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P O U R le Fieur J e a n - A n d r é - S i m o n R i v e s , maître
Orfèvre de la ville d’Apt en Provence , appelant ;
C O N T R E le f i eur H ug u e s } fils & héritier de défunt Pierre
Hugues
vivant
fe difant maître Orfèvre en la ville de
Marfeille 3 ledit Hugues f ils procédant fous l 'autorité de
fon curateur, intimé.
D
plus de q u i n z e ans je gémis fous la plus
cruelle oppreffion. Une procédure criminelle a été
epuis
prife contre mon pere, fur une accufation dont le m otif étoit
également faux &
miférable : il en eft mort de chagrin.
Bientôt elle a été dirigée contre moi ; & contre moi elle
n avoit pas même de prétexte. Cependant j’ai été deux fois
décrété d’ajournement perfonnel ; j’ai paffé par toutes les
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humiliations f toutes les rigueurs d une inftru&ion qui n a;
ceiTé d’être fuivïe criminellement que pour me faire éprouver
une plus grande injuftice. Cette malheureufe affaire a mis
mon état 6c mon honneur en fufpens ; elle a détruit mon
commerce , dévoré ma modique fortune , & porté la
défolation dans ma famille. E lle a été terminée par un juge
ment dont toutes les difpofitions font évidemment ou abfurdes ou iniques. L e moment de la juftice eft arrivé : je
fuis appelant en la Cour de toute la procédure 8c de la i'entence définitive : ma caufe vient d’y être plaidée ; elie eft fur
le point d’y recevoir fa décifion. Je refpire enfin ;ca r je fuis
aux pieds d’un tribunal vertueux ôc éclairé.
Je ne connois ni les lois , ni les formes
mais je n’ai'
befoin que de les fuppofer raifonnables pour être certain1
que tout ce qui a été fait contre moi par le juge des monnoies d’A ix , doit être anéanti. Je fens aufïï què j’ai droit à des
réparations proportionnées, autant qu’il eftpoiïible, à toutes
les pertes que j’ai effuyées, à tous les maux que j’ai foufïerts :
mais à qui dois-je m’adreiïer ? J’ai pour adverfaire le fils
d’un banqueroutier qui n’a trouvé que ce procès dans la fucceilîon de fon p e r e , ôc qui n’a pas craint de le recueillir,
parce qu’il n’a rien à perdre. Quelque condamnation, qui foit
prononcée contre l u i , elle fera nécessairement illufoire ;>
voilà donc à quoi je ferois réd u ita p rè s avoir fi long-temps
& fi cruellement fouffert de l’inexpérience 6c des excès du
premier tribunal ! Dans ce c a s , le citoyen le plus irrépro
chable feroit livré impunément aux calomnies & aux accufations de l’ennemi le plus vil qui pourroit compter fur le
défaut de lumieres ou la prévention d’un juge ôc fur fa pro
pre infolvabilité : mais j’ai entendu dire qu’il eft des circonf-
�N
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tânces où nos lois rendent le juge lui*même perfonnellement
refponfable de Tes erreurs 6c de fes fautes. L e récit des faits
va mettre mon confeil à portée de décider fi j’ai le droit de
prendre à partie le Général provincial & le procureur du R o i
Subrogé du iîége des Monnoies d’Aix.
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S
.
M a famille eft établie dans la ville d’A pt en Provence.
M on pere y exerçoit le commerce d’orfèvrerie. J’ai fait
fous lui mon apprentiiTage ; j’ai été depuis fon compagnôn ,
& je lui ai fuccédé dans la maîtrife, fuivant la difpofition des
téglemens.
Je ne crains pas de dire que nous avons toujours joui de
cette confidération que l’on accorde par-tout à un état hon
nête , exercé honnêtement ; c’eft ce qui réfulte d’une foule
de certificats qui ont été lus à l’audience , témoignages
flatteurs de l’eftime qu’accordoient à mon pere & dont
m’honorent auiïi- les plus refpe£tables de nos concitoyens ,
les corps les plus diftingués de notre ville.
Je fuis marié depuis
Par mon contrat de mariage , mon pere tn ajjbcia aux
bénéfices de fen commerce. Je remarque ici cette circons
tance ; car elle fut le prétexte de l’accufation dont je vais
bientôt parler.
Nous étions donc en fociété de bénéfices : mais le titre
de la m aîtrife,qui eft incommunicable, appartenoit excluiivement à mon pere ; c’étoit lui qui dirigeoit l ’atelier, qui
difpofoit du poinçon , qui conduifoit la boutique , qui gouvernoit la maifon. Je n’étois chez lui qu’un iimple compa-»
A ij
�gnon j & un vrai fils de fam ille qui ne jouiifois de rien r
pas même de la dot de ma femme. Dans cet état d’une dou
ble dépendance , de quoi pouvois-je être refponfable ? O n
ne tardera pas à voir fur quoi porte cette obfervation.
C ’eft ainli que mon pere vivoit au fein de fa famille ,
rd u produit d’un modique patrimoine 6c d’un commerce
borné), qui fuffifoit à fon ambition 6c à la nôtre. Chéri 6c
refpe£lé dans fa maifon , eftimé au dehors , qui n’eût dit
que fa vieilleife pouvoit compter fur une fin douce 6c p a i - .
fible ? Mais la calomnie l’attendoit au bord du tombeau
pour hâter fa mort & empoifonner fes derniers inilansL e nommé Hugues , natif d’A p t , y avoit fait fon appren
ti iTage d’ orfévrerie. Il pafla enfuite à Marfeille , où] il
obtint un privilège > 6c ouvrit une boutique. Son peu d’in
telligence 6c de conduite l’eurent bientôt difcrédité ; il fe vit
peu après obligé de faire banqueroute , 6c le 2 août 1 7 j <?,
il mit fon bilan au greffe de la jurifdittion confulaire. Je
rapporte le certificat du greffier de cette jurifdiction ; quoi
que fes créanciers euffent confenti une remife de 60 pour
cent , les 4.0 reftans ne font pas encore acquittés.
C ’eft ce banqueroutier qui va devenir l’accufateur de
mon pere 6c de tous les orfèvres de la ville d’A p t , 6c qui
précipitera le tribunal des Monnoies d’Aix dans les plus
fauifes démarches 6c les plus étranges écarts. V o ic i quel fut
un des principaux motifs de fon animofité.
C e t homme abfolument fans refTources crut en trouver
.une dans le produit des vexations qu’on fe permet trop
fouvent au nom du fifc. Il prit la fous-ferme des droits de
contrôle des ouvrages d’or 6c d’argent dans la ville d’Apr.
Cette ferme ne rend pas annuellement cent écus : ainfi, il
�$
eft clair que Hugues ne comptoît pas pour exifter fur les
bénéfices de ion b a i l , mais fur le rachat des vexations que
feroic craindre fon efprit de chicane très-connu.
M on pere fut le premier qu’il eiTaya de mettre à contri
bution. En i 7 69 , il lui intenta , fous le nom du fieur F orgerou , adjudicataire général des droits de marque & con
trôle , un procès en la Cour des Aides de P ro ven ce, à l’occafion d’une bague d’or non contrôlée faifie fur un étran
g er, qu’il l’accufa d’avoir vendue.
Cette tentative ne fut pas heureufe : mon pere foutint
l’attaque , & prouva fi bien la faufleté de l ’inculpation, que
le fouS'fermier fe vit obligé d’abandonner fa pourfuite.
L a méchanceté a fon amour - propre ; elle s’irrite des
mauvais fu c c è s , & cherche à fe venger du mal qu’ elle n^a
pu faire.
m
Vaincu devant la Cour des A i d e s , Hugues crut trouver
dans le tribunal des Monnoies d’A ix plus de facilité pour
opprimer mon pere , & jetter la terreur parmi tous fes coufreres de la ville d’Apt.
Il lui falloit un prétexte : il fe procura deux paires de
boucles d’argent grandes & petites, & un hochet d’enfant.
C e hochet eil devenu dans fes mains l’arme de la calomnie.
L e premier a d e .d e la procédure q u ’il va entam er, eit
remarquable, & prouve d’abord la partialité du juge. Hugues
fe préfente à lui : il lui expofe, « quildéfireroit faire informer
» de fon autorité contre les fieurs R ives & M o n n ie r , & au» très marchands orfèvres de la ville d'Apt ; ôc comme les
» offices de procureur du R o i & de greffier ne font point
» remplis ’dans fon tribun'al , ôc qu’il a intérêt d’aller en
» a v a nt , il Je fupplie d’en fubroger pour la procédure quÜ
» entend faire prendre ».
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Il eft vrai que dans le fiége de la monnoie d’A ix , il
n’y a point de titulaires des deux offices de procureur du
roi & de greffier. Mais depuis long-temps les fon&ions
en étoient exercées par les fieurs Odelin & Bayon ; on
ne voit point qu’ ils ayent allégué aucune caufe d abftentiori.
I l rt’y a point eu de récufation propofée ni jugée contre
eux, Pourquoi donc falloit-il fubroger exprès pour la pro
cédure que le banqueroutier Hugues entendoit faire prendre ?
Pourquoi, à la requête d’un homme qui ne rend pas encore
plainte
& qui n’annonce que le déjîr de faire informer ?
Pourquoi
Mais la fuite des faits va nous l’apprendre.
L e juge s’ emprelTe de déférer à cette étrange réquifition.
I l c o m m e t, pour procureur du r o i , M e. G raffan, trèsjeune avodàt au parlement d’A i x , & le fieur Pelleu pour
greffier (*), le premierfous fon ferm ent, le fécond à la charge
de le prêter devant lui ; & à l’inftant, comme un acteur
qui a fon rôle diftribué d’a v a n c e , & qui fe tient prêt à
entrer fur la fc e n e , le fieur Pelleu comparoît, prête ferment,
& lô tribunal çft formé.
Je ne fais fi cette forme de fubrogation eft irréguliere ;
mais ce que je puis d ir e , c’eft que la procédure qui va
fuivre, ne démentira pas la m axim e, que toute commiiïion
eft un figne d’oppreiïion.
Hugues rend fa plainte ; il y expofe que depuis
lo n g - t e m p s il fait un commerce considérable avec les
orfèvres d’A p t qu’il s'eft affuré, par différents cjfais, qu’ils
( * ) Dès le collège, il ¿toit ennemi du fieur Rives fils,
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étoîent dans l’habitude de fabriquer à bas titre ; ce qui
lui avoit fait
pu jufques-là
plus grande
d’empreintes
éprouver des pertes multipliées; quJil n’avcut
les convaincre de cette fraude, parce que la
partie de fleurs ouvrages ne portent point
de poinçons; qu’il étoit cependant parvenu à
fe procurer deux paires de boucles & un hochet d’argent,
marqués de celui du fieur R ives : & fur cet expofé i l
demande a&e de la remife qu’il fait defdites paires de
boucles & du hochet; la permiilion d’informer contre tou&
les orfèvres de la ville d’A p t , le tranfport & la defcente
du juge chez e u x , &
dans leur maifon com m une, pour
y vérifier les poinçons & lanternes»
Si jamais plainte & conclufions furent abfurdes, aflurément ce font celles dont je viens de rendre compte.
L e fondement de la plainte, étoit d’abord notoirement
faux. Hugues cherche à la motiver fur les tores qu’avoic
faits à fon commerce la mauvaife fabrication des ouvrages
qu’il tiroit des orfèvres d’A p t ; & il y avoit au moins trois
ans qu’il avoit fermé boutique , ce qui eft prouvé par le
certificat des gardes du corps de l’ orfèvrerie de M arfeille,
du . i p
cour,
mai
1 7 7 ^ , qui a été mis fous les yeux de la
, Hugues ne p.ouvoic donc fe plaindre que de la perte
réfultante pour lui de la défe£hioficé du titre des deux
paires de boucles & du hochet : c’étoit à quoi fe bornoiç
fon intérêt ; & cet intérêt étoit de trente ou quarante fous
tout au plus. Il ne lui donnoit d’a£tion que contre l’auteur
de ces ouvrages. Suivant lu i, ils étoientmarqués du poinçon
du Heur Rives. Sans être jurifconfulte, il me femble que
le droit de Hugues fe réduifoit à demander la vérification
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clés pointons , l’eflai des pieces ; &
fi
le titra
s’étoit
troùvé au-de (Tous- de celui de l'ordonnance , fi le poinçon
avoitàccufé mon pere , il falloir le condamner à reftituer à l’a
cheteur ce ou’ il avoit payé de tro p , eu égard à l'infériorité
du titre , & peut-être à des dommages-intérêts propor
tionnés. V o i l à , félon ce que me dit le bon fens, tout ce
que l’accufateur avoit à prétendre, s’il eft vrai que l'intérêt
foit la mefure des a&ions. C e n’eft point la marche 'Ample ,
que fuivent l’accufateur ôc le juge.
Un banqueroutier accwfe !
Un particulier intente une accufatioti générale de con
traventions aux réglemens de l’orfévrerie , 6c de fraudes
contre la loi du titre.
Il
l’intente contre toute une communauté d’orfévres,
lûrfque le délit
qu’il énonce
dans fa plainte ne peut
concerner tju’un de fes membres.
J1 demande à inform er, il requiert une defeente de
juges chez tous les maîtres, 6c jufques dans leur maifon
com m une' la vérification des ouvrages, des poinçons,
des regiftres pour conftater le bas titre de deux paires
de boucles d’argent ôc d’u n ‘h o c h e t, 6c en découvrir l’au
teu r, & cet homme eft écouté ! ôc le juge adopte
ces
extravagantes conclufions , & le procureur du roi fubrogé.,
qui feul auroit eu qualité pour faire cette pourfuite, n em
pêche pas que le banqueroutier Hugues aviliife les nobles
fonctions du miniftère p u b l i c , q u ’ il prend fur lui de remplir ;
& par fon ordonnance du
juillet 1 7 7 2 , le général
provincial donne acte à Hugues de la rémiÿlon des ouvrages
qu il joi/it à fa plainte ; ôc comme s’il fuffifoit de préfenter
une piece pour la faire priifumer fauife ou défe&ueufe, il
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:permet d’informer, avant d’avoir conftaté le corps de délit
par un efTai , ôc il ordonne fon tranfport chez, tous i c s
orfèvres de la ville d’À p t , au lundi fui'vant 27^ " du
même m ois, pour raifon d’un délit dorit ml'feul d'entre'¿ü*
eil accufé !
Je fupplie la cour de remarquer le jour fixé pour la
defeente des officiers de la fnonnoie. Il étoit bien choifi
pour donner à cette opération l’éclat le p l u s fcandaleüx',
le plus fait pour ôter au corps de l’orfévrèrie de l’a ville
d’Apt toute la confiance publique , & y détruire entière
ment cette branche de commerce.
C e t o i t le lendemain de la Sainte A n n e , fête patronale
de la ville ;
c’eft le jour même de la fête, qu’arrivent le
Général provincial , fon procureur du r o i , fon greffier,
efeortés de cavaliers de maréchauifée 3 au milieu du con
cours le plus nombreux des payfans des environs, qu’attire
en foule l’expofition des reliques de la fainte, objet
d’une vénération particulière dans ce canton de la P ro
vence.
L e lendemain, jour de foire, le juge procédé à l’exécu
tion de fon ordonnance ; mais il la reftreint arbitrairement
a ceux que lui défigne l’accufateur. D eux orfèvres font
exceptés de cette humiliante vifite. L e fieur Figuieres ch ez
lequel Hugues avoit fait fon apprentiifage, ôc le fieur
la T o u r qu’on favoit mal difpofé pour mon p ere, & qui
fut refervé, pour être entendu comme témoin dans l’infor
mation. Il ne fut accédé ( c ’eft le terme provençal) que
chez ni on p è re , & les fieur L egier & Monnier.
C ’ eft
le
27 , que le général & fon cortege
fe tranf-
portent dans notre maifon ; il y fait la plus exa£te per',i
B
�quifition ; il prend c o m m u n i c a t i o n de tous les regiflres 3
même de celui du contrôle , totalement étranger à Tes fonc
tions. Toutes ces recherches aboutiflent à faifir quatre
crochets d’argent pour femme, qu’il décrit allez fuperficiellem en t, mais fur lefquel il obferve qu’ils ne portoient,
ni empreinte du poinçon de jurande , ni contrôle. Cette
derniere remarque étoit plus .que finguliere dans un procèsverbal d’un juge des monnoies j qui ne doit point connoître
'de ce droit fifcal. Mais elle pouvoit avoir fon u t i li t é ; car
on fe fouvient que Hugues en étoit fous-fermier. Quant
au défaut d'empreinte du poinçon de jurande s le général,
qui n’oublie pas cette circonftance, oublie de conftater le
poids des p ièces, qui feul pouvoit apprendre fi ces crochets
devoient être marqués de ce poinçon ; il faifit auiïi un
paquet de cent quatre bagues de Sainte Anne. Il faut expli
quer ce que c’efï que ces bagues..
C e font des anneaux extrêmement minces qui portent cetteinfcription; Sainte Anne, prie^ pour nous. O n les fait toucher
aux reliques de la fainte , on les bénit: dans cet état, ils font
regardés parles perfonnespieufes de toutes les claiTes , & furtout par les gens delà campagne, comme uneefpece d’amulette
religieufe : il s’en fait un débit confidérable le jour de la fête
de cette patrone de la ville d’A p t , & pendant la foire qui
la fuit. L es orfèvres perdent néceiîairement fur c e t t e fabrica
tion; ôc ileft aifé de le concevoir.
Ces bagues font de deux poids ; les unes pefent
G grains ôc fe vendent fix blancs, les plus grandes en péfent
12 , & fe vendent cinq fous : depuis plus de 600 ans elles
n’ont changé ni de prix ni de titre ; & on fent. que ce
titre doitêtrç bas, foità raifon. de leur mince valeur, qui laifle
�11
^encore aflez de perte aux orfèvres , foit à caufeds leur peu
d’épaiffeur II feroit phyfiquement impoflible de foumettre à
l’ exécution des réglemens cette 'menue bijouterie , qui ne
pourroit réfifter à la foudure , fi on la portoit au titre de
i i deniers 10 grains;d’ailleurs ces anneaux plieroientalors,
comme du papier , & les payfaus,les prenant pour de l’étain
n'enacheteroient point; ce qui porteroit un notable préjudice
à l’orfévrerie de la ville d’A p t , pour laquelle les bagues de
Sainte Anne ne font pas un o b je t ,
commerce.
mais une occafion de
Cette rigueur ne feroit-elle pas extrêmement d é p la c é e ,
fous ce point de vue? ne nuiroit-elle pas efientiellement au
commerce de cette v i l l e , qui fituée entre des montagnes,
aifife fur un fol pierreux & aride, par conféquent peu
fertile en denrées ôc en produ&ions , fe fert de cette innocente amorce pour débiter à certains jours de l’année
fes ouvrages d’indufirie aux étrangers.
L a faiiie des bagues de Sainte-Anne étoit donc abfurde;
celle des quatre
agrafFes pour femme
étoit irréguliere ,
puifque le procès verbal n’en contient pas une description
aifez detaillée, & ne fait pas mention du poids. Mais que
dire de la faiiie du gros poinçon d é m o n pere, qui étoit
une interdi£lion provifoire contre un orfèvre, contre lequel
il n’exiftoit pas même de préfomption d’un délit : peut-on
rien imaginer de plus illég a l, fi ce neft ^information dont j’ai
à rendre compte ?
E t d’abord à quoi bon cette information ? de quoi s’agiiïoit»1 ? D e favoir fi les deux paires de boucles & le hochet
d argent étoient au titre ou non , ôc fi ces ouvragesétoient
marqués du poinçon de mon pere, Q u é to it-il ici befoin
B ij
de
�1ï
témoignages? C'étoit un effa l, une vérification qu’il falloie
faire : mais on vouloic du fcandale , on vouloit de la diffa
mation ; ôc v o ic i comme
on procédé a cette informa-*
tion.
L ’a c c u f a t e u r , fa mere , fes freres &
leurs affidés , tou*
gens de la lie du peuple comme eu x , s’étoient partagé les rues
de la ville : ils arrêtoient les gens de campagne , leur faifoient repréfenter leurs anneaux , leurs bagues, leurs croix,
leur aiTuroient que tout cela étoit faux ; que depuis long tçm$.
on leur vendoit du cuivre pour de l’or ; que le moment étoit
venu de faire punir les orfèvres de tant de fraudes; que le gé
néral étoit là ; qu’il/ n ’avoient qu'a lui porter tous ces bijoux
'de mauvais aloi, qu’on leur en feroit reftituer le p r ix , ou
/qu'on leur en donneroit de meilleurs.
Par tout la populace eft crédule , foupçonnenfe, prête à.
fe venger même du mal qu’on ne lui a pas fait; par-tout,
elle eft facile à féduire, prompte à s’enflammer: mais c’eil
bien pis encore fous le ciel brûlant de la P ro v e n c e , où la
fermentation peut en un moment devenir extrême , ôc où les.
effervefcences populaires ont plus d’une fois entraîné la ju f
tice elle-même dans les plus funeftes erreurs..Dans un moment,
près, de 2 0 0 témoins fe.précipitent chez l’accufateur, prêts,
à croire tout ce qu’il voudroit d ire , & à
dépofer de tout,
ce qu'ils auroient cru; de là .ils courent à la maifon où
le juge avoit établi fan tribunal : c’eft
mier entre fes mains tout ce qu’il a
d’argent ; ôc pour exciter encore cette
p a r l’aiguillon de la cupidité,Hugues ,à
à qui. mettra le pre
de bijoux d’or ÔC
forte d’enthouliafme
la porte d’une bouti
qu e, payoit publiquement la taxe des dépolirions.
T o u s ces faits font notoires dans la ville d’A p t , tous les
�' 13
honnêtes gens en dépoferoient ; & fi je ne puis eh rapporter
la preuve, c’eft que, par une incroyable bizarrerie de la
procédure dont je vais bientôt rendre compte, je n’ai pas
été mis à portée non feulement de combattre , mais m êm e
de connoître les témoins de cette information.
E t c ’ eft fur une pareille procédure que nous avons été dé
crétés, monpereôc moi , lu i, d’ajournement p erfonneljm oi,
d’alfigné pour être ouï !
Je me trompe peut-être ; car je ne fais fi c’eft l’infor
mation fur la plainte principale qui a motivé ces décrets,
ou celle fur la plainte incidente dont il meref t eà parler. L a
forme en eft finguliere.
Hugues fe trouve au palais, & là il rend'au juge fa plainte
verbale, par laquelle il accufe mon pere , moi & plufieurs de
nos parens, & de ceux des autres orfèvres, de fubornation
de témoins dans le préfent palais, fous fes yeux & fous ceux
du tribunal , & il demande permiflion d’informer.
L e général provincial croit auiïi cette ridicule imputation ;
il dreffe procès verbal de la plainte, le communique fu rie
champ au procureur du R o i, lequel conclut par fa formule
ordinaire, j e n empêche; & le général« donne a£te au fieur
» Hugues de fon exposition, ordonne que fyr le contenu eu>
» icelle, circonftances & dépendances, il fera p ar lui in» formé par addition, continuation, 6c fupplément d’informa» t io n , le tout aux fins requifes ».
O n informel en conféquence ; les décrets ne fe ferontpas.
long-temps attendre: maie pour domier quelque apparence
de fondement à cette violente procédure, le juge qui a'
commencé par informer contre les coupables ?fe fouvient qu'il
�14
efl néceflaire de
procéder à des effais , pour parvenir à
reconnoître s i l exijle un délit.
D e retour à A ix , il rend Je 13 août 1 7 7 2 , une o r
donnance portant : « Q u’ à la diligence du fieur Pierre.
» Hugues, Jean - Pierre R i v e , maître orfèvre de la ville
» d’A p t , fera aiTigné à comparaître devant lui dans l’hô» tel de la monnoie de cette v i l l e , le 2 6 du même
» m o i s ... . pour venir reconnoître les ouvrages d’orfévrerie
»
»
»
»
»
»
remis par ledit fieur Hugues lors de fa requête de plainte
du 2 y juillet précéd en t, & les poinçons appofés fur leurs
ouvrages , ôc voir procéder à l’ouverture ôc ^econnoiffance de l’état des paquets" contenant les ouvrages & le
poinçon par lui retenus ôc mentionnés dans fon verbal
d ‘accedit, du 27 du même mois de juillet , dont ôc
» du tout il fera par lui dreffé procès verbal, ôc de même
» fuite, voir procéder par M e Cabaffole, eifayeur royal dans
»
»
»
»
»
l’hôtel de la m on n o ie, à. l’eflaL du titre des ouvrages,
tant de ceux remis par ledit H u g u e s , que de ceux retenus par le juge m êm e, lequel effai portera tant fur
le corps des ouvrages que fur les pieces d’applique, fans
néanmoins toucher aux poinçons, à l’effet de quoi lef-
» dits ouvrages feront remis audit eifayeur par le greffier
» de la monnoie , duquel eifai fera dreifé rapport, en tout
» préfent le procureur du R o i; p o u r ledit rapport fait, être
*» joint à la procédure ôc être enfuite ordonné ce qu’il
» appartiendra ».
*
J’avoue que je ne vois pas bien pourquoi c’ eft à la di
ligence de Pierre .Hugues que mon pere doit être ajourné
à venir reconnoître les ouvrages faifis chez lui par le gé
�néral , &. à voir procéder à TelTai qui en fera fait. Sans connoître les formes, il me femble que le bon fens indique feul
que, ne s’agiflar.t point ici de ion in térêt, c’eft de fa part
porter trop loin la diligence.
Q u ’eft-il réfulté de l’exécution de cette ordonnance ?
Aiïigné par exploit du 2 7 août 1 7 7 2 aux fins y portées,
mon pere comparut. O n lui repréfenta les deux paires de
boucles & le hochet remis par l’accufateur, en le fommant
de les reconnoître, ou de nier que ces ouvrages fuffent
fortis de Tes mains.
Il déclara que : « Sans approbation de la procédure,
» contre laquelle il proteftoit de fe p ou rvo ir, il ne pou» v o i t , attendu la foiblefle de fa vue (#il avoit alors 7 3
» ans, ) reconnoître les piecesqui étoient très-ufées, à l’effet
» d’aflurer fi elles étoient forties de fes mains , & fi elles
» portoient véritablement fon poinçon ». En conféquence
il en requit la vérification*
Quant aux quatre crochets & aux bagues de SainteAnne , faifis par le général provincial lors de fon accedit
dans fa m aifon , il les reconnut.
Dans cette pofition, comment le juge devoit-il fe con
duire ? Il eft évident qu’après avoir fait e{[ayer les diflfé-rens ouvrages qui fervoient au procès de pieces de convic
tion , fi le titre s’étoit trouvé défectueux, il devoir ordon
ner, la vérification du poinçon mis fur ceux, que mon père
n’avoit pu reconnoître ; & s’il s’étoit trouvé être le fien ,
confifquer ces ouvrages , ordonner lâ reftitution du prix,,
condamner à une amende de 50 liv. pour la contravention
aux réglemens & fuivaj.it leur difpofition textuelle; c’étoit
a des condamnations de ce genre feulement que ce procès-
�i 6'
cîevoit aboutir, & , Ci je ne me trom p e, après une inftruiStion telle que je viens de 1 indiquer.
A la vérité , il a
procédé aux eflais dçs pieces
remifes par l ’a c c u f a t e u r , ôt de celles failles par le général;
mais d ’ a b o rd pourquoi la même ordonnance n’a-t-elle pas
p r e f c r i t celui des bijoux dépofés au greffe par les témoins
de rinformation ? Je paife ici fur cette inconféquence ,
je n examine que la forme des deux effais des 2 7 & 28
août 1 7 7 2 .
Comment l’eflayeur a-t-il opéré ? Par la voie de l’eiTai,
contre-eflai 6c reprife ? Mais & les agraffes & le hochet
étoient compofés de plufieurs pieces. Chacune en particulier
e'toit-elle d’un poids fuffifant pour fe prêter à l’opération?
L ’ordonnance ne prefcrit pas à l’effayeur de pefer. Il ne Ta
point fait. O r cette formalité étoit eifentielle. L a même
ordonnance ne commet qu'un feul eifayeur, & il faut tou
jours deux experts en matiere criminelle : car un expert efl
un témoin; Ôc la maxime tejlis unust tejlis nullus, me femble recevoir ici une application d’autant plus rigoureufe ,
q u e, de toutes les efpeces d’expertifes, celle dont il s’agit
eft fans contredit la plus 'délicate, la plus fujette à de
grandes erreurs. O n fait tout ce que la docimaftique demande
d’attention , de précifion, de foins: mais combien y a-t-il
d’effayeurs qui fentent avec quel fcrupule, pour ainfi dire
fuperftitieux, ils doivent procéder lorfqu’ils mettent en ex
périence l’honneur d’un citoyen.
L e fieur CabaiTole n’a pas cru devoir à la juûice la
preuve de fon exa£titude par un détail exaft de fes procédés:
il n’a donné que des réfultats, & quels font-ils ? Si l’on en
juge par fes procès verbaux, des quatre crochets, qu’on ne
fabrique
�17
fabrique qua pour des femmes de payfans ou d'artiians de
la derniere claiî'e , & dont les façons font depuis des fiecles
toujours reftées au même prix , il n’y en eut qu'un donc
le corps ne fut qu a 1 o deniers vingt-trois grains ; Teifai
des trois autres donna i i deniers fix grains & demi.
Leurs chaînes dont chacune portoit plus de foixante foudures, furent trouvées les unes à i o deniers vingt grains,
les autres à x o deniers.
Je ne parle pas des bagues de Sainte-Anne ; elles n’allerent qu'à 5? deniers dix-huit grains. O n fe rappele l’obfervation que j’ai faite plus haut fur la néceflité de les fabri
quer à bas titre, & pour leur donner quelque confiftance
par une plus forte proportion d’a llia g e , Ôc pour en rap
procher la valeur intrinfeque de leur prix , qui ne doit ja
mais varier. Mais d’ailleurs je demanderois à l’eiTayeur
comment il a pu eifayer ces bagues à la coupelle, & de quel
poids d'eiîai il s’eft fervi. L es femelles d*effai doivent être au
moins de dix-huit grains pour l’argent ; & les plus forts
de ces anneaux n’en pefent que douze. Il fuffit de cette
remarque pour faire apprécier fa maniéré d’opérer.
Quant aux
proprement &
fe trouvèrent
qu’à 8 deniers
pieces remifes par l’accufateur , & qui font
uniquement la matiere du procès, les boucles
à 1 x deniers trois grains } le hochet n’alla
& demi ( 1 ), fi j’en crois mon adverfaire ; car
( 1 ) C ette fabrication paroîtra fans doute exceiiïvement défeâueufe.
Elle peut néanmoins s’exctifcr , fi l’on fait attention à la forme de cette
eijjcce d’ouvrage.
*
Le hochet cil ordinairement quadrangulaire »fes quatre côtés doivent
C
�i8
la copie du procès verbal de l’eÎTayeur,qu’il m a fait figniiîer,
ne fait point mention du hochet.
Ces efiais font défeftueux fuivant les réglés de l’art ; ils
font nuls par le défaut d’exprefiion du poids tdes ouvrages ;
ils ne méritent aucune foi en juftice, parce qu’ils font l’ou
vrage d’un feul expert : mais d’ailleurs- que prouvoient -* ils
contre mon pere.
L e s pieces faifies par le général ne pjouvoient être eflayées
qu’à la pourfuite & diligence du Procureur du R o i ; & c’eft
à la diligence de H u g u es, qu’elles ne concernoient p o in t,
qu’il a été procédé à cette opération.
Quant à celles remifes par cet accufateur, en fuppofant
l ’eiTai régulier ôc bien fait , il ne fervoit qu’à conilater le
corps de délie. Pour en convaincre mon pere , il falloit une
vérification de fon poinçon , ôc elle ne fut ordonnée que
quinze mois après fa mort.
J e touche à une cruelle époque du p r o c è s , & qui me fait
bien
fentir toute l’horreur de l’injuftice du tribunal des
ctre foudés enfemble , ou au moins de deux en deux dans toute leur
lo n g u eu r; leûfFlet dont il eft furmonté doit être garni d’une pièce aflez
large par derriere en forme de languette , dont trois des côtcs doivent
être foudés. L e s quatre grelots font chacun de deux pieces foudées
enfemble , 8c recouverts d’une trèfle d’argent foudée auili fur leur co n
tour ; enfin ces quatre grelots font attachés chacun à une confole qui
doit être encore foudée par les deux appuis à la tige de ce bijou. T a n t
dé foudures ne demandent-elles pas un argent plus c u i v r é , pour qu’il
puiffe réfifter à la flamme de réverbère , p.ir laquelle il doit piller ii
iouvent i N ’exigent-elles pas une plus grande proportion d’alliage que
les ouvrages faits au m a rtea u , & qui ne portent que peu ou point de
pièces d’applique ?
�Ij>
monnoies d’Àix. J ’ai pu raconter froidement tout ce qui
précédé ; je pourrai encore conferver du calme dans le
récit de ce qui va fuivre. Il n*y fera quefiion que de ce que
j ’ai fouffert moi-môme : mais i c i . . . . . j’aime mieux encorc
lai (Ter parler les faits. L ’ame fenfible des magiftrats que j’ai
pour juges , n’a pas befoin , pour s’ouvrir à la pitié , que je
peigne mes douleurs ; iis les verront dans mon iilence ,
ôc trouveront dans ma modération même une raifon de plus
de me plaindre, ôc de s’armer d’une juftefé vérité contre mes
opprefleurs.
Sur une information qui ne pouvoit rien prouver,fur des
eflais qui prouvoient tout au plus un dé l i t , fans défigner le
coupable, le 3 1 août 1 7 7 2 , je fuis décrété d’aiïigné pour
être o u ï , ôc mon pere d’ajournement perfonnel. Ce décret
ne porte aucune mention du titre de l’accufation fur laquelle
il eft rendu.
L e 4 feptembre il eftfignifié à mon pere Ôc le 1 2 il n’étoit
plus: il fe mit au lit le lendemain, ôc dès ce moment il fut
dévoué à la mort; tout fecours fut inutile ; une fievre aiguë ôc
dévorante termina brufquement la carriere d’un vieillard de
foixante-treize ans, qu’attendoit fans doute une fin plus paifible. Il mourut en proteftant de fon innocence, ôc en pardon
nant àfon ennemi. J'étoisabfent: je n’eus point la confolation
de lui fermer les yeux; ôc, le dirai-je? ce fut un bonheur pour
moi de n’avoir pu lui rendre ce trifte devoir. L a calomnie
veilloit auprès du lit de mon pere expirant, pour chercher,
dans les foins de la pitié filiale, l’horrible prétexte d’une aceufation de parricide qui me fut même intentée , malgré
m on . abfence. Un décret de prife de corps fut lancé contre
moi par le tribunal qui fiégoit alors à la place du Parlement ;
C ij
�20
car ce fut dans ce temps de deuil public que cette calamité
tomba fur ma perfonne & ma famille. E t quel fut mon dé
nonciateur ? A i-je befoin de le dire , ai-je befoin de le
prouver?E h ! quel autre pouvoit-il être, que l’ennemi connu
de tout ce qui portoit mon nom , le même q u i , en i 7 <5> ,
avoit intenté à mon pere, en la Cour des A id e s , un procès
qu’il n’avoit ofé pourfuivre ; le même qui lui en avoit fuf-
cité un autre dans ce même tribunal, dans lequel il avoit honteufement fuccombé ; le même qui , par une délation éga
lement fecrete , mais foupçonnée de toute ma province ,
l ’avoit impliqué dans une accufation d’infanticide ; le même
qui avoit provoqué l’inique procédure que je dénonce en
ce moment à la C o u r , & pour laquelle cinq magiftrats da
Parlement rétabli , qui venoit de proclamer mon innocence ,
l ’ont condamné, par leur fentence arbitrale, aux dépens & aux
dommages-intérêts envers moi. Mais veut-on connoître mon
ennemi ? veut-on juger en même temps de fon incroyable
afcendant fur le tribunal des monnoies- d’Aix ? C ’efl: dans le
moment où la plus abfurde & la plus atroce accufation me
faifoit gémir fous les plus durs liens de la juftice, dans le
moment où , réduit au plus violent défefpoir par la fatalité
de mon étoile , ou plutôt par les lâches manœuvres de mon
acharné perfécuteur , fu g itif, errant , j’invoquois la m o r t ,
& ( je peins ici ma véritable fituation ) je l’euife trouvé peutêtre fans les principes religieux qui me foutinrent ; c’eft
dans ce moment que. mon accufateur au tribunal des mon
noies, demande, que le Procureur du R o i requiere, que le
juge prononce la converfion en ajournement perfonnel',
d’un décret de foit ouï.... qui nexiftoit plus.
C ette converfion eit prononcée le 23 octobre 1 7 7 2 5
�&i
& c’eft ainfi que le procès eil repris contre moi : c’étoit le
comble de 1abfurdité. Je n étois point compris dans la plainte
principale : & comment aurois-je pu l’être , moi , fimple
compagnon, qui n’étois par conféquent tenu d’aucune con
travention , refponfable d’aucune fraude? J’avois été , il eil
vrai , décrété de foit ouï fur la ridicule plainte en fubornation de témoins : mais cette plainte n’étoit qu’acceifoire à
l ’accufation principale é te in te , par la mort de mon pere.
Quand on le fuppoferoit même convaincu des délits qu’on
lui im p u ta it, fa mort avoit impofé filence à l’accufateur.
L ’alile inviolable du tombeau avoit mis fa mémoire à l’abri
de toutes recherches : l’a&ion civile étoit feule ouverte à la
partie civile contre fa fucceiïion ou fon héritier. C e prin
cipe eft certa in , inconteftable ; il eft fondé tout à la fois
fur la raifon, l’humanité , les lois. L e tribunal des monnoies d’A ix l’a méconnu. Il n^exiftoit plus d Jaccufation ni
contre mon pere , ni contre moi ; il me décrété ici fur une
accufation éteinte , comme il avoit
auparavant
permis
d’informer avant qu’il y eût un délit confiant.
Ceft lorfque je fuis d é c rété, que l’accufateur rend ia
plainte contre m oi, fur le fondement d’une prétendue fociété
avec mon pere, dont il va chercher la preuve dans les
claufes de mon contrat de mariage que voici.
M on pere m'y donne tous fes biens « préfens & à venir,
» en quoi qu’ils conftftent & puiffent confifter
y compris
» ceux qu’ il a recueillis de la fucceiïion de la feue demoifelle
» Jean fon époufe , fous la réferve des fruits & ufufruits
» & jouiffance fa vie durante, en payant les charges d’iceux
» & enjouiifant en bon pere de fam ille, affiliant les futurs
» époux dans fa maifon , promettant les y nourrir & entre-
�» tenir ôc leur famille à fon égal ôc ordinaire , fains ôc maîa» des, en travaillant par eux au profit de la maifon de
» concert ôc en commun avec ledit fieur R ives p e r e , ôc
» en jouiffant par icelui de la fufdite dot.
E t plus bas il eft ajouté : E t dans le cas de féparation
» ôc d’infupport, le fieur Rives fils} régira la boutique d'orjévre» rie & travaillera pour fon fe u l compte fous le poinçon de fou
» pere , fans qu’içelui puiife prétendre aucune part dans les
» profits, ôc même ledit fieur Rives promet, toujours audit
» cas de féparation, d’émanciper fon fils en bonne ôc due
» forme , ôc même de donner fa démiffion de la maîtrife
» d’orfévre, pour que fon fils puiife fe faire recevoir maître,
» comme plus ancien fils de maître».
A -t-on jamais entendu dire que les claufes d’un contrat
de mariage aient pu motiver une accufation ? ôc ma caufe
n’offre-t-elle point dans tous
fes détails des bizareries fans
exemple.
U n contrat de mariage qui eft un pa&e entre deux familles,
entre deux ép oux, étranger à tout autre, dont l’œil même du
miniftere public ne pourroit pénétrer le m yftere, devient
une piece de convi&ion dans un procès criminel. E t qui
avoit donné à mon accufateur, au procureur du R o i ,
juge même le
au
droit d’en prendre connoiflance ? n’importe;
Hugue fe préfente mon contrat de mariage à la main , il
expofe que des claufes que je viens de rapporter, il réfulte une
affociation entre mon pere Ôcmoi, ce qui m’a rendu com
plice de fes délits ôc de fes contraventions , « ôc demande
» a&e
en conféquence
de ce qu’il remet ledit contrat de
p mariage, comme preuve littérale ôc permiifion d’informer
�» fur ce que deiïus , cîrconftances & dépendances, enfemblc
» fur fes autres plaintes par continuation & addition.
V it-o n jamais pareille extravagance? Rendre plainte fur
le fondement d’un contrat de mariage , demander la permiffion d’informer par continuation contre un homme qui
n’a pas été enveloppé dans la premiere accufation ! la permiilïon d’informer fur des plaintes précédentes, contre celui
qui n’a point été compris dans ces plaintes ! c ’ eft le délire
de l’efprit de chicane & de calomnie. Mais que dire de
l ’ordonnance dont elle eil répondue ? Elle porta : » Soit la
» préfente requête retenue & jointe àla procédure, pour fu r ie
» vu des charges & informations , & fur les conclufions du
» procureur du roi , être par nous ordonné
ce qu’il appar-
» tiendra ». Une requête de plainte jointe à la procédure
pour la répondre fur le vu de charges 6c informations qui
i/exiftoient plus ! mais, pourquoi non,puifque je reilois bien
ibus les liens d’un décret d’ajournement perfonnel prononcé
par converfion d’un décret de fo it o u ï, éteint par la
mort de mon pere ?
Il paroît qu’ un jugement poftérieur p erm it, fu r
le
vu
des charges & informations d’informer contre moipar con~
tinuation -r & fur cette continuation, nouveau décret d’a
journement perfonnel, qui ne contient non plus aucune
mention du titre de Taccufation.
J ’obéis, & je fubis plufieurs interrogatoires très-longs.
Je fens qu’on doit s’étonner de ma patience. L a voie de
l’appel m’étoit ouverte. Pourquoi n ’y pas recourif ? M ais
je fuis établi en provence ; j’y ai mon é t a t , ma famille f
mon patrimoine. J’efpérois trouver enfin la juftice plus près
de moi ; j’efpérois que les perfécutions, les vexations au“
�24 roient un terme. Cependant tout devoit me détromper :
car ce fut en vain que je follicitai alors mon admiiliou
à la maîtrife de m o n pere. L ’accufateur avoic un frere q u i
pouvoit y prétendre , fi l’on parvenoit à m’exclure ou à me
dégoûter. J’ai été plus de deux ans avant de pouvoir être
reçu ; 6c mon décret fut le prétexte dont on fe fervit pour
m o t i v e r ces délais qui devoient anéantir mon commerce.
Je
voulus férieufemenc voir la fin de cette malheurenfe
affaire. Je fatiguois, le tribunal, de requêtes à fin de com
munication de pieces ôc d’a£tes d’inftru&ion, mon adverfaire , de fommations de mettre fa procédure en état. Dans
l ’origine du procès, on a pu remarquer la précipitation du
juge des monnoies d’Aix. A cette époqiis du procès, on
multiplioit les délais, on affé&oit des lenteurs. C ’eft alors
que le général provincial s’aperçoit qu’il a oublié d’or
donner l'eiTai des pieces remifes par les témoins lors de
fon acceiit dans la ville d’Apt. A la longue , tout ie ré•pare : par une ordonnance du 1 i o&obre 1 7 7 5 , ^ com
met j pour y procéder le même expert Cabaifole qui avoic
fait les deux premiers eifais , il le nomme encore feul ;
mais pour cette fois il ordonne de pefer les pieces : ôc
Ton peut juger, par fon procès verbal, combien cette for
malité eft im portante, combien l’omiiTion en eft dangereufe ; car l ’expreifion du poids me donne ici un moyen
vi&orieux de prouver le vice de Teifai. L e fieur Cabaifole
commence par annoncer qu’il a fait e ifa i, contre - eifai, ÔC
reprife. O r cela eft impoflible par rapport à la majeure par
tie des bijoux dont il s’a g i t , s’il a opéré régulièrement. L e
poids d’eifai, pour les matieres d 'o r , doit être au moins de
douze grains r aux termes des réglemens. L ’eÎTai, le contreeifai
�2?
cfiai & la reprife demandoient d o n c, pour être pratica
bles 5 que les ouvrages eiTayés fuflent au moins du poids
de trente-fix grains ; 6c la majeure partie de ces ouvrages
ne les pefent pas. L ’effayeur a donc menti à la juitice ,
ou s’eft fervi d’une femelle d’ej]ai trop foible, & alors foa
opération eft nulle : j’en parle avec affurance ; ceci eft du
reflort de ma profeiïion. Q u ’on apprécie les autres eiTa'îs
par celui dont je viens de rendre com p te, qui feul contient
renonciation du poids des pieces, d’ou réfulte la preuve
de l’impofiibilité ou de l’irrégularité de l’opération. Mais
d’ailleurs des mains de quel orfèvre étoient fortis ces ou
vrages que reliai accufe d’être à un titre trop foible ? Ils
u étoient point marqués de poinçon j leur poids les difpenfoit de cette formalité : où eft dont la preuve qu’ils fuffent de mon pere & de m oifon aiTocié, fuivant l’adverfaire?
Apparemment dans l’information même,dans laquelle avoienc
été entendus les témoins qui les avoient remis au général,
C ’étoit donc les témoignages des plaignans qu’on érigeoit
en preuves? Seroit-ce dans la continuation d’information
faite contre moi ? mais elle n’avoit d’autre objet que de
conftater ma prétendue fociété ; & cette fociété ne prouvoit pas que mon pere & moi euffions fabriqué les ou
vrages en queftion» Q uoi qu’il en fo it, c’eft l’une ou l’autre
de ces informations qui a été d é c ré té e , & décrétée d’a
journement perfonnel. L es charges étoient donc graves, les
preuves confidérables : fans doute le juge va pafler au rè
glement à l’extraordinaire. Après
des informations, des
defcentes , fur lefquelles il a été lancé des décrets , ce
ncft guere l’ufage de civilifer , à moins qu’il ne foit furvenu des preuves bien favorables à l’accufé ; & dans l’état
D
�26
de la procédure , loin qu’il fût arrivé rien de nouveau en
ma faveur, il y avoit un effai de plus qui arguoit de lraude
les pieces remifes par les témoins. Cependant régler à
l ’extraordinaire fur des accufations aufli miférables , c'eût
été trop
abfurde ; civilifer paroiifoit trop inconféquent.
D ans cette pofition embarraiTante, quel parti prendra le
tribunal des monnoies d’A ix ? O n ne s’y attend pas. L e
novembre 1 7 7 3 , il rend un jugement interlocutoire,
qui ordonne, « que le procès fera jugé en l’état; à l’effec
»
»
»
»
de quoi les parties donneront , fi bon leur femble , leurs
requêtes à fins civiles , ôc que Pierre Hugues comimin iq u e r a dans trois jours fes requêtes de plainte & en
continuation d’information, enfemble le verbal <X’accedit,
» aux accufés ; pour ce fa it , ou à faute de ce faire, être
» par lui ordonné ce qu’il appartiendra >-.
C ’eft-à-dire ,
que ce jugement
civilife
&
ne civi»
life p a s , qu’il réglé à fins ci vi l es , pour juger cependant fur
le vu de charges qui ne font point communiquées , point
converties en enquêces , fans renvoi à l’audience, fans qu’il
me foit permis de faire la preuve contraire , fans que les
dépofitions des témoins qui reflent au procès aient été
aifurées par le récolem ent, & prouvées par la confrontation,
ou attaquées dans la forme civile par des reproches, com
battues par une contre-enquête, fans même que je connoiiTe
ces t é m o in s , que je fâche feulement leur nom.
A la fin, tant d’abiurdités & drinjuflices me révoltent. L e
2p janvier 1 7 7 4 . , je fais fignifier à mon accufateur un
a£le d’appel. C e t appel étoit devenu fufpeniif, puifque le
procès étoit civilifé , au moins à la maniéré du juge des
monnoies d’Â i x . Il étoit dautant plus néceflaire ici de lui
�27
donner cet effe t, que par la bizarrerie de l’interlocutoire
dont je viens de rendre compte , je devois être jugé au
civil fur toutes les charges d’une procédure criminelle ,
que mon appel tendoit à faire atinuller*
Cependant le juge des monnoies d’ A ix ne craint point
d’aller en avfnt , quoique la cour fut faifie par l’appel : &
pour compléter fon inftru&ion, il ordonne la vérification
du poinçon de mon pere , fur les deux paires de boucles
d’argenc , & le hochet remis par Hugues lors de fa premiere plainte, c Jeft-à-dire , qu’il finit précifément par où
il devoit commencer. Je n’entrerai dans aucun détail fur
cette derniere opération , dont le moindre vice fut d’être
ridiculement tardive.
L e 13 avril 1 7 7 4., j’obtiens en la cour un arrêt qui
me reçoit appelant ôc ordonne l’apport des charges.
Je le fais fignifier le 10 mai au greffier du tribunal des
monnoies d’A ix ; mais le général provincial venoit de rendre
le même jour fa fentence définitive, qui , « pour les con» traversions commifes par Jean-André-Simon R ives j, con
» p agnon orfèvre, ajjocié au commerce de feu Pierre R ives
»
»
»
»
fon p e r e , maître orfèvre de la ville d’A p t , aux édits
déclarations & arrêts de règlement concernant le titre &
alliage des ouvrages d’orfévrerie , le condamne en 20
liv. d’amende envers le R o i , & en y o liv. de dommages
» intérêts envers la partie civile ; prononce la confifcation,
» au profit de Sa M ajefté, des ouvrages par . lui fabriqués
» & joints à la procédure , & la reilitution envers les ache» teurs, avec inhibitions & défenfes de plus récidiver, à
“ peine d’être pourfuivi extraordinairement, ôc q u i , renou* vêlant les difpofitioos
des ordonnances & arrêts de réD ij
�28
» glement, pourvoit à divers objets de la polrce ôc difcipline
» des communautés des maîtres orfèvres de la province ;
¡0 ordonne en outre 1 impreflion ôc 1 affiche de la fentence ».
T e l eft l’injurieux intitulé de ce jugement qui a été
placardé dans ma ville par un attentat puniflable contre
l'autorité de la cour. J’ai fait conftater l’affiche par un pro
cès verbal du juge ordinaire , & je le repréfente. Autre
ment pourroit - on croire pofiible ce mépris d’un tribunal
fubalterne pour les Magiftrats fuprêmes? J’appelle de fa pro
cédure , & il juge. Eft-ce parce que le procès eft refté cri
m inel, quoique civilifé? il juge ôc il exécute fon jugement.
Eft-ce parce que le jugement eft civil , ôc la matiere provifoire attendu qu’il ne s’agit que du déshonneur de quelques
citoyens ? E t avec qu’elle violence s’eft faite cette exécu
tion !
L e jour même qu’elle
eft renduef
la fentence m’eft
fignifiée à la requête du procureur du R o i ; je réponds fur
le verbal de l’huiiïier par une nouvelle déclaration d’appel,
& j’invite le procureur du R o i à y déférer. Cette réponfe
l ’irrite. Il préfsnte un réquisitoire plein d’aigreur ôc d’anim ofité, par lequel il conclut à ce que le jugement foie
exécuté pour les condamnations prononcées à fa requête,
( ôc ce font précifément les plus flécriiTantes ), à la radia
tion
des termes
prétendus injurieux de ma réponfe , à
des injon£tions contre m o i , avec défenfe de récidiver ,
ôc à raumône.
Un jugement du même jour accueille toute3 ces concluiions, à l’exception de l’aumône, qui eft changée en une
amende de 3 liv. ®
L a fentence définitive s’exécute par les voies les plus
�29
rîgoureufes ; les faifies mobiliaires , la faifie-réelle mettent
le feu dans mes affaires. Une contrainte par corps eft décer
née ; la maréchauifée eft à ma pourfuite : j’aurois été emprifonné , fi je n’avois eu le bonheur d’échapper à fes recher
ches; & j’ignore jufqu’où fe feroit portée la vengeance, fans
un arrêt de la C o u r, qui , « en me recevant incidemment
» appelant, & en adhérant à mes premieres appelations de la
» fentence du 29 novembre 1 7 7 4 , & de toutes les pour» fuites , procédures, & contraintes qui pourroient l ’avoir
» fuivie , a fait défenfes de mettre cette fentence à exécu» tion , ainfi que celle du 1 o mai précédent , & de paifer
» outre aux contraintes qui pourroient avoir été encommen» c é e s , d’attenter à ma perfonne & à mes biens, & de faire
» pourfuites ailleurs qu’en la Cour »,
C e t arrêt m’a rendu le calme & l’efpérance. Je fuis aux
pieds de la Cour*, ma caufe y a été plaidée ; je demande à
mes confeils :
i° . Si je dois me flatter que la procédure dont je viens
de rendre compte , & les jugemens qui l’ont term inée,
feront déclarés nuls.
20. Si je peux craindre quelque condamnation à l’égard
de l'héritier de Hugues.
3 0. Si j’ai droit à des dommages-intérêts.
4°. A l’impreffion ôc à l'affiche de l’arrêt à intervenir.
5 0. Enfin fi je fuis fondé, dans ma demande à fin de prife
à partie contre le Général Provincial & le Procureur du
R o i du fiége des Monnoies d A ix . Signé R
Monfîeur H Ê R A JJ L T
iv es.
Avocat général.
M e D U P O R T D U T E R T R E , A vocat.
B o u r r i c a r t , Procureur*
�C O N S U L T A T I O N .
BTîCONSEIL
L
fouifigné q u i a pris communication
de toute la procédure fuivie contre le fieur R i v e s ,
maître orfèvre de la ville d’A p t , enfemble de fes requêtes
6c demandes en la cour des monnoies, ôc du mémoire
à confulter ci-deifus ;
E stime , qu’il peut compter fur l’adjudication de toutes
fes conclufions.
i°.
L a procédure du juge des monnoies
d’A ix
eft
infettée de nullités dans fon enfemble ôc fes détails.
Une nullité générale fe préfente d’ab'ord, ôc qui feule
doit la faire anéantir ; c’eft celle de la p lainte, qu’on
regarde avec raifon comme la bafe de toute pourfuite
criminelle.
E lle contient une accufation générale ( ôc cette efpece
d’accufation n’etl point admife parmi nous, ) une accufation
générale , intentée par un particulier contre tout un corps
d’orfévres, fans l’apparence même d’un intérêt légal , ôc
à raifon de la perte qu’il, peut eifuyer fur deux paires de
boucles ôc un hochet d’argent, qu’il attribue au fieur R ives
feul. Cette plainte & fes conclufions tendantes à fin de
permiiBon d’informer , ôc de faire ordonner une defcentp
chez tous les orfèvres de la ville d’A p t , ôc dans leur
maifon com m une, ne méritoit pas d’être répondue; il »’y
fivoit qu'un moyen pour donner à la vexation qu’on méditoic
�3i
une ombre de régularité ; ce m oyen, le voici, t e procureur
du roi dévoie prendre la plainte de Hugues pour dénon
ciation , & s’emparer de la pourfuite. L a jon&ion n’étoit
pas fuffifante. C ’étoit à lui f e u l , comme repréfentant le
miniftère p u blic, à fe plaindre , à prouver des contraven
tions qui ne regardoient que l’ordre public t & qui ne
pouvoienc dans aucun cas concerner un particulier ; on
voit au contraire par toys les a&es de la procédure, que
c’eft le nommé Hugues qui ejî toujours qualifié de querellant
en contraventions aux réglemens de l'orfèvrerie ; c’eft à fa
pourfuite ôc diligence que tout eft ordonné,
que tout
s exécute.
important
Cette nullité eft radicale. « Il
eft
» d’obferver, dit la C o m b e , qu’il arrive fouvent qu’un
» particulier , en rendant plainte des faits qui lui font per»formels , comme de voies de fait , injures , calomnie , y
*> expofe fouvent, pour rendre l’accufé'plu« odieux, qu’il fe
» rend redoutable à tout le monde , qu’il a commis des
» voies de fait contre plufieurs autres perfonnes, dont il y
» en a plufieurs qui en font mortes , qu’il a
commis
» des vols ; le juge donne a&e d’une pareille
plainte ,
»
»
»
»
permet d’en informer,
faits à la requête de la
nul : il fau t en pareil
plainte , permette au
informe confufément de tous ces
partie civile ; ce qui ejl abfolument
cas que le juge donne adte de la
plaignant de faire informer des
*> faits de fa plainte qui le concernent feulem ent, & qu’il
ordonne qu’à l’égard des autres faits y portés , il en fera
» informé à la requête de la partie publique.
E t la raifon
* fur laquelle eft fondé ce p rincipe, fe trouve dans une
» autre remarque du même auteur : » C ’ejl que toute parïie- •
» civile
doit avoir fon intérêt, dans.
Vaccufation quelle
�32
» pourfuit, £• quelle ne peut la pourfuîvre que par rapport
» à fon intérêt pécuniaire, ou à une réparation de l ’injure
» qui lui a été faite, ôc qu’il n’y a que M M . les procureurs
» généraux, les procureurs du roi , ou les procureurs
» fifcaux, auxquels feuls il appartient d’accufer ôc faire les
» pourfuitespourla vindicte publique.» O rq u el dtoitl’intérêt
de Hugues ? La reftitution de ce quJil avoit payé de trop
fur deux paires de boucles ôc un hochet, eu égard au défaut
du titre, & en le fuppofant; la réparation d’ un pareil dom
mage ne poüvoit aiTurément donner lieu à une pourfuite
criminelle, même contre celui qui avoit vendu ces ouvrages,
à plus forte raifon contre tout un corps d’orfévres; ÔC
l’étendue de l’accufation eft ici ridiculement difprç>portionnée
à l ’intérêt de l’accufateur. L a plainte eft donc radicalement
nulle; fa nullité entraîne celle de tout ce qui l’a fuivi.
N ous n’entrerons point dans un plus grand détail fur les
nullités particulières, il faudroit faire un volume. T ous
les a£tes de
grofliéres. Il
féparém ent,
qu’ii ne s’y
la procédure en offrent de palpables, de
n’en eft peut-être pas un feul qui examiné
ne mérite d’être anéanti; trop heureux lorfrencontre qu’un feul vice. Ces nullités ont
été développées dans la plaidoierie; elles font indiquées
dans le mémoire à confulter ; elles feront relevées par
M . l’avocat général ; & le compte qu’on pourrait en faire
feroit trop m inutieux, trop pénible , ôc trop dégoûtant.
L a fécondé queftion n’offre pas plus de difficultés. A
quel titre le fieur R ives pourroit-il effuyer quelques con
damnations envers l’héritier de Hugues fou accufateur ?
D ’abord , de quoi feroit-il tenu envers lui ? D e la reftitutiôti
du prix des boucles ôc du hochet d’argent, ôc des dom
mages
�33
mages-intérêts ? maïs il faudroit pour cela qu’il fût conf
iant que ces ouvrages ne font pas au ticre. O r l’elî'ai
qui en a été fait efi; nul , 6c comme faifant partie d’ une
procédure infe&ée d’une nullité générale
& ■■comme
ctant l’ouvrage d’un ièul eifayeur, qui a négligé de décrire
fon p rocédé, de pefer les pieces ,
d^éhôhcsr ; d£'-quel
poids d ’efiai il s’ctoit fervi. Enfuite -à quel
fieur Rives pourroit-il devoir quelque chofe à Hugues le
fils? Ce n’eiï pas en qualité d’héritier : il a renoncé à ' i a
fucccffion de ion pere par atte mis au greffe de la "judicature royale d’A p t, le 10 février 1774' . O n né prétend ,
ou du moins on ne prouve pas qu’il s’y foit immiicé%
ni qu’il ait fait aucun afte d’héritier. Il ne l’eft donc, pâ^ ;
il ne doit donc rien à ce titre? Sa qualité de donataire
contra&uel ne l’oblige pas davantage. L ’article 17 de
l ’ordonnance de 1734. lui donnoit la faculté de fe tenir
aux biens exiftans lors de la donation, en renonçant5 atx
biens acquis poftérieurement, pour fe décharger des dettes
de ce dernier temps. L e fieur R ives l’a fait. L a donation
eft antérieure de plus de fept ans à l’accufation de Hugues.
Il ne pouvoit donc être tenu envers Hugues comme do
nataire. Il ne l’eft pas davantage comme aifocîé, ni civile
ment , parce que cette fociété n’étoit point une véritable
fociété de commerce , dans laquelle le fils eût un droit
connu qui l’obligeât envers ceux qui faifoient des affaires
avec fon père. L a fociété de bénéfices à laquelle il eft ad
mis par fon contrat de mariage, eft un pacte entre le pere
& le fils , qui ne regarde pas les étrangers. C ’eft un efpèce
de forfait pour le prix de la collaboration à laquelle le
fils s engage. C Jeft fon pere qui refte le maître, le maître
�34
abfolu, & qui gouverne à fon gré la maifon, le com m erce,
la boutique, l’atelier. C ’eft donc à fa fucceflion vacante
que lefieur Hugues doit s’adreffer, s’il a quelque reftitution à
prétendre. L e fieur R i v e s , en vertu de cette fo c ié té , fi
improprement n o m m é e, ne peut non plus être obligé ex
deliâo. E t où feroit la preuve de cette fociété de délit ?
D ans fon contrat de mariage ? Cette idée eft trop bizarre
pour mériter une réfutation. D ’ailleurs la participation aux
bénéfices du commerce n’a point changé les rapports de
maître à compagnon qui exiftoient entre les fieurs R ives
pere ôc fils ; car la maîtrife eft incommuniquable. O r le
compagnon n’eft jamais refponfable des défauts de fabrica
tion , du mauvais ufage que le maître peut faire du poinçon,
des contraventions aux réglemens qu’il peut commettre*
A i n f i , fous aucun rapport , le fieur Rives n’eft obligé en
vers l’héritier de H ugues, ôc n’a lieu de craindre aucune
condamnation.
C ’eft Hugues le fils, au contraire, qui lui devroit desdommages-intérêts, puifqu’il a repris en cette qualité fur
l ’appel en la Cour. Mais où trouveroit-il de quoi fatisfaire à cette condamnation ? Fils d’un banqueroutier, il
n’a recueilli que ce procès dans l’hérédité
de fon pere.
Heureufement qu’il_ a des coobligées folidaires, ainfi que
nous allons le prouver dans un moment.
Ces dommages-intérêts feront très-confidérables , fi on
les proportionne au tort que cette odieufe procédure a
fait éprouver au fieur R ives ; la fufpenfion de fon admiffion à la maîtrife, l’interruption ôc la ruine prefque to
tale de fon com m erce, les coups portés à fon crédit ôc
à fon honneur, par des décrets ôc des condamnations fié-
�trliTantes, les dépenfes énormes que lui a nécefTairemene
occaiionnées une affaire qui dure depuis fi iong-temps.
Nous ne parlons pas ici des tourmens , des inquiétudes ,
des anxiétés cruelles qui font la fuite infaillible de .toute
accufation, quelque injufte, quelque abfurde qu elle pyiiïe
être. Ces maux-là ne s’eftiment point.
L a juflice n a qu un feul moyen d’effacer la trace des
humiliations ôc de l’efpèce
opprobre dont les Miniftres
fubalternes ne couvrent que trop fouvent l’innocence ; c efl:
de la proclamer avec le plus grand éclat ; c ’eft de multiplier,
d’éternifer, par rimprefTion de fes arrêts, la preuve de. la
juftification de celui qui fut accufé ôc condamné injuftement ; c’eft , par la publicité de l’affiche, d'avertir les
citoyens qu’ils peuvent rendre leur eftime ôc leur confiance
à l’homme que les pourfuites calomnieufes ôc téméraires
d’un ennemi , la prévention ou l’ignorance d Jun premier
juge avoient défigné à l’opinion publique comme un cou
pable. Cette efpèce de réparation fera d’autant plus fûrement accordée au Heur R i v e s , que le Tribunal des monnoies
d’A ix n’a pas craint de faire imprimer ôc afficher fon juge
ment , malgré les appels interjetés en la C o u r , ôc un arrêt
qui ordonnoit l ’a p p o r t des charges, ôc qu’un injurieux pla
card retrace fans cefle aux yeux des concitoyens du fieur
Rives le fouvenir ôc de l’accufation ôc des condamnations
dont il a été l’objet. Il faut donc que le monument de fa
juftification foit auffi public que celui qui fut deftiné à per
pétuer la calom nie, ôc que l’arrêt à intervenir couvre la
la fentence du Tribunal des monnoies d’A ix.
Ainfi nous croyons que ces trois points, la nullité de
procédure, les dommages-intérêts, rimprefTion ôc l’affiche
E ij
�36
de larrêt ne peuvent ¿prouver aucune difficulté. Mais
quel doit être le fort de la demande en prife à partie formée
par le fieur R ives ? C ’eft la cinquième ôc derniere queftion
qui nous refte à examiner.
; I l faut convenir que ces fortes de demandes réuffiifenî
rarem en t.
C ’eft une voie extrême , un recours extraordi
naire, qu’on peut même appeler une forte de fcandale pour
la juftice, & que les Tribunaux fuprêmes n’admettent qu av e c une grande répugnance.
t
« C ’eft une maxime conftante, dit L a C o m b e , que les
» Juges ne peuvent pas être condamnés en leur nom aux
» dommages-intérêts des parties , pour fimple contraven» tion aux édits £c déclarations du R o i , commife par pure
» inattention, & même par pure inexpérience & défaut de
» f c ie n c e , s’il n’y a de leur part du dol , fraude, ou con» cuffion , à moins qu’il ne s’agiife de certaines contra» vendons pour lefquelles les Juges font expreifément
» aifujettis par les ordonnances âux dommages & intérêts
» en leur nom ».
Il eft vrai qu’il met fur le champ une reftri&ion à cette
maxime trop favorable a l’impéritie &
•
« A m oins, ajoute ce
» contravention
ne foit
à la
négligence.
criminalifte, que la fraude &
fi notable , iï confidérable ,
fi
» manifefte contre le fens commun , & fi affe£tée qu’on
» ne puifie pas préfumer qu'elle foit exempte de dol &
7> de fraude.
. Cette derniere partie de la décifton de L a C o m b e ,
reçoit une application directe à l’efpece de la caufe ; àc
quand il en auroit eu les détails fous les yeux, il n'auroit
pu mieux cara&érifer les contraventions qu’ils préientenc.
�37
Eft-il effectivement une contravention plus notable, plus
confidérable que celle qui fe perpétue depuis le com m en
cement jufqua la fin d’une procédure, qui n’eft qu’un long
enchaînement d’inepties & de nullités ?
En eft-il de plus manife/le contre le fens commun, que
de permettre d’informer fur une plainte qui n’offre pas un
intérêt de 50 fo u s; que de p ern ^ ttre, pour un pareil
in térêt, à un particulier d’informer contre tous les orfèvres
d’une ville , & de le revêtir ainfi des fondions du miniftère
public , que d’ordonner enfin une information fans qu’il
y ait de corps de délit.
Efl>il pofïible d’imaginer des contraventions plus affectées,
que la converfion en décret d’ajournement perfonnel, d’un
décret d'affigné pour être ouï qui n’exifte plus, que le
monftrueux interlocutoire par.lequel il eft ordonné qu’un
procès dans lequel il exifte des informations décrétées de
décrets rigoureux fera jugé en l’é ta t, & qui en permettant
de conclure à fins civiles, ne renvoye pas à l’audience,
ne convertit point les informations en enquêtes,
& les
laiffe fubfifter comme charges , pour juger fur leur vu &
derapport. Q ue dire de cette fentencedéfinitive, donttoutes
les difpofitions , toutes ! font abfurdes, ou Iniques, eu nulles ;
qui porte des condamnations d’iipices fur une affaire jugée
au criminel , & qui n’a pas été inftruite par récolement
& confrontation ; qui vife la plainte en fubornation de
témoins , l’information fur cette plainte, & ne ftatue point
fur la fubornation, & c . & c .
*
Un autre cas de prife à p a rtie, fuivatit le même L a
C o m b e , eft celui où un juge informero i t , f i n s un corps de
délit confiant, fu r un fa it qui ne fer oit pas certain. O r ici
�33
le fait principal de la premiere plainte , c r o i e n t les con
traventions & les fraudes habituelles des orfèvres de la
ville d’Apc , dont le juge n’avoit pour garant qu’un ban
queroutier qui commence fa plainte par mentir à la juftice,
en a llé g u a n t des pertes effuyées dans un commerce qu’il
ne faifoit plus. L a preuve de ce fait confiftoit dans les
paires de boucles d’argent, & le hochet dont le titre nétoit
point vérifié. Il n’exiifoit donc point de corps de délit ;
la permiflion d’informer donne donc ouverture à la prifts
à partie.
L a partialité évidente du juge eft encore un moyen de
prife à partie; & il eft un de ceux défignés par cette
formule
pour ainfi dire , facramentelle en cette matière
ob gratiam , inimicitias aut fordcs. O r on peut dire que toute
l ’inftru&ion eft, pour ainii dire, empreinte de ce fentiment.
Toujours favorable à l’accufateur , quelque injuftes quelque
abfurdçs que foient fea demandes, le juge les accueille
toutes, la partie publique riempêche , le général provincial
ordonne; en deux mots, voilà l’analyfe de la procédure. L es
permiiïions d’informer , lesdefcentes dans le plus fcandaleux
appareil, les décrets, les a£tes les plus illégaux , les plus
repréhenfibles ne coûtent rien à fa complaifance ; il précipite
ou ralentit, au gré du banqueroutier H ugues, la marche de
la procédure.
S ’agit-il des fieurs R ives ? on faifit le poinçon du pere ,
ceft-à-dire qu’on l’interdit de fait avant môme qu’il exifte le
moindre indice de contraventions de fa part. O n fufpend
pendant deux années la réception du fils ; on répond à fes
plus juftes remontrances par des réquifitoires
outrageans
& des condamnations féveres ; fon recours aux juges fu-
�3P
prêmes eft une rébellion qu’en punit par les contraintes les
plus violentes." L a partialité n’e ft-e lle pas manifefte ? &
ce troiiieme moyen de prife à partie n’eit-il pas de la plus
grande force?
Enfin le cinquième & dernier confifte dans l’attentat à
l’autorité de la Cour.
Si un ju g e , obferve encore la C o m b e , avoit attenté à l'au
torité de la Cour en paffant outre au préjudice des défenfes à
lui fignifiées à fon greffe , il feroit fujet à la prife à partie.
L e mot de
ne doit pas être regardé comme reftrei-
gnant la prife à partie à ce feul cas. C ’eft l’attentat à l’au
torité de la Cour qui efl le m otif de la décifion du jurifconfulte. E t n’eft-ce pas y avoir aiTez audacieufement attenté,
que d’avoir paiTé, au jugement au préjudice d’un appel que
la civilifation , quelque imparfaite qu’elle fû t, avoit rendu fu£
penf i f ? que d’avoir fur-tout procédé à l’exécution, au mépris
d’un arrêt qui recevoit l’appellation & ordonnoit l’apport
des charges, & à l’exécution de la partie de la fentence dont
les fuites étoient le moins réparables.
C e moyen a peut-être encore plus de force contre le
Procureur du R o i que contre le Général provincial. Indé
pendamment de ce que cet officier , créé pour le procès , a
confenti , approuvé par fes conclurions toutes les demandes
du fieur Hugues ; q u e , loin de s’oppofer à cette inftru&ion iï
contraire aux réglés de l’ordre judiciaire^, dont il étoit conftitué momentanément le défenfeur & le gardien , il l’a confacré par fa préfence ; c’eft lui qui a provoqué l’exécution
illégale & oppreifive du jugement définitif, qui l’a pourfuivi
avec une.animofité , une violence qui a trop rappelé au
fieur Rives le fouvenir de.leurs anciennes inimitiés*
�4°
Nous cro y o ns , d’après ces ob fervations, que le fieur
R ives eft bien fondé à demander la prife a p a rtie , & que
cette branche de fe s co n clu fions fera adoptée par la Cour. Sans
cette reffource il n’auroit aucun dédommagement à efpérer
de quinze années de vexations & de fouffrances. Son adverfaire eft notoirem ent infolvable. L e ju g e , le procureur du
R o i du fiége des Monnoies d’A ix fe font obligés folidairem ent avec lui par leur mauvaife conduite , & il eft jufte
d’humilier l’ignorance préfom ptueufe, ou de punir la préva
rication.
D élibéré à Paris , le 7 mars 1 7 8 7 . D u
Hardouin
de
la
D e l’imprimerie de D
T e r t r e ,
Reynnerie,
emonville
, rue Chriftine, 1787.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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Factums Vernet
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Description
An account of the resource
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Rive, Jean-André-Simon. 1787]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Hérault
Du Port Du Tertre
Bourricart
Du Tertre
Hardouin De La Reynnerie
Subject
The topic of the resource
procédure criminelle
juge des monnaies
banqueroute
orfèvrerie
société de bénéfice
métier
droit écrit
récusation de juges
transport sur les lieux
perquisition
jurande
fêtes votives
contrats de mariage
experts
nullité
procédures
monnaies
Description
An account of the resource
Mémoire à consulter et consultation pour le sieur Jean-André-Simon Rives, maître orfévre de la ville d'Apt en Provence, appelant ; Contre le sieur Hugues, fils et héritier de défunt Pierre Hugues, vivant, se disant maître orfévre en la ville de Marseille, ledit Hugues fils procédant sous l'autorité de son curateur, intimé.
Consultation.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Demonville (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1787
1765-1787
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
40 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_V0107
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Vernet
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Apt (84003)
Marseille (13055)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
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banqueroute
contrats de mariage
droit écrit
experts
fêtes votives
juge des monnaies
jurande
métier
monnaies
nullité
orfèvrerie
perquisition
procédure criminelle
procédures
récusation de juges
société de bénéfice
transport sur les lieux
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03d05bcfe8ad04e0e15552757dacdfab
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Text
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*»3
E
SIGNIFIÉ
P O U R les fieurs G a b r i e l B R E U , & A n t o i n e
B O U Y G U E S , Maîtres-Marchands-Apothicaires
de la V ille d’A urillac, Intimés, Demandeurs &
Défendeurs,
C O N T R E les fieurs J e a n - B a p t i s t e R A U L H A C
& F r a n ç o i s C E L L A R I E R , Marchands
Droguiftes de ladite V ille d’A u rilla c, & le f ieur
P i e r r e R E V E L , Chirurgien en la même
V i ll e , Appellants, Défendeurs & Demandeurs.
L
E S fieurs Breu & Bouygues demandent à la
c o u r
l’exécution des Règlements intervenus
f u t le
fa i t dela
Pharmacie ; & qu’en conféquence il foit fait défenfes à quiconque ne
fera pas reçu Maître Apothicaire dans la forme de ces
Règlements , d’en exercer la Profeffion dans la V ille
d’Aurillac , & d’y débiter aucune forte de Drogues &
Médicaments compofes.
Ces demandes font fondées fur l’importance de
A
�VV
I
a
l’objet en lui-meme comme intéreiîànt l’humanité. Elles
le font encore iur l’intérêt particulier, fans lequel nul
n’auroit d’a£Uon. Enfin elles ont pour bafe des R è
glements fans nombre qui ont été rendus fur la matiere, & que la Cour a elle-même confirmés par fon
Arrêt provifoire du 7 Septembre dernier.
F
A
I
T
S.
L a Pharmacie ne faifoit autrefois qu’un feul & même
Corps de fcience avec la Médecine & la Chirurgie.
Les monuments de cette vérité font communs dans
l’Hiftoire,
ne font pas fort anciens en France..
Alors la Légiflation ne veilloit que fur la Médecine
en général, comme fur un tronc qui réuniiToit toutes
les branches.
j
Mais lorfque les Médecins fe furent féparés des
|
Chirurgiens & des Apothicaires, la Légiflation divifa
|
aufli fes foiné & les étendit fur chaque branche parti
culière , pour laquelle on vit naître des Statuts & des
|
Règlements particuliers. O n ne doit ici s’occuper que
de ceux qui concernent la Pharmacie, & on n’en rap
pellera même que quelques-uns.
Avant que le R o i Charles V I I I eût érigé la Pro|
feiîion de Pharmacien en Corps de Maîtrife pour
la V ille d& Paris, il y avoit déjà des Maîtres à qui
il étoit ordonné de s’adreilèr pour en obtenir le libre
»Voyez ic Li- exercice.* C ’eft ce qu’on voit établi dans les anciennes
ITdfuAUàt Ordonnances, •& entre autres dans celles de Philippe
tjrarçoi/c, w-\& JBel en 131:1, de Charles le Bel en I 32 T, de
. premi er, pa- T1 , . . .
J
ir i ■
✓
o
i t
J
’
w
fi».
LniJippe de Valois en 1336 7 & de Jean premier en
!
13 5 1.
�Charles V I I I ayant dans la fuite formé une Commu
nauté del’Apothicairerie & de rEpicerie conjointement,
lui donna en 14.84. des Lettres Patentes 6c des Sta
tuts par lefquels , entre autres chofes, il défendit à
toutes perfonnes de faire & débiter aucunes compo
rtions appartenantes à cette Profeiïion, s ’ils n’étoient
Maîtres Apothicaires & Epiciers reçus dans les for
mes preicrites. Ces Statuts furent fucceifivement con
firmés ou renouvellés par les Rois Henri I I I , Henri
I V & Louis X III.
C e dernier Prince alla même plus loin. Il voulut
que les difpofitions de tous les Règlements précé
dents, dont la plûpart navoient d’abord été faits
que pour les Apothicaires de Paris, s’étendiffent à
tous ceux du Royaume. En conféquence il établit des
Maîtrifes ôc Jurandes dans toutes les Villes les plus
conlidérables. Il chargea enfuite ion premier Médecin
d ’en établir dans les Villes d’un ordre inférieur : &
enfin il voulut que dans les V illes, Bourgs fk V i l
lages, où il n’y auroit qu’un ou deux Apothicaires,
ils fuilent tenus de s’aiîôcier à ceux des Lieux voifins pour faire Corps par Châtellenies & Prévôtés.
l o u t cela fut ordonné par un Edit du mois d ’O c
tobre 16 19 ; par une commiifion adreiîànte au pre
mier M édecin, du 11 A o û t 1635 ; par un Arrêt
du Confeil P riv é , du 2 7 Juin 1636 ;*par une au
tre Commiffion du 6 Juillet fuivant ; par des Sta
tuts du 20 Janvier 1 6 3 7 , &: par un Arrêt homologatit du Parlement du 7 Septembre 16-51 ; &
1 exécution s’enfuivit dans tout le Royaume.
Les Apothicaires de cette Ville de Clermont adop
tèrent dans le temps les Statuts de 1637 , ik c’eil
A 2.
�ce qui forme aujourd’hui la Loi particulière de leur
Communauté. L ’exemple de la Capitale de la Pro
vince influa fur les autres V ille s , 6c notamment fur
celle d’Aurillac. Les Apothicaires de cette derniere
V ille obtinrent des Officiers de Police une Ordon
nance fur les concluiîons du miniftere public, en date
du 13 Septembre 1 6 ^ , & portant que »tous ceux
» qui prétendroient exercer à l’avenir l’A r t de Phar» macie, foit dans la Ville , foit dans le reiîort du
» Bailliage, feroient tenus de faire preuve de leur
» capacité en préfence d’un certain nombre de Méde» cins & d’Apothicaires d e là V ille , dont l’atteilatiort
» feroit communiquée aux Juges pour être par eux
» ordonné ce qu’il appartiendroir. Et défenfes à tou*
» tes fortes de perfonnes de ¿ingérer à Vavenir en
» Fexercice dudit A r t fans avoir pajfé par ledit exa» men, a peine, &c. » Il paroit même qu’après l’ob
tention de cette Sentence, laquelle fut publiée &
affichée, il auroit été dreifé pour Aurillac des Statuts
particuliers en treize articles tirés des Statuts généraux
de 1 6 3 7 , mais on ignore s’ils furent homologués.
Quoiqu’il en foit ; dans l’intervalle de 164^ à la
naiiTance des conteiïations a&uelles, i l a été rendu
pour la Pharmacie en général &z pour les Apothicaires
des différentes Villes du Royaume en particulier, une
i n f i n i t é d’autres Règlements qu’il feroit même trop long
d’indiquer ici par leur date. O n auraoccaiion de rappeller par la iuite les diipoiitions de quelques-uns. Q u ’il
iuffife quant à préfent de favoir que l’inexécution de
ces Règlements dans la V ille d’Aurillac y ayant in
troduit des abus dangereux pour la fanté des Cito
yens, les iicurs Breu & Bouygues ont cherché à les
�faire ceiTcr par le rétabüilement de l’ordre ; & c eil
ce qui leur a attiré le procès dont il s’agit ic i , 6c
dont voici l’origine 6c les progrès.
Les fieurs Breu 6c Bouygues font nés tous deux
à Aurillac de peres Apothicaires. Après avoir d’abord
été élevés dans les principes 6c l’exercice de la Phar
macie fous les yeux de leurs parents, ils alierent per
fectionner leurs connoiiïànces a Paris 6c dans d’autres
Villes du Royaume ; ils pratiquèrent même dans les
Hôpitaux & à la fuite des Armées. De retour dans
leur patrie avec les certificats les plus honorables, ils
fe font difpofés à remplacer leurs peres. Mais pour
le faire de la maniéré preferite par les Règlements,
6c avec plus d’avantage pour le public 6c pour eu x,
voyant qu’il n’y avoit pas de Jurande à Aurillac , ils
ont commencé, fuivant Pefprit de l’Edit d’O â o b re
1 6 1 9 , Par
^a*re recev° ir Maîtres Apothicaires par
la Communauté de cette V ille de Clermont, comme
étant la Jurande la plus prochaine 6c la plus éminente
de la Province ; 6c c’eft à quoi ils ont été admis par
Lettres de Maîtrife qui leur ont été accordées le 4.
M ai de l’année derniere, après avoir fubi examen 6c
fait chef-d’œuvre en la maniéré accoutumée.
Porteurs de ces Lettres qu’ils firent enregiitrer au
Bailliage d’Aurillac, les fieurs Breu 6c Bouygues ob
tinrent du même Siège 6c de celui de la Police , le r j
6c le 27 Juin fuivant, deux Ordonnances rendues fin
ies conclufions du Subftitut de M . le Procureur géné
ral , qui » ordonnent l’exécution des E d its, Arrêts 6c
» Règlements concernant la Pharmacie, 6c notam» ment d’ un A rrêt du Confeil du 12 A vril 1 7 4 9 ,
» 6c d’un Arrêt du Parlement du 11 Juillet 1764.:
�6
» font défenfes à toute perfonnc de s’ingérer dans cet
» A r t 6c de débiter aucun des remedes qui en dé» pendent, fans avoir préalablement été reçu Maître
» Apothicaire, conformément aux Règlements & fous
» les peines y portées ; en conféquence permettent
» aux fieurs Breu & Bouygues de faire vifite chez les
» contrevenants, en préfence d’un Médecin de la
» Ville & des Officiers delà Police :
leur enjoignent
55 à eux-mêmes, fuivant leurs oiFres, de tenir leurs
55 boutiques aiTorties des drogues néceflàires,
de
5» bonté & qualités requifes.
Ces Ordonnances, comme on voit, ne font, à peu
de chofe près, que le renouvellement de celle de
1645 , rendue pour les Apothicaires de la même V ille
d’Aurillac. Afin d’y mettre cependant le dernier fceau
de l’autorité, les fieurs Breu Ôi Bouygues les ont fait
homologuer en la Cour par A rrêt du mois de Juil
let dernier fur les concluiions de M . le Procureur gé
néral ; & tant les Ordonnances que l’A rrêt ont été
en fuite affichés à A urillac, pour que perfonne n’en
prétendit caufe d’ignorance.
C ’eft alors qu’on a vu que la réforme 'indifpofe
trop fouvent ceux fur qui elle frappe. Les fieurs Raulhac & Cellarier Marchands D roguiftes, le fieur
R evel Chirurgien, &: le fieur Majayrac fe difant A po
thicaire , exerçoient tous ci-devant h Aurillac la Phar
macie , fans l’avoir jamais étudiée, &c vendoient
toutes fortes de Médicaments & de Drogues , fimples
rou compolées , fans le mettre en peine des Règlements.
Ces quatres Particuliers alarmés des Ordonnances &
de l’À rrct ci-deflus , au lieu d’imiter les fieurs Breu
JBouygucs, en fe fçiifant recevoir Maîtres Apotbi-
�ys
‘7
caires, aimerent mieux attaquer la L oi que de s’y
foumettre : en conféquence ils formèrent oppoiition
aux deux Ordonnances, devant les Juges de Police
d’Aurillac, par Requête du 2.9 du même mois de Juil
let » ôc demandèrent d’être gardés & maintenus, tant
» par provifion que définitivement dans leur poiïèiïion
» de compofer &c vendre comme par le paiîe toutes
» les Drogues , Remedes & Médicaments dépendants
» de la Pharmacie , avec défenfes aux iieurs Breu &
» Bouygues de les y troubler, & de faire mettre
» les Ordonnances dont il s’agit à exécution. 3»
L e iieur Majayrac cependant ne perfiita pas long
temps dans fa réfiftance : il fe départit de l’oppolition & des demandes , & il lui fut donné a&e de
ion défiftement par Sentence fur délibéré du 19 A o û t , '
qui au furplus, attendu que les Ordonnances attaquées
avoient été homologuées en la C o u r, délailîè les Par
ties à s’y pourvoir.
C e f t ' en conféquence de ce délaiiîement que les
Parties paroiifent aujourd’hui au Confeil Supérieur.
Les fieur R aulhac, Cellaricr 6c Revel y ont été aflignes tous trois également en vertu. d’Arrêt du 29
A o u t , au fonds pour fe voir déclarer non recevables
dans leur oppoiition , & au provijoire pour voir dire
que les Ordonnances & l’Arrêt homologatit feroient
exécutés par proviiion.
Le fieur Raulhac eft juiqu’à préfent le feul des antagoniftes des fieurs Breu &c Bouygues qui fe (bit
montré fur cette aifignation. Le 7 Septembre dernier
il donna une R equ ête, par laquelle il demanda entre
autres chofes d’être reçu appellant des Ordonnances
ôt oppofant al’Arrêt qui les homologue , requérant
�d’ailleurs que les fieurs Breu 6c Bouygues fufîènt dé
boutés de leur demande en exécution provifoire de ces
Règlements. Sur cette R equête, la caufe ayant été por
tée, au provifoire^à l’Audience du même jour 7 Septem
bre dernier , il y eft intervenu contradi&oirement entre
les fieurs Breu 6c Bouygues , 6c le iieur Raulhac, Arrêt
fur les conclufions de Moniieur PAvocat Général, qui
par provifion fa it défenfes au fieur Raulhac de vendre
autres chofes que des Drogues Jîmples, 6c au iùrplus
ordonne qu’an principal les Parties procéderont en la
maniéré ordinaire.
Depuis cet A r r ê t , le fieur Raulhac a donné fa
Requête fur le fonds , où il prend preique les mêmes
conclufions c|ue celles de la Requête originaire d’oppofition préientée aux Juges d’A urillac, 6c qu’il ap
puyé de moyens , dont le mérite fera examiné ciaprès. A l’égard des fieurs Cellarier 6c R e v e l, ils ont
toujours gardé en la Cour le plus profond filence : ce
qui oblige les fieurs Breu 6c Bouygues de procéder
contre eux par défaut, afin que par l’A rrêt définitif
qui va intervenirj, tout fe trouve jugé avec tous ceux
,qui s’étant d’abord déclarés leurs adverfaires, nefeibnt
point départis,
M O Y E N S .
L ’intérêt public , l’intérêt particulier, 6c l’autoritc
«des Règlements, font les trois moyens annoncés par
les fieurs Breu 6c Bouygues , au fouticn de leurs
conclulions.
D ’ A B O R D Pintérêt public cft ici vifible. La
Pharmacie cil une des trois parties de l’art de gué
rir.
�rr
rir. Et quoique la derniere des trois , elle eft pour
le moins auiïi eilèntielle que les deux autres : cellesci feroient même fouvent inutiles iàns fon fecours ;
on ne fauroit donc confier cet A r t à des mains trop
habiles. L a confervation des jours des Citoyens en
dépend : 6c les fautes qu’on peut y commettre font
irréparables 6c de la plus dangereufe conféquence,
miiquelles peuvent ôter la vie même. Delà chez toutes
es Nations policées, la vigilance du Gouvernement
fur ceux qui exercent cette profeiîion.
Les autres A rts ou Métiers peuvent être négligés
impunément jufqu’à un certain point. Le plus ou. moins
¿ ’habileté des Maîtres n’intéreflè alors le public que
dans des chofes que tout le monde ne regarde pas
comme importantes. Mais il n ’eft perfonne à qui ia
vie 6c fa fanté ne foient infiniment précieuies, peribnne
par conféquent à qui il n’importe infiniment que les
lecours en foient sûrs, 6c que ceux qui s’annoncent
pour les fournir foient d ’une capacité 6c d’une expé
rience reconnues.
»» Les Rois, nos prédéceÎîèurs, Ç diioit Louis X I I I
» dans le préambule de fon Edit de 1 6 1 9 , ) recon» noiiïànt que les hommes n’ont rien au monde de
» plus c h e r , après le falut de l'aine , que la vie 6c
» la fanté du corps , pour la confervation de laquelle
» ils ont recours à l’aififtance des Médecins 6c à l’ex« périence 6c fidélité des Apothicaires. . . . mus de
bonne volonté envers leurs fujets, ont voulu par
» piulieurs leurs Ordonnances , 6cc. »
C ’eft donc l’intérêt public 6c l’amour de nos M o
narques pour leurs Peuples, qui ont di&é cette foule
prodigieufe d’Ordonnanccs, Edits 6c Règlements con-
Î
�' n
|
5-a
10
cernant les trois Corps de la Médecine , & notam
ment la Pharmacie. G’eft cet intérêt 6c cet amour qui
les ont engagés à défendre entr autres chofes de re
cevoir aucun Apothicaire , fans q u i l ait fa it Chefd'œuvre, nonobftant Lettres de Maîtrife. » Par la raifon
« que dudit A r t d’Apothicaire , dépendent les Droj/ giies qui entrent 6c s’appliquent au corps humain ,
» & fervent à l’entretien 6c confervation de la fanté,
n où il eft requis une longue expérience 6c la plus
» grande circonfpe&ion. » Ainfi s’exprimoit encore
K«nri IV.
un de nos R o is , * dans une Déclaration du 31 Sep
tembre 15 97 ; & ainfi fe font exprimés depuis tous '
fes Succeifeiirs.
Ils ont même porté à cet égard la prévoyance &
l’attention pour la fanté de leurs Sujets, juiqu’à re
noncer aux prérogatives de leur Couronne quand Poccafion s’en eft préfentée. C ar, lorfqu’il leur eft arrivé,
à quèlqu’évenement joyeux , comme un Sacre ou une
Naiiîànce de Prince , de créer des Maîtrifes qui d it
penfoient naturellement des épreuves 6c du Chefd’œuvre , ils en ont toujours formellement excepté
les 'Apothicaires , comme on le voit dans les Edits
de ces fortes de création , 6c entr’autres dans ceux
de Juillet 1608 , Décembre 1614., A vril 1625 , Juin
1627 , Septembre 1638 , O&obre 16 40 , Août 1643,
Novembre 16 44 , Janvier 1646, Mai 6i Juillet 1 6 5 1 ,
Janvier 166<5 , A vril 1666 6c 1668 , Novembre
, voycxlaJurif- 1 7 2 2 , 6c Juin 1 7^5. *
¿¡Médecine tome
Le même motif d’intérêt public , eft pareillement
ilroeniiiSÎè cc cll” a déterminé dans tous les temps les Cours Soucj|»ot Am & Mi- veraines à feconder les vues des Rois liir cet objet
important. O n ne citera i c i , pour abréger, que l’Ar-
�rct de vérification du Parlement de Paris du 11 Juil
let 1664., iiir l’Edit d’établiiïèment de la Compagnie
des Indes Orientales. L ’article 35 de cet E d it, portant
que les A t tifants qui auroient exercé dix ans leur A r t
dans les Indes , gagneroient leur M aw ije , & fetoient
réputés Maîtres de Chef-d*œuvre dans toutes les V illes
où ils voudroient s yétablir : le Parlement en ordon
nant l’exécution de cet article, excepta de Tes difpofitions les Chirurgiens 6c les Apothicaires ; comme
étant deux profeiîions qu’il ne falloit pas confondre
avec les autres, à cauiè de leur influence fur la fanté
6c fur les jours des Peuples.
Comment d’après cela les adveriaires des fieurs Breu
6c Bouygues ont ils pu aller puifer une de leurs ob
jections dans ce même intérêt public qui s’oppoie fi
fortement à leur iyllême ? Selon eux ( ou plutôt félon
le iieur Raulhac, ) l’intérêt public 6c fur-tout celui
des Pauvres a déterminé fon a&ion ; 6c c’eft. cet intérêt
qui exige qu’il lui foit permis de continuer d’exercer
: la Pharmacie comme il a fait par le pailé. Les Pau
vres d’A u rilla c , de M aurs, de V i e , de M u râ t, de
Saint-ïlour , de Mauriac 6c de T u lles, gagnant à cela
annuellement quatre mille cinq cent livres, par le bon
marché qu’il fait des Drogues qu’il débite dans lès
divers Magafins d’ Aurillac, de F igeac, de Cahors,
•de Montauban 6c d’Agen. E t cet intérêt public ,
( ajoute le iieur Raulhac, ) eft attefté par un Certi
ficat authentique des fieurs Majayrac , Boiiïou & Cellarier fils , tous Apothicaires a A u rilla c , qui déiàvouent les fieurs Breu & Bouygues, 6cc. 6cc.
Malgré le déhors impofant de cette objection, rien
n ’eft plus facile que de la détruire.
B a
�D ’abord, le fieur Raulhac n’a point en cela le mérite
de l’invention : il ne fait que répéter ce qu’ont dit dans
tous les temps les Empiriques & les Charlatans qui
ont voulu inrefter le Royaume de leurs Secrets & de
leurs Drogues. Le bien public &c la charité pour les
Pauvres ont toujours été dans leur bouche , mais les
Magiftrats & le Prince y ont-ils ajouté fois?
» Tous ces prétextes de faire le bien des Pauvres
» & du P u b lic, par des remedes de charité, ( di» foit M . l’Avocat Général T a lo n , en portant la
» parole dans le fiecle dernier, contre une Cham» bre de Médecins de Montpellier T qui s’étoienc
» établis à Paris fous le nom de Chambre royale }
,, tous ces prétextes ne font qu’une pipene pu,, bhque. Ceux qui les employent cherchent les avan„ ta^es de leur condition & non pas celui de la So„ cieté , immolant fagenœ fuœ ; quand ils cherchent
„ l’occafion d’être bienfaiiànts & charitables à autrui 7
,, c’eft à deflèin de faire leurs affaires ; ils ont l’appa„ rence & le mafque de la piété, mais ils n’ont pas
„ cette charité qui n’eit fufceptible ni de diifimulation
„ ni d intercr. „
La charité & l’intérêt des Pauvres , ( dit FAuTòme pre- teur de la Jurifprudence de la Médecine françaife * )
>Pag= J33- e^. ja g ran(Je corde des Charlatans ; ils fe croyent à
l’abri de toute a&ion , lorfque pour mieux s’engraifler
aux dépens de la ianté & de la vie, ils feignent un
efprit de défintéreilèment &c de charité, avec lequel
ils donnent à vil prix leurs poifons. Mais quelque
autorifé que foit ce prétexte par l’opinion commune ; fa
futilité a été reconnue pour la Médecine en général
par l’Edit de 1707 qui le combat fpécialement ; ôc
�y*
13
dont les difpofitions en ce point s’appliquent parfai
tement à la Pharmacie.
Ge prétexte d’ailleurs n’a nulle folidité, car pre
mièrement il n’eft pour l’ordinaire qu’un jeu pour
cacher l’avarice , un piège tendu à l’humanité, à la
Juftice & au bon ordre.
Secondement, le véritable intérêt des Pauvres &
du Public n’eft pas de trouver des remedes peu chers
ou même gratuits : il eft d’être aiïùrés que les remedes
qu’on leur vendra font bons & ialutaires , qu’ils font
faits par perfonnes capables % qu’ils ont enfin reçu
l’approbation &c le fceau de l’autorité publique or il
n’y a que les vrais Apothicaires , reçus Maîtres dans
les formes preferites par les Règlements, chez qui on
foit sûr de trouver de femblables remedes : eux feuls
font donc en cette partie'les vrais confervateurs de
l’intérêt bien entendu des Pauvres & du P u b lic ,
ÔC cela quelque cher qu’on fuppofe qu’ils vendent
leurs remedes, & quelque bon marché qu’un étranger
dans l’A rt puiiiè faire des fiens.
Ces réflexions fimples &c naturelles font tomber
tout le fafte de l’objeâion du fieur- Raulhac, &: difpenfent d’en démontrer l’hyperbolique. Plus il aura de
magafins, plus le mal fera grand :
plus de Pauvres
fe pourvoiront chez l u i , plus de Sujets de l’Etat cour
ront rifque pour leur fanté, tant qu’il ne leur débitera
que des remedes que l’Etat n’approuve point , &
qu’il ne lui a pas accordé le droit de débiter.
Quant aux Certificats que le fieur Raulhac invoque,
ils ne méritent pas de fixer l’attention de la Cour.
De quel droit les Auteurs de ces Certificats s’érigentils en juges de l’intérêt Public? Les Rois dans leurs
�H
E d its , les Magiflrats dans leurs Jugements décident
tous que l'intérêt public ne permet pas que d’autres
que les Apothicaires reçus dans la forme des Règle
ments s’ingeient dans PArt de la Pharmacie; & les
iieurs M ajayrac, Boiiîou 6c Cellarier fils, viendront
atteiler que Vintérêt public veut que le fieur Raulhac
.& d’autres Marchands Droguiftes qui ne font point
reçus Apothicaires, qui ne favent pas peut-être les
>remiers éléments de cette Profefïion, débitent tous
es Médicaments poifibles ôc toutes les fortes de D ro
gues qui peuvent entrer dans le corps humain ou
s’y appliquer ?
Que font d’ailleurs ces trois perfbnnages ? Le fieur
Majayrac étoit ci-devant Padverfaire des fie'urs Breu
& Bouygues., & il ne s’eft départi que le 19 A oût
dernier. V oudroit-.il donc revenir fur les pas? Le fieur
Boyilou eft un .jeune homme mineur encore, qui
aiîiirément a figné le Certificat fans réflexion. E t le
fieur Cellarier qui fe dit Apothicaire eft le fils du fieur
Cellarier, Marchand Droguifte, Partie dans la caufe.
/Qu’on juge par-là du mérite de fon fuffrage?
Mais veut-on voir des Certificats non fuipe£ts , &
<|ui achèveront de détruire celui des lieurs Majayrac ,
Boiiîou & Cellarier fils ; en même temps qu’ils dé
montreront de plus en plus combien l’intérêt public,
loin de parler en faveur de nos Adverfaires , s’op.poie au contraire à leurs prétentions ? Ces Certificats,
au nombre de d eux, viennent d’être donnés à la fuite
l ’un de l’autre ; favoir , le premier par cjuatre Médecins
de la Ville d’A u rillac, Do&eursdc la t acuité de M ont
pellier , &: dont l’un eft: Médecin de l’Hôtel-Dieu
fie Doyen de l'es Confreres : & le fécond par un Doc-
f
�.
'
.
r3
teur auffi de la Faculté de M ontpellier, établi au Bourg
defaint Martin Valmeroux, dans le voifinaged’Auriiiac.
» Nous atteftons à qui il appartiendra ( porte le
» premier de ces Certificats ) qu’il fe commet dans
» cette Ville nombre d’abus dans la diftribution des
« Médicaments , & compofitions nécefîàires a la fanté ;
» ce qui fouvent nous induit à erreur, par l’efFetque
v nous devrions percevoir de ces Remedes : ils ne
» rempliilènt pas nos vues, ôc produifent des effets
» contraires, fouvent même préjudiciables au Corps
» humain; ce qui nous fait préfumer que leidites com» pofitions ou font fophijliquées, ou faites fans con» noifïance des Drogues & fans art , à quoi on ne
» fauroit ailèz tôt remédier, & c. A Auriiiac ce 15
îj D écem bre'i 7 7 1 . S ig n é , & c. »
» Je certifie véritable tout ce que deffus ( porte
» le fécond Certificat) & j’ajoute que, pour avoir été
,j trom pé, il y a quatre ans , par Cellarier , Dro„ guifte d’Auriiiac , la Juftice de cette Ville fut obli,, gée de faire une defcente chez lui. Je vois fréquem„ ment dans mes environs des Remedes fans effet,
„ parce que ce font des compofitions que les Dro„ guiftes d’Aurillac vendent à mes Chirurgiens. A
5, faint Martin Valmeroux ce 16 Décembre 1771.
„ Signe , & c. „
O n ne penfe pas que de pareils textes ayent befoin
de glofe, ni qu’ils puiiîènt laiiîer le moindre doute fur
la queition de l'avoir lequel- des deux Partis de cette
Caufe a en fa faveur l’intérêt public. L e s e c o n d M o y e n des fieurs Breu & Bouygues,
c eft leur intérêt pcrfonnel.
O n a voulu tourner ce moyen en obje&ion contre
�M
'
16
eux, mais bien mal à propos. Car premièrement s’ils
n’avoient point d’intérêt, ils feroient ici fansa&ion,
& leurs adverfaires ne manqueraient pas de le leur
reprocher,
En fécond lieu cet intérêt particulier a pour bafe l’équi
té naturelle. Quoi déplus jufte en effet que de foutenir
dans l’exercice d’une Profeifion ceux qui l’ont acquiic
à force de travaux , d’étude & de dépenfes , & qui
ont fait preuve de leur capacité ôc de leurs talents de
la maniéré prefcrite par les L o ix , de les foutenir
contre des Intrus qui n’apportent probablement au
cune difpofition p o u rT A rt qu’ils vouplroient exercer,
& qui à coup sur n’y apportent point les prépara
tions que les Loix ont exigées.
D ’ailleurs cet intérêt particulier tourne ici au pro
fit de l’intérêt public, qui doit être le grand mobile
de cet affaire ; & cela efl fenfible. L e public ne re
tirera de l’avantage de la Médecine en général & de
la Pharmacie en particulier qu’autant que fes Artiftes
feront maintenus dans les privilèges que l’A r t mérite.
Si les vrais Médecins, les vrais Chirurgiens, les vrais
Apothicaires ( dit l’Auteur de la Jurifprudence de
«premier, la Médecine * ) ne font point aflurés de retirer le
?3*
produit des avances qu’il faut faire pour acquérir ces
Arcs , avec la récompenfe de leurs travaux, qui vou
dra faire l’un &c l ’autre ? qui voudra dévorer les dif
ficultés des études premières , quitter ià patrie pour
aller dans les Villes & les Provinces éloignées acqué
rir des talents ou augmenter ceux déjà acquis , fè
ibumettre enfuitc à des examens rigoureux, & four
nir enfin aux dépenfes que toutes ces choies entraî
nent ? N e fera-t-il pas plus court d’arborer tout de
fuite
�T7 .
fuite l’ enfeignc de la Médecine ou de la Chirurgie
ou d’ouvrir boutique d’Apothicaire fans autre forma
lité , fans connoiiïànce, làns titres , fans épreuve ? Ec
pour lors que deviendront les A rts à qui la conier*
iervation des jours de l’homme eit attachée ?
O n oppofè que la liberté publique eft gênée par le
privilcge excluiif que demandent ici les fieurs Breu ÔC
Bouygues d’exercer feuls à Aurillac l’A r t de la
Pharmacie.
Mais d’abord les fieurs Breu 6c .Bouygues ne deman
dent paspréciiément un Privilègeexcluiil"pour euxfeuls :
ils le demandent pour tous ceux qui feront reçus
Maîtres Apothicaires dans les formes portées par les
Règlements, 6c qui voudront en exercer la Profeifion
à Aurillac ; 6c à cet égard ils ne prétendent pas fermer
le champ à perfonne. Que leurs adverfaires, que le iieur
Raulhac lui- même fe préfentent comme eux à l’examen
6c au chef-d’œuvre, 6c qu’ils obtiennent des Lettres
de Maîtriie comme eux ; alors ils les reconnoîtronr,
avec les Loix 6c les M agiilrats, pour vrais A p othi
caires , 6c le privilège excluiif, loin de leur nuire, mi
litera également en leur faveur.
D un autre côté le privilege que réclament les
fieurs Breu 6c Bouygues ne va qu’à la privation du
droit de vendre les Médicaments 6c Drogues compoJ ées, 6c ne s’étend pas aux Drogues Jimples. Q ue
ceux de leurs adverfaires-qui font Marchands Dro-guiilcs fe renferment donc dans cette derniere partie:
■qu’ils vendent autant de Drogues limples qu’ils pour
ront , 6c qu’ils ayent à cet effet des magaiins dans
toutes les parties du monde ; jamais les lieurs Breu
6c Bouygues ne s’y oppoferont. Mais ils s’oppoièronc
�18
fprutüence
M édecine,
p r e m i e r , p.
toujours 6c toujours avec fucces an débit de toutes
Drogues compolées, & à la compojition elle-même
des Drogues, cjue pourroient vouloir entreprendre tous
particuliers fans privilege, non légalement reçus Maîtres
en l ’A rt de Pharmacie ; parce que 6c la compolition
6c le débit de ces Drogues ainii compofées forment
précifément l’eiTence de l’A rt dont il s’agit.
Et en cela la liberté des Citoyens ne fouffre pas
de préjudice au moins réel. Car li cette liberté mé
rite d’être refpe&ée, 6c fi la iageiîè du Gouverne
ment doit être attentive à éloigner tout ce qui pourroit y porter atteintet * elle eft également obligée
à pourvoir aux différents befoins des Citoyens, à leur
ménager tous les fecours poffibles 6c à veiller fur les
Profeflions établies pour leur rendre les fervices néceffaires, avec autant d’ordre que de fruit.
O r pour que ces Profeiiîons, 6c notamment la
Pharmacie, foit véritablement utile, on doit n’ad
mettre à l’exercer que ceux qui après un apprentiffage affez long, ont été examinés, éprouvés 6c jugés
capables par les Maîtres de l’A r t , 6c ont mérité
d’en obtenir un témoignage public 6c authentique 9
des Lettres de Maîtrijè.
Cette régie eft obfervée chez toutes les Nations ;
elle eft fondée fur le bien public, 6c rien par conféquent n’eft plus injufte que de la regarder comme un
joug onéreux qui opprime la liberté des Citoyens.
Elle n’a jamais rien eu de coa£tif pour eux ; elle leur
apprend feulement quels fervices ils ont à attendre de
chaque Proieflion ; elle leur montre ceux qui méri
tent leur confiance, elle les difpenfe ainli d’une diicuiüon qui les embarraiferoit : bien loin de les gêner
�i9
Sc de les contraindre, elle les éclaire, les dirige
les conduit, pour ainii dire, par la main.
Toutes les Profeiïions l'ont fujettes plus ou moins
à cette régie, même celles qui ne font que peu im
portantes à l’humanité ; leroit-il donc poiïible qu’on
s’en écartat dans la matiere la plus eiTentielle qui fut
jamais, qui eft celle de la vie & de la fanté? La Phar
macie , deftinée à la confervation de l’une 6c de l’au
tre, feroit-elle la feule Profeifion qu’il fût permis
d’exercer à tous ceux qui ne s’en font point inftruits?
N o n , fans doute, runanimité a régné dans tous les
Etats pour établir à ce iiijet la régie dont il s’agit,
q u i, bien loin qu’elle puiiTe être regardée comme dure
6c contraire à la liberté du Public, eft une preuve du
zélé 6c de l’attention du Miniftere 6c des Tribunaux
pour la confervation des peuples.
,, Nous demeurons d’accord, difoit M . l’Avocat
n général T a lo n , parlant contre la Chambre Royale
■
n de Médecine dans l’endroit plus haut cité, * qu’il de
ne faut pas ôter aux particuliers la liberté de faire
„ dans leurs mailons ce que bon leur femble, 6c de
9, ie fer vit* du fecours &c de l’induftrie de ceux qui
leur iont agréables : mais il faut ôter au public les
jj occaiions de la tromperie, interdire le trafic d’une
„ mauvaife marchandée. Chacun dans fa maifon uie
„ bien pour fa nourriture de telles viandes, pour fa
fanté de tels remedes , 6c pour fes vêtements de
M telles étoffes qui lui plaifent ; les Officiers de la
j, Police pourtant n’en empêchent pas moins l’expo„ iition des denrées gâtées 6c corrompues ; cette li„ berté eft temperée par le loin des Magiilrats 6c
par les Loix qui ne s’attachent pas précifément aux
C %
�„ particuliers qui en peuvent abufer, mais défendent
„ ou rendent difficile en public ce qu’elles veulent
„ empêcher en particulier.
O r ce que difoit là M . Talon contre les Médecins
de la Chambre royale qui étoient Doâeurs dans leur
A r t , & qui avoient été reçus comme tels par une
Faculté célébré & approuvée ( celle de Montpellier),,
peut fe dire avec bien plus de rai ion contre les iieurs
JRauIhac, Cellarier &i Revel qui encore un coup n’onc
Jamais été reçus Maîtres Apothicaires, & qui ne fe
font pas même donnés la peine d’acquérir les connoiilances & defàire les démarches néceiîàires pour le
devenir. Si donc la Chambre royale de Médecine fut
abolie dans le temps, quoiqu’elle eût reçu l’approba
tion du Souverain confignée dans des Lettres Paten
tes , quel doit être aujourd’hui le fort des prétentions
du fieur Raulhac & de fes Partifans qui voudroient
faire la Pharmacie fans l’avoir étudiée, & compoièr
des Drogues ôc des Remedes, fans avoir appris à les
connoître.
Ils ont beau dire que leur longue expérience leur tient
lieu d’étude, & qu’exerçants depuis trente-cinq ans,
fans que le Public fe ioit jamais plaint, ils ont acquis
le droit de marcher juiqu’à la nn lur leurs ancien
nes traces.
Abus que cette nouvelle obje&ion du fieur Raul
hac ! Il feroit ailé de lui prouver qu’il n’y a pas plus
de trente ans, qu’il n’étoit pas même en état de lon
ger à vendre jamais des Drogues. Mais quand ion affertion n’auroit rien d’exageré pour lui ni pour Tes
Conforts, il ne s’enfuivroit pas qu’il fallut aujourd’hui
adopter leur fyfteme, fuifent-ils aufïi habiles dans le
�fait qutils voudraient le perfuader. Leurs talents en
Pharmacie n’égalent pas, fans doute, les talents en
Médecine 6c en Chirurgie des Galien, des Scaliger,
des Dulaurent, des Laporta, des Primerofe 6c au
tres brillants génies des fiéeles pailés auxquels on pourroit en ajouter quelques uns de celui-ci. O r que les
Adverfaîres des fieurs Breu 6c Bouygues liient l ’hiftoire de la Médecine en général, 6c ils y verront
que ces grands Hommes furent obligés ou de fe foumettre aux examens 6c de fe faire approuver dans la
forme des Règlements reçus de leur temps , ou de
renoncer à l’exercice public de Profeiïions pour le£>
quelles ils avoient les talents les plus décidés 6c les
plus répandus.
E t en effet quoique la réception juridique ne donne
pas la capacité, elle la fuppofe néanmoins 6c la prou
ve ; au lieu que la voix publique fujette à l’erreur,
fur-tout dans des matieres qui ne font pas à la portée
de tout le monde, comme celle-ci, ne fait le plus fouVent que des réputations fauffes 6c non méritées.
Quant à la longue poflèfïion à l’ombre de laquelle
le fieur Raulhac prétend avoir acquis le droit d’être
Apothicaire, cette raifon fera bonne quand on pourra
preicrire contre le bon ordre , contre les Loix, contre
1 intérêt de la fociété entiere , 6c contre la vie 6c la
fanté des hommes : julques-là la longueur de fa p o f
feiiion ne fera qu’un motif de plus pour en faire ceifer pour jamais le cours.
L e t r o i s i è m e M o y e n
qu’invoquent les fieurs
Breu 6c Bouygues, c’eft la teneur des Loix 6c des
Règlements, ainfi que des Jugements qui ont été ren
dus fur l’objet.
�v
en
D ’abord on a déjà obfervé qu’avant Charles V I I I ,
&: dès le temps où la Pharmacie étoit à peine iepa'rée en France de la Médecine & de la Chirurgie,
il y avoit de certains Maîtres de l’A r t à qui il falloic
demander la permiilion de Texercer. Cela étoit ainil
ordonné par des Lettres Patentes des Rois ; on peut
par eonféquent regarder ces Lettres comme les pre
mières Loix & les premiers Règlements qui ayent
interdit en France la Pharmacie à ceux qui n’y feroient pas reçus Maîtres : car l’obligation où l’on
étoit alors de demander l’agrément des Maîtres indi
qués, étoit comme une efpece d’examen & d’épreuve;
la conceflion de l’agrément équivaloir à des Let
tres de Maîtrife.
O n a vu eniùite que les Lettres Patentes de Charles
V I I I , éreâives de la Communauté des Apothicaires
&c Epiciers de Paris, en 1484., défendoient à toutes
perfonnes non reçues Maîtres Apoihicair.es de faire &
.débiter aucune compojition pharmaceutique : défenfes
qui ont été renouvellées par tous les Rois fucceileurs
.de Charles V I I I jufqu’à Louis X I I I , & notamment
par Henri I V dans là Déclaration du 30 Septembre
I<)97 ? Partant de plus que nul 11e pourrait être reçu
Maître fans faire chef-d’œuvre, nonobflant Lettres
de Maîtriic.
On a vu enfin que Louis X I I I avoit comme achevé
.de peri'c&ionncria LégiOation , fur le fait de la Phar
macie, par ion Edit de 1 6 1 9 , & par les Commiiiio n s, Lettres Patentes ¿k autres Règlements y acceffoires qui ont été ci-devant rappelles dans le récit
îles faits.
Cette perfe&ion réfulte fur-tout de ce que l’Edit
�*3,
de 1619 , après avoir donné pouvoir au premier M é
decin du R o i d’établir des Jurandes dans les Villes
où il n’y en avoir point encore, ajoute ( ainfi qu’on
Ta déjà touché légèrement plus haut ) „ que dans les
,, lieux èfquels il n’y auroit qu’un ou deux Apothi„ caires , ils feroient tenus, conformément à un pré„ cèdent Edit ou Ordonnance de 1 5 8 1 , de faire
,, Corps par Châtellenies ou Prévôtés, pour procé„ der à l’examen 6c réception de ceux qui ic prefen,, teront pour être reçus Maîtres Apothicaires : faifant
„ très-expreilès défenfcs a tous Juges & Magiftrats de
„ recevoir ni retenir aucuns, dans les Vilïes , Bourgs 6c
„ Bourgades, pour exercer l’A r t d’Apothicairerie ,
„ qu'ils rfayent acte de leur capacité en la forme por„ tée par ces préfen&es , à peine, &c.
La Cour eft fuppliée de donner toute fon attention
à ces difpofitions de l’Edit de 1 6 1 9 , qui établirent
ou qui fuppofent bien clairement trois fortes de Maî
tres Apothicaires dans le Royaume. Les premiers iont
ceux qui auroient obtenu des Lettres Patentes des Rois
eux-mêmes pour exifter en Jurande 6c former un Corps
de Communauté. LesJeconds iont ceux qui n’exifteroient
en Jurande 6c Communauté qu’en vertu des créations du
premier Médecin du R o i; & les derniers font ceux qui
le trouvant en trop petit nombre dans les Villes 6c
Bourgs pour exifter en Communauté, de l’une ou de l’au
tre des deux maniérés ci-deiTus, fe feroient tait recevoir
dans les Communautés voiiines pour faire Corps avec
les autres Membres de ces Communautés : ce que
1 Edit appelle faire Corps par Prévôtés ou Châtellenies ;
le Roi fuppofant dans l’étendue d’une même Châtel
lenie ou Prévôté royale allez de V illes ou de Bour-
�r
.
h
gades, munies d’Apothicaires ifolés, pour que leur
réunion pût former une Communauté fuffilàmment
nombreuiè.
O r les fieurs Breu & Bouygues font ici dans la
derniers de ces trois claiîès d’Apothicaires. Habitants
de la* Ville d’Aurillac , & n’étant qu’au nombre de
deux , ils fe font réduits à la derniere des trois for
mes d’exifter, s’étant faits recevoir , comme on l’a
v u , par la Communauté des Apothicaires de cette
V ille de Clermont.
Mais cette derniere forme n’eft pas moins authenti
que ni moins légitime que les deux autres. Elle a égale
ment pour appui les difpofitions de l’Edit de 1 6 1 9 , &
elle a pour exemple les effets d’un ufage confirmé où efi:
la Communauté des Apothicaires de Paris, de recevoir
des Maîtres pour exercer la Pharmacie dans les lieux où
na. Coiiciiion il n’y a point de Communauté établie. *
Fpo’thicairçTr
Cette forme encore n’eit pas moins iujette à l’emi
pire des Règlements , & ne donne pas moins le droit
j
d’en réclamer l’exécution contre quiconque refuferoit
de s’y fbumettre, que l’exiftence en Jurande patentée
ou en Jurande créée par le premier Médecin ; c’eitlà non feulement le lens , mais encore la lettre de
l’Edit de 1 6 1 9 , dans les termes de cette Loi ci-de
vant tranferits. Et ces réflexions fer virant dans un mo
ment à combattre une derniere obje&ion de nos A d vcrfaircs , dans laquelle ils mettent toute leur con
fiance, & qui confiftc à dire qu’il n’y a pas de Ju
rande à Aurillac.
Sous le règne' de Louis X I V on vit paroître entre
autres des Lettres Patentes du 2 A vril 1661 , conÜrmativcs des Statuts généraux que le iicur V a l l o t ,
premier
�a<>
>
,
premier Médecin , avoit dreffés , & portant défenfes
à toutes perfonnes fans qualité de vendre aucune D ro
gue fimple ou compofée, à peine d’amende, ôc de
iailie & confifcation.
Bientôt après parut le fameux Arrêt de Règlement
du Parlement de Paris , du 19 Juillet 1671 , rendu
à l’occaiion d’un différent qui s’écoit élevé entre les
Chirurgiens 6c les Apothicaires de Tours. Pour ter
miner ce différent le Parlement coniulta plusieurs fois
la Faculté de Médecine de Paris, comme il avoit
fait dans une occafion femblable en 1607: & fur ion
avis il fit le Règlement dont il s’agit , qui en cette
qualité de Règlement fait Loi pour tous les Chirur
giens 6c Apothicaires du Royaume. 11 y eft dit que
les Chirurgiens pourront faire 6c compofer les Remedes qu’ils auront à employer dans l’exercice de
leur Prolefîion, 6c notamment dans la cure des M a
ladies fecrettes ; mais il leur eft expreilémcnt défendu
de vendre au Public ces mêmes Remèdes ; comme
auifi d’ entreprendre ou exercer la Pharmacie , 6c de
donner aucunes Potions dans les Maladies d ’une na* turc ordinaire. Ce Règlement eft ici d’autant plus
remarquable, que les iieurs Breu 6c Bouygues ont
parmi leurs Adveriàires dans cette Cauie un Chirur
gien , favoir, le fieur R e v c l, qui croiroit peut-ctre
que cette qualité de Chirurgien lui donne de plus
grands privilèges qu’aux autres. Q u ’il apprenne donc
par ce Règlement de 1671 , 6c par une foule d’au
tres qui l’ont précédé ou fu iv i, 6c vont être rappelles,
011 font cités par l’Auteur de la Jurifprudence de M é
decine , * que tout Chirurgien qu’il peut être, ion fort,
dans la préieme conteftation , ne doit pas être difiè-.
D
�%s
rent de celui des fieurs Raulhac &c Cellarier , fi ce
n’eft tout au plus pour la compoiition des Remèdes
qu’il auroit à adminiftrer dans les Maladies lecrettes,
pour la cure defquelles il feroit appelle.
En 1707 '& 1708 , doubles Lettres Patentes qui
défendent à toutes fortes de peribnnes, fans diftinctio n , non reçus Maîtres Apothicaires, de s’immifeer
en l’A rt de Pharmacie, pour quelque caufe & fou s
quelque prétexte que ce Joit ou puijje être , à peine de
quinze cents livres d’amende. Et encore en la pre
mière de ces deux années , Edit portant Règlement
pour l’étude <Sc pour l’exercice de la Médecine, donc
plufieurs articles s’appliquent naturellement à la Phar
macie , ¿k notamment l’Article 38 , qui V£Ut que
nul ne puiiîe être pourvu des Charges ¿ ’Apothicaire
du Roi ou de fa Maifon ou des Princes de ion Sang,
s’il n’a été reçu Maître dans quelqu’une des Villes
du Royaume.
Le 3 A v ril 1 7 3 1 , Sentence de Police de cette
Ville de C lcrm on t, faifant défenfes aux Marchands
Regratticrs , Revendeurs, Epiciers , ôc à tous autres,
de vendre aucune forte de Com portions, Drogues ,
Onguents , Sirops & E a u x , concernants la Phar
macie , à peine d’amende, de confifcation , & autres
peines de droit.
Le a6 Mars 1732- , A rrêt du Parlement de Paris,
q u i, en rappellant les anciens Règlements faits pour
la Pharmacie, défend abfolumcnt l’exercicc de cet
A r t à tontes fortes de perfonnes qui n’ont point été
reçus Maîtres dans les formes ordinaires.
Le 10 Mars 1738 , autre A rrêt du même Parle
ment , confirniatif d’une Sentence de -la Rochelle du
�^7
•
.
.
13 Janvier 1 7 3 7 , qui défend
Chirurgien de vendre
& diflxibuer des Remèdes, &. le condamne pour l’a
voir fait en trois mille livres d’amende.
Le 6 Mars 1745, nouvel Arrêttoujoursdumeme Par
lement , confirmatif de làifics faites à la requête du feul
Apothicaire lors établi à Chinon , fur les Chirurgiens de
la même Ville.
Le 12 A v ril 1 7 4 9 , Arrêt du Confeil, dont l’exé
cution a été nommément ordonnée comme d’un R è
glement général & décifif,par les deux Ordonnances
d’Aurillac du 17 & du 27 Juin dernier, fur lefquelles
nous plaidons ici. Et en effet ce Règlement eft décifif, fur-tout contre le fieur R evel, puifqu’il a été ren
du entre les Chirurgiens & les Apothicaires, & qu’il
conferve aux derniers le droit exclufif de compofer &
de vendre toutes fortes de Médicaments &: de D ro
gues, défendant à tous Chirurgiens de compofer, ven
dre ou débiter aucuns Remedes deftinés à entrer dans
le corps humain.
L e 4 Décembre 1 7 4 9 , nouvelle Sentence de Police
de cette Ville de Clerm ont, qui défend aufïi aux
Chirurgiens de faire , compofer ôt vendre aucune
forte de Médicaments, au préjudice des Apothicai
res. Et le 26 Février 1 7 5 1 , Arrêt confirmatif delà
Semence en tous fes points , fi ce n’eft quant aux
Drogues que les Chirurgiens peuvent employer comme
Chirurgiens, lefquelles l’A rrêt leur permet de com
pofer , mais fans pouvoir les vendre , conformément
à l’Arrêt de Règlement de 1671.
Le 6 Septembre 1751 , autre A rrêt entre les
Médecins, Chirurgiens & Apothicaires de Calais ,
q u i, ajoutant aux difpofitions de PArrêt de RégleD 2
�i8
ment de 1671 , défend aux Chirurgiens le débit des
Drogues, mime enles prenat1tchc7J.es Apothicaires, quoi
que ces derniers n euflènt point de Statuts homologués.
Le 11 Juillet 1764., Arrêt du Parlement, qui a
aufïi fervi de baie aux Ordonnances d ’Aurillac que
nous défendons, 6c qui contient le même fonds de
difpofitions que l ’Arrêt du Confeil de 1749 , & °luc
tous les autres Arrêts ou Règlements ci-deifus invoqués.
Le i x du même mois de Juillet 1764., Sentence de
Police de la Ville de Nevers, faifant .défenfes à tous
Marchands, Epiciers 6c Droguijles de tenir chez eux
aucun Remede compofé, ni. pots étiquetés de D ro
gues 6c eaux de .diftillation.
Enfin le 30 Janvier j 7 6 5 , Sentence de la Police de
'T o u r s , confirmée par Arrêt du 5 Septembre 1 7 6 6 ,
qui maintient &c garde les Apothicaires dans le droit
exclufif de faire , compofer , vendre & débiter toutes
fortes de Drogues & de Médicaments , avec défenfes
aux Chirurgiens d’en compofer que pour leur ufage ,
6c même de vendre ceux-ci.
V oilà une foible partie des Règlements, tant géné
raux que particuliers, qui s’élèvent ici en faveur des
fieurs Breu 6c Bouygues; 6c nous difons une fo ib le
partie ; car quelque longue que foit la lifte qu’on vient
de yoir, elle l’auroit été beaucoup plus encore lio n
ne s’étoit pas reftramt. Et afin que nos adverfairess’en
convainquent par eux mêmes s’ils le veulent., qu’ils
confultent les Recueils d’où nous avons tiré ce que
nous venons dé cher, ,6c ils verront de combien d’Ordonnances., d’Edits , de Déclarations , de Lettres
Patentes anciennes 6c modernes, d’Arrêts du C onièil,
d’Anrêts des différents Parlements du Royaume , 6c
�19
de Sentences de prefque tous les Sièges inférieurs, on
auroit encore pu les accabler. *
,
^
Les fieurs Breu ôc Bouygues ajouteront cependant les Régieml
à tous les Jugements dont ils viennent de rappellcr la S£rnf*&F
teneur, l’Arrêt proviipire que la Cour a rendu elle-l*‘ nouv:fallx.’
A
i
r i
c1
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Kecueuils
n
racme dans la cauie le 4 ¿septembre dernier , & par qu és par Brilîl
lequel le fieur Raulhac & dans fa perfonne tous les
DeS
Marchands Droguiftes d’Aurillac ont été interdits de
la vente des compofitions ,
réduits à celle des & fous celui ^
■p*
r
«
1
'
& Métiers , &
Urogues iimples.
finu janfprud
Cet Arrêt en effet a été prononcé en pleine con- ^ J ,a.Medeci
noiiîànce de caufe, & fuivant les conclufions de M .
l’Avocat Général. 11 eft d’ailleurs parfaitement confor
me à la Jurifprudence établie par les Règlements ,
Arrêts ÔC Sentences ci-deifus rapportées ; il fait donc
moyen pour les fieurs Breu & Bouygues, & forme
en leur faveur les préiages les plus heureux pour l’Ar*
rêt définitif à intervenir. Car qui pourrait obliger la
Cour à retracer par cet Arrêt définitif fa première
déciiion portée par l’Arrêt provifoire ?
Seroit-ce la derniere objection que font nos Adverfaires & qu’on a déjà fait entre-voir plus haut ?
Vous n’êtes pas en Jurande, difent-ils, vous ne
formez point de Communauté ; or dans les Villes où
il n’y a point de Corps de Maîtrife , tout Commerce
doit être libre. Pluiieurs Arrêts l’ont ainfi jugé ; ils
font rapportés par D enifart, ¿k tous ceux que vous
invoqués n’ont été rendus , de même que les Loix
Statuts ¿k Règlements dont vous argumentez, ne font
intervenus que dans des cas & pour des lieux où il y
tivoit Jurande; vous ne pouvez donc pas nous em
pêcher de continuer le débit de nos Drogues ni même
'» 3
�i*
3o
leur compofuion ; vous ne pouvez pas du moins nous
enlever les quatres Comportions cardinales ; lavoir la
Thériaque, la Confe&ion d’Hyacinthe, TAlkermes 6c
le Mithridate, chofes pour lefquellcs les Droguilles &c
même les Epiciers ont la concurrence avec les A p o
thicaires dans plufieurs Villes du Royaume.
Mais les réponfes à cette obje&ion font auííi promp
tes que péremptoires.
i°. O n ne voit pas pourquoi il y auroit ici de la
dillin&ion à faire entre les compofitions cardinales &
les autres. Les Reniements qui doivent fonder la dé*
ciiion future de la Cour n’autorifent nullement cette di£
tin&ion. La plupart défendent purement ÔC fimplement à quiconque n’eft point reçu Maître Apothi
caire de faire & de vendre toutes fortes de compo
fitions , ce qui embrailè les cardinales comme les au
tres. Et les Statuts de 1637 défendent formellement
la Thériaque &C le Mithridate.
Il n’y auroit même pas de raifon de permettre
aux Adverfaires les compofitions cardinales ,
de
ne leur interdire que les compofitions ordinaires : car
les premieres font bien plus importantes, bien plus
difficiles , & exigent bien plus de talents & de connoiflances que les fécondés , fur-tout depuis que la
Pharmacie s’eil perfe&ionnée par les découvertes que
les Savants ont faites dans la Chimie & dans lTIiitoire naturelle , eniorte que pour être aujourd’hui
un bon Apothicaire , il ne fuffit pas comme autre
fois de lavoir un peu de Botanique , & de connoître fon
JJiJpenJaire, * il b u t encore etrcChimiite & Naturalise,
* Le D ifp en fa ire, ou Pharm acopée, ou Codex , eft un g r o s L ivr e
in-4.0. contenant de ux Parties : la premierc eit une T a b l e a lp l u b é -
�$9
31
& avoir fait par conféquent les études analogues a ces
deux Sciences.
L ’inverie d e là propofition de nos Adverfaires feroit donc plus admiilible que la propofition même :
6c s’il falloir leur permettre quelques comportions,
ce devroit ctre les ordinaires plutôt que les cardinales.
Mais les unes 6c les autres doivent leur être inter
dites ; nous nous flattons de l’avoir prouvé.
Il
eft vrai que dans quelques Villes du Royaum e,
à Paris par exemple Ôc à Touloufe , les Epiciers 6c les
Droguiftes débitent les compoiitions cardinales ; mais
premièrement ce ne font pas eux qui les compofent;
fecondement s’ils les débitent c’eft à raifon de ce qu’à
Paris les Apothicaires, les Epiciers 6c les Droguiftes
ne forment enfemble qu’une feule Ôc même Commu
nauté , lauf toutefois les différences convenables entre
chaque Profeffion prife à part; 6c à Touloufe c’eft
en vertu d’un article fpécial des Statuts de la Com
munauté de cette V ille , & par des arrangements par
ticuliers faits entre les Droguiftes d’un côté 6c les A p o
thicaires de l’autre : toutes circonftances qui forment
line exception aux régies générales , laquelle ne doit
pas être étendue hors de là Sphere.
0.°. Si les fieurs Breu 6c Bouygues , comme A p o
thicaires d’A u rillac, n’exiftent point par eux-mêmes en
corps de Communauté 6c de Jurande, ils exiftent équi*
valemment tels, à l’aide de leur affiliation à la Com
munauté de cette Ville de Clermont ; & cette ma-,
tique des D r o g u e s Amples qui entrent dans les R emède s c o m p o f é s ,
ou qui font d ’un ufage familier , & dont par conféquent les A p o
thicaires do iv en t être pourvus La f écondé renferme les formules de
la préparation des f i mp l es , ainfi que des doies néceflaires p o ur les
c omp oi it i ons de chaque Re mède .
�nierc d’exifler, encore un coup , n’cÎlpas moins légale
que s’ils avoient des Lettres-Patentes ou une Jurande
particulière pour Aurillac. C ’eiî: ce que nous avons vu
dériver de l’Edit de 1 6 1 9 , qui admet trois fortes de
Corps d’ Apothicaires en France, les uns patentés par
le R oi , les autres créés par fon premier M édecin,
ôc les derniers faifant Corps par affiliation avec les uns
ou les autres des deux précédents. O r nous avons vu
auiîi que ces trois différentes fortes d’Apothicaires font
également fujettes aux Statuts & Règlements généraux;
& que leurs divers Membres peuvent faire uiage de
ces Règlements pour repouffer ceux qui voudroient
faire les fonctions d’Apothicaires , fans qualité &C
fans d r o it, d onc, & c.
30. L’Apothicaire de Chinon qui fit confirmer par
TArrêt de 1745 les faifies de Drogues qu’il avoit fait
faire iur les Chirurgiens de la même Ville , n’exiftoit
affurément ni en Communauté ni en Jurande dans le
fens que l’entendent ici nos Adverfaires, puifqu’il étoit
abfolument fe u l dans Chinon ; il ne pouvoit donc être
Maître Apothicaire que pour avoir été reçu tel dans
une Communauté voiiine ; cependant en cette feule
qualité il fit déclarer les faiiies valables, &c condam
ner les Chirurgiens qui empictoient fur lui : les fieurs
Breu & Bouygues ont donc ici le même droit contre
les fieurs Raulhac , Cellarier & Revel.
Il
en faut dire de mcme des Apothicaires de Calais
qui , fans Lettres Patentes enregiltrées, 6z par conféquent fans cxiftence en Corps de Communauté, ob
tinrent l’Arrêt du 6 Septembre 1 7 ^ 1 , qui défendit
aux Chirurgiens de vendre, mcme les Drogues qu’ils
auroient prifes chez eux Apothicaires.
�/O,
35 .
4*. Rien n’efl moins applicable dans l’eipece que
le principe de la liberté du Commerce pour les Villes
non jurées. Il faut diftinguer à cet égard les diverfes ProfeÎfions , & pefer les raifons qui les ont fait
ériger en Jurande ; fur-tout il ne faut pas confondre
la rrofefïion d ’Apothicaire avec les autres.
Il
paroît que les Jurandes des autres Profeflions
ont moins été introduites pour le bien public que
pour l’intérêt des Exerçants ; ou du moins le bien
public • femble n avoir été que le motif fecondaire ;
tandis que l’intérêt des Exerçants , le bon ordre
& la Police à obferver entre eux ont été les motifs
premiers & déterminants. L)elà il fuit que pour ces fortes
de Profeflions la liberté du Commerce en général doit
l’en*porter fur la gêne que pourroient vouloir y mettre
quelques Particuliers dans les Villes où ces Particuliers
ne font point établis en Jurande & ne forment pas
un Corps de Maîtrife, De quel droit en effet afpireroient-ils à l ’exercice exclufif de leur Commerce ou
de leur Métier? dès qu’ils ne peuvent point appeller
l’intérêt public à leur fecours , dès qu’ils n’ont pour eux
que leur intérêt performel ; cet intérêt le trouve en
-équilibre avec l’intérêt également perfonnel de ceux
q u ’ils voudroient exclure ; & pour pouvoir faire pen.cher la balance en leur faveur , il leur faudroit néceffàirement le poids d’une Jurande.
Mais il n’en eit pas de même dans la Profefïion
de la Pharmacie; l'intérêt particulier des Artifles n’efl
jamais entré qu’en fécond dans les Jurandes qui peu
vent en avoir été formées, & c’eft toujours l’intérêt
public qui a ou prélidc l c ul , ou dominé dans ces
formations ; lors donc qu’un ou deux Apothicaires ,
légitimement reçus M aîtres, font établis dans un lieu
�quelconque, ou qü’ils réclament l’exercice exclufif de
leur A r c , on ne peut pas leur oppofer avec fuccês
leur défaut d’exiftence en Corps de Communauté, parce
que pour fuppléer à ce défaut ils ont pour eux l’intérêt
public, inféparablede leur Profeiïion. Cet intérêt fuffic
alors pour l’emporter fur la prétendue liberté du
Commerce , laquelle pourroit nuire au public 6c n’ê
tre iitile qu’aux feuls individus qui eh proiitëroient \
tandis que l’exercice exclufif ,■accordé aux vrais A p o
thicaires, ne peut nuire qu’aux individus qui , fans
qualité, afpireroient à la concurrence, 6c iert évi
demment l’intérêt du public par la bonté 6c la sûreté
des Remedes qu’il lui procure.
5°. Ces différences entre la Profeiïion d’Apothicai
re 6c les autres Profeiïions , font marquées dans l’Au, teur même que nos Adverfaires invoquent. Denifart *
’* oblèrve ce que nous avons déjà dit ailleurs ; ià vo ir,
que quand nos Rois créent des Maîtres 6c Marchands
dans les Corps, à leur avènement à la Couronne, ils
en exceptent notamment les Apothicaires. Cet Auteur
dit bien eniuite que, dans les Villes où il n’y a point
de Jurande , chaque Habitant peut tenir Boutique ,
vendre 6c faire ce qui lui convient, 6c il appuyé cette
décifion d’un afïez grand nombre d’Arrêts ; mais il
n’eft aucun de ces Arrêts qui ait été rendu avec des
Apothicaires , 6c on pourroit même défier le fieur
Raulhac 6c Conforts de trouver ailleurs un feui
Arrêt femblable , 6c qui plus eft, une feule autorité
qui favorife leurs prétentions.
6°. Dire que tous les Règlements invoqués par les
fieurs Breu 6c Bouygues ne font que pour les lieux
où il y a Jurande , c’eft confondre les Règlements
généraux avec les Jugements particuliers.
�Nous convenons que le plus grand nombre'dés
Jugements qu’ont invoqué ci-deiïùs les fieurs Breu &
Bouygues, ont été rendus en faveur d’Apothicaires
exiftants en Communauté : mais d’abord tous ne iont
pas dans ce cas, & l’A rrêt de Chinon au moins ne
concerne pas une Communauté, puiiqu’encore une
fois l’Apothicaire qui l’obtint étoit feul dans la Ville.
Il en eft de même de l’Arrêt de Calais.
D ’ailleurs les Jugements particuliers ayant tous pour
fondement les Règlements généraux dont ils ne font
que des induâions, il en faut dire ce que l’Auteur
de la Jurifprudence de Médecine * dit des Statuts par- « Tômea
ticuliers donnés pour chaque lieu : comme ce ne font. 6«
que des extraits des Ordonnances générales, ceux d’un
lieu font des autorités folides pour un autre lieu, dans
les difpofitions dont l’effet &c l’application peuvent être
■étendus davantage. Ainii les Jugements particuliers
rendus pour les lieux où il y a Jurande, font L oi
pour les lieux où il n’y en auroit pas ; parce que les
Taifons font les mêmes, & que l’application & l’ex-tenfion font avantageul'es.
Quant aux Règlements généraux, il y en a qui
•ont précédé l’éretHon même de toute Communauté
jdans le Royaume ; ceux-là ne peuvent donc pas tom
ber fous l’objeâion de nos adverfaires. Pour ce qui
eft des autres, quelques-uns, tels que ceux qui font
portés par des A rrê ts , ont été à la vérité rendus à
l ’occafion de procès fufeités par ou contre des Com
munautés ; mais cela n’empêche pas qu’à titre d’ A r
rêts de Règlements leurs difpofitions ne foient géné
rales & ne favorifent tant les Apothicaires en Com
munauté que ceux qui n’y feroient pas. Et à l’égard
des Règlements portés, par des Ordonnances,. Eclits
�& Déclarations, ce font de véritables Loix du Royau
me qui obligent tous les Sujets fur qui elles peuvent
frapper, & qui ne diftinguant pas ne nous permettent
pas de diftinguer.
7°. Enfin , c’eit l'intérêt public (on ne fauroit trop
le répéter ) qui a fait porter tous les Règlements &
rendre tous les Arrêts & toutes les Sentences que nous
avons fut la matiere del a Pharmacie ; & cet intérêt eft
le plus cher de tous , puifqu’il y va de la fanté & de
la vie. O r ne fera-çe que dans les Lieux où il y a Ju
rande que cet intérêt fera précieux au Prince & aux:
M agiftrats dépofitaires de fon Autorité? Les Sujets du
R o i qui habitent les Villes où il n’y a pas de Jurande
feront-ils donc abandonnés à la difcrétion du premier ve
nu qui fe dira Apothicaire , & qui fans aucune preuve
légale de fa capacité exercera un A rt auffi délicat pour la
confcience, auffi étendu dans fes connoiffànces,auf f iin
certain dans les événements, auffi dangereux par les abus,
auffi inconnu du vulgaire , & par conféquent auffi fufceptible d’erreur & d’impofture que l’A rt de la Pharmacie?
c’eft la confequence ultérieure qui réfulteroit de l’objecrion & de tout le fyfteme de nos Adverfaires ; mais c’eft
ce que la Cour n’admettra jamais , & fon Arrêt à interve
nir va fans doute profcrire en meme-temps & la confequencc & le principe. Signé , B O U Y G U E S .
Monfuur D U F F R A I S S E D E V E R N I N E S ,
Avocat Général.
T r i o z o n , Procureur.
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A C le r m o n t _ F e rr a n d d e l'im p rim e r ie d e P V ia lla n e s ru e S G e n è s 1 7 7 2
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Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Breu, Gabriel. 1772]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Duffraisse de Vernines
Triozon
Subject
The topic of the resource
apothicaires
pharmaciens
droguistes
chirurgiens
médecins
règlements professionnels
intérêt public
lettres de Maîtrise
communautés de métiers
jurande
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire signifié pour les sieurs Gabriel Breu et Antoine Bouygues, Maîtres-Marchands-Apothicaires de la ville d'Aurillac, Intimés, Demandeurs et Défendeurs. Contre les sieurs Jean-Baptiste Raulhac et François Cellarier, Marchands Droguistes de ladite Ville d'Aurillac, et le sieur Pierre Revel, Chirurgien en la même Ville, Appellants, Défendeurs et Demandeurs.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Pierre Viallanes (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1772
1772
1716-1774 : Règne de Louis XV
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
36 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G0304
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Clermont-Ferrand (63113)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/52912/BCU_Factums_G0304.jpg
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