet en eût-il été quitte pour les faire réin
tégrer dans la cham bre de l’A b b é B r u n , & pour les re
mettre dans cet état à fes héritiers ? O n ne penfe pas qu’ils
�G4
cuffent été aufli' c o r t p la if a n s ;
ils euffent préalablement
dem andé q u ’il en fût dreffé u n inventaire; & co m m e
les voies de fait du P . MoiiTet auroient' pu faire légi
tim e m e n t Soupçonner q u e , parmi les effets du d é fu n t, il
y en a v o it eu de fouftraits ,
d ’enlëvés ou d ’égarës ; - ils
a u ro ie n t eu le droit d’exiger que l’inventaire eût été' fait
félon la com m une renom m ée.O r, (i quatre tém oins, com m e
les fieurs G a v o t y , R a y y B o u r g e o is , & d e P e t t it o t , euffent
dépofé que l’A b b é Brun a v ô i t , à l’époque de la d é v a s
tation de fa ch am b re, pôfï&dé, entr’autres chofes 17,700
livres de billets de C aiffe qui ne fe retrouvoient plus, le
P. M oiiTet, auteur de la dévaluation ,- n’eût - il pas été co n
d a m n é à réparer cette p erte , d ont il eût été cenfé la caufè
aux yeux de la L o i , pour avoir , fans aucune fo rm a lité ,
& de fa feule aùtorité , difpofé de ce qui ne lui appar-*
tenoit pas ?
C e t in ven ta ire, par co m m u n e re n o m m é e , fe trouve
fait au moyen de l’information de l’A b b é Brun ; il en
excipe , com m e auroient pu faire fes héritiers , avec la
différence bien effentielle , que fa déclaration & fon affir
mation donnent à la fôuftradion de fes e ffe ts , le deoré
de certitu d e, qui naît toujours de la déclaration
de
l’affirmation d’un hom m e d’une probité intacte & d’une
réputation fans tache.
1
M ais c’cft trop infifler fur ce point de ld'caufe : c ’efl
abufer des momens de nos L c & c u r s ,
que de s’attacher
à prouver que le P. MoiiTet s’eft mis volontairem ent dans
le cas de reftituer les 17,70 0 liv. dont il s’agit.-Soit qu’on
confidere l’A b b é Brun com m e m o r t , foir qu’on le co n fiderc cp m m e
vivant,
jamais on n’a pu diSpoicr de fës
effets
�^5
effets fans inventaire ; & c’eft ce défaut d ’inventaire qui
d onne une force irréfiftible à fes réclam ations, co m m e
il l’auroit d onnée à celles de fes héritiers.
C ’eft fans douce beau cou p pour l’A b b é Brun d’avoir
perdu 17,700 Iiv. C e n’eft cependant pas la feule perte
d o n t il fe p la in t; il en eft d ’autres plus fenfibles encore
pour un h om m e de L e ttre s , & pour lcfquelles il n’eft
p o in t, à
proprem ent p a r le r , de véritables indemnités.
R ie n ne peut co m p en fe r la perte d ’un fils chéri ; &c
ne peut-on pas com parer l’enfantem ent du génie à celui
de la nature ? L 'h o m m e qui a pafle les jours 8c les nuits
à confier au papier le fruit de fes m éditations & de fes
é tu d e s , q u i , en travaillant pour fes contem p orains, tra
vaille en m êm e temps pour les ficcles à venir , qui eft:
enfin aflez heureux pour m ettre la derniere main à fon
O u vrage , voit dan$ fon M anufcrit un enfant qui lui eft
d ’aurant plus cher , qu’il lui promet la plus douce des récom penfes , celle à laquelle feule afpire le génie ; la gloire.
L a perte d ’un M a n u fcrit prêt à. être livré à l’impreflion ,
eft d o n c inappréciable dans l’opinion de fon A u te u r ;
8c c ’eft par cette opinion qu’il faut juger du d om m a g e
que lui c a u f e l’ h o m m e qui le lui ravit. L a L ég illa tio n
R o m ain e le d é c ir io ic a in fï ; d a n s d e s ca s f c m b l a b l e s à
celui où fe trouve l’A b b é B r u n , par rapport à fon M a
nufcrit , elle vouloit q u ’on fixât les d om m ages & in té r ê ts ,
n o n pas daprès la valeur intrinieque de la ch ofe p erdu e,
mais d’après l’a ffe & io n du propriétaire &
le prix qu’il y
mettoir. Elle le recevoit au fe rm e n t, q u ’on appeloit J u ramentum xflim ationis : c ’ eft de ce ferm en t d o n t parle
1
�/
6 6
U l p i e n , L . 6 4 , f - D e J u d ic‘ non ah i adlce doli
mado ex eo q«°d interefl fit
fied ex eo quod in litem
,
juratur.
(
Q u e le P . MoiiTet n e d i f e pas , pour alléger l e s t o n s ,
qu e l’O u v ra g e manuferit de l’A b b é Brun
n’auroit peut-
être pas été favorablement accueilli du P u b lic ! C e genre
de défenfe feroit auffi odieux que le délit d o n t on chercheroit à le couvrir. N o u s a im o n s , nous chériiTons nos
enfans m êm e avec leurs défauts. D ailleurs, qui a dit au
P . M o i f l c t , que le M a n u ferit d o n t il s’a g i t , n’eût pas
ajouté à. la réputation que l’A u teur du Triomphe du N ou
veau M onde s’effc déjà juftement acquife ? C elu i qui auroit coupé dans mon jardin mes jeunes arbres , s’exem-"
p te ro it-il
de m ’indemnifer ,
en
difant
qu’ils
roient un jour produit que des fruits fades &
n’au-
infipides ?
L e P. MoiiTet doic d on c une indem nité à l’A b b é Brun ,
pour la perte de fon M anuferit ; 2c cette indemnité ,
quelle qu’elle
foit , fera plutôt une réparation civile ,
qu’ une indemnité : c ’cfl: ici un genre de perte d on t on
ne peut jamais être véritablem ent indem ne.
Il en eft de m êm e pour les trois L e tr e s d e perfonnes en
p l a c e , que P A b bé Brun a perdues dans les difFérens tranfports de fes effe ts, ordonnés par le P . MoiiTet. C es L e t
tres e to ien t, pour celui à qui elles étoient a d r e ilé e s , des
tém oignages flatcurs de l’eftime & de la confédération
q ue des hommes diftingués lui accordent. Elles n’étoient
pas moins précicufes fous un autre point de vue ; elles
pouvoient un jour lui fervir à prouver qu’il méritoit ou un
a vancem ent ou des récompenfes. Q u ’on juge du d eg ré
d ’utilité dont peuvent être de pareilles L e t tr e s , par I’ufage
,
�¿7
que fait aujourd’hui l’ A b b é Brun de fa correfpondancc
avv.x les Supérieurs d e l à C o n g r é g a t io n ; s’il n’eue pas eu
le bonheur de la conferver , la m a lig n ité , la haine ou la
vengeance ne murmurcroient-ellcs pas aux oreilles des
M agiftrats & du P u b lic , q u ’il eft dans la claiTe de ces fujets
dont on fe débarrafle fous le plus léger prétexte? la perte'
de Tes trois Lettres exige d o n c une indemnité.
Il lui en cft égalem ent duc une pour le bouleverfe»
ment de tous fes papiers. U n A uteur q u i , continuellem ent
occupé de fes O u v r a g e s , fait journellement fur des feuil
les volantes des extraits Sc des o b fe rv a tio n s , qu’il claile
félon l’ordre des m atières, éprouve certainement un dom
m age réel , lorfqu’on vient déranger fes papiers. Il lui
faut un temps coniïdérablc pour les remettre dans leur
premier é t a t ; fouvent même la ch ofc lui cft impoifible,
parce q u ’ ayant perdu le fil ou la trace de fes idées pri
m itives,il ne peut plus fc les rappeler, au m oyen du.point de
ralliement que lui préfcntoit l’ ordre établi dans fes feuil
les. C h a cu n a fa maniéré de travailler. Si le P. M o iile t
eût fait n eu f mois plutôt fon expédition , il eût été im poffible à l’A b b é Brun de donner au Public le Triomphe
d u N o u v e a u M o n d e . L e P. M oiflec s’en feroit facilement
confolé ; mais FAbbé Brun n ’en eût pas moins éprouvé
un d om m age fenfible ; 6c il en é p r o u v e un fcm blable ,
par la co n fu fio n inouie que les Frères Lais de la M aifon
des Vertus ont jetés parmi tous fes papiers.
Il cft enfin un dernier a rtic le , pour lequel le P. M o ife t doit une indem nité à P A b bé Brun ; c’cft la perte
d’un établiiTement utile 6c h o n o r a b le , qu'il étoit au m oHj
�a
è i e n t de c o n fo m m e r ,
Iorfque fes biUets de CaiÏÏe o n r
été fouftraits ou égarés , c e q u ie f t la m ême chofe pour lui.
Q u e PA bbé Brun fût au m om ent de faire un établiff e m e n t , o n n’en peut douter , puifque trois témoins
les fieurs G a v o t y , R e y 8t Bourgeois l’ont dépofé. T ro is
tém oins fuffifent pour établir un f a i t , & fur-tout un fait:
q u i j de fa n a tu re , ne peut avoir une grande publicité.
L ’A b b é Brun j encore O ratorien &; réfidant aux V e r t u s ,
ne devoir pas confier aux trompetes de la R e n o m m é e
fon projet de quitter la C o n g ré g atio n .
L ’établiiTement d evo it être utile : on en peut juger
par la fom m e que T A b b é Brun y deilinoit. Les trois
tém oins que nous venons de c it e r ,
ne laiiTent aucun
doute à ce fujet : on a vu ci-deiTus leurs dépofitions.
Il devoit être
porter
honorable ; on doit fur cela s’en
à l’A b b é
Brun ;
fa conduite
6l
fa
rap
maniere
d ’être ju fqu 'à préfent ne permettent pas de penfer au
trement.
C e t établiiïcm ent n’a pas eu lieu ; la perte des billets
de C aiffe d ’E fcom pte a été pour l’A b b é Brun un obilacle
invincible ;
cette
perte
a
été
occafionnée
par
le
P . M o iiïe t : il eft tenu non - feulem ent de la réparer ;
mais
il
doit des
dom m ages
&
intérêts ,
à
raiion
des fuites qu’elle a entraînées. Les dom m ages & intérêts
fo n t non-feulement la perte que quelqu’un a f a i t e , mais
encore le gain q u il a manqué de faire. L a L oi s’ exprime
clairement a ce fujet : Quantum meâ intcrfuit : id efl
quantum m ihi a b e fi, quantûmque lucrari potui. L. 1 3 , ffe
R at. rem hab.
�6 9
M a is quel étoit ce t é ta b liffe in e n t, dira peut-être le
P. M o if le t ? O n lui ré p o n d ra , peu vous im porte; ce pouv o it être une place dans la M a ifo n du R o i , ou des Prin
ces Tes F r e r e s ÿ ce pouvoit être to uteau tre chofe. C elu i
avec lequel traitoit l ’ A b b é Brun , peut avoir autant d ’i n
térêt à cacher au P u b lic qu’il avoit intention de quitter
fa p la c e , que I’A b b é Brun en avoic à c e l e r qu’ il vouloic
abandonner POratoire. Il feroit bien fin g u lic r, qu’après
avoir violé la propriété de l ’A b b é B r u n , le P . M o iiïc t
voulût encore le contraindre à révéler une négociation
qui fe traitoit fous le fceau du fecret 6c de la confiance.
I l fuffit que le projet de l ’établiffem ent foit certain ; il
fuffit q u ’il n’ait manqué que
par le fait du P. M o i f i e t ,
pour que des d om m a g es 6c intérêts foient adjugés à l’A b b é
Brun. Les M agiftrats ont aflez de données pour en afleoir
la quotité.
P o u r q u o i, d iront quelques partifans du P erc M o i f l e t ,
vouloir le charger d’un tore qui
ne
doit être im puté
qu’aux Freres L a is , exécuteurs de fes ordres?! il n’avoit
furem ent pas intention que les chofes fepaiiaiTent co m m e
elles fe fo n t paflees : du m oins on ne peut pas le fuppofer.
LaiiTons, p o u r un m o m e n t , les intentions du P. M oiiletj,
elles n’étoien t certainem ent pas favorables à l’A b b é Brun :
on en peut juger par le lieu q u ’il a ch o ifip o u r faire d épofer fes e ffe ts , par la fameufe plate-bande de f e r , 8cc.
N o u s dem anderons feulem ent qui eft-ce qui a d onné les
o rd re s , 6c qui cft-ce qui les a exécutés? Les ordres ont
été donnés par le P. M o i i f e t , point de doute ; ils o n t é té
�73
exécutés par les Frères t a i s & 1= P«>' S a c rilh in de la
M aifon , point de d ou te encore. Q u e lle cil la pofition
du P. M oiÎfer, G é n é ra l de l’Oracoire , vis-à-vis des Frères
Lais de la C o n g r é g a t i o n ? celle d’un M aître vis-à-vis de {es
d o m c f t i q « es* Quc cetce c o m Parai f ° n nc choque point
nos L ecteu rs ; nous favons que l’efpric de douceur &
de Ghriftianifmc qu’on a droit de cro ire régn er dans la
C o n cré
D e a tio
O n ,7 doit faire traiter les Frères Lais d’ une
autre maniéré que de fimples domeftiques ; qu’ils font
même M em bres de la C o n g ré g a tio n . Mais , dans le
f a i t , ils fon t deftinés au fervicc dom eftique : « L a Bulle
„ de notre In ftitu tion , dit l’A rticle V I du Chapitre X
» des R églem cns ,
imprimés chez Lam bert R o u l a n t ,
»> donne pouvoir de recevoir des Freres fervans, en ces
« termes : E t reliquorum ad fam iliaria officia necejjarion rum ». Ils font tellem ent deftinés à la dom efticité ,
que c’efl par cet état qu’on les éprouve. « Q u a n d il fc
» préfentera, lit-on dans l’article ci-deffus , des Freres
» pour être reçus dans la C o n g ré g a tio n , on leur fera paf>9 f e r , au moins la première a n n é e , en qualité de fe rvi« teu rs, dans la M a ifo n à laquelle ils fe fon t adrefles
» pour demander d ’être reçus . . . . , laquelle leur paiera
» leurs gages en cas de r e n v o i . . . . . .
» Ils ne p ou rron t, continue le m êm e a r tic le , être ad
» mis aux Ordres facrés j ils rendront aux Pcres les fer„ vices néceiTaircs à leurs perfonnes , q uo iq u ’ils foien t
» tenus, non pour fcrvitcurs , mais pour nos Freres Si
M Enfans de la C on grégatio n ; feront habillés d ’ une étoffe
» plus groifierc que celle des Pcres : leurs fo w a n e s fer
�71
» ront de longueur à dix pouces de t e r r e , & le m an>5 teau de m êm e ».
D ’après c e la , les Frcres fcrvans ,
ou Lais de l’O ra
toire , fon t des dom eftiques , a tta c h é s , 8¿ , fi. l’on v e u t ,
in co rp o ré s à la C o n g ré g a tio n , & par-là m ême plus fou
rnis aux ordres du Général 8c des autres Supérieurs , que ne
le fe ro ie n t des domeftiques ordinaires. Leurs motifs d ’obéiiTance fo n t puifés 6c dans l’intérêt de conferver un
état au - deiTus de la dom efticité c o m m u n e , & dans le
rèfpe£t religieux qu’on a foin de leur infpircr pour leurs
Supérieurs. N o u s ne nous trompons donc pas^ en difatit
que la poiîtion du P . M oiiT et, vis-à-vis.des Freres Lais
de la M aifon des V e r t u s , efl: celle d’un M aître vis-à-vis
d ’un domeftique ; elle efl: m êm e plus forte dans l’opinion
de ces Freres ,
pour qui l ’obéiflance e f t , non pas une
obligation do conven tion , mais un devoir de co n fc ic n c e
de de religion.
O r , dans toutes les L ég iila tio n s du m onde , les M a î
tres fon t refponfables des aftions de leurs domeftiques.
Les Rom ains avoient introduit pour cela ce qu’ils appeloicnt N oxalcs acliones. O n lit au
tit. V I I I du Liv. I V
des Inftir. E x M aleficiis ftrvorum , veluù f i furiwrt fe c e r in t, a u t bona rapuerint 3 aut damnum d e d e r in t, aut irtjuriam com m iferint, noxales a cliones produce f u n t , quibus
domino damnato perm ittitur, aut litis
œftimationem f u f -
ferre , aut hominem noxœ dedere. A i n f i , chez les R om ains ,
on étoit obligé de réparer le tort occafionné par fon e£
clave , ou d’abandonner à fa Partie adverfe Tefclave
m ê m e , d o n t la perte étoit la peine impofée au M a ître qui
étoit refponfable de fa conduite. C e tte L o i a été adop
�tée dans fo n entier p a r l’a r t i c le 37 de
1 E d it de
%
donné pour les C o lo n i e s .
Q u o iq u e P e f c l a v a g e n’ait plus lieu en F rance , nous
avons co n ferv é Pefprit de la L o i R om aine. Les M aîtres
fo n t r c f p o n f a b l e s
des faits de
leurs dom eftiques ;
on
trouve dans le fécond T o m e du Journal des A u d ie n c e s ,
u n A r r ê t du Parlement de P a r is , qui co n d a m n e un M a î
tre aux dom m ages & intérêts caufés par l’incendie arri
vé par la faute de fon valet ,
dans la maifon d ’un de
fes amis où il é to it allé en vifite.
P o t h i e r l e décide affirm ativem ent, T r a ité des O b lig a
tio n s , P a rtie I I , C hapitre 6 ,
n°. 4 5 6. « Les Maîrres
* fo n t auffi tenus des délies de leurs d o m eftiq u es, lo r f>5 qu’ils ne les ont pas e m p ê c h é s , ayant pu le faire. Ils
»s fon t m ême tenus de ce u x qu'ils n’on t pu e m p ê ch e r,
« lorfque les domeftiques les o n t com m is dans les fo n c« tions auxquelles ils étoient prépofés : par exem ple ,
m fi votre C o c h e r , en conduifant votre caroiTc, a , par
« brutalité ou par impéritie , caufé quelque d om m age ,
v> vous
en êtes civilem ent refponfable , fa u f votre re
» cours contre l u i , qui eft le débiteur principal ».
Les Freres Lais de la M a ifo n des Vertus étoient les
fe rv ite u rs , o u , fi on ne veut pas que nous nous fervions de cette expreffion , les hom m es ,
les prépofés
du P . M oiiTet; ils n’ont agi q u e par fe s o rd res: il eft
d o n c refponfable de la maniéré dont ils les on t exécu
tes. Il
eft dans un
cas bien
M a ître du C o c h e r , q u i ,
moins
favorable que le
en conduifant fon c a r o i ï c , a
canfé , par brutalité ou par im p é ritie , des pertes à un
tiers.
�73
tiers. Q u ’il e x e r c e , s’il le v e u t, fo u recours contre les
infolens exécuteurs de Tes ordres defpotiques ; mais rien
ne peut l’exempter d’une condam nation en dom m ages 6c
in térêts, 6c 50,000 1. ne paroîtront pas une indemnité
trop forte , lorfqu’on voudra bien faire attention que
l’A b b é Brun fe trouve privé d ’une fom m e de 17,70 0 1.
d ’un M anufcric auquel il attachoit un grand prix , de
crois Lettres de perfonnes en p la c e , qui lui étoient précieufes, ÔC enfin d ’un établiiTement utile 6c h o n o r a b le ,
q u e peut-être il ne retrouvera jamais. Q u ’on ajoute l’in
décente plaque de fer attachée à fa porte , la feandaleufe 6c longu e expofirion de fes effets , dans un lieu
auflî public que la porterie d ’une maifon C uriale , les
déclam ations outrageantes 6c injuftes contre le Triomphe
du Nouveau M o n d e , d o n t fo n A dverfairc remplit fes Req u ê c e s , & fait retentirle T e m p le de la Juftice ; 6c l’on
conviendra qu’il ne demande point une réparation trop
forte pour des outrages auifi fa n g la n s , 6c des pertes auili
graves.
,
N o s Lecbeurs fon t fans doute impatiens de co n n oîtrc
ce que le P. M o iiïe t oppofe à ces faits 6c aux m oyens
qui e n f o n t les conféqu cnces néccilaircs : fatisfaifons
leur im patience; &: n o u s t r o u v e r o n s par-là u n e n o u v e l l e
o c c a i i o n de faire paroître dans un plus grand jour , s’il
étoit poflible, la juftice de la caufe de l’ A b b é Brun.
L o rfq u ’après l’in fo rm a tio n , les Parties eurent été ren
voyées a
1 A udience , Sc que le P, MoiiTet eût été afligné 9
pour fe voir condam ner en 50,000 liv. de dom m ages 8c
in térêts, par form e de réparation c i v i le ,
'
fes partifans,
car l’autorité en a toujours , crierent ,à l ’indécence.
K
�74
C o m m e n ço n s par laver l’ A b b é Brun de ce reproche.
Sa plainte n’eft
point
dirigée contre le Pv MoiiTet ; l’in
formation efl: faite contre des Quidams. Jufqucs-là, rien
d ’indécenr.
11 réfulte de l ’inform ation , que le P . MoiiTet efl: l’au
teur de l ’événement qui a occaiîonné toutes les pertes
m entionnées dans la plainte. Il en efl d o n c civilem ent
refponfable ; il eft m ême le feul en état d ’en répondre.
O n fe garde bien de le coniîdérer com m e la caufe effi
ciente des dom m ages qu’a éprouvés l’ A b b é Brun : on
co n vien t hautement qu’il en efl: feulem ent la caufc occ a ü o n n c l l c ; du refte, on n ’accufe ,
011
ne foupçonne
perfonne : eft-il une maniéré plus décente de chercher à
fe faire rendre juftice ?
}
L ’ A b b é Brun ne donne des fuites à fa p la in te, qu’a
près avoir tenté les voies amiables. O n le repouile avec
hauteur ; on fe vante de ne pas craindre l’éclat d ’ un
procès : le procès a lieu. O n le dem ande ; de quel côté
eft l’indécence , s’il y en a?
L 'A b b é Brun a pris la voie de la plainte ; il n’ en efl:
pas d ’autres pour acquérir la preuve des faits dont il efl:
la vi& im e. Y a-t-il de l’indécence à fe jeter dans les bras
de la L o i , Iorfqu’on ne peut faire autrement ?
U n grand Seigneur , dont le Poftillon mène le ca
briolet au grand galop , renverfe un citoyen , lui caiTe
un bras. L ’hom m e ainfi maltraité lui demande les frais
de fon bras r e m is , ôc une indemnité pour le tems qu’il
a perdu dans fon lir. V o u s êtes un faquin , lui répondon ; m on poftillon a fait le m a l , adreiïez-vous à lui : le
�75
P. M oiffet ne vou d roit pas tenir ce l a n g a g e , c ’cft alors
q u ’il y auroit de l ’indécence.
[i M ais laiiTons la prétendue indécence. T o u t citoyen
peut demander dans nos T rib u n a u x juilice contre le R o i ;
un O r a t o r i c n peut d o n c bien la dem ander contre fon
G énéral.
L e P. MoiiTèt ayant eu connoiflance de la plainte 8C
de l’inform ation , ne regarda plus l’a & io n intentée
co n tre lui com m e une bagatelle indigne de Ton atten
tion ; il chercha alors à l’an éa n tir, en articulant des faits:
il en articula au nom bre de h u i t ,
8c demanda À être
admis à en faire la preuve. C es faits fon t ; i°. que 1*Abbé
Brun n’a réclamé les effets qu’il prérend perdus , que poilérieurement à l ’ordre d ’excluiion qui lui a été fignifié le
13 Juin ; 20. q u ’il n'étoit pas préfumable qu’il ait jamais eu
les fom m es qu’il réclam e ; 30. qu’il a varié dans fes ré
cla m a tio n s; 4°. qu’il a d û , pendant trois mois & d e m i,
2.7 1. 5 f. au portier de la M a ifo n de S. H on o ré , pour le
port de fa m a l l e ; 50. qu’il a emprunté 30 liv. au Supé
rieur des V e r t u s , qu’il n’a jamais rendues ; 6°. q u ’il a
ch erch é à faire différens autres emprunts pour fournir à
l ’im p r c flio n de fon O u vra g e ; 7° qu’il a défobéi aux ordres
du G é n é r a l 8c de fon C o n f c i l , en co n tin u an t de réfider
à la M aifon des V e r t u s ; 80. e n fin , qu’il fc die être l ’A u te u r
d’un O u vrage évid em m ent condam nable.
T o u s ces faits étoient évidem m ent impertinens ( 1 ) ;
( 1 ) En langage de Palais, on entend par faits imperùntns ou non pertinent,
des fa its, qui , quand ils feroient établis, feroient inutiles pour la decifion ds
la caufe.
�■
j6
'
ils n’avoient aucune co n n exion néceiTaire avec ceux de
la p la in te , ne les détruifoient p a s , 8c étoient par co n fé q u e n t inadm iffibles.
^
L a d e m a n d e du P. M o iiïe t a été rejetée;.
5C la Sen
tence du 9 A o û t 1785 , lui a feulement permis de faire
la p r e u v e des faits contraires à ceux contenus dans la
p l a i n t e , Sc à l ’A b b é Brun de continuer à faire la preuve
des liens.
L e P. MoiiTet a fait faire une enquêce ou contrc^-enq u ê t e , & il a fait entendre on ze tém oins.
O u b lian t fans doute qu’il s’ agifloic d’établir des faits
c o n t r a i r e s à ceux contenus dans la p la in te , il a fait en
tendre fix témoins déjà entendus dans l’information de
l ’A b b é Brun ; Sc ces fix témoins fon t trois O ratoriens
de la M aifon des Vertus ( 1 ) , 6c trois Freres Lais de
cette même M aifon. C e fon t ce u x , entr’autres, qui ont
rendu le com pte le plus exa£t de la maniéré dont s’étoient
paiTées les feenes des 4 Sc 7 Juin. L e P. MoiiTet n’a pro
b ablem ent pas vou lu - s’en fervir pour détruire ces faits
eflcnticls : le pouvoient-ils , fans s’expofer à être traités
co m m e faux témoins ? auffi ces faits , qui f o r m e n t , à
proprement p a rle r, le corps du
délit , font-ils reftés
co n ftan s, malgré tout l’art avec lequel ont été concertées
les fécondes dépofitions de la plupart de ces fix témoins»
Q u el a donc été le but du P. MoiiTet ? ce n’a pas été'
de nier les a£tes de violence 5c d’ infraction aux loix de'
la p rop riété, dont fe plaint l’A bbé Brun , mais d’a tté -
{ 1 ) Les trois PP. des Vertus font le P. M çiza rd , Supérieur de la Maifom
& les PP. Garniçr & Caflius.
�77
n u e r , s*iî eft p o ifib le , les conféqu enccs
qui en réful-
tent contre lui ; c ’ éft pour cela q u ’il a fait entendre de
n ou vea u iïx des- témoins de l’inform ation , afin quert
ajoutant à leurs premières d ép ofition s,
ils jetaiTent au
moins quelque ob fcu rité,fu r la v é r it é , à laquelle ils n’ont
pu s’empêcher de rendre h o m m a g e .
une réflexion bien fimple fe préfente ici. En
fuppofant les fix témoins d o n t il s’a g i t , des hom m es
M a is
d ’honneur' 8C de probité , ils n’o n t dû dire que ce qu’ils
f a v o ie n t, 8c ont dû le dire lors de leur première d é p o fition : dans ce c a s , il étoit inutile de les faire entendre
une fé co n d é fois. S’ils fo n t capables d ’ajouter à leur pre
m iere dépofition des circonftances propres à l’a ffo ib lir ,
n’y aUroir-il pas alors à craindre que les infinuations ,
la f é d u & io n , le defir de plaire à leur C h e f , n’entraflent
pour beaucoup dans leur co n d u ite ? N e fera -t-on pas en
droit de le foupçonner , lorfqu’on verra les additions
q u ’ils o n t faites à leur premiere dépofition , ne tendre
qu’à répandre de la défaveur fur l’A b b é Brun , 8c n’être
en quelque forte que la répétition des faits articulés par
le P. M o iiT e t, 8c à la preuve defquels il n’a pas été ad
mis ? Il fera alors évident que c ’eft une maniéré indiredte de faire re v iv re une p rétention repouflee par la
Juftice.
E n deux m o t s , ce ne fon t point des faits juftifïcatifs,
articulés par le P. M o iiT e t, à la preuve defquels il ait été
admis. L a Sentence du 9 A o û t 1 7 8 5 , l’a feulem ent au~
torifé à faire la preuve des faits contraires à ce u x énon
cés dans la plainte. O r , cette preuve ne peut être faite
par les mêmes tém oins qui ont déjà été entendus à la
�7«
requête d e T A b b é B r u n ; c a r , ou ces tém oins o n t établi
les faits de la p la in t e , ou ils les o n t laiiles
dans Tin-
certitude , ou ils on t dépofé le contraire. S’ils les on t
é ta b lis , ils ne Peuvcnt Pas lcs détruire par des dépofitions o p p o f é e s à celles q u ’ils o n t déjà faites; alors ils
ne
m ériteroient
aucune
confiance.
S ’ils
ont
IaifTé
les faits de la plainte dans l ’incertitude , pourquoi leur
feroit-il permis d e venir enfuite dépofer en faveur de
Taccufé ? ce feroit favôrifer la fédu ttion ou la fubornation. S’ils les ont anéantis dans leur premiere dépofition ,
il eft au m o i n s inutile de les entendre une fécon d é fois.
I l eft donc déraifonnable & dangereux que des témoins
entendus à la requête de l’accufateu r, le forent de nou
veau à celle de l’a cc u fé , lorfque celui-ci n’eft point a d
mis à la preuve des faits juftificatifs par lui articulés ,
mais feulement à la preuve des faits contraires à ceux
énoncés dans la plainte. L ’A b b é Brun a donc été fo n d é
à réeufer ces fix témoins de l’enquête du P. MoifTet.
L es cinq autres font égalem ent récufables. L e fieur
L a m b e r t , Bourfier de la M aifon des V e r t u s , 8c les trois
Freres Lai? de la M aifon de S. H o n o ré , fo n t fous une
dépendance trop im m é d ia te .d u P. M oifT et, com m e G é
néral de la C o n g r é g a t io n , pour qu’ils puifTent être pro
duits par lui ,afïn d ’opérer fa juftifîcation. Q u ’on ne dife
pas qu’ils font tém oins néceiTaires : les trois Freres Lais
de S. Honoré n’étoient point aux V e r t u s , les 4 , 5 , 6
& 7 Juin 1785; ils n’ont donc pas été témoins de ce qui s’y
eft parte à ces époques ; ils ne fo n t donc pas témoins
nécefTaircs. Le fieur L a m b e r t , B o u rfic r, ne l’eft pas da-
�7 9
y a n t a g e , parce que plufieurs autres que lui on t été p cifonneliem ent inilruits des faits de la plainte. D'ailleurs
des a£tes tels qud l’ouverture fo r c é e de la chambre de
l’A b b é Brun , de celles de fes a rm o ire s , de fa m a lle , de
l ’expofition de fes effets 8c de leur double
tranfporc „•
ne fon t pas de ces actes occultes &C fecrets , qui ne puiffent être connus que de peu de p e r fo n n e s , 8c qui par
conféquent n’aient eu que des témoins q u ’on appelé n éceffaires.
L a dépofition du ficur C o d i c u x , Procureur - Fifcal ,
O rgan ifte des V e r t u s , n’eft pas plus admiiïible ; il fuflic
que l’A b b é Brun fc foit adrefTé à, lu i, co m m e Officier
p u b lic ,
pour qu’il ne puiffe plus dépofer ni pour ni
contre. L a confiance que l’on d oit à fon m inifterc, ne
lui
permet pas
d’en a b u f e r , au point de r i v é le r , fans
y être c o n tra in t, ce qu’on a p u lui faire co n n oître dans
fon cabinet. Il d e v o ir , lo rfq u ’il a été affigné à la requête
du P. M o if l e t , fe renferm er dans les bornes du filc n c c ,
6c ce filcncc n ’ eût pu qu’être approuvé 6c par la Juftice
6c par les hom m es délicats. C e tte conduire refpc& ablc
ne lui eue probablem ent pas attiré la petite difgrace de
eefler de toucher les orgues à. la Paroiflc des Vertus.
M a is , dans une caufe de cette n a tu re, l’À b b é B r u n ne
fc contentera pas de réeufer les tém oins du P. MoiiTec.
Les indu&ions qu’on veut tirer de leurs dépofitions ,
com prom ettent plus fon
honneur , que tout ce que le
P. M oiflet s’clt permis contre lui ; il faut d on c difeuter
ses dép ofitions, 6c dém ontrer que les unes font fa u f-
�8o
Ces ( i ) , 6c que les a u t r e s ne d onnent point les conféq u e n c e s ’ flétriiïan tes fous lefquelles on ve u t l’accabler.
Le P
M o iiT e t piéccnd que l’A b b é Brun réclame des
billets de C a i f l e qu’il n’a pas perdus , c’eft à-dire , qu’il
l ’a c c u f e d ’être fans bonne foi de fans probité. C e tte al
légation eft d’un genre à ne pas être laiifée faus réponfe.
L ’A b b é Brun n’avoit pas les billets de C a ifle qu’il ré
c la m e ; d on c il ne les a pas perdus. V o i là la premiere
objection du P. M o i f l e t ; la conféquence feroit jufte ,
iî le prémifle écoit véritable. M ais c ’eft: une propofition
n é g a t i v e bien difficile à prouver. L e P. M oiflet entre
p r e n d cependant cette preuve ; voyons s’il y réuffira.
L ’A b b é Brun a du pendant trois mois & demi 1 7 1.5 f. pour
le port de fa m alle; il a emprunté 30 liv. du Supérieur des
V e r tu s , & ne les lui a jamais rendues. Il a cherché à emprun
ter du P. G arnier & des P P . de la M aifon de S. M a g lo ir e ,
pour fournir aux frais de l’imprcflion de fa n O u vrage ;
( 1 ) Par exem p le, le bon F . Antoine a ofé dépofer que les effets
de l’Abbé Brun n’étoient pas reftés trois jours & trois nuits expofés à
la porterie , mais que le même jour qu’ils avoient etc enlevés de la cham
b r e , ils y avoient été rapportés. Le complaifant P. Monard a , de fon cô té,
voulu faire croire que la malle de l’A bbé Brun n’avoit jamais été ouverte .
j'ignore , a-t-il d it, fi l’on a enlevé ou perdu des billets de Caifle d’Efcompte *
Manufcrits, ou papiers appartenans au P. B run ; cela paroît de toute impoffibilité * attendu que les Freres qui ont emporté les effets, ont déclaré avoir
tenu toujours ladite malle fermée. L’ expofition des effets pendant trois jours
& trois nuits 9 & la double ouverture font autant çonftatées qu’elles puiflent
l’être. Il y a bien d’autres aflertions de cette nature qu’il feroit trop long de
détailler. Q u ’on juge par ces deux feuls traits de la véracité des témoins du
p, M o ifle t, lorfqu’ils entreprennent de parler à fa décharge.
donc
�8ï
d o n c il n’avoit pas 17 ,7 0 0 liv. lorfqne le P. M o iffe t a fait
jeter fes effets à la p o r te , d o n c il ne les a pas perdues
dans cet événement : une foule de réponfes pulvérife cette
ebjeéHon.
Quatre témoins dignes de f o i , non récufables & non
réeufés, atreftent que l’A b b é Brun é t o i t , à l'ép oq ue dn.
4 Juin , propriétaire d ’environ 20,000 li v ., d o n t beau
coup en billets de C aiffe d’E f c o m p t e , que deux d ’entre
eux on t affirmé avoir vus. Q u e le P. M o iffe t raifonne
tan t
qu’il voudra ,
qu'il accum ule
p ré e m p tio n s
fur
préfom ptions , probabilités fur probabilités , le fait de la
poffeifion des billets reftera toujours co nfiant d’après ces
d ép o rtio n s.
'
U n fait ainfi p r o u v é , ne fe détruit point par des raifonnem ens ; &L quand m êm e le P . M oiffet auroit produit
d ix témoins , qui auroient affirmé la non-poffeilion de ces
b illets, les quatre qui en ont affirmé la poffeifion, devroienc
l ’em porter, duobus ajferauibus affirmativam , magis cred'uur
quhm etiam decem negativam proponentibus.
En
fuppofant véritables toutes les allégations du
P . M o i f f e t , o n n’en pourroit encore rien conclure contre
l ’A b b e Brun. Q u a n d il a u r o i t été a u t r e f o is d a n s un état
de gêne pécu niaire, s’enfuivroit-il qu’il ne poflekoit pas
17 ,7 0 0 livres au 4 Juin 1 7 8 5 ? cette conféquence feroit
abfurde : le tr a v a il, les t a le n s , l’économ ie , fon t des
mines fécondes
pour qui fçait les fouiller ; & l’A b b é
B r u n ne feroit pas le premier Oratorien que ces m oyens
hon nêtes
lé g itim e s , on t co n d u it à une fortune audeffus de celle qu’il réclame.
L
�Si
M ais où font d o n c les preuves <te cette efpece d’indi
gence , d a n s laquelle la main généreufe du P. M o iflc t
v e u t p l o n g e r l’A b b é B ru n ? Eft-ce dans fa première édu
c a t io n ? C e l l e q u ’il a reçue dans le fein de fa fa m ille ,
par
les foins d ’un inftituteur particu lier, fous les yeux
p a t e r n e ls ,
annonce
n’étoient point
gence.
que
dans
E f t - c e dans la
un
les
auteurs
de
état d ’infortune
fes jours ,
2c
d ’indi
m aniéré d on t il a vécu dans
la C o n g ré g a tio n ? Ici il attefte tous fes C onfreres , &:
leur d e m a n d e h a u t e m e n t fi jamais il a connu ces b efo in s,
triftes
enfans de la néceffité ; 6c fi , au contraire , il
n’a pas toujours joui au milieu d’eux de toutes les dou
ceurs de la vie qui e x i g e n t , de la part de celui qui fe
les p r o c u r e , des facultés que n’a pas celui qui eft réduit
au fimple néceifaire? U n e Bibliothèque aifez n o m b r e u fe ,
mais encore plus confidérable par le c h o i x , Ta fuivi dans
toutes les M a ifo n s où il a réfidé ; il a fa it, chaque an
n é e , des voyages fréquens dans différentes Provinces de
la F r a n c e , non pas en hom m e qui n ’a pour but que
de fe rendre rapidement d’ un lieu à un autre , mais en
h om m e aiTez opulent pour faire des facrifices pécuniaires
à fon inftrudlion. C u rieu x de connoître la n a tu re , il l’a
étudiée dans ces voyages ; il peut m êm e encore ajourd’hui
montrer les fruits de fes recherches. Il poflede une co l
lection de différons m o r c e a u x d’H iftoire N a t u r e lle , qui
a échappé à. Pinquifition ordonnée par le P. M o i i f e t ( i ) .
( 1 ) Le Frere Antoine a dépofé dans 1information , qu’après avoir reporté
les effets de l’Abbé Bijun dans fa chambre , ils f i f om apperçus qu'ils
avoitnt oublié d’ ouvrir une armoire à gauche contre la cheminée ; & la voyant
�S3
Faut-il actuellement répondre aux inductions que l'on
veut tirer contre lui , de ce qu’il a d û , pendant trois
m o i s , 17 liv. 5 fols au Frerc P ortier de la M a ifo n ctc Saint
H o n o r é , de ce qn’il a emprunté 30 livres au Supérieur
des V e r t u s , S ic.? reprenons tous ces faits, en particulier.
L ’A b b é Brun étoit aux V ertu s lorfque fa malle arriva
à Paris. L e Frerc Portier ne lui en donna point avis 5C
fur la retirer de la D o u a n e fans avoir les c le f s , ce qui
en néceflita l'ouverture forcée. T rois femaines s’é c o u
lèrent avant que PAbbé Brun fût inftruit de l’arrivée de
fa malle : il demanda la lettre de voiture ; le Frere P or
tier ne la lui repréfenta point ; & le port ne fut pas p a yé ,
parce que le propriétaire de la malle vouloit favoir ce
qu’il avoit réellem ent.coûté. Enfin le Frere Portier ayant
ailuré qu’il avoit perdu la lettre de v o i t u r e , l’A b b é Brun
lui remit la fom m e qu’il dem andoit ( 1 ). C ette petite
altercation avec un Frere P o rtie r, n’a certainem ent au
cun rapport à la C a u f e ; 8c l’A b b é Brun e û t - i l retardé
garnie d'effets, Us l ’ ont refermée fans toucher à rien. C ’eft dans cette armoire
qu’étoiont de petites cailles remplies de pieces d’Hiftoire Naturelle. Il eft éton
nant qu’après avoir été allez curieux pour ouvrir l’arm oire, d’abord oubliee »
les bons Frcres n’aient pas ofé toucher à ce qu’elle renfermoit !
( 1 ) C ’eft pour établir ce fait important des i y livres <; iols, que le P. M oiifet a fait entendre trois Freres de la Maifon de Saint Honoré : le Frere C o r
r o y e r , Portier , dépofe que le 9 N ovem bre dernier (17 8 4 ) il a retiré à la
Douane la malle du P. B ru n , & a payé 27 livres 5 fols ; que faute par le
P. Brun de lui rendre les 27 livres 5 fols qu’il avoit avancés pour l u i , il a
étc o b ligé, de ravis du Procureur-Général ( d e la Congrégation) de garder la
malle pendant qitelque temps ; &
P. Brun que trois mois &
le Dépofant n’en a été rembourfé par le
demi après, quoiqu’il le follicitât fouvent de le
payer. O n voit la diflunulation régner d’un bout à l’autre de cette dépofition ;
puifque le Frere Corroyer ne parle point du défaut de la lettre de voiture
L ij
�8
4
fix mois à payer le port de fa m a lle , parce qu’on ne lui
repréfcntoic point la lettre de voiture , il n’cn réfultcroit
point q u ’il n’aie pas été p o fleffeu r, au 4 Juin 1785 , de
i j ^ o o livres de billets de C a ille d’ Efcompte.
L e P. M o n a rd a eu raifon de dire qüe l’A b b é Brun
lui a emprunté 30 livres : mais en cela il n’a dit qu’une
demi-vérité. Il fa llo ir, pour en dire une entière , ajouter
que l’A b b é Brun lui en a depuis offert le rembourfem cnc, &
qu’il l’a rcfufé. V o i c i le fait. D a n s le m ois
d ’O & o b r e , ou à la fin de N o v e m b re 17 8 4 , fi on aime
m ieux la verfion du P. M o n a rd , l’A b b é Brun étant obligé
de p a r tir pour V erfa illes où fes affaires l’appeloient, fc
trouva n’avoir que peu d ’argenf m o n o y é , ( o n a vu qu’il
étoit dans l’ufage de convertir fes fonds en papier) fut
trouver le P . M o n a rd > Supérieur des V e r t u s , pour le
prier de lui prêter ce qu’il jugeoit néceflaire pour fo n
v o y a g e , en cas qu’il fût obligé de féjourner à Verfailles.
L e P. M onard crut d ’abord qu’il s’agifïbit d’une forte
fom m e. L ’A b b é B r u n , furpris de l’efpcce de refus q u ’il
éprouvoit , s’emprefla
de défabufer le
P . Supérieur ,
en lui difant qu’il ne l’importuneroit pas pour une b a
gatelle dont il avoit b e f o in , s’il avoit le temps d’aller réalifer à Paris quelques-uns de fes effets d o n t le m oindre
étoit de 300 livres : fur quoi le P. M o n a r d répondit qu’il
qui a été le feul m otif du retard de fon paiement : mais ce qu’il y a de plus
frappant, c’eft l’a-v is fuppofé donné par le Procureur - Général de la Congré
gation. Q uel Corps que celui qui fouffriroit qu’ un de fes Membres reftât privé
de fon linge & de fes hardes pour une modique fomme de 27 livres 5 fols ?
Q u e de réflexions fe préfenteroient fur l’efprit &.
Corps !
fe
régim e d’ua
pareil
�*5
avoit à fon fervice lin ou deux louis. L ’A b b é Brun accepta
30 livres. Q uelques jours après, il offrit au P. M onard de
le rembourfer & de lui payer une penfion pendant fon
fejour dans la M a i f o n , en fuppofant que l’ordre qui lui
avoir été p ro m is, ne lui fût pas expédié (1). L e P. M o
nard eut rh on n êteté de ne pas accepter le r_embourfem e n r , e n d i f a n t , que cela çtoit in u tile , puifquc la M ai
fon lui devroit bientôt une fom m e plus confidérable. T e l
cil le fait dans fon entier ; le P. M onard l’a tronqué
dans fa double dépofition ; & on a eu grand foin de le
faire répéter ainfi tronqué aux trois Frères Lais de la
M aifon des V e r tu s , dans PEnquête du P. M o if fe t, q u o i
qu’ils n’en euflent pas parlé dans l’Information de l’A b b é
Brun. Q u ’en peut-on 'conclure contre l’A b b é Brun ? Il a
em p ru n té, au mois d ’O & o b r e ou de N o v em b re 1 7 8 4 ,
une fom m e de 30 livres qu’il n’a pas encore rendue par
des circonftances particulières ( z ). D o n c , au mois de
Juin 1 7 8 5 , il n’avoit pas 17,700 livres : la co n féq u en ce
eft trop abfurde pour qu’on s’arrête à la difeurer.
M ais le P. G arnier a dépofé dans la c o n tre -E n q u ê te
du P. M o i f f e t , que vers le mois de Février 1 7 8 5 , l ’A b b é
(1 ) O n a v u , dans le récit des faits, que le P. G én éra l, vers la fin de 1784 »
ayoit promis de donner à l’Abbé Brun un ordre pour la Maifon des Vertus ; ce qui
n’eut pas lieu , parce qu’il vint à Saint H o n o ré, afin d’être plus à portée de
veiller à rimpreffion de fon O uvrage.
( 2 ) Malgré l’ordre d’exclufion du 13 Juin 1 7 8 5 , la Congrégation doit à
l’A bbé Brun bien plus de 30 livres ; le P. Monard ne l’ignoroit p a s, voilà
pourquoi il n’a pas redemandé fes dix écus. A u refte, on les lui offre. En le
rembourfant, on ne le défintéreflera pas entièrement, parce que fon véritable
intérêt eft de plaire au P. MoiiTet : il a déjà recueilli les fruits de toutes
complaifances ; il
eft refté
Curé des Vertus.
�86
Brun l’a prié d e lui p rê te r cinq a f i x cens livres qu’ il ne
lui a point p rê té e s ; &
1e P* M onard a d i t , qu il fçait
du P. G a rn ie r, que l’A b b é B r u n , au com m encem ent de
F é v r ie r , l’a f o l li c i t é &C fait folliciter par des P P . de la
M a i f o n de l’O r a t o ir e , de lui prêter f i x ou fep teen s livres.
Les
Frères Lais n’ont pas m anqué é g a le m e n t, dans la
c o n t r e - Enquête , d ’aiTurer qu’ils ont entendu parler de
la demande de ce p r ê t , & du refus du P . Garnier.
D e tous ces témoins , en les fuppofant non-récufables,
lorfqu’ils viennent dépofer pour le P . M o i f i e t , il n’y a
que le P . G a r n i e r qui parle de ce fait com m e «\ lui perfo n n elle m cn t connu. T o u s les autres ne parlent que par
oui - dire. N ous n ’avons d o n c ici q u ’ un feul témoin à
com battre , le P. G arnier.
N o u s n ’ invoquerons point
l ’axiome teflis unus, teflis nullus ; nous ne dirons point
au P. G a rn ie r, vous êtes un faux té m o in ; on fçait trop
le refpe£t qu’on lui d o i t , f u r - t o u t depuis qu’ il a été
nom m é Supérieur du
C o lle g e de T ro ie s : mais on lui
d ir a , le dciir d ’être utile à. votre G é n é r a l, vous a fait
prendre une fi£tion de votre im agination pour une réa
lité. Jamais l’A b b é Brun ne vous a demandé cinq ou f i x
cens livres , n i f i x ou fe p t cens liv res, com m e le P. M o
nard dit l’avoir appris de vous. C ’eft au mois de F é
vrier 1785 que vous placez les follicitations de I’A b b é
Brun. O r , à cette é p o q u e , il n’avoit pas l’avantage de
vous connoître. 11 ne vous avoit jamais vu. V ou s arri
vâtes alors aux V ertu s ; &
il réfidoit à Saint H onoré.
V ou s avez mal choifi votre temps ; il falloir prendre le
mois de M a i au lieu du mois de Février : en bleflant
la v é r it é , vous n’auriez pas choqué la vraifemblance.
�87
V o ic i encore un nouveau fait articulé par le P. M oiffct , & d ’où l ’on cherche à conclure qu’au 4 Juin 1 7 8 5 ,
l ’A b b é Brun ne pouvoit pas pofleder 17,70 0 livres. L e
P. M onard , dans fa fécondé déposition, a dit que l ’A b b é
Brun « a follicité fortem ent le Supérieur du Séminaire
» de Saint M agloire de lui prêter de quoi fubvenir aux
>5 frais de Pimpreffion de fon O u vra g e ; qu’on le lui avoit
» prom is, à condition q u ’il remettroit fon M anufcric ,
»5 afin d ’être exam iné ; mais que cette propofition avoit
»3 déplu à M . B r u n , & qu il avoit ceiTé fes inftances...... ».
L e P . M o n a rd ne parle ici que d ’ après des oui-dire ;
mais du m o in s , il falloit mettre plus de vraifem blancc
dans ce q u ’il
raconte. P e u t - 011 préfumer que l ’A b bé
Brun , qui avoit confié fon M a n u icrit au P . M o n a r d luim êm e , &
cela uniquem ent pour le confulter , auroit
refufé de le com m uniquer au Supérieur de Saint M a
gloire , lorfqu’il y auroit été excité par un intérêt auifi
puiÎTant que celui de fe libérer des frais d ’impreilion? C e la
n'eft point croyable. Il eft faux que jamais l’A b b é Brun
ait rien follicité de fem blable auprès des PP. de la M a i
fon de Saint M a gloire. Il eft vrai q u ’à la vue de J’Approbation d o n n é e par le C en feu r du Triomphe du Nouveau
M onde , plufieurs d ' e n t r ’e u x c r u r e n t q u e le r é g i m e d e la
C o n g ré g a tio n auroit dû , par une fage politique & par
form e d’encouragem ent , fe charger des frais d ’impreffion ; 6c que la M a ifo n de Saint M a g lo ir e ayant des
fonds en caiiTe, devoit réparer cette faute du Général
de fo n C on feil. Us en firent m êm e la propofition ,
B iais
de leur pur m ou vem en t : l’A b b é Brun a fçu depuis
ce qui l’avoit fait échouer. Il attefte hautem ent toute la
�i
88
Maifon de Saint M a g l o i r e qu’il n ’a jamais fait les follicitations que fu p p o fe gratuitem ent le P. M onard. A u
furplus , q u a n d l’A b b é Brun auroit ch erch é
fe difp e n fe r des frais d e l’impreifion de fon O u v r a g e , cela ne
pro u vcro it
cher
pas qu’il fut alors dans l’indigence : cher
à s’éviter u ne
dépenfe n’eft
pas faire preuve de
pauvreté.
M ais venons à des preuves dirc& es , «\ des preuves par
é c r it , qui feront difparoître toutes ces malignes p r é e m p
tion s, que les partifans du P. MoiiTet ont prodiguées dans
leurs d ép ortio n s , lorfqu’ils ont été entendus à fa re
quête. L ’A b b é Brun n’avoit befoin d ’aucun fecours pour
faire imprimer fon O u vrage. D ans le mois
1785 , il avoit traité avec
de Janvier
fon Imprimeur ;
dans ce
m êm e mois il lui avoit fourni en avance 804 livres ;
& dans le mois de Juin fuivant il lui avoit payé 15 5 4
liv re s , com m e il peut le prouver par fes quittances. D ans
le m ême te m p s , où les PP. M o n a r d & Garnier fuppofent
qu’il étoit fi fort occupé à faire des em prunts, il étoit
a lle z heureux 6c aifez riche pour rendre des fervices pé
cuniaires à fes amis. Il eft prouvé qu’ il a p r é té , avant
l ’époque du 4 J u in , 600 livres au (leur de P etticot ; &
il produira un billet de 480 livres du S r * * * , pour
argent également prété. C ’eft trop infifter fur tous ces
fart'*: iTnnutieux , qui ne p e u v e n t fervir à la décifion de
1a vjaufe. E ncore une fois , quatre témoins non récufables
non r e e u fe s , atteftent que l’A b b é Brun poiî'édoit
plus de 20,000 livres , dont la majeure partie en billets
de CaiiTe d E fcom pte. C eft d après ces aflertions pofitives, que la Jufticc p r o n o n c e r a , non pas fur de petits
faits
�89
faits étrangers à la c o n te fta tio n , infidieufement &
lom nieu fem cnt préfentés par des
ca-
témoins inrercflcs à
foutenir la caufe du P. MoiiTer. PaiTons à une faconde
Obje£tion.
'
L ’A b b é Brun n’a réclamé fes effets perdus que poitérieurement à l’ordre d ’cxclufion q u ’il a reçu le 13 Juin
au foir ; il n’eut pas ainii différé fa réclamation , s’il
eût éprouvé de véritables pertes ; ce n’eit que pour fc
venger qu’il a rendu plainte huit jours après.
C e tte objection pêche dans le droit de dans le fait.
L ’ A b b é Brun a porté fa plainte dans un temps utile ; de
(virement on ne peut lui oppofer aucune prefeription :
il s’eftpaffé quatre jours depuis fon retour à M arines jufq u ’à la lignification
de l’ordre d ’exclufion.
Il n’étoit
point tenu , fous peine d’être non-rccevable dans fo n
action , de l’intenter dans ces quatre jo u r s. Il n’y a au
cune loi parmi nous qui fixe un pareil délai ; de le Perc
M o if fe t
feroit plus puiffant que la loi , fi fon ordre
d ’exclufion pouvoir fermer la bouche à l’A b b é Rrun , de
l ’empêcher de dem ander juftice pour toutes les vexations
de les pertes qu’il avoit éprouvées auparavant. C ’é t o i t ,
fans d o u c e , fon projet. Il s’eil co ndu it co m m e celui q u i,
aptes avoir blcile q u e l q u ’un , lui v o u d r o ic ôter la v ie pour
l ’empêcher de fe plaindre de fa première bleffure. M a i s ,
heureufement pour l’ A b b é B r u n , l'ordre d ’exclufion ne
lui a point porté encore le coup f a t a l , 8c ce nouvel adtc
de defpotifme de d ’abus d ’autorité , loin d ’affoiblir fes
juftes ré cla m a tio n s, leur donne une nouvelle f o r c e , en
prouvant de plus en plus Pacharncmcnt de Pcfprit d c ‘
M
�9
#
haine qui ont guidé le Père Moi-ilet diins cette malhcU”
ïeufe affaire (i)*
M ais il n’eft pas vrai q u é J ’Â b b é Brun ne fe foit plaint
que p o f t é r i e u r c m e n t à l’ordre d’excluiion : to u t démontré
le c o n t r a i r e ;
auiü - tôt >fon retour de Marines , il a
p a r lé ouvertem ent
à
Paris de la perte de fes billets
de caiffe & du bouleverfem ent total de fe s effets.
Le
fieur G a v o ty dépofe., que « lo u e u r Brun vin t chez lui ;
» lui dit que fon manufciùt (qu 'il lui avoit confié p o u ï
»3 l ’e x a m i n e r } a v o ir co u ru grand rifquc ; .q u e , pendant
99 q u ’il a v o it é té à M a r i n e s ,
l’on a v o i t f a ;c o u v r ir pac
» un S e r r u r ie r la porte de fa chambre , qu’on en avoit
»> f o r t i fes effets, q u ’ils a voient été livrés a n p i l l a g e , &
» qu’il lu i en ihanquoit b e a u c o u p , notamment des billets
» de caijje d'efeompte >».
- L e iîeur R a y dépofe également que l ’A b b é Brun lui
raconta Ton a ve n tu re , il « y avoir quinze jours ou trois
»» femaines ( l a démolition éft du 3 i Juin) . . . . .
que
>» depuis il lui a dit qu’ il avoit vérifié exa& em cn t tous
» les effets qu’on avoit remis dans fa chambre ; qu’il
» lui en mnnquoit plusieurs , notam m ent d ix-fep t mille
» fe p t cens livres de billets de caijje d ’efcompte. ».
L e (ieur Bourgeois a déclaré que le iieur B r u n , étant
( 1 ) L ’Abbé Brun a interjeté appel (impie à l’aiTemblée générale, de l’ordre
(Texclufion à lui fignifié. Il ne connoît pas encore légalement la décifion de
cette alTemblée ; lorfqu’on lui en aura donné connoiffance , il fe déterminera
fur te parti qu’il aura à prendre pour fe faire rendre juftice , fi l’aflemblée
générale ne la lui a pas rendue ; en attendant, il ne s’occupe qu’à recouvrer fes
effets perdus dans l’expédition ordonnée par le P. MeiiTet , le 4 Juin 1785 *
chaque chofo doit avoir fon temps»
�91
de retour de M a n n e s , cft venu lui faire part d e ce qui lui
¿toit arrivé aux V ertus pendant fon abfence';-
ce
qui l a
fürpris , a y a n t toujours co n n u ledit Ircur Brun pour uii
hom m e d o u x , h o n n ê t e , charitable & défiiit&refTé.
M c D a n j a n , Procureu r au P a r le m e n t , a d épofé, « que
« vers le 15 Juin , 8c m e m e une huitaine de jours au
» p a r a v à n t , autant q ifil peut fc rappeler lefdites épo« ques , il a oui dird audit ficur Brun , quJil lui avoit
» é t é 'fo u ilr a it , dans fa cham bre , à la m aifon de l’O r a
» t o i r e , pour environ
18,000 livres de billets de caijfe
» d'efcom pte».
Q u ’on rapproche
les dates de ces dépoiitions avec
les époques qui y fo n t rapportées, 8c on fera convaincu
que l’A b b é Brun a fait part de fes pertes avant le 13 Juin.
O b fe rvo n s en outre qu’aucun de ces témoins ne parle
de l’ordre d’exclufion iîgnifié à l’A b b é Brun.
C ’é t o i t ,
dans fes malheurs , une circonftance trop aggravante
pour qu’ il ait oublié de la leur confier : il réfulte de leur
filence
fur
cette circonftance eiT cntielle, q u ’ils n’ont
appris q u ’avant le 13 Juin , jour de la fignification de
l’cxclufion , les faits d ont ils ont dépofé.
C ’cffc le Samedi 11 Juin , que l ’A b b é Brun eft allé
ch ez M cs C h c n o n , p e rc Sc fils , 3c le u r a r a c o n t é fon
a v e n tu re . 11 ne les a vus que pour co n certer avec eux
fa
plainte judiciaire. Il vouloir d o n c fe pourvoir devant
les Tribunaux dès avant le 13 ; â la vérité il n e 'l’a fait
que
d ep u is; mais on a v u , dans le récit des fa its, rous
les obftaclcs qu’il a éprouvés ; l’o r d r e 1 d ’elcclufièri n ’en
a pas été un des moindres. O n ne peut aujourd'hui lui
faire un reproche que le premier a£fcc judiciaire qu’il a
M
ij
�9*
f a i t , ne foit que du
2.0 Juin , poilérieurement à cet
o rd re , autrem ent il faudroit foutenir q u i l etoit de nature
à lui fermer to u t recours aux T rib u n au x ;
ce qui feroit
■ne abfurdité.
.{
C e n’eit pas feulem ent à Paris , parmi fos amis 8c fes
C o n fe ils , que PA b bé Brun a fait entendre fes plaintes,
te parlé de fes pertes avant le 13 Juin ; il
cft prouvé
par l’in form a tion , qu’on les connoiilbic déjà aux Vertus.
L e Pere de L o n g a dépofé avoir oui dire par ledit fieur
A b b é Brun q u e , dans le déplacem ent de fes effets , il
s’étoit perdu ou on lui avoir volé des billets de C a iffc
d ’Efcom pte. L ’A b b é P e ig n é , Penfionnaire aux V e r t u s , a
dépofé dans les mêmes termes.
Le- P.
Caffius dépofe
dans la contre-enquête du P. M o iffc t , « que le m êm e
» foir de l ’arrivée du P . Brun , le D ép ofant étant entré
*» dans la chambre où étoit le P. Brun avec le P. de L o n g ,
» le P. Brun a ouvert une armoire à côté de la c h e m i
n é e , où il a dit qu’il avoit mis fous des papillotes des
» papiers qu’il ne retrouvoit pas : ( les billets de C aiffe
» étoient dans cette armoire ) ; que le lendem ain ( c ’étoit
»3 le vendredi ) le P. Brun s’ eft a b f e n t é , & que le D é
» p o fa n ta entendu dire qu’il réclam oit u n e g ro iT cfo m m e :
>3
fur la demande faite par le D é p o fa n t , s’il réclamoit
>• mille ecus ; on lui a répondu que la fom m e étoit bien
>3 plus confidérablc ; q u ’il n’a jamais été queftion de la
33 fom m e t o t a l e , & c. •»
D e s ayant le famedi 11 t on favoit d on c aux V ertus
que
1 A bbe Brun réclamoit une groile fom m e perdue
dans le tranfport de fes effets; il n’a donc pas attendu
l’ordre d ’excluiion pour faire entendre fes plaintes : bien
�95
loin de-là., cc fon t Tes plaintes qui ont déterminé l’ordre
d’exclufion. L ’a & io n qu’il a in te n té e, ne l’a pas été par
un m o t if de v e n g e a n c e , mais pour r e c o u v r e r , ce qui cft
bien n a tu r e l, les eflcts d ont il fe trouvoit dépouillé.
D ans fa premierc dépoficion , le P. M onard n’a pas
cr-u devoir parler du tems où l’A b b é Brun avoit co m
m encé à parler de fes pertes ; il s’cft co n te n té de dire
« q u ’il a voit to u t lieu de croire que ledit P. Brun n’avoit
» pas de billets de la CaiiTe d ’E f c o m p t e , attendu qu’au
» mois de N o v e m b re d ernier,
8c à la f i n , il a emprunté
” au D é p o fa n t dix é c u s , q u ’il ne lui a pas encore ren
» dus m. C e raifonnem ént n ’eft pas péremptoire , com m e
011 l’a déjà prouvé ; mais fon auteur a enchéri dans fa
fécon d é dépofition , où il dit « que l’A b b é Brun s’eft
» plaint fort (cela cil croyable) du procédé du R. P. G é >5 néral ; mais qu’il n’a jamais articulé un feul m ot to u
» chant la diftra&ion ou vol d'effets , billets 8c a r g e n t ,
8c que le D é p o fa n t n’a com m encé à en entendre par
is 1er que le lendem ain , m a r d i, de la fignification à lui
»
” faite par H u iilier, d ’un ordre d’e x clu fio n » . L e P. M o
nard a tort d ’avancer auiîî affirmativement qu’il le f a i t ,
que jam ais l’Abbé Brun n’a articulé un feul m ot de la
d iilra d io n ou vol d ’eff-ets, billets &c a rg e n t. Il faudroit
pour que fon affertion fût raifonuable ,
qu’il n’eût pas
quitté l’A b b é Brun un feul in fta n t, depuis le jeudi 9 Juin
jufqu’au mardi fu iv a n t;
car fi l ’ A b bé Brun a vu d'autres
p e r fo n n e s , 8c il en a vu beaucoup , le P. M on a rd ne
peut favoir s’il ne leur a point parlé de la fo u flra d io n
ou vol de fes billets ; fon a iîe r tio n , en termes aulli çén érau x, cft d on c ridicule.
M ais elle devient une alTernon
�94
fa u fle , quand on c o n n o î c les dépofitions des fept témoins
ci-d eiïus r a p p o r t é e s . Peu im porte après cela qu’il n’ait en
tendu pat lcr de la perte des billets , que le lendemain
de la lignification de l'ordre d ’cxclufîon : ce n’eil pas l’é
p o q u e où il aura appris cette perte , qui p o u rri prouver
q u ’ e lle eft réelle ou feinte.
D a n s la vérité , l’A b b é Brun , dès le vendredi 10 Juin ,
dit hautem ent à Paris qu’U lui m anquoit 1 7 , ^ 0 livres
de billets de CaiiTe d’ Eicom pte ; il ne s’expliqua pas
ce m êm e jour aux Vertus , com m e nous l’avons rap
porté dans le récit des fa its , d ’une maniéré auili claire
iùr la quotité &
la nature de fes p e r te s , & cela danÿ
Pefpoir de retrouver fes b ille ts, q u i , attendu le bouleverfement total de fes e f f e t s , pouvoient n’être qu'égarés.
Il eût fait une imprudence , il eût divulgué parmi fis
C onfrères l’état de fa fo rtu n e;
pour n ’en pas agir ainfi ;
8c il avoic des
mais fon
raifons
efpoir s'étant éva
noui le famedi , il ne garda plus le filence; il fut le m êm e
jour ch ez les C o m m illaircs C h c n o n ; & le D im an ch e 8C
le lundi fuivatit to u t fut co n n u aux Vertus com m e à
P a r is , quoi qu’en difent les PP. M o n a rd & G a r n ie r , de
le véridique F. A n t o i n e ,
q u i , dans fa fécondé dépofi-
tion com m e dans fa première, cherche toujours à faire
croire que les effets de l’A b b é B ru n "n e font pas reliés
trois jours de trois nuits expofés à la porterie.
Il réfultç des dépofitions des P P . M onard fie Garnier
& du F. A n t o i n e , que l’ A b bé Brun s’eft plaint le mardi
de la perte de fes billets; il réfulrc de
celles des P P .
de L o n g & Caffius , de PAbbé Peigné , des (leurs R a y ,
B o u rg eois, G a v o t y , de M c D a n j a n , qu’il avoit parlé de
"
�95
cette perte avant le mardi ; il étoit même allé le fam edi
chez les CommiiTaires C h c n o n
pour y rendre plainte :
d o n c l’objection prife de Ton fiic n c e , jufqu’à la fignification de l’ordre d’exelufion , n’eft point fondée dans le
fa it : elle ne l ’eil pas plus dans le d r o i t ;
parce q u e , il
des raifons de politique ou de convenance avoienr en«racé l’A b b é Brun à paiTer quatre jours fin s détailler &
circonilaneier fes pertes, on n en pourroit rien conclure
contre leur réalité , ôc on n ’ en pourroit pas f o r m e r une
fin de non-recevoir contre l’ a£tion q u ’il a intentée , lorfqu’ enfin il a eu furm onté
toutes les difficultés q u ’ il a
éprouvées.
Il cil une autre objection que pré fente la contre-enquête
du P. MoiiTet ; on prétend que l ’A b b é Brun a dit avoir re
trouvé tous fes effets. Exam inons cette croifîemc affenion.
Il feroic affez fingulier que l’A b b é Brun , après s’être
plaint a m è r e m e n t, co m m e le d ifent les témoins du P cre
M o i f f e t , du bou leverfcm ent de fes effets , après avoir
dit hautement à Paris , au m om en t de fon retour de
M arines , q u ’ il avoit perdu pour 1 7 ,7 0 0 liv. de billets t
de Caiffe , après l’avoir dit é g a le m en t aux V e r t u s , au
moins le mardi 1 4 , ielon les dépolirions des P P M o nard Sc G arnicr 8c du F. A n to in e , eût tout-à-coup pris un
nouveau fy ilê m e , en a v o u a n t qu'il a v o ir r e t r o u v é roue c e
qu’il avoit perdu , & q u ’ il l’eût enfuite abandonné pour
revenir au premier. Il y auroit en cela une co n tra d ic
tion qui tiendroit de Penfancc ou de l’im bécillité. M a is
ces réflexions , quelque frappantes quelles f o i e n t , ne fu ffifent pas à l’A b b é Brun.
Il lui faut anéantir ce tte tro£~
fieme allégation du P . M oiffet.
�96
Le P. M onartl a
die dans l’inform ation : « Sur les
» plaintes que fit ledit P. B r u n , q u ’il avo^t beaucoup
» d’efl-ets qui pouvoient être perdus , le D ép ofan t le
» preiTa de vérifier 6c faire l’inventaire de ce qui pouvoit
« fe trouver p e r d u , & de le lui fpécifier, initances qu il
>j lui réitéra pluficurs fois : Quelques jours aprèst le P. Brun
» vint trouver le D épofant dans fa cham bre , 6c lui
» dit : A propos y P . Supérieur, j'a i retrouvé a peu p ris
» tout ce que j e craignois d'être perdu ; j e penfe que je
» retrouverai le rejle ». C e t t e expreffion , a propos , eit
un peu Icftc dans la bouche de quelqu’un auifi profon
d ém ent aiïe£lé que l’étoit l’A b b é Brun , félon les dépofitions de prefque tous les témoins. A propos défigne le
peu d ’importance que l’on met à la choie d o n t on va
parler; il fuppofe qu’on alloit l’oublier.
M ais , co m m e on auroit pu embarraiTcr le P. M o nard fur les dates d on t il n ’avoit pas fait m ention dans
fa premiere dépofition, il a corrigé ce petit d é fa u t , lorfqu’il a dépofé une fécondé fois à la requête du P. M oiffet. Sa premiere dépofition efl: du 4 J u ille t; la fécondé
c il du xC A oû t fuivant. Il a e u , pendant un mois 6c
vingt-deux jours, le tems de rappeler à fa mémoire tout
ce qu’avoit pu lui dire l’A b b é Brun. Auflî fa fécondé dé
pofition efl: beaucoup plus détaillée que la premiere ; après
avoir dit qu’ il n ’a entendu p a r le r des billets que le mar
di , l e n d e m a i n de la fignifïcation de l’ ordre , il continue
ainfi : “ que le D é p o fa n t avoit été trouver M . Brun , & lui
» avoit demandé s’il n’avoit rien perdu ; à quoi M . Brun
» répondit qu’il n’avoit pas encore eu le tems d’exam i
» ncr parfaitement fi rien ne lui manquoic :q u e le D é p o
li fant
�97
» Tant le prciïa inflam m ent d ’examiner Tes effets dans le
>» plus grand détail ; & que s’il fe trouvoit quelque ch o fe
” de p e r d u , il v în t le lui fpécifier ;
que le D é p o fa n t
» cro it lui avoir répété le foir la m êm e ch o fe : que le
» lendemain m a t in , M . Brun vint chez le D é p o f a n t , &:
» lui die , dès la porte en entrant : A propos , P . Supé» rieur, f a i retrouvé a peu près tout ce que j e croyois avoir
» perdu ; pour le refie , qui efi peu de chofe , jefp cr e que
» j e le retrouverai de même : que M. Brun a jo u t a , pour
» vous prouver que j’avois dans ma cham bre des effets
» précieux , d o n t je pouvois craindre la perte : v o y e z ,
” d it-il ; en m êm e tems il tira pluficurs papiers de fon
» porte-feuille , ■& en ayant déployé un , d ont il m ontra
» le bas , cachant le hau t avec fa main , le D é p o fa n t
» lut ces m ots : B o n pour 2400 liv. A l’égard des autres
« papiers, que m êm e il ne déploya p a s , il les m ontra &
« retira ii ra p id e m e n t, que le D ép ofan t n ’en a pu rien
» voir »,
T e lle s fon t les deux dépoiitions du P. M onard ; dans
la premicrc , fon but éroit d ’établir que l’À b b é Brun
n’avoit pu avoir en fa poilcflion 17 ,7 0 0 liv. de billets de
C a ifle d ’E f c o m p t c , parce qu’il lui avoit e m p ru n té, il y
avoit plus de iîx m o is, 30 liv. , qu’il ne lui avoir pas en
core rendues. Il a jo u t e , à la vérité , que l’A b b é Brun lui
dit : A propos , P . Supérieur , f a i retrouvé a peu près
tout çe que j e craignois d ’êire perdu ; j e pen fe que je re
trouverai le rejle. D a n s la f c c o n d c , le P. M o n a rd ch ange
de fyftême , il ne nie plus que l’A b b é Brun n’ait pu pofféder des
billets de C a iiïc ; il co nvient avoir entendu
dire le m a rd i, qu’il en avoit perdu : il n’ofe pas avancer
N
�98
que l ’A b b é Brun aie die les avoir tous retrouvés ; il lui
prête feulement ce langage équivoque : A propos, Pere Su
périeur, j ’ ai retrouvé a-peu-près tout ce que j e croyois avoir
perdu ; pour lerefte, qui eflp eu d e chofe^j’ efpere.le retrouver
de même: ôefur le cham p l’A b b é Brun m ontre un billet de
2400 liv. qui n’eft pas un billet de C a ille ; car ces der
niers billets ne portent point dans leur partie inférieure
ces m ots bon pour.
A in f i, dans l ’une & l’autre d ép ofition, le P . M o n a rd
n ’ofe point a rtic u le r, en termes p ré cis, que PA bbé Brun
lui ait dit avoir retrouvé tous f e s billets ; il s’eit en ve
loppé fous les termes vagues
J ’ ai retrouvé a -p e u - près
tout ce que j e croyois avoir perdu. C e qui n ’efl: pas dire
p ofitivem ent, je n’ai point perdu de billets de C a ifle , ou
j’ai retrouvé mes billets de C a ille.
V o y o n s a& u ellcm cn t la différence qui fe trouve entre
les deux dépofitions. D ans celle
M onard
du 4 J u ille t ,’ le Pere
aflure que ce n ’efl: que quelques jours après
le mardi 14 Juin , que l’A b b é Brun lui dit : J 'a i retrouvé
à-peu-près tout ce que j ’ai perdu ; dans celle du 26 Aofir,
c ’efl le le n d e m a in , m ercred i, que ce propos efl cenfé
avoir été tenu : dans la p re m iè re, l’A b bé Brun cft fuppofé avoir dit : J e penfe que j e retrouverai le refle ; dans
la féconde , on lui fait dire , pour le refie- Q U I E S T PEU
DE
chose
, j ’ efpere le retrouver de même. D ans la pre
m iè re , il n’eft pas queftion du papier , fur la. partie in
férieure duquel le P. M onard a vu bon pour 2400 liv. ;
pourquoi ces différences eflcntielles ? au 4 J u illet, le té
m oin devoir avoir la m émoire bien plus fraîche q u ’au
16 A o û t , fur ce qui s’étoit pafle aux V e r tu s , depuis le
,
�99
4 Juin , juiqu’au 17 du m êm e mois. Il etolc d on c na
turel que fa première dêpofition fût plus détaillée que la
fécondé : il étoit naturel qu’il fût plus à portée de fixer
les époques dans l’une que dans l’autre : il étoit naturel
qu’il n’eût pas o u b lié , le 4 J u i l l e t , cette phrafe impor
tante , pour le refie, qui efl peu de chofe.
donc varié Sc fur les epoques ,
Pourquoi a-t-il
Sc fur les termes cflen-
tiels de l ’aveu qu’il prête à l ’A b bé-B run ?'
L o rfq u ’il s’agit d’un fait fra p p a n t, fur lequel nos fens
ne peuvent pas nous t r o m p e r , on peut foutenir
q u ’ un
témoin oculaire cil auffi croyable , deux mois après le
fait , qu’il l’eût été quinze jours après. M a is , lorfqu’il
s’agit d ’une phrafe , d’ un p r o p o s ,
il n’en cil pas de
m ê m e ; un fcul m ot c h an g é ou déplacé le dénature abfolument. Le tém oin qui le rapporte ,
plus de deux mois
après l’avoir entendu , peut facilem ent pécher par in ex a c
titude. Il mérite ce re p r o c h e , lo r f q u c , dans une fécondé
dêpofition poilérieure de prè's de deux m o is à la pre
m iè re , il vient amplifier d ’une manière ciTenticlle le pro
pos dont il a déjà d é p o fé ; & il ne mérite aucune efpcce
de confiance , quand on voit^que fa fécon d é dêpofition
ne tend, dans fes variations &c fes additions qu’à défen
dre celui à la r e q u ê t e d u q u e l il cil e n t e n d u . C e s ré
flexions s’appliquent d ’elles - mêmes au P. M onard ; fa
partialité çn faveur de io n G é n é r a l , n’eil pas m êm e déguifée dans ia fccondc dêpofition. T e l feroit l’in co n v é
nient qui réfulteroit de la faculté de faire entendre deux
fois les mêmes tém oins à la requête des deux Parties , èc
fur les mêmes faits ; ce feroit ouvrir la porte à la fuborn a tio n , à la fqtjuclion , à la connivence t i au m enfonge.
'
N ij
�ÏOO
V o ic i ce qui a fans doute égaré le P. Monard dans
l’article de Tes dépolirions que nous difeutons. A Ton
retour de M a rin e s , PA bbé Brun trouva tous Tes effets
b o u lc v e rfé s ; m a is , dans ce b o u lcv e rfc m e n t, il n’a pas
t o u t perdu. A meiurc qu’il remit les chofes dans leur
ord re , il retrouva quelques-uns des objets fur lefquels il
avoit des craintes & des inquiétudes , 8c il fe fit un de
voir de le d ir e : par e x e m p le , il retrouva Ton or 8c ion
argent m o n n o y é , des manuferits qu’il avoit placés entre
fes matelas & fous le ch ev e t de fon lit : il en inftruifit
toute la M a ifo n . C e s
aveux ,
qui fon t honneur à fa
bonne foi , fe fo n t, fi l’on peut parler ainfi , agrandis
dans la bouche des partifans du P. MoiiTet ; c’eft-à-d ire,
q u e , de quelques aveux partiels qui ne portoient que fur
quelques objets particuliers , ils ont formé un aveu g é
néra] , qui r e n fe r m e , félon eux , tout ce qui fe trouvoic
dans la cham bre de l’A b b é Brun , avant l’ouverture 8c
le double tranfport ordonnés par le P. MoiiTet ; mais
jamais PAbbé Brun n ’a déclaré avoir retrouvé la totalité
de fes effets. Ecoutons à ce fujet P A b bé L a m b e r t, Bourlier des V e r t u s , 8c un des témoins de la co n tre -e n q u ê te •
du P. M o iiT e t:il rend com pte d ’une converfation publi
que , tenue au Réfectoire pendant le dîner. N o u s croyons
devoir rapporter fes propres expreffions. Après avoir fait
le récit de plufieurs propos entre les PP. G arnicr, de L o n g ,
l ’A b b e P eign e 8c lui A b b é L a m b e r t , il continua ainfi :
h L ’A b b e Brun a avoué à plufieurs perfonnes avoir tout
» retrouvé ; qu’à cette
derniere raifon le C o n frè re de
„ L o n g 8c PA bbé P e ign é prirent fe u , 8c dirent que cela
» é toit faux ; que le P. G a r n i e r , prenancJla parole , dit :
�ICI
m II me l ’a avoué à m o i , avoir tout retrouvé ; que le C o n
w frere de L o n g lui dit a lo r s , il n’eft pas poiïibîe q u ’il vous
« aie fait cet aveu ; que le P. Garnier lui foutint une
« fécondé fo is , tk. en termes plus fo r m e ls , en difanc:
« Meilleurs , je vous afTure q u ’il m ’a dit poficivcmenc
>5 avoir retrouvé tous fes effets ; que PÀbbé Peigné prie
55 alors la parole ,
5c dit au P.
G à r n i c r : Prenez bien
« garde à ce que vous dépoferez : il ne faut rien dira
» que ce dont on cft bien fur : L e P . Brun ne vous a
« certainem ent jamais tenu un tel propos ; que le P. G a r
» nier alors dit v iv e m e n t , il eft très-fûr que le P. Brun
» m ’a dit avoir tout retrouvé ; que le D é p o fa n t d i t ,
» fait le m ême
aveu
11 a
au P erc Supérieur : c’eft très
» faux , répondit l’A b b é Peigné : J’eti fuis fur ,
ré
» pondit le D é p o fa n t : E t co m m en t en êtes - vous fur ,
>5 dit l’A b b é P e i g n é , y étiez*vous? A ce que je vois >
55 co n tin u a -t-il, il y aura bien des menteurs dans cette
« affaire ; il répéta ce propos trois fois : là-deiTus finit
le dîner , &. le D é p o fa n t s’en fut ».
C e t te dépofïcion cft longu e , nous en convenons ;
mais que de lumières elle jeté fur la caufe ! O n y voit
évidem m ent que les parrifans du P. M o iffc t ont affc£lé
de répandre dans la M a i f o n des V ertus , q u e l’A b b é Brun
avoit avoué avoir tout retrouvé : on y voit égalem ent
que les partifans de la vérité nioient fortem ent la réalité
de cet aveu. Les expreffions énergiques de l’A b b é P e i
g n é , à ce que j e vois , i l y aura bien des menteurs dans
cette affaire, re tra ce n t, en peu de m o t s , la ferm enta
tion des efprits , & com bien il faut fe défier de tous ces
rapports que chacun b rode félon fon intérêt ou fa m a
niéré de voir.
�l a dépofition de l’A b b é Lam bert fournie une preuve
bien frapp ante, &
en m êm e tems bien trifte., que le
menfono-c &: la partialité régnent fouvent parmi ceux
qui d e v r o i e n t en être le plus exempts. L ’A b bé L a m
bert aiTure que le P. G arnicr a déclaré pofitivement ,
à plufieurs reprifes , Sc en p u b li c , que l’A b b é Brun lui
avoit dit avoir
tout retrouvé ; le P. Garnicr ofera-t~il
ne pas répéter en Juftice une aflertion qu’ii aura avancée
publiquem ent ? Ecou tons - le dans fa dépofition de la
contre-enquête : « A u tant que le D é p o fa n t petit fc rap
» peler , que quelques jours après le. retour du ficur Brun ,
» de M arines , il dit au D é p o fa n t q u ’il avoit quelque
» peine de retrouver fes effets; q u e , le lendemain , eu
» fu r-len d em a in , converfant avec le D ép ofan t , i l lui
» fit entendre q u i l commençoit a les retrouver ».
Il y a bien de la différence , entre dire : « J e vous ajjure
» que le P . Brun m*a dit avoir tout retrouvé, fie , le fieur
« Brun rna fa it entendre q u i l commençoit a retrouver fe s
m effets ». Faire entendre qu’on co m m en ce à retrouver ,
n’cit pas avouer qu’on a to u t retrouvé. C es deux verfions
ne peuvent être véritables à la fois ; il y a d o n c ici un
m en teu r, s’il n’y en a pas plufieurs, co m m e l’a fort bien
dit l’A b bé Peigné. C r o ir a - t- o n , fur l ’aiTcrtion de l’A b b é
L a m b e r t , que le Père G arnicr ait avoué publiquem ent
tenir de l’A b b é B r u n , qu’ il avoir tout r e tr o u v é , lorfque
en
le
Père
déclarant
G arnicr
à
la
dément l u i - m ê m e ce p r o p o s ,
Juftice , ^ q u ’ autant q u i l peut f t
rappeler, l A bbe Brun lui a fa it entendre q u i l commen
çoit a retrouver fe s effets ? Selon l’A b b é L a m b e r t , le Perc
G a rn icr s’eft expliqué de la manière la plus p ofitivc; &
le P. G arnicr héfîte , fe défie de fa m é m o ir e , autant q u i l
�io 3
peut f e rappeler. L ’A b b é B run ne lui a rien dit de certain ;
il lui a feulement fa it entendre q u i l commençoit a retrou
ver fe s effets. L orfq u ’on lit cette dépofition , on Voit que
le P. G arnier fe rappelc l’avis de l’A b b é Peigné : Ptc.ne£
bien garde a ce que vous dépofere^ ; i l ne fa u t rien dire que
ce dont on efl bien fû r . V o ilà pourquoi il balbutie , n’a ffure rien , fur un aveu que l’on regardoit com m e d é c i - « .
f i f , Sc d ont on ch erch o it à accréd iter le bruit dans la
M a ifo n des Vertus , pour trouver plus facilem ent des
échos qui viendroient le répéter devant les M agiflrats ;
mais la Juflice ne s’en rapporte pas à des échos. Les F F .
Lais des V ertus 6c l’A b b é L a m b e r t , Sic. ne fon t cepen
dant rien autre ch o fe ; les uns difent tenir cet aveu du
P. G a r n i e r , à qui l’A b b é B run ne l’a pas f a i t , félon la
propre dépofition du P. G a rn ie r; les autres l’ont appris,
à ce qu’ils difenc du P. Supérieur, q u i, en d é fin itif, cil
le feul qui ait dépofé du prétendu aveu à lui f a i t , 6c q u i ,
m algré tout fon defir d ’ être utile au P. M o iiT et, n’a pas
ofé articu ler, en termes précis 6c fo r m e ls , que l’A b b é
Brun lui eût avoué avoir retrouvé tous fes billets de C aifie.
L a i f l o n s tous ces bruits vagues 6c incertains ; difons
avec c o n f i a n c e q u e rien ne prou ve, dans toute la procé
d u re , q u e P A b b é B r u n a it ja m a i s a v o u é a v o ir retrouvé les
billets de C a iilc 6c les autres effets q u ’ il réclame ; 6c paffons
à une quatrièm e ob jection qui efl d ’un tout autre genre.
Ici l’on ne fuppofe plus que PAbbé Brun ait dit avoir
retrouvé fes effets ; on Paccufc feu lem en t d ’avoir varié
dans fes réclamations. H eureufem ent que cette variation
prétendue n’efl appuyée que fur la dépofition d’un feul
témoin. D ifcu to n s - la en peu de mots.
L e fieur C o d ic u x , P r o c u r e u r - F iic a l, N o t a i r e , P ro c u
�io4
reu r-P oflu Ia n t, O rg a n ifte des V e r t u s , va. paroitre fur Is.
feene. C es nom breufes qualités d oivent donner beaucoup
de poids à fad ép ofition ; peut-on foupçonner un h om m e
revêtu de tant de dignités , d ’être capable d’en impofer
à p e r fo n n e , Sc encore m oins à la Juftice ?
.
L e ficur C o d ie u x co m m en ce par dire que l’A b b é B r u n
v in t le trouver dans ion cabinet , le ;nercrcd i 15 Juin ,
ou le lendemain j e u d i , 8c qu’il lui raconta rout ce qu’il
avoit éprouvé de la part du P. M o i f l e t , mais fans parler
de? billets de CaiiTe , ôc fans fc plaindre au i l eût encore
rien trouvé d*égare.
L e ficur C o d ie u x , en hom m e zélé pour la fureté &c
la tranquillité publiques , répond qu i l nétoit pas dou
teux quon avoit eu tort d'ufer d’ une pareille voie de f a it
envers l u i , fieur Brun ; qu'il pouvoit f e pourvoir en répa
ration d'une pareille injure ; mais qu auparavant de rendre
plainte fu r cet o b je t, i l fa llo it qu i l examinât entièrement
f a malle > pour comprendre ù fa ir e mention dans f a plainte
des objets qu i l trouveroit en déficit. A m erv eille , M . le
Procureur-Fifeal ; il vous ne dites pas les chofcs tout-àfait co m m e elles fe fo n t paflfées, du moins ce que vous
dites eft: jufqu’à p ré fen t, cil très-raifonnable (1).
Le m êm e jo u r , le P. Supérieur envoie chercher M . le
Procurcur-Fifcal , &; fc préfente avec lui ch e z l’A b b é
Brun ; fur quoi M , le Procurcur-Fifcal obferve « que fon
>j miniftere n’avoic point été requis par le iîeur Brun
(1) Il y a cependant ici une petite contradiilion. Pourquoi confeiller à l’Abbé
Brun , d'examiner entièrement fa malle , pour comprendre & faire mention dans fa
Plainte , des objets qu’i l trouvtroit en déficit, s’il ne fe plaignoif pas, q u 'il eût
(tjcpre rien trouve d ’égaré f
pour
�io5
» pour procéder chez lui ; qu’ il s’agiiToit f e u le m e n t ,
m
quant à p r é fe n t , de donner au fieur Brun un tems
m
conven ab le pour qu’il achevât d ’arranger fa m a lle, ce
»î qui fut a c c o r d é au fieur Brun , ju fq u ’au lendemain ».
Grâces foient rendues au pacifique Procu reu r-F ifcal. V o ic i
du plus curieux.
« L e D é p o fa n t refta un m om en t ave c le P . Supérieur ,
» 8c lui obferva de ne point aigrir le fieur Brun , parce
» q u ’il p aroiiïoit un h om m e à c r a i n d r e ,
qui p ou voir,
9> dans la circonftance p ré fe n te , imaginer quelques objets
» p erd u s, 8c faire enfuice une réclamation co n tre le P.
» G énéral , ce qui feroit beaucoup em barraflant ; au lieu
» qu'en le trairant avec douceur , on pouvoit efpèrer de
» lui l'aveu qu’ il ne lu i manquoit rien : Q u e le P. Supé» rieur fe rendit
volontiers aux réflexions
du D é p o -
» fant ».
C e s réflexions ne fon t rien moins qu’honnêtes pour
l ’A b b é Brun ; elles le fuppofent capable d ’un a & e de
mauvaife foi 8c d’ im p robité, bien éloigné de fon cœ ur
8c de fa maniéré de penfer ; mais au moins.elles fervent
à convaincre le P . M o n a rd de fon peu de véracité , lorfqu*il a d é p o fé , dans la contre - Enquête dxi P . M o i i l e r ,
que le m ercredi , 13 J u in , I’A b b é B r u n lui a tenu ce
la n g a g e : A propos, P .
Supérieur, j 'a i retrouvé à-peu-
près tout ce que j'avois perdu ; pour le refle, qui efl peu dech o fe, j'tfp ere que j e le retrouverai de même. C ’eft le jeudi
que M . le Procureur-Fifcal caltne le P. S u p érieu r, en lui
d ifa n t j qu'en traitant l ’ A b b é Brun avec douceur, on pou
voit efpérer de tirer de lui l'aveu qu’ il ne lui manquoit rien. L e
P , Supérieur ne répond point , i l m a déjà f a it cet aveu,
O
�io6
,
c'étoit cependant le cas ; & le P r o c u r e u r - F i f c a l n ’eût
pas m anqué de faire m ention de cette réponfe dans fa d e pofition. T o u t co n cou rt d o n c à prouver que le prétendu
aveu de P A b bé B run, eft un petit m oyen im aginé pour le
befoin de la C a u fe : mais revenons à la dépoiition du
fieur C o d ie u x.
Selon l u i ,
le
'
m êm e jour l ’A b b é Brun va
le
re tro u v e r;
il a un grand mal de tête qui l ’a empêché de finir fes a f
faires : mais il ajoute q u ’il lui m an qu oit des billets de
CaiiTe d ’E fc o m p te pour i z ou 15 mille livres. L e fieur
C o d ie u x préfente des doutes , propofe des ob je& io n s ;
fur quoi l’A b b é Brun
répond qu’ il doit être cru fur fa
déclaration. L e S r C o d ie u x réplique b ru fq u e m cn t: A u f u r plus , fin ijfe\ vos reproches ; nous verrons le parti q u 'il y
aura a prendre. L e vendredi fuivant PAbbé Brun quitte la
M a if o n des V e r t u s ;
il revient le le n d e m a in , fam edi ,
ch ez le fieur C o d ie u x , pour conférer fur fes affaires.
L e réfultat de cette troificme c o n fé r e n c e , eft que P A b b é
B ru n d oit mettre fes faits-par écrit. Il les apporte le furlendem ain , lundi.
L e fieur C o d ie u x lui dem ande du
tems pour faire fes réflexions; mais s’étant apperçu q u'il
ne réclam oit plus dans fon écrit que 6000 liv. de billets
de CaiiTe, il s’indigne contre cette v a r ia tio n , 8c re fu fe ,
lorfque P A b b é B run revient ch e z l u i , de fe charger de
fo n affaire : telle eft en fubftancc la dépofition dfi fieur
C o d i e u x ; elle n’a d ’ intéreffant .pour le P. M o i f l e t , que
la variation qu elle fuppoie que l ’A b b é Brun a mife dans
fes réclamations. M ais le fieur C o d ie u x eft le feul qui en
p a rle, & il fournit une nouvelle preuve de la fauffeté des
allégations des témoins qui ont fuppofé que
Brun avoit aÿouc avoir retrouvé tous fes effets»
l ’A b b é
�107
En faifant feulement: attention aux d a te s , il c i l facile
d ’appercevoir que le Heur C od ieu x fe trompe volontaire
m ent ou a u tre m e n t, lorfqu’il dit que dans l’écrit que
l'A b b é Brun lui r e m it , il ne porta fes pertes en billets
de C a i l l e , qu'à 6000 livres.
Cet
écrit e f t . le m êm e
qui fut re je té , le famedi 18 J u i n , par M e C h e n o n fils.
Il fut porté aux V e r tu s le m êm e j o u r , fa m e d i; il refta
entre les mains du fieur C o d i e u x , jufqu’au lundi m atin
0.0. Il le rendit alors à l ’A b b é Brun ,
qui le porta le
m êm e jour , lu n d i, au CommiiTaire de la. P o r t e , auquel
il fervit pour dreiTer la p la in te,
qui eft du. m êm e jour
lundi zo. Il eft d o n c fa j x que ce ne foit que le lundi
20 , que P A b b é Brun ait porté Tes faits rédigés par écrjt au
iieur C o d ie u x ; il eft égalem ent faux que ce ne foit que le
m ardi ou m ercredi fu ivant, que le S r C o d ie u x ait refufé de
fe charger de la plainte, puifquc M c de la Porte l’avoit reçue
dès le lundi : 8c co m m e l’é crit confié au fieur C o d i e u x ,
eft le m êm e que celui remis à M c de la Porte , dans le
quel la perte des billets m o n to it à
17,700 l i v . , le fie u r
C o d ie u x a mal l u , s’il n ’y en a trouvé que pour 6000
1.
Si le fieur C o d ie u x ne m e t pas plus d ’accord dans fo n
b u ffet d ’orgue que dans ia dépofition , s’il fe trompe
fur les notes des p i c c c s de mufique q u ’il exécute fur fon
in ftru m e n t,.c o m m e il fe trompe fur les faits & les d a t e s ,
il 11'eft pas plus l’ émule des Balbatrc ôc des S e j a n , qu’il
n ’eft un tém oin véridique. C e t t e réflexion ne porte que
fur l'O rg an iftc des Vertus. Q u a n t au P r o c u r e u r - F ifc a l, il
permettra qu’on lui dife que c ’eft abufer de fon m in iftere,
qu e de venir dépofer contre ceux qui onc eu la confiance
d ’y recourir. O n ofc croire à préfent que l’o b jc& ion prife
O ij
�i o
de la prétendue variation de
S
1 A b b e Brun dans fes récla
m a tio n s, eft i n c a p a b le de faire la plus légère impreifion
fur l’efprit des M agiftrats & des L e& eu rs.
R efte-il encore des o b je & io n s a u P. M oiiTct : oui. C ar
cette affaire en fourm ille. Il prétend fe juftifier ;
i
parce
que l’ A b b é Brun s’efl: rendu coupable d*une défobéifTancc
marquée ; i°. parce qu’il s’avoue être l’A uteur de P O u vrage
intitulé le Triomphe du N ouveau M onde. Répondons à
ces deux dernieres objc£tions ; car il faut répondre
à
tour.
*
L e P. M o iflet a com m andé à l’A b b é Brun de f o r tir ,
fous vingt-quatre h e u r e s , de la M a ifo n de S. H onoré.
Il a 'exécuté cet ordre dans les délais preferits: jufqueslà
point de défobéiflance.
S a u m u r, du
Il pouvoit
s’abfenter
de
c o n fe n te m e n t, m êm e tacite du Supérieur
de cette M a ifo n : il pouvoit réfider, par intérim ,a u V e r
t u s , ainfi que dans toute autre M a ifo n de la C o n g ré g a
tion , avec l’agrém ent du Supérieur local. O r , il avoit
ce t a g r é m e n t , puifque le P . M o n a rd lui permettoit de
partager les fo n d io n s Curiales avec les autres Prêtres de
la M a i f o n , & qu’il les a encore exercées le D im a n ch e
qui a précédé la fatale vifire du P. M o ifïe t.
11 y a p l u s , il
pouvoit , d après une Lettre de l ’Affiftant du départe
m e n t , refter aux Vertus co m m e Pcnfionnaire. L e Pere
Caflîus dépofe dans l ’in fo rm a tio n , avoir oui dire que le
P . d A n glade , A iïifta n td u G é n é r a l , avoit dit aux Percs
de la M a ifo n de M o n t m o r e n c y , que le P. Brun ëtoit
Penfionnaire aux Vertus. Jamais il ne lui a été ’fignifié
aucun
ordre
de
quitter
cette
M aifon.
Le
P.
¿e
�10$
L o n g a déclaré « qu’il n’a jamais entendu le Supérieur
»5 de la M a ifo n des V e r t u s , fo m m e r ledit fieur Brun de
» quitter la M aifon» ; le P . P rim at a dit égalem ent : « qu'il
»> cil vrai qu'on n’a pas fignifié d ’ordre au P. Brun de
>5 quitter la M a ifo n
des
V e r tu s ,
autant qu'il
peut
a croire ». Si un pareil ordre eût été fignifié à l’A b b é
Brun , le P . ( Prim at en eût eu connoiffance. Il eût
J’ctrc , ‘fé lo n
les
dû
R églem ens de la C o n g ré g a tio n , en
pnéfence des deux plus anciens Prêtres de la M aifon , &
le P. Prim at cil le plus ancien.
A u 4 Juin 1 7 8 5 ,
l’ A b b é Brun n ’étoit coupable d’au
cu ne d éfobéiffance ; il avoit quitté la M a ifo n de Saint
H o n o r é , pour retourner à Saumur : il pouvoit s’arrêter
pendant quelque tems dans celle des V ertu s , avec la
pcrmiflîon du Supérieur local & l’agrém ent du Supérieur
de Saumur. Il a voit l’un &
l’autre ; il ne lui a jamais,
été fignifié d ’ordre précis de la part du G énéral & de fon
C o n fe il , de fortir des Vertus. A in fi point de d éfo b é iffance form elle à lui imputer. Son féjour aux Vertus pou
v o it déplaire au P. M o iiïe t ; mais déplaire ou défobéir
fo n t deux ch ofes bien différentes.
C e p e n d a n t , p r ê t o n s - n o u s un inflant à la f u p p o f i t io n
de la d éfo b éi f ia n c e . S u p p o f o n s - c e t t e d é f o b é i i l a n c e auilî
caractérisée q u ’il foit poifible; elle ne juilifieroit pas e n
core
le P*. M o iffc t : elle ne lui auroit
pas d onné Iç
droic d ’attenter à la propriété de l ’A b b é B ru n , d e faire
ouvrir de f o r c e , &: en fon abfcncc , la porte de fa ch am
b r e ; de livrer fans aucune fo r m a lité , fans aucune pré
ca u tio n , fes effets à la dévaftation & au p illa g e ; de ré-
�I IQ
vélcr. à cous les yeux ce qu’il avoit de plus précieux &
de plus fecret ; ■
d ’expofer tout ce qu’il poiTédoit, dans
un lieu p u b li c , pendant trois jours & pendant trois nuits.
Si c e t a£te de violence , iî ce délit contraire à l’ordre
public , ne peut être légitimé, ni juftifié par aucune efpece
de défobéiiTance, que penfera-t-on des pertes de toute
eipece , qui en ont été , pour l ’A b b é Brun , la funefte
fu ite ? Il aura perdu 17,70 0 l i v . , un M a n u fcrit. im por
tant , des Lettres in té re iïa n te s , un établiffem ent c o n fîdérable ; & le P. M o iile t en feroic quitte pour répon
dre vous' m ’avea d éfobéi ? Pour défobéir au P. M o iile t
cefle-t on d ’ être propriétaire? ceile-t-on d ’être citoyen ?
C e tte prétendue défobéiiTance n’avoit pas m êm e ôté à
T A b b é B r u n fes droits d ’Oratorien ; elle ne lui avoit pas
encore mérité l’ordre d ’e x clu iîo n , qui ne lui a étéfignifié .
q u e le 13 J u i n , plus de hu it jours après l’exécu tion des
ordre violens & vexatoircs du P . MoiiTet. Q u ’on cefle
d o n c de faire valoir la prétendue défobéiiTance de l ’A b b é
B ru n ; fû t-e llea u iliré elle , qu’elle l ’e ftp e u , elle nepourroic
pas être un prétexte pour autorifer à v io le r, à fon é g a r d ,
les droits de l’h o m m e , du citoyen , de POratorien.
Mais
l’A b b é Brun fe dit l’A u tcu r du Triomphe du
Nouveau
prime
« le
M o n d e,
ainfi
E cou ton s
dans l’enquête
le P. M o n a rd ;
du
P.
il
s*ex-
MoifTct : « Q u e
R. P. G énéral , inftruic &c p rofondém ent affedté
»5 d ’un O u vrage d o n t M . Brun fe dit A u t e u r , lequel
n Ouvrage contient des proportions très-dangereufes, rcla» tivement a la fu reté de la perfonne des R o is , & très
», fcandaleufes relativement h la M orale ù a la R eligion :
» ledit Ouvrage imprimé che\ la V cu v e H - e i u s s a n
l
t
....
�#
u t
w a ordonné d’ôter tous les effets de fa c h a m b r e , 8cc. ».
D a n s une requête fignifiée pour le P. M o iÎ f e t , on qua
lifie U Triomphe du Nouveau M o n d e , d ’O u vra ge infâme,
également contraire a la Religion ù a la fûreté des Rois.
Q u e cc genre de défenfc eil
odieux ! peui-on n’en
pas être indigné ! Il nous fembl.e voir le defpotifm e m o
n achal aifem bler fon C o n fe il ôc fes S u p p ô ts, & l’enten
dre s’é c r ie r , Périife l ’infolent qui ofe fc plaindre de mes
excès : armons Contre lui la calom n ie ; 8c pour que nos
coups foient plus ailurés, fem ons tout-à-la-fois l ’alarme
v
au tou r du T r ô n e Sc de l’A utel ; d é n o n ç o n s - le co m m e
l’ennem i 8c des R o is 8c de la R eligion. U n e accufation
d e cette nature a fuffi mille fois pour écrafer l’innocent.
Q u e lle force n ’a c q u e r r a - t - e lle p a s , lorfqu ’ clle fera ré
pétée par des bouches co m m e les n ô t r e s , par des b ou
ch es que le public e il a cco u tu m é .à croire incapables de
trahir la vérité I ■
Sans d o u t e , il n’eil que trop vrai que fo u v en t une
iïmple
a ccufatio n d ’irréligion ,
ou d ’infubordination.
à l’autorité des Princes , a fuffi pour opprimer un in
n o c e n t : mais nous
ne fom m es plus dans
ces fiecles
d ’i g n o r a n c e ,
où il étoic fi facile à Pinjuilice de fe co u
vrir du v o i l e d e la R e l i g i o n , o ù l ’a u t o r i t é r o y a l e , ioupç o n n e u fe , parce qu'elle étoic m a l affermie , regardoit
c o m m e criminels ceux qui a vo ien t le m alheur d ’être ex-
pofés à fes foupçons. G races au c i e l , aujourd’hui la R e
ligion eil éclairée $ £c l’autorité de nos R ois , aufti chérie
que folidem ent é t a b l ie , ne condam ne jamais fans preuve?L ’A b b é B run dira d o n c hardim ent à fes çruels A d verfaires : Je fuis l ’A u teur du
Triomphe du. 'Nouveau
M onde : j avois ju fq u ’à préfenc gardé l’anonym e ; m ais
�vous attaquez
m o n
O u v r a g e par.un endroit trop fe n fib le ,
pour que je n e me nom m e pas & que je ne vole pas a fa de-*
feni'e. Il dira à ceux qui l ’ont lu : ConnoiiTez jufqu’à quels
excès p e u v e n t fe porter la haine 6c la ven g ea n ce; à ceux qui
ne l’ont pas lu : T o ile, lege : L ife z 8c ju g e z : à ceux qui ne
vo u d ro n t pas fe donner la peine de le lir e ; R aiTurcz-vou s,
je ne fuis ni un impie ni 1111 féditieux. V o i c i mes cau
tions.
L e Triomphe du Nouveau M onde n’eft point un O u
vrage
elandeftin ,
6c lorti
furtivem ent de deffous la
prefle ; il n’a paru qu’avec A p p rob ation
C e t t e approbation
ÔC P rivileg e.
n’a point été une furprife faite à la
vigilance d ’un C en feu r ; une approbation m o t i v é e , ne
peut être une approbation furprife :
« C e t O u v r a g e , fpécialem ent confacré à la gloire du
m N o u ve a u M o n d e , co n tien t un nouveau fyftême de paix
m p e rp é tu e lle , form é d ’une fuite de vues 5c de re ch e r
» ches conftam m ent dirigées vers le précieux règne de
» la vraie R e lig io n & des bonnes m œ u rs, vers la pro
» priété des empires , le bonheur des individus 6c l’inté'■» rêt général du genre hum ain. Sublimité d’id é e s , n o
» blefTe de fentimens , pureté de langage, clarté, énergie
« de ily le , ju ftefled e raifon n em en t,fageiT e de principes,
” objets majeftueux , vues p ro fo n d e s ; to u t m ’a paru con»3 courir à lui aiTurcr, non-fculem cnt un accueil fa v o ra b le ,
» mais m ême une place diftinguée parmi le petit nom bre
» d ’O uvrages dignes' de paiTer à la poftérité ». Il n ’y a
que les P P . MoiiTet 8c M onard ,. q u i, après une pareille
A p p r o b a tio n , puiflent ê tre 1 affez hardis pour ofer venir
dire à la J u f tic e , que le Triomphe du Nouveau M onde
eit
�U 3
c il un O u vra g e i n fâ m e , contraire à la fureté des R ois
& à la R elig ion .
Mais il ne faut pas feulem ent s’en rapporter au C e n feur de l ’O u vrage ; confultons ces homm es chargés par
état,
& de l ’aveu du G o u v e rn e m e n t , d'éclaircr & de
guider l’opinion publique fur toutes les nouvelles produc
tions des fcien ccs &c des arrs.
L es Affiches d ’A ngers , du vendredi u
N ovem bre
178 5 , rendant le com pte le plus avantageux du Triom
p h e du Nouveau M onde : « L a le& u re en
fera , dit le
m R é d a £ le u r , agréable à tous les amis de l’h u m a n ité ,
9 O
» & elle ne fauroit que devenir très-utile aux Souve« rains 6c à leurs M i n i i lr e s , aux A dm iniilrateu rs des
» Empires , co m m e à ceux des P rovinces ,
des V illes ,
» des m oindres branches de l ’A dm iniilration , aux M a
il giftrats de toute efpece , aux E vêques &
à tous leurs
» coopérateurs ». Q u e l Journalifte oferoit rendre un té
m o ig n a g e aufli glorieu x & auflî public , à un O u v ra g e
in fâm e , contraire à la fureté des R o is & à la R e
lig io n ?
L e Journal Encyclopéd iqu e ,
du premier Septem bre
1785 , après avoir donné un extrait de l’O u v r a g e , finit
par dire : « T e ls font les tranfports de notre A u te u r ,
>j lorfqu'il lui fem ble voir tous les Princes remplis de
» fon p r o je t, uniquem ent occupés de l’exécution. PuiiTe>s t-il en être le tém oin ! C e vœ u fera celui de tous fes
» Le£leurs. N o u s croyons d evoir renvoyer à l’O u v ra g c
» m êm e , ceu x qui defireront de plus grands d étails; ce
»3
que nous en avons cité , fuffit pour fatisfaire la. cu rio
» fité, &
pour m on trer q u e , fi l ’A n o n y m e n ’a pas le
P
�i 14
» bonheur de voir fa prophétie & fes defirs s’a c c o m p lir ,
» il méritera toujours d’être regardé com m e un bon &.
» zélé citoyen , &
c o m m e un Philofophe pénétré de
» l ’am our du genre humain ». Parle-t-on ainii de l’A u
teur d’un O u v r a g e in fâ m e , contraire à la fureté des R o is
& à la R eligion ?
L e Journal général de F r a n c e , du fam edi r4 Janvier
1 7 8 6 , rend la m êm e juftice à l'A u te u r tk. à F O uvrage r
m T o u s ces o b je ts , d ir-il, fon t préfentés d ’un ilyle rapide,
» mais d’une maniéré claire & a i f é e .- .. O n lit cet O u v ra g e
» avec i n t é r ê t , parce qu’il eft rempli d ’un noble enthou» fiafmc pour le bonheur de la fociété ». S ’exprim c-t-oti
ainfi fur un O u v ra g e infâm e , contraire à la fureté des
R o is & à la R eligion ?
Les Affiches de Paris, du 18 Janvier
„
17 8 6 , s’expri
m ent en ces termes : « C ’eft véritablem ent en ami du
n Corps fo c ia l que PAuteur écrit ; il a divifé fon O u
ïs vrage en quatre P a rties , d ont les trais premières fon t
»»• confacrées à la Queffcion propofée par l’A cad ém ie de
» L y o n , fur la d écouverte de l’A m é riq u e , & à dix - n e u f
» autres y non m oins im p o rta n tes, des A cadém ies de Ber>j l i n , & c . L es réponfes qu’il a faites à chacune de ces
» Q u e ftio n s , font rédigées de maniéré à ne form er qu’ un
» to u t , bien lié & rempli de vues très-louables; leur en
” fcm ble , le zele qu’ il y fait éclater par-tout pour le
»» bonheur d e l à fo c ié té , o n t paru mériter à fon C c n fe u r
fr une A pprobation conçue en termes fi flateurs , q u ’il
» nous fuffit de la tra n ferire , pour piquer la curiofité do
» nos L e c te u r s , & leur infpircr le defir de co n n oîtrc plus
r> particulièrem ent fo n travail. >k L e R é d a & e u r de
co
�Journal eft-il capable de piquer la curiofité de fcs L e c
teurs , 6c de leur infpirer le defîr de connoître plus par
ticulièrem ent un O u v ra g e infâm e , contraire à la fûreté
des R ois 6c à la R elig ion ( i ) ?
E n f in , dans un O u v ra g e r é c e n t, publié avec A p p ro
bation 6c Privilege , 6c intitulé de VE tat N aturel des Peu~
p ie s , on trouve un A ve rtiiT e m e n t, dans lequel l’A b b é
B ru n peut puifer une nouvelle réponfe aux calom nies du
P. MoiiTet :• « U n ami du C o rp s focial , ainfi qu’il fc
» n o m m e lui-m êm e 3 vient de d o n n e r un pareil O u v r a g e ,
» le Triomphe du Nouveau M o n d e , imprimé ch ez la Vzuve.
» HeriJJant, rue N o t r e - D a m e , en 1785 , où ij juftifîe
» par-tout cette belle qualité qu’il fe donne. Il a conii» déré toutes le sQ u e ftio n s à p a r t , propofées par les A c a » d e m ies, defquelles j ’ai tantôt parlé ; 6c , de leur réu» nion , il a dreiTé un plan d 'A d m in iftra tion intérieure 6c
» de C o n fé d éra tio n univerfclle , qui répond à to u t ce
» qu’on a pu fouhaiter fur ces importâtes f u j e t s .......... Il
» ne s’occupe qu’à établir des form es 8c des a rra n g em e n t
w civils 6c politiques, pour prévenir ou réparer les m aux
» qui en pourroient naître ; 6c c ’eft la partie de fon O u
» vrage la plus travaillée
5c la plus d iffic ile , celle qui a
v d e m a n d é r a ve c un efprit d’ordre 6c de difeernem ent
» une vafte connoiiTanec des détails de la f o c i é t é , & d c s
» befoins les plus rapprochés d e l’hom m e çivilifé 6c des
» N ations p o lic é e s , au point où' en fo n t les chofes
C es tém oignages publics 6c non fu fp c & s , fon t plu*
que fuffifans pour repouiTer vi£torieufcm ent les calom (/) Le Journal des Savans, fécond V olu m e de Juin 1785 > fait une mentionhonorable du Triomphe du Nouveau Monde,
�i \6
nies qu’on a vomies
contre le
Triomphe du
Nouveau
M ond e : tant d’hom m es éclairés ôc prudens ne fe font
pas réunis pour faire
l'éloge d’un O u vra g e
infâme ÔC
contraire à la fûreté des R ois -St à la R eligion. C e t O u
vrage a fans doute déplu au P . MoiiTet ; il a été pour
l ’A b b é Brun l’origine
de la cruelle perfécution à la
quelle il eft en bute. Mais il ne pourra jamais la jufti'fier ;
jamais il n ’exeufera l’attentat com m is co n tre la
propriété de l’Auteur ; jamais il ne pourra être un m o t if
pour ne
pas l’indem nifer des pertes, qu’il a efïuyées. A u
contraire , les imputations calom nieufes par lefquelles on
veut flétrir le Triomphe du Nouveau M o n d e , fo n t un
n o u v e l outrage , qui demande une nouvelle réparation.
Il
fem ble
que
dans
cette
m alheureufe
affaire ,
le
P. M o ifle t fe foit acharné à agraver fes torts. Il expulfc
defpotiquem cnt P A b b é Brun
H onoré;
de la M aifon
de Saine
il le pourfuit dans celle des V e r t u s ;
il fe
perm et contre l u i , & pendant fon a b f e n c e , la voie de
fait la plus repréhenfible ; il lui occafionne la perte de fa
fortu ne : une cxclufion iîétriflante eft la premiere réponfe
à fes plaintes ; ôc lorfqu’eniin , tenant tête à l’o r a g e ,
l ’A b b é Brun parvient à faire entendre fa foiblc voix dans
les T rib u n a u x , fon A dverfaire
ne
fe
contente
pas d ’a
meuter contre lui des tém oins féduirs & c n d o & r i n é s ,
rufe ordinaire des Plaideurs com m uns ; il a recours aux
poifons les plus actifs de la calom nie : il veut c o n fo m m er fa ruine , en l’accufant d ’impiété 8c de f é d it io n , ÔC
en eflayant de foulever contre lui le Sacerdoce & l’E m pirc. Q u e l effrayant t a b le a u , fu r-to u t pour les M em bres
de la C o n g r é g a tio n de l ’O ratoire
1
�” 7
N o u s difons pour les M em b res de la C o n g ré gatio n ;
car ce n’eft ; pas ici la C a u fe de l ’A b b é Brun feul que
nous défendons ; c’eft
celle de tous les Oratoriens ré
pandus dans la France. Ils o n t les yeux fixés fur cette
trifte c o n t eftation ; ils en attendent la d écifion avec inquié
tude : ils fon t des vœ u x pour q u'un ancien C o n frè re
q u ’ils chériffent & qu’ils e ftim e n t, obtienne ve n g e a n c e
& juftice ; ils y o n t l’intérêt le
plus preffant. Q u e ne
doivent-ils pas craindre , il douze années d’une vie fans
r e p r o c h e , fi douze années de travaux u t i l e s , ne peuvent
l es mettre à l’abri des traitemens les plus v io le n s, de la
p erfécution la plus odieufe ! L ’exemple effrayant de ce
q u ’a f o u f fe r t , & de ce que fouffre encore l ’A b b é B r u n ,
a jeté dans leurs efprits des alarmes & fur leur propriété
& fur leur exiftence pcrfonnelle ; ces trop juftes alarmes
ne peuvent être calmées que par un Jugem ent q u i , bann iffant à jamais de l’O ratoirc la ty ra n n ie , que des circo n ftances malheureufes y ont introduite , affurera l’état de
fes M e m b r e s , y fera renaître l’ancien efp r i t , &
fera
regarder les M agiftrats co m m e les féconds Fondateurs
de la C o n g ré g a tio n . S ig n é , l’ A b b é B r u n .
M onfîeur
D E
B O Y N E S , A v o c a t du R o i.
t
Me B E R T O L I O ,
d e
N
A v o c a t.
o r m a n d i e
. P roc,
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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Factums Vernet
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Description
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Title
A name given to the resource
[Factum. Brun. 1786]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
De Boynes
Bertolio
De Normandie
Subject
The topic of the resource
vols
clergé régulier
clergé séculier
oratoriens
jésuites
Brun de la Combe (Joseph-André)
exclusion d'un ordre ecclésiastique
témoins
perquisition
abus d'autorité
dommages et intérêts
responsabilité de l'hébergeant
responsabilité civile
droit d'édition
livres interdits
censure
Description
An account of the resource
Mémoire pour le sieur Abbé Brun, auteur de l'ouvrage intitulé, le triomphe du nouveau monde ; Contre le R. P. Moisset, supérieur-général de la congrégation de l'Oratoire.
Table des matières.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de la veuve Herissant (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1786
Circa 1755-1786
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
117 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_V0104
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Vernet
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saumur (49328)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
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Brun de la Combe (Joseph-André)
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