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N O U V E A U MÉMOIRE
A U R O I
ET A L’A S S E MB L É E N A T I O N A L E ,
E n dénonciation contre le S r. L A M B E R T
Contrôleur - général
des Finances.
S I R E ,
Si le ciel t’a fait R o i ; c’eft pour me protéger.
MÉrope .
J ’A I eu le courage d’expofer la vérité à Votre Majefté, lorfqu’il étoit
dangereux d’en préfenter les traits, fous des Miniftres qui abufoient
de votre autorité pour perfécuter : maintenant que la liberté eft un de vos
bienfaits; maintenant qu’affranchi vous-même de la tutelle minifterielle, vous
Voulez regner par la loi & l’amour paternel ; c’eft avec fécurité que je la mets
de nouveau fous vos yeux & ceux de l’augufte Aff emblée, dont plufieurs
de fes honorables membres l’ont accueillie , en me répondant de fon fuccès.
C ’eft fous les aufpices de la lo i, qui établit la refponfabilité des Miniftres,
que je traduis le Sr. Lambert au Tribunal de la Nation, dont vous êtes
l'augufte Chef. Loi fage & heureufe, faite pour immortalifer à jamais le
Peuple qui la propofe, & le Monarque qui la fanctionne. Plutôt, elle eut
fauvé la France des malheurs qui la défolent ; mais elle en préviendra le
retour, fi ce n’eft pas en vain que les citoyens l’invoquent ; fi les coupables
. A
�( ï )
dénoncés, convaincus &c néanmoins impunis, ne continuent pas à occuper
les places dont ils auront abufé contre les intérêts de la patrie &c au détri
ment des citoyens.
Vers la fin de 1785 , des perfonnes qui me votiloient du bien, firent
part à feu M. le Comte de Vergennes d’une difgrace qui m’étoit furvenue,
& qui renverfoit ma fortune
mon établiflement.
M. le Comte de Vergennes y fut fenfible. Il étoit mon compatriote : nos
Peres a v o ie n t été amis. Il me connoiffoit, m’eflimoit &c il m’en avoit
déjà donné quelques preuves.
Ce Miniftre m’offre les reflources de fa proteâion, pour réparer le
dommage que me caufoit l’être mal-faifant ( a ) , auteur de la deftru&ion
de ma fortune & de mon établiflement , il me propofe de réhabiliter l’une
pour opérer l’autre ; ienfible aux mouvemens de fa bienveillance, je lui
demande fa recommandation auprès du Contrôleur-général, pour être
placé dans la finance d’une maniéré avantageufe, & analogue aux efpérances que j’avois eu lieu de concevoir fous MM. Turgot, Clugny,
Taboureau, Necker &c Joly de Fleury.
M. de Vergennes accueille ma priere, parle à M. de Calonne, & convient
avec lui que la premiere place de Fermier, Régiffeur ou Adminiftrateurgénéral des finances fera pour m o i, Si certes ! fans être égaré par l’amour
propre, fans recourir à aucune comparaifon avec la plupart de ceux qui
occupent ces places, je crois pouvoir dire, que j’étois capable de les remplir.
Quelquefois il s’écoule un long-temps fans qu’il en vaque.
J ’avois attendu iix mois ; j’étois preil'é d’en obtenir une quelconque ;
je priai M. le Comte de Vergennes d’écrire il M.de Co'onia ( b ) , alors
( a ) C é to it
la
M
a r q u is e
de
S i l l e r y , ci-dcvant C
o m tesse
de
G
e n l is
, femme
célébré par fou efprit & encore plus par fon mauvais cœur , qui la rendue depuis vingt
ans le fléau de la triailon d’O rléans, o ù , on ne trouvera qui que ce foit qui ne Ia
détefte ; même parmi ceux qu’elle a pu obliger , car elle leur fait achij||j^trop chef
les grâces qu’il eft d’étiquette dans les maifons des Prin ces, de répandre fü’r ceux qu*
v font attachés , 6c dont on ne peut fe paiTer. InceiTamment j’expoferai au public le
fu j:t de mes triftes démêlés avec ce cruel auteur de différens ou vrages, fur la relig‘on >
l'hum anité, la m orale, & c . fi je ne fuis pas aflafliné.
(1)) U n mois après, M . le Duc de Villequier ayant écrit à M . de Colonia pour le
m im e objet , il en reçut cette réponfe ci. » P a ris, 16 mai 17 8 6 . M . te D u c , j’ai f3lt
» connoître aux Fermiers généraux le defir qu’a M . le Com te de V ergen n es, que Ie
�Intendant de la ferme générale, pour me propofer à la place de caiiîîer,
que le Sr. de Cimmery devoit quitter , &C qu’il quitta en effet huit à neuf
mois après.
De même que M. de Calonne s’étoit engagé envers M. le Comte de
Vergennes ( a ) , M. de Colonia s’engagea par fa réponfe ; néanmoins
j’échouai, &c c e la croit jufte. Au moment de la nomination, il fe trouva
une délibération antérieure de deux ans, qui appelloit M. .Toly de St. Eufebe
à la place. J ’eus connoiffance des motifs ; ils ctoient vrais o£ folides :
j ’applaudis a la nomination. MM. de Calonne
Colonia, fâchés des circonftances, me remirent à la premicre vacance, après l’affemblce des
Notables, dont il étoit déjà fort queilion.
Prefque auffitôt je perdis M. le Comte de Vergennes. M. de Calonne
fe retira du miniftere, pendant la tenue de l’Affemblée, & M. de Colonia
abdiqua fon Intendance.
M. le Comte de Montmorin fut appelle aux affaires étrangères ; M.
de Villedeuil, r.u Contrôle général, tk le Sr. Donet de la Boullaye, protégé
par Madame de MontefTon, auprès de M. l’Archevêque de Sens (b ) ,
reçut de cette Dame le feeptre de la ferme générale.
» Sr. M orizot obtienne l’emploi qu’il follicite , &
auffitôt qu’ils m’auront remis leurs
» obfervations fur cette dem ande, j’en rendrai compte à M . le Contrôleur-général. Je
» ne laiiTerai point ig n orer, M . le D u c , à ce Miniftre , l’intérêt que vous accorder
» au Sr. M o riz o t, & je ferois fort aifj que mon fuffrage pût concourir au fuccès de
» fos vues. 11 Je fuis avec r e fp e it, M . le D u c , & c . Sign é,
(a)
de
C
o l o n ia .
M . de Colonia m’ ayant averti de foire parler par M . de Vergennes à M . de
C alon ne, au moment qu’il comptoit prefenter fon travail à celui-ci ; j’écrivis au premier ,
dont je reçu la réponfe ci-aprcs. » V erfailles, n juillet 178 6 . J ’ai re ç u , M oniteur, la
» lettre que vous avez pris la peine de m'écrire le 7 de ce m o is, relativement à la
» place que vous defirez d’obtenir. Je fuis fort aife des difpofitions favorables que M .
» de Colonia vous a témoignées à ce fujet. Je ferai avec plaifir ce qui dépendra de
» m o i^ p o u r concourir à en alTurer l’effet, & je ne laiiTerai pas échapper la première
” occafion que je trouverai, de témoigner à M . le Contrôleur-général l’intérêt que je
” prends à ce qui vous regarde.
Je fu is, & c . Signé , d e V e r g e n n e s .
00
Sa nomination déplut beaucoup à la C o u r , où le Sr, la Boullaye n’étoit ni
cftimé ni aimé. L ’Archevêque en eut de la difgracc, quoiqu’il s’en défendit, en difant
•ju il n avoit pu refufer Madame de Monteffon. C elle-ci s’en eft auffi repentie, quand
elle la vu mécontenter tout le monde. Elle afîuroit qu’elle ne le coiinoiffoit pas auparavant,
�(4)
M. le Marquis de la Fayette me préfenta à M. le Comte de Montmorin,
en l’inftruifant des arrangemens pris pour moi avec Ton prédéceffeur,
(dont il avoit été le témoin 8c prefque l’inftigateur ) , avec MM. les Comtes
ik Marquis d’Apchon, les Comtes de Schombcrg & Marquis de Lambertie,
pendant que M. le Duc 6c Madame la Ducheffe de Liancourt, l’Abbé de
G a fc, M. de l’Eflart & M. le Duc de Villequier, en avoient fuivi &C
prefl'é l’exécution avec Madame de Malesherbes auprès du Sr. de Colonie.
Naturellement bienfaifant, M. le Comte de Montmorin confentit facile
ment , quand il *fut inftruit de mon honnêteté , à achever l’œuvre com
mencée par M. le Comte de Vergennes. Je remis mes titres à ce Miniftre
patriote, pour les joindre à la lettre qu’il me donna pour M. de Villedeuil,
avec une particulière pour le Sr. Donet de la Boullaye.
J ’avois connu, peu de temps auparavant, M. de Villedeuil, par l’entremife du feu Marquis de Bercy, lorique M. le Duc de Maillé ( a ) avoit
follicité pour moi les bontés de Monfeigneur le Comte d’Artois. Il m’ac
cueillit très-favon.blement, en m’aflurant que l’engagement de fon prédecefleur feroit d’autant plus facré pour lu i, qu’il fçavoit perfonnellement
ce que je méritois.
La réception du Sr. de la Boullaye fut moins honnête, ou plutôt elle
fut grolîiere. Après unephrafe de protocole pour M. le Comte de Montmorin,
il me congédia fort brufquement.
Je ne me rebutai pas. Je me retournai du côté du Sr. de Colonia, en le
priant d’ entretenir le Sr. la Boullaye des arrangemens qu’il avoit lui-même
arrête pendant fon exercice. L ’ex-Intendant me le promit, & tint parole.
Le 23 juillet, il m’écrivit (b ) de revoir le Sr. de la Boullaye , en affurant
& qu’elle ne l'avoit protégé qu’à caufe de la Comteffe de L a m a iïa y e , fœur du la Boullaye
qui pendant vingt ans avoit été la complaifante de Madame de Monteflon. V o ila une
excellente raifon, pour faire d’un Donet de la Boullaye un Intendant des finances ; c’eit
cependant celle qui réuflit à exclure l’homme capable , qui n a pas de fœur complaifante.
Souvent même fon parent, celui auquel on a des obligations , & qui eut fait honneur à
fon protefteur, eil rejeté, pour protéger à fon préjudice des fots, des impudens , fans
qu’on en roupille.
( a ) J ’ai encore pour le p ro u v er, les lettres de M M . de B ercy & de Maillé.
( b ) V o ici les deux lettres. » J ’ai parlé de v o u s , M onfieu r, à M . de la B ou llaye,'
» vendredi encore avec le plus grand intérêt, & il m’a paru difpofé à vous obliger. Il
» m’ a même demande votre adrefle ; c’eft tout ce que je puis pour vous à préfent-
�C 5 )
Madame de Malesherbes, par une lettre à la même date, que je ferois
reçu plus humainement.
Le 30 fuivant, l’entrevue eut lieu. Le fous-Miniitre de la ferme m’offrit
le bon de Fermier adjoint à la ferme entiere. Je l’acceptai ; lorfque huit
jours après il retira fon offre, en me propofant une penfion de 4000 livres,
que je refufai, répugnant à être le croupier de la ferme, quand je pouvois
la fervir utilement.
Vainement je reprefentai au Sr. de la Boullaye que le Miniftere me
deftinoit une place & non une penfion onéreufe au fife (a ) ; le fâcheux
trancha impérieufement, en me dil'ant : Eh bien ! vous n'atireç qu'une plau
inférieure.
En effet, il s’en étoit préparé les moyens. M. de Villedeuil en envoyant
dans les bureaux la lettre de M. le Comte de Montmorin, pour y répondre,
avoit laifle celle qui y étoit jointe (de M. de Calonne) à M. le Comte
de Vergennes, qui formoit mon titre. Le Sr. de la Boullaye s’en em
para & la fit difparoître, fans que j’aie pu me la reprocurer de lui.
AiTure que je ne la reproduirois pas, il rédigea la réponfe qu’il préfenta
à figner à M. de Villedeuil, de maniéré, qu’elle reconnoifloit &c re-
» V ous fçavez que ma bonne volonté pour vous obliger a toujours été entiere. V o y e z
» M . de la Boullaye , d’après même notre converfation de vendredi; il le d efire, & je
” ferai fort aife , fi j’ai contribué à vous rendre heureux. » J ’ai l’honneur d ë tre , &cSlgné, DE C O LO N IA .
Celle à Madame de Malesherbes ejl ainfi conçue :
» L ’intérêt que vous prenez à M . M orizot, ne peut qu’ajouter à celui qu’il m’a infpiré
” depuis long-temps , & par lui-même & par les perfonnes qui me l’avoient recommandé.
” Il n’a pas dépendu de moi qu’il n’ait été placé quand j’avois une influence que les
” circonftances m’ont ôté*. Je le fervirai du moins de mon témoignage & de mon ap p u i,
” & c’eft ce que j’ai déjà fait. Je le ferai encore , & je me féliciterai de vous prouver
” »>nfi mon empreflement à vous plaire,
fu is, & c . Signé, DE C
(a)
o l o n ia .
Cette penfion d’ailleurs auroit éprouvé fur le champ la diminution qu’elles ont
toutes fubies auflitôt par l’impôt que mit deilus l’Archevêque de S en s, &
en outre
^ e aur° it fini au renouvellement du bail de la ferme ; enforte que c’étoit une adreiT«
“ Sr. la B o u lla y e , pour paroître accorder quelque ch ofe, & me fruftrer réellement en
définitif.
�( 6 )
nouoit les engagemens pris avec m o i, mais feulement pour une place
tellement inférieure, que je n’aurois pu 1 accepter ( a ) .
Je l’obfervai fur le champ à M. île Villedeuil, en lui rapportant la
lettre que M. le Comte Montmorin avoit renvoyé à M. le Marquis de
la Fayette ; mais ce Miniftre me répondit : » l’erreur eft fans conféquence,
» ce font de ces inadvertences de bureaux, auxquels ils font fort fujets ;
» MM. de Montmorin, la Fayette & moi, nous avons vu l’engagement,
» Sc puis , il fuffit de vous connoître pour ne pas vous propofer de
» ces miférables «mplois.
Je fuis confiant ; j’efpérai que la fupercherie du Sr. la Boullaye ne me
préjudicieroit pas, & comme j’ai peu d’ambition, deux califes aux fermes
ayant vaqué prefque auiHtôt, j’en demandai une; mais le Sr. de la Boullaye
fit fi bien, que l’une fut vendue h un Huiffier-prifeur, l’autre fut donnée
à un Directeur de la ferme.
A ce moment, M. de Villedeuilfe retira du contrôle, ôc M. Lambert
monta au trône de la finance.
M. le Marquis de la Fayette parla de nouveau à M. le Comte de
Montmorin ( b ) , pour reprendre les engagemens avec le Sr. Lambert,
de maniéré qu’ils fufîent enfin remplis; ce Miniftre y confentit &C écrivit
dans cette intention au Sr. Lambert.
Suivant la routine, la lettre fut renvoyée dans les bureaux de l’in
tendance , où le Sr. de la Boullaye eut foin d’éviter dans la réponfe ,
l’expreiTion de place inférieure, q u i, dans la premiere , avoit bleiTé mes
droits & excité ma réclamation pour y inférer celle de place convenable,
qui, dans l’acception maltotiere, que le Sr. de la Boullaye fe préparoit
d’y donner, l’auroit rendue fynonyme.
( a ) C ’étoit fi peu une place inférieure, que portoient les engagemens, quen donnant
la çlace du Sr. de Cim m ery au Sr. J o ly de St. E ufebo, on ne me propofa pas celle
de Contrôleur des cailles, que faifoit vaquer la promotion du Sr. J o l y , qui étoit de
jo o o liv re s, & dont on augmenta le traitement de cent piftoles, pour la donner a
un nouveau v e n u , le Sr. A c o y e r,
qui
1occupa
fix lemaines
feulement, pour avoir
fa retraite avec 3000 1. de penfion. Eh ! voila comme le fang des peuples convertis efl
m onnoie, fervoit a faire des peniions a des favoris ; il eft aife de vérifier le fait.
( b ) Je pourrois rapporter ici les lettres de M . le Com te de Montmorin à M . lfi
Marquis de la F a y e tte , avec celles de ce dernier qui me les e n v o y o it, mais tous les, deu*
exiftent heureufement, & on peut les confulter ; néanmoins pour ceux qui n’en ont pas
�( 7 )
Je me défiai d’un Intendant, qui dès notre premiere entrevue m’avoit
annoncé machiavel pour Ton cafuiile. D ’après le confeil de mes protec
teurs , je vis en particulier le Sr. Lambert , pour le mettre au fait du
manège ( a ) du Sr. la Boullaye, & de ce que j’en avois ;\ attendre.
Le Sr. Lambert m’avoit paru bon homme, & fa dévotion ajoutant à
mon opinion, je crus tout ce qu’il me promit; je ne tardai pas m’appercevoir, que dans les gens en place, la foibleiTe étoit auffi dangereufe
que la mauvaife foi réfléchie. Le Sr. de la Boullaye le menoit par le bout du
nez; les chefs de bureaux, & jufqiùuixfimples commis, en faifoient de même.
Défefpéré, je m’adreflai à fes parens, à les amis Sc à tous les Miniftres
qui vouloient l’accompliiTement des engagemens pris avec moi. Chacun
d’eux écrivit, ote parla au Sr. Lambert , dont, aux réponfes que j ’ai
entre les mains, je reconnoiffois le protocole du mauvais éleve de
machiavel. Pour faire fortir celui-ci de derriere la toile, je convins avec
Madame de Malesherbes & M. Clément de Barville, qu’ils écriroient
au Sr. Lambert, relativement à ce qu’il m’avoit dit verbalement, afin
d’embarniffer le la Boullaye dans les réponfes qu’il lui donneroit à
foufcrire ; ils devoient entrecroifer leurs lettres, & les rendre preflantes.
U facilité, je vais en citer u n e: » J ’ai l’honneur, Monfieur , de yous envoyer ci» jointe, la réponfe que j’ai reçu de M . de la Boullaye , relativement au Sr. M orizot,
» auquel vous vous intéreiTez ; je d fire bien finccrement que la bonne volonté que
» témoigne M . de la B o u lla y e , ne demeure pas ftérilc , & que le Sr. Morizot puiffe
” bientôt en éprouver les effets.
J ’ai l’houneur, & c . Signé, le Comte
de
M
o n t m o r in
.
( a ) O n connoît tout le trigaudage du Sr. la Boullaye dans les bureaux des domaines
du R o i , qu’il bouleverla pour y faire entrer de force un Secrétaire de fon gendre Jo ly
de Fleury ; ce coup de main a valu mcme depuis de la difgraco au Sr. Debonnaire
de Forgées.
On fçait comment il donna du defTous au Sr. V ia l, auquel tout le crédit de M o n s ie u r ,
frère de R o i, ne put faire reftituer la p lace, quoiqu’elle lui eût été ôtée injuftement.
On n’ignore p a s, comment il difpofa au profit d’une de fes créatures, d’une place
de D ire&cur des A id e s, promife par M . Lambert à M a d a m e . Sans tous les efforts de
cette généreufe Princefle, fon protégé n’obtenoit pas juftice.
Le déplacement du Sr. d eF o rg u es, Receveur de la Barriere d ’E n fe r, a fait aflez de
bruifc par fon injuflice.
^ E n fin , qu’on confulte M . Falbert de Q uingey & tous les b u reau x, & on aura du
r- la B o u lla ye, la jufte opinion qu’on doit en avoir. Il eft connu.
•
. V
�C 8 )
Le ilratagême me réuifit. Le Sr. de la Boullaye fut obligé de fe mettre
en fcene dans les réponfes qu’il fournit a la iignature du Sr. Lambert ; celle
à Madame de Malsherbes annonçoit l’homme dès l’exorde, & on Pauroit
reconnu à tout le corps de la lettre, quand bien même il n’y eût pas
été nommé.
Celle à M. Clément de Barville promettoit une réponfe définitive,
d’après le rapport de M. de la Boullaye, dont l’intention étoit bien d’éviter
de la faire ; mais M. de Barville la provoqua , en écrivant de rechef à M»
Lambert pour qu’il la lui fit.
Elle vint, remplie de fiel, d’injures, de menaces, de diffamations, &
foufcrite du Sr. Lambert. M. de Barville la jugea auffitôt furprife à M.
Lambert. En effet, les objets dont il s’agiffoit, étoient étrangers à lui,
mais perfonnels au Sr. la Boullaye. Il ne jugea pas à propos de me
remettre une lettre qui compromettoit le Contrôleur-général, fon ancien
camarade ; mais il m’en laifla prendre une copie, que je portai au Sr.
Lambert.
Dès que celui-ci la v it , il la défavoua, en me promettant d’en témoigner
fon mécontentement au Sr. de la Boullaye. Néanmoins ce dernier avoit
réuiïï, pendant les dix mois qui s’étoient déjà écoulés du miniftere du
Sr. Lambert, à fe faire affurer , par la fignature de ce dernier , jufqu’à
fes vengeances perfonnelles, &c à difpofer1 de tout, à l’infçu du Sr. Lambert,
& à mon préjudice.
Vainement je prévenois , je follicitois &C j’avertiffois le Sr. Lambert,
à toutes fes audiences qu’il donnoit fréquemment ; je n’en étois pas
moins éconduit , malgré fes paroles & fes affurances , à fon infçu,
quoi qu’il fignât.
Entre plufxeurs faits particuliers, je n’en citerai qu’u n , c’eft celui du
bail des meffageries , pour lequel le principal Miniftre avoit une nouvelle
compagnie, qui lui donnoit une fomme confidérable d’augmentation,
& que le Sr. Lambert paifa à l’ancienne, en fe cachant du principal
Miniftre, &c à l’inftigation de la Dame de Villeneuve, fa belle-fœurj
qui vivoit avec les Morel ( a ).
. Le Sr. Lambert avoit promis formellement à Madame de MonteiTon,
( a ) Le public a retenti, dans le tem ps, de la reconnoiiEance de l’ancienne Com
pagnie envers la Dam e Villeneuve.
que
�( 9 ).
que je ferois un des RégiiTeurs de ce bail, s’il y en entroit de nouveaux,
& il y en avoit eu deux admis. Madame de Monteilon s’en plaignit au
Sr. Lrmbert, qui lui dénia en avoir admis de nouveaux. Effectivement
il n’en fçavoit rien , & il avoit figne.
Mais le fait capital dont j’ai à me plaindre, & qui eft l’objet principal
de ce mémoire, eft encore plus étrange. Il prouve linguliérement combien
le Sr. Lambert étoit incapable de gérer le contrôle général. Comme ce
fait eft amplement expofé &c difcuté dans quatre mémoires imprimés,
qui ont déjà paru, j’abrégerai, pour ne rien répéter de ce que j’ai
dit, &c je fiipplierai Votre Majeité de s’en faire rendre compte, & l’AiTemblée nationale d’en prendre communication.
J ’occupois depuis douze ans un emploi dans les bureaux de la loterie
royale, aux appointerons de 4000 livres, fans les gratifications ordinaires
& extraordinaires. L’intrigue oppreiïïve de deux chefs m’en avoit retenu
le payement pendant les douze années, malgré les ordonnances & déci
dons des Miniflres. J ’avoisfervi à mes frais, & j ’attendois impatiemment
chaque anuée ma tranflation dans une autre partie de finance, pour en
reclamer judiciairement le payement contre l’adminiftration de la loterie ,
fans craindre d’être révoqué par elle, fur cette înfurreûion; Iorfque
confidérant, d’un côté , que cette tranflation pouvoir être différée par
des événemens imprévus ; de l’autre, que j’avois un preffant befoin de
percevoir en entier à l’avenir mes appointemens , &c de toucher pour le
moment ceux arriérés, afin defolder les avances que lagénérofité m’avoit
faites, dans la vue de me faciliter les moyens d’attendre la rentrée de
ces fonds; au rifque delà révocation, j ’avois réfolu, peu après l’arrivée
de M. Lambert au miniftere des finances, de pourfuivre en Juftice mon
recouvrement.
Dans cette intention, j’avois difpofé un mémoire, fur lequel un Jurifc°nfulte expérimenté m’avoit donné fon avis. L’un & l’autre alloient
paroître imprimés, lorfqu’il tranfpira qu’il
préparoit une réforme dans.
ks bureaux.
furfisit aiïïgner & à publier mon mémoire, & le 2.5 août, le miniftere des finances abandonna le Sr. Lambert.
Quatre jours après, 'es opérations de la réfome, complotées & arrangées
dans le fecret, éclatèrent, telles que je les ai expofées dans mes deux
ptacets à M. Necker, qui ont été imprimés,
B
1
�C i° )
A mon grand étonnement, je me vis inglobé dans la fuppreflion
défaftreufe qui avoit été manoeuvrée pour mafquer à M. Lambert la
création d’une multitude de places ruineufes, & le renvoi de cinquante
peres de famille, auxquels on ôtoit l’état & le pain pour le donner à
des étrangers , nouvelles créatures que la Roche & les Adminiilrateurs
fubftituoient à des Commis plus capables qu’eux.
Cette opération, aulieu d’être une fuppreflion , étoit une vraie créa
tion, qui, loin de diminuer les frais de 120,000 livres, comme on
l’avoit fait entendre au Sr. Lambert, les avoit augmenté de 51000 livres,
fuivant le dépouillement qui en a été fait depuis au tréfor royal.
Alors je me pourvu à la Commiflion de la Police, contre l’adminiftration de la loterie, pour la faire contraindre à me payer mes appointemens retenus, & j’écrivis en même temps au Sr. Lambert, pour lui
apprendre la furprife qu’on lui avoit faite, le tort particulier qu’il me
caufoit ; n’ ayant aucune autre reflource pour fubfifter & pour lui repréfenter, qu’ au lieu d’avoir rempli envers moi les engagemens de fes deux
prédéce fleurs & les fiens, pendant les onze mois de la durée de fon
miniftere, il m’avoit, en le quittant, privé d’une place médiocre , lorfqu’il
devoit m’en donner une plus avantageufe.
Auflitôt je rendis public mon mémoire à confulter , après en avoir
auparavant envoyé un exemplaire à S. A. S. Madame la Princefle de
Lamballe, à M. le Préfident de Rofanbo & à M. de l’Eflart, que j’avois
pris à témoin de la vérité des faits que j’y énonçois. Ces deux derniers
me répondirent chacun par une lettre qui en rcconnoiiToit l’authenticité.
La Princefle fit encore plus ; elle envoya l’exemplaire à M. Lambert,
avec fon atteftation, en lui recommandant de me faire payer de mes
appointemens , d’après l’afliirance qui lui en avoit été donnée par M.
N ecker, lors de fon premier miniftere; enfin, elle redemandoit à M»
Lambert, pour m oi, la place qu’il m’avoit ôtée.
Le Sr. Lambert répondit à ma lettre du 2 feptembre, ainfi qu’il fuit«
Paris , 7 feptembre ¡788.
C e n’c ft, pas M onfieur, par une ordre particulier que j’ai donné à votre ¿gard >
que la place que vous m’apprenez que vous aviez dans les bureaux de la loterie,
s ’e f t
trouvée fupprim ée; j’ignorois même que vous y fuffiez employé.
J’ai exigé des Adminiilrateurs une économie fur leurs frais de régie, qui allât au
�(
Il
)
moins à 12 0 ,0 0 0 livres; je leur ai laiffé la fixation particulière des retranchemens qui
procureroient cette économie. C ’eft ce plan qui a produit & néceflitc les fuppreflions
dans lefquelles vous avez été compris. Si j’euffe pu prévoir que ces réformes vous
fi fient éprouver une perte, au lieu des effets que vous aviez a attendre de toutes les
efpérances qui vous font données depuis long-tem ps, j ’aurois cherché, du moins pour
l’inftant, à détourner de vous ce contre-temps ; mais e n v o u s a d r e s s a n t a M . l e
D ir e c t e u r - g é n é r a l
d e s f i n a n c e s , je ne doute pas qu’il n’entre dans les mêmes
vues, & je lui rendrai volontiers m o n t é m o i g n a g e fur vos talens & votre perfonnel,
fuivant la connoiflance que je puis en avoir.
J ’aurois defiré pouvoir remplir l’engagement que M . de Calonne avoit pris avec M .
le Comte de V erg en n es, & qui avoit été renouvellé par M . de Villedeuil avec M .
le Comte de M ontm orin, pour vous donner une place diilinguée dans la finance.
V o u s avez les preuves de l’intention où j’étois de la te n ir, par les affurances que
j ’en ai données à M . le principal Miniftre , à M . de Lam oignon, à M . le Com te de la
Luzerne, à M . le Com te de M ontm orin, à M . le D u c de V illeq u ier, à M . de Barville
& autres de vos protefteurs ( a ).
Je vais avoir l’honneur de réitérer mes regrets à Madame la PrinceiTe de Lam balle,
qui m’a fait celui de m’écrirç, en m’envoyant votre mémoire im prim é, pour la répétition
de vos appointemens contre la loterie & la réclamation de votre place. Je fu is, & c
Signe, L a m b e r t .
Cette lettre n’a pas befoin d’un long commentaire, & h l’apologie
près de la faullc opération fouferite par le Sr. Lambert fur la loterie, on
y trouve tout ; mais on fçait que plus un Adminiftrateur eil aveugle,
plus il a d’affe&ion pour fes opérations; au furplus, on voit que le Sr.
Lambert connoiffoit parfaitement la teneur des engagemens de MM. de
Calonne & Villedeuil avec MM. les Comtes de Vergennes & Montmorin,
Puifqu’il dénomme tous les Miniftres avec lefquels il les avoit fanftionné.
Ce n’ell plus le ftyle du Sr. de la Boullaye, pour une place inférieure 011
convenable ; dès qu’il n’ell plus le fecrétaire de l’ex-Miniftre, celiu-ci
rétablit la chofe en convenant que les engagemens portoient fur une
place diflinguée ; & au lieu de cette place diilinguée il m’a ravi jufqu’au
chétif emploi qui me faifoit vivre , il m’a mis fans état & fans pain.
Mais confidérez fes regrets de n’avoir pu prévoir ma perte, & détourner
dt moi ce contre-temps. Ce contre-temps ! ah ! eit-ce le mot qui convient
( a ) Je n’ai pas befoin de rapporter tous les engagemens par écrit de tous ces
Miuiftr.es & autres, puifque
M.
Lambert
en
convient ; mais je les garde en original.
�( 12, )
à la chofe ? n’eft-ce pas plutôt un attentat; puifque ôter l’état & le pain à
un homme, c’eft lui donner lentement la mort. L ’ex-Contrôleur-général
pénétré , ne femble-t-il pas me dire : » j’ai fait une faute, je l’avoue; mais
» une fa u te involontaire. J ’ai été furpris, je ne vous fçavois pas là ! il
» j’avois encore de l’influence fur l’adminiftration de la loterie , je vous
» reftituerois votre place. Adreffez-vous à M. Necker, il eft juile, il
» vous réintégrera, lorfque je lui aurai parlé de mon erreur, de vos
» talens & de votre perfonnel.
C ’eft ce langage que confirme le billet ci-après du Sr. Lambert, du 12
feptembre 1788.
M . Lambert envoie à M . M orizot la lettre de Madame la Princefle de Lam balle,
qu’il defire d’a vo ir, & fon mémoire qu’il a lu , & qui n’a été vu de perfonne ; il n’a point
réfufé de voir &
d’entendre le Sr. M orizot; Mais il n’a plus aucune influence fur
l’adminiftration de la loterie , S i M . N ecker peut feul y pourvoir.
Je fuivis l’avis du Sr. Lambert. Le jour même j’écrivis à M. Necker,
8c par fa réponfe du 17 feptembre, ce Miniitre me renvoya à en
entretenir le Sr. del’Eflart, auquel je remis mon placet manufcrit, deftinc
pour M. Necker, que le Sr. Lambert avoit approuvé, &c que depuis j’ai
fait imprimer, lorfque le Sr. de FEffart , d’abord enclin à me rendre
juftice , en a été détourné par une femme qui follicitoit pour les Adminiftrateurs de la loterie.
Votre Majefté, Monfieur, & toute votre Cour, ne dédaignèrent pas
de lire ce placet, qui occafionna le renvoi de la femme Gourbillon &
de fon fils. Tous furent révoltés de l’injuftice que j ’éprouvois, & néan
moins ce fut à ce moment que fe formeront les intrigues pour empêcher
la réparation, foit de celle que je pourfuivois devant M. Necker, Juge
né de la queftion en reftitution de ma place, foit de cel’e pour le paye
ment de mes appointemens, dont le Confeil étoit faifi, au moyen d’un
Arrêt, du propre mouvement du R o i, qui avoit évoque de la commiilion
de la police ma demande avant l’inftru£Uon achevée.
Je dévoilai toutes ces intrigues clans un deuxième placet ;\ M. Necker ■>
que M. de Barentin remit imprimé à ce Miniftre, auprès duquel je réunis
çncore le fuffrage de MM. les Comtes de Montmorin, de la Luzerne &
celui de M. de Villedeuil.
M , N ecker m’écrivit la lettre ci-après,
�C *3 )
‘
Perfailles
M . DE R
um are
,
ce 6 février 178g.
a dû prévenir M . M o rizo t, qu il devoit faire le rapport de fon affaire
au Comité contentieux. M . le Direfteur-général l’engage de lui envoyer toutes les inftruélions qu’il croira c o n ven ab les. S i M . M
o r iz o t
PO RTÉE A UN AU TR E T R IB U N A L , IL
Q u ’ a LE DÉSIGN ER LUI-M&ME , & en atten
n ’a
PRÉFÉRÉ QUE
sa
d e m a n d e s o it
dant , M . le Direéteur-général ayant connoiffance de la fituation dans laquelle il fe trou ve,
lui envoie un mandat de 12 0 0 1.
Ce mandat n’a pas fuffit pour les frais d’impreiHon des quatre mémoires
que j ’ai donnés. M. de Rumare, que le Sr. Lambert avoit nommé* mon
Rapporteur, en l’endoftrinant contre moi, s’étoit heureufement démis,
& M. de Fourqueux lui avoit fubftitué M. de Pafloret;
J ’acceptai entre les mains de M. de Barentin l’offre faite par M. Necker
d’un autre Tribunal que le Confeil; mais quand le Comité contentieux
eut connoiffance de cette propofition & de mon acceptation, fans attendre
les injlrucllons que M. le Dire&eur-général m'avoit engagé d'envoyer, fans
que Maître Perdry, mon Avocat au Confeil, en fîit averti, fans avoir mes
pièces, fans que mes adverfaires fuflent conftitués ; enfin, fur un écrit
furtif, illégal de ceux-ci, & non communiqué, ce Comité s’emprefla de
m’étrangler par un Arrêt qui me déclaroit fubitement non-recevablc, dans
l’efpoir qu’il m’empêcheroit de profiter du bénéfice de l'offre de M. Necker
pour le changement de Tribunal (a ).
Maître Perdry, par cet Arrêt, fe trouvoit pour ainfi dire compromis dans
fon honneur & fa fidélité, vis-à-vis de fon client, qui pouvoit en quelque
forte le prendre à partie. Il préfenta requête au Comité contentieux,
pour le rappeller au principe de ne pas juger les Parties au moins fans les
entendre ; & M* de Pafloret qui rapporta cette requête, fit rétablir les
chofes , en ordonnant que cette production illégale &c clandeftine de mes
adverfaires me. feroit communiquée. Les Magiilrats fe prêtèrent d’autant
( a ) Eft-il croyable que tfes h om m es, oracles du Confeil du R o i, fe permettent de
rendre ainfi des Arrêts en fon nom impunément ? Seroit-il poflîble que l’Aflemblée
nationale ne ’ prît point en confidération le fort de leurs com m ettans, jufticiables de
tels ^ g e s , & qu’ils ne les écartaflent pas du plus jufte des Rois qu’ils trom pent, &
d°nt ils abufent fans ceiTe. Oh ! qui auroit donc pitié de l’infortunée nation, obligée
fe voir ainfi ra va gé e , fans ofer fe plaindre , fe foulevcr ni fecouer ce régime arbitraire.
�'
"I
au mépris de toutes les formes , qu’ils fe promettoient bien de répéter le
même , en obfervant toutes les formes.
Mais ce fut alors , que très-déterminé à confommer la propofition de
M. N ecker, & à ne pas paroître dans un Tribunal, dont les vieux
Magiftrats fouloient aux pieds, fans fcrupule, les L o ix, la confcience &C
l’honneur, je démalquai la monftruofité de leur procédé, dans un mé
moire que je donnai le 18 juin dernier à l’Affemblée nationale & à
Votre Majefté, que je fuppliois de me juger elle-même, ou de me nommer
un Tribunal, en lui expofant quelques réflexions fur la néceifité de
réformer les bureaux de fon Conieil.
J ’attendois, Sire, votre décifion , lorfque votre peuple, las du joug
de ces defpotes Magiftrats , qui avoient ui'urpé votre autorité pour vous
fubjuguer v o u s-m ê m e , s’eft levé en rompant fes chaînes, &C a pris les
armes pour délivrer fon Monarque bien-aimé.
Les fecouffes d’un fi noble effort, en altérant l’harmonie apparente
qui déguifoit les vrais défordres de la Capitale, ont ébranlé un moment
les fondemens de la fécurité particulière. A l’abri de ce trouble momenrané , ceux auxquels l’empire de l’iniquité échappoit, ceux que j’avois pu
bleiTer par une révélation de faits honteux, mais nécelïaires à mettre en
évidence, ceux enfin que l’habitude a familiariié avec le crime, me
menacerent d’un attentat horrible.
Pour leur épargner un forfait de plus, j’ai cherché unafyle fur une T erre étran
gère : j’y toitchois à peine, que j’allois échouer contre un nouvel écueil ( a ).
( a ) Quarante-huit heures après être arrivé à Bruxelles, où je ne A>nnoiffois perfonne,
le Gouvernement me notifia l’ordre de fortir des Terres de l’Em pereur, dans vin gtquatre heures, & il étoit alors onze heures du foir. Je communiquai les pafle-portsque
j’avois de mon d iftriil, de l’H ôtel-de-V ille de Paris & celui du R o i, je rendis vifite
a M . le Comte de TrauttmaudorslE En voyant l’état de ma fanté, il .'évoqua I ordre de
déguerpir. C e Miniftre honnête s’exeufa même de l'avoir ^donné , fur ce qu’il ne me
connoiiToit p as, & fur ce qu’un François m’avoit rendu ftlfpeft; j’ai fçu depuis le nom
du lâche, q u i, abufant de la confiance qu’infpiroit fon n o m , fon état 8c fon rang »
m’avoit rendu ce mauvais office ; je ne le nomme p as, par égard pour M M . les Ducs
de........... meilleurs patriotes que lu i; je fouhaite de n’être pas fo.ee à le nom m er, car
ce trait-là ne lui a pas fait honneur à B ruxelles, dès que j’y û été connu. On peut
voir aux pièces juftificatives, le certificat du Gouvernement de B ru x elle s,la lettre du
M iniilre de l’Empereur & celle du Miniftre du R o i des François.
t
!
1
I
�C *5 )
Sans la vigilante prote&ion de M. le Comte de Montmorin, qui me pro
cura un moment de repos, pendant lequel, je donnai avis à quelques-uns
de MM. les Députés à l’Affemblée nationale du malheur de ma pofition
des dangers qu ej’avois courus pour avoir ofe demander juftice au R o i&
à l’Affemblée, avec ces carafteres de vérité & de courage, qui n’appar
tiennent qu’à l’honnête homme, parce que lui feul peut les ioutenir.
Aux a ffu ra n c e s de leurs bons offices, ils jo ig n ir e n t une invitation vrai
ment fr a te r n e lle de revenir, & ils m’annoncerent le rappel du S r . Lambert
au miniftere.
Je me mis en marche auifitôt, & j ’en prévins une parente dti Sr.
Lambert, qui, pénétrée du tort que celui-ci me fait éprouver, m’avoit
promis fa médiation auprès de lui trois jours avant mon départ.
AufTitôt mon arrivée, je réclamai la parole de cette parente en même
temps que j’adrefl'ai au Sr. Lambert la lettre ci-après.
P a r is , 4 feptembre 178g.
-M O N S IE U R ,
R
appelle
au Contrôle-général, tout ce quo je vois de plus avantageux pour vous
dans cet événem ent, c’eft la facilité qu’il vous donne de réparer partie du dommage
que vous avez pu commettre pendant votre premier miniftere.
Pour y parvenir sûrement, il faut vous environner de perfonnes honnêtes, & éloigner
de vous les frippons , les intrigans & les gens de parti, qui vous avoient dominé &
circonvenu ; malheureufement la nature vous a refufé le don de connoître les hom m es,
don fi nécefTaire à ceux appellés à les gouverner.
U n intérêt majeur ne me permet pas de vous diflimuler cet a v is , dont dépend pour
tttoi la réparation des torts que vous m’avez fait par furprife, & pour vo u s, l’eftime
& le refpeét du public éclairé, qui 11e confond pas l’homme avec la place.
Si vous êtes ju fte, avec courage vous ferez le bien, même à ceux qui vous feroient
Perfonnellement défagréables, s’ils font d’ailleurs honnêtes & capables. V ous ne profiterez
Pas de votre place pour exercer vos vengeances ou celles de
vos créatures. Main
tenant que la refponfabiïué efl une Loi de l'E t iit , vous vous expofetiez à être dénoncé,
à moins que la régénération ne foit illufoire, ou que l’Affembée nationale ne foit
elle-même complice avec nos ty ra n s, vous feriez infailliblement jugé d’après la lettre &
*e billet que vous m’avez adrefle les 7 & 1 2 feptembre de l’an dernier. Faites-y attention;
V ous fçavez qu’à pareille date vous m’avez mis fans pain , pour donner ma place
au Jei,ne B i l l e c o q ; enforte qu’à charge à la fociété qui me fait vivre depuis ce m om ent,
^ dans un temps où chacun n’a pas trop du fie n , je fuis dans la fituation la plus
«W oureufe.
Aujourd’h u i, M on fieu r, que vous avez reffaifi l’autorité, vous devez à la Juftice &
�( 16 )
à la fociété de chafler honteufement ce B i l l e c o q , déjà fi riche par lui-même & par
la fortune immenfe de fon beau-pere , qui vous a trom pé, pour me reftituer ma place
ou me donner une retraite analogue aux appointemens de la place. Je ne la demande
même pas aufli avantageufe que vous l’avez faite aux autres, auxquels vous avez donné
âppointement & gratification en retraite, en aflurant moitié d’icelle à leurs femmes.
C e feroit vous couvrir d’opprobre & manquer à votre d evo ir, fi vous accordiez de
nouveau votre confiance à un
la
R
oche
, qui en a fi cruellement abufé, d’intelligence
avec les Adm iniftrateurs.
Le public éclairé par les quatre mémoires que j’ai donnés , les a proferits, & beaucoup
des
h o n o r a b le s
membres de l’Affemblée nationale fe promettent de les éplucher, lorfqu’ils
s’occuperont de la finance. Il eft impoffible que leur fortu ne, acquife aux dépens du
R o i & de la Nation , ne lerve pas à foulager le peuple qu’ils ont dévoré par leur dépré
dation. Heureux encore s’ils n’expient à la lanterne les forfaits de leur oppreiïion.
V o u s n’ignorez p a s , Monfieur , que tous ces flippons qui vous ravirent votre fan£Hon
pour me ravir ma place, ne m’avoient pas fatiifait de mes appointemens, pendant douze
ans que je l’avois occupée avec diftinâion. V o u s en avez vu la preuve dans les témoi
gnages foutenus des Adminiftrateurs, q u i, pendant les clou/., années , ont donné à mon
tra v a il, à ma vie publique & p rivé e , les élog:s qu’ils ne pouvoient leur refufer ( a ) .
M ais vous avez vu aufli les preuves de cette intrigue atroce qui m’en a privé , &
qui avoit été menée avec fuccès par les Srs. M efnard, Seigneur de Conichard r &
P ré v o it, Montaubert d’A rlin co u rt, connus notoirement pour les deux tyrans de la finance
les plus effrontés, comme pour las deux vampires les plus ir.fatiables.
M algré l’évidence de mes d ro its, le Comité contentieux du Cor.A-il n’a pas eu honte
de former cabale pour les anéantir, & d’admettre des fins de non-recevoir ipadmiflibles.,
qui font la fource du brigandage de la M agiïtrature, qui depuis deux fiécles défoie la
France & en prépare la perte.
O b ligé , au péril de ma vie qui étoit m enacée, d’échirer cette cabale rcl'inccrate,'
je l’ai fait avec fuccès dans mon mémoire au R o i , auquel le françois & l’é-.ratiger ont
applaudi. L a chicane effaie d’éternifir ce procès, dont vous aviez d’aboid nommé pour
Rapporteur ce Grégoire de Rumare , aufli eilimé au H avre qu’à P aris, &. je ne puis
fuffire aux frais quelle dévore.
V o u s devez prononcer fur le rapport de M . de P aftoret, les Magiftrats du Confeil
ne pouvant plus connoître de cette difcuflion depuis la plainte que j’ai portée contr’eux
au Roi & à l’Afïl’mblée nationale, & la propofition qui m’a été faite par M . N ttk er
pour me changer ce Tribunal.
Des Magiilrats com prom is, attaqués , devroient fe réeufer d eux-mêmes. La réunion
des bureaux ne change pas leurs difpofitions. Elle n’épure pas leur cœ u r, & c’eft Ie
cœur qui infpire la confiance ou qui diffuade. Réunis ou divifés, les Magiftrats for t les
(a )
V. dans mon mémoire à confulter les lettres des Srs.Campan , Pcrnon, M efna ; à
&. de Clugny.
jnemes >
\
�( >7 )
mûmes f & ce n’étoit pas une réunion qu’il falloit, & qui ne diminue aucunement leur
ignorance & leur corruption. La nation attendoit une fuppreiîion & un renouvellement
total. L e bien public les follicitoit ; fans cela , la régénération eft manquée , notre efpoir
trom pé, & le defpotifme nous menace de fes vengeances implacables.
T erm inez, M oniieur , cette querelle honteufe pour vos confreres , odieufe au public '
& douloureufe pour moi. V ous préviendrez le Jugement de l ’augufte A flem blée, déjà
affez furchargée de travaux importans pour le bien général & particulier. V o u s vous
ménagerez des droits à Ton eftim e, au lieu de vous attirer des difgraces.
C e provifoire rem pli, il ne vous reftera , Moniteur , qu’à acquitter les engagemens
que vous aviez pris pour m o i, avec tous les M iniftres, pendant que vous étiez Contrôleurgénéral. La mechancete du Sr. Donet de la B o u lla y e , qui avoit toujours quelques ififipides
créatures de fes favorites à p ou rvoir, vous en a empêché, piefque à votre infçu ;
car c’étoit vers la fin de votre miniftere qu’il vous furprit votre fignature , au bas
d’une lettre injurieufe &. calomnieufe qu'il vous faifoit répondre contre m o i, à M .
Clément de Barville.
V o u s n’a v ie z , vous ne pouviez avoir alors aucun grief contre moi. L e Sr. Donet
vous abufoit, pour couvrir de votre autorité fes reffentimens perfonnels, & difpofer,
à mon préjudice , des places auxquelles j’avois d ro it, par vos engagemens &. le vœu
réuni des M iniftres, qui vouloient une fois, qu’un homme qui le m éritoit, entrât dans
les finances du R o i , depuis trop long-temps la proie de toute la valetaille delà Cour
& de la Ville ( a ) .
D eux de ces Miniftres bien intentionnés font encore aujourd’hui dans le miniftere
jes deux plus fermes appuis de l’honnêteté malheureufe. Ils n’ont point changé, & je
n’ai pas démérité. A u contraire, mon courage développé par le malheur & les circonftances, m’a mis dans un jour nouveau, & vu fous un afpeft plus intéreflant •
d’honorables membres de l’augufte Aflemblée ont penfé, qu’une fi jufte énergie décéloit
quelque v e rtu , dont on pouvoit tirer avantage pour le bien public ; ils m’ont afliiré
de leur proteâion.
Secondez leurs intentions patriotiques, M onfieur, je fupplierai M M . les Comtes
de Montmorin & de la Luzerne de vous réitérer leurs opinions fur mes droits ; mais
pourvoyez promptement à la reftitution de ma place ou à la fixation de ma retraite,
ainfi qu’au payement de mes appointemens , fi long-temps & fi vexatoirement retenus.
Cet objet eft provifoire & requiert célérité, puifque enfin depuis un an je fuis fans
Pain , & cette extrême fituation eft votre feul ouvrage. Je fuis, & c. Signé, M
o r iz o t .
Les torts du Sr. Lambert, fes faux fuyant, fon manège & ma fituation,
ni’autorifoient à lui écrire, ainfi qu’on vient de le v o ir, avec une
énergie propre à rappeller fon ame aux fentimens qui lui étoient devenus
( a) Campan, Morel, Diancourt, &c. &c.
c
�( *8 )
étrangers, mais en vain; le Sr. Lambert, éloigné des principes de juftice
que je lui retraçois , ne me fît aucune réponfe ; aucontraire, averti par
cette lettre de mon retour dans la Capitale, il s’emprefla de m’inquiéter,
¿k l’aide du Comité de Police de l’Hôtel-de-Ville de Paris.
Ce Comité turbulent me cita devant lu i, par lettre du 8 feptembre
dernier, quatre jours après celle que je venois d’écrire à M. Lambert.
J e comparus devant les Srs. P itra (a ) & Dufour ( b ) , adroits caffards
p a t r i o t i q u e s , qui, depuis la révolution, s’étoient introduits d’abord fans
miffion à l’Hôtel-de-Ville, & avoient réuffi enfuite, malgré l’amovibilité,
à s’y perpétuer avec miffion, voulant abfolument être quelque chofe,
en dépit de l’improbation générale & de la nullité, dont les a frappés la
nature. Obfcurs & myftérieux comme les Sibilles, à peine purent-ils me
dire le motif de leur indifcret appel. Je parvins cependant à démêler les
refforts de la même intrigue qui m’avoit expatrié, & qui, en apprenant
mon r e t o u r , r e n o u v e l lo it fes e ffo r ts pour s ’e m p a r e r , s ’ il étoit p o f fib le ,
de ma perfonne, en employant à cet attentat, des formes en apparence
légales; car ni le Sr. Lambert, ni les Commis de M. Bailly,dans les
bureaux de la Police municipale, n’ignoroient_ ou ne devoient ignorer
leur incompétence.
Au fein de l’anarchie, où toutes les réglés font oubliées, confondues
ou violées, l’abus étoit facile, & le danger preffant. J ’avois à craindre le
defpotifmc fanatique & la complaifance intércffée des Officiers, Rois de
la Police parifienne , compofée en partie du rebut des diftrifts ( c ) , depuis
que les gens fenfés & honnêtes les abandonnent aux intrigans. D ’ailleurs,
l’afcendant d’un Contrôleur-général, qui a la lâcheté & la baffeffe de
flatter des fubalternes incompétens, pour provoquer d’eux des attes
( a ) P itra, marchand bonnetier, & lai-m êm e,u n peu bonnet de laine , n’étoit pa?
con n u , avant que les murs de Paris fuflent tapifTés de fon nom.
( b ) Celui-là , & fon frere , Secrétaire du d’Aligre , font fort connus. Les hurlemens
des cliens écorchés
les ont longuement célébrés.
.. ( c ) Je ne prétends pas qu’il ne refte plus de gens honnêtes &
éclairés dans le*
diftriéts ; ce n’eft pas c e la , je fçais qu il y en a encore qu’on n’a pu réufTir à écarter,
mais ils y font fans influence, & fans ofer parler, &. le défordre entr’autres de certain*
d iiw a s eft au dernier période.
�Ci 9 )
illégaux, lorfqu’il peut recourir à des Tribunaux compétens,me rendoit
encore plus redoutable cette voie oblique, infolire & vexatoire.
Je pris les feules précautions que je pouvois prendre dans de fi fâcheufes
circonitances , & je fis Maître Carre, CommiiTaire au Châtelet, dépoiitaire
de la déclaration ci-après.
L ’ a n mil fept cent quatre-vingt-neuf, le jeudi dixfeptembre , deux heures de relevée,'
en l’hôtel & devant nous, A dricn-Louis C a rr é , Confeiller du R o i , Commiffaire-enquêteur
&
examinateur au Châtelet de P a ris, eft comparu Maître Edroe-Etienne M o riz o t,
A vocat au Parlem ent, demeurant à P a ris, rue St. Thom as du L o u v re , Paroifle St.
Germ ain-l’Auxerrois :
Lequel nous a déclaré , qu’il auroit été averti, environ le 20 juillet dernier, qu’une
cabale puiflante &, nombreufe devoit profiter du trouble &
du défordre où étoit la
C ap itale, pour le faire aiTafliner, à caufe de certaines affaires, entr’autre une qu’il
avoit avec des Financiers, dans laquelle étoient compromis grand nombre de Magiftrats
S i de M inières, hors maintenant du miniftere ( a ) , ou rappelles au miniftere; qu’en conféquence, le comparant auroit auflitôt fait un emprunt ( b ) , & pris des paffe-ports de fon
diftriiS, de l’H ôtel-de-Ville & du R o i, & fe feroit enfui, le 25 dud. mois de ju illet, à
Bruxelles, d’où il en auroit prévenu fes protetteurs à l’Aflemblée nationale, & fes amis ; que
raffuré par ceux-ci, & jufques par quelques-uns de M M . les Députés de l’Aflemblée nationale,
que ladite Affemblée s’occuperoit de" faire rendre au comparant la juilice qu’il avoit
réclam ée, il s’étoit mis en marche pour rentrer dans fa patrie, en apprenant la nouvelle
du rappel du Sr. Lambert au contrôle-général q u o i q u e l e S r . L a m b e r t f u t s o n
en n em i
c a p it a l
; qu’arrivé à P a ris, le comparant auroit é crit, le quatre du courant,
audit Sr. L am b ert, pour le prévenir de la juilice qu’il réclamoit de l u i , & il auroit
appris qne la cabale renouvelloit fes intrigues, & même auroit e ifa y é ,p a r des voies
illégales 8 i infolites ,
de s’emparer de fa perfonne, pour difpofer plus sûrement de
fa v ie ; qu’en conféquence , cette cabale infernale l’auroit dénoncé à l’H ôtel-de-Ville ( c )
comme fufpett , imaginant que dans un moment où l’organifation de fa Police eft
incomplette , fa Municipalité leur donneroit la fatisfaélion & l’avantage de le faire
arrêter & conftituer prifonnier ; qu’alors le com parant, fouilrait à la fociété, ilo lé , fans
( a ) rattendrai, pour tout d ire , que l’on m’oppofe les ailes livrés par ce lâche que
je ne nomme pas.
( b ) C e fut un V ica ire -g é n é ra l, du Diocèfe d’A u tu n , qui eut la générofité de
Ine prêter.
( c ) U n Millin du Perreux , Député à la V ille , Repréfentant de la commune, n’eft
P is fait pour infpirer de la confiance à un citoyen, honnête. J ’ignore qui p eu t, fans
K-pugnance, fiéger avec Un homme de cette trempe.
�(1°)
déferife , ne pourroit échapper au poifon , s’il avoit échappé au poignard ; ce que
vo yan t le com parant, il auroit pris la réfolution de dénoncer à fes concitoyens, par
un mémoire qu’il v a faire imprimer, la fituation dans laquelle il fe trouve , fe réfervant »
jorl’que les Lois reprendront leur empire , de fe p o u rvo ir, ainfi &. contre qui il avifera.
Defquelles déclarations led. Sr. comparant nous a requis de lui donner a ft e , ce que
nous lui avons oélroyé , pour lui fervir & v a lo ir, ce que de raifon, & a ligné avec
n o u s, Com m ¡flaire, la minute des préfentes , demeurée en nos mains. Signé fu r l’expé
dition , C
arré.
J ’étois occupé à la réda&ion du mémoire annoncé ci-defïus, lorfque
no&urnement le Comité de Police de l’Hôtel-de-Ville me dépêcha un
courier,porteur d’unemiffiveimpertinente, lignée desSrs. Montaleau, ( a )
Prélxdent, Lagrénée 6c Bonvallet , qui ne m’avoient jamais vu ni
entendu, lefquels m’affuroient cependant être parfaitement injlruits fans
m’avoir parlé.
Rien ne motivoit, dans cette lettre infultante , les peines arbitraires
dont elle me menaçoit en ftyle de G rève, fi ce n’eft un faux rapport
du Sr. Dufour , contre lequel Maître Perdry, Avocat au Confeil ( b ) ,
a rétabli la vérité, dont on avoit les preuves , en démentant complétetement les aiîertions erronées du Sr. Dufour. Je me difpofois à employer
ces preuves, pour éclairer la Capitafé fur l’oppreffion de l’Hôtel-de-Ville ,
dont les membres, pour la plupart , incapables , indignes ou flétris,
aggravoient les défordres de l’anarchie, lorfque de vertueux citoyens,
infiniment plus habiles, ont développé les manœuvres anti-patriotiques
---- —
■
—
( a ) Je ne conçois pas comment le Sr. Moctier de Montaleau a pu briguer d’être
Député à l’H ô tel-d e -V ille , d’où fon frere a été chaffé, à moitié de fon cours d’échevinage. 11 me femble qu’avec un peu de délicateffe , il faudroit s’exclure d’un théâtre
où notre nom s’efl dégrade & flétri. Je conçois encore moins qu on députe des
Magiftrats & des Nobles titrés, tous gensintéreffés à la c o n f e r v a t i o n des abus, dont ils. viven t,
& par lefquels ils regnent; & ce qui eft encore plus inconcevable, c eft que tous les quinze
jours les diftriils nomment de nouveaux r e p r é f e n t a n s , & cependant on voit toujours les
mêmes perfonnages remplir les m îm es Comités & les m îm es noms affichés. Je fouhaite qu’au
milieu du mécontentement général contre l'H ô tel-d e-V ille, il n’arrive rien de fâcheux,
mais j’en doute. Je fouhaiterois encore que le petit nombre d’honnêtes gens qui s’y
trouvent , & y jouent un trifte rôle , fe retiraien t, pour n’avoir point à fe reprocher
le malheur de leurs concitoyeus, car on fe laflera.
( b ) Voyez fon certificat aux pièces juftificativos.'
�C »1 )
de ccs tyrans municipaux ( a ) , qui entendent nôus traiter plu'ôt en
vagabonds fans aveux, qu’en citoyens auxquels ils doivent des égards.
J ’ai repris alors ma tâche, pour dénoncer
Votre Majeftc, &
l’ A^emblée nationale, le Sr. Lambert, comme un M i n i s t r e i n e p t e ,
i n j u s t e , m a l - h o n n ê t e e t o p p r e s s e u r , dont l’honneur du T rône,
& le bonheur de vos Sujets follicitent le renvoi, & les injuftices une
punition. E n fu ite ,p o u r la fupplier de me rendre enfin la juftice que je
reclame depuis il long-temps, &C h laquelle il feroit dangereux , pour le
Sr. Lambert, de s'oppofer.
Votre Majefté abufée, votre autorité ufurpée, votre fife épuifé, vos
Provinces dévailées, votre Etat trahi, votre Royaume à deux doigts
de fa perte , vos peuples affamés , avilis, »dégradés par la corruption &
l’efclavage ; la France, enfin , cette fi belle contrée de l’Europe, n’offrant
plus que le fpeftacle de toutes les douleurs & de toutes les miferes : voilà
le tableau trop vrai des opérations meurtrieres des Miniitres & des
Magiftrats.
O ui, ce font vos Miniftres, enrichis des dépouillés de vos peuples ,
qui ont multiplié les impôts & les emprunts encore plus ruineux, pour
en dévorer le produit, ou acheter, par la prodigalité des dons , la faveur
intéreflee d’avides courtifans, néceflaires il les maintenir en place.
Ce font vos Magiftrats, infidelles à leurs obligations, traitres à la
Nation & à fon Chef fuprême , qui, par leur lâcheté dans vos Confeils,
ont célé la vérité à Votre Majefté, & lui ont dérobé la connoiifance
des gémiffemens & des plaies de fon peuple. Fiers de s’en dire les peres ( b "),
Pour en éxiger la docilité d’un enfant, ils faifoient fervir fa propre
force à l’enchaîner par une coalition combinée ; ces confpirateurs du
( a ) O n m’aflure ce Comité renouvellé en entier, dans ce moment. J ’en félicite la
Capitale. Maître Letellier &
tous les gens honnêtes pourront efpérer à leur sûreté,
& cefler de vo ir la Garde nationale obtempérer à des ordres arbitraires , évidemment
jnfenfés, les exécuter
b o u rea u x
avec un empreflement
indécent,
&
s’honorer d’être
les
de leurs concitoyens. S ’ils euflent continué, nous aurions été trop heureux
reprendre nos fers.
( b ) Sous les noms féduifans de patrons &
de p eres,
Ils affeftent des R o i s , les démarches altieres.
B r v t u s , trag. de Volt.
�( “
)
malheur public échangeoient les grâces de la Cour contre la pré
varication criminelle des nombreux complices de fon afferviiTement ;
& le fang des infortunés cliens, dont s’abreuvoient à longs traits les
vautours en robe, étoit, pour ainfi dire, la foute du pafte infame de
ces Cannibales.
L ’excès du défordre a produit le remede. Votre Majefté a convoque
fa Nation, pour s’occuper avec elle de l’oeuvre immenfe de fa régéné
ration. L ’élite dont elle s’eft environnée, a fondé la profondeur de
l’abyme, & nous attendons de íes pénibles travaux, 8c de votre augufte
bienfaifance, une nouvelle exiftence.
Pour parvenir à ce but heureux, eft-ce un Lambert, inepte & injufte 3
qui peut y co-opérer ? feroit-ce un Miniftre fans idées, fans cara&ere,
qui pourroit éclairer & diriger Votre Majefté, au milieu des accidens
douloureux, irréparables de cet enfantement politique ? a-t-il feulement
l ’ in t e llig e n c e propre à faifxr l’enfemble de ce vafte plan, chef-d’œuvre
de la raifon humaine, dont votre fagelïe a déjà fanâionné quelques-unes
des lignes.
Vous l’avez v u , Sire, dans mon expofé des onze mois de fon premier
miniftere ; toujours fignant, & ne fcachant point ce qu’il fignoit ; avouer,
dél'avouer, contredire, aller &C revenir fans ceffe, au gré du caprice
ou des paillons , tantôt du Sr. la BouUaye, tantôt de la Dame de
Villeneuve, ou des bureaux, ces royautés fubalternes, d’ou émanent
depuis ii long-temps ces décifions atenttatoires aux droits des citoyens
& à la juftice qu’ils invoquent.
Votre Majefté a vu le fous-Miniftre Laroche, fans autre expérience
des affaires que celle acquife à ouvrir & fceller les paquets du bureau
des dépêches, confommer avec les Adminiftrateurs de la loterie une
opération défaftreufe pour la caiiTe publique , & ruiner cinquante peres
de fam ille, dont ils livroient la dépouille à leurs créatures.
Vous avez lu enfuite l’expreffion patétique des regrets du Sr. Lambert
dans fa lettre & l'on billet des 7 & n feptembre 178 8 , après
m’avoir ravi mon état &c mon pain, fans le fçavoir ; lorfque fes engagemens perfonncls, dont lui-même circonftancie l’origine & les détails»
l’obligeoient à me donner une place diftinguée; fon confeil officieux,
de m’adreffer à M. Necker, afin d’obtenir de lui la reftitution de mon
emploi; fa promeffe d’en apuyer la réclamation par fon témoignage
�c *3 ) ;
fur mes talens & mon'perfonnel; cette intime {ftrfuafion de l’empreffement de M. Necker à entrer dans fes vues, dès qu’il les lui aura
expofées, toutes ces chofes n’ont pas échappé à l’attention de Votre
Majefté.
Eh ! cependant, cédant à une honte puérile, à un orgeuil puiillanime,
ce papelard, loin d’écouter les remords de fa confcience qui le preffent
fur la réparation de ion attentat, tremblant de voir fon opération appro
fondie , fon ineptie & fon injuitice mifes au grand jour, il garde un
filence homicide, que, dis-je, pour montrer davantage la vérité de cette
maxime , que quelque dificile qu’il foit de ne pas fe tromper, il e'ft
bien plus difficile encore d’avouer qu’on s’eft trompé ; il effaie d’enve
lopper de nuages fon erreur, afin qu’elle ne puiffe être pénétrée, &
¿échapper ainfi à la févérité d’un examen qui en provoqueroit la
déformation.
D ’un côté, pour étouffer les accens plaintifs da ma v o ix , le Sr:
de la Michodiere, auquel le» fondions d’Infpetteur-général impofe l’obli
gation de fcruter cette opération, trahit fes devoirs, fori honneur & les
droits du malheureux, pour fauver, s’il eft poifible , le Sr. Lambert des
reproches & des mépris du public ( a ).
De l’autre, la bureaucratie contentieufe du Confeil, fabrique un Arrêt
monftrueux, & afin de prévenir le changement de Tribunal, propofé par
M. Necker (pour m’arracher à ce régime), il me déclare, à l’improviite,
non-recevable, fans avoir entendu mon Défenfeur , ni avoir vu hies
P'cces, & fur une feule requête informe &c clandeftine, fournie furtive
ment par mes adverfaires, fans s’être conllitués.
Mais, pour établir l’ineptie du Sr. Lambert, il ne faut pas fe mettre
beaucoup en frais, elle eft notoire, & chacun fçait que ce fut fon titre
de recommandation auprès de l’Archevêque, principal miniftre, qui ne
demandoit qu’un automate docile à fes volontés, pour leur donner , par
^ fignature, un caraftere de forme.
C ’eft peut-être aufTi cette faculté paffive, fi commode à la rapidité des
°pérations d’un Adminiftrateur en chef, qui a déterminé M. Necker à
fouffrir la rentrée de cet incapable , dans un miftiftere pour lequel il a’a
( a ) V o y e z la Lettre du Sr. la M ichodiere, dans mon fécond placet à M.Neckei\
�( 24 )
aucune aptitude , dans lequel il eft l’effroi &c le fcandale de la fociété,
& qu’il ne tiendrait pas un moment, fi M. Necker fe retiroit ( a ).
Je pourrois citer une multitude de faits, honteux pour ce Miniftre,
qui cara&érifent les injuftices auxquelles l’entraîne fon ineptie ; mais
fans rappeller les plaintes générales des citoyens, & fortir du cercle des
miennes , dans lesquelles je me fuis renfermé, ce ne fera pas multiplier
les fcènes' épifodiques, ni facrifier l’objet principal aux acceffoires, que
de les étayer de celle d’un Magiftrat, dont la déclaration eft relative à
la publicité de la mienne. Voici fa lettre.
P a r is , 2/ m ai 17 8 9 .
M a d a m e la Ducheflfe d e ..........a bien voulu , M onficur, me prêter les deux exem
plaires des placets à M . N ecker , que vous lui avez remis. Je les ai lu avec l’attention
& l’intérêt qu’infpire un homme honnête & malheureux. Rien n’eft mieux fondé fur-tout
que les plaintes que vous portez contre M . L am b ert, & fa malheureufe facilité à fe
laitier prévenir , 8c à figner aveuglément tout ce que fes partifans lui préfentent. A u x
exemples que vous citez, & à ceux que vous vous propofez de citer encore dans le
nouveau mémoire que vous annoncez, vous pouviez en ajouter un, qui ne feroit pas
moins frappant que tous les autres. V o ici le fait :
U n nommé C a u v y , charpentier de Sette en Languedoc, fous les prétextes les plus
friv o le s, forme au Parlement de Toulouze
une demande manifeftement injufte &
révoltante , contre la Compagnie des intérefles aux Salins de S e tte , dont je fuis
m em bre,
ainfi que plufieurs autres perfonnes du plus
haut rang, 6c parvient à
furprendre un Arrêt favorable de cette Cour.
L a Compagnie fe pourvoit an Confeil en caflation de cet A rr ê t, qui blefloit toutes
les réglés de la Jurifprudeuce & d elà Juftice : & après la plus ample inftru&ion, elle
obtient un Arrêt du C o n feil, qui caiTe celui du Parlement de T o u lo u fe, & compenfe
les dépens.
Cet Arrêt contradiiloirement rendu, revêtu de toutes les formes légales , eft figr.ifié
à C a u v y , qui y acquiefce dans le f a it , en fe faifant rembourfer à T ouloufe, le montant
des droits qu’il avoit payé pour l’expédition de l’Arrêt de cette Cour.
L a Compagnie regardoit donc cette tracafferie comme abfolument terminée, & n y
penfoit plus.
Cependant C a u v y étayé par quelques perfonnes avec lefquelles il s’étoit engagé de
partager le produit des condamnations qu’il pourroit obtenir contre la Compagnie des
S alin s, s’avife , après quatre mois d’ina& ion, de préfenter une requête à M . Lambert >
( a ) Je ne veux pas
rapporter
l’anecdote de la fille naturelle du Chevalier
de
M éziére, dopt Clam ecy & les environs ont été les témoins.
nom^é
�( 25 )
nommé depuis peu Contrôleur-général ; & fur cette requête, ce Miniftre , fans avoir
égard à un Arrêt contradiftoirement rendu , revêtu de toutes les formes légales, acquiefeé
par les Parties, &
après tous les délais expirés, fait rendre un nouvel A rr ê t, qui
ordonne que la requête de C a u v y fera communiquée aux Conceilionnaires des Salins
de Sette , & les condamne provifoirem ent, folidairement e t p a r CORPS , à payer aud.
C au vy une fomme de 6000 !.
Il feroit difficile , je crois , M onfieur , de trouver un exemple plus révoltant de l’abus
de l’autorité & du pouvoir miniftériel. En effet, condam ner, fur une fimple requête
non communiquée, une Compagnie , compofée en grande partie des premieres familles
du R o yau m e, à p a y e r > 6* par corps, une fomme. de 6000 liv re s, elle qui dormoit
tranquille, à l’abri d’un A rrêt contradi&oire & de la chofe ju gée, c’eft violer tout-k-lafois, les loix de la Juftice , de la propriété, de la sûreté & de la liberté des citoyen s;
c’eft un a&e fi tyrannique & fi defpotiqu*, qu’un ¿ D e v d’Alger ou un S u l t a n
Conftantinople n’oferoit l’entreprendre.
de
Si vous v o u le z , Monfieur , enrichir la colle&ion de vos plaintes, contre M . Lambert,'
ce fait inique, je vous laiffe le maître. Je vous donne cd fait pour exaél & certain.
Les preuves en font dépofées chez M . Guillaume , A vocat au C o n fe il, chargé de défendre
ta Compagnie des Salin s, & nous ne doutons pas que ce ne foit à M . Lam beit à qui
nous devions le choix qui a été fait de M . G
r e g o ir e d e
R
um are
( a ) , pour R ap
porteur de cette inique & indécente inftance.
R ecevez, M onfieur, l’affurance de la parfaite confidération avec laquelle j’ai l’honneur, & c .
Signé, d ’ A c q u e r i a , Préfident, Tréforier-général de France.
S’il manque quelque chofe à la conviûion que porte avec lui cet écrit,
*1fera facile ;\ Maître Guillaume, l’un des honorables membres de l’augufte
AlTemblcé, d’y fuppléer, puifqu’il eft dépofitaire des preuves. Mais certes !
M. ne doit pas être étonnée, fi fes peuples, fuccombant fous l’opprefïîon
de femblables Miniitres, mis aux derniers abois par des abus révoltans
de fon autorité, recourent avec un empreffement tumultueux, & pour
3lnfi dire défordonne à fon cœur, pour en obtenir un fort & des Miniitres
Phis conformes à l’anxiété de leur fituation, & aux fentimens paternels
fon Roi.
Le Sr. Lambert n’eft pas l’homme qui convient à V. M. pour feconder
les vues bienfaifantes qu’elle a fur fon peuple. Il a trop peu de lumieres
^ de fentiment pour ce qui eft jufte. Si des génies fublimes éclairent votre
Trône, &r approchent de la perfeftion dans les moyens d’une falutaire
regéncration, il dérangera dans l’exécution, où il altérera, par/a mal( a) Pour celui-là, oui, car c’eft fon ame damnée.
D
�( 2 ,6 )
adreffe, & fa dépravation, l’économie & la fageffe de leurs deffeins.
Ce ne font pas les bayonettes qui font ou affurent les révolutions
utiles; c’eft le changement de régime qui ramene l’empire de la juftice,
de la probité & des mœurs, fans lequel il n’eft point de révolution
folide & heureufe.
Depuis fon rappel ( & c’eft ce qui eft à remarquer ) , le Sr. Lambert
ne s’ eft pas montré détaché du fyftême d’injuftice dont j’ai été la viftime,
& qui, pendant fon premier miniftere, l’avoit rendu l’objet de la pitié
& du mépris public. A peine lui ai-je remis fous les yeux fes tors , fes
engagemens &c fa lettre du 7 feptembre 17 8 8 , dont fon rappel lui conféroit
le pouvoir de remplir le vœ u; que loin d’y fatisfaire, en me reftituant
ma place, il intrigue lâchement auprès des Repréfentans de la commune,
dont il connoît l’incompétence, pour leur furprendre l’afte de violence
& de defpotifme , qu’il n’ofe fe permettre lui-même dans les circonftances.
Sous le point de vue de l’ineptie &: de l’injuftice, fi le Sr. Lambert
mérite d’être écarté du miniftere, il provoque fon expulfion , fur-tout
par fa mal-honnêteté & par fon penchant à opprimer.
Malgré les preftiges de l’amour propre, il n’eft permis à aucun homme
d’ignorer à peu près les bornes de fa fphere , & c’eft ;Wui, qui touche
à la fin de fa carriere , qu’il eft fur-tout moins pardonnable de fe méconnoître. Les différentes circonftances où s’eft trouvé le Sr. Lambert, les
affaires dans lefquelles il a échoué, l’appréciation de fes proches &C de
fes amis, fa propre expérience, tout enfin a du l’éclairer fur ce qu’il vaut,
& lui apprendre à fe juger lui-même.
O r, le Sr. Lambert, au printemps même de fa vie, n’a pas brillé dans
la Magiftrature, il y a toujours végété, fans fe faire remarquer par aucun
atte utile ou important. Né au-deffous du médiocre dans l’ordre des talens,
l’argent feul le fit monter au Palais, & lui ouvrit la cairiere des dignités.
Pour fe donner un peu de confiftance, il prit le m a f q u e d’un parti auftere,
dont les vertus font impofantes fans être folidaires ; l’opinion trompée par
cette repréfentation menfongere, s’égara un inilant, mais bientôt elle fe
vangea de fon erreur, quand les œuvres lui firent juger de l’ouvrier.
Si le Sr. Lambert, pour mieux connoître fes forces intelleûuelles, eût
confulté fa nombreufe famille, qui ne fait aucun cas de lui ; s’il eût coti'
fidéré comment, dans fon adminiftration domeftique, il a été peu habÜe
mené par les agens de fa confiance } il n’eût pas eu la témérité de
�( *7 )
briguer deux fois un miniftere, dans lequel ion ineptie & fon injuftice
ont donné la mort, à une multitude de peres de familles, &c expofent tous
les jours le fort de plufieurs millions de citoyens. Il manque donc aux
règles de la probité & de l’honnêteté, en ofant prendre fur fes foibles
épaules, la charge qui feroit plier un atlas; & s’il peut s’exeufer, cen’eil
qu’aux dépens de fon efprit ou de fon cœur.
Mais ce qui ajoute à ces preuves de mal-honnêteté, c’efl l’avidité du
Sr. Lambert, qui coûte plus à l’État & à la Nation, qu’un Adminiftrateur
intelligent &c capable. Logement, penfion, appointement, places, grâces;
il envahit tout pour lui, tes fien s(a) &c fes nombreux collatéranx, &
nous fommes au fein de la détrefle la plus cruelle. Ah ! les frelons
çefferont-ils enfin de dévorer le patrimoine des laborieufes abeilles , &
qu’il me foit permis d’être ici l’écho du Platon de la France, dans fon
difeours, fur la fanûion royale: les emplois font f i fcandaleufement remplis ,
les grâces font f i indignement proflituècs, que fi les effets de la révolution ne
deftéchent principalement la fource de cet abus, le citoyen honnête, utile,
mais timide, eft pour jamais découragé par les fuccès exclufifs du fot
intrigant &c ambitieux.
Ma premiere proportion remplie, il me refte à fupplier Votre Majeilé
de me rendre la juftice que je réclame depuis fi long-temps, & qu’il eit
de l’intérêt du Sr. Lambert de ne point traverfer.
Si les forces militaires défendent les Trônes contre l’invafion des
ennemis du dehors , ft l’habileté des Capitaines maîtrife le fort des armes,
c’eftla Juftice, Sire, qui les foutient contre les chocs tumultueux de la
difeorde au dedans, & de la fidélité des Magiftrats à en fuivre les prin
cipes , dépend la fplendeur des Empires ; fans elle, bientôt les Lois font
violées, les droits confondus, la sûreté eil anéantie, l’arbitraire perfide
les remplace, 8c l’cgoïfme deilrufteur étouffe la vertu dans fon germe,
—
_________________________ ________________________________________________________________________
___________________
( a ) E t quand il n’y a pas de places, il en créé. Tém oin celle pour le Sr. Guignace
de la Bretonniere, fon parent, réfugié dans le T em p le, qu’il avoil voulu faire enfermer,
& au lieu de la place à Bicêtre , qu’il lui deftinoit, il en fait une aux Ferm es, de
5000 livres, pour le récompenfer de fon inconduite , pendant qu’il dépouille un
J'omtne Honnête & utile
de la fienne. C e n’eft pas la feule qu’il ait créé aufli peu
a Propos, & on fçait tout le trigaudage pratiqué pour faire Guignace de L angé, fon
teau-frere} Direfteur des loteries à Lille,
�(
5
en rompant les liens qui unifient les diverfes parties de la fociété.
Telle eft, malheureufement, la fituation où nous ont amené vos Magiftrats, après deuxfiécles de tyrannie, en fubftituant au réglés immuables
de l’équité, les formes incertaines & capricieufes des fins de non-recevoir ;
formes non moins commodes à leur afioupifiement & à leur dépravation ,
qu’aux fophifmes & à la voracité des cohortes affamées, que l’appas du
butin appelle à guerroyer fous les fanglans drapeaux de la chicane.
J ’ai vu l’ honoraire de mes travaux, le gage de mes créanciers, les
débris de ma fortune , mon aliment quotidien enfin, prêts à être en
gloutis dans ces gouffres, par un Arrêt du Comité contentieux de votre
Confeil, fila précipitation à me facrifier, ne m’avoit elle-même , quoique
très-involontairement, ménagé une planche pour me fauver du nauffrage.
Averti’ par le danger encouru, inftruit de la ruine de mes concitoyens,
qui fe font brifés contre ces éceuils dévorans , j’ai recouru à la juftice
perfonnelle de Votre Majefté , qui m’offroit un afyle , & j’ai eu l’hon
neur de lui préfentér , le mois de juin dernier, un mémoire que j ’ai
répandu dans l’AiTemblée nationale.
Si Votre Majefté daigne s’en faire rendre compte par quelques-uns des
honorables Membres, elle fera convaincue, i°. que me retenir le paye
ment des douze années de travail que j’ai confacrées à fes bureaux, &
dont je n’ai reçu que le tiers des appointemens , c’eft me voler les deux
autres tiers , &c les voler à mes créanciers ; 20. que la reftitution de
mon emploi, ou la continuation provifoire de mes appointemens, ne
peuvent m’être refufée, en totalité ou en partie , pour fubfifter fans
l’injuitice la plus évidente & la plus cruelle.
En effet, S ire, j’ai démontré la légitimité de ma prétention à être
payé des deux tiers de mes appointemens retenus par l’intrigue des Srs.
Mefnard & d’Arlincourt. Mes mémoires ont obtenu le fuffrage unanime
de votre C our, de votre Capitale, de vos Provinces , & jufqu’à celui
du pays étranger, 011 ils font parvenus. Quatre de vos Miniitres, dont
deux font encore en place , après avoir reconnu mes droits , lés ont
protégé, & la bureaucratie de votre Confeil, malgré fa partialité &C
formes obliques l’exprimer, n’a pas ofé m’en débouter.
Je fuis donc créancier de PÉtat pour ces deux tiers d’appointemens
non foldcs, & en cette qualité, j ’invoque pour moi & mes créanciers,
l’honneur ôc la loyauté fran çoife, fous la fauve garde defquels les
2
8
�( *9 )
fenfibles Repréfcntans d’une Nation toute dévouée à l’honneur , ont mis
Tes créanciers.
Serai-je le feul excepté de cette utile garantie, qui fait la gloire de
nia patrie, & honore les dignes interprétés de fes généreux fentimens ?
Eh, pourquoi !
Eft-ce que j ’aurois à craindre le fuccès de quelques fins de non-recevoir ?
Mais ce génie créateur, Député de la Provence , n’a-t-il pas rendu
l’opinion générale , lorfqu’il a exprimé la fienne particulière ? J ’ai méprijé
toute ma vie , » a-t-il dit, » les fins de non-recevoir, 6- je ne m'apprivoiserai
pas avec ces formes de Palais.
D ’abord, cette objedionne fieroit pas à la Majefté royale & nationale,
&c j’en ai prévenu la tracaiferie , en donnant la preuve par mes mémoires,
qu’il n’en exiftoit pas. Enfuite, croit-on que j’aurois été aflez peu attentif
pour leur laifler prendre naiffance, 6c permettre que des Adminiftrateurs
de loterie m’euffent enveloppé dans des filets, dont ils ne connoiffent
pas feulement la tiiTure ?
RepouiTé, par la vénalité &c une indigence honorable, du fanduaire de
la Juftice, qui avoit été mon berceau, & où j’avois fait mes premieres
armes, comment aurois-je négligé de me garantir du labyrinthe de fes
formes , en ufant du peu de lumieres que j ’avois acquis avant de tomber
dans lapouiliere des comptoirs de la loterie (a).
Avec des Adminiftrateurs tirés eu hafard de boutiques, d’ateliers ou
d’antichambres, fans éducation ni culture, fans connoiffances théoriques
ou pratiques du droit ou des formes, encroûtés de l’ignorance la plus
crafle en finance même, aurois-je méconnu ma fupériorité fur ces for
bans , ôc négligé de prendre mes avantages ? non ! une inadvertance aufli
létargique ne peut fe préfumer , lorfqu’il m’étoit il facile & ii intéreflant
d’y veiller ! J ’ai eu ce foin : mes mémoires en donnent les preuves , je
les répéterai pas.
( a ) Compte-t-on pour rien l’humiliation d’avoir appartenu à la loterie ; mêlé parmi
Ce
'1 y a de plus méprifable dans la fociété, &
^Ue
guérifon,
mémoire.
de C lugny
m’auroit propofé
croit-on que j’y ferois en tré, ni
d’y entrer, fi ce n’avoit été l’efpoir de là
l’aflurance d’une place diitinguée dans la finance. V o y e z mon premier
�( 3° )
Qui m’écartera donc du port, ouvert par l’humanité des archite&es
politiques de la conftitution, aux créanciers de l’État ? fera-ce la nature
de ma créance ? l’impuiflance d’y fatisfaire ? ou quelque reproche encourru
par le créancier, occafionera-t-il le rejet de la créance ?
La nature de ma créance eft telle, que fur les débris des privilèges,
elle doit fe foutenir avec privilege. C ’eft le prix de mon temps, de mes
peines & de mes fervices , & ce n’eft point dégrader l’employé des bureaux
du R o i, d’en alîimiler l’appointement au falaire de l’ouvrier. Or , lefalaire
de l’ouvrier eft privilégié ; il ne fouffre ni retard pour le payement, ni
diminution vexatoire dans le payement.
L ’impuifTance d’y fatisfaire ne fera pas alléguée par ceux qui connoiflent
les reffources abondantes de l’Etat, & pour lefquels le mot banqueroute eft
infâme. Sans avoir comparé la recette à la dépenfe ( qui devroient être
publiques), on eft afluré de les mettre au niveau, & de foulager le
peuple avec les richeffes immenfes que le clergé facrifie, que les nobles
& les riches offrent à l’en vi, & par l’économie exercée fur la prodigalité
des penfions & l’énormité des traitemens.
Quand l’impuiflance feroit auiïi réelle qu’elle eft imaginaire, où feroit
l’inconvénient d’obliger les Srs. Mefnard & d’Arlincourt ( a ) , àmeiatis-
( a ) Ces deux fots , fans talens ni m érite, ont fait la plus brillante fortune. M e(nard ,
temont.
commis à l’intendance de Rouflillon , fous M . B ertin , avoit 800 1. d’appoin-
11 m angeoit,
à 8 f. par repas, avec Fribourg. Il fuivit M . Bertin à P a ris, qui
le fit fon Secrétaire, pendant que cet Intendant étoit Lieutenant de Police. D e -là M .
B ertin , nommé Contrôleur-général, le nomma premier commis. C ’eft à ce pérou où
il a puifé la fortune qui l’a conduit à la C o u r, à l’intendance de la p ofte, à celle de
la loterie, à la place d’Adminiftrateur , &
avec laquelle il s’eft procuré équipages,
nombreux domeftiques, arm oiries, bonne table, voyages., plaifirs, T e rre s , châteaux,
Seigneuries, tout enfin , excepté l’eftime publique. On l’a vu jouer un rolle dans l’aftàire
du Comte du Loup des G r è s , par un plat é crit, 011 ce poliflon prenoit infolemmei1*’
le titre de Chevalier, fans s’expliquer fi c’ctoit Chevalier françois ou chevalier grinpant.
D A rlin cou rt, fils d'un employé de la ferme à D o u len s, a fucceflivement prit trois
noms , pendant fon orageufe jeuneflfe, après laquelle, pour d’agréables raifons fans doute,
le pauvre T lm fy , Ferm ier-général, lui donna fa n iè c e , fa place & fa fortune. Son
avarice &
fa dureté auroient conduit à la G rève fon g ndre Baudouin de Quem adeue,
fi on punifloit les gens riches. D ’A rlincourt, quoique b ête, ignorant & ne fçaehantql,e
figner fon n o m , n’en a pas moins pendant douze ans mené la loterie & les M iniflres
�Ç 3' )
faire de leurs propres deniers ? n’y suroit-il pas au contraire de la juftice
à les y contraindre? ce font eux qui ont commis la prévarication. Mais
au moins pourroit-on prendre mon payement fur les 630000 1. dont le
Sr. d’Arlincourt a profité par une erreur dans fes comptes, & elle ne
feroit pas la feule recouvrer , fi ces comptes, qui n’éprouvoient d’autre
cenfure que celle du Sr. Mefnard, fon complice, étoient livrés à la revifion
de ceux qui les connoiiïent & s’y connoiiTent.
D ’ailleurs, le retranchement de la penfion de 25000 livres, accordées
contre toute bienféance au Sr. d’Arlincourt, celle du Sr. Sémonin 6c une
multitude d’autres, prodiguees fans modération ni pudeur aux employés
de cette partie , laiflent des fonds pour me iatisfaire ; & il en manqueroit,
qu’il faudroit plutôt les prendre encore lur les 140000 1. diftribuées
annuellement à titre de bienfaiiance , à des étrangers , qui en font indignes,
ou par la fuppofition de leur indigence fimulée, ou par la dépravation
qui les y fait participer. Les dettes paffent avant les aftes de bienfaifance,
& il n’y a pas de mérite à être généreux du patrimoine des créanciers.
Ce n’eft donc pas l’impuiflance de fatisfaire à ma créance qui s’oppofera
à mon payement ? l’Etat en paie &c en paiera de bien moins facrce !
Sera-ce donc quelque reproche mérité par le créancier, qui occaiionera
le rejet de la créance ?
D ’abord, ii le titre par lui-même n’eft infe&é d’aucun reproche, il a
toute fa force, & peu importe que le porteur auquel il en eft dû le mon
tant qu’il exige, foit répréhenfible ou irréprochable. Il ne s’agit pas de fon
m oral, c’eft de fa créance dont il faut s’occuper.
Mais admettons des reproches contre m oi, porteur du titre : ces repro
ches feront-ils valides contre mes créanciers, pour les fruftrer du prix d’une
créance hypothéquée aux fommes qu’il m’ont prêtées pour me faire vivre,
lorfque j’attendois mon payement ? Ce fyftême , qui ne feroit qu’abfurde
Sf révoltant dans les
»»»-Tribunaux de la fifcalité , que fera-t-il devant
Votre Majefté & l’augitfte Aiïemblée à laquelle j’en foumets l’examen?
a fon gré ) pjj-cg que M efnard, de moitié avec lu i, faifoit paffer tout ce que d’Arliricourt
Pr°p o fo it, fans égard à aucunes obfervations de fes collègues. Eh ! c’eft pour enrichir
Pareils imbécilles qu’on foule les peuples; que l’on vexe les honnêtes gens ! en v é rité ,
cek finira peut-être d’une façon ou d’autre. 11 faut l’efpérer,
�32- )
Ces reproches ne pourroient tomber fur moi que comme commis ou
comme citoyen.
Comme commis, j’ai rapporté clans mon mémoire,à confulter tous les
titres d’éloges que j’ai reçu & mérité conftamment depuis mon entrée
dans les bureaux du R o i, jufqu a la furprife qui m’en a exclu. Il eft curieux
de voir comment le Sr. de la Michodiei'e, en voulant imprudemment y
toucher, s’eft perdu lui-même d’honneur & de réputation. Le fait & la
preuve en exiftent dans mon deuxieme placet à M, Neclcer. C ’eft fon
propre écrit qui le flétrit, fans sucun effort de ma part, pour lui arracher
le manteau d’homme de bien, fous lequel ce Magiftrat gangrené cachoit
la honte des malverfations multipliées pendant fa longue adminiftration.
Mais encore , fi on me trouvoit difpofé à pafler en quelque forte con
damnation fur ce qu’on oferoit dire contre m oi, comme commis, qu’on
ne fe flatte pas de la même indifférence fur les attaques faites au citoyen
en ma perfonne. Les qualités qui le diftinguent, furent le feul patrimoine
que me laifla mon pere, après cinquante ans de fervices dans la robe &
l’épée. Il avoit fait valoir avec foin ce domaine, & il produifit beaucoup,
pour fa confidération perfonnelle & fa tranquillité intérieure. Ambitieux
comme lui de cette efpece de fortune, qui fait rarement des jaloux ou des
rivaux , je- n’ai point négligé le fond qui la procure ; &c fans avoir ni les
moyens de mon inftituteur, ni le mérite des facrifices de mon modèle,
j’ai peut-être été plus heureux dans mes fuccès, puifque jufqu’à mes adverfaires , tous ceux qui me connoiiTent, ont rendu témoignage à mes efforts.
Ecoutez, s'il vous plait , le Sr. Campan dans fa lettre du ¡y feptembre
ty8 S , à M. le Préfident de Rofambo , après lui avoir- rendu tous les
renfeignemens avantageux qu’il tenoit du Comité général de fes confreres ;
il termine ainfi : E nfin, Monfieur, le Sr. Mori^ot efi Avocat, & dans fes
momens de loifiir il confacre généreufement fes lumieres dans cette partie , a la
veuve & l'orphelin qui les réclament.
Si d’après l’aveu de mes ennemis j’ai été un commis utile, un citoyen
gcncreux, il s’enfuit qu’aucun reproche mérité par Ie créancier de l’Etat >
n’occaiionera le rejet de fa créance; au contraire, plus le citoyen s’eft
emprefle de payer fa dette à la patrie, plus la reconnoiffance de la veu ve
& de l’orphelin follicitent la patrie d’être exatte à payer les appointemens
du commis.
(
Eh ! comment la patrie balanceroit-ellc ? elle qui fe montre li pei1 ar'
dente
�( 33 )
dente dans fa détrefle à reprendre fes tréfors aux vampires de la finance ,
qui fe les font appropriés. Eft-ce que ces gains illicites, qui ont trans
porté la fortune publique à ces Adminiftrateurs gorgés d’or & d’argent,
fous des Miniftres infurveillans ou complices , font des propriétés que les
Lois protègent ? Le droit de la Nation fur les richeifes détournées de fon
fifc , eft imprefcriptible. Elle peut toujours les arracher des mains infidelles
qui les ont fouftraites , parce que la poifeiïïon d’objets volés ne peut jamais
devenir un titre de propriété.
O r , fi la patrie eit indulgente pour fes déprédateurs , fera-t-elle injufte
& inhumaine vis-à-vis des citoyens qui l’ont fcrvie fidellement ?
Je l’ai fervie douze années fans être payé.
Elle me voleroit, elle voleroit mes créanciers, fi elle me retenoit les
appointemens que je n’ai pas perçus , par la prévarication des Srs. Mefnard
8c d’Arlincourr, dont l’opulence fcandaleufe , fous les yeux de ceux qui
manquent de pain, eft une infulte à la raifon & à la mifere publique.
Mais fi Votre Majefté n’ordonne point enfin ce payement, fi fur le
rapport de l’augufte Ailemblée elle ne ie décide point ; fi abfolument elle
veut la décifion d’un Tribunal fur ma répétition ; je la fuppüe de comniettre la Jurifdi£Hon des Juge-Confuls de fa Capitale.
D ’après l’offre contenue dans la lettre de M. Necker, du 6 février, &
qu’il m’a confirmée à fon Audience du 1 3 o&obre dernier ; c’eft à moi de
choifir & défigner le Tribunal qui doit me juger. La récufation, d’ailleurs,
que j ’ai propofée à Votre Majefté, contre les bureaux dtt Confeil, la
peinture que je lui ai faite de la dépravation de fes autres Tribunaux ( a ) ,
ne permettent pas d’en nommer aucun d’eux, ni d’y avoir confiance, &
malgré le peu de vergogne des Magiftrats, ils fe refuferoienr fans doute
à connoître de cette conteftation, & à devenir mes Juges. J ’avoue môme
que jamais je ne comparoîtrois devant eux, & qu’alors, avec les apparences
de vouloir rendre juftice, ce ieroit réellement la refufer que de m’y
adreffer, quand on eft certain que je n’y comparoîtrai pas.
( a) L ’on fe rappelle l’infame prévarication des Srs. Bachois & Brun ville, dont j’ai
donne les détails dans mon deuxieme placet à M . N ecker; ces deux Magiftrats font
er>core en place, malgré les gémiiïçmens univerfels d elafo cicté. Q u ’a t t e n d - o n pour les
chafier & les punir?
E
�( 3 4
J ’ajouterai que la reftitution de mon emploi, ou la continuation pro
)
visoire de mes apointemens, ne peut m’être déniée, puifqu’il y va de
mon exiftence, 6c qu’il eft de l’intérêt du Sr. Lambert d’y concourir
au lieu de s’y opofer.
Cette fécondé queftion eft étrangère à la première, elles n’ont rien
de commun entr’elles. Ce n’eft point un incident détaché de la demande
en payement de mes appointemens retenus , c’eft une réclamation à part,
foumife
des obfervations & à des principes nouveaux ; le Miuiftre
des finances en eft l’arbitre né. Il ne me feroit rien adjugé fur la première,
que je n’en ferois pas moins fondé à prétendre au fuccès de la fécondé,
& le gain de celle-ci ne liquideroit pas les droits de l’autre.
Dans les détails de mon expofé, V. M. a vu , i° . tout cfe qui eft relatif
à la furprife qui m’a ravi mon emploi; i ° . mes démarches Scies mouvemens que je me fuis donnés pour éclxirer les manœuvres de cette
furprife; 30. la lettre & le billet du Sr. Lambert qui motivent fes
regrets, 2c les affurances de fon témoignage auprès de fon fuccefleur, pour
parvenir à réparer laperte qu'il ria puprévoir que j'éprouverois.
La foibleffe du Sr. Lambert, fon héfitation à avouer fon erreur & à
donner fon témoignage à M. N ecker, fa nonchalance à preffer mon
rétabliffement, n’auront pas échappé à Votre Majefté; & ce qu’elle
aura pu remarquer avec étonnement, c’eft l’inaftion du Sr. Lambert,
depuis fa rentrée dans le miniftere, fon refus formel, quoique tacite de
me réintégrer, & fes intrigues pour me perdre.
Néanmoins , la reftitution de mon emploi eft indifpenfable ; la
Juftice la demande, l’humanité la follicite , l’intérêt même du Sr.
Lambert l’exige.
Par fa lettre du 7 Septembre 178 8 , le Sr. Lambert a avoué qu’il avoit
été induit en erreur. S’il eut été encore . Contrôleur-général, il en eut
réparé le dommage, &. je ne puis en douter, d’après l’expreifion de fes
regrets, & fa promefte d’appuyer ma réclamation , que quatre autres
Miniftres appuyoient déjà.
Il eft à préfumer que M. Necker y auroit acquiefcé, fans le Sr. de
l’Effard, fans l’intrigue des bureaux & la pufillanimité du Sr. Lambert.
Cependant, la reftitution qui a parujufte, dans fon principe, au Sr.
Lambert n’a pas perdu de fa confidération par le laps du tem ps, au
�(30
contraire , le rappel de ce Mi'ûftre s’étant opéré avant la déciiion que
j ’attendois, il devoit en effectuer auflitôt la reftitution.
Mon déplacement étant l’ouvrage d une fiirprife avouée & reconnue ,
mon rétabliiïcmcnt devenoit un ade ind ipt niable &c néceflV.ire.
Quelque libre que l'oit la nomination aux emplois exercée par les
Minières , elle eil néanmoins ftibordonnée aux réglés de l’équité , de
la raifon & à l’inrérêt de la chofe.
Un lu jet pourvu d’une commiffion ne peut en être dépouillé fans for
faiture ou incapacité. Admettre des principes ou un ufage contraire,
c’eft bleffer l’équité, introduire un brigandage dans l’adminiftration, &C
lin arbitraire décourageant pour le fervice.
J ’avois rempli mon emploi avec diftin&ion. La férié des témoignages
rapportés dans mon mémoire à confulter , prouve que je n’avois à
craindre aucun reproche de forfaiture , encore moins d’incapacité ,
puifqu’il étoit queftion de me confier une place plus importante.
Douze années d’exercice répondoient de mon expérience , & m’afFermiffoient dans ma poffeiïion ; ainiï, loin d’appréhender de voir la fille
de Laroche, porter en dot au Sr. Billecoq mon emploi, j ’avois tout lieu
d’elpérer un avancement mérité par mes fervices.
Or , il faut convenir que ce feroit fe jouer barbarement d’un citoyen,
f i , quand il a rempli avec exactitude le porte qui lui étoit confié , il
pouvoit perdre ce porte fans avoir démérité. Ce fyftême abfuçde révoltéroit la Juftice, & répugneroit à l’humanité , qui follicite au moins
la continuation provifoire de mes appointemens devenus néceflaires
Pour ma lübfiftance.
Il faut que je v iv e , & tant que le ciel prolongera mes jours, j ’ai
droit, en travaillant , à être logé , nourri , vêtu.
11 femble au contraire que le Sr. Lambert foit d’accord avec mes
adverfaires pour me faire périr : pendant que d’un côté je pourfuis en
Juftice le payement de mes appointemens, dont la chicane éternil’e la
c°nteftation ; de l’autre, le Sr. Lambert retient la reftitution de mon
emploi , pour m’ôter les moyens de me défendre & de vivre.
En effet , depuis i y mois , fans autre reffource que la générofité de
cluelques citoyens à me prêter des fonds , j ’ai épuifé ces fécours ; j’ai
augmenté leurs titres de créance fur moi. Placé entre le befoin Si le
�( 3« )
crime , je végété dans le défefpoir, n’ayant à choiiir qu’entre le v o l , la
mendicité ou le fuicide. Sans fortune , fans patrimoine, à mon âge , ÔC
avec une fanté délabree par le travail ÔC les chagrins , puis-je embraffer un nouvel état ( a ) , ou tenter de nouvelles entreprifes ? eil-ce
après avoir pris le travail d’un homme dans fajeuneffe, qu’il fera permis
de le rejeter de l’arène où il ne fe montre pas encore fans vigueur?
Au moins , fi revenant fur mes pas, je pouvois reprendre mon temps,
mes peines, mes fervices, ma fanté, je fiiirois loin d’une contrée (b) ,
où la bafleile , la crapule , les offices honteux, décident feuls du bonheur
de fes Habitans, où la probité abandonnée ne trouve ni acceuil ni
foutien. Ce n’eft: pas que par-tout où il y a des hommes, 8c des Mi
nières fur-tout, il n’y ait des pallions à combattre , des injuftires à
dévorer ; mais où eft l’Empire fur la terre, où avec fon travail &c de
l’honnêteté, un citoyen ne puiffe être aflùré de fon état ôc de fon
pain ?
» On vous a donné , me dit le Sr. Lambert , une penfion de 900 I.
Certes ! 900 1. de penfion fur une place de 6000 livres, font-elles
un traitement affez avantageux pour ofer en parler ? il ne fuffiroit
pas aux befoins de mon domeftique, ôc ce n’eft pas avec cette parci
monie qu’il a réglé le fort de ceux qui avoient moins mérité que moi.
D ’abord , ce n’eft point une penfion qui m’étoit dûe, ni que je
répcte, c’eft la reftitution de mon emploi, dont le Sr. Lambert a trouvé
la réclamation fi jufte, qu’il y a promis fon appui ; enfuite, pour que
cette obje&ion put valoir , il faudroit qu’au moins en la fixant, il eût
obfervé les] règles en ufage dans les bureaux. Or , l’ufage , lorfqu’on
prive un employé de fa place, eft de lui accorder, en retraite, moitié
de fes appointemens. Le Sr. Lambert l’a pratiqué pour plufieurs de ceux:
qu’il a fiipprimés, ÔC il l’a outre-pafle pour beaucoup d’autres, auxquels
il a accordé en retraite la totalité, outre qu’il en a aflùré moitié aux
femmes , après le décès de leurs maris , tandis que pour moi il 2
dédaigne la règle Sc même les obfervations particulières que des Adminif”
trateurs lui ont fait à mon égard.
(a )
Si, je pouvois devenir N otaire, A rc h itele ou Banquier, j’aurois encore afle*
tôt fait fortune ?
^
(b) on fe détache facilement d’une paia»- ingrate & injufte.
�C 37)
Je m’explique : lorfque les Adminiftrateurs arrêtèrent la lifte des
employés qu’ils vouloient profcrire, ils fixèrent la quotité de leurs peniions;
je fus porté fur cette lifte avec un éloge fingulier, & pour 1800 1. en
retraite ; cependant le Sr. d’Arlincourt , de concert avec le Sr.
Laroche, réduifirent les 1800 1. à moitié, pour ajouter au traitement de
leurs créatures ; & le Sr. Lambert qui fignoit tout aveuglément, figna
encore cette fupercherie.
Ce n’étoit donc pas à 900 1. que le Sr. Lambert, d’après les Admi
niftrateurs, avoit entendu me réduire ! Ce Miniftre le fentit dès l’abord,
& même le Sr. de l’Eflard, qui m’offrit, du premier m ot, 2000 1. Je
refufai fa propofition, outre qu’elle étoit infuffifante. Je n’avois point
droit à une penlïon, mais à la reftitution de ma place, ou à la conti
nuation provifoire de mes appointemens , jufqu’à ce que la place difilnguée,
promife par le Sr. Lambert & fes deux prédécefTeurs, en indemnité de
mes fervices , m’eût été accordée.
» Touchez ces 900 livres , pourfuit le Sr. Lambert, » & vous vivrez?
E h ! où a-t-il pris, le Sr. Lambert, que je vivra i, & que je ferai,
fubfifter mon ménage avec 900 livres , dans un temps où les calamités
publiques ont doublé !e prix des comeftibles ? S’agit-il feulement d’acheterl
du pain? ne faut-il pas être logé, vêtu, pourvoir en fanté & en maladie
aux befoins communs à tous les hommes, & même à ceux relatifs; car,
enfin, l’éducation , l’état, l’âge, l’habitude, forment une fécondé nature
dont on n’étouffe pas entièrement les droits.
Au furplus, je ne pouvois percevoir ces 900 livres, & pourfuivre
en même temps la reftitution de ma place, fans donner lieu h une fin
de non-recevoir contre ma réclamation, & on connoît le fuccès des fins
de non-recevoir. Cette obje&ion fpécieufe n’eft qu’un détour pour pallier
l’iniquité qui fait différer la reftitution de ma place ou la continuation
provifoire de mes appointemens.
Le Sr. Lambert a cru que je donnerois dans ce piège, & que par
provifion je prendrois cette penfion, afin d’avoir à me dire: » vous
» avez accepté votre penfion en retraite , vous ne pouvez plus réclamer
» votre place. »11 s’eft trompé. Je ne l’ai point accepté. Je ne l’accepterai
jamais que je n’obtienne juftice entiere , ou je préféré que la Nation
en fafle fon profit, fx fes repréfentaus font capables de fe fouiller d’un
déni de juftice.
�C 38 )
Le Sr. Lambert s*eil imaginé de même que s’il pouvoir éluder & traîner
en longueur, pour la reftitution de ma place, il réuiîïroit , pendant
ces délais affeftés, à faire juger, par fa bureaucratie du Conieil, ma
demande en payement de mes appointemens retenus. A lors, comme
fes Arrêts {'ont à commandement ; déclaré non-recevable fur ce point,
le Sr. Lambert m’oppofoit auflitôt ce Jugement, pour fe refufer à
la reftitution de ma place, pour régler la quotité de ma penfion en
retraite , &c prétendre fuffifans les 900 1. accordées ; mais il s’eft encore
trompé.
Je ne confentirai point à ce que la demande provifoire paffe la
derniere , & avant toutes choies , la premiere à décider, c’eft la refti
tution de ma place ou la continuation de mes appointemens , parce
qu’avant tout, il faut que je puiffe vivre , pour me défendre & procéder
fur la qiteftion en litige au Confeil , pour laquelle il m'eft promis un
un autre Tribunal.
Je ne fouffrirai pas qu’on intervertiiTe cet ordre facré , & on ne
l’intervertira pas, fans forfait de part & d’autre. Que le Sr. Lambert le
perfuade bien que je l’ai vu s’avancer avec ce tour de force , mais
que je lui en oppoferai un autre, s’il perfifte à abufer de fa place pour
m’opprimer !
O r, fi la Juftice demande la reftitution de ma place , fi l’humanité
follicite,au moins provifoirement, la continuation de mes appointemens,
l’intérêt même du Sr. Lambert l’exige.
Depuis fi long-temps que les dépofitaires de votre autorité , S ire,
abuient de votre confiance, en a-t-on vu un feul puni ? Quel eft le
Miniftre opprefteur, le Magiftrat fcandaleux(aj, le Financier déprédateur,
dont en France on ait fait 1111 exemple ? cependant, que de coupables
parmi eux ! ce n’eft même que parmi eux qu’il y en a. Il fuffit d être en
en place , pour fe tout permettre, & il femble que les fupplices foient
exclufivemcnt le lot de la claiîe utile , indigente, obfcure , qui connoitroit
h peine le crime, fi elle n’ y étoit p rovoquée par les malverfutions de
celle qui l’ opprime en la gouvernant.
( a ) V o y e z fi Beaudouin de Quemacleue, gendre de d’A rlin co u rt, n’a pas été fouftrait à la Juftice. U n homme du peuple, coupable comme lu i, eût été pendu. E h !
voilà comme les Lois font infulTifantes contre les coquins riches & puiffanst
�( 39 )
L ’impunité de ces prévaricateurs a tout perdu dans votre Empire, elle
y a corrompu les mœurs, & attiré les fléaux qui nous défolent. Les corps
politiques comme les individus, ne peuvent eviter la peine qu’ils ont méritée;
les uns 6c les autres fubiflent des révolutions qui expient leurs forfaits,
& pendant que les nations difTolues fe déchirent par des fa&ions, les
Gouvernemens perdent l’autorité qu’ils ont fait fervir à la difïolution des
Nations.
Quel feroit donc le privilege du Sr. Lambert, s’il pouvoit, avec fécurité,
être injufle &C opprefleur, me dépouiller de mon état, m’arracher înon
pain ( a -) , attenter à ma vie, tk. me préparer une fin lente &c tragique,
dans les convulfions de la rage & du délefpoir, irrité par la faim ? Seroit-il
plus coupable, s’il me faifoit aiTaiîiner, ou s’il m’ailaiïïnoit lui-même? ah!
je le lui pardonnerois plus volontiers, & dans la fituation horrible où il
m’a réduit, je lui fçaurois quelque gré d’abréger mon fupplice.
Cependant les Lois divines & humaines, m’autorifent à défendre ma vie
contre le fcélérat qui l’attaque. I l e s t l i c i t e d e r e p o u s s e r l a f o r c e
pAR l a f o r c e , félon même la Commune, de Paris, & de donner la mort
à celui qui la prépare. Le Sr. Lambert me provoque &c s’expofe. La pa
tence , comme l’oppreiïion, a fes bornes ; la nécefïïté feule n’en reconnoît
pas. T o u t s u c c o m b e , a dit (b ) l’auteur de la m o tion, pour exclure les
banqueroutiers & ayant caufe des affemblecs publiques; TOUT DOIT SUC
COMBER d e v a n t l ’ h o m m e q u i a f a i m . Il faut v iv re , & celui qui
111 en ôte la faculté, eft véritablement mon aiTaffin; qu’importe, la forme
*>u l’effet cil le même.
C ’eft un rafïnemant de fcélérateile de réduire un citoyen
une telle
Extrémité, qu’il foit néceilîté de périr miférablement, ou de fe livrer à
des excès excufables néanmoins , dans l’ordre naturel, fi l’ordre public
les réprouve; celui-là feul eft coupable du crime qui y provoque, Sc
Ce feroit un objet digne d’occuper l’attention de l’augufte Affemblée, fi
( a) Je ne confeille à perfonne de nV’ôter mon état & mon pain, fans m’arracher en même
temPs *a v ie j ca ria fienne ne feroit pas en sûreté,
fi
je n’obtenois Juftice.
^ ( k ) Il feroit à defirer que ce publicifte en fît u ne, pour propofer de rendre un peu
n°bIe(Te & de dignité au pafte con ju gal, ravalé au-deflous des baux à chetel du
orvand , elle auroit même dû précéder celle fi précieufe pour l’enrégiftrement des
i unes gens de vingt-un ans.
�C 40 )
prenant en confédération le trifte fort des fubordonnés, elle établifloit une
Loi pénale contre cette efpece de guet-à-pens, ou la paflion réfléchie,
affaiïïne avec art.
Sans ce frein tutélaire, la Juftice anéantie, l’humanité méprifée, ne
laifTeront à l’homme, pour fe défendre, que le poignard. Vainement on
multipliera les échafauds & les boureaux, reffources familières aux defpotes
qui menacent l’indocilité , rebelle à leurs forfaits : l’ordre ne s’établit pas
par la violence ; les voies de la Juftice y conduifent plus efficacement ; quand
on eft afïuré de l’obtenir, on n’eft pas tenté de fe la faire; au contraire,
les Lois fanguinaires aigriffent fans contenir, 8c malgré les fpéculations,
les paradoxes 8c les fophifmes des charlatans en politique, l’échafaud eft
fans horreur pour l’homme, que des affaiTins heureux y conduifent.
Socrate, Phocion 8c leurs imitateurs, ont fuccombé fans foibleffe, parce
que n’en ayant point à fe reprocher, ils ont envifagé dans la mort, un
terme à l’opprefïion, ôc un afyle contre l’oppreffeur.
Toute légiflation eft vicieufe, qui ne prévient pas les délits, & emploie
les boureaux ; elle eft parfaite, ii elle enchaîne les citoyens par l’intérêt
particulier à l’intérêt général, 8c s’ils font entraînés au bien, par l’attrait
à le faire, feul garant qu’il fera fait. L ’efprit ni le génie même, ne fuffîfent à trouver le fecret d’une bonne légiflation; les orateurs font rare
ment d’habiles légiilatenrs. Au lieu de fes Lois fublimes, admirées depuis
tant de fiécles, S o l o n eût laifle des Arrêts de Réglemcns, s’il n’eût été
qu’un difeoureur du Palais.
Mieux confeillée, V o t r e M a j e s t é , confacrera les principes de fon
cœur, elle fera regner la Juftice, 8c fes efforts, pour en régénérer, étendre
8c protéger l’Empire, afîureront la félicité publique, objet de fa tendre
follicitude.
M O R I Z O T , Avocat.
N o t a . Certain grand Seigneur a trouvé mes mémo'res fo rts.. . . Je n’ai pas de pein®
a le croire; car l’attentat dont je me plains, eft fort. Mes preuves font fortes. L a vérité
eft forte. M on caraftefe.. . . ma logiqu e.. . . tout eft fort. Bon Dieu ! que certains grand*
Seigneurs font foibles; quand, pour une C ro ix , un C ordon, un G ra d e , un m ot, üs *"e
coupent la gorge ; pour m o i, qui n’ai pas l’honneur d’être un grand Seigneur, je ne me
la couperai, que quand on me ravira mon honneur, mon état 8c mon pain. Il faut bief»
cefler de v iv re , quand on vous coupe les vivres.
Mais Ci M . Lam bert, qui n eft pas un grand Seigneurs, quoique fes fils fe foient cotntifieS >
trouvoit, lu i, mes mémoires forts, je lui propofe de s’en plaindre en Juftice réglée, &
O*1
�(40
on nous donne des Juges intègres, je confens que celui de nous deux qui fera reconnu
coupable, foit pendu ; car c’eft un combat a mort entre lui & m oi, que je veux foutenir,
& ma propofition ni mon confentement, ne font pas temeraires, fi M . Lambert garde
le filence. Cependant, c’eft convenir de to u t, & donner les mains a fon deshonneur ; &
s’il n’a pas.le courage de defeendre dans l’arène judiciaire , où je l’attends, & dans laquelle,
o mes concitoyens, je vous fupplie de vous réunir à m o i, pour me fournir vos plaintes
& vos griefs particuliers, afin que ce fycophante, ipalgré la puifiance dont il eft envi
ronné , ne triomphe point de mes efforts folitaires ! notre intérêt eft commun , & en
défendant les m iens, je ne néglige pas les vôtres.
PIÈCES JUSTIFICATIVES.
I—
mmmmmmmmr n mmm
N °. I.
Ce r
-N o U S
M
t if ic a t
ic h e l
de
du
B
G
o u vernem ent
eelen
d e
B
ru x elles
.
, E c u y e r , & c . Amman de la V ille , banlieue &
ammanie de B ru xelles, & c . & c .
Certifions que le Sr. M otizot, fe difant A vocat de P aris, a féjourné dans cette V ille
depuis le zij juillet jufqu’au commencement d’août dernier; qu’ayant eu à fon arrivée
des.notions qui nous ont rendu cet A vocat fu fp eft, nous lui avons fait intimer l’ordre
de quitter, dans les vingt-quatre heures, les Terres d e là domination de Sa M a jefté,
l’Empereur & R o i ; mais le lendemain de l’intimation de cet ordre ayant reconnu que
les notions qu’on nous avoit données fur fon com pte, étoient dépourvues de preuves
fuffifantes, nous avons révoqué led. ordre , & lui avons permis en conféquence de
refter en cette V ille , pour achever les affaires qui l’y amenoient; que pendant le court
féjour que led. Sr. Morizot y a fa it, il ne nous eft parvenu aucune plainte qui le concer"
lâ t , & nous déclarons ne pouvoir donner , de la conduite qu’il a tenu i c i , qu’un
témoignage avantageux. En foi de qu oi, nous avons fait figner les préfentes par POfïïcier
du département de P o lic e , & y avons fait appofer le fceau ordinaire de nos armes.
Fait à Bruxelles , le aa feptembre 17 8 9 . Par Ordonnance. Signé , d e P r e z .
N °.
Lettre
l
E
d e
M.
m pereur
le
,
Com
te d e
I I.
Trau
ttm a n sd o rff
, M
in is t r e
d e
à M. Morizot, en lui envoyant le certificat ci-deiTus.
Bruxelles, i f oElobre 1789.
^ a i reçu la lettre que vous avez pris la peine de m’écrire , M oniteur, le 12 du mois
F
�(4 0
dernier, & m’étant fait rendre compte par la Police de ce qui pourrait être déclaré à
votre fu jet, ce département n’a pas trouvé de difficulté a vous expédier la déclaration
ci-jointe. Je ne doute point quelle ne remplille votre o b jet, & je fuis très-parfaitement,
M onfieur , & c . Signé , T r a u t t m a n s d o r î F .
N °.
L
ettre
d e
I I I.
M. le Chevalier de
la Gravierre, Réfident de France à Bruxelles.
M.
le
Co m
te
d e
M
o n t m o r in
, à
A Verfailles , j août 178g.
L e Sr. M orizot, Monfieur , qui eft aftuellement à Bruxelles , me demande une lettre
de recommendation auprès de vous. Je ne puis la lui e n v o y e r, puifqu’il ne m’indique
pas fa demeure. S’il fç préfente à vous , je vous prie de le recevoir favorablement. C ’eft
un h o m m e très-mallieureux , qui eft digne de votre intérêt. Je fuis très-fincérement,
M on fieu r, entièrement à vous. Signé, l e C o m t e d e M o n t m o r i n .
O
b s e r v a t io n
. Je me fuis engagé de tout prouver par écrit : o r , on vient de v o ir ,
i ° . que des gens mal-intentionnés m’avoient inquiété à mon arrivée à Bruxelles ; 20.
l’ordre qui setoit enfuivi d’en déguerpir; 30. la rétra&ation de l’ordre; 40. le témoignage
rendu à ma conduite dans cette Ville.
L a lettre de M . le Com te de Montmorin ajoute à mes preu ves, en établiflant, i° . que
j’ai été inquiété, & que j’ai recouru à fon témoignage ; 20. qu’il la donné, connoifTant
bien la fource de mes malheurs, & combien je les méritois peu.
M aintenant, pour ne laiffer abfolument rien fans preuves écrites, je vais établir, par
le certificat de M . P e r d r y , la faufieté du rapport fait au Comité de Police de l’H ôtelde—
V ille de P aris, fur la foi duquel lis Srs. Bottiers de M ontaleau, Lagreflce & Bonvalet,
ne fe feraient pas permis de fouferire une lettre atroce à un c ito y e n , qui vaut mieux
qu’e u x , s’ils euflent fuivi la première réglé du bon fens, qui étoit de me parler & de
s’afiurer de la vérité par mon aveu ou ma dénégation ; mais il eft des gens qui croient
fe réhaufler, en affeéhnt de l’im portance, & de dédaigner les réglés les plus fimples.
N °.
Ce r
t if ic a t
d e
M
a ît r e
P
I V.
erd ry ,
Avocat aux Confeils du Roi.
J e fou ilign e, certifie, qu il n a pas dependu de Maître Morizot de préfenter fa requête
& d’être ju g é , puifquil n a p u , jufqua préfent, fe procurer fes pièces, qui font encore
entre les mains de M . P aftoret, R apporteur, lequel n’a pu lui-même fe les procurer
�( 43 )
que depuis quelques jours ; je certifie encore que quand bien même Maître Morizot
auroit eu fes pièces, & qu’il auroit préfenté fa requête, il n’auroit pu être jugé défini
tivem ent, y ayant un incident provifoire en communication de titres à juger préalable
ment , pour qu’il puiffe enfuite fe défendre au fond. A u furplus, Maître M orizot ayant
récufé le Confeil entre les mains du R o i , & M . Necker lui ayant offert de défigner
le Tribunal qu’il vo u d roit, par fa lettre du 6 février dernier, il n’y a encore point de
Tribunal no m m é, auquel Maître Morizot puiffe adreffer fa requête, ce q u i, avec les
délais réciproques entre les Parties , ,ne/ permet pas
à Maître M orizot d’efpérer un
Jugement définitif de long-temps. En foi de quoi je lui ai délivré le préfent certificat,
pour lui fervir & valoir ce que de raifon. A P a ris, ce 29 feptembre 1789 .
Signé, P e r d r y .
C
o n c l u s io n
. Maître Perdry eft un impofteur infigne, fi Dufour eft honnête homme.
\
M O R I Z O T , Avocat.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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Factums Vernet
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Description
An account of the resource
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Morizot. 1790?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Perdry
Morizot
Subject
The topic of the resource
prévarication
ferme générale
intrigues de Cour
pension royale
La Fayette (Marquis de)
Calonne (Charles-Alexandre de)
favoritisme
loterie
Necker (Jacques)
troubles publics
créances
offices
Description
An account of the resource
Nouveau mémoire au Roi et à l'Assemblée Nationale, en dénonciation contre le sieur Lambert, contrôleur-général des Finances.
Pièces justificatives.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
s.n
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1790
1785-1789?
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
43 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_V0111
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Vernet
Language
A language of the resource
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Paris (75056)
Bruxelles (Belgique)
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Domaine public
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Calonne (Charles-Alexandre de)
Créances
favoritisme
ferme générale
intrigues de Cour
La Fayette (Marquis de)
loterie
Necker (Jacques)
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3ff6cde508731ba2c137ebd5b88fe555
PDF Text
Text
M
E
M
O
I
R
E
EN R É P O N S E
A CONSULTATION SIGNIFIÉE,
POUR
Antoine-Am broise,
J e a n -B a p tiste
et
F r a n ç o is PÉRISSEL, B o n n e t t e PÉRISSEL,
le cito yen M O R T I L L E T , son mari, e t M a r
g u e r i t e PERISSEL, intimés ;
/
„
Ck^'' ii ' iwi{ùJv/'tUA,( ÙI /
CONTRE
A
nnet
'
P E R I S S E L , avoué au tribunal d'appel
de Riom appelant.
L citoyen Périssel est héritier contractuel de ses père'
E
et mère. Il a joui de leurs biens depuis 17 9 1, et en a
vendu plus des deux tiers. Maintenant, pour ne pas payer
à ses frères et sœurs leurs légitimes conventionnelles, il
A
�(
2
)
veut les forcer ù venir à partage avec lui de ces mêmes
Liens , qui se composeront en ce cas, i°. du tiers qui
lui reste; 2°. d’autant de procès qu’il a fait de ventes.
Libre en 1792 de n’être pas héritier, il a traité pour
le redevenir. Libre de nouveau en l’an 2 , il a traité
encore. Quand il a pu partager, il n’a pas voulu de par
tage : le désir ne lui en est venu qu’après avoir tout
innové et dénaturé.
(
Vaincu par les circonstances, le citoyen Périssel a
voulu dissimuler ou affoiblir au moins les plus déter
minantes. Il le falloit sans doute pour obtenir un avis
favorable de jurisconsultes célèbres, (1) qui, s’ils eussent
eu tous les actes de la famille au lieu d’un mémoire
infidèle, n’eussent pas basé leur décision usurpée sur
des lois que le citoyen Périssel s’est lui-mcme rendues
étrangères.
Les légitimâmes Périssel ne s’effraieront donc pas de
cette nouvelle arme de leur frère; ils osent croire au
contraire qu’ils la neutraliseront dans ses mains, en rap
pelant les faits avec plus de détail et d’exactitude.
F A I T S .
Pierre Périssel et M iclielle Labry, père et mère des
parties, ont laissé huit enfans.
( 1 ) 11 étoit peut-être inconvenant de la part du citoyen Férissel,
de signifier au lieu de causes d ’appel, une consultation imprimée
des citoyens Bigot - Préarneneu, G renier, Favard cl Iicrgier. 11
sem ble que ce soit vouloir capter les suffrages par le poids des
signatures. Le respect du aux tribunaux ne perrnettoit pas autre
fois de signifier des consultations comme un acte de procédure.
�( 3 )
Gilberte fut mariée au citoyen Colange, en 1767 :
Marianne avec le citoyen Coudert, en 1773. Toutes deux
furent dotées effuso sermone, et forcloses, mais sous fa
culté du rappel. Les autres enfans sont les parties qui
plaident.
L e 20 septembre 1786, le citoyen Périssel père vendit
à Annet Périssel, appelant, son office de procureur en
la sénéchaussée d’A u vergn e, pour la somme modique
de 14,000 francs. L ’acte porte quittance de 6,000 francs;
et il fut dit que l’acquéreur seroit dépositaire des 8,000 fr.
restans jusqu’au décès de son p ère, pour les rapporter
à sa succession.
L e 4 mai 1789, Annet Périssel se maria avec Gilberte
Albert.
Il fut institué héritier universel de ses père et mère,
sous réserve de 2,000 francs, à la charge de payer les légi
times suivantes : i°. à chacun de ses trois frères, 12,000 fr. ;
2°. à Bonnette, sa sœur, 10,000 francs-, 30. k M arguerite,
autre sœur, 8,000 francs; 40. à la dame Colange, un sup
plément de ,ooo francs; ?. à la dame Coudert, un
supplément de 4,000 francs.
Ces sommes furent dites payables, moitié deux ans
après le décès du père, et moitié dans l’an du décès de
la mère; et si celle-ci décédoit la première, moitié après
le décès du père, et moitié un an après le premier
payement. Enfin, il fut dit que dès le moment du décès
du sieur Périssel père, le futur se mettroit en possession
de l’universalité des successions de ses père et m ère, à la
charge de payer à sa mère une pension viagère convenue.
L e sieur Périssel père est mort en 1790. A ses derA a
5
5
�(
4
)
mers momens il eut une inquiétude : son héritier-, en
achetant à très-bas prix un des meilleurs offices de pro
cureur de la sénéchaussée, avoit toujours espéré que
son pèi'c lui donneroit quittance des 8,000 francs qu’il
avoit en dépôt; et c’est alors qu’il renouvela plus sérieu
sement ses tentatives. Un de ses raisonnemens principaux
auprès du père , étoit la charge trop considérable des
légitimes, et la menace d’abandonner l’institution pater
nelle, pour faire perdre les supplémens des deux filles
fo rclo seset pour que les légitimes qui étoient faites ejfuso
sermonc 11e fussent pas imputées sur les biens de la mère.
Cette menace frappa peut-être trop le mourant, qui
voulut consolider son ouvrage. Il fit un testament le
29 septembre 1790, par lequel il légua aux dames Golange et Coudert les mêmes sommes de ,000 francs et
de 4,000 francs qu’il leur avoit promises ; et prenant tout
à fait à la lettre ce que lui avoit dit son fils, il ajouta
que s’il abdiquoit l’institution d’héritier, et si cette abdi
cation diminuoit les légitimes de ses puînés, les deux
legs qu’il venoit de faire souffriroient une diminution
proportionnelle.
L e père mourut cinq jours après ce testament. Annet
Périssel, s’abusant toujours sur l’imputation des légitimes,
voulut abdiquer l’institution paternelle. En effet, il déclara
lors d’un inventaire du 24 mai 179 1, qu’il abdiquoit reflet
de l’institution contractuelle faite à son profit par son père,
pour s’en tenir à sa portion héréditaire dans les biens pa—
lcrneïs, se réservant l’ellet de ladite institution pour lesbiens maternels : cette déclaration fut acceptée par ses frères
et sœurs, sous la réserve de leurs moyens contre la retenue
que leur frère entendoit faire des biens maternels.
5
�(
5
)
L e citoyen Périssel ne tarda pas à se désabuser du sys
tème faux qui l’avoit engagé dans une démarche dont
il se repentoit. Il proposa aux puînés de rétablir les
choses comme elles étoient avant son abdication» ; et
comme il y avoit des mineurs , comme il vouloit
redevenir héritier avec sûreté, il assembla un bureau
de famille composé de six hommes de loi et de deux
experts. Ce bureau rendit une décision arbitrale le 28
janvier 1792 : cette décision fut adoptée par les parties,
et homologuée le 7 avril.
On y voit qu’Annet Périssel ayant proposé à ses frères
et sœurs de laisser les choses dans leur premier état,
c’est-à-dire, de laisser subsister sur sa tête l’institution
faite en sa faveur par ses pèi*e et m ère, aux mêmes
clauses, charges cl conditions portées par son contrat
de mariage ,• sur cette proposition les parties nomment
un bureau de famille.
L e bureau entend le rapport des citoyens M aneville
et Savarin, et s’occupe de former la masse tant des biens
de la succession de M e. Pierre P é r is s e l, que de ceux
de dame M ichelle L abry ; après cela, pour la sureto
de l’appelant contre les mineurs, le bureau dit que, toutes
charges déduites,.il revenoità peine à l’héritier une por
tion égale h celle de ses frères et sœurs; qu’un partage
seroit long et difficile, en raison des reprises delà m ère,
compensations, et rappel des filles forcloses..
E t v u , est-il dit,, le consentement par écrit donné
par dame Michelle Lnbry, à ce que ledit Annet Périssel
exécutât, tant à son égard qu’à celui de ses frères et sœurs,
les clauses et conditions de son contrat de mariage j le
�'
.
(6 )
bureau, pour le bien général des cohéritiers, est d’avis
que les offres fa ite s par A n n et Périssel à ses fr è r e s et
sœ urs, soient par eux acceptées comme avantageuses.
Eu conséquence, leslégitimaires déclarent qu’ils accep
tent lesdites çffres ; consentent que leur frère exécute
toutes les dispositions portées par son contrat de mariage,
à condition d’être renvoyés indemnes de toutes charges
des biens des père et m ère, sans qu’en cas de recherche,
de la part de quelqu’un d’eu x, ledit Périssel puisse se
dispenser d’exécuter les engagemens portés par son con
trat de max-iage, vis-à-vis des autres.
A u moyen de qu oi, l’abdication faite par l’intimé,
et l ’acceptation d’icelle, dans l’iiiventaire, demeurent
comme non avenues.
Voik\ donc Annet Périssel en possession des biens de
ses père et m ère, aux charges de son contrat de ma
riage; et loin d’avoir du regret, comme il le dit, d’être
redevenu héritier, il se trouva fort bien de jouir de tout,
de vendre ç;\ et là des immeubles, et il craignit, au con
traire, que la révolution ne lxii ôtât la qualité dont il veut
aujourd’hui se dépouiller lui-même.
La loi du 17 nivôse ordonnoit le partage, par égalité,
de toutes les successions ouvertes depuis 1789 ; et dès - lors
venoit fort à propos le relever de ses engagemens, s’il
les eût Irouvés onéreux : deux années de jouissance lui
avoient donné le temps de s’en apercevoir.
Il fit donner une citation à ses frères et sœurs, le 7 ger
minal an 2, sous prétexte de se concilier sur le partage
par égalité voulu par la loi; mais, au fait, pour les faire
réunir et consentir de nouveau qu’il demeurât héritier.
�7
C )
Il conviendra, sans cloute, qu’il les a engages à souscrh’e à ces arrangemens , en leur dictant, lui-m êm e, des
procurations en blanc, pour consentir, soit au partage
des biens des père et mère tout à la fois, soit au main
tien des précédentes conventions.
Il fut passé un second traité, le 4 prairial an 2 , en
présence de deux hommes de lo i, pris pour tribunal de
famille.
Pour satisfaire à la loi du 17 nivôse , il falloit parler
de partage et d’égalité, avant de convenir d’autre cliose.
L ’acte contient, à cet effet, deux parties très-distinctes,
que le citoyen Périssel veut empêcher d’apercevoir.
Les arbitres reconnoissent, d’abord, qu’il paroît pres
que impossible de faire un partage égal des biens du
père , parce qu’ils sont confondus avec ceux de la mère.
Sur cela, ils pensent que les parties doivent inviter leur
mère à consentir que ses biens se partagent en même
temps. Michelle Labry intervient, et dit, que pour main
tenir l’union entre ses enfans, et leur témoigner son
attachement, elle souscrit à ses propositions, pourvu que
le partage se fasse par égalité entre ses enfans.
Après cet hommage rendu à la loi du 17 nivôse, les
arbitres se sont occupés, disent-ils, en présence de toutes
les parties, et après la fixation faite de la valeur des
biens paternels et maternels, et composer la portion
revenante à chacune.
D ’après cette opération, est-il d it, les parties s’étant
convaincues que l’institution d’héritier, faite en faveur
d’Annet Périssel, ne leur étoit point préjudiciable, clc.
les parties traitent et transigent comme il suit :
�(
8
)
Annet Périssel s'oblige de payer à ses frères et sœurs
le montant des légitimes, telles quelles s ontfix é e s par
son contrat de m ariage, dans les termes y stipulés,
sans, qu’en cas de recherche par quelqu’un d’e u x , il
puisse se dispenser d’exécuter tous les payemens portés
par son contrat, vis-à-vis les autres..L e s légitimaires
ratifient, à cet effet, Tinstitution portée par ledit con
trat de m ariage, ainsi que la sentence du tribunal de
fam ille, du 7 avril 1792; se départant, en tant que de
besoin, de toute propriété sur lesdites successions, vou
lant que leur frère en jouisse et dispose : ce q u i est
accepté par lui.
_ M ichelle L a b ry intervient encore à cette nouvelle
convention, et consent aussi qu’Annet Périssel, son fils,
jouisse et dispose, comme il Ta f a i t jusqu i c i , x'atifiant,
à cet effet, le délaissement de la propi'iété et jouissance
de ses biens, tel qi£il est porté par le contrat de ma
riage de 1789.
L e citoyen Périssel avoit bien ses raisons, lorsqu’il
étoit en l’an 2 moins difficile qu’aujoui-d’liu i, pour rester
héritier : le moment étoit opportun pour vendre et
liquider la succession.
L ’objet le plus considérable des biens de la mère, étoit
un domaine appelé de la Barge; il le vendit au citoyen
Larue, moyennant la somme de 33,000 francs, environ.
Laruc, pressé de payer, avoit consigné le prix de son
acquisition. L e danger étoit urgent; il falloit, pour écarter
l’effet de celte consignation, une tournure quelconque.
Comme la mèi'e étoit vivante, elle seule p o u v o i t arrêter
L arue, cil l’assignant, comme propriétaire du domaine,
II
�*
(
9
)
Il falloît une occasion aussi im pérative, pour l’engager
à s’y prêter : sans cela, le scrupule de sa conscience lui
eût fait rejeter toute proposition de x*evenir conlre ses
engagemens, même en apparence. A vec un peu plus de
mémoii’e , le citoyen Périssel eût dit ce qu’on vient de
dire ; avec un peu plus de bonne fo i, il eût ajouté , que
l’intervention de Miclielle L ab ry, dans cette affaire , fut
si peu sérieuse, que c’est de l’un des légitimâmes qu’il
en reçut le conseil.
Quoi qu’il en soit, M iclielle L ab ry, avant d’assigner
L a ru e , signa un acte préalable du 29 prairial an 4 ,
portant, qu’elle révoquoit le consentement par elle
donné , à ce qu’Annet Périssel jouît de ses biens.
En même temps, elle assigna Annet Périssel, pour
voir déclarer valable ladite révocation.
En même temps, elle assigna Larue en désistement du
•domaine de la Barge.
Comme la première demande n’éloit que pour la
forme, elle a demeuré impoursuivie; mais celle du citoyen
Larue a été suivie d’un jugem ent, par lequel M iclielle
Labry a été déboutée de sa demande. Annet Périssel
a payé à Larue les frais de cette procédure.
Malgré cet échec, la demande n’en avoit pas moins eu
’eiTet qu’on s’étoit promis. La chûte du papier-monnoie
a eu lieu avant la libération de Larue, et la valeur réelle
du domaine.de la Barge a été fixée par une expertise.
Annet Périssel, comme on le pense bien, n’avoit pas
cessé de jouir des biens de sa mère, malgré l’acte du 29
prairial an 4 5
continué celte jouissance sans la moindre
innovation, aux mêmes charges de la pension via°-èr<j
1
B
�( ÏO )
stipulée par son contrat de m ariage, jusqu’au décès deM iclielle L a b ry , arrivé le floréal an 8.
La succession de M ichelle Labry étoit beaucoup
moindre que celle de son.mari ; et comme Annet Périssel'
devoit payer alors l’autre moitié des légitim es, il s’est
persuadé qu’en abdiquant cette succession, il se dispen
serait de payer cette moitié. En conséquence, il a fait
cette abdication au greffe, le 14 prairial-, et a attendu
patiemment qu’on l’assignât, sans cesser de jouir.
Les légitimantes l’ont fait citer en l’an 9 , et les parties
sont d’abord convenues de s’en rapporter à des arbitres
dont le choix distingué ne devoit pas laisser croire qu’au
cune d’elles préférât un procès à leur décision : mais
précisément cette décision étant connue du citoyen P é
rissel , n’a pas eu «on approbation, et il a fallu plaider.
L e citoyen Périssel a donné aux légitimaix-es une assi
gnation , le 26 messidor an 9 , pour voir déclarer valable
son abdication, et venir à partage de la succession de la mère.
A u moment de l’audience, il a conclu par requête à la
nullité des deux traités de 1792 et de l’an 2. Il sembloit
dès lors qu’il faisoit revivre l’abdication du père, et il le
dit ainsi à présent : mais sa requête ne contient nullement
l’offre de partager lôs biens du père; au contraire, il a
conclu au partage des biens maternels seulement. Et en
plaidant, son défenseur s’est attaché à faire valoir la
nécessité d’imputer une moitié des légitimes sur les biens
maternels, persistant toujours à retenir les biens du père
pour l’autre moitié.
Par le jugement dont est appel, du 2 nivôse an 10 , le
tribunal d’arrondissement de jRioxu a pensé qu’au moyen
5
�Périssel et des ventes par lui faites, les choses n’étoient plus
entièi*es; que les conventions faites entre les parties étoient
-corrélatives et indivisibles ; qu’ainsi il n’étoit pas au pouvoir
de l’une des parties de rejeter les clauses qu’il trouvoit oné
reuses : qu’il n’y avoitdans ces actes ni traité sur la succession
d’une personne vivante, pui&qu’Annet Périssel jouissoit
de tout comme propriétaire jax\§ vœu de mort prochaine,
puisque la mère avoit donne son consentement-, et d’après
ces motifs présentés avec un développement très-clair et
une force de raisonnement qu’il a été plus aisé de critiquer
que d’affoiblir, le tribunal de première instance, sans
s’arrêter à l’abdication d’Annet Périssel , a ordonné
■
l’exécution de son contrat de m ariage , et des traités de
1792 et an 2; a ordonné qu’Ambroise Périssel, un des
légitimantes, feroit déduction sur sa légitime de la valeur
d’un immeuble par lui vendu; et à l’égard des citoyens
Colange et Coudert, le partage est ordonné avec eux ,
parce qu’ils y donnoient les mains.
Annet Périssel a interjeté appel de ce jugem ent, et
prétend toujours que les actes qu’il a passés en 1792 et
en l’an 2, sont nuls, comme traitant sur la sticcession d’une
personne vivante. En désespoir de cause, il offre maintenant le partage des deux successions de ses père et mère>,
et dit que'sH 11 faîTïïes ventes ,"~éïïes_ne changent rien
à la position des légitimaires, parce qu’on mettra iictivement les objets vendus j^son lot, suivant l’usage.
T el est le système de défensëTcle l’appelant : son seul
mérite est d’être défendu par des opinions respectables;
son moindre défaut est d’être inexécutable.
B a
�C 12 )
M O Y E N S ,
'
Les intimés n’auront de plan dans leurs m oyens, que
de suivre les objections proposées contre eux ; et en y
répondant, ils se flattent de prouver que les traités de
1792 et de l’an 2 , ne sont nullement contraires aux lois;
que les circonstances en rendent le maintien nécessaire,
et que l’ajjpelant a rendu un partage impossible..
Il est très-certain qu’on ne peut pas vendre la succession
d’une personne vivante, et que dans ce cas non seulement
il manque une des conditions nécessaires à la vente', qui
est la chose ; mais encore , qu’une telle vente est contre
les bonnes mœurs, comme injurieuse à la personne de
qui on vend la succession futureMais n’y a-t-il pas une grande différence de ce qui s’est
passé entre les parties, à la vente d’une succession future T
et ne semble-t-il pas qu’il étoit presque inutile de recher
cher si une telle vente est nulle en droit, dès que le
citoyen Périssel qui se plaint des traités, n’a pas vendu
la succession de sa mère. Si cela est évident, les lois citées,
dès-lors ne le concernent pas.
L a consultation du citoyen Périssel semble confondreen sa faveur le titre du digeste, de hœreditate vel actione
vendita, et le titre du code de pactis : c’est peut - être
une erreur*
lia dénomination de ces titres annonce une diversité
de matière; les lois qui s’y trouvent pour la cause portent,
aussi une diversité de législation.
A n if. de hœred. vel act. vend, la loi première dit eu
�3
( i )
général que la vente de la succession d’une personne
vivante est n u lle, parce que ce n’est pas une cliose vénale.
Mais la législation s’cn tenoit à la prohibition de
vendre; et il paroît que l’école césaréenne se faisoit des
doutes sur plusieurs genres de conventions qui étoient
faites sur l’espérance des successions futures : ces doutes
donnèrent lieu à une application portée par la loi der
nière au code'de pactis.
Cette explication prouve que le législateur ne con
fond oit pas les ventés et les pactes ; il ne confondoit pas
le cas où un héritier pressé de succéder, vend incognito
son espoir à la succession , avec le cas bien différent où
le pacte est un arrangement de famille fait soùs les yeux
de la personne dont la succession est l’objet du traité.
La consultation du citoyen Périssel dit en principe
général que toute espèce de conventions sur les successions
futures-, étoient odieuses et dévoient être anmillées, parce
-qiie cètteioi porte omnes hujus modipactiones odiosœ....
»s-ancimus'omni modo repelli, n is i, etc.
M ais, au milieu de cette règle générale , étoit une
explication limitative qu’il étoit peut-être essentiel de
laisser à sa place ; car le législateur ne déclare pas nulles
toutes les conventions faites sur la succession de personnes
vivantes, mais seulement les conventions faites à Finsu
de celui auquel on doit succéder.
Ce n’est donc pas une nullité générale et indéfinie ; car
il faut lire omnes hujus modipactiones odiosœ..- QUODAM
V I V E N T E E T I G N O R A N T E , DE REBUS E J U S . . . . Sancimus
om ni modo repelli.
La loi ajoute que le consentement de celui de cujus
�C 14 )
valide de telles conventions : nisi ipse de cujus hœreditate
pactumest, voluntatern suam accomodaçerit et ad cxtremuni vitœperseveraverit .Elle termine par des expressions
qui ne permettent pas d’équivoque ‘ tune enim sublatâ
acerbissimâ spe, licebit eis , illo sciente et juben te,
Jiujus modi pactiones serçare> Quod etiani anterioribus
constitutionibus non erat incognitum. Telle étoit la
position des parties : ainsi les ti’aités de 1792 et de l’an 2,
sont déclarés valables par ce texte bien clair et doublement
répété.
L a consultation du citoyen Périssel répond à cette loi,
i ° . qu’elle n’est pas admise dans le droit français, d’après
Godefroi, D o m at, Louet et Potliier; 20. que la dame
Périssel a révoqué son consentement.
Comment Godefroi auroit - il dit expressément le
contraire de la loi même qu’il commente, lorsqu’il com
mence sa note par ces expressions, eo de cujus successione
. agitur, sciente , jubente, adde et nequidem in mortis
articula reçoeante de ejus hereditate , lie et viventis,
pascisci possumus. Godefroi, dans ce qui suit, ne fait que
donner un raisonnement tendant à prouver que les contractans ne peuvent s’obliger envers lu i, parce qu’il 11e s’oblige
pas envers eux ; pasciscens non obhgatur, ergo nec
,pasciscentibus consentire. On voit donc que le raisonne
ment de Godefroi est relatif seulement à l’intérêt qu’^
au traité celui qui y donne son consentement, ci non
aux contractans entre eux; ce qui le prouve, c’cst
lin de sa note : So/çe hoc nostro casu qui consentit
hœreditatern suam , non promittit absolutè, ciim ante
.jnorteni suam voluntatern reçoeare possit. Cet auteur
�. c i5 ,}
nya donc pas commis l’inconséquence de détruire dans le
milieu de sa note, les expressions approbatives du com
mencement.
Il eût d’ailleurs été le seul commentateur de son opi
nion : Cujas , Accurse , Voetius, approuvent la loi ;
Coccéius y ajoute la réflexion que la nullité n’est pro
noncée qu’en faveur des vivans, et qu’ainsi ils peuvent y
renoncer par leur consentement : nam cùrn hoc in favorem viventium constitutum s it, Mi suo fa vo re renuntiare possunt.
Domat est cité comme disant qu’un héritier ne peut
pas renoncer à une succession, sans savoir le décès de celui
de euju s , et son aptitude à succéder. Ce n’étoit pas, ce
sem ble, le consulter dans la partie de son excellent
ouvrage , la plus applicable à l’espèce;
Dom at, après avoir dît au tit. er. sect. j y ? des conven
tions, qu’un héritier peut traiter avec ses cohéi’itiers, detous ses droits en là succession , pour préférer un parti
certain à l’attente incertaine des événemens , ajoute la
note suivante.
« Il faut prendre garde dans l’usage de cette règle,.
» de ne pas l’étendrc à des cas qui blesseroient les lois
» ou les bonnes mœurs. Com m e, par exemple, si deux
» héritiers présomptifs traitoient entre eux sur la succès-» sion future de celui à qui ils doivent succéder ; car
» cette convention scroit illicite, si ce n èst q u e lle fû t fa ite
par la volonté expresse de celui de la succession de q u i
» on traiteroit. »
A u tit. Ier. section I I I , des héritiers, Domat regarde*
comme incapable de succession celui qui auroit disposé.-
1
,
/
�(i6)
des biens d’une personne à qui il devoit succéder, avant
sa m ort, et sans son consentement. Il se fonde sur la
loi S i quis v in I G N O R A N T I S ; if. de his quœ ut ind.
Dans son Legum delectus, au titre D e pactis, Dom at,
qui réduit les lois à leur sens exact , rapporte la loi
dernière ci-dessus rappelée, en ces termes,circa jid u ra m
viçentis successionern pascisci illicitum , eo non consentiente vel ignorante. Il ajoute en n ote, quod s i consen~
se r i t , semper tamen revocare pote st. Ainsi Domat est
tout à fait contraire au citoyen Périssel qui l’a cité.
L ouet, lettre H , n°. 6 , cite un arrêt de 1630 et non de
173°? ( ce
pouvoit se confondre dès qu’il étoit d it, édi
tion de 1772 ,) qui ne semble nullement avoir jugé en
tlièse, qu’un traité quelconque fait sur une succession fu
ture, étoit nul malgré le consentement de cujus bonis.
Car d’abord il s’agissoit d’une vente d’hérédité : ce n’est
pas l’acquéreur qui se plaignoit.
En, second lie u , il paroît que celui qui.avoit donné
spn consentementl’avoit révoqué, et avoit pris des lettres
de rescision pour cela. Car Louet dit que les lettres
lurent entérinées, la révocation de la vente et du con
sentement déclarée bonne. 11 n’y a donc à cet arrêt rien
que de naturel et juste, puisque la loi cilée permet do
révoquer le consentement qui seul validoit l’acte.
. Enfin , il pouvoit y avoir une contrainte dans cette
vente d’hérédité, démontrée par le vendeur.
Louet peut d’autant moins avoir entendu fixer la règte
générale qu’on suppose, qu’il seroit en contradiction aVCC
lui-même sur ce qu’ il dit lettre R , n°. 9.
« On tient pareillement que le consentement qui sur
vient
�. ^ 17 ^
» vient après coup,' valide la convention sur le rappel ou
» autre (convention) fa ite sur fu tu r e succession. » Il cite
à cet égard Dumoulin sur Alexand. liv. 6. con. 113.
P o th ier, invoqué pour le citoyen Périssel, ne lui est
pas plus favorable ; car au lieu cité , il ne parle que de
la vente des successions, et lorsqu’il dit que sa décision
sur la vente est conforme à celle des jurisconsultes romains
qui ont condamné toutes sortes de conventions sur les
successions futures, d’après les lois 19 et ult. de partis,
cet auteur renvoie à ce qu’il a dit au n°, 132 du traité
des obligations.
O r , voici ce que dit P otliier, à ce n°. 132, en rap
pelant les mêmes lois. « Ces lois proscrivent, comme
» indécentes et contraires à l’honnêteté publique, toutes
» les conventions par rapport aux successions futures.....
» à moins que le tiers n intervînt et ne donnât son
» consentement à la convention. »
Aucun des auteurs cités en faveur de l’appelant, n’a
donc pensé que la loi citée ne fût pas admise en droit
français.
Rien ne seroit plus aisé que de citer une foule d’autres
auteurs, qui rappellent les mêmes principes. Henrys,
Ricard, Lebrun, M eynard, Rousseau la Combe, etc. ne
pensent pas, non plus, que cette loi soit abrogée ; mais il
suffit d’en trouver l’approbation dans les auteurs même
cités pour le citoyen Périssel ; et lorsque Domat a classé
cette loi dans son Legum delectus, il ne faut pas d’autres
preuves, sans doute, que le droit français ne la rejette pas.
La législation actuelle la rejette encore moins ; car l’art.
26 de la loi du 17 nivôse, porte que les donations ou
-
G
�. c 18 1
ventes h fonds perdu, faites en ligne directe ou collatérale,
a l’un des héritiers présomptifs, sont interdites, à moins
que les autres cohéritiers n'y interviennent et y con
sentent. Cet article n’e s t-il pas une imitation de la loi
dernière de p actis, et ne permet-il pas y comme elle
de traiter sur une succession future.
L e tribunal de cassation n’a pas été de l’avis de la
consultation du citoyen Périssel, dans un jugement du
premier brumaix-e an 10; car quoiqu’il ait maintenu la
nullité d’une cession de succession à échoir, ses motifs
prouvent qu’il se fût décidé par la l o i , si la loi eût été
suivie.
D eux frères Falcimaigne firent un traité, en 1790,
par la m édiationjï’tm arbitre. L e père étoit vivan t, et
les parties, à cause des reprises du p ère, vouloient pro
céder au partage, conjointement, tant des biens de la
mère m orte, que du père vivant.
L ’aîné délaissa certains objets au cadet, pour ïa valeur
d’un sixième, garanti de toutes dettes, et les parties se
tinrent quittes pour les deux successions. L e père donna
ison approbation au bas de l’acte.
L e cédant se pourvut contre cet acte , ét demanda le
partage , qui fut ordonné par jugement du tribunal civil
du Puy-de-Dôm e, du 8 frimaire an 6 , sur appel du
Cantal. L ’aîné se pourvut en cassation, et fit valoir lf?
consentement de son père. L e défenseur du cadet n’alloit
pas j u s q u ’ à prétendre que la loi ult. départis fût abi*ogéej
niais il disoit que le traité étoit contre les bonnes nicc'>u^s >
et nul, étant fait hors la présence du p ère; qu’ensuite
le consentement ultérieur du père ne yalidoit Pas 1111
acte nul.
7
�C *9 )
L e tribunal de cassation adopta ces moyens, et rejeta
le p ou rvoi, par les motifs qui suivent.
« Attendu que Falcimaigne, père, n’est pas intervenu
» dans le traité du 9 novembre 179° » attendu qu’a
» défaut de cette intervention, Tacte est n u l, aux termes
» des lois romaines , sous l’empire desquelles vivoient
» les parties : » donc, par argument a contrario , si
Falcimaigne père étoit intervenu dans l’acte, le traité
fait entre ses enfans eût été valable.
Donc la loi dernière depactis est en vigueur en France,
et les traités passés entre les frères et sœurs Périssel, en
1792 et en l’an 2, sont valables; car M iclielle L ab ry,
leur mère, est intervenue dans ces traités et y a donné
son consentement.
Mais , ajoute le citoyen Périssel, ce consentement a ét(é
révoqué par elle, par l’acte du 29 prairial an 4 ; c’est
comme s’il n’existoit pas , et la loi n’est plus applicable.
Ce moyen, d’abord, n’est pas de bonne foi ; car p e r
sonne ne sait mieux que le citoyen Périssel, que sa mère
ne se prêta que pour la form e, à l’acte du 29 prairial
on 4 , pour .le tirer d’embarras, et éviter le payement
que La rue vouloit lui faire en assignats.
Les circonstances le prouvent, puisque le même jour
elle donna une assignation, et à l’intimé pour la formç,
et à Larue pour 6C désister.
Elles le prouvent encore p lu s, puisque l’assignation
donnée au citoyen Périssel resta sans poursuites, d’après
lui - même ; et en effet il a continué de demeurer eji
possession des biens, et de payer la pension de la mère.
Qu’est-ce donc qu’une révocation d’acte, quand elle no
C 2
�( 20 )
consiste que dans les m ots, et que Pacte prétendu révoqué
continue d’avoir son exécution. On ne juge pas de l’in'tention des parties par ce qu’elles écrivent, mais parce
qu’elles font, surtout quand l’intention des parties se reconnoît ; c a r , c’est une règle de droit q u e, de contrahentium mente ubi apparet ea debetpotiüs attendvq.uàm
'verba. L . 2 19 , de verb. signif. C’en est une autre que,
' in contractibus semper id sequimitr quod actitrn est.
I<e citoyen Périssel, pour augmenter ses moyens à cet
égard, d it, que le consentement donné par sa m ère,
étoit une démission de biens qui étoit révocable ad
nutum y et que ce consentement d’ailleurs n’a pas été
exécuté, puisqu’elle ne l’avoit donné qu’à condition
d’un partage par égalité , tandis qu’on avoit fait tout le
contraire.
Quelque indifférent qu’il soit à la cause, de savoir si
les consentemens de la dame Périssel étoient une démis
sion, puisqu’elle n’a jamais été réellement révoquée,
il est difficile de trouver dans les divers actes de la famille
les caractères d’une démission de biens.
« La démission de biens, dit Lebrun ( liv. 1er. cj1> ]er )
» est un acte par lequel, par une anticipation de succession
7) on abandonne à tous ses héritiers présomptifs, la pro» priété ou l’usufrit de ses biens. »
« Je n’estime pas, continue cet auteur, qu’elle puisse
» être faite en faveur de quelques-uns des héritiers na5) turels, à l’exclusion des autres, à moins que la coutume
» n’eu dispose autrement.... Celui qui se démet en faveur
» d’un ou de deux, au préjudice des autres au meme
» degré, est réputé donner, et la démission sera sujette a
» l’insmuation. »
�( 21 )
Boulenois, question deuxième, est du même avis. « L a
» démission de biens, d it-il, doit être faite aux héritiers
» présomptifs ; mais ce n’est pas assez, elle doit etre faite
» à tous ; car sans cela elle n’imite pas la loi en la pré» venant, et ne sera pas une démission de biens. »
L a dame Périssel n’a pas fait de démission par les actes
de 179-3 et de l’an 2 , car ils se réfèrent tous deux au
contrat de mariage de 1789, dans lequel elle instituoit
l’intimé seul héritier universel, consentant qu’il jouît de
'sa succession aussitôt le décès de son p ère, à la charge
d’une pension.
Cet acte n’étoit pas une démission , d’après Lebrun ;
’ il étoit une donation h rente viagère, ainsi que l’appelant
l ’a dénommée dans le procès devant les arbitres, la disant
irrévocable pour cette cause; et en effet, elle l’est même
d’après l’article X V I de la loi du 17 nivôse, puisque les
cohéritiers du degré égal sont intervenus pour y consentir,
après que cette loi l’a permis.
Quant à l’objection, que le consentement de la dame
Périssel n’étoit donné que pour un partage par égalité ;
il est bien étonnant qu’elle soit présentée comme une
vérité, lorsque l’acte de l’an 2 la dément formellement.
Il y a dans cet acte deux consentemens de la dame
rissel; l’un, pour le partage, quand ses enfans paroissoient
d’abord vouloir partager pour satisfaire à la loi du 17
nivôse ; le deuxième ensuite , pour maintenir toutes les
clauses du contrat de mariage, et laisser ses biens à l’intimé
seul qui les avoit déjà : c’est ce dernier consentement qui
termine l’acte, et qui est exécuté; le premier étoit donc
un simple projet. Ainsi de bonne foi falloit-il en faire un
�( 22 )
moyen ? II en résultait même un moyen contraire; car si
la mère vouloit un partage par égalité , ce n’est donc pas
elle qui gênoit l’appelant. Pourquoi donc ne profitoit-il
pas de cette volonté , pour vouloir lui-m êm e ce qu’il
demande à présent ?
Mais que signifie encore cet acte de l’an 2, lorsque celui
de 1792 existoit ; les vices du second n’annulleroient pas
le premier , et il resteroit toujoui-s entre les parties le
traité de 1792, fait en grande connoissance de cause entx*o
toutes les parties, par lequel l’intimé a accepté la ratifica
tion d’abandon de la part de sa m ère, du consentement
de.ses cohéritiers, et s’est obligé dii*ectement de leur payer
leurs légitimes conventionnelles, du consentement de la
mère. Rien sans doute n’est plus irrévocable que cet acte.
Les autres objections proposées ne sont pas plus fondées
que les précédentes.
•La consultation du citoyen Périssel combat les motifs
du jugement dont est appel, et pense qu’ils sont vicieux
en ce qu’ils sont appuyés d’abord sur l’indivisibilité des
institutions, et sur ce qu’il avoit toujours exécuté les
traités, joui et vendu.
L a confusion d’idées imputée aux quatre premiers
motifs de ce jugement,est un reproche d’autant plus injuste
qu’ils sont très-clairs etméthodiques, et que les expressions
substituées pour les épurer, n’en rendent rien moins que le
sens; ou plutôt elles 11e sont que l’extrait du dernier m o t i f j
et nullement des trois autres. L ’indivisibilité des institu
tions n’est point du tout ce qui a décidé les juges dont est
appel ; mais bien l’indivisibilité des c o n v e n t i o n s libres
faites entre les parties, l’exécutioii de ces conventions
�/
2 3
)
pendant huit ans, et l’évidence que les choses ne peuvent
être remises en leur premier état.
. A lors le citoyen Périssel vouloit ne partager que la
succession de la m ère, quoique la consultation dise qu’il
offroit les deu'x partages; et c’est cette erreur, peut-être,
qui a fait trouver de la confusion où il n’y en avoit pas.
Cependant le jugement même rendoit compte des efforts
faits par l’appelant pour prouver qu’il pouvoit retenir
l ’une des deux institutions, en payant la moitié des
légitimes.
Les auteurs de la consultation ont laissé entrevoir que
ce système leur sembloit fondé en principe ; mais à la
vérité, en glissant légèrement sur cette erreur, et pour se
servir de leurs propres expressions , marchant sur des
charbons arde?is. Car sérieusement les termes de paye-*
ment des légitimes étoient pour la commodité de l ’hé
ritier , et nullement pour la division des estocs. L é
principe que partes non diçisœ censentur œquales est
pour tout autre chose que pour des dots ou légitimes
faites effuso serm one, si ce n’est dans les-pays de com
munauté ; car il répugne à la raison , comme le dit le
Commentateur de notre coutume, qu’une femme qui a sou
vent beaucoup moins de fortune que son m ari, contx-ibue
pour moitié aux légitimes. Aussi la jurisprudence veutelle qu’en ce cas, la contribution des estocs soit fixée par
une ventilation.
Aujourd’hui cette discussion devenoit oiseuse, puisque
le citoyen Périssel veut bien offrir un partage gén éral,
qui u’est pas plus acceptable ; mais en ce cas, il devenoit
également oiseux de chercher à établir que la nullité
�S 24)
des actes attaques devoit avoir lieu pouf la succession
futui’e seulement. Les deux autorités citées, Brodeau et
L ebrun , ne seroient d’ailleurs pas applicables à la cause ,
s’il étoit encore question de la division à laquelle le citoyen.
Périssel renonce.
Cet abandon que fait le citoyen Périssel de ses premiers
moyens ne le rend pas pour cela plus favorable; car il
faut toujours qu’il fasse tomber les actes de 1792 et de
l ’an 2 , et il faudroit encore qu’il remît les choses en
leur premier état, ce qui est devenu impossible par son
fait.
L a validité de ces actes a été déjà établie en elle-même,
fit le citoyen Périssel n’a pas même la ressource de dire
que son consentement ait été gêné, car toujours il a été
»le moteur des conventions qui ont eu lieu.
S’il n’existoit que son contrat de mariage , peut-être
bien argumentant de la crainte révérentielle, pourroit-il
dire que l’engagement qu’il a pris de payer les légitimes ,
étoit extorqué par ses père et m ère, ne pejus J'acerent p
.comme il l’a fait valoir en première instance, et encore
lui opposeroit-on l’édit si quis omissa causa tesiamenti,
le sentiment de L ebru n , liv, I I I , cliap. I I , n°, 40, et
celui de Dom at, liv, I I I , tit. Ier. sect. Y . n°. 17.
Mais c’est après la mort de son p è re , c’est après avoir
d’abord abdiqué , qu’il est venu ratifier ses engagemens
en toute connoissance de cause, proposer lui-même cette
ratification, et agir depuis en véritable propriétaire , par
une jouissance exclusive de huit ans , et par un grand,
nombre de ventes ; enfin traiter une seconde fois.
P eu t - il donc se dire gêné par le consentement de sa
mère
�*5
(
)
mère ? Il y auroit à cela de la mauvaise f o i , car elle n’est
venue le donner que quand il l’a appelée pour cela, et
pa rce qu’il avoit intére t de l’avoir.
La crainte révérentielle n’est pas un moyen d’annullation adopté légèrement. Lapeyrère , lettre R , n°. 4 1 ,
dit qu’on 11e l’admet pas pour le fils majeur. Il excepte le cas
où il auroit fait des protestations secrètes, pour constater
qu’il n’a pas été libre , à supposer encore qu’il y eût de la
lésion. Henrys et Bretonnier, question 175 du liv. I V ,
sont du même avis. Ricard désire aussi ces protestations.
I c i , où sont donc les pi’otestations du citoyen Périssel,
et où est la lésion ? Bien loin de protester , il a au
conti’aii-e confirmé ses premières conventions par de
nouvelles ; et la libex*té qu’il avoit de faire en l’an 2
ce qu’il demande à présent, est la meilleure preuve qu’il
n’a fait alors que sa volonté.
Q u’a donc de commun la position de l’appelant avec
les pi’incipes rigoureux q u i, dans le sens même adopté
pour lu i, annullci'oient indistinctement toutes les conven
tions relatives à des successions futures. Voit-on ici ce
que les autcui’s appellent corvina conventio, cette soif
de la succession d’un vivant que la loi appelle acerbissimani spem , ces dangei’s que comporte ce désir de
succéder trist/ssimi et pericnlosieçentûs? Tout est effacé
par le consentement que donne la dame Périssel à chaque
ratification ; et ain si, comme ledit Despeisses, ( des suc
cessions et testamens, tit. Ier. sect. I I I ) : « On ne ci’oit
5) pas que ce soit le désir de capter l’hérédité d’autrui, qui
» ait fait faire detelles conventions;et 011 présume, dans
» ce cas, que celui de l’hérédité duquel il s’agit, a bien
D
�{**)
» reconnu la prud’homie et fidélité de ceux auxquels
» il permet de pactiser de son hérédité de son vivant. »
La position du citoyen P érissel, lors des actes qu’il
attaque , n’a en effet rien qui tienne de la contrainte ,
du dol, ni’de Terreur ; les jurisconsultes qui lui ont donné
des m oyens, reconnoissent (page 2 ) que ceux-là ne
doivent pas décider la contestation. G’étoit cependant les
moyens sur lesquels en première instance il fondoit tout
son espoir; en les abandonnant, il se retranche sur ses
hésitations et variations, et sur ce qu?il traitoit sur de&
objets qu’il ne pouvoit connoître.
Mais comment ses variations peuvent-elles être un
moyen pour lu i, lorsqu’elles prouvent au contraire qu’il
a eu toute la liberté possible^ d’ètre ou de n’être pas
héritier. Après son abdication , il a proposé de redevenir
héritier : n’est - ce pas en connoissance de cause ? Après
avoir joui deux ans de to u t, il pouvoit partager par
égalité, en vertu de la loi du 17 nivôse : ses frères enétoieiit d’accord. Point du tout : il reste héritier. Mais
alors il n’y avoit plus de nécessité présumée ;,et s’il a opté
pour l’institution , à qui donc peut-il s’en prendre ?
A cette époque de l’an 2, peut-il dire de bonne foi que sa
mère n’eût pas été bien aise de jouir elle-même de ses biens
fonds, au lieu d’avoir une pension de cent pistoles en
assignats ?
Quand il dit qu’il ne connoissoit pas le testament de
s o n père, c’est un jeu sans doute;mais à quoi p e u t s e r v i r
ce testament dans la cause. Dabord i l n ’a u g m e n t e ni ne
diminue les droits des parties. I/appelant
p r é v a u t d une
supposition d’abdication, et cela est d ’ a u t a n t plus sans
5
s ’ y
�7
( f2 \
objet, que le père ne le prévoyoit que pour sa succession,
tandis que ce n’est précisément pas celle que le citoyen
Périssel a voulu abdiquer.
Les biens , d i t - i l , étoient insuffisans pour acquitter
les charges ; mais, si cela étoit, pourquoi les reprenoit-il
en 1792? Pourquoi les reprenoit-il en l’an 2 ? Comment
se fait-il qu’il ne se soit avisé de cela qu’après huit ans de
jouissance ?
Plus on lit les traités faits à ces deux époques , plus
on se pénètre que personne moins que l’appelant ne peut
les attaquer , et qu’ils sont irréfragables pour lui. Mais
suivons son système jusqu’au bout : supposons que le
partage qu’il demande soit ordonné, soit pour u n e , soit
pour deux successions ; il est clair que ce partage est
devenu impossible par son propre fait. Cette démonstra
tion prouvera ce que les intimés ont dit dabord, que les
■circonstances ont rendu le maintien des deux traités
nécessaire.
La succession de Pierre Périssel étoit composée en
•immeubles ] i° . de deux maisons ; 2°, de deux septerées
de terre à Couriat; 30. de onze œuvres de vigne à la
V aye ; 40 de sept septerées de terre à Mariolle ; °. d’un
.jardin près Mozac.
La succession de Miclielle Labry étoit composée,
i° . du domaine de la B arge; 2°. d’un p ré-verger à
Mozac ; 30. de dix-sepL œuvres de vigne au même lieu.
Annet Périssel a vendu les trois premiers objets de
la succession du p ère, moyennant 27,200 francs : il ne
lui reste que sept septerées de terre, et un jardin.
Il a vendu le domaine de la m ère, à La rue, ce qui
D a
5
�C *8 )
a donné lieu au procès dont il a été parlé ci-devant. Ce
domaine, vendu 35,000 francs d’assignats, a été estimé
•20,800, sans les bestiaux. La succession du père y avoit
'une reprise, mais qui se réduisoit en argent.
Il a encore vendu le pré-verger de la même succes
sion , pour 4,000 francs ; il ne lui reste que les dix-sept
•œuvres de vigne.
M aintenant, qu’il explique quels objets il présente à
partager? il ne lui en reste que trois, qui sont les moindres.
Sans doute , il ne veut pas prétendre que la moitié
des légitimes qu’il a payée, partie en assignats, vaille
pour la moitié de la portion héréditaire-, car, dès qu’il
offre le partage de tou t, il est de droit que les immeubles
seraient partagés par égalité, sauf le rapport, par chacun,
de ce qu’il a touch é, de même qu’il rapporteroit, de
son côté, les 8,000 francs restant du prix de l’office de
son père, le mobilier qu’il a usé, et les rentes dont il a
reçu les remboursemens.
Il y a huit enfans, il ne lui reviendroit donc qu’un
huitième, et en mettant, par aperçu, les immeubles à
80,000 francs, il ne lui en reviendroit que 10,000 francs.
Cependant il en a vendu pour plus de ,ooo francs. Sa
demande a donc pour objet de donner à ses cohéritiers,
non pas des immeubles à partager , mais des procès ; et,
ce qui est in ou i, sa demande tend à créer des procès
contre lui-m êm e, car tous les acquéreurs se pourvoiroient contre lui.
Les auteurs de sa consultation ont donc été induits en
erreur, lorsqu’ils ont cru trouver, à ces ventes, le l’emede
ordinaire de faire échoir les objets au lot du vendeur.
52
�29
(
)
Mais s’il lui revient 10,000 francs, on ne peut lui en faire
échoir
. En sachant cela ils n’eussent pas dit : « que
» les cohéritiers sont désintéressés par le rapport de
» la valeur de l’ob jet, comme par le rapport de l’objet
» môme. » C'ir alors , ce prétendu principe eut été une
.très-grande erreur ; on ne peut mobiliser la portion d’un
copartngeant, et l’empêcher d’avoir sa porlion de tous
les immeubles.
A ces moyens devoit s’en ajouter un autre plus im
portant encore ; c’est que, quand les légitimaires seroient
suffisamment indemnisés par les procès que l’appelant
leur cèderoit contre ses acquéreurs, en échange de leur
légitim e, ces acquéreurs ne manqueraient pas d’opposer
qu’ils ont traité avec le vrai propriétaire, et de pré
tendre qu’on ne peut les évincer.
En effet, Annet Périssel avoit qualité pour vendre;
il étoit héritier universel et jouissoit de tous les biens.
Les légitimaires se sont contentés de leurs légitimes con
ventionnelles ; ainsi, d’après cette option, ils n’ont plus
eu d’action pour troubler les acquéreurs des immeubles.
Comment donc le citoyen Périssel peut-il leur rendre
cette action, lui précisément qui a ven du, et qui est
obligé de garantir. Cette proposition de sa part est même
bizarre et choque le bon sens.
L ’acquéreur du domaine de la Barge, Larue, a prouvé,
même en plus forts term es, que sa vente devoit sortir
effet; car il l’a fait déclarer valable par jugement , contre
Michelle Labry elle-même, et ce jugement a été exécuté.
La conséquence de ce jugement est frappante. Si les
légitimaires étoient réduits k chercher leur légitime en
52
�3
( ° )
assignant les acquéreurs de leur frère , Larue leur opposeroit la chose jugée ; et comment pourroient-ils, eux
‘héritiers de leur m ère, faire tomber un jugement rendu
contre elle.
Ces entraves évidentes suffiroient, seules, pour pros
crire les propositions inacceptables du citoyen Périssel.
Les choses ne sont plus entières, et c’est par son fait;
c’est lui-même qui , dans une manutention de huit ans,
'a tout dénaturé, tout bouleversé; et il veut que les choses
se remettent dans leur premier état, quand il l’a rendu
impossible. Il reste quelques biens fonds qui suffiront,
à peine, pour la portion de ceux qui ont donné les mains
au partage des biens de la m ère, ou même pour la
légitime de ceux qui auraient droit de la demander en
biens fonds, d’après la loi du 18 pluviôse.
Mais il est effrayant de calculer où mènerait la néces
sité de recomposer, en entier, les deux successions ; car
les ventes, l’office, le m obilier, les rentes remboursées
et l’abolition de la forclusion , rendraient un partage la
•chose du monde la plus inextricable et la plus ruineuse;
la famille l’avoit pensé ainsi, lors des traités, et que seraitce donc maintenant que rien n’est à sa place!
Ces moyens ne sont pas simplement déconsidération,
car des cohéritiers doivent partager une succession et non
pas le simulacre d’une succession ; ils doivent trouver
des biens fonds en masse, et non des procès. Une c a u s e
de cette nature s’étoit présentée au tribunal civil de c c
département, entre le sieur de Bassiguac, d o n a t a i r e de
son père, des biens présens et à venir, et ses s œ u r s , envers
lesquelles il étoit grevé de légitimes conventionnelles. 11
�(30
avoit aussi joui de tout, du vivant de jo n p è r e , e jja it
plusieurs ventes ; cependant, après sa m o rt, il disoit dç
môme, que ce qu’il avoit fait, pendant la vie de son père,
n’avoit pu l’obliger, et il vouloit abdiquer sa donation.
M ais, par jugement du^i6 prairial an , il fut jugé
que les choses n’étant plus entières, il devoit exécuter
ses engageinens. IA u î des motifs de ce jugement mérité
d’ètre transcrit, à cause de sa grande analogie à la con
testation actuelle.
cc Attendu qu’il a aliéné une partie des biens donnés,
33 que les acquéreurs ont traité de bonne f o i, et ne peu33 vent pas être valablement dépossédés ; que respecti33 vement à eux, l’exercice de l’abdication est impraticable, _
33 et que, par conséquent, cette même abdication, qui
33 ne peut pas avoir lieu à l’égard des acquéreurs, ne
33 peut pas être admise par rapport aux citoyennes de
» Bassignac. 33
Ce jugement a été confirmé sur appel. ^
Ge n’est donc pas une chose aussi aisée que le dit la
consultation du citoyen Péi'issel, de faire rapporter au
partage tout ce qu’il a aliéné ; car les acquéreurs d iroient qu’ils ont acquis valablement, et Larue surtout,
opposeroit un jugement qui seroit une barrière insur
montable.
Ainsi les prétentions du citoyen Périssel sont contraires
tout à la fois aux principes et aux circonstances. Il étoit
tenu par son contrat de mariage de payer des légitimes
que scs père et mère n’avoient pas aggravées par inofficiosité,puisqu’ils le faisoienl héritier univei’sel. Il a prouvé
lui - même qu’il ne trouvoit pas cette charge excessive,
5
�( 32 )
puisqu’il a ratifié son contrat de mariage par deux fois ,
qu’il a joui de tout pendant huit ans sans abdiquer, et
qu’il a vendu les deux tiers des biens pour mieux montrer
qu’il n’entendoit pas revenir sur le passé. Il étoit majeur
et versé dans les affaires, il a traité et vendu en connoissance de cause. Aujourd’hui les choses ne sont plus en
tières ; au lieu des formes ordinaires d’un partage, il n’y
auroit qu’entraves, procès et difficultés. Il faut donc en
revenir aux traités faits entre les parties, dont les con
ventions devroient être validées par nécessité et par pru
dence, quand il n’auroit pas été démontré qu’elles sont
adoptées par les p rincipes, et qu’elles ont été de la part
du citoyen Périssel, le résultat de l’expérience et de la
réflexion.
L . F. D E L A P C H IE R , homme de loi.
C O L A N G E , avoué.
A R I O M , de l'imprimerie de L a n d r i o t , seul Imprimeur du
T ribunal d ’appel. — A n 1 0
�
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Factums Marie
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Description
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Title
A name given to the resource
[Factum. Périssel, Antoine-Ambroise. An 10?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Colange
Subject
The topic of the resource
successions
bureau de famille
tribunal de familles
partage
égalité des héritiers
offices
ventes de biens successoraux
doctrine
jurisprudence
Description
An account of the resource
Mémoire en réponse à consultation signifiée, pour Antoine-Ambroise, Jean-Baptiste et François Périssel, Bonnette Périssel, le citoyen Mortillet, son mari, et Marguerite Périssel, intimés ; Contre Annet Périssel, avoué au tribunal d'appel de Riom appelant.
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 10
1767-Circa An 10
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
32 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0332
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Riom (63300)
Mozac (63245)
La Barge (domaine de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
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Bureau de Famille
doctrine
égalité des héritiers
jurisprudence
offices
partage
Successions
tribunal de familles
ventes de biens successoraux
-
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PDF Text
Text
QUELQUES MOTS
•
SUR
•
.
-
L ’Affaire DESMANECHES et ANGLADE.
1-
• ' i K ->
.
CUOJ
-j
•
AUCUN moyen ne répugne à M e A n g la d e , pour appeler
sur lui-même la faveur de l a j u s t i c e et se présenter
comme une innocente victime qu’ un adversaire redou
table écrase et dépouille de tout. Nous apprenons que
pour y mieux réussir, il se p la in t sourdement qu’après
avoir été nommé pour représenter les héritiers absens
dans la succession de la dame d ’Om b re t, une sorte
d ’intrigue ourdie dans l’intérêt de Desmanèch es et favorisée par l ’exécuteur testamentaire, lui a ravi cette affaire,
qui devait amener pour le notaire 'des bénéfices considé
rables et dont il détermine le q a n tu m .
Nous nous h âtons de repousser cette calomnie , que
les faits les mieux établis repoussent vers son auteur.
Madame d’O m b ret est décédée au commencement de
novembre , après avoir fait un testament qui nomme pour
son exécuteur testamentaire M . B a ssin , conseiller en la
Cour. E lle a laissé plusieurs héritiers et un assez grand
nombre de légataires.
Les scellés avaient été apposés à Cournon et à Clerm o n t, ou madame d ’Ombret avait une maison. E n cet
état, l ’art. 1 0 3 1 du Code civil investissait l’exécuteur
�testamentaire du droit $ en même temps qu’il lui im
posait l ’obligation j -de faire procéder à l’inventaire et à
la vente du mobilier. Il attendait, pour le requérir, la
remise d’une expédition du testam ent, lorsqu’une tierce
personne voulut anticiper sur la poursuite. #
L e s sieur et dame Serre, habitant à Bort ( Corrèze ) ,
étaient au nombre des héritiers. N e voulant pas se dé
placer, ils avaient donné procuration à je u r fils. Il paraît
que ce jeune homme , assisté de M e Bonnefoy, avoué ,
sans rien communiquer aux héritiers , ni à l ’exécuteur
testamentaire v présenta requête dès le 1 4
ou i 5 no
vembre ^ sicù Jours optrèsf le décès, pour obtenir la rémotoin de scellés. E lle fut répondue par M . le vice-président
du tribunal ciyil de Clërmpnt,, qui commit M* Anglade
j( | f
r .
1' > . ■ ' * * , t * .
j
i
”
pour représente^ les ..héritiers aljsens.
5 .novembre■?>, nouvelle
.pai^) 4 u cantonr( sud-est ) de
L e ,11;mêm<?.
jouri
«;••>!;■ y > u
î: ■-
;
r
■
^
requête à
' i l
M . le juge dç
ÇlerinQnt,
qui indique■lajrémotipn au 1 9.. L ’avoj.ié 11e présejUapoint
de rçquêtç,àüM ...le juge, de ,paix du Pont-du-Chateau.
L ’^xécute^ur^ testamentaire ignorait tout cela. Lorsque
l’expédition du testament jlu i • fut rem ise, il présenta,
1,^-m êm ç^unej requête ¿à
M . le président du tribunal
ciyil ,d,ç Clermont ^ q u i y répondit le 16 du même mois,
en.cçmmettauti 4M;
Yazeilhes
, notaire
î\ Clermont ,' 1 pour
1 « » 1 • . \t ‘ 1
i ', /. )
»
p^ocyder à ^’inventaire; et JM* .Desm anèches, notaire à
X^einiMles-, pour représenter les absens. Il n ’eut besoin,
pour c e la ,.d ’aucune indication. INI* J)esmanèclu's est le
notaire auquel le tribunal lui-même a ordinairement,
donné ces, sortes de commissionsj mais quaud 011 sup
poserait qu’il( y a,cp( indication par l ’exécuteur testamen
taire , il siiflirait.de dire que M* Desinanèclics ayant
�*
* * •«
* * :
**
-si-rS“ —
toujours ëu la confiancefde madame d’Ombrèt dftñg'toutes
ses affaires', c’était le moyen de‘ les éclaifcir -fafCileihent
dans l ’intérêt des5héritiers, sans initiet personne, ûutrè,
aux secrets de la’ famille. • ‘
,i? ■ ° ‘n P?;I0'r
L e même jour, 1 6 , sur la demande de M.- Bassin^
une ordonnance de M . le juge de paix du'Pont-du-Clniteau, fixa la rémotion au 2 9 .
aol ■;>
U ne seconde requête fut présentée par M . Bassiti à
M . le juge de paix du canton (sud-est) de Glermont ; mais
ce magistrat se trouva arrêté par l ’ordonnancé qu’il avait
déjà rendue, et voyant un conflit entre les deux ordon
nances de M M . les président et vice-président du tribunal
c iv il, il ordonna un référé pour le 2 1 du même mois.
Que se passa-t-il dans cette séance? L e procès-verbal
nous l’ apprend.
..
’ , ~
E t d’ab ord , M* Desmanèclies y demeure totalement
étranger.
M ais on y voit deux parties litigantes.
:
D ’ une p a r t, l ’exécuteur testamentaire qui se présente
entouré de tous les héritiers présens à Clermónt. Il*'de
mande le maintien de la seconde ordonnance' comme
rendue sur la requête de celui qui était tenu de faire
procéder à l’inventaire dans l ’intérêt de la 'succession.
Tous les héritiers l’appuyent de leur concours et se fon
dent principalement sur ce que M • Desmanèchcs, notaire
à Lempdes., avait eu la confiance de madame d ’ Ombret,
et connaissait toutes les affaires de cette maison.
D ’ autre p art, on aperçoit M* lïonnefoy qui v e n a it,
contre le texte de la loi et contre les convenances, sou
tenir, à la face de l’exécuteur testamentaire et des héritiers
intéressés, qu’on devait lui attribuer la poursuite.
*
3-
.
�•—<4 Nous ne disons pas que cette prétention eût plus d’in
térêt pour l ’avoué que pour les parties ; mais pourtant
il sera facile de se faire une idée de l ’état réel des choses,
lorsqu’on saura que , déjà, sous le nom des sieurs et dame
S e rre , il avait été formé une demande en partage. Il n ’en
fallait pas tant :pour effrayer et l ’exécuteur testamentaire
et les héritiers présens ; plus ils voyaient d ’insistance chez
l ’avoué, plus ils redoutaient une instance judiciaire, déjà
ouverte devant eux , et certes ils avaient besoin de s’en
tendre çt non de plaider.
^ A peine osons-nous dire que M* Anglade assistait l ’a
voué , en personne , dans ce singulier débat. S ’il y venait
»idt'
L!
fit!
J
•
#
#
m
pour faire maintenir sa commission et faire révoquer celle
qui avait été donnée au sieur Desm anèches, il doit recon
naître qu’il provoqua la déclaration spontanée et trèsnette de tous les héritiers présens , qui refusaient son
assistance, et réclamaient le maintien de la commission
de M* Desmanèches dans l ’intérêt même de la succession.
T o u t cela e st, par sa propre volonté, contradictoire avec
lui et non avec M* Desmanèches f qui n ’a eu garde de
prendre part à cet incident, auquel d’ailleurs il n ’était
pas plus appelé que M* Anglade.
Que fit le président?
Il,, considéra que la disposition de la loi impose à
l ’exécuteur testamentaire l’obligation de faire procéder
.à l ’inventaire j qu’il représente les intérêts de tous, et
que Ja circonstance que tous les ayant droit moins les
partiçs de Bonnefoy se réunissaient à lu i, devait déterminer sa décision. Il lui conserva la poursuite.
�‘ A r t - i l mal fait? a - t - i l manqué le but de'Ja loi et
celui qu’il se proposait lui-mêm e dans l’intérêt général
des héritiers? .Les sieur et dame Serre eux-mêmes avaientils eu à se plaindre du choix de M c Desmanèches? avaientils , en réalité, de la préférence pour M* A n g la d e?....
Voyons. ’*
‘
,
L es sieur et dame Serre ne voulant pas s’en rapporter
à leur procureur fondé, sont venus sur les lieux et'tous
les héritiers sans exception se sont réunis à C lerm on t, chez
M* Vazeilhes,' notaire , 1 0 2 9 décembre 1 833 .
!
!
Q u’ont-ils fait?
U n compromis par lequel ils nomment deux notaires
et un expert pour faire le partage et les comptes et liqui
dations de la succession.
Qui sont-ils?
■ *• ,
'
-1
■
.a •
L e sieur Desmanèches, notaire, à Lem pdes ; le sieur
Bonjour, notaire, et le sieur C lio u vy, expert, aux M artres-de-Veyre.
M . et madame Se rre , pas plus que les autres, ne
réclament aucune place pour ]VIe Anglade 5 et au con
traire , tous confient à M* Desmanèches seul la vente des
vins et eaux-de-vie et le pouvoir d ’en toucher le prix.
Voilà le fait tout entier, que M* Anglade qualifie une
intrigue ourdie contre lui par M* Desmanèches et doiit il
ose accuser sourdement l’exécuteur testamentaire. Il au
rait pu tout aussi bien en accuser les héritiers d ’Ombret
qui ne l’ont pas appelé, spécialement ceux qui s’y sont
�—
6
—
opposas, le président quii a rendu l ’ordônnance., tout
le monde , en fin , excepté M ' Bonnefoy et ses vieilles
rancunes contre, le contrat de mariage de Vedèux et
la veuve M à l l y e r e ç u
...J
par Desmanèchesii àfLem pdesi
, , • - •••,
J
r
i
l
jj
‘
,
i
M e Desmaneclies n a point «a se delendre cl avoir par
ticipé à ce débat.
ri r*
rj * f, »y 0; W‘'! 5 0;' -'.f;
;':«<; i j
, J(Quant à l’exécuteur testamentaire, s’il a pu contribuer,
par ses soins et en remplissant le devoir de sa tcharge,
à éviter une lutte judiciaire aux héritiers, il a satisfait
à ce qu’exigeaient de lui sa conscience d ’honnête homme
et sa qualité de magistrat.
■'
T out cela, on le voit b ien , a pour objet de montrer
sous u n aspect défavorable la conduite de M*~Desjnanèches et d ’arracher de la Cour des dommages-intéréts,
surtout pour le temps écoulé depuis i 83 o ; mais il ne
suffit pas, pour y atteindre, de dénaturer des; faits; et
M" Desmanèches ne saurait le redouter. S ’il devait subir
tille condamnation en dommages-intérêts, ce serait uniTfilemént par suite de son aveu , pour un fait reconnu par
lui avant l ’interlocutoire ; pour un fait q u i , tout en le lais
sant obligé envers la partie prétendue lésée , ne serait pas
moins exempt de reproche et reconnu, pour le m o in s,
excusable, par la délibération authentique de tous les
membres du tribunal de Clerm ont, du
3i
mai i 83 o.
M ais , encore, quelle perte aurait éprouvé M* Anglade?
quel g a i n , qu’on puisse reconnaître, aurait-il manqué à
faire? et comment pourrait-011 penser que tous les actes
reçus par Desmancches dans sa maison à Cournon, en 1 8 2 8
et î H v y , ont appartenu à M* Anglade ? Dès le lendemain
�du. jour où Desmanèclies;s’est tout-.à-faitrqtiré.à Lpm pdes,
les liabitans de Cournon ne l ’y ont-ils pas. suivi,?, ne sontils pas venus passer leurs actes dans son étude, ou le
requérir spécialement d’aller les passer à Cournon? n ’est-il
pas prouvé que, tandis qu’ avec les docum ens'^u’il a don
nés lui-m êm e, on dit qu’il a passé, pendant les années
1 8 2 8 et 1 8 2 9 , 4 ° 8 actes, dans sa m aison, à Cournon j
il en a passé 667 à Lem pdes, ou à dom icile, pour les
liabitans de Cournon , en 1 83 o ,
3 1, 32
et
33 ? pourrait-
on d ire , comme on l ’a prétendu , que le bénéfice des
quatre cents actes de 1 8 2 8 et 1 8 2 9 appartiendrait à M* A n glade, alors même que dans le moment de leur passa
tion , il se serait absenté de sa résidence pour négocier des
actes importans à Clermont ou ailleurs , comme le prou
vent son répertoire et son refus de s’expliquer sur ce point?
D ’ailleurs, dix francs nets par acte, dans la cam pagne,
sans charge ni avance des frais d’enregistrement, quel
tarif! E t enfin , 1a Cour, si elle1prenait ce parti, sur les
déclarations même de Desmanèclies , n ’ aurait-elle pas
quelque‘ regret de cette énorme enquête, qui reste, au
moins, sans résultat pour tous les faits non avoués , spé
cialement ceux postérieurs au
3i
mai i 83 o? C ’est cepen
dant ce qui y a donné lieu ; car Desmanèclies, en plaidant
sa cause, avant l ’interlocutoire, et en avouant les faits
antérieurs, disait: S i cela, contre ma pensée, doit don
ner lieu à dommages-intérêts, que la Cour les prononce
et 11 interloque pas. C ’est encore notre position actuelle:
car on ne peut se dispenser de reconnaître qu e , depuis
i 83 o , Desmanèclies 11’a fait qu’user d’un droit établi par
la loi. L ’enquête a donc été mal à propos réclamée par
son adversaire , qui n’a pas pu fournir la preuve qu’il
�— 8 —
avait offerte, malgré la fausse désignation des époques
d ’une foule d ’actes que nous avons produit.
L a Cour appercevra bien que ce peu de mots n ’a pas
pour objet de discuter les questions de la cause , mais
bien de l ’éclairer sur un fait dont les preuves sont jointes
au dossier
et lui prouver que M e Desmanèches est de
meuré digne de son estime et de sa bienveillance.
Nous produisons les actes qui établissent ce fait tel
que nous venons de l ’énoncer
la copie de l’ordonnance
de M . le président du tribunal de Clermont et l ’expé
dition du compromis,
D ESM AN ÈCH ES.
M* D E V I S S A C , Avocat.
M ' D R I V O N , A voué licencié.
R IO M E T H IB A U D IM P R IM E U R D E L A C O U R R O Y A L E
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Desmanèches. 1833?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Desmanèches
De Vissac
Drivon
Subject
The topic of the resource
notaires
détournement de clientèle
dommages et intérêts
concurrence déloyale
minutes de notaires
ventes
offices
juge de paix
Garde des sceaux
loi du 25 ventôse an 11
chambre des notaires
minutes de notaires
Description
An account of the resource
Titre complet : Quelques mots sur l'affaire Desmanèches et Anglade.
Annotations manuscrites.
Table Godemel : Notaire : 5. le notaire qui a à se plaindre de ce qu’un de ses confrères abandonne plus ou moins souvent sa résidence et vient d’établir dans la sienne, est recevable à intenter une action en dommages intérêts contre ce dernier, pour la réparation du préjudice que peut lui causer cette usurpation de fonctions.
il n’en est pas comme de la simple infraction à l’obligation de résider, dont la connaissance et répression appartiennent exclusivement au ministre de la justice.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
E.Thibaud, imprimeur (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1833
1827-1833
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
8 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2803
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2801
BCU_Factums_G2802
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53559/BCU_Factums_G2803.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Bort (19028)
Clermont-Ferrand (63113)
Cournon-d'Auvergne (63124)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
chambre des notaires
concurrence déloyale
détournement de clientèle
dommages et intérêts
Garde des sceaux
juge de Paix
loi du 25 ventôse an 11
minutes de notaires
notaires
offices
ventes
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53558/BCU_Factums_G2802.pdf
4876cc8d03c43700516d988063c21699
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Text
ff
O?
(
COUR ROYALE
MÉMOIRE
EN RÉPONSE,
de
RIOM.
a ' C h sambre C ivile.
POUR
J e a n -B a p tis te
DESMANÈCHES,
Notaire à la residence de Lempdes, intimé,
CONTRE
C la u d e
AN GLADE ,
Notaire à la résidence de Cournon, appelant.
S i c’est un besoin pour l ’h omme honnête de défendre ses
biens et son honneur s’il lu i est permis , pour y parvenir,
d ’invoquer le secours de la justice , et d’user de tous les
moyens qu’autorisent les lois , il ne l ’est pas, il ne peut pas
l ’être, d’appeler à son aide d’autres armes que celles de la
vérité ; il l ’est moins encore de s’en servir pour arracher
violem m ent à son semblable la considération pu b liqu e,
cette portion précieuse du patrimoine de tout homme qui.
a fait ce qui était en lu i pour la mériter.
Plus que personne, M e Anglade devait observer cette
loi commune à tous, exerçant une profession honorable. I l
se plaignait d’un de ses confrères; il prétendait en avoir
�¿prouvé du préjudice et il l ’avait traduit devant les tribu j
naux. Certain d’y trouver justice et impartialité, il lui suf
fisait d ’exposer ses griefs et de les appuyer sur la loi. Hien
ne lui interdisait de le faire avec énergie ; accompagnée de
sagesse et de celte mesure que déserte rarement un liomme
qui a raison , elle eut pu témoigner, si non de son d ro it,
au moins de sa conviction personnelle.
Pourquoi donc cette publication en style acrimonieux ,
qui n’épargne pas plus les outrages, qu’elle ne respecte la
vérité? ce débordement d’injures qui se déverse de toutes
parts , pendant qu’on se donne des éloges à soi-même?
Pourquoi? si ce n ’est parce que, manquant de confiance
dans sa cause, on se laisse entraîner par une aveugle passion?
Notaire depuis dix-lmit ans, sans avoir donné lieu à au
cun reproche , investi de la confiance de ses concitoyens ,
père de famille paisible et laborieuç, M Desmanèclies ne
pouvait pas s’attendre à cette agresssion haineuse , qui le
traduit violemment à la barre de l’opinion publique, et qui
croit la conquérir en jettant le mensonge à pleines mains.
Il ne la récuse pas; il ne pense pas que personne l ’ait re
connu aux peintures odieuses de M e Anglade, et il espère
que ceux qui 11e le connaissent pas , ne l’auront pas jugé
d’avance. Il se rassure, d’ailleurs, en voyant qu’il partage
les accusations de son confrère avec des hommes plus
graves que lui. Si l ’on en croit M c A n g la d e , la Chambre
des Notaires a forfait î\ ses devoirs, en laissant subsister et
s’étendre un abus intolérable ; les agens supérieurs de la
Régie ont attesté des faits faux dans leurs vérifications officiellos; le Ministère public lui a failli; le Ministre de la
Justice lui a fait préjudice en renvoyant à statuer sur sa
�(/
— 3—
plainte jusqu’après le jugement du procès; le Tribunal de
Clerm ont, malgré l ’évidence de son droit, l ’a repoussé par
une fin de non-recevoir ; et ainsi la ju stice est restée désar
mée devant des faits accusateurs; et la l o i , e lle - m êm e,
est demeurée un principe stérile pour lui. Que fe ra -t-il?
llepoussé, suivant ljui, par tout le monde , il accusera tout
le monde ; les uns d’indiscrétion ,'les autres de partialité ou
d’aveuglement, d’autres de choses plus graves encore ; et
son adversaire , surtout, d’un odieux système de rapacité
et de malice. L e ravaler aux yeux de ses concitoyens, le
montrer à ses juges comme un de ces êtres vicieux, qui ne
méritent que le mépris et l ’animadversion publique , le
charger, contre toute vérité et sans le moindre prétexte, des
plus noires accusations, voilà le rôle que s’est chargé de
rem plir, envers un de ses confrères , cet homme sim ple ,
laborieux et m odeste , q u i, s’iri’itant de ne pas inspirer une
confiance universelle et exclusive, a entrepris de l’obtenir
par la violence.
M bDesmanèches ne se rend pas le juge du choix de ces
moyens. Il appartenait tout à fait à Me Anglade de savoir ce
dont sa cause pouvait avoir besoin, et de choisir entre le vrai
et le taux, entre les moyens honnêtes et ceux qui ne le sont
pas. Il a fait sa p a rt, que nous ne saurions lui envier. C’est
dans les faits, dans les acles, dans la lo i, que nous cher
cherons la cause; c’est là , sans doute , que la Cour veut
aussi la trouver, Nous tacherons de ne pas sortir de ce
cercle de la vérité ; et sans nous départir de cette fermeté ,
qui est toujours permise à l’homme honnête injustement
outragé, nousespérons rester au-dessusde ces hideuses pas
sions , sous l’inlluence desquelles Me Anglade est maljieu1
.
�s-i
*
4
reusement’placé, et qu’il dissimule si bien quand il lui
plaît.
L a question est fort simple : M'DesmanèchesestNotaire
à Lempdes, et on prétend qu’il a abandonné sa résidence
et usurpé celle de Courjion 5 on dit qu’il l ’a fait mécham
ment et à dessein de nuire 3 il faut donc bien connaître les
faits, et examiner quels sont, dans l ’ordre de ces faits et
d ’après la disposition des lois, les droits respectifs des par
ties. Nous aurions pu être fort courts, réduire la cause à
des termes fort simples 5 mais la position de M° Desmanèclies exige qu’il ne recule pas devant quelques explica
tions. Nous tâcherons seulement d’abréger les détails que
nous devons au besoin de sa position personnelle et que la
cause n ’aurait pas exigés.
*
FAITS.
M e Desmanèches est natif de Cournonj son père y était
Notaire royal depuis 1776 , comme successeur de Me P i
nard. Alors il y avait dans cette commune trois autres
Notaires royaux , les sieurs ]îo yer, Maistre et D o ly , et un
Notaire seigneurial, M* Ainblard. Plus tard, Me Desma
nèches acheta l ’office du sieur Maistre, et réunit deux titres
sur sa tête.
y était investi de la confiance publique. Ses
répertoires prouvent qu’à lui seul il recevait autant d’actes
que les deux autres ensemble. En 1790, il fut nommé
Jugc-de-paix du canton de Cournon, qui se composait seu
lement des communes de Cournon et Lempdes. C ’est en
ce sens , qu’on a dit que ces deux bourgs ou villages n ’a
vaient fait autrefois qu’une seule commune.
11
�Son fils aîné s’était élevé dans son étude : naturellement
laborieux, il y avait appris les élémens et la pratique d’un
état qui devait être le sien. Il y travailla constamment
sous les yeux de son père, qui ne lui donna jamais d’au
tres exemples que ceux d’une honnêteté sévère. Il pense
ne s’en être jamais écarté j et telle a été, du moins, dans
tous les temps, sa volonté constante.
E n 1802} M« Desmanèclies père fut frappé d’une mort
prématurée. Son fils avait à peine vingt ans, et ne pouvait
pas le remplacer. D ’ailleurs, il y avait encore neuf Notaires
dans le canton : cinq au Pont-du-Château, deux à Cournon et deux à Lempdes. N e voulant pas abandonner la
perspective d’une profession à laquelle il s’était voué dès
son jeune âge, et vers laquelle il avait dirigé toutes ses
études, il entra comme clerc cliez M* D ucrohet, Notaire
à Lempdes. Une partie de la clientelle de son père l ’y sui
vit. Cela n’étonne pas, lorsqu’on sait qu’il avaitl’habitude
de traiter les affaires avec les cliens, et que des relations
continuelles, existent entre ces deux communes, par suite
de leur rapprochement.
E n i ô , il devint le gendre de M c Ducrohet, et il a
travaille pendant dix ans dans son étude, en qualité de
clerc.
83
• U n nouveau malheur vint le frapper en 1812 : M* D u
crohet mourut au mois de juillet. Le nombre des Notaires
du canton était encore trop considérable pour que son
gendre pût immédiatement le remplacer; alors JVl«’ I oyer et Doly vivaient encore, et occupaient la résidence de
Cournon. Le sieur Desmanèclies, pour s’occuper et conser
ver , par son travail, l ’espérance qu’il n’avait pas perdue
3
�— 6—
d ’entrer dans le N otariat, entra comme clerc cliez Me Boyer, et lui lit le dépôt des minutes de M* Ducroliet q u i,
toutefois, ne furent pas déplacées. M* Sauzet, Notaire à
Leinpdes ne les réclama pas 5 le répertoire de M‘ Boyer
augmenta comme avait fait celui de M° D ucroliet, par
suite de la confiance que les habitans avaient au sieur Desmanèches.
M° Sauzet mourut en 1814. L e nombre des Notaires
excédait encore celui fixé par la loi; toutefois, le sieur
Desmanèclies, qui avait vu disparaître successivement deux
titres réunis par son père, et celui de son beau-père , fit
A'aloir, et sa position personnelle, et le besoin de la com
mune de Lempdes. L a Chambre des Notaires donna, le
24 mars 1814 , un avis favorable. Elle pensa que la com
mune de Lem pdes , avec une population de près de deu x
m ille â m es , ne pouvait pas demeurer sans N o ta ir e , et que
le sieur Desmanèclies ,J ils et gendre de N otaires décédés,
réunissait la capacité et la moralité requises pour remplir
dignement les fo n ctio n s du N otariat. Elle fit plus, elle ajouta
qu’elle réitérait
Son Excellence le G ra n d -J u g e , M i
nistre de la Justice, l'instante prière que le sieur Jean B a p
tiste D esm anèclies, de Cournon , soit nom m é N otaire à la
résidence précitée.
L a Chambre n ’oubliait, donc pas que le sieur Desmanèches était de Cournon , fils d’1111 Notaire de Cournon, pro
priétaire à Cournon ; elle 110 voyait donc pas, malgré cela,
d’inconvéniens le nommer Notaire i\ Lem pdes, quoique
le voisinage démontrât d’avance que tout en résidant à
Lempdes, il ne s’interdirait pas d’entrer j\ Cournon pour ses '
Affaires, et qu’il serait appelé à y recevoir des actes.
I
�Il faut porter son attention sur les faits qui vont suivre:
ils prouveront indubitablement que le sieur Desmanèclies
n ’est jamais sorti des limites qui lui étaient tracées, et que
s’il y avait eu quelque cliose à réformer dans l ’exercice des
droits que lui donnaient son titre et sa résidence , il avait
au moins agi de bonne foi, et sans porter atteinte aux droits
de personne, par des manœuvres indignes de lui et de son
état.
Une Ordonnance du 9 août 181^ , fit droit à l ’instante
prière de la Cliambre de discipline de Clermont ; elle
nomma le sieur Jean-Baptiste Desmanèclies, Notaire royal
à la résidence de Lem pdes, avec droit d ’exercice dans le
ressort de la ju stice de p a ix de P o n t- s u r - A llier. Assuré
ment , ces dernières expressions étaient inutiles, puisque
ce droit ressortait des termes même de la loi j mais elles n’y
sont pas sans quelque signification, alors que la délibéra
tion même de la Chambre de discipline apprenait que le
pétitionnaire était de Cournon, et fils d’un Notaire de Cournon , ce qui, sans lui donner le droit de déserter sa rési
dence pour s’emparer de celle de Cournon , 11e supposait
pas, comme nous l’avons d it, qu’il serait obligé d’aban
donner ses propriétés et de vendre sa maison de Cournon,
parce qu’011 l’aurait nommé Notaire à Lempdes. A u s s i,
posons-nous dès à présent, et verra-t-on, plus tard, que
loin d’abandonner sa résidence de Lem pdes, il y a cons
tamment rempli son ministère avec exactitude et probité.
Nous pouvons dire, et c’est un témoignage que lui ren
draient, au besoin, ses confrères , la Chambre de discipline
et le .Tribunal civil de Clermont, que, sans faire abnégation
de ses intérêts, il l’a exercé avec désintéressement envers
�les cultivateurs qui l ’entourent. Il se plaît à en trouver le
témoignage dans la confiance exclusive et sans bornes que
lui ont montré les habitans deLempdes. Sans cesse appelés
par leurs affaires et les marchés publics au chef-lieu du
canton, le Pont-du-Château, où se trouvent trois Notaires,
ou au chef-lieu d ’arrondissement, la ville de Clermont, ils
reviennent toujours dans son étude pour y passer leurs actes
nombreux, que M* Desinanèches a constamment écrits et
rédigés de sa m ain, depuis 1814 jusqu’à ce jour.
Des faits non moins remarquables se placent à la suite
de ceux-là; le sieur Anglade les a relevés avec une inexacti
tude qui tient de la perfidie.
L a commune de Cournon est fort populeuse : assez sou
vent des ventes poursuivies avec les formalités judiciaires,
pour cause de minorité ou autrem ent, ont exigé la commis
sion d’un Notaire sur les lieux. Le Tribunal de Clermont
n ’ignorait pas que deux N otaires, M" Boyer et D oly père ,
occupaient la résidence de Cournon. Ilconnaissaitvraisemblablem entlesloiset ordonnances sur la matière. Or, quiat-il èommis habituellement? Le sieur Desinanèches , qui
n’a iait qu’obéir à ses ordres et suivre l ’indication de son
titre, en faisant des actes qu’on critique aujourd’hui avec
aigreur, et en les entourant d ’allégations matériellement
' fausses.
Obligé de reconnaître le fait des commissions données à
M* Desinanèches, par leT ribun al de Clermont, M’ Anglade
essaye d’eii tirer avantage. M* Desmanèclies, d it-il, occu
pait, de fait , a résidence de Cournon de manière à persua
der que c’était la sienne; c’est pour cela qu’011 le commet
tait , et aussi les jugeinens le qualifient N otaire ¿1 Cournon.
1
�9
—
—
On ne pourrait pas s’expliquer, si on le voyait, comment
le Tribunal de Clermont a commis, pendant seize ans, une
pareille bévue, comment personne ne l’a relevée, comment
les Notaires de Cournon et le Ministère public n’ont pas ré
clamé; mais que la Cour soit tranquille, cela n’est pas vrai.
Tous les jugeinens ou ordonnances commettent sciem
ment Desmanèches, Notaire ci Lem pdes, pour aller faire
des ventes ou autres opérations à Cournon.
L e premier de ces jugemens, du 22 février x81 , rendu
par MM. Domas , Murol et Cliassaing , a même cette par
ticularité, que pour l’estimation des immeubles, il nomme
le sieur D o ly , fils d’un des deux Notaires de Cournon,
•et commet, pour la vente, M« Desmanèclies, N otaire à
5
■Lempdes.
< Une ordonnance , portant commission pour dresser pro
cès verbal à Cournon , fournit encore cette observation que
tout est écrit d’une main étrangère , et que le nom du N o
taire et la résidence ayant été laissés en blanc, on y lit de
-la main de M. Cliassaing, juge, qui rendait l'ordonnance,
le nom de M 4 Desmancches , et sa résidence à Lempdes.
Sans doute, il n’était pas dans les intentions du T ri■
bunal de Clermont, que la vente des biens situés à Cour
non fût laite dans l’étude du Notaire de Lem pdes, où il y
eût eu moins de concurrence , et beaucoup de désavantage
.pour les mineurs. Il était évidemment nécessaire de la
faire Cournon. Le Notaire commis y possédant une mai•son , il n’y avait pas le moindre motif pour qu’il choisît un
autre lieu; et aussi, dans les alliches, il y a toujours an
noncé que la vente serait faite par M* Desmanèclies , N o
taire à Lem pdes ; dans la maison dudit ücsm anèches , à
�Cournon ; etcependant la confiance du Tribunal a tellement
résidé en lui , qu’on a continué à le commettre , même
après la réorganisation et le changement des magistrats.
M e Desmanèches a été habituellem ent, jusqu’en 1 o ,
le Notaire de la Mairie de Cournon j il n ’a pas , non plus ,
repoussé cette confiance , et certes, s’il n ’a pas écrit dans
ses actes qu’il en était requis , cela ne serait pas moins une
vérité constante , surtout lorsqu’il les a passés à la Mairie.
y>’ Enfin , il en a été de même des transactions particu
lières ; beaucoup d’individus de la clientelle de son père ,
habitués à ses relations, l ’appelaient pour passer leurs
actes ou concilier leurs différens; il avoue qu’il ne les a ja
mais repoussés. Toutes les fois qu’on a requis son minis
tère pour constater les conventions des parties , il n ’a re
gardé qu’une chose, les limites de sa juridiction ; et il a
toujours indiqué, sans la moindre dissimulation, le lieu où
il les avait passés ; le domicile des parties, son élude à
Lejnpdes, sa maison à Cournon, ou tout autre endroit. Il
ne lui entrait pas dans l ’esprit que lorsqu’on lui deman
dait son ministère dans un lieu où la loi, comme son titre,
lui donne capacité pour recevoir un acte; il ne piit pas le
recevoir dans une maison qui lui appartient, aussi bien que
dans une autre, et qu’il d û t, pour cela se u l, faire l ’option
de la vendre ou de renoncer au droit de passer des actes
dans le bourg de Cournon ; il ne le comprend pas encore.
On n ’avait pas écrit cela dans l ’acte de sa nomination, î\
coté de ces mots : A vec droit d ’exercer dans le ressort de la
83
ju stice de p a ix de Pont-sur-A llier.
Me Desmanèches n’a jamais dissimulé , non plus ,
qu’ayant à Cournon des propriétés, et surtout un vignoble,
�qu’on ne peut pas affermer, et qui exigent une surveillance
continuelle, il y avait conservé son établissement. La mai
son est occupée en partie par sa m ère, à titre d’usufruit;
le surplus , par son épouse, qui y surveille les domestiques
et l ’administration des biens. Desmanèclies , en ce qui le
concerne, tenant son étude à Lem pdes, de manière qu’au- .
cun droit n’y a jamais été compromis, aucun acte différé ,
y conservant assez bien ses propres intérêts , et le bienêtre ; comme les facilités des liabitans, pour que ses con
frères, n’ayant e u , dans aucun cas, à le suppléer pour les
actes de cette commune, ayant, d’ailleurs, là et là des
propriétés rurales et un ménage, avait cru pquvoir se par
tager entre Lempdes et Cournon.
S ’il a reçu des actes assez nombreux dans cette dernière
com mune, il n ’a jamais fait un pas pour enlever la con
fiance à ses confrères , pour obtenir des actes qu’on ne lui
aurait pas spontanément proposes. Il n’a pas. cherché à se
rendre compte des motifs qui avaient inspiré au T rib u n al,
à l’Administration locale, et à un certain nombre d’habitans, de la diriger vers lui. Tout ce qu’il peut dire, c’est
qu’il a fait, par une conduite probe et loyale, ce qui était
en lu i, non pour la provoquer, mais pour y répondre et
prouver qu’il n’en était pas indigne.
Si quelque chose était à reprendre en tout cela , il n’y a
pas apparence que ce dût être au bénéfice des dommagesintérêts de M* Anglade. M“ lîoyer etD oly , qui occupaient
la résidence de Cournon , ne se sont jamais p la in t, et per
sonne n’a vendu à M* Anglade le droit de s’en plaindre
pour eux. L ’un et l’autre reconnaissaient que tout en rece
vant des actes à Cournon, JM° Desmancches n’em ployait,
�'01
t '
■r»
—
12
—
pour les obtenir, aucune manœuvre frauduleuse. Il y a
plus : pendant le temps de la vie de M** Boyer et D o ly, ils
ont constamment contresigné les actes de M“ Desmanèches;
ils voyaient bien, cependant, qu’il en faisait beaucoup à
Cournon , et qu’ils étaient plus nombreux que les leurs ,
et ils les scellaient de leurs contre-seings ! Comment donc
Desmanèches , dans les limites de son territoire , eût-il pu
croire qu’il anticipait sur leurs droits, et qu’il était cou
pable à leur égard ?
l\r D oly père mourut à la fin de 1816. Son fils fut admis
à le remplacer en 18 17 , quoique la résidence fut encore
occupée par M> Jîoyer. M* D oly fils , plus jeune, plus ac
tif, augmenta sa clientelle ; mais il est assez remarquable
que ce fut principalement avec celle du sieur Eoyer , qui
était vieux et infirme , et qui mourut en 1823, ne passant
plus qu’une quarantaine d’actes. D oly 11’ignorait pas la
situation de M* Desmanèches, et cependant il 11e sè plai
gnit pas davantage, et contresigna ses actes comme l ’avait
fait son père. Seulement, en 1818, il crut pouvoir rivali
ser pour la résidence de Lempdes; il y acheta une maison,
par acte du 18 m ai, reçu Boyer et Desmanèches , et il y
ouvrit une sorte de cabinet, oiril venait s’installer à jours
fixes, et fit même apposer des affiches, qui indiquaient
qu’ayant le pouvoir de passer des actes à Lempdes , il s’y
rendrait à des jours marqués et toutes les fois qu’on l ’y ap
pellerait. M' Desmanèches ne se plaignit pas. Toutefois, il
est bien évident que s’il n ’eût pas tenu sa résidence et ré
pondu à la confiance publique, un autre Notaire du can
ton , qui eût offert aux habitans des facilités qui leur
manquaient, eut attiré beaucoup de gens à lui. Pourquoi
�— i3 —'
n ’en fut-il rien? Pourquoi Desmanèclies continua-t-il de
passer tous les actes des liabitans de Lempdes? Parce que,
sans doute, il résidait dans son étude, et se trouvait à la dis
position des liabitans, chaque fois qu’ils avaient besoin de
son ministère, soit pour passer des actes, soit pour les con
cilier dans leurs différens. Il n’était pas seulement Notaire
à Lempdes, il a été Maire à deux reprises différentes:
d’abord, en 1818 jusqu’en i a . Trop occupé de son étude
et de ses bien s, il crut raisonnable d’y renoncer. Il pour
rait produire les témoignages flatteurs qu’il reçut alors du
Préfet, sur l ’exactitude de son administration et son dévoue
85
ment au bien public ; tant il est vrai qu’il abandonnait sa
résidence de Lempdes !
M. Sers le renomma, en i o , membre du Conseil mu
nicipal de Lempdes. Après la révolution, il a été d ’abord
nommé Commandant de la garde nationale, puis renommé
Maire de Liempdes parM . llo g n ia t, sur le vœu des liabitans. Il a , plus tard, donné sa démission; d’ailleurs, il a
presque toujours été nommé répartiteur forain à Cournon,
où tout le monde sait qu’il est domicilié à Lempdes. V oilà
les faits qui le concernent personnellement.
M' D oly fils, de son côté, devint Adjoint au Maire de
Cournon, en i822,etM aire en 1824.8aclientelleaugmenta
à cette époque; m ais, malgré ce titre , qui lui donnait un
moyen de plus de surveiller la situation de M'Desmanèclies
à Cournon , il ne songea pas à se plaindre. Depuis.18 17 , il
avait reçu annuellement, de 204 à 291 actes. En 1824,
devenu Maire , il en reçut 3175 il mourut en juillet 1825.
M* Tibord lui succéda en mai 1826 , après une vacance
de dix mois. Pendant cet intervalle, le bourg de Cournon,
83
�-
14 -
dépourvu de Notaire, fut obligé de se pourvoir ailleurs.
M e Desmanèches, le plus voisin et le plus en relation avec
les habitans de Cournon, vit augmenter son répertoire : au
lieu de 4 1 1 actes qu’il avait reçus en 1824, il en eut
o
en 1825, et
en 1826. Convenons qu’il eût été difficile
de trouver à redire à l ’usage de sa maison de Cournon, pour
passer des actes nombreux auxquels son ministère était
indispensable. E n 1827, Tibord étant en activité, le ré
pertoire de M* Desmanèches retomba à 3^2. Il augmenta
beaucoup en 1828 ,' il se porta à 60/f, mais ce fut par une
circonstance particulière. Le sieur Rouganne avait acheté la
propriété deM. de Chalier, à Lempdes^ etil vendit en détail
des biens considérables qu’il possédait à Cournon. Établi
à Lempdes, il devait naturellement en confier la vente au
Notaire de Lem pdes, précisément à cause de sa résidence.
Indépendamment de ses relations avec le sieur Desmanè
ches, son intérêt même le lui commandait. D ’une partie No
taire était plus à sa portée ; de l ’autre, il connaissait et les
propriétés et les personnes, et pouvait beaucoup mieux
amener les négociations à b ien , que M* Tibord, étranger,
à peine arrivé dans la commune de Cournon, et qui n ’était
encore au fait, ni des personnes, ni des biens, ni de
leur valeur. O11 ne peut dont pas davantage blâmer le
sieurllougannc de ce choix, que M*Desmanèches de l ’avoir
accepté. M* Desmanèches eut encore, pendant cette an
n ée, un grand nombre d ’actes pour M. Joseph Molin ,
parsuite de l’ouverture de la succession de son épouse. Cer
tes, il pouvait se rendre dans sa propre maison ; pour répon
dre celte confiance} d’ailleurs, tous les (ictesdu sieur Houjianne ont été passés ù Lempdes.
554
55
�— i5 —
- En cette année 1828, M" Tibord permuta avec M« A n
glade, récemment nommé notaire à tiennent ; et peu de
temps après a commencé,pourM'Desmanèches, un système
de persécution qu’il était loin de prévoir.
Dans cette première année de son exercice, Me Anglade
reçut
^ actes ; et en 1829 , 276. En soignant son
étude , en répondant à la confiance qu’on lui montrait
déjà , en traitant les paysans avec bonté , et les gens
peu aisés avec modération , il eut promptement vu
accroître sa clientelle. Il 11e voulut pas de ces moyens,
qui ne répondaient pas à son impatience.
Jusqu’ici nous n’avons examiné que la position per
sonnelle de M* Desmanèclies, et nous 11’avons rien dis
simulé , pas plus que lui-inême n’a dissimulé ses actions,
dans aucun moment. En expliquant sa conduite , il s’est
tenu jusqu’à ce jour dans la plus étroite réserve , sur ce
qui concerne Me Anglade. Nous ne voulons pas, aujour
d’h u i, prendre une marche différente 5 mais la Cour nous
pardonnera, sans doute , de répondre par quelques faits, à
l’agression violente qu’il a dirigé contre M* Desmanèclies,
et de démontijer qu’il en a construit l’édilice sur des asser
tions mensongères.
Mc Anglade , qui se plaint, en termes si aigres, de ce
que Desmanèclies a usurpé sa résidence , en abandonnant
la sienne propre , résidait partout ailleurs qu’à Cournou,
et n’y venait guère que les dimanches. Le souvenir de ses
anciennes relations, pendant qu’il était clerc de M° Astaix,
le retenait à Clermont, où 011 dit qu’il avait une chambre
dans une auberge située près la lla llc aux toiles. Or ,
quand il lui plaisait de venir dans sa résidence , il
23
�—
16
—
fallait que tout le monde courût à lu i; et pour n’y être
pas parvenu de cette m anière, il s’en prit à M* Desma
nèches, de ce qu’on requérait le Notaire de Lem pdes,
lorsqu’on ne trouvait pas le notaire de Cournon , ou qu’on
avait quelque m otif de préférence.
Encore si, croyant avoir a se plaindre, il l ’avait‘fait
par les voies ordinaires ! S’il eût employé l ’autorité de la
Chambre ; ou même , en dédaignant ses confrères , celle
de M. le Procureur du llo i ! Mais il voulait faire de son
titre un moyen de monopole contre la population ; et,pour
c e la , faire révoquer le titre du Notaire de Lempdes. Il
pensa l’obtenir, en trompant l ’autorité supérieure.
Le i cr février i o, il présenta une pétition au Ministre;
et après avoir fait un exposé fallacieux, il demanda que
Desmanèches fût contraint «de fixer sa résidence notariale
v à Lempdes ; qu’il fût ordonné que ce Notaire y ferait
» sonséjour actuel et perpétuel ;.........que, 1h exclusivem ent,
» il y fera les actes de sa profession ; ...... et qu’à défaut
» de ce faire , immédiatement , il sera déclaré démissio» naire. » Pour un premier pas, ce n’était pas mal. En
voulant qu’il fût interdit à Me Desmanèches de faire des
actes ailleurs qu’à Lempdes , il exigeait l’abrogation de la
loi et de l’ordonnance de nomination du sieur Desmanèches.
L e i*r M ars, il forma une demande en dommagesintérêts.
Pendant que le sieur Desmanèches se présentait sur
cette demande, il apprit, par une communication du M i
nistère p u b lic, la plainte du i r* février. Le M inistre,
en effet , l’avait addressée à M. le Procureur-Général ;
83
�— i7 en l ’invitant, si l ’imputation était fondée à faire en
joindre au sieur Desmanèclies , de reprendre, sousun mois,
sa résidence, à peine d’être poursuivi conformément à l’ar
ticle 4 de la loi.
R ien n’étonne de celte détermination, quand on lit
le Mémoire présenté par Anglade ; il devait alarmer le
Ministre : l ’étude de Desmanèclies établie à Cournon ;
point d’étude à Lempdes ; résidence abandonnée ; les
liabitans de Lempdes obligés de se rendre à Cournon •
pour contracter ; seulement Desmanèclies s’y rend les
dimanches et quelquefois les jeudis, pour recevoir des
actes ou prendre des consentemens ; il a conservé, pour
cela, une chambre chez sa belle-mère ; m ais les minutes
de ces actes, comme toutes ses m in utes, restent à Cournon ;
et Lempdes, sa résidence, n’est pour lui qu’une succursale’
de son étude, établie de fait à Cournon. Le sieur Anglade
ajoutait d’ailleurs toutes les autres allégations qu’il a ré
sumées dans son Mémoire, pages 6, 7 et 8, et que nous
relèverons plus tard.
M. le Procureur du Iloi avait pris des renseignemens
auprès du Juge-de-Paix. On en rend compte au Mémoire,
page 10. M* Desmanèclies n’en connait que cela. Peu
après, le Juge-de-Paix expliquait, par un certificat : « que
Desmanèclies ne passait pas moins, dans son étude, pres
que toutes les affaires des liabitans de Lempdes; que
les Inspecteurs de l ’Enregistrement lui avaient'toujours
dit qu’ils trouvaient ses minutes chez lui ; que les habitans de Lempdes ne s’étaient jamais plaint de sa nonrésidence ; et qu’il jouissait dans tout le canton d ’une
confiance justement méritée. « Cela n’avait rien de contra-
3
�— iS —
dictoire avec le renseignement qu’on indique comme
fourni par ce Magistrat.
Le 19 m a i, nouvelle plainte d’Anglade au Ministre.
Il répète ses accusations; e t , ajoutant que M" Desmanèclies n ’avait pas obéi, demande qu’il soit déclaré dé
missionnaire. C’est là , en effet, le plus v if de ses désirs ,
la plus chère de ses pensées, celle qu’il caresse jour et
nuit.
A cette époque, M* Desmanèclies présenta un Mémoire
justificatif dont on croit aujourd’hui pouvoir tirer avan
tage , en le dénaturant, et en copiant ce qui n ’y est pas.
Il y exposa franchement sa situation, sa conduite ; re
connut qu’en effet il était assez souvent à Cournon ; où
il.a v a it, comme à Lempdes , une m aison, un ménage
et des propriétés ; qu’il y recevait des actes, ne pouvant
repousser la confiance lorsqu’on s'adresse à lui. 11 ajouta
que jamais il n ’avait rien fait pour attirer à soi celle
qui se serait dirigée vers un autre ; que toutes ses ac
tions étaient conformes à l ’honnêteté publique; et qu’ayant
le d ro it, comme Notaire à Lempdes , de recevoir des
actes à Cournon > il ne comprenait pas qu’on voulût l’en
empêcher ; que cela ne pourait être que lorsque la con
fiance qu’on lui donne et qu’il ne recherche p a s, se di
rigera tout naturellement vers un confrère qui la méritera
mieux. Q u’enfin, il s’étonnait que M e Anglade , nouvel
lement arrivé à Cournon, se plaignît de n ’y avoir pas ob
tenu, tout d’un coup, un patronage assez exclusif, pour que
tous les habitans, sans exception, renonçassent subite
ment à appeler un Notaire qui était à leur porte, et qui
avait eu jusque-là leur confiance , etc.
�—
i9
—
Mais, que le sieur Desmanèches ait pi'étendu , dans ce
Mémoire , qu’il avait le droit de tenir à Cournon une étude
de Notaire ouverte , d’y avoir ses m inutes, et que la rési
dence de Cournon était, pour lu i, une propriété particu
lière 5 (page 12 ) ceci est une fausseté manifeste, devant la
quelle M" Anglade n ’a pas reculé, parce que , sans doute ,
il a cru en avoir besoin.
A u contraire, M“Desmanèches dit nettement que, s’il
fait des actes à Cournon; que m êm e, s’il s’y rend jusqu’à
trois fois la semaine pour soigner ses propriétés, son étude
est à Lem pdes, dans la maison de son épouse ; ses minutes
et ses répertoires sont dans cette étude, où ils ont été cons
tamment visés par les agens supérieurs de la Régie. S i je
ne tenais pas constamment mon étude à Lem pdes, d it - il,
il est pour le moins vraisemblable queleshabitans auraient
réclamé ; mais ni les individus , ni l'administration, nont
fa it entendre la plus légère plainte, ce qui démontre qu’ils
me trouvent constamment au milieu d’eux et dans mon
étude, lorsqu’ils ont besoin de moi.
Enfin , après avoir exposé avec franchise toute sa situa
tion personnelle, M* Desmanèches dit en finissant : «Yoilà,
« M. le Procureur du l l o i , la vérité toute entière...... J ’ai
» rempli mon ministère avec exactitude et loyauté; je con» tinucrai de même, et si ma conduite.pouvait encourir le
» moindre blâme, que mes supérieurs prescrivent et je m’y
» conformerai. »
Repoussons donc loin de nous cette citation que M* A n
glade écrit en lettres italiques, comme s’il l’avait extraite
du Mémoire de M* Desmanèches, que la résidence de Cour.
5
�—
20
■—
non était pour lui une propriété particulière. V oilà-en
core comment M* Anglacle se pique de vérité.
Au reste, en écrivant ce M ém oire, M* Desmanèches ,
qui croyait n’avoir pas excédé les limites de son droit, ex
posait simplement les faits. Il avait raison ou il se trom
pait ; mais il prouvait sa bonne foi passée et présente, sa
naïveté , peut-être, et non son orgueil, lorsque, n ’ayant fait
que continuer ce qu’il faisait sous la surveillance du T r i
bunal et avec le consentement de ses confrères de Cournon,
confirmé de leur seing, il faisait tout connaître à M. le
Procureur du l l o i , en ajoutant : S i j e me trom p e , que mes
supérieurs prescrivent et j e m ’y conformerai.
M'Desinanèches ne sa it, au surplus, ce que veut dire
M* Anglade, à propos des Mémoires exj)licatifs ou ap olo
gétiques , qu’il présentait ou retirait; il n ’a jamais fait
que celu i-là , et n ’a pas pensé à le retirer.
Nouvelle dénonciation, le 19 mai, dans des termes non
moinsfacheux. Anglade y demande purementet simplement
la révocation de Desinanèches, Notaire àLempdes ; c’était là
et c’est encore toute son ambition. N ’a-t-il pas osé, derniè
rement , à l’audience de la C ou r, invoquer, comme motif
d ’urgence, la pensée de Desinanèches, de se faire rempla
cer par son fils? Est-ce que , par liazard , M' Anglade au
rait le droit et la puissance d ’empêcher cette mutation 3si
le fils est reconnu digne? Est-ce que, pour le satisfaire , il
faudrait l’expatrier ou en faire un ilote? Est-ce qu’il ne
faudrait plus de Notaire à Lempdes, parce que M* Anglade
est à Cournon? M* Desinanèches avait annoncé ce dessein
de remplacement, dans son M émoire, et il croyait en cela
aller au-devant des objections, puisque, établissant son
�--- 21 ----fils à Lempdes , et demeurant lui-même à Cournon , dé
pouillé de tout caractère et de tout intérêt personnel, il
n ’y aurait plus cet inconvénient que M* Anglade attribue
à sa position actuelle. Il ne croyait pas, en cela, fournir à
son adversaire un sujet légitime d’opposition.
C ’est en cet état que fut provoquée la délibération du
T rib u n al, du i mai i o. MeAnglade se plaint de ne pas
y avoir été appelé. Pourquoi donc? et de quel droit? Il
avait fait sa part en demandant des dommages-intérêts } et
après avoir dénoncé un fait qui provoquait une mesure de
discipline, la loi et l ’honnêteté lui commandaient de la
laisser aux soins du Ministre , seul compétent pour la
poursuivre. Ne montra-t-il pas, en cela, le désir, disons
mieux, la volonté que tout fût employé dans son intérêt
exclusivement, même les moyens de pure discipline? Nous
verrons, plus tard, si l’intérêt public est autre chose, pour
lu i, qu’un moyen plus ou moins légitime d’accroître ses
intérêts personnels.
3
83
5
M e Desinanèclies comparut, le i m ai, devant l ’Assemblée des deux Chambres et du Parquet ; il exposa nette
ment sa conduite, comme il l’avait fait dans son Mémoire.
Nous n ’avons aucun compte à rendre de cette séance, l ’ap
pelant en a dit assez, quoiqu’en sa manière ; mais il faut
faire connaître ce qui s’est passé depuis la décision : la
préoccupation du sieur Anglade, pour ne rien dire de plus,
lui en a lait rendre un compte trop infidèle, pour que nous
puissions nous en dispenser.
M* Desmaneclies , ju sq u e -là , n’avait pas transporté à
Lem pdes, l ’intégralité des minutes de son père j pas plus
que Boy er, devenu dépositaire des minutes de M 'Ducroliet,
�ne les avait transportées à Cournon ; pas plus que luimême , dépositaire apparent des minutes de B o y e r, ne les
a déplacées dans aucun temps. Pour remplir ses promesses
et se conformer aux vœux de ses supérieurs, il crut devoir
réunir à Lempdes celles de son père avec celles de M* D ucrolietetles siennes propres, qui y étaient déjà, et résider
désormais à côté de ses m inutes, dans la maison de son
épouse, où il est avec la dame Ducrohet, sa belle-mère*.
Nous allons en trouver la preuve dans des élémens judi
ciaires ou authentiques, qui démentiront les assertions que
le sieur Anglade liazarde avec une hardiesse qui ressemble
à la vérité pour ceux qui n ’en savent pas davantage.
83
Le
septembre i o , nouvelle dénonciation au M i
nistre. L ’état étant toujours le m êm e, suivant l u i , il de
mande encore que le Ministre , sans autre information ,
déclare Desmanèches démissionnaire ; mais craignant que,
d’après les renseignemens fournis, le Ministre ne pro
nonce contre l u i , il demande, subsidiairem ent, qu’il soit
sursis à statuer, jusqu’après le jugement en dommages-intérêts; dernière ressource, qui devait avoir une double
face; car, pour le soutien de cette demande, 011 comptait
se servir fortement de la question de discipline.
L e Ministre n ’ayant pas répondu, après deux mois écou-r
lés , Anglade partit pour Paris vers la mi-novembre ; et le
26 , obtint j j)ourM. le Procureur-Général, une lettre qui
fut loin de satisfaire ses vues. Elle se bornait, malgré ses
démarches intéressées , à donner à M» Desmanèches un
nouveau délai d ’un mois pour rentrer dans sa résidence ,
s’il n’y était déjà.
�y?
— 23 —
Il en fut donné.avis
à M. le Procureur du R o i,• avec ini
vitation de prendre des renseignemens.
Alors le Parquet avait été renouvelé ; comment d’autres
hommes eussent-ils pris les mêmes errem ens, s’ils n’eus
sent été ceux de la justice et de la vérité?
M* Anglade affirme ici, (page 19) qne la décision du
a novembre fu t notifiée à M ’ Desmaneches le 3o du même
mois ; et il se plaint de ce qu’il n’a pas obéi. Q ui donc a si
bien instruit M' Anglade? Et qui ne croirait qu’il dit vrai^
car, là comme ailleurs, il affirme et indique une date
précise?
5
M* Desmanèclies n’a qu’un mot à répondre : cela, non
plus , n’est pas vrai. Cette lettre ne lui a jamais été noti
fiée, et il invoquerait, au besoin , le témoignage de M. le
Procureur du R o i, pour attester le fait et le m otif du si
lence qu’il a gardé à son égard. Veut-on le savoir?
M. le Procureur du R o i prit des renseignemens :
1« Auprès de l ’ancien Juge-de-Paix, M. Rochette , qui
avait donné ceux de i o à son prédécesseur, et qui ha
bite Lempdes ;
a0 Auprès du Maire de Lempdes ;
° Auprès de M. Perrin, client de M* A nglade, devenu
Maire de Cournon, et qui l’est encore aujourd’hui.
83
5
Tous les trois lui attestèrent que M* Desmanèclies avait
définitivement établi sa résidence à Lempdes j personne
nepouvaitmieux le savoir que ces trois fonctionnaires, deux
habitant à Lem pdes, et le sieur Perrin à Cournon. L e
sieur Perrin, client de M* Desmanèclies , avant i o , et
qui lui déclara, à cette époque, qu’il lui était plus com
83
�— ¿4 —
I
mode de contracter cliez M* A n glade, parce que lu i, Des
manèches, n’était pas à Cournon.
M. le Procureur du R oi, qui se convainquit que M* Desmanèclies avait tenu ses promesses, ne crut pas devoir lui
faire d’injonction ; il en rendit compte à M. le ProcureurGénéral, par lettre du 5 février 1 1; et lui déclara que les
minutes et le siège des affaires notariales étaient transpor
tés à Lem pdes, et que Desmanèches ne passait à Cournon
que le temps nécessaire pour l ’administration et la surveil
lance de ses propriétés. M° Anglade savait tout cela quand
il a écrit que la décision avait été notifiée le 3o.
Faut-il quelque chose de plus pour établir la certitude
des preuves acquises à M . le Procureur du R o i? le sieur
Anglade lui-même va nous les fournir.
En février, il avait encore obsédé le Parquet par des
instances plus pressantes, comme il le dit lui-même. Il de
mandait à M. le Procureur-Général, de faire vérifier subi
tement, et avec m ystère, l ’étude de M* Desmanèches; et
pour n ’être pas trompé dans ses espérances, il réclamait
l ’autorisatipn d’accompagner le Commissaire, et d ’assister
à la vérification. M. le Procureur-Général voulut bien s’y
prêter; c’était un moyeu de contrôle qui devait devenir
décisif sur le fait capital du procès, le lieu de l ’établisse
ment notarial. Le sieur Desmanèches devait s’en applau
dir s’il était en règle; car, devant la démonstration acquise
par une vérification contradictoire avec son adversaire, de
vait disparaître le besoin de toute autre preuve.
M. le Procureur-Général crut devoir confier cette com
mission à M. le Procureur du R o i; et certes, personne
n’avait à s’en plaindre, pas plus qu’à soupçonner l ’iiripar-*
83
�— 25 —
tialité ou même la discrétion de ce Magistrat, si juste et si
amoureux de ses devoirs; tout lui commandait le mystère:
toutefois, comme cette vérification faite avec M.‘ Anglade ,
a tourné complètement contre lu i, il ne craint p as, au
jourd’hui, d ’accuser le chef du Parquet de Clermont, en
écrivant cette phrase audacieuse:
« M* Desmanèclies a été prévenu du transport de M. le
» Procureur dti R o i à Leinpdes ; M* Anglade offrira la
y> preuve que le transport était connu deux jours avant
» qu’il ait eu lieu. »
Ici nous ne craignons pas d’être désavoués par M. le
Procureur du R o i, en donnant à M* Anglade un démenti
formel. En ce qui le concerne, M* Desmanèches déclare
ne l’avoir su, ni directement ni indirectement.
D ’ailleurs , on le demande ? Où eut été pris le m otif
d’une semblable indiscrétion ? M. le Procureur du
R oi avait la certitude que toutes les minutes étaient à
Lempdes. Il n ’avait donc personne à avertir ; et il
est évident que dans ces circonstances, il n’aurait pu
laisser échapper son secret, que dans l ’intérêt de Mc Des
manèches, et par un véritable manquement à ses devoirs.
Nous n’avons point à l ’en défendre.
M® Anglade offre la preuve ! Eh ! quelles preuves n’of-»
fre-t-il pas? Nous verrons plus tard , quels moyens immo
raux il a employé pour se créer î\ l ’avance des déposi
tions, pourle cas où il obtiendrait des enquêtes,
D ’ailleurs , il est évident ici , qu’une indiscrétion ne
pouvait venir que du Ministère public. Nous ne croyons
pas nous tromper, en disant que sur sa demande, et pouy
n ’associer personne au secret de cette com mission ,M. le Pro-
4
�—
26
—
¿ilreür-Général avait cru devoir confier sa lettre à Me An»
gldde, pour que M. le Procureur du Roilareçûtdirectem ent
de ses mains. L e procès verbal le fait présumer. Il porte
qu’il est rédigé sur l ’invitation de M • A n g la d e.
Le procès verbal dressé par ce Magistrat, le 8 mars 1 1,
constate que M* Desmanèches n ’était pas chez lu i, et qu’il
â fallu aller le chercher dans les vignes. Il contient la vé
rification successive des minutes et des répertoires de tous
les exercices qui sont aujourd’hui réunis dans le* mains de
Mc Desmanèches, et constate leur état parfait de régularités
M* Anglade mécontent de ce procès v e rb a l, qui fut
rédigé sur place , et qu’il était obligé de signer, Voulut
y faire insérer une sorte de protestation contre le dépôt des
minutes qui, d isait-il, avaient été transportées à Lem pdes
83
les jou rs derniers, ce qui n’empêchait pas que Desm anèches
ne tint toujours étude ouverte à Cournon, etc?, etc. M. le
Procureur du Roi trouva sans doute que c’était assez de
l’assistance du sieur Anglade , sans que son procès verbal
fût encore soumis à son contrôle. Il refusa l’insertion ,
mais il joignit le brouillon de M* Anglade à son procès
verbal.
D ’ailleurs , cherchant toujours la vérité et la justice , il
s’en servit pour prendre de nouveaux renseignemens sur
ce fait même ; et quoique les fonctionnaires qu’il avait
consultés, lui inspirassent d’autant plus de confiance
qu’ils s’étaient exprim és avec beaucoup de fra n ch ise la
première fois , il s’adressa
d’autres personnes ; voulut
éclaircir le fond de ces allégations ; et après s’être bien
convaincu qu’il n’y avait ni fraude ni erreur, il donna
un nouvel avis à M. le Procureur-Général, le 18 mars j
�—
27
—
et l ’instruisit que de nouveaux renseignemens n’avaient
fait que confirmer ce f a i t : que le principal établissem ent,
létablissem ent notarial de M’ Desmanèches , était à
Lempdes.
Devant ce document irrécusable, et pour en éviter les
résultats après l ’avoir provoqué, le sieur Anglade a in
venté la plus pitoyable jonglerie: les étiquettes neuves, le
beau papier b la n c , la petite table, le tapis verd tout n e u f,
le petit encrier , etc. ; vrai compte d’en fan t, où le Procu
reur du R o i n ’aurait pas apperçu un bout d’oreille si long
et si visible, et aurait été dupe d’un nouveau Croque-Mi
taine, transportant à chaque instant, sous le plus petit obs
tacle, de Cournon à Lempdes , et de Lempdes à Cournon,
sans que personne le vo ye, trente mille minutes qui com
posent son étude, et les répertoires de cent huit ans ; et
trouvant le moyen de les ranger avec un ordre parfait
comme un habile prestidigitateur , dans un petit local hu
mide et obscur, de cinq pieds sur huit ou neuf, croyant
que personne ne l ’a vu. Nous ne répondons pas à de pa
reilles niaiseries ; si ce n’est en disant que nous avons pour
témoins: i°M . le Procureurdu llo i, son procès verbal et les
renseignemens sûrs qu’il a pris et fourni avant et après ;
2° le fait constant, que ce ch en il, qui a quinze pieds sur
n e u f, et une fenêtre de grandeur ordinaire, est l’étude où
le sieur Ducrohet a exercé pendant
ans le Notariat
avec honneur; et où, lui d’abord, et son successeur e n s u i t e ,
ont reçu chaque année un très-grand nombre d ’actes importans; que cette maison est celle où le sieur Ducrohet
■
■
et son épouse ont constamment tenu leur ménage et
(Hevé leur famille. E t certes , à côté de ces faits patens
33
4-
�—
28
—
et constatés, tout le inonde pensera que M e ‘ Desmanèclies n ’aurait pas à redouter l ’épreuve d ’une enquête.
A u reste, n’oublions pas de remarquer qu’en présence
de ces faits notoires et établis, le sieur Anglade x’edoutait
la décision ministérielle. Il redoubla d ’instances , poiir
que le Ministre ne prononçât pas sur sa propre demande,
et qu’il attendît le jugement des dommages-intérêts. C’est
ce qu’on voit dans les conclusions de ses Mémoires. Le Mi
nistre voulut bien encore obtempérer à cette demande,
par lettre du 6 octobre i
i. Ce n ’est donc pas le sieur
Desmanèclies qui eut un moment à se fé lic ite r de son
adresse ; car s’il se fût défendu contradictoirement, il eut
demandé que le Ministre vouhlt bien prononcer et lui ren
dre justice. O r, le résultat ne pouvait pas être douteux, sur
la question de savoir s’il avait ou non abandonné sa rési
83
dence.
Ici nous arrivons à un fait d’autant plus affligeant, qu’in
dépendamment des fâcheux débats auxquels il a donné
lie u , il sert de moyen à Me A n glade, pour organiser le plus
odieux système de calomnie.
Il avait sen ti, depuis long-temps , qu’il ne pouvait
pas lui suffire d’en imposer sur des faits matériels dont
la vérité se découvre toujours : que ces faits fussent-ils
vrais en partie , pour les temps antérieurs , ils se présen
teraient avec des caractères de bonne fo i, et se trouve
raient protégés par la loi et par la justice. ]1 lui fallut
donc inventer quelque moyen de noircir son adversaire ,
d ’imprimer il sa personne et à ses actions un caractère
odieux, qui répugnât à la justice, en même-temps qu’il
se présentait lui-même comme une victime innocente,
�29
—
—
immolée à la rapacité d’un ennemi puissant et audacieux.
Il crut en trouver l’occasion dans l ’affaire de LareineBoussel, et il n ’a pas craint de s’en emparer.
< M" Desmanèclies doit s’expliquer sur cette affaire , alors
qu’on s’en sert pour l ’attaquer avec tant de fiel et de per
fidie. Il commence par dire qu’il y a toujours été com
plètement étranger ; et il défie qui que ce soit au monde ,
de rapporter la plus petite preuve qu’il y ait pris la
moindre p a rt, et qu’il ait donné à Lareine ‘ou à qui
que ce so it, une lettre ou même un conseil à ce sujet.
On le connait assez, dans son canton et au Tribunal de
Clerm ont, pour savoir qu’il n ’est pas propre à devenir
un odieux m oteur, pas plus qu’un vil instrument de dé
nonciation. Obligé qu’il est de s’en défendre, il ne veut
accuser personne , ni rechercher des faits qui pourraient
accuser qui que ce soit. Il ne cherche pas à sonder ce
qu’il peut y avoir de vrai ou de faux , dans les démêlés
de M* Anglade et de Lareine-Boussel ; dans leurs rela
tions tantôt hostiles, tantôt amicales. Jean Lareine n ’a
jamais été son client ; il a toujours été celui de Me D oly
puis de Me A n glade, son successeur, et 011 croit qu’il l ’est
encore.
Lareine-Boussel se plaignait d’une obligation qu’on lu i
avait fait consentir devant M« Anglade , au profit du sieur
Chambon, son clerc, pour des frais d’actes de l ’étude de
M eD oly. Uprétendait: 1° Q u’il 11e devait rien; 20Q u’il n’a
vait jamais comparu devant M* Anglade pour consentir
cette obligation; o» Q ue le jour de sa date , il était resté
toute la journée ailleurs qu’à Cournon ; il était allé se
plaindre au Maire de Cournon.
�— 3o —
Ce Maire était le sieur Moulin , beau-frère de Desmanèches ; c’est une circonstance dont on tire parti. C’est à
regret que M* Desmanèches se voit obligé de dire que si le
sieur Moulin n’était pas bien avec M* Anglade , ce qui
peut être , il n ’était pas plus en harmonie avec son beaufrère.Ce n’est pas à M* Anglade, mais bien à Desmanèches,
que le sieur Moulin a enlevé la clientelle de la Mairie de
Cournon, qu’il avait eue sous tous les Maires précédens ,
pour la donner , non pas au Notaire de Cournon, mais à
M* D edreuil-Paulet , Notaire au Pont-du-Château. On
n ’exigera sans doute pas, que M* Desmanèches en dise da
vantage sur sa position personnelle envers un homme qui
luiappartientj d’aussi près.
Lorsque le Tribunal de Clermonteut prononcé le renvoi
devant la Chambre d’accusation, M" Anglade y fut soutenu
par le défenseur habile qu’il s’est ingénieusement attaché.
Il avait su persuader son avocat, e t , peut-être, soulever
son indignation contre les prétendus auteurs de la dénon
ciation j aussi, fit-il, dans l ’isolement de cette défense, qui
n’avait d’autre contradicteur que le Ministère p u b lic, un
ample usage des moyens que lui fournissait son clieut.
Dans une affaire de cette nature, où les nombreuses
obligations faites par M* A nglade, au nom du sieur Cham*b o n , son clerc, pour des frais dont il était personnelle
ment créancier, pouvaient, quoique simulées, être faites
de bonne foi, où une seule était attaquée, et où il s’agissait
tle faire figurer un officier ministériel sur les bancs de« A s
sises , le Ministère public pouvait et d e v a it, peut-être,
aller au-devant des moyens de la défense ; ce n ’est paslapre-
�— 3i —
mière fois qu’on l*a vu admettre parmi les témoins à charge,
des personnes indiquées par les prévenus.
Si M* Anglade ne s’en fût servi que pour se défendre,
personne ne saurait le blâmer ; mais l’indigne usage qu’il
en fait aujourd’h u i, va nous prouver que ce ne fut pas son
seul b u t, et qu’en homme habile et délié , il organisa un
plan qui devait accuser un homme honnête, sourde
ment et sans qu’il pût se défendre, et devenir, dans son
intention , une arme terrible dans les poursuites person
nelles qu’il avait dirigées contre lui.
Douze tém oins, fournis par M* A n glad e, furent enten
dus en la Cour. Les uns déposèrent de son honnêteté et de
l ’immoralité de Lareine-Boussel ; les autres, de quelques
faits particuliers. Quelques-uns dirent que Lareine s’était
vanté d’avoir une bonne lettre de Me Desmanèclies , ou
qu’il était conseillé par lui et le sieur Moulin j les autres ,
qu’on disait que Lareine n ’était pas seul am ener cette af
faire. Aucun d’eux ne déposa de faits qui lui fussent per
sonnels. L a Cour prononça le renvoi. Ici, nous devons nous
taire : il ne nous appartient de critiquer, ni la poursuite ,
ni la décision des premiers Juges, ni celle de la Chambre
d’accusation.
Nous ne nous permettrons pas davantage de censurer les
témoignages en ce qui concerne le personnel de M. Anglade
etdeLareine-Boussel,Nousn’avonsà nous occuper, quant
à M‘ Anglade, que de la cause actuelle ; e t , sous ce rapport
seul, nous nous permettrons de contester que ses actions
soient loyales etlionnêtes. Quant à Lareine-Boussel, lesiqur
Desmancclies ne veut pas plus l ’attaquer ,qu’il n’est /heu
reusement, chargé de le défendre.
�— 3a ~
Que lui im porterait, d ’ailleurs, que Lareine -Boussel,
pour se couvrir, se fût j acte d’avoir l ’appui de M* Desmanèches? ou, s’il ne-l’avaitpas dit, que des témoins, produits par
M* A n glade, eussent déposé le lui avoir ouï dire? Nous ne
voulons pas fouiller au fond de ces mystères ; mais nous
avons aujourd’hui le droit de dire , et nous le prouverons ,
que depuis long-temps , et malgré leurs scandaleuses dis
sentions , Anglade et Lareine-Boussel sont en parfaite in
telligence.
Toujours est-il, qu’après l ’arrêt de la Chambre d’accu
sation , M» Anglade et le sieur Chambon formèrent, contre
Lareine, une demande en doinmages-intérêts, pour cause
de dénonciation calomnieuse.
Sur cette demande, le Tribunal a prononcé contradic
toirement le o juin 1
; nous transcrivons le jugem ent,
et demeurons simples narrateurs :
« Attendu qu’il ne peut y avoir dénonciation calom
nieuse , qu’autant qu’elle aurait été dictée par le désir
de n u ire, et que les faits qui ont donné lieu à la pour
suite ne seraient nullement établis , ou ne le seraient
pas par la seule déclaration du dénonciateur ;
» Attendu que les plaignans ont reconnu en partie
l ’exactitude des faits avancés par le prévenu, et qu’ils lu i
3
332
ont même donn é toute satisfaction à cet é g a rd , en lui f a i
sant remise de la grosse de l'obligation , q u il disait n'a
voir poin t con sen tie, en lui donnant même m ain levée, de
l ’inscription prise sur lui ;
» Attendu que, si pour ces faits, Anglade et Chambon
ont été exposés à des poursuites criminelles, ils ne doi
vent point les imputer à la partie de Biauzat, dont le
�— 33 —
témoignage n ’a dicté en rien la décision des premiers
Juges, mais bien à ce que» des témoins entendus dans
une instruction uniquement dirigée par le ministère pu
blic, sont venus donner de la vraisemblance à ces faits;
- » Attendu que , si après un plus ample informé, A n
glade a été renvoyé des poursuites par la Chambre d’accu
sation ; c’est m oins, ainsi que le constate l’arrêt, parce
que les faits dénoncés par le prévenu, se sont trouvés
faux, que parce que les Juges d’appel ne leur ont , point
trouvé le caractère de gravité qu’y avaient vu les J uges
de première instance , et que des témoignages ont été
opposés à d’autres
» Attendu d’ailleurs, que la dénonciation était com
mandée par l’intérêt du prévenu, qui a obtenu ce qu’il dési
rait , d’où suit qu’elle n ’a point été faite dans le b u t , seul
coupable, de nuire aux plaignans ;
» Attendu dans tous les cas , que le prévenu est tou
jours demeuré étranger à la direction de l'instruction,
et n’a pu, par conséquent, exercer aucune influence sur la
décision prise, et qui ne l’aurait pas été sur sa seule dé
nonciation :
»Par ces motifs, le Tribunal renvoie le prévenu de la
plainte contre lui portée, et condamne les plaignans aux
dépens. »
On ne s’est pas plaint de ce jugement.
(j est après tout cela, que M* Anglade a cru devoir se ser
vir de cet homme , que des témoins, produits par lu i, ont
dépose être un mauvais sujet, un gueux^ ne payant jamais
et menaçant ses créanciers lorsqu’ils le pressent; un homme
�54
dangereux et capable de tout. Il a hésité,' dit-on, surle point
de savoir s’il le réserverait comme un des témoins de son
enquête à v e n ir, ou s’il s’en ferait un moyen préparatoire j
il a choisi ce dernier p arti, et sans doute , si l ’indignation
de quelques hommes honnêtes n’en avait porté la connais;sance à Mc Desmanèclies, on fût venu à l ’audience avec un
document d’un nouveau genre, dans l ’espoir de l ’étonner,
en le produisant subitement.
I c i, nous anticipons un peu sur la date des faits 5 mais
nous voulons en finir sur ce qui concerne l ’affaire Boussel.
Le 12 décembre dernier, Anglade se présente avec L areine-Boussel,chez unNotaire de Clerinont, et 011 y dresse
-un acte sous le prétexte d ’un' compte, nous ne savons
lequel. On raconte , à la manière de M* Anglade , tout ce
qui s’est passé dans son affaire avec Lareine ; puis on
ajoute que deux personnes, proches parentes, exerçant des
charges publiques, ont conseillé à Boussel de dénoncer
M° Anglade ; et Boussel déclare qu’il s’est empressé de le
faire, parce qu’on lui a fait espérer d’obtenir d’Anglade une
bonne somme d ’argent, etc. Nous 11e savons cela que par
relation ; cet acte 11’est pas au dossier de M* Anglade.
Assurément , le compte n ’était pas le véritable but.
Assurément encore, l ’indication de deux personnes , pro
ches parentes, exerçant des fonctions publiques , n ’était
pas de la façon de Jean Lareine. On hésita si on mettrait
les noms des sieurs Moulin et JJesmanèches; cette petite
linesse parut préférable j elle ressemblait à de la discrétion.
Toutefois, tout est remarquable dans cet acte:
i° Le Notaire: C’est M*Astaix, le patron de M* Anglade,
�celui de tous les Notaires qui devrait être le plus réserv é
quand il s’agit de dommages-intérêts j
a0 Les formes : M* Astaix , qui a fait le cadastre à Cournon, comme géomètre, et qui connaissait parfaitement
Lareine , croit devoir se le faire attester par trois témoins ,
deux de Cournon, et le sieur Perrier , huissier à Clermont;
° Les témoins : Qui sont ces deux liabitans de Cournon,
que Lareine piend pour l’attester? Précisément deux de
ceux qui , sur l ’indication de M* Anglade , ont déposé à la
Chambre d’accusation, que Lareine était unmauvais sujet,
et autres politesses de ce genre. Ce sont Pierre Coste et
Jacques Prononce, dont le dernier, surtout, est un des
membres les plus actifs de la police secrète, salariée ou
non , de M* Anglade , et d’un système d’espionnage dont
nous n’oublierons pas de parler ;
° Le mode! Après s’être fait certifier un lioinme qu’il
connaissait, par deux témoinsqu’ilconnaissait tout au plus
autant que lu i, M* Astaix croit nécessaire, au moins pru
dent, de se transporter avec tout ce cortège chez M* Eabre,
Son confrère , pour lui faire contresigner son acte. Cet acte
avait donc quelque chose de bien extraordinaire ? Il n’est
pas permis d ’en douter. Est-ce qu’on aurait fait tout ce
manège, s’il se fût tout bonnement agi d ’un compte entre
M Anglade et Lareine-Boussel?
Nous ne dirons rien de tous les incidens élevés en pre
mière instance pour obtenir la déclaration d’urgence.
Tout cela est étranger au sieur Desmanèches , qui n’avait
pas à se mêler de la police de l’audience, et q u i, pour son
compte, ne.refusait pas le combat. Remarquons, toutefois,
3
4
�— 36 —
que dans un-de ces jugemens, le Tribunal déclare qiû-ib
riy a pas de plainte nouvelle contre M° Desmanèches ; et
que la demande en dommages-intérêts demeure isolée de
tout intérêt public.
Nous arrivons directement au Jugement dont est appel.
Ici M* Anglade se jette encore dans les descriptions : les
images lui plaisent beaucoup plus que la réalité ; et aussi,
lui faut-il une peinture de l ’audience , de l ’effet que pro
duisirent sur le public les singulières conclusions de M 'D esmanèches, et sa plaidoirie, bien autrement remarquable. ...
Il osa bien aborder lesfa its et soutenir que sa résidence no
tariale était il Lempdes, devant un auditoire qui repoussait
toutes ses paroles comme mensongères, et manifestait la
plus profonde indignation. Nous ne répéterons pas ici ce
que dit M° A n glad e, aux pages o , i et
de son Mé
m oire ; mais ne voulant laisser aucun fait obscur avant de
discuter, nous allohs expliquer ceux-ci, en terminant cette
partie essentielle de la défense.
3 3
32
M* Conclion plaidait la cause de M* Desmanèches; il le
faisait avec des faits et non avec des phrases; avec des réa
lités et non des tableaux plus ou moins exacts. Il savait
qu’on peut étourdir le public avec des déclamations em
portées, mais que la vérité a son tour; il plaidait une cause
civile et parlait à des Magistrats, et il ne s’appcrçut pas de
cette indignation, de cette disposition des assistans , àaccabler son client du poids de leurs dépositions.
O u i, sans doute, M* Desmanèches osa aborder les faits!'
lût pourquoi pas? On se récrierait bien autrement, s’il s’é
tait retranché derrière des lins de non-recevoir.
�_ 37 'Voyons, au reste, de quel côté est l ’audace, en abordant
les faits.
Parmi ceux que Me Anglade affirme et offre de prou
ver , et sur lesquels nous nous sommes déjà expliqués
ci-dessus, nous lisons page, 6 :
« M* Desmanèclies se donne et reçoit constamment le
» titre de Notaire à Cournon , les lettres qui lui sont
» adressées, les extraits de ses impositions, les commis» sions qui lui sont données par le Préfet ou par le Tri» bunal de Clermont, les annonces publiques, s’accordent à
» le désigner comme Notaire à Cournon, à la résidence
» de Cournon, dans son étude à Cournon. »
E t d’abord, M° Anglade ne fournit aucun indice de
ces assertions , qui ne peuvent être prouvées que par écrit.
En second lieu, voyons les actes.
Toutes/es commissions du Tribunal, sans exception,
indiquent M* Desmanèclies, Notaire à Lempdes.
Les commissions pour les actes de la Mairie de Cour
non , sauf une seule, l ’indiquent comme Notaire à
Lempdes.
Les annonces publiques , affiches , journaux, etc. , sans
exception, le qualifient très-ostensiblement Notaire, à
Lem pdes, et elles n’indiquent jamais que son étude à
Lempdes, ou, s’il fallait faire l ’acte à Cournon, la mai
son de Desmanèclies , la M airie, etc. Nulle part , 011 11e
trouvera son étude ci Cournon, à la résidence de Cournon.
Les extraits de ses impositions, il les paye dans 4 commu
nes. D ’abord, Lem pdes, le Pont-du-Chàteau et Orcet.
Sur ces trois rôles , il est qualifié Notaire à Lempdes.
A Cournon seulement, on a conservé l ’ancienne indica-
�— 38 —
tion mise à la cote de son père, qui était en effet Notaire
à Cournon.
M* Anglade ajoute :
« Les employés de la Régie ont vu et vérifié les minu» tes à Cournon; c’est de ce lieu , qu’il adresse ses ac» tes au receveur du Pont-du-Cliâteau, qui lui renvoie ses
» minutes à Cournon. »
Voyons encore : Toutes les vérifications des agens de la Régie de l’En*
registrement, sont faites à Lempdes, e t , pour la plupart,
en portent la mention expresse. Elles y sont fréquentes
et répétées, surtout dans les derniers temps; quelques*unes remarquent l ’extrême régularité des répertoires, ce
qui prouve qu’on les examinait. Nulle part on ne trouvera
de réserve pour des surcharges, intercalations, etc.
L a déclaration du Juge-de-Paix, constate que les ins
pecteurs lui ont toujours dit avoir trouvé les minutes
et répertoires de Desmanêclies , à Lempdes.
Enfin , un certificat du receveur du Pont-du-Cliâteau,
constate qu’il ignore d’où lui viennent les minutes ; mais
quV/ les renvoie toujours à Lempdes, et que toute sa cor
respondance est à Lempdes.
Voilà comment M® Anglade a fait son pacte avec la
vérité! et il affirme! et il offre de prouver ! \~ t-il des
témoins tout prêts, qui soient plus dignes de foi que
ceux-là?
Il ajoute que: Desmanèches a reçu le dépôt des mi
nutes B oyer, ce q u il ne pouvait faire que comme N o
taire ¿1 Cournon.
C ’est de la mauvaise foi.
�-
39
~
Qtiand cela serait vrai, nous lui dirions
M* Y igeral, Notaire à 'Vertaison, a reçu les minutes de
M* Besse père, de Beauregard , qui devaient être dépo
sées à M* Moussât, seul Notaire à Beauregard.
M' Devoucoux, Notaire à Clermont, a reçu celles de
M* G irard, Notaire à A u bière, tandis que M* Taché
était Notaire à cette résidence.
M' Elaget, Notaire à B illom , a reçu les minutes de
M* Chalus, Notaire àM auzun , qui revenaient àM 'T éalier
son
successeur.
v•
E n fin , et négligeant une multitude d’exemples sem
blables, les minutes de M* Sauzet, Notaire à Lem pdes;
qui revenaient à M° Desmanèclies, ont été déposées chez
M* Beaufrère, au Pont-du-Château.
M a is, M° Anglade sait bien que Desmanèclies n’a
jamais eu ces minutes en son pouvoir. Ea famille Boyer,
indisposée contre D o ly , pria Desmanèclies d ’en accepter
le dépôt, ce à quoi il consentit, sans déplacement et sans
aucun intérêt personnel. Il 11e s’en est jamais chargé par
inventaire, et a seulement signé les expéditions pour le
compte des héritiers Boyer.
M* Anglade a réclamé ces minutes. Desmanèclies y
a consenti. Deux N otaires, M“ Beaufrère et Montéléon,
ont été commis pour faire l’inventaire et l ’estimation ,
M* Anglade les a refusées, parce qu’il ne voulait pas que
les héritiers Boyer fussent partie dans l ’inventaire et l ’acte
de dépôt. U11 procès verbal le constate. Cette exigence fort
déplacée, ne prouve qu’une chose ; c’est qu’il ne voulait
pas de ces minutes , et que son but unique, était de com
promettre son confrère , s’il avait pu y parvenir.
�—
4ô
—
M* Anglade poursuit les allégations.
M* Desmanèches, pour faciliter l’exploitation des deux
résidences, faisait recevoir les consentemens , pendant'son
absence, à Lempdes , par sa belle-mère ou le secrétaire de
la Mairie ; à Cournon, par la dame son épouse.
Ce serait ici un fait de fau x, puisque Desmanèclies
aurait fait des actes sans avoir vu les parties. O r , c’est
une indigne calomnie. Sa belle-mère est depuis plus de
vingt ans incapable d ’écrire ; et, ni Clavel, secrétaire à
Lempdes , ni son épouse , à Cournon , n’ont jamais pris
de consentemens pour lui. M* Desmanèches , qui rédige
toujours ses actes sur le champ et les écrit de sa m ain ,
n ’a jamais eu ni Clerc ni registre pour inscrire les consen
temens , comme on en voit dans plus d’une étude.
A in s i, sauf ce dernier fait , qui n ’est pas susceptible
d’une preuve écrite de la part de Desmanèches , puis
qu’elle serait négative, tous ceux allégués par Anglade ,
comme en ayant acquis la conviction et pouvant les
prouver, sont réduits , par des documens authentiques ,
à des allégations mensongères.
*
Et encore , pour ce dernier fa it, Anglade en fournitil le moindre indice? Non. Il n’en a pas besoin pour
accuser son confrère de faux matériels qu’il n ’a jamais
çoinmis. Il faut qu’on l’en croie sur parole.
Iléfuterons-nous ce que M' Anglade ajoute, pour cou
ronner scs véridiques assertions ? Desmanèches ne fait
que redoubler d’audace, et donner à ses manœuvres plus
d’activité) il s’est adjoint son fils ; aujourd'hui ils tien
nent ensemble étude ouverte à Cournon. Le fils écrit sous
�41 la dictée du père, et en l’absence de ce dernier, reçoit
les consentemens des parties.
Le sieur Desmanèches fils e s t, depuis trois ans , dans
la capitale , où il achève son droit ; il fait en inêmetemps son stage de Notariat, chez M* N o ë l, Notaire à
.Paris, où il tâche de mériter autre chose que les accu
sations de M* Anglade. Il y est troisième^ clerc, et fait
des actes autrement que sous la dictée de son père. Seule
ment , il a passé quelque temps dans sa fam ille, à l’époqueoù la capitale fut envahie par le Choléra. Y oilà com
ment ils se sont adjoints, pour tenir ensemble étude à
C-ournon. Nous serait-il permis de demander à qui il faut
imputer de l’audace et des paroles mensongères, propres
à exciter Vindignation?
Achevons. Pour montrer le dommage qu’il a éprouvé
de ces faits d’usurpation, que nous voyons n’être pas vrais,
M* Anglade dit avoir établi , par le rapport des réper
toires de Desmanèches :
« i° Que les actes de Cournon étaient deux fois, et
*
• n
souvent trois fois plus nombreux que ceux de Lempdes j
» que de 1814 à 1829 inclusivement, il a reçu 3,348
» actes pour Lempdes , et. 4i° 4% P ° u r Cournon. »
Quand ce calcul serait exact, ce 11e serait ni deux fois ,
ni trois fois plus , mais seulement le cinquième en sus 5
mais encore sur ce p oin t, M* Anglade a été infidèle.
Il
a lait un relevé des répertoires de Desmanèches,
article par article , et en a remis une copie à M. le Procureur-Général. l i a noté par numéros, à l’encre rouge,
les actes reçus pour Cournon, Ici 011 peut signaler plus
d’une erreur.
—
�—
42
—
> En i8i-4 , sur 91 actes qu’il indique pour Couruori,
12 ont été faits à Lem pdes, pour des liabitans de Lemp-*
des ; reste à 79 , sur lesquels il^y en a seulement 60 faits
pour des liabitans de Cournon : les autres appartiennent
à des communes étrangères.
5
5
Pour 181 , il indique 274 actes, sur lesquels 1 ap
partiennent à Lempdes : resterait à 279 , sur lesquels
encore, 168 , seulem ent, appartiennent aux habitans de
Cournon ; e t , encore, faut-il remarquer que quarante ont
été passés au domicile des parties ; et que 8 actes, pour
des liabitans de Cournon, ont été passés dans l’étude , à
Lempdes y ce qui prouve q u e , même alors, les gens de
Cournon allaient requérir le Notaire Desmanèches à
Lempdes.
Nous 11’avons pas vérifié les erreurs , en encre rouge,
commises par A n glad e, sur chacune des autres années.
Ces indications nous suffisent, surtout pour les temps an
térieurs à l’exercice d’Auglade et à la délibération judi
ciaire du i mai i o ;m a is nous pouvons ajouter que,
dans l’ensemble des années 1814 à 1829 , il n’a été reçu ,
pour deshabitansde Cournon, que ,049 actes et non 4,084 J
encore y faut-il comprendre tous ceux passés au domicile
des parties, en l’étude à Lempdes , et ceux faits par suite
de commission du Tribunal et de l’Adm inistration, tout
q u o i, certainem ent, est à l’abri de tout reproche.
3
83
5
C ’est pourtant avec ces élémens irréguliers et ces chiffres
inexacts, que M« Anglade prétend obtenir l ’assentiment
de la Justice et de l’Administration.*
» a0 D it - il, le nombre d’actes reçus par Desmanèches,
�» pour la résidence de Cournon, augmentait chaque année
» dans une proportion telle qu’on s’assurait, par l ’examen
»» des Hépertoires, que ces actes qui, en 18145 étaient au
» nombre de 91 , s’élevaient, en 1828, à
-»
Il faut donc croire cette augmentation annuelle, cette
proportion successive, qui a commencée par presque rien ,
puisque le sieur Anglade l ’affirme et qu’il peut la prouver
par les répertoires.
- Eli bien! ouvrons-les, et nous verrons encore que cela
n ’est pas vrai ; prenons même le chiffre tel qu’il est posé
par A n glade, quoiqu’il soit inexact.
E n 1814 5 91 j en 1828 , 364.
Mais , d’abord, en 1814 7 le répertoire commence au
¿21 août. Il n’a duré que quatre mois dix jours. Voilà pour
quoi le chiffre s’arrête à 91 , ce qui eut fait dès le d ébu t,
l 5y pour l’année entière.
Eu i j , toujours d’après M* Anglade, le répertoire
monte à 274 j en 1816, 289 ; puis il retombe jusqu’à 210 ;
remonte, en 1826 , à 347 ; retombe à 244 ct vient à
*
l l n ’y a d’autre variation que celles des années plus ou moins
bonnes, du plus haut prix du vin , et des baux de fermes
partiels des grandes propriétés; encore, nous le répétons ,
ces données sont celles du sieur Anglade ; nous prenons
son tableau et ses chiffres rouges.
M* Anglade fait ensuite un tableau particulier pour les
deux années i o et 1 1 ; nous devons l ’imiter: lisons-le
à la page o. Il dit en résumé : qu’en 1 o Desmanèchesa
reçu
actes pour Cournon, et 271 pour Lempdes , en
tout
j et en 1 1,4 5 4 , dont z o 5 pour Lempdes, et 249
pour Cournon. Voyons si cela est vrai.
364
85
364
253
524
3
83
83
83
83
6.
�Ici, un fait est fort remarquable. Tout ce qu’on a dit cidessus s’applique aux temps antérieurs à la décision du
Tribunal ; et la question de fa it , que M* Anglade cherche
A fixer ici 5 est q u e, depuis cette décision , M* Desmanèclies
n ’a fait qu’accroître d ’audace à raison de sa résidence à
Cournon.
.
,■
■
■
O r, il va prouver que depuis la décision de i o, lors
qu’il a transporté à Lempdes,non ses minutes personnelles
qui y étaient toujours déposées, ni celles de M* D ucrohet et de ses prédécesseurs, mais seulement celles de son
père ; c’est à Lem pdes, où était fixée tout à fait sa résidence
notariale , que cette confiance l ’a suivi.
-,
Sur les
actes notés pour Cournon, en 1800, 220 seu
lement concernent les habitans de cette commune. Ontils été reçus dans la prétendue résidence de Cournon?
Yoyons :
,, , , • j
-. .
^
y 5 Ont été reçus au domicile des parties.
1
Dans l’étude du N otaire, à Lempdes.
87 Dans la maison de Desmanèclies, î\ Cournon.
Yoyons 1 1. L à , dit encore A n glad e, l ’audace a aug
menté : 454 actes, dont
pour Cournon. On n ’avait pas
les mêmes craintes qu’en i o , et on revenait davantage
la résidence de Cournon. Yoyons si ce 11e sera pas tout le
contraire.
, •. •
u .
Sur ces 249 actes ,
seulement appartiennent aux
habitans de Cournon. Où sont-ils passés? : :
. ! ,
87 Au domicile, des parties.
111 En l'étude, 11 Lempdes.
37 Maison Desmanèclies , à Cournon.
¡<
A in si, au lieu d ’accroître, l’audace diminuait : 37 actes
I
^
255
58
83
^49
235
83
83
♦
�— 45 —
seulement dans la maison de Desmanèches; mais i 11 pour
Cournon, passés dans son étude, à Lempdes— 8y au do
micile des parties! Assurément, il y avait réquisition de se
transporter pour ces derniers. Ne fa u t-il pas encore que ,
dans la plupart de ces actes, on ait omis de le dire? E t
n’e s t - t - i l pas démontré que, lorsque Desmanèches ne
peut ou ne veut pas aller à Cournon, on vient contracter
à Lempdes?
E t remarquons que ceux passés dans sa maison, sont
toujours des actes minimes; et que tous ceux qui exigent
des discussions ou des travaux préparatoires, sont passés
dans l’étude ou au domicile des parties.
Il est donc bien avéré , que M* Desmanèches s’était
renfermé dans sa résidence ; qu’on venait également l ’y
chercher de Cournon , qu’il n ’avait pas besoin de ma
nœuvres et d’une résidence frauduleuso, pour attirer Ja
confiance , et qu’il lui suffisait de ne pas la repous
ser , comme il l’a déclaré dès le principe. Il est avéré ,
que les Vérificateurs et l’inspecteur de la llé g ie , avaient
vu c la ir, que le Procureur du llo i n ’avait pas vu trou
ble , et que M* Anglade en impose sur les choses les
mieux démontrées, avec ces offres de preuve , que tout
déconsidère et déconcerte dès à présent.
Après avoir ainsi complété les faits , il ne nous reste
qu’à discuter les moyens de la cause. L a Cour c o n n a î t
le jugement dont est appel ; nous n’avons pas besoin d’y
revenir.
�DISCUSSION.
Après avoir tiré de son exposé trois propositions qu’il
dit évidentes, M 'Anglade a senti que, même en les sup
posant, son système allait s’écrouler, s’il le réduisait à ce
qui constitue isolément sa demande en dommages - inté
rêts. Il avait trop de perspicacité , pour ne pas apercevoir
qu’il lui était impossible d’agir contxe un de ses confrères,
parce qu’il recevrait des actes dans sa résidence, en quel
que nombre que ce fût. H a donc fallu faire un amal
game, de la question de résidence, et de celle en dommages-intérêts; et alors qu’il voyait la première dispa
raître devant les faits matériels , et la conviction des
fonctionnaires publics, et qu’il ne pouvait rien espérer
de la seconde, en la laissant isolée; il fallait tâcher de
les soutenir l ’une par l ’autre, et de leur donner par l’en
semble, une consistance apparente , que chacune d’elles ,
ne peut avoir séparément.
Encore , pour tirer parti de ce système , a-t-il senti le
besoin de poser comme une base nécessaire, que le titre
de Notaire et sa résidence , sont pour lui une propriété
privée-
Et , enfin , rencontrant toujours un obstacle dans la
lo i, qui autorise Desmanèclies à exercer dans tout le can
ton , et ne permet pas de considérer comme susceptibles
de blâme , des actes couverts de son autorisation^ il lui
a fallu supposer une intention malveillante , et affirmer
que ces actes constituent des méfaits, ayant le caractère
de quasi-délit.
�47
—
—
- Voilà ce système qu’il a péniblement édifié. II ne nous
faudra pas d’efforts pour le détruire. Nous n’avons pas
reculé devant les explications de fait; mais les moyens
de droit sont aüssi de notre domaine.
Posons d’abord quelques principes :
A vant la loi du 6 octobre 1791 , un Notaire pouvait
instrumenter partout, et aucune question d’intérêt privé
ne pouvait s’élever à raison de l’exercice , malgré que
chacun fût propriétaire de son titre’, par suite de la vé
nalité.
L a loi de 1791 apporta des cliangemens notables à cette
institution.
Par les art. 8 et 10, elle décida le placement des N o
taires dans des lieux déterminés, et déclara qu’ils seraient
tenus d’y résider.
Quel fut le but de cette législation nouvelle? Put-il de
ménager l’intérêt respectif de chaque N otaire, et de dé
fendre à chacun d’eux d ’exercer dans la résidence de son
voisin? Non , évidemment. L ’intérêt public était le seid
mobile du législateur; il voyait que les populations avaient
besoin de trouver, au milieu d’elles, le ministre de leurs
transactions, et il exigea des résidences; m ais, en mêmetemps , il sentait qu’il 11e fallait pas en faire, pour chacun
d’eux, un sujet de monopole et d’exaction; e t, e n consé
quence , il écrivit dans l ’art. 11 :
«Ils 11e pourront exercor leurs fonctions hors des limites
» des départemens dans lesquels ils se trouveront placés;
» mais tous ceux du même département exerceront, con» curemment entre eux dans toute son étendue. »
A in si, la résidence était tout à fait, dans l’intérêt pu
¡cl
�=r 48 blic ; elle ne portait aucun obstacle à Vexercice avec concurrence dans tout le département. Ce principe devait',
d’ailleurs, se combiner avec la possibilité que le Notaire
fût appelé assez habituellement dans d’autres lieux, pour
faire des absences fréquentes.
L a loi du
ventôse an n a adopté ce système, tout en
y portant quelques modifications de détail.
L ’art. a conservé le principe des résidences , et a ré
servé au gouvernement, le droit de les fixer.
L ’art. , en divisant les Notaires par classes , a limité
Je territoire dans lequel ils exercent leurs fonctions.
A in si, comme la loi de 1791 , elle a admis cette grande
distinction entre l’obligation de résider et le droit d’exercer.
Tout cela prouve que l ’obligation de'résider est tout à
fait indépendante des droits et des intérêt? particuliers tle
çliaque Notaire, quant à la réception des actes.
Ce n ’est pas que la loi ait voulu abandonner le fait de ré
sidence à la volonté illimitée de chacun ; elle 11e voulait ni
ne pouvait autoriser les abus de Notaire à Notaire, mais
elle ne devait pas, non plus, ouvrir, pour cela, des actions
individuelles, toujours fâcheuses. L a surveillance de ces
sortes d’abus était toute d’administration ; et aussi, ne
voulant pas s’en dessaisir, ni même la confier aux T ribu
naux , quoique le Ministère public veillât à côté d’eux;
l’art. 4 , qui autorise à considérer les contrevenanscomme
démissionnaires, ajoute : « E n conséquence, le Ministre de
v la Justice, après avoir pris Favis du Tribunal, pourra
» proposer au Gouvernement le remplacement. »
A in s i, la loi a pourvu «\ tout ; niais elle n’a rien aban
donné aux individus, ni même aux tribunaux ordinaires ,
25
4
5
�de cette police administrative, qui demeure comxntrje
dans la main du Gouvernement, pour en user comme il le
trouvera convenable. C’est lui, et lui seul, qui fixe les rési
dences , qui les augmente ou les diminue dans le cercle
tracé par la lo i, suivant qu’il le juge nécessaire à l ’intérêt
public, qui demeure aussi seul juge des infractions et de
l ’application de l’art. 4? sans que cela ait rien de commun
ni avec les actions de l ’intérêt p rivé, ni même avec les
mesures de discipline, que l ’art.
confie aux Tribunaux
pour tous les autres cas.
E t aussi, toutes les décisions judiciaires ou adminis
tratives ont consacré ce principe de la loi. Nous nous bor
nerons à en indiquer quelques - unes : 1° U n arrêt de la
Cour de N îm es, du 20 décembre 1825 , qui refuse au M i
nistère public, lui-même , le droit de requérir du Tribunal
la suspension d’un Notaire traduit pour avoir usurpé la ré
sidence de son voisin. L a Cour décide que ce fait 11e peut
même pas donner lieu à une mesure de discipline ; que le
Notaire ne peut être atteint que par Vart.
qui n’appartient
qu’au Gouvernement. Le pourvoi, contre cet arrêt, a été
rejeté le 21 février 1827.
U11 arrêt de T u rin , du 9 janvier 1810 , a jugé de
même.
20U n arrêt de la Cour de Poitiers, du 29 mars 1828,
confirm ali (‘d’un jugement du tribunal de Saintes, qui re
jette un réquisitoire du Procureur du l l o i , présenté pour
un lait semblable , sur une lettre du Garde-des-Sceaux.
Le Iribuual ne repousse pas, pour cela, l’autorité de l’ar
ticle 4; il reiuse seulement, au Procureur du R o i, le droit
de s’en servir pour requérir une peine de discipline, parce
53
7
�— 5o —
53
qu’il n’a rien de commun avec l ’article
; mais reconnais
sant , dans le Garde-des-Sceaux , le droit de poursuivre le
Notaire, en prenant l’avis du Tribunal, par l ’intermédiaire
du Procureur du llo i, il donne acte de la remise de Jalettre,
et déclare qu’il donnera son avis , après avoir formé sa
conviction sur le fait.
L ’arrêt de la Cour de cassation , du 2 février 1829, qui
rejette le pourvoi, est plus formel encore. La Cour de Poi
tiers , d it-il, s’est conformée à la lo i, parce que c’est au
Ministre de la Justice seul, qu’il appartient de veiller à ce
que chaque Notaire habite sa résidence ; que cette surveil
lance est un acte d’administration , d’autant plus que le
Ministre p eu t, dans l’intérêt public, autoriser ou tolérer un
changement momentané de résidence ; qu’enfin , l’art. 4
exclut nécesss aireme nt l'emploi desformes relatives à l’exer
cice de lajuridictioncontentieuse, et n admet que la voix con
4
sultative , etc.
° Une Ordonnance rendue au Conseil d’Etat , le
28 août 1832, qui rejette le pourvoi d’un Notaire, contre
une décision du Ministre, qui avait appliqué l’art 4, parce
que c’est au Gouvernement seul, qu’il appartient de statuer
sur ce qui est relatifaux résidences.
C’est un point de départ fort remarquable, que celui-là :
L ’emploi de l’art. 4 n’appartient point à la juridiction contentieuse. Si donc, ce moyen ne peut être saisi directement
par le Ministère public, pour requérir les Tribunaux, il
peut encore moins être livré aux individus, dans leur inté
rêt privé.
résulte de là ; que le cas prévu et le moyen admis par
l ’article j iic sont pas dans le domaine des Tribunaux.
3
11
4
�— 5i —
Nous ajoutons qu’il ne peut jamais devenir Te principe
d’une action particulière en dommages-intérêts. Comment
ne pas le reconnaître? Il ne s’occupe que de la résidence.
L e droit de passer des actes là où est le droit d’exercer,
est renfermé dans l’art. 5. O r, il est bien évident que le
fa it de la résidence, détaclié du droit d’exercer, ne peut
être productif d’aucun dommage. Loin d’en éprouver de
ce que Desmanèclies laisserait à Cournon sa femme et
son ménage , et de ce qu’il viendrait y résider lui-même,
en abandonnant son étude à Lempdes , Anglade y trou
verait, au contraire, l ’avantage de faire les actes de sa
propre résidence , et d’aller faire ceux des liabitans de
Lempdes ; et ce serait pour lui un droit et une obligation.
Si nous avions, d’ailleurs, à examiner à quelle sorte de
position s’applique l ’art. ? un mot nous suffirait. M* A n
glade a , dans ses pièces, une ordonnance qui caractérise
très-bien la volonté du Législateur: U n sieur lîoucliet avait
été nommé Notaire à la résidence de St Maurice , canton
de Pionsat; il ne fit aucun usage de son titre, et quatre
ans s’étaient écoulés sans qu’il se fût mis en mesure d’oc
cuper sa résidence , malgré plusieurs injonctions. L a po
pulation se plaignait ; un autre Notaire de l’arrondissement
se présenta pour occuper la résidence, et elle lui fut ac
cordée par une ordonnance du llo i, qui déclara Mc lîoucliet
démissionnaire. On conçoit parfaitement cette décision ;
mais aurait on pu la rendre, si lîoucliet eût prêté serinent
et passés tous les actes de sa résidence? Quelle application
peut donc avoir un semblable fa it, à la cause?
Les poursuites de Me Anglade ont c o m m e n c é en i o.
Seize ans s’étaient écoulés pendant lesquels Desmanèclies
4
83
1'
�— 52
avait reçu tous les actes des habitans de sa résidence; il avait
été leur Al aire, leur patron, le conciliateur de leurs diffé
rons, et on auraitpule déclarer démissionnaire, pour l’avoir
abandonnée !
E t quand bien même sa résidence n ’aurait pas été ab
solue jusque-là, que les minutes de son père n’auraient pas
toutes été dans son étude , on pourrait le remplacer comme
démissionnaire , alors que toute l ’instruction, les vérifica
tions successives de la llé g ie , les procès verbaux d eM . le
Procureur du R o i, les informations qu’il a prises et qu’il
a transmises à l ’autorité supérieure, constatent que sa rési
dence notariale est complètement à Lempdes! E t tandis
que ses minutes font foi qu’il passe , dans son étude, tous
les actes de sa résidence , et un grand nombre d ’actes pour
les habitans de Cournon ; et que , d’ailleurs , le redresse
ment des infractions à l ’obligation de résidence, est ré
servé au gouvernement se u l, 011 voudrait que la Cour or
donnât des enquêtes, contre cet te masse de vérités patentes,
établies par des données authentiques et des actes qui font
foi! Quelle rêverie !
A in s i, n’en déplaise à M* Anglade, il faut qu’il cherche
ailleurs le soutien de sa demande, et qu’il se réfugie dans
l ’art i 382 du Code civil.
Mais comment y trouverai t-il un moyen pour lui?
Pour qu’un fait puisse devenir un principe de doinmages-intérêts, il faut une double condition:
i° Que ce soit un fait non autorisé par la loi;
20 Q u’il ait produit un préjudice appréciable.
O r, ici, où le préjudice 110 peut naître que des actes
passés par Desmanèches, pour les habitans de Cournon,
�53 —
comment lé reconnaître, alors même que le fait ne serait
pas permis? Il faudrait qu’on pût décider qu’au défaut de
Desmanèclies, les parties se fussent adressées à M° A n
glade. Or, dirait-il, lui-même, que ces actes fussent allés
grossir son répertoire? Les minutes de Desmanèclies, qui
constatent que les parties sont allées les passer à Lempdes ,
ne prouvent-elles pas le contraire?
Ic i, nous pouvons prendre un exemple :
I ln ’y a pas de règlemens plus sévères,que ceux de la phar
macie. L ’intérêt public exigeait, et la loi a voulu que les
préparations pharmaceutiques, et la vente des remèdes ,
fût interdite à tout autre qu’aux pharmaciens brévetés,
sous despeines correctionnelles. E n divers lie u x , des phar
maciens ont dénoncé des ventes illicites , nombreuses ,
habituelles, dans des officines ouvertes, et saisi directement
les Tribunaux de police correctionnelle. Ils ont été décla
rés non recevables, parce que , d’une p a rt, la prohibition
avait été portée uniquement dans l’intérêt public, et que
de l’autre, rien ne pouvant permettre de juger que les
acheteurs fussent allés prendre leurs remèdes dans la phar
macie du plaignant, il n’y avait pas de dommage appré
ciable. L a Cour, elle-même, a admis cette doctrine par un
arrêt de 1 1.
83
Et cependant, il s’agissait d’un fait punissable, d’un
délit qui ne pouvait exister sans donner ouverture à un
moyen de repression.
Et on voudrait} qu’un fait autorisé par la lo i, donnât
ouverture à des actions individuelles ! A-t-on réfléchi
aux conséquences graves qui en résulteraient, dans l’or
dre moral de la société?
�-
54
- -
E videm m ent, l ’action ne serait pas ouverte pour la
passation d’un acte, ou de plusieurs ; ce serait donc pour
un grand nombre , et pour quelques circonstances ; mais
comment les fixer?
E t si le titulaire jugeait convenable de s’absenter
souvent , et que des actes nombreux se présentassent ;
s’il mettait à un haut prix, son talent et son patronage ;
s’il lui plaisait de rançonner les liabitans ; s’il était mal
habile ou peu scrupuleux , ( nous n’appliquons pas ces
suppositions , nous raisonnons ) il serait interdit aux
babitans, d’appeler un Notaire de confiance, et il pour
rait devenir dangereux à ce Notaire d’y répondre, parce
que cela se répéterait beaucoup , parce qu’il pourrait,
être, plus ou moins souvent, obligé à quelque séjour, parce
qu’on.profiterait de sa présence, pour lui en faire passer
un plus grand nombre! Il suffirait donc à un Notaire,
d ’abuser de sa position, pour exposer ses confrères à des
poursuites et à des investigations de toute espèce ; et ce
lui qui ne voudrait rien faire, pour attirer les cliens ,
par la confiance, tirerait de la loi des moyens détour
nés, pour chasser ses confrères de sa résidence , en
créant des difficultés, des obstacles, en les abreuvant de
dégoûts , et en les menaçant de demandes, en dommages»
intérêts ! Espérons que l’intérêt public ne deviendra
pas, a in si, l’esclave de l ’intérêt privé; que le Notariat 110
sera pas, jusque-là , ravalé par une fausse entente des
lois; ou bien, cette profession si noble et si importante,
11e conviendrait plus aux hommes honnêtes.
Nous n’avons pas besoin de sortir de la cause, pour
chercher un exemple: U y a long-tçmps que M* Anghulo
�— 55 —
a organisé autour de la maison D e sm a n è ch e sle plus
vil espionnage. Quelques hommes , parmi lesquels se
trouve toujours u n , au moins, des témoins qu’il a pro
duits à la Chambre d’accusation, et qui l ’ont certifié au
prétendu compte de Lareine-Jioussel , chez Me A staix,
exercent l ’inquisition la plus odieuse , sur tout ce qui
entre ou sort ; souvent on pénètre dans la m aison, sous
quelque prétexte. Encore , si c’était pour voir et dire la vé
rité ! Il n’est pas jusqu’à Lareine-Boussel, qui n’ait été en
voyé chez Mc Desmanèches, un jour qu’il était à Coufnon; pour lui proposer de passer un acte. L a maison et
l ’étude de Lempdes ne sont pas non plus exempts de ces
investigations odieuses. Voilà pourquoi on veut des en
quêtes, et comment on se fait des témoins. Serait-ce là ,
le but moral de la loi , quand elle parle de résidence et
d’exercice de la profession?
Et aussi, tous les exemples de jurisprudence, ont rejetté l’action en dommages-intérêts. Ceux que nous avons
cités, ne s’appuyent pas seulement sur l ’incompétence
des Tribunaux , mais encore sur le droit donné par la
lo i, à chaque N otaire, d’instrumenter hors de sa résidence.
L ’arrêt de Nîm es, en rejettant la demande, recon
naît la fréquence des voyages, et le grand nombre d’actes
que faisait le Notaire Guérin a Chômérac, résidence voi
sine, et que M. le Procureur du llo i l’accusait de faire,
sans y être appelé.
L a Cour de Cassation , en rejettant le pourvoi, va plus
loin. Elle se fonde sur ce (pie : « L ’on n’iinjmie au No» taire Guérin aucune malversation , et que la fréquence
» de ses voyages à Chomérac, peut être expliquée par la
�— 56 —
»
»
»
»
»
grande confiance dont il paraît jouir dans le canton
dont cette commune est le chef-lieu , et que l’on ne
pourrait en faire la base d’une peine disciplinaire, sans
craindre de porter atteinte au droit qu'il a d'instrumenter dans cette commune. »
Y a-t-il au monde quelque chose de plus clair , de
plus logique ? et surtout, de plus directement applicable
à Desmanèches?
Dira-t-on qu’il était reconnu que Guérin avait à Privas
sa résidence , son dom icile, et le dépôt de ses minutes?
Mais cela est vrai pour Desmanèches , depuis 18 14 , et
plus spécialement depuis 1 o ; et si on pouvait le con
tester , encore une fois , le Ministre seul aurait droit
d ’investisation
,f et de le faire rentrer dans sa résidence.
O
Dans une autre espèce, où un Notaire se rendait ha
bituellement les jeudis et les dimanches, de sa résidence
au chef-lieu du canton, pour y recevoir des actes} le
Ministère public l’avait poursuivi. Le Tribunal Civil
de Dreux rejetta l’açtion , en copiant le motif de la Cour
de Cassation, que nous venons de transcrire j et le 14
mai i
, arrêt de Paris, qui confirme.
Le Tribunal de Clermont n’a donc fait que se con
former aux principes , en déclarant l ’action 11011-recevable.
C ’est ici que M e Anglade réunit tous ses efforts, et
s’écrie : Comment serait-il possible que je fusse réduit
à. perdre ma profession, par une fin de non-recevoir?
X^ut-on séparer mes moyens, et les annihiler en les met
tant à nud , par cette barbare dislocation? Réunissons
çes trois propositions ;
83
832
�— 5; —
I® Mon office de Notaire est ma propriété.
2° Ma résidence fait partie de mon office ; elle est
donc ma propriété, et j’ai une action contre M* Desmanèches-, qui usurpe ma résidence ;
° Les faits que je lui impute présentent les caractères
de quasi-délit, de fraude, de méfaits.
Donc, j ’ai une action civile en réparation , qu’on ne
peut me refuser.
Ges propositions seraient vraies, que nous n’admet
trions pas la conséquence ;
Mais- elles ne sont pas vraies.
A vant de livrer à la Cour quelques réflexions là-desSus , n’omettons pas d’observer que M’ Anglade luimême a senti le besoin de ces deux moyens extrêmes :
Propriété privée de son titre, et usurpation frauduleuse
par des méfaits. Il s’est donc engagé à prouver tout cela.
O r , à cAté de ses assertions inexactes , seule ressource
dans laquelle il se réfugie , nous allons prouver le con
traire , avec les simples armes de la vérité.
On nous ferait rétrogader d’un demi-siècle , que nous
n ’arriverions qu’au temps où , trouvant établi ce système
de propriété des offices , le législateur s’occupa de le
détruire. Alors qu’on jugeait convenable d’abolir tous
les privilèges, le gouvernement ne pouvait pas admett re
qu’une portion quelconque de la puissance publique pût
appartenir, de droit, à de simples individus.
Jusque-là, on transmettait, comme une propriété ordi
naire , les charges de judicature, les offices des greffiers ,
notaires et autres; le Gouvernement n’avait qu’à donner
son adhésion, pour attacher àla transmission individuelle
3
8
�un caractère public; el aussi, la nécessité de définir cette
sorte de propriété, avait fait considérer les offices comme
des immeubles fictifs , susceptibles d’hypothèque. Aujourd’hui même, considéré comme propriété, le titre ne
pourrait échapper à l ’action du créancier, et à une saisie,
soit m obilière, soit immobilière; il se transmettrait avec
l ’hérédité! Oserait-on le prétendre?
L e Gouvernement ne donne plus une simple adhésion à
la transmission individuelle d’un titre ; il nomme qui il
v e u t, et comme il veut; il donne le titre, et il le révoque
quand il le juge convenable; lui seul en est le juge.
L ’art.
de Ia
est seul qui parle des résidences; si
on pouvait en induire que lobligation de résider est un
droit de propriété, comment y trouverait-on cette idée dis
parate, que celui-là sera considéré comme démissionnaire,
qui n ’aura pas ju¿é convenable d’user de sa propriété? Et
comment M e Anglade aurait-il osé , sous ce singulier pré
texte, dem ander, avec instance , la révocation de M1' Desmanèches.
A u reste, jusqu’à la loi de 18 16 , personne n’a douté de
cette vérité, que le titre conféré par le Gouvernement n ’est
pas une propriété. Cette loi a-t-elle changé le principe?
L’art, pi donne seulement aux titulaires, 011 à leurs
héritiers, la faculté de présenter un successeur, mais non
de le nommer ni de vendre le titre. Il en est résulté, il est
vrai, des transactions, moyennant un prix; mais cette cir
constance, purement accidentelle , 11e change rien à la
question , car il faut toujours la nomination du Souverain,
qui peut, 11011 seulement la refuser, mais encore, nommer
toute autre personne que celle qu’on lui présente, eût-elle
4
�//•X ;
b9
—
—
traité, moyennant un prix. En ce cas, et à moins que le
Gouvernement n’en ait imposé la condition, le nouveau
titulaire ne doit aucune indemnité, fut-il un des héritiers
du défunt.
• A u reste, la loi de x8 16 , porte avec avec elle-même ,
son antidote.
L a faculté de présenter un successeur, n’aura pas lieu
pour les Notaires destitués— Elle ne déroge point au droit
de S. M. de réduire les fonctionnaires.
Me Anglade veut que cela ne s’applique qu’aux cas d’une
réduction non encore opérée. C’est une erreur j car , si
après avoir fixé le nombre et les résidences des Notaires ,
le Gouvernement pensait devoir l ’étendre ou le réduire
davantage encore , il en aurait la faculté.
L a loi du 2.5 ventôse an n , ne lui laisse-t-elle pas, en
l’art. i , le droit de placer deux Notaires dans une rési
dence où il n’y en avait qu’un? D ’en établir jusquàcinq
dans un canton où le nombre aurait été d’abord réduit à
deux ou à trois? N ’est-il pas arbitre souverain du besoin
des populations? A -t-il, en cela, d’autre règle que l ’inté
rêt public? Comment donc les résidences seraient-elles
une propriété privée?
3
Nous n’aurions pas besoin de relever cette singulière as
sertion du Mémoire, (p.
, 37) que la vénalité ne s’ap
pliquait qu’aux offices de judicature , et que lorsque des
( réclamations s’élevaient contre la vénalité...... Aucun bon
esprit n’essaya d’étendre la prohibition aux éludes de N o
taires , etc. Pour se laire tine juste idée de la faciliié de
JMr Anglade à afiirmçr tout ce qu’il désire, même contre
36
8,
l
�—
60
—
l’évidence, il noussuffit de'transcrire l ’art. 1" délla lo i du
ay septembre 1791.
La vénalité et l’hérédité>des Offices-royaux de Notaires,
« Tabellions, etc. , sont abolies. »
Apparemment que cette loi n ’avait pas un\bon esprit,
qu’elle n ’avait pas été provoquée et adoptée 'par ¿e bons
.esprits, et que ceux-ci avaient gardé le silence/O r, la -vé
nalité et l’hérédité du Notariat n ’ont pas été rétablies, et
nous pensons bien que les bons esprits de i
ne les récla
meront pas.
Ainsi disparaît 'cette base fantastique de l’édifice <le
M* Anglade.
Mais quand on siipposerait son principe v r a i, les con
séquences n’en seraient pas plus admissibles.
i° Parce que les infractions à la résidence , seraient
du seul ressort du Gouvernement; que M* Anglade a ,
'sous ce rapport, épuisé son droit, par sa dénonciation,
et qu’il 11e pouvait y trouver le principe d’une action
833
privée.
20 Parce que tous les faits antérieurs à 1828 , sont étran
gers à l’intérêt personnel d’Anglade.
° Parce que, pour le temps antérieur à 1 o, la situa
tion de M,f Desmanèches a été fixée par la délibération
du i mai.
° Pa rce qu’il est constaté par les documens les plus
■authentiques, que depuis cette délibération, au moins ,
Pesmanèches a sa résidence Notariale à Lempdes.
M ais, dit-011, il a encore sa femme et un ménage à
Cournon.
Cela est vrai ; mais d’abord , il a aussi son ménage et sa
5
4
83
3
�belle-mère àXem pdes; le ménagé de Lempiles est le sien;
sa femme est fille unique, et sa belle-mère est octogénaire
et dans un état complet d’infirmité; sa mère réclame d’ail
leurs, àCournoti, les soins de son épouse ; et enfin , ni l ’un
ni l’autre des deux ménages, ne sont le Notariat.
E st-il, d’ailleurs, le seul officier public, le seul fonetionnaire, qui laisse son épouse à la tête d’une exploita
tion considérable, pour se réserver ailleurs , aux devoirs
et aux affaires de son état ?
A u reste , une raison fort sensible ; que M* Desmanèclies a toujours déclarée comme un fait qui devait tout
finir et lever tous les obstacles entre M c Anglade et lu i,
s’opposait à ce qu’il supprimât son ménage de Couruon.
Son fils est en âge et en état de le rem placer, il espère qu’il
en sera trouvé digne. Le projet d’abandonner tout-à-fait
le Notariat et le soin des propriétés de Lem pdcs, et de
se retirer à Cournon avec son épouse, pour se réduire à la
régie de ses biens , ne le permettaient pas ; et comme 011
n’exigeait à Lempdes que sa résidence personnelle , et
l’assiette de son établissement Notarial , il y a satisfait.
E n fin , pendant que INI* Anglade pose comme néces
saire sa proposition de méfaits, d’intention malicieuse , ce
qui est fort ridicule, car après tout, il n’y aurait dans
toute supposition , qu’ une rivalité d’intérêts, et il n’a
même allégué rien autre chose, toutes les circonstances
démontrent que M* Desmauèches aurait agi de bonne
foi, sous l’égide de la loi, de son titre qui en a la dispo
sition expresse; des commissions duTribunal et d el’Adm inistration , qui l ’ont appelé; du consentement dcsesconfrères et de leur contre-seing volontaire et habituel ; il aurait
�— 62 —
été provoqué par la confiance d’un certain nombre de fa
m illes, qu’il ne tient pas de son Notariat ni de ses ma
nœuvres , maisde ce que de tous les temps, et bien avant
qu’il fût Notaire , ils étaient en relation avec lu i, de ce
qu’aujourd’h u i, ils ont leurs affaires dans son étude.
S’il fallait aller plus loin , et prouver que la fréquence
des actes de Desmanèclies a été rendue nécessaire par
le fait même de M* Anglade; nous le ferions sans peine,
et nous n’aurions pas besoin d’enquête.
Quant à présent, nous n’irons pas plus loin dans les
explications. Il doit nous comprendre.
Mais si nous pouvions supposer qu’il fallut des en
quêtes, nous aussi, nous prouverions par cent témoins,
par les hommes les plus honorables des deux communes,
soit la vérité des faits que constatent les documens offi
ciels, soit et aussi, les faits personnels à M* Anglade , et
;Vsa résidence. Il nous serait permis, non pour accuser, mais
pour nous défendre, de scruter la vie Notariale de M* A n
glade jusque dans ses replis , de montrer l’emploi de
son temps, partout ailleurs que dans sa résidence, et l ’o
bligation où ont été les habitans de Cournon, de s’adres
ser à tout autre qu’à lui.
A u reste, quel fait allègue-t-on, qui prouve la malice
de Desmanèclies, si ce n’est cette indigne calomnie, tirée
du fait de La reine-Boussel ? Si nous voulions chercher des
laits qui établissent le contraire, il nous serait facile.
Nous n’en citerons qu’un seul, il montrera jusqu’à quel
point il est permis à M° A nglade, d ’accuser son confrère
de mauvais procédés.
De tout tem ps, Desmanèclies père et iils avaient eu lfk
�— 63 —
confiance d e là famille Quaynoux. E n 1828, Marguerite
Dardaine, veuve de François Quaynoux, fut atteinte d ’une
maladie grave. Elle avait quatre' enfans, tous mariés sous
promesse d’égalité. Jean , et Gabriel le , femme Landau ,
habitaient aveq elle , et s’étaient emparés de son esprit.
Le 4 août 1828, Desmanèches fut appelé. L a mère lui
déclara qu’elle-.,voulait leur donner le <[uart en préciput.
Il s’y refusa, en remarquant à la mère , qu’elle avait
promis l’égalité. Elle dit alors, qu’ils avaient travaillé ses
biens, et qu’elle voulait les leur donnera m oitié, pour
qu’ils ne fussent pas en perte. Desmanèches fit le bail pour
neuf ans, mais avec clause expresse de résiliation en cas de
décès, sauf la récolte de l’année.
Mécontens de ce résultat mesquin , les deux enfans al
lèrent consulter M” Anglade ; il pensa qu’il y aurait moyen
de les satisfaire ; et le 6 août, lit chez la veuve Quaynoux,
les actes ci-après :
i° L a vente précipitée à Michel C liaput, m aréchal,
d’une terre qui le joignait. Elle est faite*moyennant le
prix fictif de 200 f r . , payés comptant. O11 stipule une
garantie, attendu que le prix a été payé de confiance, sans
savoir si la terre vendue, est libre d'hypothèques et d’ins
criptions.
E n même tem ps, Cliaput fait au profit de Jean Q uay
noux et de Landan, conjointement, deux effets montant
à 3o2 francs, faits le 6 août; ils portent la date du 3o mars j
ils sont, entièrement écrits de la main de M. Anglade.
20 Une obligation par la veuve Quaynoux , de 400 f r .,
au prolit d’un individu de Clermont, qu’on ne connaît pas.
U n partage testamentaire qui faisait ¿\ Jean et à la
�-
64
-
femme Landau', des* avantages indirects considérables.
Marguerite Dardaine décéda le 10 ao û t, quatre jours
après. On ne trouva pas une obole dans sa maison.
A u ssitôt, les enfans lésés jetèrent les hauts cris; ils ap
pelèrent M* Desmanèclies, qui les appaisa; il pensa qu’il
aurait assez d’ascendant sur les deux autres, pour les rame
ner à la justice. Il les fit appeler, ainsi q u eC h ap u t, et ne
fut pas trompé dans son attente. Le 19 août, tout cet’ édi
fice de fraude-'fut renversé par le commun consentement
des parties;
Sans être animé par l’audace, la ruse , la méchanceté la
plus froide comme la plus cruelle, M* Desmanèclies eût
pu , s’il 11e se fût pas observé, annuler ces actes comme
autant de transactions frauduleuses, et il 11’eût pas commis
un méfait. Il eut la prudence de 11e pas le faire , et il rem
plit son devoir avec autant de circonspection et d’égards
qu’il pouvait en offrir à un confrère à qui il pouvait 11e
supposer qu’un manque d’expérience.
Il 11e fit qu’un seul acte authentique, 1111 nouveau par
tage , dans lequel, sans aucune expression critique, ni
contre les personnes , ni sur le fa it, 011 se borne à dire que
les parties n’entendent pas exécuter le partage testamen
taire lait par leur mère.
Il se réduisit ensuite à deux déclarations sous seing-privé,
qui 11’ont jamais vu le jour.
L ’une de Jean Quaynoux, seul, qui reconnaît avoir pris
les /¡oo fr. empruntés par l ’obligation du 6 août, et promet
en garantir ses frères et sœurs.
L ’autre de Quaynoux et L an dau, qui reconnaissent que
�— 6£ —
les deux billets de 3o2 fir. ne sont que le prix de la vente.
Etrainsi fut enseveli, dans le secret, tout cet édifice d'e‘
fraude'y qui aurait pu compromettre, à son début, un
officier ministériel. M‘ Desmanèclies le laisserait dans
l ’o u b li, si on ne le forçait à en parler pour sa défense,
en l’accusant d’une noire malice.
V oilà toute cette cause , si singulièrement travestie par
Mc Anglade. Encore aujourd’h u i, M* Desmanèclies dira à
la Justice : J ’ai agi de lionne foi ; je n’ai jamais outre-passé
mes droits ni les limites que m’imposait la loi. Aucun de
mes actes nv’à étd'le sujet de la'moindre plainte, et l’intérêt
public a été satisfait ; j ’ai cru avoir exécuté tout ce que me
prescrivait la délibération de i o; si je me trompais en
core, que mes supérieurs prescrivent, et je 111’y confor
merai.
83
Mais, que demande-t-on contre lui avec tant d’instance?
M« Anglade se plaint que l ’exercice de son état est ré
tréci par l’usurpation prétendue de »Desmanèclies, car le
chiffre de son répertoire prouve qu’il ne lui est pas enlevé;
et il demande, contre lui , qu’on le condamne à des dommages-intérêts , et qu’on lui enlève son titre ; qu’on-le lui
arrache tout à fait; qu’on le déshonore, et qu'on prive,
dès à présent} lui et sa famille, d’un état honorable , et
qu’il rem plit, autant qu’il le peut, à la satisfaction pu
blique. On veut que son fils 11e soit pas Notaire; que l ’ave
nir de ce jeune homme soit coupé dans sa racine ; 011 s’en
arroge pour ainsi dire le droit , e t, pour y parvenir, on
dénaturé tout, ou empoisonne tout, on affirme les faits les
plus faux. Outre qu’on ne doit pas le craindre de la justice,
9
�—
66
—
la raison reviendra, sans doute, et alors on aura quelques
regrets d ’avoir calomnié un homme honnête, et d’avoir
cherché, par des moyens illicites, à lui ravir son état et la
considération publique.
D E S M A N È C H E S , Notaire.
Me de V IS S A C , Avocat.
MED R I V O N , Avoué-Licencié.
RIOM E THIBAUD IMPRIMEUR DE LA COUR ROYALE
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Desmanèches, Jean-Baptiste. 1833?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Desmanèches
De Vissac
Drivon
Subject
The topic of the resource
notaires
détournement de clientèle
dommages et intérêts
concurrence déloyale
minutes de notaires
ventes
offices
juge de paix
Garde des sceaux
loi du 25 ventôse an 11
chambre des notaires
minutes de notaires
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse, pour Jean-Baptiste Desmanèches, notaire à la résidence de Lampdes, intimé, contre Claude Anglade, notaire à la résidence de Cournon, appelant.
Annotations manuscrites.
Table Godemel : Notaire : 5. le notaire qui a à se plaindre de ce qu’un de ses confrères abandonne plus ou moins souvent sa résidence et vient d’établir dans la sienne, est recevable à intenter une action en dommages intérêts contre ce dernier, pour la réparation du préjudice que peut lui causer cette usurpation de fonctions.
il n’en est pas comme de la simple infraction à l’obligation de résider, dont la connaissance et répression appartiennent exclusivement au ministre de la justice.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
E.Thibaud, imprimeur (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1833
1827-1833
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf66 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2802
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2801
BCU_Factums_G2803
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53558/BCU_Factums_G2802.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Cournon-d'Auvergne (63124)
Pont-du-Château (63284)
Lempdes (63193)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
chambre des notaires
concurrence déloyale
détournement de clientèle
dommages et intérêts
Garde des sceaux
juge de Paix
loi du 25 ventôse an 11
minutes de notaires
notaires
offices
ventes
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53557/BCU_Factums_G2801.pdf
1b1bd0387ae94908efbbc2f1306a934d
PDF Text
Text
« ' X
MEMOIRE
POUR
Me
C laude
A N G L A D E
,
N o taire
Royal
A la Résidence de Cournon , Canton du Pont-du-Château,
Appelant d’ un Jugem ent rendu au T ribu n al C ivil
do C le rm o n t.lc 7 Juin 1832;
CONTRE
M-
J e a n -B a p tis te
DESM ANÈCH ES,
Ayant Résidence fixée par sa Com mission, dans la Commune de Lempdes ,
Canton du P ont-du-Chateau ; mais de fait ayant établi son Domicile et sa
Résidence Notariale à C o u b n o n , intimé.
LE Notariat est une des institutions qui honorent le plus
les sociétés modernes elle maintient la paix au sein des
familles et entre les particuliers, aussi, le législateur s’estil efforcé d’établir cette profession sur des bases, et de l’as
sujettir à des règles qui fussent la garantie des citoyens ,
et assurassent aux Notaires la considération et la juste ré
compense dues à leurs honorables travaux.
Les Notaires ne devaient point être en trop petit nom
b re, il était effectivement à craindre qu’ils abusassent de
la nécessité de recourir à e u x il y avait également danger
1
�Vi créer des offices en nombre supérieur au service des po
pulations 5 devant nécessairement arriver qu’une profes
sion dans laquelle l ’intelligence, l’instruction, l’exactitude
et la probité ne sont plus des moyens suffisans de prospé
rité, fût bientôt abandonnée des, hommes hounêtes , et
livrée à ceux qui n’attendent leurs succès que de l'activité
de leurs intrigues, et de la multiplicité de leurs exactions.
A u s si, la loi du 25 ventôse an xi fixe-t-elle le nombre ,
le placement et la résidence des Notaires, et imposet-elle à chacun d’eux le devoir impérieux de résider
dans le lieu qui lui a été fixé par le gouvernement.
M e Desmanèches a cru pouvoir s’affranchir de cette
règle , bien certainement établie tant pour l’avantage de
la société , que dans l'intérêt des Notaires en particulier.
Seul Notaire à la résidence de Lem pdes, il est venu fixer
son domicile ré e l, et sa résidence notariale à Cournon,
résidence pour laquelle M e Anglade est seul commis
sionné ; et non content de cette infraction, le sieur Des
manèches a encore signalé sa présence ù Cournon par une
série défaits manifestant le dessein de nuire, et ayant porté
préjudice à M* Anglade.
Ce dernier devait se plaindre , non seulement de cette
infraction à la loi, mais encore de cette série de faits con
stituant plus qu’une fraude ordinaire, improprement
qualifiée quasi-délit, par le Code civ il, et que notre an
cien Droit renfermait dans l’expression aussi vraie qu’é
nergique maleficia\ faits h l’aide desquels M® Desmanè
ches a enlevé à M ' Anglade son existence notariale, h la
quelle cependant la loi du 28 avril 1816 a justement attri
bué les caractères de la propriété.
M* Anglade a usé de son double droit: il s’est plaint à
�M . le.Garde des Sceaux, de ce que M e Desmanèches ne
tenait point sa résidence; il a en outre formé contre ce
dernier une demande en dommages-intérêts, et a offert
la preuve des faits propres à la justifier.
M* Anglade n’a encore obtenu aucune satisfaction; la
loi est demeurée, pour lui, un principe stérile, une des
cription insignifiante et sans action: M . le Ministre a ren
voyé à statuer sur la plainte en contravention, jusqu’au
moment où les faits allégués à l’appui de la demande' en
dommages-intérêts auraient été éclaircis par l’instruction
judiciaire; et le tribunal civil de Clermont, après vingtsept mois d’attente, a donné acte au sieur Anglade de ses
réserves, c’est-à-dire, de sa plainte à M . le Garde des
Sceaux, et l’a déclaré non recevable dans sa demande.
Ce jugement nécessitera l’examen de trois questions
principales :
i° La loi du 28 avril 1816 a-t-elle donné aux offices de
Notaire les caractères de la propriété ?
a8 La résidence faisant essentiellement partie du titre ,
le seul Notaire d’une résidence a-t-il action pour empêcher
le Notaire d’une autre résidence, de venir établir son m é
nage et son étude dans la sienne; cette infraction donnet-elle ouverture à une demande en dommages-intérêts
contre le contrevenant ?
3*Les faits imputés à M* Desmanèches présentent-ils des
caractères de quasi-délits, de fraude et de méfaits donnant
lieu à réparation civile; et sous ce rapport, la preuve de*
vait-elle être ordonnée ?
�'J
-
4 -
FAITS.
Cinq offices de Notaire ont été conservés pour les b e
soins de la population du canton du Pont-du-Ghâteau :
trois de ces Notaires résident au Pont-du-Ghâteau; la com
mission de M® Desmanècliesfixe sa résidence à Lempdes,
et M* Anglade est le seul Notaire à la résidence de Cournon.
La population de Cournon est plus considérable que
celle de Lempdes j et comme l’art. 34 de la loi du 25 ven
tôse an xi pose en principe que lè cautionnement doit
être fixé en raison combinée de la population du ressort
et de la résidence de chaque Notaire, le cautionnement
du Notaire de Cournon a été porté à 2,000 fr., et celui du
Notaire de Lempdes à i,8oo francs.
Avant la réduction opérée en vertu de l’ordonnance du
i er septembre 1824, il existait à Cournon trois notaires,
du nombre desquels était M* Desmanèclies, père de l’in
timé. Ce Notaire vint à décéder; et son fils étant trop
jeune pour lui succéder, le principe de la réduction dût
atteindre cet office; ce fut alors que le sieur Desmanèclies
épousa la fille du Notaire de Lempdes, et devint, par suc
cession, Notaire à celte résidence.
La mort de M e Boyer, autre Notaire , opéra une nou
velle réduction ; et dès-lors, M* D oly fut le seul qui eut sa
résidence notariale dans la commune de Cournon.
M* D oly est décédé en 1825 : M ' Tibord acquit son
étudele 1 rjuillet 1827; alors M* Anglade étaitpourvu d’une
étude de Notaire h Plerment ; mais une ordonnance du
roi, du 2G décembre 1827, ayant autorisé la permutation
de ces deux offices , M* Anglade devint Notaire à la rési
�— 5 —
dence de Cournon, moyennant la somme de 23,ooo ir.
Ce capital était toute la fortune de M* Anglade, qui
l ’avait acquise par des travaux aussi honorables qu’assidus,
et conservée par la plus stricte économie. En en faisant le
sacrifice pour l’acquisition d’une étude, il devait croire
qu’il assurait à sa famille et à lui-même des moyens d’exis.
tence sufiîsans,et que ses travaux lui permettraient encore
de donner à ses enfans une éducation convenable. Gom
ment n’aurait-il point eu cette certitude, lorsque sa com
mission le nommait seul Notaire à la résidence de Cournon \ et que d’ailleurs les statuts et règlemens de la com
pagnie des Notaires de Clermont, dont il avait l’hon
neur de devenir membre, défendaient expressément ,
(conformémentà la loi du a5 ventôse an xi), àtoutNotaire
du ressort, d’avoir sa résidence dans un lieu autre que celui
fixé par l’acte de sa nomination-, comme aussi, d’avoir
habituellement, et d’indiquer à des époques périodiques
un cabinet d’affaires dans une commune autre que sa ré
sidence ? Etait-il permis de penser qu’un Notaire se per
mettrait d’enireindre tout-à-la-fois et une disposition lé
gale et un engagement d’honneur envers ses confrères j
qui aurait pu croire surtout, que la Cham bre, gardienne
et conservatrice naturelle des intérêts du Notariat, pût
laisser sans repression des faits aussi nuisibles aux intérêts
moraux et matériels de cette honorable profession ?
M e Anglade, dès son entrée en exercice, a acquis la
cruelle certitude qu’il s’était complètement abusé. Il a
trouvé M e Desmanèclies, Notaire à la résidence deLem pdes, en pleine possession de celle de Cournon ; domicile
r é e l, étude ouverte dans sa propre maison, dépôt des mi
nutes , exercice complet et public de la profession de
�— 6 —
Notaire, tels sont les faits que M e Desrnanèclïes a cru pou
voir se permettre, et à l’aide desquels, de 1814 à 1829, il
a reçu, dans la résidence de Cournon, /¡,o84 actes, tandis ,
que pour Lempdes, sa véritable résidence, il n’en a reçu,
pour le même espace de temps, que 3, 348.
L e préjudice éprouvé par M e A n glade, et celui qu’il
devait craindre dans l’avenir, étaient également évidens ;
il dut donc recueillir les renseignemens propres à éclairer
les diverses autorités qui pouvaient, ou réprimer cette
infraction, ou lui accorder la juste réparation de la perte
qu’il avait souffert.
Une recherche attentive mit bientôt M e Anglade en
'état d’articuler les faits suivans :
i° M eDesmanèches est propriétaire d’une maison à Cournon, où il habite habituellement avec sa famille, et tient
son seul ménage : dans cette maison, est un appartement
destiné à l’étude de Notaire; là, M e Desmanèchesa placé
un bureau et établi des rayons et des placards où sont placées'bes minutes; là, encore, ce Notaire donne audience à
ses cliens, rédige ses actes et en délivre expédition
20 Jusqu’au mois de février i 83o, époque à laquelle
M e Anglade a porté plainte à M. le Garde des Sceaux, et
a formé sa demande en dommages-intérêts devant le
tribunal civil de Clermont, M e Desrnanèclïes a clos ses
actes en ces termes : « Fait et passé à Cournon , maison
Desrnanèclïes » ; et dans "aucun il n’est fait mention qu’il
se soit transporté sur la réquisition des parties.
3» jy[e Desmanèches se donne et reçoit constamment le
titre de Notaireà Cournon; les lettres qui lui sont adressées,
les extrait de ses impositions, les commissions qui lui sont
données parM . le Préfet ou par IcT ribun ald eClermont,
�íes annonces publiques, s’accordent à désigner M'Desrnanèches comme Notaire à Cournon, à. la résidence de
Cournon, dans son étude, à Cournon.
4 ° Les rapports de M e Desmanèches avec l’administra
tion de l’enregistrement, ont lieu de manière que les em
ployés ont vu et vérifié les minutes de ce Notaire à Cour
non ; c’est de ce lieu que M* Desmanèclies adresse ses
actes au receveur de l’enregistrement au Pont-du-Château,
et correspond avec ce fonctionnaire , qui lui renvoie les
minutes à Cournon, après que la formalité de l’enregis
trement a été remplie.
5° Les répertoires de M* Desmanèclies, pendant seize
années (de 18 14 à 1829 inclusivement), prouven t, par
l’ordre des inscriptions, que le même jour ce notaire au
rait reçu, pour Lempdes et Cournon, trois, quatre, cinq,
six, jusqu’à neuf actes, et aurait fait autant de voyages
d’une^ïésidence à l’autre, quoique distantes de 3,45o m è
tres } que les actes reçus à Cournon sont constamment plus
nombreux que ceux reçus à Lempdes; qu’à diverses épo
ques, il s’est écoulé de cinq à quatorze jours, pendant les
quels Desmanèches n’a reçü des actes que pour Cournon,
et que tous ces actes sont clos par le «fait et passé à Cour
non, maison Desmanèches», sans que les parties aient
requis son transport •, qu’enfin, M* Desmanèches ne ré
serve que quelques jours de dimanche, à la réception
des actes de sa résidence de Lempdes.
6° Que M* Boyer étant décédé Notaire à Cournon , et
cette étude ayant été supprimée par ordonnance du 1 ’"sep
tembre 1824, desmanèches a reçu le dépôt des minutes, ce
qu’il ne pouvait faire qu’en qualité de Notaire à la ré
sidence de Cournon.
�— 8 —
7° E n fin , que pour se faciliter l’exploitation des deux
résidences, M* Desmanèches faisait, pendant son absence,
recevoir les consentemens, à Lempdes, par la dame sa
belle-mère, ou le secrétaire de la M airie; et à Cournon,
par la dame son épouse.
On ne pouvait se dissimuler que ces faits ne renfermas
sent la preuve la plus complète d’une infraction au devoir
de la résidence, et de manœuvres manifestant une inten
tion bien formelle de nuire au seul Notaire ayant droit de
résider à Cournon; mais M* Anglade voulut encore éta
blir que ces manœuvres lui avaient occasionné un dom
mage réel, circonstance qui seule pouvait faire admettre
l’action en indemnité qu’il voulait diriger contre M* Des
manèches : aussi établit-il, par le rapport des répertoires
de ce Notaire”:
i #Que les actes reçus par M* Desmanèches, dans la ré
sidence de Cournon, étaient aujourd’hui deux fo is ^ sou
vent trois fois plus nombreux que ceux reçus, par le
même Notaire, pour la résidence de Lempdes.
a* Que le nombre d’actcs reçus par ce Notaire, dans la
résidence de Cournon, augmentait chaque année dans
une proportion telle, quel’on s’assurait, par l’examen des
répertoires, que ces actes, qui, en 18 14 » étaient au nom
bre de 9 1, s’élevaient, en 1828, à 364*
3° Qu’en calculant, sur les répertoires, le nombre des
actes reçus par M* Desmanèches, pendant les années qui
se sont écoulées, de 1814 Ù 1829 inclusivement, on s’as
sure qu’ils les portent à 7,482 : savoir, 3,348 pour la rési
dence de Lempdes, et pour Cournon
chiffre qui
doit servir à déterminer l’étendue et la valeur du préju
dice que les manœuvres frauduleuses de M* Desmanèches
�ont fait éprouver au Notaire de cette dernière résidence.
L ’infraction de M* Desmanèches, à l’àrt. 4 de
loi
a5 ventôse an x i, relatif à la résidence , le mettait dans la
position d’un Notaire démissionnaire dont le remplace
ment peut être proposé au gouverneiiientpar M .le Garde
des Sceaux, a p r è s avoir pris l’avis du Tribunal. A u s si, le
Ie* février i 83o , M* Anglade présenta-t-il à M . le Garde
desSceaux,requêteparlaquelleilconclutà ce que M® Desmanèches fût tenu de rentrer immédiatement à Lempdes,
lieu fixé par sa commission pour sa résidence notariale,
et à ce que , à défaut de ce faire, il fût pourvu au rempla
cement de M**Desmanèches censé démissionnaire.
L e but de M v Anglade était de mettre un terme aux
manœuvres frauduleuses de M* Desmanèches, et de faire
cesser un état de choses aussi nuisible à sa propriété nota
riale*, mais comme'M* Anglade avait déjà éprouvé un pré
judice considérable, et qu’il était h craindre que ce préju
dice n’augmentât pendant le temps qui serait, nécessaire
pour contraindre le sieur Desmanèches à rentrer datlâ sa
résidence-, il y eut, sous la date du 1" mars i 8 3o, demande
de 10,000 fr. de dommages-intérêts, formée au Tribunal
civil de Clermont, par Anglade, contré Desmanèches.
Il faut fixer son attention sur la suite qui a été donnée
aux deux demandes formées par M* Anglade.
Les faits exposés en la requête présentée à M . le Garde
des Sceaux étaient trop gtaves et trop pertinens pour ne
pas éveiller la vigilance et exciter toute la sollicitude du chef
de la magistrature. Aussi, sOus la date du 11 mars i 8 3 o ,
^se trouve ude première lettre, de M . le Garde des Sceaux
à M . le Procureur général, qui exige qu’il soit fait injonc
tion à M* Desmanèclies, de reprendre sa résidence sous
�un mois pour tout délai; et qui, en cas de refus, prescrit
de le poursuivre à l’effet de pourvoir à son remplace
ment.
'
• I
Cette lettre, transmise par M. le Procureur général à
M . le Procureur du roi, ce dernier voulut véi*ifier les
faits articulés par M* Anglade, et recueillir des renseignemens. Une lettre de M. le Juge de paix du Pont-du-Château, du i 3 mars, lui apprit que « M* Desmanèches, qui
» a sa résidence de droit à Lempdes, réside defait à Cour» non, ou il habite avec sa fam ille » ; — « Que ce Notaire
» ne se rend à Lempdes que deux jours par semaine, et
» un jour de plus à certaines époques de* l’année » ; —
« Que les habitans de Lempdes sont obligés, les autres
» jours, d ’ a l l e r l e c h e r c h e r a. c o u r n o n . »
;
M . le Juge de paix ne pouvait résumer, d’une ma
nière plus expressive, la plainte de M* Anglade; Desma
nèches réside de fa it à Cournon ; les habitans de sa rési
dence de droit, sont obligés d'aller le chercher, cinq
jours delà semaine,« Cournon, sa résidence de fait,.Voilà,
sans doute, plus qu’il n’en faut pour établir une infraction
à la loi qui prescrit aux Notaires de tenir leur résidence;
aussi,M. le Procureur du roi, complètement convaincu,
enjoint-il à M* Desmanèches, par lettre du i*’ avril i 83o:
« de cesser de tenir étude dans sa maison de Cournon ».
Iyui prescrit-il « de rentrer sérieusement dans sa résidence
» de Lempdes, dans le mois pour tout délai, sous peiné
» d’être considéré comme démissionnaire?.... »
Cette lettre dut alarmer M* Desmanèches. Il était bien
décidé à ne point abandonner Cournon, cette résidence
de fait si précieusepourlui; mais comment éluder les dis
positions si précises delà loi, et l’injonction si formelle de
�l’autorité? M* Desmanèches, après une délibération de
dix jours, répondit à M . le Procureur du ro i, par un sim
ple accusé de réception.
Cependant, M* Desmanèches voulut essayer de quel
ques moyens ; tantôt il présentait un M émoire explicatif
ou apologétique de sa conduite, que bientôt après il reti
rait } tantôt il cherchait à s’entourer de moyens de consi
dération : c’était son fils qui serait bientôt en élat et à l’âge
de lui succéder, et qui résiderait réellement à Lempdes
tandisque lui-même habiterait Cournon, pour y surveiller
ses propriétés, ayant bien soin, toutefois, de ne pas laisser
pressentir que, dans son intérêt, comme dans celui de son
fils, il continuerait de faire à Cournon ce qu’il y a tou
jours fait; ce que la dame son épouse a fait pendant son
absence •, c’est-à-dire, qu'il y recevrait les consentemens
et y rédigerait même les actes auxquels le fils, Notaire à
Lempdes, n’aurait qu’à apposer sa signature. A u reste,
tous les efforts du sieur Desmanèches avaient spécialement
pour cibjet de gagner du temps. L ’état de fortune de
M* Anglade lui faisait espérer qu’il abandonnerait des
poursuites onéreuses pour lui; caressant, d’ailleurs, l’idée
qu’il pourrait parvenir à se soustraire à la vigilence de l’au
torité.
•
»
Effectivement, le mois accordé à M* Desmanèches par
la lettre du 1" avril, (de M . le Procureur du roi), était dès
long-temps expiré, lorsque, le 19 mai i 8 3o , M* Anglade
s’adressa de nouveau à M . le Procureur général. Les faits
furent encore cotés avec le plus grand soin : M* Anglade
soutint, dans cette supplique, que rien n’était changé dans
la position de M* Desmanèches. Pour l’établir, il deman
dait à être admis à prouver contradictoirement les faits
�par lui articulés, et h faire cette preuve, soit devant U
Chambre civile qui devait connaître de son action en domr
mages-intérêts, soit devant les Chambres réunies appe
lées à donner leur avis sur le remplacement du sieur Desmanèclies sensé démissionnaire p a rle fait de son infract
tion à la loi de la résidence; et pour qu’il ne restât aucune
espèce de doute sur la franchise et la loyauté que M* A nglade entendait mettre dans ses poursuites , ce Notaire
suppliait M . le Procureur général de vouloir bien com
muniquer à M e Desmanèches, les requêtes, mémoires,
pièces justificatives et documens qui avaient été présen-.
tés et produits contre lui, demandant, en retour, com
munication des moyens que M* Desmanèches employait
pour se justifier.
M . le Procureur général dut accéder à cette demande
avouée parla justice, et conforme d’ailleurs à 110s tradi
tions-judiciaires ; ce magistrat permit à M* Anglade de
prendre copie d’un mémoire déposé par M* Desmanè
ches; cette pièce, qui ne saurait être trop méditée, serait
suffisante pour juger la cause : et ce n ’est pas sans regret ^
que l’on se réduit à n’en présenter qu’une sèche et trèscourte analyse.
A cette époque , M* Desmanèches faisait dépendre sa
justification du développement de quatre idées ou propo
sitions principales :
î * La résidence de Cournon était pour lui une propriété
particulière.... on ne pouvait l’en priver sans injustice.
a* Il a à Cou rn on , unp maison, un ménage et des pro
priétés qu’il est obligé de faire valoir.
3* Il a encore une nombreuse clientelle à Cournon, ou
�deux Notaires peuvent trouver à s'occuper.... I l ne peut
repousser la confiance, lorsqu'elle s'adresse à lui.
4° Il déclare que cette confiance ne l’abandonnera que
lorsque l'un de ses confrères la méritera mieux que lui....
Il ajoute, qu’on ne regardera pas alors quelle est la rési
dence du Notaire.... Il finit par manifester son étonne
ment de ce que M* Anglade, étranger à Cournon , ne
sache pas se résigner à attendre.
Quoi de plus orgueilleux et de plus naïf!
C ’est Desmanèches qui vient apprendre que la rési
dence de Cournon est sa propriété particulière et qu’il
veut en jouir à titre de droit ; c’est lui qui déclare qu’il a
volonté de ne point abandonner cette l’ésidence, et qui
prouve qu’il est d’ailleurs dansl’impossibilité de le faire!....
Voilà la naïveté.
L ’orgueil est-il moins remarquable ?.... Quelle est cette
nombreuse clientelle dont M* Desmanèches ne peut re
pousser la confiance ? Les cliens viennent-ils dans sa ré
sidence légale? N o n , c’est le sieur Desmanèches q u i , en
fraude de la loi, vient établir une résidence à Cournon.
Les habitans de Cournon vont-ils à Lempdes requérir le
transport de M* Desmanèches pour recevoir leurs actes ?
N on encore: c’est le sieur Desmanèches qui vient provo
quer, arracher là confiance par sa résidence à Cournonj
q u i , bien loin d’attendre la clientelle , Tattire et la con
serve par des moyens illégaux et frauduleux *, et c’est ce
fonctionnaire, que la loi repousse de Cournon, qui ose
dire au seul Notaire ayant titre de résidence dans ce
chef-lieu, q u il y est étranger, et qu’il doit savoir at
tendre !....
Cette étrange justification ne pouvait permettre d’hé
�_
i4 -
siter ; aussi M . le Procureur-général adressa-t-il à M . son
Substitut près le Tribunal civil de Clermont, la lettre au
tographe de M. le Garde des Sceaux , avec ordre dé re
quérir , contre M* Desmanèches, l’application de la loi.
- M° Desmanèches comprit bientôt qu’il ne devait rien
espérer des moyens qu’il avait employé pour se maintenir
dans l’usurpation qu’il s’était pei-mise de la résidence de
M e Anglade; il changea d on c, tout-à-coup, de système :
dès-lors il n’eut plus qu'une pensée, dissimuler les faits ou
les altérer: son esprit souple et fécond en ruses, lui four
nit bientôt assez de ressources pour tromper la justice.
M . le Procureur du roi crut devoir prendre de nou
veaux renseignemens auprès de M . le Juge de paix du
Pont du-Château : l’état des choses était absolument le
môme qu’au 19 mars précédent; cependant M . le Juge
de paix, à défaut de renseignemens précis , peut-être
même mettant trop de confiance dans les promesses de
M* Desmanèches , attesta que le 27 mars ce Notaire n’oc
cupait pas encore sa résidence d’une manière tout-à fa it
complète ; que seulement il y venait plus souvent ; qu’il
y avait même couché quelquefois ; d’où il résultait que
la résidence de Cournon n'était pas encore, par lui, entiè
rement abandonnée.
t M e Anglade avait demandé à fiùre preuve, devant les
Chambres assemblées, des faits par lui articulés; il voulait
notamment établir que l’injonction faite par M . le Procu
reur du roi à M* Desmanèches n’avait produit aucun ef
fet, et que ce dernier avait continué son domicile réel et
sa résidence notariale à Cournon. Le Tribunal n’accueillit
point cette demande; M* Anglade ne fut pas même appelé
pour donner des renseignemens ; mai^.M' Desmanèches,
�— i5 —
admis à se justifier, vint dire : « Que le berceau de sa fa» mille et toute sa fortune patrimnokle étaient à Cournon,
» et qu’il avait cru jusqu’ici ménager tous ses intérêts et
» concilier tous ses devoirs, en se partageant entre Lemp» des et Cournon, qui ne sont qu’à une demi-lieue de dis» tance l’un.de l’autre. Qu’au reste, le temps qu’il passait .
»>dans cette dernière commune, était moins employé à
» recevoir des actes, qu’à 1’administration de sesproprié>►tés •, mais que puisque le Tribunal pensait que pour oc» cuper sa résidence à Lempdes, il fallait qu’il y fît son
» habitation exclusive, il en prenait dès ce moment l’en» gagement, et qu’il allait de suite, faire à cet effet toutes
» les dispositions nécessaires. »
T out cela est très-remarquable:
M* Desmanèches reconnaît qu’il se partageait entre
Lempdes et Cournon ; par cette déclaration, ilavoue donc,
bien explicitement, avoir usuFpé la résidence de Cour
non ; il dit encore qu’il a agi ainsi, dans la vue de ména
ger tous ses intérêts ; et comme les bénéfices de sa pro
fession devaient entrer pour beaucoup dans ses calculs , il
reconnaît donc encore que la résidence de Cournon était
pour lui un moyen de prospérité, à laquelle il ne pouvait
atteindre qu’au préjudice de M* Anglade. Il est vrai que
M» Desmanèches ajoute que dans la résidence de Cour
non, il était moins employé à recevoir des actes, qu’à
l’administration de ses propriétés;mais cette assertion était
détruite par le rapport des répertoires de ce Notaire ; répertoires que le Tribunal avait sous les y e u x , et qui éta
blissaient que les actes reçus par le sieur Desmanèches ,
dans sa résidence de fait à Cournon , étaient bien plus nom
breux que ceux reçus par lui pour sa résidence de droit à
�— f6 —
Lempdes. Enfin, le sieur Desmanèches en déclarant qu’il
allaitfaire'toutes ses dispositions pour transporter à Lem p
des son habitation exclu sive, parce que le Tribunal pen
sait qu’il n’y avait que ce moyen de satisfaire aux exi1geances de la loi, reconnaissait donc encore qu’il avait dé
daigné de se soumettre à l’injonction qui lui avait été faite
par M . le Procureur du roi, agissant en vertu des ordres
exprès de M. le Garde des Sceaux.
<
Dans cette position, il semblait q u e , sans trop de sévé-^
r ité ,le Tribunal pouvait déclarer qu’il y avait lieu de
pourvoir au remplacement de M* Desmanèches ; mais il
voulut user d’indulgence; et, « Attendu que le sieur Des» manèches, m ieux éclairé sur Vétendue de ses devoirs ,
» a pris l’engagement de renoncer à l'habitation de Cour• » non, pour se renfermer e x c l u s i v e m e n t dans celle de
» Lempdes ; et que jusqu’à preuve contraire1, fo i doit être
» accordée à cette p r o m e s s e p o s i t i v e ; le Tribunal, tout
» en reconnaissant que le sieur Desmanèches n’a pasir/*
» goureusement occupé la résidence que lui assigne son,
n titre ; ayant égard néanmoins a u x circonstances et
» considérations.... Est d’avis qu’il n’y a pas lieu, quant à
» présent t de le considérer comme démissionnaire, et de
» pourvoir à son remplacement; sauf à recourir à ce
» moyen extrême, dans le cas où, au mépris de sespro» m esses, qu’il vient de faire au T rib u n a l, il persisterait
» dans les mêmes erremens ; » Cet avis est du 3 i mari
i 8 3 o.
L a suite des faits apprendra comment M* Desmanèches
a tenu à ses promesses; et comment il a répondu à k
confiance toute bienveillante que le Tribunal avait cru
pouvoir lui accorder.
i . .
;
�— 17 —
M* Anglade, quelque excusable qu’il pût être, ne v o u
lait cependant pas que l’on pût lui reprocher d’agir avec
trop de précipitation; il attendit que M* Desmanèches
transportât son'licibitation exclusive à Lempdes; et quoi
qu’il eut solennellement promis d’agir de suite , près de
'quatre mois s’écoulèrent sans que l’état des choses fût
changé: M* Desmanèches continuait d’habiter Cournon,
d’y tenir son ménage, et d’y faire sa résidence notariale ,
avec la plus grande publicité.
Alors, et le 23 septembre i 8 3o, M* Anglade présenta
à M . le Garde des Sceaux une nouvelle requête ; il y sou
tint que le fait de non résidence à L em pdes, et de rési
dence de fait à Cournon, était établi contre le sieur Dæsmanèches, par l’avis même du Tribunal; qu’il résultait
'des déclarations même de ce Notaire, qu’il n’avait ni la
volonté ni la possibilité d’abandonner sa résidence de fait
à Cournon , pour aller franchement s’établir dans sa rési
dence légale de Lempdes ; qu’ainsi, la décision du Tribu
nal ne pouvait avoir d’autre elfetque d’encourager les ma
nœuvres frauduleuses de M* Desmanèches, et de perpé
tuer le préjudice, tous les jours plus considérable, que
M* Anglade en éprouvait. Enfin , M* Anglade faisait ob
server que la religion du Tribunal avait été trompée; que
M* Desmanèches n’avait tenu à aucune de ses promesses ;
'et que le fait du domicile réel et de résidence notariale de
ce Notaire à Cournon , était aussi public qu’au i er février
i 8 3o , époque’ de la première requête h M . le Garde des
Sceaux; que ce fait avait les mêmes caractères, et pouvait se
prouver parlesmêmes circonstances. M aAnglade concluait
de tout cela, que toute la faveur quipouvait être accordée à
M Desmanèches, était de surseoir à la décision définitive
�— i8 —
â rendre sur l’avis du T rib u n al, jusqu’au jugement de la
demande en dommages intérêts, qui devait être déclarée
urgente : dans tous les cas, M* Angladedemandait à faire
preuve devant les Chambres réunies et en présence de
M* Desmanèches, des faits par lui articulés.
M . Anglade avait, une première fois, demandé une
déclaration d’urgence qui lui avait été refusée : ce refus
équivalait à une remise de deux ans. L e sieur Desmanèches
voulut utiliser ce triomphe : il pouvait désormais paisi
blement attendre la majorité si désirée de son fils; il con
tinua d’exploiter la résidence de Cournon avec plus d'ac~
tivité et d’audace que par le passé; pensant, peut-être avec
raison, que le jour de la justice arriverait trop tard pour
M ' Anglade.
Les choses étaiënt en c e t'é ta t, lorsqu’une lettre de
M .le Garde des Sceaux, à M. le Procureur général, sem
bla devoir hâter la conclusion de cette affaire. Cette lettre
apprenait en effet que la preuve delà contravention résul
tait des documens et de l’instruction ; mais que M* Desma
nèches ayant pris l’engagement de résider à L em pdes, et
y ayant même transporté ses minutes, le Ministre pen
sait qu’on pouvait accorder un mois à M* Desmanèches ,
pour faire à Lempdes son établissement définitif*, « Passé
» le quel, s’il ne s’est pas mis en règle, il devra être pour» suivi, conformément à l’art. 4 de la loi du a5 ventôse
» an xi. » En conséquence , M . le Garde des Sceaux or
donne que si, à l’expiration de ce délai, M* Desmanèches
n’a pas repris sa résidence, M. le Procureur général lui
adressera ses observations, celles du Procureur du roi et l’a
vis du Tribunal, sur les mesures à prendre contre le N o
taire, contrevenant.
�— 19 —
M . le Garde des Sceaux avait été trompé : à cetfe épo
que , les minutes de M* Desmanèches étaient encore à
Cournon ; toutes fois, comme M. le Garde des Sceaux ne
regardait pas cette circonstance comme propre à établir
la résidence notariale, et qu’il exigeait encore de M* Des
manèches un domicile réel et un établissement définitif
dans le lieu de Lempdes, M* Anglade dut attendre l'effet
que pouvait produire cette nouvelle décision, qui fut no
tifiée à M* Desmanèches , le 3o du môme mois de no
vembre.
A u 8 janvier 18 3 1 , IV)* Desmanèches était encore domi
cilié à Cournon , et en plein exercice de la résidence no
tariale qu’il y avait établi; ce Notaire n’avait pas môme
de maison à Lempdes; de manière que tout prouvait
qu’il n’avait rien fait pour se conformer à l’injonction du
3 o novembre précédent. M« Anglade exposa ces faits dans
une requête adressée au Tribunal civil de Clerm ont, et
demanda que le Tribunal sursît à donner son avis, jus
qu’au jugement de la demande en dommages-intérêts,
qui à cet effet serait déclarée urgente; concluant toujours
à être appelé à l’enquête, dans le cas où le Tribunal,
chambres assemblées, voudrait donner son avis sur les in
fractions reprochées à M* Desmanèches.
M. le Procureur du roi se réunit à M* Anglade, à l’effet
d’obtenir que la demande-en dommages-intérêtsfût décla
rée urgente; mais le Tribunal prit une délibération par
laquelle il décida, que n étant point saisi contre M* Des
manèches, il n’avait rien à statuer sur la requête présentée
par M* Anglade ; q u i, sur sa demande en déclaration
d’urgence , fut renvoyé devant la chambre civile, devant
connaître de la cause.
3.
�O u ne peut s’empêcher de faire quelques remarques
sur cette décision du Tribunal: on se rappèle que la lettre
de M. le Garde des Sceaux avait accordé à M ' Desmanè
ches un dernier délai de rigueur, pour fixer son établis
sement définitif à Lempdes; que ce délai passé , ce N o
taire devait être poursuivi, et le Tribunal donner son
avis. Dès-lors, comment est-il arrivé que le Tribunal ne
se soit point trouvé saisi par la requête de M* Anglade ?
Son devoir ne lui était-il point clairement tracé par la
lettre de M. le Garde des Sceaux , exerçant un acte de
juridiction de haute discipline ? Les Chambres réunies n’a
vaient-elles pas d’ailleurs auprès d’elles M. le Procureur du
r o i, q u i , immédiatement, a dû les saisir de la connais
sance des faits qui leur étaient dénoncés, et requérir leur
avis ? Comment donc expliquer le refus formel du Tribu*
nal, de prononder sur la requête de M* Anglade ?.... D ’un
autre côté , ce Notaire est renvoyé devant la chambre ci
vile pour faire statuer sur sa demande en déclaration
d’urgence; mais le Tribunal savait bien que cette décla
ration avait déjà été refusée ; dès-lors, que devait penser
M* Anglade? L e préjudice qu’il éprouvait par le fait des
manœuvres frauduleuses du sieur Desmanèches; les ob
stacles qu’il rencontrait pour en obtenir la réparation; tout
cela n’était-il pas propre à faire naître dans son esprit les
réflexions les plus amères !....
A u s si, M* Anglade présenta-t-il de nouveau ses récla
mations à M. le Procureur général. Par une lettre du 3
février 18 3 1, il apprend à ce magistrat qu’il a présenté une
nouvelle requête en déclaration d’urgence, et qu’il a
éprouvé un troisième refus ; mais comme il suppose que
le Tribunal de Clermont doit enfin être saisi de la con-
�naissance de la contravention de M* Desmàneclies, et
qu'une nouvelle instruction aura lieu a l’efiet de recon
naître si ce Notaire est définitivement établi à Lempdes,
M e Anglade indique les pièces et les témoins qui doivent
prouver , au contraire, que M Desmanèclies a toujours
son domicile à Cournon, et qu’il n’a cessé d’y tenir sa ré
sidence notariale.
L e 25 du môme mois, nouvelle lettre de M e Anglade
à M. le Procureur général: les plaintes de ce Notaire de’ viennent plus vives, et ses instances plus pressantes. 11
s’étonne de ce que la justice ne peut acquérir la preuve de
faits qui sont de notoriété publique dans tout l’arrondis
sement de Clermont •, il demande qu’une enquête soit faite
sur les lie u x , et qu’il y ait transport à Lempdes à l’effet
de s’assurer si les minutes de M e Desmanèches y ont été
transférées ; ajoutant que cette dernière mesure fera dé
couvrir la vérité, si toutefois l’on agit avec prudence et
discrétion.
M e Desmanèclies a été prévenu du transport de M. le
Procureur du roi à Lempdes ; M e Anglade offrira la
preuve que le transport était connu deux jours avant qu’il
ait eu lieu;aussi les minutes deM* Desmanèches ont-elles
été trouvées à Lempdes ; mais, dans quelle habitation ,
dans quel lo c a l, dans quel état !....
M e Desmanèches n a pas de maison à Lempdes; celle
de sa belle-mère est composée d’une chambre et d’une
cuisine qu elle habite ; ainsi il est impossible au sieur D emanèches de faire là un établissement définit#; surtout
dans les termes de l’engagement qu’il a contracté devant
le Tribunal de Clermont, lors de l’avis du 3 i mars i 8 3 o.
A u rez-de-chaussée de cette très-petite m a is o n e s t un
�petit local h um ide, éclairé par une petite croisée carrée ,
n’ayant point de chem inée, ni de place à monter un
poêle, et présentant une surface de cinq à six pieds de
largeur , sur huit à neuf de longueur*, c’est ce lo cal, que
M* Desmanèches a présenté à M. le Procureur du r o i ,
comme étant son étude de Notaire.
L à, effectivement, étaient les minutes parées d’éti
quettes neuves, enveloppées d’un beau papier blanc, sans
poussière et sans tache, sortant tout nouvellement de la
boîte dans laquelle elles venaient d’être transportées; et
pour qu’il ne manquât rien à cette scène, l’habile presti
digitateur avait eu le soin de transformer une petite table
en bureau notarial, en la couvrant d’un tapis vert tout
neuf. Cependant, une circonstance bien légère pouvait
détruire l’illusion, M* Desmanèches avait oublié de faire
porter une écritoire de Cournon ; il y suppléa par un petit
encrier portatif qu’il plaça sur le bureau ; mais le bout de
l’oreille ne fut point apperçu, et il fallut regarder comme
certain que les minutes de M* Desmanèches avaient été
sérieusement transférées de Cournon à Lempdes. Malheu
reusement pour l’inventeur d’une illusion aussi ingé
nieuse M* Anglade se trouve aujourd’hui en état de prou
ver que les minutes de M* Desmanèches ont été de nou
veau transportées h Cournon; que des expéditions ont été
délivrées dans cette résidence par ce Notaire, qui y tient
son étude ouverte comme il le faisait avant le mois de fé
vrier i 8 3o.
Toutefois, M* Desmanèches p u t , pendant un instant,
se féliciter de son adresse; une lettre de M. le Procureur
général à M* Anglade, sous la da.te du 6 octobre 18 3 1 ,
lui apprend que la dernière information étant favorable à
�— >3 —
M* Desmanèches, M . le Garde des Sceaux a pensé qu’il
ne pouvait y avoir aucun inconvénient à attendre ; et l’a
vait informé, par sa lettre du 4 du même mois, qu’il ne se
rait statué sur la plainte en contravention à la loi, sur la
résidence dont M* Desmanèches est l’objet, que lorsque
les ja its allégués par M • Anglade, à Vappui de sa de
mande en dommages-intérêts auraient été éclairés par
Vinstruction <
judiciaire.
D eux ans s’étaient écoulés depuis la demande formée
par M* Anglade, cette cause avait été appelée à son tour de
rôle, les qualités étaient posées. Enfin, le jour del’audience
était fixé, lorsque l’événement le plus extraordinaire et le
plus imprévu vint jeter la désolation dans la famille Anglade;
menacer tout à la fois l’honneur, la fortune, et la liberté
du chef, et servir le sieur Desmanèches, en retardant le
jugement de son procès, et en jetant sur M ' Anglade une
défaveur qu’aucun antécédant ne pouvait justifier.
D ’abord, un bruit, sourdement répandu, désigne à l’o
pinion publique M* Anglade comme faussaire. Un sieur
Moulins-Desmanèches, alors Maire de Cournon et beaufrère de M Desmanèches, (dont un des actes administra
tifs les plus notables, avait été d’enlever à M* Anglade la
clientelle de la M airie, en faisant annoncer dans les Jour
naux que, devant M e Desmanèches * notaire à Lempdes ,
il serait procédé à la Mairie de Cournon, au bail à ferme
d une septerée de terre,') accueille ces bruits, reçoit les dé
clarations d’un nommé Lareine-Boussel, homme d’une ré
putation plus qu’équivoque; dresse procès-verbal, et transmetou fait apporter,par Lareine-Boussellui-même, à M .le
Procureur du roi, cette étrange pièce, qui devint bientôt
�— 24 —
le fondement d’une plainte et d’une instruction crimi
nelle. :
Quel est le fait qui servit de prétexte à cette poursuite?
et par qui Lareine-Boussel était-il dirigé?
M ’ Anglade avait acquis les recouvremens de M*' D oly
et Tibord, ses prédécesseurs. Dans le courant des années
1828 et 1829*, il voulut en opérerlà rentrée; il fut aidé dans
cette opération par le sieur Chambon, qui avait été suc
cessivement clerc de.M M . D o ly et Tibord, et q u i , ayant
exercé depuis 1824? les fonctions de secrétaire à la M ai
rie , était plus que personne en état de donner des renseignemens sur la solvabilité des habitans de Cournon. L e
sieur Chambon avait classé Lareine-Boussel parmi les insol
vables, mais M* Anglade lui fit donner un avertissement
comme aux autres débiteurs de l’étude.
Les avertissemens étaient conçus de manière à éclairer
chaque débiteur sur sa situation ; M e Anglade avait eu le
soin de consigner, au dos de chaque avertissement, l’état
détaillé de ses créances, de manière que tout doublé em
ploi était impossible , et la moindre erreur facile à vérifier.
L e 13 septembre 1829,Lareine-Boussel, porteur de son
avertissement, se présenta à l’étude de M* Anglade; le
sieur Chambon était présent, le compte fut réglé sur le vu
des minutes et pièces; M* Anglade demanda une obliga
tion, Lareine-Boussel y consentit, et les termes furent ré
glés à la convenance de ce dernier.
Lareine-Boussel prétendait avoir fait quelques à-comp
tes à M* Doly, M aAnglade promit de les imputer sur l’obligation, et écrivit sur-le-champ, sur la note qui contenait
le détail de leurs conventions,ces mots: « Si Lareine-Bous-
�— 25 —
» sel présente des reçus ou tous autres documens , ils lui
» seront tenus à compte. »
Une dernière difficulté se présentait : Lareine-Boussel ne
voulait point aller chez un autre Notaire, il fut en con
séquence convenu que l’obligation serait faite au nom
du sieur Ghambon; mais q u e , pour éviter tout équivoque,
elle serait causée pour payemens de coût d’actes fa its à
M, Anglade. La note contenant toutes ces conventions fut
remise au sieur Leclerc, alors clerc de M" A nglade, qui
écrivit l’obligation*, et immédiatement toutes les pièces
furent réunies en une seule liasse dans laquelle fut insérée
la note qui devait servir de titre à Boussel, pour le cas où
il deviendrait vraisemblable qu’il avait fait quelques à
comptes à M ’ Doly.
M* Anglade fit inscrire son obligation *, c’était bien la
précaution inutile*, la mince valeur des propriétés de
Boussel étant plus qu’absorbée par des inscriptions anté
rieures.
Lareine-Bousselnepayaitpoint exactement,mais il avait
donné,à M* Anglade, un léger à compte*, lui avait fait une
délégation verbale d’une somme de 38 fr. 60 cent, qui lui
était duc par Gaspard Devèze, et demandé des délais pour
le reste.
Tout-à-coup Lareine-Boussel imagine de se plaindre de
M* Anglade : il dit qu’il ne devait rien au sieur Ghambon,
ce qui était vrai; mais il ajoute qu’il n’avait jamais donné
son consentement à l'obligation, et qu’il ne s’était me me
jamais présenté dans l’étude de M e Anglade; ce qui était
une froide et bien cruelle fausseté.
Bientôt on voit cet homme assiéger la maison de M eAn*
glade, profiter des absences fréquentes que ce dernier était
.
4
�— 26 —
obligé de faire à raison de son procès contre M e Desmanèclies, pour intimider, parsesmenaces.la femm eetle serifans de M eAnglade. Celui-ci arrive enfin et croit faire ces
ser les injurieuses réclamations de Lareine-Boussel en lui
remettant la grosse de l’obligation en présence du sieur
Cliambon qui consentit même à la main-levée de l’inscrip
tion qui avait été prise sous son nom. En agissant ainsi,
M e Anglade ne nuisait point à sesintérôts, son inscription
était au moins inutile, et les minutes des actes qui restaient
dans son étude étaient suffisans pour établir sa créance
contre Lareine-Boussel.
Cette grosse d’obligation et cette m ain-levée d’in
scription , passent immédiatement entre les mains du
sieur Moulin-Desmanèches, beau -frère de M e Desma
nèches N otaire, et alors maire de Cournon. Ces pièces
étaient-elles attendues? T out prouve qu’au moins elles
étaient forcément désirées. M le Maire fait appeler à la
mairie M e A n glad e, qui se rend sur le champ à cet aver
tissement et explique tous les faits. Ce fonctionnaire dit à
JMe Anglade que, le 3 septembre 1820, il avait payé une
somme de 60 fr. à M e D oly pour le compte de Boussel, et
qu’il savait qu’uneautre personne avait compté, plus tard,
à D oly une somme de 77 fr. à la décharge de Boussel,
M e Anglade, tenant ces deux faits pour vrais, fait obser
ver à M . le Maire que ce cas avait été prévu par la note
jointe aux minutes intéressant Boussel; qu’il regardait
d’ailleurs cette déclax-ation comme un document suffisant,
et qu’il consentait à déduire ces deux sommes du montant
de sa créance.
M . le Maire devait être satisfait si, toutefois, il ne s’é
tait proposé qu’un acte de justice et de juridiction pater-
�— 27 —
nelle ; mais malheureusement, il était dominé par d’autres
idées* M e Anglade s’était retiré; le sieur Chambon estbientôt appelé: ce jeune hom m e, maître clerc d’un Notaire
de Clermont justement estimé, trouva quelque inconve
nance dans la démarche du Maire et dans les questions
qui lui furent adressées : il s’abstint d’y répondre et quitta,
peut-être un peu brusquement, un homme qui lui parais
sait dirigé par la curiosité ou par un intérêt autre que ce• lui de la justice.
Que lit alors le sieur Moulins-Desmanèches ? il eut bien
le courage de dresser procès-vei'bal hors la présence de
M e Anglade et du sieur Cliambon, qu’il avait cependant
appelés et entendus, et de confier cette pièce à LareineBoussel pour la transmettre à M . le Procureur du roi de
Clermont.
M c Anglade et le sieur Chambon ne pouvaient croire
que les poursuites dirigées contre eux fussent sérieuses :
en effet, quel préjudice avait éprouvé Lareine-Boussel ?
n’était-il pas débiteur de la somme pour laquelle il s’était
obligé envers le sieur Chambon; ne l’avait-il pas accepté
librement pour créancier; et qu’importait que l’obligation
fut faite en faveur de M* Anglade ou du sieur Chambon,
puisqu’elle était causée pour payement d'actes ; et que
d’ailleurs toutes les précautions avaient été prises pour
qu’il n’y eût pas de double emploi nuisible à Lareine-Bous*
sel? Ausssi, M* Anglade et le sieur Chambon crurentils qu’il leur suffisait de rétablir les faits et d’indiquer les
personnes qui pouvaient en déposer; c’est ce que
fit M . Anglade par une lettre, du 22 février i 832 ,
adressée à M . le Juge d’instruction près le tribunal de
Clermont.
4-
�— 28 —•
On ne peut que déplorer la funeste préoccupation qui
vint saisir l’esprit des magistrats. Les moyens justificatifs
de M* Anglade parurent des charges accablantes*, on g é
missait de ce qu’il avait été assez léger pour fournir des
armes aussi puissantes contre lui, un reste d’intérêt porta
peut-être à ne point assigner les témoins qu’il avait indi
qués: on se borna à entendreLareine-Boussel père et son
fils, et sur ces deux dépositions, un père de famille hono
rable, un jeune homme plein d’avenir, eurent à gémir •
sous la prévention d’un crime de faux commis par
supposition de personnes et de conventions , dans un
acte où, d’ailleurs, on avait constaté comme vrais des faits
faux.
L ’erreur de la Chambre du conseil de Clermont ne pou
vait échapper à la h a u te sagesse de la Chambre d’accusa
tion, qui sentit la nécessité de compléter l’instruction :
onze témoins furent entendus, les faits furent expliqués ;
et plusieurs témoins vinrent apprendre : « Que ce procès
» était le résultat d’une manœuvre odieuse ; » — « Que le
» bruit public étaitque Lareine-Boussel nemenait pas seul
» cette affaire; — Q u’il avait agi par l’instigation de
» M e Desmanèches et du sieur Moulin ; » — Qu’enfin,
Boussel avait dit : « Anglade m’a remis mon obligation
» sans me demander d’argent; f a i une bonne lettre de
» M. Desm anèches, et je vais le dénoncer de suite. » Ces
dépositions n’ont pas besoin de commentaire, mais elles
expliquent trop bien l’esprit qui a constamment animé
M e Desmanèclies pour qu’on pût les dissimuler dans une
affaire où il faudra spécialement apprécier la moralité de
chacun des faits imputés à ce Notaire.
Comme on le pense bien, la Cour déclara qu’il n’y avait
�\
— 29 : —
lieu à accusation, l'arrêt est du i4 août i 83îî, et est ainsi
conçu :
« Considérant que de l ’instruction il résulte en fa it, que L areine-B ousscl
a réellem ent com paru en l’étude d Anglade N o taire, c l
a donne soit
consentement à l’ obligation du treize septem bre m il huit cent vingt - n e u l',
dont il s’ agit; qu’elle a été rédigée par suite de ce consentem ent, et en sa
p résen ce, après com pte fait des débets d’étude dont il était tenu;
» Q ue s’ il est avéré qu’ il y eut déguisement de la vraie cause de ce lle obli
gation et du nom du véritable créa n cier, il résulte aussi en fa it, que l’ obli
gation eut une cause réelle et légitim e, reconnue telle par le débiteur L a rcin e-B oussel, qui agréa en m êm e tem p s, c l par des raisons qu’ il approuva,
que Cham bon fût indiqué comme créancier
» Q ue s i, plus ta rd , L arein e-B o u ssel a porté plainte en faux en mil h u it
cent treille d e u x , et a réclam é contre l’obligation dont le quantum concor
dait avec l’état des débets d’étude , état rédigé par A n g la d e , sur le vu des
acles , parce qu’il prétendit plus ta rd , lui L areine-B ou sscl, avoir donné
o it
fait donner pi\r des tierces personn es, certaines sommes au sieur I)o ly , h'
valoir et im puter sur lesdits a cles, cela f ù t - il fondé et éta b li, ne pouvait
donner lieu qu’à un débat civil entre les héritiers D oly ou A n g lad e, p ourvu
de l’élude D oly et ledit Lareine-B ousscl; que si provisoirem en t, le Notaire
Anglade co n sen tit, lors des réclam ations de L a re in e -B o u ss c l, en m il huit
cent tre n le -d c u x , de rem ettre les choses an m êm e élat qu’elles étaient avant
l’ obligation , c ’est-à -d irc, de n’être créancier qu’en ve rlu des actes existans
dans ladite élude , il y a eu en cela , d’ après les circonstances particulièresde la c a u se , simple bonne foi de la part d’ A nglade , intention de se p rè lcr à
allouer ou h faire allo u er, par les représen tais D o ly , les à-com ptes reçus
par D o ly , s il en existait ré ellem en t, et nullem ent m atière h faire suspecter
de fraude l’ obligation dont il s’agit.
» P ar ces m otifs,
L a C o u r , réformant l’ ordonnance de la Cham bre du conseil du seize mars
m il huit cent trente-deux, d éclare, en fa it , qu’il n’ y a au p ro cè s, ni indices
d un fait qualifié crim e , ni des charges conlre le Notaire Anglade c l c o n t r e
Jean C h am bon , de nature h im prim er h leur conduite l’intention et la vo
lonté de faire tort h Lareine-Bousscl et de com m ettre un crim e ou délit;O rd o n n e, en conséquence, que l ’ordonnance des prem iers juges demeurera.
^
�—
3o
—
sans effet, et que lesdits Anglade et Cham bon soient mis en liberté s’ils ont
été arrêtés en vertu des mandats ou ordonnance de prise de co rp s, et s’ils
ne sont point d’ ailleurs rclenu s.p ou r autre cause »
M e Angladeput enfin s’occuper delà suitede son affaire
coutreM* Desmanèclies. Il s’était procuré les répertoires
de ce Notaire pour les années i 83o et i 83 i ; ces pièces
sont la meilleure preuve quel’on puisse produire de la con
tinuation de la résidence notarial de M e Desmanèches à
Cournon. En effet, le répertoire de i 8 3o constate que ce
Notaire a reçu 524 actes pour les deux résidences, savoir,
253 dans Cournon, et 271 pour Lempdes. On voit que le
chiffre des actes de Lempdes est ici un peu plus élevé que
celui de Cournon; mais en i 8 3 o, M e Desmanèches avait
quelques craintes et ses manœuvres pouvaient être moins
actives; toutefois, il se rassura bientôt, et le répertoire de
i 8 3 i apprend que sur 4^4 actes qui ont été reçus par
M* Desmanèches pour ses deux résidences , 2o5 seule
ment appartiennent à Lempdes et 249 à la résidence de
Cournon. A in si, on ne peut s’y méprendre: En 18 3 1, on
trouve M e Desmanèchesà Cournon comme on l’y a trouvé
en i 83o, comme il y a toujours été, c’est-à-dire, exerçant
sa profession de Notaire, ayant sa résidence notariale , et
portant, par ses manœuvres, le plus grand préjudice à
M e Anglade seul Notaire titulaire de ce chef-lieu de com
mune.
E n fin , la cause est portée à l’audience:
M e Anglade concluait à 20,000 fr. de dommages-intércts, et subsidiairement, à etre admis à faire preuve des
faits par lui articulés.
M e Desmanèches, de sa p a rt, concluait à ce que sans
�avoir égard à la preuve offerte par M* Anglade, et en
reconnaissant que Ai* Desmanèches résidait réellement à Lempdes , le Tribunal déclarât M* Anglade
non-recevable dans sa demande , et subsidiairement
l’en déboutât.
Ces conclusions durent exciter quelque surprise : On
voit bien que M* Desmanèches voulait obtenir un juge
ment qui paràlisât la plainte que M* Anglade avait porté
à M . le Garde des Sceaux -, mais comment avait-il pu pen
ser que le Tribunal déclarerait qu’il tenait sa résidence à
Lempdes , lorsqu’il s’opposait lui-inôme à l’admission de
la preuve des faits ayant pour objet d’établir que son do
micile réel et sa résidence notariale défait étaient à Cour
non? Comment, surtout, avait-il pu concevoir une pa
reille idée, sachant bien que M . le Garde des Sceaux avait
sursis à stîtuer sur la plainte en contravention à la loi sur
la résidence, jusqu’au moment où les faits allégués par
M* Anglade, auraient été éclaircis par l’instruction judi
ciaire ?
Mais la plaidoirie de M* Desmanèches fut bien autre
ment remarquable : La cause se plaidait au Tribunal de
Clermont*, M* Desmanèches pouvait apercevoir dans le
prétoire plusieurs de ses confrères , grand nombre de per
sonnes de Cournon, de Lempdes , de Pont-du-Château,
meme de Clermont \ personnes desquelles les faits étaient
parfaitement connus et qui, comme témoins, l’auraient
accablé du poids de leurs dépositions. On pouvait penser
que M* Desmaneclics se serait borné au développement
d’un simple point de droit qu’il s’agira d’apprécier ; mais
il osa bien aborder les faits, et soutenir que sa résidence
notariale avait été constamment h Lempdes -, et cela devant
�— 32 —
un auditoire qui repoussait toutes ses paroles comme men
songères , et manifestait la plus profonde indignation.
Q u ’imagina le sieur Desmanèclies pour prouver son as
sertion ? Il prétendit que M* Anglade avait reconnu luimème sa résidence à Lempdes; et pour preuve, il produi
sit six actes reçus pour lui par ce Notaire. Pour toute ré
ponse , M e Anglade rapporta à l’audience du lendemain
les minutes de ces actes*, elles sont toutes et en entier
écrites de la main de M e Desmanèclies.... Ce dernier
produisit ; encore deux certificats, l’un de l’e x - J u g e
de paix , et l’autre de l’ex-Maire de Pont-du-Château ,
certificats qui-attestent que M e Desmanèclies a tenu reli
gieusement sa résidence de Lempdes. Les dates furent
confrontées, et il se trouva que le certificat du Juge
de paix aurait été délivré dans le temps où ce magistrat
écrivait à M . le Procureur du roi que Desmanèclies
« résidait de fa it à Cournon, où il habitait avec sa
» famille. » — « Que les liabitans de Lempdes sont obligés
» d’aller le chercher à. Cournon.... » Peut-on trouver
quelque chose de plus propre à caractériser M e Desma
nèches? Un pareil homme peut-il avoir porté préjudice à
autrui sans malignité et sans dessein de nuire*, et de pareils
méfaits ne donnent-ils pas essentiellement lieu à une ac
tion civil ?
Les premiers juges se sont décidés en faveur de M* D es
manèches. Leur jugement, qui est sous la date du 7 juin
, et contraire aux conclusions de M . le Substitut du
Procureur du r o i , est ainsi conçu :
i Attendu que pour form er une demande en dom m ngos-m lérêlsil ne suffit
pas. d’éprouver un préjudice (juclconfjuc par le fait^ de cclui dc fjui on les
�réclam e; il faut encore que ce fail soit une atteinte à un droit acq u is, et non
la simple violation d’ une obligation im posée par la lo i , dans un intérêt gé
néral ;
» Attendu qu ’ un Notaire qui n îi se plaindre de ce qu’un de scs confrères
abandonne sa résidence pour venir partager la sienne , ne sa u rait, par ce
seul m o tif, avoir action pour réclam er de lui des d o m m a g e s-in té rê ts la
non résidence constituant un m anquem ent grave de la part du N o taire,
com m e fonctionnaire p u b lic , mais non , com m e le prétend le d em andeur,
une atteinte réelle aux droits dé propriété du N otaire réclam ant;
» A tten d u , en e ffe t, que la loi du 28 avril 1816 , en accordant au Notaire '
en exercice la faculté do présenter 1111 su ccesseu r, n’ a point entendu ériger
ces charges d ’ une m anière absolue en propriété privée;
» Attendu que cela résulte évidem m ent des nom breuses conditions res
trictives auxquelles est subordonné l’ exercice de ce d ro it, qui peut être considéré’et presque anéanti p arla création, dans la liflHtc de la loi, de résidences
nouvelles, le changem ent ou la suppression de résidences déjh existantes ;
» Attendu , dans tous les c a s , que le Notaire qui abandonne sa résidence
pour en venir occuper une a u tre , no porte point atteinte ïi ce d ro it, quoi
qu'on soit la nature. Les résidences n’étant point , com me on l’ a so u ten u ,
fixées autant dans l’intérêt des Notaires que dans celui des justiciables;
v'
» A tte n d u , en e ffe t, que les offices de N otaire devant être considérés
com me de véritables charges publiques , uniquem ent créés dans l’intérêt
com m un de la société ; la fixation et lo m aintien des résidences fondées sur
le même principe , n’ ont jam ais pu être déterm inées qu’en vue de ce même
in té r ê t, et ne co n stitu en t, par co nséqu ent, qu’ une question d'adm inistra
tion p u b liq u e, dont la décision est hors du domaine contentieux.
» Attendu que tel est le but évident que s’est proposé le législateur par
cette fixation de résidence;
» A tte n d u , en effet, que n’ y ayant jamais autant de Notaires que do com
m unes dans chaque canton , la loi a voulu , mais a voulu seulem ent pour
voir , par la fixation des résid en ces, aux besoins d’ un plus grand nombre
d’habitans, en leur ren d an t, par là , la com m unication avec un Notaire plus
facile qu avec tous les a u tres, en m êm e temps que leur laissant lo choix do
» adresser à to u s, elle no posait aucune lim ite h leur confiance;
» Attendu que si les résidences avaient été établies dans l’ intérêt des No
ta ire s, la loi les auraient classés par com m une com m e elle les a classés par
�— 04 —
ca illo n s, puisque ce n’est point à ce que son confrère n’ occupe pns sa ré
sidence qu’ un Notaire est surtout intéressé, mais bien à ce qu’il ne vienne
point y partager sa clientellc ;
<> A tte n d u , dès lo r s , que la faculté laissée au Notaire d’instrum enter dans
toute l ’étendue du ca n to n , vient ô ler à l ’action du dem andeur le seul m otif
qui pourrait le rendre re ce v a b le , puisqu’il lui serait impossible d’établir que
ln confiance des justiciables ne serait pas venue ch erch er h Leinpdcs celui
pour lequel elle tém oignait, h C o u rn o n , une préférence m arquée;
» Attendu que si les faits articulés par Anglade sont', en les supposant prou
v é s, d én aturé h m otiver ses plaintes auprès de M. le Garde des Sceaux, h qui
seul la loi confère le droit de les apprécier et de les ju g er; ils ne pourraient
jam ais, quelque puisse être leu r g ra v ité, donner ouverture à une action en
dommages-intérêts;
’>
■
» Attendu qu’ainsi le dem andeur ne pourrait être admis h la preuve qu’il
a offerte dans un but < 1 # ne peut atteindre , étant non recevable dans sa
demande.
« P ar ces m o tifs,
.
» L e T rib u n a l, donnant acte à la partie d c B a y lc de toutes ses réserves,
le déclare non recevable dans sa demande en dom m ages-intérêts, et le con
damne aux dépens. »
Comme on le pense bien, ce succès, peut-être inespéré,
a donné à M eDesmanèches un nouveau degré d’assurance;
ses manœuvres frauduleuses ont continué avec plus d’ac
tivité; et dès cet instant, on peut ajouter aux faits qui se
ront articulés, que depuis le jugement, M c Desmanèches
continue sa résidense , et tient à Cournon étude ouverte ,
où son fils écrit les actes sous sa dictée, et reçoit les consentemens en l’absence de son père.
�DISCUSSION.
L ’exposé du fait a exige des développemcns qui ont pu
paraître fastidieux ; mais le premier bes oi n, comme le premier
devoir de M* Anglade étaient de prouver en fait :
i° Que M* Désmanèches , Notaire à la résidence de Lempdes,
avait établi de f a i t sa résidence notariale à Cournon , où il exer
çait et exerce encore publiquement le Notariat.
2° Que cette infraction à la loi est accompagnée de circon
stances telles , que l’on ne saurait l’attribuer à l’imprudence et
à la négligence du sieur Désmanèches, ou à l’ignorance et à
l’omission de quelques uns de ses devoirs ; mais bien à un
dessein de nuire à M° Anglade , seul Notaire à la résidence de
Cournon , depuis d’ailleurs froidement médité et exécuté avec
persévérance et en connaissance de cause.
3° Que ces manœuvres ont occasionné un préjuflice consi
dérable à M e Anglade, et que ce préjudice augmente progres
sivement chaque année , et de manière à lui faire craindre la
perte de sa clienlelle, et l’anéantissement de son office de
Notaire.
Ces trois propositions de fait n ’ont plus besoin de démons
tration; elles sont d’une telle évidence, que les motifs du ju
gement dont est a p p e l , d’ailleurs si favorables à M" Desmaneches , loin de les contredire, les reconnaissent au contraire
d ’une manière tout-à-fait explicite, en déclarant que le preju
dice cause n est pas suffisant pour légitimer une demande en
doinmages-intérèls ; aussi, le Tribunal dont est a p p e l , recon
naissant la réalité des faits, a-t-il repoussé la demande de
M' Anglade par une fin de non-recevoir, qu’il a cru faire
ressortir de l’application des principes , ne faisant point at
tention que lors même que toutes les idées qu’il a proclamé
comme principes seraient vraies , les faits conslans de la cause
formeraient contre M* Desmanèches une exception qui le ren
drait inhabile h s’en prévaloir.
�Mais quelles sont les idées légales qui ont détermine les pre
miers juges ?
Pou r q u ’il y ait lieu à réparation d ’un préjudice , il faut que
le fait qui l’a occasionné, ne soit pas une simple violation d’oLligalion imposée par la loi dans un intérêt général, mais bien
une atteinte à un droit acquis.
O r , i° la loi du 28 avril 1816 n’a pas entendu ériger les
charges de Notaire en propriété privée ; ces offices sont des
charges publiques qui sont créés dans un intérêt commun.
2° La prescription légale sur le maintien des résidences , est
fondée sur le même principe d’intérêt général ; dès-lors , le
Notaire qui enfreint la loi, peut commettre un manquement
grave ; mais ce manquement n’étant point une atteinte au droit
de propriété, est évidemment hors du domaine du contentieux.
3° Le droit accordé à Desmanèches d’instrumenter dans tout
le canton , dépouille l’action de M° Anglade de tout motif et de
tout intérêt, p uis qu ’il lui serait impossible de prouver que les
gens de Cournon ne seraient pas venus contracter dans la rési
dence de Lempdes.
11 faut d ’abord examiner chacune des parties de ce système:
on établira ensuite qu ’en lui supposant quelque réalité, le Tri
bunal aurait encore méconnu les vrais et seuls principes qui
doivent régir la cause.
Et d’abo rd, q u ’est un office de Notaire? Est-il bien vrai
que ces charges qui sont créées dans un intérêt commun n’ont
aucun des caractères de propriété privée?
Avant la révolution, les offices de Notaire étaient considères
comme une propriété; les titulaires et leurs héritiers pouvaient
en disposer , sans autre charge que celle de présenter un suc
cesseur qui réunît les conditions requises. C ’était impropre
ment que l’on avait confondu ce droit dans les expressions gé
nérales de vénalité d'offices , cette vénalité n’ayant réellement
jamais existé , puisque le titre de l’office émanait toujours du
chef de l ’autorité publique.
Aussi , lorsque des réclamations s’élevaient contre la vénalité
�dos offices , elles durent paraître fondées qur.nl aux offices de
judicature ; mais aucun bon esprit n’ essaya d ’élendre la pro
hibition aux é l u d e s des Notaires , Greffiers et autres fonction
naires pareils ; effectivement, quant à ces offices , ne doit-on
pas dire avec Montesquieu : « Que la vénalité est bonne , en ce
» qu’elle fait faire comme un métier de famille, ce qu’on ne
» voudrait pas entreprendre dans la seule vue du bien public.»
Lors de la discussion de la loi du 25 ventôse an x i , qui est
le Code du notariat, la question de savoir s’il convenait de r é
tablir la vénalité des offices de Notaire, fut examinée : à cette
époque , le notariat était régi par la loi du 6 octobre 1791, qui
avait admis un système de concours ayant pour objet d’écarter
les candidats présentés par les titulaires eux-mêmes ; l’orateur
du gouvernement, dans son exposé des motifs, que l’on 11c
saurait trop méditer, s’élève contre ce système , et démontre
que celui qui lui est oppose et qui est virtuellement adopté
par la loi du 25 ventôse an x i , se concilie tout à la fois avec
les aperçus moraux que le législateur doit spécialement avoir
en vue , et les idées bien appréciées de la propriété ; de ma
nière que depuis cette époque, comme avant la révolution,
on a le droit de dire qu’une élude de Notaire est. une p ro
priété dont le titulaire ou ses héritiers peuvent disposer, à
la charge de présenter un successeur réunissant les conditions
requises, conditions sans lesquelles l’autorité publique, con
servatrice et surveillante obligée des intérêts généraux, ne
pourrait conférer le litre de Notaire.
La loi du 28 avril 181G porte celte vérjté au plus grand dégré d évidence; il est important de pénétrer son esprit et
de bien en apprécier les termes.
Ava nt la loi du 25 ventôse an x i , les Notaires étaient as
sujettis a la patente; l ’art. 33 de celte loi les en affranchit,,
mais les soumet a un cautionnement q u i , aux termes de
l ’art. 1" de la loi du 25 ventôse an x m , doit être fixé en rai
son combinée du ressort cl de la résidence de chaque Notaire.
C ’est dans cette position q u ’intervinl la loi d u 28 avril 1816^
�— 58 —
qui en portant les cautionnemens des études de Notaire à un
taux plus élevé que celui fixé par les lois antérieures, dispose
par son art. 88, que les cautionnemens sont fixés en raison de
la population et du ressort des tribunaux et de la re'sidence de
ces fonctionnaires. On doit ici faire la remarque essentielle ,
que la population de Cournon, résidence de M* Anglade, étant
plus considérable que celle de Lempdes ; conformément aux
tableaux annexés à la loi de 1816, le cautionnement de M* DesTnanèches , Notaire à Lempdes a été fixé à 1800 f r . , tandis que
celui de M* Anglade s’est élevé à 2,000 fr.
11 était de justice que le législateur, en imposant aux Notaires
une nouvelle ch arg e, les en indemnisât, en déterminant leurs
droits sur l’office dont ils étaient pourvus.
L ’article 91 est ainsi conçu : « Les Notaires...;, pourront p ré» senter à l’agrément de sa Majesté des su ccesseu rs , pourvu
» q u ’ils réunissent les qualités exigées par les lois. Cette faculté
» n’aura pas lieu pour les titulaires destitués. » — n. I l sera sta» tu é , p a r une lo i particulière, sur l’exccution de celle disposi» t i o n , et sur les m oyens d'en faire jo u ir les héritiers ou ay an t
» cam e clesdits o/Jîces. » — « Celte faculté de présenter des suc» cesscurs, 11e déroge p o i n t , au surplus, au droit de S. M., de
» réduire le nombre desdits fonclionnaires, notamment celui
» des Notaires, dans les cas prévus par la loi du 25 ventôse
» an x i , sur le notariat. »
Si l’on médite ce tcxle avec attention, pourra-t-on mécon
naître le caractère non équivoque de propriété qu’il attache
aux offices de Notaire ?
La loi, en accordant aux Notaires le droit de présenter un
successeur, a bien évidemment voulu faire quelque chose qui
fut utile aux tilulaircs auxquels il l’a concédé ; et quel serait
donc ce droit, s’il ne renfermait p o i n t , pour le Notaire , celui
de vendre ou de traiter de son office avec le successeur q u ’il
s’est choisi et qu’il a*le droit de présentera l’agrément du roi?
Où peut-on trouver un caractère plus significatif de propriété
que le droit de vendre et de transmettre? Le principe de la
s
�transmission aux héritiers cl ayans cause du Notaire titulaire
n ’est pas douteux ? il est même consacré, de la manière la plus
absolue , par la loi mê m e , puisqu’elle ne fait que renvoyer à
une loi particulière sur les moyens de les en faire jouir. Il faut
donc reconnaître qu’ une étude de Notaire est une véritable
propriété, puisque le titulaire peut l’aliéner^ et que la valeur
fait partie de sa succession.
O b j e c t e r a - l - o n que la faculté accordée par la loi de 1816, est
subordonnée à des conditions et à d e s restrictions qui ne per' mettent pas de classer les études de Notaire parmi les pro
priétés?
Il faut examiner :
i° La loi veut que le successeur présenté au roi réunisse les
qualités exigées par la loi : — Cette charge est la même que
celle qui était imposée aux titulaires des offices de N o t a ir e ,
avant la révolution, époque à laquelle le titre , comme aujour
d’hui, émanait du chef de l’autorité publique, ce qui n’empê
chait pas que les études de Notaire ne fussent considérées
comme une propriété. On comprend d ’ailleurs, très-facile
me n t, comment l’intérêt public et l’intérêt privé peuvent ici
se concilier: le gouvernement a le droit d’exiger que le succes
seur qui lui est présenté ait les qualités requises; mais il ne
peut refuser celui qui offre les garanties déterminées par la
loi. Cette condition astreint, si l’on v e u t , le Notaire titulaire
à ne vendre qu’à certaines personnes, mais elle n’anéantit pas
son droit ; les litres de Notaire ne sont plus donnés au concours
comme ils l’étaienl sous la loi de 1791. A ujourd’h u i , il n’est
permis à personne d’entrer en concurrence avec le successeur
présente, qui est admis ou rejeté sur le simple examen des
pièces propres à attester sa capacité.
a0 La loi dit que la faculté de présenter n’aura pas lieu par
les titulaires destitués. — l\ien de plus sage ; mais comment
cette pénalité, sagement prononcée contre le Notaire qui a en
freint ses devoirs d’une manière assez grave pour encourir la
destitution, pourrait-elle être regardée comme anéantissant ou
�— /¡o —
modifiant le caractère de propriété attaché aux études de N o
taire en général? C ’e s t , si l’on veut, un frein salutaire imposé
à l’immoralité, une exception introduite dans l’intérêt géné
ral, mais qui confirme la règle bien loin de la détruire.
3° Le I\oi se réserve le droit de réduire le nombre des N o
taires dans les cas prévus par la loi du 25 ventôse an xi. —
Q u ’induire de là? Lors de la loi de 1816, la réduction ordon
née par l’article'3 i de la loi du 25 ventôse an x i n’était point
encore opérée ; cette mesure avait été entièrement conçue dans
les intérêts des notaires, auxquels il importait d ’assurer une exis
tence honorable en les établissant dans des résidences qui, par
leur population, pussent présenter une indemnité proportion
née à des travaux qui, outre la probité , exigent autant d ’intelli
gence que d ’assiduité. Il convenait, dès lors, de ne point pou r
voir aux études qui étaient atteintes par la réduction ; mais
cette mesure o p é r é e , les éludes conservées par la loi de ven
tôse an xi , n’ont plus eu à redouter une chance qui n ’était que
transitoire. A ujourd’hui, la loi protège leur résidence et le
gouvernement ne peut la supprimer.
Il est donc prouvé , contrairement aux motifs consignés
d a n s le jugement dont est appel, que si, sous un rap por t, les
ofïiccs de Notaire sont des charges publiques établies dans
un intérêt com mu n ; d ’un autre côté, ils sont la propriété
du titulaire; que les conditions imposées par la loi à la trans
mission de cette propriété n’en changent pas le caractère ;
et que la réduction étant opérée, il ne peut appartenir au gou
vernement d ’anéantir celte propriété en supprimant une rési
dence établie ou conservée par la loi.
A mesure que l ’on pénèlre plus avant dans celte question,
on trouve des motifs tout aussi déterminans pour reconnaître
qu’une ctude de Notaire doit être classée au nombre des p r o
priétés du titulaire.
Ef fe ct iv em en t, si l ’on consulte la jurisprudence, on s’as
sure que les Notaires peuvent traiter <le leur office avec le suc
cesseur qu’ils se choisissent, et qu’ils ont le droit de presen- -
�— /il —
ter à l ’agrément du roi ; que ces traite's ou ventes doivent êlre
'exécutés dans les termes où ils ont été conçus ; qu’aucune
action ne peut être admise contre eux , pas même celle en re
gret et celle en lésion. ( Arrêt : P a r i s , 28 janvier 181 g ; Cassa
tion , 20 juin 1820 , 23 novembre 1823.)
Enfin , veut-on supposer qu’ un notaire a reçu un office, soit
de son père , soit de son p a r e n t, dont il est héritier par suile
de la démission de ce titulaire? Dans ce cas , que l’on se de
mande si cet héritier devrait rapporter la valeur de l’office à la
masse de la succession?
Où serait le doute ? N ’ est-il pas suffisant que la cession d ’un
office, à titre gratuit, présente un avantage au profit de cet hé
ri tier, pour qu’il soit tenu au n p p o r t ? Cette solution est le
texte même de l’article 8/|3 du Code civil : « Tout héritier ve» nani à une succession , doit rapporter à scs cohéritiers tout ce
» qu’il a reçu du défunt, directement ou indirectement. »
Et s’il arrivait que la transmission d’une élude de Notaire
renfermât une fraude ; que , par exemple , le prix de la vente
eût été fixé à une somme inférieure à sa valeur réelle , pour
avantager l’héritier acquéreur au delà de la quotité disponible;
pourrait-on douter que les autres héritiers n’eussent le droit
de demander l’eslimalion de l’office, et , d’obliger le nouveau
titulaire à rapporter le prix de cette estimation? ( V . Jo u r n a l
du n o ta r ia t , art. 4 I4 1-)
Une élude de Notaire est donc bien une propriété ; c’ cst une
vérité désormais hors de doute, une vérité fondamentale dont
les conséquences sont aussi pressantes qu’inévitables.
En ellet, le droit de propriété suppose celui de jouir et de
conserver la chose qui nous appartient ; et comme il n’est point
de droit sans obligation corrélative, il faut reconnaître que la
propriété notariale, comme toutes les autres, impose le devoir
de la respecter el de ne rien faire qui la détruise ou en diminue
la valeur.
O r , M" Dcsmanechcs a-t-il usurpé tout ou partie de la p r o
priété notariale de M" Anglade?
6
�Celle question est résolue en fait, il ne s ’agit plus que de
l ’examiner en droit.
L ’office d ’un Notaire se compose de trois choses : le titre ,
les minutes et la résidence. Voilà , bien certainement, l'ensem
ble d ’une propriété notariale. INI* Anglade se plaint de ce que
M. Desmanèches lui a enlevé la partie la plus importante de sa
propriété, c’est-à-dire sa résidence, ou qu’au moins, il lui a causé
le plus grand préjudice en venant s’y établir: est-il recevable à
demander des dommages-intérêts pour réparation de ce fait?
Le Tribunal dont est appel a reconnu que le maintien des
résidences notariales était fondé sur le même principe que l’é
tablissement des offices de Notaire; et comme il avait refusé à
ces offices tout caractère de pro p ri ét é , il était logique q u ’il ne
vît dans l’usurpation de la résidence qu’une violation d’un rè
glement d ’administration publique ; ainsi, avoir détruit sa pre
mière erreur, c’est déjà avoir fait sentir la nécessité de réfor
mer la seconde.
Mais on ne peut se dissimuler que les premiers juges, en se
créant un système qui leur était personnel, n ’aient encore cédé
à l’influence de deux arrêts , l’un de la Cour royale de Metz ,
du 21 juillet 18 18, cl l’autre de la Cour royale de Nîme ; arrêts
remarquables par la faiblesse de leurs motifs, que le Tribunal
de Clermont a essayé de fortifier, et qui d ’ailleurs sont in
tervenus sur des faits bien différons de ceux de la cause ac
tuelle. Ces arrêts auraient jugé que l’infraction à la loi de la ré
sidence notariale, est une matière de haute police et d ’admi
nistration publique, dont la connaissance appartient à M. le
Ministre de la justice , et dont les Tribunaux ne peuvent con
naître ; qu’ainsi le Notaire dont la résidence a été u s u r p é e ,
n e peut demander contre son confrère des doinmagcs-intérêts,
sous prétexte qu’il lui enlève une partie de sa clicntcllc et lui
cause ainsi une perte réelle.
On comprend que les moyens déjà développés suffiraient
pour détruire ce système, étant évident que l’erreur provient
de ce que ces deux Cours n’ont point voulu examiner la ques-
�— /,3 tion de propriété , et ont pris à lâche de se renfermer dans
le sens le plus étroit de l’art. 4 de la loi du 24 ventôse an xi ;
sans vouloir le rapprocher des monuraens législatifs et judi
ciaires les plus propres à l’expliquer.
En termes généraux , la résidence est la demeureordinaire
et habituelle d ’une personne en certain lieu ; sous ce rapport »
la résidence est une chose de fait indépendante de toute espèce
dedroit, et qui se distingue du domicile auquel seul des droits
sont attachés.
Examinés en termes plus restreints , la résidence est le lieu
où un officier publia est tenu de séjourner et de demeurer
pour exercer sa charge.
Quant à la résidence notariale, il faut d’abord s’assurer du
texte des articles 4 et 5 de la loi du 25 ventôse an xi.
Art. L\|. « Chaque Notaire devra résider dans le lieu qu i h d sern
■»fixé p a r le gouvernement. En cas de contravention, le Notaire
» sera considéré comme démissionnaire; en conséquence , le
» Ministre de la justice, après avoir pris l ’avis du Tribunal ,
» pourra proposer au gouvernement le remplacement. »
L’art. 5 , après avoir dit que les Notaires exercent leurs
fonctions , savoir : ceux des villes où est établie une Cour
royale, dans l’étendue du ressort de cette Cour. — Ceux des
villes où il n’y a qu’ un Tribunal de première instance, dans
l’étendue du ressort du Tribunal ; ajoute , § 3 : « Ceux des
» autres communes , dans l'étendue du ressort du T ribu n al de
» p a ix . »
I c i , il iaut d ’abord s’assurer si la résidence a été établie dans
1 intérêt des Notaires ; rechercher en suite à quelles conditions
le Notaire ayant résidence dans une co m m un e , peut exercer
scs fonctions dans l’étendue du ressort du Tribunal de paix ;
et enfin fixer son attention sur quelques cas de fraude cl de
violation à la loi de la résidence.
Et d ’abord , l’orateur du Tribunal s’ expliquant sur l’art. 4
de la loi du ^5 ventôse an x i , disait : « S'il pouvait ( le No» taire ), transférer à sou gré sa résidence , la loi aurait man-
G.
�-
41
-
« qué son but , tarit pour l'avantage (le la société, que p ou r
» celui des N otaires en particulier', on verrait la majeure partie
» d ’entre eux , abandonner les cam pagnes cl venir habiter les
» villes pou r la résidence desquelles <
1 antres N otaires auraient
» p a y é un cautionnement plus considérable. »
Que l’on s’arrête ici : N ’est-il pas évident que le législateur
s’est proposé un double but ; d’abord l’avantage de la société,
qui est spécialement confiée à la surveillance de M. le Garde
des Sceaux ; en suite l’avantage des Notaires en particulier,
qui dès-lors ont nécessairement droit de se plaindre lorsque
leurs intérêts sont blessés? Et si l’on remarque que la loi a
voulu spécialement éviter que les Notaires abandonnassent leur
résidence pour venir occuper celles d’antres Notaires qui au
raient payé un cautionnement, plus considérable qu’e u x , c o m
ment contesterait-on q u ’une action est ouverte à celui qui au
rait éprouvé un préjudice par suite de cette fraude ? La posilion prévue par l’orateur du Tribunal esl identiquement celle
de M " Desmanèclies et Anglade : le cautionnement de l’un
n ’est que de 1,800 francs, tandis que celui de l’autre est de
2.000 francs. D o n c , la propriété de Desmanèclies est moins
précieuse que celle d ’Anglade ; d on c, celui-ci a le droit de la
défendre contre les usurpations de son confrère : mais si l’u
surpation est ancienne , si elle lui a déjà causé un préjudice
considérable, comment n’aurail-il point d ’action pour en ob
tenir la réparation? E l si celte action lui est ouverte, comme
on n’en saurait douter , devant qui l’exercera-t-il ? Sera-ce de
vant M. le Garde des Sceaux ! Mais le Ministre ne peut connaître
de l’infraction à la résidence , que dans un intérêt général ; son
droit se borne à contraindre le Notaire contrevenant à garder
sa résidence ou à pourvoir à son remplacement comme démis
sionnaire , mais il ne peut accorder des dommages - intérêts.
Dès lors , que faire? II y a nécessité de rentrer dans le droit
commun, et le Notaire qui a éprouvé le préjudice doit s’adres
ser aux Tribunaux , qui seuls ont le droit de l’apprécier cl d’en
déterminer la réparation.
�-
/, 5 -
A i n s i , une aclion n ’exclue pas l’au tre , et M* Anglade a p u ,
tout à la fois , demander à M. le Garde des Sceaux que M* Des*
manèches fut tenu de garder sa ré si de nc e , et saisir la justice
de son aclion en dommages-inlérêts.
Objectera-t-on , en s’appuyant sur un des motifs du ju g e
ment dont est appel, q u e si les résidences eussent été établies
dans l’intérct des N o t a i r e s , leur classement aurait eu lieu par
c o m m u n e cl non par canton.
Cette objection, si elle était re no u ve lé e, ne pourrait con
vaincre que d ’une chose, c’est que la loi n ’a point clé assez at
tentivement consultée. Effectivement , elle ne classe pas les
résidences par cantons mais bien par commu ne s ; elle les classe
si peu par cantons, que po ur le cautionnement, il est fixé en
raison combinée du ressort et de la ré sidence; et po ur ne pas
s’ éloigner de l’exemple que présente la cause , on s’assure qu e
si le cautionnement de M' Anglade a été fixé à 2,000 francs, et
celui de M E Desmanèclies à 1800 f r . , c’est parce que la rési
dence de Courn on est plus considérable par sa population que
celle de L e m p d e s , quo ique toutes les deux soient du m ê m e
canton ; c’ est donc bien par co m m un e s que les résidences ont
été classées.
11 est vrai que les Notaires des commu ne s ont le droit d ’exer
cer leurs fonctions dans toute l’étendue du ressort de leur jus
tice de paix: mais c o m m e n t , dans quel cas, et à quelles condi
tions ?
U n avis du Conseil d ’etat du 7 fructidor an x n , r e c o n n a î t ,
il est vrai, que les Notaires de simple justice de paix ont le
droit d exercer leurs fonctions dans tout le canton ; meine que
les Notaires résidens dans une co m m u n e rurale peuvent veni r
dans le chef-lieu , lorsque celte ville serait c h e f - li e u de Co ur
royale et de tribunal de pr em ièr e instance, po u r instrumenter
dans la partie de ces villes dépendantes de leur justice : mais
q u a n d ? « l o k s q u ’ ii ^s en s o n t k e q u i s .» — Q u ’est.-ce qui leur
est dé fendu? — L ’avis répo nd : «Mais ils ne pe u ve nt ouvrir
» étude, ni conserver le dépôt de leurs m in ut e s, ailleurs qu e
�-
46 -
» dans le bourg ou village qui leur est assigné pour leur rési» dence. »
Ce texte n’a pas besoin de commentaire , il concilie parfai
tement ce qui doit être concédé aux parties, qui peuvent n’ac
corder leur confiance q u ’à un Notaire de leur choix, avec la
protection qui doit être accordée aux intérêts du Notaire de
la résidence. Le Notaire peut quitter sa résidence pour faire un
acte de sa profession dans le canton lorsqu’il en est requis, au
trement, il ne peut envahir la résidence de son confrère; et,
dans aucun cas, il ne peut ouvrir étude , ni conserver le dépôt
de ses m in u t es , ailleurs que dans sa résidence.
M. Massé, t. i , p. 3 3 , développe très-bien ces principes:
« Il faut bien distinguer , d it - i l , l’étendue du ressort d’un
» Notaire de celle de sa résidence : un notaire à le droit de se
» transporter momentanément hors du lieu de sa résidence,
» dans toute l’étendue de son ressort, pour y faire un acte , et
» il peut y rester aussi long-temps q u ’il est nécessaire- pour pré» parer l’acte , le rédiger et le faire signer ; mais il ne lui est
» pas permis de fix e r son d o m icile, ni d ’établir son étude hors
» du lieu de sa résidence. »
Si l’on rapproche ces principes des actes du sieur Desinanèchcs.qui pourra, de bon ne foi, reconnaître que ce Notaire, en éta
blissant sa résidence notariale à Cou mon, n’a fait q u ’user de son
droit et fait ce qui lui était permis.— D ’abo rd , aucuns des actes
passés par un Notaire, dans celle résidence de fait, ne l’ont
été sur la réquisition des parties; ensuite , que remarque-t-on?
Uri domicile fixe, une élude ouverte, et le dépôt des minutes
établi à Cournon ; et, ce qu’il y a peut-être de plus f o r t , c’est
l’abandon total fait par le sieur Desmanèchcs de sa résidence
notariale à Lempdes ; de telle manière , que celte résidence
légale, la seule que le litre du sieur Dcsmanèches lui assigne,
n ’est plus qu’une simple succursale de la résidence de fait que
ce Notaire s’esl créée de sa pleine autorité ; succursale dans la
quelle, au reste, il ne paraît une ou deux fois par semaine, que
�pour y formuler les acles dont les consentemens ont été reçus
par ses préposés pendant son absence.
Quelques exemples peuvent faire apprécier l'importance que
le législateur a mis à obliger les Notaires à tenir la résidence
qui leur est fixée par leur commission , et le soin rigoureux
qui doit être apporte à éviter ou à réprimer toute espèce de
fraude à cet égard.
L e 21 mars 1817, M e Coron fut nommé Notaire à la résidence
de Caluirc (Rhône) ; ce Notaire crut pouvoir s’établir au h a
meau de St-Clair, bourg dépendant de sa résidence, mais lieu
bien préférable à Caluire par sa population , l’activité de son
commerce , la multiplicité des transactions, et surtout son rap
prochement de Lyon, qui donnait à ce Notaire les moyens d’étendre sa clicnlelle et d’agrandir ses relations.
M* Coron avait quatre années d’exercice et de résidence à
Caluire, lorsque les Notaires de Lyon se plaignirent de cette
infraction à loi ; et une décision de M. le Garde des Sceaux,
sous la date du 18 mai 1821, ordonna que Coron serait tenu de
s’établir à Caluire, résidence déterminée par sa commission,
et d’abandonner le hameau de St-Clair.
D ’un autre cô té, on a examiné la question de savoir si un
Notaire contrevient à l’art. 4 de la loi de ventôse an x i , lorsqu’habilucllement, à des époques périodiques , et san s être re
q u is , il se transporte au chef-lieu de son canton , dans l’inten
tion de recevoir des actes de leur ministère ; il est vrai que le
plus grand nombre a décidé négativement la question , mais en
déclarant qu’il devrait en être autrement s’il résultait des cir
constances que le Notaire tînt son étude au chef-lieu du canton,
fait qui constituerait une véritable fraude à la loi.
Enfin , il n’y a pas de doute à décider que le Notaire qui au
rait un clerc résidant habituellement dans une autre commune
et y recevant des actes , commettrait une fraude que les cham
bres de discipline et le ministère public devraient s’empresser
de réprimer ( Jo u r n . des N ot., art. 44G1.)
�-
48 -
Tous ces exemples font plus fortement ressortirlagravité de
l’infraction de Me Desmanèclies :
II n’aurait pas pu transporter sa résidence dans un lieu dé
pendant de celui qui lui a élé assigné par sa commission, et il
l ’établit, où?Dans le chef-lieu de Cournon , résidence de M. Anglade.
Il lui était interdit de se transporter hors de sa résidence
sans en être requis. Non-seulement M* Desmanèclies contrevient
à celte règle , mais encore , de sa seule autorité , il établit son
domicile et son étude à Cou rnon, et agit ainsi en fraude de
la loi.
E n f i n , il fait plus que d’avoir un clerc résidant habituelle
ment à Cournon, il y habite et réside lui-mêine , il y reçoit les
actes ; et s’il s’absente, il laisse une personne qui puisse pren
dre le consentement des parties.
On ne peut donc se le dissimuler, il n’est point d ’infraction
plus grave que celle reprochée à M ' Desmanèclies ; il n ’est
point de manœuvres qui aient pu porter un plus grave préju
dice à la propriété de M* Anglade.
O r , quels sont les principes en matière de réparation civile
ou de dommages-intérêts ?
L ’article i382 du Code civil est ainsi conçu: « Tout f a i t
» quelconque de l’h o m m e , qui cause à autrui un dommage,
» oblige celui par la fa u te duquel il est arrivé à le réparer. »
A i n s i , l’ordre delà société exigeant, non seulement, que nous
ne fassions de mal à personne, mais encore que nous prenions
des précautions pour n’en pas causer volontairement, il est
certain que la réparation doit avoir lieu , lors même que le fait
qui aurait causé préjudice ne serait point accompagné du des
sein de nuire.
L ’article i 383 porte: «Chacun est responsable d u do mma ge
» q u ’il a causé non seulement par sou f a i t , mais encore p a r i a
” négligence ou p a r son imprudence. » Qu elle co nséque nce à
déduire de ces principes? si ce n’est que tout f a i t , toute omis
sion par lequel sans malignité et sans dessein de n u i r e , on a
�— 49 —
causé préjudice à autr ui, est un quasi-délit qui soumet l’auteur
de ce fait à une réparation, lors même qu’on n’aurait ît lui
reprocher que de la négligence ou de l’imprudence.
Dans ce cas , quelle serait la position de M e Desmanèches ?
Il ne s’agirait que de constater que M* Anglade a éprouvé un
préjudice dans sa propriété, et qu’il est du fait de son adver
saire , pour que ce dernier fût obligé a ie réparer. Il importe
rait peu qneM* Desmanèches voulût se faire un moyen de son
ignorance, de la croyance où il était que la loi n’exigeait pas
de lui une observation aussi rigoureuse des règles de la rési
dence ; les faits sont là, pour démontrer que M' Desmanèches
a méconnu un engagement qui lui était imposé par l’autorité
seule de la loi (art. ii'jo )', qu’en outre il a usurpé la propriété
de M e Anglade, en s’établissant et ouvrant étude de Notaire
dans la résidence de ce dernier. Voilà, dès-lors, tout ce qu’il
faut pour que M” Desmanèches soit convaincu de quasi-délit,
et condamné à des dommages-intérêts.
I c i , il faut examiner une dernière objection du jugement
dont est appel , qui consiste à dire que la faculté d’ instrumen
ter dans tout le canton , accordée à Me Desmanèches , ote à
l’action de M« Anglade tout son mot if, puisqu’il est impossi
ble à ce dernier de prouver que les gens de Cournon ne se
raient pas venus à Lempdes.
Un pareil argument n’a rien de sérieux: il ne s’agit pas , en
e ff e t, de rechercher si les gens de Cournon seraient allés con
tracter à L em p d es, dans le cas où M* Desmanèches y aurait
tenu sa résidence ; mais bien de s’assurer si M« Desmanèches
à établi son étude à C ou rn on , résidence de M* Anglade , à
1 elfet d y attirer les cliens ; o r , comme les actes reçus par
M Desmaneclies ont etc passés a Co urnon, dans sa maison,
et que nulle part il n’est fait mention qu’il se soit transporté
de Lempdes a Cournon sur la réquisition des parties , voilà la
preuve écrite que les liabitans de Cournon ont cédés ’, non
pas à la confiance exclusive que leur inspire M* Desmanèches
mais bien à l’influence de sa position , à ce domicile établi à
7
�cc'Le résidence publique, enfin, à celle étude ouverte à Cournon, , contrairement à la prohibition la plus précise de la loi.
Bans celte position , la présomption est que la clicntelle serait
demeurée attachée à la résidence; ce serait à M eDesmanèches
à détruire cette présomption ; mais comment ferait - il cette
p r e u v e , lorsqu’il est certain que les actcs, intéressant les
hahitans de Cournon, n’ont point été reçus à Lempdes* et
que M* Desmanèches , loin d’attendre les cliens à Lempdes ,
est venu , au contraire, s’établir auprès d ’eux à Cournon, obli
geant ains i, le plus souvent, les habitans de sa résidence lé
gale à se transporter dans sa résidence de fait.
Mais cette cause se présente sous un dernier poiut de vue
lout à fait deisif : d ’a b o r d , M* Desmanèches n’a établi sa ré
sidence notariale à Cournon , que dans l’intention de causer
préjudice à M* Anglade ; et ce préjudice a réellement été souf
fert , de manière que l’on réunit ici les deux caractères consti
tutifs de la fraude consiliurn et eventus dam ni. Or l’on sait que
la fraude fait exception à toutes les règles ; que la preuve en
est toujours admissible, et qu’elle doit être réprimée et punie
aussi tôt qu’elle est découverte.
Ce n’est pas tout: 11 appartenait à M* Desmanèches de fairè
regretter l’énergie et la précision d ’un mot qui n ’a point été
conservé dans notre nouvelle législation criminelle, omission
qui n’a pas peu contribué à jeter quelque vague sur la défini
tion du mot délit.
Autrefois, toute action commise avec malignité et dessein
de nuire, s’appelait méfait, de l’expression énergique m alcjicia;
sous ce mot venaient se ranger toutes les actions mauvaises
et nuisibles, tant celles que la loi considérait comme crimes,
que celles qui n’en réunissaient pas tous les caractères; de ma
nières qu’alors , le méfait était le genre, et le crime l’espèce.
( V . V ùrniu s , in inst. de oblig . , qnœ ex delielo nascuniur , iri
princ. lib. 4 » tit. i. — Cout. de Beauvoisis, rédigée en 1280,
chap. 3o . )
A u j o u r d ’h u i , le mot délit est e m p lo y é en deux acceptions
�différentes ; une première, qui est générale et comprend Ions
les méfaits; une seconde, plus resserrée et sous laquelle cer
taines espèces viennent se ranger; c’était là un défaut qui d e
vait bientôt se faire sentir; aussi, voit-on q u e , dès le premier
article du Code, le législateur est contraint d’employer au lieu
du mot méfait celui d’infraction, qui est bien plus vague et
moins énergique.
Toutefois, si le mot méfait n’existe plus dans le langage de
la loi pour exprimer les faits qui troublent la paix et l’ordre
public, et qui sont des crimes ou des délits ; si même celle
expression ne s’applique pas au simple q u a s i - d é l i t , qui n’est
qu’une action préjudiciable à autrui, mais commise par négli
gence ôu imprudence , elle n’en sert pas moins à désigner cette
foule d’actions mauvaises et nuisibles , commises avec mali
gnité et dessein de nuire , que le législateur n’a pas dû quali
fier cri m e, mais qui étant contraires à la bonne foi et flétries
par les principes de morale les moin^Tjsévères , n’en donnent
pas moins ouverture à une action civile, pour obtenir la répa
ration du dommage q u ’elles ont causé.
Le préjudice éprouvé par M* Anglade étant certain, l’ensem
ble des faits reprochés à M'Desmanèclies, auteur de ce pré
judice, présente-t-il les caractères du méfait?
Qui pourrait en douter?
M* Desmanèclies :
N ’a-t-il pas usurpé, en connaissance de cause, la résidence
de son confrère, en violant la l o i , en dédaignant de se confor
mer aux statuts de la corporation à laquelle il appartient, règles
que cependant il ne pouvait ignorer ni méconnaître?
Pour se faciliter l’exploitation des deux résidences et nerien
laisser échapper à son insatiable avidité, n’a-t-il pas encore exigé
des personnes qui lui étaient dévouées à Cournon et à L e m p des qu’elles reçussent, en son absence,les consentcmensdes
parties ?
A-t-il obéi à l ’injonction de M . le Pr o c u r eu r d u r o i , d u
1" avril i 8 3 o?
�— 52 --Après avoir réclamé la résidence de Cournon comme sa pro
priété particulière , et avoir ensuite p r i s , envers le T r i
bunal , l’engagement formel de faire son habitation exclusive
à Lempdes , M" Desmanèches a-t-il tenu à cette promes
se ?.... A-t-il même satisfait à la nouvelle injonction de s’é
tablir définitivement à Lempdes, dans un mois; injonction qui
lui a cependant été faite le 3o novembre , par M. le Procureur
du roi , conformément à l’ordre exprès de M. le Garde des
Sceaux?
Lors du transport de M. le Procureur du roi à Lempdes ,
M* Desmanèches n ’a-t-il pas trompé la loyauté de ce magistrat
en faisant, temporairement, transférer ses minutes de Cournon à Lemp de s, minutes qui ont été immédiatement réinté
grées dans cette première résidence?
N ’est-ce pas lui qui a incité Lareine-Boussel à porter plainte
contre M* Anglade? Qui a clé l’inventeur et le metteur en
œuvre de l’intrigue odieuse sous laquelle il espérait le voir suc
comber ?
A l’audience, que fait ce Notaire?
Il
vient dénier les faits les plus certains , il se permet les as
sortions les plus mensongères, il oppose un certificat émané
d’un magistrat , et le met ainsi en contradiction avec deux
lettres olficiclles, écrites par ce même fonctionnaire.
Et c’est devant de pareils faits que la justice est resté désar
mée , et qu’elle a repoussé , par une fin de n o n - r e c e v o i r , la
juste demande de M e Anglade!....
A u s s i , M* Desmanèches s’est-il halé de triompher : immédia
tement, il a donné à ses manœuvres plus d’activilé; il s ’est ad
joint son fils; aujourd'hui ils tiennent ensemble étude ouverte
à Cournon ; le fils écrit sous la dictée du père , e t , en l ’absence
de ce dernier, reçoit les consenlemens des parties.
Telle est cette cause, dans laquelle un homme simple, labo
rieux cl modeste, s’ est imposé le devoir de défendre sa pro
fession, son existence et son honneur, contre la richesse,
l’audace , la ruse cl la méchanceté la plus froide comme la plus
�— 53 —
.
\■)
cruelle. Me Anglade a succombé en première instance ; mais
fort de son droit, il n’a pas hésité à venir demander à la
haute sagesse de la Cour un d e ces arrêts réparateurs, q u i ,
en flétrissant les actions mauvaises et nuisibles, servent d’exem
ple , et donnent aux hommes de tous les rangs une grande et
salutaire leçon.
M' A N G L A D E , N otaire à Cournon.
i'
M° J.-Ch . B A Y L E , ancien A vocat .
M- J O H A N N E L , Avoué.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Anglade, Claude. 1833?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Anglade
Bayle
Johannel
Subject
The topic of the resource
notaires
détournement de clientèle
dommages et intérêts
concurrence déloyale
minutes de notaires
ventes
offices
juge de paix
Garde des sceaux
loi du 25 ventôse an 11
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Maître Claude Anglade, notaire royal à la résidence de Cournon, Canton du Pont-Du-Château, appelant d'un jugement rendu au tribunal civil de Clermont, le 7 juin 1832 ; contre Maître Jean-Baptiste Desmanèches, ayant résidence fixée par sa commission, dans la commune de Lempdes, canton du Pont-Du-Château ; mais de fait ayant établi son domicile et sa résidence notariale à Cournon, intimé.
Annotations manuscrites.
18 mai 1833, arrêt 2éme chambre = mal jugé en déclarant Anglade non recevable = preuve admise. Sirey, 37-2-582. 20 février 1834, 2nd arrêt qui après enquête condamne le défendeur en 3000 de dommages et intérêt... »
Table Godemel : Notaire : 5. le notaire qui a à se plaindre de ce qu’un de ses confrères abandonne plus ou moins souvent sa résidence et vient d’établir dans la sienne, est recevable à intenter une action en dommages intérêts contre ce dernier, pour la réparation du préjudice que peut lui causer cette usurpation de fonctions.
il n’en est pas comme de la simple infraction à l’obligation de résider, dont la connaissance et répression appartiennent exclusivement au ministre de la justice.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
E.Thibaud, imprimeur (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1833
1827-1833
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
53 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2801
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2802
BCU_Factums_G2803
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53557/BCU_Factums_G2801.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Cournon-d'Auvergne (63124)
Pont-du-Château (63284)
Lempdes (63193)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
concurrence déloyale
détournement de clientèle
dommages et intérêts
Garde des sceaux
juge de Paix
loi du 25 ventôse an 11
minutes de notaires
notaires
offices
ventes
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53496/BCU_Factums_G2510.pdf
199e85240f2ef66438c78321f4ed0b37
PDF Text
Text
PIÈCES JUSTIFICATIVES.
N°
1 er.
A d i e u x d e M . T a c h é à s e s c o l l è g u e s 3 en l e u r
p r é s e n t a n t so n s u c c e s s e u r .
A
u jo u h d ’ h u i
, vin g t-tro is janvier mil h uit cent d i x - h u it , entour
l ’heure de m i d i , les membres composant la ch ambre de discipline des
notaires de l'arrondissement de C l ermont- F errand, ville principale,
chef-lieu du département du P u y -d e -D ô m e , réunis dans la salle ordi
naire de leurs séances, présens M M . T a c h é , F le u r y , P a llet, Dessaignes,
Fileyre , F la g e t , C hassaigne et Astaix, membres de la chambre actuelle;
G e o r g e , Vigeral , Espinasse, I.aroche , Marnat et H uguet , notaires,
anciens membres de la m ême cham bre, tous convoques par la lettre de
M . le président, individuellement adressée à chacun d’e u x , le 1 du
4
présent mois,
M e T a c h é , après avoir réclamé l’attention de l’assemblée, a dit :
« M e s s ie u r s
et
ch ers
collègues
,
. « Si l ’objet de cette réunion extraordinaire vous est déjà connu ,
« vous pressentez d’avance la nature des communications que je vais
« avoir l’honneur de vous faire.
« Depuis plusieurs années, m a santé s'est progressivement altérée.
« c ' est en vain que j’ai cherché à lutter contre mes m a u x : ces combats
m ' o n t peut-être fait que les irriter e t accroître leur résistance.
«E n f i n , si tout espoir de guérison m’est interdit; si à tant de
« souffrances je n’ai plus à opposer que de la résignation , du m oin s,
« comme homme public et comme père de famille, j’ai la consolation
e de penser que mes veilles et mes travaux ne sont peu t-être pas étrang e r s aux causes de ce dépérissement.
« Divers accidens graves ont été pour moi des avis, des ordres, q u e ,
« tout affligeans qu’ ils sont, je n'ai pas dù plus long-tems méconnaître,
�« Me sentanl désormais dans Vimpossibilité de continuer l'exercice de
« mes fonctions avec les soins qu ’elles commandent, avec le zèle et
« l’activité que j ’y ai apportés jusqu’alors, j ’ai d û , dans l'intérêt de
« mes enfans, dans l ’intérêt d ’ une réputation péniblement acquise,
« ne pas laisser
d é pr im e r
un élut que j ’ai peut-être eu le bonheur de
(( professer avec quelque succès.
« Envisageant avec courage ce terme inévitable pour to u s , comme
« peut-être plus prochain pour m o i; e t , l ’avoucrai-je, me livrant a
« Y espérance qu ’ une vie moins agitée pourra faire quelque diversion a
« mes m a u x , j 'a i dti songer à me donner un successeur.
« L e seul de mes fils, qui aurait pu me remplacer un jour, se trouvant
te encore fort jeune , et étant peut-être porlé vers des occupations d’ un
k autre genre, j ’ai fait choix du principal clerc d ’ uni; E lu d e dont le
« chef est justement investi de la confiance publique. Les principes et
(t la moralité «le c e n o t a i r e , les honorables témoignages qu’ il a rendus
a de son élève sont une première garantie clc la bonté de mon choix.
« J’espère que le jeune homme qui en est l’o b je t, comprenant tout
« l ’avantage de la concession que je lui fais, ne tardera pas à mériter,
« par sa bonne conduite et son instruction, l ’estime et la bienveillance,
« que j ’ose réclamer pour l u i , de mes anciens collègues, et qu ’en tout
« il sera digne d ’ une corporation qui, en honorant d’abord ceux qu’elle
« veut bien admettre dans son sein, leur demande bientôt en échange
« d’en être à son tour honorée.
« L a jeunesse de m o n successeur, c l une sage défiance dans ses propres
« forces, lui ont fait désirer d’être, encore quelque tems, aidé des
tr conseils de mon expérience : j’ai donc conservé un intérêt dans mon
« E tude ; et c’est dire assez tout celui «pic je mettrai à la maintenir
« dans le même état de confiance et de prospérité.
a Messieurs, dans ces circonstances grandes pour m o i , et peut-être
« pas tout-à-fait indifférentes pour le corps des notaires d’ un re& ôrt, le
« premier clc noire département,
plein du souvenir des constantes
« bontés de mes collègues, pénétré des obligations que m’ impose le
et rang où jc me trouve placé pour la huitième fois, je n’ai pas dit
« quitter une corporation qui m ’a tant honoré, que j’ai tant respectée,
« sans que les notaires qui la composent fussent instruits, par inoi, et de
« ma détermination et d e s trop justes motifs qui l’ont c o m m a n d é e . No
«< pouvant convoquer la corporation entière, j'ai dû eu réunir au tnoms
�(3 )
« ici quelques-uns des membres les plus recommandables, soit par leur
« c a r a c t è r e personnel, soit à raison des anciennes fonctions qu ’ ils ont
« remplies dans cette chambre.
« C ’est donc à la corporation e lle -m ê m e, que je m ’adresse en m ’adres« sant à vous, mes cliers confrères , mes utiles collaborateurs dans une
« carrière où j’ai constamment marché à votre t ê t e , honoré de votre
a choix, soutenu de votre indulgence, et appuyé de votre approbation.
« C ’est à vous que j’ai dû communiquer les raisons qui me condamnent
« à une retraite, dont mon âge et les habitudes de ma vie semblaient
« devoir éloigner encore le moment ; c’ est dans votre sein , que mon.
« cœur éprouve le besoin de s’ épancher , e t , en y déposant ses regrets,
« d’en dim inuer, s’il est possible, l ’amertume.
« Recevez donc avec mes adieux l ’expression de ma reconnaissance
« pour vous, celle de mes vœux et de mes plus durables sentimens pour
« le repos, l’honneur et la prospérité de notre clière corporation. Usez
« de toute l’ influence que vous y ex ercez, pour maiutenir la paix et
«
'
«
«
l ’harmonie parmi les membres qui la composent.
« Conservez nos règles, nos usages; perpétuez nos institutions :
maintenez cette heureuse surveillance , cette sage discipline dont
nous avons tant de fois senti le besoin et reconnu l’ utilité ; trans
it mettez ce bon esprit à ceux qui vous succéderont dans cette chambre;
« gardez moi une part dans votre estime, dans votre amitié ; et s’ il est
« vrai que mes efforts et mon zèle eussent été utiles à un corps auquel
« je m’enorgueillirai toujours d’avoir appartenu, qu ’à la conscience
« d’avoir rempli mes devoirs, qu’à la satisfaction d’avoir opéré quelque
a b i e n , vienne se joindre la pensée que peut-être il en restera quelques
k souvenirs. »
Cette communication est faite et entendue avec une émotion profonde.
M° Tache quitte le fa u te u il, et invite M e Floury , notaire à G erzat,
en sa qualité de syndio de la chambre , à vouloir bien le remplacer.
Différons membres parlent des regrets et de la perte de la corporation.
U n membre, ayant obtenu la parole, a dit :
« Comme vo u s, Messieurs et chers collègues, j ’éprouve le besoin de
« témoigner toute notre reconnaissance et d’exprimer nos r e g r e t s à
« notre collègue, M. T a c h é , au sujet de la communication qu’il vient
« de nous faire, laquelle est un titre de plus à notre amitié c o m m e à
« notre estime. Si nous lui devons exclusivement la formation de cette
�flj*
( 4 )« chambre, sauve-gardc, alors qu'il l’a présidée, des notaires calomnié?
« ou de ceux que des erreurs involontaires ont mis dans le cas de com« paraître devant e lle , l’esliine à laquelle ¡1 a force l’amitie qu on no
« pouvait se défendre de lui porter, notre gratitude, résultat inévitable
« de ses importans travaux , n’amènent-elles pas naturellement à désirer
« que notre honorable aini conserve , dans la corporation qu ’ il a su.
« (lever au point de dignité où elle se trouve p la cée , le titre de prê
te sident honoraire, et à v ie , de notre tribunal de famille? En vous
« engageant à consigner
dans
voire procès-verbal
mes
regrets, o u ,
on
« d’autres termes, ceux de la corporation tout entière, je viens vous
« prier de solliciter M . T a c h é , notre digne collègue, de vouloir bien
« accepter l'honorable titre de président honoraire de la chambre de
« discipline des notaires de l ’arrondissement de Clermont-Ferrand ,
« titre auquel ses travaux et son zèle lui donnent tant de droits ; de le
« prier aussi <lc; c o n t i n u e r exclusivement la rédaction de nos instructions
« trimestrielles, tant que sa santé lui Cil laissera le loisir.
« E n conséquence, convertissant ce vœu , qui est celui de vous to u s,
« mes chers collègues, en une motion expresse, je prie la chambre
« d’arrêter que cette proposition sera soumise à la délibération et ratiiîn cation de l’assemblée générale des notaires du ressort, du io mai
« prochain. Tels sont les vœux que forme un ancien membre de celle
« chambre précieuse, laq uelle, en exerçant une discipline autant imr< partiale que nécessaire, a toujours su ouvrir une porte au repentir,
« cl qui saura désormais, comme par le passé, couvrir, de son égido
n imposante, les notaires que l’insidieuse envie livre trop souvent à la
« calomnie. J’ignore si nous avons à délibérer sur quelques points du
« service, mais il me paraît extrêmement convenant q u e , vu l’impor« tance tic cette communication , et la douleur où elle nous plongera
« long-tems, nous ne nous occupions d’autre chose que de nourrir nos
« justes regrets , et de les exprimer à celui qui en est l’objet. »
Sur quoi tousles membres présens déclarent partager les scnlim ens,
l ’opinion et les vœux que lepreopinant vient d exprimer; cl la chambre,
convertissant en arrêté la proposition qui vient de lui être faite, l’adopte
entièrement, et à l'u n a n im ité , en ce qui la touche, et arrête q u ’ello
sera soumise à la prochaine assemblée générale , pour recevoir son
adhésion. E lle arrête q u e , dans les prochaines instructions, il sera
rendu un compte sommaire de l ’objet do la présente délibération ,
�(5 )
dont copie
en cc qui concerne M . T a c lié , lu i sera adressée, comme
un premier témoignage de la reconnaissance de la corporation.
- De suite , et sur la proposition de M e F le u r y , l ’assemblée s’occupe
de la nomination du président qui doit remplacer M . Taché jusqu’à la
prochaine réorganisation de la chamLrc ; e t , sur le résultat du premier
scrutin, M® Astaix, notaire à C lerm ont, ayant réuni la localité des
suffrages, moins u n , il est proclamé président par M e F le u r y , qui lu i
cède aussitôt le fauteuil.
L a place de secrétaire se trouvant vacante par la promotion de
M e A s ta ix , qui en exerçait les fonctions, la chambre s’occupe de
l ’élection de ce second officier ; et le dépouillement du scrutin ayant
conféré cet emploi à M
0 Cliassaigne,
notaire à C lerm o n t, il est pro
clamé dans la qualité de secrétaire de la chambre.
L a chambre élant ainsi reconstituée, le secrétaire donne connaissance
a l’assemblée de la démission de M e T a c h é , qui indique la personne du
sieur Claude C av y, pour son successeur dans ses fonctions de notaireccrtificateur à la résidence de Clermonl-Ferrand.
Il fait lecture de la pétition du sieur Claude C a v y , licencie en droit,
habitant d e 'l a commune d ’Escurolles , arrondissement de G a u n a t,
département de l’A l l i e r , tendant à obtenir l ’agrément et l’appui de la
chambre dans la demande qu’ il sc propose de former auprès de Sa
Grandeur Monseigneur le Garde des Sceaux, aux fins d’ être admis en
remplacement dudit M e Taché.
L ’ aspirant est introduit : il est interrogé sur différens articles du
Code civil ; et la'ch a m b re , après en avoir délibéré ,
V u son travail sur les résidences des notaires, adressé au Gouverne
ment en l’année 1 8 1 1 ;
V u l’acte de démission de M® T a c h é , sous la date du 14 de ce mois,
enregistré le 17 ;
V u les diplômes produits par l’ aspirant, et les attestations d’ un stage
plus que suffisant, à lui délivrées par différons notaires de I’ aris, ou par
la cha mine de discipline du département de la Seine ,
Considérant que le nombre des notaires exerçant dans le canton O u e s t
de cette v ille , dont fuit partie M* Taclié, n’excède pas le nombre voulu
par la loi ;
Considérant que le sieur Cavy , qui se présente p o u r son s u c c e s s e u r ,
�réunit l ’instruction et la moralité nécessaires pour exercer clignement
les fonctions auxquelles il se destine,
A ruéte qu’ il est délivré audit sieur C avy (Claude) le certificat de
moralité et de capacité voulu par la l o i , et que Sa Grandeur M o n
seigneur le Garde des Sceaux de France est supplié de vouloir Lieu
admettre l ’aspirant en remplacement dudit sieur T a c h é , à l ’exercice
des fonctions de notaire - certificateur à la résidence de ClermontFerrand.
L a chambre arrête, en outre , qu ’extrait de la présente deliberation
sera préalablement adressé à M. le procureur du Roi près le tribunal
civil de ce ressort.
L a présente rédaction ayant été lue à l ’assemblée, et par elle adoptée,
les président et secrétaire définitifs la signent ; et la séance est levée les
j o u r , mois et an que dessus.
ÎST» 2 .
Jugement dont est appel.
,
i A v r il 1821.
Attendu
q u ’il résulte des Mémoires imprimés et des plaidoiries
respectives, q u e , le 14 janvier 1 8 1 8 , en vendant son office au sieur
C a v y , partie de Bayle , le sieur T a c h é , partie de Vissac, s’eu était
réservé le cinquième des bénéfices nets pendant dix ans ;
Q u e dans les premiers jours de jauvier 1820,
5
époque à laquelle
le sieur Cavy était marié avec la demoiselle I ogros, les parties en
fixèrent le montant à 20,000 francs, y compris
3 ooo
francs que le
sieur Taché avait reçus l’année précédente, et qu’ il s'obligea, d'honneur
et de bonne f o i , d'aider le sieur C a v j de tous les renscignemcns et
conseils dont il pourrait avoir besoin pour sa profession, comme aussi à
lu i conserver sa clicntelle ;
Q u ’on ne trouvait dans la conduite subséquente du sieur Taché ,
aucune preuve, aucun indice même de l’exécution de ces conventions ;
Q u ’ il était reco nnu , au contraire, que peu de teins npnis, ayant
marié sa fille nvec le sieur Astaix , il lui fit transporter son domicile
rt son étude dans sa maison; qu’ il fit inscrire sur sa p o rte, à cûté
de l’écrileau du sieur Cavy , qui avait la sienne dans la maison voisine ,
�celui du sieutf A staix,
notaire-cor lificateur ;
aüqilel
(1)
il joignit
le
nom
Taclié
: 'A s ta ix -T a c h ê ,
Q ue la justice n’ avait pu voir dans cette translation subite de
dom icile, dans celte addition et superfétation du nom de T aché à celui
de son gendre, qui n’avait aucune autre raison d’ajouter à son nom
celui de T a c li é , puisqu’ il n’y avait aucun autre notaire de ce nom ,
que l ’intention formelle de la rendre utile i ce d e r n ie r , au préjudice
du successeur; et que le sieur Taclié voulait d’autant moins qu’on
en doutât,
qu’ il en fait l ’aveu, pages n
et 12 de scs Observations
imprimées, où il fait un appel à ses anciens c lie n s, et où il d i t , non
seulement qu’il assisterait son gendre de tous scs conseils, mais encore
q u e , pendant autant de tems que sa santé pourrait le p erm e ttre, sa
vieille exp érien ce, ses fa ib le s moyens seraient à la disposition de c e u x
qui lu i firent Thonneur de lu i accorder leur confiance, et q u e , sur ce
point, vouloir et exécuter serait la même chose pour lu i ;
Q ue les offres faites à ses anciens cliens, par le sieur T a c b é , dans
un écrit imprimé et distribué au p u b lic , de ccltc v ieille expérience t
ne l ’avaient sûrement pas été dans l ’intérét de son successeur ; et que
les anciens cliens , qui répondraient à cet appel , ne retourneraient
pas cliez lui ; que ce n’ était pas sérieusement que ce dernier avait d i t ,
page 8 de ses Observations, et avait fait p la id e r , q u e , dès l’instant
de cette dernière convention de janvier 1820, il avait été délié désormais
de tous ses engagemens ; que scs relations avec le sieur C avy avaient
cessé, et qu’ ils étaient devenus étrangers l ’ un à l ’autre;
Q u ’il é ta it, au contraire, bien démontré que jamais les engagemens
du sieur T a c li é , envers le sieur Cavy, n ’avaient été plus forts, puisqu’ ils
s étendaient sur la conservation de la chentelle y ce à quoi il ne s’était
pas même obligé formellement jusque l à , et qu’ ils avaient été con
tractés sous les auspices de l'honneur et de la bonne f o i ;
Q ue quand ces mois honneur et bonne f o i ne formeraient, comme
on 1 a prétendu à l ’audience, qu’ un lien purement m oral, en seraient-
0
ils moins obhgat ircs de la part d ’ un ancien fonctionnaire public >
investi d’ estime et de considération? Non.
L ’obligation de conserver la clientelle à son successeur, 11c pouvait
pas être une cliimèro a u x j e u x
du sieur T a c h é ; qu ’elle pouvait
k e n ne pas 1 obliger à conduite lçs cliens du -j son successeur, mais
�*
j.
1
* '
g -
t *
( s )
qu’il ne pouvait jamais en résulter le droit de les en éloigner et de
les conserver à son gendre, comme l'articule le sieur Cavy ;
Mais attendu que la partie de Vissac désavoue formellement q u ’aucun
de ses anciens cliens ait passé dans l ’étude de son g e n d r e , et que
celle de Bayle soutient et articule le contraire, la justice doit ordonner
la preuve de ceux des faits articulés, qui lui paraîtront pertinens ,
r"! '
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S.K
comme tendant à p r o u v e r que l ’intention de le dépouiller avait déjà
reçu un commencement d ’exécution;
L a loi lui en fait un d e v o ir, parce q u e , s’agissant de la violation
¡ t " ”|j
d’ une convention , la preuve testimoniale est admissible.
P ar
l l î f 'J i
ces
m o tifs,
le tribunal
ordonne, avant faire dro it, que lo
sieur C a v y , partie de B a y le , fera p reu v e , dans le délai de la l o i ,
tant par titres que par tém oins, devant
31.
M a n d c t , juge-suppléant,
commis à cet effet, i° q u e , lors de la communication d u mariage de
sa G l l e , l e s i e u r T a c h é , partie de Vissac, annonçait aux personnes
q u ’ il visitait, qu’ il redevenait n o t a i r e , et qu ’ il espérait que ses anciens
cliens ne l ’abandonneraient
confiance,
pas ; a° qu ’ il est allé demander leur
et avait positivement sollicité quelques-uns d ’eux de lui
faire recevoir des actes importans et considérables j
3 ° qu ’ il
avait arrête
des cliens qui allaient chez le sieur C a v y , partie de B a y le , en leur
disant qu ’il espérait bien regarnir le colombier ;
E t qu ’enGn une partie de la clientelle vendue au sieur C avy était
déjà dans l ’étude du sieur A s t a i x ;
S auf à l a d i t e p a r t i e d e V i s s a c l a preuve contraire, dans le môme
d é la i, p o u r , les enquêtes faites et rapportées, o u , faute de ce faire,
être fait droit aux parties, tous moyens de fait et de droit réservés,
ainsi que les dépens.
3.
I
A p p el du sieur Taché.
18 A v r i l
i 8î i .
J’ai remontré q u e , dans l ’instance pendante nu tribunal civil de
1
Clerinonl, entre lesdits sieurs Taché et C a v y , il est intervenu, e a avril,
•N
hi'y|
présent m ois, un jugoinent interlocutoire, qui ordonne la preuve do
certains faits;
�t
9
)
Que lout inadmissible qu'était une preuve testimoniale , le requ éran t,
certain de la fausseté des faits, et cle l ’ impossibilité où est le sieur
Cavy
de les établir par des témoignages dignes de f o i , aurait pu en
attendre les résultats; mais que les motifs les plus impérieux ne lu i
permettent pas de fortifier, par son approbation, un jugement qui
s’ écarte aussi essentiellement de la vérité des fa its , que des règles
de la justice; qu’en ufl'ct , en mi liuiuttpt à nu interlocutoire aussi
insignifiant en lui-m êm e, on a , par des motifs longs et entortillés,
préjugé le fond de la contestation, e n - te lle sorte q u e , si le sieur
Taclié ne s’en p la ign ait, il semblerait leur donner une approbation
q u i , par la suite , deviendrait une arme qu ’on paraît avoir préparée
au sieur C a v y , a laquelle il s'attacherait bien davantage qu'aux ré
sultats d’ une preuve qui l ’intéresse peu ;
Q u e , d’autre p a r t, on trouve dans ce ju g e m e n t, comme résultat
des Mémoires et des plaidoiries respectifs, des assertions qui sont
dem enties, tant par les Observations publiées par le sieur T a c h é , que
par les actes même qui ont lait le fondement de la plaidoirie , et
notamment en ce qui touche le prix donné au cinquième des bénéfices,
dont 011 n’a pas déduit celui des rccouvrcmens restés dus ;
Q u ’on y donne pour reconnu par le sieur T a c h é , pour être de
son f a i t , comme décisifs sur la q u estio n , des actes qu ’au contraire il
a constamment repoussés, comme n ’étant pas les siens, et ne pouvant
être d’aucune influence dans la contestation ;
Q u ’enfin , dans ce même ju g em e n t, on réduit les désaveux du sieur
Taché à un seul fa it, qui n’était ni celui de la cause, ni celui duquel
les plaidoiries respectives ont fait dépendre l ’événement ;
Q u ’en examinant le fond de l ’interlocutoire , le requérant ne peut
être surpris de voir ordonner une preuve qui n’était pas offerte ; qu’en
effet, le sieur Cavy n’a pris aucune conclusion tendant à être admis
à faire enquête ;
Q ue seulement, en p laidant, l ’avocat a déclaré être en état du
prouver tous les Faits écrits dans les conclusions du sieur Cavy ;
E t qu en réponse , l’avocat du requérant a soutenu les faits inadmis
sibles, i° par la
(1(; la contestation ; a" par le vague dans lequel
ils étaient enveloppés; et q u e , bien loin de se réduire à désavouer, par
une expression générale, qu ’aucuns de ses anciens cliens ont passé dans
�l ’élude de son g endre, il somma expressément le sieur C avy de s’expli
quer sur les personnes et de préciser les faits, déclarant être prêt à
répondre sur chacun d ’e u x , de manière à ce que le tribunal n’a pu
statuer sur-le-champ sur le résultat;
Q u ’en réplique, le sieur C a v y , bien loin d ’insister sur sa prétention
de preuves générales, nomma six in d iv id u s, anciens cliens du sieur
Taché , qui avaient passé dcs'çctes chez M* Astaix ; q u ’ immédiatement,
l ’avocat <lu requérant répondit sur ce qui est relatif à ces individus,
de manière à ce que le tribanal fût suftisamment éclairé , et qu ’il
ajouta être prêt à répondre de même sur tous autres faits positifs qu’il
plairait au sieur Cpvy de préciser ;
E t qu’alors il ne fut ni ne put être question d ’aucuns faits de
preuves entre les parties ; que , d’ailleurs , le fait indifférent de savoir si
cliens d u sieur Taché ont passé dans l ’étude du sieur Astaix ,
pouvant être p r o u v é p a r l e s r é p e r t o i r e s d e c h a c u n d ’ e u x , il n e s a u r a i t
d ’an cien s
dès-lors être soumis à une preuve par témoins ;
Q u e les autres faits sont ou insigniflans, ou tellement vagues et
dépourvus de p récision, qu ’ ils ne laisseraient pas au sieur Taché la
possibilité de faire une preuve contraire ;
Q u ’enfin ce n’est pas de là que dépend le sort de l ’aiTaire ; et qu ’en
somme, le jugement dudit jour 2 avril pourrait, dans les motifs qui
semblent l’avoir d ic té , paraître autant injurieux que nuisible au sieur
T a c h é , c o m m e é t a n t i m p r é g n é d e c i t a t i o n s insuflisantes ou tronquées,
de préjugé au moins prématuré , et de conséquence inexacte.
A
ces
causes,
j ’a i , huissier susdit, déclaré audit
31e C a v y ,
que le
requérant interjette appel dudit jugem ent; e t , par suite et aux effets
que
dessus, j ’a i, audit sieur Cavy , donné assignation à comparaître,
après la huitaine , par-devant et à l’audience de la C our royale do
lÜQin, pour voir déclarer ledit jugement n u l; subsidiairement, le voir
infirmer, mettre au néa n t, et ê tr e , ledit M 8 C a v y , débouté de sa
dem aude, e t , condamné aux dépens; e t, afin qu’ il n’en ignore, j’a i,
en son domicile , et parlant connue dessus, laissé copie du présent
acte d’a p p e l, dont le c o û t , etc.
�( 11 )
N° 4.
C le rm o n t-F e rra n d c e 18 a v ril 18 2 1
P . A . T A C H É , ancien N o t a ir e , membre du Conseil
municipal de la V i ll e de C l e r m o n t ,
A M M . les Membres composant le Corps des Notaires de l'arrondissement
de Clermont.
M
e s sie u r s
,
D ans les circonstances où je me trouve p lacé, voulant ôter à mes
ennemis jusqu’au prétexte de nouvelles calomnies, je remets, dans vos
mains, le titre de président honoraire de votre C ham bre, que vous aviez
daigné me conférer par votre délibération du 10 mai 1818.
Je demeure, avec les sentimens de respect, de reconnaissance et
d ’affection, que j ’ai toujours professés pour le Corps auquel j ’ai eu
l ’honneur d ’appartenir,
V otre ancien et dévoué C o llèg u e,
N°
E x tr a .it
5.
Signe T A C H É .
du Procès-Verbal de l 'assemblée générale
des Notaires de l 'arrondissement de
Clermont-
Ferrand, en date du 10 mai 1821.
M. le Président a donné lecture d ’ une lettre qui lui a été adressée
par M. Taché a în e , sous la date du 18 avril dernier, par laquelle
il donne sa démission de President honoraire de la Chambre des Notaires
de cet arrondissement, qui lui a été conféré par la délibération du 10
mai 1818.
L ’assemblée, après avoir entendu la lecture de la le t t r e , a déclaré à
l ' unanimité qu' elle acceptait la démission, et a chargé son Président
d en écrire à M
eTaché
Elle a en outre ordonné que la lettre dont
il venait d être donné lecture , serait déposée aux archives , pour y être
conservée.
R I OM , IMPRIMERIE D E SA L L E S , P R ES L E P A L A I S D E J U S T I C E .
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Taché, Pierre-Antoine. 1821?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Subject
The topic of the resource
notaires
détournement de clientèle
dommages et intérêts
concurrence déloyale
minutes de notaires
chambre des notaires
ventes
offices
abus de confiance
Description
An account of the resource
Titre complet : Pièces justificatives.
Table Godemel : étude de notaire : la vente d’une étude de notaire comprend, non seulement celle des minutes et registres, mais encore celle de la clientèle et de l’influence notariale du vendeur, qui contracte tacitement l’obligation de ne rien faire qui puisse nuire à son acquéreur.
l’inexécution de cette obligation peut être prouvée par témoins, et motiver une demande en dommages-intérêts.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1821
1818-1821
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
11 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2510
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2507
BCU_Factums_G2508
BCU_Factums_G2509
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53496/BCU_Factums_G2510.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Clermont-Ferrand (63113)
Escurolles (03109)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Abus de confiance
chambre des notaires
concurrence déloyale
détournement de clientèle
dommages et intérêts
minutes de notaires
notaires
offices
ventes
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8cd88b1844cb80d963b13da38d283c14
PDF Text
Text
0,0
-
—
^
RESUME
ET NOUVELLES OBSERVATIONS
9)
*
COUR ROYALE
DE RIOM.
POUR
I ro CHAMBRE.
Me C
laude
CAVY,
Notaire r o y a l , certificateur,
à la résidence de C le rm on t- Fer ra nd, in tim é et
incidem m ent a p p ela n t;
»
.
Æ.
JUér-f/fâcitea*
CONTRE
* / v r / L f i 2**
S ie u r P i e r r e - A n t o i n e T A C H E , se qualifiant
Propriétaire, ex -P résid en t honoraire t à v ie , de la
Cham bre des N otaires de l ’arrondissement de
C le rm o n t, et exerça n t utilem ent 3 et de f a i t la
profession de N o ta ir e sous le nom de M e A s t a i x ta ch é
, s o n g e n d r e , appelant, e t incidem m ent
intim é.
Jure naturæ equum est neminem cum alterius
detrimento et injuria fieri locupletiorem.
L. 26, ff. de R. J.
U
n Précis, distribué au tr ibun al civil de Clermont-
F e rra n d , a fait connaître dans tous leurs détails les
faits et les circonstances de cette cause importante.
Elle doit intéresser les pères de famille q ui désirent
Att^
/noj&i? $ A
•1
�^
( 2 )
donner un état à leurs enfans, et les jeunes gens, qui ,
en embrassant une profession, auraient à craindre, si
le système du
sieur Taché réussissait, d ’y trouver
pour concurrens les anciens titulaires dont ils auraient
acquis l'é tu de, la clientelle et l'influence.
E l l e est digne de toute Inattention de la C o u r , q u i ,
en thèse générale, aura à déterminer quelles sont la,
nature et les suites d ’ une vente d ’ E t u d c de nota ire ,
. et à fixer, d ’après Y éq u ité} l ’usage et la l o i , les obliygations que ce contrat impose au vendeur, et les droits
^ q u ’ il confère à l ’acquéreur.
• '*V
iÀ& Xlne question particulière sera ensuite soumise à son
* * * * * * examen. E lle résulte de l ’obligation que le sieur Taché
r £ -«
\
s est imposée >MOYENNANT u n PRIX', cVahler M e C avy
'
de tous les renseignemens et conseils dont i l p eu t avoir
' besoin p o u r sa p ro fessio n , com m e aussi à lu i conserver
sa clien tellâ .
S ’il est reconnu que ce dernier engagement n ’a
jamais été ex é c u t é -, que le sieur Taché l’a violé à l ’ins
ta nt même où il l'a contracté, en se mettant dans
l ’impossibilité d ’y satisfaire, et en portant ailleurs la
coopération q u il avait promise et vendue à M* C a v y ;
si l ’inexécution de cette convention, prouvée par des
faits certains, est d ’ailléurs reconnue et avouée par le
sieur Taché l u i- m è m e , ce dernier doit-il à l ’instant
être condamné à la restitution de la somme fixée pour
le prix des services q u ’il s’était engagé à rendre?
Devant les premiers juges, la contestation se présen
tait sous ces deux rapports : Mc C a v y demandait la
�(
3
)
restitution du p r ix de la convention non exécutée et
violée par le sieur Ta c hé ; il réclamait en outre des
do minage s-intérêts résultant des manœuvres pratiquées
par son adversaire pour reprendre la clientelle vendue,
et la transmettre au sieur As taix , son gendre; mais ces
deux chefs de dem ande, n ’ayant point été suffisam
ment ou assez clairement expliqués, ont été confondus
par les premiers juges, qui n ’y ont vu q u ’ une demande
en dommages-intérèts, dont la fixation dépendait de
la preuve des manœuvres du sieur T a c h é , et du p r é
ju d ic e q u ’elles ont causé au sieur C a v y .
L e sieur Taché est appelant de ce jugement.
M.e C a v y en soutient le bien jugé, relativement à la
preuve ordonnée pour la fixation des dom m ages-intéréts,
et s’en plaint à son tour en ce q u ’ il n ’a pas ordonné
de suite la restitution du pria: mis à la co n v e n tio n , non
exécutée et violée par le sieur Taché.
L ’appel principal du sieur T a c h é , et celui incident
de Me C a v y , soumettant la cause en entier à l ’examen
de la C o u r , il a paru nécessaire de donner un nouveau
développement aux principes q u i doivent servir à sa
décision, en distinguant les questions auxquelles ils
doivent s appliquer.
L e sieur C a v y s’en rapportera
d ailleurs à sou Précis, pour les faits particuliers, et
ne rappellera que ceux q ui sont indispensables pour
1 intelligence de la discussion.
�FAITS ESSENTIELS.
L
e
sieur Taché a exercé long-tems la profession cle
notaire à Clermont. Il reconnaît que sa clientelle était
considérable; q u ’il a v a i t , dans son ét at , une grande
influence sur ses concitoyens.,
et que la confiance
étendue et absolue dont il jouissait lui permettait un
grand nombre d ’opérations de c a b i n e t , étrangères aux
travaux ordinaires d ’une étude de notaire^ et lui don
nait la certitude de conserver, et même d ’augmenter^
ses relations tle notaire.
M e C a v y est n a tif du département de l ’ A l l i e r , oii
toute sa famille est établie. Abs olument étranger à la
ville de C le r m o n t , il était maître-clerc de notaire Î*
Paris, et ne quit ta cette capitale que pour complaire
à sa f am ille , q u i , ayan t le désir de le voir s’établir
près d ’ellè, lui proposa de devenir acquéreur de l ’étude
Taché.
Il fut d ’abord question entre les parties d ’une vente
pure et simple; mais-le prix de l ’étude paraissant trop
considérable, on ne p u t s’accorder. Les chances de
succès étaient, en effet, trop incertaines et trop dou
teuses, sur-tout pour un étranger, q ui pouvait ne pas
inspirer la même confiance que son prédécesseur, et
perdre sa clientelle.
L a coopération du sieur
Taché
aplanissait cette
difficulté, et faisait cesser les craintes de M® C a v y :
elle fut promise pour dix a n s , et le prix en fut fixé
�(
5
W *
)
au cinquième des bénéfices nets pendant ce laps de
tems.
L a vente est du
i
4
janvier
1818 : elle fixe k
4o,ooo francs le prix de l ’étude, registres, minutes ,
c lic n te lle , et dit que le vendeur a u ra , outre la moitié
des recouvremens de son exercice, le cinquièm e cles
bénéfices nets pendant d ix ans.
Il est vrai que l ’obligation du sieur T a c h é , de coo
pérer aux travaux de son successeur,
ne ressort pas
clairement de cette vente. On a fait connaître*dans le
Précis les causes de cette omission ou de ce défaut
d ’explication; mais cette obligation du sieur Taché est
prouvée par la réserve et retenue, stipulée par le ven
deu r, du cinquième des bénéfices , cinquième q u i
n ’était et ne pouvait être autre chose que le prix de
sa coopération. Par le procès-verbal du
janvier
1 8 18, dont les termes sont précieux, pu is q u’ils montrent
d ’une par t, que le sieur Taché voulait vendre sa coo
pération, et M* C a v y l ’acquérir-, e t , de l ’a u t r e , que
cette convention était la véritable cause de l ’acquisition
de M e C a v y , et entrait pour beaucoup dans la fixation
du prix ; enfin par les aveux du sieur T a c h é , et par
le fait que l ’ét u d e , loin de changer de local, devait
rester chez le vendeur, afin de faciliter ses travaux et
ses relations avec son successeur.
Il convient d ’extraire ici quelques phrases d ’ une
allocution que le sieur Taché crut devoir prononcer à
la chambre des Notaires, le i
3
janvier 1818. C ett e
allo cu tion 3 véritable parodie de celle de Syila abdi-
I
•V ~
�q uan t la d ic ta ture, ou de, Char le s-Quint résignant sa
couronne, loin de diminuer les dignités de son a u t e u r ,
lui va lut sa nomination de président honoraire de la
chambre. « L a jeu n esse de mon successeur, et une
« sage défian ce en ses propres forces, lu i ont f a i t
«
désirer d'étre encore quelque teins
aidé
des conseils
« de mon exp érien ce : j ’a i donc conservé un interet
« dans mon étude y et c ’est dire assez tout c e lu i que
« j e m ettrai à la m aintenir dans le même état de
« confiance et de p rospérité ( i ) . »
Ces expressions du sieur Taché expliquent d o n c ,
d’ une manière p a r f a i t e , les causes , l ’étendue et les
conséquences des conventions insérées clans la vente
du i
3
janvier 18 18- Elles prouvent que le cinquième
des bénéfices nets de l 'é t u d e , que le sieur Taché s’était
réservé pendant dix ans, était le prix de sa coopération
pendant le même nombre d ’années •, e t , si l ’on veut
savoir de quelle influence cette coopération avait étc
pour la fixation du prix de la vente de l ’étude en ellem é m e , c’est-à-dire des minutes, registres et clientelle,
il suffira de comparer le prix des quatre meilleures
études de C l e r m o n t , vendues dans le même tems, avec
celui de l ’étude T a c h é , acquise par le sieur C a v y .
En 1816,
l ’étude C h e v a lie r,
qui avait eu pour
successeur le sieur D alm as , a été vendue
25 ,000
francs
U M* Devoucoux. E11 181-7, celle du sieur Grimardias
( 1 ) V o y e z Pièces Justificatives, u° I . — Précis de M* C a v jr , pages n
e t suivantes.
�(
7
)
a été v e n d u e , h M e R o d d i e r , 21,000 fr. E ü 1 8 1 9 ,
M e Bergier a acquis celle du sieur D u th e il 24,000 fr.
En
1820, celle du sieur Espinasse a été v e n d u e , à
M c Nicolas, 27,000 francs, tandis q u e , intermédiaireinent et en 1 8 1 8 , Me C a v y est devenu acquéreur de
celle du sieur T a c h é , moyennant la somme de [\o, 000 f r . ,
d ’une p a r t , et enfin le cinquième des bénéfices nets
pendant dix ans ,
pour
prix de la coopération du
vendeur.
C e rapprochement est remarquable*, il prouve mieux
que tout autre chose l ’importance que M c G a v y attar
chait à la coopération de son prédécesseur, et montre
également le grand avantage que celui-ci retirait de
l ’obl igation q u ’il contractait d ’utiliser , au profit de
son successeur, toute son influence, et ce q u ’il appelle
les conseils de son exp érien ce. L e sieur Taché bénéfi*
c i a i t , en ef fet, d ’ une double m anière, puisque , d ’ une
p a r t , sa coopération était payée par l ’intérêt q u ’ il
conservait dans l ’étude v e n d u e , et q u e , de l ’a u t r e ,
l ’engagement de ses services à son successeur lui per
mettait de porter le matériel de l ’étucle à un prix
q u ’il n’ aurait jamais obtenu sans cela.
Il ne faut pas s’arrêter à des circonstances intermé
diaires, qui sont expliquées dans le Précis de Me C a v y ,
tou t importantes d ’ailleurs q u ’elles puissent ê t r e , pour
faire connaître les causes de la convention qui a succédé
a celle que l ’on vient de relater (1). Il suffira de retenir
(1) Précis C a v y , pages
¡4 juseju’à
21.
�(8
)
que le sieur Taché avait pleinement exécuté ses engagemens envers M e C a v y ; que ce» dernier, obligé de
changer son étude de l o c a l , l ’avait placée dans une
maison à côté de celle du sieur T a c h é , pour ne pas
interrompre ou rendre plus difficultueuses les relations
et communications journalières, que leurs engagemens
respectifs rendaient indispensables ; q u ’enfin Mc C a v y
était marié depuis le
23
septembre 1 8 1 9 , lorsque le
sieur Taché lui proposa, sous des prétextes quelconques,
de capitaliser le cinquième des bénéfices nets auxquels
il avait droit.
Après quelques réflexions, cette nouvelle convention
f u t définitivement arrêtée, le 14 janvier 1820. L e prix
total de l ’étude fut porté à 60,000 fr.; ce qui prouve
que le rachat de l ’intérêt que le sieur Taché s’y était
réservé, eut lieu moyennant la somme de 20,000 fr.j
m ais, comme cet intérêt n ’était lui-même que le prix de
la coopération du sieur T a c h é , ce dernier c o n t ra ct a ,
envers M e C a v y , une obligation q ui devait expliquer
les précédens engagemens, et en fixer l ’étendue : c o n
vention reconnue par toutes les partie s, et sur les
termes de laquelle elles sont d ’ailleurs d ’accord.
« L e sieur
Taché s'o b lig e ,
« M e C a v y de tous les
d’ iionneuii, à aider
ren seign em en s
et
conseils
dont
« il pourra avoir besoin pour sa profession > comme
« aussi li lui
conserver
sa c lie n t e lle .— F a it de bonne
« fo i. »
L e sieur Taché était-il eiFectivement de bonne f o i ,
lorsqu’il s’obligeait euvers M ' C a v y ? Avait-il l'intention
�( 0 )
d ’exécuter sa convention? ou
.
ces belles
promesses
n ’étaient-elles q u ’un leurre jeté à son successeur, pour
l ’engager à racheter le cinquième des bénéfices, tandis
que l u i , T a c h é , était bien décidé, non-seulement à
ne tenir à aucun de ses engagemens, mais encore à les
enfreindre ouvertement, en faisant tourner à son profit,
ou en portant ailleurs sa coopération et toute son
influence n ota riale , qui étaient cependant bien la
propriété de Me C a v y ? C ’est ce que les faits doivent
apprendre.
Immédiatement après cette convention, le b ru it se
répand que le sieur Taché marie mademoiselle sa fille,
avec un jeune homme dont il veut devenir le bienfai
teur. Qu el était ce jeune homme? Me A sta ix , succes
seur de son père dans la place de notaire à C l e r m o n t ,
ayant conséquemment une clientelle particulière, une
signature, une réputation et une existence de notaire,
qui ne pouvaient être confondues avec aucune a u t r e ,
pu isq u’il était le seul de ce nom , q u i
exerçât .cette
, profession a Clermont.
Il faut grouper ici les faits qui ont précédé, accom
pagne et suivi cette u n i o n , en faisant distinguer ceux
qui sont reconnus ou a v o u é s, en tout ou en p a r t i e ,
par le sieur T a c h é , de ceux q u i sont niés par l u i , mais
dont la preuve a été expressément ou virtuellement
ordonnée par le jugement dont est appel (i ).
L e seul fait cjui précède le mariage est celui des
( i ) V o y e z , pour les d é t a i l s , le Précis de M* C a v y , p.
22 jusrju’à * 5 .
�communications. L e sieur Taché n ’avait pu trouver un
seul instant pour accompagner Me C a v y chez ses cliens;
cependant il comm unique avec M e Astaix le mariage
de sa fille ; présente son gendre futur à ses anciens
cliens; leur rappelle q u ’il a eu leur confiance; leur dit
q u ’il redevient notaire, et q u ’il espère q u ’ils ne l ’aban
donneront p a s . — L e sieur Taché avoue n ’avoir point
présenté M c C a v y ; il ne nie pas la communication d u
mariage , mais il nie avoir sollicité la confiance de ses.'
anciens cliens ( i ) .
L e mariage a été célébré le
10 avril 1820 , trois
mois et quatre jours après la convention entre le sieur
Taché et M c C a v y . Ces deux époques sont bien l’ap
prochées; et si la convention de janvier 1820 a é té
p ré céd ée de s ix grands m ois cle pou rp a rlers, de p ro
positions et de délibérations (2 ),
combien plus de
lems et de circonspection ne fallait-il
pas au sieur
Ta ché pour se décider à une union dont dépendait le
bonhgur de sa il lie ! C e mariage a donc été aussitôt
a cco m p li que p r o jeté ; peut-être même était-il arrêté
avant la convention de janvier 1820 : alors quels pou
vaient en être les pactes secrets? Pouvaient-ils s’ac
corder avec les 'obligations que le sieur Taché avait
contractées à lio h n e u r e id e bonne f o i envers M e C a v y ? . ...
Les faits von t e x p liq u e r cet acte important de la v ie
du sieur T a ch é.
( 1 ) Voyez Observations Taclié , pnge 4*
(2) Expressions d u sieur T a c h é . V o y e z scs O b s e r v a tio n s , page 7.
�( 11 )
Immédiatement après la célébra lion du mariage ,
M e Astaix vi nt habiter la maison de son beau-père :
il y transporta ses minutes et son étude. Depuis cette
époque,
le sieur Taché et son gendre n’ ont eu et
n ’ont encore aujourd’hui que le même domicile.
Ce
fait est reconnu par le sieur Taché.
Pa n s le même tems, une enseigne fut placée audessus de l a .p o r t e
de la maison T a c h é , avec cette
inscription :
- T
A
staix
aché
,
no taih e
-
certificateu r
Auprès de cette enseigne était celle de M c C a v y -
.
de
manière que l ’acquéreur pouvait être regardé comme
un nouveau notaire établi auprès de l ’ étude du sieur
Ta c hé , et que la chance la plus favorable pour lui
était que l ’on pu t hésiter pour reconnaître lequel des
deux avait réellement succédé à Taché. L e sieur Taché
convient de ce fait ( i ) . Mai s, en tr ’autres bonnes ex
cuses:, il insère, en parlant de M e As taix , cette phrase:
« Pensant fa ir e quelque chose q u i me f û t agréable ,
« ayant sur-tout intérêt de distinguer son e x e r c ic e
« de c e lu i de son p r é d é c e s s e u r mon gendre a cru
« q u ’en ajoutant li son nom le nom de sa fe m m e ,
« le second ne déparerait pas trop le premier........ ».
Tout
ici est remarquable -, t o u t ,
même ju s q u ’ aux
points q ui suivent le compliment que le sieur Taché
se fait modestement à lui-même, en mett ant , avec
beaucoup de délicatesse , l ’ influence de son nom en
contraste avec celle du nom du père de son gendre ,
(i) Voyez Observations Taché , page y.
�auquel ce dernier avait; succédé. C ett e phrase annonce
en effet
que
l ’apposition
de
l ’enseigne était chose
agréable au sieur T a c h é , et q u i l y
avait consenti ;
que cette apposition avait eu lieu parce que le sieur
Astaix y trouvait un intérêt; que cet intérêt était de
parer son no m , en y ajoutant celui de son beau-père ;
enfin ju s q u ’il ces points, qui viennent apprendre que
cette parure n ’était pas un luxe innocent, mais bien
un moyen direct de s’emparer et de profiter de l'in
fluence de notaire du sieur Taché.
Continuons.
Le
sieur Taché était journellement
dans l ’étude de M e A s t a i x , son g e n d r e , et lui prêtait
la coopération la plus active , en recevant les cliens ,
assistant à leurs débats, arrêtant leurs conventions, et
rédigeant tous les actes importans. L e sieur Taché ne
désavoue point ce fait , mais il cherche à l ’a tt é n u e r ,
en articulant « q u ’il s’écoule quelquefois dix et quinze
7
« jourssans^zi,/ / ^ « m m e d a n s r é t u d e d e s o n g e n d r e ( i) » .
Il y parait donc. E n avait-il le droit ? Il répond: «Jeune
« a m b i t i e u x , quand les faits dont vous prétendez ex« ciper seraient en partie établis, quand ils seraient
u vrais, que pourriez-vous en conclure?............... Ne
« m ’avez-vous pas delie de l ’engagement de concourir
« à votre prospérité? Séparés d ’intérêts, ne somnies« nous pas, je le répète, devenus totalement et à ja« mais étrangers l ’ un à l ’autre (2)? » Suivant lui-même,
( 1 ) V o y e z O bservations -Taché ? P aSc M *
(2) Ibid.
�le sieur Taché avait_donc le droit d ’accorder sa coo
pération à son gendre; quand il paraissait dans l ’étu de ,
c ’était
donc pour la lui donner. Mais quelle était
l ’étendue de cette coopération? quels objets devait-elle
embrasser? L e sieur Taché répond ( i ) : « Je
«
hautement
le
déclare
.
:j ’assisterai M eAstaix de tous mes conseils;
« f aiderai celui qui est devenu mon fils de tout ce
« que la connaissance des hommes et Vhabitude des
« affaires auront p u m ’apprendre..'........ M a v ie ille
«
ex p érien ce
} mes fa ib le s moyens
sont
à
l a d isp osition
« de c e u x q u i me fir e n t ja d is l ’honneur de\in accorder
« leu r confiance. P ren ez acte de ces a v e u x > M e C a v y ,
« et sur-tout retenez bien ce que vous avez cru dire
« ironiquement dans votre assignation, q u ’au moins
«
s u r Ce P O I N T , 'v o u l o i r et e x é c u t e r sero n t l a m ê m e
Ainsi, sieur T a c h é , vos conseils,
votre connaissance des hommes, et votre habitude des
«
ch o s e p o u r m o i » .
affaires ont appartenu et appartiendront désormais îi
votre gendre : v o u s
le
d écla rez hautem ent ; et cepen
dant vous avez vendu tout cela à M e C a v y ! ........ Vou s
déclarez aussi hautement que votre v ie ille exp érien ce
et vos faibles moyens sont à la disposition de vos anciens
cliens; vous leur faites un appel aussi public que votre
affiche; ou plutôt vos Observations, distribuées avec
profusion dans la ville et dans les carrefours de C l e r
m o n t , n ’en sont que le commentairç; et que n ’y avezvous ajouté: C hez A s t a i x , je u n e nptaire, on trouvera
(0
Y °)rcz Observations Taclic, pages n
et 12,
�hl V I E I L L E E X P É R I E N C E et les F A I B L E S ^ M O Y E N S de
Vancien notaire T a c h é ! Ce,.quevo.us ayez, d it et f a i t
est bien au moins l ’équivalant de ccrq u’on vous pro
p o s e n t ceperidant vo.ttç iolientelle, votre ¿vieille e x
p é r ie n c e , enfin tpute.votre in flu en ce' de notaire, sont
encore la propriété du s i e u r . C a v y . ’ O r , comment con
cilierez-vous l ’exécution de l ’obligation icontractée par
vous-envers votre su ccesseu r à titre o n éreu x } obliga
tion que vous aviez mise, sous la garde de vo ire honneur
et de votre bonne f o i , avec ce que vous avez f a i t et
déclarez 'encore "v o u lo ir fa ir e
en . faveur
de votre
gendre?........ C o n ven ez-eii, si vous avez été souvent
h e u r e u x dans le s e x p l i c a t i o n s d e s a c t e s d e v o t r e v i e
votre bonheur ^parait vous avoir abandonné dans cette
circonstance : votre génie
vous a mal servi; mais
consolez-vous plutôt : le plus bel astre a-ses éclipses;
et Sénèque a eu raison de dire : JSullum magnum
ingenium sine m ix tu ra dem entiœ f u i t .
Ces f a i t s , q u i sont prouvés et avoués au procès ,
manifestent clairement et l ’intention et le b u t des
actions du sieur Taché. Dépouiller M e C a v y de la
chose v e n d u e , la conserver ou la transmettre à son
gendre, voilà tout ce qui l ’occupe : les faits matériels
prouvent et développent à cet égard toute sa pensée.
Mais le sieur Taché était im patie nt; il craignait do
n ’être point assez tôt deviné. E n conséquence, pour
que personne ne puisse se méprendre sur ses projets,
il multiplie les démarches, presse ses anciens cliens de
sollicitations, et explique lui-même tout ce q u ’ il a
�1
A %'
( iS
)
voulu faire. Ainsi , s'arrête-t-oii à l ’enseigntfpde -sieur
Taché dit : « Q u e les deux colombiers*-étant à côté
« l ’un de l ’a u t r e , les anciens pigeons së tromperaient
t< souvent de porte. »
Parlfe-t-on de l ’art difficile deT rcdigfcr lin Acte? lè
sieur Taché assure modestement « q u ’il saura encore
« bien faire quelques obligations'; que , lorsqii’il ÿ
« aurait des actes difficiles à rédiger, 011 n ’aurait pas
’ « besoin d ’aller chez 'Ml Bergier ; q n ’on les rédigerait >
« en famille; .qu’ il se rappelait soli ancien métier ‘
« q u ’il Serait le m a ître-clerc de son gendrfe.^
L e sieur Taché apprend-il q u ’un de ses anciens client
a q u e l q u ’acte important à faire recevoir ? « il n ’ hésite
« pas ; il va solliciter et demander* sa confiance. »
Des cliens se rendent-ils dans l ’étude de M ' C a v y ?
Si le sieur Taché les rencontre, « il les arrête -, en leùr
«• d éc lar ant, avec une aimable in g é n u i t é , (¡ù’il-espé« rail bien regarnir leiC olom bier. »
J -■
* '
E n f i n , quelques personnes témoignent-elles leur sur
prise des sollicitations trop vives du sieur Taché ? « cè
« dernier ne craint pas de déclarer, aux uns*
que
« l ’étude de son gendre était la sienne, e t , à d ’autres,
« q u ’il y avait un intérêt (1). »
Les renseignemens pris par M° C a v y lui ont
fait
acquérir la preuve de ces faits, et il les a cotés dans
son Précis-, mais, comme ils étaient tous personnels au
sieui l â c h é , et que ses pratiques avaient pour o b j e t
(1) V o y e z Précis C a v y , pages ¡ 4 Cl 2 5 .
�( IG )
de se-soustraire, par la f r a u d e ,' à l ’exécution’ de son
obligation ; <\que d ’ailleurs f M e- C a v y ,
n ’ayant pu se
procurer)la preuve littérale de ces manœuvres, était
obligé de s’en référer à la déclaration de son adver
saire, ouj à une enquête, en cas de désaveu, le sieur
Taché a cru pouvoir nier ces dernières circonstances 5
mais les premier ju g es’en on t ordonné la preuve, et
les ont virtuellement compris 1 dans les motifs et le
dispositif de leur jugement. L ’événement pourra ap
prendre si le sieur Taché a été calomnié,
Quoi q u ’il en s o i t , les faits que l ’on vient de pré
ciser dévoilaient complètement la volonté du sieur
Taché. Son intention de nuire a Mc C a v y était mani-r
feste; son dessein de le dépouiller de la chose vend ue,
pour en profiter lui-mème directement ou indirecte
m e n t , sous le nom de son gendre, évident; la violation
de l ’o b l ig a ti o n , certaine : aussi M* C a v y , déjà privé
de
la coopération que
son
prédécesseur
lui
avait
v e n d u e , victime d ’ ailleurs des moyens employés pour
reprendre ou détourner sa clientelle,
ne crut-il pas
devoir attendre que les manœuvres de son adversaire
eussent produit tout l ’offet q u ’ il s’ en était promis , et
pensa que ses intérêts bien entendus et l ’ honneur de
la profession q u ’ il exerce, lui imposaient également le
devoir de signaler la conduite du sieur Taché aux
t r i b u n a u x , et de provoquer les condamnations q u i
doiveut être prononcées contre celui qui viole la foi
donnée.
Il paraissait à M® C a v y , que le sieur Taché avait
�( ll )
contracte envers lui deux engagements bien distincts :
L e premier dérivait de la nature de l ’ac te , qui était
une vente d ’étude de notaire; ainsi, suivant les règles
de l’ équité
les suites de cette vente devaient être
d ’interdire au sieur Taché l ’usage de son influence de
n o ta i r e , en faveur d ’autres personnes que celle de son
acquéreur, et de lui imposer l ’obligation de ne rien
f a ir e qui pu t lui nuire;
E n second lieu, le sieur Taché a v a i t , par une con
vention particulière et expresse, et moyennant un prix
distinct et déterminé, engagé ses services a l ’acquéreur
de-son étude; de l à , une seconde obligation du sieur
T a c h é , de fa ir e
tout
ce q u i p ou va it être utile à
M e C a v y , en l ’aidant de tous ses renseignemens et
conseils, et en lui conservant sa clientelle.
Ces deux obligations , bien ouvertement vi olées ,
donnaient ouverture à deux actions qui pouvaient être
séparées ou confondues.
L a première était une action en dommages-intérèts ;
mais avant d ’en obtenir la fixation et l ’adjudicat ion,
le sieur C a v y devait être tenu de p ro u v er, et les.
m anœ uvres'd u sieur T a c h é , et le p r é ju d ic e que ces
manœuvres lui avaient causé, c ’est-à-dire tout ce que
les jurisconsultes
entendent
par
ces
expressions :
C onsdm m et eventus f r a u d is ;
L a seconde était unoxaction en restitution de p i'ix .
Sous ce rapport , le sieur C a v y croyait avoir le droit
d'exiger cette restitution , s’il montrait que le sieur
Taché,
loin
d ’accomplir son
obligation
de f a i r e ,
�( «8 K
s’était mis dans V im p ossibilité de V e x é c u te r , et avait
même q té au sieur C a v y
la f a c u l t é d'en requérir
V accom plissem ent. Dans ce cas, la preuve de la valeur
d u préjudice
causé paraissait
inutile k connaître ,
puisque le sieur Taché ne pouvait conserver le prix
de services q u ’il avait promis de r e n d r e ,
et q u ’il
n ’avait cependant pas rendus.
L a demande de M e C a v y , q u i est du 16 décembre
182 0, comprend ces deux objets. Il y conclut formelle
ment k ce que le sieur Taché soit condamné k lui payer
la somme de 40?000 f*1’* > S01^ il titre dè r e s t i t u t i o n
d e p a r t i e d u p r i x , moyennant leq u e l i l lu i a vendu,
son étude de notaire
soit ¿1 titre de d o m m a g e s -
3
intérêts
p o u r le
préjudice
détournant la clie n te lle
qu i l
3 e t c ........
lu i a cause , en
L e sieur Taché publia alors ses Observations. Elles
commencent et finissent par une exclamation : « U e u « r e u x est l ’homme q u i p eu t e x p liq u e r tous les actes
« cle sa v ie ! __ ». Elait-elle de joie ou de douleur?...
C e que l ’on connaît de ces Observations, prouve bien
que leur auteur appréciait toutes les difficultés de la
tâche q u ’il s était imposée, et le désespoir q u ’ il dut
éprouver de les avoir si malheureusement surmontées.
O u i , le sieur Taché devait, en finissant, se dire ;
C elu i-là se u l est h e u r e u x , q u i p eu t ex p liq u er toutes
les actions de sa v ie ! Aussi Ij^sieur Taché n ’én ïvait-il
point pour les t r i b u n a u x , il l ’avoue, mais bien poiir
le p u b l i c , qui pouvait plus facilement sc méprendre
sur le sens de la sentence que le sieur Taché sc pio-
�( i
9
)
nonçait à lui-meme. Ts ih il est m isen u s
hom inis c o n s c iu s . —
P
lautc
quant animus
.
Il ne faut plus s’occuper de ces Observations, que
poifr y faire remarquer, i° que le sieur Taché y re
4
connaît avoir vendu à Mc C a v y , le 1 'janvier 1 8 1 8 ,
son ét u d e , sa coopération, ses conseils et renseignemens; 20 que le cinquième des bénéfices nets, prix de
la coopération, a été racheté par M e C a v y , le 14 j a n
v ie r 18205 mais il soutient en même tems que cette
seconde convention, était un véritable traité à f o r f a i t ,
en vertu duquel les parties étaient respectivement
quittes et déliées de tout engagement antérieur (1).
E n cet é t a t , la cause fut soumise au jugement du
tribunal civil de Clermont.
L ’audience était solennelle; les concitoyens du sieur
Taché se montraient curieux d ’entendre ses e x p lic a
tions ; ils se pressaient dans le prétoir
et remplissaient
le parvis du temple de la justice.
L e sieur Taché fixait tous les regards. Placé en
première ligne, son attitude imposante, sa tête élevée,
son regard assuré, contrastaient
fortement avec
la
tenue modeste de ses deux fils et de M e A s t a i x , son
gendre,
que l ’on apercevait derrière leur père
et
beau-père.
L e sieur Tâché avait l ’air sur de son triomphe 5 par
quels moyens devait-il le préparer?
Il va s’expliquer.......... U n avocat justement célèbre
(1) Voyez Obscryations T ach é , pages 7 cl 8.
�: W
C 20 )
doit l ’assister de toute la. force de sa lo giq ue, et'tles
charmes de son éloquence; il p a r l e . , ........ Intentic/uc
ora tenebant !
>
Q u e fait plaider le sieur Ta ché ?
Il soutient d ’abord que la convention de janvier
1820 avait eu pour objet de le délier des engàgemens
contractés en 1818 5. que cette convention était telle
ment a l é a to i r e , 'q u e si le sieur Taché était décédé
avant les dix ans, et sans pouvoir rendre au sieur C a v y
les services que ce dernier avait le droit d ’e x i g e r , le
prix n ’en aurait pas moins dû. être payé à ses héritiers.
O n lui répondait ,
Q u e la convention de 1820, loin de détruire son
obligation, l ’avait au contraire rendue plus étroite et
plus rigoureuse; q u e , conçue en termes plus clairs et
plus forts que la première, elle n’avait pas besoin du
secours de l ’interprétation pour être entendue ; q u ’elle
désignait en effet positivement le genre de service que
le sieur Taché s’ était engagé à rendre. Sur ce poin t,
Me Cavy
ajoutait q u ’il
n ’aurait point- été forcé ù
implorer l ’ intervention de la justice, si le sieur Taché
avait suivi les impulsions de l'honneur et de la bonne
f o i , q u ’il avait lui-même invoqués comme garans de
l ’excculion de son obligation.
On répondait ensuite à la seconde partie du m o y en ,
que les engàgemens des parties n ’avaient rien d ’aléa
toire, au moins pendant la vie du sieur T a c h é , et
q u e , pendant
ce teins , il devait les services q u ’il
s’était engagé à rendre; que si son décès pouvait porter
«
�( 21
q u e lq u e '
)
changement à l ’état de la q uesti o n, relative
ment au paiement du prix attaché à ses services, au
moins cet événement aurait mis Me C a v y dans l ’i m
possibilité de se plaindre du fa it , bien constant et bien
pr ouv é, que le sieur T a c h é , loin d ’exécuter son obli
gation , avait porté ailleurs sa coopération, sa clien
t è l e , et toute son influence de notaire.
L e second moyen du sieur Taché était remarquable.
Suivant l u i , Y honneur c l la bonne f o i , qui devaient
présider à l ’exécution des conventions de 1820, n ’étaient
que des mots vides de sens, ou au moins ces expres
sions ne renfermaient aucune obligation civ ile dont
l ’exécution pùt être ordonnée par la Justice, et ne
présentaient tout au plus q u ’ un engagement m o ra l,
auquel le sieur Taché pouvait se soustraire. Il conti
n u a it , en disant q u ’il n ’avait promis sa coopération
à M c C a v y , q u ’en vue du mariage projeté avec made
moiselle sa fille ; que ce mariage ne s’étant poi nt ac
com pli, l u i , T a c h e , s’ etait trouvé libéré de son enga
gement; q u ’il avait p u , en cons équence, retirer sa
cooperation a Me C a v y , la reprendre pour en disposer,
et même en e x ig e r ou en retenir le prix. L e
sieur
l â c h é cherchait enfin à justifier ce. moyen par la lec
ture de quçlques lettres de M e C a v y ; e t ,
pendant
qu on en taisait usage, Y indc irœ se faisait remarquer
dans les gestes et les regards du sieur Taché.
«
Il faut avoir* en tendu développer de pareils moyens,
pour croire q u ’ils ont été plaides; et on aurait hésité
�U les coter dans ce Précis, s’ils n'étaient déjà indiqués
et consignés dans le jugement dont est appel.
- Quel avantage ne donnaient-ils point à M e C a v y ,
en d r o it , en considérations et en f a i t ?
E
n
d ro it
.
Les. conventions doivent être ex écu tées
113 4
de bonne f o i (article
Code civil). A i n s i ,
Yhonneur du sieur Taché à p a r t , son engagement, ne
contenant cl’autres moyens d ’exécution que ceux in
diqués par la loi, formait tout à-la-fois un lien moral
et
une
obligation civ ile
et
lé g a le , dont l ’accom
plissement devait être o r d o n n é , et les infractions
punjes par les tribun aux ; d’ un autre côté , l'ar
ticle 1
134
a
disparaître la division des conventions,
admise dans l ’ancien d r o i t , en contrats de bonne f o i et
de droit é tro it;
mais,
si cette distinction existait
encore, le sieur Taché étant convenu que ses engagemens devaient être exécutés de bonne f o i
3 et les con
ventions tenant lieu de lo i à c e u x q u i les ont fa ite s
(Code ci vil , art. i i 3 4 )> c’ était encore aux tribunaux
à le contraindre à exécuter son oblig a ti on , si la voix
de
I’h o n n e u r
n ’était
pas
assez puissante pour l ’y
engager.
En
considérations .
Quel était l ’ homme qui venait
ériger en principe q u ’une convention contractée sous
les auspices de Y honneur et de la bonne f o i 11’était
point un lien ou une obligation civile, mais un simple
çngagement moral, que l ’on pouvait dédaigner? C ’était
un notaire; un fonctionnaire q u i avait'exercé pendant
long-tems la magistrature domestique la plus hono*
�>3
(
)
rable; été le modérateur des intérêts de ses concitoyens,
cju’il devait rappeler à la stricte et lîdèle exécution de
leurs conventions; le sieur Taché enfin, se présentant
h l ’audience avec la qualité de président honoraire de
la chambre du Corps respectable auquel il avait na
guère appartenu ! ...........
N u sq u à m tuta J id es ! ...........
E n quel lieu et devant q ui le sieur Taché cherche-t-il
à établir et à faire prévaloir un système aussi o d ie u x ,
si subversif de toute idée morale, si contraire à l ’intérêt
social? dans le prétoire du tribunal de la résidence où
il a exercé ses fonctions de notaire, devant les magistrats
q u i ont si souvent ordonné l ’exécution des conventions
q u ’il avait rédigées ; en présence de ses concitoyens,
rassemblés pour l ’entendre et le j u g e r ! .......A h ! sieur
Taché, au lieu de composer des apophtegmes de morale,
que ne vous êtes-vous rappelé, avant d ’employer de
pareils moyens, le cu lp a ri m etuit jid e s d ’IIora ce!.......
En
fait
.
Que signifiait l ’excuse du sieur Taché ?
Comm en t pouvait-il l ’établir? Les actes et les conven
tions apprenaient-ils autre chose qtte la vente de la
coopération du sieur Taché a M c C a v y , moyennant
un prix
déterminé? Pouvait-on y voir un dédit de
mariage, par lequel M e C a v y se serait soumis à épouser
mademoiselle Taché , ou à payer 20,000 fr. à son père;
et ce la , sans équivalan t , sans engagement réciproque ?....
Cependant le sieur Taché oublie sa dignité de père
de famille ;
il abaisse sa
fierté
ju s q u ’h faire
en
tendre des plaintes aussi puériles............• et encore
devant q u i ? ........ Dev ant M° A s l u i x , son gendre , q u i ,
�dans ce m o m e n t , pouvait paraître moins Pépoux de
choix de mademoiselle Taché , que l ’instrument des
vengeances de son beau-père. Mais le sieur Taché avait
to u t oublié. L e 'mariage de M e C a v y est du
23
sep
tembre 1 8 1 9 , et la convention dont il demande l ’exé
c u t i o n , du 14 janvier 18205 de manière que ces dates
privaient le sieur Taché de l ’emploi d ’un des sophismes
les plus communs dans ce monde : P o st hoc . ergo
p ropter hoc
3 et q u ’ il
ne pouvait pas même d ir e , pour
sa défense : L e mariage de M e C avy a é té p r o je té et
a cco m p li après la convention ; donc ce mariage est
la cause de la v io la tio n q u e j e me suis perm ise } des
obligations que j ’avais contractées envers TSIe C avy.
3
L e dernier moyen du sieur Taché consistait à dire :
Je n ’ai causé aucun
préjudice à M e C a v y 5 mes
anciens cliens ne sont point dans l ’étude de Me Astaix;
les répertoires peuvent le prouver 5 ces répertoires sont
la seule preuve que la Justice puisse admett re, par la
raiSon que la démonstration de mon dessein de nuire
à M e C a v y est absolument inutile et insignifiante, si
l'événem ent ne montre pas que réellem ent j e
lu i a i
nui.
C e tt e objection était sérieuse 5 elle ne s’appliquait
p a s , il est v r a i , à la restitution du prix mis à l ’obli
gation contractée, non exécutée et violée par Me Taché;
elle n ’enipêchait même pas que la preuve de l ’événement
de la fraude, pratiquée par le sieur Taché, put être'faite
par d ’autres moyens que le rapport des répertoires,
parce que tout fuit, dont la preuve est admissible,
�(
)
peut être étab li, tant par titres que par témoins; mais
elle portait directement sur la fixation de l ’adjudication des dommages-intérêts réclamés par M e G avy . C e
dernier sentit dès-lors la nécessité de faire connaître
les découvertes q u ’ il avait déjà faites, pour faire pres
sentir ce que des recherches plus scrupuleuses pou r
raient encore apprendre.
11 donna les noms de plusieurs cliens du sieur T a c h é ,
q ui avaient d ’abord accordé leur confiance à M e C a v y ,
et qui se trouvaient alors dans le répertoire de INI* Astaix.
Il lit également connaître la nature et l ’importance
des actes que ce dernier notaire avait reçus pour eux.
E n première ligne figurait le sieur Domergue fils,
sur l ’esprit et les volontés duquel le sieur Taché
a tant de crédit et exerce une si heureuse influence,
A v an t le traité (le 182 0, tous les actes de la liquid a
t i o n , ventes d' immeubles, quittances, e t c . , avaient
été reçus par Me C a v y , depuis le mariage de INI* A sta ix ,
cette clientellc s’était perdue. O n en demandait compte
au sieur T a c h é ........ On l ’apostrophait en ces termes :
Ou
EST LA C L I E NT EL LE
nu
SIEUR D o M E R G U E ? ..........
A cette question, les traits du sieur Taché s’animent;
son mouvement et son geste annoncent q u ’il va ré
pondre.......... Il répond; il s’écrie :
C hez m o i!
C h e z m o i ! ..........
........... C ’élait le sublime de situation et
d expression : aussi ce mot heureux produisit-il l ’eifet
1
de eclair, et vint-il dissiper l ’obscurité
Taclié s était ju sq u’alors enveloppé.
dont
le sieur
Tous les spectateurs , également électrisés, trans-
4
^/*
*
�( =<5 )
portés par l ’énergie de cet a v e u , semblaient lui dire :
r
Chez v o u s ! ........... Vo u s convenez donc avoir repris
les cli ens, sur la volonté desquels vous exerciez le plus
d ’empire, et dont vous pouviez conserver le plus faci
lement la confiance à votre acquéreur !
C hez v o u s ! Est-ce que vous seriez encore notaire?
M c Astaix ne serait-il que votre p rê te -n o m , ou au
moins a u riez-v ou s un intérêt dans son étude?
C hez v o u s ! ....... Est-ce que l ’étude de votre gendre
serait votre domicile d ’affection? N ’y paraitrait-il luimème que pour y travailler sous votre é g id e , o u , en
votre absence, pour tranquilliser vos cliens co m m uns,
en leur répétant : M agister d iæ it?
L e cri de la conscience est bien fort et quelquefois
perfide : il s’échappe au moment où Ton fait le plus
d ’efforts pour le contenir. Jusqu’ici la violation de
votre obligation trouvait une légère excuse dans l ’affec
tion que vous pouvez avoir pour vos enfans; mais votre
ch ez m oi la d é t r u i t , cette excuse 5 et rien ne peut
justifier l ’oubli d ’ un devoir, et une action nuisible à
a u t r u i , lorsqu’elle n ’a d ’autre cause que l ’avidité ou
l ’intérêt personnel.
C ’est sur ces faits et le développement des moyens
respectifs des parties,
q u ’est intervenu, le 2 avril
1821 , au tribunal civil de C le rinont, le jugement
dont est appel.
Les motifs de ce jugement sont un hommage rendu
aux principes les plus purs de la morale et de la jikstin*.
E n fait : ils démontrent q u e , 11011-seulcmcnt ie bieur
�C 27 )
Taché n’a point a cco rd é sa coopération à M e C a v y ,
mais encore q u ’il a fait tous ses efforts pour lu i n uire,
en portant scs conseils et ses renseignemens à M e A s t a i x ,
son gendre, et en cherchant à reprendre son ancienne
clientelle.
E n droit : l ’ame du Magistrat s’indigne de ce q u ’un
fonctionnaire a osé faire soutenir q u ’ une obligation
d'honneur et de bonne f o i n ’était q u ’un lien moral.
Rejetant ce sy st èm e, il fait voir que les engagemens
du sieur Taché n ’avaient rien de chim ér ique ; q u ’il
était de son devoir de les exécuter ; que M e C a v y
avait le droit de le contraindre à les observer; mais,
comme le tr ibunal n ’avait en vue q u ’ une demande
en dommages-intérêts, et q u ’il y avait confondu celle
formée par Mc C a v y , en restitution du prix de la
convention non exécutée et violée par le sieur T a c h é ,
tout en reconnaissant l ’ intention de ce dernier de dé
pouiller M e C a v y de la chose v e n d u e , il ve ut savoir
comment le
consilium fr a u d is
a été exécuté
par
M c T a c h é , et connaître les suites, et le préjudice que
M e C a v y en a souffert ; préjudice q u i n ’était autre
chose que Yevenlus fr a u d is .
L e tribunal ordonne en conséquence que M c C a v y
fera preuve des faits par lui articulés, et désavoués par
le sieur Taché ;
Savoir :
i° Q u e , lors de la communication du mariage de sa
fille avec M
A s ta ix , le sieur Taché annonçait q u ’il
�1
(
-3
)
redevenait notaire, et q u ’il espérait que scs anciens
cliens ne l'abandonneraient pas;
2° Que le sieur Taché a demandé leur confiance, et
positivement sollicité des actes importuns et considé
rables ;
3 ° Q u ’il a arrêté des cliens se rendant
chez M e C a v y ,
disant q u ’il espérait regarnir le colombier;
4 ° Enfin
que partie de la clienlelle, vendue par le
3
sieur Taché à Ue C a v y , est actuellement dans l ’élude
de Mc Astaix (i ).
T o u t semblait faire un devoir au sieur Taché d ’exé
cuter ce jugement : son intérêt pécun iaire devait l ’y
p o r t e r , puisque l ’esprit de cette décision était de faire
dépendre de l ’événement de la preuve, et la restitution
du p r ix
3
et la fix a t io n des dom m ages-intérêts ré
clamés par M e C a v y , choses qui doivent être cependant
soigneusement séparées et distinguées. L ’intérêt de son
honneur devait l ’y engager plus fortement encore ,
puisque la preuve seule pouvait apprendre ju sq u’à
quel point le sieur Taché avait été calomnié.
cependant lui qui interjette appel
C ’est
son acte est du
i 8 avril 1821 j et mérite d ’être cité comme un modèle
de
stile,
un monument de raison, et sur-tout un
exemple de la déférence q u ’ un fonctionnaire public
doit aux t r ib u n a u x , lors même q u ’il penserait q u ’ils
(1) Voir le jugement, Pièces justificatives, ij° 2.
�( 50 )
Se sont trompés, et q u ’ il a le droit d ’ attaquer leur
décision ( i) .
L e sieur Taché a d û se préparer à soutenir avec
avantage la nouvelle lutte q u ’ il avait engagée.
Quelle est sa première démarche ?
O n se rappelle combien il avait désiré la présidence
honoraire de la chambre des notaires., et par quels
moyens il l ’avait obtenue : ce titre paraissait ne plus
convenir à celui qui n ’avait pas craint de faire plaider
que Yhonneur et la bonne f o i
3 invoqués
convention, n ’étaient point obligatoires ,
dans une
et
faisait
même ressortir, d ’ une manière plus saillante et plus
odieuse, sa conduite et la violation de scs conventions.
A u ssi, le 18 avril 1 8 2 1 , le sieur Taché écrit-il aux
membres composant le corps des notaires, « que ,
« dans les circonstances où il se trouve p l a c é , vou« lant ôter à ses ennemis ju s q u ’ au p ré te x te de nou« velles ca lo m n ies
3 il remet dans leurs mains le titre
« de président honoraire de leur chambre (2) ». Dans
les circonstances où se trouvait placé le sieur Taché ,
cette lettre a quelque chose de bien singulier.
Que
voulait-il faire? Agissait-il de bonne foi, et se rendaitil justice à lui-m êm e, en faisant remise de son titre,
ou bien plutôt espérait-il que cette remise seiait re
fusée, et avait-il calculé pouvoir se servir de ce refus
pour prouver que ses confrères avaient approuvé sa
(1) V o y ez Pièces justificatives , n° 3 .
(2) V o y e z Pièces justificatives, n° 4 .
�conduite, et q u ’il n ’avait cessé de mériter leur con
fiance. Quelles que fussent les espérances ou les craintes
du sieur T a c h é , l ’assemblé générale des notaires ré
pondit par une délibération du 10 m ai, où elle déclare,
«
a
l ’u n a n i m i t é
,
q u ’elle a ccepte la dém ission Au sieur
« T a c h é , et charge son président de lui en écrire. »
P o u r completter le tableau des faits de la cause ,
faire connaître les développemens q u ’elle a reçus , et
en fixer l ’é t a t , il suffira de dire que Me C a v y a inter
jeté appel incident du jugement rendu au tribunal
de C l e r m o n t , et que son appel a pour objet d ’ob-r
tenir la r es ti tution d u prix mis a l ’o b l ig a ti on contractée,
civil
en 1820, par le sieur Taché,
DISCUSSION.
des appels doit fixer celui de la discussion.
A i n s i o n e x a m i n e r a , sous deux paragraphes diflerens,
L ’ ordre
les questions, de la solution desquelles dépend le sort
de l ’appel principal du sieur T a c h é , et celles que fait
naître l ’appel incident de M e C a v y .
§ Ier. A p p e l d u sieur T a ch é.
C et appel ne considère la cause que sous un de scs
points de v u e , c’est-à-dire comme s’il ne s’agissait ,
entre les parties, que de l'exécution d ’ une vente pure
et s i m p l e , et de la fixation des dommages-intérèts q u i
pourraient être dus a l ’acquéreur, pour cause d ’infrac*
�(
3:
)
tion de la part du ven de ur , à quelques-unes des obli
gations qui dérivent de la nature même du contrat.
Sous ce rapport, le sieur Taché soutient que la preuve
ordonnée par les premiers juges était tout à-la-fois
inadmissible et in u ti le, et que to u t devait se réduire
à vérifier, par le rapport des répertoires, quels étaipnt
les cliens qui avaient passé de l ’étude de M e C a v y dans
celle de M6 Astaix.
Pou r se faire des idées nettes et précises sur
ce point,
il faut rechercher,
i° Quelles sont les suites que l ’éq uité , l ’ usage et la
loi donnent à la vente d ’une étude de notaire.
Cet te
vente comprend-elle celle de sa clientelle et de l ’i n
fluence de notaire, de manière q u e , par le fait seul
de la v e n t e , le vendeur contracte l ’obligation de ne
rien faire qui puisse nuire k son acq ué reur, et s’interdit de porter son influence chez un autre notaire
de la même résidence?
2° Si cette obligation est une suite nécessaire de la
ve nte, peut-on prouver son inexécution par témoins?
3°
L ’acquéreur, pour avoir droit de réclamer des
dommages-intérêts, et pour en faire fixer la q u o tité,
doit-il prouver tout à-la-fois que le vendeur a eu des
sein de lui nuire, et q u ’ il lui a réellement n u i ?
L a première de ces questions se résout par l ’appli
cation de quelques règles de droit.
L e vendeur contracte deux obligations principales:
délivrer et garantir la chose q u ’ il vend (Code ci vil ,
3
article iGo ). L a garantie a pour objet de conférer
�(
3,
)
a l ’acquéreur la possession p a isible de la chose vendue.
(Code civ il, article 1625).
,
L e vendeur est tenu cV exp liquer clairem ent ce à
quoi il s’oblige : tout pacte obscur et ambigu s’in
terprète contre lui (Code civil , article 1602), et les
conventions obligent non seulement à ce q u i y
est
e x p r im é , mais encore à toutes les suites que V é q u ité ,
Y usage et la lo i donnent à l ’obligation d’ apuès sa
riATunc. (Code civil, article i i
35 ).
Ainsi le Code indique trois sources d ’où dérivent
les obligations accessoires à l ’obligation p rin c i p a l e , et
qui la suivent toujours, quoique non exprimées dans
le contrat : X équité Vusage et la loi.
3
Si l ’on recherche ensuite quelles sont les choses qui
forment la nature du contrat, la réflexion fait bientôt
découvrir que ce sont celles q u i ,
sans tenir à son
essence, en font néanmoins pa rtie, quoique les contractans ne s’en soient pas expliqués. L ’on sait aussi
que les obligations qui résultent des clauses souseniendues dans le contrat n’ont pas moins de force
que celles qui résultent des clauses qui y sont expres
sément insérées, par la raison que les parties ont du
connaître quelles étaient les obligations accessoires de
leurs conventions,
et q u ’elles sont censées s’y
être
expressément soumises, faute d ’une stipulation spéciale
q ui y déroge.
A ces principes, il convient d ’ajouter celui q ui a
anéanti l'anc/icunc division des conventions en contrais
de bonne foi et contrats de droit étroit. Les conventions
�tiennent lieu de lois aux parties qui les ont faites : elleà
doivent être exécutées de bonne f o i (Gode c i v i l ,
3
ar
ticle 1 1 4) •
Ces principes posés,
Quelle est la nature de la vente consentie par le
sieur Taché à M e C a v y ? U n e étude de notaire.
Qu e devait comprendre cette vente? Les titres, les
m in u tes, la c lie n te lle , enfin toute la confiance que
le sieur Taché s’était acquise comme notaire , con
fiance qui portait le sieur C a v y a acquérir et à mettre
un si haut prix à son acquisition.
L a vente d ’ une étude de notaire comprend donc ,
comme objets certains, les titres et les minutes; comme
objets plus dout eux, la clie n te lle et la confiance ;
mais au moins ces deux objets si essentiels, qui tiennent
si fortement à la nature du co n t rat, ne peuvent être
détournés par le v en d e u r, qui contracte, comme suite
de sa vente, l'obligation de ne pas fa ir e ce q ui pour
rait cle'truire ou diminuer la chose vendue.
Il faut que le vendeur délivre et garantisse la chose
v e n d u e , et q u ’il e x é c u te encore de bonne f o i les obli
gations q ui sont les suites de la nature du contrat ;
1 acquéreur a , de son c o t é , le droit d ’exiger la pos
session p a isible de la chose par lui acquise; mais, pour
que toutes ces conditions soient remplies, quelles sont
les obligations que Xéq u ité , Y usage et la lo i imposent
à un vendeur d ’étude de notaire?
L a nature du contrat apprend q u e , par le fait de
la vente, le notaire s’ engage h ne plus ex ercer sou
�( 34 )
in fluen ce sur ses clîens, et à n éta b lir aucune co n cu rr
rence entre lu i et son acquéreur.
1 / éq u ité et la loi
doivent donc aussi exiger que l ’ancien notaire n ’exerce
plus de fonctions dans la résidence où il a vendu son
ét u d e; q u ’il ne fasse aucun pacte avec un autre no
taire de la même résidence ; q u ’il ne lui accorde poi nt
sa coopération. L a bonne f o i veut que ces obligations
soient strictement exécutées , parce que la moindre
infraction détruirait la vente dans sa nature et dans
son essence, pu is q u ’elle laisserait à la disposition du
vendeur la partie la plus précieuse d e l à chose v e n d u e ,
c’est-à-dire la clie n te lle et la confiance.
Ces obligations , imposées au notaire v e n d e u r ,
confèrent un droit corrélatif à l ’acquéreur. L a vente
pure et si m p le, imposant au vendeur la nécessité de
ne rien fa ir e qui nuise à son acquéreur, donne néces
sairement à ce dernier la faculté légale d ’exiger que le
vendeur ne fa s s e rien q u i puisse lui préjudiciel'. De là
le droit de M e C a v y de se plaindre de tous les actes du
sieur T a c h é , qui auraient pour objet de reprendre
directement ou indirectement la chose v e n d u e , ou
d ’en d im in u er, par son f a i t , la valeur.
Mais si le vendeur a violé ses obligations, comment
prouver ces infractions? Telle est la deuxième question.
E n principe et en thèse générale,* la preuve testi
moniale n’est pas déf endue; elle n ’est prohibée que
dans certains cas prévus et désignés par la loi. L a
preuve testimoniale est même plus ancienne que la
preuve littérale. E u F ra n ce , la première a été long-
t
�(3 5 )
te m s préférée à la seconde : de là l ’ancienne maxime :
T ém o in s passent lettres.
A u jo u r d ’ hui la preuve testimoniale est restreinte,
mais elle n ’est point p ro scritey de manière que l ’on
peut dire que l ’admission de la preuve testim oniale est
toujours le p r in c ip e , et que la prohibition n ’est que
V excep tio n à la règle.
E n effet, si l ’on consulte le Code c i v i l , on y voit
34
(a r t . i
i ) ’ clu ^ prévoit les cas où il y a des a ctes
ou p o ssib ilité d'en avoir. Alors le législateur veut que
la règle de l ’admission de la preuve n ’ait aucun effet,
et que l’on applique l ’exception de la prohibition.
M a is , s ’i l n'a p a s é té p ossib le de se p ro cu rer une
preuve littéra le dans ce cas, la prohibition cesse, et
la règle de la preuve testimoniale reprend tout son
empire ( A r t . i
.).
3
348
Ces principes reçoivent-ils leur application?
On a vu que l ’obligation du sieur Taché était u n
accessoire de la nature de la vente q u ’il a consentie
à M* C a v y ; que cette oblig ati on, quoique non exprimée
dans le c o n t r a t , tenait tellemeut à son essence, q u ’elle
devait avoir la même force que si elle y était expressé
ment insérée; d ’où résulte que les contraventions k
une pareille obligation , ne pouvant être de nature à
être prouvées par titres, doivent conséqueminent ren
ti er dans la règle générale de la preuve par témoins.
E n effet, celui qui s’engage à ne point f a ir e une
chose
nuisible à a u t r u i ,
n ’enfreint point son obli
gation d une manière assez pu b lique et assez pa te nte,
�'Î!>
(36 )
pour laisser des titres qui puissent établir le clol et la
iraucle q u ’il a pratiqués; ses manœuvres sont détour
nées et occultes, et souvent on ne peut les apercevoir,
que lorsqu’elles ont produit leurs plus funestes effets.
Sous ce rapport, les contraventions à l ’obligation de ne
p a s f o ir e , étant toutes personnelles à l ’obligé, doivent
être assimilées au cas de dol et de fraude, qui peuvent
toujours être prouvés par témoins, et à la violation
des engagemens, qui naissent d ’un f a i t personnel a
celui qui se trouve obligé ( C . civil , art. 1.370, 1 3 7 1 . ) .
E n f i n , s’ il était besoin d ’invoquer l ’exception portée
dans l ’article 2347 du Code civil, n’y a-t-il p o in t, dans
l ’espèce , commencement de preuve par écrit émané
du sieur T a c h é ; commencement idc preuve qui rend
vraisemblables les faits allégués par jMc C a v y , et qui
l u i donnent conséquemment le.^droit de compléter,
par la preuve testimoniale, celle q ui résulte si claire
ment de l ’apposition de l ’affiche de Me Astaix; appo
sition d ’affiche concertée avec le. sieur T a c h é , et
approuvée par l u i , et qui ressort encore plus fortement
des aveux contenus dans les Observations imprimées
du sieur T a c h é ; aveux dont ce dernier a d on n é lu imême acte à
31e C avy ?
T o u t cela est si clair, que l ’on ne saurait insister
plus long-tems, sans craindre d ’abuser de la patience
du lecteur.
», L a troisième question a pour objet de reconnaître
jCC
qne doit embrasser la preuve à laquelle doit être
soumis celui q u i réclame des dommages-iulérêts*
«
�( 37 )
L e dol et la fraude sont
les moyens ' ordinaire.4
q u ’emploie celui qui veut se soustraire h ses engagem ens,
et porter préjudice à autrui.
Il eu conçoit
d ’abord le dessein , combine les moyens de parvenir a
sou b u t , et bientôt des laits font connaître l ’adresse,
les artifices et les machinations q u ’il a mis en œuvre.
C ’est la réunion de toutes ces circonstances, que les
jurisconsultes appellent consilium jr a u d is . L a
pre
mière condition à rem plir, de la part de celui qui se
•plaint, est donc de prouver que
l ’on
a vo ulu le
•tromper, et que l ’on a agi pour atteindre ce b u t ;
autrement l ’auteur du mal pourrait être incer tain ,
et même rester inconnu; le tort pourrait être imputé
à des circonstances fortuites et indépendantes de la
volonté des hommes; ce qui ne permettrait pas de
rendre responsable d ’un mal celui q u i n ’en serait pas
évidemment l ’auleur.
Mais lorsque le dessein de nuire est prouvé; que l ’auteurdes machinations et des artifices est connu; que des
faits personnels l ’ont clairement désigné; ce n’est pas
tout encore : l ’ homme infidèle et dangereux dans ses
relations, celui qui entoure ses concitoyens d ’embùches
et d ’artifices, doit trouver sa punition dans la perle de
1 estime publique; mais la loi ne peut ordonner que la
•réparation du tort réel q u ’ il a pu causer. Il faut donc
que l événement ait correspondu au dessein , pour que
le dessein soit punissable : de là la nécessité de prouver
tout à-la-fois consilium et eventus jr a u d is . L ’on ne
peut reclamei des tlummages-iutérêts sans l'accomplisse-
�(
38
)
meut de cette double condition. T o u t cela est conforme
à la disposition de l ’article i i
5i
du Code civil.
E n résumant les principes, l ’on se convainc q u e ,
par la nature de l ’a c t e , le vendeur d ’une étude de
notaire contracte l ’obligation de ne rien fa ir e qui puisse
nuire à son acqué reur; que la violation de cette obli
gation donne à ce dernier le droit de réclamer des
dommages-intérêts. Il est également certain que les
contraventions à cette obligation peuvent être prou
vées, tant par titres que par témoins, et que l ’acqué
r e u r , pour obtenir la fixation et l ’adjudication de ces
dommages-intérêts , n ’a cl’autre condition à remplir ,
q u e celle de p r o u v e r , contre le v en d e u r, la réunion
d u dessein et de l ’événement de la fraude : C onsilium
e t eventus fr a u d is .
L e jugement est-il conforme à ces principes, et
remplit-il toutes ces conditions?
Il o r d o n n e la p reu ve de quatre faits.
L e s trois premiers sont : i° q u e , lors de la com m u
nication du mariage, le sieur Taché annonçait q u ’ il
redevenait notai re, et q u ’ il espérait que les anciens
cliens ne l ’abandonneraient pas; a° que le sieur Taché
a demandé la confiance de ses anciens cliens; q u ’il a
positivement sollicité des actes importans et considé
rables; 3° q u ’il a arrêté les cliens qui se rendaient chez
M e C a v y , en leur disant q u ’il espérait bien regarnir
le colombier.
Ces faits, qui ne sont autre chose que le résumé
de ceux exposés au Mémoire de Mc C a v y , ne sauraient
t
�être plus pertinens. S ’ils sont prouves, ils établissent
tout
à - l a - f o i s et le dessein de nuire q u ’a
conçu
le sieur T a c h é , et les artifices et manœuvres q u ’il a
employés pour atteindre ce b u t : ils tendent donc îi
établir d ’une manière positive le con silium fra u clis.
L e quatrième fait, dont la preuve est ordonnée, est
que partie de la clientelle vendu e par le sieur Ta ché
à M* C a v y , se trouve actuellement dans l ’étude de
M e Astaix.
C e fait satisfait pleinement à la seconde condition
exigée par les principes, pour que le dol et la fraude
soient démontrés. Les manœuvres étant certaines, quel
effet ont-elles produit ? L e u r événement a été de re
mettre à la disposition du sieur T a c h é , o u , quoi que
ce soit, de son gendre, partie de la clientelle vendue à
M e C a v y . Si ce dernier fait est é t a b li, le con silium
et eventus sont réu nis, et la demande en dommagesintérêts est pleinement justifiée.
C ependant
le sieur Taché inlerjette appel de ce
jugement : que peut-i l espérer?
11 se plaint des motifs : sa délicatesse et sa bonne foi*
s alarment et s indignent de ce que les premiers jnges
ont osé les suspecter *, mais le sieur Taché a- t- il oublié
ce q u ’il a écrit dans ses Observations? N ’y a-i-il pas
dit d une manière positive q u ’il avait le droit d ’ac
corder sa coopération à ¿on gendre ? N'a-t-i l pas re
connu la lui avoir effectivement donnée? N ’est-il pas
allé plus loin, lorsque,
ajouté
que
dans ses O b s e r v a ti o n s , il a
désormais il aiderait et assisterait son
�(
45
)
gendre; et lors que , s’app uy an t sur sa v ie ille e x p e
rience et ses fa ib le s m o y en s, il fait un appel si éner
gique à scs anciens cliens? Sa plaidoirie é t a i t - e l l e
propre à effacer les impressions que ses Observations
avaient pu faire naître? Mais le sieur Taché osait y
soutenir q u ’ une obligation d h o n n e u r et de bonne f o i
ne pouvait produire aucun engagement civil ; et ce
ch ez m o i, applicable aux cliens, sur l ’esprit desquels
le sieur Taché avait le plus de crédit et d ’influence ;
cliens qui avaient cependant quitté l ’étude de Mc C a v y
pour se rendre dans celle tenue par M° Astaix; toutes
ces circonstances ne se réunissaient-elles pas pour dé
montrer à-la-fois le con silium et eventus fr a u c lis? .
Les premiers juges n ’ont donc rien exagéré; ils o n t ,
au contraire, a tt én ué, autant q u ’il était en e u x , les
conséquences immédiates ' q u i
ressortaient .des faits
avoués et reconnus par le sieur Ta c hé ; et ce dernier,
bien loin de s’en p l a i n d r e , avait des graces à leur
rendre de ce q u ’ ils avaient v o u l u ajouter de nouvelles
lumières à celles qui étaient déjà acquises , et faire
dépendre d ’une preuve l ’événement d ’ un procès déjà
jugé par les aveux du sieur Taché.
L e sieur Taché soutient ensuite que la preuve par
témoins était inadmissible et in u til e ; que tout se bor
nait à savoir si M e C a v y avait éprouvé un préjudice,
et que ce fait pouvait être vérifié par le seul rapport
et l ’examen des répertoires.— L e sieur Taché n ’est pas
conséquent avec lui-même. Dans quel sens, en effet ,
présente-t-il spn objection, et veut-il q u ’elle soit ap
�(
4i
)
préciée? S ’il convient que le con silium fr a u d is est
suffisamment prouvé; que ses artifices et ses manœuvres
sont si clairement établis par ses propres a v e u x , q u ’il
n ’ y a plus q u ’à consulter l ’événement pour connaître
les effets q u ’elle eût pu produire, pourquoi se plaintil des motifs d ’un jugement qui n ’a pas regardé comme
certains des xésultats aussi odieux et aussi offensans
pour son honneur? S i, au contraire, il nie avoir conçu
le dessein de dépouiller M e C a v y de la chose q u ’ il l u i
a vendue; s’ il soutient que sa conduite a toujours été
franche et loyale; que ses anciens cliens se sont rendus
spontanément dans l ’étude de son gendre, et sans y
être incités par aucunes sollicitations, à quoi aurait
servi une preuve q u i n ’aurait eu d ’autre objet que
d ’établir que partie des cliens du sieur Taché sont ac
tuellement dans l ’étutle de M e As taix ? Q u ’importerait
ce fait, s’il n ’était d ’abord prouvé que c’est le sieur
Taché qui les y a attirés par ses sollicitations, et con
duits par son influence? C ’est dans ce cas, que le sieur
Taché aurait le droit de se plaindre du jug em ent, q u i
serait évidemment in com p le t, puisque la preuve or
donnée* ne remplirait point les conditions exigées par
les principes, en cas de fraude. Il faut ajouter que ce
jugement ordonne que le con silium et eventus fr a u d is
seront p r o u v é s , tant par titres que par tém oins.
Il
admet donc tous les moyens q u i peuvent faire con
naître la vérité et éclairer la Justice. L e sieur Taché
peut invoquer les répertoires, demander la production
de ceux tenus par l u i pendant son exercice, la coin6
�(
42
)
munication de ceux tenus p a r M e C a v y , son acquéreur;
produire même, s’il le juge convenable , ceux q u ’il
tient sous le nom de M e A s ta ix , son gendre; ses moyens
à cet égard sont entiers : ses plaintes contre le jugement
ne sont donc pas fondées.
L a dernière objection du sieur Taché consiste à dire
que la preuve admise par les premiers juges n ’était
point offerte par M e C a v y . — C e moyen ne peut être
sérieux : M e C a v y a coté les faits, dont la preuve a été
ordonnée, dans la cédule en conciliation, dans l ’exploit
in tr oducti f d ’ instance, dans son Précis : il en a ar
gumenté devant les juges dont est appel. S ’il n ’a pas
offert la preuve en termes positifs et exprès, c’est parce
q u ’il pouvait penser que les faits acquis au procès, et
ceux reconnus par le sieur T a c h é ,
étaient suffîsans
pour convaincre le j u g e , lui faire ordonner dès l ’ins
tan t même la restitution du prix et le paiement des
dommages-intérêts ; mais Me C a v y ne s’est jamais
opposé îi ce que le tribunal éclairât sa religion , en
ordonnant d ’office la preuve des faits q u ’ il avait arti
culés. Il sent même q u ’elle était indispensable, pour
parvenir à une fixation raisonnable des dommages-inté
rêts q u ’il réclame ; et , en
rendant
hommage
aux
principes q u i ont dicté ce ju gem ent, il en soutient le
bien ju g é , dans ce sens que ses dispositions doivent
être restreintes
dus.
aux donmiages-iutérêts
q u i lui sont
i
�k
43
(
)
§ II.
A p p e l de M e C avy.
L a 'question que présente cette partie de la cause
suffit pour en indiquer l ’o b j e t , et faire connaître le
Jbut de l ’appel de M e C a v y .
S i , par la vente de son é t u d e , le notaire vende ur
engage ses services à son acquéreur , m oyennant un
3
p r ix distin ct et sép a ré et s’oblige à a id er son succes
seur de tous les renseignemens et conseils dont il
pourra avoir besoin pou r sa profession, comme aussi
à lui conserver sa clie n te lle ; s i , loin d ’e x é c u te r cette
conven tio n, le vendeur s’est m i s , par son f a i t , dans
V im p ossib ilité d ’y satisfaire y si même il reconnaît et
avoue
q u ’ il a porté
co n seils, et toute sa
ailleurs
coopération
ses renseignemens et
, la violation de cette
obligation doit-elle entraîner immédiatement la resti
tution du prix qui y était attaché?
E n droit : Qui conque s’oblige 11 fa ir e ou à ne pas
f a i r e , oblige une partie de sa libert é; mais que de
viendrait la société ,
si
les hommes ne
pouvaient
engager leurs services et leurs actions? Il en est de nos
actions comme des choses dont nous avons la propriété.
Nous pouvons les engager, soit g r a t u i t e m e n t , soit pour
lin p r i x , soit par voie d échangé; e t , en les engageant,
11
�nous sommes aussi parfaitement obligés de les remplir,
de faire ou de ne pas faire ce que nous avons promis,
que dans le cas où l ’obligation consiste à donner. Il
faut donc poser en principe gén ér al, que l ’h o m m e , en
qualité d ’être intelligent
et
l i b r e , peut s’engager,
engager ses services et ses a ct io n s, en tout ce qui n ’est
pas défendu par les lois, par l ’ordre public et par les
bonnes mœurs ( i ) .
*
.
Ces principes du droit naturel ont passé dans notre
droit c i v i l , et ont force de loi.
L e contrat est .une convention p a r la q u e lle u ne ou
p lu sieu rs personnes s’o b lig e n t envers u n e ou plusieurs
a u t r e s , à d o n n e r , à f a ir e ou à ne p a s fa ir e q u e lq u e
chose ( C .
c i v i l , a rt. i i o i .).
T o u t contrat a pour objet une chose.........., q u ’ une
partie s’oblige à f a ir e ou à ne p a s f a ir e ( C . c i v i l , ar
ticle 1 1 2 6 .) .
Ainsi,
l ’obligation de fa ir e ou de ne p a s fa ir e
impose, à celui q ui la contr act e, la
nécessité
d ’agir
ou de ne pas agir, et confère, à celui en faveur duque l
elle est contractée, la faculté légale d ’exiger que celui
q ui s’est obligé envers lui fa s s e ou ne fa s s e pas.
Si l ’on se fixe sur les effets que doivent produire les
conventions, on voit que certains de ces effets sont
( 1 ) W o l f f . — Jus naturœ, pars. 3 , paragraphe 3 Go , — et pars, 2 ,
paragraphe t\iG, — T o u l u e r .
�( 45 )
com m uns à toutes les conventio ns, et que quelquesunes d ’elles doivent
encore avoir des effets p a rti
culiers.
Un effet com m un à toutes les conventions est de
conférer à chaque contractant le droit réciproque de
contraindre l ’autre à les exécuter; de lier les parties,
de les obliger aussi fortement que la loi même aurait
fait. Leurs volontés, libres dans l ’origine, deviennent,
par la conclusion du co n t ra t, assujéties au joug de la
nécessité. — Contractus su n t
3 ab initio / v o lu n ta tis 3 e x
p ost f a c t o , necessitatis. — Quocl ab initio spontè scriptufn j cnit in stip u la tio n e m .— D e d u c tu m est
25
3 hoc
ab
invitis post ea com p lea tur ( i ,
, C od . a d . , S . C .
T^elleian, ,
>)’ En fin la loi sanctionne les conven
tions; elle leur prête toute sa force; en un m o t , elle
les érige en l o i ; e t , comme le dit énergiquement
4 29
l ’article
1134
du Code civil : « Les conventions léga-
« lement formées tiennent lieu de lo i à ceux qui les
« ont faites. »
P o u r déterminer les effets p a rticu liers à chaque
convention, il f a u t , i° connaître quels devoirs l ’obli
gation impose , et quel droit elle c 'nfère à chaque
partie contractante; i° consulter la n a t u r e , l ’o b je t ,
les clauses et les condilions du contrat.
L objet doit être une chose au moins d éterm in ée,
quant à son espèce ( C . civil, art. 1 1 2 9 .) . E t si l ’o bjet
de l ’obligation est do v e ille r ¿1 la conservation d ’une
chose, cette obligation soumet
celui q u i l ’a contractée,.
�(46 y
k y apporter tous les soins d ’ un bon père de f a m i l l e ,
soit que la convention n ’ait pour objet que V u tilité
de l ’une des parties, soit q u ’elle ait pour objet leur
utilité commune ( C . c i v i l , art. 1 1 3 7 .) .
P o u r s’assurer de l ’application que reçoivent ces
pr inci pe s, il suffit d ’ interroger les faits’ de la cause.
E n effet, si l ’on se demande d ’abord quelle a été
l ’intention commune des parties, à l ’époque où elles
ont traité, et si.l’on consulte leur position, on ne peut
méconnaître, d ’une p a r t , que le sieur T a c h é , dont
la capacité et l ’ intelligence sont connues, q u i avait
une clientelle nombreuse et choisie, sur laquelle il
exerçait la plus grande in flu e n ce , ne vo ulût, en vendant
son étude, vendre également cette in fluen ce n o ta ria le,
qui devait lui paraître d ’ un si grand p r ix ; d ’ un autre
c ô t é , M e C a v y , encore jeune h o m m e, n ’ayan t d ’autre
titre pour inspirer la confiance, que celui d ’avoir été
maître-clerc de notaire, à P a r i s , absolument étranger
à la ville
de
C lerm ont,
où ni lui ni sa famille
n ’avaient aucune relation, devait ardemment souhaiter
a cq u é rir , n on -seu le men t l ’é t u d e , mais encore toute
V influen ce de son prédécesseur.
Mais , pour que cette in flu en ce fut profitable, il
f a lla it, de la part du sieur T a c h é , une coopération
active, sur-tout dans les premiers lems; non seulement
ses conseils et renseignemens étaient utiles, ses soins
et ses efforts pour la conservation de la clientelle in~
dispeusablcs, mais encore il devait réunir ses travaux,
�¿
y
C 47 )
à ceux de son successeur, pour fixer, attirer et aug
menter, s’il
était possible, la confiance pu blique :
aussi les faits apprennent-ils que la vente a eu lieu
moyennant
Jeux prix distincts et séparés-, s a v o i r ,
4o,ooo francs pour l ’ élude-, et le cinquième des béné
fices nets, pendant dix ans, pour la coopération du
sieur Taché.
,
L a convention de 1820 a eu pour objet de capita
liser le prix mis à la coopération du sieur T a c h é ; si
l ’on veut m ême, dès cette époque, le sieur Taché n’ a
plus
été
3\Ie C a v y ;
tenu de joindre
ses travaux à
ceux de
mais son o b l i g a t i o n , d ’aidér ce dernier de
tous renseignemens et conseils dont il pourrait avoir
besoin pour sa profession, comme aussi de lui conserver
sa clientelle, étant plus clairement exprimée, a d ù
devenir d’une exécution plus stricte et plus rigoureuse.
Ainsi les obligations imposées au sieur T a c h é , et les
droits conférés à M e C a v y p a r l a convention de 1820,
sont également faciles à déterminer.
L e sieur Taché devait donner à M c C a v y les ren
seignemens et conseils dont il pourrait avoir besoin ,
employer tous ses efforts pour conserver sa clientelle;
conséquemment il s’était interdit la faculté d a fa ir e
tout ce qui pourrait le mettre hors d ’état de rem plir
son. engagem ent, et plus fortement encore celle de
porter a dleurs son in flu en ce notariale.
M* C a v y , (le son côte , pouvait m/tterir les conseils
et renseignemens du sieur 'fa cile, lorsqu’il les jugeait
�utiles; i l pouvait même l ’obliger à employer son in
fluence pour conserver la clientelle q ui lui avait été
vendue.
N
■i;
C e p e n d a n t , comment le sieur Taché a-t-il agi ?
C e n ’était point assez de ne pas exécuter la con
vention; de se mettre dans Y im possibilité de satisfaire
à l ’obligation q u ’il avait contractée; d e priver^\e C a v y
de la f a c u l t é de dem ander les services q u ’il avait
a c q u is
3 il a
encore fallu que le sieur Taché se plaçât
dans une position si singulière, que ce lui fût une
nécessité de nuire à M e C a v y , au lieu de le servir >
ainsi q u ’ il s’y était formellement engagé.
C o m m e n t tout cela est-il prouvé? Par des faits re-^
connus et avoués par le sieur Taché lui- même. Il faut
les parcourir et les apprécier.*
P
rem ier
fa it
.—
T ro is m ois après la convention de
1820 j le sieu r T a c h é marie sa f i l l e avec un notaire
de C lerm ont.
C e mariage était projeté, et même arrêté, avant la
convention. L e sieur Taché contractait donc une obli-»
gation q u ’il ne vo u l a i t ni exécuter ni accomplir ; son
dessein était de s’y soustraire par la fraude,
et de
profiter du prix mis à des services q u ’il ne voulait pas
rendre.
Q u e l est, sur ce p o i n t, le seul moyen employé par
le sieur Taché? « Je ne me suis pas interdit la faculté
« de marier ma fille à u n notaire ». Dans un sens ,
�U
9
A/7
)
4
le sieur Taché a raison; mais dans un autre, e seul'
intéressant pour la cause, il a complettement tort.
L 'effet de la convention était de prohiber et de d é
fe n d r e au sieur Taché to u t ce qui pouvait s’opposer
à son exécution. L ’obligation ,' étant antérieure" au
mariage, • devait être respectée avant to u t ; e t , si ce
mariage
était
incompatible
avec
l ’accomplissement
de l’ obligation contractée envers M e C a v y , le sieur
T a c h é , placé entre ses affections' et son devo ir, ne
pouvait faire ce qui lui p la is a it, au détriment de ce
q u ’ il devait : le mariage devait nécessairement céder
à
1 obligation;
o u , au moins, le sieur Taché ne pou
vait concilier son devoir avec ses désirs, q u ’en rache
tant la coopération vendue à M e C a v y , et en lui en
remboursant le prix..
D
tuxièm e
fait
.—
Im m édiatem ent après le mariage
M e A sta iæ vient habiter la maison du sieur T a c h é ,
son bea u -p ère $ il y
transporte son
i
m inutes.
•
étude**et ses
¡0 '»
Le second fait commence à dérouler le plan adopté
et suivi par le sieur Taché. Q u a n d oh lui accorderait
que la convention de 1820 11’était pas assez rigoureuse
pour lui imposer, en termes absolus, l ’obligation de
ne point marier sa fille avec un notaire exerçant dans
la môme résidence que son successeur, il faudrait
aussi que le sieur Taché co n v in t, de son co t é, q u e
les conditions de ce mariage devaient être
7
telles ,
�(
q u ’elles lui permissent
5o
)
de remplir franchement' Ie$
obligations q u ’il avait contractées envers M e C.avy ‘
q u ’elles ne .donnassent à ce dernier aucune crainte
sur le sort de sa clientelle, et lui permissent de de
mander avec confiance, au sieur T a c hé , les conseils et
renseignemens don t il pourrait avoir besoin.
Cel a était facile, si le sieur Taché eut été de bonne
f o i . Il devait absolument séparer sés intérêts de ceux
de son gendre; annoncer, d ’une manière p u b l i q u e ,
les obligations q u ’il avait contractées envers Me C a v y ;
en faire connaître le prix; se rapprocher davantage de
son acquéreur-, employer toute son influence pour lui
conserver sa clîentelle ; il devait sur-tout s’abstenir
religieusement de tout acte propre à attirer la confiance
chez M e Astaix, son gendre; et en était-il un plus fort
que de l ’accueillir dans sa propre maison, et d ’y faire
transporter ses minutes et son étude?
Il ne faut rien exagérer; mais le fait du mariage ,
r éu n i à c el ui de la cohabitation et du transport de
l ’étude, avaient bien évidemment pour conséquences
de mettre le sieur Taché dans Y im p ossibilité de rem
plir ses obligations envers M e C a v y , et d 'interdire à
ce dernier la f a c u l t é d ’en requérir l ’accomplissement.
C o m m e n t , en effet, le sieur Taché aurait-il donné
à M* C a v y
ses renseignemens et conseils , lorsque
INI* Astaix , sou gendre, était là pour les réclamer et
en profiter, et que le sieur Taché déclare vouloir Vas-
�( 5
i
)
sister de tous ses conseils et de tout ce que ld co n
n a is s a n c e
des hommes
et
des affaires auraient p u lu i
apprendre ?
C o m m e n t le sieur Taché aurait-il fait ses efforts
pour conserver la clien telle vendue à son acquéreUr,
lorsque M e Astaix, son gendre, était placé auprès de
lui pour reprendre la confiance des anciens cliens q u i
venaient consulter la v ie ille exp érien ce ou recourir
a u x fa ib le s m oyens de leur ancien notaire ?
C om m en t encore M e C a v y
aurait-il demandé au
sieur Taché les renseigneniens et conseils dont il pou
vait avoir besoin, et réclamé ses soins pour lui con
server sa cliëntelle, lorsque la nouvelle position de ce
dernier rendait de pareilles démarches non seulement
inutiles, mais encore dangereuses, puisque ses récla
mations et ses confidences pouvaient fournir ati sieur
Taché de nouveaux moyens de nuire à son acquéreur,
et d ’être litile à son gendre ?
. r-.,[ •-
S i , par ces faits qui lui sont personnels, le sieur
Taché a rendu impossible l ’exécution de l ’obligation
q u ’ il a consentio, comment pourrait-il se soustraire à>
la restitution du prix mis à des services q u ’il ne peut
plus re ndr e, et que l ’on ne saurait exiger de lui ?
ni
motsiîîMB f a i t . — Dans le même te in s, Une enseigne
est placée au-dessus de la porte de la
Taché,
maison
avec cette inscription : Astmx-TacmS , nolairô-certiji-
�cateur."— L e s mêmes q ua lités sont prises,p a r M* A s ta ix ,.
dans les a ffich es et actes, p u b lics.
C e fait important doit être examiné sous ses différens rapports,
r
•
• = -
E n d r o i t, les enseignes sont mises au rang des pro
priétés; elles doivent être protégées contre les entre
prises d ’a u t r u i , parce que la réputation est souvent
attachée à la désignation d ’un établissement ou à son
enseigne ; aussi celui qui est en possession d ’une en
seigne , a-t-il le droit de s’opposer à ce q u ’elle soit
adopté« par un voisin de même profession, lois nié me
que ce voisin aurait eu le soin tl’y établir quelque
différence.-Ces principes, consacrés par différons arrêts
rapportés par S o u efv e et le nouveau D en isa rt, sont
encore adoptés par INI. P a rd essu s, dans ses n o u v ea u x
élém ens de ju risp ru d en ce com m erciale.
■
'ilEn f a it ', et* dans il’espccei particulièr e, les raisons
et les motifs de prohi bition1 sont les mêmes pour u n 1
notaire que;pour, un négociant.
.t/enseigne .»désigne
un
• -
établissement
de
notaire’
comiiie celui >d un commerçant. Dans l ’ un et l’autre
cas, elle relient 'la pro ¡n ié lé de la clientelle ; et, dans
l ’espèçé-, »renseigne- indiquant Mc Astuix comme succes
seur du sieur Ta c hé , continuant la possession de l ’état
d(!i n o ta ire-de ce der n ie r, sur la tête d u successeur
q ii ’ellc’ d é s i g n â t , avait d<>nc pour objet de conserver
les au c ie n é .d i e n s, et-d'en attirer de nouveaux.
�(
53
).
D ’un autre c ô t e , cette enseigne était placée immé
diatement auprès des panonceaux de M e C a v y . Po u r le
p u b l i c , quel était le successeur du sieur Taché? E i a i t ce M c C a v y , a cq u éreu r, ou M e A s t a i x , son g en d re?
Il est évident, d ’une p a r t , que ceux qui ignoraient la
vente devaient considérer M e Astaix comme successeur
du sieur T a c h é , e t , de l ’a u t re, que cette affiche était
un appel à la confiance de ceux q u i , connaissant la
v e n te , avaient été les cliens du sieur T a c h é .: T a c h é
ou A s ta ix - T a c h é étant absolument la même personne
pour eux.
A in si , l ’apposition de cette enseigne est donc une
contravention à la convention de 1 8 2 0 , une
directe des obligations qui y sont contennes,
loin ,de conserver à M c C a v y la clientelle qui
élé ven du e, elle la conservait et Vattirait
violation
puisque,;
lui avait
au sieur
T a c h é , vendeur', o u , ce q ui est la même chose, à
M c Astaix-Taché, son gendre.
:
Mais à qui doit-on imputer l ’apposition de cette
enseigne? Est-ce à Me Astaix exclusivement, ou a-t-elle
été placee par les ordres ou du consentement du sieur
Taché ?
D ’ab ord , l ’apposition de cette enseigne étant bien
é' id em m en t un obstacle à l'exécution des conventions
de 1820, le sieur Taché devait empêcher tout ce qui'
pouvait porter p r é ju d ice à Mc C a v y , à la conservation
de la clien telle duquel ü était tenu de v e ille r . Ainsi
�(
54
)
il (levait s’opposer au placement de celte enseigne,
interdire même à son gendre la faculté de se permettre
un tel acte. Il le devait d ’aula n t plus fortement, que
rien ne lui était plus facile, puisque celle prohibition
pouvait être une des conditions du mariage de sa fille,
si toutefois il eut voulu remplir son obligation , et
que ce mariage n ’eùt pas été lui-mème un moyen de
s’ y soustraire. Sous ce premier rapport , l ’apposition de
cette affiche est donc imputable au sieur T a c h é , et il
doit en supporter toutes les conséquences,
Mais si l ’on examine de plus près; si l ’on rapproche
l ’epoque de la convention de celle du mariage; si l ’on
y joint le fait de la cohabitation immédiate, le trans
port de l ’élude du gendre dans la maison de son beaupère , comment résister à l ’idée que la co h a b ita tio n ,
le transpoJ't de l ’étude et
I’ a p p o s itio n
de
l ’e n s e ig n e
n ’étaient autre chose que les conditions du mariage
projelé entre mademoiselle Taché et M e Astaix; projets
antérieurs peut-être à la convention de 1820 ? En fin
on peut
ici réunir les aveux du sieur Taché. Son
gendre, en plaçant celte enseigne ^ •voulait, suivant
lu i , fa ir e quelque chose q u i f û t agréable à sou beaupère. INI* Astaix a v a i t , d ’ailleurs, intérêt de distinguer
son e x e r c ic e de celui de son prédécesseur. Ainsi le sieur
Taché désirait donc l ’apposition de l ’enseigne; et dans
quel intérêt le désirait-il? Son
chez
m oi!
lorsqu’on
lui demande ce que sont devenus quelques-uns de ses
anciens cliens, ne prouve-t-il pas q u ’ il était lui-mémç
�( 55 )
intéresse à cette apposition, et q u ’il devait en profiter
concurremment avec son gendre ?
L e placement de cette enseigne a donc eu lieu par
les ordres, ou au moins du consentement du sieur
Taché? C e fait doit donc lui être i m p u té ; et en est-il
de plus grave pour prouver l ’inexécution de la conven
tion de 1820?
• ‘ L e mariage et la cohabitation du beau-père et du
gendre, réunis au transfert de l ’étude de M® A s ta ix ,
établissent que le sieur Taché s’était mis dans l ’im
possibilité d ’exécuter ce q u ’il avait p r o m i s , et avait
ôté à M e C a v y la (acuité de requérir cette exécution.
L ’apposition de l ’enseigne ajoute à la gravité de ces
premiers faits; elle indique une violation ouverte et
calculée de l ’obligation contractée .par le sieur T a c h é ,
et manifeste ses projets et son intention de détourner,
à son profit ou à celui de son gendre, la clientelle
vendue à M e C a v y , au lieu de la conserver à ce der
nier. Ainsi ce fait prouve que non seulement le sieur
Tache n a point v e illé à la conservation de la chose
v e n d u e , mais encore q u ’ il a fait tout ce q ui dépendait
de lui pour la détruire.
Q u ’objecte le sieur Taché sur un point de fait aussi
grave et aussi dét erm inant, et comment cherche-t-il h.
1’expliquer p
Il
est d u s a g e , dit -i l, d ’ajouter son nom à celui
« de son épouse : M c Astaix a pu user de cette fa-
�« culte ». Pour donner plus de force à son moyen ,
le sieur Taché cite ensuite grand nombre d 'exem ples
de cet usage, et finit par donner à Mc C a v y le conseil
de sy ndiquer désormais sous le nom de C a v j-B o sg ro s.
Il faut reprendre celte objection pour y répondre.
L ’usage n ’interdit p o i n t, dans les cas ordinaires ,
d ’ajouter le nom de son épouse au sien; mais il fa ut,
pour que cela soit in nocen t, q u ’en se conformant à
l ’ usage on ne nuise pas à a u t r u i; que l ’on ne détruise
pas une convention légitimement contractée; que l ’on
ait pas sur-tout le dessein de faire un bénéfice ou de
s’enrichir au diitriment de la personne envers laquelle
on s ’est obligé : dans ces derniers cas, c’est la conven
tion , qui est la loi des parties, et non les usages de la
société, q u ’il faut exécuter.
Les ex em p les cités par le sieur Taché sont asse?
mal choisis. Pour q u ’il pu t s’en prévaloir, il aurait
fallu q u ’ il eût indique des hommes q u i , pour parer
leur nom , eussent senti la nécessité d ’y ajouter celui
de leur beau-père, exerçant la même profession q u ’eux;
que ces beaux-pères eussent, avant le mariage de leur
fiHe
vendu à un étranger leur ét at , leur clientclle et
leur coopération, et q u ’ ils eussent ensuite repris la
chose,
ou part»e de la chose aliénée, à l ’aide d ’un
mariage avec un homme (le la même profession. De
pareils exemples (levaient être rares : aussi le sieur
Ta ché est-il l'unique que l ’on puisse citer.
�(
57
)
1 L e con seil donné à M e C a v y par le sieur Taclié est
une plaisanterie dont l ’ atticismc est difficile à saisir
et à apprécier.
M. Bosgros était un commerçant es
t im é ; ses travaux n’avaient rien de commun avec les
fonctions de notaire : il est décédé; et ses enfans ont
à se féliciter de ce que sa fortune et les produits de
son industrie aient échappé a u x h eu reu x résultats
d'un e liquidation.
Q
uatrièm e
fa it
. —
L e sieur T a c h é a a cco rd é la
coopération la p lu s active à
31e A s t a ix 3 son g en d re;
il a f a i t tous ses efforts p o u r attirer son ancienne
clie n te lle dans cette étu d e.
Co mm ent ce fait si im p o r t a n t , q ui prête aux autres
une nouvelle force, et concourt avec eux pour dé
montrer que non seulement le sieur Taché n ’a point
exécuté sa co nvention, mais encore q u ’il l ’a violée de
la manière la plus ouverte et la plus m anifes te, com
ment ce fait est-il établi ?
On a vu que le sieur Taché ne désavouait pas ce
f a i t , mais qu il se bornait à prétendre q u ’ il venait
dans l ’étude de son gendre bien moins souvqnt que ne
le suppose Me C a v y . On sent que le sieur Taché devait
reserver les conseils de sa v ie ille exp érien ce et l ’em
ploi de ses fa ib le s m oyens pou r les circonstances épi
neuses, et q u ’ il ue paraissait dans l’étude de M® Astaix,
que lorsque des affaires difficiles à traiter, des conven-
�lions importantes à fixer,
ou des
actes sérieux à
rédiger pouvaient l ’y appeler ; mais cette coopération
n ’en était pas moins utile à M e A s ta ix , ni moins n u i
sible à M e C a v y .
D ’a il l e u r s ,
comment le sieur Taché p o u r r a i t - i l
désavouer cette coopération, lorsque ses Observations
attestent q u ’il soutient que la convention de 1820 ,
bien loin de lui imposer aucune obligation , l ’a v a it ,
au contraire, affranchi de toutes celles q u ’il avait an
térieurement contractées envers M 8 C a v y , et que la
conséquence directe de cette prétention serait de c o n
férer au sieur Taché le droit de refuser sa coopération
à Me C a v y , et de lui donner la faculté de l ’accorder à
3\Ie Astaix
: droit et f a c u l t é dont le sieur Taché a bien
nécessairement usé dans toute leur étendue? Il en a
effectivement usé, « parce q u ’il veut consacrer à ses
« enfans les années q u i lui restent » 5 et q u e , pour
doubler ces années, et les rendre plus fructueuses, le
sieur Taché n ’avait rien trouvé de mieux à faire que
de vendre sa coopération à M e C a v y , moyennant un
prix considérable et déterminé, et de retirer ensuite
cette coopération, pour l ’accorder et en transporter
tous les effets à M e A s t a i x , son gendre.
Sur ce p o in t, le sieur Taché ne dissimule rien : i l
v eu t assister
31e A s t a ix
de tous ses co n seils, l ’aider
de tout ce r/ue la connaissance des hommes et l ’ha
bitude des affaires auront p u lu i apprendre........ y il
�veu t encore mettre sa v ie ille exp érien ce et ses fa ib le s
m oyens à la disposition de ses anciens clien s; il dé
clare donc vouloir accorder toute son influence nota
riale à Mc Astaix; faire tous scs efforts pour lu i donner
les moyens de réussir, et employer toutes ses ressources
pour attirer ses anciens cliens dans l ’étude de son
gendre. Ainsi, moyennant un p r i x , le sieur Taché
s ’oblige à aider M e C a v y de tous les renseignemens
et conseils dont i l pourra avoir besoin..........; il s’oblige
aussi à lu i conserver sa clie n te lle ; mais le sieur Taché
garde le p r ix mis à cette co n v e n tio n , retient encore
la ch o se , ou la transmet à Me A sta ix , son gendre, au
détriment de son acquéreur. T o u t cela lui parait ce
pendant si simple, q u ’il invite Me C a v y « prendra
acte de ces a v e u x ; ce que ce dernier ne manque ra
pas de faire , puisqu’ils démontreront que le sieur
Taché a violé son obligation ; que cette violation est
tout a-la-fois volontaire et calculée; q u ’enfin le sieur
T a c h é , loin de rendre à son acquéreur les services
q u ’il lui avait vendus, a fait encore tous ses efforts
p o u r lu i nuire.
L a convention de 1820 n ’ayant point été exécutée,
son exécution étant désormais devenue impossible par
le lait du sieur T a c h é , ce dernier ayan t même ouver
tement violé l ’obligation particulière q u ’il y avait con
tractée, pourrait-il se dispenser de restituer le prix mis
h
1 accomplissement
de cette obligation? Mais ren g a
gement des services est une véritable vente , et la
�( 60 )
raison, comme les principes,
nous apprennent que
nul ne peut avoir le privilège de conserver la chose et
le p r ix .
E n d r o i t il n ’existe q u ’une différence entre les
promesses de donner une chose et l ’engagement des
services ou actions : on peut être contraint à délivrer
l a chose que l ’on a promis de donner, mais l ’on ne
peut l'être à rendre des services auxquels on s’est en
gagé, parce que nemo potest précisé co g i a d fa c tu m .
M a i s , que la vente soit d ’une chose ou un engagement
de services ou actions, il n ’en faut pas moins q u ’elle
Soit exécutée 5 et si la chose n’a point été livr ée, ou
si les services n ’ont point été rendus, le prix de la
vente ne saurait être exigé, ou doit être restitué, s’il
a été payé ; e t , dans ce c a s , il est encore dù des dommages-intérêts, résultant du préjudice causé par celui
q u i n ’a point exécuté la convention.
A u rés u m é, étant établi :
i° Q u e , par la convention de 1820, le sieur Taché
avait engagé ses services à M* C a v y , moyennant la
somme de 30,000 fr. ; q u e , pou r ce p r ix , il s’était
.obligé à lui a cco rd er sa coop éra tion , à lu i conserver
sa cliente l i e , à v e ille r enfin à la conservation de
l ’élu d e ve ndu e, ce prix doit être restitué à M* C a v y ,
pu is q u ’il est prouvé que le sieur Taché n ’a point sa
tisfait à sou obligation ; q u ’il s’cst mis dans l ’impossi
�¿*3
( 6î )
bilité de l ’exécuter, et a ôté à M e C a v y la faculté d ’en
r
requérir l ’accomplissement.
Sous ce rapport, il a étc mal j ugé, et l ’appel incident
de M e C a v y est justifié.
,,
.
r
' !
i>
2° L a vente d ’une étude de notaire, em po rtant, par
sa n atu re, obligation, de la part du ve ndeur’, de ne
rien fa ir e qui puisse nuire k son acq uére ur, et les faits
avoués venant apprendre que le sieur Taché a accordé
sa coopération à son gendre, et a employé toute son
influence pour attirer son ancienne clientelle chez ce
dernier, il est du à M e C a v y des dommages-intérêts,
qui doivent être calculés sur le préjudice q u ’a pu lui
causer la double infraction de 1’oblig ati on , résultant
de la nature du co n t ra t, et de celle, plus positive,
insérée dans la convention de' 1820: mais ces dom.•> , A
"
7
f-i ,
mages-intérêts ne peuvent être fixés et adjugés, que
lorsque
le
C onsilium
et
eventus fra u d is seront
*.
/P f
établis.
,
- iï ' i 0’ 1'
*'
* J
C ’est ce q u ’a ordonné le jugement ; ' e t , sous ce rap
port , l ’appel du sieur Taché rie peut être justifié.
T o u t est donc prouvé dans cette c a u s e , qui présente
un e xem p le, aussi rare que f r a p p a n t , de la violation
la plus hardie de la foi donnée. Si la Justice doit faire
respecter les conventions; si elle doit soigneusement
empêcher que-nul ne s’enrichisse aux dépens d ’a u t r u i ,
avec quelle sévérité ne doit-elle pas réprimor les in-
�( fe )
fractions faites aux traités , qui ont eu pour garans
Y honneur et la bonne f o i de l ’une des parties I ’
E t quel était celui qui apposait à son obligation un
sceau aussi sacré? U n notaire, connu par d ’utiles et
d'honorables tr ava ux, exerçant la plus grande influence
dans sa profession, emportant dans sa retraite le titre
de président honoraire du corps auquel il avait appar
t e n u ; un citoyen remplissant des fonctions m unic i
pales, le sieur Taché enfin , qui mieux que personne
po uva it apprécier la force et l ’étendue de ses engagemens.
Av ec q u i contractait-il ? Avec vin jeune homme
encore sans expérience, absolument étianger à la ville
où il venait s’é tab lir , désirant assurer, par les conseils
et l ’influence de son prédécesseur, la réussite de ses
premiers essais; avec un acquéreur q ui pouvait compro
mettre sa fortune et celle de sa famille, et qui n’avait
d ’autres garans de succès , que Xhonneur et la bonne
f o i du vende ur, auquel il s’en était remis.
M
L e sieur Taché a méconnu la voix de Y honneur ; sa
conduite est un outrage à la bonne f o i $ il est sans
excuses; il doit à la société un exemple utile et écla
tant.
Toutes les considérations se réunissent pour attirer
sur le sieur Taché la rigueur et la sévérité de la Justice,
Sa condamnation , plus que celle de tout a u t re , sera
utile ; elle apprendra combien les obligations sont'
�( 63 )
choses sacrées, et doivent être religieusement observées;
elle préviendra les effets du mauvais exemple, sur ceux
que leur imprévoyance expose au danger; et la C o u r
rendra également hommage à la Justice et à la Morale,
en appliquant dans toute sa rigueur, au sieur T a c h é ,
cette sentence de Virgile :
Continuo culpam f e rro com pesce, p riusquàm
D ira per incautum serpant conlagia 'vulgus.
M e C A V Y , N ota ire royal.
M e J n C h B A Y L E a în é , ancien A v o ca t.
M e H U G U E T , L ic e n cié -A v o u é .
�
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Cavy, Claude. 1821?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Cavy
Bayle
Huguet
Subject
The topic of the resource
notaires
détournement de clientèle
dommages et intérêts
concurrence déloyale
minutes de notaires
chambre des notaires
ventes
offices
abus de confiance
Description
An account of the resource
Titre complet : Résumé et nouvelles observations pour maître Cavy, notaire royal, certificateur, à la résidence de Clermont-Ferrand, intimé, et incidemment appelant ; contre sieur Pierre-Antoine Taché, se qualifiant propriétaire, ex-Président honoraire, à vie, de la Chambre des Notaires de l'arrondissement de Clermont, et exerçant utilement, et de fait, la profession de Notaire, sous le nom de maître Astaix-Taché, son gendre, appelant, et incidemment intimé.
note manuscrite : « voir arrêts sur l'interlocutoire et sur le fond au journal des audiences, 182, ?, page 296 ».
Table Godemel : étude de notaire : la vente d’une étude de notaire comprend, non seulement celle des minutes et registres, mais encore celle de la clientèle et de l’influence notariale du vendeur, qui contracte tacitement l’obligation de ne rien faire qui puisse nuire à son acquéreur.
l’inexécution de cette obligation peut être prouvée par témoins, et motiver une demande en dommages-intérêts.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
s.n.
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1821
1818-1821
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
63 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2509
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2507
BCU_Factums_G2508
BCU_Factums_G2510
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Clermont-Ferrand (63113)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Abus de confiance
chambre des notaires
concurrence déloyale
détournement de clientèle
dommages et intérêts
minutes de notaires
notaires
offices
ventes
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53494/BCU_Factums_G2508.pdf
d5d1dad42b7200507b451d266c7a11e1
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Text
PRÉCIS
EN R É P O N S E ,
PO U R
Me
C
laude
C A V Y , Notaire royal certificateur, à la
résidence de Clermont-Ferrand, D em andeur.
�PRECIS
EN R É P ON S E ,
PO U R
Me
C A V Y , Notaire royal certificateur, à la
résidence de Clerm ont-Ferrand, D em an deu r;
C
laude
CONTRE
Sieu r P i e r r e - A n t o i n e T A C H É
se qualifiant
propriétaire , président honoraire à v ie de la
Chambre
des N otaires
de l ' arrondissement de
C lerm on t, et exerçant utilement et de fait la
profession de Notaire, sous le nom de M e A s t a i x 9
T
a c h é , son g e n d r e ,
/
Défendeur.
Auro pulsa f i des.
P ro perce
----------
1
■■
--------
M e C a v y , successeur du sieur Taché, acquéreur
de ses minutes et de sa clientelle, se plaint de ce que
son vendeur a manqué à la majeure partie de ses engagemen s.
�( o
Il lui dit : « Par une première convention (en me
« vendant votre clientelle), v o u s a v e z p r o m i s d e
.
« m ’a i d e r d e s c o n s e ils d e v o t r e e x p é r i e n c e , d e m a m « te n ir l ’é t u d e q u e v o u s m e v e n d i e z d a n s le m c m e
« é t a t d e c o n f ia n c e e t d e p r o s p é r i t é ; pour cela, j ’ai
« consenti à ce que vous vous conservassiez pendant
« dix ans le cinquième des bénéfices nets de 1 élude
« que vous me vendiez.
« Plus tard, une nouvelle convention a été faite;
« son objet était de capitaliser les cinquièmes des
« bénéfices qui vous étaient promis ; nous les avons
« évalués à la somme de 20,000 francs; e t, pour ce
« prix , vous vous ê te s o b l i g é , d ’n o N N E U n , à m ' a i d e r
« d e t o u s le s r e n s e ig n e m e n s e t c o n s e il s d o n t j e p o u r « r a i s a v o i r b e so in p o u r m a p r o f e s s i o n , c o m m e a u s s i
« à m e conserver v o tre
c lie n te lle .
C e s c o n v e n tio n s
« d e v a i e n t ê tr e e x é c u t é e s d e b o n n e f o i .
y
« Le résultat de ces faits est que vous m’avez
«•vendu votre coopération p en d an t dix a n s ; que
« j ’avais fconséquemirient le droit pendant ce teins '
«
«
«
«
«
d’exiger de vous les renseignemens et les conseils qui
devaient augmenter la confiance attachée à- mon
étude, et assurer sa prospérité; que rien sur-tout
ne pouvait vous soustraire à l’obligation de me
conserver votre' clientelle.
«. Cependant comment avez-vous agi ? comment
^avez-vous interprété, çt exécuté une convention aussi
«( Sacrée? A peine les 20,000 francs, prix de votre
« coopération et de la conservation de votre clientelle,
�(
3 )
« vous sont-ils assurés, que vous faites tous vos efforts
* p o u r r e p r e n d r e o u r e te n i r la chose vendue.
« Vous projetez un mariage : il est accompli dans
« l ’espace de vingt-cinq jours.
« Votre fille devait épouser un notaire. Ce projet
« conçu, v o u s v i s i t e z v o s a n c ie n s c l i e n s , qui étaient
« devenus les miens •, vous leur rappelez vos services ;
« vous leur annoncez q u e v o u s r e d e v e n e z n o ta ir e sous
« le nom de votre gendre; v o u s d e m a n d e z p o s i t i « v e m e n t leur clientelle et leur confiance.
« Le mariage célébré, Me Astaix, votre gendre, est
« installé dans votre maison , dans votre propre étude,
« porte à porte de la mienne.
« Une plaque de cuivre annonce au public l ’heu« reuse alliance de vos noms. On lit à votre porte :
« ¿istaiæ -Taclié 3 notaire-certificateur. Cette enseigne
« est à côté de la mienne : déjà l ’on pouvait se de'« mander lequel de votre gendre ou de moi était votre
« successeur? Les protocoles des actes, les affiches, les
« journaux contiennent la même indication.
« Tout cela est-il bien innocent, bien conforme à
« la convention et à la foi promise?
« Mais vous avez tout expliqué. Vous avez dit q u e
« le s d e u x c o l o m b i e r s é t a n t à c o t é l ’un d e V a u t r e ,
« le s a n c ie n s p i g e o n s se t r o m p e r a i e n t s o u v e n t d e p o r t e .
«
«
«
,«
Votre conduite a bientôt expliqué le véritable sens
de vos paroles. Vous avez a r r ê t e les cliens; soxivent
vous ne les avez p a s a t t e n d u s , vous êtes a l l é le s
c h e r c h e r ; yous ayez désiré et demandé des actes
�(4)
« importans. Il est vrai que vous n’avez pas tout
« obtenu : aussi vous étiez par trop exigeant.
«» Voilà comment vous m’avez livré votre clientelle!
« Mais à qui ont profité et profitent encore les
« renseignemens et les conseils que vous vous étiez
« engagé à me donner?
«
«
«
«
« Vous avez dit que vou s vou s rappeliez votre
ancien m étier y que vou s sauriez encore bien fa ir e
quelques obligations ; que lo rsqu 'il y aurait quelques
actes difficiles } on n irait pas chez M . B e rg ie r;
qu'on les rédigerait en fa m ille ; q u e v o u s s e r i e z
«
LE
M a ît r e clerc d e v o t r e g e n d r e .
« Vous avez tenu parole; vous êtes bien le Maître clerc
« de votre gendre, o u , si vous l ’aimez m ieux, vous
«
«
«
«
«
êtes toujours notaire sous son nom; vous recevez les
cliens, vous entendez leurs débats , vous arrêtez
leurs conventions, vous rédigez et dictez les actes.
S ’il faut eu croire quelques personnes, vous poussez
même le zèle jusqu’à recevoir des testamens.
-« Si tous ces faits sont vrais, vous avez violé votre
« convention ; vous ne m ’avez pas livré la chose
« vendue; vous devez donc me restituer le prix et me
« payer des dommages-interets. »
Telle est la cause de M* Cavy. Sa simplicité et la
nature des faits articulés ne permettaient pas de sup
poser que le sieur Taché voulût rendre sa défense
publique; d’autre part, le respect qui est du h l ’hono
rable profession de notaire arrêtait M° Cavy. Plein de
�(
5 )
confiance clans ses juges, il sentait q u ’il était inutile
de publier les torts de son adversaire.
Mais le sieur Taché a cru que des observations
signées de lui produiraient un grand effet sur le public,
et serviraient sa cause. t
A l ’exemple des personnes illustres, il nous fait
connaître son apophtegme favori : « H e u r e u x (s’écrie-t-il)
« QUI P E U T E X P L I Q U E R TOUS L E S A C T E S D E SA. V I E ! » E t
ses explications se bornent à dénaturer la convention
et les faits, ou à les désavouer I
Il est vrai que son mémoire n’était point destiné
pour les tribunaux. Qu’ importait, en effet, au sieur
Taché, d ’être clair et exact sur les faits?
Il n’avait d’autre objet que de iairc remarquer sa
supériorité sur son jeune successeur. Quelle satisfaction
le sieur Taché n ’éprouve-t-il pas îi parler de lui-même I
Comme il nous met dans la confidence de ses plaisirs
et de ses peines! comme il nous associe agréablement
h ses pensées! que son'adversaire est petit auprès de
lui ! quelle grâce dans son stile ! quelle finesse dans ses
épigrainmes ! sur-tout quelle franchise d’orgueil! que
le « il me parle 3 j e c ro is ! » est beau, quand on lit
le sieur Taché ! quelle vérité dans ce caractère de
M . Tufière ! ........ Au sieur Taché seul il appartenait
d’en iaire apprécier les beautés.
Toutefois, Me C avy sera plus simple : il est assezi
heureux pour n’avoir besoin de parler que de sa cause.
Il ne veut point discuter l ’apologie du sieur Taché;
mais il doit faire ses efforts pour obtenir justice.
�(
6 )
3\I* Cavy n’a rien à cacher ou à déguiser sous les formes
clu stile : « il ne vient pas e x p liq u er les actes de sa
v i e , mais bien demander la réparation du tort qu ’il
éprouve.
FA IT S.
Me C a v y , originaire du département de l ’A Hier,
habitait Paris depuis plusieurs années, en qualité de
maître clerc de notaire. Son existence dans cette ville
était agréable; et il s’y serait infailliblement établi ,
si, en 1 8 1 7 , son père ne lui eût manifesté-le v if désir
de le voir sc rapprocher de lui.
Au mois de décembre, Me C avy fit un voyage dans
sa famille : il avait un congé de son notaire-, sa place
lui était conservée : aucun projet sérieux ne l ’occupait;
aussi, à son arrivée, apprit-il avec assez d ’indifférence
que l ’étude de Me Taché, président de la chambre des
notaires de Clermont, était en vente; et il lui fallût
toute la déférence qu’il a pour son père, pour se dé
terminer à examiner si cette affaire pouvait lui convenir.
Les sieurs Cavy père et fils arrivèrent à Clermont
le 12 janvier. Un jurisconsulte dont le nom est un
éloge, et l ’amitié un titre d’honneur, voulut bien les
mettre en rapport avec le sieur Taché.
La première entrevue eut lieu le i 3 . C ?était la
première fois que le sieur C avy fils voyait le sieur
Taché. L a tenue de ce dernier était imposante; l ’assu
rance de,son maintien, la gravité de ses discours, le
�(
7
)
ton persuasif. qui les accompagnait concouraient éga
lement à inspirer beaucoup de confiance au sieur C avy,
s u r - t o u t lorsqu’il se rappelait qu’il allait traiter avec
le président d’un Ordre dans lequel il désirait d’étre
admis, et que ses études et ses réflexions lui avaient
appris à respecter.
Aussi le sieur Taché fut-il le maître des détails qu ’il
voulut bien donner au sieur C avy.
‘
Il put nommer et compter ses cliens, se vanter tout
à son -aise des services qu’il leur avait rendus.
t II put fixer à son gré le produit annuel de son
étude^¿porter même en: ligne de compte ceiqu il appe
lai^ ses, opérations de cabinet." in ' .i l jLi or>;»Il pHat enfin affirmer qu’il recevait six cents actes
par an, et qu’ il en renvoyait au moins deux cents,
parce qu’il ne/voulait pas de petite clientelle.
Tout fut cru sur parolei:/ni les répertoires, ni les
actes du sieuri Taché 11e furent vérifiés; sa.parole
d ’honneur donnée sut* la demande»du sieur C avy,:ses
protestationsid’honnôteté y de délicatesse et de loyauté
éloigniiient tous soupçons> Jetiauraient même pu faire
regarder le plus léger.examen comme une injure.
Dans cettè prèmiere; en t reirue i, on ne convint cepen-.
danT'ni d u 'p rix r, ini desuconditions de la vente. L a
demande du sidunTaché'paraissait exagérée*, il fallait
d ailleir^ donnét»quelques■instans £1 la réflexion.
tiiLeisieùriTâché et les sieurs iCaVy- acceptèrent à diner
chez le jurisconsulte qui avait la bonté.de leur servir
d’intermédiaire; L e sieur Taché sc ia it bientôt rcmar-
�quer par son caractère enjoué; cet aimable convive
fixe l ’attention par sa franchise, q u ’une légère teinte
(le brusquerie rendait encore plus piquante. Il parais
sait content de tout; il vantait son influence : à l'en
tendre, il ne lui manquait qu ’un collaborateur intel
ligent pour faire et gagner tout ce qu’il voudrait. Le
sieur Cavy lui plaisait; il voulait lui faire un pont
d ’or. Le sieur Taché improvise sur-le-champ un plan:
le sieur Cavy fera les affaires de l ’intérieur de l ’étude;
lu i,T ach é , s’occupera de celles de l ’extérieur; et, pour
sa coopération, il recevra, outre le prix de la vente,
le cinquième des bénéfices nets^ pendant dix ans.
Cette idée fut accueillie par le sieur C avy y qui
désirait sur-tout s’aider des conseils et de l ’influence
du sieur Taché. L a coopération de ce dernier rappro
cha même bientôt les parties sur le p rix, qui fut fixé
à un capital de 4 ° j 000 francs pour les minutes , re
gistres, clien telle 3 etc.; 2° à la moitié des recouvremens de l’exercice du sieur Taché ; 3° un cinquième
des bénéfices nets de l ’étude' pendant dix ans, pour
prix de la coopération qu’il promettait au sieur C avy.
Enfin le sieur Taché et les sieurs C avy se retirèrent
après être convenus que le sieur Taché laisserait lin
bureau à son successèùr; que l ’étude i ne «changerait
pas de local sur-le-champ, mais qu’elle continuerait,
d ’être tenue dans l ’emplacement qu’ellei occupait dans
la maison du sieur Taché, et qu’on y joindrait !un
petit cabinet attenant.
r
«)l .-'»ri-;
Le lendemain, on devait se réunir chez le sieur
�Taché, pour s’expliquer plus en détail sur ces con
ventions, qui n’étaient encore arrêtées qu’en termes
généraux. L e jurisconsulte, intermédiaire des sieurs
C avy et Taché, ne put assister à cette conférence. Ce
dernier sut mettre à profit l ’absence de celui dont le
caractère et les lumières lui en imposaient.
Le sieur Taché n’était plus le même homme de la
veille. Sur de sa supériorité, il était devenu extrê
mement tranchant ; il ne voulait entendre ni donner
aucune explication : il dictait des lois.
Le sieur Cavy désirait qu’il fû t positivement expli
qué que le cinquième net des bénéfices était le prix de
la coopération du sieur Taché, et que conséqucmmcnt,
s’il venait à décéder, ses héritiers n ’auraient aucun
droit à ce cinquième. L e sieur Taché trouva que la
première partie de cette proposition blessait sa délica
tesse, éleva la voix, prit un air de dignité, et attesta
que lorsqu’on traitait avec lu i, un engagement moral
de sa part était suffisant. Prenant ensuite un ton plus
radouci, et affectant de tirer un présage sinistre de
la seconde partie de la proposition de Me C a v y , il se
plaignit, de la manière la plus aim able, des précau
tions que voulait prendre son chei' e t j e u n e c o l l a b o
r a t e u r , et dit qu’il n’était pas bien de supposer qu’il
pouvait ne pas vivre dix ans.
Cette singulière scène se passait entre le sieur Taché
et Me Cavy fils, auquel le père avait abandonné le
soin de terminer cette affaire. M* Cavy commençait îi
avoir quelque défiance. Le sieur Taché ne lui paraissait
�P&P ’
P
( io )
plus aussi franc que la veille; ses actions ne semblaient
pas d’accorcl avec ses discours.
On en vint cependant à la nature des engagemens,
qui devaient être contractés pour assurer le paiement
de l ’étude. Le sieur Taché exigeait des lettres de
change ; Me Cavy lui manifesta de la répugnance a
les souscrire : il s’expliqua même sur ce point avec
quelque vivacité. Alors le sieur Taché se contenta de
la moitié du prix en lettres de change, et donna sa
parole d’honneur qu’elles ne sor liraient point de son
porte-feuille (i). 11 voulut bien recevoir une obliga
tion pour l ’autre moitié.
Il fallut rappeler au sieur Taché q u ’il avait promis un
bureau ; plus tard, il refusa de le livrer. Enfin M* Cavy
crut devoir parler de l ’emplacement occupé par l’étude,
et consistant en deux pièces de la contenance de vingt
pieds carrés. Le sieur Taché exigea pour cela un loyer
de 3oo francs; encore ne voulut-il pas faire de b ail,
parce que, disait-il, sa parole d’honneur était suffi
sante.
L e contraste qui se faisait remarquer entre les
actions et les discours du sieur Taché; la confiance
qu’il voulait commander jusqu’à l’abandon, tandis
que lui-même stipulait ses intérêts avec le plus grand
soin; la défiance qu ’inspire celui qui parle à tout
propos de son honneur et de sa délicatesse ; l ’espèce
d ’irritation que produisent des discussions prolongées
( i ) Le sieur Taché les a n égociées, au moins en partie.
�( 11 )
et minutieuses, tout enfin paraissait se réunir pour
éloigner Me Cavy : aussi les relations étaient-elles à peu
près rompues , lorsque le sieur Cavy père intervint. lise
montra plus sensible aux prévenances du sieur Taché,
plus confiant dans ses promesses, et mit fin à une
scène aussi fatigante, en apposant sa signature sur les
lettres de change et sur l ’obligation.
Quelques jours furent employés à régulariser l ’obli
gation consentie au sieur Taché; une inscription fut
prise îx sa requête; et, sur sa demande, on lui rap
porta un certificat négatif d’autres inscriptions.
L a chambre des notaires avait été convoquée pour
le 23 janvier 1 8 1B . Me C avy devait y être présenté ,
à l ’effet d’obtenir le certificat de capacité et de mora
lité, qui lui était nécessaire.
Les séances de la chambre se tenaient dans la maison
du sieur Taché, alors président; ce dernier avait, dès
la veille, fait la remise de ses minutes à Me C a v y , qui
les avait reçues de confiance. Ce dernier y jetait un
coup-d’ œil pendant que la chambre était réunie.
L ’examen rapide qu’il put faire des minutes des six
dernières années lui fit découvrir que le sieur Taché
s était trompe ou 1 avait trompé d’ un quart, au moins,
sur le nombre des actes qu’ il avait déclaré recevoir
annuellement. L e sieur Taché, qui était alors à la
chambre, fut appelé : Mc Cavy lui fit part de la dé
couverte qu’ il venait de faire, et se plaignit assez vive
ment. Pour toute explication, le sieur Taché traita
à ’enfantillage ics inquiétudes et les-reproches du sieur
�(
12
J
C a v y , et lui assura que la c o o p é r a t i o n q u i l l u i a v a i t
p r o m i s e a r r a n g e r a i t to u t . Cette réponse faite, le sieur
Taché disparut, et laissa son jeune successeur livré à
des réflexions bien amères, mais trop tardives.
Cependant que se passait-il dans l ’intérieur de la
chambre des notaires? Le but de sa réunion était
l ’examen de Me C av y; mais le sieur Taché voulait faire
une retraite triomphale : il avait disposé la cassolette
où l’idole devait brûler en son honneur l ’encens qu’elle
avait préparé.
Le procès-verbal du 23 janvier 1 8 1 8 nous fait con
naître les détails de cette séance.
L e sieur Taché y prononce un discours dont il est
constamment l ’objet. E n orateur habile, il commence
par fixer l ’attention de ses auditeurs sur l ’altéraiion
progressive de sa santé ; il parle du courage qu ’il lui
a fallu pour lutter contre ses maux; il se plaint de ce
que tout espoir de guérison lui est interdit ; de l ’im
possibilité où il est de continuer ses fonctions; cepen
dant il laisse espérer q u ’une vie moins agitée pourra
faire quelque diversion à ses maux.
Mais il ne veut pas laisser d é p r i m e r son é t a t ; il a
songé à se donner un successeur; il espère que le je u n e
h o m m e c o m p r e n d r a t o u t l ' a v a n t a g e d e l a c o n c e s s io n
q u ’i l l u i f a i t .......... .« L a jeunesse-de mon successeur,
ajoute-t-il, e t u n e s a g e d é f i a n c e en ses propres forces.
« l u i on t f a i t d é s i r e r d’être encore quelque tems a i d é
« d e s c o n s e ils d e m o n e x p é r i e n c e j j ’a i d o n c c o n s e r v é
« un i n t é r ê t d a n s m on é t u d e , et c’est dire assez.
�«. tout CELUI q u e j e m e t t r a i à l a m a i n t e n i r clans le
« m êm e éta t d e c o n f ia n c e et de p r o s p é r it é . »
Tout le reste du discours est consacré à l ’apologie
de son auteur. Si la profession de notaire est entourée
de considération, c’est à l ’orateur qu’on le doit ; s’il y
a une chambre, c’est lui qui l ’a créée; il est l ’auteur
de tous les travaux importans qui ont été entrepris :
il parait accablé de sa gloire; mais elle lui est si chère,
q u ’à peine offre-t-il à ses c h e r s c o l l a b o r a t e u r s , réunis
pour l ’entendre, le plus petit fleuron de la couronne
q u ’il vient de tresser et de se placer si modestement
sur le front.
L e sieur Taché voulait qu’on lui répondit : un de
ses c h e r s c o l l a b o r a t e u r s s’était chargé de ce soin. Il
était impossible de rien ajouter à l ’éloge. L e sieur ..
Taché, qui se connaît mieux que personne, et qui
sur-tout s a i t e x p l i q u e r to u t e s le s a c t i o n s d e s a v i e ,
avait épuisé la matière; aussi fallut-il se réduire a des
témoignages de reconnaissance, à des expressions de
regrets, d’estime et de gratitude; et après avoir débité
ce long protocole de la flatterie, l’orateur en vient au
point essentiel, à la proposition de conférer au sieur
Taché le titre de P r é s i d e n t h o n o r a i r e , e t a v i e , de
la chambre, e t d e le s o l l i c i t e r d e v o u l o i r bien l ’a c
c e p te r . Cette péroraison pouvait bien faire pardonner
la faiblesse du discours.
Enfin tout s’arrange; le sieur Taché est proclamé
président honoraire, MeAsiaix président ; et la cham bre,
ainsi formée, s’occupe de Me C avy quatre lignes du
�( >4 )
procès-verbal attestent qu ’on lui a délivré un certificat
de moralité et de capacité.
On reviendra sur cette pièce importante ; mais ,
dans l ’intérêt de la cause, il est utile de faire remar
quer à l ’instant même que ce procès-verbal explique
tout : les motifs de la retraite du sieur Taché; le désir
de s’adjoindre un coopérateur. Il apprend sur-tout à
quelles conditions le cinquième des bénéfices nets de
l ’étude lui avait été accordé pendant dix ans : ce cin
quième était le prix d e s c o n s e i l s d e s o n e x p é r i e n c e ;
l ’intérêt q u ’il conservait dans les bénéfices était le ga
rant de c e l u i qu’il mettrait à la maintenir dans le
même é t a t d e c o n f i a n c e e t d e p r o s p é r i t é .
Me C avy croyait pouvoir atten d re sa nomination à.
Clermont; on ne lui avait fait prévoir aucune diffi
culté. Le sieur Taché l ’engagea cependant à aller à
Paris pour presser l ’expédition de sa commission.
M e C avy faisait ce voyage avec plaisir; il désirait re
voir ses anciens am is, et notamment Me L e v e r t, no
taire, chez lequel il avait demeuré silong-tems; qui
lui avait donné de si bons exemples; témoigné tant
de bontés; qui lui conservait encore la place de maître
clerc de son étude, et avec lequel il avait d ’ailleurs
quelques comptes à régler.
Me Cavy avait assez d’orgueil pour ne vouloir
tenir sa nomination que de la loi; il était personnelle
ment très-en règle, et porteur de tous les certificats
que l’on pouvait exiger. Ses pièces étaient déposées au
ministère, et il attendait sa nomination, lorsqu’il
�( i5 )
apprit qu’elle était arrêtée par une difficulté assez sé
rieuse , résultant de ce que le nombre des notaires
exerçant a la résidence de Clermont excédait celui qui
est fixé par les ordonnances.
L e premier mouvement de Me Cavy dut être celui
de l ’indignation 5 mais d’autres réflexions, celles sur
tout qui résultaient de la naluro de ses engagemens,
ces lettres de change, cette obligation, causées valeur
reçue en numéraire, tandis que le traité par acte
public ne portait aucune énonciation de sommes , et
disait expressément que Me C avy suivrait sa nomina
tion à ses risques et périls : tous ces motifs vainquirent
sa répugnance, et l ’engagèrent à solliciter, et à essayer
de faire disparaître les obstacles qu’ il n’avait pu pré
voir, et que le sieur Taché s’était bien gardé de lui
signaler.
Tout ce que l ’on vient de lire devait encore dirninuer la grande confiance que le sieur Taché avait
voulu inspirer à Me Cavy. Ce dernier, en se remé
morant les protestations et les expressions favorites
de son vendeur, craignait de s’être mépris sur leur
veiitable sens, il se laissait souvent entraîner à des
mouvemens de dépit qu’il lui était difficile de ré
primer , et sa correspondance devait nécessairement
se ressentir de l ’état de son ame; aussi, à son retour,
put-il prévoir que ses relations avec le sieur Taché
seraient pénibles, ou au moins peu amicales.
Cavy revint a Clermont au mois de mars 18 1 8 .
Ses explications avec le sieur Tuché furent vives -
�( 1(5 )
l ’aigreur se fit bientôt sentir clans les discours de cc
dernier; et comme l'offenseur pardonne difficilement,
le sieur Taché voulut profiter de tous ses avantages,
et se venger de son successeur, en l ’obligeant à quitter
l ’emplacement qu’il lui avait loué.
Me C avy espérait encore; il est vrai qu’une obser
vation de quelques mois lui avait fait remarquer de
singulières nuances clans le caractère du sieur Taché.
Tantôt d’ une extrême douceur, bientôt après trèscolère, quelquefois poli, souvent dur et orgueilleux,
mais toujours vantant sa délicatesse, son honnêteté,
sa loyauté : tel est l ’homme que Me Cavy pouvait
étudier journellem ent, dont il supportait les changemens d’hum eur, n’osant supposer qu ’il pût se per
mettre aucun acte contraire aux principes qu’il pro
fessait si hautement.
Cependant le sieur Taché, absolu dans ses volontés,
voulait que 3NIe Cavy abandonnât le local qu’il lui
avait loué , location dont les avantages étaient entrés
pour beaucoup dans la vente de l’étude. Me C a v y ,
voyant que le sieur Taché oubliait ses propres prin
cipes, osa parler de la convention; il lui fut répondu
que l ’on ne connaissait que les engagemens par écrit,
et non ceux contractés verbalement. Me Cavy voulut
insister; mais le sieur Taché fixa le jour de sa sortie
avant la foire de m ai; et, comme toute résistance à
exécuter un ordre légitimement donné mérite puni
tion, il annonça qu’à défaut par M* Cavy de lui
obéir, « il ferait jeter les minutes et les autres papiers
�(
*7
» dans la rue, et que la porte de sa maison serait
« fermée. »
Il fallait terminer cette lutte. Me C avy se procura
un logement près de la maison du sieur Taché : bientôt
il s’y installa, après avoir payé au sieur Taché quatre
mois de loyer, au prix de 3 oo francs par an.
L a mésintelligence qui existait entre le sieur Taché
et Me Cavy aurait pu nuire à ce dernier, s’il n’eût
senti le désir de se rapprocher de son: coopérateur, et
s’il ne se fut imposé la loi de lui montrer de la dé
férence; d’un autre côté, le sieur Taché avait un
intérêt bien réel k ne point se laisser entraîner trop
aveuglément aux mouvemens de sa passion. Il parti
cipait aux bénéfices de l ’ étude; il fallait donc conserver
les cliens, et leur montrer de l ’estime et de la confiance
pour son successeur; enfin, Me C a v y , chargé d ’une
affaire importante, avait eu le bonheur de la terminer,
de vaincre les difficultés nombreuses qu’elle présentait:
son travail avait été loué; le sieur Taché sentit que la
considération dont son jeune successeur commençait à
jouir exigeait qu’il eût pour lui des ménagemens, ou
au moins de la circonspection. Il daigna d'abord
l ’accueillir avec moins de froideur; bientôt il se montra
d’une affabilité extrême. Me Cavy oublia to u t, et la
bonne intelligence parut rétablie.
Les événemens qui arrivent à l ’homme ont entre
eux une liaison secrète , qui exerce une influence
puissante sur ses déterminations et ses volontés. Un
esprit prévoyant juge de ce qui peut arriver par ce.
�fy
•' r A t *
( .s )
#
^ ^
qui existe, et se prépare à profiter des événemens que
ses calculs lui font regarder comme prochains.
Le sieur Taché avait obtenu la confiance du sieur
Domergue fils, q u i, en 1 8 1 6 , lui laissa sa procuration
générale. M. Domergue père, dont le nomsera à jamais
cher au commerce de Clermont, était atteint d ’une
maladie qui faisait craindre et prévoir sa fin prochaine.
L e sieur Taché avait été accueilli dans la maison Do
mergue : un père aime à s’entretenir de son fils; mais
les assiduités du sieur Taché permettaient aussi de
penser qu ’il désirait la liquidation d’une maison de
banque aussi opulente. L ’opinion publique allait jus
qu’à dire que c’était en vue de cette grande opération,
que le sieur Taché avait donné sa démission du no
tariat.
L ’événement vint prouver que le public ne s’était
point mépris sur les calculs du sieur Taché. M. Do
mergue est mort au mois de juin 18 1 8 . Au même
instant, le sieur Taché devient un homme nouveau ;
celui qu i, au mois de janvier précédent, se plaignait
d e l ’a l t é r a t i o n d e s a s a n t é ; qui annonçait que to u t
e s p o i r d e g u é r is o n l u i é t a i t i n t e r d i t ; qui n’attendait
q u e l q u e d iv e r s io n à ses m a u x , q u e d ’u n e i^ ie m o in s
a g i t é e .......... retrouve toutes ses forces à-la-fois; son
activité, son zèle, son énergie ne connaissent plus de
bornes; ses facultés augmentent en proportion des
obstacles qu’il s’agit de vaincre et de surmonter. II
a à sa disposition le porte-feuille, les lettres, les livres
de commerce, le mobilier, et les capitaux de M. Do-
�( *9 )
• f
mergue. Tous les immeubles, maisons, domaines ,
enclos, jardins, sont vendus; les effets de porte-feuille
distribués : toutes ces opérations sont terminées en
moins d’ un an; tout le monde est content , acqué
reurs, créanciers, débiteurs. Il ne restait plus au
sieur Taché d’autre soin que celui de recueillir les
témoignages de la reconnaissance bien éclairée du sieur
Domergue fils; d’autre devoir que celui de lui faire
soutenir deux petits procès, dont l ’un avait pour objet
la valeur de certaines grilles en fe r , q u e , dans des
tems plus heureux, le sieur Domergue avait com
mandées pour le château de G h a té , appartenant à
madame son épouse, et que le sieur Taché voulait
laisser pour le compte de l ’ouvrier ( i ) ; et l ’a u tre ,
une action en répétition contre le sieur Demurat ,
créancier du sieur Domergue fils; créancier que le
sieur Taché a payé, et dont il veut aujourd’ hui faire
réduire la créance. C ’est en lisant le mémoire distri
bué en ,1a Cour, sur cette dernière affaire, que l ’on
peut apprécier l ’activité du sieur Taché, la rapidité
et la sûreté de ses opérations, et que l ’on apprend
qu’une liquidation de plus de trois millions, soit en
actif, soit en passif, a été ^terminée en moins d’un
an , et sans procès ! . . ........ Il est vrai que les procès
viennent après la liquidation.
On pense bien que cette année fu t un tems de paix
( i ) Ce procès a été juge au tribunal civil (le C lerm ont çt
t e sieur Dom ergue a toujours perdu son procès.
ça
1»
Cour,
�(
20
)
pour Me Cavy. Le sieur Taché semblait n’avoir plus
rien à désirer; son ambition même paraissait satis
faite : le très-jeune successeur était accueilli avec la
plus grande bienveillance; on daignait l ’informer des
affaires de l ’étude, prendre quelque part à sa prospé
rité. Me C avy recevait les actes que la liquidation du
sieur Domergue nécessitait; enfin, c’était sur-tout à
l ’échéance du trimestre , que le sieur Taché était le
plus aimable. Me Cavy ne se retirait jamais sans avoir
entendu quelques mots flatteurs, ou reçu quelques
encouragemens. L e cinquième des bénéfices nets ,
exactement compté tous les trois mois, devait d’au
tant plus satisfaire le sieur Taché , q u ’à cette époque
la coopération qu’il avait promise ne l ’assujettissait à
aucun travail, et ne lui imposait aucune gêne.
Enfin la liquidation étant terminée, le sieur Taché
pouvait avoir besoin de repos ; mais le repos n’est point
un état qui lui convienne ; sa santé éprouvait de>nouveau
une altération sensible ; tous ses 'organes paraissaient
affaiblis; il vivait dans la retraite. Sa misanthropie
était telle, q u ’on eût dit que le sieur Taché ne pou
vait aimer et fréquenter les hommes , qu’autant qu ’ils
pouvaient lu r être utiles à quelque chose.
Quelques personnes cependant ne le laissaient point
»
abuser; elles croyaient que le sieur Taché faisait,
dans son gîte, autre chose que des songes; elles mani
festaient même quelque impatience de connaître, par
ses résultats , l ’objet de ses méditations. Les unes
supposaient qu’il voulait garder la maison Domeigue,
�(
21
)
pour y faire la banque; d’autres publiaient qu’il allait
devenir le chef d’une maison d’agences générales.
L e sieur Cavy., uniquement occupé des travaux de
sa profession, ne faisait, lu i, aucune conjecture. Le
sieur Taché se disait souffrant et malade. Me C avy l ’en
croyait sur parole et le plaignait. L e sieur Taché lui
montrait de la confiance et de l ’affection. Me C a v y ,
qui avait entièrement oublié leurs premiers débats,
correspondait à ces sentimens ; et lorsque Me Taché lui
insinua que l ’état de sa santé ne lui permettait plus
de s’occuper d’affaires sérieuses; qu’il songeait à se
l'etirer des affaires ; qu’il était de l’ intérêt de tous les
deux de capitaliser le cinquième auquel il avait droit
pour une coopération fatigante pour l u i , et tous les
jours moins utile à Me C a v y ; lorsque sur-tout il lui
promettait qu’il ne lui accorderait pas moins ses bons
offices; qu’ il ferait également tous ses efforts pour lui
conserver sa clientelle, il trouva dans Me Cavy un
homme préparé à le croire, et tout disposé à traiter
avec lui.
Cette seconde convention verbale porte le prix de la
vente a 60,000 fr. , c’est-à-dire, que la coopération
du sieur Tache, pendant dix ans, et ses efforts pour
conserver la clientelle, ont été évalués à 20,000 fr.; ët
moyennant ce p rix, le sieur Taché s ' o b l i g e , d ’n o n n e u r ,
a a id e r
C avy d e to u s r e n s e ig n e m e n s et c o n s e i l s
d o n t i l p o u r r a a v o i r b e so in p o u r s a p r o f e s s i o n , comme
aussi h lui c o n s e r v e r s a c l i e n t e l l e . — Ces conven
tions sont faites de b o n n e f o i entre les parties.
�(
22
)
A peine le sieur Taché avait-il reçu les engagement
de Me C a v y , q u ’il quitte sa retraite. Toute sa per
sonne respire un air de fête 5 son aimable sourire
annonce qu’il s’est occupé d’une bonne action : il a
accordé la main de sa fille à un jeune homme dont le
père a été malheureux. Me Astaix fils, notaire, va
devenir son gendre : le sieur Taché veut être son bien
faiteur.
Que l ’on ne dise plus que le sieur Taché recherche
la solitude5 qu’il semble fuir les hommes : il est devenu
-affable et prévenant envers tout le monde. Il nJavait
pu accorder à Me Cavy une soirée pour l ’accompagner
chez quelques-uns de ses cliens les plus notables : il
circule cependant avec Mc Astaix dans tous les quartiers
de la ville de Clermont ; c’est lui qui communique
le mariage j il voit ses anciens cliens avec son gendre
futur ; il leur rappelle qu’il a eu leur confiance, leur
dit qu’il redevient notaire, et qu’il espère qu’ils ne
l ’abandonneront pas.
M ' Cavy était averti de tout cela. Ses amis, en lui
parlant du sieur Taché, avaient beau lui crier auro
p u is a fid e s ! ........ il ne voulait rien croire. Comment,
en effet, un ancien notaire, revêtu pour sa vie d’un
titre d ’honneur, oserait-il manquer à une obligation
contractée sous la garantie de Y h o n n e u r et de la
SONNE F O l!
Cependant, au bout de vingt-cinq jours, le mariage
est célébré. Les jeunes époux viennent habiter dans
la maison du sieur Taché. L ’ctude de Me Astaix y est
�transportée; et bientôt après le nom d' A s ta ix -T a c h é,
notaire-certificateur, gravé sur le cuivre, vient décorer
de nouveau le dessus de la porte du sieur Taché,
ancien notaire, vendeur de Mc Cavy.
Me Cavy ne pouvait croire à ce qu’il lisait. Voisin
du sieur T ach é, il se demandait à lui-même comment
il avait ainsi osé exposer aux regards du public l ’en
seigne de la cupidité ? Me Astaix était notaire avant
son mariage; il avait une clientelle particulière ; il ne
succédait pas au sieur Taché; il n’ avait aucun droit à
sa clientelle : donc si ces deux noms étaient réunis ^
ce ne pouvait être que dans le but de faire naître des
erreurs et d’en profiter, en laissant supposer, contre
la vérité du fait, que Me Astaix était le successeur,
ou au moins le collaborateur du sieur Taché.
C ependant le sieur Taché pouvait encore paraître
excusable. L ’enseigne, les affiches, les insertions dans
les journaux, indiquaient bien Me Astaix, sous le nom
à ’A s ta ix -T a c h é ; mais le sieur Taché pouvait être
étranger à cette indication. Il pouvait avoir cédé aux
sollicitations de sa fille et de son gendre; leur avoir
permis de s’aider de l ’infiuence de son nom. Sans doute
ce n’était pas bien en morale; mais la tendresse d’ un
père a quelque chose de si touchant, qu’il faut bien
lui pardonner ses erreurs.
M° Cavy gardait donc encore le silence. Il savait
d ailleurs que le sieur Taché était assez heureux clans
les explications q u 'il donnait des actes de sa vie . Il
voulait acquérir la preuve de faits assez positifs et
�( H )
assez forts, pour q u ’ils pussent résister à toutes expli
cations, même à celles du sieur Taché.
Tous les jours apportaient der nouvelles lumières et
de nouveaux renseignemens à Me Cavy. Il faut grouper
ici les faits qui lui ont été révélés, et dont il offre la
preuve, si le sieur Taché ose les désavouer.
i ” L e sieur Taché se plaisait à expliquer le sens
l ’enseigne qui brillait sur sa porte; e t, la mettant
concurrence avec celle de Me C a v y , il disait « que
« deux colombiers étant à côté l’ un de l ’autre ,
« anciens pigeons se tromperaient souvent de porte
de
en
les
les
»;
2° L e sieur Taché, q u i ne s’épargne pas les éloges,
« annonçait souvent qu’il saurait encore bien faire
« quelques obligations; q u e , lorsqu’il y aurait des
« actes difficiles à rédiger, on n a u r a i t p a s b e so in
« d ' a l l e r c h e z 3 1 . B e r g i e r ; qu’on les rédigerait en
« fam ille; qu’il se rappelait son ancien métier; qu’il
« serait le m a î t r e c l e r c d e so n g e n d r e » ; mais, pour
être exact, il faut bien convenir que ceux à qui ces
discours étaient tenus sentaient bien, au ton que pre
nait le sieur Taché, en se servant de ces dernières
expressions, qu’il voulait dire et faire entendre qu’il
serait le clerc, m a î t r e de son gendre.
Telles sont le s e x p l i c a t i o n s que donne le sieur Taché
lui-même des causes du mariage de sa fille avec un
notaire; de l’habitation de ce dernier dans la maison
de son beau-père, de l'affiche qui les indique collecti
vement, au public, comme notaires.
�( >5 )
Actuellement il faut recueillir les faits positifs, qui
e x p liq u e n t ïi leur tour les paroles du sieur Taché.
i° Le sieur Taché est allé demander la confiance de
ses anciens cliens ; il a positivement sollicité quelquesuns d’entr’eux de lui faire recevoir des actes importans et considérables ;
2° Il a arrêté des cliens qui allaient chez M* Cavy,
en leur disant quVZ espérait bien regarnir le co
lom bier;
3° Il est journellement dans l ’étude de son gendre ;
il y reçoit les cliens, assiste à leurs débats, arrête leurs
conventions, et rédige tous les actes importans ;
4° Enfin il a dit à quelques personnes que l ’ étude
de son gendre était la sienne; à d’autres, qu ’il y avait
un intérêt.
C ’est après avoir acquis la preuve de tous ces faits,
que Me Cavy s’est décidé à traduire le sieur Taché
devant les tribunaux.
Son'action était légitime aux yeux des moralistes;
car, avan t'to u t, il faut observer religieusement ses
conventions.
Les jurisconsultes ne peuvent la repousser, puisque
le consilium et eventus frau clis perce de toutes parts
dans les paroles et dans les actes du sieur Taché.
Pour la procédure, il suffit de dire que la demande de
Me Cavy est du iG décembre 1820; qu ’il y conclut k ce
que le sieur Taché soit tenu de lui payer la somme
de A0,000 francs, soit à titre de restitution de partie
�( 26 )
du prix moyennant lequel il lui a vendu son étude
de notaire, soit à titre de dommages-intérêts pour le
préjudice qu ’il lui cause en lui enlevant la clientelle,
qu e, loin de lui conserver, il a détournée et détourne
journellement ; qu’il soit fait défense à Me Taché de
résider dans l ’étude d’Astaix, notaire, à titre de maître
clerc; d ’y recevoir les cliens; de conférer avec eux; de
présider à leurs conventions, et d’y rédiger ou dicter
les actes de notaire; Me C avy conclut enfin à ce que
le jugement à intervenir soit inséré dans les feuilles
%
publiques, et affiché au nombre de cinq cents exem
plaires.
C ’est a ces faits et îi cette d e m a n d e , que le sieur
Taché croit avoir répondu dans ses observations im
primées, et distribuées avec une ridicule profusion.
L e sieur Taché s’était sans doute flatté de donner de
lui une grande idée au public; mais déjà ne l ’entendil pas lui répéter ces vers du poëte satirique :
L,e m o n d e , à m on avis, est com m e un grand th éâ tr e,
O ù chacun , en p u b lic , l ’un par l ’autre abusé ,
Souvent, à ce qu’il est, joue un rôle opposé.
Il faut actuellement voir, en droit, ce qu ’on peut
penser de cette cause.
�(
27
)
M O YENS.
Les jurisconsultes romains définissent l ’obligation,
dans un sens métaphorique , un lien de droit ou
d’équité, qui nous impose la nécessité de donner ou
de faire une chose suivant les lois de notre pays.
Toute obligation tient de la lo i , soit i m m é d i a t e m e n t
par un s i m p l e a c t e d e l a v o l o n t é d u l é g i s l a t e u r ,
soit par le m o y e n d e l a v o l o n t é o u d u f a i t de l ’homme.
Les conventions elles-mêmes n’obligent qu’en vertu
de la loi qui commande de tenir la parole qu’on a
donnée. Le législateur leur confie l ’autorité de la loi,
comme le dit énergiquement l ’article i i 3 4 - « Les
« conventions légalement formées tiennent lieu de loi
« à ceux qui les ont faites. »
Les choses qui font la matière des contrats doivent
être prises dans l'acception la plus étendue, pour tout
ce dont l ’homme peut retirer quelque utilité, quelque
avantage
ou quelque agrément. L e s a c t i o n s d e
V h o m m e ou m ê m e l e u r o m is s io n , autant qu’elles
peuvent p r o c u r e r d e V u t i l i t é à une personne, sont
comprises sous le nom de chose ; ce sont moins alors
les faits et les actions de l ’homme, que l ’ utilité ou le
profit qu’on en peut retirer , qui sont l ’objet ou la
matière des contrats. « Tout contrat a donc pour
« objet une chose qu’une partie s’oblige à donner, ou.
« q u ’une p a r t i e s o b lig e à f a i r e o u à ne p a s f a i r e y
(Code civil, article 112 G ).
�Il est vrai que celui qui s’oblige à faire ou à ne pas
faire, oblige une partie de sa liberté5 mais que devien
drait la société, si les hommes ne pouvaient engager
leurs services et leurs actions?......... Il en est de nos
actions comme des choses dont nous avons la propriété.
Nous pouvons les engager, soit gratuitement, soit pour
un prix, soit par voie d’échange; e t, en les engageant,
nous sommes aussi parfaitement obligés de les remplir,
de faire ou de ne pas faire ce que nous avons promis,
que dans le cas où l'obligation consiste à donner. Il
n’y a d’exception à ce principe , que dans le cas où
l ’engagement des services et des actions serait défendu
par la loi , par l ’ordre public ou par les bonnes
mœurs.
Il est donc certain que les actions de l ’homme,
autant qu’elles peuvent être utiles à ses semblables,
sont dans le commerce comme les choses proprement
dites. L a seule différence que l ’on puisse remarquer
entre les choses et les actions, c’est qu ’on peut être
contraint à donner, céder la possession et propriété
des premières ; si on les a promises, tandis qu’on ne
peut q u ’être pu NT p a r des dom m ages - intérêts , si
l ’on fait ce q u ’on a promis de ne pas faire , parce
qu’aucune puissance ne peut rappeler le passé, ni faire
qu’il n’ait pas existé. Il en est de même relativement
à l ’obligation de faire, puisqu’il est vrai qu’on ne peut
directement être contraint h faire ce qu’on ne veut
pas faire.
Ces principes sont aussi simples que vrais ; ils sont
�*57
le fru it de l'expérience des siècles et des profondes
méditations de ces jurisconsultes romains, à qui seuls,
dit le célèbre chancelier d’Aguesseau, la justice semble
avoir dévoilé ses mystères. C ’est aussi dans leurs écrits,
que Pothier a puisé son Traité des Obligations. Ce
sont enfin les lois romaines que les législateurs français
avaient sous les y e u x , lors de la rédaction du titre
des obligations, inséré au Code civil.
L ’application de ces règles se fait ici très-facilement.
L e sieur Taché avait, lors de la première convention,
droit pendant dix ans au cinquième des bénéfices
nets de l ’étude qu’il avait vendue à INI' C avy.
Me C a v y , en payant ce cinquième, avait à son tour
le droit d’exiger du sieur Taché (et suivant ses propres
expressions) q u ’ i l f i t t o u s s e s e f f o t s p o u r maintenir
' l ’élucle 'vendue dans le même état de c o n f i a n c e e t
DE PROSPÉRITÉ.
S ’il est vrai qu’il ne peut exister aucun droit en
faveur d’une personne, sans qu’ il existe un devoir
imposé à une autre personne, il faut dire ic i, en dis
tinguant les deux contractans, que le droit du sieur
Taché était d’exiger le cinquième des bénéfices de l ’étude,
et que le devoir de M* C avy était de le lui payer.
Mais comme le cinquième de ces bénéfices était le
prix de la coopération promise par le sieur Taché, il
faut ajouter que le droit de Me Cavy était de pouvoir
exiger que le sieur Taché coopérât à tout ce qui pou
vait concourir a la prospérité de l’étude; que le devoir
du sieur Tache était de f a i r e tout ce qui dépendrait
�de lui pour assurer la prospérité de cette élude, et
sur-tout d e n e r i e n f a i r e qui put lui causer préjudice.
E n considérant les faits sous ce premier point de
vue, quels en sont les résultats les plus immédiats ?
Me C avy devait faire participer le sieur Taché au
cinquième des bénéfices de l ’étude : il a rempli son
obligation. S ’il l ’eùt négligée, il est hors de doute qu’il
aurait été contraint à le faire.
Mais si, pendant le tems que ce cinquième était
payé, le sieur Taché eût refusé d’aider Me C avy des
conseils de son expérience, de maintenir l ’étude dans
le même état de confiance et de prospérité; s’il eût
refusé sa coopération; en un m ot, s’il eût négligé ce
q u ’il avait promis m o y e n n a n t un p r i x } Me Cavy
n ’aurait-il pas été autorisé à se retenir ce prix, puisque
le sieur Taché ne remplissait pas l ’obligation d e f a i r e ,
à laquelle il s’était assujetti, moyennant le cinquième
des bénéfices ?
On suppose ici le sieur Taché dans un état passif.
Il faut aller plus loin pour voir le sieur Taché dans la
position où il s’est placé lui-mème.
L ’obligation d e f a i r e quelque chose d ’u tile entraîne
nécessairement celle de ne p a s f a i r e quelque chose de
n u is ib le . C ’est bien peu exiger de celui qui doit
c o n s e r v e r et f a i r e p r o s p é r e r 3 que de lui demander de
ne pas d é tr u ir e .
Si donc, a l’époque dont nous parlons, le sieur Taché,
au lieu de conserver l ’étude vendue dans son état de
confiance, avait fait tous scs efforts pour en détourne^
�( 3- )
la clientelle; s i, au lieu de coopérer à la maintenir
dans son état de prospérité , il avait porté ailleurs son
influence, sa coopération et ses travaux*, si enfin, sous
son nom ou celui d’un autre joint au sien , il avait
créé une nouvelle étude de notaire ; si ses démarches
publiques avaient annoncé qu’il n’agissait ainsi que
pour dépouiller son acquéi’eur , son successeur à titre
onéreux, peut-on douter que ce dernier n’eùt le droit
de réclamer la restitution des sommes, prix de la
clientelle et de la coopération du vendeur? qu’ il ne
put demander en même tems des dommages-intérêts,
pour le préjudice que devait lui causer cette double
infraction de la convention la plus positive?........N o n ,
sans doute; à moins toutefois que l ’on ne veuille
ériger en maxime , q u ’il est perm is , p a r quelque
m oyen
que
ce
soit ,
de
s ’enrichir
au
détrim ent
d ’autrui ! .......
Mais le sieur Taché voudrait insinuer que les obli
gations qu’il a contractées envers Me Cavy ont été
remplies; que tout a été consommé lors de la con
vention du 5 janvier 18 2 0 , et qu’à cette époque ,
Me C a v y , en se rédimant du cinquième des bénéfices,
auxquels le sieur Taché avait droit pendant dix ans,
lui a encore fait remise de sa coopération et du soin
de lui conserver la clientelle vendue.
Autant d’erreurs que de mots. Bien loin de là , la
seconde convention explique la première; elle s’ unit à
elle : elles se confondent pour ne former qu’ un seul
corps ; ce qui est écrit dans l’une est censé écrit dans
�C3- )
l ’autre : elles doivent être exécutées de la même ma
nière; et toute la différence que l ’on peut y remarquer,
c’est que dans la première, la coopération du sieurTaché,
et ses soins actifs pour la conservation de l ’étude dans
le même état de confiance et de prospérité, avait pour
prix le cinquième des bénéfices nets pendant dix ans;
tandis que dans la seconde, la même coopération avait
pour prix la somme capitale de 20,000 francs, repré
sentant ces mêmes bénéfices.
E n effet, qu’on se remette sous les yeux les termes
de cette seconde convention : le sieur Taché s 'o b lig e 3
- ¿ ' h o n n e u r à a i d e r le s i e u r C a v y d e t o u s le s r e n s e ig n e m e n s è t conseils dont il p o u rra a v o i r b e so in
p o u r sa p ro fe ssio n } com m e aussi
¿1 l u i c o n s e r v e r s a
c lie n te lle .
Donc il y a obligation, de la part du sieur Taché,
d ' a i d e r M e C a v y d e s r e n s e ig n e m e n s e t c o n s e il s qu’ il
voudrait exiger de lui pour l ’exercice de sa profession,
d’où naît la conséquence q u e , sans enfreindre cette
co n v e n tio n , le sieur Taché n’a pu devenir le coopérateur d’un autre notaire.
Donc il y avait également obligation imposée au
sieur Taché de conserver à Me Cavy la clientelle de
l ’étude qu’il lui avait vendue; et, à plus forte raison,
prohibition de la détourner en faveur de son gendre,
o u , pour mieux dire, à son profit personnel.
Les obligations et prohibitions imposées au sieur
T&ché devaient durer, et être respectées par lu i, au
moins pendant dix ans, puisque, par la première
�convention, il avait vendu sa coopération pour tout
ce tems, moyennant le cinquième des bénéfices nets
de l ’étude, pendant la même durée*, et que, par l ’effet
de la seconde convention, il a reçu la somme totale,
ou le capital représentant les bénéfices qu’ il ne devait
toucher qu’annuellement, et au fur et à mesure de sa
coopération.
Ainsi, étant vrai que le sieur Taché a touché le
prix des renseignemens et conseils qu’il avait vendus
à son successeur, et de la promesse qu’il lui avait
faite de lui conserver sa clientelle; si, avant les dix
an s, il a refusé ses renseignemens et conseils} s’il a.
aidé un autre notaire de son influence et de sa coopé
ration •, si, loin de rien faire pour conserver la clientelle
vendue à Mc C a v y , il l ’a détournée et a cherché à la
déverser sur u n au tre n o taire, il est évident q u ’il n ’a
pas d élivré la chose vendue ; que conséquemment il
doit restituer le prix. Il est également certain qu’ il
n ’a pas fa it ce qu’il avait prom is de f a i r e ; qu’au
contraire, il s est perm is ce q u ï l s’était absolument
interdit, et que, sous ce second rapport, il doit encore
restituer le prix de cette convention non exécutée, et
éprouver une condamnation en dominages-intérêts.
Il paraît difficile de résister à des inductions qui
se tirent si naturellement des actesj mais encore n ’estil pas de principe que les conventions doivent être
exécutées de bonne foi? L e sieur Taché ne l ’a-t-il pas
dit lui-même lorsqu’ il a stipulé avec le sieur Cavy ?
Ces conventions seront exécutées de bonne f o i .
�( 34 )
L ’article i i 34 du Code civil, en admettant la
bonne foi comme premier élément de l ’exécution des
conventions, n’a pas voulu seulement dire'que le dol
et la fraude doivent en être bannis, mais encore que
notre législation rejetait la division des conventions
que l ’on trouve dans le Droit romain et dans les in
terprètes, en contrats de bonne foi et contrats de droit
étroit. On sait que, dans ces derniers, on ne pouvait
rien demander au-delà de ce qui avait été expressément
promis, ou de ce qui était expressément convenu dans
le contrat; que dans les premiers, au contraire, on
pouvait demander, non seulement ce qui était expres
sément convenu dans le c o n t r a t , mais encore ce qui
ne s’y trouvait pas exprimé, si l ’équité et la bonne
foi l ’exigeaient.
L ’article i i 35 du Code civil fait cesser toutes ces
subtilités, en disposant que les obligations obligent,
non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à
toutes les suites que l’é q u ité , l ’usage et la loi donnent
k l ’obligation, d’après sa nature.
Il faut bien rappeler des idées élémentaires, lorsr
que l ’on plaide contre un homme qui méconnaît les
principes les plus ordinaires, et paraît se faire un jeu
de la bonne f o i , qu ’il a lui-même invoquée comme
moyen d’exécution de la convention.
Cependant Me Cavy n’a jusqu’ ici considéré cette
convention que comme un contrat de droit étroit; il
n’a compté pour
rien
la bonne foi promise par le
sieuF
�Tache*, il n ’a démandé que ce qüi était expressément
promis et inséré dans la convention.
Mais en- considérant cette cause sous un autre rap
port , et d’abord sous le point de vue de la nature de
l ’obligation contractée par le sieur Taché, Me C avy
ne1 peut-il pas lui dire que la vente d’un office de
notaire emporte, de sa nature, renonciation à tous
travaux de notariat, de la part du .vendeur, soit
dans ses intérêts, soit même dans l ’intérêt d’autrui ,
lorsque ce travail a lieu dans l ’arrondissement , sur
tout dans la résidence où était située l ’étude vendue?
Si un système contraire doit être rejeté, parce qu’ il
tendrait à favoriser la déception et la fourberie, même
dans le cas où un notaire démissionnaire deviendrait le
coopérateur d’un autre notaire étranger à ses affections,
la déception et la fraude ne sont-elles pas, à plus
forte raison, prouvées par le fait même, lorsque le
notaire démissionnaire, aussitôt après la vente de son
étude, et en avoir touché le prix, marie sa fille à un
autre notaire, l ’installe dans sa propre maison, joint
son nom au sien , et lui prête publiquement la coopé
ration la plus active?............. Cependant tous ces faits
sont prouves au procès, et avoués par le sieur Taché.
Si l’on consulte l’usage et l’éq u ité, quelle idée
pourra-t-on se faire de cette cause? Y a-t-il un autre .
exemple d un notaire qui ait ainsi abusé de la con
fiance de son successeur? qui ait manqué aussi p u b l i q u e
ment a ses engagemens? Les annales de la ju r i s p r u d e n c e
lie fournissent rien de pareil. A u sieur Taché il appar*
�tenait d’y faire consigner la violation la plus manifeste
de la foi promise.
Il faut terminer. — Les objections du sieur Taché
ne portant pas sur la cause , ne peuvent trouver de
réponse dans un mémoire qui a pour objet unique
d’éclairer la justice, et où l ’on ne doit rien écrire qui
ne soit digne d’elle. Il est vrai que le sieur Taché
parle avec beaucoup de respect de lui-même, et avec
assez de légèreté des autres ; mais l ’on ne veut pas
suivre un exemple trop facile à imiter. Le triomphe,
d’ailleurs, ne peut être glorieux, que lorsque la victoire
fait courir quelques périls.
Mais s’il est vrai que le siôur Taché soit un homme
honoré; s’il a joui pendant long-tems de la considéra
tion attachée à l ’exercice de l ’utile profession de
notaire; s’il peut se dire encore président honoraire
de l’un des Ordres les plus respectés, il doit un grand
exemple à la société. Il parait évident qu’il a méconnu
tous les devoirs que l ’équité, l ’usage et la loi lui
imposaient; qu’il a violé la foi promise, et q u ’il n’a
pas craint de s’enrichir au détriment d ’autrui. Com
ment donc les tribunaux, en examinant cette cause
dans ses détails, en l ’appréciant dans l ’intérêt de la
justice et de la morale, pourraipnt-ils perdre de vue
cette belle pensée de Cicéron?
A ltc ri aliquicl detralicrc } et suum augere cornjnodum cum alterius incommodo > magis est contrà
naturam quàm ipsa morst d o lo r et paupertas. Nai\i
�( 37 )
W
prim o tollit convictum humanum et societatem communem : nam si ita sumus a ffecti ut, propter suum ,
quisque, em olum entum , vio let aut spoliet alterum 3
dirum pi necesse est ea m quœ m axim e secundùm
naturam est humani generis societatem .
( d e o f f . , lib. 3 .)
CAVY, N otaire.
J n . - C h . BAYLE, ancien A vocat.
FL E U R Y , A vo u é.
R io m im p rim erie d e Salles p rès le P alais d e Ju stice
t
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Cavy, Claude. 1820?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Cavy
Bayle
Fleury
Subject
The topic of the resource
notaires
détournement de clientèle
dommages et intérêts
concurrence déloyale
minutes de notaires
chambre des notaires
ventes
offices
abus de confiance
Description
An account of the resource
Titre complet : Précis en réponse, pour maître Claude Cavy, Notaire royal certificateur, à la résidence de Clermont-Ferrand, demandeur ; contre sieur Pierre-Antoine Taché, se qualifiant propriétaire, président honoraire à vie de la Chambre des Notaires de l'arrondissement de Clermont, et exerçant utilement et de fait la profession de Notaire, sous le nom de maître Astaix-Taché, son gendre, défendeur.
Table Godemel : étude de notaire : la vente d’une étude de notaire comprend, non seulement celle des minutes et registres, mais encore celle de la clientèle et de l’influence notariale du vendeur, qui contracte tacitement l’obligation de ne rien faire qui puisse nuire à son acquéreur.
l’inexécution de cette obligation peut être prouvée par témoins, et motiver une demande en dommages-intérêts.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1820
1818-1820
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
37 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2508
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2507
BCU_Factums_G2509
BCU_Factums_G2510
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53494/BCU_Factums_G2508.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Clermont-Ferrand (63113)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Abus de confiance
chambre des notaires
concurrence déloyale
détournement de clientèle
dommages et intérêts
minutes de notaires
notaires
offices
ventes
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53493/BCU_Factums_G2507.pdf
a0bbba4f7d15cea50bdeada544eac1ae
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OBSERVATIONS
D
e
P
ie r r e
-A
n t o in e
TACHÉ,
SUR LA D EM A N D E
D
e
Me
C
laude
C A V Y.
�TRIBUNA L C IV IL
QUELQUES
DE
OBSERVATIONS
CLERMONT-FERR AND
d écem b re
DE
P
ie r r e
-A
n t o in e
T A C H É , Propriétaire, Prési
dent honoraire de la C ham bre des Notaires
de l’arrondissement de C le rm o n t, M e m b r e
du Conseil m unicipal de cette ville,
Sur
la dem ande
M .e C
laude
formée contre lu i,
C A V Y ,
par
Notaire royal certifi-
c a te u r , à la résidence de Clerm ont.
J E
l ’ai toujours pensé, et je l ’ai dit souvent, comme étant une
vérité d’une moralité incontestable : Heureux est l’homme qui
peut expliquer tous les actes de sa vie ! Cherchons maintenant
l ’application de cette espèce d’épigraphe.
M e Claude C a v y, cédataire de mes minutes et de celles de quatre
notaires, mes prédécesseurs; acquéreur des recouvremens et autres
objets dépendans de mon ancienne étude ; pourvu de mon office de
notaire et de ma commission de certificateur, par suite de ma démis
sion et de mes démarches; M e C avy, q u i, par toutes ces causes,
et seulement par ces causes, unies, il faut l’avouer, à un talent
auquel il ne m’appartient pas de mettre des bornes, se trouve, au
commencement de sa carrière, et presque à ses débuts, placé à
ce point de prospérité auquel aucun notaire de départem ent, aucun
1
1820.
�*vt V
V .
( 2 }
notaire du moins de celte ancienne province, n ’est jamais arrivé
après trente et même quarante années d ’exercice.
M e Claude C avy (le croira-t-on?) à cette espèce d’apogée de
fortune , peu satisfait de cet état de choses, après huit grands
mois de réflexions, va s’imaginer q u e , par la cession de son étal,
son prédécesseur s’çtoit indubitablement ôté le droit de marier
sa fille à un notaire, s étoit tacitement interdit h lui-méine l ’usage
de ses facultés m orales; et partant de là , sans trop calculer si
c ’étoit à tort ou à d ro it, dans les intérêts ou contre les intérêts
de lui plaignant, mettant de côté les conseils de la prudence ,
pour suivre ceux d ’une ambition dém esurée, mon jeune successeur,
M . Claude C a v y , par citation du 20 novembre 1820, suivie d’ex
ploit du 16 décembre même an n ée, vient d’introduire contre
11101 une instance au tribunal civil de Clermont.
L a nature d’une demande autant extraordinaire que peu ré
fléchie de la part de son auteur, les motifs sur lesquels il cherche
à l ’appuyer, les prétendus faits à l ’aide desquels il s’efforce de la
justifier, les paradoxes, les fausses interprétations, les consé
quences erronées, les insinuations, les réticences , jusqu’aux
calom nies.. . . ; rien n ’a été oublié pour faire prévaloir cette ridi
cule prétention.
L a publicité d’une attaque aussi im prévue, autant peu conve
nante d ’un côté qiie peu méritée de l'autre, m’impose l’obligation
d ’expliquer les faits tels qu’ils se sont passés, de rappeler les
transactions qui ont eu lieu , de dire enfin l’intention qui y a présidé.
Je laisse au talent bien connu de l ’avocat distingué, du juris
consulte recommandable qui me fera l’honneur de se charger de
la défense de ma cause, le soin de développer plus tard les moyens
qui doivent en assurer le succès devant les tribunaux.
E n attendant leurs solennelles décisions , je dois au p u b lic ,
qui m’a conservé son estim e; à mes anciens collègues, qui m’ont
honore; aux fonctions diverses que j ’ai remplies avec quelques
succès, peut-être; je dois à l ’existence de mes enfans dans le
�(3 )
inonde, à mes constans principes, h. mon âge, à moi-même, enfin,
de repousser l ’injuste, l ’inexplicable agression de mon adversaire.
F A IT S .
A u commencement de l’année 18 18 , le sieur Claude Cavy
encore clerc de notaire dans une campagne près de P a ris, ou clerc
à Paris, extra muros, s’il le veu t, eut la pensée, forma le projet
de devenir notaire dans le département du Puy-de-D ôm e, voisin
de celui de l’A llier, où habite sa famille j quelqu’un de la connoissance du sieur Cavy me parla de lui en termes honorables, vrais
sous plusieurs rapports ; il s’informa de moi si quelque notaire de
Clerm ont étoit dans l ’intention de céder son état.
Toute indirecte que pou voit être cette o u vertu re, j’y réfléchis.
D epuis quelque temps ma santé étoit considérablement dépérie;
les années s’accumuloient sur ma tête, et mes infirmités alloient
croissant. L e mode d’éducation, le genre d ’instruction adopte par
mes fils et qui convenoit peut-être au caractère de chacun , détruisoient sans retour mon vœu le plus cher, celui de me voir remplacer
par l’un d’eux, comme moi-même j ’avois succédé à mon père. Je
crus donc utile de conserver à mes enfans un capital quelcon que,
q u i, d’un instant à l’autre, pouvoit leur échapper avec moi ; je
pris mon parti, et le 14 janvier 1818, je traitai avec M . Claude
C a v y, en la présence de son p ère, toutefois après avoir mis sous
leurs yeux mes répertoires, mes journaux, mes livres d ’ordre, et
tous les renseignemens qui élçient en mon pouvoir. T o u t se passa
dans l’ordre, avec des procédés réciproques, et dans de plus grandes
espérances de part et d’autre.
M . C a v y , après être demeuré quelques jours à Clerm ont, presse
d aller solliciter son investiture, se rendit dans sa fam ille, et de là.
h P aris, où, après quelques lenteurs et quelques tracasseries de
bureau, que j’ai cherché à faire cesser autant qu’il a dépendu de
moi, il fut pourvu de provisions de notaire, en février, je crois.
2
�(4 )
Ici, mon successeur sembleront vouloir m’imputer quelques con
trariétés éprouvées dans sa nomination j il fait erreur: j ’avois d’abord
un intérêt égal au sien dans sa réussite ; puis il sait bien que j ’ai
directemement obtenu, même à son insçu, et long-temps avant
son investiture comme notaire, sa commission de ccrtificatcur,
du ministre des finances.
Sur mes pressantes sollicitations, et dans l'intérêt d ’une étude
dont les résultats lui appartenoient depuis le i er janvier 1818,
M . Cavy arrive, s’établit à mon bureau, prête son serm ent, fait
ses visites , et travaille environ un mois et demi dans l’ancien local
de mon étude, aidé de tous renseignemens et soins de ma part
et de celle des personnes ju sq u e-là attachées à ma profession.
C ’est à tort que mon successeur se plaint de ce que je n’ai pas
voulu 1 accompagner dans ses visites; il sait bien qu’à son retour
de Paris , il m'a trouvé retenu au lit par un accès de goutte. Bien
tôt il annonce son installation, par une circulaire aux cliens qui
m ’avoient honoré de leur confiance; la liste étoit longue; elle étoit
recommandable surtout: M . C avy daigna la trouver ainsi, et voulut
bien m ’en faire compliment.
A u x approches de la foire de mai 1 8 18 , ayant besoin de mon
lo c a l, et mon successeur, au courant désormais de son é tu d e ,
n ’ayant plus avec moi des rapports autant intimes ni aussi néces
saires, nous étions gênés l’un et l ’autre, M . C a v y, par le resser
rem ent du lo c a l, et l ’inconvénient de ne pouvoir point y coucher;
m oi, par le bruit et le mouvement continuels des personnes qui
alloient et venoient, et l’impossibilité de maintenir l ’ordre établi
dans ma maison. J’invitai donc mon successeur à prendre un
logement plus vaste, plus commode, et à faire cesser ce qui étoit
un véritable assujettissement pour nous deux.
M . C a v y , avec le q u e l, quoi qu il en dise , je n’avois pris aucun
engagement de location, comprit enfin qu il ne pouvoit pas pro
longer plus long-temps son séjour dans ma maison ; il prit un
logem ent tout-à-fait dans mon voisinage, et il me souvient q » i
�celte époque il voulut bien me consulter sur quelques distri
butions de son nouvel intérieur. Je me rendois fréquemment dans
l ’étude de M e C a v y , lorsque ma santé me le perm ettait; j’y
allois du moins toutes les fois que quelques actes à passer, quelques
affaires à expliquer, ou que quelques renseignemens à donner m’y
appeloient: à son tour, mon successeur venoit aussi quelquefois
le matin dans mon cabinet pour me parler d’affaires : nos rapports
se bornoient là ; ils ont duré jusque vers la fin de 1819.
A partir à peu près de cette dernière époque, et sans prémé
ditation d’une part ni d’a u tre , de la mienne du m oins, mes rela
tions avec M . Cavy sont devenues beaucoup moins fréquentes; et,
comme mon successeur le dit encore fort jolim ent, nous ne nous
voyions guère que pour traiter de nos intérêts , et à cet égard
M . Cavy n ’a pas non plus à se plaindre, je crois : je ne jetois les
yeux que sur les totaux des sommes par lui inscrites et addi
tionnées à l ’avance; je signois sans aucune observation, et ces
sortes de règlemens ne duroient ordinairement pas plus de dix
à quinze minutes.
C et éloignement réciproque sur le q u e l, sans nous être entendus,
nous semblions ctre au fond parfaitement d’accord, s’étoit au sur
plus opéré sans du moins porter atteinte à ces procédés généraux,
indépendans des rnécontenlemens particuliers qu’on peut avoir.
Rechercher les causes de cet éloignem ent, assigner les motifs
de celle froide politesse, de cette indifférence un peu marquée
de part et d autre, n est peut-être pas sans intérêt, du moins sans
quelque utilité.
Pour mon compte c ’est chose assez facile : occupations étrangères
au notariat, voyages indispensables, délabrement de santé, besoin
de repos, lassitude des affaires, et par-dessus tout le devoir cher
et sacré de songer à l’avenir de mes enfans; voilà quels ont été mes
seu ls, mes véritables motifs.
A 1 égard de mon successeur, cela 11’csl p eu t-être pas aussi aisé
à dire, ou plutôt à deviner...... Essayons pourtant. M e Claude
3
�(6
)
C a v v , en possession d’une des plus honorables professions de la
société, exploitant utilement un des étals les plus lucratifs du dé
partement, riche de son fonds, plus riche encore par son alliance,
entrant dans la carrière comme tant d’autres, à mérite peut-être
é g a l, n ’ont pas eu le bonheur de sortir; fier de son savoir, de sa
personne, d’une fortune aussi nouvelle qu’inespérée , a dû attacher
une Lien foible importance à conserver des relations désormais
inutiles î\ ses intérêts, fatigantes peut-être, et dont ainsi que son
prédécesseur il conservoit au fond de lain e le v if désir, la secrète
espérance de s’affranchir bientôt.
Comme vous le dites fort bien, M 'C a v y , je vous ai vendu mes
minutes et celles de mes prédécesseurs , expéditions, registres ,
bureaux, presse, recouvreinens, clientelle; même, si vous le voulez,
conseils et renseignemens (quoique, entre nous, je ne conçoive
pas trop comment ces deux dernières choses peuvent se vendre ),
et généralement tout ce qui dépendoit de mon étude, et sans doute
tout ce que je pouvois raisonnablement vous vendre, moyennant
40,000 fr ., sous la réserve de la moitié de mes recouvrem ens, et
sous celle, pendant dix années, du cinquième net des produits an
nuels de votre étude, après le prélèvement de tous déboursés, in
dem nités, frais et faux frais.
O u bien, si vous le préférez, M e Cavy, le prix de la cession que
je vous ai consentie le 14 janvier 1818, toujours mes recouvremens
compris, est de 60,000 fr., comme il vous plaira.
Toutefois faut-il, pour vous répondre en tous points, suivre le
narré établi dans vos citation et assignation, au sujet du rachat du
cinquième de vos bénéfices pendant dix années; dire comment j ’ai
eu la répréhensible adresse de vous amener à vous rédim er; ap
prendre enfin au p u blic, dès que vous 1 ordonnez, comment il a
pu arriver qu’un homme afïoibli par l’âge et les souffrances ait pu
concevoir la pensée, a eu le pouvoir de convaincre un jeune
homme tel que vous , jouissant de la plénitude de toutes scs
facultés; par quels moyens enfin votre prédécesseur a pu obtenir
�(7)
le succès de persuader à un notaire accoutumé à traiter ex professo les plus grands intérêts, qu’il étoit dans les convenances de
sa considération, comme dans ses avantages pécuniaires, de s’affran
chir d’une charge autant onéreuse qu’assujétissante l
Tranchons le m ot, M e Cavy, et disons vrai. Lassés l ’un de Vautre,
celte mutuelle déplaisance devoit naturellement nous rendre dési
reux, vous de vous rédimer de la gêne extrême de venir, au moins
une fois tous les trois mois, me mettre sous les yeux le tableau dé
vos affaires, qui n’avoient certes pas ou plus besoin de moi pour
être maintenues en prospérité; moi d’en finir tout-à-fait avec vous,
de savoir h quoi m’en tenir, et de laisser à mes enfans un règlem ent
de moins à faire.
Nous convînmes donc, dans les premiers jours de janvier 1820,
après six grands mois de pourparlers, de propositions et de délibé
rations sur le plus ou le moins du quantum du prix du rachat pro
jeté, qu’il demeureroit fixé à 20,000 francs, y compris à peu près
3,000 francs comptant, que j’avois pu déjà avoir touchés sur ce cin
quièm e, et à la charge par moi d’abandonner environ 8jOOO francs
encore dus sur mes anciens recouvremens.
O h ! certes, ce n’est pas dans ce dernier m arché, où tous les sa
crifices ont été de mon côté, en renonçant, pour environ 10,000 fr.,
à un bénéfice assuré de plus de 20,000 fr., que le sieur C avy doit
avoir à se plaindre ; et ici il est à remarquer, comme fait essentiel
dans la cause, que ce rachat conventionnel, si longuem ent réfléchi,
n’a été proposé et consenti qu’en parfaite connoissance des produits
de l ’étude du sieur C a v y, sur la déclaration à lui plusieurs fois
réitérée qu’il ne devoit plus compter sur mes soins et ma coopé~
ration ; de tout quoi il fait un formel aveu dans son exploit de de
mande, et ce dont au surplus il avoit depuis long-tem ps acquis
1 indifférente conviction par le relâchement introduit dans nos re
lations d'affaires.
En exécution et pour prix de ces nouveaux accords, le sieur Cavy
m a fait des billets pour 17,000 f r . , payables à des époques fort
�reculées, et sans stipulation d’intérêts; il n’a plus compté ni dû
compter avec moi, depuis celte époque, ni des anciens recouvremens opérés, ni do ses produits subséquens.
Pour ne laisser exister entre nous aucune suite de comptes et
affaires, nous avions traité sur le tout à forfait et sans réserves. Alors
parfaitement quittes, déliés désormais de tous les engagemens réci
proques qui auroient pu avoir existé entre nous , devenus étrangers
l ’un à l’autre, nos relations ont totalement cessé, parce qu’elles
dévoient cesser, parce qu e, je le répète, il n ’étoit plus dans les
besoins, dans l'intérêt du sieur Cavy, de les faire durer, et qu’il
étoit extrêmement dans mon goût et dans mes convenances de les
voir finir.
Quatre mois s’étoient écoulés dans ce profond repos, et dans
1 indifférence la plus absolue de part et d ’autre. Un notaire nou
vellem ent titulaire a recherché mon alliance; sa bonne réputation,
l ’ancienneté et les malheurs de sa famille me décidèrent promp
tement. Ici, au m oins, mon successeur ne me reprochera point
les calculs de l ’ambition.
C e mariage, que M . C avy dit avoir été aussitôt accompli que
projeté, quoiqu’il insinue ailleurs que j ’en avois la pensée lors
que je l ’ai fait consentir à se racheter du cinquièm e, a eu lieu
dans le courant d’avril, c ’est-à-dirc, plus de trois mois après notre
convention. M e Claude C a v y , mettez-vous donc d ’accord avec
vous-m êm e, et, s’il est possible, soyez un peu plus conséquent*
dans vos dires. C est comme, à la troisième page de votre assigna
tion, quand voulant plaisanter avec votre grâce ordinaire, avec
votre finesse accoutum ée, vous dites
aussitôt après la vente
que je vous J is , et qui avoit pour prétexte le délabrement de ma
santé, sentant mes forces renaître, je me trouvai assez d'activité
pour accepter le pénible emploi de liquidateur de la maison Do~
mergue. L ’heureuse rém iniscence! qu’il y a d ’à-propos, de vérité,
et surtout de logique dans ce peu de mots !
Si j ’en ai bien compris le sens, ne voudriez-vous pas dire aussi,
�'VW
(9 )
J
ou du moins inférer, sieur Claude Cavy, que le i/{ janvier 1818, je
ne vous vendis mon office que dans la pensée de devenir, six mois
après, le liquidateur d’une maison dont le ch e f n’est mort que le
1 1 juin suivant? O h! pour le coup, la force de ce raisonnement,
l ’évidence surtout de la conséquence, doivent faire disparoitre toute
idée de m alice, ou du moins doivent la faire pardonner.
Reprenons notre narration. Voilà le mariage de IVle Astaix ac
compli aussitôt que projeté. Garder ma fille chez moi, étoit 1 objet
de tous mes vœ uxj j ’ai donné asile à son mari, et il a établi son
étude dans ma maison. Pensant faire quelque chose qui me fût
agréable, ayant surtout intérêt de distinguer son exercice de celui
de son prédécesseur, mon gendre a cru qu’en ajoutant à son nom
le nom de sa femme, le second ne dépareroit pas trop le prem ier.....
Inde ira?, de là sont nés la prompte humeur, le politique dépit, la
grande colère de la jeune victime.
Cependant ce noble courroux, concentré pendant près de huit
mois, vient enfin d’éclater, dans des ternies mesurés, il est vrai,
avec ces formes polies où on reconnoît au moins cette aisance, ce
ton parfait que donnent seules l’habitude des grandes sociétés et
l ’urbanité de la capitale.
M e Claude Cavy, dans les citation et assignation qu’il m’a fait
poser en personne, d’abord par l’huissier Baslon, ensuite par l’huis
sier Picard, se plaint premièrement de la jonction de mon nom à
celui de mon gendre, de ce nom fa m e u x , y est-il dit (sans doute
en parlant de mon nom.) Sur ce point, je l’avoue, je ne m ’attendois
pas à tant d honneur, à tant de courtoisie de la part de mon adver
saire; cette épilhèle fa m e u x , soulignée, est certes bien quelque
chose ; et en y réfléchissant un peu, modestie à part, je serois presque
tenté de m’en croire digne, surtout quand je songe que mon suc
cesseur aura peut-être pensé, que son conseil lui-même lui aura
peut-etre insinué qu’en somme ce nom en valoit bien un autre en
solvabilité, en considération et en bonnes m œ urs; et je commence
a comprendre qu’on a bien pu se permettre l ’adjectif fa m e u x , qui,
-,
�(
IO )
d’ailleurs, ajouté à. mon nom , ne faisoit pas m al, comme étant un
mot à double entente. A u surplus, passons cette franchise ou cette
espièglerie au sieur C a v y; ce n ’est au fond qu’une gentillesse de
jeune homme j et répondons à mon adversaire que M e Astaix ne
signe que son nom , sans la jonction de celui de sa fem m e; que ce
dernier nom n’est qu’une simple indication que M e A staix, actuel
lem ent notaire, n’est pas le même que le sieur A staix, anciennement
notaire; n’est pas le même que M . Astaix fils aîné, que M . Astaix
fils puîné, etc., etc. E t quand, passant en revue toutes les profes
sions , je lis partout les noms de M M . B eille -B erg ier, D evalFressanges, Pradon-Leblanc, Laroche-Fauverleix, Dulin-Thom as,
T ixier-A llant, Collon-Bonarme, Cassan-Guyot, Jusseraud-Charles,
B om part-Lachaize , M arnai-C ourbayre, N icolas-Cham prigaud,
Gourbine-Sablon, A driand-D upuy, ces quatre derniers notaires,
e tc ., etc., j ’ai peine à comprendre la gravité d’un délit q u i, dans
tous les ca s, ne seroit pas le mien.
M on successeur se plaint égalem ent, et ceci pourroit paroître
plus sérieu x, que bien loin de lui conserver sa clien telle, qui fut
autrefois la m ienne, ainsi que je l ’avois promis en me démettant
en sa faveur, j ’emploie toute sorte de moyens pour la détourner
de chez lui; que j'arrête les cliens au passage , etc. , etc. L a natuxe
du reproche, son inconvenance, sa gravité autorisent une réponse
sévère. L e fait est faux, il est calomnieux, et je pourrois ajouter
qu’il est de toute fausseté, parce q u ’il est de toute im possibilité.
Je n ai point fait une visite, même de politesse, avec mon gendre;
je ne me suis point permis une demande dans ses intérêts; jo
n ’ai, en un m ot, fait aucune démarche indigne ni de lui ni de moi,
non plus que du noble ministère que j’ai rempli pendant tant
d ’années. Ici je dois m’arrêter.... L es gens d ’affaires n’ont pas oublié
ma manière, et les honorables souvenirs des hommes du barreau
de Clermont me vengent assez d’une pareille injure.
Ainsi donc, M e Claude C a v y , revenez de votre erreur; un
publiciste l a dit quelque part : Ce n'est point en vieillissant que
�( 11 )
les abeilles deviennent frelons. Je n’ai point changé, et j’aurai,
je l ’espère, le bonheur de demeurer toute ma vie l’homme que
j etois lorsque vous m'avez connu pour la première fois.
Poursuivons. L e sieur Cavy ajoute que je réside constamment
dans l ctude de mon gendre, que j e discute les intérêts des par*
d e s , que je préside à leurs conventions , rédige ou dicte les actes
les plus importons, etc.
Cette seconde imputation n’est pas mieux fondée, pas plus vraie
que la précédente, que toutes celles que vous osez vous perm ettre,
sieur Claude Cavy.
Il
s’écoule quelquefois dix et quinze jours , sans que je paroisse
dans l’étude de mon gendre; c ’est un fait sur lequel mes domes
tiques, les clercs de M e A staix, et les habitués qui fréquentent
son élude, peuvent être interrogés; et puis, je vais plus loin , et
je le demande aux bons esprits, aux hommes raisonnables , à tous
les pères de fam ille; car enfin, c ’est ic i, plus q u ’on ne le pense
p eu t-être, leur cause que je défends ; je le demande à vous-m êm e,
jeune am bitieux, quand les faits dont vous prétendez exciper,
seroient en partie établis, quand ils seroient vrais, que pourriezvous en conclure ? Depuis le rachat volontaire de ce que vous
appelez le tribut dans le cinquième de vos produits, de ce que
je nomine moi un supplément de prix convenu, un droit réservé
sur vos honoraires, répondez, ne m’avez-vous pas délié de l’enga
gement de concourir à votre prospérité ! Séparés d ’in térêts, ne
sommes-nous pas, je le répète, devenus totalement et à jamais
étrangers l ’un à l’autre !
E t maintenant, regardant autour de m oi, n ’y vois-je pas l’obli
gation de consacrer à mes enfans les années qui peuvent encore
m être données î le reste de mon existence ne leur appartient-il
pas tout entier? quelle puissance pourroit m’ôter la volonté de
les secourir ! quelle autorité pourroit me retirer le d ro it, m’in
terdire le devoir que me donnent, que me prescrivent la nature,
la société et la morale? O ui, M e C a v y , puisque vous avez l ’inju*-
�(
12
)
tice , la maladresse peut-être de m’y forcer, je le déclare hautement
i c i , j ’assisterai M e A staixde tous mes conseils; j ’aiderai celui qui est
devenu mon fils, de tout ce que la connoissance des hommes et
l ’hahitude des affaires auront pu m ’apprendre. Je n’ambitionne
assurément aucunes fonctions ; je ne recherche ni ne sollicite per
sonne, ni pour m oi, ni pour mon gendre j’ mais je le déclare aussi,
autant de temps encore que ma santé pourra me le perm ettre, ma
vieille expérience, mes foiblcs moyens sont à la disposition de
ceux qui me firent jadis l'honneur de m’accorder leur confiance.
Prenez acte de ces aveux, M e C a v v, et. surtout retenez bien ce
que vous avez cru dire ironiquement dans votre assignation , qu’au
m oins, sur ce point, vouloir et exécuter seront la même chose
pour moi.
A u fond, sieur C a v y , quels sont donc mes torts et ceux de
3\Ie Astaix? Jusques i c i , ses cliens ne sont pas les vôtres, et n’ont
jamais été les m iens; c’est une vérité que le rapport de vos réper
toires , de ceux de mon gendre, et de ceux que vous tenez de m oi,
peut démontrer jusqu’à l ’évidence. O r , je vous le demande,
par quels m otifs, sur quelles bases peut donc être fondée votre
instance ? sur des craintes futures , chimériques , sans doute :
allons , du courage , jeune homme , bannissez une prescience
qui vous afflige sans raison, que rien n'autorise ni ne justifie ; et
p u is, quand, dans la suite, vos affaires ne répondroient pas toutà-fait à vos débuts, n ’auroient-elles pas encore de quoi vous satisfaire !
Il y a long-temps qu on l ’a d it , les années se su iven t, mais elles
ne se ressemblent pas toujours; résignons-nous donc, et tout en
jouissant du p résen t, même avec sagesse , songeons qu’il faut
savoir faire la part de l ’avenir, comme celle de la destinée.
Jusque-là, M e C a v y , votre part n’a pas été bien mauvaise; ne
vous laissez donc pas abattre, c l n ’allez pas trop réjouir peut-être
vos jeunes co llèg u es, par une inquiétude sans fondement et sur
tout par une indiscrète insistance dans des plaintes peu réfléchies,
cpnlrc un homme q u i, au moins une fois en sa v ie , vous a fait
�( i3 )
bien, qui ne vous a point fait de m al, et dans l’intention
duquel ne peut entrer la pensée de vous en faire jamais.
q u e lq u e
M a is, dites-vous toujours et de tant de m anières, M e C avy :
M on confrère est devenu votre gendre; il a établi son étude
dans le local où e'toit celle que vous m’avez ven d u e, et il se
nomme A s t a ix - T a c h é ; tout cela est éminemment répréhensible.
E h bien ! so it, je l ’avoue pour un moment; mais vo u s, sieur C a v y ,
n’avez-vous pas transporté votre domicile maison Mabru ? n’avezvous pas établi votre étude dans Vétude de mon gendre, dans la n
cienne étude de son père l M e Astaix vous a-t-il fait une querelle
pour cela ? E h bien ! appelez-vous Cavy-Bogros, vous voilà toutà-fàit quittes, et moi liors de procès.
Quoi! pour ne s’aimer pas, faut-il donc se haïr?
Arrivons enfin aux conclusions de M e C avy; elles sont décentes,
elles paroissent justes, elles sont raisonnables, comme tout ce qui
les précède : c ’est bien là véritablement ce qu ’on peut appeler le
bouquet de l ’artifice. Seulement ¿^0,000 f r . de dommages-intéréts,
déjenses à M e T a c h é , président honoraire de la chambre des no
taires, de devenir à cinquante-cinq ans clerc de notaire dans l ’étude
d 'A s ta ix , de conférer avec les c lie n s, de rédiger, etc. , etc...
Impression à 5 oo exem plaires, affiches, insertions , dépens, et
toutes réserves d’usage.
A tout cela que répondre? non à la justice, qui n’a pas besoin
de réponse, et pour les organes de laquelle je professe un trop
grand respect pour me permettre une plaisanterie ; mais pour le
p u b lic, au yeux duquel de telles conclusions doivent faire paroître
celte affaire singulièrement grave; à quelques amis pour lesquels
elle pourroit sembler inquiétante , que répondre ? Jlisum teneatis.
Ah ! c est bien à présent, mais trop tard, que je comprends que
1 adjectif/amewa:, précédemment accolé à mon nom , n ’étoit qu’une
épigramme, puisque maintenant on ne veut même pas me per
m ettre 1 espérance de devenir un jour clerc de notaire.
�Encore , si l ’on ve u t, passe pour cette interdiction, voire mêmt '
pour l'affiche, l'impression, les dépens et tout ce qui s’ensuit, quand
toutefois il y a m otif pour le demander, et raison pour l’obtenir;
mais 40,000 fr. de dommages intérêts ! c ’est important, et cela paroil
exagéré.... Ainsi donc, sieur Claude C a v y , quelqu« honnêtes,
quelque modérées que puissent être vos prétentions, avant de vous
payer la som m e, ou plutôt avant de vous permettre de vous en
libérer envers moi sur ce que vous me devez, d’une manière aussi
prom pte, et surtout d ’une manière aussi com m ode, comptons
ensem ble, s’il vous plaît, et établissons notre balance.
L e prix de votre acquisition, mes recouvrement, et mon cin
quième capitalisé compris, est, disons-nous, de soixante mille fr.,
ci.............................................................................. , ................ 60,000 fr.
E n déduire pour mes recouvremens encaissés ou à ren
trer , ou pour autres travaux par moi faits et à vous cédés,
quinze mille francs, c i ..........................................................i 5 ,ooo fr.
L e prix de la cession que je vous ai faite est donc -----------réduit à quarante-cinq mille fran cs, c i........................... 45>000 fr.
M aintenant, vous le savez, M e C a v y, vous n ’ignorez
pas que je le sais, que \olre journal d ’ordre le sait aussi, et
peut l’établir au b e s o i n , vous savez, disons-nous, que les
produits de votre étude, rentrés ou à recouvrer, sur
l'exercice de votre premier triennal, s’élèvent au moins
à 45,000 francs ( la première année vous a valu plus
de 18,000 francs); ils soldent donc bien la somme cidessus , ci................................................................................... 45 ;ooo fr.
Partant, il reste donc encore à porter très-positivement à votre
actif, au moins pour souvenir,
i°. Vos créances et prétentions, qu’on dit être considérables,
pour la direction des affaires Champjlour, créances q u i, soit dit
en passant, font bien partie de ma cession du cinquième , mais
ji’ont point été comprises dans nos règlem ens, ni évaluées dans
l ’appréciation des bénéfices de votre trienn al, attendu que lorsque
�( 15 )
nous avons traité, cette affaire exigeant encore quelques travaux,
il n'avoit pu être fait aucunes rentrées, c i..................... Mémoire.
2°. Vos inappréciables espérances, fondées sur des premiers
succès incontestables; les résultats infaillibles d ’une profession
autant lucrative qu’honorable, produit certain d’un état dont
l’exercice peut durer trente années, et qui se trouvant payé par
les bénéfices déjà faits des trois premières années écoulées, ne
vous coûtera plus un cen tim e, et y o u s laisse déjà, et à cet instant
même, propriétaire d’un fonds valant au moins ce que vous l ’avez
acheté , ci.................................................................................. Mémoire.
3°. Votre bonne situation actuelle dans le m onde, q u i, je ne
crains pas de le red ire, a peut-être bien un peu pour cause pre
mière la cession de mon étude.
E t enfin, tout ce q u i, en définitif, peut vous revenir ou ne pas
vous arriver par le bénéfice, et par suite de la demande que vous
avez formée contre m oi, pour restitution de p r ix , dommagesintéréts, lésion, pertes, e tc ., etc.; tout quoi est assurément bien
démontré par le petit exposé qui précède, ci................. Mémoire.
R É SU M É .
M éditez sur ce que je viens d’établir, M e Claude Cavy, et voyez si
votre demande, tout injuste qu’elle peut ê tr e , n’est pas enore plus
inconsidérée ; et dites-nous franchement si vous persistez à croire
vos craintes fondées,vos doléances réfléchies , vos prétentions ad
missibles.
Vos prétendus griefs, mes projets antécédens ; l'adresse, les
moyens frauduleux que j’a i, dites-vous, employés, tout ce que
vous m’imputez avec autant de politesse que de v é rité, n’a jamais
existé que dans votre imagination; tant il est vrai de dire que quand
on a peur, on n y voit pas si bien.
P eu t-elre même pensez-vous m aintenant, sieur C a v y , que
les faits redoutables dont vous comptiez tirer un si grand parti,
que ces torts si répréhensibles, fussent-ils établis, si par le
�fam eu x rachat de janvier, vous avez perdu le droit de vous en
plaindre, vous ne pouvez pas raisonnablement espérer en décembre
d ’en obtenir le redressement ; et qu’alors, à défaut de motifs plus
louables , vos véritables intérêts devoient du moins vous prescrire
une marche tout opposée à celle que vous avez suivie.
M aintenant que j ’ai exposé les faits avec la plus grande vérité,
que le public ju ge, que les tribunaux prononcent; j ’attends avec
une respectueuse confiance cette double décision.
Quant à vous, mon je u n e, mon très-jeune successeur, qui ne
vous attendiez sans doute pas, après une si inconvenante provo
cation , à tant de modération de ma part, si vous n’avez voulu faire
que du b r u it, du fracas, .........soyez satisfait.
Vous étiez inconnu dans ce département; et trois ans se sont
à peine écoulés, que vous y voilà en possession d’une brillante exis
tence.... notaire recherché,...officier de la chambre,... grand électeur!
A v e c un peu d’argent promis, vous en avez déjà recueilli passa
blem ent; vous avez acquis le droit d’en amasser beaucoup : que
vous faut-il de plus ?
Convenez-en, M e Claude C a v y , vous avez, je le répète, débuté
avec de grands avantages et un rare b o n h eu r.... D ’autres succès
vous attendent sans doute e n c o r e .... Tant mieux pour vous :
jouissez avec un peu plus ou un peu moins de modestie de tant
de p r o s p é r i t é ; parcourez avec orgueil, si cela vous convient, la
route fortunée qui vous est ouverte; mais, de grâce, laissez en
paix des hommes retirés, qui ne vous envient rien , qui ne vous
demandent rien ; honorez-les du plus profond o u b li.... Ils vous
promettent en retour l'indifférence la plus parfaite ; m ais, comme
nous l’avons dit en commençant, souvenons-nous toujours que celuilà seul est heureux, qui peut expliquer toutes les actions de sa vie.
TACHÉ.
A C L E R M O N T , de l’im p rim erie de
L
andriot,
et de la Préfecture.
L ib r a ir e , Im prim eur du Roi
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Taché, Pierre-Antoine. 1820?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Taché
Subject
The topic of the resource
notaires
détournement de clientèle
dommages et intérêts
concurrence déloyale
minutes de notaires
chambre des notaires
ventes
offices
abus de confiance
Description
An account of the resource
Titre complet : Quelques observations de Pierre-Antoine Taché, propriétaire, président honoraire de la Chambre des Notaires de l'arrondissement de Clermont, membre du Conseil municipal de cette ville, sur la demande formée contre lui, par maître Claude Cavy, Notaire royal certificateur, à la résidence de Clermont.
Table Godemel : étude de notaire : la vente d’une étude de notaire comprend, non seulement celle des minutes et registres, mais encore celle de la clientèle et de l’influence notariale du vendeur, qui contracte tacitement l’obligation de ne rien faire qui puisse nuire à son acquéreur.
l’inexécution de cette obligation peut être prouvée par témoins, et motiver une demande en dommages-intérêts.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Clermont)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1820
1818-1820
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
16 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2507
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2508
BCU_Factums_G2509
BCU_Factums_G2510
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53493/BCU_Factums_G2507.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Clermont-Ferrand (63113)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Abus de confiance
chambre des notaires
concurrence déloyale
détournement de clientèle
dommages et intérêts
minutes de notaires
notaires
offices
ventes
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53417/BCU_Factums_G2121.pdf
b89f963bc6f5af571d3730902c80bbea
PDF Text
Text
MÉMOIRE
.
EN
RÉPONSE,
~
DE r io m :
'
I re . CHAMBRH ü
POUR
Sieur Jean-Henry DES ISSARTS, intimé
incidemment appelant;
et
CONTRE
Les sieur et demoiselle BANCAL , les sieur
et dame DALBINE appelans et incidemment intimés.
■- *
*
«
*
î
L E sieur Bancal des Issarts n’eut pas eu l’idée de pu
blier sa d éfen se, si on ne lui en eût donné l’exemple.
Il n’en eût eu aucun besoin,, après le m ém oire de
ses adversaires, s’ils eussent fidèlement exposé les faits.
A
�•
.
.
.
(
2
}
E t même aujourd’h u i , quoique la cause soit dénatu
r é e , il y est moins forcé peut-être par le besoin de sa
défense, que pour justifier une conduite qu’il ose dire
sans reproche.
Il a demandé deux choses :
i° . Sa part héréditaire dans la succession paternelle.
2°. U n compte de l ’administration de ses bien s, qu’on
avoit faite en vertu de sa pi*ocuration.
O n lui a répondu par deux fins de nanrrecevoir.
A sa demande en partage on a opposé un écrit par
lequel il a déclpré tpnir quiftg la; §uccessipn de son p è r e ,
et consentir à l’exécution d’un testament qu’il ne connoissoit p a s, et par lequel il étoit prétérit.
E t au même temps on reconnoissoit, ce qui d’ailleurs
résulte clqiçenipnî de cet é c rit, qu’il l ’a voit donné sans
rien recevoir de
success/qp.
.; •
_•
O n a combattu la demande relative aux jouissances de
ses biens, par des arrêtés decpm pte sur des objets parti
culiers, et seulement pour les années postérieures à 1796.
.. 4\îais on n’a pas arficqlé, et on n’articulera pas même
aujourd’hui qu’aucune somme a it‘ été payée, ni aucun
compte rendu pour les années antérieures de la gestion,
ni pour la totalité des choses jouies. ‘
O n est allé plus loin ; on a formé contre le sieur Bancal
une demande incidente en remise d’ un acte qui n’a jamais
existé.
O n lui a imputé de l’avoir Soustrait.
■
?
• O n l’a accusé de m entir à sa conscience.
L e sieur Bancal l’avoue : il lui est difficile*de penser
que si ses neveux eussent été livrés à e u x -m ê m e s , s’ils
�( 3 )
eussent bien connu les élémens des comptes déjà rendus,
et auxquels ils n’ont jamais directement participé , ils
eussent élevé cette lu tte , bien moins encore qu’ils y
eussent ajouté l’outrage. Jusqu’à présen t, il les avoit
crus incapables de déguiser la v é r i t é , plus incapables
encore de la trahir par un mensonge. Il se plaît à leur
rendre ce témoignage ; il se plaît à penser que cétte
vérité a été cachée à leurs propres yeux par un tiers qui
seul l’a parfaitement connue, qui a fait toutes les affaii’es,
dressé tous les comptes, et abusé plus d’une fois de l’imprévoyanté facilité du sieur dés Issarts.
I *
Cette cause n’a besoin qiie d’être connue. L e sieur des
Issarts peut avoir fait des fautes dans son intérêt per
sonnel , en ne calculant pas assez, et n’exigeant pas en
même temps tout ce qu’il pôuvoit demander; mais quand
bien même ces fautes pourroient nuire à sa demande, ce
que ne permettent pas les principes, elles ne seroient
qu’un témoignage de plus de sa bonne foi et de sa trop
grande confiance.
L e fait est assez compliqué ; il 'deinande à être bien
saisi : on va l’exposer ici sans déguisement. L e feieiir
Bancal ne dissimulera pàfe ce qui peut en apparence se
présenter contre sa demande : la justice saura tout ap
précier.
Dominique-Françoifc Bancdl et Arine Cosse, auteüta
communs, eurent sèpt enfanâ ; six fils appelés Dortiini^uc-Jeany Antciine^-Frunçais^ Fulcrarid-Poscal, Joseph,
Jèa n -L o u is, Jetm-Henry* et urie fille appelée T h é r è s e
Aa
�o
\\
.
( f }
Ils ne firent aucune distinction entre leurs enfans quant
h l ’éducation qui leur fut donnée ; elle fut également
soignée pour to u s , et tous en profitèrent égalem ent,
chacun dans leur état. On se voit obligé de le démon
trer ; car les appelans ont recherché jusque dans une
prétendue différence d’éducation du sieui’ des. Issarts,
et dans une plus grande dépense faite exclusivement
p o u r l u i , le principe de l’oubli qu’en avoit fait le père
commun dans son testament de 1784.
L ’a în é , D o m in iq u e-J ea n , fut élevé dans la maison
paternelle \ il fut formé de bornée heure au commerce
intéressant que faisoit cette famille. On sait assez qu’ il
consistoit principalement en une belle manufacture de
bas de soie, et une vente habituelle de soies non ou
vrées. Destiné à être l’héritier de la famille, Dom iniqueJean Bancal se livra de bonne heure à ce com m erce,
que ses enfans tiennent encore aujourd’hui.
A n toine-François et J o s e p h , après avoir fait leurs
études, entrèrent dans la partie des domaines. O n sent
que les dépenses de leur éducation durent être longues,
puisqu’avant d’obtenir des emplois on est long-tem ps,
et très-long-temps surnum éraire, c’e st-ù -d ire, occupé
dans un bureau , sans recevoir aucun émolument. E n
1 7 8 4 , lors du testament du p è r e , l’un étoit contrôleur
ambulant des dom aines, et devint ensuite receveur de
l ’enregistrement à Dijon ; l’autre étoit contrôleur des
actes à A p ch o n , et y acheta ensuite un oüice de notaire.
Fulcrand-Pascal mourut sans postérité.
J e a n -L o u is fut élevé dans les écoles militaires; ses
dispositions naturelles et son application, engagèrent le
�( 5 0 .
père à le pousser dans une carrière brillante. En 1784,il étoit capitaine de génie.
T o u t ce que nous disons est établi par le testament
de 1 7 8 4 , ou d’autres actes que les appelans ont dans
leur dossier.
Jean-H enry, après ses études, entra chez un procureur
au cliâtelet ; après six mois d’exercice, il gagna sa pen
sion , et devint bientôt maître clerc. Il passa ensuite chez
M e. B eraud, n otaire, où il gagna 800 francs; il n’y
demeura qu’un an. Il désira faire son droit à Orléans :
son père eut la bonté de condescendre à ses désirs, et
de l’y entretenir pendant trois ans. Il revint ensuite à"
Paris ; et après quelque temps encore de cléricature,
il acheta l ’office de notaire au cliâtelet. M e. Beraud eut
la bonté de le cautionner; son père et son frère caution
nèrent M e. Beraud : le sieur des Issarts l’a payé de ses
propres deniers, sans q u’il en ait rien coûté à son père.
V o ilà la vérité ; le sieur des Issarts n’en parle que pour
démontrer que son père ne peut pas l’avoir prétérit avec
intention, et que certainement au moins il n’avoit pas
eu le motif qu’on lui prête. Il n’envie pas à ses frères
ce qu’ils ont reçu; mais il a voulu prouver qu’il n’avoit
pas reçu davantage.
Si on le n ie , le sieur Bancal n’a pas la prétention que
la justice doive croire à son assertion, plutôt qu’à la
négation absolue de ses adversaires; mais au moins devrat-elle cédor à des preuves, et certainement ce qu’on vient
de d ire, lui démontrera qu’elle a été trom pée, loi'squ’on
lui a insinué que lui seul avoit reçu une éducation so ig n e e , et avoit été ïo b je t de la plus grande affection j
�(6>y
lorsqu’on lui donne a croire que tous les autres avoient
été réduits à une éducation au moins m odeste, et lui*
seul élevé au com ble de la -prospérité par les énormes
sacrifices du père.
Les enfans de l ’héritier institué lui envieroien t-ils
donc la portion de tendresse que ses père et mère eurent
poür lu i? se seroient-ils persuadés que toute leur afTec-:
tion s’étoit concentrée en lui seul, parce q u ’il étoit le
plus jeu n e? Ils le rem arquent avéc affectation; cependant
l ’institution de leur p è re , et là prétérition du plus je u n e ,
leur démontrent le contrairè d’une fcnanière palpable.
Q ue n’orit-ils donc envié aux autres les efforts q u’avôit
faits le père pour en maintenir d e u x , pendant longues
années, dans des bui-eaux, comme surnuméraires, et leur
procurer des emplois; un aiitré dans les écoles et dans
le corps militaire du g é n ie?
Ê n 1 7 8 8 , Jean-Henrÿ Bancal së défit de sa charge
dè notaire; il y àvoit fait dëé économies, et se vit à
même de faire qüelquès ‘acquisition!?.
>
Il n’eh fit cejséndànt pa's jusqu’au moment de la rév o
lution. ËUes devinrent alors plus faciles et plus fructuéü&të, par la itiise èn vénte des domaines üàtionatix.
Projetant de revenir habiter son pays [natal, il donna »
ën 1 7 9 1 , à son frère a în é , ürié prôcüratiôn pour ache
ter des propriétés et g é ie r sês biefaé : le père cûmiiiun
¿toit alors décédé ‘depuis 1790.
S o n frèïé'èk& cüta le m aiïdatdV cc fidélité; fe siëur t]Cs
Issai’ts a souvent témôigrié p ar écrit lù réfcônnoîssahfcë
qu ’ il en avoit. Il est loin d e v o i r cîirfngé de penséë.
Ld pi-ëiniôre adquisitioü frit cellé d’un doriiainè à A u l -
�t 7 )
nat; elle fut faite le i juin 1 7 9 1 , moyennant 40,100 fr.;
les intérêts portèrent la somme à 41,297 francs, que le
sieur des Issarts paya en eptier, et qu’il a voit achevé de
5
solder le 27 mai 1793.
A cette ép oqu e, et dès 1 7 9 2 , il étoit députp à la con
vention nationale, par conséquent très-occupé des af
faires publiques et des mouvemens de la révo lu tion ,
et très-peu en état de donner le moindre soin à ses af
faires personnelles.
L e I er. juillet, fut acquis le pré-verger des Carmes,
moyennant , qo francs. L e 19 du même m ois, le sieur
des Issarts paya i , oo fr. L e surplus , montant à 4,712 f r .,
55
5
fut payé par le sieur Bancal, aîqé.
L e 27 juillet 1 7 9 1 , il .acquit le domaine de Bonneval. Cette acquisition' étqit considérable.; elle fut faite
moyennant 124,100 francs, q u i , cumulés avec les in
térêts à ven ir, prqduisirent 136,645 francs ; le sieur des
Issarts ne put en payer que ,086 fr ., dont p,ooo fr.
furent acquittés le 27 août 1 7 9 1 , un mois après l’adju
dication; le surplus, montant à 58,469 fr., fut acquitté par
l’aîné. Nous aurons bientôt occasion de faire une re
58
5
marque importante sur l’époque de ces ppyemens et de
ceux qu’il a faits pour les adjudications postérieures.
Six autres acquisitions furent successivement faites dp
divers héritages détachés dans la commune d’Aulnat.
L e sieur des Issarts paya 300 francs sur celle c}u pré L iand i e r , acquis le 4 mai I 7 9 2 i tout le reste été payé par
l ’aîné.
Observons ici que ce fut à peu près l’époque à la
quelle le sieur .Bancal fut livré aux A u trich ien s, chez
�( 8 )
lesquels il resta trois ans en captivité, et n’en revint
que pour passer au conseil des Cinq-cents. Pendant tout ce
temps il ne put ni payer, ni ré g ir , ni jouir ses proprié
tés; le sieur Bancal aîné, ou mieux encore le sieur L o u yrette, agent d’affaires assez connu, administra, perçut les
revenus et paya diverses sommes. C ’est ici le lieu de
faire une remarque essentielle sur l’époque des payemens
faits en papier-monnoie par le sieur Bancal aîné.
U n état de ces payemens, écrit de la main deL o u yrette,
apprend qu’il a versé 124,485 francs sur les diverses ad
judications. Il est essentiel de se fixer sur les époques.
E n 1791 il paya seulement 1,104 francs.
E n 1 7 9 a ..................................... 10,878
E n 1 7 9 3 ..................................... 8,410
E n l’an 2 ................................... 22,400
j
E n l’an 3 ................................... 81,693
E t de cette dernière somme, 57,693 francs furent payés
dans les six derniers mois de l’an 3 , c’e s t - à - d i r e , au
moment de la plus grande dépréciation des assignats.
O n voit que les payemens augmentoient à mesure
que les assignats perdoient davantage. O n sait que le
sieur Bancal ainé jouissoit de toutes les propriétés ac
quises pour son frère. Les revenus étoient considéra
bles; le prix des ventes seul démontre qu’ils devoient
l ’être. Une partie étoit en ferm e, une autre en régie ou
en réserve. Il ne falloit pas , à cette ép o qu e, une grande
quantité de denrées pour rem plir un portefeuille d’assi
gnats , et l’administration recevoit pour valeur nominale
•les assignats dépréciés. Il ne fut donc pas très-difficile
au sieur Bancal aîné de payer 124,485 fr. Les 10,878 fr.
payés
�4 fC > 7
9
(
) ..........................
payés en T792, quoique déjà dépréciés, avoient peutêtre plus de valeur que tout le reste ensemble.
L e sieur des Issarts rentra dans sa patrie dans le cours
de l’an 5 ; il vint momentanément dans sa fam ille, et
bientôt Louyrette lui pi’ésenta des comptes et des projets
d’actes qu’il est essentiel de connoître.
U n premier état porte le tableau de toutes les acquisitions
faites, de leurs dates, et de celles de chaque payement fait par
l ’un ou l’autre des deux frères : c’est dans ce tableau que
nous avons puisé tout ce que nous venons de direà ce sujet.
U n second porte la fixation des sommes payées par le
sieur Bancal a în é , pour Bonneval seulem ent, et leur
réduction en numéraire suivant les époques; on y ajoute
les intérêts à dater de chaque ép o q u e, et on forme un
total d e ............................................................ 18,647 f.
O n porte ensuite « les constructions,
« plantations, achats de futailles, impo
li s itio n s , faits a B on neval, en 1 7 9 2 , à.
» c*
ce 14,377 fr- 5 réduits , suivant l’é c h e lle. .
Les intérêts de cinq a n s .........................
»
»
•
»
•
-
«
.
8,463
2 ,1 1
5
2C},2251.
1
■ 1
■■ 1 ■
■
»C.
O n y ajoute la valeur de certains four
rages , prétendus tirés des prés acquis par
le sieur Bancal a în é , et consommés à
B o n n e v a l. . . . . . . W . v ......... .......................' 2, i 5 o
T o t a l ....................................................... 31,375 f.
»
» c.
V ien t ensuite une grave observation de la façon du
sieur Louyrette, qu’il est utile de transcrire littéralement.
« L e citoyen Bancal aîné seroit en droit de demander
B
�C 10 )
« une indemnité sur les pertes qu’il a éprouvées dans
« toute sa gestion, attendu que les sommes par lui ayan
te cées, pendant tout le temps de son administration,
« ne lu i sont rentrées que long-temps après , et par
« conséquent en valeur bien moindre que celles qu’il
« avoit avancées. Les dépenses étoient journalières, m o« mentanées; les recettes de ferm ages étoient annuel« les et toujours retardées ,* en conséquence, la perte
« qu’il annonce est vraie et sensible. I l est constant que
« les payemens des J e r mages de 1794 ne lu i ont été
« fa its qu’à Cépoque oit les assignats étaient sans va« leur, et que soixante mille livres qu'il s'est trouvé
« avoir reçues sur les arrérages , ne lui ont pas valu cent
« cinquante écus. L e citoyen Bancal aîné ne compte pas
« le linge qui s’est usé et p e r d u , les sacs, les dépenses
« qu’ il a faites pour d’autres petits objets, encore moins
« son travail, ses soins; «n portant le surplus à sa plus
«
«
«
«
juste valeur, après .ayoir épuisé, anéanti son commerce,
et avoir éprouvé la rigueur de la dépréciation du papier-m onnoie, il est créancier généreux et malheureux
IJ
f» » c.
de la somme d e .........................................
« P lu s , pour avances en num éraire,
« suivant le com pte.....................................
2,298
»
3 375
« P lu s, pour argent prêté à son frère.
600
T o t a l .......................................................
34>273
»
»c.
Ces avances en numéraire se réfèrent sans doute à un
compte particulier, fourni en même temps par le sieur
L o u y re tte , des revenus de 1796.
Ce co m p te , toujours émané du sieur L o u yrette , et
�# o a
( >1 )
écrit de sa m a in , est intitulé : Recettes faites en numé
raire, sur les produits des baux à ferme et denrées de
1796. Les détails n’y embarrassent pas; il a en tout trente
et une lignes.
L e total de la recette, pour Bonneval,
est d e ................................................................
E t pour A u ln at, un seul à-compte d e . .
15
2,914 f.
931
» c.
»
3,845
»
* L a dépense est portée à 5,963 . s.
E t dans cette somme on voit deux ar
ticles remarquables ;
2 81
i° . P o u r im positions. i , i . u s .
20. P o u r dépense de
jou rn ées d'ouvriers pour
les m oissons, battages, ven(
danges, depuis le 12 mai
1796, jusqu’au 30 août 1797 2,905
8
4>I23 I* *9 s*
E n sorte qu’une année de récolte de Bonneval n’avoit
produit que 2,914 francs, et les journées em ployées,
pendant seize mois , pour moissonner, battre et vendan
g e r , avoient absorbé, A 9 fr. près, la valeur des denrées et
des prix de ferme d’une année entiere, sauf le prix delà,
récolte en v i n , qu’on y dit perçu par le sieur des Issarts.
E t cependant il y avoit pour 1,218 francs d'impôts.
Compte fait des dépenses montant à . .
5,963b
s.
3^845
»
avec la recette montant à .........................
5
L e sieur des Issarts se trouvoit débiteur,
sur 179 6, d e ...................................................
2 ,11 8 !.
5 s.
�( 12 )
'Q uoique Bonnevnl rapporte environ ,ooo francs.
C ’est apparemment ce qui a fondé l’article des avances
en numéraire, porté au compte de Bonneval à 2,298 fr.
5
L e sieur des Issarts ne peut pas expliquer la différence
de 180 francs; il reçut ce compte de bonne f o i , croyant
bien qu’on le lui rendoit de même. S’il en parle aujour
d’h u i, ce n’est pas pour demander un nouveau compte
pour cette année particulièrement; il sait assez qu’il doit
le prendre tel qu’il est, puisqu’il l’a reçu les yeux fermés;
mais c’est pour ne rien taire, et pour prouver qu’à aucune
époque on n’a compté des revenus de 1 7 9 1 , 179 2 , 17 9 3 ,
1794 et 1 7 9 5 , que son frère aîné ou JLouyrette avoit
cependant perçus.
Revenons aux 'avances pour Bonneval, arrêtées à
34,273 liv. 19 s.
Remarquons bien que cette somme de 34,273 francs
est précisément celle qui fît le reliquat du compte pré
tendu fait double , le 13 messidor an , et dont on parle
aux pages 5 et 6 du m émoire des appelans; et dès quenous en avons les élémens, il nous sera facile de voir
si le fait articulé par les appelans est vraisemblable, ou
même possible.
Il y eut un compte, cela n’est pas douteux ; il fut p ré
senté par le sieur L ouyrette, écrit de sa main. L e sieur
B^ucal le représente ; on vient de le transcrire fidèlement.
A la vérité, si on se fût borné à ce projet, le sieur
5
Bancal aîné n’y eût pas trouvé de titre : et il devoit lui
eu être donné un ; mais cela fut fait : il reçut un billet
p u r et simple de 34,273 francs, que lui fit le sieur des
lssarts, lo 6 vendémiaire an 6 , et dont il a conservé
�( 13 )
la copie. Fixons-nous sur scs termes ; ils sont absolument
concordons avec la teneur du compte présenté par
Louyrette.
« Je soussigné reconnois que , compte f a i t des
« sommes qui ont été avancées par mon fr è r e a ¿né
« tant pour compléter le prix des sommes de mon ad« judication du domaine de Bonneval ,q u e pour recans
ie tructions, plantations , achat de fu ta ille s , contribu
ai tions publiques , et autres objets d’amélioration faits
« audit dom aine, ledit compte f a i t , tant des capitaux
« que des intérêts , jusqu’au I er. juillet d ern ier, je dois
7
à mon frère aîné, la somme de trente-quatre mille
deux cent soixante-treize livres d ix -n eiif so u s , que
je m’oblige de payer aux époques qui seront convenues entre nous, avec les intérêts à cinq pour cent,
c< à compter du I e r . juillet dernier. »
L e I er. juillet 1797 étoit précisément le 1 3 messidor
an 5 , jour auquel on rapporte cet arrêté de compte
prétendu fait double, avec des conventions si importantes.
S’il eût existé, il n’eut pu être que la copie fidèle du
«
«
«
«
projet de L o u yrette,q u e Jean-Henry Bancal a encoredans
les mains, car l’époque en est la m êm e, puisque les intérêts
sont arrêtés au
I er.
juillet 1797 ; le résultat en est le même,
puisque les appelans conviennent, et que tous les comptes
postérieurs établissent que la créance fixée au 13 messidor
5
an
fut de 34,273 francs : ainsi il est évident que ce ré
sultat égal n’eût pu être que le produit des mêmes
élémens.
O r , dans le projet de Louyrette, ni dans le billet, on ne
trouve rien qui ait rapport aux jouissances perçues par
�( *4 )
•
l’aîné, ni à l’abandon des adjudications partielles ; et si on
l’y eût com pris, on eût été obligé de retrancher de la
créance i , oo francs payés sur le pré des Carmes, 300 fr.
payés sur le pré L ia n d ie r, et les intérêts de ces deux
sommes; ce qui eût diminué d’autant les 34,273 francs.
L ’a-t-on fait?
Les appelans ont osé l ’affirmer, pages 23 et 24 de
leur m ém oire, et il le falloit bien ainsi pour donner
quelqu’apparence de vérité à leur assertion ; mais le
tableau de compte écrit de la main de L ouyrette , qui
contient tous les élémens de la créance de 34,273 livres
19 sous, dépose hautement d’une vérité contraii*e.
Il n’est donc ni vrai ni possible que cet arrêté de
compte eût compris l’abandon des adjudications par
t ie lle s , et cependant fixé la créance à 34,273 liv. 19 s.
5
D ’autres réflexions tirées du fait, et qu’il ne faut pas
en séparer, l ’établiront formellement encore.
Nous avons vu de quelles parties a été composé le
compte de L ouyrette; uniquement des sommes payées
par Bancal a în é , sur B o n n e v a l, des intérêts de ces
sommes ju sq u ’au I e r . ju illet 1 7 9 7 , des constructions,
réparations, plantations, achats de futaille, im p osition s,
faits à Bonneval , en 1792 , et des intérêts "pendant
cin q ans ; enfin de la valeur des foins prétendus tirés
des propriétés acquises par l’a în é , et consommés à Bon
neval.
T o u t cela réuni forme la créance de 34,273 liv. 19 i.
L e sieur des Issarts s’oblige ¿\ la payer sans q u’on lui
fasse aucune déduction.
E t cependant l’aîné avoit joui pendant tout ce temps
�if/ 5
( i )
des biens acquis ; il sembloit naturel de ne pas répéter
le prix des adjudications, moins encore les im positions
et les in térêts, lorsqu’on avoit été payé de tout ou par
tie, et peut-être surpayé par les jouissances. O n dit sur
p a y é , et cela n’étonnera pas; car le sieur Bancal aîné
5
n’avoit pas seulement joui de B onneval, mais encore
du domaine d’A u ln a t, qui ne lui devoit r i e a , puisqu’il
n’y a voit rien dépensé, et que le prix en avoit été to
talement payé par le sieur des lssarts, et aussi des autres
propriétés détachées, que ce dernier avoit payées en
partie.
D ira - t-on encore qu’il en rendit un compte p a r t i
culier ?
M a is , d'une part, si cela eût été, la créance de
34,273 fr. en eût été au moins diminuée de beaucoup,
sinon absolument éteinte.
D e l’a u tr e , cette idée est impossible à faire accor
der avec la circonstance prétendue que le sieur Bancal
devint en même temps propriétaire des héritages dé
tachés; car il est matériellement impossible qu’ il pût
tout à la fois conserver ces h éritages, sans rendre les
i ?8oo francs, avoir rendu compte des jouissances, et
cependant rester créancier de 34,273 francs.
Mais l’écrit de L ouyrette, dans les ,réflexions qui le
terminent, suffit pour tout expliquer.
Il convient que les som m es p a r lu i avancées dans
tou t le temps de son adm inistration lu i sont rentrées.
Il se plaint seulement qu’elles ne lu i sont rentrées
que long-temps après j p u r con séquent? en valeurs bien
m oindres.
�( 16 )
Il dît que les recettes de fermages étoient annuelles,
mais toujours retardées ; que les payemens de ceu x de
1794 ( an 2 ) lu i ont é t é ju it s au m om ent où les assi
gnats étaient sans valeur.
E n fin , il convient qiC il a reçu 60,000,fr a n c s sur les
arrérages ; mais, suivant l u i , ils ne lui ont pas valu cent
cinquante écus.
Cependant il compte tout ce qu’il a avancé, sans dé
duction des sommes rentrées.
Q u ’importent les époques de dépréciation ? n’avonsnous pas remarqué que l’an 3 , notamment les six derniers
m ois, furent celles où le sieur Bancal paya pour son
frère 81,693 francs, et qu’en l’an 2 , ou 179 4 , il avoit
payé 22,400 francs ?
O ù prit-il ces fonds? f u t - c e dans son portefeuille?
a l l a - t - i l jusqu’à é p u is e r , anéantir son co m m erce,
comme le prétendoit L o u yrette? Assurément 81,693 fi\
de l’an 3 , ne pouvoient pas y porter atteinte ; et il ne
seroit pas étonnant, d’ un autre cô té, que ce commerce
ne fût pas très-florissant, à une époque où il n’étoit pas
plus facile de vendre des bas de soie, qu’il n’étoit prudent
de s’en vêtir.
• •
Comment donc expliquer cette incohérence du compte
présenté par L o u y r e tte , si on ne reconnoît qu’en se res
treignant au remboursement des sommes payées sur Bonn e v a l, et en avouant que ces avances avoient é té , quoi
qu’on moindre valeur, couvertes par les jouissances et
la rentrée des arrérages, et ne les déduisant pas, il
entendit rejeter cette valeur sur les sommes qu’ il avoit
avancées pour les autres adjudications, et dont il ne demandoit
�¿ f(S
( 17 )
mandoit pas alors le compte ni le payement; qu’il en
tendit fixer seulement ses avances pour en avoir un titre,
comme le sieur des Issarts avoit dans sa procuration et
la jouissance publique de ses b ien s, qu’avoit faite son
fr è r e , un titre toujours v iv a n t, pour en demander le
com pte?
Cette id ée, la seule possible, est bien exclusive encore
de l ’existence d’ un abandon des héritages acquis partiel
lem ent; sans cela le compte de l’an
seroit inexact. L e
billet de l’an
su rpris, et l ’omission étant établie par
les détails du com pte, ce seroit une erreur toujours ré
6
5
parable; il faudroit revenir à com pte; et bientôt les élémens du billet de 34,273 francs, et des quatre obliga
tions qui le représentent, disparoîtroient entièrement. E t
c’est là ce qu’a demandé le sieur des Issarts, parce que
les sommes avancées pour les adjudications partielles ,
sont bien loin de couvrir celles reçues par le sieur Bancal
a în é , sur les cinq années de jouissances.
Il ne faut cependant rien taire. L ors du compte de
l ’an , ou du billet de l’an 6 , ou même après ( le sieur
5
des Issarts ne s’en rappelle pas ) , Louyrette lui présenta
un projet d’a cte , qu’il n’eut besoin que de lire pour le
refuser : il faut le faire connoître.
A p rè s un assez long préambule sur les qualités des
parties, et les événemens qui avoient précédé l’époque
des comptes, on faisoit parler ainsi le sieur des Issarts:
« Je reconnois que mon frère m’a présenté le com pte
« détaillé des avances qu’il a bien voulu faire pour m o i,
a ainsi que le compte des recettes q u 'il a fa ite s du
« produit de ces mêmes biens ju sq u 'il ce jo u r ; qu’ayant
C
%
�^
w
(
1 8
)
«. bien examiné et calculé le tout, j& me suis trouvé
« redevable envers lu i de 34,763 livres 19 s o u s, valeur.
« num éraire en écus. »
Rem aïquons la conséquence qui résultoit de cette pre
mière partie de l’acte. L e sieur des Issarts, constitué dé^
bileur de 34,273 livres 19 sous, par un compte qui ne
contenoit aucune déduction des sommes reçues pendant
tout le temps de la jouissance antérieure, reconnoissoit
que ce reliquat étoit fo r m é , non-seulement du compte
des avances, mais encore de la déduction des som m es
reçues.
Il fulloit bien un peu compter sur la confiance du sieur*
B ancal, et sur une vivacité de caractère qui ne lui permettoit jamais de réflexion envers les personnes qu’il ne
soupçonnoit p a s, pour lui tendre ce piège.
P o u r le libérer des 34,273 livres 19 sous, on lui faisoit
ensuite consentir pour 24,000 f r . , et avec pleine garantie,
une vente du domaine d’A u ln a t, qui lui coûtoit 41,297 f . r
payés par lui seul.
. O n lui faisoit faire un billet de i o , oo f r . , payable
dans uu an avec intérêt.
O n lui faisoit reconnoître que son frère aîné avoit payé'
la totalité du prix des adjudications partielles, notam —■
m ent du verger des C a rm es; et sans bourse d é lie r, ni'
lui rendre les 1,800 fr. par lui payés, 011 le faisoit re
noncer i\ la déclaration de m ie u x , faite à son profit.
O u faisoit accepter cette déclaration, cette vente e t
cet abandon par le sieur Bancal aîné.
5
E t on faisoit obliger le sieur des Issarts u en passée
acte par-devant notaire, à f r a i s communs..
�19
'(
)
L e sieur Bancal des Issarts se révolta contre cette pro
position.
/
P o u rq u o i, en effet, e iit-il reconnu que la fixation
de sa dette à 34,273 fr. étoit le résultat du compte dé
ta illé de toutes les avances et des recettes q ii’a ç o itfa ite s
le sieur B a n c a l du produit de ces mêmes b ien s, lorsque
le détail des comptes qu’il avoit entre les mains lui apprenoit que les recettes n’avoient été ni déduites, ni
précomptées ?
• Pourquoi e u t - il donné pour 24,000 fr. le domaine
d’A u l n a t , qui lui en coûtoit 4 1 ,2 9 7 , à celui-là même
qui en avoit joui cinq ans, sans lui rendre compte des
jouissances ?
- Pourquoi eût-il abandonné la déclaration de m ie u x ,
faite en sa fa v e u r , sans déduire sur sa dette 1,800 fr,
q u’il avoit avancés ?
E t surtout comment eût-il p u , dès qu’il s’obligeoit h
payer les 34,273 fr., abandonner ces héritages, sans rien
réclamer de ce qui devoit opérer compensation , et ab
sorber bien au delà ce que le frère aîné avoit payé pour
ces adjudications ?
E n fin , pourquoi se fût-il obligé à payer à frais com
muns le coût d’ un acte que la vente d’A u ln at devoit
rendre considérable ?
A u reste, il lui suffit de nier formellement que ce
double ait jamais existé ; et son assertion mérite autant
de f o i, elle vaut autant, pour la justice, que celle de
ses adversaires.
A la v é r ité , ils prétendent en établir l’existence par
des comptes postérieurs, qui parlent de ce compte verbal
G 2
�v>\v
5
(
20
)
J'ait en m essidor an
,* mais il y a loin d’ un com pte
verbal à un double qui contient un abandon de pro
p riété; et bien loin d e ji ie r le compte verb a l, le sieur
Bancal l’a toujours reconnu , puisque , dès le premier
instant du procès, ce compte, écrit de la main de L o u yrelte, a été attaché à son dossier.
Et on sait que ce compte fut suivi d’un billet pur et
simple de 34,273 fr. Il ne pouvoit y avoir aucun autre
acte pour cet objet.
Mais le sieur des Issarts a de meilleures preuves encore
à donner de ce qu’il avance.
Lorsque l’affaire a com m encé, il a produit non-seu
lement le compte des 34,273 liv. 19 s., mais aussi le
projet d’acte dont nous venons de parler : il l’a com
m uniqué sans défiance à ses adversaires.
E n réponse à cette communication'franche et amiabley
on trouve dans le dossier des adversaires une note écrite
de la même main ( celle de Louyrette ) ; et il le falloifc
bien ainsi, car lui seul a connoissance de ce qui s’est passé
à cette époque. L e sieur dès Issarts atteste qu’il n’a jamais
eu affaire qu’à lu i, que jamais il n’a ouvert la bouche à'
son frère des comptes qu’ils avoient ensemble. Son frère
¿toit dans un état d’infirmité assez g ra v e ; il ne s’occupnit pas d’affaires, et le sieur Louyrette lui a voit expres
sément recommandé de ne pas lui en parler; sa foible
santé n’étant p a s , d isoit-il, capable de le supporter.
Q u o i qu’ il en soit, voyons la réponse de Louyrette surla communication qui lui a été donnée de ce projet d’acte*
« Environ quatre m ois après le compte arrêté le«r 13 m essidor an
5 ? le sieur des Issarts, pour se libérer'
�4
é
«
«
«
«
«
«
«
«
«
cc
«
«
«
«
(y
( 2Ï ) ~
envers son frère du reliquat de Ta somme de 34,273 liv.
19 s . , lui proposa la cession du domaine tl’A u l u a l ,
pour la somme de 24,273 f r . , et promeüoit de payer
les 10,000 fr. restans en peu de temps. L e sieur Bancal
aîné refusa la proposition, en lui remontrant que l’eniploi qu’il avoit fait de ses fonds p a r ses a cquisition s
particulières , ou pour libérer celles faites pour le
sieur des Issarts, avoient altéré les fonds nécessaires à
son com m erce; qu’il ne pouvoit absolument faire de
nouvelles acquisitions; et la proposition en resta lù.
« Cette proposition étoit écrite d o u b le, sans date ni
signature : tous sont restés entre les mains du sieur
des Issarts. L ’ un a été produit à l’audience, et se trouve
encore dans le dossier remis à M'. G a r r o n , son avoué,
O n ignore l’usage qu’il en veut faire; mais, dans tous
les ca s, il est contre l u i , etc. »
Cette explication est curieuse.
Cette proposition dont parle la n ote, et qu’on a v u e
dans le dossier de l’intim é, n’est autre chose que le projet
de compte et traité dont on vient de parler.
Remarquons bien que Louyrette , qui doit m ieux
que personne en savoir l’époque, puisqu’il est écrit de
sa m a in , la fixe A quatre mois environ après le compte
de messidor an .
5
Remarquons aussi que c’est I,onyrette qui a fait tous
les comptes et tous les projets du sieur Bancal aîné, et
qui s’en est toujours occupé exclusivement à tout autre,
parce qu’ il faisoit tontes ses affaires.
Comment se fait-il maintenant, si cette proposition
étoit émanée du sieur des Issarts, et qu’elle fut faite:
.
^
�' v'
(2 2 )
'
à son f r è r e , 'c ’e s t - à - d i r e , au sieur L o u yrette, qui seul
traitoit des intérêts du* sieur Bancal aîné ; co m m en t, di
s o n s -n o u s , se f a it - il que cette proposition, présentée
au sieur Louyrette en deux doubles, se trouvât écrite
de sa m a in , et que déjà il y eût consigné l’acceptation
du sieur Bancal aîné , dont il dirigeoit toutes les démar
ch es? N ’est-il pas é v id e n t, au contraire, que ce projet
q u i se trouve dans le dossier du sieur des Issarts, lui fut
présenté comme une proposition de son fr è r e , par le
sieur L o u yrette, son intermédiaire?
E t si cette proposition fut faite quatre m ois après
le compte de m essidor an
, comment L ouyrette y
consigna-t-il comme convention nouvelle et non encore
écrite, l’abandon des héritages détachés, et l’acceptation
5
du sieur Bancal, si déjà cet abandon étoit consommé
depuis quatre mois ?
Comment le sieur Bancal aîné refusa-t-il cet aban
d o n , que cependant Louyrette lui faisoit accepter, et
po u r lequel on lui faisoit faire encore un sacrifice de
1,800 fr. payés en 1 7 9 1 , tandis que lui-meme avoit payé
ces propriétés en assignats dépréciés, et que le sieur des
Issarts eût trouvé un grand bénéfice à les reprendre?
Croira-t-on maintenant au double sous seing privé du
13 messidor an ?
Ce n’est pas que le sieur des Issarts conteste qu’il ait
5
voulu se libérer en abandonnant le domaine d’A uln at;
q u’il ait su gré à son f r è r e , de ses peines et de ses soins.
Il n’a jamais manqué d’exprimer une reconnoissance quiest encore dans son cœur : aussi n’a-t-il jamais regretté
à son frère ni à ses n e v e u x , les agrémens, les a van-
�42!
23
(
)
tages réels qu’ils trouvoient dans la jouissance de BonD e v a l ; mais il n’a jamais proposé de céder son domaine
d’Aulnat pour la moitié de sa va leu r, et de ce qu’il lui
coûtoit réellement. Il se persuade que si ses neveux
eussent réfléchi davantage, ils n’eussent pas cru, et n’eus
sent pas prêté leur nom aux imputations injurieuses
q u’on lui a faites.
D e tout ce que nous venons de dire résulte, ce semble,,
l ’éclaircissement d’un fait qui n’a pas besoin d’auti’es
preuves.
L e sieur Bancal aîné a joui de tout depuis chaque
acquisition.
5
Il a présenté , en messidor an
, un compte de ses
avances pour le domaine de Bonneval seulement.
Il n’y a pas compris ses avances pour les autres ac
quisitions.
11 n’en a pas déduit ce q u ’il avoit reçu pour les jouis
sances de cinq années.
Il a reçu un billet de 34,273 livres ig so u s, m on
tant de ses avances pour le payement de Bonneval.
E t il n’a été rendu à cette époque aucun compte ni
des autres avances, ni des sommes qui pouvoient les
compenser.
V o ilà en résultat la réalité du fa it; c’est à cela qu’il
faut le réduire. Il a été nécessaire de rétablir en commen
çant, afin de bien le fixer avant d’en voir la suite. Ce
récit, qui tient de la discussion , nous dispensera d’y re
v e n ir , et mettra à même de saisir beaucoup plus ai
sément le sens et les conséquences des actes postérieurs.
Nous arrivons à celui epu est le plus important de la
cause.
�C 24 )
L e sieur des Issarts avoit pour son frère le plus grand
respect et la plus teadre amitié ; il ne faisoit que lui
rendre un sentiment de tendresse, que son frère lui avoit
toujours témoigné ; aussi reçut-il sans examen le compte
que lui présenta le sieur L ouyrette, parce qu’ il avoit la
confiance de sou frère ; aussi signa-t-il sans réflexion l e
Lillet de 34,273 francs, lorsque le sieur Louyrette le lui
proposa , s’imaginant avec raison que ce compte des
avances pour BounevaJ. n’étoit pas exclusif du compte des
revenus qu’on ne cessoit pas un seul instant de lui devoir.
Il n’avoitpas davantage réclamé le principal ni les jouis
sances de sa portion héréditaire; il avoit été toujours et
exclusivement occupé des affaires pu b liqu es, et avo!t
abandonné à son frère le soin des siennes p ro p res, dont
il ne connoissoit pas la moindre chose,
L e billet de 34,273 fr. fut bientôt suivi d’un autre écrit,
U n projet d’alliance avoit été conçu entre sa nièce et lui;
son frère lui en avoit même écrit pendant qu’il étoit au
conseil des Cinq-cents. Il ne connoissoit pas alors le testa
ment de son père; mais il savoit que son frère ne se soucioit pas de démembrer ses propriétés, et de rendre un
com pte de jouissances. Plein de reconnoissance pour la
conduite de son f r è r e , et se laisant aller à un m ouve
ment irréfléch i, il remit un jour à sa nièce qui se trouv o it seule avec l u i , cette déclaration du i er. prairial an 6 ,
dont on tire une fin de non-recevoir contre sa demande
en partage : elle est, ù ce qu’il p aroît, entièrement écrite
de sa main.
« Je déclare, d it-il, que je consens à la pleine et entf tière exécution du testament de mon père ; que je f a i s ,
«c en
�$23
5
( î
)
« en tant que de besoin , toute délivrance de legs et
« dispositions fa ite s pat' mon père; et que je quitte
« aussi sa succession et celle de ma mère de toutes choses
« quelconques, sans réserve , en remerciant D i e u .d e
« toute la reconnoissance que je leur dois. »
Cet écrit ne lui fut dicté ni demandé par personne ;
il le donna par une impulsion dont il ne chercha pas
à se défendre; il le confia à sa nièce, et à sa nièce seule.
Il crut que son frère en éprouveroit du plaisir, qu’il y
seroit sensible; il trouvoit son indemnité dans les con
ventions du mariage.
L a simple inspection démontre qu’il fut l’ouvrage de
sa seule pensée, qu’il ne fut qu’ un véritable projet où il
consigna ses intentions que personne ne connoissoit, et
que personne n’accepta comme une obligation actuelle et
valable en soi.
Depuis , le sieur des Issarts continua la môme manière
de v iv r e ; il reçut des comptes partiels sans ombrage
comme sans défiance. Cet état de choses a duré jusqu’à '
son mariage avec la demoiselle Girard.
L e i er. floréal an 7 , il reçut du sieur Louyrette un
état de compte de tout ou partie de ses revenus, depuis
le i cr. juillet 1797.
7 499
,
l. 16 s.
L a dépense fut portée à .......................
La recette seulement à ............................ 7>3r9
»
Il se trouva débiteur de 360 livres 16 sous, qu’on
convint de porter au chapitre de dépense du com pte
suivant.
L e 20 thermidor an 8 , nouveau compte des recettes
et dépenses, depuis le I er floréal an 7.
D
�( 26 )
La recette fut d e ...................
La dépense d e ..........................
6,7
I.
4,684
2 s»
Il y eut donc excédant d e .....................
2,100 .
1
» s.
85
On compte ensuite trois ans (Cintérêts des 34,2731.19s.;
on eu déduit les 2,100 liv ., et ajoutant 3,0401. i s. 9 d.
qui restent, aux 34,273 liv. 19 sous, on l'orme un capital
de 37,314 liv. 5 sous 9 den., dont le quart produit chacune
des obligations de 9,328 liv. 11 sous, qui furent deman
dées au sieur des Issarts, et qu’il consentit à ses neveux,,
à la charge de l’intérêt à cinq pour cen t’, qu’il a servi
depuis.
L e billet de 34,273 francs comprenoit déjà 4,81 fr.
d ’ intérêts ; ils avoient produit d’autres intérêts qui sont
calculés avec ceux du capital, et montent, au 20 theivmidor an 8, toute déduction faite, à 3,040 liv. i sous;
5
5
5
et ces intérêts d’intérêts sont encore confondus dans le
capital des obligations, pour produire d’autres intérêts.
L e sieur Bancal a tout signé avec une confiance sans
bornes.
Toujours est-il démontré que l’arrêté de compte à
34,273 francs, a été la baSe de celui de l’an 8. Ce dernier
s’y r é i è r e ,e u le rappelant comme compte verbal fa it
au mois de messidor an 5 ,• il est établi sur les memes
bases, fait dans les mêmes expressions, et seulement pour
le temps postérieur au précédent.
Et ainsi-il demeure constant que les appelans, nantis
des jouissances qu’ ils ont faites pendant lecoursdu papîermonnoie , ont néanmoins contre leur oncle une créance
de 37,314 francs, dont ils pei’coivent les intérêts, quoi-
�271
(
que les Siemens qui en ont formé le capital, fussent plus
q u ’absorbés par ces jouissances.
?
C ’est à ce compte du 20 thermidor an 8 , que les appelans fixent l’époque à laquelle ils prétendent que le
sieur des Issarts redemanda le prétendu double de l’an ,
p our ne pas fa ir e double emploi.
Cette assertion est aussi impossible qu’inexacte.
D ’abord ce n’eût pas été avec le compte de l’an 8 ,
ni avec les obligations, mais bien avec le billet de ven
démiaire an 6 , que cet arrêté eût fait double emploi.
20. O n ne craignoit pas de faire double emploi de
l ’arrêté de compte de l’an 8, avec les quatre obligations,
puisqu’on laissoit subsister l’un et l’autre.
3°. Si même le double emploi eût existé entre un
compte de l’an , et celui de l’an 8 , ou les obligations',
il n’en étoit pas de même de l’abandon des héritages dé
tachés, qui emportoit tradition de p ro p rié té , et qui ne
se retrouvoit nulle part ailleurs.
Sans doute on ne pouvoit guère répéter cette trans
lation de propriété dans les obligations ; mais dès qu’in
dépendamment de ces titres particuliers, on conservoit
un compte sous seing p r iv é , on pouvoit tout aussi-bien
le faire d o u b le , en y transcrivant les conventions ex
primées dans celui de l’an .
5
5
5
E t qui doutera que les sieurs B an cal, ou pour eux
le sieur Louyrette, eût manqué à le faire, et à conserver
ce titre unique de propriété , q u e , suivant l u i , il avoit
cru devoir exiger en l’an ?
Qui croira qu’ il s’en fût départi au moment même
o u , donnant au sieur des Issarts une marque de défiance,
D 2
5
�.
' (28)
il exigeoit au nom de ses neveux des obligations nota
riées au lieu d’un b illet, et se hâtoit de mettre aux h y
pothèques des inscriptions qu’il avoit promis de ne pas
prendre?
^
D ’ailleurs, le sieur des Issarts a prouvé que ce compte
ne fut autre que le projet qu’il représente, de la main
de L o u yrette, et que le x’eliquat en fut fixé par un billet
pur et simple qu’il a retiré ou dû retirer ( il l’a perdu
de v u e ) en consentant les obligations.
L e sieur des Issarts avoit seul en son pouvoir tous les.
arrêtés de compte signés de sa nièce et de l u i , puisqu’ils
n’out pas été faits doubles; il a tout produit dès le pre
mier instant, quoique quelques-uns se présentent en ap
parence contre sa demande. Comment soupçonner qu’il
ait détourné la moindre chose ?
Comment surtout l’en accuser durement, sans preuves
et sans vi’aisemblance..
D eu x autres comptes ont été projetés, mais non arrêtés,,
en l’an ro et 11. L e sieur Bancal doit néanmoins convenir
qu’ il a payé 692 francs dont il n’a pas de quittance, et
qu’on lui a dit être avancés outre les jouissances de ces.
deux années : il n’y a vu aucune conséquence pour les
temps antérieurs.
Les choses ont resté en cet état, jusqu’à l’époque où
le sieur des Issarts a épousé la demoiselle G ii’ard d’A u Jjièrc.
- Les appelans disent qu?il a gardé long-temps le silence
qu’ ils alloient le poursuivre eu payement des obligations
la vérité est qu’il'a réclamé presqu’aussitôt. Des pou r
parlers, des projets d’arrangement, deux ans employés à
�( 29 )
~
un arbitrage in fru ctu eux, ont retardé les poursuites ;
elles n’ont commencé que le 11 octobre 18 11. Il faut se
fixer sur la demande.
E lle a deux objets très-distinctement énoncés.
i° . L e partage de la succession des père et mère. L e
sieur des Issarts demande sa portion afférente, et conclut
contre ses neveux au rapport du m obilier, du fonds de
com m erce, de l’ inventaire, etc.
20. Il demande le compte de la gestion et
tration des domaines nationaux acquis; savoir,
maine situé à A u ln a t,e £ autres héritages, du
de Bonneval, et du p r é - v e r g e r situé près les
adminis
d’un do
domaine
Carmes :
ladite a d m in istra tion , est-il dit, rem ontant à l'époque
de chaque adjudicationRemarquons bien ici que le sieur des Issarts, dans sa
demande, comprenoit tous les biens acquis, même les
héritages détachés , puisque tous ces autres héritages
situés ù A u ln a t, et le pré des Carm es, remplissent les
adjudications. Il les regardoit donc tous comme à lui.
Mais ce qu’ il y a d’étonnant, c’est que le rédacteur
de l'exploit, ignorant sans doute que le sieur des Issarts .
11e possédoit, ni ces autres héritages, ui le pré des Carmes,,
se borne à demander les jouissances passées, et ne con
clut pas au désistement.
Observons aussi qu’ il demande un compte g é n é r a l,.
sans prétendre rien changer aux comptes particuliers de
chaque année, qu.’il supposoit devoir y être portés tels,
qu’ils sont, saut les erreurs ou omissions reconnues.
Les défendeurs se présentent, concluent à c e q u ’ il soit
déclaré non recevab le, subsidiaircment débouté ; et c’est
�(3 0
en cet état que la cause ést' portée à l’audience du tri
bunal de Clerm ont, le 13 mars 1812.
L e sieur des Issarls, en renouvelant ses conclusions,
demanda subsidiairement le compte des cinq années an
térieures à 1796.
- Il demanda aüssi le désistement du verger des Carmes,
aux-offres de tenir en com pte les sommes payées; mais
sans demander celui des autres héritages détachés dont
il continua de réclamer les_ jouissances.
- Les défendeurs reprirent leurs conclusions tendantes
à la fin de n on -recevo ir, subsidiairement au débouté.
Ils opposèrent, quant aux com ptes, que le sieur des
Issarts n’étoit plus recevable, depuis les obligations de
l ’an 8 , à demander aucun compte antérieur.
»
E t quant aux comptes postérieurs, ils soutinrent,
d ’une p a r t , qu’ils ne pou voient concerner ni le sieur
Bancal ni la dame Dalbine, et que mademoiselle Bancal,
qui seule avoit g é ré , les avoit tous rendus.
O n ne trouve nulle part de conclusions tendantes à
la rertiise du prétendu acte double du 13 messidor an .
Mais ils semblent eu x -m êm es demander la révision
du com pte, en soutenant qu’on devoit leur tenir compte
du p r ix des bestiaux qui n’avoient pâs été compris dans
les comptes.
L e tribunal a ordonné le partage, le désistement du
p r é , et la révision des comptes par Boutai , notaire, à
l ’effet de savoir si le p ri* des bestiaux y est compris; et
il a rejeté la demande d’un compte général formée par
5
le sieur des Issarts.
Les adversaires ont interjeté appel,
«•
�(
3
1
}
i 0'. En. ce que l’écrit de l’an 6 a été rejeté;
2?. E n ce que le désistement du pré des Carmes a
¿té ordonné;
3°, Eu ce que le sieur des Issarts n’a pas été condamné
à remettre le prétendu double de l ’an ,
L e sieur des Issarts a lui-même interjeté appel inci
dent, en ce que le tribunal a rejeté sa demande en com pte;
il demande le compte gén éral, subsidiairement celui des
cinq années antérieures à 17 9 6 , et celui des héritages
détachés, pour tout le temps de la jouissance; enfin, il
réclame la procuration donnée en b la n c , pour vendrç
le domaine d’Aulnat.
5
T e l est l’état de la cause : nous pouvons la discuter
dans le même ordre que l’ont fait les appejans; c’est-ù-,
d ire, exam iner, i° . le mérite de la demande en partage,
et de la déclaration de l’an 6 , et en même temps la fia
de non-recevoir incidemment proposée contre la nul
lité de cette déclaration.
2°. La demande en désistement du verger des Carmes.3 9. L a demande en reddition de compte.
§. I er.
\
La déclaration de Tan 6 est-elle un acte va
lable qui puisse écarter la demande en par~
tage ?
A v a n t d’aborder cette question, le sieur Bnncal des'
Issarts n’a pas dû se dissimuler que les circoüi>tanceS'
exigeoient de lui une autre explication..
�(3 0
Il ne suffît pas, en effet, à l’homme probe et délicat,
de critiquer dans sa forme un acte qu’il a consenti en
m ajorité; car il a dû avoir des motifs de le consentir,'
il a dû savoir ce qu’il faisoit; et la solennité de l’acte
n’ajoute rien à la réalité de son engagement, s’il s’est
réellement et valablement engagé.
‘ -1A u ssi, le sieur des Issarts a suffisamment fait sentir dans
le récit des faits, dans quelles circonstances et par quel
mouvement il donna cette déclaration. Nous reviendrons
sur cette explication ; mais il im porte, avant to u t, de bien
conn oître, en d r o i t , quelle peut-être la valeur de cet
écrit : nous serons mieux à même d’en déterminer les
conséquences , surtout en le rapprochant des circons
tances qui y ont donné lieu.
O n le considère comme approbation du testament, et
abdication de la légitime : la simple réception du legs,
dit-on , vaut approbation form elle; et cette approbation*,
toujours considérée comme valable en soi, exclut la que
relle d’inofficiosité, même la demande en nullité du tes
tament.
• ,
O n cite des textes q u i , dit-on , le décident formelle
ment et pour tous les cas.
Il est très-vrai,en d ro it, que la réception du legs ex
clut la plainte d’inofficiosité ; mais c’est une erreur trèsgrave que de vouloir étendre ce principe à tous les cos:
l ’ordre môme des principes ne le permettroit pas; il
suffit, pour s’en convaincre, de les méditer un instant.
L ’ héritier de d r o i t , qui est réduit par le testament à
un legs moindre que sa légitim e, peut refuser le legs
et demander l’intégralité de ses droits! Néanmoins il
�33
(
)
n ’y est pas o b lig é , et il est absolument le maître d’exé
cuter le testament, si d’ailleurs il trouve en lui-même
des motifs de le respecter, ne fussent-ils puisés que dans
sa délicatesse ou dans les convenances. 11 est censé avoir
connu le testament, par cela seul qu’ il a reçu le legs.
A in si il ne peut pas dire ensuite qu’il a été induit en
erreu r, ou qu’il n’a pas connu les dispositions du tes
tament, puisque son approbation, accompagnée de la
réception du legs, démontre qu’il en a connu toute la
substance, et que la lecture du testament même ne lui
en eût pas appris davantage.
A llo n s plus loin. L ’héritier exhérédé par un testa
m ent, peut encore l’approuver, car l’exhérédation n’est
pas par elle-même un vice; elle peut être fondée sur
une juste cause , et dans ce cas l’héritier peut avoir pardevers lui des motifs de garder le silence, soit parce
que la cause étant vraie, l ’exhérédation est valable, soit
parce que des motifs de respect pour lu i-m ê m e peuvent
lui faire éviter avec réflexion de rendre p u b liq u e, et
l’exhérédation, et les motifs qu’on y a donnés.
Aussi la lo i, présumant ce m otif, dit-elle q ue, dans
ce c a s, l ’héritier qui a connu le testament, et qui en a
demandé l’exécution au nom d’ un autre dont il étoit
procureur fondé, a fait une approbation valable. A g n o visse enirn videtur qui quale quale ju d iciu m defuncti
comprobavit. Ce sont les textes dont s’autorisent les
appelans.
La raison de ces dispositions de la loi est bien simple.
Dans ces cas comme dans tous ceux d’inoiliciosité, la
disposition portée au testament est valable en soi ; elle
E
�.
f 34 5
n’est ni contraire aux bonnes mœurs, ni prohibée p a r
les lois : le testament peut subsister avec elle.
'
Mais il en est bien autrement des nullités intrinsèques;
par exem ple, la prétérition : c a r , soit d’après les lois
romaines, soit même d’après l’article 53 de l’ordonnance
de 173 5 ,1a prétérition est un vice radical et substantiel,
par la seule force duquel le testament est annullé d e
plein d roit; tellement que si l’enfant prétérit ne s’en
plaint pas, tout autre héritier non prétérit peut demander
la n u llit é , et la justice doit la prononcer.
Cela est fo n d é, non-seulement sur ce que la loi ne
permet pas qu’on touche à la légitime des enfans, mai&
encore sur l’injure qui résulte de l’omission. Elle ne
s’en remet plus à personne pour venger cette in ju r e ;
elle déclare qu’elle lui est insupportable; et pour la
bannir à jam ais, elle prononce elle-même la n u llité,
et déclaré sans force l’acte qui la renferme.
Cette doctrine nous est enseignée par les deux doc
teurs les plus solides et les plus lumineux du droit écrit,
D o liv e et Furgole. Elle est celle des lois comme celle
des principes et delà saine raison : nous allons le prouver
immédiatement.
Iiii loi i rp. ,ff. D e Jiis qvœ u t indign. au fe r ., s’ex
prim e ainsi : P o s t legatum acceptum , non tantùrn licebit fa is uni arguera testa mentum , sed etiarn non ju re
fa c tu m contendere : inojjiciosum autern dicere non perviittitu r.
V o ilà une disposition générale qui n’est faite pour
aucun cas particulier, mais qui prévoit les difficultés
et prévient les mauvaises applications, en établissant
une distinction de principe. .
�Ainsi l’héritier qui a reçu son legs ne peut plus cri
tiquer le testament comme inofficieux.
Mais il peut l’arguer de faux.
• E t il peut tout aussi-bien en demander la n u llité,
¿V/ est contraire a u x lo is , sans que la réception du legs
y fasse obstacle.
Il est cependant possible de rejeter certaines de
mandes en nullité ; par exem p le, des nullités pure
ment de forme extrinsèque, qui ne touchent pas à la
substance du testament, et que l’héritier peut négliger.
A in si on a vu des exemples qu’ une nullité de forme que
l ’héritier avoit pu ou dû connoître, étoit déclarée cou
verte par la réception du legs. C ’est dans cette espèce
que se range l’arrêt de la Y o lp iliè r e , cité par les appelans.
E t c’est aussi le cas dont parle R icard , lorsqu’il dit que
le testament peut subsister par la seule volonté du défunt,
si l’héritier le reconnoît et l’a p p ro u v e , quoiqu’il soit
invalide en solenn ité; parce q u e , dans ce cas, le tes
tament subsiste malgré la nullité d e f o r m e , tant qu’elle
-n’est pas prononcée. Mais ces sortes de nullités ne sont
pas de celles qui sont toujours réservées, parce qu’elles
vicient le testament, comme les cas de prohibition ab
solue, qu’exprime la loi par ces termes: N o n ju re fa ctu m .
L a loi
L e §.
I er.
5 , au
même titre , n’est pas moins formelle.
nous dit : D e eo vero q u ileg a tu m accepit f s i
' neget ju re fa c tu m esse testar/ientum , divus pins Uct
rescripsit : cognati Sophronis licet ab Jiœrede instituto
acceperunt legata , tarnen s i his ( hceres ) ejus condi
t io n s f u e r i t visus ut obtinere hœreditatem non p o ssit
<et ju re intestati ad eos cogna tos p ertin et, pet ere hœ re
dit a te t u ipso ju re potuerunt.
�i 3 6 },
V o ilà encore un principe général tracé par la loi. II
est toujours le même.
Il ne faut pas dissimuler cependant qu’ immédiatement
l’empereur semble apporter une modification à cette
règle qu’il vient de prescrire par ces termes rigoureux
ipso ju r e . O n n’y. auroit trouvé aucune conséquence, si
Güjas n’y avoit prêté un sens extrêmement étendu et
absolument contraire au texte. C ’est avec F u rg o le , et
sur l’évidence du f a i t , que nous le disons ainsi.
!La loi continue en ces termes :
P ro h ib en d i autem s in t, an non , ex cu ju sq u e.p eis o n a , con dition e, œ ta te, cognita causa à ju d ice constituendum erit.
Ces expressions ne doivent pas être séparées de la
phrase qui précède. Dans la première on trouve la
r è g le , et dans la suite on trouve l’exception ou plutôt
la modification. Et comme remarque F u rg o le, Cujas a
fait de l’exception la règ le , et de la règle l ’exception.
Ces derniers termes de la loi , traduits soit littérale
ment , soit dans leur sens naturel, semblent devoir s’ex
pliquer ainsi :
« Néanmoins ils seront repoussés ou non, suivant que
« le jug e en décidera en pleine connoissance de cause,
« en consultant l’â g e , la condition et la position des
« personnes. »
Assurément cela ne veut pas dire que la nullité ne
pourra être admise que dans le cas de m inorité, ainsi
que l’ont prétendu Cujas et quelques auteurs après lui;
car il eut été, d’une p art, tres-inutile d’une loi spéciale
pour dire que le mineur peut se faire relever d’une
�37
(
)
réception do legs et d’une approbation de testament ,
comme de tout autre acte; les principes généraux sur
la minorité le disoient assez : de l’autre , le premier
m em bre, qui à lui seul contient la rè g le , eût été inex
plicable. T o u t ce qu’on peut y v o ir , c’est qu’en ouvrant
la voie de la uullité malgré la réception de legs, la loi
ne veut pas cependant que cette règle soit absolue, et
elle donne au juge toute la latitude possible pour l’ad
mettre ou la rejeter , suivant que l’ùge et la condition
des personnes , et l’ensemble des circonstances donne
ront à la demande un caractère de bonne ou mauvaise foi.
C ’est ainsi, en effet, que l’explique la loi 4 3 , ff. D e
hœred. p e tit., qui rapporte le même rescrit.
Im perator A n to n in u s , rescrip sit, d i t - e l l e , e i , q u i
legatum e x testamento ab&tulisset causa cognita hœ~
reditatis petitionem negandam e s s e , SCILICET SI MA
NIFESTA CALUMNIA S ïf.
Cette interprétation de la loi elle-m êm e ne laisse sub
sister aucun doute sur le sens d’ailleurs simple et naturel
du rescrit d’Antonin ; évidemment il en résulte que le
juge peut toujours admettre la demande en nullité, mal
gré la réception du legs, a-moins que les circonstances et
la qualité des personnes ne lui démontrent qu’elle est
de mauvaise foi : Scilicet s i m anifesta calum nia sit.
Aussi Furgole a - t - i l professe celte doctrine avec as
surance; on trouve au cliap. 6 , sect. 3 , n°. 126 etsuiv. ,
une profonde et lumineuse dissertation , où il développe
les véritables principes de cette matière: il est impossible
de ne pas s’y rendre.
11 est vrai qu’ü combat l’opinion d’auteurs non moins
�»V
/
(
3
8
3
recommandables, Cujas, R ica rd , Brodeau; mais outre
qu’en droit écrit l ’autorité de F u r g o le , appuyée sur ta
loi m ê m e , est toujours plus imposante, il faut remar
quer que ces auteurs sont divisés sur un point qui n’est
pas le nôtre; car ils le sont principalement sur ce que
F urgole prétend appliquer à toute espèce de nullité ,
même à celles purement extrinsèques, le principe de la
l o i ; ce que les autres avoient nié ouvertement : et il est
vrai que quelques arrêts rapportés par L ouet et Brodeau,
comme celui de la V o lp iliè r e , les y avoient autorisés. >
Gela p o s é , de quelle conséquence peuvent être les lois
et les autorités citées par les appelans? Elles sont toutes
dans le cas de l’inofficiosité , ou de ces nullités extrin
sèques qui peuvent diminuer de la solennité, mais qui
ne touchent pas à la substance du testament. Que l’on
examine les textes et les opinions invoqués par eux
partout on verra que soit les textes, soit les arrêts qui
ont fondé les o p in io n s, notamment celle de L ou et et
B rod eau, ne se rapportent qu’aux cas dont nous venons
de parler.
E h ! comment l’appliquer au cas de la prétérition ?
a-t-il la moindre analogie avec l’approbation résultant de
la réception d’un legs? Non sans doute; car s’il dépend
de l’héritier de recevoir moins que sa légitime , et de
s’en contenter par des considérations quelconques, il n’a
pas la puissance de faire valoir un testament qui le frappe
de prétérition, puisque son propre sileqce n’empêcheroit
pas la nullité , et qu’ un autre pourroit aussi-bien que
lui la faire prononcer. C ’est ici qu’on va sentir l’im pos
sibilité d’appliquer au cas de la prétérition les lois et les
exemples invoqués.
�39
(
)
U n héritier peut en général approuver un testament :
cela est v r a i , lorsque le testament contient une disposi
tion quelconque qui le concerne; car il peut en recon
noitre la justice; encore faut-il que cette disposition soit
autorisée par la loi. Et voilà pourquoi l’exhérédation
ne peut donner lieu qu’à la plainte d’inofïiciosité, parce
qu’elle est permise dans un testament, à moins qu’elle
ne soit fondée sur une cause fausse; ca r, en ce cas, dit
encore F iirgole, elle est semblable à la p rétéritio n , et
entraîne nullité.
Mais si le testament est muet sur l’ un des héritiers
directs, il ne peut être un titre pour l’exclure, et aucune
approbation ne peut le faire valoir comme titre d’exclu
sion. Une approbation , pour être valable, et avoir un
effe t, suppose une disposition préexistante. E t de même
que la simple l’atification faite par un m ineur, d’un acte
essentiellem ent n u l, et auquel il n’étoit pas personnel
lement partie, comme émancipé, est un acte sans force
ni valeur, quia hujusm odi ratio n ih il ddt ; de même la
simple approbation par le prétérit d’un testament entaché
de prétérition , ne peut produire aucun effet ; car ce
testament n’est pas un obstacle à son droit de légitime.
Ce n’est pas que l’enfant prétérit soit obligé de récla
mer sa portion héréditaire; il peut l’abandonner, il peut
la ce der, il peut reconnoitre qu il l’a reçue; mais alors
lq titre de son cohéritier ne résulte pas du testament >
mais bien de l’acte consenti depuis l’ouverture de la suc
cession ; et voilà pou rquoi on exige que cet acte soit va
lable en lui-même , et emporte disposition , sans cela
l ’action en pétition d’hérédité est toujours admise.
�w
.
( 4 0 )
Cela est évident, cela est dans toute la rigueur des
principes; la loi les eût méprisés si elle eût dit le con
traire. Mais cela est aussi dans la l o i , comme nous l’avons
v u ; cela est dans la jurisprudence des arrêts, comme
l ’atteste F u rg o le , et comme le prouve un arrêt du 13
juillet 17 4 0 , rendu dans les plus forts termes.
A ntoine V iala avoit légué > oo francs à Antoine et
Jeanne, ses enfans, et 1,000 francs seulement à M arie,
femme F a u ré , son autre fille; sa femme fut instituée
h é r itiè r e , sans charge de fidéicommis. Les legs ne furent
pas faits à titre d’institution.
A p rès le décès d’A n to in e , le sieur F a u r é , époux de
M a r ie , reçut le legs de 1,000 francs, et en donna quit
tance. A ntoine etM arieform èrent demande en délivrance
du legs de 3,5oo francs, et obtinrent, le 10 septembre
1 7 3 6 , un arrêt qui le leur adjugea en principal et in
35
térêts. Antoine décéda avant de l’avoir reçu.
Bientôt a p rès, Jeanne et les enfans Fauré deman
dèrent la cassation du testament, et la délivrance de
leur légitim e, tant de leur chef que de celui d’A ntoine; et
malgré la quittance du sieur F a u r é , et l’arrêt de 1736,
leur demande fut adjugée, parce que les enfans du tes
tateur n’étoient pas institués, et que la nullité fut consi
dérée comme absolue.
Ce cas, assurément, est bien plus fort que celui ou
les enfans sont absolument om is, et où la prétérition est
complète. O n ne peut pas citer d’exemple plus tranchant.
Les principes une fois bien connus, et leur application
bien déterminée en gén éral, examinons l’écrit dont il
s’agit en la cause. V a u d r a - t - i l comme approbation?
comme renonciation ? comme quittance?
�4
( i )
- i° . Comme approbation !
- Nous l’avons déjà dit : on ne peut ratifier par une
simple approbation qu’un acte valable dans scs élémens,
et dans lequel on est partie ; on ne peut approuver un
testameot d’une manière valable respectivement à soi, que
lorsqu’on y est dénommé par une disposition quelconque.
Hors ces cas, il faut que l’approbation ne soit pas pure
et simple, mais qu’elle emporte disposition actuelle.
Encore fa u t-il, pour que l’approbation soit valable,
qu’elle soit faite en pleine connoissance de cause; ce que
l ’on ne présume jamais de d r o it, ù moins que l’acte ap-probatif ne le démontre : n i s i cognitis perspictisque
verbis testainçnti. Combien n’a-t-on pas vu d’exemples
d’approbations annullées par cela seul que le testament
n ’étoit pas daté , ni ses dispositions visées ; ce qui se
.rencontre dans l’espèce.
Cela est dans l’ordre des principes généraux du droit.
Q u ’est-ce, en effet, qu’ une approbation en g é n é ra l?
.que faut-il y trouver pour qu’elle valide un acte nul ?
-Il faut, dit D u m o lin , qu’elle soit faite cuni causœ co~
g n itio n e ; que celui qui approuve soit pleinement ins
tr u it du vice de l’acte, sciens nullitatem et vitium con jir m a t i : elle est sans force, si elle est faite seulement
in fo rm a com m uni.
Il explique ensuite à quels caractères on reconnoîtra
■
la n u llité, ou la validité de l’approbation.
Elle sera nulle comme faite in fo r m a com m uni, quando
non exprim itur ad longum , ténor con/irm ati, sed confir m a n s se refert ad illud et confirm ât sicut sine pra^vitate, vcl sicut jettte et légitima obtcntum f u i t .
�C 42 )
Elle sera valable, au contraire, comme emportant nou
velle disposition quando enarrato toto tenore confir7n a ti approbatur, recogniscitur et confu inatur ¿1 putestatem Icibente.
Les articles 13 3 8 , 1339 et 1340 du Code Napoléon r
ont érigé en loi positive ces principes que la jurispru
dence avoit jusqu’alors constamment adoptés; seulement
ils contiennent quelques exceptions qui ne s’appliquent
point à notre espèce, quoique les appelans aient l’air
de citer avec quelque confiance l’article 1340 ; car il est
toujours vrai qu’on ne peut approuver sans le connoître
un acte nul en soi ; et la connoissance n’est jamais p r é ’sum ée, si elle n’est positivement établie par l’acte approbatif.
Ces principes s’appliquent aussi-bien aux testamens
qu’à tout autre acte et à toute espèce de convention..
E t voilà pourquoi le testament nul pour cause de pré
te n t io n , ne vaut ni comme fidéicommis, ni même par
la force de la clause codicillaire. Ord. de 173^, art. 33.
* V o ilà pourquoi encore le testament imparfait en la vo
lo n té, n’est pas validé par un codicille parfait, à 7/ioins
que les dispositions ne soient répétées dans le codicille.
C ’est la doctrine de tous les auteurs, F u rg o le , Ricard^.
Henry s , Rousseaud-Lacom be, etc.
Comment donc concevoir qu’il soit validé par une
approbation pure et sim ple, qui ne constate même pas
que le testament ait été con n u ?
E t si l'h éritier, par respect pour la mémoire de son
p è r e , avoit voulu l’approuver sans le connoître, dans la
juste confiance q u’il étoit au moins honorable pour lui^
�43
C
)'
r
pourroît-on en tirer la conséquence qu’il a approuvé sans
le savoir l’injure qui lui étoit faite?
*Qu’il a entendu déverser sur lui-même tout l ’odieux
d’ une prétérition ?
Q u ’il a uroi t accepté, sans les avoir et sans le d ire, l ’injure
d’une exhérédation infamante, et fondée sur de fausses
causes?
Disons-le sans hésiter : cela n’est p a s, cela ne peutêtre ; et si une approbation n’apprend pas que celui de
qui elle est émanée a connu le testament, au moins en
le datant et en le visant d’une manière spéciale, elle ne
peut le faire valoir.
L e sieur des Issarts l’atteste, il ne connoissoit p a s,
en l’an 6 , le testament de son p è re ; il ne l’a v u , pour
la première fois , qu’après son m ariage, et lorsqu’il a
voulu connoître sa position et réclamer ses droits. Il ne
se x’appeloit pas du tout à cette époque la nature de
l ’écrit qu’il avoit remis à sa nièce, sans quoi son pre
mier chef de conclusions eût été d’en demander la remise.
I c i, les appelans ont fait leur thème avec beaucoup
d’aisance.
« L e p è re, disent-ils (page 3 ) , est m ort en 1790; après
« son décès, tous seà autres enfans se sont empressés d’ap« prouver et exécuter les volontés de leur père; ils ont
« reçu les legs sans réserve : les appelans ont les quit« tances en leur pouvoir.
« L e sieur des Issarts ne voulut pas être en reste, etc. »
Ailleurs ils disent encore ( pag. 17 et 18 ) : « Il savoit
« qu’il n’y avoit rien pour lui (dans le testament); il
« ne veut rien exiger. L e père étoit mort depuis huit
Fa
�44
(
)
« ans*; ses dernières volontés a voient été exécutées par
« les autres enfans; l’héritier institué étoit en possession
co de l’universalité des biens ; le sieur des Issarts étoit
« majeur depuis longues années : il a donc agi en con« noissance de cause. »
Il semble à ces mots que le sieur des Issarts habitoit
la maison paternelle, qu’il en connoissoit les moindres
détails; qu’immédiatement après le décès du père, tous.
' les enfans se sont réunis pour approuver ses dispositions,
et que le sieur des Issarts n’a fait que les imiter. O n a
leurs quittances I
*
Répondons par des faits.
, A v a n t et après la mort du père, le sieur des Issartshabitoit Paris; le père étoit mort le 2 5 novembre 1790,.
et dès 1791 il donnoit une procuration à. son frère pour
administrer ses biens. Il 11e connoissoit ni l’état de la
fortune ni les affaires de la fa m ille, auxquelles sa posi
tion antérieure n’avoit pas permis qu’il fût jamais initié..
Il ne connoît pas l’époque à laquelle tous les autres
enfans ont ou peuvent avoir cédé. Les appelans rap
portent deux quittances seulement ; elles sont à la date
des 20 frimaire an 7 , et 24 pluviôse an 8. Ils ne s’étoient
donc pas si fort empressés ! L e sieur des Issarts n’a donc
pas été seulement l’imitateur d’un élan qu’auroit dicté
à tous le respect filial, et la juste disposition du père!
L a première de ces quittances est de Bancal, notaire.
Il approuve le testament de son p è re , e tc« conséquence
reconnaît avoir reçu le m ontant du legs J a it par ledit
testam ent, etc.
L a seconde est du receveur de Dijon. 11 rcconnoît
�45
(
)
avoir reçu 3,000 fr a n c s pour ses droits lêgitim aires,
fixés p a r le testament du 31 août 1784, etc. L e legs
n’étoit pourtant que de s , oo francs.
Ainsi ces deux frères approuvent, au moyen de ce qu’ils
reçoivent leur legs, et le legs f i x é par ledit testament.
Ainsi ils ap p rou ven t, comme conséquence de la récep
tion du legs, et ils le font en connoissance de cause.
E t en effet, on ne conçoit pas d’approbation sans un
principe et un m otif pris hors d’elle-même. Celui qui
reçoit un legs s’en contente, et en donne quittance. L e
prétérit à qui on fait vaguement approuver un testament,
5
ne s’engage à r ie n , puisqu’il n’approuve rien qui le con
cerne.
Cependant le sieur des Issarts, long-temps avant ses frè
res , avo it, dit-on , approuvé le testament. Quel avoit été
le ¡principe de cette approbation ? Les appelans essayent
encore d’y donner un prétexte : il avoit reçu quatre f o i s
sa légitime. Mais où est le témoin qui dépose de cette v é
rité ? Ce n’est ni cet acte, ni aucun autre acte; cependant
cet écrit ne peut pas valoir sans cela.Cette vérité prétendue est d’ailleurs repoussée par le
moyen de fait dont on l’étaye. Nous avons prouvé que
l’éducation du sieur des Issarts n’avoit rien eu de plus
coûteux que celle des autres ; il avoit fait ses études et
son d r o it, comme le capitaine de génie avoit fait scs
cours de mathématiques; et avant de devenir notaire,
il avoit utilement employé son travail.
A u reste, on le répète, pour que la justice pût s’ar
rêtera ces motifs, il faudroit qu’elle rn puisât la source
dans l’acte m êm e, c’est-à-dire, qu’elle pût le considérer
comme valant cession, quittance ou l'cuoucûition,
�( 46 )
Com m e cession !
O ù en seroit le prix ? où seroit l’engagement réci
proque? où en seroit le premier élément ? cette cession
seroit-elle faite à une personne certaine? est-elle acceptée
par quelqu’u n ? le cédant est-il déchargé des dettes?
Non. L e frère a în é , dit-on , étoit en possession de tous
les biens : qu’importe! en é t o it - i l moins débiteur des
légitimes ou des portions.de ses cohéritiers ? Il n’en avoit
encore délivré aucune. O ù est donc le lien réciproque
entre cohéritiers ?
Comme quittance!
Il est très-vrai que pour faire valoir une quittance,
il n’est pas nécessaire d’exprimer qu’on a reçu la somme
Ôu la chose quittancée, mais il faut au moins qu’on la
reço ive; sans cela la quittance n’est plus qu’une abdica
tion de sa créance, une renonciation au droit de la
demander.
Il n’en est pas d’ailleurs de la quittance que donne un
individu d’une créance ordinaire, comme de la pétition
d’hérédité ; car l’héritier n’est exclu qu’après avoir
réellement reçu sa p o rtio n , ou l’avoir c é d é e , ou avoir
renoncé à ses droits avec une juste cause. Un partage
môme n’est pas un acte absolument définitif, car la pro
messe de ne plus se rechercher n’empêche pas l’action:
en rescision. Et une simple déclaration qu’on ne veut
rien de la succession de son p ère, ou qu’on la tient quitte
sans rien recevoir, sans la connoître, ni par soi-même,
ni par un inventaire fidèle et rég u lier, seroit un titre
irréfragable !
Com m e renonciation !
�47
(
)
Une renonciation à une succession, comme celle dont
on excipe, ne doit pas être l’ouvrage d’un seul; elle
est révocable tant qu’elle n’a pas été acceptée. Ne l’at-on pas soutenu avec succès, et la Cour ne l’a - t- e lle
pas textuellement décidé dans la cause du sieur de
Chalagnat , malgré une renonciation solennellement
faite au greffe, à deux successions, et rétractée pour
une seule?
M a is, dit-on, la renonciation d ’un héritier fait place
-à un autre; il n’y a pas d’engagemens réciproques.
Rien de plus singulier que cette application.
O u i , sans doute, la renonciation d’ un héritier fait
place à l’autre; celui-ci, quoique p lu s ilo ig n é , a le droit
d’exclure le plus proche, en acceptant à sa place : mais
d’abord il faut une renonciation valable .et régulière ;
et jamais on n’a considéré comme valable, en cette ma
tière, une simple déclaration unilatérale, sous seing
p r iv é ; 2°. si le plus éloigné ne se présente pas pour
accepter, le plus proche peut reprendre la succession ,
si bon lui semble; il n’a besoiu que de changer de vo
lonté.
Ici le sieur des Issarts auroit renoncé : sa renonciation
seroit valable, quoique non acceptée, et il seroit encore
h éritier; c’e s t - a - d ir e , héritier pour les créanciers, et
pas pour lui-mêm e. E u effet, l’acte de l ’an 6 contient
une véritable acceptation de succession, car le sieur
des Issarts f a i t délivrance de tous legs. Cette bizarrerie
exclut le moyen de renonciation, et démontre que le
sieur Bancal ne connoissoit pas le testament, puisqn’étant
prétérit et ne recevant rien , il ue pouvoit pas faire
�'
i. \ \
( 48 )
.
délivrance des legs ; puisqu’approuvant la p rétéritîo n ,
il ne devoit pas tenir quitte ;-car, en ce sens, on ne lui
devoit rien, et aussi il ne recevoit l’ien.
L ’approbation reste donc isolée; mais quelle sera sa
valeur? osera-t-on dire q u’elle en aura davantage qu’une
donation que le sieur des Issarts auroit faite le même
jour à son frère ? elle seroit révoquée par la survenance
d’enfans.
'
E t on voudroit qu’ une approbation pure et simple,
donnée sans rien recevoir, eût plus de force en ellemême!
Remarquons enfin qu’il s’agit moins ici d’une question
de renonciation, que d’ une action en pétition d’hérédité
d’un héritier contre l’a u tre, et que constamment cette
action ne peut être éteinte que par une quittance, une
cession ou une donation valable et non ré v o q u é e ; et
comme il n’y a pas de quittance sans payement, de cession
sans p r ix , de renonciation sans acceptation, de donation
valable lorsqu’il survient des enfaris, l’action en pétition
"d’hérédité du sieur Bancal est admissible.
E t comment ne le seroit-elle pas ? L a nature de l’é
c r it, ses termes, son contexte, démontrent qu’il ne fut
pas l’ouvrage d’une volonté réciproque, mais celui de
l ’impulsion d’un seul. L e sieur des Issarts, plein de res
pect pour son frère, disons-le, pénétré de reconnoissance
pour toutes les preuves de tendresse qu’ il en avoit reçues,
ne vouloit pas lui céder en générosité. Il connoissoit son
désir de conserver intacts les biens de la famille; espé
rant une union dont les conventions dévoient et au delà
l ’indemniser, il avoit cru prouver à sa nièce et à son
frère
�49
46?
(
)
frère sa confiance sans b o r n e , et son empressement à
leur être agréable. Sa nièce fut dépositaire de cet écrit ;
il le fit seul ; il étoit seul avec sa nièce lorsqu’ il le lui
remit. L ’union projetée n’eut pas lieu; un autre mariage
s’est fait ; des enfans sont survenus : et cet écrit seroit un
acte valable ! il auroit lié une partie et non pas l’autre !
Mais tout ce que nous avons dit seroit inutile, si le
temps pendant lequel l’action étoit ouverte s’étoit écoulé
sans réclamation , si cette action n’éloit plus recevable.
O n oppose une fin de non-recevoir de dix ans, et on
invoque l’article 1304 du Code Napoléon. Répondons
immédiatement à cette fin de non-recevoir, sans en faire
un chapitre particulier; elle ne demande pas une longue
discussion, et ne sauroit être séparée de ce qui précède.
D e quoi s’agit-il ?
»
D ’une action pure et simple en pétition d’hérédité.
Cette action dure trente ans : cela est incontestable, &
moins qu’ une convention intermédiaire ne la repousse.
P o u r lors l’action doit être précédée ou au moins ac
compagnée d’une demande dont le but soit d’écarter cette
convention , c’est-à-dire, d’une demande en nullité ou
rescision.* On voit en effet que l’article 1304 du Code
ne parle que d’une convention.
La Cour a appliqué ce princice à la cause du sieur
S au ln ier, parce que depuis une vente consentie sous
Fempire du C od e, dix ans s’étoient écoulés sans récla
mation de Jacquot , qui prélendoit la faire déclarer
frauduleuse. On a jugé que dix ans lui avoient suffi pour
se p o u rvo ir, depuis le jour où il avoit connu la fr a u d e ,
et qu’après ce terme il 11’étoit plus recevablç à demander
la nullité de la convention.
G"
�M a is, par arret du 22 février 1 8 1 2 , la Cour a jugé
aussi, dans la cause des Portas, que l'approbation donnée
à un acte n u l, et la réception du prix de cet acte par
celui-là même qui l’avoit consenti, n’étoit ni une ap
probation valable, ni un acte contre lequel il fallût se
p ou rvoir dans les dix ans.
« Attendu , porte l ’arrêt, que la cession de 1766 avoit
« pour objet les droits du vendeur dans la succession
« de ses père et mère vivans; qu’une pareille convention
« étoit prohibée par les lois; qu’elle n’a pu être validée
« par la quittance de 1788, puisque cet acte n’exprime
« ni la substance du contrat,’ ni le m otif de l’action en
« nullité, ni l’intention de réparer le v i c e . . . . et qu’il
« ne s’est pas écoulé un temps suffisant pour la prèscc cription de Paction en nullité. »
, L ’application de cet arrêt à la cause est un peu plus
facile que celle de l ’arrêt Saulnier. O n y voit au moins
que la simple approbation d’un acte nul n’écarte pas la
demande en n u llité, et ne la convertit pas en un simple
droit de rescision, quoique l’acte approbatif soit synallagmatiqur.
A plus forte raison, dès qu’on a prouvé qu’ il n’est
émané du sieur Bancal aucun acte, aucune convention T
pas même une simple disposition qui lui ait arraché sa
portion héréditaire, il n’a besoin de former aucune de
mande en nullité ni en rescision ; et en effet il n’a de
mandé ni l’une ni l’autre, mais seulement un partage de
succession. Et dès qu’il n’y a pas trente ans de prescrip
tion , sa demande est recevable.
O u lui reproche d’avoir gardé quatorze ans le silence*
�5
( i )
D ’abord, ce ne seroit pas une fin de non -recevoir;
E n second lieu, les appelans n’ignorent pas qu’après la
déclaration de l’an 6 , le sieur des Issarts a resté quelque
temps encore éloigné du lieu de sa naissance; que bientôt
après son mariage il a réclamé verbalem ent; que l’espé
rance de terminer à l’amiable, lui a fait long-temps différer
une action judiciaire; enfin, que plusieurs années se sont
passées à parler d’arrangemens, et à tenter un arbitrage.
L e délai de son action n’est donc pas un moyen à lui
opposer.
§. I L
Demande en désistement du pré des Carmes»
Ce chef ne demande pas une longue discussion.
L e pré-verger, situé sous les Carmes, a été acheté p o u r
' le sieur des Issarts; l’adjudication et une déclaration de
mieux l’attestent. L e sieur des Issarts a payé i , oo fr.
sur le prix de l’adjudication.
Quel acte l’a dépouillé de cet propriété ? comment
a-t-elle passé dans les mains d’un autre? qui lui a rendu
5
5
ses i , oo f r . ? Si ces questions restent sans répon se, la
demande est établie.
O n a tenté de les prévenir. U n abandon'de la décla*
ration de mieux a été supposé dans un compte du 13
5
messidor an .
O n a supposé encore que les i , oo fr. y a voient été
5
portés; les appelans l’ont cru et l’ont articulé.
Mais le sieur des Issarts est porteur du projet de compte
présenté par Louyrette à cette époque; et il n’y est qucsG- 2
�.
(
5 2
)
t io n , ni de la'déclaration de mieux , ni desri,5 o o fr.
qu’on prétendoit avoir comptés.
Cependant le résultat du compte ¡fo r m é (Vautres éïém e n s, est identiquement le même que celui dont les appelans conviennent. Il fit la matière d’un billet sous seing
privé ; il est rappelé dans le compte de l’an 8 , et fait
le fondement des quatre obligations consenties aux enfans
Bancal.
Il n’y a donc eu ni pu avoir d’autre compte, ni d’autre
co n ven tio n , puisque surtout le sieur des Issarts n’auroit
pu abandonner à son frère le profit de la déclara tion
de m ie u x , sans recevoir au moins ce qu’il avoit versé
en assignats de 1791 , tandis que le surplus n’a voit été
payé par son frère qu’en assignats dépréciés. E t certai
nement les i , oo'fr. ne lui ont jamais été comptés, pas
5
plus que les 300 f r . , payés sur les autres héritages acquis
partiellement à Aulnat. Nous croyons avoir suffisamment
établi tout cela dans le récit des faits.
O ù est donc le titre des appelons, pour détruire celui
du sieur des Issarts ?
Les appelans se sont fait un grief d’appel, de ce qu’on
n’a pas ordonné la restitution de leur prétendu double
de l’an ; mais on ne le pouvoit pas, sans qu’ils en eussent
légalement prouvé l’existence, et on le pouvoit encore
m oin s, parce qu’ ils se bornoient à en faire un moyen
d’éxception ; car on ne trouve ni dans la pro céd u re,
ni dans le jugement aucunes, conclusions sur cette remise.
5
Comment donc .prétendent-ils se les faire adjuger en la
Cour ?
'
. L e sieur des Issarts, qui n’a pas lui-m êm e rédigé ses
�53
(
)
conclusions, s’étonne qu’il y ait une demande positive
pour le pré des Carmes, et qu’on se soit b o rn é, pour
les autres héritages partiels, à demander la restitution
des jouissances. 11 a voit demandé d’abord cette restitu
tion pour le domaine d’Aulnat et autres héritages, le
domaine de Bonneval et le pré des C arm es, ce qui emportoit prétention de propriété du tout.
Cette prétention, appuyée sur un titre authentique,
ne fut pas formellement accompagnée de la demande en
désistement.
Elle a été ensuite positivement formée pour le pré
des Carmes seul.
j
L e sieur des Issarts ne peut pas aujourd’hui proposer
à la C our de recevoir et de juger une demande plus
am ple; il faut bien qu’il la prenne telle qu’elle a été
form ée; mais ce qu’on vient de dire démontre qu’on ne
peut tirer aucun argument contre lui de la forme de sa
demande, puisqu’il a prétendu à la propriété de tout;
.et, au surplus, ce qui sera jugé pour le pré des Carmes
entraînera une conséquence forcée pour les autres hé
ritages.
.
§.
IIL
f
Demande en reddition de compte.
Ce chef de demande est plutôt de fait que de droit j
il n’entraînera pas non plus une grande discussiou , puis
que nous en avons forcément mêlé quelque chose dans
le récit des faits.
Il est constant, en d ro it, que les erreurs et les omis
sions vérifiées dans des com p tes, peuvent toujours être
recliCces : ce principe ne sera pas conteste.
�5
( 4 )
II est constant, en fait,
*
Que le sieur Bancal a în é , et après lui la demoiselle
B an cal, sa fille, ont géré et administré, depuis 1 7 9 1 ,
les biens et les affaires de l’intimé ;
' Q u ’ils ont rendu, ou qu’un tiers a rendu pour e u x ,
des comptes de diverses espèces ;
D ’abord un compte de tout ce dont l’aîné étoit créan
cier pour les avances de Bonne v a l,
Ensuite un compte de diverses années de jouissances,
en commençant à 1796 seulement;
Que le sieur des Issarts a reçu ces comptes partiels
d’années détachées.
Mais il résulte de ces états de compte, q u ’il n’a jamais
} été question entre les parties des jouissances antérieures
à 179 6, non plus que de celles postérieures, pour le pré
des Carmes et les autres héritages : et en comparant les
comptes partiels, leurs résultats et les obligations qui
constituent sa dette, il est évident qu’on n’a jamais fait
déduction de ces jouissances, que les appelans ont ce
pendant perçues.
M a is , dit-on, ces comptes, ces obligations et le paye
ment de 692 francs, résultat des états de l’an 1 0 , cons
tituent autant de fins de non-recevoir contre une de
mande en reddition de compte.
Gela demande explication.
‘ O u i , sans doute, il y fin de n o n - r e c e v o ir pour les
comptes rendus, mais non pour ceux qui ne Io sont pas.
L ’omission une fois vérifiée, comme elle l’est certaine
m ent, le sieur des Issarts a le droit de la faire réparer ; et
cela no peut sc faire quo par un compte.
Mais ce compte no pouvant Être quo celui-dos chosos
�55
(
)
omises, le sieur des Issarts sera obligé de souffrir, quelle
qu’en puisse être l’exagération, la fixation faite pour cer
taines années -, ainsi les obligations seront portées en
compte comme créance arrêtée, et supporteront seule
ment la déduction des choses omises.
Cela ne semble pas douteux ; et c’est cependant tout
ce qu’a demandé le sieur des Issarts, et ce que lui a re
fusé le juge dont est appel.
S’il eût payé les quatre obligations dont il produit
les élémens, il pourroit, en vertu de l’art. 1257 du Code
Napoléon, répéter ce qu’il auroit payé sans le devoir.
Comment donc seroit-il non recevable à vérifier ces
comptes, pour avoir consenti des obligations? L e juge
pourroit-il trouver dans la loi une exclusion aussi ri
goureuse ? L e sieur des Issarts ne sauroit se le persuader,
et s’il en étoit ainsi, il s’y soumettroit sans m u rm u re,
satisfait de penser q u e , tout en prononçant la fin de nonrecevoir, le juge demeureroit persuadé qu’il n’a jamais
reçu ce qu’il demande.
On ne refusera pas au moins de lui rendre sa procu
ration.
L e sieur des Issarts ne s’arrêtera pas longuement ici
sur 1’observation de ses n eveu x, qu’il leur a occasionné
des dépenses considérables en vivant chez e u x , et d’une
manière qui n’étoit pas la le u r; 011 l’ticcoseroit de pe
titesse, peut-être, s’ il alloit jusqu’à contester cette vérité
prétendue. Il ne le fera pas moins, tout en avouant qu’il
a quelquefois vécu chez ses n eveu x, mais sans jamais don
ner lieu à aucune dépense extraordinaire.
Non , le sieur des Issarts ne m ent pas à sa conscience ;
il n’est pas dans l'égarement : il y fut un instant, peut-
�56
(
)
être, lorsqu’il livra l’écrit de l’an 6 à une nièce qu’il
affectionnoit, qu’il estimoit, et qu’il ne cesse pas d’es
timer. Ce mouvement spontané dût-il lui devenir nui
sible, il ne sauroit roug ir, ni de son irréflexion d’alors,
ni de sa conduite actuelle. La justice dût-elle condamner
sa prétention , elle ne s’armera pas contre lui d’une in
dignation qu’il n’a pas encourue; elle ne le repoussera pas.
Outragé par ceux qui lui appartiennent de plus près,
il auroit le droit de se plaindre des injures dont on l’a
accablé sans preuve comme sans utilité; il pourroit de
mander à la justice une réparation qu’elle ne lui refuseroit pas; m ais, fort de sa conscience, il dédaigne ces
moyens de la l o i , surtout envers des neveux qui sont
dans l'égarement. Il a exposé sa cause; il s’est fait un
devoir de la faire connoître telle qu’elle est; il a dit ce
qui lui a paru en sa faveur; il n’a pas dissimulé ce qui
présente contre lui des apparences : satisfait d’avoir
éclairé sa con d u ite, il livre maintenant sa cause à la dé
cision de la justice.
Signé J . H . B A N C A L .
M e. V I S S A C , avocat.
Me. G A R R O N jeune, avoué licencié.
A RIOM, de
l’imp. de TH IBAU D , imprim. de
la
Cour impériale, et libraire
rue des T aules, maison L andriot ., — Novembre 1812.
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Issarts, Jean-Henry des. 1812]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Vissac
Garron
Subject
The topic of the resource
renonciation à succession
successions
notaires
biens nationaux
experts
testaments
créances
assignats
jurisprudence
administration de biens
manufacture de bas de soie
ventes
offices
domaines agricoles
industrie
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse, pour sieur Jean-Henry des Issarts, intimé et incidemment appelant ; contre les sieur et demoiselle bancal, les sieur et dame Dalbine, appelans et incidemment intimés.
Table Godemel : approbation. Voir mineur. Voir autorisation : 2. l’approbation d’un testament nul pour cause de prétérition rend-elle non recevable à l’attaquer ensuite ? la déclaration, de la part de l’enfant prétérit, qu’il consent la pleine et entière exécution du testament de son père, fait délivrance de toutes dispositions contenues sans ledit testament et quitte, si besoin est, sa succession de toutes choses quelconques, équivaut-elle à une approbation expresse ? quel délai l’enfant prétérit avait-il pour se pourvoir contre cette déclaration, devait-il agir dans les dix ou les trente ans ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1812
1785-1812
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
56 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2121
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2120
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53417/BCU_Factums_G2121.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Clermont-Ferrand (63113)
Aulnat (63019)
Romagnat (63307)
Bonneval (domaine de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
administration de biens
assignats
biens nationaux
Créances
domaines agricoles
experts
industrie
jurisprudence
manufacture de bas de soie
notaires
offices
renonciation à succession
Successions
testaments
ventes
-
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0cc1d0b52d49da4ffb3629e7fc42883a
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Text
PRÉCI S
POUR
Sieur
B A N C A L , demoiselle
B A N C A L , dame J a c q u e t t e
B e n o it-D o m in ique
M a gd elein e
B A N C A L , épouse de sieur
COUR
im p é r ia l e
DAL-
M au rice
deriom.
i re. C
« H A M B RE.
B IN E , chirurgien , et le sieur M a u r i c e
D A L B IN E , son m a ri, à l’effet de l’autoriser,
tous habitans de la ville de Clerm ont-Ferrand,
appelans d’un jugem ent rendu au tribunal
civil de la m ême v ille , le 13 mars 1 8 1 2 , et
intimés;
C O N T R E
*
'
Sieur J e a n - H e n r i B A N C A L D E S
I S S A R T S } propriétaire intimé et in
cidemment appelant.
L E sieur Bancal a reçu de son frère et de ses neveux
des services signalés; il leur doit son existence et la con
servation de sa fortune. L a demoiselle Bancal aînée a
A
—
*
r
a
�( O
employé sa vie entière à être utile à son oncle; et jus
qu’ici le sieur Bancal n’a cessé de donner à sa famille
des témoignages de reconnoissance.
Plein de respect pour la mémoire de son p è r e , il a
souvent exprimé ce sentiment dans ses écrits ; il en rem ercioit la providence. Il a trouvé dans son frère aîné,
père des appelans, le meilleur ami, un bienfaiteur éclairé,
un agent officieux : il a consigné sa gratitude dans une
foule de lettres qu’on fera bientôt connoître.
Aujourd’h u i , dirigé sans doute par une impulsion
étrangère, il a cru devoir attaquer le testament de son
père, et a form é, contre ses neveux et nièces, une de
mande en partage des successions de ses père et m è r e ,
et en compte de la gestion que son frère et sa nièce ont
eue de ses biens personnels.
Un égarement passager le rend injuste envers sa famille.
Il est pénible pour les appelans de plaider contre leur
..oncle, d’être contraints de dévoiler ses torts, et de lui
rappeler tout ce qu’il feint d’avoir oublié.
F A I T S .
Dominique «François Bancal, et dame Anne Cosse,
auteurs communs des parties, ont eu six enfans : leur
fortune étoit très-médiocre.
L e sieur Bancal des Issarts étoit le plus jeune de leurs
enfans *, il fut constamment l’objet de leur plus tendre
affection. Il n’y a point de sacrifices qu’ils n’aient faits,
ainsi que leur fils aîn é, pour lui donner une éducation
soignée. Lors de sa sortie du collège, ils l’ont ten u , à
�jv
( 3 )
grands frais, dans les écoles de d r o it, soit à Orléans ,
soit à Paris; ils lui ont ensuite fourni des ressources pour
acquérir une charge de notaire au châtelet de Paris, qui
a été la source de sa fortune.
Il étoit au comble de la prospérité, et son père crut
avoir assez fait pour lui. L e 8 septembre 1784, le père,
veillard vénérable, fit son testament olographe. 11 règle
la légitime de ses enfans puînés à une somme de 2,5oo fr.
chacun; il omet à dessein le sieur Bancal des'Issarts; il
institue son fils aîn é, père des appelans, son héritier
universel.
Ce testament fut connu de ses enfans, et notamment
du sieur Bancal des Issarts, qui, dit-on, fut le premier
a reconnoître la justice de l’omission, en ce qui le concernoit. Il avoit reçu bien des fois sa légitime, et ce
n’étoit de sa part qu’ un acte de justice.
L e sieur Bancal père a survécu long-temps à son tes
tament; il est mort octogénaire, le z 5 novembre 1790.
Après son décès, tous ses autres enfans se sont empressés
d’approuver et de respecter les volontés de leur père ;
ils ont reçu le legs sans réserve : les appelans ont les
quittances en leur pouvoir.
L e sieur Bancal des Issarts ne voulut pas être en reste;
il désira donner à son frère aîné des preuves de sa reconnoissance et de sa loyauté. L e 1er. prairial an 6 , il
lui remit une déclaration ainsi conçue : « Je déclare que
« je consens la pleine et entière exécution du testament
« de mon père ; que je fais, en tant que besoin, toute
« délivrance de tous legs et dispositions faits par mon
« père; et je quitte aussi, si besoin est, sa succession et
Aa
�«
«
«
«
celle de ma m ère, de toutes choses quelconques, sons
réserve, en remerciant Dieu de toute la reconnoissance
que je leur dois. A Clermont-Ferrand, etc. Signé JeanHenri Bancal. »
A l’époque de cette déclaration, la succession du père
étoit déjà ouverte depuis huit ans. L e sieur des Issarts
n’avoit rien réclamé; il a gardé le silence jusqu’au n oc
tobre 1 8 11, c’est-à-dire, pendant vingt-un an depuis le
décès du père^ et à peu près quatorze ans depuis son ap
probation.
L e sieur des Issarts, prévoyant les orages révolution
naires, avoit revendu son office de notaire avec des bé
néfices considérables. Il eroyoit avoir beaucoup de fonds
à placer, et il forma le projet d’acquérir des biens na
tionaux, rapprochés du lieu de son origine. En 1791
il charge son frère aîné de lui faire ces acquisitions dans
les environs de Clermont, et celui-ci remplit son mandat
avec autant de zèle que d’exactitude.
Il achète notamment, pour le compte de son frè re ,
un domaine ù A ulnat, provenu des cordeliers de Montferrand; un domaine bien plus considérable encore, connu
sous le nom de Bonneval, provenu des religieux pré
montrés de Clerm ont, situé dans les appartenances de
Romagnat.
Mais le sieur des Issarts se trompa dans ses calculs ; il
ne put envoyer ù son frère les fonds nécessaires pour faire
le payement de ces différentes acquisitions; et celu i-ci,
pour éviter la déchéance , se vit obligé d’avancer scs
propres deniers, et d’épuiser pour cela toutes ses res
sources personnelles.
�(
5
)
L e frère aîné et sa famille se sacrifièrent pour la régie
de ces mêmes biens. Les bâtimens, entièrement dégradés,
furent reconstruits; on les garnit de mobilier; les fonds
furent réparés et améliorés ; et toujours aux dépens du
père des appelans.
Enfin, le 13 messidor an 5 , les deux frères sont venus
à compte de toutes les avances faites par l’aîné. Ce compte
a été arrêté en deux doubles sous seing privé : le père des
appelans s?est trouvé créancier de la somme de 34,273 fr.
o cent, en numéraire.
L e I er. nivôse an 7 ( décembre 1798 ) , le sieur Bancal
aîné est décédé : ses enfans ont continué de régir les biens
de leur oncle comme l’avoit fait leur père.
L e i er. floréal an 7 , les parties réglèrent leur compte
a partir du 13 messidor an , jusqu’à ce jour I er. floréal
an 7.
Ensuite, il fut fait un nouveau compte définitif, le
6 fructidor an 8 , par le résultat duquel le sieur des
Issarts se trouva leur débiteur de 37,314 liv.
s. 9 d .,
dont il leur consentit quatre obligations notariées, de
9,328 francs
centimes.
Dans ces quatre obligations, le sieur Bancal des Issarts
rcconnoît devoir à chacun de ses neveux et nièces cette
somme de 9,328 fr.
cent., « pour le quart revenant
« à chacun d’eux dans celle de 37,314 liv. 5 s. 9 d . , que
« le confessant devoit, en principal et intérêts, à la suc« cession de défunt Jean-Dominique Bancal, son frère,
« père des acceptant, pour avances qu’il avoit faites pour
« le payement de partie du prix du domaine de Bonneval,
« reconstruction de la maison et autres butinions, achats
5
5
5
55
55
�W
( 6 )
« de meubles, pressoir, cuves et autres futailles, plan« tation de verger, jardin, et autres améliorations faites
« audit domaine de Bonneval, suivant le compte verbal
« qui en avoit été fait entre le confessant et défunt Jean« Dominique Bancal, son frère, au mois de messidor
« a?i . »
L e sieur des Issarts s’obligea de payer cette somme dans
six ans, avec l’intérêt à cinq pourcent. Les parties avoient
conservé respectivement leur double du compte arrêté
le 13 messidor an , qui contenoit d’autres conventions
fort importantes entre les deux frères. Il fut arrêté no
tamment que neuf adjudications partielles faites au sieur
Bancal aîné, au nom de son frère, et qui montent en
semble à la somme de 38,150 francs , resteraient en
propriété au sieur Bancal aîné, comme les ayant toutes
acquittées de ses deniers. Les neuf expéditions, ainsi
que les quittances, demeurèrent au pouvoir du frère
aîné. Les expéditions et quittances des adjudications des
domaines d’Aulnat et de Bonneval furent remises au
sieur des Issarts.
—
^
Ce dernier, lors de l’arrêté de fructidor an 8 , de
manda à ses neveux la remise de leur double, afin d’évi
ter, disoit-il, un double emploi. Et ses neveux, pleins
de confiance, lui remirent leur titre, sans même exiger
un récépissé : ils auraient craint de blesser la délicatesse
de leur oncle; et sans doute qu’il a lui-même oublié qu’il
avoit en ses mains le titre de ses neveux : on le lui rap
pelle, pour qu’il veuille bien le leur restituer.
Cet acte, en effet, est très-im portant; il contient le
désistement du sieur des Issarts de oeuf objets au profit
'îv ’
5
5
%
�(
7
)
de son frère aîné. I.es expéditions et les quittances ont
toujours resté au pouvoir des appelans ; et ils en ont
conservé jusqu’ici la jouissance.
Peut-être eût-il été plus sage, de la part du père des
appelans, de se faire consentir une subrogation par acte
public; mais il y avoit tant d’harmonie et de confiance
entre les frères , que l’aîné étoit dans la plus grande
sécurité : et les appelans ne feront pas à leur oncle l’in
jure de penser qu’il veuille retenir cet acte, lorsqu’on
lui aura rappelé qu’il l’a en sa possession.
Ce n’est pas qu’ils ne pussent y suppléer jusqu’à un
certain point, puisque l’existence de ce compte est rap
pelée dans tant d’actes divers, notamment dans une lettre
et une procuration, du 19 messidor an 7 , dont on aura
bientôt occasion de parler; dans le compte du 6 fruc
tidor an 8 ; dans les obligations consenties au profit des
appelans. La subrogation des neuf objets portés par ce
compte n’est-elle pas constante, par le payement des in
térêts du montant des obligations et de partie des capi
taux , par la remise des titres et des quittances du prix
de ces mêmes objets, qui sont encore au pouvoir des
appelans, et par la jouissance non interrompue depuis
cette époque de la part des appelans et de leur père.
On pourroit y joindre la lettre du 19 messidor an 7,
dont voici un extrait. « Vous savez que je suis venu ici
« en grande partie pour voir, d’après l’état de ma for« tune, comment je pourrai m’acquitter, le plutôt pos« sible, de ce que mon frère a bien voulu payer pour
« l’acquisition de mes biens. Je crois qu’il est de mon
« devoir de ne pas différer plus long-temps de réaliser
�(
«
«
«
«
«
«
«
«
«
8
)
le projet dont je vous ni fait part, de transmettre la
propriété du domaine d’Aulnat. Je joins ici une procuration pour cela. Je vous prie de réfléchir sur ce
qu’il y a de mieux à faire à cet égard , et d’en conférer avec mes frères et le sieur Louyrette. C’est un
devoir pour moi ; c’est le vœu de mon cœur, de faire
tout ce qui est juste et convenable, et de conserver
toute ma vie la plus vive reconnaissance de tout ce
que mon frère et la famille a fait pour moi. »
A cette lettre est jointe une procuration par laquelle il
donne pouvoir de transmettre la propriété, possession et
jouissance d’un domaine situé à Aulnat, consistant, etc.,
qu’il a acquis de la nation, suivant le procès verbal d’ad
judication, du i juin 1791 ; faire cette translation, ou
aux enfans de son frère aîné, pour se libérer envers eux
de ce qu’il leur d o it , du chef de leur p è r e , pour le
montant de différentes sommes que son frère a payées
pour lui sur les acquisitions des biens nationaux qu’il a
faites dans le district de Clermont, suivant le compte qui
en a été fait; ou faire cette translation à toute autre per
sonne , et faire à ses neveux et nièces, enfans de son frère
aîné, la délégation du prix de la vente, pour se libérer
envers e u x ; passer et signer tous actes, etc.
C’est après la mort du père et du frère aîné, après le
compte de l’an 5 , la déclaration de l’an 6 , que le sieur
des Issarts reconnoît sa dette envers scs neveux, qu’il veut
vendre pour se libérer ; et il ne réclame rien sur les
adjudications partielles qui avoient resté entre les mains
de son frère : la dette est indépendante de ces objets. Les
appelaus n’abusent pas de la confiance de leur oncle; ils
5
�ne veulent pas acquérir. Il substitue des obligations à
cette procuration -, et ses neveux n’ont d’autres torts à se
reprocher que d’avoir réclamé des droits légitimes et
sacrés, le payement de leurs obligations, qui sont la plus
grande partie de leur fortune. Ils étoient sur le point de
former leur demande en justice, lorsque le sieur des
Issarts a voulu les prévenir.
Par exploit du n octobre 1 8 1 1 , il les assigne pour
venir à partage des successions des père et mère et aieux
communs ; il demande qu’il lui^. soit délaissé un sixième
des biens pour sa portion afférente , avec rapport de
jouissances, payement des dégradations par eux commises,
ou leur p è re , dans les immeubles de la succession, avec
les intérêts du tout à mesure de chaque perception.
Il conclut aussi à ce que ses neveux et nièces soient
tenus de faire le rapport des meubles meublans, mar
chandises et dettes actives, dont eux ou feu leur père se
sont emparés, suivant l’inventaire ou la preuve par com
mune renommée.
Il demande, en second lie u , que les appelans soient
condamnés à rendre compte de la gestion et administra
tion qu’a eue feu leur père, en vertu de sa procuration,
des domaines nationaux dont il est devenu acquéreur;
savoir, d’un domaine situé à A u ln a t , et autres héri
tages j d’ un autre domaine appelé de Bonneval, et d’un
pré-verger provenu du chapitre cathedral ; ladite admi
nistration et gestion remontant et ayant pris cours depuis
les adjudications ( 1791 ) , jusqu’en l’an 11 ou 1803, et ce,
suivant l’estimation qui en sera faite par experts, avec les
intérêts des jouissances à compter de chaque perception.
B
�( * o
Il conclut enfin à une provision de 12,000 francs.
Les appelans, fort étonnés d’une attaque aussi impré
v u e, opposent la déclaration du iei\ prairial an 6 , pour
écarter la demande en partage; ils argumentent de tous
les comptes, des 13 messidor an ,1er. floréal an 7 ,6 fruc
tidor an 8 , 10 nivôse an 10 , 26 frimaire et icr. ventôse
an 11. Ce dernier prouve que Magdeleine Bancal, qui
avoit continué jusqu’à cette époque l’administration du
domaine de Bonneval, étoit en avance d’une somme de
692 liv. i s. depuis le compte de fructidor an 8.
L e sieur des Issarts ne fait pas grande attention h
ces moyens ; il trouve seulement que c’est une manière
commode de l’écarter du partage par une fin de nonrecevoir.
Quoiqu’il ait consenti ci la pleine et entière exécution
du testament de son père, il ne l’a pas approuvé. Quoi
qu’il ait tenu quitte sa succession, et celle de sa m ère,
de toutes choses quelconques, sans réserve, il n’a pas
donné de quittance; et sa déclaration ne vaut, ni comme
approbation, ni comme quittance, ni comme donation,
ni comme renonciation : c’est comme s’il n’avoit rien
dit. Sa déclaration n'est qu u n chiffon méprisable, qu’il
a donné à son frère pour se moquer de lu i, et qui a
été bien dupe de s’en contenter. A l’égard de la ges
tion , il a été trom pé; erreur ne f a i t pas compte; il
invoque la disposition de l’article o
du Code Napo
léon.
La cause portée à l’audience du tribunal de Clerm ont,
première cham bre, il a été rendu, le 13 mars dernier,
un jugement ainsi conçu :
5
5
2 58
�•( II )
« En ce qui touche la demande en nullité du testa« ment de l’auteur des parties;
« Attendu que ce testament est nul pour cause de
« prétérition, le sieur Bancal n’y ayant pas été appelé1;
« Attendu que l’acte du i er. prairial an 6 est inva.« lide et n u l, ne pouvant valoir, ni comme approba« tion du testament, ni comme quittance; que dès-lors
« il ne peut avoir l’effet de rendre inadmissible l’action
« en nullité dudit testament.
« En ce qui touche la demande en reddition de
« compte ;
- « Attendu qu’il est avoué par les parties qu’elles sont
« venues à compte, qu’il existe des arrêtés faits entre
« elles.
« En ce qui touche la demande en désistement di
« pré des Carmes;
« Attendu que rien n’établit que le demandeur en
■
« ait fait la transmission au profit de ses neveux et
« nièces.
« En ce qui touche la demande en partage;
« Attendu le principe que nul n’est tenu de demeure:
« dans l’indivision,
« L e tribunal, sans s’arrêter ni avoir égard au testa« ment de l’auteur commun , non plus qu’à l’acte du
« I er. prairial an 6, qui sont déclarés nuls et de nul
« effet, ordonne que les parties viendront à division et
« partage des biens du sieur Bancal, père et grand-père
« des parties; auquel partage ils feront tous rapports
« et prélèvemens de droit, pour du tout en être dé*
« laissé à chacune d’elles sa portion afférente; et pou1
B 2
�( 12 )
parvenir audit partage, etc. ; déboute le sieur des
Issarts de sa demande en reddition de compte; con
damne les héritiers Bancal à se désister , en faveur
de leur on cle, du pré dit des Carmes ; à rendre
compte des jouissances par eux faites ; condamne le
sieur des Issarts à leur rembourser la somme de 4,000 fr.
montant de partie du prix dudit pré, qu’eux ou leurs
auteurs ont payé en assignats, et ce, valeur réduite
d’après l’échelle de dépréciation du papier-monnoie;
ensemble à leur payer les intérêts à compter de l’é
poque où les payemens ont été faits : lesquels intérêts
et améliorations demeureront compensés avec les jouis
sances du pré dit des Carmes, dont le désistement a
été ci-dessus ordonné.
« A l’égard des bestiaux inis dans le domaine de
Bonneval ; attendu qu’il est articulé par les héritiers
Bancal, qu’eux ou leurs auteurs en ont fait l’achat;
et que, de la part du sieur des Issarts, il a offert d’en
faire raison, si cet objet n’a pas été compris dans l’ar
rêté de compte. L e tribunal ordonne que les parties
se retireront devant Boutai, notaire, commis à cet
eiFet, à l’effet de vérifier si, dans les arrêtés de compte,
la valeur desdits bestiaux y a été comprise; et dans le
cas où le contraire seroit reconnu, le tribunal con
damne dès-u-présent, et sans qu’il soit besoin d’autre
jugement, le sieur des Issarts à payer à ses neveux et
nièces la somme de y 5 o francs pour la valeur des
bestiaux; compense les dépens, pour être employés
en frais de partage; met les parties hors de procès
sur toutes autres demandes. »
�5
Ce jugement a été signifié à domicile, le i mai
dernier.
Les héritiers Bancal ont interjeté appel de ce juge
ment, notamment, i°. en ce que le tribunal de Clermont n’a pas jugé que l’écrit donné par Bancal des
Issarts au père des appelans, le i er. prairial an 6, valoit
quittance et décharge du payement des sommes revenant
au sieur des Issarts, pour sa légitime dans les successions
de ses père et mère ; et qu’il n’a pas été déclaré non
recevable, ou subsidiairement débouté de sa demande
en partage desdites successions. •
2°. En ce qu’il n’a pas été déclaré non recevable, ou
au moins débouté de sa demande en désistement et res
titution de jouissances du pré des Carmes; e t , enfin,
en ce qu’il n’a pas été ordonné que le sieur Bancal des
Issarts rapporteroit le double du compte fait entre lui
et son frère aîné, le 13 messidor an 5 .
D e son côté, le sieur Bancal des Issarts a interjeté in
cidemment appel du même jugement, en ce que le tri
bunal n’avoit pas ordonné un nouveau compte.
T e l est l’état de la cause ; elle présente dans sa dis
cussion deux chefs de demande bien distincts, et qui
n’ont aucun rapport entr’eux. Il s’agit d’examiner, dans
la première partie, si le sieur Bancal des Issarts a ap
prouvé le testament de son père par l’acte du i er. prai
rial an 6 ; si cet acte peut valoir comme quittance; s’il
est unilatéral, ou s’il devoit être fait double; 20. si, en
supposant que cet acte fut nul dans le principe, le sieur
des Issarts seroit recevable i\ l’attaquer après plus de dix
ans d’exécution. Dans la seconde partie, on examinera
�4
( i )
si le sieur des Issarts est fondé dans sa demande en désis
tement du pré dit des Carmes; et, enfin, s’il estrecevable
à demander un nouveau compte de gestion.
t
P
r e m i è r e
p a r t i e
.
§. 1er.
L e sieur Bancal des Issarts a approuvé le
testament de son père,
11 est certain que le testament olographe du sieur
Bancal père étoit imparfait et n u l, pour cause de prétérition ; il est inutile de s’appesantir sur un point de
droit aussi certain : les lois romaines et les anciennes
ordonnances prononcent cette nullité. Non-seulement le
père étoit obligé d’appeler et nommer tous ses enfans,
mais il devoit même leur donner la légitim e, à titre
à?institution, d’après la novelle i i et l’ordonnance de
1735. Mais, en môme temps, il n’y a pas de nullité plus
apparente que la prétérition ; et le fils qui a été prétérit
n’a pas pu l’ignorer.
Dès-lors, la plus légère approbation a dû suffire pour
écarter dans la suite toute demande en nullité. Ce prin
cipe est fondé sur les lois romaines et sur le droit fran
çais. La loi 1 6 , au code D e testant., porte: A d jicien dum e s t, ut qui ex testamento vel ab intestato hœres
exstiterit : etsi voluntas defuncti circa legata, legibus
non sit subnixa , tanien si sua sponte agnoverit im pïendi eam nccessitatem habeat.
5
�( i 5 )
La loi 32, ff. D e inoff. test.> est infiniment précieuse
dans l ’espèce ; elle repousse la demande d’un fils exhérédé , par cela seul qu’il auroit reçu une procuration
d’un légataire, pour demander la délivrance du legs.
S i exhœredatus petenti legatinn ex testamento advocationem prœ buit, procurationemve susceperit - removetur ab accusatione. Agnovisse enim videtur, qui quàle
quale judicium defuncti comprobaçit. Telle est la doc
trine de tous les auteurs, et notamment de Cujas, Brodeau , H enrys, etc.
A la vérité, on a voulu établir une distinction entre
les testamens inofficieux et les testamens nuls. On a pré
tendu que les lois dont on vient de rappeler les dispo
sitions, ne s’étoient occupées que des testamens inofficieux;
que dès-lors l’approbation de l’héritier ne pouvoit écarter
que la querelle d’inofficiosité , et n’empêchoit pas de
demander la nullité du testament. L e savant R ica rd ,
dans son Traité des donations, partie 3, n. i
, a com
battu cette opinion ; il pense que le consentement prêté
par l’héritier le rend non recevable à contester la dis
position du défunt. « La raison de cette résolution ,
« dit-il, résulte de ce que dans l’exécution d’une dona« tion ou d’un testament, quoiqu’invalide en solennité,
« ou excessif en sa qualité, il ne laisse pas de s’y ren« contrer -une obligation naturelle , qui dépend de la
« volonté du défunt, que l’héritier veconnoît par son
« approbation; et ce qui étoit capable d’arrêter l’effet
« de cette vo lo n té, n’est qu’un empêchement civil, in« troduit en faveur de l’héritier seulement, auquel il
553
�( 16 )
53 peut par conséquent renoncer, comme il fait par son
« consentement. »
Plus bas, Ricard ajoute que « les formalités d’un acte
« ne servent que pour sa justification, et pour faire voir
« qu’il est véritable. De là vient qu’elles ne sont pas né« cessaires, lorsque les parties intéressées en demeurent
« d’accord : c’est, en ce cas, un fidéicommis qui subsiste
« sur la bonne foi de l’héritier, et sur sa connoissance. a
Ricard s’appuie sur la loi 2, cod. D ejid eico m . Curn non
ex sola scriptura, sed ex conscientia relicti fideicom ?7iissi defuncli volant a ti satisfactinn esse videatur.
Ricard n’est pas le seul qui ait professé cette doctrine :
Brodeau, lettre L , somm. ; Henrys, tom. 2 , liv. ,
quest. i ve. , ont également pensé que l’approbation d’un
testament nul écartoit toute demande de l’héritier. Il est
vrai que Furgole a été d’un avis contraire. Mais en exa
minant bien l’avis de Furgole, il n’a entendu parler que
d ’un vice caché, qu’il n’étoit pas au pouvoir de l’héritier
de découvrir, lorsqu’il a donné son approbation : encore,
malgré la sagacité de cet auteur, il ne détruit pas les
motifs qui ont déterminé l’opinion de Ricard ; et la ju
risprudence du parlement de Toulouse, qu’il invoque,
n’a pas été uniforme; car Catelan, liv. 2 , cliap. 33, rap
porte un arrêt de ce parlement, du 14 février 1681, qui
déclare un fils non recevable à attaquer un testament
qu’il avoit approuvé, quoiqu’il n’eut pas été appelé dans
ce testament à titre d’institution. Aussi tous les avis se
•sont réunis pour décider que l’héritier qui a approuvé
le testament est exclu de toute demande, lorsque la nul
6
6
lité
�( 17 )
lité est apparente, qu’il a pu la connoître; tandis qu’au
contraire il peut revenir, lorsque la nullité est cachée,
qu’il n’a pu la p ré v o ir, parce qu’alors son approbation
n’est plus que reflet de l ’erreur.
L e dernier commentateur de la coutume d’Auvergne,
sur l’article 5o du titre 12, rapporte un arrêt rendu au
rapport de M.Robert-Saint-Vincent, en 1778, qui vient à
l’appui de la distinction qu’on a établie. Le comte d’A illy
avoit institué le marquis de Chombonas son héritier uni
versel, et avoit fait un legs particulier au profit du sieur
de la V olpilière, l’un de ses héritiers présomptifs. L e
légataire reçut le legs. Il voulut ensuite attaquer le tes
tament, sous le prétexte que la minute n’étoit pas écrite
de la main du notaire, et qu’il n’avoit eu connoissance
de ce vice que depuis sa quittance ; il fut déclaré non
recevable, parce qu’il n’avoit dépendu que de lui de
vérifier la minute avant d’accepter, et que rien ne prouvoit qu’il n’avoit connu la minute que depuis sa quit
tance.
Dans l’espèce particulière, le sieur Bancal des Issarts
n’a pu ignorer le vice du testament de son père ; tout
pro u ve, au contraire, qu’il l’a connu. I l consent à la
'pleine et entière exécution de ce testament; il fait déli
vrance de tous legs et dispositions : c’est le style d’un
homme exercé, d’un homme du métier. Il tient quitte
les successions de ses père et mère de toutes choses quel
conques , sans réserve. Il savoit donc que le testament
contenoit des le g s , qu’il 11’y avoit rien pour lui ; il ne
veut rien exiger. Le père étoit mort depuis huit ans ;
G
�(. 1 8 ? ,
ses dernières volontés avoient été exécutées par les autres
enfans; l’héritier institué étoit en possession de l’univer
salité des biens ; le sieur des Issarts étoit majeur depuis
longues années : il a donc agi en connoissance de cause.
Il a voulu donner cette marque de respect et de défé
rence à la mémoire de son père : quale quale testamentum approbaçit. Il est donc non recevable, par cela seul
qu’il a approuvé ce testament.
On peut ajouter, à l’appui d’une proposition aussi
évidente, la disposition de l’article 1340 du Code Napo
léon , qui porte : « La confirmation, ou ratification, ou
« exécution volontaire d’une donation, par les héritiers
« ou ayans-cause du donateur, après son décès, emporte
a leur renonciation à opposer soit les vices de fo rm e ,
« soit toute autre exception. »
Quoique la succession soit ouverte long-temps avant
la publication du Code, il n’en est pas moins applicable
à la cause, parce qu’il ne fait pas droit nouveau en cette
partie, qu’il se réfère h l’ancienne disposition des lois, et
fait cesser toute controverse.
M ais, dit le sieur des Issarts, cette déclaration ne vaut
rien; on ne peut la considérer comme une quittance,
ni comme une renonciation, ni comme une donation :
elle n’a pas été faite double ; elle contenoit cependant
des engagemens synallagmatiques. Les premiers juges ont
dit la même chose dans leurs motifs; mais, comme le
sieur Bancal des Issarts, ils ont mis en fait ce qui est en
question, sans nous apprendre pourquoi ils annulloient
ainsi un acte qui doit avoir son exécution. C’est se mettre
�( 19 )
^3
fort à son aise pour raisonner comme pour décider; mais
il faut convenir que ce n’est pas au moins la manière de
convaincre même les plus crédules.
• E t pourquoi cet acte ne vaudroit-il pas comme quit
tance? L e sieur des Issarts dira que ce seroit une quit
tance sans prix : et où a-t-il trouvé qu’il fût nécessaire
d’exprimer un prix dans une quittance? Tenir qu itte,
c’est reconnoitre qu’il n’est rien d û , et que le montant
de l’obligation a été acquitté. Ainsi le sieur Bancal, en
tenant quitte la succession de ses père et mère, a reconnu
qu’il .a reçu ce qui devoit lui revenir. Il pouvoit être
généreux, et il ne l’a pas été, puisqu’il est constant qu’il
avoit au moins reçu quatre fois le montant de sa légitime.
L e créancier du montant d’une obligation ou d’un billet,
qui donneroit quittance pure et simple, ou qui tiendroit
quitte le débiteur, sans exprimer qu’il a i*eçu le p r i x ,
pourroit-il réclamer le montant de son obligation? le
débiteur ne seroit-il pas valablement libéré? et n’en
est-il pas de même d’un légitimaire qui tient quitte l’hé
ritier de tous ses droits généralement quelconques?
Il est permis, sans doute, de renoncer à un droit
acquis, à une exception que donne la loi civile : unicuique licet ju r i pro se introducto renunciare. La loi
permettoit au sieur des Issarts d’user de l’exception de la
prétérition ; il a renoncé à cette exception, et cette re
nonciation est sans retour : rernittentibus actiones su u s,
dandus non est regressus. Comment le sieur des Issarts
voudroit-il faire entendre que son acte ne vaut pas re
nonciation, lorsqu’il a formellement tenu quitte de toüte
C 2
'
;
�( îo )
espèce de droits dans les successions de ses père et mère?
O r , une renonciation faite en majorité est toujours irré
vocable.
Une quittance, une renonciation, est un acte unilatéral;
il dépend d’une seule volonté. Il n’a pas besoin d’être
fait double, puisqu’il émane d’un seul, et qu’il n’engage
que celui qui le souscrit. La renonciation d’un héritier
fait place à un autre; mais il ne peut y- avoir d’engagemens réciproques lorsqu’il s’agit d’une renonciation pure
et simple. Il faudroit en dire.de même d’une renoncia
tion aliquo clato, d’une cession de droits moyennant un
prix; elle n’auroit nullement besoin d’être faite double,
si le prix étoit payé comptant ; elle ne seroit synallagmatique qu’autant que le prix seroit stipulé payable à
termes, parce que, dans ce cas, le débiteur doit s’obliger
au payement du p r i x , et qu’alors il y a engagement ré
ciproque.
Que le sieur des Issarts dise, tant qu’il lui plaira, que
son acte ne vaut pas comme donation; on ne l’a jamais
prétendu. Il n’est entré dans l’idée de personne qu’il ait
été généreux ; mais on a dit qu’il fut juste une fois dans
sa vie.
§. 11 .
L e sieur Bancal des Issarts est aujourd'hui non
recevable à attaquer de nullité l'acte du I er.
prairial an 6.
En admettant pour un moment que cet acte fût nul
�( 21 )
dans le principe, que le sieur des Issarts fût autorisé ù
revenir contre ses engagemens, pour cause de nullité,
ou par la voie de la restitution , il devoit former sa
demande dans les dix années.
C’est un principe constant, établi par l’article 1 34 de
l’ordonnance de 1639, qui embi’asse tous les cas de nullité
ou de lésion, et qui n’en excepte pas même les causes
de déception : c’étoit un règlement aussi sage qu’utile.
Il importe que le repos des familles ne soit pas conti
nuellement troublé. D ix ans de majorité sont sans doute
plus que suffisans pour connoître ou rechercher ses droits.
L ’article 1304 du Code Napoléon fait aujourd’hui cesser
tous les doutes, la diversité de la jurisprudence, et les
distinctions subtiles entre les nullités absolues et les nul
lités relatives. Cet article veut que dans tous les cas
ou l’action en nullité, où la rescision d’une convention,
n’est pas limitée à un moindre temps, par une loi par
ticulière, cette action ne dure que dix ans.
La Cour a appliqué avec sévérité la disposition de
cet article, par un ari’êt du 22 .juin 18 12, dans la cause
du sieur Jacquot, Contre le sieur Saulnier. Il s’agissoit
d’une vente faite par un débiteur au préjudice de ses
créanciers. Il étoit démontré que l’acquéreur avoit par
ticipé à la fraude *, on lui reprochoit même de l’avoir
provoquée, et d’avoir abuse de son ministère de juge
de paix, pour priver le créancier de son hypothèque.
Mais ce créancier avoit laissé passer plus de dix ans
sans attaquer cette vente, depuis qu’il en avoit eu connoissance. En conséquence, la Cour le déclara non re-
�(
22
)
cevable; mais prouva qu’elle ne se déterminoit que par
cette fin de non-recevoir, en infirmant le jugement dont
étoit appel, en ce qu’il avoit statué sur le fond.
Dans l’espèce particulière, le sieur des Issarts a donné
cette quittance huit ans après la mort de son père : de
puis cette déclaration , il a laissé passer quatorze ans
sans se plaindre, sans rien réclamer : donc il ne peut
plus aujourd’hui en demander ni la nullité ni la res
cision.
Et lorsqu’on voit que le sieur Bancal des Issarts n’a
fait en cela qu’un acte de justice; que c’étoit.un foible
dédommagement de ce qu’il en avoit coûté à son père,
à son frère aîné, pour lui procurer l’état brillant au
quel il étoit parvenu, on ne peut s’empêcher de rendre
hommage à la sagesse des lois qui ont limité la durée
d’une action de te genre, et qui préservent les appelans des ambitieuses et tardives recherches d’un oncle si
injuste à leur égard.
Les appelans se voient obligés de rappeler ici que leur
oncle a été logé , n o u r ri, chauffé , éclairé chez eux
pendant tous ses séjours à Clermont, qui ont été trèslongs et très-fréquens depuis la révolution.
Accoutumé aux aisances de la capitale , il ne vivoit
pas comme e u x , il ne mangeoit pas à leurs heures, il
lui falloit un ordinaire particulier; il leur a occasionné
des dépenses très-considérables en tous genres. Ils ont
tout payé pour lu i, pendant ses séjours, quand il étoit
malade ; ils ont fourni à tous les frais : et s’il s’agissoit
de faire un compte, il seroit bientôt prouvé que la nio-
�( 23 )
clique portion qu’il pourroit prétendre seroit absorbée
bien au delà par les avances qu’ils ont faites pour lui.
A u surplus, les appelans se réservent tous leurs droits
à cet égard.
D
e u x i è m e
p a r t i e
.
§. I er-
Demande en désistement du pré dit des Carmes.
Rien ne prouve la transmission de cet objet, ont dit
les premiers juges, au profit du père des appelans. L e
sieur des Issarts a-t-il pu résister au. cri de sa conscience,
lorsqu’il a réclamé cet immeuble? il fait partie des neuf
adjudications partielles dont le prix a été payé par le
père des appelans : les quittances’et les premières grosses
des adjudications ont resté en son pouvoir. L e sieur des
Issarts a dans les mains les deux doubles de l’arrêté de
compte du 13 messidor an : qu’il les produise; on y
lira qu’il n’a voit payé autre chose, sur ces adjudications
partielles, qu’une somme de i , oo francs sur le prix de
l’adjudication de deux œuvres de p ré -v erg er du cha
pitre catliédral, sous les Carmes Déchaussés; et celle
de 300 fr. sur l’adjudication d’un journal un quart de
p ré , au terroir du pré Liandier, adjugé le 4 mai 1792;
qu’au moyen de ce que le père des'appelans demeuroit
propriétaire de ces objets, ces deux sommes, montant
à 1,800 francs, ont été déduites sur le com pte, et que
5
5
�24
(
)
le sieur des Issarts se trouva encore débiteur envers son
frère aîné de la somme de 34,273 liv. 10 s. en numé
raire, qu’il s’obligea de rembourser à. volonté et requête,
avec intérêts à cinq pour cent.
L e sieur des Issarts, en payant cette somme, demeuroit propriétaire du domaine d’A u ln at, et de celui de
Bonneval qu’il habite actuellement : les adjudications par
tielles restoient au sieur Bancal aîné. Les appelans ont
demandé que leur oncle fût tenu de restituer le double
qui lui a voit été confié. Le sieur des Issarts n’a pas
répondu sur ce point ; et le jugement dont est appel
est aussi muet à cet égard : c’est un des griefs des ap
pelans. Ils ont rappelé, en commençant, les différentes
circonstances et les écrits qui pourroient, dans tous les
cas, suppléer au défaut de rapport de ce double , du
13 messidor an . Les appelans, d’ailleurs, seroient en
état de prouver l’existence de cet arrêté de compte,
puisqu’ils ont des commencemens de preuves par écrit.
5
§. I I .
L e sieur des Issarts est non recevable h demander
a ses neveux un compte de gestion.
Cette demande en nouveau compte est vraiment in
concevable : le sieur des Issarts en a été débouté par les
premiers juges, et ce chef est l’objet de son appel inci
dent. Cependant ces comptes ont été rendus avec la plus
grande exactitude, et sont tous rapportés, à l’exceptioa
de
�5
( 2 5 )
de celui du 13 messidor an , que l’intimé a en son
pouvoir. Un second a eu lieu le I er. floréal an 7 , et
part depuis le 13 messidor an . Un troisième est du 6
fructidor an 8; dans celui-ci, il fut imputé 2,100 francs
dont la demoiselle Bancal aînée restoit débitrice, sur
5,141 fr. montant de trois années d’intérêts de la somme
de 34,273 liv. 10 s. dont l’intimé s’étoit reconnu débi
teur envers son frère. Ces intérêts, réunis à la somme
principale, portèrent la dette à 37,314 fr. que le sieur
des Issarts divisa en quatre obligations de 9,328 francs,
au profit de chacun de ses neveux et nièces; il s’obligea
au payement de ces quatre obligations dans six années,
à la charge de l’intérêt à cinq pour cent sans retenue.
Comment le sieur des Issarts se seroit-il reconnu débi
teur, si ses neveux lui avoient dû un compte? Un qua
trième compte a été rendu par la demoiselle Bancal,
depuis le 6 fructidor an 8, jusqu’au 10 nivôse an 10.
Enfin un dernier, qui termine la gestion, parce qu’à
cette époque le sieur des Issarts étoit marié, est du 26
frimaire an 11 ; ce fut le terme de la gestion officieuse
de la demoiselle Bancal : elle est bien récompensée de
ses soins.
On voit, dans ce dernier compte, que la demoiselle
Bancal étoit créancière de son oncle de 692 francs, dont
le sieur des Issarts lui fit le remboursement ; au moyen
de quoi, elle le tient quitte de tout reliquat antérieur,
sans préjudice du principal des obligations, et des inté
rêts d’icelles depuis le 10 messidor an 10.
- N ’est-il pas évident q u e , loin que le sieur des Issarts
D
5
�(
2
6
}
ait rien à prétendre contre ses neveux et nièces, il doit
tout, au contraire, h leur générosité et à celle de leur
père; et lorsqu’il écrivoit à sa nièce, le 22 messidor an 6 ,
qu’il ne cesseroit d’avoir pour elle la plus vive reconnoissance de tous les soins qu’elle prenoit pour lui; lors
q u e, le 19 messidor an 7 , il disoit qu’il conserveroit
toute sa vie la plus vive reconnoissance de tout ce que
son frère et sa famille avoient fait pour lu i, lorsqu’il le
répétoit le 7 vendémiaire an 8, le 14 pluviôse an 9 , le
i floréal an 10 , le 27 frimaire an 1 1 , ces témoignages
réitérés de reconnoissance et de tendresse n’étoient qu’une
foible expression de celle qui leur étoit due.
Comment le sieur des Issarts a-t-il pu oublier tous les
services qu’il a reçus! la mémoire des bienfaits passe-telle donc aussi vite que le sentiment du plaisir ! L e sieur
des Issarts p ou rro it-il obtenir un partage, lorsqu’il a
approuvé le testament de son père, consenti à sa pleine
et entière exécution, et renoncé à tous ses droits ; lors
qu’il a laissé passer plus de vingt-trois ans depuis la mort
du père, et plus de quatorze ans depuis sa quittance,
sans rien réclamer ? pourroit-il demander un compte de
gestion, lorsqu’il l’a reçu avec tant d’exactitude, et qu’il
a lu i-m êm e payé le reliquat? p ou rroit-il réclamer le
désistement d’un immeuble, lorsqu’il n’en a pas payé le
p r ix , lorsque son frère en a joui depuis 1 791, et tandis
qu’il n’a pas osé demander les autres objets partiels dont
ses neveux sont en possession? peut-il ainsi mentir à sa
conscience, lorsqu’il a dans les mains l’acte fait double,
qui en a transmis la propriété à son frère aîné ? Des pré-
5
�7
( 2 )
tentions aussi exagérées ne peuvent être que l’effet d’un
égarement dont rougira bientôt le sieur des Issarts : dans
tous les cas, la justice les repousseroit avec indignation.
Signé B e n o i t - D
M
agdeleine
BANCAL, M
om inique
BANCAL,
B A N C A L , J acquet te
aurice
DALBIN E.
M e. P A G E S ( d e R i o m ) , ancien avocat.
Me. D E V È Z E , avoué licencié.
A R IO M , de l’imp. d e TH IB A U D , imprim. de la Cour Impériale, et libraire;
rue des Taules, maison L a n d r i o t . — Juillet 1812..
�
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Bancal, Benoît-Dominique. 1812]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Devèze
Subject
The topic of the resource
renonciation à succession
successions
notaires
biens nationaux
experts
testaments
créances
assignats
jurisprudence
administration de biens
manufacture de bas de soie
ventes
offices
domaines agricoles
industrie
Description
An account of the resource
Titre complet : Précis pour sieur Benoît-Dominique Bancal, demoiselle Magdeleine bancal, dame Jacquette bancal, épouse de sieur Maurice Dalbine, chirurgien, et le sieur Maurice Dalbine, son mari, à l'effet de l'autoriser, tous habitans de la ville de Clermont-Ferrand, appelans d'un jugement rendu au tribunal civil de la même ville, le 13 mars 1812, et intimés ; contre sieur Jean-Henri Bancal des Issarts, propriétaire, intimé, et incidemment appelant.
note manuscrite : « voir arrêt de la cour, seconde section, 27 septembre 1812, au journal 1813, p. 29. »
Table Godemel : approbation. Voir mineur. Voir autorisation : 2. l’approbation d’un testament nul pour cause de prétérition rend-elle non recevable à l’attaquer ensuite ? la déclaration, de la part de l’enfant prétérit, qu’il consent la pleine et entière exécution du testament de son père, fait délivrance de toutes dispositions contenues sans ledit testament et quitte, si besoin est, sa succession de toutes choses quelconques, équivaut-elle à une approbation expresse ? quel délai l’enfant prétérit avait-il pour se pourvoir contre cette déclaration, devait-il agir dans les dix ou les trente ans ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1812
1785-1812
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
27 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2120
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2121
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53416/BCU_Factums_G2120.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Clermont-Ferrand (63113)
Aulnat (63019)
Romagnat (63307)
Bonneval (domaine de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
administration de biens
assignats
biens nationaux
Créances
domaines agricoles
experts
industrie
jurisprudence
manufacture de bas de soie
notaires
offices
renonciation à succession
Successions
testaments
ventes
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53321/BCU_Factums_G1718.pdf
7831d9a727a1255798fa6d44dfca73f7
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Text
4 SI
CONSULTATION
P O U R le Sieur DE SEV IN , Tuteur légal
de ses Enfans Héritiers de la Dame leur
Mère ;
S
L'Appel
ur
e t
pa r
interjeté
le Sieur B A C H E L I E R
pa r
la Dame D ' H O U D E T O T ,
D ’un Jugement d’Ordre rendu par le Tribunal Civil
d e l ’A rro n d issem e n t C o m m u n a l de M
Plu v iô se
C
an
ollet de
10 ,
entre
les
S a in t -J am es.
or t a i n
le 2 9
Créanciers du Sieur
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^
J L e C O N S E IL SO U S S IG N É , qui Ja pris le ctu re, t ° . d ’un
Jugement d’ordre rendu pa r le T rib u n a l civil de M o rta in , le
29 pluviôse an 1 0 , entre lès: créanciers du sieur Çollet-St.James ; 2°. d ’un M ém oire, intitulé ; Gri ef s et moyens d’ appel y
pour le sieur B achelier, suivi de deux consultations délibérées ,
l ’une à P a ris, le 20 fructidor an 11 , et l’autre à Caen t) Je
24 brumaire an 1 2 ; 3 °. d ’un Mémoire en réponse, pour la
dame de Sevin ; 4 ° . d’Observations servant de griefs et moyens
d ’appel , pour la dame d’IIoudetot j 5 °. d ’Observations pour
le sieur de S e vin , en qualité de tuteur de ses enfans , héri
tiers de la dame leur m ère; 6°. enfin , de deux autres Con
sultations , délibérées à Caen , les 3 i décembre 1806 et 7 janvier
1807;
'
. u »<
E S T I M E qu’en reconnaissant k la dame, de Sevin le droit
de prendre inscription sur les biens du sieur Collet-St.-James,
le T r ib u n a l de première instance de Mortain a rendu une
décision parfaitement conforme aux principes , et qu’il n ’y a
pas lieu de douter que son jugement soit confirmé en ce p o in t,
le seul qui intéresse les héritiers de la dame de Sevin.
Par acte authentique du a 3 novembre 1767 , le tuteur de
la demoiselle Collet de Beauvais ( la dame de S e v in ) vendit
au sieur Pont-Châlons un office de secrétaire du roi , pour
la somme de 110,000 liv.
L ’acquéreur affecta l’office par privilège, et tous ses biens
par hypothèque, au paiement du principal et des intérêts ,
fixés à quatre pour cent.
A
�P a r autre acte authentique, du i 3 février 178 3 , les héri
tiers du sieur JPpnt-Ch|ilons .revendirent cet office au sieur
ColIqJt-jSt.-Jinnes pour 12g,000 Jivres, .dont io,oco liv. furent
payés comptant. L e surplus fut d é l é g u é à la dame de Sevin.
La clause est conçue en ces termes:
« A l ’égard des 110,000 liv. restantes, ledit Pigeron (fo n d é
» de pouvoir des héritiers Pont-Chàlons),audit n o m , les délègue
» par ces présentes, à la dame épouse du sieur S e v in , pour
'» confô'rmémerit au contrat passé devant les notaires au ci>> devant Chàtelef de P a r is , le 2:3 novembre 1767 , par lequel
»> ledit feu de Pont-Châlons avait acquis ledit office de secré» taire du r o i , promettant ledit acquéreur exécuter et accom-
» plir rles conditions portées^audit contrat
, relativement a(i
» paiement'de ladite rente et au remboursement de son, capital
» ci-dessus désigné, ¿ a n s le s té n u e s e t de l a manière s ti» PULÎE EN ICELUI. »
« A u paiement de laquelle somme de 110,000 liv. et intérêts
» d ’icelle d a n s l e t e m p s e t c o m m e i l e s t d i t c i - d e s s u s , l ’office
>> sus-vendu est' et dem eure, par privilège, expressément réservé,
» obligé*, affecté et hypothéqué; et en O utre," sans
q u ’une
» obligation et affectation déroge à l’autre , ■
ledit Collet - de» S t.-James y oblige, affecte et hypothèque tous ses autres
» l/iens , meubles et immeubles, présens et à venir. »
En exécution de cet acte , la dame de Sevin a reçu, du sieur
Collet-Saint-James , les arrérages de la rente q u ’il s’était
chargé de lui payer.
‘ Le 2 décembre 1791 , il a été passé, entre cette dame et son
nouveau débiteur, un acte où elle a consenti que le terme
auquel il était tenu de lui rembourser le capital, et qui devait
expirer l’année' suivante, lut prorogé au i cr janvier 1799.
■ Cet acte est sous seing-privé; mais il a acquis une date
�c eitâm e, ayant pas«? âu''poiivoir),t'le il,afutorit0j'a<ÎaiiiH%fir^ÿv.Ç)
avec les1 autres' titr'es-de créance .dô la''dam e;1<de Sevify »i^qtfi,
avàit été insdrlte-, sud : lal>liste'des énfyigrés, 11 a ‘ été dépecé»
par la régie de.ii’éftrégistremcnt , au greffé du T rib u n a l >civü
dé Mortain* .*
v<\ «:•* * " ‘
• ) ....... l
,
, :
L e 26 prairial an 7 , en vertu de Vacte du 2.a novembre 1767
et ¡de celui du i 3>fév rier »7&i jM a: damé Atte ;3evia, a üpjris
une inscfiptiôit hypothécaire sur 1les ljiensi. du' siquijj Collet-,
de-St.-Jamés. •
l
.’
■
:î •>[>
1
. . Ji* - *'Jli . . . !. î' . ■
^
On lui a contesté le droit de prendre cette instfr.iption. ; ;
• 11 a été prétendu qu’elle li’avait point de titre! hypothécaire
sur les .biens du sieur Collet-St.-James.
; '.'.1 . I>
" j
On a refusé de lui en reconnaître urt dans Ifacte du i 3 fé-*
vrier 17 8 3 , sous le prétexte unique q u ’e lle 'n ’y avait p a s'¿ té
présente pour accepter la délégation qu’il porte en sa faveur.
i
.
..
■
X e l 'est y. eui peu de m o ts, le système du; sieur Bachelier
et de la d a m e ’ d ’IIoudétot’ , créanciers, du sieur Collet - St,»*
J a m e s, depuis le 1 5 messidor an 6 seulement.
Présenté par ces deux créanciers seuls , quoique tous les
autres créanciers hypothécaires du sieur Collet soient égale
ment ; primés par la dame de S c v in , cc système doit pa
raître d ’autant moins favorable qu ’il - tendrait Ui dépouiller1
entièrement ses héritiers de la créance la plus légitime.
E t , pour l’admettre, il faudrait anéantir uue deîc'gcition for
mellement stipulée , une délégation d’ailleurs acccpléo ; il £au- drait^supposer nulles des conventions expresses , insérées dans
un contrat authentique et formant les conditions d’une v e n te ou bien même eu les reconnaissant valable^ y i ! 'faudrait^ par
une manifeste contradiction * les em pêcher'de produire' Jour >
effet propre et direct. ••;« '
. . >.
,
, 'i-r.
'
C a r , incontestablement, il .existe iule de'ltigatipn ,.çn 'faSxiif i
�de la dame de Sevin , dans l’acte du i 3 février 1783 j >il y existe,
én 'sa faveur, une obligation personnelle de. la part du sieur
Collet-Saint-Jânies, et Yaffectation de tous ses biens par hy
pothèque , à l’acquittement de cette obligation.
C ’est bien là un titre, un titre hypothécaire en faveur de
la dame de Sevin.
L e sieur Bachelier et la dame d’Houdetot ont fait observer
q u e p o u r rendre une délégation parfaite , il falloit le concours
de trois personnes, le déléguant , le délégué , celui enfin au
profit duquel est stipulée la délégation ,
et
qu’on pourrait
appeler le délégataîre.
D e cette définition ils ont conclu que la délégation, portée
par l ’acte du i 3 février 1783 , n ’était point parfaite à l’ ins
tant où elle fut stipulée.
Mais , de ce qu’elle n ’était pas encore parfaite , en résulleVa-t-il donc qu’il n ’était permis de lui attribuer aucun e ffe t?
E n résultera-t-il qu’elle ne pouvait être acceptée ultérieurement
et rendue parfaite? En résultera t - il que l’engagement , si
expressément contracté par le sieur Collet-Saint-James au profit
de la deme Sevin, doit être considéré comme non-avenu, ainsi
que la stipulation d'hypolhèque qui accompagne cet engage
m e n t?
L e sieur Bachelier et la dame d ’IIoudetot ne se sont;point
hasardés ü résoudre toutes ces questions d’une manière po
sitive.
1
■
.-•■
■
■
Après avoir très-vaguement cité la doctrine des auteurs sur
les conditions nécessaires pour opérer une délégation parfaite,
ils ont invoqué cette maxime de l’ancien droit» romain , qii^l■
.
•
!
■
ïi’est pas permis de stipuler pour autrui.
Vainement d o n c , suivant eux ; il a été stipulé , ilnns l’acte •
de 1783, une: délégation , une obligation pcrsotinélln , une 1
hypothèque enfin , au profit de la dame db Sevin , puisqu'elle 1
n ’y était pas partie contractante. L e' sieurl.de Pont-Cliálons
�5
n ’a pu Jui acquérir aucun, droit personnel ou reel contre Ie^
sieur Collet-Saint-James,, et par conséquent elle ne pouvait
requérir une inscription sur les biens de ce dernier , ni se
présenter comme sa créancière à la distribution du prix pro
venu de leur aliénation.
î
<"
"• ■a ■
, ; v..
WfAMlv. * \\\ '
~
•• y-.
S*
• L a maxime invoquée par le
y...
.
sieur Bachelier et
la dame
58 , §*,17 >
de verborum obli&ationibus.
1
,
Elle fut également écrite dans les Institutes(au titre , de inud ’Houdetot avait sa source dans la loi
tilibus stipulatlonibus , §; 4 et. 18.
■
. 'v w i
\
D ans la première de ces lois, Ulpien s’exprime ainsi :
A l t e r i stip u la iu nemo potest .
'
Le même jurisconsulte en donne aussitôt pour raison, que les
obligations de cetle espèce ont été introduites , afin que chacun
acquiert ce ,qu’il est de son intérêt d’acquérir. Inventée sunt
enrm hujus modi obligationes ad hoc , ut unusquisque sibi adquirat^uo sud interest. ;i
Ainsi la règle enseignée par U lp ie n , ne concernait que les
stipulations proprement dites : obligationes hujus m odi, selon
ses propres termes.
O r , on sait que les stipidations, chez les R o m a in s, consis
taient en certaines solemnités youlues par la loi pour la perfec
tion d’un,/;acte ou d ’une convention., \}ne telle règle.est donc
inapplicable dans nos mœurs ; puisque»£;lp,s simples convêntions
produisent d a n s.le droit français les mêmes e ffe ts , que les
stipulations dans, le,,droit romain.
. Aussi n’est*il pas permis de douter que cette règle d ’abord mo
difiée par une foule d'exceptions, é t a it , en quelque sorte , tom
bée en, désij}':ttu}e,j elle n’était professée que dans 1rs écoles.
,F.llc souffrait unç première exception, lorsque celui qui sti
pulait poyr a u t r u i, avait intérêt ù la stipulation ; une seconde ,
«jlfjk
�f
°
' G oâejtoï, da'ÂS scîs notdi ¿nr le § . 4/au* IrrstiftitéS de iniitilib*
stipulât . , y met les mêmes restrictions tlattfr les ternies sUivaiWi
N isim ed intersit , nisi juraveris , nisi sub pcena promiser/s ,
nisi consuetudo o b sle t, nisl'p\is -lotis et procuratori stipulants
sim. (
n
îhCé's iiom^Veiùs^S e±cdpli:<iiTS au prirfeipc gèlerai, qù’ori rie jxiit
stipülcr' pour autrui ont donné ïiet\ K Virinius àc remarqué^’
que cette rigueur du droit avait été fort adoucie par les derinèrés%hsHiratiîfhVJd bé'fettip^ u rs t Rigàfqüè jü ïis posteriorum
imperatorum constitutionibics honnihil rnrtrgaius est. '
Vm nnâ'cXè ^ô'tfï’e'xcihiiîc, à f’apptli dé sa' rem arque, la loi 5
au code de Donationibus quog sub rtiod}"y' " ' ■r - ■
P a r ‘cette lof, én effet, les empereurs Dioctétien et xMaximien
avaient déclaré valable la stipulation faite en faveur d’ un tiers
dans un acte de dotation y comrtie condition de la libéralité.
Godé/roi oljsèrvû s'ür le' § 17' de là loi 58 , au ff.' de verboruni obligationibus , q ue ce p aragraph e ne p e u t ¿tre ailjifur'd'hui 1
d ’uné grande utilité': qiio hddie,’ d It-il, quia pàisim u tim u r n o n
ita erit magnee utililatis hic paragtaphus.
Cujas avait également observé que la règle enseignée p a r ’
Ulpicn , était une maximé1 de l ’ancien droit, de jure veteri-èsse.
V o 'èt, sur le titre de tierbi oblig. n. 3 , 'n ’hésite pas de p ro -1
fesser q u e , dans la jurispi-ucÎéricô act'üellejI!il est reçu qu'on peut
stipuler pour autrui com m e'pour soi-mêrhb : M oribui hodiernis
obtinuit unumquemque altcrisque , ac s ib i , posse stipulari.
Vo'èt cite Groenewegen, célèbre jurisconsulte hollandais,
qui lui-m im e appuie sa dottrine d ’un grand nombre de cita.•
•;
: .ni
••• .
•*»
lions.
tS'trykius\ disp. 25 , ch. 5 V n* 4 2 > examinée la question de
savoir‘ si un aïeul peut stipuler pour son jiétit-fils ; et ce pro
fesseur allemand après avoir fait plusieurs distinctions très-
�4M
7
subtiles, les détruit toutes, en disant q u ’il est oiseux aujour
d ’hui d'examiner ces difficultés ; car il est certain , ajoute-t-il,
que dans l ’usage, o n ne suit pas la maxime q u i interdit
de stipuler pour les autres , ainsi que l ’atteste M erlus f S e d
hisce ilifficidtatibus hodie se intricare pariim post se reûnquil
Utilitatis; hodiernd enim consuetudine , e x qud non quœrenda ,
• / • • • * >><•
*>
alteri per alterum obligatione , in jure prodito repèriuntur , sub
lata esse testatur M en u s , part. 4 , decis. 112 , n. 5 .
Serres , dans ses institutions , liv .3 , tit. 20 , s’exprime ainsi :
ti«f Régulièrement on ne peut stipuler nlaçquérir pour autrui,
« parce que les stipulations et obligations n ’ont été introduites
» q u ’afin que chacun puisse faire son profit ou son avantage, et
» que celui qui. stipule pour un tie r s , n ’a souvent aucun inté» rêt que la chose stipulée ^oit acquise à ce tiers : ccetçrum , si
» alii d elu r , nihil interest slijiulatori. ¡.Cela, n’cmpê.che pas
» néanmoins , suivant la remarque de M ornac , sur la loi 6 , C .
» si quis alteri , <vel s ib i, q u ’on ne puisse valablenlent en France
» ^stipuler et acquérir pour autrui, ,ç.o.en qualité de procureur
»„ fondé , soit même sans cette q u a lité , si celui pour qui on a
» traité , accepte ensuite et ratifie le contrat ; ce qui est encore
« conforme h. l’art.
5 .de
l’ordonnance de 1731. »
M ornac , . citc par Sçjr/vf.,, est de tous les aut.eyrs celui, qui
s’est élevé avec le plus de £qrcc contre la -maxime , A lfçri sti~
pulari nerno potes t. > . . . . ' . . .
,
.
Après avoir présenté diverses hypothèses, où elle s’applique ,
et diverses autres ou elle ne s’applique pas , cet habile commen
tateur du droit romain déclare que toutes ces hypothèses sont
tirées du-texte. ou dp,1a ftlose,. -ayant pru, dev.oiy passqr entière
m e n t , sous 6Îlenc^el’opinion des interprètes , qui
d i t - i l , loti-
gioribys paginis .adçyiant qupd it\ pagina. contraJio.
J’ai parcouru les ouvrages de to u s , ajoute-t-il , mais je n ’ai
rien trouvé de satisfaisant : Fercucurri scripta omnium } sed
nihil profeci.
11 annonce qu’il a cru à-propos de présenter quelques idees
�sur cette matière /dP peur que ceux , qui fréquentent les écoles,'
ne s’im aginent, par Lazard , que, dans la profession d 'a vo cat,
il ne soit point permis d ’entreprendre , après eux , l’explication
des subtilités du droit VPaucula hœc denique delibando esse
cen su i , ne qui in scholis'vërsantur , eam sibi fortassis de ne -
gotiosd , verèque scholasticd f ùt loquitur constant , ï n l i 'i d e
lucris , adv. lib. 12. J advocatione parisiensi opinionem induc a n t , an prœ illis manum admoveri discutiendis 1subtilitatibus
juris non liceat. '
* V
,
' Il leur demande s’il s’est trompé en interprétant telle et telle
loi q u ’il spécifie, et beaucoup d ’autres sur lesquelles il a été forcé,
par sa méthode même , de se dégager de la routine du barreau
et dé s’exprimer comme il l’eût1 fait dans un cours public. V i*
deant an cœcutierim , seu ad. U transig. de transa ct ..............
aliasque complûtes cjulbus per instituti mei necessiiatem egredi
coactus sum metas J o r i} et quasi 'è pulpitis 'academicis rem
traderè.
Pour donner à sa doctrine un nouveau poids il rend compte
q u ’il n ’a pris la 1plume qu’après avoir exercé la plaidoierie pen
d a n t trente-quatre ans ( i ) ; q u e son ouvrage est donc le fruit
de nombreuses veilles et d’une longue expérience : Scribo hodie
solutis causiPòrandis, quîbüs occupation mehabuerunt anni'à,\,
et quee per plùres vigilias domi fo ñ sq u e ad forensia experi
menta didi , chartis hisce publicis mando.
■ Ce long préambule, à l’occasion d ’une règle de d r o it , prouve
combien M ornac avait à cœur de la combattre , et de déraci
ner en quelque sorte une vieille erreur scliolastique.
Revenu h son s u j e t , qui est la l o i ’ 6 au C .
s i quis alteri;
niel s ib i, cet auteur donne de grands éloges à cette loi , form ée,
ainsi que celle citée par Vinnius d’une constitution des crnpe. .li
.
. ^
;;
( i ) Tout le monde sait que Mornac cicrça la profession d’avocat au bar
rent <Jc l’aris, avec beaucoup de distinction et pendant très-long-tcmps.
�9
4w
reurs Dioctétien et M axim ien , et dans laquelle ces législateurs
n'avaient pas eu davantage égard à la maxime attaquée par
Mortiac , qui exprime son admiration en ces termes : eximium
quidem Diocletiani Maximianique nostrum Rescriptum , meris-
que e x jurisprudentia romana regulis pétition.
Cet excellent commentateur ajoute que les professeurs de
droit se bornent h enseigner les principes ge'néraux de la science,
tandis que l’avocat , au contraire, s’attache principalement aux
cas particuliers; qu’il arrive, de-là, que ces docteurs, si érudits sur
les hypothèses de la loi ou de la glose , ont tellement peu con
naissance dubarreau et de la manièredont se traitentles affaires,
que le plus mince avocat , ou même un clerc du Palais , serait
en état de leur démontrer , par l'autorité du bon sens et do la
jurisprudence, la subtilité de cette règle de droit , qu}on ne
peut stipuler pour autrui.
S e d ut sola universalia docent interprétés , pàtroni auiem
sese potissimùm ad specialia applicant , et hjpothesis legis , et
ea quarn glosa subjicit , tam àj'o r o , rebusque agendis absunt;
ut non tribacissimus ( quod apud Sidonium ) id est tristissimus
patronus , sed fe r è velformularius nemo qui optim è , atque e x
ratb jugique judiciorum ordine, non explosent subtilitatem illam
regulœ qudalterum altcri stipulari non posse , tradunt leges.
IMornac term ine enfin par ces m ots d igues d e la plus g ra n d e
attention :
« 11 est donc reçu parmi nous, et avec beaucoup de raison;que
Von peut stipuler , acheter pour un autre , ou lui faire une do
nation, soit en sa présence , soit en son a b s e n c e . ......... déci
sion qui est fondée sur le droit même et sur lè s ’arrêts : admit-
limus enitn et rectissirnd ratione , ut quis seu presen ti , seu ab~
senti possit qiucrere, entera , donare ; valetque totum id quidq u id e st, durnrnodb acceplo J'erat , is in cujus gratiam libéra
it tas ipsa fuerit : ita e x jure ipso. L . absenti de donat. I. u lt.d e
leg. I. peu. § si f’ir. If. sol. mat'r. et si milia, ita ntiarn e x senalusconsultis »».
B
’
�:*v
D e ces imposantes autorités , il résulte évidemment que l’an
cienne maxime, sur laquelle était principalement basé le système
d u sieur Bachelier et de la dame d’Houdetot , a toujours été
de fort peu d’usage , ou même considérée comme n ’étant plus
en -vigueur , non-seulement parmi nous , mais encore dans les
autres nations soumises à l’autorité du D roit romain.
Comm ent dès-lors fonder, sur cette maxime, et la nullité d elà
délégation que renferme l’acte du i 3 février 1785 , et la nullité
des engagemens que le sieur Collet-de-S.-James y a contractés au
profit d e là dame de Sevin directem ent, et la nullité de l’inscrip
tion qu ’elle a prise?
V'\' '
■'
;;
§
n .
On a dû remarquer que la principale exception à celte règle
était pour le cas où l’auteur de la stipulation , en faveur d’ un
autre, avait lui-même intérêt à ce q u ’elle fût remplie.
D ans le § . 20 de la loi précitée, au ff. de 'verborum obligatio-
nibus , Ulpien s’était exprimé ainsi :
S i stipuler a lii, cùm med interesset, 'videamus an stipulatio
committetur ; et ait M arcellus stipulationem njalere in specie
lmjusmodi.
Dans le même § et dans Je suivant, Ulpien cite plusieurs
exemples, auxquels s'applique cette exception.
T o u tes les fois donc q u ’une personne , en stipulant au profit
d ’une autre , aura intérêt h le faire , la stipulation sera valable.
S i (juis ergo stipulatus fu e r it, cùm sud interesset ci duri : in
en crit causa , ut valeal stipulatio.
D ’où il suit que , si j’ai stipulé pour celui qui m ’a fondé de scs
pouvoirs , la stipulation sera valable.
Elle sera de même valable, ci j ’ai stipulé pour mon créancier;
parce que f a i intérêt à n ’étre pas poursuivi pour ce (jue j e lui
dois .
JJndè , et si procuratori meo dari stipulatus sum , stipulatio
-vires habebit , et si creditori meo ; quia interest med ne Tel
�11
4
$
pæna committatur , <vel prœdia distrahantur, quce pignori
data erant.
Le titre aux Institutes, de inutilibus stipulationibus , contient
les mûmes principes et U-peu-près dans les mêmes termes. .
A i n s i , selon le propre texte du D roit rom ain, on pouvait
stipuler pour autrui, lorsqu’ on avait intérêt à l ’ accomplisse
ment de la stipulation.
,u
O r , il n’est pas besoin de grands efforts pour prouver qu’i l
f u t de Vintérêt des héritiers Pont-Châlons de stipuler la délégation
portée par l’acte de 1785 ; qu’il ne leur importait pas moins que
l’obligation personnelle , contractée dans cet acte au profit de
la dame de Sevin par le sieur Collet-St.-Jam es, fût remplie
ponctuellement ; et que l’hypothèque, ajoutée k cette obligation
personnelle , en assurât pleinement l ’exécution.
C a r il est évident que la délégation, stipulée par les héritiers
Pont-Chàlons, tendait à les libérer eux-mêmes, et q u ’ils devaient
espérer, en soumettant l’acquéreur à des engagemens directs
vis-à-vis de la dame de S e v i n , de se délier des leurs propres
envers elle.
Voilîi bien le cas particulier prévu par la disposition tex
tuelle du § 23 de la loi 38 7 f f . de nierb. obligationibus: s i
stipulatus sum creditori rneo , quia interest m ed , ne prœdia
distrahantur, quæ pignori data erant.
Les dispositions du Code civil , sur cette m a tiè re , sont
conformes au Droit romain.
L ’art. 1119 porte : « On ne peut e n g é n é r a l s’engager ni
» stipuler en son propre nom que pour soi-même ».
Mais plusieurs
exceptions à cette
déclaration d ’un prin
cipe g é n éra l, suivent immédiatement.
Par l ’art. 1120 , il est dit que néanmoins on peut se porter
fo r t pour un tiers.
Et l’art, n a i est ainsi conçu :
« On peut pareillement stipuler au profit d ’un tiers, lors» que t e l l e e s t la. CONDITION d’ une stipulation que l ’on j a i t
�»
, ou d’une donation que l’on fait à un autre. *>
Or il est évident que la délégation et les autres stipulations
pour
s o i -m ê m e
faites au profit de la dame de Sevin , dans l’acfe de 178 3 ,
étaient de véritables conditions de la vente consentie au sieur
Collet-Saint-James par les héritiers du sieur Pont-Châlons.
Il est donc certain que les deux législations s’accordent, et
concourrent ensem ble, pour déclarer valables toutes ces sti
pulations.
Si elles sont démontrées va la b les, comment r e fu s e r, aux
héritiers d e là damede Sevin , la qualité de créanciers hypothé
caires du sieur C o llet-S a in t-Ja m es? Incontestablement celle
qualité leur appartient d ’après l’acte de 1783.- elle dérive im
médiatement des clauses qu’il contient.
On objecte vainement, que ces clauses, supposées valables
pour les héritiers du sieur de Pont-Chàlons , ne l ’étaient pas
à l ’égard de la dame de Sevin.
Mais pourquoi ne l’étaient-elles pas îi l’égard de madame
de
S evin ?
O n est obligé de répondre encore : parce qu’ il n'est permis
de stipuler que pour soi-méme.
C ’est toujours la même objection reproduite sous une forme
nouvelle.
§.
III.
C ’est un principe incontestable , une règle élémentaire que
la délégation portée dans un acte de
vente , au profit d'un
créancier , oblige l'acquéreur envers ce créancier ,
quoiqu’il
11’ait pas été partie au contrai.
Brillon , Denisard , le Répertoire de
Jurisprudence , le
Dictionnaire raisonné des Dom aines , le Dictionnaire por
ta tif de Jurisprudence et de pratique ont unanimement pro
fessé cette doctrine.
Voici encore comment s’exprime M. Boucher d ’sirgis, dans
�io
¡’Encyclopédie, au mot délégation : «Quoique le créancier n'ait
» pas été partie dans la délégation , elle ne laisse pas d’ obliger
» le débiteur délégué qui y a co n sen ti , tant envers le déléguant
» qu’ envers le créancier ; lequel v e u t s e s e r v i r de ce q u i a
x> É T É S T I P U L É P O U R LU X , quoiqu’il F Û T A B S E N T . »
Ce point de droit a été formellement consacre par plusieurs
arrêts.
On en trouve deux dans le Journal des Audiences : un à
la date du i er août 16 8 6 , qui est cité par Denisard ; un
autre du 11 juin 1692 , qui est rapporté dans le Dictionnaire
de B rillo n , en ces termes :
« Jugé en la cinquième chambre des enquêtes, qu’un contrat
» de ven te, qui portait une délégation de partie du p r i x , au
» profit d’un créancier du vendeur, sans que ce créancier en
» eût eu connaissance, o b l i g e a i t t e l l e m e n t l ’ a c q u é r e u r en» v e r s c e c r é a n c i e r , que l ’acquéreur n’ avait pas pu payer
« le prix au vendeur, au préjudice de la délégation ,
»
non -acckptée;
»
p euxièm e fo is .
q u o iq u e
l ’acquéreur a été condamné à payer
une
Arrêt du 11 juin 1692 , au rapport de M . D u -
» bois ».
JVauteur,après diverses réflexions sur cet arrêt, qui, dit-il, est
contraire h la maxime alten stipulari neino potest, ajoute aussi
tôt , qu’il est fondé sur le § 20. fnstit. de inutilib. stipulationib.
J^es auteurs du Répertoire de Jurisprudence rapportent un
troisième arrêt.
« C ’est d’après ce principe, disent-ils, q u ’est intervenue la
» décision du Conseil, du 22 avril 174 7 , sur la vente que
» la veuve Barouse! avait faite aux bénédictins de Saiute» Livrade , qui s’étaient chargés de payer une partie du prix
» de leur acquisition aux religieuses de l’Annonciade de Ville-*
» neuve-d’Agénois, pour la dotation d ’une fille de la V cnde» resse: il a été jugé qu ’/7 était dû un second droit de contrôle
» pour la délégation , quoique les religieuses tic l ’eussent point
n acceptée ».
�A i n s i , les autorités et la jurisprudence prouvent incontesta
blement q u ’une délégation, quoiqu’imparfaite;, forme un titre au
créancier en faveur de qui elle a été stipulée. K u l doute que
le débiteur délégué soit obligé envers ce créancier , comme si ce
dernier eut concouru à la délégation, qui n ’est imparfaite
qu’entre lui et son premier débiteur.
D o n c , celle portée par l ’acte de 178 5, en faveur de la
dame de Sevin , a eu pour elle et ses héritiers l ’effet d ’une délé
gation parfaite.
D onc il est indifférent que cette délégation ait été , ou non ,
acceptée.
§
I v.
Elle a été acceptée de deux manières par la dame de Sevin :
d ’abord, en recevant du sieur Collet-Saint-James, depuis 1785,
les arrérages de la rente
ensuite, par l’acte du a décembre 1791.
V o i c i , en effet, comment le sieur Bachelier et la dame d ’Houdetot se sont exprimés dans un soutien fa it, en leur n o m , au
procès-verbal d ’ordre, le premier pluviôse an 10.
cc Dans les pièces p ro d u ites p a r la lieg ie , qui représenle
» la dame de Sevin, 011 voit bien un acte sous seing-privé , passé
» double entre le citoyen Sevin et sa fem m e et le citoyen C ollet,
»
»
»
»
en date du 2 décembre • 1 7 91 , par lequel les citoyen et citoyenne de Sevin
o n t accep té
le citoyen Collet pour leur seul
débiteur des 110,000 liv. en question, e n o n t d é c i i a k g é la
Succession P o n t-ChdIons , et ont prorogé le délai pour le paie-
>1 ment de ladite somme. « .........
« En vain la citoyenne Sevin voudrait-elle argumenter aussi
» des quittances d’arrérages produites par la llégie et données
» par la darne Sevin à Collet en 178 5 ». . . .
A in s i, d o n c , il est constant que la daine de Sevin
avait
accepté virtuellement dès 17t>5, et formei.i.emcnt par l ’acte
de 1791 , la délégation faite à son profit en 1785.
�,5
C elle double acceptation d e l à délégation Fa rendue'paifa-te
.entre toutes les parties qu'elle intéressait. Il n’est donc plus
d’objcction raisonnable à proposer contre les héritiers de la dame
de Sevin.
Car l'effet propre de la délégation est de mettre le délégué
à la place du déléguant. Tüelegare est r i e z su a ahum reum dare.
A in si, les héritiers d e là daine de Sevin, (¡tant aux droits de
ceux du sieur Pont-CIu\lons, par suite de la délégation renfermée
dans l’acte du i3 février 17 8 5 , ont nécessairement, sur les
biens du sieur Collet-Saint-James, en vertu de cet acte, la
même hypothèque qu’il eût produite en faveur des héritiers
Pont-Châlons eux-mêmes, s'il n ’y avait pas eu de délégation.
I)ès-lors , il est ridicule d’objecter que l ’acte du 2 décem
bre 1791 n’avait point conféré d ’hypothèque à la dame de
Sevin Ses héritiers ont rappelé cet acte el les quittances de 1785,
dans l’unique vue d ’établir, s’il en était besoin , qu’elle avait
accepte' la délégation faite en sa faveur ; mais nul dou^e <me
son hypothèque sur les biens du sieur Collet-Saint-James ait
seulement résulté du contrat de vente du 1 3 février 1 7 8 ^ con
tenant cette délégation.
*4
. r Pour prouver que ce contrat est entièrement étranger a Ja
dame, Se vin , malgré les stipulations form elles qu’iT coritîeiU
à son profit, le sieur Bachelier et la dame d ’Houcîètôt l è
fait un grand moyen de ce qu’il laissait subsister les tngagémens*
du sieu»* de Pont-Châlons ;
Comme si la délégation opérait toujours novation!
' •
Il est certain, au contraire, que la d é lé g a t io n m ê m e par
faite , n'a point
par elle - même un tel effet ; il faut que
la novation résulte clairement des termes de l’acte, ainsi que
le décide l’art. 1276 du Code C i v i l , conformcMi la loiderhïère*
au Code de Novationibus et Delegationib.^ Ce^le loi. fut portée
par Justinien, pour faire cesser les ambiguités de l’ancien droit
sur cette matière.
�T
16
7
Ce n ’est pas une objection plus sérieuse, celle qu'on fait
résulter de ce qu’ il n'avait pas été formé d’ opposition au
sceau par la dame de Sevin, pour la conservation de son
privilège sur le prix de l’office vendu par les héritiers du sieur
1
Pont-Châlons.
Il ne s’agit pas de ce privilège, mais bien de l’hypo
thèque qui appartenait aussi à la dame de Sevin , sur les
biens du sieur Collet-St.-James. Elle avait l’option entre l’ un
et l ’autre genres de sûreté ; on ne peut dire q u e , pour avoir né
gligé le premier , elle ait renoncé au second.
Il
ne reste donc aucun prétexte au sieur Bachelier et à la
dame d ’Houdetot pour exclure les héritiers de la dame de Sevin
de la distribution du prix provenu de la vente des biens du
sieur Collet-St.-James.
D élibéré à P a r is , le
fCl.
û « ÇCkMAA,
4 avril 1807.
ri.
GODARD,
G R E N IE R
(d u P u y - d e - D ô m e ) ,
DESEZE, BERRYER, GASCHON. / 1 « £ ^
iti» ,
J e s u i s du même avis. D E L A M A L L E .
Je pense que la dame Sevin fu t adfecta solutionis gratid ;
que son inscription a été légitime, parce que 1°. la somme lui
était destinée, 2 , elle était autorisée de plein droit à conserver
les actions de ses débiteurs.
Vfrû«
!~
.
A P a r i s , de l ' i m p r i m e r i e de L A N G L O I S
ch abroud.
r u e d u P e tit -P o n t , n *
25 .
1807.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. De Sevin.1807]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Godard
Grenier
Desèze
Berryer
Gaschon
Delamaille
Chabroud
Subject
The topic of the resource
ventes
offices
créanciers
hypothèques
émigrés
doctrine
Description
An account of the resource
Titre complet : Consultation pour le sieur de Sevin, tuteur légal de ses enfants, héritiers de la dame leur mère ; sur l'appel interjeté par le sieur Bachelier, et par la Dame d'Houdetot, d'un jugement d'ordre rendu par le Tribunal Civil de l'arrondissement communal de Mortain, le 29 Pluviôse an 10, entre les créanciers du sieur Collet de Saint-James.
Particularités : notation manuscrite : 9 juin 1808, arrêt de la cour de Caen, infirme et déclare l'inscription non valable. 21 février 1810, arrêt de rejet de la section civile. Voir Sirey, 1810-1-209, doctrine sur la matière
Table Godemel : Délégation : 2. le créancier au profit duquel une délégation a été faite dans un acte, où il n’a point été partie, peut-elle, en vertu de cet acte prendre inscription pour les biens du débiteur délégué, s’il n’a préalablement accepté la délégation formellement et authentiquement ? l’inscription hypothécaire prise pour lui est-elle réputée acceptation de la délégation ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Langlois (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1807
1767-1807
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
16 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1718
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Mortain (50359)
Rights
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Domaine public
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hypothèques
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Text
MÉMOIRE
JUSTIFICATIF,
P o u r L o u i s BOISSON, aîné, citoyen de la com
mune de Riom
Sur une plainte en fau x , rendue contre lu i, par
LASTEYRAS.
C e mémoire devroit-il avoir cet intitulé? Par quelle
fatalité l’innocent tient-il la place du Coupable ?
C ’est après vingt-six ans d’exercice des fonctions les plus
délicates ( 1) , sans qu’aucun reproche soit venu ternir une
aussi longue jouissance d’une réputation sans tache , qu’un
homme déjà écrasé par la foudre de la justice (2), vient
faire planer sur ma tête, plus que l’odieux soupçon du
crim e, et m’enlacer dans une affreuse procédure.
(1) Il ne peut y en avoir de plus délicates que celles qui rendent
dépositaires de la fortune du citoyen.
(2) Un décret de prise de corps, rendu contre lui, en la senechaussée de Clermont, sur une plainte en subornation de témoin
�( o
vous! mes concitoyens, qu’un injuste ressentiment7
îa haine ou la jalousie n’animent pas ; et vo u s, dont l ame
droite et juste sait se défendre de la fureur du préjugé, de
l’enthousiasme de l’illusion, quel seroit votre étonnement,,
si vous pouviez connoître tous les détails de cette affaire
affreuse, dont un court délai ne me permet que de donner
une esquisse.
Que sous le régime affrcux de la terreur, et le règne si
justement détesté des Robespierre et des Couthon, l’on ait
vu d’infames débiteurs, chercher à faire perdre la trace de
leurs dettes, en livrant à la proscription et à la mort les fa
milles entières de leurs créanciers',c’étoit l’effet deces secous
ses violentes qu’ont produites toutes les révolutions; et nousn’avons dû nous étonner, ni de ces forfaits, ni des suites
q u ’ils aot eues dans ces temps orageux où la justice étoit
paralysée.
Mais aujourd’hui que ces époques malheureuses sont
loin de nous,-aujourd’hui qu’elles sonten horreur à ceUx-là
même qui purent le moins se garantir des erreurs du temps,
aujourd’hui que nous vivons sous lTempire des lois, un
débiteur in grat, et trop long-temps supporté, après avoir
reconnu sa dette, par un retour à Ses principes de mauvaise
foi > n’ait eu besoin que de hardiesse et d’irelpostures, noil
seulement pour arrêter le cours de la justice ,-dan$ ces cas
mêmes où les législateurs ont voulu qu’elle soit la plu»
prompte , mais encore pour précipiter son créancier dans
une procédure crim inelle, et lui ravir les biens les plus
précieux, l'honneur et la liberté ; qu’il ait suili à cet homme
de dire à la. justice, V o ila un crim e, pour que la, justice
ait vu un crim ej V oilà le coupable, pour qu’elle ait tum*
o
�w
’( 3 )
pour coupable celui qu’il a désigne ; qu’ielle a it, sur sa
simple dénonciation, suivi la marche indiquée par la lo i,
dans les seuls cas où le crime est constaté, où les preuves
sont acquises, et le coupable connu ; que ce miracle ait été
produit par un homme entaché d'inculpations graves, qui
ont attiré sur lui les regards de la justice, et dont il n’est
point encore lavé ; qu’enfin, ce miracle ait été produit par
Lasteyras-Tixier, cet homme si connu par la multiplicité
des affaires où l’on Pineulpoit dè mauvaise foi : voilà ce
que l’on ne peut pas même concevoir.
F A I T S .
Lorsque j’achetai en 1770 , l’étude du citoyen M ayet,
j’y trouvai la clientelle de Lasteyras, et dès les premiers
temps de nos relations , l’intimité s’établit entre nous, au
point de m’aveugler complètement sur son compte.
Lasteyras me donnoit peu d’argent (1); mon attachement
lui en tenoit lieu ; d’ailleurs il avoit beaucoup d’affaires ;
il passoit pour rich e, et je me contentois de l’espoir de
retrouver complètement un jour mes peines et mes avances j
seulement, par fois, après de gros déboursés ¿j’en retirais
quelques effets de commerce, dont je lui fournissois dea re
connaissances ,, lorsqu’elles auraient pu faire double emploi
avec les procédures qui me demeuraient.
(1)
U ne m ’a pas m êm e en co re p ayé une belle ju m en t et ses har-
n o is , que j^ lui cédai com plaisam m ent en 17 8 4 , p o u r 3 o a l i v . , e t
d o n t p eu de jo u rs après il. refusai 5oo* liv. £ t j’ai r e ç u dans
v in g t
ans 960£ p o u r à-com pte de p rocédures qui passent 5 ooo£ , e t deux.
püyag_es, en h ville 4 a Paris«
�<4 ) .
T./oui’ effet, comme on le conçoit bien , ¿toit de lui tenir
lieu de quittance, après leur acquittement (i)
Lasteyras faisoit donner à ces reconnoissances la forme
d’indemnité, sous prétexte que,, sous cette form e, elles
serviroient à tranquilliser sa fem m e, dans le cas où elles
viendroient à p ro tê t, et que la dénonciation tomberoit
entre ses inains ; je n’a vois pas intérêt à le contrarier.
Mais je ne m’en tenoispas à faire à Lasteyras des avances
dans ses affaires; ma bourse et mon crédit étoient à sa dis
position dans les fréquentes occasions qu’il avoit d’y re
courir.
C ’est ainsi qu’il sortit dans les années 1786,1787,0 11788,
différons effets, mais ils furent peu considérables ; le plus
fort n’a pas été à rooo
En l’année 1789, Lasteyras fit décréter en la justice de
M osun, seigneurie de l’évêque, dont il étoit ferm ier, des
nommés Royat et Dourigheau, pour prétendus vols de
bois , etparvint à les faire emprisonner. D e s obligations
qu’ils consentirent devinrent le prix de leur liberté ; mais
bientôt ces particuliers réclamèrent contre leurs engagemens, rendirent plainte en la sénéchaussée de Clermont y
en suborn;:ti')n de témoins ; e t, après une information de
trente-sept témoins, Lasteyras et son associé Vauris furent
à leur tour décrétés de prise de corps. Vauiis fut constitué
prisonnier, et Lasteyras vint se jeter dans mes bras , et
chercher dans ma maison un asile qu’il étoit sûr d’y trou
ver (2).
( 1 ) C elles qu’il a acqu ittées ne fero n t pas niasse co n tre m es
créances.
(2) A lo is son fils, celu i qui figure si avantageusem en t dans c e tte
�w f
'Ç s y
Cette cruelle affaire , qui Je surprit dans un des inslans
oii il étoit le plus gêné clans scs moyens ( ce sont ses propres
expressions dans l’une de ses lettres ) , le mit plus que jamais
dans le besoin de recourir à la bourse de ses amis. Je ne fuà
pas le dernier à venir à son secours. J ’cpuisai la mienne,
j’épuisai celle de mes amis. De là , divers effets de sa part -,
tien plus considérables (i) que les premiers. Ils donnèrent
aussi naissance à des indemnités, mais elles avoient alors
un autre principe. .
1
Lasteyras ne faisoit jamais les fonds de ses effets, et j’étois
a ffa ire , ce t a c t if agent de la p ersécu tion que j’ép ro u ve, jeune ertc o r c , ven oit visiter so u ven t son père* et j’essuyois ses larm es en
en répandant a ve c lui. L a belle am e l Q ui p o u rro it croire a u x
signes de sa reconnoissance? D ans une des perquisitions faites ch ez
m o i, à sa so llicita tio n , on l’a v u au nom bre des satellites , les en
c o u r a g e r , les suivre k m o n jardin, leu r recom m an d er de fouiller
a v e c leurs sabres et leurs b a ïon n ettes dans la p aille, insulter ines
enfans et a leu r m a lh e u f. . . S o n cœ u rn e dém ent pas la féro cité qui
se peint sur sa figu re. I l savoit que je ne pouvoisi te n ir au sè c o u ri
de mes enfans,* il e n a b u so it, le lâ ch e. O m onstre d’ingratitude î
h o m m e a tro c e ! c ’est m oi qui iis ré v o q u e r, à fo rce de peines e l
✓d ’a r g e n t s o rti de m a p o c h e , le d écret qui fra p p o it l’a u teu r de tes
jo u r s ; tu le sais, tu fa s v u , et c ’est to i qui viens en personne a id ei
à l’exécution de celu i so u sle q u e l je g é m is;:tu l’as.fàis en préseùce
(le mes e n fa n s, en riant de leu r douleur. T u h è inéritois pas d’avoir
un p è r e , tu ne seras ja m J s digne de l’ê tr e ; la société d evro it te
revo m ir.
(0 A
>! ‘ j '
cet te époque L a s fe y ras em p runta 30,000 livres de la maisoiï
P e tit de R a v e l, q u ’il v o u lu t p ayer lorsque la va leu r dii papier-monn o ie fu t réduite à zéro ; niais les eflorts de sa m auvaise foi ont été
sans succès auprès des trib un aux.
�( 6 )
obligé de les rembourser après le protêt; mais quelquefois
il prévenoit le temps de leur échéance, et me prioit d’en
reculer l’époque. S’ils étoieut en m>es m ains, il les retirait,
et les remplaçoit par d’autres; si je leç avois mis en com
mence , dans, l’impossibilité de les lui rendre, je lui donnois
en place une indemnité, mise pour l’ordinaire à leur même
date.
, A. l’égard d<?3effets protestes, que j’ayois remboursés, je
me contentois de les garder en main, ( il falloit ou prendre
ce p a r tiio u se brouiller aivec Lasteÿras ( i ) , et je les préferois à de nouveaux ^parce que le protêt leur faisoit porter
intérêt.
Parmi ces divers effets, qui se cumuloient ou se succès
doient eu mes main&,'se trouve l’effet qui donne lieu au
procès. Il fût souscrit par Lasteyras, h ‘¿ fé v r ie r 17 9 1,
payable s u r L am o th e, banquier ù Q erm ont, le 30 sep
tembre 17 97,
Ce termt* étoitlong sans doute , mais nous le préférâmes
J,’un et l’autre >quoique par des pio.tifs différens.
A la même époque, Lasteyras devoit, d’après nos arran*
gemens, me-donner 1,236
il promit dje me les envoyer
(l)
N p » seu lem en t il,m o n tro it de l’h u m e u r , si je deveqois près*
san t, m ais en co re il fâllo it m é n a g e r son am o u r-p ro p re a u ta n t q u e
aa b o iu m ILsIoffensoit siifa cile m e n t, que-,. daas une de ses le t tr e s ,
d ont je suis m u n i, il m e faisoit des plaintes am ères de c e que^ j’avoia
dem andé, la di^traQtjQn.des dépens dans une de ses affaires lp sp lu s
copsidi'rables,: e t,, p o u r m.e rendre plus sensible à c e r e p r o c h e , i i
joignit de cro ire q u a ce, bm iit ^.voit. çu, pg«r„ tjbjot de.üjfi desservie
auprès de lui.
�-<?te Qerm ottt, parce q a ’il comptait, th’s o it- ii, f e roce^oi*
Sur une vente -qu’il aVoit faite de bais à briller ; mais à ce
payement il substitua un -effet de cette somme>en me man
dant qu’il n’avoitpas reçu le sou. Cet effet fut tiré de Cierrinorit, le ^ fé v r ie r 1 7 9 1, sur le citoyen Chassaigne , ban
quier à R io m , pour être pqyé le 20 octobre 1797.
«ïadhiî'ai ces deux effets, presqu’aussitôt que j ’en fus
n a n t i, et je voulus en réparer la perte : ce ne fut pas sans
peine que j y parvins. Lasteyras, dont les anciennes •affaifés
tftoient suspendues par les nouveaux établissement, ire
paroisèait presque plus à R iom , et loi'sque je le voyois t t
que je lui demandais des seconds effets, il éludoit ma de
mande sous le prétexte qti’ils feroient double emploi. Ge
lie fut que le i 5 novembre de la même année 1791 /q u ’il
îîie souscrivit sur ufi chiffon de papier,la promesse !de m’en
■consentir de semblables >,powr les tnénves sommes èïp o u r
les mêmes échéances \ et comme il devoit partir lô Jende■tnain de bohnç heure, je fus obligé de m’en contenter pour
:cette fois 3 mais ello fut rènoitvelée le 3 avril 1793 , sur du
papier timbré. Il n’est utile dé parier ici que de la teneur
¿ e c e dernier écrit; il est conçu en tes termes : J e soufr
*ign é, reconnais qu'en Tannée 179t , et en jan vier ou
¿février fic e lle , je consentis deux lettré* de Change, méri
tantes , jointe#ensèm bU yà lasçitoïm dè 3 * 4 ôü %Ç> #*,
payables, Tient chez Lam othe¿et Ttciitrech&& G/iti&sà/gné,
dans le c o u r a n t de septembre etd'ocïobns 17 9 7 dont là
dernière est de 12367 et attendu ÿuô ledit B oisson les à
ad hirées, je prom ets lu i en Consentir de nouvelles dis
Paréille'vtiïeur, etpour semblables échéances, ¿an# préju
d ice à toutes autres lettres de, change , que je peux lu i
,
�(8 )
avoir consenties , protestées ou non protestées, q u i de
meureront dans toute leur fo r c e et vigueur, s a u f à moi
les indemnités que je peux avoir contre celles quelles cou-vriront. F a it à R io m , le 3 avril 1793.
II.paroît qu’au moment où Lasteyras tenoit la plum e,
pour approuver et sig n e r, je m’aperçus qu’il ne conti>jioit de réserve en ma faveur, que de mes lettres de clienge,
et comme j’étois créancier, soiten vertu d’arrêtés décompté
/et de promesse, soit pour procédures et vacations, soit du
montant de deijx voyages que j’avois faits pourluienla ville
de Paris, pour parer au danger dém on omission à cet égard,
j’engageai/^asteyras à étendre mes réserves; en conséquence
il m it, de sa main, à la suite de l’écrit, sans préjudice à>
autre -,billet, à autre promesse que ledit B oisson a en
.mains , et autre objet. A. R iom , ce 3 avril 17 9 3 , suit lç>
signature L - a s te y r a s , et en suite, Can a de la républi
que française.
On voit que cet écrit est un renouvellement et une con**
Urination des d^jjx lettres (le change ci-dessus énoncées^:
.cette circonstance, ainsi que sa date", sont essentielles fi
¿retenir. A u reste, il n’est pas le seul énonciatif de lettres de
change non échueç j un autre écrit de l^merne année *793>
en fait également mention,
Pepuis cette année J793, lasteyras cessa d’être visible
pour m oi, et nos relations furent entièrement interrouir
pues, jusqu'à une lettre que je lui écrivis, peu après le
retour du num éraire, pour le prier de m’eu envoyer : lettre
ijui demeura sans réponse.
,.
Cependant, le 22 nivôse, an 5 , je négotiai au citoyeqt
jVlurat l’elTet de 2 1 9 0 ^ 1 7 / , du 3 féyricr Ï791 ; je lui
passai
�ye\
(9)
.
...
passai également mon ordre de celui de 1236 #"du 13 du
mcme mois : la première fut protestée le...............
Sur la dénonciation du p ro têt, Lasteyras père et fils
accourent, prennent communicaion des effets, demandent
du temps, promettent au citoyen Murât un à-compte pour
la Saint-Martin, offrent de nouveaux effets pour le sur
plus (1).
Lasteyras manque à sa parole ; le citoyen Mural obtient
jugement au tribunal de commerce.
’ 1
Appel par Lasteyras : il espère , à la faveur de la multi
plicité des causes qui chargent le rôle/de gagner du temps *
mais le citoyen Murât suit l’exécution provisoire, et Las
teyras presse encore pour avoir un nouveau délai. Il ne
peut l’obtenir, et plaide; il chicane sur la caution • il de- ’
mande un délai pour s’assurer de ses facultés. Il ajoute que 1
l’effet dont il s'agit, n’est entre mes mains,commebeaucoup
d’au très, qu’une pièce de crédit, que son père m’a fournie
par complaisance, et contre lequel il a des in d e m n ité s
E n fin , en dernière ressource, il dit que l’effét peut
présenter de la s u s p i c i o n p a r s o n é t a t \ que dans son prin- *
cipe,il étoit payable«« 30 s e p t e m b r e 1791, et que cette date
a voit été convertie en celle d e s ô p tè m b r è 17 97': s a n s d o u t e ,
■pour é v i t e r l 'a p p l i c a t i o n d e la c o n t r e - le t t r e q u i T à j in u lle .l
____________________________ <n • i'n
> U
(i)iL e s no.uvc 3u*jeffiM frifi:furent p ofn j,accep tés, parce q u elle
r it o y e n M u râ t exigeoif m on cndos.scincnt^t j’exige ois la signature )
du fils, vu l’état actu el du p ère ; inais le fils refusa de s’obliger persônnellem ent. L e c ito y e n M urât au ro it pu donner d’am ples éciairrisseitiens; mais il n’a point été ap p êlé'^ et'S à belle-Sûeur qui ne
p o u v o it en d o n n er, l’àéték1
{z) L e ju g em en t du
.viiim o'-
28 frim aire fait m ention
:
de ces moyo/is.’ »"1
1
�( & y,
Heureuse idée du premier ddfeiweur de. Lasteyras:
qu’elle a bien servi sa mauvaise f o i s o n impuissance (i.) et
ses vues dilatoires ! Elle fut accueillie aussitôt qu’indiquée,
cette manière nouvelle de puralyser la justice\ d’arrêter ,
sans les attaquer directement, l’exécution d’un ‘de ces titres
qui doivent en avoir une si prompte. L a lettre de change
est représentée ; elle est en mauvais état sans d o u te m a is
c’est le papier qui en a été altéré par un trop long séjour
qu’elle a fait enterrée avec mes autres papiers, sous le
régime de la terreur.
Mais elle n’est point altérée dans l’écriture ; elle n’est
viciée par aucune surcharge : cependant par jugement du
1 8 frim aire, il est ordonné qu’elle sera déposée au greffe ,
et qu’il en sera dressé procès verbal ; et le dépôt fut effectué
sur le champ.
L e citoyen M urât, dépouillé d’un titre bien reconnu
par Lasteyras, et qui sait qu’il n’a pu l’être que par une
inscription de faux, cite Lasteyras pour voir dire que faute
par lui d’avoir pris cette voie , il sera autorisé à retirer la
lettre de change du greffe. Sur cette dem ande, il est or
donné , par jugement du 23 frim aire, que dans la décade ,
Lasteyras sera tenu de déclarer s'il entend passer à l’inscriptioa de faux...... Sinon M urât est autorisé à retirer la lettre
de change du greffe.
>’C e second jugement ftit rendu après un nouvel examen
très-lo n g de la lettre de change.
(r) E lle est bien n o to ir e ; i^ n ’y a p oin t de décad e qu e l ’ on n e
ren d e au tribunal de c o m m e rce de C le r iu o u t des co n d a m n a tio n s
c o n tre lu i.
'
■
* :m 1 ¡:.
�Ce jugement est signifié le 28 frimaire; niais Lasteyras,
au lieu de prendre la voie de l’inscription de faux, emploie
deux jours entiers à cajoler le citoyen, M u rât, pour eri
obtenir le délai d’un mois.
Lasteyras et son défenseur avoient pris communication
alors de l’écrit de 1793, qui renverse tout le système de sa
défense. On convient d’un jugement confirmatif de celui
du tribunal de commerce, porta'nl condamnation des dépens
contre Lasteyras, et cependant une surséance d’un mois.
Ce jugement convenu est demandé et prononcé haute
ment à l’audience. Mais dans le même moment un de. ces
hommes qui sont méchamment officieux, fait remarquer
au défenseur de Lasteyras que ce jugement donneroit ou
verture à des dommages et intérêts envers m o i, et que
pour le neutraliser, au moinsfmomentanément, ilfalloit
y faire ajouter que la lettre-de change continuerait dp
demeurer au greffe. Il propose donc.au tribunal d ’admet
tre cet amendement. L e citoyen Murât ne veut pas y con
sentir. L e jugement est rapporté, et la cause remise. Cçs
faits sont notoires.
Le citoyen Lasteyras ne s’ o c c u p e plus que des moyens
de délayer. L e voyage de son premier défenseur en la ville
-de Paris servait de prétexte à s o n n o u v e a u défenseur poyr
obtenir plusieurs remises,, et. dçux mois et demi s’écoulent
Cil pure perte ppur le citoyen Murât.
Ce n’est qu!qprèscp terme qu’il obtient l’audience. Alors
. il avoit retiré la lettre de c h a n g e du greffe.
Lasteyras ne rapportoit point la contre-lettre qu il avoit
. annoncée: d’ailleurs elle eût été nulle vis-à-vis le citoyen
Murât. Il est donc sans mpy^ns : ily {suppléepardes exagé¡5 a
�T^*.
• * *1 (' ‘ a ) ** 4 J |
* f ''
rations mitfées, des fables ridicules, des criai lie tfesde induvaise foi. Ce galimathias Confus n'avoit poüi- objet que de
fatiguer, l’esprit, d’attirer l'attention sur des choses extraor
dinaires , pour l'empêcher de se concentrerait point unique
qui devdit Fomipër. n‘" ° •
*
' Cependant on ne'voÿoit reluire ;Vtravers ces nuages em
poisonnés dont on obscurci ssoit la cause,aucun moyen qui
pût retarder la condamnation de Lasteyras; mais après une
assez longue délibération, il est interpellé par le tribunal ( i)
'de déclarer s’il'entend passer ou non à l’inscription de faux.
* Cette interpellation est, comme on le conçoit aisément,
un trait lumineux qui l’éclaire promptement sur le sort qui
l’attend, et le parti qu’il doit prendre pour l’éviter. On le
sait, le danger présent est toujours celui dont on s’effraie,
et Lasteyras laisse échapper en tremblant lé mot fatal", qu’il
entend passer à [inscription' d e'fa u x (>2). Alors par son.
jugement d u .....................le tribunal lu i donne acte de
cette déclaration. I l est ordojuie que la lettre de change
>sera déposée au greffe y et qu’il en sera dressé procès ver*bal. L e citoyen Murât effectue sur le champ le dépôt. Il
lui en est àussi'donh,cacte pa’r le: jugemëntJ n
Ce jugement më paroît l’ouvrage de l’erreur et le comble
• de l’injustice, et je l’attaque par la voie de la tierce opposi-
(1) C ’ est du Gis Lastcyrjiij d o n t on parle : le*.père n’a p aru à
à a u c u n e a u d ien ce; le fils* Peu em p êch ô it bien. D epuis le dérange
m en t de sa tê te e t de ses affaires, il est en tièrem en t sous sa dom i
n atio n .
\
(2) 11 i ’ étoit p o u rvu d’une p ro cu ra tio n arrach ée à son p ère dans
un m o m en t où il é to il à l’extrém ité.
-
'
;
�tîon. Jé dem in rîr* qh’il soit an nul lé dans trnitos ,<rrs d'Wnijtions, et subsidiaireinent que, dans le cas où l’inscriptioti
de faux seroit admise, l’exécution du jugement du tribunal
de commerce de Clermont soit provisoirement ordonnée.
J ’appuie mes conclusions sur des moyens aussi nombreux
que puissans. Tout l’auditoire en étoit pénétré: mais, qui
lauroit cru ! les mêmes juges, le même président, qui,
lors du jugement du 18 frimaire, n’avoient vu dans la lettre
de change que des motifs de suspicion; qui, lors du juge
ment du 23 -, revenus de leur préjugé,. après un plus miir
examen , avoient autorisé, le citoyen Murât à retirer la
lettre de change du greffe; qui, lors du troisième jugement,
s'étoient contentés d’en ordonner purement le dépôt; les
mêmes juges, dis-je, lors du quatrième jugement, voient
une Jettre de.'charige fausse, surchargée, altérée, impré
gnée dei tous les vices ; je suis débouté de ma tierce opposi
tion , et un mandat d’amener est lancé contre moi.
Ce jugement est devenu le principe de la procédure sou
mise à l’examen des citoyens jurés.
.
f
• Quelles questions sont soumises à leur décision ? Celle de
savoir s i, après l’expiration du délai accordé à Lasteyras ,
pour passer <\ l’inscription de faux, il pouvoit être admis
par un second jugement à prendre cette voie.
20. Si les formes prescrites par la loi ont été observées ;
Si le dépôt ordonné par le troisième jugement, l’a été
valablement ;
. ,
. r ....
Si les faits de faux sont pertinens et admissibles, si l’on
peut soumettre à une épreuve expérimentale la question
de savoir si l’eifet a été altéré; tandis que les preuves écrites
qu’il 11e l’est pas, se trouvent cumulées.
!
�‘L ’or'donnancc de 1730 porte que celui qui prétend passer
à l’inscriplion de fa u x , doit lefa ire dans les trois jo u rs , à
compter de la notification du dépôt de la pièce arguée de
f a u x ; or ce délai avoit couru contre Lasteyras, à compter
du jugement du 18 frim aire, qui porte que le dépôt or
donné a été effectué. Il est donc certain que ce jugement
étant contradictoire avec Lasteyras présent à l’audience, le
dépôt ne pouvoit lui être mieux connu ; qu’ainsi, dès qu’il
avoit laissé passer ce délai de rigueur, M urât avoit été
fondé à se faire autoriser à retirer sa lettre de change; que
la décade accordée à Lasteyras ,-par le jugement du 231 fri-*
m aire, pour passer à Vinscription deJ a u x , avoit été un
délai de grâce; que n’en ayant pas profité , il étoit déchu de
toute faculté , et que le tribunal, après une telle fin de non
recevoir, n’avoit pu admettre son inscription tardive.
- Vainement diroit-on que la loi du 3 frim aire, an quatie,
ne prescrit 'poi nt de délai ; ce scroit une absurdité.
Les dispositions particulières que contient cette loi sur
le faux, n’annullent pas celles des anciennes ordonnances,
tfui Ti’y sont pas con trairesparce cjue la loi du 3 brumaire
.ne les abroge pas.
1>;
Il résulterait d’une opinion contraire, qu’il n’y auroit
jamais rien de fin i, et que des siècles entiers ne sufïiroient
pas pour éteindre des actions, lors même que ce laps de
temps seroit-le sceau des conventions des parties, ou des
jugemens rendus entre elles. Il en résulteroitque celui -Ji
«môme qui auroit été renvdyé d’une accusation par la jus
tice,pourroit encore ijn essuyer une nouvellepour le même
4ait. N ’admettons pas de pareilles erreurs.
Eu matières criminelles sur-lout, les fins-deoon recevoir
�( i5 )
ne peuvent, être, relçv^s. Celui qui la laisse acquérir, est
Censé s’être jugé.
La partie publique ne peut elle-même admettre la dé
nonciation de la part de celui qui n’est pas recevable à la
faire.
A ce premier m oyen, s’en joint un aussi puissîftit. Il est
de principe que l’on ne peut dans une affaire cumuler deux
jugeniens renfermant les mêmes dispositions.
Par celui du 18 frim aire, le dépôt de la lettre de change
avoit été ordonné ; il avoit été fait. Par celui du 23, Murât
qvoit été autorisé à la retirer. L ’un et l’autre jugement
avoient été exécutés. On ne pouvoit donc plus y revenir ;
l’exécution d’un jugement lui donne un caractère ineffa
çable d’irrévocabilité.
L e jugement d u .......... ventôse ^
, qui ordonne ,
pour la seconde fois y le dépôt de la p ièce, est donc une cu
mulation de celui du 18 frimaire, et contraire à ce principe:
TiQTi bis in idem•
Il est plus, il est une réformation clu jugement du 23 fri
ma ire.
Ce jugement du 23 frimaire porte qu eja u te p ar L q steyras de passer à l’ inscription def a u x dans la décade,
la pièce sera retirée du greffe 5 o r, la décade et autres dix
étant passée? depuis ce jugem ent, et la pièce ayant été reti
ré e , toutes dispositions çontraires sont une improbation,
un anéantissement absolu de celles qu’il renferme, et un
juge ne peut çe réformer lui-même, et revenir sur la chose
terminée.
Il résulte donc que le dépôt au greffe, est illégal, et n v
pu devenir Ja base d’une instruction criminelle.
�( 16 )
Un autre vice essentiel se remarque dans ce dépôt et le
jugement qui l’ordonne; en effet, la nouvelle loi sur le
faux incident, comme les anciennes, v e u t, article 623,
qu’avant de l'admettre, celui qui veut arguer une pièce de
fa u x , somme f autre de déclarer s il en tend se servir de la
pièce. O r, cette sommation ne fut pas faite au citoyenM urat,
porteur de la pièce, unique propriétaire de la pièce, et seul
en cause avec Lasteyras ; elle ne lui a même pas encore été
faite, La procédure pèche donc dans son principe.
Le dépôt de la pièce est également v ic ié , parce qu’il a
précédé la plainte en faux ; car la déclaration faite par Las
teyras , non de son propre m otif, mais sur l’interpellation
du tribunal, q u il entencloit passer à l’inscription de faux ,
n’étoit.que l’annonce d’une plainte, et non une plainte : or
l’article 526 du titre 14 de la loi du'3 brumaire , ne permet
le dépôt que lors d'une plainte ou d ’une dénonciation en
J( 1UX.
Après ce jugement et le dépôt vicieux de la pièce, Las-*
teyras s’en tint à sa déclaration, et ne rendit aucune plainte.
Il n’en subsistoit donc pas, lorsque le tribunal a rendu son
dernier jugem ent, qui porte un mandat d’amener contre
moi. De là des vices sans nombre contre ce jugement.
D ’abord le tribunal a fait d’office, lors de son jugement,'
ce que la loi veut être fait par la partie. L ’article cité de la’
loi du 3 brum aire, veut que ce soit la partie q u i arguë
une pièce de fa u x , q u i somme Vautre de déclarer s i elle
entend se servir de la pièce ; or ce n’est pas Lasteyras qui
nj’a fait cette sommation, c’est le tribunal qui l’a faite d’ollicej'
il ne s’est pas conformé à la loi : premier vice.
Ce n’est pas à moi que devoit ctre fait’la sommation
mais
�( *7 )
m a is au citoyen M urat, propriétaire de la pièce, et qui
«avoit la faculté de s’en départir.
Il ne s’agissoit que d’une tierce opposition au jugerpe.pt
du 26 ventôse, fondé principalement sur Je vice reconnu
de ce jugement qui ordonnoit le dépôt d’une pièce, sans
sommation préalable au citoyen Murât. Le tribunal ne
pouvoit donc juger autre chose que l’admission ou le rejet
de la tierce opposition. Il a donc outre-passé ses pouvoirs :
son jugement, qui n'est qu’une dénonciation, est donc
essentiellement vicié, et ce vice se répand sur toute, la..pro
cédure.
L e mandat d’amener, qu’il renferme , est encore ,plus
illégal j il émane d’une fausse interprétation de l’art.
de
la loi précitée ; cet article porte que s i un tribunal trouva
dans la visite d’un procès, même c iv il, des indices qui
conduisent à connoître Fauteur d’ un f a u x , le président
délivre le mandat d’amener (1).
L a loi a entendu , sans contredit, .parler du cas où l’ins
truction de lajprocédure a été faite, soit au civil, soit au
crim inel, et que par suite de cette instruction, la preuve
<3u faux est acquise , parce que la^preuve du délit indique
un coupable, au lieu que tant qu’il n’y a pas de délit cons
tant , on ne peut pas supposer de coupable.
Cette vérité résulte bien de l’art. 5^ 8 , rpuisque cet,art.
yègle ce qui peut être observé dans l’instruction de fauî&j
(1) A u x rermes de P a rt.‘53 6 , 'il d e v o ir être su rsira « jngom eat
d u p ro cès civil ,
jusqu’après l e . ju g ea ie n t de l’accusation en
. fa u x ; et ce p e n d a n t, en ré g la n ta u c riu iin e l l’accusation
ep fa u x , Je
tribunal a jugé Pailaire civile, e tlm ’o id é b u u téd e n io a ppp ositioyi
qu elle c.O ü tm d itliu a^
^
�. . . . . . . .
:< m
, . r- .
.
. .
et que ce n’est qu’après s’être expliqué à cet égard, que
vient l’art. 539, qui autof-ise le président d’un tribunal a
laÂCer un mandement d’amener.
’ ! 1
,:i'ïlfa llo iè ! donc, sur la plainte de'Lasteyras, fa ir e l’instruétiort du fau'*',retc’èst après l’instruction \ et lors du jugemèht
de Faffaire, soiŸau c iv il, soit au crim in el, si le faux eût
été constant, et que des indices se fussent élevés contre moi,
' qu’il auroit été autorise à lancer u n . maüdat d’amener ,
coriforniénient à la disposition de l’article 539. On a comfnencépar où l’on deVoit finir. '
'
Il s’agit ici d’un faux incident ; il falloit donc suivre le
vœu de la loi sur cette procédure. L e jury ne pourroit
donc baser une accusation sur une procédure aussi vicieuse.
Mais perdons de vue' cette diffoi-mité de la procédure.
Lasteyras peut-il arguer de iaucune'pièce qu’il a recon
nue authentiquement, et même en(jugem ent, pour être
sincère ? Ses moyens de Taux sont-ils pertinens ?
Pour trouver' u n e’rèionnoissaricé complète ,| de‘ là part
*de Lasteyras,nde Îa sincérité de la pièce, il ne faut que le
: suivre dans‘sa discussion _, lors dès divers jugémens.
La lettre de change ria jam ais été q u u n acte de com
plaisance, une pièce de crédit que f a ijb u r n ie au citoyen
B oisson .
Il reconnolt'donc que la lettre'de change est émanée de
lu i, souscrite p a r ’lui : il a donc une tonnoissance parfaite
de son existence ; il ne peut donc l'attaquer comme fausse j
car, ne iut-eUe qu’une pièce de crédit (1), anéantie par un
(1' C o tte assertion tom be dV lle-m ém o,, p a r ’la sim ple observa
tio n (¡lie je l’ aurois iiig o tié e ^ a u lièU’d e là ¿anlei* en p o ch e ; et que
t d ’ailli'urs cé langage est déplacé dan.s la b o u clie d’ iin h o m m e (jui u’a
jamais cesséd ’c ir c m o n débiteur de som m es coriwdérables.
�f *9 J '
nuire acte, elle ne pourroit, sous ce point cle vue r être re
poussée que par les voies et les moyens civils.
Il ajoute, il est v rai, que dans son principe la lettre de
change étoit payable au 30 septembre i j g i , e t q ù à 1791
on a substitué 1797? pour la ¿faire échapper à la contrelettre dont il est m uni (i).
Eh bien ! supposons d’abord que cela soit ainsi. Où apert
que je suis l’auteur du changement ? Cette date n’est point
écrite de ma main, c’est une chose reconnue.
F û t-e lle de ma main; le changement prétendu fût-il^
mon ouvrage, qui pourroit affirmer qu’il n’a pas été l’effet(
d’un consentement réciproque ?
; ,
Une seule chose pourroit le faire croire ,ce seroit une^
contre-lettre qui frapperoit sur une lettre de change de pa-,
reillesomme, de pareille date, qui seroit payable en 1791.
Cette contre-lettre feroit apparoître un intérêt de ma
part h donner à la lettre de change une date différente à
celle énoncée dans la contre-lettre. Mais le citoyen Lasteyras
ne produit aucune contre-lettre ; donc il ne peut pas même
s’élever de soupçon.
Ces faits de faux sont d’autant moins admissibles que
rinstruction de faux est absolument sans objet comme sans
cause, et qu’elle ne peut produire d’effet.
Lorsque le faux ne frappe comme dans l’espèce, que sur
l'altération prétendue d'une pièce, l'objet de l’inscription est
çle rétablir la pièce dans l’état primitif qu’on luisuppose\
son effet doit être de réduire l’acte à sa juste valeur.
( 1 ) C*est ainsi que Lasteyras s’est exprimé dans ses diverses
îidoicries.
C 3
�•V
*
*
*
(
V
2Û
p
/
*
^»T
Mais' si ïâ preuve dü fait dé faux ne peut produire d é J
changement à là nature'fton plus qu*à la valeur dç l'acte,^
ellé est vraiment sans but comme'sans effet, e t‘sans in
térêt : donc le fait dé faux n’èst pas pertinent.
1
"C ’est ici noire espèce: Supposons en effet que la lettre déchange fût payable en 1791 , etquesadàteait été converti«,
E e J"àù de fa u x frappant sur ce changement, Fobjet de
rinstruction du f a u x seroit de rétablir là date 1791. Sup-»’
posons donc m aintenait cettè date rétablie, quel sera l’effet'
de cefrétablissement ? Il sera absolument nul, parce que la
nature dié là -pièce-attaquée et sa valeur neseroient point"
changées. Ce seroit toujours une lettre de change, une lettre
db change dé la même som m e, contre laquelle on seroit r
après la preuve de fa u x , comme avant, c’est - à - dire T
saris moyens si l’on est sans quittance.
•
1
Que diroit-bn d’un homme qui conviendroit avoir signé
lin acte et l’àrguëroit néanmoins de faux , en disant que
T'àn a effacé sa signature, q u i étoit à droite, pour en
mettre une à gauche. Assurément on riroit ou l’on devroit
rire de ce fo u , et l’envoyer aux petites maisons , au lieu
d’admettre sa plainte. Eh bien! c’est exactement la même
chose, c’est le vrai langage de Lasteyras.
Il a souscrit la Itttre de change , il l’a souscrite pour sa
valeu r; mais elle étoit payable en 17 9 1, au lieu <£étr&
payable en 1797 : voilà le fdit de faux.
Mais, s’il en étoit ainsi, ce changement n’auroit été fait
que poüraméliorersa condition, en reculant son payement
avec perte d’intérêt pour moi. Pourquoi donc se plain
d ro n t-il?
Ces moyens sont sans réponse, mais de plus puissanseor
ore sV réùnisseuU
�•
y
Je déiiientre d’abord que l’état physique de*ïa lettre de
Change, dépose contre.son infâme supposition. J*établis
que le mot d ix - sept n’a pu être intercallé dans la place du
mot on se 5que IV dans lé mot onse , est liée sans distance ;\
1’>1 dè la première syllabe on, tandis que IV dans le mot sept,
est drstinctemont séparée du mot dix\ d’où il résulte que les,
deux mots dix-sept n’ont pu être composés du mot onse,
E t d*aill'eu?*s la preuve du fauxseroit impossible, il faur
d roit trouver des témoins.en étal de d é p o s e r que la lettre
de change étoit différente autrefois de ce qu’elle est aujourd-'liui. Toute autre preuve seroit nulle, pour établir l’al
tération , parce qu’il ne suffît pas qu'un délit pût être,
com m is, il fa u t que la preuve en soit acquise : voilà donc
ce premier système anéanti.
Mais il circule que Lasteyras, ne pouvant le soutenir, se
rejette à soutenir que tout le corps de*la lettre de change
est faux ; que la prem ière écriture a été enlevée avec des
ea u x corrosives, et qu on y a substitué une lettre de.
change , et c’est la couleur, la siccité du papier qui fournit
ce moyen.
Mais l’on a observé que la couleur rousse du papier, pro
vient , i°. de son état de pourriture : elle produit cet effet ;
20. de là colle dont je me suis servi, pour mettre une dou
blure à la pièce dans sa partie la plus altérée : on peut
éprouver cet effet de la colle, sur-d’autres papiers.
30. Lasteyras lui - même , qui connoissoit ou par lui ou
par son défenseur , ce daogercux secret, rélégué autrefois
dans les couvens des moines, de l’effet de leau forte, a
anuoncé lui-même que le papier que l’on a soumis à soû
�t 22 )
action, perd par elle sa colle et sa consistance, qu’alors l’oncre s’épate. M ais, i° . la pourriture et l'humidité du papier
produisent le même effet, En second lieu , toute l’écriture
de la lettre est d'une forme très-déliée, et qui ne ressemble
à rien moins qu’à ce qu’elle devroit être d’après Lasteyras,
ce qui prouve que l’avarie du papier a été postérieure A
l’écriture , au lieu d’être antérieure,
A l’égard de la siccité du papier et de sa facilité à casser,
elle dépose contre l’assertion de Lasteyras, par des consé-.
quences tirées de l'effet qu’il attribue à l’eau forte.
En effet, si l’effet de son action est de décoller le papier ;
au lieu de le rendre cassant, elle doit le rendre souple ; au
lieu de le dessécher, elle doit l'impregner d’humidité.
Que l’on prenne du papier sans colle, en vain on le pliera
en différens seps, non seulement il ne cassera pas, mais au
contraire les plis que l’on aura faits, ne conserveront
pas d’impression,
La colle, au contraire, rend cassant tout ce qui en est
im prégné; c’est ce qui donneaux étoffes, ce que l’on appelle
Vapprêt, et qui les fait couper.
La siccité du papier de la lettre de change, prouve donc
qu’il n’a pas subi l’action de l’eau forte.
Il seroit sans doute trop dangereux pour la société de
pousser plus loin des expériences sur cette liqueur, dans
lin écrit qui doit devenir public ; mais on en peut faire sans
danger sur du papier qui auroitsubi une longue humidité,
même celle de la cave ; qu’on le dessèche h la faveur d’un
feu actif; alors il deviendra ce qu’est le papier de la lettrç d^
phanie.
�. ^
C *3 )
r
'
Toutes'les expériences que l’on pourra faire, donneroht
Ce résultat, et ne pourront qu’être utiles, puisqu’elles ap
prendront les moyens dé'parer à un accident, sans tomber
1 dans un inconvénient contraire.
Mais.qu’esl-il besoin de recourir à des épreuves et des ex
p é rie n c e s physiques? la lettre de change ne dépose-t-elle pas
par elle-même, qu’elle n'a jamais été changée ni altérée, et
» ne donne-t-elle pas le droit incontestable de soutenir que le
“ fait articulé n’est pas pertinent ?
En efîet'le citoyen Lasteyras, ce qu’on ne doit pas perdre
' de v u e , rcconnoît que l’approbation et la signature de la
lettre de change sont sincères.
"
O r l’approbation n estpasuiiede cessimples approbations
banales, qui s’adaptent à toutes sortes de conventions.La
voilà : jBonpouYla somme de deux mille quatre-vingt-dix
livres dix-sept sous , montant de l a l e t t r e d e c h a n g e
c i - d e ssu s .
1
Il est donc vrai que le ci-dessus de cette approbatiûn est
une lettre de change, et une letttre de change de deux m ille
quatre-vingt livres dix-sept sous.
•
•1‘
Comment, après une telle approbation, peut-on sup- poser que l’écrit étoit dans le principe tout autre ch osa
■qu’une letlre de change. On veut donc que 'cette approba^ tion n’ait aucunèrvaleur ? N’est-ce pas le comble de l’absur
dité, de ‘vouloir supposer lé contraire de ce que Lasteyràs
atteste hii-mêrne.
Q uoi, l’on veut faire dire, par des Experts et par des ténioiris, le contraire de ce que dit cet écrit reconnu etaVoiié !
' on veut chercher dans la possibilité de c o r r o d e r ou d en
lever une écriture, la conviction que ce délit existe, tandis
�IHi)
que le papier sur lequel on suppose qu’il a ét&commfs,
atteste qu’il n’existe pas, et que cette atestation est celle de
•.•Lasteyras lui-m êm e, -et qu’il la;reconnoît pour telle ?
Quel est l’homme qui se sera,garanti de la prévention
dont on cherche^ circonscrire cette affaire, et qui peutêtre est alimentée par beaucoup de circonstances défavora
b le s , parce qu’elles ne sont pas épurées .par la discussion ;
’et qui voudra donner à des preuves acquises par la science,
souvent fautive et toujours incertaine des experts, la pré
fé r e n c e sur »une preuve toujours infaillible d’un écrit.
Il
n’en est pas d’une, preuve écrite comme d’une preuve
ou testimoniale ou expérimentale. L ’une est irréprocha-»
b le , autant qu’invariable ; -l’autrei au contraire, peut
présenter mille .motifs de suspicion et de contredit.
.Quel expert-même auroit assez-de hardiesse pour oser
• affirmer que la pièce dont il s’agit n’est qu’une pièce fausse
et fabriquée, et qu’elle n’étcit point auparavant une lettre
>~de change,, tandis q u ’elle atteste elle-même qu’elle en étoit
une. Bon pour
somme-de deux mille qmitre-vingUdix
livres, montant do ladite lettre de change ci-dessus. ,
*Ali !que l’oo mette cet écrit entre les mains d’un homme
reconnu , pour être lo plus, grand des; scélérats, et elle pro
duira tout» son effet. Dirart-on qu’elle pou voit être, con
sentie'au profit de tout autre que <le moi ? Mais-alors il
eût 6uffi de supprimer leprem ier nqm , et d ele remplacer
par le mien.
Mais décrit de 179 3, dont oti a vu la teneur, ne vient: il,pas à l’appui de la lettre de change; n’en icst-elle pps
le duplicata ? Il l’est "si bien , qu ’il nfauroit suffi sans-son
.fiucofirs, pour forcer-Lasteyras à m’pfi payer lji valeur.
Cet
�(25)
Cet écrit est universellement connu; Lasteyras ne l’atta*
quoit pas dans ses plaidoieries. Ne fait-il donc pas disparoître tous les doutes qui pourroient naître de l’état du pa
pier de la lettre de change.
Que diroit-on d’un homme qui argueroit de faux un
'écrit, même avec les meilléurs prétextes, s’il n’en attaquoitpas le double qui seroit rapporté?
1■
Eh ! qu’avois-je besoin de mé faire de's titres de créance
contre lui? Sans les lettres de change que j’ai adhiréës, j’en
ai pour dix mille livres,rqui n’ont souffert aueuîne altéra
tion (i). U me dpit plus'de 5ooo ^ pour'vacatibns pour lës’quelles j ’ai, ou ses pièces,'ou des recomioissahees. Et j?jri
fait deux voyages eii la ville de Paris', en vertu de prôcu^
rations notariées, appuyées de ses lettres (2}. Et pour ¡tôtit
•cela une insolvabilité notoire fait toute m!a ressource. ’ ! 1’
A ]«j vérité il désavoue ses procurations et ses arrêtés
cle compte : mais il ne peut désavouer les procédures dont
je suis porteur, et cependant il nepaye rien. L e beau débi
teur que j’ai là ; il vaut bien Ja peine qu’on se fasse contre lui
des titres de créance.
•*
'
A tous ces moyens que peut-on objecter1? L ’étal delà
lettre de change : mais fut-elle en lambeaux, accablée de
surcharges, l’approbation en toutes lettres, de la main de
( 1 ) Q u an d il en absorberoit la m oitié par des indem nités, il
ïn ’ en resteroit en core assez.
(2) Dans une de scs le ttre s , il m e prie de ne^pas qu itter Pari?,
Jusqu’à ce que j’aurois obtenu des arrêts. E!!e est du I er* août.
D t dans u n e autre du 10 o c to b re , il m e prie de continuer mes
coins , et de 11e rien épargner. Q u ’il in c produise maintenant ^ c i
q u ittan ces,
‘
■
1
11
�X 'M ')
Ln*ïtdyras, couvre tout; ¡parce-que toute .s«'valeur ¡s'etiran t Je
»on approbation, c’est elle qui fuit le titre.; ejjle doit servir
contra m nnia te la , et ¡cei-écrit,de 17,93 «’est 'qu’wn itüutf
surabondant.
. • . i> • . ■
- , 1 ■,
îi,.Si UKMS irapprochous;Mwinte®,ant -tau*. ces mayenside la
cand uite dé Lasteyras „ rde ses na^uveme.ns ,poqr ^bteair
du temps, inon refus-de proadre de iiouw.ayx effets m*i6ignés du fils, la cojivictiüii ne devienit—elfe pas Rurabjoudante?
>
)
Mais de nouveaux ennemis , dit-rom,, .paraissent ,sur ¡1?.
.scène.; d’autres titres viciés vieniientrà l^ppui .d.e L^^teyrag,
•Quels sont-ils donc ces .nouveaux .athlètes ? L e citoyea
Chànipetières/que .j’ai convaincu deimauvaisefoi ,>par
yrqpres .lettres .(1?), dans deux plaidoioriesiauthentiquesau
tribunal de ¡commerce de Clorrnont ;>que .j’ai fait condanirn e r, par. un jugem en t.contradictoire susceptible d'appel, et
^ u ’il s’empressa d’exécuter.
,
>
_ X#a citoyenne .Bidon qui a traité .avec moi après ■coru;testatiousen.cause.auriitres vus , de .main puivéc et .nota
riés ; qui suppose aujourd’hui l’existence dîun autre billut
ideidix uiiile;li.vres ¡pour avoir-le plaisir de ;leiCQinbattre,
«tandis que notre traité, embrasse Je hiU<ït de ,17.9o yut¡tous
>autms titres que je pourrais avoir.
,
( 1 ) ,Je p ro u va i par ses lettres, q u ’il m ’ avo it e n v o y é d e -P o m a is e
la le ttre de ch an ge qu’il c o n t e s t o it , et ra p p o r ta i.u n p r o t ê t
i j ( p qui étab lit la p réexisten ce d’ une a u tre lettre de ch a n g e à
celle de 1 7 9 1 . 'L e.m ênie! lio n u n e ne m ’a p a y é qu ’ en 179 7 un biljçt
d / ce n t s o ix a n te -s ix livres de l’an n ée 1774. Il m e fait p laid er
. »aujourd'hui p o u r "des v a ca tio n s qui rem o n te n t à la inOnje époque;
et il m ’ oppose un billet q u ’il disoit adhiré et d o n t j’ai la q u itta n c e .
�( 27 )
La citoyenne Arnoud qui désavoue comme faux un
billet qu’elle dit ne pas connoître.
L e citoyen Tailhand se plaint du payement d’un billet de
360# lui que j’ai tenu quitte, sur la fin de l'an deux,pour
1 5 0 # en assignats d’une somme de 300
qui m’étoit due
en numéraire.
Jusqu’à la citoyenne Gallet : cette femme si connue vient
faire masse contre moi ; elle qui s'est rendue coupable de
stellionat à mon égard, en me donnant en 1783 , en paye
ment d’une dette légitim e, une créance qu’elle avoit tou
chée dès l’année 1766 ; et qui, conseillée par des grugeurs,
répondit à ma réclamation par une plainte sur laquelle per
sonne n’a voulu plaider.
Mais s’ils sont dénonciateurs, aux termes de la loi ils ne
peuvent être témoins; et s’ils ne sont que témoins, que peu
vent avoir de commun leurs dépositions avec l’affaire de
Lasteyras.
Quelle ne doit donc pas être ma confiance, puisque, non
seulement la pièce arguée de faux, ne présente aucun indice
de ce crime, mais qu’encore elle dépose elle-même de sa sin
cérité, et qu’il est impossible qu’aucun autre genre de preuve
p u i s s e la combattre, et que cependant l’instruction qu’on
trouve à la suite de l’article 257 du titre 3 de la loi du 3
brumaire, an quatre, exige defo r te s présom ptions, des
preuves déterm inantes, pour provoquer la décision des
ju r é s , pour l'adm ission de l'acte d’ accusation.
À R IO M , DE
L’ I M P R I M E R IE D E
L A N D R IOT.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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Factums Godemel
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A name given to the resource
[Factum. Boisson, Louis. 1798?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Subject
The topic of the resource
faux
lettres de change
subornation de témoins
prise de corps
offices
témoins
assignats
tribunal de commerce
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire justificatif, pour Louis Boisson, aîné, citoyen de la commune de Riom ; Sur une plainte en faux, rendue contre lui, par Lasteyras.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1798
1770-1798
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
15 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1628
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Riom (63300)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
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assignats
Faux
lettres de change
offices
prise de corps
subornation de témoins
témoins
tribunal de commerce
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73a712b989ad7b2ae45a4b0009c868ac
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OBSERVATIONS
- SOMMAIRES
pour le
cit.
LAM OUROUX,
in tim é;
En Réponse au M ém oire du cit. J. B. D E V È Z E ,
appelant, signifié le 18 prairial an I I .
TRIBUNAL'
D ’APPEL
SEANT A R I O M .
o
N ne doit pas s’étonner que le cit. Devèze réponde
à des moyens de droit par des injures et des personnalités.
L e venin surabonde dans les vésicules de la vipère; il faut
qu’elle s’en débarrasse à tout prix.
Heureusement on en connoît le remède. Mais pour
quoi l’auteur du mémoire du cit. Lam ouroux est-il mis
en jeu d’une manière aussi indécente et aussi injurieuse?
A
�C O
L ’outrage le plus sanglant qu’on puisse faire ¿1 un juris
consulte qui croit avoir quelque droit à l’estime publique,
c’est de l’accuser d?inexactitude, de mensonge ou d!infi
délité dans les citations.
L a critique du défenseur de Devèze est tout à la fois
inconvenante et m al-adroite. Il connoît mieux qu’un
autre les faits de cette cause; il sait ce qui s’est passé dans
l’origine de la vente consentie par Lam ouroux à Devèze.
Ce dernier prétendoit malhonnêtement que Lam ouroux
n’avoit pu vendre au delà de révaluation faite en vertu
d e l’édit de 1 7 7 1 .Lam ouroux, effrayé d’un pareil moyen,
s’adresse au cit. A ndraud, et le prie de l’éclairer sur sa
défense.
L e cit. Andraud, par une consultation du 10 décembre
1786, le rassure infiniment sur l’odieuse prétention de
Devèze. Il appuyé son opinion d’un préjugé récen t, et
a la complaisance de lui tracer la mai’clie qu’il doit suivre.
Il lui conseille « de faire contrôler sa vente, de la faire
» signifier à D e v èze, avec sommation de se trouver en
» l’étude de tel notaire, jour et heure fixes, pour passer
» cette vente en acte authentique, ou en consentir le
5) dépôt, aux offres que fera Lamouroux de consentir à
» l ’instant, par-devant le môme notaire, en faveur de
» D evèze, sa procuration ad rcsignandum, aux charges
» et conditions de la vente.
» Si Devèze ne se rend pas à la sommation, on en fera
» dresser acte par le notaire; Lamouroux fera de nouveau
» signifier, etc. »
Cette consultation est une pièce du procès; elle est pro
duite cote quinze ; elle est citée dans le mémoire de
�(
)
3
Lam ouroux ; et la production a eu pour objet de prouver
que Lam ouroux ne peut avoir fait signifier, le 7 du même
mois, l’acte qu’on lui impute, puisque le 10 il étoit dans
l’intention de poursuivre l’exccution de sa vente.
A ujourd’hui le cit. Andraud a changé de rôle ; il est
le conseil de Devèze. Mais dès qu’il croyoit pouvoir se
charger de cette défense, au moins n’a u ro it-il pas du
tomber dans le môme inconvénient qu’il reproche au con
seil du cit. Lamouroux.
Il devoit remarquer que la citation qu’il critique n’est
pas du fait du défenseur actuel. L e cit. Lam ouroux avoit
suivi de point en point la marche indiquée par la con
sultation du 10 décembre 1786. L a sentence arbitrale du
grand-maître fait naître de longues discussions; le citoyen
Toultée est chargé de la défense de Lam ouroux : la cause
est appointée. L e cit. Touttée continue d’écrire; il discute
avec le discernement et la sagesse qu’on lui connoît ; il
rappelle plusieurs autorités, cite la loi 25 ,ff. de receptis,
l’opinion de M o ru ac, et l’arrêt du 10 décembre 1627,
rapporté au Journal des audiences.
L ’auteur du m ém oire, page 2 1 , rend compte de cette
discussion ; il ne cite p a s , il dit que Lam ouroux s’ap
puyait de ces autorités. Il étoit bien éloigné de penser
que celte narration lui attirerait l’attention particulière
du conseil de D evèze, et lui vaudroit un outrage per
sonnel.
Mais la diatribe rerpplit deux rôles du mém oire, c’est
toujours quelque chose. On ne se dissimule pas même que
cette discussion ne fait rien à l’allaire; mais le censeur « a
» cru nécessaire de rappeler à plus d'exactitude dans
A a
�(4)
» les citations : » en conséquence il fait réimprimer
l’arrêt qui porte textuellement ce qu’on avoit dit; il n’y
a d’addition que les réflexions du jou rn a liste, qui sans
doute ne font point autorité, et qu’on a pu se dispenser
de transcrire, sans être accusé d’inexactitude.
A la page 22 du m ém oire, on ne fait encore que ré
péter ce qu’avoit dit le cit. Touttée dans les avertissemens
signifiés le 6 mai 1789, bien postérieurs à la prétendue
requête du 14 janvier précédent. V o ici en effet comment
il s’exprim oit, rôle 31 v°. « La cause portée à l’audience,
» le défenseur du sieur Devèze prit ses conclusions. Celui
» du sieur Lam ouroux l’interrompit pour lui demander
» s’il avoit dans ses pièces le compromis en vertu duquel
» monsieur le grand-m aître avoit rendu la sentence ar» bitrale; et lui en demanda dans ce cas-là la commu» nication. M e. M ioche, en répondant à cette interpcl» lation , ayant été obligé d’avouer qu’il n’avoit pas
» alors à son pouvoir le com prom is, la cour prit le parti
» de prononcer un appointement à m ettre, pour lui
» donner le temps de rapporter cet acte. »
Plus Las, rôle 40, on se plaint encore de ce qu'il n’en
ïi pas justifié; on dit même que son avertissement, quoi
que postérieur, n’annonce pas qu’il en ait fait le rapport;
enfin, on demande qu’il soit tenu d’en faire donner copie :
jusque-là on soutient qu’il n’existe pds de sentence arbitrale.
On doit même convenir qu’il n’est pas étonnant que
la copie de cette pièce ait échappé à toutes les recherches.
La copie comme la requête se trouvent sur un petit carré
de papier; l’inventaire ne l’énonce que comme une re- ’
quête contenant rapport de l’nctc y énoncé, sans expliquer
ce que c’cst que cet acte.
�£3/
( 5 ) .
Cette petite inadvertance, qui n’est pas du fait du con
seil actuel de Lam ouroux, méritoit bien sans doute la
qualification gracieuse de mensonge que le moderne Zoilc
a prodiguée dans ses loisirs.
Quoi qu’il en soit, le compromis dont on vient de
prendre connoissance ne porte autre cliose, sinon qu’on
promet de s’en rapporter à l’avis et modération du grandmaître; il ne fixe aucun délai, et par cela seul il est nul.
M algré tout ce qu’a dit le journaliste, l’arrêt de 1627 a
jugé la question en thèse; et quand on s’appuie sur le
répertoire de jurisprudence , qui fait des savans à si bon
m arché, on peut répondre avec une autorité au moins
de la même force. Les auteurs de la nouvelle collection
de jurisprudence, au mot compromis, n. 3 , disent ex
pressément qu’un compromis ne peut être valable qu’au
tant que le délai dans lequel les arbitres doivent prononcer
est lim ité; autrem ent, ajoute-t-on, Tune ou Tautre des
parties pourroit refuser à?acquiescer au jugement q u i
ne seroit pas seulement sujet à Fappel, mais nul. Ils
citent encore cet arrêt de 1627.
N. 4 , ils ajoutent, « qu’on peut convenir par le com» promis, en fixant le délai, que les arbitres auront la
» liberté de le proroger. Cette condition ne regarde pas
» les parties qui l’ont souscrit, mais le juge : si cette
» clause n’y est point insérée, il est de rigueur que le
» jugement soit prononcé dans le délai fixé; faute de
» quoi, les parties 11’étant plus liées par le compromis,
» le jugement 11e sauroit les obliger.
» S i , en donnant pouvoir h l’arbitre de proroger le
» temps de l’arbitrage, on a stipulé qu’il statueroit, par
�»
»
»
»
»
»
( 6 )
un même jugem ent, sur tous les points contestés, et
que l’arbitre, n’en décidant qu’un seul, ait l’emis à un
autre jour à décider les autres ; on demande si le jugement doit etre exécuté. Il faut répondre que l’arbitre
n’ayant pas rempli son obligation, les parties ne sont
pas tenues d’acquiescer à son jugement. »
Ces auteurs, parmi lesquels on voit figurer les juris
consultes les plus célèbres du temps, connoissoient assez
bien le droit ; ce qu’ils viennent de dire est une tra
duction littérale et fidèle de la loi 25 , ff. de receptis,
que le citoyen Toultée n’avoit pas citée si mal à propos.
V o ic i le texte de la loi :
L abeo a i t , s i arbiter, çùm in compromisse) tantum
esset, lit eâdem die de omnibus sententiam diceret, et
ntposset dieni proferre, de quibusdam rebus dictâ sen
tent i â , de quibusdam non.dictâ, die/n p rotulit, Valero
prolationem, sententiceque ejusposse impunè non pareri.
E t Pom ponius probat Tuabeonis sententiam : Quod et
m ih i videtur, quia ojjicio in sententiâ fu n ctu s non est.
§ i. Tlœc autern cla usula, diern com prom issiproferre,
nullarn aliam dal arbitro JacuU ateni, quàm itiern prorogandi ; et uleo conditionem prim i compromissi neque
minuere neque immutare potest.
L e juge 11e peut donc rien changer au compromis; il
faut donc que ce compromis fixe un délai ou autorise le
juge à le proroger : sans cela le compromis est nul ; la
sentence n’oblige pas les parties.
L e citoyen Toultée n eu raison de soutenir que la sen
tence du grarul-rnaUrc n’étoit pas obligatoire, que la sénéçliatissée pouvoit en refuser l'homologation \ et c'eût
�&2>3
(7 )
encore à. juste titre que le conseil actuel a ajouté que
quand bien môme le citoyen Devèze rapporteroit un com
promis régulier, cette discussion seroit sans intérêt, parce
que le tribunal d’appel représente le ci-devant (i) par
lem ent, et qu’il suffiroit alors d’interjeter incidemment
appel de cette prétendue sentence arbitrale.
Grande discussion sur cette seconde partie : il y avoit
trois fois mensonge sur la prem ière, il n’y a qu’erreur
dans celle-ci. Toute sentence passe en force de chose jugée
après la signification. ( A rt. X V I I du tit. X X V I I de l’or
donnance de 1667. ) Il y a plus de dix ans que la sentence
arbitrale est signifiée j donc fin de non recevoir contre
l’appel incident.
Quelle doctrine! L ’ordonnance de 1667 ne parle que
des jugemens qui émanent des tribunaux ordinaires; et,
dans une matièi'e de rigueur, on ne peut pas raisonner
(1) Les nerfs du censeur s’irritent de cet adverbe ci-devant.
Pourquoi ces mots? s’écrie-t-il : doit-on dire le ci-devant aréopage
d’Athènes, le ci-devant sénat de R o m e? M ais ces mots sont em
ployés au palais tous les jours; les tribuns, les législateurs s’en
servent habituellement : c’est un style réglem entaire, qui n ’est ni
un style académ ique, ni celui de l’histoire. Quand on écrira sur les
parlemens, qu’on rappellera les grands services que ces compagnies
célèbres ont rendus à l’ é ta t, l'historien dira les parlemens , sans
se servir des mots ci-devant. On pourroit cependant apprendre à
l’auteur de l’ingénieuse critique, d ’après le dictionnaire de l’aca
dém ie, qu’on dit adverbialement ci-devant, pour dire précédem
ment. En société on dit encore ci - devant seigneur, ci - devant
comédien ; ce qui veut dire qu’on ctoit autrefois seigneur, comé
dien ; etc.
�W
‘ ( 8 )
d’un cas à un autre : une sentence arbitrale est dans une
exception particulière dont l’ordonnance ne s’est pas,
occupée.
2.°. O n ne contestera pas au moins qu’une sentence,
arbitrale n’acquiert la forme de jugem ent, n’existe, ne
peut obliger et n’est exécutoire qu’autant qu’elle est re-.
vêtue du sceau de la justice ; qu’elle n’a d’authenticité
que par l’homologation du magistrat public. O r , la sen
tence du grand-maître n’est pas même encore homologuée
donc, en supposant qu’on pût l’assimiler à un jugement
ox’dinaire, les dix ans ne pourroient courir que du jour,
de l’homologation.
L e cit. Devèze voudra donc bien permettre qu’à toutes
fins, et sans se départir des premiers moyens, le citoyen
L am ouroux, pour éviter toutes difficultés, se rende in
cidemment appelant d’une décision qui n’est que l’eilet
de la surprise et de la fraude.
L n prenant ce parti on évite la discussion du second
moyen'annoncé en titre avec emphase, et où on n’a pas
su ce qu’on vouloit dii’C.
Quant au troisième m oyen, on cherche à tirer parti
de tout lorsqu’on est embarrassé de répondre.
L e cit. Lam ouroux avoit exposé dans son m ém oire,
page 28, que postérieurement à l’année 1786 un sieur
M albct avoit offert 24,000 francs de cette charge : Lnm ouroux avoit répondu qu’il n’en étoit plus propriétaire;
mais avoit pensé qu’il devoit en avertir D ev è ze, q u i,
n’étant pas encore reçu , scroit peut-être bien aise de faire
un bénéfice de 6,000 francs.
1»adroit Devèze s’empare de cette circonstance pour,
prétendre
�<*î£
( 9 ) .
,
prétendre que ce bénéfice avoit tenté Lam ouroux, et
étoit la première cause du regrès qu’il avoit fait signifiér.
P e u t-o n l'aisonner avec autant d’iricoüséquence ? En
effet, si Lam ouroux avoit été mu par Tîrïîérêt, qui l’auroit empêché de conclure, puisque Devèze iàvoit accepté
le regrès? Sans douté qu’il n’aüroit pâseu'ài sé plaindre?
dès qu’il donnoit les mains à là résiliation’ de la venttf :
Lam ouroux auroit pu sans crainte a'cceptér les propo
sitions de M albet, et le bénéfice de 6,ooo francs.
M ais, dit encore D evèze, toujours avec le même dis
cernement , Lam ouroux dut avoir un grand} repentir
lorsqu’il apprit, par lës'discoïirs prononcés à l’assemblé’é
des notables, le 25 mai 178 7, qu’on avoit l e ' projet de
supprimer les maîtrises ; il sentit qu’il alloit courir le
risque de perdre un office dont la liquidation ne pôuvoit
jamais se porter au prix qu’il l’avoit vendu.
L e cit. Lam ouroux répond d’une manière bien simple
ù cette nouvelle allégation ; il craignoit si peu la suppres
sion de son office, que postérieurement à ces discours des
notables, et n’ayant d’autre inquiétude que sur la question
élevée par Devèze relativement à l’évaluation de 177.1, il
consulta encore à Paris pour savoir si Devèze étoit fondé
à faire réduire le prix.
L e cit. Garan de C o u lo n , aujourd’hui sénateur, donne
sa consultation le 12 juillet 17 8 7, et prouve, d’après les
edits et déclarations , que la prétention de Devèze est
une chimère.
Cette consultation est encore produite cote 16 : elle
démontre sans doute que le’ cit.'Lam ouroux insistoit sur
l’exécution de sa vente; qu’il avoit seulement besoin d’être
B
�( ÏO )
rassuré sur la mauvaise foi de Devèze ; mais qu’il n’avoit
pas l’intention d’exercer un acte de regrès, encore moins
qu’il l’eût fait. Car^s’il étoit vrai qu’il eût fait signifier cet
acte, dès le 7 sSptomlwe 1786, et qu’il eût été accepté par
D e v è ze , à quoi bon les consultations qu’il sollicitoit ?
comment n’en auroit-il pas parlé au grand-maître, dont
la sentence n’est que du 9 février 1788?
Il y a donc, on ne dit pas seulement invraisemblance,
mais impossibilité que le cit. Lam ouroux soit l’auteur de
l ’acte du 7 décembre 1786.
M a is, dit-on, dans la sommation qu’a faite Lamouroux
à D evèze, pour se trouver chez le notaire, on fait bien
offre de délivrer une procuration ad resignandum, mais
on n e,fait point d’offres réelles de la procuration ellemême.
Si le cit. Lam ouroux a manqué en quelques points, la
faute en est à son conseil, dont il auroit trop fidèlement
suivi les avis. D ’après la consultation du 10 septembre 1786,
signée A n d ra u d , « on disoit qu’il paroîtroit convenable,
» de la part du sieur L a m o u r o u x , (Voffrir de passer par» devant notaire la pi’ocuration ad resignandum, et d’en
» faire les offres au sieur D evèze, dans l’assignation; de
ï> conclure au surplus ccmtre lui à l’exécution de la vente. »
Certes le cit. Lamouroux ne pouvoit s’écarter de la
marche qui lui avoit été tracée par son conseil ; et il est
bien mal-adroit aujourd’hui de lui en faire un reproche,
avec d’autant plus de raison qu’on lui disoit « que le cit.
» Devèze sentiroit le danger qu’il y auroit pour lui de
» se refuser A scs offres, et qu’il se haleroit d’einpêcher
» une procédure dont tous les frais retomberoient sur
�S it
(II
)
» lui. » Il seroit donc heureux d’avoir tin peu plus de
mém oire, lorsqu’on veut mettre en avant dès moyens qui
se rétorquent avec tant d’avantage.
O n ne voit pas d’ailleurs comment il auroit été néces-.
saire d’offrir la procuration elle-même, plutôt que d’offrir
de la délivrer.
* ;
Seroit-ce une raison pour conclure que Lamouroux a
toujours resté propriétaire de l’office, et qu’il a péri
pour lui? Il est vrai que Loiseau enseigne, à l’endroit cité
par D evèze, que l’acquéreur n’est réputé propriétaire de
l’office, que lorsqu’il a obtenu des provisions du collateur.
Mais on doit entendre sainement la doctrine de Loiseau,
qui est vraie en thèse générale; c’est-à-dire, que celui qui
vend un office en demeure titulaire jusqu’à ce qu’il soit
rem placé, parce qu’un office ne peut rester vacant. E t
sans doute si le vendeur se refusoit à donner sa procu
ration, que dans l’intervalle de ce refus la charge vînt
à être supprimée, la perte retomberait sur lui ; il auroit
à se reprocher sa négligence ou sa mauvaise foi : mais
lorsque l’acquéreur se refuse lui-même aux offres de son
vendeur, lorsqu’il emploie le dol et la fraude pour éluder
ces offres, il seroit vraiment monstrueux que le vendeur
pût être victime de la surprise ou de la fraude. ( Les cas
de dol ou de fraude sont toujours exceptés, et font fléchir
la règle générale. )
O r , s’il est démontré que les actes dont Devèze ose
argumenter ne sont pas du fait de Lamou^ropx, que ce
dernier n’a jamais fait signifier l’acte du y septembre 1786,
qu’il a toujours sollicité et poursuivi l’exécution de sa
vente, qu’il a manifesté cette intention avant comme aprè»
2
B
�( ,12 )
cette prétendue notiCcation.de l’acte de regrès, il seroit
aussi injuste qu’absurde de faire retomber la perte sur le
cit. Lam ouroux; ce seroit proposer à la justice de récom
penser le crim e; ce seroit vouloir faire sanctionner la
fraude la mieux caractérisée.
Il est encoi’e extraordinaire que le cit. Devèze fasse un
reproche à Lam ouroux de s’être qualifié de greffier,
postérieurement à la vente ; mais tant que Devèze n’étoit pas
reçu, le cit. Lam ouroux devoit bien en faire les fonctions,
comme en prendre les qualités.'
En vain diroit-il que Lam ouroux a touché ou perçu les
gages; qu’il a même obtenu eu 1788 une sentence contre
Sérieys : le cit. Lam ouroux devoit-jl laisser arrérager les
gages, qui déjà l’étoient considérablement? Ce n’est que
le 3 juillet 178 8 , bien postérieurement à la demande,
.qu’il a obtenu la liquidation des gages, pour les années
1781 et suivantes , jusques et compris 1787. Çes gages lui
appartenoient exclusivement, d’après la réserve portée
en la vente , jusques et compris l’année i j 85. Comment
a u r o it-il pu en distraire les deux années revenantes à
D evèze qui plaidoit alors pour faire annuller la vente ?
et p ou rrait-il en résulter autre chose, sinon que Lamou
roux est comptable envers Devèze de ces deux années ?
Il a toujours offert de lui en faire raison.
Relativement à la sentence de 1788, le cit. Lam ouroux
a cru qu’il se devoit à lui-même de poursuivre Sérieys ;
qu’il ne pouvoit pas même négliger les précautions con
servatoires , pfiur n’être pas responsable envers son acqué
reur. Il a obtenu un jugement contre un commis négli
gent; il a même fait une inscription en vertu de cett
�_ ( *3 )
sentence : maïs ces diligences ont été infructueuses, il
n’a rien perçu de Sérieys.
Lam ouroux ne croit pas qu’il soit nécessaire de reve
nir sur l’invraisemblance et la fausseté des actes qui lui
sont opposés par D evèze, ce seroit grossir inutilement
cet écrit, avec d’autant plus de raison que Devèze n’a
fait que répéter littéralement ce qu’il avoit dit dans ses
précédentes écritures.
Mais il ne peut retenir son indignation, en lisant les
inculpations de Devèze. Lam ouroux ne craint pas d’ou
vrir le livre de sa vie politique : long-tem ps fonction
naire p u b lic, et dans les momens les plus orageu x, il
n’eut jamais aucun reproche à se faire. Il étoit membre
du directoire du département du C a n ta l , lors de l’assas
sinat commis par des séditieux sur la personne de l’in
fortuné Colinet.
Il établit, avec toutes les délibérations du temps ¿\ la
main, que les membres du directoire, dont il faisoit partie,
prirent toutes les précautions qui sont au pouvoir des
hommes, pour arrêter les mouvemens révolutionnaires;
que leurs efforts furent impuissans. Lam ouroux, comme
ses collègues eurent le chagrin de voir leur autorité mé
connue , et leur vie en danger. Ils rendirent compte de
leur conduite à l’assemblée législative; et, le 2 avril 1792,
il fut rendu un décret qui ordonnoit de poursuivre les
coupables. Cette loi approuve la conduite du directoire
du département, et improuve la municipalité d^A u r illa c , « pour avoir négligé d’user des moyens que la
» loi rnettoit à sa disposition, lors des attroupemens et
» excès commis sur son territoire, »
�.
( 1 4 }
L e cit. Lam ouroux joindra à sa production-la loi du 2
avril 1792, le procès verbal, le délibéra toi re du direc-to ire , l’adresse du conseil général du département, en
date des 31 mars, 5 et 7 avril 1752. Ces pièces tendent
à détruire les insinuations perfides de Devèze : et si le
cit: Lamouroux doit se rappeler le malheureux moment
qui coûta la vie à un magistrat estimable, c’est au moins
avec la satisfaction d’avoir fait son devoir pour arrêter
ces excès, et en prévenir les suites, qui auroient pu être
-funestes à beaucoup d’autres citoyens.
D evèze a été arrêté pour des causes qu’il voudroit
sans doute oublier à son tour. On l’invitera aussi à se
rappeler qu’il étoit accusé de faux dans ses fonctions
publiques, et comme appréciateur des bois et montagnes
- de Marquemont , ayant appartenu à M. Montagut de
Beaune. L ’acte d’accusation est du 2 germinal an 2.
M is en accusation, et traduit en la maison de justice,
il fut acquitté, par jugement du 26 floréal suivant, sur
la déclaration du ju ry , portant, i° . qu’ il est constant
que l’accusé avoit été préposé par le district de SaintF lo u r, i)our l’estimation do ces montagnes et bois ; 20. qu’il
--• n’est pas constant qu’il ait remis un procès verbal d’es
timation, mais seulement un projet; et ce projet le sauva.
D evèze auroit-il encore oublié qu’il a été acquitté une
seconde fois d’une autre accusation de faux, dans l’aflaire
de la nommée Cliandezon, pour dos lettres de change
-par lui souscrites?
Il est bien g lo rieu x , pour un fonctionnaire p u b lic,
d’être accusé deux fois de (aux! M ais, au moins , s'il a
été acquitté, qu’il ne fasse plus parade ue son arrestation;
�)(15
ce n'étoit pas une victime et qu’il convienne qu’il ne fut
point arrêté sur la dénonciation du cit. L amouroux , qui
a eu assez de délicatesse pour ne pas le poursuivre, pen
dant tout le temps qu’il a été privé de sa liberté.
‘ Ce qui paroîtra plus plaisant, c’est qu’on termine le
mémoire en traitant, ou Lam ouroux, ou son conseil, de
méchant : R isum teneatis ; le mot est certes bien placé.
Rappelons, pour toute réponse, l’ingénieuse allégorie du
serpent qui mord la lim e, et n’imprime pas ses outrages.
S ig n é, L A M O U R O U X .
P A G E S (d e R io m ) , anc. ju risc,
B R U N , avoué.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Lamouroux. An 11?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Lamouroux
Pagès
Brun
Subject
The topic of the resource
ventes
offices
arbitrages
office de greffier
maîtrise des eaux et forêts
Description
An account of the resource
Titre complet : Observations sommaires pour le Cit. Lamouroux, intimé ; en réponse au mémoire du cit. J. B. Devèze, appelant, signifié le 18 prairial an 11.
Table Godemel : Homologation : 1. le tribunal saisi de la demande en homologation d’une sentence arbitrale, sous l’empire de la loi d’août 1790, a-t-il pu refuser cette homologation pour le motif que le compromis ne comportait pas de délai, et a-t-il pu prononcer sur le fond même soumis à l’arbitre, en décidant, contrairement, sans qu’aucun appel de la sentence eut été interjeté ? Sentence arbitrale : - infirmée. v. homologation.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
s.n.
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 11
1786-Circa An 11
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
15 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1412
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1411
BCU_Factums_M0229
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53226/BCU_Factums_G1412.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Mauriac (15120)
Saint-Flour (15187)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
arbitrages
maîtrise des eaux et forêts
office de greffier
offices
ventes
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53225/BCU_Factums_G1411.pdf
1f641333b5eaeba98ffd3b55d2965bca
PDF Text
Text
ME MO I R E
POUR
J
e a n
- B
a p t i s t e
D E V E Z E , appelant ;
C O N T R E
A
e n
L
’a
n
t
o
i
n
e
RÉPONSE
p p el
L A M O U R O U X , intimé
A
CEL U I
DE
L ’I N T I M É .
est d’une sentence de la Sénéchaussée
d ’Au vergn e, du 29 mars 1790U n e simple réflexion
suffirait pour en établir le mal-jugé. Elle a refusé l’homologation d’un jugement arbitral qui devait être ac
cordée , sans se perm ettre le moindre examen du bien
ou, m a l - j u g é . E l l e a fait plus, elle a jugé le contraire
de ce qui l’avait été par le jugement arbitral: en un
mot , la Sénéchaussée s'était érigée en tribunal d’appel
d’un jugement arbitral. Tout cela ne peut être consi
déré que comme une monstruosité dans l' ordre judi
ciaire.
�I V^
( 2 )
Il ne doit donc pas paraître difficile de justifier l’appel
de la sentence d e ja Sénéchaussée d’Auvergn e; on fera
plus, et on espéré de «prouver surabondamment qu ’abs
traction du jugement arbitral, si la contestation eût été
portée directement en la Sénéchaussée , la sentence
eût été aussi injuste qu’elle a été irrégulière après le
jugement arbitral.
Commençons par rappeler les faits et les circonstances
singulières de celte affaire.
Par un acte sous seing p rivé, du 2 avril 17 8 6 ,
Lamouroux ^vendit h D evèze l’état et office de greffier
en ch e f de la maîtrise des eaux et forêts de St.-Flour.
L e vendeur promit de remettre h l’acquéreur, quand
bon semblerait à celui-ci, la procuration a d resignandum. L e prix de la vente fut de 18,000 fr., payables
aux termes convenus, avec intérêts. 11 esl convenu , par
la vente, que Lamo uroux partagera avec D evèze tous
les arrérages qui pouvaient lui être dus dans le grefle,
même les gages et chauffages jusqu’au jour de la ve n te }
de tout quoi, est-il dit, D e vè z e se chargera de faire le
re couvre m ent, et d’en taire comptera Lamouroux à
fur et mesure qu ’ils rentreront. Lamouroux se réserva
seulement les revenus et profits casuels du gre ffe , de
l’année 1 7 8 6 , tant dans l’élection de St.-Flour, que
dans colles d’Aurillac et de Mauriac. Lamouroux avait
affermé à Daude le greffe de la maîtrise de St.-Flour,
et il avait aussi affermé à Seriez les droits de ce greffe,
qui se percevaient dans les élections d Aurilluc et do
Mauriac. Il fut stipulé dans la vente , que Devèze.serail
�&il
( 3 ).
obligé d’entrelenir le bail de Daude jusqu’à son ins
tallation , ét qu ’alors, s’il voulait l ’interrompre, il ga
rantirait Laraouroux des dommages-intérêts que Daude
pourrait exiger pour l’inlerruption ; et à l’égard du bail
de Seriez, D e vè ze fut obligé de l ’entretenir dans toute
sa durée.
X/araouroux se repenlit sans doute d’avoir vendu à
D evèz e l’office de greffier ; en vain celui-ci le pressait
chaque jour de lui remettre sa procuration a d reslgn anduni, ses provisions, quittances de marc d’or et de
centième denier, et autres pièces nécessaires pour se
faire p o u rv o ir; en vain lui demandait-il toutes les
pièces, sans lesquelles il ne pouvait se faire p aye r des
gages et chauffages qu’il devait partager avec Lamouroux, et dont il était chargé de faire le recouvrement,
et les baux des fermiers Daude et Seriez , pour se faire
payer du prix de leurs fermes, qui ne devait point en
trer en partage a ve cL am o u roux ; celui-ci trouvait tou
jours des prétextes pour ne pas remettre tous les actes
nécessaires, et cependant l'intérêt du prix de là vente
courait toujours.
D éjà huit mois s’étaient passés, lorsque D evèze se
vit obligé de faire , par un acte du 2 décembre 1786 ,
une sommation à Lamouroux, de lui donner et déli
vrer , dans les 24 heures, sa procuration a d resigna/id u n i, ses provisions , quittances de marc d’or et de
centième denier, cl autres pièces nécessaires. Cette
sommation no put pas être ignorée par L a m o u r o n x ,
puisqu’elle lui lut laite, parlant a< sa personne, par
A 2
Ut*
�(4 )
33iron , huissier audiencier au
bailliage
de Saint-
Flour. '•
1
Il n’est pas inutile de remarquer que danscettesommation, D evèze ne fit pas menlion de l’acte de vente
du 2 avril 1786, pour ne pas se mettre dans la nécessité
de le faire contrôler et d’en payer les droits; ce qu ’il
voulait éviter avec raison, puisque l’acte devait ensuite
être passé par-devant notaire: il se contenta d’énoncer
dans la sommation , que Lamouro ux lui avait vendu
l office de greffier'des eaux et forêts, et qu’en cas de
déni, il offrait de le prouver tant par litres que par
témoins. Cette remarque répond d ’avance à une ob
jection faite à cet égard par Lamouroux.
Après cette sommation , Lamouroux ne put pas re
culer plus long-tems, et se trouva enfin obligé de
manifester son repentir. La sommation était du 2 dé
cembre; et le 7 du même mois, il fit signifiera Devèze ,
par Perluis, premier huissier audiencier de 1 élection
d’Aurillac, un acte , par lequel, «en répondant à la
« sommation qui lui avait été faite par D e vè z e , le 2
« du même m o is , il lui déclara qu’il n ’entendait point
« donner la procuration ad resignandnm de son office
* de greffier en chef de la maîtrise des eaux et forêts
« deSt.-Flour; qu’à la vérité, par des conventions faites
« entre parties, au mois d’avril dernier, il avait vendu
« son office à D e vè ze , mais que dès le lendemain même,
« et depuis, il s’en était repenti; qu étant encore jeune,
’« et ayant plusieurs enfans maies pour le remplacer,
« il 11e pouvait pas raisonnablement se défaire d’un
�M i,
( 5 )
« office qui lui donnait un état, et auquel il était atta« clié par le long exercice qu’il en avait fait , et qu’en
« outre cet office lui avait été transmis par son père,,
« qui le tenait aussi de ses auteurs, et attendu encore
•• les privilèges et prérogatives qui y étaient attachés:
« c ’est p o u rqu o i, bien loin de donner la procuration
« a d resignandutn, il se propose de se servir de la
« faculté que la jurisprudence accorde à tous les oüi« ciers ; et en exerçant le regrès de son office, il se
« croyait fondé à demander que les conventions faites
«• entre les parties, fussent déclarées nulles et comme
« non avenues ».
Par ce même acte, où il est dit que D e vè ze a
fait refus d’acquiescer au regrès, quoique l’acte ne
soit fait qu’en parlant à sa servante, il est donné
¿assignation à D e v è z e , au bailliage de Saint-Flour,
pour voir prononcer la nullité, et déclarer, en con
séquence, queLam ouro ux demeurera libre et déchargé
des conventions faites avec Devèze.
Celui-ci était absent au moment de cet acte fait
en parlant à sa servante, et à son retour, l’acte lui
ayant été remis, s’étant consulté, et ayant appris qu’il
ne pouvait pas résister à l ’action en regrès ; voulant
d’ailleurs, se débarrasser de toutes tracasseries avec
Lamouroux , le 12 du même mois, lui lil signifier'
un acte par Ceuille, huissier audiencier en l ’élection
de Saint-Flour, par lequel il déclara, en réponse à
la déclaration et à l’assignation de L a m o u r o u x , qu ’iL
consentait et acquiesçait aux conclusions prises par
�( 6 )
L a m o u r o u x , par l’assignation qu’il lui avait fait donner,
et à ce que les conventions faites à raison de l'office
de greffier, demeurassent nulles et comme non avenues,
et que Lamouroux pût disposer de son office comme
bon lui semblerait.
T o u t alors paraissait consommé entre les parties:
L am o u rou x avait fait le regrès, et D e vè ze l ’ avait
accepté. D e vè ze eut toute raison de se croire dans
la plus grande sécurité. Déjà huit mois s’étaient passés
dans un profond silence de part et d’au Ire. D e vè ze dut
être donc bien surpris lorsque , le i 3 août 1 7 8 7 , L a
mouroux lui fit faire, à son domicile et en son absence,
1111 acte in s t ru m e n t a le , contenant sommation de se
trouver le lendemain , huit heures du matin, en l’étude
d’un notaire de Saint-Flour, pour passer la vente de
l ’office, 011 voir déposer l ’acte sous seing p rivé , du
2 avril 1786,6! accepter sa procuration a d reslgnandum.
L e lendemain 14 août', procès-verbal de défaut
chez le notaire, où D e vè ze n ’avait garde de se trou
v e r , étant encore ;ibsent, et ne pouvant avoir con
naissance de la sommation qui lui avait été faite la
veille; et ce même jour 14 août, assignation à D e vè z e
par L a m o u r o u x , en vertu de coninuttunus en la séné
chaussée d’Auvdrgne, pour reconnaître les écritures et
sigmilurcs de l’acte de vente sous seing privé, du 2
avril 1786, et ail principal, pour ralilierla venir, sous
offre de délivrer la procuration ad rcsignanduni.
Lors de celle assignation, le grand-maître dos eaux
et forets se trouvait dans- lu ville d e Saint-Flour. La
�( 7 )
contestation élevée par Lamouroux fut c o n n u e , et
plusieurs personnes s’entremirent pour engager les
parlies ¿1 la faire lerminer par la médiation du grandmaître. Lamouroux e t D e v è z e passèrent un compromis
sous seing privé, le premier septembre 1 7 8 7 , par lequel
ils convinrent de s’en rapporter, pour le procès pen
dant e n tr e u x , à Cavis et médiation du grand-m aître,
promirent de lu i envoyer, incessamment, dans l'espace
de trois m ois, tous leurs titres, papiers nécessaires}
et piecesi) afférentes, même chacun, le double sous seing
privé de la vente, se soumettant de s’en rapporter à
son a v is, à peine de 4000 Uv. qui demeureront encou
ru es, de plein droit, contre le contrevenant.
Les parties envoyèrent leurs pièces el mémoires ail
grand-maître, alors de retour à Paris; il ne les reçut
qu ’au mois de décembre 17 8 7; mais il ne pouvait
prononcer son jugement qu’après avoir fait contrôler
le compromis, ce qui fut fait à Paris le 9 décembre
1 7 8 7 , el le dépôt en fut fait chez un notaire de Paris,
le même jour. L e 9 février suivant, 1 7 8 8 , 1 e grandmaître rendit son jugement arbitral.
Dans ce jugement il est énoncé que toutes les pièces
el mémoires des parties ont été vus par le grand-maître,
el notamment la sommation faite par D e vè z e à L a
mouroux , le 2 décembre 1 7 8 6 , l’acte signifié par
L a m o u roux , le 7 du même mois, contenant son regrès
el la vente de l’oilice •, enfin , l’acte d’acceptation
du regrès,signifié par D evèze n Lam ouroux, le 12.du
môme mois. Ou doit croire que ce furent les otigi-
�*s.C
' ( 8 )
naux de toutes les pièces qui furent vus par le grand' maître, sans quoi il aurait énoncé qu’il n ’avait pro
noncé que sur les copies.
Après le vu de toutes les pièces, voici comment s’ex
prime le grand-maître dans son jugement arbitral:
« Sans entrer dans la discussion des moyens e m « ployés par les parties pour soutenir la validité ou la
« nullité de l’acte du 2. avril 1 7 8 6 , j ’ai considéré
«
»
«
<r
l ’affaire sous son véritable point 'de vu e; et la question qu’elle présente, n’est pas de savoir si l ’acte
de 1786 est valable, mais s’il est détruit par la réponse
du sieur Lamouroux , à la sommation qui lui fut faite
« de délivrer la procuration a d resigriandurn, et par
« l ’acquiescement
du sieur D e vè ze aux conclusions
« portées en ladite réponse.
’
« L e sieur Lamouroux a bien senti le faible de- sa
« demande; aussi 11’est-il nullement question de ces
« actes dans son mémoire à consulter, et c est son
« silence sur l'existence de ces pièces qui lui a'pro«• curé des avis favorables. Si l’acte du 2 avril 1786,
« est valable, comme contracté entre majeurs , pour« quoi les actes subséquens ne le seraient-ils point ?
« L e sieur Lamouroux avait vendu : malgré l’ncquies« cernent à son regrès, il entreprend de suivre reflet"
« du premier acte ; sa marche est contradictoire, cl
<r sa procédure est dérisoire.
c En conséquence, nous disons que le traité dudit
r jour 2 avril 1786, sera cl demeurera comme non
« avenu, et que ledit Lamouroux pourra disposer,
« ainsi
�»
C9)
■.
« ainsi que bon lui semblera, de son office de greffier
« de la maîtrise de Saint-Flour, le condamnons en
« tous les dépens; sur les demandes en dommages«■intérêts, mettons les parties hors de cour ».
Ce jugement était du 9 février, et le 12 du même
mois, il fut envoyé par le grand-maître (Boisneuf de
Chenevière ) , au sieur M u r e t , garde-marteau des eau^
et forêts de Saint-Flour, pour en faire lecture aux
parties, et le déposer chez le notaire q u ’elles v o u
draient choisir. L a lecture et prononciation du juge
ment arbitral furent faites aux parties par le sieui
Muretjet par acte instrumentaire du premier avril 1788,
P e v è z e fit sommer Lamouro ux de déclarer entre les
mains de quel notaire il voulait que le jugement fût dé
posé, lui protestant, qu’à défaut de s’expliquer, le dépôt:
Serait fait entre les mains du notaire, sur ce requis.
L am o u roux feignant d ’être absent de chez l u i , ne fit
que présenter sa servante, en parlant k laquelle, iï
fut déclaré que le dépôt du jugement arbitral aurait
lieu entre les mains du syndic des notaires1 de SaintFlour, le lendemain huit heures du matin1, dans lo
cabinet du sieur M u ret, o ù , en conséquence, L a m o u
roux fut sommé de se trouver pour y voir faire nou
velle lecture et prononciation, et le dépôt entre les mains
du notaire.
O11 conçoit bien dans la conduite qu ’avait
déjà
tenue L a m o u ro u x , et par celle qu ’il a tenue dans la
suite, qu ’il n ’avait garde de se rendre h la sommation;
en conséquence, procès-verbal par défaut contre lui,
B
'
�%
‘ n
( i.o )
de la lecture, prononciation et dépôt du jugement, le
2 avril 1788.
•
j
L ’inaction où demeura L a m o u r o u x , après avoir,eu
connaissance du jugement arbitral, dut persuader à
D e v è z e , que toute contestalion entr’e u x , sur la vente
de l’office de grefïier, était terminée; il fut d’ailleurs
confirmé dans cette idée, par les renseignemens qui
lui parvinrent, quq L a m o u r o u x , depuis la vente de
1 7 8 6 , n ’avait jamais cessé de prendre la qualité de
grefïier, et d’en faire les fondions; mais que de plus,
il avait perçu les gages, chauffages et émolumens du
greffe, qui devaien^appartenir.à D e v è z e , du jour de la
vente. D e v è z e s’était aussi rendu certain, que même
après l’acte de dépôt, du 2 avril 1788, du jugement
arbitral, La mouro ux avait obtenu , contre Sériez, une
’
;>
!
•
sentence de la Sénéchaussée d ’A u v e r g n e , l e 6 mai 1788,
qui condamne Sériez à lui payer les fermages du bail
de l ’année 1787 ;et dans laquelle sentence, Lamo uroux
se qualifie, comme dans tous les actes pré céd en s,d e
greffier en c h e f de la maîtrise^le Saint-Flour. Et ce
pendant, si la vente du 2 avril 17 8 6 , avait dû avoir effet,
si L am ouro ux n ’avait pas cru qu ’elle était anéantie par
son acle d e regrès, et par l’acceptation de D e v è z e , quel
droit aurait-il eu au mois d’octobre 1 7 8 7 , après tous
ces acles, de demander et de percevoir le prix des
b a u x , pour les
années
postérieures n la v c n l e , puis
que aux termes de cette v e n t e , tous les droits et prix
de baux de ferme, devaient appartenir à D e v è z e ?
T o u t concourait donc à affermir D e v è z e dans sa sé-
�(
)
11
curité, et à lui faire croire que Lamonroux avait
persisté dans son !régrès y puisque après lè regrès, il
avait
tout*'perçu , ce que sans cela il n ’aurait pu
fa ir e; tout lui prouvait qtie- Lartiouroux approuvait
le jugement arbitral, puisque après ce j u g e m e n t , il
avait exercé des actions, et obtenu des sentences pour
se faire payer dès prix de baux, que ce jugement
seul pouvait l’autoriser à recevoir.
i
1:
A u reste, tous les faits d o n t ; on vient de rendre
compte, ne sont pas mêmé contredits, et ils sont
établis par les pièces authentiques 'qui seront jointe^
à la production de D e v è z e , ‘e t ‘notamment laî:sen-i
tence de la Sénéchaussée* d’A ù v e r g n e r, rendde ëri
faveur de Lanïouroux, contre'Sériez-, le 6 mai 1788.
La confiance de 'Dev èze f u t ‘ bientôt troublée par
des menaces qui lui parvinrent de La mouroü‘x:,1 de
r
• |A»
«
sorte que pour plus grande’ précàiïtiÔny i f 6rut devoiir
présenter le jugement arbitral, à’!l’homologation de
la Sénéchaussée d’Auvergne. Lamoitfoux' s’opposa à
j
•
celte homologation, etprétendil faire1f b v i v r e l ’actiôn
qti’il avait originairement fortnéè contre D e v è z e , pour
1 exéculion de la vente du 2 ‘avril 17 8 6 , et il s’y crut
fondé par un acte de désaveu q u ’il fit du regrès qu’ il
avait notifié à D ë v è z e , le 7 ‘ décembre 17 8 6 , pré
tendant mémo que l’aéte précédent, du 2 du mémo
m o is , et celui d’iicceptation du 12 , étaient dos actes
faux.
Ces nouvelles prétentions de Lamouro ux donnèrent
lieu à une aiàez longue discussion, sur laquelle interB 2
�( i* )
vint la sentence de la Sénéchaussée d’A u v e r g n e , du
24 mars 1 7 9 0 , .¡dont.est app el, et .par laquelle ayant
égard au désaveu formé contre les héritiers de Thuissier
P.ertuis,de l’acte du 7 décembre 1788, cet acte fut
déclaré nul ' e t de nul effet ; D e v è z e débouté
de
la demande en homologation de la sentence arbitrale^
la vente-du z avril 17^6, fut.confirmée, et D e v è z e
condamné à paye r.le prix d e l à Vente).et les intérêts.
exécution de cette sentence , et mêm e aupa
ravant,,, Lam ouro ux avait fait faire des saisies-arrêts
entre les mains des débiteurs.,de D e v è z e ; et' pour se
pj’ocuppr- une. tplu5rprompte exécution de la sentence
qui était ordonnée, nonobstant l ’appel, il s’était hâté dé
donner caution
mais*Devèze interjeta appel au P ar
lement, pu ilobtintunarrêt dedéfense, et d e m a n d a , en
mêmertems,
la main-levée,des
saisies-arrêts,:
Lamouroux
•
*
'i
de son çôtç, demanda,^par une requête du x 5 mai 1790,
l ’exécution provisoire de la sentence de la Sénéchaussée.
Ces demandes liront lu mutière d ’ un apointé à mettre, sur
l e q u e l , intervint un arrêt du. 1 5 »juin 1790 ,,qui accorda
à D e v è z e la main-levée des saisies, en ordonnant, que
sur le fond et le surplus des conclusion.«? des parties,
elles feraient diligence pour faire juger, et en viendraient
h l’audience; les. déppns furent réservés, hors le coût
de l’arrêt qu’il fut ordonné que Lam ouro ux serait tenu
.d ’avancer, sauf à répéter s’il y avait lieu.
..
L ’arrêt fut signifié à L a m o u rou x , le 9 juillet 1790.
L am ouroux ne paraissant pas encore rebuté de ses
poursuites, avait faù faire à D evèze deux, actes instru-
�( 13 )
mcntaîres', le premier ,1e 7 janvier 1791 ; et le second ,
le 3 o juillet suivant. Alors la suppression des offices des
eaux et forêts, depuis long-tems annoncée, avait été
effectuée.
■Par le premier de ces actes il fit à D e vè ze des offres
de quelques pièces nécessaires à la liquidation de l’office
de greffier en chef, notamment de trois quittances du
centième denier, depuis et compris 1 7 7 9 , jusques et
compris 1789 ; ces quittances étaient sous les dates,
l ’ une du 3 o décembre 1779? la seconde du 3 o septem
bre 1780 , et la troisième seulement du 11 décembre
1788.
Par le second acte, du 3 o juillet 1 7 9 1 , Lamouroux
somme D e v è z e de déclarer s’il entendait que la liqui
dation de l’office de greffier, que Lamouroux avait an
noncé vouloir poursuivre comme créancier du prix de
la v e n t e , fût faite eu égard au prix de la ve n t e , 011
autrement d’après les bases déterminées par les décrets.
D e v è z e répondit à ce dernier acte, qu’il était bien
étonnant que Lamouroux demandait l’exécution de la
vente dont il s’agit, pour faire la liquidation de l’office,
tandis que cette vente avait été déclarée non avenue
par lfj jugement arbitral du 9 février 17 88, depuis
confirmée par L am ou rou x, et par lui exécutée par la
continuation de l ’exercice de cet office; que sa préten
tion pour faire revivre une vente anéantie , était le
comble de la mauvaise foi; qu ’il était constant que ce
n ’était que lorsque Lamouroux avait appris, aux mois
de juillet et d ’août 1 7 8 7 , qu ’il était question de la sup-
�6
M
( H )
pression des maîtrises , qui avait depuis été effectuée
par l'édit du mois de mai 1788, q u ’il n’avait plus voulu
garder son office au préjudice de la résolution de la
vente qui en a'vait été faile: c ’est pourquoi D e vè ze
déclara qu ’il «’empêchait Lamouroux de faire pour la
liquidation de son office , tout ce que bon lui sem
blerait.
A partir de ce dernier acte de la part de Lamouroux,
du 3 o février 1791 , on ne voit de sa part qu’un pro
fond silence pendant près de six ans., c ’e s t - à - d i r e ,
jusqu’en l’an 6 de la république.
Néanmoins il méditait dans le silence les moyens de
se procurer par la violence ce qu ’il ne pouvait pas espé
rer d ’obtenir par la justice , et l’occasion s’en présenta
bienlôl, lorsque survinrent les tems désastreux des pre
mières années de notre révolution.
Alors La mouroux fut trouvé digne d’être procureur
de la commune de St.-Flour; il se persuada aisément
pouvoir eflrayer Devèze , et sous le faux prétexte d’é
migration , par l’autorité de sa place, il le fit incarcé
rer. Sans doute si D evèze eut voulu céder à la crainte
des maux dont il était menacé, en consentant une vente
déjà an nu liée par un jugement arbitral, il eût bientôt
obtenu sa liberté 5 mais les efforts de Lamouroux turent
vains, et D e v è z e trouva d’autres moyens plus légitimes
d’échapper aux malheurs que lui préparaient les effré
nés suppôts de la tyrannie décemvirale. D e vè ze invite
.Lamouroux h se rappeler les horreurs de ces tems-là-,
et 1.’assassinai d’un magistral respectable, le lieutenant
�^ 9 3
( i5 )
criminel d’AurilIac, commis sous les y e u x de ions les
membres du département, qui siégeait alors dans cette
ville, sans qu’aucun d ’e u x , loin d’arrêter les fureurs
des brigands, y donnât le moindre signe d’improbation.
Grâces à la journée du 9 thermidor, il y eut un mo
ment de calme, qu ’une autre journée de fructidor fit
bientôt disparaître , jusqu*à ce qu’enfin la Providence
suscitât le héros qui devait réparer les maux de la France
opprimée.
Ce ne fut donc qu’en l’an 8 , que L a m ou ro u x imagina
de reprendre les poursuites de l’appel qui avait été
pendant auparlement, de la sentence de la Sénéchaussée
d’A u v e r g n e , de 1790; et on n’a pas oublié qu’au parle
ment il avait déjà échoué dans la demande qu’il y avait
formée , tendant à l’exécution provisoire delà sentence
de la Sénéchaussée. Ce lut par deux exploits, l ’un du
8 thermidor an 8 , et l’autre du 26 brumaire an 9, que
Lamouroux assigna D e vè ze au tribunal d 'a p p e l , pour
procéder sur l’appel qui avait été pendant au parle
ment , de la sentence de la Sénéchaussée, de 1790, et
pour voir confirmer cette sentence.
C om m e la senlence avait été rendue sur apoinfement en droit, elle fait la matière d ’un procès par écrit
au tribunal d’appel , sur lequel D e vè ze a déjà fourni
des griefs, qu ’on a cherché à combattre dans un m é
moire im p rim é, que Lam ouroux a fait signifier; et
c ’est à ce mémoire qu’on se propose de répondre,
après avoir rétabli , comme 011 vient de le faire, les
fa it s, les actes et autres circonstances de celte affaire.
�(i6)
<
M O Y E N S .
L
a
sentence dont est a p p e l , a été irrégulièrement
et mal rendue. D ’un côté elle ne pouvait pas refuser
l'homologation qui élait demandée, p a r D e v è z e , d u
jugement arbitral qui avait été rendu entre lui et Laraouroux; elle devait prononcer cette homologation,
sans même prendre connaissance de ce qui avait été
décidé par le jugement arbitral. D ’un autre côté,
elle ne pouvait prononcer sur des demandes de L a
m o u ro u x, qui ne tendaient qu’à détruire la décision
du jugement arbitral. On se propose, enfin, de prou
ver surabondamment, que les demandes de La rnouroux,
n ’eussent elles pas déjà été jugées par une sentence ar
bitrale , et eussent-elles été portées directement en la
Sénéchaussée, loin de pouvoir être accueillies, elles au
raient dû être rejetées. Ce n'est point là l ’ordre qui a
été observé dans le mémoire de L a m o u rou x ; il aurait
rendu sa défense plus diificile ; mais c ’est celui qui a
paru le plus naturel à celle de D e v è z e , et qui paraît le
mieux convenir aux véritables questions que le tribu
nal doit juger dans celte affaire. A u reste, ce nouvel
ordre ne laissera rien échapper des réponses qui peuvent
se faire aux objections du mémoire de Lamouroux.
P r e m i e r
M o y e n .
L'hom ologation demandée ne pouvait être rejliscc.
I/article i . rr de la loi du mois d ’août 1790, concer
nant l ’organisation judiciaire, dit: que l’arbitrage est le
*
moyen
�( i7 )
m oyen le plus raisonnable de terminer les conteslations enlre les citoyens. C ’est une vérité reconnue dans
tous les t e m s , que cet article de la loi ne fait que pro
clamer et confirmer.
I/article 5 veut que les sentences arbitrales dont il
n ’y aura pas d’appel,, soient rendues exécutoires par
une simple ordonnance du président du tribunal, qui
sera tenu de la donner au bas, ou en marge de l’expé
dition qui lui sera présentée.
Ces termes de l’article, qu i sera te n u , annoncent
assez que le juge auquel le jugement arbitral est pré
senté , pour le rendre exécutoire, ne peut pas entrer
en connaissance du bien ou mal-jugé ; et ce n ’est point
encore là une loi nouvelle.
Que nous disent tous les auteurs qui ont parlé des
sentences arbitrales? voici comment ils s’en expliquent,
et particulièrement ceux du Recueil de jurisprudence,
loin. i , cr- pag. 549. teLa .partie qui poursuit l’homologa« tion d’une sentence arbitrale, doit faire assigner l’au« lie partie devant le juge c o m p é t e n t, lequel doit en
« conséquence procéder sommairement, à cetteliomo« logation, sans prendre aucune connaissance du fo n d
« du procès, sauf aux parties à se pourvoir par appel,
a contre la sentence arbitrale, si elles le jugent à pro
ie pos : ainsi aucune des parties ne peut empêcher l’h o
« mologation , sous prétexte que la sentence arbitrale
« est irrégulière, ou autrement vicieuse ».
D ’après ces principes, il doit paraître évident que,
quelque moyen qu ’on pût opposer contre la sentence
C
�U w
( i 8 )
arbitrale, la Sénéchaussée ne pouvait pas refuser^Phomologation , elle devait la prononcer sommairement,
et sans entrer en aucune manière en connaissance de
cause, ni du fond de ses dispositions, ni des irrégula
rités ou des vices qu’on pouvait opposera celle sen
tence. Les moyen du fond, les vic es, les nullités, les
irrégularités de la sentence arbitrale, étaient autant
de griefs contre cette sentence, qui ne pouvaient être
proposés et jugés qu’au tribunal d ’a p p e l , si en effet
l ’appel en était interjeté.
Un de ces moyens p a r lesquels on voulait empêcher
l ’homologation, était une nullité prétendue du com
promis, tirée de ce que ce compromis ne déterminait
pas à l’arbilre un délai pour juger: mais cette nullité
n ’eût même été proposable que devant le tribunal
d ’appel, s’il y eût eu un appel d’interjeté; et même
en ce cas , elle n ’aurait pu être accueillie par le tribu
nal d ’app el, qu ’aulant qu’une révocation du compro
mis aurait eu précédé la sentence arbitrale.
Que nous dit encore sur cela l’article 3 du lit. des
arbitres , dans la loi du i 6 a o û l 1790? « Les compromis
ce qui ne fixeront aucun délai dans lequel les arbitres
« devront prononcer; et ceux dont le délai sera expiré,
» seront néanmoins valables , el auront leur exécution,
« jusqu’il ce qu ’une des parliesail fait signifier aux ar« bilres, q u ’elle ne veut plus tenir à l’arbitrage».
Ce n’est pas là encore un règlement nouveau. Que
nous disent tous nos auteurs qui
la ré•* ont écrit avant U
volution ? Lisons ce qui est écrit par llousscaud-
�( i9 )
Lac om be au mot Compromis , n. 2. «• Après que les par« ties ont subi volontairement la jurisdiction des ar
ee bitres , usque a d finem n egotii,et que les arbitres ont
« rendu leur sentence arbitrale, les parties 11e sont plus
« recevables à dire qu’il y avait nullité au compromis,
« de ce qu’il ne contenait aucun tems limité. Ains^
« jugé par arrêté du 27 janvier 1626, sur les conclu« sions de M. Bignon , avocat général, rapporté au
« Journal des audiences ». L'auteur aurait encore pu
citer un arrêt semblable, du 16 janvier 1628, rapporté
par Mornac, sur la loi 2-5. ff. D e recept. qui arbitr.
Il était étonnant qu’en la Sénéchaussée d’Au ve rgn e ,
on eût osé combattre ce principe, et plus étrange en
core qu’aujourd’hui au tribunal d ’a p p e l , dans le m é
moire de Lamouroux , un jurisconsulte ait prétendu
le réfuter par l’a 11lori lé de M orn ac, à l’endroit même
où ron vient de le citer. Il faut être exact dans ses cita
tions, et on ne l’est pas dans cette occasion.
Mornac , sur la 1. 25 fT. de recept. qui'arbitr. , cite
deux arrêts, l’un du 16 janvier 1628 ^ l’autre du 27
mais 1618. L e premier adjugea la peine d’un compro
mis, quoique ce compromis ne contînt pas de délai pour
juger; le second au contraire réfusa la peine du com
promis qui n’exprimait pas non plus de délai. Mais il
11e faul pas croire que ces deux arrêts furent contradic
toires. Dans l’espèce de l ’arrêl de 1628 , M. l’avocat
général Servili observa, que la partie qui avait appelé
de la sentence arbitrale, s’élait soumise à lu jtirisdiclion
des arbitres, en écrivant et produisant ses tilres et méC 2
�(
2 0
)
moires devant les arbitres. JEutn qui appellaverctt et
scripsisse et instruxisse penitus instrumentis , tabulesque obsignatis arbitraient liteni. M. Servin citait à cette
occasion les termes des lois. Ç u is est ferendus a d appellationis venions a u xiliu m in iis quœ ipse ja cictid a
procuravit. En conséquence l’arrêt de 1628, adjugea
la peine du compromis , quoiqu’on y eût omis le délai.
Senatus ergo ex his pœtiam deberi p ron u n ciaçit, tametsi tenipus omissuni esset compromisse?..
Mais l ’arrêt de 1628, que cite aussi Mornac, n’élait
pas dans la même espèce. Celui qui se refusait à la peine
du compromis, n’avait rien écrit ni produit devant les
arbitres j ainsi Mornac, après avoir rapporté l’arrêt de
16 2 8 , qui avait adjugé la peine du compromis dans le
quel il n’y avait pas de d é l a i , parce que l ’appellant
avait produit aux arbitres ses titres et mémoires, Mornac
dit qu ’il en serait autrement, si, lorsque le compromis
ne contenait pas de délai, celui qui appelle de la sen
tence arbitrale, 11’a rien dit ni produit devant les arbi
tres, et que c ’est ce qui a été jugé par l’arrêt de 1618.
Secus enim,
sl,
præter omissuni in comproniisso dieni,
n ih il ab eo qui postcà appellavit, prolatuni, productuni que fu e n t ÿ eo enim casu ju d ica tu m pœnam non
deberi ab appellatore - et c ’est en ell'et ce quo Mornac
dit avoir été jugé par l’arrêt de 16 i 8.
O r , nous ne sommes pas ici dans l’espèce de ce der
nier arrêt, mais bien dans celle de l’arrêt de 1628. Lamouroux avait produit devant le juge arbitre ses titres
et mémoires.
�( 21 )
L ’auteur du mémoire de Lamouroux n*est pas plus
exact dans la citation de l’arrêt du 22 décembre 1627 ,
rapporté au journal des audiences, et il faut qu’il ne
se soit pas donné la peine de lire tout le chapitre,
quoique très-court, où cet arrêt est rapporté.
D e quoi était-il question dans l’espèce de cet arrêt ?
il y avait un compromis sans fixation de délai; mais il
n ’y avait pas eu de sentence arbitrale, rendue sur le
compromis. Une des parties, qui avait produit ses titres
devant les arbitres, avait traduit l’autre partie devant
le juge du M ans, pour l’obliger à produire de sa part
devant les arbitres. C elle partie s’y était refusée, et la
sentence du juge du Mans l’y avait condamnée. C ’était
de cette sentence qu ’il y avait appel ; mais comme il
n ’y avait pas de délai dans le compromis, l'arrêt in
firma la sentence du juge du Mans; et dans le lait ,le
refus de produire devant les arbitres, emportait avec
lui la révocation d ’un compromis qui ne fixait pas de
délai : mais pourquoi ne s’es! on pas donné la peine
de lire ce que dit encore le journaliste? «Toutefois si
« les arbitres avitient rendu la sentence arbitrale, ce
« ne serait pas nullité en icelle, de ce qu ’en compro« mis il n’y aurait point eu de jour, d’autant que lors« qu ’ils l’auraient rendue , les parties pouvaient encore
« se soumettre devant e u x , et les prendre pour arbitres;
« et de fait , la cour l’a jugé ainsi par ses arrêts».
L e journaliste a eu raison de dire que les arrêts l’a
vaient ainsi j u g é : outre celui de 1628, que rappoile
M o r n a c , le journaliste lui-niCme rapporte celui du 5
�( 22 )
janvier 16 26 , dont a parlé Rousseaud-Lacombe, par
lequel il fut jugé que tou le audience devait être dé
nuée à un appelant, jusqu’à ce qu’il eût piiyé la peine,
encore que l ’on remontrât qu’il y avait nullité au com
promis, en ce que par icelui on n'était convenu d’au
cun tems, ni jour, dans lequel les arbitres pourraient
rendre la sentence; et le m otif f u t , dit le journaliste,
que ce n’est point une nullité en une sentence arbitrale ,
de ce que au compromis i l n i j avait eu aucun tems n i
j o u r lim ités, parce les parties l'ayant ainsi convenu,
et ensuite subi volontairement la ju risd ictio n des ar
bitres , usque ad finem negolii, ils l'avaient pu fa ir e ,
et ne sont plus recevables à s'en plaindre.
« Mais, ajoute le journalisle, quand il n’y a point de
« jour ni de tems limité au compromis, c ’est une nul« lité qui donne matière à s’en retirer; en sorte que
« la partie qui ne veut plus l’enlrelenir, n ’y peut être
« contrainte, parce que autrement la juridiction des
« arbitres serait p r o r o g é e , i/i infï/utum ».
C ’est: donc un principe inébranlable que le jugement
arbitral est valable, quoiqu’il n’y ait poinl de délai
dans le compromis, lorsqu’il n’y a point eu de révoca
tion qui ail précédé le jugement, el que les parties se
sont soumises à la jurisdiclion par la production de leurs
titres el mémoires.
On ne se serait pas livré à une si longue discussion à
cet égard , si l’on n’eûl pas cru nécessaire de rappeler
à plus d’exactilude dans les citations.
Il doit donc paraître démontre que lé défaut d'ex-
�ïo t
(
2
3
)
pression de délai dans le compromis, ne pouvait'pas
empêcher l ’homologation de la sentence arbitrale.
M ais, a-t-on dit encore, le compromis n ’a pas été
représenté en la Sénéchaussée, quoiqu’ on n ’ait cessé
d ’en demander la représentation. Il est bon de rappeler
ce qui est dit à ce sujet à la page 22 du mémoire de
L a m o u ro u x ; on va le transcrire mot pour mot.
« L e citoyen Lamouroux allait même ju s q u ’ à cou
rt venir, que si Le citoyen D ei e&e rapportait un compro« mis régulier, ii n'aurait d ’autre moyen que de se
« pourvoir au parlem ent, pour fa ire réformer une sen
ti tence qui sera le fr u it de la surprise et de la fraude j
« il somma en conséquence le citoyen D e v è z e d’exlii« ber du compromis , qui n’est cité ni dans la sentence
« aib itrale, ni dans aucun acte. L ’appelant s’est tou
te jours refusé à représenter ce compromis; dès-lors la
« sentence arbitrale n ’était plus qu’un simple avis ,
« émané d’un particulier sans caractère. Sous ce rapport
« la Sénéchaussée a donc pu connaître d e l à demande
« en nullité et défaut de l ’exhibition du compromis:
« et quand le citoyen D e vè ze rapporterait aujourd’hui
« un compromis régulier, cette discussion serait sans
« intérêt , parce que le tribunal d’appel représente le
« ci-devant (1) p a rlem en t, et qu ’il suffirait alors d ’ina terjeler incidemment appel de celle prétendue sen«• tence arbitrale ».
(1) Que veulent dire ces mois ci-d ev a n t? quand on parlera de l\Aréo*
page d ’Athènes, ou du Sénut du llou ie, il faudra donc d ir e , le ci-devant
A réopage, lo ci-devant Sénat.
* *
�\*b
(H )
Il y avait inexactitude dans les citations d’arrêt faites
dans le mémoire ; et dans le passage qu’on vient de
transcrire, il y a mensonge et erreur.
Mensonge , en ce qu’on dit à la page 22 du m é
moire, qu ’en la Sénéchaussée le compromis n’avait pas
été représenté; mensonge à la page 3 6 , en ce qu’on y
suppose qu’il n’exisle pas de compromis, et qu ’on eàt
hors d’état de représenter; et le mensonge est prouvé
par une requête donnée par De vè ze en la Séuéchaussée, le 14 janvier 17 89 , par laquelle il fit production
du compromis ; et la signifîcalion de cette req uête,
faite au procureur de L a m o u ro u x , fait aussi mention
du bail de copie du compromis.
D o n c alors, et dès que le compromis avait été re
présenté en la Sénéchaussée, il n y avait d'autre moyen,
suivant Lamouroux lui-même, que de se pourvoir au
parlem ent; par conséquent la Sénéchaussée 11e pouvait
pas ju ger; par conséquent l’appel de son jugement est
bien fondé.
Inutilement iijoule-t-on qu ’il fallait un compromis
régulier; on vient d’élablir invinciblement que le com
promis était régulier, et q u e , quoiqu’il n’y eut pas
de délai fixé , dès qu ’il n’y avait pas eu de révocation,
dès que les parties avaient produit à l’arbitre titres et
mémoires, on 11e pouvait plus arguer de nullité ni le
compromis, ni la sentence arbitrale.
Mais, dit-on encore, dans le passage que l’on vient
de transcrire, la discussion est sans intérêt, parce que
le tribunal d ’appel représente le parlement , et qu’il
sujjirait
�. (
25
)
suffirait alors d'interjeter appel incident de la sen
tence arbitrale.
Il y avait mensonge dans la première partie du pas
sage ; il y a erreur dans celle-ci. L ’appel incident du
jugement arbitral serait aujourd’hui non recevable ,
parce que ce jugement a passé en force de chose jugée.
L e jugement fut signifié à La m o u ro u x , le 2 avril 1788;
et mêm e encore aujourd’hui il n’en a pas été interjeté
d ’appel. Voilà plus de i 5 ans de la signification ; mais
suivant la disposition de l’article 17 du titre 27 de l ’or
donnance de 17 67 , les sentences acquièrent force dô
chose jugé e , après dix ans du jour de leur signification,
et 011 ne peut plus alors en interjeter appel.
Jousse , sur ccs mots de l ’article après d ix ans , dit
qu ’ils sont trop précis pour vouloir en changer la dis
position , en étendant jusqu’à 3 o ans la faculté d ’ap
peler.
O11 ne doit Cependant pas dissimuler qu’au parlement
de Paris 011 s’était écarté de cette disposition de l’or
don nan ce, et que les appels y étaient reçus pendant
3 o ; mais que pouvait la jurisprudence contre la dispo-
silion de la loi? une jurisprudence, et sur-tout celle
d ’un seul parlement ne peut pas changer la loi ; et l’on
est toujours fondé à réclamer contre la transgression
de la loi. Aussi aujourd’hui tous les tribunaux d ’appel
se conforment-ils à la disposition de l ’ordonnance de
1667 , même pour les sentences rendues avant la sup
pression du parlement, et s’il y a eu quelques jugemens
contraires, ceux du tribunal de cassation leso ntanéa nU
�( ?
26
lis. On pourrait même soulenir qu’à compter de la loi
de 1790", il n ’y a eu qu ’un délai de 3 mois pourrse
pourvoir par appel contre les jugemens antérieurs; mais
cela devient inutile, parce que même les dix ans de
l ’ordonnance de 1667 , ont constamment donné à la
»
sentence arbiti-ale la force de la chose jugée.
C ’est donc aujourd’hui par une erreur bien reconnue
q u ’on voudrait
prétendre qu’on pourrait interjeter
appel incident d’une sentence signifiée il y a plus de
10 ans, et qui a constamment acquis la force de chose
jugée.
Enfin un dernier m o y e n , par lequel on prétend jus
tifier la sentence de la Sénéchaussée d’A uvergne dont
est appel, esl le désaveu qu ’avait fait Lamouroux de
l ’acte de regrès, signifié à Devèze par l'huissier Perluis.
On examinera dans la suite le mérite de ce désaveu;
mais pour ce moment-ci il suffit de remarquer que le
désaveu eût été bien.ou mal fait , ce 11e pouvait pas
cire en la Sénéchaussée qu ’il devait l’être, et que ce
désaveu 1el quel ne Fautorisail pas à reiuser l'homo
logation de la sentence arbitrale; et pour s’en con
vaincre, il n’est besoin que de rappeler et de répéter
ce que l’on a dit ci-devant des principes enseignés par
les auteurs, que «le juge auquel l'homologation d'une
« sentence arbitrale est demandée, doit procéder som« mairement à c e t t e homologation, sans prendre a u
ne curie connaissance du fo n d du procès ,• sauf ;iux par
ie tiesà se pourvoir par a p p e l, si elles le jugent à propos.
« Ainsi aucune des parties ne peut empêcher l’h o m o -
�( 27 )
« Iogntion, sous prétexte que la sentence arbitrale est
« irrégulière, ou autrement vicieuse ».
D ’où il doit se conclure nécessairement queledésaveu
Sur lequel on voulait établir lë vice de là sentence ar
bitrale , bien ou mal f o n d é , n’aurait pu être jugé qu’en
tribunal d ’ap p e l, et que le vice du désaveu^quel q u ’il
pût être, ne pouvait pas empêchër l'homologation de
la sentence arbitrale.
Mais on aura d’ailleurs'occasion de prouver dans la
suite de ce mémoire, que le désaveu n’était pas recevable, dans le cas même où l’afïàire n’eût pas été jugée
par une sentence arbitrale, et qu’elle eût été portée
directement en Ici Sénéchaussée. Ce sera la dernière
proposition de ce m é m o ire , d ’ailleurs par elle-même
très-surabondante, comme 011 l’a déjà dit, et parce que
le désaveu n’aurait pu être jugé que par un tribunal
d’a p p e l , qu’il n’y a jamais çu d ’appel de la sentence
arbitrale , et que celui qu ’on en interjetterait aujour
d ’hui , serait non recevable.
• •
t*'
•
^i li*
.Ainsi donc mal-jugé évident de la sentence dont est
appel, en ce q u ’elle a refusé l’homologalion de la sen
tence arbitrale.
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o y e n
.
L a sentence de La Sénéchaussée ne pouvait prononcer sur
des demandes d éjà ju g é e s par une sentence arbitrale,
et détruire par des dispositions contraires celles de la
sentence arbitrale.
L a proposition du moyen semblerait seule devoir
l ’établir, parce que la proposition elle-même n’énonce
qu’ un principe, et ce principe a déjà été suffisamment
développé dans la discussion du premier moyen.
U n e sentence arbitrale ne peut être réfo rm ée, quel
que vice qu’elle renferme , que par un tribunal d’appel;
elle n ’est sujette qu’à l ’homologation du juge inférieur,
et cette homologation ne peut être refusée p a r c e juge
inférieur. D on c il ne peut connaître, lorsqu’on lui de
mande l ’homologation, ni du fond du procès déjà jugé ,
ni des vices du jugement déjà rendu par les arbitres.
N e serait-il pas ridicule, quand une sentence arbi
trale a été rendue sur les demandes d ’une partie, de
prétendre que Faction peut être renouvelée devant des
juges autres que ceux devant lesquels doit être porté
l ’appel de la sentence arbitrale , et que les juges infé
rieurs jugeassent tout le contraire de ce qui l’aurait été
par les arbitres? et c ’est ce ridicule, on pourrait mémo
dire cette absurdité, qui se rencontie dans laseitfenco
dont est appel.
L a sentence arbitrale avait déclaré commernon avenue
�C 29 )
la vente de l’office de greffier, et celle de la Sénéchaus
sée déclare cette vente valable, et en ordonne l’exécu
tion. Voilà donc une contrariété évidente de jugement ;
niais le premier ne pouvait être réformé , ne pouvait
être détruit que par des juges d’appel, et la Sénéchaus
sée n ’avait pas ce caractère. Donc son jugement est
n u l , et le mal-jugé est par cela seul démontré.
Si par la sentence de la Sénéchaussée il eût été dit
en termes formels , qu’il avait été mal jugé par le juge
ment arbitral, oserait-on proposer qu’une pareille sen
tence pût être confirmée? mais n’esl-ce pas la même
chose, quand la sentence de la Sénéchaussée a jugé
absolument le contraire de ce qui l ’avait été par la
sentence arbitrale? E n un m o t , la Sénéchaussée s’est
elle-même érigée en tribunal d'appel. C ’est ce qu’on a
eu raison d’appeler une monstruosité dans l ’ordre judi
ciaire. En voilà assez, sans doute , pour justifier l’appel
de la sentence , sans qu’il soit nécessaire de le qualifier
comme de juge incompétent.
T
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M
o
y
e
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.
S i la contestation tieu t pas été d éjà ju g é e par une sen
tence arbitrale, et quelle eut. été portée directement
en la Sénéchaussée, la sentence de ce tribunal eût été
au ssi injuste dans te fo n d , quelle a été irrégulière
après une sentence arbitrale.
A
pr è s
rétablissem ent des deux prem iers m oyens, on
com prend aisém ent que celui-ci ne peut être que subsi
�(
3
0
)
diaire et surabondant; aussi ne veut-on le présenter,
q u ’afïn d ’avoir occasion de justifier la conduite de
D e v è z e danis toute cette affaire, et dë rendre sensibles
les variations et la mauvaise foi qui ont régné dans toute
celle de L a m o u ro u x , et qui l’ont amené à un désaveu
qu’il a regardé comme une dernière planche de naufrage,
enfin pour démontrer l'infidélité de ce désaveu. Ici il
est nécessaire de rappeler quelques-uns des faits dont
011 a déjà rendu compte.
L am o u roux était propriétaire de l ’office de greffier
en ch e f de la maîtrise de St.-Flour. A u mois d’avril
1 7 8 6 , il vend cet office à D e vè ze , par un acte sous
seing privé, moyennant
i
3 ,q o o
francs, et i l j ’ôblige
de remettre à D evèze sa procuration a d resig n a n d u tn ,
et tous les litres nécessaires, p o u r , par D e v è z e s’en
faire pourvoir , tels que ses provisions, quittances de
finance et de centième denier.
Lam ouro ux nous apprend lui-même dans son m é
moire , que la vente kiite à D e v è z e , qui’ n’était que
sous seing p rivé , étant encore inconnue , il se pré
senta
d’autres acheteurs, et entr'autifes un citoyen
jVJalbet, qui lui offrit, 24,000 francs au lieu de 18,000',
prix de la vente qu il avait faite à Devèze. U11 béné
fice de 6000 francs était bien fait pour le tenter. "Mais
comment faire une nouvelle vente à Malbet ? il y avait
la voie du regrès. Mais un regrès si prochain de la,promièie v e n t e , et une seconde vente faite incontinent,
fout cela amait paru bien frauduleux. Hésitant alors
sur le parti qu il avait à prendre; il prit du teins pour
�*
C
3f
)
y réfléchir, en différant de remettre
D evèze sà pro
cura t.i.on ad £esi'gnandum,\ses provisions, quittances
de finance^ e t , de. c.enlièmeJdénier. Mais toutes ces
pièces étaient; nécessaires, et D evèze ne pouvait, sans
lps avoir toutes, se faire pourvoir de l’office.
I
; Cependant D e vè ze impatient de tous: ces délais,
prit enfin le p{irti de fai^e »faire à Lamourôux une
sonnnation de,lui délivrer.la procuration a d resignand u m , et toutes'autres pièces'nécessaires pour parvenir
à obtenir des provisions. Cette sommation est du 2
décembre 1786.
¡,
.
Lam ouroux ne pouvait plus reculer. Il se repen
tait de la vente par. l’espérance d ’un plus grand prix
que Malbel lui avait offert. 11 senUiit bien qu ’il ne
pourrait p a s , sans se perdre de réputation, profiter
de ce bénéfice par un.regrès qui serait aussitôt suivi
d ’une nouvelle v e n t e ; mais il se flattait qu ’en exer
çant ce regrès et conservant l'oifice' de greffier, il
pourrait s’eu défaire plus avantageusement dans un
teins plus éloigné. 1.1 se vit donc forcé, par la som
mation de Devèzo d ’exercer ce regrès contre la vente
qu ’il lui avait faite, ce qu ’il fil en effet par l’acte qu ’il
fit signifier à D e vè z e , le 7 du même mois en répon
dant à la sommation du 2; ce D e vè ze à son tour ins
truit qu ’il ne pouvait pas résister au regrès que le ven
deur d’ un office est toujours fondé à exercer, tant
qu’il n’est pas dépouillé pur les provisions de l’acheteur,
pour se débarrasser d ’ailleurs de toute in juiétude
sur une affaire do cette nature, et employer à son
�(
3
2
}
utilité les fonds qu’il avait destinés au prix d ’une
acquisition qui ne pouvait plus avoir lieu, se déter
mina à faire signifier à Lamouroux un nouvel acte,
par lequel il accepta le regrès. Cet acte fut signifié
le 12 décembre, cinq jours après le regrès. Après ce
dernier acte, huit mois se passèrent dans le plus
profond silence de la part de Lam ouroux envers
D e v è z e qui crut d’aulant mieux que tout était con
sommé à l’égard de la v e n l e , que depuis le regrès
Lam o urou x n'avait cessé d ’agir comme titulaire et
propriétaire de l’office de greffier, percevant les émolumens courans qui auraient appartenu à D e v è z e ,
si la vente avait dû subsister, se faisant payer des
arrérages des gages et chauffages antérieurs à la vente,
q u e , suivant les clauses de l’acte, il devait partager
avec D e v è z e , et dont celui-ci devait seul faire le re
couvrement.
Mais les événemens survenus dans l’intervalle, firent
craindre à La mouro ux une suppression prochaine des
maîtrises , et par conséquent, de son office de Greffier.
On conçoit qu ’il dut alors se repentir de son regrès.
L es discours prononcés à l’assemblé des notables, le
2 5 mai 1 7 8 7 , et devenus publics, lui annoncèrent
le projet de s’occuper de la suppression des maîtrises,
et le risque q u ’il courait de perdre un office dont la
liquidation ne pouvait jamais se porter au prix qu ’il
l’avail vendu. Mais comment put - il se flatter de faire
cesser l’effet du njgrès qu ’il avait exercé, surtout après
l’acceptation de Devèze ?
Cependant
�$
(
3 3
1
1
)
Cependant dans cette confiance illusoire, il voulut
revenir sur ses pas. Il imagina de faire signifier â
D e v è z e , le i 3 août 1 7 8 7 , un acte par lequel il lui
fit sommation de se trouver cliez un notaire, pour
y voir déposer la vente du 2 avril 1786. D e vè ze ne
pouvait se rendre à l’heure de la sommation remise
chez lui en son absence ; en conséquence s le 14
a o û t , procès-verbal de défaut chez le notaire, et le
même jour assignation à la senécliaussée d’A u v e r g n e ,
pour reconnaîire la signature, et pour être condamné
à l ’exécution de la vente, sous offre de délivrer la
procuration a d resignandum.
Il n’est pas inutile de remarquer que dans la som
mation faite pour se trouver chez le notaire, et dans
l'assignation donnée le lendemain, on fait bien offre
de délivrer une procuration a d resignandum , maiso n
ne fait point d’offres réelles de la procuration ellemêm e , et on ne pouvait pas le faire, parce que cette
procuration n’existait pas encore, et n’a même jamais
existé : cependant un tel acte pouvait se faire sans
la présence de D e vè z e ; il n ’était pas même d ’usage
que ces sortes de procuration fussent acceptées dans
le même acte par l’acheteur de l ’office. Mais il n ’au
rait pas même suffi d ’offrir réellement la procuration,
il aurait encore fallu offrir les provisions du vendeur,
les quittances de finance et celles du centième denier,
pièces qui devaient nécessairement accompagner la
procuration, et sans lesquelles l’acheteur n ’aurait pas
pu obtenir les provisions de l’office.
E
Art
�ifil
( 34 )
O n a v u ci-devant les causes qui avaient empêché
q u ’il ne fût donné suite à la demande portée par
Lam ouroux en la Sénéchaussée d’Au vergn e, c’est-àd iie , le compromis par lequel les parties soumirent
la contestation à l’arbitrage du gran d -m a ître , et le
jugement arbitral qui déclara Lam ouro ux non recevable dans sa demande, en déclarant la vente comme
non avenue. On a vu que la conduite que tint Lam o u r o u x , après le jugement arbitral, après qu’il lui
en eût été fait lecture et qu’il lui eût été signilié avec
bail de copie : on a vu que de tous les actes qu’il
avait exercés en prenant la qualité de greffier, en sc
faisant paj^er du prix des bau x, et percevant les émolumens, on a vu, dit-on, que de cette conduite résul
tait nécessairement de sa part l’approbation et l ’e xé
cution du jugement arbitral. Mais nous avons promis
que dans ce mo yen subsidiaire et surabondant que
nous examinons, nous mellrions à l’écart le compro
mis, le jugement arbitral et toute leur suite, pour
attaquer la sentence de la Sénéchaussée d’Auvergn e,
dans la supposition même que les demandes de L a
mouroux n ’eussent jamais été soustraites ¿1 la juris
diction da ce tribunal par un compromis, et jugées
par une sentence arbitrale.
Remarquons cependant que ces demandes, portées
en la Sénéchaussée d’Auvergn e, par une assignation
du 14 août 1 7 8 7 , ne furent reprises dans cette Sé
néchaussée, que long-lems après, et lorsque D evèze
y eût fait assigner L am ouro ux pour voir ordonner
�¿ a
mi
( 35)
l ’homologation de la sentence arbitrale, la résistance
à l’homologation, qui ne devait pourtant pas l ’ar
rêter comme on l’a prouvé ci-devant, et sa persévé
rance à demander qu’il fût fait droit sur des deman
des éteintes par un compromis et par une sentence
arbitrale, étaient d’ailleurs repoussées par le regrès qu’il
avait e x e r c é ,e t l ’acceptation de D e vè z e ;et ce fut alors
qu’il eut l’audace de faire un acte de désaveu du re
grès, et d’assigner les héritiers de l’huissier, pour faire
juger avec eux le désaveu, car prudemment il avait
attendu la mort de cet huissier pour former ce d é saveu.
On a v u , dans la discussion des deux premiers moyens,
que le désaveu n’aurait pu se proposer en la Séné
chaussée d’Au vergn e, et qu’après la sentence arbitrale,
ce n’eût pu être que sur un appel de cette sentence
qu ’on eût pu se faire un moyen d’appel qui, par con
séquent alors, n ’aurait pu être jugé qu ’au parlement.
INlais nous supposons ici qu’il n’y aurait eu ni com
promis, ni sentence arbitrale; qu’en un m o t, la Séné
chaussée aurait seule été saisie de la contestation, et
alors même on va prouver que la Sénéchaussée ne
pouvait avoir égard au désaveu dans les circonstances
où on venait de le produire.
Il ne faut pas se persuader q u ’on puisse désavouer
les actes d’un officier public, par la seule raison qu’ils
ne sont pas signés de la partie, ou qu’elle n’a pas
donné par écrit un pouvoir de faire ces actes, lorsque,
d’ailleurs, il se rencontre des circonstances et des préE 3
'
�( 36 )
somptions puissantes que l’officier n’a pas agi sans pou
voir , et que les actes ou des faits postérieurs sont
des suites naturelles de l’acte qui est désavoué, sur
tout encore lors qu’il y a preuve que l’acte a été
connu de la partie qui le désavoue, mais qui reste
long-tems dans le silence, après qu’on lui en a donné
connaissance, et attend, pour en faire le désaveu,
la mort du ministre de l’acte.
Quelques praticiens, et même D e n is art, avaient
Voulu donner en m a x i m e , que le procureur ou l ’huissier
ne pouvaient être désavoués après leur mort ; mais
cette maxime générale eût été trop-dangereuse ; aussi
les arrêts l’avaient-ils fait dépendre des circonstances,
Observez néanmoins, disent les auteurs du réper
toire de jurisprudence, que quoique le désaveu puisse
avoir lieu après le décès du procureur , on ne doit
l ’admettre que quand les circonstances font présumer
q u ’il y a eu dol et malversation de la part de cet
officier. L a raison en est qu’on doit supposer, en
g é n é r a l , qu’un procureur n ’agit pas sans pouvoir, et
que les héiiliers ne sont pas instruits suffisamment
de ce qui pouvait l’autoriser.
O r , quelle circonstance plus propre ¿1 prouver que
ce désaveu est fait de mauvaise foi, lorsqu’on établit
que l’acte a été connu par la partie qui le désavoue,
long-tems avant le desaveu, et qu ’on a attendu, pour
faire ce désaveu, la mort du ministre de 1 acte qui est
désavoué.
Ici on ne peut pas mettre en doute la connaissance
�( 37 )
qu’a eue Lamouroux de l’acte de regrès. D e v è z e lui
fait, le 2. décembre 17 86, une sommation de lui déli
vrer une procuration a d resignandum , et les au 1res
pièces nécessaires pour se faire pourvoir de l’office de
greffier. Lamouroux ne peut pas dire qu ’il n’a pas connu
cette sommation, qui a été faite en parlant à sa per
sonne ; il në pourrait le dire qu ’autant qu ’il formerait,
contre cet acte, l’inscripiion de faux.
Après cette sommation, que devait-il faire, s'il vou
lait accomplir la vente? C ’était de délivrer la procu
ration a d resignandum , et les autres pièces qui lui
étaient demandées par la sommation.
Que pouvait-il faire, s'il ne voulait pas accomplir la
vente? Il n’avait pus d’autre moyen que d ’exercer le
regrès.
Il a exercé ce regrès cinq jours après la sommation,
le 7 décembre; et le 12 du même mois le regrès a été
accepté par D e v è z e , par un acte signifié à Lamouroux.
Il ne peut donc pas dire non plus qu’il n’a pas connu
l ’acte par lequel le regrès a été accepté, puisque cet
acte lui a été signifié, et il ne pourrait le prétendre
encore qu ’en s’inscrivant en faux contre la signification
qui lui a été faite de l ’acceptation du regrès.
D e là donc q u e , d’un côté, il n’a point satisfait à la
soinmalion du 2 , en délivrant à D e vè ze la procuration
et autres titres nécessaires, on doit conclure qu’il n’a
plus voulu que la vente s’a c c o m p l î t , puisqu’elle ne pou
vait l ’être qu ’après la remise de tous les titres.
D e là q u e , par l’acle du 1 2 , D e v è z e lui a fait si-
�Gk.
( 38 )
gnifier l’acceptation d’un regrès qu’il disait lui avoir élé
signifié à la requête de L a m o u r o u x , si le regrès n’avait
pas été de son fait, s’il n ’en avait pas donné pouvoir
¿r l ’huissier, il devait s’empresser de désavouer l’huissier.
Mais dès qu’alors il n’a rien fait pour contredire le
regrès, que le désaveu n’est venu que plus de deux ans
après, et q u e , pour le faire, il a attendu la mort de
l ’huissier, tout cela ne manifeste-t-il pas la mauvaise
foi de ce désaveu tardif?
- N ’en sera-t-on pas mêm e encore plus convaincu , si
toutes les actions de L a m o u rou x , postérieures à l’acte
de regrès, se concilient parfaitement avec la vérité de
ce regrès, si ces actions emportent avec elles la consé
quence que Lamouroux avait l ’intention de se main
tenir dans le titre et la propriété de Tofiice qu’il avait
vendu à D e v è z e ?
A u t r e m e n t , de quel droit aurait-il perçu lui-même
les émolument du greffe, qui devaient appartenir à
D e v è z e ? de quel droit aurait-il perçu les arrérages an
térieurs à la vente des gages et des chauffages qu’il
devait partager avec D e v è z e , mais dont, aux termes
de la v e n t e , Devèze devait seul faire le recouvrement ?
de quel droit a - l- il poursuivi Seriez, l’a fait condamner
nu paiement du prix de la ferme, et s’en est fait payer? (
11 n’a pu faire tout cela qu’en manifestant son inten
tion de conserver le titre et la propriété du greffe, et
par conséquent sans approuver le regrès et reconnaître
le pouvoir qu’il avait donné à l’huissier; et ce ne pou
vait être que par l’eilet du regrès qu’il pouvait con
server le titre et la propriété do l ’oflice.
�¿
4
*
( 3? )
C ’est d’ailleurs en vain que pour rendre suspect l’acte
de regrès du .7 décembre 1 7 8 6 , et pour fortifier le
désaveu, on prétend qu’il se trouve un acte du même
jour, fait par le même huissier à plus de dix lieues de
distance de Saint-Flour; d’où l’on conclut que l ’huis
sier ne pouvait pas être à Saint-Flour ce même joui\
i°. Il ne serait pas physiquement impossible qu’un
huissier fît le même jour deux actes en deux lieux dif_
ié r e n s , à la distance de dix et douze lieues l’un de
l ’autre.
20. D e vè ze produit un acte signifié à Saint-Flour le
6 décembre, la veille de celui qui a été signifié le 7 à
D e v è z e ; et ce même huissier pouvoit être encore à
Saiut-Flour le lendemain 7, signifier le regrès de L a m o u
roux le même jour au matin, et partir de suite pour
aller plus loin faire d’autres exploits. On ne pourrait
prétendre qu’il n’était pas à S a in t-F lo u r le 7 , qu ’en
formant l’inscription de faux contre l’acte par lui si
gnifié ce même jour à la requête de Lamouroux.
3 .° Mais Lam ouroux a eu connaissance du regrès,
par l'acceptation que D e vè ze lui en a fait signifier le
12. S’il n ’avait pas donné de pouvoir à l’huissier, il ne
pouvait pas trop se presser de le désavouer, et il attend
plus de deux a n s , et la mort de l’huissier, pour faire
ce désaveu.
4.0 Pour admettre le désaveu de Lamouroux , il fau
drait qu ’il y eût trois actes faux, ceux du 2, du 7 et
du 12 du même mois, et trois actes faits par trois dif
férons huissiers. Comment supposer qu ’on eût pu cor
rompre trois huissiers ?
�( 40 )
A lors , cîe toute manière le mal-jugé de la sentence
de la Sénéchaussée d’Auvergne, en ce qu’elle avait jugé
le désaveu valable, ne doit-il pas paraître évident,
même en faisant abstraction de la sentence arbitrale,
et en supposant toujours que le compromis el la sentence
arbitrale n’auraient jamais existé?
Mais on peut encore aller plus loin, et soutenir avec
fondement q u e , n ’y eût-il jamais eu d’acte deregrès,
ou que jamais Lamouroux n ’eût montré l’intention de
se conserver le titre et la propriété de l’ofTice , malgré
la vente qu’il en avait faite, la sentence de la Séné
chaussée aurait encore mal jugé en ordonnant l’exécu
tion de la vente.
Pour cela il suffit d ’observer que D e v è z e ne pouvait
devenir titulaire et propriétaire de l’office, que par l’effet
des provisions qui lui en auraient élé accordées, et qu’il
ne pouvait obtenir ces provisions qu ’autant qu’il aurait
eu en son pouvoir les provisions de Lamouroux, ses quit
tances de finance et de centième denier, qui ne lui
avaient jamais élé délivrés par L a m o u ro u x , et que
jusques-là, Lamouroux restait absolument le maître et
le propriétaire de l’office, d ’où doit résulter la consé
quence que cet office ayant été supprimé , il l’a élé sur
la tête de L a m o u ro u x , el que la perte n’en a pu re
tomber que sur lui , par la règle de d r o it , res périt
Domino.
Il est bon de rappeler les principes de la matière,
nous eu ferons ensuite l’applicalion.
I,a vente ne peut recevoir sa perfection que par la
tradition;
�tâte}
( 4 0
tradition ; elle ne peut transférer la propriété qu ’autant
q u ’elle est suivie de la tradition ; tracLitionibus dom inia
rerurn trans/eruntur, non nudis pactis. 1. 20, cod. de
pactis ’ ainsi jusqu'il la tradition, la propriété de la chose
réside toujours dans la personne du vendeur; ce qui est si
vrai que dans le droit , le propriétaire qui a fait une
première v e n t e , venant à en faire une seconde d e l à
m êm e chose à un autre a c h e te u r, s’il lui en fait la tra
dition, ce dernier acquéreur est préféré.
L a tradition et la délivrance des choses qui sont
fermées sous clef, ne s’opère que par la remise des
clefs que fait le vendeur à l’acheteur : sed qui merces in horreo depositas vendiderit, sitnuL atque claves
tradideiLt emptori, transfert proprietatem rnercium a d
empioreni. 1 nst. §. 45 de rer. divis.
L a délivrance des immeubles, dit D o m a t , d ’après
la dispostion des lois, se fait par le v e n d e u r, lors
qu’il en laisse la possession libre à l’acheteur, s’en
dépouillant lu i-mêm e, soit par la délivrance des ti
tres , s’il y en a , ou des clefs, si c ’est un lieu clos,
comme une maison.
En ne parlant que de ces principes généraux, car
on verra bientôt qu’il y en a de particuliers pour la
vente des offices, la tradition de l’office vendu ne pour
rait se faire que par la remise des titres nécessaires
pour en faire pourvoir l’acheteur ; c ’e s t - à - d i r e , de
l'a procuration a d resignandurn , des provisions- de
La m o u roux , de ses quittances de finance et centième
denier. L a remise- de toutes ces piétés était nécessaire
E
�C 42 )
pour opérer la tradition de la chose vendue , d e mémo
que la remise des clefs du grenier dont on a vendu
les grains qui y étaient renfermés, de mêm e aussi
que la tradition d’une maison qu ’on a vendue ^ et qui
n ’a pu aussi s’opérer que par la remise des clefs.
Ainsi, n’y ayant pas eu de délivrance des titres né
cessaires pour faire pourvoir D é v è z e , et le faire jouir de
la chose vendue , il n’a pu y avoir de tradition, sans la
quelle la propriété de l’office ne pouvait lui être transféTée,t/'aditionLbus dominia rerum Irans/eruntur, non nud ispactis; mais comme Lamouroux ne pouvait perdie la
propriété qu’au moment qu’elle passerait à D e v è z e ,
ce qui était impossible par le défaut de la remise des
titres qui n’a jamais élé faite, dès que l’office a été sup
pri m é, la perte n’en a pu retomber que sur Lamouroux , qui, au moment de la suppression, en était seul
propriétaire.
Lamouroux voudrait-il dire qu’il avait fait des offres
de délivrer la procuration a d resigriandurn, et autres
titres nécessaires? mais dans quel teins a-t-il fait ces
offres? il devait les faire au moins aussitôt après la som
mation que lui en Ht D e v è z e , le 2 décembre 1786. II
avait annoncé qu ’il ne voulait point les faire dans facto
du regrès du 7 du même mois, et qui fut accepté paç
D e v è z e dans l ’acte signifié le 12 à Lamouroux.
Et ces offres de délivrer, il 11e les a faites que deux
ans après, e llo n g-te m s mêm e après lu sentence arbi
trale qui avait déclaré la vente comme non avenue.
Mais supposons même qu ’il 11’y eût eu ni regrès , ni
�(43)
acceptation, ni compromis, ni jugement arbitral, qu’en
fin La mouro ux ne se fût pas toujours porté et qualifié
propriétaire en recevant les émolumens du grefïe, les
gag’e s , les droit de chauffage , qui auraient dû appar
tenir à D e v è z e , en percevant les droits du greffe, en
poursuivant le paiement, obtenant des jugemens où
il se qualifiait toujours de greffier en c h e f , et touchant
le prix des fermes ; mettant tous ces faits à l’écart,
guelle est donc cette espèce d’offres tardives faites
par Lamouroux ?
Il offrait ¿«disait-il, de délivrer une procuration ad
resignandum ) mais ce n ’était pas là une offre réelle
qui seule pouvait le libérer de l’obligation qu’il avait
contractée; il aurait fallu qu’il eût réellement une pro
curation toute faite, et non pas une procuration à faire,
et qui ne l’a jamais été.
Bien d’ailleurs n’aurait pu l’empêcher de faire cette
procuration et de l ’offrir réellement; il n’avait besoin
pour cela ni de la présence de D e v è z e , ni de son con
sentement; et jamais dans ces sortes de procurations
il n’y eut d’autre partie que le constituant.
Lors même qu ’il fit ces offres, et quand elles auraient
été réelles, D e v è z e aurait été fondé à les refuser, parce
qu ’elles auraient été tardives et faites à contre-tems. Ces
offres auraient dû être faites immédiatement après la
sommation que D evèze lui avait fait faire le 2 décembre
1786 ; mais on ne les avait faites que près de deux ans
après , et lorsque la suppression des maîtrises était déjà
annoncée par des actes publics,
F a
�Ì7X k
*
( 44 )'
On croit donc avoir démontré par les principes gé
néraux de la vente et de la tradition, que Lamouroux
était seul propriétaire de l’office lorsqu’il a péri par la
suppression des maîtrises ; et alors quelle est la règle?
res périt Domino. Mais il y a de plus des principes par
ticuliers pour les ventes d ’offices : nous ne pouvons pas
les puiser dans une source plus pure que le traité des
offices de Loyseau ; c ’est là vraiment le siège de la
matière.
« C e l u i , dit L oyseau , liv. i , ch. 2, n. 2 1 , qui après
« avoir composé de l’office, et payé le prix d’i c e l u i,
« a retiré de son vendeur une procuration irrévocable
« pour le résigner en sa fa veu r, même un acle exprès
« de résignation, 11’a point encore de droit en l ’office
« jusqu’à ce que la résignation soit admise par le coir
« lateur et la provision expédiée à son profil; de sorte
« que jusqu’alors l’office est encore in bonis du rési« gnant , et par conséquent peut être saisi pour ses
« dettes , comme a décidé la Cou!unie de Paris, art.
« 9 7 , et peut par lui-même être résigné à un autre,
a s’il prévient par eilet son premier résignataire ».
« Don t la raison est, conîinue L oyseau, que la ré«• signation n’est pas une tradition de l ’office, atlendu
« que les offices ne sont pas en la libre disposi lion des
« pourvus, pour les pouvoir directement et iinmé« dinlement transporter à autrui; mais il iaul qu’ils
« passent auparavant parles mains du collateur, duquel
« leur disposition dépend principalement ».
Ainsi, d’après la doctrine de L o y s e a u , celui qui a
�( 45 )
vendu l’ofTice en reste toujours propriétaire, lors même
q u ’il a délivré sa procuration ad resignanduni • tant
qu’il n’y a pas eu de provision, l’office est toujours in
bonis du vendeur; mais si l’office vient à être supprimé
dans l'intervalle, il ne peut périr q u ’entre les mains du
vendeur,puisque celui-ci en reste toujours propriétaire.
Si cela est vrai, même à l’égard du vendeur qui
a déjà délivré la procuration a d resignandum, à com
bien plus forte raison doit-il en être de m ê m e ,lo rsque
non seulement la procuration a d resignanduni n’a
pas été délivrée., mais lorsque encore il n’y en a ja
mais eu de f a i l e , surtout encore lorsqu’il y a eu som
mation de la déliv rer, com me on voit qu ’il en fut
fait une le deux «décembre 1786 ; et q u ’ensuite }
près de deux ans après, Lam ouroux a offert de déli
vrer la procuration a d resignandum , alors les choses
n ’étaient plus entières, et d’ailleurs ce ne sont pas
des offres réélles de la procuration elle-même, mais
dé simples offres de délivrer une procuration qui n’exis
tait pas encore, et qui n’a jamais existé, procuration
qu ’011 pouvait faire sans la présence de D e v è z e , où
il n’était pas besoin qu’il concourût.
Il
doit donc paraître démontré que quand même
l’a (la ire eût été portée directement en la Sénéchaus
sée d’A u v e r g n e , la sentence qui y fut rendue était
de toute injustice.
Comment cette sentence avait - elle d ’ailleurs pu
juger valable le désaveu d’un regrès qui devait paraître
constant par toute la conduite de L a m o u rou x , surtout
�( 48 )
promettre, par réflexion, ce qu ’on ne peut pas tenir
par caractère. Mais qu ’est-ce que cela fait à la cause?
1
j ». •
L e citoyen T ro l i e r , rapporteur.
L e citoyen A n d r a u d , avocat.
L e citoyen C r o i s i e r ., avoué.
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Devèze, Jean-Baptiste. An 11?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Tiolier
Andraud
Croisier
Subject
The topic of the resource
ventes
offices
arbitrages
office de greffier
maîtrise des eaux et forêts
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Jean-Baptiste Devèze, appelant ; contre Antoine Lamouroux, intimé ; en réponse à celui de l'intimé.
Annotations manuscrites : intégralité du jugement.
Table Godemel : Homologation : 1. le tribunal saisi de la demande en homologation d’une sentence arbitrale, sous l’empire de la loi d’août 1790, a-t-il pu refuser cette homologation pour le motif que le compromis ne comportait pas de délai, et a-t-il pu prononcer sur le fond même soumis à l’arbitre, en décidant, contrairement, sans qu’aucun appel de la sentence eut été interjeté ? Sentence arbitrale : - infirmée. v. homologation.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 11
1786-Circa An 11
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
48 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1411
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0229
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53225/BCU_Factums_G1411.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Mauriac (15120)
Saint-Flour (15187)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
arbitrages
maîtrise des eaux et forêts
office de greffier
offices
ventes
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53194/BCU_Factums_G1305.pdf
dd06f0a5de6050f08ffb222b263667b7
PDF Text
Text
MEMOIRE
S I G N I F I É
E N
R É P O N S E ,
P O U R
L e c i t oye n M A I G N E , n é g o c i a n t , h a bi t a n t de la v i l le
de B r i o u d e , i n t i m é ;
C O N T R E
L e cit.
J
e a n
- J
o s e p h
C H O U S S Y - D UP I N ,
ex négociant, habitant actuellement la ville du P u y ,
appelant.
L E citoyen Maigne défend sa fortune. Si des faits indispensables
à rapporter m ontrent son adversaire subtil, indélicat et avide, ce
sera la fatalité de tonies ses causes. L e citoyen Maigne déclare
qu' il n’en veut ni à la réputation, ni à l’honneur du cit. C houssy.
A
�#-¿1
( 2 )
L a principale question de la cause est de savoir quelle a é té ,
quelle a pu être l’intention des parties, l’un faisant et l’autre
acceptant une obligation conditionnelle.
F A I T S .
sieur Ducros d eB rassac, tuteur de ses neveu et nièce, avoit
vendu au sieur Fournier de T o u n y la charge de conseiller au grand
conseil, dont étoit décédé pourvu le sieur de Bouchaud ; il donna,
le i g décembre 1 7 8 4 , sa procuration au citoyen Maigne pour tou
cher à Paris la somme de 25,000 fran cs, prix de cet office.
L e 23 février 1785, le citoyen Maigne reçut ce prix ; il en fournit
Le
quittance au sieur de T o u n y , en vertu de la procuration dont il étoit
porteur, et avec l’obligation personnelle de faire emploi des deniers,
pour la sûreté d’iceux, envers les mineurs.
L e çiloyen Maigne ne reversa pas l’entière somme dans les mains
du chevalier de Brassac; il en paya seulement 18,657 francs.
L e chevalier de B rassac, et le citoyen Maigne associé avec son
frè re , étoient en affaires de commerce. L e 21 avril 1785, Maigne
c a d e t, débiteur du sieur de B rassac, lui donna en nantissement
sept effets se montant à 11,260 fra n cs, et payables à des échéances
reculées. Plusieurs n ’étoient pas des effets de commerce. Ce nan
tissement fut couché par écrit dans le livre de négociations des cit.
Maigne.
L e citoyen Choussy faisoit aussi des affaires de commerce avec
le sieur de Brassac. L e 8 mars 1786, il fit entre les mains des cit.
Maigne une saisie-arrêt, comme des biens du sieur de Brassac, en
vertu de simple ordonnance, et à faute de payement de charbons
'vendus. D es événemens avoient altéré la fortune du sieur de
Brassac et celle des cit. Maigne. Les créanciers des cit. Maigne
prirent connoissance de leurs affaires, et se constituèrent en union
pour la simple surveillance; ils laissèrent toujours le cit. Maigne
aîné à son magasin , son commerce et ses bien s, ct^îTcrm oyèrent
avec lui. L e sieur de Brassac avoit été l’un des syndics des créanciers :
�¡¿i
( 5 )
scs variations , ou l’exagération de scs créances , obligèrent les
autres syndics d’imposer à Maigne la condition de ne pas régler sa
dette envers le sieur de Brassac , liors de leur présence.
L e 29 décembre 1786, le cit. Maigne et le sieur Ducros traitèrent
en présence des créanciers : la dette des cit. Maigne fut fixée à
5 o,ooo fr ., intérêts et frais com pris; et cette somme fut stipulée
payable en annuités pendant d ix-h u it ans. — L e premier article
du bordereau de compte comprend 6,345 fr. restés dûs de la somme
de 25,ooo fr. provenans du prix de l’office Bouchaud, et touchés
par le citoyen M aigne, du sieur de T o u n y ; et il étoit ainsi réduit,
parce que le sieur de Brassac avoit réellement reçu du cit. Maigne
18,657 fr- en déduction des 25,000 fr. ; fait qui est bien prouvé,
et a été tenu pour constant, lors d’un jugement du 19 août 179 1,
rendu avec le cit. Choussy ; nous aurons occasion d’en parler.
Cependant comme cette créance, provenue de l’olfice Bouchaud,
étoit hypothécaire ; que le sieur de Brassac vouloit conserver une
hypothéqué sur les Liens du cit. M aigne, jusqu’à concurrence de
cette somme, et bien assurer le p a ye m e n t de sa créance totale; il
exigea qu'il fû t souffert dans le traité la réserve de son hypothè
que; et les contractans ne conçurent d’autres moyens pour cela,
que de faire dire par le sieur de Brassac, qu’il faisoit remise de
l ’excédant des 6,343 francs , complétant a 5 ,ooo francs avec ré
serve de faire valoir la quittance du citoyen Maigne pour le
to u t, à faute de payement des 5 o,ooo francs , aux termes énon
cés. Ce fait est prouvé par certificats, enquête et jugemens. Et
une observation ne permet pas de doute sur le m otif de cette stipu
lation énonçant une remise. L e sieur de Brassac étoit comptable
envers ses mineurs de la somme entière de 25,000 francs ; il
n’éloit pas le maître de faire une remise ¿1 leur préjudice ; et s’il
eut eu envie de faire une remise aux cit. M aigne, autant qu’il
s’en d éfen d it, il l’eût faite sur ce qui lui étoit dû de son chef.
L e cit. Choussy orbtint contre le sieur de Brassac une sentence
au trihural de Brioude, le 5 i juillet 1787, portant condamnation
au payement de la somme de aG,y44 fr* pour indemnité dè la
A 2
�C4 )
vente de charbons que lui avoit faite le sieur de Brassac, et qu'il
prétendoit ne lui avoir pas été délivrés. — En vertu de cette sen
ten ce, il fit faire une nouvelle saisie-arrêt entre les mains du cit.
M a i g n e , sur le prix de l'obligation portée par le traite du 29 décemb.
178 6, passé entre M aigne et le sieur Ducros de Brassac.
Mais le citoyen Choussy et le sieur D ucros n’en vivoient pas
moins en bonne intelligence. L e citoyen Choussy avoit su s’em
parer de la confiance du sieur de Brassac, et Favoit engagé à
faire cause com m une, sous l’appùt de quelques bénéfices dans les
procès qu’ils entamèrent, et contre les citoyens Maigne-, et contre
des tiers qui lui avoient fourni des effets.
Ici se place une observation : le traité entre les cit. M aigne
et Ducros de Brassac ne portoit pas, en déduction de la dette
M aigne, les sept effets de 11,260 fr. donnés en nantissement au
sieur Ducros le 21 avril 178 6, nantissement constaté par les
livres sous les yeux des contractans. L e cit. Maigne les réclama
en présence des syndics de ses créanciers : le sieur Ducros ne les
avoit pas sur lu i; il promit verbalement de les rendre; on l’en
crut sur parole. Dirigé par le cit. C h o u ssy, il a voulu l’enfreindre;
niais des jugemens lui ont ordonné de satisfaire à l’honneur, et
ces jugemens frappent aussi le citoyen Choussy. L a condamna
tion ne vaut pas p a y e m e n t , et elle n ’est pas exécutée encore.
Pendant les procès , Choussy sollicitoit le sieur Ducros ù lui
donner en payement d autres effets ; il en savoit dans les mains
du citoyen Lam otte , négociant à Clerm ont , se portant à plus
de 5G,ooo francs ; il demandoil que le sieur Ducros lui donna 1111
consentement pour les retirer, et les prendre eu payement. Pour
obtenir ce qu’il demandoit, il ilattoit et mçnacoit tour à tour le
sieur Ducros : il lui promeltoit notamment de mener rondement
INIonlbrizet; et M ontbrizet l’a lait succomber.
11 paroit que le sieur de Brassac fit ce que vouloit le citoyen
Choussy; et les procès contre le citoyen Maigne commencèrent.
Choussy le lit d^abord condam ner, par jugement par défaut du 7
mars 1788, ii acquitter un ellet Campigni de 5j 5 fr. ; et il en a reçu
�/6 i
( 5 )
le montant le 12 dudit mois. Il demanda aussi le payement d’un
autre effet de la dame Dugard de Clieminade de 1,690 ir. , sur
lequel il s’étoit. permis une petite addition pour le rendre négociable.
L e citoyen Maigne connut ce jugem ent, par la saisie-exécution
que le cit. Choussy fit faire sur les marchandises de son magasin :
il y form a opposition ; se fit décharger de la condamnation
prononcée contre lui ; fit condamner Choussy et Ducros de Brassac
à lui remettre ces effets , et Choussy en 5 oo fr. de dommagesîntérèts. L e jugem ent, en date du 12 novembre 1788, porte, qu’au
dit billet a été ajouté le mot ordre après le dernier inot de la
seconde ligne ; que l’ordre mis au dos dudit billet est écrit
de la main de Choussy, n’y ayant en principe que la signature
de M aigne sans ordre.
L e citoyen Maigne , averti, par les poursuites du cit. Choussy ,
de l’abus qu’avoit fait le chevalier de Brassac du simple nantis
sement des sept effets dont nous avons p arlé, form a contre lui
la demande en remise desdits sept e ffe ts, se portant à 11,260 fr .;
e t , après interlocutoire et enquête, le chevalier de Brassac fut
condamné à les rem ettre, par sentence du 6 juin 178 8, rendue
contradictoirement.
L e chevalier de Brassac n ’étoit pas l’adversaire de M aigne dans
ce procès ; c ’étoit Choussy nanti des billets, et qui abusoit de
son nom.
L a sentence du G juin 178 8 , celle qui avoit précédé et dont
nous avons parlé , n’étoient pas suffisantes pour déconcerter le
citoyen Choussy. Homme à mauvaises ressources, il interjeta appel
de la sentence du G ju in , au nom du chevalier de Brassac , et
négocia encore au cit. L em crle , son neveu, deux autres billets
Dugard de Clieminade de la somme de 3,000 fr. chacun, dont la
remise avoit été ordonnée contre le chevalier Ducros. Lem erle
en demanda le payement à M aigne, çt ilfutdébout'é de sa demande,
par sentence du 21 juillet 1790; C houssy, partie dansce jugement,
fut condamné à garantir Lem erle, et à rendre à Maigne les billets,
pour, par lu i, s’en iaire payer par le débiteur.
�( 6 )
Choussy seul interjeta appel de ce jugement.
En cet état , le sieur Ducros de Brassac ém igra, et il n’a plus
reparu.
Les i 5 janvier et 12 mars 1791 , les sieur et demoiselle Ducros
de Brassac formèrent contre le cit. Maigne la demande en rem
boursement de la somme de 25,000 fr. qu’il avoit reçue du sieur
de T o u n y. Dans le même tem ps, le citoyen Clioussy reprit la pour
suite de l’instance sur sa saisie-arrêt; les citoyens Maigne lui
opposèrent la demande des sieur et demoiselle D u cro s, et sou
tinrent que le cit. Choussy devoit la faire cesser.
Sentence intervint le ig août 17 9 1, rendue bien contradictoire
m e n t, sur le rapport du citoyen Cathol du D é fia n t, qui p o rte,
attendu qu’avant de statuer sur la demande du cit. C h oussy, il
importe de savoir quel sera l’événement de la demande qui a été
formée contre Maigne , de la part des sieur et demoiselle Ducros ,
en restitution de la somme de 25 ,000 f r . , surseoit de six mois sur
la demande en saisie - a rrêt, pendant lequel temps les parties
fero n t respectivement diligence, pour faire statuer sur la de
mande des sieur et demoiselle Ducros.
L es choses en restèrent là quelque temps. L e 27 thermidor
an 3 , Maigne et Choussy se rapprochèrent. L e cit. Choussy, seul
créancier saisissant, avoit besoin de fonds pour rembourser la
constitution de sa ci-devant épouse; les parties traitèrent.
Choussy se disoit créancier du sieur Ducros de Brassac, de
44,554 francs en principaux, et, pour se montrer généreux envers
u n e succession abandonnée, il se restreignoit à T>6,ooo francs.
On se rappelle que, suivant le traité entre les cit. Maigne et le
sieur Ducros de Brassac, Maigne etoit constitué débiteur d’une
Êomme de 5 o,ooo francs, dans laquelle il y a v o it 6 , 5/|5 francs en
reste de 25 ,000 francs provenus de l’ofiiee Bouchaud. Maigne ,
saisi d elà part de Choussy, n’avoit pas pu se libérer; il ne rapportoit d’acquils que jusqu’à concurrence de la somme de 5,024 francs,
' en sorte qu’il avoit dans ses mains 20,000 francs du ch ef du
chevalier de Brassac, et a 5,ooo francs que réclainoienl les sieur et
demoiselle Ducros.
�(i)
Il paya au citoyen Clioussy les 20,000 francs revenans à la suc
cession de Bi’assac, et stipula qu’il payeroit les 16,000 irancs par
faisant la créance du citoyen Choussy, aussitôt qu’il auroit obtenu
un jugement contre les héritiers Bouchaud sur la demande qu’ils
avoient formée. Cette stipulation sage, bien raisonnable, et con
forme à l’esprit et à la disposition de la sentence rendue entre les
parties le 19 août 179 1, fut^dénaturée par le citoyen Choussy, qui,
dans son mémoire, s'avoue le rédacteur du traité.
L e citoyen Choussy commit une erreur à laquelle le citoyen
Maigne ne fit pas attention. A u lieu d’énoncer que le payement
de la somme de 16,000 francs seroit fait après un jugement rendu
contre les héritiers Bouchaud, il dit contre les héritiers de Brassac ;
et le citoyen Maigne fut d’autant plus aisément trom pé, qu'il
considéroit les enfans Ducros de Brassac comme héritiers du
chevalier de Brassac leur oncle, sans enfans.
C'est celte erreur affectée du citoyen Choussy, qui lui fournit
aujourd hui matière à exiger que le citoyen Maigne lui paye la
somme de 16,000 fra n cs, quoique la demoiselle Ducros de Brassac
ait fait condamner le citoyen Maigne à la lui p a y e r, à elle.
L a mauvaise foi que manifeste le citoyen C h o u s s y , ne laisse
pas douter qu’il prépara sa prétention actuelle, en désignant dans
son traité les héritiers de Brassac pour les héritiers Bouchaud ;
mais reprenons les faits.
L e 29 vendémiaire an 7 , la demoiselle D ucros, aujourd’hui
épouse d’A pchier, reprenant la demande qu’elle avoit formée en
179 1, conjointement avec son frè re , assigne de nouveau le citoyen
M a ig n e , et réclame , en vertu d’un legs à elle fait par le sieur
Bouchaud, la somme de 22,5oo fr. sur celle de 25,000 francs qui
faisoit l’objet de la première demande. L e citoyen Maigne notifie
au citoyen Choussy cette nouvelle assignation, et l’appelle en assis
tance de cause, pour défendre ù la demande de la demoiselle Ducros,
et s’accorder avec elle.
L e citoyen Choussy ne fuit aucun cas de l’assignation en assis
tance de cause; Maigne l’oppose à mademoiselle D ucros, et en
�W vl
}
demande la jonction à l’instance pendante avec elle; une première
sentence du G messidor an 7 rejette la jonction.
(
8
A utre sentence du 22 frimaire an 8 , qui fait provision à la
Ducros de 10,000 fra n cs, attendu la contestation du
citoyen Maigne.
demoiselle
Clioussy est légalement averti des poursuites de la demoiselle
D ucros : il demeure dans l’inaction à son égard; fait donner une
nouvelle assignation au citoyen Maigne pour procéder dans l’ins
tance sur sa saisie-arrêt, et conclut à ce q u e , sans s’arrêter a la
demande en assistance de cause du citoyen M aigne, les conclu
sions qu’il a prises, par exploit du 5 thermidor an 5 , lui soient
adjugées.
Les* deux procès étoient pendans devant le tribunal d’arrondis
sement de B rioude, et s’instruisoient séparément.
L a dame Ducros d ’Apchier a fait prononcer sur sa dem ande,
e t, par sentence du 5 prairial an 1 0 , Maigne a été condamné à
lui payer la somme de 22, 5 oo francs, avec intérêt depuis 1785.
Clioussy a aussi fait statuer sur ses assignations; et une sentence du
27 dudit mois de prairial l’a déboulé de la demande en payement
de la somme de iG,ooo francs, qui devoit lui être payée après un
jugement en faveur de Maigne contre les héritiers Bouchaud ,
aussi héritiers présomptifs de Ducros de prassac.
L e tribunal de Brioude a reconnu (pie la stipulation faite au
traité de thermidor an ù , entre Clioussy et M aigne, et qui renvoie
le payement des ifi,000 francs à l’époque d ’un jugement en faveur
de M aigne, ne pouvoit frapper que sur un jugement entre lui et
les sieur et demoiselle Ducros.
L e citoyen Clioussy est appelant de cette sentence. Bravant
l’opinion publique et celle de ses juges, il soutient que sa turpitude,
quoiqu’évidente, a lié le citoyen M aigne; que c ’est par les expres
sions du traité, et non parce que les parties ont entendu, que la
cause doit être jugée. Mais comme les lois ont pour objet principal
la distribution tic la justice d’après l’équité; comme les juges 11c
" sont
�( 9 )
sont pas astreints à s’en tenir aux termes plutôt qu’au sens de la
convention ; qu’en principes il faut rejeter les expressions qui
n ’ont pas de sens, suivre l’intention plutôt que les term es; que
c’est un caractère essentiel à la validité de toute convention, qu’elle
soit faite avec sincérité et fid é lité ; comme les magistrats ont l’in
terprétation des lois et des clauses exprimant les conventions , qui
sont aussi des lo is, par voie de doctrine et par voie d ’autorité, le
citoyen Choussy n’a dû se promettre aucun succès de son témé
raire appel.
L a discussion portera sur plusieurs questions, qui naissent de
trois propositions principales. Ce seroit allonger que d’en donner
une idée substantielle et le développement. Nous tâcherons d etre
m éth o d iqu e^ sans division de notre plan.
L e citoyen Choussy prétend que la réserve de ne payer
iG,ooo francs, qu’après un jugement en faveur diicitoyen M aigne,
contre la succession de B rassac, ne peut pas frapper sur la de
mande formée en 1791 par les sieur et demoiselle Ducros. Et
sur quelle demande frappera-t-clle donc; puisqu’il faut lui donner
une application, la diriger vers un effet réel ?
Quelle peut être la valeur d ’un jugement en faveur du citoyen
M aigne, contre la succession du chevalier de Brassac? Q u’eut-il
porté, et quel pouvoitêtre l'intérêt du citoyen Maigne à en avoir un?
Le citoyen Choussy , traitant en qualité de créancier d’une suc
cession vacante, et que faussement il dit répudiée , puisqu’il n’y a
jamais eu de répudiation , ni de curateur nommé à llio irie , prenoit la place de 1 homme de la succession , stipuloit les intérêts
de la succession envers le citoyen M aigne, régloil et fixoit, en
cette qualité, la dette de Maigne. Les condamnations que le citoyen
Maigne avoit fait prononcer en remise des effets D ugard, frappoient directement contre le sieur de Brassac; elles n ’atteignoient
le citoyen Choussy que secondairement. — C ’est dortc au nom do
la succession de Brassac, que le citoyen Choussy stipuloit que
Ma igne relireroit les effets Dugard et M ontbrizet-M ontfleury,
B
�( 10)
ensemble toutes les procédures, et autres pièces se trouvant entre
les mains des défenseurs dans divers tribunaux ?
L,e citoyen Choussy, qui invoque l’ordonnance de i 56 o , contre
]a défense du citoyen M aigne, qui , page 7 de son m ém oire,
s'exprime en ces termes : « A u ssi, par le traité du 27 thermidor
« an 3 , il est convenu que pour terminer définitivement tout
u procès entre les parties, dont l’un au tribunal de T h ie rs , pour
« les trois billets à ordre de la dame Dugard de Cherninade;
« l ’autre au district de C lerm ont, pour raison de quatre billets à
« ordre, de Croze-M ontbrizet ; le troisième au district de R io m ,
i< pour les saisies-arrêts faites à la requête du citoyen C h oussy, etc. »
nous dit donc que le traité étoit fait sur les trois procès existans
alors, et pour les éteindre; dès-lors point de jugement h obtenir
contre les héritiers de Brassac, ou le curateur à son hoirie.
E t sur quoi eùt-il frappé ce jugement ? qu’eût-il prononcé ?
L ’homologation du traité pour le rendre commun avec le curateur.
M ais quelle en étoit l’utilité? Ce jugement eût-il mieux assuré
le payement qu’auroit fait le citoyen Maigne au citoyen Choussy,
au préjudice de l’action des héritiers Bouchaud? E ût-il rempli
l’objet de la sentence du 19 août 1791 ?
Il ne peut pas être permis de le prétendre. Il faut donc reconnoltre qu’un jugement d ’homologation du traité n’étoit pas dans la
convention des parties.
E ût-ce été pour faire dire que la somme de 25 ,000 fran cs,
prix de l’office Bouchaud , appartenoit aux sieur et demoiselle
D ucros , et que cette somme devoit être retranchée de celle de
5o,000 francs, pour laquelle le citoyen Maigne s’étoit obligé par
le traité du 29 décembre 1786, envers le chevalier de Brassac?
Un jugement en faveur de M aigne, contre les héritiers de Brassac,
ne pouvoit être que cela , s’il n ’étoit pas pour l’homologation du
traité du 27 thermidor an 3 ; et il ne remplissolt pas les vues du
citoyen Choussy , il s'en éloignoit au contraire.
, Etoit-il beso in , y avoit-il lieu à faire d ire , par un jugement
�IV
( 11 )
rendu contre la succession de Brassac, que Maîgne avoit valable
ment payé' audit de Brassac la jçpéance propre aux sieur et de
moiselle D ucros? C e rte s, ni la. votive de Brassac, ni ses héritiers,
ni un curateur à l’ hoirie, n ’eussent contesté cela.
Mais la justice, si elle n ’eût été surprise, eût reconnu que le
jugement étranger aux sieur et demoiselle D u cro s, ne pouvoit pas
leur nuire, qu’il seroit frustratoire, insignifiant, et eût refusé
d’admettre la demande.
Tenons donc pour bien certain , bien dém ontré, que ce n ’étoit
pas d’un jugement en faveur de M aigne, contre les héritiers de
B rassac, que les parties entendoient parler, en renvoyant à un
jugement le payement de la somme de 16,000 francs.
A vant encore d'obtenir un jugem ent, il eût fallu diriger une
action ; et ce n’est pas une action que le citoyen Maigne doit
form er, c’est un procès pendant qu’il doit faire juger en sa faveur.
Remarquons que la clause par laquelle Maigne se charge , à la
fin du tra ité, de garantir le citoyen Choussy des frais auxquels
il a été condamné envers le citoyen M ontbrizet, et stipule de plus
que tous les frais qui seront faits par la suite, pour l’obtention des
jugemens qu’il se propose d’obtenir contre qui bon lui semblera ,
seront à sa charge, ne vient pas à l’appui de la prétention du
citoyen C h o u ssy, mais au contraire rectifie la subtilité dont il veut
abuser. Ici il est question de remise de billets et e ffe ts, d’action
contre les débiteurs de ces effets ; c’est une réserve particulière ,
une convention indépendante, et sans rapport à celle qui con
ditionne l’obligation du payement des 16,000 fr.
Examinons la même question sous une autre face.
L e payement de la somme de iG,ooo fr. renvoyé à l’époque d ’un
jugem ent, frappoi t-il sur la demande des sieur et demoiselle D ucros ,
héritiers Bouchaud?
O h ! très - certainement o u i, parce qu’il y avoit action d’une
part, et action qui subsistoit; que de l’autre , il étoit indispensable
de faire cesser la réclamation des héritiers Bouchaud.
11 s’agissoit de faire dire, envers les héritiers Bouchaud, et sur
B 2
�( 12 )
leur demande, que leur tuteur avoit pu recevoir 18,667 fr. sur la
créance mobiliaire de 25 ,ooo fra n c s , prix d’un office ; que consé q u e m m e n t Maigne, ayant payé à Ducros de Brassac, avoit bien
payé; que la reconnoissance du tuteur valoit envers les niineurs.
C ’étoit alors, et avec ce jugement, que le citoyen M aigne, ne devant
aux héritiers Bouchayd que la somme de 6,543 fran cs, formant
le premier article de son arrêté de compte avec le sieur D uçros
de Brassac, ayant encore dans les mains 16,000 fr. com plétant,
avec ce qu’il avoit p a y é , ou au chevalier de Brassac, ou à Choussy,
les 4 -3,657 francs dûs au sieur de Brassac, de son c h e f, pouvoit
délivrer la somme de 16,000 francs à C h oussy, et être pleinement
et entièrement libéré.
C ’étoit pour avoir cette assurance, pour savoir à qui il payeroit,
et ne payer qu’une fois, que le cit. Maigne avoit plaid«* contre le cit.
Choussy. L a sentence du 19. août 1791 avoit réglé les parties à cet
égard; et, par le traité du 27 thermidor an 3 , Maigne n’y renonce
pas ; le traité n’est qu’une exécution de cette sentence, et s’y réfère.
Ainsi que l’avoue le citoyen Choussy en en détournant la vraie
ca u se, le citoyen Maigne eût eu Ja volonté comme la possibi
lité de p a yer, au 27 thermidor an 3 , 56 ,000 francs au citoyen
Choussy ; et il est de fait que Choussy vouloit les toucher alors,
parce qu’il avoit à faire le remboursement de la constitution de
dot de son épouse, remboursement auquel il employa les 20,000 fr.
qu’il re ç u t, ce qui fait qu’il n’a rien perdu sur ce payem ent.
C e peu de m ots, sur la seconde question , prouve démonstra
tivement , et sensiblem ent, que le payement de la somme dç
16,000 francs ne devoit être fait à Choussy, dans l’intention des
parties , et dans leur convention , qu’autant que Maigne seroit
déclaré, par jugement ( avec les vraies parties ) , bien libéré de
18,667 francs sur le prix de l’office Bouchaud : car il répugne au
sens, à la raison , que M aigne ait voulu payer deux lois la même
6onime ; qu’il ait entendu contracter envers Choussy une obligation
nouvelle, sans cause, sans prix. — 11 ne devoit rien personnellement
au citoyen Choussy, le citoyen M aigne; il 11e lui avoit rien dû ;
�H *
(■s)
il ne pouvoit être tenu de lui payer, par l’effet de la saisie-arrêt,
(]ue ce qu’il devoit au sieur de B rassac, et ce qu’aucun autre
n ’avoit droit de toucher.
O r , il étoit dans l’intention des parties, et ce fut leur conven
tion, que la somme de 16,000 francs ne seroit payée que dans le
cas où le cit. Maigne feroit ju g er, contre les héritiers Bouchaud,
qu’il avoit bien payé 18 ,6 57 francs sur le prix de l’office, en payant
au tuteur desdits héritiers.
L e citoyen C h o u ssy, rédacteur du traité, rendit parfaitement
la convention, mais en détourna l’application ; il ayoit ses raisons :
Maigne ne s’en défia p a s, et n’y prit pas garde. — Inexercé dans
les tournures qu’on peut donner à une clause, un négociant probe,
et de bonne f o i , ne voit que le fait ; et ce qui a été convenu,
ce qui a été expliqué et arrêté , lui paroit é c rit, en quelques
termes que la convention soit exprimée. M aigne vit et lut la con
dition imposée à son obligation de payer 16,000 francs; il ne fit
pas attention que Choussy désignoit les héritiers de la succession
de Brassac , pour les sieur et demoiselle de Brassac : un nom
donne pour un autre échappe aisément à la confiance. Il n ’eût pas
conçu même ce que Choussy pouvoit avoir en v u e , en désignant
les héritiers de Brassac pour les héritiers Bouchaud , ou les enfans
de Brassac; et d'ailleurs il ne pouvoit pas être fait d'erreur, dès
qu’il n 'y avoit qu'un procès à faire ju g e r, qu'une réclamation
fo rm ée, et qui fit obstacle au citoyen Choussy pour le payement
de 16, 000 francs.
L e citoyen Choussy dit qu’il y a ambiguïté dans la clause, et
qu’elle doit s’interpréter contre le citoyen M aigne. Cette opinion
n est pas la doctrine des auteurs : nous nous en tiendrons à ce que
dit le célèbre et judicieux Domas.
Dans sa dissertation préliminaire sur les règles d ’interprétation
des lois, il s exprime ainsi : « Il est nécessaire d’interpréter les lois,
« lorsqu’il arrive que le sens d’une loi, tout évident qu’il parolt dans
« les term es, conduiroit à de fausses conséquences et à des décisions
« qui seroient injustes, s'il étoit indistinctement appliqué à tout
�(i4)
« ce qui semble compris dans l’expression ; car alors l’évidence de
« l'injustice qui suivroit de ce sens apparent , oblige à découvrir,
« par une espèce d’interprétation , non ce que dit la loi , mais ce
« qu’elle veut, et à jugerparson intention quelle est son étendue. »
Sur le chapitre des conventions, analisant les dispositions des lois
d e là m atière, il enseigne, article VIII, que « c’est par l’intention
« des parties qu’on explique ce que la convention peut avoir
« d’obscur ou de douteux. » L . 3g , ff. de pactis.
A rticle X I. « Si les termes d’une convention paroissent contraires
« à l’intention des contractans, d'ailleurs évidente, il faut suivre
« cette intention plutôt que les termes. » L oi 219, ff. de verb. sign.
A rticle XIII. (( Les obscurités et les incertitudes des clauses qui
« obligent, s’interprètent en faveur de l’obligé; et il faut restreindre
« l’obligation au sens qui la diminue ; car celui qui s’oblige ne veut
« que le moins , et l’autre a dù faire expliquer plus clairement ce
» qu’il prétendoit. » L , 10 9, ff. de verb. obli.
A rticle X IV . « Si l’obscurité, l’am biguïté, ou tout autre vice
« d ’une expression , est un effet de la mauvaise f o i , ou de la faute
« de celui qui doit expliquer son intention, l’interprétation s’en fait
u contre lui. A in s i, lorsqu’un vendeur se sert d’une expression
« équivoque sur les qualités de la chose vendue , l’explication s’en.
« fait contre lui. »
T o u t s’applique à la cause présente , et frappe le cit. Choussy.
C ’est de sa part qu’a été la mauvaise foi ; l’infidélité est de son fa it ,
puisqu’il est le rédacteur du traité : il manque de sincérité ; il est le
créancier, et doit souffrir l’interprétation en faveur de la libération.
Son système blesse la raison , offense la probité.
Il faut donc, d’après les préceptes et les lois précités, chercher
à connoître qui l’on a v o u lu , qui l’on a pu désigner comme devant
souffrir un jugement en faveur du citoyen M aigne, déclarant le
payement de 18,657 francs , fait au sieur Dupros de Brassac , bien
fait et imputable sur la créance propre aux héritiers Bouchaud ; et
autorisant encore le citoyen Maigne îx payer 16,000 fr. au citoyen
Choussy , au préjudice de la réclamation de la dame Ducros
�ly j
( «5 )
d’Apchier : et cette recherche n’est pas pénible; le résultat n ’ën est
pasdouteux. Il est dém ontré, il est fortement sen ti, qu’il n’y avoit
de jugement à obtenir, pour légitimer le payement des 16,000 fr.
laissés en réserve, que contre les sieur et demoiselle Ducros de
Brassac.
L e citoyen Choussy prétend que l ’obligation du citoyen M aigne
est purement absolue et sans condition ; en sorte que, dans ce sys
tème], il étoit surperflu de s’occuper de savoir quelle a été l’intention
des parties, le vrai sens de leur convention.
Il d it, page 20 de son mémoire : « L e citoyen Choussy, créancier
« du chevalier de Brassac, avoit fait saisir entre ses mains : Maigne
« paye en vertu de cette saisie; d è s-lo rs, nécessairement et évi« dem m ent, il devoit obtenir une compensation sur la succession
« du chevalier de Brassac. C ’est là ce qu’il a entendu ; c’est ce qui
« lui a fait obtenir une suspension de payement pour la somme
« de 16,000 francs : son obligation est donc absolue, et sans con« dition. »
L e plus grand talent ne peut pas même colorer une mauvaise
assertion. L e citoyen Choussy n ’a pu poser sa thèse, qu’en avouant
toujours une condition qu’il veut ne pas exister; e t, dans la consé
quence de sa proposition , il dit une erreur.
Q uoi! 1<^tiers-saisi, qui paye au saisissant, a besoin d’obteni^de
faire prononcer une compensation envers le débiteur saisi! et avec
quoi compense-t-il? la compensation se fait d ’une dette à une autre.
L e chevalier de Brassac ne devoit pas au citoyen Maigne ; il n’y
avoit pas de compensation à obtenir.
Mais si la nécessité de la compensation, ainsi que l’entend le
citoyen C h o u ssy, faisoit accorder une suspension de payement
pour les 16,000 fr. il y avoit même raison pour les 20,000 francs ;
et cependant Maigne en iaisoitle payement. Les parties ne sentoient
donc pas l’évidente nécessité que le citoyen Maigne obtint une com
pensation; et, puisqu’il y avoit une cause de suspension, il falloit
nécessairement une condition. Si Maigne exposant 20,000 francs
n ’en vouloit pas exposer 56,o o o , et sc réservoit un jugement
�( 16 )
en sa faveur, avant d’être tenu de payer les 16,000 francs, il imposoit
à son engagem ent la condition de ne pas payer, si le jugement
étoit contre lui. Le citoyen Choussy n ’a donc pas prouvé que l’obli
gation du citoyen Maigne soit absolue et sans condition. Il y a
m ieu x, il ne le pense pas.
M ême page du m ém oire, le citoyen Choussy dit que le citoyen
Maigne devoit personnellement au chevalier de Brassac plus que la
somme de 56,000 francs , pour laquelle il s’obligeoit, et que cette
circonstance justifie l'obligation absolue et sans condition de
Maigne envers Choussy.
Mais si nous établissons qu’il ne pouvoit pas , en vertu de sa
saisie-arrêt, toucher sur la dette du citoyen Maigne envers le sieur
Ducros au delà des 20,000 francs qui lui furent payés com ptant,
nous aurons écarte l'induction du citoyen Choussy, tirée du fait qu’il
avance, et nous aurons prouvé encore que l’obligation n ’a pas été
absolue.
>■
O r , un calcul simple détruit et le fait et l’induction du citoyen
Choussy.
Par le traité du 2<)décembre 1786, le citoyen Maigné sereoonnoît
débiteur du sieur Ducros de 5 o,ooo francs: dans cette som m e, n'y
entre la créance des héritiers Bouchaud que pour 6,545 francs, parce
que le citoyen Maigne avoit payé sur cette créance 18,667 francs,
antérieurement au traité : reste bien pour la créance personnelle du
sieur de Brassac 45,667 fran cs; nous sommes d ’accord ju sq u e-là .
Mais le chevalier de Brassac , ou M aigne, doivent rembourser
2 6 , 0 0 0 fr. aux héritiers Bouchaud ; et si Maigne est Condamné, par
l’effet de l’engagement contracté par la quittance qu’il a fournie de
celte somme au sieur Fôurnier de T o u n y , de la payera la demoi
selle D u cro s, il est de toute évidence que le chevalier de B rassic,
qui a reçu de Maigne 18,667 francs , doit lui en faire raison , et
les imputer sur sa créance personnelle, qui , d è s-lo rs, diminue
d ’autant, et se réduit à 25,000 francs. — Le citoyen Maigne justifie
avoir payé 6,024 fr* au sieur Brassac après le compte réglé en 1786;
rt, avant la saisie'du 6 août 1787, il ne devoit en l’an 5 , età l’époque
du
�fïï
( 17 )
du traité avec Choussy , que 20,000 francs au sieur de Brassac
personnellement. Son obligation absolue , et sans condition ,
pour 36 ,ooo francs envers le citoyen Choussy , n’est donc pa&
justifiée.
Elle est donc sans cause cette obligation que le citoyen Choussy
veut n ’être pas conditionnelle, et elle est nulle. L a nullité ne
sauroit être méconnue : on ne peut ouvrir un livre de droit sans
y trouver le principe consigné.
Comm ent justifie—t-il maintenant le défaut de cause dans l’obli
gation absolue ? Il ne s’est pas donné la peine de l’entreprendre.
Il a dit ( hors celte thèse ) qu’il avoit fait des remises considé
rables à la succession de Brassac : mais ces prétendues rem ises, ne
profitant pas au citoyen Maigne , ne donnent pas une cause à son
obligation ; et nous établirons, dans un m om en t, qu’au lieu de
faire des remises sur sa créance, Choussy l ’a augmentée bien
indélicatement.
Il a dit encore que Maigne avoit obtenu des remises du che
valier de Brassac, qui n avoit pas pu en faire à son préjudice.
L e traité passé avec le sieur de Brassac porte bien , h la vérilé,
l’énonciation d’une remise de 18,657 francs ; mais nous avons déjà
remarqué que cette somme avoit été payée avec imputation sur
la créance propre aux héritiers Boucliaud , et que l’énoricialion
insignifiante d’une remise étoit une couleur à l’hypothèque que le
chevalier Ducros vouloit se conserver pour sa créance personnelle.
11 a été établi bien conIradictoirement a\ec le- citoyen C houssy,
dans l’instance au tribunal du district iVtsGoM><f sur la saisie-arrêt,
que les 18,657
avoient été reçus par le sieur de Brassac. C e
fa it, certifié par des hommes honnêtes et consideres dans Brioude,
témoins oculaires du compte fait avec le chevalier de Brassac , est
d’ailleurs justifié par le rapport de plusieurs pièces. Ces preuves
ont paru suffisantes aux citoyens V e r n y , T o u ttée , Favard et
Pagès , qui ont consigné dans une consultation donnée au citoyen
M aigne, le 28 thermidor an 7 , qU’à moins de se refuser à l’éviC
�( i8 )
dence, la certitude des payemens de 18,657 ^r* ne sauroit être
mieux démontrée.
N e parlez donc plu s, citoyen Choussy, de remises faites: vous
ayez tant besoin de vous taire à cet égard.
Revenant sur l’étendue et la validité de l’obligation du citoyen
M aigne, il n’y a pas de parti moyen pour Choussy.
L ’obligation est conditionnelle, au cas où le citoyen Maigne
feroit juger qu’il a bien payé au sieur Ducros la somme de 18,657 &•
sur celle de 25,000 fr. prix de l’office Bouchaud ; et dès qu’il a ,
au contraire , été jugé que Maigne avoit mal payé au tuteur ; qu’il
étoit personnellement tenu de faire valoir la quittance qu’il a
donnée ; et qu’il a été condamné à payer 22,5oo fr. à la dame
Ducros-d’A p ch ie r, le surplus demeurant au sieur Ducros son
fr è r e , il est de toute évidence que Maigne ne peut pas p a y e r, et
que Choussy ne peut pas réclamer la somme de 16,000 fr.
Si l’obligation ne contient pas la condition , elle est nulle à
défaut de cause, et le payement n ’en peut pas être demandé.
Il fa u t, à la validité d ’un engagement , une cause. Pour con
sentir une obligation , il faut en avoir reçu le montant ; sans cela,
point d’engagement valable.
C ’est ce qu’ont entendu les premiers juges, quand ils ont d it ,
dans un des motifs de la sentence dont est appel, que « l’acte du
« 27 thermidor an 3 ne contient aucune cession de droit de la
« part de Choussy en faveur de Maigne ; que Choussy n ’a pas
« renoncé, au surplus de ses droits contre le chevalier de Brassac;
« qu’il n ’y en est pas djt.un mot ; qu’il a encore moins subrogé
« Maigne à ses dpoi&T et qu’ainsi celui-ci n ’auroit ni d roits, ni
« qualités pour les exercer. »
Que répond le citoyen Choussy , page 26 de son mémoire ?
«
«
«
«
«
Lorsque le citoyen Maigne se reconnolt débiteur, sauf son
recours contre qui bon lui semblera , ne résulte-t-il pas de ces
expressions un transport ou une cession en faveur de Maigne ?
le tiers saisi qui paye au créancier saisissant n’est-il pas subrogé de plein droit au créancier qu ’il a payé ? »
�( *9 )
Peut on reconnoltre de l’identité de la subrogation légale, qui
s'acquiert par le fait du payement de la dette d’autrui, au trans
port de droits qui exige les conditions de la vente ?
L e payement fait à un saisissant, en déduction ou en extinction
de sa propre d ette, peut-il faire un transport de créance ? Le
tiers saisi n ’achète pas ; il se libère : il n’y a donc pas de subro
gation légale.
A u reste, la subrogation de droit n ’étant pas du fait du créan
cier qui reçoit tout ou partie de sa créan ce, et dans les limites
dans lesquelles elle a lie u , ne dépendant pas de la volonté du créan
cier , ne donne pas une cause valable à une obligation qui n ’en a
pas d’autre : ainsi point de prix , point de cause à l’obligation
absolue du citoyen Maigne.
N ’auroit-il pas pressenti un jugement conforme aux principes
invoqués , le citoyen C h oussy, quand il a voulu se placer dans
une situation de perte évidente, en se refusant à lui-même la res->
source de la tierce opposition à la sentence rendue au profit de la
dame Ducros , dont il critique la décision , en reprochant au
citoyen Maigne de ne s’être pas défendu?
Les divers jugemens rendus en faveur de la dame D u cro s, les
consultations dont le citoyen Maigne a fait les faux frais, prouvent
sa résistance à souffrir la condamnation prononcée contre lui en
faveur de la dame Ducros-d’Apchier. L es longs plaidoyers dont il
est porteur, l’appel en cause du citoyen C h o u ssy, prouvent qu’il
s’est défendu, et laissent au citoyen Choussy tout le tort de son
traltro et coupable silence.
Q u’il ne fasse donc de reproche qu’à lui-même ; et qu'il se con-»
duise franchement une fois.
Nous ne sommes pas chargés de sa défense ; mais nous soute'«
nons qu’il a d ro it, et qu’il est encore recevable à se pourvoir par
tierce opposition contre la sentence rendue au profit de la damo
Ducros-d’Apchier.
Pour être fondé dans une tierce opposition, il faut avoir intérêt
de faire réformer des condamnations qui rejaillissent contre nous.
C 2
�D e cet’ intérêt sorterit le droit et la qualité. E t puisque le citoyen
Choussy pense qué, pour être recevable dans une tierce opposition
à un jugem ent, il faut avoir eu, lors de ce jugem ent, une qualité
qui aie obligé de nous y ' appeler, il peut soutenir qu’il avoit
cette qualité , puisque, d’une p a r t, il a été appelé par le citoyen
M aigne, et par exploit; q u e , d’autre part, il avoit intérêt de faire
■dire que le citoyen de Brassac , son débiteur, avoit eu le droit
de recevoir du citoyen M aigné la créance mobiliaire des sieur""
et demoiselle Ducros , ses pupilles, et que le citoyen Maigne avoit
bien payé.
A u re ste , que le citoyen Choussy se conduise comme il lui
plaira à l’égard de la dame D ucros-d’A pchier: nous n ’avons d’objet
que celui de réfuter ses assertions, et de le montrer en guerre
perpétuelle avec la raison et les principes de loyauté et de justice.
Ici se borneroit la défense du citoyen Maigne , déjà assez éten
due ; mais il faut forcer le citoyen Choussy sur tous les points.
II pense qu’il n ’y a plus de délais pour le citoyen M aigne,
pour remplir la condition de son obligation ; et il le prouve par
un mauvais sophisme : voici son langage*, page 20 deson mémoire.
« Le citoyen Maigne pourroit-il penser que, parce qu’il s’est
« obligé de payer cette som m e, après avoir obtenu un jugement
« en sa faveur contre cette succession répudiée, il pouvoit se
<c jouer de ses engagemens, éviter ou reculera son gré le paye« m ent, jusqu’à ce qu’il lui plairoit d’obtenir un jugement contre
« le curateur à la succession vacante?
« Peut-il croire qu’après sept années de silence , il éludera une
« obligation formelle et absolue? Il n ’a pas dit qu’il ne payerait:
« qu’à condition qu’il obtiendroit un jugement en sa faveur ; il
w s'est obligé de payer, après l’avoir obtenu. »
• Nous adoptons la conséquence de l’argument du citoyen
Choussy. Maigne n’ayant pas dit qu’il ne payeroit qu’à condi
tion qu’il obtiendroit un jugem ent, s’est obligé de payer, après
avoir obtenu un jugement.
Eh bien! il n ’est pas obtenu ce jugem ent, ni contre le cura-
�( 31 )
leur , ni contre les héritiers Boucliaud. L e terme de la condition ,•
ou du payement si l’on v e u t, n’est donc pas arrivé; la condition
est à remplir.
Est-il certain que le citoyen Maigne n'eut pas encore le droit
d ’invoquer la clause de réserve, dans le cas où il seroit décidé
que c^st contre le curateur à la succession Ducros de Brassac,
qu’il a obtenu*le jugement convenu par le traité?
Il n’y avoit pas de terme lim ité; s'il ne doit pas être perpé
t u e l, il souffre néanmoins un long cours de temps, et sept
années ne sont pas le long temps défini par la lo i, il en faut dix
au moins.
O r , le citoyen Maigne fait ce dilemme. D e l'aveu du citoyen
C lioussy, je ne me suis obligé de payer qu'après avoir obtenu un
jugement contre le curateur du chevalier de Brassac; la consé
quence est que vous ne pouvez agir que quand le cas de la condition
exprimée sera arrivé. Votre demande est donc prématurée.
Si je me suis trompé , en pensant que c’étoit avec la dame
Ducros que je devois faire rendre un jugem ent, c’est bien parce
que vous, Choussy, m ’avez trompé aussi, et vous devez m e donner
le temps de réparer l’erreur. V otre action est encore prématurée.
Dans la situation des parties , l’homme et le juge sentent la
nécessité de surseoir encore à la demande du cit. Clioussy.
L a somme de 16,000 fr. qu’il demande à loucher, ne lui est
pas d ue, c’est ce qui sera établi. L e cit. M aign e, qui ne doit qu’une
lois sansdoute, l’a déjà payéeà ladame D ucros-d’Apchier, en vertu
de la sentence contre lui rendue depuis un an : il a quittance de
31,000 francs. L 'é q u ité , la rigoureuse justice, ne commandentelles pas la surséance? Choussy retient tous les effets se portant
à*i 1,260 fran cs, que le chevalier de Brassac et lui ont été con
damnés à rendre au citoyen Maigne. Choussy a même touché le
montant de plusieurs ; il est responsable des autres , s'ils ont péré■clité dans ses mains : est-il en souffrance?
M a is, peut-on nous d ire, la surséance n’est qu’un délai nouveau,
dont le terme laissera toujours le citoyen Maigne dans la même
�T
( 22
situation, puisque d’après lui tout jugement qu'il obtiendra contre
le curateur à l’hoirie du chevalier de Brassac, sera insignifiant à
l ’égard de la dame Ducros-d'Apchier.
C ette objection ne peut pas être faite par le citoyen C h o u ssy,
qui a écrit, et dans le traité et dans son m ém oire, que ce seroit
contre le curateur à l’hoirie répudiée que Maigne obtiendroit un
jugement en sa faveur. Il faut que la conventionr-soit exécutée
dans un sens ou dans un autre.
E t d’ailleurs ne s e r o it-il pas permis au citoyen Maigne de
prendre, à l’égard du citoyen Choussy, la place du chevalier de
B rassa c, son garant , et de compter avec le citoyen Choussy ?
Cela parolt incontestable : le garanti peut exercer les droits de
son garan t, et faire ce qu'il feroit lui-même. O r , avant que
Choussy puisse, en vertu de l’obligation conditionnelle du citoyen
M aigne, exiger le payement de la somme de 16,000 francs qui
appartient aux sieur et dame D u cro s, il doit justifier de la légi
tim ité de sa créance , établir par un compte contradictoire que
cette somme lui est encore due.
Choussy doit bien faire confirmer sa saisie , vis-à-vis le débiteur
principal; et M aigne, exerçant les droits de son garan t, peut bien
Requérir la liquidation de la créance de Choussy saisissant, et
demander un compte. ..
E n vain Choussy opposera le traité du 27 thermidor an 3 , pour
fin de non recevoir. Ce m o ye n , presque toujours en opposition à
bonne f o i , n ’est pas admis quand il parolt de l’erreur et de
l ’ignorance de fait.
O r , Maigne ignoroit, au 27 thermidor an 3 , que les effet»
M onlbrizct , de 10,000 francs , n'étoient pas la propriété de
C h o u ssy, mais seulement le gage saisi de sa créance. 11 pensoit*,
comme Choussy l'articu lo it, que les fonds en avoient été faits au
chevalier de Brassac.
Il ignoroit que le citoyen Choussy eût touché 5,75a liv. 18 sous
en vertu de ses saisies, et Choussy n’en parla pas : il ne les porta
pas eu déduction,
�( 25}
11 ignoroit que le cit. Choussy avoit vendu les Lois , les grains,
les charbons du chevalier de Brassac, et touché ses fermages du
domaine de D u rb iat, en vertu d ’autorisation sollicitée et obtenue
sous une reconnoissance que Choussy a toujours dissimulée.
C e n’est pas l’ignorance de d roit, dont personne n ’est excusé ,
que nous invoquons. C ’est l’ignorance de fa it, qui ne se couvre
pas mieux que Perreur de calcul : c’est le dol personnel du citoyen
Choussy.
A in si, point de fin de non recevoir contre le compte demandé au
citoyen Choussy.
En vain ilopposeroit que ce n’est pas par la preuve testimo
niale que l’on peut établir les recouvremens et les perceptions
articulés.
Dans l'état des choses et la situation des p arties, la preuve
testimoniale est admissible.
Premièrement, parce que le citoyen M aigne, étranger aux affaires
de Choussy et du chevalier de B ra ssac, n'a pas pu faire assurer,
par des écrits , l’usage et l'abus que le citoyen Choussy a fait des
mandats et des pouvoirs qu'il a reçus du chevalier de Brassac.
Secondement, la perception n’est pas une convention, mais un
fait personnel q u i, par sa publicité, constitue une comptabilité.
A u surplus, le cit. Maigne s’est procuré des pièces form ant des
preuves sur certains recouvrem ens, et des commencemens de
preuves sur une perception. E t peut-être en a-t-il assez pour la
preuve que Choussy a reconnu qu’il ne lui étoit rien dù par le che
valier de Brassac.
Il est sans contredit que le cit. Maigne est fondé à demander
la déduction des sommes qu’il établit ou établira avoir été reçues
par le cit. Choussy, en déduction de sa créance, contre la succes
sion du chevalier de Brassac, quoiqu’antérieurement au traité de
l’an 3 , dès que les pnycmens ne sont pas du fait du cit. M aigne,
et que le cit. Choussy les lui a laissé ignorer.
Mais y auroit-il quelques difficultés à ordonner le compte entre
Maigne et C h o u ssy, sans l’assistance du curateur à l’hoirie du
�VJ*
i l l
(=4)
chevalier Je Brassac ? C'est alors 1« cas d ’accorder au cit. Maigne
1111 délai, pour agir contre ce curateur. Ce sera laisser au citoyen
M aigne, et la faculté convenue, et le temps de satisfaire à la clause
du traité de l'an 3 , sous tous les rapports et dans tous les sens. C e
sera le relever de l’erreur dans laquelle il a été, si vraiment il a
erré.
Ce délai demandé et l'action à diriger contre le curateur serontils sans fruit pour le cit. M aigne? Ici s’expliquent les motifs et
l ’intérêt qui justifient et démontrent l'absolue nécessité de surseoir
à statuer sur l'appel, jusqu'à ce que le cit. Maigne aura, confor
mément à l'expression de la clause du traité de l'an 3 , fait pro
noncer Contre le curateur à l’hoirie du chevalier de Brassac.
Cette explication toutefois n'est «ordonnée, il faut que le cit.
Choussy le sache b ien , que parce que le cit. Maigne n ’entend pas
taire ce qu'il se propose. Il ne connoît pas la dissimulation : il
s’irrite de la fourberie, et ne ruse jamais; car il suffiroit au cit.
M aigne de dire : Je n ’ai pas, dites-vous, satisfait aux expressions
de la clause de notre traité, énonciative de la condition sous laquelle
j’ai promis payer iG,ooo francs; ce n’éloit pas contre les héritiers
Bouchaud que je devois obtenir un jugement, c'étoit contre les hé
ritiers du chevalier do B rassac, ou le curateur à son hoirie. Eh
bien , n’y ayant pas eu de délai lim ité, il ne peut pas y en avoir de
fatal ; je suis toujours à temps, et je me soumets à satisfaire à la
clause, autant qu’il sera en mon pouvoir. E t certes, la faveur
méritée au cit. Choussy ne fera pas fléchir la rigueur des prin
cipes en ce point.
L e cit. Maigne se propose donc, si la justice le met dans cette
nécessité, de faire nommer un curateur à l’hoirie abandonnée et
non répudiée du chevalier de Brassac; de form er contre lui une
action en recours des condamnations prononcées en faveur de la
dame D ucros-d'Apchier, ou de la demande du cit. Choussy.— Pouf
p'irer à l’action du cit. M aigne, le curateur n’aura de ressources,
que de faire cesser la prétention du cit. Choussy contre le cil*
M aigne, en faisant dire avec lui q u ’il n ’est pas créancier.
�W
'
(25)
A lo rs, par le secours des âmes b ien nées, se débrouillera la con
duite tortueuse du cit. Choussy. L à se découvrira l’abus d’une con
fiance demandée par écrit, et qui devoit rassurer le chevalier de
Brassac. L à reparoîtra peut-être l’écrit fait double entre Choussy
et le chevalier de Brassac, contenant reconnoissance d e s nantissem e n s, des mandats dont Choussy a voulu se faire des titres de
créance. L à enfin s’établira, nous en avons la certitude, puisque
déjà nous en avons de si fortes preuves, que Choussy n ’est pas
créancier.
E t alors le curateur se fera renvoyer de la demande récursoire
du cit. M aigne; et le cit. Choussy déclaré non créancier aura ce
qu’il exige, le jugement en faveur du curateur contre M a ign e, et
le cas de la condition exprimée dans le traité du 27 thermidor an 3 ,
arrivera en sens contraire, au cas dans lequel M aigne pouvoit seu
lement payer , ( un jugement en sa faveur ) ; et tout rentrera dans
l'ordre et dans les principes d’équité. L a dame Ducros aura sa
chose propre. Maigne ne payera pas deux fois. Choussy ne
touchera pas injustement.
Nous terminons par un voeu bien sincère. L e citoyen M aigne
donne au citoyen Choussy un bel exemple d ’une grande franchise,
même en procès, en lui révélant le secret m o tif du subsidiaire.
Puisse cet exemple fructifier dans l’àme des plaideurs, et rappeler
le citoyen Choussy au sentiment de la considération nécessaire
à un magistrat !
A.
M A I G N E .
V A Z E I L L E , défenseur avoué
A R IO M
, de
l' imprimerie de L a n d r i o t , seul imprimeur du Tribunal
d’appel. _ An XI.
^
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Maigne. An 11]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Vazeille
Subject
The topic of the resource
créances
saisie
actes de notoriété
offices
commerce
mines
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire signifié en réponse, pour le citoyen Maigne, négociant, habitant de la ville de Brioude, intimé ; Contre le citoyen Jean-Joseph Choussy-Dupin, ex-négociant, habitant actuellement la ville du ¨Puy, appelant.
Table Godemel : Transaction : 2. la transaction sur procès convenue entre les parties, le 27 thermidor an 3, par laquelle Maigne resta débiteur de 16000 livres, constitue-t-elle, de sa part, une obligation absolue, ou conditionnelle ? s’il y a erreur, doute ou obscurité dans la rédaction, contre qui doivent-ils être interprétés ?
affaire jugée par juridictions successives
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
An 11
1784-An 11
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
25 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1305
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1304
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53194/BCU_Factums_G1305.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Brioude (43040)
Brassac-les-Mines (63050)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
actes de notoriété
commerce
Créances
Mines
offices
saisie
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53193/BCU_Factums_G1304.pdf
ab2a1a80d5498a12c002533695df0e67
PDF Text
Text
ta
tty
10
MEMOIRE
TRIBUNAL
D’APPEL
POUR
SÉANT A RIOM .
L e citoyen J e a n - J o s e p h C H O U S S Y , juge
du tribunal d arrondissement du P u y , appelant
d 'un jugement rendu au tribunal d'arrondisse
ment de Brioude, le 27 prairial an 10 ;
CONTRE
L e citoyen A
n t o i n e
M A I G NE,
aîné,
propriétaire, habitant de la ville de Brioude,
intimé.
L e jugement contre lequel réclame le cit. Choussy,
a déchargé le citoyen Maigne du payement d'une somme
de 16,000 francs, dont il s’est reconnu débiteur par une
transaction sur procès.
A
�( 2)
Il ne peut s’élever aucun doute sur la légitimité de la
créance. L e citoyen Maigne ne s’est défendu que sur
des prétextes futiles, qui ne peuvent en imposer à per
sonne ; comment donc les premiers juges ont - ils pu
s’égarer au point de rejeter la demande du citoyen
Choussy ? c’est ce qui paroîtra inconcevable, lorsqu’on
connoîtra les faits et les circonstances particulières de
cette cause.
F A IT S .
L e citoyen Choussy étoit créancier de sommes consi
dérables de feu Antoine Ducros de Brassac, plus parti
culièrement connu sous le nom de chevalier de Brassac.
Les citoyens M aigne, négocians à Brioude, étoient, à
leur tour, débiteurs du chevalier de Brassac, etlui avoient
cédé trois billets à ordre, souscrits par la damé Dugard
de Cheminade, formant ensemble la somme de 7 ?^9 °
plus, quatre billets de 2,5oo fr. chacun, faisant 10,000 fr.,,
souscrits par le citoyen Croze-Montbrizet, dit Moniflouri..
Le citoyen Ducros-Brassac passa, au prolit du citoyen
G ^oussy , son ordre de ces différons billets, tant de ceux
de la femme Dugard, que de ceux de Montbrizet-Mont*
°
fleuri.
Ces derniers, souscrits par Montileuri, avoient d’abord
été donnés en nantissement au citoyen Lamotte ; et ces
émissions ou négociations firent naître plusieurs procès*
Le citoyen Choussy lorma demande contre Lamotte
pour la remise des effets de Montileuri, et poursuivit
en même temps ce dernier, pour le payement. Monlllchiri
contesta la validité de l’ordre, sur le fondement que le
�te l
( 3 )
citoyen Maigne n’avoit donné qu’une simple signature
qui ne pouvoit équivaloir à un ordre. Le cit. Clioussy
exerça son recours contre le chevalier de Brassac : et
quoique Montbrizet n’eut aucune qualité pour contester
la validité de l’ordre, puisqu’il étoit le tireur; qu’il n’eût
aucun intérêt, puisqu’il étoit toujours débiteur du mon
tant de l’effet; néanmoins, après une ample discussion,
il fut rendu, sur productions respectives, en la ci-devant
sénéchaussée de Riom, une sentence du 23 août 1787,
qui décida que les billets n’avoient pas été valablement
négociés; débouta le citoyen Clioussy de sa demande,
condamna le chevalier de Brassac à le garantir, sauf le
recours du chevalier de Brassac contre Maigne.
Le citoyen Choussy interjeta appel de cette sentence
au ci-devant parlement de Paris ; le chevalier de Brassac,
sur l’appel, exerça un contre - recours contre M aigne;
mais, l’affaire n’ayant pas été vidée au parlement avant
sa suppression, l’appel fut porté au ci-devant district de
Clermont, où il a encore resté impoursuivi.
Un second procès s’éleva encore pour les billets de la
dame Dugard-Cheininade. Le cit. Choussy fit protester
les effets, faute de payement à l’échéance, et assigna
Maigne au tribunal de commerce de Clermont, en
remboursement du montant. M ais, au tribunal de com
merce, le citoyen Choussy ne fut pas plus heureux. Maigne
( prétendit, contre toute vérité, qu’il y avoit la môme
irrégularité dans la forme de l’ordre; et un jugement
du 21 juillet 1790 débouta le citoyen Clioussy de sa
demande. Nouvel appel au parlement, qui ne reçut point
de décision, et qui a depuis clé porté au ci-devant district
A 2
�(4
de Tliîers , °ù ^ a resté également impoursuivi.
Bientôt naquit un troisième procès entre le citoyen
Choussy et les citoyens Maigne, au sujet de plusieurs saisiesarrêts que le citoyen Choussy fit faire entre leurs mains,
comme débiteurs du chevalier de Brassac. Cette instance
fut d’abord portée à la ci-devant sénéchaussée de Riom;
ensuite, par l’emplacement, au tribunal de district d elà
même ville ; et, le 19 août 1791, il fut rendu un jugement,
sur productions respectives, qui sursit de six mois à
faire droit sur la demande en saisie-arrêt, pendant lequel
temps les parties feroient respectivement leurs diligences
pour faire statuer sur les appels dont on vient de parler,
ainsi que sur une demande formée au tribunal de district
de Brioude, par la demoiselle de Brassac et son frère,
contre les citoyens Maigne, en restitution d’une somme
de 25,ooo francs, que ces derniers avoient reçue pour
elle-, demande qui avoit été formée par exploit du 12
mars 1791.
Il est à propos d’expliquer l’objet de la demande en
saisie-arrêt du citoyen Clioussy. Les citoyens Maigne,
père et fils, éprouvèrent de grands dérangemens dans
leurs affaires; ils furent même obligés d’en venir à un
contrat d’attermoiement avec leurs créancier?; et comme
ces derniers n’ignoroient pas que les citoyens Maigne
avoient des affaires à régler avec le chevalier de Brassac,
il fut convenu que les citoyens Maigne 11e pourroient
traiter avec lui qu’en présence et du consentement des
syndics des créanciers.
Les citoyens Maigne étoient débiteurs de sommes
considérables envers le chevalier de Brassac ; mais il
�( 5)
est encore ‘nécessaire de remarquer que le cit. Brassac
étoit tout à la fois créancier personnel, et encore comme
tuteur de ses neveu et nièce.
M. Bouchaud , conseiller au grand conseil, étoit oncle
de dame Aimé Boucliaud , veuve Brassac , mère des
pupilles du chevalier. Ce M. Bouchaud fit un testament
le 8 octobre 1777 > pa1' lequel il légua à dame Aimé
Bouchaud , sa nièce, sa charge de conseiller au grand
conseil, et substitua la somme de 20,000 fr. à MarieGabrielle-Jeanne-Adélaïde Ducros de Brassac, sa petite
nièce. M . Boucliaud décéda au mois de février suivant;
et sa nièce ne lui survéquit que jusqu’au mois d’avril de la
meme année. Ses enfans mineurs furent mis sous la tutelle
du chevalier de Brassac, leur oncle, qui vendit la charge
de conseiller au grand conseil, dont étoit pourvu JVÆ. Bou
chaud, à M . Fournier de Touny. Cette vente, en date
du 18 décembre 1784, fut faite moyennant la somme de
25,000 fr. payable après l ’obtention des provisions.
Le chevalier de Brassac donna une procuration au
citoyen M aigne, intimé , petur toucher cette somme de
2Ô,ooo fr. ; et celui-ci en fournit quittance le 23 février
1784 : les termes de cette quittance sont remarquables.
Maigne oblige le chevalier de Brassac, et s'oblige en son
nom -personnel, d’employer la somme de 25, 000 fr. de
la manière la plus utile pour les mineurs, et d’en ju s
tifier à M . de T o u n y , à toute réquisition , à peine de
tous dépens, dominages-intéréts.
Maigne ne s’étant pas libéré de cette somme, ¿\ l’é
poque du dérangement de scs affaires, il fallôit néces
sairement l’employer dans le compte qui devoit être fait
�'
( 6 )
avec le chevalier (le Brassac ; et on voit qu’en effet, le
29 décembre 1786, il fut passé un traité entr’eux, en
présence des syndics des créanciers, pour régler tout ce
qui étoit dû au chevalier de Brassac.
£,e premier objet porté à ce traité est la somme de
25,ooo fr. reçue par Maigne, intimé; mais cet article
est réduit à une somme de 6,343 francs, avec condition
néanmoins , qu’à défaut de payement aux termes qui
seroient convenus, le chevalier de Brassac pourroit faire
valoir la quittance dans son entier.
Le surplus des sommes dont les Maigne se reconnoissent débiteurs, est personnel au chevalier de Brassac :
bref, le débet est arrêté et fixé à la somme de 5o,ooo f.,
à laquelle le chevalier de Brassac veut bien modérer
ses créances ; et il accorde dix-huit anuées pour le paye
ment , à raison de 2,778 francs par année.
Sans doute qu’on vouloit soustraire ce traité à la
connoissance de l’appelant; car il ne fut passé que sous
seing privé : mais le citoyen Choussy, instruit que les
citoyens Maigne étoient débiteurs de sommes considé
rables envers le chevalier de Brassac, obtint permission
de faire saisir et arrêter entre leurs mains tout ce qu’ils
devoient; et, comme les incidcns grossissent entre les
mains des citoyens Maigne, cette saisie-arrêt forma
bientôt une instance considérable. Inexactitude dans les
déclarations, refus de justifier du traité; enfin, exhi
bition de cet acte jusqu’alors inconnu ; mais incident
sur les procès qui existoient déjà entre les parties, et
de là le jugement du district de Riom , dont on a
rappelé plus haut les dispositions.
�. ( 7 )
En cet état, les parties se rapprochèrent ; et, le 27
thermidor an 3, il fut passé un traité entre l’appelant
et l’intimé. Comme cet acte est la base et le fondement
du procès sur lequel le tribunal a à statuer, on va en
faire connoître les dispositions; mais on observera avant
tout, qu’avant l’époque de ce traité le chevalier de
Brassac étoit décédé; que ses neveu et nièce avoient
répudié à sa succession , et qu’il avoit été nommé un
curateur à la succession vacante.
Le citoyen Maigne étoit bien convaincu qu’il ne pouvoit échapper aux condamnations réclamées par le cit.
Choussy. Les deux premiers jugemens qui avoient été
rendus, étoient contraires à l’usage reçu dans le com
merce, pour les billets à ordre : des actes de notoriété des
tribunaux de commerce, et des négocions attestoient que
dans le commerce on 11e reccvoitque de simples signatures
pour passer l’ordre d’un billet : il y avoit encore cette
circonstance particulière, que les citoyens Maigne attes
toient eux-mêmes cet usage. Le citoyen Choussy est
porteur d’un acte de notoriété, signé des cit. Maigne,
en date du 8 avril 1783. D ’un autre côté, il n’y avoit
que les billets de Montbrizet, dont l’ordre avoit été
passé avec la simple signature ; ceux de la dame DugardClieminade étoient remplis : d’ailleurs le citoyen Maigne
ne les avoit-il pas donnés lui-m êm e en payement, et
n’en étoit-il pas responsable? il l’avoit bien senti : aussi,
parle Irai té du 27 thermidor an 3, il est convenu que,,
pour terminer définitivement tous procès entre les parties,
dont l’un au tribunal de Thiers, pour les trois billets A
ordre de la dame Dugard-Cheminade; l’autre au district
�m
de Clermont, pour raison des quatre billets à ordre de
Croze-M ontbrizet; le troisième au district de R iom , pour
les saisies-arrêts faites à la requête du citoyen Choussy,
comme créancier du chevalier de Brassac, tant du montant
des sommes portées en ces billets, que de celle de 26,944 f.
portée par sentence du tribunal de commerce de Brioude,
ensemble des intérêts ', frais et dépens ; le cit. Choussy
veut bien réduire et modérer toutes ses créances, tant
en principaux qu’accessoires, à la somme de 36,000 fr.
Sur cette somme, Maigne compte au citoyen Choussy
celle de 20,000 fr. assignats, et s’en fait consentir quit
tance, de ses mains et deniers, sauf son recours contre
qui bon lui semblera.
A l’égard des 16,000 francs restans, le citoyen Maigne
s’oblige de les payer au cit. Choussy, aussitôt les jugemens
rendus en faveu r de lui Maigrie, contre les héritiers
Ducros de Brassac , ou quoique ce so it, contre le cura
teur à Thoirie répudiée dudit D u c r o s de Brassac.
Il est stipulé qu’au moyen de cet arrangement, les
effets de la dame Dugard de Cheminade , ceux contre
ledit Ducros de Brassac, toutes les pièces et procédures,
même les effets de Croze-Montbrizet étant entre les mains
du sieur Lamotte, seront remis et délivrés au citoyen
Maigne. Le citoyen Choussy donne une procuration ad
hoc, pour retirer les eifets d’entre les mains de Lamotte ;
et enfin il est ajouté que le citoyen Choussy ayant été
condamné par sentence de la sénéchaussée de Riom, aux
dépens envers Croze-M ontbrizet, le citoyen Maigne
promet d’acquitter ces dépens , d’en garantir le citoyen
Choussy, et tous les frais qui, peuvent être faits dans
la
�te7
1
( 9 )
la suite dans les tribunaux , pour les jügettietls qué
Maigrie se propose d*obtenir contre qui bon luisscmblera, doivent être entièrement à sa charge ; au moyen
de q u o i, tous procès mus et à mouvoir dans les tribu
naux de Thiers, Clermont et Riom , demeurent éteints
et assoupis.
Il est difficile de concevoir comment il pouvoit y avoir
lieu à contestation entre les parties, d’après ce traité. Une
transaction sur procès est l’un des actes les plus solennels,
que les lois ne permettent pas d’enfreindre. Le citoyen
Maigne reste débiteur d’une somme de 16,000 francs : il
obtient des grâces i des remises de son créancier. C’est
toujours dans le même esprit, et par une suite de la modé-*
ration du citoyen Choussy, qu’il veut bien suspendre le
payement de la somme de 16,000 francs, jusqu’à ce que
Maigne eût fait régler ses intérêts avec le curateur à la
succession vacante du chevalier de Brassac ; et la seule
action qu’eût à intenter Maigne contre cette successions
c’étoit' d’obtenir la- compensation des sommes qu’il payoit
au citoyen Choussy, avec celles dont il s’étoit reconnu
débiteur envers le chevalier de Brassac , par le traité de
1786, et dont il n’avoit pu se libérer aüi préjudice des)
saisies-arrêts du citoyen Choussy. Mais il'faut surtout faire
attention que Maigne ne se réserve d?autre action que'
contre les héritiers du chevalier de B rassac tiOu quoique
ce soiPcontre là curateur à sa sucôessioîi répudiée : ce
sont les expressions.littérales' du traité; et 011 doit biense garder de les étendre à tout- autre discussion ; car le
système du citoyen Maigne est de •faire croire qu’on a
compris dans cotte réserve toutes les discussions qu’ir
B
�( 10 )
pourroit avoir avec la famille du chevalier de Brassac,
contre sa nièce ou son neveu personnellement ; et c’est
sans cloute ce qui a produit l’erreur des premiers juges,
si on peut qualifier ainsi leur décision.
Maigne, depuis ce traité, a gardé le silence. Le citoyen
Choussy s’est vu obligé de le traduire en justice, par
eédule du 13 messidor an 5 , pour parvenir au paye
ment de cette somme de 16,000 francs, portée au traité
qu’on vient d’analiser.
Qu’a imaginé le citoyen Maigne, pour faire diversion
à cette demande ? La demoiselle Ducros de Brassac, avec
laquelle il a pris depuis des arrangemens particuliers y
l’avoit fait assigner au tribunal de la H aute-Loire, par
exploit du 11 nivôse an 7 , en payement d’une somme de
22,5oo francs; savoir, 20,000fr. montant delà substitution
qui lui avoit été faite par M. Bouchaud son oncle, et celle
de 2,5oo francs, faisant moitié des 5,ooo francs qui formoient le surplus du prix de la charge de conseiller au*
grand conseil. Cette action étoit la suite de celle intentéeà Brioudecn 1791.
I,a demande de la demoiselle Ducros étoit fondée sur
la quittance qu’avoit fournie le citoyen Maigrie à M. de
T o u n y, de la somme de 2Ô,ooo francs, et sur l’obligation
■personnelle qu’il avoit contractée de faire un emploi utile
de ces deniers.
Il étoit sans contredit facile au citoyen Maigne d’écarter
cette demande. L e chevalier de Brassac, tuteur, avoit
qualité pour vendre la charge, et en toucher le prix. Le
citoyen M aigne avoit compté de cette somme au chevalierde Brassac, ainsi qu’il résulte du traité de 1786. S’il avoit
�\3
( ** )
contracté l’obligation personnelle dans la quittance de
M . de T ou n y, cette obligation ne regardoit que l’acqué
reur , et pour sa sûreté, ad cautelam einptoris , comme le
dit la loi : les mineurs n’étoient pas partie dans cette
quittance; ils n’avoient donc d’action que contre leur
tuteur ou contre sa succession répudiée ; et la demoiselle
Ducros étoit non recevable à attaquer le citoyen Maigne.
Mais ce lu i-ci, qui avoit ses vues, se garda.bien de
contester la demande en elle-même ; il prétendit seule
ment qu’il étoit attaqué pour le même objet par le citoy.
Choussy, et demanda la jonction de ces deux demandes.
L a défense de la demoiselle Ducros, contre cet inci
d en t, répond à toutes les objections que Maigne propose
Contie te citoyen Choussy.
Voici comment elle s’e x p r im a :
« La demoiselle Ducros ne réclame point, dans ce
a moment, les sommes que le citoyen Maigne peut devoir
« à la succession de François-Antoine Ducros, son oncle
« et son tuteur, dont elle a répudié l’hoirie, et dont elle
cc est créancière de sommes considérables; elle ne demande
« que ses deniers personnels dont le citoyen Maigne est
« dépositaire, pour ne pas en avoir fait l’emploi comme
« il s’y étoit obligé par sa quittance du 12 février 1785.
« La saisie faite à la requête du citoyen Choussy ne
« frappe pas sur les deniers de la réclamante, et n’est
« point faite à son préjudice. Les arrangemens subsistanis
« entre le citoyen Maigne et le citoyen Choussy nd la1
« regardent nullement ; et il ne scroit pas juste de Pcx« poser au désagrément d’une jonction de deux instances
« très-distinctes, et qui doivent être jugées séparément. »
J3 2
�Ho
(12 )
Eu conséquence , le .tribunal , considérant que la dejnande de la demoiselle Ducros n’avoit aucune connexité
avec le différent subsistant entre le citoyen Maigne et le-'
citoyen Choussy; que ce différent ayant pour objet les
deniers dûs par le citoyen Maigne au citoyen Ducros >
ne pouvoit préjudiciel' aux droits et réclamations de la
demoiselle Ducros, qui ne répétoit que scs propres de
niers dont le citoyen Maigne étoit dépositaire, dont il
n’avoit pas fait l’emploi comme il s’y étoit obligé par une
clause expresse de sa quittance, le débouta de sa demande
en jonction, par jugement du 6 messidor an 7.
Bientôt le tribunal de la Haute-Loire fut remplacé par
les tribunaux d’arrondissement : dès-lors le cit. Choussy
traduisit le citoyen Maigne au tribunal d’arrondissement
de Brioude; et quoique Maigne eût ( depuis ) traité avec
la demoiselle de Brassac, par acte sous seing privé et
devant des témoins qu’on connoît, il se fit également
poursuivre par la demoiselle de Brassac au même tribunal;,
et le 5 prairial an 10 il a été rendu un jugement, de
concert entre la, demoiselle Brassac et Maigne, qui con
damne ce dernier à, lui payer la somme de 22,5oo francs,,
avec les intérêts depuis 1785, époque de la quittance par
lui fournie.
L e 27 du même m ois, la cause du citoyen Choussy a
été portée à l’audience, sur la demande en payement de
la somme de 16,000 francs; et il y est intervenu un juge
ment contradictoire dont il est essentiel de connoître les.
motifs et les dispositions.
11 seroit diflicile de l’apprécier par une simple analise*
Les premiers juges mettent en question d’abord si l’obli~
�( 13 )
gation contractée par Maigne, par le traité du 27 ther
midor an 3, est -purement personnelle , ou si elle dépendoit d’une condition.
Pour entendre cette première question, il faut supposer
que les jüges ont voulu dire, Si l’obligation étoit absolue
ou conditionnelle ; car certainement elle est personnelle
dans tous les cas.
2°. Si le jugement dont les parties ont entendu parler
dans ce traité, au lieu d’être en faveur de Maigne, ayant
été rendu contre lu i, il peut être tenu de payer égale
ment la somme qui faisoit l’objet de son obligation.
Pour le cou p , les premiers juges se sont égarée dans
cette question : certes ce n’est pas là ce qu’ils avoient à
juger ; mais ils avoient à examiner si le citoyen Maigne
ne s étant réservé que la faculté d’obtenir un jugement
contre les héritiers du chevalier de Brassac, ou quoique
ce soit contre sa succession répudiée, ils pouvoient exeiper
du jugement qu’il avoit fait rendre en faveur de la de
moiselle Ducros. Si ce jugement de la demoiselle Ducros
ne formoit pas un objet distinct et indépendant de l’obliga
tion; voilà la véritable et la seule question qui pouvoit
naître, et sans contredit elle n’étoit pas difficile à résoudre.
Troisième question également ridicule. Si ce traité de
I?an 3 contient réellement une subrogation, une cession
de droits de la part de Clioussy en faveur de Maigne.
Lu partant de ces questions si singulières, le tribunal
a considéré, « i° . qu’il est établi par le traité passé avec
« le chevalier de Brassac, le 29 décembre 1786, que
« Maigne lui devoit seulement la somme de 5o,ooo fr.
« et qu’au moyen du payement de cette somme, Ducroa
�( 14 )
« de Brassac avoit promis de le tenir quitte; qu’ainsi
« Maigne ne pouvoit être tenu de payer cette somme
« au chevalier de Brassac ou à ses ayant-droit.
« 2°. Que quoique ce traité paroisse annoncer qu’il y
« a e u , à cette époque, quelque remise faite par le
« chevalier de Brassac en faveur de M aigne, il paroîtx,
« d’un autre côté, que cette remise n’a point existé,
« puisque les syndics des créanciers de ce dernier l’ont
« attesté par une déclaration ; que ce fait, attesté par les
« syndics des créanciers, se trouve concorder avec les
« écrits de Ducros de Brassac rapportés par Maigne; que
« le payement qui a été imputé par le tuteur sur la
« créance de ses mineurs, n’ayant point été alloué par
« le jugement du tribunal rendu entre eux et M aigne,
« doit nécessairement être imputé sur la créance person« nelle du tuteur.
. « 3°. Que par des requête et écriture du 18 juillet
« et 13 août 1791 , signifiées de la pai't de Maigne au
« citoyen Choussy, il avoit été justifié à ce dernier,
« i°. du certificat des créanciers, des pièces y relatées,
« et en exprès de l’exploit de demande du 12 mars 1791
« de la demoiselle Ducros et de son frère ; que ces actes
a et procédures ont en partie servi de motif et de base
« ?u jugement du district de Riom , du 19 août 1791 ,
« qui prononce un sursis de six mois, pendant lequel
« temps les parties feraient statuer sur leurs prétentions
« respectives, et ledit Maigne sur la demande formée
« contre lu i, de la part desdits Ducros de Brassac, en
« payement de la somme de 26,000 francs.
« 4°* Quc ce jugement iixoit le dernier état des choses
�-----------I4&
( i5 î
« entre Choussy et M aigne, lors du traité du 27 ther« midor an 3 ; qu’ainsi il est visible que lorsqu’ils sont
« convenus que Maigne payeroit la somme de 16,000 f . ,
« lorsqu’il auroit obtenu des jugemens en sa faveur ,
« contre les héritiers Ducros de Brassac , les parties
« n’ont entendu parler d’autres jugemens que de celui
« qui devoit intervenir sur la demande formée par
« exploit dudit jour 10 mars 1791 , de la part desdits
« Ducros de Brassac contre ledit Maigne.
« 5°. Que ce jugement, qui est celui du 5 prairial der« nier, au lieu d’être en faveur de Maigne, est entière« ment contre lui ; que son obligation étoit subordon« née à ce jugement , qu’en même temps qu’elle étoit
« personnelle, elle étoit conditionnelle, et dépendoit
« d un jugement qu’on espéroit devoir être rendu en
« faveur ; qu’ainsi, dès que le résultat a été tout autre
« que celui quyon espéroit, il ne doit plus être con« traint au payement de l’obligation qu’il avoit con
te tractée conditionnellement.
« 6°. Que le traité qui a été respectivement souscrit
•te ne peut souffrir de division ni d’exception de la part
« du citoyen Choussy; qu’il doit être exécuté en son
« entier, comme ayant été souscrit et dicté par les par« ties, par suite du jugement du 19 août 1791*
« 70. Que Pacte du 27 thermidor an 3 ne contient
« aucune cession de droits de la part de Choussy, en
« faveur de Maigne; que Clioussy n’a point renoncé au
« surplus de ses droits contre le chevalier de Brassac ;
« 'qu’il n’y en est pas dit un mot ; qu’il a encore moins
,
�( 16
c< subrogé M aigne à ses droits ; et qu’ainsi celui-ci
« n’auroit ni droit ni qualité pour les exercer.
« 8°. Que Ie traité ne pouvoit pas être plus rigou« reux que le jugement en dernier ressort, qui auroit
« adjugé à Choussy ses conclusions, et que Maigne n’au« rcit jamais pu être condamné qu’à vider ses mains de
« ce qu’il devoit à Ducros de Brassac, -au moment des
« saisies; et que, d’après ce qu’il a payé à Choussy, ou
« qu’il est obligé de payer à la demoiselle Ducros, d’a« près le jugement dudit jour 5 prairial an 10 , il ne
« doit plus rien ; que dès-lors le cas prévu par le traité
« anéantit et résout son engagement, puisque Choussy ne
« peut pas avoir plus de droits que Ducros de Brassac,
« son débiteur.
« 90. Que si le citoyen Choussy prétend que le juge« ment, rendu en faveur de la demoiselle Ducros de
« Brassac, lui est trop favorable , et qu’il peut être
« rétracté, il a les voies de droit, pour se pourvoir contre ;
« mais que ce jugement et les pièces dont Maigne est
« porteur-, et dont partie émane de Choussy luirmôme,
« prouvent que Maigne a payé ou. est obligé de payer
« plus de 60,000 fr. au lieu de 5o,ooo fr. qu’il devoit
« réellement. Il seroit injuste de l’obliger à payer encore
« les 16,000 fr. dont il. s’agit.
«, Bar tous ces m olifs, il est donné acte à Maigne de
« ce qu’il reconnaît les écritures, et, signatures-mises au
« bas de l’acte du 27 thermidor, an 3.,.et., faisant; droit .
« au principal, le citoyen Choussy est débouté,- de: sa
« demande, et condamné en tous les dépens.»
Le
�k if
C *1 )
Le citoyen Choussy a interjeté appel de ce jugement
Il se flatte d’établir que le citizen Maigne ne peut éviter
le payement de la somme de 16,000 francs, portée par
la transaction sur procès, du 27-thermidor an 3.
Il prouvera que l’obligation de Maigne est absolue et
sans condition ;
*
Que la réserve est une simple suspension, q u i, dans
aucun cas, ne peut le dispenser de se libérer;
Que cette réserve ne peut frapper sur la demande for
mée en 1791 par la demoiselle Ducros et son frère ;
Que la prétention de la demoiselle Ducros est distincte
et absolument indépendante de faction qu’avoit à former
Maigne contre la succession du chevalier de Brassac; qu’ainsi
les premiers juges ont grossièrement erré dans leur déci
sion; que les motifs du jugement sont iticonséquens, con
tradictoires et inintelligibles, et qu’il faut Vouloir se refuser
à l’évidence, pour élever des doutes sur la demande du
citoyen Choussy.
O11 ne doit pas perdre de vue que, par l’acte du 27 ther
midor an 3 , les parties ont transigé sur les trois procès
qui existoient alors; que Maigne a considéré ces procès
comme lui étant personnels. Et, en effet, ils ne pouvoient
concerner que lui seul, puisque Maigne avoit passé l’ordre
des billets de la dame Dugard de Cheminade, comme de
ceux de Montfleuri ; qu’ainsi il étoit évidemment garant
envers le chevalier de Brassac, qui lui-môme avoit été
condamné à garantir le citoyen Choussy.
Le citoyen Choussy veut bien, en considération du
tttàft'é^'^ôdüirë 'èt modérer ses1'créances ;\ la somme*de
36,000 francs, tant en principal qu’ifitércts et Trais : mais
�Ui/o
•
(*8 3
cette remise n’est; faite que .sous la conditipn que,Margne
se reconnoît personnellement débiteur delà sommeréduite.
Dos ce monient, les procès qui subsistoient ne regardent
plus le citoyen Clioussy : -toutes les .pièces doivent être
délivrées à Maigne; c’est lui qui se* charge de les retirerdans les trois tribunaux où les procès étoient pendanis. Les
eifets de la dame Dugard-Chcminade lui sont délivrés -, il
reçoit une procuration pour retirer les effets de CrozeMontbrizet, entre les mains du sieui^Lamotte : enfin ,
Maigne s’oblige d’acquitter; tous les fraise-les dépens aux
quels lecitoy. Choxassy avoit été eontLamné envers CrozeMontbrizet; il fait son affaire personnelle de tout; prend
tous les événemens sur son compte; se charge d’obtenir
des jugemens contre qui bon lui semblera, et à ses dépens*
Voilà des obligations absolues et sans condition, sur.les
quelles ne frappe pas la réserve particulière qui donnelieu ù la contestation.
R e l a t i v e m e n t î\ la s o m m e de 36,000 fr a n c s , dont il se
reconnoît débiteur, il paye la somme de 20,000 francs,
et en retire quittance de ses deniers (*); mais pour la sommede 16,000 francs, il s’oblige de la payer au citoy. Clioussy r
aussitôt les jugemens rendus eu sa faveur contre les héri
tiers Ducros de Brassac, ou quoique ce soit contre le:
curateur à l’hoirie répudiée \dudit Ducros de B ra ssa c..
Il n’y a point d’équivoque dans ces exprçssipps. Ce n’est
pas contre la demoiselle Ducros. de,,Brassac .personnelle
ment,.qu’il fait cette réserve ; maiq seulement-contre la,
, ( * ) A.rC*po(jue- du p a y e m e n t, l^ s o m m q de ¿ojpoo jfrance cru
assignats ne representoit <jue celle de Goo francs .numéraire*
�<4<f
(
)
succession répudiée du chevalier, puisqu'il ne parle que
des héritiers de ce dernier, o u , ce qui est la in,ême chose^
contre sa succession répudiée'; car on ne contestera pas
sans doute que ces mots*, quoique ce soit, veulent dire,
ce qui est la même chose. Il peut d’autant moins y avoir
de doute sur ce point , qu’il est aujourd’hui irrévocable
ment jugé que la demande de la demoiselle Ducros étoit
indépendante de l’action, que pouvoit avoir Maigne sur
la succession du chevalier de. Brassac.
- Les premiers juges, n’ont pas voulu remarquer cette
circonstance; cependant lorsque Maigne a voulu demander
la jonction de la demande formée par le citoyen Choussy
avec celle de la demoiselle ^Ducros, cette dernière n’at-elle pas dit qu’il n’existoit aucune cqnnexité- ni le
moindre rapport entre, sa -ca,usç . et celle du citoyen
Choussy ?
••
,
!
N ’a-t-elle pas articulé qu’elle lie rcclamqit point les,
sommes que Maigne pouvoit devoir à la succession do
son oncle, son tuteur, dont elle avoit répudié l’hoirie,
dont elle étoit créancière de sommes très-considérables ?
,£s’a -t-e lle pas ajouté qu’elle ne demandoit que ses
deniers personnels, dont Maigne étoit dépositaire; que
la saisie laite à la requête du citoyen Choussy ne Jfrajj-*
poit pas sur ses deniers., et n’étoit point à son préjudice;
qu’enfin les arrangemens subsjstans. enti;e le cit. Maigne
et le citoyen Choussy ne la regardoient nullement ?
Le tribunal d u P iiy, pav SODL jugempnt du. 6 messidor
an 7 , a consacré formellement la vérité de ces propo
sitions, soit en l’expliquant dans scs motifs, soit en dé
boutant le cit. Maigne contradictoirement de sa demande
en jonction.
C a
�Ütir
( fo )
Ce jugement a passé en 'force de chose jugée. L e
citoyen Mâîgne ne l’a point attaqué; il est donc irré
vocablement décidé que la réserve portée au traité du
27 messidor au 3^ ne s’applique qu’à la succession répu
diée du chevalier de Brassac.
O r , le citoyen Maignë pourroit-il penser que parcequ’il s’est obligé de payer cette somme, après avoir obtenu
un jugement en sa faveur contre cette succession répu
diée, il pouvoit se jouer de ses engagemens, éviter ou
reculer à son gré le payement, jusqu’à ce qu’il lui plairoit d’obtenir un jugement contre le curateur à la succes
sion vacante ? ' ’ '
: J 1
P eu t-il croire qu’après sept années de silence, il élu
dera ainsi une obligation formelle et absolue ? Il n’a
pas dit qu’il ne payerait qu’à condition qu’il obtiéndroit
un jugement en sa faveur ; il s’est obligé de payer, aprè&Tavoir obtenu.
O r , nulle: difficulté pour l’obtenir. D ’une part, il'
n’avoit à discuter que contre un curateur à une succes
sion vacante ; et ce n’est plus alors qu’une vaine for
malité qui n’éprouve aucune-contradiction., D ’un autrecôté, il ne pouvoit en éprouver aucune; ilétoit débiteur
du chevalier de Btassac en vertu du traité de 1786.
Le cit Choussy, créancier du» chevalier de Brassac r
avoit fait saisir entre ses mains : Maigne paye en vertude cette saisie; dès-lors, nécessairement et évidemment
il devoit obtenir une compensation sur la succession du
chevalier de Brassac.-C’est là ce qu’il a entendu; c’est
ce qui lui a fait obtenir une suspension de payement
pour la somme de 16,000 fr. : son obligation est dona
�(21 )
absolue et sans condition. Mais pourquoi le citoyen
Choussy ne diroit-il pas le vrai motif de cette réserve?
c’est lui seul qui l’a proposée, pour éviter le rembour
sement intégral de sa créance, Maigne vouloit tout payer
alors, et en eût été quitte pour une valeur moindre de
1,200 francs : le citoyen Choussy ne vit d’autre moyen
de l’éluder qu’en proposant d’attendre que Maigne eût
fait régler ses droits avec le curateur»
Maintenant, il ne sagit que de suivre les motifs du
jugement, pour en montrer l’inconséquence et la futi
lité des prétextes qu’ont saisis les premiers juges.
Le premier motif n’appi-end autre chose, sinon que
par le traité du 29 décembre 1786, entre le chevalier
de Brassac et Maigne , celui-ci lui devoit une somme
de 5o,ooo francs, au moyen de laquelle Ducros de
Brassac avoit promis de le tenir quitte.
Mais pourquoi n’est-on pas allé plus loin dans ce
motif? pourquoi n’a-t-on pas dit que cette somme
de 5o,ooo francs étoit due personnellement au chevalier
de Brassac , presque dans son intégralité, puisque les
2Ô,ooo francs qui sont l’objet de la demande de la
demoiselle Ducros, n’y sont entrés que pour la somme
6,343 francs ? Le citoyen Maigne étoit donc débiteur
personnellement, envers le chevalier de Brassac, d’une
somme de 43,657 francs ; voilà de quoi justifier l’obli
gation qu’a contractée le citoyen Maigne envers le cit.
Choussy, puisque celui-ci a réduit ses créances en prin
cipal , intérêts et frais , à la somme de 36,000 francs,
et que Maigne devoit une somme plus considérable en.
principal, au chevalier de Brassac , sans compter les
intérêts et les frais-
�\
(: 22 )
A la v é r i t é les premiers juges y dans' leur second .
m otif, disent q u e, quoique ce traité de 1786 paroisse '
annoncer qu’il y a eu , à cette époque, quelques remises
faites par le chevalier de Brassac en faveur de Maigne,
il paroît, d’un autre côté, que cette remise n’a point
existé, puisque les syndics des créanciers de Maigne l’ont i
attesté par une déclai'ation , et que ce fait attesté. se ,
trouve concorder avec les écrits de Ducros-Brassac, rap
portés par Maigne.
“ Mais d’abord l’attestation des créanciers n’est qu’une
enquête à futur, abrogéeipar l’ordonnance de 1667 , et
qui ne peut ■
être:d’aucune considération.: ■ , ; D ’ailleurs, de quelle importance pourroit être le fait
de savoir si Maigne a obtenu cette remise ou non ?
Maigne ne!l’ignoroit pas lorsqu’il a passé le traité;avec. ,
le citoyen Choussy; il ilvoit bien les écrits du chevalier
de Brassac, qui étoit décédé; et il ne s’est pas moins
obligé au payement de la créance du citoyen Choussy.
’ D ’un autre côté , que résulteroit-iL de la circonstance
qu’il n’a pas obtenu de remise? rien autre chose, sinonqu’il étoit débiteur de sommes plus considérables envers
le chevalier de Brassac ; et un motif de plus pour arrêter
les poursuites du citoyen Choussy.
En vain les premiers juges auroient-ils dit que le paye
ment qui a été imputé par le tuteur sur la créance des
mineurs, n’a point été alloué par le jugement du tribu
nal'Jli rendu entre la demoiselle Ducros et le citoyen
Maigne. Si le citoyen Maigne s’est mal défendu ou .n’a
pas voulu sc défendre, il ne peut pas en faire le reproche
nu citoyen Choussy, étranger à toutes ces discussions; et
�lil
( ^3 3
il est ridicule d’en tirer la conséquence que cef payement
doit être imputé sur la créance personnelle du tuteur. On
développera plus amplement cette proposition qui revient
encore dans les autres motifs du jugement dont est appel.
Les premiers juges ont dit, en troisième lieu, que par
des écritures et requêtes signifiées en 1791 , Maigne avoit
justifié au citoyen Choussy des certificats des syndics des
créanciers, des pièces y relatées, de l’exploit de demande
de la demoiselle de Brassac et de son frère, et que ces
actes, procédui*es et pièces ont en.partie servi de base
au jugement du district de Riom, du 19 août 1791, qui
prononce un sursis de six mois , pendant lequel temps les
parties feroient statuer sur leurs productions respectives,
et Maigne feroit ses diligences sur la demande contre
lui formée par la demoiselle de Brassac et son frère. On
ajoute que ce jugement fixoit le dernier état des choses ;
que dès-lors il est visible que Maigne, parle traité du 27
thermidor an 3, n’a entendu parler d’autre jugement que
de celui qui devoit intervenir sur la demande de la de
moiselle Ducros et de son frère.
Il n’est pas possible de déraisonner plus complètement.
Dès que Maigne et Choussy connoissoient tous deux la
demande de la demoiselle de Brassac et de son frère, si la
reserve ayoit dû porter uniquement sur cette demande,
011 l’eut disertement exprimée et relatée. Et comment la
réserve pouvoit-elle frapper sur celle demande? Quel
qu’en fut l’évenement, Maigne ne pouvoil être condamné
qu’t\ payer une somme de 25,000 francs; il n’en restoit
pas. moins encore débiteur de sommes considérables en
vers la succession du chevalier de Brassac. Le citoyen
�Ch )
Choussy n’avoit rien à démêler avec la demoiselle Ducros;
il n’ctoit créancier que de la succession du chevalier ; et
il ne tombe pas sous les sens, il répugne à la raison ,
que le citoyen Choussy eut voulu subordonner le payement
de sa créance à l’événement d’une demande qui lui étoit
étrangère, formée par une personne avec laquelle il n’avoit rien à discuter, puisqu’elle avoit répudié à la succes
sion du chevalier, et que cette répudiation étoit connue
du citoyen Choussy.
Maigne ne pouvoit pas espérer d’imposer à son créan
cier une condition aussi onéreuse qu’extraordinaire. La
prétention de la demoiselle Ducros ne nuisoit en aucune
manière aux droits du citoyen Choussy, premier saisis
sant , et qui, comme te l, devoit être préféré ù tous autres
créanciers.
Maigne n’a donc fait porter la suspension du paye
ment que sur la succession du chevalier de Brassac ; et
cela est d’autant plus évident, que , sans aucune condi
tion, il se charge exclusivement de toutes les procédures,
se fait délivrer les effets tous personnels au chevalier de
Brassac, et doit obtenir à ses frais les jugemens qu’il
croit nécessaires, et contre qui bon lui semblera.
S’il y avoit la plus légère ambiguité, elle s’interpréteroit contre le débiteur qui reconnoît la légitimité de
la créance et entre en payement. S’il ne doit pas la somme
de 16,000 fr. , il doit aussi se faire restituer la somme
de 20,000 fr. qu’il a payée; c’est au moins ce qui résulteroit des motifs du jugement; on ne croit pas cepen
dant que le citoyen Maigne ose élever cette prétention.
O r, comme il n’y a pas plus de raison pour payer les
20,000
�( *5 )
20,000 francs que les 16,000 francs , il faut en tirer la
conséquence qu’il ne peut éviter lu condamnation récla
mée par le citoyen Choussy.
Les clauses d’un traité sont indivisibles et corrélatives ;
tel est le principe le plus certain en cette matière-, et,
d’après la substance du traité, on ne peut y voir autre
chose, sinon que Maigne s’est reconnu débiteur de 36,000 f.
que son créancier a bien voulu lui accorder un délai pour
se libérer d’une partie de cette somme. Mais ce délai ne
peut être illimité , et doit être sainement entendu ; il ne
pouvoit durer que jusqu’au terme raisonnable et néces
saire pour se mettre en règle avec le curateur à la suc
cession vacante ; deux mois étoient plus que suflisans.
Maigne n’a fait aucune diligence pendant sept ans ; il
n’a donc plus aucun prétexte pour retarder sa libération.
Par une suite des premiers motifs qu’on vient de dis
cuter, les premiers juges observent que le jugement du 5
prairial an 10, au lieu d’être en faveur de Maigne, est
au contraire contre lui ; que son obligation étoit subor
donnée à ce jugement; qu’en même temps qu’elle étoit
personnelle, elle se trouvoit conditionnelle, et dépendoit
<l’un jugement qu’ on espéroit devoir être rendu en sa
faveur; qu’ainsi, dès que le résultat a été tout autre que
celui qu’011 espéroit, il ne doit plus être contraint au
payement de l’obligation qu’il a voit contractée condition
nellement.
C’est contre leur propre connoissance que les premiers
juges ont ainsi raisonné. Ils 11e pouvoient ignorer que
le jugement du 5 prairial 11’étoit pas celui que Maigne
avoit en vue. Les premiers juges connoissoient le jugeP
�( 2 6 )
ment du-Puy, dit 6 messidor an 7 ; le cit. Gioussy en
a argumenté dans ses défenses ; e t, lors de la plaidoirie
de la cause, il a rappelé les dires de-la-demoiselle Ducros
qui n?avoient pas été contredits par* le- citoyen- Maigne;
il a invoqué les motifs de ce jugement et l’autorité'de la
chose jugée ; il a prouvé que la demande de- là demoi
selle Ducros avoit un tout autre objet: mais les premiers
juges n’ont pas voulu s’en apercevoir. Ont-ils cherché U
écarter cette induction puissante pour favoriser le citoyen
M aigne? Il est permis de le croire , plutôt que de leur
faire l’injure de penser quTils ont donné dans un piège
aussi gi*ossier.
Qu’importe que lracte du 27 thermidor an 3 contienne
ou ne renferme aucune cession de droits ! il est absurde
de dire que le citoyen Choussy n’a pas voulu renoncer \
une partie de ses droits contre le citoyen Dncros de
Brassac; il est également ridicule de prétendre que le
citoyen Choussy n’a pas subrogé M aigne.
L e citoyen Choussy pouvoit-il conserver ses droits,
lorsqu’il remettoit tous les titres? Comment auroit-il pu
les exercer, dès qu’il n’avoit dans les mains aucuns titres
qui constituassent ses créances ?
Lorsque le citoyen Maigne se reconnoît débiteur, sauf
son recours contre qui bon lui semblera , ne résulte-t-il
pas de ces expressions un transport ou une cession en
laveur de M aigne? le tiers saisi qui paye un créancier
saisissant n’est-il pas subrogé de plein droit au créan
cier qu’il a payé? Et d’ailleurs, comment une subroga
tion pouvoit-elle etre utile? On conçoit qu’un créancier, qui paye un créancier antérieur, peut exiger une
�Ç 27 )
subrogation de celui qu’il a payé. Mais le débiteur qui
vide ses mains en celles du saisissant, ne peut espérer
qu’une compensation, et n’a aucun autre droit à exer
cer. Il faudroit devenir créancier pour prendre la place
de celui qu’on a payé ; ici Maigne étoit débiteur , et
ne faisoit que s’acquitter.
Mais, d it-on , le traité ne pouvoit pas être plus rigou
reux que le jugement en dernier ressort, qui auroit adjugé
à Choussy ses conclusions ; et Maigne n’auroit jamais pu
être condamné qu’à vider ses mains de ce qu’il devoit à
Ducros de Brassac, au moment des saisies. O r, d’après ce
qu’il a payé à Choussy, ou ce qu’il est obligé de payer à la
demoiselle D ucros, d’après le jugement du 5 prairial
an 10, il ne doit plus rien : dès-lors le cas prévu par le
traite anéantit et résout son engagem ent, puisque Choussy
ne peut pas avoir plus de droits que Ducros de Brassac,
son débiteur.
C’est ainsi que les premiers juges tournent sans cesse
autour d’un cercle vicieux. D ’abord, il n’est pas vrai en
principe que Maigne n’auroit jamais pu être condamné
qu’au payement de ce qu’il devoit à Ducros de Brassac,
en vertu du traité de 1786.
Le*cit. Choussy étoit créancier du chevalier de Brassac,
antérieurement à ce traité. Il n’étoit pas permis au cheva
lier de Brassac de faire des remises, au préjudice de ses
créanciers. D ’après la disposition des lois, au flf. Qucc ùi
fraudent crédit oru/n , le citoyen Choussy pouvoit exercer
les droits de son débiteur, et, en cette qualité, exiger de
M aigne, sans aucune réduction, l’intégralité des sommes
qu’il devoit au chevalier de Brassac.
Da
�Ui
; . • ( *8 )
D ’un autre côté, on a vu que, par le traité Je 1786,.
indépendamment de l’objet particulier qui revenoit aux
enfans Ducros, Maigne étoit encore débiteur envers le
chevalier de Brassac d’une somme de 43,667 francs. Ainsi,
quelles que soient les condamnations qu’ait obtenues la
demoiselle de Brassac , Maigne- étoit toujours débiteur ,
envers la succession du chevalier, de sommes plus consi
dérables que celles qu’il s’est obligé de payer au citoyen
Choussy : dès-lors, le raisonnnement des premiers juges
tombe de lui - même ; ils ne marchent que d’erreur en
erreur.
Ils croient répondre à tout, en ajoutant que si le citoyen
Choussy prétend que le jugement rendu en faveur de la
demoiselle Ducros, lui est trop favorable, il peut aujour
d’hui être rétracté, et que le citoyen Choussy a les voies
de droit pour se pourvoir contre ce même jugement.
Oh ! certes il n’est pas douteux que ce jugement ne soit
trop favorable. M ais c’cst ignorer les premiers principes,,
que d’avancer que le citoyen Choussy a des moyens de
droit pour le faire rétracter.
On dit que ce jugement est trop favorable à la demoi
selle Ducros. En efTet, il est aisé de prouver que la demoi
selle Ducros étoit sans droit, comme sans qualité /pourrépéter la somme de 25,000 francs contre Maigne. Celuici soutient qu’il s’est libéré de cette somme, entre les mains
du chevalier de Brassac , tuteur. Or , tout le monde sait
que le payement fait au tuteur, durant sa charge, est
valable, quoique le tuteur soit insolvable. Telle est la
disposition précise de la loi 46, au code, § . 5 , et § ultim,.
de adm. etpcric. tut.; de lu loi 13, au code, de adm. tuU
�( 29 )
Tandis qu’au contraire ce payement, fait au pupille, ne
libérerait pas le débiteur. Le tuteur a seul qualité pour
recevoir : il en est du payement fait au tuteur, comme de
celui que feroit le débiteur de la dette dotale de la femme
au mari même insolvable; le débiteur est toujours valable
ment libéré. Ce n’est pas à lui d’examiner la solvabilité
du tuteur ou du mari' ; il suffit qu’il connoisse la qualité :
et d’ailleurs on auroit le droit de l’y contraindre.
Il est vrai que, dans l’espèce particulièx-e, Maigne s’etoit
rendu personnellement responsable envers M. de Touny :
mais ce n’est ic i, comme on l’a dit plus liaut, qu’une
sûreté que le débiteur a exigée ; les mineurs ne sont point
partie dans la quittance ; le tuteur n’a pas stipulé pour eux;
ce n est point envers eux que Maigne s’est obligé de jus
tifier de 1 emploi des deniers ; ce n’est qu’envers M!. de
Touny personnellement : et dès-lors il est évident que
Maigne pouvoir écarter sans retour les prétentions exa
gérées de la demoiselle Ducros.
S’il ne l’a pas fait, ce n’est que pour se ménager un
moyen contre le cit. Choussy, par ce malheureux penchivnt qui l’entraîne à se jouer de tous ses engagemens;
il avoit déjà pris des engagemens secrets avec la demoiselle
de Brassac pour une somme très-modique; s’il se permettoit de le désavouer, ou lui citeroit les témoins qui ont
présidé à l’arrangement, et qui en ont été les. rédacteurs.
Le jugement du 5 prairial a été rendu de concert, et ne
peut influer en aucune manière sur le sort de la contes
tation.
-A.il surplus, par quelle voie le citoyen Choussy pourroit-il attaquer ce jugement du 5 prairial? Seroit-ce par
�( 3° )
la tierce opposition? Mais pour former une tierce oppo
sition à un jugement, il ne suffit pas d’avoir intérêt de
le détruire; il faut avoir eu, lors de ce jugement, une
qualité qui ait obligé de vous y appeler.
O r, non-seulement le citoyen Choussy n’avoit pas de
qualité pour être appelé au jugement rendu en faveur
de la demoiselle Ducros; mais il étoit même irrévocable
ment jugé que cette discussion lui étoit étrangère, et indé
pendante de l’action qu’il avoit formée contre Maigne :
dès-lors il n’a donc pas qualité pour former tierce oppo
sition, puisqu’il n’a pas dû. être appelé à ce jugement.
. Seroit-ce par la voie de l’appel ? car l’ordre judiciaire
n’admet que ces deux moyens. Mais pour se rendre appe
lant , il faut encore mieux être partie dans le jugement ;
et celui du 5 prairial n’est pas rendu avec le citoyen
Choussy. Dès-lors il n’est pas-vrai que le cit. Choussy
puisse se pourvoir par les voies de droit , pour faire
réformer le jugement du 5 prairial ; et ce motif, qui paroît
être un de ceux qui ont déterminé les premiers juges,
lie fait pas honneur à leurs lumières.
Lorsqu’on a réfléchi sur la cause, sur les moyens pro
posés par le cit. Maigne, sur les motifs qui ont déterminé
le jugement dont est appel, il esi impossible de concevoir
comment le citoyen Choussy a pu succomber. Son droit
étoit évident et certain ; l’action cju’il a intentée est à
l’abri de toute critique; elle est appuyée sur une transac
tion sur procès. L ’ordonnance da 1 56o ne permet pas de
se pourvoir contre un traité de cette nature. L ’obligation
du cit. Maigne est absolue; on a démontré que sa réserve
n’a trait qu’à lu succession répudiée du chevalier de
�(31)
Brassac ; il a dû, comme il a pu, faire liquider ses droits
sur cette succession. En supposant que son obligation ne
fût que conditionnelle, la condition seroit censée accom
plie, faute par lui d’avoir fait les diligences nécessaires;
il est incontestablement débiteur de la succession répudiée.
Le cit. Choussy, premier saisissant, devoit être nécessai
rement payé par préférence à tous autres. M aigne, en
s’obligeant envers lui, a eu une cause légitime et néces
saire; il ne peut donc se soustraire au payement de la
somme de 16,000 francs, réclamée par le cit. Choussy,
et le jugement du tribunal de Brioude doit être nécessai
rement réformé.
Signé, J. J. C H O U S S Y .
Le cit. P A G E S de Riom , ancien, jurisconsulte.
V E R N I È R E S , avoué.
A
R I O M , de l’imprim erie de L a n d r i o t , seul im prim eur du
T rib u n a l d ’appel. — A n 1 1
�
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Factums Godemel
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[Factum. Choussy, Jean-Joseph. An 11]
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Pagès
Vernières
Subject
The topic of the resource
créances
saisie
actes de notoriété
offices
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour le citoyen Jean-Joseph Choussy, juge du tribunal d'arrondissement du Puy, appelant d'un jugement de Brioude, le 27 prairial an 10 ; Contre le citoyen Antoine Maigne, aîné, propriétaire, habitant de la ville de Brioude, intimé.
Annotations manuscrites: Résultat du jugement du 26 floréal an 11, 1ére section.
Table Godemel : Transaction : 2. la transaction sur procès convenue entre les parties, le 27 thermidor an 3, par laquelle Maigne resta débiteur de 16000 livres, constitue-t-elle, de sa part, une obligation absolue, ou conditionnelle ? s’il y a erreur, doute ou obscurité dans la rédaction, contre qui doivent-ils être interprétés ?
affaire jugée par juridictions successives
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
An 11
1784-An 11
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
31 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1304
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1305
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53193/BCU_Factums_G1304.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Brioude (43040)
Brassac-les-Mines (63050)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
actes de notoriété
Créances
offices
saisie
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53140/BCU_Factums_G1112.pdf
2417b6c704a33735dd2b89dff5e61efc
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MEMOIRE
POUR Jean -C
laude
C H A R C O T -C O R L E A S ,
habitant de la ville de L y o n , appelant de deux TRIBUNAL
,
,
.1
.1
»APPEL,
jugem ens ren d u s, l' un au ci-d evan t tribunal civil iéjDt k Riomdu départem ent de l’A i n , le 21 ventôse an 8 ;
l’autre au tribunal civil de première instance ,
séant à B ourg , chef-lieu
du départem ent de
l’A i n , le 2 3 prairial an 8,
C O N T R E A n t o i n e -Fr a nçois G A U L T I E R
,
juge au tribunal civil de première instance 'du
département de la Seine ; et dame M
,
a g d e l a in e
N E R V O son épouse, habitans de la ville
de Paris intimés.
de
,
L e jugement de cette affaire appartenoit naturellement
au tribunal d’appel séant à L yo n ; le citoyen Gaultier a
cru devoir récuser ce tribunal, par des motifs qui lui sont
personnels. Il s’est pourvu au tribunal de cassation , en
m
�9^
( ^ )
vertu de l’article L X V de la constitution , pour obten'r
son renvoi devant tout autre juge.
Un premier jugement du tribunal de cassation , du 21
vendémiaire an 9 , avoit renvoyé la cause devant le tri
bunal d’appel séant à Dijon.
L e citoyen Charcot-Corléas, mécontent de ce premier
choix , soit à raison de l’éloignem cnt, soit par d’autres
motifs qu'il est inutile d’e x p liq u er, s’est pourvu ¿1 son tour
au tribunal de cassation , a été reçu opposant au jugement
du 21 vendémiaire, et en a obtenu un second le 21 n i
vôse an 9 , qui renvoie les parties devant ce tribunal, pour
y être statué sur l'appel interjeté par le citoyen Charcot
des jugemens rendus h B o u r g , département de l’Ain.
Ces préliminaires sembleroient annoncer une cause trèsimportante , des questions difficiles à résoudre, ou qui
intéressent l’ordre public, pour lesquelles sur-tout on doit
être exempt de toutes préventions : il n’est cependant pas
de cause plus simple.
L e citoyen G aultier, ci-devant député à la convention
nationale, avoit emprunté du citoyen Mognat de l’Ecluse,
le i er juin 1793» une somme de 30,900 francs assignats,
payable au 1e1' juin 1796.
Quelque temps avant l’échéance du term e , le citoyen
Gaultier fo r m e le plan de se libérer en mandats envers
son créancier.
Il existoit des rapports d’alliance, d’aliaircs et d’amitié
entre le citoyen Gaultier et le citoyen Cliarcot-Corléas.
Le citoyen Gaultier prie ce dernier de vouloir bien se
charger de faire ce remboursement au citoyen Mognat.
Suivant le citoyen Gaultier, les mandats dévoient gagner
�( 3 )
prodigieusement ; le corps législatif, dont il ¿toit m em b re,
devoit prendre des moyens pour leur donner la plus grande
faveur et le plus grand r ’édit.
Il n’imagine pas que le- citoyen Mognat soit assez dé
raisonnable pour refuser un remboursement aussi avan
tageux.
Si le citoyen Mognat entendoit assez peu ses intérêts
pour ne pas accepter, le citoyen Gaultier prie alors le
citoyen Charcot de charger un défenseur officieux de faire
faire des offres réelles au domicile du citoyen M ognat, et
de faire prononcer , en cas de refus, la permission de con
signer les sommes offertes.
L e citoyen Mognat n’a pas été de l’avis du citoyen
G aultier\ il a fallu en venir à des offres réelles, obtenir
un jugement qui permettoit de consigner. Dans l’inter
valle du jugement à la consignation, est arrivé un décret
q ui, au lieu de donner une grande valeur aux mandats ,
a suspendu les remboursemens ; le receveur a refusé la
consignation ; le citoyen Gaultier n’a pas été libéré.
* L e citoyen M ognat a pris de l’humeur , a poursuivi
le citoyen Gaultier en payement de ses billets échus. L e
citoyen Gaultier a imaginé d’exercer une demande en gai*antie contre le citoyen Charcot-Corléas : il a fait prononcer
cette garantie par le jugement dont est appel.
L a prétention du citoyen Gaultier est-elle fondée? tel
est l'abrégé de la contestation qui s’élève entre les parties.
Cette demande est extraordinaire et peu réfléchie. L ’ap
pelant espère de la combattre avec s u c c è s ; mais elle en
traîne avec elle d’assez longs détails : elle exige certain,
développement. Il est sur-tout essentiel de faire conupitre
A 2
�(4 )
l’orrgine et la nature des rapports qui ont existé entre les
parties.
Jean César d e .N jrv o avoit épousé en premières noces
une demoiselle Hodieu. L e père de la future épouse cons
titua à sa fille , à compte de ses droits dans la succession
de la dame Berthelon, sa m è r e , une somme de 21,000 fr.
P o u r acquittement de cette constitution, le père vend à
César de N e r v o , son g en d re , la charge de contrôleur
contre-garde de la monnoie de L y o n , dont il étoit pourvu.
Cette vente est faite moyennant la même somme de
21,000 fr. dont le mari fournit quittance.
D eu x enfans sont issus de ce premier mariage, Benoit
et Magdelaine : cette dernière a épousé le cit. Gaultier.
César de N ervo , devenu v e u f, a contracté un second
mariage avec Louise Charcot , fille de Claude Charcot
aîné , et plusieurs enfans sont provenus de cette seconde
■union.
L e 17 octobre 1786 , César de N ervo et Louise Charcot,
son épouse , empruntèrent et consentirent une obligation
solidaire de la somme de 8,000 fr. ¿\ l’ordre du cit. CharcotCorléas, appelant ; ils souscrivirent également à son profit
deux promesses de 275 fr. chacune, payables en fête des
saints des années 1788 et 1789. Cette obligation et les
promesses étoient stipulées à ordre, et le citoyen Corléas
passa cet ordre à Claude Charcot aîné,beau-père de César
de Nkrvo. )
}.xr 5 septembre! 1789 , César de N ervo vendit à Claude
Charcdti son -‘beau-père, une maison sise à Lyon , et un
domaine dans la commune de Fontaine , moyennant
68.800 f r . , dont son beau-père resta débiteur.
�(
5
}
A cette époque , les affaires de César de N ervo étoient
dans le désordre. Il cessa , bientôt ap rès, ses payemens ;
scs créanciers acceptèrent l’abandon de ses biens par un
contrat d’union , commencé le 4 décembre 1789 , clos
le 20 janvier 1790, et homologué.
César de N ervo ne possédoit alors que sa charge de
contrôleur ; son beau-père n’avoit acquis ces biens, comme
on l’expose dans le traité d'union , que pour éviter les
frais d’une vente judiciaire. Malgré qu’il fût créancier,
il offre lui-même de rapporter à la masse le prix de son
acquisition, et tout cela étoit insuffisant pour couvrir la
faillite de son gendre.
Comme il n’y avoit rien à g a g n e r, aucun des créan
ciers ne vouloit se charger d’être syndic. L e cit. Corléas,
allié de César de N e r v o , par une affinité éloignée,
accepta ¡généreusement cet emploi de syndic, et l’a tou
jours exercé gratuitement.
L e citoyen G aultier, gendre du failli, figure dans l’acte
d’abandon; mais le citoyen Corléas, en sa qualité de
syndic, n’étoit comptable qu’à la masse des créanciers, et
non au citoyen Gaultier. L e citoyen Corléas, d’ailleurs,
loin d’être débiteur personnel, étpit au contraire créan
cier de César de Nervo.
Comme syndic, il a versé dans les mains des créanciers
les sommes qu il a reçues, même î\ des créanciers posté
rieurs au citoyen Gaultier , et du c o n s e n t e m e n t de ce der
n ier, qui croyoit trouver une sûreté su ffis a n te pour ce
qui lui étoit dû , dans la valeur de l’office de contrôleur
de la monnoie , dont son beau-père étoit encore pourvu.
Suivant le citoyen Gaultier lui-même, les créances qu’il
�cfoyoit avoir à répéter sur les biens de son beau-père, se
portoient à la somme de 1 5,262 francs : le citoyen Corlé.s
en étoit débiteur, comme syndic. Les choses étoient en
cet état, lorsque le citoyen Gaultier emprunta du citoyen
M ognat , le I er. juin 1793, une somme de 30,900 f'r.
on n’a pas oublié que le payement de cette somme devoit échoir en juin 1796.
L e citoyen Gaultier vouloit se libérer en mandats en
vers son créancier; il lui avoit annoncé ce projet, mais
il ne recevoit point de réponse. Alors il s’établit une cor
respondance suivre entre le citoyen Gaultier et le citoyen
Charcot-Corléas.
C ’est cette correspondance qui donne lieu à la contes
tation soumise au tribunal; il est donc nécessaire d’en
faire l’analyse : on joindra d’ailleurs les lettres originales
au mémoife.
Dans une première lettre du 4 floréal an 4 , le citoyen
Gaultier écrit : « J ’espérois que vous tne feriez connoître
« la réponse du citoyen M ognat.......J e rien suivrai pas
« 7//oins le plan que j'ai formé de me libérer ¿iléchéan ce;
« veuillez m'annoncer de suite si vous êtes dans l’inten« tion de vous libérer envers ma fem m e , parce que si
a cela ne vous convenoit pas, j’enverrois la totalité des
« fonds, tandis que je me bornerai , dans le cas con« traire, a faire passer le supplément.
« J ’attends votre réponse très - prochaine ; et si le ci
te toyen Mognat refusoit son remboursement, j’espère
« que vous voudrez bien remettre à un homme d'a fia ires
& les fonds que je vous enverrai, pour qu’il soit en état
« du réaliser les oifres. »
*
�$oi
C7 )
a Je vous répète que mon intention n’est pas de con« trarier vos projets pour le remboursement ; mais il
« m’irnporte de savoir à quoi m’en tenir, pour que je
<r puisse me liquider vis-;Vvis le citoyen Mognat.
Dans une lettre du 6 prairial suivant, le cit. Gaultier,
après avoir énoncé les sommes dont il se croit créancier
de l’abandon de son beau-père, dit : * Je vous ai annoncé
« que mon intention étoit d’employer le reliquat à me
« libérer envers le citoyen Mognat ; je n’ai pas dû eon« sidérer l’avantage que vous y tro u vie z, parce que la
« loi est précise. »
Quel avantage pouvoit trouver le citoyen Corléas à ce
remboursement? Il n’étoit pas débiteur personnel du
citoyen G aultier; il n’étoit comptable que comme syndic
des créanciers Nervo. T o u t l’avantage du remboursement
tournoit au bénéfice du failli, et non du syndic.
L e citoyen Gaultier ajoute, par la même lettre : « D e « vant au citoyen Mognat 30,900 francs qui doivent être
« réduits à 23,175 francs, déduisant les 15,262 francs
«
«
«
«
dont je vous crois débiteur, il me resteroit 7,913 fr.
à vous envoyer; je trouve plus expédient de vous envoyer un mandat de 10,000 francs, parce que vous
me ferez raison de 2,087 fraucs.
E t si, contre son attente, la créance de Mognat n’étoit
réduite par sa date , dont il est incertain, qu’à 20,865 fr.
alors Charcot-Corléas auroit à avancer 1,623 francs qu’il
lui adresseroit tout de suite.
Enfin , le citoyen Gaultier termine ainsi : « Si le ci« toyen Mognat avoit voulu recevoir h Paris, je vous
.
�i ^v1
( S )
« aurois évité tous ces embarras ; mais il ne répond rien
« à tout ce qu’on lui écrit. »
L e citoyen G aultier, très-actif dans sa correspondance,
écrit le 8 prairial, pour annoncer l’envoi des 10,000 fr.
en mandats, et ajoute : « Je prends encore la liberté de
vous adresser ma procuration , pour retirer mes billets
« ou faire faire des offres, dans le cas où le cit. Mognat
« ne voudroit pas les remettre.......Si l’on en vient à des
«• offres réelles, vous remettrez ma procuration à un
« homme d’affaires qui aura votre confiance; l’huissier
« réalisera 23,1 y 5 francs, et il déclarera qu’il est encore
« porteur d’une somme de 3,690 francs qu’il offre de
« payer dans le cas où le citoyen Mognat prouvera, par
« la représentation des billets, que leur date est anté« rieure au i er. juin. A u surplus, la personne de con« fiance que vous aurez chargée de cette affaire, dirigera
« l'acte d’offres. J e vous renouvelle mes excuses de
it cette com m ission ,* j’espère cependant qu’elle ne vous
a entraînera pas à des peines que je voudrois vous éviter,
c< parce que le citoyen Mognat se décidera à recevoir
« son remboursement. »
C ’est dans cette môme lettre que le citoyen Gaultier
d it, en parlant de son créancier : « Il m’a prêté eu asa signats, je lui rends en mandats ; il ne peut s’en plaindre.
« Ce seroit d ailleurs une erreur de penser que toute es« pèce do papier cessera bientôt d'avoir lieu en France ;
« c'est chose impossible : le systèm e du gouvernement est
« au contraire (f accréditer les mandats ».
A utre lettre très-laconique', du 14 prairial an 4 , par
laquelle il se contente de demander où en est le citoyen
Corléas,
�C9 )
C o rlé a s, pour la libéral ion envers’ M ognat-rEclus? ; ii
désire que tout soit terminé avant de faire un voyage q u’il
projette.
Dans une autre lettre du 20 p rairial, le cit. Gaultier
m an d e, entre autres choses : « J ’espère que le citoyen
« Mognat aura reçu son remboursement, ou que vous
« lui aurez fait faire des oil'res: je désire savoir ce qu’il
« en est, en vous confirmant que le gouvernem ent riest
« point dans Tintention (Tabandonner Je m andat ; il l'A
* même prendre des m esures pour le J a ir e m onter subi"
a tem ent ».
A utre lettre du 28 prairial an 4......... « Je vou d ro is,
ce avant de partir, apprendre que mes billets au profit
« du citoyen Mognat sont retirés, ou qu’il a été fait des
« offres réelles suivies de consignation ; mon intention
r est qu’elles soient portées à la plus liante somme, pour
ce être sur de leur suffisance : cette plus forte somme sece roit 26,865 francs. Je persiste à vous offrir l'envoi,
« cou lier par côurier, de ce que vous aurez avancé, et
« j’espère que vous voudrez bien m ’inform er, le plutôt
ce possible, de ce qui aura été fait. »
Enfin , lettre du 4 messidor suivant, au cit. CharcotCorléas : « V otre lettre du 27 floréal m'annonce que l’on
ce a pris le parti de faire des offres au citoyen Mognat* l Ecluse, et qu’à défaut de recevoir, il sera assigné pour
« voir ordonner le conseing.
ce J ’espère que le citoyen Verdun donnera ses soins à
« cette affaire, et qu’il y mettra l’activité qu’elle exige.
« Il importe de veiller à ce que toutes les f o r m a l i t é s
« soient bien rem plies, et à ce que la citation s o i t bien
�( 10 )
« faite au véritable domicile du défendeur. Je vous prie
» de communiquer ma lettre au citoyen Verdun. »
Ici se termine la correspondance du citoyen Gaultier,
relativement aux offres; les lettres postérieures au refus
du citoyen M ogn at, sont inutiles à analyser : mais il est
bon de donner un extrait des réponses du cit. CharcotCorléas au citoyen Gaultier. Dans une première lettre du
8 floréal an 4 , le citoyen Charcot-Corléas marque qu’il
ne croyoit pas que la créance due au citoyen Gaultier,
sur les biens de son beau-père, fût aussi considérable; il
doit s'occuper de faire le compte avec le citoyen C h arcot,
et ajoute: «Vous pouvez cependant compter sur la somme
« qui vous sera d ue, pour la fin de m ai, pour servir i\
* acquitter ce que vous devez au cit. M ognat-TEeluse,
« qui se trouve dans sa terre, à ce qu’on m ’a dit. Je lui
« ai écrit il y a une quinzaine de jours, de vous donner
« l'échéance de vos billets ou à moi ; je n’ai point eu de
« réponse. »
Seconde lettre, du 11 prairial an 4 : « Je fais passer
« votre lettre au citoyen M o g n a t, en lui marquant en
« inéme temps que j’ai les fonds nécessaires pour lui rein« bourser vos billets d’après les lois. Je ne serois pas
« étonné que ses agens fassent des objections : sur la ré« ponse qu’on fera, je vous en ferai p a rt, sauf à nous
* régler ensuite, s’il y a de l’erreur dans le compte que
e vous m’avez envoyé, a
Troisième lettre du 17 prairial an 4 , par laquelle le
citoyen Charcot-Corléas annonce qu’il a reçu la procu
ration, et trois jours après les 10,000 fr. mandats, par
une le lire chargée : a Je n’ai point encore eu de réponse
�*:
*
«
«
«
«
k
«
*
«
«
«
«
«
«
a
a
C 11 )
à ma lettre à M ogn at; j’ai écrit à sa fem me, à l’Ecluse,
où on m’a dit qu’elle étoit. Si je ne reçois pas réponse,
je remettrai votre procuration à un défenseur officieux,
pour faire retirer vos billets, en lui en payant le montant; je vous les ferai passer ensuite ».
Quatrième lettre du 27 prairial. « J ’ai remis , il y a
huit jours, au citoyen V e r d u n , défenseur officieux,
pour 27,000 fr. mandats, pour présenter au citoyen
M ognat, de qui je n’ai point reçu de réponse. On lui
a fait signifier par un* huissier, de recevoir le montant de ses billets à son domicile à L y o n ; s’il ne répond
pas, on les fera consigner, après avoir fait toutes les
formalités nécessaires. N ’ayant point eu de réponse
pour savoir la date des billets, on sera obligé de consigner 26,865 fr. ù ce que je pense. Je verrai le cit.
V e r d u n , que je n’ai pas trouvé avant hier chez lu i;
j’irai le voir aujourd’hui ou demain. J ’ai vu M . votre
frère il y a trois jours; il a dii vous écrire que j’avois
« remis votre affaire à un défenseur officieux; je vous
r instruirai de ce qui sera fait ».
Cinquième lettre du 11 messidor an 4. « L e citoyen
« Mognat a été assigné à L yo n dans la maison qu’il a
« eue de son père après sa mort ; il a le domicile de
* son père : on m'a dit que sa femme y étoit il y a six
« semaines. Il a été assigné pour comparoîlre devant le
* juge de p a ix ; comme il se trouve en cam pagne, on
« lui a donné huit jours : c’est le 12 de ce mois; s’ il ne
« vient pas, il sera condamné par défaut; s’il paroît qu’il
« veuille recevoir, on payera tout de suite; s’il refuse ,
« il sera cité devant le tribunal; s'il ne se présente pas,
B 2
�C 12 }
«f on le fera condamner par défaut, et tout de suite« consigner. Les juges donnent pour l’ordinaire un mois« de délai : on ne négligera rien pour faire terminer
« au plutôt ».
Sixième lettre du 27 messidor an 4. « Il y a eu quel«■que retard à la sentence, par un défaut de forme dit
« juge de p aix, dans la cédule de citation qu'il a fait
« donner au citoyen M o g n a t, en la mettant au nom du
« fondé de po u vo ir, ( l e citoyen V erdun ). Mognat ne« s’étant pas présenté, on a été obligé de lui faire donner
« une nouvelle citation régulière, qui étoit pour le 22^
a ne sV:tant pas présenté, on a porté l'affaire au tribunal::
« on a obtenu une sentence pour qu’il ait à recevoir,
« et à défaut de le faire, permission de consigner dix
«■jours après la signification ; comme il y a apparence qu’il"
cf ne se présentera pas pour recevoir, on fera consigner
k le 8 ou le 9 thermidor. Comme je dois partir avant
« ce temps pour Belley, de lù à A i x , le citoyen Verduna vous fera part de ses démarches ».
Dernière lettre datée d’A i x , du 19 thermidor. « J ’envoie« votre lettre à mon cousin à L y o n , pour faire ce qui
« sera nécessaire pour retirer du citoyen Verdun les proa messes de mandats s il ne les a pas consignées : ce n’est
v pris- tout à fait la faute du citoyen V e r d u n , s’il y a eute erreur dans la citation* c’est celle du greiïier. L e cit.
« V en in » m’a paru très-affecté de cette erreur, qui a
f occasionné le retard j j’en suis fâché en mon particu« lier ».
Tel. est l’extrait de la correspondance qui a eu Hem
entre l'intimé et l’appelant. On peut apprécier par lù. lai
�5cr
C 13 )
nature des engagemens qu'a contractés le cit. CharcotCorléas. C ’est h titre graluit, à titre d’amitié et de com
plaisance , qu’il a bien voulu se charger d agir pour un
remboursement qu’il n'approuvoit pas; il n’y avoit aucun
intérêt personnel. Mais lecitoyen Gaultier ayant témoigne'
le désir le plus ardent de se libérer, le cit. CharcotCorléas, pour l’obliger, demanda aux héritiers de Claude
Charcot aîn é, la somme de 16,875 fr. en promesses de
mandais territoriaux, qu’il réunit avec les 10,000 fr. en
voyés par Gaultier au citoyen V e r d u n , à qui il avoit
donné la procuration du citoyen Gaultier.
L e citoyen V e r d u n , en recevant cette som m e, en
fournit quittance le 24 prairial an 4 ; il n’est pas inutile
de fai re connoître comment est concue cette quittance..
Verdun rcconnoît avoir en son pouvoir une somme de
165875 fr. en promesses de mandats territoriaux, à,lui
remise pour le compte du citoyen Gaultier, par le cit.
C h a rco t-C o rlé a s, qui déclare compter cette somme en.
ta c q u it des héritiers de Claude C h a r c o t, et pour solde
de ce q u ils restent devoir aie citoyen G a u ltie r , pour
les droits de reprise de la dame de jS ervor son épouse r
sur les biens délaissés par le citoyen de N e rv o , son père,
se réservant toutes reprises contre le citoyen Gaultier,
si cette somme excède ce que les héritiers Charcot peu
vent lui devoir. L e cit. Charcot déclare en outre que
c’est sur l'invitation du citoyen Gaultier, qu’il-fait ladite
remise de fonds, que V erdun reçoit pour remplir le but
de la procuration de ce dernier, en date du 8 du cou
rant, et q u ia été remise au citoyen Charcot..
, t. ¡10
D eu x jours après, c’est-à-dire y le 2.5 prairial an 4j l e
6*£
�• ».„u*
(H )
citoyen V erdun fit faire dos offres réelles à la requête
du citoyen Gaultier, au domicile du citoyen M o g n a t,
de la somme de 26 ,865 fr.
Sur le refus de recevoir, et le 6 messidor suivant, le
citoyen Mognat lut cité au bureau de paix.
L e 12 messidor, procès verbal de non comparution
dressé contre M ognat; le lendemain 1 3 , citation pardevant le tribunal, aux fias d’être autorisé à consigner la
somme offerte.
O n s’aperçoit bientôt après cette première procédure,
que la citation du 6 messidor étoit irrégulière et nulle ,
parce que le greffier rédacteur de la cédule, Tavoit faite
au nom du citoyen V e r d u n , fondé de pouvoir du cit.
Gaultier.
On ne peut pas plaider en France par procureur :
tout est de rigueur en matière d’offres; il étoit prudent
de recommencer; en conséquence le cit. V erd un fait
donner une nouvelle citation au bureau de paix, le 17
du même mois de messidor. L e 22 , procès verbal de
non comparution; le même jo u r, citation pnrdevant le
tribunal; le 25 messidor, jugement par défaut, q u i,
sur le refus de recevoir, permet de consigner. L e 28 du
même mois, signification de ce jugement, soit au cit.
M o g n a t, soit au citoyen N ivière-Chol, receveur.
L e 6 thermidor suivant, acte d’opposition au jugement
par défaut * à la requête du citoyen Mognat.
L e 11 du même m ois, acte signifié par V e rd u n , i\
la requête du citoyen Gaultier, par lequel il déclare
qu'attendu .que le jugement rendu en sa faveur porte
qu’il sera passé outre; nonobstant l’opposition, il va cou-
�signer ; en conséquence , il retire ses offres , et déclare
qu’il consignera le même jo u r, trois heures de relevée.
Cette journée fut fatale au citoyen Gaultier.
C ’est le même jo u r , n thermidor, que fut publié, à
L y o n , la loi du 29 messidor précédent, qui rapporte
les articles 2 et 3 de celle du i 5 germinal, suspend les
reniboursemens, détruit le cours des mandats que le corps
législatif devoit accréditer, d’après l’assertion du citoyen
Gaultier.
Ce même jour , 11 thermidor , le citoyen Mognat
réitère son opposition , et ose prétendre que , par une
précipitation inconcevable et contre toutes les règles
établies, ou veut exécuter le jugement au préjudice de
son opposition , mais qu’on ne le peut qu’après avoir
'fait recevoir des cautions.
Ce même j o u r , 11 th erm idor, le receveur refuse de
recevoir la consignation, comme contraire à la loi du 29
messidor, devenue obligatoire par sa publication.
L e 24 brumaire an 8 , citation de la part du citoyen
M o g n a t, contre le citoyen Gaultier et la dame de N e r v o ,
son épouse , au bureau de paix de la ville de Bourg ,
domicile de droit du citoyen Gaultier, pour se concilier
sur la demande que le citoyen Mognat se proposoit de
former aux fins de payement, i ° . d’une somme de 1 1,287 F.
5o cent, à laquelle se trouve réduite , d’après l’échelle de
dépréciation du département du Rhône , celle de 32,760 f.
montant de six billets souscrits par les m a r ié s Gaultier
et de N e r v o , le I er. juin 1 7 9 3 , nu profit du citoyen
M ogn at, payables, savoir : le premier billet de 30,000 fr.
assignats, le I er. juin 17963 lescinu[ autres de 460 francs
/
�f i 6 ) •
assignats chacun, payables les I er. juin et ier. décembre
dc's années 1794 , 179«5 ei 1796; lesquels billets ont été
enregistrés le 2 thermidor an 6, et les signatures reconnues
âu bureau de paix du la division de la place Vendôm e
à lJaris, par procès verbal du 28 fructidor au 6 ; 2M. dé
lu somme de 1,261 fr. 10 cent, pour intérêts échus jusqu’au
13 thermidor un 6 , et plus les intérêts échus depuis cette
époque.
L e 11 frimaire an 8, le citoyen Gaultier prend à son
tour une cédule du juge de paix de B o u rg , pour citer le
citoyen Charcot-Corléas , domicilié à L yo n ; il soutient
dâné cette cédule avoir donné charge au citoyen CharcotCorléas, de le libérer envers M ognat; qu’il lui a envoyé
•à cet effet des fonds, q u i , joints à une créance qu’il avoit
sur C h a r c o t, en sa qualité de syndic des créanciers
unis de César de TServo, devoient suffire pour le libérer
envers Magnat. Il ajoute qu’il avoit indiqué cette créance
pour être ajoutée avec les fonds par lui envoyés à l’ac
quittement de ses billets; que le citoyen Charcot a accepté
la charge de le libérer ; qu’il a même fait procéder ¿i des
.offres réelles, et obtenu un jugement qui a autorisé la
•consignation des sommes offertes. Il en conclut que le ci
toyen Charcot doit lui rapporter la preuve de sa libération,
et le garantir de toutes les demandes contre lui formées par
le citoyen Mognat.
L e citoyen Charcot-Corléas avoit cru jusqu'alors que
les héritiers de Claude Charcot étoient valablement libérés,
par le jxiyemcnt qu’ils avoient fait entre ses mains, et sur
la demande du citoyen Gaultier , de la somme de 16,876 f.
11 se croyoit également quille , en faisant de cette somme
l’emploi
�( T7 3
.
l’emploi que lui avoit indiqué le citoyen Gaultier ; et
certes, il ne présumoit pas qu’il pût jamais être exposéù devenir garant du remboursement du citoyen Mognal.
Pourquoi d’ailleurs la procédure avoit-elle été commencée
par M o g n a t, contre Gaultier, au bureau de paix de la
division de la place Vendôm e à P a ris, et re v e n o it-o n
ensuite à Bourg sur cette même action?
Comment le citoyen Charcot-Corléas, domicilié à L y o n ,
pouvoit-il être distrait de ses juges naturels, et traduit à
Bourg ? C ’est ce qu’il observa lors de sa comparution au
bureau de paix. Il soutint que le bureau de paix et le
tribunal de Bourg étoient incompétens, par la raison que
la prétendue demande en garantie ne dérivoitpas du même
titre que la demande principale formée par le citoyen
M ognat contre le citoyen Gaultier ; qu’alors la demande
en garantie devoit former une action particulière , qui
ne pouvoit être portée qu’au lieu du domicile du citoyen
Cliarcot-Corléas.
L e citoyen Gaultier persista dans sa demande. U n pre
mier jugement du tribunal civil de B o u r g , du 21 ven
tôse an 8, renvoya la cause au 11 germ inal, lors prochain ,
et ordonna que dans ce délai, le citoyen Charcot-Corléas
com m uniqueroit, par la voie du greffe, au cit. Gaultier ,
les procédures qu’il avoit fait faire au tribunal de L y o n ,
pour libérer ce dernier envers le citoyen M ognat, et autres
y relatives.
Ce jugement est motivé sur ce que le défenseur du ci
toyen Charcot-Corléas , avoit consenti à la communication
demandée par le citoyen Gaultier.
L e défenseur du citoyen Charcot, n’avoit aucune mission
C
�C iff )
pour donner ce consentement ; la procuration- dont il étoit
porteur, se bornait à décliner la- compétence du tribunal
de Bourg.
D'ailleurs, ce n’étoit point le citoyen Charcot-Corléas
qui étoit nanti de cette procédure; elle étoit entre les
mains du citoyen V e r d u n , défenseur à Lyon , qui à voit.,
été chargé par le citoyen Gaultier , ou de son consentement,,
de faire les offres , qui étoit porteur de la procuration
du citoyen G aultier, avoit correspondu avec lui,, etavo it
fait toute la procédure en son nom.
L e citoyen Verdun avoit même très-expressément re
fusé au citoyen Charcot-Corléas de lui donner commu
nication de cette procédu re, sous le prétexte qu’elle apparlenoit au citoyen Gaultier , et qu’il ne pouvoit e a
disposer.
Aussi le- citoyen Gharcot-Corléas désavoua-t-il expres
sément d’avoir donné aucune mission à son défenseurr
pour consentir à cette communication.
L a cause portée à l’audience du tribunal, d’arrondisse
ment de B o u rg , le 23-,prairial an 8, le citoyen CharcotCorléas persista à soutenir que l’action dirigée contre lui
étoit irrégulière et incompétente ; qu’il ne pouvoit être
actionné qu’en sa qualité de syndic des créanciers unis*
de .Jean-César de N ervo , a. raison, des* créances que le*
citoyen Gaultier et son épouse prétendent réclamer.
Q u ’ayant adhères au contrat d’union , ils étoient tenus r
comme créanciers, de suivre la procédure de discussion:
que l’acte d’abandon avoit nécessitée, pour être colloques»
suivant l'ordre et priorité de leurs hypothèques^
Il observa qu’un syndic de créanciers u'agissoit j/unais^
�( 19 ) ' ,
qu’ au nom et comtne mandataire de la masse , et -ne
pouvoit être actionné personnellement.
Que dans le cas particulier, la demande formée par
le citoyen Mognat, contre le citoyen Gaultier et son épouse,
■dérivoit de titres étrangers à la succession abandonnée
de Jean-César de N ervo ; qu’il ne s’agissoit que d’un
simple prêt d’assignats , et que le.citoyeu Charcot ne s’étoit
obligé ni directement, ni indirectement, au payement de
cette créance.
L e citoyen Charcot termina , en soutenant que la de
mande en garantie , que. l’on prétendoit faire résulter
contre lui de la demande du citoyen M ogn at, lui étoît
absolument étrangère, ne dérivoit pas du même titre;
q u ’ainsi il avoit été mal 5 propos traduit au tribunal de
Bourg.
lie tribunal n'eut aucun égard i\ ces moyens. L e citoyen
Charcot-Corléas fut déclaré non-recevable et mal fondé
dans son déclinatoire, et il fut ordonné que les partie»
plaideroient sur le champ au fond : le citoyen Charcot est
condamné aux dépens de l’ incident.
Ci: jugement de retenue est principalement motivé ,
i°. « sur ce qu’il est de règle constante et invariable , que
« l'on doitexciper ,<■
} lunine ///îî,des exceptions pérenip■
« loires , faute de quoi on n’est plus admis à le faire.
« On prétend pour second m o tif, que l’exception tirée
a de l’ incompétence du juge est de ce nombre.
« On dit en troisième lie u , qu'il résulte du jugement
« du 21 ventôse an 8 , que le citoyen Charcot-Corléas
« s’est écarté de cette règle ; qu’il réclame trop tard contre « la compétence du tribunal; qu’il l’a implicitement re*
C 2
�‘
C 20
cf connu par l’organe de ses fondis de p o u v o ir, et qu’il
« y a fin de non'-recevoir à lui opposer.
« Enfin , on ajoute qu’il est prescrit par l'art. V I I I du
« tit. V III de l’ordonnance de 1667, que la demande en
« garantie doit être portée devant le tribunal saisi de la
« demande principale, lors même que la garantie seroit
« déniée être due} que d’ailleurs la demande en garantie
« dont il s’a g it, est évidemment relative ù la demande
« principale , d’où il suit que l’imcompétence alléguée
« n'est pas fondée.
« D e suite , et par même jugement, le citoyen Charcot
« ayant refusé de plaider au fo n d , le tribunal donne défaut
« contre l u i , faute de plaider, én présence de son détc fenseur; et pour le profit, en reconnaissant d’office,
« en justice, les lettres lues à l’audience, écrites et 51‘gnées
v par le citoyen Charcot - Corléas, faute par lui de le
« fa ire , le condamne envers le citoyen Gaultier et son
* épouse à les relever et garantir, tant activement que
« passivement, des condamnations prononcées contre eux
« en faveur du citoyen M o g n a t, par le jugement du 2 ,
« floréal, tant en principal, intérêts que frais générale* ment quelconques jeeux du fond de ce jugem ent, quoi«■que par défaut, y compris , ainsi que de ceux qui se
« feront par le présent jugement ; et le condamne en
« outre aux dépens de la demande en garantie. Ce juge« ment est déclaré exécutoire, nonobstant opposition ou
« appel, conformément A l'art. X V du tit. X V I I de l’or« donnance de 1667. Il est donné acte au surplus au ci» toyen Gaultier et à son épouse, de répéter ainsi qu’ils
* aviseront, le surplus de ce qui leur sera dû par le citoyen
�Ç>i'f
C 21 )
« C harcot, ès qualités qu’ils l’actionneront, après Textinc'« tion de la créance du citoyen M o gn a t, en dépens et
« intérêts seulement. «
Ce dispositif, qui n’est pas trop c la ir, est m o tiv é ,
i ° . « Sur ce qu’ il résultoit des lettres lues à l ’audience,
« qu’il y a eu de la part du citoyen Gaultier et de son
« épouse, indication de payement faite au cit. Charcot,
« pour acquitter les Sommes q u’il pouvoit devoir au cit.
a M ogn at, et que Charcot a accepté et promis remplir
« cette indication >3.
« 2°. On dit que le consentement donné par le cit.
* Charcot-Corléas, lors du jugement du 21 ventôse, de
« communiquer les procédures par lui faites pour libérer
« les mariés Gaultier et de N e r v o , envers le cit. M ogn at,
tf est une nouvelle preuve de l’existence de cette indi« cation et de son acceptation ».
k 3°. Que le citoyen Charcot-Corléas ne justifie pas
r avoir satisfait à cette indication, ce qui fait que les
« mariés Gaultier et de N ervo , sont obligés de payer
« une dette qu’ils étoient autorisés de regarder comme
« acquittée ».
« Considérant dès lors, est-il dit, que le cit. Charcot
« doit les relever et garantir, puisque c’est de l’inexé« cution de leur engagement envers eux , que résultent
0 les condamnations qu’ils éprouvent;
« Considérant au surplus , que Je refus fait par le
« citoyen C h arcot, d’exécuter ln jugement du 21 ven« tôse, et son silence h cette audience, quoique due« ment représenté, annoncent assez que la garantie a
« été légitimement exercée;
' J>'
�..
..
f 22
.
ff Considérant enfin, que des que l'engagement du
•« citoyen Charcot, envers le citoyen Gaultier et soh
« épouse, est établi par titres, et que'ceux-ci ont subi
« un jugement y relatif, qui est déclaré exécutoire,
c’est le cas d’ordonner que celui-ci sera aussi exécii« to ir e , nonobstant appel, et que l*art. i 5 du titre 17
« de l’ordonnance de 1 6 6 7 , s'applique naturellement â
a l’espèce ».
Ce jugement fut signifié au domicile du cit. Charcot,
le 18 thermidor an 8 , avec commandement de payer.
•Procès verbal de saisic-exéculion dii i ^ fructidor sui
van t; mais le citoyen Charcot ayant déclaré q u’il s’étoit
rendu appelant, l’huissier s’abstint d’exécuter et se con
tenta d’assigner ¿1 bref délai, pour voir recevoir caution,
à l'effet de parvenir à l’exécution provisoire'du juge
ment.
‘
!
'*
’ L e cit. Charcot-Corléas fit signifier son acte d'appel au
citoyen Gaultier, en sa demeure à Paris; il déclara qu’il
Ée portoit Appelant tant du jugement du 2.1 ventôse an 8,
que du jugement du 23 prairial, ainsi que de tout ’ ce
qui avoit précédé et suivi, et c e , tant pour cause de
nullité, incompétence, qu’autrement; il désavoua',' par cet
acte, avoir donné aucun pouvoir au cit. Bonnet R a v e l,
défenseur à B o u rg , de consentir à la communication
ordonnée par ce jugement du 21 ventôse.
L e citoyen Charcot-Corléas fit également signifier ce
désaveu au domicile de ce défenseur, avec copie de la
procuration qui lui avoit été remise pour le défendre :
cette signification est du 9 fructidor an 8.
L e 13 du même mois de fructidor-, le cit. Gaultier
�c z3 y
obtînt un jugcincnt , qui reçoit son père caution , et le
fit signifier par acte du 17 du même mois, au domicile
de l’appelant. Ce dernier réitéra son a p p e l, le 22 du
même mois de fructidor; le 27 du même m ois, itératif
commandement de la part du citoyen G aultier; le 5
complémentaire an 8 , second procès verbal de saisieexécution, à sa requête. E n fin , comme le cit. Charcot
poursuivoit sur son appel, dont la connoissance étoit dé
v o l u e au tribunal de Lyon , le citoyen Gaultier récusa
ce tribunal et se pourvut au tribunal de cassation, qui
a définitivement renvoyé le jugement de l’appel devant
ee tribunal, par un jugement du 21 nivôse an 9.
T el est l’état de la procédure. Il s’agit maintenant de
discuter le mérite des réclamations du citoyen Gaultier
et de son épouse; elles ne présentent qu’un mélange
monstrueux d’irrégularités, d’injustice&, de suppositions
et d’absurdités.
On commencera par discuter la question d’incompé
tence ; au fond on examinera s’il y a délégation ou in
dication de payement, et si les lois des 11 frimaire et
16 nivôse an 6 peuvent s’appliquer à l’espèce particulière*
P
r e m iè r e
P
r o p o s it io n
..
L e jugement de Bourg est nul et incompétent*
Il est reconnu que le citoyen Charcot - Corléas n’est
pas débiteur personnel du citoyen Gaultier et de son
épouse. Il n’étoit comptable qu’en sa qualité de syndic
des créanciers unis de Jean-César de Nervo-; il a voit
�. . C m )
accepté cette commission par obligeance; il lexerçoit
gratuitement, et l’acte d’abandon du 4 décembre 1789 ,
établit que c’est au relus de tous les autres créanciers,
que le citoyen Ckarcot-Corléas a bien voulu se charger
de cette mission pénible, pour laquelle il n’avoit aucun
intérêt que celui d'être utile à une famille à laquelle il
étoit allié.
L e citoyen Gaultier et son épouse ont formellement
adhéré à cet acte d’abandon, en leur qualité de créan
ciers. Comme tels, ils étoient obligés de suivre la pro
cédure de discussion; ils n’avoient d’autre action que
celle de Taire procéder à-l’ordre, et de se faire colloquer
suivant la priorité de leur privilège ou hypothèque.
. C ’est en qualité de synd ic, que le citoyen CharcotCorléas a reçu des héritiers de Claude Charcot, la somme
de 16,875 fr. pour le^compte du citoyen Gaultier.
C ’est en la même qualité, qu’il a remis cette somme
au citoyen V e rd u n , chargé de la procuration du citoyen
Gaultier, pour faire des offres au citoyen Mognat.
- O r , il est de principe certain qu’ un syndic de créan
ciers n’agit jamais qu’au nom et comme mandataire de
la masse; qu’il ne peut être tenu en son nom , et qu’on
ne peut l’actionner personnellement. ’
Dans l’espèce particulière, la demande formée par le
citoyen M ognat, contre le citoyen Gaultier et sa femme,
dérivoit de titres étrangers à la succession abandonnée
de Jean-César de N e rv o ; les différentes promesses qu’ils
avoient souscrites en sa faveur, avoient pour cause un
simple prêt d’assignats; le citoyen C harcot-Corléas ne
s’ost obligé directement ni indirectement au payement
de ccttc créance.
Comment
�( 25 )
Comment donc pouvoit-on faire résulter une demande
€n garantie contre le citoyen Charcot-Corléas, de la de
mande principale du citoyen Mognat?-comment pouvoiton distraire le citoyen Chai'cot de ses juges naturels, et
le traduire au tribunal de B o u rg , sur une demande qui
lui étoit absolument étrangère; qui ne dérivoit pas du
m ême titre, pour lequel on auroit pu exercer une ac
tion contre lui ?
O n ne peut s’ empêcher de remarquer ic i, qu'il y a eu
affectation de la part du citoyen Gaultier et de sa femme.
Les premières poursuites du citoyen M ognat avoient été
faites à Paris, où le cit. Gaultier résidoit depuis plusieurs
années, et où il avoit acquis domicile.
Cette procédure est de suite abandonnée; le citoyen
Gaultier se fait assigner A B o u rg, qu’il dit être son do
micile de droit, où il savoit qu’il étoit influent, et pour
y traduire Je citoyen Charcot-Corléas, sous le prétexte
d’une demande en garantie*
A u bureau de paix, le citoyen Charcot s’étoit contenté
de décliner la juridiction ; il renouvela son déclinatoire
lors de la plaidoirie, et soutint qu’en sa qualité de syndic
il ne pouvoit être distrait de la juridiction où déjà il y
avoit une instance d’ordre commencée, instance que devoit
suivre le citoyen Gaultier, puisque sa femme et lui avoient
adhéré à l’abandon des biens de Jean-César de N ervo ;
qu’ils avoient acquiescé à la nomination du syndic qui
avoit été choisi ; qu'ils avoient reconnu le cit. Charcot
en.cette qualité ; que dès-lors ce dernier avoit agi en leur
nom et comme leur mandataire, et que le tribunal de
Bourg étoit incompéleut pour statuer sur une action qui
�C 26 )
ne pouvoit concerner le citoyen Charcot - Corléas cjuù
comme syndic.
On oppose à ces moyens que toutes exceptions péremptoires doivent être proposées à lim ine lit i s , et que l’ex
ception tirée de l’incompétence du juge est de ce nombre;
on ajoute que le citoyen Charcot-Corléas s’est écarté de
cette règle; qu’il a implicitement reconnu la compétence
du tribunal de B o u r g , par l’organe de son fondé de p o u
v o i r , eu offrant la communication des pièces; qu’ainsi il
a réclamé trop tard, et qu’il est non-recevable.
Ces premiers motifs du jugement sont erronés dans le
fait et dans le droit.
Dans le fait, parce que le citoyen Charcot a décliné la
juridiction au bureau de paix; qu’ainsi il a proposé son
exception à lim ine litis.
^ Dans le droit, parce que les juridictions sont de droit
public; qu’il ne dépend point des parties de se donner
des juges, et qu’on peut, en tout état de cause, proposer
des moyens d’incompétence.
Q u’importe que le fondé de pouvoir ait offert la com
munication des pièces? D ’ab ord , ce fondé de pouvoir
n’avoit aucune mission sur ce point ; il a été désavoué.
Dans tous les cas, le jugement qui ordonnoit cette com
munication n’étoit qu un jugement préparatoire ou d’ins
truction, que la loi du 3 brumaire an 2 défendoit d’at
taquer,' mais aussi q u i , d’après la même l o i , ne pouvoit
être apposé comme acquiescement ou fin de non-recevoir.
I ,’objection tirée de l’article V III du titre V III de l’or
donnance de 1667, se rétorque avec avantage contre le
citoyen Gaultier. Cet article veut que s’il paroît par écrit
�X *7 )
ou parVévidence du fait, que la demande originaire n’ait
été formée que pour traduire le garant hors de sa juri
diction , les juges soient tenus de renvoyer la cause par
devant ceux qui en doivent eonnoître.
O r , il étoit évident que le citoyen Gaultier ne s’étoit
fait traduire à Bourg que pour avoir le prétexte d’y ap
peler le citoyen Charcot-CorléasV Celui-ci n’étoit ni son
garant fo rm e l, ni son garant simple de l’action person’«elle qu’avoit exercée le citoyen Mognat; il n?étoit qu’un
.syndic de créanciers, il n’avoit contracté aucune obliga
tion ni envers le citoyen M o g n a t, ni envers le .citoyen
Gaultier. Si le citoyen Gaultier et •sa femme vouloient
prétendre que le citoyen Charcot ne s’étoit pas valable
ment libéré des sommes'.)qu’il avoit ..versées pour leur
com pte, ils ne p o u voient'^’assigner qu’à son domicile :
cette action n’avoit rien de commun avec celle exercée
par le citoyen M ogn at; il y a donc eu évidemment af
fectation. On n’a fait former la demande originaire que
pour traduire'le citoyen Charcot hors de sa juridiction;
cette demande originaire, qui n’étoit pas même suscep
tible d’etre contestée, n’avoit aucune connexité avec la
demande formée contre le citoyen Charcot : le premier
devoir des juges de Bourg étoit donc de le renvoyer de
vant les juges de son domicile; l’article pi'écité de l’or
donnance de 1667 le leur enjoignoit; et il est dém ontré,
rnt*me par les motifs qui ont servi de base au jugement
de retenue, que le tribunal étoit absolument incompétent
pour statuer sur cette demande.
D 2
�C *8 )
S
e c o n d e
p
r
o
p
o
s
i
t
i
o
n
l i n existe aucune délégation n i indication de payem ent,
q u i puisse rendre le- citoyen Charcot-Corléas respon
sable envers les intim ésL a , délégation est un acte par lequel un débiteur en
substitue un autre à sa place, qu’il charge de payer à
son créancier la somme dont il est tenu : Delegarti est
vice saa alium reuni dai'e creditori.Jjo\ n , iï.d e no va t..
et delegat.,
U n connoît en droit deux espèces de délégations r l’une1
parfaite,, et l’autre imparfaiteL a délégation parfaite est celle qui a lieu par le con
cours de trois personnes; le délégant, qui est le débiteur*
le créancier, qui accepte la délégation , et décharge en
conséquence le débiteur ; le délégué, qui par lâ devient
débiteur et s-’oblige d’acquitter la detteIl n’y a. vraiment de délégation qu’autant que toutesces circonstances sont réunies "yc’est alors qu’il y a novation,,
et que la délégation produit l’effet de libérer le déléganty
de charger :de Ia: dette la personne du délégué..
lui, délégation, imparfaite est celle qui se fait entre le
débiteur et le délégué sans le- concours du créancier; e’est
ce q,ui a: lieu , par exem pley lorsque dans un contrat devente le vendeur délègue à ses créanciers non intervenant
le prix de la vente p o u r s-acquit ter envers eux. Dans- cesi
eas ,.la délégation n’est qu'une simple indication,. qui n’ap
porte-aucun: changement «Y la dette „ e t ne libère point le;
diibitcui’v
�C s9 )
Ainsi iï y a délégation , lorsque le créancier accepte ;
il y a simple indication , lorsque le créancier n’est pas
présent,
' L ’art. X I de la loi du n frimaire an 6 , dit que la ré
duction n’est pas applicable aux délégations et indications
. des payemens, même aux délégations acceptées.
L ’art. X de la loi du 16 nivôse an 6 porte: « Que toutes
« délégations et indications de payemens résultans de con
te trats de ventes passés pendant le cours du papier-mon« noie Tobligent l’acquéreur à rapporter au vendeur les
« quittances des créanciers délégués, aux droits desquels
« il demeure spécialement subrogé lorsqu’ils ont été payé*
« de ses deniers. »
Q ui pourroit croire que le citoyen Gaultier a le droit
d’invoquer la disposition de ces deux articles contre le
citoyen Charcot-Corléas ? Peut-on trouver dans l’espèce
particulière les traces d’une délégation ou d’une indication
de payem ent, comme le désire la loi ?
Il résulte bien clairement de k correspondance qui a
régné entre les parties, que le citoyen Gaultier étoit dans
l’intention de consommer hii-même sa libération envers
Je citoyen Mognat • il lui écrivoit qu’ il avait f o r m é le
■plan de se libérer ; il proposoit au citoyen Charcot-Corléas y en sa qualité de syndic y de lui donner une partie des
sommes qu’il avoit destinées à ce remboursement.
Si le citoyen Mognat refusoit de recevoir, ce n’étoit pa»
le citoyen Charcot qu’il chargeoit de faire les offres ; il
envoyoitune procuration directe à un défenseur officieux,,
entre les mains de qui le citoyen Charcot avoit seulement
la commission de remettre le» sommes que le cit- Gaultier
�( 3° )
pouvoit répéter su r'la succession ’ de son beau-père, ou
celle qu’il lui feroit passer pour compléter le payement.
Si
le citoyen Gaultier confioit au citoyen Charcot le
clioix'de l’homme d’affaires qui seroit employé pourlui^
cette circonstance prouve encore que le citoyen Gaultier
se réservoit l’exercice immédiat de ses poursuites contre
le citoyen Mognat. L e citoyen Charcot ne remplissoit, à
cet égard, qu’un office d’am i; il n’avoit aucun intérêt à
la chose ; il n’étoit-point débiteur personnel ; il clierchoit
complaisamment, et parce qu’il y étoit in v ité , à faciliter
la ¡libération du citoyen G a u ltie r, qui lui en faisoit des
rem ercîm ens, lui térnoignoit sa reconnoissance, et lui
faisoit ses excuses de la peine qu’il vouloit bien prendre.
Certes, des excuses et des remercîmens ne sont pas le
langage d’u n >homme qui auroit cru que le cit. Charcot
ne faisoit que remplir, ses engagemens.
Dans toutes ses lettres, le citoyen Gaultier s’occupe uni
quement d’une affaire qui le regardoit seul; il craint tou
jours d’abuser de la complaisance d’ un ami attentif et offi
cieux; il approuve le choix qu’il a fait du défenseur chargé
de diriger la procédure ; il veut éclairer ce défenseur sur
la marche qu’il a à tenir ; il cherche à le prémunir contre
les fautes qu’il pourroit commettre; il recommande de
rem plir les formalités avec exactitude, de faire des offres
nu véritable domicile du créancier , d’offrir plus que moins
à raison de l’incertitude où il est sur la date de ses billets:
il est bien convaincu que les fautes qui seroient commises
ne pouvoiont compromettre que lui seul ; il présidoit luU
'même à sa libération; c’ étoit lui qui donnoit l’impulsion
principulc et directe à toute la procédure : le cit. Gaultier
�£%<•>
(3 0
n ’avoit donc aucunement transmis au citoyen Charcot sort
action contre le citoyen Mognat : il n’y avoit donc ni in
dication , ni délégation de payement.
Comment le citoyen Gaultier pourroit-il invoquer la
disposition des lois des n frimaire et 1 6 nivôse an 6 ? La
première suppose un prêt fait à condition que l’emprun
teur payera une somme due par le prêteur à un tiers. Si
ce tiers intervient pour accepter, il y a délégation; s’il
n’est pas présent, il y a indication.
Ici point de prêt fait par le citoyen Gaultier à l’appe
lant; ce dernier n’a jamais rien em prunté, n’a jamais été
le débiteur personnel du citoyen Gaultier.
La seconde loi suppose une vente d'immeubles, dont
le prix est délégué par le vendeur à ses créanciers. Il n’y
a dans la cause aucune trace'de v e n ^ 'n i de çlëltsgatftïh'i
' *
donc*ces~deux lois rieVeçôÎveift tiutfüne''cfftplieà'ticm' à fzt
mû * 1 A 4. t
,
;
N
,
c a u s a .......... _ ,,
\
•V A*«
/
I ^
C ’est étrangement abuser des mots et des choses, que
. de vouloir faire résulter de la correspondancç particulière
entre les iptimés ejt l’appelant une indication de payement.
O n ne voit dans cette corl-espondartcè autre chose que des,
témoignages d’amitié et de reconnoissance de la part du
citoyen Gaultier, un excès de complaisance de la part'du
citoyêii CÎiàfèàt.
• *--*
.
.
L e prétendu tônsentemént de 'communiquer les pro*cédures-rre pouvoit ’nullement engager celui qui n’avoit
fait qu’urî office d’ami, qui n’avoit aucun intérêt à la chose/
L e mandataire officieux n’est tenu que d’un dol personnel :
JSuUa utilitas ejus versa tu r, merito doîus vrestatur
,
il.
I
N
�( 32 )
solus n isi f ortè et merces accessit. L o i 5 , §. 2 ff. cornm odati vel contrà.
C ’est cependant sur cette correspondance et sur ce pré
tendu consentement,que les juges dont est appel ont motivé
leur condamnation en garantie. Ces motifs sont si extraor
dinaires, la prétention du citoyen Gaultier si absurde,
qu’il suffit de la proposer pour la combattre, qu’on n’est
embarrassé que du choix des m oyens.
Enfin , ce seroit faire tort aux lumières du citoyen
G aultier, que l’on dit un jurisconsulte éclairé, de croire
qu’il y insiste sérieusement.
P ar conseil, P A G E S , ancien jurisconsulte.
G O U R B E Y R E , avoué.
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Charcot-Corléas, Jean-Claude. An 9]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Gourbeyre
Subject
The topic of the resource
créances
mandats
assignats
députés
ventes
offices
contrôleur contre-garde de la monnaie
échange de lettres
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Jean-Claude Charcot-Corléas, habitant de la ville de Lyon, appelant de deux jugemens rendus, l'un au ci-devant tribunal civil du département de l'Ain, le 21 ventôse an 8 ; séant à Bourg, chef-lieu du département de l'Ain, le 23 prairial an 8. Contre Antoine-François Gaultier, juge au tribunal civil de première instance du département de la Seine ; et dame Magdelaine de Nervo, son épouse, habitans de la ville de Paris, intimés.
Annotations manuscrites sur le jugement.
Table Godemel : Indication de paiement : stipulée, par lettres, entre le créancier et son débiteur, oblige ce dernier, qui a accepté, à justifier de ce qu’il a fait, et à garantir le créancier indicateur des poursuites qui pourraient être dirigées contre lui. Elle se confond avec le mandat.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
An 9
1793-An 9
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
32 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1112
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
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Lyon (69123)
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SIGNIFIE
P O U R Me. P
i e r r e
B O Y E R , Procureur
en la Cour , Intime.
CONTRE
le fieu r S A I N T H O R E N T ,
Procureur au Préf idial de Clermont-Ferrand,
Appellant.
L
E fentiment le plus amer que l’homme puiffe éprouver, c’eft d’avoir a
fe repentir de fes propres bienfaits &
de s’en voir la victime.
M e. B oyer a rendu au fieur Sainthorent les fervices les plus fignales ; il a traité
avec un Mineur fans fortune, fans exiger ni fu
reté ni caution ; il lui a procuré, au prix le plus
�> %r.
2
modique, un état auquel fans lui il lui eût été diffi
cile de parvenir , il a foufcrit les engagements les
plus rigoureux du commerce pour lui fournir des
1 / fonds pour fes provifions 6c la réception , j/ü l’a
ieul, dans les premiers temps, ioutenu & guidé
dans fa nouvelle carriere , ôc aujourd’hui il le tra
duit dans les Tribunaux , &c lui illicite la con
certation la plus odieufe , & en même - temps la
plus abfurde que l’on ait encore préièntée à la
Juftice.
Le fieur Sainthorent a acheté 12 0 0 liv. la Pra
tique de M e. B o y e r, tandis que celles de .tous
ies Confreres le v.endoient trois , quatre , cinq ,
& .ju fq u ’à fept mille livres (a) ; il a déjà touché
cette fomme &c bien au delà par l’effet des recou
vrements que cette pratique lui a procurés , &: il
youdroit, en annullant une convention qui a été
la bafe du traité fait entre les Parties , fc ména
ger encore un recouvrement fur Me. Boyer luimême , qui monteroit peut-etre a huit 011 dix mille
liv. de forte que M e. B o y e r, au lieu de recevoir
une obole du prix de fa pratique , feroit encore
(a) Me. Margcridc a vendu Ton titre & la Pratique de fon
PrédécefTeur 14.00 livres , ci ,
.1400 1. "ï
.
Sa Pratique perfonnelle,
5000 j 74° ° •
Me. Gaultier,
-6600
Aie. Chauvaflaignes,
<¡000
Me. Fomaina- ,
4Soo
Me. Lecoq , fon titre & la P atique
de fon
Prëdécefleur , morr depuis 1 5 * n s t
14.00
Sa pratique perionnelle ,
-
�T
forcé de payer chèrement Ton Acquéreur pour Sa
voir acceptée.
Telle eil’ etu coté de l’interet l’idée que préfente
cette caufe, mais la maniéré fcandaleuîè-dont elle
a été plaidée à la derniere Audience prouve que
cet intérêt apparent n’étoit au fond que le pré
texte d’une diffamation réfléchie , ourdie
pré
parée par de iourdes manœuvres pendant un an
entier ,. & que l’on a ménagé pour une Audience
éclatante , où l’on put dénoncer M e. Boyer au
Public , à fes Confrères & à fes Supérieurs.
Tout a été fournis à l’inquificion la plus rigoureu fè, ia fortune a été grofïie jufqu’à l’hyperbo
le , & calculée avec outrage ; la baile malignité a
ferutté ia conduite, & Ta fuivi dans tous les
inilants de fou exiftencc.
Heureufement que M e. Boyer n*a pas même
dans tout le cours de fa vie un icul de ces traits
équivoques dont l’homme le plus juile n ’eit pas
toujours à couvert; heureufement encore que de
puis 1 6 années il a exercé fon état avec honneur
dans trois tribunaux iucceiTivement , aux yeux
même des Magiftrats qui (ont aujourd’hui les ar
bitres de ion fort.
Heureufement enfin que dans la caufe même
où l’on a raffemblé tout ce que la critique la plus
envénimée a cru trouver dans 1 6 années de pro
pre à l’inculper ; il n’y a pas un feul des faits
dont on l’accufe qui ne foit juftifié de cette ma
nière lumineufe qui fatisfait. également le Public
A2
�& le Ju g e, & qui couvre d’indignation
de mé
pris le vil calomniateur qui les a mis au jour.
M ais ce n’eft pas encore le moment de préiènter cette juitification, elle fera la matiere d’un
titre particulier a la fuite de ce Mémoire , il faut,
avant tout, rendre compte des faits de la ca’ufe ,
dégagés de tout ce qui y eit étranger, & établir
les moyens qui militent en faveur de M e. B oyer,
- & néceifitent la confirmation de la Sentence dont
eil appel.
F a i t s
d e
la
Ca u s e .
Le ficur Sainthorent vint travailler, en qualité
de C lerc au Confeil Supérieur , au mois dé Sep
tembre 1 7 7 1 ; il fut préfenté a M e. Boycr par
le iieur Lamothe , Banquier en cette Ville.
M e. Boycr n’avoit point de place vacante dans
fon Etude , cependant, pour obliger le Négocianc
qui le lui préîentoit, il voulut .bien le prendre
chez lui en qualité de Clerc , fans penfion, juiqu’li ce qu’il eut trouvé une place ailleurs.
Trois mois s’écoulèrent,
dans cet inter
valle les Procureurs reçurent un ordre d’oprer en
tre le Conleil Supérieur & ‘ le.s autres lu n id ifio n s
de cette V ille ; Me. Boycr opta le Confeil, & lon
gea à ic défaire de ion OiHce dans les autres
Sièges.
Le licur Sainthorent, qui avoit eu occafion de
s’appercevoir dans pliis d’ujic circoniïance que Me.
,
�tc>
«te*
Boyer lui vouloir du bien , profita de cet événe
ment pour le prier de lui faire un iort en lui cé
dant Ion O ffice, il lui avoua qu’il étoit fans ar
gent comme fans fortune, & qu’il n’avoit pas
même de quoi fournir à fes provifions & à ia
réception.
M e. Boyer fut touché de fa fituation , il lui
promit de lui céder ion Office aux conditions qui
lui conviendraient le mieux, &c quant aux fonds qui
lui manquoient pour fes provifions 6c fa récep
tion ; il lui offrit la fignature pour en trouver fur
lettres de change.
L a bienfaifance de M e. Boyer levoic tous les
obftacles. Il ne fut plus queftion que de rédiger
les conventions. Le iieur.Sainthorent étoit alors
peu verfé dans les affaires, au lieu d’une vente
pure & l'impie il deiira former une iociété .pour
avoir dans M e. Boyer .un guide ÔC 1117.maître
dont il put recevoir les leçons.
M e. B oyer accepta tout ce que lui propoia le
fieur Sainthorent? il lui dit, d’aller Jui^méme chez
M e Chabridon , À v o c a t, patriote du iiçur Sainthorcnt 6c ami commun des Parties, dé rédiger en
fer/, ble le traité dç iociété, qu’il le fôuicriroir. (¿7)
Cet traité lut lait &c ligné le. ji i •. Décembre
, 1,7,7j , :
' c<? conventions contenues dans cet
‘ ccifii;. la .fopi^té .dévoie durer trois.année**, M e.
Boyer devoit tracer la marche des affaires, aider
(.¿y La 'dernière daufe 'de ceYraltè porte qii'en cas dj contJtution les Parties s’en rapporteront à Me. ChaLridon.
�6
le fieur Sainthorent de fes confcils & fournir 50
livres de loyer.
L a pratique de M e. Boyer éroic confondue dans
la iociécé, il n’en retirait aucun prix, parce qu’il
devoir avoir la moitié des bénéfices.
A l’égard.dé l’Office le prix en fut fixé à 12 0 0
livres, iuivant l’évaluation qui en avoitété faite en
conféquence de l’Edit du centieme denier, 6c ce
prix ne devoit être payé qu’à l’expiration de la
iociété, néanmoins (ans intérêts, fans fureté, fans
caution, quoique le fieur Sainthorenc fut mineur.
&c fans fortune.
Parmi les autres claufes de ce traité , il n’en
eft qu’une feule qui doive fixer l’attention de la
C o u r, parce que c’eft cette claufe qui a fait naî
tre la conteftation fur laquelle il s’agit de ftatuer ;
elle eft: conçue en ces termes :
'h '6°. Si parmi les affaires commencées. moi
« Boyer ai reçu des fournies qui excédent les frais
» faits jufqu’à ce jo u r, je ferai obligé d’en faire
' » raifon a la communauté , &: fi les fommes que
» j’aurai touchées ne fe trouvoient pas portées fur
» mon reg iflre, je me réferve de compter avec
* les Parties & de m’en rapporter à leurs décla» rations , fans néanmoins qu’elles puifîent fe pré» valoir de la préfente convention, qui doit dc» meurcr fecrette entre nous : au furplus, pourra
♦> ledit fieur Sainthorent prendre communica» tion de mes regiftres quand bon lui fcmblera.
F<tplus bas cft écrit;» tout cc que deiTusôt dtsaiif
�i
i
»
«
»
«
7
très parts a été par nous reipe&ivement promis
& accepté, à peine de tous dépens, dommages
& intérêt«, pour avoir lieu de ce jo u r, 6c avons
le préiènt fait double, &c> »
Cette claufè étoit évidemment l’ouvrage de
la bonne foi la plus épurée de la patt de M e.
Boyer ; il commence par fe charger perfonnellement des fommes qu’il a pu recevoir de ies
clients en fus des frais faits jufqu’au jour de l’acte,
quoique dans tous les autres traités de ce genre
les fucceiièurs fe ioient chargés de faire raifonaux
Parties de ces fortes d’excédents, & que M e.
Boyer eut ainfi traité lui-même avec l'on prédécefièur.
Il avertit en fuite fon A iîocié qu’il s’efl: gliiT*
des omillions fur fon regiflre ( a ) , que cependant
il n’eft pas jufte que les clients en foient vi&inies,
en coniéquence on itipule que dans le cas où les
clients articuleroient des paiements qui ne fe trouveroient pas portés fur ce regiftre, M e. B o yer
compteroit avec eu x, comme ayant une connoiffance pcrionnelle des faits & des paiements qu’ils
pourroient articuler, & q u e l’on s’en rapporteroic
à leur déclaration.
Après ces conventions écrites & fignées refpec(a) Les omiifions qui fe trouvent dans le regiftre de Me
îïover , datent de l’année 1767 , où ayant ¿té nommé
Colleèk-ur dans^ des temps très -du rs , il a e mp loy é près
de trois années à faire la levée des Impôts , ce qui h,i a fait
négliger fes affaires pcrfonnelles, & particulièrement la tenue
ue Ion regiftre.
�*\’
*“
■
8
tivcment par les Parties, M e. Boyer end,oiTa unç
lettre de change de 600 liv. pour le. fieur Sainthore n t, qui fur fa iignature . fe procura cette iomme, obtint fes provifions <Sc fe fit recevoir.
Une année s’écoula fans que le fieur Sainthorent fe fut mis en devoir de compter un fol à M e.
Boyer ou produis: de la iociété; plus il étoit prefîé
pour cela, moins il étoit diipcfé a le fatisfaire ; il
crut enfin, & avec raiio n , avoir fatigué Me.
Boyer par íes refus de rendre compte , &c qu’il fe
preteroit volontiers -à rompre une fociété qui ne
lui étoit qu’onéreuie , en conlecjuence il lui fit
propofer de convertir cette fociété en .vente pure
6c fimple ; M e. Boyer accepta , ÔC le renvoya en
core a M e. Chabridon pour régler les conventions
de ce nouveau traité.
D éjà le prix du titre étoit fixé à 12 0 0 liv. fuivant l’évaluation du'cenricmc denier; le fieur Sainthorent porta lui-même la pratique à une pareille
iomme de 12 0 0 liv .'( a) régla, comme il le jugea
à propos, les tdfthes des paiements , & prit quatre
années , toujours fans fureté, fans caution, malgré
fon défaut de fortune & fa minorité.
Cet a£te fut pailc devant Me. l’E b ra ly , N o
taire, le 30 Décembre 1772.? & dans le même
(•O'xV.z. I.c fieur Sainthorcnt a fait plaider à la dernière A u
dience qu’il avoir donné 1 4 0 liv. de pot de vin , le fait cil
faux ; ces Z4.0 liv. étoient pour peniion é f logement , dont
]VIc. Bo ÿcr lui donna quittance par l’écrit fous feing prive,
qui fur fait entre les Parties le rndme jour du contrat.
inftant
�initanu le traité du ai..D écem bre,
*>
nulle' dans Itoutes, ies: ' parties -,
tvejV darf$ ¿feq
fixieme ckiiic jclput les"Parties.;ÿopfifmènent.hu ;,
contraire, l'exécution ■par-;unç/c^nyentipn.-.qui f^t vconçue en ces .termes :
—
i;,'
:
n»t Nous, l.ouffignés -, au n\oy£n J g j l’&Qe pafTé
» -entre inous*: cçjoivrd’.huv paj4eV?.nr 1 E b ràlyrJ,-c
» Notaire en cette V d le vçonfeftrçn^ qvfcfc&lpifej
j> :Îèntesi demeurent nüHes?oÇrnfepsr.^uÿu-n.¡eiFçt-jiy
” excepté pour la fixieme claufç^paf laqiieljc moi i
« :Boyer me fuis ^téferjVe.dç .çomptçr ayeÇi Jiics x
»•-clients qui. aura; XoV/Ti ib>)
” vrnr:,o \ o:r. j
: Cette, convention, qui avoir ç t i^ ip r i^ e lliy n ^ n
exécutée pendant que les-P-artiq^ afcqicnjc vécMJeiVi
lociété,le fut encore avec la memb exactitude de 1a .
part du Sr. Sainthorent. juiqvû laii13.de L’anoie^çt'na
niero, il s’en.rapportdit h la dkjafan.oi) deç-dlem.iij
fur les foinmcs qu’ils avaient payées
ilp y ç r^ j
ôc qui pou voient i être pmijos^ii>r| ¡lé «rregjftre
s’il le trouvoit quelques difficultés, il -les renvoyoit à .JV le .B o ÿ ê r po.uirfks.^lairiQUT^^jl Jtè-£Qn.-ci
tem oitrde toucherice qui. reil^içJégjtini.Qmcnrdilÿp
dédii&idn faite dor to u t j ce q û i -av o it; e t e p a y d ali ç '.
les .temps antérieurs,-’
*) î »p , *?ov
2rEt ¡il ne:fautfnas crpirc, qu’fiOrfiÛVAPt cettetniç 7 tboidè .,Jl «ni exécutant.à ' I*'îçttjtf ilc%fonv;qm:^
u
faitej.;critr# nksPj*ruefc, le,fieyrr^aiintljprçnt
trou vé,d an * k>iPratiquç,.d p]M e.;, B p y e r q l i e\dps *
recouvrements ; illufoires-; M e ^ B ^ c r a ; articulés
cn-çaulé principale y.v‘& \
\
d ’é t ^ l i r j q u ;
�ces recouvrements rftantoiem jufqu'à ce jour à
plus dfc Ï2*oo KVrès/'il- a’ fait plus , ’ il a; offert
de lu ífátré bon de tett?eifcmme , -en lui rendant
cdrrfpt^ ^dé-Oeté^à Maîcrô de ce qu’il avok tou
ché fur ces anciens recouvrements.
D e force que le fient Sainthorem , qui n?a
acheté qui ï i o o livres, qu’il doit encore ; la clientelle de M e, Boyer ; qui poür ces J io o livres , a •
été décharge du compte qù’il devoit d’un an de
fociété , dont la moitié revenant à M e. B o y e r,
formoit au moins un objet* de 800 liv^ q u i pour
cette fomme< de n o o liv. a^ acheté 'pne¡ pra
tique confidérable , qui' lui a procuré un état
& lui a fourni? beáucóup de travail dès; le
premier inftant* fe trouve dans ce moment, &
en mettant a récart tous les recouvrem-erus qui
lui rêftent à fair&yjouir* d’un état honnête, id’une •
clienteHe «âombr©üfè , ¿ ’’une-pratique très-lucrati
ve/fàn $ qu’il lïrie n coûte une obole.
Mais le fieur Sàirithorent n’a pas cru devoir fc
borner a ces píe mi ers av^nîage$ , il s’eft írhagmé .’
qu?ií ferôit'une pçtite fortunée s’il!parvenoit barrean-; «
tir*les? coriYêntiô^S'qü’i)' avoit faites ave¿
y e r , qui le forçoient de s’en rapporter à. la décla~
ratioil-des cllentsi pour ,les obj e$s qtfiJ méw ieiit >pas
i rífe o s’f e le
^i ’ifdé¿cfo étoit keiar-eafe^ ilme
pëtfÎft
tiSôriiëaS pëu? lâittiettfôà ç^écutiori;!
■'® fè *H4tà^ $£ Fairë iffign^f ¿A paiem em> -de; frai#t
des clients qu’il favoit-éttíe munis de quittances de
Boyer ¿ tnais-dbiit^ls^ pâie<ntettçsJ étbierttrpatf**
i.î
�11
irifcrits fur le régiftre , & il' les fit affi'gncr en trèsgrande connoiflànce de caufè v car , outre que les
quittances îùi avaient été repréfentees par les par
ties, il ¡eft très-probafcle que la cote-même du doP
fier cle ces particuliers lui7‘aVnonCOk qu Hs;avoient
payé le montant des frais qu’il réel amoit.
C es particuliers aifignés ne« manquèrent pa sde
dénonceria d^fïiânde dü fieur Sainthorint à M e.
Boÿer pour qtfil è u t^ ie s en gar&iÿiix
; -'JVIei •Boÿer y tté ^ciiquei&^hnejïiiridBVtoutis’afr
"faire peribn-nelle y fit dans»les premiers moments
les plus‘ grands^’ efforts pour; amener ^oru Advjariàirê a lâ côrïùiliation; Gomme c otite; afBiire jetait du
réifcut *fu- bén iètis' V' & *Jtie ' touth©mme bi en orgatiifé pouVoit en deciderj il lül fit propofer de
s’en ; rapporter à qui il jugeroit à ^propos ou dans
!a> tlaiîè des Jüriicon fuites * idu parmi îles .'autres
Citoyehs : ' M v Ducher i ;A yocat, fut vainement ’
porteur des paroles de paix , rlç fipur/Laniath^fcn
premier Patron en Cette viliéyle Ait.ïnfbh tobr ; M .
de Ribeyre , ancien Confeiller à la Cour des A i
des, tenta , pour 11 ttoifieme f6i!s ' de vaincre^fori
. obiriiiation ; tout- ftitinutile ,upa.rce (q£te.' JVI.& -Boyer
né prôpoibit qti’urib .décifiotr*oc 'tt’bfrçofc pas ià'-ran-'
çon<, & parce que des-lars fon Adverfai^e, ayo^t
peut-être moins pour objet de, réùffir dans ics prétentions, que de irpuye^ un.e;^çpafion-’âç' $ffàm ër
^‘ion ■bienfàâeur * cornm'el’ont^ prouvé lesvfeandaJ teufes d é c l à m à t i o n s ^ c î e * ^ l
Quoi qu7il en foit, M e. Boyer fut enfin forcé
B 2
�12
de ;iè défendre. par lés"voies juridiques •; il pritMe
parti.de dénoncer .au,fieur Sainthorent les deman
des. en? garantie formées çohtçe lui -pajrj’lesj particu
liers qu il.a v o ir - a iB g iié s r il conclura ce que.les
tonyenttons|faites-enir’ieuxi,cpar kiquellg§-il^’étpii
obligé de:s’en rapporter a la'déclaration des çliènts +
fuiTent exécutées félon leur .forme.Ôç g ê n e u r . 4
.»i-Les efford:qù’avoit :h i f ; J 3 o , y è r ÿoiir.terrfjiT
ner cette afFaireperfuadereht au fieur Sainthorejt^
qu’iL* avoir perdu fon double qui 'çontenoii: le /traité
de iociété 6c les conventions poftérieures, en cotfféquencé. ià première ÔC;mémfc ÎPA il nique ^éfenfe
en cauiè principale fut; d’abor.didiefjik r netrément
•ces conventionsdeifoutenir qu’il .n’en -avoir jamgi$
exilté entre les Parties, qu’il avoir acquis la Prati
que de M e. Boyer en vente pure &c (impie-,-par
a â e patte idevant.fEbraly, Notaire , le 30 D é
cembre 1 7 7 1 ., & qu’il p?y àvôit eu ,' ni alors,, ni
dans aucun temps , aucune autre cor\verition. faite
entre les Parties*, verbalement ni par écrit, (a)
(a) Requête du iicur Sainthorent en la SénéclHuifiie, du 4
'M ars 1 7 7 4 , page 7 de là '¿op i^
^ : , ■ >
» Le Suppliant, en répondant à;ceite.demahde.directement,'
. » v a . pro u ve i(que flepuis fon Contrat de .vente, il n c d o u t e n j r
» compte à tous les ‘parilciiiiéris qu’ il a fait ou fera^flîgner que
> du contenu au livré de recette à lui délivré , & déniera' fu re ■» mentièt fimplequnt' lesprétenduij/anvtqtions verbales articulées
» p a r Me. B o y e r .'
1 [
•.
J '-’ Et p j ils b a i , tnémfeVè'qùété'/ p^ £ £ 8 V " J e 'Suppliant denie jh - x> fttnahent 'les :cptwvtt\or]s\vtfil>aUs- ffrticulfef p ? r (e fin ir B o y e r,
r> il ne çonnoir a u Jri fk o ji queJan contrat-de vente * & défie au
d fie u r’ B o y (r V/<p o iiiÛ r titn If/i npftafib. * * '
,J
L t fieur Saihthoïcnt. à 'dénie avec la. m CW jnfrçpidité le faic
,
�Z 7J
13
M e. Boÿer rapporta le traité écrit de la main
du fieur Sainthorent & figné de lui ; alors il fut
forcé de changer .de langage, &. d’attaquer ces
conventions par la voie de la nullité <Sc de la léfi'on*
il prétendit au’clles éîoient contraires aux bonnes
m œ urs, qu’il etoit léie du tout, au tout, que ion
état dépendoic du caprice des tiers , qu’il avoit
acheté 12.00 .liv. une Pratique dont il pouvoit.rïe
pas retirer une obole ; 6c cç f u t W s 1 ce "dernier
point de vue .qvie l’affaire: futprefentee' li l’A iidience de la Sénéchàuilée le
Mars' dernier, ou
après une plaidoierie très-étendue, il fut fait droit
aux Parties ainfi qu il i i i i r . ‘
' -*
n Nous ordonnons que le contrat de .veht(?;rdc
» l ’Office & Pratique de Procureur , fait par
» la Partie de Boirot ( Me. Boyer ) a celle de
» Prévoit ( le fieur Sainthorent ) le 30 Décembre
contrôlé le 8 Janvier fuivant,' enfcmbjc
?> les conventions verbales fûtes en môme-tem^s
» entre les Parties, feront exécutées fuivant letir
» forme & teneur ; en conféquence condamnons
».. ia Partie de Prévoit à garantir celle de Boiroc
» des demandes contre elle formées •& à former,
« relativement aux elaufes dudit contrat de ven*
” te , comme aufli à garantir & indemnifer ladite
de la lettre de change, m.êihe'rtquête,.pa£e 6 \ Me. Royer ayant
demandé le mis en caufé ¡du. Négociant qui' av.oij f o u r n i e s
fo n d », il a<$té,forcé de (e r e t r a û ç r , .çoninie^fiir l’exÎftencè do
h convention, •
"
, ' 11 1
; , -i- . '
�» Partie Je Boirot de la demande en paiement
» .de la lettre de change du
», en affirmant- néanmoins par la Partie'de Boi'p jjSt devant nous 'dans la'huitàiné, Parties pré» 'ièntçs oji diiement appêllées, quelle n’a point
.» déchiré ladite lettre’ de change, condamnons
». la Partie de „Prévoit aux, dépens. »
. , Le fieur Sainthor^ntVeiV rendu Appéllant de cette
Sentence; -en J j ^ Ç o u r & Variant ’iàns“:cèfïè: iür.tet
Appel, tantôt'.îli’à; çonclu a 1’ïniirrnatiôh iridéfinié,
tantôt il a reftreint ion appel à de certains chefs,
tantôt enfin fuppoiant cjuil n’y avoit rien déjugé
.par cçtte, Sentence, il'a demandé, l’évocation du
principal
un jugement plus’ analogue a la/con,teftation.
Tout .ce verbiage décéle l’embarras du fieur
Sainthorent Ôc prouve cju’il .lui eft zrte - difficile
. de.s’entendre Jui-rmemç ; quant 'h nous ,f la cohtéfration . paroît devoir fe réduire à :dein£‘ objets ; le
.prem ier, de (avoir fi les premiers Juges ont jugé
ce qui étoit contcfté ; le fécond, de (avoir s’ils
ont bien jugé ; c’eit ce que nous allons établir.'
M O Y E N s.
La Sentence dont elt appel a jugé ce oui étoit
. -confell^ ;- il fuffit.po,urr l’établir.d’analyfcr les .pré
tentions refpe&ives des Parties.
Le fieur Sainthorent a fait affigner en paiement
de frais & (alaires plufieurs clients de M e. B o ycr,
�15
quit favüit être p o rte u r clé Tes quittances.
C es Particuliers aiïignés par le fieur Sainthorent exercent leur recours contre Me, Boyer.
Celui-ci dénonce cette a&ion à ion Acquéreur.,
& demande contre lui l’exécution des conven
tions faites entr’eux le 30 D écem bre, fuivant lefquelles la fixieme claufe du traité de iociété , qui
porte qu’il fera tenu de s’en rapporter aux décla
mations des clients, aura T o u t ion effet &> de
meurera dans toute fa force ôc vertu.
L e fieur Sainthorent nie ces conventions, elles
iont juftifiées, il changede batterie , il les iputient
nulles 6c contraires aux bonnes; mœurs.
Les Juges de la Sénéchaiiflee décident qu’elles
iont juftes, légitimes , & en cela ils jugent bien
évidemment ce qui étoit contefle,
: Ils ordonnent que le contrat de vente cle{ l’Office & Pratique, eniemble les conventions faites
le même jour entre les Parties feront, exécutées
félon leur forme èc teneur ;.ij$ décident que..le
contrat
les conventions iont indivifibles > &
que l’un & l’autre doivent avoir la nlêmç, exécu
tion ,
c’eit'ce qui etôit très-vivement côAteilé. .
Enfin ils condamnent le ficUr Sâinthorent à faire
ceiîèr ! les adions, que M d .. Boyer éprpMVc qu ;
éprouvera.jpar ¡la fuite,dd l a i d e s çlieqts ^fr
fignés ,a la déclaration defquels le fieur Saintliôrent refuÇe de s’en rapporter : cette garàntic étoit
exprefiement
B o y e r, $ i çtoit
�16
une conféquence néceifaire de l'exécution des
conventions.
D onc la Sentenôè dont eft appel a juge fur ce '
qui étoit demandé & fur ce qui étoic contefté.
- L a Sentence dont eft appel a bien■jugé.
;
. . . .
L
?
.
' ip
Îo u r établir cette propofition, -il eft inutile-de ^
mettre a contribution GrotiiiS , PufFendorf, W al-' ’
tel , W olff 6c B u rlàm aq u itou s ces Auteurs , en
traitait de la guerre 6c dé la-paitf, ne fongerent
jamâis !k «décider la queftion qui^nous diviie , laifc
fons donc la cé’ vain ’étalage feientifique, 6c re- ?
venons aux idées (impies que préiente cette' caufe.
M e. Bçyer étoit propriétaire d’un Office de
Procureur 6c d’une Pratique confidérable ; ces
deux objets étoient dans le commerce 6c les loix
dé-fil Patrie’ lui pfermettôient d’en difpoièr.
Il en a difpofé aü profit du fieur Sainthorent,
S i il en a difpoié a une condition jufte eni clic—
mehie indifpenfable > 6c fans laquelle la vente eut >
été1impraticable.'!
“ IA ifage des regiftres de recette étoit. autrefois
peu familier dans les Provinces, les Procureursles
nlitux famés de* la Sénéchauflée 6c de la Cour
dcîPAidfcs ii’en ont; jafriais’fcnu,' ou n’en ont jamais •
eu de réguliers: (tf) Ils fe contentoicnt dc donner .<
(.i) Mes. Aidât, V cr d ie r , Barricre , pere \ Lecoq , & tant <
d ’autres Procureurs :qui ont joui à fi jufte titre de l ’eftime &
d» U'confiance p u bH q u tfn 'e r» ! ont jamais eii.
des
�17
des quittances aux Parties, ou d’inférer les reçus
fur la cote des dofliers : fi par événement il fe
trouvoit des omiiïions , ils s’en rapportoient à la
déclaration"de leurs clients; & il eit iàns exemple
qu’il fe-foit jamais élevé la moindre difficulté a
cet égard entre les clients, les Procureurs ôc leurs
Succeiîeurs. ( a)
n M e . Boyér, plus exàâ que la majeure partie
de fès C onfreres, avoit tenu un regiftre de recette ;
cependant depuis 1 7 6 7 , qu’il avoit été occupé à
la levée des impôts, il s’y étoit gliifé beaucoup
d’omiiïions, &c ce regiftre n’étoit plus aufli régu
lier qu’il l’avoit été avant cette époque.
M e. Boyer, en traitant avec le fieur Sainthorent,
ne lui laiilà pas ignorer l’irrégularité de ce regiitre (¿>) , le iieur Sainthorent eut même foin de s’en
afiurer par lui-même en en prenant communica
tion , & ce fut en confequence de cette irrégula
rité qu’il fut convenu que loriqu’il fe trouveroit
des omiiïions fur ce regiftre, les Parties feroient
(il) La plupart des autres Procureurs de la Sénéchatiilée
ont bien vendu , comme Me. B o y e r , ou fans avoir des regiflres , ou fans en avoir de réguliers, & ont vendu à un
prix trois & quatre fois plus con'fidérable , cependant pas
un d’tmx n’a ¿prouvé la plus légère tracaflerie de la part de
fon Succeileur , pas un de ces Succelfeurs n’a prétendu que
fon Vendeur fût garant de tout ce qui ne fe trouveroit pas
infcrit fur un regiftrq ; & ce qu’il y a de fingtilier , c’cil
qu’aucun d’eux n’a même fongé h prévenir cette difficulté , & à
s’en mettre à couvert par une convention précife, & que Me.
B o y e r , qui a pris cette précaution , cft le feul qui l’éprouve.
■(b) N a. Ce fait eft conftaté par la Requête du fieur Sainthorent du 4 Mars, pages 4 & 8.
�tenues de s’en rapporter a la déclaration des clients.
E t comme M e. Boyer étoit plus à portée que
fon Succeiieur de juger fi ces déclarations étoient
iinceres ou ne l’étoient pas , il fut ftipulé , pour,
l’avantage du fieur Sainthorent lui-même , que
dans le cas prévu M e. Boyer feroit tenu décom p
ter avec les clients.
Cette condition étoit indifpenfable , puiiqu’en
vendant purement & fimplement Me. Boyer s ’ex-,
poioit a des garanties ruineufes , qui auroient pu
monter à des fommes énormes , 6c ablorber dix
ou vingt fois le prix d e l ’objet vendu.
Elle éroit évidemment conforme a l’intention
des Parties, puiiqu’il nd pouvoir pas entrer dans
l ’efprit de M e. Boyer de vendre pour 12 0 0 liv.
dix mille livres de recouvrements fur lui-m êm e,
£c que le iicur Sainthorent n’avoit jamais pu ionger à faire une acquifition de cette cfpece.
Elle étoit en outre de l’eiTcncc même de la ven
te, elle avoit finguliérement influé lur le prix ,
puilquc Me. Boyer délaifloit pour 12 0 0 liv. une
Pratique très-lucrative , 6c plus de Boo liv. de
profits de fociété, dont le fieur Sainthorent étoit
tenu de lui compter ; tandis que fes Confrères
vendoient leur Pratique quatre, cinq , iix , 6c juiqu’h iept mille livres.
Enfin cette condition étoit tellement de l’eilcncc de la vente , que fans cette claufc la vente eue
été évidemment impraticable, la Pratique de M e.
Boyer eut été inaliénable, 6c celles de tous les
�An
19
Procureurs qui n’ont pas de regiftres, ou qui n’en
ont pas de réguliers, le feroient également, puifqu’il n’en eft pas un feul qui ne préférât de per
dre fa Pratique & de l’abandonner plutôt que de
la vendre fans la condition exprimée ou fous-en•tendue de s’en rapporter à la déclaration des
clients, •& qui*voulut, pour une modique i'omme qu’il retireroit de cette Pratique , demeurer
garant de tout ce qui ne fe trouveroit pas inferit
iur un regiftre régulier.
Cependant cette claufe fi jufte, fi évidemment
indifpenfable, fi eiïèntielle & fi analogue aux cir;conftances eft amerement critiquée par le fieur
Sainthorent.
Il prétend en premier lieu qu’elle cfb contraire
aux bonnes mœurs.
En fécond lieu , qu’elle eft obfcure <Sc qu’elle
doit être interprétée contre le vendeur, quia p o tuit legem apenius cîicere.
Troifiem em ent, qu’elle oblige M e. Boyer feul,
& que lui iicur Sainthorent n’eft pas tenu de
l’exécuter.
Quatrièmement, que cette clauie n’a été con
firmée que dans une partie , lors du traité du mois
de Décembre 17 7 2 ., & qu’elle ne l’a pas été quant
à la néceiïité de s’en rapporter à la déclaration
des clients.
Cinquièmement, que M e. Boyer ne s’en cil pas
réfervé l’exécution en lui remettant copie de lui
certifiée de Ton livre de recette.
C i
�-vírV
20
Sixièmement enfin , qu’il eftléfé par cette claufc du tout au tout, 6c qu’elle doit être refcindée.
P R E M I E R E
O B JE C T IO N .
L a claufe de s’en rapporter a la déclaration des
clients eft contraire aux bonnes mœurs. .
R é p o n s e . Jamais les bonnes mœurs n’ont
empêché un propriétaire de difpofer de fa chofe
aux conditions qu’il croit convenables à (es inté
rêts; Me. Boyer pouvoir, en tranfmettant fa Pra
tique.au fieur Sainthorent, fe réferver, fans bleifer les bonnes mœurs , tous les recouvrements qui
étoient à faire, il pouvoir à plus forte raifon ne les
lui céder qu’a telle ou telle condition, & fur-tout
h une condition qui étoit d ’pne néceiîité abfoluc
par elle-même, 6c fans laquelle cette ceilion étoit
impoifible.
I l ne faut d’ailleurs qu’une réflexion bien fimple pour fentir combien cette obje&ion du fieur
Sainthorent eft abfurde : fi cette condition eft con
tre les bonnes mœurs, s’ il n’eft pas polfible à un
Procureur, qui vendía Pratique, de ilipulcr une
claufe qui le décharge de la garantie de tout ce
qui n’eft pas porté fur,íes.livres, il en i chiite,évi
demment qu’un .Procureur qui n’a.point dc.rcgiftre fera tenu de rendre à fon fucceifeur tout
ce qu’il aura reçu de íes clients dans tout le cours
de fa vie , depuis le jour même de la réception
juiqu’au jour du contrat île vente., puiiqu’cn ira-
�2 ï>2>
. 21
duifarit en jnftice tous, les clients de fon prédcceiîèur, ces clients exerceront une garantie , dont,
fuivant le iieur Sainthorent* riqn -ne peut le pa
rer qu’un regifbre régulier qui lui manque: ainii
cet acquéreur, qui, comme le fieur Sainthorent,
-aura a c h e t é , pour iio o liv..u n eP ratiq u e,u n eclien telle , un état, lucratif,.aura encore acquis le droit
de dépouiller, fon vendeur de toute fa fortune
préfente & fu tu re, quelque confidérable qu’elle
puiilè jamais être.
S E C O N D E E T T R O I S ™ : O B JE C T IO N *
L a ctaufe eft obfcure, elle doit être interpré
tée contre M e. B o y e r , elle n’oblige que M e.
•Boÿer.
, . : i c' t.: •»
. R é p o n s e . ’Il fufRdide.laqtranfcnre : » fi les
» fommes que . j’auraii.tquchées ne ie rrouvoienc
» pas portées fur mon regiilre , je me réferve
» de compter avec les Parties, &c de m’en rap» porter à leur déclaration, (ans, néanmoins qu’el” les puiilènt fe prévaloir de la préfente claufe,
» qui demeurera fccrette entre nous & c. »
E t : plus bas, tout ce que dciTus & des autrres
parts a été par nous relpeâiv.cment promis 6c
n accepté, .h peine de tous dépens, dom m ages, in* térers, pour .avoir lieu dès ce jour. »
Il cil iàns doute bien évident que. par cette
claufe les Parties ont;entendu prévoir le cas où
dçs.çlicnts, cbntrejefqucls le lieur Sainthorent ré-
�iz
-clameroit des frais, fe trouveroient avoir payé
tdcs fpmmes qui auroient été- omifes fur le regis
tre de recette , 'que dans:cecas les Parties feroient
tenues de s’en rapporter à la déclaration des clients,
&C M e. Boyer tenu de compter avec eux, parce
qu’il étoit plus en état que fon fucceffeur. d’appré
cier la iincérité de :ees déclarations..-.
iiù
C e f t une bien grande abfurditéi.de prétendre
que cette claufe oblige M e. Boyer feul à s’en rap
porter à la déclaration des clients, & que le fieur
Sainthorent n’a pas contra&é le même engage✓ * r»i»'
'
ment.
^ .
Quoi ! cette claufe n’oblige pas le fieur Saint
horent, 6c elle eft écrite de fa main &c fignée de
lui.
Elle n’oblige pas le fieur Sainthorent, & il l’a
cxpreflement acceptée ; il a promis- de l’exécuter ,
a peine de tous dépens, dommages ^intérêts.
Elle n’oblige pas le fleur Sainthorent, & il l’a
cxpreilement confirmée par le fous-ièing du 30
D écem bre, qui eit également écrit de ia main &
figné de lui comme la convention originaire.
Elle n’oblige pas le fieur Sainthorent, & il l’a
ponduellemcnt exécutée pendant l’année entière
qu’a duré la fociétc , & dans tout le cours de
l’année 1 7 7 3 ? comme Aie. Boyer cft a même
de l’établir par des preuves écrites.
A quoi bon M e. Boyer auroit-il donc ilipulé
cette ebufe pour lui feul ? qu’avoit-il beioin de
s’impofer la loi de s’en rapporter à la déclaration
�2*3
,
des clients, fi ion fucceiîèur pouvoit s’en jouer &c
exiger d’eux tout ce qui n’auroit pas été porté fur
les livres? pourquoi.ce compte deitiné a vérifier
ces déclarations, cette ftipulation du fecret pour
empêcher les Parties d ’en abuièr ? pourquoi prévoir
le cas des omifïions; fi Me. Boyer devoit en res
ter garant ? quel eut été enfin le fens , l’objet
d’une pareille convention?
' '
~.,:Ne iemble-t-ii pas qu’on : ait -pris a tache dans
cette affaire der lutter fans ceilè contre l’evidence,
de fronder ouvertement les premières notions &c
de livrer june guerre continuelle au iens commun.
Q V A T R I E ME
O B JE C T IO N .
: : Cette claufe n’a été confirmée que dans une par
tie y lors du contrat de vente du 30 Décembre
I 77 2 ;
■ ■■ ;
: /
B fufHt encore de tranferire ces
dernieres conventions qui font à la fuite Si au pied
du traité de iociété.
« Nous foufïignés , .au moyen de l’a&e pafléen» tre nous cejourd’hui, pardevant l’E b raly, N o » taire en cette V ille , consentons que ces préfen” tes ( le traité de fociété ) demeurent nulles &:
» fans aucun effet, excepté pour lafixiem e claufe y
» par laquelle moi Boyer mefu is réfèrvé de compter
” .avec mes clients, qui aura T o u t fou effet. ( a) »
R
é p o n s e
.
(«) Cette claufe a été tranfcrite avec des Guillemets dans la
troiiieniü Confultation imprimée ,p? g c 1 1 , & on acu foiu de
�.
*4
Rien eft moins équivoque que cette convention;
les Parties annullént le. traité.de fociété, excepté
pour la fixieme. claufe, & elles, ajoutent que cette
iixieme claufe, aura T o u t , ion' e ffe t.,..
?.. .
• En -rappellant. céttej.claufeeon ajouté , pour la
défignér de manière, 'à ne pouvoir pas s y mé
prendre, que c’eft celle par laquelle-,M e. Boyer fe
réferve de compter avefc fes-anciens clients ; -mais1
c eft une'Vràie dérifîon que de; prétendre que par
cette défignation l’on borne à. cet objet l’exécutiôn
de la elauie , puifqu’on itipule au contraire que
cette fixiem e claufe demeurera dans toute ia force
&: vertu, qu’elle aura T o u t fon eifet.
~EtiComment .en. effet auroït-il pü entrer dans
l’efprit des Parties contractantes de fyncoper cette
elauie , de divifer là faculté de compter , & la
néceilité de s’en rapporter, a la déclamation des
c lijn ts, tandis que ces deux conventions font ab
solument corélatives , quelles font une'dépendan
ce ncceflairc. l’une de l’autre , &c qu’elles font mê
me rédigées de maniéré h être-h jamais inféparab ie s, puiiqu’élles dépendent l’une- & l’autre du
même cas prévu , qui eft celui deromiflion fur lcîs'
liyres : Si les femmes que j aurai touchées ne Je
vouvoient pas portées fu r mon regifbe , je me
réferve de compter avec les Parties , & de m'en
rapporter à leur déclaration.
\ '
io u il r a i r c le m o t T o u t : 6n a fans c c if e a r g u m e n t é d an s cette
C o n f u l t a t i o n & à l ’ À u d i e n c t -, c o m m e fi l e m o t T o u t n*y c t ô i t
p a s : c ’c l l u ne m m i e r e t r è s - c o m m o d e d e r a i f o û n c r q u e d e r e
t r a n c h e r d ’ u/i a i l e les m o t s q u i n o u s g ê n e n t .
A quoi
�A quoi to n en effet ce c o m p te s’il dcvoit êrr;
ians objet,; fi le fieur Sainthorent pouvoit n’y
avoir aucun égard ',. rejetter* les-déclarations , na.
prendre que le livre de recette pour bouilole y-exi-.
ger tout Ge qui y feroit omis malgré -ces1: décldrations confirmées par le com pte, & . forcer enfin
M e. Boyer a la garantie de toutes ces omiiïions ?
Mais pourquoi s’appefantir fur une abfùrdité
de cette,elpece ^ dans le faiLle mot to u t leve toute
eipece d’équivoque, & .il y- a lieu de croire que ii
le fieur Sainthorent n’avoit pas. eu la précaution
de le fouitraire, il auroiç épargné, à fes. confeils
les vains raiionnement.s, qu’ils, iè {ont permis fur
le plus ou le moins d’étendue, qu’il folloit donner
à cette convention. _ ,
. .... .
C IN Q U IE M E
O BJEC TIO N ,
M e. Boyer ne s’eft pas réfèrvé l’exécution de
cette claufe en délivrant au fieur Sainthorent une
copie de lui certifiée de fon regiftrre de recette.
R é p o n s e . Dans le droit, ce défaut de rér
ierve dans la remifè du livre de recette /croit fans
doute très-indifférent ; ce n’eft pas par une omi£
fion de cette efpece que l ’on perd des droits.,ac
quis , & que l’une ou l ’autre des Parties peut être
libérée de fes engagements.
Mais dans le fait cette obje&ion ne. doit fon
exiftence qu’à une infidélité que le fieur Sainchorent s’elt permis, & que Me» Boyer fe trouve
D
�par le plus grand hazard en état de relever.
M e. Boyer ayoit eu la précaution de faire un
projet du certificat qu’il devoit mettre au bas de
cette copie qu’il étoit obligé de délivrer au fieur
Sainthorent, il a retrouvé ce projet, il le rapporte,
il eft conçu en ces termes :
« Je certifie la préfente copie comme ayant été
» tirée fur mes regiftres par le Clerc du iieur Sain» thorent, qui a été collationnée avec un des
» miens , fa u f néanmoins toutes erreurs , & fans
» préjudice des conventions faites entre nous re» lathement à cet objet. »
Que le iieur Sainthorent rapporte la copie de
ce regiftre qui lui a été délivré par M e. Boyer ,
fi ces expreifions font au pied de cette copie, l’obje£Uon difparoît & l’infidélité eft démontrée.
S I X I E M E
O B J E C T I O N .
Le fieur Sainthorent eft léfé du tout au tout par
cet e claufe , ’ ion fort dépend des tiers, il n’a
rien acheté, fes lettres de reicifion doivent être
accueillies.
''.■Ré p o n s e . Dans le droit il n’y a pas lieu à
refciiion en vente d’üifice.
'Secondem ent, le'bénéfice dé la reicifion a été
introduit, en faveur du vendeur & non. de l’achctciir, :
: ".
, '
Troifiemcment
il n’y a pas lieu à refcifion
en vente , ôc a plus*forte raiion ch achat1de choie
�i7
mobilière, &L tous les -Auteurs conviennent qu’une
Pratique de Procureur eft dans cette claiîè (a)
- Mais dans le fait de quel iront le fieur Saintborent oie-t-il dire qu’il eft-léfé du tout au tout,
lui qui pour 12 0 0 liv.comménce par s’acquitter d’un
compje d’une année de fociété, dont la moitié re
venant à M e. B o y e r, formoit au moins un objet
de 800 liv.
Lui qui pour ces 12 0 0 liv. s’eft procuré un
état, une clientelle, une fuite d’affaires confidérables , une Pratique très-lucrative , que fes Confreres ont acheté quatre/cinq, fix & jufqu’à iept
mille livres.
'
'
:
Le fieur Sainthorent eft léfe du tout au tout,
.& il eit déjà rempli par les anciens recouvrements
que cette Pratique lui a produit de cette fomme de
12 0 0 liv. qu’elle lui a coûté. ■
.
Il y a m ieux, il a touché ces 12 0 0 liv. cette
fomme eft dans fes mains , il en uie & M e.
Boyer a encore plufieurs années à attendre le prix
de fa Pratique, fans caution, fans la moindre fu
reté , &C avec toutes iortes de motifs de fufpe&cr
la folvabilité de fon acquéreur.
Que diroit-on d’un particulier qui achetc, mo
yennant 3000 liv. une terre avec fa récolte, qui
dgns le même inftanr touche 3 000 liv. de cette
récolte, & prend enfuitc des lettres de refcifion
¡.
( a ) Dumoulin fur la coutume de Par. f. i 1 /n-’ . 1,
Chopin , liv. ier.</e mor/Æ.P-AîtîS, titre ret. fco. 38.
firodeau fur Louçt, 1. p. foin.
D x
�!;y
■■■•
; .
£
!
i8
contre fon contrat d’acquifition, & fe prétend le'ie
. du tout au tout.
.
Râifonnements
Que diroit-on de cet acquéreur, fi pour mo’ I re-ijoanJ îo'de fe» yens de reicifion il di foira. Tes Juges , ce n’eft pas
\
iiT,p,imésun£ fomme de 3 000
que j ’ai acheté, moyenY*
nant 3000 liv. c’eft une terre . . . . . .
fauvons-lui Tidée, qui fe prélente fur ce plaiiànc
iophiime , ’ & . ’difons- lui tranquillement, vous avez
000 liv. & la terre, la choie 6c le ,prix.
M ais dit le fiéür Sâinthorent, l’JEdic de 1 6 9 1
prononce la fin de non-recevoir contre les Proj- ;
cureürs qui réclament le paiement de leurs frais
.'H
fans'wrèpréfenter un rcgiftre régulier, me voilà
donc.eiqpofé à fubir la fin de non-recevoir de la
] j;
part de tous vos clients, & à former dés deman
des dans lefquelles je puis iiiccombe’f ?
j
R é p o n s e . Que le fieur Sâinthorent borne
'
fon ambition qu’il fé contente des 12 0 0 livres
que lui a déjà procure cette Pratique, qui le
rcmpliiTcnt du prix de {brt*acquifirion,&: il fera à
l’abri des fins de non-recevoir. ~
Qu’il imite fon V en d eu r, q u i, dans l’cfpace
de 16 années n’a pas fait affigner un ièul client,
6c il fera' ai l’abri des fins de non-recevoir.
>-> Mais d’ailleu rs;’"s’il y a des fins de non-rece•voir» à craindre, clles fonr.pour. la pluparr acquifes par la. loi, qui^fixe lotemps pendant ldquel les
Procureurs peuvent réclamer leurs frai» , 6c ce
«n’eft pas^au défaut de ♦regiilrC' qu’il faut les ateri—
• buer. .
�■ 29 V
E n fécond lieu, il eft très-rare que les débi
teurs oppoient la fin de non-recevoir dans cette
matiere , on n’en voit prefque pas d’exemple , &
lin e paroît pas qu e, m aigre’ l’irrégularité des
regiftres cle M e. B o y e r, le fieur Sainthorent,
quoique très-arclent a pourfuivre en juilice fçs
anciens clients , en ait éprouvé une feule.
T r o ifie m e m e n t , on ne prononce jamais en ju'fc
tice la fin de non/recevoir pour honoraire, frais ■
9u falaire de gens dé tous les érats, qu’à la char
ge par le débiteur d’affirmer qu’il a paye la fomm e dem andée , de forte que la néceifité de fubir
cette fin de n o n -recevoir rentre dans la néceîïité
de s’en rapporter à la déclaration des clients, qui
a été ftipulée entre les Parties comme la fauvegarde des clients ÔC du vendeur.
Quatrièmement, cette fin de non^recevoir a "
été expreifémenc'prévue par les" Parties , a iervi
de bafe à leurs conventions’,-qui n’ëtoiént fondées
que fur l’irrégularité du regiitre de recette , & le(F
iieur Sainthorent s’y éfl: fournis' en; trbs-gran d o #
connoiilànce dé caüfey puifqû’il nous attelle lui-^1
même qü’il prit 'communication'de
rdgîltre ,
6c qu’il ajoute , avec fa douceur ordiiTairc , q u il
¿uppercut quune piice : de cette nature itùii faite
.................. —
pour craindre'le jour.
’
Cinquième nient1 enfin ; \cs plaintes 'dù‘ frétir
Sainthorent fur c£S fins d r non-recevoir poifiblcs
font d’autant plus indiferettes; “ que dam leH'ait
Me. Bover nVltipulé dans le e n t r â t 'd e vente
�*1”
3°
aucune. efpece (Je garantie, qu’il n’a pas entendu
lui aifiirtr un fol de recouvrement, que quand,
par événement, au lieu d ’avoir touché 12.00 1.
i l n ’auroit pas touché une obole , quand il auroit
eiTuyé des nns de non-recevoir lans nom bre, il
n’en ferait pas mieux fou dé à s’élevercontre les con
ventions faites entre les P arties, parce que cette
fomme de 12 0 0 liv. n’a pas été le prix d’un recou
vrement quelconque, ( a ) mais de la clientelle,
de la pratique) delà fuite des affaires , du trans
port de la confiance des anciens clients du Ven
deur, ôc enfin delà décharge d’un compte de fociétc qui, s’il eut été rendu par le fiçur Sainthorent, auroit au moins produit 800 liv. à Me.
Boyer.
Mais au furplus, fi le ficur Sainthorent perfifte encore à le plaindre de M e. B o y e r , s’il ofe
encore prétendre qu’il eit victime du d o l, de la
fraude , de la fupercherie, qu’il a été léfédu tout
au tour par les arrangements qu’il a fa it, tandis
bénéficie du tout au tour; voici quelles font
^ ►qu’il
<
RequctedeM ^cs °ffres que lui a faites Me. Boyer en cau^e prinB o y e r e n cat.fe cipale.dès le premier inilant de la contcftarion,
p rin c ip a le du a 6
I , .1 w
f i t
\ P A
J ■
0
•
1 •
Février,
qu il lui a réitérées a 1Audience, oc qui rencioient
à tous égards trcs-inutile le remede de la reicifion
auquel il a cru devoir recourir en caufe d’appel.
V ous prétendez que j’ai abuié dç votre inex-
\
V
â!
(■>) M"s. Lecoq & Marperide ont vendu 1 1 0 0 liv. la Pratique
de leurs Prédjccireurs.q ’i n’avoiont ni recouvrements, ni fuite
d’allaircs.
�31
■pé'ricnce en-vous'vendant ma Pratique 1 1 0 0 Iiv.
'le compte de laTociété, dont ma"portion étoit au
meins de-8oo liv. la clicntclîe, la iliite des affai
res, la fuceeTon d e 'la 'confiance valoient bien
tu 'delà decetre Tomme; mais prétendez-vous que
tout cela ne valoit pasune obole, eh bien, je vous
•en fais grâce, & ',j>offre de vous faire bon dé 12 0 0
!liv.rde3 recouvrementsfeuls, en me rendant comp
te du produit det ces recouvrements de clerc à
niaître.
Ce premier parti ne vous convient-il pas? en
Voici un fécond ; je confens que ma. Pratique foie
eftimée par Expéyts-Procureurs, gens à ce con- A
noiffants, dans l’etat où elle étoit lorfque je vous
l’ai livrée; je confens que cette eilimation foit fai
te relativement à nos conventions & en leur clonT
nantleur pleine exécution , 6c je m’oblige çle n’exi-^L
ger pour prix de cette Pratique que Te. montant ”
de l’eftimation.
_ C ’efl: ainfi que.M e. Boyer^s’ efl préfenfé dans
tous les temps;a Ton Adverlaire. à .Tamiablc,- 6c,
i #
*r />*• • ' •
* f
J *
avant d’etre traduit en Juicice ;par éçri'f^ôcà l’ Audicnce en caufe principale, 6c c’eit ainfi qu’il s’eft
toujours préfenté en la C our; mais jamais le fieur
Sainrhorent. n’a rien voulu ( a cc e p te r6 c ,p o u i;7
quoi ? parce que jamais fbn but fn’a ér$ de réparer
une Iciion atTurde & ¿imaginaire, jamais il n’a
longé férieufçment.à renverfer le traité le plus k l
avantageux qhe l’on ait fait dans ce genre : en \
incitant cette conteflation à M e. Boyer , fon pre-
�3>
mier-point de vue étoic. de le. rançonner, en !e
forçanr d’acheter chèrement-la paix, ou de le diiTàmer comrne j l Parfait à Ja derniere A udience,
s’il, rekifoic*.dc fè^i-yr.er à fa diferétion.
C^efl ici le.momentd’ecîtrer,dans,une nouvelle
carriGrej, où le fènsjfroid ferpiç. guiïi nécefïàire
qu’il e(t ifnpoiïible, où l’indignation conduit la
plume malgré les efïbrts_derla raiion p o u rl’arrêter.
. C H A P I T R E D ES. IN C U L P A T IO N S .
C e n’ptoit pas allez poyr le fieur Sainthorent
d’être ingrat dans les procédés, & /abfurde dans Tes
prétentions, détra&eur atrabilaire de fon Bienfai
teur ; il l’a préfenté dans l’Audience la plus nombreufe au public & à.fes Juges comme un hom
me fcandaleux dans ia fortune , qui croit trop im^«m enfe ¿¿trop précipitée pour avoir une fourcc
légitime.
Il l’a peint comme infidele dans ies traités, re
cevant de l’argent de les clients, après avoir ven
du là Pratique, retenant une partie de cette Pra
tique vendue pour en frtiftrer ion acquéreur.
Il l’a peint comme infidele ënvers fes clients
eux-memes^ recevant de l’argent fans l’envoyer h.
fa deflinatiori, des rftarchandifcs fans en compter:
il a appuyé cette diffamation de faits particuliers,
auxquels des certificats mendiés fembloient au
premier abord donner quelque poicj/, & abuiant
ainfi de la crédulité des auditeurs, il cft parvenu
à
�3 -*
33
il répandre les images les plus épais fur fa répu
tation , 6c à briier ion cœur par la douleur la plus
amere qu’un homme ait jamais reilèntie.
Si M e. Boyer eft coupable des infidélités quon
lui impute, s’il eft feulement fufpect, il confènt
d’être puni avec la derniere rigueur, il le de
mande même , "le bien public 6c l’honneur de fon
Corps l’exigent ; mais s’il eft démontré que tous
ces faits iont l ’ouvrage de la plus noire calomnie,
fi tous ces faits font autant de fauifetés manifeftes,
démontrées par des p r e u v e s authentiques, alors il
doit être ven gé, & il doit l ’être d’une maniéré
éclatante, proportionnée à 1 énormité de l’outrage ÔC
à la publicité de la diffamation, qui, préparée pour
1*Audience la plus nombreufe, oîi la foire 6c les aftiiès avoient conduit une multitude d’£trangers,s’eft
déjà répandue dans toutes les extrémités du Reilorc.
Quant h fa fortune, il ne peut s’empeher d’ob- Article premier
ferver qu’il eft bien étonnant que l’inquifition s’é
tende jufqu’à mefurer l’étendue des propriétés des
C ito yen s, & à en fonder la iourcc ; mais puiique fon Adverfaire le force de rendre compte
àu public de cette fortune immenie qu’on lui re
proche avec tant d’outrage, en voici le tableau,
qui eft d’autant plus exa&, qu’il eft tiré fur la groiïc
même des contrats :
M e. Boyer a acheté la maifon qu’il
habite,
4^00 1.
Une vigne à Chanturguc,
- 2.400
Une moitié de maifon à Saint-Genès, 1 <00
E )
1
�V^’
34
Il a acheté le bien de Riben de M . de r
1
B rio n ,
*.« ■ • ... 2^ 000 u
T o tal,
334° °
Sur quoi il doit fur le bien de Riben
3000 liv. à M . de B rio n , c i ,
3000
A t- le 4
'
f
Refte ,
*
3° 49 °
Ainfi donc dans 1 6 années , avec le travail le
plus opiniâtre , avec l’économie la plus ftricle,
avec des talents connus qui lui ont attiré la con
fiance publique , avec les récoltes les plus heureufes depuis fon acquifition du bien de Riben , M e,
Boyer a fait 304.00 liv. d’épargnes, & fa for
tune eil fcandaleufe, elle eit précipitée, la iource
n’en peut être légitime, (rf)
M e. Boyer eft un vendeur infidèle , il a vendu
au fleur Sainthoreut ia Pratique-,
depuis il a
touché de fes clients les frais qui lui étoient dûs,
la preuve en réfuke de ce que fur le doificr d’un
fieur G ic le s , qui a eu une affaire jugée en 17 6 8
contre le fieur Baudet & les Religieux M inim es,
on lit ces expreffions, tout mefî dû , que cepenr
dant lorfque le iieur Sainthorent s’eft pourvu con
tre ce fieur Cheles en paiement de fra is, il a rap
porté une déclaration de M e. Boyer qu’il ne devoit rien.
,
...
(a) Ces biens ont pli augmenter ch valeur par les rëvolutions furvcnuCT dans l’ tëtat , mi parce-que Me. Hoyer a f a i t
des acquifitions avantageufes en elles-mêmes , niais dans le
fait fes épargnes ne lui ont produit dans 1 6 années qu’un ca
pital de 30.JÆ0.
. .
«
�•
3Ÿ
.
......
■
Il fe préiènte contre cette inculpation uns pre
mière répon Je qui'ne pouvôit échapper a perionne,
^v qtii auroit du* frapper le.fieur Sainthorent, ceft'
qu’il arrive tous les jours que l’on riiet une note
iu i ' un dôiïier, qùi l’inilànt Après devient inutile ;
tout m cjl dû aujourd’hui, rien n’eft dû le lende
main , il eft'dorïc tïès-facile de concilier & cette note
du doiîier & la déclaration rapportée par Cheles , ’
d’autant mieux qu’il, s agit dune affaire jugée,
gagnee
terminée depuis 17 6 9 .
Mais Me. Boyer n’en eft pas réduit a; cette
Çeponic ; il rapporte la preuve écrire qu’il a réel
lement‘ touché les.: frais dé cette affaire du fieur
Baudet , Partie'condamnée , non pas depuis la
vente de fa Pratique, mais au mois de Février 17 6 9 ,
près de trois ans avant qu’il connut le fieur SaintHorcnt~~ ’
'
.........
Cette preuve réfulte de la quittance de ces frais,
qui eft ious cette date du mois de Février 17 6 9 ,
qui eft encore entre les mains de Me. Guillaume,
Procureur de Baudet, que lui-même a réglé les
fifàis & a-, compte les deniers , & cette quittance
eft d’ autant moins fufpc&e qu’elle ie trouve trani'crite à la fuite de celle donnée par les Religieux
Minimes au iieur Baudet pour les frais qui leur
jétoient dus dans la-mênie affaire»
• Cette preuve réfulte de l’atteftation de Me.
Guillaume,qui adonné fon certificat de tous ces
fu t s , & offre de juftifier de la quittance qui eft
dans fes mains.
E 2
�3,6
Elle réfulte enfin de l’atteilation de M e. Rochefort , qui eft aujourd’hui Confrere du fieur Sainthorent, & qui étoit alors Clerc de M e. B o yer,
qui certifie avoir lui-même écrit la quittance, &
vu compter <Sc toucher les deniers au mois de Fé
vrier 17 6 9 . (a)
C ’en eft aifez fans doute fur ce premier fait pour
confondre le fieur Sainthorent, pailons au fuivant.
Un Payfan d’Aulnat attefte avoir donné 6 liv.
à M e. Boyer au mois de M ai 1772, fur une affaire
de la SénéchauiTée, donc M e. Boyer eft un ven
deur infidele.
Plaignons le méchant, fon fupplice eft dans
fon cœur &: dans la peine qu’il prend pour faire
le mal. Q uoi! pour 6 liv. manœuvrer, follicitcr
un Payfan , le traîner chez un N otaire, luicxtor(d) Je fouifigné François Rochefort, Procureur en la Sénéchauffée de C l e r m o n t , certifie & attefte que Me! Boy er ayant
pourfuivi en 1768 une affaire pour le fieur G i c l e s / B o u r g e o i s
de cette Ville , demeurant rue des Carmes, contre le fieur Dau
det Cavalier de Maréchauffée & autres, dans laquelle affaire
jl y eut plufieurs Sentences, notamment une derniere du mois
d’ Août mil fept cent foixante - h u i t , qui condamnoit Baudet
a u x dépens; lefdits dépens,qui étoient dus à Me. Boyer, furent
r é g l é s par Me. Guillaume, Procureur de Baudet ; l’argent com
pté par ledit Baudet en préfence dudit Aie. Guillaume , & reçu
par ledit Me. Boyer le vingt-fept Février mil fept foixanteneuf dont le fieur Chelcs donna quittance audit Baudet, la
quelle j’écrivis moi-même , étant alors Me. Clerc chez ledit Me.
B o v e r , au bas d’ une autre quittance donnée par les Révérends
Pères Minimes audit Baudet concernant la même affaire. Fait
ce dix huit Août mil lept foixante-quatorze. R o c h e f o r t .
J'atteJIe les mêmes f a i t s & déclare que je f u is p o rteu r de /•*
quittance. G v 1 L L A V M E .
�quer un certificat, eiïuyer., pour 6 liv. la honte
qui eft attachée à la vile fon&ion du délateur.
. Ile.fieur Sainthorentreft aifez puni. '"D a n s le fait, tout ce que p'eut dire M e ‘B oyer]
fur c e t t e 1 'miférable inculpation , • c ’eft-- qu’il n’a
pas-la plus légere idée d’avoir touché cette fomme de 6 liv. de ce Payfan d’Aulnat.
* Que s’il Ta touchée, ce n a pu être qu’au mois
de;)M ai 1 7 7 1 & n’on"au mois de M ai 1-772 ,i
parce qu ’ il e(Vcertain que cette affaire n’a pas eu;
de fuite depuis le mois de M ai 1 7 7 1 .
Q u’au furplus, l’auroit-il touchée au mois de
M ai 1772- y l es Parties étant alors en fociété, le
fieur Sainthorent étant logé chez lui & vivant avec
lui il n’y auroit rien d’étonnant: 4 ue dans un
moment d’abfence du fieur Sainthorent, M e.
B oyer eut . touché ,pour lui ces & liv. ôc lui en
eut fait la remiiè à fon retour.
• - >
M ais dans le v ra i, M e. Boyer n’a aucune idée
de ces 6 liv. 6c aflurément l ’objet n’eft pas aiïez
important pour s’en occuper davantage.
Celui qui fuit l’efl: beaucoup plus, & mérite la
plus grande attention : le fieur Sainthoient re
proche à M e. Boyer de lui avoir vendu fa Pra~
tique, & d’en avoir gardé les papiers pour l’en
fruitrcr.
V oici lcrfait, M e. Boyer va le rendre fans ai
greu r, il louhaite qu’on puifle le lire fans- indig
nation.
'»
M e. Boyer 6c le fieur Sainthorent étoierrt en
�T£
siriorf si . v i U -ii-pr, < 3 : ? ^ . » S m » v w / p
loçjetç depuis le mois^de.JLJpcempre 177,1, , oc cet' ' }A f
r ........»! i
-• / I <
'•“'•VC
Ifcritiijs'ipnt- çpnveçri^çetçe -lqcijjte f^j^eiite. pupef
¿loviî'b
3T_; •'){ £!/[, » .f . ?r •
L e fieur Saintliorejit.avoiç a lp rs(quif,tç depuis
quelques ¡ours .la.pjaiijbn^cle JVle,.,BpyçrL ^ i i ^ rétpitro.cçup4 dan& JejCpurant.çlç Décembre: ^ '^ o ^
turejr<-jeà',papier qui :lp i;app.a«efioienf
nouveau domicile«
r/1
r. 1
./D.àjîir cet iritêrvallc,.&; le 9 Décembre , /avant
qu’ilsJûiïènt tranjjiçrfcs en enûer., M e. ^thay-pe,Peocurmvr vert la; JSenécJjauffëe ,. viut.rdërçîancrer
au/iven6Sait];hopünt Je? pieces d’un no m me, Jti il
lard , de L a n ti, qui dépendoient de la Pratique,
de Me. Bpyer.
. ,
Le fi cur Sainthorent- les chercha dans lps p af
piers qu’il avdit ,chez, lu i, &c ne. lesr ayant ^pas
trouvés, il renvoya/le Procureur ¿k la.jPar.tie las
chercher chez Me. Boycr.
r M e. Boyer pHa M e, Athaync de fairç lui-mcme cette, recherphe dans le cabipet où travailloit
précédemment J.c, iîetir' Sainthorent & où étoit
le refto des . papiers .qu'il n’avoit pas encore tranfportés dans fa nouvelle Etude.
. Me" Athaync , pprçs I3. .plus cxa$q recherche,
jTaryint à.'les..t'r(;tiv'çi;,, tombée aj/co. d’autres par
piers au bas du dernier rayon , &c lous uf) petit
lit qui: fe, troiiY.ofitr,dans ce cabinet. . ,
Cette affaire n’avoit pas été fuivie ; Me. B o io r
�39
^yoit ji'eçu deTargent des Parties, dont il de.ypitcompter j il pria M e.-^thayne de -faire fétat, des
fo is pour,conftater. Ton .débet, M e. Àtliayne-ayant),
refuie idc le faire? M e., B o y e rle Ht hii-même ,
s’ étaiu trouvé,débiteur de 2 5 liv. 5 fo ls , il remit
cette, iomme.à JVIe,\Athayne? inivant les conventionVjgu’il ayoit faites^avec le fieur Sainthorcnt,3
par lefquelles.f.il rétoit, .chargé de rendre aux:'
■■ .
; v tj p 1 • 1 j
<
■*.
. ■>.
'« .
i
rarties ce qjiu l. le trouveroit avoir reçu de trop
fur fes frais.
,1
f,M e. ^thayne iortit de.chez M e.B oyer,alla chez,
le fieur Sainthorent, lui annonça qu’il avoittrou-!
vé.les,pieces, lui en donna décharge, & lui fit partr
des 2.5 liv. «5.fols qu’il avoit reçu de M e. Boyer,
, D e retour c f e lu i, M e. Athayne fit ion a6le
d ’occiipen&'. un avenir ^ & porta- cette femme de
2.5 liv, ^ fois Tur/fon r<?giftre, le tout fous cette
mcnic, date d 11 g Decêmbrc S 77? > trois femaines
avant l’a&e de vente pure ¿k.fimple.
• Rien n’étoitiplus fimple-, plus naturel que tou
te eettc Q.pérÿio'n, '& elle s’étoit paiîee abfolument
ians myilere .de: la :part de toutes les Parties.
viÇependant lé.-fievir-Sarnthorent a pouiTé la ma-;
malignité, jufqu à/preienrer ce fait, dont routes les
circonilances lui, étoient fi parfaitement conn'iics1 comnie une iniidelité 'révoltante de. la part
de,'Mev' 'Bfrycr' comme nrie/ preuve. qu’aorès
. ni 3•' j"TWf /v; îS
\ ’ •!* *
• •
avoir, vp/ulu Îa^Pi^q.cjt^.,il en rctçnoit les papiers ‘
dans la,vue de. l’en iruilrcr. , ,.
, 7
'■ E.1 vp'î>r: ;d<în,rtcr qticlquc, vraifcmblaijçç h -ç ^ e ;
v ' ■-'¿-¿.'Ij x’/'VJ’i ..
�.4°
inculpation, il, a . furpris.de M e. Athayrie un cer
tificat , dont il ignôroit l’objet , qu’il lui a fait
fotiferire à la hâte , <Sc ians réfléxioiüj où lui faifarit cacher avec ibiii coûtes les çirconilatrcesr pro-preif 'a juilifier M e. B oyer, il lui a fait fauiîèment
déclarer, que c’étoit au mois d’A o û t 1 7 7 3 qu’il
âvoit trbiive ces piedes cn ez'M e, Bciÿ’er. (a) '
;M e ArÎVaÿne a en vain voûlu. depuis' retirer ce
certificat, ou'du moins l’expliquer, le rectifier, il
ne lui a pas etc polfible de fe le faire repréfenter ^ mais indigné de l’abus qa’on s’eft permis d’enr
faire à l’A udi en ce pour fleurir M e.'B o yer, il s’eft
liate: de rendre un' compte plus exaéfc & plus cir-r
¿¿nftancié. de tous ces faits dans, une nouvelle
déclaration qu’il e'I: eiTentiel de lire, parce qu’elle
contient les déta’.ls les plus fatisfaifants , de laquelle '
entre’ autres clïofes il rcfulte: ( b)
r
(a) N.i. I\Σ, Athayne a erré fur cette date, premièrement,
parce qu’on lui fit loufcrire ce certificat précipitamment, &
qu ’il n’eut pis le temps d e . f e rappeller les faits.
_ ...
Secondement, parce les pièces étant produites fur délibéré,
il ne les. avoir pas foiis' les ye ux , & ne pouvoit pas vérifier
l V u d’’ov;-npvr-& l’«iven‘ r
9 Décembre.
'Tr'oiiiemement , parce que ne fe rappeliant pa& des 2.«j liv.
5 fols, il n'eut pas la précaution de jetter les yeux fur fon.
rc»illrc-
•
. .. ;
Mais cette erreur cil aujourd’hui relevée par toutes ces pièces
6 par l’atteflation ci-aprè<.
;
(/>) Je fou'iigné Pierre .Athayne , Procureur en la Sénéchauffée de ClermoiU;Fcrrand , en expliquant & e n augmentant les
oublis que< j'ai fait dans le certificat que j’ai donné a l’irtiprévu
au lieur Deiainthorent & A fa follicitation , q*ie chargé par Jean
Juill.ird, de L a t y , de retirer fa procédure contre Michel Ikirin
¿¿ François G r é g o i r e d e la Paroilfe de B a g n o l , je fus avec le-
Premièrement,
�4Y
Premièrement, que c’eil le 9 Décembre 1 7 7 2 ,
----------------1— —
—
■
----------- dit Juülard l e n e u f Décembre 1 7 7 1 , ( ainfi que cela eft conf
i t e par la procédure que j’ai été retirer des mains de M. le
Lieutenant Général , attendu qu’il y avoir un délibéré de pronon
cé depuis un an) demanda cette procédure au fieur Defainthorent, acquéreur de l’Office dudit Me. B o y e r , que Me. DefaintW e n t chercha cette procédure, mais que ne l’ayant pas trou
v e , j e fus avec la Partie chez Me. Boyer pour lui demander où
pouvoit être cette Procéd ure, qu’il me répondit qu’elle devoit
être chez le fieur Defainthorerçt, que lui ayant répliqué qu’on
l’a voit cherchée & qu’on ne l’avoit pas trouvée, le fieur Boyer
me dit de chercher moi-même parmi tous fes papièrs , qu’ayant
cherché & fouillé par-tout, notamment dans des rayons au fond
d’un cabinet à côté de fon étude , & derriere un petit l i t, je
les trouvai à côté du dernier rayon qui va jufqu’à terre, & fous
Üt, parmi d’autres papiers que je n’examinai pas , & que je
crus néanmoins être de la SénéchauiTée,.qu’alors il fut queftion
de faire l’état des.frais , attendu que le fieur Bo ye r dit.que l’affaire n’ayant pas été conduite à fa fin , il croyoit avoir reçu
plus du montant des frais faits, & me pria de faire moi-même
l ’état defdits frais, que ne l’ayant pas v o u l u , le fieur Boyer me
pria de revenir après m i d i , qu’ y étant retourné , le fieur Boyer
fit l’état deidits frais, & fé trouva avoir reçu vingt-cinq livres
cinq fols en fus du montant des frais par lui fairs jufqu’alors ,
qu’il me remit cette fonune & 111c délivra les pieces , en me
priant d’ aller chez Me. Defainthorcnt lui en donner décharge,
& que je crois, autant que la mémoire peut me fournir , lui
avoir donné cette décharge ; que le tout fe pafl'a fans aucune
forte de myftere de la part dudit Aie. B o y e r , non plus que de
celle dudit Me. Defainthorcnt ; que fi je n’ai pas inis routes ces
circonftances dans le certificat que j’ai donné au fieur Defainrliorent , c’eft qu’il l’exigea fur le champ , fans me donner le
temps de me rappeller les faits, qu’un inilant après m’étant
r appellé la remife que m’avoit fait ledit Me. Boyer des 2^ liv.
S fols , je fus chez Me. Prévoit pour l’ajouter à mon certificat,
lequel me répondit qu’il n’en étoit pas nécelTaire, & que cela
ne faifoit rien à l’affaire , fur quoi je me repofai fur lui : que
depuis j’ai demandé au fieur Defainthorcnt de voir fon regiftre
pour favoir fi je l’avois déchargé , qu’il me l’a refufé malgré
mille inftances réitérées, en me difant que je n’avois pas don
né de décharge & que je n’étois pas partie capable pour le fai-
�V *'»•
4-2/
avant la diiïolùtion de la fociété & la vente pure
& fim p le , que M e. Athayne a demandé ces pieces
au iieur Sainthorent.
Secondement, que le fieur Sainthorent 6c M e.
Boyer ignoroient également où ces pieces pouvoient être, puiiqu’ils les cherchèrent ou firent
chercher l’un 6c l’autre de la meilleure foi, 6c qu’ils
ne les trouvèrent que par haiàrd, parce qu’elles
étoient tombées derriere le dernier rayon, 6c ious
un petit lit qui étoit dans le cabinet.
Troifiemement, que M e. Boyer n’avoit aucun
intérêt a iouftraire ces pieces a ion acquéreur,
puiiqu’il étoit furpayé de 2 5 liv. 5 lois, qu’il ren
dit a M e. Athayne & à fa Partie en exécution de
la fixieme claufe du traité de iociété.
Quatrièmement, que tous ces faits étoient par
faitement connus du fieur Sainthorent, puiiqu’il
reçut la décharge des pieces, puifqu’il apprit alors
6c a encore appris depuis par M e. Athaynes qu’il
ne lui étoit rien du , 6c que M e. Boyer avoit
rendu 2.5 liv. 5 f. a fou client.
Enfin , quand ces papiers auroient été trouvés
chez M e. Boyer dans des temps poftérieurs , le
fait n’en feroit pas plus conféquent , car le fieur
re , qu’ il me donna fa parole qu’il ne feroit aucun ufage de ce
certificat, & qu’il me le remeteroit, ce que l’ayant prié de fai
r e , nous fumes cnfcmblc chez Me. Prévoit, qui ne fc trouva
pas chez lui : Tout ce que deifus cil conforme à la vérité , &
pour la preuve , j’ai remis lefdites pieces à Me. Boyer , h la
charge par lui de me les remettre. Fait ce d ix -n e u f Août 1774*
Signé , A t h a y n e .
�Sâinthorent a laiiïe tres-long-temps des papiers dans
le petit cabinet où étoient ceux réclamés par Me.
Athaynes, & dans ce moment même il refte en
core beaueoup d’anciens papiers qui lui appartien
nent dans le grenier de Me. Boyer , & le fieur
Sâinthorent ne l’ignore pas , comme le confhte
cette note écrite de fa main, que Me. Boyer rapporte.
» Je prié Me. Boyer de vouloir laifler prendre
'** à la Porteufe les papiers qui dépendent de mon
” Etude, & qui font dans Jbn grenier , j’ai des
n papiers à y chercher. »
On ne manquera pas de faire à M e. Boyer le
reproche d’être diiïùs ; mais qu’on daigne fe rappeller qu’un mot iufEt pour accufer, & que pour
iê juftifier il faut des volumes.
Cependant Me. Boyer termine fur ce fait, en
obfervant que le fieur Sâinthorent ayant la plus
parfaite connoiifance de tous ces faits , ayant reçu
la décharge des pieces , étant inftruit de la remiiè des 0.5 liv. ■> f. fâchant mieux que peribnne combien tout étoit fim ple, naturel , innocent
de la part de Me. Boyer dans cette opération : le
trait d ’avoir préfente ce fait h l’Audience comme
une infidélité révoltante , qui a en effet foulevé
tous les Auditeurs contre Me. Boyer, annonce qu’il
a déjà pouffé bien loin fa carricre , pour un hom
me qui a a peine atteint fa majorité.
Il ne refte qu’un dernier fait fur lequel M e. Boyer
n’a pas une juftification moins fatisfaifante a préfenter.
F i
�44
#
r
■ Le fieur Sainthorent a fait; déclarer a la'nom
mée Gandebœ uf, Meunière .à .Chamaliere , que
Me. Boyer a reçu d’elle en 17 6 2 72 liv. en.arr
g e n t, que depuis elle lui a vendu une charrette
50 liv. & qu’enfin elle lui a donné 24. liv. pour
envoyer a un Procureur de R io m , & qu’il ne
l ’a point fa it, que par conféquent il 1 eft débiteur
&: retentionnaire infideje de cette fommé de 1 50 1.
ou environ , & qu’elle l’a: tout récemment traduit
en Juftice pour fe la faire reftituer.
Quel trait a ce fait a la caufe, c’eft ce qu’il
n?eft pas aifé d’appercevoir ? N ’importe, il faut
l’éclaircir, & pour cela, il-faut diftingiier les 24.
liv. ’du Procureur de Riom , & le fait des 7 2 liv.
&; de la charette.
Il eft vrai que M e. Boyer a reçu ;en 17 6 2 7 2 *
liv. de la Gandebœuf, ÔC qu’il a acheté d’elle une
charrette 50 liv. mais il eft. vrai aufîi que depuis
& avant cette époque de 1 7 6 2 , il a eu au moins
dix affaires pour cette femme ou fon mari, & que
les 7 2 liv. ainfi que les 50 liv. prix de la charrette,
cto'e;nt deftinées a remplir M e. Boyer des frais
de ces procédures ,ainfi a cet égard toutfe réduit
à un compte des frais faits jufqu’au jour du trai
té , qui doivent demeurer compenfés jufqu’à due
concurrence avec les 7 2 liv. ôc le prix de la char
rette; files frais excédent ces deux iom m cs, ;1 eft
évident que la réclamation que lui a fait fuicirer le
fieur Sainthorent eft ablôlument déplacée ; fi les
frais font moindres, ce qui cil impoffible, tf s’en-
�41)
fuivra que M e. Boyer aura trop reçu, 6c alors
.il exécutera les conventions qu’il^a faites avec le
■fieur Sainthorent de rendre l’excédant. J U. VC r1(,
rj -C’eit.à quoi fè réduiient ces certificats-,/cette
'demande de la Gandebceuf, qui font l’une 6c l’au
tre ion ouvrage.
Mais l’objet desj 0,4 liv. paroîrpliis férieux, on
remet à un Procureur 2,4 livres pour faire
pâffer à un tiers ; il les; envbie, rnais il n’en a au
cune preuve; il les gardeJ cc pourroit n’être qu’un
oubli ; cependant ce défaut de preuves, cet oubli
pourroient être fuipe&s, & M e. Boyer a promis
de nej.pas'laiiîèr Je. plus léger nuage iur fa con
duite , - ôcnd’écarter juiqua l’ombre même du
foupçon.
' n
C e Procureur de Riom auquel Me. Boyer deivoitt^rt i7 6 3 ifa ite paiïer ce$ 2 4 liv^étoitjM c.
B i’o rat, qui étoit chargé d’une affaire pour la'G andebœuf : ce Procureur eft mort depuis quelques
années, le cas devient plus embarrafïant, car s’il
étoic encore vivant, on fe feroit bien gardé de ie
livrer a:cette inculpation, —..l1'""
, •
r , , Cependant malgré cet obilacle , Me. Boyer fc
trouve, par le plus heureux hafard,en état d’établir
par des preuves écrites qu’il a dans le temps em
ployé cette fortune a fa deilination, 6c voici com
ment.
.
. Me. Biorat 6c fes cohéritiers avoient en Ia Sénéchauilée de cette Ville une affaire contre l’Hôpital Général 6c l’Hôtel-Dieu ; l’affaire fut perdue,
�4-6
M e. Boyer fnl’état de Tes frais, M e.Biorat, chargé
de la fuite de l’affaire pour toutes les Parties , com
pta avec lui dans le temps même où il étoit chargé
'd e ’.lui envoyer cette- lomme de 24. liv. pour la
Gahdebœuf; cette ibmme fut imputée fur le débet
de Me. Biorat envers Me. Boyer , & Me. Biorat
l’imputa à fon tour fur fes frais vis-a-vis la Gandebœuf
Ce fait eft prouvé par trois lettres de M e.
Biorat , dont M e. Boyer eft porteur, qui cons
tatent à la fois &i ce compte & cette imputa
tion des'i^ liv. &• juftifientpleinement M e. B oyer,
'non feulement de ce fait relatif à Tmiidélité pré
tendue de s’être approprié cette fom m e, mais
même quant h la lomme de 7 2 liv. & du prix
de la charrette ; car dans ces trois lettres- on voit
bien clairement que les Gandebœuf n’étoient pas
gens à iürpayer leur Procureur, (a')
Prem ière Lettre du prem ier A v ril 1 7 6 4 .
»
»
»
•»
»
» Monfieur & cher a m i , il y a apparence qu’il vous a pa/Té
de l’ idée de me faire payer par les Gandebocuf de la fomme
de 1 7 liv- 1 1 f ° l s <]u’ ils me doivent du reilant de mes vacations , fans quoi je fuis fur que j’aurois été déjà fatisfait
depuis le mois de Mai dernier quenous réglâmes enfemblc, &c.
Signé B i o r a t .
,
Seconde Lettre du t o Septembre *76 ^.
», Monfieur , je crois que M. Andraud , mon neveu , vous a
» prié plufieurs fois de ma part de me faire payer par lesGan» dichier des 1 3 livres 1 1 fols qu’ils me doivent encore , compenlation fa ite des fr a is que fa v o is fo u rn i pour eu x , d'avec
» ceux que vous avie^ fo u rn i pour moi & mes Conforts dans
» l e procis que fa v o is avec les deux H ôpitaux de notre V ille , il
�47
C ’en eft afTez fur tous ces faits,.6c il eft tenips
de terminer cette dégoûtante difçuiîion ; M e.
Boyer a rempli Ta tache, il a repoufle lesjraitsenvenimés^ de la calomnie & 'confondu {’impôtture ; il ofe le dire avec cette confiance que lui
infipire le témoignage de fon propre cœur ; fa con
duite eft fans,tache & ,1a. vie fans reproche, .elle
eft connue des M agiftrats; qui ,1’entendent, qui
depuis l é années l’ont v a fiûvre .Æonftàmment ià,
carriere avec la 'droiture',,'le zele 6c les talents
qu’exige fa profefïion , fans que jamais leurs oreil
les jayent été frappées de là] plainte la plus légere.
M ais fon état., fa. fortune ^ f ç p exifteneé mo
rale dépendent dp Popipipri ;p»frJiqyei J l : aV:oit'em'j
ployé 1 6 années à ;jiè la rendre favorable.6c un
inftant à tout détruit; les déclamations outragean
te^ , que, l’onis’ eft permis à la ;der niêrelAudience,
ont fait la plus vive impreftiw. fuKcoiJS leslA u
diteurs , 6c la multitude de ces Auditeurs raflèm>, cil honteux que depuis 1 6 mois je fois encore à demander
„ cette petite f o m m e , ie ferois fâché de les faire afligner, &c.
n Signé , B Î o R À t P O
ç
•* 'r ^
Troifieme Lettre du G F évrier i j G ç .
» C ’eft à votre confidération & à la prière que vous m’avez
» faite par votre lettre du iç du mois dernier que j’ai bien
3) voulu accorder aux Gandicher la quinzaine pour le paiement
n des 1 3 liv. 1 1 fols qu’ils me doivent depuis le mois de Mai
•»-‘iy^-de-frats-, pouruvoir occupé pour eux , compensation diit» m en tfailè Mec vous de ceux quc<voUs àvic^fo'urni pour moi &
» mes .Conforts dans lé procès que nous aviotis àvie les deux Hâ~
» p ita u x d t votre Ville ,je vous prie donc , & c. Signé, B i o k a t .
�W<w<--î
.48
blés des quatre Provinces par la Foire & les
A ffifes, a porté cette diffamation dans toutes les
parties du R e f f o
r t
;
M e. B oyer ne s’occupe pas à calculer les torts
que cette diffamation lui a caufé , ils font inappré
ciables , & fon A d verfaire n’eft pas en état de
les réparer mais il demande du moins, comme
une juftice à laquelle tout Citoyen a droit de prétendre d’être v engé d’ une maniére proportion
née a la multitude , à la gravité des inculpations
& a l’atrocité de la calomnie, & pour rendre
cette vengeance auffi .éclatante que l’a été la dif—
famation q u e l’A r r ê t qui doit le juftifier foit im
primé & affiché dans toute l’étendue du R effort j
& par-tout ou la calom nie a pu pénétrer.
■*
*
M onfieur D U F F R A I S S E D É V E R N I N E S ,
- , Avocat Général.
M e. B O I R O T ,
B oy e r
A
C
,
Avocat.
Procureur.
L E R M O N T - F E R R A N D,
D e l 'imprimerie de P i e r r e V I A L L A N E S , Imprimeur dei Domaines
du R o i, R u e S G e n è s l’ancien Marché au Bled, 1774*
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Boyer. 1774]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Duffraisse de Vernines
Boirot
Boyer
Subject
The topic of the resource
offices
Conseil supérieur de Clermont-Ferrand
lettres de change
ventes
registres de recettes
lettres de rescision
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire signifié pour Maître Pierre Boyer, procureur en la Cour, intimé. Contre le sieur Sainthorent, procureur au présidial de Clermont-Ferrand, appellant.
Table Godemel : Office. Contestation sur l’exécution de la vente d’un office de procureur
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Pierre Viallanes (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1774
1771-1774
1716-1774 : Règne de Louis XV
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
48 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G0614
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Clermont-Ferrand (63113)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
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Conseil supérieur de Clermont-Ferrand
lettres de change
lettres de rescision
offices
registres de recettes
ventes
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Text
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M E M O I R E
S I G N I F I É
P O U R le fieur J e a n - B a p t i s t e D U C H A M P ,
Prieur-Curé de la paroiffe de Saint-Julien de
F ix , Diocefe de Saint-Flour , Appellant.
C O N T R E le f i eur M a t h i e u B E R G E R ,
' Prêtre , prétendant droit au même Bénéfice,
Intimé.
E N préfence du C L E R G E de Saint-Flour ,
.Intervenant.
t
*
'»
Rois queftions principales à decider
+H +++++++
Ü V ++-f-*++ +++ + dans cette caufe. Il s’agit, 1 °. de favoir
Q ++++++++++
fi une procuration ad ref ignandum
M
y|
reçue par un Notaire R o y a l , non
Apoftolique', dans un Diocefe où il
y a de ces fortes d’O fficiers d’établis , eft valable?
Si en fuppofant qu’un Notaire R o y a l, non
A
�s
'
4
Apoilolique eut pu être appelle pour recevoir cet
a&e , on pouvoir s’adreiïèr à un N otaire qui réiidoit dans un Diocefe étranger? 3 0. E t enfin fi ce
Notaire R o yal avoir pu fortir de ion diftriâ pour
recevoir un a&e de rigueur?
L ’Abbé du Champ jfoutient la négative de ces
trois queftions , & il fe flatte de l’établir par le
texte précis d’une loi , qui a eu dans tous les temps
la plus grande exécution.
.
F A
I
T.
L e Prieuré-Curé de Saint-Julien de F i x , Die«
cefede Sain t-Flou r,a vaqué en 1 7 7 1 par la mort
du fieur P a rre l, dernier titulaire.
L ’ Abbé du Champ fut pourvu de ce Bénéfice
quelques jours après par le Patron Eccléfiaftique,
& f u r la .collation de l’ordinaire, il en prit poiièfc
{ion par le miniftcre d’un Notaire R o y a l Apoitolique.
Il jouit pendant quelque temps de ce Bénéfice
iàns oppofition ; ce- ne fut qu'au mois de Septem
bre que l’Abbé B e rg e r, prétendant droit au Béné
fice , en vertu d’une réii^nation faite en fa faveur
par le dernier titulaire, le préfenta pour en prendre
■poiïeflion ; l’ Abbé du Champ s’y oppola : cette
opfioiitioh a donné liêu à une demande en com4
plainte poiTeifoire qui a-été jugée en faveur de l’Ab*
bé Berger. L a Sentence dont cil appel le maintient
dans le droit ÔC poileilion-du Bénéfice dont il j>’a-
�g it, avec défenfes à l’A bb édu Champ de l’y trou
bler; condamne ce dernier à lui en reftituer les
fruits & revenus & aux dépens ; cette Sentence
ajoute, faifant droit fur les'conclufions du Procu
reur du R o i , en joint à B o r e l, Commis par le
Clergé de Saint-Flour, pour exercer les fondions
de Notaire Apoitolique dans l’étendue de ce Dio~
cefe, de juftifier de fa prétendue commiifion dans
quinzaine, iinon, lui fait défenfes d’exercer fes
fondions.
’ C ’eft l’appel de ce jugement qui donne lieu à la
conteftation foumife à la décifion de la Cour. ..
M O Y E N
P R E M IE R E
P R O P O S IT IO N *
•
i
; *?
L ’ A bbé du Champ réclame le. Bénéfice-Cure
dont il s’agit, parce qu’ il en a été pourvu réguliè
rement par le Patron eccléfiaftique ; 6c il écarte
fon Contendant, parce que la réfignation qui
fait fon titre eft radicalement nulle.
• L ’Edit de 16 9 1 , portant création de NotaireRoyaux & Apofloliques, porte, article I er. » N ous
» avons attribué & attribuons auxNotaires R oyau x
>> & Apoftoliques la faculté de faire ièuls & priva» tivcment à tous autres, les procurations ad rcjigji nandum & antres a£les concernant les matières
n bénéficiais, amplement défignées dans cet article.
• L article 7 porte, » Défendons à tous nos autres
A z
�Notaires & autres de s’entremettre pour paÎîèr
» aucun des a&es énoncés dans les précédents
» articles , a peine de nullité defdits aâes , inter*
» diction , io o o livres d’amende'& de tous dé-»
» pens, dommages &: intérêts envers les Parties. >»
De cet E d i t , il réiulte clairement qu’il n’y a
que les Notaires R oyau x Apoftoliques qui putf*
lent recevoir J e s a£les en matiere bénéficiaie ,
& notamment les procurations ad rejignandum\
tout autre eft regardé par la L o i comme perfonne
prohibée & incapable .;
elle prononce la peine
de nullité contre les aâes qui ieroient reçus par
les Notaires qui n’auroient pas la qualité requife.
O r la réfignatiori dont il s’agit a été reçue
par Défilles, Notaire R o y a l à Alegre , quin’étoit
pas Apoftolique; donc cette réfignation eft nulle,
puiiqu’elle ne pouvoit être reçue par un iimple
Notaire Royal.
A la vérité, le même article 7 porte une ex
ception en faveur des Notaires Royaux non Apof*
toliques; il leur cil: permis de recevoir les a&es en
matière bénéficiaie dans deux cas j le premier, fi
le Notaire Apoftolique refufe ; le fécond , s’il dé
laye ; » pourront néanmoins, ajoute cet article,
,, les Parties , au cas ou les Notaires R oyau x
„ Apoftoîiques refufent où délayent de faire les
„ réquifitions de provifions, inftitutions, & c .
les faire faire par nos autres Notaires à Tabellions.
Dans le cas du délai ou du refus, il cil inconteftable que les Notaires Royaux; peuvent valable
�ment recevoir les a&es en matiere bén éficiai;
mais il faut que ce délai & ce refus foient confiatés. O r dans l’efpece, l’Abbé Berger ne peut pas
invoquer l’exception faite au profit des Notaires
Royaux non Apoftoliques, parce que les Notaires
Apoftoliques n o n t ni refufé ni délayé. Jamais ils
n’ont été fommés, jamais ils n’ont été mis en retard;
& l’Abbé Berger eft forcé deconvenir qu’il n’a ja
mais eu recours à eux, puifqu’il a foutenu en cauie
principale qu’il n’y en avoit point dans le Dioceiè
de S. Flour.
Si donc l’Abbé Berger n’eft pas dansle cas de l’ex
ception portée par cet article, s’il n’y a eu ni refus ni
délai, il eft inconteftable qu’aucun autre N o ta ire ,
qu’un Apoftolique, ne pouvoir recevoir la réfignation dont il s’agit; l’ayant été par Défilles qui
ne l’étoit p a s , il s’enfuit qu elle eft radicalement
nulle. L a peine de nullité eft prononcée par la
L o i , & tout le monde fait que tout eft de rigueur
en certe matiere.
L ’Abbé Berger fait deuxobjefHons. Il prétend
en premier lieu que dans le Dioccfc de S. Flour
il n’y avoit pas de Notaires Apoftoliques , ou que
du moins ceux qui avoient été commis par le Cler
gé ne pGÜVPient être regardés comme véritable
ment Notaires Apoftoliques, parce qu’ils n’avoient
pas prêté ferment devant les Juges royaux, &:
obtenu des provifions du R o i , conformément à
l’ Edit de 1691. x°. Q u e quand il y en auroit eu
qui euflènt pleinement fatisfait à ces formalités,
�6
la réfignation neferoir pas nulle , parce qu el’Edic
de 1 6 9 1 étoit une loi purement burfale , qui ne
pouvoir contenir que des peines comminatoires r
&Z qui n’avoit jamais eu la moindre exécution ;
que la peine de nullité, prononcée par cet E d i t ,
n’étoit uniquement relative qu’à l’intérêt des N otai
res Apoftoiiques, & n’avoit été inférée dans cette loi
que comme un leurre, une amorce irompeufe, pour
déterminer pins facilement les Notaires à lever
ces charges ; mais que dès que les coffres du Prince
avoient été pleins , que le motif de l’Edit ne fiibfiftoit p lu s , la peine de nullité n’avoit plus lieu ,
6c étoit regardée comme non avenue.
Cette obje&ion s’écarte fouverainement. Il
ya v o it des Notaires R oyaux Apoftoiiques y com
mis par le Clergé de S. Flour dans l’étendue de ce
Diocefe : ce point de-'fait eft prouvé par une
foule d’ailes ; l’Abbé Berger a été forcé d’en con
venir : mais il a foutenu que cette commiiîion
n’étoit pas fuffifante pour donner à ces Officicrsle cara&ere de N otaires Apoftolique;que l E ’dic
de iGÿi exigeoit qu’ils euiTent des provifions du
R o i , 6c fuilènt reçus devant les Juges royaux du
reiïort.
C ’eft encore là une erreur de ia part, erreur
quife détruit par les termes d’une Déclaration de
169.}.. Cette Déclaration , qui contient un Con
cordat entre Louis X I V & le Clergé , porte en fa
fa v e u r la vente de fept Offices des Notaires Royaux
Apoftoiiques, créés par l’Edit de 1 6 9 1 pour ce
�Diocefe. Elle contient plufieurs difpofitions, qu’il
eft eiTentiel de rappeller ici, „ Elle permet au Cler„ • gé de S. Flour defaire exercer les fept,Offices de
„ Notaires R oyaux Apofioliques , par telle quan,, ticé de Notaires Royaux qu’il jugera à propos de
commettre, pourpailertous les aâes eccléiiafti„ ques qui font renfermés dans l’Edit de 1 6 9 1 . Elle
,, porte que ceux qui feront commis par le Cler,, gé prêteront ferment par devant les Députés du
„ Bureau Diocefain.
Elle porte eniuiteque,, dans le cas ou le Cler„ gé viendroit à aliéner quelques - uns defdits
„ O ffices, les Acquéreurs ieroient tenus de fe
,, pourvoir de provifions, & de prêter fermenc
„ entre les mains des Juges ro y a u x , comme il eft
„ porté par l ’Edit de 1691.
A i n f i, l’on voit clairement que dans le cas où le
Clergé ne fait que commetre des Notaires R o yau x
Apoftoliques, les provifions font inutiles , le fer*
ment l ’eft aufli devant les Juges royaux, ils ne
font aftraints à le prêter que devant le Député
diocéfain. Ces provifions ¿k ce ferment devant les
Juges royaux ne iont ncccilaires de la part de
l’Oincier ,que dans le cas où il deviendroit acqué
reur d’un defdits O ffices, dans le cas où il n’eft
que commis , la Loi le difpenfe ÔC de l’un & . tde
l’autre»
Cette Déclaration eft devenue loi de l’état,
elle a été enrégiftrée &c au Parlement & en la
Cour des Aides de cette V ille , & par confequcnt
�l’obje&ion de l’ Abbé Berger tombe d’elle-même,
i i y avoit des Notaires Apoftoliques créés dans
le Diocefe de Saint-Flour ; ces Offices étoienc
remplis par les différentes commiifions données
par le Clergé; il en avoit le droit, la loi le lui
a o n n o it, 6c cette loi n’étoit elle-même qu’ un
retour au droit com m un, auquel les befoins de
l’état avoient fait déroger par l’Edit de 1 6 9 1 .
Tout le monde fait qu’avant cet E d it , le Cler
gé de France avoit feul le droit de nommer les
Notaires Apoftoliques ; chaque Evêque en nom*
moitune certaine quantité pour fon Diocefe ; pour
s’en convaincre, il iuffit de jetter un coup d’œil
fur l’Edit d’Henri I I de 1 5 5 0 , appelle com
munément l’Edit des petites dates.
L ’Edit de 1 6 9 1 fit perdre ce droit au Clergé
de Fran ce, mais celui de Saint-Flour le recou
vra par la Déclaration de 1 6 9 4 . & il lui en
coûta pour cet objet 34 0 0 0 liv. Il avoit perdu
ce droit par un Edit ; une Déclaration a bien pu
le lui rendre , & il n’y a rien en cela que de
tres-jufte & de tres-naturel.
Si donc il y avoit dans le Diocefe de SaintFlour des Notaires Apoftoliques, fi ces N otai
res Apoftoliques étoient valablement commis
parle C lergé; fi enfin ces Notaires Apoftoliques
navoient ni refufé ni délayé de pailer la réiign a tio n faite au profit de l’ Abbé Berger , il s’en
fuit évidemment qu’il n’a pu s’adreiïèr à un fimpie Notaire R o y a l, & que l’ayant fait, elle eft
radicalement
�çWX
radicalement nulle , & n’eft pour lui d’aucune
utilité pour réclamer le Bénéfice dont il s’agir.- f
L a fécondé partie de l’obje£tion du fietir A b
bé Berger eft révoltante ; l ’on ne conçoit pas
comment on a ofé la propoier dans un p a y s,
ou l’on refpe&e encore fon Prince.
L ’Edit 'de 1 6 9 1 eft une loi de l’état , fi tou
tefois on peut & doit regarder comme, telle les
Edits ’ vérifiés par les Corps de M agiftrature,
feuls repréfentants de la nation depuis la fupprefiion des -Ëtats
Généraux : cet E dit a , été.enré1
giftré dans tous les Parlements de France, fans,
aucune forte de modification ni de reftri&ion ,
& iL a toujours reçu la plus grande-exécution ;
les peines qu’il prononce ne font pas purement *
comminatoires, comme on- l’a plaide; parce qu’il
n’en eft point de cette efpece dans- une matière1
où tout eft de rigueur, ôc où le moindre, vile ’
écarte le prétendant.
Tout le monde fait que les réfignations en
faveur font odieufès ; elles- ont: toujours été re
gardées défavorablement, parce qu’elles introduiient dans l’Eglife urie cfpece defuccefïipn contrai
re a la pureté des maximes & des réglés ; elles'
ont été long-temps inconnues*, meme en la Chan-.
cellerie Romaine y.le corps du droit cation n’en
fait aucune mention;-elles nront pris riaiiîànce
qu1avec les clémentines ; ce n’eft que dèptiis ce
temps q u e , par la corruption des mœurs intro
duite par le ichifmc des P a p es, elles ont « t é r e -
�çuespeu à peu , &c par degré, ainfi que nous l’en-~
leigne Dumoulin. Mais les gens fages, & fur-tout
les bons Français, ont toujours réclamé con
tre cet abus ; & ifi.les Souverains ne les ont pas
entièrement profcrites., du moins ils ont cher
ché à les rendre difficiles & illufoires par la mul
tiplicité des formes auxquelles elles onrété^ aftr.aint.es. *
*
N ous diions que cet Edit de 1 6 9 1 a toujours
reçu la plus grande exécution , & ce fait eft prou
vé par i o A r r ê t s , & du Parlement &c du grand
Confeil , feul juge des matieres bénéficiâtes
depuis le concordat paiTé entre Léon X & Fran- ;
cois premier, ou pour mieux dire depuis la Décla
ration de ce môme Prince de l’année 1 *517.
Nous nous contenterons de rapporter les plus ;
récents , ils ne feront pas antiques comme on a
voulu le dire.
Brillon en rapporte plufieurs rendus par le Par- j
lçment, qui ont écarté différents prétendants, parce
qu’ils n’avoient pas fatisfait aux formalités requiles par l’Edit de 1 6 9 1 , & ces Arrêts prouvent
que la peine de nullité .n’étoit pas comminatoire,
elle cft abfolument de rigueur.
Denifart en rapporte un rendu parle Parlement
de Paris en 172.7 , au rôle de Vermandois, fur les
conçlufions de M . Gilbert de V o iiin s, & fur la
plaidoierie de Mes. Lenormant '& L a v e rd y , qui
V o y e z l ’E d i t de
de 1 7 3 7 ,
, celui de 1 6 9 1 , & . l a Déclaration
'
•
— -i
’
�II
a juge que cette peine étoit de rigueur. On n’a qu’à
coniulter les motifs de ces Arrêts dans D enifart,
V °. Réfignation ; la précifion que l’on s’eft im„pofée dans ce Mémoire empêche de les' rappor
ter.
L e grand Confeil, feul juge des matieres béné•ficiales, a également ordonné l’exécution de cet
Edittoutes les fois qu’on s’en eft écarté, les A rrê•tiftes, 6c entr’autresDenifart, Rouiîèau dela:Combe, dans ion recueil de Jurifprudence Canonique,
6c Durand de Maillane en rapportent trois , les
deux premiers font des. années 1 7 1 9 & 179.9 : ils
font rendus en faveur de deux Réiîgnataires con
tre deux Brévetaires de joyeux avènement, qui
avoient fait notifier'leur brevet par; le miniftere
d’un Sergent, au mépris des difpofitions de l’Edit
de 1 6 9 1 qui requéroit, à peine.- de, nullité la préfence des Notaires Apoflolicjues au lieu de celle
des Sergents.
L e troiiieme rendu par le gran d 'C on feil, de
l’année 1 7 3 ^ ) eft un A rrêt de règlement qui fe roit loi dans.l’efpece, fi nous n’en avions une auiïi
précife. Il ordonne l’exécution de l’Edit de 1 6 9 1 ,
6c iiuvant icelui, fait defenfes aux Notaires non
Apoftoliques de recevoir aucun a&e en matiere
bénéficiale, fous les peines portées par l ’Edit.
Mais qu’avons nous befoin d’avoir recours aux
Arrêts pour prouver l’exécution de cet Edit?
eft-ce que cette exécution n’efl: pas de droit? eil>
ce que les loix du Royaume ne font^pas faites pour
13 2
1
�être exécutées? Eft-ce qu’enfin le Prince n’eO: pas
maître d’impoiêr dans ies.Mandements telle pei
ne que bon lui femble? $Voudra-t-on lui refuièr
.la puiiïance légiüaciv.e&l l’accorder toute entiere
aux Tribunaux, q u i , d’après les vrais principes du
.droit public,*>n’ontôc-rie peuvent avoir que la p u if
fance exécutrice ? mais dans ce cas l’on (croit enco
ure forcé de convenir que cette loi doit être exécutée
.à la rigueur,, parce que les Tribunaux l’ont véri
fiée ; &r que-dans tous les cas poiîiblcs ils ne l’ont
-vérifiée (ans contrainte que pour lui donner force
jde loi êc la faire exécuter.
L ’ Edit de 1Ó91 eit un Edit burfal, nous diton, & lesEditsburfauxnedoiventpasêtreexécutés»
Mais quel eft l’ Edit quH^eiî: pas.burfal? l’Edic
du Contrôle,, celui des Infinuations, tous ceux en
fin en vertu defquelsle Prince perçoit des Impôts
fur fon Peuple font bien plus buriaux encore,puifqu’ils ne tendent uniquement qu’à.procurer de
l’argent au R o i ; & cependant ces Edits ne fontils pas exécutés à la lettre ? Si un Particulier
préientoit un exploit qui ne fut pas contrô
lé , une donation qui ne feroit pas infinuée, leroit-il reçu favorablement avenir dire aux Tribu
naux: avant ces Edits on n’avoit pas befoin de ces
formalités ; ces Edits font buriaux & ne doivent
pas avoir d’exécution.
Si un pareil fyitèaie deftruftif de-toute autorité,
de toute lubordination, pou voit être admis, il n’eft:
pas unieul Citoyen qui ne lut fondé à dire au Souvc-
�¿C\
•
’ *3
rain : l’Edit en vertu duquel vous exigez la taille,
la capitation & autres impofitions cil: un Edit burfal. Ces forces d’Edits ne font pas faits pour être
exécutés, je ne veux pas vous payer. Si jamais les
Tribunauxavoientunepareillequeilionàjuger, s’ils
entendoient pareil railonnement, le jugement qui
interviendroit déclareroit, à coup iîir , fou & extra
vagant celui qui letiendroit.En un mot, prétendre
que cet Edit ne doit pas être exécuté, c’eft mettre en
queftion fi l’Ordonnance de 1 6 6 7 , celle de 1 6 6 9 ,
•celle de 1 6 7 0 , & en un mot celle des donations ,
des teftaments & infinuations doivent être exécutées^car, comme l’a fort bienobfervé le Défcnfeur
du Clergé de Saint-Flour, quel moyen pourroiton employer de plus à la défenfe de ces différen
tes Ordonnances qu’à celle de l’Edit de 1 6 9 1 ?
Cette derniere loi a même cela d’avantageux fut
4es autres, que la plupart de cesdernieres n’ont été
enrégittrées qu’en lit de juftice, où les opinions font
une iimple formalité , au lieu que l’Edit de 1 6 9 1
l ’a été libentev & fans aucune forte de contrainte.
L e Prince a fi bien entendu que cet Edit de 1 6 9 1
fut pleinement exécuté , que par une Déclaration
de 1 7 3 7 enrégiifrée au Parlement, qui contient,
û quelque choie près, les mêmes dilpofitions , il a
ordonné en même temps l’exécution de cet Edit
en tout ion contenu. On lit à la fin ces mors,
„ n’entendons au iurplus rien innover par ces pré*
„ fentes fur les réglés, conditions & formalités
T, preicrites par-l’Edit de 1-5-50 ■& autres Ordon«*
,
�/ 14
„ nances, Edits <Sc Déclarations poftérieures, tou,, tes lefquelles loix continueront d ’être exécutées
„ félon leurforme & teneur. „ Donc l’Edit de 1 6 9 1
n’eft pas tombe en défuetude ; donc le Prince a en
tendu qu’il fut exécuté : pourquoi ne l’auroit-il pas
été, puifqu’il étoit devenu loi de l’Etat ?
Enfin c’elt fur la foi de cet Edit que quelques.
Notaires Royaux &: le Clergé ont acquis ces O ffices de Notaires Apoftoliques ; c’eft fur l’engage
ment formel contra&é, & par le Prince & par
les T ribu nau x, envers les Citoyens que pluiieurs.
d ’entr’eux fe font déterminés à fe faire pourvoir;
. cet Edit feroit donc une loi jaclLce & trompeufe,
que le Prince n’auroit rendue , que les Tribunaux
n’auroient enrégiftrée que pour enlever à un Peuple,
qui naturellement aime fon Souverain , une par
tie de fes facultés, &: certainement il n’y a au mon
de que l’A bbé Berger capable de fuppofer de pa
reils motifs.
L ’Abbé Berger argumente de deux Arrêts de
1 7 x 8 , rapportés par RouiTeau de Lacombe dans
fon recueil de Jurifprudence Canonique , qu’il
prétend avoir jugé que la peine de nullité pro
noncée par cet Edit n’étoit pas de rigueur. Mais
ces Arrêts ne jugent abfolument rien dans l’c f
pece.
Ces Arrêts font rendus contre des dévolutaires
qui font toujours odieux , & ils jugent que ceuxci ne pouvoient argumenter de ce que les for
malités ds l ’E dit navoient pas été obfcrvécs
�^<$5
pour dévoluter les bénéfices dont il s’agiiïoit *
parce que cette lo i,e n cherchante rendre les ré-*
fignations difficiles, n’avoit pas eu pour objet
l’intérêt des dévolutaires, mais bien celui des Collateurs ordinaires, & de leurs Collataires.
RoUifeau de L aco m b e , V °. Brevet, qui rap
porte ces A r rê ts , s’exprime bien favorablement ■>
pour l’Abbé du Champ.
» La notification, dit-il, doit être faite par
»> lin Notaire R o yal A poftoliqüe, & non autre,
» fuivant l’Edit de 1 6 9 1 , & cela à peine de nul* '
n lité de la notification. n Ailleurs il en dit au
tant de la réjignation. Cependant ajoute-t-il au
fujet des formalités de la notification du Brevet.
n II faut obferver que cette nullité ne peut va>» lablement être oppoiée aux Brévetaires-, que l
» par les Collateurs même ou par les Notaires
» R o yau x Apoftoliques, & non par un pourvu
»> en Cour de R o m e , particulièrement lorfque le r
» Collateur ne fe plaint p a s, mais qu’il inter» vient en faveur du Brévetaire, parce que c’eft
» en faveur des Collateurs & de leurs Collataij> 1es que cette formalité eit établie, & non cou*
» treux. Toutes queftions, ajoutent-ils , ont été
jugées par les deux Arrêts ci-devant rapportés.
Ils décident que- ces formalités ne peuvent être •
relevées que par les pourvus & les Collateurs en ,
faveur delquels elles ont ¿té établies, <5c n o a ”^
par des dévolutaires.
^
A in fi ces Arrêts ne jugent rien contre,!’A b b é
.■’.«>>
�1 6
du Champ. Ils font au contraire en fa faveur ; puis
qu’il fe préiente ici en qualité de Collataire, &
comme iiipulant les intérêts du Collateur ordinaire,
& quec’eit en fa faveur , d’après cet A uteur, que
les formalités ont été établies.
L ’ Abbé Berger a d’autant plus mauvaife gracc
de prétendreque cetEdit n’apas été exécuté , qu’il
n’y a pas un ieul Auteur qui appuyé ionfyftêm e;
tous au contraire, 6c fans exception , fe réunifient
pour attefter que cet Edit a reçu de tout temps "
la plus grande exécution ; tous difent, en parlant •
des formalités requifes par l’Edit de 1 691 , qu’elles *
font de rigueur, & doivent être remplies à peine de
nullité, t o u r fe convaincre de cette vérité , il '
iiifEt de confulter d’Hericourt dans-fon traité des
loixr-Eccléfraftiques, le -même Auteur dans celui
de la vente:des immeubles,, page 2-4.6, B rillo n , •
V p. réiignation ; Rouiîèau de Lacombe, recueil de
Jurifprudcnce canonique; Ferriere dans fan Diction
naire de droit & dans Ion parfait -Notaire ;
Brunec, Denizart & enfin Durand de Maillane, *
dans ion Di&ionnaire du Droit Canonique.
L a Partie adverfe, avec fa bonne foi ordinaire , a
plaidé que Durand de Maillane attefloit que l’E dit de 16 9 1 n’avoit jamais été exécuté. Mais elle
en a impofé à la C o u r , puifque cet Auteur dit
au contraire que les formalités portées par cet Edit i
font de rigueur ; il cite même, pour prouver Pcxé*cution de cette L o i , l’ A rrêt de règlement du GrandConfctlde 1.73^., & h Déclaratiowde i J J J ; qu'il
rapporte
�zCs
.
. >
\
'
?7/
•t *7<■'* _
; *
rapporte én entier^Er .il dit ffirlaTorme 5 tcffeisr
xz
'orinoti „riFj-.£:tu.ata
------------------i---------- ------------------------ — . . . . -------- ,
- ..........
:
.T
tion, l’envoi, & pour d’autres objets eft rigouf-eù4f " T f f svî ô u3 S f r
Enfin N
ce£ Auteur „s’explique bien favorablemièntfënçôté. v prbcùratïori7 S K ' V i ,
1 ;0 ^ ., c,omrïient. dvàprèS' <Cè\£, à-t-on ofe aVancéÎ
qùè D uranâW ' Màillqn'e ‘àvbi^ d ii .qùfe38 ifnE à î r
r o w m x ï r M w m 'x é ¿ ^ Æ e r t ô u W i s - â u i
^ssr
^ « a«u.a- i*„iî
& r^
a u -*’*v
l i a w v j s l o y1
très citations‘duè"
ro llâw^&l'tè
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k ¿krüfô‘ïoiît0à‘
__■ 'L\„: „„rtT
'■ ‘
J
ù îj’JiliiU J1VJ
l’elprit. des J o W . ub 3 330,11 ' 91S9‘ :., ,
„
, ! È a vPartiy aàvM é. A 'cfcrché ■ÿ 'ec^rfér
r ê & 'd ç G ^ t à
A rrêts iray&ièht'Tôritïé *d P i ûrifprüdénce r* mais
c W è a è te t^
Ju£fctde‘ c ^ vrndUbie^*<3ebi)is vl i > D ’çcfàVatiorS dé'
faut chercKèrTi i’E à ït \ l èfé exéSStï'ou mjn.! ¿ e s '
4 tWi?d<
pourquDi ün nc lcs-citcroîtrpîts*-cn *lîr-Goiiry qur*
repréiènte le Parlement dans une partie ;de fon
reiToru
c
!■**
�18
Si Jo n c l’E d it a toujours ère exécuté v il s’enfuit
¿videnime.nt qüeja.réfignation dont il s’a g it, ayant
été paiTée nar îin N otaire nonrapoiftolicjue elle
efl? radicalement n u lle , & ïa Sentence a mal
jugL
.X
i
»
SEC O N D E
P R O P O ' S Î T i ;• JO' i 1N
. ‘ »V
f,
•* •
Q uandon pourfoifTiîppofer que la Déclaration,
<îu R o i de.'16^4 n’auroit pas été enrégiftrée au
Parlem ent, qu’elle n’exifteroit même pas^qu’il n’.y^
â iiro iyfas de NotaireApoftolicjue dans le D io cefe.
<fe $ F lo u ry . & 0q u e ‘ par conieqùçrit un N otaire ■
R o y a l eut pu être appellé pour recevoir la réfignaf^
tion dont il s’a g it, elle ferôit également nulle
parçe que lé N otairè qui.l’a paiÎee étoit reçu à la '
réfidence" d’ ATcgre , Diocefe du Puy.
*•
Pou r établiÇcette fécondé prôpofïtion., il faut
tncoreavoir recours à l’E d it de 1550
à cèl'iiidc',
1 6 9 1 , * * ils portent expreffëment que le iN o ta i? '
res Rqvçjux A p p l i q u e s ne pourvoient Lbûrunien- '
ter que dans unfeul pièce J e , fur/péine de,fa u x
& dé nullité des qçlçs qui feroient pareuxpajfési
Hors du Diocefe où ils ariroïeht été reçus.
'
0r,
en fqppoTan't que Défilles eut été vérita*
^tèmcn^NoUirc Ç fioyarA poffqlique^
qu’il"*
n a jamais rjeu c,' & qù’il a prife pour la pçemiere r
11 71
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fois clans la réfîgnation dont il s’agit, x.e,tte,fiéiîgnarion feroir égalemeu-t nulle , parce que Dé-*,
filles eil reçu à la réfidence d’A le g r e , & que pgr,
coniéquent Alegre le trouvant dans J e D ioteJV
du Puy , il n’auroit pu inftrumenter que dan§ ce.
D iocefe; les aâes qu’il auroit pafTé dans reten
due du Diocefe de S Flour feraient radicalement
nuls; & c’eft précifément ce qui fe rencontre i c i ,
puifque le Bénéfiece eft fitué dans le Diocefe de
S. Flour.
,7 , i
S i donc cette réfignation feroit nulle, en "don*
nant à Défilles la qualité de N otaire Apoftoli*.
q u e , à plus forte raifon l’eft-elle, ayant été re^
^ue par un N otaire qui n’avoit pas cette qua
lité de N otaire Apoftolique. V
'
1 A la v é rité , les N o ta ire s, R o yau x peuvent
être appellés .pour paffer les Aëtes en matière
bénéficiale dans trois cas. L e I er. ii les Notaires
Apoftojiques font réfufants ; le fécond , s’ils fonç
délayants ;
le troiiîeme, s’il n’y apoint de N o
taires Apoftpliques ;dans ces trois castd’exception,
le Notaire R o y a l non Apoftpljque.pèut vala->
blement recevoir ces, fortes d’aàe^ M ais i V l ’on
convient que lés Notaires Apostoliques créés CÇ
commis dans le Diocefe de,Saint-Flour n'étoient
ni réfufants, niMLiyants de paiTer . la procuration
ad rejignandu.ni dont il s’agit ; l’^ ric o ’rçvient'qu’on
ne s’eft: jamais adrefle à eu x , & vpar conféquent
on ne pouvoit pas s’adrefïèr'à un Notaire R o
yal. 2°. Parce que quand même il n’y auroit pas
; C ï '
�eu de* Notaires- Apoiloliqnes daîrs.ce Diocefe
ou .qu’ils auroient été,refufants ou délayants, l’on
n’auroic pu s’adreilèr, qu’à un Notaire du Diocefende la fituatton du Bénéfice, d’après /’n/r,
i$ de. l'E d it de aô'ÿi.
• L e Notaire Apoftolique à qui la loi donne
ixclufivement le droit de recevoir les aâes con
cernant les Bénéfices., ne peut inftrurnenter tque
dans le feul .Diocefe de fa réfidençç, de fa''rer
ception; iU à plus forte raiion un Notaire R o y a l n o n Apoftolique qui n’a de droit-que dans
Ict cas de l’exception.> '
»
Ce^Notaire R o y a l , n’éft appelle que comme
fubrogé au lie u '& place du Notaire7Apoftolique,
comme fon repréfentant, comme fon lieutenant,
puifque ce n’eft qu’en fon abfence , à ion défaut,
o u refus qu’il peut inftrurnenter.
O r fice Notaire R o y a ln ’eftappellé que comme
fub'rogé, comme repréièritarit le Notaire A pofto
lique, il s’enfuit néceilàirement qu’il ne peut avoir
que les,mêmes droits que. l ui ; n’ayant que les
mêmes droits, fon pouvoir/ne peut pas être^plus
étendu, & par conféquent le Notaire Apoftolique
ne pouvant exercer que dans le Dioceiè de fa ré
ception , il s’enfuit que le Notaire R o y a l ne peut
inftrumentcrLique dans le Diocefe de la fienne.
- S ’il en étoit autrement;,-'il s’enfuivroit que
l’homme de/ la L o i,, le feul d ’après.elle, qui ait
qualité pour: inftrurnenter’ dans les matières béné
ficiai-», auroit moins de pouvoir que celui à qui
�y„6<ÿ
zz,
la L o i le défend expreiTément, ce qui feroit bien
abfurde : il s’eniuivroit que l’exception feroit plus
étendue que la réglé, à moins qu’on ne voulut,
foutenir que les deux qualités de Notaire RoyaL
& Apoftolique, réunies & faites pour étendre
le pouvoir de l’Officier qui en eft revêtu , le reftraignent, ce qui feroit bien inconféquent.
A i n f i , fous ce fécond point de vue , la réfign^
tion.de l’ Abbé Berger ayant été paifée par Défilles*
Notaire R o y a l , à la réfidence d’A le g re , Diocefe du P u y , eft fauiïè & nulle d’après l’art. X V ,
de L’Edit de 1 5 5 0 & de celui .de 1691.
»
T R O ISIE M E
j
P R O P O S IT I ON;
*|
4*
Quand on fuppoferoit encore qu’on auroit pu ap*peller indifféremment un Notaire Rôyalpour rece;
voir la réfignation dont il s’a g i t , elle feroit égale*
ment nulle, parce qu’elle.a été reçue, par un Notaire
hors de ion diftrift. ' «• ...
*•
• •......
-J 1‘ >
L ’Edit de j 5 84. & celui de 16 6 4 , portant
création de Notaires R oyaux dans les .différentes
Juftices du Royaume , circonicriv.enc à chacun
des limites.: » cesloixneleurattribuentd'efon£iions
‘ _■ *" * ^
• J; .
» que dans le reiîort d’une Châtellenie , Prévôté ,
n Vicomte ou autres Juftices, & leur font»dc» fenfes d ’entreprendre, iur les limites les uns des
» autres, ni de recevoir auçuni contrat, hors leurs
» limites & reiîort, iur peine de rendre le quaçjru» pie de ce qu’ ils auront reçu & de nullité <dcs
» contrats.
■;
�o.V‘
r L ’Edit de' 1 6 9 1 , portant'ci'ca'tion de 200*
» 'N o t a it ^ d'ans-le rcilart du Parlement de Flan» dres ,-6è celilïde1 1 7 3 3 ,‘ tendu pour lereifort de
» celhi dé' Dijttn y portent également des défenfes
>V aux N'a taires de'recevoir aucun a&e hors leurs •
» limites \ \ pèinei dh nullité' defd. actes. '
' ■ >>>
L à Partie'adVerie- convient de ces principes,mais ëllé prétend5que, cette peine de nullité n’a pas
lieu
que'-la contravention à cette Loi ne fait '
nàÎEre ’tout'aU plus qu’ un« a£tioh en dommages &
intérêts envers tefs*Notaires ; contre celui qui eft 1
forti des limités'; mais c’eft une erreur.
•*11 faut diftinguer avec Mornac & tous les Ati•aeurs ( car ou *dpfie; d’en1citer un feul qui ne tien
ne le même langage.) Les à&es qui font du droit
dès gtris \ comme lès contrats de mariage, les ven
tes, les obligations^ !de ceux qui font purement
^ l’invention dii droit civil, tels que les tefta- ments, donations entre-vifs & autres a£tes de ri
gueur ; à l’égard des premiers, ils conviennent
qu*ils font valables quanta la convention , & que
le défaut de cara&ere dans l’OHicier ne produit
d'autre effet que d’empêcher que le contrat ne por
te hypothéqué ; ils décident tous qu’il vaut comb
ine écriture privée ; mais à l’égard des teftaments
& autres a&es de rigueur qui exigent la préfencc
du N otaire , ils conviennent tous que les ades font
radicalement nuls , -s’ils ont été reçus par un Notai
re hors de fes limites , parce que des qu'il en eit
forti il n’eft: plus qu’une perfonne p r i v é e q u i
�^ yt
/ a3 *
n’a abfolumenè aucune forte de caraSlcre.,
Ces principes font confignés dans Mornac,La~
pjy rei'rey Loifeau , Bacquêt, Bonijace, Tronçon^
Talfan fur la coutume de Bourgogne f‘ la Thaümajfierefur celle de Berry , Leprejlre, Louet & Bro- '
deau} d’Hericourt\ traité de la vente des immeu
bles , Brillon , JDenifart à Ferriere ; ils font confignés dans %o A rrêts, cités par tous les A rrêtifte s, & principalement par D enifart, V°.'Nouiires9
des années 1& 23 , 2 6 5 7 , * 7 ^ # , 17 * 9 ,17 3 1 i* J 4 Z 1
& 1752.) qui tous font défenfes aux N otaires d’in£
trumenter au delkrde leurs limites & collocation r
à peine de nullité. Enfin pluiieurs autres qui ont
déclaré nuls des teftaments reçus par des N o ta i-i.
res hors de leur diftri£h
,
s;
Les principes font donc confiants ; il ne refte^
qu’à en faire Inapplication. Défilles, qui a^reçu l’a&c.
dont il s’a g it, eft N otaire R o y a l à la réfidence.
d'Alegre , donc la juftice d’A legre eft fon fèul ter*r
ritoire ; or Saint-Julien de F ix , oh a été paiTée la
réfignation , eft d’une autre juftice ; donc D éfilles.
eft forti deiès limites ; donc l’a âe par lui pafté eft
radicalement n u l, il y avoit des Notaires reçu s,
pour F ix , il y en avoit à une demi-lieue & trois
quarts dp lieue,& Alegre eft éloigné de deux gran
des lieues & demie.
A in ii fous quelque point de vue qu’on envifage la réfignation de l’A bbc B erger, elle eft nulle
de toute nullité ,„ &.>par conféquent il ne peut
aucunement •prétendre
au«< ^Bénéfice
dont.il
s’agit
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la Sentence 'dont reft appel qui le. lui a adjugé ef t
donc contraire a tous- les principes &
elle doit
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Signé- D U
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C H A M P Curé' de F
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D a r i s , Procureur
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e r r a n
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De L ' i m p r i m e r i e P i e r r e V i a l l a n e s , i m p r i m e u r
d e s d o m a i n e s duroirueStGenésprèsl'ancien Marché au Bled. 1773«
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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A name given to the resource
Factums Godemel
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Description
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Title
A name given to the resource
[Factum. Champ, Jean-Baptiste du. 1773]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Dartis de Marcillac
Dartis
Subject
The topic of the resource
bénéfices ecclésiastiques
résignations
nullité
mise en possession
droit canonique
notaires
notaires royaux apostoliques
clergé
doctrine
jurisprudence canonique
édit bursal
offices
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire signifié pour le sieur Jean-Baptiste du Champ, Prieur-Curé de la paroisse de Saint-Julien de Fix, Diocèse de Saint-Flour, Appellant. Contre le sieur Mathieu Berger, Prêtre, prétendant droit au même Bénéfice, Intimé. En présence du Clergé de Saint-Flour, Intervenant.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Pierre Viallanes (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1773
1771-1773
1716-1774 : Règne de Louis XV
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
24 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G0215
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Fix-Saint-Geneys (43095)
Saint-Flour (15187)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
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