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94115787ebf16e3280da8fc1fba77413
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Text
PRÉCIS
EN RÉPONSE,
POUR
Sieur
H
e n r i
-L o u is-
G
uy
DELOLM E
LA
L A U B I E , docteur en médecine, intimé;
CONTRE
D a me M a r g u e r i t e
DE
veuve de M . H e n ri-L o u is
force,
CH AZELLES ,
D e l o l m e d e L a.-
appelante.
L E sieur la Laubie ne devoit pas s’attendre à être
accusé d’avidité.
I l ne se croyoit pas davantage co u p a b le d’ingratitude
et d’un esprit de tracasserie.
i l n’a eu en sa vie que deux procès. L e premier lui
�lo i
Ÿ4
( 2 )
fut intenté par sa belle-sœur. Des demandes déraison
nables et exagérées l’auroient autorisé à le soutenir en
justice réglée : il lit tous ses efforts pour en éviter l’éclat,
et l’étouifer par des sacrifices.
Il proposa l’arbitrage de M . Guitard , substitut de
M . le procureur impérial, ami de son frère, dépositaire
de son testament, et de ses dernières intentions, q u i ,
à ce titre , lui paroissoit désigné à l’un et à l’autre comme
leur arbitre naturel : la dame Laforce s’y refusa.
Il proposa encore de soumettre ces difficultés, dans le'
silence du cabinet, à leurs juges naturels, s’ils vouloient
en avoir la complaisance; elle rejeta cette proposition.
Elle ne voulut d’arbitrage qu’autant que les médiateurs
seroient de son c h o ix ; elle indiqua jV'J. de Comblât;,
elle fit témoigner à M - la Laubie, par un de ses amis,
M . de la Condamine, qu’elle le désiroit pour second ar
bitre. L e sieur la Laubie les accepta avec empressement,
quoiqu’ils ne fussent gens d’affaires ni l’un ni l’autre,
parce qu’il préféroit encore une couciliation à un ar
bitrage réel..
C'est sous leurs auspices, et par leur médiation, que
fut fait le premier arrangement dont la dame Laforce
abuse aujourd’hui. Animés l’un et l’autre des meilleures
intentions, mais ne pouvant apprécier ni juger les droits
respectifs, ils ne virent qu’un b u t, celui de concilier
les parties sur les différens alors existans; et, pour y par^venir , ils n’aperçurent d’autre moyen que des sacri
fices : ils les obtinrent facilement du sieur la Laubie.
L ’ héritier du sieur Laforce ne se crut pas dès-lors
obligé d’exiger tout ce que la loi lui pcrmettoit de
4
�m .
.
*J>
demander. Plein de respect pour les désirs de son frère,
il se fit une espèce de devoir de ne pas exiger une cau
tion dans un moment où le besoin ne s’en faisoit pas
encore sentir; mais il n’en abdiqua pas plus le droit qu’il
n’en abandonna la faculté.
Malheureusement pour toutes les parties, le besoin de,
cette mesure ne tarda pas à se manifester. Une demande
toute naturelle, toute légitime, fut formée sans humeur,
et poursuivie sans animosité; elle a donné lieu à l’appel
qui est pendant en la Cou r, et aux reproches amers de
la dame Laforce. Bien sûr de ne les avoir jamais en
courus , le sieur la Laubie se félicite de ce qu’elle a publi é sa défense ; il ne demandoit rien tant que de mettre
au jour la conduite qu’il a tenue.
)
,
-
'
F A
I T S.
L e sieur la Laubie a toujoui’s habité la maison de son
frère , avec lequel il vivoit dans l’intimité ; il s’y est
m arié, et comptoit dès-lors se séparer de lu i; il avoit
déjà loué un appartement en ville ; son frère lui en
témoigna quelques regrets avec la plus grande délicatesse,
et il renonça à ce projet qu’il n’a voit conçu que par
égards.
L e sieur de Laforce avoit depuis son mai’iage un état
de maison considérable; il habitoit huit mois de l’année
à Aurillac et quatre mois h la Laubie. Ses deux habitations
étoient somptueusement meublées ; la fortune de son
épouse n’en étoit pas le principe : elle n'en étoit pas
�(41
<*
fa v o r isé e , comme elle le dit elle-même, puisque son père
n’en avoit aucune.
Son contrat de mariage, du 19 fructidor an 7, lui assuroit
un douaire de 1,200 francs, son logement dans la m aison
d’ A u r illa c , et l’usage de tout le bois nécessaire à son
chauffage, pris dans la cour de la maison.
Et comme son époux ne lui donnoit alors l’usufruit
d ’aucune quotité de son mobilier, le contrat ajoutoit que
le logement serait meublé de meubles m eublans, et
autres ^ nécessaires à son usage.
L e sieur de Laforce, n’ayant pas d’enfans, voulut
étendre les dispositions qu’il avoit faites au profit de sa
femme; il voulut en même temps disposer de sa fortune
et se donner un héritier. L e sieur la Laubie fut l’objet de
son choix. Plein de reconnoissance envers son frère, il ne
croit pas devoir à sa belle-sœur cette prérogative, ni etre
tenu par réciprocité d’abandonner à sa discrétion les pro
priétés qui lui ont été léguées.
Il faut rappeler ici quelques dispositions du testament.
T,e sieur de Laforce lègue d’abord à son épouse , « pour
9 lu i tenir lieu des 1,200 de pension, et du logem ent,
or q u 'il lu i avoit donnés par contrat de m ariage, la
0 jouissance de son domaine de la Laubie en tout son
c< entier, réserve comprise, sans en rien retenir ni ré« s e r v e r .. . composé de bûtimens, etc........., tel qu’il
a se trouvera lors de son décès, y compris les cheptels ;
a p lu s , il lui donne deux chevaux ou jurnens à son
« c h o ix , avec une voiture ou cabriolet, aussi à son
« ch o ix j voulaut que toutes les provisions de bouche, en
�« grains, vins, et ccetera, soient partagées entr’elle et
« son héritier. »
. Ni la désignation générale, ni l’énumération de ce qui
compose le domaine, ne comprennent le mobilier; et on
ne peut pas dire que ce soit ou b li, ou même une intention
évidente et inutile à exprim er; car le don taxatif des
cheptels, de deux chevaux et d’un cabriolet, qui faisoient
partie de ce mobilier, seroit exclusif du surplus, s’il n’y
avoit pas de disposition formelle dans la suite de l’acte.
Remarquons aussi que l’acte ne dit pas avec limitation
qu’on partagera les provisions de bouche seulem ent,
comme la dame Laforce sembleroit le donner à penser,
aux pages z 5 et 26 de son mémoire. L e testament lui
donne la jouissance du domaine, quelques meubles dé
signés , et dit qu’on partagera les provisions de bouche :
cela s’entend assez.
L e testateur continue :
« Elle aura de plus la jouissance à A u rilla c, de
t£ chambre, de la mienne, de celle qui est sur le jardin.
sa
«
«
«
«
«
«
«
«
............. Elle prendra les caisses d’orangers et vases
qu’elle jugera à propos vivant viduellem ent, elle
aura la jouissance de la moitié du mobilier, pour être
rendu, après son décès, en l’état où il se trouvera;
ledit legs franc et quitte de tous drois successifs ; et
il lui sera donné de suite, après mon d écès, une
somme de 1,200 francs, pour fournir à ses pressans
besoins. »
E u fin , le testateur prie ses frères d’avoir pour sa
femme toutes honnêtetés et complaisances, et de ne la
tracasser en rijen,
2
�Voilà l’intégralité de ce testament quant à la dame
Laforce; elle croit y voir tout à la fois un legs d’usu
fruit de tout le mobilier de la L a u b ic , et une dis
pense de donner caution; elle propose à la justice de le
décider ainsi, d’après l’intention présumée du testateur :
quoique connoissant bien elle-même cette intention, son
premier mouvement, exécuté avec réflexion, a été de
partager le mobilier , et d’offrir une caution qu’elle
n’a voit pas et qu’elle ne pou voit pas avoir.
L e sieur Laforce mourut le 14 juillet 1810 : trois jours
avant d’expirer, il dicta h M. Guitard, son ami, quel
ques lignes par lesquelles il exprime la volonté que son
épouse ait la grande voiture, la place pour trois che
vaux à l’écurie et pour la voiture dans la remise. Il dit
qu’il a fait écrire cette disposition par un ami, comptant
bien que son héritier ne fera pas difficulté de l’exécuter.
Il ne pouvoit pas se méprendre sur la fidélité de son
frère; il eût dicté de cette manière des dispositions con
sidérables, que son héritier les eût toutes religieusement
exécutées.
Un fait est essentiel h saisir aussi-bien que son époque.
L a première démarche des parties fut de partager le
mobilier ; elles en reconnurent l’une et l’autre la néces
sité. L e sieur la Laubie ne croit pas que son adversaire
désavoue que tout en reconnoissant-qu’elle ne devoit
avoir que la moitié du mobilier, elle témoigna l’envie
de beaucoup de meubles qui excédoient sa portion, et
que la condescendance de l’héritier l’amena h lui en céder
près des deux tiers, qu’elle a encore aujourd’hui eu sa
possession. Quoi qu’il en soit, l’époque de ce partage,
�et de' la délivrance réelle dii^mobilier.,. dont l’héritier
n’avoit aucune reconnoissance, ne fut ni celle de l’ai>
rangement, nivelle de l’inventaire, qui sont l’un et l’autre
de beaucoup postérieurs.
î
T r» p
L e sie u r la rLaubie.iavoit transporté à* Aurillac les
meubles avenus à son lot parmi ceux de la L a u b ie , et
il étoit fort éloigné de croire qu’on osât jamais le rede
mander comme une chose soustraite; néanmoins il y
fut bientôt exposé.
.
.
. r
- Il avoit payé-les 1,200 fr. dûs à sa belle-sœur ,j les
mémoires des'marchands d’Aurillac , le deuil des do-*
mestiques, et toutes les dépenses du moment. Il n’imaginoit pas que les pressons besoins de la dame Laforce
pussent avoir d’autre cause que ses habits de deuil ou
quelques dettes urgentes. Il étoit, il est v r a i d a n s l’er
reur; mais cette erreur étoit au moins pardonnable.
La dame Laforce réclamoit ses habits de d e u il, pour
lesquels elle demandoit modestement 6,000 francs. Elle
exigeoit de l’héritier qu’il courût chez tous les marchands
ët fournisseurs à qui elle avoit pu avoir affaire ; qu’il,
payât ayeuglément et indéfiniment toutes fo u rn itu res
à elle.faites avant le décès de son m ari, comme étant
des dettes de la succession , et qu’il lui rapportât leurg
mémoires acquittés.
'
'
,
Ce chapitre d’emprunts^ qui est souvent le fonds de
correspondance d’une femme du monde avec des mar
chands , est quelquefois dangereux pour un mari ; com
ment ne seroit-il pas effrayant pour un héritier qui n’en
connoît pus les bornes, surtout lorsqu’habitant A u rillac,
�(8)
il entend parler des marchandes de modes de Clermont
et de Paris ?
L e sieur la Laubie ne refusa pas de payer; mais il
exigea, qu’on lui fît connoître la nature et le montant
de ces1mémoires y 'et. certes rien n’étoit plus raisonnable.
Cela ne convint pas à la dame Laforce; elle prit les
voies judiciaires, et commença un procès par une ci
tation du i avril 1811.
Elle demanda, i° . 6,000 francs pour ses habits de
deuil. Rien 'n’étoit plus juste, quant au deuil en luimême : le sieur la Laubie étoit dans l’erreur en ne
croyant pas le devoir ; il a cessé de résister dès qu’on
lui a montré qu’il se trompoit. Mais la dame Laforce
se trompoit beaucoup plus' en exigeant 6,000 francs
pour sa personne seule, dès q u e , surtout, le deuil des
domestiques étoit payé.
20. Elle demanda le rapport des mémoires de four
nitures à elle faites par différons m archands, antérieu
rement au décès, avec l’acquit desdits marchands, no
tamment ceu* acquittés par M . de Sédage, à Clermont ;
30. Qu’il réintégrât les meubles et effets par lui en
levés du château de la Laubie, sinon à lui payer annuel
lement 300 francs pour l’usufruit desdits meubles;
4°. Qu’il convînt d’experts à l’effet de constater l’état
de tous les bâtimens Soumis à son usufruit ;
A u x offres que f a i t ta requérante de donner bonne
et solvable ca u tio n , à raison de son usufruit,
i Depuis neuf m ois, le sieur de Laforce étoit décédé ;
5
et sa veuve, connoissaut bico ses dispositions et scs in-r
�•. •
'
. C9)
tentions, voit dans la loi l’obligation de donner caution,
et ne trouve ni dans le testament, ni dans l’intention
de son m a r i, un seul mot qui l’en dispense.
Depuis neuf mois elle étoit v e u v e , et elle ne de
mande pas le partage du mobilier, même de celui d’A u rillac : donc elle en jouissoit déjà ; donc il étoit déjà par
tagé ; donc ce partage, cette délivrance de mobilier, et
cette convention qui lui étoit personnelle, n’étoient pas
à ses yeux une dispense de donner caution, comme elle
le prétend aujourd’hui.
Et certes , si elle eût pu s’en dispenser , elle n’eût
pas manqué de le faire; car elle convient elle-même,
page 21 de son mém oire, qiCelle étoit dans Pimpossibilité de fo u r n ir an cautionnem ent, et que c’est la
cause pour laquelle son mari Peu a dispensée j ce q u i,
d une part, est très-vrai en soi-même, et démontre, de
1 autre, la fausseté de l’imputation faite ailleurs au sieur
la Laubie , qu’il n’a pas demandé de caution dans le
principe, parce que le père de la dame Laforce auroit
1
pu ê tre , et qu’on vouloit lui ôter cette ressource. L a
dame de Laforce auroit-elle donc oublié déjà qu’elle et
ses sœurs n ont accepté la succession de leur père que
sous bénéfice d’inventaire?
>
Le sieur la Laubie comparut au bureau de paix; il
ne se crut pas permis de dire qu’il comparoissoit pour
obéir à la loi • il crut devoir aux circonstances quelques
explications de plus, et fournir par cela seul au juge de
P‘nx ^es moyens de remplir en entier son honorable
ministère. Il expliqua ses intentions, et donna les motifs
de sa conduite avec autant de franchise que de loyauté.
3
�Sa réponse est à peu près transcrite aux pages 7 et 8 du
précis de la dame Laforce. L ’intimé ne la rappellera
point ici; il lui suffit que son adversaire en ait rendu
compte. T o ut en se donnant le ton de jeter du ridicule
sur le sieur la L a u b ie , elle l’a par cela seul complète
ment justifié de ses propres imputations.
C ’est sur cette réclamation, peu considérable en ellemême, qu’a eu lieu l’arrangement des parties, par l’in
termédiaire de leurs amis communs, et non par l’eifet
d’aucune décision arbitrale.
Cette médiation kg pouvoit ‘a voir ni pour objet ni
pour résultat d’accorder les parties sur un différent
relatif au bail de caution ; car bien loin qu’il y eût
contestation entr’elles sur ce point, la dame Laforce
l’offroit, quoique, de son aveu , elle fût dans Vimpos
sibilité de la donner ; et le sieur la Laubie ne l’exigeoit
pas, quoique son droit fût incontestable. A in s i, à moins
d ’une acceptation de cette offre, ou d’une renonciation
formelle à son droit, il n’y a voit pas la moindre l’aisoil
pour qu’on s’en occupât dans l’acte d’arrangement du
I er. mai 1811 ; aussi n’en fut-il pas dit un seul mot.
Il faut cependant parler de cette convention, que la
dame Laforce dénature, au moins dans ses conséquences.
Il est dit en l’article 1e1'. que « Vinventaire du m obia lier et le partage f a it s k l’amiable entre les parties,
« demeurent définitifs......... il sera f a i t deux doubles
« de l’inventaire et du partage; ces doubles seront signés
« par les parties , et il en sera remis un à chacune
* d’elles, p ou r, par ladite dam e, être définitivement
r chargée de tout le m obilier compris dans son lot. »
�On le v o it, ce premier article, relatif au mobilier,
n’avoit pas plus de force que le partage qui en étoit
déjà fait ; seulement il devoit demeurer fait : mais tout
ne devoit être définitivement terminé que par la signa
ture des deux doubles de l’inventaire et du partage,
qui seuls fixant les droits des parties , et opérant la
délivrance légale, dévoient définitivement charger la,
veuve du mobilier compris dans son lot.
A coup sûr il n’y a pas là de dispense de donner
caution , puisque surtout, en signant les doubles, les
parties se sont réservé tous leurs droits ; ce qui d’ail
leurs étoit assez inutile, quant à la dispense de donner
caution.
Par l’article 2 , « le sieur Delolm s’oblige de faire
« porter annuellement à A urillac, dans la cour de la« dite dame, vingt charretées de bois à brûler, bon et
« de recette, qu’il pourra prendre, si bon lui semble,
k dans le domaine de la Laubie. »
Cette dernière faculté, dont le sieur la Laubie n’a pas
usé pendant ces deux années, lui devient désormais inu
tile, vu l ’état où la dame Laforce a mis les bois de ce
domaine depuis l ’arrangement.
Par l’article 3 , les parties donnent à M . Lasmoles ,
expert, le pouvoir de vérifier l’état des bâtiinens, et le
sieur la Laubie s'oblige à faire, sans délai, les répara
tions qui seront à sa charge.
• Par l’article 4 , les habits de deuil, et les sommes ré
clamées pour fournitures, sont fixés à 1,4^0 francs.
« E t au moyen de ce que dessus, ladite dame se re•t< conuoît satisfaite des avantages et legs à. elle faits par
�w
,
.
( 12 > .
« son défunt m ari, et renonce à toutes les demandes
« par elle form ées. »
Si le sieur Delolme, de sa port, eût fait une semblable
renonciation, on demanderont à quoi elle pourroit s’ap
pliquer.
;
Mais malgré une renonciation formelle de la dame
de Laforce à toutes ses demandes, elle n’exige pas que,'
par réciprocité, le sieur la Laubie renonce à quoi que
ce soit : la renonciation est taxativement restreinte à ellemême , et le sieur la Laubie reste dans tous ses droits.
Pourquoi cela?
Par cette raison toute simple, que le sieur la Laubie
¡ne demandoit rie n , qu’il n’exigeoit pas même le bail de
Caution qui lui étoit offert ; qu’ainsi il ne pouvoit et ne
devoit renoncer à rien.
>
E t pourquoi un silence affecté sur cette caution déjà
offerte ?
Parce q u e , tout en l’offrant comme suite forcée de sa
demande judiciaire , la veuve ctoit fort aise qu’on ne
l’exigeât pas;
Parce que la veuve n’ayant pas encore abusé de son
usufruit, au moins d’une manière ostensible et connue
de l’héritier, le sieur la Laubie se faisoit un devoir et
un point de délicatesse de ne pas prendre dès-lors une
mesure inutile pour lu i, et qu’il eût p u , en ce sens,
considérer lui-même comme une espèce de tracasserie7
ou , pour mieux dire, un manque de cette complaisance
que son frère lui avoit recommandée. Il en eût toujours
usé de m êm e, si la dame Laforce l’eût voulu.
Mais il ne s’interdit pas davantage de demander cette
�3
'
( i )
Caution lorsque le cas l’exigeroit, qu’il ne dispensa la
veuve de jo u ir en bon père de fa m ille , comme l’y oblige
l ’article 601 du Gode, et qu’il ne lui transmit, par son
silence, le ju s utendi et abutendi,• ce qui assurément
n’eût été que la même chose.
E n fin , comme nous l’avons d it, l’arrangement et la
délivrance furent définitivement consommés, le 17 oc
tobre , par la signature des doubles, lors desquels les
parties se réservèrent l’intégralité de leurs droits.
La dame.Laforce ne niera pas que, lors de cette signa
ture, le sieur la Laubie lui déclara formellement qu’il
se voyoit forcé à demander une caution. La connoissance
de quelques abus de jouissance, et la découverte d’ une
foule d’infidélités très-graves, commises dans les notes de
mobilier qui lui avoient été remises pour le partage, ne
lui permirent plus d ’hésiter.
Déjà la veuve commençoit à dévaster les bois. Quatrè
parcelles en composent toute l’étendue, et n’ont ensemble
que vin gt-d eu x septerées de quatre cents toises : cinq
ans de jouissance comme les deux- qui se sont écoulés,
en feroient disparoître la trace.
L e sieur la Laubie a su aussi que déjà le cheptel étoit
entamé, et que, par un bail à ferme nouvellement con
senti , l’usufruitière s’éloit réservé d’y porter de nou
velles atteintes.
Il a donc été forcé à la demande. Elle a pour objet,
i ° . L e bail de caution ;
, 20. L e règlement du droit de chauffage , propor
tionnellement à l’étendue et à l’état des bois du domaine.
Ce second chef étoit fondé,
i
4
�( * 4; )
i° . Sur ce qu’en fixant à vingt charretées la provision
d’Aurillac, les parties a voient pris pour base le temps
ordinaire de l’habitation, qui étoit de huit mois;
2°. Sur ce que n’ayant que l’usufruit des bois de la
Laubie, la veuve devoit en jouir sans les dégrader, et
comme le faisoit le propriétaire lui-même.
Devant le juge de paix , la dame Laforce répondit
qu’outre l’intention manifestée par le testament, il étoit
de principe, d’après l’article 6oi du Code Napoléon, que
celui qui veut exiger une caution de l’usufruitier, doit le
faire avant l’entrée en jouissance, et la clôture de l’in
ventaire.
Sur le second ch ef, elle dit qu’on ne pouvoitlui con
tester le droit d’habiter la Laubie autant de temps qu’il
lui çonviendroit, ni de prendre dans le domaine le bois
nécessaire à son chauffage pendant tout ce temps; et ne
trouvant pas cette autorisation dans le testament, elle
remonta jusqu’à son contrat de mariage: elle l’invoque
encore a u j o u r d ’ h u i .
C ’est ainsi que l’instance s’est engagée.
L e tribunal d’A u rillac, domicile môme des parties, a
jugé ces deux questions si simples, sur le texte même
de la loi.
Il a assujéti la veuve à donner caution; e t , dans le cas
où elle n’en trouveroit pas, il a appliqué la disposition
de l’article 603 du Code Napoléon; il a usé amplement
de la faculté que lui donne cet article, de laisser à l’usu
fruitier une partie des meubles nécessaires à son usage,
sous sa simple caution juratoire; il est allé plus loin,
et, outrepassant cette faculté; il a autorisé la dame de
�5
( i )
La fore à jouir par elle-m êm e, non-seulement de la
maison et jardin d’ Aurillac, maïs encore delà maison,
des jardins, du verger et de l’enclos, qui sont, hors les
bois, les objets les plus sujets à dégradation, et pour
lesquels la caution est le plus nécessaire.
Quant au second chef, il a fuit défense à madame
Laforce de couper, dans le domaine de la Laubie, aucun
arbre, ni autre bois, pour les porter c l A u r illa c ; l’a
autorisée seulement à user desdits bois pour son chaiifJage à la campagne, modérém ent, et de manière à en
tretenir les bois au même et semblable état qu’ils étoient
lors de l’ouverture de son usufruit; lequel état sera
constaté, si fait n’a é té , par Lasmoles, expert déjà con
venu entre les parties, pour dresser l’état des bâtimens
et autres immeubles sujets à l’usufruit ; lequel expert
donnera son avis sur la quantité d’arbres ou de c h a r
retées de bois que ladite dame pourra couper chaque
année dans lesdits b o is , sans les dégrader. •
>
Cette dernière disposition , entièrement conforme i\
3
l’article 600 du Code, maintient la dame de Laforce
dans la plénitude de son usufruit sur les bois seulement;
elle lui ordonne d’en user m odérém ent, et de n’en
prendre que la quantité qiielle pourra y couper chaque
a n n ée, sans les dégrader. C’étoient là-, en effet,.les
bornes naturelles et légales de son usufruit, ju s u te n d i'
' mais la dame de Laforce ne pouvoit pas en être satisfaite.;
elle croit avoir le droit d ’ a b u s e r : elle a interjeté appel.
Ces deux chefs font toute lu cause soumise à la déci
sion de lu Cour. Les premiers ju{?ps n’ont rien statué sur
la défense d’uü'ermer les prés, parce qu’il n’y en avoit pas
�C 16 )
de demande, le sieur la Laubie ne s’étant fait à cet égard
qu’une simple réserve, et la dame Laforce n’ayant pas
pris de conclusions de son chef.
La cause se réduit donc à deux points très-simples.
Après l’exposé du fait, le sieur la Laubie seroit assez
dispensé de rien ajouter : cependant il ne lui appartient
pas de juger les moyens de son adversaire; il va les par
courir et les réfuter,
P
r e m i è r e
q u e s t i o n
.
L a dame de Laforce est-elle obligée de donner
caution ?
O ù pourroit être le doute? Cette caution est, d’après
îa lo i, celle de jo u ir en bon père de fam ille. Par quel
acte la dame de Laforce a-t-elle été dispensée de cette
obligation sacrée ?
Elle en invoque deux : le testament, et l’arrangement
passé entre elle et le sieur la Lau bie, q u i, dit-elle, a
renoncé à la faculté que lui donnoit la loi.
Nous sommes donc réduits à l’examen d’une simple
question de fait. Ouvrons ces deux actes.
i° . L e testament.
L e testateur, qui pouvoit tout donner à sa veuve, a
voulu la réduire à un simple usufruit. On en convient.
Il ne l’a dispensée expressément, en aucun endroit,
de fournir la caution exigée par la loi. On en convient
encore.
; E t , sans autre discussion ? la conséquence naturelle de
�17
(
)
ces deux vérités de fait est que la caution peut être de
mandée , parce que le testateur a exprimé tout ce qu’i l .
vo u lo it, et qu’on ne peut suppléer à ses dispositions.
Les contrats sont de droit naturel , et cependant il faut
se renfermer dans leurs dispositions ; il n’est jamais per
mis d’y rien ajouter, même par induction; à plus forte
raison, cette règle doit-elle être strictement observée
pour le testament, qui est purement de droit civil.
Il faut, dit-on, consulter l’intention ; potiits voluntatem quàm verbet. Cela est v r a i , mais dans quel cas ?
La loi le dit dans la même phrase : in ambiguis ora
tionibus.
Si donc le testament, dans une de ses dispositions,
contenoit quelque chose d’obscur ou d’équivoque, il fau*
droit l’expliquer par l’intention la plus vraisemblable
du testateur, et la plus conforme à l’ensemble de ses
dispositions.
Mais, d’une part, la loi défend d’interpréter ce qui est
clair.
D ’un autre côté, le testament du sieur de Laforce n’a
rien de sujet à interprétation, et sa veuve ne propose
pas d’interpréter, mais de suppléer ; elle propose de créer
une disposition sur une intention présumée.
Q u’y a-t-il donc de si grave dans ce testament, pour
en induire forcément rinteution du testateur, que sa
veuve fut dispensée de donner caution ?
Eu le disséquant avec soin , la dame de Laforce n’a
pu y trouver que deux motifs de présomption ;
L ’un, que le mobilier ne doit être rendü par la suc
cession de sa veuve qu’eu l’état où il se trouvera •
5
�( i8 )
L ’autre , que le testateur prie ses frères d’avoir des
Complaisances pour sa fe m m e et de ne la tracasser' en
rien.
E t , suivant elle, en voilà assez pour ne pas douter de
Vintention j car son époux connoissoit Vimpossibilité où
elle étoit de donner caution , et il a voulu lu i éviter
ce désagrément. E t , en testament, prier c'est ordonner :
rogo seu jubeo.
S’il étoit vrai qu’au moment où le sieur de Laforce
écrivoit ces lignes, dans un testament olographe qu’il
faisoit avec méditation, il avoit la pensée que sa femme
pourroit être tracassée sur le bail de caution , il en sort
contre sa veuve la conséquence terrible que s’il n’en a pas
écrit la dispense, c’est qu’il ne l’a pas voulu.
N ’étoit-il pas plus simple, en effet, de le dire nettement,
que de chercher, pour exprimer sa pensée, des circon
locutions qui ne pouvoient pas la rendre ? Ce n’est pas une
omission ; le testament n’est pas fait dans un de ces der
niers inomens où la tête se perd , où les idées sont af
faiblies , et où la rédaction d’un testament se ressent
presque toujours de l’accablement du testateur; il est olo
graphe, écrit en 1807, trois ans avant sa m ort, par un
ancien magistrat qui connoissoit la valeur des termes.
Si donc en se réduisant à prier ses frères de ne pas
tracasser sa fem m e, il a eu en vue le bail de caution,
il faut convenir au moins qu’il a abandonné à leur dis
crétion l’usage de cette faculté.
Et lorsqu’il a dit que le mobilier seroit rendu en Vétat
où il se trouveroit, il a seulement exprimé une volonté
déjà écrite dans l’article 689 du Code, que l’usufruitier,
,
�(
*9
)
tenu seulement de cette obligation pour les meubles, est
cependant rigoureusement obligé de les rendre von dété
riorés par son dol ou par sa fa u te : ju s utendi et non
abutendi.
Et comme le bail de caution a précisément pour objet
de prévenir ce genre de dégradation, la conséquence
tirée par la dame de Laforce, de ces termes du testament,
est absolument fausse.
Et c’est ce qu’il faut dire aussi de sa citation : Nuîlam
lœsionem ex usu propcietati o ffert; car le législateur
ne présume de jouissance que celle qui est conforme
à la loi; celle-là seule ne préjudicie pas à la propriété;
et comme le bail de caution est précisément la garantie
qu’elle offre au propriétaire de ce mode de jouissance,
la vérité de cette citation ne peut être complète que par
suite du cautionnement.
11
n’37 a donc de la part du testateur, ni intention
exprimée, ni même présomption d’intention.
2°. L ’ arrangement.
La dame de Laforce prétend que par ce commence
ment de traité, qui ne doit être complet, qui 11e doit
charger définitivement la veuve du mobilier, qu’après
la signature de l’inventaire, le sieur la Laubie a renoncé
« la fa cu lté que lui donnoit la loi.
E t nous avons remarqué , en fait, que la dame de L a
force , renonçant expressément à toutes ses demandes
lors de ce traité, n’avoit pas exigé que le sieur la
Laubie renonçât à la moindre chose, au plus petit de
ses droits, se tenant fort satisfaite qu’il ne demandât pas
en ce moment le bail de caution, et ne se croyant pas
�0*1
( 20 )
en droit d’exiger de lui qu’il y renonçât pour l’avenir,
■Nous n’avons besoin d’aucune autre réponse ; car on
ne renonce pas, par son silence, à un droit positif et
dérivant de la loi, surtout à. un droit purement facul
tatif et^ conservatoire, comme celui dont il s’agit.
En matière de fins de non-recevoir, il faut bien dis
tinguer celle qui résulte d’un acte positif de la partie
à qui on l’oppose, de celle qu’on veut tirer seulement
de son silence. Dans cette dernière' espèce, la loi n’en
reconnoît d’autre que la présomption légale, produite
par la prescription.
L e silence même de trente ans ne p o u rro it, dans
notre cas, produire aucun effet, puisque le droit pure
ment facultatif dont il s’agit n’est pas sujet à prescrip
tion , et qu’il peut être exercé ou n égligé, au gré de
de celui à qui il appartient; qu’il ne peut cesser que
par l’effet d’une renonciation formelle : et on convient
qu’il n’en existe pas.
Ce moyen de droit est tellement certain, qu’on se
fait un devoir de n’y donner aucuu développement.
E t quant au fait en lui-même, les observations en
tremêlées plus haut dans le récit, démontrent avec évi
dence que jamais le sieur la |Laubie n’a entendu ni voulu
renoncer à son droit.
M ais, dit la dame Laforce, j’ai fait des sacrifices par
cet arrangement \ j’ai abandonne un mobilier considé
rable qui m’appartenoit par la volonté du testateur.
Quel sacrifice ! Mais ou est dans le testament ce legs
de tout le mobilier de la Laubie? Nous l’avons cher
ché soigneusement sans Yy trouver, L a dame de Laforce
«
�convient encore qu’ il n’y en a pas de disposition ^for
melle. M ais, d it - e lle , on ne donne pas la jouissance
d’une campagne, sans y comprendre le mobilier; et
si 011 ne trouye pas ce mobilier exprim é, il faut en
présumer l’intentioB.
A vec ces présomptions, nous aurions bientôt autant
de testamens divers qu’il y auroit de lignes dans l’acte ;
mais indépendamment de ce que l’intention présumée
ne fait pas une disposition, toutes les présomptions sont
contraires; car le testateur, pour que sa veuve ne soit
pas dans une maison démeublée, lui lègue la jouissance
de la moitié de son mobilier de toute espèce , qui étoit
fort considérable, sauf à elle à le distribuer à son gré
dans son appartement d’A u rilla c, et son habitation de
la Laubie.
Aussi la dame de liaforce remonte jusqu’à son contrat
de mariage, sans réfléchir que le legs lui est fait pour
lu i tenir lieu des 1,200 Jrcnics et du logement promis
au contrat; sans réfléchir aussi q u e , lors du contrat,
le sieur de Laforce avoit exprimé que ce logement sero;t
meublé, parce cju’il l’entendoit ainsi; qu e, par le testa
ment, il a exprimé que sa femme conserveroit la totalité
des cheptels, et prélèveroit quelques meubles désignés,
parce qu’ il le vouloi.t ; et qu’enfin, pour lui tenir lieu
.du logement m eublé, il lui lègue la jouissancp.de son
'habitation, et de la m oitié de son mobilier.
M ais, poursuit - e l le , je me suis contentée de vingt
charretées de bois pour huit mois d’habitation a Aur,illac,
c’est-à-dire, du dixièm e de ce qui vSètoit nécessaire ’
encore ai-je souffert qu’on le prît à la L a u b ie , où l ’hé-
6
�"^ 1
( 22 )
ritier n’avoit droit de rien prendre sans mon consente
ment.
Fort bien : dix fois vingt font deux, cents, pour huit
mois; les quatre derniers mois en exigeront cent autres;
en sorte que la modeste veuve ne compte brûler que
trois cents charretées de bois par an. L e sieur la Laubie
ne doit plus s’étonner que , pour le temps qu’elle a
resté à la Laubie pendant deux ans, elle ait déjà pres
que détruit la moitié de ceux qui sont attachés à cette
propriété; et il doit convenir aussi que les sacrifices de
la veuve sont énormes.
Q u’importe, au reste, qu’elle ait consenti que l’héri
tier pût les prendre à la Laubie ! O n avoit calculé que
cela seroit quelquefois possible, si les bois étoient bien
entretenus ; mais le sieur la Laubie a tellement peu en
tendu par là réduire à rien l’usufruit de la veuve, que
l ’état actuel des bois n’offrant pas le moyen de fournir
à l’un et à l’au tre, il n’en a pas usé.
« Enfin, dit-elle, j’ai m o d é r é à 1,400 fr . mon deuil
« et les fournitures antérieures au décès de mon mari :
'« pourquoi cette réduction, si ce n’est en considération
« de ce que le sieur la Laubie se départoit d’un cau« tionnement plus dangereux qu’utile, et qui pouvoit
« devenir embarrassant pour la veu ve? »
1 Une seule réflexion répond à cela : ou le deuil per
sonnel de la v e u v e, et les fournitures, n’cxcédoient pas
i,45o francs, et le sieur la Laubie s’est rendu justice en
les payant ; ou les mémoires et fournitures ctoient de
nature à ne pas être réclamés de l’héritier, et alors c’est
la veuve elle-même qui s’est rendu justice,
%
�^3
C
)
Mais comment tous ces abandons prétendus seroientils le prix de la renonciation de M . la Laubie, lorsque
cette renonciation n’a été ni faite, ni e x i g é e ? Quoi!
la dame liaforce, assistée d’un conseil assez difficile, a
fait des sacrifices immenses : la moitié du mobilier de la
L a u b ie , cent quatre-vingts charretées de b o is , des
sommes considérables qui lui étoient dues, elle n’a fait
tout cela que pour sc décharger d’un cautionnement
embarrassant pour elle ,* et la seule chose qu’elle ait
oubliée, c’est de stipuler cette renonciation! 11 est dif
ficile de né pas se révolter contre une proposition sem
blable.
L e jugement dont est appel est donc justifié en cc
chef.
Mais il renferme une contradiction qui viole la dis
position *tle la lo i, et le sieur la Laubie ne peut s’empê
cher d’en demander l’inflrnaation.
X/article 601 astreint l’usufruitier à donner caution
de jouir en bon pore de famille.
L ’article 602, prévoyant le cas où il ne trouvera point
de caution, veut que les immeubles soient mis à ferme
ou en séquestre;
•
‘ .
Que les sommes comprises dans l’usufruit soient pla
cées ; que les denrées soient vendues et que le prix en
soit placé; que les intérêts de ces s o m m e s appartiennent
à l’usufruitier.
oi- ^ ’si- ■o;»
1 L ’article 603 ajoute que, dans ce même cas,'les meu
bles qui dépérissent plir l’usage seront vendus, et que
le prix en sera aussi placé ¿ que cependant les juges
�( M )
pourront laisser à l’usufruitier, sous sa caution juratoire,.
une partie des meubles nécessaires à son usage.
. Cette dernière partie de l’article est une exception à
la règle générale posée par les articles 601 et 602; car,
sans e lle , tout ce qui est sujet à l’usufruit, immeubles
et meubles, devroit être affermé ou vendu ; ce n’est
que par une espèce d’égard qu’il est accordé à l’usufrui
tier une partie des meubles nécessaires à son usage,
sous sa caution juratoire. Cette exception confirme la
règle; et dès qu’elle a été bornée à une partie des
meubles nécessaires, il est évident que le reste de ce
qui est soumis à l’usufruit demeure soumis à cette règle:
d ’où il suit que tous les immeubles doivent nécessai
rement être affermés, et que le tribunal de première
instance a mal jugé eu distrayant de cette mise en ferme
la maison d’Aurillac, et l’enclos de la Laubie.
Pour la maison d’A urillac, M . Delolm ne veut pas
porter la sévérité des principes jusqu’à priver madame
de Laforce de cette habitation, parce q u e , demeurant
dons la même maison, il Bora à portée de surveiller
les abtis qu’elle pourroit commettre dans son usufruit.
Il n’en est pas de même à l’égard de l’enclos de la Laubie,
qu i, étant plus vaste, et composé de plusieurs bâtimensT
jardins et vergers, sont naturellement plus exposés à
desidégradations que M . Delolm ne seroit pas à même
de voir et de connoîlre.
L e -tribunal de première instance a bien senti qu’en
•ce point il s’écnrtoit du Code; car, dans scs motifs,
il a cherché ù icxcuser celle disposition , en disant que
�(
*5
)
plusieurs locataires qu’il faudrait mettre dans cet en-*
clos le dégraderaient beaucoup , et que d’ailleurs
dame de Laforce serait privée d’une habitation agréable
à la campagne.
Mais, en droit, des juges ne peuvent mettre leur opi
nion à la place de la lo i; en fait, il n’est pas exact de
dire qu’il faudra plusieurs locataires pour occuper l’en
clos, puisqu’il n’ est pas impossible d’en trouver un q u i
l ’occupe seul; il est même vraisemblable qu’il se trou
vera plusieurs enchérisseurs de cette espèce: et d’ailleurs,
fallût-il y mettre plusieurs locataires, la caution à laquelle
ils seront soumis sera une garantie contre les dégrada
tions. Mais il est de toute évidence qu’en laissant à la
dame de Laforce, sans caution , l’enclos de la Laubie,
par le motif supposé que plusieurs locataires y feraient
des dégradations , c’est autoriser la dame Laforce a y en
commettre impunément, et violer la loi q u i, pour les
éviter, ordonne la mise en ferme.
Tout ce qu’on peut opposer en faveur du jugement,
c’est de dire qu’en cas d’abus, on pourra priver la dame
de Laforce de l’usufruit de cet enclos , conformément
à l’article 618 ; mais il faut observer que cet article est
un dernier remède contre l’usufruitier qu i, malgré qu’ il
ait donné caution, abuse de l’usufruit, et contre l’usuiruitier qui est dispensé de la caution. I c i , au con
traire, il s’agit du ca6 où l’usufruitier n’en peut fournir.
La loi veut que l’immeuble soit affermé ; il faut donc
qu’il le soit ; et, certes, la dame de Laforce, par la maniéré
dont elle jo u it, ne mérite pas q u ’ o n crée une exception
pour elle ; car si clic ne veut fournir caution ,
c’est
7
�( ^6 )
pour dégrader à son aise; et si elle n’en peut trouver«,
ce ne peut Être qu’à cause du peu de confiance qu’on
a de son administration ; opinion qui n’est malheureu
sement que trop justifiée par les débuts de sa gestion.
. M . Delolm est donc fondé à demander en ce point
l’infirmation du jugement.
S
e c o n d e
q u e s t i o n
.
Madame Laforce peut-elle se plaindre de la
disposition qui Voblige , comme usufruitière 7
à user des bois modérément pour son chauf
fa g e à la campagne y et rien couper qu au
tant quelle pourra le fa ire sans dégrader.
L e jugement dont est appel lui fait défense d’y couper
aucun arbre pour porter du bois en ville, lui permet d’en
user modérément pour son chauffage à la campagne, de
manière à entretenir les bois en l’état où elle les a pris;
lequel état sera constaté par un expert, qui donnera
son avis sur la quantité de bois qu’elle pourra couper
chaque année sans dégrader.
La dame de Laforce est appelante de cette partie de
jugement, et ce ne peut etre qu’en ce qu’elle lui refuse
la liberté indéfinie de couper du bois ; mais ce système
est entièrement opposé au Gode. Les art. 690 et 591
disent que l’usufruit comprend les coupes de bois taillis
et de haute futaie, en suivant l’aménagement, ou ru sage constant des propriétaires.
�27
(
)
D ’après l’article Bgz , l’usufruitier lie peut, dans tous
les autres cas, toucher aux arbres de haute futaie; et,
suivant l’article 59 3, il peut prendre dans les bois des;
échalas ; il peut aussi prendre sur les arbres des pro
duits annuels ou périodiques, le tout suivant Vusage du
pays ou la coutume des propriétaires.
Cette dernière disposition renferme tout le droit que
peut avoir la dame de Laforce.
Il
n’y a jamais eu à la Laubie d’aménagement ni de
coupes réglées pour les bois et arbres du domaine; le
propriétaire y coupoit et y prenoit sur les ai’bres des
produits annuels pour le chauffage et l’exploitation , sui
vant l’usage du pays ; il sentoit la nécessité d’épargner
ces bois qui sont jeunes, de peu d'étendue, et insuffisans
pour tous les besoins du maître et du domaine : aussi
tiroit—il de ses autres biens tout son bois de chauffage;
ces bois ne fournissoient que de la ramée pour brûler,
et les arbres nécessaires à l’exploitation. C’est là tout ce
que peut exiger la dame de Laforce, d’après l’art. 593
du Code, d’après l’usage des propriétaires, et d’après
l’état actuel des bois.
Ils ne consistent qu’en vingt-deux septerées de quatre
cents toises, en quatre parcelles; deux sont déjà presque
rasées, les deux autres ne sont pas encore en état de
souffrir des coupes : il faudroit donc se renfermer stric
tement dans les bornes posées par l’article 593, et assujétir la dame de Laforce à ne couper des arbres de
haute futaie, que pour l’exploitation du domaine, et
à ne prendre, pour brûler, que des branches des produits
�annuels des arbres, suivant l’usage du pays et la cou
tume des propriétaires. Les premiers juges ne sont pas
allés jusque-là.
L u i donner , comme elle le prétend, la faculté illi
mitée de prendre du bois pour son chauffage, c’est con
damner les bois de la Laubie à une destruction totale
et prochaine ; ce qui certainement n’est pas dans l’es
prit ni dans la lettre du Gode. Il résulte d’une vérifi
cation des bois de la Laubie, faite le 26 décembre 1812,
et que la dame de Laforce n’osera contester, que, depuis
son administration, les bois de Gribet et de Peyrebeyre
sont presque détruits. Soixante arbres d’un pied et demi
de diamètre ont été coupés dans le premier de ces bois ;
et soixante-dix d’un pied de diamètre drius le second :
trente sont encore sur place, coupés depuis le jugement
de première instance ; dix autres ont été coupés dans
le bois de Puech-Meure. Voilà don c, dans deux ans,
une coupe de 'cent quarante arbres.
Ces arbres, d’un pied et demi de diamètre, donnant
au moins, l’un portant l’autre, quatre roulaux de bois,
ont dû fournir une énorme quantité de bois à brûler;
si maintenant on ajoute à cela le branchage de ces arbres,
les arbres arrachés, étêtés, émondés dans les haies du
domaine, la provision de bois que la dame de Laforce
u trouvée à la campagne, à l’ouverture de l'usufruit; vingt
charretées que le sieur Delolm a fournies l’hiver dernier;
vingt qu’il a fournies ou doit fournir dans le cours de
cet hiver : on ne peut qu’être efïrayé de cette consom
mation, qui, si elle étoit enepre tolérée quelques années,
�29
(
)
üchèveroit la destruction de tons les bois de la Laubie.
A u reste , le jugement ne lui fait aucun tort ; il ne res
treint pas sa jouissance, il n’annonce pas non plus qu’il la
restreindra dans la suite ; ca r, on l’a v u , il lui permet d’en
user modérément pour son chauffage à la campagne ; et il
ne demande à l’expert de renseignemens que sur la quan
tité qui pourra être coupée saiis dégrader. O r , à moins
que la dame Laforce ne veuille soutenir qu’elle a droit
de dégrader, môme de détruire les bois dont elle ri*a
que ru su fru it, comme elle prétend avoir celui de dé
tériorer le mobilier, il n’y a pas apparence qu’elle-même
puisse se prétendre lésée par cette disposition du juge
ment.
On ne fera plus qu’une observation.
L e sieur de Laforce, pendant sa v ie , faisoit surveiller
ses bois et ses propriétés par un garde : depuis son décès,
la veuve a prétendu que celte surveillance ne pouvoit la
concerner.
Dans l’usage des propriétaires soigneux, et les règles
d’exploitation des bois, on coupe les arbres jusqu’au sol;
et la dame Laforce met si peu de soin à ses coupes, qu’un
grand nombre de ces arbres ont été coupés négligem
ment, à quinze et seize pouces de terre. E s t - c e là la
conduite d’un père de famille ?
L e sieur de la Laubie est traité comme un avide colla
téral , qui mérite la défaveur de la justice. Celte impu
tation est-elle sérieuse? est-elle réfléchie? L e sieur de
Laforce, eu mourant, ne laissoit pas d’héritier plus
p ro ch e, de parent plus cher que son fr è r e , puisqu’il
n’avoit pas d’enfans. L e sieur de la Laubie avoit alors
�et il a le bonheur d’avoir encore un enfant que le sieur
Laforce chérissoit comme le sien.
L e sieur Laforce a remis dans les mains du sieur la
Laubie, sous des charges considérables, le patrimoine
de la famille, les biens de son père, qui lui étoient des
tinés, au moins en partie, par la nature et par la loi.
E û t - il été plus raisonnable et plus sage de les donner
en propriété à la dame de Chazelles?
L e sieur la Laubie n’ajoutera rien : satisfait que sa
cause et sa conduite soient connues, autant qu’il est
plein de confiance dans la sagesse de la C ou r, il attend
avec sécurité une décision qui ne peut être que celle
de la justice.
Signé D E L O L M
LA LAUBIE.
M e. V I S S A C , avocat
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M e. G A R R O N jeune, avoué licencier
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l ' imprim. de la Cour impériale, et libraire
rue des taukes maison Landr i ot. - J a n v i e r 1813.
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Delolme la Laubie, Henri-Louis-Guy. 1813]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Vissac
Garron
Subject
The topic of the resource
douaire
gain de survie
bois de chauffage
testaments
successions
carrosses
habits de deuil
experts
moulin à papier
cautions
arbitrages
bois
Description
An account of the resource
Titre complet : Précis en réponse, pour sieur Henri-Louis-Guy Delolme la Laubie, docteur en médecine, intimé ; contre dame Marguerite de Chazelles, veuve de M. Henri-Louis Delolme de Laforce, appelante.
note manuscrite. Motifs du jugement.
Table Godemel : Chauffage (droits de) : 1. les juges peuvent régler le mode d’exercice d’un droit de chauffage. Usufruit : 4. l’époux usufruitier est tenu de donner caution, s’il n’en a été dispensé par le titre constitutif de l’usufruit. la délivrance du legs par l’héritier n’emporte pas renonciation au droit d’exiger cette caution. si l’usufruitier ne peut donner caution, et qu’il y ait lieu à affermer, on peut excepter de cette mesure une partie des biens.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1813
1810-1813
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
30 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2205
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2204
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53434/BCU_Factums_G2205.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
La Laubie (domaine de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
arbitrages
bois
bois de chauffage
carrosses
cautions
douaire
experts
gain de survie
habits de deuil
moulin à papier
Successions
testaments
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53433/BCU_Factums_G2204.pdf
766c22166eaf14479556622dd6cf464d
PDF Text
Text
IS
<èt
COUR
IMPERIALE
PRECIS
D E RI OM.
2 e.
CHAMBRE."
POUR
Dame M a r g u e r i t e D E C H A Z E L L E S , veuve
de M. H e n r i- L o u is D e l o l m e d e L a f o r c e ,
ancien magistrat, appelante d’un jugement
rendu au tribunal civil d’A u rillac, le 6
août 1 81 2, ;
CONTRE
Sieur H e n r i - L o u i s - G u y D E L O L M E L A
L A U B I E , docteur en médecine habitant
de la ville d' Aurillac , intimé .
j
.-.I, . :
M
f
,
A D A M E de Chazellcs, veuve L aforce, a reçu de
son é poux des témoignages honorables de tendresse et
d'affection. P ar un testament du 25 janvier 1807 l e
A
^
J
�( 2 )
sieur de La force a légué à sa femme la jouissance de son
bien de la Laubie, et d’une partie de sa maison d’ A iw
rillac. G’étoit les objets qu’il affectionnoit le p lu s, où
il habitoit constamment; et sa femme, témoin de la
bienfaisance de son époux, y avoit passé des jours heu
reux, qui se sont écoulés trop vite.
Il n’est pas provenu d’enfans de cette union. M . de
Laforce avoit une fortune considérable; il a choisi, parmi
ses frères, le sieur Delohne de la Laubie, pour lui trans
mettre tous ses biens, sauf quelques legs modiques qu’il
a faits aux autres.
Il prie ses frères d ’avoir pour sa fem m e toutes les
honnêtetés et com plaisances, et de ne la tracasser
en rien.
M . de Laforce a survécu trois ans à son testament
olographe, et sa femme a la satisfaction d’avoir occupé
ses dernières pensées, Trois heures avant sa mort , il
consigna encore un souvenir pour elle, d’autant plus
précieux, qu’elle avoit Iemnlheur d’être absente à celte
é p o q u e funeste : elle se trouvoit à V ich y pour soigner
sa santé.
L ’héritier institué par testament eût été celui de son
choix. Elle avoit témoigné dans tous les temps son at
tachement à son beau-frère; elle avoit contribué à son
établissement, et l’a voit fait recevoir à la compagnie de
son frère, avec lequel l’intimé et son épouse ont C07
habité pendant deux ans.
Pevoit-elle s’attendre être traitée avec la plus extrême
rigueur, par un beau-frère qui venoit de recevoir un
si grand bienfait ? A peine son époux a fermé les y e u x ,
�(3)
qu’elle se voit obligée d’entrer en lice avec l’héritier,
pour ses habits de d e u il, pour les meubles qu’elle devoit
conserver, pour son chauffage, quoiqu’elle eût la jouis
sance des bois, et une foule d’autres objets qu’elle fera
bientôt connoître.
T out est réglé par une transaction qui fut l’ouvrage
des amis communs. Les sacrifices lui coûtèrent peu, pour
éviter une lutte scandaleuse. Elle se croyoit à l’abri
de toutes inquiétudes, de toutes tracasseries, lorsque
le sieur la Laubie veut s’apercevoir que le testament
de son frère ne dispense pas sa veuve de donner cau
tion de son usufruit; il la cite en jugement pour fournir
cette caution. E h ! quel moment choisit-il pour l’exiger?
La dame de Chazelles n’est pas favorisée de la fortune.
Son père a laissé plusieurs enfans : mais lors des pre
mières discussions, le père de la dame Laforce étoit
vivant; il eût été sa caution. L e sieur la L a u b i e ne crut
pas devoir en exiger, et tout se termina sans cette for
malité.
Aujourd’hui que le sieur de Chazelles est m ort, le
collatéral a pensé qu’il seroit difficile à sa belle-sœur
de trouver une caution. 11 a cru l’occasion favorable
pour la priver des agrémens d’une campagne qu’il
convoite, l i a formé cette demande, le 2 janvier 1812,
quinze mois après la mort de son frère; il y a ajouté
plusieurs autres chefs de réclamation q u ’on examinera
successivement, lorsqu’on aura rendu compte des faits
et des circonstances particulières delà cause.
�X e r 9 fructidor an 7 , la dame de Chazelles a con
tracté mariage avec le sieur Delolme de Laforce. La seule
clause du contrat, essentielle à rappeler, est relative au
douaire ou gain de survie. Il est dit « qu’en cas de prédécès
« du m a r i, il a doué et doue son épouse d’une pension an« nuelle et viagère de la somme de 1,200 francs, qui
« lui sera payée, exempte de toute contribution , de trois
« en trois mois, et par avance; qu’elle aura son habita« tion et logement dans la maison qu’il aura ù Aurillac ,
« meublée de meubles meublans, et autres nécessaires
« à son, usage, la jouissance de la moitié du jardin po« tager, et Pusage -.de tout le bois nécessaire à son
« c h a u ffa g e, pris dans la cour de: la maison. »
L e. .25 janvier 1807, le sieur de Laforce fait son tes
tament olographe.' Il lègue, entr’autres dispositions, à
la dame son épouse, à titre d’institution, « pour l’-nmitié
« qu’ il lui porte, ou pour lui tenir lieu dés 1,200 francs
t< de pension , et du logement, qu’il lui avoit donnés par
« sou contrat de mariage, la jouissance de son domaine
« de la Laubie, en tout son entier, réserve comprise,
« sans en rien-retenir ni réserver, même-y compris le
« moulin ,oü fabrique d papier, composé de batimens,
« jardins-, »prés,¡¡vergers, terres, b o is, pacages et mon«.
«
«
«
tague, tel qu’il se trouvera lors de son décès, y compris
les cheptels; plus, il lui donhedeux chevaux ou jumens,
à son ch o ix , avec une voiture ou cabriolet, aussi à
son choix.
�- ... <5>. ...... - . . *9
« Toutes les provisions dé bouche, tant en grains,
« v in , salés, e l c . , d o iven t’être partagées entre elle et
« l’héritier. »
L a dame Laforce aura, de p lu s,1'« la jouissance, à
« A u rillac, de sa chambre, de-celle ,iïu testateur; de
« celle qui est sur la cuisine-,• des cabinets quiVIonnent
« du côté du j a r d i n / d e lâ’ chàmbre jaune, de la chambre
« rouge, avec ses cabinets ; des deux salons, cuisine,
« office , souillarde, volailler, des caves et cavëaux'qui
« sont dans la petite cOur-du charnier, et* grenier àu« dessus, charbonnière; de la petite écurie 'donnantisur
« la rue, avec là moitié du grenier 'a-foiri'j dii liaü^ed
« bas, sur la grande allée, où lüiérîlier 'fera! fa ire,;un
« trou pour jeter le-foin; dans la petite écurie ; p lu s, du
« gnïetâ-s- où est le. linge ¿*!avèc la chèmb^é (ldté- domes« tiques; plus, de la moitié du-jardiri^et^bîisyé-^côür
« du côté de L;ismôleS ,'côhnrttêTvont lés^dëtfx dë^é^i'lo
- •L'a veuve” « prendra '-lés caisses ’■
d’bràngbr^ ••et* Wtsdà
«•■»qu’elle5 jiigè'ra à’ pi'opofe',rv1vbhtnvi'dueïléÎTÎènt.'L rr
« Elle oitrà la ' jouï{&otifcé,J'dè‘.'id': mèitièi:dü,'i%teilt,ë f [
« pour 'être rôVidu à sbri ciécëâ, 'en -Vêtat o iï t l ie ttûu« vera ; ' le legs ’ci-dessus'/zWc 'W qïiiïtê ^d'e 't'àu&Woiü
« successifs; et il lui sera donné! dû suite, aprîi^le décès
ü !d’u testateur, une- soin ni é ■
d e 11 j 20'd francs p d u r:fouinir
« ! à ’ srs pressans besoin^. »
•) ¡:
;,:I - I
.‘L é testateur déclare ensuite qùril àflparticnt à sa femme
plusieurs meublés et argenterie'. doi1tliil fait1 le'détail,
11 lègue ;\ son frère Nozeroles une pension d t ' 5oo fr.,
et ^institue , comme on l’a d i t , l’intimé son héritier uni
versel. Il termine par ces expressions remarquables :
�*ü'
.
;
(« )
« P r ia n t mes fr è r e s d'avoir toutes les honnêtetés et
complaisances pour ma fe m m e , et de ne la tracasser
cc en rien. »
M . de Laforce a vécu jusqu’au 14 juillet 1810. Trois
Jiçures avant d’empirer , il dicta à un de ses amis une note
conçue en ces termes : « Je persiste dans les dispositions
.« contenues dans mon testament du 25 janvier 1807;
« seulement je veux que mon épouse ait la grande voi« tu rç , place pour trois chevaux à l’écurie, et place pour
« la voiture dans la remise. J ’ai signé cette disposition,
.« que j’ai fait écrire par un am i, comptant bien que
« mon'héritier ne fera pas difficulté de l’exécuter. J ’a« joute que les arrérages qui peuvent m’être dûs par le
k métayer de la Laubie, font partie du legs que j’ai fait
« à mon épouse. Fait à Aurillac le 14 juillet 1810. Signé
« P elylm e de Laforce. »
La dame de Laforce n’éprouva pas de l’héritier ces
honnêtetés. et ces complaisances si fortement recom
mandées par un bienfaiteur, dont la mémoire et les vo->
lontés dévoient cire religieusement respectées.
. L e i 5 avril 1 8 1 1 , elle se vit forcée de citer son beaufrère en conciliation, sur la demande qu’elle se proposoit de former, i°. en payement de ses habits de deuil,
avec les intérêts à compter du décès; 20, à lui rapporter
les mémoires des fournitures à elle fqites par divers
marchands, antérieurement au décès de son mari, ave<
l ’iicquit des marchands; 30. à réintégrer dans le châteai
de la Laubie tous les meubles et efrets par lui enlevés ;
sinon, et à défaut de ce faire dans la huitaine, à lui
payer annuellement, et pendant sa v ie , la somme de
�300 f r . , pou r lui tenir lieu d’ usufruit des 'meubles et
effets en levés; 4 0. sur la demande tendante à convenir
d’experts à l’am iab le, à l’effet de constater l’état de tous
les bAtimens dont elle a l’usufruit. '
t L ’appelante ne doit pas dissimuler q u e , par cette cita
tion, elle offre de donner bonne et valable caution, à raison
de son usufruit. Cette offre, dont l’intimé ne manquera
pas de se p r é v a lo ir , loin d’être nuisible à l’appelante,
lui fournira au contraire un moyen invincible pour re
pousser la nouvelle prétention de l’ intimé.
Les parties comparoissent au bureau de paix le 19 du
môme mois d’avril. Les médecins aiment à arrondir leurs
périodes : en conséquence, longue réponse du sieur de
la Laubie. D ’abord il prétend ne pas devoir d’habits dé
deuil à sa belle-sœur ; les 1,200 fr. que lé testateur a
ordonné de lui compter pour ses besoins pressons , ne
pe uv e nt s’ap pl i que r q u ’aux habits de d e u i l , q ui étoient
les seuls et pressons besoins de la veuve; comme si les
habits de deuil n’étoient pas une chose i'ndépendantd
des besoins, une dette légale-de la succession du mari
(art. 1481 , 1570, Code .Napoléon). Il se vante d'avoir
donné des habits- de deuil aux domestiques de la veuve
il se plaint de l’exagération de ses demandes ; il prétend
que la veuve veut lui faire Une affaire avec la régie ;
il veut éclairer la religion des magistrats; il ne tire pas!,
dans le moment actuel, un revenu net de 1,800 francs
de la succession de son frère; il accuse1 sa belle-sœur
d’avoir l’habitude de faire des emprunts et dôscôirimandes
d’articles de modes, à Clermont, à Paris , et tout cela
à l’insçu et contre le gré du son mari. Il n’a fait aucune
�difficulté de payer les mémoires et articles présentés par
les marchands d’A u rilla c , mais il est prévenu que des
mémoires jde Çlermont seroient,suivis d’un compte de
Paris , et d’autres demandes que trop de promptitude
et de. facilité, (à payer ¡ne feroit que multiplier. A in s i,
la femme la plus modeste, la veuve d’un homme opu
lent, est transformée en petite-maîtresse, qui fréquentoit
les magasins de modes à l’insçu de son mari. Cependant
le sieur de la Laubie désire en finir ; il veut que sa
belle-sœur lui fournisse, dans le plus bref délai', un état
de ces demandes appuyées de pièces justificatives, pour
qu’il puisse les soumettre toutes à un même examen, et
faire déterminer d’une manière précise la part qu’il doit
y prendre.
•
.
:
Quant au chef de demande relatif au mobilier de la
L a u b ie , il observe qu’il ne réclame le partage de ce
mobilier, que d’après la lettre du testament, qui ne porte
aucune exception ; que la dame de I/aforce s’est refusée
d’a b o rd , non-rseulement à laisser faire* le partage des
meubles de la L au bie, mais môme l’inventaire. Si elle
y a consenti depuis, ce n’est qu’après s’ètre consultée,
et parce, qu’elle a rreconnu le droit incontestable que
spn beau-frère avoit à ce partage.
, / <
¡;
. Erreur évidente dans cel,tç assertion. Il résulte d e là
lettre du testament , etj.de l’intention bien manifestée
par le sieur de Laforpe, que tout çe qui étoit à la Lau.bie, .étoit soumis h l’usufruit dç. la veu ye, et qu’il n’y
avoit, que.jle^mobiliçivgarnissant¡¡la^inaipop. d’Aurillaç
qui, fût sujet ^ tr e ip a rta g S rp a r moitié.
.
,
^Mais i conHuue le:?içui:Ju Laubie, la.yeuvç a cpncourii
dp
�(9 )
de toutes les manières à ce partage ; les objets de même
nature, tant à la Laubie qu’à Aurillac, ont été réunis
dans un même tas, pour former dans leur ensem ble une
masse pour le partage. La manière dont la veuve et 1 hé
ritier vivoient à l’époque du partage, exclut, de la part
de cette dernière, toute idée de condescendance : son
adhésion au partage ne peut, en conséquence, etre envi
sagée que comme l’exécutiorï littérale de la volonté du
testateur. Le droit de l’héritier est clair en lui-meme :
en supposant que la clause du testament fût obscure,
elle a été clairement interprétée par les parties.
Relativement au dernier chef ( l’état des bâtimens) ,
le docteur observe que l’état des bâtimens du domaine
de la L a u b ie , excepté ceux de la montagne , fut dresse
l ’an dernier, de l’accord des parties , par le sieur Lasmoles, expert; que la dame veuve Laforce vient aussi
de faire dresser, par le même expert, l’état du moulin ou
fabrique à papier; il n’attend que la remise du premier
rapport, pour faire faire aux bâtimens tout ce qu’il doit
y faire, d’après la lo i; il offre de faire constater, de la
môme manière, l’état des bâtimens de la montagne; il
accuse sa belle-sœ ur de s’ètre dispensée elle-même de
faire des réparations d’entretien. Pour lu i, il n’a pas at
tendu les rapports pour faire remettre en entier le cou
vert du moulin à papier, et faire, soit là , soit ailleurs,
d’autres réparations; il a tout fait pour éviter le malheur
et le scandale de ce procès; il auroit souscrit à des sa
crifices; il a offert de terminer par la v o i e de l’arbitrage;
il réitère sa proposition. Il c onv ient d’avoir refusé des
arbitres de Riorn , mais c’est à cause de leur éloignement;
D
�*«r
( « )
il aime Lien mieux qu’elle soit décidée sur les lieux , e t
par ses malades.
Cette longue réponse ne satisfait pas la veuve; elle ne>
touché pas à la question. Refus de se concilier : mais les
parties se rapprochent; enfin , elles transigent, le i er. mai
1 8 1 1 , sur la demande form ée par la veuve , le i 5 avril
dernier. ( C ’est précisément la citation qui contient l’offre
de donner caution, parce que la dame de Laforce avoit
alors son p ère, qui devoit lui en servir. )
>
Par cette transaction , article I er. , l’inventaire du mo
bilier et le partage fait à l’amiable entre les parties, de
meuré définitif; lès parties se délaissent réciproquement
les objets compris dans leur lot ; mais le sieur Delolme
consent que ld dame veuve Laforce retienne trois lits,’
désignés dans l’acte, et qui seront ajoutés à son lot. Il
doit être fait deux doubles, signés des parties, de l*inverifaire ët du partage du mobilier; il en sera remis un
à chafcuiië d’elles’, pour par la dame Laforce être d é
fin itiv e m e n t chargée de tout le mo bi l ie r compri s dans
son lot. '
I,ë sieur Delolme s’oblige, par l’article 2, de faire porter
annuellement à Aurillac, daus la cour de la dame veuvo
Ln'fôrce, vingt charretées de bois à brûler, bonnes et
de recette , que le sieur Delolme pourra prendre, si borl
lui sëmblb, dans le domaine de la Laubie; le bois sera
porté dans le courant de l’hiver prochain, ainsi de
memë tous les ans; si néanmoins, la dame Laforce s’ab
sente de là ville d’Aurillac, pendant plus d’une année,
la fourniture du bois cessera pour les années suivantes,
et ne réconiniëucera qu’à son retour.
�( I l )
,
&
-Les parties donnent pouvoir au sieur L a s m o ï e s ex
pert, de vérifier l’état des bâtimens du domaine et de
la montagne de la Laubie, de déterminer les .réparations
qui sont à la charge du sieur D elolm e; et celui-ci s’o
blige de les faire faire sans d élai, après quoi les bâtimens seront à la charge de la dame Laforce, pour les
.réparations qui peuvent-la concerner, suivant les lois.
Les.habits de d e u il, ainsi que les sommes réclamées
par la dame Laforce, soit pour objets à elle livrés par ses
fournisseurs, soit pour les emprunts par elle faits avant
•le décès de son mari, sont réglés à la somme.de,1,460 ;fr.,
à compte de laquelle la dame Laforce reconnoît avoir
reçu 600 francs ; le reste est payable au 6 juillet loi;s
prochain.
« A u moyen de ce , la dame Laforce se reconnoît gatis« faite des avantages et legs à elle faits par son défunt
« m ari, et renonce à toutes demandes par elle formées,
,« sans dépens. »
Après ce traité, la dame Laforce se met en posses
sion de tout le mobilier échu à son lot : elle jouissoit
déjà des objets soumis à son usufruit. 11 fut fait, comme
il avoit été con ven u, deux doubles de l’inventaire du
mobilier; et lorsqu’ils furent présentés à la dame Laforce,
elle crut devoir mettre quelques observations avant sa
signature. Elle déclara qu’elle n’entendoit pas se lier par
l’estimation du m obilier, faite par chaque article, ne
voulant pas néanmoins, par cette r és er v e, contester au
cunement cette estimation , qui av oi t été faite de concert,
à l’amiable, et par experts c onv enu s entre l’héritier et
£lle; mais qu’en conformité dm testament de son mari
'
y
Ba
�et d’après la l o i , elle entendoit rendre le mobilier en
nature, et dans Vétat où il se trouveroit à son décès.
C ’est le 17 octobre 1811 que l’inventaire a été signé,
et que ces observations y ont été consignées. A son tour,
le sieur de la Laubie déclare aussi qu’ il ne prend aucune
part aux réserves faites par la dame de Laforce, contre
laquelle il se réserve à son tour l’intégi'alité de ses droits.
Les choses ont resté en cet état jusqu’au 2 janvier 1812;
et la dame de Laforce ne devoit pas s’attendre à voir
encore son repos troublé par de nouvelles tracasseries.
Cependant le sieur la Laubie l’a fait citer au bureau de
paix , pour se concilier sur les chefs de demande qui
suivent :
i°. L e sieur la Laubie demande qu’il soit annexé à< '
l’inventaire et état de partage du mobilier et cheptel dé
laissés en usufruit à la dame Laforce, qui n’a été signé
d’elle que le 17 octobre dernier, un état des bâtimens
aussi à elle délaissés en usufruit par son m a ri, tel qu’il
sera dressé et doit être remis par le sieur L a s mo le s, expert
c o n v e n u entre les parties, aux offres que fait le demandeur
de continuer à faire fa ire, dans le plus bref délai , les
réparations qui seront indiquées par le même rapport
être à sa charge ;
20. Que conformément à l’article 601 du Code Na
poléon , la dame Laforce soit tenue de donner caution
valable ;
30. Que la quotité, nature et qualité de bois que la
dame Laforce pourra prendre pour son chauffage dans
le domaine de la Laubie, pendant le séjour qu’elle y
fera, soit fixé et déterminé, relativement d’abord à la
�C Ï3 )
.
;
durée du séjour qu’on avoit accoutumé d’y faire, c’està-dire, pendant quatre mois de l’année, dans la belle
saison ; 2°. relativement encore à la quantité de vingt
charretées de bois, que le sieur la Laubie s’est oblige
de lui faire porter dans sa basse-cour, à Aurillac; la
quelle .quotité de bois a été fixée à la dame Laforce
pour huit mois de séjour en ville , ce dont elle ne peut
disconvenir, et ce qui d’ailleurs se l’apporte à la durée
du séjour qu’on avoit accoutumé d’y faire; qu’en con
séquence, il soit fait défense à la dame de Laforce de
faire couper aucun arbre à pied, d’autant plus que les
ramages des arbres à émonder, autour des possessions,
seroient seuls suffisans pour fournir à son chauffage à
la campagne ; que les bois du domaine de la Laubie
sont mal garnis, ont peu d’étendue; qu’ils doivent
fou rnir à un exploitation considérable ; que leur des
truction, déjà commencée par la dame L a f o r c e , seroit
bientôt consommée, si elle continuoit d’en jouir aussi
inconsidérément qu’elle a fait déjà, et si le sieur de la
Laubie usoit de la faculté qu’il s’est formellement ré
servée de prendre dans ce même domaine, les vingt
charretées de bois qu’il doit porter en arbre à sa bellesœur ; que quoique les bois ^du domaine de la Laubie
ne soient pas considérables, leur destruction seroit une
dégradation notable, et une atteinte à la propriété dont
la dame Laforce n’a que l’usufruit.
40. Le demandeur ajoute qu’ il est préven u, par des
affiches publiques, que la dame Laforce veut affermer
dix - huit à vingt journaux de prés de sa réserve, et
il lui déclare qu’il est dans l’inteutiou de s’opposer ün
�Ch )
ce qu’une quantité aussi considérable de fourrage soit
consommée hors du domaine : il en résulterait, suivant
lu i, la privation d’une quantité également considérable
d’engrais, et une dégradation annuelle de la propriété ;
et si la dame de Laforce persiste dans cette intention,
il demande qu’elle se -concilie avec lui pour raison de
ce.
lies parties comparoissent au bureau de paix, le 10 du
même mois de janvier. La dame de Laforce répond avec
précision sur chaque chef.
Sur le premier, elle consent que l’état des bâtimens
à elle délaissés en usufruit, soit annexé ù chaque double
de l’inventaire, lorsque le sieur Delolme aura fait lei
réparations qui sont à sa charge j mais elle trouve ce
chef de demande ridicule, tant que le sieur Delolme est
en retard de faire ces réparations, et notamment la re
construction entière du Y edelat, ainsi qu’il a été vérifié
par le sieur Lasmoles, expert nommé par les parties.
S u r le second article , la dame de L a f o r c e soutient le
sieur la L aubie non recevable dans sa demande en cau
t i o n , soit-à cause des motifs exprimés dans le testament
-de son m a r i , soit à cause des divers actes passés entre
les parties, et notamment de l’inventaire clos le 17 oc
tobre 1 8 1 1 , soit enfin à raison de ce q u e le propriétaire
qui veut user de la faculté à lui accordée de demander
p r éa l ab le me n t une*caution, doit le faire avant l’entrée
en jouissance de l’usufruitier, et la clôture de l’inven
taire.
Sur le troisième, qu’il esbabsurdc de vouloir borner
ù quatre mois le séjour que doit faire la dame Laforce à
�c r5 >
la campagne, et qu’elle est la maîtresse d’y demeurer
tout le temps qui lui conviendra , et qu’on ne peut lui
contester le droit de s’y chauffer; que ce droit de chauf
fage lui est donné tant par son contrat de mariage que
par le testament dé son m ari, où la jouissance des bois
y est formellement exprim ée; que d è s-lo rs la dame
Laforce ne jouissant que comme son mari faisoit, et
même avec beaucoup plus de ménagemens que l u i , ne
doit éprouver aucune difficulté dans le droit de couper
le bois nécessaire à son chauffage, tout le temps qu’elle
voudra y demeurer.
Sur le quatrième chef, qile les prés de réserve qu’elle
veut affermer, l’étoient en partie, et que comme ils ne
sont attachés à aucune exploitation ,■elle peut les affer-*
mer , ou fen totalité , ou en partie, sans porter aucun
préjudice à la propriété.
L e 10 mars s ui v a n t , le sîeur la Laubie a fait assigner
la dame Laforce au tribunal d’A urillac : mais i f n’a com
pris que trois chefs dans sa demande; le bail de caution,
1<3 chauffage pour quatre m o is, et Topposition à la ferme
des prés de réserve.
'
■
11 n’est pas inutile d’observer que la dame veuve de
Laforce, après avoir été mise en possession du domaine
de la L a u b ie , crut devoir renouveler le bail à métairie
de ce môme domaine, qui étoit sur le point d’expirer.
Elle renouvelle ce bail au profit de celui qui l’exploitoit
déjà, pour huit années consécutives, le 6 novembre 1810;
et ce nouveau bail doit commencer au
mars 1811. A
la vérité, ce bail est sous seing privé ; mais il a été fait
�( l 6 )
de bonne f o i , et la jouissance publique du métayer lui
donne une authenticité suffisante.
C ’est en cet état que la cause, portée à l’audience du
tribunal civil d’Aurillac, le 6 août 1812, il y est intervenu
un jugement qui ordonne que dans le m ois, à compter
de la signification du jugement à personne ou domi
cile , la veuve Laforce sera tenue de donner bonne et
suffisante caution.
Dans le cas où , comme elle l’a annoncé, elle seroit
dans l’impuissance de Tournir une caution , elle est au
torisée, sur sa caution juratoire, à se retenir, au prix de
l’inventaire, des meubles de chaque nature dansla maison
d’Aurillac et dans celle de la Laubie, et à son choix, jus
qu’à concurrence de 6,000 francs, en ce non compris
les bestiaux et outils d’agriculture déjà délivrés.
Il est ordonné que le surplus du mobilier sera vendu
par un huisier p u b lic, et les deniers placés en mains
sûres par le sieur D e lo lm e , à intérêt, au profit de la
veuve.
Les immeubles non encore affermés, autres que la por
tion d elà maison et jardin d’Aurillac assignée en usufruit
à la veuve , la maison de la L au b ie, jardin, verger et
Mtimens de l’enclos, seront affermés avec le cheptel des
bestiaux, outils aratoires, portés en l’inventaire, en argent
ou denréés, au profit de la veu ve, à la charge par le
fermier d’entretenir les immeubles des réparations usufructuaires.
Il est fait défenses à la veuve de couper aucun arbre
pour le faire porter à Aurillac ; seulement, elle est
autorisée
�y
( 17 )
autorisée à user des bois pour son chauffage h la campagne,
modérément, et de manière à entretenir les bois en l’état
où elle les a pris lors de l’ouverture de son usufruit ;
lequel état sera constaté par Lasmoles , expert, lequel
donnera également son avis sur la quantité d’arbres ou
de charretées de bois que la veuve pourra couper sans
dégi'ader.
Les dépens sont compensés; il est ordonné que le ju
gement sera exécuté nonobstant l’appel, et sans caution.
Les premiers juges ont motivé leur décision, quant au
premier chef, sur la disposition de l’article 601 du Gode
Napoléon. Ils ne trouvent dans le testament aucunes
expressions dont on puisse inféi’er la dispense de fournir
ce cautionnement; e t , suivant eux, la Laubie, en faisant
la délivrance du legs, a fait réserve de tous ses droits.
Sur le second chef, ils observent que le chauffage de
ville a été réglé à vingt charretées de bois que le sieur
Delolme a la faculté de prendre dans les bois de la Laubie.
A u x termes du C o d e , l’usufruitier peut en user comme
faisoit le propriétaire ; mais il est constant entre les parties
que le défunt coupoit, et les branches des arbres épars,
et quelques arbres dans les bois. Lorsqu’ils étoient insuflisans, il en prenoit dans le domaine de Laforce, dont la
veuve n’avoit pas l’usufruit. Dès-lors, la veuve n’a droit
de couper que de manière à entretenir les bois en l’état
de l’ouverture de l’usufruit , sauf à elle à se pourvoir
à ses frais des bois qui pourroient lui manquer annuel
lement.
Dans le cas où l’usufruitier ne peut donner caution,
l’article 602 du Code autorise la délivrance des meubles
C
�( ia )
convenables, sous caution juratoire, et' la ferme des im*
meubles.
*
Quant aux immeubles, il y auroit un grand inconvé-*
nient pour toutes les parties à ordonner que la maison
de maître, les jardins et enclos de la Laubie, fussent af
fermés, parce que plusieurs locataires qu’il faudroit placer
dans cette maison,pour l’occuper entièrement, la dégraderoient beaucoup, ainsi que les jardins, et que, d’un autre
côté, la veuve seroit privée de l’hribitation d’une maison
à la campagne, où il lui est avantageux et agréable d’ha
biter une partie de l’année.
L a veuve n’a pas cru devoir delà reconnoissance aux
premiers juges d’une attention qui la prive de toutes ses
jouissances, et des agrémens qu’a voulu lui procurer son
mari; elle devoit aussi penser que ses volontés seroient
mieux respectées par l’héritier.
Elle s’est pourvue par appel en la Cour contre ce juge
ment ; et quoique le sieur la Laubie dût être bien sa
t i s f a i t d’un-t ri o m p h e aussi peu mérité, il se plaint encore;
car on l’a entendu, lors de la position des qualités, se
réserver expressément d’interjeter incidemment appel de
ce jugement: comme il ne s’est pas encore déterminé,
ou ne peut prévoir quels seront ses griefs, et on ne doit,
quant à présent, s’occuper que des moyens d’appel que
la dame veuve Laforce a à proposer.
MOYENS.
L a dame veuve Laforce n’entreprendra pas de contèster un principe fort connu : « T ou t usufruitier est
�( r9 )
.
.
3
*
e tenu de donner caution. » Telle est la disposition de
plusieurs lois romaines, et notamment de la loi 13., ff.
D e usufructu et quemadmodum. L ’article 601 du Gode
Napoléon en a fait aussi une règle de d ro it, à moins que
l’usufruitier n 'e n jïc t dispensé par l’acte constitutif de
son usufruit.
>
'
Voilà déjà une modification à la règle générale, -dont
il s’agira de faire l’application dans la cause. D ’un autre
cô té , le droit qu’a l’héritier de demander-cette caution,
n’est qu’une faculté qué la loi lui accorde, et dont il
peut se départir. D om in us potest in ea re satis dationem desidercire , quia proprietatis dominus securits
esse débet de proprietate sicuti debet fr u ctiia r iu s uti
fr u i.
D ’après les divers actes qui ont eu lieu entre les parties,
les choses sont-elles encore entières ? L e sieur de la Laubie
n’a-t-il pas renoncé h cette faculté, en livrant à la veuve.,
et sans condition , Jes objets sujets à son usufruit ? C’est
encore ce qu’on aura à démontrer.
O n examinera ensuite les deux chefs de demande
qui ne présentent pas plus d’intérêt pour le sieur la
'Laubie, qu’il n.’y a d’incertitude dans leur décision.
§. Ie*.
■Le testameiit du sieur de Laforce contient >
en faveur de sa fem me une dispense de
donner caution .
Les libéralités entre é p o u i ont toujours été favorisées
C a
�p a r rles lois; celles de la révolution, notamment les lois
des 5 brumaire et 1 7 nivôse an 2 , q u o i qu e rigoureuses
et prohibitives , accordoient aux époux qui n’avoient
pas d’enfans., la faculté indéfinie de se faire tous avan
tages singuliers ou réciproques. Et la loi interprétative,
du 22 ventôse suivant, dit que c’est une latitude poli
tique, qui fait assez apercevoir que le système restrictif
n’est pas pour les libéralités entre époux.
C ’est en effet la plus douce récompense de la tendresse
et de l’affection. L e Code Napoléon, article 1094, con
sacre le même principe, et permet aux époux qui n’ont
pas d’enfans, d’épuiser la totalité de leurs biens en fa
veur l’ un de l’autre.
L e sieur de Laforce avoit donc le droit de disposer,
au profit de sa femme, de tout ce qu’il possëdoit : elle
•lé méritoit par sa tendresse; elle l’eût obtenu, si elle
avoit été ambitieuse- , ’ "
•
'
Son époux ne lui a cependant légué qu’une jouissance,
l’usufruit d’ une portion de ses biens, qui suilisoit pour
lui faire porter dignement son nom.
Mais il a voulu qu’elle eût la jouissance des lieux qu’ellç
avoit accoutumé d’habiter, où elle s’étoit fait une douce
habitude d’être sans cesse auprès d’un époux respectable
par ses vertus, et beaucoup plus âgé qu’elle.
Il a voulu qu’elle continuât de résider là où il avoit
tro'uvé la paix et le bonheur} oîi sa femme, par ses soins
touchans , le eonsoloit des maux de la vie. '
Il a manisfesté expressément son intention, que sa
femme ne fût gênée en rien dans sa jouissance; il lra
ainsi ordonné à celui qu’il accabloit de scs bienfaits,; il
�{ *1 )
le'prie d’avoir pour sa femme toutes les, honnêtetés e£
complaisances, de ne la tracasseren rien. lin testament,
prier c’est ordonner : r.ogo seu jubeo.
Qu’a pu entendre ^¡testateur par ces expressions, q u i,
quoique familières, n’en sont p a s mo ins , énergiques , «e
la tracasser en rien ? Certes, il a(youlu, par là lui évite?
le désagrément de donner caution de l’usufruit,qu’il lui
léguoit par le même testament; il n’a pu avoir en vuç
que cette espèce de tr a c a s s e r ie il ne pouvoijt en craindre
d’qutres, puisqu’il étoit maître de^es-volontés.,_et surtout
dès qu’il connoissoit mieux qu’un autre ,1a position, de
sa femme, et l’impossibilité-où elle étoit de fournir ;uj}
cautionnement.
••
lr ,
.. ^
Il est impossible de penser que cet ordrejçu ce^e^iifo
vitat.ion puisse s'appliquer.^ autre chosjp.:>Lpr tpst^te^a
voulu que sa veuve jouît,paisiblement de son,legs, sans
entrave, comme sans obstacle, en .défendant de Ja tra
casser en rien.
i ■■
-rti Mais ¡la dame veuve-L^force n’en ^est^ pas^réduite à
cette, unique clause, fpour,démontrer;que l’intention de
son époux a été ,de la ¡dispenser de cette, formalité. Qiji
sait que dans un testament, il faut plutôt s’arrêter à l’in
tention qu’aux paroles dont s’est servi le testateur : po~
tiüs voluntatem quàm verba.spectari,. y) ,j( j ,,,,
- O r , ne doit-on;pas induire.cette djs|pcnse,.de, la ,çlause
qui porte que. le mobilier .d o n tl’usufrt.iit est l^gué ;à la.
veu ve, sera rendu après le ;décès de ,1a,dame Laforce,,
en Fêtât où il se trouvera. O ù donc est la responsabilité de la veuve, pour,,un objet périssable, qui ser.oit
précisément l’objet de la caution? Car s i, aux termes;
�( 22 )
Idi’s^ lë ’pro^fêtaii'ë doit avoir Une eütîèré sécurité
s^r ;sa éhosfe, -c’est principalétttetit sur le mobilier sujet
à un usufruit : les denrées se'^'cohsomment, les objets
somlt fragiles, ila plupart dès mëübleà se consument par
ï^sagjë1,.’
ë x ï^ e ^ o n 1klè' l’û^ufrüitie'r un inventaire,
iiHiJëta't des débrëéfc’ ét!1iiie -caution ÿ pôüt que l e 'p ’rb■^riétaii-e püiske retrtmVèir t ô ü s ‘ëë5 objbtS à la cessation
rd e Tiïsüfi*uit. Ifci lë sieur' Peloltné ‘n’a pas èet és^oir ;
ïl'est soumis à la foi de la' VeüVè. Quelque, précâ’ütiôtt
qu ’il bit 'vôu!l u )^p'reîidrèJ, et mnlgré son .inventaire es‘tifnïrfif, illhe^péüt obtëdir'que'la1 i^èstitatioù des choses
tjui ‘se ttouveroüt, et è n 'l ’état où ëlles seront.
Comment seroit-il possible que la veuve fût'tenue de
■dcWér’cirtftîôh 'pôiirim'tiiobilier dont élleest maîtresse,
d o n t Jelle peut 'user1 sàrife “aüctink rtiénagemehs, i que sa
%ü!c£essibh(1rie ‘doit rendre qu’àvëc ses empirëmens, en
T è ih tm i i î s e trouverai
Non-seulement le testateur n’a pas voulu que sa femme
*
r>
fû t ‘traedssée en rien \ niais il ne veut pas môme qu’on
ltiqWiète ;ses liérUiërs sül* T état dans lequel se trouvera
^ m o ’bilier'tiprès son défcès; il ne pouvoitdonc mieux
l^àrspenseü de donner caution, puisqu’il s’en rapporte
'entièrement !à nsa foi.
Si on fait ensuite attention que le sieur Lafotcë a
talleii'icnt ^oülu favorise!’ sa veuve dans ;ce legis d'usu
fru it, qu’il *a dit qu’il seroïtfrciric eVquitte de touè droits
sU ccessifs, clause insolite, tout à l’avantage de la veuve,
on sera convaincu qu’il ri’entroit pas dans les intentions
•du t’estMtbur' dë :fatigiier sh 'veu ve, en exigeant un cau‘tionnèuietit pbur te legs d’ uèufruit.
�'
i * S/)
Mais, dira çan& doute, le siieurlu'La,ul^ie,, qwîind biça
même on ne pourroit pas demander une çaution,à la
Meuve pour uu mobilier dont elle a la libre disposi-r
tio n , sans responsabilité,j;ou peut; 911 mpiusil’^xiger pour
les immeubles, et surtout, r,ppiu; les boiq soumis, à sa
jouissance.
■
' :-.* :
On lui répondra d’abord que le jugement d’Aurillaç
auroit mal jugé dans cette hypothèse;, en ordonnant la
vente du mobilier, qui prive la veuve de tpus les agrér
mens de sa jouissance, et la dépouille d’une partie de
son legs. N ’est-il pas, en effet, intolérable-, que le mo
bilier de sa maison de ville , celui de sa maison, de camipague, qui lui est nécessaire, qui cpntribm^si essentielr
lement à son aisance:, soit vendu judiciairçmept^ç?pstr
¿-dire, à vil prix et à gros/frais, ppyr 1? forcer cJ’achetqF
d’autres meubles, l o r s q u e , d ’après la volonté, de son
mari, elle pouvoit en user sans rnénagçmcnt ?, :
Quant, aux immeubles, à .quoi peut servir la caution^
JSuUam lœsionem ex usu proprictatk offert. La pvov
priété ne' peut se perdre entre les mains de l'usufruitier
si elle est dégradée, si l’usufruitier abuse, il est privé
de son usufruit (art. 6 1 8 du Code Napoléon). Ne seroit-cp
pas al,ors une véritable tracasserie. ?. Ne^ s^rqit-ce pas
heurter de front la volonté du testateur?
Mais le propriétaire lui-m ôm e ogiroit abspjumqnt
contre son in té rê t, en insistant sur une caution, pouv
les immeubles. Le jugement dont est appel a ordonné
qu’ils seroient affermés. L e propriétaire devient,, dès cp
moment, garant de la solvabilité des fermiers, dq toutes
les dégradations qu’ils pourraient commettre , de. toui
�_ ( M )
ce qui (endroit à diminuer les revenus de l’usufruitier,
des arrérages; en un mot, de toutes les suites qu’en
traînent les baux de fe rm e , qui seroient sans doute mul
tipliés dans l’espèce, et livrés à de simples cultivateurs,
puisque ces baux ne compréndroient que le rural, et
n’oifriroient aucune commodité dans la jouissance. IiC
propriétaire répondroit encore des cheptels, des outils
aratoires, et de tous les retards des fermiers ; car l’usu
fruitier ne peut être en aucune manière privé de ses
revenus^ ni éprouver de retard dans ses perceptions. 4
' Tandis qu’au contraire, lorsque l’usufruitier jouit par
l u i- m ê m e , qu’il cultive, qu’il donne à ferme ou à
moitié fruits, le propriétaire est à l’abri de toute solli
citude,' de toute responsabilité; il n’est garant, ni des
arrérages, ni de l’insolvabilité des métayers ou fermiers.
A u ’ surplus , le tribunal dont est appel n’avoit pas
même le droit de prendre sur son compte d’ordonner
que les biens seroient affermés : la règle générale, dans
ce c a s , est que les biens soient mis en séquestre ; l’usu
fruitier en a plus d’assurance : le séquestre est l’homme
de la justice; il est sous une surveillance continuelle,
comptable à tous les m om ens, et contraignable par
corps. Si le Gode dit que les biens seront affermés ou
mis en séquestre, c’est une innovation à l’ancienne règle;
mais les tribunaux n’ont pas l’initiative en cette partie,
ce doit être au choix de l’usufruitier principalement
intéressé à la chose. Un propriétaire soigneux et vigi
lant, un usufruitier qui jouit sans abuser, n’ ira pas
choisir, pour le mode de sa jouissance, des baux judipiarcs, qui ont en général peu de concurrens, et dont les
adjudicataires
�C
')
,
-
adjudicataires sont toujours ou négligens, ou peu solva
bles. La dame de Laforce auroit sans contredit le droit-,
si elle étoit réduite à cette extrémité , de préférer un
séquestre, et de l’exiger. Les frais retomberoient néces
sairement sur le propriétaire, lorsqu’il peut plus faci
lement encore empêcher les abus que pourroit com
mettre un usufruitier.
Il est donc évident que le sieur Delolme agit contre
son in térêt, qu’il n’est pas fondé dans sa prétention , et
que le testament contient une dispense suffisante de
donner caution.
.
- §• i l -
Le sieur Delolme a interprété le testament
comme contenant dispense y dans tous les
cas y il a renoncé à la faculté que lui
donnoit la loi.
Cette seconde proposition est évidemment démontrée
par la conduite qu’a tenue le sieur Delolme depuis le
décès de son frè r e , et les divers actes qui ont eu lieu
entre sa belle-sœur et lui.
Il faut se rappeler les différons débats qui se sont
élevés entre les parties. Il résulte du testament que la
dame Lafoxxe devoit jouir de l’intégralité du mobilier
qui se trouvoit ù la Laubie. Son mari lui lègue la jouis
sance de ce bien , en tout son en tier, réserve com prise,
sans en rien retenir n i réserver ; même le moulin et
fabrique à papier , y compris les cheptels. Il veut que
les provisions de bouche seulemeut soient partagées
entre elle et son héritier ; et cette limitation aux provi-
D
�( i 6 )
siohs de Louche, prouve assez l’intention du testateur
qu’on ne touche pas au surplus. On sent d’ailleurs qu’on
ne peut jouir avec agrément d’ une maison de campagne
qu’avec le mobilier qui la garnit; et ce n’est pas à la
campagne où il y a excédant en ce genre.
Quand il vient ensuite à la jouissance de la partie
de sa maison d’Aurillac , qu’il lègue à sa femme, il veut
qu’elle ait' la moitié du mobilier; ce qui ne peut s’en
tendre que du mobilier de la ville. Cependant l’héritier
se permet de faire démeubler la maison de la L a u b ie ,
et de le faire transporter à A u rilla c , pour le soumettre
au partage.
Cet acte d’autorité étonne la veuve; elle demande
que son beau-frère soit tenu de réintégrer le mobilier
qu’il a fait déplacer : c’est un de ses chefs de réclama
tion, dans sa citation du i 5 avril 1 8 1 1. L e sieur Delolme
élève la prétention d’avoir la moitié de ces meubles,
comme ceux de la ville. C’est aussi par cet exploit du i 5
a v ril, que la dame Laforce demandoit à l’héritier le
pnyement de ses habits de d eu il, et qu’il fut dressé un
état des bâtimens. Enfin, elle terminoit, dans ce même
e x p lo it, par offrir une caution.
Les parties transigent sur celte demande du i 5 avril
1811 : les parties s’accordent sur ce mobilier; la dame
Laforce consent que celui de la Laubie soit partagé,
comme celui d’A urillac, par moitié : l’inventaire et le
partage faits amiable ment entre les parties, demeurent
définitifs.
Les parties doivent se délaisser, si fait n’a été, les
objets compris dans leur lot; il doit etre fait deux doubles
de l’inventaire et du partage du mobilier. Ces doubles
�fieront signés par les parties, et il en sera remis un â'
chacune d’elles, p o u r p a r ladite dam e être définitive
m en t chargée de tout le m obilier com pris dans
soji
lot.
Cet acte se termine ainsi : « A u moyen de ce que
« dessus, ladite dame se reconnoît satisfaite des avan
ce tages et legs à elle faits par son défunt mari , et renonce
« à toutes demandes par elle form ées, sans dépens. »
V oilà donc toute discussion terminée. S’il y avoit eu
lieu d’exiger une caution de la légataire, c’eût été lors
du traité1^du i er. m a i, puisqu’on transigeoit sur une
demande lors de laquelle on l’avoit offerte. Mais le sieur
Delolme a senti que cette caution seroit contre ses
intérêts ; qu’il n’avoit rien à craindre en confiant à la
veuve les objets soumis à son usufruit. Il en fait la tra
dition ; la veuve se reconnoît satisfaite des avantages et
legs à elle faits par son mari : l’héritier y gagne, puis
qu’il obtient la moitié du mobilier qui étoit à la Laubie.
La veuve fait encore un autre sacrifice en se contentant
de vingt charretées de bois pour son chauffage d’hiver,
en donnant à son beau-frère la faculté de prendre ces
vingt charretées dans les bois de la Laubie soumis à son
usufruit. Les parties transigent sur le t o u t , même sur
la caution, puisqu’elle étoit offerte par l’exploit du i 5
avril 1 8 1 1 ; les choses ne sont plus entières; il y a eu
compensation : les sacrifices de la veuve n’ont eu lieu
qu’en considération de ce qu’on lui abandonnoit le sur
plus sans cautionnement. 11 y a donc fin de non-recevoir
invincible.
Quoi ! la dame de Laforce abandonne un mobilier
considérable, qui lui appartient d’après la volonté du
testateur; elle se contente de vingt charretées de bois
D a
�pour un chauffage de v ille , dont le séjour est de huit
mois, d’après le sieur la Laubie lui-merne, c’est-à-dire,
du dixième de ce qui lui est nécessaire; elle souffre qu’on
le prenne chez elle, dans une propriété où l’héritier n’a
rien à vo ir; et on voudra que cet abandon ait été fait
sans nécessité, sans cause, sans aucune indemnité! Que
pouvoit offrir en compensation le sieur la Laubie ? Il
n’avoit rien à répliquer aux demandes de sa belle-sœur.
Pouvoit-il lui contester scs habits de deuil ? il n’ignoroit
pas que c’est une dette de la succession, indépendante
de tous legs, de toutes reprises. Pouvoit-il lui contester
le payement des différentes fournitures , pour l’enti'etien
de la femme avant le décès du mari ? c’étoit encore une
dette à la charge de l’héritier. La veuve modère et fixe
le tout à une somme de 1,400 francs : pourquoi cette
réduction? pourquoi se charge-t-elle de l’excédant, si
ce n’est en considération de ce que le sieur de la L au
bie se départoit d*un cautionnement plus dangereux
qu’utile, mais qui pouvoit de ve ni r embarrassant pour
la ve uv e.
Comm ent se faire une idée de l’injustice, de la tra
casserie du co lla téra l, après un traité solennel sur
tous les chefs de demande qui ont été mûrement exa
m in és, et sur lesquels les parties ont tranché la difficulté?
Mais en supposant que le sieur la Laubie 11e se fût
pas occupé de cet objet, quoiqu’il eût sous les yeux
la demande où il en étoit question, qu’il eût oublié de
l’exiger lors d’ un traité définitif portant tradition à la
veuve de son legs, au moins devoit-il le rappeler lors
do la clôture de l’inventaire, qui n’a eu lieu que le 17
octobre 1 C11, six mois après la transaction.
�( 29 )
**
Cependant, lors de cette clôture, la dame de Laforce
ne signa l’inventaire estimatif, qu’en déclarant que ce
p r ix , quoique convenu et arrêté entr’elle et l’héritier,
ne la concernoit pas , et qu’elle n’entendoit se charger
du mobilier que pour le rendre, conformément au tes
tament , dans Vétat où il se trouvera à son décès.
Il n’est pas dit un m o t , dans l’écrit qui termine l’in
ventaire , qui ait rapport à cette caution ; preuve évi
dente que le sieur Delolme s’en étoit départi. Il se
contente de déclarer qu’il ne prend aucune part à la
déclaration de la dame Laforce; qu’il se réserve tous
ses droits. Mais la chose n’en est pas moins livrée, les
inventaire et partage n’en sont pas moins définitifs.
Tout est donc consommé entre les parties.
L e souvenirdu sieur D elolm e, au moisde janvier 1812,
est injurieux , tardif et vexatoire. Il faudroit, avant tout,
remettre ladnme de Laforce dans l’intégralité de ses droits,
lui restituer le mobilier de la L a u b ie , lui rendre son
chauffage plein et entier, tel qu’il lui est assuré par son
contrat de mariage et par le testament; le sieur Delolme
ne pourroit plus se permettre de pénétrer dans les bois de
la Laubie; il faudroit payer la valeur des habits de deuil,
suivant la condition et la fortune du défunt, et en cal
culant la durée du deuil d’une veuve pendant deux années;
ü faudroit acquitter en entier tous les mémoires et four
nitures antérieurs au décès du mari : mais, pour cela, il
faudroit détruire, annuller une transaction sur procès
entre majeurs, ce qui est interdit par les lois anciennes
et nouvelles.
Toutes ces circonstances réunies ne permettent pas de
mettre en question si la veuve est tenue de donner eau-»
**
�( 3° )
tion ; ce cautionnement, d ’après l’article 600 du Code,
est un préalable qui doit précéder la mise en possession,
de l’usufruitier; mais dès que le legs lui a été délivré
en grande connoissance de cause, après de longues dis
cussions sur les droits respectifs des parties, il n’y a plus
à revenir, les choses ne sont plus entières, la demande
est injurieuse et non recevable. *
§.
III.
L a dame veuve Laforce a le droit de prendre
tout le bois nécessaire à son chauffage y
pendant son séjour à la campagne .
L e principe, dans ces matières, est que l’usufruitier
d’un bois a le droit d’en user comme le propriétaire,
d’y couper, comme il l’eût coupé lui-même ; sicut pater
J h m ilia s cœdebat. L ’article 591 du Code Napoléon a
renouvelé cette règle de d ro it, q u i ne peut être contestee
q u ’autant q u ’ on a envie de tracasser.
Lorsque le sieur de Laforce étoit à sa campagne, il
usoit de ses bois pour son chauffage ; ces bois sont d’ailleurs
de natureà être jardinés; l’essence desarbres qui y croissent,
comme hêtre et p i n , se reproduit rapidement; souvent
c’est améliorer que de couper ceux qui sont parvenus à
line certaine grosseur, et empêchent de croître les voisins.
C ’est ainsi que le pratique le propriétaire soigneux et
vigilant; c’est ainsi que le faisoit le sieur de Laforce; et
sa veuve usufruitière a le droit de le faire comme l ui , sur
tout dans 1111 bois annexé «nu bien de la L a u b ie, et que le
testament comprend expressément dans son usufruit,
�( 31 )
Les vingt charretées que le sieur Delolme doit fournir
à la dame de Laforce pendant son séjour à Aurillac, n’ont
rien de commun avec son chauffage de la campagne; et si
le chauffage de la campagne, joint aux vingt charretées ,
ne pouvoit se prendre dans le bois de la Laubie , sans
dégradation, le sieur Delolme seroit obligé d’en prendre
ailleurs. La dame de Laforce n’en devroit pas moins
prendre tout le bois qui lui est nécessaire pendant son
séjour à la Laubie, soit dans le b o is , soit en usant, à
moins de dommage possible, des autres arbres qui peuvent
se trouver dans le même bien.
Cette proposition est absolument sans difficulté. Elle
est non-seulement fondée sur la loi qui règle les droits
des usufruitiers, mais elle l’est encore sur les conven
tions; car dès que le sieur Delolme s’est chargé de
fournir à la veuve de son frère son bois à la v il l e ,
avec liberté de le prendre dans le bien de la Laubie,
la dame Laforce d o i t , à plus forte raison , avoir la li
berté de se servir de ce bois pour son lisage , lorsqu’elle
réside dans ce même bien.
§. I V
ET D E R N I E R .
I l est hors de doute que la dame Laforce
. est maîtresse daffermer les prés de ré
serve dans leur entier.
K L ’usufruitier peut jouir par lu i-m e m e , donner à
« fenne à un autre, ou même vendre ou céder son droit
« à un autre, à titre gratuit. » ( Ar t . 5g5 du C o d e N a p .)
Si la dame de Laforce peut donner à ferm e, vendre
�( 32 )
ou céder à un tiers la totalité de son usufruit, elle peut,
à plus forte raison , en affermer quelques parcelles,
comme des prés de réserve. On ne conçoit pas même
comment le sieur Delolme a pu le mettre en question.S’il en étoit autrement, l’usufruit de ces prés seroit
à peu près inutile à la dame de Laforce. Elle ne peut pas
faire consommer tous ces fourrages; elle n’a pas le même
nombre de chevaux qu’avoit son mari : quand elle le
pourroit, il suffît qu’elle ne le veuille pas, pour qu’on
ne puisse pas l’y contraindre.
Ces prés ne dépendent d’aucune exploitation, puis
que ce sont des prés de réserve. La manière d’en jouir
est absolument arbitraire; et quelle que fût celle du sieur
de Laforce, sa v eu v e , usufruitière d’une portion de ses
biens, n’est pas obligée de s’y conformer, et d’en jouir
comme lui.
La dame veuve Laforce croit devoir terminer ici sa
discussion ; elle ne se permettra aucunes refléxions, au
cunes plaintes : c’est à la Cour qu’il appartient de juger
si l’héritier est à. l’abri de tout reproche, et s’il a suivi
les ordres de son bienfaiteur, qui lui défendoit de tra
casser en rien une veuve qui méritoit des égards, et
on ose dire de la reconnoissance,
Signé D E C H A Z E L L E S , veuve L A F O R C E .
M e. P A G E S , ancien avocat.
M e. G O U R B E Y R E , avoué licencié.
A RIOM , de l’imp. d e T H IB A U D , imprim. de la Cour impériale, et libraire,
rue des Taule», maison L andriot , — Janvier 1813.
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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Description
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Title
A name given to the resource
[Factum. De Chazelles, Marguerite. 1813]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Gourbeyre
Subject
The topic of the resource
douaire
gain de survie
testaments
successions
carrosses
habits de deuil
experts
moulin à papier
chauffage
cautions
Description
An account of the resource
Titre complet : Précis pour dame Marguerite De Chazelles, veuve de M. Henri-Louis Delolme de Laforce, ancien magistrat, appelante d'un jugement rendu au tribunal civil d'Aurillac, le 6 août 1812 ; contre sieur Henri-Louis-Guy Delolme la Laubie, docteur en médecine, habitant de la ville d'Aurillac, intimé.
note manuscrite : « jugement confirmé pour les mêmes motifs par arrêt du 14 janvier 1813, seconde section. Journal des audiences, p. 100 [?] ».
Table Godemel : Chauffage (droits de) : 1. les juges peuvent régler le mode d’exercice d’un droit de chauffage. Usufruit : 4. l’époux usufruitier est tenu de donner caution, s’il n’en a été dispensé par le titre constitutif de l’usufruit. la délivrance du legs par l’héritier n’emporte pas renonciation au droit d’exiger cette caution. si l’usufruitier ne peut donner caution, et qu’il y ait lieu à affermer, on peut excepter de cette mesure une partie des biens.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1813
1810-1813
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
32 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2204
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2205
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53433/BCU_Factums_G2204.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
La Laubie (domaine de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
carrosses
cautions
chauffage
douaire
experts
gain de survie
habits de deuil
moulin à papier
Successions
testaments