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IJ b t)
---- ------
�u r.
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!J4
GENEALOGIE
DES PARTIES.
Pierre D ejar,
marié à
Jacqueline Chassaing.
Julien,
décédé sans
postérité.
s.
V ital,
décédé sans
postérité.
Antoine Ier.
décédé sans
postérité.
ont donné tous leurs biens
à Julien Dejax.
4
Antoine II,
marié â
Marie-Thérèse
Delchier.
Anne-Marie,
mariée au cit.
T artel,
de cujus.
I
S
3
4
Vital.
Julien,
AnneA gnès,
François, appelant. Marie , mariée à
Pierre
mariée à
décédé
Peyronnet. Dalbine ,
sans poster.
intimés.
i
2
Joseph,
AnneMarie ,
intimé.
mariée à
Robert
Gizaguct >
intimée.
3t
3
M arie,
intimée.
�MÉMOIRE
EN R É P O N S E ,
POUR
Dame A g n è s D E JA X , et le citoyen P i e r r e
D A L B IN E , son mari, juge au tribunal d’ar
rondissement de Brioude;
J o s e p h D A L B IN E , M a r i e D A L B IN E , et
A n n e - M a r i e D A L B IN E , veuve de Robert
C r o z e - M o n t b r i z e t - G i z a g u e t , tant en
son nom que comme tutrice de ses enfans,
tous intimés :
CONTRE
J
D E J A X , homme de loi, habitant de la,
ville de Brioude, appelant d’un jugement rendu
au tribunal de cette même ville, le 6 messidor
an 10.
u l ie n
S o u s l’empire des lois prohibitives, les transactions
les plus ordinaires étoient toujours suspectées de fraude
l’injustice, la cupidité, l’ambition, avoient u n champ
vaste pour leurs spéculations ou leurs calculs. Quelle jouis
sance pour le cit. D e ja x , connu pour avoir la passion
A a
�<1« procès! Il doit sans doute regretter le temps où la
loi du 17 nivôse étoit en vigueur. II paroît que la loi du
4 germinal an 8 lui a singulièrement déplu; il sera bien
plus irrité contre le code civil, qui permet des dispositions
universelles en ligne collatérale; et son moment n’est pas
bien choisi pour attaquer des règlemens de famille dictés
par la reconnoissance, ou des ventes aussi sincères que
légitimes.
Ce n’est pas assez pour le cit. Dejax d’avoir obtenu,
par importunité ou par lassitude, la majeure partie de
la succession de l’un de ses oncles, d’avoir été donataire
universel de deux autres, il est jaloux de la plus légère
préférence de la tante qui lui restoit. Il l’a négligée dans
sa vieillesse; l’auroit abandonnée à des soins mercenaires,
sans la généreuse bienfaisance de la dame Dalbine : mais
aujourd’hui il en veut à sa succession; et tous les actes
qu’a faits la dame Tartel sont à ses yeux des libéralités
frauduleuses et déguisées, que la loi proscrit et lui réservoit exclusivement.
Ses prétentions sont défavorables et odieuses, sa récla
mation impolitique et injuste, attentatoire au droit sacré
de propriété : en l’adoptant, ce seroit récompenser l’in
gratitude, blesser la reconnoissance, et proscrire les con
ventions les plus légitimes.
( 4 )
F A I T S .
La dame D ejax, veuve Tartel, de la succession de la
quelle il s’agit, a été la bienfaitrice de toute sa famille.
Elle donna une somme de 3,000 fr. à Anne-Marie Dejax,
femme Peyronnet, lors de son contrat de mariage.
�( 5 )
¿ tff
Elle fit également un don de 6,000 fr. à Julien D ejax,
son neveu, appelant, lors de son mariage avec la demoi
selle Croze, du 20 novembre 1771. Ce sacrifice fut absolu
de sa part, et sans aucune réserve d’usufruit.
Le 9 décembre 1 7 7 1 , Agnes Dejax épousa le citoyen
Dalbine, et la dame Tartel lui fit donation de quelques
immeubles situés àFontanes, évalués à 5 ,000 francs, et
non d’un domaine, comme le prétend Dejax,- plus, d’une
somme de 2,000 fr. ; mais elle se réserva, pendant sa vie,
l’usufruit des objets donnés.
L e 19 juin 1778, la dame veuve Tartel fit donation à
Anne-Marie D albin e, sa petite-nièce, de six parties de
rente au principal de 4,000 fr.
L e 17 germinal an 2, elle fit donation du sixième de
ses biens à A n n e -M a rie , Joseph et Marie Dalbine, ses
petits neveu et nièces.
Le 6 messidor an 8, elle a fait un testament par lequel
elle a institué pour son héritière de la moitié de tous ses
biens, par préciput et avantage à ses autres héritiers de
droit, Agnès D ejax, femme Dalbine.
Telles sont les libéralités qu’a exercées cette femme
bienfaisante. Mais le citoyen Dejax conviendra lui-mème
qu’Agnès, sa sœur, méritoit quelque préférence, et devoit
obtenir la première place dans l'affection de sa tante.
Depuis longues années la dame Dalbine lui a rendu les
services les plus empressés et les plus généreux. La dame
Tartel, indépendamment des infirmités qui accompagnent
la vieillesse, étoit atteinte d’une cécité complète; sa nièce
ne l’a pas quittée, lui a prodigué ces tendres soins qui con
solent les malheureux et les dédommagent des privations.
Julien Dejax , au contraire, s’occupoit peu de sa tante
�(6)
pendant qu’elle a vécu ; il n y pense que depuis qu'elle
est morte ? parce qu’il est très-habile à succéder. Il lui
sera sans doute difficile d’attaquer des libéralités que les
lois autorisent : mais il fait l’énumération des ventes que
la dame Tartel a consenties 5 il est donc essentiel de les
rappeler.
L e 31 août 1791, le cit. Dalbine se rendit adjudicataire,
au ci-devant district de Brioude, de deux maisons natio
nales, moyennant la somme de 2,960 fr.; et l’adjudication
lui fut faite au nom de Marie Dejax, veuve Tartel.
L e 26 floréal an 2 , cette dernière subrogea Agnès
D e ja x , autorisée de son m a ri, à l'effet de ces deux adju
dications, à la charge par elle de payer 1,950 francs qui
étoient encore dûs à la nation ; de payer le montant d’un
devis qui avoit été donné pour quelques réparations; et
moyennant le remboursement qui fut fait de deux sommes
qui avoient déjà été payées par la dame Tartel; savoir,
celle de 1,221 fr. d’une part, versée à compte du prin
cipal ou intérêts dans la caisse du receveur, et celle de
1,200 fr. pour les réparations déjà faites.
L e 24 v e n d é m i a i r e an 5 , la dame veuve Tartel a vendu
à Robert Croze-Gizaguet, époux d’Anne-Marie Dalbine,
sa pciitc-nièee, un domaine appelé de Vazeliettes, l’a su
brogé à une vente nationale de partie d’un domaine appelé
le Poux, et lui a également cédé les meubles qui garnissoient ce domaine de Vazeliettes, dont l’inventaire est
annexé au contrat.
Cette vente est faite sous la réserve de l ’u sufruit de tous
les objets vendus et des bestiaux du domaine, moyennant
la somme de 25,000 fr. qu’elle reconnoît avoir reçue
comptant lors de lu vente,
�La dame veuve Tartel est décédée le i^r. vendémiaire
an 9 , c’est-à-dire, qu’elle a survécu quatre ans à la vente
par elle consentie au profit de Robert Crozc de Gizaguet.
Après son décès, les intimés espérèrent, pendant quel
que temps, que le cit. Dejax n’éleveroit aucune contesta
tion ; il sembloit se rendre justice : il nomma son arbitre,
fit estimer les fonds, et on procéda à l’inventaire du mobi
lier; cet inventaire fut écrit par son fils en sa présence.
Mais bientôt il changea d’opinion. Il éludoit toujours
les propositions qui lui étoient faites : la dame Dalbine
se vit contrainte de le faire citer pour procéder au par
tage des biens délaissés par la dame veuve Tartel.
C ’est alors que le cit. Dejax manifesta ses intentions
hostiles. Il demanda d’abord la nullité de la donation faite
par la tante commune, le 17 germinal an 2, du sixième
de tous ses biens au profit des enfans de la dame Dalbine,
sa nièce ; 20. il attaqua l’acte de subrogation de floréal
an 2 , au profit de la dame Dalbine ; 30. il conclut à la
nullité de la vente faite au profit du cit. Robert CrozeGizaguet, le 24 vendémiaire an 5 ; 40. il soutint la nul
lité du testament du 9 messidor an 8 , qui attribuoit â la
dame Dalbine la moitié des biens de sa tante, en prdeiput;
5 °. il prétendit que la dame Dalbine, épouse M ontbrizet,
devoit lui faire raison des arrérages d’une rente d’un setier
seigle, faisant moitié d’une rente de deux setiers par elle
perçue d’un nommé Poughon de Reillac, tant avant
qu’après le décès de la dame Tartel; 6°. il conclut h ce que
la dame Dalbine fût tenue de déposer, entre les mains de
tel notaire qui seroit commis, tous les titres, papiers et
docuinens de la succession, pour que chacune des parties
pût en prendre communication, ainsi qu’elle aviseroit.
�m
Il prétendit que la dame Dalbine devoit demeurer cau
tion de toute prescription qui auroit pu s’opérer depuis
le décès de la tante commune jusqu’au dépôt des titres
de créance ; il demanda qu'elle fût tenue de faire raison
de tous les arrérages de rente , baux à ferme, et géné
ralement de tout ce qu’elle peut avoir perçu des créances
dépendantes de la succession ; que tous les biens meubles
et immeubles , effets , créances , composant cette succes
sion , même ceux dont la dame Tartel avoit disposé
entre-vifs, en faveur de ses héritiers de d ro it, fussent
rapportés à la masse commune par les détenteurs, avec
restitution de jouissances et intérêts, depuis le décès de
la dame T a r te l, jusqu’au partage effectif.
Enfin il conclut subsidiairementdans le cas où tout
ou partie des actes attaqués ne seroit pas annullé, et que,
par l’effet de ceux conservés, ou de tout autre disposi
tion non contestée, plus de la moitié des biens de la
dame Tartel se trouveroit absorbée , il fût ordonné que
les dernières dispositions de la dame Tartel seroient re
tranchées jusqu’à due concurrence , de m a n iè re qu’il
restât toujours à diviser la moitié des biens meubles et
ijnmeubles composant cette succession.
Le eit, D e ja x , en expliquant ses prétentions, se fond o it , pour la nullité de la donation de germinal an 2 ,
du sixième des biens, i°. quant aux meubles, sur ce
que cette donation n’en contenoit pas l’é la t, quoiqu’il
11 y eût qu’une tradition feinte. Par rapport aux im
meubles , il prétendoit que la loi du 17 nivôse ne permeltoit pas la forme des donations entre-vils; et que la
dame Tartel ne pouvoit disposer du sixième de ses biens,
que
�(9)
que par donation pour cause de m ort, ou par testament.
La subrogation de floréal an 2, étoit suivant lui une
libéralité déguisée , faite au profit d’une successible. La
dame Tartel avoit éprouvé une lésion énorme, en ce qu’elle
avoit acquis dans un temps où les assignats perdoient peu
de leur valeur 5 tandis qu’ils étoient discrédités à l’époque
de la subrogation, en supposant même qu’elle en eût
reçu le remboursement, ainsi que cela a été dit dans l’acte.
Il prétendoit encore que cette maison avoit acquis une
grande valeur dans l’intervalle, par la démolition de plu
sieurs biltimeùs nationaux , qui auparavant embarrassoient ou obscurcissoient les avenues de la maison.
La vente du domaine de Vazeliettes étoit aussi une
donation déguisée, faite à vil prix au gendre d’une successible, à un homme dont la fortune ne lui permettoit
pas de payer 25 ,ooo fr. comptant. A l’entendre, cette
vente étoit faite sans nécessité, sans cause, sans emploi
du p rix , qui auroit dû se trouver dans sa succession ,
quatre ans après son décès.
Le testament du 6 messidor an 8 étoit encore n u l ,
parce que le notaire n’avoit pas indiqué pour quel dé
partement il étoit établi ; l’un des témoins n’avoit pas
signé son vrai nom ; ce même témoin étoit parent avec le
gendre de celle au profit de laquelle les dispositions étoient
faites ; enfin , on n’avoit pas suffisamment désigné le
huitième témoin , qui avoit été appelé à raison de la
cécité de la testatrice.
Le cit. Dejax, dans toutes ses demandes, a eu le désa
grément de ne pas trouver de son avis des cohéritiers qui
avoient le même intérêt. La dame veuve Pcyronnet a
B
�demandé acte de ce qu’elle consentoit au partage de ïa
succession de la dame veuve T arte!, conformément à son
testament ; 2°. de ce qu’elle n’entendoit point contester
la vente du domaine de Vazeliettes et dépendances, faite
au profit de Robert Croze-Gizaguet, ni aucune des do
nations partielles faites par la dame veuve Tartel.
Les petits-neveux, donataires du sixième, ont consenti
que la donation demeurât sans effet quant au mobilier ;
mais ont demandé son exécution, par rapport aux im
meubles.
L a dame Dalbine, de sa p a r t , a soutenu que la subro
gation faite à son p ro fit, le 27 floréal an 2 , n’étoit pas
du nombre des actes prohibés par la loi ; que toutes les
circonstances en prouvoient la sincérité ; que la loi ne
défendoit pas de ve n d re , et qu’elle validoit ce qu’elle
n’annulloit pas.
A l’égard du testament, le notaire avoit désigné le lieu
de sa résidence, qui est la ville de Brioude, et cette dé
signation étoit suffisante. 20. Les noms et prénoms de
Montbrizet-d’A uvernat, un des témoins, étoient expli
qués dans le testament. Dans tous les actes publics et
p riv é s, jamais ce témoin n’avoit signé d’autre nom que
celui de d’Auvernat. Ce témoin n’est pas parent de l’hé
ritière instituée. La parenté n’est pas une cause de prohi
bition. Et l’ordonnance de 1735 ne dit pas qu’on désignera
nominativement le huitième témoin, qui doit être appelé
pour cause de cécité.
La dame veuve Montbrizet , comme tutrice de ses
enfans, a observé, relativement à la vente du domaine
de Vazeliettes, qu’elle étoit consentie en faveur du mari
�d’une personne non successible. Elle a prouvé que la
prohibition rigoureuse de la loi ne s’étendo-it qu'à ceux
qui étoient appelés au partage de la succession. Son mari,
acquéreur , étoit d’ailleurs étranger à la dame Tartel :
les biens, quelle lui transmettoit, à titre de vente, passoient à tout autre famille que la sienne. Il est invrai
sem blable qu’elle l’eût préféré, si elle avoit eu des in
tentions libérales. Croze-Gizaguet trouvoit, dans sa for
tune , et dans son emploi de capitaine de gendarmerie,
des ressources suffisantes pour payer le montant de cette
acquisition: la dame Tartel avoit survécu quatre ans à
cette vente , et devoit naturellement en avoir employé
le prix à ses affaires ou à ses besoins, dans un age sur
tout où ils se font plus impérieusement sentir, et où les
infirmités augmentent nécessairement les dépenses.
Ces défenses si simples devoient faire présager à Julien
D ejax, quelle seroit l'issue des prétentions de ce collatéral
avide. L e jugement dont est appel « l’a débouté de
» sa demande en nullité, tant contre la subrogation à la
vente des deux maisons nationales, consentie par la
» dame Dejax, veuve Tartel, au profit de la dameDalbine,
» par acte du 26 iloréal an 2 , que de la demande en
» nullité de la vente du domaine de Vazeliettes, au profit
» de Robert Croze-Montbrizet, du 21 vendémiaire an 5 ,
i, et encore de celle intentée contre le testament de la
» dame Tartel, en date du 6 messidor an 8.
» Il est ordonné que les vente, subrogation et testa•» rnent sortiront leur plein et entier effet; il est donné
» acte aux parties de ce qu’elles s’en réfèrent A leur
» qualité d'héritiers, et offrent de rapporter tout ce qu’elles
B 2
�%j
( 12 )
,» tiennent à titre de libéralité particulière, et ce, de la
» môme manière qu’elles l’ont pris ou dû le recevoir. En
» conséquence il est dit que , par experts nommés par les
« parties ou pris et nommés d’office, il sera procédé au
» partage des biens meubles et immeubles provenans
» de la succession de la dame Tartel , pour en être
» délaissé à la dame Dalbine, héritière testamentaire,
» une moitié en cette qualité, et un tiers dans l’autre
» moitié comme successible ; le second tiers au cit. Dejax ;
>? et le dernier i\ la dame Dejax , veuve Pcyronnet ;
>) auquel partage chaque partie rapportera les jouissances
» perçues dans les immeubles, suivant l’estimation qui
» en sera faite par les experts, et les intérêts, revenus
» et autres objets dépendans de la succession, sauf tous
» les prélèveinens de droit que chacune d’elles aura droit
» de faire.
3) Il est ajouté que dans la moitié pour l’institution
» de la dame Dalbine, sont comprises toutes les facultés
» de disposer de la dame Tartel, faites depuis la publi» cation de la loi du 17 nivôse an 2 : en conséquence
« la disposition du sixième en faveur des enfans Dalbine
» demeure sans effet quant à présent; ils sont mis de
» leur consentement hors d’instance pour ce chef, sauf
» i\ se pourvoir contre leur mère ainsi qu’ils aviseront.
3) Il est ordonné q u e , dans le délai d’un mois à compter
» de la signification du jugement, le cit. Dejax sera tenu
» de faire faire inventaire du mobilier, papiers et titres
3) de créances laissés par la dame Tartel à l’époque de
t> son décès, si mieux il n’airue s’en rapporter h l’élat
3) qui en a été dressé par son fils, laquelle option sera
3) censée faite le délai passé.
�éii&
( 13 )
» Il est encore ordonné que la dame Gizaguet sera
» tenue de rapporter le contrat de rente annuelle d’un
» septier seigle, qui fait partie intégrante de la succession
» de la dame T a rte l, et à en rendre compte suivant le
» prix des pancartes des années par elle perçues depuis
» l’ouverture de la succession , sauf au cit. Dejax de
» faire raison de ce qu’il a touché de la même rente.
» Sur le surplus des demandes respectives, les parties
» sont mises hors de jugement; e t, en cas d’appel, il est
» ordonné que tous les papiers et titres de créances
» dépendans de la succession de la dame Tartel, seront
» déposés ès mains du cit. Bellemont, notaire public de
» B rioude, désigné par les parties, et commis par le
» tribunal ; et le cit. Dejax est condamné aux dépens
» envers toutes les parties. »
Il est bon de connoître les motifs qui ont déterminé
ce jugement ; on verra qu’ils sont tous marqués au coin
de la sagesse, de l’équité et de la raison.
Eu ce qui touche la subrogation faite au profit de la
dame Dalbine , « il est dit que cette forme d’acte n’a
» point été interdite par la loi du 17 nivôse an 2 ; que
» le législateur , en interprétant dans ses décisions sur
» diverses questions relatives à ses efFets, a décidé que
j) ce qui n’étoit pas annullé par la loi étoit validé par
» elle.
» Qu’en anéantissant les ventes à fonds perdu entre
» successibles, la loi n’y a pas compris les autres transac» tions commerciales, contre lesquelles on n’invoque ni
» lésion ni défaut de payement ; que l’acte prouve que
» le prix dont il porte quittance a été compté, et que
�r' * ,
(
1 4 ) ......................................
» le surplus Ta également été, ainsi qu’il résulte des quit» tances rapportées. »
En ce qui concerne la vente du domaine de Vazeliettes,
faite au profit de Robert Groze de Gizaguet, on remarque
« que Robert Gizaguet n’étoit point dans la ligne de
» ceux sur qui frappe la prohibition des nouvelles lois,
» qu’il n’étoit ni successible ni me me époux de succcssible.
» On observe que la jurisprudence constante du tri» bunal de cassation, est de ne point ajouter à la rigueur
» des prohibitions des lois, mais au contraire de se ren» fermer dans le texte précis de ces prohibitions, sans
» les étendre.
» Les ventes pures et simples et a prix fixe ne sont
» pas interdites en faveur des successibles ; et quand
» bien même Robert Croze-Gizaguet eût été successible
» de la dame Tartel, la vente n’en seroit pas moins valide
» et inattaquable, tant qu’aux termes précis des lois on
» ne l’argueroit pas de fraude ou de lésion. Enfin il
» est d it, dans cet acte, que le prix en a été compté
» présentement i\ la dame Tartel ; et dès-lors on ne peut
élever aucun doute sur ce point de fait. »
Eu ce qui touche les nullités résultantes contre le tes
tament, « Attendu que la loi, sur l’organisation du nota» ria t, astreignant les notaires à indiquer le lieu de
» leur résidence et du département, n’a eu en vue que
» d’empêcher les fraudes qui pourroient être commises
» par des hommes qui usurperoient faussement la qua» lité de notaire, ou par des notaires même, recevant
» des actes hors de l’arrondissement pour lequel ils sont
» institués ; mais qu’un notaire, en indiquant le Heu de
�C 15 )
» sa résidence, fait connoître assez qu’il ne sort point
» des limites qui lui sont fixées, et satisfait suffisamment
» à ce que la loi lui impose; que s’il falloit annuller les
y> actes dans lesquels la désignation du département est
33 omise, ce seroit porter le trouble et la confusion dans
» la société.
» Attendu que d’Auvernat , l ’un des témoins, a été
» désigné par le notaire sous les noms et prénoms portés
>3 en son acte de naissance, de Jean-Baptiste Croze-Mont>3 brizet-d’A uvcrnat, et que par sa signature d’Auvernat
>3 il a suffisamment attesté sa présence audit acte.
33 Attendu que dans tous les actes généralement quel33 conques il ne signe que d’A u vern at, et qu’il n’est connu
33 dans le public que sous ce nom.
33 Attendu que sa pai-enté avec la fille et les petits33 enfans de l’héritière testamentaire ne dérive que du
33 lien d’affinité , ne suffit point pour annuller un acte
33 auquel il n’est appelé que comme témoin.
33 Attendu que la loi n’impose point aux notaires l’obli33 gation de désigner nominativement lequel des témoins
33 a été appelé en huitième par le motif de la cécité de la
33 testatrice, et qu’il suffit, aux termes de l’ordonnance
33 sur les testamens , que le nombre des témoins requis
3î soit constaté.
33 Attendu que le cit. Dejax ne demande point à être
33 admis à prouver le dol et la fraude dans les actes qu’il
33 attaque, ni que ces actes aient été l’effet de la sng» gestion ou de la violence.
» Attendu que les successibles ne peuvent cumuler
» les qualités de donataire et d’héritier.
�(
1
6
3
» Attendu que la faculté de disposer étant bornée à
» la moitié, par la loi de germinal an 8 , toutes les dis—
» positions qui excéderoient cette quotité doivent y être
» restreintes. »
Tels sont les motifs qui ont déterminé la décision des
premiers juges j ils sont certainement très-judicieux. Il
s’agit d’examiner si les objections du cit. Dejax, qui a eu
le courage d’interjeter appel de ce jugem ent, peuvent
balancer ces motifs , et faii’e annuller des conventions
légitimes.
1
D onation du 17 germinal an 2.
Le cit. Dejax d’abord pouvoit s’épargner une discus
sion oiseuse sur la validité ou la nullité de cette dona
tion du sixième, faite au profit des petits-neveux de la
dame Tartel. Le jugement dont est appel ordonne que
cette disposition demeurera sans effet, et la réunit à la
disposition de moitié, faite au profit de la dame Dalbine.
Mais s i , en thèse générale, on devoit examiner le
mérite de cette donation , il seroit aisé d’établir qu’elle
doit avoir son exécution, puisque les donataires ne sont
point successibles de la donatrice.
En effet, l’article X V I de la loi du 17 nivôse permet
de disposer du dixième de son bien en ligne directe, ou
du sixième en ligne collatérale, au profit d’autres que
des personnes appelées par la loi au partage des successio?is : donc, on ne peut tirer''cl’autre conséquence de
cet article, sinon que tous ceux qui ne sont point appelés
au partage sont susceptibles de recevoir la disposition de
cette quotité. Les argumens les plus simples sont les
meilleurs;
�*
é& r
C 17 )
meilleurs ; toutes les subtilités , tous' les raisonnemens
captieux disparoissent devant les termes de la l o i , qui n’a
exclu que ceux qui sont appelés directement au partage,
et ou ne doit point étendre les prohibitions.
On trouveroit encore la preuve, que le descendant du
successible, loin d’être exclu par la loi, est au contraire
capable de l’ecevoir. L ’article X X II lui permet de profiter
de la retenue, quoique son ascendant prenne part à la
même succession.
Loin de nous ces discussions inutiles sur l’incapacité
des enfans! Pourquoi rappeler cette maxime ancienne:
P a te r et filiu s un a eademque p eisona ? V o u d ro it-o n
faire concourir l’ancienne législation avec la nouvelle?
lorsque la loi veut qu’elles n’aient plus rien de commun
par la suite, ainsi que cela est dit textuellement par la
réponse à la question 47 de la loi du 22 ventôse an 2.
Si l’art. X X V I de la loi du 17 nivôse a compris les
descendans du successible dans la prohibition des ventes
à fonds perdu , le motif en est assez expliqué dans la loi
du 22 ventôse. Ces ventes à fonds perdu , dit-on, sont
une source trop fréquente de libéralités indirectes. C’est
une exception qui confirme la règle. Ces sortes de vente
même ne sont annullées q u ’autant q u ’elles seroient sus
pectes ; elles peuvent être validées par le concours ou
le consentement des autres successibles. Mais précisément,
parce que la loi a compris dans cet article les descendans
du successible , qu’elle ne les a point nommés dans les précédens, on ne doit pas raisonner d’un cas ¡\ un autre ,
ni exclure d'oflice ceux que la loi n’a pas déclarés inca*
pables.
C
�.
c
i
8
)
Il
faut au surplus laisser au cit. Dejax le plaisir de
dire que cette donation est nulle pour le mobilier. L ’ar
ticle X V de l’ordonnance de 1731 le veut ainsi; les intimés
y ont consenti ; enfin cette donation n’a aucun effet par
rapport au cit. Dejax: pourquoi donc a-t-il pris tant de
peine, pour discuter un point qui n’est pas contesté,
et pour lequel il n’éprouve aucune perle ?
Subrogation du 17 Jloréal an 2.
Par cet acte, la dame veuve Tartel a subrogé la dame Dalbine sa nièce à une acquisition nationale. Le prix étoit
encore dû en majeure partie ; cette subrogation n’est faite
qu’à la cliarge de verser dans la caisse du district tout
ce qui n’a pas été payé; elle est faite sans aucune garantie ;
les sommes que la dame veuve Tartel avoit payées sont
infiniment modiques; et il faut avoir une grande manie
du procès pour attaquer une subrogation qui présente
aussi peu d’importance. Cependant, le cit. Dejax épuise
les autorités , se livre à une intempérie de citations pour
prouver la simulation de cet acte; il met à contribution
les lois et les auteurs , dans une matière où il y a peu
de décisions certaines, et où tout dépend des circons
tances ou des présomptions.
L e savant Ricard , dans son traité des donations, pre
mière partie, cliap. III, sect. X V I , nomb. 767, dit bien
qu’une vente étant passée entre personnes qui sont prohi
bées de se d onner, peut être prise pour un avantage
indirect, et que des présomptions violentes pourroient
quelquefois suffire : comme si le donateur venoit à décéder
�C *9 )
bienfôt après une semblable vente simulée , et que le
prix fût considérable , sans qu’il se trouvât dans sa mai
son aucune somme proportionnée aux deniers qu’il dé
tro it avoir reçus, et que d’ailleurs il ne parût pas qu’il
en eût fait aucun emploi dans ses affaires; avec quoi
qu’autre conjecture résultante du fait particulier. Ricard,
comme on le voit, ne se décide pas légèrement à prononcer
la nullité d’un contrat de vente. La présomption la plus
forte suivant lu i, c’est lorsque le vendeur décède bien
tôt après : on peut alors supposer aisément que ce ven
deur , mortellement atteint, cherche à transmettre ses
propriétés , à titre gratuit, à celui qu’il préfère ou qu’il
affectionne le plus. Tel est le malheureux effet des lois
prohibitives, qu’on cherche toujours à les éluder, surtout
dans ces derniers momens. M ais, il n’est pas dans la na
ture qu’on cherche à se dépouiller , lorsqu’on a l’es
poir de jouir encore : on préfère souvent un héritier à
tout autre, rarement on le préfère à soi-même; et, parmi
nous, les donations entre-vifs deviennent infiniment rares.
Et peut-on ici argumenter de présomptions, de fraude
ou de simulation , lorsqu’on voit que la dame veuve
Tartel a subrogé en l’an a , et n’est décédée qu’en l’an 95
lorsqu’il est établi, que le prix, ou au moins la majeure
partie de la subrogation, étoit encore dû par l’adjudica
taire; qu’il a été payé à la caisse nationale par la subro
gée? Alors, sans doute, doivent disparoître toutes ces
conjectures , tous ces moyens banaux de simulation ,
qu’on voudroit faire résulter de la loi N u d a , ou de l’au
torité de Papon , q u i , même sur la loi Sulpicius , nç
passe pas pour avoir toujours dit la vérité.
G a
�L e célèbre Gochin plaidoit sans doute pour un homme
qui comme Dejax ne revoit que simulations; et le plai
doyer d’un orateur fameux peut donner de grandes leçons,
et apprendi’e à bien discuter; mais on ne doit pas le citer
comme un ouvrage doctrinal.
D ’ailleurs si la loi du 17 nivôse a défendu de donner,
elle n’a point défendu de vendre; et le législateur veut
bien nous apprendre lui-même que la loi valide ce qu’elle
n'annulle pas.
Vente du 24 vendémiaire an
5 , au profit du cit. Gizoguet.
Cette vente est faite en l’an 5 au profit d’un étranger
à la venderesse ; mais cet acquéreur étoit le gendre de
la dame Dalbine \ et comme il est dans le système de
Dejax d’étendre les prohibitions, il veut les porter à
l’infini : quoique l’objet vendu passât à une famille étran
gère à la dame Tartel, qu’il appartînt aux héritiers Montbrizet plutôt qu’aux héritiers Dalbine, cependant Dejax
veut encore que cette vente soit simulée.
L e tribunal de cassation n’a pas pensé comme le cit.
D ejax, lors d’un jugement du 6 prairial an 10, qui a
confirmé une vente à fonds perdu , faite à l’ascendant
d’un successible. Samuel Dalau avoit vendu tous ses biens
à Marie Bonnau, veuve Dalau, sa belle-sœur, moyennant
une rente viagère. Samuel Dalau n’avoit point d’enfant,
et les cnfans de Marie Bonnau, ses neveux, étoient du
nombre de ses successibles. Les autres héritiers attaquoient
cette vente de nullité; ils se fondoient sur la disposition
de l’art. X X V I de la loi du 17 nivôse; ils rappeloient
�¿ iï/
( 2ï )
toutes les autorités qu’invoque le cit. Dejax, et ne inanquoient pas de dire que les arrêts avoient toujours confondu
le père avec le fils, d’après la maxime : P a ter et filiu s
una eademque persona. Le tribunal d’appel de Poitiers,
sans égard pour cette maxime , avoit validé la vente :
pourvoi en cassation; et, comme le tribunal de cassation
apprend qu’on doit restreindre les lois prohibitives, il
est à propos de rappeler les motifs qui l’ont déterminé
à l’ejeter le pourvoi.
« Considérant que l’art. X X V I de la loi du 17 nivôse
» an 2 , est prohibitif, et ne peut par conséquent s’éten» dre d’un cas à un autre.
» Considérant qu’il ne comprend que les successibles
» et leurs descendans, et que s’il y a quelques inconvé.» niens de ne l’avoir pas étendu, soit aux descendans,
» soit à l’époux en communauté avec le successible, ou
» avec les descendans du successible, il y en auroit encore
» davantage, à créer, sous le prétexte d’analogie, des
» prohibitions que la loi n’a pas établies.
» Considérant que créer ces nouvelles prohibitions, ce
» seroit ( quelque justes qu’elles puissent être ) entre» prendre sur l’autorité législative ; ce qui, dans l’espèce,
.» seroit d’autant moins pardonnable, qu’il n y avoit pas
» de question plus controversée avant la loi du 17 nivôse,
» que celle de l’étendue des prohibitions : d’où il suit que
» c’est en connoissance de cause que les législateurs l’ont
» restreinte expressément aux successibles et à leurs des-•» ccndans.
*■ » Considérant enfin qu’il ne peut pas y avoir ouverture
■
x> à cassation d’un jugement auquel on ne peut faire d’autre
�( 22 )
» reproche que d’être conforme à la lettre de la lo i, etc.
Tels sont les véritables principes en matière de prohi
bition. Cette décision de l’autorité normale doit servir
de règle invariable en cette matière. Il en résulte que
Robert Croze- Gizaguet n'étoit pas personne prohibée,
quoiqu'il fût l’époux de la descendante du successible;
qu’il pouvoit traiter, acquérir delà dame veuve Tartel:
e t , en écartant aussi victorieusement la prohibition , on
fait disparoître toute idée de simulation ou de déguise
ment du contrat.
Les conventions doivent être généralement exécutées:
tous les efforts des tribunaux doivent tendre à valider
les actes plutôt qu’à les annuller, Ut potiùs actus valeat,
quàm ut pereat. Nulle présomption de fraude dans la
vente dont il s’agit: celle qui a si fortement touché Ricard,
la mort prochaine du vendeur, ne se rencontre pas dans
l’espèce particulière , puisque la dame Tartel a survécu
quatre ans à cette vente. Et s’il falloit annuller tous les
contrats qui portent quittance, il faut convenir qu’il n y
auroit plus rien de solide ni de certain parmi les hommes.
Dans les mutations actuelles, presque toujours les con
trats portent quittance, quand bien même le prix ne
seroit pas entièrement payé. On y supplée par des effets
ou des reconnoissauces particulières, pour éviter de plus
grands droits.
Ici le prix principal n’est pas exorbitant, et ne choque
en aucune manière la vraisemblance. D e quel droit le
cit. D ij ax voudroit-il scruter la solvabilité ou les res
sources du cit. Gizaguet ? JN'est-il pas notoire cp.i'il apparterioit à une famille riche, qu'il avoit uti patrimoine con-
�e*s)
sidérable, un emploi dont les appointemens étaient de
3,000 francs par année? ne sont-ce pas là des ressources
suffisantes pour payer une somme de 2Ô,ooo francs? pourroit-on , sur des prétextes aussi légers, dépouiller une
famille , des orphelins, d’un bien légitimement acquis ?
quiconque oseroit le penser , n’auroit aucune idée des
principes du droit et de l’équité.
L e cit. Dejax , dans son aveuglement, va jusqu’à cri
tiquer les intentions libérales et bienfaisantes de la dame
Tartel; il rappelle avec affectation ses dispositions anté
rieures et subséquentes : pourquoi a - t - i l oublié celles
dont il a été l’objet, et dont il étoit si peu d ig n e, puis
qu’il attaque la mémoire de sa bienfaitrice ? N ’a-t-il pas
reçu d’e lle , en se mariant, une somme de 6,000 francs,
avec tradition réelle ? tandis que les libéralités faites aux
autres ont toujours été grevées de l’usufruit envers la
donatrice.
Pourquoi n’a-t-il pas dit qu’il étoit donataire universel
de deux de ses oncles, qu’il a profité exclusivement de
leui’s dépouilles, et que la dame Dalbine , sa sœ ur, en
a été privée ; que par ces donations il a trouvé le moyen
de réunir, en majeure partie , les biens de Julien, son
oncle, premier du nom? Il a craint sans doute de justes
reproches d’avidité, lorsqu’il se montre aussi jaloux de
ce que sa sœur a reçu la récompense des soins les plus
tendres et les pins assidus. Dans son humeur inquiète,
il va jusqu’à reprocher les quittances et la décharge que
la dame veuve Tartel a données à sa nièce pour la gestion
de ses biens ou la perception de ses revenus. Mais la darne
Tartel devoit-elle quelque chose sur ses revenus au cit.
�(*4 )
Dejax ? n’étoit-elle pas au moins la maîtresse d’en dis-’
poser à son gré? Si la dame Dalbine a pris la précau
tion de se faire donner une décharge, c’est qu’elle avoit
la procuration de sa tante, et qu’elle devoit craindre ,
avec raison, que son frère lui demandât compte de son!
mandat ; mais on ne voit rien là que de très-ordinaire.
La dame Tarte! a pu dissiper ses revenus comme ses capi
taux , sans que personne eût le droit de critiquer sa con
duite; elle en a fait tel emploi que bon lui a semblé; et*
ce n’est pas la première fois que des collatéraux avides
ont été trompés dans l’espoir qu’ils avoient de trouver
des capitaux ou des deniers à la mort de celui dont ils
convoitoient la succession.
La coutume de Normandie ne les leur a pas fait rendre;
et l’article C C C C X X X IV , qui a servi de base à un jugement
du tribunal d’appel de R o u e n , rapporté au mémoire
du cit. Dejax , ne reçoit aucune application à une suc
cession ouverte en droit écrit.
Testament du
6
messidor an 8.
Le notaire qui a reçu ce testament , en désignant la.
ville de Brioude, a-t-il dû désigner le département dans
lequel il étoit domicilié? A-t-il dû faire mention du nu
méro de sa patente? Ou défie le cit. Dejax de citer
aucune loi qui oblige, à peine de nullité, les notaires
d j désigner leur département ou le numéro de la pa
tente: ils n'ont même jamais pratiqué cet usage, lorsqu’ils
reçoivent dans les villes de leur résidence, et pour des
personnes qui y sont domiciliées. La désignation du dé
partement
�c »5 r
partement ne seroit utile qu’autant qu’on recevroit un
acte pour un tiers étranger au département .dans lequel
il transige ou fait un te s ta m e n t, parce qu’il peut y .avoir
des formes ou des règles différentes de tester d’un dé
partement à l’autre : mais, dans ¡l’espèce, cette mention
n ’avoit aucun but; et, comme l’ont observé les premiers
juges, la désignation de la résidence á Brioude étoit sans
contredit suffisante. Les huissiers seuls saut astreints par
les lois à rappeler le numéro de leur patente : les no
taires auro'ent dû être dispensés d’en prendre ; et la
nouvelle loi qui organise Je notariat, les en dispense
expressément
L e témoin jMontbrizet d’A uvernat, en signant sim
plement siuvem aty ne i ’a iait que d*après l’usage cons
tant où il est de signer ainsi ; c’est .ainsi iqu’il a signé le
contrat de mariage de son frère; c’est ainsi qu'il a signétous les actes publics ou iprivés, depuis iqu’il a ^exercice
de ses droits ; et îles 'intimés rapportent un acte de no
toriété qui le constate,»etiqui apprend même qu’il n’est
pas connu ni ¡désigné sous d’autre nom.
O n a satisfait à tout ce qu’exige la loi qui veut qu’on
prenne le nom de sa famille, en rappelant dans les qua
lités 'des témoins le prénom »et 'le noni de la famille du
témoin d'Auvernat.
La parenté de ce témoin avec Robert Groze-Gizaguet,
époux de la petite-nièce délia testatrice, n’ast point une
incapacité:'Fur-gtile, des=testamens, chapitre III, section;
I I, nombre <10,' nous'donne^en/pvincipe jque les parons
collatéraux'peuvent être-témoins aux teslamens'de leurs
parens,*et qu'on'doit dirç la même>chose d(;s parens de
D
�( 2 6 )
l’héritier ; car le paragraphe X , aux instituts, de tcstam.
ordin. n’exclut du témoignage le père et les frères de l’hé
ritier, qu’autant qu’il est en la puissance de son père,
et que ses frères sont aussi en la puissance de leur père
commun; à plus forte raison le parent du parent de l’hé
ritière peut-il être témoin dans un testament.
L e cit. Dejax n’insiste pas fortement sur ces singuliers
moyens de nullité ; mais il se plaint de ce qu’en sup
posant ce testament valable, les premiers juges n’ont pas
compris dans la disposition de moitié toutes les dispo
sitions faites antérieurement à la loi du 17 nivôse. C’est
une erreur de sa part; et les premiers juges ont sage
ment restreint cette confusion aux dispositions faites de
puis la publication de la loi du 17 nivôse an 2.
Point de doute d’abord pour les objets vendus, qui
sont hors de la succession du testateur; et il doit en être
de même pour les donations entre-vifs faites dans un
temps utile , parce qu’une donation a le même effet
qu’une vente ; elle dépouille le donateur, dès l’instant
même : les objets anciennement donnés ne peuvent faire
partie d’une succession ouverte sous l’empire des lois
nouvelles.
L e cit. Dejax a la prétention d’intéresser le public dans
la décision de cette cause. On ne voit pas trop comment
l’ordre public seroit troublé, parce que le cit. Dejax
n’auroit pas une portion égale dans la succession de sa
tante. Mais la société seroit bouleversée, si les 'conven
tions des hommes pouvoient être anéanties sous des
prétextes futiles; si des ventes ou des mutations qu’il im
porte de faciliter et d’assurer, pouvoient être annullées
�6r S
(2 7 )
par des chimères ou des allégations de fraude. Ce seroit
porter atteinte au droit de propriété, au droit le plus cher
à l’homme, de dispenser ses bienfaits, de récompenser le
mérite ou de protéger la foiblesse, si on s’écartoit jamais
du respect qu’on doit avoir pour les volontés du défunt.
L e code civil nous rappelle sagement à des idées plus
saines, à des principes plus sages, en rendant aux testa
mens toute leur ancienne faveur. Aujourd’hui nous pou
vons répéter cette maxime des Romains : Quidquid legass i t ita lex esto !
P A G E S ( de Riom ) anc. jurisc.
V A Z E I L L E , avoué,
Ç & ÏU ,U. &
J i
^
V
^
A*
n
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A RIOM, de l’imprimerie de L a n d r i o t , seul imprimeur du
Tribunal d’appel. — An 11.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Dejax, Agnès. An 11]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès (de Riom)
Vazeille
Subject
The topic of the resource
successions
abus de faiblesse
procuration
droit intermédiaire
biens nationaux
ventes
nullité du testament
coutume d'Auvergne
droit matrimonial
jurisprudence
droit romain
doctrine
signatures
surnoms
nom de famille
testaments
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse, pour Dame Agnès Dejax, et le citoyen Pierre Dalbine, son mari, juge au tribunal d'arrondissement de Brioude ; Joseph Dalbine, Marie Dalbine, et Anne-Marie Dalbine, veuve de Robert Croze-Montbrizet-Gizaguet, tant en son nom que comme tutrice de ses enfans tous intimés : Contre Julien Dejax, homme de loi, habitant de la ville de Brioude, appelant d'un jugement rendu au tribunal de cette même ville, le 6 messidor an 10.
Annotations manuscrites : « 8 prairial an 11, jugement du tribunal d'appel, déclare la vente du 24 vendémiaire an 5, nulle, en l'assimilant aux ventes à fond perdus, prohibés par l'article 26 de la loi du 17 nivôse an 2. recueil manuscrit, page 738. »
Table Godemel : Testament. un testament contenant, pour signature d’un témoin, un surnom au lieu de son nom de famille, doit-il être déclaré nul ? Avantage indirect : 1. une donation du sixième des biens faite. 2. une subrogation à l’acquisition d’immeubles, consentie en l’an 2, au profit d’un successible, peut-elle être considérée comme une donation déguisée sous la forme d’une vente ? en faveur des enfants d’un successible, sous l’empire de la loi du 17 nivôse an 2, qui interdirait tous avantages en faveur d’un successible, au préjudice des autres, est nulle.
il en est de même de la vente d’immeubles, sous réserve d’usufruit, consentie au mari d’une fille des successibles, qui doit être assimilée aux ventes à fonds perdu, à moins du consentement de la part des successibles ; surtout si les circonstances de la cause font supposer l’intention de faire une libéralité déguisée.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
An 11
1771-An 11
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
27 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G0932
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G0931
BCU_Factums_G0716
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53093/BCU_Factums_G0932.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Vazeliettes (domaine de)
Poux (domaine du)
Brioude (43040)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abus de faiblesse
biens nationaux
coutume d'Auvergne
doctrine
droit intermédiaire
droit matrimonial
droit Romain
jurisprudence
nom de famille
nullité du testament
procuration
signatures
Successions
surnoms
testaments
ventes
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53092/BCU_Factums_G0931.pdf
07705c8bb6750aa819b06d59728dd19e
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Text
MÉMOIRE
P O U R
J u l ie n D E J A X , homme de lo i, habitant de la com
mune de Brioude, appelant ;
C O N T R E
A g n è s D E J A X , et le citoyen P i e r r e D A L B IN E ,
son m a ri, juge au tribunal de première instance de
l'arrondissement de B riou d e;
D A L B IN E , M a r i e D A L B I N E , fille majeure
et A n n e - M a r i e D A L B IN E , veuve de Robert CrozeM ontbrizet-G izaguet, en son propre et privé nom ;
tous enfans dudit PlERRE D A L B IN E , et de ladite
D E J A X , son épouse ;
J oseph
E t encore ladite M a r i e D A L B IN E , veuve Gizaguet,
au nom de tutrice de ses enfans m ineurs, et dudit
Montbrizet-Gi zaguet ;
Tous intimés.
D
actes faits en fraude de la l o i , pour éluder la
prohibition de la lo i, doivent-ils être maintenus? Les
juges, établis pour le maintien des lo is, doivent-ils en
autoriser l’infraction ? T elle est la question que cette cause
présente.
A
ES
�C2 )
Ce n’est pas un seul acte que le citoyen Dejax attaque;
c’est une suite, une série d’actes; tous l’ouvrage de l’am
bition de la dame D albine, tous l’effet d’un plan cons
tamment su iv i, du plan conçu et exécuté de le dépouiller
de la portion que la loi lui assuroit dans la succession
d’une tante commune.
F A I T S .
D u mariage de Pierre Dejax avec Jacqueline Chassaing, sont issus cinq enfuns; savoir, Ju lien , V ita lt
Antoine prem ier, Antoine second du n om , et A n n eM aric D ejax, première du nom.
Julien , V ita l, et Antoine prem ier, sont décédés sans
postérité. Il ne s’agit point de leur succession.
A nne-M arie Dejax a contracté mariage avec le citoyen
T a rtel; elle a survécu à son m ari, et vient elle-m êm e
de payer le tribut. C’est son décès et sa succession qui
donnent lieu à la contestation.
Antoine D ejax, second du nom , s’est marié avec M arieThérèse Delchier.
D e ce mariage sont issus quatre enfans :
Vital-François, décédé sans postérité;
^
Julien D ejax, appelant;
Anne-Marie D ejax, seconde du nom , veuve Peyronnet ;
E t Agnès D e ja x , épouse du citoyen D albine, juge.
Celle-ci a e u , de son mariage avec ledit D albine, trois
enfans; A n n e -M a rie , qui a épousé, en l’an 3 , Robert
Croze-Montbrizet-Gizaguet; et Joseph, et M arie Dalbine.,
Telle est la généalogie des parties.
�(3)
Anne-M arie D ejax, première du nom , veuve T artel,
n’avoit point eu d’cnfans de son mariage ; ses quatre
frères, Julien , V ita l, Antoine premier et Antoine se
cond du nom , l’avoient prédécédéc. Antoine, second du
nom , laissoit seul des enfans : ces enfans étoient les hé
ritiers naturels, et les seuls héritiers de ladite Dejax.
Des quatre enfans d’A ntoine, second du nom, il n’en
restoit que tro is, par le décès de Vital-François.
Anne - Marie Dejax , seconde du n o m , s’est mariée
en 1770 , avec Emmanuel Peyronnet. Par le contrat de
m ariage, la tante lui assura la somme de 3,000 francs,
payable après son décès, en effets de la succession, bien
et dûment garantis.
Julien D ejax, appelant, s’est marié en 1771. Par son
contrat de mariage, elle lui a donné des effets ou créances
mobiliaires évaluées à la somme de 6,000 francs; mais
sans garantie de 'sa p a rt, même de ses f a i t s et pro
m esses, et entièrement aux risques, périls et fo rtu n e
du donataire.
Là s’est borné le cours de ses libéralités envers la
dame Peyronnet et l’appelant.
Il n’en a pas été de même pour la dame Dalbine.
Par son contrat de mariage de 1771 , elle lui a fait
donation du domaine de Fontanes, sous la réserve seu
lement de l’usufruit -, elle lui a donné, en o u tre , une
somme de 2,000 f r . , payable après son décès, en argent,
ou effets de la succession.
Cette première libéralité a été bientôt suivie d’une
seconde.
L e 19 novembre 1 7 7 8 , elle dispose en faveur de
A 2
�(
4
)
Anne-M arie D alb in e, sa petite nièce, de six contrats
de rente foncière, sans autre réserve également que de
l’usufruit. L a donation est acceptée par le père.
Peu de temps après, elle eut le malheur de perdre la
vue; la dame Dalbine sut profiter de cette circonstance.
Sous prétexte d’être plus à. portée de lui prodiguer ses
soins , elle s’établit dans la maison avec ses enfans.
Elle eut bientôt acquis un ascendant souverain.
Elle géra et administra à son gré -, elle percevoit arbi
trairement les revenus et les capitaux.
O n va voir la preuve de l’empire qu’elle exerçoit.
Les actes vont se succéder.
i r novembre 1793, premier acte. On appelle un no
taire. La tante déclare devant ce notaire, que les sommes
qui avoient été comptées par ses débiteurs, à différentes
époques , avoient été par elle reçues et employées ; et
q u e , si les quittances en avoient été fournies par la dame
D a lb in e, sa nièce, c’est parce que la déclarante n’avoit
pu les donner elle-m êm e, étant depuis long-temps privée
de l’usage de la vu e; de laquelle déclaration elle requiert
le notaire de lui donner acte.
28 du même mois de novem bre, correspondant au 8
frimaire de l’an 2, procuration générale de la tante à la
dame D albine, pour recevoir, non-seulement les revenus,
mais les capitaux des créances, remettre les titres, et faire
quittance de tout ou de partie des sommes, ne pouvant
la constituante , est-il d it, quittancer, étant privée de
Yusage de la vue ; se réservant, est-il ajouté, la constituante, de toucher et recevoir elle-même les sommes qu i
seront payées par ses débiteurs, de manière que la darne
�ékf
(
5 )
D albine sera censée rî’avoir absolument rien reçu on
vertu des présentes j et par conséquent dispensée de ren
dre aucun compte.
Une pareille procuration étoit une véritable donation,
et en avoit tous les effets.
Bientôt intervint la loi du 17 nivôse an 2 ; la tante
ne pouvoit plus alors avantager cette nièce si chérie : on
imagina une couleur.
La loi du 17 nivôse permettoit de disposer du sixièm e,
en faveur des non successibles ; on imagina de porter sur
les enfans les libéralités dont la mère n’étoit plus sus
ceptible.
L e 17 germinal an 2, on lui fait souscrire, en faveur
des trois enfans de la dame D albine, une donation du
sixième de tous les biens meubles et immeubles présens,
sous la réserve de l’usufruit. L a donation fut évaluée à
une somme de 11,600 f r ., savoir, 10,000 fr. pour les
immeubles, et 1,600 fr. pour les meubles. Il n’y a point
eu d’état du mobilier annexé à la m inute, et l’acte ne
dit point, et ne pouvoit dire qu’il en avoit été fait tra
dition réelle, puisque la donation porte réserve d’usu
fruit.
L ’ambition de la dame Dalbine n’étoit pas encore
satisfaite.
L e 17 floréal an 2, on fait consentir un autre acte ,
celui-ci directement au profit de la dame Dalbine. On
prend la couleur d’une vente.
Par cet acte, la tante subroge la nièce, objet de sa
prédilection, à l’acquisition de deux maisons nationales ;
lesquelles, est-il dit, lu i aboient été. adjugées moyennant
�(
6
)
la somme de 2,950 J r . , mais auxquelles elle avait fa it
des réparations considérables, pour, par la dame JDalb in e, jo u ir d'¿celles dajis l’état où elles se trouvent, à lacharge par elle de lui rembourser la somme de 1,22 i f .
par elle déjà payée à la nation, et à la charge de payer à
la nation le restant de Vadjudication. L e contrat ne man
que pas de porter quittance de la somme de 1,221 f r . ,
qui de voit être remboursée; il porte aussi quittance des
réparations, évaluées à la somme de 1,220f r .
Ce 11’étoit point assez. 21 vendém aireancinq, nouvelle
libéralité sous la même couleur.
Cette fois on imagina de faire consentir la vente au
cit. Robert Croze-M ontbrizet-G izaguet, mari d’AnneMarie Dalbino.
Par cet acte, il est dit que la dam eD ejax, veuve Tartet,
a fait vente à M ontbrizet-Gizaguet, i°. du domaine de
Vazeliettes, bien patrimonial; 20. du domaine appelé le
Poux , ayant appartenu aux ci-d evan t religieuses de
St. Joseph, tel qu’il avoit été adjugé par la nation; 30. de
tous les meubles, outils aratoires, et généralement de tous'
les meubles étant au pouvoir du m étayer, comme aussi de
tous les meubles garnissans la maison de maître du
domaine de Vazeliettes , sous la réserve de Iusufruit
de tous les objets vendus. L a vente est faite moyennant la
somme de 25 ,000 francs , dont le con trat, comme de
raison, porte quittance.
Cependant la dame Dalbine continuoit, en vertu de la
procuration du 8 frimaire an 2, de percevoir, et les revenus
des biens, et lus capitaux des remboursernens qui étoient
faits par les débiteurs.
�ÙJ.Y
(7)
6 frimaire an 7 , acte devant notaires , par lequel la
tante, toujours docile aux impressions de la nièce, après
avoir rappelé la procuration du 8 frimaire an 2, déclare
que, quoique la dame Dalbine ait fourni quittance aux
débiteurs, ainsi qu’elle y étoit autorisée par ladite procura
tion , c ’est cependant elle, déclarante, qui a reçu et
touché les différentes so m m es, tant en p rin cip a u x,
intérêts que f r a i s , ain si, e st-il ajouté , que le montant
du p rix de la vente de azehettes par elle consentie au
profit de défunt G iza g u et, le 4 vendémiaire an 5 ,
dont elle a disposé ¿1 son gré, soit à payer partie de ses
dettes contractées, ou à Ventretien de sa maison ou
autrem ent, attendu que ses revenus sont depuis long*
temps insujfisans pour fo u r n ir à ses dépenses journa
lières; de laquelle déclaration elle requiert acte.
E nfin, pour couronner cette série de libéralités envers
la même personne, testament du 9 messidor an 8 , par
lequ el, usant de la faculté que lui accordoit la loi du
4 germinal de la même année, elle a disposé en faveur de
la dame D albine, par préciput et avantage , de la moitié
de tous ses biens.
»
Elle est décédée le 4 vendémiaire an 9 , âgée de quatrevingt-neuf ans.
Après son décès la dame Dalbine a provoqué la pre
mière le partage de la succession ; c’est-à-diie, dans son
sens, des objets dont la défunte n’avoit point disposé par
les actes entre-vifs dont on vient de rendre compte. E lle a
fait citer à ces fins le cit. D ejax et la veuve Peyronnet, par
exploit du 26 germinal an 9.
L e cit. D ejax, de son côté, a fait citer, par exploit du
+»t)
�( 8 ) '
i g messidor de la même année, la dame Dalbine et son
m ari, les enfans D albine, c’est-à-dire, Marie D alb in e,
Pierre Dalbine et A n n e-M arie D alb in e, veuve M ontbrizet-Gizaguet;
Savoir : la dame Dalbine et son m ari, pour voir déclarer
nul et de nul effet l’acte de subrogation, du 17 floréal an 2,
à l’acquisition des deux maisons nationales; voir dire que
'lesdites maisons seroient comprises dans le partage; se voir
condamner à rendre et restituer les loyers depuis la subro
gation , avec intérêts du montant depuis la demande ; pour
voir pareillement déclarer nul le testament du 9 messidor
an 8 , comme non revêtu des formalités prescrites par
l’ordonnance ;
M arie, P ie rre , et Anne-M arie D albine, veuve Gizagu e t, enfans dudit D albin e, pour voir déclarer nulle et
de nul effet la donation du sixième des biens meubles et
immeubles, du 17 germinal an 2 ;
E t encore la dame Gizaguet, au nom de tutrice de ses
enfans , pour voir déclarer nulle la vente consentie, le
21 germinal an 5, du domaine et métairie de Vazeliettes
et du P o u x, et des meubles, avec restitution des jouis
sances et dégradations depuis la vente.
Il a encore conclu, contre la dame veuve Gizaguet, à ce
qu’elle fût tenue de rendre et restituer les arrérages par
elle perçus, tant avant qu’après le décès de la défunte, d’un
setier seigle faisant partie d’une rente de deux setiers
seigle , due par Jean Pouglieon.
Il a conclu à ce qu’il fût sursi au partage demandé par
la dame Dalbine, jusqu’à ce qu’il auroit été statué sur les
demandes ci-dessus.
Il
�( 9 )
Il a conclu subsidiairement au retranchement et à la
réduction des donations à la moitié des biens, en remon
tant de la dernière à la première.
La cause portée à l’audience sur les deux citations ,
c’est-à-dire, sur celle en partage donnée à la requête de la
dame Dalbine , et sur celle du citoyen D e ja x , et avec
toutes les parties, jugement est intervenu le 6 messidor
an 10, qui a débouté le citoyen Dejax de sa demande en
nullité, tant de la subrogation consentie par la défunte
au profit de la dame Dalbine à l’acquisition des deux mai
sons nationales, que de la demande en nullité, formée
contre la veuve Gizaguet, de la vente du domaine de
Vazeliettes et le P o u x , et encore de la demande en nul
lité du testament; a ordonné en conséquence que lesdites
ventes, subrogation et testament, sortiroient leur plein et
entier effet ; a ordonné le partage, pour en Être délaissé à
la dame D albine, comme héritière testamentaire, une
moitié par préciput, et un tiers dans l’autre moitié comme
successible, et les deux autres tiers de ladite moitié, un au
citoyen D ejax, et l’autre à la citoyenne D e ja x , veuve
Peyronnet; auquel partage, est-il dit, chacune des parties
rapportera les jouissances perçues des immeubles, et les
intérêts, x’evenus, et autres objets dépendans de ladite suc
cession , sauf tous les prélèvemens de droit que chacune
d’elles auroit droit de faire. Il est dit ensuite : D a n s la
m o i t i é your Îinstitution de la dame D a lb in e , sont com
prises toutes les facultés de disposer de la défunte,fa ite s
depuis la publication de la loi du 17 nivôse an 2 ; en con
séquence la disposition du sixièm e, en fa v eu r des enfans
D a lb in e, demeure sans effet quant à présent, et de leur
B
�( 10 )
consentement les avons m is, sur ce c h e f , hors d'instance,
s a u f ii se pourvoir contre leur m ère, ainsi q u ils avise
ront. Il est de plus ordonné que, dans le délai d’ un m ois, à
compter de la signification dudit jugement, le cit. Dejax
sera tenu de faire faire inventaire du m obilier, papiers et
titres de créances laissés par la défunte à l’époque de son
décès, si mieux n’aime le cit. Dejax s’en rapporter à l’état
qui en a été dressé par son fils, laquelle option sera censée
faite ledit délai passé. L e jugement ordonne en outre que
la dame Gizaguet sera tenue de rapporter le contrat de
rente annuelle d’un setier seigle, qui fait partie inté
grante de la succession de la défunte, et de rendre compte,
suivant le prix des pancartes, des années par elle perçues
depuis, sauf au citoyen Dejax à faire raison de ce qu’il a
touché de la même rente.
Sur le surplus des demandes respectives, met les parties
hors de jugement; et, en cas d’appel, ordonne le dépôt
des papiers entre les mains de Belm ont, notaire.
Condamne le citoyen Dejax aux dépens.
L e citoyen D ejax a interjeté appel de ce jugement ;
et c’est sur cet appel que les parties sont en instance en
ce tribunal.
L e citoyen Dejax a attaqué de nullité divers actes r
i° . L a donation faite, en faveur des enfans D albine,
du sixième de tous les biens meubles et immeubles
présens ;
2°. L ’acte de subrogation, du 17 floréal an 2, à l’acqui
sition des deux maisons nationales ;
30. L a vente du 21 vendémiaii*c an 5 , consentie aij
citoyen Montbrizct-Gizaguet ;
�C ^ }
E t enfin, le testament de la défunte, du 9 messidor an 8.
La disposition du jugement qui valide ces actes doit-elle
être confirmée ? On se flatte de démontrer la négative.
D onation du 17 germinal an 2.
- Cette donation est d’abord nulle quant aux meubles,
faute d’état. Les enfans D albinel’ont reconnu eux-mêmes;
ils ont déclaré qu’ils n’y insistoient pas.
Mais elle est également nulle pour les immeubles ; elle
est postérieure à la loi du 17 nivôse an -2, qui a interdit
tout avantage en faveur d’un successible, au préjudice
des autres.
O n a cru éluder la prohibition, en dirigeant la libé
ralité en faveur des enfans de la dame Dalbine ; mais
on s’est abusé.
- L ’art. X V I p orte, à la vérité, que la disposition géné
rale de la loi ne déroge point à l ’avenir à la faculté de
disposer, au profit d’autres que des personnes appelées
par la loi au partage des successions; savoir, du sixième,
si l’on n’a que des héritiers collatéraux; et du d ixièm e,
-si l’on a des 'héritiers en ligne directe.
Mais ce seroit bien mal entendre la lo i, que de penser
qu’elle a voulu par là autoriser les avantages indirects ;
qu?après avoir défendu d’avantager directement les suctessibles, elle a permis de îles avantager indirectement.
Ce seroit prêter u n e ‘absurdité et une inconséquence au
législateur.
Il est certain q u e, tant que le successible v it , ses en
fans ne sont point en ordre ide >succéder ; il leur fait
B a
�(12) t
obstacle. Mais il est-certain aussi, que le père et le fils
ne sont censés, en droit, faire qu’une seule et même per
sonne. P a te r et filius una eademque persona.
L a lo i, en interdisant tout avantage entre cohéritiers,
n’a fait que rendre générale, et étendre à toute la France,
la disposition des coutumes d’égalité. O r , dans les cou
tumes d’égalité, auroit - on autorisé ce qui auroit paru
renfermer un avantage indirect?
L a coutume d’Auvergne défend à la femme de dis
poser, non-seulement de ses biens dotaux, mais encore
de ses biens parapliernaux, au profit de son mari. L ’ar
ticle ajoute, ou autres et q u i le m ari puisse ou doiçe
succéder ; parce qu’inutilement une personne seroit prohi
bée , si on pouvoit lui donner indirectement ce qu’on ne
peut directement.
E t, sans se renfermer dans les coutumes particulières,
on le demande : de droit com mun, et suivant les lois de
rapport entre enfans, le père n’étoit-il pas obligé de rappoi’ter à la succession ce qui avoit été donné au petitfils-, et, respectivement, le petit-fils ce qui avoit été donné
au père?
L a loi du 17 nivôse en renferme elle-même une dis
position tacite.
On sait qu’elle annulloit toutes les dispositions faites
par personnes décédées depuis le 14 juillet 1789 : elle
aulorisoit cependant celui au profit duquel la disposition
annullée avoit été faite h retenir la quotité disponible,
c’est-à-dire, le sixième ou le dixièm e, suivant que le do
nateur avoit ou n’avoit point d’enfans ; et, en outre, autant
de valeurs égales au quart de sa propre retenue, qu’il
�( i3 )
avoit d’enfans, au temps où il avoit recueilli l’effet de la
disposition.
L ’article X X I porte que si le donataire ou héritier
institué est en même temps successible, il ne pourra
cumuler l’un avec l’autre, c’est-à-dire, la retenue et la
part héréditaire; il est obligé d’opter.
E t l’article X X II porte, L e descendant du successible,
qui n’a aucun droit actuel à la succession, et qui en fait la
remise d’après une disposition annullée, peut profiter de
la retenue, quoique son ascendant prenne part à la même
succession.
Si le descendant du successible n’avoit pas été regardé,
par la loi même, comme ne faisant qu’un avec ceux dont
il a reçu le jo u r , auroit-il fallu une disposition expresse
pour l’autoriser, en ce cas particulier, à cumuler la re
tenue et la part héréditaii’e?
L ’article X X V I défend les aliénations à fonds perdu,
qui pourroient être faites à un héritier présomptif; et
il est ajouté, ou à ses descendans. La loi a donc regardé
bien expressément les enfans du successible comme ne
faisant qu’une seule et même personne avec le successible.
Dira-t-on que la loi ayant pai*lé des descendans dans
cet article, et n’en ayant pas parlé dans l’art. X V I , elle
n’a pas voulu les comprendre dans ce dernier article ?
Mais il faut penser, au contraire, que si le mot descen
dant riz pas été expressément compris dans l’art. X V I ,
c’est parce que ce mot a échappé au législateur, lors de
la rédaction de cet article, et qu’ensuite il l’a ajouté à
l’art. X X V I , pour réparer en quelque sorte cette omis-
�( 14 )
sion. Enfin, la question a été expressément jugée dans
la cause de Soulier aîné contre scs puînés.
Soulier aïeul avoit fait une institution de tous ses biens
en faveur de son aîné, sous la réserve de disposer du
quart; lequel quart, à défaut de disposition, seroit néan
moins de la comprise de l’institution. L ’aïeul est décédé
en l’an 7, postérieurement à la loi du 1 7 'nivôse an 2,
mais antérieurement à celle du 4 germinal an 8. Par son
testament il avoit disposé du dixième de ses biens en
faveur d’un des enfans dudit Soulier, son petit-fils. Les
frères et sœurs de Soulier ont attaqué cette disposition,
comme faite indirectement au profit de l’aîné; et la dis
position a été effectivement déclarée n u lle , d’abord ren
première instance, au tribunal d’arrondissement'de cette
com mune, et ensuite sur l’appel'en ce tribunal.
Subrogation <du i j jîo r c a l an 2.
Cette subrogation à l’acquisition des deux maisons na
tionales, n’est évidemment qu’une donation déguisée sous
le nom de vente.
Ce^n’est pas sans doute jpar la dénomination donnée à
un acte qu’il faut juger'de la nature de l’acte., mais par
l’intention que les parties ont eue.
Ce principe ne sauroit être'contesté ; il est enseigné
par tous les auteurs, 'et consacré par les lois.
Parmi les diilerens textes de lois, on'peut citer'la-loi
Sufpitius , au digeste, D e dohationibus inter virum et
ujcorem, et'la loi Nudâ>, au cod. <De mntrahenda emptione.
�¿i/
( i5 )
P a p ó n , sur la loi S ulp itius, s’exprime ainsi : « S i ,
« pour donner couleur à cliose que la loi ne perm et, l’on
« prend titre permis, sera toujours l’acte suspect, et jugé
a qu’on l’a voulu couvrir de ce pour le faire valoir;
« comme si l’uñ de deux conjoints interdits et empêchés
« de soi donner, fa it, par testament ou contrat entre-vifs,
« confession que l’autre lui a p rê té , ou employé à ses
« affaires, ou d é liv ré , ou remis en ses mains certaine
.« somme, ne pourra ledit créancier, ainsi confessé, s’aider
« de telle confession, sans premier faire preuve qu’il a
k fait tel p rê t, ou remis, employé, ou délivré la somme.
« L a simulation, dit le même auteur dans un autre
« endroit, se pratique de différentes manières; l’une, et
« première, est de faire paroître, par contrat , chose dont
«x. néanmoins le contraire est entendu entre parties : ce
« sera acte imaginaire, qui n’aura autre chose que l’ap« parence pour le contrat passé entre les parties. U n
v homme empêché, par la coutume du lieu, de donner à
« un autre, pour la volonté qu’il aura de le gratifier,
« simulera de lui vendre à certain p r i x , qu’il confes« sera avoir reçu ( c’est ici précisément notre espèce ) :
«f si cette simulation est prouvée, sans doute la vente
« sera n u lle , comme le dit Ulpien. »
E t Papon cite ladite loi Nudâ.
« ’ Quoique les parties, dit R icard, et après lui Chabrol,
« tome II, page 381, aient déguisé du nom de vente une
« donation, elle passe pour un titre gratuit et pour une
« véritable donation ; de sorte qu’elle en reçoit toutes les
« lois, comme elle en a les principales qualités. Ainsi
�( 1 5 }
cc un semblable contrat étant passé entre personnes qui
« sont prohibées de se donner, il sera pris sans difficulté
« pour un avantage indirect, et sujet à la prohibition
« de la loi. »
Ce seroit donc une erreur manifeste de s’attacher à la
dénomination d’un acte, et de ne pas en pénétrer l’esprit.
Vainement les parties ont-elles voulu voiler leur inten
tion, et la présenter sous une autre forme que celle d’une
libéralité : les précautions concourent souvent à la trahir;
et les présomptions qui s’élèvent en foule contre un acte
déguisé, acquièrent bientôt le degré d’une certitude, et
ea provoquent la nullité.
A ces autorités qu’il soit permis d’ajouter celle du
célèbre Cochin, dans son 177e. plaidoyer :Dans un acte
devant notaires il faut, d it-il, distinguer deux choses, le
fait et l’écriture, scriptum et gestum. La simulation con
siste en ce que les parties déclarent, devant un officier
p u b lic, qu’elles font entre elles une certaine convention,
quoique réellement elles en exécutent une contraire.
L ’acte est simulé, si l’on prouve que l’on a eu une inten
tion contraire, et qu’on l’a exécutée. La simulation est un
genre de faux ; mais le faux ne touche pas sur l’acte en luimême. C’est un genre de faux par rapport aux parties,
mais non par rapport ;'i l’officier public.
E t de là, le principe consacré, même par une règle de
d ro it, P lu s valcre quod agitur, quiim quod simulatè
concipitur.
S’il est constant que la dénomination d’un acte n’en
détermine pas toujours la nature; si, malgré la dénomina
tion
�6o ï
C 17 ) f
tion que les parties lui ont donnée, on peut l’arguer de
simulation et de fraud e, comment s’établit maintenant
cette simulation et cette fraude ?
Par les circonstances.
Fraus ex circonstantiis probari potest, dit Dumoulin
sur l’article III du titre X X X I de la coutume de Nivernais.
F r a u s , dit énergiquement d’A rgentré, sur l’article
C C X G V I de la coutume de Bretagne , probatur conjectu ris antecedentibus , consequentibus et adjimctis.
F a lsissim u m , ajoute-t-il ,q u o d quidam putaverunt non
n isi instrumentis probari posse ’ fa c ta enim extrinsecùs
fra u d em potiüs probant, quia nemo tam supinus e s t ,
ut scT'ibi patiatur quœ fra u d u len terfa cit.
L a fraude, dit Coquille, s’enveloppe toujours, et cherche
à se déguiser. Elle ne seroit pas fraude, si elle n’étoit
occulte. D e là vient que les seules conjectures et présomp
tions servent de preuve.
. Citerons-nous encore Denizard. Les donations indi
rectes, dit cet arrétiste, au mot, avantage indirect, n° 1 7 ,
sont les plus fréquentes, et la preuve en est beaucoup plus
difficile : aussi n’exige-t-on pas de ceux qui les attaquent,
qu’ils rapportent une preuve complète de la fraude ; de
simples présomptions suffisent, parce qu’on ne passe point
des actes pour constater l’avantage indirect; au contraire
on cherche avec attention à en dérober la connoissance.
Quelles sont, d’après les mêmes auteurs, les principales
cii’constances qui doivent faire déclarer un acte simulé ?
La prem ière, si l’acte est passé entre proches. Fraus
inter conjunctas persoîiasfacile prœsumitur.
C
�(
18)
■La seconde , la non-nécessité de ven d re, s’il n’existe
aucun vestige du prix.
L a troisième, si les actes sont gém inés; alors la pré
somption de simulation acquiert un nouveau degré de
cei'titude.
En un m ot, comme dit d’A rg en tré , dont nous avons
rapporté les expressions, les juges ne doivent pas se fixer
seulement sur l’acte attaqué, ou sur les circonstances qui
ont pu accompagner cet acte au moyen de la passation,
mais encore sur toutes les cii'constances antécédentes et
subséquentes.
L a parenté, le défaut de nécessité de vendre, le défaut
de vestige du p r i x , tout se rencontre ici. L e notaire
n’atteste point la numération des deniers. Il n’est point dit
que la somme a été comptée au vu et su du notaire ou des
notaires soussignés, ainsi qu’il est même de style, lorsque
l’argent est effectivement compté.
E t si, à ces circonstances, qu’on peut appeler environ
nantes , on ajoute les circonstances cmtécédentes et subsé
quentes ; si l’on ju g e , pour rappeler les expressions de
d’A rgen tré, ex adjim ctù, et ex antecedentibus et consequentibus, restera-t-il le moindre doute?
L a dame Dalbine et son mari ont excipé, en première
instance, et dè l’article X X V I de la loi du 17 nivôse, et
de la réponse à la 55e. question de celle du 22 ventôse.
L ’article X X V I de la loi du 17 nivôse déclare nulles,
pt interdit toutes donations, à charge de rente viagère ou à
fonds perdu, soit en ligne directe, soit en ligne collaté
rale, faites à un des héritiers présomptifs ou à ses descen-
�( *9 )
dans; et de ce que cet article neparle que des ventes à fonds
perdu , la dame Dalbine et son mari n’ont pas manqué
d’en induire que cet article, par une conséquence néces
saire, autorise les ventes qui ne sont pas à fonds perdu,
d’après la m axim e, Inclusio unius est exclusio alterius.
Ils se sont aidés ensuite de la réponse 55 e. de la loi du
22 ventôse, qui déclare que la loi valide tout ce qu’elle
n’annulle pas ; mais cet article de la loi du 22 ventôse,
qui détermine le sens de l’art. X X V I de celle du 17 nivôse,
bien loin d’être favorable à leur système, leur est con
traire. Voici ce que porte la réponse à la 55 e. question :
« À ce qu’en expliquant l’article X X V I de la loi du
« 17 nivôse, relatif aux ventes à fonds perdu faites à des
« successibles, il soit décrété que les ventes faites à autre
« titre, antérieurement à cette lo i, soient maintenues,
« quand elles ont eu lieu de bonne f o i , sans lésion , et
« sans aucun des vices q u i pourroient amiullcr le
« contrat. »
Fixons-nous,sur,ces dernières expressions.
O n voit qu’on n’a pas même osé mettre en question,
et proposer au législateur de décider si des ventes sim u
lées devoient être maintenues. Une pareille question n’en
étoit pas une. L e doute ne pouvoit s’élever qu’à l’égard
.des ventes faites de bonne f o i, et non en fraude ; des
•ventes sincères, et non des ventes simulées. O n voit
m êm e, dans l’exposé de la question, qu’il s’agissoit de
ventes faites antérieurement à la loi.
Que répond le législateur?
a Sur la cinquante-cinquième question, ÎJue la loi
« valide ce qu’elle n’annulle pas; qu’ayant anéanti, entre
C 2
�( 20 )
« successibles, les ventes faites à fonds perdu depuis le
« 14 juillet 1789, sources trop fréquentes de donations
« déguisées, parce que les bases d’estimation manquent,
« elle n’y a pas compris les autres transactions commer
ce ciales, contre lesquelles on n’invoquoit ni lésion , ni
« défaut de payement. »
Q u’induire de là ? L a question qui divise les parties
est-elle donc de savoir si une vente faite de bonne fo i,
a un héritier présom ptif, est valable? On ne l’a jamais
contesté, et on en conviendra encore, si l’on veut. Mais
en est-il de même d’une vente qui n’en a que le nom ,
qui n’est véritablement qu’une donation déguisée?
Cette question est sans doute bien différente.
,
Vente du 21 vendémiaire an 5 , du domaine de V a zeliettes et du P o u x , au citoyen Gizaguet.
Elle est faite moyennant la somme de a 5 ,ooo francs,
numéraire m étallique, laquelle som m e, e s t- il dit, la
vendercsse reconnoît avoir reçue présentement dudit
Gizaguet.
Mais d’abord à qui persuadera-t-on que le citoyen
Gizaguet ait payé comptant 2Ô,ooo francs, dans un temps
où le numéraire étoit si rare ? E t si cette somme avoit été
payée com ptant, n’en seroit-il pas resté quelques ves
tiges? la défunte n’en auroit-elle pas fait quelque emploi?
ou si elle avoit gardé cet argent stérile dans son arm oire,
ne se seroit-il pas trouvé, au moins en partie, à son décès?
Memqfcirconslances environnantes. Point de nécessité
de vendre ; point d’emploi du prix ; point d’attestation de
�( 21 )
la part du notaire, que les deniers ont été comptés sous ses
yeux.
M ais, de plus, réserve de la part delà venderesse de l’usu
fruit; réserve très-rare dans les ventes véritables, trèsordinaire'au contraii’e dans les donations; réserve qui
seule s u f f i r o i t pour faire déclarer l’acte n u l, aux termes de
l ’article X X V I de la loi du 17 nivôse. .
En effet, une pareille réserve convertit la vente en une
vente à fonds p erd u , pi’ohibée par l’article X X V I , à
moins qu’elle n’ait été faite de l’exprès consentement des
héritiers.
Circonstances antécédentes et subséquentes.
Première donation du 9 décembre 1771 , envers la
dame D albine, du domaine de Fontanes, domaine d’une
valeur considérable, et encore d’une somme de 2,000 fr.
En 1778, seconde donation, à Anne-M arie D alb in e,
aujourd’hui veuve Gizaguet , de six parties de rentes
foncières.
11 novembre 1793, quittance et décharge de toutes les
sommes perçues parla dame Dalbine, provenantes non-seu
lement des revenus, mais encore du remboursement des
capitaux.
8 frimaire an 2 , procuration générale et illimitée de
percevoir revenus et capitaux, avec dispense de rendre
compte.
L a loi du 17 nivôse intervient, Elle ne peut se faire
donner à elle-même. Qu’est-ce qu’elle imagine ? E lle inter
pose ses enfans.
D onation, du 17 germinal an 2 , de toute la quotité
�alors disponible, envers les non successibles, c’est-à-dire,
du sixième.
L a quotité disponible, o u , pour mieux d ire, qu’elle
croyoit disponible , étoit épuisée. Elle imagine un autre
moyen pour envahir le surplus des biens. Subrogation,
du 17 floréal an 2 , moyennant 1,221 fr., d’une part, et
1,200 fr. d’autre, dont le contrat porte quittance ;
Quittance illusoire ! En effet, on a vu que la défunte
étoit aveu gle, et presqu’anéantie par l’âge. Elle avoit
donné à sa nièce la procuration la plus ample; elle l’avoit
constituée maîtresse. En supposant que la somme eût été
véritablement comptée , la dame Dalbine se seroit donc
payée à elle-même : elle auroit pris d’une main ce qu’elle
auroit donné de l’autre.
Somme illusoire ! En supposant qu’elle eût été p ayée,
elle l’auroit été en assignats presque de nulle valeur ;
en assignats qui seraient provenus de la gestion même
qu’elle avoit des biens de la défunte.
C’est à la suite de ces actes qu’est conçue la vente
du 21 vendémiaire an 5 .
6 frimaire an 7 , déclaration de la défunte, attestant
que, quoique la dame D albine ait fo u r n i quittance au x
débiteurs, c'est cependant elle déclarante qui a reçu et
touché les différentes som m es, tant en p rincipaux, in
térêts que fr a is .
E t il est ajouté, ainsi que le montant du p rix de la
vente du domaine de Vazeliettes et du P o u x .
Pourquoi cette dernière mention ? Q u’étoit-il besoin
de faire déclarer à la défunte que c’étoit elle qui avoit
perçu le prix de la ven te? N ’étoit-ce pas elle-m êm e
qui l’avoit quittancé dans le contrat ?
�C 23 )
Que la dame Dalbine se soit fait donner une décharge
des sommes dont elle pouvoit craindre qu’on cherchât à
la rendre com ptable, des sommes par elle reçues et quit
tancées; c’est ce qu’on conçoit : mais des sommes qu’elle
n’a point quittancées ; c’est ce qui ne s’explique pas aussi
facilement.
Cet excès de précaution n’a ch è v e-t-il pas de décéler
la fraude ?
.. Il est dit, dont elle a disposé à son gré, soit à payer
partie de ses dettes, soit à Ventretien de sa m aison, ou
autrement : déclaration démentie, i°. par l’existence des
dettes, au moment du décès de la défunte; 2°. par la
réserve de l’usufruit des biens pendant sa v ie , même du
domaine vendu; usufruit plus que suffisant pour subvenir
à sa subsistance.
E n fin , testament du 9 messidor an 8 , qui termine cette
chaîne de dispositions.
A-t-on jamais vu une plus grande réunion de circons
tances ?
Tous ces actes s’interprètent l’un par l’autre.
. O n a cru avoir trouvé une réponse victorieuse.
L a l o i , a-t-on d it , ne défend que les ventes à fonds
perdu, faites à des successibles. O r, i c i, la vente n’a point
été faite à fonds perdu; e t, d’un autre c ô té , n’est point
faite à un successible, puisque le citoyen Gizaguet étoit
étranger à la défunte, et ne pouvoit jamais venir à sa,
succession.
L a donation faite au mari ne profite-t-elle donc pas à la
femme ? Ne profite-t-elle pas aux enfans communs ? Donner
au m ari, n’est-ce pas donner1ù la femme et aux enfans ? L a
�(H )
loi ne défen d-elle donc que les avantages directement
faits aux successibles ? Ne défend-elle pas également les
avantages faits indirectement, et par personnes supposées.
On ne voit dans cette interposition de personnes qu’un
excès de précaution ; et c’est cet excès de précaution qui
caractérise la fraude.
Un jugement du tribunal d’appel du département de
la Seine, du 12 messidor an 9 , conforme aux conclu
sions du ministère public, confirmatif de celui du tri
bunal civil de Chartres, rapporté dans le journal du
palais, prouve assez que la cii'constance, que la vente
a été consentie, non à la femme successible, ou descen
dante de successible, mais au m ari, n’est pas une égide
contre la nullité prononcée par la loi.
A utre jugement du tribunal d’appel séant à R ouen ,
dans l’espèce duquel le contrat portoit que le prix avoit
été payé comptant, en présence du notaire.
V oici la question et les termes du jugement, tels qu’ils
sont rapportés par le journaliste.
« D eux questions ont été posées :
«
«
«
«
te
te
te
« La première consistoit à savoir quelles sont les conditions qui peuvent rendre valable un contrat de vente
fait par un père, à l’un de scs enfans ou de ses gendres.
« L a seconde avoit pour objet de reconnoitre si L e inonnier, acquéreur, avoit rempli les conditions nécessaires pour la validité de son acquisition.
« L e tribunal d’appel de Rouen a pensé, sur la prê
mière de ces questions , que les principes et la juris
prudence, fondés sur l’art. C C C G X X X IV de la coû
tume de la ci-devant province de Normandie, et l’ar
ticle
�( 25 3
r ticle IX de la loi du 17 nivôse an 2, se réunissent pour
« établix* qu’un contrat de vente d’immeubles, fait par un
« père à l’un de ses 'enfans, n’étoit valable qu’autant que
« l’acquéreur prouvoit qu’il avoit payé le juste prix de
« la chose acquise, et qu’il justiiioit de l’emploi des dea niers de la vente, au profit du vendeur.
« E t sur la seconde question, il lui a paru que L e « monnier n’avoit point rempli les conditions requises
c< pour valider son acquisition ; qu’en vain il s’appuyoit
« sur ce qu’il étoit dit dans le contrat, que le payement
« du prix de la vente avoit eu lieu en présence du notaire ;
« attendu qu’une telle énonciation n’étoit point une preuve
« de l’emploi des deniers, en faveur du ven d eu r, mais
« qu’elle étoit plutôt un moyen de couvrir la fraude, selon
« le principe établi par D um oulin , en ces tex-mes :
ce Conclusum quod in venditionefactâ filio velgenero,
« conjessio patris non valet de recepto , etiam si nota« rius dicat pretium receptum coram se*
cc D ’après ces considérations, le jugement du tribunal
« civil de l’E u re, qui avoit déclaré la vente valable, a été
« réformé ; et le contrat de v en te , passé par le défunt
« Hermier à Lem onnier, son gendx’e , a été déclaré frau« duleux et nul. »
Testam ent du 9 messidor an 8.
U n premier moyen de nullité résulte de ce que le
notaire n’a pas énoncé pour que^ département il étoit
établi! Titre I er. sect. I I , art. X II de la loi de 1771.
U,ne seconde nullité, de,ce qu’il n’a pas désigné le ü °.
dç la patente. L o i sur les patentes.
D
�(26)
Une troisième nullité bien plus frappante, et à laquelle
il n’y a point de réponse , c’est le défaut de signature
d’un des témoins numéraires qui n’a signé que par son
surn om , et non par son vrai nom.
“ L a loi veut que le testament soit signé de tous les té
moins qui savent signer; si le testateur est aveugle, il faut
appeler un huitième témoin également signataire. O r ,
celui qui ne signe pas son vi’ai nom ne signe véritable
ment pas!
j
L e nom de famille du témoin étoit Croze; son sur
nom , Auvernat : il a signé simplement A uvernat ■il
devoit signer Croze.
^ Un décret de l’assômblée constituante, du 19 juin 1790,
art. I l , porte, qu’aucun citoyen ne pourra prendre que
le vrai nom de sa famille,
t A utre décret du 27 novembre 1790, pour la forma
tion du tribunal de cassation : ce décret, article X V I I I ,
p o rte , qu’aucune qualification ne sera donnée aux par
ties; on n’y insérera quedeur nom patronimique, c’està-d ire, ' de baptêm e, et celui de la fam ille, et leui's fonc
tions ou professions.
-* 6 fructidor an 2 , nouveau décret de la convention
nationale, par lequel il est prescrit, qu’aucun citoyen
ne pourra porter dç nom ni de prénom , que ceux expri
més dans son acte de naissance ; et que ceux qui les ont
quittés seront tenus de les reprendre : loi dont la plus
stricte exécution a été ordonnée par arrêté du direc
toire exécu tif, du 19 nivôse an 4.
Mais voudroit-on regarder ces lois comme l’effet de la
révolution, et ne pas s’y arrêter ; on en citera d’antérieures.
�C 27 )
'
On citera l’ordonnancé de Henri I I , de 1 5 5 5 , q u i a
enjoint à tous les gentilshommes de signer du nom de
leur famille, et non de celui de leur seigneurie, tous actes
et contrats qu’ils feront, à -peine de nullité desdits actes et
contrats.
On citei’a l’ordonnance de Louis X I I I , de 1629 ,
article C G X I, qui porte les mêmes dispositions.
E t, pour remonter à ce qui s’observoit chez les Romains
m êm e, Cujas a conservé dans son commentaire les for
mules des testamens. On y voit que chaque témoin signoit
son nom de fam ille, après avoir déclaré son prénom '.Ego
J o a n n es.................... testamentum subscripsi; ce qui est
conforme à la loi Singulos, X X X , D e testamentis. S in gulos testes, dit cette lo i, q u i testarnento adhibenturproprio chirographo annotare con çen it, quis, et cujus testamentum signaçerit. Il faut que, par Vacte m êm e, on
puisse savoir quel est celui qui a signé; que l’acte même
apprenne à ceux qui ne connoissent pas le tém oin, quel
est ce témoin. U n surnom peut être commun h plusieurs.
L e nom de famille est le seul nom propre et distinctif.
Enfin l’ordonnance exige que tous les témoins signent.
Celui qui ne. signe pas par son n o m , est comme s’il ne
signoit pas.
L e testament est donc nul; et on ne peut assez s’étonner
que le tribunal de première instance l’ait déclaré valable ;
qu’il ait pareillement déclaré valables les autres actes entre
vifs, dont on a rendu compte.
Dans tous les cas, le testament ne. pourroit ' avoir son
entier effet : la loi du 4 germinal an 8 permettoit à la
défunte de disposer de la moitié de ses biens; mais autant
�( 2 8 ) .................................
seulement qu’elle n’en auroit pas "disposé par des libéralités
antérieures.
Les premiers juges l’ont reconnu eux-mêmes, puisqu’ils
ont inséré dans le jugement: D a n s la m oitié, est-il d it,
pour Vinstitution de la dame D a lb in e , sont comprises
toutes les fa cu ltés de disposer de la défunte ,* mais ils
ont ajouté, fa ite s depuis la publication de la loi du
17 nivôse an 2. O n ne craint pas d’avancer qu’ils ont erré
en cela. Si la libéralité antérieure à la loi du 17 nivôse an 2 ,
ou, pour mieux dire, à celle dü 5 brumaire an 2, excédoit
la moitié, on ne pourroit pas la faire réduire. Mais si elle
n’excède pas, elle doit être imputée sur la moitié dispo
nible; et c’est mal à propos que les juges ont distingué les
libéralités antérieures ou postérieures à la loi du 17
nivôse.
Ainsi ilfau d roit, dans tous les cas, imputer sur la quo
tité disponible , et la donation du domaine de Fontanes,
faite à la dame Dalbine par son contrat de mariage , et la
donation des six parties de rentes foncières, faite en 1778,
à Anne-M arie Dalbine; en tant du moins que ces dona
tions excéderoient celle faite à la dame Peyronnet et au
citoyen D ejax, dans leur contrat de mariage.
L e jugement dont est appel auroit donc encore mal jugé
en ce point.
O n voit combien cette cause est importante. Elle n ’inté
resse pas seulement le citoyen Dejax ; elle intéresse encore
le public. S’il étoit possible que la dame Dalbine obtînt Îe
succès qu’elle attend ,'il n’y aüroit plus de rempart contre
l’avidité d’un cohéritier ambitieux. Les fraudes, déjà trop
communes, se multi£lieroient; la loi seroit sans objet; la
�. ( 29 )
volonté du législateur, impuissante. Comment la dame
Dalbine s’est-elle flattée de faire adopter un pareil système?
comment a -t-elle pu penser que des juges éclairés et
intègres consacreraient une suite d’actes aussi évidem
ment frauduleux ?
P A G È S -M E IM A C , jurisconsulte.
P É R I S S E L , avoué.
A R I O M , de l’imprimerie de L A N D R I O T , seul imprimeur du
T ribun al d’appel. — A n 11.
�
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A name given to the resource
Factums Godemel
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Dejax, Julien. 1802?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès-Meimac
Périssel
Subject
The topic of the resource
successions
abus de faiblesse
procuration
droit intermédiaire
biens nationaux
ventes
nullité du testament
coutume d'Auvergne
droit matrimonial
jurisprudence
droit romain
doctrine
signatures
surnoms
nom de famille
testaments
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Julien Dejax, homme de loi, habitant de la commune de Brioude, appelant ; Contre Agnès Dejax, et le citoyen Pierre Dalbine, son mari, juge au tribunal de première instance de l'arrondissement de Brioude ; Joseph Dalbine, Marie Dalbine, fille majeure, et Anne-Marie Dalbine, veuve de Robert Croze-Montbrizet-Gizaguet, en son propre et privé nom ; tous enfans dudit Pierre Dalbine et de ladite Dejax, son épouse ; Et encore ladite Marie Dalbine, veuve Gizaguet, au nom de tutrice de ses enfans mineurs, et dudit Montbrizet-Gizaguet ; tous intimés.
Table Godemel : Testament. un testament contenant, pour signature d’un témoin, un surnom au lieu de son nom de famille, doit-il être déclaré nul ? Avantage indirect : 1. une donation du sixième des biens faite. 2. une subrogation à l’acquisition d’immeubles, consentie en l’an 2, au profit d’un successible, peut-elle être considérée comme une donation déguisée sous la forme d’une vente ? en faveur des enfants d’un successible, sous l’empire de la loi du 17 nivôse an 2, qui interdirait tous avantages en faveur d’un successible, au préjudice des autres, est nulle.
il en est de même de la vente d’immeubles, sous réserve d’usufruit, consentie au mari d’une fille des successibles, qui doit être assimilée aux ventes à fonds perdu, à moins du consentement de la part des successibles ; surtout si les circonstances de la cause font supposer l’intention de faire une libéralité déguisée.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 11
1770-Circa An 11
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
29 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G0931
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G0716
BCU_Factums_G0932
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53092/BCU_Factums_G0931.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Vazeliettes (domaine de)
Poux (domaine du)
Brioude (43040)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abus de faiblesse
biens nationaux
coutume d'Auvergne
doctrine
droit intermédiaire
droit matrimonial
droit Romain
jurisprudence
nom de famille
nullité du testament
procuration
signatures
Successions
surnoms
testaments
ventes
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53911/BCU_Factums_M0716.pdf
2aeff558f46e8b7ded17539b71433051
PDF Text
Text
MEMOIRE
P O U R
D E J A X , homme de lo i, habitant de la com
mune de Brioude, appelant ;
J u l ie n
CONTRE
A g n è s D E J A X , et le citoyen P i e r r e D A L B IN E ,
son mari yjuge au tribunal de première instance de
l'arrondissement de Brioude ;
D A L B IN E , M a r i e D A L B IN E ,fille majeure,
et A n n e - M a r i e D A L B IN E , veuve de Robert CrozeM ontbrizet-Gizaguet, en son propre et privé nom ;
tous enfans dudit P i e r r e D A L B IN E et de ladite
D E J A X , son épouse ,
J oseph
E t encore ladite M a r i e D A L B IN E , veuve Gizaguet,
au nom de tutrice de ses enfans mineurs, et dudit
Montbrizet-Gizaguet ;
' Tous intimés.
D
actes faits en fraude de la lo i, pour éluder la
prohibition de la loi, doivent-ils être maintenus? Les
juges, établis pour le maintien des lois, doivent-ils en
autoriser l’infraction ? Telle est la question que cette cause
présente.
A
ES
�(2)
Ce n’est pas un seul acte que le citoyen Dejax attaque;
c’est une suite, une série d’actes; tous l’ouvrage de l’am
bition de la dame Dalbine, tous l’effet d’un plan cons
tamment suivi, du plan conçu et exécuté de le dépouiller
de la portion que la loi lui assuroit dans la succession
d’une tante commune.
F A I T S .
D u mariage de Pierre Dejax avec Jacqueline Chassaing, sont issus cinq enfans ; savoir, Julien, V ita l,
Antoine premier, Antoine second du nom , et AnneMarie Dejax, première du nom.
Julien, V ital, et Antoine premier, sont décédés sans
postérité. Il ne s’agit point de leur succession.
Anne-M arie Dejax a contracté mariage avec le citoyen
Tartel; elle a survécu à son mari, et vient elle-même
de payer le tribut. C’est son décès et sa succession qui
donnent lieu à la contestation.
A n toin e D e ja x , second du nom , s’est marié avec M arieTh érèse D elchier.
De ce mariage sont issus quatre enfans :
Vital-François, décédé sans postérité;
Julien Dejax, appelant;
Anne-Marie Dejax, seconde du nom, veuve Peyronnet j
E t Agnès D ejax, épouse du citoyen Dalbine, juge.
Celle-ci a eu , de son mariage avec ledit Dalbine, trois
enfans; A n n e-M arie, qui a épousé, en l’an 3 , Robert
Croze-Montbrizet-Gizaguet; et Joseph, et Marie Dalbine*
Telle est la généalogie des parties»
�Anne-Marie Dejax, première du nom, veuve Tartel,
n’avoit point eu d’enfans de son mariage ; ses quatre
frères, Julien, V ita l, Antoine premier et Antoine se
cond du nom, l’avoient prédécédée. Antoine, second du
nom, laissoit seul des enfans : ces enfans étoient les lieritiers naturels, et les seuls héritiers de ladite Dejax.
Des quatre enfans d’Antoine, second du nom, il n’en
restoit que trois , par le décès de Vital-François.
A nne-M arie D ejax, seconde du nom , s’est mariée
en 1770, avec Emmanuel Peyronnet. Par le contrat de
mariage, la tante lui assura la somme de 3,000 francs,
payable après son décès, en effets de la succession, bien
et dûment garantis.
Julien Dejax, appelant, s’est marié en 1771. Par son
contrat de mariage, elle lui a donné des effets ou créances
mobiliaires évaluées à la somme de 6,000 francs; mais
sans garantie de sa part, même de ses fa its et pro
messes , et entièrement aux risques, périls et fortune
du donataire.
Lu s’est borné le cours de ses libéralités envers la
dame Peyronnet et l’appelant.
1
Il n’en a pas-clé de même pour la dame D albinc.
Par son contrat de mai'iage de 1771 , elle lui a fait
donation du domaine de Fontanes, sous la réserve seu
lement de l’usufruit •, elle lui a donné, en outre, une
somme de 2,000 fv., payable après son décès, en argent,
ou effets de la succession.
Cette première libéralité a été bientôt suivie d’une
seconde.
Le 19 novembre 1778 , elle dispose en faveur de
A 2
�C4 )
Anne-Marie Dalbine , sa petite nièce, de six contrats
de rente foncière, sans autre réserve également que de
l’usufruit. La donation est acceptée par le père.
Peu de temps après, elle eut le malheur de perdre la
vue; la dame Dalbine sut profiter de cette circonstance.
Sous prétexte d’être plus à portée de lui prodiguer ses
soins , elle s’établit dans la maison avec ses enfans.
Elle eut bientôt acquis un ascendant souverain.
Elle géi’a et administra à son gré ; elle percevoit arbi
trairement les revenus et les capitaux.
On va voir la preuve de l’empire qu’elle exerçoit»
Les actes vont se succéder.
i i novembre 1793, premier acte. On appelle un no
taire. La tante déclare devant ce notaire, que les sommes
qui avoient été comptées par ses débiteurs, à différentes
époques , avoient été par elle reçues et employées ; et
que, si les quittances en avoient été fournies par la dame
D albine, sa nièce, c’est parce que la déclarante n’avoit
pu les donner elle-même, étant depuis long-temps privée
de l’usage de la vue*, de laquelle déclaration elle requiert
le notaire de lui donner acte.
28 du même mois de novembre, correspondant au 8
frimaire de l’an 2, procuration générale de la tante à la
dame Dalbine, pour recevoir, non-seulement les revenus,
mais les capitaux des créances, remettre les titres, et faire
quittance de tout ou de partie des sommes, ne pouvant
la constituante , est-il d it, quittancer, étant privée do
Tusage delà vue; se réservant, est-il ajouté, la consti
tuante , de toucher et recevoir elle-même les sommes qui
seront payées par ses débiteurs} de manière que lu datne
�(5)
Dalbine sera censée rüavoir absolument rien reçu en
vertu des présentes ; et par conséquent dispensée de ren
dre aucun compte.
Une pareille procuration étoit une véritable donation,
et en avoit tous les effets.
Bientôt intervint la loi du 17 nivôse an 2 \ la tante
ne pouvoit plus alors avantager cette nièce si chérie : on
imagina une couleur.
La loi du 17 nivôse permettoit de disposer du sixième,
en faveur des non successibles ; on imagina de porter sur
les enfans les libéralités dont la mère n’étoit plus sus
ceptible.
Le 17 germinal an 2, on lui fait souscrire, en faveur
des trois enfans de la dame D albine, une donation du
sixième de tous les biens meubles et immeubles présens,
sous la réserve de l’usufruit. La donation fut évaluée à
une somme de 11,600 fr ., savoir, 10,000 fr. pour les
immeubles, et 1,600 fr. pour les meubles. Il n’y a point
eu d’état du mobilier annexé à la minute, et l’acte ne
dit point, et ne pouvoit dire qu’il en avoit été fait tra
dition réelle, puisque la donation porte réserve d’usu
fruit.
L ’ambition de la dame Dalbine n’étoit pas encore
satisfaite.
Le 17 floréal an 2, on fait consentir un autre acte ,
celui-ci directement au profit de la dame Dalbine. On
prend la couleur d’une vente.
Par cet acte, la tante subroge la nièce, objet de sa
prédilection, à l’acquisition de deux maisons nationales ;
lesquelles, est-il dit, lui avaient été adjugées moyennant
�( 6)
la somme de 2,95o f r . , mais auxquelles elle avoit fa it
des réparations considérables, pour, par la dame D albine, jou ir d'icelles dans Vétat où elles se trouvent, à lacharge par elle de lui rembourser la somme de 1,221 j\
par elle déjà payée ¿1 la nation, et à la charge âe payer eï
la nation le restant de Vadjudication. I<e contrat 11e man
que pas de porter quittance de la somme de 1,221 f r .,
qui devoit être remboursée; il porte aussi quittance des
réparations, évaluées à la somme de 1,220 fr.
Ce n’étoit point assez. 21 vendémaire an cinq, nouvelle
libéralité sous la même couleur.
Cette fois on imagina de faire consentir la vente au
cit. Robert Croze-Montbrizet-Gizaguet, mari d’AiméMarie Dalbine.
Par cet acte, il est dit que la dameDejax, veuve Tartet,
a fait vente à Montbrizet-Gizaguet, i°. du domaine de
Vazeliettes, bien patrimonial; 20. du domaine appelé le
Poux , ayant appartenu aux ci-devant religieuses de
St. Joseph, tel qu’il avoit été adjugé parla nation; 30. de
tous les m eubles, outils aratoires, et généralement de tous
les meubles étant au pouvoir du métayer, comme aussi de
tous les meubles garnissans la maison de maître dudomaine de Vazeliettes , sous la réserve de Tusufruit
de tous les objets vendus. La vente est faite moyennant la
somme de 25,000 francs, dont le contrat, comme de
raison, porte quittance.
Cependant la dame Dalbine continuoit, en vertu de la
procuration du 8 frimaire an 2, de percevoir, et les revenus
des biens, et les capitaux des reinboursemcns qui étoient
faits par les débiteurs.
�6 frimaire an 7 , acte devant notaires , par lequel la
tante, toujours docile aux impressions de la niece, après
avoir rappelé la procuration du 8 frimaire an 2, déclare
que, quoique la dame Dalbine ait fourni quittance aux
débiteurs, ainsi qu’elle y étoit autorisée par ladite procura
tion , c'est cependant elle, déclarante, qui a reçu et
touché les différentes so?nmes , tant en principaux,
intérêts que fra is , ainsi, est-il ajouté , que le montant
du prix de la vente de Vazeliettes par elle consentie au
profit de défunt Gizaguet, le 4 vendémiaire an 5 ,
dont elle a disposé à son gré, soit ¿1 payer partie de ses
dettes contractées, ou à ïentretien de sa maison ou
autrement, attendu que ses revenus sont depuis long*
temps insiiffisans pour fo u rn ir à ses dépenses journa
lières; de laquelle déclaration elle requiert acte.
Enfin, pour couronner cette série de libéralités envers
la même personne, testament du 9 messidor an 8, par
lequel, usant de la faculté que lui accordoit la loi du
4 germinal de la même année, elle a disposé en faveur de
la dame Dalbine, par préciput et avantage , de la moitié
de tous ses biens.
E lle est décédée le 4 vendém iaire an 9 , âgée de quatrevingt-neuf ans.
Après son décès la dame Dalbine a provoqué la pre
mière le partage de la succession ; c’est-à-dire , dans son
sens, des objets dont la défunte n’avoit point disposé par
les actes entre-vifs dont on vient de rendre compte. Elle a
fait citer à ces fins le cit. Dejax et la veuve Peyronnet, par
exploit du 26 germinal an 9.
Le cit. Dejax, de son côté, a fait citer, par exploit du
�(S )
19 messidor de la même année, la dame Dalbineet son
m ari, les enfans Dalbine, c’est-à-dire, Marie Dalbine,
Pierre Dalbine et Anne-M arie D albine, veuve Montbrizet-Gizaguet ;
Savoir : la dame Dalbine et son mari, pour voir déclarer
nul et de nul effet l’acte de subrogation, du 17 floréal an 2,
à l’acquisition des deux maisons nationales; voir dire que
lesdites maisons seroient comprises dans le partage; se voir
condamner à rendre et restituer les loyers depuis la subro
gation , avec intérêts du montant depuis la demande ; pour
voir pareillement déclarer nul le testament du 9 messidor
an 8 , comme non revêtu des formalités prescrites par
l’ordonnance ;
M arie, Pierre, et Anne-Marie Dalbine, veuve Gizaguet, enfans dudit Dalbine, pour voir déclarer nulle et
de nul effet la donation du sixième des biens meubles et
immeubles, du 17 germinal an 2 ;
Et encore la dame Gizaguet, au nom de tutrice de ses
enfans , pour voir déclarer nulle la vente consentie, le
21 germ inal an 5 , du domaine et métairie de Vazeliettes
et du Poux, et des meubles, avec restitution des jouis
sances et dégradations depuis la vente.
Il a encore conclu, contre la dame veuve Gizaguet, à ce
qu’elle fût tenue de rendre et restituer les arrérages par
elle perçus, tant avant qu’après le décès de la défunte, d’un
setier seigle faisant partie d’une rente de deux setiers
seigle , due par Jean Pouglieon.
Il a conclu à ce qu’il fût sursi au partage demandé par
la dame Dalbine, jusqu’à ce qu’il auroit été «tatué sur les
demandes ci-dessus.
Il
�Il a conclu subsidiairement au retranchement et à la
réduction des donations à la moitié des biens, en remon
tant de la dernière à la première.
La cause portée à l’audience sur les deux citations ,
c’est-à-dire, sur celle en partage donnée à la requête de la
dame Dalbine , et sur celle du citoyen D ejax, et avec
toutes les parties, jugement est intervenu le 6 messidor
an 10, qui a débouté le citoyen Dejax de sa demande en
nullité, tant de la subrogation consentie par la défunte
au profit de la dame Dalbine à l’acquisition des deux mai
sons nationales, que de la demande en nullité, formée
contre la veuve Gizaguet, de la vente du domaine de
Yazeliettes et le P o u x, et encore de la demande en nul
lité du testament; a ordonné en conséquence que lesdites
ventes, subrogation et testament, sortiroient leur plein et
entier effet ; a ordonné le partage, pour en être délaissé à
la dame Dalbine, comme héritière testamentaire, une
moitié par préciput, et un tiers dans l’autre moitié comme
successible, et les deux autres tiers de ladite moitié, un au
citoyen D ejax, et l’autre à la citoyenne D ejax, veuve
Peyronnet; auquel partage, est-il dit, chacune des parties
rapportera les jouissances perçues des immeubles, et les
intérêts, revenus, et autres objets dépendans de ladite suc
cession , sauf tous les prélèvemens de droit que chacune
d’elles auroit droit de faire. Il est dit ensuite : Dans la
moitié pour Xinstitution de la dame D albine, sont com
prises toutes lesfacultés de disposer de la défunte,faites
depuis la publication de la loi du 17 nivôse an 2; en con
séquence la disposition du sixièm e, enfaveur des enfans
D albine, demeure sans effet quant à présent, et de leur
B
�( IO )
consentemenths avons m is, sur ce chef> hors d*instance,
sa u f à sc pourvoir contre leur mère> ainsi qu’ils avise
ront. Il est de plus ordonné que, dans le délai d’un mois, à
compter de la signification dudit jugement, le cit. Dejax
sera tenu de faire faire inventaire du mobilier, papiers et
titres de créances laissés par la défunte à l’époque de son
décès, si mieux; n’aime le cit. Dejax s’en rapporter à l’état
qui en a été dressé par son fils, laquelle option sera censée
faite ledit délai passé. Le jugement oixlonne en outre que
la dame Gizaguet sera tenue de rapporter le contrat de
rente annuelle d’un setier seigle, qui fait partie inté
grante delà succession de la défunte,et de rendre comptey
suivant le prix des pancartes, des années par elle perçues
depuis, sauf au citoyen Dejax à faire raison de ce qu’il a
touché de la même rente.
Sur le surplus des demandes respectives, met les parties
hors de jugement; et, en cas d’appel, ordonne le dépôt
des papiers entre les mains de Belmont, notaire.,
. Condamne le citoyen D ejax aux dépens.
L e citoyen D ejax a interjeté appel de ce jugement ;
et c’est sur cet appel que les parties sont en instance en
ce tribunal.
Le citoyen Dejax a attaqué de nullité divers actes :
i° . La donation faite, en faveur des enfans Dalbine,
du sixième de tous les biens meubles et immeubles
présens ;
2°. L ’acte de subrogation ^du iy floréal an 2 , à l’acqui
sition des deux maisons nationales;
3°. La vente du 21 vendémiaire an 5 , consentie au
citoyen Montbrizet-Gizaguet ;
�Et enfin, le testament de la défunte, du 9 messidor an 8.
- La disposition du jugement qui valide ces actes doit-elle
être confirmée ? On se flatte dé démontrer la négative.
i Donation du 17 germinal an 2.
Cette donation est d’abord nulle quant aux meubles,
faute d'état. Les enfans Dalbine l’ont reconnu eux-memes ;
ils ont déclaré ' qu’ils n’y insistoient pas.
Mais elle est également nulle pour les immeubles ; elle
est postérieure à la loi du 17 nivôse an 2 y qui a interdit
tout avantage en faveur d’un successible, au préjudice
des autres.
On a cru éluder la prohibition, en dirigeant la libé
ralité en faveur des enfans de la dame Dalbine; mais
on s’est abusé;
L ’art. X V I porte, à la vérité, que la disposition géné
rale de la loi ne déroge point à l’avenir à la faculté de
disposer j au profit d’autres que des personnes appelées
par la loi au partage dés successions; savoir , du sixième,
si l’on n’a que des héritiers collatéraux ; et du dixième ;
si l’on a dés héritiers en ligne directe.
Mais ce seroit bien mal entendi*e la lo i, què de penser
qu’ellé a voulu par là autoriser les avantages indirects ;
qu’après avoir défendu d’avantager directement les successibles j elle a permis de les avantager indirectement.
Ce seroit preter une absurdité et une inconséquence au
législateur.
Il est certain q u e, tant que ië successible v i t , ses en
fans ne sont point en ordre de succéder \ il leur fait
B 2
�( 12 )
obstacle. Mais il est certain aussi, que le père'et le fils
ne sont censés, en droit’, faire qu’une seule et même per
sonne. Pa ter et filin s un a eaàemque persona.
La loi, en interdisant tout avantage entre cohéritiers,
n’a fait que rendre générale, et étendre à toute la France,
la disposition des coutumes d’égalité. Or , dans les cou
tumes d’égalité, auroit - on autorisé ce qui auroit paru
l’enfermer un avantage indirect ?
La coutume d’Auvergne défend à la femme de dis
poser, non-seulement de ses biens dotaux, mais encore
de ses biens paraphernaux, au profit de son mari. L ’ar
ticle ajoute, ou autres à qui le m ari puisse ou doive
succéder ,*parce qu’inutilement une personne seroit prohi
bée , si on pouvoit lui donnèr indirectement ce qu’on ne
peut directement.
Et, sans se renfermer dans les coutumes particulières,
on le demande : de droit commun , et suivant les lois de
rapport entre enfans, le père n’étoit-il pas obligé de rap
porter il la succession ce qui «voit été donné au petitfils; et, respectivement, le petit-fds ce qui avoit été donné
au père?
La loi du 17 nivôse en renferme elle-même une dis
position tacite.
On sait qu’elle annulloit toutes les dispositions faites
par personnes décédées depuis le 14 juillet 1789 : elle
autorisoit cependant celui au profit duquel la disposition
annullée avoit été faite à retenir la quotité disponible,
c’est-à-dire, le sixième ou le dixième, suivant que le do
nateur avoit ou n’avoit point d’enfans ; et, en outre, autant
de valeurs égales au quart de sa propre retenue, qu’il
�(i3)
avoit d’enfans, au temps où il avoit recueilli l’effet de la
disposition.
' L ’article X X I porte que si le donataii’e ou héritier
institué est- en même temps successible, il ne pourra
cumuler l’un avec l’autre, c’est-à-dire, la retenue et la
part héréditaire; il est obligé d’opter.
"Et l’article X X IIporte, L e descendant du successible,
qui n’a aucun droit actuel à la succession, et qui en fait la
remise d’après une disposition annullée, peut profiter de
la retenue, quoique son ascendant prenne part à la même
succession.
- Si le descendant du successible n’avoit pas été regardé,
par la loi même, comme ne faisant qu’un avec ceux dont
il a reçu le jo u r, auroit-il fallu une disposition expresse
pour l’autoriser, en ce cas particulier, à cumuler la re
tenue et la part héréditaire?
L ’article X X V I defend les aliénations à fonds perdu,
qui pourroient être faites à un héritier présomptif ; et
il est ajouté, ou à ses descendons. La loi a donc regardé
bien expressément les enfans du successible comme ne
faisant qu’une seule et même personne avec le successible.
D ira-t-on que la loi ayant parlé des descendans dans
cet article, et n’en ayant pas parlé dans l’art. X V I , elle
n’a pas voulu les comprendre dans ce dernier article ?
Mais il faut penser, au contraire, que si le mot descen
dant n’a pas été expressément compris dans l’art. X V I ,
c’est parce que ce mot a échappé au législateur, lors de
la rédaction de cet article, et qu’ensuite il l’a ajouté à
l’art. X X V I , pour réparer en quelque sorte cette omis-
�( i4 )
siorii E n fin , la question a été expressément jugée dans
la cause de Soulier aîné contre ses puînés.
Soulier aïeul avoit fait une institution de tous ses biens
en faveur de son aîné, sous la réserve de disposer du
quart; lequel quart, à défaut de disposition, seroit néan
moins de la comprise de l’institution. L ’aïeul est décédé
en l’an 7, postérieurement à la loi du 17 nivôse an 2,
mais antérieurement à celle du 4 germinal an 8. Par son
testament il avoit disposé du dixième de ses biens en
faveur d’an des enfans dudit Soulier, son petit-fils. Les
frères et sœurs de Soulier ont attaqué cette disposition -f
comme faite indirectement au profit die l’aîné; et la dis
position a été effectivement déclarée nulle, d’abord en
première instance, au tribunal d’arrondissement de cette
commune) et ensuite sur l’appel en ce tribunal.
«
Subrogation du 17 jlo rca l an 2.
Cette subrogation à l’acquisition des deux maisons na~
tionales, n’est évidem m ent qu’une donation déguisée sOus
le nom de vente.
Ce n’est pas sans doute par la dénomination donnée à
un acte qu’il faut juger de la natiire de l’acte, mais par
l’intention que les parties ont eue.
Ce principe ne sauroit être contesté ; il est enseigné
par tous les auteurs, et consacré par les lois.
Parmi les différons textes de lois, on peut citer la loi
SuJpitius, au digeste, D e donationibus inter virum et
uxoram, et la loi Niidâp au cod. D e contrahenda emp~
tionex
�( i5 )
Papon , sur la loi Suïpitius, s’exprime ainsi : « S i ,
« pour donner couleur à chose que la loi ne permet, 1 on
« prend titre permis, sera toujours l’acte suspect, et juge
« qu’on l’a voulu couvrir de ce pour le faire valoir;
« comme si l’un de deux conjoints interdits et empêchés
« de soi donner , fait, par testament ou conti'at entre-vifs,
« confession que l’autre lui a prêté, ou employé à ses
« affaires, ou délivré, ou remis en ses mains certaine
« somme, ne pourra ledit créancier, ainsi confessé, s’aider
« de telle confession, sans premier faire preuve qu’il a
« fait tel p rêt, ou remis, employé, ou délivré la somme.,
« La simulation, dit le mémo auteur dans. un auti'e
« endroit, se pratique de différentes manières; l’une, et
« première, est de faire paroître, par contrat, chose dont
« néanmoins le contraire est entendu entre parties : ce
« sera acte imaginaire, qui n’aura autre chose que l’ap*
« parence pour le contrat passé entre les parties. Un
« homme empêché, par la coutume du lieu, de donner à
« un autre, pour la volonté qu’il aura de le gratifier,
« simulera de lui vendre à certain p r ix , qu’il confes« sera avoir reçu ( c’est ici précisément notre espèce ) :
« si cette simulation est prouvée, sans doute la vente
« sera nulle, comme le dit Ulpien. »
Et Papon cite ladite loi ISudâ.
« Quoique les parties, dit Ricard, et après lui Chabrol,
« tome II, page 381, aient déguisé du nom de vente une
« donation, elle passe pour un titre gratuit et pour une
« véritable donation ; de sorte qu’elle en reçoit toutes les
« lois, comme elle en a les principales qualités. Ainsi
�( 16 )
« un semblable contrat étant passé entre personnes qui
« sont prohibées de se donner, il sera pris sans difficulté
« pour un avantage indirect, et sujet à la prohibition
« de la loi. »
Ce seroit donc une erreur manifeste de s’attacher à la
dénomination d’un acte, et de ne pas en pénétrer l’esprit.
Vainement les parties ont-elles voulu voiler leur inten
tion, et la présenter sous une autre forme que celle d’une
libéralité : les précautions concourent souvent à la trahir;
et les présomptions qui s’élèvent en foule contre un acte
déguisé, acquièrent bientôt le degré d’une certitude, et
eu provoquent la nullité.
• A ces autorités qu’il soit permis d’ajouter celle du
célèbre Cochin, dans son 177e. plaidoyer : Dans un acte
devant notaires il faut, dit-il, distinguer deux choses, le
fait et l’écriture, scriptum et gestum. La simulation con
siste en ce que les parties déclarent, devant un officier
public, qu’elles font entre elles une certaine convention,
quoique réellement elles en exécutent une contraire.
L ’acte est simulé, si l’on prouve que l’on a eu une inten
tion contraire, et qu’on l’a exécutée. La simulation est un
genre de faux ; mais le faux ne touche pas sur l’acte en luimême. C’est un genre de faux par rapport aux parties,
mais non par rapport à l’officier public.
Et de là, le principe consacré, même par une règle de
d ro it, Plu s valere quod agitur, quàrn quod sirnulatè
concipitur.
S’il est constant que la dénomination d’un acte n’efl
détermine pas toujours la nature; si,malgré la dénomina
tion
�C r7 )
tion que les parties lui ont d o n n ée, on peut l ’arguer de
simulation et de fraude , comment s’établit maintenant
cette simulation et cotte fraude ?
Par les circonstances. .
t raus ex circonstantiis probarî potest, dit D um oulin
sur l’article III du titre X X X I de la coutume de Nivernais.
F raus, dit énergiquement d’Argentré, sur l’article
CGXCVI de la coutume de Bretagne , probatur conjecturis antecedentibus , consequentibus et adjunctis.
Falsissim im i, a jo u te-t-il , quod quidam putaverunt non
nisi instrumentis probarî posse; facta enim extrinsecus
fraudent potiùs probant, quia nemo tarn supinus e s t ,
ut scribi patiatur quœ fraudulenterfacit.
La fraude, dit Coquille, s’enveloppe toujours, et cherche
à se déguiser. Elle ne seroit pas fraude, si elle n’étoit
occulte. De la vient que les seules conjectures et présomp
tions servent de preuve.
Citerons-nous encore Denizard. lies donations indi
rectes, dit cet arrétiste, au mot, avantage indirect, n° 17 ,
sont les plus fréquentes, et la preuve en est beaucoup plus
difficile: aussi n’exige-t-on pas de ceux qui les attaquent,
qu’ils rapportent une preuve complète de la fraude ; de
simples présomptions suffisent, parce qu’on ne passe point
des actes pour constater l’avantage indirect-, au contraire
on cherche avec attention à en dérober la connoissance.
Quelles sont, d’après les mômes auteurs, les principales
circonstances qui doivent faire déclarer un acte simulé ?
La première, si l’acte est passé entre proches. Fraus
inter conjunctas personasfacilè prœsumitur.
C
�( 18 )
La seconde , la non-nécessité de vendre, s’il n’existe
aucun vestige du prix.
La troisième, si les actes sont géminés; alors la pré
somption de simulation acquiert un nouveau degré de
certitude.
En un m ot, comme dit d’A rgentré, dont nous avons
rapporté les expressions, les juges ne doivent pas se fixer
seulement sur l’acte attaqué, ou sur les circonstances qui
ont pu accompagner cet acte au moyen de la passation,
mais encore sur toutes les circonstances antécédentes et
subséquentes.
La parenté, le défaut de nécessité de vendre, le défaut
de vestige du p r ix , tout se rencontre ici. Le notaire
n’atteste point la numération des deniers. Il n’est point dit
que la somme a été comptée au vu et su du notaire ou des
notaires soussignés, ainsi qu’il est même de style, lorsque
l’argent est effectivement compté.
E t si, à ces circonstances, qu’on peut appeler environ
n a n te s , on ajoute les circonstances antécédentes et subsé
quentes ; si l’on juge, pour rappeler les expressions de
d’Argentré, ex adjunctis, et ex antecedentibus et consequentibus, restera-t-il le moindre doute?
La dame Dalbine et son mari ont excipé, en première
instance, et de l’article X X V I de la loi du 17 nivôse, et
de la réponse à la 55e. question de celle du 22 ventôse.
L ’article X X V I de la loi du 17 nivôse déclare nulles,
et interdit toutes donations, à charge 4e rente viagère ou à
fonds perdu, soit en ligne directe, soit en ligne collaté
rale, faites à un des héritiers présomptifs ou ù ses descen-
�( 19 )
dans; et de ce que cet article ne parle que des ventes a fonds
perdu, la dame Dalbine et son mnri n’ont pas manque
d’en induire que cet article, par une conséquence néces
saire , autorise les ventes qui ne sont pas à fonds perdu,
d’après la maxime, Inchtsio unius est exclusif) chenus.
Ils se sont aidés ensuite de la réponse 55e. de la loi du
22 ventôse, qui déclare que la loi valide tout ce qu’elle
n’anmille pas; mais cet article de la loi du 22 ventôse,
qui détermine le sens de l’art. X X V I de celle du 17 nivôse,
bien loin d’être favorable à leur système, leur est con
traire. Voici ce que porte la réponse à la 55e. question :
« A ce qu’en expliquant l’article X X V I de la loi du
« 17 nivôse, relatif aux ventes à fonds perdu faites à des
« successibles, il soit décrété que les ventes faites à autre
« titre, antérieurement à cette lo i, soient maintenues,
« quand elles ont eu lieu de bonne f o i , sans lésion, et
« sans aucun des vices qui pourraient annuller le
« contrat. »
Fixons-nous sur ces dernières expressions.
On voit qu’on n’a pas môme osé mettre en question,
et proposer au législateur de décider si des ventes simu
lées devoient être maintenues. Une pareille question n’en
étoit pas une. Le doute ne pouvoit s’élever qu’à l’égard
des ventes faites de bonne fo i, et non en fraude; des.
ventes sincères, et non des ventes simulées. On voit
même, dans l’exposé de la question, qu’il s’agissoit de
ventes faites antérieurement à la loi.
Que répond le législateur?
« Sur la cinquante-cinquième question, ¿jjue la loi
« valide ce qu’elle n’annulle pas; qu’ayant anéanti, entre
G a
�( 20 )
« successibles, les ventes faites à fonds perdu depuis le
« 14 juillet 1789, sources trop fréquentes de donations
« déguisées, parce que les bases d’estimation manquent,
« elle n’y a pas compris les autres transactions commerv ciales, contre lesquelles on n’invoquoit ni lésion, ni
« défaut de payement. »
Qu’induire de là ? La question qui divise les parties
est-elle donc de savoir si une vente faite de bonne fo i,
à un héritier présomptif, est valable? On ne l’a jamais
contesté, et on en conviendra encore, si l’on veut. Mais
en est-il de même d’une vente qui n’en a que le nom,
qui n’est véritablement qu’une donation déguisée ?
Cette question est sans doute bien diiféi’ente.
Vente du 21 vendémiaire an 5 , du domaine de V a zeîiettes et du P o u x , au citoyen Gizaguet.
Elle est faite moyennant la somme de 25,000 francs,
numéraire métallique, laquelle somme, e st-il dit, la
venderesse reconnaît avoir reçue présentement dudit
Gizaguet.
Mais d’abord à qui persuadera-t-on que le citoyen
Gizaguet ait payé comptant 25,000 francs, dans un temps
où le numéraire étoit si rare ? Et si cette somme avoit été
payée comptant, n’en seroit-il pas resté quelques ves,tiges? la défunte n’en auroit-elle pas fait quelque emploi?
ou si elle avoit gardé cet argent stérile dans son armoire,
ne se seroit-il pas trouvé, au moins en partie, à son décès?
• Mêm<^circonstances environnantes. Point de nécessité
de vendre ; point d’emploi du prix; point d’attestation tic
�( 21 )
la part du notaire, que les deniers ont été comptés sous ses
yeux.
Mais, de plus, réserve de la part de la venderesse de 1 usu
fruit; réserve très-rare dans les ventes véritables, tresordinaire au contraire dans les donations ; réserve qui
seule suffiroitpour faire déclarer l’acte n u l, aux termes de
l’article X X V I de la loi du 17 nivôse.
En effet, une pareille réserve convertit la vente en une
vente à fonds perdu, prohibée par l’article X X V I , à
moins qu’elle n’ait été faite de l’exprès consentement dfes
héritiers.
Circonstances antécédentes et subséquentes.
Première donation du 9 décembre 1771 , envers la
dame Dalbine, du domaine de Fontanes , domaine d’une
valeur considérable, et encore d’une somme de 2,000 fr.
En 1778, seconde donation, à Anne-Marie Dalbine,
aujourd’hui veuve Gizaguet , de six parties de rentes
foncières.
11 novembre 1793, quittance et décharge de toutes les
sommes perçues parla dame Dalbine, provenantes non-seu
lement des revenus, mais encore du remboursement des
capitaux.
8 frimaire an 2, procuration générale et illimitée de
percevoir revenus et capitaux, avec dispense de rendre
compte.
La loi du 17 nivôse intervient, Elle ne peut se faire
donner à elle-même. Qu’est-ce qu’elle imagine ? Elle inter
pose ses enfans.
; Donation, du 17 germinal an 2 , de toute la quotité
�(
22
)
alors disponible, envers les non successiblcs, c’est-à-dire,
du sixième.
La q u o t i t é disponible, o u , pour mieux dire, qu’elle
croyoit disponible, étoit épuisée. Elle imagine un autre
moyen pour envahir le surplus des biens. Subrogation,
du 17 floréal an 2 , moyennant 1,221 fr., d’une part, et
1,200 fr. d’autre, dont le contrat porte quittance ;
Quittance illusoire ! En effet, on a vu que la défunte
étoit aveugle, et presqu’anéantie par l’âge. Elle avoit
donné à sa nièce la procuration la plus ample; elle l’avoit
constituée maîtresse. En supposant que la somme eût été
véritablement comptée , la dame Dalbine se seroit donc
payée à elle-même : elle auroit pris d’une main ce qu’elle
auroit donné de l’autre.
Somme illusoire ! En supposant qu’elle eût été payée,
elle l’auroit été en assignats presque de nulle valeur ;
en assignats qui seroient provenus de la gestion même
qu’elle avoit des biens de la défunte.
C ’est à la suite de ces actes qu’est conçue la vente
du 21 vendém iaire an 5.
6 frimaire an 7 , déclaration de la défunte, attestant
que, quoique la dame Dalbine ait fo u r n i quittance aux
débiteurs, c’est cependant elle déclarante qui a reçu et
touché les différentes sommes, tant en principaux, in
térêts que fr a is.
Et il est ajouté, ainsi que le montant du prix de la
Vente du domaine de Vazeliettes et du P o u x.
Pourquoi cette dernière mention ? Q u ’ e t o i t - i l besoin
de faire déclarer à la défunte que c’étoit elle qui avoit
perçu le prix de la vente? N’étoit-ce pas elle-même
qui l’avoit quittancé dans le contrat ?
�Que la dame Dalbine se soit fait donner une décharge
des sommes dont elle pouvoit craindre qu’on cherchât à
la rendre comptable , des sommes par elle reçues et quit~
tancées ; c’est ce qu’on conçoit : mais des sommes qu’elle
n’a point quittancées ; c’est ce qui ne s’explique pas aussi
facilement.
Cet excès de précaution n’achève-t-il pas de décéler
la fraude ?
Il est dit, dont elle a disposé à son gré, soit à payer
partie de ses dettes, soit à Ventretien de sa maison, ou
autrement : déclaration démentie, i°. par l’existence des
dettes, au moment du décès de la défunte; 2°. par la
réserve de l’usufruit des biens pendant sa vie, même du
domaine vendu ; usufruit plus que suffisant pour subvenir
à sa subsistance.
Enfin, testament du 9 messidor an 8, qui termine cette
chaîne de dispositions.
A-t-on jamais vu une plus grande réunion de circons
tances ?
Tous ces actes s’interprètent l’un par l’autre.
On a cru avoir trouvé une réponse victorieuse.
La lo i, a-t-on d it, ne défend que les ventes h fonds
perdu, faites à des successibles. O r, ic i, la vente n’a point
été faite à fonds perdu ; e t, d’un autre côté, n’est point
faite à un successible, puisque le citoyen Gizaguet étoit
étranger h la défunte, et ne pouvoit jamais venir à sa
succession.
La donation faite au mari ne profite-t-elle donc pas à la
femme?Ne profite-t-elle pas aux enfans communs? Donner
au m ari, n’est-ce pas donner à la femme et aux enfans ? La
�( H' )
loi ne défend-elle donc que les avantages directement
faits aux successibles ? Ne défend-elle pas également les
avantages faits indirectement , et par personnes supposées.
On ne voit dans cette interposition de personnes qu’un
excès de précaution ; et c’est cet excès de précaution qui
caractérise la fraude.
Un jugement du tribunal d’appel du département de
la Seine, du 12 messidor an 9 , conforme aux conclu
sions du ministère public, confirmatif de celui du tri
bunal civil de Chartres, rapporté dans le journal du
palais, prouve assez que la circonstance, que la vente
a été consentie, non à la femme successible, ou descen
dante de successible, mais au mari, n’est pas une égide
contre la nullité prononcée par la loi.
Autre jugement du tribunal d’appel séant à Rouen,
dans l’espèce duquel le contrat portoit que le prix avoit
été payé comptant, en présence du notaire.
Voici la question et les termes du jugement, tels qu’ils
sont rapportés par le journaliste.
« Deux questions ont été posées :
« La première consistoit à savoir quelles sont les con« ditions qui peuvent rendre valable un contrat de vente
« fait par un père, à l’un de ses enfans ou de ses gendres.
« La seconde avoit pour objet de reconnoitre si Le« monnier, acquéreur, avoit rempli les conditions néces« saires pour la validité de son acquisition.
« Le tribunal d’appel de Rouen a pensé, sur la pre« mière de ces questions , que les principes et la juris« prudence, fondés sur l’art. CCC CX X X 1V de la cou« tume de la ci-devant province de Normandie, et l’ar
ticle
�( *5 )
« ticle IX de la loi du iy nivôse an 2, se réunissent pour
« établir qu’un contrat de vente d’immeubles, fait par un
ft père l’un do ses enfans, 11’étoit valable qu’autant que
« l’acquéreur prouvoit qu’il avoit payé le jusle prix de
« la chose acquise, et qu’il justifioit de l’emploi des de« niers de la vente, au profit du vendeur.
« Et sur la seconde question, il lui a paru que L e« monnier n’avoit point rempli les conditions requises
« pour valider son acquisition ; qu’en vain il s’appuyoit
cc sur ce qu’il étoit dit dans le contrat, que le payement
« du prix de la vente avoit eu lieu en présence du notaire ;
« attendu qu’une telle énonciation n’étoit point unepreuve
« de l’emploi des deniers , en faveur du vendeur, mais
« qu’elle étoit plutôt un moyen de couvrir la fraude, selon
« le principe établi par Dumoulin, en ces termes :
« Conclusum quod in venditionefactâjilio velgenero,
« confessio patris non valet de recepto, etiamsi nota
is. rius dicat pretium receptum coram se.
• « D ’après ces considérations, le jugement du tribunal
« civil de l’Eure, qui avoit déclaré la vente valable, a été
« réform é ; et le contrat de vente, passé par le défunt
« H erm ier à L em onnier, son gen dre , a été déclaré frau« duleux et nul. »
Testament du 9 messidor an 8.
Un premier moyen de nullité résulte de ce que le
notaire n’a pas énoncé pour quel département il étoit
établi. Titre Ier. scct. II , art, X II de la loi de ly y i.
Une seconde nullité, de ce qu’il n’a pas désigné le n°.
de la patente. Loi sur les patentes*
D
t
�( 26 )
Une troisième nullité bien plus frappante, et à laquelle
il n’y a point de réponse, c’est le défaut de signature
d’un des témoins numéraires qui n’a signé que par son
surnom , et non par son vrai nom.
L a loi veut que le testament soit signé de tous les té
moins qui savent signer; si le testateur est aveugle, il faut
appeler un huitième témoin également signataire. O r,
celui qui ne signe pas son vrai nom ne signe véritable
ment pas.
Le nom de famille du témoin étoit Croze; son sur
nom , Auvernat : il a signé simplement siuver/zat ; il
devoit signer Ci'oze.
Un décret de l’assemblée constituante, du 19 juin 1790,
art. 11, porte, qu’aucun citoyen ne pourra prendre que
le vrai nom de sa famille.
Autre décret du 27 novembre 1790, pour la forma
tion du tribunal de cassation : ce décret, article X \ III y
porte, qu’aucune qualification ne sera donnée aux par
ties; on n’y insérera que leur nom patronimique, c’està-dire , de baptême, et celui de la famille, et leurs fonc
tions ou professions.
6 fructidor an 2 , nouveau décret de la convention
nationale, par lequel il est prescrit, qu’aucun citoyen
ne pourra porter de nom ni de prénom, que ceux expri
més dans son acte de naissance ; et que ceux qui les ont
quittés seront tenus de les reprendre : loi dont la plus
stricte exécution a été ordonnée par arrêté du direc
toire exécutif, du 19 nivôse an 4.
Mais voudroit-on regarder ces lois comme l’effet de la
révolution, et ne pas s’y arrêter ; on en citera d’antérieures.
�( 27 )
On citera l’ordonnance de Henri II, de i 555 , qui a
enjoint à tous les gentilshommes de signer du nom de
leur famille, et non de celui de leur seigneurie, tous actes
et contrats qu’ils feront, à peine de nullité desdits actes et
contrats.
On citera l’ordonnance de Louis X I I I , de 1629 ,
article GGXI, qui porte les mômes dispositions.
Et, pour remonter à ce qui s’observoit chez les Romains
même, Cujas a conservé dans son commentaire les for
mules des testamens. On y voit que chaque témoin signoit
son nom de famille, après avoir déclaré son prénom : Ego
Joannes...................testarnentum subscripsi; ce qui est
conforme à la loi Singulos, X X X , D e testamentis. Singulos testes, dit cette loi, qui testamento adhibenturproprio chirographo annotare convenit, quis, et cujus testamentum signaverti. Il faut que, par l'acte même, on
puisse savoir quel est celui qui a signé; que l’acte même
apprenne à ceux qui ne connoissent pas le témoin, quel
est ce témoin. Un surnom peut être commun à plusieurs.
Le nom de famille est le seul nom propre et distinctif.
Enfin l’ordonnance exige que tous les témoins signent.
Celui qui ne signe pas par son nom , est comme s’il ne
signoit pas.
Le testament est donc nul ; et on ne peut assez s’étonner
que le tribunal de première instance l’ait déclaré valable ;
qu’il ait pareillement déclaré valables les autres actes entre
vifs, dont on a rendu compte.
. Dans tous les cas, le testament ne pourrait avoir son
entier effet : la loi du 4 germinal an 8 permettoit à la
défunte de disposer de la moitié de ses biens; mais autant
�( .2 8 }
seulement qu’elle n’en auroitpas disposé par des libéralités
antérieures.
Les premiers juges l’ont reconnu eux-mêmes, puisqu’ils
ont inséré dans le jugement: D ans la moitié, est-il dit,
pour Cinstitution de la dame D albine, sont comprises
toutes les facultés de disposer de la défunte ,* mais ils
ont ajouté, fa ites depuis la publication de la loi du
17 nivôse an 2. On ne craint pas d’avancer qu’ils ont erré
en cela. Si la libéralité antérieure à la loi du 17 nivôse an 2,
ou, pour mieux dire, à celle du 5 brumaire an 2, excédoit
la moitié, on ne pourroit pas la faire réduire. Mais si elle
n’excède pas, elle doit être imputée sur la moitié dispo
nible-, et c’est mal à propos que les juges ont distingué les
libéralités antérieures ou postérieures à la loi du 17
nivôse.
Ainsi il faudroit, dans tous les cas, imputer sur la quo
tité disponible, et la donatiap>du domaine de Fontanes,
faite à la dame Dalbine par son'contrat de mariage , et la
donation des six parties de rentes foncières, faite en 1778,
à A n n e -M a r ie D albine-, en tant du m oins que ces dona
tions excéderoient celle faite à la dame Peyi'onnet et au
citoyen D ejax, dans leur contrat de mariage.
Le jugement dont est appel auroit donc encore mal jugé
en ce point.
On voit combien cette cause est importante. Elle n’inté
resse pas seulement le citoyen Dejax ; elle intéresse encore
le public. S’il étoit possible que la dame Dalbine obtînt le
succès qu’elle attend , il n’y auroit plus de rempart contre
l’avidité d’un cohéritier ambitieux. L e s fraudes, déjà trop
communes, se multiplieroient ; la loi seroit sans objet ; la
�(2 9 )
volonté du législateur, impuissante. Comment la dame
Dalbine s’est-elle flattée de faire adopter un pareil système?
comment a-t-elle pu penser que des juges éclairés et
intègres consacreroient une suite d’actes aussi évidem
ment frauduleux ?
P A G E S -M E IM A C , jurisconsulte.
P É R I S S E L , avoué.
A R I O M , de l’imprimerie de L a n d R i o t , seul imprimeur du
T rib u n al d’appel. — A n 11.
�
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Factums Marie
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Description
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Dejax, Julien. An 11?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès-Meymac
Périssel
Subject
The topic of the resource
successions
successions collatérales
donations
coutume d'Auvergne
droit intermédiaire
doctrine
nullité du testament
surnoms
défaut de nom patronymique
abus de faiblesse
procuration
droit intermédiaire
biens nationaux
ventes
testaments
coutume d'Auvergne
droit matrimonial
jurisprudence
droit romain
doctrine
signatures
surnoms
nom de famille
Description
An account of the resource
Mémoire pour Julien Dejax, homme de loi, habitant de la commune de Brioude, appelant ; contre Agnès Dejax, et le citoyen Pierre Dalbine, son mari, juge au tribunal de première instance de l'arrondissement de Brioude ; Jospeh Dalbine, Marie Dalbine, fille majeure, et Anne-Marie Dalbine, veuve de Robert Croze-Montbrizet-Gizaguet, en son propre et privé nom ; tous enfans dudit Pierre Dalbine et de ladite Dejax, son épouse ; et encore ladite Marie Dalbine, veuve Gizaguet, au nom de tutrice de ses enfans mineurs, et dudit Montbrizet-Gizaguet ; tous intimés.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 11
1771-Circa An 11
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
29 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0716
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G0931
BCU_Factums_G0932
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Vazeliettes (domaine de)
Poux (domaine du)
Fontanes (domaine de)
Brioude (43040)
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abus de faiblesse
biens nationaux
coutume d'Auvergne
défaut de nom patronymique
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donations
droit intermédiaire
droit matrimonial
droit Romain
jurisprudence
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nullité du testament
procuration
signatures
Successions
successions collatérales
surnoms
testaments
ventes
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Text
M
É
M
O
I
R
E
POUR
Sieur L aurent - L ouis - A mable D E L O R T ,
propriétaire, habitant de la ville de Thonon,
département du L ém an , appelant ;
C O N T R E
.
Sieur C l a u
d e
B O U T A R E L et dame F
r a n
R U P H Y , son épouse habitans de la
ville d’Aurillac intimés.
ço ise
E N perm ettant à l’ho m m e de disposer après lui de ses
biens , en lu i accordant le plus beau des privilèges , la
faculté de tester, la lo i a v o u lu sans doute que ses d e r
nières volontés fussent religieusement exécutées
aussi
vo it-o n que la seule mais r ig o u reuse condition à laquelle
est attachée la validité du testament f c’est la certitude de
A
�la vo lo n té du testateur, lorsque d’ailleurs sa capacité n’est
pas contestée.
T o u tes les précautions dont la loi s’e n to u r e , n’ont
d ’autre objet que d ’acquérir cette certitude.
A in s i, le testament public est assujéti à une multitude
de formes intrinsèques , q u i , toutes minutieuses qu’elles
peuvent p a ro ître , doivent être o b serv ées, î\ peine de
nullité , parce q u ’ayant toutes p o u r but d’im prim er à la
disposition le caractère d’ une vo lon té parfaitement lib re ,
elles ne sont plus de simples fo rm u le s , mais bien autant
de conditions attachées à la faculté de tester.
A in s i , le testament m ystique, qui laisse au testateur la
liberté de tenir scs dispositions secrètes, est rigoureusement
soumis à des formes e x té rie u re s , sans lesquelles la loi ne
l’autorise plus.
A in si enfin, le testament olographe étant dispensé de
toutes ces formes , parce qu ’il est l ’ouvrage immédiat du
testateur, la loi a dû prendre des précautions rigoureuses
p o u r s’assurer q u ’il contiendrait sa dernière vo lon té, p our
a vo ir la certitude que ce testam ent, laissé le plus souvent
parm i les papiers du d é fu n t, et à la merci des héritiers,
seroit l’apporté à la justice, intact et sans altération. P o u r
cela , elle a établi certaines fo rm e s , sans lesquelles elle ne
le reconnoît plus.
S i - p a r e x e m p le , le secret du testateur a été v io lé ; si
avant de rem p lir ces formes le testament a été d ’abord
soustrait, puis o u v e r t , lorsqu’ il étoit cacheté ; si on n’en
présente q u ’une partie, ou si on a pu même le supprimer
p ou r en substituer un a u tre ; si tous ces faits sont établis,
la loi refuse toute confiance à la disposition , et à celui
�m
(3 )
qu i la présente ; elle défend, aux magistrats d’en perm ettre
l ’exécution.
V o i là précisément l’espèce de la cause ; elle est digne
de fixer l’attention de la c o u r , soit parce que la question
est im p o rtan te, soit parce que l’intérêt en est m a je u r ,
puisqu’il s’agit d ’ une succession opulente ; soit enfin parce
qu ’elle tient à la m orale et à l’ordre public.
F A I T S .
Louis-Isaac D e lo rt est décédé à B o u d ie u , près A u rilla c ,
le 28 fructidor an 12 , à cinq heures du m a t in , laissant
p o u r héritiers naturels L a u re n t-L o u is-A m a b le D e l o r t ,
son f r è r e , et la dame R u p h y , sa sœur.
Sou frère étoit alors dans le département du L ém an ,
où il habite ; la dame R u p h y étoit ù A u r illa c : il n’y a voit
auprès de lui que la dame B o u ta re l, fille de la dame
R u p h y , et son mari.
A peine le sieur D e lo r t eut-il ferm é les yeu x , que le
sieur Boutarel prit sous son chevet les clefs de son b u r e a u ,
l’o u v r i t , fouilla les t ir o ir s , et y p rit un paquet sous en
v e lo p p e , cacheté de cinq cachets : l ’enveloppe portoit une
suscription annonçant qu ’elle contenoit les dernières dis
positions du défunt.
L e sieur B o u ta rel, com m e on peut le p en ser, ne s’assista de personne p o u r faire cette r e c h e r c h e , ou p ou r
m ieux d i r e , cet en lèvem ent; il déchira l ’en v e lo p p e , en
tira les papiers qu i y é to ie n t, et laissa passer deux jours
entiers sans prendre aucune mesure.
Ce ne fut que dans la journée du 30 fructidor q u ’il
parut avec la dame R u p h y , son é p o u s e , devant le présiA
2
o
�( 4
?
dent du tribunal civil d’A u r illa c , à qui ils présentèrent
ensemble un testament d’Isaac D e lo r t, écrit sur une feuille
v o la n te, sans cachet ni en veloppe , et qui portoit un legs
universel au profit de la dame Boutarel.
Ce papier é t o i t - i l celui que le sieur Boutarel avoit
trouvé sous l ’enveloppe dont il avoit v io lé le sceau ?
e t , à le supposer a in s i, étoit-il le seul qui fût sous cette
e n v e lo p p e ? contenoit-il enfin l ’unique , la dernière v o
lonté du testateur? C ’est une question que n’avoit pas à
décider le président du tribunal d’ A u rilla c -, il n’eut qu ’à
constater l’état de la p iè c e , et
en ordonner le d é p ô t ,
telle q u ’elle é to it, chez un notaire : c’est ce qu ’il fit par
son procès verbal du m êm e jour 30 fructidor an 12.
L e 2 vendém iaire su iv a n t, les sieur et dame Boutarel
obtinrent une ordonnance qui les envoya en possession
des biens , conform ém ent à l’art. 1008 du Code civil.
Pendant cet intervalle tout resta au p o u v o ir des sieur
et dame B o u ta rel; personne ne pensa à réclam er ou à
ordonner une apposition de scellés. L e sieur D elo rt éloit
absent ; et le magistrat spécialement chargé par la loi de
veiller à ses intérêts, et d’apposer les scellés d ’office, le juge
de paix , négligea ou ne vo u lu t pas prendre ceLte précau
tion , qu oiqu ’ il fût venu à B oudicu dans la matinée du 28.
L e sieur D e lo rt , frère et h éritier légitim e du défun t,
instruit de ce qui s’étoit passé , vin t ¿1 A u r illa c ; et le 13
fé v rie r 1806 il fit citer en conciliation les sieur et dame
B o u ta re l, sur sa demande en délaissement de la moitié
des biens de son frère.
A p r è s un procès verbal de non-conciliation , et la de
mande judiciaire qui en fut la suite, les parties se présen-
�142
( 5 ).
tarent à l ’audience du tribunal civ il d’ A u r i l l a c , où il s’en
gagea une discussion sérieuse.
L e sieur D e lo rt y mit en avant que le testament de
son frère n’avoit pas été présenté au juge in tégra lem en t, ni
com m e il devoit l ’être ; q u ’il y avoit de la part du sieur
Boutarel une double in fid élité, i° . en s’emparant sans
autorité ni q u a lité, et en l’absence de l’heritier naturel,
de la clef des tiroii’s du d é f u n t , et des papiers qu ’ il avoit
pu y tro u v e r; 2 °. en se permettant de ro m pre les cachets
du testam ent, et de vio ler tout à la fois le sceau et le
secret du testateur.
T o u t cela , disoit le sieur D eloivt, a été fait sciemment;
car le testament avoit sur l’enveloppe une suscription
signée du testateur; et tout cela ne peut a vo ir été fait
sans intérêts : rien ne le p ro u ve m ieux que la suppression
de l ’enveloppe.
D ’où il faut c o n c lu re , ajoutoit-il, que rien ne garantit
à la justice que le testament qu ’on rapporte soit réelle
ment celui qui a été tro u vé dans les papiers du testa
teur ; q u ’on n ’ait pas supprim é celui-là p o u r en substi
tuer un autre q u ’on a'ui'oit obtenu par obsession ; o r , le
légataire étant constitué en mauvaise f o i , la présom ption
est contre lui ; et que quand bien m êm e il n ’y auroit pas
de preuve précise de suppression du testament, dès que
la justice n’a plus de certitude sur la dernière vo lon té du
testateur, le légataire doit être puni par le x’ejet du tes
tament , de la violation qu ’il s’est permise.
Ces moyens étoient faits p o u r embarrasser les sieur et
dame Boutarel. S’ils avouoient les faits qui en étoient la
b ase, ils étoient constitués en mauvaise fo i; s’ils prenoient
4
�le parti de les n ie r, la p reu v e en étoit facile : et c’eût été
bien pis. Ils s’en tirèrent assez adroitement. J e conviens,
dit le sieur B o u ta re l, a vo ir ro m p u le cachet, et ouvert
l ’enveloppe; mais je l ’ai fait et j’ai dû le faire, parce que
l ’enveloppe portoit uniquem ent ces mots : P o u i' rem ettre
à m adam e B o u ta re l. Si je ne la rapporte pas aujourd’h u i,
c’est que le juge de paix q u i vint à B o u d ie u , dans la mati
née du d é c è s , et ù qui je iis la remise du p a q u e t , jugea
l ’en velop p e in u tile , et n’a x'emis que le testament le jour
de sa présentation : d ’ailleurs j’ai dû o u v rir les tiroirs et
chercher le testament, parce que j’étois instruit que m on
oncle avoit laissé des ordres de le faire inhum er à A u r i l lac ; ce qui ne p o u vo it pas se retarder.
T o u t e captieuse q u ’étoit cette défense , le sieur D e lo rt
la rétorqua vivem ent. V o u s croyez a vo ir b esoin , dit-il
au sieur B o u t a r e l, de prétendre p o u r votre justification
que le paquet vous étoit adressé. E h bien ! j’offre de
p ro u v e r q u ’au lieu de ces mots : P o u r rem ettre à m adam e
B o u ta r e l, il y avoit plusieurs lignes écrites, signées du
sièur D e lo r t , annonçant que le paquet contenoit ses der
nières dispositions : ce que devoit d ’ailleurs facilement
faire présum er l’apposition de cinq cachets ; ainsi je vous
constitue en mauvaise foi d e deu x manières :
1°. E n p r o u v a n t que r ie n sur l ’e n v e l o p p e , ni dans la
su scrip tion , n’a pu vous autoriser à o u vrir le paquet ;
q u ’au contraire tout vous com m andoit une respectueuse
discrétion ;
2 ° .,Parce q u e , dans ce ré c it, je démontre que vous en
imposez à la justice.
Q u a n ta la remise du testament au juge de p a ix , le sieur
�C 7 )
D e lo rt rép ondit que c’ étoit une fable d é m o n t r é e , soit
parce qu ’ il n’y avoit pas de procès v e rb a l, soit parce que
le testament avoit été présenté par les sieur et dame B o u tarel seuls , et non par le juge de paix.
T e l étoit L’état de la cause, lo r s q u e , le 9 mai 18 0 6, il
intervint au tribunal d’A u rilla c un jugement par leq u el,
sans a vo ir égai’d à la p reu ve offerte par le sieur D e l o r t ,
dans laquelle il fut déclaré non rece va b le, il fut débou lé
de sa d e m a n d e, et condam né aux dépens.
Ce jugement porte dans scs m otifs, q u ’il est avoué par
les parties que le testament p rod uit par le sieur B ou ta rel,
est en entier é c r it, daté et signé de la main du testateur,
et que la loi n’exige pas d’autres formalités ;
Q u e toutes celles voulues par l ’article 1007 du G o d e ,
ne sont relatives qu ’au m ode prescrit p o u r rendre public
le testament; mais que leur oubli ne peut en o p érer
n u l l i t é , puisqu’elle n’est pas pronon cée par loi ; que la
p reu ve est inadmissible, parce qu ’elle ne tend, ni à établir
l’absence de l’une des trois formalités voulues par l ’ar
ticle 970 , ni à p ro u ve r la suppression d ’un testament réVocatoire de l’autre, mais seulement la suppresion d’une
enveloppe absolument indifférente : qu ’ainsi on doit y ap
pliquer la m axim e frustrcL p r o b a tu r , etc.
E n f i n , le jugement « donne acte au sieur D e lo rt de la
« déclaration faite par les sieur et dame B outarel, q u ’après
« le décès de Louis-Isaac D e l o r t , le sieur B ou ta rel, as« sisté du sieur Usse, p rê tre , cherchant dans scs papiers
« une recommandation relative à son enterrem ent, tro uva
« un paquet cacheté ? sur lequel étoit écrit : P o u r r c -
�f { *'h
C8 )
« m ettre à m adam e B o u ta r e l j que l ’ayant o u v e r t , il a
« tro u v é le testament dont il s’agit ; que le testament et
cc l ’enveloppe ont été confiés à M . B o u d ie r, juge de p a ix ,
« q u i , le jour de la représentation du testament, n’a remis
« que celu i-ci, regardant l ’enveloppe com m e inutile. »
L e sieur D e lo rt a interjeté appel de ce ju gem en t; et
qu oique les circonstances et les faits articulés devant les
premiers ju ges, fussent suffisans p o u r le faire in firm e r,
au moins en ce q u ’il a déclaré la p reu ve non rece va b le,
le sieur D e lo rt n’en est pas m êm e réduit à ces termes.
Il a eu connoissance depuis l’appel de quelques faits plus
précis encore que ceux dont il a offert la p reu ve en pre
m ière instance, et au m oyen desquels il ne pourra y avoir
de doute sur la fausse application de la m axim e ¿fustrà
p r o b a tu r, e tc ., et sur le m al-jugé du jugement.
C ’est ce q u ’il s’agit de dém ontrer : la tâche ne pai’oît
pas difficile ; il suffit de com parer avec les principes et la
disposition des l o i s , la défense des sieur et dame B o u ta re l, et les motifs du jugem ent dont est appel.
L ’art. 1007 du Code civ il veut que tout testament olo’ g r a p h e , a va n t (îêtre m is à e x é c u tio n , soit présenté au
président du tribunal c i v i l , qui l ’o uvrira s’il est cacheté,
dressera procès verbal de la p résen tation, de Vouverture
et de Vétat du testament, etc.
E t les principes de tous les temps et de tous les lieux
veulent que celui qui est constitué en mauvaise f o i , qui a
com m is m ie in fidélité, en soit puni au moins par la perte
de tous les avantages qu i p ou vo ien t en l’ésulter p ou r lui.
Q ue l’on accorde la disposition de la loi avec les p rin
cipes ,
�14^
# (9 )
cip es, et on sera convaincu que les faits articulés par le
sieur D e l o r t , suffisent p ou r faire rejeter le testament.
P o u rq u o i la loi a-t-elle vo ulu une présentation du tes
tament olographe au président du trib u n a l? P o u rq u o i
a-t-elle exigé qu’ il fût dressé un procès verbal de r o u
verture et de Vétat du testament?
P o u r que personne ne puisse se rendre maître des dis
positions du défunt ; p o u r que le testament laissé le plus
souvent parm i les papiers de la succession, reçoive un
caractère authentique de v é ra cité ; p ou r que les héritiers
légitimes soient à m êm e de critiquer Vétat de ce testa
m en t, s’ils croyent p o u v o ir le faire avec avantage; p o u r
conserver enfin les droits de tous les intéressés, et assurer
autant que possible à la justice, que ce testam ent, exem pt
de toutes formalités intrinsèques, a été rapporté intact,
sans dol ni fraude, sans infidélité d’aucune espèce. A qu oi
serviroit autrement d ’en constater Vétat ?
E n veut-on une p reu ve plus positive en co re? O n la
trouvera dans les précautions dont s’entourent les arti
cles 9 1 6 , 9 17 et 918 du Gode de procédure.
L ’art. 916 veut que s’il se trouve un testam ent ou a u tres
papiers ca c h e té s, lors d’une apposition des scellés, le juge
de p aix en constate la f o r m e e x té r ie u r e , le scea u et la
s u s c r ip tio n , s’il y en a , paraphe Tenveloppe avec les
parties intéressées........... et fasse mention du tout sur son
procès verbal.
L ’article 9 1 7 , que le juge de p aix fasse, avant l ’appo
sition des s c e llé s , perquisition de tout testament dont
l ’existence seroit annoncée.
E t l’art. 9 1 8 , que les paquets trouvés ca ch etés, soient
B
�ito
( i° )
présentés p a r le juge de p a ix au p résid en t, le q u e l, estil d i t , en fera l ’o u v e rtu re , en constatera V éta t, etc.
P o u rq u o i ces excessives précautions de la l o i , si la
f o r m e e x té r ie u r e , le s c e a u , la s u sc r ip tio n , Venveloppe
du testament o lo g ra p h e, étoient si indifférens à ses y e u x ?
E t p o u r q u o i, si on est obligé de con venir que rien de
tout cela n’est indifférent, veut-on que la p reu ve de l ’in
fidélité, de la violation du sceau, de la suppression de
l’enveloppe et de la suscription, peut être du testament
lu i- m ê m e , soit une p reu ve indifférente et sans objet ?
O r , il étoit établi devant les premiers ju g e s,
Q ue le sieur Boutarel s’étoit permis de s’emparer des
clefs du d é fu n t , d ’o u v rir ses tiro irs, de fou iller dans ses
papiers ( et qu i sait où! ) , qu oiqu ’il ne fût pas héritier
n a t u r e l, et que l ’un de ses héritiers fût ù deux cents lieues
d’A u rilla c ;
Q u e s’étant emparé du testament du sieur D e l o r t , il
en a v o it rom pu les sceaux et soustrait l’en velop p e, quoique
chargée d’ une suscription ;
E nfin que le troisième jour seulement il avoit présenté
au président du tribunal civil un testament sur une feuille
de papier v o l a n t , sans enveloppe..
L e sieur Boutarel avoit donc contrevenu au x diverses
dispositions du Gode : il devoit donc être p u n i , en n ’ob
tenant pas îe x é c u tio n d’ un testament qui ne p ou voit pas
être reconnu p o u r être celui du sieur Delort..
Q u ’a-t-il répondu ?
E n prem ier lieu , q u ’ il avoit été obligé de faire p er
quisition p ou r trouver les ordres du sieur-Delort sur ses
obsèques..
�( II )
Mais ces ordres ne pou vo ien t se tro u v e r que dans son
testament; et l’article 9 17 du Gode de p rocédu re permettoit au juge de p aix seul de faire cette perquisition.
D ira-t-on que le Code de procédure 11’existoit pas alors?
M ais on sait que ce Code n’est que le com plém ent du
Code c i v i l , le développem ent de ses dispositions. O r ,
ces mesures conservatoires étoient suffisamment indiquées
par les articles 821 et 1007 du Code c i v i l , et par l’ar
ticle 8 1 9 , où l’on vo it que le juge de p aix doit apposer les
scellés, mêm e d’o flic e , partout où les héritiers sont absens
au moment du décès. Il falloit donc le faire ainsi ; et il
n’ étoit pas besoin alors du Code de p rocédure p o u r re
q u érir le juge de paix de faire perquisition préalable du
testament, ni p ou r savoir que le président du tribunal
p ou vo it seul faire V ouçerture du testament , ou autre
papier cacheté.
L e sieur Boutarel ne trouvera d’ailleurs dans aucune
loi qu ’ il soit permis à un h é r it ie r , lorsque tous n’y sont
p a s , encore moins à un étra n g e r, de s’ériger en m aître,
et de s’em parer et d’o u v rir les papiers de la succession :
ainsi, il est inexcusable sur ce prem ier fait.
E n second lieu , il prétend a vo ir ouvert le p a q u e t,
parce qu’il étoit à l’adresse de sa femme.
•Mais le sieur D e lo r t a offert la p reu ve du contraire ;
d’où il résultoit une n ouvelle p reu ve de mauvaise f o i ,
puisque les sieur et dame Boutarel ont v o u lu s’excuser
par un mensonge.
E n f i n , il prétendoit se justifier de ne pas rapporter
l’e n v e lo p p e , en disant qu ’il avoit présenté le tout au juge
de p a i x , qui avoit jugé l ’enveloppe inutile,
B 2
�t
$•>< ;
C Ï2 )
M ais où est le procès verbal du ju ge de paix ? Si le
fait étoit v ra i, y auroit-il une autre manière de le cons
tater ? E t com m ent présum er qu’un juge de paix se per
mette de retrancher une pai’tie essentielle d’ un testament,
de s’en charger mêm e , sans le constater, sans dresser un
procès v e r b a l? Com bien ne seroit-il pas rep réh en sib le,
s’il le faisoit ? Ce n’est donc chez les sieur et dame B o u
tarel qu’ une misérable défaite.
Ils sont donc convaincus d’infidélité , de mauvaise foi:
ils ont donc encouru la peine de celte in fid élité, parce
q u ’ ils l’ont commise sciemment et à mauvais dessein.
V o y o n s à présent ce q u ’ont dit les premiers juges dans
leurs motifs : on les a déjà rappelés eu substance.
Ils disent d’abord que le testament est é c r i t , daté et
signé par le testateur, et que la loi n’impose pas d ’autres
formalités.
M ais c’est s’écarter de la question. O n ne contesle pas
à ce testament les. formes auxquelles il est assujéti ; mais
on met en question ,, et il s’agit de savoir si le testament
qu ’on rapporte est celui qui a été laissé par le sieur
D e lo rt et enlevé par le sieur B o u ta re l, revêtu d ’une en
v e lo p p e , et scellé de cinq cachets.
Q u ’on dise, si L’on ve u t, q u ’il ne suffit pas de le mettre en
question, et qu’il faut des preuves;.le sieur D elo rt répondra,
avec avantage, q u ’ il lui suffit de p rou ver la mauvaise foi*,,
la soustraction, p o u r que par cela même la suppression,
du testament soit présumée jusqu’à preuve contraire.
lies premiers juges disent ensuite que les formalités
voulues par l’article 1007 du Code civil ne sont relatives
qu’au m ode prescrit p o u r rendre le testament public ;
�I}0
( 13 )
qu ’ainsi leur omission ne peut en opérer la n u llité, parce
qu ’elle n’est pas prononcée.
E n f i n , que la preuve est inadm issible, parce qu’elle
ne porte que sur la suppression d’une enveloppe indiffé
rente à la cause, mais non sur celle d’un testament révocatoire de l’autre.
L e prem ier argument est faux dans toutes ses parties.
Si l ’article 1007 du Gode civil n’a pas dit en termes
précis que le testament olographe qui 11e seroit pas p ré
senté dans les formes qu’il p re sc rit, seroit déclaré n u l ,
il l ’a plus que donné à entendre ; il l’a positivement
v o u l u , en ne permettant pas q ii’U so it m is ci e x é cu tio n
avant que ces formalités soient remplies.
N e l’eût-elle pas d it , elle a suffisamment appris qu’elle
exigeoit ces formes comme les seules qui pussent lui faire
rcconnoitre un testament olographe v a la b le , et q u e , hors
de l à , elle refuseroit sa confiance et sa sanction à tous
ceux qui lui seroient présentés.
Ces principes ne tiennent-ils pas d’ailleurs à.la m o ra le ,
à l’honnêteté publique ? Sera-t-il donc permis à u n étran
g e r , à un cohéritier m ê m e , d ’o u v r i r , de fouiller les
tiroirs et les papiers d’un défunt au m om ent où il vient
d’e x p i r e r , et en l’absence de la famille ; de s’em parer de
ce qui lui conviendra ; d’o u v r i r , de garder en son p ou
v o ir ce qu’il trouvera à son avantage , et de supprimer
ce qu’ il voudra soustraire? lia l o i , la justice , poui'rontelles rcconnoitre après cela un testament olographe qui
sort des mains de cet étranger, et à son profit bien entendu ,
par cela seul q u ’ il est écrit, signé et daté de la main du tes
tateur; et lorsqu’il est constant qu’il n ’en étoit.pas le dé-
ré
�(I4).
p o sita ire, q u ’il l ’a enlevé parm i les papiers du d é fu n t,
et qu’après l ’avoir retenu deux jours il ne le présente pas
dans l ’état où il l’a pris ?
E h ! où en serions-nous, si, dans de telles circonstan
ces, il n ’étoit pas perm is à l ’héritier légitim e de faire
entendre sa v o i x , d ’accuser ce prétendu légataire d’infi
d é lité , de soustraction, s’il falloit poser en principe que
la pi’euve de cette infidélité n ’est pas admissible, parce
que la loi n’a pas p rononcé la punition du cou p able, et
que bien loin de le punir elle veut qu ’on le récom pense?
Q uant au dernier raisonnement des premiers ju ges, il
n ’est pas plus exact.
L ’enveloppe ne peut être considérée com m e in u t ile ,
parce que la loi ne l’a pas jugée te lle , parce que sa suscription peut être im p ortante, parce q u ’enfin si on l ’avoit
rap p o rtée, on a u r o it p u la com parer avec le papier p ré
senté , et savoir s’ils étoient faits l’un p ou r l’autre.
E t p o u r q u o i, encore une f o i s , si elle eût pu être in
différente , le Code civil auroit-il exigé que l ’ouverture
eu fût faite par le président du tribunal ? P o u rq u o i l ’auroitil chargé d ’en constater l ’ouverture et l ’état ?
P o u r q u o i , en expliquant plus positivement cet article,
le Gode judiciaire exigero it-il que le juge de p aix chargé
de faire la perquisition du testament, si on le lui annonce
avant l’apposition des scellés, en constate la fo r m e e x té
r ie u r e , te s c e a u , la su scrip tion ; qu ’il le présente lui-,
m êm e au président du tribunal; que ce dernier en cons
tate encore l ’état? P o u rq u o i tout cela, on le répète , si ce
n’est pour p réve n ir les violations? P o u rq u o i tant de p ré
cautions contre l’infidélité, si elle doit rester im punie ?
�( i 5 )•
Ces formes ne sont ni puériles, ni plus minutieuses que
celles qui sont attachées au testament p u b lic ; elles ne
sont pas non plus moins im portantes, parce q u ’elles ne
sont pas des formes intrinsèques du testament: car elles
ont p ou r objet d’en conserver la substance; et plus le lé
gislateur a donné de latitude au p o u v o ir de l’hom m e en
dispensant les testamens olographes de toutes form alités,
plus elle doit se mettre en garde contre une infidélité
f a c ile , et s’arm er de précaution p o u r la p réven ir.
Les formalités relatives à la remise du testament olo
graphe n’ont donc fait que i*emplacer, dans l’esprit et
l ’intention de la lo i, les foi-mes exigées pour le testament
public ; et ne l’eût-elle pas d i t , en ne permettant de le
ynettre ci e x écu tio n q u ’après ces formalités rem plies, qui
auroit le droit de s’étonner qu ’après de semblables omis
sions, de si repréhensibles in fid é lité s, la justice pût reje
ter un testament olographe qu ’elle ne sauroit valider q u ’en
trem blant, lorsqu’elle est o bligée de déclarer n ul un tes
tament p u b lic , si le notaire qui l ’a écrit lui-m êm e a oublié
d en faire m en tio n , q u o i q u e le fait soit si facile à v é r i f i e r ?
Q ue l’on cesse donc de d ire , avec les juges d ’A u r i l l a c ,
que les faits articulés par le sieur D e lo rt sont indifférens,
et ne peuvent o pérer la nullité du testament; que l ’o n n e
fasse plus à la pudeur publique cette insulte de dire que
la plus grave infidélité dans cette matière ne puisse pas:
produire autant d’effet que le plus petit oubli d’ un no
taire dans la rédaction d’un testament public! T o u t ce que
la loi a placé sous sa sauve-garde, sous la protection im
médiate des'/magistrats, ne sauroit y être en vain. L a loi a
d it:S i vous voulez faille exécuter un testament olographe,
�C 16)
je vous impose ces formalités ; si vous y m anquez, s i , plus
encore , vous les violez ; si vous êtes en mauvaise f o i , je
ne reconnois ni v o u s , ni vo tre testament : je ne ve u x pas
q u ’on l’exécute.
L a p reu ve étoit donc admissible, puisque les faits arti
culés tendoient à faire rejeter le testament : les premiers
juges ont donc mal ju g é ; le sieur D e lo rt pou rro it donc
s’en tenir à ces termes , et soutenir avec fondement que la
p reu ve doit être ordonnée.
M ais v e u t - o n , avec les premiers ju g e s ,q u ’il faille p ro u
v e r la suppression d’ une manière plus positive ? L e sieur
D e lo rt peut satisfaire les plus difficiles.
Il offre de p r o u v e r ,
i ° . Q u ’au lieu des expressions P o u r rem ettre à m adam e
B o u t a r e l, il y avoit sur l ’en veloppe : T esta m en t de
T jo u is -Is a a c D e l o r t , et sa signature ;
2°. Q u ’il y avoit sous cette enveloppe deu x feuilles
de papier , et non pas une seule.
O ù est donc l’autre? Q u ’en a fait le sieur B ou tarel?
Si cette p reu ve est fa ite , il faudra dire q u ’il y a suppres
sion de testament ou de codicile ; il sera constant aloi’s ,
. Q u e le sieur Boutarel a commis une infidélité qui le rend
suspect, en s’emparant des clefs du d é f u n t , en ouvrant
son bureau , en y prenant des papiers , particulièrement
u n testament ;
Q u ’il l’a aggravée en ouvrant ce testam ent, qu oiqu ’il
fût scellé de cinq cachets , et qu ’il ne pût pas d o u t e r ,
d ’après la su scrip tio n , que ce fût un testament;
Q u ’il a s u p p r im é , et conséquemment eu intérêt de sup
prim er cette enveloppe qu i a disparu ;
Q u ’enfin
�1Ü
( *7 )
Q u ’enfin il a supprim é encore une partie des disposi
tions , puisqu’au lieu de deu x feuilles de papier qui
étoient sous l’enveloppe , il n’en a p roduit qu ’une. O r , tout
dém ontre q u ’ une seconde feuille de p a p ie r, sous la m êm e
e n v e lo p p e , n e p o u v o it etre qu ’un second testament, ou un
codicile : il ne p o u vo it a vo ir d’autre but que de modifier
les dispositions du p re m ie r, et d ’en faire de n ouvelles; et
le sieur Boutarel ne peut l’avoir supprimé que p o u r cela.
T o u t cela sera constant : la seule chose qui ne le sera
pas, c’est que le testament rapporté par le sieur Boutarel
soit un des deux papiers qui étoient sous enveloppe ; et
en effet, ne p ou voit-il pas l’avo ir obtenu du sieur D e lo i’t ,
par obsession ou autrem ent, et l ’a vo ir en sa possession?
N ’a-t-il pas été en son p o u v o ir de supprim er le v é r i
table testament, dont il auroit soupçonné l ’existence, p o u r
y substituer le s i e n , puisqu’ il a gardé le paquet pen
dant deux jours entiers? E t la présom ption n’est-elle pas
de d ro it, s’il est une fois établi qu ’il est coupable d ’une
soustraction ?
E t dans ces circonstances, la justice pourroit-elle sanc
tionner un testament qui ne peut être reconnu p o u r la
dernière vo lon té du testateur, lorsque.le légataire u n iver
sel est convaincu d’avoir soustrait une partie des disposi
tions?
N e faisons pas cette injure à la lo i; disons plutôt avec
elle que celui qu i supprime tout ou partie des disposi
tions , est indigne de conserver celles qui sont faites en sa
faveur. N o?i
a c c ip ie t
fr u c tu m suce cà llid ita tis q u i ro~
lu it hceredem hœ reditalc sua d efrau da re ,• sed Jiujusm odi legation illi relictum au f e r at u r , rnaneat a u tem
G
«
�4V
( 18 )
q u a s i non sc r ip tu m ,
y«* «/¿ï nocendum esse e x îs tim a v e r it,
suarn sen tiet ja c tu r a m . L o i 2 5 , D e
legalis.
Q u ’on ne dise pas que les faits de soustraction sont
imputés au m a r i, et ne peuvent nuire à la fe m m e , au
profit de qui la disposition est faite.
D ’une p a rt, la fem m e a participé à la présentation du
testament; conséquem ment à la fraude.
D ’un autre côte , la soustraction faite par le m ari ne
p ou rro it profiter à la fem m e ; et ce seroit m ieu x que
jamais le cas de dire : is fe c it c u i prodest.
Enfin il n ’en résulterait pas moins que la justice ne
peut rcconnoître ,. dans ce testament r a p p o rté , la d e r
nière vo lon té du testateur.
A in s i d o n c , d ’après les lois, soit anciennes, soit n ou
v e lle s , les sieur et dame Boutarel auraient encouru la
déchéance de tous les avantages qui p ou voient leur être
faits par le testam ent, à supposer môme qu ’il eût fait
partie du paquet décacheté; à plus forte raison si la justice
ne peut être certaine qu ’il y fût ren ferm é, parce q u e , dans
ce cas, elle ne reconnoît pas de testament.
C ’en est assez; tout ce q u ’on p ourroit ajouter ne seroit
-que fastidieux et superflu. L e sieur D e lo rt ne s’occupera
m êm e que légèrem ent d ’ un m o y e n de nnllité résultant
de ce que le testament rapporté par les intimés n’a point
de date réelle , et n’est pas conséquem ment dans les
termes de l’article 970 du Code civil. Ce m o y e n , quoi
q u ’il ne l’abandonne pas, bien au contraire , lui est inutile
dès qu ’ il n’y a pas de testament ; il n’en aurait besoin ,
et il ne pou rro it le faire v a lo ir ,.q u e dans le cas ou le tes-
�UÉ
( 19 )
tam ent seroit reconnu p o u r etre celui d’Isaac D e lo rt : mais
c’est ce qu ’on ne saurait craindre , ni m êm e p résu m er,
d’après la gravité des faits articulés contre les sieur et
dame B outare l, le peu de confiance que m érite leur testa
m en t, et qu ’ils méritent eu x-m êm es, et l ’indignité dont
ils se sont couverts par les plus rep réh ensibles et les plus
coupables infidélités.
D E L O R
M e. V I S S A C
T.
, a v o ca t.
M ° . D E V È Z E , avoué licen cié.
A. R I O M , de l’ im prim erie de L
andrio t ,
seul im prim eur de la
C o u r d ’appel. — M ars 1807.
*
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Delort, Laurent-Louis-Amable. 1807]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Vissac
Devèze
Subject
The topic of the resource
testament olographe
legs
nullité du testament
testaments
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour sieur Laurent-Louis-Amable Delort, propriétaire, habitant de la ville de Thonon, département du Léman, appelant ; Contre sieur Claude Boutarel, et dame Françoise Ruphy, son épouse, habitans de la ville d'Aurillac, intimés.
Table Godemel : Testament : 7. le fait, par le mari de la légataire universelle, d’avoir ouvert l’enveloppe cachetée qui renfermait le testament olographe, écrit, daté et signé par le défunt, et de l’avoir présenté sans cette enveloppe considérée comme insignifiante, au président du tribunal qui en ordonna le dépôt chez un notaire, après constatation de l’état de la pièce, doit-il avoir pour effet d’admettre qu’il y a eu infidélité, violation du sceau et du secret du testateur, suppression d’un autre testament ou codicille révocatoire , et par suite nécessité d’annuler le testament comme ne présentant pas les caractères propres à assurer sa sincérité ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1807
1787-1807
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
19 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1705
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1704
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53308/BCU_Factums_G1705.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Yolet (15266)
Thonon-les-Bains (74281)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
legs
nullité du testament
Testament olographe
testaments
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53842/BCU_Factums_M0531.pdf
6df213e05bef9572f777087b38aa8a4f
PDF Text
Text
M EM OIRE
P OUR
Sieurs Jean-François D E L S O L aîné, habitant
de la ville d' Aurillac, et Gabriel-Barthélemy
D E L S O L - V O L P IL H A C
habitant de la
ville de Paris.
C O N T R E
Dame Jeanne - Marie D E L S O L ,
Vigier-D orcet.
veuve
En présence du sieur D E S P R A T S ., habitant
de la ville d’Aurillac.
L
A
dam e V i g i e r - D o r c e t ,
propriétaire sous une condition
résolutoire, d 'u ne fortune très-considérable, traduit aujourd’hui
ses freres devan t les T r ib u n a u x , et les oblige à p r o u v e r , a v a n t
l’événement de la condition; qu’ils ont un droit incontestable,
A
�si cette condition se purifie, aux Liens que le sieur Delsol,'
leur p è r e , lui a donné par le contrat de son mariage , avec
stipulation de retour, en cas qn'elle mourût sans enfans, ou_ses
eiifans sans descendans.
Cette dem ande prém aturée, dont les annales de la juris
prudence n’offrent aucun exemple , a sa source dans l’éloignement où l’on a toujours tenu la dame Dorcet de sa famille , et
dans l’impatience où sont les personnes qui l’entourent, de s’as
surer , par des voies indirectes , avant son décès , un patrimoine
que les liens du sang , l’ordre établi par les lois et le vœu de
la nature lui prescrivaient de conserver intact a ses proches.
Les premières règles-du d ro it, les maximes de la jurispru
dence , sur la stabilité de laquelle portent l’ordre public et la
tranquillité des citoyens, les décisions de tous les auteurs , ré
sistent avec tant de force et de clarté aux volontés de la dame
D o rce t, que tout esprit raisonnable n’hésitera pas à prononcer
en faveur des sieurs Delsol.
Cette manière d’envisager une cau se, cette précision qui en
écarte tout ce qui y est étranger, l’babitude de ne voir qu’avec
les yeu x de la l o i , de ne parler et de ne juger que comme
elle , sont ordinairement le partage des Magistrats et des Juris
consultes. Le Public, aussi juste sans doute, mais nécessairement
moins éclairé , a souvent des opinions qui l’entraînent, des
préjugés qui le subjuguent ; les égards qui lui sont dûs exigent,
dans des affaires d’une importance aussi majeure que celle qu’on
v a faire connaître , une discussion détaillée , sans laquelle la
vérité ne pourrait percer jusqu’à lui.
Les sieurs Delsol n’ont besoin, pour dissiper toutes les illusions,
que de rendre compte des dispositions du père com m un, et
d’observer que , dans tous les actes* l’intention où il était de
conserver à sa famille une fortune qu’il avait acquise en grande
p a rtie , se manifeste ouvertem ent, et perce même dans une
foule de circonstances dont il est inutile de rendre compte
pour le moment.
�m
■’
'FAIT.
•■
Des deux mariages du sieur Delsol étaient issus plusieurs
enfans.
/
La demoiselle Marie D elso l, aujourd’hui veuve D orcet, fut
l’unique fruit de son premier mariage avec la demoiselle Thomas.
■ Le 2 Juin 1760 , la demoiselle Delsol contracta mariage avec
le sieur V ig ie r-D o rce t, receveur des tailles de l’élection de
Mauriac.
L e sieur V ig ie r épousait la iille d’un homme qui avait acquis
ùne fortune immense ; aussi les libéralités qu’il lit en sa faveur
répondirent-elles à la réputation dont il jouissait.
Il lui donna d’abord, par donation entre-vif, en propriété
et jouissance, la terre du Claux et une somme de 10,000liv.
et par une seconde disposition, il s’engageait de 11e point ins
tituer d’autre lieritière qu’elle.
Mais il porta en même tems ses vues sur sa postérité ; il
prévit le cas où sa lille n’aurait pas d’enfans , et celui où ses
enfans mourraient sans descendans, et dans ces deux hypo
thèses , il apposa à ses libéralités une clause de retour qu’il est
essentiel de mettre sous les yeu x des M agistrats, avec l’ensemble
de la clause qui renferme toutes ses dispositions.
» Ledit S .r Delsol ayant le mariage pour a g réab le, et ayant for>» mé la demande en délaissement, aux requêtes du palais à Paris,'
» de la terre et seigneurie du Claux et autres biens situés en
« cette province d’A u v e rg n e , dépendans de la succession de
» défunt sieur de Fortisson , et par lui abandonnés à ses créan» cie rs, faute de paiement des sommes dues au sieur D elsol,
» comme subrogé au lieu et place du marquis de Montlezun et
» de la dame de Fortisson, son épouse ; et cette demande en
» délaissement venant à lui être a d ju g ée, donne, audit c a s ,
» par donation entre-vif pure et simple , à la demoiselle Delsol,
» sa fille , ci-présente et acceptante , et autorisée, en tant que
» de besoin, par ledit sieur de Y i g ie r , son futur ép o u x, par
A 2i
�( 4 )
» avancem ent d’iioirie , le domaine , terre et seigneurie du
» C la u x , paroisse de Naucelles , en quoi que ladite terre et
j> domaine du Claux puissent consister, aux mêmes charges et
» conditions que le délaissement lui en sera fait et adju gé,
» conformément à la demande qu’il a formée aux requêtes du
» p a la is, sous la réserve des autrçs biens dont la demande a
» été formée par la même requête ; et au cas où ladite demande
» en délaissement desdits Liens ne lui serait pas ad ju gée, ledit
» sieur Delsol, pour dédommager sadite fille dudit domaine et terre
» du C la u x , lui donne et délaisse toutes les créances qui lui
» sont dues sur lesdits biens . en capital et accessoires, avec
» pouvoir audit sieur futur époux d’en exiger le paiem ent, et
» d’en fournir toutes quittances et décharges valables, à la charge
» par lai de le reconnaître, comme il s’y o b lig e, sur tous et
» clia cu n s ses biens présens et à v e n ir , pour rendre et restituer
» le tout à qui de di’oit appartiendra, le cas de restitution arrivant.
» Ledit sieur Delsol a aussi donné, par même donation entre» v i f , à ladite demoiselle D elsol, sa fille, acceptante et auto» risée comme dessus , la somme de 10,000 liv . , qu’il a tout
» présentement comptée et délivrée audit sieur de V ig ier ,
» futur époux , lequel comme content, en a quitté et quitte
» ledit sieur D elsol, et a reconnu ladite somme sur tous ses
y biens et ceux de la dame de Moissier sa mère , présens et à
» v e n ir , pour la rendre et restituer, le cas de restitution arri» v a n t, à qui il appartiendra.
» Et à l’égard du surplus des autres biens qui se trouve* ront rester audit sieur Delsol lors de son décès , icelui a
» promis de n'instituer d'autre héritière que ladite demoiselle
» D elsol, sa f i l l e , sous la. réserve de l’usufruit de tous lesdits
1» biens institués , et de pouvoir vendre et engager lesdits
>» b ien s, ainsi qu’il trouvera à propos , tant à la vie qu’à la
» mort, et encore de pouvoir disposer d’une somme de 10,0001.,
» et n’en d isp o san t p a s , ladite réserve tournera au proiit d<? '
» sadite fille,
�( 5 )
» Et enfin, à la charge de payer à la demoiselle L a g a rd e ,
» sa belle-m ère , au cas où elle survive audit sieur B e ls o l, une
» pension annuelle et viagère de 600 l i v . , payable de six en
» six m ois, et d’avance ; et au cas ou ladite demoiselle D e lso l,
» future épouse, viendrait à décé.der sans enfa n s, ou ses enfans
» sans descendons, ou sans disposer valablement, ledit sieur
d Delsol se réserve expressément le droit de réversion et de retour,
» tant des biens donnés que réservés, sans qu’il puisse êtva
» dérogé, par sa dite fille , future épouse , audit droit dô
» réversion, par aucune disposition ni autres actes à ce contraires*
L e sieur D elso l, donateur, qui avait passé à de secondes
noces avec la demoiselle Dubois de Fontenilles , est décédé en
1780, laissant plusieurs enfans de ce mariage.
Peu de jours avant son décès , il avait fait un testament dans
lequel il instituait son fils aîné , et successivement ses autres
enfans , par ordre de primogéniture , ses héritiers universels ,
voulant expressément q u e, dans le cas où la dame Jeanne-Maria
D e lso l, épouse du sieur de V ig ier , viendrait à décéder sans enfa n s ou descendons , son héritier recueille et profite du droit de
réversion stipulé par le testateur dans le contrat de mariage da
sa fille avec le dit sieur de Vigier, etc.
Ce testam ent, qui fut déclaré nul pour vice de forme seu
lem ent , expliquerait suffisamment, s’il en était besoin , les
intentions du sieur Delsol; il y manifeste formellement la volonté
de transmettre à ses enfans , en vertu de la clause du retour
qu’il s’était réservé , la condition a rriv a n t, les biens qu’il avait
donnés à sa fille du premier lit. Cette réflexion , qu’on pou rrait
regarder peut-être comme indifférente , est c e p e n d a n t trèsim p o rta n te , ainsi que les sieurs Delsol le dém ontreront dans
le cours de leurs moyens.
Q uoiquil en soit, après le décès du père commun , la dame
D o rcet, en sa qualité de donataire un iverselle, s est mise en
possession d’une fortune qu’on peut évalu er, sans exagération,
�( 6 )
à, tin million , 'valeur de ce tems ; ( l ’actif mobilier'montait- à
plus de 709200 liv. )
.
• *.-c
. La majeure partie de cette fortune a été engloutie en peu
d’années. L a dame D o rcet, après avoir épuisé les créances
mobilières, a vendu tôus les immeubles qu’elle a trouvés à vendre*
et cependant elle n’ignorait pas que son père l’avait grevée d’un
droit de retour transmissible à ses héritiers : elle n’ignorait pas que
le donataire, possédant à charge d’un retour conventionnel, ne
pouvait disposer des biens donnés, au préjudice du droit de
retour; m ais, quoique devenue veu ve depuis 1785, quoiqu’elle
soit dans un âge très-avance , au lieu de jouir tranquillement
des débris d’un patrimoine im m ense, pour cette p ro v in ce,
elle a manifesté ouvertement la volonté de faire passer dans
des mains étrangères, des biens que les lois lui commandaient
de co n s e r v e r dans sa famille. E lle 'a vendu au sieur Desprats,
par acte du i 5 A v ril 1806, un pré appelé de Concourt, situé
dans les environs d A u rillac, moyennant le prix et sommé de
¡quarante et quelques mille francs.
L e sieur Desprats n’a pas été aussi confiant que les autres
¡acquéreurs de la dame Dorcet; il paraît, qu’ayant eu connaissance
du contrat de mariage du 2 Juin 1760, et de la clause particulière
du retour que le sieur Delsol père s’était réservé, il a refusé de
payer le prix de l’acquisition qu’il avait faite, à moins que la
dame Dorcet ne lui fournît caution, et il a , en effet, m otivé
son refus , sur ce que la dame Dorcet ne possédait le pré d<3
Cancourt, qu’en vertu des dispositions que le sieur Delsol avait
faites, dans son contrat de m ariage, avecjle sieur D orcet; que
d’après ces dispositions, elle n’avait pas une pleine et entière
p rop riété, mais seulement une propriété conditionnelle et réso
luble , la condition arrivant, parce que feu sieur Delsol s’était
réservé le droit de retour, dans le cas ou elle mourrait sans
enfans, ou scs enfans sans descendans, en lui interdisant toutes
dispositions ; que ce droit subsistait malgré son prédécès , en
faveur de ses autres enfans, d’où il suivait que le sieur Desprats
�était en danger cTéviction, et partant fondé à faire résoudre la
v e n te , ou à ne payer que sous caution.
T el fut le langage que tint le sieur Desprats à la dame D orcet,’
lorqu’elle voulut obtenir le paiement du prix d e là vente.
L a dame D o rcet, offensée d ’un refus aussi extraordinaire,
a voulu en rendre les sieurs Delsol , ses frères, responsables :
et comme ils sont appelés par les liens du sang à recueillir les
biens sujets au droit de retour, après son d écès, elle les a
traduits devant vous, en même tenis que le sieur Desprats; ce
d ern ier, pour voir ordonner l’exécution de l’acte de vente du
pré de C an court ;
Et les sieurs D elso l, pour voir dire que la clause de son
contrat de mariage avec le sieur Dorcet, en date du 2 Juin
1760, relative au droit de retour qui y est stipulé, est éteinte
par le prédécès du sieur Delsol p è r e , ou que ce droit a été
recueilli par elle , en sa qualité d’héritière instituée, et, dans
aucun cas, ne pouvait l'empêcher de disposer; que d’ailleurs ce
droit de retour était une substitution fidci-commissaire, abolie
par les lois des 25 Octobre et 14 Novembre 1792; qu’ain si,
sous tous les rapports, la clause était caduque et nulle.
Les sieurs Delsol, voulant rester étrangers aux démêlés survenus
entre Desprats et leur sœur, avaient d’abord formé la résolution
de ne pas discuter, du vivan t de la dame D orcet, un droit qui
n’est pas encore ouvert; aussi opposèrent-ils, contre leur mise
en cause, une exception aussi simple que péremptoire ; ils dirent
que la stipulation dont il s’agit, n’ était qu’une clause condition
nelle , dans le cas où leur sœur viendrait à décéder sans enfans,
et que, jusqu’à ce que cette condition fût accom plie, ils ne
pouvaient avoir qu’une simple espérance, mais non pas UT1
droit ouvert,* qu’ils ne pouvaient exercer aucune action, puis
que leur droit n’était pas ouvert ; qu’ils ne pouvaient non plus
renoncer a ce droit , puisque toutes les lois défendent de
renoncer, ou se départir des espérances acquises, lorsque les
droits ne.sont pas encore ouverts; qu’au surplus, la renonciation
�.
( 8 )
serait encore illusoire , puisque , dans le cas ou ils viendraient
à prédécéder leur sœur, cette espérance serait transmise à leurs
enlans , indépendamment de leur volonté et de tout acte qu’ils
pourraient consentir ; qu’en conséquence , ils ne pouvaient
<]¿fendre à l’action qu’on[intentait contr’eux, et qui était prématurée,
mais qu’ils se réservaient de poursuivre tous les elîèts de là
stipulation qui pourraient tourner en leur la veu r, lorsque les
conventions insérées dans ladite stipulation seraient accomplies )
et que leurs droits seraient ouverts.
Il était donc Lien évident qu’aucun Tribunal, où la cause eût
été discutée, ne pouvait forcer les sieurs Delsol à s’expliquer
sur les prétentions qu’on leur supposait, comme héritiers naturels de leur p è r e , à un droit non encore ouvert.
Mais ils n’opposaient cette exception que pour l'honneur des
r è g le s ,
pour ne pas plaider avec leur sœ ur, et pour son seul
in térêt, car ils ne peuvent être effrayés sur l’événement d’une
cause, jugée d’avance en leur faveur, par les lois les plus
Tonnelles, par les décisions les plus respectables. A u ssi, vont*ls proposer avec la plus aveugle confiance, les moyens qui
doivent faire proscrire une prétention qui choque ouvertement
les principes généraux sur la transmission de toutes les stipula
tions conditionnelles en gén éral, les lois et les opinions des
auteurs, la jurisprudence unanime sur la transmission du droit
de retour conventionnel, en particulier; qui dénature cette espèce
de stipulation , jusqu’à lui supposer des effets diamétralement
opposés à ceux qu’elle produit dans son exécution.
MOYENS.
Les sieurs Delsol vont donc établir, en suivant le plan que
paraît avoir adopté la dame D o rce t, i.° qu’en p rin cipe, la
stipulation du droit de retour, faite par le donateur, au cas où
le donataire décéderait sans enfans, ou ses enfans sans descen
d a is , est, de sa nature, transmissible aux héritiers du stipulant,
nonobstant
�( 9 )
>
nonobstant le décès du donateur avant le donataire; qu'ainsi/
dans l’espèce particulière de la cause , la dame Dorcet n’ayant
pas d’en fans, les sieurs D elsol, héritiers naturels du donateur,
ont été subrogés en son lieu et p la c e , et ont continué en leur
personne, la saisine dont il était revêtu ;
2.° Que les lois nouvelles abolitives des substitutions, n’ont
pas atteint le droit de retour t qui n’a aucune ressemblance avec
une substitution , soit dans sa nature , soit dans son caractère,
soit dans ses effets-
3 .° Que la qualité (l’héritière instituée de son p è r e , n’a pas
donné à la dame Dorcet le droit de recueillir , à ce titre , l’efièt
d’une stipulation faite contr’elle.
4 .0 Et enfin, qu’en aucun c a s, elle n’a pas le droit de dis
poser des objets soumis au droit de retour.
I.re
L a première proposition ne présente , les sieurs Delsol ne
craignent pas de le dire , aucune difficulté.
Il n’en est pas de la réversion conventionnelle comme de la
réversion légale ; dans celle-ci, c’est la loi qui vient au secours
d’un père qui a négligé de stipuler le retour de ce qu'il a donné ;
elle ne veut pas qu’il souffre à-la-fois une double p e rte , celle
de sa fille et celle du bien qu’il lui avait donné : Ne et Jilicc
annssœ et dotis damnum seniiret. Tout est personnel dans le
m otif de la loi ; elle n’a que le père seul en vue. A in s i, lorsque
1 ordre de la nature n’a point été troublé, que le père est mort
avant la fille, quand, par la suite, celle-ci mourrait sans enfans , la réversion légale ne s’étend pas aux héritiers du père.
Mais lorsqu’il s’agit d’une stipulation de réversion, on doit,
se decider par d autres règles. Il est de principe, que le droit
de retour stipulé par le donateur, même pour lui seul, se transïUCt
ses iieiit,içrs ; Içs héritiers n’ont pas besoin de la vocation
P roposition
�( 10 )
de l’homme pour profiter des droits dont leur auteur est décédé
saisi ; ils n’ont besoin que de celle de la loi qui les saisit de tous
les droits du défunt, qui les subroge à sa saisine , en la conti
nuant en leur personne.
Il leur suffit donc que celui auquel ils sont appelés à succéder
ait été vraim ent saisi du droit qu’ils réclam ent, et que ce droit
ait fait partie de ses biens.
O r, Jes contrats, même conditionnels, saisissent toujours à
l’instant m êm e, sans attendre l’événement de la condition; les
actions qui en résultent, quoique non encoi’e ouvertes , sont in
bonis du stipulant. Contractus et si concütionalis , tamen ex prœr
senti vires accipit, dit Vinnius. In contraclibus , id tempus spectatur quo contrahimus, dit la loi 18, dig. de verb. oblig.
De l à , cette règle générale qu’on trouve écrite dans tous les
livres élémentaires , et notamment dans les Instituts : que les
stipulations conditionnellès se transmettent aux héritiers, quoique
le stipulant soit décédé avant l’événement de la condition, quoi
que l’expression n’en soit pas dans l’a c te , par la raison qu’on
11’est jamais censé stipuler pour soi uniquement, mais aussi pour
ses successeurs. E x stipulatione conditionali tantum spes est debiturn ir i, camque ipsam spem in hœredem transmittimus, si priùs
cjuàni conditio extet , mors nobis contingat. L iv . 3 , tit 16 ,
p. 4. Cum qui sub aliquâ conditione stipulatus fu e rit, posteà,
existente conditione, hœres ejus agerepotest: même liv, tit. 20, § 24.
Qui paciscitur sibi hccredi que suo pacisci intelligitur, dit aussi
une règle de droit bien connue.
Et cette rè g le , qui est posée aussi par le Gode N ap o léo n ,’
s’ applique aux stipulations conditionnelles , comme à toutes le§
autres : les lois sont expresses. Envain voudrait-on apporter
quelque e x c e p tio n à cette règle ; elles décident qu’on doit n’en
admettre aucune , et par conséquent que les stipulations condi
tionnelles se transmettent, soit qu’011 ait fait mention des héri
tiers, soit qu’on n’en ait pas fait mention : generaliter sancinuis
omnem s tip u la tioncm, sWc in dando, sivc infacicndo, stvc mixte.\
�( 11 }
ex dànda et faclcndo viveniatur, et ad liŒTedes et contrh hceredes
transmit t i , sive specialis liæredum liât mentio, sive non : 1. i3,
cod. de contract et comm. stipul.
On ne peut donc* pas prétendre, d’ après un texte aussi général,
aussi absolu, que le stipulant, qui n’a voulu parler que de luimême , qui n’a pas nommé ses héritiers , ait entendu restreindre
la stipulation à sa personne ; car la loi Utrum , dig. de pactis ,
répond que la stipulation n’en est pas moins réelle. Plerumque
enim , ut Pedins a ït , persona pacto inseritur, non est personale
p actu m fiat, sed ut démonstretur cum quo pactum factum est.
Charondas , dans ses pandectes , nous donne ce principe
comme une véritable règle du droit français , q u il a placé
_ parmi les autres règles, en ces ternies :
» A u x contrats, on regarde le tems qu’on contracte ».
» Cette rè g le , dit Charondas , appartient principalement aux
contrats conditionnels, car de ceux qui sont purement faits,
» n’y a doute ».
» Tout contrat conditionnel, si au tems que nous contrac» tons, il est valable , a effet et exécution quand la condition
» est ad ven u e, encore que celui qui a promis soit mort............
» Aussi /’héritier du stipulâteur décédé auparavant l’événem ent
» de la condition, peut agir incontinent ex conditionali, parce
» que pendant la condition , celui qui a stipulé est réputé avoir
y> été créancier ».
Il n’y a donc pas la moindre difficulté sur ce p rin cip e, qui_
ne s’applique pas seulement aux conditions stipulées dans les
contrats intéressés , mais aussi à celles qui sont renfermées dans
les contrats bienfaisans ; et pour l’établir, il s u f f i r a i t d ’observer
que llicard et une foule d’autres auteurs le d é cid e n t très-posi
tivem ent ; mais cette question est traitée par un des plus profonds
Jurisconsultes de nos jours , avec une profondeur remarquable.
)» I l est fau x, cli 1- i l, que les contrats intéresses soient les
seuls dans lesquels le stipulant est censé avoir parlé pour ses
héritiers la règle est générale pour toute espèce de contrais,
B3
�( "
5
puisque les lois n’ont fait aucune exception puis qu’au contraire
elles ont exclu toute exception par la généralité et l’universalité
absolue de leurs expressions : generalifer sancimus omnent
stipulationem................. iransmitti, sive specialis hœredum liât
inentio, sive non ».
» L e sens de la règle n’est pas précisément que nous sommes
présumés avoir pensé à nos héritiers et ayant-cause , et avoir
positivement voulu stipuler pour e u x , car il est Lien rare que
les contractans y pensent positivem ent, et on ne présume pas
ce qui arrive rarement. L e vrai sens de la réglé est seulement
que le stipulant qui n’a pas formellement restreint la stipulation a sa
personne , ne peut pas etre suppose avoir voulu exclure ses
héritiers. Or , cette présom ption, nécessairement applicable
ii toute espèce de stipulation, suffit toute seu le, non pour en
opérer la transmission, car c’ est la saisine seule qui l’opère ,
mais pour écarter les obstacles qui pouiTaient l’arrêter ou la
rendre inefficace ».
« Que le contrat soit intéressé ou bienfaisant, il n’im porte,
puisque dans l’un et dans l’autre, la saisine y a lieu de plein
droit; il faut bien qu’elle soit continuée dans la personne des
transmissionnaires. On ne peut pas les supposer exclus par le
stipulant, lorsque celui-ci n’a pas prononcé leur exclusion ; o r ,
s’ils ne sont pas exclu s, il est dans l’ordre des choses que,
comme successeurs universels ou singuliers du transmettant, ils
succedent a la saisine commencée en sa personne, comme à
tous ses autres droits, quand même il n’aurait point du tout
pensé à eux ».
« En d e u x mots , toute stipulation conditionnelle est nécessai
rement transmissible à 1 héritier du stipulant, si la condition peut
encore recevoir son accomplissement, parce qu’au m oyen de
la saisine attachée aux actes entre-vifs , le droit qui en résulte
a fait partie des biens du transm ettant, dès le tems même de
l’acle. 11 n’est pas nécessaire, pour cela , de donner à la clause
aucune extension, parce que c’est la loi seule, la force de la saisine,
�( >3 )
et non pas l’intention positive de transmettre, qui opère la
transmission. Il est vrai que la saisine elle-même dépend, en
quelque sorte , de l’intention du stipulant ; mais c’est seulement
en ce sens qu’elle ne s’applique qu’aux droits que les parties
ont eu en v u e , et pour les cas qu’elles ont exprimés ; du
reste, une fois que la condition prévue par les parties, est
a rriv é e , il devient constant que la saisine a eu lieu ab in itio,
et que la transmission s’en est su ivie, sans que les stipulans y
aient seulement pensé ».
Ainsi s’exprimait M. L ’-esparat, lors de l’arrêt célèbre de 1767,’
et l’on verra bientôt que sa doctrine prévalut sans aucune
difficulté.
Il ne peut donc pas s’élever aujourd’hui la moindre controverse
raisonnable sur ces principes appliqués, soit aux contrats inté
ressés , soit aux contrats bienfaisans.
Mais appliqués au droit de retour conventionnel, en particulier,
il y a , s’il est possible, bien moins de difficulté encore.
Deux fameuses lois romaines décident très-formellement la
question, en faveur des héritiers du stipulant, c’est la loi Caius
et la loi Avia.
L a loi Caius avait pour objet une dot donnée au mari par
l’aïeul maternel de la fem m e, et réversible à cette femme
en cas de divorce, intervenu sans sa faute; le divorce arriva.'
mais le donateur, qui s’était réservé le retour, était prédécédé:
nonobstant ce prédécès, le Jurisconsulte décide que les héritiers
du donateur doivent proiiter du reto u r, en qualité de transmissionnaires, comme aurait fait le donateur lui-même.
Respondi in persond quidem neptis videri inutiliter stipuhitioncm
esse conceptam , quoniàm açus malernus ci stipulalus proponitur;
quod cùm ùa est, hœredi stipulatoris, quandocumque divcrtcnt
niulicr, cictio compctcrc vidcluv.
L a loi ydvia n est pas moins expresse. L a question était de
savoir si le retour de la dot, n’ayant été r é se rv é que par un
simple p acte, et non par une stipulation en forme , il était
�( *4 )
transmissible aux héritiers du donateur ? La loi la résout en ces
termes :
A sia tua earinn qucc profil'nî tua in dotcm dédit, et si verborum
obligatio non intercessit, actionem ex Jide convention is ad te , si
hœres ex titisti, transmittere potuit. Voilà donc deux textes Lien*
précis , qui décident q u e l e retour conventionnel est transmissible
aux héritiers du donateur, quoique celui-ci soit décédé avant
l ’événement de la condition, sous laquelle il avait stipulé' le
retour à son profit.
Et ces décisions des lois romaines , sont devenues aussi celles
de tous les arrêts et de tous les auteurs, depuis les plus anciens
jusqu’aux plus modernes.
Papon, dans son recueil d’arrêts notables, au titre des dona
tions, art. 38 , dit qu’il a été jugé que « la retention faite par
un donateur, si le donataire meurt sans enfans, la chose
» donnée retournera au donateur, sans faire mention des siens,
» est réelle et non personnelle, par ainsi transmissible à l’héritier
» du donateur, s’il se trouve m ort, lorsque la condition d’icelle
» retention advient »;
M. M ayn ard , L iv . 8, Chap. 3 3 , dit que , par sentence de
la sénéchaussée de L au zerte, le retour stipulé par un oncle
donateur, au pays de Querci, pour le cas du décès de son neveu
donataire, sans enfans, ledit cas étant a rriv é , quoique après
le décès du donateur , fut jugé transmissible aux héritiers du
donateur, nonobstant le défaut de ce mot sien, ou autre équipollent.
M . M aynard ajoute que, sur l’appel de cette sentence, par arrêt
rendu à son rapport, au mois de Janvier 1674, conlirmatif de
la sentence, le retour fut adjugé aux héritiers du donateur.
Cette jurisprudence a été lixee irrévocablem ent par un arrêt
récent, qui a jugé en faveur des héritiers du donateur, contre
l’héritier de la donataire, par contrat de mariage.
Eu voici l’espèce , telle qu’elle est rapportée dans la dernière
collection de jurisprudence. V . Retour.
« L e sieur L h é ritier, par le contrat d.ç m ariage de demoiselle
�( '5 )
Marie Albertine-Racine , sa belle-nièce, avec le marquis de
R a v ig n a n , du 18 Mars 17 12 , lui avait donné 3o,ooo//, avec
la clause que ladite somme retournerait audit sieur Lheritier, au
cas de décès de la demoiselle future épouse, sans enfan s , et encore
qu'il y eût d&s enfans, et qu'ils vinssent à décéder avant leur majorité.
L e donateur est décédé en iy 3o ; le 20 Novembre 1764, la
demoiselle Racine , donataire , est décédée sans avoir laissé
d’cnfans, ni de son premier mariage avec le marquis de R avign an ,
* ni de son second mariage avec le comte de Dampus.
Après son décès, les enfans du donateur demandèrent au
marquis de Mesmes, donataire universel de la demoiselle Racine,
veu ve Dampus, la restitution des 3o, 000//, données p arleu r père,
conformément à la réserve stipulée p a rle contrat de 1712.
La cause portée au châtelet de Paris, il y intervint, le 29
Juillet 1766, sur les plaidoiries respectives des parties, pendant
cinq audiences, sentence par laquelle, attendu le décès de la demoi
selle Racine, veuve Dampus, sans enfans, le marquis de Mesmes
est condamné à restituer aux enfans du sieur Lhéritier, les 3o, 000,7
dont il avait stipulé la réversion. L e marquis de Mesmes interjeta
appel de la sentence du châtelet; mais par arrêt du mardi 17 Février
1767, rendu en la grand-chambre, conformément aux conclusions
de M. l’avocat-général, Barentin, la sentence fut unanimement
confirm ée, après des plaidoieries très-solennelles ».
« L ’appelant, dit l’additionnaire de Lebrun, invoquait en sa
faveur plusieurs lois m alentendues, un arrêt du 6 Mai 1614
rapporté par M ornac, ( où il s’agissait d’un retour stipulé par un
pere naturel, dotant sa fille qui laissa des enfans, au cas que celle-ci
décédât sans enfans); l’avis de Boucheul, de Bretonier sur Henrys,
et de Larouvière, en son traité du retour ;| mais M. L’esparrat,’
avocat des intimés héritiers du donateur, dans un mémoire où
il a traite a fond la matière , développa les lois , invoqua les
suffrages des plus savans auteurs et de la jurisprudence , et
éta b lit, sans réplique , que le droit de retour, ainsi que les
stipulations conditionnelles, se transmettent à l’héritier du stipu,-
�( 16 )
lant , nonobstant le prédécès de celui-ci ; que les actes entrevifs , même conditionnels, opèrent la saisine in instanti ; que
les conditions y ont un efïèt rétroactif; que , suivant la règle, le
mort saisit le vif, les héritiers succèdent à tous les droits dont
leur auteur est décédé saisi ; qu’ils n’en pourraient être p riv és,
que par une volonté expresse du stipulant, qui aurait fôrmellement
restreint la stipulation à sa personne; que c’est à celui qui les
prétend exclus, à p r o u v e r leur exclusion; que les conventions
sont toujours censées réelles ; que la personnalité ne s’y suppose
jamais,* q u elle doit être prouvée par des expressions qui la '
nécessitent ».
Cependant, comme le dit M . L ’esparat en rendant compte de
cet arrêt, la cause avait ete plaidée tant au châtelet qu’au
- parlem ent, par M. T ro n cliet, et c’était bien le cas de lui
appliquer ce que V irgile avait dit d’Hector: Si Pergama dextra
defendí potuissent, etiàm hác defensa fuissent ; mais malgré les
grands talens et les prodigieux efforts du défenseur, qui passait,
d ès-lors , à bien juste titre, pour un des plus profonds Juris
consultes de ce tem s, tous les Magistrats , ainsi -que l’avocatgénéral, Barentin, qui portait la parole, reconnurent facilem ent,
comme avaient fait les premiers Juges , que pour cette fo is,
M . Tronchet s’était trom pé; qu’en effet, la prétention de son
client qu’il avait défendu avec tant de z è le , était évidemment
subversive des principes gén éraux, sur la transmisión de toutes
stipulations conditionnelles ; qu’elle était contraire à toutes les
décisions des docteurs et des lo is, sur la transmission du retour
conventionnel en particu lier, et qu’eniin elle était également
contraire à-la jurisprudence établie par tous les jugemens rendus
sur cette question.
Si des arrêts on passe au suffrage des auteurs, on verra que
la question y est toujours décidée uniformément, en faveur des
transmissionriaircs , notamment lorsque le donateur, étant plus
âgé que le donataire, a cependant p réyu ? non-seulement le
décès
�( ' 7 ') '
décès du donateur sans enfans, mais encore le ‘décès de ses
enfans sans descendans.
» La réversion conventionnelle, Mit Lebrun, traité des succès» sions, L iv. i.,C h a p . 5 , Sect. 2, passe à nos héritiers, si nous ne
» l’avons limitée , ce qui se iait quelquefois , en 11e la stipulant (
qu’au cas du prédécès du donataire ; mais quand nous l’avons
» stipulée simplement, au cas du décès du donataire sans enfans,
» alors nous avons parlé pour nos héritiers ou ayant-cause ».
« Quant à la réversion conventionnelle, dit Lacombe , au mot» réversion, elle ne concerne pas moins les héritiers du donateur.
» qui l’a stipulée, que sa personne même. JSam plerumque tain
» Jiœredibus nostris quàm nobismetipsis caçemus. Loi 9, dig. deprob.
» A in s i, si un ascendant fait donation à son fils ou à sa lille ,
» à condition de réversion , si le donateur meurt sans enfans,
» les choses données passent aux héritiers du donateur prédécedé,
» si elle n’a été limitée ».
Suivant M. Henrys, quoiqu’en général l’ascendant donateur
qui se réserve le retour, soit censé le faire tant pour lui que
pour ses héritiers, cette présomption légale devient bien plus
forte encore , lorsque j e donateur a p r é v u , non-seulement le
décès du donataire sans enfans , mais encore le décès de ses
enfans sans descendans : « En e ife t, d it-il, quoique le père
» survivant , l’ordre de la nature en soit troublé, c’est pourtant
» chose assez commune; mais qu’un père pense survivre à sa
» iille et aux enfans quelle peut laisser; qu’il étende si loin
» sa pensée , c’est ce qu’on ne peut pas présumer. Donc, a jo u te * t-il, quand le père a stipulé que la dot serait r é v e r s ib le , si
* la lille décédait sans enfans , ou ses enfans sans enfans, il
» ne s’est pas persuadé que tout cela pût a rriv e r, lui v iv a n t,
» et par conséquent il a bien entendu que cette stipulation fût
» aussi bien profitable à ses héritiers qu’à lui-même ; autrement
» il n aurait pas eu une visée si longue; et s’il n’avait cru stipuler
» le retour que pour lu i, il en aurait restreint la condition
i et les termes ; il se serait contenté de parler du prédécès
�( .1 8 ,3
» de sa fille sans enfans, et il n’aurait pas ajouté : et de ses
» enfans sans enfans.
L ’opinion de cet auteur , qui marche toujours dans ses
décisions, à la lumière des vrais principes , mérite ici d’autant
plus de considération, qu’independamment de son mérite per
sonnel , il nous apprend lu i-m e m e qu il a d’abord balancé sur
la question ; mais c’est ce qui donne un plus grand poids à
sa décision. Un avis qui est le fruit d’une longue et mûre
réflexion, est bien plus respectable qu’un jugement précipité,
donné sur la première idée dont on est saisi.
A la vérité , B o u ch e u il dans son traité des conventions de
succéder, Bretonnier sur H enrys, et M.e L arouvière, avocat
au p a r le m e n t de Provence , paraissent etre d’un sentiment
co n tra ire ,' mais Boucheuil ne se décide" que d’après l’arrêt de
M o rn ac, qui n’a pas de rapport à l’espèce. Bretonuier a fondé
pareillement son sentiment sur l’arrêt de Mornac et sur celui
rapporté au journal du p alais, sous la date du 26 août 1682.
M a is, outre que Bretonnior n’a pas bien connu l’espèce et les
circonstances de cet a rrê t, puisqu’il dit que les Juges de Riom
avaient jugé contre la réversion, et que l’arrêt confirma leur
sentence, tandis que c’est précisément tout le contraire , les
Juges de Riom ayant ordonné la restitution en faveur du frère
donateur, cet arrêt n’a pas jugé la question agitée et résolue
par M. Ilenrys,
M. Henrys donnait son avis sur une question pareille à cello
qui nous occupe en ce moment : il se demandait si la stipulation
de réversion, en cas du décès du donataire sans enfans, ou
de ses enfans sans descendans, était transmissible aux héritiers
du donateur, au cas que celui-ci vint a prédécéder ses enfans,
et l’on vient de voir que sa décision ne laisse rien à désirer*
L ’arrêt de 1682 a jugé , mais n’a ]?as jugé antre chose, qu’un
frère ayant doté sa sœur, avec stipulation de retour, au cas
qu’elle mourût avant lu i, sans enfans, ne pouvait pas J'airo
uçage de cette clause , pour répéter la dot dans la succession
�( >9 )
du fils de la donataire, qui avait vécu six ans après elle /
parce que la condition sous laquelle le retour était stip u lé,
n’était pas a rriv é e , et que la donataire avait laissé un enfant
qui avait recueilli.
Ainsi donc , il faut écarter de la cause l’opinion de Bretonnier :
soit parce que c’est une opinion solitaii’e , qui a été proscrite par
tout ce qu’il y a de plus respectable en autorités , soit parce qu’elle
n’avait pas en vue la question de cette cause , et qu’en l’examinaut
de près , on voit qu’il a voulu dire uniquement qu’il ne faut
pas trop étendre les stipulations de retour, et qu’ainsi le retour
étant stipulé pour le décès du donataire sans enfans, il ne faut
pas l’étendrc au cas du décès de ses enfans sans enfans.
Par rapport à M .' Larouviere, on n’en parle i c i , que parce
que probablement la dame Dorcet voudra s’aider de son opinion;
mais il suffit, pour donner une idée du poids qu’elle m érite, de
dire, qu’il fut prouvé lors de l’arrêt de 1767; que les Jurisconsultes
même les plus m édiocres, ont reconnu très-facilement depuis
que cet auteur n’avait pas connu les premiers principes de la
matière , et qu’il n’avait pas entendu les auteurs par lui cités.
A in s i, il n’y a pas une seule l o i , pas un seul auteur, pas
un arrêt qui favorise la prétention de la dame Dorcet ; tout
co n co u rt pour établir la proposition des sieurs D elsol, que le
droit de retour, stipulé par leur père lors du mariage de la '
dame D o rcet, e s t, de sa nature , transmissible , le cas prévu
arrivant ,■il n’y a peut-être pas un seul point de droit sur lequel
les lois soient plus précises, les suffrages des auteurs plus unanimes,
et la jurisprudence plus ancienne, plus uniforme et plus con stan te.
L ’espèce particulière de cette cause facilite l’ap p lica tio n de
ces principes ; le sieur Delsol père a stipulé, lors du contrat
de mariage de sa fille avec le sieur D o rce t, le droit de retour
de tous les biens dont il la gratifiait, dans le cas où elle décé
derait sans enfans , ou ses enfans sans descendons. La dame
Dorcet n’a pas eu d’enfans de son mariage ; son âge la met
dans l'impuissance d’en avoir aujourd’h u i, quand elle passerait à
G 'Z
�( 20 )
de secondes noces ; ses frc re s, héritiers naturels du donateur?
doivent donc profiter, après son décès, des biens grevés du
droit de retou r, c ’est-à -d ire , de l’universalité des biens laissés
par le sieur Delsol à sa fille aînée.
L e sieur Delsol n’avait pas besoin, pour leur transmettre ce
droit , de stipuler expressément pour lui et pour les siens ,
puisqu’en p rin cip e, le droit de retour stipulé par le donateu^
se transmet toujours à ses héritiers.
L e redoublement seul de la clause , qui. est un m otif détermi
nant pour tous les auteurs, et notamment pour M. H en rys,
établirait clairement l ’intention du donateur, quand elle ne
serait pas m an ifeste d après les en constances de cette cause ;
d ’ a p r è s
c e l l e
surtout que , par son testament de l’année 1 7 8 0 ,
annullé pour vice de forme , cette clause de retour est renou
velée , le cas prévu par la stipulation arrivant.
I l n’y a donc plus de doute sur le m otif, sur l’objet de cette
stipulation ; c’était pour ses héritiers, et non pour l u i , que le
sieur D elsol, père commun, se réservait le droit de retour';
cette convention eût été fort inutile pour lu i, puisqu’il aurait
eu le droit de retour sans stipulation, en vertu des lois romaines I
qui régissaient notre p rovin ce, et par exprès , en vertu de lq.
loi Jure siiccursum.
C’est donc aux sieurs D elsol, transmissionnaires et ayant-cause
de leur p è re , que les biens sujets au droit de retour doivent
appartenir après le décès de la dame Dorcet.
Dira-t-on, comme on l’a annoncé, qu’en supposant, en thèse
gén érale, qu’un droit de retour conventionnel, soit de sa nature
transmissible , il faudrait, dans l’espèce particulière de cette
cause, restreindre l’application de ce principe aux objets com
posant la donation entrcrvifs, faite par contrat’ de mariage ;
mais qu’en ce qui concerne lp$ biens dont le sieur Delsol
gratifiait la dame D orcet, sa fille, a titre d’institution contrac
tuelle, cette institution n’ayant, de sa nature, effet qu’après le
décès de l’instituant, elle n’est pas susceptible de réversion à
son profit, et ù plus forte raison, au profit de scs héritiers.
�C elle objection peul paraître spécieuse au premier coup-d’œil ;
mais un moment d’attention suffit pour se convaincre qu’elle
n’est pas Solide.
I l est essentiel d’abord d’observer, d’après tous les auteurs, et
particulièrement d’après R icard , Furgole et Potliiér, que l’on
peut apposer un droit de retour à toute espèce de libéralités, et
par exprès, qu’on peut l’apposer à une institution contractuelle.
Ce principe ne peut éprouver aucune difficulté. Mais le droit
de retour, apposé à une institution, est-il de sa nature transmis
sible aux héritiers de l’instituant ?
L'affirmative de cet te question est également incontestable.
L ’institution contractuelle, est comme la donation entre-vifs, un
contrat, une obligation que contracte l’inlituant envers l’institué,
de lui laisser tous ses biens; elle ne diffère de la donation entre-vifs,
qu’en ce qu’elle est faite sous la condition particulière d elà survie
du donataire. Mais cette condition particulière n’empêche, pas
que l’instituant contractuel ne puisse faire résilier ou révoquer
la libéralité , si telle ou telle condition a r r iv e , n’importe en
quel tems , et que cependant elle puisse avoir jusques-hi tout
son e/Ièt,* en ce cas , les biens qui en sont l’objet, comme étant
retournés à la masse de l’hérédité et réunis au patrimoine du
donateur, appartiennent à ceux q u i, lors de l’arrivée de la
condition résolutoire , se trouvent représenter le donateur ou
instituant ; ces représentons ne reprennent pas les biens eu
question , en qualité de substitués au donataire ; c’est le donateur
lui-même, toujours existant dans leur personne, qui reprend sa
chose, comme ayant cessé d’appartenir à l’institué, au moyeu
de la résolution de l’institution qui a eu lieu par 1 événem ent,
comme le donateur ou ses représentons reprennent la choçe
donnée, lorsqu’il y a survenance d’enfant, même posthume,,
quoique le posthume ne soit né que depuis son décès.
Ainsi donc, que le sieur Delsol donateur fût ou non desaisi,
an moyen de l’institution contractuelle qu’il f a i s a i t en faveur
tle sa ¿Ile, sous une condition résolutoire, cela serait fort iudij>
�( 22 )
ïl.e
J 'K O P O S IT IO :*.
férent, et la résolution de cette convention serait évidemment
opérée , le cas arrivant.
En un m ot, le retour qui s’est fait ex causa antiquâ et inherenle
contractui donationis, doit avoir son eïïèt, tant pour l’institution
que pour la donation; la condition, lorsqu’elle est accom plie,
a un effet rétroactif au jour auquel l’engagement a été contracté ;
les effets de la stipulation, le cas arrivant, sont donc transmissibles,
soit que la condition soit apposée a une institution, soit qu’il
s’agisse d ’une donation entre-vifs, pure et simple.
Mais le droit de retour n’a-t-il pas éle aboli par les lois de
la révolution, et notamment par les lois des 25 Octobre et 14
Novem bre 1792 ?
C ’est la seco n d e question que présente cette cause, question,
qui véritablement 11’en est pas une.
Et d’ab o rd , deux lois de la révolution se sont occupées du
droit de retour; la prem ière, c’est la loi du 17 Nivôse an 2}
la deuxièm e, c’est la loi du 22 Ventôse suivant.
Mais que portent ces lois ?
L a loi du 17 Nivôse an 2 , a posé dans le titre intitulé de
la succession des ascendans , des règles pour établir q u e,
dans tous les cas , les ascendans étaient toujours exclus par
les héritiers collatéraux qui descendaient d’éux ou d’autres
ascendans au même degré ; et c’est après avoir développé
ces règles dans quelques articles , que la loi dit à l’article 74 :
» Les biens donnés par les ascendans à leurs descendans avec
» stipulation de retour, ne sont pas compris dans les règles ci5) dessus , ils ne font pas partie de la succession des descendans
» tant qu’il y a b RU au droit de retour ».
Cet article n introduit donc aucun changement dans l’ancienne
législation, relative au droit de retour ; il déclare même que
cette législation doit toujours être suivie, pour tout ce qui s’était
fait sous son empire , car c’est le déclarer positivem ent, que
¿ ’affranchir le droit de retour des règles nouvelles que la loi
établissait, et de décider que tant qu’il y a y ait lieu à ce droit,
�(» 3 )
les Liens donnés ne faisaient pas partie de la succesion des
descendans.
»
»
»
»
»
»
A l’égard de la loi du 23 Ventôse , l’article 5 porte « qu’il
n’est rien innové par l’art. 74 du décret du 17 Nivôse , à
l’égard des donations antérieures, au 5 Rrumaire, aux effets
du droit de retour lég a l, dans les pays et pour les cas où ce
droit avait lieu ; que néanmoins il 11e pourrait être exercé
sur les Liens du donataire acquis à la République, par droit
de confiscation, ou autrement ».
Cet article conserve les effets du retour lé g a l, pour tous les
pays où il avait lieu , relativement aux donations antérieures
au 5 Brum aire, comme l’article 74 de la loi du 17 Nivose ,
conserve l'effet du droit de retour conventionnel, relative
ment aux mêmes actes.
On ne peut donc pas dire que l’une ou l’autre des lois qui
viennent d ’être citées , ait apporté le moindre changement au
droit de retour, consacré jusqu’alors par l’ancienne législation,
ni qu’elle lui ait porté la moindre atteinte. Il ne faut donc
pas parler de ces deux lois, qu’on invoqua sans aucun succès,
lors de l’arrêt célèbre rendu dans l’affaire de la dame de
N availles, ,dont on parlera tout à l’heure.
Mais peut-on opposer avec plus de succès les lois de 1792
qui ont aboli les substitutions ?
Remarquons d’abord , que les lois du 17 Nivôse et du 23
Ventôse an 2 , postérieures aux lois de 1792, abolitives des
substitutions, ont con servé, comme nous, venons de l’établir,
les effets des stipulations de retour, et ceux du retour lé g a l,
dans les pays et pour les cas où ce droit avait lieu , à 1 égard
des donations antérieures au 5 Brumaire an 2 , et c’est deju
une preuve positive que. les lois,- qui ont aboli les substitutions,
n’avaient pas eu en vue les stipulations de reLour.
Mais peut-on même trouver quelque ressemblance entre uno
�( 24 )
stipulation, de retour et une substitution, soit dans la nature, soit
dans le caractère'et les effets de ces deux espèces d’actes ?
Quest - c e , d’abord, qu’ une substitution?
« C’est une disposition par laquelle le donataire, l’iiéritier
» institué ou le légataire , est chargé de. conserver et de
rendre à un tiers ».
Telle est la définition qu’en donne le code c iv il, à l’art. 896,
et c ’est aussi celle des anciennes lois et des auteurs qui ont
traité de cette matière.
« Il y a substitution , dit M. Merlin , toutes les fois que
dans un acte de libéralité, la personne gratifiée est chargée de
rendre à une personne gratifiée en second ordre, la chose qui
lui a été donnée ; il y a substitution, toutes les fois qu’il y a
deux donataires ou légataires apelés successivem ent, l’un qui
reçoit directement de la main du donateur, l’autre qui ne reçoit
de la main du donateur, que par le canal du premier donataire;
il y a substitution, toutes les fois que le donataire direct sert en
quelque sorte d’entrepôt, pour faire arriver l’objet de la donation
-au donataire substitué; en un m o t, il y a substitutions toutes
les fois que le donateur a voulu que le second donataire n’ari’ivât
à la chose donnée, qu’après qu’elle aurait été possédée , pendant
1111 teins quelconque, par le prem ier; dès que ce vœu p araît, il
y a charge de rendre , et. par conséquent substitution Jidei
commissaire ».
Ainsi , d’après cette doctrine , dans une substitution Jidei
commissaire, il entre nécessairement trois personnes; celle qui
donne, celle qui est gratifiés à la charge de rendre, et celle
à qui l’on doit rendre.
L a substitution fidei commissaire renferme donc, à proprement
parler, deux donations; lu n e au profit de celui qui doit rendre,
l ’autre au profit de celui à qui doit être rendu l’objet donné.
Mais le second donataire 11e devant recueillir qu’après le
prem ier, ces donations doivent être successives. « Il fau t, dit
l'eregrinus ( de Jidei commissionis, art. 17 , n,° x. ) que les deux
gratifiés
�( 25 )
gratifiés soient appelés à recueillir successivement et non pas
concurremment, ordi-nesuccess'wo et non conjunclivo seusimultaneo».
Dans le droit de retour, au contraire, au lieu que le donateur
soit chargé de rendre à des tiers, c’est, le donateur lui-même qui,
en supposant la condition apposée par le contrat, intervenue,
reprend lui-même la chose qu’il avait donnée, et en redevient
le propriétaire , comme il l’était avant la donation, et avec
les mêmes droits qu’il avait avant.
A u ssi, M. Merlin prévoit-il cette question dans le répertoire
de jurisprudence ,
Substitution, et il la résout en peu de mots.
« La clause de retour au profit du donateur, constitue-t-elle
un fidci commis ? N on, parce q u ’ on n ’y trouve point une cliai’ge
de rendre à un tiers, gratifié en second ordre; on ne peut donc
la considérer que comme une donation à tem s, et c’est ainsi
que les lois la caractérisent.
A la vérité, le donateur meurt quelquefois avant l’événement
de la condition , et ce sont ses héritiers q u i, une fois que la
condition est arrivée, prennent sa place, et se saisissent des choses
qui étaient l’objet de sa donation; mais les héritiers du donateur
ne sont pas des tiers , ils ne sont pas gratifiés en second ordre ; ce
sont des représentons du donateur, qui continuent, pour ainsi
dire, sa personne, deviennent les maîtres de toutes les propriétés
qui lui appartenaient, exercent tous les droits qui étaient en sa
puissance, sont soumis aux mêmes charges auxquelles il était
o b lig é, en un m ot, sont absolument à sa p la c e , et sont, en
quelque sorte , ce qu’il était lui-même.
C ’est là la décision des lois, et c’était même une règle de droit.
Jlœredcm ejusdem potestatis jurisque esse cujus Jiat defunctus
constat, dit la loi 69, dig. de regulis juris.
L a loi 12, Cod. de acquir. velamitt. hcered. dit aussi: hœrcsin oninc
jus mortui non tantum in singularum rerum dominium succedit.
Ce principe est écrit aussi dans tous les auteurs.
« L ’héritier succédant aux biens et aux c h a r g e s , dit Dom at,
se met en la place du défunt, et sa condition est
raême »,
�. {aG 5
Les héritiers diffèrent même si peu du défunt, en matière de
stipulations , et sont, au contraire , tellement identifiés avec lu i,
qu’ils entrent par la force de la loi dans ces stipulations, pour
ainsi d ire , malgré lui ; qu’ils y entrent sans qu’il les nom m e,
sans qu’il s’occupe de leur intérêt, sans qu’il le prévoie , et qu’il
suffit qu’il ait stipulé pour lu i, et qu’il n’ait pas formellement
déclaré qu’il n’entendait stipuler, que pour lui-m êm e, pour qu’il
ait dans le même tein s, et par cela seu l, stipulé pour eux.
Les héritiers ne sont donc pas des tiers à l’égard du défunt ; ils
sont le défunt lui-m êm e, et dès - lors la stipulation de retour
dont ils sont dans le cas de jirofiter, n’a rien de commun avec
les substitutions qui ne regardaient jamais que des tiers.
C e p e n d a n t , ce sont les substitutions ét uniquement les substi
tutions, que les lois de 1792 ont entendu abolir, c’ est-à-dire, les
actes connus pour te ls , les dispositions qui portent ce titre , et
non pas des actes o ù , par des interprétations subtiles , on
prétendrait trouver un caractère ou un résultat analogue à celui
des substitutions , ce qui n’a pas été l’intention de ces lois.
Deux espèces de motifs ont déterminé les Législateurs à abolir
les substitutions.
D’abord, le m otif politique, qui a été de détruire le préjugé,
d’après lequel les biens n’étaient conservés dans une famille ,
qu’en sacrifiant tous ses membres , pour réserver à un seul l’éclat
de la fortune, ce qui était inalliable avec les principes que la
révolution avait introduits.
Et ensuite, le motif de l’égalité, qu’011 avait commencé à
établir entre les enfans, pour les successions , et qu’on avait lo
projet de rendre absolue, comme otil’a exécuté, en effet, depuis.
O r, aucun de ces deux motifs n’existait pour le droit de retour,
et au contraire, le droit de retour, envisagé sous le rapport des
enfans, héritiers de leur père donateur, rentrait même parfai
tement dans les vues des Législateurs d’alor6 ; car il avait pour
çflèt de faire revenir dans les mains de tous les enfans, ce qui
�t 27 )
était sorti de celles du père , pour appartenir à un seul ; ce'qui
était précisément l’opposé des substitutions, qui attribuaient à
lin seu l, ce qui naturellement aurait dû appartenir à tous.
Mais indépendamment de ces puissantes considérations , il est
impossible même de tro u ver, entre le droit de retour et une
substitution, la plus légére ressemblance.
Tout le monde sait que les substitutions étaient des disposi
tions émanées uniquement de la volonté d’un seu l, et qui se
passaient dans l’absence et sans le concours de ceux qui
pouvaient en être l’o b jet, comme dans les testamens ou même
dans les contrats de m ariage, où les substitués n’intervenaient
pas ; ( e t on sait qu’il était bien rare qu’ils y intervinssent ,
puisque la plupart du tems même ils n’étaient pas nés).
A u lieu que le droit de retour n’était pas une disposition,
un acte émané de la pure volonté du donateur ; c’était une
convention, un p a c te , un contrat qui était fait entre le do
nateur et le donataire, et qui supposait nécessairement le concours
et la réunion des deux volontés.
Les principes à cet égard sont connus , et les effets d’une
disposition conditionnelle sont bien difïérens de ceux d’ une
stipulation.
Les dispositions conditionnelles de l’iiomme ou de la loi ne
se transmettent pas à l’héritier de l’appelé décédé avant l’évé
nement de la condition. ( Et voilà pourquoi le retour lé g a l,
les jid ei commis ne sont pas transmissibles). Mais, c’est parce que
les héritiers ne recueillent du chef de leur auteur que le droit
dont il est décédé saisi. Or , les dispositions -conditionnelles ne
saisissent qu’au moment de leur ouverture ; jusques-là, elles ne
sont point in bonis de l’appelé. Si donc , à la différence des stipu
lations conditionnelles, et notamment des stipulations de retour,
qui, comme on l’a établi , sont transmissibles, et ont un effet
rétroactif au jour auquel la convention a été contractée, les dis*
D a
�( »8 )
positions conditionnelles ne saisissent qu’au moment, de leur ou
verture, les substitutions qui ne sont évidemment que de pures
dispositions, ne peuvent être régies par les mêmes règles que
les stipulations conditionnelles , et par exprès , que les règles
applicables au droit de retour conventionnel.
Sous aucun rapport d o n c, la stipulation de retour n’a rien de
commun avec les substitutions , qui ne regardaient jamais que
des tiers, tandis qu’encore une fois, les héritiers du donateur ne
sont pas des tiers, puisqu’ils ne sont pas gratifiés en second ordre.
On ne peut donc pas pretendre, de bonne fo i, que les lois
abolitives des substitutions ,•aient atteint les stipulations de retour.
Cette question n'est cependant pas nouvelle,* elle a été jugée
en Thèse par la Cour de Cassation dans l’affaire de N availles,
où le sieur Larregoyen, qui s’opposait au droit de retour, argu
mentait aussi des lois de 1792, qui abolissent toutes les substi
tutions non ouvertes de l’art. 896 du Code N a p o l é o n qui les
prohibe pour l’a v en ir, et de l’art. g 5 i du même Code qui prohibe
toute stipulationconditionnelle de retour des choses données,au pro
fit d’autres que le donateur personnellement, et survivant à l’événe
ment de la condition qui doit donner ouverture au droit de retour.
En effet , a-t-on dit , nul doute que l’on doit regarder
comme une véritable substitution la stipulation expresse ou tacite
du droit de retour au profit d’autres que le donateur vivan t, lors
de son ouverture : o r , les substitutions non encore ouvertes lors
de la publication des lois des 25 Octobre et 14 Novembre 1792,
sont abolies par ces lois ; d o n c, toutes les stipulations de retour
au profit d’autres que le donateur , qui n’étaient pas encore
ouvertes à cette époque, sont pareillement abolies; et c’est p a r T
cette raison, a-t-on ajouté, que l’art. y 5 i du Code civil défend
de stipuler le retour au profit d’autres que le donateur survivant
à son ouverture.
^
O11 faisait aussi beaucoup va lo ir, pour le sieur Larregoyen,
ja circonstance particulière qu e, dans le fait, il s’était éçoul^
�(» 0 )
plus d’un siècle d’in tervalle, entre la stipulation de retour et
l’ouverture de ce droit au profit de la dame de N a va illes, re
présentant ceux qui avaient constitué la dot ; que pendant ce
tems , la dot donnée à la charge de retou r, avait passé succes
sivement dans sa descendance , par plusieurs inains , sans pou
voir être aliénée au préjudice du droit de retour qui pourrait
s’ ouvrir un jour, ce qui, suivant le défenseur de M. Larregoyen,
présentait tous les caractères d’une véritable substitution graduelle
dans la descendance de la donataire, et ensuite , en cas d’ex
tinction de celte descendance , en faveur de ceux q u i, pour
lors, représenteraient les donateurs.
M ais, M. D aniels, substitut de M. le Procureur - g én é ra l,
portant la p aro le, combattit fortement ce système ; il professa
le principe que le caractère du droit de retou r, qu’il considéra
sans aucune difficulté comme trausmissible aux héritiers du
donateur, était absolument étranger à celui des substitutions,
et que les stipulations qui le renfermaient n’avaient pas été
abolies par les lois de 1792.
» De ce que les substitutions testamentaires, et même celles
» abolies par contrat de mariage , disait ce M agistrat,' ont été
v abolies, il ne faut pas conclure qu’il en est la même chose du
» droit de retour. La disposition textuelle des lois ( celles du 17
» Nivôse an 2, art. 74, et du 23Ventôse suivant, art. 5 ) s’éléve» raient contre cette conséquence , puisqu’elles conservent le droit
» de retour ( en faveur d’autres que le donateur ) , lorsque les
» substitutions étaient déjà abolies.
*
>?
»
»
» D ’ailleurs, ajoutait-il, le droit de retour ne peut être assim ilé
à une substitution, lorsque le donateur exerce lu i-m êm e ce
droit; ce n'est donc pas non plus une substitution, quand ¡1
est exercéspar ses héritiers, qui ne représentent avec lui que
la même personne ».
Cette doctrine fut consacrée par la cour de cassation, par
i*rrût du 11 Frimaire an 14 , rendu en la section des requêtes,
�(30)
rapport de M. B o rel, sous la présidence de M. Muraire , eî
qui est rapporté au Journal des audiences d elà cour de cassation,
pour l’année 1 4 — 1806. La cour rejeta le pourvoi du sieur
Larregoye’n contre l’arrêt de la cour d’appel de P a u , qui avait
accordé le droit de retour.
« A ttendu, portent les motifs des Juges suprêmes, que les
lois du 17 Nivôse an 2 , art. 7 4 , et 23 Yentôse suivant,
art. 5 , ont conservé les effets des stipulations de retour, et
3> ceux du retour légal dans les pays et pour les cas où ce
a> droit avait lie u , à l’égard des donations antérieures au 5
» Brumaire an 2, et que, d’après les lois et d’après les différences
» qui ex isten t entre les droits de réversibilité conventionnels
3> et légau x, et les substitutions , on ne peut appliquer au droit
d> de retour, l’abolition prononcée par les lois des 25 Octobre
» et 14 Novembre 1792 ».
Cet arrêt qui a retenti dans toute la France pour avertir
les personnes q u i, comme la dame Dorcet, auraient pu croire
<[ue les lois de la révolution avaient assimilé les stipulations
■de retour aux substitutions, et les avaient abolies comme
e lle s , ne permet plus aujourd’hui d’établir une controverse
raisonnable sur ce point de droit , et de le faire revivre
«ivec le plus léger espoir de succès.
Aussi les sieurs Delsol ne pousseront-ils pas plus loin leurs
réflexions sur une question aussi solennellement a g ité e, et qui
a été jugée., après que tous les m oyens, pour ceux qui s’oppo
saient à la réversion , ont été discutés , avec une méthode ,
une profondeur et une sagacité remarquables.
Et envain la dame Dorcet dirait-elle , que dans cette espèce,'
il ne s’agissait que dune donation entre-vifs ,• mais que s’il
s’ était agi d’un di'oit de retour apposé à une institution contrac
tuelle , on aurait jugé qu’une telle stipulation était une véritable
substitution, abolie par les lois nouvelles.
Cette objection ne peut pas résister aux principes qu’on a
�(3 0
développés sur la différence qui existe entre la nature , le
caractère et les effets d’un droit de retour , et ceux d’une
substitution.
Qu’importe, en effet, que le 'd ro it de retour soit apposé à
une donation ou à une institution,' ce droit n’est toujours qu’une
condition casuelle , résolutoire ; il n’est toujours qu’une c o n v e n
tion ' entre le donateur et le donataire, qu’un droit que se
réserve le donateur de résoudre la donation ou institution, si
la condition arrive ; niais dans ce cas-la même , les héritiers du
donateur ne recueillent pas comme appelés en deuxième ordre ;
ils ne so n t, comme on l ’a v u , que les représentais du donateur ;
ils sont le donateur lui-m êm e, selon la belle fiction de la loi.
Dès-lors , toute idée de substitution s'efface d’elle-même, et
le donateur, en stipulant pour lui et non pour les tiers, n’a
pu faire une substitution.
Encore une fo is, il n’existe pas , il ne peut pas exister
de substitution dans une stipulation de droit de retour, quelle
que soit la nature de l’acte qui renferme cette stipulation; et
par une conséquence nécessaire, il ne peut pas en exister daus
l’espèce particulière de cette cause, où l’on a apposé un droit
de retour à des contrats , à des pactes qui saisissent les héritiers
du stipulant de tous ses droits, et qui les continuent en leur
personne.
M ais, dit la dam eD orcet, et c ’est là la troisième proposition
n exam iner, quand le droit de retour serait transmissible aux
héritiers du donateur, je ne serais pas moins propriétaire des
biens qui eu sont grévés, puisque je suis appelée comme héritière
de mon p ère, à recueillir sa succession, et qu’à ce titre, les
éflèts du droit de retour doivent me revenir.
Cette objection, dont il est impossible de pénétrer le sens, a moins
qu’on suppose qu’elle est d’une absurdité difficile à q u a lifie r , ne
repose, dans l'interprétation la plus favorable qu’on veuille lui
donner, que sur une confusion d’idées.
rri.e
P R O P O S IT IO N
�( 3a )
En eïïet, pour que la dame Dorcet piit s’accorder avec ellemême , il faudrait le concours de plusieurs choses. Il faudrait
d’abord, commencer par effacer du contrat de mariage de 1760,
la clause du retour que se réserva le sieur D elsol, donateur ; il
faudrait ensuite que le sieur Delsol fût mort sans représentans
au degré successible, autres que la dame Dorcet; il faudrait
enfin supposer que la stipulation de retour est, de sa nature,
personnelle, et par conséquent incommunicable aux héritiers
du donateur, nonobstant son prédécès.
O r , aucune de ces circonstances ne sé rencontre ic.û
I l existe dans le contrat de mariage de la dame D orcet, une
stipulation de retour, de la part du sieur D elsol, donateur, qui
ju i interdisait la disposition des biens dont il la gratifiait, qui les
réservait pour lu i, si elle n’avait pas d’enfans de son m ariage;
et ce droit de retour existe encore incertain, puisque la condition
n ’est pas purifiée par le décès de la dame Dorcet ; il existe,
•puisque l ’effet de la stipulation ne doit s’ouvrir qu’après le
décès de la ' donataire, cette stipulation étant, de sa nature',
transmissible aux héritiers du stipulant.
Mais , par cela seul que le droit de retour existe encore, et
qu’il n est pas ouvert, qu’il ne peut l’être même qu'au décès
de la dame D o rcet, il est évident, il est plus clair que le jo u r,
qu’elle n’a pas recueilli avant l’événement de la condition, un
droit qui ne doit s’ouvrir qu’après que cette condition se sera
purifiée , et qu’ainsi sa qualité d’héritière universelle , à la charge
du droit de retour, ne lui a pas conféré celui de profiter d’une
convention dirigée expressément contre elle.
Autrem ent, il faudrait dire qu’un droit stipulé contre la dame
D orcet, par son contrat de m ariage, avait été stipulé en sa
faveur ; il faudrait dire que la dame Dorcet s’est succédée à ellemême , de son v iv a n t, ou en d’autres term es, qu’elle doit
aujourd’hui recueillir comme héritière universelle de son père,
par son, contrat de m ariage, ù la charge d’une stipulation de
retour,
�( 33 )
t e t o u r e n cas de décès sans enfans, les Mens sujets à ce droit
d e retour, avant le terme apposé à la stipulation.
I l est facife de voir que cela ne peut pas être ainsi.
En deux m ots, le contrat de mariage donnait tout à la dame
Dorcet, excepté le droit de retour ; sa qualité de donataire et
d’héritière universelle, ne lui a donc assuré l’espoir de recueillir
les biens de son père , qu’à la charge du droit de retour ; mais
encore une fo is, elle n’a pas recueilli dans la succcession de
son p è re , les biens dégagés de la condition de retour , ( et cela
est impossible, puisque cette condition est subordonnée à son
décès, qui n’est pas encore arrivé ). Sa prétention manque
donc de toute justesse ; elle ne serait tout au plus qu’une pure
pétition de principes ; ce qui nous ramène nécessairement et
dans tous les cas, à la question de savoir si la clause de
retour était réelle ou personnelle, et si par conséquent, elle
est devenue caduque par le prédécès du sieur Delsol père, ou si
l'elfet en a été transmis à ses héritiers, autres que la dame Dorcet.
Or , les sieurs Delsol- ont établi qjLie la clause était réelle et
transmissible aux héritiers du donateur.
Ils sont donc, comme héritiers naturels de leur p ère, appelés
à recueillir l'elfet de la stipulation de retour, à l’exclusion de la
dame Dorcet contre laquelle a.été dirigée cette stipulation.
lleste à savoir maintenant, si elle a pu disposer des objets soumis
au droit de retour.
L a discussion sur cette question ne peut être ni longue ni
difficile.
C’est un principe certain, et qui n ’a même jamais été le sujet
d’aucune controverse, que le donataire ne peut rien faire qui
puisse anéantir ou dim inuer, de quelque m a n i è r e q u e ce soit,
le droit de retour, car autrement il serait bien inutile de le
stipuler, si le donataire pouvait y porter atteinte.
A u ssi, tous les auteurs, et notamment M. D o live, en ses ques
tions de droit, Ily. 4? cliap, 8 , nous apprennent-ils que
fàyeur
E
�(34 y
du di’oit de retour a été poussée si loin , que les choses données-,
retournent e x e m p t e s de toutes charges et hypothèques qui yv
avaient.été imposées p a r le donataire, et même que les aliéna
tions qu’il en avait faites sont cassées en faveur du donateur au
quel ce di’oit de retour est adjugé ; il n’y. a : d’exception à ’ cette
règle , dit D olive , que pour les biens donnés par les père et mère,
à leurs fils :en faveur du mariage , lesquels,. nonobstant le droit
de retour , sont hypothéqués subsidiairement à la restitution)
de la dot.
M. M erlin, dans le répertoire de jurisprudence, V . Réversion,'
se demande si le donataire peut aliener et disposer au préjudice
du droit de retour, et il s’explique en ces termes.
« Il n’y a aucune difficulté sur la n ég a tive, par rapport au
» r e t o u r conventionnel; comme il affecte les biens donnés par.
une clause expresse qui. fait ^partie de la donation m êm e, il
» est clair qu’il doit avoir son effet contre tous ceux qui les
» possèdent, n’importe à quel titre ; et c’est ainsi'qu’on le juge
x dans tous les Pplem ens. ».
Ces principes ont été consacrés par le Code N a p o l é o n . L ’art, 953 porfe : « L ’effet du droit de retour sera de résoudre
3> toutes les aliénations des biens donnés, et de faire reyenir ces
3> biens au donateur, francs et quittes de toutes charges et hypo3? thèques , sauf néanmoins l’hypothèque de la dot et des conven3» tions matrimoniales, si les autres biens de l’époux donataire ne
» suffisent p a s, et dans le cas seulement où la donation lui aura
3) été faite par le mémo contrat de mariage duquel résultent ces
» droits et hypothèques. »
C ’est donc une vérité incontestable , que la stipulation du droit
de retour lie les mains au donataire, et que celui-ci ne peut dis
poser à titre onéreux ou gratuit des biens qui y sont sujets ; o u ,
ce qui est la même chose, que les dispositions qu’il peut en avoir
faites ne préjudicient pas à ceux qui doivent profiter de.cette
stipulation , lorsque l'événement qui y a donné lieu est arrivé.
Mais- indépendamment du poiut de. d ro it, il existe-dans lo
�( 35 )
contrat de mariage de la dame D o r c e t une prohibition for
melle de la part du donateur, de porter atteinte, en aucune
manière , au droit de retour qu’il stipulait.
» Sans qu’il puisse être dérogé, par sadite fille , future épouse,
» audit droit de réversion , par aucune disposition ni autres
» actes à ce contraires. »
V o ilà une clause p roh ibitive, s’il en fut jam ais; elle interdit
à la dame D orcet, donataire , toutes dispositions des biens dont
la réversion est réservée. C’est là une des conditions de la
donation ; elle en fait p a rtie, et dès-lors point de doute qu’elle
ne doive avoir l'effet le plus rigoureux, puisqu’elle ajoute
encore, s’il est possible, à la sévérité des lois et des auteurs
qui mettent les personnes grévées du droit de retour, dans
une interdiction absolue de disposer.
Que reste-t-il maintenant à la dame Dorcet pour appuyer
sa demande ? Rien , absolument rien. Les dispositions des lois,
la jurisprudence , le sentiment de tous les auteurs , l’intention
manifeste du donateur, concourent unanimement pour écarter
dans tous les sens , l’idée même qu’elle puisse porter la plus
légère atteinte au droit que doivent recueillir les sieurs Delsol,
comme héritiers de leur p è r e , la condition prévue par le
contrat de mariage de leur sœur arrivant.
Les Magistrats, chargés par les lo is, de veiller à la conser
vation des patrimoines dans les familles , s’empresseront donc
de proscrire une démarche dont le but ( avoué publiquement)
est de dépouiller les héritiers naturels, malgré la volonté form elle de l’auteur com m un, pour enrichir des étrangers.
M . e B A S T I D , Avocat.
Me R A M P O N Avoué licencié.
1
M.e B O N N E F O N S , Avoué.
de
A
l ’imp r i m e r i e
A U R I L L A C ,
C A L D A G U É S et
PELLISSON,
IMPRIM EURS DE L A PRÉFECTURE DU CAN TA L.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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Factums Marie
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Description
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Title
A name given to the resource
[Factum. Delsol, Jean-François. 1806?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Bastid
Rampon
Bonnefons
Subject
The topic of the resource
successions
nullité du testament
fideicommis
avancement d'hoirie
contrats de mariage
substitution
droit de retour
Description
An account of the resource
Mémoire pour Sieurs Jean-François Delsol aîné, habitant de la ville d'Aurillac, et Gabriel-Bartélémy Delsol-Volpilhac, habitant de la ville de Paris. Contre Dame Jeanne-Marie Delsol, veuve Vigier-Dorcet. En présence du sieur Desprats, habitant de la ville d'Aurillac.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Caldagués et Pellisson (Aurillac)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1806
1760-Circa 1806
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
35 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0531
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0629
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Paris (75056)
Claud (seigneurie du)
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avancement d'hoirie
contrats de mariage
droit de retour
fideicommis
nullité du testament
substitution
Successions
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CONSULTATIONS
POUR
LES SIEURS DELSOL, FRERES;
CONTRE
LA
DAM E
*
VEUVE
LEUR
V IG IE R -D ’O R C E T ,
SOEUR C O N S A N G U I N E .
( V o ir , pour le fait et les questions élevées à ce sujet, la Sentence ci-jointe7 du 22
août 1808, intervenue depuis la première Consultation, et dont lesdits sieurs Delsol
sont appelants ; voir en outre (pour plus grand développement des principes consacrés
par l’Arrêt solennel du 17 février 1767, sur la transmissibilité du retour conventionnel)
la copie ci-jointe du Précis qui a été imprimé pour lors, et auquel renvoient les
Consultations. )
PARIS,
DE
L ’I M P R I M E R I E
DE
1809.
MAME
FRÈRES.
�PREMIÈRE CONSULTATION.
F A IT S E X P O SÉ S.
L
e
.
S O U S S I G N É , auquel il a été exposé,
Q ue, par le contrat de mariage passé entre le sieur GabrielBarthélemi de V igier et la demoiselle Delsol de Volpilhac, en
1760 , à A urillac, le sieur Delsol père a donné à la future sa
fille , ce acceptante , et par avancement d’hoirie , les domaine
et terre Duclaux , en qu o iq u ’ils puissent consister, aux mêmes
charges et conditions que le délaissement lui en seroit fait et
adjugé , conformément aux demandes par lui formées aux re
quêtes du Palais; et, à défaut d’adjudication de ladite demande
en délaissement, il a donné à ladite future toutes les créances
qu’il avoit à exercer sur lesdits biens en capitaux et accessoires ;
Que , par le même contrat , ledit sieur Delsol père a en
outre donné à ladite future sa fille la somme de 10,000 liv .,
qui a été délivrée audit sieur futur époux qu’à l’égard du surplus de ses autres biens qui se trouveroient lui rester lors de
son décès, il a promis de n’instituer d’autres héritiers que
ladite future sa fille , sous la réserve de l’usufruit de ces
mêmes biens , qu’il pourroit cependant vendre et engager tant
a la vie qu’à la mort, et sous la réserve en outre de pouvoir disposer d 'une somme de 10,000 liv. , qui resteroit a ladite future,
s’il n’en disposoit pas j comme aussi à la charge par sadite fille
de payer 600 liv. de peusion à la demoiselle Lagarde, sa belle-
�.
.
.
.
m ère, si celle-ci survivoit à lui donateur; qu’enfin le sieur
Delsol père s’est réservé expressément (pour le cas où ladite fu
ture épouse décèderoit sans enfants, ou ses enfants sans des
cendants et sans avoir disposé valablem ent), le droit de
réversion , tant des biens donnés que réservés , sans qu’il
put être dérogé par sadite fille audit droit de reversion, par
aucune d isposition / n i autres actes à ce contrairesj
•Qu’en conséquence, le sieur Delsol père a cru pouvoir dispo
ser du droit de réversion qu’il s’étoit réservé, comme d’un droit
qu’il avoit in bonis , et faisant partie de son patrimoine , ainsi
qu’il résulte de son testament fait en 1780, annulé pour vice
de forme seulement, par lequel il appeloit son fils aine', et
successivement ses autres enfants, parôrdre de primogeniture, '
à profiter de ce même droit;
Que ledit sieur Delsol père , décédé depuis, a transmis né
cessairement à ses héritiers tous les droits, même éventuels,
dont il étoit saisi, et, par conséquent, le droit de réversion
qu’il s’étoit réservé expressément pour le cas du décès de sadite
fille sans enfants , et de ses enfants sans enfants , et qu’ainsi ils
ont l’espérance , le cas arrivant, de recueillir, comme effets de
la succession de leur père , les biens dont il a stipulé le retour
à son profit, c’est-à-dire non seulement ceux qu’il avoit donnés
irrévocablement sous la seule réserve du retour, sans même en
retenir 1 usufruit, mais encoi'e ceux qu’il avoit compris dans
l’institution contractuelle de sa fille, avec réserve de pouvoir les
vendre ou engager (même d’en jouir en usufruit sa vie durant),
et que cependant il n’a ni vendus ni engagés ;
�( 3
A vis y relatif.
que les enfants et héritiers Delsol sont saisis de
tous les biens et droits dont leur père est décédé saisi, et qu’en
cette qualité ils ont droit, la condition du retour arrivant, à
tous les fonds et créances qu’il a pu donner à sa fille en la
m ariant, tant ceux par lui donnés irrévocablemeut que ceux
pour lesquels il l’a instituée son héritière contractuelle, c’est-àdire même à ceux desdits fonds et créances qu’il s’étoit réservé
de pouvoir vendre ou engager, et que cependant il n’a ni ven
dus ni engagés 5
Q u’en conséquence lesdits héritiers, comme propriétaires et
créanciers conditionnels, sont fondés dès h présent, non pas à
intenter aucune action pour revendiquer les fonds en question,
ou pour exiger le paiement des créances dont il s’a g it, mais h
faire tous actes conservatoires de leursdits droits éventuels ( art.
1 180 du Code civil ) , notamment à requérir toutes transcrip
tions et inscriptions nécessaires dudit contrat de mariage , aux
bureaux de la conservation des hypothèques , dans les arron
dissements desquels sont situés les fonds en question, ou ceux
affectés à l’hypothèque desdites créances ; le tout à l’effet d’em
pêcher que leur sœur et autres possesseurs desdits fojids, ou
les débiteurs desdites créances', puissent préjudicier aux droits
éventuels de propriété et d’hypothèque des requérants; comme
aussi à défendre à toute demande qui seroit formée contre eux
à fin de radiation desdites transcriptions et inscriptions.
E
st
d ’a v is
�(4 )
O B S E R V A T IO N S .
P rincip es sur la transm issibilité des stipulations
conditionnelles.
Il ne s’agit pas ici cl un retour lé g a l, qui sans doute ne seroit
pas transmissible aux héritiers du donateur décédé avant son
ouverture.
C ’estpar convention, par stipulation expresse que le donateur
s’est réservé ce droit pour l’exercer, comme tous ses autres droits,
par lui-meme ou par scs ayants-causc, quels qu’ils fussent, le
cas de la condition arrivant.
A la vérité, ce n’est qu’une espérance jusqu’à l’arrivée de la
condition, du moins tant qu’il est possible que la condition ar
rive ou n’arrive pas) , e x stipulatione conditionali tantum
spes est debitum i r i , In st., §. 4 ? D e verborum obligationibus ; mais cette espérance est transmissible, eamque ipsani
spem in hœredem transmittimus ,• s i, priusquàm conditio
c x s t e t , mors nobis contingat, ibidem. E t la raison en est que
dans le's contrats la condition'a effet rétroactif au temps de
l’acte , quasijam contracta in prœteritum em ptione, Leg. 8,
iï. D e periculo et comrnodo rei venditœ y Leg. 7 8 , if. D e
verborum obligationibus ; Leg. 16 , ff. D e solutionibus et
lïberationïbus.
Ainsi, la condition une fois arrivée , la stipulation a le même
effet que si elle avoitété faite sans condition : Ciim enim sem el
conditio e x t it it } perinde habetur ac si illo tempore r/uo 'sti
pula tio interposita est, sine conditione fa cta es set, Leg. 11,
§. 1, ff. Q u i potiores. Car dans les stipulations on ne considère
�( 5 .)
que le temps où le contrat est l'ait: Quia instipulationibus tem
pus speclatur quo conlrahimus. Leg. 18 , vers. , F iliu s f a
m ilias, fF. D e regulis jui'is.
’ Enfin, il n’est pas nécessaire que la condition arrive pendant
la vie du stipulant : C iirn quis sub aliqud. conditione stipulatus f a e n t , posteà eæistente conditione hœres ejus agere
jjp test. In st., p. 20 , D e inutilibus stipulationibus.
‘
I ls ne souffrent aucune exception.
'
Cette règle ne reçoit aucune exception , pas même pour les
faits stipulés sous condition , quoiqu’ils pussent paroitre person
nels de leur nature: Generciliter sancim us omnem stipulationem , sive in dando , sive in faciendo , sîve~lïïïæta e x
dando et f a c iendo ihveniatur, et ad hæredes et contra luc
re de s transm itti, sive specialis hœredum fiat_nientio , sive
non. Leg. i 3 , Cod. D e contrahendd et com m ittendd stipulationey ca r, comme le dit Pedius , Leg. 7 , §. 8 , ff. D e
p a ctis : Plerum què persona pacto inseritur , non ut persoîiale p a c tu m fia t, sed ut demonstretur cum quo pactum
factum est.
A in si, Tliériticr n’a point à prouver que son auteur a voulu
stipuler pour lui j c est à celui qui le prétend exclu par la stipu
lation à prouver sa prétendue exclusion : Quamvis veruni
est quod qui ex cip it probare debet quod ex cip itu r, attamen
de i p s o d u n ta x a t, at non de hœrede ejus convenisse p eti
tor, non qui e x c ip it probare-debet. Leg. 9, Si. D e probationibus etprcesiitnptionibus. E t l’on décidoit en conséquence
que, le fils de làmille qui a stipulé sous condition ayant été en- .
suite émancipé, l’action appartient au père, quoique la condition
�( 6 )
soit arrivée depuis l’émancipation. L eg . 7 8 , ff. D e verborum
obligationibus.
E n un m o t, comme le dit Jean-Jacques Schüts dans son
Compendium j u r i s , au titre D e pactis : Condiùo casualis
suspendit actûs p erfectio n en i, adeo ut ipsum ju s in sus
penso s i t , et tantum spes sit debitum iri, quæ tamen spes
in conventionibus hoc f a c i t , ut quis creditor d ica tu r} atque
res ipsius bonis annum eretur. . . . h inc apparet, pendente
conditioner aliquid subesse quod conventionem sustentât,
atque sic obligationem tanquam in utero materno latere ;
c’est un enfant dans le ventre de sa mère , q u i, une fois venu
au monde, est réputé né dès le moment de sa conception: Undè
com entiones çonditionales e x prœ senti vires accipiunt,
quod sechs est in legatis y ut itaque conventio conditionalis obligationem producat, conditio casualis omnino e x pectanda e s t . . . . conditione autem sem el e x is tente, perindè habetur ac s i ab initiopurè com entum esset, et statim venit ac cçdit dies.
P a s même pour les contrats bienfaisants. A rrêt solennel
¿1 ce sujet de 1767. '
Ces décisions s’appliquent non pas seulement aux conditions
s t i p u l é e s dans les contrats intéressés,
mais aussi £1 celles des
contrats bienfaisants.
•
Cependant La Rouvière a prétendu le contraire dans son
du droit de retour, liv. i c% chap. i 3 , où il veut que le
T
r a
i t e
retour stipulé par les donateurs, pour le cas du deces du dona
taire sans enfants, ne soit pas transmissible aux héritiers du do
nateur, décédé, avant) l’événement de la condition; et) il se fonde
�( 7 )
sur la loi Quod de pariter } ff. D e rebus dubiis , qui, dans le
fait, ne décide qu’une question de survie (comme le soussigné
l’a démontré dans la seconde partie de son précis , imprimé en
176 7, pour le sieur Réné Louis, l’héritier et consorts, contre
le marquis de Mesme, appelant de sentence rendue au parc
civil du Châtelet de Paris , le 29 juillet 1766, après cinq au
diences.)
«
Mais, comme l’a démontré pareillement le soussigné dans la
même partie de son précis, la loi C a ïu s , 45 , ff. Soluto matri
monio , et la loi Avia , 6 , au Code , D e ju re dolium , déci
dent au contraire que le retour conventionnel est transmissible
aux héritiers du donateur , quoique celui-ci soit décédé avant
l’événement de la condition sous laquelle il avoit stipule le re
tour à son profit. E t c’est aussi ce qui a été jugé en grande connoissance de cause, dans la première cause du rôle d’après la
Chandeleur, par arrêt solennel du parlement de Paris , c n j a
grand’chambre, le 17 février 1767, qui confirme ladite senteiice.
Cependant la cause de l’appelant avoit été plaidée, tant au
Châtelet qu’au parlement, par M. Tronchet, et e etoit bien le
cas de lui appliquer ce que Virgile avoit dit d’Hector : S i Pergama d extrd jd efejid i pojkï&te&t', etiam hâc defensa fu is
sent. Mais malgré les grands talents et les prodigieux efforts
du défenseur, qui passoit dès-lors à j uste litre pour un des plus
profonds jurisconsultes de ce temps, tous les magistrats,'ainsi
que l’avocat général Barentin , qui portoit la parole, reconnu
rent facilement, comme avoient fait les p r e m i e r s juges, que
pour cette fois M. Tronchet s’étoit trompé ; qu’en effet la pré
tention de son client, qu’il avoit défendu avec tant de zèle,
étoit évidemment subversive des principes généraux sur la trans
mission de toutes stipulations conditionnelles, quelle étoit con-
�.
(8 )
.
traire à toutes les décisions des docteurs et des lois sur la trans
mission du retour conventionnel en particulier, et qu’enfin
elle étoit également contraire a la jurisprudence établie par tous
les jugements rendus sur cette question, comme le Soussigné
l’avoit démontré dans les trois parties de son précis imprimé.
L e s lois nouvelles n’y ont point déro ë é'
On a cependant tenté encore dans ces derniers temps de re
nouveler la même prétention, en soutenant que le droit de re
tour , stipulé par le donateur , ne pouvoit avoir lieu qu’à son
profit personnellement, c’est-à-dire autant seulement qu’il survivroit à l’événement de la condition du retour qu’il se réservoit; mais il falloit pouvoir mettre en avant de nouveaux pré
textes, autres que ceux qui ont été proscrits si solennellement
par l’arrêt du 17 février 1767.
On a cru les trouver dans la loi des 1 5 octobre et 14 novem
bre 179 2 , qui abolit toutes les substitutions non encore ou
vertes, dans l’article 896 du Code c iv il, qui les prohibe pour
l’avenir , et dans l’article g 5 i du même Code, qui prohibe
toute stipulation conditionnelle du retour des choses don
nées , au profit d’autres que le donateur se u l, et survivant
à l’événement de la condition qui doit donner ouverture au
retour.
lin effet, a-t-on dit, nul doute que l’on doit regarder comme
une véritable substitution la stipulation expresse ou tacite du
droit de retour au profit.-d’autres que le donateur vivant lors de
son ouverture : or les substitutions non encore ouvertes lors de
la publication de la loi des 25 octobre et i/j novembre 1792
sont abolies par cette loi ; donc toutes les stipulations de retour
�(9 )
au profit d’autres que le donateur, qui n’étoieni pas encore ou«
vertes à cette époque , sont pareillement abolies; et c’cst par
cette raison, a-t-on ajouté, que l’article t)5 1 du Code civil dé-,
fend de stipuler le retour au profit d’autres que le donateur sur
vivant à son ouverture.
Tels sont du moins les nouveaux moyens qui ont été em
ployés au tribunal de cassation par M. M éjan, défenseur de
M. Larregoyen contre la dame de Navailles, pour faire casser,
s’il avoit été possible, le jugement de la Cour d’appel de Pau ,
du 19 thermidor an 12 , confirmatif de jugement du tribunal
de première instance de Saint-Palais j rendu au profit de la
dame de Navailles.
Mais, sans avoir égard à ces prétendus m oyens, par arrêt
rendu le 1 1 frimaire an id , en la section des requêtes, au rap
port de ÏVL Borel, sous la présidence de M. Muraire , et qui est
rapporté au commencement du troisième cahier du Journal des
audiences du Tribunal de cassation , pour l’an 14— 1806 : L a
C o u r, attendu qu’on ne peut appliquer a u x droits de retour
Vabolition prononcée par les lois des 25 octobre et 14 no
vembre 179 2, a rejeté la demande en pourvoi dont il s’agissoit.
On faisoit cependant beaucoup valoir pour M. Larregoyen
la circonstance particulière que, dans le fait, il s’étoit écoulé un
7siècle d’intervalle entre la stipulation de retour et l’ouverture
de ce droit au profit de la dame Navailles, l’eprésentant les
sieur et dame Martin, dotateurs , dont elle, dcscendoit ; que
pendant ce temps la d o t, par eux donnée à leur fille à charge
de retour , avoit passé successivement dans sa descendance par
plusieurs mains, sans pouvoir être aliénée au préjudice du droit
de retour qui pourroit s’ouvrir un jo u r, ce q u i, suivant le dé-
�( 10 )
fçnseur du sieur Larregoyen, présentait tous les caractère» d’une
'véritable substitution graduelle dans la descendance de la do
nataire , et ensuite , en cas d’extinction de cette descendance ,
*en faveur de ceux qui pour lors représenteroient les donateurs.
Mais (comme l’a observé M. Daniels, substitut du procureur
général, portant la parole ) de ce que les substitutions testa
mentaires et même celles établies par contrat de mariage ont
été abolies, il ne faut pas conclure qu’il en est de même du droit
de retour. L e s dispositions textuelles de la loi (celles du
17 nivose an 2, art. 74? £t du 23 ventôse suivant, art. 5 ,)
s ’élèveroient, ajoute-t-il, contre cette con séquence, p u is
qu’elles conservent le droit de retour (en faveur d’autres que
le donateur) lorsque les substitutions étoient déjà abolies.
D ’a illeu rs, disoit-il encore, le droit de retou rn e p e ut être
assim ilé à une véritable substitution , lorsque le donateur
<
ex erce lui-m ême ce droit ; ce n’est donc pas non plus une
substitution quand il est e x e r c é par ses héritiers qui ne re
présentent avec lui que la m ême personne ; et de là il eoncluoit que- les juges, tant de première instance que d’appel ,
avoient fait une juste application des lois de la matière (comme
l’a reconnu la Cour par son arrêt de rejet du iG frimaire an i/j..)
E lle s ne lepouvoient même p a s , quand les r édacteurs en
auroient eu ïintention.
'
E n vain insisteroit-on encore, malgré le préjugé de cet ar•r£t, sur ce que l’article 951 du Code civil a prohibé toute
stipulation de retour au profit d’autres que le donateur vivant;
•en vain voudroit-on en conclure que les rédacteurs de l’article
■oui considéré comme des substitutions véritables les stipula-
�f II )
lions de retour qui ne profileroient qu’aux représentants det
donateur après sa m o rt, et qu’ainsi ils ont entendu abolir tous
les retours conventionnels qui n’auroient été ouverts , posté
rieurement au décès des donateurs, que depuis l’abolition des
substitutions.
Quand même il seroit possible de supposer aux rédacteurs un
pareil m o tif, et que ce m otif prétendu est le seul qui ait dé
terminé la rédaction de l’artiçle, l’intention qu’on leur suppose
ne feroit pas loi toute seule et par elle-même, puisqu’elle n’a
pas été érigée en loi ; car autre chose est la loi, et autre chose est
le m otif qui a pu déterminer a la proposer , comme, en fait de
dispositions testamentaires, autre chose est la disposition et au
tre chose est le m otif ( causa dandï) qui a pu la dicter : Ratia
legandi legato nqn çoheeret, le m otif de la disposition n’en
fait pas partie. L eg . 72 , p. G, ff. D e conditionilms et demonslrationibus et causis quos in testamento scribimtur. E t
tout ce qui résulterait de cette supposition, o’est que l’article
951 seroit indubitablement un de ceux qu’il faudra rapporter
lorsqu’il sera question de la révision du Code civil; car com
ment pourroit-on laisser subsister une loi dont le seul m otif au
rait été de donner lieu (sans cependant l’ordonner ) à l’abolition
de droits acquis par des conventions qu’autoriçoient les lois et
la jurisprudence antérieures.
Ajoutez que la loi de 1792, qui abolit les substitutions non .
encore ouvertes , est odieuse par elle-même , comme contraire
au droit commun établi de temps immémorial par toutes les
lois antérieures rendues sur ce lait, et sur-tout à cette raison
écrite, qui depuis tant de siècle^ qst reconnue par tous les.peu
ples policés comme le Code universel du genre humain. Aussi
n’a-t-elle pu être provoquée que par des circonstances impérieuses,
�( 12 )
seules capables de la justifier ; mais au moins ne doit-on pas
l’appliquer à ce qui ne porte pas la de'nomination expresse de
substitution, quand mcme il en auroit d’ailleurs le caractère
et PefFet sous une dénomination différente ; à plus\ forte raison
ne doit-on pas l’étendre à des stipulations conditionnelles qui,
saisissant à l’instant même le stipulant, et ses ayants-cause con
sidérés comme la continuation de sa personne, ressemblent
• aussi peu à une substitution que le jour ressemble à la nuit. E t
il faudra toujours en revenir à dire avec la loi que ce qui* a
été établi contre la raison et les principes du droit ne doit pas
être tiré à conséquence : Q uod contra juris rationem receptum est non est p roducendum ad consequentias. Leg. 14 ?
i 5 et 16, ff. D e le gibus ; Leg. 1 4 1 ? f f D e regulis ju ris.
Il y a plus 5c’est que quand mcme la nouvelle loi auroit aboli en
termes textuels, et très expressément, tous les retours conven
tionnels qni n’auroient été ouverts que depuis celle de 1792, con
cernant les substitutions, etaprès le décès des donateurs, une pa
reille loi, attendu le vice radical de rétroactivité dont elle se trouveroit infectée, ne seroit pas susceptible d’exécution en cette par
tie. En vain voudroit-on l’assimiler à la loi qui abolit les substitu
tions établies par actes antérieurs à sa promulgation, mais qui
n’étoient pas encore ouvertes pour lofs. Il y a bien de la diffé
rence entre l'ime et l’autre, car les substitutions qui ne sont que
des dispositions en faveur de tiers non présents ni acceptants
ne peuvent saisir l’appelé qu’au moment de leur ouverture , et
même autant seulement que ? appelé l’acceptera pour lors • jus
que-là le substitué n a aucun droit acquis ; et par conséquent la
loi a pu , sans porter atteinte à un véritable droit de propriété ,
abolir toutes les substitutions qui viendraient à s’ouvrir par la
.suite, quoiqu’elles fussent établies par des actes antérieurs.
�C i3 )
Il n’en est pas de même des stipulations conditionnelles. En
effet, quoiqu’il n’en résulte qu’un droit éventuel, une simple
espérance, comme le disent les Institutes, elles saisissent de ce
droit, à l’instant m êm e, le stipulant, et dans sa personne ses
ayants-droit, c’est-à-dire ceux qui le représenteront, quant à l’ob
jet de la stipulation, lors de l’événement de la condition sous
laquelle la stipulation a été faite et conservée ; or il résulte né
cessairement de là que toute loi postérieure qui aboliroit ces.
droits éventuels enlèveroit de fait au stipulant, dans la per
sonne de ses ayants-cause , des droits acquis dont ils étoient sai
sis, ce qui seroit une atteinte formelle au droit de propriété,
E n fin la lettre même de la clause en question nécessite
rait :, en tant que de besoin, la transm issibilité du retour
qui y est stipulé.
1
A ces considérations générales, toutes péremptoires, nous
en joindrons une particulière, et qui toute seule suffiroit, en
tant que de besoin, pour trancher la question; c’est que les
propres termes dans lesquels est conçue la stipulation condi
tionnelle de retour dont il s’agit assurent textuellement et
littéralement ce droit aux ayants-cause du stipulant, quels qu’ils
soient, comme au stipulant lui-même, le cas de la condition
arrivant; et que, de plus, les mêmes ternies sont formellement
exclusifs de toute substitution.
E t d’abord, que dans l’espèce le droit de retour soit assuré,
en tant que de besoin, par les termes mêmes de la stipulation
du donateur, à ses ayants-cause, comme au donateur lui-même,
ou plutôt au donateur dans la personne de scs ayants-droit, au
cas d’événement de la condition, en quelque temps que ce soit;
�( 4 )
c’cst ce qui résulte évidemment de ce que ce retour est stipulé,
nommément, pour les biens formant l’objet de l’institution con
tractuelle de la donataire; car assurément il étoit impossible que
le retour de ces biens particuliers qui n’étoient donnés qu’à titre
d’institution, et par conséquent sous la condition de la siirvie
de la donataire au donateur, s’ouvrit jamais pendant la vie de
celui-ci. E t puisque cependant il s’éloit réservé pourlui-même,
ernôrTpour aucun tiers après lu i, ces mêmes biens à titre de
retour conventionnel, il falloit bien que sa réserve pùt profiter
à ceux de ses ayants-cause et transmissionnaircs à titre universel
ou particulier q u i, lorè de l’ouverture du retour par lui réservé,
le représenteroient pour cet objet, comme ne formant à cet
égard qu’une seule et même personne avec lui. Autrem ent, sa
réserve n’eût pu profiter à personne en aucun cas, et la clause
_
auroit été illusoire.
E lle sitffiroit aussi toute seule pour écarter toute idée
de substitution.
Mais il est également sensible que le donateur en stipulant le
retourp o u rlü i, qt non pour aucun autre que lui-même, a néces
sairement exclu toute substitution; car enfin, comme le disoit
M. Daniels, portant la parole pour le ministère public en la
Cour de cassation, il est impossible de se substituer soi-même à
son donataire pour la chose donnée.
Il est bien vrai que le donateur qui stipule le retour pour
lni-mcrnc seulement, et non pas pour des tiers après ltii, le sti
pule aussi nécessairement pour ses ayants-cause et transrmssionnairos, soit qu’il doive en profiter de son vivant, soit que par
l’événement, le droit qu’il s’est réservé ne s’ouvre qu’après s^
�C 15 )
mort, à moins qu?il n’ait formellement excepté ce dernier cas
par sa réserve, comme par exemple en stipulant le retour à sou
profit, pour le cas seulement du prédécès du donataire.
Mais ces transmissiopnaires et ayants-cause ne forment avec
lui qu’une s.eule et même personne, qui a toujours été saisie
ab ihitio, tant de son vivant que depuis son décès, du droit
éventuel qu’il s’étoit réservé, comme de tous ses autres Liens,
sans attendre l’événement de la condition.
Ainsi, il est impossible de les supposer substitués par le do
nateur au donataire, et tout ce qui résulte de la réserve de re
tour stipulée par le donateur pour lui-même seulement, et non
pour aucun tiers après lui, c’est que la condition du retour ar
riv a n t, le donataire cesse d’être propriétaire de la chose don
née, c’est que la donation qui lui avoit été faite est alors réso
lue ou révoquée j c’est enfin que le donateur en la personne de
ses ayants-droit, en conséquence de sa réserve, se trouve avoir
recouvré sa propriété dont il ne s’étoit dessaisi que sous une con
dition résolutive qui a eu lieu -, c’est en un mot que cette pro
priété s’est réunie de plein droit à son patrimoine aussitôt l’ar
rivée de la condition résolutive apposée à la donation : or cer
tainement il est bien permis aux donateurs , nonobstant l’abo
lition de toutes substitutions, de stipuler qu’en tel ou tel cas
leurs donations seront résolues de plein droit, ab initip, comme
si elles u’avoient jamais existé, ou pour la suite seulement,
comme dans le cas de la révocation des donations pour cause de
survenance d’enfants', le tout, soit que la condition résolutoire
arrive de leur vivant, soit qu’elle n’arrive qu’après leur mort :
car les conditions résolutives produisent leur effet, lors meine
qu’elles n’arrivent qu’après la mort du stipulant , ce qui n’em
pêche pas que l’acte résolu n’ait subsisté jusque-là, s’il n’a pas
�(■ G )
¿téautrement convenu. L eg . i 5 , in princ., ff. D e in diem addictione. ) V o y e z aussi la loi finale au Code, D e legatis.
L e s observations précédentes sont égalem ent applicables
„ a u x institutions contractuelles sous conditions résolu
toires.
Il en est de même incontestablement des donations par forme
d’institution contractuelle, qui, suivant Pothier ,'Laurière, et
tous nos autres auteurs, ne diffèrent des autres donations en
tre-vifs qu’en ce qu’elles sont faites sous la condition particu
lière de la survie du donataire, et en ce que le donateur peut
encore , nonobstant la donation, s’aider des choses qui y sont
comprises , par contrats intéressés , tels que la vente ou l’hy
pothèque , mais non pas en disposer à titre graÔuit par dona
tions entre-vifs , institutions ou legs.
En effet, l’instituant contractuel doit aussi pouvoir stipuler
que sa donation sera résiliée ou révoquée, si telle ou telle con
dition arrive par la suite, n’importe en quel temps, et que ce
pendant elle aura jusque-là tout son effet; mais en ce cas les
biens qui en sont l’objet, comme étant retournés à la masse de
l'hérédité, et réunis au patrimoine du donateur, appartiennent à
ceux qui lors de l’arrivée de la condition résolutoire se trouvent
représenter ledit donateur ou instituant; etassurément ceux-ci ne
reprennent pas les biens en question en qualité de substitués au
donataire ; c’est le donateur lui-même, toujours existant dans leur
personne, qui reprend sa chose, comme ayant cessé d’appartenir à .
l’institué, au moyen delà résolution de l’institution, qui a eu lieu
par l’événement, comme le donateur ou ses représentants re
prennent la chose donnée, lorsqu’il y a survenance d’enfants,
�C *7 )
même posthumes, quoique le posthume ne soit né que depuis
son décès. Autrement, il faudrait dire, ce qui est absurde, que
le vendeur ou scs héritiers, rentrant dans la propriété de la
chose vendue par l’effet de la résolution de la vente, ou de lu
rescision du contrat, reprennent la chose vendue comme substi
tués h l’acheteur. E t il faudrait conclure de la ( ce qui seroit
encore plus absurde, s’il est possible), qu’attendu l’abolition de
toute substitution, il n’est plus permis de vendre sous condition
résolutive , ni de faire résilier aucun contrai de vente, non
plus que de disposer par donation, institution ou legs, sous
condition résolutive. Mais il faudrait aussi, avant tout, effacer
du Gode civil les articles g 53 , 960 , 962, 963 et 966, relatifs
à la révocation des donations de toute espèce pour cause de
survenance d’enfants , même posthumes, qui ne seroient nés
que depuis le décès du donateur; il faudrait notamment sup
primer ledit article 963, en ce qu’il suppose qu’au cas de la sur
venance d’enfants du donateur (avant ou après son décès ) le
retour s’opère , non pas, à proprement parler, par voie de ré
version h sa personne, mais bien plutôt par voie de réunion à
son patrimoine de tous les objets qui en avoient été distraits à
titre lucratif, et par conséquent au profit de ses représentants ,
si la réunion ne s’opère qu’après son décès ( les biens compris
dans la donation révoquée de plein droit r e s t e r o n t d a n s
LE P A T R IM O I N E DU D O N A T E U R , LIBRES DE TOUTES CHARGES
E T HYPOTHÈQUES DU CHEF D U D O N A T A IR E
, etc. )
(
Conclusion.
Tout ceci posé, nul doute que les représentants du sieur
Delsol, donateur, sont fondés à requérir, dès à présent, toutes
3
�( i8 )
transcriptions et inscriptions nécessaires pour assurer la conser
vation de leur droit de retour, a l’effet de prévenir les atteintes
qui pourroient y être portées par la donataire et autres posses
seurs des biens sujets, à réversion , ou par les débiteurs des
créances qui tiennent lieu de ces mêmes fonds.
On peut d’autant moins leur contester ce droit, que le retour
•dont il s’agit doit nécessairement s’ouvrir un jour îx leur profit,
ou au profit de leurs trùnsmissionnaires et ayants-droit, par le
fait du décès de la donataire sans enfants , attendu qu’elle n’a
pas eu d’enfanls , et que son âge avaneé ne lui laisse plus d’es
pérance d’en avoir.
Délibéré à Paris par le soussigné ancien avocat, ce vingt-sept
juin dix-huit cent six.
LESPARAT.
�( *9 )
SECONDE CONSULTATION.
L e C O N S E I L S O U S S I G N É , q u ia vu copie (ci-jointe)
du jugement reudu en première instance par le tribunal civil
d’Aurillac , le 22 juillet 1808 , entre les sieurs Dclsol Frères, et
la dame veuve Y igier d’Orcet, leur sœur consanguine; ensemble
les mémoires imprimés qui ont été présentés au tribunal pour le
soutien de leurs prétentions respéctives ;
>
, par les raisons déjà exposées en sa Consultation
délibérée le 27 juin 1806, ainsi que dans les observations par
ticulières sur chacun des motifs dudit jugenient, qui lui ont
■été communiquées, et encore par les autres raisons qui seront
déduites ci-après ;
Que les sieurs Delsol frères sont bien fondés dans leur appel
dudit jugement, en ce que par icelui la stipulation de retour.
'réservé par le sieur D e lso lp ère , dans le contrat de mariage
de la dame d’ Orcet, sa f i l l e , a été déclarée personnelle au
dit sieur D e lso l , et caduque par son p réd écès. Qu’en effet,
(bien loin que le retour réservé soit devenu caduc par le prédé
cès du sieur Delsol père, qui l’a stip u lé), il ne peut manquer
de s’ouvrir un jour et d’opérer la réunion effective à son patri
moine, des choses sujettes audit droit, au moyen de ce que la
dame d O rc e t, sa fille, qui n’a pas d’enfants, et qui est actuelle
ment hors d’àge d’en avo ir, décédera néccssaii’emeiit sans en
fants.
•
E s t d ’a v is
�( 20
Les premiers juges avoient encore élevé deux autres ques
tions, l’une (qui est la première des trois posées dans leur ju
gement) étoit de savoir quels biens avoient é té et pouvoient
être compris dans la clause de retour réservé par le sieur
B a sile D e ls o l, dans le contrat de mariage de la dame d’ Orcet sa f ille y et l’autre de savoir si, dans le cas de transmissib ilité , ce droit de retour ne se seroit pa s confondu
dans la personne de la dame d’ O rcet avec sa qualité d’héri
tière contractuelle de son p ère ; mais leur jugement n’a dé
cidé que celle de savoir si la réserve du retour dont il s’agit
étoit limitée à la personne du sieur Delsol, ou si au contraire
elle avoit pu être transmise à ses héritiers ; et c’est aussi la seule
dont la solution doit nous occuper , comme étant la seule qui
soit à juger sur l’appel de leur sentence.
Ce n’est pas qu’ils n’aient émis dans les attendus de leur ju
gement leur opinion sur les deux questions qu’ils ont laissées
indécises ; mais cette opinion n’y est présentée que pour justi
fier leur jugement sur celle qu’ils ont décidée : or l’appel dont
il s’agit ne peut porter que sur ce qui a été jugé effectivement,
quelle qu’ait pu être d’ailleurs leur opinion sur d’autres ques
tions restées indécises.
I. L a stipulation du retour par le sieur D e lso l père étoit
in rem , et pourquoi ?
Q uoiqu’il en soit au surplus, nous observerons d’abord à
cet égard que, si la stipulation dont il s’agit a été jugée per
sonnelle au stipulant, et par conséquent non transmissible, c’est,
comme l’exposent les premiers juges dans leurs motifs, parceque le sieur Delsol n’a n a s stipulé nommément pour scs ayants-
�( 31 )
'Cause, et sur-tout parcequ’en stipulant le retour pour le cas pré
vu par sa stipulation, il ne l’a pas réservé aux siens en particu
lier, comme l’a fa it, dans le même contrat de mariage , la mère
<lu futur en dotant son fils.
Mais c’est précisément parceque le sieur Delsol entendoit ré
server un retour vraiment réel, in rem , à la masse de son pa
trimoine , en faveur de tous ceux auxquels il pourroit importer
que le retour eût lieu , qu’il l’a stipulé en termes g én éra u x,
non exclusifs d’aucune classe de ses ayants-cause, et non pas
seulement pour sa personne ou les siens. Taie pactum non in
personam dirigitur y sed chm general e s i t , locum inter hceredes habebit. Leg. 4 1 , ff- D e pactis.
II. Conséquences qui seroient résultées de la personnalité
de sa stipulation pour lu i et les siens seulement.
• Dans le fait, le sieur Delsol père n’avoit pas alors d’autre en
fant que la future sa fille. Peut-être même supposoit-il, attendu
son état de viduité , qu’il n’en auroit jamais d’autre : or dans
cette supposition , si par l’événement le retour stipulé ne
s’ouvroit qu’àprès son décès, soit par le décès de sa fille sans en
fants, soit par le décès des enfants de sadite fille , après leur
mère, sans descendants d’eux, il ne pouvoit pluS être représenté
par aucuns siens proprement dits , mais seulement par des col
latéraux très éloignés qu’il ne connoissoit même pas (comme l’a
dit et répété souvent la dame Dorcet elle-même), ou par d’au
tres successeurs qu’il se seroit créés à lui-même par titres uni
versels ou singuliers.
" •
'
• •
Si donc il n’avoit stipulé le retour que pour lui et les sien s,
comme avoitfaitla mère du fu tu r, alors le retour n’auroit eu
�( « )
e
lieu qu’en sa personne , ou celle des s ie n s , c’est-à-dire pour
le cas seulement de sa survie, ou de celle d’aucuns des siens
à l’ouverture dudit droit ; et ce droit n’auroit profité à son dé
faut qu’à celui ou ceux d’entre les siens qui auroient existé pour
lors. Eux seuls en effet se seraient trouvés composer la classe ou
espèce particulière et déterminée d’ayants-causc, à laquelle au
rait été réservé le retour : o r, comme le dit la loi 80, ÎT. D e regulis ju r is y In toto ju r e , generi p er speciem derogatur ;
et comme le dit aussi la loi 99, p. 5 , iF. "De legatis 3° , Sem
p er species generi derogat. E n un m o t, nuls autres ayantscause du sieur Delsol stipulant n’y auroient pu rien prétendre ,
à quelque titre que ce f û t , ni comme héritiers légitimes ou àb
in testa t, mais non s ie n s , ni comme héritiers irréguliers ,
ni comme héritiers institués , ou légataires, soit universels, soit
à titre universel (c’est-à-dire pour partie) , ni comme léga
taires particuliers, ni comme donataires entre-vifs ou à cause de
m ort, ni comme cessionnaires à titre onéreux, ni enfin comme
créanciers chirograpliaircs ou hypothécaires, quelqu’intérêt que
ces différentes classes d’ayants-cause pussent avoir à ce que la
réunion effective à son patrimoine des biens donnés et réservés
leur en eût assuré la conservation; alors en effet, au moyen du
prédécès de ceux dans la personne desquels seulement le retour
auroit pu s’opérer , toute réunion au patrimoine du stipulant
seroit devenue impossible.
Ainsi le sieur Delsol se serait interdit, pour ce cas particulier,
toute espèce de disposition, tant des biens donnés que des biens
réservés, et par conséquent de tous ceux q u i, lors de son dér
' ces, auroient pu composer son patrimoine , quoique tous fus
sent stipulés réversibles, si sa fille décédoit sans enfants, ou si
les enfants de sa fille (lécédoient eux-mêmes sans descendants :
�( ^3 )
or assurément, le cas arrivant que sa fille décédât après lui sans
enfants (comme il arrivera bien certainementJ, ou que les en
fants de sa fille décédassent après lui et leur mère sans enfants ,
comme il étoit alors très possible, il étoit bien plus naturel qu’en
ce cas tous ses biens stipulés réversibles retournassent et se réu
nissent à son patrimoine en faveur de ceux qui y auraient in
té rêt, et qu’à cet eifetle retour fût stipulé par une clause gé
nérale , c’est-à-dire à la masse de sou patrimoine , plutôt qu’à
lui-même et a u x siens personnellement, à l’exclusion de tous au
tres ayants-cause ; car n’y ayant encore alors personne qui pût
l’intéresser, au défaut de sa fille et des enfants de sa fille ou de
leurs descendants (puisqu’il n’avoit pas encore d’autres successibles que des collatéraux fort éloignes qu’il ne conuoissoit même
pas ) , il devoit préférer tous les autres ayants-cause qu’il pouxroit avoir, ou se créer à lui-même, à ceux de sa fille décédante
sans enfants, qui ne pouvoient que lui être étrangers, si lui^
m ê m e restoit en viduité. C’est même probablement par cette
raison qu’il a interdit très expressément à sa fille toute, disposi
tion préjudiciable au droit de retour qu’il stipuloit par une
.clause générale et sans aucune limitation ; et s’il n’a pas étendu
cette prohibition aux enfants de sa fille, lors même qu’ils dé
céderaient après lui et leur .mère sans descendants d’eux (quoi-,
qii’en te cas ils fussent pareillement grevés du retour à son pa
trimoine, tant pour les biens donnés que pour les biens réservés) ;
si même au contraire il leur a permis audit cas toute disposition
des biens on question ; si enfin il a stipulé à cet effet que ledit
.retour a sou patrimoine n’auroit lieu qu’autant qu’ils seraient
.décédés sans descendants d’eux, et sans avoir disposé, c’est
évidemment pareeque (à la différence de leur mère , sa fille ,
,qui dans le cas où elle survivrait à son père décédé en viduité.,
«
�( »4 )
_
ne pouvoit avoir pour succcssibles que des collatéranx fort éloi
gnés , et peut-être même inconnus) eux au contraire, décédant
ensuite après leur mère et sans descendants d’eux , avoicnt du
moins pour succcssibles , à défaut du sieur Delsol leur aïeul
maternel, d’autres parents très proches dans la personne de
leurs oncles paternels, frères de leur père; alors en effet le sieur
Delsol n’avoit aucune raison suffisante d’empêclier que les en
fants de sa fille, décédant sans enfants après lui et après leur
mère, pussent disposer des biens dont il stipuloit la réversion;, car
ces mêmes enfants ayant audit cas pour succcssibles des oncles
paternels, ou leurs enfants, le sieur Delsol pouvoit facilement
supposer que les enfants de sa fille ne seroient pas tentés de dis
poser au profit d’étrangers , au préjudice de parents aussi pro
ches , et que , s’ils usoient de la liberté qu’il leur laissoit de dis
poser , ce ne seroit qu’en faveur de ceux de ces parents dont la
position particulière exigerait qu’ils fussent plus avantagés que
les autres.
III. I l n’en étoit p a s du retour stipulé p a rla mère du fu tu r,
comme de celu i stipulé par le sieur D elsol.
Il n’en étoit pas de même du retour stipulé par la mère du
futur pour elle et les sien s> en cas de décès de son fils sans en
fants , ou des enfants de son fils sans enfants et sans avoir dis
posé ; en effet, la mère du futur ayant , lors du mariage de son
fils, plusieurs autres enfants, né pouvoit penser qu’h assurer à
ces autres enfants le retour des biens qu’elle donnoit au futur ,
son fils , si celui-ci decedoit sans enfants , ou si ces enfants décédoient eux-mêmes sans descendants : or il lui sufllsoit à cet
effet de stipuler le retour pour elle et les siens personnellement,
�( *5 )
c’est-à-dire à l’exclusion de tous autres ayants-cause; et cepen
dant de laisser non seulement aux enfants de son fils , mais à
son fils lui-même, la liberté de disposer ; n’étant pas à présumer
que celui-ci, s’il n’avoit pas d’enfants, voulût user de cette fa
culté au préjudice de sa propre mère , ou de ceux qu’elle appeloit les siens (frères, sœurs, neveux ou nièces de sonditfils),
si ce n’est en faveur de ceux d’entre eux d o n t, comme il vient
d’être d it , la position pourroit exiger qu’ils fussent plus avan
tagés que les autres. E t c’est aussi tout ce que le mandataire de
la dame veuve d’Orcet, porteur de sa procuration rédigée à Mau
riac , et comparant pour elle au contrat de m ariage, étoit
chargé de stipuler, sans pouvoir s’en écarter, ni y rien changer. ,
IV . Peut-être le sieur D e ls o l auroit-il stipulé le retour dans
la même form e que la mère du fu tu r, s 'il avoit é té dans le
m êm e cas.
Il en auroit peut-être été de même de la stipulation du sieur
Delsol père , s’il avoit été dans le même cas ; mais n’ayant pour
lors d’autre enfant que la future, s’il avoit restreint de même
à sa personne et a u x siens le retour qu’il stipuloit, cette res
triction auroit eu l’inconvénient d’annoncer des espérances d’a
voir d’autres enfants d’un second mariage ; et quoiqu’il ne pen
sât peut-être pas alors à se remarier , il auroit au moins donné
lieu par-là au futur et à la famille du futur d’exîgëFdè lui qu’a
vant tout il s’expliquât sur ce point. Q ui sait même s’il n’auroit
pas fallu leur donner des assurances positives que ce qu’ils pouvoient craindre n’arriveroit pas ?
D ailleurs il pouvoit très bien se faire que, le cas prévu du re
tour arrivant, il n’existât aucun parent successible du sieur
�( *6 )
Delsol père capable de le représenter, ou qu’il n’y en eût que
de très éloignés qu’il n’auroit jamais connus; et c’est même ce
qui serait nécessairement arrivé, s’il étoit resté veuf : or il étoit
bien naturel qu’il pû t, au moins pour ce cas particulier, se don
n e r par a c t e s entre-vifs ou de dernière volonté, à titre gratuit
ou onéreux , tel successeur universel ou singulier, qu’il jugeroit
«Hpropos, à l’eiTetde recueillir , emtout ou partie, le bénéfice
du retour en question.
Il devoit donc, comme il ¡l’a fait, se réserver le retour par une
stipulation générale , de manière que le cas prévu arrivant, en
quelque temps que ce f û t , de son vivant ou après sa m o rt, il
y eût lieu au retour in rem , ou k Son patrimoine, en faveur de
ses ayants-cause, ou de qui de droit, et non pas seulement à sa
personne ou a u x s ie n s , à l’exclusion de tous autres ayantscause, le tout sans que la donataire, sa fille, pût préjudicier
ou déroger à ce di’oit de retour par aucune disposition.
-
-
V . L e s prem iers ju g e s ont supposé que la personnalité d elà
stipulation du retour par le sieur D e ls o l résultoit de la dé
fe n se qu’il a fa ite à sa fille d’y déroger. Combien cette
supposition est absurde /
Cependant, s’il faut en croire les premiers juges, la défense
faite par le sieur Delsol père à la dame d’O rcet, sa fille, de dé
roger a u droit de retour qu’il stipuloit, prouveroit au contraire
qu’il ne l’a stipulé que pour lui personnellement, n’étant pas
présumable , disent-ils , qu’il mît sa f ille (lors unique) dans
un tel état dinterdiction (pour le cas où elle décèderoit sans
enfants; car c’cst de ce cas uniquement qu’il s’agit) , et ce en f a
veur de parents éloignés avec lesquels il n’avoit aucune re-
�( 27 )
lation , que les parties même ne connoissoient p a s , a in si
que la dame d ’ O rcetl'a plusieurs fo is dit et é c r it, sans que
c e fa it ait é té désavoué.
' Il auroit donc été bien plus convenable, suivant eux , que le
sieur Delsol père se mit lui-meme dans l’interdiction , et ce en
faveur des étrangers que sa fille, décédante sans enfants, jugeroit à propos de préférer h. tous les ayants-cause qu’il se seroit
créés à lui-même , ou à ceux qui (comme il pouvoit arriver, et
comme il est arrivé effectivement) lui seroient survenus : or
on sent combien est absurde une pareille supposition.
V I. L ’institution contractuelle de la dame d 'O rce t} q u i, sui
vant les prem iers ju g e s , prouverait la personnalité de la
Stipulation du retour p a r le sieur D e ls o l son p è r e ,
• en démontre au contraire la réalité.
Enfin , suivant les mêmes, ladimitation du retour dont il s’a
git à la personne du stipulant résulterait s u r - t o u t d e l a
circonstance que le sieur D e ls o l, après avoir fa it à sa
f il le une donation entre-vifs, l ’a instituée en même temps
son héritière universelle ; e n e jfe t , ajoutent-ils, il seroit ab
surde de supposer qu’il eût fa it et voulu fa ir e } contre cette
héritière , une réserve qui ne devoit et ne pouvoit p r o f i t e r
q u ’à elle-m êm e, puisqu’en admettant là t r a n s m i s s i b i l i t é d u
retour} cette transmission'ne pouvoit a v o i r lieu qu en fa v eu r
de cette m êm e héritière.
'
Mais ils supposent par-là que l’institution contractuelle de
la demoiselle Delsol par son père est- une institution pure et
simple , q u i, une fois ouverte au profit de l’instituee par le pré
décès de l’instituant, ne pouvoit cesser en aucun temps d’avoir
�'
( ,8 )
^
tout son effet, qu’en un mot cette institution n’étoit affectée
d’aucune condition résolutoire , tandis qu’au contraire cette
même institution ( qui à la vérité ne pouvoit être révoquée
par aucun acte postérieur ) devoit cependant se résoudre de
plein d ro it, comme la donation, par le seul fait du décès de
l’instituée sans enfants , ou de ses enfants sans descendants et
sans avoir disposé ; car c’est ce qui résulte textuellement de la
clause par laquelle le sieur Delsol ( après avoir promis de n’ins
tituer d’autre héritier que la future sa f ille dans les autres
biens ( non donnés ) qui se trouveront lui rester lors de son
d é c è s) s’est réservé , (pour le cas où ladite future saillie décèderoit sans enfants , ou ses enfants sans descendants, ou sans
avoir valablement disposé ) , le droit de réversion et retour,
tant des biens donnés que réservés , sans q u il puisse être
dérogé par sadite f i l le audit droit de réversion par aucune
disposition, n i autre acte à ce contraires. O r , bien loin que
cette clause puisse faire présumer la personnalité du retour sti
pulé par le sieur Delsol père , comme le prétendent les pre
miers juges , la vérité est au contraire qu’il en résulte une
nouvelle preuve de sa transmissibilité ; et cela , quand même on
voudrait ne comprendre dans la classe des biens réservés dont
la réversion est nommément stipulée , que ceux non donnés
qui existoient pour lors , et qui lui seraient restés lors de son
décès , à 1 exclusion de tous ceux qu’il aurait acquis depuis sa
stipulation \ car enfin il est bien évident que le droit de retour
(qui pouvoit s’ouvrir pendant la vie du stipulant pour les biens
qu’il donnoit) ne pouvoit s’ouvrir qu’après sa m o rt, pour les ,
biens réservés , soit que (comme on n’en peut douter) il ait
entendu désigner par biens réservés ce qu’il appelle dans lemême acte les biens institués (c’est-à-dire la totalité de ceux
�( *9 )
non donnés qui Iuiresteroient lors de son décès, et généralement
tous scs biens, à l’exception des biens donnés, èt de ceux qu’il
auroit depuis vendus ou engagés), soit même , qu’il n’eut en
tendu comprendre sous cette dénomination que ceux des biens
non donnés qu’il possédoit lors du contrat de mariage de sa
fille et qu’-il auroit conservés jusqu’il sa mort.
E t qu’on ne dise pas , comme l’ont fait les premiers juges ,
que les m ots, biens réservés, ont échappé à Tinadvertance
du réd a cteu r, qui (suivant eux) ti avoit que les notions les
plus obscures sur la nature et les effets des institutions
contractuelles y car ce sont bien plutôt les premiers juges
eux-mêmes q u i, comme on l’a pu voir déjà , et comme 011 le
verra encore plus particulièrement ci-après , sont dans le cas
qu’on leur fasse ce reproche 5 et au surplus , quoi qu’il en soit,
ils ont bien prouvé par-là qu’il étoit absolument impossible ,
malgré toutes leurs subtilités, et pour ainsi dire leurs tours de
force , de restreindre aux biens donnés un retour stipulé pour
les biens tant donnés que réservés. Il faudra donc toujours
en revenir à dire que le retour des biens réservés (q u i, dans
tous les cas , sont nécessairement des biens non donnés), ne
pouvant s’ouvrir avant la mort du stipulant,. étoit bien cer
tainement transmissible à ses héritiers ou autres ayants-cause
or, il devoit en être de même du retour des biens donnés, puis1
qu’il est stipulé par la même clause et dans les mêmes termes.
V II. Lorsque le retour s’ouvrira par le fa it du décès de la
dame d ’ O rcet sans enfants , son institution contractuelle
sera comm e non'tivenue.
Peu importe enfin que la dame d’O rccl, en sa qualité d’hé-
�( 3o )
îilère instituée contractuellement, soit quanta présent la seule
représentante de son père. Du moment que le retour s’ouvrira
par le fait de sou décès sans enfants, elle n’aura plus été héri
tière contractuelle , attendu la clause résolutoire apposée à son
institution. A lo rs, en effet, il sera vrai de dire qu’elle n’aura
été qu’héritière ah intestat de son père, concurremment avec
ses frères, c’est-à-dire pour partie seulement; et par consé
quent elle n’aura laissé dans sa succession , à ses ayants-cause,
quels qu’ils puissent ê tre , que sa part afférente dans tous les
objets dont la réversion.au patrimoine de son père aura eu lieu
par le fait de son décès sans enfants.
Il est vrai , comme l’observent les premiers juges , qu’en
droit romain une institution d’héritier par testament (autre
que celui fait ju r e militari) n’auroit été susceptible d’aucune
limitation ou résolubilité, quand même cet héritier testamen
taire n’auroit été institué que e x re certd, ou pour une certaine
quotité , telle que la moitié ou le tiers de l’hérédité, ou à
compter de tel temps , ou enfin: jusqu’à, tel temps; qu’en effet
l’héritier ainsi institué par testament valable , étant seul insti
tué , auroit é té, de droit,, héritier pour le to u t, pour tous
les cas et pour tous les temps , sauf seulement les droits des légitimaires ; mais c’est pareeque chez les Romains personne ne
pouvoit mourir parti/n te status, partim intestatus (à moins
qu’il n’eut teste ju re m ilitari) ; car , comme l’observe Pérez en
ses Institutes impériales, e x institutione hceredis ad certum v e l e x certo tempore fa cta sequeretur quod quis deced erep o sset, pro parte te sta tu s, et p ro p a rte intestatus.
�( 3i )
V III. L e s institutions contractuellesy inconnues ch ez les Ro
mains , n’ont rien de commun avec leurs institutions tes
tamentaires.
•
«
Il n’en est pas de même des institutions contractuelles abso
lument étrangères au droit romain, et qui cependant ont été
admises dans les ci-devant provinces dites de droitécrit, comme
dans tout le surplus de l’ancienne France \ en effet, suivant
tous nosauteurs (quoi que disent au contraire les premiers juges),
ces institutions d’héritier par contrats ne ressemblent aucune
ment aux institutions testamentaires des Romains , si ce n’est
à celles faites ju r e m ilitari, ou à leurs legs universels , soit aux
legs de toute l’hérédité ou de tous les biens, soit aux legs de
partie de l’hérédité ou de partie des biens, partis etpro p a rte,
(que notre Code civil qualifie legs à titre universel), avec cette
différence seulement qqe nos institutions contractuelles, d’ori
gine française et absolument inconnues clicz les Romains, sont
irrévocables comme tenant de la nature des contrats, tandis
que les legs et autres dispositions testamentaires de toute es
pèce peuvent toujours être révoquées par le testateur jusqu’à
son décès.
IX . A utrem ent elles ne pourroient ja m a is avoir lieu pour
partie , tandis q u e, suivant P o th ie r , elles ont lieu in
contestablement pour partie comme pour le tout.
S’il en pouvoit être autrem ent, il faudroit aller jusqu’à dire
que l’institution contractuelle pour partie des biens ou de 1 hé
rédité, ou même seulement pour quelques uns des corps certains
qui la composent, auroit l’effet d’une institution universelle
pour toute l’hérédité ; car c’est ce qui résulterait du principe
�( 3a )
posé par les premiers juges (dans le second attendu de leur troi
sième question), que Tinstitution contractuelle form e un v é
ritable héritier q u i N E DIFFÈRE QUE DE N O M DE £ HÉRITIER
t e s t a m e n t a i r e (des Rom ains), q u a n t a i ’ u n i v e r s a l i t é
*
9'
f
9 *
t
d u t i t r e : or personne jusqua présent navoit ose mettre en
avant une hérésie aussi monstrueuse, et il étoit réservé aux pre
miers juges d’en faire la base de leur jugement.
Il leurauroit cependant suffi, pour se garantir d’un pareil écart,
de consulter sur cette matière jios auteurs élémentaires, tels
que Polluer, dans son introduction au titre 17 de la coutume
d’Orléans. Ils y auroient vu , par exemple, à la fin du n° 17 de
l’appendice de cette introduction, que l’institution contractuelle
y est définie la donation que quelqu’un fa it de sa succession
en tout ou e n p a r t ie , p a r contrat de m ariage, à l’une des
'
parties contractantes} ou a u x enfants qui naîtront du fu tu r
mariage y au n° il\ du même appendice, que de m êm e que la
succession testamentaire dans les provinces oh elle est ad
m ise y fa it cesser la succession légitim e et a b i n t e s t a t ,
de m ême la succession contractuelle fa it cesser la su cces
sion légitime ou ab intestat pour le total, lorsque l ’héritier
contractuel a été institué héritier pour le total, ou po u r l a
p a r t ie p o u r l a q u e l l e il a é t é i n s t i t u é ; d’où il conclut, à la
fin dudit n° 24 > que, lorsque l’héritier contractuel étranger
a é té institué s e u l e m e n t po u r u n e p o r t i o n , p u t a p o u r
LA MOITIÉ , il succède a u x propres , de m êm e qu’a u x au
tres b ie n s, pour l a p o r t i o n p o u r l a q u e l l e i l a é t é i n s
t i t u é , et que l ’héritier l i g n a g e r ab intestat « y succède que
pour cette m oitié y et ensuite au n» 25 qui suit, que Tenfant
héritier contractuel de so n p e re , pour u n e c e r t a in e p o r
t io n , PUTA. POUR UN TIERS OU POUR UN QUART, n ’e ST PAS
�(33)
OBLIGÉ E N V E R S SES FRÈRES E T SOEURS, HÉRITIERS LÉGITIMES
E T AB
INTESTAT
POUR
LES A U TR E S P O R T IO N S , CM
rapport
de ce qui lu i a é té donné ou légué par son père.
X . D an s les pays de droit écrit elles ont lieu pour partie et
par conséquent ad tempus ou ex tempore, vu sur-tout
q u elles y sont considérées comme de véritables dona
tions entre-vifs.
.
Dira-t-on qu’il n’en étoit pas de même dans nos provinces cidevant régies par le droit écrit ? Mais s’il est vrai, comme le
dit Laurières (au sommaire du n° 23 du chapitre premier de
son Traité dès institutions et substitutions contractuelles), que
ces institutions ont pris leur origine des lois romaines q u i
perm ettaient a u x soldats i n p r o c i n c t u de s'instituer héri
tiers par des pactes réciproques de succéder, il en résultera
nécessairement que les institutions contractuelles, comme les
legs universels , ou à titre universel, peuvent avoir lieu, même
en pays de droit écrit, ou pour un temps seulement, ou à par
tir de tel temps, ou pour partie seulement de l’hérédité ou des
biens , ou même pour un tel corps héréditaire , etc. ; car as
surément 011 ne pouvoit pas appliquer à celui qui testoit ju re
m ilita ri, la règle : Nerno potest decedere partim testatus
partim intestatus.
C’est ce qui résultera pareillement de ce que dit et répète
souvent le même auteur , notamment au n° a3 de son chap. 3 ,
et au chap. /|, nos 8 et suivants , que les institutions contraç tuelles y en pays de droit écrit, sont réputées vraies dona
tions entre-vifs~de biens présents et à ven ir, par lesquelles
Finstituant s'interdit la fnnulté de disposer non seulement
�( 34 )
a titre gratuit, mais même à titre on éreu x, par ven te, hy
pothèque ou autrement s i ce n’est pour pressante et ur
gente n écessité y car on conviendra sans doute que les dona
tions peuvent se Hure pour n’avoir effet que jusqu’à tel temps,
ou ù compter de tel temps, etc. E t il faut bien que le sieur Delsol pèrç, reconnu pour procureur très instruit, ait eu connoissance de cette jurisprudence, puisqu’il a cru devoir se réserver
l’usufruit de ce qu’il appelle les ¿tiens institués (c’est-à-dire de
ceux pour lesquels il inslituoit sa fille son héritière contrac
tuelle) , ainsi que la faculté de pouvoir les vendre ou engager.
X.I. L ’héritier institué contractuellement ne pourroit être
a ssim ilé , suivant Laurières , même en pays de droit
écrit > qu’à lliéritier des Romains institué in castrensibus,
qu
jure militari.
Si donc ,on vouloit absolument assimiler l’héritier institué
contractuellement à l’héritier institué du droit romain, ce ne
pourroit être au moins qu’à l’héritier institué in castrensibus,
ou par testament fait ju re m ilitari, qu’il faudroit le comparer ;
et c’est aussi cc qu’a fait Laurières au n° i 56 dudit chap. 4 > où
il remarque que , quoiqu’il y eût accroissem ent de l ’institué
i n bo n is ÇyiSTKHNSiBUs a Théritier a b in t e s t a t du sold at,
i l n’y avoit p a s accroissem ent de l’héritier a b in t e s t a t ,
quand il répudioit, lï l ’héritier institué i n ca str en sibu s ;
après quoi il ajoute : E t , par la même raison, il n’y apas a c
croissement parm i nous de Théritier ab intestat à Théritier
contractuel, ou dùlégataire universeldiineportion de biens,
(qutiiqu’i l y ait accroissem ent du légataire universel, ou de
Fhéritier contractuel, d’une portion de biens ou de succès-
�( 35 )
s ion , à Théritier ab intestat) , parcec/ue, comme on Fa d it ,
l ’héritier ab intestat est héritier solidairement de tous les
biens du d é fu n t, au lieu que l’héritier contractuel, ou le lé
gataire universel, n’étant supposé successeur q u e d ’ u n e
p a r t i e s e u l e m e n t , il ne peu t rien prétendre a u -d e l a d e
l a p a r t i e q u i l u i e s t d o n n é e , l’usage étant certain par
mi nous que chacun peut mourir p a r t i m t e s t a t u s , p a r
t i m i n t e s t a t u s , com m e les soldats romains y car, comme
le remarque très bienLoisel (liv. 2, t. 5 , règle a i , de ses Ins
titutes coutumières), nos Français comme gens de guerre ont
reçu plusieurs patrim oines, et divers-héritiers, d’une même
personne : or il faut convenir que ces propositions sont toutes
précisément les contradictoires de celles que les premiers juges
ont cm nécessaire* de consigner dans les motifs de leur jugement,
pour le justifier autant qu’il étoit eh eux.
X II. I l résulte évidemment de tout ce que dessus que le
sieur D e lso l a stipulé un retour à son patrimoine in rem ,
et qu’au contraire celu i stipulé par la mère du fu tu r étoit
personnel à elle et aux siens.
Tout ceci posé , il doit maintenant demeurer pour constant
et suffisamment démontré, que si l’on voit, dans le même con
trat de mariage, d’un côté, le sieur Delsol père se réserver, par
une clause générale , le droit de réversion ou retour pour le
cas du décès de sa fille sans enfants , ou des enfants de sa fille
sans descendants , avec stipulation expresse que sadite fille ne
pourroit déroger h ce droit de retour par aucunes dispositions ,
ou autres actes à ce contraires, et cependant, que les enfants de
sadite fille , pareillement grevés dudit droit de retour pour le
�( 36 )
_
_■
_
cas de leur décès sans descendants, pourroient faire telles dis
positions qu’ils jugeroient à propos ; si en même temps on y
voit d’un autre côté la mère du fu tu r, qui stipuloit le retour
pour elle et les sie n s , en cas de décès de son fils sans enfants,
ou des enfants de son fils sans enfants, ne point défendre à son
fils de déroger audit droit de retour par aucunes dispositions ,
mais au contraire laisser aux enfants de son fils et k son fils luiijnême toute liberté à cet égard , ce n’est pas, comme l’ont sup
posé les premiers juges dans leurs motifs, que les contractants
aient entendu restreindre au sieur Delsol père personnellement
le retour qu’il stipuloit, et cependant assurer à tous les ayantscause de la mère du futur le retour qu’elle se réservoit. Leur in
tention au contraire étoit évidemment, à raison de la différence
des circonstances où chacun se trouvoit pour lors, que le retour
stipulé par le père de la future eût lieu généralement comme
retour ou réversion in rem h son patrimoine, en faveur de tous
ceux qui auroient intérêt à ce que son patrimoine fût conservé
dans son intégrité , mais que celui stipulé par la mère du futur
fût seulement personnel à elle et a u x siens.
X III. Princip es élém entaires sur la transmissibïlité de tou
tes stipulations conditionnelles, tant suivant le droit ro
main que suivant le Code N apoléon. L a présomption lé
gale de leur r é a lité ne peut être balancée que par des preu
ves écrites dans la clause même de leur p e r s o n n a l i t é .
Voilà ce que les premiers juges auroient vu dans les stipu
lations de retour dont il s’a g it, s i , au lieu de s’arrêter à de pré
tendues conjectures toutes insignifiantes qu’ils ont entassées
sans mesure, comme s a n s discernement, dans leurs motifs, ils,
�('37 )
avoient considéré , ainsi qu’ils le devoient, que la stipulation
de retour dont il s’agit est une de celles dont le vrai sens, dé
terminé par la loi même , n’a jamais été abandonné à l’interpré
tation arbitraire des juges, et qu’au surplus, comme ils en con
viennent eux-mêmes dans leurs motifs, toute stipulation de re
tour est, de droit, transmissible aux ayants-cause du stipulant,
lorsque celui-ci ne l’a pas limité à sa personne.
A la vérité , ils supposent en même temps que cette limita
tion est de droit, et qu’elle doit se suppléer lorsqu’il n’a rien été
dit de contraire; mais ils ignorent donc, ou feignent d’ignorer,
que tout au contraire les lois, tant anciennes que nouvelles,
ont érigé en présomption légale, à laquelle on ne pourroit op
poser aucune autre espèce de présomption ou conjecture, celle
résultante de ce que le stipulant n’a pas exclus, en termes ex
près, du bénéfice de sa stipulation conditionnelle, et de celle de
retour en particulier, ses héritiers ou ayants-cause.
? Cependant ils ne pouvoient méconnoitre cet adage si sou
vent rappelé dans les livres élémentaires, tels en particulier que
les Institutos, et aujourd’hui consacré en tant que de besoin par
le Code Napoléon, que le bénéfice des stipulations condition_nelles se transmet nécessairement.aux ayants-cause du stipulant
décédé avant l’événement de la condition : E x stipulalione
conditionali tetntum spes est dcbitum i r i , eanxquê ipsani
spem in hœredem transniittimus, sipriusquàm conditio e x
tet mors nobis contingat. Inst., p. 4, D e verb. oblig. Ciun
quis sub coiulitione stipulatus f u e r it , licet cuite conditionem decesserit, postea existente conditione hceres ejus
agerepotest. Inst. , p. a 5., D e inutil, stipul.
Ils auroient du savoir au moins que , suivant l’article 117Q.
du Code Napoléon , la condition accomplie a un effet ré-
�( 38 )
^
t.ro a c tif au jo u r auquel 1engagement a étécon tra cté, et que}
s i le créancier est mort avant Iaccom plissem ent de la con
dition y ses droits passent à son héritier. Qu'ainsi, comme
le décide l ’article i i a a dudit Code, on est ce n s é avoir stipulé
pour.ses héritiers et ayants-cause , à moins que le contraire
ne soit e x p r i m é , o u j n e r é s u l t e d e l a n a t u r e m ê m e d e l a
c o n v e n t i o n (comme, par exemple, parcequ’il s’agiroit d’un
droit d’usufruit ou d’usage, ou de tout autre droit personnel au
stipulant, mais non pas bien certainement, comme l’insinuent
les premiers juges, parceque quelques circonstances pourroient
donner lieu de le faire soupçonner.) Enfin, ils auroient dû con
clure de là que l’ayant-cause du stipulant, quel qu’il s o it, et en
quelque temps que la condition arrive, n’a point à prouver que
son auteur a voulu stipuler pour ceux qui le représenteroient
lors de l’arrivée de la condition -, qu’en un mot c’est à celui qui
je prétend exclus par la stipulation, à le prouver, c’est-à-dire,
suivant l’article 1 1 1% dudit C ode, à prouver que cette exclusion
est écrite dans la stipulation même. Quamvis verum est quod
qui excipitprobare debet quod excip itu r, attamen de ipso
d u n ta xa t, a tn o n d e hœrede ejus convertisse, p e tito r , non
qui e x c ip it , probare debet. Leg. 9 , ft'. D e prob. et prœs.
Q u’en e f f e t , il y a en ce cas présomption vraiment légale ,
ju r is et de ju r e , que la stipulation est in rem , et non pas
limitée à la personne du stipulant, comme le soussigné l’a déjà
d é m o n t r é dans sa Consultation précédente, délibérée le 27 juin
1806 , et comme il l’avoit démontré avec bien plus de déve
loppement encore dans son Précis (ci-joint), imprimé en 17G7,
pour les sieurs Lliéritier , Fourcroi et consors , contre le mar
quis de Mesme , et sur lequel est intervenu l’arrêt solennel du
17 lévrier même année : or une présomption de cette espèce ,
�^
( 3cj )
contre laquelle on ne doit admettre aucune présomption con
traire, ne pourrait être balancée ou détruite que par des
preuves positives et bien formelles, evidentissimis et in scriptis habitis , comme le dit la loi a 5 , p. 4 > in f in e , ff. D e
pvob. et prœs.
Il faudrait donc démontrer par écrit, c’est-à-dire, comme le
porte ledit article 112 2 , par les expressions mêmes de la stipu
lation, que celui qui a stipulé sous condition (quoiqu’il n’ait
pas parlé de ses ayants-cause ) a cependant témoigné vouloir les
exclure, ayant par exemple déclaré expressément ne vouloir
stipuler que pour le cas où il survivrait à l’événement de la con
dition.
Autrement, et a défaut de preuve écrite de cette espèce , il
sera toujours censé, comme Te dit V iunius, a d rem fam iliarem respexisse , c’est-à-dire avoir voulu acquérir, ou con
server, ou reprendre, et avoir en pleine propriété ( le cas de la
condition arrivant, en quelque temps que ce fût) , ce qui fait
l’ objet de sa stipulation conditionnelle, le tout a l’effet de'pou
voir disposer librement par actes entre-vifs ou à cause de mort
du droit éventuel qui en résulte, comme de tous ses autres
droits, soit ouverts, soit seulement éventuels : or tel est le cas
où s’est trouvé le.sieur Delsol père , qui, en stipulant un droit
de retour auquel sa fille ne pourrait déroger par aucunes dispo
sitions (quoique les enfants de sa fille le pussent) n’a exclus
aucun de ses ayants-cause du bénéfice de sa stipulation.
�( 4o )
X IV . Preuves par le testament du sieur D e lso i, et par les
consultations qu’il avoit p rises d'avance sur ce point, qu’il
étoit bien convaincude la r é a l i t é de sa stipulation.
Aussi voit-on que le sieur D elsol, toujours bien convaincu de
la réalité de son droit en a disposé par testament peu de_ jours
avant sa m ort, comme d’un droit vraiment reelTra rem , quoi
que ce droit purement eventuel ne dût s’ouvrir, suivant toutes
les apparences, qu’après sa mort et même bien long - temps
après.
Effectivement par ce testam ent, après avoir institué son fils
aîné et successivement ses autres enfants, par ordre de primogéniture, ses héritiers universels, il avoit déclaré -vouloir e x
pressém ent que, dans le cas ou la dame Jeanne-M arie D elsol,
épouse du sieur de V i g i e r , viendroit à décéder sans en
fa n ts ou descendants , son héritier recueille et profite du
droit de réversion , par lu i stipulé dans le contrat de ma
riage de sa f ille avec ledit sieur de V ig ie r , etc. E t si ses
dispositions à cet égard n’ont pu recevoir aucune exécution, c’est
uniquement pareeque le testament a été déclaré nul pour vice
de forme. Comment en effet auroit-il pu douter un instant de
son d ro it, lui qui savoit bien n’avoir pas limité sa stipulation
au cas de sa survie , et qu’il ne s’agissoit pas d’un droit d’usu
fruit ou d’usage, ni d’aucun autre droit personnel de sa nature ?
Il avoit bien présumé cependant que sa fille , en cas qu’elle
lui survécût, prétendrait le retour éteint par le seul fait de sa
survie, et qu’alors elle s’opposerait à l’exécution de toute espèce
de disposition qu’il aurait cru devoir en fairè, pour le cas où. il
s’ouvriroit en quelque temps que ce fut.
Eu conséquence il avoit pris dès l’année 1 7 7 1 , neufans avant
�'
( 4 0
sa mort, (un mois avant son second mariage) la précaution de con
sulter M. Chabrol, jurisconsulte de Riom, regarde pourlors à bien
juste titre comme l’oracle de la province*, et ce jurisconsulte, quoi
qu’il ne connût pas encore l’arrêt de 1767 quia fait cesser tous les
doutes sur ce point, avoit répondu par sa consultation du a/j. sep
tembre 17 71 ( conformément à laTdecîsîôn'IIeTIenrys sur sem
blable espèce) que M. Delsol ayant stipulé le retour, en cas de
décès, non seulement de sa fille, mais des enfants de sa fille sans
descendants (comme il n’étoit pas vraisemblable qu’il eût entendu
survivre aux enfants de sa fille et à leurs descendants, et qu’il eût
étendu si loin sa pensee; comme d’ailleurs il est de principe que
les stipulations son cemeèTTaTtës7tant pour les stipulants que
pour leurs héritiers ou ayants-causc), il devoit être supposé
avoir éntendu que cette réserve et convention slFt^iJdrdïérit
bien loin , et pouvaient durer encore après lui.
,
Il en a été de même de MM. A u d râ ^ e jeune , u jjytteeet
Ducrochet, jurisconsultes distingués de Riom , qu’il a encore
consultés les 1 5 décembre 1*778 et 2 janvier 1779, plus d’un an
avant sa m ort, et q u i, en lui faisant la même réponse, l’ont '
appuyée de nouvelles autorités notamment de celle de l’arrêt
solennel de 1767 , qu’ils présentent comme ayant levé tous les
doutes sur ce poin t, s’il pouvoit y en avoir encore.
X V . E n vain voudroit-on assim iler la stipulation du retour.
in rem a unJidéicom m is.
Mais, disent encore les premiers juges (dans le septieme at
tendu de leur première question), la clause par. laquelle le
sieur D e lso l a voulu fa ire rentrer dans sa fa m ille, après son
décès et celu i de sa f i l l e , les biens réservés ou institués, ne
(>
«
>
�.
.
(4 °
.
pourvoit être envisagée que comme une cliarge de fid éico m i
m is, comme une véritable substitution dont il aurait voulu
grever sa f ille , et laquelle seroit abrogée par lés lois du
i 4 novembre 1792. Ainsi ils supposent que le retour dont il
s’agit seroit un retour à la fa m ille du sieur Delsol en particu
lier , à l’exclusion de tous ses autres ayants-cause, tandis que
dans le fait c’est un retour indéfini et illimité à son patrimoine,
et par conséquent à ses ayants-cause, quels qu’ils puissent être,
c’est-k-dire un retour k lui-même, dans la personne de ceux qui
à son défaut le représenteront pour les choses sujettes à ce droit,
lors de son ouverture. O r , certainement on ne pourra jamais
concevoir que le retour a son patrimoine, ou à soi-même, soit
une véritable substitution fidéicommissaire. Il faudroit au moins,
pour constituer une telle substitution, que ce retour eût été
stipulé en faveur de tiers, autres que les représentants néces
saires du stipulant, pour venir en second ordre après celui qu’il
a gratifié directement; ou si l’on veut encore, au profit du
moins d’une classe particulière et déterminée de ses représen
tants et ayants-cause , à l’exclusion de toutes les autres classes ,
comme j par exemple , au profit des siens seulement.
Il ne peut pas en être de même du retour indéfini stipulé par
une clause générale, sans aucune espèce de limitation, tel que
celui stipulé par le sieur Delsol père, à raison des circonstances
• particulières où il se trouvoit, comme on l’a vu ci-dessus ; en
effet, il y a cette différence entre le retour conventionnel et la
substitution fidéicommissaire, que le retour général et indéfini,
apposé pour tel cas, à une convention quelconque, même à
celle de succéder , la résout, et fait rentrer , le cas arrivant,
tous les biens dont il avoit été disposé sous cette condition, par
donation ou institution , dans le patrimoine du stipulant, pour
/
�(43)
les remettre entre ses m ains, ou à son défaut dans celles de ses
représentants, qui ne sont à cet égard et pour ce qui concerne
cet objet que la continuation de sa personne. Aussi voit-on que
la loi du 17 nivose an 2 (quoique les substitutions fidéicommissaires fussent alors abrogées) a conservé les retours convention
nels dans leur intégrité, et qu’en conséquence la Cour de cas
sation, par son arrêt du 11 frimaire an 14 (dont le soussigné a
rendu compte dans sa Consultation de 1806) , a maintenu un
droit de retour indéfini et illimité, comme n’ayant rien de com
mun avec la substitution fidéicommîssaire, quoique son ouver
ture n’eût eu lieu que plus d’un siècle après le décès du donateur
qui l’avoit stipulé.
X V I. D e V exposé ci-dessus résulte la solution des trois
questions posées p a r les prem iers ju g es.
De tout ce qui vient d’être exposé résulte incontestablement
la solution de la seconde des trois questions posées par les pre
miers juges , qui étoit de savoir si la réserve de retour stipu
lée par le sieur D e ls o l père étoit lim itée à sa person n e, et
pouvait être transmise à ses héritiers: or cette question est la
seule qu’ils aient jugée , et par conséquent la seule qui soit k
juger sur l’appel; mais il en résuite encore,, en tant que de besoin,
la solution des deux autres questions qu’ils ont pareillement posées (quoiqu’ils n’aient pas pris sur eux de les juger, s’étant
contenté à cet égard d’émettre leur opinion). En effet la pre
mière de ccs deux questions étoit de savoir quels biens ont été
et pouvoient être compris dans la clause par laquelle le sieur
Delsol s est réservé le retour, et l’autre de savoir si, dans le
cas de transmissibilité , ce droit de retour ne seroit pas confon-
�( 44 ) '
...
du dans la personne de la dame d’Orcet avec sa qualité d’hen
tière contractuelle de son père : or on a vu ci-dessus, d’une part,
que la stipulation de retour par le sieur Delsol père comprenoit
en termes exprès les biens par lui donnés à sa fille, et en outre
la totalité des biens non donnés qu’il laisseroit au jour de son
décès; et d’autre part, que le retour ne devant s’ouvrir que par
le fait du décès de la dame d’Orcet sans enfants (c’est-à-dire lors
de la révocation de son institution contractuelle), il étoit im
possible que ce droit de retour, en quelque temps qu’il s’ouv r it , se confondit un seul instant dans sa personne avec sa qua
lité d’héritière contractuelle de son père ; et l’on a vu de plus
que la dame d’O rcet, qui n’a pas d’enfants, étant actuellement
hors d’àge d’en avoir, le droit de retour dont elle est grevée ne
peut manquer de s’ouvrir un jour au profit de ceux qui se sont
trouvés être héritiers ab intestat du sieur Delsol père décédé
sans avoir testé valablem ent, c’est-à-dire au profit de la dame
d’Orcet elle-même pour sa part héréditaire, et pour le surplus
au profit des sieurs Delsol, ses frères j le tout attendu que l'é
vénement de la condition apposée au retour (comme toute es
pèce de condition apposée à une stipulation), a un effet rétroac
tif au jour même de la stipulation, comme on l’a vu ci-devant:
or il résulte de là, en dernière analyse, que les sieurs Delsol frères
ont été bien fondés à exercer les actes conservatoires de leur
droit, quoique ce droit ne soit qu’éventuel; et ils doivent croire
que c’est aussi ce qui sera jugé sur leur appel par les magistrats
supérieurs qui en sont saisis.
Délibéré à Paris par le soussigné ancien avocat, ce 24
mars 1809.
LESPARAT.
�L e
C O N S E IL S O U S S IG N É , qui a pris leclure des deux
consultations délibérées et rédigées par M. Lesparat, les 27 juin
1806 et 24 mars 1809, ensemble du jugement rendu en pre
mière instance par le tribunal d’Àurillac, entre madame d’Orcet
et MM. Delsol, le 22 juillet 18085 vu d’ailleurs le précis imprimé
sur lequel est intervenu l’arrêt solennel du 17 février 1767,
adopte entièrement tous les principes déduits dans les deux con
sultations précitées, où la doctrine sur les clauses de retour est
établie avec un jugement exquis et une cia* té parfaite. Il s’ho
nore
sur-tout de professer, avec le respectable jurisconsulte qui
en est l’auteur, l’opinion que l’article g 5 i du Code Napoléon,
quelles qu’aient été les intentions de ses illustres rédacteurs (ce
qui est fort inutile à approfondir), n’a nulle influence sur une
question qui procède d’une.convention faite ayant le Code; et à
ce sujet il croit devoir observer que si (par application de ce
principe sur l’impossibilité de donner effet rétroactif aux lois )
on croit devoir contester à l’article 1179 du Code Napoléon
(quoique confirmatif d’un droit antérieur) toute influence sur
la question de présomption légale pour la réalité du retour, celte
présomption légale se retrouve, quant à l’espèce, dans le droit
romain, qui, lors des conventions, étoil la loi coërcitive des
parties domiciliées en pays de droit écrit. Le Conseil pense donc
�<( 44 ter )
que le jugement du tribunal de première instance sera réformé
sans coup férir par la cour d’appel, et que la stipulation de re
tour sera réinvestie de tous les effets que lui a assignés la volonté
des parties.
Délibéré a Paris, ce 17 m a r i 809.
‘
BELLART,
B O N N E T, D E L V IN C O U R T , LA C A LPR A D E .
�IN a p o l e o n ,
PAR LA GRACE DE
DlEU
ET LES CONSTITUTIONS DE l ’E m -
f i r e , E m p e r e u r d e s ' F r a n ç a i s , R o i d ’I t a l i e , e t P r o t e c t e u r d e l a
, à tous présents et à venir, S a l u t :
Le T r i b u n a l civil de première instance établi à Aurillac, chef-lien ■
de préfecture du département du Cantal, a rendu le jugement suivant :
Entre dame Jeanne-Murie Delsol, veuve de sieur Gabriel-Barthélerny
V i gier-d’O rcet, habitant de la ville de Mauriac, demanderesse en exé
cution de jugement du six aoûl dernier, et défenderesse en opposition,
comparante par Me. Labro, son avoué, d’une part;
Sieur Pierrc-François Delsol, propriétaire, habitant de la ville d’AuC o n f é d é r a t io n du R h in
rillac, défendeur et opposant, comparant par M '.R am pon, son avoué,
d’autre part;
Sieur Gabriel-Barthélemy Delsol, proprie'taire, habitant de la ville
de Paris, aussi défendeur et opposant, comparant par Me. Bonnefons,
s o n avoué, d’autre part;
En présence de sieur Antoine Desprats, propriétaire, habitant dudit
Aurillac, aussi défendeur, comparant par Me.Manhes, son avoué, d’autre
part :
Ouï le rapport de l’instance d’entre les parties, fait publiquement à
l’audience par M. Delzons, président, membre de la Légion d Honneur,
en exécution du jugement du dix-neuf février dernier, à l’audience du
vingt-un juillet, et après qu’il en a été délibéré à la chambre du conseil,
en exécution du jugement d'hier vingt-un juillet; vu le procès, les con
clusions desdits sieurs Pierre-François et Gabriel-Barthélemy Delsol,
tendant à être reçus opposans au jugement rendu par défaut faute de
' plaider, le six août dernier, que faisant droit sur leur opposition, ledit
jugement fût déclaré nul et de nul effet, au principal la dame dO rcet
iut déclarée purement et simplement non reccvable dans sa demande, ou
en tous cas déboutée, sous^Ia réserve que font les sieurs Delsol, d exer
cer contre tous détenteurs des biens soumis au droit de retour les droits
et actions résullans de leurs qualités de transmissionnaires, ainsi qu’üa
�( 46 )
'
aviseront, et que la dame d’Orcet soit condamnée aux dépens ; vu les
conclusions de la dame d’O rcet, tendantes à ce que les sieurs Delsol fus
sent déboutés de l’opposition par eux formée par leur requête du vingt- ^
trois août dernier au jugement du six du même mois, qu’il fût ordonné
en conséquence que le susdit jugement seroit exécuté suivant sa forme
et teneur, et que lesdits sieurs Delsol fussent condamnés aux dépens ;
vu aussi les conclusions du sieur Desprats, tendantes à ce qu’il fût donné
acte des offres qu’il avoit toujours faites de payer le prix de son acquisi
tion, en , par la dame d’Orcet, lui donnant bonne et suffisante caution,
ou en faisant juger la validité de son paiement vis-à-vis des sieurs Delsol
ses frères ; en conséquence, et dans le cas où elle parviendroit à faire ju
ger par jugement en dernier ressort, que le droit de retour dont s’agit
e s t irrévocablement éteint, que lesdits sieurs Delsol fussent condamnés
aux dépens de la contestation, même vis-à-vis de lui Desprats; et au cas
contraire où le tribunal décideroit que le droit de retour peut s’ouvrir
encore en faveur des sieurs Delsol, en ce cas, que la dame d’Orcet fût
déclarée non recevable dans sa demande en paiement du prix du pré
de Cancour, qu’elle fût condamnée à restituer les six cents francs par
elle reçus, avec les intérêts légitimement dus, et en outre en six mille
francs de dommages-intérêts résultans de l’éviction, et en tous les dé
pens.
Dans le fait, en l’année i j 4° > 1° sieur Basile Delsol, procureur au
bailliage d’ A.uriüac, épousa la demoiselle Thomas; de ce mariage il
n’issut qu’une tille qui se maria avec le sieur de Vigier-d’Orcet -, dans leur
contrat de mariage, du deux juin 17G0, le sieur Delsol donna par dona
tion entre-vifs pure et simple, à la demoiselle Delsol, sa fille, par avan
cement d’hoirie, le domaine, terre et seigneurie du Claux, en quoi que
ladite terre'ct domaine du Claux puissent être et consister, aux mêmes
clauses, charges et conditions que le délaissement lui en sera fait, confor
mément à la demande qu’il en a formée aux requêtes du palais, et au
cas où ladite demande en délaissement desdits biens 11e lui seroit pas ad
jugée, ledit Delsol, pour dédommager sa fille dudit domaine et terre du
�( 47 )
Claux, lui donna et délaissa toutes les créances qui lui étaient dues par
lesdits biens en capital et accessoires; le sieur Delsol donna aussi par
même donation entre-vifs à ladite demoiselle Delsol sa fille la somme
de dix mille livres, qu’il paya comptant ; et à l’égard du surplus de ses
autres biens qui se trouveroient rester audit sieur Delsol lors de son dé
cès, il promit de n’instituer d’autre héritière que la demoiselle Delsol,
sa fille, sous la réserve de l’usufruit de tous les biens institués, et de pou
voir vendre et engagèr lesdits biens ainsi qu’il jugera à propos, tant en
la vie qu’à la m ort, et encore de disposer d’une somme de dix mille liv .,
et n’en disposant pas, la réserve tournera au profit de sadite fille; et au
cas où ladite demoiselle future épouse viendroit à décéder sans enfants,
ou ses enfants sans descendants, ou sans disposer valablement, ledit sieur
Delsol se réserva expressément le droit de réversion et retour, tant des
biens donnés que réservés, sans qu’il pût être dérogé par sa fille future
épouse audit droit de réversion par aucune disposition ni autres actes
à ce contraires. P ar le même contint, le sieur de Vigier oncle, pour et
au nom de la dame Moissier, usant du pouvoir donné à ladite dame par
le sieur de V ig ier, son mari, dans son contrat de mariage du onze
février 1722, nomma ledit sieur de Yigier futur c'poux, pour recueillir
l’efFet de ladonation de la moitié de tous ses biens par eux faite au profit
de celui de leurs enfans à naître qui seroit choisi par eux ou par le sur
vivant d’eux; et en vertu du pouvoir spécial porté en ladite procuration,
il donna à titre de donation entre-vifs audit sieur de Y igier, futur
époux, tout le surplus des biens, meubles et immeubles, présents et à
venir de ladite dame, et réserva à ladite dame Vigier la liberté de dispo
ser par acte entre-vifs ou à cause de mort d’ une somme de dix mille
livres à prendre sur les biens par elle donnés; se réserva pareillement,
ladite dame Yigier, (et pour elle ledit sieur procureur constitué), le retour
et réversion à elle et aux siens des biens par elle donnés audit sieur futur
époux, dans le cas où il viendroit à décéder sans enfants, ou ses enfants
sans descendants, ou sans avoir valablem ent dispose.
Ce ne fut que
plus de onze ans après le mariage <le sa fille que, le vingt octobre 1771,
le sieur Delsol en contracta un second avec la demoiselle Dubois. Dans
�( 48 )
ce secoud contrat de m ariage, les époux donnent la moitié de leurs biens à un des enfants à naître qui seroit choisi par eux ou par le survi
vant.— Le 11 juillet 1780, le sieur Delsol fit un testamentpar lequel,après
avoir légué mille livres à la dame d’Orcet, et soixante mille livres à cha
cun de ses trois enfants, il institua pour son héritier universel son fils
aîné du second lit, et, a son défaut, ses autres enfants par ordre dé primogéniture, voulant expressément que dans le cas où la dame d’Orcet
viendroit à mourir sans enfants, ouses enfants sans descendants, sonliéritier profitât du droit de retour par lui stipulé dans le contrat de mariage
de sa fille. — Ce testament fut déclaré nul pour vice de forme par sen
tence du bailliage d’Aurillac du vingt-neuf août 1782, laquelle ordonna
le partage de la succession du sieur Delsol, pour en être délaissé aux
enfants du second lit trois douzièmes pour leur,légitime de droit, et les
neuf autres douzièmes à la dame d’Orcet, en vertu de l’institution con
tractuelle. Ce partage fut ainsi exécuté. — Devenus majeurs, les sieurs
Delsol frères, tant eu leur nom que comme cohéritiers de Sophie, leur
sœur morte ab intestat, ont passé avec la dame d’O rcel, les dix ventôse
et vingt-trois germinal an neuf, deux actes séparés par lesquels les sieurs
Delsol, en approuvant le partage des immeubles de leur père, cédoient
à la dame d’Orcet le huitième revenant à chacun d’eux dans l’argent
comptant, le prix du mobilier, les créances perçues, et lçur part dans la
somme de dix mille livres portée par le contrat de mariage du deux juin
17G0, en quoi que le tout puisse êlre cl consister, sans autres réserves
que celles ci-après : (la dame d’Orcet demeure chargée des dettes de la
succession; au moyen de ce, les parties se tiennent respectivement quilles
du pas se jusqu ahuy, et promettent ne plus se rien demander l’une à
l’antre.)— Parmi les biens restés ¿1 la dame d’Orcel étoil une partie de
la montagne appelée de Broussette ; elle l’a vendue au sieur Delsol aîné,
par acle du vingt-huit fructidor an d ix, moyennant douze mille livres,
dont il a payé huit mille livres, et la dame d’Orcet l’a tcuu quitte des
quatre mille livres restantes, au moyen de ce qu’il a renoncé au quart
des créances à recouvrer. — Le sieur Delsol n’a vu aucun danger dans
cotte acquisition. — Le quinze avril 1806, la dame d’Orcet vendit au
�( 49 )
sieur Desprats un pré appelé de Cancour, lequel fait partie des biens
du sieu r Delsol. — Peu après a paru l'arrêt de la cour de cassation, du
onze frimaire an quatorze, qui a validé un droit de retour convention
nel et coutumier, auquel on \ouloit appliquer la loi suppressive .des
substitutions. Alors le sieur Desprats, craignant à tort d'être un jour
évincé de’ son acquisition, refusa d’en payer le prix; sur le commande
ment qui lui a été fait le onze juillet, il a répondu que le droit de retour
étant une stipulation conditionnelle qui passe aux héritiers, il avoit
juste sujet d’appréhender d’être troublé dans la propriété du pré de
Cancour, et de demander par conséquent à résoudre la vente, ou à re
tenir le prix, ou à payer sous caution. Ce refus obligea la dame d’Orcet
à se pourvoir en justice, et à demander contre le sieur Desprats la con
tinuation de ses poursuites, et contre les sieurs Delsol la nullité de la
clause. Cités au bureau de paix, l’aîné a répondu qu’il ne connoissoit
pas le contrat de mariage de sa sœ ur, qu’il ignoroit si son père avoit
stipulé un droit de retour, qu’en le supposant ainsi, il n’auroit qu’une
espérance. On a pre'tendu pour le cadet qu’il avoit changé son domi
cile à Paris, et sous ce prétexte on a éludé la clôture du procès-verbal
jusqu’au onze août. Assignés au tribun al, chacun d’eux a constitué
avoué, et après avoir tergiversé pendant plus de huit mois, ils ont de
mandé par des exceptions séparées à être mis hors de cause, s’agissant,
disoient-ils, d’un droit non ouvert. Dans cet état, la cause porlée à l’au
dience du cinq juin 1807, ^ intervint un jugement par défaut qui or
donna qu’ils défèndroient au fond. Ils ont fait signifier des défenses le
deux juillet, en protestant de se- pourvoir contre le jugement du cinq
juin. Quoiqu’ils eussent donné leurs moyens par écrit, les sieurs Delsol
n’ont pas voulu les plaider à l’audience. L e six août un second jugement
par défaut a déclaré nulle la clause du droit de retour, et a ordonné la
continuation des poursuites contre le sieur Desprats. Les sieurs Delsol
ont formé opposition à ce jugement, et ce n’est que le dix-neuf février
1808 qu’ils se sont enfin présentés à l’audience, où, sur plaidoiries res
pectives pendant quatre audiences, il a été ordonné une instruction par
écrit au rapport de M. Delzons., président.
n
�( 5o )
Dans le droit, la cause présente à ju ger,
i° Quels biens ont été, et pouvoient être compris dans la clause de re
tour réservée par le sieur Bazile Delsol dans le contrat de mariage de
la dame d’Orcet sa fille;
2° Si cette réserve étoit limitée à la personne du sieur Delsol, ou pouvoit êlre transmise à ses héritiers;
3 ° Si dans le cas de la transmissibilité, ce droit de retour ne se seroit
pas confondu dans la personne delà dame d’Orcet avec sa qualité d’héri
tière contractuelle de son père.
~
Sur la première question, attendu,
i° Q u e, conformément au Code civil, dans l’interprétation des con
ventions , on doit plutôt rechercher quelle a été la commune intention
des parties contractantes, que s’arrêter au sens littéral des termes j
que les termes susceptibles de deux sens doivent être pris dans celui qui
convient le plus à la matière du contrat ; que toutes les clauses des
conventions s’interprètent les unes par les autres, en donnant à cha
cune le sons qui résulte de l’acte entier; que, dans le doute, les con
ventions s*interprètent contre celui qui a stipulé, ou qui pouvoit faire
la loi ;
2° Que l’objet du droit de retour conventionnel est de faire rentrer
dans les cas prévus, dans le domaine du donateur, les choses par lui
données; que dès-lors, on ne peut le supposer ou l’admettre que dans
les conventions et cas où un donateur s’est dépouillé de sa propriété.
et peut ensuite la reprendre ;
• 3 ° Que le sieur Delsol ayant fait une donation entre-vifs à sa fille, et
l’ayant, par le mem^ o n tratv instituée son héritière universelle, il seroit
contradictoire et comrb la nMure d’une institution que la réserVe de re
tour par lui stipulée en même temps, s’appliquât, a u x biens quifaisoient
l’objet de cette institution, dont la propriété et toute disposition à titre
onéreux ne laissoient pas de rester en son p o uvoir, et dont il ne se dépouilloit pas ; qu’il seroit dès-lors ridicule de supposer qu’il songeoit à
faire rentrer dans scs mains cc qui n’en oorloit pas, cl ne pouvoit pas
en sortir'cie son vivan t;"
‘
!
"
’
�( 5 i )
i: 4 0lQ ue sens c^e t’actc entier , et l’intention' Lien connue des parties
étoit d’assurer , dès l’instant/à la dame d’Q rcct, à titre de donataire, et
tant en nue propriété' qu’ usufruit, une partie de la fortune de son père ,
et le surplus aprèsfsa m ort, sans cfue»la donataire pût cependant dispo
ser de rien, au préjudice de son père, clans les cas prévus par la clause
de rçUmr ; .
>
i
5 ° Qu’il s’ensuit» dès-lors que, quoiqu’on lise dans cette clause que le
sieur Delsol se réserve le droit de réversion et retou r, lailt des biens
donnés,que réservés, les principes ci-*dessus énoncés permettent d’au
tant moins de supposer que, par les mots de biens réservés, les parties
-avoient entendu les biens de l’institution, que peu de lignes aupàravant
elles les avoient désignés sous le nom de biens institués ; qu’il est plus
naturel do croire que les-mots biens r é s e r v é s ont échappé à l’inadver
tance du rédacteur; d’autant plus que toute la contexture de la partie
t du contrat de mariage, qui concerne les dispositions du sieur Delsol,
prouve que ce rédacteur avoit les notions les plus obscures sur la nature
et les effets des institutions contractuelles ;
6° Qu’il se peut encore (car toute conjecture est admissiblè dans l’in
terprétation d’une clause aussi extraordinaire) que, par retour des biens
• réservés ou institués, on ait voulu entendre la caducité de l’institution
en cas de prédécès de l’héritière instituée et de ses*enfants ;
70 Que s’il falloit donner quelque sens, quelques effets à la clause de
retour des biens réservés, y reconnoitre les biens de l'institution, et
supposer que le sieur Delsol vouloit les faire rentrer dans sa famille
après son décès et celui de sa fille ; cette clause contrariant évidem
ment la nature et les principes du droit de retour > ne'pouvoit être en
visagée que comme une charge de fidéicommis, comme une véritable
substitution dont il auroit voulu grever sa fille, et laquelle seroit abrogée
par les lois du quatorze novembre 1.792.
Sur la seconde question, attendu ,
• J'
■
■: ‘ ‘ 1
l ° Que quoique la majorité des auteurs, et plusieurs même très
estimables, aient lenu quVn général l'effet de la stipulation de retour
conventionnel, eu faveur du donateur, sans qu’il fût fait mention de se*
�...
( r' 2 )
.
.
héritiers, étoit transmissible à son héritier comme toute autre stipulation,
même conditionnelle, apposée dans les contrats ; quoiqu’il se trouve
même deux arrêts qui l’avoient ainsi jugé, tous s’accordent cependant à
dire, et la saine raison suffît pour prouver, que cette transmissibilité ne
peut avoir lieu lorsque la stipulation de retour a été limitee à la per
sonne du donateur ;
2o Que , dans l'espèce actuelle, cette limitation à la personne du sieur
Delsol rés'ulte évidemment, soit de la circonstance que la
V ig ie r^ mère du futur époux, lui faisant donation de tous biens, s’en
réserva le retour pour elle et le s s i e n s , tandis que le sieur Delsol ne le
re’serva que pour lui ; que cette différence remarquable dans les deux
clauses insérées dans le même a cte, d’ailleurs parfaitement semblables,
annonce clairement que les parties vouloient, quant à ce , leur donner
une étendue différente ;
3 ° Que celte différence dans la stipulation s’explique encore par la
.
circonstance importante que la dame de Vigier avoit plusieurs enfants,
pour lesquels sa sollicitude maternelle l’engageoit à conserver ses biens,
au lieu que le sieur Delsol n’avoit qu’une fille unique , et aucun proche
parent ;
/¡° Que la prohibition si entière, si absolue de disposer, que le sieur
Delsol imposoità sa fille, prouve encore qu’il ne stipuloit que pour lu i}
n’étant pas présumable qu’il mît sa fille dans un tel état d’interdiction
e n f a v e u r d e p a r e n t s é lo i g n é s , a v e c l e s q u e ls i l n ’a v o i t a u c u n e s r e la
ti o n s , q u e le s p a r t ie s m ê m e n e c o n n a i s s a ie n t p a s , a in s i q u e l a d a m e
d ’O r c e t l’a p l u s i e u r s j Ois d i t e t é c r i t , s a n s q u e le f a i t a i t é t é d é s a
voué ;
.
.
5 ° Que celte limitation résulte sur-tout de la circonstance que le sieur
Delsol, après avoir fait à sa fille une donation entre-vifs , l’instiluànt en
même temps son héritière universelle, il seroit absurde de supposer
qu’il eût fait et voulu faire contre cette heriliere une reserve qui ne devoit et ne pouvoit profiter qu’à elle-même , puisqu’en admettant le sys
tème de transmissibilité du droit de retou r, cette transmission n’auroit
pu avoir lieu qu’en faveur de celte même héritière.
)
�C 53 )
Sur la troisième question , attendu ,
i» Comme il vient d’être d it, que l’action résultante d’une réserve
de retour, même indéGnie, ne pouvoit profiter qu’aux héritiers comme
faisant partie des actions héréditaires ;
.
20 Q ue, dans l’espèce, la dame Dorcet, étant seule héritière univer
selle, forme un véritable héritier qui ne diffère que de nom de l’héritier
testamentaire, quant à l’universalité du titre; que cette institution met
l’institué à la place des héritiers du sang, et le cas avenant, le saisit de
tous les droits de l’hérédité ;
3 ° Que les autres enfants même de l’instituant, suivant les principes
univèrsellement reçus lors du décès du sieur Delsol, perdoient par FefFet
de cette institution la qualité d’héritiers et ne conscrvoient qu’uu simple
droit à une portion des biens à titre de légitime ;
4 ° Que dès-lors la réserve de retour transmissible, quoique dirigée
contre un héritier institué, (s’il étoit possible de la présum er), se seroit
confondue avec l'effet de l’institution par le concours de deux qualités
de donataire grevée de retour, et d’héritière seule appelée à en proGter.
L e T R IB U N A L déboute les sieurs Jean-François et Gabriel-Barthélemy Delsol de l’opposition par eux formée au jugement par défaut faute
do plaider, du six août 1807, ordonné que ce jugement sera exécuté
selon sa forme et teneur; en conséquence, déclare personnelle au sieur
Delsol père, et caduque par son prédécès, la stipulation de retour par
lui réservée dans le contrat de mariage de la dame d’Orcet sa fille, or
donne que les poursuites commencées contre le sieur Desprats seront
continuées, en cas de refus ultérieur de sa part dè payer les termes du
prix.de la vente du pré de Cancour à proportion de leur échéance,
ainsi que des intérêts, tous dépens compensés entre toutes les parties,attendu la proximité des sieurs Delsol et dAmc d’Orcet, que les premiers
n ont pas provoqué l’instance, cl attendu que le sieur Desprats a pu avoir
jusqu’à un certain point un juste sujet de crainte sur la validité de son
acquisition et la sûreté de ses fonds j et sera, le présent jugement comme
fondé en titre, exécuté vis-à-vis le sieur Desprats , nonobstant cl sans
�( 54)
préjudice de l’appel, à la charge néanmoins par la dame d’Orcet de don
ner, en cas d’appel, bonne et suffisante caution>à concurrence des ca
pitaux exigibles. Fait et jugé au tribunal civil de première instance,
établi à Aurillac, chef-lieu de préfecture du département du Cantal , le
vingt-deux juillet mil huit cent huit, séants, messieurs Delzons prési
dent, membre de,la légion d’honnqurjjDelzorts et L aval, juges. Man
dons et ordqrçnons à tous huissiers sur ce requis de mettre le présent
jugement à exécution, à nos procureurs près les tribunaux de première
instance d’y tenir la m ain, à tous commandants çt officiers de la force
publiquo de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis. En
foi de quoi le présent jugement a été signé par le président et par le
greffier. Sign é à la m inute, monsieur D e lz o n s , président j et BrunoH ,
greffier. Pour copie conforme à l’expédition, sig n éL abro , avoué. ”
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�PRÉCIS
PREMIERE'
CAUSE
du rôle de
Paris
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PO U R le sieur René-Louis L IIÉ R IT IE R et consbrs, intimés ; (de 17670
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C O N T R E messire J o s e p h . marquis de M E S M E S .
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sieur Louis Lhéritier, par l e contrat de mariage de demoiselle MarieAlberline Racine, sa belle-nièce, avec le sieur marquis.de,Ravignan, du
18 mars 1 7 1 2 , a promis donner à la demoiselle, lors future épouse, la
somme de 3o,ooo liv ., qu’il lui a effectivement payée peu après; mais il a
été stipulé en même temps q u e l a d i t e s o m m e r e t o u r n e r o i t a u d i t s ie u r
L h é r i t i e r , d o n a t e u r , e n c a s d e d é c è s d e l a d e m o is e lle f u t u r e é p o u s e
s a n s e n f a n t s , e t e n c o r e e n c a s q u ’i l y e û t d e s e n f a n t s , e t q u ’ils v i n s
s e n t à d é c é d e r a v a n t d ’ê tr e p o u r v u s , o u a v a n t d ' a v o i r a tte in t l ’â g e
d e m a jo r i t é .
,
t
,
L a donataire n’avoit alors que vingt-trois ans et dem i, le donateur étoit
dans la soixantième année de son âge, et il avoit deux enfants mâles âgés
l’un de dix-sept ans et l’autre de treize (1). C’est donc évidemment pour
ses enfants et héritiers, encore plutôt que pour lui-même, qu’il stipuloit
cette réserve, dont il ne pouvoit pas se flatter de profiter personnelle
ment.
Quoi qu il en soit, le donateur est decede en i " 3o. Long-temps après,
et le 3o novembre 17C4, la demoiselle Racine, donataire, est décédée sans
avoir laissé d’enfants, ni de son premier mariage avec le sieur marquis de
Ravignan, ni de son second mariage avec le sieur comte de Darnpus.
En conséquence, les intimés, comme représentant le sieur Louis L hé( 1) Laine’ , conseiller au parlement, a s u r v é c u au donateur son père, dont il aliérilé. Il estaujourd hui représenté par les intimas, scs héritiers bénéficiaires, <jui sont en müne temps héritier»'
substitués du donateur leur oucle.
Delà trans
mission de*
stipulation!
Condition-
neiies , et
de celles du
retour tu
particulier
�( 5 6 )'
ritier, donateur, ont formé contre le sieur marquis de Musinés, dona
taire universel de la demoiselle Racine, veuve Dampus, et chargé à ce
titre de ses dettes antérieures au premier avril 1749» leur demande en
restitution des 5o,ooo liy. données par leur auteur, conformément à la ré
serve stipulée p arle contrat de 1712.
L a cause portée à l’audience du parc civil du Châtelet de Paris, il y est
intervenu le 29 juillet dernier, sur les plaidoiries respectives des parties
pendant cinq audiences, sentence par laquelle, attendu le décès de la
dem oiselle R a cin e, veuve D a m p u s, sans enfants j le marquis de
Mesmes, son donataire universel, est condamné à restituer aux intimés
les 3o,ooo liv. dont la réversion avoit été stipulée par leur auteur. C ’est
de celte sentence que le marquis de Mesmes est appelant. Il ne sera pas
difficile d’en établir le bien jugé.
A. cet effet, nous examinerons les principes généraux sur la transmis
sion de toutes stipulations conditionnelles ; les décisions des docteurs et
des lois sur la transmission .du retour conventionnel en particulier, et
l’état actuel d elà jurisprudence sur cette question.
P R E M I È R E
P A R T I E .
P rin cip es généraux sur la transmission de toutes stipula
tions conditionnelles.
\
.
Un seul mot suffît pour justifier la sentence dont est appel, c’est que
la condition sous laquelle le retour a été réservé, se trouve aujourd’hui
purifiée par le décès de la demoiselle Racine, donataire,«ans enfans.
Inutile d’opposer que le donateur est décédé avant l’événement de la
condition. Celte circonstance est des plus indifférentes, parccquc le re
tour a été stipule pour avoir lieu, non en cas de p réd é cè s, mais simple
ment en cas de décès de la donataire sans enfants : o r , cette condition se
trouve purifiée par 1 evenement.
Il est vrai que les héritiers du donateur n’ont pas été appelés nommé
ment à recucillii le profit du retour; mais les héritiers n’ont pas besoin
de la vocation de l’homme pour profiter des droits dont leur auteur est
�( *7 )
,
décédé saisi ; ils n’ont besoin que de celle de la loi qui les saisit de lous les
droits du défunt, qui les subroge à sa saisine en la continuant en leur per
sonne. En conséquence, il leur suffit que celui auquel ils succèdent ail été
vraiment saisi du droit qu’ils réclament, que ce droit ail fait partie de ses
biens. Or les actes entre-vifs, même conditionnels, saisissent Loujours à
l’instant même, sans attendre l'événement de la condition. Les actions qui
en résultent, quoique non encore ouvertes, sont in bonis du stipulant :
conlractus, ctsi condilionalis, tamen e x prevsenti vires accipit, dit
Vinnius. I n contractibus id tempus spectatur quo contrahim us, dit la
loi 78 , ff. de verb. oblig.
D e là , celte règle générale rebattue dans tous les livres élémentaires,
et notamment dans les Institutes, que les stipulations conditionnelles se
transmettent à l’héritier, quoique le stipulant soit décédé avant l’évèncment de la condition. E x s t i p u l a lio n e c o n d ilio n a li ta n tin n s p e s e s t d e b itu m i r i , e a m q u c i p s a tn s p e m in h œ r e d e m tr a n s m ittim u s s i p r ii/s
q u à m c o n d i t io e x s t e t , m o r s n o b is c o n t i n g a t , liv. 3 . t. iG. p. 4 - C ù m
q u is s u b a l i q u â c o n d itio n e s ti p u la tu s f u e r i t , p o s t e à e x is te n te c o n d i î i o n e , h œ r e s e ju s a g e r e p o t e s t , même liv. t. 20. p. i 5 .
En vain voudroit-on apporter quelqu’exceplion à cette règle; les lois
décident qu’on n’en doit admettre aucune : O E N E R A L I T E R s a n c im u s
O M N E M s t i p u l a t i o n e m s iv e in d a n d o , s iv e i n f a c i e n d o , s iv e m i x l a e x
d a n d o e t fa c ie n d o in v e n ia tu r , e t a d h œ re d e s e t c o n lr a h œ re d e s Ira n sm i t t i , S I V E SPECIALIS' H ÆREDUM F I A T MENTIO, SIVE NON:
jiv. i 3 . cod. d e c o n tr a h . e t c o m m . s tip u l.
En vain opposeroit-on que le stipulant qui n’a parlé que de lui-même,
qui n’a pas nommé ses héritiers, a entendu restreindre la stipulation à sa
personne ; la loi répond qiiela stipulation n’en est pas moins r é e l l e : p leriu n q u sen im , ul Pedius a it, persona p a clo Inseritur, non ut p ersonalc pactum f i a t , sed ut dem onslretur cum quo paclum faclum est,
liv. 7. p. Ulrum. 11’. de pactis.
P ou r tout dire en un inol, l’héritier n’a point à prouver que son auteur
a voulu stipuler pour lui. Il lui suilil qu’il n’y ait pas eu d’intenlion de
l’exclure. O r celte intention n’est pas à supposer lorsqu’elle 11’cst pas ex
'
8
�_
Traité
n. 65o.
.
( 58)
primée. C’est ¡1 ceux qui le prétendent exclus à prouver son exclusion :
Quamvis verum est qu od qui ex cip it, probare debet q u o d excipitur ;
attam en de ipso dum taxat, a tn o n de hcerede ejus convertisse petitor,
non qu i e x c ip itp r o b a r e debet ; liv. 9. II'. de prob. et preef.
Il en est autrement des dispositions (1) conditionnelles de l'homme ou
de la loi. Elles 11e se transincltent pas à l’héritier de l’appelé décédé avant
l’événement de la condition , ( et voila pourquoi le retour légal n’est pas
transmissible ) mais c’est pareeque les héritiers ne recueillent du chef de
leur auteur> et comme transmissionnaires, que les droits dont il est dé
cédé saisi : or les dispositions conditionnelles 11c saisissent qu'au moment
de leur ouverture. Jusque-là elles ne sont point m bonis de l’appelé.
Inutilement le testateur en auroit-il ordonné la transmission ; elle n’auroit pas lieu pour cela, dit R icard, pareeque le testateur ne peut pas donner à ses dispositions un effet rétroactif, que les lois leur refusent, ni
opérer une transmission qui n’est l’ouvrage que de la loi, et qui ne dérive
Xoalis de
pas de l’inlention de l’homme. Il est vrai qiie dans ce cas l’bérilier viendroil de son chef et en son nom, comme appelé lui-mênje en vertu de la
vocation expresse du testateur; mais il ne viendroit pas comme transmissionnaire, ce qui est bien différent à tous égards. Æ iu d e n im est trans-
sione™su m issioy et aliud est vocatio.
‘
■omnicnceSi donc la transmission a lieu pour les stipulations conditionnelles , et
ment.
. . .
.
.
1
non pour les dispositions, cela ne vient pas, comme 011 vo it, de la diffé
rence d’intention,, puisque l’intention même expresse est incapable d’opé
rer la transmission dans les dispositions conditionnelles ; il est évident
que c’est la saisine seule qui transmet, pareeque la transmission n’est
elle-même qu’une continuation de saisine.
L e sieur marquis de Mcsmes , dont les prétentions ne s’accordent pas
avec ces principes, fait tout son possible pour en éliuli;r l'application;
(1) I.a disposition proprement dite, par opposition aux stipulations, est un acte pur de la voloutë
qui se passe hors la présence, et sans la participation de celui (pii eu est 1 objet. Telles sont les dispo
sitions testamentaires. Telles- sont aussi les substitutions contenues dans 1rs acles entre-viCs, aux«juuls le substitutn’interviciit pas; car sil iutervenoitpour accepter, il scrrçit donataire couditionn<l, et l’acte seroit à son égard un pacte, uue convention, uu contrat, une stipulation, et non pas
une dispusltion..
'
�C *9 )
forcé de convenir que tous actes entre-vifs, purs et simples ou condition
nels, saisissent actuellement et nécessairement, il ne veut cependant pas
rcconnoître que la transmission en doive être la suite ; il aime mieux la
faire dériver de la présomption générale, qu’en stipulant pour nous,
nous sommes censés avoir parlé pour nos héritiers; puis, restreignant
celte présomption aux seuls contrats intéressés, il en conclut que la trans
mission des stipulations conditionnelles n’a pas lieu lorsqu’elles se rencon
trent dans les contrats bienfaisants.
Mais i° il est faux que les contrats intéressés soient les seuls dans les
quels le stipulant est censé avoir parlé pour scs héritiers ; la règle est
générale pour toute espèce de contrats, puisque les lois n’ont fait aucune
exception, puisqu’au contraire elles ont exclu toute exception par la gé
néralité et l’universalité absolue de leurs expressions. G e n e r a l i t e r
s a n c im u s O M N E M s t i p u l a t i o n e m ........... tr c in s m itli, s iv e s p e c ia lis h œ ~
r e d u m / i a t m e n t i o , s iv e n o n .
a° Le sens do la règle n’est pas précisément quo nous sommes pré
sumes avoir pensé à nos héritiers et ayants-cause, et avoir positivement
voulu stipuler pour eux ; car il est bien rare que les contractants y pensent,
positivement, et on ne présume pas ce qui arrive rarement. Le vrai sens
de la règle est seulement que le stipulant, qui n’a pas formellement res
treint la stipulation à sa personne, ne peut pas être supposé avoir voulu
exclure scs héritiers. Or celle présomption, nécessairement applicable à
toute espèce de stipulation, suffît toute seule, non pour en opérer la
transmission, car c’est la saisine seule qui l’opère , mais pour écarter les
obstacles qui pourroient l’arrêter ou la rendre inefficace.
Que le contrat soit intéressé ou bienfaisant, il n’importe (i). Puisque
(i) En matière de contrats, dit Ricard, la stipulation qui en fait le principal commerce oblige
dès-lors réciproquement les parties de l’accomplir au cas de la condition qui, à proprement parler^
ne passe que pour une restriction, pour le cas prévu par. les parties seulement, ei laisse au surplus la
convention pure et simple, de sorte que lechéance arrivant, la condition est cense'e comme non
écrite. Pour ce qui concerne le legs au contraire, la couilitiou en affecte tellement la disposition ct
la substance, qu’il ne subsiste absolument qu’avec e l l e ct que par elle ; de sorte que comme ce n ’est
p a s le titre de g ra tu it ou d ’onéreux qui p r o d u i t cette différence, mais la qualité de l acte, s ’il
est testam entaire, c’e st-à -d ire , s a n s stip u la tio n , et un p u r acte de la volonté d'une personne ,
�( 6° )
dans l’un et dans l’aulre la saisine y a lieu de plein droit, comme l’appe~
Jant en convient lui-m êm e, il faut bien qu’elle soit continuée dans la per
sonne des transmissionnaires. On ne peut pas les supposer exclus par le „
Stipulant,, lorsque celui-ci n’a pas prononcé leur exclusion;, o r , s’ils ne
sont pas cxclus, il est dans l’ordre des choses que, comme successeurs
universels ou singuliers du transmettant, ils succèdent à la saisine com
mencée en sa personne, comme à tous scs,autres droits, quand même il
n’auroit point du tout pensé à eux.
D’ailleurs on peut dire que tous ceux qui contractent, sans même qu’ils
aient jamais pensé à la transmission, ont cependant, du moins im p l i c i t e
m e n t et éminemment, une véritable intention de transmettre. En ofl'et,
quiconque stipule veut a v o i r , posséder, acquérir, en un mot ajouter ou
r é u n ir & son patrimoine ce qui fait l’ol»jet de sa stipulation, a d r e m j ' a m i l i a r e m r e s p i c i t , comme dit Yinnius; s’il ne stipule que conditionnelle
ment, il ne veut a v o ir que pour le cas de la condition., mais il veut a v o ir
pour ce cas-là en quelque temps que la condition puisse arriver : or, a v o ir
une chose, c’est incontestablement être en droit d’en jouir, faire et dis
poser comme de tous ses autres biens, de la vendre, de l’engager, delà
léguer, etc., et par conséquent de la, transmettre à sesayants-cause, à
plus forte raison à ses héritiers.
Ainsi quand même la transmission ne dériveroit que de l’intention detransmettre, comme cette intention se rencontre, non à la vérité e x p l i c i t e m e n t , mais du moins i m p l i c i t e m e n t et é m i n e m m e n t , dans toute
espèce de stipulation apposée à toute espèce de contrats , sans même que
ou s’i l est conventionnel et f a i t entre deux personnes, i l n ’y a pas de doute que les donations
suivies d’acceptation, p a rticip a n t à la nature de ces derniers actes, les conditions qui s’jr ren
contrent ont un effet rétroactij au jo u r de la do n a tio n , ainsi <[uc dans les autres contrats. El ail
leurs : si une donation sous condition estfa ite entre-vifs, quoique la condition u arrive qu’après
la mort du donataire, ses héritiers ne laisseront ¡¡as de. jo u ir du bénéfice de la donation, comme
ayant clé p a r f a i t e tiu moyen de ¡[effet rétro a c tif q u iT s f d onné à j a donation, du fo u r b u ’elle a
été passée; car, ajoute-t-il, uTn'cstpa's seulement la qualité de donation entre-vifs qui f a i t la
transmission au profit des héritiers du donataire, mais l ’effet rétro a ctif du droit et de !* posses
sion au jo u r du contrat. Traité des dispositions conditionnelles, chap. 5, § i , n. ao4. Tiaitc des
substitutions, chap. 4, partie première, u.. l4a et i44..
�( 61 )
le stipulant ait jamais pensé à scs héritiers; il seroit toujours vrai de dire,
d’après les lois, que les stipulations conditionnelles sont toutes transmissibles de leur nature, soit qu’elles se trouvent dans des contrats intéres
sés , soit qu’elles sc rencontrent dans des conlràts bienfaisants. II seroit
toujours vrai de dire que le transmissionnaire n’a rien à prouver, et que
c’est à celui qui prétend l’exclure à prouver son exclusion.
Nous convenons avec le sieur marquis de Mesmes que si la stipulation
étoit personnelle, la transmission n’auroit pas lieu en faveur des héritiers
du stipulant ; mais là personnalité ne se présume jamais. Pour la supposer
il f a u t ( dit M. Potlner en son Traité des obligations, t. i. p. 75 ) que
cela soit exp liq u é clairement dans la convention; et ainsi, ajoute-t-il,
de ce que la personne envers laquelle j e contracte qiieh/u engagement
est nommée p ar la convention, iln e s’ ensuit p as que Yintention des
parties ait été de restreindre à sa personne le droit qui en résulte ; on
doit penser au contraire qu’elle n’est nom m ée que p o u r marquer avec
qui la convention estfaites
Nous convenons encore avec Fontanella, qu’en fait de stipulations con
ditionnelles, lorsque la condition est perso’nnelle, c’est-à-dire de nature
à 11c pouvoir s’accomplir que dans la personne du stipulant, Quandà
apponitur irt personâ stipulatoris, la transmission ne peut y avoir lieu
qu’autant que le stipulant auroit lui-même recueilli l’objet de la stipula
tion par l’existence de la condition purifiée de son vivant; mais c’est parceque, comme il l’ajoute fort bien , la condition n’étant pas arrivée pendant
la vie du stipulant, son décès la rend impossible, et qu’ainsi il ne reste
plus d’espérance à transmettre. Ce cas n’est donc pas une exception à la
règle*générale du paragraphe E x conditionali, qui n’en reçoit aucune;
c’est seulement une espèce dans laquelle la règle du paragraphe ne peut
pas recevoir son application, pareeque le paragraphe, parlant de la trans
mission des stipulations conditionnelles, suppose que la condition puisse
encore arriver, quoiqu’après le décès du stipulant : or elle ne peut plus ,
arriver après son décès? si elle ne tlcvoil s’accomplir
en sa personne.
Pour appliquer à notre espèce le principe de Fontanella, il faudroit
prouver que la condition sous laquelle le retour a été stipulé ne pouvoit
�( 62 )
s’accomplir qu’en la personne du donateur el de son vivant; mais il n’en
est pas ainsi. L e fait du de'cès de la donataire sans enfants, qui fait la seule
condition du retour, pouvoit s’accomplir indifféremment du vivant du
donateur ou après son décès. Celte condition étoit absolument extrin
sèque à sa personne, pour nous servir des expressions de cet auteur, cl
dès-lors il est constant qu’elle n’a pas pu rendre la stipulation person
nelle.
Il est vrai que, suivant Iîicard et le journaliste des Audiences, les clauses
de retour doivent s’interpréter strictement; mais ils n’ont jamais conclu de
là qu’il fallût en empêcher la transmission. La seule conséquence qu’ils
aienttirée de ce principe est qu’il ne faut pas étendre ces sortes de clauses,
et qu’ainsi le retour étant stipulé pour le cas du décès du donataire sans
enfants, il ne falloit pas l’étendre au cas du décès de ses enfants sans
enfants.
O r, ce n’est pas donner de l’extension à une stipulation que de la sup
poser transmissible aux héritiers du stipulant. Cette transmissibilité est
une suite nécessaire de la saisine attachée à toute stipulation, et de l’in
tention à'avoir et acquérir quise rencontre dans tous les stipulants, lors
même qu’ils n’ont pas pensé à leurs héritiers ; car nous n’avons véritable
ment que ce que'nous pouvons leur transmettre.
Aussi, quoique dans le droit romain les stipulations proprement dites,
Solem nes verborum con cep lion es, fussent de droit étroit cl très-étroit,
quoiqu’on leur donnât le nom propre de contrats strictijuris, par oppo
sition aux contrats de bonne foi, quoiqu'on conséquence on les interpré
tât toujours en cas de doute contre le stipulant, quia debilitlegem aperhiis dicere contractm , ]a règle étoit cependant sans aucune exception
de les declarer transmissibles aux héritiers du stipulant, Gcncrahlcr sancimus om nem stipulalionem , etc.
>
Au contraire, les dispositions conditionnelles, qui cependant sont sus
ceptibles de l’interprétation la plus large, ne profitoient pas aux héritiers
de l’institué ou légataire décédé avant leur ouverture, à moins qu’ils n’y
fussent compris expressément; mais c’est pareeque la transmission dans
ce cas est impossible, comme nous l’avons observé déjà , à défaut de sai
\
�(63 )
sine préexistante. Dès-lors l’héritier de l’appelé ne pouvoit être admis à le
remplacer que par voie de vocation, comme appelé lui-même. Or la vo
cation doit être expresse et ne se supplée pas (à la différence de la trans
mission , qui est toujours de droit en cas de saisine préexistante), ¿ tliu d
est transmissio, et aliud est vacatio.
En deux m ots, toute stipulation conditionnelle est nécessairement
transmissible à l’héritier du stipulant, si la condition peut encore recevoir
son accomplissement, parcequ’au moyen de la saisine attacliée aux actes
entre-vifs, le droit qui en résulte a fait partie des biens du transmettant,
dès le temps même de l’acte. II n’est pas nécessaire pour cela de donner
à la clause aucune extension, pareeque c’est la loi seule, la force'de la sai
sine, et non pas l'intention positive de transmettre, qui opère la trans
mission. Il est vrai que la saisine elle-même dépend en quelque sorte de
l’intention du stipulant; mais c’est seulement en ce sens qu’elle ne s’ap
plique qu’aux droits que les parties ont eus en vue, et pour les cas qu’elles
ont exprimes. Du reste, une fois que la condition prévue par les parties
est arrivée, il devient constant que la saisine h eu lieu ab ini/io, et que la
transmission s’en est suivie, sans que les stipulants y aient seulement pensé.
Il ne pourroit y avoir de question que sur le point de savoir sous quelle
condition les parties ont entendu contracter,, si c’est seulement sous la
condition exprimée dans l’acte, ou si c’est encore sous la condition de la
survie du stipulant; mais pour suppléer cette seconde condition, lors
qu’elle n’est pas exprimée, il fuudroit ajouter à la lettre de la clause : or
c’est ce que la plus grande rigueur ne peut pas autoriser.
S E C O N D E P A R T I E .
Décisions des docteurs et des lois sur la transmission du
retour conventionnel en particulier.
Aussi Fontanclla décide-t-il affirmativement que le retour convention Uc pactiü
nel passe aux héritiers de celui qui l’a stipulé, quoique la condition du nuptialibus
clausula 4,
^ retour ne s’ac complisse qu’après son décès. E t quainvis non esset dietmn glossa ¿4,
n. a3 .
nisi quod reverlcrentur bona donata ad donatorem , nihilominiis
�( 64 )
..
reverti debuissent a d ejus hœ redem , ilio ante donatarium defuncto,
si posteà acfimpleretur co n d itio , quia contractus conditionalis trans_
mittitur a d hœ redes ; ex vulgan paragraphe), E æ con dilion a li.
Il s’objecte la loi Q u o d de pariter, ff. de rebus dubiis, qui paroit sup
poser le contraire ( i ) ; mais il re'pond avec Barlliole et les glossaleurs, qui
depuis ont été suivis par M* Potliier en ses Pandecles Jusliniennes, que
cette loi ne décide pas la question de retour dont il ne s’agissoit pas, mais
seulement une question de survie, savoir, qui des deux de la mère ou de
la fille, péries par incme accident, e'toitcenséô avoir survécu : Q u o d de
pariter mortuis tractavimus in aliis agitatimi est ut ecce, etc. ; qu’à la
vérité, la décision sur la question de survie présuppose le retour dont il
s’agissoit non transmissible, mais qu’apparemment le stipulant avoit ex
prim é, comme seconde condition du retour, l’événement de sa survie, et
que le jurisconsulte aura négligé de rapporter cette circonstance, parcequ’elle n’étoitpas relative à la question principale, ainsi que cela se voit
fréquemment dans les lois du Digeste et du Code.
Cette interprétation lui paroît d’autant plus nécessaire, que sans cela la
loi Q u o d d e p a r i t e r contrediroit manifestement la disposition absolue et
impérative du paragraphe E x c o n d i t i o n a l i , sur la transmission de toute
espèce de stipulation conditionnelle, et les décisions des lois Caius et A v ia
( dont il sera parlé tout-à-l’heurc), sur la transmission du retour en par
ticulier.
”
Il est vrai que Paul de Castres, Covarruvias etMcnocliius ont pris la loi
Q u o d de pariter dans un sens tout différent. Ils en ont conclu que la sti
pulation du retour de la dot pour le cas du décès du mari ou de la femme
pendant le mariage renfermoit tacitement la condition de la survie du
stipulant: habet ista stipulatio tacitam conditionem , si stipulalor sup erv ixerit; mais ils sont obligés de convenir en iniine temps que cette
(i) Quod de pariter mortuis tractavimus in aliis agitatum est ut ecce: Si mater stipulata est dotem
à marito mortuà filid in m atrim onio sibi reddi, et simul cùm filia periit, an ad hærcdem malris
actio ex stipulata competeret ? et divus Pius rescripsit non esse commissam stipulationem , quia
mater filiæ non supervixit : itom quaeritur si extraueus qui dotem stipulatila est, simul cuin marito •
decesserit, vel cum eà propter <|iiam stipulatili esset, an adhæredera actio competerei?
�( <35 )
décision qu’ils supposent à la loi Q u o d de p a rile r est singulière et sans
exemple : Casus est singularis in istâ lege , d it Paul de Castres, nec recordor alibi h oc vid isse : encore du moins, ajoute-t-il, lorsque le retour
est poûrlivoir~Tieu dans le cas du décès du mari p en d a n t le m a ria g e, i^
semble que la faveur des mariages futurs peut faire préférer la donataire
survivante aux héritiers du donateur, afin qu’elle ait une dot pour se
rem arier, ce qui est de l’intérêt public. I n hoc m ajor ratio quant in
p r im o , scih cetfa vo re dolis u t e x ed m u lie rp o ssit iterinn nubere. Mais
lorsque le retour est stipulé pour le cas du d éc è s d eîaT e mine p en d a n t le
m a n a g e, il n’y a pas même raison de faveur (à moins que ce ne soit pour
favoriser le second mariage du mari survivant ) ; se d in p rim o casu
non sic.
Si nonobstant ces raisons pérem ptoires, Paul de Castres et ses secta
teurs ont persisté dans leur interprétation, il ne faut pas croire qu’ils aient
entendu pour cela se départir des décisions d u paragraphe E x condition a li et des lois Caius et A v ia . Ils conviennent qu’en général le retour
conventionnel est transmissible comme toute autre stipulation condition
nelle; seulement ils en exceptent le cas particulier qu’ils supposent dans
la loi Q uod de p a r ile r, c’est-à-dire, celui où le retour a été stipulé pour
avoir lieu, m ortu â f d lâ i n m A T R I MON 10 , ou m ortuo IN M A T R I
m o n i o m an to; de sorte que lorsque le retour est stipulé sous toute autre
condition que celle du décès du mari ou de la femme p en d a n t le ma~
n a g e , i n m a t r i m o n i o ; lorsque, par exemple, comme dans notre
espèce, il est réservé pour le cas du décès de la femme non précisém ent
p e n d a n t le m ariage, mais en général po u r le cas' de son décès sans en
fants, pendant le mariage ou en viduité, alors, suivant les mêmes doc
teurs, les principes reprennent leur em pire, la transmission du retour
s’opère de plein d ro it, on ne sous-entend plus la condition de la survie du
donateur, et l’on suit sans difficulté les règles générales sur la transmission
des stipulations conditionnelles, et notam m ent les décisions des lois Caius
et A v ia .
Celte doctrine se trouve fort bien explique'e p ar Pierre Barbosa, chan
celier de P ortugal, l’un des principaux sectateurs de Paul de Castres. C’est.
0
�( ^6 )
sur la loi C a i u s , if. s o lu lo m a l r i m o n i o , versiculo q u o d c ù m ita . Après
avoir conclu de celle loi et de la loi ¿ d v ia , codicc d e j u r e d o t i w n , que
le retour conventionnel est transmissible, il s’objecte la loi Q u o d d e p a r ite r , qu’il entend dans le même sens que Paul de Castres, Covnrruvias
et Menoehius ; mais il y répond en disant que celle loi n’a lieu que pour
le cas particulier dont il y est parlé, lorsque le retour doit avoir lieu m o r t u â i n M A T n i M O N i o J iltâ . N e g u e o b s t a t d ic t a l e x Quod de pariler,
q u ia l o q u ï t u r q u a n d o q u is s t i p u l a t u r d o te m s ib i r e d d i , m o r t u â
IN
M A X R I M O N I O f i l i d ; n a m tu n e t a c i t a s u b in te llig ilu r c o n d itio s u p e r v i v e n t i œ , u t ib l t r a d u n t d o c t o r e s ; s e d s i g e n e r a l i t e r c o n c e p t a s i t s t i p u
la tio n p r o c e d e r e t i d q u o d s e n t i t is t e x l u s c u m s im ilib u s .
Ainsi la loi Q u o d d e p a r i t e r , de quelque manière qu’on veuille l’en
tendre, est sans application a noire espece ; car il ne s’agit pas dans la
cause deTetour stipulé pour avoir lieu, m o r t u d i n m a t r i m o n i o f i l i â .
D’ailleurs le mari ne gagnant plus la dot par sa survie, comme dans l’an
cien droit, la faveur de son mariage Futur ne milite plus contre les héri
tiers du donateur, et l’intérêt public n’est plus compromis par la trans
mission. En vain diroit-on que le mari survivant profite encore aujour
d’hui, à cause delà communauté, de la moitié de la somme constituée en
dot à sa femme. Il faudroit au moins que la somme n’eût pas été stipulée •
propre de communauté : or, dans l’espèce de la cause, les 3o,ooo liv. don
nées par le sieur Lhérilier ont été stipulées propres.
Il n’en est pas des lois C a iu s et A v i a , comme de la loi Q u o d d e p a r i
le r . Elles sont toutes deux très précises pour la question qui nous divise.
Dans la première ( i ) , il s’agissoit d’une dot donnée au mari par l’aïeul
(i) Caius Se'i'iis avus maternus Sei® uepti <jusberat in patris potestate, certam pecunUe quantitàtem dotti nomine Lucio Tilio marito dedit, et instrumento dolali tjusinodi pacumi et stipulalio—
nem complexus est,si iuler Titium Luciuminaritum eiSeiam divortium sineculpù mulieris factum
esset, dos omnis uxori vel Caio Seì'o avo materno redderetur reslituereturque. Quaeio, cùm Seius
avus maternus statini vità defuncti!» sii, et Seia posteà sine culpà suà diverter.t, vivo patre suo
in cujus potestate est, an et cui actio ex hoc pacto et slipulalione compelat, et utrum ha=redi av
materni ex stipulatu, ali nepti? Respondí in persona quidem neptis viileri inutiliter sti}.ulationetn
esse couceptam, quoniain avus maternus ei stipulatila propomtur ; quod cùm ita est, hxredi stipulatoris, quandocunaque direrterit mulier, acùo competere videtur-
�( 67 )
nialerncl de la femme, et par celui-ci slipule'e re'versible au profit de la
femme, oy de lui donateur, en cas de divorce san? la faute de la femme.
L e divorce arriva, mais le donateur qui s’étoit réservé le retour (du moins
en icco n d ) étoit prédécédé!; nonobstant ce prédécès, le jurisconsulte
(supposant nulle la stipulation faite en premier au profit de la femme ,
quia nem o a lteri stipulavip o te s t) décide que les héritiers du donateur
doivent profiter du retour en qualité de tra:ismissio.inaires, comme auroit pu faire le donateur lui-menie. Q u o d c ù m ita e st, hœ redi stip u la to n s , quandocum que diverterit millier, actio com pelere videtu r.
La loi A v ia n’est pas moins expresse. La question étoit desavoir si le
retour de la dot, n’ayant été réservé que par un simple pacte, et non par
une stipulation en forme, il étoit transmissible aux héritiers du donateur.
L ’empereur répond qu’il faut distinguer si la dot, dont le retour a été
réservé par le pacte est une dot profeclicc, (c ’est-à-dire donnée par celui
qui a la puissance paternelle) ou si elle est adventice. Lorsqu’elle est profectice, c o m m e en ce cas le donateur est assuré du retour légal qui n’est
pas transmissible, on suppose qu'il s’en est contenté, et que c’est pour
cela qu’il n’a pas eu recours à une stipulation en forme; mais lorsque la
dot est adventice, telle que celle donnée par les étrangers ou les ascen
dants maternels qui ne peuvent pas prétendre le retour légal, alors le re
tour qui en a été réservé par un simple pacte est transmissible aux héri
tiers du donateur. A v ia tua eo n im quee p ro J iliâ tua in dotera d é d itt
etsiverb o ru m obligatio non intercessit, aclionem e x fid e convcntionis
a d te, s i hœres ex titisti, tran sm itiere p o tu it , nec enirrTëadem causa
est patris e t m a tn s paciscentium ; q u ippe m atris p a c tu m actionem
•prœscriptis verbis con stitu it; p a tr is , dotis actionem conventione simp lic i m inim e creditu r innovare.
Quelque claires que soient ces deux lois, il s’est cependant trouvé
un docteur (i) q u i, pour les concilier avec la décision attribuée par Paul
de Castres et autres à la loi Q u o d de p a r ite r , a essayé de leur donner une
autre interprétation. Par exemple, il suppose que dans 1espèce de la loi
(i) Barthélemi Socin, sur la loi Quod de pariter.
�( 68 )
A v ia , la donatrice avoit survécu à l’ouverture du retour qu’elle s’étoit
réservé, et par rapport à la loi Caius , il prétend que cVst la stipulation
expresse faite en premier au profit de la femme mariée qui a fait présu
mer de la part du dotateur (pour le retour stipulé ensuite à son profit )
une dérogation à la disposition prétendue de la loi Q u od de pariter ;
mais cette double solution se réfute d’ellc-même. En effet, pour ce qui
est de la première, il est sensible que si la donatrice avoit survécu, il n’y
.auroit pas eu de distinction a faire entre le pacte de l’ascendant maternel
et celui du père, pour déclarer le premier transmissible, et non pas l’autre :
tous les deux auroient été également transmissibles, puisque le retour
même légal se transmet, lorsqu’une fois il a été acquis au père par sa sur
vie. A l’égard do la loi C a ius, il n’est pas possible de concevoir que la
circonstance de la stipulation expresse de retour faite en premier au profit
de la femme ait pu influer aucunement sur la transmissibilité de celle
faite en second par le dotateur au profit de lui-même ; il est évident que
la décision de là loi auroit été la même, quand cette circonstance ne s’y
seroit pas trouvée.
Aussi cet auteur finit-il par reconnoîlre que ces solutions sont plus sub
tiles que solides, et qu’il faudroit bien se garder de les suivre dans la pra
tique, dans les jugements : cogita lam en quia pulchra est conclasio ,
N O N T A M E N F O R T E I N J U D I C A N D O ESSET A B A L I A O P I N I O N E
RECEDENDUM.
E t effectivement, comme il le dit fort bien au même endroit, si ce
n’étoit le double sens dont la loi Q uoil de pariter paroît susceptible , il
n’y auroit pas un seul docteur dans tout,le monde entier qui n’opinât pour
la transmission du-retour conventionnel dans tous les cas. N o n esset
doctor in Jiiundo quiconlrarium non consuleret, si non vidissct tslutn
textum .
T R O I S I È M E
P A R T I E .
E x a m e n de la Jurisprudence*
1° Suivant Papon, au titre des Donations, art. 38 , il a été jugé que
la rétention fa ite p a r un d o n a te u r q u e si le donataire meurt sans en-
�(
).
J a n ts , la chose donnée retournera au don ateu r sans fa ir e m ention
d ë fsie n s, est réelle'et non p e rso n n e lle , p a r ain si transm issible à l ’he- *
ritier du donateur, s’il se trouve m o r t, lorsque la con dition d 'ic d ltT
rétention a dvient.
2° M. Maynard, 1. 8. c. 33. rapporte que par sentence de la sénéehausse'e de Lauserre, le retour stipulé par un oncle donateur au pays de Querci,
pour le cas du décès de son neveu donataire sans enfants, ledit cas étant
arrivé, quoiqu'après le décès du donateur, fut ju^é transmissible aux
héritiers du donateur, n o n o bstan t le défau t de ce m o t sien ou a ulrs.
e’quipolent.
...»
3 ° Le même M. Maynard rapporte que sur l'appel du cette sentence
par arrêt rendu à son rapport, au mois de janvier 1574-j coniirmalil de
la sentence, le retour fut adjugé aux héritiers du donateur.
4° Fonlanella nous assure que la même chose a été jugée contre lui même, le 10 avril 1G09, par le consistoire de la principauté de Catalogne.
Conatus f u i defendere q u o d non p o tera n t ( dotem vindicare hærcdcs
donatoris præmorlui) fu n dans intentionem in dispositione legis Quod de
pariter, et eorum quee super ea dicunt superius allegati de subintelligen tid cotulilionis superviventiœ , se d non p o tu i oblinere; im o d ecla - _
ra tum fu it expresse sub die 10 y lp r d is anno 1G09, itifa vo rem hœ redum ; et cela pareequ’il n’y avoit pas de preuve que le donateur eût
limité le retour au cas de sa survie, su m en do expresse m otivum qu od
non con staret con ceptam fu isse stipulationem respectu reversionis a d
donatorem , siisJilice su pervixisset, ac p ro in d è regulando eum casum
ex dispositione p a ra g ra p h i E x conditionali sim pliciter conceden/i
transm issionem a d h œ redes, qu ando non aclest expressa conditio
superviventiœ.
*
5° La même chose a encore étédécide'e
présente par Mes
d a n s
l ’ e s p è c e
Blaru, Normand, L e Clerc de Yeaudonne et Guéaux deRevcrsoaux, com
missaires nommés par le conseil pour juger les contestations relatives a la
succession du sieur JLhéritier donateur. E11 effet, par leur arrêt de partage,
ils ont réservé aux parties, par un acte séparé, l’espérance du retour sti
pulé par le sieur Lhéritier en ces ternies : les parties on t encore l’espé
ran ce, le cas arrivant, de la réversion de la som m e de
3qqoo
livres
'
�( 7°*)
donnée en dot p a r le sieur Lhéritier père à m adam e la marquise de
R a vig na n , sa ( b e l l e ) nièce.
6° Enfin la sentence dont,eSt appel, rendue sur les plaidoiries solen
nelles des parties pendant cinq audiences, a jugé en faveur des héritiers
du donateur, sur le fondement que la condition exprimée p arle dona
teur pour donner lieu au retour s’étoit. vérifiée : attendu le décès de la.
dem oiselle R a c in e , veu ve D a m p u s, sans enfants.
L e marquis de Mesmes auroit bien voulu pouvoir opposer à cette suite
de décisions quelques décisions contraires capables de les balancer. Mais
quelques recherches qu’il ait pu faire, il ne lui a pas été possible d’en
produire une seule; en vain excipe-t-il de l’arrêt rapporté par Mornac ^
au titre de dote profectilia. Il y étoit question du retour d’une dot cons
tituée par mi père naturel a sa fille bâtarde, et par conséquent profeclice,
comme le dit Mornac lui-même et comme le prouve fort bien H cnrys,
]. G. c. 5 . part. 3o, où il e'tablit que le retour légal a lieu au profit du père
naturel pour la dot par lui constituée, comme étant censée prqfectice ,
à cause de l’obligation où il est de doter; or il ne s’agit point ici d’une
dot profeclice.
D’ailleurs, si l’on examine bien l’espèce de l’arrêt de Mornac, on verra
qu’il n’est pas même précis pour le cas de la dot profeclice. En effet, Moi'nac dit lui-même que le retour avoit été stipulé seulement pour le cas du
décès de la fille sans enfants. O r, la fille n’éloit pas décédée sans enfants,
puisque scs enfants lui avoient survécu. D ecesserat presbyter POST e a q u e s p v r i a A C L I BE RT . Il est vrai que les enfants étoient dé
cédés sans enfants, et c’est apparemment sous ce prétexte que les héri
tiers du jirêtre dotateur revendiquoient la d ot, en étendant la condition
du décès sans enfants , au cas du décès, et des enfants sans enfants.
M a i s c o m m e l’ont fort bien observé Ricard etle Journaliste des Audiences,
les stipulations en général et celles de retour en particulier étant de droit
étroit, ne doivent pas être étendues d’un cas à un autre. Dès-lors, on ne
pouvoit pas adjuger le retour aux héritiers du prêtre dotalcur. Lui-même
auroit été exclus à défaut d’événement de la condition prévue (i).
(i) Ageliatur de lVcsbytcro qui cùra donaret filiæ sjmriæ 3oo aureos iudotem, conditioner
�( 7/ )
Si des jugements nous passons au suffrage des auteurs français, nous
v e rro n s que la question y est toujours décidée uniforme'ment en faveur
des transmissionnaires, notamment lorsque la donation est faite par au
tres que les ascendants (comme par exemple par un bel-oncle), notam
ment lorsque le donateur, étant plus âgé que le donataire, a cependant
prévu non seulement le décès du donataire sans enfants, mais encore le
deces de ses enfants sans enfants ou avant leur majorité.
L a réversion conventionnelle, dit Le Brun, traité des Successions,
]. i. c . 5 . sect. 2, passe a nos héritiers si nous ne l’avons limitée, ce qui
se f a it quelquefois, en ne la stipulant qu’au cas du prédécès du do
nataire ; mais quand nous Vavons stipulée simplement au cas du dé
cès du d onataire sans enfants, alors nous avons parlé pour nos hé
ritiers ou ayants-cause.
Quant a la réversion co nventionnelle , dit Lacom be, au mol Réver
sion , elle ne concerne vas m oins les héritiers du d onateur qui l’a sti
p ulée , que sa personne m ême. N am plerum que ta/n hœredibus nostris quant nobismelipsis cavemus, 1. 9. de Prob. s lin s i si un ascendant
fa it donation à son fils ou à sa f i lle , « condition de réversion, si le
donateur meurt sans e n f a n t l e s choses données passent a u x héri
tiers du donateur p rédécédé, si elle n’a été limitée.
L e retour conventionnel, dit 1auteur de la nouvelle collection de Ju
risprudence, au mot Retour, n’a d ’autres règles que celles de la con
vention............. et com m e les conventions passent in hæredes et ad
hæredes, il s’ ensuit que si le donateur prédécède, la réversion doit
appartenir à ses héritiers qui le représentent, lorsque la condition
sous laquelle elle est stipulée est arrivée, à moins que la réversion
n’eût été stipulée personnelle, et qu’elle n’ ait étélim iléepar des clauses
qui l’em pêchent d’être transmise a u x héritiers.
Domat, en son traité des Lois Civiles sur le Retour, après a vo ir décidé,
illam tabuli3 n u p t i a l i b u s adjecerat (si sine l i b e r i s filia d e c e s s e r i t , dos a d se reverterctur) nullà factà
mentionc hæreduin. Suscepti crani liberi ex eo matrimonio q u i b u s superstilibus decesserai Presby
ter, pusteàque spuria ac i i i e r F i ^ î û n l liæredis PresbyterTdolem illam u tprofeciitiam ex clau»«14 reversionis.... à petitione sui suromoli sunt.
1
�( 72 )
conimc tous les auteurs ci-dessus cités, qu’en général le retour stipulé
par un ascendant ou tout aulre donateur doit se régler comme les autres
conventions, et non à l’inslar du retour lég a l, ajoute que cela est encore
p lu s ju s te p o u r les donateurs autres que les ascendants. La raison
qu’il en donne est que les donateurs étrangers (tel qu’éLoit le sieur Lhéritier par rapport à la demoiselle Racine, sa belle-nièce ), n’ayant pas la
même affection pour la famille de leurs donataires, on présume encore
plus aisément d’eux que des ascendants, qu’ils ont voulu préférer leurs
propres héritiers a la famille de celui contre lequel ils ont stipulé le re
tour.
Enfin, suivantIlem js, quoiqu’en général le donateur, même ascendant,
qui se réserve le retour soit censé le faire tant pour lui que pour ses
héritiers, cette présomption légale devient bien plus forte encore, lors
que, comme dans notre espèce, il a prévu non seulement le décès du do
nataire sans enfants, mais encore le décès de scs enfants avant leur ma
jorité. E n effet, dit-il, quoique le p ère su rv iv a n t, l’ordre de la nature
en so it tro u b lé, c’est p o u rta n t chose a ssez co m m u n e, m ais qiCun
père pen se .survivre a sa fille e t au x enfants qu’elle p e u t laisser, qu'il
étende si loin sa p e n sé e , c’est ce qu’on y,e p e u t p a s présum er. D o n c ,
ajoute-t-il, qu an d le p ère a stip u lé que la d o t sero it réversible, s i sa f ille
décédoit sans enfants ou scs enfants sans enfan ts, il ne s ’est p as
p ersu a d é que to u t cela p û t arriver lui' viva n t, et p a r con séqu en t il a
bien entendu q ue cette stipu lation f û t aussi bien profitable à ses héri
tiers qu’à lu i-m êm e, au trem ent il n’au roit p a s eu une visée s i longue,
et s’il n’avoît cru que de stipu ler le retour p o u r lu i, il en au roit res
treint la condition e lle s term es, l i s e sero ït contenté d é p o r te r dît p r é
décès de sa fille sans enfanU, et il n’auroit p a s ajo u té et de scs enfants
sans eiifail
L e marquis de Mcsmes oppose à ces autorités le sentiment de Bouclieuil, de Bretonnier sur Henrys, et de M°. L aR ouvière; mais Boucheuil
ne se décide que d’après l’arrêt de Mornac, qui, comme nous l’avons vu,
n’a pas de rapport à l’espèce. Bretonnier se décide sans donner aucune
raison de son avis; ainsi on ne peut pas deviner quel a été son motif:
�(
)
d’ailleurs, l’espèce sur laquelle il donne son avis, qui est celle de Henrys,
est bien différente de la nôtre, où le donateur est un bel-onclc, et par
conséquent un étranger; au lieu que dans l’espèce de H enrys, c’est un
père assuré du retour légal de la dot profeclice par lui donnée. Par rap
port à Me. La Rouvière, il ne c^evroit plus être nommé dans cette cause,
d’après les preuves qui ont été administrées au châtelet, que cet auteur
n’a pas connu les premiers principes ‘delâTm aüère, et qu’il n’a pas en
tendu les docteurs par lui cités.
*
CONCLUSION.
Nous ne croyons pas qu’il reste la moindre difficulté dans cette cause;
car il ne faut pas regarder comme telle l’opinion isolée de deux auteurs
induits en erreur par des autorités mal entendues. C ’est toujours aux
principes qu’il en faut revenir. O r, les principes élémentaires du d ro it,
ceux dont n o u s avons été rebattus dans les écoles, et qui retentissent
j o u r n e l l e m e n t dans les tribunaux, sont que les stipulations condition
nelles se transmettent à l’héritier du stipulant, nonobstant le prédécès de
celui-ci, que les actes entre-vifs, même conditionnels, opèrent la saisine
in instanti, que les conditions y ont un effet rétroactif, que, suivant la
règle le m ort saisit le v i f les héritiers succèdent à tous les droits dont
leur auteur est décédé saisi, qu’ils n’en pourroient être privés que par
une volonté expresse du stipulant qui auroit formellement restreint la
stipulation à sa personne, que c’est à celui qui les prétend exclus à prou
ver leur exclusion, que les conventions sont toujours censées réelles, que
la personnalité ne s’y suppose jam ais, qu’elle doit être prouvée par des
expressions qui la nécessitent, etc.
L e marquis de Mesmes ne doit pas se flatter que la cour déroge en sa
faveur à ces principes consacrés par l’antiquité la plus respectable, adop
tés par toutes les nations policées et qùi' font une partie essentielle de la
législation universelle et du droit des gens.
11
En vain voudroit-il en éluder l’application par des distinctions imagi
naires; l’esprit actuel de notre jurisprudence est de prévenir, autant qu’il
est possiblej toute incertitude dans les jugements, en n’admettant que
10
�C 74 )
des principes clairs, et en rejetant toutes les distinctions arbitraires que
ia subtilité des docteurs avoit multipliées à l’infini. Ce seroit aller directe
ment contre cet esprit, et nous rejeter dans le chaos affreux d’incertitude,
dont la bonté du prince et la sagesse de la cour travaillent tous les jours
à nous retirer, que d'admettre les distinctions imaginées par le marquis
de Mesmes pour le besoin de sa cause.
Les principes ne doivent être limités que par des exceptions aussi clai
rement établies et aussi notoires que le principe même. Telle est, par
exem ple, l’exception qu’ une jurisprudence constante, uniforme et ayant
force de loi a établie pour le cas précis de la stipulation de reprise de l’ap
port èn communauté p arla femme renonçante. L a personnalité de cette
stipulation (unique dans son espèce, comme l’observe M c. P otliier, en
son traité des Obligations , à l'endroit déjà cité) est aussi notoire que la
réalité de toutes les autres; et en conséquence, il n ’y a ja m a is de diffi
culté lorsque le cas de cette exception se présente. Il n’en est pas de
même de celle qu’imagine aujourd’hui le marquis de Mesmes. Elle n est
autorisée par aucune lo i, aucun usage. E n vain voudroit-on l’assimiler à
la première. L a différence est des plus frappantes.
En effet, la stipulation de reprise de l’apport en communauté est con
traire à toutes les règles de l’égalité, qui fait l’ame des sociétés. Elle change
la société des conjoints en une véritable société léonine, où la femme
est assurée des profits sans courir aucuns risques ; en conséquence une
stipulation pareille seroit proscrite dans une société ordinaire, comme
contraire au droit naturel. Si elle est tolérée dans la société conjugale,
c’est uniquement à cause de la grande faveur des contrats de mariage,
qui autorise toute espèce de clause, lorsqu’elle ne va pas jusqu’à offenser
les bonnes mœurs ; au contraire la stipulation de retour ne r e n f e r m e rien
que de très conforme aux premiers principes du droit d es gens, étant
permis à tout donateur. 4’imposer à sa libéralité telle charge qu’il juge.à
propos. Dès-lors on ne doit pas être surpris que la jurisprudence des
arrêts ait déclaré la première stipulation personnelle, et non pas l’autre.
,
Quod contra juris rationem introduction est non est producendum
ad consequentias
,
�( 75 )
Indépendamment de cette considération particulière aux clauses de
reprise, qui peut-être a paru suffisante pour les faire déclarer person
nelles, il y en a une générale tirée des principes du droit, qui a pu encore
conduire à la même décision. C’est que la condition sous laquelle est sti
pulée la reprise de l’apport de la femme en communauté, c’est-à-dire, sa
renonciation à la communauté, est purement potestative , étant au pou
voir de la femme stipulante de renoncer ou de ne pas renoncer. O r,
presque tous les anciens docteurs ont soutenu que ces sortes de condi
tions ( si p e tie r o , si renuntiavero, etc.) étoient personnelles et ne pouvoient s’accomplir que dans la personne du stipulant, quia viden tur
a p p on i in persond stipulatoris; et effectivement ces conditions paroissent se référer directement à la personne du stipulant pour leur exécu
tion. Il n’en est pas de même du cas de décès du donataire sans enfants,
qui fait la condition ordinaire du retour. Cette condition est casuelle} et
non potestative. Elle n’est au p o u v o i r d ’a u c u n e des p a r ties contractantes.
Elle est a b s o l u m e n t extrinsèque à la personne du donateur stipulant,non apponitur in p erson d stipulatoris, pour nous servir des expres
sions de Fontanella. 11 n’y a donc aucun prétexte de la faire déclarer per
sonnelle, et dès-lors c’est incontestablement le cas d’y appliquer les prin
cipes généraux qui ont été établis pour la transmission des stipulations
conditionnelles, et notamment la disposition du paragraphe E x con d itionali et des lois Caius et A v ia .
M. B À R E N T I N , a v o c a t - g é n é r a l .
Me. L E S P A R À T , avocat.
B u r e a u l’aîné, procureur.
�
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A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Delsol, Jean-François. 1809]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Bellart
Bonnet
Delvincourt
Lacalprade
Barentin
Lesparat
Hureau l'aîné
Subject
The topic of the resource
successions
avancement d'hoirie
contrats de mariage
substitution
droit de retour
nullité du testament
fideicommis
jurisprudence
dot
stipulation
Description
An account of the resource
Consultation pour les sieurs Delsol, frères ; contre la dame veuve Vigier-d'Orcet, leur sœur consanguine [suivi de] Arrêt du Tribunal civil de première instance d'Aurillac [suivi de] Précis pour le sieur René-Louis Lhéritier et consors, intimés ; contre messire Joseph, marquis de Mesmes, appelant.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Mame frères (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1809
1760-1809
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
75 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0629
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0531
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53889/BCU_Factums_M0629.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
avancement d'hoirie
contrats de mariage
dot
droit de retour
fideicommis
jurisprudence
nullité du testament
stipulation
substitution
Successions
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53380/BCU_Factums_G2010.pdf
6b32cdaa7fa2fe735d9128571ea31baf
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Text
P R É C I S
EN
RÉPONSE,
P O U R
t
E X P E R T O N , avoué licencié
au tribunal civil du P u y , intimé;
J e a n - B aptiste
C O N T R E
G ilb e r t
Q
G IB O N ,
a v o ca t,
a p p e la n t.
UAND on a soif de la fo r t u n e , q u a n d , p o u r cou rir
à cet unique b u t, on n églige ses proches jusqu’à la veille
de leur d écès, q u ’alors on ne se souvient d’eux que p ou r
ten ter, par obssession, de leur arracher des dispositions
gratuites, on o u b lie , l’instant d’a p rès, ceux de qui on a
obtenu quoique chose, et on ne se souvient de ceux dont
on a essuyé les refus que p o u r les m audire et insulter à
leur m ém oire.
Aussi G ilb ert G ib o n ne se r e t r a c e - t - i l aujourd’hui
M a rg u erite G i b o n , sœ u r de son p è r e , que com m e un
être disgracié de la n a tu r e , o n é re u x à sa f a m ille , et
a u q u e l, tout au p lu s , on devait q u e lq u e p itié.
A
�C M
C ’est assez naïvem ent exp rim e r les sentimens q u ’il avoit
p o u r elle , et le genre de ses affections. Il avoit q u elq u e
p itié p o u r sa ta n te , et beaucoup d’aiFection p o u r son
p atrim oine : d’où il est évident que s’il daigne encore
se souvenir q u ’il eut une tante appelée M a r g u e r ite , ou
suivant lui M a rg o u to n , ce n’est pas q u ’il ait la m oindre
envie de la regretter; c’est uniquem ent parce q u ’il a con
v o ité inutilem ent sa fortune.
Beau titr e , en effet, p o u r prétendre à la tendresse de
sa tante, exclusivem ent à tous autres, exclusivem ent sur
tout à E x p e rto n qui l’avoit recueillie dans sa maison depuis
plusieurs an n ées, qui lui p ro d igu o it les soins de l’affec
tion , et avec q u i elle a v é cu dans l’intim ité jusqu’au
dern ier instant de sa v ie !
E xcellen t mo)7en de persuader à la justice que le p r é
tendu testament resté im parfait fut un acte spontané de
M a rg u erite G ib o n ; qu e par reconnoissance p o u r la p itié
que G ib o n lui p ortoit de l o i n , il lui v in t en id é e , sur
son lit de m o r t , et dans la maison m êm e d ’E x p e r t o n ,
d’appeler un notaire^ p o u r lu i ôter le m oindre espoir
dans son h éréd ité , et la transmettre toute entière à
G ib o n !
M ais la v é rité se fait jo u r quelquefois i\ travers le
b o u rd on n em en t des passions ; et m algré sa résolution
bien prise de trom p er la justice sur le f a i t , le sieur
G ib o n n’a pu retenir cette expression de son âme dans
laquelle il s’est peint tout entier.
Il n’eut pas m anqué non p l u s , s’ il n ’eût cru p o u v o ir
prétendre à l’h érédité de M a r ie -M a r g u e r ite , de dire à
la justice q u ’elle étoit asth m atiqu e, et accablée d ’iuiir-
�( s ) ,
mités ; que bien loin de p o u v o ir administrer au-dedans
et a u -d e h o rs, elle étoit six mois de l’a n n é e , au m o in s ,
incapable de se servir e lle -m ê m e , et que le plus souvent
sa sœur la soign oit, q u oiq u e boiteuse, q u oiq u e son aînée.
E lle n’eût encore été à ses y e u x q u ’un être inutile et
insupportable : elle ne lui a paru tout d ’ un cou p robuste
et a c tiv e , que parce q u ’il a cru que cette idée p o u v o it
rendre vraisem blable la singulière préférence q u ’il sup
pose à J e a n - L o u i s G i b o n , dans la distribution de sa
fortune.
A ussi le sieur G ib o n a-t-il principalem ent em ployé
ses efforts à jeter sur E x p e rto n une défaveur q u ’ il redoutoit p o u r l u i - m ê m e , et q u i à ses y e u x produisoit
ce double effet, et d ’élo ig n er ce q u ’il vedoutoit le p lu s ,
et de déverser sur lui toute la bienveillance de la justice.
P o u r cela il a fallu arranger artistement des faits controuvés et étrangers à la cause, faire un tableau infidèle
de la vie d ’E x p e rto n ', l ’accuser hautem ent d ’a v o ir en levé
l ’argent com ptant de sa tante, crier le p rem ier au v o le u r ,
tout cela p o u r détruire,d’avance PeiTet de cette accusation
contre lu i-m êm e ,.ç t ne laisser à son adversaire que l’ap
parence de la récrim ination.
M ais la justice ne se laisse pas entraîner par des illu
sions; la C o u r q u oiq u e moins à portée que les juges du
P u y de connoître spécialement les parties et les circons
tances de la cause, sera bien tô t convaincue que le tri
bunal près duquel l’intimé exerce ses fonctions, et q u ’on
dit lui a vo ir accordé tant de f a v e u r , n e s’est mépris
ni sur la ca u se , ni sur les personnes, ni sur l’application
, des principes du droit.
A
2
�2>%Q
(4)
F A I T S .
J e a n -L o u is, M a rgu erite et M a rie -M a rg u erite G ib o n ,
tous les trois célibataires, avoieut constamment cohabité
et vécu ensemble dans la plus grande intim ité à L a n d o s ,
leur pays n a ta l, lorsqu'ils vin ren t en la ville du P u y ,
se réu n ir à M a rie G i b o n , fçm m e E x p e r t o n , leur sœ ur,
et au sieur E x p e r t o n , leu r neveu : ils ne se sont plus
quittés ; la m o rt seule les a séparés..
O n n ’a pas à rechercher ici ni l’o r ig in e , ni l’ état de
la fortune du sieur E x p e r t o n dans les prem ières années
d e sa v i e ; on snit assez que les parties sont enfans du
frère et de la s œ u r, que leurs parens étoient de la m êm e
condition ; et si G ib o n a osé parler d’E x p e rto n com m e
d*un être m isé ra b le , n é dans l’in d ig e n ce , et destiné à
y traîner sa v i e , ce n’est là q u ’ un ton de m épris trèsm éprisable assurém ent, surtout en tre proches.
S’ il faut en croire G ib o n , ce fut encore p a r p itié que
son père reçut E xp e rto n chez lu i; c a r , à l’entendre, ce
sentiment p ou r ses proches seroit chez lui une vertu
héréditaire. M ais p o u rq u o i ces détails m in u tie u x ; p o u r
quoi surtout ces récits inexacts, étrangers à cette cause,
si ce n ’est p o u r p ro u v e r à tout le m onde q u ’il a besoin
de s’entourer d ’ une foule de petits moyens p ou r donner
une c o u leu r de vraisemblance h des faits q u ’ il suppose
capables de disposer favorablem ent les esprits? Il faut
donc parler des faits.
G i b o n , faisant scs études au P u y , habitoit et v iv o it
chez E x p e rto n p è r e , son oncle. Ses études fin ies, son
�( 5)
p ère l’envoya à T o u l o u s e , et à la m êm e é p o q u e , E x perton fut en v o yé chez le sieur G i b o n , son o n c le , pra
ticien à P radelles, où il p rit quelque teinture de pratique.
L o rs q u e G ib o n fils revint de T o u lo u se , érigé en avocat,
son p è r e , alors juge des lie u x , lui laissa son étu de; mais
com m e il lui étoit interdit de p ostu ler, il profita d ’E x perton , sous le nom duquel il commença sa fortune
p e rso n n e lle , sans q u e jamais E x p e rto n ait reçu ni de
m andé , m algré sa m is è r e , la m oin dre gratification. Son
p ère l’entretenoit ; et lorsqu’ il avoit besoin de quelque
chose de p lu s , il le demandoit à ses tantes de Landos.
A p r è s un certain tem p s, E x p e rto n revin t au P u y ; il
entra clerc chez J o u v e , p ro c u re u r, où il a resté plusieurs
années. L a rév o lu tio n su rvin t;,le s sieurs G ib o n père et
fils furent persécutés : et puisque l’appelant a cru néces
saire ou utile à sa cause de rappeler quelques traits bien
défigurés de la v ie d ’E x p e rto n , p e u t-ê tre sa m ém oire
auroit pu lu i fo u rn ir et son cœur surtout lui rappeler
la conduite que tint E x p e rto n envers sa famille et lu im ê m e , dans ces temps d’orage et de persécution.
M ais ce n’est pas ce dont il s’agit. 11 faut arriver au
fait de la cause.
E x p e rto n fixé au P u y , y fut d ’abord défenseur offi
c ie u x , puis reçu a v o u é ; la dame sa m ère quitta la c o m
pagnie de son fr è r e et de ses sœurs p o u r ve n ir habiter
avec lui. Ils vivo ien t paisiblement ensem ble, lorsque son
oncle et ses d e u x tantes vin ren t partager avec eu x la
tranquillité de leur mén.ige.
L a dame E x p e rto n m ourut la p r e m i è r e ; son frerc et
�. ( 6 )
ses d e u x sœurs ne continuèrent pas m oins de cohabiter
et de v iv re avec E x p e t t o n , leur n e v e u ; ce q u i d é m o n treroit assez, san s'qu ’ il ait besoin de le 7rem arquer luî—
m êm e , q u ’ il ne leur donnoit que des p r e u v e è d e respect
et d’attachement.
E x p e rto n avoit acquis une maison au P u y. Il est faux
q u e jamais celle de la v e u v e B enoît ait été vendue à Jean-Louis G ib o n : ce n’est l à ' q u ’u n fait a r tic u lé , com m e
tant d ’autres, p o u r le besoin de la cause.
L e sieur G ib o n , dit-on , ne cessa de s’en plaindre ! Cela
est bientôt dit, m aiscela p erd to u tesa vraisem blance quand
on avoue que L o u is G ib o n et ses sœ u rs, bien loin de
retou rner h L an do s où ils a vo ient encore leur habitation
m e u b lé e , su iviren t E x p e rto n dans là maison de la ve u ve
E sbrayat, q u ’il venoit d ’acq u é rir; quand on saura surtout
q u e J e a n - L o u i s G ib o n ne tomba pas malade peu de
tem ps a p r è s , et qu ’il vécut vingt-six mois sans se p lain d re,
toujours à la com pagnie d ’E xperto n ;
C e seroit une lég ère présom ption , :pcu t-ô tre, du m é
contentement de L o u is G i b o n , s’ il «voit testé im m édia
tement après la ve n te ; mais il sùifit’de rapprocher les dates
p o u r se convaincre du co nt ra ir e : la vente est de vendcmiaii-e an 1 0 , le testament du 25 frim aire an 1 2 , et le
décès d u 'm ê m e jour.
C e n’est pas le m om ent de s’appesantir sur les circons
tances du testament de J e a n - L o u i s
G ib o n . L e sieur
E x p e rto n sait, et le sieur G ib o n sait com m e lu i, que le
frère et les deux sœurs avoient eu constamment la réso
lution de se laisser m utuellem ent leur fortune : tous trois
�( 7)
célibataires et d’un âge a v a n c é , leurs besoins et leurs
habitudes étoient les m ê m e s, leurs affections récip ro
ques égalem ent distribuées.
L e sieur G ib o n sait aussi que pleins de gratitudes p o u r
les attentions et les égards d ’E x p e rto n , leur intention
étoit aussi de lui laisser sinon to u t, au moins la majeure
partie de cette fo rtu n e; sans cela1 p o u rq u o i tant de p r é
cautions et d ’efforts p o u r les en d é to u rn er?
Q u o i q u ’il en s o it, ce testament est fait au profit de
M a rg u erite ; en quoi certainement il ne faut ni tro uver
ni ch ercher aucun m o tif d’exclusion p o u r E x p e r t o n , mais
l ’idée bien naturelle de laisser q u elq u ’aisance à sa sœur dans
un âge a v a n c é , ou p o u r m ie u x d ire, à ses: sœurs, puis
q u ’ une lon gue habitude de v iv r e ensemble les avoient
rendues nécessaires l ’ une à l’a u tre , et q u ’ il n’a voit pas de
raison de croire q u ’elles dussent jamais se séparer.
Ici le sieur G ib o n disserte beaucoup sur les intentions
d e son oncle ; car il établit toute sa cause sur la vertu
de certaines présom ptions q u ’il croit a vo ir rendues v ra i
semblables.
E t d ’abord il avance que son oncle s’en étoit ouvert
au curé de L a n d o s , en
quoi le sieur E xp erto n est
fondé à croire q u ’ il eût été plus réservé si le curé de
L an dos ne fut pas décédé dans l’ intervalle ; car p réci
sément le sieur G ib o n lui avoit dit plus d ’ une fois q u ’il
v o u lo it laisser ses biens :\ M a r g u e r it e , sa sœur aînée.
G ib o n ajoute q u ’ Experton lui-m êm e s’est vanté d’a vo ir
dirigé le testament au profit de M a rg u e rite ; ce qui
d ’abord est in e x a c t , et en second lieu ue seroit <l’au
cune conséquence.
�( 8 ) .
E n p rem ière instance, il étoit allé plus l o in ; il avoit
avancé q u ’E x p e rto n étoit présent au testam ent, et q u ’ il
l’avoit inilnencé directem en t; E x p e r t o n , sur le c h a m p ,
offrit de s’en rapporter à la déclai-ation du notaire, tout
d é v o u é q u ’ il étoit aux intérêts de G ib o n : on se tut.
G ib o n détaille ensuite une foule d’actes qui suivirent
le décès de son o n c le ; il.p réten d en tirer la conséquence
que M a rg u erite se considéra et fut reconnue com m e
seule héritière. M ais que prou veroit le fait en lui-m êm e?
tous les actes sont consentis par. M a rg u erite ; d’ailleurs,
on le r é p è t e , les deu x sœurs viva n t ensem ble, adm inistroient également ; quand l'une étdi.t m a l a d e , l ’autre
s’en occupoit p l u s spé c ia le m en t ; et tous les actes se
faisoient au nom de M a rg u erite , c’est-à -d ire, de celle
au profit de qui é to it.d irig é le-testament.
N ous arrivons a u x événem ens qu i se rapprochent le
plus de la m ort des deux sœurs. Ici le sieur G ib o n a
coulé fort rapidem ent : les actes de la cause vo n t ap
prendre q u ’il a été au moins im prudent en accusant
E xp e rto n de sp oliatio n , sans p re u v e s, sans indices, sans
le m oindre adm inicule qu i pût justifier cette gra ve in
culpation.
D ep uis près d ’ un an E x p e rto n , dont on exagère tant
la p r é v o y a n c e , avoit reçu dans sa maison 1 1 dame G ib o n ,
sœur de l’appelant : scs deu x taules étant l’une et l’autre
fort cassées, la dame G ib o n les soignoit; elle étoit à la
tête du m énage com m un. L e sieur G ib o n ne manqua
pas de mettre à profit cette circonstance.
M a r i é - M a r g u e r i t e G ib o n fut fr ap p ée d ’a p o p l e x i e , le
7 v e n d é m ia i r e an 14 > dit -on ; E x p e r t o n étoit a b s e n t, il
ne
�(9)
ne revin t que d ix jours après cet accident, sur l’avis que
lui en donna la dame G ib o n , en lui m andant qu ’elle
avoit tous les soins possibles de sa tante. Il trouva sa tante
assez m a lad e, entourée de diverses personnes : la dame
.Gibon ne la quittoit pas un instant.
- C ’est au m ilieu de tous ces surveillans, intéressés p o u r
la p lu p a r t, et m êm e pendant son absence, q u ’on l ’accuse
d’a vo ir enlevé l’argent de sa tante.
E x p e rto n ignore si sa tante avoit une somme d ’argent;
mais à le supposer ainsi, ce qui peut ê t r e , au moins estil bien certain q u ’on n’a pas à lui en dem ander com pte.
J u s q u e - là on avoit gardé des mesures p o u r amener
les deux tantes à disposer au profit de G ib o n ; cet é v é
nement donna plus de hardiesse; peut-être trouva-t-on
dans l’enlèvem en t de l’a rg e n t, et un bénéfice n e t, et le
m oyen de noircir E x p e rto n dans l ’esprit de sa tante.
Q u o i q u ’il en soit, un testam entfutdressé le 12 brum aire
an 1 4 , sous le nom de M a rguerite. F u t - i l consenti par
l ’aînée ou la plus jeune des deux sœurs? l’acte lui-m êm e
ne décide pas cette question ; mais il ne faut pas en omettre
les circonstances.
L a testatrice fut conduite chez E y r a u d , n o ta ire, le soir
très-tard; le testament fut dressé; et ce q u ’ il y a de plus
sûr au m o n d e , c’est q u ’elle ne le dicta pas, que m êm e
elle ne déclara pas spontanément les intentions q u ’on lui
p rê te ; cependant l’acte en fait foi.
C e q u ’ il y a de certain aussi, et le sieur E xp erto n en
prod uiroit la p reu ve s’ il ne vo u lo it pas garder certains
inénagemens , c’est q u ’il fut dressé avant la venue de
�OJ&x £r*b( 10 )
quelques tém oins; qu e l ’ un d’e u x , au m oins, fut appelé
tr è s -ta r d p o u r signer un te sta m e n t; q u ’il prom it d ’y
a lle r ; q u ’ il y alla en e ffe t; qu’ il ne co n n o isso it pa s la
te sta trice ,• que néanm oins on le fit signer com m e tém oin
du testament ; q u ’ il y répugn a d’abord ; que cependant il
le fit parce q u 'il Va voit p rom is. L e sieur E x p e rto n ne
sait pas s’ il eu fut de m êm e des autres, mais il a droit de
le soupçonner.
Cette tante q u i , suivant G ibo n , s’exhaloit en rep ro
ches et plaintes amères contre E x p e r t o n , sur l’eulèvem en t
de son a rg e n t, cette tan te, à qui on arrache une insti
tution au profit de G i b o n , ne lègu e pas moins io o o fr.
à E x p e r t o n , h u i t ’ou d ix jours après ce prétendu v o l :
quelle invraisem blance!
M arie-M argu erite G ib o n vécut jusqu’au n mars 1809;
et c’est ici q u ’il faut encore se fixer sur la conduite de
G ibo n .
Ce n’étoiè pas assez p o u r lui de p o u v o ir se dire héritier
de la plus jeune des sœurs; et q u o iq u e , suivant l u i , la
fortune de l’oncle lui appartînt déjà en e n tie r, il ne jeta
pas moins ses regards sur le m od iq u e patrim oine de
l ’aînée.
Q u e l fut son b u t ? c r a i g n i t - i l que la fortune de son
oncle ne lui fût pas bien assurée par le prem ier testa
m e n t ? v o u lu t-il, par un acte p u b lic , faire prendre une
fois eu la vie à M a rgu erite le nom de M a r g o u to n ? Ce
fut peut-être l’ un et l’autre ; mais c’est ce qu ’il im porte
peu de rechercher.
G ib o n étoit venu au P u y p ou r com m ander le testa-
�( ii )
ment du 12 b ru m a ire ; il y revint encore après le décès
de M a r ie - M argu erite : et p o u r ne pas faire un voyage
in fr u c tu e u x , il m it p o u r la seconde fois tous ses aflidés
en m ouvem ent.
L e 17 m a rs, de grand matin , M a rg u erite G i b o n , dans
la maison m êm e d ’E x p e r t o n , est tout d ’un coup assiégée
p a r un n o t a ir e , des t é m o in s , et toutes les personnes qui
l ’entouroient. O n com m ence un testament q u ’elle ne
v o u lo it ni dicter ni faire; déjà le p réam bule étoit r é d ig é ,
et bien entendu M a rgu erite appelée M a rg o u ton : le
notaire en étoit à l’institution d ’h éritie r, lorsque E x p e rto n
a rrive inopiném ent.
E to n n é de cette assemblée, il in terro ge; on lui ré p o n d ;
il somme alors le notaire d’ interpeler sa tante en sa p ré
sen ce, et devant les té m o in s, afin de savoir qui elle entendoit instituer ; elle répond : m on neveu d ’i c i ,* on veut
plus d ’explication , on lui demande si c’est G ib o n ou
E x p e r to u ; elle répon d : E x p e rto n . A lo r s le notaire
déclare qu ’ayant été en v o yé par G ib o n p o u r recevoir
un testament en sa fa v e u r , et croyant q u ’en effet ce seroit
l ’ intention de la testatrice, il seroit inconvenant q u ’il
rapportât au sieur G ib o n un testament fait au profit d’ un
autre. E x p e rto n lui perm it de se retirer.
V o i l à le fait dans toute son exactitude; et en ce sens
il est vrai q u ’ il empecha la confection du testament, si
toutefois on peut croire que le notaire l’eut achevé dans
le sens du sieur G ib o n . Mais poursuivons.
Il est prcsqu’ inutile de rappeler en passant q u e , le
19 mars au matin , M argu erite G ib o n fil son testament
et disposa de ses biens au profit d’E xperton. Il 11’y eut
B 2
�certainement d’affectation ni dans le nom qu ’elle y prit
puisque c’étoit bien le s ie n , ni m êm e dans le c h o ix du
no taire; car il e s t, à juste titre , dépositaire de la con
fiance publique.
D ep u is la maladie de M arie - M a rg u erite , Ta dame
G ib o n avoit introduit dans la maison A n n e M ia l h e , sa
p a re n te , qui lui aidoit à servir ses tantes, et qui étoit
tout aussi d é vo u ée q u ’elle aux intérêts du sieur G ibon .
E lles avoient tout à leur disp ositio n , m êm e les clefs des
armoires : E xp erto n n’en concevoit pas la m oindre d é
fiance; il semble q u ’il se plaisoit à s’aveu gler volontai
rement.
L e sieur G ib o n désespéroit d’arracher désormais .au
cunes dispositions de M argu erite ; par cela seul il doutoit
beaucoup de v o ir accom plir ses vues sur la succession
de ro n d e : il jugea prudent de s’em parer de ce qui étoit
sous la main.
L e 20 mars au m atin , E x p e r t o n , à peine l e v é , entre
dans la cham bre de sa tante; il y trouve G i b o n , A g u l h o n ,
son beau-frère, et A n n e M ialhe. Ils étoient entourés de
paquets de linge et d ’autres eiTets q u ’ils avoient retirés
des armoires : A n n e M ia lh e aclievoit de coudre le der
nier. Sous le prétexte d ’em porter les bardes personnelles
à M a r ie -M a r g u e r ite , déjà d é c é d é e , le linge des deux
tantes avoit été mis dans ces paquets, dans la chambre
m êm e où M a rg u erite étoit fort mal : E x p e rto n s’opposa
à l’e n lè v e m e n t .
M ais déjà les p apiers, les obligations et mitres pièces
importantes étoient entre les mains de G i b o n , com m e
on s’en convaincra facilem ent; ce m êm e jour il requit
�;
( 13 )
l’apposition des scellés : le procès verbal va p ro u v e r ce
q u ’on vient de dire.
Il faut rem arquer d’abord que G ib o n , nanti des titres
et o b lig a tio n s, G ib o n qui avoit voulu sans aucune p ré
caution préalable enlever le m obilier, G ibon qui prétend
a vo ir toujours cru q u ’il étoit seul héritier de son oncle,
annonce par ce procès verbal q u ’ il n’entend se porter
héritier de sa tante qu e sou s bénéfice d?inventaire.
L e juge de paix se p résen te; E x p e rto n lui déclare
q u ’ il consent à l’ap p o sition , mais q u ’il se réserve tous
ses dro its, notamment con tre les d isp osition s testam en
ta ires d ont e x cip e G ib on .
Il ajoute que le matin môme il a tro u v é dans la cham bre
A n n e M ia lh e ......... laquelle s’est permis d’o u v rir les ar
m o ires, d’en extraire le l in g e , d’en faire des tas; et il
invite le juge de paix à le constater.
M o n t é dans la c h a m b re , il trouve A n n e M ia lh e fort
p rép arée à sa réponse : Il faut faire connoître ici cette
partie du procès verbal.
« A v o n s tro u v é une fille qui nous a dit s’appeler
« A n n e M ia l h e , donnant des soins à d e m o iselle'M a rgouton , ne la co n n a issa n t sou s autre n o m ........qui
« nous a dit que ce matin elle a trou vé dans la p och e
« de ladite M argouton des clefs ,• qu'elle en a ouvert les
« a rm oires , et en a extrait le linge et autres effets q u ’elle
« savoit appartenir ¿\ la d éfu n te, p o u r les rem ettre à q u i
« de d ro it; qu'au m om ent où elle faisoit l’o u ve rt u re des
« a rm o ire s, et fermoit les p a q u e ts , M M . E x p e r t o n ,
« G i b o n et A g u l h o n sont a r r i v é s ; » mais elle é c h a p p e
ly ^ E x p cr to n n éto it arrivé que le dernier.
'
�C m )
Ln justice -sera-t-elle donc o bligée de s’en rapporter
à cet h é ritie r bén éficia ire ? est-il donc si in g é n u , si fa
v o ra b le , q u ’ il fa ille , sur ses assertions, croire à la m al
honnêteté de son adversaire, et lui faire perdre en m êm e
temps sa cause et sa rép u ta tio n? M ais poursuivons.
M a rg u erite G ib o n décéda le 27 m a rs; G ib o n ne ré-r
clam oit pas la levée des scellés; E x p e rto n fut obligé de
pren dre l’ initiative. Ils furent levés le 17 a v r i l , et le
m ê m e jour D u r a s t e l, notaire commis par le président
de p rem ière instance, procéda à l’inventaire. Il est encore
essentiel de rappeler ici quelques parties de ce procès
v e r b a l; il p rou vera co m b ien , dès le p rin c ip e , E xp erto n
s’est m o n tré avec franchise , et com bien au contraire
Gil>on a refusé de s’exp liquer.
E x p e rto n a vo it appelé ses tantes par leur n o m ; G ib o n
le tro uve mauvais : il dit q u ’il n’a p p ro u v e pas les dési
gnations données aux deux tantes, parce q u e lle s so n t
con tra ires au p rocès v erb a l d 'a p p osition de scellés ; et
en effet il avoit eu grand s o i n , lors de ce procès v e rb a l,
de don ner aux deux tantes les noms qui lui convenoient,
espérant s’en faire un titre d o n t ,a u reste, il recounoissoit
le besoin.
E x p e rto n lui rép liq u e avec raison que ce procès verbal
ne peut ré g le r ni les n o m s , ni les qualités de ses tantes.
A p r è s l’in v en ta ire , G ib o n répète avec une affectation
rid ic u le , et qui dém ontre son peu de fran ch ise, q u 'il
ne c o n n o is s o itp o in t M a r ie -M a r g u e r ite , mais bien M a r
guerite G ib o n , sa ta n te , p rem ière décédée ; il ajoute
que sa tanle lui a rép été plusieurs fois q u ’E xp crto n lui
avoit en levé son o r , son argent et ses papiers.
�( iS )
I l ne sauroit être fastidieux i c i , de rem arquer les
reproches que lui lit E xp erto n à la suite de l’in ven taire,
et la m anière dont il y répondit.
« E xp erto n n’est pas étonné que G ih on méconnoisse
« sa tante qu ’ il n’a g u ère f r é q u e n té e , si ce n’est lors
« de ses dernières maladies , p o u r lui surprendre une
« disposition nocturne.
« Il soutient que l’imputation de soustraction est fausse
« et calom nieuse; que c’est par cette invention et autres
« suggestions perfides que G ib o n , la dam e G ib o n , sa
« s œ u r , A n n e M ia lh e et autres personnes commises par
« G i b o n , que ce dernier a cherch é à détou rn er les dispo
se sitions amicales et favorables de ses tantes p o u r lui.
«
«
a
«
« Q u ’à cette ép o que M a r i e - R o s e G ib o n habitoit la
m aison, et «voit seule le soin de toutes les aifiiires du
m énage de ses tantes; que G ib o u lu i - m ê m e l’a vue
lib rem en t, a m angé et lo g é dans la maison tant que
cela lui a fait plaisir.
« R é p é ta n t que le jour du procès v e r b a l, à six heures
« du m a tin , il trouva dans la cham bre A n n e M ia lh e ,
« les sieu rs G ib o n t t A g u lh o n q u i avaient ouvert les
« a r m o ir e s , et les a voient f o u illé e s , c ro y a n t E x p e r to n
« encore au lit. »
V o ilà une accusation bien g r a v e , consignée dans un
acte p u b lic , faite à la luce de celui qui en étoit le mi
nistre; une accusation enfin q u ’ un h om m e d é lic a t, in
justement offensé ne supporte pas un seul instant. Q ue
répond G ibon ?
R ien sur le fait. Il trouve que ce sero it s'a m u ser qu e
tfjr r é p liq u e r ,* il se réserve d’agir ainsi q u ’il aviseru. E t
�( ,i 6 )
cri effet ce fait résultoit déjà du procès verbal d ’a p p o
sition de scellés; il étoit vrai en lu i-m ê m e ; il falloit des
réflexions p ou r y répondre.
Suivons l’ordre des faits, et ne faisons pas com m e le
sieur G ib o n , qui p o u r tirer une fin de non-recevoir ch i
m ériq u e d’ un jugement au possessoire, a jugé à propos de
les transposer, tellement q u ’après a vo ir traversé l’année
1809 on se tro u ve tout d ’un coup au 19 juin 1806.
D ès le 21 avril 1806, E x p e rto n fit notifier à certains
débiteurs de J e a n - L o u i s G ib o n un acte par lequel il
leu r déclare q u ’ il a été instruit de leurs dettes; q u ’ il a
été averti aussi que les titres ou billets qui constatent
la cfréance sont entre les mains de G ib o n : il leur fait
défenses de le payer.
L es procédures se continuent sans in te rru p tio n , jus
q u ’au m om ent o ù , forcé de. prendre un p a r t i, G ibo n
prend le fait et cause des d é b ite u rs , et intervient p our
faire cesser les poursuites; et en 1806 la cause.s’engage.
Il est inutile de détailler ici aucun des actes de possession
respectivem ent faits, p uis qu ’ ils ne peuvent être d ’aucune
con séqu en ce; il suffit de sa vo ir que sur une citation en
co n ciliatio n , donnée par E xp e rto n à divers détenteurs des
biens de L o u is G ibo n , les uns opposèrent des contrats de
vente , d’autres des baux à ferm e ; que dès-lors E x p e rto n
abandonna sa demande en désistement, et leur fit c o m
m a n d e m e n t de payer le p r ix des bau x de ferme. Ils y
f o r m è r e n t opposition ; G ib o n intervint p o u r prendre leur
fuit et cause; et c’est ainsi que la cause a été liée devant
le tribunal du Puy»
Pu isqu ’on a parlé de conclusions, il faut en parler aussi
pour
�C *7 )
p o u r redresser le fait. E xp e rto n , en présentant une requête
contre le sieur G ibo n , y conclut à être m a in ten u et ren
voyé dans la prop riété et jo u is s a n c e ........à ce q u ’ il soit
fait défenses’ à G ib o n de l’y troubler de n o u v ea u . Il n’y
-a donc pas de sa part une simple demande d 'en voi en
p ossession : mais le sieur G ib o n ne s’attache pas à une
g ran de exactitude dans les faits.
C ’est pendant l’instance, et en 180 8, que s’est élevée
la querelle possessoire dont on a parlé : c ’est en 180 9,
c’est-à-dire, au m om ent où la qualité des parties alloit
être jugée sur contestation r é c ip r o q u e , qu ’est rendu le
jugem ent possessoire dans lequel on donne fort adroi
tement au sieur G ib o n la qualité d ’héritier de M a rg u erite
G i b o n , qui l’étoit de J ean -L ouis.
E t aussitôt, fertile en petits m oyens dont il sent gran
dement le besoin , G i b o n s’écrie : E x p e rto n a reconnu
mes droits et la v é rité du f u i t , en ne form ant pas o p p o
sition aux qualités, dans une instance où il ne s’en ngissoit
p a s , q u o iq u ’ il me contestât form ellem ent cette qualité
dans le m êm e tem ps, et que ce fût l’ unique objet d’ un
procès au pétitoire. Q u elle p itié !
Q u o i q u ’ il en s o it, le tribunal du P u y a pron o n cé
sur le fo n d ; son jugem ent n’a d’autre base que les titres
et actes respectivement produits : il déclare q u ’une fille
qui est baptisée'sous le nom de M a r g u e r it e , qui dans
tous les actes a sans cesse été appelée M a rg u e rite , s’appelle
encore M a rg u erite ; et q u ’ un testament au profit do M a r
g u e rite , de la part d ’ un frère q u i v iv o it avec elle dans
l ’ in tim ité , ne peut profiter q u ’à M a r g u e r it e . C ’est là tout
�( i8 )
le secret des premiers juges'; il s’agit de savoir si en la
C o u r on trouvera m oyen de p ro u v e r le contraire.
L ’essayer avec des m oyens de droit isolém ent, la ten
tative seroit un peu hardie ; aussi on cherche principa
lem en t, non pas à. attirer directement la faveur sur soim ê m e , car on n’a aucun titre p ou r y p ré te n d re , mais à.
l ’obtenir indirectem ent, en s’efforçant de couvrir>son ad
versaire de d é fa v e u r, par une masse de faits tous inexacts,,
et p o u r la plupart étrangère- à la cause.
E xam in on s d o n c , i° . si, en d ro it, le testament dont
il s’agit peut appartenir à tout autre qu’à M a rg u erite
G ib o n qui y est d é n o m m é e ;
2°. E t à toutes fins, quelles conséquences p ou rraien t
résulter des faits articulés p a r l’apptilanf.
11 est de principe que les actes font foi de leur co n
tenu; et q u o iq u ’en g én é ra l dans les clauses douteuses ou
obscures, il faille moins s’attacher à la lettre q u ’à l’inten
tio n , potiùs vohintatem qu iim verba s p e c ta r i, cette e x
ception s’a p p liq u e seulement au cas où l’intention résulte
de 'l ’acte m ô m e , et où le sens^ ‘littéral des termes la con
trarie. La loi veut alors q u ’on ne s’arrête pas trop rigou
reusement à ^ expression, parce que bien loin d ’exécuter
l ’acte, ce seroit s’écarter de la vo lo n té des parties dont
il est le dépositaire.
M a is , par la m êm e raison, lorsque les actes ne sont
pas obscurs, elle ne perm et pas d ’en altérer la substance,
ni d ’en e x p liq u e r les dispositions par des circonstances
prises hors de l’acte lui-m êm e : C on tra scrip tu m 'testi
m on iu m non scriptu m testim o n iu m non J e r tiir .
�( 19 )
C ’est ce que nous dit spécialement D o m a t pour le cas
du testament. « Si la disposition du testament se trouve
« ex p liq u ée bien nettement et précisém ent, il faut s’en
« tenir au sens qui paroît p a r l’expression* »
Cette m axim e est de toute antiquité; elle tient à l’ordre
p u b l i c , qui ne veut pas q u ’on se permette de porter
atteinte à la foi qui est due aux actes, surtout aux actes
publics. Aussi le législateur s’est-il exp rim é dans les termes
les plus fo rts, et a - t - i l sem bla v o u lo ir ôter tout moyen
d ’élu d er la rigueur du principe par des interprétations
arbitraires, eu disant : « Il n’ est reçu aucune p reu ve par
« tém oins con tre et outre le contenu aux actes, n i su r
« ce q u i se ra it allégué a v o ir é té d it a v a n t , lors ou
« depuis les actes. » Q u o i de plus form el ?
C ’est encore un principe certain qu e le ministre d ’ un
acte public est toujours présum é de droit l’avo ir fait
con fo rm ém en t aux lo is; et que dans le cas m êm e d ’ une
lég è re infraction qu i ne touche pas à la validité de l’acte,
cette infraction doit être p ro u v é e par l’acte m ê m e , sans
q u o i il faut dire q u ’elle n’existe pas; car on ne présume
pas davantage l’erreur que 1q d o l, surtout lorsqu’elle scuoit
accom pagnée de désobéissance envers la loi.
C ’est donc le testament lu i-m ê m e , et le testament seul,
q u ’ il faut con sulter; c’est lui qui est aux yp u x de la loi
l’ unique dépositaire do la v o lo n té du testateur; c'est sur
lui que doit uniquem ent reposer la décision de la justice.
Q u ’y v o it-o n ? le testateur, sqns la m oindre ainbiguiiij,
institue p o u r son h éritière M a rg u erite G ib o n , sa sœ u r y
h a b ita n te de ta ville du P u y , fin sa com p agnie.
C 2
�(
20
)
Ilien de moins obscur , de moins éq u iv o q u e ; c’est
M argu erite G ib o n qui est instituée.
C ’est donc celle dont le nom est M arguerite ; celle, par
con séqu en t, à qui on l’a donné lors de son b ap têm e;
car c’est aux actes de baptêm e ou de naissance q u ’on
reconnoît les in d iv id u s; ce sont eux qui tém oignent de
leu r nom , de leur état, de leu r famille.
Il semble donc q u ’en prenant d ’ une main le testament,
et de l ’autre les actes de naissance, il seca facile de dém êler
la légataire ; car toutes les sœurs habitant avec le testa
t e u r , dont le nom ne sera pas M a rg u e rite , seront exclues
de sa succession, et celle-là feule à qu i ce nom appar
tiendra pourra se dire héritière.
Ce n’est pas cependant que le nom de l ’institué ou<
du légataire soit d’ une telle nécessité q u ’on ne puissepas y suppléer. S i , par e x e m p le , le testateur, voulan t
instituer uu de ses enfans, et n ’en disant p a s.le n o m , le
désigne de-telle m anière-qu’il soit impossible de le m éc o n n o îtr e , le testament ne lui profitera pas moins.
Si m ê m e , appelant celui q u ’ il institue d’ un nom qui
n’est pas le s ie n , il le désigne p ar des circonstances ou
des expressions qui tém oignent précisém ent celui q u ’il'
a vo u lu instituer, la connoissance certaine de sa volonté
suffit, q u o iq u ’ il y ait erreur de nom..
Ces exem ples sont ceux de la l o i; ce sont ceux m êm e
que citü le sieur G ib o n p ou r les ap pliquer très-im prop rem en t à sa cause : Si quidem in nominc...... légatarii
testator crravcrit, c u m
minùs valet'legatum.
de persona c o n s t a t
29,
Inst,.de Lcg.
, 7ii/iiIor
�( 21 )
C ’est encore le langage de la loi 4 , Cod. de Testatn .
S i in fw m in e........testator e r r a v e n t ,
nec
t a m e n
de
error h u ju sm o d i n iliil
o ffîcit v e r ita ti ; et sur cette loi la glose ajoute : C u m
QUO
SENSERIT
in cer tu m
SIT,
certu m sut de qu o sensit.
O n le v o it : ces exemples ne sont que la conséquence
des p rin c ip e s'q u ’on vient de d é d u ir e , de ces principes
élémentaires, que dans les doutes ou les obscurités d’un
acte il faut suivre l’ intention, lorsque d ’ailleurs elle est
évidente par l’acte m êm e, q u o iq u ’elle paroisse contrarier
le sens littéral des termes.
M ais q u ’on se garde bien de penser que-la lo f, pr.r ces
expressions, perm et de recherch er la v érité et l’intention
réelle du testateur hors du testament; ce seroit s 'é leve rouvertem ent contre les principes les plus certains du
droit. Si on lit quelques lignes de plus de la loi rom aine,,
on en sera encore m ieux convaincu.
A p r è s a vo ir parlé de l ’erreur de nom du lég a ta ire, et
décidé q u ’une désignation précise peut y su p p lée r, cu m
de persona c o n s ta t, l’em pereur Justinien p révo it le cas
où le nom sera bien celui de l’institué, mais la démons
tration fausse; et il dit au §. 30 des Institutes, de L ég a t. :
H u ic p r o x im a est ilia ju r is régula. F a lsâ detnonstration e legatum non p e ritn i • v clu ti s i quis ità legaverit :
S ty ch u m m eam ver nam d o , lego. L ic e t zmrn non v crn a , ■
sed ernptus s i t , u tile est legatum . Il ajoute immédiate
ment : E t con ven ien tcr s i itîi dem on straverit : S ty ch u m
m eum queni à S cïo e/ni , sitq u e ab a lio c/n ptus, u tile
est legatum Si D E SEI I VO C O N S T A T .
Cette r è g l e , com m e on le v o i t , est tirée du m êm e
�( 22 )
p rin cip e que la p réc éd en te; elle est fondée sur ce q u e ,
dans les deu x cas, l’esclave est suffisamment désigné par
sou nom de S ty ch u s, et parce q u ’ il est évident q u ’ il y a
erreur dans la démonstration. C ’est ensuite pur surabon
dance de p ré c a u tio n , que dans ce dernier cas la lo i ajoute:
S i de servo con stat.
L ’argum ent à tirer de cet exem ple de la loi s’aperçoit
avec facilité. L o rs q u ’en parlant de la fausse démonstra
tion elle dit qu ’ il ne faut.pas y a v o ir é g a r d , c’est parce
q u e le nom de l’esclav^e est disertement écrit dans le tes
ta m e n t, et q u ’alors la dém onstration n’est pas considé
r a b le ; encore a j o u t e - t - e l l e S i de serv o c o n s ta t, parce
q u ’ il est possible que le nom seul ne le désigne pas assez
disertem en t, com m e s i , p ar e x e m p le , il y a voit deux
esclaves du m êm e n o m ; 'e t ; c ’est ce q u i dém ontre encore
,m ieu x q u ’il ue faut pas cherch er hors du testamçnt les
preuves de la vo lon té du testateur.
C ’est le langage des auteurs. D o in a t , qui le disoit assez
d an s.le passage cité par r a p p e la n t , s’e xp rim e bien plus
form ellem ent dans le § . i 5 : « h n c o r e q u 'il so it v r a i
« q u e f in ten tion
«
c’e s t
«
MENT
doive cire préférée à P e x p r e s s io n ,
seu lem en t
FAIT
lorsque
CONNOITRE
la
CBTTE
suite
du
t e s t a
INTENTION,
-
m a is
« n on dans le ca s où rien ne f a i t d outer du sens de
« l'exp ressio n ; c a r alors la seule présom ption q u i peut
« être reçue est q u e le testa teu r a d it ce q u 'il voula it
a d ir e , et n 'a p a s vo u lu dire ce q u 'il n 'a pas dit. »
Sans nous épuiser ici en citations, remarquons seu
lement que l’art. 5 o de l’ordonnance de 1 7 3 5 , et le passape cité de R i c a r d , qui se rapporte au mêm e cas, n ’ont
�c*s)
pas le m oindre rapport à l ’espèce a c tu e lle , et décident
seulement qu ’en pays de droit é c r it, où la p ré te n tio n
étoit ad m ise, il n’étoit pas nécessaire d’appeler chacun
des enfans par son nom , et q u ’on pou vo it les désigner
m êm e p ar cette expression générale : C h a cu n de m e»
en fa n s.
Ces principes et ces exemples posés , quelle application
peut-on en faire à la cause? R ien de plus facile à décider.
Si en instituant M a r g u e r ite , le sieur G ib o n avoit
a jo u t é , m a sœ u r la plus je u n e , ou qu elqu ’autrc dési
gnation tellement spéciale q u ’il fût facile de la reco n D o itre , a lo r s , il faut en convenir., il y-auroit difficulté
d’a p p liq u e r le testament à M a rg u e rite ; et c’est ici le cas
de rép o n d re à l ’argum ent tiré de l’article 2148 , et à
l’exem ple de l’inscription hypothécaire.
O u i sans d o u te , tout est do rigu eu r dans une inscrip
t io n , et cependant une désignation spéciale et individuelle
suffit, mais à condition que la désignation spéciale soit
dans l’in scrip tio n ; car si elle n’y est p a s , l’ inscription
est nulle : y e û t - i l m ille et une circonstances hors du
b o rd e re a u , elles ne seroient d ’aucune utilité. Ici le p rin
cipe est le m êm e ; et si le sieur G ib o n veut souffrir l’ap
plication de l’exem ple q u ’ il a lui-même p o sé , on y adhère
sans p ein e , et la cause sera bientôt jugée.
M a is Jean-L ouis G ib o n ovoit deux sœurs également
célibataires, toutes deux Agées, toutes deux habitant avec
lu i; l’une s’a p p e lle ’M a rg u e rite , l’autre M a rie-M arguerite.
Il donne à M a r g u e r ite , sans autre indication plus spéciale :
qui osera se p e rm c tlre , sans d é c o u v rir dans le testament
ui d o u te , ni a m b ig u ité , ni o bscurité, de décider que le'
�C *4 )
testateur, en désignant M a r g u e r i t e a eu en vue M a rieM arg u erite ?
O n sera donc le maître désormais de m épriser les
volontés des m ourans, sous le prétexte de les interpréter!
O n dit m ép rise r; car ce seroit dire réellem ent q u ’il n’a
pas été perm is au testateur d ’ instituer sa sœur Margue-,
r it e , sous la simple dénom ination qui lui étoit p r o p r e ;
que p o u r instituer M a rgu erite il a dû ajouter quoiqu’autre
désignation plus spéciale ; et que par cela seul q u ’ il ne
l’aura pas f a it , le testament doit profiter à M a r ie - M a r guerite q u ’il ne désigne m ê m e pas. Singulier p riv ilè g e !
A ussi se cro it-o n obligé d’avancer q u ’ il préféroit l’ une à
l ’a u tre , 6ans que rien l’a n n o n c e ; de faire de l’une un
personnage actif et robuste, et de l’autre un etre m aladif,
insupportable aux autres et à s o i-m ê m e , et précisément
en tirer la conséquence que de ces deux sœurs avec
lesquelles il a toujours v é c u , il a donné dos secours à
celle qui en avôit le moins besoin , et ôté toute espèce
de ressources à celle qui étoit incapable de se prêter à
elle-m êm e aucun secours. S in gu lier m o tif de préférence!
E n un m o t, sans disserter plus lo n g-tem p s, toute la
prévo yan ce des lois citées par le sieur G ib o n 6e réduit
à cette explication diserte et expressive d'un savant
auteur : L o c o n o m in is est certa dém onstratif).
A in si , le testament contient-il le nom du légataire
ou h éritier ? adjugez-lui le legs ou l’ hérédité.
A défaut de n o m , c o n tien t-il, com m e l’inscrip tion, une
d ésignation sp écia le s u ffis a n te , telle qiCon puisse reconnoitre dans tous les ca s F individu appelé; y a-t-il certa
d ém on stra tio n ordonnez encore l’exécution du testament.
Eu lin
�Enfin y a-t-il quelque a m b ig u ïté , quelque contrariété
entre la dénom ination et la désignation ? suivez l’ inten
tion du testateur : S i apparet de quo cogt tatum j'itit.
V o i l à la substance des principes sur cette matière.
O r , dans quel cas se trouvent les parties? évidem m ent
dans aucun des deux derniers : il ne faut donc pas appli
q u er les règles qu i leur sont p rop res; ce n’est donc le
cas ni de parler de désignation spéciale, ni de rechercher
l ’intention du testateur. L ’héritière est n o m m é e , sans
aucune autre désignation; il ne s’agit donc que d’exa
m iner à qui s’applique le nom ; et c’est ici le cas d ’exa
m iner la bizarre difficulté q u ’on élè ve sur M argu erite
ou M a rg o u to n .
N ous avons dit en c o m m e n ç a n t, et c’est en effet un
p r in c ip e , que le ministre d ’ un acte p ublic est de droit
présum é l ’avo ir fait con form ém ent aux lois.
U n e loi du 6 fructidor an 2. porte : « 11 est expressécc m ent défendu à tous fonctionnaix-es publics de désigner
cc les citoyens, dans les actes, autrement que par le nom
« de famille et prénom s portés en la c té de îia issa n ce. »
L e sieur G ib o n va se fâcher, car c’est une loi de l ’an 2.
Il ne faut donc pas se borner à cette citation ; voyons
la loi du 11 germ inal an 11.
A r t . i cr. v A com pter de la présente l o i , les noms en
« usage dans les divers calendriers, et ceux des person« nages connus de l’histoire a n c ie n n e , pou rro n t seuls
« être reçus com m e prénom s sur les registres de l’état
« civil destinés à constater la naissance; et i l est in terd it
« a u x ojjflciers p u b lics d'en adm ettre a u cu n autre dans
« leurs actes. »
D
�C
26 )
I ,’officier public ne doit donc em p loyer que le prénom
donné à l’ individu par les registres de l ’état c iv il; il est
donc présum é de droit l’avo ir fait a in s i, jusqu’à p reu ve
contraire écrite.
Ce n’est pas q u ’on prétende en tirer la conséquence
#que s’ il eût reçu le testament sous le nom de M a r g o u to n ,
celle désignation n’eût pu être suffisante, mais seulement
q u ’ il s’est servi du p rén o m lu i-m êm e , plutôt que d’em
p lo y er une corruption patoise qui n’étoit pas le nom de
b a p tê m e ;’la conséquence enfin qu'ayant désigné M ars,uer it e , et le testateur ayant une sœur appelée M a r g u e r ite ,
c’est à son profit q u ’est dirigée la disposition.
Q u ’on veuille p o u r un instant se défaire de l ’idée que
lfc testament concerne la plus jeune des de^ix sœurs.;, q u ’on
suppose, s’ il faut em p lo y er ce tei-me, que le testateur a
vo u lu désigner l'aînée, com m ent a-t-il dû s’e x p r im e r ?
Q u ’on se mette à sa place. Il savoit que sa sœur s’appeloit M a rg u e rite ; n’a - t - i l pas ren d u entièrement son
i d é e , en disant : J ’institue M a r g u e r ite , ma sœ u r? Sa
disposition u’est-elle pas parfaite, son intention rem p lie ?
Q ui osern le n i e r ? ’
M ais si cela est ainsi, qui osera declarer que son inten
tion étoit a u tre ? qui osera toucher au sens littéral de sa
disposition , sans craindre d’y porter une main sacrilège,
et de m é p ris e r, contre le vœu do la l o i , la volonté la
m ieux e x p r im é e ?
A llo n s plus lo in ; supposons que le testateur ait dit ou
dû dire au notaire : J ’institue M a rg o u to n , le notaire aura
su ou lui aura dem andé si M argouton est une corruption
de M a rg u e rite , et p o u r se conform er à la loi il aura écrit
�(* 7 )
M arguerite : la personne en sera-t-elle moins certaine?
l’intention du testateur ne sera-t-elle pas encore rem plie?
E t on oseroit dire et décider qu ’il a entendu instituer
tout autre !
L e sieur G ib o n savoit, disons-nous, que sa sœur s’ap .peloit M argu erite : témoin le certificat de civism e contre
lequel on se récrie si singulièrement. C e r t e s , si on eût
cru q u ’elle dût être désignée autrement dans un acte
p u b l i c , il faut penser que le 26 floréal an 2 , le sieur
G ib o n n’eût pas mis d ’affectation à fouiller dans le calen
d rier g ré g o rien p ou r y ch ercher un nom patronimique!
E n vain d i t - o n que c’est un acte iso lé; on défie d’en
citer un seul où elle ait pris le nom de M argouton .
M ais p o u r dém o n trer que c’est ainsi q u ’elle a toujours
été dén om m ée dans les actes, et p o u r convaincre le sieur
G ib o n q u ’il s’écarte un peu de In v é rité sur le fa it, il suffît
de le re n v o y e r au testament du 12. brum aire an 1 4 ; il
est fait par M a r ie -M a r g u e r ite , qui y p r e n d , o u , p ou r
m ieu x d i r e , à q u i on donne seulement le nom de M a r
guerite.
E lle fait un legs à sa sœur de l’ usufruit de ses biens,
en ces termes :
« J e donne et lègu e à M a rg u erite G i b o n , ma sœ u r,
« célibataire, native de L a n d o s , habitant eu celle ville
a du P u y , la jouissance, etc. »
E h q u o i! M a rie -M a rg u e rite G ib o n lègue à sa sœur
sous le seul nom de M a rg u e rite , et elle auroit pu p rétendreà l’ instant m ê m e q u e l’institution faite parson frère,
sous le m ôm e n o m , ue peut p roduire aucun ellet en sa
D 2
�(
28 )
fa v e u r! C ’est par trop abuser de la permission de jouer
sur les mois.
Rappelons encore ici l ’argument de l’inscription h y p o
thécaire.
Si les deux sœurs étant également créancières de leur
f r è r e , une inscription avoit été prise à la requête de
M a rg u e rite , à qui profiterai t-elle ?
L a question, sans d o u t e , serait bientôt d é cid é e; pas
un tribunal au m onde ne s’aviserait de juger contre le
texte form el de la l o i , q u ’entre deux sœurs q u ’aucune
autre indication ne d é s ig n e , on doit reconnoitre celle
dont le nom n’est pas identiquement le même.
Ce seroit une question d e s a v o ir , dans le cas où il
n’en existerait pus sous le nom de M a r g u e r it e , 'si l’ins
cription p ou rrait appartenir à M a rie -M a rg u erite.
M ais ce n’en est pas u n e , dès que M a rg u erite existe;
et certes personne au m onde ne décidera jamais que l’ins
cription, p ou r être valable et profiter à M a rg u erite , aurait
dû être prise sous le nom de M a rgo u to u .
L ’esprit h u m a in , ce sem ble, ne peut con cevo ir q u ’ un
seul cas d ’e x c e p tio n , c’est celui où les deux sœurs s’ap
pelleraient également M a rg u e rite ; et ce cas sans doute
serait le plus favorable dans lequel p ou rrait se placer
le sieur G ib o n . Q u ’en r é s u lte ra it-il? 11 suilit, p ou r le
d é c id e r, de se référer aux principes, aux dispositions des
lois q u ’on a déjà citées.
P artout nous avons vu que la disposition n’est valable
q u ’autant que la personne du légataire est certaine: C u m
de person a co n sta t....... cu m certu m s it de q u o sens i t ;
�( 29 )
Q u e la certitude doit se t r o u v e r dans le testament
m ê m e , com m e nous le dit M . D o m a t , et com m e le déci
dent ces lois elles-mêmes.
Si donc la personne est incertaine; si le testateur ayant
deux sœurs portant le m êm e n o m , le testament ne d é
signe pas l’ une plus spécialement que l’a u t r e , la disp o
sition est nulle. V o ilà tout ce que pourroit espérer le
sieur G ib o n dans la disposition qu ’on vient de faire : o r ,
nous ne sommes pas dans ce cas.
N ’en déplaise donc à la loi B a r b a r iu s P h ilip p u s ,
il im porte fort peu que l’aînée des deux sœurs ait pu
être usuellement appelée M a rgo u to n ; que la plus jeune
ait q u elqu efo is, m êm e habituellem ent p orté le nom de
M a rg u erite : aucune d ’elle n’a perdu ni son véritable
n o m , ni l’habitude de la distinguer par ce nom. M a r
gouton signifie M a rg u e rite ; et si le frère et la sœur se
sont servis de cette dénom ination patoise dans le com
m erce de la v i e , il est constant au moins q u ’ ils ne l’ont
pas fait toutes les fois q u ’ ils ont parlé d’elle dans des actes
p u b lics;
C ar le sieur G ib o n , dans le certificat de civisme de l ’an 2 ,
l’a appelée M a r g u e r ite , qu oique m êm e a lo rs, com m e
ensuite, elle fût M a rg o u to n dans l’ usage;
C a r M a r ie - M a r g u e r i t e , par son testament de l’an 1 4 ,
l’a appelée fri argue ri te.
D ’où il résulte q u ’ il est impossible à un hom m e rai
sonnable de d é c id e r, m êm e de présumer que M argouton
n été l'unique expression prop re à désigner certainement
l ’aînée des deux sœ urs, et que toute disposition laite
�( 3° )
sous le nom de M a rg u erite ne peut la concerner ; car
les actes de la cause tém oignent tout le contraire.
A in si donc le fait et le droit concourent p o u r justifier
le jugem ent dont est appel.
Il ne reste plus q u ’à exam iner la ressource que peut
tro u ve r le sieur G ib o n dans la p reu ve testimoniale q u ’il
oiFre.
A cet égard tous les principes se réunissent. Si la p reu ve
n ’est pas faite par le testament, rien ne peut y suppléer:
c’est ce qui résulte des lois déjà c it é e s , et de la doctrine
enseignée par M . D om a t dans le passage q u ’on a transcrit;
c’est d ’ailleurs ce qui d érive du principe q u ’ un acte fait
foi de tout son c o n te n u , et q u ’aucune p reu ve étrangère
ne peut eu altérer la substance.
C ’est enfin ce qui est disertement é c r i t , soit dans les
anciennes ordonnances, soit dans l ’art. 1341 du Code.
« Il n’est reçu aucune p reu ve p ar tém oins contre et
« outre le contenu a u x actes , n i s u r ce q u i sera it
« allégué a v o ir été d it a v a n t, lors ou depuis les actes. »
Si m êm e on vo u lo it articuler que le juge peut toujours
s’entourer des lumières que lui ollreut les présom ptions,
l ’argum ent s’ écarteroit encore avec la r t . 1363 du m êm e
C o d e , qui ne permet de les considérer que lorsqu’elles
sont g r a v e s , p r é c is e s , con cord a n tes , et dans les cas
seulem en t où la preuve testim o n ia le est adm issible.
A ussi l’appelant sentant bien la force de ces m oyen s,
cherch e à se placer dans un cas d’exception. II ne s’agit
p a s , d i t - i l , de p ro u v e r une convention q u i excèd e le
ta u x des ord on n a n ces ou de
rart. 134! du C o d e ; mais
�(3 0
il s’agit de suspicion, de supposition de personnes; et il
cite D a n t y , ch. 7 , et la loi 2 1 , ff. de T e slib u s.
Il ne s’agit p a s , il est v r a i , de p ro u v e r une conven
tion qui excède i5 o fr. ; mais il s’a g it , par une p reu ve
testim oniale, d’ajouter ou de retrancher à un a c te , de
rechercher dans des dépositions la volon té du testateur,
de p ro u v e r p o u r cela ce qui peut avo ir été dit avant et
d ep u is; et la loi p ro h ib e également l’ un et l’autre.
C om m en t le sieur G ib o n fera-t-il entendre q u ’ il s’agit
de supposition de personne ? Su r qu i se dirigera cette
accusation ? sera-ce sur E v p e r t o n ? mais- alord c’tfst une
proposition in in telligible; car le testament n’est pas son
o u v r a g e ; et quand bien m êm e il l ’auroit in flu e n c é , il
seroit difficile de con ce vo ir une supposition de personne.
Sera-ce le testateur? mais on ne le com p rend roit guère
m i e u x , et peut-être encore moins.
•
Il y a supposition de personne, lorsque p o u r p rofiter,
par e x e m p le , d’une h éréd ité, et l ’héritier étant m ort ou
ab sen t, un tiers se présente com m e cet h é r it ie r , suppose
q u ’ il est la personne instituée.
A in si , p o u r ap pliquer l’exem ple à la cause, Jean L o u is institue M a r g u e r ite , sa sœ u r; M argu erite décède
avant lu i; une autre sœ u r, qui ne s’appelle pas M a rg u e
r ite , s’empare de son extrait de naissance, et se l’a p p ro
p ria n t, réclam e l’h é r é d it é , prétendant q u ’elle est M ar
guerite. 11 y a supposition de p erso n n e, pince q u ’on a
caché qui on é t o it , parce q u ’on s’est présenté p o u r un
a u tre , parce qu ’en prenant le nom de son voisin on a
cherch é à s’a p pro p rier ce qui lui étoit lègue certa in e
m ent, Mais ici quoi de s e m b l a b l e ? M a r g u e r i t e n’a pas
�ÏA«C 32 )
supposé q u ’elle fût une autre q u ’e lle -m ê m e ; elle ne s’est
pas ap prop rié l’extrait baptistaire de sa sœ ur, en cachant
le sien p ro p re ; elle s’est présentée à la justice ( ou
quoique ce soit le sieur E xp erto n ) , son extrait de nais
sance à la main ; elle a dit : J e m ’appelle M a rg u erite
par m on acte de b a p têm e; M a rg uerite dans le certificat
de la n 2 ; M a rg u erite dans le testament de ma sœur ;
ainsi q u oiq u e j’aie pu être usuellement désignée par
M a r g o u t o n , dans le langage fa m ilie r, je soutiens que ce
sont ces actes seuls q u ’il faut consulter p o u r connoître
la véritable héritière. A in s i elle n’a rien supposé, ni
p erso n n e, ni choses, pas m êm e une syllabe. E t en v é
rité il n’est q u ’ un besoin extrêm e qu i puisse inspirer de
semblables moyens.
Si 011 o u v re D a n t y , on trouve dans le chap. 7 , cité
par l’a p p e la n t, q u ’après a v o ir parlé de la sévérité des
ordonnances sur la foi due aux a c te s, il ajoute q u ’elle
n’a pas lieu dans les con tra ts s im u lé s , et autres actes
q u i son t fa it s en fr a u d e de la lo i ou p o u r trom per un
autre. E u cela il ne faut pas s’é to n n er; car on sait que
les cas de dol et de fraude sont toujours exceptés.
11 y a dol et fraude, s’écrie l’appelant; car 011 voud roit
s’em parer de ce qui n’appartient pas à M argouton G ibon.
11 y a dol et fraude com m e il y a supposition de per
sonne. Il y a dol et fraude com m e dans tous les cas
où on form e une demande que le défendeur conteste;
car c’est toujours un d o l, si on peut s’ex p rim er a in si,
que de réclam er ce qui ne vous appartient pas. S i , par
exem ple , je demandois le payement d ’ une obligation
q u ’on m ’auroit payée la veille , ce seroit certainement
un
�( 33 )
un dol , cependant on n’admettroit pas la p reu ve du
payement. E n un m o t , les faits de dol et de fraude ne
sont recevables à côté d’ un acte que “si l ’acte lui-m êm e
en est infecté : ainsi je puis être admis à p ro u v e r que
le consentement a été exto rq u é ou surpris-, q u ’ il a été
le fruit du dol et de la violence ; que m êm e il n ’a eu
d ’autre cause q u ’une erreur sur la substance m êm e de
la chose. M ais ici personne ne conteste que le testament
du sieur G ib o n ne soit v a l a b l e , car chacun veut se
l ’a p p r o p r ie r ; personne m êm e ne prétend qu ’ il soit le
fruit de l’e r r e u r , car on soutient q u ’ il a indiqué suffi
samment la p ersonne, et chacun veut être ou représenter
cette personne.
D o n c on ne peut pas admettre de p reu ve testimoniale
contre cet a cte; rien p ar conséquent qui tende à établir
qu elqu e chose contre ni outre cet acte.
D o n c on ne peut rien p ro u v e r de ce qu i s’est dit
l o r s , avant ou depuis.
D o n c , et d’après les principes déjà rappelés, si le testa
m ent est c la ir, il faut l ’exécuter te l q u 'il e s t; s’ il ne l’est
pas suffisamment p ar lu i-m ê m e , il faut le rejeter.
D o n c enfin la p reu ve testimoniale est inadmissible.
Si on exam ine ensuite la loi O b ca rm en J a m o s u m ,
on se demande de quelle utilité peut être cette citation.
E lle ne s’occupe pas eu effet des cas où la p reu ve testi
m oniale est admissible; mais seulement des témoins qui
doiven t être p r é f é r é s , de la foi q u ’on doit ajouter à
leurs dépositions. E lle dit que celui qui aura é p ro u v é
une condamnation infam ante, ne peut être té m o in , /«tc s ta b ilis J it‘ elle dit que le gladiateur ne sera pas c r u ,
E
�( 34 )
sin e tarm entis ; elle ajoute enfin que si tous les témoins
sont honnêtes et p rob es, et q u ’ils aient connoissance par
ticulière du fait en question , le juge doit y a v o ir la
plus grande confiance.
M ais nulle part il n’est question dans ce passage , ni
de testateur, ni de testament : la loi parle d’ une enquête
f a i t e , et non d ’une enquête à faire; elle dit au juge q u elle
doit être sa base p o u r la confiance q u ’il doit aux tém oins;
mais elle ne dit pas q u ’on recevra des preuves hors les
cas de d r o i t , puisque supposant une p reu ve déjà fa ite ,
elle doit supposer aussi q u ’elle a été admise con fo rm ém en t
aux lois.
Ecartons donc de la cause toutes ces autorités, et le#
in d ices résu ltan s de fa it s d è s -lo r s c o n s ta n s , puisque
tout cela n’y reçoit aucune application.
Com bien de présomptions-et d ’ind ices, s’écrie encore
le sieur G ib o n ! n ’est-il pas constant et a v o u é ..........
N on , il n’est ni constant ni a vo u é que M argu erite ,
la p lu s je u n e y s’est mise en possession de tous les biens;
qu ’elle y fait une mainmise absolue et ex clu siv e • q u ’elle
ait ex clu siv em en t g é r é , ad m in istre, vendu et afferm é;
car l’ intimé le nie fo rm el le m en t.
E t quand tout cela seroit v r a i , ce ne seroit q u ’un seul
fait répété trois fois avec a r t , en des termes difTérens;
et ce fait ne p ro u v e ro it rien.
E t quand bien m êm e encore il seroit vrai qu e M a riéM argu erite auroit joui seule et sans la participation de
sa s œ u r, q u o iq u ’elles vécussent en se m b le; quand bien
même M argu erite , ne con n a issa n t pa s le te s ta m e n t,
auroit pu en croire aux dires de sa sœur et du sieur
�(
3
5
}
G ib o n , et ne pas réclam er l’h é r é d i t é , s e r o it - c e une
p reu ve q u ’elle ne fût pas héritière ?
Si m êm e enfin on vo uloit descendre jusqu’à l’examen
de la p reu ve o ffe rte , il seroit aisé d ’en d é m o n trer la
futilité. Q u e v e u t - o n p r o u v e r ?
i° . Q u e la plus jeune des deux sœurs a toujours été con
nue et a toujours contracté sous le nom de M a r g u e r it e ,
et l’aînée sous celui de M argouton .
Il n’a jamais été contesté que dans l’ intérieur de la
fam ille elles aient l ’une et l’autre été désignées par ces
d énom inations; il n’y a donc pas besoin de p r e u v e , et
on vient de v o ir l’inutilité de cette circonstance. Mais
que jamais elles aient été ainsi dénom m ées dans des actes
p u b lic s, c’est ce q u ’on défie d ’établir : ce 11e seroit pas
d ’ailleurs le cas d’ une p reu ve testimoniale, mais bien de
rap p o rter les actes. C ’est du reste s’a v e n t u r e r beaucoup
que de présenter com m e un acte où l’aînée auroit contrac
t é , le prétendu testament resté imparfait : il ne fut jamais
ni son o u v ra g e , ni l’expression de sa vo lon té ; 011 ne s’est
jamais p o u rv u ni en nullité de son véritable testament,
ni p a r aucune autre action qui tendît à établir q u ’elle
avo it été em p êch ée de tester. G ib o n a pensé avec raison
q u ’ il lui seroit plus avantageux de se plaindre à son aise,
que de mettre au jour la vérité.
20. Q u e c’est cette sœur qu e le sie u r G ib o n a eue en
vue en instituant M arguerite.
A v e c des allégations aussi peu caractérisées et aussi
va g u es, on se donneroit la perm isiou de tenter la preuve
la plus indéfinie et la plus contraire aux lois! Est-ce donc
là un fait susceptible de p reu ve testimoniale? laissera-tE 2
�on de côté tout ce qui résulte de l ’ac te , p o u r é ta b lir,
par des dépositions orales, V in te n tio n , le fo n d de la
pensée du testateur?
3°. Q u e la plus jeune a joui exclu sivem en t.
O n a déjà répon du à ce fa it, et dém ontré q u ’il ne
seroit d’aucune conséquence.
4°. Q u e le sieur E x p e r to n , et M argu erite l’aînée, ont
déclaré que le testament concernoit la plus jeune.
C e fait n’est q u ’ une répétition des précédons. O n a
déjà rép ondu p ou r M argu erite ; q u ’im porte ce q u ?ellè
pou rro it a vo ir cru , sa?is a u cu n e co n n o issa n ce du tes
tam ent. P o u v o it-e lle l’a p p ro u v er sans le c o n n o ître ? E t
quant à E xp e rto n , qui d ’ailleurs désavoue form ellement
ce q u ’on lui im p u te , de quelle conséquence seroit ce fait,
à le supposer vrai ? en résulteroit-il que le testament est
autre q u ’il n ’est en effet? cela changeroit - il rien aux
preuves qui en résultent?
E n fin , n’est-ce pas asseoir ses preuves uniquem ent sur
ce qui a été dit depuis le testam ent ?
E t d’ailleurs quelle v r a i s e m b l a n c e ? E xp e rto n habitant
avec son oncle et scs tantes, vivan t avec eu x dans l’ io tim ité , auroit dirigé les libéralités de son oncle sur ses
sœ urs, plutôt que sur lui-m ôm e! ce seroit au moins de
sa part une grande p reu ve de désintéressemeut. M a i s ,
dit-on , il n 'a v o it p lu s iVin fluence. Ce f a i t iCa rien de
vraisem blable : et on offre de le p ro u v e r!
E t on appelle cet unique fait divisé en h u i t , des faits
précis et concluons!
M ais tout cela s’écarte par le fait constant q u e , soit
l’o u c le , soit la ta u le , les plus jeunes ont toujours appelé
�( 37 )
l ’aînée M arg u erite , dans tous les actes où il a été question
d ’e lle , et que jamais elle n’a été dén om m ée autrement
dans aucun acte.
N ’en doutons pas; le sieur G ib o n n’a offert cette p reu ve
avec tant d ’emphase et un ton d’assurance, sachant bien
q u ’on ne l’admettroit pas, que dans l’espoir q u ’il parvien droit à faire une impression défavorable à son ad ver
saire : aussi seroit-il fort aise que la C o u r pensât qu ’il
n ’en est pas besoin, et q u ’elle se contentât des présom p
tion s exista n tes.
L e sieur G ib o n e s t - il donc tellement éd ifian t, que
la justice d o i v e , les y e u x fe rm é s, lui donner pleine et
entière confiance ? E x p e rto n sera-t-il tellement circon
venu par des allégations qu i ne sont ni. v ra ie s, ni p résumables , que la C o u r d o ive le condam ner ou m al
présum er de l u i , parce que son adversaire c rie h a r o ?
Ce seroit un étrange m o y e n , si la justice ou ses ministres
p ou vo ien t se laisser étourdir par d’aussi vaines clameurs.
N ’a llèg u e-t-on pas encore qu ’E x p c r to n s’est fait con
sentir ù la fois une donation et un testam ent? C ’est un
autre fait semblable aux premiers. M argu erite G ib o n
vo u lo it donn er à son neveu ; la donation étoit com
mencée lorsqu’on s’aperçut q u ’elle exig ero it le détail du
m o b ilie r ; alors ou l’aban do n n a, et il ne fut fait q u ’ un
testament. lia do n a tio n , quoique com m encée, n’a jamais
été parfaite; ¡1 n’en existe pas d ’acte en forme.
Enfin , si la C o u r veut bien se p énétrer des faits et
des circonstances, elle sera convaincue de l'inexactitude
de G ib o n , et du peu de confiance (ju’elle lui doit.
E li quoi ! l’oncle et les tantes des parties sont venus
�3/4 .
( 38 }
habiter avec E x p e rto n . E t ils n’avoient p o u r lui que des
rebuts!
Il a vendu une maison achetée par son o n c le , et s’est
em paré du p rix p o u r en acheter une autre en son nom.
E t cet oncle qui en avoit une à lu i , qui d’ailleurs étoit
dans l’aisance , l’a suivi dans sa nouvelle habitation , et
a continué d’y v iv r e avec lui dans l’ in tim ité, jusqu’au
dernier instant de sa v ie !
Il a v o lé à sa tnnte une som m e d ’argen t; sa tante s’est
exh alée en r e p r o c h e s , en plaintes amères. E t dans le
m êm e temps elle lu i fait un legs de 1000 fr. par son
testament !
Il avoit accaparé son o n clc et ses tantes; il avoit une
funeste influence. E t bien loin de s’en servir p o u r lu im ê m e , il a d irigé les libéralités de son oncle au profit
d ’ un autrel
Il a reçu
i dans sa maison et à sa table ,' Rose sG ib o n ,
sœur de l’ in tim é; il y a admis A n n e M ia lh e , parente et
alTidée de G ib o n ; il y a affectueusement invité G ib o n
lui-m êm e. E t il étoit plein de précautions et de ruses
p o u r leur soufTlcr des dispositions!
E t c’est avec une semblable c o n d u ite , q u ’ E x p c rto n ,
avo u é au tribunal dont est a p p e l, et bien connu de ses
ju g e s, est parvenu à leur en im poser; q u ’il y a été tel
lement favorisé, que ses con frères, les avocats qui exe r
cent près de ce tribun al, et les juges eux-inêm es ont été
p réven u s p o u r l u i , et que G ib o n a été repoussé par tout
le m onde !
E n v é rité de semblables assertions offensent la justice,
et se réfutent elles-mêmes.
�( 39 )
E t G ib o n q u i , après la m ort d’ une des deux sœurs,
et dans les derniers instans de l’autre , a p én étré dans
sa cham bre p o u r fouiller dans ses poches, y prendre ses
c lefs, o u v rir ses a r m o ir e s , en sortir et s’a p pro p rier tout
le linge et les effets qui les garnissoient ; G ib o n , con vain cu
d ’une coupable soustraction, aura le droit d ’en imposer
à la justice, et d’accuser hautement son adversaire!
D isons au contraire que toutes ces circonstances con
courent p o u r repousser, et sa p ré te n tio n , et la faveur
dont il veut s’entourer.
Disons que si le tribunal du P u y s’est arrêté au tes
ta m e n t, c’est p o u r l’a v o ir sainement ju g é ;
Q u e s’ il a rejeté la p reu ve offerte , c’est parce que ,
d’ une p a r t , elle étoit contraire au x p rin cip es; que de
l ’a u tre , étant sur les lieux et connoissant tout à la fois
les faits et les personnes, il en a sagement a p p r é c ié l’inu
tilité.
D isons enfin que s’ il est vrai qu ’E x p e rto n ait joui
auprès des juges dont est appel d ’une certaine f a v e u r ,
ce n’est pas au moins sa cause; et que c’est le m eilleur
tém oignage q u ’il puisse donner à la C o u r de ce q u ’on
pense de lui dans le lieu de son d o m ic i le , et de ce qu ’en
pensent eux-mêmes les juges près desquels il exerce jo u r
nellement des fonctions publiques et honorables.
Signé E X P E R T O N .
M° . V I S S A C , avocat.
M° .
G A R R O N , avoue licencie.
A RIOM, de l’Imp. de THIBAUD, Imprim. de la Cour imperiale, et libraire,
rue des Taules, maison Landrio t . — Août 1810.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Experton, Jean-Baptiste. 1810]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Experton
Vissac
Garron
Subject
The topic of the resource
captation d'héritage
testament nuncupatif
dentelle
textile
infirmes
certificats de civisme
confusion d'héritier
patois
surnoms
diminutifs
nom d'usage
inventaires
dol
nullité du testament
testaments
Description
An account of the resource
Titre complet : Précis en réponse, pour Jean-Baptiste Experton, avoué licencié au tribunal civil du Puy, intimé ; contre Gilbert Gibon, avocat, appelant.
Table Godemel : Testament : 11. dans le doute que peut présenter la volonté d’un testateur, faut-il rechercher et faire exécuter sa volonté ? pour reconnaître le véritable héritier institué entre deux personnes qu’on prétend l’être, l’une exclusivement à l’autre, faut-il considérer l’exécution que le testament a reçue, et le jugement qui a été porté dans la famille, dans le public et par celui qui contracte ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1810
1803-1810
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
39 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2010
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2009
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53380/BCU_Factums_G2010.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Cros-de-Géorand (07075)
Le Puy-en-Velay (43157)
Landos (43111)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
captation d'héritage
certificats de civisme
confusion d'héritier
dentelle
diminutifs
dol
infirmes
inventaires
nom d'usage
nullité du testament
patois
surnoms
Testament nuncupatif
testaments
textile
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53379/BCU_Factums_G2009.pdf
446eec30cb0df255d4176c00a525d88e
PDF Text
Text
'<
PRÉCIS
1J
POUR
Sieur G i l b e r t G I B O N , propriétaire et avocat, habi
tant du lieu du Cros-de-Georand, département de
l'A rd èch e, appelant d’un jugement rendu au tribunal
civil du P u y , le 20 décembre 1809;
CONTRE
Sieur
J
e a n
-B
aptiste
E X P E R T O N , avoué au
tribunal du P u y , intimé.
L E sieur G ibon , héritier testamentaire d e Margueritte
Gibon sa tante, devait recueillir tous les biens dont se
compose c e tte succession.
M argueritte Gibon devait sa fortune à l'affection de
J e a n -L ou is Gibon son frère, qui l’avait instituée son
héritière universelle par un testament du 1er d écem
bre 1 8 o 3.
L e sieur E xperton, parent au m êm e degré que l’ap1
2m
s
.
�( 2 )
pelan t, de M argueritte Gibon 3 a voulu s’approprier les
biens de sa tante; e t , pour y parvenir, il n’a pas craint
d’em ployer toutes les ruses que l’ambition inspire, et
que l’intrigue prépare.
Fertile en ressources, les suppositions de personne,
les manœuvres les plus téméraires ne sont qu’un jeu
de son imagination, et il en a tellement imposé aux
juges du tribunal près lequel il exerce ses fonctions, qu’il
est p a rv e n u ^ tout e n v a h ir , et à dépouiller un héri
tier légitime.
Mais ce succès ne sera qu’éphémère ; et les suites
pourraient être funestes à cet ambitieux. L ’appelant va
mettre au jour la conduite scandaleuse de son adroit
et dangereux adversaire.
F A IT S .
D u mariage de Pierre Gibon et de Claudette Plan
cher étaient issus six enfans; Jeanne Gibon morte sans
postérité; L o u is , père de l’appelant; M a r ie , femme
E xperton, mère de l’intimé; J e a n - L o u is ; M argolon
et Margueritte.
Jean-Louis Gibon a vécu célibataire à la compagnie
de ses deux sœurs Margoton et M argueritte, qui ne
se sont pas mariées.
J e a n - L o u i s faisait un c o m m e rce considérable de
dentelles, et ce c o m m e r c e a toujours pr ospé ré; il est
l'auteur de sa fortune ; Ma rg o to n sa sœur a în é e , était
boiteuse et infirme. F aib le de corps et d ’esprit, c ’était
lin de ces êtres infortunés disgraciés de la natur e, oué-
�rJlW.
( 3 )
.reux pour les familles, mais auxquels on doit quelque
pitié; elle avait dix-huit ans de plus que sa sœur M argueritte; elle avait toujours porté le nom de M argoto n , et n ’était connue que sous cette dénomination.
M argu e ritte ,la plus jeu n e, aussi active, que sa sœur
était faible, était à la tête de la maison, tenait le m é
n age, administrait les biens de son frère, qui se livrait
•tout entier h son com m erce; il était reconnaissant des
soins de sa sœ ur, pour laquelle il avait une affection
particulière.
Jean-Baptiste E xp erto n , né dans l ’indigence, sem
blait être condamné à passer sa vie dans la misère; Louis
G ib on , père de l’appelant, en prit pitié, le reçut dans
la maison, le nourrit , l’éleva com m e ses enfans, et
lorsqu’il fut parvenu à l’ûge de vingt ans, son oncle
l ’envoya chez un procureur, au P u y , pour s’y former
dans la pratique, et se mettre en état de gagner sa vie.
-
L à , ses idées s’agrandirent, et le premier projet qu'il
conçut fut de s’approprier exclusivement la fortune de
Jean-Louis G ib o n , et de ses deux sœurs; il s’y prit
d ’abord assez adroitement : il les détermina à venir
habiter au P u y ; mais il paraissait indispensable d’ac
quérir une maison : elle fut bientôt trouvée.
L a veuve Benoît vendit à Jean-IiOuis G ibon , une
maison située rue St.-Jacques, avec le mobilier dont
elle était garnie, et deux terres. Cette vente fut faite
moyennant la somme de 8,000 fr ., dont Jean-Louis
Gibon paya la majeure partie.
Mais le pr évoyant Expert on fit croire à son oncle,
q u ’ une ve nte sous seing privé était suffisante, et il en
2
�(4 )
conserva le double dans ses mains; bientôt l’acte sous
seing privé est déchiré; la maison est revendue sous le
nom de la veuve Benoît ; Experton en reçoit le prix,
et s’en sert, pour a cq u é rir, en son nom , la maison du
sieur E s b ra y a t, où il conduisit son oncle et ses deux
tantes.
T
Cette première expérience lui réussit m a l; JeanLouis Gibon s’apperçut qu’il était joué par son n eveu;
il ne cessa de s’en plaindre , tomba malade peu de
t.ems après, et le i . er décembre i 8 o 3 , il fit son tes
tament par lequel il institua Margucritte Gibon sa
sœur, son héritière générale et universelle, sans aucunes
charges.
Personne ne s’est trompé sur la véritable héritière :
le défunt avait manifesté son intention avant son décès;
il s’en était ouvert à son curé de Landos, et à ses amis.
3 'Iargoton n’eut jamais de prétention à l’hérédité de
son frère; E xperton, lu i-m ê m e , savait bien que M a rguerittc avait été l’objet du choix de son frère; il s’est
mêm e van té , sans doute, pour se faire valoir auprès
de l’héritière, d’avoir dirigé le testam ent, et d’avoir
influé sur la détermination de son oncle.
Cette jactance n’a rien de vraisemblable; Experton
avait perdu son influence, et s’il en avait e u , il aurait
dirigé la bonne volonté de son oncle sur lui-même.
Jean-Louis Gibon succomba peu de jours après son
testament; Margucritte sa sœur, se mit en possession
de toule la fortune de son frère; une foule d ’actes sui
virent son administration el sa jouissance.
XiO 28 messidor au 1 2 , elle vendit un champ appelé
�( 5 )
de L ouschanel, situé à Landos, dépendant de la suc
cession de son frère, à Claude Cliastel, cultivateur.
L e 24 prairial an i 3 , règlement de compte entre
M argueritle G ibon, tant en s o m n o m , que comme hé
ritière de Jean - L o u is son fr è r e , en vertu de son testament, avec J e a n - Baptiste R eynion d j ce dernierse re
connaît débiteur, envers M argu eritte, d’une somme
de i , 35 o francs.
L e 11 brumaire an 1 4 , acte notarié par lequel JeanFrançois M unier se reconnaît débiteur, envers M ar
gueritte G ib o n , d’une somme de 5 oo francs, pour ar
rérages de contributions dus à Jean - Louis G ib o n ,
pendant qu’il était percepteur des impositions.’ •
1
L e 10 du même mois de bru m aire, Margueritte
G ib o n , héritière de J e a n -L o u is , avait fait un règle
ment de compte avec un sieur A g u lh o n , pour diffé
rentes sommes que ce dernier devait à la succession
de Jean-Louis.
L e 20 du môme mois de brumaire, autre acte por
tant règlement de compte entre M argueritte G ib o n ,
héritière de J e a n - L o u is , et Pierre Gros débiteur de
cette succession; le même jour quittance de M argue
ritte G ib o n , d ’une somme de 45 o francs, pour jouis
sances perçues par Jean - Baptiste Bonnaud, de deux
prés et d ’un c h a m p , dependans de la succession de
Jea n -L o u is.
9
janvier 18 0 6 , vente par Margueritte G ib o n , au
profit de Jacques M ilhit, d ’un jardin dépendant de la
succession de Jean-Louis Gibon.
24 février même a n n é e , quittance de M argueritle
�(6 )
G ib on , héritière de J e a n - L o u is , au profit de M arlin
Rivet.
Tous ces actes sont passés par-devant notaires; il en
existe plus de trente de cette nature. Margueritte Gibon
jo u it , perçoit, dispose, afferm e, v e n d , paye comme
hérilière de son frère.
C elle succession élait considérable; Jean-Louis Gibon
indépendamment des immeubles qu’il possédait, avait
aussi beaucoup d ’argent com ptant, qui élait le fruit de
cinquante ans de com m erce, et d’un travail assidu.
Cet argent avait passé dans les mains de M argue
r i t e , héritière'; elle est frappée d’apoplexie, le 7 ven
démiaire an 1 4 ; elle fut m om enlaném ent privée de
ses fa cul lés.
E x p e rto n , impatient de su cc é d e r, enlève l’argent
comptant que sa tante avait recueilli de la succession
de son frère.
M a r g u e r i t t e , re v e n u e à e l l e - m ê m e , s’apperçoit de
l’enlève m en t qui lui a été fait > elle redemande son
argent h Exp er to n ; elle s’exhale en reproches , en
plaintes amères. Ses a m i s , ses voisins sont témoins de
ses l arm es , de son chagrin.
E x p e r t o n , sans s’é m o u v o i r , garde l’argent. C ’est un
ejj'et de la léthargie de sa tante.
Margueritte G i b o n , ranimant ses forc es, se trans
porte ch e z un notaire, le 12 brumaire an 14 (n ovem
bre i 8 o 5 ) , où ello fit son teslament nuncupatiT, dont
les dispositions nousdémontren! q u ’elle était la véritable
hérilière instituée de Jea n-l-oui s Gibon son frère.
Elle no prend d’autre nom dans ce teslament que
celui de Margueritte G ib o n , fille célibataire.
�( 7 )
Elle tègue 400 francs pour messes ou aumônes ;
Elle donne aux filles dévoles de la paroisse de
L andos, sa m aison, située au même lie u , avec les
meubles qui y seront à. son décès, et le jardin y atte
nant (Ces objels dépendent de la succession de JeanL o u is);
Elle lègue un autre ja rd in , dépendant de la m êm e
succession, aux filles de l ’assemblée actuelle de Landos ;
Elle donne à une nièce religieuse 2,000 francs;
Elle lègue 1,000 francs
Experton;'
600 fr. à une demoiselle Agulhon , sa petite nièce ;
A la sœur de celte dernière, pareil legs de 600 fr.;
Quelques meubles à une cousine ;
Elle donne et lègue à sa sœur la jouissance entière
de tous et un chacun ses entiers biens revenus ou
intérêts pendant sa vie.
Enfin Margueritte Gibon institue pour son héritier
général et universel, Gilbert G ib on , fils à Louis (ap
pelant).
Margueritte Gibon a survécu à son testament, jus
qu’au 11 mars suivant. M argolon sa sœur était ellem êm e à l’extrém ité, et n’a vécu que jusqu'au 27 du
mêm e mois de mars.
Gilbert G ibon , appelant, se rend au P u y le lende
main du décès de sa tante. E xperlon lui anonce qu’il
a des reprises considérables à exercer sur la succession
de Jean-Louis G ib o n , com me sur celle de M argueritte,
qui venait de décéder.
Il refuse de s’expliquer sur rétendue de ses préten
tions; Gilbert Gibon en conçoit quelqu’inquiétude; il se
�8 }
détermine à provoquer l’apposition des scellés, et à
n ’accepter la succession que sous bénéfice d’inventaire.
L e procès-verbal d’apposition de scellés, est du 20
mars 1806 ; on y remarque que le juge de paix avait
tro uvé, dans la chambre où était décédée M argue
r i t e , une fem m e détenue malade dans un lit, qui n a
pu répondre à nos interpellations.
Celte fem m e ?gisante, était l ’infortunée Margoton
qui mourut cinq ou six jours après. Cette M argoton,
témoin des plaintes et des gémissemens de sa sœur,
sur la perte de son argent, était bien éloignée d’avoir
des vues sur Experton ; elle était au contraire dans
l ’intenlion de faire passer tout ce q u ’elle possédait à
Gilbert G ibon; le 18 mars elle avait mandé E y ra u d ,
notaire au P u y , pour recevoir son testament ; Eyraud
rédige l ’acte, conformément aux intenlions de M argofo/i, qui y est ainsi dénom m ée; Gilbert Gibon est institué
héritier universel; mais survient E xp erto n , avant que
le testament soit terminé ; il oblige Eyraud et les té
moins de se retirer; le testament reste imparfait. 11
existe entre les mains d’Eyraud , qui est en état de
le représenter; Gilbert Gibon a demandé devant les
premiers juges le dépôt de cet acte ; et on verra bien
tôt que celte légère faveur lui a été refusée.
L e même jour 18 mars, après minuit, Experton in
troduit dans l'appartement de sa tan te, un notaire à
sa dévotion (D u ra slel), et lui fait faire un second tes
tament dans lequel il ne manque pas de désigner
Margoton sous le nom de M argucrittc, et bien en
tendu qu’il est l'héritier universel.
Margoton
�(9 )
M argoton meurt le 2.5 m ars; Experton garde le
silence ; Gilbert Gibon avait fait procéder à l'inven
taire du mobilier de M argueritte; il est en possession
paisible des biens de son oncle et de sa tante; en
cette qualité, il afferme à la dame Pallier une vigne
située au terroir de Vais.
Experton veut commencer l’attaque, mais par des
voies obliques : il vend cette vigne à un sieur Héritier
qui veut en jouir.
>
D em ande en complainte de Gibon contre Héritier
et Experton; Gilbert Gibon forme cette demande en
qualité à'héritier de Margueritte G ibon, qui Celait de
J ea n -L o u is.
L e juge de paix ordonne la preuve de la possession
d’an et jour; enquêtes respectives jconcluantesen faveur
de Gibon ; cependant il est débouté de sa demande.
A ppel au tribunal civil du P u y , toujours en qualité
d ’héritier de Margueritte G ib o n , qu i L'était de son
frere.
10
mars 1809, jugement du tribunal du P u y , con
tradictoire avec E xperton, qui infirme le jugement du
juge de paix , et réintègre Gibon dans sa possession.
Qualités signifiées, sans opposition d’ Experton qui a
approuvé la qualité prise par G ib o n , d’héritier de Margueritte sa tante, qui l’était do son frèro.
L e 19 juin 1806, Experton se mit plus h découvert;
il ne s’adresse cependant pas directement au s.r G ib on ,
mais il fuit citer devant le juge de paix de Pradelles
les nommés M ilhit, Rivet et autres, acquéreurs, ou
fermiers de M argu e ritle G ib o n , la plus jeun e; il prend,
3
�('iO )
dans cette citatio n ,la qualité d’héritier de M a r g u e rite
Gibon (M argoton) sa tantè, suivant son testament du
19 mars 1806, laquelle était, dit-il, héritière de JeanLouis son frère, suivant son testament du 2 5 frimaire
an 12 , ou i . er décembre i 8 o 3 . Il suppose, com m e on
voit, que Margoton, , qu'il affecte d’appeler M argue
ritte , fût celle que le frère avait instituée ; il conclut
contre les acquéreurs au désistem ent, et contre les
fermiers au paiement du prix de leurs baux.
Tous les cités ¡comparaissent; les acquéreurs disent
qu’ils jouissent des biens, en vertu de contrat de vente
à eux consenti par feue demoiselle M arguerilte G ibon ,
la plus jeu n e; l’un d’eux déclare m êm e-avoir payé
une partie du prix à Gilbert Gîbon son héritier; les
fermiers déclarent q u ’ils ont joui des biens, 011’ à titre
de ferme verbale à eux consentie par Margueritte G i
bon, la plus jeu n e, 011 en vertu d’un bail notarié de la
m êm e; et l'un d’eux ajoute que le i . er mai précédent,
il a payé partie de sa ferme au sieur G ibon , neveu de
Marguerilte^
Gilbert Gibon comparaît aussi au bureau de p a ix ,
déclare qu’il prend le fait et cause do loiis les cités;
eJ ¡soutient Experton aon-recevable dans sa demande.
Ce procès-verbal du bureau de paix, semble être mis
de côté, pour faire place a une autre procédure; Exper
ton imagine de prendre la voie du commandement do
payer contre tous ceux qu il suppose être débiteurs de
la succession de J e a n -L o u is Gibon ; c e u x - c i forment
opposition au com m andem ent, dénoncent les pour
suites à Gilbert Gibon qui prend leur fuit et cause, et
�( 11 )
demande à son tour à être gardé et maintenu dans
l ’hérédité de Margueritte Gibon , et par suite dans
celle de Jean-Louis ; qu’il soit fait défenses à E xperton de l ’y troubler, et pour l’avoir fait, se voir con
damner en 3,ooo fr. de dom m ages-inlerêts, et aux
dépens.
E x p e r lo n , de son cô té, conclut a etre envoyé en
possession et jouissance des biens délaissés par M ar
gueritte «et Jean-Louis G ib on , et subsidiairement, en
cas de difficulté sur.ses conclusions principales, à ce qu’il
soit au moins e n voyé provisoirement en possession, et
à ce que tous les débiteurs de la succession fussent condumnés à lui payer le montant de leurs dettes en prin
cipaux, intérêts et frais.
Il est bon d’observer qu’au moment où Experton
élevait si haut ses prétentions , il croyait avoir fait une
découverte Importante. Il rapportait l’extrait de nais
sance-de Margueritte G ib o n , la plus je u n e , sous la
date du 18 avril 17 4 5 , et on y voyait qu’elle avait été
baptisé
avec les prénoms
de
M arie - M argueritte.
Cependant sa m arraine, qui est la fem m e A c c a r io n ,
veu ve C avard , n’a d’autre prénom que celui de M ar
gueritte.
Il avait encore à la main un acte d’ un autre gen re,
intitulé, E g a lité ou la M o rt, et qu'on est étonné de
trouver dans une procédure : c ’était un certificat de
civisme du 27 floréal an 2 , accordé a J e a n -L o u is
Gibon, et à ses deux sœurs,, dans lequel M arguerilte,
la plus jeune, est encore désignée sous le prénom de
M arie Margueritte.
�( *2 )
D ès-lors, plus de doute que Jean-Lou is a institué
Margoton sa sœur aînée ; et que M arie-M argueritte
n ’avait rien à prétendre dans la succession de son frère.
Un premier jugement par défaut contre l’appelant,
en date du 3 o août 1809, envoie Experlon en posses
sion provisoire des biens de J e a n - L o u is G ib o n , à la
charge par lui de donner caution.
Sur l’opposition intervient un jugement contradic
toire sur le fond, le 2.0 décembre 1809; il est impor
tant de le connaître dans son entier.
q u e s t io n . «• Quelle est celle des deux
« sœurs, Margueritte Gibon a în é e , et Marie-Margue« ritle Gibon cadette, qui a été instituée héritière par
P
remière
« Jean-Louis G ib o n , dans son testament du 25 frimaire
« an 12.
<r La solution de cette première question résulte« t-elle assez évidemment du testament de Jean-Louîs
« G ib o n , des actes de naissance des deux sœurs, et
» du certificat de civisme du 2.1 iloréal an 2 ?
«■Dans le cas de la n égative, peut-il y être suppléé
«■par les faits et circonstances dont le sieur Gibon a
« offert la preuve, et celle preuve est-elle admissible?
« D o il-o n ordonner l’apport et remise du testament
* non a c h e v é , que le sieur Gibon prétend avoir été
« fait par M argueritte ou Margoton G ib o n , devant
« E y ra u d , nolaire, et ordonner aussi que le notairo
«r et les témoins appelés seront entendus pour s’expli« qucr sur les causes qui ont empêché la confection
« de co testament?
r Margueritte Gibon aînée a-t-ello dû être désignée
�( i3 )
«• dans les actes qu’elle a passés, et dans ceux qui ont
« été faits à son profit, sous: la dénomination vulgaire
« de M argoton , et cette iamilière dénom ination, qui a
«
»
»
«
pu être consacrée par, l ’usage, empêche-t-elle de la
reconnaître sous le nom de M argueritte, d an sladisposition de Jean -G ibon ? S’il est reconnu et décidé
que Margueritte Gibon a été l’héritière; de J e a n -
«• Louis son frère, les demandes du sieur Experton
« sont-elles justifiées? Faut-il ou non les lui adjuger?
« et par voie de suite , les oppositions de Bonnaud ,
« R eym on d et autres, envers les commandemens à eux
«• faits, ii la requête d’Experton , et envers le juge« ment du 3 o août 1809, sont-elles fondées ?, doit-on
* en prononcer le démis o u non ?
D a ns la même hypothèse , les demandes et prê
te tentions de Gibon, et son opposition envers le juge« ment du 3 o août dernier, ont-elles quelque fonde<r m e n t, et doit-on l’en démettre ou non?
Si les demandes du sieur Gibon sont reconnues
* m al-fon d ées, et qu’il en soit démis, les conclusions
* en garantie, subsidiairement prises, sont-elles véri» fiées, et doit-on les adjuger ou non?
« E n fin , la cause est-elle en état d’être jugée défir nitivemenl ?
Attendu que les registres publics de l’état c iv il,
« sont destinés à prouver la filiation des individus, et
* les noms sous lesquels ils doivent être connus et
« désignés dans la société ;
« Attendu qu’il résulte des extraits de naissance,
* produits, que les deux sœurs de Jean-Louis G ib o n ,
�C 14 )
« qui lui ont s u rv é c u , y.so n t désignées, l’ une sous le
« nom de M argueritte, l ’autre-sous celui de M arieft Margueritte •
1 k Attendu qu'aucun usage certain et quelque long
« qu’i i f u t f n’aurait pu faire perdre aux deux sœurs
* Gibon les'prénom s qui leur ont été donnés dans
Tt lëurs actes de naissance, et leur en faire acquérir
& d’autres differens ;
* « Attendu que la dénôminatio’ii de M argoton, qu’a
v.
«•
*r
«
pu réCevoif vulgairement la fille ainée G ib o n , n’est
qii’ iïne corruption du prénom M argueritte, ou plulôt n’est que ce prénom rendu dans l’idiôme du pays
où ello a-pris naissance, et où elle a v é c u ;
«■Attendu que & l t e dénomination patoise, et fami
ne lièrie1 dô M'ar-gotoiV> në pouvait être em ployée dans
* les actes prtblifcs tjui doivent être rédigés eu français;
c Alténdu que la fille puînée G ib o n , a p u , dans
ir l’usage familier, n’être pas d én om m ée, Marie-Mar« gtieritte-, paice que ce double prénom aurait été
<r trop lôttg h prononcer; qu’elle 11e pouvait pas être
* appelai)-simplement M a rie, parce que c ’était le pré« nom propre
une de ses autre sœurs plus agéc ( la
<r datne Exporton); qu’elle a pu recevoir le simple nom
<r de M argueritte, qui la distinguait suffisamment de
« sa s(èuV appelée M argoton ;
« Attendu que ces dénominations, bonnes pour dis« tingnor les deux sœurs dans leurs communications
« domestiques et familières, doivent disparaître dans
« dos actes publics et solcninels, où elles ne pourraient
« pas roinplir le môme o b je t, el où chacune des sœurs,
�(CilbO)
«. ptiup être reconnue,)'avaiti.bèsoiivnd’êtret distinguée
« sous ses véritables.nom s'et prénoips ; j ¡1
" ,,i i »
«■Attendu que si les‘deux iilles G ib o n , qui'étaient
« illitérées, avaient p u , à cause de. 1 liabitùdeule s’en«' tendre appeller l’une M argoton, L’autre M argueritte,
« croire qu’elles.n ’avaient pas d’autre ^prénom, Jea n « Louis Gibon "qui savait lire et écrire, e tiq u i avait
* toujours fait toutes lés affaires com m u n es, né pour-,
« vait partager cette ¡irreur Ipetoqu’ii paraît en effet
« qu’il a su les distinguer par leurs véritables1 prénom s,
« puisque dans le certificat de civ is m e , délivré par
« le maire* de Landos’, le 27 floréal an 2 , lant à lui
« qu’à ses sœurs, celles-ci sont désignées de la m êm e
« manière que dans leurs ¡actes de naissance ; n! ;
>
«■A t te n d u q u e par suite J e a n - L o u i s Gibon en ins«. tituant M argueritte G ibon son héritière, a nécessai* rement désigné l’aînée de ses deux sœurs, et non
« la ca d e tte, puisqu’indépendamraent du nom de M ar«■g u eritte, c e lle - c i portaitüencore celui de M a rie,
qui la distinguait dtf sa sœur aînée ;
«• Attendu qu’on 11e saurait présumer d’ailleurs' la
» moindre prédilection de la part de Jean-Louis G i» b o n , en faveur de: sa sœ ur,eadelle, au préjudice de
« l’a în é e , puisque le mêm e lien les unissait, ol que
« dans l’intimité où ils vivaient tous trois, il
pou« vait y avoir d’autre m otif de préférence, que 1 âge
« plus avancé de Pim des survivans;
; /
» Attendu que si Mm guérit lo Gibon avait pu croiro
«■Marie-Murguerilte sa sœur, héritière de Jean-Louis
* Gibon, par la raison q u ’on l ’appelait sim plem entM ar-
�( i6 )
« gueritte, tandis qu’on l’appelait elle-même Margoton,
« et l’avait laissé jouir paisiblement de l’hérédité, une
« pareille erreur n’aurait pu lui préjudicier, non plus
a- qu’à son héritier;
* A ttendu que là preuve testimoniale, offerte par
« G ib on , tend à détruire lai foi due à des actes pu
te blics*, et qu’au surplus, les faits qu’il met en avant
« seraient insignifians pour justifier son assertion, que
« c ’est la sœur cadette, et non la sœur aînée de Jean« Louis G ibon, que ce dernier a eu l ’intention d’ins« tituer son héritière ;
« Attendu que la représentation du fragment d’un
a testament com m encé, et laissé imparfait par M arr gueritte Gibon, le 18 mars 18 0 6 , est inutile dans
« la cause, puisque Experton convient de La teneur de
« ce fragm ent y telle quelle est rapportée par G ibo n , et
« qu’elle ne peut en rien influer sur le testament anté<r rieurement fait par Jean-Louis G ibon ; et que d ’un
« autre côté, un projet d’acte non ach evé, et qui n’est
« revêtu d’aucune signature, ne peut être produit en
« justice;
- ¡« Attendu qu’Experton ayant été institué héritier
« do Margueritto Gibon a în é e , et celle-ci l’ayant été
c< de la part de Jean-Louis Gibon son frère, il doit sans
«• difficulté recueillir les deux hérédités ;
* Attendu que sous ce point do v u e , Experfon a pu
« poursuivre valablement le recouvrement des deniers
« faisant partie do l’hérédile do J e a n - L o u is Gibon ,
» tout comme les possesseurs des immeubles par lui
« délaissés; que conséqucim ncnt, les oppositions for
mées
�C '7 )
« mées par les débiteurs ou fermiers, envers lescom * mandemens à eux faits de la part d ’E x p erto n , sont
dénuées de fondement; que néanmoins, s’ils ont ac« quis ou affermé les immeubles par elle jouis, et qui
« proviennent de la m êm e hérédité dei M arie - M ar« gueritte G ib o n ’, ou de G ibon , héritier de cette der« nière, ou s’ils ont p a y é ,à l’un ou à l ’autre certaines
» créances dues à Jean-Louis G ibon , ils doivent néces« sairement obtenir leur recours et garantie des de« mandes à eux faites, contre ledit Gibon ;
« Attendu que l’opposition qu’ils ont encore formée,
». ainsi que G ib on , au jugem ent du tribunal du 3 o août
« dernier, est mal f o n d é e p u i s q u ’Experton avait titre
« suffisant pour être en voyé en possession provisoire de
« l’hérédité de Jean-L ouis Gibon ;
«• Attendu enfin que la demande au fond paraît suf« fisamment instruite , et que les parties en requièrent
« réciproquement le jugement définitif » ;
Par tous ces m o tifs,
*
'
i
.
L e tribunal, jugeant en premier ressort, faisant
« droit aux conclusions prises par E x p e rto n , sans avoir
« égard à celles prises par G ib o n , ni h la preuve par lui
» offerte, ni à sa demande en représentation de la
« minute d ’un com mencement de testament fait Par
« Margueritte G ib o n , le 18 mars 18 0 6 , non plus
“ qu’aux autres choses déduites par lui/dont l’a dém is,
« déclare M argueritte G ib on , sœur aînée de Jean « Louis, héritière de cc dernier; en conséquence, rena voie E xperton, en sa qualité d’héritier de M argue» ritte G ib on , en possession et jouissance définitive des
5
�( IS )
« biens'délaissés par (Jean-rLouis G ibon , -avec défenses
» à Gilbert Gîb'ôn d e l ’y troubler, aux .peines de droit.
^ Sans s'arrêter n o a ; pliis:Jj)quanl..àice , à 1’opposition
«• formée pjarlles-iacquéreurs; ou ferm iers, envers les
«• c o m oaandémens iiijéuXiFails , dout iez a dém is, a ren« vo yé Expertori en continuation de sesr poursuites ;
« démet auisii Jesdiis,acquéreurs ou fermiers, ainsi que
« Gibon/rdeJerir oppcisiiion'envers-lé jugement du 3 o
« août dernier^ jcônckimno G ib on iïrrelever et garantir
« lesdits acquérHaVsiiuli fermiers d ès’ demandes à eux
a faites, de ia jiaTt d ’Ejcperton, ep principal et âccesk soires;'condamné lesdites pairties a u x dépéris* chacune
«> e n c e q-ui lè s c p n c e m e ; condamne G ib ôn à relever et
«'^garantir les opposans des dépens dont la condamna« tion est ci-dessus prononcée contre e u x , a i n s i q ù ’en
« c e u x de la ga ra ntie; ord o n n e q u e lo présent ju g e« n ient se ra , en cas;d’a^pol, provisoirement e x é c u t é ,
v de conformité iiilh loi»!.
- .:u* l u -
>• -
Ce jugemenl a été signifié au s. *Gibon le 2 3 avril 1810.
Celui-ci pn a v a i t interjeté a p p e l l e 1 4 du m ô m e mois;
m ais, conjm e il était exécutoire par provision, E x p e r ion a exercé led poursuites les plus rigoureuses contre
lés ferinierset les cjébitenrs; il a fait procéder par saisiee x é c u t i o n , a multiplié les frais; e t , sans offrir aucune
ca u tio ,n chose re marquable! le.ju gem ent ne l’en dis
pensait ni ho pouvait l’on dispenser; son prétendu ti 1ro
était en litige ; le prem ier ju gement q u ’il avait oblenu
par défaut le chargeait expressément de donner c a u
t i o n , et ce lte formalité était d ’autant plus indispensa
b l e , que l ’exécution provisoire serait irréparable en
définitif. E n effet, Exp er ton est absolument insolvable,
�( 19 ].
il a pour plus de, 60,000 fr. d’inscriptions , somme qui
excède dix fois la valeur d e tce qu’il possède, et la suc
cession dont il s'agit est en grande partie mobiliaire.
L e sieur Gibon se vit donc obligé de demander des
défenses contre l’exécution provisoire; il présenta sa
requête'en ilaj C ou r, le r3 o avril 18 10 , et fut ren voyé
h l’audience, où il obtint un arrêt par d é fa u t, qui fit
défenses de m ettre le jugement à exécution, et ordonna
que l’arrêt iserait exécuté nonobstant l’opposition.
!: Experton s’est néanmoins pourvu par opposition
contre cet'arrêt jamais,,'du consentement des parties ,
la cause fut ren voyée à line audience fixe pour en venir
sur le provisoire et sur le fon d , toutes choses dem eu
rant èn. était jusqu?à\.ceü
>: 1
‘
■ ;
11 s’agit: donc d’examiner le mérite du jugem ent
dont est appel, ainsi que des motifs qui l ’ont déter
m in é ; m a is, avant tou t, i l est essentiel d’instruire la
Cour des faits« dont le sieur Gibon avait offert la preuve
en cause, principale^
L e sieur Gibon avait d’abord d e m a n d é , qu’E y ra u d ,
notaire, déposât la minute qu’il avait dansles mains,
du testament resté imparfait', d eM argoton G ib on ; que
le notaire et les témoins fussent) enlendus pour s’expli
quer sur les causes qui avaient em pêché la confection
de ce testament, pour être pris ensuite telles conclu
sions que de droit.
11 offrait d eiprouver, tant par titres que par témoins,
i-° que la demoiselle G ib on , la plus jeune , n a jamais
été connue, ni;désignée, soit dansila fam ille, soit hors
de la famille , que sous le prénom de M argueritte ,*
2.0 que dans tous les actes qu’elle a passés, elle n ’a
�( 2° )
pris que le seul prénom de Margueritte ; 3 .° que l’aînée
n’a jamais été appelée autrement que M argoton, et
qu’elle a con tracté, sous^ ce n o m , dans le testament
qu ’elle avait fait devant M .e E y ra u d , notaire, lequel
n'a pas été ach evé; 4.0 que le sieur Experton lui-même
n ’a jamais autrement qualifié la plus jeune des deux
sœurs, que du prénom de M argueritte; 5 .° que c ’est
cette sœur, plus je u n e , que Jean-Louis Gibon a eue en
v u e , en instituant Margueritte Gibon sa sœur, pour son
héritière ; 6.°. que cette mêm e demoiselle G ib o n , la
plus jeune , a joui exclusivement depuis la mort de
J e a n - L o u is G ibon , des entiers biens composant la
succession, sans opposition com me sans intervention,
de la part de sa sœur; qu’elle a vendu partie des biens,
en a affermé d’autres, réglé avec les débiteurs, reçu
des à-com ptes, et formé des inscriptions, le tout sous
le seul prénom de Margueritte ; 7.° que le s.P Experton
non-seulement n’a jamais' donné à la plus jeune des
deux sœurs d’autre nom que celui de M argueritte, mais
encore s’est flatJé d ’avoir coopéré h faire instituer cette
sœur, plus jeune, héritière de Jean-Louis Gibon; 8.° e n
fin , que Margoton a î n é e , a déclaré que Margueritte
Gibon cadette, était héritière de Jeun-Louis G ib on ,
et q u ’elle S a v a it rien à. prétendre sur la succession.
C ’est cetto pr’e uv o si précise, que le tribunal dont
est appel a ju g é inadmissible et inutile; on verra bien
tôt que si elle est inutile, elle ne le serait deve nue que
par les a v e u x d ’E x p e r t o n , consignés ou reconnus dans
les motifs du ju g e m e n t ; m o ti fs , q ui, quoique rédigés
a v e c a r t , ne portent que sur des futilités, qui ne p e u
vent souffrir la plus légère discussion.
�( 21 )
Quelques réflexions préliminaires serviront à démon
trer le vide des raisonneinens des premiers juges. On
paraît sur-tout avoir attaché une grande importance à
l ’acte de baptêm e de la demoiselle Gibon , 1a plus jeune,
qui lui donne deux prénoms, quoique sa marraine ne
portât que celui de Margueritte. Gètte multiplication
de noms de baptême est souvent affaire de fantaisie
ou de caprice, quelquefois de van ité, et a moins d ’u
tilité qu’elle ne présente d’inconvéniens. M a is , quel
que soit le nombre des p ré n o m s, il faut nécessaire
ment qu’un seul prédomine , et devienne habitude ;
c ’est celui qui est adopté dans l’usage pour distinguer
l’individu; une fois qu’il est consacré, qu’ilest reçu dans
l ’intérieur, il lie , il unit, par une chaîne non interrom
pue de faits, d’aclions et de dém arches, tous les insfans
de notre vie à celui qui nous a vu naître; il nous ap
prend à nous-mêmes, il apprend aux autres qui nous
som m es, par l’habitude de nous reconn aître, et par
l ’habitude d ’être reconnu; il sert à nous désigner d’une
manière certaine, à nous distinguer des autres parens
du m êm e nom. En v a in , vo u d rait-o n varier dans la
suite, l’impression reste, et si 011 s’avisait de changer,
ou d’adopter tout autre prénom , on vous prendrait
pour un autre, on s’accoutumerait diflicilement à une
nouvelle dénomination.
Naguères, dans les familles, on
connaissait
des dimi
nutifs, ou des abréviations, qui souvent dérivaient de
la manière dont les premiers accens de l’enfant pro
nonçaient le nom qu’ il avait reçu : ainsi, Margueritte
devenait M argot ou M argoton, Catherine, C a th o , etc.
�•
à o+t-
( 22 )
M a is , ces noms familiers, adoptés dans l’in fé rie u r,
désignaient chaque m em bre de la famille d’une ma
nière invariable, et cette désignation se transmetlait
extérieuremeut chez les parens, les voisins et les amis,
en un m o t, auprès de tous ceux qui avaient des rap
ports avec la maison.
* Si cette habitude devait principalement influer sur
quelqu’un, c ’était sur-tout sur le frère,,qui avait tou
jours v écu , et vieilli avec deux sœurs célibataires, et
qui ne devait les désigner, ou les faire connaître que
sous le nom qu’ellesiportaient constamment depuis leur
naissance'; d ’où il faut conclure que si Jean-Louis Gibon
avait voulu instituer sa sœur aînée , il Veut appellée
M a rg o to n ,. eti que quand il a institué M argueritte, il
a voulu donner cette marque de préférence ou de pré
dilection a sai sœ ur, la, plus jeune,! seule connu«* sous
celte dénomination.
Voilà c e que tout hom m e raisonnable doit penser,
et lorsqu'on voit que M argueritte, la plus je u n e , était
seule en état d’a g i r , et de soulager son frère du fardèau des afiaires et du ménage , q u ’elle avait loulo
sa confiance; que M argoton, infirme, im potente, était
un. être inutile et à charge , un objet de pitié ; com
ment pou rrait-il y avoir du doute sur les intentions
du testateur?
Aussi, lorsque Jean-Louis Gibon fit son testament,
personne' ne se trompa sur celle des sœurs qui était
uistituùo héritière; Margueritte fut reaonue pour telle
par. les paron s, les a m is, les ferm iers, les débiteurs
de la succession.
�( * 3 ï)
L e testateur en avait fait confidence à son cu ré , et
à ses amis,* après son décès, M argueritte se mit en
possession de tous les b i e n s d e toutes les créances j
elle géra t o u t , elle administra tout à son gré ; elle
vendit partie des biens Xonds, afferma les autres ver
balem ent, ou devant notaire; régla avec les débiteurs,
toucha tantôt des capitaux, tantôt des intérêts, fit un
grand nombre d’inscriptions aux bureaux des h y p o
thèques , toujours sous le seul nom de M argueritte,
héritière de son fr è r e ; enfin, pendant deux ans et quel
ques m o is, qu’elle a survécu à son fr è r e , elle a fait
tous les actes qui étaient une suite de sa'qualité d’hérii
tière, exclusive et universelle.
<■
Ces actes sont des preuves écrites, qui expliquent,
interprètent les intentions du testateur, qui ajoutent,
s’il se peu t, à une désignation certaine et non équi
voque.
; li
) t '
! i ii..{ |\,
L ’appelant v o u lû t.y joindre la'p reu ve testimoniale
des faits, qu’on a expliqués plus h au t, et l’admissibilité
de cette preuve ne pouvait .être mise en question^ :
Il ne sagit point ici d ’une preuve testimoniale, contre
un a cte ; il ne s’agit pas de prouver une convention
qui excède le taux des ordonnances, ou dofl’art. i 34 i
du Code Napoléon. Mais il s’agit de
susp icion ,
de sup
position de personne : en un m o t , il est question de
découvrir quelle est celle des deux soeurs qui a été
instituée. O r, dans cette matière , la vérité doit tou
jours prévaloirsuivant le sentiment des docteurs; le juge,
comme l’enseignent Boiceau et D an ty , T raité de la
prouve pur tém oin s, chapitre 7 , doit chercher h con-
�( H )
naître quelle a été la véritable intention des parties ;
ce qui est écrit est un signe équivoque de la v o lo n t é ,
et c ’est cependant cette volonté qui doit décider plu
tôt que ce qui est écrit ; res gesta potior quam scriptura habetur, et lorsque des témoins honnêtes et pro
bes, qui ont vécu familièrement avec le testateur, qui
connaissent ses intentions, com me ses habitudes, vien
nent attester un fait à la ju stice, elle doit s’en rap
porter à leur attestation. S i testes omnes ejusdem honn esta tis, et existim ationis sive, et negotii qualitas ac
J u d icis motus cuni his concurrat, sequenda surit om
nium testim onia, conjirniabitque ju d e x motum anim i
s u i , ex argumentis et testimoniis quœ rei aptiora et
vero proxim iora esse compenet. L o i , ob carmen fa m o su m y if. de testibus.
Les ordonnances de M oulins, de 1 6 6 7 , le Code N a
poléon n’ont jamais rien dit de contraire ¿1 cette loi
qui s’exprime avec tant de force; ici, tout est en rap
port avec la vraisemblance, avec le sentiment que doit
éprouver le ju g e , d ’après toutes les circonstances de la
cause; il peut donc y joindre la preuve testimoniale, s’il
y avait lieu à hésitation. On observe que les lois em
ploient souvent ce mot argum entis, dont un savant
magistrat nous expliquait dernièrement le senset l’éner
gie, et que l'art. 323 du Code a voulu exp rim er, en
parlant des présomptions ou indices résultant de fa its
dès-lors constans.
Pourrait-on mieux appliquer ce passage qu’à l’espèco
présente? combien de présomptions et d’indices résul
tent de faits constans? N ’est-il pas constaut et avoué
qu'après
�( *5 )
qu’après la mort de, son frè re , Margueritte s’est mise
en possession de tous les biens, en vertu du testament ?
N ’est-il pas constant e t.av o u é que M argoton n’a pas
réclamé contre cette main-mise absolue et exclusive?
N ’est-il pas,constant, par.une foule d’actes,authentir
ques, que M argueritte, la plus jeun e, a géré ^adminis
tré, ven d u , affermé les biens en qualité à'héritière de
son frère? Son testament du 12 brumaire an 14 ,n ’estil pas une preuve certaine qu’elle se regardait com m e
seule héritière de son frère? Com m ent concevoir au
trement qu’elle eût fait des legs aussi considérables,
des dispositions aussi étendues, qui toutes frappent sur
les biens dù frère, puisqu’elle n’a v a it,rie n ,en propre?
Sa sage p ré v o y a n ce ‘de léguer l’ usufruit h sa sœur, pour
ne pas la mettre dans la dépendance des collatéraux,
ne démontre-t-elle pas qu’elle était reconnue com m e
seule héritière?
¡,
Si on ajoute à ces présomptions graves et concor
dantes , la preuve que la demoiselle G ib o n , la plus
je u n e , n’a jamais été co n n u e , ni désignée dans son
intérieur, ou hors sa fam ille, que sous le prénom de
M argueritte, qu’elle 11’en a pas pris d’autre dans tous les
actes qu ’elle a passés"; que l’aînée n ’a jamais été ap
pelée autrement que M argoton,* qu’elle a contracté,
sous ce n om , dans le testament qu’elle avait fait de
vant Eyraud ; qu'Experton n’a jamais désigné autre
m ent les deux sœurs ; quo Jean-Louis Gibon a eu en
vue sa sœur ca d ette , lorsqu’il ,a fait son testam en t;
qu’il en a fait confidence à ses amis, à son cu ré; que
M argoton a déclaré e lle - m ê m e , que M argueritte sa
7
�;(:* 6 )
s'uar, était héritière? dei ion frère ; qu'elle M argoton
n e prétendait rieii sur cette succession y certes, en voilà
plus qu’il n’éri faut pouf convaincre les plus incrédules,
que l'hérédité dé Jéàh-'Lôùis ü été transmise à M arguerille Giboti , làplùs jeune, ét par suite à l’appelant,
»
;
en vertu'de son insfifiitiôn testamentaire.
Mais pourquoi balancer, et se jeter dans des preuves
de faits aVoüé^ et récbhrius? qu'on parcoure rapide
ment îek iW t if ë ; du ÿügétiïe'rtf et on y trouvera tous
ces faits ¿ohsignéé:IédHifrie conktaris.
O n a déjà' dif qüé les motifs portaient sur une fausse
base, et toarnaiérit ¿tins cessé sur un cercle vicieux.
O h m ë t én àvfatit qUé lés 'registres publics de l’état
civil sont destin^ a ‘pkouvét la filiâtion des individus,
et les nornà Sou3 léstipiéls ils doivent ê’tre connus et
désignés dàns la société ; voilà une vérité certaine, mais
qui ne s’applique qu’ au nom de fa m ille * qui nous fait
rem onter juS^u’à la'SôilrCo dé notre sang, ot nous as
signe'ÎeTÜngqh&f noüs devorts occuper dans la société;
il serait ridicule d’étendre cette maxirùe jusqu’aux pré
nom^ qui varient ou; Se multiplient, qui ne peuvent
tdus s’énlployèi pour la désignation dé l ’individu, et
qui dans Fttëàge dôivetit se réduire à un seul , adopté
par l’h abitu d e, et poiir distinguer un mem bre de la
famille; ainsi, il es* constant par les registres civils, que
M afgucŸitte Gifrori est'fille'légitim e do Pierre Gibon
et de Claüdéttè P la n ch e r, mais ces registres ne peuvent
influer sur le tort du téstainent du frère, et priver la
sœur cadette de l’h é ré d ité , quoiqu’on lui eût donné
deux noms de boptOme; s'il est vrai qu’elle n’a jamais
�S * 7 .)
été désignée dans, son intérieur que sou? le prénom de
M argueritte. ,
. Ces registres de l’état civil ne seront pas plus concluans en faveur de la sœur aînée, quoiqu elle y ait été
désignée sousje nom de M argueritte, s il est vrai, qu’elle
a toujours’ été connue et distinguée so.up le nom de
Margoton.
Mais il est faux en p rin c ip e ,;jqu’ un long usage ne
puisse faire, la règle ; cette assertion serait contraire à
toutes les idées reçues,- admise^?par la loi B arban us
Philipp us : E rror comm uais fa c it ju s . L ’ usage , sans
d ou te, ne fera pas- perdre aux deux sœursr les noms
de baptême qu’elles on tjreçu s; mais l’usage les fera
reconnaître ii celui qu’elles ont adopté dans leur inté
rieur; personne n ’y sera Irom pé, et justice sera rendue,
puisqu’on est forcé de convenir de ce long usage.
Q u’importe maintenant que M argoton soit unej c o r
ruption du prénom M argueritte, que ce prénom tienne
à l’idiôine du pays, que celte dénomination soit patoise
et fam ilière, que les actes doivent être reçus en fr a n
çais ye\c.f etc.? Tous ces grands mots deviennent insignifians ; Margoton n’est pas patois ; c ’est une dériva
tio n , si l’on v e u t , du nom de M a r g u e r ite , mais c ’est
une manière de distinguer l ’individu , une cliose fré
quente et usitée dans les familles nombreuses ; lçs pré
noms sont de toutes les langues, et on ne se serait.(pns
avisé de demander la nullité d ’uu testam ent, si J e a n Louis G ib o n , avait institué M argoton son héritière.,
quoique tous les actes publics doivent être rédigés en
français.
, ’
8
�(
2 8
)
On conviertt’ etîéuif'e que la fille puînée Gibon,-a p u ,
dans l’usage familier , n’être pas dénom m ée M arieM argu§ritte, parce que ce double prénom aurait été
trop long à prononcer^ parce que M arie était le pré
nom d’ une autre d é ses scieurs ( l a dame Experton ) ,
et que le simple nom dé M argueritte la distinguait suf
fisamment de sa sœur appellée M argoton ; mais on
ajoute que ces dénominations ne sont bonnes que dans
les communications domestiques, et doivent disparaître
dans les actes publics,' où elles ne peuvent remplir le
m êm e objet.' •• V ' *
:
Il est donc vrai que l’aînée s’ appelait Margoton t
et la cadette Margueritte ,• com ment dès-lors cette dé
nomination ne remplirait-elle pas le mêm e objet dans
un acte public, que dans les communications fam i
lières? Q uoi! l’article 2148 du Code N ap o léo n , exige
impérieusement qu’on insère dans une inscription , le
nom et le prénom du débiteur, mais il ajoute de s u ite ,'
ou une désignation individuelle et spéciale, qui puisse
faire reconnaître et désigner l’individu.
Dans une inscription, qui tient à l’ordre public, où
iout est deTÎgneur j où la loi veut le prénom du débi-<
l e u r , elle se contente néanmoins, à défaut du prénom;
d’une désignation individuelle etspéciale qui fasse reconnaître le débiteur; e t, dans un testament où il est do
principe qu’on doit considérer plutôt la volonté que
les paro les, çolunt&tem potiusquam verba spectari,
une désignation spéciale ne serait pas suffisante pour
assurer le legs ou l’institution. M ais, où donc est la loi
qui commande de donner le véritable prénom dans
�( 29 )
un testament, à peine. de nullité; sur quels préjugés
peut-on appuyer une pareille assertion? L ’article 5 o
de l’ordohnance de 1 7 3 5 , qui règle la forme des ins
titutions, dans les pays où l’institution est nécessaire
pour la validité du testament, exige que tous ceux qui
ont droit de légitim e, soient institués, en les appelant
par leurs noms (il n'est pas question de p ré n o m ), ou
en Les désignant de telle manière que chacun d ’eu x y
soit compris. U ne désjgnation propre à faire reconnaître
l ’institué, remplit donc le but de la loi ; qu’on ouvre le
savant R icard , qui écrivait avant l’ordonnance, on y
lit n.° 85 a , «rque combien que l’institution ne soit pas
• spécifique, pourvu qu'elle contienne quelque dési• gnation particulière de ceux au profit desquels elle
« est faite, qu’elle ne laisse pas d ’être suffisante pour
«r la validité du testament*. D o m a t, liv. 3 , titre i . er,
sect. 6 , n .' 6 , cite un exemple qui va prouver encore
combien ce m otif du jugement est contraire à l’autorité
deslois,et à la doctrinedesauteurs. «-Si le testateur,dit-il,
• avait erré dans- le nom de son h é ritie r, le nommant
» Jacques pour J e a n , et qu’il y eût une autre personne
• du môme nom et surnom dont le testateur se serait
« servi, mais à qui les qualités qu’il considérait, pour
• le choix de son héritier, ne convinssent pas, ces mêmes
« circonstances d’am itié, de parenté, ou les autres qui
• pourraient distinguer celui qu’il a u r a i t voulu nom m er
r h éritier, le feraient préférer h celui qui ne se trou• verait nommé que par uno e r r e u r , contre l’inten• tion de ce testateur, et il en serait de m êm e d’une
« pareille erreur qui regarderait quelque légataire.
�( 3o )
S i quidem in nom ine, cognomine ¡prœnom.ine, agnomine legatarii testator erraverit càm de persona constat,
nihiiom inùs valet legatum. Idem que in hœrcdibus servaturet reciè, nomina enirn significando/am hominum
gratiâ reperta sunt : qui s i alio quolibet modo intelligantur n ih il interest , §. 29 , instit. de légat. Error
h u ju sm o d i n ih il officit veritati, loi 4 , c. de testant. S i
in persona legatarii designandi aliq u id erratum fu e r it,
constat auteni cu i legare voLuerit, perinde valet legatum^
ac s i niillus error intervenerit, 1. de prob. et demonstrad
L es dispositions concordantes de ces différentes lois
écartent sans replique les faux raisonnemens des pre
miers juges. Que signifie, par e x e m p le , cette circons
tance relevée avec so in , que les deux sœurs étaient
illitérées; que l'habitude de s’entendre appeler l ’une
M a rg oton , l ’autre M argueritte , pouvaient leur faire
croire qu’elles n’avaient pas d ’autre prénom , mais que
le frère qui savait lire et écrire ( c ’est une erreur : le
frère ne savait que signer), ne pouvait partager celte
erreur, ce n’est là que du remplissage; mais on en vient
au certificat de civism e, du 27 floréal an 2 , dans le
quel certains officiers m unicipaux, en dénommant le
frère et les deux sœurs G ib o n , appelent l’une d’elles
M a rie- M a rguerittc.
Com m ent Experton a-t-il osé faire usage d ’un cer
tificat de civism e, qui rappelle de si cruels souvenirs?
la seule nature de cet acte 11 aurait pas dû permettre
de le présenter à la justice; d ailleurs il n est pas du
fait de Margueritte G ib o n , ln jeu n e; il prouve seule
ment par son isolement, au milieu de plus de soixante
�<( 31 )
ans d’existence , que »ce prénom de M arie était abso
lument insolite, soit pour Margueritte G ib o n , soit pour
sa famille, soit pour les étrangers, soit enfin pour Experton lu i- m ê m e . qui a été l’agent de sa tante pendant
tout le tems que la succession de son frere a reposé
sur sa tête, et jusqu a l ’enlèvement de l’a rg e n t, qui a
rédigé tous ses actes, fait toutes ses inscriptions, sans
lui donner jamais d’autre nom que celui de M argue
ritte. A u surplus, on ne trouve pas mêm e sur les re
gistres de la municipalié , ce prétendu certificat de
civisme, et ce n ’était pas la peine de le tirer de la
sentine
Il
dégoûtante où il était plongé.
est assez com mode de dire que Jean-Louis G ib o n ,
en instituant M argueritte pour son héritière, a néces
sairement désigné l’aînée de ses deux sœurs ; c ’est
m ettre en fait ce qui est en question, et celte asser
tion s’accorde mal avec la certitud e, que l’aînée s’ap
pelait M argoton; ce dont on convient à chaque ligne.
Mais on ne peut présumer, d it-o n , la moindre pré•dileclion du testateur en faveur de la cadette, au pré
ju d ic e do l’aînée ; le mêm e lien les unissait, et dans
l’intimité où ils vivaien t, il ne pouvait y avoir d’autre
m o tif de p référen ce, que l’âge plus avancé de l ’un
des survivans.
S’il n’y ayait pas eu de prédilection, de la part du
testateur, il les eût instituées toutes deux, s il avait eu
une préférence pour la plus âg é e , il cu t nom m é M a rgoton , mais il n’a voulu nommer que M argueritte, et
la cadette no portait pas d’autre nom ; il l’a voulu
n om m er, parce q u ’il était reconnaissant de ses soinsj
�( 32 )
parce qu’elle était seule en état d’a g i r , parce qu’elle
faisait les affaires, tenait le m én age, et qu’elle seule
pouvait avoir soin de sa sœur infirme.
Les premiers juges ajoutent, que quand bien même
l’aînée des sœurs aurait pu croire que la cadette était
héritière, parce qu’on l’appelait simplement M argue
r it e , tandis qu’on l’appelait elle-même M argoton, une
pareille erreur ne pouvait lui préju dicier, non plus
q u ’à son héritier.
C ’ est convenir en termes p ré cis , que M argoton a
eu cette pensée , et n’a pas élevé ses vues jusqu’à
l ’hérédité de son frère; m ais, où a-t-on pris que l ’ap
probation d’un testament ne pouvait pas nuire à l’h é
ritier du sang; cette proposition serait démentie par
la disposition précise des lois, et les assertions les plus
positives de tous les docteurs du droit.
Plus loin les premiers juges décident que la preuve
testimoniale, offerte par l’ap p elan t, tend a détruire la
foi due à des actes publics; quelle absurdité! lorsque
cette preuve n’a d’autre o b je t, d’autre b u t , que de faire
valoir le testament, et faire exécuter les véiitables in fentionsdu testateur; mais ces faits seraient insignifians,
et ne prouveraient pas que Jean-Louis Gibon a eu l'in
tention d ’instituersa sœur cadet te. C ’est s’aveugler étran
gement , puisque Gibon offrait do prouver que son oncle
avait manifesté cette m êm e intention à son cu ré , à ses
omis, et n’avait jamais pensé qu’à sa sœur cadette.
L a représentation du testament imparfait est inutile,
dit-on. Experton convient de la teneur do te fragment
telle qu’elle est rappo, tée paiG ibon , il ne peut en lien
influer,
�( ;33 )
in flu e i, ni sur le testament de Jeriri - L ou is, ni sur le
dernier de la sœur ainéè. Ori traite.bien légèrement une
des circonstances les plué importantes de la cause; Si
Ce testament imparfait eût été déposéi; si E y r a u d ,
notaire,1 avait été entendu, ainsi que les témoins qui
le v a ie n t accom pagné, on aurait su qu’Experton avait
empêché sa tante de tester, d ’exprimer ses dernières
volontés.
■
i C e fait une fois é ta b li, Gibon aurait été fondé à de
m ander la nullité du testament postérieur, com m e étant
l ’effet.du dol, de la violence et de la fraude; il aurait
demandé q u ’Experton fût privé de la succession de
M argoton G ib o n , dont il s’est rendu indigne, en l’e m
pêchant de tester à son gré.
Cette indignité est prononcée par les lois romaines»
ff. liv. 2 9 ,tit. 5 , de h is qui aLiquem testari prohibuerit
vel toégerit\ lois qui de tout tems ont été admises dans
notre jurisp ru d en ce, suivant L e b ru n , traité des suc
cessions, liv. 3 , chap. 9 , n.° i 3 , Lacom be au mot m*
d ig n ité, n.° 8.
E t pour ajouter à ces motifs puissans, on aurait su
encore qu’E xperton, inquiet dans ses combinaisons,
craignant de la part de sa tante une révocation de son
testam ent, lui avait fait faire, le m êm e jour, ou plutôt
avait arraché de la faiblesse d ’une femme m ourante,
une donation entre-vifs pour se prémunir contre les
accidcns, dans le cas où sa tante Margoton viendrait
ii survivre.
Les autres motifsne sont qu’ une conséquence des pre
miers, dès qu'il paraît aux premiers juges qu’Experton
�( 34 )
a été institué héritier de Marguerite Gibon a în ée; que
celle-ci l'était de Jean-Louis Gibon son fr è r e , Experton
doit sans difficulté recueillir les deux hérédités; dès-lors
les oppositions des acquéreurs ou fe rm ie rs , celle de
G ibon , ne peuvent se soutenir; il faut tout donner à
E xp erto n , verser entre ses mains tous les fonds, tous
les deniers des deux-successions.
Etranges conséquences! vaines subtilités! Com m ent
a -t-o n pu se déterminer aussi légèrement à dépouiller
un héritier légitim e, pour enrichir un usurpateur, qui
dans toutes ses démarches a donné une juste opinion de
sa perversité; qui par ses perfidies et ses profondes com
binaisons a commis un délit d’un genre nou v e a u , et qui
ne saurait profiter à son auteur?
r,’.
Experton en imposait tellement devant le tribunal
où il exerce les fonctions d’a v o u é , que Gibon n ’a pu
trouver un défenseur dans la ville du P u y , et s’est vu
livré à ses propres forces. Mais le m o m e n t de la justice
est arrivé; e t c’est en la Cour que l'appelant est sur de
trouver une perpétuelle et constante volonté de rendre
à chacun ce qui lui appartient.
Signé G I B O N .
M. e P A G E S , ancien avocat.
M. e D E V È Z E , avoué-licencié.
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A R IOM , DE L ’IMP. D U P A LA IS , CHEZ J.-C. SA L LES.
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Gibon, Gilbert. 1810?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Gibon
Pagès
Devèze
Subject
The topic of the resource
captation d'héritage
testament nuncupatif
dentelle
textile
infirmes
certificats de civisme
confusion d'héritier
patois
surnoms
diminutifs
nom d'usage
nullité du testament
testaments
Description
An account of the resource
Titre complet : Précis pour sieur Gilbert Gibon, propriétaire et avocat, habitant du lieu du Cros-de-Georand, département de l'Ardèche, appelant d'un jugement rendu au tribunal civil du Puy, le 20 décembre 1809 ; contre sieur Jean-Baptiste Experton, avoué au tribunal du Puy, intimé.
Nota manuscrite : « Voir l'arrêt au journal des audiences, 1810, p. 382. »
Table Godemel : Testament : 11. dans le doute que peut présenter la volonté d’un testateur, faut-il rechercher et faire exécuter sa volonté ? pour reconnaître le véritable héritier institué entre deux personnes qu’on prétend l’être, l’une exclusivement à l’autre, faut-il considérer l’exécution que le testament a reçue, et le jugement qui a été porté dans la famille, dans le public et par celui qui contracte ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1810
1803-1810
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
34 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2009
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2010
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53379/BCU_Factums_G2009.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Cros-de-Géorand (07075)
Le Puy-en-Velay (43157)
Landos (43111)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
captation d'héritage
certificats de civisme
confusion d'héritier
dentelle
diminutifs
infirmes
nom d'usage
nullité du testament
patois
surnoms
Testament nuncupatif
testaments
textile
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53485/BCU_Factums_G2431.pdf
5cc80560c1b54c4c33d979e01276a6bf
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MEMOIRE
EN
P O U R le sieur
Ju lien
RÉPONSE,
J O U V A I N R O U X , propriétaire,
en qualité de père et légitime administrateur de
C
l a u d i n e
- F
JO U V A IN R O U X ,
l a v i e
sa f i l l e,
intim é
.
.
i •
CONTRE
1
~
L e sieur L o ui s L E G R O I N G j chevalier de ju stic e
de l ' Ordre de Saint-Jean de Jérusalem , chevalier
de l ' Ordre royal et
militaire de S a in t-L o u is
appelant.
sieur Jean -B aptiste, comte L e g r o i n g , maître
d ’une fortune q u ’il ne tenait p o i n t de sa fam ille,
L
e
n ’ayant pour héritiers naturels que des collatéraux,
a fa it, le 24 décembre 1 8 1 6 , un te s ta m e n t olographe.
�( 2 )
Ce testament contient une institution d ’héritier en
faveur de Claudine-Flavie Jouvainroux, alors âgée de
cinq ans. Ce jeune enfant est chargée de payer à sa
mère une pension viagère de 800 f r . , et de lui laisser
la jouissance de quelque mobilier.
Le testateur ne se borne point à remplir les forma
lités exigées par l ’article 970 du Code civil, pour
assurer la validité de ses dispositions ; toutes les pages
de son testament sont encore numérotées et signées par
l u i } il le met sous enveloppe 7 le cachète au sceau de
ses arm es, et écrit : « Ceci est mon testament olo« graphe,
déposé de confiance entre les mains de
]\ï- E spiaiasse „ n o taire- ro y a l, à C le r m o n t. — C e 2 4
« novembre
f8 i 6
». Il signe cette suscription.
Le sieur Legroing décède en août 18 17. Pendant
ces huit mois de survie > non seulement il ne montre
aucun regret, mais encore, le 17 mai suivant, il ac
quiert, au profit, de Claudine-Flavie Jouvainroux, une
propriété assez considérable j et bientôt après, craignant
que. ses volontés ne fussent pas pleinement exécutées,
il passe à cet enfant l ’ordre de différentes lettres de
changes dues par le chevalier, son frère.
Il était difficile de penser que ce testament serait
attaqué; jamais, en effet, la volonté d’un testateur
11’avait été plus régulièrement manifestée \ jamais l ’in
tention de persister- dans des dispositions faites avec
liberté, m’était re^sor^ d ’actes austsi positifs.
Aussi, aaidécC'S du comte, l’on put remarquer un
�( 3 5
contraste assez frappant dans la conduite de ses héri
tiers naturels.
i
L a dame chanoinesse Legroing, sa sœur, et le che
valier, son frère, étaient également appelés à lui suc
céder ab intestat. L a sœur a respecté les volontés
du comte : quoique réduite à une fortune modique ,
si on la met en comparaison avec celle du chevalier,
elle a pensé qu’il ne lui convenait pas de s’associer à
ce dernier, pour outrager la mémoire de celui q u ’elle
avait l ’habitude de respecter} elle a voulu conserver
intact l ’honneur de la fam ille, et ne point s’exposer
à rougir d ’une augmentation de fortune, q u ’elle n ’au
rait pu essayer d ’o b ten ir, qu ’en méprisant une vo
lonté qui lui -était con n ue, et en élevant une voix
sacrilège pour insulter aux mânes de son frère.
L e chevalier, au contraire, célibataire, comblé de
richesses, a cru devoir , dans l ’intérêt de la morale
publique ( \ ) , et pour resserrer les liens de la société
et d e s fa m ille s , attaquer ce testament, q u i, suivant
lu i, prouve Valiénation mentale ou Vabrutissement
de Vauteur. U n mémoire de 58 pages, signé par le
chevalier, distribué en première instance avec profusion
et sans nécessité, devait apprendre au public que le
comte, réputé par tous pour homme d ’ honneur, d’une
probité austère } sur dans ses principes, ami c h a u d ,
citoyen écla iré} sujet f i d è l e , était devenu l ’esclave
( i) T o u t ce qui est en caractères italiques est textuellem ent extrait
du Mémoire du chevalier.
�C4 )
d ’iine
f il l e
de
p e in e
cVune servante sans éducation ,
et qui ne possédait aucun des charmes de son sexe y
que , sexagénaire et malade j ce débile amant, dont
des attaques réitérées d ’apoplexie avaient paralysé
une partie de la bouche, et affaibli les ja m b e s, avait
cédé à la captation et à la suggestionne sa concubine
(qu i avait déjà, en sa faveur, un premier testament
authentique, du 28 avril 1807), pour écrire un tes
tament olographe, qui fait passer sa succession, à qui? à
Claudiue-Flavie Jouvainroux, enfant âgée de cinq ans,
que le chevalier suppose être la personne interposée
de sa mère.
Jouvainroux avait épousé F r a n
çoise Boudon. Cet homme adroit et rusé 3 convoite
Ma i s le sieur J u l ie n
les trésors de son maître j i l est le père p u ta tif
d ’une f i l l e q u ’il a eue de son mariage $ i l V instruit à
em ployer toutes les ruses qu i peuvent toucher un
'Vieillard im bécille ; et comme i l 11 avait ja m a is eu
personnellement aucune espèce de crédit sur l ’esprit
de son m aître, q u ’il mangeait même toujours à la
cuisine (1), et que la femme, en changeant de véteteuiens et d ’état} en se form ant une société nouvelle ,
en négligeant son maître et le laissant dans un état
d ’abandon 3 dont tous les voisins étaient indignés, en
fa isa n t des dettes } suite du lu x e auquel elle se l i
vra itj et qui excédait ses moyens a c tu e ls, avait in
disposé le comte qui manifestait sa colère par des
(1) Conclusions signifiées.
�( 5 )
im précations f o r t énergiques et q u ï l répétait avec
fo r c e ; Jouvainroux q u i, en outre, s’apercevait depuis
quelques tems que le com te L eg roin g tém oignait de
l ’hum eur et de la colère contre la m ère, q u ’il résistait
peut-être à fa ir e un testament en sa fa v e u r , lu i f i t
entendre q u ’il valait mieux faire porter le legs uni
versel sur sa fille que sur elle.
Mais A P R È S L E T E S T A M E N T O L O G R A P H E , JUSf/u’ ail décès
du co m te , on ne v o it p lu s q u ’ horreurs , menaces et
mauvais traitemens de la part de Jouvainroux............
d ’où le chevalier, induit que la violence a été jointe à
la captation et à la suggestion, pour arracher à la
faiblesse du comte, la disposition'testamentaire dont
il s’agit.
Il faut convenir que l ’a t t a q u e d u c hevalier ne p o u
vait présenter aucun m otif de crainte à l ’héritière d u
comte; les idées de captation et de suggestion , non
seulement devenaient invraisemblables , mais encore
s’évanouissaient entièrement, si on voulait les appli
quer à Jouvainroux et à son épouse; il était même
avoué que l ’un et l’autre avaient perdu toute leur
influence sur l ’esprit du testateur; de manière que la
captation et la suggestion étant reconnues l ’ouvrage
d ’un enfant de c i n q ans_, il était peu dangereux de ne
pas repondre aux plaintes du chevalier à cet égard.
Que dire également d ’actes de violences exercés après
le testam ent? N ’était-il pas é v i d e n t , d ’une part,
q u ’ils ne pouvaient être
impuiés à
Claudine-F lavie
Jouvainroux, seule partie dans la cause; et de l’autre,
�s’ils eussent existé, loin d ’être propres à obtenir les
dispositions testamentaires du comte, ne devaient-ils
pas, au contraire, le porter à les révoquer ou à les
anéantir ?
L e chevalier disait encore qüe le testament de son
frère était l ’ouvrage de la haine et de la colère ; mais
le rapprochement de différens passages de son Mémoire
prouvait que le comte et le chevalier, d ’un caractère
absolument opposé, ne pouvaient avoir une vive affec
tion l ’un pour l ’autre. L e com te, sur dans ses prin
cip es, alliant l'honneur à la fie r té } avait cru devoir
s ’expatrier et suivre le sort de nos princes. Il était
rentré dans sa p a t r i e ; mais sa s a n té é ta it a lté r é e 3 et
son humeur changée , ce qui était sans doute l'effet
d e ses longs voya g es, de ses souffrances, et des pertes
q u ’il avait éprouvées.
Le chevalier , au contraire , moins sûr dans ses
principes , tenant moins à d ’anciens souvenirs , et
appréciant mieux les avantages de la fortu n e, avait
rendu le fo j't Saint-Ange au conquérant de M alte. I l
suivit le vainqueur en E g y p te, et rentra en France
avec des cap itaux considérables , débris d'un service
a c t if et de ses spéculations maritimes, à l ’aide desquels
il acheta à son profit une partie des biens qui avaient
appartenu à sa fam ille, et se créa une existence plus
douce et plus indépendante que celle q u ’il pouvait
espérer avant la révolution.
'
‘
Cette différence de principes devait éloigner les
deux frères. L e comte no manifestait contre le chevn-
�( 7 )
lier ni Haine ni colère ; mais sa froideur et son indiffé
r e n c e , lorsqu’il en était question , pouvaient facilement
faire deviner quel sentiment il lui inspirait........
Ainsi le Mémoire du chevalier apprenait tout ce
qu’il était nécessaire de savoir pour apprécier sa de
mande : aussi le p u b lic , ses amis même l’avaient jugce.
avant qu ’elle fût présentée au tribunal de Clermont.
Il était dès-lors inutile d ’ajouter à ce que le sieur
Legroing avait écrit ; on pouvait, par reconnaissance,
ne pas lui demander compte de certains principes
légèrement avancés , et lui faire remise du ton de
supériorité et d’audace qu ’il avait pris clans sa défense j
dédaigner ses outrages, et mépriser même ses calomnies.
Le chevalier fut laissé à lui-même, l ’héritière du comte
garcla le silence,, et le t es t a m e n t f u t conf irmé.
Mais sur appel, le sieur Legroing réunit tons, ses,
moyens et renouvelle ses efforts. Il a fait un voyage à
Paris : il y a obtenu une consultation signée de cinq
jurisconsultes, qui lu i permettent d ’espérer de faire
annuller le jugement de Clermont. Fort de ces suffrages,
le chevalier jouit déjà de son triomphe, et il ne re, connaît pour amis que ceux qui le complimenlent à
l’avance sur le gain futur de son procès.
Il faut détruire cette illusion : l ’intérêt de la léga
taire du comte Legroing lui impose a u j o u r d ’ h u i le
devoir de publier sa défense. E lle aurait v o u l u ne point
rompre le silence j mais déjà sa r é s e r v e est présentée
comme l ’effet de la crainte. Ne
pouvant
plus se taire
sans d a n g e r, elle expliquera du moins avec modération
�( 8 )
es circonstances et les moyens de sa cause. Forte de
son d r o it , c’est au magistrat seul qu ’elle prétend
s’adresser. E lle doit dédaigner les vains efforts de l ’in
trigue, et mépriser les passions de certaines coteries,
q u ’à défaut d ’autres moyens le chevalier cherche à
exciter, et appelle à son aide.
/
F A IT S.
L e sieur comte Legroing avait épousé la dame
Demadeau; elle lui porta une grande fortune, et lui
assura des reprises considérables en cas de survie.
L e c o m te émi gr a : tous le§ biens provenus de son
père furent soumissionnés et ven d u s, de manière qu ’à
son retour de l ’émigration, qui eut lieu en 1804, il
ne lui restait d’autres ressources que de faire liquider
les reprises q u ’il avait sur la succession de la dame
son épouse. Ces reprises, réunies à quelques sommes
peu considérables provenues de la succession de sa
mère, composent toute la fortune du comte.
A u retour de l ’émigration, le comte Legroing vint
dans la maison paternelle : l ’état de sa santé exjgeait
un service continuel 5 sa mère, qui l ’ a v ai t a c c u e illi avec
bonté, le confia aux soins de Françoise B ou d on , dont
les qualités lui étaient oonnuesj depuis, cette do
mestique ne l ’a plus quitté.
Le chevalier était à Malte en 1798 : il rendit le
fort Saint-Ange, où. il avait l’ honneur de commanderj
«’embarqua sur l’escadre du vainqueur 5 assista à
�( 9 )
l ’expédition d ’E g y p t e , et revint en France comblé des
dons de la fortune, et honoré secrètement, d it-o n , de
la faveur de son nouveau maître.
Dès leur première entrevue, les deux frères purent
se juger*, le comte Legroing crut s’apercevoir que le
chevalier s’éloignait un peu des principes q u ’il jugeait
ne pouvoir être abandonnés sans d é s h o n n e u r - , il v it,
sans l ’envier, mais peut-être avec pein e, l ’état d ’opu
lence de son frère. On apercevait, en effet, dans leur
position , un contraste si p a rfa it, qu ’il eût été difficile
de deviner q u ’ils avaient servi sous les mêmes dra
peaux, et combattu pour la même cause.
Le chevalier, de son c ô té , pouvait par fois être
blessé de la fierté de son frère. Au tems où il vivait,
sa fidélité à ses anciens
souvenirs d e v a i t ¿-tonner celui
qui savait avec art se plier aux circonstances.
Le
comte n’était plus q u ’un censeur chagrin et incommode :
le chevalier dut s’en éloigner et ne plus penser q u ’à
utiliser les capitaux que son séjour chez Vétranger et
un service a c tif lui avaient procuré.
L e chevalier s’entremit dans les affaires de la fa
mille : il est inutile d ’examiner s’il agit dans ses in
térêts ou dans celui de ses proches ; mais l ’on doit
remarquer que cette circonstance ne fit q u ’augmenter
le refroidissement des deux frères, et que bientôt ils
cessèrent de se rechercher et de se voir.
Le comte avait pris un logement particulier5 il y
habita pendant trois ans : b o r n é à la société intime
de quelques personnes, il ne s o r t a i t de sa maison que
�pour rendre fréquemment ses devoirs, à sa respectable
mère.
Cependant la santé du comte était altérée; son
état d ’infirmité l ’alarmait. Dans cette position, il
crut, devoir disposer de ses biens : en conséquence, il
f[t, le 8 avril 1807, un testament par acte public;,
[)ar lequel il donna à Françoise B oudon, sa. gouver
nante, la propriété de tous les biens meubles et im
meubles dont il mourrait vêtu, et saisi. Ce-testam ent,
très-régulier en sa forme, fut
reçu par Me Cailhe ,
notaire R io m , en présence de quatre témoins.
Cependant le comte sentait la nécessité de se pro
curer q u e l q u e s distract ions et de se créer un genre de
v.ie plus conforme à ses goûts. Il fut se fixer à» Clerm o n t ,. où il avait beaucoup de connaissances , et
çomptait. quelques amis; il y fréquenta plusieurs
maisons quix l ’accueillirent avec égards et am itié , et
fi.tj ijienje long-tems partie d’une société connue à
Çlermont sous la dénomination de Salon delà Poterne.
lin 1 8 1 1 , Frajiçoise Boudon fut recherchée en
niftriçtge«par Julien Jouvainroux; cet homme, né dans
u»p classeï industrieuse et utile de la. société, était
alo^s sacrjstajn,de; latcathédrale; la surveillance et la
conservation, des orneinens et des trésors de l ’église
lui étaient confiées; son honnêteté, sa fidélité à remplir
ses devoirs, et ses vertus modestes lui avaient concilié
l’estime et; la., confiance des ecclésiastiques dont il
dépendait, d e:mnnièrc que le comte Legroing dut voir
avec satisfaction) une union
qui
lui promettait de
�( lï )
nouveàux secours, et q u i , d ’ailleurs, était devenue
indispensable.
L e mariage est du 17 septembre 18 11. ClaudineFlavie Jouvainroux est née le 4 mars 1 8 1 2 , et a été
présentée à l ’officier de l ’état civil par son père, qui
a signé son acte de naissance.
Cette enfant devint bientôt l ’objet de l'affection du
comte. La douce symphatie qui existe entre l ’enfance '
et la vieillesse, les rendit nécessaires l ’un à l ’autre ;
les jeux et les caresses de Flavie charmaient les ennuis
et calmaient les souffrances du vieillard. Les petits
cadeaux et les empressemens de ce dernier captivaient
h. leur tour la légèreté de l ’enfant, qui ne quittait
plus .ton bon ami y le séclitisait à ehacjue instant dll
jour par de nouvellés preuves d ’attachem ent, se joi
gnait h ceux qui lüi prodiguaient des secours, et
appaisait, par ses énipressemeris et ses innocentes pré
venances , les plaintes et les emportemens que la
douleur pouvait lui arracher. C ’est ainsi que Flavie
devint, par les qualités aimables de son âge, si chère
au comte Legroing, q u ’il l’a présentait comme son
héritière à tous ses amis et îi toutes ses connaissances;
ne dissimulait ni l’attachemént q u ’il avait pour elle,
ni la sollicitude dont elle était l ’objet, et ne se plai
gnait des pertes q u ’il avait éprouvées et des dépenses
que nécessitait son état de maladie, q iic parce q u ’il
craignait ne pouvoir assurer à c e t t e enfant une existence
aussi douce qu ’il l ’aurait désiré.
Le testament du comte est du 24 décembre 181G.
�( 13 )
Claudine-Flavie est la seule personne qui occupe sa
pensce; il l ’institue son héritière universelle, et ne
lui impose d ’autre charge que celle de payer à sa
mère une pension alimentaire de 800 francs, et de
lui laisser la jouissance de quelque m obilier; i l ré
voque, au r e s t e t o u s testamens anciens, et même
tous codicilles.
Ainsi l ’institution d ’héritier, de 1807, est complète
ment anéantie, et Françoise Boudon ne reçoit, dans
ce dernier testament, que la récompense due à ses
longs servicesL a forme de ce testament est également remarquable.
L article 970 du Gode civil fuit dépendre la v a l i d i t é
des testamens olographes de l ’accomplissement de for
malités extrêmement simples; la disposition, la signa
tu re, et la date écrite de la main du testateur, sont
les trois seules choses nécessaires et exigées; mais le
comte Legroin g, se complaisant dans son ouvrage, et
voulant donner à sa volonté un caractère d’authenticité
qui lui fut propre, ajoute à la volonté de la lo i; ainsi
toutes les pages de son testament seront numérotées et
signées par lui ; cet acte se trouvera sous une enveloppe
cachetée au sceau des armes du testateur, et déposé
dans l ’étude d ’un notaire, avec cette suscription datée
et signee: « Ceci est mon testament, déposé de confiance
« entre les mains de M. Espinasse, notaire royal à
« Clerm ont-Ferrand, le 2/, décembre 181G. »
La suggestion et la captation, sur-tout la violence,
exigent-elles des soins aussi minutieux pour la coufec-
�9 3
( .3 )
tion des actes arrachés aux malheureùx q u ’elles dé
pouillent...... ? Non : presque toujours la contrainte sé
décèle par l ’omission de quelques formalités essen
tielles.
Mais poursuivons : ce testament n ’était q u ’un acte
de précaution. L e comte Legroing, familiarisé avec
ses m aux, et accoutumé à souffrir, espérait encore
vivre assez long-tems pour assurer la fortuné de son
héritière de prédilection, en réalisant en immeubles
les capitaux q u ’il lui destinait 5 il paraît même que
ce projet aurait été promptement *et pleinement exé
cuté , si le comte avait encore vécu quelques années ,
et si, sur-tout, il eût pu être certain de la rentrée
prochaine cle fonds considérables prêtés avec générosité
mais dont le recouvrement devenait
difficile.
L e 17 mai 1 8 1 7 , c’est-à-dire, cinq mois après le
testament olographe, déposé chez Me Espinasse , le
comte L e g ro in g , Julien Jouvainroux et Françoise
Boudon, son épouse, stipulant pour F la v ie , le u r f ille ,
acquièrent de Marien C ou steix, différens immeubles
situés a Laroche-Blanche, moyennant la somme de
33 ,Goo francs. Cet acte assure ¿1 F la vie la nue pro
p riété de ces im m eubles, moyennant 20,000 fr a n c s/
le comte doit en avoir la jouissance ¿a vie durant ;
et le p r ix de cet usufruit entre dans la vcnie pour
1 3 , 6 oo francs.
Cet acte manifeste bien é v i d e m m e n t la volonté il il
comte. Comment résister aux inductions qui s’en
déduisent naturellement? D ’abord on no cl ira point
‘v
�0 4 )
q u ’il a été arraché par la suggestion, la captation ou
la violence. L a nature de l ’acte repousse.cette idée;
ensuite, s’il n ’eut pas été consenti librem ent, Jouvainroux et sa femme seraient seuls acquéreurs ; ils
n ’auraient point acquis pou r le compte de F la v ie , et
M. Legroing ne se serait pas réservé Vusufruit des biens
compris dans cette acquisition.
Il est évident que la même voloulé qui avait dicté
le testament du 24 décembre, a présidé à la- vente
du 17 m ai; le comte Legroing ne fait rien dans les
intérêts de Jouvainroux et de son épouse; il acquiert
pour J^lavie 3 leur f i l l e . Dans ses intentions, l ’ u s u f r u i t
des biens ne d o it p o i n t leur a p p a r t e n i r , il s 'en réserve
la jo u issa n ce, et y met un p rix, qui prouve q u ’il
conservait l ’espérance d ’élever, et peut-être d ’établir
lui-même cette enfant. Enfin, Jouvainroux et sa femme
ne sont rien dans la pensée du comte; Flavie est la
seule personne dont il s’occupe; elle seule sera pro
priétaire lorsque son usufruit aura cessé.
Peu de tems après, les infirmités du comte devinrent,
plus graves : une maladie cruelle, des plaies q u i s’élaicnt formées aux jambes et qui
exigeaient
des pan-
scineus aussi multipliés que douloureux, rendirent les
soins de plusieurs médecins nécessaires, et obligèrent
d ’appeler une garde-malade. MM. Monestier, Voiret et
Blatin lui donnèrent successivement , et ensemble ,
leurs soins; ils l ’ont vu jusqu’à sa mort. L a nommée
Terrasse, gerde-malade, n’a point, quitté le chevet de
son lit. Les uns el les autres ont éié témoins de l ’af-
«
�( >5 )
fection du comte pour Flavie; il la désignait constam
ment comme son héritière ; recommandait la plti£
stricte économie, et se lo u a it, d ’ailleurs, des soins et
des services de ceux qui l ’entouraient.
F l a v i e était, en effet, 'constamment présente à la
pensée du comte. Les douleurs les plus vives ne pou
vaient le distraire de cette idée unique qui le m aî
trisait entièrement, et q u i, parfois, l’aidait à supporter
ses maux. S’il s’agissait de cette e n fa n t, il devenait
soupçonneux et défiant; les précautions q u ’il avait
prises pour lui assurer sa fortune, lui paraissaient, par
fois, insuffisantes; il aurait désiré pouvoir imprimer
à chacun dés objets qui devaient composer sa succession,
un signe tellement ineffaçable, q u ’ilr fut propre à les
faire reconnaître par tous, c o m m e apj-ïartenant: à son
héritière, et à rendre toute soustraction impossible.
L e comte Legroing était créancier de son frère d'une
somme àssei considérable : il était porteur de tiois
lettres de change; il ne voulut point en laisser la
disposition au sieur Jouvainroux. Se défiait-il de lui?
Avait-il le pressentiment que lés circonstances pourraient.'
lui faire désirer d ’acheter la paix au prix de quelques
sacrifices...... ? Quoi q u ’il en soit, il signala ces effets,
et en passa l ’ordre h Claudinc-Flavie.
Cette précaution du comte sera-t-elle aussi regardee
comme l’effet de la suggestion et de la violence ? Mais
quel avantage présentait-elle à Jouvainroux et à sa
fem m e.....? F ile n ’ajoutait rien à 1» force de la dis->
position faite par le com te, en faveur de Flavie; Îe
�( i6 )
testament était suffisant pour la rendre propriétaire
de la succession, et en exclure le chevalier*, le comte
n ’avait donc, en écrivant cet ordre, d’autre but que
celui d ’assurer la propriété de Flavie contre ses propres
parens, et d ’ôter u ces derniers la possibilité d ’abuser
du dépôt que la loi leur confiait. Les père et mère de
Flavie n ’ont pu désirer cet acte : il est évident q u ’ils
n ’ont point employé la suggestion et la violence contre
leurs propres intérêts; il est aussi certain que le testa
m ent, la vente et les ordres émanent de la même per
sonne, ne forment, pour ainsi dire, q u ’un seul acte, dont
l’objet est d ’assurer à F la v ie s e u le , et au détriment
de ses ascendans 3 la propriété des biens du c omte .
Comment d onc p our r ai t -o n diviser u n ensemble de
faits si propres à manifester une volonté libre et éclairée?
Ne prouve-t-il pas, au contraire, de la part du testa
te u r,
une
anéantit
à
persévérance dans
ses dispositions, qui
l ’avance les reproches de captation et de
violence que le chevalier a osé articuler?
A u mois d ’août, l’état du comte Legroing était
devenu
plus inquiétant; sa maladie avait
fait des
progrès rapides; il était livré à des souffrances cruelles;
il eut recours aux douces consolations de la religion.
MM. C aban e, curé des Carmes, et M o u lh o t, vicaire
de Notre-Dame-du-Port, étaient venus constamment
le voir pendant les 1 5 derniers jour de sa maladie ; il
s’entretenait avec l ’un d ’eux au moins deux fois par
jo u r; il remplit tous ses devoirs avec une respectueuse
soumission, çt mourut en chrétien résigné. Les mal
�heureux espérait peut-être que samémoire serait honorée,
ou q u ’au moins ses héritiers se respecteraient assez
eux-mêmes pour ne pas attaquer les dispositions d ’un
frère auquel, depuis long-tems, ils étaient devenus
étrangers.
Flavie ne pouvait apprécier combien était grande la
perte q u ’elle venait de faire ; cependant ses regrets
furent amers. Mais Jouvainroux et sa femme sentirent
ce q u ’ils devaient à la mémoire du comte. Ses obsèques
furent magnifiques ; sa dépouille mortelle repose dans
un terrain acquis par Jouvainroux, et consacré à con
server le souvenir du bienfaiteur de Flavie.
Les faits principaux qui ont entouré le testament
du comte Legroing étant connus, il convient de tracer
rapidement l ’esquisse de la p r o c é d u r e , d ’i n d i q u e r la
marche tenue par le chevalier, et de mettre sous les
yeux de la C ou r les dispositions du jugement qui a
rejeté ses prétentions.
On a dit que le comte était mort le i 3 août 1 8 1 7 ,
c’est-à-dire huit mois après la confection et le dépôt de
son testament.
L e 1 4 , M® Espinasse, notaire, assisté du
sieur
Julien
Jouvainroux, présenta ce testament à M. le président
du tribunal civil de C lerm on t, qui dressa procès-vcrbal
de son ouverture et de sa forme e x t é r i e u r e , e t rendit
une ordonnance qui en continua le dépôt chez le no
taire Espinasse.
Il a fallu parler de celte
circonstance
pour détruire
les allégations que le chevalier Legroing a osé se per-
3
�svp
(' 18 )
mettre clans son mémoire imprimé (pages 24?
et 2^)Suivant lu i, le testament a été déposé par Jouvainroux
seul; donc il est demeuré, contre la volonté du comte,
possesseur de cet acte important jusqu’au décès de ce
dernier. La signature de M. le président n’est pas suf
fisante pour le rassurer sur la sincérité d’un renvoi qui
indique Me Espinasse comme étant celui qui a présenté
le testament, « parce q u ’on n ’ignore pas ce qui se passe
« à l ’hotel, lorsqu’on vient demander des signatures.
« On présente ordinairement une foule d ’actes rédigés
«■la veille ou le jour même; le président, qui en a
« connaissance,
signe avec confiance , apostille les
« r e n v o i s sa n s a u t r e m e n t y
r e g a r d e r ............. »
Que répondre à une pareille imputation consignée
dans un Mémoire signifié, et que l ’on a osé faire ré
péter dans une consultation?......... E lle est fausse : le
magistrat respectable et éclairé auquel elle était adressée
a cru devoir la dédaigner; et l’héritière du comte ne
doit plus s’en occuper que pour manifester ses regrets
d’avoir été privée, par ce fait, de l ’autorité q u ’aurait
pu ajouter au jugement q u ’elle a obtenu, le suffrage
de M. le président, qui crut devoir
s’ abst eni r.
Le i 5 août, le sieur Jouvainroux, tuteur de Flavie,
lit apposer les scellés sur le mobilier du défunt.
Le 19 , le chevalier Legroing forma opposition à la
rémotion.
U ne ordonnance du
août 1817 avait envoyé le
sieur Jouvainroux en possession des biens ayant appar
tenu au comte Legroing, conformément aux art. 1006
«
�V
( *9 )
et 1008 du Code civil. L a rémotion dös scellés avait
eu lieu , et l'inventaire était même presqu’achevé ,
lorsque le chevalier crut pouvoir prétendre que le mo
bilier d evait'lui être remis, comme héritier naturel,
sauf à le représenter, et déclara q u ’il formait opposition
à l ’ordonnance du 2 3 août.
Une ordonnance rendue en référé, le 2 6 , donna
au chevalier acte de son opposition, et renvoya à l ’au
dience du 27 pour y être statué.
Le chevalier présenta alors une requête où , sans
préciser aucuns faits, il soutint que le testament était
n u l, comme étant l ’eifet de la captation, de la vio
lence,’ de l ’obsession, du d ol, et fait ab ircito. 11 de
manda en conséquence à être envoyé provisoirement en
possession 5 mais le j u g e m e n t d u 27 le déclare non
recevable dans son opposition à l ’ordonnance du a 3 5
maintient, en conséquence, l’envoi en possession pro
noncé en faveur de Jouvainroux, et ordonne q u ’au
fonds les parties procéderont en la manière ordinaire.
Bientôt le chevalier
fait signifier et publier un
mémoire.
Suivant lui ,
i°.L e testament est fait ob irato : il est l ’ouvrage de ■
la haine et de la colère \
20 II est l’ouvrage de la captation et de la suggestion
de la part d ’une concubine.
Pas un seul mot de la v i o l e n c e comme cause de
nullité du testament; ce moyen n ’a même jamais été
présenté au tribunal de Clerm ont, et ne l’est pas
f
�( 20 )
encore dans les consultations distribuées en la Cour.
Ce mémoire est suivi d ’une requête signifiée le 28
mars 1818.
Le chevalier y demande la nullité du testament de
son irère, sous un double point de v u e ,
1" Comme fait en faveur d ’ une f i l l e naturelle du
sieur comte Legroing et -de Françoise Boudon,
sa
gouvernante, laquelle f i l l e naturelle ne s t pas légalement reconnue, et ne p e u t, à ce titr e , espérer que
des alimens;
20 Com me fait ab irato,
co n tre
sa
fa m ille ,
et
comme étant l ’effet de l ’obsession, de la captation et
de
la
s u g g e s t i o n d e la . p a r t d e
JU LIEN
F ra n ço ise
boudon
e t de
JO U V A IN R O U X .
Passant ensuite à la preuve de ces propositions, il
soutient que C laudin a-F la vie Jouvainroux est née du
concubinage de la dame Jouvainroux avec le comte
Legroing.
Parce qu e, i° il est prouvé (suivant lui) que Fran
çoise Boudon est devenue enceinte une première fois,
en 18065 que son enfant, nommée Joséphine, a été re
connue par le comte Legroing, tant dans son acte de
naissance que dans celui de décès;
20 Que Françoise Boudon a continué de cohabiter
avec son m aître, et de vivre avec lu i, soit à Riom ,
soit à C le rm o n t, notoirement et publiquement en
concubinage 5
3 ° Que Françoise Boudon est devenue enceinte une
deuxième fois en 18115 que sa grossesse était de plus
�( 21 )
de trois mois, lorsque M . Legroing a p ig é à propos
de la marier avec Julien Jouvainroux. Q u e, conséquemment, Claudine-Flavie est le fruit du concubi
nage ; ce qui est, au surplus, confirmé par la présomption
de la loi, suivant la maxime : A n cilla m prœgnantem
in dubio vid eri prœgnantem à domino m axim e ;
4 ° Que ces faits se trouvent justifiés par les circons
tances de cohabitation du mari et de la femme avec le
comte,
Par la différence q u ’il mettait entre e u x, faisant
manger la femme avec lu i, et le mari à la cuisine-, par
les soins q u ’il avait pour Flavie : il l ’appelait habi
tuellement sa fille , et celle-ci lui répondait en lui
d o n n a n t le n om de papa.
Enfin, par la tendresse que le comte avait pour cette
enfant. « E lle était si grande, que lorsqu’il s’élevait
« des querelles entre lui et les Jouvainroux, ce qui
« arrivait souvent 3 on le menaçait de lui ôter la petite
« Flavie, pour l ’appaiser et obtenir dé lui tout ce q u ’on
« désirait. »
E n conséquence, le chevalier conclut à ce que C lau
dine-Flavie Jouvainroux soit déclarée enfant naturel
non reconnu du comte Legroing; à ce que l ’institution
contenue au testament du 24 décembre 1 81 6 , et te
donation indirecte faite par la vente du 17 mai 1817,
ainsi que la donation indirecte r é s u l t a n t des ordres
qui se trouvent au dos des lettres de change souscrites
par le chevalier, soient annullées; à ce que toute la
succession lui soient remise, s’en rapportant d’ailleurs
�• f(
22 )
à la prudence du tribunal sur la quotité de la pension
alimentaire qui doit être accordée à C laudin e-F lavie.
Il faut convenir que le chevalier ne pouvait créer
un système qui outrageât plus ouvertement les mœurs
et la dignité du mariage. Ainsi c’est vainement que
les rapports qui existent entre le père et l ’enfant sont
liés à l ’institution la plus sainte et consacrée par les
lois les plus positives : un étranger, mu par un vil
intérêt, peut, en invoquant les. mœurs, troubler le
repos des familles, tenter de détruire l ’état d ’un enfant
légitime, pour le classer parmi les enfans naturels non
reconnus; e t, se jouant de la religion et des lois, les
i n v o q u e r p o u r d ét ru ir e ce q u ’elles ont de pl us sacre,
à l’eiFet de se rendre maître de la succession d ’un frère
dont il ne craint point de flétrir la mémoire.
Tel était cependant le moyen principal employé par
le chevalier en première instance. Les faits de capta
tion et de suggestion, ceux même q u i, suivant l ui ,
tendaient à prouver que le testament du comte avait
été dicté par la colère, n ’étaient articulés que subsidiaireinent.
Les voici :
i u Françoise Boudon a vécu en concubinage avec le
sieur Lcgroing depuis q u ’elle est entrée à son service;
2° A compter de cette époque, elle a mis tous ses
soins pour séparer et éloigner son maître de toute sa
famille. F ile et son mari ont em pêché toute commu
nication avec son frère, ses parens et ses amis ;
3 " F ile avait inspiré à son maître une telle haine
�9*3
( ’3 )
contre ses proches, et notamment contre~le chevalier,
que lorsque le nommé Ghantelot emporta, dans le
mois de juillet 1 81 7 , 8000 francs, de la part du che
valier, à-compte de ce q u ’il lui devait, le comte refusa
de les recevoir, en désavouant le chevalier pour son
frère, et en tenant contre lui les propos les plus inju
rieux ;
4° Que le chevalier s’étant présenté chez le comte,
le 12 du même mois de ju ille t, pour régler ses comptes
avec lui et lui payer une partie de ce q u ’il lui devait,
il ne p ut pas parvenir ju s q u ’ à lu i; q u ’il fut en con
séquence obligé d ’avoir recours à des tiers, et spécia
lement à un jurisconsulte de C le rm o n t, qui se trans
le c o m t e , rédigea la quittance des sommes
q u ’il recevait, et du mo de de p a i e m e n t de ce q u i res
tait d û ; que ce jurisconsulte lui ayant fait lecture de
po rt a chez
cette quittance, dans laquelle il lui faisait dire q u ’il
avait reçu telle somme de son frère, il se mit en fu
reu r, se leva sur son séant, quoique dans un état qui
le privait, en quelque sorte, de tout mouvement; dit
que le chevalier n ’était pas son frère, vomit contre lui
toute espèce d’injure , et ne consentit à signer la
quittance, que lorsque le jurisconsulte présent, qui
l ’avait rédigée, «ut rayé ces mois : Mon frère ;
5 ° La dame Jouvainroux était toujours présente
toutes les Ibis q u ’il arrivait quelques personnes auprès
de son maître. Lorsqu’elle sortait, elle l ’enfermait sous
clef, pour q u ’il y eût impossibilité de sortir ou de
communiquer avec qui que ce fût;
�Fvo
( H )
6° E lle a souvent maltraité son m aître, qui a fait
entendre ses plaintes, et se mêttait à la fenêtre , en
criant au secours! à Vassassin! que ses cris ont attiré
les voisins, le p ub lic, et même la police;
7° Q u ’elle s’emparait des lettres qui venaient de la
fa m ille , et spécialement du chevalier, pour que son
maître n ’en eût aucune connaissance; et q u ’une de
ces lettres a été trouvée dans la commode de la dame
Jouvainroux, lors du proccs-verbal du juge de paix ;
8° Que le comte était absolument dans la dépenda nce de' sa domestique-gouvèrnante, qui s’était em
parée de tous ses biens et facultés, et que le comte
é ta i t t o m b é dans u n é t at de faiblesse et d ’ i mb éc il li tC
tel, q u ’il ne lui restait ni volonté, ni discernement.
L e vague et l ’insuffisance de ces faits se laissent
facilement apercevoir : aucune circonstance n ’y est
déterminée; ils sont d ’ailleurs anéantis par le rappro
chement que l ’on peut en faire des faits connus et
constans au procès.
Les premiers juges les ont appréciés; ils ont examiné
cette cause dans son ensemble et dans tous ses détails.
Il convient de faire connaître leur jugement. }
P remière question : en la forme ;
L e testament du comte L egroin g est-il valable?
A tten d u q u e , conform ém ent à l ’article n eu f cent soixante-dix du
Code c iv il, il a <He écrit en entier, daté et signé de la main du testateur;
que la loi ne l ’assujétissait à aucune autre form alité ; qu ’il n’est môme
pas attaqué en ce point.
D euxièm e question : au fond ;
L e comte L egroing avait-il capacité pour disposer par tostament?
�(
25 )
A ttendu q û e , d'après l ’article n eu f cent deux du Code c iv il, toutes
personnes peuvent disposer, par testa m en t, excepté celles que la loi en
déclare incapables ;
A ttendu que le comte Legroing n’était dans aucun des cas de l'article
guatre cent quatre-vingt n eu f du Code civ il ; qu’il est m ort iiitegri
statds, et que son testament même prouve qu ’il était sain d’esprit.
Troisième question.
L e comte Legroing a-t-il pu disposer de l ’universalité de ses Liens?
A ttendu que le comte L egroing n’avait ni ascendans ni descendans ;
Q u ’a in si, et aux termes de l ’article n eu f cent seize du Code c iv il, ses
dispositions testamentaires ont pu épuiser la totalité de ses biens.
Q uatrièm e question.
L e comte Legroing a -t-il fait son testament par colère et en haine do
sa fam ille ?
A tten d u q u e , quoique le Code civil ne dise rien du cas où un testa
m ent serait attaqué pour cette cause, il faudrait examiner s’ il peut
encore y avoir lieu à l ’action en n u llité admise par l'ancienne jurispru
dence , dans q u e l q u e s - u n s de c e s c a s ;
Mais attendu q u e , quand les faits allégués par le dem andeur seraient
é ta b lis, il n’en résulterait aucune preuve que ce testament a été reflet
de la haine et de la colère du comte L egroing contre sa fum ille, ou ,
pour m ieux d ir e , contfe le dem andeur ; car la dame L e g ro in g , leur
sœ u r, a pensé qu’elle n’avait pas le droit de s’en plaindre.
Ces faits de haine et de colère seraient :
L e p rem ier, un rëfus de la part du comte L egroing de recevoir une
somme de huit m ille francs, que le dem andeur lui aurait envoyée par
le sieur C lia n telo t, le premier ju illet m il h u it cent d ix -sep t, et d’avoir
accompagné Ce refus d’injures contre le demandeur.
L e dem andeur ne dit pas quelles furent ces injures , ni le m otif dû
refus.
L e deuxièm e fait serait que le dem andeur s’étant
p ré s e n té
Iui-mômc,
le douze du mémo m ois, chez son frè re, pour r é g i« 'ses comptes et
payer une partie de ce q u ’ il lu i d e v a it, il ne put pas parvenir jusqu’il
!«»•
L e dem andeur ne dit pas non p lu s pourquoi et par qui il fut empêché
de parvenir jusqu’à son frère,
4
�L e troisième fait est que le dem andeur ayant alors invité un juris
consulte à porter pour lui la somme à. son frère, de rédiger la quittance,
et de régler le mode du paiement de ce qui resterait dû , et le jurisconsulte
ayant fait lecture de la quittance au comte L e g r o in g , celu i-ci se m it
en fu re u r, parce qu ’il y était dit que le chevalier Legroing était son
frère; il vom it contre lui toutes sortes d’in ju res, et ne signa la q u it
tance que lorsque le jurisconsulte eut rayé les mots : M on frère.
L e dem andeur a laissé également ignorer quelles furent ces injures ,
/
et cependant il serait possible que les expressions du comte L egroing ne
fussent pas reconnues injurieuses ; le dem andeur aurait pu regarder
comme injures quelques paroles seulem ent désobligeantes , qu ’un mo
ment d’hum eur ou le m écontentem ent aurait pu p ro d u ire, sans que le
coeur du comte L egroing y prît aucune part.
A u surplus, les frères L egroing auraient pu vivre en m ésintelligence r
ne pas s’aimer ; mais entre la haine et l ’amitié il y a tant d’autres sentim e n s q u i n e t r o u l i l c n t n i l'esprit n i la r a i s o n , q u i ne s o n t n i de la
haine ni de la colère !
E t s i , par de semblables motifs , il était possible d ’annuller les testamens faits au préjudice des collatérau x, il serait presque inu tile d’en
faire.
Enfin , et cette observation serait seule décisive sur ce point :
'A ttendu que le testament dont il s'agit est du vingt-quatre décembre
m il huit cent s e iz e , et que les fa its de colère et de haine allégués ne
seraient que du mois de ju ille t mil huit cent d ix - s e p t;
Q u ’a in s i, ils n ’auraient pas pu influer sur des dispositions testa
mentaires fa ite s sept mois avant leur existence.
Cinquièm e question.
Si ce testament n’a pas élé l ’effet de la haine et de .la co lerc, a-t-il
été celui de la captation et de la suggestion ?
il'
A tten d u que U\s moyens de captation et de suggestion sont comme
ceux de hnine et de coli-rc , méconnus par le Code c iv il; q u e, néanm oins,
s'il en existait, il faudrait encore examiner .aussi s’ils peuvent encore
fonder l’action en nullité, d’ un testament: olographe ;
Mais attendu qu’ il serait ridicule de prétendre qu'un enfant de cinq
ans a employé lu r u se , l'artifice, la mauvaise f o i , lés insinuations per
fides, pour tromper le comte L e g ro in g , lui rendre sa fam ille odieuse,
�V
)
le faire changer de volonté, et surprendre, en sa faveur, des dispositions
qu’il aurait eu l ’intention de faire en faveur du dem andeur;
A ttendu qu’il n'est pas vraisemblable que la force d’esp rit, la fierté
du caractère du comte Legroing aient jamais cédé aux volontés de Fran
çoise B o u d o n , au point sur-tout de faire ce q u ’il n’aurait pas voulu
faire ;
Q u ’il n’est pas presumable que la femme Jouvainroux eût tenté ce
triom phe; elle eût cra in t, sans d ou te, de déplaire à son m aître, et
m ême de l ’offenser ; s’il eût pensé qu ’elle vonlait le dom iner, elle eût
craint
d'achever de perdre une confiance déjà tant affaiblie par son
mariage ;
A ttendu , q u ’en supposant même que la femme Jouvainronx eût
quelque pouvoir sur l ’esprit de son maître , il n'est pas vraisemblable
qu’ elle Veût em ployé pour fa ir e exercer envers sa f i lle une libéralité
qu'elle eut désiré conserver en vertu du testament de m il huit cent sept >
ou fa ir e renouveler pour elle ;
,
A ttendu qu ’il e s t, au contraire , tout naturel de croire que c’ est par ses
caresses , par ses assiduités, par s e s s o in s , e x c i t a s peut-âtre par de petits
cadeaux que l ’âge mûr et la vieillesse ont coutum e de faire à l ’en fan ce,
que Claudine-Flavie a o b te n u , sans le savoir ni le d ésirer, cette marque
de sensibilité , d ’affection et de toute la bienveillance du comte L egro in g ;
q u e , ce dernier a pu penser qu’il ne devait aucun témoignage d’aflcction
ni de reconnaissance au chevalier Legroing , son frère , q u i , célibataire
comme l u i , ne transmettrait qu’à des étrangers ou à des collatéraux
éloignés les biens qu’ il lui laisserait ;
A ttendu q u e , comme le disent les auteurs, le testament olographe
est celui qui dépose avec plus de sûreté de la volonté du testateur;
A ttendu que les précautions surérogatoires que le comte Legroing a
prises pour assurer et conserver saine et entière l ’existence du sien, en le
cotant, et signant à chaque page , et en le mettant sous une enveloppe
cachetée au sceau de scs arm es, avec une inscription
sa main ;
Q ue la facilité qu’ il avait de révoquer d’un
é c r ite
m om ent
et signee de
à l’autre ces dis
positions, d’en faire de nouvelles, ou de n ’en pas laire du tout , et dç
c o n fie r
l’écrit de sa dernière volonté, soit à un des médecins qui lui
prodiguaient des soins pour prolonger ses jo u r s , soit ¿1 un des ministres
�c
( »8 )
q u i lu i portaient souvent les consolations de la religion, et le préparaient
à bien m o u rir, soit à toute autre personne qu ’il aurait choisie pour eu
être le dépositaire, fa cilité q u i, comme le dit R ica r d } a v a itfa it établir,
comme m a x im e indubitable au palais , que les fa its de suggestion n'é
taient pas recevables contre un testamen t olographe ;
Q u e , Vacquisition qui fu t faite au nom de C laudine-Flavic Jouv a in r o u x , le dix-sept mai m il h u it cent d ix -se p t, environ cinq mois
après le testam ent,
Q u e l ’ordre passé par le comte L e g r o in g , en sa faveur , sur lçs effets
de commerce à lu i consentis ;
Q ue le silence du comte L e g r o in g , ou p lu tôt sa persévérance pendant
les huit mois qui s’écoulèrent entre le testament et son d écès,
P ro u ve n t, d ’une m anière incontestable, que le comte L egroin g u ’a
été subjugué par personne ; qu’ il n’a cédé ni à l ’obsession ni aux solli
citations ; qu’ il n’ a été entraîné par aucune volonté étrangère ;
Q u il
h'u
a g i ( ju e p a r
l ’ im p u ls io n d e so n c œ u r d ’ a p r is
s e s s e f lt i m e n S
et ses affections personnelles.
L e dem andeur a lui-m êm e reconnu les affections du com te pour
F la v ie , en disant : « Q u e , quand le comte avait des momens de colère
« et d ’ im patience, elle allait se jeter dans ses b ras, et que ce petit
« manège calm ait sur-le-cham p le maître em porté. »
L e choix de F lavie pour son héritière a donc été l ’effet de sa volonté
lib r e , ferme et constante.
A ttendu que l’ acte qui le renferme , contient la preuve aussi que le
comte Legroing l ’a fait avec réflexion et tranquillité d ’esprit et de raison ;
Q ue l’ordre mis par le comte L egroin g sur les effets de com m erce,
n’a sans doute été imagine par lui , que pour conserver 1« valeur de ces
effets à C la u d in c-F la v ie , et em pêcher que son père et sa mère pussent
les lui soustraire, «t s’en approprier le montant.
l) ’où s’en suivrait une nouvelle preuve que rien n’a été fait ni suggéré
par la femme Jouvainroux , ni par son mari.
E t une observation qui ne laisse aucun doute à cet égard , c’est que
le dem andeur est lui-m ônic convenu que la mère de F lavie n’u v a it, h
l’époque du testam ent, aucune influence sur l’esprit de son m nître, en
disant : « Q u e , depuis quelque tems avant ce testam ent, le comte
t Legroing témoignait de l'hum eur et de la colère contre elle. »
�( =9 )
'A tte n d u q u e , quand il serait vrai que le comte Legroing se fût
procuré un modèle pour rem plir les formes d u testament qu ’il voulait
fa ire , cette circonstance serait absolum ent insignifiante, et ne pourrait
pas autoriser la critique des dispositions ;
Q ue d’officiers publics ont souvent recours aux formulaires !
Sixièm e question.
Claudine-Flavie Jouvainroux était-elle capable de rece v o ir, par testa
ment , le legs universel que lui a fait le comte Legroing ?
A ttendu q u e , d’après l ’article n e u f cent six du C o d e , il su ffit, pour
être capable de recevoir par testam en t, d ’être conçu au décès du tes
tateur ;
E t attendu qu’au décès du comte L e g r o in g , C laudine-Flavie Jou
vainroux était âgée de près de six ans ;
A tten d u que C laudine-Flavie Jo u va in ro u x, née le cent soixanteonzième jour du mariage de Françoise Boudon sa mère et de Julien
Jo u vain ro u x, ne peut pas être considérée comme enfant naturel du
c o m te L e g r o in g ;
Q ue le mariage fait présum er que Jouvainroux était l’nnteur de la
grossesse de Françoise B o u d o n , avec l ’intention réciproque de s’unir
par le mariage ;
Q ue le dem andeur n’a pas été exact dans sa citation de la maxime
suivie dans l ’ancienne ju risp ru d en ce, et justement abolie par nos lois
nouvelles ; en voici les termes : Crcditur virgini ju ra n ti se ah aliquo
cognitam et e x eo prœgnantcm.
E lle n’établissait, comme l ’a prétendu le dem andeur, aucune pré
somption , pas même les soupçons contre le m a ître , sur l ’état de la
grossesse de sa servante ; et le serment qu ’était obligée de faire la fille
en cein te, avait seulement l ’cflet de faire contraindre celui qu’elle avait
déclaré l ’auteur de sa grossesse, à lu i payer une somme modique pour
frais de gésine.
Q ue la présomption que Jouvainroux était l ’auteur de la grossesse de
Françoise Boudon , c'est q u ’au lieu de désavouer V evfun t, c’est Jou
vainroux lui-m êm e q u i l'a f a it inscrire
s u r
h registre de l ’état c iv il ,
comme étant son enfant d'avec Françoise B ou don, et qui en a signé
l'a cte ;
E t q u e , d’après les articles trois cent dix-neuf et trois cent vingt du
�( 3o )
Code c iv il, cet acte seul eût suffi pour constituer Claudine-Flavie ênfant
légitim e d u dit Jouvainroux ;
Q ue C laudine-Flavie a en outre obtenu la possession d’état d ’enfant
légitim e de Jouvainroux , par tous les faits que l ’article trois cent vingtun du Code désire ,
Puisqu’elle a toujours été regardée comme te lle , soit par sa fa m ille ,
soit par le public ;
Q u ’elle en a toujours porté le nom , et que Jouvainroux l’a toujours
traitée comme son enfant.
A ttendu q u e, d’après l’article trois cent v in g t, cette possession aurait
elle-m êm e suffi pour constituer cet état ;
A ttend u q u e , d’après l ’article trois cent vingt-deu x, nu l ne peut
contester l ’état de celui qui a une possession conforme à son titre de
naissance ;
Q u ’ainsi il n’est pas permis d’examiner com m ent Françoise Boudon a
v é c u a v a n t so n m a r ia g e ;
Q u ’ainsi il n’est pas permis d’alléguer que C laud in e-F lavie est le fruit
d ’un concubinage de sa mère avec le comte L egroing ;
Q ue la loi ne reconnaît même pas de concubinage après le mariage ;
Q ue le commerce illicite d’ une épouse avec tout autre que son ép oux,
est qualifié adultère ;
E t que le mari a seul droit de s’en plaindre.
A ttendu que l ’article trois cent tren te-n eu f du C o d e , qui autorise
tous ceux qui auraient intérêt à contester toute reconnaissance de la
part du père et de la mère , ne s’applique qu’aux enfans nés hors
mariage ;
,
Q ue toutes les dispositions qui composent la section 2“ du chapitre
des enfans naturels, et particulièrem ent celles de l’article trois cent
trente-sept, sont positives à cet égard ;
Q u ’ainsi la disposition universelle eut pu être valablem ent faite en
faveur de la fem m e, après le mariage ;
Q u ’ainsi l’on ne peut considérer C laudin e-F lavie Jouvainroux comme
personne interposée pour faire passer la libéralité sur la tête de sa inere.
Eh ! pourquoi aurait-on conçu celte idée plulAt en faveur de la mère
qu ’en faveur du père ? et cependant l’on n’ allègue aucune iucopacitü
contre le père..
�( 3i )
Comment concevoir aussi qu ’un en fa n t, q u i, dans l ’ordre de la n a tu re,
¿Levait survivre à ses père et m è re , eût etc choisi pour leu r transmettre
une libéralité?
Q u ’ainsi, et quand on supposerait que le maître ne peut pas faire un
legs universel à son domestique , l ’état de domesticité de la mère n’ in
fluerait en rien sur les dispositions testamentaires faites en faveur de
Claudine-Flavic Jouvainroux ;
Q ue l ’article m ille vingt-trois du C ode permettant de disposer en
faveur d’un dom estique, et ne lim itant pas la disposition, elle peut
s’étendre pour l u i , comme en faveur de toute autre personne non
prohibée ;
Q u ’ainsi la raison, la m orale, l ’honnêteté p u b liq u e , la sainteté du
m ariage, l ’ordre s o c ia l, le repos et la tranquillité des familles sont ici
en harmonie avec la loi pour assurer à C laudin e-F lavie Jouvainroux son
état d’enfant légitim e et le legs qu’elle a reçu ;
A ttendu que les faits allégués par le dem andeur sont ou vagues ou
insignifians, et ne seraient pas suffisans pour fonder l ’ action en nullité
d u te s ta m e n t ;
Q u ’ainsi la preuve offerte est non recevable et inadmissible , d ’après
la maxime : Frustrà probatur quod probatum non relevât.
L e tr ib u n a l, sans s’arrêter
à
la preuve offerte par le dem andeur,
ni
avoir égard à la demande en nullité par lui fo rm ée, le déboule de
toutes
ses
demandes, et reçoit les parties de Bayle opposantes
à
l ’ordon
nance obtenue par le dem andeur, partie de Pages; fait m ain-levée de
la surseance, et ordonne qu’ elle demeurera sans effet; leur fait m ain
levée des saisies-arrêts faites à la requête du dem andeur ; met hors de
cause sur les autres demandes des parties de B ayle, et condamne celle
de Pagês aux dépens ; et attendu que la partie de Bayle est fondée en
titres, ordonne que le
présent
jugem ent sera exccule provisoirem ent,
nonobstant et sans préjudice de l ’ a p p el, et sans qu’ il soit besoin de
donner caution.
X
■ '
?
■
L ’appel interjeté par le chevalier Legroing a soumis
les questions que présente cette cause,.et le jugement
Je
Clerm ont, à l ’examen de la Cour.
�( 3= )
D ISC U SSIO N .
L ’exposition du fait a déjà donné tous les élémens
nécessaires pour apprécier les prétentions du sieur
chevalier Legroing.
Que demande-t-il ?
L a nullité de toutes les dispositions directes ou in
directes faites par le comte Legroing, son frère, en
faveur de Claudine-Flavie Jouvainroux. Le testament
du 24 décembre 1 81 6 , la vente du 17 mai 1 8 1 7 ,
et
les ordres passés en faveur de Flavie , des lettres de
change dues par le chevalier, sont à-la-fois et égale
ment attaqués par lui.
Il convient que le testament est régulier en sa forme;
que le comte pouvait disposer de l ’universalité de ses
biens.
Quels sont donc ses moyens ?
Il répond :
i ° Q u e Claudine-Flavie Jouvainroux était incapable
de recevoir une institution du comte Legroing, parce
q u ’elle est son enfant naturel non reconnu, et q u ’en
cette qualité elle n ’avait droit q u ’à des alimens ;
20 Que le comte Legroing lui-même était incapable
de donner, parce q u ’il était en état d ’imbécillité ;
3 ° Que le testament du comte a été fait ab irato,
et en haine do ses proches, notamment de lui chevalier,
et que cette haine a été inspirée au comte par les
manœuvres de Jouvainroux et de sa femme;
%
�( 33 )
4 ° E n fin , que ce testam ent, et les actes qui l ’ont
suivi, ont été arrachés à la faiblesse du comte, par
l ’obsession, la suggestion, la captation, et même la
violence, également pratiquées ou exercées^par les père
et mère de Claudine-Flavie Jouvainroux.
Les moyens employés par le sieur chevalier Legroing
tracent naturellement l ’ordre de la défense de l ’héiitière du comte; elle doit les examiner successivement,
mais elle ne fera q u ’indiquer sés m oyens, et tâchera
de les resserrer dans le cadre le plus étroit.
Claudine-Flavie Jouvainroux était-elle incapable
de recevoir ?
Pour faire admettre l ’affirmative, il faudrait que le
chevalier Legroing put prouver :
Q u ’il est reeevable à a t t a q u e r l ’état d ’enfant légi
time de Claudine-Flavie Jouvainroux, état cjui est
établi et lui est assuré, soit par son acte de naissance,
soit par sa possession ;
Il faudrait q u ’il eût la faculté de substituer un état
incertaiu à un état acquis;
Q u ’il pût faire descendre un enfant légitime dans
la classe des enfans naturels, et prouver même que
Claudine-Flavie est l’enfant naturel du comte ; car
sans cette condition elle aurait été également capable
de recevoir.
Il faudrait enfin que le chevalier put , pour servir
ses intérêts, faire tout ce que les lois défendent, tout
ce que la religion et les moeurs réprouvent; q u ’il pût
outrager la dignité du mariage, détruire les rapports
5
�( 34 )
qui existent entre les enfans et les pères, rompre enfin
les liens les plus sacrés de la société.
Il est inutile d’insister sur le premier m oyen; il ne
doit rester dans la cause que pour apprendre q u ’il n ’est
rien de respectable aux yeux de celui q u ’un vil intérêt
aveugle; que, quels que soient d’ailleurs son rang, ses
lumières et sa réputation, l ’ambition peut l ’égarer,
jusqu’au point de lui faire manquer aux devoirs les
plus saints, en l ’obligeant à soutenir un système scan
daleux , que tous les amis de l ’ordre doivent repousser,
et q u ’il rejetterait lui-même avec une noble indigna
tion , si les passions qui l ’égarent lui permettaient d ’en
calculer les conséquences.
L e C o m te e tcn t - i l i n c a p a b l e cle d o n n e r ?
L e chevalier déduit cette incapacité de l ’état d ’im
bécillité de son frère; il ne cote aucun fait propre à
prouver son assertion : il se contente d’alléguer que le
comte était tombé dans un état de faiblesse et d ’imbé
cillité, tel q u ’il ne lui restait ni volonté ni discernement.
Quels sont les principes?
L a première condition pour la validité d ’un testa
ment est que le testateur soit sain d ’esprit (Code c i v i l ,
art 901).
Ce principe général, commun à tons les actes, à
tous les contrats, e s t , pour les testamens et donations,
iine disposition spéciale qui les régit particulièrement,;
de manière que l’article 5o 4 du Code 11e leur est point
applicable;
q u ’ils sont spécialement régis par l ’ar
ticle 901; et q u ’en conséquence ceux qui veulent at-
«
�/ ô û / ï,
( 33 )
laquer
un testament peuvent articuler et être admis
à prouver tous les faits qui sont de nature à établir
que le testateur dont l ’interdiction n’avait pas été
prononcée de son vivant, n ’était pas sain d ’esprit à
l ’époque du testament. Cette preuve est même admise,
quoique les notaires aient inséré dans l ’acte la clause
inutile que le testateur était sain d ’esprit ( i).
Mais pour pouvoir user de cette faculté, il faut
alléguer et prouver des faits de démence positifs et
concluans, parce que la présomption est toujours en
fa'veur de l’acte, et que la démence ne se présume ja
mais. Ce principe est si certain, que la Cour de cas
sation, par arrêt du 18 octobre 1809,
a jugé que
l ’dge a va n cé d u d on a teu r, l ’o u b li de sa f a m ille ,
l ’im portance d u le g s , la q u a lité p e u élevée d u d o
nataire , ne suffisaient pas pour faire décider que le
donateur n’était pas sain d ’esprit. Il s’agissait du tes
tament du sieur Leguerney de Sourdeval, qui avait
été jugé valable par la Cour royale de C aen; le testa
teur était âgé de quatre-vingt-six ans : ses légataires
universels étaient ses dom estiques , et les biens légués
excédaient
i
, 5 o o , ooq francs ( a ) . U n arrêt de la Cour
royale de Paris, du 26 mai 1 8 1 5 , a consacré ces prin
cipes en termes même plus absolus, et a maintenu le
testament du sieur Debermont, quoique le testateur
\
(1) Arrêt de cassation, du 22 novembre 1 8 1 0 . — Conclusions de
M. Merlin.— S i r c y , 1 8 1 1 , pag. 7 3 .
(2) Sircy, 1810, page $7.— Denevers, 1809, page/J^-
�(36)
eut été pourvu d ’un conseil, et que l ’on alléguât des
faits qui tendaient à prouver qu e, depuis 1788 jus
q u ’au 21 février 1809, il était dans un état habituel
de démence, facile à reconnaître par l'affaiblissement
de ses organes, son défaut de mémoire, et la facilité
de lui suggérer des opinions qui auraient pu compro
mettre sa fortune et sa liberté (1).
Ces principes s’appliquent spécialement aux testamens rapportés par des notaires; mais si le testament
est olographe, la présomption de sagesse augmente;,
elle est toute entière en faveur du testateur*, qui prend
le soin d ’écrire ses dernières volontés : dans ce cas, il
faut que le testament fasse naître par lui-même des
soupçons de faiblesse et d ’égarement d ’esprit; autre
m ent, il doit être respecté.
Tels sont les principes : sont-ils favorables aux pré
tentions du chevalier...... ?
D ’abord , il n’allègue aucun fait dont la preuve puisse
être ordonnée. L ’état de faiblesse d ’esprit et d ’imbé
cillité de son frère, aurait du se manifester par des
signes propres à le caractériser et à le faire reconnaître;
le chevalier n’arlicule rien , et cependant ses recherches
oiit été faites avec trop de soin, trop d ’ardeur et de
passion peut-être, pour que l ’on puisse supposer que
tous les faits ne sont point parvenus à sa connaissance.
Mais que pourrait-il prouver? L a solidité d ’esprit
du testateur n ’est-elle pas connue?
( 1) S iro y, 1 8 1 G, 2 e p artie, page a 38.
'
�fO ù ï
( 37 )
Au retour de rém igration, il liquide les reprises
qu’il pouvait avoir sur les biens de la dame son
cpouse; il en conserve seul l ’administration, jusqu’à
l ’instant de son décès; surveille ses nombreux débiteurs,
et écrit lui-même aux gens d ’affaire chargés de ses in
térêts , pour stimuler leur zèle ou leur indiquer la
marche q u ’ils ont à tenir.
E n 1807, il veut disposer de ses biens : un testament
fait par acte public, les transmet à Françoise Boudon,
sa gouvernante; il persiste dans cette disposition jus
q u ’en 181 G; mais , à cette époque , ses affections
changent d ’objet; sa volonté se manifeste de nouveau;
un testament olographe indique Claudine-Flavie .Touvainroux pour l ’ héritière du comte : une vente vient
b i e n t ô t après a ppr end re q u ’il persiste d an s cette vo
lonté, et il donne une dernière preuve de sa p r é vo y an c e,
en passant , au profit de son héritière, l ’ordre d«
certains effets, dont il pouvait craindre le mauvais
emploi.
Ces faits rendent toute autre explication superflue;
le comte pouvait disposer; son testament émane d’une
volonté éclairée; ainsi, l’étrange allégation du chevalier
est dénuée de fondement, et les conséquences s’en
rétorquent contre lui.
L e testament d u co m te a - t - i l é t é f a i t a b i r a t o ,
et en haine de ses proches ^ notamment du chevalier
L eg ro in g ?— Cette haine a-t-elle é té inspirée au com te
^ b
”
par les manœuvres de Jouvainroux et “ e sa fem m e?
On sait que les coutumes reconnaissaient un moyen
�( 38 )
d ’attaquer les testamens lorsqu’ils étaient faits en Iiainc
des présomptifs héritiers; l ’aversion générale des cou
tumes pour
les donations, avait
fait imaginer
ce
m oye n , à l ’exemple de la querelle d ’inofficiosité inventée
par les préteurs ro m ains, en faveur des enfans oubliés
ou prétérits dans l e te sta m en t de
l e u r s ascendans,
ou même exhérédés injustement. On appelait disposi
tions ab ir a to , celles qui étaient faites entre-vifs ou
par te s t a m e n t , par une personne injustem ent irritée
contre u n ea u tre; et action ab ir a to , la demande formée
pour annuller cette disposition. Tous ceux q u i se livrent
à. l ’étude des lois savent aussi que cette action faisait
naître une foule de procès scandaleux, dont la décision,
par la nature même
de
la d e m a n d e , était presque
nécessairement arbitraire.
L e C o d e garde le silence sur cette ac tio n , et de ce
que l ’article du projet q ui portait que la loi n ’admet
point la p r e u v e , que la disposition n ’a été faite que
par haine, colère, suggestion et cap tatio n, a été omise,
en faudrait-il
conclure que l ’action ab ir a to , do'ive
continuer d ’être
admise ? Bien
évidemment non :
puisque d ’ un côté, le Code permet les testamens ,|sans
permettre aux juges de créer d ’autres nullités que
celles qui existent dans la l o i , et que de l ’a u t r e , la loi
du
3o
ventôse an 12 abroge les coutumes q ui a u t o
risaient l ’action ab irato.
Dirait-on que celui dont les dispositions sont déter
minées par la haine et la colère, n’est pas sain d*esprit^
et que l ’article 901 exige celle co n d iti o n , po u r que la
�/Û
( 39 )
donation ou le testament soit valable? Mais doit-on y
en jurisprudence, rechercher la moralité des actions?
Le testament du célèbre lieutenant civil le Cam us,
fut annullé en 1712 , comme dicté par la haine et la
colère; qui aurait osé dire que ce magistrat, qui fu t ,
ju s q u ’à sa m o rt, l ’oracle le plus sûr de la justice, dans
la capitale du royaum e, n’était pas néanmoins sain
d ’esprit? On doit dire, avec M. Toullier, q u ’annuller
un testament, sous un prétexte aussi visiblement faux,
ce serait imiter les préteurs romains, q u i, dans l'im
puissance de faire des lois nouvelles, imaginèrent la
querelle d’inofiiciosité, sur le prétexte reconnu faux
par les jurisconsultes, que le testateur 11’était pas sain
d ’esprit.
pourrait-elle être
intentée? Appartiendrait-elle aux collatéraux, en fa
D ' a i l l e u r s , par q u i
c et t e ac t io n
veur de qui la loi ne fait point de réserve...? Faudraitil que les motifs de haine fussent écrits dans l ’acte ?
Quels caractères devraient avoir les faits, pour servir
de base à l ’action? De quelle manière la haine devraitelle être prouvéee— ?
Plus on réfléchira, plus on louera la sagesse du lé
gislateur, qui a écarté cette action de notre jurispru
dence (1).
Les arrêts des Cours sont conformes à ces idées. Trois
arrêts, l ’un du 3 i août 1810, de la Cour royale de
Limoges, l’autre du 16 janvier 1808, de la Cour royale
(1) Toullier, tome 5 , pages 7 1 4 et suiv.
�( 4o )
d ’A ix , et le troisième, du 2 5 juillet 18 16 , de la Cour
royale de L y o n , jugent uniformément que l ’action ah
irato n’est pas formellement conservée par le C o d e ,
q u ’elle ne peut être exercée que comme suite du prin
cipe q u ’il faut être sain d ’esprit pour disposer ; que la
disposition est valable, quoique faite par une personne
en c o l è r e si cet état ne lui a pas ôté la liberté d ’esprit
et atténué sa raison ; q u ’enfin , il faudrait que la haine
et la colère eussent été assez fortes pour occasionner
l ’aliénation des facultés intellectuelles du testateur (1).
Ces principes pourraient rendre inutile l ’examen
des faits. L e chevalier n ’avait autun droit à la succes
sion de son frère; e t , dans l ’ancienne jurisprudence,
1 action ab irato n ’ ét ai t admise cjii’cn f av eur des descendans en ligne directe (1).
D ’un autre côté,
le
testament ne laisse apercevoir aucun m otif de haine;
il est écrit avec sagesse; le chevalier Legroing n’y est
pas même nommé : comment
donc pourrait-il se
plaindre d ’un acte où le testateur ne s’est pas occupé
de lui ?
Mais le système d ’attaque, adopté par le chevalier
Legroing, repousse l’action q u ’il a intentée. Il a soutenu
que le comte avait une vive affection pour ClaudineFlavie Jouvainroux; c’est cette affection qui lui a fait
dire que Claudine-Flavie était la fille naturelle du
(i)Sir<*y, tome 10,
partie,page 5 a i ;torné i l , a* partie, page f\Qi ;
tome 17, a* partie, page i 3 .j.
(a)
Ricard, partie i r% cliap.
3,
section i 4 *
�comte; ce sont les preuves de cette affection, que le
chevalier voulait employer pour ôter à Claudine-Flavie
son état d ’enfant légitime. Les tribunaux ne peuvent*
point admettre ce genre de preuve, que la loi repousse;
mais les assertions du chevalier demeurent, pour ap-,
prendre que le comte avait pour Claudine-Flavie Une
préférence si marquée, q u ’il ne peut être permis de
s’étonner q u ’il ait voulu être son bienfaiteur.
Pourquoi donc chercher de la haine, là où il est
prouvé que l ’affection a dicté le testament ? Quelle est
la loi qui oblige de disposer en faveur d ’un parent in
différent, au préjudice de l ’étranger que l ’on préfère?
Comment serait-il perm is, sur-tout à un collatéral,
d ’outrager la mémoire d’un parent décédé, pour spo
lier l ’ héritière de son c h o i x ?
Mais encore il serait peu important que le testament
du comte eut été dicté par la haine, si elle avait été
conçue par le disposant lu i- m ê m e ,, et si elle était
fondée sur ses idées personnelles. Ce sentiment aurait
pu diriger sa volonté , sans que pour cela le chevalier
eût une action, parce q u ’en matière de testament, la
volonté assurée du disposant fait loi.
Si l'on supposait cette haine, qui oserait décider
qu ’elle fût injuste? qui oserait indiquer le caractère
q u ’elle devrait avoir, pour servir de base à.une action?
qui oserait enfin imposer à un testateur l ’obligation
de choisir, pour son héritier, celui q u ’il aurait sujet
de haïr?
Les faits ont appris que le
6
com te
et le chevalier son
�( 4a )
Irène devaient vivre dans une espèce d’éloignem etit;Le
niémoirè du chevalier donne les raisons qui pouvaient
légitimer la froideur du comte envers lu i; la différence
de lèivr conduite dans des tems difficiles; l ’entremise
du chevalier dans les affaires de la fam ille, pour de
venir le propriétaire des débris d ’une fortune, auxquels
lé comte croyait avoir des droits; une foule de nuances
q u ’ il ne peut être permis d ’indiquer : tout devait
l'aire désirer au comte de vivre éloigné de son frère.
Lorsque sa mémoire lui rappelait certaines circons
tances, il pouvait même se livrer U quelques emportemens:
1
.
,
s
^ Mills q u ’a de co m mu n cette haine avec Cl au d in e-
Flavie Jouvainroux? Ce n ’est point elle qui l ’a excitée;
on ne peut pas plus justement prétendre q u ’elle serait
** -
\f
'
l ’ouvrage de ses père et m ère, puisque le testament
qui institue Claudine-Flavie héritière du com te, ré
voque l ’institution fa ite , en 1807, en faveur de la
dame
Jouyainroux.
On
pourrait
donc
croire que
ce dernier testament a été fait non point en haine du
sieur chevalier"LegrQing, qui n ’avait pas un seul ins
tant été appelé à la sucqession de son frère, mais bien
en haine de celle que le comte
a v a it
honorée d ’une
institution, q u ’ uu changement d ’affection lui a ensuite
fait anéantir.
Q u e penser d ’ailleurs d ’une action ah ir a lo , intentée
contre un testament fait en 1 8 1 6 , et dont les causes
remonteraient à une époque antérieure à 1 8 0 7 ? ....
�( 43 )
JJi5Si l ’on examine les faits cotés par le chevalier,
quel eifet peuvent-ils produire?
Peut-on supposer que Françoise Boudon ait eu assea
d ’influence sur le, comte pour l ’éloigner de toute sa
fam ille?f
' •'
^ ■
Mais le chevalier convient, dans son mémoire, que
son frère avait eu des relations avec tous ses parens; il
convient q u ’il est accouru pour rendre ses devoirs à sa "
respectable mère , lorsqu’elle devint sérieusement ma
lade; q u ’il se montra’ pénétré, et donna des marques
de sensibilité dans ces dernières et touchantes en
trevues.
n ’est donc-point" contre sa famille q u ’il avait de
la haine : aussi la dame chanoinesse Legroing iie'se
plaint pas d ’avoir inspiré cet odieux sentiment à sou
frère.
•
L e décès de la dame Legroing mère est du 12 juillet
1 8 1 6 ; le testament est du 24 décembre suivant : il n ’a
donc eu lieu q u ’après une entrevufc assez touchante,
pour changer les intentions du com te, si sa volonté
n’eut été aussi ferme q u ’irrévocable.
Sous un autre point de v u e , de quelle importance
peuvent être les faits qui ont eu lieu en 1817 ? N ’est-il
pas insignifiant que le comte ait refusé *dé recevoir une
somme plus ou moins considérable des main s de Chantelot? q u ’il ait montré plus ou moins d ’impatience au
jurisconsulte qui lui présentait une quittance à signer?
tous ces faits seraient au moins personnels au testateur.
11 pouvait arriver que cette circonstance lui rappelât
�( 44 )
certains souvenirs peu favorables au chevalier; mais au
moins cette colère ne lui était inspirée par personne :
c ’était la
présence des intermédiaires
du
chevalier
qui l’excitait , et elle ne peut être regardée comme
suggérée par Jouvainroux ou son épouse. D ’ailleurs ces
faits étant postérieurs au testament et aux autres dis
positions du comte,
ne pourraient influer sur sa
validité.
Mais le chevalier n ’avait pu être admis auprès de
son frère! Une lettre écrite par lui n ’a point été-lue ;
elle n’a même pas été remise! Q u ’importerait à la
cause? Le sieur Legroing serait-il en état de prouver
que son frère désirait de le vo i r ; que les domestiques
s’étaient opposés à leur entrevue ; q u ’ils avaient sous
trait les lettres du chevalier, pour lui créer des torts
auprès de son frèré?
L e chevalier ne peut répondre affirmativement à
aucune de ces questions : tous ceux qui connaissaient
les deux frères savaient q u ’ils vivaient dans un éloi
gnement absolu, que le comte ne craignait point de
manifester. Les explications q u ’il a eues avec Chantelot
et le jurisconsulte chargé de la confiance du chevalier,
prouvent invinciblement que la présence de ce dernier
ne pouvait lui être agréable. Pourquoi donc rejeter
sur le compte de Jouvainroux et de sa femme la haine
dont il s’est plaint? Ces derniers devaient-ils faire vio
lence à la volonté de leur m aître, et le contraindre h
recevoir le chevalier, ou à lire ses lettres?...... Non; le
chevalier est réduit à se demander compte à lui-même
�( 45 )
d ’un sentiment dont les motifs lui sont connus. Il a
dédaigné l ’indifférence de son frère , tout le tems
q u ’elle n ’a pu lui être désavantageuse. Comment oset-il aujourd’ hui en faire reproche à sa mémoire, et
s’en créer un moyen pour arracher un bienfait q u i,
dans tous les cas, ne lui aurait été refusé, que parce
que le disposant l ’en aurait jugé indigne?
E n f a it , le testament du comte est une preuve de
son affection pour Claudine-Flavie ; il
ne montre
aucune haine contre le chevalier : son indifférence pour
lui a toujours été la même. Si le testament de 1816
est fait ab irato contre quelqu’un , c’est contre la
dame Jouvainroux.
du chevalier? Ce sentiment
est né des idées personnelles que le comte p o u v a i t avoir
sur son frère. Les faits qui peuvent l ’indiquer seraient
S e r a i t - i l fait on haine
postérieurs au testament. Ils ne peuvent donc influer
sur sa validité, ni être imputés à Jouvainroux et h
son épouse.
�I ( A V'
( 46 )
; . .
•
‘
L e testament et les actes r/ui l ’ ont suivi ont-ils été
arrachés p ar suggestion et captation ?—^L e chevalier
est-il recevable à proposer ces m oyens? — E xam en
des faits.
!
à
L a captation est l ’action de celui qui parvient II
s’emparer de la volonté d ’ un autre, à s’en rendre
m a ître , à la captiver ; elle s’opère par des démonstra
tions d ’attachement et d ’am itié, par des soins assidus*^
par des complaisances et des prévenances affectueuses,
des services, en un mot par tous les moyens qui peuvent
nous rendre agréables aux autres. L a captation . est
donc lcmaljle en cllc-meme j clic entretient l !umon
dans les familles et dans la société; elle ne peut être
vicieuse que par l ’intention, que par le but q u ’on sé
propose, et par l ’abus q u ’on en fait.
Aussi Furgole a-t-il remarqué que le mot captare ,
d ’où nous vient celui de captation , n ’était pas
toujours pris en mauvaise part ( i) . Dans le droit
romain, les institutions capta toires y étaient défendues;
mais cette prohibition ne concernait que les disposi
tions conditionnelles qui tendaient à s’attirer à soimême, ou ;i une autre personne, des libéralités de même
nature que celles que faisait le testateur; au reste, les
lois romaines permettaient des’atlirer des libéralités par
des caresses, des services, même par des prières (2).
(1) Fu rg o le , des T cs la mc n s , clxap. 5 , scct. 3 , n° 9.
(2) F ur gole , n° 19.
%
�/ û / b J è-j
( 47 )
L a suggestion suit la captation-, elle consiste en ce
que celui qui est parvenu à captiver la volonté d ’un
autr e, use de l ’ascendant q u ’il a pris sur son esprit, pour
lu i faire faire des dispositions q u ’il n ’aurait pas fa ite s,
s’il avait été abandonné à lui-même.
L e mot suggestion 3 qui vient du latin suggestio 3
et qui dérive du verbe suggerere 3 signifie proprement
avertir, inspirer, faire ressouvenir. Ainsi suggérer un
testament, c’est donc avertir, conseiller, persuader de
le faire (i).
L a suggestion par elle-même n’a rien de vicieux. Les
jurisconsultes romains, qui suivaient les austères prin
cipes d uP o rtique, n ’en tenaient pas moins pour maxime
q u ’il n ’est pas d é f e n d u de se
par des soins, des caresses, des
des prières (2).
des libéralités
c o mpl ai sanc es, et même
procurer
Cependant l ’on sait q u ’à Rome, plus que chez aucun
autre peuple, on abusait de la captation et de la sug
gestion; q u ’on en avait fait une sorte d’a r t, que culti
vaient avec fruit une foule d’ hommes méprisables ,
flétris du nom d ’ hére'dipètcs.
Mais comme la jurisprudence ne s’occupe que des
actions extérieures, et q u ’elle 11e doit ni rechercher,
ni juger rin tem ion des hommes, les viles pratiques des
(1) L a b b c , sur B cr r y, titre 18 , part. 8 , dit : « Suggerere cnim
est
« indicate, monerc. »
(2) F ur g ol c, ubi suprà, et n°
— Domat, 2e partie, Iiy. 3 , tit. 1 " ,
sect. 5 , u° a 5 , à la note ; et n° ^7.
�10** : ' ô .
1
( 48 )
hérédipètes n'étaient réprimées par aucune l o i , lors
q u ’on n ’avait à leur reprocher ni violence, ni dol, ni
surprise. On trouve même des lois formelles qui con
firment les dispositions provoquées par des soins, des
complaisances, et même des prières (i).
L e principe consacré par les lois romaines n ’est donc
pas douteux ; la suggestion et la captation simples
n ’entrainent point la nullité des dispositions testamen
taires, parce q u ’elles ne détruisent point la volonté du
testateur, à moins q u ’elles n ’aient le dol pour fon
dement.
Plusieurs coutumes de France proscrivaient les testamens faits par suggestion ; mais ce mot y était pris
par opposition à. l ’ a ct ion de dict er Çu) , c o m m e si 7 a u
moment de l ’acte, il y avait eu auprès du testateur
une personne qui lui suggérât les dispositions q u ’il
devait dicter; car ces coutumes exigeaient, comme le
Code civ il, que le testateur dictât son testament.
Bientôt quelques auteurs allèrent
plus loin , et
soutinrent que la captation et la suggestion, dégagées
de violences, de dol et de surprises, suffisaient pour
faire annuller les donations entre-vifsou testamentaires.
On
peut même dire que l ’ordonnance de i y 35 parut
favoriser cette opinion, q u a n d , après avoir ordonné,
sous peine de n u llité , l’observation des formes q u ’elle
prescrit, elle ajouta (article l\7) : « Sans préjudice des
( 3) Fnrgolc, ubi suprà, n° a 5 .
(1) Voyez Furgole cl le Nouveau Deni sai t, au mot Captation,
�C 49 )
IÛ
« autres moyens tirés de la suggestion ou de la capta^
« tion desdits actes ». Dès-lors il n ’y eut plus de règle
certaine;, ce moyen vague devint un prétexte pour at
taquer ^les testamens auxquels on n’avait à opposer
aucun yice réel ; et bientôt naquirent rune foule de
procès, scandaleux, dans lesquels des héritiers peu dé
licats
cherchaient
parens
i
* à flétrir la mémoire
1
I*de
/ leurs A
descendus dans la ]tombe, pour disputpij les dons q u ’ils
avaient faits à des.^légataires dont on ne manquait
jamais-def noircir , plus ou moins. gri^yement la répu
tation.
•
...•• i l; 1, {r jxr
.. . \j *%j ^ .il.
,
....
»
. Les .rédacteurs du projet du C od e-cjvil voulaient
prévenir ces abusjj;^ et .i}nr,article portait : « L a loi
« n’admet point la pr^uve^que la disposition n V é t ç
« fuite :<jue par , haine , ¡suggestion.! OU. captation. » ...
L e conseil d!Etat fut arrêté par la crainte d ’e n c o u
rager la cupidité. L ’article fut supprim é, mais avec
regret. i:«iLa ’ loi V 1 dit’ Forateur du Gouvernement ,
«' garde le silen ce'su r'lè défaut de 'liberté qui peut
« résulter de la suggestion et de la captation, et sur
« le vice d ’une volonté déterminée par là colère ou
« par la h a in e............. Peut-être vaudrait-il mieux ,
« pour Y intérêt g é n é r a l,r que cette source de procès
« ru in eu x et sca n d a leu x f û t ta rie, en déclarant que,
u ces causes de n u llité ne seraient pci s qçlm isesj mais
« alors la fr a u d e et les passions auraient cru »avoir
'
' ' -r '
•
a dans la loi même un titre d ’impunité. Les circons« tances peuvent être telles, que la v o lo n té de celui
disposé n 'a it, p a s é té libre ,, ou q u ’il ait
« qui a
7
�"
C
50 )
« été clolîiiné éntièrcnient par une passion injuste. »
L e m otif du silence de la loi prouve q u ’elle n 'au
torise point l ’action en nullité d ’un testament pour
cause de captation et de suggestion. L e Code exige
que lie tëstateui^ ait Tesprit sain , que sa volonté soit
lib r e , q u ’il n’ait pas été surpris où induit en errëUr:
cés principes sont fondés sur la raison^ Mais comment
la suggestion , qui rie consiste que dans la simple per
suasion tîégagée1 de fraude et de dol, pourrait-elle être
. un moyen ‘d'attaquer un acte? Détruit^élle la liberté,
lors même que les caresses et les prières seraient vive^,
pressantes et réitérées, et même importunés? Il n ’y a
que les moyens frauduleux: qui soient réprouvés par
la justice et lu morale j dans tous les attires V:as ‘ tbut
se réduit au point clé savoir si le testateur ¡n’était point
inibécille, ou si sa volonté tétait libre (r).
A in si, la captation et la suggestion nre pont pas, dans
notre d r o it , des ¡moyens différons du d o l, de la fraude
et de l ’erreur. La preuve n ’en peut être admise,, que
lorsque les faits tendent à prouver le dol* Ces1maximes sont célleâ de notre jurisprudence. Ôn
peut consulter lès arrêts rendus sur celle matière* on
y ven'a (pie la captation n’est cause de nullité d ’un
testament, qu'autan i q u ’elle est empreinte de d o l et
de fr a u d e / qu autant q u ’elle a tendu à tromper le
(r) Furgolc,'t<&i suprà, n° i S . — Mallevillc, torao a , p^go
�7èstctïeûr', et à 'anéànlir sa v o lo n té'( i j . j E lî s^écartant
rfe’ ces''principes-, ori retomberait nécessairement-dans
-l’arbitraire.
!
| e L
uJiipoùi’ être admis ti la'preuve d ’une suggestiou artb■ficieùsb, il faut encore poser des' faits précis j ’des faits
qui caractérisent des machinations, des artifices^ des
fourberies*, en un m ot, le dol et la fraude.
~ De simples présomptions, telles que celles que définit
l ’art. i 353 du C o d e , ne suffisent pas. On a déjà v u ,
"dans un arrêt de la'C o ur de cassation, du 18 novembre
1809^(2) , que l ’importance du. legs, l ’oubli de sa
"fam ille, la qualité1des légataires , qui les tenait perpé
tuellement attachés ‘à la personne du testateur1, en
qualité de domestiques, ne pouvaient être^une preuve
<que-le testateur ¡fût en c lémence, et que le .testament
lui eut-été artificieusement suggéré.
; ■
Mais la difficulté augmente , si l ’on veut prouver
la suggestion et la captation contre un testament
olographe. Tous les auteurs conviennent q^u’il çst, plus
difficile d’attaquer un testament olographe , q u ’un
testament notarié^ Dans /celui-ci on ne trouve, que la
s i g n a t u r e du testateur : c’est la.seule part, qiie l ’acte
prouve q u ’il y ait eue; le reste est une pr^spnrçtjlon. iy.e
. testament olographe, au co n tra ire ,.\est parUçuÎièvèWtiHt
et tout entier l ’ouvrage du testateur; iL pst ontit^ement
(1) Bruxelles, 21 ’avril 1808.— Si re y, 2* partie, pag. »46 el suiv.— •
Poitiers, 27 mai 1809. ■
— Si rey, , 1 81 0, a ” partie, pag. 23 et suiv.—
Agen , 18 juin 1812.— Si rey, tome
i rc partie, pag. 219.
�écrit’, -daté et . signé de sa main : ce f acte est consé»
quemment moins exposé aux surprises; et il est difficile
de supposer dans un homme faible d ’esp rit, ou qui
agit contre sa volonté, assez de patience, de docilité
et' de Soumission , pour écrire de sa main son testa
ment (i).
Aussi la forme olographe d ’un testament forme-t-elle
une fin de non-recevoir contre le reproche de sugges
tion et de captation.
Les auteurs les plus recommandables nous appren
nent q u ’il a passé comme maxime au palais, que les
faits de suggestion et de captation ne sont pas recevables contre les testamens olographes.
O n p e u t c onsult er le J o u rn a l d u P a l a i s d e P a r i s ,
itom. i er, pag. 907. — Ricard, part. 3 e, chap. i«r,
n° 49 * — B a rd e t, tom. 1 " , liv. 2 , chap. 67. —
Basnage, art. 7 3 , sur la coutume de Normandie. —
Soëfve, tom. i er, centurie 4 ? chap. 8 4 La jurisprudence nouvelle est aussi conforme h ces
maximes. L ’arrêt de la C our d ’A g e n , du 18 juillet
1812 , confirmé par arrêt de la C ou r de cassation,
du 6 janvier 1814 > a consacré, en principe, que la
fo r m e olographe d u testam ent, la survie du testateur
p en dan t un tems m o r a l, son éloignem ent et son in
d ifféren ce envers ses su cccssib le s , étaient autant de
présomptions exclusives de suggestion et de captation,
contre lesquelles elles élevaient une fin de non-recevoir.
[ ( 1 ) Œ u v re s de d’Agucsscau, lome 3 , page 3 6 8 .
�(
«3 )
Ces principe^ établis, le chevalier Legroing est-il
recevable à opposer (les moyens de suggestion et de
captation contre le testament de son frère?
Ce testament est olographe ; non seulement
il
est écrit en entier, daté et signé par le testateur, mais
encore toutes les pages en sont signées et numérotées -,
il est sous enveloppe et cacheté au sceau de armes du
comte : la suscription est écrite et signée par lui -, le
dépôt est aussi de son fait : tous ces caractères ne
sont-ils point autant de preuves de la liberté et de la
volonté du testateur ? ne détruisent-ils point à l ’avance
toutes les allégations du chevalier?
L e testateur a survécu pendant huit mois à son tes
tament. Cette survie n ’est-elle point encore une nou
velle p r e u v e de sa v ol onl d ? C h a q u e jo u r, chaque
moment n ’en sont-ils point une ratification s o le n n e lle ?
L e comte avait mille moyens pour changer ou dé
truire ses dispositions; il n ’en a employé aucun; il est
entouré de trois médecins et d ’une garde-malade; il
reçoit les consolations de la religion; pas un seul mot
de regret dans ses derniers instans; il ne manifeste
q u ’ u n e seule volonté, celle de
maintenir l'institution
d ’héritière faite en faveur de Claudine-Flavie Jouvainroux; q u ’un seul regret, celui de ne pouvoir lui
une fortune plus considérable.
Les avocats généraux les. plus célèbres, les oracles
de la justice et les docteurs, consacrent la survie du
tra n sm ettre
testateur pendant un teins moral, comme une fin de
non-reccvoir insurmontable : nu arrêt a même décidé
�q u ’ un espace de trois semaines était une présomption
qui devait faire rejeter la preuve ( i). :‘f
A insi, le simple silence du testateur*serait suffisant
pour faire rejeter les moyens de suggestion et de cap
tation; mais Claudine-Flavie peut encore prouver que
son bienfaiteur a persisté dans ses volontés d ’une ma
nière très-expresse. E n effet, la vente du 17 mai 1817
et les ordres des lettres de change sont autant d ’ap
probations du testament de 1816 : ces actes démontrent
aussi que la volonté et l ’intention du comte d ’exercer
ses libéralités envers tout autre qtie le chevalier, ont
été immuables; et il est impossible, depuis 18 0 7, de
t ro uve r
aient
un seul instant où les dispositions du comte
p a r u f a vor ab le s à sou frère.
Il importe peu que le testament olographe ne reçoive
de date que par le décès du te stateur, et que rien ne
prouve que le testament soit antérieur à la vente et
aux ordres: d ’abord ce moyen ne serait pas exact ,
puisque l ’acte de dépôt fait preuve de la date du tes
tam en t; mais le fut-il? il serait insignifiant. De quelque
manière q u ’on place ces actes, les conséquences sont
les mêmes; en effet, si la vente et les ordres sont an
térieurs au testa m en t, ils prouveront
que
l ’intention
du comte a toujours été d ’être libéral envers Claudine(1) Arrêts du parlement de Paris, du iG janvier 16G4; a 3 avril 1709.
Journal des Audiences, tome
, livre 3 , chapitre t\ . — To me 5 ,
partie a ” , livre 9 , chapitre 19.— Soëfvu, tome a , centurie a , clinp. 19.
Arrêts du parlement de Toulouse , 3 o août 1735 ; 11 septembre 1722 ;
ao aoûl 1726 , etc.
�(55)
'
fldvie Jouvainroux, et que son testament* n’est que
l ’accomplissement de sa volonté déjà manifestée; si,
au' contraire, ces actes sont postérieurs au testament,
ils en seront la ratification et l ’approbation la plus
complette.
xi Que l ’on se fixe actuellement sur la suggestion et
captation reprochées à Jouvainroux et à son épouse :
la plus légère ¡attention convaincra de la faiblesse et
de la nullité de ce moyen.
h
D ’abord , il était contre l ’intérêt de la mère de
suggérer ,un testament olographe qui anéantissait son
institution d ’héritier; si elle avait eu quelque influence
sur l ’esprit du. com te, elle s’en serait servie pour fixer
ses dispositions en sa faveur; si elle avait dicté le tes
t a m e n t olographe de 18 16 , il ne serait autre, chose
que la confirmation de celui du 18 avril 1807.
Le chevalier répond par un moyen d ’incapacité.
Suivant l u i, la mère de Claudine-Flavie Jouvainroux
vivait en concubinage ayçc le comte; depuis,.,qu’julle
était entrée k son service, elle ne( pouvait recevoir, de
lui : Claudine-Flavie Jouvainroux est donc la personne
interposée de sa mère incapable. .
j
.
M ais, d’une part, si l ’ancienne législation rejetait
les dispositions faites entre personnes qui avaient vécu
dans un commerce illicite; si on y tenait pour maxime
que don de concubin à concubine ne v a u t , il est cer
tain aujourd’hui que cette prohibition n’existe plus;
qu e, suivant l ’article 902 du Code, toutes ¡personnes
peuvent disposer et recevoir, excepté celles que la loi
�( S6 )
en déclare incapables. Gom m ent, avec un texte aussi
formel, les juges pourraient-ils, sans excéder leurs
pouvoirs, faire revivre une incapacité prononcée par
l ’ancienne loi? Plusieurs arrêts ont fixé la jurisprudence
sur ce point (i).
D ’un autre côté, comment proposer un pareil moyen
contre une épouse et une mère! La preuve d ’un pareil
fait blesserait à-la-fois la morale publique et la dignité
du mariage ; il est évident q u ’elle serait plus scanda
leuse que le fait lui-même.
Il n ’y a donc point d ’incapacité, conséquemment
point d ’interposition de personne; et l ’idée de concubi
comme celle de l ’illégitimité de la naissance de
Claudine-Flavie Jouvaiuroux ne restent « q u e pour
nage
« apprendre q u ’il ne faut pas confondre la captation
« qui inspire, par ruse ou par fraude, une volonté dif« férentedecellequ’auraiteueledisposant,quisubstitue
« une volonté étrangère à la sienne, avec le motif qui
« dirige une volonté qui lui est propre. Dans le pre« mier cas, la volonté est dirigée par le fait d ’autrui ;
« dans le second, il ne peut y avoir du fait d’autrui :
« c’est la volonté du disposant qui agit » (M. Grenier,
« Traité des donations).
Ainsi les moyens les plus puissans du chevalier se
( i ) Arrôt de la Cour île Tïlincs , du 29 tlicrinidor an i a . — Jurispru
dence du Code c i v i l , loinc S , page 198.
Arr6t de la Cour de T u r i n , du 9 juin 1 8 0 9 . — Voyez M. Grenier,
des D onation s, tome i ,T, p»g(,s 3q3 cl suiv.
�rétorquent contre lu i, et viennent l ’accabler. La loi
repousse la preuve des faits q u ’il allègue ; s’ils conservent
quelque vraisemblance, c’est pour manifester la vo
lonté' du testateur; prouver q u ’il n’a point agi par
le fait d ’autrui, mais bien par une détermination qui
lui était propre, et par des motifs dont la loi ne de
mande aucun compte.
Que reste-t-il donc au chevalier? Dira-t-il encore
que la dame Jouvainroux était toujours auprès de son
maître? que celui-ci était dans sa dépendance? q u ’elle
s’était emparée de tous ses biens et facultés?
Mais que signifient de pareilles imputations? Quels
sont les faits précis? les faits propres à caractériser les
machinations, les artifices, les fourberies, en un mot,
le tlol et la f raude <jue la loi a v o u l u réprimer? L e
chevalier ne cote pas un seul fait dont la preuve puisse
être ordonnée.
Toutes ces allégations seraient même insignifiantes,
si elles étaient prouvées. E n effet, le comte Legroing
était malade et infirme : il était naturel q u ’il désirât
la présence de ceux qui devaient lui accorder des soins;
et si le besoin de son service obligeait ses domestiques
à le laisser momentanément livré à lui-m êm e, il était
aussi convenable de fermer son appartement, pendant
ces courts instans, pour le soustraire à des visites que
son état de souffrance pouvait lui rendre importunes,
et lui éviter le désagrément d ’aller ouvrir aux étran
gers , ce que d ’ailleurs il était hors d’état de faire dans
J.a dernière année de sa vie.
�( 58 )
E n fin , la suggestion et la captation ne peuvent être
produites que par les prévenances et les conseils de la
personne que l ’on aime : elles ne sauraient être imputées
à celui qui n ’aurait ni la confiance, ni l ’amitié du
testateur au moment où il écrit ses dernières volontés.
O r , que l'on suive, dans le mémoire et les conclu
sions signifiées du chevalier, l ’état de l ’in térieu r; du
comte.
Jouvainroux nravait aucune influence sur l ’esprit de
son maître; le comte le tenait éloigné de lui : il man
geait à la cuisine.
L a femme, depuis son mariage, méconnaissait son
état; elle s’était fait des sociétés nouvelles; elle négli
geait son maî t re , le laissait dans u n é t a t d ’a b a n d o n ,
faisait des dettes, excitait enfin sa mauvaise h u m eu r,
qui se manifestaiti fréquemment par des imprécations
énergiques et souvent répétées.
Claudine-Flavie Jouvainroux, au contraire , était
l robjet de toutes les caresses du comte. Sa tendresse
pour cette enfant était si grande, q u ’une prière, une
prévenance de Flavie pouvaient appaiser sa colère, et
que le chevalier n’a pu la dépeindre, q u ’en la compa
rant aux effets de la tendresse paternelle.
Si la captation e f l a suggestion ont été pratiquées, il
serait dès-lors évident q u ’elles ne peuvent être imputées
à Jouvainroux et à son épouse. L 'u n avait toujours été
indifférent au comte; rautre s’était attiré sa haine. L e
comte lui donnait même des preuves de son ressenti
m e n t, en anéantissant le testament q u ’il avait fait en
�¡ ( ù 'k ?
(i 59 )'
¡¿a laveur.
L ’auteur dé ces manœuvres serait donc
Claudine-Flavie Jouvainroux!...... Son jeune âge inté
ressait le comte : les caresses, les tendres soins del ’enfant soulageaient les douleurs du vieillard. Les empressemens de Claudine-Flavie ne pouvaient ressembler
aux démonstrations d ’ une amitié feinte; ses complai
sances n’avaient point un sordide intérêt pour mobile
la récompense q u ’elle en a reçue doit donc être sacrée
pour les tribunaux. La religion, la morale et la loi se
réunissent pour approuver et faire respecter le testa
ment du comte Legroing.
* Il faut dire un mot de la violence prétendue exercée'
sur la personne du testateur.
Les principes sont simples. Des excès réels , de
mauvais traitemens , la soustraction des a l imens ou
*
des services au testateur malade, la menace même de
le laisser sans alimens ou sans service , ou d ’user
d ’excès réels sur sa personne , pourraient être des
raisons suffisantes pour annuller un testament.
Mais il faudrait que la violence fût intervenue
et que les faits propres
& la prouver fussent articulés; car elle ne doit pas être
avan t
la
faction
du t e st a m e n t
,
présumée (i).
E n fait : les reproches du chevalier sont dénués de
vraisemblance. On supposera difficilement que la fierte
de caractère du comte se fût abaissée jusqu’au point
de souffrir de mauvais traitemens de la part de ses
I
(1) F u rg o lc , l'e s t. , cliap. 6 , scct. i ” , n°* 4 > 5 , 6 , 8 çt io.
í-l¿}
�11^
1
( 6o
gens. Il n ’est pas plus possible de croire que Jouvainr o u x , que l ’on se plaît à peindre comme un homme
a d ro it, ru sé, dissim ulé, ne perdant ja m a is de vu e
son o b jet, ait essayé de l ’atteindre en employant la
violence.
E t où aurait-elle été pratiquée? A Clerm ont! dans
une ville populeuse, dans une maison où habitaient
d ’autres locataires!
Dans quel t e m s P A p R È s
du
te sta te u r
!
le
testam en t
, ju sq u ’a u décès
Ainsi Jouvainroux et sa femme auraient
cherché à anéantir, par la violence, une disposition
q u ’ils s’étaient attirée par la suggestion et la cap
tation !
T out ce système est inconcevable; il n ’y a point
eu de violence, puisque , d ’après le chevalier luiméme, loin d ’être une cause impulsive du testament,
elle aurait été exercée dans un tems où elle ne pou
vait avoir d ’autre objet que d ’en provoquer la révo
cation ; et si elle eût existé, elle prouverait plus
fortement
encore l ’attachement que le comte avait
pour Claudine-Flavie Jouvainroux, puisqu’il aurait
persisté dans ses dispositions bienfaisantes, malgré les
justes motifs de plainte q u ’il pouvait avoir contre les
père et mère de sa légataire.
Mais toutes ces imputations ne sont qu'un roman
monstrueux, odieux, enfant de l ’imagination du che
valier. Le comte a reçu, tous les secours et toutes les
consolations que son état pouvait exiger : les souilrànces
ont pu lui arracher quelques cris de douleur; des voi-
�( 61 )'
éîns, la police même ont bien pu s’introduire dans son
domicile : q u ’y a-t-on vu ? le m alade dans les bras
de ses dom estiques, q u i le caressent, le d ésh a b illen t,
et prennent les p lu s grandes précautions p o u r soulager
ses m a u x ........ I ( i )
Il faut terminer :
i
• i
Claudine-FlavieJouvainrouxaremplila tâche q u ’elle
s’était imposée.
■
>
Elle était capable de recevoir, et ne doit point être
regardée comme la personne interposée de ses père et
m ère, puisqu’on ne peut leur reprocher à eux-mêmes
aucune espèce d ’incapacité.
Le comte, de son côté, était capable de disposer;
s o n t e s t a m e n t a é t é d i c t é par 1’afïection ; aucune trace
de haine ne s’y fait remarquer ; lors même q ù ’il au
rait eu de l ’éloignement pour son frère, ce ne pourrait
être un m otif pour annuller ses dispositions.
Les faits de suggestion, de captation et de violence
sont dénués de vraisemblance; ils sont vagues et insignifians; ils sont même détruits par les aveux du che
valier : en point de d ro it, la preuve en est inadmis
sible.
Que peut donc espérer le chevalier Legroing?.........
Fallait-il outrager la mémoire de son
frère
? Essayer
d anéantir 1 état d u n j eu ne enfant? Se montrer si peu
difficile dans le choix de ses moyens, pour n’en obtenir
aucun résultat ? Convenait-il sur-tout de descendre
( i) Mémoire du chevalier, page 1 5 .
' v
1,1
�(6 2 )
jusqu’à la calomnie pour capter la fa v e u r ,e t inspirer
un intérêt qui devait si .promptement être remplacé
par la plus juste indignation:
...
L e chevalier s’est abusé; il s’est même exposé à de
justes représailles; mais la légataire d u co m te . doit.
oublier que le chevalier n’a respecté n i son âge, ni sa
faiblesse. Son devoir est. de consoler ses parens des
chagrins q u ’ils ont éprouvés, et dont elle est la cause
innocente.
E lle attendra d o n c , avec confiance et respect,
l ’arrêt qui doit statuer sur ses plus chers intérêts;
mais il peut lui être permis de désirer que le chevalier
n e sente jamais que les faiblesses, produites par l’ambi
tion et l ’avidité des richesses , peuvent quelquefois
avilir et dégrader un homme d ’honneur; et que les
excès auxquels peuvent entraîner c e s p assions ne
sauraient, en aucun tems, trouver d ’excuse auprès des
hommes qui ont quelques vertus ou quelque générosité
dans le caractère.
'
‘
J u lie n
J O U V A IN R O U X .
Jn - C h . B A Y L E ain é, ancien A vocat.
B R E S C H A R D , A vo u é.
RIOM, IMPRIMERIE DE SALLES, PRÈS LE PALAIS DE JUSTICE.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Jouvainroux, Julien. 1819?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Bayle
Breschard
Subject
The topic of the resource
testaments
abus de faiblesse
domestiques
servante-maîtresse
enfants naturels
créances
séquestration
mobilier
maltraitance
émigrés
ordre Saint-Jean de Jérusalem
fraudes
fisc
inventaires
lettres de change
doctrine
nullité du testament
captation d'héritage
testament olographe
jurisprudence
concubinage
legs universels
egyptologie
code civil
bedeau
vie intellectuelle
garde-malade
atteintes aux bonnes mœurs
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse, pour le sieur Julien Jouvainroux, propriétaire, en qualité de père et légitime administrateur de Claudine Favie Jouvainroux, sa fille, intimé ; contre le sieur Louis Legroing, chevalier de justice de l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, chevalier de l'Ordre royal et militaire de Saint-Louis, appelant.
Table Godemel : ab irato : 2. l’action ab irato contre les testaments est-elle admise par le code civil ? peut-elle appartenir à l’héritier collatéral ? Etat (question d') : 3. l’héritier du sang a-t-il le droit, pour prouver l’interposition de personne, de rechercher si le légataire, qui a dans une famille le titre et possession d’état d’enfant légitime, est, ou non, l’enfant naturel du disposant, surtout, lorsque cette recherche conduirait à la preuve d’un commerce adultère ? Sanité d'esprit : d’après quels principes se résout la question de savoir si le testateur était sain d’esprit ? Suggestion : La suggestion et captation sont-elles moyens de nullité pour la législation actuelle ? peuvent-elles être opposées contre un testament olographe ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de J.-C. Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1819
1807-1819
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
62 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2431
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2429
BCU_Factums_G2430
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53485/BCU_Factums_G2431.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Riom (63300)
Clermont-Ferrand (63113)
Biozat (03030)
Fontnoble (terre de)
La Roche-Blanche (63302)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abus de faiblesse
atteintes aux bonnes mœurs
bedeau
captation d'héritage
Code civil
concubinage
Créances
doctrine
domestiques
egyptologie
émigrés
enfants naturels
fisc
fraudes
garde-malade
inventaires
jurisprudence
legs universels
lettres de change
maltraitance
mobilier
nullité du testament
ordre Saint-jean de Jérusalem
séquestration
servante-maîtresse
Testament olographe
testaments
vie intellectuelle
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53322/BCU_Factums_G1719.pdf
10688ffc65801875bbe2e6b7c36fa6ff
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Text
MÉMOIRE
A
C O N S U L T E R
ET
CONSULTATION
Sur le Pourvoi formé p a r les Sieur et Dame
L A N G L O I S ,
C
o n t r e
un Arrêt rendu, par la Cour d'Appel
de Caen, le 25 Juin 1806 7 en faveur du Sieur
DURAND.
�.■:.t r,o
I
",'r-/o"' T sb
. '
'
, v.-?' ;>r' . r-'l i g M a
- o h
•.
: ......... 5 J 9
«
M E M O IR E
A
C O N S U L T E R .
P a r acte public du 2 brumaire an 14 » Guillaume - Olivier
D urand a déclaré ses dispositions de dernière volonté. Il a
donné tous ses biens à Pierre D urand son frère , à la charge
de legs particuliers assez considérables, au profit de Je a n
Durand son neveu et de M arie - M adeleine D u ra n d , sa
nièce.
Son Testam ent est ainsi concu :
L ’an 14 de la République française , le deuxième jour de
brum aire, au lieu L a m b e r t............. où Jean-François M a r tin t
notaire public............. a été mandé................. assisté d e ............
» appelés po u r tém o in s au présent a c te , et aussi soussignés.
A comparu devant ledit Martin , notaire, et les témoins
sus-nommés , à environ deux heures d’après-midi , le sieur
Guillaume-Olivier Durand, propriétaire , né à V alsem ey , âgé
de trente-neuf ans................ malade de corps , et néanmoins
sain d’e sp rit, mémoire, entendement et jugement, ainsi qu’il
est apparu audit notaire et au x quatre témoins............
x Lequeldit sieur D u ra n d , voulant disposer de la quotité
de biens dont la loi lui permet le libre exercice, et considérant qu’il n’a ni ascendans ni descendans, a requis ledit
n
»
»
»
»
»
«
A
�2
» M artin , notaire ; de recevoir en ce moment son Testam ent
» et Ordonnance de dernière volonté ; en conséquence de quoi
» il lui a d ic t é ainsi qu’il s u it, e t e n p r é s e n c e d e s d it s
m t é m o in s
:
» J e donne et lègue à Pierre D u ra n d , mon fr è r e , ete. »
a L e présent Testam ent ainsi dicté par le testateur , au no» taire soussigné, et ayant été par celui-ci écrit de sa main ;
» l e s d it s t é m o in s t r é s e n s , le même notaire en a ensuite fait
a la lecture à haute et intelligible voix : laquelle lecture ledit
m testateur a déclaré bien entendre, et y persister, comme
» étant entièrement conforme à ses volontés; en conséquence
» de q u o i, il l’a , avec lesdits témoins et le susdit notaire,
î) signé sur la minute de la présente, après lecture derechef
» faite. A la Chapelle -H a in fr e y , dans la salle sus-désignée,
» lesdits jour et an. »
Guillaum e-O livier D urand étant décédé, Marie-Madeleine
D urand sa nièce, et le sieur L an glo is, mari de cette dernière,
ont soutenu que son testament était nul ; ils ont prétendu
qu’il n’y était pas fait mention expresse , conformément à
l’article 972, que la lecture en eût été donnée au testateur
en présence d es , tcjnoins.
Cet étrange système a été accueilli par le tribunal de première
instance de Pont-FEvèque.
. Dans. les m otif?'de sa décision, ce T rib u n al, après avoir
énoncé les termes du testament et ceux de l’article 972 du Code
Civil, continue ainsi:
>1 Considérant q u ’ il y
a bien lieu ,dg présumer que le tes-
n tament a été dicté par le testateur, écrit par le notaire, et lu
» en présence des té m o in s, puisque, au commencement roimne
» à la fui du
l i g a m e n t , il e#t .question de témoins
on peut
n mi'ine pencher à croire que ce notaire en a voulu faire
n mention. M a is a-t-il fait mention oxpresse, aux termes de
�t
»» la loi, de la lecture du testament donnée au testateur
» en présence des témoins? c’est ce qu’ on ne 'voit p a s, quelque
> >> facile que fût la chose à exprimer.
» Considérant, en e ffe t, que dans la strophe du testament
» .ci-dessus copiée, il est évident que ces mots lesdits témoins
» présens , se rapportent nécessairement à ceux-ci qui précèdent :
» L e présent testament ainsi dicté par le testateur au N otaire
» soussigné, et ayant été par celui-ci écrit de sa main; qu’ici
» le sens de la phrase paraît suspendu d’après la manière
» dont le notaire reprend la suite , en disant: Lie même notaire
» en a ensuite fa it lecture à haute et intelligible voix ; laquelle
» lecture le testateur a déclaré bien entendre et y persister
» comme étant entièrement conforme à ses 'volontés.
» Considérant que ce. qui suit dans le testam ent, savo ir,
» les mots : E n conséquence de quoi il a , avec lesdits témoins
» et le susdit notaire , signé sur la minute de la présente ,
» après lecture d e r e c h e jfa it e , indique;, à ne 'pouvoir s’y
» trom per, que le notaire lui-mème regarda n ’avoir.pas satisfait
» à la loi par la première mention qu’il avait/aiie de la pré» âcnce des» témoins, et que cette mention ne pouvait altester
*> leur présence à la lecture de l’acte. H é b ie n ! il ne fait pas
** plus mention expresse de la préseuce de ces témoins à la lecture
» qu’il dit avoir fait de rechef. li a , sân^jdoute, eu intentjonde
» faire cetteim ention; mais il nQ,résultc point, de la tournure
»•d e sa phrase, qui nç dit p a ^ p lu s^ à j^ e n d ç p it qu’à l ’aiitre,
» queues témoins fussent presens aux.lectures dpnuées au'tesù» teur.
•i
»..Çonsidéranl ;\raÂmejpt qu’i ^ n ’e^t p a s , prJsuma^lc que les
.témoins::atenh vfë'
absens
, quand
lflt testament
;a .été lu au ^
•
t
** i
i ,,J ■>< )
>• tesutour }./n^is.\au moins,
fne;.peqt"méconnaître,', que la'
»x chose est possible,; que ç e la ^ u fiit pour que le testament
» soit inficié de nullité,,(parce que la Ip i, claire daps ses
» e x p r e s s e s , ne veut point d’équivoques dans les actes pour
�»
»
»
»
»
»
lesquels elle établit des formes particulières: o r, le notaire
n'ayant pas dit expressément que les témoins étaient présens,
soit à la première, soit à la seconde lecture du testament
du a bru m aire, cet acte est nul : la jurisprudence du T r ibunal de Cassation et l’avis du Conseil d’E tat, du 3 i janvier
dernier, sont conformés aux principes;
» L e T rib u n a l, par ces motifs , jugeant en premier ressort,
» déclare le testament du 2 brumaire dernier, reçu par M artin,
« notaire à Bonnesbosq, nul et de nul effet. »
Mais ce jugement a été infirmé par arrêt de la Cour d’Appel
de Caen , du 25 juin 1806.
Cet arrêt, comme le jugement de première instance, énonce
d’abord les expressions du testament,
il est ensuite ajouté :
« L e premier T rib un al a décidé que les expressions ci-dessus
» ne renferment point la mention expresse, exigée par la lo i,
33 sous peine de nullité, que ce testament a été lu en présence
» de témoins. . . . .
L a question est donc do savoir si le testament dont il s’agit
» doit être déclaré n u l, sous le prétexte qu’il ne contient
» point ladite mention expresse.
» Sur quoi , considérant que cette question est purement
» d é f a i t , puisqu’il s'agit uniquement de savoir si le testament
» en question contient ou ne contient pas la mention expresse,
» qu’il a été lu au testateur, en présence des témoins appelés
j» à ^a confection j
w Considérant qu’en prenant la phrase ci - dessus copiée,
» telle que la présentent Langlois e t son épouse, c’est-à-dire
» e n plaçant l’ablatif absolu1, lesdits témoins présens, entre
» deux virgules, on ne peut paé le faire rapporter exclusive» ment*à ce qui le précède, pas plus qu’on ne pourrait le
« f a i r e rapporter exclusivement h ce qui le su it; mais il se rap~
�46 °
s
» porte évidemment à ce qui le précède comme h ce qui le
» su it, c’est-à-dire qu’il se rapporte à la phrase entière : d’où
n il faut conclure que, si le notaire a dit que le testament a été
» dicté et écrit de sa main en présence des tém oins, il a dit
» aussi que la lecture qu’il en a faite ensuite, a eu lieu égale« ment en présence des témoins. Le notaire a donc rempli le vœu
» de l’art. 972 du Code,
*> P ar ces motifs ;
» Parties ouies ensem ble, le procureur-général-impérial en
» ses conclusions, et conformément à icelles ,
1 ;■
, » L a C our a dit q u e , par le T rib u n al dont est a p p e l, ¡]
» a été m al ju g é , bien appelé ; corrigeant......... ordonne que
r> le testament dont il s’agit sera exécuté selon sa forme et
» teneur. »
.. .
1
L e sieur et la dame Langlois se sont pourvus en cassation
contre cet arrêt.
i .
-
Leur pourvoi est-il fondé?
■ !
•
, ‘
.
�6
CONSULTATION.
JL/E C O N SE IL SO U SSIG N É , qui a pris lecture , i ° . du
testament de Guillaume-Olivier D ui’and , du 2 brumaire an 1 4 ;
2 0. du jugement du T rib u n al de première Instance de Pontl'Evêque , du 4 mars 1806 -, 3°. de l’arrêt de la Cour d ’Appel
de Caen , du 25 juin de la même année ; 4°* enfin d’un mémoire
à consulter j
ii.
E S T D ’A V IS qu’il y a lieu de penser, sous deux rap p o rts,,
que le pourvoi en cassation form é contre l'arrêt de la Cour
d’Appel de C a e n , sera infailliblement rejeté.,
, ..
D ’abord , l’arrêt n’a pas décidé une question de droit , mais
bien une simple question de f a it , ou si l’on v e u t, une question
grammaticale ;
E n su ite , sa décision renferme une explication aussi juste que
raisonnable des termes du testament , dont l’annullation était
demandée.
§
Ier-
Il ne s’agissait pas de savoir , en thèse générale , s’il faut
pour -la validité d’ un testament par acte public , qu’il contienne
la mention expresse que la locture en a été faite au testateur
en présence des témoins.
On reconnaissait le principe.
11 s’agissait uniquement d’ex.uniner, en point de fa it, si cette
�7
règle avait été o b serv ée , ou non , dans l’acte de
dernière
vo
lonté de Guillaum e-Olivier D u r a n d .
L e s mots nécessaires pour form er la mention expresse de la
lecture de cet acte ,
en présence des témoins , étaient écrits en
toutes lettres. On y lisait :
« L e présent testament ainsi dicté
» par le testateur au notaire soussigné , et ayant été par celui-ci
n écrit de sa main j l e s o i t s tém oins présens , le m êm e n o * taire en a ensuite f a i t la lecture , h haute et intelligible voix. »
M a is il a été prétendu que ces expressions ,
lesdits témoins
prJsens , ne prouvaient pas q u ’ils eussent assisté à la lecture d u
testament ; q u ’elles avaient p ou r'objet de constater qu'ils furent
p ré s e n s , lorsque le testateur dicta ses dernières volontés , et lors
que le notaire les mit par écrit.
»
l Jour justifier ce système , on avait dit que ces mots les té
moins présens se rapportaient exclusivement à ceu x-ci : Leprésent
testament ainsi dicté par le testateur au notaire soussigné , et
ayant été par celui-ci écrit de sa main.
Il avait été répondu que ces mêmes expressions d evaient, au
contraire, se rapporter à celles-ci:
le même notaire en a ensuite
fa it la lecture.
L a mention de la présence des témoins se référait-elle donc
aux premières formalités prescrites par l’art. 972 du Code Civil
ou à la dernière ?
»•
• -• ;
.
Indubitablement les mots qui
forment celte mention ,' a p
partenaient au m em bre de phrase , où elle était nécessaire pour
la validité du testament , s’ils étaient séparés de l’ autre ou p ar
un point , ou par un point et une virgule.
On voulait bien avouer qu'ils en étaient, au moins , séparés
par une virgule.
m,
, •; •'
•'
-!
M a is cette virgule était-elle surmontée d ’un p o in t?
'
E t en supposant la négative , ces mêmes expressions se rap
portaient-elles
exclusivement à celles qui les p r é c è d e n t,
ou
�plutôt à celles' qui les suivent y ou bien tout à la Fois, aux
unes et aux autres ?
T elles étaient les difficultés à résoudre.'
' On voit 1 combien elles étaient vétilleuses, et s’il pourrait
ê tre -p e rm is'd e les discuter de n ouveau , devant! la Cour
suprême : '
:
L e testament élait valable, s’il y avait un p oin t, ou simple
ment un point et une virgule avant ces mots : lesdits témoins
présens .
'•
'
■
L e testament était également v a la b le , encore même que
ces mots eussent été simplement placés entre deux virgules ,
s’ils appartenaient, malgré cette circonstance , au deuxième
membre de la phrase , plutôt qu’au premier.
E n fin , le testament était encore valable, ‘ s’ils se rappor
taient en même temps à ceux qui les précèdent et à ceux qui
les su iven t , comme l’a décidé la Cour d’Appel.
Ce tableau de la discussion à laquelle a donné lieu le testa
ment du 2 brum aire an 14 , prouve incontestablement qu’elle
ne présentait à juger aucune question de droit.
Comme on l’a annoncé , comme l’ont d it , d’ailleurs , les
juges de la Cour d’Appel dans leur a rrê t, ils n ’avaient à déci
der qu’un point de f a i t , celui de savoir si le testament de
Guillaume-Olivier D urand contenait. la mention expresse
que la lecture qui lui en fut faite , l ’avait été en présence des
témoins.
L ’éclaircissement de ce point de fait appartenait à la Cour
d’A p p e l, qui pouvait se déterm iner, ou par un examen scru
puleux de la ponctuation du testam ent, ou par une appré
ciation réfléchie des mots dans lesquels il est conçu.
M ais le sieur et la dame Langlois ne peuvent évidemment
critiquer sa décision .1•
�' 4 6 $
9
La Cour suprêm e, attentive à se renfeim er -dans ses hautes
attributions, interdit toujours les discussions de f a i t ; à plus
forte raison , elle ne permettra point d’en renouveller une
purement grammaticale.
.
;
Que lui proposerait-on en effet ? D ’examiner, par elle-mêm e,
si le testam ent, du 2 brumaire an 14 > contient la mention
expresse de la présence des témoins à la lecture qui en a
été faite au testateur ; d’y vérifier, avec m inutie, les points
et les virgules qui peuvent servir à marquer le sens de ses
clauses; de déterminer celui qu’elles devaient avoir pour les
juges; enfin, de s’assurer s’ils ont bien ou mal lu cet a c te ,
s’ ils se sont reposés , dans cette lecture, à l’endroit où était
le repos de la phrase. On dénoncerait, en quelque so rte ,
leur arrêt comme un thème à corriger.
Une telle censure est aussi peu conforme k la dignité des
fonctions du T rib u n al suprême , qu’elle serait fâcheu se, et
l ’on peut dire humiliante pour les juges souverains.
« Des juges supérieurs, e st-il dit dans l ’avis du Conseil
» d ’E tat, du 3 i janvier 1806 , sont établis: pour réparer les
» erreurs d’une première décision. S’il était encore permis
» de remettre en question cc qui aurait été jugé par les
»> C o u rs, où faudrait-il arrêter ses examens ultérieurs, et
» quelle plus forte garantie la ‘ société aurait-elle contre les
» erreurs de troisièmes ou de quatrièmes juges? »
E n vain les sieur et dame Langlois invoqueraient-ils l’arrêt
de la Cour de Cassation, du 19 frim aire an 1 4 , qui a rejeté
le pourvoi du légataire universel du sieur M eulem berg, de
Bruxelles.
Les dispositions de cc testateur ont été annullées, parce
que la présence des témoins , U la lecture de $on testam ent,
n’y était pas mentionnée en termes formels.
Su han t le légataire, cette mention
résultait du contexte
B
fi
�10
entier de l’a cte , parce que le testateur y avait déclaré ,
en présence des témoins , persister dans ses volontés dernières.
Evidemment il n 'y a point de similitude entre cette_£spèce
et celle de l’arrêt de la Cour d ’Appel de Caen , du 2,5 juin
1806. D ans cette dernière, en e f fe t , le sieur D u ra n d , pour
établir la validité du testament de son frère , ne s’était pas
'fondé sur des présom ptions, des conjectures , ou même des
équipollences. L es expressions propres à constater la présence
des témoins à la lecture du testam ent, y étaient écrites en
plein te x te , au passage où il était fait mention de cette lec
tu re. Gn élevait seulement la question de savoir si elles appar
tenaient à tel membre de phrase ou Lien îi tel autre.
Encore une fois , il n ’est point permis de soumettre à la
révision de la C our de Cassation l ’arrêt qui a résolu , qui
a tranclié de simples difficultés grammaticales , ayant unique
ment tr a it, d’ailleurs, à un véritable point de fait.
s
11
de la
il.
S era it f a c ile - d e J u s t i f i e r , s ’il e n é t a i t b e s o i n , la d é c isio n
Cour d’Appel de Caen.
"D’abord, il est certain q u e , dans le testament du 2 bru
maire an 14 , on trouve un point et une virgule avant les
mots lësdits témoins présens .
O r , tout 'le monde sait q u e , suivant les règles de la
ponctuation , un point et une virgule ont pour.objet d’indiquer
f'jlie le sens (le‘la '‘phrase est suspendu.
Ainsi les‘mbts’ qui exprim ent la présence des témoins ayant
et<* ÿépares p ar' un point et une virgule du commencement
de phrase qui les p récèd e, ils ^se rapportent manifestement
rt’ :h'(‘c<5sSaiVémont. u la' l^riyrifité de la lecture de Tactç. Il
iW/t Viorie' lire de'.ccUc.j manière : tesdits témoins présens , le
même notaire en 'd ensuite f a i t la lecture à haute et intel
ligible V’o/.ic. ’
�4(f
il
Selon celte entente du passage controversé , l ’art. 972 du
Code Civil a été parfaitement oLservé.
Il est vrai que la Cour d’Appel a motivé son arrêt sur des
considérations indépendantes de l’existence du point qui est
au-dessus de la virgule avant les mots leschts témoins présens.
M ais , d’ une p a rt, elle ne dit rien non plus qui contra-
.
:
rie ce fait.
D ’un autre, il n ’a pas même été contesté par le sieur
Langlois et sa femme , quoiqu’ils y aient , en quelque sorte ,
été provoqués par une déclaration qui leur a été signifiée à
la requête du sieur Durand , le 18 juin 1806 , dans la vue
de rectifier une erreur où il était tombé lui-meme en sup
posant un point seul avant les mots : leschts témouis présens.
D an s cette déclaration ,
Sont
précédés
d ’ailleurs
d ’ un
point
il a
et
formellement articulé q u ’ils
d ’ une
facile h vérifier dans l ’acte
virgule 3 ponctuation
m êm e.
E t , lorsqu’elle serait différente, lorsqu’il n ’existerait qu’une
simple virgule , ou même qu’il n’en existerait pas , serait-il
permis d’asseoir la nullité d’un testament sur de puériles et
scrupuleuses minuties , telles qu’une simple virg u le, ou deux
points , ou un seul ?
E h ! f ju o i , la validité d ’un acte aussi solemnel dépendraitelle donc de l'observation des règles de l’ortographe ou de la
gram m aire ?
On sait que tous les notaires ne sont pas des académiciens •
on connaît sur-tout l’ignorance de la plupart de ceu* des cam
pagnes.
11 faut le dire hautement ; de semblables discussions élevées
toujours par un esprit de chicane et une sorte de mauvaise
f o i , insultent également à la raison , aux bon sens, ù la justice
et h la loi.
Qu'il y ait donc un point et une virgule , ou une virgule seule
I
;
�dans le lestamenl du 2 brum aire an 14 » avant Icâ mots lesdits
témoins présens ; on devra toujours décider qu’il est valable,
puisque ces mots sont écrits dans le passage où les desire la
loi : celui-lk môme où il est parlé de la lecture de l’acte au
testateur.
' P o u rq u o i, d’ailleurs, comme l’a fort bien observé la Cour
d ’a p p e l, attribuer ces mots , d'une manière exclusive, ou à la
partie de phrase qui les précède, ou à la partie de phrase qui les
suit ? Pourquoi ne pas les appliquer tout-à-la-fois à l’une et à
l ’au tre? Pourquoi 11e pas dire qu’ils prouvent en même temps
que les témoins ont assisté à la dictée de l’acte et à sa lecture?
E t s’ils devaient avoir un sens exclu sif, comment ne pas les
rapporter plutôt à la lecture, alors qu e, dans la phrase précé
dente du testam ent, se trouve déjà la mention qu’il a été d i c t é
en présence des témoins ?
On objecterait d o n c, sans fondem ent, que le mot ensuite ,
qui se trouve entre la mention de cette lecture et celle de la
présence des témoins , empêche que ces deux circonstance*
soient considérées comme co-relatives.
L e mot en su ite est, !* la vérité, un adverbe de temps. Mais
le notaire, en se servant de celte expression, en a-t-il connu
U
nature et la fo rce? A urait-il le talent si rare d’employer
toujours le mot propre? Ou ne lui croit pas même cette pré
tention.
A u surplus , le sieur Langlois et sa femme , en supposant k
ce notaire une connaissance approfondie des règles de l’ortograp h eetd e la grammaire , sont fort éloignés de lui reconnaître
aucune sorte d’expérience ni d’habileté dans son état.
Ils veulent faire croire , en e ffe t, qu’il a pris le soin ridicule
d’attester, par deux fo is , la présence des témoins où elle était
inutile à constater d ’une maniète expresse , et qu’il a omis cette
mention où elle était nécessaire il peine de nullité . C ’est accuser
gratuitement un fonctionnaire public de la plus stupide impéritie.
�$ 7
E n fin , il est facile de juger, par la lecture entière du
testam ent, qu’il a été rédigé avec les plus grandes précautions;
qu’il contient, de la manière la plus précise , et dans un grand
détail la mention de toutes les formalités voulues par la
lo i; qu’il devait donc être respecté par la dame Langlois
comme un monument légal autant que certain des dernières
volontés de son frère.
D élibéré à P a r is , le 1 er avril 1807.
GODARD,
À Paris , de l’imprimerie de LANGLOIS
G A SCHON.
rue du Petit-Pont, n° 25. 1807
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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Title
A name given to the resource
[Factum. Langlois. 1807]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Gaschon
Godard
Subject
The topic of the resource
testaments
témoins
vices de forme
nullité du testament
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire à consulter et consultation sur le pourvoi formé par les sieur et dame Langlois, contre un Arrêt rendu par la Cour d'Appel de Caen, le 25 juin 1806, en faveur du Sieur Durand. [suivi de] Consultation.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Langlois (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1807
An 14-1807
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
13 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1719
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Valsemé (14723)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
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nullité du testament
témoins
testaments
vices de forme
-
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db92ba5c96d07bcc40479711aa6b8157
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Text
M É M O I R E
Caufe en la Grand’Chambre, qui fera
jugée le famedi 1 2
P O U R le Sr L a s f a r g u e s , Chaudronnier,
à Aurillac ;
CONTRE la Demoifelle G u y Sœur dévote
de la foi - dïfante Congrégation de Sainte
Agnès de la Chambre du Père Broquin
Jéjuite.
-,
,
Q u’iL y ait aujourd’hu i, dans les montagnes d ’ Au
vergne , cinquante ou foixante filles, qui pleurent encore
les p è r e s f pirituels, que la fuppreffion d’un e fociété trop
fameufe leur a .enlevé; cela n’importe à perfonne.
Que ces filles, parce qu’elles confervent la précieufe
doctrine de la grâce fuffifante & du pouvoir prochain ,
s' imaginent, dans leur dévot orgueil, être les derniers
A
mai 1787*
�2
eonfeilcurs de la foi expirante, c’eft cc qui auroit pu;
n’être pas indifférent le fiècle pafle ; perfonne ne s’en
inquiétera dans celui-ci.
Mais qu’héritière de l’efprit de Tes fondateurs, une
petite communauté dé petites dévotes, fans fupérieurs
autorifés, fans inflicuc canonique, fans exiftence légale,
ait pourtant bravé la révolution de plus de foixante
années, qu’elle brave encore les arrêts de la cour,, qui'
l’o n t, plus d*une fo is, enveloppée dans une jufte profcription ; cette révolte, contre les lo ix , intéreffe beau
c o u p les magiftrats. L ’exemple pourroic être dange
reux.
Mais que fïdelle aux principes attribués, avec ou fans
raifon , à la fociéré qui lui donna l’exiftence, cette
petite communauté croie, à en juger par fes a illo n s ,
la fraude permife lorfqu’elle eft utile, le menfonge in
différent lorfq.u’il n’en impofe qu’à tout le m ond e,
& qu’à l’aide de rejiriclions mentales , on fe dit du
moins la vérité tout bas dans fa confcience : les citoyens
doivent s’en allarmrr. Les apôtres de cette morale pourroient faiire des proiëlytes.
Mais qu’en conféquence, & de cet efprit 8c de cette
m o ra le , cette petite communauté,/ pour fe donner,
malgré les loix , une confiftance furtive , v e u i l l e , par
une fraude , enlever la fueccifion d’une de fes dévotes
à l’héritier du fang , p a u v r e 6c père de dix enfans : cette
conduite intéreiTe le iicur Lasfargues; elle doit intérefler
auflî tous les gens fenfibles.
�5
F
A
I T
I
S
.
Au commencement de ce fièclc, un P . Broquin *
jéfuite , raiTcmbla en congrégation quelques dévotes,
dont il étoir l.p dirc£Veur : il leur donna le nom de feeurs
de Sainte Agnès. Pluùeurs dévotes étoienc jeunes, le
P. Broquin très-aflidu, le public très - malin ; on les
appeüa , dans le monde, les iœurs Broquincs. Le
nom leur en relia : c’eft celui qu’ elles portent aujour
d’hui.
L ’enfance de cette congrégation ne fembloit pas lui
promettre la longue vie dont elle a joui. Le ridicule
l ’avo.t faifié à fa naiflance ; la pauvreté la dévora pen
dant fes premiers ans. Elle n’avoit pas même de maifont
à elle; & dans ces jours de tribulation, c’étoit dans une
chambre, dans un grenier, dans une gran ge, dans le
premier lieu enfin, qu’ on daignoit leur prêter, que les
iœ u rs, trifte c déiolé troupeau ., fc rc«niiTbient pour
gémir en comipun fur l’endurciiTement du fièclc, & iur
ieur difperllon prochaine.
Les entrailles paternelles du fondateur s*émurcnt ;
& à l’aide de fes efforts, l’infpirarion d’entrer dans cette
Congrégation, vint à Marie Lasfargucs, proprétaire de
quatre mai ions , à A u rilla c, de contrats Sc d’argent
5
comptant. Tant de vertus la fiient élire première fupérieure, ôc la rendirent chère aux jéfuites. On lit, dans
rcgiilres du collège d’Aurillac, ces mors, écrits en
1 7 1 0 : « Il faut ménager la demoifelle Lasfargucs; clic
45 deiîrc beaucoup le bien de la fociécé., & nos pères
A x
�4
n dóivent paraître en faire beaucoup de cas, Sc même.
n lui faire des vifites fréquentes ».
Les vijîtes fréquentes de fi pieux perfonnages, devaient
infpirer à la dcm'jifelle Lasfargues le déracKbment des
biens rerreilres. Auiîî firent elles; Si pour premier a&e
d’abnégation de foi - même, la d moilelle Lasfargues
donna, en deux fois, aux R R . P P . , une fomme de
450 0 livres, à cinq pour cent, en rente viagère. (V o y e z
les pièces jultificacives (a ) . )
L e P. Broquin, déformais tranquille fur le fort d’un
établiiïcment qu’il avait confié à de fi dignes m ains,
mourut vers 1 7 1 0 .
Cetre mort, en faifant faire à la demoifellc Lasfargues
des reflétions fur l’inilabilitè des choies humaines, lui.
infpira encore plus de tendrefïc pour íes filles, qui ve
naient de perdre leur p ère, &. plus d’inquiétude iur ce
qu’elles deviendraieat après elle..
Déjà les quatre maifons avaient été converties en
argent, pour fatisfaire aux befoins les plus prciiàns.Tout
allait donc bien pour le préfent; mais l’avenir! Mais
quand donc la congrégation aurait-elle une exiftence
moins ptécaire, &C fe verrait - elle du moins un afyle
qu’ elle pût dire à elle?. Voici comment la dcmoifelle
Lasfargues s’y prit pour lu i en a iïu r c r un.
Par contrat d.i 2.-$ oclobre 1 7 1 7 , elle & deux autres
filles dévotes de Sainte-Agnès, ablolumcnc dénuées de
fortune, de dont elle s ailocin les noms, pour mieux co
lorer la iaintc fraude quelle mcditait, déclarèrent ache-
�te r , du couvent de la Vifiration d’ ÂurilIac, pour elles
& de leurs deniers, une maifon, rue du Collège. (Voyez
les pièces juftificatives ( b ) ,}
P u is, par une contre-lettre du même jour, fous feingp riv é , Sc fait entr’elles trois feules, elles déclarèrent
qu e, malgré ce qui érait porté au contrat de vente, la
vérité était que la maifon était acquife pour la congré
g ation , &; des deniers de toutes les fœurs en commun;
de manière qu’elles trois n’y avaient pas une part plus
coniïdérable que les autres (i).
Malheureufement, la contre-lettre que fit la demoifelle Lasfargues , était'nulle.
Elle l’était, parce que c’eft une donation déguifée.
Elle l’était, parce qu’elle était faire au profit d’une
congrégation qui n’avair pas d’exiftence civile.
Elle l’était, parce que cette contrc-lcttre , faite entre
les trois lîgnataires du contrat, feules & triple feule
ment , ne pouvait pas attribuer de propriété à la con
grégation, qui n’ y étoit pas pa-rtitv
Quoi qu’il en fo it , comme perfonne n’avait le droit
de faire valoir cette nullité pendant la vie de la demoifclle Lasfargues, la congrégation fc mit paiiiblement
en poiTciïïon de la manon, 6c put enfin, (olidement
établie, fc livrer à Pobfervation des règles que lui avait
preferites le Père Broquin.
' A ce père avaient fuccédé , dans l’adminiitration fpi( 1 ) Cette contre-lettre n’ayant jamais été communiquée dans la caufe,"
Lasiaigues n’en peut donner que la fubilance.
�6
riruclle de la maifnn , d’abord quelques jéfuices, & enfuite des prêtres dévoues à la fociété. Le dernier que
vit la demoilellc Lasfargues, fut Pierre Combes , preînicr du nom , qui avait é té , pendant quelque temps,
jf'on c o n f e lle u r . C et eccléiiaftiquc avait un frère, appcilé
P i e r r e C o m b es, fécond du n o m , prêtre comme lui 9
&. de plus , confeileur actuel de la demoifclle Las
fargues.
Cependant, la demoifclle Lasfargues vieilli iToiç, 6c
ccs deux prêtres voyaient, avec douleur, que fa more
prochaine allait replonger les foears dévotes de SaintcAgnès dans l’indigence, &. dans la condition incertaine
d o n t elle k s avait tirées. Plus éclairés qu’elle, ils voyaient
que la contre-lettre n’était qu’un chiffon, fans valeur,
qui n’empêcherait pas des héritiers impies de renvoyer
ces dévotes' Sœurs de leur bercail.
Ils voyaient tout cela; 8c la demoifclle Lasfargues avait
•été la pénitente de l’un ; & elle lui était encore foumife comme au fupérieur fpirituel de fa congrégation ;
¿C elle était encore actuellement pénitente de l’autre ; &
clic avait foixanre-huit ans : elle fit, le 6 février 1 7 6 0 ,
un tcftamenr olographe, par lequel ellefc déclara pauvre,
légua cinq fols à fes héritiers du fang, 8c inftitua, pour
fon héritier teftamentaire., Pierre Combes, fécond du
nom , fon confeiTeur. L a demoifelle Lasfargues mourut
peu après j Combes fe mit en poffciCon de tout, ÔC les
fbeurs de Sai-ntc-Agnès gardèrent leur maifon.
Le iieur Lasfargues, petit-neveu de la demoifelle
£,asfargu,cs ¡> ttoit le ieul héritier du fa n g j mais .mineur.
�r
orphelin & pauvre : il n’avait ni la connaiiîance de fes
droits ni les moyens de les faire valoir. Cette ufurparion acquit un- nouveau degré de coniiftance, par la
mort de Pierre Combes fécond. Ce prêtre inftitua, pour
ion héritière, une demoifell'e Com bes, qui avoit iuccédé à la fœur Lasfargues dans la dignité de fupérieure.
Il fembla même, que déformais la congrégation n’avait
plus à craindre de voir fortir la n.aifon de fes mains j
car c’était, à en juger par le pafle, un parti pris: la
dévote, an nom de laquelle ferait actuellement la pro
priété de la m aifon, inilituerait une autre dévote pour
ion héritière de cette maifon. P ar-là, pailant ainfi pen
dant toute la durée des fiècles de dévote en dévote, la
maifon fe trouverait toujours appartenir à une perfonne,
q u i, éranc de la congrégation , aurait intérêt de lui en
laitier la jouiflancc. C ’était en conféquence de ce projet,
que la dévote Lasfargues avait inftitué le fieur Combes,
qui inilirua la dévote C o m b es, qui inftituera, comme
nous le verrons, la dévote G u y , qui aurait inftit-ué fans
doute, à fon tour, une autre dévote.
Pendant que la congrégation jouiflaitde la fucceifion
de la demoifelle Lasfargues, ion petit neveu n’en était
pas devenu plus riche. Les gains de ion état mènent
rarement à l’opulence; il cft chaudronnier : & ce qui
y mène encore moins, il eft père de di* enfans. Il avait
déjà anciennement follicité le fit ur Combes d ; lui rendre
juftice. Ce p: être lui avait donné des efpérances ; mais
étant mort fans avoir exécuté fes promeiTes, Lasfargues
ie détermina enfin à plaider.
En conféquence, au commencement de 1 7 8 1 , il a/figna
�8
la demoifellc Combes en délaiiTement de la maifon ruç
du Collège. Celle-ci lui oppofa le teftamcnt de la demoifelle Lasfargues, 6c prétendit que tant que ce teftament ne feraic pas détruit, Lasfargues était fans a&ion.
Lasfargues demanda donc la nullité du teftament. Son
moyen fut que le iîeur C o m b es, héritier inftitué, était
incapable de l'être, parce qu’il était le confcfleur de la
demoifelle Lasfargues. Il offrait la preuve du f a i t , fi on
le niait, & demandait la remife de la m aifon, la reftitution des fruits 6c la repréfentation de l’inventaire, s’il
y en avait u n , finon un inventaire à commune re
nommée.
Le fait ne fut pas nié. La caufe ayant été portée à
l’audience, fans que la demoifelle Combes eût défendu
par écrit, elle fît plaider par fon avocat, q u e , quand
le fieur Combes aurait été confeileur de la demoifelle
Lasfargues, cette incapacité ne pouvait lui être oppofée;
parce que la luccciTion n’était pas pour lu i, mais pour
la communauté de Sainte-Agnès, dont il n’était que le
fidéi-commilîaire. Pour prouver ce fait, elle produisit
la contre-lettre, &: conclut de la volonté qu’y manifes
tait la demoifelle Lasfargues , de laiiler la maifon en
queftion aux dévotes de Sainte-Agnès; que c’étoit pour
l ’exécuter qu’elle avait inftitué le prêtre Combes , afin
xju’il remît 6c la fuçccilion 6c la maifon a ces dé
votes.
C ’étoit pour la première fçis que lasfargues enten
dait parler .de cette contre-lettre. Son avocat Remanda
que la caufe fut remife, 6c qu’on fignifîât une copie de
cette .contre-lettre. D ’ailleurs, il demanda a&e de l'aveu
que
�1
9
•que c fieur Combes n’était qu’un fidéi-commiiTaire ;
& , au furplus , perfifta à de mander qu’on lui permît
de fa;re la preuve que C om bis était le confcfTeur de la
tclbirrice.
D Jun autre côté , le miniflère public, q u i, pour ne
pas exciter les clameurs du p e u p l e d?vot, avait bien
V o u l u fermer les y e u x f u r l’exiilcnce illégale de la convmunauté de Sainre-Agnès , ecila de croire cette Tolé
rance permife, lo fqu’on olair -réclamer une fucccilion,
pour cette petite communauté, qu i, loin d’avoir le droit
de recevoir des infUtutions , n’avait pas même celui
d’exifter. Le lubftitut de M. l’avocat-général fe leva d o n c,
& requit l’exécution du célèbre arrêt de la c o u r, du
18 avril 17 6 0 , qui fait des défenfes d’établir aucunes
congrégations, fans lertres-patentes.
Sentence des juges d’ Anrillac, du 8 avril 1 7 S 5 , qui t
ayant égard a ce qui réfuite de la déclaration de 1 .7 1 7 ,
(la contre-lettre ), déclare Lasfargues non-recevcible, le
condamne aux dépens, & ordonne q ù il fera délibéré fu r
les conclufions du miniflère public. Le délibéré n’eil pas
en coreju gé.
A in fi, cette fentence refufe d’abord de donner a£tc
â une partie, d’un aveu échappé à l’autre (1). Elle juge
( 1 ) La mauvaife foi des parties fe trahit fréquemment dans la plaidoyerie
devant les premiers juges. L à , quelquefois, la partie plaide elle-m ême.
Emportée par la paflion , die ne pèfe pas toujours les aveux qui lui échappent.
Si ce n’eft pas elle qui plaide, i’incertitude du fyftême de défenfe encore mai
fix é , la difficulté de nier des faits trop connus des habitans du lieu o ù 'l’on
plaide, d’autres raifons, au nombre defquJles nous)-ne voulons pas compter
,Ce que quelques gens appellent l'inhabileté d’un défenfeur, & ce que nous
B
�to
enfuite en conféquencc d’un a£te non contrôlé, non re
connu par l’autre partie , à qui on ne l’a. pas même
communiqué, & qui n’en a.jamais, oui parler : en con
féquencc d’ un aftê abfolument étranger à la partie qui
le produit3.cn conféquence d’un 'acte nul.
Lasfargues a donc interjette appel de cette fentence..
L a demoifelle Combes eft morte peu de temps après*
ÎiiiTant pour Ton héritière teftamentaire la dcmoilelle
G u y , dévote de Sainte-Agnès. Celle-ci a repris l’inftançc.-
M O Y E N S.
Lasfargues demande la nullité du teftament de la de
moifelle Lasfargues, comme fait au profit d& fo n confefleur.
L a demoifelle Guy convient qu’un conféiTcur eft in
capable , & que tout teftament fait à fon profit eft nuL
D ’après cela, on croirait qu’il n’y a plus entre nous
qu’ une queftion de fait. Le fieur Combes était-il confefleur de la demoifelle Lasfargues? Point du tout. D e
quoi s’agit-il donc? Nous n’én iavons rien. N i la demoi
felle G uy non plus.
Elle difait, en première inftance, qu’il était inutild
d’examiner l’incapacité du fieur Com bes, parce que l’infappellerions fa loyau té, peuvent faire commettre une foule d’indiferétions*
Il feroit bien à defirer que la co u r, en preferivant aux juges inférieurs de ne
jamais refufer afte de ces aveux, quand on. le leur demande, & aux g-effiers
dinterçr c.ans les qualités des fûntenceî, les conclufions que les défenfeurs pourraient prendre a ce fujet, fe procurât ainil à elle-méme ? un moyen de plu?
de découvrir la vérité, objet confiant de fe* recherches.
�II
tirufion notait pas à Ton profîr; mais fous fon n om ,
au profit des dévores de Sainte-Agnès. Les premiers juges
onc adopté ce fyflême.
Sur l ’appel., ce ne fur plus cela. Elle foutin" d’abord
qnv 11c était concefïionnaiie dos (œurs, Icfquell s étoient
propriétaires de la mai (on aux termes de la contrelettre.
C e n’rft plus cela à prêtent. Elle fourient aujourd’hui
qu’ incapable ou non ,
ijeur Combes ayant recueilli la
fucceflîon de la dem''i(elle Lasfargues , en vertu d\in
teilamenr , &. lui ou Tes hér t ers ayant joui plus de dijc
ans encre préfens, de cette fucceiïion, il y a prefeription.
1
M ais à quoi s’en tient définitivement la demoiselle
G u y ? car elle n’exige pas, fans doute , que noub débat
tions tous ces fyftêmes contradictoires.
Au refte, il paraîr quelle a abandonné aujourd’hui
celui du fidéi-commis. Elle fait plus;
i
* elle nie de s'en. être
jamais fervi Et j’ai déjà oblervé que cette hard elle avec
laquelle nie la demoifelle G u y , vient du refus des juges
d’Aurillac, de donner afte à Lasfargucs de l'aveu qu’a
vait fait la dcmoiielle C om bes, lors de la plaidoycric.
M a i s , malgré ce refus , il nous refte encore allez de
preuves.
Les juges d’Aurillac ont ju gé, attendu ce qui réfultc
de la contre-lettre. Mais pourquoi cette contre-lettre figu
rait-elle dans ia caufe, fi ce n’était pour prouver le fidéicommis? Il cil clair qu’alors, on ne parlait pas de la
conceffion ; car, fi on en eût parlé, les juges n’auraient
pas manqué de prononcer, attendu la conceffion. E t peu
B 2
�11
importait qu’ on ne la repréfentât pas. Quand ils jugeaient
en vertu d’un a£te non contrôlé ^ non reconnu, non
c o m m u n iq u é o ù était la difficulté de juger en vertu
d ’un autre non repréfenté ! Il cil clair encore qu’on leur
donnait cette contre-lettre comme preuve du fidéi-comm is; car, c’eft attendu cette contre-lettre qu’ ils déclarent
Lasfargucs, qui demandait la reftitution de route la fucceifion , non-recevable dans la,,totalité de fa demande.
O r , fi la contrè-Iettre ne leur avait éré répréfentée que
pour prouver que la maifon appartenait à la commu
nauté , qui l’avait tranfmifc par fa conceiîion à la dc
moifelle G u y , les juges d’Aurillac n’auraient pas pu juger
comme ils l’ont fiit.
D ’abord, cette contre lettre attribuait une part quel
conque à la dcmoifelle Lasfargucs , membre de cettc
communauté, & dès-là à ion héritier. Les juges ne pou
vaient donc, attendu une contre-lettre, qui prouvait que
la fucceffion de la dcmoifelle Lasfargues comprenait une
partie de cette maifon, l’enlever toute entière à ion 'hé
ritier.
E t enfuite, cette conrrc-lctrrc n'avait rien à démêler
avec le reflx* de la fucctifion. On ne pouvait, par conféq u en t, attendu une contre-lettre qui ne parlait que
de la maifon , déclarer l’héritier non-reccvablc dans fa
demande en rcfticution du furplüs de la fucccifion, donc
la contre-lettre ne p a rla ir pas.
Que la demoilellc G u y ne vienne pas répéter ce qu’elle
a déjà dit ; que la demande en nullité du teftament &C
en reftitution de la fucccflion, aurait dû être formée à
domicilej que, ne l’ayant pas été, elle était nulle.
�i5
Pour être convaincu cju’clle ne l'était pas, il ne faut
que fe rappeller la procédure. Le fieur Lasfargues a l i
gne la demoifellc Combes en déiiilcmenr de pofleffion
de la maifon rue du Collège. La demoifcüe Combes
prétend qu’elle en eft propriétaire , en conféquence du
teilam ent; elle prérend, en outre & avec raifon, que
tant que ce teilament n’eil pas déclaré nul, on ne peut
lui ôter la îïiaifon qui fait partie de la fucccilîon. Voici
donc le fieur Lasfargues forcé de demander incidemment
la nullité du reftamenc/ & , par conféquent, la rtilitution de la fucceffion. Cette nullité du teilament était
cohérente aux prétentions de Lastargues fur la m aiion,
& inféparable de ces prétentions qui devaient fe juger
par cette nullité ; il fallait donc les joindre enfemble :
c ’eil ce qu'il a fait.
Ta fa it , Sc la demoiielle Combes
î ï ’a pas demandé la nullité de cette demande devant les
pr emiers juges. Ces premiers jugts n’ont pas non plus
déclaré cette demande nulle. Voyez leur fcntence. Ils
o n t, attendu la.contre-lettre, déclaré Lasfargues non-rccevable dans toutes fes prétentions.
Si donc c’était, attendu cette contre-lettre , & non
point par d’autres moyens que les premiers juges décla
raient l’héritier non-recevable dans la totalité de ia de
mande , rc’eft parce qu’ils donnaient à la contre-lettre
une influence générale fur la demande en entier ; in
fluence générale qu’on ne pouvait lui donner qu’en la
confidérant comme preuve du fuléi-com m is, que les
juges d’Aurillac peniaient faire dilparaître le moyen
11
^incapacité.
Je fais bien que ceci ne rend pas la fentence moins
�14
incompréhenfible. J e fais bien qu’on n’en concevra pas
davantage comment les premiers juges ont pu, en ton«:
féquence d’une contre-lettre nulle, faite en faveur d’une
communauté illégale &c rebelle aux arrêts de la cour ,
d’une contre - lettre non contrôlée, non reconnue ni
communiquée , déclarer valable un fidéi-commis nul fait
à cette communauté. Mais je .fais bien aufli q u e, fans
cette fuppofuion , la fentence des juges d’ Aurillac ferait
ridicule, & qu’il n’y a que cetce manière de lui faire
fignifier quelque chofe.
O u i, fans doute, on a donc dit en première inftance
que c’étaic un fidéi-commis. On l’a die, &. on a ea ra.lon
de le dire. La contre-lettre prouve en effet i’int n ion
qu’eut toujours la teftatrice de donner fon bien aux dé
votes. Son teftament, fait en faveur de fun co. feileu r*
qui partageait avec fon frère le rég me de la c >mmun^uté de Sainte-Agnès, le prouve encore. Enfin , la
jou iîknce qu’ont eue depuis le teitament, & qu’ ont même
encore, ma'gré le procès, les dévotes, porte cette preuve
jufqu'à l’évidence. J ’ai dit que les dévotes jouiiTent
encore aujourd’hui de la maifon. Cela eft établi par
Pextra;t rapporté du regiitre de l’Afliette , de l’impoiiti'on de la ville d’Auriliac, pour 1 7 8 5 , où les dévotes
font employées, pour cette maifon, pour 80 liv.«( Voyez
les pieces juilificarivcs (c ).
Que ce fidéi-commis demeure donc confiant. Qu’il
demeure confiant que les véritables adveriàircs de Laifargues -font les dévores de Sainrc-Agnès , &C que la
.demoifelle Guy nYft qu’un prête-nom complaiiànt ; &
,-ccla la rend ellc-nicmc moins excufablej puifqu’au lieu
�15
de n’ être coupable que de l’injuftice de dépouiller un
Héritier légitime d’unç fucceiïïon qui lui appartient, elle
l’eft to u t - à - la - fo is 6c de cette injuftice , & de rébellion
à l ’autorité de "la cour , donc elle aide aind les dévotes
de Sainte-Agnès à éluder les arrêts.
Au refte,,qu’importe à Lasfargues qu’il y ait ou n’ y
ait pas de fidéi-commis. S’il y en a u n , il eft nul ; car
la communauté à qui la demoifelle Lasfargues a voulu
faire paiTer ia fucceflion , étoit incapable de la recevoir.
S’il n’ y en a p a s, l’inftitution eft toujours nulle, car elle
eft faite au profit d’ un confeiTeur.
L a demoiielle G uy ne convient-elle pas qu'une inftitution faite au profit d’un confefleur eft nulle Oui. Que
prétend-elle donc encore?
C e qu’elle prétend, le voici: elle prétend que l’inca
pacité du fieur Com bes, vraie ou fau ile, lui ou fes héri
tiers , ayant joui vingt-deux ans en vertu d’un titre ,< la
prefeription eft acquife.
2
D ’abord la demoifelle Lasfargues eft morte en 176 0.
Lasfargues, né en 1 7 3 8 , avait à cette époque vingt-deux
ans. Il était mineur. L a prefeription ne court pas contre
les mineurs. Elle n’aurait donc commencé de courir qu’en
17 6 3 »-temps où il accomplifla't ringt-cinq ans. En 1 7 8 1 ,
temps de la demande, on ne pouvait donc lui oppofec
que dix-neuf ans de jouiflance.
Peut-on les lui oppofer aujourdthui ?
Il y a long-temps qu’on a dit que la prefeription était
Un moyen odieux. Je ne répéterai pas toutes les décla
mations qu’on a faites à ce iujet. Odieufe ou n o n , clic
exifte dans les loix , fit il faut refpe&er les loix.
�Mais il exifte auili dans les l o i * , que quand on a
défendu au fo n d , on ne peut plus o'ppofer la prelcription.
Voyez l’ordonnance de 1 6 6 7 , tir. 5 , art. 5.
O r , la demoifelle G u y , ou la demoifelle Combes, Ton.
auteur, a défendu au fond ; donc il n’eft plus temps d’oppofer la prefeription.
«
Lors de la plaidoierie de la caufe en première inftance,
la demoifelle Combes , de meilleure foi que Ton héri
tière, ne penfa pas à cette prefeription, que c e lle - c i ,
depuis, a fait valoir en défefpoir de caufe. Elle difeuta
l’incapacité, ôc dit que ccttc incapacité ne pouvait être
oppofée, attendu que le ficur Combes ne recueillait
rîen de l’inftitution , & qu’elle était pour les dévotes.
A la vérité, les juges ont refufé de donner acle de
çette défenfe. Mais leur fentcnce , qui juge attendu. la
contre-lettre , parle alïez en notre faveur , puiiqu’cjle
prouve qu’on a fait valoir des moyens quelconques tirés
dç la contre- lettre.
•
O r , ces m oyens, tirés de la contre-lettre , n'ont pu
être que l’allégation du fidéi-commis, comme je l’ai fait
voir plus h a u t;
quels qu’ils foient, ce n’était pas
du moins la prefeription. La preuve en eft , qu’aujour
d’hui que la demoifelle Guy fait valoir la prefeription t
il n’eft plus queftion du tout de la contre-lettre , mais
feulement du teftament.
P o n c , puifqu’avant de parler de cette prefeription
fondée fur le teftament, on a fait valoir d’autres moyens
fondés fur la contre-lettre , & qu’on a ainii défendu au
fond , il eft trop tard de penfer à la fin de no.n-rcçc.yoir. l/ordonnancc de 1767 eft précife,
P eu
�«7
Peu impórre qu’on ait depuis abandonné & la contrelettre & les moyens qu’on en tirait. Cela prouve bien
que l«t dcmoifelle Guy per.fe elle m ’ me que fes moyens
du fond ne valent rien , mais non pas qu'elle ait le droit,
après les avoir propofés, de revenir à une fin de nonrecevoir.
Il faut donc déclarer la demoifelle G uy non-recevable à
oppofer la prefeription.
Au relie, que la dem oifdleGuy n'ait pas de regret âib n
moyen de prefeription ; il ne valait ren .
Tout le monde fait ce qu’eil la prefeription fuivant les
loix romaines, & comment elles Pétabliflerir,
Regie générale fuiv nt ces loix. Il faur trente ans pour
p p ferire quelque chofe qne ce (oit : Sicut in rem fpec'ales%
ita de un ve>Jîtate ac petfonale s aci ones ultra tnginta
anno'um fpatium minimi protendati'ur. Cod. liv. 7 , cit. 39.
Exempt.on. Quiconque |ouit d>x ans d’ un héritage av«.c
t i r e &. bonne foi , entre p ié f ns a preferir : Emptor bonâ
f i i , contri prœftntem dtctnnii prœfcriptione , adhibitâ p rer
bai, o-ie jujlce pojjejf.cnts , deferìJus , abfolvi reclè poflulat.
Cod. liv. 7 , t’ t. 33. Cetre c>c< ption a été ¿rendue à bien
d'autres qu’ à l’acheteur. V . fh liv. 4 1 . Les ticres prò legato 9
pro dote , pro Juo , Scc. C ’<il cette derniere prefeription
que les loix appellent finguliercment prœfcriptio longi
temporis.
Mais il efl clair que cette prefeription n’a lieu que
pour les chof-S qu’on acquiert à titre fingulier',
point
pour une hérédité. Car la prefeription de dix ans étant
une exception «\ celle de trente ; & nulle part les Joix,
quand elles parient de cette exception, ne l’appliquant
C
�aux hérédités, il eft évident qu'elles n’o i t pis eu *a vo
lonté de l’étendre aux hérédités ; Scelles.ont eu grande
ment raifon de ne le vouloir pas.
Elles ont confidéré l'importance de l'objet- On ne
doit pas transférer la propriété d’une fortune entière
auili légèrement que celle d’une chofe fingulière.
Elles ont confidéré l’ignorance des droits plus po(TibIe‘
dans un cas que dans un autre. Il n’eft guère poffible
qu’ un propriétaire ignore, pendant dix an s, qu’ un de
fes biens eft poiTédi par un tiers. Mais il eft très-pofiible qu’un héritier ign ore, p e n d a n t ce t e m p s , que l a 1
lucceflion d’un parent, quelquefois éloigné, lui eft échue *
& qu’ un tiers s’en eft emparé en vertu d’un reftimenc
nul. Il y aurait donc injuftice de la part des loix de ne
pas faire varier le temps de la prefeription > en raifon de
la variation des circonftances.
Elles ont confidéré que celui qui envahit une hérédité
ne peut pas avoir des chofes qui la co n p o fe tu , U poffefilon corporelle quelles exigent plus par îcuHèrement
pour la prefeription déccnnaire. PoJfcjffio nudo anima
acquiri nequit. Une hérédité eft compofée d’ une multi
tude d’objets ; quelques - uns peuvent être poilédés par
le tiers ; quelques autres lui échapper. Pour les premiers ,
à la bonne heure; peut-être pourrait-on à la rigueur, &
fi les autres confjdérations ne s’ y o p p o s a ie n t , admettre
la p r e fe r ip tio n d é c c n n a ir e , p u ifq u e p o u r ceux-là la poffciîion concourt avec la bonne foi & le titre. Mais
ceux qui n’auraient pas été poffédés par le tiers, à qui
appartiendraient-ils ?. C ertes, ce ne fera pas à l u i , car
il ne les a pas poilédés corporçllement ; 6t la poiTeifioa
�*9
corporelle éft eiTentielle & indifpeniable. Pofjejfio nudo
animo acquiri nequh. C e fera donc à J’h ricicr ; car le
tiers ne peut pas lui cppofer, pour ces objets , le jufte
titre auquel ne s’eft pas jointe la poiTeflîon , comme il
p-uc l’oppoler pour ceux qu’il a réellement poflédés. Il
faudra donc alors caffer l’inft'tucion à moirié, en ordon
nant que l’héritier inilitué gardera les objers qu ’il a pofiédes, parce qu’ il les a preferits, mais qu’il ne s’emparera
pas des au:rcs, parce que i’inftitution érant nulle, il n’a
d ’autres droits que la prefeription , qui ne peut s’acquérir
tàns ^oildliun. O r, on fent que ce partage qu’on ferait
dans l’htrédité ferait abfurde t puifquc le titre d’héritier
cil indivisible.
Il a donc fallu ne pas foumetrre l’hérédicé à la pres
cription decennaire, mais feulement à celle trentenaire.
C ’eil ce qu’a fait la loi. Hœred'tatem quidem petentibus
longï temporis prxfcriptio noctrc non potejî, Cod. livt 7.
tlt. 3 ?»
Ainiï le firur Combes & fis héritiers n*ont joui que
dix a >s de 1 hérédité mal dévolue; donc ils n’ont pas pres
crit.' .
Us n’auraient pas preferir, quand même une hérédité
fe prefcrirait p-ir dix ans.
Trois chofcs font requifes dans la prefeription décen
n a l e ; le juile t i t r e , la bonne fo i, la poiTeiiion.
Deux de ces trois chofcs , iàns la troilieme, ne peuvent
faire preferire. Voyez D om at, Porhier..
(-La bonne foifurtout cil cffenriellement recommandée. 1
O r , le.-fieur Combes était-il de bonne foi? Non , il ne
^¿taïc pas.
C i
�tô
L ’ordonnance de 1 5 3 9 déclare nuls tons dons 8c téftamens faits au profit d’adminiftrateurs, parce qu’elift
répute toutes ces libéralités fuggérées. Le plus redou-i
table de ces adminiftrateurs eft fans doute le confeflTeür,:
puifque c’cft celui qui a l’afeendant le plus irréfiftible ;
auilî eft-ce à lui principalement qu’on applique la loi.
U n e foule d’arrêts ont caiTé des reftamens faits en faveur
des confeileurs ou de leurs monaftères.
Je n’ai dono point befoin ic i, pour prouver la mauVaife foi du fiéur Combes , d e faits a v e c lefquels ofl
trompe fouvent les juges» Je n’ai befoin que de la loi
qui ne trompe Jamais, L e fieur Combes était de mau-'
vaife fo i, lorfqu’il fuggéra le teftament, e’eft la loi quî
le dit. Il l’était lorfqa’il en profira. S’il était de mauvaife f o i , il n’a pas pu preferire par dix ans.
Que vient-on dire enfuite que cette nullité n’eftque
relative aux héritiers, S i qu^ils font les maîtres d’ y re
noncer. Oui fans dou tr, ils le fonr. Mais il ne fuiHc
p as, pour que la nullité foit dérruite, qu’ils foient les
maîtres de la détruire. Tant qu’ils ne l’ont pas anéan
tie , la loi s’exécute, 6c la nullité fublifte. Pour qu’elle
ne fubfifte plus, il faut qu'ils y aient renoncé e x p r e ffémenr. Mais ce n’ift pas aflez -, pour défaire ce que les
loix font , d’un filence de q u e l q u e s a n n é e s , produit peutêtre par l’ignorance , la crainte ou la pauvreté.
11 eft inconteftablc que fi > pendant les dix ans, le
fieur Combes eut été pourfuivi par Lasfargues , les loffl:
auraient traité le premier comme un homme de mau
vaise foi & un fuggefteur. Pendant ces dix ans-1^, il a
donc été de mauvaife foi à leurs yeux. E h bien, cette
�II
mauvaife foi a-t-elle p u , le jour de l’expiration des dix
a n s , en devenir une bonne? Et ce jour-là , celui q u i,
pendant ces dix années, a été déclaré par elles de mau
vaife f o i ; donc elles o n t, pendant ces dix années , ré
prouvé le titre , comme procédant de mauvaife foi ;
peur-il venir dire qu’il a un jufte titre , ôc qu’il a joui
de bonne foi ?
Non certainement. Dire que le ficur Combes doic
être préiumé de bonne foi , parce qu’ il a joui d ixn n s,
c’efl: tomber dans un cercle vicieux. C ’eft lui faire dire
je fuis de bonne f o i , parce que j’ai preferit, 6c j’ai pres
crit, parce q te je fuis de bonne foi. C e n’efl pas ainii
qu’il eft poiïible de raifonner. Vous me parle2 d’ une
prefeription fondée fur votre bonne f o i , examinons donc
cccre bonne foi , abftra&ion faite de la prefeription.
Examinons cette bonne foi , & jugeons-la comme nous
l'aurions examinée &. jugée le jour même où votre jouitfance a commencée. O r , ce jour vous étiez incapable,
un incapable n’eft jamais de bonne fo i, que l’héritier ne
l’ait relevé de cette incapacité ; dès - là il ne peut pas
preferire par dix ans. Ecoutez Pothier :
» L ’inftitution d’héritier d’une perfonne qui en était
» incapable par les loix , dit cet auteur , traité de -la
» prefeription, partie premiere, chap. 3 , étant un titre
» n u l; fi cet incapable, dont l’incapacité pouvait n’êrre
*» pas connue , s*eft mis en pofleifion dos biens de la
** fucceflîon du défunt qui l’a inftitué héritirr, fon titre
» étant un titre nul , il ne peut rien acquérir par prefM cription des biens de cette fucceilion. Confiai cum de-
�XI
»> mîim qui tefiamenti faclionem habet pro hotrtdt ufu.
» capere po£e. L . 4. ff. 1. hczn
» Il en cifc de même d'un legs qui aurait été fait à cet
» incapable ; il ne pourra pas acquérir par prefeription
n la choie lig u é e , dont l’héritier,cjui ne connaiiTait pas
» Ton incapacité, lui a fait délivrance : car le legs,qui
» eft le titre d’où fa poiTefîion procède, cft un titre nu}»
» qui ne peut fubiîikr en fa perfonne, étant incapable
» du legs ».
En un m ot, la bonne foi requife pour la preferiptian
«de dix a n s, cft, comme la défit, iiïcnt tous les auteurs *
la jujle opinion qu’on peut acquérir la chofe qtion acquiert.
O r , un confeiTcur déçlaré incapable par les lo ix , &. p’.us
encore par fà confciencc ; un conf^iTur q u i, quand il
ferait vrai qu’il n’aurait pas fuggéré, doit croire que la
fuggeftion s’eft opérée toute feule ÔC fan§ |e concours de iâ
volonté ; un çonfeiTeur qui , par délicaceffe , par reli
gion , devrait refufer la fqcceiîion d’ une de les péni
tentes, quand la loi ne lui en ferait pas un devoir , at-il la juftç opinion qu’il peur acquérir la fucceffion d’une '
femme qui a 4«-*s parçns pauvres , à qui il fait généreufemenf léguer 5 f. ?
Qu’on et (Te cjonç doppofer cctçe ridicule prefeription,
& revenons au fair, Le fieur Combes éraic il confeiTcur
de la dcmoifclle Lasfargues ? La dcmoifelle Guy le niea
¿C foytient que le P. JJroquin 3. été le co.nfetleur de la
dcmoifelle Lasfargues &ç. le fiipéricur de Ja çommunauté
jufqu’çn 1 7 ^ 1 » époque de la, diiïojutfon de la fociéié,
diiTolution qui a entraîné celle de U communauté d
Sainte-Agri&s, Deux fauiletés.
<5
�2*
D ’abord , le P. Broquin eft mort avant 1 7 1 1 . ( V o y e z
les pièces j 11 ftifîcarives (cL, ). Donc en, 1 7 6 1 la demoi
selle JLasfargues avait un autre confelTeur &C. la commu
nauté un autre fupérieur.
Enfuire la communauté n’a pas été di(Toute avec la
fociété y en 1 7 6 1 , car nous arriculons que cette com
munauté exifte encore , qu’il y a dans ce moment - ci
plus de foixante dévotes de Sainte-Agnès : que les grandes
officieres demeurant dans la maifon en queftion , avec
la demoifelle G u y , fupérieure a&uelle: que les autres
s’y raiTemblent tous les jours. Nous faifons plus ; nous
le prouvons, i ° . par l’extrait du regiftre des impofitions
de 1785 , où les filles dévotes, dites Broquines, font impofées pour 80 liv. pour leur maifon. ( Voyez les pieces
juftifîcarives (c) ). La demoifelle Guy ne prétendra pas
apparemment que ce font les fœurs mortes en \~j6 z
qu’on -impofe en 1 7 8 5 ; z° par toute la procédure faite
devant les premiers juges depuis 1 7 8 1 jufqu’en 1 7 8 4 ,
où la demoifelle C om b es, que fon héritiere n’avait pas
prévenue de fon projet, prend maladroitement la qua
lité de fille dévote. La demoifelle Guy ne dira pas fans
doute qu’ il eft d’ufage à Aurillac de mettre fes vertus
dans fes titres. Il eit probable qu’une fille pieufe d'Aurillac ne s’y intitule pas plus fille dévote, que la demoifelle Guy ne pourrait s’intituler à Paris fille véridique.
3°* Par la fentence même dont Lasfargues eft appellanr.
On y voit que le miniftere public y prend des conclu
io n s contre les Broquines ; donc il en exifle encore.
L a demoifelle Guy & le fieur Lasfargues étant fi peu
�A4
d’ accord fur les faits , il efl: évident qu’il faut des té
moins. Je répondrai brièvement à quelques autres raifin s q u ’ e m p lo ie la demoifelle Guy pour empêcher qu’on
en écoute.
« Pas de témoins au -d e là de jo o Iiv. »?. Paiïbnt#
Ceci ne mérite pas de réponfe. On fait affez qu’on l’ad
met au-delà, quand il n’a pas été poffible de (e procu
rer d’autres preuves. O r , il n’éta t pas poflible que l’héri
tier de la demoifelle Lasfargues fit reconnaître au ficur
C o m b es, par un a£le devant notaires , qu’il confciïait la
demoifelle Lasfargues.
« Les |oix romaines défendent d’élever aucune quef»j tion fur l’étac des défunts cinq ans après k u r morr
Paflons encore. Cette loi n’a pas lieu parmi nous. D ’ail
leu rs, qu’un homme air été ou nen conft fle u r d’une
perfonne, cela n’ii.flue en aucune maniéré fur fon état
civil.
«i Effc-il temps de demander à prouver un fait, pat
» témoins, vingt-deux ans après qu’il s’eft paiTé » ? Sans
d o u t e , fi l’a£tion de Lasfargues n’efl: pas preferire, ÔC
j ’ai prouvé qu’elle ne l’était pas. La veille J e l’expiration
d’une prefeription on a tous les droits qu’on avait le pre
mier jour quelle a commencé de courir.
Point de difficulté donc d’admettre la preuve teftijnoniale,
D oisrje, en fîniffant,, parler dequelquesconfid^rations
que préiente cette cayfe ? Non, Car pour qui parleraisje ? Pouf k s magiftrats ?
Jfç jp'ai pas bçfoip de déduire leurs cceurs3 puifque j’ofe
�me flatter d’avoir convaincu leurs cfprîts. Pour la defnoifelle G u y ? fi la religion & la juilice , fî la mifère de
Lasfargues, fi celle de Tes enfans & leur nombre , fi la
confcience n’ont rien dit à la dcmoifelle G u y , je n ’ai ricit
Bon plus à lui dire.
•
M o n fitu r H Ê R A U L T , A v o c a t - G é n é ra l.
M c B E L L A R T , Avocat.
P r u d h o m m e , Proc.
CONSULTATION.
»
T iE
C O N S E IL S O U S S I G N É , qui a pris le&ure du
mémoire pour le iîeur Lasfargues, 2c des pieces juftificatives ;
que la jtèntence des juges d’Aurillac doit être
infirmée ; que la demoifelle Guy eft non-recevable à
oppofer la prescription , & qu’il n’eft pas poiïïble de ne
point admettre le fieur Lasfargues à la preuve teftimoniale que le fieur Combes était le confeiTeur de la demoi
E
s t im e
,
selle Lasfargues.
D élib éré h P a r is t c e -j m ai 1 7 8 7 .
P a n is.
D
�PIECES JUSTIFICATIVES.
(a) A p p e r t
du livre-jo u rn al des dettes paffives du collège
d’Aurillac, qu’en 1 7 1 6 , 1 7 1 7 & i 7 I 8 , l e s ci-devant jéfuites payaient
à Marie & Catherine Lasfargues, fœ ur & tante, de la ville d’A u
rilla c , & fille de Sainte-Agn^s, pour la fomme capitale de 1 }uo liv .,
à fonds perd u, la penfion de 75 liv ., par contrat de m ain"privée,
du 13 avril 1 7 1 1 .
Plus,
l’état des dettes paffives du co llège, du 13 avril 17 7 6 .
M arie L asfargu es, fille dévote de Sain te-A gn ès, plaça , à fonds
p erd u , la fomme de 3000 liv ., dont il lui fut créée une rente de
1 5 0 l i v ., qui lui fut payée jufqu’à fon décès, arrivé le 14 novembre
17 6 0 . 'e certifie lefdits extraits conformes à l ’original. Signé, Piganiol',
prêtre & principal du collège' d'A urillac. •.
(b) L ’an * 7 2 7 , le 1 3 o ftob re, pardevant, & c. furent préfentes, & c.
religieufes, compofant le monaftèie de laVifitation de N otre-D am e
d’Aurillac.
L efq u els, de gré , ont vendu à Marie Lasfargues, M arie Gazar &
Anne D elb o s, filles dévotes de Sainte - Agnès , de lVflTeinblée du
révérend père B ro q u in , une maifon , fife rue du C o llè g e , ■& ap
partenances, moyennant 1 3 0 0 liv ., en dêdu&ion de laquelle lefdits
de Lasfargues, G azar & D elbos, ont pavé 800 liv. pour les <¡00 liv.
reflan s, créé & conftîtué folidairement 25 liv. de rente. (Cette rente
a depuis été rembourfée par la dtm oifdlt Lasfargues).
( c ) Extrait de l’affiette de la paroiiïe & ville d ’ A urillac, année
17 8 0 . Les filles d évotes, dites Broquines , pour
une maifon. .
.
. . ...................................... .
C e n s .................................................................................... •
T aille................................................ .....
•
•
•
80 1.
.
9
Impôt......................................................................... .
4
Capitation. ............................................................................
Expédiée à Aurillac, ce 2 avril x7 8 7 . Signé ,
R e y t , pour le greffier.
.
..................................
8 f.
d.
I
1 J
10
2
y
p
�*7
• ( (I) Extrait des livres ,<de dépenfes., journaux & autres , qui fe
trouvent dans les archives du collège d’Aurillac , occupé par les
ci-devant jéfuites , jufqu’à la difïolution de cette i'ociété. D ans la
L iè v e générale dés jévenüs dudit collège, commencée en 1 6 9 2 , eft
écrit ce qui fuit, fol. 1 1 6 , v ° :
L e R . P.. Broquin a reçu , depuis quelques an nées, la iomm e’
de 36 0 liv. de certaines perfonnes, qui ont fouhaité fonder une retrare de huit jours à Saint-Chaman. C e fut en l’année 1 7 0 1 , que
le père Broquin fit paifer cette fondation par un a ft e , qu’il fit figner
par le père de M oiflïer, refteu r, & le-père D elm as, fyn d ic, qui
acceptaient & ' recevaient ladite fomme des mains d’une veuve. L e s
fufdites perfonnes quj ont donné pour cette bonne œ uvre , fupjpofent
que cette iomme a été prife & reçue par le collège, & qu’il en
reçoit le revenu; elle eft encore entre les mains du père Broquin:
& bien qu’ il paroiiTe par le fufdit afte paiTé au nom defdits pères
M o ilie r & D elm as, ladite fomme de 360 liv. n’a pas été livrée
auxdits pères , qui , par conféquent, ne l’ont pas mife dans le livre
du reçu. Cette remarque a été mite ici, afin qu’il confie que cette
fomme n’a pas été reçue , qu'elle n’eft pas p lacée, & qu’il n’eft que
le père Broquin qui fâche où elle eft ; & qui a dit que quand on
la placerait, il la trouverait marquée le 14 avril 17 6 4 . D e lm a s ,
féfuite.
Plus bas font écrit ces m ots:
Nota. Qu’à la mort du père Broquin, le père Senezargues ,
re&eur pour lo rs, s’em para de tous les papiers de ce père ; peut être
qu’il a trouvé dans ces papiers l’emploi de fufdites 360 liv.
Appert du livre de la dépenfe du collège d’A urillac, commencé
le premier janvier 1 7 0 7 , que , le 1 4 novembre 1 7 1 8 , le père de
Fertague s’eft démis du red o rât, & ledit révérend père de Ssne2ergue en prit pofleffion le même jo u r, dont il fe démit le 1 2 janvier
* 7 1 1 , jour auquel le père Bonnarme en prit pofleifion ( 1 ) .
( 1 ) Le pè e Senezergues, pendant /on redorai, s’empara des papiers du père
Bfoquin, à la mort de ce dernier. Le père Senezergues fe démit du reitorat en
�V
iS
Je fouff i g n é, G eraud P ig an io l, prêtre & principal du collège
à
A urillac, certifie à tous ceux qu’il appartiendra, que les extraits
ci-deff us ont été tirés, m ot-à-m ot, des journaux & livres de dépenfe
des ci-devant jéfuites, lefquels journaux font dans les archives dudit
collège. A A u rillac, ce 22 février 17 8 7 . Sign é, Pigan iol, prêtre &
principal du collège d Aurillac.
1 7 2 2 ; donc la mort du père Broquin, arrivée pendant le rectorat du père Sene*
zergues, qui f e de m i t 1 7 2 2 , eft arrivée, au plus tard, en 1 7 22 ; donc il n’a
pas été le dernier confeffeur de la demoifelle Lasfargues, en 1760.
De l'imprimerie de la V * H e r is sa n t , rue Neuve Notre-Dame, 1787#
�
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Factums Vernet
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Lasfargues. 1787]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Hérault
Bellart
Prudhomme
Panis
Subject
The topic of the resource
congrégations féminines
jésuites
sœurs Broquines
contre-lettre
donations déguisées
successions
nullité du testament
abus de faiblesse
fideicommis
prescription
droit écrit
Description
An account of the resource
Mémoire pour le sieur Lasfargues, chaudronnier, à Aurillac ; Contre la demoiselle Guy, sœur dévote de la soi-disante congrégation de Sainte-Agnès, de la chambre du père Broquin, jésuite.
Consultation.
Pièces justificatives.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de la veuve Herissant (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1787
1720-1787
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
28 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_V0110
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Vernet
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
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abus de faiblesse
congrégations féminines
Contre-lettre
donations déguisées
droit écrit
fideicommis
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nullité du testament
prescription
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Successions
-
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38d5071a225b8a7916f9cb3f8f6975b1
PDF Text
Text
M. L o u i s
MÉMOI RE
f 4AA*4 r * '%
POUR
o m ît .
L E G R O I N G , Chevalier de justice de J
l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, Chevalier de
l’Ordre royal et militaire de Saint-Louis , demandeur ;
CONTRE
J u lie n
J O U V A IN R O U X
Cathédrale, et Cordonnier
,ancien Bedeau de La
F ra n ço ise
sa femme et encore contre Ledit
BOUDON,
J u lie n
JO U -
V A I N R O U X , en qualité de père et légitime ad
ministrateur de Claudine-F lavie J o u vain ro u x, sa
f i l l e , mineure, défendeurs.
Gvavius agendum cum servis, quam cum alus.
(Maxime duDroit.)L
e
chevalier Legroing dénonce à la justice un acte
de ténèbres, fruit de la violence, d e la haine, et de la
plus honteuse débauche; un acte arraché par la plus
I
�(2 )
vile et la plus dangereuse séduction ; un acte scandaleux
qui blesse la morale publique et rompt tous les liens de
la société; un acte qui est la récompense du crime et
de l’opprobre, qui dépouille un frère et une sœur d’un
antique patrimoine, pour leur substituer les personnes
les plus abjectes; un testament enfin portant legs uni
versel et sans réserve d’une succession de plus de
, 3 oo,ooo francs au profit d’ un enfant de six ans, lille
de la domestique, de la concubine du feu comte L e groing.
Qui osera élever la voix pour faire maintenir une
libéralité exorbitante, qui ne peut être que l'effet de
la démencfe, ou la suite d ’hàbitudos crapuleuses qui
'énervent, avilissent et détrüièent la Volonté? Toutes
les familles, la société entière est intéressée à faire
proscrire ces libéralités abusives arrachées à la faiblesse,
et qui prouvent l’aliénation m entale, ou l’abrutissenient de l’auteur. L o in de nous ces philosophes du jour,
qui ont si souvent outragé les mœurs, sous le piélexte
de venger la nature; qui vantent avec tant d’éclat cetle
liberté indéfinie dans les dispositions, ne voient dans
ces spoliations criminelles qu'un simple mouvement de
fortune. L o in de nous ces praticiens officieux et vils,
dont la complaisance servile, mais largement p a y é e ,
facilite ces odieuses manœuvres, et choisit avec ait le
moment opportun pour en présenter le modèle.
, A quel d fgi’é de dépravation serions-nous donc par
venus, s’il était vrai q u e T a c t e dénoncé trouvât des
partisans? Dans quelle classe pourrait-on rencontrer
�( 3 )
des hommes assez déhontés pour.maintenir un testa
ment qui,est un scandale ,public, çt que la,société re
pousse avec indignation?
Serait-il vrai que le Code civil proscrit les attaques
de l’hérilier du sang? qu’il exclut toute action en nullilé pour cause.de suggestion?(q u ’il a déclaré les ser
viteurs capables de recevoir un.legs universel, à l’ex
clusion des héritiers?
On ne trouve rien dans le Code qui puisse appuyer
celte assertion; on ne voit pas.que le législateur ait
voulu être im moral, qu’il ait dérogé aux anciens prin
cipes, à l'ancienne jurisprudence ^o.n sait, au contraire,
qu’une section avait voulu proposer d’abolir l’action en
suggestion, et que cette propositioniut rejetée.
L e Code civil n’a rien changé à ce qui s’observait
autrefois dans cette matière; il a voulu qu’un testament
ne fût valable qu’autant qu'il serait l’expression des
dernières volontés de l’auteur; il le rejette toutes les
fois quJil est établi que cette volonté a été captée, sur
tout parles personnes qui, parleur état, ont un empire
trop grand sur l’esprit du testateur.
Les questions de cette nature ont toujours été aban
données ù la sagacité et à la sagesse du magistrat, qui
se détermine suivant les circonstances et les présomp
tions plus ou moins graves de captation et d’obsession.
L e chevalier Legroing ne doit donc pas redouter ces""
impuissantes clameurs; il peut user de tous ses moyens;
la loi les protège, la justice les.réclame et l’encourage;
�( 4 )
et il encourrait le blâme de tous les hommes de bien, *
s’il ne cherchait à venger un aussi grand outrage à la
morale publique.
F A ITS.
J ean -B ap tiste, comte L e g ro in g , ancien capitaine
au régiment de dragons d’Artois, avait épousé la de
moiselle de Madeau , qui lui porta une grande fortune,
et lui assura des reprises considérables en cas de survie.
Ses père et m è r e , le marquis et la marquise L e groin g, l’instituèrent leur héritier universel, à la charge
d’une légitime modique envers ses frères et sœurs. Ses
deux frères, suivant l’anlique usage de celte illustre
m aison, étaient entrés dans l’ordre de M alte ; deux
sœurs, dont l’une est décédée, avaient été nommées
chanoinesses de l ’ordre.
L a révolution a détruit les espérances des deux frères,
et les prébendes des deux sœurs. Ils étaient donc ré
duits à leur légitime.
L e comte Legroin g, connu par ses sentimens de fidé
lité à la dynastie régnante, crut devoir s’expatrier, et
suivre le sort de nos princes. L a marquise L e g r o in g ,
sa mère, vint s’établir à R iom ; elle conserva la propriétédela terre deF ontnoble, qui venait de son estoc,
seul reste de l’opulence de la famille : tout ce qui pro
venait du père avait été soumissionné et vendu.
L e sieur comte Legroing avait eu le malheur de
perdre son épouse. D e retour de l’ém igralion, en 1804,
il vint se réunir, à sa famille. Il retrouva une mère
�( 5 )
octogénaire, qui le reçut avec la plus vive tendresse.
Ses deux frères et sa sœur aînée cherchèrent à lui offrir
toutes les consolations de l’amitié.
On crut s'apercevoir que sa santé était altérée et son
hum eur changée. C ’était, sans doute, l’effet de ses longs
voyages, de ses souffrances, et des pertes qu'il avait
éprouvé.
r,J
L e sieur comte Legroing était hom m e d’honneur,
d ’une probité austère, sûr dans ses principes, ami
chaud, citoyen éclairé, sujet fidèle; on pouvait peutêtre lui reprocher une certaine fierté qui tenait à d’an
ciens souvenirs, à une haute naissance, et à tous les
avantages de la fortune.
Mais bientôt des infirmités qui devançaient la vieil
lesse , des attaques réitérées d ’apop le xi e, le réduisent h
un état d’inanition et de débilité qui le mettent dans
la dépendance de tout ce qui l’approche ou l’environne.
Il avait alors tout ce qui peut tenter la cupidité; il
avait récupéré des capitaux considérables; il tran
sigea avec les héritiers de sa fem m e, et recouvra des
effets d’un grand prix. Il se retrouvait encore à la têt©
d’ une brillante fortune, toute mobilière, qui pouvait
aisément devenir la proie du plus vil intrigant.
,
Si le comte Legroing avait joui de toutes ses facultés,
s’il avait pu consulter son cœur et ses anciennes affec
tions, il eût jeté un regard d’amiliéisur deux frères
dépouillés de toutes ressources, privés des pensionsque
leur avaient mérité leurs longs services dans les armées,
�(
6
)
ét des récompenses q u i n ’échappaiehf jamaisiaux che
valiers i dé Malte. - - >rv,,:iîr- ' j-.. ■i - .
Mais qui pourrait le croire? c’estidans les plus vils
emplpis'de la cuisine-qu’il va chercher des consolations;
et cette-circonstances va faire paraître celle qui.Revint
l’objet de ses'affections, et qui depuis a e u , non-seu
lement la plus grande influence>mais un empire absolu
sur _s.es volontés,
f•
. »/
#
Françoise-Boudon, née à Effiat, d’ un pauvre jour
nalier hors d’état de nourrir sa nombreuse, famille ,
*
avait quitté de bonne heure la chaumière paternelle
p()ur.fse mejtre e n (servicô; elle ne paraissait pas douée
d’ une gronde int elligence , car elle ne s’est jamais élevée
au-dessus des derniers emplois de la domesticité telle
fut toujours ce. qu’on appelle vulgairement fille de
peine.
Quelles ressources pouvait donc trouver le comte
Legroing, sexagénaire, malade, à la compagnie d’une
servante sans! éducation, et qui ne possédait aucun des
charmés de son sexe. Cependant cette fille rusée, lourà-tour complaisante et grossière, esclave et maîtresse
attentive’ou mënacahlfe,a su Conserver son empire jus
qu’à la m'oit ilë celui dont elle avait séduit les sens et
capté les volontés.
On sent que pour tout obtenir, il fallait ne rien re
fuser. Survint un enfant, dont le comte Legroing se
crut le
p è r e , 'dont
il prit soin , mais qui n’a vécu que
quelques années. L a naissunce et la mort de celle iille
6onl constatées au procès. .
.
�( 7 )
C ’est après la mort de cet' en fan t, que Françoise
-Boudon voulut faire le premier essai de son autorité,
et obtint de son débile amant un premier testam ent,
reçu Cailhe, notaire ¿1 R i o m , sous la date du 18 avril
i8oy_, par lequel le comte Legroing institue sa gou
vernante son héritière universelle de tous les biens dont
il mourra saisi.
Ce testament fut l’efîet d’ une adresse qui annonçait
que cette fille avait l’esprit plus fin et plus délié qu’on
ne le supposait. L e comte Legroing avait éprouvé du
chagrin de la mort de l’enfant qu'il avait eu de Fran
çoise Boudon. On voit par les détails que lui donne le
chirurgien qui l’avait soigné, qu’il répond à plusieurs
questions précédentes, lui assure que sa fille a eu tous
les soins possibles. L e chirurgien n ’oublie pas ses salu
tations à mademoiselle Fanchette, cette mère malheu
reuse.
Cette lettre est sous la dale du 5 février 1807. File
a été trouvée à R io m , après le départ du comte L e
groing.
Il fallait bien consoler une mère affligée qui perdait
-toutes ses espérances, et qui était sur le point de faire
■reconnaître cet enfant par son maître. On ne put tarir
la source de ses larmes qu'avec un testament qui lui
assurait la succession entière du sieur comte Legroing.
11 se contenta de demander le secret. Il ét;iit de la
•plus grande importance pour Françoise Boudon , et
par conséquent elle devait être discrète. Personne de
la famille n ’aurait osé en concevoir l’idée. On con-
�'T?*( 8 )
■naissait bien le singulier et nouveau penchant du comte
Legroing; on s’apercevait de ses habitudes et des fa.miliarités qu’il avait avec cette fille : on le plaignait,
maison ne se permettait aucunes remontrances. Fran
çoise Boudon, enhardie par la protection du c o m te,
fut quelquefois audacieuse, insolente m êm e envers
quelques personnes de la famille; on dissimula, on.
méprisa ces grossières incartades.
Une affaire plus sérieuse porta l’allarme dans la fa
mille. La terre de Fonlnoble, son berceau, était la seule
propriété qui eut échappée à la rapacité nationale.
C ’était l’unique ressource d elà m ère, qui en partageait
le produit avec ses enfans. Tout-à-cou p ce seul m oyen
d’existence va lui être enlevé.
L a baronie du Jaun et, achetée en 1 7 6 5 , par le
marquis Legroing père , n’avait pas été entièrement
acquittée; une partie notable du prix restait d u e ; les
intérêts;avaient cessé d’êlre payés pendant rém igra
tion du comte Legroing : celui-ci, héritier de son père,
donataire de la terre d e F o n tn o b le, sauf l’usufruit de
la m ère, était tenu personnellement et hypothécaire
ment du paiement de celle dette. Les créanciers, pen
dant la révolution, avaient gardé le silence, et n’avaient
fait aucunes démarches pour la liquidalion de leurs
créances. Une loi du 3o ventôse an 12 les autorisait ¿1
prendre des inscriptions sur les biens que possédaient
encore les débiteurs émigrés. Les inscriptions sont prises ;
les poursuites com m encent, le commandement est
lancé: on va faire vendre la nue propriété deFontnoble.
�( 9 )
L e comte Legroing, affaibli par ses maux, tout occupé
de celle qu’il appelait sa Fanchette, ne voyant, n’écoutant qu’elle, apprend l’événement avec indifférence,
el déclare netlement qu’il ne veut pas s’en occuper, ni
faire le plus J é g e r sacrifice. Fanchette était de cet
avis; une terre ne lui convenait pas; elle ^préférait
une succession mobilière, dont elle disposait en maî
tresse, qui élait toute sous sa main.
Cependant il fallait prendre un parti; la chose était
urgente : il n 'y avait pas un moment à perdre. Il res
tait au chevalier Louis Legroing quelques capitaux,
les débris d’un service actif, de ses spéculations mari
times dans un long séjour chez l’étranger; il se déter
mine à traiter avec sa famille, et à se charger de l’é v é
nem ent; il paye les dettes de sa m ère, lui assure une
rente viagère de 6,000 francs, en constitue une de
3.000 francs à l’aîné de ses frères, et un capital de
3 0.000 francs payable au décès de sa mère ; prend des
engagemens personnels de payer les légitimes de sa
sœur et de son frère le chevalier, qui existait alors;
vend la terre de F ontnoble, et fait face à tous ses en
gagemens avec la plus scrupuleuse exactitude.
Il fallait autant d’activité que d’honneur et de cou
ra ge , pour déterminer le chevalier Legroing à se char
ger d ’un aussi pesant fardeau, qui ne lui a pas laissé
un moment de repos pendant dix années, qui sont
encore une longue période dans la vie; mais il fut le
bienfaiteur, le sauveur de sa famille, et le comte L e
groing se réveilla parfois de son apathie, pour lui té2
�( 1° )
moigner qu’il lai savait quelque gré de cette conduite
généreuse.
Les choses ont bien changé. Françoise Boudon , ou
plutôt Fanchette, voulait se débarrasser de ceux qu’elle
regardait comme des surveillans incommodes. Elle fait
entendre à son maître qu’il avait autrefois habité la
ville de Clerinont, qu’il y avait des amis, que sa santé
avait toujours été meilleure dans cette ville; elle lui
fait bien vite prendre celte résolution; et malgré les
larmes d’une mère octogénaire, l’empressement de ses
frères et de sa sœur, il quitte le toit m aternel,'et se re
tire à Çlermont.
Dans les premiers momens, le comte Legroing vi
sitait ses anciens a m i s , allait à la ca m pa gn e; il visita
même son frère Louis dans son habitation, distante de
vingt lieues de Clermont, où le chevalier avait l’habi
tude de passer la belletsaison. Mais ce genre de vie fut
rapidement changé; il devint taciturne, sédentaire; sa
porte est fermée à ses amis; Fanchette introduit deux
de ses sœurs dans la maison de son maître : il n’a plus
d’autre société; ses amis le plaignent ; on savait l’em
pire que ses domestiques avaient sur lui. Il arrivait
m êm e souvent des scènes singulières, qui ont parfois
attiré dans son domicile la visite des commissaires de
police. On aura occasion d’en parler plus en détail.
Fanchette fait doter par son maître scs deux sœurs;
elles sont mariées par ses largesses. Fanchette veut aussi
prendre un établissement ; elle a besoin de secours pour
soigner les infirmités du comte Legroing. Elle avait
�V i f
(II
)
distingué Julien Jôuvainroux, bedeau de la!cathédrale,
et cordotinier'de profession.
C ’est un personnage qu’un bedeau de paroisse! Il
fait commodément placer les personnes qu’il affec
tionne; iTse vantait d’avoir la 'protéction des'prêtres,
qui tous agiraient en ;sa faveur :>bref, il épouse Fran
çoise .Boudon, et vint grossir le ménage du comte L e groing. *11 n?avait plus besoin de *son métier.
Mais Fanchctte disparaît ; c’est madame Julien ;
d’autres vêtemens annoncent son changement d’état ;
elle affecte la réserve et l’austérité qui conviennent à sa
nouvelle condition; plus de 'liaison avec les domestiqu es'; elle forme une société n ouvelle, vante sa for
tune à venir, néglige sonYnaître, et le laisse dans un
état d ’abandon dont tous les voisins sont indignés. Elle
se livre à un luxe qui excédait ses moyens actuels; elle
fait des dettes; les créanciers importuns ne veulent pas
attendre, parviennent jusqu’au m aître, q u i, malgré
son asservissement, n ’entendait pas raillerie lorsqu’il
fallait donner de l’argent; delà deà imprécations fort
énergiques, et répétées avec tant de fo rce, que les
voisins et le public en étaient toujours informé.
M adam e Julien fut imprudente; son époux craignit
les suites des boutades de son maître : il chercha à cal
mer l’ôrnge; il avait les talens nécessaires pour y par
venir.
Julien est adroit et rusé; pale, taciturne, dissimulé,
les yeux toujours fixés en terre, lie perdant jamais de
vue son objet, il convoitait les trésors de son maître;
�( 1 2 ')
mais il n’était pas asse2 maladroit pour en gratifier sa
fem m e; dont l’humeur dissipatrice commençait à l’in
quiéter.
Il avait eu une fille de son mariage, ou du moins il
en était le père putatif; il conçut le projet de faire
tourner au profit de cet enfant toute la fortune de son
m a ître; il y parvint par son adresse, et sut employer
toutes les ruses qui peuvent toucher un vieillard imbécille.
Cet enfant fut instruit à prodiguer ses caresses au
sieur Legroing : elle l’appelait papa; elle ne manquait
jamais d’aller se jeter dans ses bras quand il avait des
mouvemens de colère ou d’impatience, et ce petit ma
nège calmait sur-le-champ le maître emporté.
Mais le comte Legroing ne disait rien encore. Un
événement funeste sembla, pour un m om ent, sus
pendre cet acte si désiré, et donna les plus grandes
inquiétudes. L a marquise Legroing devient sérieuse
m ent malade; son grand â ge , ses infirmités font craindre
une fin prochaine : elle a en effet succombée après de
longues souffrances. Elle est morte le 12 juillet 1816.
L e comte Legroing, instruit du fâcheux état de sa
m è re , donne encore des preuves de sensibilité ; il ac
court pour lui rendre ses devoirs :Fanchette l’accom
pagne. Ces dernières entrevues furent touchantes. L e
comte Legroing se montra pénétré; il semblait faire
une nouvelle connaissance avec sa famille : le cri du
sang se fait entendre; un regard sur lui-m êm e, sur
l’état d’avilissement dans lequel il était tombé, lui ar-
�( i3 )
•rache des larmes; il rougit de lionte et* d’effroi. On
l ’emmène bien vite; on ne le laisse pas m êm eren d re
les derniers devoirs à sa m ère; et alors ses tyrans, ses
serviteurs, devenusses maîtres, mettent tousleurs soins,
-emploient tous les mouvemens pour le séquestrer à tous
les regards, pour l ’empêcher sur-tout de voir personne
de sa famille. On calomnie son frère, on le noircit dans
son esprit, on va jusqu’à lui prêter des vues ambitieuses
et criminelles. Il n’a pas été possible au chevalier L e groing de parvenir jusqu’à son frère. U n respectable
ecclésiastique, M. l’abbé Legroing de la R o m agère,
parent et ami des parties, que le roi vient d'élever à
l’épiscopat, n’a pas pu être admis. L a porte a été fer
mée à madame Henriette L e g io in g , chanoinesse, cou
sine du d éfun t, à qui il payait annuellement une pension
de 200 francs, et qu'il a depuis oublié.
Enfin tout fut consommé le 24 décembre 1 8 1 6. Jouvainroux fit entendre à sa femme qu'il valait mieux
faire porter le legs universel sur sa fille que sur elle;
que depuis quelque tems le comte Legroing témoignait
de l’humeur et de la colère contre la m ère; qu’il résis
terait p e u t- ê tr e , et qu’on courrait le risque de tout
perdre.
Les batteries étaient dressées, le modèle du testa
ment tout prêt ; les sollicitations sont pressantes; on
redouble de soins, on fait entendre au sieur L e g r o i n g
qu'il est le père de cet enfant. L e comte Legroing
prend le modèle, le co p ie, et le signe. 11 a la maladresse
de laisser tomber son encrier sur lu feuille, mais on ne
�(■14
)
i,veut, pas lui donner Jarpeine de le-transcrire de nou
v e a u i:; on le prend; tel qii’iliest. Jouvainroux s’en emcpare, le fermecsoigneusement.illne.s’agit plus que do
.surveiller,-et dïempêeher qu’il en soit fait un autre.
iPour prouverque le comte Legroingin’estipas l'au
teur; de. ceitestainent, et,qu’on^ui aiprésenté un modela
tout prêt, iffa u t faire.connaître cet acte dans toute sa
, teneur.; -u
r<
- « Je' soussigné , 'Jean-Baptiste , • comte Legroing ,
je ancien capitaine de dragons.au régiment d’A rto is ,
p« dem eurant à Clerm ont, ai fait mon testament oloif< graphe, ainsi qu’il ¡suit :
« Je ,n omme et .institue pour mon héritière géné■
r raie et universelle de tous les biens meubles et im,*< meu,bles, d ro its, raisons et actions-dont je mourrai
« vêtu et saisi, Claudine^Flavie Jouvainroux, fille de
<r Julien et de Françoise Boudon, aux charges hérédi* tai.res, ,e,t de plus, de payer annuellement à sa mère
« la somm eide .800 francs, moitié de six mois en six
jk m ois, et d’avance, sans aucune retenue, pendant la
« vie de,la^dame Boudon , de laquelle somme annuelle
« je lui ‘fais don et legs, par forme de pension alimen
te taire; plus, sa chambre bien garnie pour elle, et une
« chambre! pour: sa domestique; plus, la jouissance de
six couverts et une écuelle d ’argent pendant sa vie;
« plus., quinze paires de draps, tant de maître que do
« domestique; douze douzaines de serviettes, et de la
«r batterie de cuisine., Je révoque tous testamens antérieurs, même loul codicille. T e l est mou testament
�(
»5
)
* ¡olographe, q u é 'j’ai écril de m a'm ain, et signé; le-1
« quel j’ai déposé ès-m ains de M e Espinasse, notaire r
« royal à Clermont-Ferrand. Je prie M. le président du ’
« tribunal de celte ville de lui confier ce dépôt. Fait à
«■ Clerm ont-Ferra nd, dans ma m a i s o n , l e i 4 d é c e m b r e ,;
«■1816. Sign é, J e a n - B À p t i s t e , comte L E G R O I N G .J» '
Sur l’enveloppe étaiUécrit :<
«■Ceci est‘mon testament olographe, déposé d e c o n <r fiance entre les mains de M e Espinasse,1 nôtaire ro ya l'1
« à Clermont, ce 24 décembre 1816. Signé', J . - 'B y «r comte ’L egRoitîG.-» *
•1
■- : i.< )
Tiff comlç LegrOing1n avait aucune Connaissance dans
les affaires; i l ‘ignorait1 sur-tout les term'ës techhrqu'ës
du m étier, et la rédaCtiôn d e ’ce testament’ annonce*'1
plutôt un praticien à protocole,: qu’un hom m e r'du"i
m onde; le préambule sur-ibüPést d’une^oridilé peu
commune. *11 est’ rare que l’hom m e'bien né ne fasse
précéder un acte aussi important de quelques réflëxiohsir*
morales, des motifs qui' le déterminent ; mais qüand
011 lit, Les droits, raisons et-dotions, les biens meublés ;
et immeubles; quoique le comte Legroing n ’eût'pas ’
d’im m eubles, ces mots'ès-m ains, qui ne Sont’ pa's une '
locution de société, on est bientôt convaincu qiid ‘cér''
ne fut pas son ouvrage, et qu’il en copia'Servilerrieïit’
le mod<Me;quJon lui a présenté. On dit servilenlent, car ‘
on a remarqué qu il était tout d’üne;:suifé^ sans £iccens:,
et sanfc'ponctuation.
On suspend pour un liiomént la discussion de cet ’
acte, dans lequel on répète si souvent le mot oldgraphè,
�(
16 )
sans doute parce qu’o n y attachait quelqueimporfance,
pour revenir sur des faits antérieurs bien importons à
connaître.
L a dame marquise Legroing m ère, peu de tems
avant son décès, avait fait quelques dispositions au
profit de la dame sa fille, et des dons à ses domestiques.
.Après sa mort, les scellés furent apposés, à raison de
l’absence du chevalier Louis Legroing. Les choses traî
nèrent en longueur, et le frère aîné s’occupait peu de
ces détails; mais madame Julien s’en occupait beau
coup; elle convoitait le mobilier, qui devait revenir à
son maître : elle le tourmentait; son mari se joignait à
elle pour le contrarier, et souvent on allait jusqu’aux
mauvais traitemens; alors l’infortuné menaçait de son
frère, qui mettrait ordre à tout, et punirait leur inso
lence. A qui vous adresseriez-vous, s’écriait-on? A votre
plus mortel ennem i, qui n’en veut qu’à vos b ien s,
cherche à vous faire passer pour un fou, et veut vous
faire interdire, peut-être pis encore.........On exaspère
par ces calomnies le frère aîné. On se rappelle qu’a
près le décès de la m ère, le chevalier devait compter
h son frère un capital de 3o,ooo francs, indépendam
ment de la rente viagère de 3 ooo francs : le comte les
exige sur-le-champ; il menace par écrit de prendre
tous les moyens de l’y contraindre, de faire enregistrer
les actes qui contenaient les arrangemens de famille;
il injurie sou frère dans toutes les lettres qu’il écrit à
son conseil. L e frère veut se présenter; il ne veut rien
entendre; enfin le chevalier est obligé de payer de suite
�( I? )
uno partie, et de faire des lettres de change à termes
très - rapprochés ; il n’obtient c e court délai que par
riulermédiaire d’un jurisconsulte estimable, qui voulut
bien interposer un ministère de paix, mais q u i , ne
connaissant pas le comte L egroing, crut, en l’écoutant,
que son frère avait eut envers lui les torts les plus
graves. Son étonnement augmenta encore, lorsqu'en
lui présentant à signer la quittance des sommes qu'il
recevait, s’étant aperçu qu’il y était dit : R eçu d u
chevalier Legroing, mon fr è r e , il raya ces derniers
mots avec la plus grande violence.
En vertu des actes de famille, le chevalier Legroing
devait aussi remettre à son frère une certaine quantité
de mobilier désigné, comme faisant partie du mobilier
paternel, mais en Cétat où ces meubles se trouveraient.
M . et madame Julien arrivent pour faire l’enlève
ment de ces meubles; ils prétendent avoir le choix des
articles sur la totalité du mobilier, e t, comme déraison,
ils prennent le meilleur. L e chevalier garde le silence;
mais les autres paraissent fort mécontens de ce que les
lits et les couches n’étaient pas neufs, et de ce que le
linge était usé. D e retour à Clermont avec leur proie,
ils recommencent leurs imprécations ordinaires contre
le chevalier, disent à l’aîné qu’ils n ’ont pu obtenir que
le rebut : l’aîu6 s’emporte en vociférations; et ce mo
ment est choisi pour présenter le modèle du testament.
11 a été copié à cette époque.
Com me le comte Legroing a survécu encore longtems à cet acte de démence et de colère, on craignait
3
*
�V, *' ( 18 )
toujours un retour de sa part, et de meilleurs sentimens
pour sa famille, il fallait s’assurer une planche dans le
naufrage. Il avait des capitaux très-considérables placés
dans des maisons opulentes et respectables. Les débi
teurs , la plupart ses anciens amis, sont sommés devenir
s’acquitter; on se refuse c'i tous renouvellemens.
L a majeure partie rentre. On fait acquérir par le
comte Legroing une propriété de 40,000 francs, payés
de suite, sous le nom de la petite Flavie. On fait plus,
on pousse l’impudeur jusqu’il faire passer à l’ordre de
cet enfant les lettres de change non encore acquittées,
et notamment celles qui avaient été souscrites par le
chevalier T^egroing à son frère. On ve rra dans un mo
ment l’usage qu’en a fait le tuteur.
Mais M. Julien n’a ara-t-il pas fait une maladresse ?
L e comte Legroing n’a donné à Flavie que les objets
dont il mourra saisi et vêtu. Bien certainement il n’est
pas mort saisi et vêtu des lettres de change qu’il a
transmises, par son ordre, à Flavie Jouvainroux. Celleci en est évidemment propriétaire, au moyen de l’ordre
passé à son profit; M. Julien ne voudra pas prétendre
que Flavie ait fait les fonds de ces lettres de change :
ce ne serait donc alors qu’un don m an u el, une libé
ralité indirecte, nulle dans son essence, puisqu’elle
ne serait pas dans la forme des donations entre-vjfs
ou à cause de mort; e t, dans ce cas, ces lettres de
change 11e feraient pas partie de la succession du feu
comte Legroing : il faudrait les rapporter aux héritiers
du sang.
�( I9 )
Revenant au récit de ce qui s’est passé après le tes
tament olographe jusqu’au décès du sieur Legroin g,
on ne voit plus qu’horreurs, m enaces, et mauvais
traitemens; on fait peser une verge de fer sur un mal
heureux moribond privé de toutes ses facultés p h y
siques et morales, ne pouvant se donner aucun m ou
vem ent, et dans la dépendance la plus absolue de ses
tyrans.
l i s e révolte parfois; on entend des cris concentrés
de fureur : M alheureux! vil cordonnier ! tu veux être
mon héritier; tu m ’as trom pé, trahi. Il se traîne jusqu’à
la croisée, crie au secours! à l ’assa ssin ! Les voisins
s’assemblent, le commissaire de police, les gendarmes
s’introduisent dans son domicile; on trouve le malade
dans les bras de ses domestiques, qui le caressent , le
déshabillent, prennent les plus grandes précaulions
pour soulager ses maux. 11 est va in cu , déclare qu’il a
pardonné, et renvoie la force publique qu’il venait
d’invoquer à grands cris.
Ces scènes se sont renouvelées souvent, et terminées
d e là même m anière;au point que ses cris deviennent
impuissans et vains : on y est accoutum é; on le regarde
comme un maniaque, un insensé qui revient à luimême lorsque sa colère est calmée.
Ses derniers momens ne sont pas plus paisibles. Il
renouvelle encore ses crisdécliirans, il répète les mêmes
menaces, manifeste son repentir. Des amis de Jouvainroux sont témoins, et lui entendent proférer les injures
�;
.......
(
)
les plus atroces contre le moribond, les menaces de s’en
débarrasser., et de Le jeter par les fenêtres.
C e n’est pas seulement ici un emportement brutal,
ou la menace d’ un homme grossier : peut-être que
l ’agonie dans laquelle le malade était entré, la certitude
d’ une mort prochaine, ont empêché un grand crime.
Iiabitans de Clermont! vous en avez vu un cruel et
funeste exemple. Il est trop récent pour être oublié.
Leçon terrible pour les malheureux célibataires livrés
à des domestiques ambitieux et infidèles !
j
L e sieur Legroing est mort le i 3 août 1817. L e len
demain 14 , Jouvainroux se présente à l’hôtel du pré
sident , porteur du testament olographe de son maître ,
que J o u v a in ro u x avait toujours gardé en sa puissance,
quoiqu’il soit dit que le comte Legroing en avait fait le
dépôt chez M e Espinasse; que cette déclaration fait
partie de la disposition, et même est répétée sur l'enve
loppe portant suscription du testament.
L e président, après avoir dressé procès-verbal de
l'acte, le remet ès-mains du greffier, qui en devient
dépositaire, pour le rendre à M e Espinasse, notaire.
Julien avait caché la mort de son maître pendant toute
la journée du i 3 . Personne de la famille n'avait été
averti : le chevalier arrive plusieurs jours après. Il ap
prend qu’on avait posé les scellés chez son frère le
i 5 août, qu ainsi on avait eu le teins, pendant trois
jours, de dévaster et d’enlever tout ce qu’il y avait de
précieux; qu’en effet il y avait eu spoliation complète
à côté du corps, qui reposait encore dans la maison.
�(
21)
On ne doit pas omettre une anecdote précieuse que
fournit cette apposition descellés du i 5 août. L e juge
de paix était absent; le suppléant fut appelé. C e sup
pléant se trouve l’avoué des Jouvainroux. 11 met les
scellés sur tout ce qui est apparent ; mais lorsqu’on ar
rive à l’appartement occupé par Monsieur et madame
Jou va in roux, on s’incline respectueusement. Com m ent
mettre les scellés sur le boudoir de madame? Et pour
rait-on sans crime gêner la maîtresse de la maison dans
ses habitudes et dans son secret asyle? B ref, cet appar
tement , où il y avait des placards et un secrétaire, reste
intact.
L e juge de paix se transporte, le 25 août, pour pro
céd era la rémotion; et la première chose qu’il aperçoit,
c ’est que cet appartement est resté libre ; il demande
pourquoi cet oubli ou ce ménagement? On lui répond
que c’est ici l’appartement de M a d a m e . — Mais des
valets ont-ils quelque chose à eux chez leurs maîtres?
Huissier, je vous confie cet appartement; vous le garde
rez jusqu’à ce que mon opération soit terminée: je vous
l ’ordonne; tout est sous votre responsabilité. Madame
Jouvainroux tombe en syncope.Pendant qu’on emploie
à grands îlots l’eau de Cologne et qu’on fait flairer des sels
pour rappeler les sensde madame Julien, le juge de paix
continue, et se met en devoir de poser ses scellés sur
/
l ’appartement. L ’évanouissement avait cessé. M ad am e
s’oppose à ce que les scellés soient mis, et demande
un référé chez le président. Il est ordonné; on se rend,
h près de neuf heures de relevée, chez le président, qui
�( 22 )
renvoie l’incident à l’audience du lendem ain, sans rien
ordonner sur l’objet principal. L e juge de paix, informé
de ce qui s’est passé à l’hôtel, croit qu’il est de son de
voir d’aller en avant, et appose ce scellé fatal...........
Proh doLor. Lorsqu’il a fallu les lever, on trouve dans
un des tiroirs du secrétaire cinquante jetons d’argent,
sur cent qu’en avait le comte Legroing, et qui avaient
été réclamés lors de l’inventaire. Madame Julien dit
agréablement que ces jetons sont le jouet de sa fille j
que le comte les a livrés à cet enfant, à peine âgé de
six ans, pour son amusement.
On continue les recherches. Dans un des tiroirs se
trouvent huit sclials de prix, destinés à la parure de
madame Julien. On lève ces scl i al s, et tout-à-coup sort
de l’un d’eux des papiers qui se trouvaient renfermés
dans les replis; on examine ces papiers : il n’y avait
que pour 23 , 8 oo francs de lettres de change, parmi
lesquelles figure une lettre de change du modeste
notaire de confiance.
Pourquoi ces lettres de change sont-elles cachées si
soigneusement dans un schal? Jouvainroux, seul pré
sent, avec toute la pilleur et la lividité qui caractérisent
sa physionomie anguleuse, r é p o n d à cet interrogat sé
v è r e , qu’il ne veut faire tort à personne, el qu’il avait
détourné ces effets par de bonnes vues, pour diminuer
d’autant les frais delà régie, pourles droits de mutation.
Survient nindame Julien. Malheureusement , elle
n’avait pas entendu la réponse de son mari ; elle répond
à son tour que son maître lui avait fait personnellement
�( *3 )
cadeau de ces effets. L e procès-verbal du juge de paix
contient le récit de l’incident, les interrogáis, et les
réponses.
Louis Legroing, habile à succéder à son frère, forme
opposition à la rémotion des scellés le 19 du même
mois d’août. L e 2 1 , Jouvainroux présente requête au
président, pour demander la rémotion des scellés : or
donnance conforme. L e juge de paix du canton fixe
au 2 3 août la levée des scellés; le mêm e jou r, Jou
vainroux fait notifier au chevalier Legroing , et au
subrogé-tuteur, le testament du défu n t, le procès-verbal
d’ouverture, et acte du dépôt d’icelui, la requête et
l’ordonnance, avec sommation d’être présens à la ré
motion des scellés et à l’inventaire du mobilier.
L e 2,3 août, nouvelle requête du lu leur, pour.de
mander l'envoi en possession de la succession du comte
Legroin g, en conformité, est-il dit, des articles 1006
et 1008 du Code civil. Il obtient ; ne ordonnance qui,,
sur le vu du testament et de l’acte de dépôt, envoie la
mineure en possession.
On procède a 1 inventaire. L e chevalier demande ;i
y faire des dires, et il déclare qu'il entend attaquer le
testament de nullité, par tous les moyens de droit, et
qu’il forme opposition à l’ordonnance qui envoie Jou
vainroux en possession de la succession ; il soutien! q u ê
tant habile ¿V succéder, comme héritier du sang, le
mobilier doit lui être remis, sauf à le représenter. Il
demande, dans tous les cas, qu’il soit nommé un sé
questre judiciaire; il se plaint principalement des en-
�( H )
lèvemens, des spoliations qui ont été commises, des
transports qui ont étéfaitsen main tierce, qu’il indique,
de ce qu’il y avait de plus précieux, en diamans, o r 7
argent et effets ; il insiste sur son opposiiion, et demande
qu’il en soit référé à l’hôtel du président.
Il est remarquable que le chevalier Legroing, qui ne
fut instruit de la mort de son frère que trois jours après,
se transporta, en arrivant à Clerm ont, au greffe du
- tribunal, où il prit connaissance de l’acte de dépôt, qui
avait été fait par Jouvainroux, du prétendu testament
olographe, le 14 août, c’est-à-dire le lendemain du
décès.
I l avait principalement observé que J o u v a in ro u x
seul s’était présenté, quoique, d’après ce testam ent,
•le comte Legroing déclarât qu'il avait déposé son tes
tament ès-mains d’Espinasse, et priât M . le président
de confirmer ce dépôt.
E n conséquence,. après avoir obtenu le référé qu’il
demandait, il présente sa requête au tribunal le 27
août. On y lit l’exposé suivant :
« L a présentation faite par Jouvainroux, porteur de
« ce prétendu testam ent, est d’autant plus remar« quable, qu’on lit en termes exprès, dans le corps du
« testament , ces lignes : Suit La mention du, dépôt èsk m ains d ’E sp in asse, etc.-«
I l ajoute : « On voit ici une condition d’autant plus
r essentielle, qu’elle est dans la disposition, et en fait
ce partie. L e défunt y avait attaché la preuve de la nia
it niieslation de sa volonté et do sa confiance. Il était
�-(*5)
« heureux encore qu’il eut obtenu celte faculté de ceux
« qui exerçaient leur empire et leur violence sur son
* esprit. Ce dépôt chez un notaire de confiance lui lais« sait au moins l’espoir de pouvoir révoquer ou changer
«• ses dispositions, qui, dans un moment lucide ou l i b r e , .
«• lui auraient paru extraordinaires et bizarres.
«■Il paraît que le défunt tenait d’autant plus à ce
« dépôt, que sur l’enveloppe qui contient la suscription
«■du testament, il répète comme chose fa ite que ce
« testament est déposé de confiance entre les mains de
« M e Espinasse. »
L e demandeur atteste, sur son honneur, que cet
exposé n'a eu’lieu que sur le vu de la m in u le, qui ne
contenait aucun renvoi. Il en avait pris une co p ie , et
c ’est sur celte copie qu’il avait cru pouvoir invoquer ce
m oyen en sa faveur.
Mais bientôt il apprend que la minute n’est plus dans
le même état , que la marge contient plusieurs renvois,
et qu’il résulte notamment de ces renvois que M e Espinasse aurait présenté lui-même le testament, accompagné de Jouvainroux.
/• '
•’
.-j s • *-i
11 y a plus, dans la copie qu'on lui a fuit signifier;
le 23 août, de cet acte de dépôt, à la requête de Jou- ,
vainroux, il paraîtrait q u e M e Espinasse seul a présenté
le testament au président; il n’y est pas même clïl qu'il
était accompagné de Jouvainroux; et quoique le gref
fier Fauverteix eût été personnellement dépositaire,
et chargé de remettre le testament à Espinasse, cq
4
�'(
20)'
n’ést^lusqLÎeCombétj'cômmisdugrëiïej'qui comparaît
dëvànt Espinàsse pour effectuer cette remise.
'L é ‘ ¿hëvâlier L e g ro in g , instruit, et sur-tout fort
étonhé ^ e bes vàriaritesldaris uïi'dépôt publient sacré,
a vdlila;iâVbir tinè expédition vidiméë*ét[figurée de cet
acte de défiât qui üV£Îïtusübi cette métamorphose. Il
est) porteur d e ’ceite exp éd ition ;‘on fy voit sans inter
ligne , ique Jôuvainroux seul a présentéde testament ;
mais>par ûn'renvoi quiippécèdé le prénom tel le nom
de Jouvainroux^-on «ajbute.,*à la m arge, ces mots :
M ‘ E sp in a sse, notaire en cette ville, assisté de , etc.;
ce qui ferait croire qu’Espinasse était porteur de l’acte,
et qu’il était seulement accompagné de Jo uvain ro ux.
A la fin , le président ren voie le dépôt à Espinasse ^en
ajoutant :« E t-a vo n s signé-avec ledit comparant el lo
« greffier ». On a surchargé le mot ledit, et m êm egrossièrement, pour y ajouter Lesdits. L e greffier n’a pas
nianqüe‘'dèafaire menfion clé*cette surcharge dans l’exjiédi lion1figurée‘qu’il a délivrée.
~ Q u e ll e ^ é s t dO’ric la fàlalilé'qùi'règne dans celle afflure^'Jouvàinroüx né Sait doncêniployer que des voies
tortueuses? et ne peui-on pas croire que le doigt de
jD itu ub'stJtâl‘ jj)du redécouvrir les f r a u d e s et les rusés?
JtjtivnirticMx^a è u 'p e u r ; il a traint l’obsirvalion du
sidur Légm itig; il y a remédié |iiir‘ 'un renvoi q u ’il a
dbl&hu■
ou^hiit1 insérer bn 'he' sdit comment ; ‘mais le
jytge- è,st°grb^ier.* Si PEs[JiH;i's^e/ élail pOrlëur du lesiamefit j s’il Pa1 p'réiëhlé, ^oüYquoiie président a-l-il rejiiis la- pièce1au gréflibr?’ 11 élïiil si ¿impie de lit rétidre
�( 27 )
à Espinasse, et d’en faire mention dans le procèsv e r b a l ? Pourquoi a^tron surchargé ledit, popr mettre
le singulier au pluriel? Pourquoi
Qh! combien
de questions il y aurait à fa ir e , et auxquelles on ne
répondrait rien de raisonnable !
On ne manquera pas de dire que ce renvoi est pa
raphé par le président, des lettres iniliales de son nom.
A Dieu ne plaise, que le chevalier Legroing ou son
conseil veuillent adresser ici le plus léger reproche à
ce vénérable magistrat; ils se plaisent, au contraire, à
rendre un hommage public h ses lum ières} sa sagacité,
ses vertus, et à son inaltérable probité. .
Mais on ,n’ignore pas ce qui se passe à l ’hôtel j lors
qu’on vient demander des signatures. On présente or
dinairement une i'o^le d ’actes rédigés la veille ou le
jour m êm e; le président,, qui en,a çonnaissance, signe
avec confiance, apostille les renvois sans autrement y
rpgarder, parce qu'il doit avoir la plus entière confiance
dans les fonctionnaires qu’il emploi,ç. Il est trop juste
et 1rop généreux pour vouloir priver le chevalier d’un
de ses principaux moyens de.dé£ep,se, et pour ne .pas
reconnaître la justesse de cette observation.
Quoi qu’il en soit, sur Je référé qu’avait demandé
Louis Legroing, le,président renvpya à l’audience; et
le 27 août 1 8 1 7 , le tribunal, prqnpn.cymt sur l’incident,
ordonna qu’au principal, sur la demande en nullité,
les iparties procéderait en la manière ordinaire ; mais
débouta l e . chevalier I-egroing .d.e ,(son opposition h
l'ordonnance d’envoi en/possessiçn, pav le m qtif qu’on
�( *8 )
ne pouvait annuller par provision un litre, et q u e ,
d’après ce titre, Jouvainroux, jusqu’au jugement du
fo n d , avait un droit universel à la succession.
L a chose était toute simple. C'est sans doule une
fatalité et une lacune dans la loi, qu’il n’y ait pas de
moyens d’empêcher l’exécution provisoire d’un litre,
sur-tout lorsqu’il y a péril dans la dem eure, que les
nantis n’offrent aucune responsabilité; mais ce n’estlà qu’un inconvénient particulier qui doit céder à
l’intérêt général.
Néanmoins, on croit pouvoir dire que si le président
et le procureur du roi eussent eu connaissance de
l ’anecdote de l ’appartement , de la soustraction des
jetons et des effets, le président n’eût pas envoyé en
possession un tuteur infidèle; il eût nommé un sé
questre; et le procureur du roi aurait sans doute requis
la destitution de la tutelle, dans l’intérêt même de la
mineure. Malheureusement, on n’en fut pas informé;
le procès-verbal qui constate l’enlèvement fut ignoré.
Les Jouvainroux ont cru avoir une pleine victoire;
ils se sont livrés à la plus insolente jactance. On ne ré
pétera pas leurs expressions grossières; on devine assez
tout ce que peut dire celte classe d’hommes, vile hotninuni genus. L e chevalier Legroing a pris le seul parti
qui lui convenait; il a gnrdé le silence.
Il n’ignorait pas même avec quelle joie brutale les
Jouvainroux jouissaient de leur bonne fortune; il savait
que madame Julien avait étalé la plus ridicule parure
au spectacle, et aux premières loges, le i 5 ao û t, le
�'
( 29 )
surlendemain de la mort de son maître; que son époux
avait passé la même journée au cabaret, et que peu
de jours après, ils avaient fait nommer leur fille reine
d ’une fête baladoire, où elle parut revêtue de brillans
ajustemens qui annonçaient sa nouvelle fortune. M al
heureux frère! dans quelles mains avez-vous placé vos
bienfaits !
Reste un dernier épisode pour embellir cette narra
tion. On se rappelle que le chevalier Legroing était
débiteur envers son frère d’ün capital de 3 o,ooo f r . ,
payable après le décès de la mère commune. Il sem
blait, sur-tout entre frères, et d’après toutes les cir
constances qui avaient accompagné le traité de famille ,
que le chevalier pouvait espérer un délai moral pour
s’acquitter de cette def le. 11 est difficile de penser qu’on
puisse avoir dans le moment même un capital aussi
important; et la justice lui aurait accordé un terme
raisonnable, s’il l’avait demandé. Mais l’aîné était tel
lement excité et irrité contre lui, qu’il se vit obligé de
prendre les moyens les plus prompts pour l’appaiser,
et éviter des droits énormes. Il était à Clermonf ; il
souscrivit différentes lettres de change qui furent datées
de R io m , tirées sur D om ergue, banquier. Ces lettres
sont sous la date du 12 juillet 181 y 5 l’une d’elles., de
la somme de 4997 francs, était à échéance le i 2 oc
tobre, lors prochain. L ’ordre, comme on l’a dil, était
passe au profit de Flavie Jouv ain roux, voleur reçue
comptant. (/<>1 une véritable jonglerie; mais ce qui
est sérieux, c ’est qu'à l’échéance, il y a eu protêt à
�( 3o)
la requête du tuteur, très-soigneux, de Flavie; signifi
cation du protêt au domicile du tireur ^ jugement par
défaut, du tribunal de commerce de Clerm orit, qui
n’y regarde pas de si près sur la forme des lettres de
change. L e chevalier Legroing en a interjeté appel en
la Cou r, tant de juge incompétent qu’autrement. L ’ap
pel est pendant en la Cour; il sera l ’objet d’ une dis
cussion très-sérieuse; et c’est ici que se termine le récit
des faits. On a cru devoir abréger des détails minutieux
qui ne sont d’aucune im portance, pour ne pas dimi
nuer l’intérêt qu’inspire naturellement une cause qui
est celle de toutes les familles.
'Le chevalier Legroin g s’oblige à établir différentes
propositions pour démontrer que le prétendu testament
olographe ne peut avoir aucun effet.
i° Il démontrera que le testament dont il s’agit est
ab iratoj qu’il a été dicté par la colère, qui tient de si
-près à la dém en ce;
2° Q u ’il est le fruit de la captation et de la sugges
tion; qu’il a eu lieu au profit d’une concubine et d’une
fem m e adultère;
3° Que le Code civ^il laisse subsister les actions ab
irato, et les moyens de captation et de suggestion;
4° Que les domestiques sont incapables de recevoir
un legs universel;
5° Et très - subsidiaireinent, que l’acquisition faite
sous le nom de F la v ie , et les lettres de change passées
ù son ordre, ne font pas partie de la succession du
�( 3i )
comte L egro in g, et ne sont pas comprises dans son
testament.
§ I er.
L e testament est fa it ab irato. IL est l’ouvrage de La
haine et de La colère.
Tous les interprètes du droit sont d’accord qu’un
testament est vicié par la liaine et la colère; on en trouve
plusieurs textes de droit au Code de inojf. test. Personne
n ’a mieux traité cette question que le célèbre Cotliin,
dans son plaidoyer pour'JVL le duc de Richelieu, contre
M . l’abbé de Laval. Il n’avait pas dans cette cause les
mêm esavantagesqu’a aujourd’huile chevalierLegroing.
Mais celui-ci n’a pas les mêmes talens pour le défendre.
M . Cochin demandait la n u l l i t é du t e s t a m e n t delà dem oiselle D acigné, tante de M. le duc de Richelieu, qui avait
institué pour son légataire universel le sieur abbé de
Laval,hom m e'dequalité. Mais le testament était attaqué
pour cau^e de haine, de colère et de suggestion, comme
fait d’ailleurs au profit d’un agent. La haine est ainsi
définie : «C’est un mouvement du cœ ur, inspiré par une
« mauvaise volonté contre l’héritier présomptif, qui
* h’éçoule plus ni la voix du sang, ni les impressions de
« la nature.« D ’argent ré l’avait déjà dit fort énergique-'
ment sur l’article 218 delà coutum ede Bretagne: Motus
anim i contra . prœsumptum hœredem ex rnalevolencïa
prœterqjficuan riaturœ et charitatem uulitam sanguine.
I-ie testament fait par une personne en colère n’est
�( 32 )
pas plus valable : il ne suffit pas que l’auteur ait lesté
recle, il faut aussi qu’il ait testé ex ojjicio pietatis; sans _
quoi son testament est comparé à celui du furieux et de
l ’homme en dém ence, quasi non sanœ mentis fu isset.
C ’est encore ce qui est répandu en différentes lois du
titre de inojjicioso testamento. On peul aussi voir Ilenrys
sur celle matière, tom. 2 ,li v . 6 , queslion 7.
11 est vrai, et 011 ne doit pas le dissimuler, quoique
tous les docteurs soient d’accord sur ce principe général,
que la colère et la haine annullent le testament; que
plusieurs ont douté qu'il pût être attaqué, sur ce motif,
en ligne collatérale; on s'est principalement attaché à
établir que ces moyens avaient plus de force contre ceux
faits par le père ou la m è r e , ou m ê m e le iils, en haine
de son ascendant. Mais les auteurs qui ont adopté cette
distinction y ont cependant apporté une modification ,
et ont pensé que les moyens ab irato reprenaient toute
leur force, même en faveur des collatéraux, lorsque le
testateur avait institué une personne vile, n isi turpis
persona sit instituía ; c ’est ce qui est enseigné par
.Boniface, tom. 4 , liv. 1 ., cliap. 1.
Cocliin n’a pas embrassé cette opinion; il pense, au
contraire, fortement que ces motifs doivent faire annuller le testam ent, tant en ligne collatérale qu’en
Jigne directe. Mais quand on ferait celle concession ¿i
Ja fem m e Julien, on se trouverait dans l’exception do
toutes les manières, turpis persona f u it instituía. E n
effet, sur qui le comte Legroing a - t - i l répandu ses
bienfaits? Sur un enfant de six ans, pour qui il no
�( 33 )
pouvait éprouver aucun mouvement d’affection, ou s’il
en éprouvait, ils étaient criminels; c'était la suite d’un
adultère honteux, d'un concubinage qui le dégradait,
q u ’il manifestait par des familiarités publiques et indé
centes, qui ont si souvent fait rougir ses anciens amis,
témoins du dégré d’avilissement dans lequel était tombé
un homme d’honneur, qui jusqu’ici ne s’était jamais
oublié, et n’avait eu aucunes faiblesses.
Sur qui a-t-il versé ses largesses? Sur la fille d’une
servante, d’un domestique, devenus tous deux ses
tyrans et ses m aîtres, dont les moindres volontés
étaient des ordres pour cet infortuné. L e chevalier
Legroing n’a pas besoin de descendre à aucune preuve
pour établir la haine et la colère du testateur, dont le
frère a été tout à-la-fois l ’objet et la victime. Ces mouvemens de haine et de colère sont prouvés par les lel 1res
qu’il a écrites après la mort de sa m ère; par la rature
injurieuse qu’il s'est permise sur la quittance, en ne
voulant pas reconnaître son frère, par les propos et
les injures qu’il a proférées en présence de lém oins,
dans des emportemens tels qu’il ressemblait à un furieux
et à un insensé, quasi non sanœ mentis / ulsset. L e
chevalier est, au surplus, en état de faire la preuve de
tous ces faits d’emportemens çt de colère.
5
�( 34 )
§ II.
L e testament est Couvrage de la captation et de la
suggestion de la part d ’une concubine.
Cet article ne donne point matière à une longue
discussion. Un testament doit être l’expression d ’une
volonté libre et éclairée; toutes les fois qu’il est prouvé
que cette volonté a été enchaînée, que les dispositions
à cause de mort ont été suggérées, alors le testament
est déclaré nul;, le texte des lois, la doctrine des au
teurs, la jurisprudence des arrêts sont également uni
formes, sur le point de droit.
Il ne s’agit donc que de prouver la. suggestion; et
pourrait-elle être douteuse dans l’espèce particulière?
L a notoriété publique apprend que peu de teins après
le retour du comte Legroing auprès de sa mère, à R io m ,
il eut des attaques réitérées d ’appoplexie. Ces atteintes
successives avaient paralysé une partie de la b o u c h e ,
affaibli les jambes, et surtout affecté le m oral; ce
ij’était,plus le m êm e hpmrpe; faible et pusillanime,
il< n ’exprimait, que difficilement sa pensée, com men
çait une phrase sans pouvoir la finir, perdait la m é' m o ire, répétait dans le même moment ce qu’il venait
de dire , confondait les noms et les choses, en un m ot,
était parvenu h cet état de débilité sénile, qui rap
proche de l’enfance, et réduit à une sorte de dégra
dation l’homme q u i , peu de tems a v a n t, avait des
%
�connaissances agréables, s’exprimait avec pureté, an
nonçait des principes et des sèritimens d'honneur.
On sait que ces attaqués d’appoplexie, l’ennemi lè
plus cruel du genre hum ain , réduisent à un état pas
sif, lorsqu’elles ne sont pas foudroyantes, pardonnent
rarem ent, font toujours craindre de nouvelles secousses,
et prévoir une fin prochaine.
L e comte Legroing était dans cet état, lorsqu’il se
livre à Une fille de peine, domestique de sa mère. Se
serait-il oublié à ce point, lui connu par des sentimens
d'honneur et de fierté, qu'il poussait quelquefois trop
loin ? Quels charmes aurait-il trouvé
dans les bras
d’une fille grossière qui n’offrait aucun agrém ent? Il
fallait bien, sans doute, que le moral fût affaibli, pour
excuser cette eâpèce de dégradation que rien ne jus
tifie. Cette fïiie prend sur son maître un empire absolu;
elle devient mère : l’enfant est éloigné; on l’envoie
dans une terre qui appartient au sieur de l’Estrangës,
ancien ami du comte. On l’élève comme la fillè de‘ ce
dernier; elle est soignée, entretenue suivant la condi
tion du père. Elle tombe malade ; les médecins sont
appelés : le père s’informe de son état avec une grande
sollicitude, apprend sa mort avec chagrin.
Privé de cet enfant, et p ou f consoler la m è r e , il
fuit un testament secret, portant institution universeïÎe
au profit de sa concubine, qui l’avait maîtrisé au point
de lui faire faire cet acte de démence. Si dans la suite
il a changé ses dispositions, ce n’est que par une ruse
du mari, qui a fuit tomber le bienfait' sur son enfant,
�( 36 )
parce qu’il en aura l’ usufruit jusqu’à ce que sa fille
aura d ix -h u it ans, et que s’il venait h la perdre, il
lui succéderait pour moitié; il n ’a pas voulu laisser
entre les mains de sa femme une succession opulente,
toute extra-dotale, et dont elle eût été maîtresse. Ainsi
la femm e avait sous sa dépendance le maître; elle
f ■
*
élait aussi sous la dépendance de son époux , plus
rusé qu’elle ; mais ces deux personnages règlent la
destinée de celui qu’ils opprim ent, qu’ils maltrailent,
qui ne peut se passer d’e u x , et qu’ils tiennent sé
questré à tous les regards. Il ne lui était permis de
recevoir aucune visite. Ses parens, ses amis ne peuvent
s’introduire, et ils se contentent de gémir sur son sort;
parfois il résiste , appelle du secours, soutient qu’on
veut l’assassiner. L a police arrive; on l’a caressé, ama
doué : il pardonne. Ces scènes se renouvellent; elles
ne font plus de sensation; on le considère comme un
homm e aliéné, qui a les caprices d’un enfant ou d’un
furieux : on ne croit plus devoir s’en occuper.
T e l est le triste état dans lequel il a consumé le reste
d’ une vie languissante et douloureuse. Son testament
lui-m êm e n’esl-il pas l’ouvrage de la captalion? Il a
servilement copié le modèle d’un praticien à proto
c o l e , d ’une aridité et d’ une sécheresse qui ne peut
émaner d’ un hom m e qui réfléchit dans le silence et
la solitude, et qui se met en présence de l’Être suprême,
lorsqu’il n’attend plus rien des hommes, qu’il va payer
le dernier tribut à la nature. Un individu qui lienl à
une classe élevée, qui a goûté les douceurs delà société,
�( 37 )
et joui des plaisirs que donnent le luxe et l’o p u len ce,
ne va pas prendre son testament dans le Praticien
fr a n ç a is , s’occupe peu des mois raisons, droits et
actions, mots techniques et barbares qu'on n'entend
qu’au barreau, et qu’on ne lit que chez les notaires
de campagne, ou dans les actes du siècle dernier; c’est
une copie mecanique qu’il a faite avec langueur, sans
soin, sans ponctuation, versant son encrier dans des
momens d ’impatience,, et sentant qu'il signe sa honte.,
qu’il va se couvrir d’opprobre; si on fait attention
qu’on lui recommande sur-tout de déposer cet acte
chez Espinasse, notaire, qui ne peut plus é c rire , et
par conséquent ne peut recevoir un testament; que
ce dépôt lait partie essentielle d e l à disposition;
esl répété dans la suscriplion , et que cependant il
en la puissance de Jouvainroux, qui veillait à ce
n’en pût faire un autre.
qu’il
reste
qu’il
^
Que lout-à-coup on oublie la disposition du dépôt,
que Jouvainroux a l’impudence de présenter seul ce
testament au président; que l’acte de dépôt est dressé
en conséquence; que la minute en est connue; qu’on
lé remarque dans la demande du chevalier Legroing,
qui s’est aperçu de la maladresse, qui a fait usage du
m o y e n , après avoir lu et tenu l’acte, l ’avoir lait lire
à plusieurs personnes, et que cependant on trouve dans
la suite un renvoi aussi gauchement exprimé, qui an
noncerait tantôt que c ’est l’Espinasse accompagné de
Julien Jouvainroux, tantôt que c ’est l’Espinasse seul,
suivant la copie qui en a été notifiée; que Ledit com
�( 38 )
parant est métamorphosé par une surcharge, pour y
substituer lesdits comparans,• que malgré la présence
de l’Espinasse, on remet le testament au greffier, lors
qu’il était si simple de le rendre à Espinasse présent;
on demeure inlimément convaincu que ce testament
n’est pas l’ouvrage de celui qu’on en dit l’ auteur; qu’il
a été gê n é , tyrannisé dans ses dispositions, et que le
doigt de Dieu a marqué du sceau de la réprobation
cet acte scandaleux.
Qu'on vante maintenant les testamens dits olo
graphes! qu’on vienne soutenir qu’un acte de cette
nature est le fruit d’une mûre réflexion ! Ce n’est pas
ainsi que Justinien l'avait pensé, lorsqu’il bnnnit cette
form e de tester dti code de ses lois; qu’il révoqua
expressément la disposition du code Théodorien , qui
autorisait ce mode ou cette form e; ce n’est pas ainsi
qu’ont pensé tous les auteurs du droit écrit, qui ensei
gnaient que les testamens olographes n'étaient pas
valables, et qu’il fallait la solennité de sept témoins
pour un testament, qui est le dernier acte de la puis
sance , de l’affection, et d’une volonté qui doit survivre
h l’auteur.
C e n’est pas ainsi que pensait M* Terrasson, dans
un éloquent mémoire pour le sieur d’E p in ay, où il
fit annuller un testament olographe de Louis d’E p in a y,
en faveur de sa femme : « Il y a des acles si importans,
c< disait-il, pour l’intérêt des familles, qu’on ne peut
« y apporter trop de solennité et d’exactitude. Les
* dernières dispositions, reste précieux des m ourans.
�( 39 )
«• sont du nombre de ces actes solennels que les diffék
rentes lois ont assujéti à diverses formalités; on pré-
« tendra que toutes les formalités n’ont été introduites
«• que pour assurer les preuyes de la volonté; qu’011
« est aussi sûr de l’intention du testateur par le témoi« gnage de six personnes que par celui de sept; qu’on
«■Test encore plus par l'écriture et signature du testa« teur, que par la présence des témoins. Tous les paror ticuliers s’érigeront en critiques des lois établies; et
<r par la licence des raisonnemens, les règles perdront
«- leur autorité, et la jurisprudence deviendra arbi« traire. »
L e lestament olographe e st-il donc si recom m andable? doit - il avoir la préférence sur un testament
solennel? quel pourrait en être le m otif? T e l homm e
dans la solitude, et dans la fougue de ses passions, écrit
rapidement cinq à six lignes, qui dépouillent, déshé
ritent les héritiers dursang ; t e l autre se permettra des
dispositions bizarres, ridicules, honteuses, qui le désho
norent, et qu’il n’aurait pas osé faire devant un officier
public et des témoins; tel autre encore sera forcé par
un misérable, un audacieux intrigant, d’écrire quelques
mots qui transmettentrà son ennem i, son tyran , une
fortune qu’il destinait à sa famille, tandis que devant
notaire1il eût été parfaitement libre, il eût dicté ses
volontés hors la présence de celui qui en gênait 1 exer
cice, ou osait donner ses ordres absolus.
Disons au contraire, malgré tout le respect qu’on
doit à la loi qui autorise cette form e de tester, qu’elle
7
�u
( 4° )
n ’est ni plus précieuse, ni plus favorable; qu'elle n'est
pas une preuve de la volonté du testateur, qu'elle peut
être commandée par la crainte ou la tyrannie; qu'elle
étouffe le sentiment et anéantit la^volonté, favorise
le caprice d’un homme im m oral, et que sous lousles
rapports les solennités sont plus recommandables, as
surent la volonté, et préviennent souvent de grands
'
crimes.
Fanckette d ir a - t - e ll e qu’en tout cas il existe, en
faveur de La gouvernante, un testament ancien et
solennel qui reprendrait toute sa force; mais ce pre
mier testament, fait dans les premiers momens d’ une
passion v éh ém en t e et grossière, qui agissait encore
avec plus de force dans un hom m e qui se trouvait
dans un état d’aliénation m entale, prouverait la sug
gestion d’une concubine devenue m ère , et qui avait
alors les plus puissans moyens de séduction.
Ceci conduit naturellement à l’état de concubinage,
dans lequel a constamment vécu Fanckette avec le
comte Legroing. Sa grossesse, ses couches, les familia
rités indécentes qu’elle autorisait, qu’elle provoquait
m êm e en public, ne sont ignorées d ’aucun de ceux
'
qui fréquentaient la maison de la dame Legroing m ère,
et ont souvent servi d’alimens à la malignité.
D écriée par ses cam arades, méprisée par les per
sonnes au-dessus d’elle, elle a bravée l’opinion publique
pour parvenir à ses fin s, et ce concubinage si cons
ta n t, si notoire, est encore un des plus grands vices
pour annuller les dispositions dont elle est l’objet.
�( 4i ) '
L e maintien des bonnes mœurs exige que les parens
des personnes que leur passion a aveuglées au point
de préférer les objets de leur attachement criminel à
ceux à qui ils tiennent par les liens du sang, soient
admis à prouver le désordre. Lorsque la preuve en est
faite, les dispositions qui ont eu lieu au profit des
concubines1sont annullées, ou réduites à de simples
alimens. Un arrêt du 2 5 février i 6 6 5 , rendu sur les
conclusions de M. l’avocat général T a lo n , prononce
la nullité des ventes, et d’un bail à rente, consenties par
le baron de Saint - G em m es, au profit de Jacqueline
R ig o f, sa concubine et sa servante. U n second, du
2.2. août 16 7 4 , annulle deux contrais de constitution
de deux rentes j|au principal de 1900 francs, créées, par
l’abbé Lapinardière, au profit de sa domestique, qui
était aussi sa concubine; ces arrêts sont rapportés
dans le dernier recueil de jurisprudence, au mot Con
cubinage. On en trouve un troisième au Journal des
Audiences, du 3 juillet i 6 8 5 , q u ia annullé une obli
gation de 3 , 5 oo francs, souscrite par la dame F au veau ,
au profit d'un sieur L atou r, avec lequel elle vivait en
mauvais commerce. Un autre, de 17 2 4 , qui a annullé
les billets du chevalier de Graville, au profit de la fille
T rico t, etc.; en un m o t, les recueils sont remplis de
semblables décisions, et la jurisprudence est uniforme
sur ce point. I>e concubinage ne peut avoir que les
suites les plus funestes; il altère les sens et détrrit la
raison; et celui qui a le malheur de se livrer à cette,
passion, méconnaît, dans son délire, les obligations les
�( 42 )
plus sacrées, pour suivre sans pudeur le penchant ir
résistible qui l’entraîne. Comment 'dès-lors les tribunaux
pourraient-ils laisser subsister un acte qui est l’ouvrage
de la débauche et le monument honteux d’ une passion
criminelle ?
Elle le devient bien davantage lorsqu’il y a adultère;
lorsqu'un mari pervers n’est qu’un manteau pour cou
vrir le désordre; lorsque sur-tout sa bassesse tend à
faire supposer, à attribuer la paternité à celui qu’on
dépouille.
L e chevalier offre la preuve de tous les faits de
suggestion qu’il vient d’annoncer, ainsi que les faits
de concubinage et d’adultère. Qu'on ne dise pas que
le Code çiyil a abrogé les peines que les lois anciennes
prononçaient contre le concubinage, plus encore contre
l’adultère, puisque, dans ce cas, elles refusaient même
des alimens. L e silence du Code sur les effets de ce
désordre, n’est pas une abrogation des anciennes lois.
C ’est ce qu'on va établir dans le chapitre suivant.
§
III.
L e Code civil Laisse subsister les actions ab irato, ainsi
,que les moyens de captation et de suggestion.
Tous les auteurs sont d’avis que pour abroger une
l.pi reçue, il faut une abrogation spéciale. L e silence
d’une loi nouvelle, sur certaine matière de çlroil, n’en
est pas une dérogation. L e savant Dumoulin, dont
�( 43 )
l'autorité est si grande parmi les docteurs, a d it , sur
l’ancien style du parlement, partie 7, n° i c 5 : Constitatlo générales non derogat speciali legi. Il prend
pour exemple la loi si pater puellœ cod. de inojf. test.,
avec la loi quoniam , du mêm e titre. Par la prem ière,
l ’empereur Alexandre décide que la substitution réci
proque entre deux enfans fait cesser la plainte d’inofficiosité. Par la deuxièm e, Justinien ordonne que
même dans ce cas, la légitime soit laissée pleine et
entière aux enfans, sans aucunes charges. C e savant
auteur examine si la deuxième loi déroge à la pre
m iè r e , et tient pour la n é g a tiv e, parce que la loi
quoniam, ne contient pas une abrogation spéciale de
la loi si pater. Cependant cette séconde loi paraissait
bien contraire à la pr em iè re; car en voulant conserver
la légitime entière, on donne à l'enfant, m êm e appelé
à une subslitution réciproque, le droit d’attaquer le
testament d’inofïiciosité pour obtenir sa légitime ;
néanmoins la première ne laisse pas de subsister.
O r , s’il faut une dérogation spéciale pour anéantir
une loi précédente, comment vouloir que le silence
d’une législation nouvelle, qui n’a pu embrasser tous
les cas, puisse déroger aux anciens principes sur les
points qu’elle n’a pas prévus? On sait bien que dans
ces premiers instans d’engouement sur le bienfait d’une
législation uniforme , quelques novateurs orft pense
que tout ce qui n’était pas prévu dans le Code, cessait
d’exister; qu’ils en ont m êm e conclu que l’action ab
irato, celle en suggestion, e tc ., étaient abrogées. Mais
�( 44 )
bientôt la réflexion et la raison ont fait place à cet
instant de délire , et peut-être d’immoralité. N ’est-il
pas, en effet., immoral de soutenir ou de protéger des
actes qui sont la récompense du crim e, bouleversent
l’ordre social, outragent les mœurs, la religion, et tout
ce que les hommes ont de plus saint et de plus sacré ?
Quant à l’action ab Lrato, deux arrêts, l’un du 28
frimaire an 1 4 , rendu par la Cour de Paris, dans la
cause des enfans de Farges ; l’autre par la Cour de L y o n ,
du 2,5 juin 1 8 1 6 , tous deux rapportés dans la collec
tion de Denevers et Jalbert, le premier an 1806, le
deuxième an 1 8 1 6 , ont décidé en principe que Fac
tion ab irato n’était pas abrogée. 11 est vrai que dans
les deux, la demande a été r e j e t é e , parce que les
circonstances n’ont pas paru assez graves; et les ma
gistrats ont observé que le silence du législateur sur
cette action, démontre assez qu’elle n’est pas proscrite,
mais qu’il faut en restreindre les effets pour le repos
des familles.
L ’auteur du nouveau Traité des Donations professe
sur celte matière une sage doctrine, tome 1 , png. 286
et suivantes. Il examine si le sentiment d’aversion
qu’on prétend avoir dicté la disposition, aurait été
conçu par le testateur lu i-m ê m e , ou si ce sentiment
de haine aurait été produit par des insinuations étran
gères, par des moyens de fraude et de calomnie mis
en œuvre par ceuxr-mêmes qui profiteraient de la dis
position , et qui auraient rendu odieux au disposant
l ’héritier appelé par la loi.
�_ A u premier cas, il pense que loufe action devrait
être interdite; mais au second cas, il décide que l’ac
tion doit être admise; et pourquoi? «-C’est qu’alors il
« n’y a plus, à proprement parler, une volonté de la
« part du disposant ; des manœuvres odieuses ont substi«r tué une volonté étrangère à la sienne. L ’action rentre
« alors dans celle de captation ou suggestion, etc. »
Cet auteur,, comme on le vo it, ne tranche pas d ’une
manière absolue sur la première hypothèse, et il y '
aurait bien des observations à faire; car la colère et
la haine, quelque soit le m otif qui les aient inspiré,
détruisent la raison et la volonté, et doivent vicier le
testament. Ce n’est pas tester ex officio c h a rita tis,
pour se servir du langage de la loi. Mais le chevalier
Legroi ng n ’a nul besoin de discuter sur la première,
et se place naturellement dans la seconde.
11 est victime des insinuations perfides de cette gou
vernante; c’est ainsi qu’elle est qualifiée dans le pre
mier testament. C ’est elle qui a fait entendre à son
maître que son frère voulait le faire passer pour fou,
et le faire interdire; qu’il en voulait à sa fortune; c’est
elle qui a excité son maître à poursuivre le chevalier,
dans les premiers tems du décès de la mère; c’est elle
qui, par les plus odieuses manœuvres, a fait fermer
la porte au chevalier Legroing, lorsqu’il voulait s’ap
procher de son frère; c ’est elle enfin q u ia p r o f i t é , par
la plus abominable calomnie, de toute une fortune, au
préjudice des héritiers du sang.
L e chevalier Legroing a également offert la preuve
�( 46 )
de ces faits, e tc e tle preuve est incontestablement ad
missible.
Quant aux faits de captation et de suggestion, il y
a encore bien moins de doute que cette action est con
servée sous l’empire du Code civil. Un arrêt de la Cour
de Grenoble, du 14 avril 1806, a jugé contre les héri
tiers du sieur Denis M on tlevin , que la preuve des faits
de captation et desuggestion n’était point expressément
réservée par le Code civil; il a , par conséquent, laissé
aux juges la liberté d’admettre ou de rejeter cette
preuve suivant les circonstances (D en evers, an 1806,
pag. i 52 , sup.). U n arrêt plus ré ce n t, rendu en la Cour
de Paris le 3 i janvier 18 14 , rapporté dans le même
recueil, an 1 8 1 6 , pag. 2.6 et suiv., a jugé en ihèse que
les téstameos faits depuis le Code ne pouvaient être
annullés pour cause de suggestion, et que ce moyen
de nullité était admissible contre un testament olo
graphe. Il s’agissait du testament olographe d’une de
moiselle L e fè v r e , âgée de trente-quatre ans, portant
institution universelle au profit d’un sieur M o u tie r,
jeune homme de dix-sept ans, àvéc lequel elle avait
vécu en concubinage. 11 est delà plus haute importance, ,
pour la cause, d éfaire connaître lès principaux motifâ
de cet arrêt. La Côur considère ¿que 1 état de concu« binage où elle vivait avec celui qu’elle a institué son
« héritier universel, est une présomption immédiate h
i la suggestion; que cet état où la passion aveugle, où
«■l’acne, subjuguée par un sentiment im périeux, n’est
* plus à soi, et où les docteurs, lorsqu’il s’agit de dons
�C 47 )
9
« faits par les concubins l’un à l’autre, ont unanime« ment reconnu, non-seulement un motil et un m oyen,
« mais l’indice le plus violent et une présomption légi«■time de séduction.,..
«
«
«•
«
« Qu’il est hors de doute que la captation et la suggestion annulle le testament sous l’empire du C ode,
comme dans la législation ancienne; que le Code n’en
contient pas de texte form el, mais que cela résulte
manifestement de son esprit et de l’ensemble de ses
c dispositions; que ce Code proscrit tout ce qui est te
« fruit du dol et de la fraude, et qu’il n’y a point de
« dol plus caractérisé, de fraude plus certaine, quoi« qu’en même tems la plus fine et la plus délipe, et
* par cela même la plus dangereuse, que la caplation
<r et la suggestion; que suivant le Code civil, etd apiès
<r tous les Codes, un testament est la déclaration que
«• fait un homme de ses dernières volontés sur la dis—
« position de ses biens; qu’il doit être conséquemment
«■l’expression pure et franche de sa volonté, et non de
« celle d’un autre; qu’enfin on a rem a rq u é, dans le
* projet du Code civil, qu’il y avait un article, qui, du
« nombre des moyens admis pour attaquer un tesfa« ment, retranchait celui de caplation et de sugges<r tiou, et que dans la discussion et la rédaction défi« n iliv e , l’arliclç a été. supprimé. Ce qui fait voir que
« 1 intention du législateur a été que ce moyen demeurât
« toujours ouvert, et ffit soumis à la prudence des juges
«r pour y avoir., selon les circonstances, tel égard ç^e
«• de raison. »
�( 48 )
« P a r ces MOTIFS, la Cour, en infirmant le jugement
<r du tribunal civil de Paris, déclare le testament 0/0«• graphe de la fille L efèvre , en date du 9 octobre 1 8 1 1 ,
« nul et de nul effet. »
M adam e
moyens de
cipes, sont
m êm e n’est
Julien d ir a - t - e lle m aintenant, que ces
suggestion sont exhumés des anciens prin
abrogés par le C od e, que le concubinage
pas un motif de captation,une présomption
de fraude, etc. Mais, dans cette cause, nous n’en
sommes pas réduits à de simples présomptions. L a
notoriété publique accuse la fem m e Julien; il y a
séduction, concubinage, adultère, captation, oppres
sion, co lère, haine, suggérées par ses calomnies; en
un m o t, on trouve i c i , dans le sens le plus propre,
et avec des caractères qui peut-être ne se sont jamais
rencontrés au même d é g r é , tout ce que les juriscon
sultes ont qualifié de captation et de suggestion.
§
IV.
L e s domestiques sont incapables de recevoir un legs
universel.
U n ancien au teu r, Brillon, dans son Dictionnaire
d e s Arrêts, au mot domestiques, les traite avec sévé
rité.
« D o m e s t i q u e s , serviteu rs
<r q u e f o i s
a
des p a r t i c u l i e r s , e t q u e l -
leurs maîtres. Il y a b i e n d e s c h o s e s à d i r e
contre cette n a l i o n i n f i d è l e et i n g r a t e » .
�ï 4 9)
Il est dans la justice d’arrêter ce m ouvem ent, qi i
n’est que trop appuyé sur des exemples sinistres.
Mais il est des exceptions honorables!
Dans ces leras malheureux de désordres et de crimes,
dont on voudrait perdre le souvenir, on a vu des do
mestiques fidèles, respectables par leur courage et leur
généreux dévouement.
Qui ont bravé la mort pour sauver la fortune et la
vie de leurs maîtres, et se sont quelquefois immolés
pour eux.
Hom m age et respect à ces hommes rares et précieux
qui ont su ennoblir les offices d e là servitude, et dont
les noms devraient passer à la postérité.
Mais ces serviteurs si recommandables ont reçu un
legs modique, une pension exiguë qui les met à peine
au-dessus des besoins de la v ie , plus souvent n'ont ob
tenu aucune récompense.
Tandis que Fanckette, par ses déportemens, désho
nore le ch ef d’une famille illustre, et arrache un legs
universel de plus de 3 oo,ooo francs ! !
Pour revenir h l’auteur c i t é , lorsqu’il rappelle le
texte des lois qui les concernent , il invite à par
courir celles des Institules et du Code, au titre de
JNoxaUbus aciionibus. 11 rappelle la maxime du
droit, gravius cigendum cum servis. 11 ne balance pas
à déclarer qu’ils sont incapables de recevoir un legs
universel; il cite plusieurs exemples, parmi lesquels eu
choisira un arrêt rendu en la grand’ehambre du p ai-
7.
�(
)
Jement de Paris, le i er juillet 17I17, dans l’espèce
suivante :
«•Un maître de pension de cette ville de Paris, dit-il,
avait fait un legs de 12,000 francs au profit de sa gou
vernante, rpar un premier testament.
« Par un second testament, il lui avait fait un legs
universel. Les héritiers offrirent les 12,000 francs du
premier legs; ils contestèrent le legs universel.
« Sentence du Châtelet, qui fait délivrance du legs
universel. Par l’arrêt, la sentence fut infirm ée, et la
gouvernante déboutée de sa demande. TVL Joly de
ï l e u r y observa que si les héritiers n'avaient pas offert
les 12,000 francs, il aurait eu de la peine à se déter
miner pour un pareil legs, qui paraît être l’ouvrage
de l’autorité et de la séduction, suivant les ordon
nances ».
R icard, Traité des D o n a tio n s, partie i re, chap. 3 ,
section 9, pense également que les domestiques ne
peuvent recevoir de leurs maîtres .un legs univèrsel.
'Le dernier annotateur de Ricard a dit sur celte ma
tière les choses les plus justes et les plus raisonnables,
dl remarque v que les dispositions faites aux domes« tiques sont favorables quand elles ne sont pas exces« sives; mais que l’homme sage ne doit récompenser
* qu’avec mesure : l'excès est une présomption pres
te qu irrésistible de suggestions de la part des domes« tiques. Ils savent quelquefois prendre sur l’esprit de
« leurs, maîtres.un ascendant qu’il serait dangereux de
« favoriser, j*
�( 5i )
• 11 rapporte un arrêt du n août t 7 i 3 , que l’on
trouve au Journal des A u d ien ces, qui refusa la déli
vrance d’un legs universel d’environ 30,000 francs ,
fait au profit du valet de chambre du testateur, et ne
lui accorda que 3 oo francs de pension viagère, pour
récompense de ses services.
Autre arrêt du 22 avril 1 7 6 6 , réduit un legs universel,
fait par le sieur Potier en faveur de sa domestique, à
6,000 fr. une fois p a y é e , et 200 francs de pension.
O11 regarde, en général, les domestiques comme
incapables de recevoir des libéralités trop considérables
de leurs maîtres. Quand elles sont trop fortes, la justice
les réduit ordinairement à une valeur proportionnée
à la qualité des domestiques, à l’importance des ser
vices q u ’ils ont rendus, à l ’état et à la fortune des
maîtres. Il est du devoir des magistrats de mettre un
frein à ces libéralités excessives qui dépouillent les
familles, et qui peuvent raisonnablement faire soup
çonner que les volontés des testateurs ont été captées.
Personne, sans doute, ne contestera ces principes;
mais on s’attend à cette perpétuelle objection, que ce
sont des principes gothiques, et que toutes ces règles,
qui gênent la liberté des donateurs, ont été abrogées
par le Code civil. On dira que sous l’empire du Code
les domestiques sont capables de recevoir de leurs
maîtres des legs universels, puisque l’article 902 du
Code fait rémunération des i n c a p a c i t é s qu’il déclare,
et n’en prononce aucunes contre les domestiques ; que
l’article i o a 3 détermine que le legs fait au domestique
�( 52 )
ne se compense pas avec les gages qui lui sont dus;
d’où il suit qu’ils sont capables de recevoir un legs
universel.
Eh quoi! parce que la loi a cité ou a fait ré n u m é
ration de certaines incapacités, il en résultera qu’on
ne peut pas les étendre à un autre cas? L a loi écarte
les médecins, les confesseurs, les conseils, les notaires,
parce qu’ils sont présumés avoir trop d’influence sur
l ’esprit de leurs malades ou de leurs cliens; et les do
mestiques seraient exempts de cette suspicion, eux qui
savent prendre sur l’esprit de leurs maîtres un empire
absolu, qui peuvent dans tous les instans emplo}7er tous
les m oye ns de séduction! C e serait supposer une ab
surdité dans la lo i, qui cile des exem ples, mais qui
n ’est pas limitative; qui établit des incapacités absolues,
et laisse à la prudence des juges les incapacités relatives
qui naissent dés circonstances; et il faut sans doute tirer
une conséquence toute contraire à la prétention des
domestiques, de la disposition de l’article 1023 du
C ode; car si le Code dit que le legs fait aux domes
tiques ne se compense pas avec les gages qui leur sont
dus, la loi, bien certainem ent, n’a entendu parler que
du legs particulier, n’a supposé dans aucun cas un legs
universel, puisqu’il aurait bien fallu alors que les gages
fussent compensés forcément.
On ne prétendra pas, sans doute, que le legs uni
versel n’étant pas fait au profit de la domestique, mais
h sa lille, l’incapacité cesse.
On répondrait péremptoirement à celte objection
�( 53 )
avec l’article 9 1 1 du Code. Il n’y aurait ici qu’une
interposition de personnes, et le legs fait à la fille est
censé fait à la mère.
§ V
ET
DERNIER.
L'acquisition' fa ite sous Le nom de F la vie, les lettres
de change passées à son ordre ne fo n t pas partie
du legs universel, et doivent être restituées a u x héri
tiers du sang.
\
Ce n’est' que très-subsidiairement que le chevalier
Legroing donne quelques détails sur ce singulier inci
dent. Il ne l’aurait pas même discuté dans le moment
actuel, s'il n ’y trouvait une nouvelle p re uve de la haine
et de la colère du testateur contre lui„ des insinuations
perfides, et de l’infidélité des Jouvainroux.
Il est p ro u vé, p a rle procès-verbal du juge de paix,
que les lettres du chevalier Legroing ne parvenaient
pas à son frère.
1
On voit dans le procès-veabal, que dans le même
endroit où on avait caché les effets soustraits, se trou*
vait une lettre du chevalier, du 3 décembre 1 8 16 , à
son frère le com te, dans laquelle il lui marquait «-que
»
«
«
«
ne voulant ni l’aigrir, ni lui donner des su jets de
m écontentem ent, étant m alade, il lui e n v o i e son
domestique pour savoir positivement ses intentions,
et les époques des paiemens du c api ta l qu’il lui doit
«■après la mort de sa m ère, et à qui il veut que ces*
�( 54 )
<r sommes soit pdyées, quand, et dans combien d?é « poques. »
Cette lettre est cachée avec soin dans*les sclials; et
aussitôt après la mort du frère^ les Jouvainroux ont
l’insolence de
traduire le chevalier au tribunal de
commerce !
Mais quelle est donc la sottise ét la' maladresse de
ces ambitieux? Ce n’était pas assez d’avoir arraché un
legs universel, d’être porteur de cet acte d ’iniquité,
dont Julien s’est emparé du moment qu’il a contraint
le feu comte Legroing d’écrire et signer le modèle qu’il
lui a présenté, on veut encore ajouter aux odieuses
manœuvres qu’on a emplo yées; on’ ne v e u t lui laisser
aucuns effets disponibles dans les mains ; on le dépouille
à l’avance, on entoure son lit de m ort, sicut vuLtus
cadaver expectàns ; on fait acheter par lu i, sous le nom
de F la v ie ,u n e propriété de 40,000 francs; ou le force
de passer son ordre au profit de cet enfant de six ans,
sur les lettres de change qu’il a dans son porte-feuille.
E h quoi! c ’est lorsqu’on l’excife contre son frère, qu’on
force ce dernier à s ’acquitter d’une dette qui devient
exigible après le décès de la m è r e , et lorsque sa d é - ‘
pouille mortelle fumait e n c o r e ,le chevalier n’obtient.,
n ’arrête les poursuites q u ’en souscrivant dos billets sous:
la forme de lettres de change; on lui tient le pied sur
la gorge, il ne peut quil 1er d’un instant; il y a suppo
sition de lieu, puisqu’ il les souscrit à Clerm ont, datées
d e B i o m ; e t ¿1 peine a-t-il signé, q u e , sans intervalle,
ceseflets passent dans les mains de Flavie ; qu’à récliéance1
�( 55 )
.du premier, on traduit le chevalier, sous le nom de cet
enfant, au tribunal de com m erce, pour obtenir contre
lui une condamnation par corps.
N ’est-ce pas le comble de l’infamie! et que doit-on
attendre de gens de cette espèce, qui veulent s’élever
jusqu’à une famille dont ils ont dépouillé le c h e f3 tout
autre à leur place .aurait usé de procédés, aurait attendu
au moins qu'il ait été statué sur la demande en nullité
du testament. Jusques-là les Jouvainroux ,n’ont qu’un
titre précaire, q u i‘va s’évanouir et s’échapper de leurs
mains infidèles et avides. Les moyens du chevalier ¡sont
victorieux ; tous ceux qui ont quelques principes d’hon,neur se réunissent à sa voix pour demander justice et
«vengeance contre une spoliai ion dévastatrice, contre
le vol le plus dangereux^ et contre les auleurs, qui sont
•le plus cruel iléau de la société.
En attendant, le chevalier Legroing s’est rendu
appelant en la C ou r, du jugement par défaut qu’on a
surpris contre lui. Il l’atlaque, tant de juge inçom pé-tenl qu’autrement. Il établira devant la C ou r, qu^l
n’y a ici aucune spéculation de com m erce,.qu e des
lettres de change souscrites de frère à frère, pour des
co n v e n io n s de famille, ne sont que de simples billets;
qu’il n’y a pas eu de change ni de remise de place en
place, qu’il y a supposition de lieu, erreur dans la
dénomination de l’effet.
A u fond, il prouvera que Flavie n ’est pas proprié
taire de ces effets, malgré l’ordre valeur reçue comptant.
-Qu’il est impossible qu-un4enfant de six ans ait fourni les
�( 56 )
fonds; que cet ordre n ’est autre chose qu’une'libéralité
indirecte, un don manuel que les lois annullent, une
donation entre-vifs qui n’est pas revêtue de la forme
prescrite par le C od e; enfin que ces effets et les im
meubles acquis sous son nom , ne font pas partie de la
succession du sieur comte L egro in g; que celui-ci n’a
légué que ce dont il mourrait vêtu et saisi, et qu’il
n ’est mort saisi, ni des immeubles, ni des prétendues
lettres de change. Cet incident donnera la mesure de
la moralité des Jouvainroux, et fera connaître à la
Cour leurs odieuses manœuvres. Ce sera un épisode,
le prélude de l’action principale ; on verra si l’ancien
b edeau dé la cathédrale aura la protection des prêtres,
s’ils agiront en sa faveur. Misérable! qui s’avise de
comprometlre les ministres d’ un D ieu vengeur, dont
la justice doit s’appesantir sur des têtes coupables! Ce "
serait un sacrilège.
C e Jouvainroux ne laisse pas’ aussi que d’avoir sa
malignité. L e chevalier Legroing est informé que cet
individu se permet de répandre contre lui des calom
nies, qu’il s’avise de critiquer sa conduite politique;
il insinue adroitement qu’il était à Malte lors de l’in
vasion de l’île; qu’il a peut-être facilité la reddition
de lu. ville; qu’il a suivi en E gypte l’armée fran
çaise, etc.
N e sutor ultra crepidani. Sans d o u te , le chevalier
Legroing devrait mépriser ces insinuations ou^ ces
calomnies; mais il est ])ien aise de saisir l ’occasion de
rendre compte de sa conduite ù celte époque mémo-
�( 5? )
rabie, et de rappeler des faits qui sont connus de
l ’ordre e n tier, ainsi que de l’armée française.
O u i, sans doute, le clievalier Legroing était à M¿ilte
lors de l’invasion. Renferm é dans le fort S a in t-A n ge,
il voulait vaincre on mourir. Ce fort inexpugnable
domine l ’entrée du port ; de triples batteries s’oppo
saient à l’entrée de l’escadre de débarquement. L e
chevalier sut comprimer l’insurrection de la garnison,
résister aux sommations du vainqueur, et ne se rendit
ensuite que sur les pressantes sollicitations ,■l’ordre
exprès du grand-maître , qui' avait déjà fait son traité.
L e chevalier Legroing suivit les Français en E gypte!
que pouvait-il faire de m ieux? Inscrit sur la liste’fatale
des émigrés, tous ses biens ayant été vendus, il n’avait
plus de patxiej il ne devait pas, sans d o u t e , se confier
au Directoire, qui renouvelait ses proscriptions contre
les émigrés, et faisait encore périr une loule de vic
times.
. L e chevalier eut l’honneur d’être aggrêgé à la
commission des arts et des sciences faisant partie de
l ’institut d ’Egypte ¿^il chercha ù se consoler de son
espoir déçu, parcourant une terre classique et visitant
les monumens, et vit enfin arriver le moment où il
pourrait revoir sa patrie.
Pourrait-on d’ailleurs suspecter la conduite politique
d’ un chevalier français qui a su défendre l’ordre dont
il est membre, et de sa plume et de son épée, et q u i,
dans les premiers m o in en s, s’est rallié autour des
défenseurs du trône?
8
�( 58)
On répand encore avec adresse que le chevalier
Legroing est célibataire comme son frère, qu'il aura
les mêmes faiblesses, et que ce n'est pas la peine do
lui rendre une fortune que la.nature et la loi lui attri
buent, pour la transmettre peut-être en des mains qui
ne seront pas plus pures.
D e quel droit Jouvainroux vient-il attaquer le che
valier L eg ro in g , et calomnier ses habitudes? Q u’il soit
célibataire ou n on , n’en e s t-il pas moins le frère et
le plus proche héritier du défunt? A-t-il un reproche
à se faire dans son intérieur, et son existence dans la
société n’est-elle pas honorable? S’il avait des faiblesses,
il sait comment un h o m m e d’ honneur les ré pare , mais
on ne le verra jamais s’avilir ou se dégrader.
Signé le Chevalier L o u is L E G R O IN G .
M e P A G E S , Bâtonnier des A vocats à La Cour royale.
F L E U R Y , A v o u é licencié.
A RIOM , DE L’IMPRIMERIE DE J.-C. SALLES, IMPRIMEUR DU PALAIS.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Legroing, Louis. 1819?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Fleury
Subject
The topic of the resource
testaments
abus de faiblesse
domestiques
servante-maîtresse
enfants naturels
créances
séquestration
mobilier
maltraitance
émigrés
ordre Saint-Jean de Jérusalem
fraudes
fisc
inventaires
lettres de change
doctrine
nullité du testament
captation d'héritage
testament olographe
jurisprudence
concubinage
legs universels
egyptologie
code civil
bedeau
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour M. Louis Legroing, Chevalier de justice de l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, Chevalier de l'Ordre royal et militaire de Saint-Louis, demandeur ; contre Julien Jouvainroux, ancien bedeau de la Cathédrale, et cordonnier ; Françoise Boudon, sa femme ; et encore contre ledit Julien Jouvainroux, en qualité de père et légitime administrateur de Claudine-Flavie Jouvainroux, sa fille, mineure, défendeurs.
note manuscrite : « 28 juin 1819, chambres réunies, arrêt, journal des audiences, p. 493 ».
Table Godemel : ab irato : 2. l’action ab irato contre les testaments est-elle admise par le code civil ? peut-elle appartenir à l’héritier collatéral ? Etat (question d') : 3. l’héritier du sang a-t-il le droit, pour prouver l’interposition de personne, de rechercher si le légataire, qui a dans une famille le titre et possession d’état d’enfant légitime, est, ou non, l’enfant naturel du disposant, surtout, lorsque cette recherche conduirait à la preuve d’un commerce adultère ? Sanité d'esprit : d’après quels principes se résout la question de savoir si le testateur était sain d’esprit ? Suggestion : La suggestion et captation sont-elles moyens de nullité pour la législation actuelle ? peuvent-elles être opposées contre un testament olographe ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de J.-C. Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1819
1807-1819
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
58 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2429
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2430
BCU_Factums_G2431
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53483/BCU_Factums_G2429.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Riom (63300)
Clermont-Ferrand (63113)
Biozat (03030)
Fontnoble (terre de)
Egypte
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abus de faiblesse
bedeau
captation d'héritage
Code civil
concubinage
Créances
doctrine
domestiques
egyptologie
émigrés
enfants naturels
fisc
fraudes
inventaires
jurisprudence
legs universels
lettres de change
maltraitance
mobilier
nullité du testament
ordre Saint-jean de Jérusalem
séquestration
servante-maîtresse
Testament olographe
testaments
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53484/BCU_Factums_G2430.pdf
37bcf9e52774cffcac992e7f1aaf5206
PDF Text
Text
L ’ANCIEN AVOCAT SOUSSIGNÉ,
V u le mémoire imprimé à Riom, pour le chevalier
Legroing, contre Julien Jouvainroux, Françoise Boudon, e t c .
V u aussi les pièces jointes, et notamment copie du
jugement rendu sur cette affaire, au tribunal civil de
C lermont-Ferrand, le 11 mai 1 8 1 8
E S T IM E , en droit, que le double moyen de capta
tion et de suggestion , contre les testamens, peut tou
jours être légalement opposé depuis la promulgation
du Code civil ;
t
E t en fa it, que les circonstances qui ont précédé,
accompagné et suivi le testament de Jean-Baptiste ,
comte Legroing, du 24 décembre 1816, sont denature
à être articulées et admises en preuve qu e, si elles
sont prouvées, elles devront faire prononcer la nullité
de la disposition testamentaire dont il s’agit.
Dans le droit, d’abord, on a tout lieu de s’étonner
que le tribunal de première instance ait mis en doute
que, dans les principes du Code civil, l’action en nul
lité des testamens en général, fondée sur la captation
et la suggestion, ait été conservée. La seule nature des
choses ne permettait pas de controverse sur ce point de
jurisprudence ; et les discussions au conseil d ’E tat ,
�( 2 )
dont il y a tradition, impriment à cet égard, au juge
ment attaqué, le caractère d ’un pyrronisme into
lérable.
Suivant la définition du droit romain, le testament
est un jugement réfléchi, conforme à la loi, que l’homme
prononce sur ce q u ’il entend être exécuté après lui ;
c’est une ordonnance de sa dernière volonté, exempte
de toute iniluen.ce étrangère.
T esta m en tu m est ju s ta v o lu n ta tis nostrœ sententia
de eo q u o d q u i p o st m ortem "suani f i e r i v e l i t .
On a dû dès-lors considérer comme nulle et non
.avenue, dans tous les teins, la disposition, à cause de
inort ,
f £ ui
était
le
fru it
é v i d e n t , t i e l a c a p t a t i o n , SOlt
des artifices frauduleusement employés pour dominer
les facultés morales des testateurs, soit des mauvaises
voies pratiquées par des tiers pour substituer leur
propre volonté à celle des disposans.
Aussi la loi- romaine s’en était-elle expliquée caté
goriquement en plusieurs endroits 5 elle avait statué
que tous ceux qui avait dissuadé l’auteur de la dispo
sition de tester comme il l’aurait v o u l u , (.levaient être
déchus des. avantages q u ’ils s’étaient fait concéder; elle
avait même réputé crime toute violence employée pour
faire écrire à un testateur rien de contraire à ses in
tentions.
Q ui j du/n copiât hœ reditatem lé g itim a n t, v e l e x
tostfïnientos p ro h ib u it teslam entarium introire3 volente
�(
3
)
eo fa c e r e testa m en tu m , v e l m u ta r e
,
e i denegaritur
acliones.
E t crim en a d ju n g itu r , s i testa to r, non su d sponte
testam entum f e c i t ,
se d
co m p u lsu s 3 (juos
,
n o tu e n t
s c r ip ù t hœ redes.
Ces principes, comme raison écrite, avaient été
universellement reçus parmi nous 5 ils ont été pi'ofessés
par tous nos auteurs, et consacrés par des monumens
nombreux de notre ancienne jurisprudence.
»
Lors de la rédaction du Code civil, on avait d ’abord
été tenté d ’abolir l ’action en nullité des test.amens,,
pour cause de captation et de suggestion, sous prétexte
que ces exceptions faisaient naître.une foule de procès
fâ c h e u x d o n t il importait de tarir la source. On avait,
dans c et t e v u e , inséré au projet du Code un article
ainsi conçu :
« L a loi n’admet pis la preuve que la disposition n’a
« été faite que par haine, colère, suggestion et cap:i :i
« tation. »
1
Mais de toutes parts on réclama contre rimmoralité
' i l
•J)
et le danger d’une semblable proposition.
)
#
Plusieurs
Cours souveraines observèrent sur-tout q u e lle livrerait
la fortune des personnes laibles au crim e, à la fraude:
« Que de m aux, que de brigandages, s’ écrièrent-elles,
« pour éviterdes procès et d e s poursuites dont la cramte
« arrêtait le crime! N e serait-il pas p l u s juste., plus
« digne de la sainteté de la loi, de laisser aux tribunaux
�( 4 )
« le jugement des faits, des circonstances qui pourront
« donner lieu à admettre la preuve que des gens cupides
« ont su , par leurs artifices, substituer leur volonté
« à celle du donateur ? »
Ces considérations prévalurent, et déterminèrent à
retrancher du projet l ’article qui abolissait les argumens de captation et de suggestion.
E n conséquence , l ’orateur du Gouvernement ,
j
s’adressant au Corps législatif, s’exprima ainsi : « La
« loi garde le silence sur le défaut de liberté qui peut
« résulter de la suggestion et de la captation, et sur
« le vice d’une volonté déterminée par la haine ou par
« la colè re................... E n d éc lar ant q u e ces causes de
« nullité ne seraient pas admises, la fraude et les
« passions auraient cru voir, dans la loi même, un
« titre d ’impunité.
Les circonstances peuvent être
« telles, que la volonté de celui qui a disposé n ’ait
« pas été lib r e , ou qu ’il ait été dominé par une passion
« injuste. C ’est la sagesse des tribunaux qui pourra.
« seule apprécier les faits et tenir la balance entre la
« foi due aux actes et l ’intérêt des familles-, ils empê« chcront q u ’elles ne soient dépouillées par les gens
« avides qui subjuguent lesmourans, ou par l’effet d ’une
« haine que la raison et la nature condamnent. »
D ’apres des déclarations aussi solennelles du légis
lateur, n ’est-il pas éirangcquele tribunal de Clermont
ait affecté des doutes sur le point de droit, et q u ’il
�(
5
)
a it , en quelque sorte, disputé aux tribunaux cette
puissance qui leur fut si positivement attribuée ?
Pour achever la réfutation de sa doctrine, on pour
rait invoquer le suffrage de tous ceux qui ont écrit sur
le Code civil ; tous s’accordent à maintenir que les
causes de captation et de suggestion sont toujours
admissibles en matière de testament. Il suffit d ’en
indiquer deux dont le nom fait plus particulièrement
autorité : M. Toullier, avocat de Rennes; M. Grenier,
en son T ra ité des D onations,
M. Toullier professe que tous les vices d’erreur, de
crainte, de violence, de dol et de fraude, que l ’on peut
opposer aux contrats, peuvent être objectés contre les
testamens. Il donne la définition dés mots captation
et suggestion, il rappelle, en j"KirtiG, le discours ¿m
Corps législatif, de l’orateur du Gouvernement, que
nous avons transcrit. Il relève, dans l’article 901 du
Code, la condition que le testateur doit être sain d 'es
p rit ; il pèse sur-tout, avec M. M alleville, sur les moyens
frauduleux, tels que les calomnies employées auprès
du testateur contre ses héritiers naturels.
:
M. Grenier, page 33 g , tome i er, dit à son tour :
«
«
«
«
L a crainte de voir triompher l’artifice et la fraude,
qui se montreraient avec d’autant plus d ’audace ,
que la loi ne leur opposerait plus de frein , empêche
de se* rendre Iv l ’idée de la suppression »le cette
« action : elle existe sans être é tay.ee d ’une disposition
�« positive de; la loi, On la ¡mise dans ces principes de
« justice, .que le silence de la loi ne peut détruire,
« que ce qui est l ’ouvrage du dol et de la fraude ne
-u"p eu t Subsister. Lors même que la^Ioi dispose, les
« cas de fraude, en général, sont exceptés. >>
1
A toutes ces autorités vient se joindre, sur le^ oint
de droit, pour le confirmer, l ’arrêt de la Cour royale
de Paris, du 3 i janvier i 8 i 4 > dont le chevalier, ¡Legroing s’était, aidé dans son mémoire.
. , . j » wn
■ 'y
Y w :». it‘:
Ayant tergiversé sur la doctrine, les premiers juges
se sont donné libre carrière sur les.faits; ils ¡n'en, ont
trouvé aucun pertinent ni admissible, .Jl faut convenir
q u e , sous ce d e ux iè me aspect de la c a u s e , leur tolerance a été loin-, Car, sans vouloir ni S’appesantir sur
les détails qui appartiennent plus spécialement à la
plaidoirie, il était difficile de rencontrer un cadre plus
repoussant que celui des dispositions prétendues du feu
comte Legroing.
TJn legs universel très-considérable, fait au profit
d ’un enfant de quatre ans et dem i, fille de sa domes
tiqu e, avec laquelle il avait vécu en c o n c u b i n a g e , et
d o n t il .avait eu lui-même une au tr e fille pai’j. lui
r e c o n n u e mais décédée le 11 janvier 1807 ! Quelle
affection légitime le comte Legroiïig jmuvait-il avoir
pour cette fille de quatre ans, qui,lui élait étrangère,
étant née du mariage de sa d o m o t iq u e , Françoise
Bûtidon > avec Julien Jmivainroux. ? Aucuns soins ,
�( ( 7 ;)
aucuns services encore ne pouvaient l'attacher à la
Claudine Jouvainroux, qui était évideriinïént
ici une personne interposée , pour parer à l ’inconVénient de tester au profit de la mère , Son ancienne
petite
concubine, et restée vis-à-vis de
la domesticité.
lui
dan& leS liens de
Cette tournure, imaginée dans la vue manifesté de
m asquer, de déguiser le véritable objet d’une telle
libéralité, n’est-elle pas la preuve que le testateur a
été dominé pas ses alentours ?
Un
fait non moins pertinent pour proclamer la
suggestion à laquelle le testateur était livré, est celui
de l’acquisition immobilière de 40,000 fr. au nom
de la petite Jouvainroux ; celui encore de lettres de
change pour fortes sommes , passées h son ordre.
Quoique ce soient dès- actes entre-vifs, leur' Singularité
est telle, que l ’état d’assujétissement du testateur aux
volontés de ceux qui l ’entouraient, en ressort avec la
plus grande évidence : rien de plus insolite, notam
ment, que cette négociation des lettres de change, dont
il est impossible que la petite Jouvainroux ait fourni
la valeur.
U n troisième fait déterminant est dans l ’articula
tion des calomnies journellement débitées par les
Jouvainroux, auprès du testateur, contre lé chevalier
TLegroing, son frère ; les odieuses suppositions, que
celui-ci voulait attenter à ses j ours, ou le faire inier-
�( 8 )
dire, etc. : toutes impostures, dont les suites sont
signalées par l’aversion que le testateur avait conçue
contre son frère , et dont il a donné une preuve si
frappante, en supprimant la qualité de frère qui lui
était donnée dans une quittance.
;
Une quatrième articulation , digne de toute la
sollicitude de la justice , est celle des violences , des
mauvais traitemens sous lesquels gémissait le comte
Legroin g, et dont la manifestation avait été te lle , que
plusieurs fois des officiers publics avaient été appelés
pour faire cesser l ’oppression des Jouvainroux.
*.,;U lie cinquième circonstance, quoiqu’extérieure au
testament , q u o i q u e su rv en u e s e u le m en t depuis , et
assez difficile à établir judiciairement, est sans con
tredit celle relative au dépôt du testament. La volonté
du testateur avait été q u ’il fut déposé entre les mains
du notaire Espinasse ; il l ’avait à cet effet renfermé
dans une enveloppe cachetée, et il avait couvert cette
enveloppe d ’une suscription indicative du dépôt, datée
du ït\ décembre, dix jours après la confection du titre,
et signée.
11 parait cependant que le d é p ô t, aussi rigoureuse
ment vouluj n’a jamais été effectué; que Julien Jouvainroux s’est emparé du testament, et que c’est lui
qu i, après la mort du testateur, l ’a présenté en justice.
Cette particularité est remarquable , en ce q u ’elle
donne la mesure de l’ascendant dç$ Jouvainroux sur
�( 9 )•
(
l ’esprit du testateur, et des abus de confiance q u ’ils se
permettaient. Qui dira que si le testament avait été
Jivré à la foi d ’un officier public dépositaire, le comte
Legroing , alors qu ’il s’est vu le jouet de la famille
Jouvainroux, n ’aurait pas donné l ’ordre de le sup
primer? au lieu que, la pièce étant au pouvoir des
domestiques du testateur, dans l ’état de paralysie et
d ’incapacité où il était tom bé, ils se sont mis à l ’abri
de toute révocation.
On regrette de ne trouver au jugement de première
instance, sur ces diverses articulations, que de vains
palliatifs ou pointilleries, comme quand les premiers
juges reprochent au chevalier Legroing de n ’avoir pas
précisé les injures débitées sur son compte , à son
frère, par les Jouvainroux. Y avait-il rien à préciser
au -d el a des supposit ions d ' e m p o i s o n n e m e n t ,
d ’assas-
sinat, de plan d’interdiction, etc. ?
Que signifient encore les réflexions glissées au juge
m ent, sur la fierté du caractère du comte Legroing,
pour en induire q u 'il n ’avait pu s’abaisser jusqu’à
condescendre aux désirs de Françoise B oudon , sa do
mestique? lorsqu’il est prouvé q u ’il avait vécu avec elle
en concubinage. Que signifie cette invraisemblance ,
que la domestique ait jamais songé à dominer son
maître ? lorsqu’il est si bien avéré, si notoire, q u ’elle
faisait de ce vieillard tout ce qu ’elle v o u l a i t ; q u ’elle
l’accompagnait par-tout; q u ’elle ne laissait approcher
de lui que qui bon lui semblait.
�E t ces huit mois de persévérance, écoulés depuis la
confection du testament ? lorsqu’il est de notoriété
p u b liq u e , que l ’état physique et moral du testateur,
k celle du période de Sa v i e , était celui d’une débilité
excessive , et de l ’aiFaissement extrême de toutes ses
facultés.
‘
t
Des juges qui avaient débuté par réduire en pro
blème toute pertinence , toute admissibilité des faits
de captation et de suggestion, ont dù naturellement
se donner libre carrière sur l ’appréciation de ces faits.
Il était difficile q u ’a leurs yeux aucun de ces faits
conservât la couleur qui lui était propre.
Il n ’ en peut pas être de même devant une C o u r
souveraine, impassible, mieux pénétrée de la vraie
doctrine, plus éminemment placée pour le maintien
des règles qui protègent la morale-publique, les pro
priétés des fam illes, et qui répriment les iniques
combinaisons de la domesticité, incessamment dirigées
vers la spoliation, dans les derniers momens de l ’exis
tence d ’un maître q u ’elle a su cerner et subjuguer.
Délibéré à Paris, le 4 avril 1819.
BERRYER.
�I - Æ S C O N S E IL S S O U SS IG N É S, qui ont pris lecture
d ’un jugement du tribunal de Clerm ont-Ferrand, du
i i
mai 1818, lequel, sans s’arrêter à la preuve offerte
par le chevalier Legroing, ni avoir égard à la nullité,
par lui demandée, du testament du comte Legroing ,
son frère, portant legs universel en faveur deClaudineFlavie Jouvainroux, fille de sa domestique, l ’a débouté
de toutes ses demandes ,
que M. le chevalier Legroing doit espérer
de faire annuller, sur l ’appel, ce jugement qui met en
doute si un testament peut être annullé pour des
E
stim ent
causes qui, quoique non exprimées dans le Code civil,
parmi celles qui emportent nullité des testamens ,
résultent évidemment de l ’esprit de ses dispositions,
et qui tippiecic, de la manicre la plus otriingGj des
faits articulés pour justifier que le testateur n ’avait
pas, disposé librement et par l ’effet de sa propre
volonté.
Le comte L egro in g, par testament olographe du
24 décembre 18 16 , a nommé légataire universelle de
ses biens, qui peuvent se monter de 3 à 400,000 fr.^
Claudine-FlavieJouvainroux, déclarée, à la naissance,
fille de Françoise Boudon, sa domestique, et de Julien
Jouvainroux, bedeau de la cathédrale de Clermont ,
son mari. Cette disposition compose tout le testament
avec celle du legs d ’ une rente viagère de 800 francs,
et d ’un
mobilier assez considérable, en faveur de
Françoise Boudon elle-même.
�( 12 )
Françoise Boudon, sous le nom de Claudine, était
fille de peine dans la maison de madame la comtesse
Legroing, mère; le comte Legroing, son fils, l ’avait
prise à son service, où elle était encore à son décès,
arrivé le i 3 août 1817.
v
Cette fille vivait en concubinage avec son maître.
De ce commerce est né %le 7 septembre 1806, un enfant
du sexe féminin, présenté à l ’officier de l ’état civil ,
par le comte Legroing lui-m êm e, qui lui a donné le
nom de J o sé p h in e , et q u ’il a déclaré avoir eue de
Françoise Boudon, s’en reconnaissant le père. C e t
enfant est décédée le 11 janvier 1807; l ’acte mortuaire
la dénomme Joséphine L egro in g, fille de J- B. Legroing
et de F ra nç oi s e B o u d o n .
Françoise Boudon , lorsqu’elle s’est mariée avec
Jouvainroux, était enceinte ; son mariage est du 16 sep
tembre i'811 j et la naissance de Claudine-Flavie, du
5 mars 1812.
O11 a prétendu que cet enfant provenait des œuvres
du comte L egro in g, et q u e , pour la rendre capable
d’une disposition universelle, que sa mère méditait
de lui faire faire par son maître, elle avait préféré lui
donner un père étranger.
La sainteté des nœuds du mariage et la foi due aux
actes qui constituent l ’état des familles, ne nous per
mettent pas d ’insister sur cette présomption, lorsque
sur-tout le concubinage est suffisamment prouvé par
l ’acte authentique de la naissance du premier enfant.
�( i3 )
Quoi qu ’il en soit, le chevalier Legroing a attaqué
le testament de son frère, comme une suite du con
cubinage, comme fait dans la démence, comme l’effet
de la haine et de la colère suggérées au testateur envers
sa fam ille, et comme le fruit de sa suggestion et de la
captation.
Il a articulé divers faits analogues à ces causes, et
il a demandé à en faire preuve.
,
Le jugement du tribunal de Clermont décide net
tement que le concubinage n’est point une cause de
nullité des testamens; il le décide aussi, mais avec
l ’expression du doute, pour la démence, la haine et
la colère, et la suggestion et la captation; et cepen
dant, en en supposant l ’efficacité possible, il discute
les faits articulés et les déclare insuffisans.
Il faut donc exa mi ne r d a b o rd si les causes sur les
quelles M. le chevalier Legroing fondait son attaque
contre le testament de son frère, sont admissibles,
sous l’empire de la législation du Code civil.
On fera ensuite quelques réflexions sur le mérite des
faits articulés, et des motifs sur lesquels le tribunal
les a écartés.
j
�\
( «4 )
EXAM EN DES CAU SES D E N U LLITÉ .
Une liaison illégitime entre un donateur ou un
testateur, et la personne en faveur de laquelle il a '
disposé; sa démence au tems de la disposition; la haine
et la colère q u ’il aurait manifestées envers son héritier,
et la suggestion et captation étaie n t, dans l ’ancienne
législation , considérées, comme autant de causes de
nullité des dispositions à titre gratuit; du concubinage
ressortait, dans l ’intérêt des mœurs, une incapacité
de donner et de recevoir; et l ’on jugeait que les autres
causes produisaient, sur l ’esprit d ’un disposant, une
in.ilu.ence cjui ne laissait pas à sa v o l o n t é le caractere
de liberté requis pour disposer.
Les auteurs du Code civil n ’étaient pas sans doute
moins zélés pour la cause des mœurs que les anciens
magistrats, mais ils ont cru les mieux servir en effaçant
une incapacité qui donnait toujours lieu à des discussions
scandaleuses, dont les mœurs étaient plus offensées que
de la chose même.
L e Code civil ne fait donc pas, du concubinage,
une cause de nullité des testainens.
Au
contraire ,
lorsque, par l ’article 9 0 2 , il est dit q u e toutes personnes
peuvent disposer et recevoir, soit par donation entre
vifs, soit par testament, excepté celles que la loi en
déclare incapables, et qu'immédiatement, signalantles
incapacités, il n ’exprime rien par rapport aux liaisons
illégitimes, il en faut
nécessairement conclure que
�(
>5
)
Ceux mêmes qui ont des rapports que les mœurs
improuvent, ne sont point dans une exception quant
au pouvoir de donner et de recevoir.
Cependant si, de ce fait seul, il n ’est pas permis de
tirer une nullité contre un testament, il faut convenir,
q u e , lorsque, justiiié par un acte public, il se joint à
d ’autres causes qui agissent sur la volonté du disposant,
il est un point de départ probab le, et favorise la
preuve de l ’influence étrangère qui a contraint cette
volonté.
Parmi ces causes qui agissent sur la volonté, se
rangent incontestablement la haine et la colère du
disposant envers les siens, la suggestion et la captation,
même la faiblesse d’esprit, et à plus forte raison la
démence.
L a c o l e re , prise i s o l e m e n t , serait, sans effet
sur un
testament; c’est un mouvement impétueux de l a m e ,
qui se calme comme il s’élève; mais uni avec la haine,
la colère en devient une conséquence; son mouvement
se répète toutes les fois que l ’objet haï se représente
à l ’imagination, et par là elle se constitue en passion
d urable, q u i , nécessairement détourne de la personne
qui en est l ’objet, tous les sentimens de bienveillance^
même de justice, et lui fait préférer, dans l ’esprit du
testateur, des individus auxquels, autrement, il n’eût,
pas pensé.
Il faut cependant convenir que cette cause de nul
lité dégénérerait en arbitraire, si elle était légèrement
adoptée; s’il suffisait à celui que la loi donnait pour
�( >6 )'
héritier à un testateur, d’articuler, de prouver même
q u ’il était pour lui un objet de haine et de colère ,
il faudrait encore établir que le testateur a ya n t, par
la loi, le pouvoir absolu de disposer, n’a pas été dé
terminé par un juste m otif, en faveur de la personne
q u ’il a préférée.
Mais où la haine et la colère peuvent devenir un
moyen puissant contre la disposition, c’est lorsque ce
sentiment ne s’est formé dans l ’ame du testateur que
par des rapports, des manœuvres, des suggestions in
téressées de la part de celui en faveur duquel la dis
position est faite.
Cette cause alors rentre dans le suggestion et la
c apt a ti on , et en forme un des moyens les plus efficaces.
Que la suggestion et la captation soient des causes
de nullité des dispositions à titre gratu it, point de
doute. Sans entrer dans la différence que les anciens
auteurs mettaient entre la suggestion et la captation ,
il faut les entendre dans le sens de manœuvres em
ployées pour captiver la volonté d ’autrui à son profit,
pour séduire et tromper le disposant, suivant l ’expres
sion de INI. Grenier, dans la vue d ’attirer ses biens au
préjudice de sa famille, et pour enfin substituer une
volonté étrangère à la sienne.
S i , dans les moyens pratiqués pour séduire la volonté
du disposant, est entré celui de lui donner de l ’éloignement, et de lui inspirer de la haine et de la colère
pour sa fam ille, alors la captation et la suggestion
prennent un caractère de dol et de fraude ? qui ne
�V *7 )
permet pas de laisser subsister la disposition; car,
outre que le dol et la fraude ne peuvent jamais
produire des effets légitimes, comme le testament doit
être l ’effet de la volonté libre du testateur, il s’en suit
q u e , quand il a cédé à des manœuvres frauduleuses,
il n’a pas suivi sa volonté; et par conséquent sa dis
position est viciée dans son essence.
Cette doctrine a été professée par tous les bous es
prits qui se sont occupés de cette matière ; elle est
disertement développée dans l ’excellent Traité des
Donations de M. Grenier; elle est partagée par M. Toullier, dans son ouvrage estimé sur le Code civil.
Des arrêts l ’ont consacrée; il en existe un du i 4
avril 1806, de la Cour de Grenoble; un du 14 juin
de la même année, de la Cour de Bruxelles; et un
dernier, de la même C o u r, du 21 avril 1808 , qui
tous ont reconnu que la cause de nu llité, résultant de
la suggestion et captation, n ’est point abrogée.
Le Code civil ne s’en explique pas. Mais il a été
remarqué que le premier projet de ce grand ouvrage
avait un article portant que la loi n’admet pas la
preuve que la disposition n ’a été faite que par haine,
colère , suggestion et captation , et que cet article ,
dans la discussion, a été supprimé.
L ’orateur chargé de présenter le Titre des Donations
et Testamens au corps législatif, s’est exprimé de
manière à faire connaître quel a été l ’objet de la sup
pression de l ’article.
« L a loi garde le silence, disait-il, sur le défaut de
3
�liberté qui peut résulter de la suggestion et de
la c a p ta tio n , et sur \e vice d’une volonté déterminée
p a r la colère ou p a r la haine. Ceux qui ont entre
pris de faire annuller des dispositions pour de
semblables motifs, n ’ont presque jamais réussi à
trouver des preuves suffisantes pour faire rejeter des
titres positifs; et peut-être vaudrait-il m ieux, pour
l’intérêt général, que cette source de procès ruineux
et scandaleux fut ta rie , en déclarant que ces causes
de nullité ne seraient pas admises; mais alors la
fraude et les passions auraient cru avoir, dans la
loi-même, un titre d’impunité. Les circonstances
peuvent être telles, que la volonté de celui qui a
disposé, n ’ait pas été libre, ou q u ’il ait été e n ti è
rement d o m in é par u ne passion injuste. C ’est la
sagesse des trib u n a u x , qui pourra seule apprécier ces
faits, et tenir la balance entre la foi due aux actes
et l’intérêt des familles. Ils empêcheront q u ’elles ne
soient dépouillées par les gens avides qui subjuguent
les mourans, et par l'effet d ’une haine que la nature
et la raison condamnent. »
Il faut s’en rapporter à l’orateur du gouvernement y
qui n’eût point pris sur lui de suppléer au silence
du projet q u ’il venait proposer au corps législatif de
convertir eu lo i, et qui n’a du dire que ce qui avait
été dans l ’esprit de la rédaction.
Il faut donc regarder comme certain, que l ’action
en nullité pour haine et colère, pour captation et
suggestion subsiste, mais que seulement le mérite de
�( ]9 )
cette action et l’appréciation des faits sur lesquels on
la fonde, sont abandonnés à la sagesse des tribunaux.
Quant à la démence du testateur, elle doit être
aussi une cause de nullité des testamens. L ’article g o i
du Code civil, d ’accord en cela avec le droit romain
et les coutumes qui régissaient la France avant lui ,
dispose « que pour faire une donation entre-vifs ou
« un testament, il faut être sain d ’esprit. » Il y aurait
contradiction entre cette disposition et son applica
tio n , si le testament cI’u r c personne en démence pou
vait avoir son effet.
L ’article 5 o/|. du même Code porte : « Q u ’après la
« mort d ’un in d ivid u , les actes par lui faits ne peu« vent être attaqués pour cause de démence, q u ’autant
■
« que feon interdiction aurait été prononcée ou pro« v o q u é e a v a n t son décès, à moins que la preuve de
« la démence ne résulte de l ’acte même qui est at« taqué; »
Cet article fera-t-il obstacle à l ’action en nullité
pour cause de démence, lorsque le testateur sera dé
cédé integri s ta tu s , lorsque l ’interdiction n’aura été
ni prononcée ni provoquée avant le décès?
Non : il est généralement reconnu aujourd’hui que
l ’article 5 o 4 ne s’applique point aux testamens.
« Q uoiqu’avant la disposition , dit M. Grenier ,
« T ra ité des D o n a tio n sy il n’y ait point eu , contre
« le disposant, une prononciation ou une provocation
« d’interdiction, il faut, pour juger de sa capacité
« morale, se reporter uniquement à l ’mstant de la
�( 20 )
« disposition, abstraction faite de toutes autres cir« constances. Il est aisé de comprendre les motifs de
« l ’article 901. Le législateur n ’a pas dù considérer
« les dispositions gratuites, du même œil que
les
« autres actes. L a loi redouble de prévoyance, pour
« prémunir l ’homme contre les pièges de la cupidité
« qui peut épier un instant de faiblesse, ou le pro« voquer, pour extorquer une libéralité5 or, ce mo« ment peut exister, quand il aurait même un usage
« habituel de la raison. »
L ’auteur étaye son sentiment du résultat qui eut
lieu au conseil d’É t a t , lors de la discussion de l ’ar
ticle 901 , dont le projet ajoutait à ce que l ’article
c o nt i ent aujourd’hui « que ces actes (les donations
« entre-vifs et les t es tame ns) ne p our r ai ent être atta« qués pour cause de démence, que dans les cas et de
« la même manière prescrite par l ’article 5 o 4 du
« Titre de la majorité et de l ’interdiction. »
Plusieurs conseillers d’É tat s’élevèrent contre la se
conde partie de l’article. Il fut reconnu que l ’art. 5 o 4
ne pouvait pas s’appliquer aux donations entre-vifs et
aux testamens 5 et l ’article 901 fut réduit à ce qui en
reste dans le Code.
Plusieurs arrêts l ’ont décidé ainsi , et notamment
un arrêt de la Cour de cassation, d u 22 novembre 181 o ,
qui a rejeté le pourvoi formé contre un arrêt de la
Cour de Poitiers, par un m otif ainsi conçu : « Con«
sidérant
que Particle 5 o 4 du Code civil n ’est point
,< applicable aux donations entre-vifs ni aux testamens
«
�«
«
«
«
«
régis par l ’article 901 du même C o d e , qui a été
définitivement adopté et promulgué en ces termes
(Pour faire une donation entre-vifs ou un testament,
il faut être sain d ’e s p r i t : q u ’il résulte de la généralité d’expression de cet article, que, nonobstant
« les articles 1 3 4 1 ? ^ 4 7 ? i 352 et 1 353 dudit Code,
« il est permis aux parties d ’articuler, et aux tribu•« naux de les admettre à prouver tous les faits qui
« sont de nature à établir que l ’auteur d’une dona« tion entre-vifs ou d’un testam ent, n ’était pas sain
« d ’esprit., à l’époque de la confection de ces actes ,
« sans distinguer si ces faits ont ou n ’ont pas constitué
« un état permanent de démence. »
L a jurisprudence est donc bien établie sur ce point.
Il est incontestable, en d roit, q u ’un testament peut
être a t t a q u é de n u l l i t é p our cause de démence du tes
tateur , quoi q u ’il soit mort integri s ta tu s , sans inter
diction prononcée ou provoquée, comme pour cause
de haine et de colère, de suggestion et captation; et
la décision du tribunal de Clermont et ses doutes en
droit, sont en opposition avec la doctrine générale
ment adoptée par les jurisconsultes et par les arrêts.
A la vérité, il ne suffit pas de la cause; il faut
q u ’elle soit soutenue par des faits qui la justifient,
qui prouvent que la disposition en a été l ’effet.
M. le chevalier Legroing attaquait le testament de
son frère par les causes réunies de la haine et de la
colère, de la suggestion et captation et de la démence ;
�( 22 )
il a rticu la it, sur. ch a cu n , des faits que le tribunal de
Clermont ne l ’a point admis, à prouver.
Il faut passer à l ’examen de ces faits, et des motifs
par lesquels ils ont été écartés.
E X A M E N D E S F A IT S E T D E S M OTIFS.
C om m e f a i t s p ro b a tifs de haine et de colère étaient
a rticu lés:
PREMIER
FAIT.
U n refus , de la part du comte L egroin g, de rece
voir une somme de 8000 f r . , que son frère lui avait
envoyée p a r le sieur C h an telot, le
avait a c c o m p a g n é l e r e f u s d ’ i n j u r e s
Legroing.
juillet 1 8 1 7 ; i l
c o n t r e le chevalier
I er
« L e demandeur , porte le jugement , ne dit pas
« quelles furent ces injures. »
In ju r e est un mot générique qui exprime un outrage ;
des injures proférées sont des paroles outrageantes contre
une personne. Quant à l ’espèce de ces paroles, c’est à
celui qui les a entendues à les déclarer. Il a suffi d ’arti
culer le fait, l ’occasion, l ’époque, et de dénommer le
tém oin, pour que l ’articulation soit pertinente et
complète.
SECOND
FAIT.
Le chevalier Legroing s’étant présenté lu i-m êm e,
le l2 du même mois , chez son frère, pour régler ses
1
�( ¿3 )
comptes, et lui payer une partie de ce q u ’il lui devait,
il ne put parvenir jusqu’à lui.
« Le demandeur, dit le jugement, ne dit pas non
« plus p o u rq u o i et p a r q u i il fut empêche de parvenir
« à son frère. »
L e p o u rq u o i est nécessairement connu, puisque le
fait est articulé pour établir l ’indisposition et l ’éloignement de son frère contre sa famille.
P a r q u i! l ’information le dira; d ’ailleurs le p a r
q u i il fut empêché de parvenir jusqu’à son frère est
assez indifférent, quand il ne s’agit que du fait de
l ’éloignement. Il suffira q u ’il soit prouve que le sieur
Legroing ne pouvait pas voir son frère ; que sa porte
lui était fermée. Le comte Legroing était infirme, ne
sortait pas : ce n’était donc pas une cause accidentelle
q u i p o u v a i t e m p ê ch e r son frère de le v oi r chez l ui .
TRO I S I ÈME
FAIT.
L e chevalier Legroing ayant invité un jurisconsulte
à porter pour lui la somme à son frère , de rédiger la
quittance, et de régler le mode de paiement de ce qui
restait d û ; et le jurisconsulte ayant fait la lecture de
la quittance au comte L egroin g, celui-ci se mit en
fu re u r, parce q u ’il y était dit que le chevalier Legroing
¿tait son fr è r e . Il vomit contre lui toutes sortes d ’in"
jures, et ne signa la quittance que lorsque le juris
consulte eut rayé cet mots : M o n fr è r e .
Le jugement répond : « Le demandeur a laissé
�(* 4 )
« également ignorer quelles furent ces injures ; et
« cependant il serait possible que les expressions du
« comte Legroingne fussent p a s reconnues injurieuses.
« L e demandeur aurait pu regarder comme injures
« quelques paroles seulem ent désobligeantes , q u ’un
« moment d ’humeur ou de mécontentement aurait pu
« produire , sans que le cœur du comte Legroing y
« prit aucune part. Au surplus , les frères Legroing
« auraient pu vivre en mésintelligence et ne pas
« s’aimer ; mais entre la haine et V a m itié il y a tant
« d 'a u tres sentim ens qui ne troublent ni l ’esprit ni la
« raison, qui ne sont ni de la haine ni de la colère I
« S i, par de semblables motifs, il était possible d ’an« nuller les testamens faits au préj udice des c ol l at ér aux ,
« il serait p re sq n’ i n u t i l e cl’ en faire. E n f i n le testament
« dont il s’agit est du i!\ décembre 1 8 1 6 , et les faits
« de colère et de haine allégués seraient du mois de
« juillet 1817. »
Quelles furent les injures? Ne sont-elles pas assez
caractérisées, quand elles viennent à la suite du fait
que le comte Legroing entra en fureur, quand il
s’e n t e n d i t
qualifié fr è r e du chevalier?
Les juges qui ont pénétré dans les replis du cœur
h u m ain ,'q u i ont creusé la m éthaphysique, pour dé
couvrir qu ’il y a tant d’autres sentimens entre la haine
et l ’am itié, que jusqu’ici on avait cru 11’avoir d ’in-termédiaire que l’indifférence, n ’ont pas pu calculer
les effets de la fureur; ils n ’ont pas senti ce q u ’a de
dénaturé le mouvement d ’un homme qui renie, qui
�( *5 )
méconnaît, qui repousse son frère, qui s’emporte sur
le titre de frère, que lui donne celüt qui l’est: en effet.
E t ils veulent que, dans l ’état de fureur, il ait prononcé
des paroles seulem ent d éso b lig ea n tes, auxquelles le
cœur n?a point de part!' S’il est un fait révoltant qui
caractérise la haine et la colère, c’est celui-là ; et;
certes, pour l ’honneur de la nature, dans l ’intérêt des
moeui's et de l ’ordre social-, les tribunaux doivent s’em
presser d’anéantir un testament fait sous de tels aus
pices.
Q u ’importe que le fait articulé soit antérieur ou
postérieur au testament attaqué? D ’abord un- testament
olographe n’a point de date jusqu’au décès du testateur ;
mais ensuite, q u ’a-t-on à prouver? la passion furieuse
que l ’on avait suggérée au comte Legroing, sa haine
p o ur son frère. U n s e n t i m e n t , une passion, ne sont
pas des choses matérielles qui se distinguent ;Y la
vue ou au toucher; ils se manifestent par des effets
que des occasions produisent ; or , un effet aussi
marquant que la fureur qui' s’empare d ’un frère>
parce que son frère l ’appelle son- frère dans une q u it
tance, et qui ne veut recevoir l ’argent qui lui' est
offert, que quand cette qualification (q u i lui» est
odieuse) est effacée de l ’écrit; cet effet, qui:vient à la
suite de deux autres, ne peut être accidentel; il dé
montre nécessairement la disposition habituelle de
l ’ame et la passion, dont, elle est occupée. Il faUt donc
reconnaître que cette passion doit avoir une influence*
pour ainsi dire exclusive, sur des dispositions testa-
4
�méntaires, consacrées sur-tout à la bienveillance, et
dont l ’idée réveille les haines comme les affections.
De la haine et de la colère, le jugement passe à la
suggestion et captation.
L e chevalier Legroing articulait des faits : i 0 de
suggérée par Jouvainroux et sa femme, soit à
l’occasion du partage du mobilier de la succession de
liaine
la mère commune, soit lorsque le comte, se plaignant
de l ’obsession dans laquelle il était tenu, et menaçant
de son frère, le mari et la femme lui disaient : « A
« qui vous adresseriez-vous? A votre plus mortel en« n e m i, qui n’en veut q u ’à.vos biens, cherche à vous
« faire passer pour fou , et veut vous faire interdire? »
20 D e chartre privée : le comte, éloigné de tout ce qu i
n’est pas la cotterie des J o u va i n ro u x ; le chevalier, son
frère, qui ne peut pas parvenir jusqu’à lu i; l ’abbé
Legroing de la Romagère, son parent et son ami, et
la demoiselle Henriette Legroing, chanoinesse, sa cou
sine, qui ne sont point admis à le voir; 3 ° de Vob
session p erp étu ellem en t p ratiquée su r l u i , résultant
de l ’empire que donnent naturellement à une femme
jeune, sur un vieillard, une intimité avérée et des
familiarités habituelles; de ce que le comte ne voit
que les Jouvainroux , n’est entouré que de leur famille,
n’a de distraction que par l ’e n fa n t dressé à l ’appeller
p a p a 3 à le rechercher, à le caresser, et dont on lui a
persuadé q u ’il était le père; de ce q u ’on lui a fait re
tirer un testament où, ne suivant que sa volonté et son
penchant, il transmettait sa fortune à sa famille; et
�(< 27 )
enfin de ce q u e , non content d ’une disposition uni
verselle au profit de l ’enfant, on lui a fait acquérir,
sous le nom de celle-ci, une propriété de 40,000 f r . ,
et on lui a fait passer des lettres de change à son
3^5
ordre.
!
1
Le jugement ne discute pas ces divers faits articulés;
il les élude et s’attache à diverses considérations.
« Ainsi l ’enfant a été incapable, par son âge, d ’em« ployer la ruse', l ’artifice, la mauvaise foi^des insi« nuations perfides, pour tromper le comte Legroing,
« lui rendre sa famille odieuse, le* faire changer de
« volonté, et surprendre en sa faveur des dispositions. »
Comme si toutes ces manœuvres étaient imputées à cet
enfant; comme si elles n ’étaient pas visiblement l’œuvre
des Jouvainroux; comme si enfin il n ’y avait pas eu
plus d ’art et (le perfidie à diriger sur un enfant l ’effet
de toute l ’intrigue, que de l ’avoir applique aux père
et mère eux-mêmes !
« Il n’est pas vraisemblable, dit le jugem ent, q re
« la fo r c e d ’esprit , la f i e r t é d u caractère du'comte
« Legroing, aient jamais cédé aux volontés de Fran« çoise Boudon, au point sur-tout de faire ce q u ’il
« n’aurait pas voulu faire. Il n’est pas présumable que
« la femme Jouvainroux eût tenté ce triomphe; elle
« eût craint sans doute de déplaire à son maître , et
« même de l' offenser, s’il eût pensé
v oulait le
« dominer; elle eût craint d ’achever de perdre une
q
« confiance déjà lant affaiblie par
son
u
’ e l l e
mariage. »
C ’est une fort mauvaise manière de. raisonner et de
�( =8 )
conclure;, que cle tirer cjes inductions de laits contestés ,
et des conséquences de principes qui sont précisément
en question. On demande k prouver, d ’un côté, que
le comtç Legroing n’ayait ni force d ’esprit, ni -fierté
de caractère; et d ’autre côté, que la femme Jouvainroux le dominait m4 me tyranniquement. Où trouve-t-on
fie la forpe d ’.esprit et de la fierté de caractère dans un
homme d ’upe naissance distinguée, qui ne craint pas
de s'abandonner à une fille des derniers rangs de la dor
mesticité^ q u i, pour se consacrer à elle tout entier ,
quitte et abjure sa fam ille; qui ne craint pas d ’avouer
publiquement un enfant q u ’il a eu de son commerce
honteux avec elle y et q u i, frustrant ses propres parens *
m e t sa f or t une sur la tète
d ’ u n e n fa n t q u i
a p our
mère sa domestique, et pour père, le bedeau de la
pathédrale? Comment supposer à cette fille, sa con
cubine, la crainte de déplaire à son maître? lorsqu’elle
le tient en chartre privée; lorsqu’elle le dérobe à la
famille et à gps amis; lorsque, pour le dom iner, elle
le m altraite, et que les voisins et l’officier de police
peuvent attester que, las de sa position , il crie par la
croisée : au sçcQifrs / à l ’assassin !
. L e jugement continue ; « E n supposant même que
« Ja femme Jouvainroux eut q u e l q u e pouvoir sur l’es« prit de son inaiiro, il n ’est pas vraisemblable q u ’elle
<î l'eut employé pour faire exercer envers sa fille une
» libéralité qu'elle ei\t désiré conserver en vertu du
« testampnt de 1807; q u ’il est,
au contraire, plus
( naturel de crpjre que c’est par ses caresses? par ses
�(
«
assiduités,
29
)
par ses soins excitéé peu t-être par de
„ petits cadeaux, que l ’âge mûr et la vieillesse ont
« coutume de faire à l ’enfance, que Claudine-Flavie
« a obtenu, sans le savoir ni le désirer, cette marque
« ide sensibilité, d ’affection et de toute la bienveillance
« du comte Legroing; que ce dernier a pu penser q u ’il
« ne devait aucun témoignage d ’aiFec-tion ni de recon« naissance au chevalier L egro in g, son frère, q u i, cé« libataire comme lu i, ne transmettrait q u ’à des
« étrangers ou à des collatéraux éloignés, les biens
« qu ’il lui laisserait. »
Ici ce sont encore des inductions et des suppositions
morales ^ qui sont opposées à des faits dont la preuve
est offerte.
. On ne peut mettre en doute que la femme Jouvainroux ait eu un gra nd p o u v o i r sur l ’esprit de son
maître , q u ’autant que la preuve par témoins offerte
ne répondrait pas à la conséquence des faits articulés.
Pourquoi n ’est-il pas vraisemblable que cette femme
eût fait substituer un testament en faveur de sa iille, à
celui qui avait été fait en sa faveur en 1807? E lle y a vu
apparemment quelqu’intérêt. N ’a-t-elle pas pu penser
que la critique en serait moins facile? et 11e serait-elle
pas confirmée dans l ’utilité de cette prévoyance, par le
jugement de Clerm ont, qui se sert du nom de reniant,
pour écarter les justes reproches faits à la mère? N al-elle pas pu croire aussi lier davantage le comte
Legroing, par une disposition en faveur de l’enfant,
sur-tout si elle lui avait persuadé q u ’il en était le père?
�( 3° )
\ne
»
Déjà elle avait fait retirer le testament que le comte
avait fait pour sa famille : elle a pu craindre un retour
dans sa volonté. D ’ailleurs Jouvainroux , son m ari,
avait aussi ses vues; et il a pu espérer, pour son propre
compte, plus de chances de la disposition faite en
faveur de son en fan t, que de celle qui aurait donné
la fortune exclusivement à sa femme.
Il n ’y a , en cela , que des conjectures; mais elles
sont aussi
exprime.
probables que
celles que
le
jugement
N ’est -ce pas outrer toutes les vraisemblances, que
de prétendre que l ’enfant aura tout fait par ses ca
resses , par ses assiduités et par ses soins ? Des assiduités
et cles soins de la part d ’un enfant de cinq ans ! Ses
assiduités et ses soins ne peuvent convenir q u ’à ses
père et mère. Les caresses, à la bonne heure : encore
sont-elles l ’eifet de la direction donnée à son jeune
âge. Les caresses d ’un enfant étranger peuvent bien
porter l ’àge mûr et la vieillesse à de petits cadeaux ;
mais il n’y a que la démence qui peut payer ces caresses
du legs d ’une fortune de 3 à 400,000 francs, enlevée
à une famille.
s
« Le chevalier Legroing, dit le jugement, est céli« bataire comme le comte l ’était : il transmettrait lui« même à des étrangers ou à des collatéraux éloignés. »
L a morale 11e peut pas avouer une conjecture aussi
hasardée, pour justifier un fait déraisonnable.
Le chevalier est célibataire, mais il peut encore se
marier. Il a de proches parons, qui l’étaient aussi du
�( 3x )
comte, et qui portent leur nom. De tels collatéraux,
qui sont l ’espoir cl’une famille honorable, ne peuvent
point être assimilés à des étrangers. Si le comte eût
disposé pour eu x, toute la famille eût applaudi à son
choix , et eût béni sa mémoire ; mais prendre pour
héritière un enfant qui n ’avait aucun titre personnel
à une telle libéralité, la fille de sa domestique, de sa
concubine! c’est l’oubli de tous les devoirs de famille,
et de toutes les convenances sociales.
Il faut donc convenir que le jugement de Clermont
n ’a point détruit les faits de suggestion et de captation-,
il ne les a pas même appréciés , puisqu’il ne s’est
attaché à les combattre que par des considérations
fondées sur des suppositions.
Ce jugement n’est pas plus convaincant , lorsqu’il
s a t ta ch e a la forme d u t e s t a m e n t , au soin que le
comte Legroing a pris de le signer à. toutes les pages,
et de le mettre sous enveloppe cachetée au sceau de ses
armes, et à la facilité q u ’il aurait eue de révoquer
son testament et d’en faire un au tre, qu’il eût confié
à son médecin ou à son confesseur.
Ricard a bien prétendu que l’action en suggestion
n’était pas recevable contre les testamens olographes;
mais il est resté seul de son avis : des arrêts contraires
ont prouvé q u ’il s’était trompé. U n arrêt récent de la
Cour royale de Paris, du 3 i janvier i 8 i 4 > a annulle,
pour cause de suggestion et captation, 1« testament
olographe d’une demoiselle Lefèvre.
E t pourquoi le testament olographe serait-il excepté
�( 3a )•.
de la règle commune? Le testament olographe, écrit,
signé el mis sous envoloppe cachetée du sceau du tes
tateu r, n ’offre pas plus de garantie que le testament
p u b lic , qui porte au moins celle de la présence de
notaires et de témoins.
L ’influence qui fait écrire le testament en dirige
les autres circonstances; et l ’enveloppe et le sceau
peuvent être Touvrage d ’une autre main que celle du
testateur.
Cette même influence s’exerce sur les démarches
ultérieures^ et protège le testament contre la révoca
t io n , q u i , parce q u ’elle est possible, est exactement
surveillée; et il n’y a pas médecin ou confesseur qui
t i e n n e , lorsque le malade est subjugué, que sa raison1
est perd ue, que les parties intéressées ne le quittent
pas.
*
Le jugement enfin propose, comme preuve de la
volonté libre du testateur, l’acquisition q u ’il a faite,,
sous le nom de Flavie Jouvaiuroux, le 17 mai 181-7 >
cinq mois après le testament; l ’ordre q u ’il a passé plus
ta r d , à cet enfant de cinq a n s , d ’effets de commerce;
à lui consentis, et enfin sa persévérance dans son tes
tam ent, pendant les huit mois qui se
sont
écoulés
entre cet acte et son décès.
Il n’est pas bien certain que le testament soit de la
date q u ’il porto. Les deux actes cités comme subséq;liens
déposeraient que le testament n ’était pas encore fait;
car le legs universel fait à la jeune Flavie comprenant
tous les biens, il devenait inutile de faire une acqui
�(33
)
sition sous son nom , et de lui passer l ’ordre des billets.
L ’ordre était, suivant le jugem ent, une précaution du
testateur pour empêcher que les billets ne fussent
soustraits par les père et mère. Mais aurait-on pu sous
traire des billets à l ’ordre du comte, qui ne pouvaient
être touchés que par lui ou par son ayant-cause ?
Cet ordre, au contraire, ne porte-t-il pas l ’empreinte
de l ’absence de la raison ? Il est absurde d’avoir passé
un ordre au profit d ’un enfant de cinq ans, p o u r
v a le u r reçue com ptant. La démence seule peut donner
la raison d ’un'tel fa it, comme la démence seule a pu
porter le comte Legroing, q u i, dans les tems de sa
raison, avait, ainsi que le jugement le déclare, de la
force d’esprit et de la fierté de caractère, à mettre sur
la tête d’un enfant étranger, à qui il ne devait rie n ,
une fortune de 3 a 4ooj°o0 francs dont il prive sa
famille.
Une telle disposition sera sans doute reconnue par
la C ou r, saisie de 1 appel du jugement du tribunal de
C le rm o n t, comme 1 œuvre ténébreuse de la suggestion,
de la captation, du dol et de la fraude réunis, pour
abuser d ’un vieillard qui n ’avait plus sa raison.
L a société est intéressée au succès de la réclamation
du chevalier Legroing. Il importe à l ’ordre public,
au repos et à la prospérité des familles, q u ’il soit mis
un frein à la cupidité des gens qui spéculent sur les
successions. Les plus dangereux sont les domestiques,
les femmes sur-tout, q u i, par l'habitude de leur pré
sence et de leurs soins, plus encore par les familiarités
5
�q u ’elles perm ettent, ou q u ’elles exciten t, acquièrent
un ascendant sur l ’esprit de leur maître, que l’âge et
les infirmités ne font q u ’accroître. Devenues néces
saires, elles l ’indisposent contre ses parens q u ’elles
écartent de sa maison ; et quand l ’affaiblissement des
organes ne lui laisse plus de volonté, elles le font
disposer, et la fortune est envahie.
L e legs d ’une fortune opulente, en totalité, en
faveur d ’un domestique., porte en lui-même un ca
ractère de séduction de la part de celui-ci et d ’as
servissement de la part du maître. Il n'est pas naturel
q u ’un homme raisonnable se porte
à
laisser de grands
biens à un individu étranger, que ni son éducation,
ni ses habitudes n’ont préparé à la richesse, et dont
il peut récompenser les services l a r g e m e n t , sans man
quer aux convenances et aux devoirs que les biens de
famille imposent. Les tribunaux ne sauraient être
trop attentifs
à
de tels excès, qui sont toujours un
abus de la loi.
Délibéré par nous , anciens avocats, ce 18 avril 1819.
C H A M P IO N - V IL L E N E U V E .
BONNET.
D E L A C R O IX -F R A IN V I L L E .
T R IP IE R jeune.
RIOM, IMPRIMERIE
de
SALL E S , PRÈS LE P AL A I S DE J USTI C E .
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Legroing, Louis. 1819]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Berryer
Champion-Villeneuve
Bonnet
Delacroix-Frainville
Tripier jeune
Subject
The topic of the resource
testaments
abus de faiblesse
domestiques
servante-maîtresse
enfants naturels
créances
séquestration
mobilier
maltraitance
émigrés
ordre Saint-Jean de Jérusalem
fraudes
fisc
inventaires
lettres de change
doctrine
nullité du testament
captation d'héritage
testament olographe
jurisprudence
concubinage
legs universels
egyptologie
code civil
bedeau
Description
An account of the resource
Titre complet : [consultation]
Table Godemel : ab irato : 2. l’action ab irato contre les testaments est-elle admise par le code civil ? peut-elle appartenir à l’héritier collatéral ? Etat (question d') : 3. l’héritier du sang a-t-il le droit, pour prouver l’interposition de personne, de rechercher si le légataire, qui a dans une famille le titre et possession d’état d’enfant légitime, est, ou non, l’enfant naturel du disposant, surtout, lorsque cette recherche conduirait à la preuve d’un commerce adultère ? Sanité d'esprit : d’après quels principes se résout la question de savoir si le testateur était sain d’esprit ? Suggestion : La suggestion et captation sont-elles moyens de nullité pour la législation actuelle ? peuvent-elles être opposées contre un testament olographe ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de J.-C. Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1819
1807-1819
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
34 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2430
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2429
BCU_Factums_G2431
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53484/BCU_Factums_G2430.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Riom (63300)
Clermont-Ferrand (63113)
Biozat (03030)
Fontnoble (terre de)
Egypte
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abus de faiblesse
bedeau
captation d'héritage
Code civil
concubinage
Créances
doctrine
domestiques
egyptologie
émigrés
enfants naturels
fisc
fraudes
inventaires
jurisprudence
legs universels
lettres de change
maltraitance
mobilier
nullité du testament
ordre Saint-jean de Jérusalem
séquestration
servante-maîtresse
Testament olographe
testaments
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/52980/BCU_Factums_G0502.pdf
65f6fb20ea38032a8931f0bf063a7d1f
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MÉMOIRE SIGNIFIÉ,
P O U R Meffire P h i l i p p e - C l a u d e D E
M O N T B O I S S I E R , Lieutenant - Général
des Armées du R o i , Capitaine - Lieutenant
de la féconde Compagnie des Moufquetaires
à cheval, fervant à la Garde de Sa M aje fté, en
qualité d’Exécuteur teftamentaire , nommé par le
Teftament de la Dame de Bardon de G e n ili a c ,
veuve du fieur de Roquelaure Demandeur.
E T pour M a r i e F r a n ç o i s e D E V A U X ,
Dem oifelle , Intervenante , Demandereff e &
Défendereffe.
E N réponfe au Mémoire f i gnifié de Mef f ire J e A NG i l b e r t
D E R O Q U E L A U R E ,
Chevalier 9 Seigneur de Lavort ; & D a m e
C a t h e r i n e D E R O Q U E LA U R E
f a fæ u r , autorifée en Juf t i ce , héritiers de la
D a m e de Burdon de Geniliac leur m ere, D é
fendeurs & Demandeurs.
F.S Adverfaires attaquent de nullité le T e ftam ent de la D am e de Bardon de Geniliac
leur mere : ils le confiderent comme fait ab iratâ
matre, & dans le moment d u
' ne colere inj uf t e.
C ’eft par ce moyen qu ’ils entreprennent de faire
L
�annuller les legs quelle a fait par Ton Teftament
à la Demoifelle de V a u x fa nièce. C ’eft le pre
mier-objet du Procès.
Il y en a un fécond : c’efl: la plainte de pré
tendus recelés & fouftra&ions que les A d ve rfaires ont formé contre la Demoifelle de Vaux.
t ***
“
F A I T .
'
• •
D u mariage du fieur de Roquelaure avec la
Dame de Bardon de Geniliac ¡(Turent quatre en
fants1, favoir ; la Dame Defrois & le fieur de
Roquelaure font les deux Adverfaires , Marie &
Jeanne de Roquelaure.
L e pere des quatre enfants étant décédé, en
l’année 1 7 3 9 , la D am e leur mere fut nom
mée leur Tutrice en la Châtellenie de Thiers.
Pendant le cours de la tutelle , Jeanne de R o
quelaure fit Profeiîion de Religion au Couvent
d’Iftel , .où elle eft depuis décédée ; ainfi il
ne refte:plus à la charge de la m e r e , que les deux
adverfàires & Marie de Roquelaure. En Tannée
1 7 5 0 , ils obtinrent des Lettres de bénéfice d ’â
ge^ & la Dame leur mere leur remit à la même
épio.que la jouiiTance de leurs biens.
t En même-temps elle maria Gabrielle de R o
quelaure avec le fieur Defrois ; & par le Contrat
de mariage qui efl: du 1 j Septembre 1 7 5 0 t elle
�lui donna des marques bien efîentielles de l’ami
tié maternelle ; elle la combla de Tes bienfaits.
Noël-François de Roquelaure : oncië pater
nel des mineurs, àvoit par fon Teftarrient, légué
à la Dame de Bardon de Geniliac la jouiiïance de Tes biens jufqu’à la majorité des mineurs.
C ’eft une preuve bien fenfible de la fatisfa&ion
qu’il avoit des bons traitements qu’elle faifoit à
Tes enfants.
Par le Contrat de mariage de la Dame D e f r o i s ,
la Dame fa mere lui céda cette jouiflance, & lui
en promit la garantie envers fes autres enfants.
Elle lui fit donation de la fomme de dix
mille livres en préciput, à prendre fur les plus
clairs de fes biens après fon décès , & l’inftitua
fon héritiere dans le furplus de fes biens, par éga
lité avec fes autres enfants.
Elle fit en même-temps une réferve qui mé
rite beaucoup d ’attention : pour établir la validité
des legs contenus en fon T e ftam e n t, il eil dit que
l
injlitutum ejl f a i t fo u s la réjerve quelle f e f a i t
de difpofer au préjudice & nonobjlant ladite injlitution de la fom m e de vingt mille livres en prin- c ip a l, au profit de Jean G ilbeit de Roquelaure,
fo n fils , & qu'au cas quelle ne dijpofe pas de
cette fomme au profit de fo n fils , elle ne pourra
difpofer fu r les vingt m ille livres refervé,s , que
de la fomme de d ix mille livres au profit de Jeanne.
A
3
�4*
Ar
de Roquelaure f i n autre f i l l e , ou de telle autre
perfionne q u i l lu i plaira den gratifier , même à
çelui d elà future époufe \ en forte que l’inÎlitution
de la future époufe ft’aura effet q4e dans ce qui
reftera des bien$ la de Dame inftituante : après
que les fommes dont elle s’eft refarvée la faculté
de difpofer, auront été prélevées, au cas que
ces difpoiitions aient été faîtes ; finon h future
époufe , après avoir prélevé la fomme de dix
mille livres à elle donnée en principal , parta
gera le fuplus des biens par égale portion avec
fes cohéritiers.
O n a dit plus haut, qu*au moment des Lettres
de bénéfice d a g e , obtenues en l’année 1 7 5 0 par
les deux Adverfaires & leur fœur , qui a de
puis fait Profeiîion de Religion au Monaftere de
la Viiîtation de Thiers , la Dame leur mere >
leur avoit remis la poiTeflîon de leurs biens.
Elle fe hâta en même-temps de leurs préfenter
fon compte de tutelle , quelle affirma devant le
Châtelain de Thiers , Juge de la tutelle.
Elle porta dans la dépenfe du c o m p t e , fa dot
mobiliaire qui avoit été reçue par fon m a r i , &
les gains établis par fon Coatrat de mariage.
En l’année 1 7 5 7 les Parties donnèrent leurs
confiance pour {apurement du compte à un Confeil de cette V ille qui la méritoit bien , Me.
Xoutéç pere , le compte & les pieces juitifica-
�tives lui furent remis : il fit un projet de traité qui
devoir être pafîe devant Notaire , par lequel les
Qyants font déclarés débiteurs de la fomme de
1 x 7 6 7 liv. i z f. 6 d. Il eft dit que la D am e
de Roquelaure pourra exiger le paiement de
cette fomme un an après la majorité de fes en
fants, qui cependannt lui en paieront l’intérêt. Ils
•font pareillement obligés de lui payer annuelle
ment , & par a v a n c e , fon douaire de 800 liv.
C e projet écrit de la main de Me. Toutée eft
produit.
La D am e de Roquelaure s’étoit flattée de trou
ver dans ce traité fon repos & fa tranquillité , &
quelle n’auroit jamais de difcufion avec fes en
fants : mais elle s’abufoit. Ils favoient bien qu’en
l’enveloppant dans un labyrinthe de procès , &
la menant de Tribunal en Tribunal , ils la v e r
doient mourir fans lui avoir jamais rien payé.
O n retourna donc en la Châtellenie de T h ie r s ,
pour y avoir un apurement de compte en rigueur :
procédure toujours fâcheufe d ’une mere avec fes
enfants. Autant d’articles autant de procès, tout y
.fut contefté , jufques à la reftitution de la dot &
les gains , quoique fondés fur le Contrat de ma
riage ÔC les quittances du mari. Le compte & les
pieces juilificatives font entre les mains de Me.
C o g n a r d , Procureur à T h ie r s, qui avoit occupé
pour la D am e de Roquelaure. Les Demandeurs *
�6
’ en vertu ¿ ’Ordonnance de la Cou r les ont fait
faifir en fes mains. L ’inventaire qui en a été fait ,
comprend entr autres .p ie c e s , le compte de tutel
le , les pieces juftificatives , l’expédition de la
'Sentence interlocutoire rendue en la Châtelle
nie de T h i e r s , la procédure faite en ce Siege fur
l’appel, des Adverfaires, la Sentence de ce Siege
-confirmative du z z Juin 1769 , l’Arrét du Parle. ment confirmarif du 9 A o û t 1770 , la procédu
re reprife à Thiers après les appels jugés en Par
lement.
Il y eut un autre inventaire des Pieces qui
: font entre les mains de Me. G o y o n , Procureur en
la Cou r , qui avoit occupé pour la Dame de
Roquelaure fur les appels des Défendeurs. C e t
inventaire comprend l’expédition d’un premier
-A rrêt du Parlement du 24 A o û t 1 7 6 9 , qui re
çoit la Dame de Roquelaure oppofante à l ’A r rêt par défaut du 3 Juillet p ré c é d e n t , que les
Défendeurs y avoient furpris contre la Sentence
de ce Siege. O n en a pris communication : il or'donne que la Sentence de ce Siege fera exécu
tée par provifion , pour la fomme de 110 0 Iiv.
de provifion alimentaire.
. lies Défendeurs difent , pages 8 & 9 de leur
.Mémoire *, que la Dame de Roquelaure avoit
confondu dans un feul & même compte , l’admimrtration quelle avoit eu , tant des biens de leurs
�pere, que de ceux des fucceffions de Jean-Gil-’
bert & de François-Noël de Roquelaure , leurs
oncle & grand-oncle, & qu.’ils a voient des inté
rêts différents, relativement à ces différentes fiicceflions ; • que celle du pere étoit chargée de
dettes-, quelle étoit feule affe&ée au paiement de
la dot & des gains de la Dame de Roquelaure;
qu’ils n’étoient héritiers de leur pere , que par
bénéfice d’inventaire; que les fucceffions de l ’on
cle & du g r a n d - o n c le n’étoient chargées d’au
cunes dettes ; qu’ils demandoient en la Châtelle
nie de Thiers un compte féparé de ces -diffé
rentes fucceffions; que la Dame .de Roquelaure
fit tous fes effors pour l’empêcher , & que cela
fut néanmoins ordonné par une Sentence du 7
Août 1771. •
*
O n ne connoît pas cette Sentence ; mais on
voit deux chofes , l’une que Me. Toutée dans
fon projet d’apurement de compte , avoit fait,
deux comptes particuliers de ces deux fucceffions,
& l’autre que l’inventaire des Pieces qui font en
tre les mains de Me. C o g n a r d , Procureur à
Thiers , comprend pareillement en la cote 57
ces comptes particuliers. La Dame de R o q u e
laure , ainfi privée de fa d o t , de fon douaire ÔC
de fes autres gains; traduite de: Tribunal en T r i
bunal , épuifée par des frais immenfes , avoirencore pour lui aid^r à vivre la reffource de fa
Terre de Geniliac quelle avoit affermée.
�8
Sans fa participation & Ton confentement, &
fans lui en avoir demandé la permiffion , le iieur
Defrois eut l’audace de fe fubroger au bail de
ferme , bien certain qu’il n’en paieroit jamais le
prix. Ainfi, dénuée de tout, elle ne vivoit que
par des emprunts : on en aura bientôt la preuve
dans la lettre même que les Défendeurs produifent pour fonder leurs moyen ab iratâ matre
contre fon Teftament.
Abandonnée par fes enfants , elle appella au
près d’elle la Demoifelle de Vaux fa nièce , qui
prenoit foin d’elle dans fa vielleife ; elle conilderoit de plus que fa fœur , mere de la D e m o i
felle de Vaux , n’avoit pas été fuffifamment légi
timée.
C ’eft dans circonstances, qu’elle fit le n S ep
tembre 1 7 7 1 , le Teftament dont il s’agit. Elle
legue à la Demoifelle de Vaux , la fomme de dix
mille l i v r e s , dont elle s’étoit refervée la difpofition par le contrat de mariage de la Dame
Defrois ; elle legue à la Dame de Roquelaure
fa fille Reîigieufe , une penfion viagers de Cefifc
livre s, à Benoit de Vaux fon neveu , Lieutenant
d’infanterie au Régiment de Chartres, 150 liv.
de penfiori viagère.
Outre le legs de dix mille livres fait à la D e
moifelle de V a u x , elle lui legue fa g a r d e ro b e ,
compofée de fes habits, linges, coèffures & man
chettes
�9
chettes.de dentelle & autres-, & generalemetit
tout ce qui compofe fa garderobe ians réferve ,
& aufli Ton portrait; à la charge de donner a.cha
c u n de Tes domeftiques qui le trouveront^a fou
lervice à fa mort 'la fomme de 6to. liv.
Après quelques autres legs p i e s , elle rappelle
la claufe du Contrat de mariage de la Dame D e f
rois , & s’y confirmant , elle ajoute que le legs
de la fomme de dix m i l l e livres fait a la D em o ifelle de V au x , &. dont elle s etoit refume la difpofition par le Contrat d é p a r t a g é de la D am e
Defrois , fera pris fur tous fes biens qui demeu
reront de fon décès , & que les portions qui ap
partiendront à la Dame D e f r o i s , fuivant les d i f
pofitions faites par fon Contrat de mariage , ne
contribueront point aux autres legs ÔCqu ils fe
ront pris fur les portions qui reviendront à fes au
tres héritiers.
Enfin elle nomme pour Exécuteûr teftamehtaire le Comte de INJontboifîi.er.
A l’inftant du décès de la .Dame de^llo^quelaur^e le fieur Dç.frois fit appqfer.iles fcellésfur le
piphiUier de )a fucceffion : la Demoifelle de V a u x
y formîa .oppofition &C demanda la délivrance de
les legs. Le fieur Defrois f<^utint que -lar deli^Yfance-d.U^pyt, dey oit,^ re ,'^ite 'aux héritiers *, il
• ,m^n,gç<)itVdes-lç)rs Æattaqper'lç Teftament,de nul4i.ti.^ il jCA^te/Îa auffi la qualité d’Exécuteur tefta-
�•mentaire ; i l , foutient contre toute raifon , qu’en
Coutume d’Auvergne on ne .peut pas.en nommec.
,•
Le Comte de Mo'ntbôiiîîer., ên fa^ualité d^Exiîcuteur teftamentairë, donna Requêté le 11 D é c e m
bre 1 7 7 1 ; il conclut à ce que la délivrance fûf
faite aux différents Légataires de leurs l e g s , ' &
cependant que le mobilier fût fequeftré pour être
ve n d u , & le prix demeurer en fequéftre jufques à
ce que la délivrance des legs fût ordonnée.
La caufe portée à TAudience, il fut ordonné par
Sentence du n Décembre 1 7 7 1 , que la garderobe , la montre & tabatiere d’O r feroient remifes au Comte de Montboiffier , en fa qualité
¿'Exécuteur teilamentaire , après qu’il en aura été
fait un inventaire eftlmatif, laquelle eiîimation fe
ra faite par Experts; & à l’égard des autres meu
bles, il ert: ordonné que la délivrance en fera faite
aux héritiers, à la charge par eux de les prendre
par inventaire qui en contiendra l’eilimation faîte
par les mêmes Expers.
■
V o ilà la chûte de l’illufion des héritiers , en
ce qu'ils avoîent foutenu , contre toute raifon ,
qu’en Coutume d’Auvergne on ne peut pas nom. mer d’exécuteur teilamentaire.
~
Le Comte de M ôn tboiiîier, par une R e q u ê t e ,
conclut à ce que la délivrance provifoire qui
lui avoit été faite de la garderobe, de la montre
±J
i
- i
>
�11
& de la tabatiere d ’or , fût déclarée définitive , &
à ce que les héritiers fuiTent condamnés à lui faire
délivrance en fa qualité d ’Exécuteur teftamentaire,
du montant'des autres legs; & en vertu des O r
donnances qu'il a obtenues en l’Hôtel de M. le
Lieutenant-Général, le 1 5 Janvier , 1 7 7 1 , il a
fait faifir & arrêter les titres & papiers de la fucceifîon qui étoient entre les mains de Me. G o y o n ,
Procureur en ce Siege , & de Me. Cognard ,
Procureur à T h ie r s , qui avoient occupé pour la
Dame de Roquelaure.
. •
.
La Demoifelle de V au x eft intervenue en l ’inftance , elle a demandé la délivrance de fes legs :
les héritiers ont conclu à la nullité du Teftament
comme fait ab iratâ matre , & dans le mouve
ment d’une colere injujîe , & à la reftitution de
la montre & de la tabatiere d’O r , les Sieur &
Dame Defrois & le iieur de Roquelaure ont élevé
une autre prétention : ils ont fait l’injure à la D e
moifelle de Vau x , de l’accufer d’avoir fait des
recellés & fouftra&ions dans la fucceflion de la
' Dame de Roquelaure.
. Sur l’information il v a eu un décret defoit ouï:
ce ft une permiflion d’aiîïgner. Après l’interroga
toire f u b i , par Sentence rendue à l’A u dien ce crinelle , du 1 9 Juillet 1 7 7 z , les Parties ont été
renvoyées en Procès civil & ordinaire ; & par
Requête du 4 Janvier 1 7 7 3 , la Demoifelle
B i
�de V a u x a conclu à ‘être renvoyée de la calorrtnieufe • accufationy a v e c 1 condamnation folidaire
dfe dix mille livrès-d^ d'ottìrtiggès '& intérêt^;*'
;Le Procès à dètix ’oU/ets.':Lè T d ì 3mebtfdé lia
Darne de Roquelaure peût'-Îl* êiré décîaïé nul ',
comme Fait ab iratâ màtrt ,• dans lë mouvement
‘â’ünë, còlere’& d ’unéîiâine ih ju ß e h C ’eiFainii qtre
^1^ Advérfaires préféhtérit Ia queiliôh dans le pré'afobiilé (le* leür Mémoire ; ! Veiî: le premier ob
jet. L e fe co n d 're g a rd e l’accufation de recelés &
de fouftra&ions élevée contre la Demoifelle de
'Vaùx-3DL;r:' v - r:i i b 7 - ' :. - ' :
• • v' 'c'A . :> 0'
.;'j ; ! . f
•. ! '■
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EXAM EN
DU
P R E M IE R
..............*
O BJET. ■
Les Défendeurs ■vont établir deux p r o p o r
tions. 1La première, que dans'lé D r o i t , le moyen
vb irato, n’eft admis1 que dans le cas d ’une cofere
injufle de la fpart du Teftateur contre fes enfants
qui ne l’avoient pas mérité.~^lij(^feconde ; que dans
1l e üfâii j'r en -fuppofant que la 'D a m e de R o q u e
laure eût encore , lors de fon .Teftameht', de la
: côleife' contre Jfesr enfants' ,•‘ils aypient mérité tou
te'' fan averfion par les;procédés lei>plus indignes>
; ;ôc les’ plus'ofïenfams.?J
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--X i 3TI
�P R E M I E R E
P R O P O S IT IO N .-
Les Adverfaires entaiTent autorité fur autoriré,
• & Lôix / & -CoufuitfeiS, •& Auteurs-, ;& l A r r ê t s ,
pour établir que le Teftament fait àb irato ne
* petit pas fu b M e i '-: * ils s’éloignent perpétuellemènt de la diffcinQ'ion quil faut faire entre des
enfants bien n é s ' , toujours refpe£hieux envers
leurs parents , & qui par conféquent étoient
dignes de l’amitié que la nature infpire à un pere
‘ & à une mere , & ces enfants , vrais monilres
‘ d‘irigratitude , qui ne méritèrent jamais que la
jufte averfion de leurs pere & mere.
Q u e d e vien dro it, fans cette diilin&ion , la fage
‘difpoiition d es.Loix Romaines , qui laiiTent aux
' pere & mere la liberté de difpofer de la majeure partie de leurs b ien s, & ne refervent aux enfants
que leurs légitime de droit? Q u e deviendra celle
de nos C o u tu m e s ,, qui leurs laiiTent la liberté de
difpofer entrevifs au préjudice des enfants , fauf
ï'eur légitime de droit, ôc par Teftament jufques
a une certaine quotité, les unes plus & les aures
moins ? O ù trouver une Loi qui enchaîne les pere
tnere au point de ne pouvoir difpofer de r ie n ,
*ôc les oblige <le tout laifler aux enfants l
?
.
Mais, dans toutce que les Adverfaires oppofent
d’autorités, ils trouvent nôtre diftinâion & 'leurs
condamnation folemnellement établies.
�. 14
.
.
-
Ils oppofent la Loi 4. fF. de in officiofo tejlamento , qui dit que , non ejl confentiendum parentibus , qui injuriam adverjus libéras fuos tejlamento induc un t.
; ;
La Loi n’approuve pas une injuftice injuriam :
ainfi , fi le Teftament à été di&é par le mouve
ment,d’une colere injujle , la Loi le rejette; & ,
dans ,le cas contraire , elle l’approuve & le con
firme ; ce mot injuriam tout feul, démontre la diltin&ion.
Mais la Loi qui fuit immédiatement établit
bien plus précifément la diftin&ion de la çolere
injufle non méritée d ’avec la colere jufte & mé
ritée.
*
La Loi dit que les mots de in offîciofo tejlamento,
dont elle a intitulé le titre , fuppofent que l’en
fant qui a été déshérité» doit prouver qu’il ne méritoit pas ce mauvais traitement, hujus autem verb i, de in ojjiciofo vis ilia ejl docere immeriium f e ,
& ideo , <§" indigne prœteritutn vel exhereàatione
Jummotum.
Il eft donc évident par la difpofition formelle
des Loix , que la querelle d’inofficioté n’appar
tient qu’à . l’enfant qui a été maltraité fans une
caufe légitim e, non immeritum f e , & qu’elle n’ap
partient pas à celui qui a mérité les mauvaiies difpofitions de fes pere & mere à fon égard.
Les Adverfaires oppofent l ’article 199 de la
�Coutume de Bretagne, lequel, après avoir établi
qu'on ne peut donner à titre de libéralité que Je
tiers de Tes meublés ou la moitié par ufufrüit, ajoute
q u e , quand là donation n’èxcëderoit pas ¡cette’ mefure, elle feroit nulle, fi elle étoit faite en haine ou
en fraude des héritiers/
Il eft d’abord bien manifefle que cette Coutu
me n’a entendu porter fa décifion qu ’à la forme
de D roit , c ’eft-à-dire , pour le cas d’une haine
injufte. Elle n’a fans doute pas entendu autorifer
les mauvais traitements & les indignités commifes par les enfants envers leurs pere & mere.
Si elle avoit entendu propofer quelque choie
d’auifi abfurde , quel cas en feroit-on dans une
Coutume auiTi éloignée que la nôtre , & qui admet
les Loix Romaines pour D roit commun , quant
aux matieres qu’elle n’a pas traité ?
' O n fera fans doute bien furpris de voir les Adverfaires invoquer le Suffrage de R ic a r d , Traité
des Donations ; ils tranfcrivent ces paroles "du
favant A u t e u r , partie i. chap. 3. fe&ion 4. n.
6 1 o. Si un pere animé d’une haine & mauvaife
"volonté ,/ans raifon, contre fes enfants, difpofe
de fes biens au profit d’une perfonne , qui d’ail
leurs le pouvoit mériter, fa difpoiition pafle pour
'injufte, & demeure fans effet.
‘ .
. L e favant Auteur exige donc , pour annuller
�te
1-6
la difpoiition, la preuve d ’une haine fa n s raifort,
C ’eft fur ce fondement, dit l’Aute.ur, 3U
fuivant^que fut rendu l’Arrêt du 1 $ A o û t 161.3,
qui annulla le Teftament d ’une mere qui avoit touç
donné à fes enfants mâles * & n’avoit rien donné
à fa fille; en conféquence , ajoute, l ’Auteur de cç
qu’il était juftifié en la caufe que la mere étoit
portée . 'd'une avcrjion fa n s fondement contre ,fa
fille,
;
:
. Après plufieurs autres Arrêts que l e ’favant A u
teur rapporte , qui font dans le même ,ças (d’une
colere injufte , & que les Adverfaires oppofent,,
voici comment il termine fa fçavante Diflertation,
au n. 6 1 7 . I l importe q u il p a ro ife dans le pu?
b lic , que les donations & les legs ne 'doivent être
cajfts en cette, rencontre , que quand i l f e vojt que
le pete les a fa its dans Le mouvement d'une colere in~
ju f le , & au fujet de quelque mécomenuinent qui a
été conçu jnal à propos de f a p a n \ parce qü a u
trement ce feroit armer les enfants contre leu.r$
pere , &c. Cependant i l ejl.de. la ..derniere .consé
quence 9. que les peres demeurent les maîtres & le$
j u fies dijp enfateurs dans leu\s f,a mille^ pour,pou
voir provoquer leurs, enfants à demeurer dans (eurj
devoir a leur égard , du moins par le ,m o tif 4e
îintérêt , s'ils manquent de piété naturelle.ccim r
w eiln .a rriv e, que trop fréquemment. : c e f i çe ¡qui
f a i t que nous voyons que Cautorité paternelle s ’ejl
beaucoup
�>x7
beaucoup m ieux confervée dans le Pays qui Je
régie par le D r o it écrit, que non pas dans celuici , en conféquence de ce que nos Coutumes nous
ont donné moins de pouvoir fu r nos enfants , pour
la difpoftion des biens qui nous appartiennent.
D ’après une do&rine auili folidement établie,
feroit-il donc poffible de trouver , foit dans les
A u te u rs , foit dans les A r r ê t s , dequoi foutenir la
prétention des Adverfaires ? Mais on ne voit
que de l’illufion dans tout ce qu’ ils oppofent,:
notre diftin&ion d’entre la colere jufte & la colere injufte , formellement adoptée , & leurs pré
tention formellement condamnée.
Ils difent que Pierre de Fontaines, le plus an
cien des Juriiconfultes François , & qui vivoit
fous le régne de St. L o u i s , a écrit qu’un pere
dont la fille s’eft mal gouvernée , rpeut difpofer
de fes meubles & acquêts, & non de fes .propres
au prejudice de cette fille , pourvu qu’il ne foit
ému que par la haine de fa mauvaife conduite
& non par aucun autre échauffement.
.
O n auroit pu dire où l’on a pris le paffage cité,,
pour que l’on pût examiner le vrai fens de 1*A u
teur; mais, dans ce que les Adverfaires lui font
dire, ils y trouvent leurs condamnation.
U ne fille qui fe conduit mal fe fait tort^à ellemêqie; mais elle peut fe maljgouverner fans autre
ment attaquer d ir e & e m e n j‘ io p .p e r e *.. mais
, fi
c .
•
■
�•
».
\' i8
•
*
elle a' Hbiine à fon' pere quelqü’autr'e écFia.uffement bien fonde,il p e u t , félon l’A u t e u r , difpofer
'à fon' préjudice ,J1tant\dêJfes propres', que jde fesriieubf'és' &• acquêts.''
^
\ 'p n ’ oppofe^Mçf'iaC - fûr
Loi PapinïanuY
'§ . J i Imperator i qui cite un Arrêt ’rendu au pro
fit de Sebaftien .de la Faïe , t qui caffè le Tefta'Vnènt de fa mere , comme fait; dans1 un momënt
"dè7 côlbre.IÎ$ auraient du prudemment fuppri:i è e r ¿^- termes'de l’Auteur,: qu’ils tranfcrivent &
' prononcent fi formellement'leur condamnation ,.
'Jérm tïistejîa ni en t u m U l u d , u t iratœ iinmerito matris dqmnavit ; ces term e s, iratœ immerito matris ,
'démôWîrént ?qii;è. îa colère de la Teftatrice étoit
3irlj/ütteiv & que fon fils ne lavoit pas méritée
r . L e s ’Adveriaires reviennent aux Arrêts rappor
tés p a r Ricard/ lÎ s:!oppbfent celui de 1 6 $8;, qui
?caiTà iè?Tëftament d’un, pere , fait au préjudice de
:fés enfarit.s <par le reffentiment de ce qu’ils avoient
'voulu le faire interdire.
.Quand ‘ un ; fieré' fe met dans le ' cas de forcer
, ftç'énèn¥s-'i-îiiroV^^'ér. fon interdi& ion, ce qui
"Îi^Le^fait. j^mà^s.'qu’é; dans l’extrême néceflité ,
i iÎJWéJidbit.!,pàs‘ lç u r : énrSavoir mauvais gré puifqye , c’êft une voie ' de.D roit, S’il en conferve
‘ Sü3rèflôntiment ‘, ¿ fé :f l J iVrti rejffdrittTfienj 'ihjufle. qui
'3 i 0 .dbni'-iei lfëu à^lÿfcairat.iôiii de forn Teîh'ment.
i t \
iur'Îec^ied! J'trhFcolè'rè injufte,'que Ri-
�ï9
.
,
•card coniidéroit tant le Teftament cafle par cët
'Arrêt*, que les autres qui furent caftes par* lës
deux' autres Arrêts q u il rapporte -au même en
droit ,. puifqu’ils ne 1 ont pas empêche d’enfei*gner que , f i la colere a été méritée par les eiù?
fa n ts , le Teflament doit fu bjifler , parce qu'aux
trement ce Jeroit armer ~lef* enfants ’càntrç •leùr's
pere, au moyen de c e , qu'un èn fa n im a l affectionné
envers fo n pere , ne jnanqueroitjamais d e lu if u jciter des différents, afin de Je préparer des voies pour
attaquer des Actes qui aur oient été fa it s avec un
principe de ju ftice ; & que cependant ' i l efl de- la
derniere conféquence que -les pere s demeurent les
maîtres & les jnfles d ifp en f ateurs dans leurfam ille,
pour pouvoir provoquer leurs enfants à demeurer
dans leurs devoir a leur égard f du moins par le
m o tif de l'intérêt , s'ils manquent de piété-natu
relle , comme i l 11 arrive que trop fréquemment.
Si les Adverfaires avoient voulu Faire attention
aux circonftancfes de l’ Arrêt du i ? r. A o û t 1 6 5 8 ,
rapporte par'Soèfv&tom. 2. centurie i e. chap. 42 ,
ils ne 1 aurôient pas oppofé : on y voit qu’il s’agif*
foit dune donation de tous biens faite entre- vifs
ab irato pâtre, au profit de-deux de fes enfants j
au moyen de-laquellc^les atitrés enfants i e :trôùvoient tacitement exlïéréctés yfans aucun fujeO rhifonnable :. c étôit donc une colere injufle, "•
<• '
O n eft furpris que les Adverfaires aient ofé 1 V
�.n
20
voquer l’Arrêt du i cr. Septembre 1 6 7 6 , rap
porté au Journal d u ;Palais. L ’intitulé feul de la
jfçavante DiiTertation des Auteurs du Journal, auroit dû leurs ouvrir les yeux : la voici. S i la preu
ve de'la haine injujle d'un pere contre /es enfants
dun premier lit peut ann 11lier fo n Tejlament f a i t
au p r o ft des enfants dufécond, lit : il y a voit donc
preuve d’une haine injufte. .
.V
' .
{
Il étoit prouvé en effet qu’il avoir chaifé de fa
maifonv les deux enfants de fon premier lit , •&
q u ’ils étojerit en; procès avec lui pour le compte
desjbiensvde.-lêur/mere^qu’il retenoit, quoiqu’il
les
-, . * eût
- *• chaÎTé de fa ma’i fon., La haine de ce ,mé~
chant- pere , qui'.avoit tout donné aux enfants du
fécond lit i étoit vdooc bien injufte.
O n oppofe l’Arrêt du 9 A o ût 1 64.Z , rapporté.
par<M. H enrys, tom.,2, liv.
queft. 7 , qui caffa le Teftament de la D am e’ de Montagnac.
O n y voit le cara&ere fingulier de la Dame de
Montagnac, q u i , quand elle avoit pris d e T ave riion contre quelqu’un fans caufe,n’en revenoit point,,
qui avoit fait une multitude de difpofitions qui fe
détruifoient les unespar les autres; que de plus ion
Teftament avoit été; fuggéré.. Il ne faut donc pas
être furpris.fi fon Teftament fût cafte.
, : Mais on auroit pu faire attention que le favant
M . Herirÿs , apfès.avoir adopté la diftin&ion de
HiçardJ? de la colère jüfte & de la colere injufte,
�11
dit que cet Arrêt doit apprendre aux femmes, qu'à
moins d'une grande ojfenfe, une mere doit tout ou
blier.
O n oppofe l’Arrêt du n Juillet 1 6 8 S , rap
porté par Bretonnier au même endroit , qui cafia le Teftament de Simone R oux : en voici l’efpece. Simone R o u x avoir eu deux filles: elle
f i t r ainée Religieufe, après lui avoir fait faire un
Teftament en fa faveur ; elle maria la cadette avec
le fieur A rtau d , qui fit caifer le Teftament de fa
belle-fœur fit condamner Simone R oux à ren
dre compte de la tutelle qu’elle avoit eu de fes deux
fill es. Cela irita tellement cette femme ; qu’après
le décès de fa fille, elle difpofa de tors fes biens par
Teftament en faveur d ’un collatéral fort éloigné, ôc
en priva fes petits enfants , auxquels elle ne lailfa
que i o o liv. à chacun.
Le Teftament de la fille Religieufe au profit
de fa mere , avoit été annuité : le gendre avoit
donc été bien fondé d’en pourfuivre la caiTation.
Sa demande pour le compte de tutelle étoit éga
lement légitimé : c’eft donc injujlement que ces
deux motifs avoient îrîté Simone Roux.
O n fera furpris que les Adverfaires ofent invo
quer 1Arrêt de i 6 y z , rapporté par Auzanet,tom.
I er. de fes A r r ê t s , chapitre 59 ; il n y a qu’à lire
l'intitulé. Si une mere p e u t , conformément à ce que
lui permet la Coutume , tout donner à l'un de fes
�enfants , pour en fru flrer un troijleme qu elle haïff o i t dès fo n jeune âge fa n s cauje.
- ,
O n eiî: également furpris’de la citation de. la
C o m b e , au mot Teftament §. 10. L ’Auteur ap
prouve formellement la diftin£Hon de Ricard ,
entre la colere jufte & la colere injufte , & dit
en conféquence que'donations & legs ne doi
vent être cafTés, que quand il fe voit que le pere
les a fait dans le mouvement d'une •colere injujle.
O n eft enfin furpris de la citation de Denifart ;
& des Arrêts qu’il rapporte au mot ab iraïo. Tous
ces A r r ê t s , dit Denifart, font dans le cas de difpofitions testamentaires, qu’une pajjîon injufte
avoit diftées«
Les A d v e r f a ir e s , par leur Requête du 14 Jan
vier 1773 , avoient oppofé l’Arrêt du 23 Mars
1 6 9 4 , rapporté au Journal des Audiences , rendu
fur les conclufions de M. Dagueifeau , A v o c a t
Général, & depuis Chancelier de France, qui cafia
le Teftament de M. Villacer , D o y e n du C on feil , par lequel il avoit inftitué les Hôpitaux de
Paris fes Légataires univerfels , au préjudice dé
fon fils, contre lequel il ¿toit inté.
O n leur a répondu par une Requête du 1 1
Mars 1 7 7 3 , que c’eft dan« le Plaidoyer du célé
bré Magiftrat, toni; 3 de fes (Euvres, plaidoyer
2-9 , que l’on voit lafFaire dans toutes fes.circonftauces. V oici comme il termine,page 6o,la favante
�13
DiíTertation, après avoir enfeigné la diftinftion
d ’entre la colere jufte & la colere injufte.
* Ne nous étendons pas davantage , dit-il, fur des
faits qui font plus forts que toutes nos paroles. Là’
paffîôn répandue dans tous les écrits du Teftateur,
cette pailîon1in juiîe, qui lui a fait concevoir tant
de Procès téméraires , & qui Ta porté à déchirer
la réputation de fon fils par une infinité d’injufes écrites de fa main , qui font une preuve irrvînfible des véritables motifs qui ont infpiré fa difpofition. C ’eft là qu’on voit un pere agité par les
mouvements déréglés d’un reilentimeift ïnjujlc ,
accufer fon fils d ’avoir corrompu un Notaire ,.
fûborné des témoins , gagné , par argent des do«
mediques pour tromper fon pere : il l’appelle monftre d’ingratitude , voleur , fauflaire ^ ennemi de
leur bien ; monftre de débauche , capable des
pîusgrands crimes. A u contraire, l’on voit la can
deur des mœurs de fon fils, toujours patient, tou
jours refpeB'ueux envers fon pere , on voit
enfin l’imbécilité du pere, prouvée par leTeftament
rheme. Il fait une fondation pour demander à D ie u
Une bonne mort, après qu’il fera décédé. IPordonne des Mefles à commencer un mois avant fon
Teilament. Q u e l égarement d’efprit ,• dit le célé
bré Magiftrat !
.T e l l e s font les circonftances de T A r r ê t du 13
Mars 1 6 9 4 , que les Adverfaires avoient d’abord
\
�A ^
oppofé: ils n’ont eu garde d'en parler dans leur
Mémoire imprimé.
Nous avons encore dans Soëfve , tom. z
centurie, z chap. z 6 , un Arrêt célébré du 1 4
A v r i l i 6 6 z : fon efpece s’applique dire&cment
à la nôtre ; il n’y a que les noms à changer.
La Dame A l o u avoit fait un Teftament au pro
fit de fa fille , époufe de M . Brigalier, Conieiller en la C o u r des A y d e s de Paris, & au préju
dice de fes fils.
Ceux-ci attaquèrent le Teftam ent, comme fait
ab iratâ matre\ M . & Madame Brigalier convenoient que fi la haine de la Teftatrice avoit
été injufte , lé Teftament auroit pu , fur ce fonde
ment , recevoir quelque atteinte, & que c ’étoit
le cas auquel les Arrêts l ’avoient ainfi jugé ; mais
que les mauvais traitements quiavoient été exer
cés envers la Teftatrice par fes deux fils , étant
confiants & juftifiés par les informations faites à
fa Requête , le Teftament devoit fubfifter. Par
l’Arrêt , conformément aux conclufions de M .
l’A v o c a t Général Bignon , le Teftament fut con
firmé.
L es Adverfairesfont demeurés muets, tant fur cet
Arrêt que fur toutes les autresautorités oppofées.
Eft-ce donc par le filence que l’on détruit les prin
cipes les plus certains ?
C e i l donc un point fixe, enfeigné parles L o ix
l’unanimité
�><■
25
l ’unanimité des Auteurs & ’ l’uniformité des A r - rets j que le moyen ab irato, n’eft admis que .dans
«le cas d’une colere injufte contre des enfants qui
• ne l ’ont’ pas méritée.
S E C O N D E
P R O P O S I T I O N .
Les Défendeurs fe font un triomphe d ’une let
tre écrite par la Dame de Roquelaure au iieur
Defrois, où après lui avoir reproché & à fa femme,
leurs indignités envers elle, elle leur dit q u e lle les
allure de toute fa haine.
’
Diftinguons d’abord les fieur & Dame Defrois
& le fieur de Roquelaure. Il n’y eft nullement
queftion du iieur de Roquelaure, tout y eft rela
tif aux fieur & Dame Defrois & à leurs indignes
procédés, en leur difant qu’ils font d’indignes en
fants : cela ne s'applique qu’à e u x .& nullement
au fieur de Roquelaure. Le fieur Defrois.dit luimême , page z y de (on Mémoire , qu’il avoit ac- ,
coutumé d appëller la 'Dame de Roquelaure fa
ch'ere maman. ^<1 ■
Quels (ont donc les faits qui peuvent regarder
le fieur de Roquelaure ? O n dit , page z 6 du M é
moire , que la Dame de R o ’quelaure étoit préve
nue contre lui de l’averfion la plus forte , qu’elle fe
làifloit fouvent manquer de tout , que fôuvent
-elle ne p o u v o ir pas le fouffrir à fa table. C e font
D
i
�16
verba & voces, fans aucune preuve ; mais preuve
du fait contraire dans fon Mémoire , elle n’étoit
pas obligée de le nourrir, puifqu’il avoit fon bien ,
& que dès le moment que fa fœur & lui furent
émancipés, elle leur remit leur Terre de Lavort &
leurs autres Biens ; & cependant de fon aveu , elle
l’avoit chez elle , & elle 1 y avoit gratuitement.
C ’efl: donc ’par amitié pour fon fils, quelle l’avoit
chez elle fous fes y e u x , comme l’objet de fa tendreiTe, tandis que le fieur Defrois jouiifort impu
n ém en t d elà totalité-des Biens paternels, fans en
rien donner à fon beau-frere. ’
.
O n dit dans le Mémoire , page z 6 , que le fieur
de Roquelaure-, toujours rebuté par fa mere , prit
le parti de fe retirer chez les Peres G a rm e s , qu’il
en e’flaÿa la Réglé , mais que fon tempérament ne
lui ayant pas permis d’v perfiiler, il retourna dans
la maifon maternelle : il ne s’y trouvoit donc pas
ii m a l , fa mere étoit donc toujours prête à le recevoir gratuitement.
O n dit même page du M é m oire, que toujours
rebuté par fa mere , il fut obligé d’aller chercher
un afyle chez le iîeur D e f r o is , fon beau-frere.
L ’intention q u ’il avoit eu d’être C a r m e , prouve
bien qu’il avoit peu de goût pour les fociétés de la
ville. Eil-il donc furprenant qu’i f eût 'préféré de
fe retirer .au Château de L a v o r t , dans une belle
T erre, provenant de fes p e r e s , quils avoient tou-
�47
jours habité, où il étoit n é , & qui lui appartenoit par indivis avec fa fœur.
Ecartons donc pour toujours le moyen ab trato , quant au fieur de Roquelaure , & voyons fi
les fieur & D a m e D e fr o is en tireront plus d’avan-'
tage*
Leur principal m o y e n , difons mieux, leur uni
que moyen , c’eft la lettre écrite parla Dame de
Roquelaure au fieur D efro is : ils en tranfcrivent
ces paroles. Q ue fon amitié pour lui étoit éteinte,
quelle le regardoit commef i n plus cruel ennemi ,
qu elle le f e r oit repentir de f i s indignes procédés ,
qu elle n oublier oit rien pour cela , & finit en difant *
adieu indignes enfants, j e vous renonce comme fa tan, & vous ajfute de toute ma haine.
Obfervons d ’abord la date de la lettre , elle eft
du 2 Mai 1 7 6 4 , & le Teftament effc du 1 1 S e p
tembre 1 7 7 1 ; ainfi , poftérieure de plus de 7 ans,
on a de la peine à fe perfuâder que la colere eût
dure fi long-temps. Les fieur & Dame Defrois con
viennent dans leur Mémoire , que la Dame de
Roquelaure les avoit reçu chez elle , ainfi’, récon
ciliation , plus dé coléré lors du Teftament.
Maisjfuppofons encore la colere encore exiftan-?
te lors du Teftament , il reftera de juger fi elle
,°H
y &• fi elle étoit jufte elle
n’empêchera pas l'exécution du Teftamént nous’
avons démontré en la i re; Proposition que c ’ eft un
D
i
�i8
point fixe, enfeigné par les L o i x , l’unanimité des
Auteurs & l ’uniformité des Arrêts, que le m oyen
ab iiato n’eft admis que dans le cas d'une colere
injujle contre des enfants qui ne l'avoient pas mé-,
ritée.
Pourquoi fupprime-t-on dans le Mémoire des
fieur & Dame Defrois les motifs que la-Dame de
Roquelaure a donné dans fa lettre en réponfe à
celle du fieur Defrois? Elle lui dit, j e nefu isp oin t
fu rp rije de vos mauvais procédés vis-à-vis de moi
i l y a long-temps que j e l a i prévu; vous riayie£ que
fa ir e de vous emparer de mon bien malgré m o i , J i
vous neuffie% eu l'intention de me fa ir e mourir de
chagrin & defa ir e comme vous fa ites. Il avoit eu
laudace de fe fubroger fans le confentement de
la Dame de Roquelaure au Bail de ferme de fa
Terre de G e n ili a c , & il ne lui payoit rien . : elle
ajoute ces m ots, y a-t-il rien d'égal a d'indignes,
enfants qui rcfufenu a. une mere qui s e fl fa crifée
pour eux toute la vie ,, une miférable p r o v if on ali
mentaire. C ’eft la provifion de u o o liv. qui lui
avoit été adjugée par l’Arrêt du 1 4 A o û t 1 7 6 9 ,,
compris èn l’inventaire des Pieces qui font entre
les mains de Me. G o y o n , Procureur en l'a Cour.
Elle continue, aîniî. Vous mave{ dit que votre,
fem m e éioit bien malheur euf e de n i avoir pour mè
re ; mais j e fuis cent fo is plus malheüreufe de f avoir poür f i l e <S' vous pour gendre : f i j e riavois'pas.
�29 \
ete une 'bonne mere%elle feroit à £H ô p ita l, au lieu
que j e me vois à la veille d y aller ; mon Boucher
& mon Boulanger fo n t tous les jours a me perfécuter , & j e riai pas le premier f o l : voila le temps
(Tacheter mon bots , à tout cela point d'argent, dans
le temps que vous ave{ l'audace de vendre & de brû
ler lemien ( c ’étoit celui de fa Terre de Geniliac) ,
& i l fa u t que j e men paffe. S i vous riavic^pas une
mauvaife volonté, vous m'aurie£ envoyé au moins
une parnede ce que vous me deve^ ; mais pas un f o l ,
dquelquun qui ria pas une herbe fans l'argent a la
main. Telles font les expreffions de la lettre que
les fieur & Dame Defrois fupprimenr. Vit-on ja
mais, comme elle le d it, une mere auiTi indigne
ment traitée î Reprenons encore ici les faits dont*
on a rendu compte en commençant : on y a vu que
la tutelle finie par 1émancipation des enfants, la D a
me de Roquelaure avoit préfenté & affirmé l'on
compte devant le Châtelain de Th ie rs, Juge de la
tutelle : cela étoit jufte & indifpenfable.
O n y a vu que les Parties avoient donné leur
confiance à Me. Toutée pere , pour un apure
ment de compte à l’amiable , que le compte & les
Pieces juftificatives lui avoient été remifes, & que
par fon projet de tranfaâion écrit de fa main ÔC
produit au Procès , les Adverfaires font déclarés
débiteurs de la Dame de R oquelaure, de la fora
ine de 12772. liv. 7 f. 6 d . , payable un an après<
�3
leur majorité , & revendant l’intérêt , ils font
pareillement obligés de lui payer ennuellement
Ton douaire.
- .... ^
Elle setoit flattée d’avoir acquis par ce traité
Ton repos & fa tranquilité , & qu’elle n’auroit
point de Procès avec fes enfants: mais elle s’abufoit. ïls favoientbien qu'en la tenant enfermée dans
un labyrinthe de Procès dont elle ne fortiroit ja
m a is, & la menant de Tribunal en Tribunal , ils
la verroient mourir fans lui avoir jamais rien payé;
& ils ne fe font* pas trompés , elle eft morte fans;
q u ’ils lui ayent jamais rien payé.
Sur le refus de iigner le traité , il fallut retour
ner à Thiers pour un apuremantde compte en ri
gueur ; autant d ’articles , autant de Procès ,-tout
y fut conteilé jufques à la dot & aux gains, quoi
que fondés i'ur le Contrat de mariage & les quit
tances du mari. O n voit dans l’inventaire des Pie
ces qui font entre les mains de M e . Cognard, P r o
cureur à Thiers , le compte & les Pieces juftificativès', la Sentence que la Dame de Roquelaure
y avoit obtenu, celle de ce Siege qui l’avoit c o n - 3
firmée, & l’Arrêt du Parlement , confirm^tifjde;ir
celle de ce Siege.
O n voit pareillement en la cote i de l’inven
taire desj Pieces qui font entre,les mains de $le.
G o y o n , Procureur en ce S i e c e , un premier'Ârrêt du 24 A o û t 1 7 6 9 ; on en a pris communica°
*
'
�Cy
31
^
tion. La Dame de Roquelaure eft reçue oppofante à 1*Arrêt , par défaut que les Adveriaires y
avoient furpris , portant défenfes d’exécuter une
premiere Sentence de la Cour. L ’Arrêt lui fait
main-levée des défenfes, & ordonne que la Sen
tence de la Cour fera exécutée pour la fomme
de 1-2,00 liv. de provifion. alimentaire, Ses pourfuites t furent inutiles :' l ’Arrêt demeura fans exécution ; on avoit pris à tâche d e ne lui jamais
rien p a y e r , & elle eft morte fans jamais avoir
rien reçu.
Ain fi privée de fa dot mobiliaire , de fon dou
aire & de fes autres gains , il lui reftoit encore
pour lui aider à vivre , fa Terre de Geniliac
qu’elle avoit afFerméie mais, fans fon confentement,
le fieur Defrois eut la témeraire audace de s y fubroger , bien certain qu’il n’en payeroit jamais
le prix. Ainfi on lui coupoit les vivres de tous
les c ô t e s , & on la tenoit enfermée dans un laby
rinthe de Procès dont elle n’a jamais pu voir la
fin ; ainfi elle ne vivoit que d’emprunts ; on en
Voit la preuve dans la lettre même dont les A d
verfaires fe font un triomphe.
V it-on jamais une mere aufîi indignement trai
tée ? Et voilà la recompenfe des bienfaits dont on
a vu plus haut que la Dame de Roquelaure avoit
comblé la Dame Defrois en la mariant.
C ’eft donc le cas, ou ce ne le fut jam ais, d’àp-
�3l
pliquer le principe établi par les Loix , le fuffrage
unanime des Auteurs , & la Jurisprudence inva
riable des Arrêts , que le moyen ab irato n’eft
admis que dans le cas d’une colere Lnjujle contre
des enfants qui né l’avoient pas méritée.
D après tant d’indignités commifes envers la
Dame de Roquelaure , elle auroit pu exhéréder
la Dame Defrois : les Loix y font formelles. Elle
ne l’a pas fait ; elle a difpofé de la fomme de dix
mille livres dont , par le Contrat de mariage de
la Dame D e f r o i s , en la comblant de fes bienfaits ,
elle s’étoit refervée la difpofition pouren difpofer
au profit defa fille, qui n’étoit pas encore Religieu/e ,
ou de telle autre perfonne q u i l lut plaira d'en grati
fier. Elle a eu l’attention de ne point excéder cette
referve à l ’égard de la D am e Defrois,en rappellant
la claufede fon Contrat de mariage, & e n / y con
formant , elle a dit que le legs de dix mille livres
fait à la Demoifelle de V a u x , & dont elle s’étoit
refervé la difpoiition par le Contrat de mariage
de la Dame Defrois , fera pris fur tous les biens
qui demeureront de fon décès, que les portions qui
appartiendront à la Dame Defrois ,.fuivant les difpofitions faites par fon Contrat de mariage., ne
contribueront point aux autres l e g s , & qu’ils^ fe
ront pris fur les portions qui reviendront à fes
autres héritiers.
Elle auroit pu difpofer au préjudice du fieur
de
�Roquelaure de beaucoup plus & jufques au quart
de ce qu’il amande dans la fucceffion ; mais elle
ne l a pas fait , & le fieur de Roquelaure n’eft pas
affez mal avifé pour abandonner ce quart aux L é
gataires.
EXAMEN
D U
SECOND
OBJET.
Les fieur & Dame Defrois & le fieur de R o
quelaure ont fait l’injure à la Demoifelle de V a u x ,
de 1 accufer d’avoir fait des recelés & des fouftractions dans la fucceffion de la Dame de R o q u e
laure : lur l’information qu’ils ont fait faire , il y a
eu un Décret de foit oui ; c’eil une permiffion
d’afîigner. Les Parties ont été renvoyées en Procès
civil & ordinaire , par Sentence du 24 Juillet
I 772'*
Il
faut retrancher de l’information convertie en
E n q u ê t e , ôt compofée de 25 Témoins , -c e u x
qui ont dépofé ne rien favoir des faits conte
nus en la plainte.
; V o i c i ce qui réfulte des autres. L e i cr. a dé
pofé , que quatre ou cinq ans avant le décès de
la Dame de Roquelaure , la femme de chambre
de la defunte lui avoit d i t , qu’à plufieurs jours ,
elle avoit emporté de la maifon , plufieurs paquets
d’hardes , dont la D am e de Roquelaure difpojoit
en faveur de la D em oifelle de V a u x , f a N i è c e ,
' " •
E
�34
qü-eflé’ lui dit , qû?il y avoiif ÜW dé éés'pâquëts',,
énvelopÿé dians; ùn rVibuchoit*quï étoit de g'râtf1de valéur: ( ô n p'èu’tf jngéï de cette valeur j-déqucîque efpece. que fuï le mouchoir)- ,• quu'n1 âüt'ie
confiftoit en une piece de bafin rayé , & fi# où
fept livres de coton filé; que la D a m e de Roquelaure fe fa i/o it apporter cespaqüets fu r fb'ri lit pour
les examiner avant quon les emportât; ce que la D é
ni oifè lie dé V a u x a voit faii. C e Témoiti àjéiAe à
la vérité, qüe la DémoifelFé1 dé V a u * ¿voit M t in
férer dans une piece de coton de1 quatre à cinq
aunes , une autre piecè de coton plus fin, & lui
a^oit reco’himaridé de ne pas déclarer à la Dame
de Ro’qu'èîaure cette piece de coton fin.
Mais ce T é m o i n , unique- quant à ce dernier
fait , ne parlé que par oui-dire p'àr là femnië de
chambre , & l’on verra ci-après, que la femmede chambre ne dit rien dé pareil.
L e même i er. Tém oin dit encore> q u ’il ÿ a v o i r
un paquet contenant huit linceuls de toile co m
mune , & que la Dame de Roquelaure laVoit chan
gée dë mettre dans les malefc dé la Dëmbifelle de
V aiix deüx jupons picjbés Ôc garnis dé mouifelir ie , & qu’èlle en avoit donné trois autres non g a r 'nis à la femme dé chambre.
x Le 6 ™ . Tém oin d it , cjue la Dâriiè dé R o qu elàurè fàifoit porter fur fon lit les chofès cjù’eile'
dorinbit 'k la Dem oifelle de Vàuk:
L e 9me. T é m o i n , qui e ft la femme de cham>
.
§
_
.
�bre,, & tpar ¿onféquent le Témoin qui eft'le,mieux
inftruit , dépofe que Ja .Darne de Roquelaure l a
chargé.e , cinq à fix mois avant Ton d é c è s , de qua
tre paquets de hardes pour être dépofés en la maifon des Demoifelles de Frétât; qu’il y en avoit un
très-petit, où il y avoit de la^oufleline ; que dans
les autres, il y avoit fix draps de lit, quatr.e ou cinq
robes avec lenrs jupons » un rouleau d e ;toilede co
ton rayée, dans lequel étoitunepiece de fept à-huit
aunes demouiTeline,quatre ou cinq livres de coton
filé,deux jupons garnis de moiTeline : qu’il e f t d e f a
connoiiTance , que la Damede Roquelaure fit don
à la Demoifelle de V a u x de deux couverts d’ar
gent ; q u ’elle connoifloit à la Dame de R o q u elaure' une bague furmontée d ’un diamant, laquel
le elle ne lui avoit cependant pas vue depuis long
temps avant Ton décès : que la rDame d e j l q q u e laure ¿av.oit auifi fix cuillers à café , de vermeil ,
lefquels’ le fieimDefrois a dit lui manquer lprs de
l’Iaventaine : ;qu’il .lui demanda ^aufli com p tetde
deux »bagues ou.allianc.es iqu’elle.a vu -remettre
par laièDame ;.de‘Roquelaure à la Demoifelle, de
V au x , que la Dame;,de:Ro.quelaure l ’avoitichargé& de; faire choix dans fon linge de quatre ^dou
zaines ide ferviettes-rcommunes:6c ide les tfonnerçà
là) Demoifelle debVaux , prétendant.lui en ifairp
un ïdon ; jque itout qe >linge fe trouva .au.
blanchiflage
mais
^n’ayant été. rap-
�porté qu’après le décès de la Dame de Roquelaure , il a été remis au fieur Defrois.
Le i ome. Témoin a dépofé , que la femme de
chambre lui avoit dit que tout le mobilier que la
Demoifelle de Vau x avoit eu de la Dame de Roquelaure,fa tante, lui avoit été donné par ladite
Dame de Roquelaure.
La Dame de D i e n n s , i 4 me. Témoin , a dépoié qu’elle avoit connoiiTance des l e g s , que la
Dame de Roquelaure a fait à la Demoifelle de
Vaux , fa N i e d e , & que la Dame de Roquelaure
lui avoit dit , que c’étoit par principe de confcience qu’elle avoit fait ces difpofitions.
• Le 2 o mc. Témoin , qui eft le P. CaiTan , Prêtre
de l’Oratoire , & Proffeiïeur de Théologie du
C o llè g e de cette Ville , explique quel étoit ce
motif de confcience. Il a dépofé que la Dame de
Roquelaure , lui ayant fait part des difpofitions
qu’elle entendoit faire par Teftament au profit de
la Demoifelle de Vaux , fa Niece , quelle lui dit,
qu elle agiifoit en cela par principe de devoir,
que la Dame de V a u x , fa fœur, avoit été léfée
dans le D roit de Légitime q u ’elle avoit à préten
dre dans les biens de leur pere; q u ’elle avoit tou
jours été dans l’intention de réparer ce tort , &
qu’elle conferveroit d ’ailleurs des Sentiments de
•reconnoi (Tance de ce que fa fœur ne l’avoit pas
a b o n n é e en Juilice; que pour remplir fon devoir
�7 S
37
.
à cet é g a r d , elle s’étoit faite une réferve par le
Contrat de mariage de la D a m e D e f r o i s , fa Fille.
C ’eft donc après avoir confulté un Théologien ,
que la Dame de Roquelaure a fait des difpofitions
par fon Teftament , au profit de fa Niece : ces difpofitions font une vraie reftitution. Le même T é
moin attefte que la Dame de Roquelaure l ’ayant fait
àppeller de nouveau , & le fieur de Champetiere ,
elle dit en leur préfence qu’elle avoit donné une
certaine fomme à la Demoifelle de V a u x , que fon
intention étoit que ce qui lui r efle ro it, après avoir
fourni aux néceffités du m énage, du vivant d’elle ,
D ame de Roquelaure , lui demeurât p r o p r e , &
qu’elle dit auffi qu’elle lui donnoit fon couvert
d’argent & quelques meubles.
Le fieur Daurelle d e C h a m p e tie r e ,i3 me .T é m o in ,
ami & vbifiri de la Dame de Roquelaure» a d é p o fé ,
que plufieurs mois avant fa m o r t , elle lui avoit
confié l’intention où elle étoit de faire une donna
tion à la Demoifelle de Vaux , fa Niece , & que
• le motif qui l’y engageoit, étoit que la Dame , fa
f œ u r , mere de la Demoifelle de V a u x , n’avoit
-pas été aifez légitimée dans les biens de leur pere ,
qu il eft de iaconnoiifance q u elaD am e de Roquelaure a voulu plufieurs fois faire don à la Demoi: fellç, de Yallx d’une partie de fon linge & de fa
garderobe , & l’avoit plufieurs fois follicitéede dé
placer aufll-tôt ce quelle lui donnoit ; ce que la
�f 8 ............................
t)emôifeîle dé Vatixrefufoit 'de >faire. iQuè quatre
■ans a"Vant fa mort , elle le pria de fe rendre chez
•elle, où en^fa préfence & celle du "Père GaiTan
<<de l'Oratoire, elle dit qu’elle avoir donné à la D e ’moifelle de V a u x deux couvert d’a r g e n t , & lui
avoit remis dix à onze louis pour fajre la dépenfe
de la maifon, & que fon intention é t o i t , que s’il
•en réftoit lors de fon d é c è s , ce refte appartînt à
•la Demoifelle D evaux ; qu’il fait que la Dame de
•Roquelaure avoit eu une bague furmontée d’un
diamant en couleur de fouci ; mais que depuis long
temps elle ne la lui avoit*pas vue.
L a Demoifelle de^Frelat, z^ me . Témoin , a déjpofé qu elle a oui dire fouvent par la Dame de R o
quelaure, long-temps même avant fon décès, qu ’el«le étoit dans l’intention de faire des libéralités à
la] Demoifelle de 'Vaux , '& qu’ille le devoit par
^ n 1 motif de corîfcience , parce que fa fœur avoit
été léfée dans fa légitime.
'Ainfi , l ’information démontre que tout ce/que
la Demoifelle de V a u x a eu , lui a<été délivrés par
1la Dafne de'Roquelaure ^ laquelle , par fon Teftatoent/lui1avoit même déjà léguéjfagarderoboenen*tier, aulieu qu ’elle n’en a-eu qu’une partie ;Uel(reur
Defrois 'S’étant emparé d u rfurplus. I n f o r m a t i o n
: démontre'-de plus T que fout ce quelle donnait;
‘ elle le dônnbit par un motif de confcience'&raprès
Savoir èonfuîté[,un ’Théologien , par la^Faifod^ue
,
�la D a m e , fa fœur mere de la Demoifelle de V a u x ,
avoit été léfée dans fa légitime.
Avant que les Parties fuffent renvoyées à fins
civiles , temps auquel l’information étoit incon
nue à la Demoifelle de Vau x , elle a fubi interro
gatoire. Ses réponfes font exactement conformes
aux dépofitions des T é m o i n s , c’eft : une vraie démonftration de la vérité de fes réponfes.
Les fieur & Dame D e f rois & le fieur de R o
quelaure ont accufé la Demoifelle de V a u x d’a
voir fait des recelés & des fouftracti o n s , & l’in
formation la fauff eté de l’accufation.
C ’eft donc une injure atroce à une fille d’extrac
tion d ’ancienne N o b l e ffe , de la préfenter à la Juftice & au public , comme coupable d’un vol.
Q u elle en fera la réparation ? Elle efpere que fa
demande de dix mille livres de dommages &
intérêts lui fera adjugée.
Monf ieur B R U J A S , Rapporteur.
M e. G R A N G IE R
A v o ca t.
V E R N I E R E , Procureur.
41
À RIOM, de l’imprimerie de Martin DÉGOUTTE, 1774. '
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Montboissier De, Philippe-Claude. 1774]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Brujas
Grangier
Vernière
Subject
The topic of the resource
testaments
émancipation
curatelle
captation d'héritage
haine des enfants (ab irato)
doctrine
jurisprudence
testament fait par un principe de haine et de colère
inventaires
garde-robe
témoins
ingratitude
nullité du testament
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire signifié, pour messire Philippe-Claude de Montboissier, lieutenant-général des armées du Roi, capitaine-lieutenant de la féconde compagnie des mousquetaires à cheval, servant à la garde de sa Majesté, en qualité d'exécuteur testamentaire, nommé par le testament de la dame de Bardon de Genillac, veuve du sieur de Roquelaure demandeur. Et pour Marie-Françoise Devaux, demoiselle, intervenante, demanderesse et défenderesse. En réponse au mémoire signifié de messire Jean-Gilbert de Roquelaure, chevalier, seigneur de Lavort ; et dame Catherine de Roquelaure fa soeur, autorisée en justice, héritiers de la dame de Bardon de Genillac leur mère, défendeurs et demandeurs.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Martin Dégoutte (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1774
1739-1774
1716-1774 : Règne de Louis XV
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
39 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G0502
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G0501
BCU_Factums_G0503
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/52980/BCU_Factums_G0502.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Dorat (63138)
Lavort (château de)
Riom (63300)
Génillac (terre de)
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captation d'héritage
curatelle
doctrine
émancipation
garde-robe
haine des enfants (ab irato)
ingratitude
inventaires
jurisprudence
nullité du testament
témoins
testament fait par un principe de haine et de colère
testaments
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/52979/BCU_Factums_G0501.pdf
2b7c33558a74a0cbd89322d5a650c182
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Text
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, Chevalier, Seigneur de Lavort ; &
Dame G A B R I E L D E R
fa fœur ,
Epoufe de M effire J
D
, Che
valier Seigneur d ’Auzat, autorifée en Juftice ;
_héritiers par bénéfice d’inventaire
'A
-M
B
G
leur
m e re , à fon décès Veuve de Meffire G
R
leur pere , D é
fendeurs.
l a u r e
o q u e l a u r e
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d n n e
a r ie
d e
a r d o n
d e
e s r o is
e n il l a c
u il
l a u m e
d e
o q u e l a u r e
,
C O N T R E Meffire P h i l i p p e - C l a u d e Comte
de Montboiffier Lieutenant-Général des Armées
du R o i Capitaine-Lieutenant de laféconde Com
pagnie des Moufquetaires à Cheval f ervant à la
Garde de Sa Majefté Exécuteur-teft amentaire
de lad. Dame d e B a r d o n d e G e n i l l a c
Demandeur & Défendeur.
,
,
,
,
E t Demoifelle F r a n ç o i s e d e V a u x , fille ma
jeure Légataire de ladite Dame D E B A R D O N r
Intervenante Demandereffe & Défendereffe.
I
,
L n’y a qu’ une feule queftion au procès : elle eft de favoir fi le
teftament de la Dame de Bardon de G enillac eft valable. Les dé-
�2
fencleurs fe font pourvus contre ce tcftament, ils n’en attaquent point
la forme ; mais ils Contiennent qu’il doit être déclaré nul, par la raiion que les différentes tüfpofitions qu’il contient , ont été di&ées par
la colerc & par la haine injuitc que la Dame de Bardon leur mere
avoit conçue contr’ cu x ; ils rapportent la preuve écrite la plus diferte de cette colore &L de cette haine. C ’eft la Dame de Bardon
elle-même qui s’en cil expliquée dans les termes les moins équivo
ques. Cette preuve doit fans doute fuffire pour faire proferire des
difpolitions aufii contraires au voeu de la nature ; mais les défen
deurs font encore en état de faire la preuve par témoins d’une mul
titude de faits, qui ne caraftérifent pas moins les fentimens d’averfion & d’animofitc, qui ont été le feul motif de ce teflaincnt inof
ficieux , dont ils font forcés de demaiîîler la nullité.
FAIT ET PROCÉDURE.
Dti mariage du iieur de Roquclaurc avec la Dame de Barcîon^eGenillac, font iiïus quatre enfar.s; favo ir, Jean-Gilbert de Roquelaure , Gabrieile de Roque-laure , mariée avec le fieur D e sro is;
Marie de Raquelaure , aihiellement Religieufe au Monallere des
JDames de la Villtation cTe la Ville de T h ie rs; & Jeanne de R o q u clau re, décédée Religiculc au Monaftere des Dames d’ Efteil.
Le fieur de Roquehuire ell décédé en 1739 : les défendeurs &
leurs deux fœurs, pour lors en très-bas â g e, furent mis fous la ta. telle de la Dame de Bardon leur mere..
C ’eil pendant le cours de cette tutelle que Marie de Roquelaure
■s’ eit faite Religieufe ; la Dame de Bardon ne payât rien de fa dot :
elle eil encore due en entier.
Feu de temps après le décès du fieur de Roqu elau re, la Dame
de Bardon rccuciliit deuxfucccifions très-confidérables', échues à fes
mineurs ; l’ une par le décès de Jean-Gilbert de Roquelaure , leur
oncle ; & l’autre par celui de François-Noël de Roquelaure , leur
grand oncle : ces deux fucceifions confiitoient en partie en deniers,
cfleâifs.
Depuis l’ingrés en Religion de Marie de Roquelaure, la Dame
de Bardon n’étoit plus chargée que de trois entans, dont elle ad*
miniilra la tutelle pendant plufieursannées : elle perce v o i t , en cette
qualité, tous les revenus des biens; mais elle n’etoit pasenu fage
tl’cn payer les charges. Sa geftion fut d’ailleurs tranquille : elle faifoit alors fa réfidencc avec fa famille au Château de Lavort.
En l’annéç 17 5 0 , il prit en gré à la Dame de Bardçn de faire:
�émanciper l'es trois enFans, & de leur faire créer nn_ Curateur.
On devoit naturellement, & fuivant les réglés , choifir un c u
rateur parmi les parens paternels des Mineurs; fa fonction princi
pale devoit être de les aiîiiler & de les aider de fes lumières & de fes
confeils, dans les différentes opérations du compte que la Dame de
Bardon fe propofoit de leur rendre de fon adminiftration ; mais elle
prit le parti de faire tomber le choix fur le lieur Devaux (on
beau-frere , pere de la Demoifelle Devaux , Partie au procès.
Immédiatement après l’émancipation de fes enfans, la Dame de
Bardon préfenta fon compte au Châtelain de T h ie r s , Juge de la
tutelle : elle les fit affigner en confcquence , & le fieur D e v a u x ,
leur Curateur , pour être.préfens à l’affirmation.
On fe perfuadera fans peine que ce compte fut bâti , blâme 8c
débattu au gré de la Dame de Bardon , & relativement à fes inté
r ê t s ; les mineurs n’ avoient aucune forte de connoiflance de leurs
droits, ôi le fieur D evaux, leur curateur, étoit entièrement dévoué
à la Dame de Bardon.
Peu de temps après, ¡k. le 13 Septembre 17^0 , Gabrielle de
R oq u elau re, fous l’autorité de la Dame de Bardon fa mere ôc du
fieur. Devaux ion curateur,contrafta mariage avec le fieur Desrois.
La dame de Bardon parût dès-lors avoir oublié qu’ elle avoit un
compte à rendre , 8c qu’ elle l’avoit préfenté : il ne fût plus queftion d’en luivre l’apurement. Elle vivoit dans la meilleure intelli
gence avec fes enfans & avec le fieur Desrois fon gendre , qui la
refpcûoit comme il le d evoit, & à qui elle témoiguoit de fa part
beaucoup d’afteâion. Voici les claufes du contrat de mariage de la
Da me D e sro is, relatives à la conteÜation.
La D.elle de Roquelnure fe conftitue de fon chef tous les biens
qui lui étoient échus par le décès de Guillaume de Roquelaure fon
p e re , & par ceux de Jean-G ilbert de Roquelaurt é’ François - N oil de
lioqutlaure tjes oncle & grand oncle
La Dame de Bardon, de la part, lui fit une donation en préciput
de la lomme de 10000 liv re s, à prendre après fon décès fur les plus
clairs & les plus liquides de les biens, qu’elle affefta dès lors ait
paument de cette fomma.
P<«r la clauie luivante, la Dame de Bardon inflitua la Dame Desrois *?n héritière dans le furplus de les biens par égale portion
avec les autres enfans.
1
Cette mftitution fut faite fous la réierve que la Dame de Bardon
le fit de pouvoir diipofer , an préjudice & nonobftant l’inflitution ,
de la iomme de 10000 livres , auili en préciput, au profit de JoanCilbert de~Roquelaure fon (ils; aux conditions que, dans le cas 011
elie n’en difpofcroit pas au profit dudit Jean Gilbert de Roquelaure,
A z
�I
4
elle ne pourroit difpofer, fur cette réferve , que de la fomnie de
icooo liv. au profit de Jeanne de Roquelaure fon autre fille, ou
de telle autre perfonne qu’il luiplairoitd’en gratifier, mômcil celui
de la Dame Desrois.
Le fieur & Dame D esrois, quelques jours après leur mariage,
allcrent s’établir chez le fieur Desrois pere , qui s’étoit obligé de
les loger, nourrir, entretenir, eux , leurs entans, s’ils en avoient de
leur mariage, & leurs domeitiques. La Dame de Bardon y accom
pagna fa fille ; &. après avoir t'ait quelque féjour chez le fieur Des
rois, elle revint au Château de L a v o rt, oit elle pafla encore quel
ques années avec le lieur & la Demoifelle de Roquelaure les deux
autres enfans.
Les chofes refterent en cet état, c’ eit-à-dire, qu’ il continua de
régner une union 6c une tranquillité parfaite entre la Dame de Bardon ôz. fes enfans, pendant tout le temps qu’elle fixa fon domicile
au Château de Lavort ; mais, malheureufement pour eux , dégoutée fans doute du féjour de la campagne , elle le transfera en'la Ville
dt; R io m , où elle fe retira avec le lieur 6c la Demoifelle de Roque
laure. Elle y fit dans la fuite l’acquifition d’ une mailon , dans la
quelle elle eût l’attention de faire tranfporter tous les meubles du
Château de Lavort.
Les Défendeurs ôc la Demoifelle de Roquelaure leur fœur n’eu
rent garde de fe plaindre de cette dévaluation générale de tout leur
mobilier : élevés dans la fourmilion & le reipeft qîi’ils dévoient à
la Dame leur m e re , & n’ayant d’ ailleurs rien à fe reprocher fur
leur conduite envers elle, ils croyoient avoir droit de compter fur
les bontés & fur la tendrefle qu’ elle avoit paru avoir pour eux.
Ils regardèrent ce tranfportde meubles dans la maifon qu’elle avoit
acquis, comme un dépôt entre fes mains, fur la fureté duquel ils
ne doivent avoir aucune forte de défiance : ils fe faifoient illufion j
ils ne tardèrent pas à s’en appercevoir.
La Dame de Cardon, depuis fon nouvel établiflement, ne paroifloit déjà plus avoir pour fes enfans autant de tendrpfle & d’affe&ion qu’elle leur en avoit témoigné jufqu’alors ; cependant elle
en ufoit encore allez bien avec eux-,
leur ctat étoit {impor
table.
Mais ayant attiré auprès d’elle la Demoifelle Devaux fa nièce Sc
le fieur Abbé Devaux fon n e v e u x , ils devinrent l’objet de toutes
les complaifanccs : elle parut avoir oublié fes enfans : la Dcmoifelle Devaux diipofoit de tout dans fa maifon ; rien ne manquoif
à fon entretien , randis que le fieur de Roquelaure & fa fœur manquoient fouvent du néceiTairc. La Dame de Bardon , qui combloit d’a
mitié
de careiTcs la Demoifelle D e v a u x , n’avoit pour eux que
�¿es maniérés dures & rebutantes. La dame Desrois n’étoit pas"
mieux traitée : fi elle venoit voir la dame fa m e r e , elle étoit re
çue avec indifférence Ô£ froide nr ; elle ne partoit jamais aflez-tôî
au gré de la dame de Bardon.
Upe préférence auiïi m arquée, & auffi contraire aux fentimens
qu’une mere doit naturellement avoir pour fes enfans,étoit bien pro
pre à les rebuter; ils fupporterent cependant leur difgracependant
long-temps , fans fe plaindre, 8c fans s’ écarter en rien de ce qu’ils
devoient à la dame leur mere ; ce ne fut qu’après qu’ils furent bien
convaincus qu’ elle ne changeront pas de fentimens , que le fieur de
Roquelaure prit le parti d’aller chercher ailleurs un afile.
La demoiielle de Roquelaure ne pouvoit pas prendre le même
parti avec décence : elle refta encore quelque temps avec la dame
de Bardon; mais enfin, excédée de la maniéré dure avec laquelle
elle la traitoit, elle fe détermina à lui demander la permiffion d’aller
paffer quelque temps à Ez-chandelis chez le fieur Desrois fon beaufre re , permiffion qu’ elle obtint facilement,
Ce fut dans ce voyag e que fit la demoifelle de Roquelaure ,
qu’effraiée des fuites de l’averfion de la dame de Bardon , elle prit
le parti d’entrer dans la Communauté des dames d’ E fte il, où elle fe
fit Religieufe. La dame de Bardon ne voulut contribuer en rien
aucuns des frais néceffaires; ils furent tous à la charge du fieur D es
rois. Quoique la demoiielle de Roquelaure ait furvccu pluficurs an
nées à fa profeflion, la dame de Bardon ne daigna pas l’aller y oir
une feule fois.
La demoiielle Devaux &: le fieur Abbé Devaux fon frere furent
mettre à profit la retraite du fieur & de la demoifelle de Roque
laure : on verra dans la fuite qu’ ils ne cherchoient rien moins qu’;\
concilier la dame de Bardon avec fes enfans , le fieur Abbé Devaux
s’en expliquoit aiî’ez clairement en écrivant à la dam© de Bardon :
ils parvinrent, entr’ autres chofes, à lui perfuader que c’étoit à la
follicitation,
par les confeils du fieur D esrois, que le fieur de
Rocjuelaurc avoit quitté fa maifon. Si la dame de Bardon eut été
■moins prévenue , elle fe feroit apperçu facilement de la grofliereté
-<lu piège qu’on lui tendoit ; - ^ l e fieur Desrois n’avoit aucune forte
d’intérêt à cette évafion, ôc la dame de Bardon n’ignoroit pas qu’il
avoit fait , mais inutilement, tous fes efforts pour lui ramener fon
üls. Elle en sut cependant très-mauvais gré au fieur D esrois; elle
ne le regarda depuis que de trçs-mauvais œ i l , &C elle ne lai Ha
«chapper aucune occaiîon de lui en témoigner fon reflentiment.
Quoique la dame de Bardon n’eut plus aucun de fes enfans à fa
c h arg e , elle continuoit de jouir de leurs biens, mais toujours ayee
\
�îa même attention de ne payer aucunes des charges & des créances
auxquels ces biens étoient afte&és.
La dame de Bardon, en quittant le féjour du Château de Lavort,'
avoit laiflc cette Terre dans le plus mauvais état ; les bois étoient
entièrement dégradés , & tous les bâtimens, tant du Château que
des Domaines, tomboient en ruine, & menaçoient d’ une chute
prochaine.
Le fieur Desrois, pour éviter l’entier dépériffement du t o u t , fe
détermina à y aller faire fa réfidence avec la dame Desrois & leur
famille : il prit en même-temps avec les Fermiers des,arrangemens,
au moyen defquels la dame de Bardon étoit toujours exa&ement
payée du prix du bail; c’étoit elle-même qui en avoit fait la
Ferme.
En l’année 1 7 6 4 , le fieur D esrois, épuifé par les dépenfes e x
traordinaires & indifpenfables qui lui occafionnoient les réparations
à faire, tant ai:]Château de Lavort qu’aux Domaines qui en dépen
dent , chargé d’ailleurs d’une nombreufe famille , & pourluivi
pour les arrérages des charges que la dame de Bardon avoit laiffe
accumuler pendant le cours de fon adminiftration, fe trouva hors
d’état de fatisfaire à un terme échu du prix du bail.
fe peri'uada que la dame de Bardon qui jo r iflo it , indépen
damment de fon propre bien , de tout celui de fes enfans, fans qu’ils
M e n t à fa charge , ne lui tiendroit pas rigueur, &c qu’elle ne lui
refuferoit pas quelque délai.
Dans cette confiance, le lieur Desrois fe déterminai lui écrire;
après lui avoir expoie îa iituation , il la fupplie de lui accorder
quelque-temps, en l’aflurant qu’il ne tarderoit pas à lui donner fatisfa£ïion ; il ajouta que fi elle étoit véritablement preflee, il U
prioit d’emprunter en fon nom ou au fien , & qu’il feroit inceiTatnment honneur aux engagemens qu’elle pourroit contra&er.
Une lettre & une priere de cette efpece , d’un gendre à fa bellejnere, n’avoient afïurément rien qui put offenfer la dame de Bar
don : elle n’avoit qu’à répondre fimplement qu’elle ne pouvoit ou
qu’elle ne vouloit pas accorder le délai.que le fieur Desrois lui de*nandoit ; c’ eft cependant cette lettre* qui lervit de prétexte à la
dame de Bardon pour manifefter fes fentimens > fur lefquels elle
avoit encore eu jufqu’alors quelque ménagement. La réponie qu’elle
fit au iieur Desrois efl conçue dans des termes qui ne refpirent que
la cûlere , la haine & l’ averiion, foit à l’égard de (es enfans, {oit
à l’égard du fieur D esrois, avec un deifein formé de ne pas leur
laiffer un f0l de fon bien. Si le fieur Desrois, qui n’ avoit jamais
eu pour elie que lesattentions les plus marquées, avoit voulu atwu-
11
�ter à la v ie , elle né lui atirôit pas écrit d’unè maniéré différente :
on fera l’ analyfe de cette lettre lorfque l’on en fera à la difcuiîîon
des moyens.
La haine & la colere dont la dame de Bardon étoit animée contre
fesenfans,étoient trop violentes pour ea demeurer là ; elle reprit,
immédiatement après fa réponfe à la lettre du fieur D e sr o is, les
procédures qu’elle avoit commencées depuis quinze ans fur l'apu
rement de l’on com pte, & dont il n’avoit plus été queition depuis
le mariage de la dame Desrois ; elle mit dans cette reprife toute
la vivacité & toute l’animofité poflîblc ; elle alla même s’établir
dans la ville de Thiers, où Pinftance étoit pendante,'pour en accé
lérer le Jugement.
Pendant le féjour de la Dame de Bardon dans la Ville de Thiers ,
les défendeurs firent jouer tous les reflorts qu’ils purent imaginer
pour rallumer dans le cœur de leur mere des fentimens qu’ils ne
croyoient pas tout-à-fait éteins; ils la firent fupplier , par pluiieurs
perlonnes de confidération , de leur permettre d’aller le jetter fes
genoux , pour lui témoigner le déiefpoir où ils étoient de fe voir
privés de fa tendreffe tk de fon amitié , & pour la lupplier de leur
rendre l’ iine & l’autre : tout fut inutile. La réponfe de la dame:de
Bardon, tut toujours qu’elle ne feroit pas contente qu’elle ne les
eut ruinés.
r-, Les défendeurs, forcés malgré eux de difeuter le compte qui leui*
étoit préfenté, ne le débattirent que foiblement : malgré to'iit ce qui
s’étoit paiîé , ils elpcroient toujours un retour de la part de la
dame de Bardon ; ils fe. battirent , pour ainfi dire , en retraite 5 ils
ne cherchoient qu’à gagner du temps , & ils négligèrent alors, en
procédant fur le com pte, des moyens décififs contre les prétentions
de la dame de Bardon.
,~i
.
m’
Il y eut cependant une premiere fentence du Juge de Thiers qui
apura quelques articles du com pte; il y en eut de furfis, il y en
eût fur lefquels le Juge ordonna des preuves. ? . f
* t
La dame de Bardon ôc| les défendeurs interjetterent refpe&i ve
ndent appel de quelques. chefs de,wcetté fentence en ce fiége, 8z
de ce fiége au Parlement : la dame, de Bardon y fuccomba dans
lin chef intéreiTant : cette circonftance n’éfcoifc pas propre à dimi
nuer fon averfion pour les. défendeurs. :
... i,, !
Il feroit inutile d’entrer dans un plus grand détail fur cette procé
dure : la dame de Bardon s’attachoit principalement à-furprendrë
des provifions ; c eft à quoi elle yifoit.plutôt qu?à l’apurement de
fon compte, 6c elle en obtint ¿de,¡ççmiidérablesnqui .luii-fiirent
payées.
'
.?.no !■»•?*.
. M ais i l e ilb o n d W ç r y e r que foi dame d$ Bardw^pdrtôit-foa
�^animofité fi loin', qu’en chargeant les Huiiîïers de l’exécution de ces
fentencesdeprovifions , elle neceffoit de leur recommander ( fous la
promefle d’une gratification) d’ agir avec toute la rigueur qui dépendroit d’eux ; de ne pas recevoir les meilleurs gardiens volontaires
qu’on pourroit leur offrir, 6c de faire les exécutions les plus v io
lentes , avec déplacement, tant fur les meubles que fur les beiliaux.
E t , ce qui eft à remarquer , c ’efl que lorfque les défendeurs
payoient ces provifions fur la fimple fommation qui leur étoit
fa ite , la dame de Bardon étoit au défefpoir de ce qu’elle ne pouvoitpas leur faire des frais plus confidérables.
La haine que la dame de Bardon avoit conçue contre fes enfans,
qu’ elle n’ignoroit pas n’ être pas à l'aife , ni à beaucoup près , ne
fe bornoit pas à faire fes efforts pour les confumer en frais ; elle
ne négligeoit rien pour l’exécution du projet qu’elle leur avoit
déjà annoncé , de ne pas leur laiffer un fou de fon bien.
Elle commença par vendre la dirette de fa Terre de Genillac :
elle vendit en fuite, en rente v iag e re , la maifon qu’elle avoit acquife en cette Ville de Riom : elle reçut lors de la vente de cette
maifon un pot de vin de la fomme de 2400 liv.
Ces deux objets en faiioient un confidérable dans la fortune de
la dame de Bardon, mais elle porta fon animofité encore plus loin ;
elle mit tout en ufage jufqu’à fon décès , pour vendre à rente v ia
gere fa Terre de Genillac.
Les défendeurs avoient toujours efpéré jufques-là que la dame
de Bardon reviendroit enfin à elle-même ; ils n’avoient pas pu
fe perfuader plutôr qu’il ne (ui reftoit aueun fentimenr de la tendrefle naturelle qui devoit la ramener à fes enfans, ou du moins à
fes petits enfans, qui ne pouvoientà aucuns égards lui avoir donné
le moindre fujet de les haïr.
Mais, inftruits de tous ces faits, 8c après des preuves aufli manifelles de toute l’averfion de la dame de Bardon, dont ils avoient
tenté fi fou ven t, mais toujours fans fu ccès, de fléchir la c o le r e ,
ils prirent le feul' parti qui leur rpftoit, de ne rien négliger dans la
difcufïion du compte-qui leur ctoit p r e fe n t é ,& de demander qu’il
fût réformé.
•
:
La Dame de Bardon avoit confondu dans uu feul 6c même
compte l’adminiitration qu’ elle avoit eu , tant des biens de la fuccefîionde Guillaume de Roquelaure pere des mineurs, que de ceux
des fucceifions de Jean -G ilbert de Roquelaure leur on cle, 6c de
François-N oëldc.Roquelauie leur grand on cle; & les défendeurs
avoienti des -intérGts ¡difîé'fefis'-; relativement A ces différentes fuc-,
ceflions.
. .Celle du ftcur de Rbquolâure lent pere-étoit chargée de dettes ;
elle
�çlle ¿toit feule afte&ée au paiement des reprifes que la dame do>
Bardon pouvoit avoir ; les défendeurs n’en étoient héritiers que
par bénéfice d’inventaire ; la dame de Bardon y avoit même renoncé
pour eux , dès le commencement de l;i tutelle.
Les fuccefllons de Jean Gilbert 8r de François-Noël de Roquelaure , dont les défendeurs iont héritiers purs &C fimples , n’ étoient chargées d’aucune forte de dettes; elles n’ étoient point affeflées aux reprifes de la Dame de Bardon, q u i, outre le revenu
des immeubles , avoit trouvé dans ces fuccefllons des fommes trèsconfidérables, foit en deniers effectifs, foit en argenterie ou meu
bles de touteefpece.
Les défendeurs donnèrent une R eq u ête, par laquelle ils conclu
rent à ce que la dame de Bardon fut tenue de leur rendre un compte
fépare , & par échelette , de ces deux fuccefllons : la dame de Rard o n , qui ne s’ attsndoit pas au parti que les défendeurs venoient
de prendre, fit des effort infinis pour éviter l’adjudication de ces
conclurions ; mais le compte fut ordonné de la maniéré que les
défendeurs l’avoient demandé , par fentence contradictoire du
Châtelain de T h ie rs, du 7 Août 1 7 7 1 .
Le 1 1 Septembre fu iv an t, un mois & cinq jours exafïemcnt
après cette lentence, la Dame de Bardon fit le teftament ologra
phe qui fait l’objet du procès.
Les difpofitions de ce teftament annoncent déjà par elles-mêmes
qu’elles ne font pas l’ effet d ïtne volonté lib re , & que la dame de
Bardon étoit alors animée par une paillon v iolen te, qui ne lui permettoit pas l’ ufage de la réflexion.
On a déjà vu que par le contrat de mariage de la dame D es
rois , elle s’etoit réfervéla liberté de difpofer de lafomme de 10000
livres ; mais on a dû remarquer dans les différentes ftipulations
de cette r é fe rv e , qu’ elle n’avoit alors en vue que fes enfans : s’il
eft dit, par une derniere claufe, qu’ elle pourra en difpofer en faveur
de telle autre perfonne qu’ il lui plaira d’en gratifier , même au
profit de la dame D e sro is, la prélomption qui le préiente naturel
lement , eft que la dame de Bardon ne vouloit pas le lier au point
qu elle ne fut plus en état de donner des marques de Ion affcûion
à celui ou à ceux des enfans qu’elle prévoyoit pouvoir naître de ce
" - r i a g e ou de celui de fes autres enfans s’ ils (e marioient.
Mais la dame de Bardon , prévenue, lors de fon teftament, de la
haine la plus iorte contre fes enfans4 livrée d’ailleurs à la demoifelle Devaux , qui no négligeoit rien pour la maintenir dans fes
ientimens ; fatiguée encore du nouveau compte ordonné par la
lentence du Juge de Thiers , n’a confulté dans fes difpofitions que
« s feuls mouvemens de fa colere,
..
a
�Elle a commencé'par épuifer on entier la réferve qu’elle s’ éioit faite par le contrat de mariage de la dame Desrois,"en léguant
•à l.i demoifelle Devawx la fomme de ioooo livres.
Elle a légué, par une fécondé difpofition , la fomme de ioo liv.
de penfion viagère , payable chaque année de trois mois en trois
m o u , 6i par avance, à dame Marie de Roquelaure fa fillé, Religieufe
au Couvent de Sainte Marie de la Ville de Thiers.
Par une troifieme difpofition , elle a fait un legs de la fomme
de 150 livres de penfion viagère, payable d’avance auffi chaque
année au fieur Devaux fon neveu.
Elle a légué, par une quatrième difpofition, la quantité de dix
feptiers de bled aux pauvres de la ParoiiTc de Marat.
Elle a auifi légué la fomme de 15 0 livres pour un annuel de
méfiés, & celle de cent livres une fois payée aux p a m r js de la
Miféricorde de la Ville de Riom.
Et pour ne rien négliger lur la preuve qu’ elle vouloit donner
à fes enfans de toute ion averfion pour e u x , elle a ajouté au legs
qu’elle, a voit déjà fait à la demoifelle Devaux de toute fa réferve
celui de fa garde ro b e , fans aucune exception; ce qui fait un
objet de plus de 4000 livre : elle y a joint le legs de l'on portrait avec
le cadre.
La dame de Dardon , qui n’ignoroit pas que dans le cas où elle auroit pu difpoferpar teltament de l’entiere lomine de 10000 livres
qu’elle s’étoit réiervée, elle avoit au moins épuiié cette réferve
par le legs qu’ elle en avoit fait à la demoifelle Devaux , & que
le furplus de fes difpolitions » qui formoit un objet prefqu’auilî
confidcrable que celui de fa réferve , ne pouvrit pas valoir , fe
perfuada fans doute qu’ en remettant l’cxceution ue fon teftament
en tre les mains d’une perfonne de la premiers distinction , elle re
in i.ie oit à tous ces inconvéniens. Elle a affe£té en conléquence
do nommer le fieur Comte de Montboiiîîer pour fon cxecuteur
tcAamentaire , en difant qu’elle efpéroit de ion amitié pour fa
nièce qu’il voudroit bien fe charger de faire exécuter les volontés;
elle l’ a prié en même-temps d’accepter ia montre 6c la boîte d’or.
La dame de Bardon eft décédée deux mois après ce teftament.
Le même jour de fon décès, les défendeurs, prévenus qu’il y
avoit un teftament, mais dont ils ignoroient encore lesdilpofitions
firent appofer les (celles fur les meubles & effets de la fucceflion :
ils obtinrent enûiite des lettres de bénéfice d’ inventaire , qu’ ils firent
entériner, & ils demandèrent e.i conléquence, en qualité d’héritiers
bénéficiaires, la rémotion des fcellés & la délivrance des meubles
yôr des effets fur lcfquels ils avoienr ¿ té appofés.
¿-e iieur Comte de Montboiilicr, en ia qualité d’exécuteur tciU-
�mentaire, & la demoifelle D evaux en celle de légataire, s'y oupoférent; & prétendirent que c’ étoit à eux que cette délivrance devoit être faite pour la sûreté des legs portés par le teftamerit,
contre lequel les défendeurs protefterent de fe pourvoir pour en
demander la nullité.
Les parties furent renvoyées à l’Audience fur cette oppofition :
il eft d i t , par la fentence qui intervint, que , fans préjudice du
droit des parties au principal, la garde-robe léguée à la demoiÍelle D e v a u x , enfemble la montre &c la boîtç d’or feront remifes
ès mains du Comte de Montboiilier en fa qualité d’exécuteur teftamentaire , après qu’ il en aura été fait inventaire eftim atif, lcfqeuls
meubles & effets le fieur de Montboiilier fera tenu de remettre en
fin de caufe , ainfi &c à qui il fera ordonné.
Il eft dit enfuite , qu’attendu la qualité d’ héritier bénéficiaire
prife par les défendeurs, le furplus des meubles &c effets de la
iucceffion leur fera délivré , à la charge par eux de les prendre
par inventaire, qui en contiendra la prilce , & fous leurs foumifiions
de les rendre & reftituer en fin de ca u fe , s’il eft ainfi dit 8c or
donné.
Cette fentence a été pleinement exécutée : la garde-robe, la
montre ôc la boîte d’ or ont été remifes au fieur Comte de Montboiffier : le furplus des meubles & des effets , qui fe font trouvés
fous les lcellés , ont été délivrés aux défendeurs, 8c il a été fait
un inventaire eftimatifdu tout.
Les défendeurs s’ apperçurent, lors de l’inventaire, qa’il avoit
été fait des fouftraûions immenfes dans la iucceiîîoh de la dame
de Bardon : elle avoit un diamant qui lui avoit été donné par le
fieur de Roquclaure fon m a r i, 8c qui étoit eftimé dans la famille
à une fomme de 3000 livres ; elle avoit des boucles d’oreilles
de diamant & une autre bague d’un prix allez confidérable elle
étoit faifie de tous ces bijoux peu de temps avant fon décès. Mais
tout avoit été enlevé , même fes bagues d’alliancè qu’elle n’avoit
quittées <jue quatre ou cinq jours auparavant, 8c la demoifelle
D evaux étoit faifie de toutes les clefs.
La dame de Bardon, quatre ou cinq jours avant fon décès,
avoit reçu une fomme d’environ cent piftoles dis Fermiers de fa
Terre de Genillac ; elle n’étoit sfiremènt pas fans argent lorfqu’ cllc reçut cette fom m e, 6c il ne fe trouva dans fa bourfo
qu’ une fomme de ry livres 10 fols : elle n’avoit cependant rien
payé du courant de fa dépenfe pendant le cours de fa maladie ,
même long-temps auparavant ; elle devoit les gages de íes doJrteftiqucs, elle de voit à fon boucher & à ion boulanger ¿ c’eft
�le fieur Derois qui a tout payé , auiïï bien que les frais de médecin ,
d’npoticaire & de chirurgien.
La partie la plus confidérable de la garde-robe, q u i, fuivant ceux
qui la cormoiiïbient, faifoit comme on l’ a déjà obfervé , un objctde
plus de 4000 livres avoit été dévailée : il avoit été de même du
linge, dont la dame de Cardon avoit une quantité confidérable fie
du plus beau : on avoit mis la main jufques fur les meubles meublans.
Non-feulement la demoifelle Devaux étoit faifie de toutes les
clefs de la dame de Bardon , mais elle avoit encore eu l’attention de
ne laiffer auprès d’elle que des perfonnes qui lui étoient entièrement
dévouées; elle avoit écarté plufieurs perfonnes de probité, qui étoient
en relation avec la dame de Bardon ; elle leur avoit fait refufer l’en
trée de la maifon plufietirs jours avant fon décès.
Toutes ces circonflknces réunies formoient déjà une préfomption
contre la demoifelle D e v a u x , mais quelques déclarations portées
par l’inventaire, confirmèrent cette préfomption, qu’elle n’avoit pas
les mains nettes de toutes ces fouilraâions.
Les défendeurs en ont fait informer : la demoifelie Devaux a été
décrétée de foit ouï ; elle a fubi interrogatoire, ion interrogatoire a
cté contredit. Les défendeurs efpérent qu’au moyen de la preuve qui
réfulte des informations, & des aveux mêmes faits par la demoifelle
D e v a u x , ils parviendront à avoir raifon d’ une déprédation auiîi ex
traordinaire^
C ’ eit ennuittwiw alité que le fieur Comte de Montboiiîler a préfenté
R eq u ête, par laquelle il a demandé que la délivrance provifoire qui
lui a été faite de la garde-robe, de la montre ¿¿'de la boîte d’ or de la
dame de Roquclaurè, fut déclarée définitive. Il a conclu, par la même
R e q u ê t e , à ce que les défendeurs fuflent condamnés à lui/délivrer >
en la qualité d’exécuteur teiîamentaire, le montant de tous les legs
portés par le teilament de la dame de Bardon, tant en principaux
qu’intérêts.
Iln ’cfl: pas vrai que les défendeurs aienf contefté , comme les de
mandeurs l’ont dit au p ro c è s, la qualité^ue le fieur Comte de Montbqiilier a pris d’ exécuteur teiîamentaire.de.la dame de Bardon; mais ils
ont prétendu, d’après la difpolition expreiTe delà coutume, que c’ etoient les légataires feuls qm pouvoient demander la délivrance de
leurs legs, & que c’ étoit avec eux feulement que cette délivrance
pouvoit être ordonnée. Mais la conteftation à cet égard à cëffé par
l'intervention de la demoifelle D evaux , qui, en adhérant auxconçluftôns du Comte de Montboiiücr, a pris dp fon chef dés conclufiôhs
conformes.
�•*12»
H
lLcs défendeurs de leur part ont formé la demande en nullité fin
teftament de la Dame de Gardon. Ils ont déjà annoncé leur moyen ;
ce teilament a été fait ab iratâ maire. O r les lo ix , tes coutumes, lü
fentiment des auteurs & la jurifprudence des arrêts , i ’e réuniiitcnt peu*
annuller des dii portions auifi contraires aux fenîHriens&étîxYçCiix-àS
la nature. C ’eit ce que les défendeurs fe propofent d’étabîir darts cft
Mémoire : ils le diviieront en trois parties. Dans la première ils
rappelleront les principes de la matière ; iîs feront voir dans la
fécondé que la dame de Bardon , depuis plufieurs années avant ion
teilament , étoit prévenue conîr’eux d’ iuie liaine & d’ une colère
qu’ ils n’avoient pas méritées, 61 qui ont durées jufqu’à fa mort ;
dans la troifiéme , enfin, iis répondront aux objedHons.
P R E M I E R E
P A R T I E .
Les défauts de formalités refont pas lesfeuls qui peuvent rendre
nul un teilament : il en cil d’autres qui attaquent direflement l’effence de fa validité ; l’ un de ces défalus, & fans doute le princi
pal , eft lorfqu’il paroit que le teilament a été fait par colere.
Cette paffion ôte au Teftateur la liberté du jugement : elle lui re.
préiente les objets autrement qu’ils ne fo n t , & trouble la tranquil
lité dont il a befoin pour fe déterminer. Ainfi il n’en faut pas da
vantage pour détruire l’autorité du teilament Je . plus folemnel,
parce qu’il doit être l’image des véritables fentimens du teftateur,
& l’ouvrage de fa feule volonté, mais d’ une volonté lib r e , agiflante
avec connoiiTance, & conduite par la raifon ; c’ eil ainfique s’ en expli
quent les Auteurs, d’ après les loix qui ont été adoptées par la jurifprudence uniforme des arrêts.
Le teilament , fuivant la définition de la loi premiere au ff.
dt ttjlam. eft voluntatis nojlrce jujla fententia. Peut-on donner cet
noms
une difpofition faite dans le trouble qu’ excitent la haine ÔC
la colere ?
Si nous confultons ros coutumes , nous trouverons que la pre
mière & la principale condition qu’ elles exigent dan« un teilament,
C eft que le Teftateur foit fain d’ efprit. Peut-on dire que celui-là
eft iain d’efprit , qui elt agité par les irouvemens déréglés de
cette paiîîon? Eft-on capable en cet état de porter un jugement jufte
& fain fur le mérité de íes enfans , & fur la difpofition de fes biens?
Y -t-il rien de plus contraire à l’état où doit-être un homme pour
dç eider du fort de fa famille que cette averfion?
Ç ’eft auilî ce que les loix ont prévu : lorfqu'eller àppèrçoivent
quelques »arq u es d’indignation > qui ont pu porter un pere ou une
4
�m?re à taire un teftament préjudiciable à leur famille , elles te re
jettent absolument, & les réduifent eux-mêmes au devoir de la
piété paternelle. C ’ eft la décifion préciie de la Loi 4 , ff. de inoff".
Tt’j lam . Non efl conftntltnàutn <pà -partntib uÎ in j 11riam advctfàs liberot
firjs tefiamenio indicunt.
Cet efprit de juitice & d’équité des Loix Romaines a été adopté
par nos Coutumes : l’art. 199 de la Coutume de Bretagne en con
tient la difpofition la plus exprefie , elle ei> conçue en ces termes:
» N u l ne peut donner que la tierce partie de Tes biens immeubles
» par donation {impie 011 caufée, orés que ce foit celle qu’on dit,
» ob pias caufas, ou autres; ores que la donation n’excéderoit lad.
» tierce partie ou la moitié par ufufruit. Toutefois ellt ne f:ro it pas
» valable, f i elle ¿toit faite en haine ou en fraude de fes préjomptifs hérî» tiers ».
La difpofition de cette Coutume eft d’autant plus remarquable ,
qu’ elle affimile dans fa prohibition la haine & la fraude ; & tout
le monde fait que de tous les contrats c iv ils, ceux qui font faits en
fraude lont ceux qui font le plus particulièrement proferits, com
me les plus pernicieux & les plus dangereux dans la fociété.
M. d’Argentré, dans fon Commentaire fur cet article , dit que,
non-feulement les donations faites en haine des préfomptifs héri
tiers doivent être annullées , i l ajoute que les contrats, même à ti
tre onéreux , faits dans de pareilles circonftances, doivent être ré
voqués.
Me. Jean-Marie R icard , dans fon traité des donations , premiere
parr. chap. 1 4 , traite la queftion ex proje[Jo. Ce favant A u te u r,
après avoir pofé pour principe que les donations doivent être
faites par un motif de libéralité &c non de haine , ajoute , » que la
» Loi naturelle nous oblige de conferver nos biens à nos enfans ;
» & que fi la Loi civile nous permet d’en difpofer autrement au
» profit des étrangers , c’eft plutôt par menaces qu’ autrement, &c
» pour tenir les enfans dans leur devoir , tellement que fi un pere
» de fa part s’éloigne de ce fentiment, & qu’animé de haine & de
» mauvaife volonté , fans raifon, contre fes enfans, ou contre l’.un
» d’e u x , difpofe de fes biens au profit d’ une perfonne , qui d’ail» leurs le pourroit mériter, néanmoins ayant oublié les devoirs
» paternels & les régies de la nature , fa difpofition parte pour in» jufte & demeure fans effet. L ’averfion qu’ il a eue contre fon
» l'ang fait préfunier qu’il n’a pas eu la liberté de délibérer d’une
» aftion de cette importance , ni s’il ctoit jufte de priver l’un de fes
» enfans d’ une partie de fes biens pour en gratifier les autres ».
Aurti tous nos livres font renplis d’ Arrêts cjui déclarent nuls ces
fortes de teftamens ; & on peut dire qu’à cet égard la jurifprudençc
�a été la même dans tous les temps : nous trouvons la preuve àe fon
ancienneté dans le traité intitulé, le Confeil de Pierre de Fontaines ,
qui vivoit fous le régne de S.j Louis. Cet Auteur qui, l u i v ^ t
M .le Préfident Hénaut (nouvelabr. chron. d e riiilt.d e Fr. p. i-ii ) ,
peut être regardé comme le plus ancien Jurifconlulie de notre Droit
François, dit qu’ un pere , dont la fille s’ eft mal gouvernée, peut
difpofer de fes meubles of aquêts, &. non de fes propres au préju
dice de cette fille , pourvu qu’il ne [oit ¿mu que par la haine de fa defferte [fa mauvaiie co n d u ite], & non par aucun autre èchauQtmtnt,
Et dans un autre endroit , il ajoute, » s’ il n’appert que le pere ait
» fait tel devis plus par la haine de fes, enfans que pour fer vices que
*> l’inftitué lui a faits ».
Me. Antoine Mornac , fur la Loi Papinijnus , Par. j i Imperator,
rapporte un ancien Arrêt rendu en faveur de àebaltien de la Paye,
(}ui, fur ce principe , caffe le teftament d’ une mere qui avoit réduit
les enfans à leur légitime : Senatus teflumintum illud ut iratx emmeritb matris damnavit.
R ic a r d , à l’endroit cité., en rapporte ptufieurs II y en a d e u x ,
entr’ autres , dont l’efpéce eft à remarquer ; le premier, du i j Août
16 4 1 , a été rendu dans la famille de MM. de Maupeou : cet arrêt
caiîa le teftament du pere comme fait ab irato , dans des circonftances cependant bien propresùjuftifier le reftentiment qui y avoit
donné lieu; fes enfans a voient voulu le faire interdire à l’âge de 87
ans. Tant il eft vrai qu’ un perc doit être exemt*de toutes pallions,
pour difpofer valablement de fon bien au préjudice de fes enfans.
L ’Auteur ajoute qu’il a ouï prononcer un pareil arrêt en la même
audience de la Grand’ Cham bre, où celui de Maupeou avoit été
rendu, fur la fin de l’année 16^9.
L e fécond a auifi étérendu en l'audience de la Grand’ Chambre , au
profit de Me. Jacques Polard, Avocat au Parlement, le 10 Janvier
- i } . Il fut ordonné , par cet a r r ê t , que la fuccelfion d’une mere
leroit partagée également, & fans avoir égard au teftament qu’ elle
avoit fait au profit de ion fils , en c o n fé r e n c e de ce qu’il paroiffoit que la dilpofition de la teftatrice avoit pour fondement l’avcrfion qu’elle avoit conçue contre fon gendre.
Ricard oblerve , fur cet arrêt, » que comme la haine eft fans
» doute plus forte que l'amitie, 6c que le fruit de la haine eft la
« vengeance , il fe trouve prefque toujours '^ue lorfqu’un pere a
» conçu de la haine contre fon gendre, elle paffe infenfiblement
» contre fa fille , qui demeure dans l’ intelligence avec fon m ari; &
»> le pere , voulant fe ven ger, ne fait pas difficulté de d.fpofer de
» Ioq bien au préjudice de fa propre fille , dans la penfée de xc-
65
�î
<5
primer un« injure qui n’a en que le gendre en considération dans
»> Ion commencement ».
Il faut auffi remarquer que Ricard regarde les procès qui fe font
élevés entre un pere & fes enfans, comme une preuve fuffifante des
motifs de la haine qili l’ont*déterminé à difpofer à leur préjudice.
On trouve un autre Arrêt du premier Août 16 56 , dans le reçueil
de Me. Lucien Soëfve , tom. 2 , cent. 1 , chap. 42 ; cet Arrêt pro
nonce fur uneefpece bien plus difficile que les antres. Il s’agifloit
d’une donation entre-vifs faite par un pere au profit de deux de fes
filles. Le pere avoit fait tous fes efforts pour en cacher le motif fecret;
il avoit même pris la précaution d’exprimer une caul'e fpécieufe 6c
favorable , que íes deux filles étoient dans l’indigence, au lieu que
fes autres enfans étoient riches; que d’ailleurs, il avoit reçu plus
d’affiflar.ce ¿1 de fervices d’ elles que de qui que ce tû t, ne l’ayant
jamais abandonné. Cependant l’ A rrêt, fans s’ arrêter à ces motifs
écrits dans la donation, alla fouiller jufques dans le fecret des penfées de ce pere ; & le trouvant animé de colere contre les autres
enfans, lorsqu’il avoit fait cette donation , il la caffa, conformément
aux Cor.clufionsde M. l’ Avocat-Général Talon.
Les Auteurs du Journal du Palais en rapportent encore un du
premier Septembre 16 7 6 , dont l’efpece a un rapport allez d ireâ «
celle qui eft à ju g e r, la voici : Antoine Gamot , ayant des enfans
de deux lits , avoit fait fon teftament olographe le 17 Avril 1673 ,
par lequel il avoit réduit les enfans de fon premier lit à leur légi
time , & inftitué £ u x du fécond lit fes légataires univeriels. Il n’y
avoit rien en cela <jui ne fut permis.
Gamot étant décédé , les enfans du premier lit fe plaignirent de fa
dernière difpofition , comme faite ab iratopâtre. Us oppoferent deux
faits ; l’ un , que leur pere les avoit chafies de la maifon ; l’autre
qu’ils avoient procès contre lui pour le compte des biens de leur
mere.
Au Châtelet, on n’ eut point d’égard à ces deux faits , quoiqu’on
en rapporta la preuve ; mais fur l’appel , intervint l’Arrêt , après
un appointeraient en droit, par lequel, en ¿mandant, fanss’arrêter au
teftament d’Antoine G am ot, il fut ordonné que les. Parties viendroient A partage des biens de fa fucceffion, fuivant la coutume.
Les Auteurs du Journal obfervent que le motif de l’ Arrût fut
qu’encore qu’il foit permis par la Coutume de réduire les enfans à
leur légitime, & q u e ^ T c r t a t e u r n ’ait pas excédéjcc p o u vo ir,il faut
qu’ il en ule avec l’efprit de la Colitume, qui efl un efprit de juf.
ticej, tic non pas de haine 6c de colere; delà vient, ajoutent-ils dans
la (mtede leur obfervation qu’on les examine de près dans tous les
mouvemens de leur volon té, 6c que pour peu que ces mouve»
mens
�mens paroiffent injuftes, on n’a point égards leurs difpofitions.
C ’ eft fur ces principes que les différentes difpofitions faites par la
dame de Montagnac furent caffées par Arrêt du 9 Août 1 6 4 1 , parce
qu’ e’lle les avoit faites dans des mouvemens dô colere Ôc de pré
vention contre fes enfans.
M. Henris , qui rapporte cet A r r ê t , tom. 1 , liv. 6 , queft. 7 ,
fait en-même temps le portrait de la dame de Montagnac : on ne
peut fe difpenfer de le rapporter » on y trouvera beaucoup de trai;*
qui feroient celui de la dame de Ëardon.
U dit » que la dame de Montagnac ne pouvoit pas fouffrir qu’ on
» la contrariât, qu’ il falloit avoir de la complaifance pour avoir
» place dans fon affeâion, qu’elle étoit bonne m ere, libre à donner,
» mais auffi facile à révoquer ce qu’ elle avoit donné, lorsqu’ on lui en
» donnoit quelque fu je t , mais que fi elle imitoit la fortune, qute dat
» & quee dédit auffert, on ne pouvoit pas ajouter , & quee abQulit red
it d it , car il n’ y avoit point de retour envers elle, 6c depuis qu’elle
» avoit pris de Faverfion pour quelqu’ un de fes enfans, elle n’ en re» venoit point ».
M. Henris ajoute » que lors de l’A rrêt, la C o u r avoit remarqué
« qu’ en toutes les difpofitions qu’ elle avoit faites , il y avoit eu une
» affe&ion exceflive ou une aigreur trop grande , & que fon efprit
» avoit toujours été préoccupé ou d’amour envers fes enfans ou de
» colere envers eux , que ceux qui l'ajjïcgtoient Cavaient pofjidit &
» lui avoient fuggérc ces mouvemens , qui marquaient [on indignation
» envers lesabfens, bref que n’ ayant point eu l’efprit libre , fesdifpo*
» fitions ne pouvoient être valables ».
Ilfemble que FAuteur, dans le tableau qu’ il vient de tracer, a eu
exaftement en vue de peindre la dame de Ëardon; on en rappro
chera les traits dans la partie fuivante. Mais M. Henris va encore
plus loin : après avoir rapporté l’Arrêt qui a cafié les difpofitions
d e là dame de Montagnac, il dit » que cet exemple doit arrêter
» le caprice des femmes, & les mouvemens de leur colere ; comme
» le Poëte d it , que femper in iras femintum protlive genus , 6c que
* ce fexe s’ emporte facilement ; il faut leur apprendre qu’à moins
h d une grande offenie, 6c qui choque plutôt le public que leur per»* fo n n e , une mere doit tout oublier, 6c que c’elt d’ un fens rafiis
»» qu’ elle doit difpofer de fes biens h.
_ Bretonnier, dans fes oblervations îur cet Arrêt, part du même prin
cipe, que les teitamcns faits ab iratopâtre vel*b iraid matre font décU*
Tes nuls ; il dit que c eft avec raifo n , parce qu’ une perfonne préve
nue d’ une paflion auffi. violente, n’ eil pas en état de faire une fig e
difpofition de fes biens ; ÔC il cite plulieurs Arrêts rapportes par differens Auteurs,
.
�.
'
18
.
Il ajoute que tous les Arrêts rapportes par .ces Auteurs , ont été
rendus en pays de Coutur.e > oue la queiiion femble plus difficile
dans les pays de D ro it, où le.
res ûc mères ont une plus grande
liberté J e difpofer de leurs bie/
leur étant permis d’inftituer leurs
enfans ou de les déshériter , c n convicio cum rmlediclo ; cependant
qu’il a fait juger la même queltion dans unecaule venant «lu pays
de Foreft : il en rend l’elpece; comme elle eft fort analogue à la
nôtre , il p^roit efientiel de la rapporter..
Simonne Roux , de fon mariage avec Benoit M aye t, avoit eu deux
filles, Simonne & Jeanne M íyet. Après le décès de Benoit M ayet,
elle pafl'a à de fécondés noci s avec le lieurde Vigr; n c n ir t , Médecin
de la Ville de Momu. Cm. Llle fit ia fille ¿î;iée Kel g eu e , aprèsTui
avoir fait faire un teftr .nent en la faveur; elle maria ia. cadette avec
le fieur Artaud , Lieu;..nant-Cri¡ninel en la Châtellenie royale de
S. Germain Laval. Le fieur Artaud fit cafter le teftament de ia belle•fœur Religieufe ; & par la même Sentence, il fit condamner fa
belle-mere à lui rendre compte de la tutelle qu’elle avoit eue de
íes deux filles. Cela irrita tellement cette femme, qu’après le décès
de fa fille elle difpofa de tous fes biens au piofit d’ un parent colla
téral , & en priva fes petits enfans, à chacun deiquels elle ne laifla
que loo liv re s, par forme d’inftitution particulière. Le fieur Artaud,
en qualité de tuteur de les enfans, fe pourvut contre ce teftament:
Ja Caule portée à i’Audience de la Grand’ Chambre de re lev é e , le
ïeftatV.ent fut cafte par un Arrêt contradictoire, rendu fur les Conclu
rions de M. le Prélident de Lamoignon, pour lors Avocat-Général.
Bretonnier plaidoit pour le fierr Artaud : l’Arrêt eft du iz Juillet
1688.
Enfuite de cet A r rê t, le même Auteur dit que depuis ce temps
il en cil intervenu plufieursfemblables, entr’autres lin célèbre rendu
en la premiere Chambre des Enquêtes, où la Caufe avoit été ren
v o y é e à caule des parentés & alliances des Parties en la Grand’Charnbre. Par cet Arrêt , le teftament de M. le Boult , Conieiller aux
Requêtes du Palais, par lequel il avoit fait légataire univerfel le
plus jeune de fes enfans au préjudice de fes trois fils aînés, fut caiTé.
Bretonnier oblerve que cet Arrêt définitif, qui eft du 1 7 Juillet
1 6 9 ! , fut précédé d’un Arrêt interlocutoire, du 6 Février 1688 ,
par lequel il avoit été permis aux trois fils aînés de M. le Bo ult, de
faire preuve aes faits de haine ik. de fuggeftion contenus dans leur
requête ; que c’eft en conféquence de la preuve qui fût faite, que
la C o u r , fans s’ arrêter au teftament, ordonna que les Parties
viendroient a partage .fuivant la Coutume.
Me. Barthclcnù Auzanct , liv. 1 , chap. 59 de. fes A rrêts, en
rapporte un du 13 Août 16 7 2 , qui a cailé le teftament d’une mere
�qui avoit donné à deux de Tes enfaris tout ce dont la Coutume lui
permettoit de difpoler , au préjudice d’un troifiéme qu'elle haifibit.
Auzanet obferve qu’ un pareil teftament doit être regardé comme «
le jugement inique d’une m re paflionnee , qui ne peut pas valoir ;
6i il rappelle la Loi de inoff, tejlum , que l’ on a cité plus haut.
Lacombe , dans Ion recueil de Jurifprudence civile, v< b. it(l.
fecl. 10 , pofe encore pour principe que les difpofit o. s doive >t
être faites par un motif de libéralité & non de haine ; d'ou il conclut
que les donations en fraude ou haine des prtloirptifs héritiers ne
valent, &c par une conl'equence néceffaire , que les dilpofuionsen
haine des enfans lont nulles.
Denifart , enfin , dans fa colleftion de lurifprudence, verb. ab
irato , après avoir rappelle les principes qu'on vient d’établir, rap
porte une foule d’Arrê'S qui ont jugé conformément : on le conten
tera d’en obferver qiu lqu s-uns.
11 y en a un de l’annéo 16 9 6 , rendu fur les Concluions de M.
l’Avocat-Généralde Lamoignon , qui cafTe wne donation de 7^3 liy.
de rente, faite par la dame Liflart, en haine de les enfans, au pro
fit de l’Abbé Dupin , fi connu par fes travaux littéraires.
en rapporte un fécond , rendu en la quatrième Chambre des
Enquêtes le 1 4 Janvier 1 7 2 5 , par lequel le teftament de la dame
Mouillé , fait en faveur de fon petit-fils, qui portoit (on nom , a été
cafle, comme fait ab irato , au préjudice de la dame de Montebile,
fille de la Teftatrice.
Denifart remarque fur cet A r r ê t , qu’ on ne fe feroit cependant
pas déterminé à annullcr le teftament, s’ il n’avoit contenu qu’une
difpofition au profit du petir-fils; » mais que la Teftatrice , par une
» autre difpofition , faiioit pafler Ion bien à lin parent c o l l a t é r a l ,
» au préjudice de la dame la t.Ile, contre laquelle elle avoit long» temps plaide : ce qui nous apprend, dit-il, qu'il ejl des cas oh L'on
» regarde hs procès comme une preuve de haine JuJJijante pour faire an» nuller des teflamtns >*.
Celui de M. le C am u s, Lieutenant-Civil, a eliuyé le même fort.
Il a été cafle par Arrêt du 9 Mai 1 7 1 2 , parce que ce Magiftrat, en
inilituant la demoifelle Nicolai,fa petite-fillei fa légataire univerielle,
au prejudice de M. Nicolai fon petit fils, avoit marqué une affec
tation fenfible d’exclure de fes biens tous ceux qui portoient le nom
de Nicolai : il les laîiîojt à fa.petiie-fille, qu’ il tavoit devoir perdre
ce nom. Denifart , qui rapporte encore cet A r rê t , oblerve * qu’ un
w Etranger n’etoit cependant pas l’ objet des bienfaits de M. le
Camus ; mais qu’ il avoit fufîi que la haine fe fût manifeilée pour
m f^irc proferirp ton teirament».
Côtte oblcrvation de Denifart donne lieu de remarquer que dani
C x
11
�prcfque toutes le$ difpofitions qui ont été profcrites par les A rrêts,
comme faites abirato , les libéralités des Teuateurs a voient toujours
pour objet quelques uns de leurs enfans, & qu’ils ne difpofoient
encore en leur fàvtur que de ce dont les différentes Coutumes leur
donnoient la liberté de difpofer ; d’où l’ on doit conclure, toujours
fuivant cette observation , qu’il y auroit eu encore bien moins de
difficulté à annuller ces difpofitions , fi elles avoienr été faites au
profit d’ un Etranger , même d’ un parent collatéral. C ’cit principa
lement par cette confulération» que le teftament de la dame Mouillé
fut cafte par l’Àrrêt qu’ on vient de rapporte'r.
CetteJurifprudence elî fondéefur l’équité même. Eft-il,en efief,
rien de plus contraire aux lentimens qu’infpire la nature , que l’averiion qu’ un pere ou une mere conçoivent contre leurs enfans ?
Y a M l rien qui foit davantage comrâ officium pittatis , 6c qui mérite
mieux le nom de dilpoûtion inofficieuie, que ce qui eft fait p arce
principe ?
L’autorité des peres n’eil fondée que fur l’opinion que l’on a de
leur tendrefie &C de leur pieté, ÔC fur ce que l’on préfume qu’ils ne
s’ en ferviront que pour l’avantage de leur famille : l'utim apietas op
timum confilium pro liberis capit. Voilà le titre fondamental de leur
puifiance. Ainfi » quand ce’ principe de leur autorité manque , il eft
jufte de les en dépouiller , & l’on ne peut reclamer pour eux le iecours d esL oix dont ils ont trompé l’ attente.
Four appliquer ce principe à notre efpece , il ne faut que rappeller les faits : on en a déjà expliqué une partie dans le réiit du fait &
de la procédure ; mais il faut les développer avec plus d ’étendue ,
& les réunir fous un feul point de vue avec ceux dont on i»’a pas en
core fait mention C ’eft ce que les défendeurs fc propoient de faire
dans la partie fuivante de ce mémoire.
SECONDE
PARTIE.
Il y a deux moyens pour prouver qu’ un teflament a été fait par
un principe de haine & de colere. Le premier, torique le Teftateur
a inféré quelque terme injurieux qui marque la prévention ; dans
ce cas, il n’eft pas néceiTaire de chercher hors de l’afte des preuve*
de la dilpolition où étoit le Teftateur : le teftament porte en luimême le caraftère de fa nullité ÔC le fceau de fa condamnation.
M ais, au défaut de ces m oy en s, nous en avons un autre , pour
eonnoitre fi c’eft la haine qui a déterminé le Teftateur : il ne tuffit
pas qu’il ait eu la précaution de ne le pas exprimer dans ion tcûa*
�«rient, lorfquc truite !a conduite qu’ il a tenue jufqucs*U, tUcOu»
vre i’ufiil’.immcnt les fentimens de Ton cccur,
C ’ cft dans ce dernier cas que l'ont tous Tes Arrêt« cités ; les dif»
ferens tcllamens caflés par ces Arrêts ne contonoiciH : ien d’iiijn*
rieux : on avoit même expofé un motif tout ciiiV: fnt , dans la
donation qui futcaffée par l’ Arrêt de 16^6. La haine n’ etoit prouve :
dans toutes ces elpeccs que par les circonftanccs ,
p::f ¡a can-*
duite que les Teftateurs avoient tenue juiqu’au iem¿ts d¿ leurs
teftamens.
. Le C o n fc il, qui a rédigé le tefiament de la dame de Bardon, étoit
trop éclairé pour ne pas cvit¿r le premier ccueil : elle ne s’eil lerv i , dans fon tcltament, d’ aucuns termes injurieux contre les enfans ; mais, quelque précaution que Ton eut pris à cet égard, il ne
prélente pas moins l’idée d’un teÛament diûé par la colere.
La dame de Bardon s’ étoit réfervé la dil'pôfjtîon d’une fomme de
10000 livres , par le contrat de mariage de la dam e,D esrois i a fille ;
mais, outre que les termes danslefquelsCette rélerve eA exprimée ,
prouvent affez clairement qüe íes enfans étoient principalement
l’objet de cette referve , il n’eit pas naturel de penier fi la dame de
Bardon n’ avoit pas été prévenue de haine 6c de colere , qu’elle
en eut difpofé en entier, au préjudice de fix petits-enfans qu’elle
avoit lors de fon teftament. Si elle croyoit avoir lieu de fe plain
dre de les enfans , tes petits-enfans ne lui avoient, au moins , donné
aucun fujet de les h a ïr, cependant elle ne les rappelle en rien 'dans
la difpofition d’ une relerve auiTi confidérable.
Après avoir épuifé cette r é le r v e , elle a fait encore différentes
d ilp o fit io n s , qui , réunies, torment un objet prelqu’aufli cotifidcrable. Parmi ces dilpofitions , ett le legs de la garde-robe : elle avoit
deux petites-filles ; n’etoit-cc pas là le cas de leur donner, au m o i n s ,
quelque légère marque de fa bonté pour elles? Mais tout ce qui appartenoit à les entais lui étoit devenu un objet d’ horreur: elle n’ a
voit de la te.idreife que pour la demoilellc D e v au x ; c’eft en fa fa
veur qu’elle en a dilpolé. Peut-on ne pas regarder cet oub'.i volon
taire de les petits-enfans, dans toutes les dilpofitions, comme une
fuite de Ion averfion pour fes enfans.
On eft fans doute jaloux, fur tout parmi le s’p erfonnes de condition,
de laiffer ion portrait à fes enfans : ce lont des monumenj de famille
qui s y perpétuent ordinairement; & c’ell par le legs de fon portrdit, que la dame de Bardon a encore fait à fa légataire um verfelle, que, par une réflexion bien affortic à Ion indignation, elle 4
termine les difpofitions.
Toutes ces circonftances, examinées de près, forment, fans doute,
une préfomption violente , que les difpoûtions ù itcs par la dame
�de Bardon , ne font p?s IViTcf d’ une jupe volonté, feMr cure f’ex'gent
les Loix pour la validité ti'un tefiaiuent, il n’<í¡ ¿uures pofTblede
les conltdérer que cojnme celui d’ un efprit domine p^i une pafíion
avt-i. e Quu/î non fa/icc mentis.
Mais, lans s’atrêter à cette ccnfidération , de cuelque poids
qu’ elle puiiie être, il n’y a qu’ à entrer dans le de i ai i des faits qui
ont précédé le teftament de la dame de Bardon, pour prouver
que les dilpoiitions qu’ il renferme n’ont eu pour principe que la
haine 6¿ la colere implacables dont elle étoit animée contre les
enfans.
Si les Auteurs & les Arrêts ont regardé les procès qui fe font
élevés entre les peres &C meres, Ôz lei rs entans, comme une preuve
ii ffifante de la haine &i de la colere qui les nvoient portés à difpoler
à leur préjudice; & fi les Airêts ont annullé ces difpofitions fur
çette preuve lcule, c’elt fans doute à l ’ elpece prélente qu’il faut en
t- ir l’ applcation.
On a uéjà rendu compte, dans le récit du fait, de l’origine &C
du p.ogrés du procès qui s’étoit ék vé entre la dame de Bardoa
& les défendeurs ; on y a fans doute remarqué cu’ apres que 1.» dame
de Bardon eut fait émanciper les enfans, & qu’ elle leur eut fait creer
un curateur à Ion «ré, elle les avoit fait aligner pour procéder tur
l’ appurement du compU'Iqu’ elle leur avoit >-i\ fenté de l’adminiilration qu’^Me avoit eue de leurs biens , & qu en ¿ cartjnt la \ tnté des
faits & éi diflimulant les droits de les mineurs, elle avoit bâti ce
compte à la fantaifie & relativement à les intérêts.
On a vu auifi qu’après une • ileontinuation de procédures pen
dant plus de quinze ans, la dam de Bardon les avoit rcpriles lur le
prétexte le plus léger , & qu’elle avoit mis dars cette reprife une
an iiiolité incorcevable : on n’entrera pas dars u 1 nouveau déiail
de i’ tte procédure ; on le concernera de rappel.er quelque* circonftances eiTentielles.
Les défendeurs, quoique vivement pourfuivis par la dame leur
mere , ne fe permirent cependant pas d’abord de lui oppoler un
moyen dont ils n’ ignoroient pas qu’ elle craignoit l’événement :
c’étoil de lui demander un compte féparé, & par cchelette, des
fucceilions des fieurs de Roquelaure leurs oncle &c grand oncle.
Indépendamment deslommes confidérables qu’elle avoit reçues en
de u ers cfTeftifs, les fieurs de Roquelaure étoient créanciers de
pjulicurs lomnies do la fucceflion de Guillaume de Roquelaure ,
ils avoicm desdr.uts legitimaires à répéter lur cette luccelfion ; ce
qui , joint au iurplus des dettes dont elle étoit chargée , en diminuoit la maire au point que la dame de H arJon , ci an s le cis même
<?ù les repriies qu’ elle diloit avoir auroient été bien fondées, n’y <
�?3
23
J
auroit trouve aucune reiïburce pour s’en procurer le paiement ; &:
elle fe feroit neceflairetnent trouvée Débitrice de (es c'nrans.
Ce ne fut qu’ après plulîeurs années de procédures , que lesdofe,-,deurs, ne pouvant plusie diiinnuler l’ averlion que la dame de Ikirnon
avoit pour euv , & le deflein qu’ elle avoit formé de tes oxiieréder ,
foit par la vente qu’elle avoir déjà faite d'une partie de Ion bien en
rente viagère ou autrement, foit par les recherches qu’elie ne ce!foit d ’ faire pour <e procurer des Acquéreurs en rente viagere de fa
Terre de Genil'ac , fe déterminerent enfin à lui demander ce
compte ; &c ils le iirent ordonner, malgré tous fes efforts pour l’cviter , par une Sentence contradidloire du Châtelain de Thiers >du
mois d’ Acût 1 7 7 1 .
C ’elt un mois immédiatement après cette Sentence, que la dame
de Bardon a fait le reilauient dont il s’ agit. La feule proximité de ces
dates» eft certaine.nent la preuve la plus forte que l’on pu i fie dé
lire r , que ce teilament eit l’ouvrage de la pafiion ôc.de la colere.
Il s’en faut beaucoup que les Arrêts que l’on a rapportés dans
la premiere partie de ce mémoire , qui ont caflé les teftamens qu’ ils
ont reconnu avoir été faits par les afeendans en haine de leurs defcendans, aient été rendus dans des circonftances aufli fortes que celles
qi e l’ on a déjà remarquée?. C ’eft ici le lieu de faire l’application de
ceux de ces Arrêts, dont la décifion eft fondée uniquement fur la
haine préfumé-- d^1* procès.
On voit da.is celui du premier Septembre 1 6 7 6 , tiré du Journal
du Palais, que les enfans du nommé Gamot propofoient deux
faits de haine , pour prouver que fon teilament* avoit été fait a i
itato \ le premier , qu’il les avoit chaffés de fa maifon; le fécond >
q u ’ ils avoient procès contre lui pour raifon des oiens de leur mere.
A l’égard du premier fait, on verra bientôt que les défendeurs
ont été dans le même cas que les enfans de Gamot ; & par rapport
au lecond , ils ont l’avantage de n’ avoir pas provoqué le procès
qu’ ils ont eu avec la dame leur mere , pour raifon du bien de leur
pere. Ces deux faits ,dénués de toute autre circonftance, ont cepen. dant paru tuffifans pour déterminer la décifion de l’ Arrêt qui a
caffé le tciUment de G a m o t , comme fait en haine de fes en
fans.
Le fécond Arrêt, du ü Juillet 1688 , eft celui qui eft rapporté
par Bretonnier, quoiqu’ on en ait déjà rendu l’ elpcce dans rctabliffement des principes, i l a un rapport fi direft à celle q u i eft à juger,
qu’ il eft néceflaire de la rappellcr , pour en faire voir de plus,
près toute la conformité.
Dans l’efpcce de cet A rrê t, Simonne Roux avoit deux filles,
�* < <, r
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dont i’aînec s'étnlf faite U c t b i e u f e , apr-ès a v o ir difpofé au -p ro n i de
fa m ere ; le Heur A r r m d a v o ir ép o u fé la cadette.
Le fieur Arrsud , après le décès de fa femme, fit enfler le teftament
de fa belle-fœur ; £< par la même Sentence, il fit condamner fa belle*
■inere à lui rendre compte , en qualité de Tuteur de fcs enfans, de
î’adminilîration qu’elle avoit eue des biens de fes deux filles : ce qui
excita tellement Simonne R o u x , qutilt difpoja de tous Je* biens au profit
d’un pwent collatéral t & ne laifia à chacun d t j t f petits enfans quant
fomrnede 10 0 livres , parforme inflitution particulière.
Le iieur Artaud , en (a qualité de Tuteur de fes enfans, fe pour
vut contre ce teftament ; & il fut caflé par l’Arrêt.
On vient de dire que l’ efpece de cet Arrêt a un rapport direft
avec la nôtre; mais on peut ajouter que ç’eft exaâement la même,
6c qu’ il n’ y a que les noms à changer.
Dans celle de l’ A rrct, Simonne R o u x , irritée de la Sentence que
fon gendre avoit obtenue contr’elle, avoit difpofé aq préjudice de
fes petitsenfans ; dans celle des Parties, la dame de Bardon , irritée
de même de la Sentence qui la condamnoit à réformer fon compte,
a difpofé immédiatement après cette Sentence au préjudice de fes
enfans : c’eft bien le cas d’appliquer le principe , ubi eadem ratio ,
idtm ejus.
Les défendeurs fe trouvent encore dans des circonftances plus fa
vorables que celles oîi fe trouvoit le fieur Artaud , puifqu’il avoit
fait à ia belle-merc les deux procès fur lefquels il avoit obtenu la
Sentence.
S’il eft v r a i , comme on vient de le v o i r , que les procès ont
toujours été regardés comme un motif de haine fuffifant de la part
des parens qui ont difpoié au préjudice de leurs enfans , pour faire
caffer leurs difpofitions, les défendeur« , quand ils n^auroient pas
d’autre preuve de la haine de la dame-de Bardon que le procès immenfe qu’ils ont eu avec elle, & qui a duré jufqu à fon décès , auroient lieu de fe flatter qu’ils n’ auroiCnf^as befoin d’ une preuve
plus étendue pour faire annuller (on teftament ; mais ils ne font
pas réduits à cette feule preuve écrite.
La dame le Bardon a eu l’attention de lés inftruire elle - même
dans les termes les plus énergiques, detoure la haine qu’clle leur
avoit vouée. Il faut fe rappeller ici l’obfervation que l’on a déjà
faite dans le récit du fait.
Lc-fieur D e sro is, fubrogé au bail de Ferme de la terre de L a v o r t ,
f c’eft-à-dire au bail de Ferme de fon propre bien) , avoit cepen
dant toujours eu l’attention de faire pafler le prix du bail à la dame
de Bardon; mais le fteur Desrois, épuiié par les frais immenfes que
lui occafionnoit l’état de dépériiTement abfolu dans lequel la dame
de
�M
..
* *
de Bardon avoit laîfle généralement tous lesbâtimens de la terre;
& étant o b lig é , d’ ailleurs, de faire face à plufieurs arrérages de
différentes créances qu’ elle avoit négligé d’acquitter >fe trouva hor*
d’état de fatisfaire à un feul terme échu du prix du bail. Il en ecriviA
à la dame de Bardon >& après lui avoir expolé fa fituation , il la fupplia de lui accorder quelque délai pour le paiement de ce terme ; il
lui donna en même-temps pouvoir d’ emprunter en fon nonii dans le
cas où elleferoit preflee.
Il ne paroitpas poifible de trouver dans cette lettre rien , qui put
bleiTer la délicatefïe de la d3me de Bard on, & qui pût l’ oftenfer ;
mais» fuivant la remarque de M. Henris fur l’Arrêt de la dame de
Montagnac > qui reçoit ici une partie de fon application > la dame de
Bardon étoit une femme impérieufe; elle ne pouvoit pas fouffrir
qu’on la contrariât en rien ; il ralloit, pour avoir part à.fon aiFeûion,
avoir une complailance aveugle pour toutes fes volontés. Il n’y avoit
plus de retour envers elle ; & c’eft à elle » particulièrement, que
l’ on pouvoit appliquer la penfée du Poëte ,Jem perin irasfeminturn
proclive genus.
C ’ eft de cette lettre du fieur Desrois» qu’ un Etranger n’ ^uroit pas
regardé comme une offenfe » que la dame de Bardon prit l’occafion
de manifefter toute la haine qu’ elle avoit contre fes entans. Elle fit
réponfe au fieur Desrois ; la Cour l’a fous les yeu x : elle n’y verra
pas fans indignation toutes les expreiîions de colere > d’ averiïon , de
naine 8c de defirs de vengeance , que ces différentes pailions reu
nies peuvent infpirer, & fur lefquelles la dame de Bardon n’ a gardé
aucune forte de ménagement.
Après avoir traité le fieur Desrois d'indigne ; après lui avoir dit,
& répété plufieurs fo is, queJon amitié pour lui ¿toit éteinte , quelle
le regardoit comme fon p lu s cruel ennemi ; après l’avoir affuré quelle
It feroit repentir de fes indignes procédés ( o n vient d’expliquer quels
ils étoient : c’étoit le retardement du paiement d’ un feul terme du prix
de la Ferme de la Terre de Lavort» à laquelle la dame de Bardon n’avoit d’autres, droits que des reprifes au moins fufceptibles de conteftation ) , £• qu'elle noublieroit rienpour y parvenir , elle finit fa lettre
par cette apoftrophe bien remarquable \ Adieu ^indignes en/ans ijéyaus
renonce comme Satan , & vous aflwc de toute ma haine.
11 n’ eft pas pofïible de manifefter l’ averfion, la colere & les defirs de vengeance dont on peut être prévenu > dans des termes plus
exprès : ils ont pas befoin de commentaire. C ’eft bien le cas d’appli
quer la réflexion de Ricard» torfqu’ il d it , que la haine eflfans douu
plus forte que f amitié, & que le fruit de la haine cfl la vengeance, Les dé-
D
I
W
�fendeurs en ont fait la trifte épreuve ; mais >heureufement pour cuy »
les Loix &i la Jurifprudence des Arrêts y ont apporté le remède
convenable > en rejettant les difpofitions qui font émanées de ce
principe odieux.
Les défendeurs ne rifqueroient rien de s’ en tenir aux preuves
écrites qu’ils viennent de rapporter, de toute la haine dont la darne
de Bardon leur mere étoit animée contr’eux .lors de Ion tcilament,
avec d’autant plus de raifon, que de tous les Ai rets qui ont cafi'é des
donations ou des teftamens faits ab irato, ( & ils (ont en grand nom
bre, comme on l’a déjà vu ) , il n’y en a pas un (cul qui ait été rendu
Air des preuves aufli fortes & auifi préciles de la haine du Telîdtcur.
M ais, pour ne rien négliger dans une affaire aufïi intérefiante , les
défendeurs ont articulé différents faits qui ne caraftérilent pas moins
la haine &c l’averfion inexprimables , dont la dame de Roquelaure
ctoit animée conir’eux ; 6c ils ont offert, fubfidiaircmcnt, d’en faire
la preuve p;ir témoins : en voici le détail.
11 cft de notoriété publique que la dame de Bardon étoit préve
nue contre fon fils de l’averfion la plus forte. Llle ne lui par
lait jamais qu’avec un ton impérieux 6c dans les termes les plus
durs , elle n’avoit aucune lorte d’attention pour ion entretien ,
elle le laiffoir prefque toujours manquer du plus nécefiaire ; fapréfencc lui dépljifoit fi f o r t , que Couvent elle ne pouvoit pas le (ouffrir à fa table , 6c l’cnvoyoit prendre les repas avec les domes
tiques.
Le fietir de Roquelaure , fcnfible à la maniere dure dont il étoit
traité, mais toujours fournis aux volontés de fa mere, il ne s’écarta
jamais en rien du rcfpcft qu’ il lui devoit.
En fin', toujours rebuté , toujours ha , pénétré de chagrin
de la haine de fa m ere, Sc ne Cachant quel parti prendre, il
prit celui de fc retirer chez les PI’ . C arm es: il en clfayala regle;
mais fou tempérament ne lui ayant pas permis d’y periifter, il re
vint dans la mailon maternelle.
L’épreuve que venoit de faire le ficur de Roquelaure , pour fc
fouflraire A toutes les marques d’ averfion qu’ il cfluyoit chaque jo u r ,
auroit dû ramener L dame de Bardon aux lentiinens naturels qu’ elle
devoit avoir pour un fils, dont elle n’avoit d’ailleurs aucun fujet
de fc plaindre ; mais il ne fut pas mieux traité , &: l’excès des dure
tés de la dame de Rardon pour lui fut porte au point, qu’ il fut
forcé d ’a l l e r chercher un áfilo chez le ficur Desroi* fon beau frere ,
d’ où ilnYlt plus revenu. Ainfil’on peut dire , c o m m e dans l’ Arrêt de
C am ot, que la dame de Bardon avoit ch.iflo Ion fils de fa maifon;
«le lorte que les circonftanccs fur lcfqucllc» cet Arrêt a etc rendu,
7
�*7
M
fe trouvent exaftcment réunies par rapport au fieur de Roqiu*
laurc
Il n’ avoit cependant jamais donne le moindre ftijet de mécor
entement à la dame fa merc ; on ne dit pas feulement par un
mauvaife aflion , mais par la moindre faillie de jeunelîc , p?
le plus léger manquement de refpedï ; elle ne le haïfToit préci
fément, que parce qu’il étoit fon iils. Sa haine contre lui étoi
donc évidemment injuile; &c fi fon tellament fubfdloit , ce feroi
principalement fur lui que retomberoit tout le poids de fon indi
gnation.
La conduite de la dame de Bardon envers le fieur Sc la dame
Desrois n’ étoit pas moins animée, Sc elle étoit aulfi injuile : l'on
averfion pour eux fe manifefloit en tout.
Elle avoit exigé qu’ ils lui fiflent préfent de leurs portraits, elle
les plaça d’ abord dans fon cabinet ; mais dans les accès de fa palfion
elle les fit porter aux commodités.
Il y a environ deux ou trois ans que le fieur Desrois fut attaqué
d’une maladie très-dangereufe ; une perfonne de cette Ville, inilruite
de la convalefcencc, penfa qu’ elle feroit plaifir
la dame de Bardon de lui «n porter la nouvelle : &C fa réponfc fu t , que ce ne ¡croit
pas grand dommage quand ilJcroit crevé.
Depuis l’annce 1764 julqu’à fon décès, la Dame de B ard o n ,
toutes les fois que l’occafion s’en cil prèlentéc, n’ a jamais parlé
des détendeurs que dans les termes les plus defobligeans , & avec
des expreflions qui ne refpiroient que la haine ôc la colcre ; elle ne
pouvoit pts en parler ni en entendre parler fans fe mettre dans les
emportemens les plus violens.
Ce n’étoit pas les entans fculs que la dame de Bardon haïfioit ;
elle étoit prévenue des mêmes fentimens contre fes petitsenfans :
en voici un trait qui paroitra aufii lurprenant qu’ il cil contraire i la
nature.
" L a dame de Bardon, peu de temps avant la Sentence de 1 7 7 1 ,
s ,c.t0** établie dans la Ville de Thiers , afin de pourfuivre avec plus
d éxa&itude Sc de vivacité l’apurement du compte de fa tutelle ;
elle avoit pris un apartement chez les Dames delà Vilitation de la
meme Ville ; elle y avoit une fille Rcligieufe.
Les détendeurs fe perfuaderent que l’occafion étoit favorable de
fe prefenter.» U dame de Bardon , & de rcnouvcllcr leurs ctForts,
pour adoucir les fentimens de hain e, dont elle leur donnoit des
preuves fi fréquentes.
Toutes les Rcligieufes de ce Monalterc , Sc la dame de RoqucC i
�taure fa fille, s’ emprefferent auprès d’elle, avec tout le zele & la
charité poiïïbles , pour obtenir la permiiîion que íes enfans ÓC le
iïeur Desrois ion gendre demandoierjt'de la v o ir ; toiit ce que ces
Dames purent imaginer pour l’ y engager, motifs d’intérêt, prin
cipés de religion , tout futinutile.
Les Religieufes> n’ayant pu réuifir de ce côté, penferent que la
dame de Bardon n’auroit peut-itre pas la môme dureté pour íes
petits-enfans ; elles la iuppliérent de leur permettre de les lui pré
senter : un refus également obitiné de fa part, fut tout le fuccès de
. leurs repréfentations.
j . Ces Dames imaginèrent alors defurprendre la dame de Bardon,
& de lui Jïréfenter une de fes petites-filles, qu’elle ne connoiffoit pas
. cncore , fous un nom étranger, Ô£ comme une Penfionnaire qu’elles
venoient de recevoir.
Ce pieux flratagême parut d’abord réuifir : elles lui prefen.. terent cet enfant. La dame de Bardon , l’ ayant trouvée d’ une affez
T jolie figure, s’empreffa de la carefler ; elle la prit fur fes genoux ,
elle l’embraifa fouvenr &c la combla de carciles.
Les Religieufes crûrent que le moment étoit venu où ja nature
s’ expliquoit ; qu’ il étoit temps de découvrir à la dame de gardon la
fupercherie qu’elles lui avoient faite , & de ranimer fa tendrefie
pour fon fang. Elles lui dirent que c’étoit à fa petite-fille cju’ell.e
faifoit toutes ces amitiés Sc qu’elles le voyoient avec un plaifir &
une iatisfa&ion infinis.
La dame de Bardon , faifie dans le même inftant d’un mouvement
de colere , rejetta cet enfant avec indignation; elle la fit retirer ,
elle en sût mauvais gré aux Religieufes, & depuis il ne fut plus polfible de l’ engager à la revoir.
Il y auroit bien des réflexions à faire fur un trait aufli dénaturé ;
mais on penfe qu’il fuffit d'en avoir fait l’analyfe, pour prouver qu’il
n’ eft pas poiîible de porter la haine &c la colerc à un plus haut
degré.
Quoique la dame de Bardon ne négligeAt aucune occafion de
donner aux défendeurs toutes fortes de marques de fa colere & de
fa haine pour e u x , &c qu’elle pourfuivît avec toute l’aigreur &c la
vivacité, poiïibles le procès qu’elleavoit repris, les défendeurs eurent
la facilité de penfer que la dapic de Bardon fe défabuferoit enfin de
fes préjugés fur leur compte, &c qu’ ifs pourroiçnt la ramener par leurs
foiimiiTions & par leurs rcfpefts. Ils tenteront toutes les voies qu’ils
purent imaginer, pour obtenir d’elle la permifli°n de venir les
Jüi préfenter ; mais toujours inutilement : elle perfifta conftamment
à refufer de les voir.
�29
5^
C e refus obftiné pendant plufieurs années ne les rebuta cepen
dant pas. La dame D e sro is, à peine convalefcente d’une longue
maladie qu’elle venoit d’ elfuyer , ayant appris que la dame de
Bardon étoit malade, vint en cette Ville pour lui offrir fes fervices.
Elle demeura deux jours fans pouvoir parvenir à avoir l’entrée de
famaifon ; & ce ne fut qu’ après la réfiitance la plus opiniâtre, &
fur les représentations réitérées de fon C on feileu r, que la dame
de Bardon fe détermina enfin à la recevoir ; mais pour lui faire
le plus mauvais accueil, & l’ accabler d’ injures, au point que tous
ceux qui étoient préfens , &r particulièrement le ConfefTeur de la
dame de Bardon, en furent indignés : elle porta fon animofué contre
fa fille, jufqu’à lui refufer dans (a maifon un lit , que la dame Desrois
ne lui demar.doit que pour être plus à portée de la fervir.
Le fieur Desrois voulut aurti fe préfenter ,fous les mêmes aufpices
du Confefleur. La dame de Bardon parut d’abord n’être pas fi ani
mée contre lui qu’ elle l’ avoit été contre fa fille ; en voici la raifon:
elle lui demanda une fomme de 4000 livres, dont elle vouloit appa
remment gratifier encore la demoifelle D e v au x ; mais le fieur Des
rois, en lui protestant qu’il étoit hors d’ état de lui fournir cette fomme,
s’étant fervi de ces termes , ma chtre maman ; elle lui répondit avec
indignation , qu'il étoit bien hardi de fe Jervir de pareils termes, qu'elle
ri'étoit pas faite pour être la mere d'un telfils.
Depuis ce moment, c’ eft-à-dire , depuis le refus des 4 0 0 ^ liv.
il n’ y a pas de termes injurieux dont la Dame de Bardon n’accabla
le fieur Desrois : elle rappella enfuite le procès qu’ ils avoient en*
femble, en lui diiant, qu'il lui coûtait plus cher qu'il ne croyoit, qu'il
lui coûtoitplus de 10000 livres. Ceci s’eft paffé le jour de la SaintMartin 1 7 7 1 , cinq jours avant le décès de la dame de Bardon, qui
avoit reçu quelques jours auparavant la fomme de cent piftoles de
fon Fermier de Génillac.
Il n’y a pas un des faits que l’on vient de rappeller, qui ne forme la
preuve la plus exaâe que la dame de Bardon avoit conçu contre fes
enfans une haine exceffive, & fur laquelle , fuivant la remarque de
M. Henris fur l’ Arrêt de la dame de Montagnac , qui reçoit encore
k i une juitc application, elle n’étoit (ufceptible d’aucun retour ;
mais le dernier fait développe clairement le motif qui l’avoit dé
terminée à difpofer à leur préjudice : le procès que vous
avec moi
vous coûte plus cher que vous ne croye{ \ il vous coûte plus de IOOOO
livres.
On voit que la haine & la colcre de la dame de Roquelaure
contre fes enfans , n’étoient pas de ces partions ftériles , de ces paf*
fions paffageres fie momentanées, 4qui s’exhalent en reproches ,
�3
°
en vivacités, & qui ne vont pas plus loin ; c’etoit une haine & une
colcre refléchies : la dame de Bardon n’a rien oublié pour en faire
éclore le fruit, q u i , comme on l’a déjà obfervé d’après le judicieux
Ricard , eil la vengeance : fon teftamentôc l’aveu qu’elle en a fait,
t n font un témoignage irréprochab’e.
Mais on va encore rendre compte de quelques faits, qui prou
vent qu’ elle n’ a rien négligé pour porter fon rellentiment plus
loin.
On a remarqué dans le récit du fait, que la dame de Roquelaure,
peu de temps avant fon décès, avoit mis tout en ufage pour vendre
fa Terre de Genillac en rente viagere. Outre la notoriété publique
de ce fait, les défendeurs rapportent trois lettres différentes, par les
quelles on en inftruifcit le fieur D esrois, pour qu’il pût , en conféquence , prendre les mefures convenables pour arrêter cette aliér
nation : ces lettres font de l’année même du décès de la dame de
Bardon.
Mais ce qu’ on n’a pas encore o b fe r v é , c’ eft que la dame de
Bardon , poltérieurement à ces lettres, & très-peu de temps avant
fon décès, fit la même propofition à une perfonne de confidération
de cette V ille , qui refufa d’ entrer en négociation , en conféquence
de ce que la dame.de Bardon lui déclara, que le motif qui la portoit
à faire la vente de cette T e r r e , étoit d’en priver les enfans , avec qui
elhj étoit en procès.
lia preuve cjue les défendeurs ont offerte, desdifférensfaits qu’ ils
viennent de detailler, eft purement fubfidiaire ; ils ont lieu d’efpé-,
rer que celle qu’ils rapportent par écrit, de toute la haine dont la
dame de Bardon ctoit animée contr’e u x , lors de ion teflament,
cft plus que fuffifante pour en opérer la nullité.
Mais dans le cas où la Cour y feroit la moindre difficulté ,
ils ne penfent pas qu’ on puiife leur refufer la preuve par té
moins.
Ne feroit-ce pas en effet une illufion , fi l’ on fe contentoit
d ’établir pour régie, que les tellamens faits par un pere ou une
mere animés de haine contre leurs enfans, feront nuls , & que l’on
ne permit pas la preuve de cette haine, à moins que le Tcfîatçur
n’eut eu la fimplicité de l’écrire lui-même dans fon teftament ?
Quel Teftateur aifez mal avifé tomberoit dans cet inconvénient,
fâchant que cette expreflion rendroit fon teftament n u l, &c qu’en
ne l’ exprim ant pas, on ne feroit point reçu à prouver fa colerepar
une autre voie ? A quoi ferviroit-il d’inftitucr des L o i x , fi on ouvroit
en même-temps, à ceux qui voudroient y contrevenir, un moyen
auifi facile de les éluder, & fi leur convi&ion ne.pouvoit venir que
�d’eux-mêmes? C ’ eildon c, en général, à la feule preuve par témoins,
que l’on peut avoir recours , pour prouver des faits qu’il n’eil prel*
que jamais poiîïble de prouver par écrit.
Si la vérité de ces faits eft confiante » ofera-t-on entreprendre
de les exeufer . & de foutenir qu’ils ne font pas aiTez graves pour
donner atteinte au teilament ? Ils le font incomparablement plus
que ne l’étoient ceux dont les Arrêts ont permis la preuve d3ns les
affaires de G am o t, de Polard , & que ceux qui ont fait caiier tous
les autres teilamens dont nous avons rapporté les exemples ; &
les défendeurs ont encore l’ avantage de rapporter, non-feulement
un commencement de preuve, mais une preuve entiere par écrit
de la haine &c de la colere qui ont di£lé les difpofitions de celui de la
Dame de Bardon.
On finira la fécondé partie de ce Mémoire, par la fuite des obiervations de M. Henris fur les difpofitions de la dame de Montagnac :
il remarque que ceux qui Vajjiégeoient favoient pojjèdêe, & lui avoitnt
fuggéré ces mouvtmens d ’indignation tnvers les abjens.
L’application s’en fait naturellement à la. demoifelle D evaux : les
défendeurs étoient abfens ; la dame de Bardon refufoit abfolument
de les voir, Sz la demoifelle Devaux ÜaJJlegeoit & la poflidoit* Si elle
n avoit pas fuggéré ces mouvtmens d’indignation , elle n’ avoit au
moins rien négligé pour les entretenir ; le fieur Abbé Devaux fon
fr è r e , avoitauifi la même attention:on voit dansune lettre produite
au p r o c è s,& quis’eil trouvée parmi les papiers de la fucceifion de
la dame de Bardon, qu’ en lui écrivant, il faifoit l’apologie du fieur
Desrois en termes qu’il n’ ignoroit pas être de fon g o û t, & par lefquels il le flattoit de lui faire fa cour & celle de fa fœur ; il le traitoit de Jon indigne Coufin.
Après des preuves aufli manifeiles de toute la haine que la dame
de Bardon a eue contre fes enfans jufqu’à fon décès, il ne paroit
pas poifible que fon teilament, qui eft le fruit de cette haine, puiiTe
iubfiiler ; mais il faut examiner les Objections, & c’eil le fujet de
la troifieme Partie.
TROISIEME
PARTIE.
•
Les demandeurs font forcés de convenir q u e , dans la Thèfe
générale » les teilamens dont les difpofitions ont pour principe
la haine & la colere, ne peuvent pas fubfiilcr , lorique ces teila
mens font faits par les afeendans aux préjudice de leurs defeendans.
�,V *
3
.
1
Mais ils oppofent que , dans l’efpéce particulière , le teftament
de la dame de Bardon ne peut pas être valablement attaqué , parce
que la haine qu’ elle a voit conçue contre les défendeurs étoit
une haine jufte; Si q u e, dans les principes, ce n’eilqu ’autant que le
Teftateur eft prévenu d’une haine injufte, que fon teftament peut
être cafte.
Il y a donc deux point à examiner en répondant aux Objec
tions -, le premier eft de favoir ii la diftin&ion que font les deman
deurs eft exa&e ; le fécond , fi la haine , dont iis conviennent que
la dame de Bardon étoit animée contre fes enfans , avoit un
motif fuffifant pour faire fléchir la régie en faveur de fes difpoütions.
Il n’eft pas douteux que le teftament eft un des a&es de la fociété civile qui exige le plus de réflexion ; mais un Teftateur
animé de haine & de colere , eft-il en état de réfléchir ? A-t-il
la liberté d’efprit néceflaire pour faire une jufte diftribution de
fes biens? La haine & la colere offufquent fa raifon , & ne lui préfentent les objets que fur le plan que peuvent former ces différentes
Il ieroit donc de la plus dangereufe conféquence d’admettre
cette diftinâion : auflî les Arrêts que l’on a rapporté dans la pre
mière partie de ce M ém oire, n’y ont-ils eu aucun égard.
On voit dans celui de Maupeou , que la haine du pere avoit
tin julte fondement , puifque les enfans Cavoient voulu faire inter
dire ; cependant fon teftament fut cafte, par cette unique raifon,
que la colere feule lui en avoit difté les difpofitions.
Les demandeurs n’ont pu répondre aux indtiftions qui fe tirent
de cet A rrêt, qu’en fuppofant que les défendeurs en avoient changé
l’efpéce; que les enfans ne s'en étoient pas tenus au fe u l deffein défaire
inttrdirt leur pere , qu'ils avoient obtenu l'interdiclion.
Ils a v o u e n t , en même - temps , que fi les enfans s'en etoient
tenus à la fcult tentative de ? interdiction, fans l'obtenir , la colere du
pere eut été légitime, que fon teflament eut été confirmé.
Mais , i ° . c ’eft] les demandeurs qui tronquent l’efpece de
cet Arrêt : Il cft rapporté par Ricard , qui dit Amplement, mais
dans les termes les plus exprès , que les enfans avoient voulu faire
interdire leur pere à Page de quatre-vingt fept ans : ils n’a voient donc
pas obtenu l’interdiâion , ils s'en étoient tenus à la feule tentativ*.
x ° . Si le pere avoit été interdit, il n’en falloit pas davantage
pour faire cafter fon teftament ; il n’étoit pas néceflaire d’avoir re
cours au moyen ab irato.
3 ° . Cet
�33
3 9. Cet Arrêt prouve donc contre la diftin&ion des demandeurs,
puifque l’interdidiion n’ayant pas été prononcée, la haine du pere
<ie leur propre a v e u , avoit un fondement légitime : ion tellamsnt
auroit du être confirmé ; & il fut cafTé. L’ injure faite au pere étoit
cependant d’autant plus grave , qu’ elle attaquoit dire&ement fon
ctat ; mais c’étoit la haine dont il étoit prévenu qui avoit été
le motif de fes difpofuions.
Dans l’efpece de l’ Arrêt rapporté par Bretonnier , c’itoit un gen
dre qui avoit fait cafter un teftament fait au profit de fa belle-mere ,
St qui l’avoit fait condamner à lui rendre compte de l’adminiftration qu’elle avoit eue des biens de fes enfans ; elle avoit difpofé en
conféquence à leur préjudice , & ion teftament fut caffé. Le teftament de la dame de Bardon doit donc avoir le même f o r t , puif
que c’ eft principalement le même motif que les demandeurs
oppofent, pour juitifier la haine qu’elle avoit conçue contre fes
enfans.
Ces deux préjugés doivent fuffire , pour faire voir que la diftinction indéfinie , oppofée par les demandeurs, n’ a pas été adoptée
par les Arrêts.
On n’entend cependant pas dire qu’ il n’ y ait des cas où la
haine des parens contre leurs enfans, eft fondée fur des circonftances fi fortes & fi graves, q u e , quoique leurs difpofitions foienj
une fuite de cette haine , il feroit injuite de ne pas les confirmer ;
niais ces cas , fuivant l’ obfervation de M. Henris , doivent avoir
pour objet une grande offenje , & qui choque plutôt le Public que leur
perfonne ; une offenfe qui approche, au moins i de celles qui don
nent lieu à l’exhérédation : autrement, comme dit M . Henris , une
mere doit tout oublier, & difpofer de fes biens dt fens raffis. Sera-ce à
Une haine conçue fur une fimple difcuiTion d’intérêts, qu’on fera
l ’application de cette obfervation?
Les demandeurs, pour appuyer leur diftinûion, ont rapporté un
Arrêt du 2 4 A vril i 6 6 z , qu’on trouve dans le recueil de Me. Lu
cien- Soefye > tom. i , cent. 2 , chap. 6 1 . Par cet Arrêt * un tef
tament fait par une mere en faveur de l’un de fes enfans au préjudice dcs autres, contre lefquels elle étoit animée d’ une jufte co
l è r e , a été confirmé : ils difent que cet Arrêt ejl precijémtnt dans
notre efpeçe , qu'il n 'y a que les noms à changer.
^ a*s,. " V 1 a qu’à rapporter l’efpece de cet A rrêt, pour prou
ver, q u i l w ai aucune. forteide rapport à celle qui divife les Par
ties : il eft au contraire exactement conforme à l’obfervation de
M . H c u m . >f» t> 'Hi H '• r
. r .,j; ,u
¡n lu: •
£
£3
�, Dans l’efpece de cet Arrêt, la d.«me AIou avoît fait un teftamenl
au profit de la dame Brigaüer l'a fille, au préjudice de Louis &
Charles Alou , les autres enfans, qui avoient maltraité leur mere
en difFéreutes occafions.
Louis &c Charles Alou demandèrent la nullité du teftament,
comme fait ab iratd matrt. La dame Brigalier leur oppofoit, pour
prouver que I.i haine qui avoit porté la dame Alon à faire ce teftament avoit un fondement légitime,’ ^«« les mauvais traitement
qu'ils avoient exercés en la perjonne de leur mere étant cenflans , 6*ju ftijiés par les informations faites à fa requête , qui avoient été mifes en
tre les mains de MM. les Gens du R o i , il y avoit peu d'apparence de
contefler une difpofition de cette qualité , vu que la défunte Teflattice
pouvait faire davantage en les déshéritant entièrement.
C ’ eft dans ces circonftances, &c fur les Concluiions de M. l’A vo cat-Général Bignon , que l’Arrêt confirma le teftament.
II n’v;ft pas beioin d’ entrer en diilertation pour démontrer la
difparité des deux efpeces : o fero it-o n dire que les défendeurs
ont été affez téméraires pour maltraiter leur mere en fa perjonne .*
Et c’ eft cette feule circonftance qui a déterminé la décifion de
l’ Arrêt.
C ’eft après la diftinilion que les demandeurs on faite entre la
colere jufie & la colere injufte, diftinâion qui , comme on vient
de l’établir, ne peut recevoir ici aucune application, qu’ils font
entrés dans le détail des faits, par lefquels ils prétendent prouver
que la haine & la colere de la dame de Bardon avoient un fonde
ment légitime , & fuffifant pour l ’autorifer à difpofer valablement
au préjudice de fes enfans : c’eft ce qui refte à examiner.
Il
eft bon d’o b fe rv e r, avant d’entrer dans le détail, q u e , quoi
que tous les faits qu’ils ont imaginés ne foient fondés que fur des
fuppofitions démontrées faulTes, ils n’ont pas ofé dire que les
défendeurs fe foient jamais écartés du refpeft qu’ils devoient à leur
mere.
Ils ont oppoic que la tutelle de la dame de Bardon ayant fini
par l’émancipation de fa fille , par ion mariage ; & de fon fils
par des lettres de bénéfice d’â g e , elle leur avoit préfenté & affirmé ’
ion compte ; qu’il paroit par un projet d’apurement de ce compte
par un Confeil choifi, qu’elle avoit été déclarée créanciere de la
fomme de 1 2 7 7 2 livres, payables un an après la majorité de fes en
fans , qui s’étoient aufli obligés de lui payer annuellement la Yomme
de Soo livres pour fon douaire.
, ,, j .
Ils ajoutent que la dame de Bardon s’etoit flattée de trouver* c
�dans ce traité Ton repos & fa tranquillité , êc qu’ elle n’auroit ja
mais de procès avec fes enfans ; mais que Us défendeurs favoitnt
bien qtüa foret dt procès, & la menant de Tribunal en T ribunal, ils là
verroitnt mourir fans lui tien payer ; quelle avoit bien obtenu des provijions, mais qu'elle nyen avoit pas été plus avancée ; qu'elle n a jam ais
rien reçu.
Ces faits ne font pas exa&s. C ’eft avant le mariage de la dame
D esrois, que la dame de Bardon l’avoit faite émanciper comme le
lieur de Roquelaure : ce fait ne peut pas être contefté ; il eft
prouvé par le contrat de mariage de la dame Desrois : elle y a
procédé fous l’autorité du fieur Devaux fon Curateur.
C ’eft immédiatement après cette émancipation , & avant le
mariage de la dame D esrois, que la dame de Bardon avoit préfenté & affirmé fon compte ; & il ne feroit pas étonnant qu’ ayant
un curateur  fa difpoiuion, ayant bâti fon compte à fa fantaifie ,
& n’y ayant perfonne qui pût le débattre folidement, elle eut
été déclarée créanciere par ce prétendu projet d’apurement, que
l ’on n’a jamais connu, & fur lequel le|Confeil qui l’ a drefle n’avoit
& ne pouvoit avoir d’autres inftruâions que celles que lui donnoit
la dame de Bardon.
A l’égard de la difcuiïion furvenue fur ce compte , ce n’eft pas
les^ défendeurs qui l’ avoient provoqué ; c’eft la dame de Bardon
qui les avoient traduits en Jugement : ils ne pouvoient donc pas
éviter de difeuter ce com pte, 6c leur conduite à cet égard a été bien
juftifiée. Parmi plufieurs articles , qui ont été rayés la dame de
Bardon y avoit employé une fomme très-coniidérable pour ies
bagues & joyaux , & cet article de fon compte a é t é , également
rejetté, par un Arrêt du Parlement.
Mais ce qu’on n’auroit pas dû diflimuler , c’ eft que la difcuiïion
fur le compte de la dame de Bardon ne s’ eft élevée que plus de
quinze ans après le prétendu projet d’apurement, &c que, pendant
tout ce temps, la dame de Bardon a jo u i, avec l a , plus grande tran
quillité , de tous les biens de fes enfans , tant de ceux qui leur
etoient échus par le décès de leur pere , que de ceux qui leur étoient
échus par le décès de leurs oncles ; quoique , pendant la ma
jeure partie de ce temps, elle n’ait eu aucun de les enfans à fa
charge.
Par rapport aux provifions que la dame de Bardon avoit furp rife s, depuis qu’elle avoit ceflé de jo u i r , & dont on fuppofe
qu’elle n’avoit pas été payée , la reponfe à ce fait eft extrême*
ment fimple : les défendeurs en rapportent les quittances.
E i
�36
On ne voit rien jufques-Ià qui ait pu autorifer la haine & la
colere inconcevables , qui ont porté la dame de Bardon à difpofer
au préjudice de fes entans : le furplus des moyens que les défen
deurs ont propofés eft encore plus mal fondé.
II fe réduifent à dire que la dame de Bardon , ainfi privée de l'on
douaire & de fes autres gains, avoit encore pour vivre la rcfjource
de fa Terre de Genillac , qu'elle avoit affermée ; mais que le fieur Desrois , fans fon conjentement, avoit eu Caudace de fe fubroger au bail de
F a nie , bien certain qu'il n'en paieroitjamais le prix.
Avant de répondre à ce moyen , on obfervera que fi la dame
de Bardon avoit été dans la néceflîté que l’on étale contre toute
v érité, elle n’ auroit pas été en état de faire toutes les dépenfes.
fuperflues qu’ elle a faites. Elle avoit imaginé de fe retirer chez .les
Dames de Laveine ; elle y fit confiruire, en conféquence , un ap
partement , qu’elle n’ a jamais occupé , 011 du moins très-peu de
temps. Elle imagina enfuite de faire un voyage en Lorraine, q u i ,
de fon aveu , lui coûta 4 011 5000 livres ; elle a\oit prété, enfin
à une perfonne de cette Ville une fommes de 1200 livres ( eile
fit tous fes efforts pour la retirer peu de temps avant ïori décès,
dans la vue , fans d oute, de la facrifier encore A fon reffentim ent). Tous ces traits ne peuvent sûrement pas s’ appliquer à une
perfonne, à laquelle les demandeurs fuppofent que Con a^coupé les
vivres de tous côtés.
Mais pour revenir à l’obje&ion , le fait cft fuppofé , même con
tre la notoriété publique : le fieur Desrois n’a jamais été fubrogé
au bail de Ferme de la Terre de Genillac, la dame de Bardon en a
toujours j o u i , 6c l’ pn a déjà remarqué que fept à huit jours avant
fon décès, elle avoit reçu cent pifloles de fes Fermiers.
Les demandeurs, forcés de convenir que les termes, dans lefquels
étoit conçue la lettre de la dame de Bardon au fieur Desrois y
&C dont on a déjà fait l’analyfc , ne refpirent que la haine & l’in
dignation , ont encore voulu juftiiicr cette lettre par des moyens
au 1ÎI peu folides que ceux auxquels ont vient de répondre.
Ils ont oppofé que les défendeurs, en analyfant cette lettre ,
avoient fupprimé le tableau abrégé que la dame de ardon y a
fait de leurs indignités ; qu’elle y dit au fieur Desrois t „ qu’elle
» n’efl pas furpriie de les indignes procédés, qu’ il n’avoit que fairq
» de s’ emparer de fon bien , que l'on défïgnc, entre^ deux crochets-, p d f
» la Terre de Genillac, fans fa participation. » Qu’élie dit encore
dans la même lettre, » qu’il n’y a rien d’égal à d’indignes ènfans
w'qui refulcnt ù une mère une, mîicrable penfion alimentaire dp.
�*
37
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.
.
» i î o o livres , que l'on dèjignt cncore 'par la prnvîfîon tjuî lut -avoit
¿té adjugée. ; » qu’elle dit enfin, que fi elle n’ avoit pas été fi bonne
» m ere, la dame Desrois auroit été à l’hôpital,; au lieu qtfonU’a
» m ife, elle', à la veille d’ y aller » .
. s •••liminôa
¡¡¡, D ’abord , il n;e, ferpit-jpas étonnant qiie.Ia Patrie *le-BacdanceHt
cherché à donner quelque couleur à la fureur des emportersfeais
auxquels elle s’ étoit livrée dans cette lettre ; mais de tous les faits
que les demandeur« ont remarqués,^pour en faire .l’ apologie, il
n’ y en a pas un feul qui ne Soit e:;a£lem'ent faux.
On a déjà vu qu’ il n’a jamais été queftion d’aucune Subrogation
de la part du- lîeur -üesrois >^aut Baïl id^F£iriÎT£ {Iti .la Terre de
Genillac : il leroit 'in utilé ( f y revenir ; mais il faut remarquer que
cette fubrogation imaginaire ,, forme cependant l’ unique fait que
.les .demandeurs oppoferit* jîoüfr j>ifftÆcrila haine &c la colère dont
la dame de Bardon a été animée contre fes enfans, jul’qu’au mo
ment dt ion décès : à quoi l’on peut encore ajouter que ce fait
ne regarderoit pas la dame Desrois ni le ûeur de Roquelaure fon
frere.
Il en eft de même de la fécondé réflexion des demandeurs fur
cette lettre , qui eft de l’année 1764 : il ne pouvoit pas être alors
queftion du retus de cette prétendue penfion alimentaire , puiique les demandeurs difent eux-,mêmes , en confondant la provifion
de la lomme de 1 z 50 livres avec une penfion, qu’ elle n’avoit
été adjugée à la dame de Roquelaure que par un Arrêt de
*
7 69 -
La troifiéme réflexion, enfin , n’ eft pas plus confidérable : eft-ce
en jouiffant de tous les biens des défendeurs, eft ce en ne payant
aucune des créances auxquelles ces biens étoient affeftés , eft-ce en
dégradant totalement les bois de la Terre de L a v o r t , eft-ce en
laiifant tomber en ruine tous les bâtimens de cette T erre , qu’ elle
leur auroit évité l'hôpital ?
Ainfi cette lettre bien examinée , la feule conféquence que
l’ on puiffe en tirer , c’ eft qu’ elle forme la preuve la moins équi
voque & le témoignage le plus irréprochable, que la dame de Bardon avoit conçu , fans aucun iujet légitime , une haine &c une
averfion invincibles contre fes enfans ; Sc qu’ elle leur a donné
enfuite la preuve la plus complété,du refientiment injuile qu’elle
leur avoit annoncé par cette lettre , tant par la conduite qu’ elle
a tenue depuis pour les exhéréder-, que par les difpofitions de fon
Ï Ï W m i vP?.?
jpus ces
�•
'
. .
.
3
8
moyens d e fait & de droit généraux & particuliers, q ui ne font
combattus par aucune objection confidérable , la Cour puiff e fe
j- déterminer
àconfirmer un teftament auff i peu favorable , auffi
contraire aux régies & à l’efprit de notre D r o i t , & d’ un auffi dan' gereux exemple dans le Public que celui qui fait le fujet du
Procès.
..
*
,
Monfieur B R U J A S Rapporteur,
M°. P R A D I E R , pere, Avocat
PA G È S , jeune, Procureur.
A R I O M D e l 'imprimerie de l a veuve C A N D E Z E ,
1773
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Roquelaure, Jean-Gilbert. 1773]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Brujas
Pradier
Pagès
Subject
The topic of the resource
testaments
émancipation
curatelle
captation d'héritage
haine des enfants (ab irato)
doctrine
jurisprudence
testament fait par un principe de haine et de colère
nullité du testament
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire signifié. Pour messire Jean-Gilbert de Roquelaure, chevalier, seigneur de lavort ; et dame Gabriel de Roquelaure fa soeur, epouse de messire Jacques Desrois, chevalier seigneur d'Auzat, autorisée en justice ; héritiers par bénéfice d'inventaire de défunte Anne-Marie de Bardon de Genillac leur mere, à son décès veuve de messire Guillaume de Roquelaure leur père, défendeurs. Contre messire Philippe-Claude, comte de Montboissier, lieutenant-général des armées du Roi, capitaine-lieutenant de la féconde compagnie des mousquetaires à cheval, servant à la garde de sa Majesté ; exécuteur-testamentaire de lad. Dame de Bardon de Genillac, demandeur et défendeur. Et demoiselle Françoise de Vaux, fille majeur, légataire de ladite dame de Bardon, intervenante, demanderesse et défenderesse.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'Imprimerie de la Veuve Candeze (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1773
1739-1773
1716-1774 : Règne de Louis XV
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
38 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G0501
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G0502
BCU_Factums_G0503
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/52979/BCU_Factums_G0501.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Dorat (63138)
Lavort (château de)
Riom (63300)
Génillac (terre de)
Rights
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Domaine public
captation d'héritage
curatelle
doctrine
émancipation
haine des enfants (ab irato)
jurisprudence
nullité du testament
testament fait par un principe de haine et de colère
testaments
-
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1e706d0ae817c2978abc3de1a6355bc0
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Text
CONSULTATION.
' « ' • Z T ' '<?*
L E C O N S E I L soussigné qui a pris lecture d’un
Mémoire a consulter pour le S t J e a n - P i e r r e
R O U B I N , et d’un extrait de testament y joint
est de l ’avis qui suit :
'
*
■
P O I N T S DE FAI T.
L e 20 floréal an X I , testament nuncupatif écrit, fait par le S .r Lhoste ,
dans le département de la Haute - Loire.
C e testament est conçu en ces termes :
« Le.
, par devant J e a n - François Mouras, notaire public........ ..
et témoins bas-nommés, fut présent J e a n L h o ste .. . . , lequel un peu
indisposé , néanmoins libre de ses sens , ainsi qu’il nous a paru ,
voulant profiter des dispositions des lois relatives aux lib é ralité s,
de gré nous a déclaré vouloir faire son testament nuncupatif écrit ,
et disposition de dernière volonté, qu'il nous a dicté mot à mot en la
forme qui suit :
» Il donne et lè g u e .. . .
» Et en tous ses biens présens et à v en ir, il a fa i t , institué, et de
» sa bouche , nommé Marguerite Reymond , sa fe m m e , pour héritière
» générale et universelle, à laquelle il se confie pour ses honneurs
» funèbres.
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
» C'est ici le dernier testament dudit Lhoste , testateur , qui veut
qu’il vaille par forme de testament , donation à cause de mort et
codicille ; ce qui a été fait au lieu de. . . • maison et dans la cuisine dudit Lhoste , testateur , en présence de ( suivent les noms des
témoins au nombre de six ) , soussignés avec ledit Je a n Lhoste testateur : duquel présent testament avons fait lecture en entier audit
A
�( 2 )
» Lhoste, testateur , toujours en présence desdits témoins, au q uel, il
» a dit persister. »
Dans le mois de nivôse an X I I , décès du testateur.
Contestation sur la validité du testam ent, entre ses héritiers na
turels , et sa veuve , héritière testamentaire.
Celle-ci est venue aussi à décéder, laissant pour héritier le S.T Roubin,
consultant.
L e procès repris avec ce dernier est pen d an t, en première instance ,
au Tribunal civil du Puy.
P O I N T S
D E
D R O IT .
Il s’agit d ’apprécier les moyens de nullité que les héritiers naturels
opposent au S .r Roubin, représentant l’héritière testamentaire.
L e S .r Roubin propose à cet égard quatre questions, qui seront succes
sivement rappelées et discutées ci - après.
P R E M I È R E
QUESTI ON.
L e testament dont il s’agit, est-il susceptible d'être annuité pour n’a
voir pas été fait avec les formes voulues par le Code civil ?
N o n assurément.
C e testament fut fait le 20 floréal an X I.
E t la loi du i 3 du même mois qui fait partie du Code c iv il, et
qui règle les formalités à, suivre pour la validité des testamens, ne fut pro
mulguée par le chef de l'Etat que le 23 , de sorte que la promulgation
n ’en fut connue que le 28 dans le département de la Haute-Loire.
O r, le Code civil déclare lui - m êm e, art. 2 , que la loi ne dispose
que pour l’aven ir, qu’elle n ’a point d effet rétroactif ; et dans cet ar
ticle qui s’applique à tous les cas indistinctement, se trouve le principe
que la loi 29 , Cod. de testamentis; le chap. i .er de la nov. 66 de J u s t i n i e n ,e t l ’art. 80 de l’ordonnance de 1 7 3 5 , avaient nominativement
consacré à 1 égard des testamens : principe qui voulait que tous actes
de dernière volonté, faits dans la forme prescrite par la loi existante lors
de leur confection , eussent leur e f f e t , nonobstant toutes lois postérieures
qui dérogeraient ou innoveraient à la forme des actes de cette nature.
Peu importe donc , que J e a n Lhoste eut survécu à la promulgation de
la loi du i 3 floréal an X I.
Toujours est-il que son testament porte une date authentique et
antérieure à cette promulgation.
C ’en est assez pour qu’il doive être m ain ten u , si d'aillevrs il sc
trouve revêtu des formalités qu ’exigeait la l o i , au moment où il fut
rédigé.
�C 3 )
S ’il s’agissait d'une question rélative à la capacité du testateur J
ou à la portion disponible de ses biens , elle ne pourrait être dé
cidée que d’après la loi en vigueur au moment du décès.
Mais tant qu’il ne s’agit que de la forme du testament , la loi
du jour où il a été f a i t , doit seule être consultée.
L a question s’est présentée devant la Cour de cassation , dans
une espèce exactement s e m b la b le à celle proposée par le consultant.
U n arrêt de la Cour d’appel de Bruxelles , avait déclaré va- labiés un testament et un codicille^ faits le 28 nivose an I X , et
23 ventôse an X , mais dont l ’auteur n’était décédé que dépuis
la promulgation de la loi du i 3 floréal an X I.
L a veuve de Villers se pourvut en cassation contre cet a r r ê t ,
sous prétexte que les deux actes de dernière volonté dont il était
q u estion , auraient dû être annullés comme ne^ se trouvant pas faits
avec les formes prescrites par le Code civil.
Mais par arrêt du i . er brumaire an X I I I , rapporté par D e n e v e r s ,
dans son Journal des audiences de la Cour de cassation, 2.e cahier
de cette même année , pag. 81 et suiv. , le pourvoi fut rejeté.
« Attendu que , quant à la forme des testamens et codicilles ,
» ils sont et restent réguliers , lorsqu’ils sont revêtus de toutes les
» formalités prescrites par les lois en vigueur dans le moment de
» leur confection, encore que ces formalités fussent par la suite chan» gées ou modifiées par de nouvelles lois..........»
du
L a première
consultant.
question
ne saurait donc
D E U X I È M E
être
jugée
qu’en
faveur
QUE ST I ON.
L e s héritiers naturels prétendent qu’en admettant que le testa
ment de J e a n Lhoste , doive être régi par les lois antérieures
au Code civil , il y a lieu de l’annuller comme renfermant une
contravention formelle à l ’art. 5 de l ’ordonnance de 1 7 3 5 , en ce
qu’il n’y est pas fait mention que les dispositions aient été écri
tes par le notaire qui l ’a reçu.
Sont-ils fondés dans cette prétention ?
L a négative n’est susceptible d’aucune difficulté sérieuse.
L art. 5 de l’ordonnance voulait bien que toutes les dispositions du
testament nuncupatif fussent, écrites par le notaire , mais il n ’exi
geait point qu il en fut fait mention.
Cet article voulait que le notaire, après qu’il aurait écrit toutes
les dispositions du testam ent, en donnât lecture en entier au
testateur.
A 2
�C 4
)
E t puis il ajoutait : de laquelle lecture il sera fait mention par
le notaire.
Mais remarquons bien qu’il ne s’expliquait ainsi , qu’à l’égard
de la lecture seulement , sans rien dire de semblable à l'égard
de lecriture. E t , d e là , il résulte évidemment qu’aux yeux de la l o i ,
la mention n’était nullement nécessaire à legard de l ’écriture.
Sans doute le testament nuncitpatif devait être écrit par le notaire >
et il était nul , s'il avait été écrit par tout autre.
Mais dans les contestations qui pouvaient s’élever à. cet é g a r d ,
tout se réduisait au peint de savoir si , dans le fait , le testament
se trouvait écrit , ou non , de la propre main du notaire : de sorte
que le sort du testament n’était subordonné qu’au résultat d’une sim
ple vérification.
C ’est donc en ce sens que l'article précité fut constamment en
tendu , et appliqué par la jurisprudence.
Tém oin entr’autres l ’arrêt du ci-devant parlement de Toulouse , du
2 8 août 17 4 2 , qui est rapporté par Furgole » dans son Traité des testamens, chap. 12 , n.° i 5 , et qui , avant de statuer sur la demande en
nullité d’un testament contenant la clause codicillaire , mais que les
successeurs ab intestat soutenaient être écrits par tout autre que le
notaire, ordonne qu’ils feraient vérifier ce fait.
A y m a r , sur l’art. 5 , de l’ordonnance de 1 7 3 5 , rapporte lin arrêt dir
ci-devant parlement de Paris, du 9 décembre 1 7 4 0 , q u i , sur une de
mande en nullité de la même nature » ordonne un pareil interlocutoireTout testament fait par acte public postérieurement à la promulga
tion des dispositions du Code c i v il, relatives à la forme des actes de
dernière volonté, doit porter avec lui la mention expresse qu’il a été
écrit par le notaire ; et pourquoi ? C ’est que le Code c i v i l , art. 9 7 2 ,
ordonne formellement cette mention, mais elle netait prescrite par au
cune loi préexistante ; jusques-là donc, elle n’était pas nécessuire.
T R O I S I È M E
Q UE S T I O N .
L e s héritiers naturels de J e a n Lhofte sont-ils fondés à prétendre que
le testament est n u l , en ce que le testateur n’y parle pas à la pre
m iè r e personne, c’est-à-dire, avec le pronom j e ; mais bien à la troisième,
c ’est-à-dire , avec le pronom il ; que d’ailleurs 1 institution à titre uni
versel y est faite avec trait au passé ( il a fa it, institué, e t c .) , au lieu
d ’être conçue au présent ( il f a i t , institué ) ; que de tout cela , il
résulte que le testament n’a pas été écrit tel qu’a dû le dicter le
testateur, et que les dispositions en sont moins l ’ouvrage de ce der
nier , que celui du notaire qui les a rédigées à son gré?
Tour donner à la discussion de cette question toute la clarté q u e lle
�( 5 )
e xig é , remarquons d’abo rd , que l’ordonnance de 1 7 3 5 eut pour o b j e t ,
ainsi qu’il est dit dans son préambule , non pas de faire un changement
réel aux dispositions des lois que les différentes Cours de l’Empire
avaient observées jusqu'alors , mais au contraire, d’en affermir l’autorité
par des règles tirées de ces lois m êm es, et appliquées d’une manière
précise , et propre à faire cesser le doute et l’incertitude.
Aussi maintint-elle , et les principes généraux du droit romain , par
rapport aux pays qui l’avaient ad o p té , et ceux des coutumes par rap
port aux pays qui se trouvaient régis par des statuts particuliers : de
sorte qu’elle ne s’attacha essentiellement q u à faire disparaître les abus
et les in co n v é n ie n s qui prenaient leur principale source dans les sentimens et les subtilités des interprètes ou des commentateurs , souvent
contraires les uns aux autres, et quelquefois aux lois mêmes ou aux
statuts qu’ils avaient prétendu expliquer.
Il est donc sensible que , parmi les formes testamentaires main
tenues ou modifiées par l’ordonnance , il 11e faut pas confondre celles
qui concernent les pays de droit é c r i t , avec celles qui s’appliquent
aux pays coutumiers.
Nous n’avons à nous occuper ici que des formes du testament nuncupatif écrit , et il suffira même de rappeler celles qui se réfèrent à la
question proposée.
Quelles étaient ces formes, avant l’ordonnance, dans les pays de cou
tume ? Quelles étaient-elles dans les pays régis par le droit romain l
E t en quoi l’ordonnance y a t - e l l e respectivement dérogé ou innové ?
Voilà ce qu’ il faut bien distinguer.
L e droit romain admettait le testament nuncupatif écrit ou solenn el,
et le testament purement nuncupatif, c'est-à d ir e , fait de vive voix et
sans écriture. Voyez la loi 2 1 , in princ. au Coil. de testamenlis , et les
§§ 3 et 1 4 , du tit. 1 0 , du liv. 2 , des instit. de Justinieu.
Quand le testateur voulait faire un testament nuncupatif écrit , il
pouvait ou en écrire les dispositions de sa propre main ou les faire
écrire par tout autre. Ensuite le testameni devait être revêtu du sceau
de sept témoins, à <jui Ion pouvait en laisser ignorer le contenu , et
en outre il devait etre souscrit et signé par le testateur , ainsi que par
les témoins en présence du testateur , et sans divertir à aucun autre
acte. Voyez les textes que nous venons de citer.
C es textes ne disent point q u e , dans le cas où le testateur em
ployait le ministère d’un écrivain quelconque pour écrire ses disposi.
tions , il fut nécessaire de faire mention qu’il les lui eut dictées.
Us ne disent même pas qu'il dût précisément les dicter : il on résulte
seulement qu’il devait déclare* ses volontés à l’écrivain, par lequel il les
Jui faisait rédiger par écrit.
�( 6 )
A la v é r ité , ce mot d icter, par rapport au testament, se trouve dans
quelques lois romaines , et notamment dans la loi 2 1 , versic. in omnibus
au Cod. de testam.
E t F u rg o le , chap. 2 , sect. i . r e , n .° 4 , se fonde sur cette loi , ainsi
que sur la loi 2 8 , ff. qui testam. fa cere possunt, et sur la loi 2 , §. 7 ,
ff. de bonorum -possessions secundum tabulas , pour dire « qu’il faut
» qu’il paraisse que le testateur a dicté le contenu du testament ou
» q u e , du moins, il est nécessaire qu’il n’y ait point de preuve ni de
» circonstance qui puisse faire présumer que le testateur n’a pas dicté
» sa volonté à l ’écrivain: c a r, ajoute cet auteur, ce serait alors non la
» la volonté du testateur de laquelle dépend la force et l’efficace du
» testam en t, mais celle de l ’écrivain. »
Mais d’abord, il paraît que , dans’ le langage du droit rom ain, le
mot dicter par rapport à un testam e n t, était synonyme des mots dé
clarer ou expliquer ses volontés ; et Furgole l’a lui-même entendu ainsi.
D ictare suum arbitrium , dit la première des lois ci-dessus citées.
Mais la seconde, dit simplement, que rien n’empêche qu’un esclave
appartenant même à un autre qu’au testateur, écrive le téstament par
l ’ordre de ce dernier. Servus licet a lien u s, jussu testàtoris teStamentum
scribere non prohibetur.
Et la troisième, après avoir dit que , si le nom de l ’héritier a été
effacé à dessein, il ne doit pas être admis à la succession prétorienne ;
ajoute : il en est de m ê m e , à l ’égard de l’héritier dont le nom a été
écrit à l ’insçu du testateur, ou sans que le testateur fut consulté ; car, on
regarde comme non écrit l’héritier qui n’a pas été écrit par la volonté du
testateur : Quemadmodùm non potest qui h<rres scriptus est non consulto
testatore : nam pro non scripto ; quem scribi noluit.
D ’après ces t e x t e s , il n’était nullement nécessaire qu’il parut que le
testateur eut précisément dicté ses dispositions , et qu’elles eussent
été littérallement écrites, telles qu’il les aurait dictées; mais il suf
fisait que le testateur eut déclaré ses volontés à l ’écrivain , et que ce
lui-ci en eut rédigé la substance , sans rien ajouter ou omettre qui fut
de nature à les contrarier. A u surplus voyez la loi 2 9 , au Cod. de testam entis, et les notes de Godefroi sur cette loi.
]1 est constant d ’ailleurs , que la loi romaine était entendue et ap
pliquée dans ce sens par la jurisprudence du ci-devant parlement de
Toulouse.
Entr’autres auteurs, voyez Cambolas , liv, 3 , chap. 12 , où cet au
teur observe , d’après la loi rom aine, et d’après un arrêt de ce parle
m ent, qu’un testament ne pouvait pas être valablement fait par signes;
mais q u ’il fa lla it , et que c ’était d’ailleurs assez qu’il parut que le tes
tateur eut parlé pour faire entendre ses volontés.
Souvent même on voyait des testamens faits par les simples mono-
�rî> y ï
C 7 )
syllables o u i, ou non, arrachées à des moribonds, sur les demandes qui
leur étaient faites par les notaires ou par des personnes intéressées ;
et ces testamens, quelques suspects qu’ils fussent , étaient déclarés valables-par les parlemens des pays de droit écrit. Voyez Cam bolas,
liv. 5 , chap. 5 , et Henrys , tom. i . e r , liv. 5 , question 3 i.
Ajoutons que les notaires étaient dans l’usage d ’écrire les testamens
en l’absence des témoins , et de ne les appeler que pour en entendre
la lecture.
C ’est pour rémedier à ces abus que l ’art. 5 de l'ordonnance de
1 7 3 5 , en statuant à l ’égard des pays de droit écrit , voulut que »
» lorsque le testateur voudrait faire un testament nuncupatif é c r i t , il
» en prononçât intelligiblement toutes les dispositions en présence au
» moins de 7 témoins , y compris le notaire , lequel écrirait lesdites
» dispositions à m.esure qu elles seraient prononcées par le testateur etc. »
Quant aux pays coutumiers , la coutume de Paris voulait, art. 289 ,
que le testament passé par-devant notaires , f u t dicté et nommé p a r
le testateur aux dits notaires, et qu’il f u t fa it mention audit testament
qu’il avait été ainsi dicté et nom m é, etc ; et la plupart des coutumes
avaient une disposition semblable.
Certaines voulaient ultérieurement qu’il fut fait mention que le tes
tament avait été dicté sans suggestion.
L e s parlemens des pays coutumiers étaient si rigoureusement atta
chés à ces dispositions de la loi municipale, qu’ils annullaient les tes
tamens pour la plus légère omission.
T é m o in , entr’autres l’arrêt du ci-devant parlement do Paris, du 1 4
juillet 1642 , (rapporté au Journal des audiences) , qui cassa un tes
tament fait dans le pays de Poitou , dont la coutume exigeait que le
testament portât qu'il avait été dicté et nommé sans suggestion d'au
cune personne, et qui le cassa par cette seule raison , qu’au mot sugges
tion , le notaire avait substitué le mot induction, quoique assurément
ce dernier terme fut assez équipollent.
L ’ordonnance voulut écarter ces vaines subtilités, dont l ’abus tendait
à rendre illusoire la faculté de tester.
* C ’est dans cet objet, qu’en statuant, par son art. a 3 , sur les testa
mens mincupatifs écrits à l ’égard des pays coutumiers , elle s’expri
mait dans les termes qui suivent : « Les testamens qui se feront de» vant une personne publique, seront reçus par deux notaires, ou par
» un notaire , en présence de deux témoins; lesquels notaires ou l ’un
» d ’eu x, écriront les dernières volontés du testateur , telles qu'il Us die» t e r a ....» Sans néanmoins qu'il soit nécessaire de se servir précisé
ment de ces termes : d ic té, nommé , tu et relu sans suggestion ou au
tres requis par les coutumes ou status.
�(
3
)
On voit qu a l ’égard des pays coutumiers , l’ancien législateur s’ex
prime bien autrement qu a l'égard des pays de droit écrit.
Pourquoi cette différence ? Pourquoi voulait - il que, dans les pays
coutumiers, les notaires écrivissent les dernières volontés du testateur
telles qu’il les dicterait ? C ’est que les coutumes exigeaient effecti
vement que les dispositions de dernière volonté fussent écrites telles
qu'elles étaient écrites par le testateur , et qu’il voulait maintenir
cette disposition h l ’égard des pays régis par ces coutumes , en déro
geant seulement à la nécessité de faire mention expresse de la dictée.
Pourquoi, au contraire, l’art. 5 qui statuait pour les pays de droit écrit
n eiriployait*il pas le mot d icter, mais se contentait d’ordonner que le
testateur prononcerait intelligiblement toutes ces dispositions, et que le
notaire les écrirait à mesure qu’elles seraient prononcées p a r le testateur>
C'est que la loi romaine, ou la jurisprudence des pays de droit écrit,
qui en. avait fixé le sens , n ’exigeait pas que le testateur dictât préci
sément ses dispositions, ni , par conséquent , quelles fussent littérale
ment é c rite s, mais voulait seulement qu’il les prononçât ou les déclarât
à l ’écrivain , et qu’elles fussent rédigées dans un sens correspondant à
ses volontés.
Aussi Furgole, en expliquant (chap. 2 , sect. 3 , n . ° 8 ) , l’art. 23 de
l ’ordonnance, relatif aux pays coutumiers, après avoir observé qu’il n’est
plus nécessaire d’employer les mots d ic té, nommé ou autres requis par
les coutumes ou statu ts, a jo u t e - t - il , « Il suffit seulement qu’il pa» raisse que le testateur a dicté ou expliqué sa volonté , ou du moins
» qu’on 11e puisse pas présumer le contraire.. . . »
Mais voici comment s'exprime le même auteur, en expliquant ( aux
n.oS i 3 et 14 de la même section) , l’art, 5 de l ’ordonnance concernant
les pays de droit écrit.
« Selon l’art. 5 , lorsque le testateur voudra faire un testament nuncupatif é c r i t , il devra i . ° en prononcer intelligiblement toutes les
dispositions , en présence au moins de sept témoins y compris le 110taire , c’est-â d ire , que le testatsur doit exprim er par sa voix le nom
des héritiers , les portions qu'il leur assign e, les legs , les fid e i commis
et autres choses qu'il voudra ordonner',
le notaire doit écrite les dis-,
positions à mesure qu’elles seront prononcées par le testateur, etc. »
Furgole va plus loin : après avoir observé ( chap. 8 , sect. i . re , n.° 59 ) ,
que d’après la loi 2 1 , if. qui testamenta fa cere possunt, le testateur
doit prononcer le nom de son héritier, ou le désigner d’une manière
certaine et indubitable , et qu’en conséquence l’ordonnance art. 2 , dé
clare nulles toutes les dispositionsftqui ne seraient fa ite s que par signes,
encore qu’elles eussent été rédigées par écrit sur le fondem ent desdits
signes ; il ajoute : « mais 011 ne doit pas induire que si un testateur
montrait
»
»
»
»
»
»
�( 9 )
•» montrait , par signes aux témoins et aux notaires, la personne qu’il
v voudrait faire h éritier, en déclarant qu’il l'institue héritier, une telle
5» institution fut nulle ; car l'ordonnance n’entend prohiber que les dis» positions où le testateur n’emploie que des signes sans aucunes paroles :
» ces signes étant presques toujours équivoques, et non lorsque le testa» teur p a r le , et qu’il dit que la personne qu’il montre et désigne de
» la main ou autrement , soit son héritier; auquel-,cas il ne peut y avoir
» ni doute ni équivoque, puisque le testateur déclare, de p a ro le, qu’il
» veut faire un h éritier, et que le signe ou la démonstration*n’est que
» pour fa ire connaître la personne de l’héiitier. Ainsi il ne faut pas
v croire que l’art. 2 de l’ordonnance , ait dérogé à la loi 58 de hered.
» instit. , ni aux autres lois'qui veulent que 1 institution où la personne
» de l ’héritier n'ëst: pas expressément 1 nomméé , et où: elle n’est qùè
» •simplement désignée^soit valable : ’elle ne défclare-huiles que les dis» positions qui sont totalement faites par sign es, et non celles qui sont
y mêlées de paroles et dé signes, et où les signes ne sont faits que pour
» désigner la personne' de ^héritier, ce qui résulte bien clairement de
» ces mots de l’ordonnance qui ne seraient fa ite s que par signes ; et cela
» est si v r a i , que l’art. 5 o.de la ¡même: ordonnance admet les désigna*-'
» lions pour faire connaître les personnes qui 'sont instituées. »
II est sensible que dans* ce passage,’ ainsi que dans le précédent',
Furgole raisonne sur une hypothèse • oûï le testament n ’a été ni litté
ralement dicté par le testateur , ni écrit par, le notaire tel qu’il au
rait pu être dicté; et il n’en décide pas moins, d ’après le texte même
de la lo i, que le testament est valablo.,
,
C e testament ne constate-t-il 1 pas que le testateur a f a i t j institue',
et de sa propre , bouche nommé Alarguerite R aym ond , sa fem m e pour
héritière générale et universelle en tous ses biens présent et à venir. E t une fois constant que le testateur a lui-même prononcé ses dis
positions, le vœu de la loi ne se trouve-t-il pas pleinement rempli?
O n pourrait, d’ailleurs invoquer, s’il en était besoin, les lois 7 , i 5
et 2 4 , Cod. de testam entis, qui voulaient qu'on ne s’arrêtât point à
de vaines subtilités, et qu'un testament ait son effet , en quelques
termes qu’il fut conçu , et nonobstant des erreurs de l ’écrivain , ou les
vices de rédaction , pourvu que la volonté du testateur se trouvât cons
tante. E rro re scribentis testamenlum ju ris solemnitas mutilari nequaquam
potest.—r- Quoniàm indignum est ab inanem observationcm irritas f i e r i ta
bulas et judicia mortuorum placuit ademptis his quorum imaginarius
iisus est institutioni hceredis verborum non esse necessarium observantium , utrùm imperativis et directis verbis f a t , aut ir fe x is . S c d quibus
libet confecta sententiis , vel in quolibet loquendi genere fo rm a ta institutio
valeat ; simodd per eam liquibet voluntatis intentio. _ Ambiguitaleque vel
B
�4u<»
(
io
)
im pcritiâ, vel desidio testamenta conscribentium oriuntur resecandas ess<t
censemus : et sive institutio hæredum post legatorum donationes scripta
sit, vel alia prœtermissa sit observatio, non ex mente testatoris, sed vitio
tabellionis vel allerius qui testamentum scribit , nulli licentiam concedimus p er eam occasionem testatoris voluntatem subvertere vel minuere.
Mais ce n’est pas tout : le testament porte , en toutes lettres , que
le testateur en a dicte' mot â màt les dispositions au notaire.
E t peu importe que cette énonciation précède l ’institution d’héritier.
Ricard , dans son Traité des donations , part. i .Te , n.° 1 5 1 8 , en
parlant des solemnités qu’exigeait la coutume de Paris antérieurement
à l ’ordonnance de 1 7 3 5 , se fait la question de savoir si les solen-nités des testamens ne peuvent être mises qu’à la fin.
» Il semble dit-ili, d!abord , que' les formalités regardant tous les
» testamens et étant nécessaire par e x . , qu’il soit entièrement dicté’
» parle testateur, et ensuite à lui lu et relu , la clause qui en fait men» tion , ne puisse être mise qu'à la fin ; d’autant qu’on ne peut paS'
» écrire , dans la v é rité , que ces formalités ont été gardées, avant que
» toutes les dispositions contenues au testament aient été achevées ,
» et que les témoins aient reconnu si le testateur a effectivement
» dicté son testament, et si le notaire l u i ^ n a fait la lecture réitérée. v
E t puis , Ricard réfute ce système en ces termes
» C ’a été pourtant avec raison , que cette opinion rigoureuse a été
9 rejetée ; parce que le testament étant individu et ne composant
» qu’un acte , il acquiert sa perfection en un moine tems : tellement
» qu(il n'importe pas en quel endroit du testament il soit fait men> tion qu’il a été dicté’ v lu et relu ; d ’autant que cette clause , en
» quelque lieu q u elle se trouve placée, a son rapport à tout l’a c t e ,
» lequel n'est conclu que par les signatures qui servent de sceaux ec
» qui font foi de la vérité de tout ce qui y est contenu : de sorte
» qu’il suffit que les solennités dont nous parlons aient été observées
» avant les signatures, et il est indifférent que la clause de d ic té ,
9 nommé, tu et relu , soit au commencement , au m ilieu , ou à la fin ,■
* pourvu que la solennité ait été gardée , et la clause rédigée p a r
» écrit , ayant que la partie, le notaire et les témoins aient signé. »
Ainsi , en supposant même que le testament d e J e a n Lhoste ,•
quoique fait en pays de droit é c r it , ait dû être dicté , et être lit
téralement écrit tel qu’il était dicté , sans qu’il eut suffi que le tes-tateur en prononçât intelligiblement les dispositions, les héritiers na-turels n’en seraient pas plus avancés, puisque le testament constate
qu’il a été dicté mot à mot par le testateur.
L a r t . 97a du code c iv il, veut que le testament par acte public soit
�4 °t
(
11
)
dicté par le testateur et écrit par le notaire te l qu'il est dicté, et
q u ’il en soit fait mention.
E h bien ! qu’un testament fait depuis la promulgation du codecivil,
constate qu’il a été dicté : croit-on que cette énonciation puisse être
emportée, parce que le testateur aura parlé, soit à la r.e re , soit à la
3 .eKle personne , ou qne les termes dont il se sera s e r v i , n’auront pas
été littéralement écrits par le notaire l Non , sans doute.
'Voici comment monsieur JVialeville > président de la Cour de cas*
sation , s’exprime à ce sujet , sur l ’art. 972 du Code c iv il, dans son
analyse raisonnée de la discussion de ce C o d e , au Conseil d’Etat.
» J e 11e crois pas que le notaire doive écrire en patois un testament
» que le testateur lui dictera dan? cet .idiome, ni même qu'il soit
» obligé de se servir des mêmes termes que le testateur, comme un
» auteur moderne, ( l’auteur, ou les auteurs des Pandectes françaises 1
» l a pensé ; le notaire est seulement obligé de rendre exactement le
» sens des dispositions que le testateur lui dicte , et c’est ainsi que
» les diverses lois qui ont exigé la d icté e , ont toujours été entendues. »
Ajoutons que la question s’est présentée devant la Cour d’appel de
Bruxelles’ dans l ’espèce suivante.
L e 3 ventôse ah X I I , Martin Ramaca fait un testament par acte
public , e t donne la majeure partie de ses biens à son épouse Anne
Catherine Meens.
C e testament porte qu’il a été dicté par le testateur, et néanmoins
toutes les dispositions en sont conçues à la troisième personne.
L ’héritière présomptive du testateur argu m en te, de l à , pour pré
tendre que le testateur n ’a pas dicté lui*même le testament tel qu’il
est é c r it , et qu’en conséquence , il doit ctre déclaré nul.
L e 16 prairial an X I I , jugement du T ribun al civil de Louvain ,
qui déclare le testament valable.
A ppel de ce jugement de la part de l’héritière présomptive.
L e 3 fructidor de la même a n n é e , arrêt de la Cour d’appel de
Bruxelles , qui déclare qu’il a été bien jugé , etc.
« Attendu que l’acte produit lait mention'expresse qu’il a été dicté
» par le testateur ; que rien ne s’oppose à ce que la disposition soit
» faite en 3 .me personne, puisque rien n ’empêche de dicter de cette
» manière ; que d'ailleurs foi doit être ajoutée à l’acte aussi long» temps que le contraire n’est prouvé; ce q u i, dans ce cas , ne pouvait
* se faire que par une inscription en foux. » '
Voyez cet arrêt dans la jurisprudence
Codé civil, l . er semestre
de l’an X I I I , tom. 3 , pag. ¿ 3 3 et suivantes. 1
Il est sensible, en effet , qu’un testateur' peut dicter ses volontés en
B 2
�(
J2
)
parlant à la 3 .me comme en parlant à la i*re person ne, et qu’il peut
de même les dicter en parlant avec trait au passé , tout comme eu
parlant avec trait au présent.
A u surplus, le testament de J e a n L h o ste , constate qn’il a lui-même
dicté mot-à-mot au notaire, et c’en est assez pour que tous les raisonnemens doivent se briser contre cette énonciation qui ne pourrait
être emportée que par la vole de l'inscription de faux.
L e 3 .me moyen de nullités échappe donc encore aux héritiers
naturels , sous quelque rapport qu’on l’envisage.
Q U A T R I È M E
QUE S T I O N .
L e testament fait par J e a n L h o ste , le 20 floréal an X I , posté
rieurement à la promulgation de la loi du 2 5 ventôse de la memê année r
contenant organisation du notariat , p e u t- il, d’après l ’art. 1 4 de cette
l o i , être considéré comme n u l, sur l e ‘ fondement qu’il n'y est pas
fait mention de la signature du notaire qui l’a r e ç u ,e t qni dailleurs
l ’a réellement signé.
L'art. 1 4 de cette loi du 2 5 ventôse an X I , porte r
» L e s actes seront signés par les parties, les témoins et les no» taires, qui doivent en faire mention à la fin de l ’acte.
» Quant aux parties qui ne savent
» notaire doit faire mention , à la fin
> tions à cet égard.
Point de doute qu'aux termes de cet
moins qui signent réellement l'acte , ne
le notaire qui ie reçoit.
ou ne peuvent signer ; le
de l'acte de leurs déclaraarticle, la signature des t é
doive être mentionnée par
Mais , d ’abord , on- pourrait peut-être soutenir avec quelque fon
dement que cette mention n ’est prescrite au notaire, que par rap
port à la signature des témoins , et non par rapport à sa propresignature.
On objectera que le notaire est lui-m êm e considéré comme témoin.
E t , en effet , il était considéré comme tel par l’ancienne légisîation concernant les testamens. S e p t témoins au m o in s, y compris
le n otaire, disaient l’article 5 de l ’ordonnance de 1^ 3 5 , relativement
au testament nuncupatif é c r it , et l'art. 9, de la même ordonnance
relativement au testament clos ou mystique.
Cette objection néanmoins ne serait pas absolument sans réponse.
M ais, admettons que l’art. 1 4 de la loi du 2S ventôse an X I , im^
pose au notaire l ’obligation de mentionner sa propre signature ainsi
que celle des témoins, dans les actes qu’il reçoit, et cette entente
de la loi e s t , en effet > la plus probable.
�(
i3
)
C ela posé , il reste à examiner si cet article s’applique aux testamens.
A vant de discuter directement cette qu estion, il ne sera pas hors
de propos de jeter un coup d’œil sur les lois et la jurisprudence
antérieures qui s’y référent.
L ’ordonnance de B lo is , du mois de mai i 5y g , voulait, art. i 65 »
que
tous notaires et tabellions , soit en pays coutumier ou de
» droit é c rit, fussent tenus faire signer aux parties et aux témoins
» instrumentales ,' s’ils savaient sign er, tous contrats et actes , soit
» testamens ou autres , qu’ils recevraient, dont ils feraient m ention,
» tant en la minute que grosse qu’ils en délivreraient , à peine
» de nullité desdits contrats, testamens ou actes; et qu’en cas que
>> les parties ou témoins ne sussent signer , lesdits notaires ou tabel» lions fissent. mention de la réquisition par eux faite auxdites parties
» et témoins de signer, et de leur réponse. »
Même disposition dans l’art. 84 , de l’ordonnance d’Orléans du mois
de janvier i 56 o , avec cette seule différence qu’il n’y était pas nomi
nativement parlé des testamens.
Comment ces dispositions furent-elles entendues dans l’usage ?
Vers le.m ilieu du 17 .e siècle, la question se présenta au ci-devant
parlement de Paris , dans une espèce où il s’agissait de décider si un
testament et un codicille , faits par le S r. Désespoir, et réellement si
gnés de lu i, étaient n u ls, en ce que les notaires n’avaient pas fait
mention qu’il eût signé. <
■ L e 7 mars 16 52 , arrêt qui nonobstant cette omission, déclara valables
le testament et le codicille.'
Voyez cet arrêt dans le Journal des audiences , ( tom. i . er , liv. 7 ,
chap. 5 , pag. 532 , édit. de 1 7 6 7 ) , avec l'extrait du plaidoyer de l’avo
cat général Talon , où l ’on remarque les expressions suivantes : » E n
» ce qui touche les solennités de la signature du d é fu n t , l’effet est
» plus puissant que la p arole, et est assez indifférent que les notaires
» aient écritt dans la minute que le testateur a sign é , p u isq u e , par
» e f f e t , il a. Signé, comme la coutume le désire. »
R icard , t Traité des donations , part. i . re, n.03 1628 et Ó 2 9 ) , et
Rousseau de Lacombe , ( Recueil de jurisprudence civile sur le mot
testament, se’ct.*3 , dist. i .r e , n.° 3 ) , observent d’après cet arrê t,
que « cette omission ( c ’est-à-dire , le défaut de mention de la si» gnature réellement apposée ) , ne rendait pas le testament nul ,
» et que la nullité irrogée par l’ordonnance de Blois , en ce qu’elle
» v o u la it-( ait. 1 65 ) , que le testament fut sign é, et qu’il en fut
9 fait mention , ne se rapportait qu’au défaut dè signature. »
; Cependant un arrêt rendu par le même parlement de Paris , le 9
C
�( H )
mars 1 7 3 0 , et rapporté par Dénizart sur le mor testam ent, n.° 7 7 ,
déclara nul un testament reçu par un notaire de Saint - Germainen-Laye , et deux témoins , parce qu’il n’y était pas fait mention de
la signature de ces derniers , quoiqu’ils l’eussent en effet signé. C e
même arrêt , rendu en forme de règlem ent, enjoignit aux notaires de
se conformer à l ’art. 1 6 5 , de l ’ordonnance de Blois.
L e parlement de Dijon adopta cette dernière jurisprudence de celui
de Paris , par arrêt du i . er avril 1 7 3 5 , rendu aussi en .form e de r è
glement.
Quant au parlement de Toulouse , il confirmait depuis , comme
avant l’ordonnance de Blois, les testamens non signés par les testateurs r
bien que le notaire eut omis d’énoncer la cause pour laquelle ils n’a
vaient pas signé. Voyez les arrêts rapportés par Cam bolas, ( liv. 2 r
chap. 44 ) ; p a r D c liv e , ( liv. 5 , chap. 5 ) , et par D espeisses, ( tir.
des testamens , sect. 4 , n.° 12 6 ).
A plus forte raison , ce parlement n’annullait-il point les testamen?
pour le défaut de mention de la signature du testateur ou des témoins,
lorsqu’ils avaient réellement signé.
Survînt l ’ordonnance de 1 7 3 5 , qui voulut que le testament m m cupatif é c r i t , fut signé par le testateur, parles témoins et par le notaire.
Cette ordonnance ajouta que , dans le cas où le testateur déclarerait
ne savoir ou ne pouvoir signer, il devait en être fait mention expresse.
E lle voulut également que si parmi les témoins , il y en avait qui
ne sussent ou 11e pussent signer dans les cas où il était permis d'en
employer de non-signataires, il fut fait mention qu’ils avaient été pré-sens , et qu’ils avaient déclaré ne savoir ou ne pouvoir signer.
Mais elle n’exigea point qu’il fut fait mention de la signature du
testateur, ou des témoins, et encore moins du notaire, lorsque leurs'
signatures respectives se trouvaient au bas du testament.
Aussi les parlemens mêmes q u i, jusqu’alors s’étaient rigoureusement
conformés à l’art. i 6 5 , d e l’ordonnance de B l o is , regardèrent-ils ce t
article comme tacitement abrogé par l’ordonnance de > 7 3 5 , en ce qu’il
prescrivait cette mention , à l ’egard des signatures existantes pa* le lait^
Tém oin l ’arrêt , par lequel le parlement de Paris postérieurement
à cette dernière ordonnance, confinïia , au rapport de M. Pasquier, un
testament fait dans la coutume d’A u v e rg n e , et réellement signé par
îes témoins, mais sans mention de leur signature dans le corps du
testament.
Témoin l ’arrêt du parlement de D ijon, du a 5 juin 177 8 , qui re
jeta la demande en déclaration de nullité d ’un testam ent, fondée sur
ce que le notaire qui lavait reçu et signé , n ’y ayait pas fait mention,
de sa signature.
�<oJ
( i5 )
V o y ez ccs deux arrêts et autres dans le Répertoire universel de
jurisprudence , à l ’art, signature , § 2 , quest. 3 .
L e s rédacteurs de cet article , expriment d ’ailleurs leur opinion en k
ces termes : « Il est à croire que ces décisions fixeront enfin la juris» prudence en faveur du parti qu’elles ont adopté ; du moins , il ne
» paraît pas que les principes permettent d ’en suivre un a u tr e , tant
» que le législateur ne jugera pas à propos d’ajouter au texte de
» l'ordonnance de 1 7 3 5 , une formalité que ni cette lo i, ni les pré» cé d e n te s, n’ont prescrites à peine de nullité. »
Une telle addition s e trouve-t-elle dans la loi du 2S ventôse an X I ,
ou si l’on v e u t, cette loi a-t-elle renouvellé l ’art. i 65 , de l ’ordonnance
de B lo is , en admettant que cet article eût prescrit, à peine de n u llité ,
la mention des signatures existantes dans le fait ?
Quelques observations suffiront pour établir la négative de cette ques
tion , à l’égard des testamens.
E t , d ’a b o rd , l’art. 1 65 de l’ordonnance de Blois , ne se bornait pas à
parler des contrats et actes en général ; mais elle comprenait nommé
ment les testamens dans sa disposition, au lieu que la loi du 2 5 ventôse
an X I , ne parle nominativement que des actes , et cette différence dans
les expressions du législateur, en indique déjà une dans son objet.
Il est vrai que le mot acte est un terme générique qui comprend
le testament, ainsi que le contrat.'Voyez, les notes de Guy-Coquille T
sur l’art. ¡65 de l’ordonnance de Blois.
Ma is la loi du 2 5 ventôse , a - t - e l l e en effet compris-les testamens
dans cetie dénomination générale d’actes ?
Non , certainement. Et pour s’en convaincre , il suffit de connaître
l ’objet de cette loi , et d ’en comparer les dispositions , ainsi que les
actes dont elle parle , soit avec la nature des testamens , soit avec les
formes que le Code civil a ultérieurement établies pour la validité de
cette dernière espèce d’actes.
Quel est-il l ’objet de la loi du 2 5 ventôse ?
C ’est d’organiser le notariat ; de déterminer le nombre , le place
ment et le cautionnement des notaires; les conditions requises pour leur
admission et le.mode de leur nomination ; leurs fonctions, leur ressort
et leurs devoirs; les cas de parenté et d ’alliance où ils doivent's’abs
tenir ; la forme de leurs acte s, et les obligations qu’ils Qnt à remplir
pour leur donner la forme authentique et le caractère de l’autorité pu
blique ; l’obligation d’en garder minute , et le droit d ’en délivrer des
grosses et des expéditions.
t,
Tout cela est étranger aux formes requises par la rédaction des tes
tamens, soit mystiques , soit faits par acte public.
L a loi du 25 ventôse an X I , ne déterm ine, par rapport à la r é d a o
�(
16
)
l i o n , que la forme des contrats ou actes synallagmatiques ou bilatéraux
passés devant notaires, sans s'occuper de la forme dés testamens.
E t c’est le Code civil qui règle les formes dans lesquelles doivent être
rédigés les testamens, sans s’occuper de la forme des contrats.
Cette proposition se justifie sous plusieurs rapports ;
i . ° L ’article 9 31 du Code civil veut : « Que tous actes portant dona» tion entre-vifs , soient passés devant notaires, dans la forme ordinaire
» des contrats. »
L e s articles subséquens fixent le mode dans lequel une donation doit
être acceptée pour être obligatoire ; et en e f f e t , ce n ’est qu’au moyen de
l ’acceptation faite par le donataire, que la donation entre-vifs prend le
caractère de contrat ou d’acte bilatéral.
Mais pourquoi le Code civil ne règle - t - i l pas d’ailleurs la forme de
la donation entre-vifs ? C ’est que cette espèce de donation , une fois
acceptée , est un véritable contrat, et que la forme des contrats se trou
vait déjà réglée par la loi du 2 5 ventôse , à laquelle il renvoie, en con
séquence , pour la forme dans laquelle doit être rédigée la donation.
Pourquoi , au contraire, le Code civil détermine - t - i l les formes aux
quelles il a voulu subordonner la validité des testamens ? C ’est que les
formes des testamens ne se trouvaient réglées ni par la loi du 2 5 ven
tôse , ni par aucune autre loi émanée du même législateur qui a suc
cessivement voulu tout régénérer.
20. L a loi dH 2 5 ventôse , avait statué , art. 1 0 : « Q ue les paren s, alli é s , soit du notaire , soit des parties contractantes , au„degré prohibé
par l'art. 8 , leurs clers et leurs serviteurs , ne pourraient être témoins. »
S i le législateur avait voulu que cette loi s’appliquât aux testamens
notariés , il n’aurait pas eu de nouvelle disposition à faire à cet égard
dans le Code civil ; et très-certainçment, il s’en serait référé à celles déjà
existantes.
M ais, au lieu de cela , il a expressément disposé, art. 9 7 5 : « que ni
» les légataires, à quelque titre qu’ils soient, ni leurs parens ou alliés ,
» jusqu’au 4 .' degré inclusivem ent, ni les clers des notaires par lesquels
» les actes seront reçus, ne pourront être pris pour témoins du testa» ment par acte public. »
E t remarquons bien que le Code civil ne porte aucune disposition de
cette nature , à 1 égard do la donation entre-vifs. Et pourquoi ! Nous l’a
vons déjà d it; c’est que cette donation est un con trat, et que la forme
des contrats se trouvait déjà fixée par la loi du 26 ventôse.
Cette loi v e u t , art. 9 , que les actes dont elle parle , puissent être
reçus par deux notaiies sans tém oins, ou par un notaire assisté de deux
témoins.
Mais le Code civil , art. 97 x , exige la présence de deux témoins ,
lorsque le testament par acte public est reçu par deux notaires, et la
présence de quatre témoins, lorsqu’il est reçu par un notaire seulement,
�</o >
( *7 )
A joutons, qu’à l’égard des actes réglés par la loi du 25 ventóse , les
témoins doivent être citoyens français, c’est à-dire, qu'ils doivent avoir
la jouissance des droits politiques; au lieu que pour être apte à être té
moin dans les testamens réglés par le Code civil , c'est assez qu’on ait
l’exercice des droits civils.
Ces différences furent t r è s - b i e n remarquées par le tribun Jaubert (de
la G iro nde) dans le rapport qu’il fit au T r ib u n a t , le 9 floréal an X I *
au nom d e l à section de législation , sur le projet de loi décrété le ï 3
du même mois , et dans lequel il s exprime en ces termes :
« Quelques observations sur les témoins testamentaires ; i . ° il suffit
» qu’ils jou issen t des droits civils ( à l’égard des testamens, art. 980 , du
» Code civil ) r tandis que pour les actes publics ordinaires ( réglés par
» la loi dix 25 ventôse ) , o ù , à la vérité il n’en faut que deux , il est in» dispensable qu’ils jouissent des droits politiques.
» 2 ° L e s légataires ne pourront être pris pour témoins dans un tes» tament par acte public. L e projet n’a pas dû répéter l ’exclusion pour
y le testament dont les dispositions sont secrètes. L ’ordonnance de 1 7 3 5 ,
* n’avait pas non plus interdit aux légataires, mêmes universels, de ser» vir de témoins dans les testamens mystiques.
» 3 .° L e projet dit aussi, que les clercs des notaires par lesquels les
;» testamens publics seront reçus, ne pourront être pris pour témoins.
» L e projet ne répété pas cetie exclusion pour les testamens mystiques.
y L a loi sur l'organisation du notariat, exclut absolument les clers des
» notaires.
» M ais cette loi générale ne peut être invoquée dans la m alilre des
» testam ens, pour lesquels une loi particulière règle tout ce qui est re la tif
> aux témoins. Il faut remarquer d ’ailleurs, que la prohibition ne cesse que
» pour l’acte de suscription , où la présence de six témoins est nécessaire. »
3 .° L e Co 'e c iv il, art. 9 7 1 et suiv. , règle spécialement avec la plus
grande précision, non seulement tout ce qui est relatif aux témoins tes
tamentaires , mais encore toutes les formes qui doivent être ultérieu
rement observées pour la validité des testamens.
D o n c, la loi générale sur l’organisation du notariat, est étrangère ou
inapplicable à tout ce qui concerne la forme des actes de dernière volonté.
4.0 L ’art, io o î , du Code civil porte : « L e s formalités auxquelles les
s> divers testamens sont assujettis par les dispositions de la présente sec» tion et de la précédente, doivent être observées à peine de nullité. »
Il est évident que cet article n’admet pas d ’autres nullités que celles
résultantes de l’inobservation des formes déterminées par le Code civil.
E t , par conséquent le Code civil doit seul être consulté pour la vali
dité ou l’invalidité d'un testament fait sous son Empire.
O r , le Code civil n’exige pas que le notaire fasse mention de sa si
gnature non plus que celles des tém oins, dans le testam ent, soit myslique , soit par acte public.
�( i8 )
A in si, un testament par acte public, fait depuis la promulgation du
Code civil, et réellement signé par le notaire et les témoins, serait incon
testablement valable, nonobstant le défaut de mention de leurs signatures.
E t nous avons vu que cette mention n’était pas non plus nécessaire dans
les testamens faits antérieurement à la loi du 25 ventôse.
Elle ne se trouve prescrite que par cette loi, à l ’égard dos actes sur les
quels elle dispose.
Mais n’est-il pas absurde de supposer que le législateur eut voulu
créer pour les testamens, qui se feraient dans le cours intervalle de
la promulgation de la loi du 25 ventóse, à la promulgation de la loi du
i 3 floréal suivant , une forme' particulière à laquelle ne devaient pas
être assujettis les testamens postérieurs , non plus que les testamens
antérieurs ?
N ’est-ce pas insulter à la sagesse et à la prévoyance du législateur que
de supposer qu'il ait voulu s’occuper des formes des testamens dans
une loi préparée et décrétée à une é p o q u e , où il avait déjà rédigé le
projet de loi, où se trouvaient spécialement réglées toutes les formes des
testamens, et qui devait incessamment faire partie du Code civil l
5 .° L a loi du 2 5 ventôse, porte avec elle la preuve matérielle qu’elle
11e s’occupe point de la forme des testamens , mais seulement de la
forme des contrats,
C ’est dans la section 2 , du tit. i . eT de cette loi , qu’il est question de
la forme des actes ; et, en e f f e t , cette section est intitulée : D e s actes ,
de leur fo rm e ; des minutes, des gro sses, expéditions et repertoires.
E h bien ! l’art. i . er de cette même section, qui est I’a n . 8 de la loi,
annonce déjà que le législateur ne va s’occuper que de la forme des con
trats : car déjà l’on y trouve le mot parties à côté du mot générique actes,
et l ’on sait qu’on ne peut figurer avec la qualification ou le caractère de
parties , que dans les actes où il s’agit dç contracter ou de former des
obligations réciproques.
Q u ’on lise ensuite les art. 1 0 , 1 1 , i 3 , 1 4 , 1 5 , 18 , 2 6 e t 3 o q u i rentrent
dans la même section : on y retrouvera et souvent répété , soit le mot
parties , soit le mot contractans.
Et les articles intermédiaires ne présentent d ’ailleurs rien de contraire
à la conséquence qui s’induit des articles que nous venons d’indiquer.
Sans doute , parmi les dispositions de la loi générale du 25 ventóse, il
en est qui , par leur nature et leur objet, peuvent s’appliquer aux testatnens; mais dans ces dispositions, il n’est nullement question de la forme
des actes considérés en soi.
Q u ’on reporte particulièrement son attention sur l’art. 14.
Il veut que les actes soient signes par les parties , les témoins et les
» notaires qui doivent en faire mention à la fin de l’acte. »
E t c’est précisément en vertu de cet article, que les héritiers naturels
de Je a n Lhoste prétendent faire annuller son testament.
�( *9
)
'
Mais cet article est évidemment inapplicable aux testamens , puisqu'il
ti’y est question que d’actes passés entre parties.
Q u ’on lise enfin l’art. 6 8 , il est conçu en ces termes :
« Tout acte fait en cçntravenlion aux dispositions contenues aux arti» d e s 6 , 8, 9 , i o , 1 4 , 2 0 , 52 , 6 4 , 6 5 , 66 et 67 est n u l , s'il n’est pas
3» revêtu de la signature de toutes les parties , et lorsque l ’acte sera re» vêtu de la signature de toutes les parties contractantes , il ne vaudra que
» comme écrit sous signature p rivée, sauf dans les deux cas, s’il y a lieu,
les dommages et intérêts contre le notaire contrevenant. »
C et article qui attache la peine de nullité à l’inobservation des dispo
sitions y mentionnees , ne peut certainement pas concerner la forme des
testamens, puisqu’il maintient comme actes sous signature p r iv é e , les
actes notariés qu'il rappelle , et qu’assurément , un testament par acte
public ne pourrait pas valoir comme acte sous signature p riv é e , ou comme
festament olographe.
E t i c i , il faut en dire autant des donations entre-vifs ; puisque l’ar
ticle 9 3 1 du Code civil , après avoir dit que tous actes portant donation
enlre-vifs , seront passés devant notaires dans la forme ordinaire des
contrats, ajoute indistinctement qu’il doit en rester minute , sous peine
de nullité , et qu'on ne pourrait pas prétendre qu’il restât minute d ’une
donation qui cesserait d’être considérée comme acte notarié,
De l’art. 68 de la loi du 25 ventôse , combiné avec l’art. 1 4 qu’il
ïappelle , il résulte qu'un acte notarié qui ne ferait pas mention de
la signature du notaire ou des notaires et des témoins , devrait être
déclaré n u l , sous les rapports d’acte notarié.
Mais que peuvent avoir de commun les art. 1 4 et 68 , avec la forme
des testamens , quand on voit qu’ils ne portent que sur les actes passés
entre parties contractantes, entre parties qui s’engagent, qui s’obligent
irrévocablement par des conventions ou des liens respectifs î
Cela n’e s t- il pas radicalement étranger à la forme des testamens en
général et particulièrement à la forme des testamens par acte p u b lic,
où le testateur parle et figure seul , et sans contradicteur , devant le
rédacteur et les témoins de ses intentions ; où il ne contracte p o in t ,
où il ne forme aucun lien obligatoire, où il ne fait que dicter une vo
lonté irrévocable à son gré.
Enfin , redisons - le encore, une loi spéciale qui fait partie du Code
civil , a fixé toutes les formes testamentaires , et a circonscrit dans
l’inobservation de ces formes, les nullités susceptibles d'être opposées
aux testamens.
C ’est donc dans cette loi spéciale, à l’égard des testamens faits depuis
sa promulgation , ou dans les lois spéciales anciennes à l'égard des tes
tamens antérieurs , et non pas dans la loi générale sur l ’organisation
du notariat, qu’il faut vérifier si un testament se trouve ou non rédigé
selon la loi.
�/,lû
*»•
(
20
)
Concluons que le dernier moyen de nullité allégué par les héri
tiers naturels de J e a n Lhoste , n’est pas plus solide que les trois
précédens.
Cette question, si la loi sur le notariat du 25 ventôse an X I , quant
aux formalités q u 'e lle prescrit pour les actes, était applicable aux testam ens, et si un testament était nul par le défaut de mention à la fin
de l’acte que le notaire a signé , a été jugée négativement par un arrêt
de la Cour d ’appel de Bruxelles , du 27 prairial an X I I . C et arrêt est
rapporté dans la jurisprudence du Code c iv il, tom. 2 , pag. 329 , et dans
les Annales du notariat, 1 8.e livraison, n .° du 1 .er fru ctid o r an X I I ,
pag. 4 3 1 . Il a été rendu dans la même espèce que celle discutée dans
la présente consultation , c ’est-à-dire , dans l’espece d ’un testament fait
dans l’intervale de la loi du 25 Ventôse an X I , sur le notariat, à celle
du 1 3 floréal sur les donations et les testamens.
Délibéré à Paris , le 7 février 18 0 6 , par nous anciens Jurisconsultes
Avocats en la Cour de cassation.
M A IL H E .
C H A B R O U D .
p a r tie
i
Au Puy
, D e l ' imprimerie
de
sig n é R o u b i n ,
J . B. L a
Com be.
1806.
I
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Roubin, Jean-Pierre. 1806]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Mailhe
Chabroud
Subject
The topic of the resource
testament nuncupatif
conflit de lois
code civil
rétroactivité de la loi
vices de forme
jurisprudence
droit romain
droit coutumier
droit écrit
doctrine
patois
signatures
notaires
témoins
nullité du testament
testaments
Description
An account of the resource
Titre complet : Consultation. Le conseil soussigné qui a pris lecture d'un Mémoire à consulter pour le Sieur Jean-Pierre Roubin, et d'un extrait de testament y joint, est de l'avis qui suit.
Note manuscrite : « Voir arrêt au journal des audiences, 1809, p. 19. »
Table Godemel : Testament : 10. un testament est-il valable s’il a été fait conformément aux lois existantes lors de sa confection ? Sous l’ordonnance de 1735, était-il nécessaire, pour la validité du testament, qu’il fut fait mention qu’il avait été écrit par le notaire ? un testament peut-il être rédigé à la troisième personne ? est-il nécessaire que le testament contienne mention de la signature du notaire, si d’ailleurs il l’a signé ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de J.B. La Combe (Au Puy)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1806
An 11-1806
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
20 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1912
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Julien-Chapteuil (43200)
Rights
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Domaine public
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Code civil
conflit de lois
doctrine
Droit coutumier
droit écrit
droit Romain
jurisprudence
notaires
nullité du testament
patois
rétroactivité de la loi
signatures
témoins
Testament nuncupatif
testaments
vices de forme
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PRÉCIS
EN R É P O N S E ,
POUR
Dame
F
r an çoise
R U P H Y , et le sieur
C
laude
B O U T A R E L , son m ari, intim és, et défen
deurs en opposition ;
C O N T R E
L e sieur L a u r e n t - L o u i s - A m a b l e
DELORT
appelant d'un jugement rendu au tribunal d ’A u rillac le 9 mai 1806, et demandeur en oppo
sition.
Auri sacra famés. Hor.
L
A dame Boutarel est héritière testamentaire du sieur
L o uis-Isaac D e lo r t, frère de l’appelant.
Elle a reçu cette dernière preuve de tendresse d’un
A
�oncle qui lui avoit tenu lieu de père, et qui l’a com
blée de ses bienfaits.
L e sieur Laurent-Louis-A m able Delort n’approuve
point le testament, et auroit bien voulu ajouter à son
opulence, la fortune de'son frère.
Q u’a-t-il fait pour la mériter ? Ennemi implacable du
défunt, il n’a cessé de l’outrager pendant sa vie. On ne
doit pas s’étonner qu’il attaque encore ses dernières vo
lontés.
L e testament est olographe ; il n’est assujéti à aucunes
formes. L ’appelant est obligé de convenir qu’il est écrit
en entier, signé et daté de la main du testateur; il n’étoit
donc pas possible de le faire annuler.
L ’appelant a imaginé d’attaquer sa nièce d?indignité.
Il l’accuse d’une indiscrétion qui n’est pas de son fait, et
croit avoir trouvé un moyen infaillible de s’approprier
les biens de son frère.
Les jurisconsultes auxquels il s’est adressé n’ont pas
été de son avis; les magistrats, le public, n’ont pas pensé
comme lui. Il en a été réduit à plaider lui-même sa cause
devant les premiers juges; il a,succombé dans sa pré
tention.
Il veut essayer s’il sera plus heureux en la cour; et
les intimés s’attendent bien que ce ne sera pas encore le
dernier degré qu’ils auront h parcourir.
F A I T S .
L e sieur Louis-Isaac D elo rt, ancien officier de cava
lerie , s’étoit fixé à Aurillac , auprès d’un sieur Isaac
D e lo r t s o n gjraad-oncle et son bienfaiteur.
�t
. ( 3 ) .
Il épousa dame Gabrielle Serieys; il n’en a pas eu d’enfans. L a 24 juin 178 7, il fit un testament au profit de
la dame son épouse. Ce testament contient un legs assez
considérable en faveur de la dame R u p h y , sa nièce ,
femme Boutarel, et fille de dame Louise D elo rt, sa sœur.
On remarque dans ce premier testament, que le sieur
D elort désire être enterré sans pom pe, dans le cime
tière de sa paroisse, à côté du tombeau où son grandoncle a été enterré ; il veut que son testament soit ou
vert Tinstant après son décès, pour prévenir et éviter
toute apposition de scellés, et toutes formalités de jus
tice.
L e testateur fait encore un legs à la dame Louise D e
lo rt, sa sœur, épouse du sieur de R uphy, mais il ne fait
aucune mention de son frère.
L e 27 pluviôse an 3 , il marie la demoiselle de R up hy,
sa nièce, avec le sieur Boutarel. Il est dit dans ce contrat,
que la demoiselle de Ruphy est originaire de T h o n o n ,
département du M ont-Blanc; mais qu’elle demeure de
puis plusieurs années auprès de son oncle. Il repré
sente les père et mère de la demoiselle de R u p h y , et
lui constitue de son chef une dot de 12000 fr.
L e 10 germinal an 7, la dame Serieys , épouse du sieur
D elort, a fait aussi son testament olographe-, elle a dis
posé de tous ses biens au profit de son mari : mais elle
n’oublie pas une nièce qui lui étoit chère; elle fait à la
dame Boutarel un legs de 2000 fr, et de six couverts
d’argent.
Après la mort de la dame Serieys, les sieur et dame
Boutarel ont habité avec leur oncle; il possédoit à BouA 2
�la i
v>
(
4
)
dieu, commune d’Y olet, une maison de campagne qu’il
se plaisoit à embellir.
Il y faisoit des réparations coûteuses, et souvent il avoit
recours à la bourse du sieur Boutarel, qui se faisoit un
devoir d’obliger son oncle, et de xie pas contrarier ses
goûts.
L e sieur D elort, d’ailleurs, ne cessoit de donner à sa
nièce et à son époux des preuves de tendresse et.d’affec
tion, et disoit à . ses amis que tout ce qu’il faisoit étoit
pour sa nièce.
.............
Il a effectué ses promesses. Un testament olographe,
fait à Boudieu, daté des I er. messidor et i er. thermidor
an
contient, après plusieurs.legs, une disposition
universelle au profit de la dame Boutarel.
Ce testament est surtout honorable,pour la dame Bou
tarel : son oncle, en lui donnant, contente les affections
de son cœur. Il répète ce qu’il avoit déjà dit dans son
premier testament pour ses funérailles; il ordonne qu’on
le fasse enterrer près de feu Isaac D d o r t , . son grandoncle et son bieiifaiteur, etc.
O n observe que ce testament est écrit sur une feuille
entière : le sieur Boutarel en produit une copie figurée.
Les dispositions ne contiennent que trois rôles, et quel
ques lignes sur le verso .de la seconde page.: il restoit
encore beaucoup de place, si le.testateur avoit eu l ’in
tention de faire d’autres legs.
Un mois après, le sieur D elort est attaqué d’une ma
ladie à laquelle il a succombé; il est décédé le samedi
28 fructidor, à cinq heures du matin.
D u premier moment qu’il -s’étoit alité, il avoit remis
y
�12?
C 5 }
toutes ses clefs à son neveu Boutarel. L a dame Boutarel
ne quittoit pas le chevet de son oncle; elle avoit pour
lui ces attentions touchantes, ces tendres soins qui con
solent des maux de la vie.
E lle fut témoin des derniers momens de son oncle ;
elle ne put résister à ce choc cruel; elle perdoit un père,
un bienfaiteur, un am i; elle fut atteinte d’une attaque
qui a fait long-temps craindre pour ses jours; elle étoit
Lien loin de s’occuper de ses intérêts.
L e m ari, alarmé de l’état de son épouse, ne songeoit
à autre chose ; mais sur les trois heures après m id i, une
ancienne domestique du défunt apprit au sieur Boutarel
que le sieur Delort avoit sans cesse manifesté le désir
d’être enterré auprès de son gran d-oncle; qu’il seroit
peut-être nécessaire de donner des ordres à ce sujet, et
de les donner promptement; qu’en cherchant dans les
papiers du défunt, on pourroit trouver quelqu’écrit re
latif à ce point.
L e sieur Boutarel fit alors des recherches, de l’avis et
en présence du .sieur abbé Usse, confesseur du défunt :
on trouva dans son secrétaire un paquet cacheté , avec
ces mots sur l’enveloppe : P o u r remettre à madame
Boutarel.
•Le mari en fait l’ouverture, sans y voir d’autre con
séquence : c’étoit le testament du défunt, contenant une
disposition universelle au profit de la dame Boutarel ;
mais en même temps l’ordre de le faire enterrer à A u rillac, près de son grand-oncle.
Pour exécuter cet ordre, il falloit bien connoître le
testament. L ’intention du testateur étoit donc qu’il fût
�( 6 )
ouvert aussitôt après son décès *, et on n’en peut plus
douter, lorsqu’on voit la même volonté dans le premier
testament de 1787.
L e sieur Boutarel remit le tout au sieur Boudier, juge
de paix du canton, en le priant de s’occuper des for
malités nécessaires pour la présentation du testament.
Ce testament, en effet, a été présenté au président du
tribunal, qui en a dressé procès verbal, et ordonné le
dépôt chez un notaire, conformément à l’article 1007 du
Code civil.
Ce procès verbal est du 30 fructidor-, il ne pouvoit
avoir lieu plutôt, quoi qu’en dise l’appelant, puisque le
testateur n’est décédé que le 28 : le 29 étoit un dimanche.
Lors de la présentation, on ne joignit pas l’enveloppe,
à laquelle on n’attachoit aucune importance.
Les sieur et dame Boutarel ont également présenté
requête pour se faire envoyer en possession des biens ;
ce qui a été ordonné, conformément aux articles 1008
et suivans du Code civil.
Survient, dix-sept mois après, le sieur D elort, frère
du défunt, qui prend une cédule du juge de paix d’Aurillac, dans laquelle il expose que les sieur et dame Bou
tarel se sont emparés de toute la succession de LouisIsaac Delort ; qu’il est habile à lui succéder pour moitié,
et qu’il entend demander à la dame Boutarel la restitu
tion du m obilier, les intérêts et les fruits : il n’entre dans
qucune autre explication.
A u bureau de paix, les sieur et dame Boutarel justi
fient du testament de leur oncle ; ils en déposent une
expédition sur le bureau. L e sieur Delort répond qu’il
�(
7
)
ne reconnoît pas le testament, et qu’il persiste dans sa
demande.
Dans son exploit du 22, février 1806, le sieur Delort
expose enfin que les dispositions faites par son frère étoient
caclietées ; que sur l’enveloppe étoient des caractères écrits
et signés par le testateur; que le prétendu testament que
lui ont opposé les sieur et dame Boutarel au bureau de
p a ix , ne fut pas présenté en cet état devant le président
du tribunal; qu’il lui fut porté sans enveloppe et sans
cachet : d’où il suit qu’il n’y a eu de la part de l’auto
rité légale r ni ouverture du testament, ni description de
son véritable état : conditions sans lesquelles il n’a pu
être mis à exécution.
Il en conclut que ce testament étant altéré, doit être
déclaré nul et comme non avenu ; que la succession de
Louis-Isaac Delort est ouverte ab intestat ; qu’ainsi il
doit avoir la moitié des biensSur cette demande, et le 9 mai 1806, jugement con
tradictoire du tribunal d’A urillac, dont suivent les motifs
et le dispositif ;
« V u les articles 970, 1 0 0 1 et 1 0 0 7 du Code civil r
« Considérant qu’en fait il est reconnu et avoué par
« les parties que le testament de Louis-Isaac Delort est
« écrit en entier, daté et signé de sa main ;
« Considérant que d’après l’article 970 du Code c iv il,
« le testament olographe n’est assujéti à aucune autre
« formalité ; que les dispositions de l’art. 1007, i re» par
ti tie , sont uniquement relatives aux précautions ordon« nées pour rendre public le testament olographe, et.
« que leur oubli ou leux défaut ne peut produire une-
�i
( 8 }
« nullité non prononcée par la lo i, et formellement
« rejetée par l’article 970 ;
« Considérant que la preuve offerte par le sieur Delort
« ne tend pas à établir, dans le testament dont il s’agit,
« le défaut de l’une des trois formalités exigées par l’ar« ticle 970, ni la suppression d’un testament postérieur,
et révocatoire de l’autre, mais seulement à prouver qu’il
« y avoit une enveloppe cachetée, avec des caractères
¿c écrits, qui a été ouverte avant la présentation au ma« gistrat; ce qui est absolument insignifiant, soit d’après
cr les faits avoués par le sieur Boiltarel et sa femme, soit
« paçce qu’il n’en résulterait pas la nullité du testament;
« d’où il suit que cette preuve est inutile et non recetr vab le, et que, par suite, le testament étant valable,
« la demande du sîfeur Delort est mal fondée ;
« L e tribunal, sans s’arrêter ni avoir égard à la preuve
« offerte par le sieur D elort, le déboute de ses demandes,
« et cependant lui donne acte de la déclaration faite par
« les sieur et dame Boutarel, qu'après le décès du sieur
« L o u is-Isa a c D e lo r t, le sieur B o u ta r e l, assisté du
et sieur li s s e , prêtre, cherchant dans les papiers du
« défunt une recommandation relative à son enterre« m ent, a trouvé un papier ca ch eté, sur lequel étaient
« écrits ces mots : Pour remettre à madame Boutarel ;
« que l’ayant ou vert, il a trouvé le testament dont il
« s’agit ; que le testament et l’enveloppe ont été confiés
« à M . B oudier, juge de p a ix , q u i, le jour de la pré« sentation du testament, n’a remis que celui-ci, regar« dant l’enveloppe comme inutile. »
Cette dernière disposition du jugement indiquoit asse£
au
�'( 9 )
au sieur D elort ce qu’il avoit à faire. En effet, s’il persistoit à prétendre que cette enveloppe renfermoit quelqu’autre chose que le testament produit ; qu’il y avoit
un testament révocatoire ou un codicille; prenant acte
de la déclaration des intim és, il pouvoit se pourvoir en
suppression de testament ou de codicille ; mais il n’avoit
pas pour cela une action en nullité contre un testament
régulier.
E t comme il étoit vraisemblable, sans doute, que le
sieur D elort auroit mis dans la même enveloppe deux
testamens contraires^ dont l’un auroit révoqué l’autre,
le sieur D elort, appelant, eût peut-être été admis à faire
cette preuve.
Système bizarre qui n’a pu sortir que d’un cerveau
mal organisé, ou d’un homme aveuglé par la colère et
la cupidité.
Quoi qu’il en soit, vivre sans -plaider rCest pas con
tentement : le sieur D elort a cette passion. Il a interjeté
appel du jugement d’Aurillac ; et à la veille de l’audience,
il a cru devoir donner au public une nouvelle preuve
de sa bizarrerie et de son ambition.
Ce qu’il y a de plus difficile, c’est de trouver dans
sa défense quelque chose de raisonnable ou de plausible,
un moyen qui mérite d’être réfuté.
Il cherche dans les lois romaines des argumens ou des
moyens d’indignité : et le moment est bien choisi.
L e testament est postérieur à la promulgation du Code.
L a loi du 30 ventôse an 12 , qui réunit les lois civiles en
un seul corps, sous le titre de Code civil des Français,
s’exprime en ces term es, article 7 :
3
[
�«
«
«
«
( 10 )
« A compter du jour où ces lois sont exécutoires,
les lois romaines, les ordonnances, les coutumes généraies ou locales, les statuts, les règlemens, cessent d’avoir
force de loi générale ou particulière, dans les matières
qui sont l’objet des lois composant le présent Gode. »
Indignités prévues p a rle Code c iv il, article 727.
« Sont indignes de succéder, et comme tels exclus
« des successions,
« ci°. Celui qui seroit condamné pour avoir donné ou
« tenté de donner la mort au défunt ;
« 20. Celui qui a porté contre le défunt une accusa« tion capitale, jugée calomnieuse;
« 30. L ’héritier majeur, qui, instruit du meurtre du
« défunt, ne l’aura pas dénoncé à la justice.»
Les orateurs du gouvernem ent, en présentant ce titre
du Code au eorps législatif, M . Treilhard portant la
p aro le, ont dit :
« Nous n’avons pas cru convenable d’étendre davan« tage les causes d’indignité; il ne faut pas, sous le pré« texte spécieux de remplir la volonté présumée du dék fu n t, autoriser des inquisitions qui pourroient être
« également funestes et odieuses. C ’est par ce m otif que
« nous n’avons pas cru devoir admettre quelques causes,
« reçues cependant dans le droit rom ain, com m e, par
« exem ple, celles qui seroient fondées sur des habitudes
« criminelles entre le défunt et l’héritier, ou sur la dis« position qu’on prétendroit avoir été fuite d’un bien
« du défunt avant son décès, ou sur l’allégation que l’héc< ritier auroit empêché lé défunt de faire son testament,
« ou de le changer. »
�1^3
( n
)
L e sieur Delort nous apprendra sans doute à l’audience
comment il peut y avoir dans l’espèce indignité de suc
céder , parce que le sieur Boutarel a ouvert un testament
olographe, contenant des dispositions au profit de sa
femme.
Maintenant y a-t-il nullité du testament, à raison de ce
que l’enveloppe n’a pas été produite devant le juge ?
A rticle 970 du Gode.
« L e testament olographe ne sera point valable , s’il
« n’est écrit en entier, daté et signé de la main du testa« teur ; il n’est assujéti à aucune autre forme. »
A rticle 1007.
« Tout testament olographe sera , avant d’être mis à
« exécution, présenté au président du tribunal civil de
« l’arrondissement dans lequel la succession est ouverte.
« Ce testament sera ouvert, s'il est cacheté ; le prési« dent dressera procès verbal de la présentation, de l’ou« verture et de l’état du testament, dont il ordonnera
« le dépôt entre les mains du notaire par lui commis. »
Il n’en est pas du testament olographe comme du tes
tament mystique, qui de sa nature est secret. D ’après
le même article, l’ouverture ne peut en être faite qu’en
présence des notaires et témoins qui ont signé l’acte de
suscription.
M . M aleville, sur la première partie de cet article,
dit que la loi suppose qu’on peut cacheter et tenir secret
son testament olographe ; mais qu’ il ne faut pas pour
cela lè confondre avec le testament m ystique, dont parle
la seconde partie.
Bernardi, ex-législateur, aujourd’hui chef de la division
civile du ministère du grand - ju ge, dans son commen-
�1
( 12 )
taire sur la loi du 13 floréal an 1 1 , des donations et
testamens, prévoit la question qui nous occupe, et s’ex
prime ainsi, page 187, sur l’article 1007:
On peut demander si un testament clos et cacheté
avoit été ouvert avant d’être présenté au président du
tribunal, cette circonstance le rendroit nul.
Il faut distinguer d’abord le testament olographe et le
testament mystique, et ensuite si c’est le testateur luimême ou un autre dépositaire qui en a fait l’ouverture.
L e premier n’est pas secret de sa nature ; ainsi, qu’il
soit ouvert ou fermé , il doit être exécuté, à moinsqu’on
ne prouve que le testateur l’a révoqué.
Annales du notariat, i 5e, question.
En parlant de l’ouverture du testament olographe avant
sa présentation au magistrat :
L e notaire qui feroit l’ouve rture .d’un testament olo
graphe, avant sa présentation , en opéreroit-il la nullité,
sous le prétexte qu’il n’avoit pas caractère pour cette
opération ?
Rép. Il n’y a pas de nullité là où la loi ne l’a pas
prononcée; ainsi, quand un notaire, ou tout autre dé
positaire d’un testament olographe cacheté, auroit l’im
prudence de l’ouvrir avant de le présenter au président
du tribunal, cela n’en opéreroit pas la nullité. Cette question ne peut former de doute à l’égard du
testament olographe, qui de sa nature peut rester ouvert,
et que la loi n’exige pas être secret. Si le testateur le
renferme sous une enveloppe cachetée, ce n’est de sa part
qu’une précaution qui ne tient pas à l’essence de l’acte
qui auroit pu exister sans elle : ainsi, quand on viendroit
h le décacheter avant de le présenter au président du
�,
C T3
.
/■>/
tribunal, ses dispositions ne seroient pas altérées par là ,
puisqu’il n’étoit pas de sa nature destiné à être secret, et que
même le dépositaire pourroit prétendre avoir été chargé
de l’ouvrir aussitôt après la mort du testateur, ou nier
qu’il eût été cacheté, etc.
En effet, comment le cachet seroit-il de quelque im
portance pour un testament olographe? Par cela seul que
le défunt a lesté en cette form e, il n’a pas voulu que
ses dispositions fussent secrètes. Lorsqu’il veut les laisser
ign o rer, la loi lui indique la forme du testament mys
tiqu e, dont la validité dépend des formalités attachées
à l’enveloppe et à la suscription qu’elle contient.
Aussi l’article cité du Gode, fait-il une grande différence
entre ces deux testamens. Celui qui est olographe, ca
cheté ou n on , doit etre présenté au président, qui en
dresse procès verb al, dans l’état où il est, sans avoir
besoin d’appeler personne-, au contraire, si c’est un tes
tament m ystique, il ne peut en faire l’ouverture sans
appeler les notaires ou les témoins qui ont signé la sus
cription de l’enveloppe.
Preuve certaine que le testament ologra p h e , cacheté
ou non , peut etre ouvert sans conséquence ; et pourvu
qu’il soit écrit, signé et daté du testateur, il ri est assujé ti à aucune autre fo rm e.
O n ne peut ajouter à la loi, ni suppléer des nullités
qu’elle ne prononce pas.
L ’indignité est restreinte aux cas prévus ; et la loi n’a
pas voulu l’étendre au-delà.
D ’ailleurs, l’indignité est personnelle. Ici ce n’est pas
même la dame Boutarel qui a été téméraire ou indis-
�( H )
crête •, et on ne peut qualifier ainsi l’acte le plus simple et
le plus naturel, dans la position où se trouvoient les
parties.
L e mari pourroit-il nuire aux droits de sa femme ?
Ce système seroit dangereux et inconvenant. Un époux
qui rie vivroit pas avec sa femme dans l’union que sup
pose le m ariage, pourroit donc la priver d’une succes
sion , parce qu'il auroit la témérité d’ouvrir un testament
qui la concerne?
Ce n’est pas raisonner sagement que de prétendre que
la femme devient responsable de la faute du m ari, quand
elle s’est présentée pour recueillir l’effet des dispositions
faites à son profit.
L a femme ne pouvoit-elle pas ignorer que le testament
avoit été ouvert, et ne pas savoir qu’il étoit cacheté?
L e mari étoit bien maître de son. secret : la femme nd
s’occupe que des dispositions faites à son profil.
L e sieur D elort n’est pas plus conséquent, lorsqu’il
dit que le testament n’a pas de véritable date : il est en
effet daté au commencement, du ier. messidor, et à la
fin, du I er. thermidor.
Mais de deux choses l’une : ou le testateur a employé
un mois pour rédiger son testament, ou la dernière date
est une erreur.
S’il a employé un m ois, ce qui est probable, parce
qu’on peut réfléchir sur ces dispositions, les deux dates
prouvent son exactitude.
Si au contraire ce n’est qu’une erreur, elle ne peut être
d’aucune importance. En effet, pourquoi la loi a-t-elle
voulu que le testateur datât son testament ? ce n’est que
�m
( 15 )
pour, s'assurer plus positivement de son intention et de
sa volonté.
Qu’importe que ce soit tel jour ou tel autre, si on ne
rapporte pas un autre testament fait dans l’intervalle.
Aussi le sieur D elort semble - t - il vouloir faire grâce
de ce m oyen, et ne le proposer que légèrem ent, pour
ne rien négliger.
Que le sieur Delort cesse donc d’y insister. E t pour
quoi vien t-il ambitionner la fortune de son frère, lu i,
héritier contractuel de ses père et m ère, et qui a fait
plaider si long-temps ses frère et sœur, pour obtenir leur
légitime ;
L u i qui depuis long-tem ps est séparé de sa fem m e,
qui n’a pas d’enfans, et jouit de plus de 12000 francs
de rente ;
L u i, enfin, qui n’a vu ou écrit à son frère que pour
l’outrager ou lui proposer des cartels ?
C’est à lui seul qu’on proposeroit des moyens d’indi
gnité , s’il étoit appelé à succéder au défunt ; et qu’il
sache qu’on peut p rouver, par ses écrits, tout ce qu’on
vient d’avancer.
Signé B O U T A R E L .
Me. P A G E S ( de Riom ) , ancien avocat.
M e. M A R I E , avoué licencié.
A. RIOM , de l’imprimerie de Landriot, seul imprimeur de la
Cour d'appel. — Mars 1807.
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Ruphy, Françoise. 1807]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Marie
Subject
The topic of the resource
testament olographe
legs
nullité du testament
testaments
Description
An account of the resource
Titre complet : Précis en réponse, pour dame Françoise Ruphy, et le sieur Claude Boutarel, son mari, intimés, et défenseurs en opposition ; Contre le sieur Laurent-Louis-Amable Delort, appelant d'un jugement rendu au tribunal d'Aurillac, le 9 mai 1806, et demandeur en opposition.
Particularités : notation manuscrite : 17 mars 1807, arrêt 2nde section. Confirme en rejetant la preuve offerte par Delort, parce qu'en la supposant faite, elle serait insignifiante quant à la nullité du testament olographe de Louis Delort, fait objet du procès, et ne serait relative qu'à la suppression d'un autre testament ou codicille postérieur, dont il ne s'agit pas.
Table Godemel : Testament : 7. le fait, par le mari de la légataire universelle, d’avoir ouvert l’enveloppe cachetée qui renfermait le testament olographe, écrit, daté et signé par le défunt, et de l’avoir présenté sans cette enveloppe considérée comme insignifiante, au président du tribunal qui en ordonna le dépôt chez un notaire, après constatation de l’état de la pièce, doit-il avoir pour effet d’admettre qu’il y a eu infidélité, violation du sceau et du secret du testateur, suppression d’un autre testament ou codicille révocatoire , et par suite nécessité d’annuler le testament comme ne présentant pas les caractères propres à assurer sa sincérité ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1807
1787-1807
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
15 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1704
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1705
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Yolet (15266)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
legs
nullité du testament
Testament olographe
testaments
-
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PDF Text
Text
1JiT M R g a —
M
É
M
—
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m B B B B M I g & g K Œ C S a i ’g Æ J g f ü a a
I
R
E
POUR
V A CH IER, e t P i e r r e - J o s e p h
r ib n n a l c iv il du
HÉRITIER, son mari; B e n o i t V A CHIER, Tdépartement
du
M a r i e V A CHIER e t A n t o i n e SOULIER, Pay-de^Dücne.
Dtuxilmesrction.
son mari ; R e n é e V A CHIER et M e l c h i o r J e a n - B a p t i s t e VISSAGUET , son mari ;
C é c i l e et J e a n - B a p t i s t e V A C H I E R ;
R o s a l i e V A CHIER e t A n t o i n e BONNY,
A n n e-M a rie
son
mari,
dem an de ur s au principal e t
déf en
deurs en opposition.
CONTRE
B a r t h é l é m y V A C H I E R , défendeur et de
mandeur.
L a contestation, qui s’cst élevée entre les parties, a
pour objet le partage des successions de leurs père et mère.
1 °. Un testament est-il n u l, par cela s e u l} que le
testateur n'a pas déclaré q u 'i l ne pouvait signer à cause
de sa fo ib lesse ?
A
�b4
-
.
-
■• .
. -
•
"
C O
2°. Un h éritier, qui a expolie les successions de ses
père et m ère; qui en a dénaturé les effets; qui a géré
et administré ; qui a fait des acquisitions aux dépens de
ses cohéritiers; est-il tenu de leur rendre compte des
bénéfices qu’il a faits, et la preuve des soustractions estelle admissible?
Telles sont les principales questions que présente la
cause : pour les résoudre, il suffit de donner une connoissance exacte des faits, et de rappeler ensuite quelques
principes.
F A I T .
D u mariage de Jean-Baptiste Vachier avec Joséphine
T o u rn ie r, sont issus neuf enfans ; savoir : les demandeurs,
Barthélémy V ach ier, défendeur, et Agnès Vachier.
Jean-Baptiste Vachier faisoit un commerce très-con
sidérable sur les dentelles , les cuirs, les suifs, et sur les
fermes : il occupoit plusieurs ouvrières pour les dentelles ;
il leur fourriissoit la soie, et les payoit même d’avance
pour les engager à accélérer leur ouvrage* il avoit une
boutique ouverte dans la commune d’A rla n t, où il habitoit ; un magasin dans la commune du P u y , où il se
trouvoit régulièrement tous les mois à chaque fo ire, et
il avoit des correspondances avec différens négocians.
Par un testament du 25 décembre 17 7 5 , Jean-Baptiste
Vachier légua ( & ce que prétend le défendeur) le quart
de ses biens meubles et immeubles à celui de ses eiifans
qu’il plairoit h Joséphine Tournier de choisir, et lui
laissa la jouissance de ce quart pendant sa yie ou sa vi
duité.
�C 3 )
Après la lecture du testament, le notaire recevant dit
que le sieur V achier, testateur , ría pu signer à cause
de safoiblesse , de ce en qu is, sommé et interpellé, etc...
Cette déclaration est entièrement du fait du notaire, et
non de celui du testateur qui avoit seul le droit de dé
clarer s’il vouloit et p o u vo it, ou n o n , signer.
A u décès de Jean-Baptiste V ach ier, qui arriva le
jour suivant, 26 décembre, aucun de ses en fans n’étoit
majeur ni établi, à l’exception d’Agnès Vacliier q u i, de
puis quelque temps, avoit épousé Jean-François D ouvrelcur. Quoique la fortune de Jean-Baptiste Vachier
consistât principalement en argent, meubles , effets et
marchandises, on ne fit point apposer les scellés : cette
sage précaution auroit ouvertement contrarié les vues de
la m ère, et de quelques-uns des parens qui avoient déjà
formé le projet de réunir toute la fortune du père sur
la tête de Barthélémy V ach ier, fils aîné.
L e 12 janvier 17 76 , Joséphine Tournier fut nommée
tutrice de ses huit enfans, et Jean-François D ouvreleur,
son gendre, fut nommé curateur aux actions contraires:
les citoyens M ary Rigaudon et Michel D ouvreleur,
notaires et parens, sont commis pour la confection de
1 inventaire ; Jean-François D ou vreleu r, gen d re, et
Pierre V a ch ie r, beau-frère de la veu ve, sont nommés
conseillers à la tutelle : l’un et l’autre sont chargés, sur
la demande de la tutrice, i° , de régier scs reprises sur
la succession de son mari ; 2». d’apprécier les marchan
dises ; 30. d’estimer les meubles et immeubles ; 40. de
fixer le revenu des immeubles et le produit des fermes;
5°. enfin de déterminer le taux de la pension qui devoit
A a
�( 4 )
être payée à ceux des mineurs qui ne seroient pas éman
cipés.
Eu exécution de cet arrêté, qui fut approuvé par lo
juge du ci - devant bailliage d’A r la n t, l’inventaire des
meubles, effets, marchandises et denrées, fut commencé
le 16 du même mois de janvier, et clos plus de trois mois
après, le 27 avril 1776. On accorda à la tutrice et à Bar
thélémy Vachier plus de temps qu’il leur en falloit pour
soustraire ou dénaturer la majeure partie des effets, et en
particulier les cuirs qui se trouvoient dans le magasin
du P u y , desquels il 11e fut pas fait d’inventaire, et les
lettres de change, qui étoient en grand nombre.
M algré les omissions et les expoliations, on voit néan
moins par cet inventaire, qu’il se trouva au décès de JeanBaptiste Vachier des meubles et effets considérables. On
y remarque des billets, promesses et obligations, dont le
montant se porte à plus de trente mille six cents livres ;
environ quatre cent cinquante jugemens rendus en sa
faveur, pour raison de son com merce, et plus de cent
vingt exploits sur lesquels il éfcoit sur le point d’obtenir
des condamnations contre différons débiteurs.
L e 31 du même mois d’avril le juge d’Arlant enthérina
les lettres d’émancipation de Barthélém y, A n n e-M arie,
Benoît, Marie et Renée Vachier. Barthélémy Vachier étoit
alors Agé d’environ dix-neuf ans neuf mois, et Anne-M arie
Vachier, d’environ dix-huit ans et demi : Pierre Vachier fut
nommé curateur. Par le môme procès verbal Jean-François Douvreleur et Pierre Vachier déclarèrent que, pour
se conformer à la résolution qui avoit été prise dans l’acte
de tutelle, les reprises de la veuve sur la succession de son
�mari, avoient été par eux réglées à la somme de sept mille
sept cent une livres, non compris la valeur de son loge
m ent, une pension annuelle de cent livres, portée par
son contrat de mariage , et la jouissance du quart qui
lui avoit été léguée par Jean-Baptiste Vacliier.
Les marchandises en dentelles , cuirs et suifs , furent
appréciées 4530
La valeur des grains fut portée ù 2294
Les meubles et ustensiles furent estimés 2000 tt~. L e revenu
des immeubles et des effets fut fixé annuellement à la
somme de iô oo ^ , déduction faite de toutes charges et
du produit du quart légué. L e bénéfice sur quatre ferm es
fut réduit pour chaque année à 260
L a pension des trois
mineurs qui ne furent pas émancipés ( C écile, JeanBaptiste et Rozalie Vachier ), fut fixée pour chacun d’eu x ,
jusqu’à l’âge de 14 an s, à la somme de 190 tf~.
Les parens arrêtèrent ensuite, i°. que pour acquitter
les reprises de la veu ve, réglées à 7701
on lui délaisseroi t en payement la somme de 7124 ^ 10 J , montant de
l’estimation des marchandises et des grains , et qu’elle
prendroit la somme de 576 ^ 10^ restante, sur les effets
dé rinvenlaii’c ; 20. que la veuve auroit la jouissance de
tous les meubles inventoriés, de deux vaches et d’un
cheval, pour lui tenir lieu de la pension de 100
qui
lui étoit assurée par son contrat de mariage.
A u moyen de ces décisions, Joséphine Tourn ief resta
en possession de tous les meubles, denrées, marchandises,
effets et immeubles de la succession de son m ari, ainsi
que des lettres de change, et autres objets non compris eu
1 inventaire. Elle continua le même commerce , et y fut
aidée par ses enfans, jusqu’à ce qu’ils prirent 1111 établisse-
�(« )
ment. Il ne fut point fait de partage entr eux : le revenu
de ceux qui avoient été émancipés , comme celui des
enfans qui restèrent sous la tutelle de la m ère, furent par
elle perçus, o u , pour mieux dire , par Barthélémy V achier, qui se croyoit seul propriétaire, et en qui la mère
avoit une confiance aveugle. Il n’éloit pas encore parvenu
à sa majorité, qu’il disposoit d’une partie des marchandises
de la succession, arretoit des comptes avec les débiteurs,
et se faisoit consentir des obligations en son nom , des effets
provenus de son père. On en rapporte la preuve écrite,
pour difierons articles.
L e 28 décembre 1779? Anne-Marie Vachier, qui n’étoit
encore Agée que de 22 ans 3 mois, contracta mariage avec
PieiTC-Joseph H éritier, qui étoit aussi dans les liens de
Ja minorité. Elle se constitua en dot la somme de 6000 th,
qui fut payée par la m ère, avec déclaration que sur cette
somme il y avoit celle de 200 ^ pour biens maternels,
mais sous la condition expresse qu’Anne-M arie Vachier
renonceroit en faveur de Barthélémy Vachier, son frère
aîné.
Cette renonciation, impérieusement exigée parla m ère,
'lie fut arrachée aux deux mineurs qu’après la passation
de leui contrat de mariage. Intimides par la mère , qui
les menaçoit de faire annullcr le contrat, ils consentirent
que par le moyen d un re n v o i, cette renonciation fût
inscrite à la marge, par une main complaisante i\ laquelle
on avoit confie la minute : mais les notaires étant instruits
des motifs de cette renonciation, cl qu’elle avoit é(é exigée
hors la présence des p arais, refusèrent d’approuver lad-?
ditiou.
�( 7 )
renonciation étoit, sans contredit, radica
lement nulle; néanmoins Anne-Marie Vachier et H éri
tier, son m ari, se pourvurent en lettres de rescision, le
16 mai 1789, et en demandèrent l'entérinement en la
ci-d evan t sénéchaussée d’A u vergn e, contre Joséphine
Tournier et Barthélémy V ach ier, le 5 octobre suivant.
Ils demandèrent en même tem ps, i°. que Joséphine
Tournier, en qualité de tutrice, et Barthélémy Vachier,
en qualité de leur protuteur, puisqu’il a voit géré et admi
nistré leurs biens avec la m ère, fussent condamnés solidai
rement à leur rendre compte de leur gestion, ainsi que
du produit des fermes; à rapporter les meubles, marchan
dises , denrées et effets compris en l’inventaire, et ceux
qu’ils avoient soustraits, ou à leur payer, pour leur por
tion dans ces objets la somme de 10000 if~avec les intérêts
depuis l'ouverture de la succession de Jean-Baptiste V a
chier; 20. à leur donner communication des livres-journ au x, et autres titres servant à établir la consistance de la
succession ; 30. à venir ¿1 division et partage des biens de
cette succession; y rapporter les jouissances, le montant
des dégi-adations et les intérêts du tou t, depuis tel temps
que de droit, sous les offres faites par Héritier et sa femme,
de rapporter la somme de 58oo
qui leur avoit été payée
par Joséphine Pournicr, sur la succession de Jean-Baptiste
yachier.
Joséphine Tournier et Barthélémy Vachier, par leurs
écritures des 23 décembre 1789, et 21 décembre 1792,
firent l’un et l’autre des déclarations et des aveux qui
sont précieux dans la cause.
U n e p a re ille
i°. Ils donnèrent les mains à l'entérinement des lettres
�C 8)
de rescision-, ils convinrent que la renonciation faite par
Annc-M arie Vachier étoit radicalement nulle; ainsi il ne
peut plus être question de cet objet dans la suite de ce
mémoire.
2°. Ils consentirent au partage des biens de Jean-Baptiste
V achier; mais ils prétendirent que la femme Héritier ne
devoit avoir qu’un douzième dans la succession de son
père , attendu qu’il avoit disposé du quart en faveur
de celui de ses eufans qui seroit choisi par Joséphine
Tournier.
3°. Ils offrirent de rapporter en nature, soit les objets
compris en Vinventaire, soit ceux qui n y avoientpas été
com pris, ou leur valeur, d’après l’estimation lors de
l’ouverture de la succession. Barthélémy Vachier fit en
son particulier les mêmes offres, et déclara qu’il avoit
en son pouvoir les meubles meublans.
4°. Joséphine Tournier offrit de rapporter en son
particulier, io. la somme de 300
qu’elle avoit reçue du
citoyen Reynaud ; 20. celle de 30 **“ qui lui avoit été
payée par un citoyen V elay; 30. celle de 10 ^ qu’elle
avoit dans sa poche au décès de son mari; 40. la valeur
du grain qui s’étoit trouvé dans les greniers du ci-devant
prieuré de D o re -l’Église ; 5°. quatorze setiers quatre car
tons de b lé -se ig le , vin g t-n eu f cartons d 'orge, et une
charge de pommes ; le tout provenu du domaine de
Besset.
D e son côté, Barthélémy Vachier offrit de rapporter
i°. un billet de 1300
souscrit par Jean - François
.Douvreleur, son beau-frère, en faveur de Jean-Baptiste
V ach ier; billet dont Barthélémy Vachier déclare s’être
trouvé
�trouve* nanti au décès de sou père -, 2°. une somme de
841 tf" pour la valeur des marchandises qui étoient dans
le magasin du P u y , au décès de Jean-Baptiste Vachier:
lu valeur de ces marchandises étoit beaucoup plus con
sidérable.
Aucun des objets , dont la mère et le fils aîné ont
offert le rap p o rt, n’avoit été compris dans 1 inventaire.
Pour faire une déclaration exacte, ils auroient également
çlû offrir de rapporter, i°. l’argent qui se trouva au décès
du père ( trois mois environ avant son décès, il avoit
reçu à la foire de Beaucaire, ou quoique ce soit, l’un
de ses n eveux, qui s’étoit chargé de la commission, la
somme de 5 5 9 4 ^ 7^ 63^ ); 20. les lettres de change,
qui étoient eu grand nombre*, 30. la soie'qui servoit à
l’entretien du commerce des dentelles ; 40. les marchan
dises qui se trouvoient chez les ouvrières; 5°. les arré
rages de quatre ferm es, et combien d’autres choses.
Il n’y a pas eu de jugement sur cette instance.
L e 24 février 1790, Joséphine Tournier déclara au
thentiquement qu’elle choisissoit Barthélémy Vacliier, son
iils a în é , i\ l’effet de recueillir le quart des biens dont
Jean-Baptiste V achier avoit disposé par son testament.
Environ cinq ans après ( en l’an 3 ), dans un temps
ou la mère n’étoit plus en état de travailler, Barthélémy
Vachier ayant contracté mariage, quitta la maison de
la T o u rn ier, sa m ère, et alla habiter une maison voisine:
il entreprit de continuer le commerce de ses père et
m ère; mais, pour le faire fructifier d’une manière encore
plus Avantageuse, il falloit réunir la fortune de l’un et
de l’autre, et c’est à quoi Barthélémy Vachier parvint
B
�'
( 10)
aisément. Cette mère qui ne respiroit que pour son fils
aîné, et qui venoit de lui faire la remise du quart des
biens de son m a ri, craignit, sans d ou te, que l’eilet
rétroactif de la loi du 17 nivôse an 2 , ne fît échouer
le projet qu’elle avoit formé de faire passer toute sa
fortune et celle de son mari sur la tête de Barthélémy
V a ch ie r; e t, pour le faire réussir contre toute espèce
de prohibition, elle permit que son fils enlevât de chez
elle, et fît transporter chez lui les marchandises et effets
qu’elle avoit, tant de son commerce particulier, que de
celui de son mari : elle permit même qu’il s’emparât des
fourrages et des bestiaux qui existoient au décès du père,
et de ceux qui avoient été achetés par la m ère, à l’ex
ception de deux vaches (1). La complaisance de la mère fut
si grande à cet égard, qu’ayant laissé enlever, pendant le
jour et la nuit, même les denrées les plus nécessaires
pour sa subsistance, elle fut réduite dans la suite à recourir
à son fils pour s’en procurer; et l’on doit croire que le
citoyen V achier accueillit avec empressement les demandes
de sa mère.
Quoi qu’il en soit, Joséphine Tournier étant décédée
le 19 ventôse an 4 , le scellé fut apposé le 29 germinal
suivant. .Le 2 frimaire an 5 , les demandeurs invitèrent
le juge de paix à procéder à la reconnoissance et ¿\ la
remotion ; mais Barthélémy Vachier, qui avoit intérêt
à ce que les expoliations par lui faites ne fussent jamais
connues, y forma opposition , sans en donner aucun
( 1 ) C ’est principalement la preuve de ces soustractions qu’offrent
les demandeurs.
�i6 î>
(
ii )
motif. Par deux jugemens du tribunal, dont l’un par
défaut, et l’autre contradictoire, des 26 prairial et 12
fructidor an 5 , la reconnoissance, la rémotion des scellés
et l’inventaire du mobilier furent ordonnés.
Ce fut à la confection de l'inventaire, que les deman- .
cleurs connurent les vrais motifs de l’opposition de Bar
thélémy Vachier à la rémotion des scellés. On ne trouva
ni denrées, ni marchandises, ni lettres de change. L ’in
ventaire ne contient que la description de quelques meu
b les, et l’énumération de certains billets, obligations o u r
promesses, dont la majeure partie appartenoit à la suc
cession de Jean-Baptiste Vachier, et dont certains débiteurs
avoient failli, et d’autres sont insolvables. On ne peut
néanmoins douter que cet inventaire auquel Barthélémy
Vachier nosa assister, puisqu’il se fit représenter par
sa femme, n’ait été fait très-exactement, attendu qu’on
y a fait comprendre jusqu’à trois pelotons de f i l , trois
chapeaux de paille et une petite bouteille dans laquella
se trouvoit un reste de baume de commandeur.
Pour ne pas interrompre l’ordre de la procédure, on
observe que peu de temps après le décès de Joséphine
T o u rn ier, les 24 germinal et 1e1' floréal an 4, Héritier
et sa fem m e, ainsi que les autres demandeurs, après
avoir tenté, en vain les voies de la conciliation, firent
citer en ce tribunal Barthélémy Vachier et Jean-François
D ouvreleur, en qualité de père et légitime administrateur
d’un enfant issu de son mariage avec Agnès Vachier qui
étoit alors décédée.
/
Ils demandèrent contre Barthélémy Vachier, i° . qUe
le testament de Jcan-Baptistc Vachier fût déclaré n ul,
B 2
ru*
�attendu que le testateur n'avoit pas lui-m ôm e déclm'ê
qu’il n’avoit pu signer à cause de son indisposition ; 2°. que
la transmission du quart faite en sa faveur par Joséphine
T ou rn ier, fût également déclarée nulle, attendu qu’elle
ne pouvoit subsister, au moyen de la nullité du testament;
3°. que le partage des biens des père et mère fût ordonné,
ainsi que le partage des bieus acquis par Joséphine T o u r
nier seule, ou par Barthélémy Vachier, ou par l’un et
l’autre conjointement, depuis le décès de Jean-Baptiste
Vachier; 40. que Barthélémy Vachier fût condamné à
rapporter au partage les meubles, marchandises, 01* et
argent, produit des fermés, denrées et eiFets qui existoient
aux décès de ses père et m ère, ainsi que les jouissances des
immeubles et le montant des dégradations; 5°. qu’il fût
tenu de leur faire raison du montant des soustractions
par lui faites, soit après le décès du père, soit du vivant
do la m ère, soit après le décès de cette dernière, suivant
la preuve qui en seroit faite par commune renommée,
si mieux il n’aiinoit leur payer pour la valeur de ces sous
tractions la somme clc 80000 if~; 6°. enfin , que pour
parvenir à établir la consistance de la fortune et du
commerce des père et m ère, Barthélémy Vachier fû t
condamné à rapporter et représenter soit les livres-jouriiaux qui avoient été tenus par les père et m ère, soit
1rs mémoires et les arrêtés de comptes qu’il avoit faits
lui-ménic depuis le décès de Jean-Baptiste V ach ier, et
pendant son administration.
Jean-François Douvreleur fut cité, ù IVflot de voir
déclarer commun avec lui le jugement qui ordonneroit
Je partage des biens de la inère, ¿\ la charge d’y rapporter
�( :3 )
^
le montant de la dot constituée h sa femme, ou pour s’cn
voir déclarer déchu, faute par lui de faire, dans la décade,
son option entre la légitime conventionnelle et sa por
tion héréditaire.
X c 16 frimaire an 6 , Héritier et sa femme citèrent
encore Barthélémy Vachier en ce tribunal ^ pour voir
joindre l’instance contre lui intentée par exploit du 5
octobre 1789, aux demandes contre lui également formées
par les citations des 24 germinal et 1er. floréal an 4 , et
pour voir prononcer sur le tout par un seul jugement.
Barthélémy Vachier et Jean-François Douvreleur ayant
négligé de comparoître sur ces différentes citations, les
demandeurs obtinrent un jugement par défaut, le 22
nivôse dernier. Sur la signification qui en fut faite, Bar
thélémy Vachier y forma opposition. Il est, d’après cela,
question d’exam iner, en laissant ce jugement à l’écart,
si les différons chefs de demandes formées contre Barthé
lémy Vachier sont bien ou mal fondés.
Pour établir la légitimité de leurs réclamations, les
demandeurs se borneront à prou ver, i° . que le testament
de Jean-Baptiste Vachier p ère, est radicalement nul;
20. que les biens des père et m ère, ainsi que ceux acquis
par Barthélémy V ach ier, pendant sa cohabitation avec
la m ere, doivent être partagés par égalité entre le défen
deur et les demandeurs *, 3 0 . que Barthélémy Vachier doit
rapporter au partage tous les biens meubles, immeubles,
marchandises, denrées, lettres de change, et autres effets
qui composoient la fortune de ses père et mère ; 40. qUe
la preuve des soustractions qu’il a laites est admissible ;
5°. que pour établir la consistance du commerce, Bar-
�thélcmy Vacîiier doit également rapporter les livresjournaux tenus par les père et m ère, ou par lui-m êm e,
ainsi que les mémoires et arrêtés de comptes par lui
faits. On répondra en même temps à quelques objections
q u ’a faites Barthélémy Vachier.
f Ier.
L e testament de Jea n -B a p tiste V a ch ier est radicale
ment nul.
Un testament est, suivant les lois romaines , une décla
ration faite devant témoins de ce que nous voulons être
exécuté après notre mort : Testatio m en tis, hoc e s t ,
voluntas testata , seu testibus adliibitis declarata et
proba fa. Parmi les différentes espèces des testainens, la
plus usitée est celle du testament solennel ; c’cst-à-dirc,
d’un testament dicté par le testateur, reçu par personnes
publiques , et revêtu des solennités requises parles ordon
nances et p arla coutume du lieu où il est fuit.
Comme les testamens sont de droit public et étroit,
ju ris publici et slricti, l’omission de la moindre solennité
suffit par conséquent pour les faire annuller.
L une des puncipales conditions pour la validité du
testament solennel, est, suivant sa propre définition, qu’il
soit entièrement dicté par le testateur, et non par' une
autre personne en son lieu et place. iJn notaire ne
peut donc prendre sur son compte de rédiger un testament
6olennel, de déclarer lui-m êm e ce qui doit être déclaré
par le testateur, attendu qu’il n’est, dans cette circonstance,
�qu’un simple être passif destiné à écrire ce qui lui est dicté
par le testateur, de la môme manière qu’ un greflier est
astreint à écrire ce qui lui est dicté par le juge.
On peut d’autant moins révoquer en doute que c’est au
testateur à dicter lui-meme toutes ses dispositions, à peine
de nullité du testam ent, que l’ordonnance de 1735 a
rigoureusement prescrit cette formalité par différons
articles.
« Lorsque le testateur ( porte l’article 5 ) voudra faire
« un testament nuncupatif écrit, il en prononcera intelli« giblement toutes les dispositions, en présence au moins
« de sept témoins, compris le notaire ou tabellion , lequel
« écrira lesdites dispositions, à mesure qu elles seront
« prononcées par le testateur : après quoi sera f a it
« lecture..... E t le testament sera signé par le testateur......
« Et en cas que le testateur déclare q u 'il ne peut ou n&
« sait signer, il en sei’a fait mention. »
L ’article 9 delà même ordonnance parlant du testament
mystique, et de l’acte de souscription qui doit être dressé
par le notaire, sur la feuille qui sert d’enveloppe, ajoute
que 1 acte sera signé, tant par le testateur que par le notaire
et les autres témoins....et qu’en cas que le testateur, par
un empêchement survenu depuis la signatui'e du testament,
ne puisse signer l’acte de souscription , il sera fait mention
de la detlai ation qu il en aura, fa ite , sans qu’il soit besoin
en ce cas, d’augmenter le nombre des témoins.
L ’article 23 a une disposition très-précise, relative aux
testamens faits en pays eoutumiers ; il est conçu en ces
termes :
« Les tcslamens, codiciles , et autres dispositions de
�(
)
tf dernière vo lo n té, qui se feront devant une personne
« publique, seront reçus par deux notaires ou tabellions,
« ou par un notaire ou tabellion , en présence de deux
« témoins, lesquels notaires ou tabellions, ou l’un d’eux,
a écriront les dernières volontés du testateur, telles q u i l
« les dictera..... Après quoi ledit testament, jcodieile, ou
«r autre disposition de dernière volonté, sera signé par
« le testateur, ensemble par les deux notaires ou tabellions,
« ou par le notaire ou tabellion, et les deux témoins; et
« en cas que le testateur déclare q u i l ne sait ou lie peut
« signer, il en sera fait mention ».
L ’article 47 exige que toutes les dispositions de l’ordon
nance de 17 3 5 , qui concernent la date et la fo r m e des
testam ens, codicilesou autres actes de dernière volonté,
soient exécu tés, à peine de n u llité, sans préjudice des
autres moyens tirés des dispositions desloisou descoutumes.
Il ne suiïit donc pas que le notaire décide que le tes
tateur ne peut sign er, il faut encore que le testateur le
déclare lui-même , parce que le notaire n’est présumé que
le copiste qui écrit, avec caractère publique , sous la
dictée du testateur.
L e dernier commentateur de la coutume du ci-devant
pays d’Auvergne (1) , observe que l’ordonnance de 1735
a ajouté dans l’article 23 des formalités qui doivent
être observées à peine de nullité. * A près, dit-il, que les
« dispositions du testament auront été rédigées , telles
“ que le testateur les aura dictées , il doit lui en être fait
(1) A rt, 4 8 , chap. X2 , quest. 10 , tora. 2 , pag. 80 et suivantes.
lecture
�ié û
(
17 ).
« lecture , avec mention qu’elle a été fuite ». Il ajoute
que les deux témoins doivent être signataires, et qu’ils
doivent signer avec le testateur, ( s ’il sait ou peut sig n er),
et avec le notaire : que si le testateur ne sait ou ne peut
signer , on doit faire m ention de la d é c l a r a t i o n q u d
a J'aite . Venant ensuite à la question qui divise les
parties , il s’explique ainsi qu’il suit : « L ordonnance d i t ,
« si-le testateur déclare', ainsi il ne sullit pas que le notaire
« dise lui-même que le testateur n’a su ou n a pu signez*,
a parce que ce n’est pas l’opinion ni la groyance du notaire
« que la loi dem ande, c’est la déclaration du testateur
« lu i -m êm e: tel est l’esprit d’un arrêt du 2 mai 1601 ,
« rapporté par Ricard (1 ), qui déclare nul un testament
« o ù le notaire avoit d it , de son c h e f, que le testateur
« n’avoit pas signé par tel m o tif; mais il riavoit pas dit
« que le testateur le lui eût d é c l a r é . Cependant il ne sa « gissoit que de 1 2 0 ^ , et les légataires demandoient
« d’être reçus à la preuve que le testateur s’ étoit efforcé
« de signer ».
« A u surplus , continue le même commentateur, l’or« donnance ne dit pas que le testateur sera interpellé de
« signer; elle se contente qu’ il D É C L A R E s 'il ne sait ou
« s il ne peut signer , et qu’il en soit fait mention : son
« m otif a é t é , sans d o u te , que la déclaration du tes
te tateur supposoit 1 interpellation du notaire ou la ren
te doit superflue. E n efTet, si le testateur déclare, de lui« même , qu’il ne sait signer, et prévient le n o taire,
(1) Part. i re. n°, i 5^S. •
�C 18 )
«celui-ci ne pourroit plus l'interpeller, sans absurdité,
« de faire une déclaration qu’il auroit déjà faite.... U in « terpellation n’ a suffi en aucun temps, parce qu’elle ne
«suppose pas nécessairement la réponse; mais la décia« ration du testateur p ro u ve, ou qu’il a été interpellé ,
« ou que sa déclaration, en prévenant l’interpellation,
« l’a rendue inutile ».
Sur la nécessité de finlerpellation que l’on exigeoit
anciennement, Lacombe (i) d it: « Mais mention que
« le testateur a déclaré ne pouvoir signer, quant à prê
te sent, à cause de sa maladie , suppose l'interpellation.
« Secus si le notaire déclare en son npm que le testa
it teur n’a pu signer à cause de son indisposition ». R i
card (2) fait la même observation, et dit que c’est l’espèce
de l’arrêt de l’année 1601.
Denizart (3) rapporte un arrêt du 3 septembre 1768
qui a jugé la question in terminis : il étoit d it , dans le
testament , que le testateur n’avoit pu signer, à cause de
sa foiblesse , d e c e e n q u i s .
L e moyen de nullité, observe D enizart, dont on argnoit ce. testament, étoit que, conformément aux artiticles 5 , 9 et 23 de l’ordonnance de 173 5 , ce testament
ne laisoit pas ..mention que le testateur avoit déclaré 11e
savoir signer ou ne pouvoir le faire.
„•Il est vrai que l’arrêtiste observe que l’on soutenoit,
(0 Dans son recueil de jurisprudence c iv ile , verbo testament, sect..
3 , a 0. 3.
(2) Part. i re. chap. 5 , sect. 7 > n°* iSaG.
(3) Verbo testament , n°. 90 , édition de» 177$*
�de la part de l’appelant, que ces trois mots, de ce en qui's,
av oie lit été ajoutés après coup, et que même il y avoit
eu , pour ce m otif, inscription de faux; mais cette ob
servation est indifférente, et l’on peut dire que la ques
tion n’a pas moins été jugée en thèse. Si le ci-devant
parlement de Paris eût été touché de ce m oyen, s’il en
eût fait dépendre son jugement, il auroit laissé passer à
l’inscription en fau x: mais cette inscription 11 ayant pas
été admise , et l’arrêt ayant néanmoins annullé le testa
ment , il en faut conclure que quand même ces mots
n’auroient pas été ajoutés après cou p , le testament eût
été également annullé.
• D e ces autorités, il résulte que , pour la perfection d’un
testament, il faut nécessairement, d’une part, que l’on
soit assuré, de la bouche même du testateur, s’il vouloit
ou p o u vo it, ou non , signer ; et d’une autre, que le no
taire devienne l’historien fidelle et exact de ce qu’aura^
dit le testateur. Ces formalités ont paru nécessaires au
législateur pour s’assurer de la volonté du testateur, et
éviter les captations. L a loi a voulu que le testateur dé
cla râ t, et que le notaire fît mention qu’il a déclaré’, o r,
dans 1espèce, ce n’est point Jcan-Baptiste Vachier qui
a déclaré qu’il ne pouvoit signer, à cause de safoiblesse,
c est le notaire q u i, de son c h e f, a porté ce jugement
pour le testateur.
Il est a la venté dit ensuite, de ce cjkjuis , sojm né,
interpellé ; mais le vœu de la loi n’est pas rempli par là :
il n’y a dans ces termes qu’une simple interpellation du
notaire, et cela n’est pas suilisant; il falloit faire mention
de la réponse du testateur, o u , ce qui est la même chose »
‘
‘ '
C a
�C 20 )
de sa déclaration. L e notaire a pu faire une réquisition ;
cela est dit dans le testament ; mais on ne voit pas ce qu’a
dit le testateur; on est d’autant plus fondé à le soutenir
ainsi, que le testament ne fait pas mention de la déclaration
du testateur, impérieusement exigée par la loi.
Vainement opposeroit-on qu’il faut présumer que si
le notaire a écrit que le testateur n’a pu signer, à cause de
son indisposition, c'est en conséquence d’une réponse faite
par le testateur à la demande que lui en avoit faite le
notaire. L a loi ne s’est pas contentée d’une simple pré
somption dans une matière aussi importante; elle a voulu
que le testament portât avec lui-même la preuve que le
testateur avoit parlé, avoit déclaré; qu’il contînt, en un
m o t, et dans lui - même probationem probatam : et une
présomption ne fut jamais une preuve; l’action doit être
représentée dans le testament d’après les paroles même
du testateur, et non sur des conjectures qu’il a dû tenir
telles paroles. Il faut donc qu’on entende, qu’on voie, pour
ainsi dire, parler le testateur. O n ne peut s’arrêter qu’aux
déclarations seules qu’a faites le testateur ; 011 ne doit
pas être réduit à les supposer.
L a déclaration, de la part du testateur, est la chose
essentielle, et non l’interpellation : aussi c r o it-o n que
la déclaration du testateur qu’il n’avoit pu signer, feroit
supposer t interpellation ; mais on ne peut pas dire que
ïinterpellation du notaire fasse supposer et soit la même
chose que la déclaration du testateur.
O u ne sauroit avoir égard un arrêt du 8 mars i 6 5 z ,
i-appbrté prit- Ricard ( 1 ) , qui a confirmé un testament où
(1) Traite des donations, part. 1 , chap. 5 , sect. 5 , n. i 53o.
�/7 £
( 21 )
l’on disoit, en parlant du testateur, lequel li a pu signer,
interpellé de ce fa ir e .
i° . L ’on ne peut mettre en opposition les arrêts anciens
avec l’ordonnance de 173 5 , .relativement aux points sur
lesquels elle s’est expliquée.
\
20. Ricard improuve lui-même l’arrêt, puisqu’il ajoute
k qu’il y a grande appai’ence que la faveur des dispositions
« dont il s’agissoit, ne contribua pas peu à le faire rendre
« ainsi. »
(
30. E n fin, ce qui devroit seul fixer les doutes, c’est
l’arrêt du 3 septembre 1769, dont on vient de parler.
La même question que celle qui divise les parties, fut
jugée au tribunal du ci-d evan t district de R io in , sur
l’appel d’une sentence rendue en la ci-d evan t justice
d A rlant, le 13 juillet 1792. Les parties étoient Antoine
Baud aîné, appelant ; André Baud et autres, intimés. Les
motifs de ce jugement sont ainsi conçus :
« Attendu que Pierre B au d , par son testament du 13
« février 1763, n’ a pas déclaré qu’il ne pouvoit signer ,
à cause de sa maladie, que Tinterpellation faite par le
-« notaire recevant, ne peut suppléer à la déclatation
« omise dans ce testam ent, déclaration dont le notaire
j« auroit dû expressément faire mention, au x termes) de
«. 1article 5 de l’ordonnance des testamens...... lie, tribunal,
■
« par jugement en dernier ressort, sans s’arrêter au tefcta•« ment dudit Pierre B au d , du 13 février 17^3, qu’il
«déclare nul et de nul effet, etc......
Antoine Baud ,s’ étant pourvu en, cassation contre ce
'jugem ent, les parties compromirent •, et après un examen
U’èsri'élléclii, les hommes de loi■choisis pour arbitres,
*'•»
�déclarèrent qu’il n’y avoit point lien à annuller ni à réfor
mer le jugement du 13 juillet 179s -.
L e tribuual a lui-même prononcé conformément à ces
principes, par jugement en dernier ressort, rendu en la
première section, le 17 ventôse an 6 , sur rappel d’un
jugement rendu au tribunal civil du département du
Cantal. Les parties étoient Jean Solignat et Jeanne de
G ie u x , appelans , et Pierre de G ieu x, intimé. Il étoit
question du testament de Sébastien de Gieux , père et
beau - père des parties : le testateur s étoit efforcé de
signer, et ne l’avoit pu faire ; au lieu par le notaire de
dire que le testateur avoit déclaré ne pouvoir signer, il dit
de son chef que le testateur ri avoit pu signer. Le testa
m en t fu t, .pour ce motif tiré de l’article 22 de l'ordon
nance de 1735, déclaré nul par les premiers juges, etleur
jugement fut confirmé en ce tribunal.
A in si, soit que l’on s’en tienne aux dispositions de
l’ordonnance de 17 3 5 , soit qu’on s’en réfère à l’opinion
des auteurs les plus accrédités, soit qu’on consulte la juris
prudence , il paroît démontré qu’il ne peut s’élever la
plus légère difficulté sur la nullité du testament de Jeanr
Baptiste Vachier.
Barthélémy V achier a prétendu que Héritier et sa
. f e m m e ^voient consenti à l’exécution de ce testament.
L ’on convient que, suivant les lois, celui qui a approuvé
un testament, n’est plus recevable à le contredire ; JÛgnor
visse videtur q u i quale quale judicium defuncti cornprobavit. Mais l’ap pro batio n dont parle Barthélémy
Vachier est purement idéale : en effet Héritier ctsa femme
ont uniquement dit que si le testament de. J.ean-Baptiste
�\ fS
( 23 )
V achier étoit régulier, ils ne le contrediroicnt pas, lors
qu’ils le connoîtroient, et aussitôt qu’ils en ont eu connoissance, ils l’ont attaqué de nullité. O ù est donc l’approba
tion? O n attend que Barthélémy Vachier l’indique.
j
j
ÿ IIe.
L e partage doit être jfa it par égalité.
Si le testament de Jean-Baptiste Vacliier est déclaré'
n ul, comme on n’en sauroit douter, le mode du partage
de sa succession ne sauroit être problém atique, attendu
que tous ses enfans étant alors appelés par les lois naturelles
et positives, ¿i x'ecueillir sa succession par égalité, le mode
se trouve déterminé.
Il
y a néanmoins une exception sur le nombre des
enfans; elle est relative à Agnès Vacliier. Comme cette
fille fut mariée du vivant de ses père et m ère; qu’elle fut
dotée et apanée, et par conséquent forclose, son enfant
ne peut rien prétendre dans-la succession de Jean-Baptiste
V a ch ier, qui est décédé avant les lois qui abrogent la
forclusion.
Il
en seroit de même d’A nne-M arie V achier, femme
H éritier, au moyen de la renonciation qu’on l’a voit obli-»
gée à faire en faveur de B arth élém y V a c h i e r , à -‘là suc
cession échue du p ère, et i\ celle ù échoir de la m ère;
mais comme elle s’est pourvue dans le temps prescrit
par la lo i, contre sa ren onciation, et que ceux qui l’avoient exigée, ont consenti que cette renonciation demeu
rât nulle et sans.effet, jqu’elle fût considérée de la même
�manière que si elle n’avoit jamais existé, la femme H éri
tier doit être autorisée à prendre sa portion afférente
dans la succession de son p ère, à la charge par elle de
rapporter ( ce quelle oifre de faire ) la somme qui lui
avoit été constituée pour ce m otif, avec les intérêts depuis
tel temps que de droit.
Joséphine Tournier n’ayant fait aucune disposition,
on doit nécessairement porter le même jugement sur
le mode du partage de sa succession, relativement a huit
de ses enfhns; attendu qu’il est à croire que l’héritière
d’Agnès Vachier ne veut point y prendre part. Joséphine
Tournier n’est décédée que postérieurement à la loi du
8 avril 17913 ainsi l’héritière d’Agnès Vachier avoit la
liberté, ou de s’en tenir à la légitime conventionnelle
qui avoit été faite à sa m ère, ou de venir au partage,
des biens de Joséphine T o u rn ie r, en rapportant ce
qu’elle a reçu. Gomme cet enfant est encore dans les liens
de la m inorité, Jean-François D ouvreleur, son père, a
été so m m é de faire son option ù cet égard; un jugement
par défaut l’a ordonné, et il n’y a pas eu d'opposition
de sa part ; son silence doit faire présumer qu’il a fait
son option , et qu’il veut s’en tenir à la légitime qui avoit
été faite à sa femme : ainsi la succession de la m ère,
comme celle du p ère, ne doit être partagée qu’en huit
portions.
Pendant sa cohabitation avec Joséphine T o u rn ie r, '
Barthélémy Vachier a fait seul, ou conjointement avec
sa mère, plusieurs acquisitions de biens immeubles. Comme
le prix n’a pu être payé que du revenu ou des aifets des
successions des père et mère des parties, il est de toute
justica
�n>
justice que les acquêts soient partagés de la même manière
que le surplus des biens des deux successions. Si Barthé
lémy Vachier conservoit les acquisitions qu’il a laites, il
est évident que l’égalité', qui doit etre lam e des partages,
seroit ouvertement blessée, et que Barthélémy Vachier
s’enrichiroit au détriment de ses cohéritiers', ce qui n a
jamais été autorisé par les lois. Nemo allerius detnniento
ditescerc. potest.
~ Barthélémy Vachier ne peut dire cfii il a fait un corn' merce particulier, ou qu’aÿant travaillé pour le compte
de la mère , il lui étoit dû un dédom m agem ent, et de
v“ là c n conclure qu’il doit profiter des acquisitions qu’ il a
• faites personnellement.
:n" D ’abord, il est constant que, du vivant de la m ère,
•-Barthélémy Vachier n’a point fait de commerce particu
lier; ainsi il n’a pu acquérir des bénéfices qn’il auroit
faits.
' ‘ 2P. Si Barthélémy Vachier a travaillé pour le compte
de la m ère, il a été lo g é , nourri et entretenu par la
m ère; et le montant de ces objets, sans y comprendre
les dépenses extraordinaires , qui se porteroient ¿1 une
somme bien plus considérable, doit le d é d o m m a g e r , et
bien au delà, de ce qu’il peut avoir fait pour sa mere.
Tous les autres enfans, au surplus, ont aidé au commerce
de la mère, tant qu’ils ont habité avec e lle, et aucun
d’eux n’a fait, dans cet espace de temps, un bénéfice par
ticulier. Ce' seroit donc une injustice d’accorder un dé' dommagement à Barthélémy V achier, attendu que si scs
* services bien appréciés étoient compensés avec ses -dépenses
'extraordinaires, le montant de sa portioh Héréditaire no
D
�\
( 26 )
snflîroit pas pour dédommager ses cohéritiers de la perte
qu’ils ont faite.
f. I I I .
Rapports que doit fa ir e au partage Barthélém y
Vachier.
Pour ne laisser aucun doute sur'la justice de la récla
mation des demandeurs à cet égard, il faut se rappeler
trois circonstances bien essentielles dans la cause.
L a prem ière, q u ’après le décès de J e a n -B a p t is t e V a
chier, dont la principale fortune consistoit en mobilier,
f lettres.de change, autres effets actifs et denrées, le scellé
ne fut point apposé ; que l’inventaire ne fut clos que plus
de trois mois après qu’il eut été commencé ; que le
rédacteur de cet inventaire fut un des plus proches parens
des parties; qu’on négligea d’y insérer différons effets,
soit parce qu'ils n’étoient pas alors connus, soit plutôt
parce qu’ils avoient été soustraits; q u ’il ne fut point fait
d’inventaire des marchandises qui se trouvoient dans le
magasin du P u y; que Barthélémy Vachier est convenu
avoir vendu ces marchandises la somme de 800
quoi
qu’il en ait retiré une somme beaucoup plus considérable;
qu’enfin, après l’émancipation de certains enfans, et une
estimation fictive de quelques marchandises, les parens
abandonnèrent tout à Joséphine Tournier.
La .seconde circonstance, aussi importante que la pre
mière , est qu’après cet abandon , .Joséphine Tournier
continua le commerce de sou m ari; l'cnouyela les. fer
�C 27 )
mes en son nom , et jouit de tous les immeubles, ou quoi
que ce soit, Barthélémy Vacliier qu’elle rcgavdoit comme
unique héritier.
L a troisième circonstance et la plus importante à re
m arqu er, est qu’en l'an 3 , Barthélémy Vacliier s’étant
marié et ayant quitté la maison paternelle, continua le
commerce de ses père et m è r e , qu il s’empara alors
des marchandises, denrées, lettres de ch an ge, effets,
l i v r e s - journaux , bestiaux, fourrages , en un m ot de
toute la fortune mobiliaire de Jean-Baptiste Vacliier et
de Joséphine Tournier.
Barthélémy Vacliier ne sauroit désavouer ces faits , soit
parce qu’ils sont de notoriété publique dans la commune
où habitent les parties; soit parce qu’il est convenu dans
ses écritures des 23 décembre 1789 et 21 décembre 1792
( vieux style j , qu’il avoit en son pouvoir les meubles
et effets compris en l’inventaire qui fut fait après le décès
du père, et qu’il a offert de rendre compte des marchan
dises, d’après l’estimation qui en seroit faite, de la valeur
des denrées, suivant les pancartes, et de rapporter tant
les objets qui n’avoient pas été compris dans l’inventaire,
que le montant des cuirs qui étoient dans le magasin du
P u y , et une somme de 1300
montant d’un billet de
1 un de ses beau-frères, duquel billet il s’étoit trouvé saisi
J'ortuitement au décès de sou père.
,
D ’après ces aveux de la part de Barthélémy V acliier,
aveux qu’il rie révoquera certainement pas, il ne peut y
avoir la plus 'légère difficulté à le condamner a rapporter
en nature, ou suivant l’estimation, les meubles et mar
chandises qui sc .sont trouvés ittU décès de Jean-Baptiste
D a
�Ho
( *8 )
Vachier, et à rendre compte des denrées et des effets com
pris en l’inventaire, ou qu’on négligea d’y insérer.
Il
doit en être de même des meubles et marchandises
qui étoient dans la maison de Joséphine Tournier, avant
le mariage de Barthélémy Vachier. Il est de la connoissancc
de tous les habitans d’Arlant, et en particulier des parons de
Barthélémy V ach ier, que, du vivant de la mère, il s’est
emparé de tout ce quelle avoit, soit de sun ch e f , soit
de celui dé son m a r i, à l’exception de quelques meu
bles et de certains effets, dont les débiteurs sont, pour
la majeure partie, insolvables : Barthélémy Vachier doit
par conséquent en rendre com pte, suivant l’état qu’en
donneront les demandeurs, ou suivant la preuve qui en
sera faite,
;!
i
ÿ.
IV .
La preuve par témoins des recelés ou des soustractions,
e s t a d m i s s ib le .
Les soustractions ou les recélés qu’on fait de certains
objets d’une succession, sont mis au rang des délits, ou
au moins des quasi délits. Dans tous les temps, 011 a permis
de'prôndre la voie ordinaire ou extraordinaire, pour en
acquérir la preuve, soit que'les soustractions eussent été
commises par une veuve ou par un héritier présomptif,
avant ou après le décès de celui dont les biens avoient
été expoliés; On étoit néanmoins en usage de civiliser
l^ffaû'b', lorsque la preuve des soustractions étoit acquise
pàr'lii niüyeh de l’inibrinution. Cetîc vérité sur les deux
�n\
( z 9, )
p ro p o sio n s, est attestée par^.une foule, d’arrêts qu’on^
trouve dans tous les auteurs. '
« Les cas ordinaires, dit Fcrrières ( i ) , où la preuve
a testimoniale est admise, sont quand il s’agit d'un quasi
«•contrat, d’ un délit, ou d'un quasi délit. Les ordon« nances qui défendent la preuve pour des objets dont
« la valeur excède la somme de 100 tf', ne sont relatives
« qu’aux conventions et non aux faits, lesquels on peut
«•prouver par témoins, sans quoi ils resteroient presque
« toujours dans l’incertiludc, attendu qu’il ne, s’en fait
ce pas ordinairement d’écrits. F a c ta per testes probajitur;
ce pacta çero possuntper scripturam seu per instrumenta
« probari ».
^ Boiceau (2) dit que dans les recelés la preuve parç
témoins a aussi lieu suivant nos m œurs-, car le recelé,
est un v o l, même quand il est commis par. la fem m e,
quoique la loi n’ait point donné l’action de vol en ce cas,
mais seulement celle rerum am otarum , qu’elle appelle
judicium singitlare.
. .. •
> , v ^
L ’annotateur de Boiceau observe^que, p a rv.arrêt du
6 aoû t,i70 3, rendu en la cinquième chambre des enquêtes
( duquel il rapporte l’espèce ) , il a été jugé que la preuve
d esja its généraux de recèle }étoit admissible, sans expli
quer les faits en particulier.
;
.
^
1La preuve de ce délit , qui tend .ï dépouiller des cohé
ritiers d’un droit certain, est d’autant plus favorable, qu’011
(0 Verbo preuve testimoniale.
t
^
(2)
Dans son traité de -la preuve par. témoins , addition siir' le
chap* 10»
r
m •.
„
.Ct^i -A) .iifj t v ." .q . ,J. ./J, ^j)
y*\
�( 30 )
admet même le témoignage des domestiques et des pa*
rens. Pour la preuve de la soustraction, dit Basnage(i),
l’on a demandé si l’on devroit recevoir le témoignage
des parons. Ce fut le sujet d'un consulatur qtfi fut fait
en la grand’ehambre, par la chambre des enquêtes, le
26 février i 6 y 5 ; et il fut décidé que l’on entendroit pour
témoins les par en s et a u tr es, parce qu’autrement il
sei’oit très - difficile d’avoir la connoissance des soustrac
tions.
Ferrières ( 2 ) dit également qu’en matière de recelé,
la déposition des domestiques est reçue, et que le témoi
gnage des par eus de la personne qui a recélé est aussi admis'.
Les lois et les auteurs ont tellement réprouvé de pareils
délits, que non seulement ils exigent que l’héritier q u ia
diverti un effet héréditaire, soit tenu de le rapporter, mais
qu’il soit encore privé de la portion qu’il y auroit eue,
s’il ne l’avoit point soustrait : S i certa portio liœreditatis
ahcui relie ta proponitur, et is res hœreditarias quasdamJ'uralus s i t , m /as rebits quas suhtrax.it, de/iegari.
cipetitionem oportere, rectè respondetur (3).
L auteur du journal du palais (4), en rapportant un arrêt
du 1 septembre 16 8 1, qui a jugé la question contre und
veuve com m une, observe que cest avec grande justice
que cette peine a été introduite par les lois, et qu’il est de
la dernière conséquence qu’elle soit rigoureusement exé-
(1)
(2)
( 3)
(4)
Sur la coutume de N orm andie, art. 3g 4*
DIctionn. de prat. verbo recélé.
Paulus in 1. 48 , § ad 'sénat. trebell.
Tom . 2 , p. 2-34, ¿dit. de 1713.
�( 3: )
cutée contre ceux qui divertissent les effets d’une succes
sion......que ceux qui, de mauvaise foi et anima tf u r a n d i,
auraient emporté les principaux, effets, ne seraient pas
d’une condition moins avantageuse que ceux q u i, par
ignorance ou par m égarde, n’auroient pas fait un inven
taire iidelle, et à qui l’on ne pourrait imputer autre chose
qu’une omission innocente ; que les uns et les autres en
seraient quittes pour rapporter ce qu’ils auraient omis ou
recélé, et que de cette sorte l’impunité du crime seroit
.un m otif pour le commettre..
. L e même auteur ( i ) rappqrte un autre arrêt du 3
mars 1689 >
^ dit q ue ces soustractions ont paru §i
odieuses, qu’encore que par les ordonnances, les parens
au degré prohibé et les domestiques ne puissent pa's
servir de témoins, l’on n’a pas laissé de les recevoir darçs
plusieurs parlemens, quand il a été question du recélé.
O n a jugé qu’il n y avoit que les parens et les domestiques
.qui pussent bien déposer dans ces crimes cachés.
Louet (2) rapporte un arrêt du 7 septembre11603,
par lequel il fut jugé en la cinqujèine chambre des en
quêtes, que l’héritier qui avoit été condamné ù rapporter
ce qu il avoit pris et soustrait en la succession, ne pouvoit
in celatis et substractis partent Jiabere.
- ...
Feirièies (3 ) tient le même langage, et cite cjifférens
auteurs pour étayer son opinion.
(1) Tom . 2 , p. 1008.
(2) Lett. R. somm. 48 , n. 4»
(3) D iet, de prat, v<rbo recélé > etc*
�m
(z 2 )
Denizart ( 1 ) rapporte plusieurs arrêts sur la même
question.
Lacombe (2 ) observe que si le survivant ou l’héritier
a joui long-temps des choses recélées, il doit, outre les
profits, si elles en ont produits!, des dommages et intérêts,
et qu’outre cela il doit réparer la détérioration des choses
recélées.
Basnage (3 ), après avoir remarqué que si les soustraclio'ns rèstoient impunies, ce seroit rendre les hommes
plus hardis à les commettre, impunitatis spe fièrent audaciores, et spe lucri invilorentur adpeccandum , ajoute
qvie l’héritier condamné'par justice à rapporter les choses
par lui soustraites, y percl sa1 part, laquelle accroît aux
autres héritiers, et que cela a été ainsi jugé, par arrêt
du 6 juillet 1678.
On ne finiroit point, si l’on se permettoit de rapporter
toutes les autorités qui concourent et se réunissent dans
ces circonstances, pour étayer des principes qui ont pour
base1 l'égalité et la jù’stice.
A i n s i , de deux choses l’une : ou Barthélémy VachicT
conviendra de s’être emparé des meubles, marchandises;
denrées, elïels, bestiaux et autres objets appartenant à
ses père et m ère, ou il le désavouera. A u premier cas, il
n’est question' que de le condamner \ les rapporter au
partage, suivant les inventaires et l’état que donneront
les demandeurs, des objets omis ou soustraits; au second
(0 Verbo recelé.
(2) Verbo recèle, n. 7• ••
(3) Loc* ç iu . p a g . 94. tom . a .
•'
’
. ,
ca S j
�vbî
C 33 )
cas, il ne pput y avoir de difficulté à autoriser les deman
deurs à prouver, tant par titres que par témoins, même
par les parens et les domestiques des parties, soit les
soustractions qu’a faites Barthélémy V acliier, soit leur
consistance et leur valeur. Cette preuve est d’autant plus
intéressante, que si l'on abandonnoit à Barthélémy V a chier les objets par lui soustraits, il profitèrent seul des
successions de ses père et m ère, et il ne resteroit aux
demandeurs que le regret d'en avoir réclamé le partage. >
En se référant à la rigueur des lo is, les demandeurs
pourroient exiger que Barthélémy Vachier fût privé
de la portion qui lui revient dans les objets soustraits ;
mais la délicatesse et les sentimens des demandeurs leur
font un devoir , en invoquant la l o i , de détourner la
peine dont Barthélémy Vacliier pourroit être atteint;
ils ne demandent que ce que les lois de la nature et du
sang leur assurent, et leur intention ne fut jamais d’être
injustes, sur-tout à l’égard de leur frère aîné.
f v .
Représentât¿011 des livres-joum aux , mémoires et états.
Comme Jean-Baptiste Vacliier faisoit un commerce
considérable, il éloit nécessité, comme les autres négocians, à avoir des l i v r e s -jo u r n a u x : J o s é p h in e T o u rn icr,
ayant continué le commerce de son m ari, prit ces livres
avec les marchandises , et le tout a ensuite passé au pou
voir de Barthélémy V ach ier, qui s est emparé du com
merce de ses père et mère. Pour connaître les fonds du
E
�C
34 )
commerce, les effets, la valeur et la consistance des mar*
chandises, il est donc absolument nécessaire de consulter
les livres*journaux, tant du commerce que des revenus,
remboursement d’effets actifs, produit des fermes tenues
par la m ère, ainsi que . les mémoires et états qu’a faits
Barthélémy V ach ier, puisqu’il étoit le principal agent
depuis le décès de son père. Gomme le tout se trouve en
son pouvoir, les demandeurs ont lieu d’espérer qu’il se
fera un devoir de leur donner tous les renseignemens qui
peuvent servir à établir la consistance des biens assujettis
au partage.
D ’après les faits et les moyens, il paroît dém ontré, i°.
que le testament de Jcan-Baptiste Vachier est radicalement
nul; 2°. que n’ayant été fait par les père et mère aucüne
disposition valable,: leurs successions , et même les biens
acquis par Barthélémy Vachier pendant sa cohabitation,
avec la m ère, doivent être partagés par égalité entre les
demandeurs et le défendeur ; 3°* quo
fortune entière
du père ayant été délaissée à JosépliineTournier, sa veuve,
qui continua le commerce,' et. que Barthélémy Vachier
s’étant emparé des biens de l’une et de l’autre successions,
doit en faire raison t\ ses cohéritiers ; 40. que les objets
soustraits ou omis dans les inventaires par négligence ou
autrem ent, doivent être rapportés au partage par le
-défendeur, ainsi que les livres-journ aux, . mémoires et
¿ints ; 5°. qu’en cas de désaveu des soustractions, la preuvo
en doit être ordonnée, attendu que si Barthélémy Vachier
étoit autorisé h profiter seul des meubles et effets mobiliers,
il sevrtit, pour iiinsi dire, l’unique héritier de ses père
et m ère, quoique les demandeurs aient ù prétendre uno
�(
3
5
}
portion égale à la sienne. Si des injustices aussi révol
tantes n’ont jamais eu lieu, comment pou rroit-on les
redouter sous l’empire des nouvelles lois qui prescrivent
l'égalité ?
Ainsi semble au conseil soussigné qui a pris lecture
des titres et des procédures.
Délibéré à R iom , le premier fructidor, an six.
GASCHON.
A R I O M, DE L’I M P R I M E R I E DE L A N D R I O T,
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Vachier, Anne-Marie. An 6?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Gaschon
Subject
The topic of the resource
successions
nullité du testament
dentelle
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Anne-Marie Vachier, et Pierre-Joseph Héritier, son mari ; Benoit Vachier, Marie Vachier et Antoine Soulier, son mari ; Renée Vachier et Melchior-Jean-Baptiste Vissaguet, son mari ; Cécile et Jean-Baptiste Vachier ; Rosalie Vachier et Antoine Bonny, son mari, demandeurs au principal et défendeurs en opposition. Contre Barthélemy Vachier, défendeur et demandeur.
Annotations manuscrites.
Table Godemel : Expoliation : la preuve par témoin de l’expoliation des successions, par un des cohéritiers est-elle admissible ? Testament : 5. un testament est-il nul par cela seul que le testateur n’a pas déclaré lui-même qu’il ne pouvait signer à cause de sa faiblesse ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 6
1775-Circa An 6
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
35 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1210
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0158
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53168/BCU_Factums_G1210.jpg
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The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Arlanc (63010)
Le Puy-en-Velay (43157)
Rights
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Domaine public
dentelle
nullité du testament
Successions
-
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2caffc86b55246d6a55f16dbf7bca5ad
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• M a r i e V A C H I E R et A n t o i n e S O U L I E R , Pi,y-de-Dôme.
son mari ; R e n é e V A C H I E R et M e l c h i o r Je a n -B a p tis te
C
éc il e
R
o s a l ie
et J
e a n
V I S S A G U E T , son
-B
a p tiste
V A C H I E R et A
D i U *
S n t s m
i m
.
'
•'
m ari;
V A C H IER ;
n t o in e
BO N NY,
;
son m ari demandeurs au principal et défen
deurs en opposition.
CONTRE
B a r t h é lé m y
i
V A C H I E R , défendeur e t de
-
mandeur.
L
A contestation, qui s’est élevée entre les parties, a
pour objet le partage des successions de leurs père et mère.
1 . Un testament est-il n u l, p a r cela seul, que le
testateur n' a pas déclaré qu’il ne pouçoit signer à cause
de sa f oiblesse?
A
�(z)
,
Un héritier, qui a expolió les successions de ses
père et m ère; qui en a dénaturé les effets; qui a géré
et administré ; qui a fait des acquisitions aux dépens de
ses cohéritiers; est-il tenu de leur rendre compte des
bénéfices qu’il a faits, et la preuve des soustractions est,elle admissible ?
Telles sont les principales questions que présente la
cause : pour les résoudre , il suffit de donner une connoissance exacte des faits, et de rappeler ensuite quelques
principes.
F A ï T.
2 °.
D u mariage de Jean-Baptiste Vachier avec Joséphine
T o u rn ier , sont issus neuf enfans ; savoir : les demandeurs,
Barthélémy V achier, défendeur, et Agnès Vachier.
Jean-Baptiste V a c h ie r faisoit un commerce très-con
sidérable sur les dentelles, les cuirs, les suifs, et sur les
fermes : il occupoit plusieurs ouvrières pour les dentelles ;
il leur foLirnissoit la soie, et les payoit même d'avance
pour les engager à accélérer leur ouvrage : il avoit une
boutique ouverte dans la commune d’A rlan t, où il habitoit ; un magasin daçis la commune du P u y , où il se
trouvoit régulièrement tous les mois à chaque fo ire , et
il avoit des correspondances avec difFérens négocians.
P a r u n testament du 25 décembre 1 7 7 5 , Jean-Baptiste
Vachier légua ( à ce que prétend le défendeur) le quart
de scs biens meubles et immeubles à celui de ses enfans
qu’il plairoit à Joséphine Tournier de choisir, et lui
laissa la jouissance de ce quart pendant sa vie ou sa vi
duité.
�( 3 )
Après la lecture du testament, le notaire recevant dit
que le sieur Vachier, testateur , n a pu signer cl cause
de sa foibïesse , de ce enquis , sommé et interpellé, etc...
Cette déclaration est entièrement du fait du notaire, et
non de celui du testateur qui avoit seul le droit de dé
clarer s’il vouloit et pouvoit, ou non , signer.
;
Au décès de Jean - Baptiste V ach ier, qui arriva le
jour suivant, 26 décembre, aucun de ses enfans n’étoit
majeur ni établi, à l’exception d’Agnès Vachier qui, de
puis quelque temps, avoit épousé Jean-François Dou
vreleur.. Quoique la fortune de Jean-Baptiste Vachier
consistât principalement en argent, meubles , effets et
marchandises, on ne fit point apposer les scellés 1 cette
sage précaution auroit ouvertement contrarié les vues de
la m ère, et de quelques-uns des parens qui avoient déjà
formé le projet de réunir toute la fortune du père sur
la tête de Barthélémy V achier, fils aîné.
'
L e 1 2. janvier 17 7 6 , Joséphine Tournier fut nommée
tutrice de ses huit enfans, et Jean-François Douvreleur,
son gendre, fut nommé curateur aux actions contraires:
les citoyens M ary Rigaudon et Michel D ouvreleur,
notaires et -parens, sont commis pour la confection de
l’inventaire ; Jean -Fran çois D ouvreleur, gendre, et
Pierre Vachier , beau-frère de la veu ve, sont nommés
conseillers à la tutelle : l’un et l’autre sont chargés, sur
la demande de la tutrice, i ° . de régler ses reprises sur
la succession de son mari ; 20. d’apprécier les marchan
dises ; 30. d’estimer les meubles et immeubles ; 40. de
fixer le revenu des immeubles et le produit des fermes;
5°. enfin de déterminer le taux de la pension qui devoit
'
A a
�(4 )
être payée à ceux des mineurs qui ne seroient pas éman
cipés.
Eu exécution de cet arrêté, qui fut approuvé par le
juge du ci - devant bailliage d’A rla n t, l’inventaire des
meubles, effets, marchandises et denrées, fut commencé
le 16 du même mois de janvier, et clos plus de trois mois
après, le 27 avril 1776. On accorda à la tutrice et à B ar
thélémy Yachier plus de temps qu'il leur en falloit pour
soustraire ou dénaturer la majeure partie des effets, et en
particulier les cuirs qui se trouvoient dans le magasin
du P u y , desquels il ne fut pas fait d’inventaire, et les
lettres de change, qui étoient en grand nombre.
M algré les omissions et les expoliations, on voit néan
moins par cet inventaire, qu’il se trouva au décès de Jean Baptiste Yachier des meubles et effets considérables. On
y. rem arq u e des b ille ts ,
p ro m esses et
o b lig a tio n s, dont le
montant se porte à plus de trente mille six cents livres ;
environ quatre cent cinquante jugemens rendus en sa
faveur, pour raison de son commerce, et plus de cent
vingt, exploits, sur lesquels il étoit sur le point d’obtenir
des condamnations contre différens débiteurs.
Jje 3 1 du même mois d’avril le juge d’Arlant enthérina
les lettres d’émancipatioa de Barthélém y, A n n e-M arie,
Benoît, Marie et Renée Vachier. Barthélémy Vachier étoit
alors âgé d’environ dix-neuf ans neuf mois, et Anne-Màrie
Vachier, d’environ dix-huit ans et demi : Pierre Vachier fut
nommé curateur. Par le même procès verbal Jean-François Dpuvreleur et Pierre Vachier déclarèrent que, pour
sç conformer à la résolution qui avoit été prise dans l’acte
de tutelle, les reprisçsde la veuve sur la succession de son
�•
C5 )
mari, avoient été par eux réglées i\ la somme de sept mille
sept cent une livres, non compris la valeur de son loge
ment, une pension annuelle de cent livres, portée par
son contrat de mariage , et la jouissance du quart qui
lui avoit été léguée par Jean-Baptiste Vacliier.
Les marchandises en dentelles, cuirs et suifs, furent
appréciées 4 530 n‘. L a valeur des grains fut portée à 2294
Les meubles et ustensiles furent estimés 2000 tt~. L e revenu
des immeubles et des effets fut fixé annuellement à la
somme de i 5ootf", déduction faite de toutes charges et
(du produit du quart légué. L e bénéfice sur quatre fir m e s
fut réduit pour chaque année à 260 if~. La pension des trois
mineurs qui ne furent pas émancipés ( Cécile, JeanBaptiste et Rozalie V acliier), fut fixée pour chacun d’eux,
jusqu’à l’âge de 14 an s , à la somme de 190 tl~.
Les parens arrêtèrent ensuite, i°. que pour acquitter
les reprises de la veuve, réglées c\ 7701
on lui délaisseroit en payement la somme de 7 12 4
10 J , montant de
l’estimation des marchandises et des grains , et qu’elle
prendroit la somme de 576 ^ 10-f restante, sur les effets
de l’inventaire ; 20. que la veuve auroit la jouissance de
tous les meubles inventoriés, de deux vaches et d’ un
cheval, pour lui tenir lieu de la pension de 100 ft~3 qui
lui étoit assurée par son contrat de mariage.
Au moyen de ces décisions, Joséphine Tournier resta
en possession de tous les meubles, denrées, marchandises,
effets et immeubles de la succession de son m ari, ainsi
que des lettres de change, et autres objets non compris en
l’inventaire. Elle continua le même commerce, et y fut
aidée par ses enfans, jusqu’à ce qu’ils prirent un établisse*
�( .« )
ment. Il ne fut point fait de partage entr’eux : le revenu
de ceux qui avoient été émancipés, comme celui des
enfans qui restèrent sous la tutelle de la m ère, furent par
elle perçus, ou, pour mieux d ire, par Barthélémy Vachier, qui se croyoit seul propriétaire, et en qui la mère
avoit une confiance aveugle. Il n’éloit pas encore parvenu
à sa majorité, qu’il disposoit d’une partie des marchandises
de la succession, arrêtoit des comptes avec les débiteurs,
et se faisoit consentir des obligations en son nom, des effets
provenus de son père. On en rapporte la preuve écrite,
pour différens articles.
L e 28 décembre 1779* Annc-Marie Vachier, qui n’étoit
encore âgée que de 22 ans 3 mois, contracta mariage avec
Pierrc-Joseph H éritier, qui étoit aussi dans les liens de
la minorité. Elle se constitua en dot la somme de 6000
qui fu t payée par la inère, avec déclaration que sur cette
somme il y avoit celle de 200
pour biens maternels,
mais sous la condition expresse qu’Anne-Marie Vachier
renonceroit en faveur de Barthélémy Vachier, son frère
a r
aine.
Cette renonciation, impérieusement exigée parla mère,
11e fut arrachée aux deux mineurs qu’après la passation
de leur contrat de mariage. Intimidés par la mère , qui
les menaçoit de faire annuller le contrat, ils consentirent
que par le moyen d un ren vo i, cette renonciation fût
inscrite h la marge, par une main complaisante à laquelle
on avoit confié la minute : mais les notaires étant instruits
des motifs de cette renonciation, et qu’elle avoit été exigée
hors la présence des parens, refusèrent d’approuver l’ad-^
dition.
�.
( 7 )
•
• Une pareille renonciation étoit, sans contredit, radica
lement nulle; néanmoins Anne-Marie Vacliier et H éri
tier, son m ari, se pourvurent eu lettres de rescision, le
16 mai 17 8 9 , et en demandèrent l’entérinement en la
c i- d e v a n t sénéchaussée d’A uvergn e, contre Joséphine
Tournier et Barthélémy V acliier, le 5 octobre suivant.
Ils demandèrent en même temps , i°. que Joséphine
Tournier, en qualité de tutrice, et Barthélémy Vacliier,
en qualité de leur protuteur, puisqu’il avoit géré et admi
nistré leur6 biens avec la m ère, fussent condamnés solidai
rement à leur rendre compte de leur gestion, ainsi que
du produit des fermes; à rapporter les meubles, marchan
dises, denrées et effets compris en l’inventaire, et ceux
qu’ils avoient soustraits, ou à leur payer, pour leur por
tion dans ces objets la somme de 10000
avec les intérêts
depuis l'ouverture de la succession de Jean-Baptiste V achier; 2°. à leur donner communication des livres-journ a u x , et autres titres servant à établir la consistance de la
succession ; 30. à venir à division et partage des biens de
cette succession; y rapporter les jouissances, le montant
des dégradations et les intérêts du tout, depuis tel temps
que de droit, sous les offres faites par Héritier et sa femme,
de rap p o rter la somme de 58oo
qui leur avoit été payée
par Joséphine Tournier, sur la succession de Jean-Baptiste
yachier.
Joséphine Tournier et Barthélémy Vachier, par leurs
écritures des 23 décembre 17 8 9 , et 21 décembre 179 2,
firent l’un et l’autre des déclarations et des aveux qui
sont précieux dans la cause.
i°. Ils donnèrent les mains à l’entérinement des lettres
S
�C8 )
de rescision; ils convinrent que la renonciation faite par
Anne-Marie Vachier étoit radicalement nulle; ainsi il ne
peut plus être question de cet objet dans la suite de ce
mémoire.
2°. Ils consentirent au partage des biens de Jean-Baptiste
V achier; mais ils prétendirent que la femme Héritier ne
devoit avoir qu’un douzième dans la succession de son
père , attendu qu’il avoit disposé du quart en faveur
de celui de ses enfans qui seroit choisi par Joséphine
T ournier.
3 °. Ils offrirent de rapporter en nature, soit les objets
compris en l’inventaire, soit ceux qui n y avoientpas été
com pris, ou leur valeur, d’après l'estimation lors de
l’ouverture de la succession. Barthélémy Vachier fit en
son particulier les mêmes offres, et déclara qu’il avoit
en son pouvoir les meubles meublans.
4°. Joséphine Tournier offrit de rapporter en son
particulier, i°. la somme de 300 ^ qu’elle avoit reçue du
citoyen Reynaud ; 20. celle de 30 ^ qui lui avoit été
payée par un citoyen V elay; 3 0. celle de 10
qu’elle
avoit dans sa poche au décès de son mari; 4 0. la valeur
du grain qui s’étoit trouvé dans les greniers du ci-devant
prieuré de Dore-FÉglise ; 5°. quatorze setiers quatre car
tons de b lé -se ig le , vingt-n euf cartons d'orge, et une
charge de pommes ; le tout provenu du domaine de
Besset.
. D e son côté, Barthélémy Vachier offrit de rapporter
i.°. un billet de 1300 ^ souscrit par Jean - François
D ouvreleur, son beau-frère, en faveur de Jean-Baptiste
Yacliier ; billet dont Barthélémy Vacliier déclare s’être
trouvé
�•
( 9 ) ^
trouvé nanti au décès de son père ; 2°. une somme de
841
pour la valeur des marchandises qui étoient dans
le magasin du P u y, au décès de Jean-Baptiste Vachier:
la valeur de ces marchandises étoit beaucoup plus con
sidérable.
Aucun des objets , dont la mère et le iils aîné ont
offert le rapport, n’avoit été compris dans l’inventaire.
Pour faire une déclaration exacte, ils auroient également
dû offrir de rapporter, i°. l’argent qui se trouva au décès
du père ( trois mois environ avant son décès, il avoit
reçu à la foire de Beaucaire, ou quoique ce soit, l’un
de ses neveux, qui s’étoit chargé de la commission, la
somme de 5 5 9 4 ^ 7^ 6 ^ - ) ; 20. les lettres de change,
qui étoient en grand nombre; 3 0. la soie qui servoit à
l’entretien du commerce des dentelles ; 40. les marchan
dises qui se trouvoient cliez les ouvrières; 5°. les arré
rages de quatre ferm es, et combien d’autres choses.
Il n y a pas eu de jugement sur cette instance.
L e 24 février 1790? Joséphine Tournier déclara au
thentiquement qu’elle choisissoit Barthélémy Vachier, son
fils aîn é, à l’effet de recueillir le quart des biens dont
Jean-Baptiste Vachier avoit disposé par son testament.
Environ cinq ans après ( en l’an 3 ), dans un' temps
où la mère n’étoit plus en état de travailler, Barthélémy
Vachier ayant contracté m ariage, quitta la maison de
]a T ournier, sa mère, et alla habiter une maison voisine:
il entreprit de continuer le commerce de ses père et
mère ; mais, pour le faire fructifier d’une manière encore
plus Avantageuse, il falloit réunir la fortune de l’un et
de l’autre, et c’est ù quoi Barthélémy Vachier parvint
'
B
�C 10 )
aisément. Cette mère qui ne respiroit que pour son fils
aîné, et qui venoit de lui faire la remise du quart des
biens de son m ari'; craignit, sans doute , que l’effet
rétroactif de la loi du 17 nivôse an 2 , ne fît échouer
le projet quelle avoit formé de faire passer toute sa
fortune et celle de son mari sur la tête de Barthélémy
V ach ier; et, pour le faire réussir contre toute espèce
de prohibition, elle permit que son fils enlevât de chez
elle, et fît transporter chez lui les marchandises et effets
qu’elle avoit, tant de son commerce particulier, que de
celui de son mari : elle permit même qu’il s’emparât des
fourrages et des bestiaux qui existoient au décès du père,
et de ceux qui avoient été achetés par la mère, à l’ex
ception de deux vaches (1). L a complaisance de la mère fut
si grande à cet égard, qu’ayant laissé enlever, pendant le
jour et la nuit, même les d e n r é e s le s plus nécessaires
pour sa subsistance, elle fut réduite dans la suite à recourir
à son fils pour s’en procurer; et l’on doit croire que le
citoyen Vacliier accueillit avec empressement lès demandes
de sa mère.
" Quoi qu’il en soit, Joséphine Tournier étant décédée
ie 19 ventôse àn 4 , le scellé fut apposé le 29 germinal
suivant. L e 22 frimaire an 5 , les demandeurs invitèrent
le juge de paix à procéder à là reconnoiésance et à la
rémotion; tnais Barthélémy Vachier, qui avoit' intérêt
il' ce qué 'les expoliations par lui faites ne fussent jamais
connues, y forma opposition, sans en donner aucun
( 1 ) C est principalèment.la: preuve de ces soustractions qu’ offrent
Jes .demandeurs, : ■ ,
•
.
�( II )
motif. Par deux jugemens du tribunal, dont l’un par
défaut, et l’autre contradictoire, des 26 prairial et 12
fructidor an 5 , la reconnoissance, la rémotion des scellés
et l’inventaire du mobilier furent ordonnés.
Ce fut à ln confection de l’inventaire, que les deman
deurs connurent les vrais motifs de l’opposition de Bar
thélémy Vachier h la rémotion des scellés. On ne trouva
ni denrées, ni marchandises, ni lettres de change. L ’in
ventaire ne contient que la description de quelques meu
bles, et rénumération de certains billets, obligations ou
promesses, dont la majeure partie appartenoit à la suc
cession de Jean-Baptiste "Vachier, et dont certains débiteurs
avoient failli, et d’autres sont insolvable». On ne peut'
néanmoins douter que cet inventaire auquel Barthélémy
Vachier n osa assister, puisqu’il se fit représenter par
sa femme, n’ait été fait très-exactement, attendu qu’on
y a fait comprendre jusqu’à trois pelotons de J î l trois
chapeaux de paille et une petite bouteille dajis laquelle
se trouvait un reste de baume de commandeur.
Pour ne pas interrompre Tordre de la procédure, on
observe que peu de temps après le décès de Joséphine
Tournier, les 24 germinal et 1er floréal an ^ Héritier
et sa femme, ainsi que les autres demandeurs, après
avoir tenté en vain les voies de la conciliation, firent
citer en ce tribunal Barthélémy Vachier et Jean-François
Douvreleur, en qualité de père et légitime administrateur
dun enfant issu de son mariage avec Agnès Vachier qui
étoit alors décédée.
Ils demandèrent contre Barthélémy Vachier, i ° . qUe
le testament de Jean-Baptiste Vachier fût déclaré nul
B 2
’
�'
( 12 )
attendu que le testateur n’avoit pas lui-m êm e déclaré
cju ¡1 n’avoit pu signer à cause de son indisposition • 2°. que
la transmission du quart faite en sa faveur par Joséphine
Tournier, fût également déclarée nulle, attendu qu’elle
ne pouvoit subsister, au moyen de la nullité du testament*,
3°. que le partage des biens des père et mère fût ordonné,
ainsi que le partage des biens acquis par Joséphine Tourniev seule, ou par Barthélémy Vachier, ou par l’un et
l’autre conjointement, depuis le décès de Jean-Baptiste
Vachier ; 40. que Barthélémy Vachier fût condamné à
rapporter au partage les meubles, marchandises, or et
argent, produit des fermes, denrées et effets qui existoient
aux décès de ses père et mère, ainsi que les jouissances des
immeubles et le montant des dégradations; 5°. qu’il fût
tenu de leur faire raison du montant des soustractions
par lui faites, soit après le décès du p è re , soit du vivant
de la mère, soit après le décès de cette dernière, suivant
la preuve cjui en seroit faite par commune renommée,
si mieux il n’aimoit leur payer pour la valeur de ces sous
tractions la somme de 80000 ^ \ 6°. enfin , que pour
parvenir à établir la consistance de la fortune et du
commerce des père et m ère, Barthélémy Vachier fût
condamné à rapporter et représenter soit les livres-journaux qui avoient été tenus par les père et m ère, soit
les mémoires et les arrêtés de comptes qu’il avoit faits
lui-menie depuis le décès de Jean-Baptiste V achier, et
pendant son administration.
Jean - François Douvreleur fut cité, à l’effet de voir
déclarer çornmun avec lui le jugement qui o rd o n n ero it
le partage des biens de la m ère, à la charge d’y rapporter
�( :3 )
le montant de la dot constituée n sa femjne, ou pour sJèn
voir déclarer déchu, faute par lui de faire , dans la décade,
son option entre la légitime conventionnelle et sa por
tion héréditaire.
Le 16 frimaire an 6 , Héritier et sa femme citèrentencore Barthélémy Vachier en ce tribunal , pour voir
joindre l’instance contre lui intentée par exploit du 5
octobre 1789 , aux demandes contre lui également formées
par les citations des 24 germinal et I er. floréal an 4 , etpour voir prononcer sur le tout par un seul jugement.
Barthélémy Vachier et Jean-François Douvreleur ayant
négligé de comparoître sur ces différentes citations, les
demandeurs obtinrent un jugement par défaut, le 22
nivôse dernier. Sur la signification qui en fut faite. Bar-'
thélemy Vachier y forma opposition. Il est, d’après cela,
question d’examiner, en laissant ce jugement à l’écart,
si les différens chefs de demandes formées contre Barthé
lémy Vachier sont bien ou mal fondés.
Pour établir, la légitimité de leurs réclamations, les
demandeurs se borneront à prouver, i ° . que le testament
de J e a n -Baptiste 'V ach ier'p ère, est : radicalement nul;
2 0. que les biens des père et m ère, ainsi que ceux acquis,
par Barthélémy Vachier, pendant sa cohabitation avec
la m è r e , doivent être partagés par égalité entre le'défen
deur et les demandeurs ; 3 0: que Barthélémy Vachier doit
rapporter au partage tous les biens meubles, immeubles,
marchandises, denrées, lettres de change, et autres effets
qui composoient la. fortune de ses père et mère ; 40. que
la preuve des soustractions qu’il a faites est admissible ;
5°. que pour établir la consistance du1 commerce, Bar-
�( *4 )
thélemy Vachier doit également rapporter les livresjournaux tenus par les père et mère, ou par lui-même,
ainsi que les mémoires et arrêtés de comptes par lui
faits. On répondra en même temps à quelques objections
qu’a faites Barthélémy Vachier.
’
§r.
L e testament de Jea n -B a p tiste V achier est radicale .
ment nul.
Un testament est, suivant les lois romaines, une décla
ration faite deyant témoins de ce que nous voulons être
exécuté après notre mort : Testatio m entis , hoc est ,
Doluntas testata , seu testibus adhibitis declarata et
probata. P a rm i les d ifférentes espèces des testam ens, la
plus usitée est celle du testament solennel; c’est-à-dire,'
d’un testament dicté par le testateur, reçu par personnes1
publiques, et revêtu des solennités requises par les ordon
nances et par la coutume du lieu où il est fait.
’
• Gomme les testamens sont ¡de droit public et étroit,
ju ris publiciet stricti, l’omission de la moindi’e solennité
suffit par conséquent pour les faire annuller.
•
L'une des principales conditions pour la validité du*
testament solennel, est, suivant sa propre définition, qu'il’
soit 'entièrement dicté p a r le testateur, et non par une"
autre personne en son lieu et place. Un notaire ne
peut donc prendre sur son compte de rédiger un testament
solennel, de déclarer lui-même ce qui doit être déclaré
par ^testateur, attendu qu’il n’est, dans cette circonstance,
�C i5 )
qu’un simple être passif destiné à écrire ce qui lui est dicté
par le testateur, de la même manière qu’un greffier est
astreint à écrire ce qui lui est dicté par le juge.
On peut d’autant moins révoquer en doute que c’est au
testateur à dicter lui-même toutes ses dispositions, à peine
de nullité du testament, que l’ordonnance de 17 35 a
rigoureusement prescrit cette formalité par différons
articles.
« Lorsque le testateur ( porte l’article 5 ) voudra faire
a un testament nuncupatif écrit, il en prono?icera intellik giblement toutes les dispositions , en présence au moins
« de sept témoins, compris le notaire ou tabellion, lequel
. «écrira lesdites dispositions , à mesure quelles seront
« prononcées par le testateur : après quoi sera fa it
« lecture..... E t le testament sera signé par le testateur..’..
ccE t en cas que le testateur déclare qu’ il ne peut ou ne
( C sait signer , il en sera fait mention, a
*
L ’article 9 delà même ordonnance parlant du testament
, mystique, et de l’acte de souscription qui doit être dressé
par le notaire, sur la feuille qui sert ^.enveloppe,' ajoute
que l’acte sera signé, tant par le testateur que par le notaire
. et les autres témoins....et qu’en cas que le testateur par
urî empêchement survenu depuis lasignature du teS(ame»t
ne pmsse s.gner 1 acte de souscription,, ^ sem fait .m edian
de la declarator.i qu’il en aurafaüe-, sans qu’il soit .besoin
en ce cas, d augmenter le nombre des témoins.
L article 23 a une disposition très-pr/'cise, relative aux
testamens laits en pays coutumiers ; il est conçu Cn ces
termes :
— ■. .
.
k
Les testamens , codiciles, et autres dispositions de
�( IS )
« dernière volonté, qui se feront devant une personne
« publique, seront reçus par deux notaires ou tabellions,
« ou par un notaire ou tabellion , en présence de deux
« témoins, lesquels notaires ou tabellions, ou l’un d eu x,
« écriront les dernières volontés du testateur, telles qu'il
« les dictera ..... Après quoi ledit testament, codicile, ou
*• <r autre disposition de dernière volonté, sera signé p ar
« letestateur, ensemble par les deux notaires ou tabellions,
'« ou par le'notaire ou tabellion, et les deux témoins; et
"a en cas que le testateur déclare qu’il ne sait ou ne peut
■« signer, il en sera fait mention ».
L ’article 47 exige que toutes les dispositions de l’ordon
nance de 1 7 3 5 , qui concernent la date et la fo rm e des
•testamens , codiciles ou autres actes de dernière volonté,
■soient exécutés , à peine de nullité, sans préjudice des
autres moyens tirés des dispositions deslois ou descoutumes.
Il ne suffit donc pas que le notaire décide que le tes• tateur ne peut signer, il faut encore que le testateur le
' déclare lui-même , parce que le notaire n’est présumé que
le copiste qui écrit, avec caractère publique , sous la
dictée du testateur.
Le dernier commentateur de la coutume du ci-devant
pays d’Auvergne ( 1 ) , observe que l’ordonnance de 17 3 5
a ajouté dans l’article 23 des formalités qui doivent
être observées à peine de nullité. « A près, dit-il, que les
« dispositions du testament auront été rédigées , telles
« que le testateur les aura dictées , il doit lui en être fait
(1) Art. 48 , chip. 12 , quest, 10 , torn, 2 » pag. 80 et suivantes.
lecture
�>
( 17 )
-
ce lecture , avec mention qu’elle a été faite ». Il ajoute
que les deux témoins doivent être signataires, et qu’ils
doivent signer avec le testateur, (s’il sait ou peut signer),
et avec le notaire : que si le testateur ne sait ou ne peut
signer , on doit faire mention de la d é c l a r a t i o n qu’if,
a J'aite. Venant ensuite à la question qui divise les
parties , il s’explique ainsi qu’il suit : « L ’ordonnance d it,
« si le testateur déclare'.ainsi il ne suffit pas que le notaire
« dise lui-même que le testateur n’a su ou n'a pu signer,
a parce que ce n’est pas l’opinion ni la croyance du notaire
« que la loi demande, c’est la déclaration du testateur
«lui-m êm e: tel est l’esprit d’un arrêt du 2 mai 16 0 1 ,
« rapporté par Ricard (1) , qui déclare nul un testament
« où le notaire avoit d it, de son chef, que le testateur
« n’avoit pas signé par tel m otif; mais il ri avoit pas dit
te que le testateur le lui eût D É C L A R É . Cependant il ne s’a« gissoit que de 12 0 ^ ", et les légataires demandoient
« d’être reçus à la preuve que le testateur s’étoit efforcé
« de signer ».
«A u surplus, continue le même commentateur, l’or« donnance ne dit pas que le testateur sera interpellé de
« signer 5 elle se contente qu’ il D É C L A R E s*il ne sait ou
« s'il ne peut signer , et qu’il en soit fait mention : son
« motif a été, sans doute, que la déclaration du tes« tateur supposoit l’interpellation du notaire ou la ren
« doit superflue. En effet, si le testateur déclare, de lui—
k même , qu’il ne sait signer, et prévient le notaire,
( 1) Part. ire. n , i525.
G
�c 18 )
«celui-ci ne pourroit plus l’interpeller, sans absurdité,
« de faire une déclaration qu’il auroit déjà faite.... L ’in« terpellalion ri a suffi en aucun temps, parce quelle ne
«suppose pas nécessairement la réponse ; mais la décla« ration du testateur prouve, ou qu’il a été interpellé,
« ou que sa déclaration, en prévenant l’interpellation,
« l’a rendue inutile ».
Sur la nécessité de l’interpellation que l’on exigeoit
anciennement, Lacombe (i) d it: « Mais mention que
« le testateur a déclaré ne pouvoir signer, quant à pré« sent, à cause de sa maladie , suppose l’interpellation.
« Secus si le notaire déclare en son nom que le testa
« teur n’a pu signer à cause de son indisposition ». R i
' card (2) fait la même observation, et dit que c’est l’espèce
de l’arrêt de l’année 16 0 1.
Denizart (3) rapporte vin arrêt du 3 septembre 1768
qui a jugé la question in tenninis : il étoit d it, dans le
testament , que le testateur n’avoit pu signer, à cause de
sa foiblesse , de ce enquis.
.
L e moyen de nullité, observe Denizart, dont on arguoit ce testament , étoit que, conformément aux ai-tir
ticles 5 , 9 et 23 de l’ordonnance de 17 3 5 , ce testament
ne faisoit pas mention que le testateur a voit déclaré ne
savoir signer ou ne pouvoir le faire.
- 11 est vrai que l’arrêtiste observe que l’on soutenoit,
(1) Dans son recueil de jurisprudence civile, verbo testament, sect»
3 ,.n°. 3. ......
(a) Part. i rc-. chap. 5 , sect. 7 , n°. 1526.
(3) Verbo testament , n°. g o , édition de 177B ,
�( 19 )
de la part de l’appelant, que ces trois mots, de ce enquis,
avoieat été ajoutés après coup, et que même il y avoit
e u , pour ce motif, inscription de fau x; mais celte ob
servation est indifférente , et l’on peut dire que la ques
tion n’a pas moins été jugée en thèse. Si le ci-devant
parlement de Paris eût été touché de ce m oyen, s’il en
eût fait dépendre sou jugement, il auroit laissé passer à
l’inscription en faux : mais cette inscription n’ayant pas
été admise, et l’arrêt ayant néanmoins annullé le testa
ment , il en faut conclure que quand même ces mots
n’auroient pas été ajoutés après coup, le testament eût
été également annullé.
De ces autorités, il résulte que , pour la perfection d’un
testament, il faut nécessairement, d’une part, que l’on
soit assuré, de la bouche même du testateur, s’il vouloit
ou pouvoit, ou non , signer ; et d’une autre, que le no
taire devienne 1 historien iidelle et exact de ce qu’aura',
dit le testateur. Ces formalités ont paru nécessaires au
législateur pour s’assurer de la volonté du testateur, et
éviter les captations. L a loi a voulu que le testateur d é
c la r â t , et que le notaire fît mention qu’il a déclaré: or,
dans l’espèce, ce n’est point Jean-Baptisle Vachier qui
a déclare q u il ne pouvoit signer, à cause de safoiblesse,
c’est le notaire qui, de son ch ef , a porté ce jugement
pour le testateur.
'
Il est à. la vérité dit ensuite, de ce enquis , sommé ,
interpellé\ mais le vœu de la loi n’est pas rempli par là :
il n’y a dans ces termes qu’une simple interpellation du
notaire, et cela n’est pas suffisant; il falloit faire mention
de la réponse du testateur, o u , ce qui est la même chose,
G a
�( 10 )
de sa: déclaration. Le notaire a pu faire une réquisition ;
cela est dit dans le testament; mais on ne voit pas ce qu’a
dit le testateur; on est d’autant plus fondé à le soutenir
ainsi, que le testament ne fait pas mention de la déclaration
du testateur, impérieusement exigée par la loi.
Vainement opposcroit-on qu’ il faut présumer que si
le notaire a écrit que le testateur n’a pu signer, à cause de
son indisposition, c est en conséquence d’une réponse faite
par le testateur à la demande que lui en avoit faite le
notaire. La loi ne s’est pas contentée d’une simple pré
somption dams une matière aussi importante; elle a voulu
que le testament portât avec lui-même la preuve que le
testateur avoit parlé, avoit déclaré ; qu’il contînt, en un
mo t, et dans lui - même probationem probatam : et une
présomption ne fut jamais une preuve; l’action doit être
représentée dans le testament d'après les paroles même
du testateur, et non sur des conjectures qu’il a dû tenir
telles paroles. Il faut donc qu*on entende, qu’on voie, pour
ainsi dire, parler le testateur. On ne peut s’arrêter qu’aux
déclarations seules qu’a faites le testateur ; on ne doit
pas être réduit à les supposer.
L a déclaration, de la part du testateur, est la chose
essentielle, et non l’interpellation : aussi croit-on que
la déclaration du testateur qu’il n’a voit pu signer, feroit
supposer Tinterpellation ; mais on ne peut pas dire que
Vinterpellation du notaire fasse supposer et soit la même
chose que la déclaration du testateur.
On ne sauroit avoir égard à un arrêt du 8 mars i 65z‘,
rapporté par Ricard ( i) , qui a confirmé un testament où
(i) Traité des donations, part. i,c h a p . 5 , sect. 5 , n, i 53o.
�( 21 )
l ’on clisoît, en parlant du testateur, lequel a a pu .signer,
interpellé de ce f a ir e .
i ° . L ’on ne peut mettre en opposition les arrêts anciens
avec l’ordonnance de 1 7 3 $ , relativement aux points sur
lesquels elle.scst.expliquée,... ^
2 U. Ricard improuve lui-même l'arrêt, puisqu’il ajoute
« qu’il y a grande apparence que la faveur des dispositions
« dont il s’agissoit, ne contribua pas peu à le faire rendra
« ainsi. »
30. Enfin, ce qui devroit seul fixer les doutes, c’est
l’arrêt du 3 septembre *769, dont on vient de parler.
La même question que celle qui divise les parties, fut
jugée au tribunal du ci-devant district de Riom , sur
-l’appel d’une sentence rendue en la ci-devant justice
d’A rlant, le 13 juillet 1792. Les parties étoient Antoine
Baud aîné, appelant; André Baud et autres, intimés.Les
motifs de ce jugement sont ainsi conçus :
«Attendu que Pierre B au d, par son testament du 13
« février 17 6 3 , rta pas déclaré qu’il ne pouvoit signer,
« à cause de sa maladie, que Tinterpellation faite par le
• « notaire recevant , ne peut suppléer à la déclaration
« omise dans ce testament , déclaration dont le notaire
a au roit dû expressément faire mention, aux termes de
« l’article 5 de l’ordonnance des testamens..... L e tribunal,
« p a r jugement en dernier ressort, sans s’arrêter au testa«ment dudit Pierre B au d , du 13 février 17 6 3 , qu’il
« déclare nul et de nul effet, etc......
Antoine Baud s’ étant pourvu en cassation contre ce
jugement, les parties compromirent ; et après un examen
très-réfléchi, les hommes de loi choisis pour arbitres,
�( 22)
déclarèrent qu’il n’y avoit point lieu à annuller ni à réfor
mer le jugement du 13 juillet I79 2,
Le tribuual a lui-méine prononcé conformément à ces
,^-principes, par jugement en dernier ressort, rendu en la
première section, 'Je_ 17 ventôse an 6 , sur l’appel d’un
jugement rendu aiî~tribunal civil du département du
Cantal. Les parties étoient Jean Solignat et Jeanne de
Gieux , appelans , et Pierre de G ieux, intimé. Il étoit
question du testament de Sébastien de Gieux , père et
beau-père des parties : le testateur s’étoit efforcé, de
signer, et ne l’avoit pu faire; au lieu par le notaire de
dire que le testateur avoit déclaré ne pouvoir signer, il dit
de son clief que le testateur r i avoit pu signer. Le testa
ment fu t, pour ce motif tiré de l’article 22 de'l'ordon
nance de 17 3 5 , déclaré nul par les premiers juges, et leur
jugement fut confirmé en ce tribunal.
A insi, soit que Ton s’en tienne aux dispositions de
l’ordonnance de 1 7 3 5 , soit qu’on s’en réfère à l’opinion
des auteurs les plus accrédités, soit qu’on consulte la juris
prudence , il paroît démontré qu'il ne peut s’élever la
plus légère difficulté sur la nullité du testament de Jean Baptiste Vachier.
Barthélémy Vachier a prétendu que Héritier et sa
femme avoient consenti à l’exécution de ce testament.
L ’on convient que, suivant les lois, celui qui a approuvé
un testament, n’est plus recevable à le contredire ; Agnoçisse videtur qui quale quale judicium defuncti comprobavit. Mais l’approbation dont parle Barthélémy
Vachier est purement idéale : en effet Héritier et sa femme
ont uniquement dit que si le testament de Jean-Bapliste ,
�( ^3 )
Vacliier et oit régulier , ils ne le contrediroient pas, lors
qu’ils le connoîlroient, et aussitôt qu’ils en ont eu connoissance, ils l’ont attaqué de nullité. Où est donc l’approba
tion? On attend que Barthélémy Vachier l’indique.
f IF .
*
'
L e partage doit êtrej'a it p ar égalité.
Si le testament de Jean-Baptiste Vachier est déclaré’
nul, comme on n’en sauroit douter, le mode du partage
de sa succession ne sauroit être problématique, attendu
que tous ses enfans étant alors appelés par les lois naturelles
et positives, à recueillir sa succession par égalité, le mode
se trouve déterminé.
Il y a néanm oins une exception sur le nombre des
en fan s; elle est relative à Agnès Vachier. Comme cette
fille fut mariée du vivant de ses père et mère; qu’elle fut
dotée et apanée, et par conséquent forclose, son enfant
ne peut rien prétendre dans la succession de Jean-Baptiste
V achier, qui est décédé avant les lois qui abrogent la
forclusion.
Il en seroit de même d’Anne-M arie Vachier, femme
H éritier, au moyen de la renonciation qu’on l’avoit obli
gée à faire en faveur de Barthélémy Vachier, à la suc
cession échue du p ère, et à celle à échoir de la m ère;
mais comme elle s’est pourvue dans le temps prescrit
par la lo i, contre sa renonciation, et que ceux qui l’avoient exigée, ont consenti que cette renonciation demeu
rât nulle et sans effet, .qu’elle fût considérée de la niêmè
�( 24 )
.
manière que si elle n’avoit jamais existé, la femme Héri
tier doit être autorisée à prendre sa portion afférente
dans la succession de son père, à la charge par elle de
rapporter ( ce qu’elle offre de faire ) la somme qui lui
avoit été constituée pour ce motif, avec les intérêts depuis
tel temps que de droit.
Joséphine Tôurnier n’ayant fait aucune disposition,
on doit nécessairement porter le même jugement sur*
le inode du partage de sa succession, relativement à huit
de ses enfaus; attendu qu’il est à croire que l’héritière
d’Agnès Vachier ne veut pointy prendre part. Joséphine
Tôurnier n’est décédée que postérieurement à la loi du
8 avril 17 9 1 ; ainsi l’héritière d’Agnès Vachier avoit la
liberté, ou de s’en tenir à la légitime conventionnelle
qui avoit été faite à sa m ère, ou de venir au partage
des biens de Jo s é p h in e T ô u rn ier, en rapportant ce
qu’elle a reçu. Comme cet enfant est encore dans les liens
de la minorité, Jean-François Douvreleur, son père, a
été sommé de faire son option à cet égard; un jugement
par défaut Ta ordonné, et il n’y a pas eu d’opposition
de sa part ; son silence doit faire présumer qu’il a fait
son option, et qu’il veut s’en tenir à la légitime qui avoit
été faite à sa femme : ainsi la succession de la m ère,
comme celle du père, ne doit être partagée qu’en huit
portionsr
Pendant sa cohabitation avec Joséphine T ôu rn ier,
Barthélémy Vachier a fait seul, ou conjointement aveç
sa mère, plusieurs acquisitions de biens immeubles. Comme
le prix n’a pu être payé que du revenu ou des affets des
successions dçs père et mère des partie?, il est de toute1
justice
�C^5 )
justice que les acquêts soient partagés de la même manière
que le surplus des biens des deux successions. Si Barthé
lémy Vachier conservoit les acquisitions qu’il a faites, il
est évident que l’égalité, qui doit être lam e des partages,
seroit ouvertement blessée, et que Barthélémy Vachier
s’enrichiroit au détriment de ses cohéritiers; ce qui n’a
jamais été autorisé par les lois. Nemo alterius detrimento
ditescere potes t.
Barthélémy Vachier ne peut dire qu’il a fait un com
merce particulier, ou qu’ayant travaillé pour le compte
de la mère , il lui étoit dû un dédommagement, et de
là en conclure qu’il doit profiter des acquisitions qu’il a
faites personnellement.
D ’abord, il est constant que, du vivant de la m ère,
Barthélémy Vachier n’a point fait de commerce particu
lie r; ainsi il n’a pu acquérir des bénéfices qu’il auroit
faits.
2°. Si Barthélémy Vachier a travaillé pour le compte
de la mère, il a été lo g é , nourri et entretenu par la
mère; et le montant de ces objets, sans y comprendre
les dépenses extraordinaires, qui se porteroient à une
somme bien plus considérable, doit le dédommager, et
bien au delà, de ce qu’il peut avoir fait pour sa mère.
Tous les autres enfans, au surplus, ont aidé au commerce
de la mère, tant qu’ils ont habité avec elle, et aucun
d’eux n’a fait, dans cet espace de temps, un bénéfice par
ticulier. Ce seroit donc une injustice d’accorder un dé
dommagement à Barthélémy Vachier, attendu que si ses
services bien appréciés étoient compensés avec ses dépenses
extraordinaires, le montant de sa portion héréditaire ne
D
�(*«)
suflu-oit pas pour dédommager ses cohéritiers de la perte
qu’ils ont faite,
_
Y 1 1 1 .
Rapports que doit f a ir e au partage Barthélémy*
Vacliier.
.
i
*
Pour ne laisser aucun doute sur la justice de la récla
mation des demandeurs à cet égard, il faut se rappeler
trois circonstances bien essentielles dans la cause.
L a prem ière, qu’après le décès de Jean-Baptiste V achier, dont la principale fortune consistoit en mobilier,
lettres de ehange, autres effets actifs et denrées, le scellé
ne fut point apposé; que l’inventaire ne fut clos que plus
de trois m ois ap rès qu’il eut été com m en cé ; qu e le
rédacteur de cet inventaire fut un des plus proches parens
des parties; qu’on négligea d’y insérer différens effets,
soit parce qu’ ils n’étoient pas alors connus, soit plutôt
parce qu’ils avoient été soustraits; qu’il ne fut point fait
d’ inventaire des marchandises qui se trouvoient dans le
m agasin du P u y ; que Barthélémy Vachier est convenu
avoir vendu ces marchandises la somme de 800
quoi
qu’il en ait retiré une somme beaucoup plus considérable;
qu’enfin, après l’émancipation de certains enfans, et une
estimation fictive de quelques marchandises, les parens
abandonnèrent tout à Joséphine Tournier.
L a seconde circonstance, aussi importante que la pre
mière , est q u ’ap rès cet abandon , Joséphine Tournier
continua le commerce de son mari ; renouvela les fer-
�.
C 27 )
mes en son nom , et jouit de tous les immeubles, ou quoi
que ce soit, Barthélémy Vachier qu’elle regardoit comme
unique héritier.
L a troisième circonstance et la plus importante à re
m arquer, est qu’en l’an 3 , Barthélémy Vachier s’élant
marié et ayant quitté la maison paternelle, continua le
commerce de ses père et m ère, qu'il s’empara alors
des marchandises , denrées, lettres de change, effets,
livres - journaux, bestiaux, fourrages, en-un mot de
toute la fortune mobiliaire de Jean-Baptiste Vachier et
de Joséphine Tournier.
Barthélémy Vachier ne sauroit désavouer ces faits , soit
parce qu’ils sont de notoriété publique dans la commune
où habitent Jes parties; soit parce qu’il est convenu dans
ses écritures des 23 décembre 1789 et 21 décembre 179a
( vie u x style ), qu’ il avoit en son pouvoir les meubles
et effets compris en l’inventaire qui fut fait après le décès
du pèi’e, et qu’il a offert de rendre compte des marchan
dises, d’après l’estimation qui en seroit faite, de la valeur
des denrées, suivant les pancartes, et de rapporter tant
les objets qui n’a voient pas été compris dans l’inventaire,
que le montant des cuirs qui étoient dans le magasin du
P u y, et une somme de 1300 ft~) montant d’un billet de
l’un de scs beau-frères, duquel billet il s’étoit trouvé saisi
fortuitem ent au décès de son père.
D ’après ces aveux de la part de Barthélémy V achier,
aveux qu’il ne révoquera certainement pas, il ne peut y
avoir la plus légère difficulté à le condamner à rapporter
en nature, ou suivant l’estimation, les meubles et mar
chandises qui se sont trouves au décès de Jean-Baptiste
D a
�( *8 )
Vachier, et à rendre compte des denrées et des effets com
pris en l’inventaire, ou qu’on négligea d’y insérer.
Il doit en être de même des meubles et marchandises
qui étoient dans la maison de Joséphine Tournier, avant
le mariage de Barthélémy Vachier. Il est de la connoissance
de tous les habitans d’Arlant, et en particulier des parens de
Barthélémy V achier, que, du vivant de la mère, il s’est
emparé de tout ce qu’elle avoit, soit de son chef, soit
de celui de son m a ri, à l’exception de quelques meu
bles et de certains effets, dont les débiteurs sont, pour
la majeure partie, insolvables : Barthélémy Vachier doit
par conséquent en rendre compte, suivant l’état qu’en
donneront les demandeurs, ou suivant la preuve qui en
s,era faite.
f
IV .
L a preuve p a r témoins des recelés ou des soustractions ,
est admissible.
Les soustractions ou les recèles qu’on fait de certains
objets d’une succession, sont mis au rang des délits, ou
au moins des quasi délits. Dans tous les temps, on a permis
de prendre la voie ordinaire ou extraordinaire, pour en
acquérir la p reu ve, soit que les soustractions eussent été
commises par une veuve ou par un héritier présomptif,
avant ou après le décès de celui dont les biens avoient
été expoliés. On étoit néanmoins en usage de civiliser
l'affaire, lorsque la preuve des soustractions étoit acquise
par le moyen de l’information. Cette vérité sur les deux
�(
)
propositions, est attestée par une foule d'arrêts qu'on
trouve dans tous les auteurs.
« Les cas ordinaires, dit Ferrières ( i ) , où la preuve
c testimoniale est admise, sont quand il s'agit d’un quasi
«•contrat, d’un délit, ou d'un quasi délit. Les ordon« nances qui defendent la 'preuve pour des objets dont
« la valeur excede la somme de 100
ne sont relatives
« q u ’aux conventions et non aux faits, lesquels on peut
g prouver par témoins, sans quoi ils resteroienl presque
«toujours dans 1 incertitude, attendu qu’il ne s’en fait
« pas ordinairement d écrits. F a c ta p e r testes probantuv ,
« parta çero possuntperscripturam seu pej' instrumenta
« probari ».
. Boiceau (2) dit que dans les recelés la preuve par
témoins a aussi lieu suivant nos mœurs ; car le recèle
est un v o l , même quand il est commis par la fem m e,
quoique la loi n’ait point donné l’action de vol en ce cas,
mais seulement celle rerum amotarum , qu?elle appelle
judicium smgulare.
L ’annotateur de Boiceau observe que, par arrêt du
6 août 1703 , rendu en la cinquième chambre des enquêtes
( duquel il rapporte l’espèce ) , il a été jugé que la preuve
des fa it s généraux de recélé étoit admissible, sans expli
quer les faits en particulier.
‘
La preuve de ce délit, qui tend à dépouiller des cohé
ritiers d’un droit certain, est d’autant plus favorable, qu’on
29
(1) Verbo preuve testimoniale.
(2) Dans son traité de la preuve par témoins , addition sur le
chap. 10.
�( 3« )
admet même le témoignage des domestiques et des pa
rens. Pour la preuve de la soustraction, dit Basnage(i),
l’on a demandé si l’on devroit recevoir le témoignage
des parens. Ce fut le sujet d’un consulatur qui fut fait
en la g ra n d ’c h a m b re , par la chambre des enquêtes, le
26 février 1675-, et il fut décidé que l’on entendroit pour
témoins les parens et autres , parce qu’autrement il
seroit très - difficile d’avoir la connoissance des soustrac
tions.
Ferrières ( 2 ) dit également qu’en matière de recelé,
la déposition des domestiques est reçue , et que le témoi
gnage desparens de la personne qui a recelé est aussi admis.
Les lois et les auteurs ont tellement réprouvé de pareils
délits, que non seulement ils exigent que l’héritier q u ia
diverti un effet héréditaire, soit tenu de le ra p p o rte r, mais
qu’il soit encore privé de la portion qu’il y auroit eue,
s’il ne l’avoit point soustrait : S i certa portio hœreditatis
alicui relicta proponitur, et is res hœreditarias quas dam fo r â t us s it , in his rebus quas subtraxit , denegari
eipetitionem oportere, rectè respondetur (3).
L ’auteur du journal du palais (4), en rapportant un arrêt
du 1 septembre 1681^ qui a jugé la question contre une
veuve commune, observe que c’est avec grande justice
que cette peine a été introduite par les lois, et qu’il est de
la dernière conséquence qu’elle soit rigoureusement exé-
(1)
(2)
(3)
(4)
Sur la coutume de Norm andie, art. 3g 4 >
Dictionn. de prat, verbo recelé.
Paulus in 1. 48 > § ad sénat, trebell.
Tom. 2 , p. 2 5 4 } édit. de 1 7 1 3 .
�C 3= )
cutée contre ceux qui divertissent les effets d’une succes
sion......que ceux qui, de mauvaise foi et anirno fu r a n d i ,
auraient emporté les principaux effets , ne seraient pas
d’une condition moins avantageuse que ceux q u i, par
ignorance ou par mégarcle, n’auraient pas fait un inven
taire fidelle, et à qui l’on ne pourrait imputer autre chose
qu’une omission innocente ; que les uns et les autres en
seroient quittes pour rapporter ce qu’ils auroient omis ou
recelé, et que de cette sorte l’impunité du crime serait
un motif pour le commettre.
Le même auteur ( 1 ) rapporte un autre arrêt du 3
mars 1689 , et il dit que ces soustractions ont paru si
odieuses, qu’encore que par les ordonnances, les parens
au degré prohibé et les domestiques ne puissent pas
servir de témoins, l’on n’a pas laissé de les recevoir dans
plusieurs parlemens, quand il a été question du recélé.
On a jugé qu’il n’y avoit que les parens et les domestiques
qui pussent bien déposer dans ces crimes cachés.
Louet (2) rapporte un arrêt du 7 septembre 16 0 3 ,
par lequel il fut jugé en la cinquième chambre des en
quêtes? que l’héritier qui avoit été condamné à rapporter
ce qu’il avoit pris et soustrait en la succession, ne pouvoit
in celatis et substractis partem habere.
Ferrières (3 ) tient le même langage, et cite différens
auteurs pour étayer son opinion.
(i) Tom. 2 , p. 100?.
(a) Lett. R. somm. 4 8 , n. 4.
(3) Diet, de prat, verb? recélé, etc*
�( 32 )
Denizart ( i ) rapporte plusieurs arrêts sur la même
question.
Lacombe (2) observe que si le survivant ou l’héritier
a joui long-temps des choses recélées, il doit, outre les
profits, si elles en ont produits, des dommages et intérêts,
et qu’outre cela il doit réparer la détérioration des choses
recélées.
- Basnage ( 3 ), après avoir remarque que si les sous
tractions restoient impunies, ce seroit rendre les hommes
plus hardis à les commettre, impunitatis spe jierent an
dadores , et spe lucri invitarentur adpeccandum , ajoute
que l’héritier condamné par justice à rapporter les choses
par lui soustraites, y perd sa part, laquelle accroît aux
autres héritiers, et que cela a été ainsi jugé, par arrêt
du 6 juillet 1678.
O n ne finii-oit p o in t, si l’ on se p erm etto it de ra p p o rte r
toutes les autorités qui concourent et se réunissent dans
ces circonstances, pour étayer des principes qui ont pour
base l’égalité et la justice.
A in si, de deux choses l’une : ou Barthélémy Vachier
con vien d ra de s’être emparé des meubles, marchandises,
denrées, effets, bestiaux et autres objets appartenant à
ses père et m ère, ou il le désavouera. Au premier cas, il
n’est question que de le condamner i\ les rapporter au
partage, suivant les inventaires et l’état que donneront
les demandeurs, des objets omis ou soustraits j au second
(1) Verbo recelé.
(2) Verbo recelé, n. 7.
(5) Loç. cita. pag. .94. tom. a.
ca s,
�( 33 >
eas, il ne peut y avoir de difficulté e\ autoriser les deman
deurs à prouver, tant par titres que par témoins, même
par les parens et les domestiques des parties, soit les
soustractions qu’a laites Barthélémy V achier, soit leur
consistance etieur valeur. Cette preuve est d’autant plus
intéressante, que si l’on abandonnoit à Barthélémy V a
chier les objets par lui soustraits, il profiteroit seul des
successions de ses père et m ère, et il ne resteroit aux
demandeurs que le regret d’en avoir réclamé le partage.
: En se référant à la rigueur des lois,¡les demandeurs
p o u rro ie n t exiger que Barthélémy Vacliier, fût, privé
de la portion qui lui ¡revient dans les: objets soustraits ;
mais la délicatesse et; les sentimcns des demandeurs leur
fout un devoir y én invoquant .la lo i, de détourner la
peine dont Barthélémy Vachier pourroit être'atteint 5
ils ne demandent,que ce que les lois de; la nature et du
sang leur assurent, et leur intention ne fut jamais d’être
injustes, sur-toujt à l’égard de leur frère aîné.
.
V) i:lî u ' 1- •
oi/
Représentation des liçres-joitrnaux ^mémoires et états;
■>' Comme Jean-'Baptiste Vachier faisoit un commerce
co n sid éra b le , il étoit nécessité, contme'les autres négor
cians, à avoir des livres-j.ournaux : Joséphine T ournier,
ayant continué le commerce de son m ari, prit ces livres
avec lés marchandises , et le tout a ensuite passé au pou
voir de' Barthélémy Vachier r qui s’est emparé du com
merce de ses pèrc et aaèue.
coanoître les fonda du
.
E
�,
,
.
.
C 34’ )
commerce, les effets , la valeur et la consistante des'mar
chandises , il est donc absolument nécessaire de consulter
les livres-journaux, tant'du commerce que des revenus,
remboursement d’effets actifs, produit des fermes tenues
par la m ère, ainsi que les mémoires et états qu’a faits
Barthélémy V achier, puisqu’il- étoit le principal agent
depuis le décès de son père. Comme le tout se trouve en
son pouvoir, les demandeurs ont lieu d’espérer qu’il se
fera -un devon- dcletrr'doriner tous les renseignemens qui
pèütëhï sèrvir-à établir la consistance1>des biens assujettis
au partcige.'*,u
' r; ' ‘ ' ' '
•*
i - B après lesfarts^et les-moyens^-il paroît démontré., i°.
que le tès tament-dé Jeàn'-Baptiste Vaclner^est radicalement
ib:ul;;"2 pi que noyant-été fait«-par* les père et mère aucune
disposition valable leurs S u c c e s s io n s , e t même les biens
déquis" par'Barthélém y Vaèhier pendant'sa cohabitation
avec la1 mère ^’d oivent être partagés par égalité entre les
demanderais :étslë* défendeur 3P., quoi lài.'fortune .entière
du père ayant été délaissée à Joséphine Tournier, sa veuver
qui continua le commerce / et’ que Barthélémy Vachier
s’étant emparé des biens de l’une et de l’autre successions,
doit e'iï fùît-’e'l-àisôn’à' -set*■,tcoliéritit,ts-^'4'v. qire' les objets
soustraits ou omis dans les inventaires par négligence ou
■autrement /'idôvveïit 'être >Mp|K)rtt^!;fài^ipartage pa’^ le
-défendeur', ainsi'Jqtie -les,livres Ajournant;, f mémoires:¡et
f états ; 5°; qu’en cas de désaveu dessoiii>tractio‘n s,;Ia'preuve
en doit être ordonnée,(attendu- que:si B art’iélemyiVachier
-étoit autorisé à proiitorscul des’ 1n e ubles e t'cfie ts m olii 1 tersi,
•il: seroit, pour ainsi', dire r l’tiriiifue ‘héritier idôi ses père
: et m ère, • quoique 1les demandeurs »aient A prétendre whq
�( 35)
portion égale à la sienne. Si des injustices aussi révol
tantes n’ont jamais eu lieu, comment pourroit-on les
redouter sous l’empire des nouvelles lois qui prescrivent
l’égalité ?
Ainsi semble au conseil soussigné qui a pris lecture
des titres et des procédures.
'
Délibéré à R iom , le premier fructidor, an six.
G A SC PIO N .
A R I O M , D E L’I M P R I M E R I E D E L A N D R I O T ,
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Vachier, Anne-Marie. An 6?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Gaschon
Subject
The topic of the resource
successions
testaments
nullité du testament
dentelle
Description
An account of the resource
Mémoire pour Anne-Marie Vachier, et Pierre-Joseph Héritier, son mari ; Benoit Vachier, Marie Vachier et Antoine Soulier, son mari ; Renée Vachier et Melchior-Jean-Baptiste Vissaguet, son mari ; Cécile et Jean-Baptiste Vachier ; Rosalie Vachier et Antoine Bonny, son mari, demandeurs au principal et défendeurs en opposition. Contre Barthélemy Vachier, défendeur et demandeur.
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 6
1775-Circa An 6
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
35 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0158
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1210
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53699/BCU_Factums_M0158.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Arlanc (63010)
Le Puy-en-Velay (43157)
Rights
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Domaine public
dentelle
nullité du testament
Successions
testaments
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e2b3f297474a8cf93a11d182d53174be
PDF Text
Text
NOTICE
DES PRINCIPAUX MOYENS D'APPEL,
fV o '6 /* (f-
POUR
L
es sie u r s
F
•
l e u r ie
,
d a m e et d e m o ise l l e s
, M
G R E N I E R
a r ie
,
, et au tre M
é p o u x
de
G
a r ie
ladite
_
il b e r t
, F
_
r a n ç o is
V A Y R O N
Louise ;
F A L C I M A G N E - V A I L L A N T ,
Fleurie
L
j
et
ép o u x
, L
a»u-T //££»!
o u ise
aurent
F ran ço is
de
ladite
a p p elan s;
Le sieur B A L T H A Z A R D
intimé.
ny
CONTRE
V A Y R O N , leur frère et beau-frère ,
I L est à propos que pour faire mieux ressortir nos m oyens, nous
donnions d' abord un court aperçu des faits qui ont donné lieu à
la cause.
F A IT S .
L e sieur Jean-Louis V a y ro n -L a m o u re y re , du lieu de L astiq ,
est décédé nonagénaire dans le courant d’août 1807 , laissant sept
enfans, de son mariage avec feue Jeanne Delaroche, prédécédée ,
savoir : Balthazard, François , M arie , autre M arie , habitans
la maison paternelle; G ilb ert , établi à St.-Satu rn in -T alen d e ;
Louise, épouse du sieur Grenier de Rilhac ; et Fleurie , épouse
de M . François Falcim agne-Vaillant, juge criminel à St.-Flour.
Il etoit perclus de tout le corps, depuis deux ans et d em i, par
les suites d’une chute, qui lui avoit meurtri l’os de la sciatique, et
qui lui occasionna, dans cette partie des douleurs horribles jusA
» —
�ques à sa mort. II se trouva donc, depuis cette .chute, dans une im
possibilité absolue de gérer ses affaires ; et la dame son épouse
étant décédée peu après cet accident, il fut forcé d’abandonner
l’administration de ses biens à Balthazard , son fils aîné.
Ce fut à cette époque, et dans la première semaine de ce décès,
au moment où ce vieillard décrépit éloit accablé de chagrin et de
souffran ce, qu’on en obtint un testament, dont on avoit dressé
par avance, dans le secret, un projet qui cependant ne fut pas
ponctuellement suivi.
Ce testament, daté du 28 prairial an i ( 17 juin i o ) , con
tient, i° un legs de deux annuels de messes à célébrer dans l’année
du décès , pour le repos de l’âme du testateur et de sa défunte
épouse ; 2* le legs du quart disponible de tous les biens, en faveur
du sieur Balthazard , fils aîné , par préciput et avantage.
L e sieur Lamoureyre survécut à ceci durant plus de deux ans ,
toujours dans des souffrances inouies : et Balthazard pendant cet
intervalle se hâtoit, à l’ombre de sa qualité de régisseur, de pour
voir de toute manière à ses intérêts. Il dévastent surtout les bois
de haute futaie, dont il vendit à l’insçu du père tout ce qu’il put.
Cependant les autres enfans n’osoient dévoiler cette inconduite,
pour ménager la paix de la maison et ne pas exposer à des secous
3
85
ses l’affligeante situation de leur père, dont le cœur étoit plus que
bon, mais le caractère très-vif.
Mais enfin, quelque chose en transpira aux oreilles du père, et
il alloit révoquer son testament, lorsqu’une dernière crise termina
ses douleurs avec sa vie.
D es scellés furent apposés sur le m obilier, quoiqu’un peu lard
et d’une manière peu exacte: mais, au surplus, le procès verbal d’ap
position qui est joint à la procédure, en dit assez.pour constater une
mauvaise foi révoltante de la part de Balthazard.
Cette mauvaise foi ne résulte pas moins du procès verbal de
levée de scellés, qui constate que Balthazard n’a pas craint même
de violer l’autorité du procès verbal de mise de scellés , ni de dis
poser, desa propre autorité, des choses y comprises, et notamment
�4'»
(3)
qu’il s’est emparé, sans compte ni mesure, de toute la récolte de
18 0 7 , etc.
Dans cet état de choses, les six autres cohéritiers ont dirigé con
tre lui deux actions; l’une, afin d’établir un régisseur provisoire
jusqu’au partage; et l’autre, afin de parvenir à division et partage
des successions , tant paternelle que maternelle.
L a première de ces actions a été terminée et rejetée par a rr ê t,
obtenu sur faux exposé.
L a deuxième est celle sur laquelle il s’agit de statuer; elle tend
au partage par égales portions, à la nullité du susdit testament, au
rapport de toutes sommes reçues ou soustraites, dégradations #
jouissances, etc., même des coupes de bois insolites, antérieures au
décès; et enfin à ce qu’il soit fait provision à trois des cohéritiers
non pourvus, d’une somme de x200 fr. chacun, avec dépens et dom»
mages-intérèts.
M O YEN S.
.>
L e principal chef de la cause est la nullité du 'testament. M ais
avant d’en déduire les m oyens, nous croyons devoir rappeler quel
ques principes fondamentaux qui ramènent aux vraies sources de
décision.
P r i n c i p e I". Un testament ne vaut que par les formes. En
quoi cet acte diffère des actes ordinaires, où les formes ne sont
employées que pour la preuve et pour assurer l’exéculion envers
quiconque manqueroit de bonne foi. ( Ita vulgb , et nominat. R ir
card, part. 1 , r i' 1284» ia ). E t même au for de la conscience.
(V. Continuât. Tournelf., tom. 1 , deultim. volunt. conclusio 2.)
_ P r i n c i p e II*. Dans le droit romain t les formes ri étaient ex i
gées que pour la preuve , au moins dans les codicilles ; de sorte
que si la volonté paroissoit constante, on s’embarrassoit peu des
formes. ( Instit. lib, 2 , tit.
, defideicommissis , § 12 ). A in si,
en France on ne doit pas en invoquer indistinctement les maximes.
Certes les Romains validoient le testament fait par simple lecture,
85
23
A a
�'( 4 )
ou sans notaire, ou dont la rédaction étoit mutilée, ou même dont
les témoins ignoroienl la langue du testateur, (/ . 2 0 , § 9 , f f .l i b .
2 8 , tit. 1 , qui testant. I. 8 , cocl. lib. 6 , tit. 2 2 , qui testam. I. 7 ,
/. 2 1 , ibid. tit.
). Maximes qui aujourd’hui seroient étranges.
P h 1n c 1r e
*. L a preuve des formalités ne se tire que du tes
tament même , lequel doit en attester et mentionner l’observation.
L ’on ne peut donc recourir à aucune preuve extrinsèque, ni à au
cune présomption ni conjecture: certes les testamens ne valent
que par écrit. [CodeNapoléon, g , 9 7 2 , 1001 ; Ordonn. 1 7 3 5 ,
art. 1 , 4 , , 2 2 , a 5 , 4 7 ; Ricard, n iS i'] ; S a lle , surVordonn.
1 7 5 5 , art. ; Aurouoc , art. 2 8 g , rf a , etc. etc.)
P r i n c i p e IV*. Un testament ne peut se faire ou se valider , en
tout ou en partie , par forme de ratification. Dans cet acte rigou
reux tout doit être présent et actuel, durant l’assistance du notaire
et des témoins réunis; tout doit se passer dans le même temps et le
même ordre qu’on l’écrit. ( Code Napoléon, 9 7 2 , ordonn. 17 5 5 ,
art. 5 et ; liicard, part. 1 " , n ’ i i , i i ; Sallé, A ym ar, etc.)
P r i n c i p e Y '. Dans un testament, les mentions prépostères
ou anticipées sont oiseuses et ne prouvent pas. Ce principe ré
sulte du précédent. Aussi la loi du notariat exige-t-elle que la men
tion de signature soit placée à la firç de l’acte, à peine de nullité.
L o i du notariat, art. i et 68 ; Ricard, part 1 " , n i io , 1 1 ,
i5o2 ; Basnage sur Norm ., art. 4 12 ; Chabrol , tom. 2 , pag. 80.
Pr. i n c i t e VI*. L a rigueur des formes est générale et ne dé
pend point des circonstances. L a règle doit cire unique et fixe. Il
n ’est pas à l’arbitrage du juge de la recevoir ou rejeter selon les cas
et selon la force des présomptions de véracité de l’acte. ( Domat t
des testamens, tit. 1 , sec. , îi 9 , not. )
P n 1 n c 1 r e V II*. I l vaut mieux s’exposer à annuller un testament v a lid e, qu’à valider un testament nul. Car la validation
erronnée viole, et la justice, et l’ordre naturel qui appelle les plus
proches : mais l’annullation a au moins cet avantage, qu’elle remet
les choses dans l’ordre naturel de la société. D ’ailleurs, pourquoi ne
6e conforme-t-on pas exactement à la loi ? ( Dom at, des 'lesta -
25
111
83
5
5
5
53 54
4
5
5
55
�mens, ht. i , sect.
5,
n 1 6 , not. ) À in sî, dans le doute, il faut
prononcer contre le testament : certes, le testament est une preuve;
o r, toute preuve qui est douteuse n’en est pas une (i).
Ces principes ainsi rappelés, revenons aux moyens de nullité du
testament (2). Il y en a se p t, savoir : i°. la captation et sugges( 1) Ceci ne contrarie pas la m axim e, que la présomption est en faveur de
l ’acte ; car cette maxime ne s'entend point de l'existence même des actes, ni
par consée/uent des form es qui s'identifient avec cette existence , puisqu’au
contraire l'existence d ’un acte ne se présume point, mais doit être prouvée.
(2 ) Il est ainsi conçu : PARDEVANT, etc................est comparu, etc...................
le q u e l............nous a dit nous avoirfa it appeler pour recevoir son testament,
qu’il nous a dicté de sa propre bouche, et que nous, notaire susdit, avons écrit
sous sa dictée ; le tout de mot à mot, et ainsi qu’il suit.
J e m’en rapporte, pour mes honneurs funèbres, à la piété de mes enfans.
J'entends qu'il soit d it , dans l ’année de mon décès, deux annuels de messes
basses, l'un pour le repos de mon dme , et l’autre pour le repos de l'dme de
Jeanne de la Roche, ma défunte épouse, dans telle église qu'il plaira à mon
héritier général de choisir et désigner, mais aux jr a is cl dépens de ma suc
cession.
J e f a is et institue pour mon héritier ou légataire général et universel du
quart disponible, en préciput et avantage, d'après le Code c iv il, Bahhazard
ayron, mon fils aîné . pour, par mon dit fils aîné, recueillir, en vertu de la
présente disposition, le quart de tous les biens quelconques, tant meubles qu'im~
meubles, dont je mourrai saisi et vêtu, en quoi qu’ils consistent et puissent con
sister, en préciput et avantage hors p a r t , et sans aucune imputation sur la
part et portion que la loi lui déférera dans ma succession.
C e fu t ainsi f a it , dicté et prononcé par ledit sieur Vayron - Lam ourejre
p ère, testateur, A nous dit notaire, et par nous dit notaire, écrit sous la dictée
dudit testateur; le tout en présence de M M . G eraud-Rachet, prêtre desser
vant la succursale de Lastiq, etc...........Après quoi le présent testament a été
lu et relu par nous dit notaire audit sieur V ayron, testateur, qui a déclaré
icelui bien comprendre et y persévérer ; le tout en présence desdits témoins,
audit lieu, etc...........E t ledit sieur Vayron-Lam oureyre, testatàur, interpelé
par nous dit notaire de signer, ayant déclaré ne pouvoir le fa ir e à cause de sa
faiblesse occasionnée par la maladie, le tout en présence desdits témoins, cet
derniers ont signé avec nous notaire susdit, le tout suivant la loi.
A
3
�(6)
tio n ; 2°. le défaut de mention précise que le testament ait été écrit
tel qu’il a été d icté ; °. le testament ne constate pas qu'il ait été
signé par le notaire en présence des témoins , et par les uns et
3
4
par les au tres, en présence du testateur ; °- il n>a Pas été fait uno
contextu ; °. il n’ a pas été lu en entier ; 6°. un des témoins est
légataire; 7*. un autre est serviteur.
i°. L a captation et suggestion. Su r ce m o yen , nous nous con
tentons d'observer que nous nous référons aux faits qui ont été
5
déjà précisés et articulés par écrit devant les prem iers ju ges, et qui
seront rappelés en plaidant. M ais au su rp lu s, ce n'est point en
isolant ces faits les uns des au tres, et en les disséquant un à u n ,
comme l ’ont fait les premiers ju g e s, que l ’on peut en apprécier
bien juste le mérite : ces genres de preuves tirent leur force de leur
concours et de leur ensemble. A jou ton s que ce seroit une erreur
grossière de confondre la suggestion avec la violence ou la con
trainte : certes , l ’ordonnance de 1 7 3 5 , art. 47» n'eût pas dit qu’on
y auroit tel égard que de raiso n , puisque la violence et la con
trainte ont toujours été même un crim e. / / y t suggestion, lors
7
que le testateur a été 'vivement sollicite , soit p a r le légataire t
soit par d ’autres, dans le temps ou peu avant la confection de
son testament. ( Pothier, Cout. d’ O rl. , tit. 1 6 , Introd. , n° 29 ).
A insi ce vice de l’acte ne suppose pas même de mauvaise intention
dans celui qui influence; il suffit que le testateur ait suivi l’impul
sion d ’a u tru i, quelle qu’elle fû t. E t voilà pourquoi la loi annulle
les legs faits au m éd ecin , au d irecteu r, e tc ., quoiqu’assurément
elle ne présume pas que la plupart d ’entr’eux soient des fripons.
2’ . L e défaut de mention précise que le testament ait été écrit
t e l qu’i l a ¿ t é d ic té . 11 fout ici se rem ettre sous les yeux l ’article
972 d u 'C od e Napoléon. Cet article exig e , entr’aulrcs form alités,
deux choses bien différentes et bien distinctes, quoiqu’au prem ier
abord elles puissent paroltre se con fondre: sa v o ir, i°. que le tes
tament soit écrit sous la dictée du testateur ; 20. qu’il «oit écrit tel
qu’il est dicté.
Par la première de ces dispositions, la loi veut dire que le testa-
�4lï
( 7)
ment parte delà bouche du testateur, que le testateur en prononce
intelligiblem ent toutes les dispositions , ( Ordonn.
, art. 5 , )
non pas mot à m ot, car cela seroit généralement impossible, mais
en substance, et sauf la rédaction du notaire, qui doit le rédiger
en termes usités et coulans. ( Ja cq u et, sur T o u r., art. $ 2 2 ,
11 1 o ).
> Par la seconde, la loi veut dire que chaque disposition ou clause
de l’acte s’écrive à mesure qu’elle est prononcée , et avant que
Ton passe à une autre, ( Ordonn. i r/ 5 5 , art. ; ) de telle sorte
que le testateur ne prononce pas ses dispositions tout d’un trait et
en masse, mais attende la rédaction d’une première disposition
avant de passer à une seconde. L e testateur ne doit pas s'çn tenir
à déclarer .son intention au notaire ; il doit lu i dicter ses dispo
sitions l ’une après Vautre , à mesure qu’ il écrit. ( Jacquet, ibid. )
Elle veut dire encore que le notaire écrira de suite, sans influencer,
sans proposer au testateur aucun changement dans ses volontés.
C 'est ce qu’en d'autres termes on appelle, sans divertir à autres
a ctes, sans induction, etc. ( Ordonn. 1^55 e t c . , etc. )
5
E n un m ot, la loi prescrit, et que le testateur prononce luimôme, et qu'il le fasse sans désordre, sans précipitation, sans in
terruption, sans influence. Aussi après avoir dit que l’acte est dicté
p a rle testateur et écrit par le notaire , elle ajoute à l ’instant qu’il
est écrit tel qu’il est dicté : addition qui n’est pas oiseuse sans
doute.
Or , ce même article 973 ordonne rigoureusement qu’il soit fa it
mention expresse de toutes les formalités y énoncées, et l'article
1001 prononce la nullité absolue pour toute omission de formes
testamentaires. Donc l’omission de la mention expresse que le tes
tament ait été écrit tel qu’il a été dicté ou prononcé, le rend essen
tiellement nul.
E t certes le notaire a eu scs vues en omettant cette mention ; il
a craint l’inscription en faux. En e ffet, le testament a été d icté,
mais par un simple oui. L e notaire a donc pu attester absolument
avoir écrit l’acte sous la dictée, puisqu'on dicte ses volontés mèmç
A 4
‘
�par un oui ; mois ¡1 n'a pu attester l ’avoir écrit tel qu'il a été dicté ,
puisque cela n’étoit point. L a loi a donc sagement prévu qu’écrire
l ’acte dicté, ou l’écrire tel qu’il est dicté, ne sont pas la même
chose.
L ’adversaire, pour réfuter ce moyen , répond que la mention
dont il s’agit, est assez exprimée par ces mots du préambule de
Yac\.c,avoiis écrit sous sa dictée, le tout de mot à mot, et ainsi
qu’il suit; lesquels termes, d it-il, sont encore corroborés par ceuxci qui ensuivent les dispositions. Ce fu t ainsi fa it , dicté et pro
noncé, etc.
M*ais premièrement, la mention insérée dans le préambule est
prématurée , prépostère : elle est donc nulle. ( V. le principe ”. )
Cette nullité se prouve, et par la seule raison et par la lo i, et par la
jurisprudence. Par la raison, puisqu’on n’a pu attester d’abord avec
Yérité ce qui n’existoit point encore, ni valider ensuite cette attes
tation par une approbation subséquente. ( V. le principe 4". ) Par
la loi, puisque la loi déclare nulle la mention de signature, pour le
seul manque d’être à sa place , qui est à la fin de l ’acte. ( l.o i du no
tariat, art. i etG ). Par la jurisprudence, puisque toujours on a
cru insuffisante pour constater les signatures, cette expression
5
4
8
qui est en tète de tous les actes : Pardeva.nl les notaires et témoins
soussignés.
Cette jurisprudence dfe ne point admettre de mention anticipée
dans un testament, fut jadis solennellement consacrée par un arrêt
du i mars 16 6 4 , cité par Basnage, et rendu sur sa plaidoierie.
Voici comme il rend compte de l’espèce.
« S u r l’appel, je remontrai à la cou r. . . Quant à la form e, que
» la nullité en éloit apparente. On avoit commencé ce testament
)) par où il devoit finir; on avoit employé qu’il avoit été lu au tes» tateur et signé de lu i, avant même qu’on eût commencé de l ’é» crire. O r, il étoit impossible qu’on lui eut fait lecture, et qu’il eût
» signé un testament qu’on n’avoit pas encore commencé de rédiger
» par écrit. Pour excuser une nullité si grossière et si palpable, on
y> tàchoit de persuader que l'on n’avoit mis ces paroles au haut du
3
�(9)
» testament qu’après avoir été écrit ; mais l’inspection de l’original
» faisoit connoltre qu’il avoit été écrit tout d ’une suite, qu’on l’a» voit véritablement commencé de cette m anière, et qu’on n ’y
» avoit point laissé de place en blan c, pour y ajouter les clauses
« ci-dessus, e t c ... . Il n’en est pas des testamens comme des cou» trats. Dans ces derniers, la seule volonté des contractans leur
h donne l’être , elle en fait toute l’essence et la force ; et c’est pour» quoi un contrat qui seroit conçu en la même manière que ce tes» tament seroit valable. 11 n ’y auroit point d’absurdité pour avoir
» dit que les parties ont signé et contracté de la manière qui en» suit, » (Basnage , cout. de Norm. A rt. 4 12 ) .
Il faut donc que toute mention dans un testament soit posté
rieure au fait qu’elle atteste, à peine de nullité; que si la mention
qu’on a signe', quoiqu’antérieure au fait de la signature, ne laisse
pas d’être valide, pourvu qu’elle se trouve à la fin de l’acte, c’est
qu’il seroit impossible de la faire autrement. D ’ailleurs, elle tou
che de si près au fait attesté, qu’il n’y a pas d’inconvénient à crain
dre de ce léger renversement.
Secondement, et quant à l’efficacité des m ots, ce fu t ain sifa it ,
dicte' et prononcé, etc., il faut dire que toute mention expresse,
exigée par la loi, ne se présume point d’après le contexte général de
l’acte, et doit s’exprimer en termes, ou form els, ou identiques.
( Arrêt de cassation, du 19 frimaire an 14. ) O r, le sens des mots
que nous discutons est vague et général ; il ne prouveroit qu’à l ’aide
de la contexlure générale de l’acte le point contesté; il n’a rien de
précis à cet égard. Ces mots attestent bien que le testateur a dicté
ce que le notaire a écrit ; mais non que le notaire l’ait écrit tel
qu’on l’a dicté; ni que le testateur n’ait pas dicté par le simple mo
nosyllabe o u i , et sur l’interrogat d 'autrui, etc., etc. En un m ot,
celte clause remplit la première partie du vœu de la loi ; elle atteste
la dictée : mais non la seconde partie, qui est d’attester l'exactitude
de la rédaction. Ajoutons qu’il ne suffit pas que le sens qu'on veut
y trouver pût y convenir; il faudroit qu’il fût évident et irrésisti
ble; il faudroit, selon la pensée de M erlin, ( arrêt de cassation ,
A
5
�4**
iifi
5
(
10
io thermidor an i , ) qu'on pût y baser une condam nation de
fa u x , dans le cas où l’on prouvât quelque différence entre la ré
daction et la véritable et première dictée: o r , ici le notaire se défendroit victorieusement du fau x en observant qu’il atteste bien que
l ’acte lui a été dicté, mais non pas qu’il ait été écrit tel qu’ il a été
dicté ; n i , par exem ple, qu’il n ’ait pas été dicté par un simple oui.
E n un m o t , écrire sous la dictée , n’équivaut pas à , écrire e x a c
sous la dictée.
5° L,e testament ne constate pas qu’il ait été signé par le no
taire en présence des témoins, et par les uns et les autres en
présence du testateur. L ’art. 9 7 1 du Gode Napoléon est form el à
tem en t
cet égard, puisqu’il exige que le testament soit reçu par le notaire
en présence des témoins , et que la réception consiste principale
m ent dans la signature : car l’ acte avant la signature n ’est qu’un
projet inutile.
E t c’étoit également la disposition fo rm e lle , soit des lois ro
m ain es, ( leg. 9 , leg. 12 , cod. de testamentis , ) soit des ordon
nances, ( Ordonn. de 1 7 3 5 , art. ......... S e r a s i g n é d e s u i t e e t
5
SANS
D IV ERTIR
, C tC . )
O r , tout testament doit contenir la preuve des formalités que la
( Voy. ci-devant, principe ).
loi y prescrit.
4°.
3
Il ría pas été fa it uno c o n te x t u . En e ffe t , un ou deux
des témoins n'ont pu y vaquer sans interruption, depuis le com
mencement jusqu’à la fin, puisqu’ils ont été vus hors de la m aison,
livres à d'autres occupations, entre l’époque du commencement
et celle de la clôture du testament. O r , nous laissons à penser si
un testament se compose ainsi de pièces d ’assemblage. ( V , Basnage ,
ibid.
) L ’article 97G
du Code N apoléon, fournit un argument pé-
rem ptoire, que l'esprit de celte loi n’a pas été d ’abolir à cet égard
la sage disposition de l’ordonnance de 1 7 3 5 , art.
, qui n ’étoit
5
elle-même que la répétition des lois plus anciennes.
5°.
Il n a pas été lu en entier. C erte s, la lecture a précédé la
mention de la déclaration du testateur, de ne pouvoir signer : donc,
cotte mention n ’a pas été lue : donc ; le testament n'a pas été lu tout
entier.
�(
11
4z I
)
O r, le Code Napoléon, art. 9 72, prescrit disertemenl la lecture
du testament entier : car après avoir réglé par qui le testament sera
dicté, écrit et reçu , ( ce qui assurément embrasse la confection
entière de l’acte, ) il ajoute qu’il doit en être donné lecture au tes
tateur. L a loi nepouvoit marquer plus clairement, qu’elle entend
parler de la lecture de tout l’acte entier. En quoi elle se conforme
aux lois antérieures. ( Voy. Ordonn. i'JùSj art. . ........S e r a f a i t
5
L E C T U R E DU T E S T A M E N T E N T I E R ) .
E t en e ffet, quel est le but de cette lecture , si ce n’est de pré
venir les méprises ou les fraudes, et d’assurer de plus en plus la
véracité de l’acte. O r, à cet égard , la déclaration de ne pouvoir
signer, est une partie des plus essentielles du testament, puisqu’elle
prouve, et que le testateur a persisté dans son intention jusqu’à la
fin , et que son esprit a toujours conservé le sens et la raison. Aussi
faut-il que le testateur le déclare de sa bouche, et en précise la
cause. ( Code Napol. 975 ; Répertoire de jurisprudence, S i g n a
t u r e , § 2 . ) Aussi la loi attache-t-elle une extrême rigueur à l’ob
servation de celte formalité. ( V. Code Napoléon , 9 7 5 , 1001 ; loi
du notariat, art. i/j. et 68 ).
P o u r ébranler ce m o yen , on a prétendu que la nécessité de la lec
ture ne concerne que les dispositions, et non les form alités de l’acte;
q u ’autrement l a loi e x i g e r o i t l ’ i m p o s s i b l e , si e l l e exigeoit la lecture
de l à totalité du testam en t, puisqu’il est bien impossible de donner
lecture de la mention m êm e qui constate celle le ctu re ; à moins
d’ adm ettre la validité des mentions anticipées, que nous soutenons
être nulles.
M ais la réponse est facile ; et d’abord il est étonnanl qu’on veuille
particulariser la disposition des lois , lorsqu’elle n ’est pas seulement
générale , mais qu’elle ordonne en termes formels la lecture entière
du testament : Sera fait lecture du testament entier. Si la loi n’eût
parlé que des dispositions, le mot entier eût été plus qu’inutile.
E t d’ailleurs, il y auroit de la bizarrerie et du caprice d’exiger la
lecture d’une partie de l’acte, et non de l’autre partie, qui n ’est ni
moins délicate, ni moins importante.
�Quant à la prétendue im possibilité, à l’égard de la mention de
lecture, elle est chimérique, même dans notre systèm e, puisque
nous admettons l’efficacité d’une mention prepostere, sous deux
conditions ; savo ir, qu’ il soit impossible de faire cette mention
d’autre m anière, et que le fait mentionné suive de près la men
tion. M ais y eût-il impossibilité de mentionner la lecture de cette
mention de lecture, il ne s’ensuit pas que, ni cette mention, ni
au moins les autres mentions de formalités ne doivent pas être
lues. Il faudroit avoir une singulière logique pour tirer pareille con
séquence.
6°. Un des témoins est légataire. Ce témoin est le curé. L e
legs est deux annuels de messes à célébrer dans l’an du décès; l'un ,
pour l’âme du défunt ; l’autre, pour celle de sa défunte épouse. Nonseulement l’intention évidente du défunt a été que ce legs échût, au
tant que possible, au curé, son directeur, son pasteur et son am i;
mais par le fait le curé en a réellement profité, en célébrant plu
sieurs de ces messes.
Il est vrai que le curé n’est pas nominativement appelé à ce legs,
et que la d i s p o s i t i o n porte même que les messes seront d i t e s dans
telles églises qu’il plaira au légataire général de choisir : d ’où l’ad
versaire n’a pas manqué de vouloir induire que le curé n 'y est point
compris et n’est point légataire.
Mais d’abord un mot suffit pour démontrer la futilité de cette
induction. Ce m o t, nous l’avons déjà dit : c’est que réellement le
curé a pris sa part du legs et célébré plusieurs messes. Il ne s’agit
plus de disputer s’il y a des présomptions, lorsqu’on a en preuve
le fait lui-même qu’on cherchoit à prouver.
E t ensuite rappelons, d'un côté, que les deux annuels dévoient
être célébrés dans l’année du décès; et observons, d’autre côté ,
que le curé, témoin , étoit le seul prêtre exerçant dans la paroisse;
ce qui le m eltoil alors dans l’impossibilitc évidente de célébrer tou
tes ces messes; ou même il pouvoit arriver que, empêché par ses
autres devoirs curiaux , il n’en célébrAt aucune. Il falloit donc, ou
que le défunt permît indéfiniment de les faire dire ailleurs, ou que
�^ 2 .2
C 13 )
Théritler fût exposé à faire venir à Lastiq des célébrans étrangers:
car lorsque, dans un legs de prières ou d’aumônes, le l i e u est in
déterminé, la loi veut qu’elles se fassent dans la paroisse. {Leg.
26, Cod. lib. 1 , tit. 2 , de Sacrosanct. eccles-; leg. [), §. 3 ,
7 , Cod. lib. 1 , tit. , de episcopis ; Novell. i i , cap. IX . ).
■L’intention du pieux testateur n’a donc pas été d’ôter à ses enfans
la consolation d’assister aux messes qu’il ordonnoit' pour sa mé
moire , en les faisant célébrer ailleurs sans m otif, mais de faciliter
et alléger l’exécution de sa volonté.
'Enfin il y a plus, et quand le testateur n’eût pas eu plus de pré
férence pour son curé ou son église paroissiale , que pour aucune
autre, toujours est-il que le curé a été autant appelé que tout autre;
qu’il étoit dans le nombre de ceux en Ire qui l’héritier a du choisir ( 1 ) ;
qu’en un. m ot, il a été au moins légataire conditionnel : toujours
est-il que le curé avoif. rspoin do profiter directement du legs, et
qu’on a violé cette règle éternelle : Ç W nul r.e'soit témoin en af
3
3
4
faire ou il a intérêt. ( Voyez Co'quille, sur l’ordonnance de B lois ,
art. 65 ; et Domat, des rF estaniens, ’tit. 1 , sect. 3 , n 9. )
E t certes si le testateur eut légué une somme à celui des liabitans
du village qu’ il plairoit à l'héritier de choisir, assurément tous ces
habitons devenoient incapables d'être t é m o i n s ; et cependant ilseussent eu moins d'espoir que le curé, qui étoit le pasteur, et qui
n’avoit ù concourir qu’avec cinq ou six prêtres voisins; car natu
rellement on ne va pas distribuer des messes dans le lointain; or
c ’est par la pratique naturelle et commune que s’interprètent les
volontés. ( Code Napol. i i G. )
INoiis ne pouvons nous empêcher de rappeler ici un arrêt de la
cour de Cordeaux, du i4 juillet 18 0 7 , qui est entièrement dans
les principes que nous invoquons. Marie Moreau, testatrice, charge
l’institué de donner et payer dans les huit jours de son décès, au
5
( 1) Pour soutenir que le curé n'est pas légataire, parce qu'il eût dépendu de>
l'héritier de le fru strer, ilfaudroit mettre en principe que le droit d’élire dé
fé r é à autrui par le testateur efface la qualité do légataire, héritier, etc.
/*«*,
�prêtre qui exercera dans la commune de N ie u il, la somme de
160 J r . , pour être employée en prières pour le repos de son âme.
Un des témoins étoit desservant à Nieuil. L a cour a annullé le tes
tam ent, sur Je m otif que, pour répuîer une personne légataire, il
n’est pas nécessaire que le legs lui soit fait nommément, et que la
loi n’exclut pas moins le légataire éventuel que le pur et simple.
A u reste, nous ne pensons pas que ce soit sérieusement qu'on a
osé nous objecter que des sommes pour messes ne sauroient être la
matière d’un legs , et qu’on en donne pour m otif que ce ne soit
qu’un salaire compensatif de l’acte de célébration. L a fausseté d’une
telle objection est trop grossière. En e ffe t, qui ignore qu’un prêtre
qui ne célébreroit qu’en vue de la rétribution seroit un horrible
profanateur ! A insi, que la messe doive ou non être payée, le prêtre
n ’est pas ni plus ni moins dispensé ou tenu d’aller à l’autel. L ’hono
raire n’a pour objet que de l’obliger à appliquer le principal mérite
du sacrifice à celui qui paye. C ’est donc un pur d o n , un pur bien
fait qui n'aggrave en rien les fonctions du célébrant.
Mais , au surplus, quand un pareil legs ne seroit pas gratuit ,
mais onéreux, comme le sont tous autres legs de prières , que nous
importe? L a loi n ’atteint pas moins les dispositions onéreuses que les
gratuites ( i) ; elle est générale; elle exclut tous légataires, à quelque
titre qu’ils le soient. ( 975 ).
H é ! si le testateur eut ainsi donné en messes la majeure partie
de sa fortune, et n’eût point fait de préciput à l’adversaire, assu
rément celui-ci changcroit bien de langage, et ne regarderoit pas le
curé comme témoin valable, ou la disposition comme non réduc
tible.
7*. Un autre témoin étoit serviteur du testateur, et m êm e, en
quelque façon , du légataire du. quart. C ’est Jacques C halvet, qui
( 1) Tout le monde sait qu'on peut fa ir e la matière d ’un legs de ce qui est
censé purement onéreux, et même déjà du au légataire ; comme, léguer ù un
ouvrier la confection d'un ouvrage, à un créancier la somme qu’on lui doit : il
est inutile de citer des autorités.
�(
>5
)
m angeoit, b u vo it, habitoit et couchoit dans la maison avec les
autres domestiques, partageant avec eux les travaux d ’exploitation
du domaine, et cela sous la direction de l’adversaire : et ce n’étoit
point par circonstance; car telle a toujours été, telle est encore sa
profession notoire, de gagner sa vie à la journée, à faucher, mois
sonner , battre , labourer, ou raccommoder les instrumens d’agri
culture. Il n ’habite chez lui que dans le manque d'emploi. Il étoit
un des journaliers habitués et affidés chez le testateur, et à l’époque
même du testament il y a passé presque l'été ; il y a fauché ,
b attu , etc. O r, la loi du notariat irroge en termes formels la nul
lité d'un tel témoignage, art. 14 et
.
**
On a cherché à éluder ce moyen par deux évasions ; l'une, que la
loi ne s’entend point des serviteurs à la journée ; l’autre, que cette
loi a cessé pour les testamens ; puisque, dit-on , l’art. 975 du Code
N apoléon, faisant l ’énumération des qualités des témoins testa
mentaires, ne parle pas des serviteurs.
Quant au premier de ces deux subterfuges, on nous feroit plaisir
d'indiquer la preuve d’une telle assertion. E n attendant qu'on la
cherche, contentons-nous de dire que la loi est générale, et em
brasse tous les serviteurs, et surtout les vrais domestiques, tels
qu'étoit Chalvet. A in si, peu importe que le gage de Chalvet fû t, ou
à la journée, ou à plus long terme. 11 en est du serviteur comme du
clerc: mais assurément, à l’égard du c le rc , il suffit d’être scribe
actuel du notaire, et le terme ou le salaire ne font rien (1).
68
( 1 ) Nous avons dit que Chalvet étoit un v ra i domestique: précisons l'idée de
ce mot. Parmi ceux qui travaillent des mains, ceux (/ni s'appliquent à des occu~
palions libérales sont appelés artistes j mais ceux qui s'adonnent à des fonc
tions p m relevées, à des œuvres serviles, se nomment ouvriers ,
domestiques, etc.
serviteurs,
U n o u v r i e r , simplement d i t , est celui qui n’est nullement sous la dépen~
dance de celui qui le fait travailler. T e l est le menuisier à qui je commande
xme table, un coffre , etc. qu’il fabrique à volonté dans sa boutique, sans que
je puisse gêner ni inspecter l\emploi de son temps ou la célérité du travail. E n
�(
16
)
Quant au second subterfuge, il est faux que l’article 975 fasse l'énumdration complète des qualités des témoins , puisque l'article
un m ot, c’est celui qui prom et, non des œuvres ( opéras ) , mais un ouvrage
( opus ).
U n s e r v i t e u r , est celui à qui l’on a droit de commander, et qui est comp
table de tous les momens de sa journée, ou autre temps convenu, soit que l'on
fix e ce temps à un terme connu, soit qu’on le limite à tel ou tel travail, soit
qu’on en laisse la durée à la discrétion de quelqu'une des parties. De ce genre
sont les faucheurs, moissonneurs , vendangeurs, etç. quand morne ils travaille
raient à p rix fa it ; car le p rix fa it n’ote pas l'inspection.
Un d o m estiq u e , est un serviteur qui est mis au nombre des gens du mé
nage , c'est-à-dire, qui habite, boit et ’m ange avec e u x , quel que soit du reste
le terme ou le genre cCœuvre servile dont on est convenu. V oilà des notions
qui nous semblent exactes.
Aussi nos lois et nos auteurs n'ont eu garde de restreindre les mots de ser
viteur ou domestiquo à ceux qui .se louent à l’année, pas plus qu’à tel ou tel
genre d'œuvres serviles.
. « L es serviteurs qui ont accoutumé se louer à temps « certain p r ix > servi» ront'l’art en tier, s i, etc.......... Pareillement ceux qui seront loués pour un
» ouvrage, qtc. ( Ordonn. iSGy , 15 7 7 )•
» On
ri admet guère les dépositions des serviteurs
, surtout
lorsqu'ils sont
i> aussi domestiques, c'est-à-dire, lorsqu'ils logent chez nous, etc.... » ( l ’othier,
procédure civile )
Item merccnarii et commensales rcpelluntur à lestim onio, etc.... ( M a zuer,
de testibus, n° 8 , etc. )
Qui conventâ mcrcedo alicui opéras suas lo cû ru n t, quos quandôque laborato re s , quandûque salariatos appeliam u s...........à testimonio repellu n tu r. . . .
( Farinacius, quæst.
, n° 14 ).
55
Aussi pareillement, et de tout temps, on s’est arrêté au fa it de l ’habitation
et nourriture pour déterminer si un vol est domestique , suivant celte loi ro
maine :D om cstica furta vocantur, fjuæ servi dominis v c l . . . . merccnarii upud
quos degunt, subripiunt. ( Lcg. 1 1 , § 1 , ff. lib. 48 , tit. jg , do pœnis ). E t
suivant ce passage îles établissemens de S . Louis : « Hom , quand il emble à
» son saignour, et il est à son pain et à son v in , il ett pendable. *
Aussi enfin la loi du 3.4 brumaire an G , réputant complice de désertion qui
conque se trouve avoir admis chez s o i , pour serviteur à gngos , un déserteur
qu'il n'a pas préalablement présenté au maire; la cour de cassation a prononcé
y ue cette loi entend p a r serviteur même le simple journalier. ( A r r ê t do cas
sation, du 18 juillet 180Î), etc. )
�( ll )
980 en ajoute plusieurs autres. C 'est donc le cas d’observer combien
sont périlleux les argumens négatifs.
E t certes, outre que la loi du notariat, discutée durant cinq ou
six ans, et émise en même temps que cel'edes testamens , ne sera
pas facilement présumée abolie par celle dernière, il s’ensuivroit
de trop grandes absurdités de cette abolition : il s ’ensuivroit que
les clercs du notaire étant incapables , ses domestiques les plus ab
jects ne le seroient pas; qu'on seroit dispensé d’exprimer les nom s,
qualités et demeures des témoins testamentaires ; que le notaire
pourroit recevoir un testament hors de son ressort, avec scs pro
ches, pour ses proches, pour son intérêt, sans connoitre le testa
teur , etc., etc., puisque rien de tout cela n’a été réglé par la loi
des testamens. On est donc forcé d ’avouer que la loi du notariat
n ’a point perdu sa vigueur. ( V. Grenier , Traité des donations
et testamens , tom. 2 , page
et 47 ).
Aussi le Code Napoléon n ’abolit-il que les lois rom aines, les
ordonnances, les coutumes, etc., mais non les lois nouvelles. ( L o i
sur la réunion des lois civ. en un seul corps , art. 7 ).
L a nullité du testament ainsi débattue et démontrée, nous ne
ferons que glisser sur les autres chefs ; ils seront suffisamment dé
veloppés par la plaidoirie.
Il s’agit donc de savoir de plus dans cette cause, si l'intim é a pu
impunément dévaster les bois de haute futaie, encore qu’il l’ait
fait du vivant, mais à l’insçu du père; et s’il n'est pas tenu de rap
porter les prix des ventes qu’il en a faites , et qui dans tous les cas
seroient un moyen d’excéder le quart disponible. ( V . Code Nap.
829, 843,
1 , 8 52,
,
).
11 s’agit de savoir s i , sous prétexte de gestion confidentielle, l ’in
timé a pu, du vivant du père, s’approprier tout l’actif du produit
des biens, et laisser en arriéré tout le passif, même les gages des
domestiques; s’il doit en êlrecru à sa simple parole, quand il dit
ne rien retenir de celle geslion ; ou bien , au contraire, s’il est tenu
85
853 854
�à rendre com pte, surtout quand on lui prouveroit n ’en avoir ja
mais rendu au père commun.
Il s’agit d e savoir, si l’intimé peut s’approprier, soit la toison,
soit le prix du troupeau de moutons qui garnissoit le domaine de
L a s tiq au décès, et qui n’a été livré à l’acheteur et payé que de
puis le décès; si l’intimé n’a besoin d’autre titre que de dire l’avoir
acheté, quand il l’a fait durant sa gestion , quand de tout temps il
y a eu un troupeau dans ce domaine, quand enfin l’on peut lui
prouver qu’il l’avoit payé avec du blé de la récolte, et n ’avoit
d’ailleurs jamais fait aucun commerce personnel.
Il s’agit d e savoir, si l’intimé rapportera, soit les récoltes, soit
divers autres objets, qui étoient sous la sauve-garde du procès-verbal
de mise de scellés, et dont il s’est emparé sans compte ni mesure,
par voie de fait ; 0u s’il en sera quitte en disant en avoir eu besoin
pour les dépenses de la succession, desquelles il ne justifie pas, et
n ’a jamais été chargé, ni volontairement, ni p a r les formes coactives légales.
II s’agit de savoir, s’il ne sera point privé de prendre part dans
tout ce qu’il a recelé ou tenté de recéler et soustraire, soit en dégui
sant , soit en niant, soit en revendiquant ce qui ne lui appartient pas.
Il s'agit de savoir, si la succession maternelle, ouverte ab intes
tat, et consistant en reprises contre la paternelle, se compose de
trente ou de quarante mille francs.
IL s’agit de savoir, si trois des cohéritiers, à qui l'intimé refuse
le nécessaire , doivent obtenir une provision qui n’est contestée
que par le seul intimé.
E n fin , il s’agit de savoir, si l'intimé ne doit pas supporter les
dépens et dommages-intérèts qu'il occasionne par sa mauvaise foi
révoltante.
F O L C I M A G N E - V t , juge crim.
époux de Fleurie V ayron.
A C L E R M O N T, de l'imprimerie do L an d r io t , Imprimeur de la Préfecture,
rue Saint-Genès.
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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Description
An account of the resource
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Veyron, Gilbert. 1808?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Falcimagne
Subject
The topic of the resource
nullité du testament
captation d'héritage
doctrine
testaments
abus de faiblesse
Description
An account of the resource
Titre complet : Notice des principaux moyens d'appel, pour les sieurs et dames et demoiselles Gilbert, François, Louise, Fleurie, Marie et autre Marie Vayron ; Laurent Grenier , époux de ladite Louise ; et François Falcimagne-Vaillant, époux de ladite Fleurie, appelans ; Contre le sieur Balthazard Vayron, leur frère et beau-frère, intimé.
Particularités : notation manuscrite : 27 juillet 1808, 1ére chambre, arrêt statue sur toutes les difficultés
Table Godemel : Testament : 8. testament attaqué 1° pour captation et suggestion ; 2° défaut de mention précise que le testament été écrit tel qu’il a été dicté ; 3° ne constate pas qu’il ait été signé par le notaire en présence des témoins, et par les uns et par les autres, en présence du testateur ; 4° n’a pas été fait uno contextu ; 5° n’a pas été lu en entier ; 6° un des témoins est légataire ; 7° un autre témoin est serviteur.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Clermont)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1808
1805-1808
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
18 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1716
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Saturnin (63396)
Rights
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Domaine public
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