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DE LA COUR DE PARLEMENT,
Q u i ordonne qu’un Imprimé in-40. 'miaulé : M É M O I R E J U S T I F I C A T I F , pour
trois hommes condamnés à la roue à P a r is , de l'Imprimerie de PhilippeDenys Pierres, 1786 , commençant p a r ces mots : Le 11 Août 1785 , une
Sentence du Bailliage de Chaum ont, & finiffant p ar ceux-ci : & font innocens comme eux. Vous êtes R o i; foufcrit d'une croix pour tenir lieu de la.
fignature de Lardoife, & figné J. B. Simare & Charles Bradier ; & la Confultation étant à la fuite dudit Imprimé, commençant p ar ces mots : Le Confeil
fouff igné qui a vu le Mémoire ei-deffu s, & finiffant p a r ceux-ci ; combien il
aime à épargner les pleurs & le fang des hommes. Délibéré à Paris le
14 Février 1786. Signé Legrand de L aleu , feront lacérés & brûlés en la
cour du P alais , au pied du grand efçalier d’icelui, p ar l’Exécuteur de la
Haute-Juft ice , comme contenant un expofé fa u x des faits & un extrait infidèle
de la procédure , des textes de L o ix aufiî fauffement rapportés que fauffement
appliqués , calomnieux dans tous les reproches hafardés contre tous les Tri
bunaux , injurieux aux Magift rats , tendant à dénaturer les principes les plus
fa c rés, déftruct if s de toute confiance dans la légiflation & dans les Magift rats
qui en font les gardiens & les dépofitaires, tendant à foulever les Peuples
contre les Ordonnances du Royaume, & comme attentatoires à l'autorité, & à
la Majeft é Royale,
D u 11 Août 1 7 8 6,
A
P A R I S
,
D E L ’ I M P R I M E R I E d e p .g
S IM O N e t n .
Imprimeurs du P arlem ent, rue Mignon.
M - D C C L X X X V I .
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.
n y o n
,
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DE LA COUR DE PARLEMENT,
Q U I ordonne qu'un Imprimé in-40. intitulé : M é m o i r e j u s t i f i c a t i f , pour
trois hommes condamnés à la roue; à Paris, de l'Imprimerie de PhilippeDenys Pierres, 178 6 , commençant par ces mots : Le 11 Août 1785 , une Sen tence du Bailliage de Chaumont, & finiffant par ceux-ci: & font innocens
comme eux. Vous êtes Roi ; f oufcrit d'une croix pour tenir lieu de la fignature
de Lardoife , & figné J. B. Simare & Charles Bradier ; & la Consultation étant
à la fu ite, dudit Imprimé , commençant par ces mots : Le Confeil fouffïgné qui
a vu le Mémoire ci-deff u s , & finiffant par ceux-ci : combien il aime à épar
gner les pleurs & le fang des hommes. Délibéré Paris le 14 Février 1786.
Signé Legrand de Laleu , feront lacérés & brûlés en la cour du Palais, au pied
du grand efcalier d'icelui, par l'Exécuteur de la Haute-Jujtice, comme contenant
un expofé faux des faits & un extrait infidèle de la procédure , des textes de Loix
auffi fauffement rapportés que fauffement appliqués , calomnieux dans tous les
reproches hafardés contre tous les Tribunaux , injurieux aux Magiftrats , tendant
à dénaturer les principes les plus facrés , deftructifs de toute confiance dans la,
Iégiflation & dans les Magiftrats qui en font les gardiens & les dèpofitaires ,
tendant a foulever les Peuples contre les Ordonnances du Royaume, & comme
attentatoires à l'autorité & à la Majefté Royale.
EXTRAIT
DES
REGISTRES
DU
PARLEMENT.
D u onze Août mil fept cent quatre-vingtfix.
E jo u r, à l’iff ue de la féconde A udience , toutes les Chambres
affem b lées, les G ens du R oi font entrés ; & , après les
avoir entendus les 7 & 8 de ce mois , & aujourd’hui 11
M e A ntoine-Louis S eg u ier, A vocat dudit Seigneur R o i, portant
la parole , lefquels ont dit :
C
m e s s i e u r s
,
L e s Ju g emens de condamnation étoient appellés par
les
Rom ains., Triftes Sententia . Le M agiftrat fe dépouilloit de fa robe
A
�de pourpre en iïgne de deuil ; & il avoit coutume de fe dire à
lui-m êm e: « J ’entrerai dans le T rib u n al, non en furieux, non en
» ennemi ,m ais avec un extérieur doux & tranquille, & je pronon» cerai ces paroles folemnelles d’un ton plus grave que v éh ém en t,
» plutôt avec févérité qu’avec colere» ( i ). Nous nous fommes tenu
le même langage avant de paroître dans le San&uaire de la Ju ftice:
& ii jam ais notre M iniftere a eu befoin de toute fa m odération,
c’eft dans le compte que nous allons avoir l’honneur de rendre
de l’O uvrage c o n fié à notre Cènfure.
D an s l’aiTemblée des deux C ham bres, du fept M ars dernier, la
C our a arrêté qu’un Imprimé , intitulé : M é m o i r e j u s t i f i c a t i f
pour trois hommes condamnés à la roue , fuivi d’une Confultation ,
iignéeLE G R A N D d e L a l e u , feroit remis entre nos m ain s, pour en
rendre compte & y donner nos Conclufions. L a Cour nous a chargés
en m êm e-tem ps de prendre communication du Procès-verbal fur
lequ el cet Arrêté eft intervenu $ & , par une délibération poftérie u re , prife toutes les Cham bres aiïemblées , il ^ été de même
arrêté que nous prendrions conrtoiiTance du Procès-verbal du cinq
M a i, comme relatif à celui du fept M ars précédent.
L e M ém oire, la Confultation & les deux Procès-verbaux nous
ont été communiqués ; & pour fatisfaire, autant qu’il eft en n o u s,
à notre Miniftere , nous venons en ce moment préfenter à J a
C our les réflexions que l’examen de cet Imprimé a fait naître
dans nos efprits. M ais , nous ne craindrons pas de l’a v o u e r, le
travail que nous avons été forcés de faire a befoin de votre indul
gence ; & ii jam ais la Cenfure publique nous a paru difficile à
ex erc er, c’eft dans une circonftance où il s’agit de repouffer un
préjugé é ta b li, & de lu tter, pour ainii d ire , contre la violence
du Fanatifme & le torrent de l’opinion.
N ous ne pouvons que nous applaudir de trouver tous les
Membres de la C our réunis. En e ffe t, n’e ft-c e pas à tous les
(i) Procedam in Tribunal non furens, non infeftus, fed vultu leni, & illa folemni^
verba fevera magis gravique quaru rabida Y O c e concipiam Sente, lib, 1*. dt irà.
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M agiftrats que nous devons le réfultat de nos obiervations ,
puifque ce Mémoire prétendu ju jlific a tif ayant été compofé à
deffein d’attaquer un Arrêt rendu en temps de V acations, on n’a
pu vouloir inculper cette portion du P arlem ent, qui repréfente
alors la totalité de fes M em bres, fans accufer en quelque forte
le Corps entier.
Q uelques réflexions préliminaires vont fervir à préparer les
Concluiions que nous aurons l’honneur de vous propofer; & nous
les foumettons à la fageffe de M agiftrats impaflibles comme la L o i,
trop intégrés pour croire leur honneur compromis , & trop mo
dérés pour chercher à venger l’injure qu’on a voulu faire à leur
intégrité.
L e Mémoire prétendu ju jlific a tif, fur lequel nous avons à
nous expliquer , s’eft répandu avec profufion dans la Capitale ,
dans toute la F ran ce, dans toute l’Europe. O n a affeéfcé de le
faire vendre au profit des trois Condam nés , pour intéreiïer
davantage la commifération publique. L a plupart des le& eurs,
en fatisfaifant leur curiofité ,* avoient encore à fe féliciter d’avoir
fait une bonne œ u v r e , en procurant des foulagem ens à l’inno
cence qu’on leur préfentoit comme opprimée. Cette diftribution
v é n a le , jufqu’à préfent inufitée, a produit la fermentation la plus
vive. L a caufe des trois Criminels eft devenue la caufe de prefque
tous les citoyens. O n a rapproché l’origine de cette trille pro
cédure de la maniéré dont elle a été inftruite : on a comparé
les détails de l’inftru&ion avec l’événement de la condamnation.
L es ames fe font ouvertes à la compaiïion : les cœurs fe font
abandonnés au fentiment naturel de la pitié : la bienfaifance a
prodigué fes largefles..................Nous fommes bien éloignés de
défapprouver l’excès des dons que la charité aime à répandre
fur les infortunés, lors même qu’ils font coupables. M a is, nous
le difons à r e g r e t, le crime a trouvé des reffources qui ne
s offrent prefque jam ais à la vertu abandonnée ou à l’innocence
réduite au dernier défefpoir. Q uel que puifle être le motif de
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cespieufes libéralités, elles n’en font pas moins refpe£tables; &
fi elles prouvent que les ames ne font pas encore to u t-à-fait
deflechées par l’intérêt perfonnel, elles montrent aufli avec quelle
facilité les impreflions fe com m uniquent, & jufqu’à quel degré
on peut enflammer les cϟrs naturellement fenfibles.
L es partifans de cette produétion fameufe fe font multipliés
en raifon de la diverfité des caraéleres , de la nature des opin ion s,
de l’étendue des connoiflances. Cependant l’enthoufiaime n’a
point été univerfel. U n petit nombre d’e fp rits, plus lents à fe
décider, plus accoutumés à réfléchir, n’a point cédé à l’impulfion
du moment : ils ont commencé par douter i & après s’être bien
confultés , les uns ont craint l’exagération des reproches , les
autres le défaut de fincérité dans l’expoiition des faits. Ceux-ci
n’ont point été frappés des prétendues nullités de la procédure ;
ceu x-là fe font défiés de l’art avec lequel on cherchoit à faire
difparoître les p re u v e s, en décom pofant les oépoiitions & les
interrogatoires : enfin il n’eft aucun efprit raifonnable qui
n’ait été indigné de la violence des inventives lancées contre
les premiers Ju g e s, & contre les Magift'rats qui ont prononcé fur.
l’appel -, non-feulement contre cette portion de la M agiilrature
qui eft accufée de prévarication , mais encore contre toute la
M agiilrature du R o y a u m e , contre les L o ix , contre les Ordon
nances , & contre le Souverain lui-m êm e.
L ’avis du petit nombre n’eft jam ais celui qui détermine l’opi
nion générale. L e Mémoire a p a ru , & la majeure partie du Public
a cru fur la foi de fon R é d aâeu r. T ou t ce que l’Auteur a eu le
courage d’avancer a été adopté fans examen : nullités, contra
dictions, défaut de procès - v e rb a u x , défaut de confrontation,
variations dans les tém oin s, variations dans les interrogatoires,
refus d’admettre les faits juftificatifs, défaut de preuve du crime,
preuve au contraire de l’innocence, rien n’a été omis. L a multi
tude a pris l’exagération pour la vérité , le fanatifme pour le
z è le , l’audace pour l’én ergie, les faufles lueurs de la Réthorique
^pour le flambeau de la raifon.
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Dan$ ce moment d’effervefcence, un cri général s’eft élevé
contre l’Ordonnance Criminelle. O n ne l’a plus envifagee que
comme un refte de l’ancienne barbarie : les écrits des plus fameux
Jurifconfultes, les monumens de la plus antique Jurifprudence ,
.& les dédiions des plus fages Légiilateurs , tout a été proferit.
L es plus indifférons ont applaudi à l’intrépidité d’un Défenfeur
aflez préfomptueux pour entreprendre de déchirer le voile épais
dont il prétend que la L o i eft obfcurcic. On a rendu un hom m age
public à l’homme courageux q u i, fe plaçant entre le T rône & la
ij
. M agiftrature, n’avoit pas craint de. déclarer la guerre, en prélence
du Souverain , aux erreurs des p rin cipes, & qui fe propofoit de
réconcilier l’humanité avec la Légiiladon.
L a hardielïe cl’une telle entreprife, la rapidité du ftyle de
l’E criv ain , la vivacité de Tes im ages , la véhém ence de fes mouvemens , & jufqu’à la témérité de fes aflertion s, tout devoit
produire la fenfation fubite que cet ouvrage a excitée. M ais après
avoir rendu jufKce à rim agination & à la fécondité de l’Auteur ,
comme ion b u t, pour nous fervir des propres termes du Procèsverbal qui nous a été com m uniqué, eft de'perfuader que la plus ProcJs-vcrbai
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grande partialité a regne dans la Sentence & dans l Arrêt ; que les
Accufes ont été condamnés, non - feulement fan s preuves, mais
même contre la preuve de leur innocence ; que les témoins font des
calomniateurs , & tous les Ju ges des prévaricateurs ; c’eft à notre
Miniftere qu’il eft réfervé d’éclairer un Public prévenu , de ra
mener les efprits prêts à s’é g a r e r , de pofer les vrais principes,
ignorés de la plus grande partie des citoyens de tous les ordres
& de tous les ra n g s, de juftifier la légiflation, de fixer le véri
table fens de la L o i , de rétablir l’autorité de la jurifprudence j
& en oppofant le flegme de la réflexion aux fougues de l’im agi
nation , l’intérêt général au vain defir de la célébrité , de' faire
connoître à la N a tio n , à toutes les Nations de l’E u ro p e, que la
manie de la réformation a feule conduit la plume de cet Ecrivain j
qu’il n’a entrepris de juftifier des coupables que pour calomnier
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cIu 7 Mars
1786.
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les M agiftrats * & que l’excès de précaution qu’il introduit p o u r
prévenir la condamnation de l’innocent , devient un moyen:
efficace d’aiTurer l’impunité aux fcélérats.
N ous ne* nous occuperons point à découvrir quel eft cet Auteur
fi digne de toute la févérité de notre Miniftere. Nous ne cher
cherons pas même à déchirer le voile fous lequel il fe croit à
l’abri de la Cenfure publique ; nous nous renfermerons dans là
miflion qui nous a été d o n n ée , & ce travail eft déjà peut-être
au-deiîus de nos forces. Pour répondre dignement aux intentions
de la C o u r , & ne pas tromper l’attente du P u b lic, il faudroit
réunir le favoir & les lum ieres, l’expérience & la profondeur,
le difccrnement & la juftefle, du Chancelier de l’H ôpital’, da
Prem ier Préiident de Lam oignon , de l’immortel d’Agueifeau
& de tant de grands hommes qui ont' travaillé fucceffivemeirt
à former ou à rétablir l’édifice de la Légiilation françoife. A
peine pouvons-nous efpérer de m arch er, même de très-loin
fur les traces de ces génies illuftres : le zèle feul pourra fuppléer
à la foibleffe des talens ; Sc fans autre mérite que celui d’expofer
la vérité , nous trouverons aflez d’éloquence dans l’amour du
bien public qui nous anim e, & dans le véritable intérêt de là
fociété qui eft le premier mobile de toutes nos fonéKons.
N ous nous propofons d’examiner le Mémoire qui nous a été
rem is, fous trois points de vue différens.
En premier lieu , relativement à’ la forme dans laquelle il aété diftribué.
En fécond lieu , relativement aux nullités dont on prétend
que toute la procédure eft infe&ée.
Troiiiemement enfin, relativement aux reproches honteux faits
à notre Légiilation. E t nous examinerons en m êm e-tem ps dans
cette troiiieme Partie , s’il eft de la dignité de la Cour de s’oc
cuper des injures groifieres que-l’Auteur a prodiguées à la M a*
giftrature pour la juftification de fes Cliens.
Entrons dans l’examen des trois points de vue que nous avons»
eu l’honneur de vous annoncer,.
�5 * .
,
7
PREMIERE
PARTIE.
A la premiere in fp eâio n d’un Mémoire auffi extraordinaire lr* Pa rtie .
dans l’ordre de la Ju ftice, le M agiftrat, attaché à la confervation Le Mémoire
des ré g lé s, parce que c’eft par la réglé que l’harmonie fubfifte tivement à fa
& s’entretient dans la fo c ié té , le Miniftre de la L o i fe demande ^°™.e & a
„
publication«
à lui-m êm e ce que font devenues les F o rm e s, & fi les R églemens font entièrement anéantis. Il ne peut concevoir comment
il eft poffible qu’on ait répandu dans le Public une déclamation
indécente contre tous les T rib u n au x, & en particulier contre
le premier Parlement du R o y au m e , un aifem blage monftrueux
d’hommages & de farcafm es, de louanges & d’inve& ives contre
toute la M agiftratu re, une critique auffi amere que déplacée ,
auffi faufle qu’injufte des Légiilateurs & des L o i x , enfin un
mélange inoui d’éloges juitement mérités par t o u s nos Souverains,
& de reproches injurieux à la majefté du T r ô n e , ainfi qu’à la
Puiflance R o y a le , qui peut feule interpréter & renouveller ,
abroger ou changer les L o ix du R oyaum e. O n fe demande
comment cet Imprimé a pu fe fouftraire à la cen fu re, & par
quelle induitrie il a échappé aux fages précautions établies
pour prévenir la publication des ouvrages propres à troubler
l’ordre public , & à porter la défiance ou l’allarme dans le cœ ur
des citoyens.
L e feul Frontifpice de cette produétion volumineufe , porte
avec lui le caraftere de fa réprobation : elle eft intitulée, Mémoire
ju jlific a tif pour trois hommes condamnés à la roue. M ais qu’eft-ce
que la juftification d’un criminel déjà condamné ? A qui eft-elle
adreflee , & que peut-on efpérer de la forme dans laquelle elle
eft publiée?
O n a vu diftribuer des Mémoires dans des conteftations prêtes
à s’élever, & qui n’étoient point encore portées dans les T rib u
naux. L ’expofition des faits & l’avis de Jurifconfultes éclairés,
�1
8
Mémoire
page i 6 i .
peuvent faciliter un accommodement : fouvént les Parties, mieux
inftruites de leurs droits , des titres de leurs Adverfaires , des
m oyens qu’on doit leur oppofer , fe rendent juftice à ellesmêmes , & abandonnent des prétentions qu’elles avoient hafardées
avec trop de précipitation, ou qu’elles ne foutenoient que par
humeur & par opiniâtreté.
O n diftribue tous les jours des M ém oires dans les affaires qui
fe difeutent devant les M agiftrats, & qui font fur le point de
recevoir leur déciiion. L e Ju g e , avant de pron on cer, balance
de fang froid dans le iilence de fon cabinet les m oyens qui lui
ont été préfentés à l’audience, revêtus des couleurs de l’éloquence
& animés du mouvement de la parole. Il éclaire fa religion ,
diffipe fes doutes, fe pénétré de vrais p rin cip es, & monte fur
le Tribunal armé de l’autorité d e là L o i, dont il va bientôt être
l’organe & l’interprete. Dans ces différentes occafions, un Mémoire
eft u tile , n éceffaire, fouvent même indifpenfable : il eft toujours
inftru& if, & pour le P u b lic, &: pour le Barreau , & pour les
M agiftrats eux-mêmes. M ais quand une fois le procès cil term iné,
quand la condamnation eft prononcée, à quoi fert un Mémoire
de juftification ? D epuis quand e ft-il permis de faire imprimer
une Satyre contre un A rrê t, & de dénoncer les M agiftrats au
Tribunal du Public ? Q uel fera le Ju g e en état de prononcer
fur une dénonciation auffi extraordinaire ?
*
Il eft des accufations qui deviennent graves par la qualité
: même de l’Accufateur. Le poids , l’é ta t , l’autorité de celui qui
dénonce, ajoute à la nature des faits & des circonftances. Ici
le dénonciateur eft inconnu. M ais ce Citoyen obscur, (puifqu’il fe
’ plaît à fe qualifier ainfi lu i-m ê m e ) qui retracej aux M agiftrats
; leurs devoirs en termes -auffi énergiques , qui les cite avec tant
de fafte au Tribunal de la N ation, qui leur prête avec complaifance desmotifs contraires à leur opinion, qui les accufe enfin avec
tant d’audace , & les condamne avec encore plus de folem nité,
ce délateur zélé de la tranfgreffion & de la barbarie des L o i x ,
ce
�9
-•ee réformateur du Code & de la L égiilation , ( nous fommes
forcés de le dire ) femble ignorer les différens degrés qu’il faut
•parcourir pour remonter du premier Ju ge jufqu’au pied du Trône,
où la Juilice eft dans toute fa plénitude.
L a hiérarchie des Tribunaux eft compofée de telle m aniéré,
<jue la compétence du Ju g e eft déterminée , en matiere civile
par la nature de la conteftation, en matiere criminelle , par la
nature du délit. Excepté dans certains cas prévus par les Ordon
nances , le premier Ju ge prononce toujours à la charge de l’appel.
Toutes les fois qu’il y a eu une inftru&ion , foit crimi
nelle , foit civ ile , toute procédure eft définitivement terminée
lorfqu’il eft intervenu un Jugem ent en dernier reiïbrt. Il étoiï
d’une néceffité abfolue de fixer un terme qui f û t , en quelque
fo rte , le nec plus ultra de la procédure : autrement il eût fallu
créer des Tribunaux à l’infini ; & la cupidité n’auroit jamais
manqué de motifs pour épuifer tous les degrés.
M ais en déconcertant les entreprifes de la mauvaife f o i , le
Légiilateur n’a pas oublié que la dignité de la M agiftrature na
mettoit pas le M agiftrat à l’abri des furprifes & des foiblefles
attachées à la nature. Il a reconnu, peut-être par fa propre ex
périence , que l’erreur étoit le partage- de l’humanité , & que
l’homme même le plus attentif étoit capable de fe tromper ,
fans pouvoir être accufé de partialité ou de prévarication. L a
L o i , garante des réglés qu’elle a fix é e s, jaloufe des formes
qu elle a confacrées , & auxquelles feules .elle reconnoît fon ou
vrage -, la L o i, par un excès de précaution, a cru devoir per
m ettre, malgré l’épuifement de tous les degrés de Jurifdi&ions,
de recourir encore au Souverain lui-m êm e, dans le cas où l’on
auroit jugé contre la difpofition des O rdonnances, & dans ou t
ceux ' où les formes preferites n’auroient pas été exa&ement
obfervées. T ou t homme condamné a donc une voie pour
échapper à fa condamnation. En matiere civ ile, l’Arrêt que l’on
attaque n’en reçoit pas moins fon exécution : mais en matiere
B
�criminelle^ le remède extraordinaire du recours au Souverain
doit être précédé d’une furféance à l’exécution du Ju g e m en t,
parce qu’il n’eft pas au pouvoir des M agiftrats de fufpendre la
condamnation qu’ils ont prononcée.
D ans l’affaire qui a donné lieu au Mémoire ju jlijîc a tif qui
nous occupe en ce m o m en t, ce retard apporté à l’exercice de
la vindifte publique , cet empêchement à l’exécution de l’Arrêt y
cette premiere grâce avoit été accordée. L e R o i avoit furiis l’exé
cution étoit fufpendue. M . le Procureur Général s’étoit hâté d’en
v o y er un e x p rè s, avec ordre de réintégrer dans les prifons de
la Conciergerie les trois condamnés.
Nous avons dit que ce fu riis, obtenu de la bonté du R oi y
étoit une premiere grâce ; car c’en eft une de retarder la puni
tion du crime. Le m otif qui fait prononcer le furfis, eft de
faire examiner la régularité de la procédure & la nature des
preuves qui ont décidé le Jugem ent. Cette grâce eft d’autant
plus précieufe , que ce retardem ent interrompt le cours ordinaire
de la Juftice : & que cette faveur accordée au criminel pourroit
peut-être élever une lorte de fufpicion fur la validité de l’Arrêt
qui l’a condamné.
Ces réflexions , M eiîieu rs, ne tendent ni à gêner l’étendue ,,
ni à reftraindre l’exercice de la Puiffance R o y a le , ni à fermer le
cœ ur du Prince à la compaflion , ni à oppofer la rigueur du
devoir à l'humanité du Monarque. No\is le répétons avec une
douce fatisfaftion & d’après le cri général de tous les fiecles x
le plus bel attribut de la S o u v e ra in e té e ft le droit de faire grâce:
c’eft par la clémence que les Rois font les images les plus par
faites de la Divinité. M ais la bonté du Souverain * lors même
qu’elle pourra préférer miféncorde à jujlice , peut avoir des conféquences dangereufes : & des furiis trop m ultipliés, accordés fur
la fimple expoiition , fouvent même fur la faufîe expoiition des.
accufés jugés cou p ab les,, femblent former autour du Tribunal unevapeur lé g e re , dont l’effet feroit capable d’altérer la confiance“
�que les Peuples doivent avoir dans l'intégrité des Miniftres de la
L oi ; confiance néanmoins jufte & néceiTaire, que le Souverain
lui-même eft intéreiTé à foutenir, pour le maintien de fon autorité
autant que pour le bonheur & la tranquillité de fes Sujets.
L ’intention du R o i, en ordonnant ainfi de furfeoir à l’exécu
tion du Jugem en t, eft toujours de fe faire rendre compte de la
force des dépofitions, de la nature des autres p re u v e s, & de
connoître l’enfemble de la procédure fur laquelle eft intervenue
la condamnation.
Q ue dans cet intervalle un accufé fe laifle perfuader qu’il a
été injuftement condamné , ou jugé avec trop de précipitation,
fans avoir pu fe défendre, ou que l’on n’a point obfervé les
formalités prefcrites j q u e, flatté de cette efp éran ce, il ule des
moyens autorifés par les Ordonnances du Royaum e ; ce recours
au Souverain eft une voie de droit : elle eft ouverte à tous les
citoyens : & le C rim inel, quoique condamné , jouit encore du
droit de Cité & du bénéfice de la Loi. M ais cette forte de
réclamation , portée au pied du Trône , a fes réglés & fes
formalités : elle eft adreffée au R oi lui-m êm e, & c’eft dans fon
fein paternel que le Suppliant dépofe fes plaintes & fes efpérances.
C ’eft au R oi feul qu’il confie les reproches qu’il fe croit en état
de faire à la procédure : & comme ce rep ro ch e, ne fut-il que
d u n e fimple nullité , paroît préfenter au moins une négligence
de la part des Ju g e s, ce feul m otif démontre qu’une demande
de cette importance n’eft pas de nature à être rendue publique
par la voie de l’impreffion.
Telle eft la marche ordinaire dans de pareils événemens :
mais cette maniéré de procéder étoit trop fim ple, trop concen
trée , trop filencieufe, dans une affaire où la publicité étoit le
premier m otif de la réclamation. Rem arquez en effet l’état de la
procédure avant & après l’Arrêt du 2 0 O élobre 1 7 8 5 . Il n’exif-*
toit ni dénonciateur ni dénonciation : point de Partie civile : les
Parties intéreflees, après leur déclaration du fait tel qu’il s’étoit
B 3,
�^
\I
.
I2
p a ffé , fans aucune réferve pour reftitution ou pour dom m ages &
in térêts, n’avoient nommé perfonne quelles puffent foupçonner.
Elles s’étoient contentées de défigner les coupables par la couleur
de leurs v êtem en s, la grandeur de leur taille , la couleur de leurs
cheveux , ou par le iignalcment de leur figure ,* enfin elles ne s’é
toient pas même portées pour accufateurs. L e Subftitut de M . le
Procureur Général , inftruit par la déclaration inferée dans le
Rapport de la M aréchauflee , avoit feul rendu plainte : c’eft avec
lui que la procédure criminelle a été inftruite devant les premiers
Ju g e s j c’eft avec lui que la Sentence a été rendue. M . le Procureur
G énéral étoit feul Partie fur l’a p p e l, qui eft de droit lorfque la Sen
tence prononce une peine afïli&ive. D ans cette pofition , il étoit
difficile de faire naître la plus légere difeuflion entre les condamnés
& la Partie publique. L e miniftere de M . le Procureur G énéral
étoit rempli ; il n’avoit plus d’autres fondions à e x erc er, que de
donner les ordres néceflaires pour avancer ou fufpendre l’exécu
tion de l’Arrêt. T outes les reffources que les criminels peuvent
em ployer après la iignature de FA rrêt, pour échapper à la con
damnation ou en retarder r e fle t, font étrangères au M iniitere
public : il voit en filence les mouvemens des malheureux qui
implorent la clémence de l’autorité royale : il ne s’oppofe jam ais
à l’obtention de la grâce : il ne s’oppofe point à l'entérinement,,
à moins qu’il n’y ait dans la Supplique une furprife évidente
faite à la religion du Prince. En un m o t, jufqu’à ce que le Roiait accordé ou rejetté la dem ande, le Miniftere public eft m uet;
toute fan aftivité eft fufpendue : le coupable condamné ne p e u t,,
ni l’attaq u er, ni ie plaindre de fon ina&ion.
O n vouloit néanmoins de l’éclat. E t comment occafionner une
grande explollon dans une procédure nouvelle &: totalement
éloignée de la fphere des Tribunaux ? Les difficultés ont été
bientôt vaincues : & dédaignant la forme tracée par les O rdon
nances , o n a eflayé de fe frayer une route nouvelle. C e n’étoit
point afTez de calomnier les Ju g e s, d’altérer la confiance publique,
�4 $
13
& de répandre la terreur, on s’eit promis d’enlever le fuffrage
de la m ultitude, qui ne fe doute pas de fa profonde ignorance
en matiere de L ég iila tio n , d’exciter les murmures & les cris de
ces c ito y e n s, étrangers dans leur p a trie , qui n’admirent que la
Légiilation des Etats voiiins de la F ran ce, ou de ces réformateurs
uniquement occupés à renverfer nos Loix , fous prétexte de les
rapprocher du C ode de la nature ; comme ii les L o ix p é n a le s,
quelques féveres qu’elles paroiffent , n’étoient pas établies en
faveur de l’humanité.
- C e p ro je t, véritablement répréhenfible, a été fidèlement mis'
à exécution. M ais comment a-t-il été exécuté ? On a fait paroître
une juftification volumineufe , fuivie d’une Canfultation trèsa b ré g é e , renfermée dans une page d’impreflion ; & l’Avocat
confulté adopte exactement toutes les nullités propofées dans le
M émoire. Il attelle qu'il n exijlc au procès aucune preuve que les ç onfu|tat;on
accufés folent coupables : il ofe mettre en fa it , q u il ejl démontré p a g e
que les accufés font légalement & moralement innocens des délits
dont ils font prévenus. Il en donne une double raifon. D ’un c ô té ,
lesfeuls témoins font les dénonciateurs , effentiellement reprochables,
& abfolument indignes de f o i, p a r le s contradictions , les variations,
les impoflures manifefles dans lefquelles ils font tombés. D ’un autre1
c o té , 011 ne trouve aucun indice des' vols imputés aux accufés , ni
fu r eux ni autour d’eux ; & même leur rencontre imprévue le len
demain du d é lit, exclut tout crime & toute complicité de leur part.Et la concluiion eil , q u il n e fl p a s douteux quen définitif ils ne
foient déchargés de toute accufation , avec dépens, dommages &'
intere-ts contre leurs dénonciateurs , & q u ils ne puiffent même avoir
recours contre les premiers Juges.
D es ailertions auiïi pofitives pourroient faire préfumer que le
Confultant a eu une connoiiTance entiere des charges & infor
mations : mais en les rapprochant de la procédu re, ces aiTertions
font bientôt anéanties. Perfonne n’ignore , & les Jurifconfultes
eux-mêmes en conviennent , qu’un. Mémoire en matiere crimi-
�i 4
nclle, n’eft: qu’un aiTemblage de faits & de circonftances adminiftrés par les accufés. Les défenfeurs font prefque toujours
dans l’impoifibilité d’en vérifier l’exa&itude : ils font obligés
de s’en rapporter à la déclaration de leurs Parties. C es détails
ne font pas toujours conformes à la v érité; le plus fouvent ils
font contredits par la procédure. L ’accu fé , qui croit avoir in
térêt de déguifer la nature des faits , la force des interrogatoires,
la foibleiTe de fes réponfes & l’importance de fes aveux , fe
trompe lui-m êm e, & trompe fon C o n fe il, qu i, fe fiant aux difcours d’un homme intéreifé à ne lui rien c a c h e r, le croit inno
cent , parce que l’accufé fait tout ce qui eft en lui pour le paroître,
&: cherche à le juftifier, parce que l’accufé lui a perfuadé qu’il
étoit véritablement innocent. Si ce reproche reçoit une applica
tion direéle au Mémoire prétendu ju jlific atif, il n’eft pas moins
feniible qu’il peut s’appliquer égalem ent à la Confultation,, puis
qu'elle n’eft que le réfultat du M émoire.
M c L e g r a n d d e L a l e u , qui a figné cette Confultation,
devoit au moins s’affurer de la fincérité des faits énoncés dans le
M émoire. M ais, par une inconfidération fans exemple , il a tout
adopté ; les aifertions les plus fufpeétes & les moyens les plus
é q u iv o q u es, les inventives contre les Jurifconfultes les plus ac
crédités & le mépris de la Jurifprudence la plus antique, les
outrages contre la L oi & les injures contre les M agiftrats, rien
jî’a pu balancer le defir de fe faire une renommée.
C ’eft ainiï qu’un A v o c a t, infcrit depuis trois ans feulement
fur le T ableau , n’a pas craint d’avancer & de préconifer les
principes les plus fau x , les plus contraires à l’ordre ju diciaire;
qu’à peine inilruit des devoirs de cette profeiïion û noble & il
délicate , il s’éleve contre la Jurifprudence & les Arrêts. Il décide
qu’il n’y a pas de preuve dans une procédure qu’il n’a pas
vue : il prononce que les accufés peuvent obtenir des dépens ,
' quoiqu’il n’y en ait jamais contre la Partie publique : & ignorant
jufqu’aux premiers élémens de la procédure crim inelle, il prêts
�4/
fa plume à la calomnie la plus cruelle ; il concourt à la diftribution d’un Mémoire (q u i n’eft pas même un Mémoire à confulter) par une Confultation qu’il n’a {ignée que pour en autorifer
l’impreflion , en forte que le nom de l’A vocat eft devenu le
pafleport & le véhicule de la diffamation.
Oublions en ce moment la complaifance du Jurifconfulte :m ais
comment cara&érifer cette nouvelle efpece de juftification?
Dira-t-on que ce font des faits juftiiicatifs ? il falloit les propofer avant le jugement : il falloit une R equête fpéciale : il
falloit qu’elle fût lignée d’un Procureur , répondue d’une O r
donnance , & admife après la viiite du procès.
C e Mémoire n’eft donc point une Requête contenant des Faits
juftiiicatifs ; & quand il auroit ce cara& ere, cette demande tardive
ne pourrait plus être accueillie. O n ne peut l’envifager que
comme un affemblage de griefs propofés contre l’Arrêt : & cette
maniéré inuiitée d’attaquer un Jugem ent., eft inadmiiîible dans
l’ordre judiciaire.
C ’eft trop nous arrêter à difeuter. la forme dans laquelle ce
M ém oire a été diftribué. Nous le regarderon s, fi l’on v e u t ,
comme un expofé des faits & des circonftances, deftiné à être
annexe à la Requête que les accufés devoient préfenter au
R o i , pour faire réformer l’Arrêt qui les avoit condamnés.
N ous füppoferons même encore que c’eft un iimple Mémoire
à confulter, & que l’intérêt de l’innocence doit l’emporter fur
la régularité de la forme.
D ans cette hypothefe , ne faudroit-il pas que cette forte de
juftification anticipée ne préfentât aucun inconvénient & ne contînt
aucune diffamation ? M a is, d’après les obfervations que nous v e
nons d’avoir l’honneur de mettre fous vos yeux , il eft évident
que cet ouvrage a été com pofé, moins pour établir un plan de
juftification, que pour produire un corps de fyftême aufli dange
reux en lui-même que propre à exciter le trouble. L ’Auteur a
très-bien fenti qu’il obtiendrait difficilement la permiflion de le
�i
6
faire im prim er; il a déguifé fon projet fous le voile de la défenfe
de trois accufés j enfin il n’a obtenu la Confultation qui termine
cet Im prim é, & en eft pour ainii dire l’approbation, qu’en exaltant
une ame jeune & feniîble, un efprit peu familiarifé avec les Loix
Crim inelles, en luiperfuadant qu’il alloit contribuer à la réformation
du C ode p énal, & arracher l’innocence à la barbarie de notre
Légiilation.
PaiTons à la fécondé Partie , & examinons les nullités dont on
prétend que la procédure eft infeétée.
SECONDE
IIe.
PARTIE.
P a rtie .
L e M ém oire
confideré reiativement aux
nullités de Ja
procédure.
T OUT accu^ doit avoir la faculté de prouver qu’il n’eft pas
COupable ; & s’il exifte des nullités dans la procédure fur laquelle
17
.
1
f
*■
la condamnation eft intervenue, le condamne peut ufer du droit
naturei f ou de faire anéantir l’A rrê t, ou de fe difculper , foit
aux yeux du Sou v erain , foit aux yeux de fes concitoyens.
V oyons donc quelle eft la force de la jufttfication que ren
ferme le M ém oire prétendu juftificatif.
L a feule le&ure de la premiere page de ce M ém o ire, dé
montre invinciblement que ce ne font point les accufés qui
réclament & ofent implorer le fecours de la L o i ou la bonté du
Prince.
Il eft vrai que le Mémoire paroît figné des trois condam nés,
même d’un d’entr’eux qui ne fait pas écrire.
O n y voit une croix ;
j" Signature de L
_ r .
,.
Enfuite on lit :
Je a n - B a p t is t e S im a r e .
n
■
•
9
C h a r le s B r a d ie r .
a r d o is e
,
C ’eft ainfi que les noms font difpofés , & ce font ceux des
trois condamnés.
O n dira fans doute qu’ils ont adopté le M ém oire, puifqu’on
y trouve leurs fign atu res, ou ce qui repréfente leur fignature.
___ ._________
___ ________________________
M ais
�4 ï
•7
M ais c’eil un inconnu qui prend leur défen fe, qui parle' en io a
propre nom , qui fe charge de les juftifier , qui enfin, pour,
difpofer les efprits à: djonner croyance à., cette j unification finguliere , commence Ion apologie par l’inyeftive larplus atroce & le\
farcafme le plus indécent. Les anciens Orateurs Grecs & Romains,, (
quelques véhéinens qu’ils fuffent dans leurs accufations, ne nous
ont point laiffé d’exempie d’une apoftrophe aqffi féditieufe.
Prenons le' Mémoire & liions.
>
L e ii Août 1J7 85*.7 une Sentence du. B aillia^e
^ cm0,re
>
O de Chaumont,* a Pags
1•
* C’eft une
déclaré trois accufés convaincus de vols nocturnes avec violences &
rr
ri-
e t
>
j
f'
l
>
n
in atte ntio n : il
ejjtactions , & Les a condamnes aux Lraleres perpetueUes.
falloir dire le
Le zo Oclobrc fuivanr, un Arrêt du Parlement . en infirmant ^ Août,parce
1
3
J
que la Senten-
la Sentence , les a condamnés , pour les cas réfultans du Procès ; cedu Bailliage
\
•
r
t
’
‘I e C h a u m o n t
a expirer Ju r la roue.
,
_
tftdun.
I ls êioient innocens !
Q u e les cœurs fen jib les f e raffurent : ces trois innocens refpircnt.
A juger du corps de l’O uvrage par un exorde auffi peu ré
fléchi, ce début annonce l’audace bien plus que l’énergie , & fait
aifément preffentir tout ce -qu’on peut attendre d’un Ecrivain
qui ne connoît ni la bienféance ni la modération.
U n emportement auifi déplacé fait au moins foupçonner l’aveu
glement de la paiîion. E ft-c e donc là le langage de crim inels,
dévoués à la mort fi la bonté du Roi ne vient à leur fecours?
C eil contre un Corps de M agiftrature, contre le premier Parle
ment du R o y a u m e , que ces reproches odieux iont dirigés. O ù
eft le refpeft dû aux M inières de la L o i , aux organes du Sou
verain , aux Gardiens des Ordonnances & de la iïïreté publique?
Sera-t-il donc permis de les inculper avec tant d’aud ace, quand
même ils fe feroient trompés dans le Jugem ent ? L ’innocence
condamnée p eu t-elle fe permettre ce ton d’arrogance ? E ft-il
rien de plus infultant que de dire affirmativement à la Nation :
l’innocence a été condamnée ; l’innocence a été envoyée au
iupplice : C œ urs fenfibles r a tu r e z - v o u s , l’innocence rpfpire enC
�'V
4 ^
i 8
Memoire
Page I.
cûre? N e pouvons-nous pas dire à l’Auteur du M émoire : défendez
ces trois m alheureux, puifque vous les croyez innocens : mais
affirmer d’avance qu’ils ne font pas c ou p ab les, c’eft mettre en
fait ce qui eft en queftion ; c’eft donner votre conviction perfonnelle pour regie de l’opinion générale. Les accufés étoient-ils
criminels? voilà le fait. Les Ju ges ont prononcé d’une voix prefque
un an im e, qu’ils étoient coupables ; voilà la déciiion. D u haut
de votre T rib u n a l, vous les déclarez innocens ! vous jugez le
contraire de ce qui a été décidé ! Le préjugé devroit au moins
être en faveur de l’Arrêt. Non : le réda&eur du Mémoire a pro
noncé que le Jugem ent eft un myftere d’iniquité. Faut-il le croire ?
N ’y auroit-il pas plus que de l’imprudence à fe déterminer d’après
cette aiTertion ? C et Ecrivain téméraire v a plus loin encore : il
ne fe contente pas de vouloir être cru fur fa parole : & com m e
û l’affirmative de fa propofition n’étoit pas déjà une injure aflez
g r a v e , il y ajoute un nouveau degré d’atrocité, en comparant
le Jugem ent du Bailliage de Chaumont avec le prononcé de
l’Arrêt de la Cour. Une Sentence, d it-il, a déclaré trois accufés
convaincus 'de vols nocturnes avec violences & ejf/aclions , & les a
condamnés aux Galeres à perpétuité.
Un Arrêt, au contraire, en infi/mant la Sentence, les condamner
pour les cas réfultans du procès , à expirer fu r la roue.
On a eu grande attention de faire imprimer en lettres italiques
ces term es, pour les cas réfultans-du procès, pour les faire faillir
d av an tage, & les mettre en oppofition avec ceux d?atteints &
convaincus, inférés dans la Sentence. L ’Auteur a voulu parler
aux yeux dans ce changement de carafteres ; & , par cet arti
fice , il fembleroit donner à entendre, que Ja Cour a voulu diffimuler le m otif de l’augmentation de la peine fous des expreffions
vagues & indéterm inées, comme ii cette forme de prononciation
n’étoit pas d’un ufage immémorial dans prefque toutes les C ours
iouveraines du Royaum e.
N e pourrions-nous pas foupçonner de m auvaife foi cette ai*
�19
ie&ation de la part d'un Auteur qui fait gloire d’être Jurifcoriiu lte, qui pefe l’opinion de chaque Légiilateur, qui interroge la
L o i elle-même, & qui par conféquent devroit çonnoître les ufages
antiques, & le m otif des plus anciens Réglem ens? Mais ii cette
critique eft le réfultat prétendu des recherches les plus profondes,
il fauc convenir qu’elle prend fa fource dans l’ignorance la moins
pardonnable du Style dont on fe fert en matiere criminelle. Et
pour qu’il ne fubfifte-déformais aucune équivoque à cet é g a rd ,
nous établirons ici, comment & pourquoi cette façon de prononcer,
p o u r les cas réfultans du p ro cès , s’eft confervée dans la réda&iôn
des Arrêts de la Cour.
•
Perfonne n’ignore qu’anciennement les premiers Ju ges
employoient cette formule , p ou r les cas réfultans du procès ,
tandis que les Cours feules prononçoient par atteint & convaincu.
Les Parlemens ont ciu long-temps que cette forme de pronon
ciation étoit le figne de la plénitude de la puiffance qu’ils exerçoient au nom du Souverain. Il faut encore fe rappeller, que dans
ces temps recu lés, les Seigneurs Jufticiers d’a b o rd , & enfuite les
Ancienneté
& origine de la
Formule pour
Its cas rcjultans du Procès,
premiers Ju g e s, étoient tenus de venir rendre compte au Parlemènt des motifs de leur Sen ten ce, & d’en foutenir le bien jugé.
Alors les Juges des S eign eu rs, & les Baillifs & Séf.^chaux euxm êm es, fe contentoient d’inférer dans leurs Jugem ens la form ule,
p ou r les cas réfultans du procès , parce que fur l’appel ils expliquoient de vive voix les raifons qui les avoient déterminés à
condamner : & la C o u r, en jugeant cet a p p e l, faifoit ufage de
1 expreflion affirmative atteint & convaincu , parce qu’elle faifoit
un a£te de fupériorité. C et ufage a changé infenfiblement, fans
qu on puiiTe en fixer l’époque certaine, ni en donner d’autre raifon,
ii ce n’eil que les premiers Ju ges ayant été dilpenfés de venir
en la Cour rendre compte des motifs de leurs Jugem ens , il ne
leur a plus été permis d’inférer dans les Sentences, p o u r les cas
réfultans du p rocès: il leur a été enjoint de fpécifier la nature
{ des crimes dont ils prononçoient la réparation, & cette énonC
2
�■2 0
datio n a fuccédé au compte qu’ils dévoient des motifs de la
condamnation.
N os anciens Jurifconfultes François dépofent de cette efpece
d’échange dans la réda&ion des Jùgem ens ou des A rrê ts, &
.entr autres , ,Imbert l’atteile dans fa Pratique. L iv . j , C hap.zo.
. « Convient entendre , dit-il, qu’en matiere criminelle il faut
» fpécialement déclarer pour quel crime on condamne l’accufé ,
» & qu’ainii l’obferve la Cour de Parlement de Paris. Toutesfois
» les Ju ges royaux ne le gardent p a s , ains mettent par leurs
» ' Sentences , pout la punition des cas dont il efl trouvé atteint &
» convaincu p a r le procès. »
C ette nouvelle maniéré de prononcer étoit déjà un pas vers
ia. réform e, mais elle n’étoit pas complette. Les-prem iers Juges
nç prononçoient plus pour le;s cas réfultans } ils avoient ajouté>
pour les cas dont les accufés font trouvés atteints & convaincus■„
D es deux prononciations ils en formoient une n ouvelle, mais qui
ne préfentoit point' encore l’énoiiciation claire & précife du
crime qui avoit fervi de m otif à la condamnation.
Il a fallu de nouveaux Réglemens pour établir une maniéré
de prononcer uniforme , & la Cour a rendu un grand nombre
d’ArrêtS', pour contraindre les premiers Ju ges à inférer tout au
long dans leurs Jugem ens les faits & les circonftances du crime
dont.les accufés feroient déclarés atteints & convaincus*
Ç ’efl depuis ces difïerens Réglem ens que la Cour s’eft: con
tentée de mettre dans fes A rrêts, pour les cas réfultans du procès :
& cette form ule, confervée jufqu’à nos jours , doit encore au
jourd’hui paroître fufïifante., parce que les A rrê ts, en matiere
criminelle y étant toujours rendus publics par rimpreffion &
l’affiche , le V u de l’Arrêt contient mot à mot le difpofitif de la
Sentence, avec le détail des faits & des circonftances, même la
fpécification des chofes volées. T ous les citoyens font par conféquent à portée de connoître la nature du crime & l’objet de la
réparation,
�11
Ces- différens Réglerçiens intervenus dans une longue fuite
d’an n ées, &: fur-tout, ceux de 1 6 4 0 & 1 6 5 6 , n’étoient point
oubliés lors de la nouvelle Ordonnance de 1 6 7 0 . Cependant
cette Ordonnance les a , pour ainfi dire , confacrés. L ’Article 3
du Titre 2 4 p o rte r/^ Conclujîons Jet ont données p a r écrit, cachetées,
& ne contiendront les rdifons fu r lesquelles elles font fondées. L a
même prohibition n’eft point prononcée à l’égard des premiers
Ju ges : d’où il eft naturel de conclure que le Législateur, a voulu
laifler fubiiiler les Réglemens qui les aiîujettiiToient à motiver
leurs Jugem ens. D ’après cette explication , la formule adoptée
depuis un temps immémorial dans les Cours Souveraines , eft
intelligible & n’a- plus rien d’extraordinaire.
L a prévention ou l ’in ju ftice, l’aveuglement ou la m auvaife
f o i , peuvent feuls foupçonner ou faire foupçonner un ufage
dont il eft vifiblement impoifible qu’il puifte réfulter aucun abus.
C ar il ne pourra jamais y en avoir , que le Corps entier ne foit
d’intelligence pour commettre une prévarication. ' En un mot ,
c’cfl un principe reconnu que les Cours Souveraines ne font
point obligées d’exprimer dans leurs Arrêts les motifs de leur
dëcifion. Aucune L o i .ne les aftreint à cette form alité, foit au
c iv il, foit au .crim inel, foit dans le cas de condam nation, foit
dans le cas d’abfolution, & principalement en matiere de délit.
L a raifon en e ft . fenfible. L a C our ne peut que confirmer
ou infirmer la Sentence dont eft appel. O r , toutes les fois
qu’il y a dans la Sentence peine aiïli&iv.e , Fàppel eft de
droit. L a procédure eft envoyée au Greffe du P arlem ent, &
l’accufé transféré dans les prifons de la Conciergerie. L a Cour
juge de nouveau , parce que la vie ou l’honneur d’un citoyen
font des biens auxquels il ne peut renoncer volontairement. Il
ne peut en être privé que par un afte de la toute-puiffance de
•l’autorifé. Lorfque 1» Sentence eft confirmée , elle renferme &
préfente le m otif de la condamnation ; l’atteint & convaincu eft
•compris dans.le V û de l’Arrêt, L orlque'la Sentence eft; infirm ée*
�i l
»<
f
ai
& que la C our prononce une augm entation ou diminution ¿C
peine , & très-fouvent même la décharge ou le renvoi de l’accuiation , atteint & convaincu n’en fubfifte pas moins , parce que
la Sentence eft de même inférée dans le Vû de l’Arrêt. Ainii ,
dans tous les c a s , il eft é v id e n t, par le texte même de la formule
ufitée dans la rédaftion des A rrêts, que la C o u r , en infirmant )
ne prononce autre chofe , finon que les premiers Ju ges ne fe
font pas conformés aux difpofitions de I’Ordonnance , & qu’ils
ont été plus loin , ou moins loin , qu’elle ne l’avoit p rè fcrit, rela
tivem ent à la nature du c rim e , ou enfin qu’elle n’a pas trouvé la
preuve fuffifante pour opérer la condamnation.
A in fi,‘fous quelque point de vue qu’on envifage la forme de
la prononciation des Cours fouveraines, elle eft à l’abri des
reproches du critique le plus foupçonneux ; & c’eft fans fonde
ment que l’auteur du Mémoire s’élève indiferetement contre une
Mémoire ,
paçe J.
formule qui exifte de toute ancienneté.
Cette juftification de la forme du difpofitif des Arrêts de la
Cour en matiere crim inelle, paroîtra peut être trop étendue. Il
étoit cependant bien difficile de ne pas entrer dans une difeuifion
raifonnée à cet é g a rd , ne fut-ce que pour diiïxper les inquiétudes
que la tournure jnfidieufe du Mémoire a pu faire naître dans
l’efprit des P eu p les, prompts à s’alarmer.
Il étoit de notre Miniftere de raffermir cette confiance univerfe ile , que la fagefle du premier Sénat de la France lui a toujours
méritée , & que les rufes de l’artifice ne pourront jam ais lui
enlever.
Livrons-nous a&uellement à l’examen des nullités propofées
contre toute la procédure & contre tous les Tribunaux.
L a premiere partie, du Mémoire eft qualifiée par l’Auteur
lui-même. C ’e i t , d it-il, H llijloirc du procès. Et nous conviendrons
av ec lui q u e 1c’eft véritablement une H ijl»ire qu’il a donnée au
Public. Ce font des faits arrangés avec a rt, tranfpofés à deflein,
rapprochés avec adreiTe, entremêlés de réflexions fouvent étran-
�gères au p ro c è s, quelquefois d ép lacées, & toujours ameres ou
injürieules aux Juges contre lefquels elles font dirigées. N ous
pouvons même dire qu'il y en a de fi abfurdes, qu’on a de la
peine à' concevoir comment elles ont échappé à un critique aufii
difficultueux.
N ous pourrions citer un grand nombre de ces îéflexions; nous
nous contenterons de relever ici les plus fenfibles.
L es Officiers de la M aréchauflee de C h am pagn e, au D éparte
ment de T r o y e s, ayant été inilruits qu’il avoit été commis un
vol no&urne dans le village de V in e t, après avoir reçu la dé
claration des perfonnes qui fe prétendoient v o lé e s, fe .fo n t
tranfportés dans les environs, & ont cherché à découvrir les .
coupables. L a M aréchauflee, dans cette recherche, rempliiToit
des fondions auxquelles elle ne peut fe refufer. L ’Ordonnance de
1 5 6 6 leur en fait une o b ligation , fous des peines très-^graves.
L ’article 4 5 porte :
« Q u ’ ils ne pourront prétendre aucun falaire pour raifon de ces fortes de Ordonnance
v perquifitions ; & dans le cas où ils feroient négligens, après la requifition de
» & fommation de nos S u jets, de monter à ch e va l, informer & aller 1;\ par
»> oîi les crimes auront été com m is, ou les délinquans retires , ( Voulons )
» qu’ils foient condamnés en tous les dépens, dommages & intérêts des
» Parties, & privés de leur état ».
L a M aréchauflee s’arrête au village de Salon ; elle s’informe
& demande s’il n’y a pas dans le lieu des gens fufpeÉls. Q ue
repondenj’ les Syndic & principaux Habitans ? Que la veille Procès-verbal
après-midi , quatre particuliers ajjej mal vêtus , portant une figure 1783 '¿^oùr»
fin ijlre , ont paffé Vaprès-midi à boire che^ le nommé D ubois iu,vansquenfuite ils ont été che^ le nommé Linceux , à Champfieury y où.
ils ont encore bu ju fq u à Vheure de minuit & s ’en font allés fan s
payer. Telle a été la déclaration des principaux Habitans de
Salon ; & l’O iScier de la M aréchauflee l’a inférée dans fon
Procès-verbal. C et a £ e eil ju ridique, & la foi lui cil due. V ous
voyez que -ce font les principaux habitans qui parlent ; & Fau-
�Mémoire
page 17.
M ém oire,
I» ”e 17'
teur du M ém oire , en altérant le texte du procès-verbal, dit qu’il
n’eft pas vrai que'ces quatre-particuliers fu ren t des inconnus,
comme le fa it entendre te Brigadier. Nous- devons vous obfervet:.
que le procès-verbal ne porte pas. que ces particuliers fuffent in
connus. C ’eft une fuppofition gratuite. Et quand le procès-verbal
contiendroit cette affertion , elle feroit encore v éritab le , parce
que les Syndic & Habitans auroient pu faire cette déclaration ,
fans qu’on pût accufer l’Officier de M aréchauflee d’avoir avancé
1111 fait faux. C ’eft donc l’Auteur du M émoire qui fait dire au
P r o c è s - v e r b a l ce qu’il ne dit pas. Nous ne favons comment cara&érifer cette inculpation ; mais ce qui eft abfurde , c’eft la
proportion qui fuit immédiatement.
L ’Auteur vient de 'dire qu’il n e fl p as vrai que. ces quatre par
ticuliers fuffent inconnus, puifque deux, de ces particuliers étoient
Simare & B r a d ie r , domiciliés depuis long-tems près de Salon >
néccffairement connus , fur-tout des Cabareders ; & il ajoute : Ce
qui n efl p a s plus v r a i, cefl que ces quatre particuliers euffent une
f ig ure finijïre. En voici la preuve. Celle de B rad ier, -entr autres %
( nous l'avons v u e) dit l’Auteur y elle efl heureufe, elle efl un des
témoins de fon innocence.
Ce genre de preuve eil tout-à-fait nouveau : elle n’avoit en
core été propofée par aucun Lcgiilateur. L a figure heureufe d’un
accufé fera déformais un des témoins de fon innocence.
L ’expérience apprend néanmoins que fouvent une ame hon
nête eft cachée fous une phifionomie finiftre , tandis que la
phifionomie la plus, n o b le , la plus o u v e rte , fert d’enveloppe à
l’ame d’un grand fcélérat (1 ).
T ou s les âges dépoferoient de cette triile vérité : & nous en
concilierons que s’il 'eft ridicule de critiquer un. a&e juridique
fur une énonciation qui n’eft pas du fait de celui qui a rédigé
(1 ) Sæpe fceleftum animum iignat frons iftipia, fæpe
Frons pia larvati crimini« umbra fuit-
le
�I
le procès-verbal, il eft encore plus ridicule de vouloir qu un
Brigadier de M aréchauilee difcerne les coupables-, fur le plus ou
moins de noblefte de la figure des particuliers qu’il eft charge
de pourfuivre & d’arrêter.
Nous pouvons taxer encore au moins d’injuftice le reproche
que l’on fait à la M aréchauilee, d’avoir arrêté deux des accufes ,
l’un parce qu’il avoit une vefle rouge, Cautre parce qu’il portoit M ém oire,
un habit gris.
P^
A in fi, dit l’Auteur du M ém oire, cefl fu r la couleur des habits
que ces gens là ( la M aréchauilee ) jettent Us hommes dans les
cachots. Comment lire de feus froid une pareille inculpation ? Elle
n’eftpas de bonne foi. L ’Auteur, qui paroit avoir eu connoiflance
de la procédure, auroit dû y voir qu’ils n’ont point été arrêtes
fous ce prétexte.
Q ue porte le Procès-verbal de capture ? Q ue l’un a dit f e Proccs-vcrM
nommer N ico la s Lardoifc , mendiant fa n s paffcport ni certificat y ,783, & jour*
& l ’avons arrêté comme fi/fpecl ,
& foup çonné defdits vols.
fuivans.
L ’a u tre , arrêté d’abord par les gens de V in e t, comme foup
çonné d’avoir volé chez ledit T h o m afim , çhez lequel il avoit
couché antécédemment plufieurs f o is , a dit fe nommer Pierre .MêmeProcès-:
G u y o t, n a tif d’Hétouville , Diocefe de f j u l , p/ès Bar-lc-D uc , veiba1.
Rémouleur de f a p/ofejjion, & mendiant ordinairement , porteur
¿u n certificat du Cu,é dudit lieu d’Hé/ouville , qui conjlate q u il a
quitté fon pays pour mendier, ledit certificat en date du ti D é
cembre précédent ; pourquoi l ’avons airêié pour le conftituer prifonnier.
Nous croyons devoir ici vous faire une obfervation. Vous
venez de voir dans ce P rocès-verbal que Pierre G uyot a dit
qu’il étoit Rémouleur de profefiion,, & mendiant ordinairement»
N ous trouvons çn marge de ce procès-verbal une note au crayon
ainfi conçue ; Ces deux états font contraires l’un à l'autre ; Hun
eft un travail honnête, l’autre en ejl exclufif II femble qu’on ait
voulu trouver de la contradi&ion dans cettç déclaration, &
«
D
�z6
Intcrrog. de
G u y o t du 4
FéTrier 1783 .
M c m . p a g . 57.
Pimputer à celui qui a rédigé le Procès-verbal. M ais toute con
tradiction cefle , fi l’on confulte l’interrogatoire que l’accufé a
iubi après avoir été conftitué prifonnier. Il y dit qu’il efl mendiant
fa n s domicile depuis quinze jo u rs ; qu autrefois il traînoit une
brouette de Rémouleur , dont il faifo it l’état , & qu’il mendie
aujourd’hui , parce que le m al dont il efl attaqué le met hors d'état
de rouler f a brouette.
Cette remarque rnife à la marge du P r o c è s - v e r b a l , annonce
dans quel efprit cette piece a été examinée tk traveftie dans le
M émoire.
Q uoi qu’il en f o it , ce Procès-verbal conflate que ces deux
particuliers n’ont point été arrêtés, uniquement parce que l’un
avoît une vefle rouge , & l’autre un habit gris y mais parce que
c’étoient des gens fans aveu , des v ag ab o n d s, des mendians , qui
n’ont pu rendre compte de leur conduite, & dont les vêtem ens
fe font trouvés parfaitement femblables au fignalement des habits
de ceux qui avoienr été indiqués comme co u p ab les, & que la
MaréchauiTée fuivoit en quelque forte à la trace.
L a JurifdiéKon des Prévôts des M aréchaux eft d’uae utilité
évidente : la fureté publique efl l’objet de fon inftitution. Au
nombre des cas qui lui font attribués, nous voyons qu’ils font
chargés fpécialement par les Ordonnances de veiller fur les grands
chem ins, & de conftituer prifonniers tous gens fu fpe& s, vaga
bonds & m endians, qui n’ont point de domicile fixe , qui vont
en troupe rançonner les Laboureurs ou les Ferm iers, & leur
demander une retraite & du pain ; à plus forte raifon doivent-ils
arrêter les gens de cette e fp e c e , lorfqu’ils font malheureufement
vêtus d’habillemens conformes aux fignalemens que la M aréchauifée a reçus. L a réticence que le Pvédafteur du Mémoire a
fait des motifs de la capture de ces deux particuliers, rend fufpe& e fa véracité. Il n’a déguifé cette vérité importante que pour
s’abandonner a rimpétuofité de fon caraftere , & pouvoir s’écrier:
J ’entends la rcponfe du Prévôt & de beaucoup d'autres. Elle ejl
�V I.
17
courte. On a eu foin de l’imprimer en gros cara&eres. L a v o ici...
D E S M ISÉ R A B LES.
jDes mifèrables ? reprend au fîi-tôt l’Orateur. Ces mifcrables
font des citoyens ; ils font au moins des hommes. Ah ! quand tout
homme nefl plus un citoyen , aucun citoyen n efl bientôt plus lin
homme.
Eh ! qui peut en douter ? Un miférable eft un c ito y e n , un
miférable eft un homme , un malheureux eft un être facré : Res
efl facra mifer. M ais quand un citoyen n’a ni feu ni lieu , quand
un homme eft un v agab o n d , quand l’homme & le citoyen font
le métier de mendians & de fainéans, quand ils ne peuvent
rendre compte de leur conduite , quand ils font fign alés, foit
par leur figu re, foit par leurs vêtem ens, comme coupables de
v o ls , l’intérêt de la fociété exige qu’on s’affure de leur perfonne.
C e n’eft pas le moment de dire qu’un mendiant qu’on arrête
n’eft plus un citoyen ; ce n’eft pas le cas de faire appréhender
qu’aucun citoyen ne foit bientôt plus un homme. C e fanatifme
d’humanité eft plus propre à exciter la fédition , qu’à défendre
les vrais principes de la liberté.
N e pouvons-nous pas trouver un excès de rigidité dans le.
reproche odieux de la longueur du tems que les trois premiers
Ju ges ont em ployé à la confeftion de la procédure ? Nous ne
faifons pas tomber l’abfurdité fur le reproche en lui-m êm e, mais
fur la maniéré dont il eft conçu.
L e Mémoire s’exprime ainii : On efl étonné d’abord que cette
procédure dure depuis trois ans. D e quels actes a-t-on pu la rem
p lir ? . . . Vous le. voye{ . . . . des iniquités des trois premiers Ju g e s 3
& des fouffrances de trois hommes.
Q uoi I trois années entieres d’iniquités, trois années de fouffrances ?
O u i , trois années. T elle eft l’affertion du Mémoire ju flificad f.
O n v a fans doute prouver que la M aréchauffée de T ro y es , que
le Ju ge feigneurial de Vinet , que le Bailliage royal de Chaum o n t, fe font laiffé féduire j qu’ils ont été corrompus ; que l’aniD
2
Mémoire
page 59.
�18
mofité ou la vengeance ont égaré leur efprit ; enfin , pour nous
fervir des termes de la L o i. qu’ils ont a g i , dolo m alo, per inimicitias aut fordes. Fas un iéul fait articulé à cet égard. Et ce
pendant on ne craint pas d’affirmer que ces trois années de pro
cédure n’ont été remplies que des iniquités des trois premiers
Ju ges. M ais enfin quelle imputation leur a-t-on fait ? de quoi
font-ils coupables ? On leur reproche beaucoup de négligence ,
de la len teur, & des nullités. V oilà cependant cette longue fuite
d’iniquités qui rempliflcnt l’intervalle de trois années. Nous ne
prétendons point diiîimuler la lenteur qui a été mife dans cette
inih uihon -, mais il faut foire attention que la procédure a été
inftruite dans trois Tribunaux diiFérens. il a fallu juger deux fois
k com péten ce, avant de juger le fond de l’accufation. L ’Auteur
ignore , ou plutôt il feint d’ignorer que les queilions de compé
tence entraînent néceffairement de longs délais.
C ’eil un grand malheur pour un c ito y e n , innocent ou cou
p ab le, mais accufé d’un crime qui mérite peine affliâive ou in-'
film ante, d’être long-tems placé entre la vie & la m o t , entre
l’honneur ou l’infamie.
O n ne peut mettre trop de promptitude à abfoudre. L ’innocerice fouffre du plus léger retardement. L ’incertitude de fa
position cil déjà un fupplice c ru e l, quoique momentané. Si le
tém oignage de fa confcience calme fes terreu rs, la longueur de
ïa procédure ajoute à fon épouvante: la juiKfication In plus
complette ne la dédommage jam ais des horreurs de la captivité
& des angoiiTes que renouvelle fans ceiTe l’appareil de Finftruction.
il n’en eft pas de même à l’égard d’un criminel. Peut-on
reprocher la lenteur lorfqu’il s’agit de condamner ? T ou s les
délais ne font-ils pas en faveur de l’accufé ? Chaque jour de
retard cil un bénéfice pour lui : il fait qu’il eft cou p ab le, & ne
preffe pas le Jugem ent ; il ne craint que la célérité , & ne defire
que d ’être oublié dans les cachots. Si le coupable ne délibéré
�"C
19
jamais pour commettre un a tten tat, le Ju ge tremble toujours de
condamner un innocent, il regarde, rdnii que le dit M. Bourdin,
Procureur G én éral, la précipitation comme marâtre d e là Ju jlice,
& ne croit jamais délibérer trop longuement lorfqu’il eft queftion
de la vie d’un homme.
Nulla unquam de morte homînis cunciatlo longa
ejl.
lu ve n sl, Sa
tyre 6.
dit avec énergie le Satyrique Romain. Il oppofe ce principe à
l’emportement d’une M égere qui veut faire périr un efclave.
S i , de fon te m s, on eût connu à Rom e les conflits des T rib u
naux , les délais pour juger la com pétence, la diftinéHon des cas
R oyaux & des cas Prévôtaux , 1e renvoi d’unTribunal à un autre
T rib u n al; enfin, la nécefiité des Arrêts qui commettent un autre
Ju g e pour achever- une procédure mal commencée par celai qui
en a fait les premiers a£les ; jamais il ne fe fût permis de trans
former la lenteur de l’inftru£lion en une longue iniquité, jamais
il n’en eût fait un crime aux différens Ju ges prépofés pour pré
parer l’Arrêt qui devoit ftatuer en définitif fur le fort des accufés.
Encore une preuve d’ignorance dans l’expofé de .l’Iiifloire du
procès, & nous pafferons les autres fous fiience.
Il s’agit du premier interrogatoire qu’on a fait fubir à deux
des accufés coniHtués prifonniers. C e font les nommés N icolas
Lardoife & Pierre G uyot.
L AiTeiïeur de la MaréchauiTée , en procédant à cet interro
g a to ir e , leur a d éclaré, en com m ençant, qu’il alloit les juger
prevotalement & en dernier rcjfort ; & il leur a demandé , en
ü n iflan t, s ils voulaient s’en rapporter aux déportions des témoins.
Sur cette double interrogation , l’Auteur du Mémoire dit
-exprciTément qu en les interrogeant, le Prévôt ( il a voulu dire
1 A fie ffe ur ) les abufe, les trompe, les allarme ; qu’il fuppofe une
plainte admife ; qu il fuppofe une information ordonnée ; qu’il [un/ "* j
1
1
f •
^
e des témoins entendus. E t il s’écrie : Qiiels abus , même dans
un Prévôt ! Exclam ation aufli abfurde qu elle eil injufte.
57*
�j
b
!
!
;
I
30
L ’Auteur néanmoins veut bien convenir que YOrdonnance qui
M ém oire, reçoit la plainte. & permet d'inform er, quoique poflérieure à cet inPage 57*
ferrogatoire , a peut-être été régulière. C et a v e u , quoiqu’entremêlé
d’un doute in jurieux, n’en eil pas moins une reconnoiflance de
la régularité de cet a£le. Nous l’adoptons , quelqu’infuffifant
qu’il foit ; mais nous ne pouvons nous difpenfer de répondre
aux iuppofitions dont on fait un crime aux Officiers de la Maréchauflee ; & la réponfe eil écrire dans ¡’Ordonnance.
Ordonnance de iG j o
,
Titre z. Art. 12.
« Les accufés feront interrogés par le P révôt en la préfence de PAfleileur,
» dans les vingt-quatre heures de la ca p tu re, à peine de 100 livres d’a» mende envers nous; pourra néanmoins les interroger fans l’Affeffeur au
» moment de la capture ».
L es deux particuliers ont été conilitués prifonniers dans les
prifons de T ro yes le 3 Février 1 7 8 3 . Ils ont été interrogés le
lendemain 4 F é v rie r; le v œ u de l’Ordonnance a donc été litté
ralement rempli.
L ’O rdonnance ajoute au même T itre , Art. 1 3.
1
« Enjoignons aux Prévôts des Maréchaux de déclarer à l’a ccu fc, au conï» mencement du premier interrogatoire, & d’en faire m ention, qu’ils en» tendent le juger prévôtalem ent, à peine de nullité de la procédure, &
» de tous dépens , dommages & intérêts ».
Intcrrogatoî-
C e premier interrogatoire des deux accufés contient la dé-
y rîeM ^ *6" claration £ùte Par l’Affeffeur en com m ençant, q u i l entendait
les ju g e r prévôtalem ent & en dernier rejfort. L ’AiTeffeur s’eil donc
Im err. idem,
encore conformé à la difpofition littérale de T'Ordonnance.
Il eil vrai que la derniere queilion qui a été faite à ces prifonniers, porte qu’on leur a demandé s'ils vouloient s’ en rappor
ter a u x tém oins , & qu’ils o n t répon du , o u i , s'ils difent la vérité.
Cette queilion eil de ilyle dans tous les premiers in te r r o g a to ire s .
IJ. n’en eil aucun o ii elle ne fe trouve. Elle ne fuppofe ni plainte
�<£
rendue, ni information ordonnée, ni témoins entendus. Elle ne
peut ni abufer, ni tromper, ni allarmer les prifonniers.
S ’il y avoit une inform ation, les accufés n’auroient pu être
arrêtés qu’en vertu d’un décret : on ne leur en a point fignifié.
Ils n’ont donc été conftitués prifonniers que comme mendians
& foupçonnés de vol. Ils n’étoient détenus que depuis la veille.
Il étoit donc impoffible qu’il y eût plainte, information & décret.
Cette prétendue fupercherie em ployée par le Ju ge pour intimi
der les prifonniers, n’eft donc qu’une pure illuiion. L ’artifice eft
tout entier dans le Mémoire : car l’AiTeiTeur venoit de déclarer
aux deux particuliers détenus , qu’il entendoit les juger prévôtalement. L e procès n’étoit donc pas commencé j il ne pouvoit
pas l’être. O ù donc eft l’abus? N e pouvons-nous p a s, à notre
tou r, demander où eft la bonne fo i, d’accufer de rufe & de trom
perie un Officier qui s’eft renfermé dans la regle du devoir qui
lui étoit p re fcrit, à peine d’amende & des dom m ages & intérêts
des Parties ?
C ’eft nous arrêter trop long-tems à difcuter & à détruire des
objeétions , minutieufes en comparaifon des grands objets qui
nous attendent. Nous avons à examiner cette foule de nullités
qu’on a raftem blées, comme pour en former une maife capable
d’en im pofer, par la difficulté d’en faire l’analyfe , à ceux qui
connoiifent les difpoiitions de l’O rdonnance, & par la multiplicité,
a ceux qui ne les connoiffent pas.
EfTayons de la décom pofer, & affignons à chacune de ces
allégations fa jufte valeur.
L Auteur exam ine, F Ordonnance à la m ain, la procédure , la
Sentence & VArrêt. E t VOrdonnance lui dit que la procédure ren
ferme vingt-trois nullités. Nous ne nous propofons pas de difcuter
ces vingt-trois nullités l’une après l’autre. L ’Auteur avoue luim em e, qu’elles n ont p a s la même influence. Les unes anéajttijfent
la portion de procédure où elles fe trouvent. Les autres la portion
de procédure qui les fuit. M ais une feule fufjit pour faire tomber
la Sentence & L'Arrêt déflnitif
M ém oire,'
page 68.
Idem, pages
69 & 70.
�N ous voyons dans le M ém o ire , qu’elles font rangées dans
cinq claiTcs.
L a premiere renferme les nullités qui réfultent de l’omijfion des
V eibaax ou de la fo i me des Veibaux. C ’cft une expreilion d’u f.g e
dans les Provinces éloignées. L ’Auteur veut parler des différenS
Procès-verbaux.
L a ftconde contient les nullités qui f e trouvent dans les dépofilio n s de T hom affin, de f a fem m e & de fo n f ils .
L a troifieme préfente la nullité du renvoi du Juge de V in et.
L a quatrième réunit les nullités de la piocédure du B ailliage
de Chaumont.
Et la derniere enfin embrafle les trois nullités particulières à
VArrêt de la Cour.
Nous fuivroris le plan que l’Auteur s’eft tracé lui-même ; &
nous répondions à chacune de fes objeftion s, après avoir établi
les principes de la matiere.
Arguer une procédure de nullité , c’eil prétendre que les
formalités requifes par la L o i , n’ent point été remplies. Ainfi une
nullité eil fomiflion d’une formalité indifpenfable. T out eil de
rigueur en matiere criminelle \ & les formes établies par la Loi
font fi cflentielles, qu’elles fo n t, pour ainfi dire , la fubftance de
la procédure. Elles doivent être fi exa&ement o b ferv ées, que
l’oubli & la négligence d’une feule peut anéantir toute l’inftruftion , en forte qu’il n’y a plus de procédure , &. qu’il ne
peut y avoir de Jugem ent.
D e-là plufieurs conféquences immédiates.
L a prem iere, c’efi: qu’une nullité n’eil qu’un vice de forme.
L a L oi n’admet que des a&es conçus en forme probante, c’eità-dire, munis & revêtus de tous les fignes qu’elle a exigés pour
en affurer la validité. T ou t ce qui ne porte pas le caraétere de
la Loi eft nul, ik ne peut fervir de bafe à fes opérations.
L a fécondé , c’eij; qu’il n’y. a que la Loi qui piuife ctéer une
nullité. L a Loi feule a pu fpécifier des form es, impofer des con
ditions»
�¿3
d'itions, établir des réglés fixes & immuables pour la validité
des procédures, prefcrire les termes & les expreflions dans le s
quels les aftes feroient conçus, déterminer le moment & le lieu
où ils feroient rédigés ? & indiquer jufqu’aux perfonnes qui pourroient concourir à la régularité de l’inftru&ion. C es formalités
font fi précieufes, que les Ju ges font obligés, par toutes les O r
donnances, de s’y conform er, à peine de répondre de la procé
dure en leur nom. M a is, de même qu’il n’y a que la Loi qui puiife
créer une nullité, il eft également inconteftable qu’il ne peut y
avoir de nullités que celles qui font littéralement prononcées par
les Ordonnances : & par conféquent on ne peut attaquer fous ce
prétexte aucun acte d’une procédure quelconque, à moins que
la Loi n’ait exigé pour fa validité telle ou telle form alité, à
peine de nullité.
Nous n’avons befoin que de ces principes pour faper par les
fondem ens, & renverfer de fond en comble l’édifice immenfe, que
la prévention ou la m auvaife foi ont élevé avec les m atériaux les
plus magnifiques.
§. Ier.
Entrons dans la diftribution du plan de l’Auteur.
Il a fait réfulter les nullités indiquées dans fa première, clafie,
de l’omiffion & de la forme des Procès-verbaux.
Q uatre nullités, félon lu i, dans cette partie de la procédure.
I ere N ullité; défaut de rapport de Chirurgien, & de procèsverbal des violences & bleffures.
I I e N ullité; vices du procès-verbal d’effraûion.
I I P N ullité; défaut de procès-verbal de l’état de la croix d’ar*
gent qui a fervi à la convi& ion, & de dépôt de cette croix au
Greffe.
I V e N u llité; D éfaut de procès-verbal des ligatures annexées
au récolement de Thomaiïïn.
Il en conclut que le corps du délit n’ayant point été c.onftaté,
condamnation eft nulle.
E
Nullités de 14
1er* C lafle.
�, 3 4
I re. Défaut
de Rapport de
Chirurgien &
de Procès-ver
bal des violen
ces & bleflu
res.
Chacune de ces nullités mérite une difcuflion particulière.
L a Premiere eft fondée fur le défaut de rapport de Chirurgien 9
& de Procès-verbal de violen ces, & bleflures de la femme Thomaiïin & de fon mari.
L ’Auteur du Mémoire cherche à fe faire illufion à lui-même,
lorfqu’il préfente les violences, & les bleflures de Thomaflin & de
fa fem m e, comme le véritable corps du délit. L ’objet de la plainte
du Procureur du R oi en la M aréchauflee de T ro y e s, eft le vol
fait nuitamment en la maifon de Thomaflin au V illage de Vinet.
V oilà le corps du délit. Les violences & bleflures dont ces parti
culiers auroient pu rendre plainte eux-m êm es, ne font que les
accefloires du vol. Ce font des circonftances qui peuvent l’ag
graver , mais non le prouver -, parce que le vol pourroit exifter.
indépendamment des violences exercées pour y parvenir.
Suppofons néanmoins que ces circonftances font tellement in
hérentes au vol no& urne, qu’elles faflent partie du corps de délit.
V oyons ce que dit POrdonnance à ce fujet.
L ’ A u te u r r a p p o r te u n e O r d o n n a n c e d e F r a n ç o is I e r , d e x 5 3 6 r
chap. 2, , & cette Ordonnance s’explique ainfi :
V o y e z la Con
férence des
Ordonnances
de P. Gueln o is ,p . 739.
« Quand il y aura e x c è s, battures & ^îavrures ( & non p a s, hachures,
» comme il eft écrit dans le Mémoire ) fera incontinent après icelles adve» nues ( & non p a s, avérées ) , foit que mort s’en foit fuivie ou n o n , fait
» vifitation defdits e x cè s, battures & navrures par Barbiers, Chirurgiens &
» gens expérim entés, qui en feront bon , loyal (6 c non p a s, légal) ôc entier
» rapport par ferment ( l'on a oublié ces mots, par ferment ) pour être mis
» par devers la J u ilice , & y avoir tel égard que fe devra pour la vérifi» cation ( & non , pour la continuation ) &C juilification defdits cas ».
Nous obferverons qu’il n’eft pas dit que cette vifite par E x
perts fera faite par Ordonnance du J u g e , & dans un procès de
grand Criminel.
Il en réfulte au contraire qu’il ne s’ag it, dans cet article , que
d’une fimple querelle arrivée entre particuliers, ce qui ne donne
pas lieu à une procédure extraordinaire; & ce qui le p ro u v e?
�.6
3!
c’eft que ce même article de cette Ordonnance de 1 5 ^ , ajoute
dans le même contexte :
« E t pourra le Juge ordonner proviiion pour alim cns, médicamens & V. GuefnoU,
»
»
»
»
»
traitemens du b le fle , ôc fera exécuté par maniéré de p ro v ifio n , tant pour
les Juftices de N o u s, qu’autres Juftices inférieures dont les Seigneurs &C
poiTefleurs feront tenus faire bonne 6c brieve juftice des cas &£ crimes
commis au-dedans de leurs Juftices, mcmement parleurs fujets &c demeurans au-dedans d’icelles Juftices, fur peine de s’en prendre
eux , s’ils y
» étoient trouvés en notable négligence, &. d’être procédé à l’encontre
» d’eux par mulftes & condamnation d’am endes, fufpenfion & privation
» de leurs Juftices, félon l’exigence des cas, & les qualités & confidération
» de leur négligence , dont les Juges R oyaux auront puiffance fur les Jurif» dictions inférieures ».
N ous avons été obligés de rétablir le texte en entier de la L o i
de François Ier. Elle eft rapportée par G u efn o is, au L iv . 9 ,
T it. 1 de fa Conférence , §. 2 9 . Il dit qu’elle n’a été faite que
pour la Bretagn e, & il cite l’article 6 , tel que nous venons de
vous le préfenter. Veut-on cependant quelle foit. une réglé gé
nérale pour tout le Royaum e ? Il eft évident qu’il ne s’agit que
d’une {impie rixe.
Lorfqu’il y a des vio len ces, telles qu’il s’en eft enfuivi mort
d’homme ou danger de mort imminent; alors le Ju ge doit faire
conftater l’état des bleflures arrivées dans la rix e , foit que mort
s’en foit fuivie ou non. Hors du flagrant délit, les blefles peuvent
également fe faire viiiter, & lé Ju ge leur accorder proviiion ,
fuivant la nature des févices qu’ils ont éprouvés. M ais il n’eft
pas dit que ce procès-verbal de viiite fera drefle fur le cham p,
à peine de nullité , parce que les bleflures peuvent être avérées
par toute autre voie que celle du rapport d’un Chirurgien. L a
vifite n’eft un préalable néceiïaire, que pour celui qui veut ob
tenir une proviiion.
C e cas a été prévu par l’Article 1 du T itre 5 de l’Ordonnance
de 1 6 7 0 , qui s’exécute dans tout le R oyaum e. Il y eft dit :
E z
�Ordonnance
3(5
« Art. 1. Les perfonnes bleiïeespourront fe faire vifiter p ir Médecins & Chl-
de 1670, T it . '» rurgiens qui affirmeront leur rapport véritable ; ce qui aura lieu à l’égard
V.
» des perfonnes qui agiront pour ceux qui feront décédés,
fera le rap-
» port joint au procès ».
' Ainfî le rapport des Chirurgiens & M édecins n’eft pas de ri
g u eu r, il eft de pure faculté : Pourront les perfonnes bleffées fe faire
vifiter.
L e défaut de P ro cè s-v e rb al n’eft donc pas une nullité : &
même il eft défendu de dreffer un Procès-verbal.
Il eft vrai que l’Ordonnance prévoit le cas où le Ju ge ne feroit
pas fuffifamment in ftru it, & le cas où la guérifon auroit traîné
en longueur ; & alors elle permet une fécondé vifite, de l’Ordonnance du Ju ge.
« Art. 2 : Pourront néanmoins les Juges ordonner une fécondé vifite par
» Médecins ou C hirurgiens, nommés d’office , lefquels prêteront le ferment
» dont fera expédie acte ; & après leur v ifit e , en dreiTeront &c figneront
» leur rapport pour être remis au Greffe & joint au procès; fans qu’il puiife
» être drefle aucun p rocès-verb al, peine de cent livres d’amende contre
» les Juges , m oitié vers Nous , m oitié vers la Partie ».
Ainfi l’Ordonnance de 1 6 7 0 , qui eft'le réfultat de toutes les
JLoix anciennes pour la validité de la procédure crim inelle, nonfeulement n’ordonne pas qu’il fera dreiTé un procès-verbal de l’état
des bleffures, mais elle défend même qu’il foit dreffé aucun procèsverbal à peine d’amende. Elle n'autorife qu’un double rapport j
l’un à la requête de la Partie ; l’autre fur l’Ordonnance du Ju ge :
encore n’eft-ce qu’une fimple faculté, puifqu’il eft dit dans les
deux articles '.Pourront les perfonnes bleffées fe faire vifiter, & pour
ront les Ju ges ordonner une fécondé vifite. Et l’un & l’autre rap
port doit être joint au p r o c è s, quand les Parties l’ont requis, ou
que le Ju ge a cru devoir l’ordonner.
Ce feroit induire la Cour en erreur, que de lui diflimuler que
le Titre de l’O rdonnance, qui précédé celui que nous venons de
citer , ordonne néanmoins qu’il fera dreiTé procès-verbal de l’état
�(fr
ü
3 7
des blefles ou du cadavre. M ais dans quelles circonftances or
donne-t-elle ce procès-verbal ?
L a iïmple le&ure du Titre 4 fait voir qu’il ne s’agit que du fla
grant délit, & du cas qui néceflite le tranfport du Ju ge furie lieu
du délit.
L ’Ordonnance s’exprime ain fi, T itre 4 , Art. 1 :
« Les Juges drefferont fur le champ &c fans déplacer......... »
Il faut donc que le Ju ge foit fur la place même ou le crime a
été com m is; foit que les blefl'ures foient ii coniidérables, qu’il y
ait danger de mort pour le bleifé, foit qu’il y ait eu mort d’hom m e,
de quelque maniéré qu’elle foit arrivée, il doit conftater le fait
fans déplacer :
«Les Juges drefferont fur le champ • & fans déplacer procès-verbal de
» l’ état auquel feront trouvées les perfonnes bleiîees 011 le corps m o rt,
» enfemble du lieu oïi le délit aura été com m is, & de tout ce qui peut
» fervir pour la décharge ou convittion. ».
O rd on n a n c e
L e fens naturel de cet article peut-il être douteux? U n C itoyen
quelconque elL dangereufement bleffé : il refte fur la place prêt
à expirer, ou même il expire dans l’endroit où il a été bleffé. L e
Ju g e averti fe tranfporte. Alors à la feule infpe&ion du délit, le
Ju ge doit dreffer fon procès-verbal de l’état des bleffures de
celui qui vit en core, & de l’état du cadavre dont la Jxiftice doit
s’emparer. Il eft indifpenfable de dreffer procès-verbal des traces
qui exiftent de cet événem ent; i ° . parce que le cadavre ne peut
être inhumé que par l’Ordonnance du J u g e , & qu’après fon in
humation on ne pourroit affirmer l’état où il s’eft trouvé au mo
ment du délit. 2 0. parce que la perfonne décédée peut être morte
naturellement & fubitement. Il faut donc conftater juridiquement
l’état du cad avre, pour juger.il fa mort eft naturelle. Si la perfonne ''
a été véritablement affaffmée, il faut encore conftater le genre
de fa mort , parce que le. cadavre , qui démontre alors le
corps du délit, ne peut fe conferver fans être nuifible à la fanté
1670, lit.
�38
des v iv a n s :& le procès-verbal repréfente alors le corps-mort qu’il
faut inhumer. Non-feulement le Ju g e dreiTe procès-verbal de l’état
du cadavre ; mais l’Ordonnance ajoute : enfemble du lieu oà k
délit aura été commis. E t il faut faire attention à cette expreiïïon,
enfemble du lieu oà le délit aura été commis. Si le procès-verbal de
l’état des lieux étoit diilinft & féparé du -procès-verbal de l’état
du cad av re, & du procès-verbal de l’état de la perfonne bleffée*
l’Ordonnance auroit prévu trois cas où il auroit fallu un procesverbal : celui où il y auroit une perfonne bleflee ; celui où il y
auroit une perfonne morte ; & celui o ù , fans bleffure & fans mort
d’h om m e, il auroit fallu conftater l’état des lie u x , comme dans
le cas d’effra&ion. M ais l’Ordonnance a voulu qu’il n’y eût procèsverbal de l’état des lie u x , que lorfque le Ju ge fe feroit tranfporté
fur le lieu même , foit qu’il ait été requ is, foit qu’il y ait été
d’office : & elle ordonne qu’il fera dreffé p ro cès-v erb al, fur le
champ & fans d ép lacer, de l’état de la perfonne bleflee, de l’état
du cadavre, enfemble de l’état des lieux ; ce qui eil relatif à l’ho
micide dans le cas où la perfonne bleffée refpire encore , comme
dans le cas où la perfonne eft morte des bleifures qu’elle a reçues.
Et pourquoi cet état des lieux dans l’un & dans l’autre cas ? C ’eft
qu’il exifte des indices de la maniéré dont le crime a été commis.
O n doit trouver des traces de fang dans le lit, fur les vêtem ens,
fur le carreau ou fur la terre dans l’endroit du délit ; & ces veftiges fervent de plus en plus à cara&érifer le genre & la nature
de l’aiTaflinat.
Il eft en effet des lignes cara&ériftiques qui peuvent faire pré
fumer un délit fans en offrir la preuve. Par exem ple, un cadavre
percé d’un coup de couteau fait foupçonner qu’il y a un affaffin,
& ne le prouve point. L ’homme dont on repréfente le cad av re ,
-a pu fe donner la mort à lai-même. Ainii le cadavre n’eft point
encore une preuve d’affaflinat. M ais, à la feule infpe& ion, on peut
fuppofer & conclure qu’il y a un délit ré e l, parce que le fuicide
lui-même eft véritablement un délit. T oute fuppoiiti6n au con-
�39
traire s’évanouit, & l e doute Te change en certitude, fi le cadavre
efl: frappé de bleflures m ortelles, placées les. unes dans la poi
trine, les autres dans la partie oppofée. Comme il eit impoffible
qu’un homme fe porte à lui-même des coups en fens contraires,
alors le délit efl: confiant, la Juftice voit évidemment qu’il y a
un coupable. L e délit exifte déjà par lu i-m êm e, & indépen
damment de la connoiflance de fon auteur : il ne s’agit donc plus
que de découvrir le meurtrier ; & aufli-tôt que ce coupable efl
convaincu d’avoir porté les coups qui ont occafionné la m o rt,
le délit efl: prouvé ; le cadavre en démontre la certitude. C ’efl
dans ce fens qu’on dit tous les jo u rs, que le cadavre efl: le corps
du délit ; qu’il faut drefler procès-verbal de l’état où il a été trouvé :
expreiîion im propre, parce que le délit a été commis fur la perfonne afîaflinée -, mais le cadavre n’efl: point, à proprement parler,
le véritable corps de délit.
Il efl: indifpenfable de drefler procès-verbal de l’état de ce
cadavre pour conferver la preuve qui en réfulte : cette defcription efl: jointe à la procédure pour tenir lieu d’un corps inanim é,
dont la préfence feroit horreur, & dont l’infe&ion deviendroit
préjudiciable. Le procès-verbal n’efl: donc que repréfentatif. Il
conftate que l’homme a été aflaffiné, il rend le délit confiant.
Ainfi le cadavre & le procès-verbal ne font point le corps du
délit, parce qu’il peut y avoir un afîaflinat fans qu’on puifle repréfenter le corps de la perfonne qui a été réellement aflaflxnée.
On nous demande en ce m om ent, quel efl donc le corps du délit?
N ous répondons avec M. le Chancelier d’Aguefleau : « Le corps
¿»Agitef» du délit n efl autre choie que le délit m ê m e ». C ’eil le fuicide, feau.tomsiv,
fi l’homme s’eil détruit lui-même j c’efl: l’aflaflinat, fi l’homme a pase^ 6,
été tué par un malfaiteur.
Nous ajouterons avec ce grand M agiilrat : « N e tombons point
d’Aguefj
i,
,
•
r
i
i
i
i
fe a u .to m e lV ,
» dans 1erreur de ceux qui confondent le cadavre du mort avec r. 456. P i a l —
» le corps du délit, & ne réduifons pas la Juftice à l’impoffibilité S d i c î l
» de punir un crime énorme , parce cju’on n’aura pas trouvé le
»» corps de celui qu’on prétend aflafliné. »
___
�4 °
Q uand les L o ix Rom aines établirent pour principe qu’il faut,
avant toutes c h o fe s, que le corps du crime foit aiTuré : P rias
conjlare débet de deliclo : elles ne difent pas qu’il faut néceilairement repréfenter à la Juftice le cadavre du m ort; elles demandent
feulement qu’il foit certain qu’il y a eu un homme tué : Liquere
’A^uef- débet hominern ejfe interemptum. E t « foit que l’inipe&ion du corps
»
»
»
‘ »
publie hautement la vérité du crim e, foit que des témoins
dignes de foi affûtent qu’ils ont été fpe&ateurs de l’afîaiïinat,
le crime eft toujours p ro u v é , au moins par rapport à la néceffité de l’inftruftion. »
Comment fe refufer à l’évidence de principes établis avec tant
de folidité ? Nous n’y ajouterons qu’une derniere réflexion. C ’eil
que l’Ordonnance n’a jam ais exigé qu’il fut dreifé un procèsverbal , à peine de nullité. N ous irons même plus loin. S ’il eût
été indifpenfable de dreifer le procès-verbal avant de commencer
l’in ftruition, il eût été abfurde de prononcer dans ce cas une
nullité ; c a r , fur quoi cette nullité feroit-elle tombée ? Sur la
procédure qui auroit été faite ? 11 n’en exiile point encore. Et il
s ’en fuivroit que , fi un alfaiîinat eût été com m is, fans qu’il fût
poffible de dreifer procès-verbal de l’état du c ad a v re , il ne pourroit jam ais y avoir lieu à pourfuivre l’aiTaiTin, faute d’avoir pu
conftater l’aifaiTinat préalablement à toute procédure , par l’infp e & i o n & la defeription de l’état du cadavre non repréfenté.
Il doit donc demeurer pour confiant que le défaut de procèsverbal antérieur à l’information n’eft pas une nullité ; qu’aux
termes de l’Ordonnance , le Ju ge n’eil tenu de dreifer fon procèsv e rb a l, que lorfqu’il s’efl: tranfporté fur le lieu au moment du
d é lit; & alors il doit le faire fu r le champ & fan s déplacer. Nous
irons même jufqu’à dire que cette formalité n’eft pas preferite^
à peine de nullité. D ans l’efpece particulière dont il s’a g i t , ce
n’étoit pas un flagrant délit : on n’a pas requis le tranfport du
Ju g e fur les lieux. Il n’y a eu que de {impies v iolen ces, un coup
de couteau 3 qui n’ét ,ât pas mortel ; des coups de bâton & des
infamies
�4ï
infamies exercées fur la femme , pour favoir fi elle n’avoit pas
caché fon argent clans les parties les plus fecrettes de fon corps.
Thomaifin & fa femme n’ont pas rendu plainte de ce fait. Ils
pouvoient fe faire vifiter : ils en avoient la faculté. Ils ne l’ont
pas voulu, parce qu’il auroit été indifpenfable de fe rendre parties
pour obtenir une proviiion, ou des dommages & intérêts. Contre
qui en auroient-ils dem andé, puifqu’ils n'accufoient que des Q u i
dams ? C e défaut de vifite ne peut entraîner la nullité de la
procédure.
En fera-t-il de même du défaut de procès-verbal d’effraârion ?
C ’eft la fécondé nullité propofée dans le Mémoire.
C e que M. d’Agueflean difoit a v e t tant’ d’é n erg ie, à Foccafion
du corps de délit relatif à un ailafliriat;1 ne pouvons-nous pas le
dire avec autant de vérité à l’égard d’une effra&ion ? Les mêmes
principes doivent s’appliquer à des faits qui font de même nature.
Une effra&ion peut être un d é lit, & peut avoir' été faite fans
délit. Elle ne prouve rien par elle-m êm e, linon qu’il y a eu une
IIe V ice*
du Procèsverbal à’effraéüun.
effra&ion. L e vol a pu fe commettre fans effraftion ; & l’effi ac
tion a pu être faite par celui qui fe plaint d’avoir été volé , pour
pouvoir dire qu’il a été volé. L ’eiFraftion n’eft d o n c, tout au plus,
qu une circonftance du vol dont la Juftice cherche la preuve. Il
faut donc conftater par qui elle a été faite. L ’effra&ion né devient
preu ve, que quand celui qui en eft l’auteur eft convaincu d’en
être véritablement l’auteur. Peut-on difconvenir qu’elle ne puiiïe
etre auffi juridiquement conftatée par la dépofition de témoins
dignes de f o i , que par un procès-verbal qui ne dépofe que du
fa it, lans attefter quel a pu être le délinquant.*L a Jujîice Criminelle} répond l’auteur du M ém oire, sim poje Mémoire »
page 7J.
Une loi bien fage à Cégard de ces délits y cefl de n écouter les té
moins fu r leurs auteurs que lorfque ces délits font bien confiâtes f
9 U e^U tfl bien fûte q u ils exiflent,
Nous n’admettrons jam ais une maxime auiTi barbare , aufli
contraire à la tranquillité pi blique. Animés des mêmes feir.imens
F _______
�1%
M . cTAgnefïeau, to t n ïlV ,
page 456.
que M . d’A gu efleau , nous dirons avec lui : « à D ieu 11e plaife
» que le Public puifle nous reprocher de donner aux Criminels une
» efpérance d’im punité, en reconnoiiïant qu’il eft impoflible de
» les condamner lorfque leur cruelle induftrie aura été affez
»> heureufe pour dérober aux yeux de la Juftice les miférables
» reftes de celui qu’ils ont immolé. »
L e principe, qu'avant tout le délit doit être confiant, eft un prin
cipe vrai en lui-même ; mais c’eft avant tout Jugement fur la perfonne
prévenue d’un crime quelconque. N ’eft-ildonc pas des délits qui ne
peuvent être conftatés que par la dépoiition des tém oins? E t parce
q u ’il n’y aura rien de confiant au moment de la plainte , il ne
faudra pas' commencer l’inftru£lion ! Il faudra attendre que. la
certitude ,du délit foit affurée par un P rocès-verbal, lorfqu’elle ne
peut l’être que par l’information l A-t-on jam ais avancé une pro
portion plus dangereufe ? Pour en montrer le ridicule , formons
une hypothefe. Par exemple : un voleur s’introduit dans une
E g life , pénétré dans la Sacriftie, enleve les vafes facrés. Grande
rumeur : plainte aufli-tôt. Rien ne dépofe encore de cet enlevement que la plainte. Point d’effraélion $ aucun indice , nulle pré
somption $ rien que le feul fait que les vafes facrés ont été enlevés,
fait attefté par le dépoiitaire, qui p eu t, comme un au tre , être
coupable du vol dont il fe plaint. Quoi, ! la Juftice reftera dans
l’inailion , parce qu’il n’y a pas de. commencement de preuve l
Il ne faudra point avoir recours à la preuve teftim oniale, parce
q u ’il eft douteux qu’il y ait un délit 1 On ne pourra pas infor
mer , parce qu’i l , n’eft pas fûr qu’il exifte un délit ! & le délit
n’exifte p a s , parce q u ’il ne peut y avoir de procès-verbal qui
conftate un bris de ferrure, une effraélion aux portes. Q ue feroit-ce
■fi le vol avoit été fait avec de faufles clefs , qui ne laiflent au
cune trace de la maniéré dont le vol a été commis ? Q uoi *
parce qu’il n’y a rien de certain , puifque la plainte ne p r o u v e
r ie n , le Ju ge d ir a : prius conjlare debet de deliclo! Prouvez-m o*
le vol., &: je vous adm ettrai à prouver ¡Dar qui il a été com m is«
�/i3
43'
Peut-on fe permettre un rationnement aufli déplorable ? L e v é
ritable M agiftrat penfe bieh autrement : non-feulement il fera
informer fur la plainte , mais il fera hâter l’information \ il fera
entendre en dépoiition tout le voiiinage. Les témoins ne peuventils pas indiquer un homme fufpe£l? On l’aura vu entrer dans
l’Eglife fans l’avoir vu fortir : il aura rôdé lo n g-tem p s autour
de la Sacriftie : il fe fera informé de la fituation des lie u x , de
la deftination des armoires fous différens prétextes. Les plus
légeres circonftances conduifent à découvrir la vérité. Il aura,
parlé de ce v o l, foit avant de le commettre , foit après l’avoir
commis. Q ue fait-on ? il fe fera confié à quelqu’un qui ne veut
pas jouer le perfonnage de dénonciateur , & qui ne craindra
pas de révéler fes propos lors d’une dépoiition juridique. Il aura
brifé les v a fe s, en aura laiifé entrevoir des m orceaux , en portera
fur lui quelques fragmens ; il en aura fait fondre une partie, &
en aura voulu vendre le produit. E n fin , il eft de petits détails,
des faits minutieux , qui , pris chacun féparément , paroifTent
inutiles & indifférens, mais qui réunis, forment un corps de pré-^
fomptions , & font foupçonner l’auteur du délit. O n s’informe
de fa conduite, on le fur veille , on le fait fuivre ; & à force de
recherches, les chofes volées fe retrouvent. C et h om m e, qui
n’étoit que fufpeft dans le principe , eft trouvé faifi du vol ; il
eft convaincu , il eft condamné. P ou v oit-o n dans cette eipece
conftater le délit avant de procéder à Pinftru&ion ? Q ue de
crimes demeureroient impunis fi Ton ne peut fuppofer un coun
p a b le , parce que la preuve matérielle du délit refte long-temps
cachee ! C e font toujours des circonftances imprévues qui décelent ces fcelerats adroits , qui ne marchent que dans l’obfcurité,
& fe conduifent avec tant de circonfpe&ion'î qu’on n’o feroit
même les foupçonner,
Le bruit p u b lic , une dénonciation , une fimple d éclaration ,
font connoître les délits : la Juftice fe hâte d’en chercher la
p re u v e; la preuve amene la convifrion .'Il n’eft donc pas d’une
F
4
�44
néceiïïté indifpenfable qu’un v o l , avant l’inform ation, foit conftaté par un procès-verbal.d’effra&ion. Nous ne connoifons au
cun articic de nos O rdonnances qui ait prefcrit cette formalité
en elle-même , ni à peine de nullité..
L ’auteur du Mémoire ièmble rentrer dans cette c'pinion ,
> lo^rqu’il dit que la Jujlice ti écoute que loifquelle ne peut ni loucher
ni voir. Mais indépendamment de cet aveu trop circon fcrit,
il en revient toujours à cet ancien brocard de D roit : prius de
re quant de teo inquirendum ejl. A quoi bon, dit-il, chei cher déjà un
coupable , quand il ejl douteux encore q u il y ait un crime / Com
ment même efpêrer que le coupable fe montrera j i le délit rejle caché?
Comment ofer dire enfin , il y a un coupable, quand on ne peut p a s
dire , il y a un délit ?
C ’cft toujours le même cercle : la néceffué de conflater le corps
du délit p a r des rapports & des verbaux. C ’eft toujours la même
p reu v e, tirée de l’Ordonnance de François Ier, de 1 5 3 6 , rap
portée par Guefnois & par Bornier dans la Conférence des O r
donnances. L ’auteur du M émoire n’eft pas plus exaél à cctte
fécondé application qu’à la première .* il veut toujours que le
rapport des gens de l’art foit mis p ar-d ev ers la Juftice pour y
avoir tel égard que de ra>.fon s pour la continuation & juflif.cation
dcfdits cas. L es deux expreffions annoncent un fens b i.'n différent.
L ’O rdonnance p o rte ,pour la vérification & jufîijlcaùon defdits cas ;
& nous ne pouvons concevoir pourquoi cette affe&ation d’avoir
mis continuation au lieu de vérification, à moins qu’on ne pré
tende en faire réfulter que l’Ordonnance de François Ier. a voulu
parler d’une procédure extraordinaire , & qu’alors le rapport
doit donner lieu à la continuation de cette procédure. M ais nous
croyons avoir démontré qu’il ne s’agit que d’une iimple rix e, &
alors il faut néceffairement dans l’articfe qu’il y a it , yé/ification.
C e projet de l’auteur du M émoire , d’ajouter au texte de cette
O rd o n n an ce, nous paroît fe fortifier par un autre changement.
L ’article p o rte } quand ^ y aura excès , batturcs & navrures : l’Au
�//
45
teur a fait imprimer excès} battures & hachures. Auroit-on fubftituè
ce mot de hachures à celui de navrures , parce qu’il s’agit d’effraftion dans Fefpecei & enfin que l’Ordonnance parût, iuivant
cette leçon, contenir une déciiion pofitive & applicable à toute
efpece d’effraélion. N ous craignons d’aller trop loin dans la re
cherche du m otif: il nous fufïit de mettre en fait qu’il n’eil
<jucftion dans FOrdonnance ni de hachures ni de c ntinuation
de procédure j & nous bifferons à tirer de cette altération du
texte de l’Ordonnance de François Ier. telles indu&ions que l’évi
dence pourra permettre.
N ous pourrions nous contenter de ces obfervations ; mais
pour étayer fon raifonnement , l’Auteur invoque de nouveau
l’Ordonnance de 1 6 7 0 , que nous avons déjà approfondie.
L'Ordonnance de i 6 jo , lifons-nous dans le M ém oire, exige
tellement des verbaux , qu elle veut qu'ils foient drejfés fu r le champ
& fan s déplacer dans les vingt-quatre heurts.
Cette citation cil encore abfolument fauffe dans fon applica
tion. C eft une erreur que l’on cherche à accréditer par la réunion
de deux articles.
Il cil queftion du titre 4 de l’Ordonnance. Nous avons déjà
rapporté l’Article 1er de ce T itre. Il ordonne que les Ju ges drefferont
f u r le champ & f in s déplacer3 Procès - verbal de l’-état de la perfcnne blejfée ou du cadavre, enfemble du lieu du délit. C et Ar
ticle , comme nous l’avons dém ontré, fuppofe que le Ju ge fe
fera tranfporté fur le lieu du délit ; & alors il doit dreffer procèsverbal fans déplacer.
L Article 2 du même T itre ajoute :
« Lrs procès-verbaux feront remis au Greffe dans les vingt-quatre heures,
» enfemble les armes , meubles & bardes qui pourront fervirà la preuve:
** àc feront enfuite partie du Procès ».
C e t article eft là con féquen ce de celu i qui p récéd é. D an s le
p re m ie r, il eil queftion du procès-verb al de l’état d’un hom m e
'I
M ém oire 8
page 74.
�4'6
M ém oire,
j>age 76.
ilid.
Ordonnance
de 16 7 0 , T it.
’
bleiTé ou aflaiTiné. D ans le fé co n d , l’Ordonnance veut que ce
procès-verbal, & ^les armes , meubles & hardes qui pourront
fervir à la p re u v e , foient dépofés au Greffe dans les vingtquatre heures de la confection du procès-verbal , fans avoir
fpécifié le moment où le procès-verbal fera dreifé. Ainii ces
deux articles ont une liaifon intime : Tun regarde la réda&ion
dans le cas de la defcente du Ju g e fur les lie u x ; l’autre déter
mine le tems où ce procès-verbal & les pieces de convi&ion
feront remis au Greffe. Il n’efl queflion , ni dans l’un ni dans
l’autre d’un procès-verbal d’effra&ion. Il n’en eil pas même parlé
dans toute TOrdonnance. Comment donc faire fortir une nullité
du délai que l’on a apporté dans Tefpece à la rédaction du procès*
verbal d’effra&ion ?
C ep en d an t, de ces deux articles , on conclut dans le M émoire
que la L o i exige que le délit fo it confiant avant que l’on puiffe fe
■permettre, de prononcer fu r l’accufé.
En convenant que pour pouvoir prononcer légalement fur le
fort d’un accufé, il faut qu’il y ait une preuve certaine du d é lit,
nous ne ferons point d’accord fur le genre de preuve exigé par
la L o i ; car l’Ordonnance ne dit pas que le délit ne pourra être
confiant que par un procès-verbal d’effra£Kon.
L ’Auteur ne craint point d’appuyer fon iyftêm e fur l’article 1cr
du T itre 9 de l’Ordonnance : c’eit au moins une faute d’impreffion. On fait dire à cet article : S ’il y a preuve confîdérable contre
l’accufé d’un crime qui mérite peine de mort, & qui fo it C O N S T A N T ,
tous Juges pourront, &c. O n a fupprimé le refte de l’article. Il
n’y a rien de femblable dans le Titre 9 : mais l’article 1cr du Titre
1 9 s’exprime ainfi : ( il faut en rapporter la totalité, quelque
dcfagréable qu’il puiffe être de citer une L o i abolie avec l’applaudiffement de toute la France. )
S’il y a preuve confîdérable contre l’accufé d’un crime qui mérite peine
w de mort, & qui foit conftant, tous Juges pourront ordonner qu’il fera
» appliqué à la queftion, au cas que la preuve ne foit pas fufHfante »,
�//
47
Remarquons d’abord qu’il s’agit d’un Ju ge m en t, & fio'n d\m ô
iimple inftru£lion. L ’Ordonnance d it, que s’il y a preuve confia
dérable du crime , & qu’il f bit confiant , tous Ju ges pourront, &c.
C e n’efl point une difpofition im pérative, c’eftun e pure faculté:
Les Juges pourront. M ais pour prononcer un Jugem ent quel
conque , il faut une preuve. L ’Ordonnance ne dit pas une preuve
com plette, une preuve entiere -, elle ne parle que d’une preuve
çonfidérable ; par exemple , la dépoiition d’un témoin digne de
fo i, foutenue de la repréfentation de la chofe volée , trouvée
entre les mains de l’accufé , fans pouvoir rendre compte de la
maniéré dont elle lui eft parvenue. Si le crime eft co n fian t, la
L o i autorife le Ju ge à. ordonner la queflion préparatoire. Cette
ancienne difpofition de l’Ordonnance n’a rien de commun avec
le défaut de procès-verbal d’effra£lion. Pourquoi donc l’Auteur
a-t-îl tronqué le texte de l’O rdonnance ? cette réticence a-t-elle
été faite pour donner à entendre que iï le crime n’étoit pas
conftaté par un procès-verbal, indépendamment de l'inform ation,
il ne pouvoit plus y avoir lieu à fuivre l’inftru&ion ?
C e n’eft pas cela que prononce l’article. Il dit que fi le délit
eft confiant, & qu’il y ait preuve çonfidérable contre l’accufé,
il pourra être appliqué à la queflion. Il ne s’enfuit pas de-là. que
le délit ne puiffe être conftaté par témoins? & c’eft cependant
ce que l’Auteur avoit à démontrer.
Ju gez par cette fuppreffion de la fin de l’article i er du T itre i 9 ,
du degré de confiance que l’on doit avoir dans les citations de
ce Mémoire.
L ’Ordonnance avoit. prévu deux cas. L ’un où le délit étoit
confiant ; 1autre où il y avoit preuve çonfidérable : & dans la
réunion de l’un & de l’autre, fi le crime méritoit peine de m ort,
les Juges pouvoient ordonner la queflion.
C et article étoit on ne peut pas plus rigoureux. Il avoit éprouvé
«le grandes contradictions lors de la rédaftio.n de l’O rdonnance.,
M, PuiTort lui-même étoit convenu «,xju e la
q u e f l io n
prépara-.
�48
Proc. Ter
de l’O rd . t
1670, p.
# toire lui avoit toujours paru inutile, & que fi l’on vouloit
» ôter la prévention d’un ufage an c ie n , l’on trouveroit qu’il étoit
» rare qu’elle eût tiré la vérité de la bouche d’un c rim in el»**
M. le Premier Préiîdent de Lam oignon Te contenta de dire «q u ’il
*► voyoit de grandes raiions d e l ’ôter; mais qu’il n’avoit que Ton
» fentiment particulier » .
M algré cet accord des deux M agiftrats , on efl tout étonné
de voir que la queftion ait encore été en ufage depuis cette
époque. 11 étoit réfervé à un R oi humain Sc pacifique d’abolir
une Loi que les M inières de la Juftice ne faifoient exécuter
qu’avec répugnance, & dont l’innocence foible & timide pouvoit
être la viftim e. La France entiere a applaudi à la fuppreffion d’une
L o i plus redoutable à l’innocent qu’au coupable. Et les M agiflrats
qui ont ordonné l’enregifti ement & la publication de la Loi bienfaifante’ du Prince qui nous gouverne, ont eux-mêmes éprouvé
ce doux f émijfement p a r lequel les ames fenjlbles répondent à la
voix du protecteur de Vhumanité.
N ous n’avons pu nous refufer à ce jufte tribut de la reconnoiffance publique. Rentrons dans l’examen de la difficulté qui
nous occupoit.
L ’Auteur ne fe plaint pas tant du défaut de procès-verb al
d’effra& ion, que du délai que l’on a mis à le rédiger.C ’e f t , dit-il,
trente mois après la plainte. Peut-il exifler des traces d’une effrac
tion après un fi long intervalle ? & peut-on ajouter foi aux indices
qu’il renferme?
Nous ne refuferons pas notre tém oignage à cette réflexion. Efl-il
un feul des Ju ges qui n’ait pas defiré que ce procès - verbal eût
été drelTé dans les premiers momens de lïnftruétion ? C e retard
néanm oins, quelque long qu’il paroifle , 11’opere pas une nullité.
Il s’agit d’examiner quelle en a été la caufe. N ous avons eu l’hon
neur de vous obferver que les deux premiers Ju g e s, le P révôt
de la M aréchauflee d e T r o y e s , & le Ju g e de la D uché-Pairie de
P in e y , n’ont été occupés que de leur- ¿om pétence. C e n’efl
qu’après
�Yü)
'%
qu’après que cette compétence a été ré g lé e , & l’affaire définiti
vement portée au Bailliage de Chaum ont, que la procédure a ete
inftruite. L a premiere opération des Officiers du Bailliage a ete
le tranfport d’un de fes Membres pour achëver la procédure &
dreffer ce procès-verbal.
Eil-il défe£tueux dans la forme ? eft-il nul d’une nullité radi
cale? L ’Ordonnance ne s’eft point expliquée à ce fujet : & l’on ne
peut fuppléer une nullité qui n’eft pas prononcée par l’Ordonnance. Si ce procès-verbal exiftoit feul dans le P rocès, s’il n’y
avoit aucune autre preuve du délit en lui-même ; fans doute il
faudroit abfoudre les accufés, parce qu’il n’y auroit rien de conf
iant fur le corps du délit. Mais les tém oins, par leur dépofition,
viennent fortifier les faits énoncés dans un procès-verbal furabondant : les deux preuves fe prêtent un fecours m utuel; &: la foi
qu’on auroit peine à accorder à un procès-verbal tardif, fe change
en conviftion par la réunion des deux feuls genres de preuves
que la Juilice peut admettre.
Il nous refte encore deux nullités à parcourir dans cette pre
mière claffe.
Le défaut de procès-verbal de l’état de la croix trouvée dans
la poche de Simare au moment de fa capture, &: le défaut de
procès-verbal de dépôt de cette croix au Greffe.
Enfin le défaut de procès-verbal de defeription des ligatures
annexées au récolement de Thomaflin.
Nous commencerons par ce dernier o b jet, comme méritant à
peine une difcuffion. L ’examen du premier aura beaucoup plus
d ’étendue.
Thomaffin a dépofé au Greffe de la Maréchauffée,-les ligatures I U e Nui;it-#
avec leiquelles il prétend avoir été lié ainfi que fa femme : & ce Défaut de Proj ' ^
/ i r ■ 1 r
/•
•
w
-kt
cès-verbal da
dépôt a ete tait loriqu il a été récole fur la depofition. Nous y defeription
trouvons en effet qu’il a perfiilé, & même ajouté à fa dépoiï- des lisatures’
tion. Et il eil dit :
à Uinjlant a dépofé es mains de notre Greffier deux
G
b o u ts
�5 °
de treffe, de la longueur d'environ une demi-aune chacun , & une
émouchette de cheval de harnois ; & nous a dit que lefdites cordes
& émouchette font celles dont on s’efl fervi pour lier lui dépofant &
f a femjne fu r leur lit ,• requérant acte du dépôt qu’il fa it préfentement
defdites cordes & émouchette, pour fervir de pieces de conviction au
procès , ce qui lui a été oclroyé.
C ’eft ainfi que le dépôt eft conftaté dans la procédure. Trois
obje£Kons contre cet énoncé.
Prem ièrem ent, le dépôt eft nul, parce qu’il n a pas e te ’fait
dans les vingt-quatre heures, aux termes de l’article }. du titre 4
de l’Ordonnance de 1 6 7 0 , qui veut qu’on, remette au G reffe,
dans les vingt-quatre heures , les armes, meubles & hardes qui
peuvent fervir à la preuve, & feront enfuite partie des pieces du
procès. Nous avons établi que cct article n’a lieu que lorfqu’il y
a defeente du Ju ge fur les lieux pour conftaier l’état d’un cadavre,
ou réquifition d’une Partie pour tranfport du Ju ge à l’effet de
conftater un délit quelconque. L ’Ordonnance veut qu’il en foit
dreiîe procès-verbal fu r le champ & fan s déplacer ; & que ce pro
cès-verbal foit remis au Greffe dans les vingt - quatre heures t
enfemble les effets qui peuvent fervir de convi 61ion: & alors ces
effets, ainfi conftatés, ainii d ép o fés, font partie des pieces du
procès. M ais l’Ordonnance ne dit pas qu’on ne pourra dépofer
au Greffe des chofes propres à fervir de conviétion. Ainiî point
de nullité.
Secondem ent, le dépôt eft n u l , parce qu’il eft tardif : il a été
fait trente mois après le délit.
Nous répondons qu’il a été fait après que la compétence a été
jugée. Il a été fait au moment où Thomaiïïn pouvoit le faire. Il
n’y avoit encore rien de déterminé fur le Ju ge qui acheveroit la
procédure , tant qu’elle eft reftée devant les Officiers de la Maréchauffée, & devant le Ju ge de V in e t, Ju ge du lieu du délit*
C i n’eft qu’après le délaiffement fait au Bailliage de Chaum ont,
& l’acceptation de ce délaiffement, qu’il eft demeuré pour conf*
�St
51
tant que le Ju ge R o yal inettroit à fin la procédure. C ’eil le Ju ge
Jlo y a l qui a réglé le procès à l’extraordinaire; c’eil le Juge R oyal
qui a fait les récolemens & confrontations. Ce n’eil qu’au Greffe
de la Jurifdi&ion Royale , que Thomaffin pouvoit repréfenter les
ligatures dont on s’étoit fervi pour le contenir, l’empêcher de
fe défendre, l’empêcher de fortir, de crier & d’appeller du fecours. C ’eil auffi lors de fon récolem ent, qu’il a repréfcnté ces
liens. C ’eil à la fuite de l'on récolem ent, qu’il a requis que les
cordes & l’émouchette , dont lui & fa femme avoient été liés,
fuifent dépofés pour fervir de pieces de convi£lion. On reproche
à ce dépôt d’avoir été tardif. Ce reproche eil peut-être fondé.
M ais parce qu’il n’a pas été fait dès le principe de la procédure,
il ne s’enfuit pas qu’il foit nul. T ou t ce qu’on peut en conclure ,
c ’eil qu’il n’en réfulte pas une preuve bien évidente : on ne peut
l’envifager que comme un in d ice , & cet indice n’a de v a le u r,
qu’autant qu’il efl rapproché de la dépoiïtion des témoins.
Troifiémement , le dépôt efl nul , parce qu’on n a point
dreffè procès-verbal de l'état de ces ligatures. On ne peut recon
M émoire»
PaSe 77 '
naître j i elles avoient été coupées p ar les brigands à un ¿mouchoir
de cheval, ni f i elles avoient été déchirées enfuite dans quelques
endroits avec les dents. Et cette remife faite pour fervir de pieces de
conviction de la l i g a t u r e , ne peut en adminiflrer aucune preuve.
Comment ofe - 1- on mettre en f a it , qu'il n’a pas été dreifé
procès-verbal de l’état de ces ligatures? L e récolement n’en
contient-il pas la defeription? On y voit que Thomaffin a dépofé deRécolement
Thom aflm ,
es mains du Greffier deux bouts de treffe , de la longueur d'environ
une demi-aune chacun , & une émouchette de cheval de karnois ;
qu’il a requis acle du dépôt . . . . pour fervir de pieces de conviction
au procès, ce qui lui a été octroyé.
Il
eil vrai & l’Auteur l’obferve que le mot, environ , qui fe Mémoire,
page 6 3 .
trouve dans la mention de ces ligatures, n efl jam ais entré dans un
verbal. Critique ridicule, mais qui fuppofé qu’il y a un procèsverbal. En effet rénonciation renfermée dans le récolement n’eftG x
�elle pas un procès-verbal ? Quelle defcription plus ample pouvo;t-il être fait de ces ligatures ? Comment les conftater autrement
que par leur longueur & leur nature? Falloit-il en fpécifier la
couleur, les renfermer dans un paqu et, & le parapher ne vanetur?
C es précautions euffent été inutiles, puifque ces ligatures font
demeurées au G reffe, fuivant l’aéle de dépôt demandé par T hom aflin, ce qui lui a été oclroyé. C ’eft donc un fait articulé contre
toute vérité , qu’il n’y a point eu de procès-verbal de l’état de ces
ligatures, ni du dépôt qui en ait été fait. L ’un & l’autre exiftent
même dans le récolem ent, & une piece dépofée au Greffe d’une
Jurifdiélion royale ne peut être changée ni altérée.
Q u ’on prétende qiw / efl impojfible de reconnaître J i les cordes
. ont été coupées à un émouchoir p a r les brigands y j i elles ont été
déchirées avec les dents, ni enfin û ce font les mêmes dont Thomaiîin & fa femme ont été liés fur leur lit: à la bonne heure.Elles
pourront peut-être ne pas être envifagées comme des preuves
confiantes du délit. Toujours eil-il vrai qu’elles ont été décrites,
qu’elles ont été dépofées , & que le défaut de procès-verbal ne
peut être ôppofé comme une nullité : prem ièrem ent, parce que
la nullité n’en eil pas prononcée par l’Ordonnance j en fécond
lieu , parce que les deux procès-verbaux exiftent réellement dans
la procédure.
Déflut^ePro*
iIuatr^eme nullité relative au défaut de procès-verbal, eft
cès-verbal de tirée de ce que , fuivant l’Auteur du M ém oire, il n’y a point eu
croix, & de
procès-verbal de l’état de la croix d’argent trouvée dans les
dépôt d icelie. poches de Simare au moment où il a été écroué, ni du dépôt qui
M émoire
page 130.
en a été fait au Greffe de la M aréchauffée ; & voici quel eft fon
raifonnement.
;
L a croix d'argent exijlante dans les pieces du procès, peut - elle
Jervir de piece de conviction ? Non ajfurément. I l faiidroit un verbal
détaillé & authentique, pour conjlater l’identité de cette croix avec
la croix faijie fu r Simare.
O r} aucun verbal au Procès de cette croix.
�'(
5 3
II
faudrait un acte de dépôt p ou r conflater /’identité de la croix
produite avec la croix remife. O r p o in t d’ acte de dépôt au Procès de
la croix remife.
D e forte que j e ne p e u x fa v o ir non-feulement f i cette croix a été
fa ifie f u r Sitnare; mais même f i cette croix efl celle q u i a été remife
originairement au procès. Peut-être que celle qui a été remife origi
nairement , a été remplacée fuccejfivem ent p ar plufîcurs autres.
N ous écarterons d’abord cette fuppofition de remplacement
de la croix exiilante au procès. L ’Auteur ne la propofe que
comme un doute : peut-être. M ais ce doute même ne préfente-t-il
pas une prévarication qui ne p eu t, en aucun cas, être préfumée
dans le Greffe des Jurifdi£lions. C ’eil une injure gratuite. Voilà
cependant la maniéré d’argumenter de l’Auteur du Mémoire. Il
commence prefque toujours par fuppofer, & il argumente de fa
fuppoiition comme d’un fait confiant. 11 ne refle donc que les
deux premieres aflertions : on ne peut favoir fi cette croix a été
faifie fur Sim are, ni même fi c’efl la même qui originairement a
été remife au procès; parce qu’il n’y a pas de procès-verbal.
Coufultons la procédure, & l’on verra que l’une & l’autre
aiïertion eil une fauffeté manifeile.
V oyons d’abord ce que porte le procès-verbal de capture.
N o u s avons pris & appréhendé au corps ledit Sim are & conflitué
prifonnier es prifons royaux dudit T ro y e s, & laijfé à la garde &
charge du Concierge d'icelles
,
après en
avoir f a it Vécrou f u r le
R egiflre de la Geôle. L eq u el ayant été f o u i llé , nous avons trouvé
une croix d’ argent platte } d’ après laquelle l ’ anneau efl détaché,
l ’ anneau de la croix
,
& une bague caffée , le tout d ’ a rgent ,
defquels nous nous fom m es fa ifis p o u r être dépofés au Greffe. Cet
a£le efl figné du Brigadier de la M aréchauffée, & du nommé
L e flo q u e y , Cavalier de Maréchauffée.
V oilà fans doute le procès - verbal de la defeription de la
, croix trouvée fur Simare. Elle eil détaillée autant qu’elle pouvoit
l’être. L a faifie eil con ilatée, & par la fignature du Brigadier
Procès-veibal
de capture de
Simare , 28
Mars 1783.
�U
& par la fignature du C avalier qui l’accom pagnoit. Rien de plus
juridique.
Vous venez de voir que le B rigad ier, en'faifant cette faifïe,
a déclaré qu’il fe faiiifToit de cette croix pour être dépofée au
Greffe. C e procès-verbal de capture , d’écrou & de faille eft du
2 8 Mars. Le dépôt des effets faiiis a dû être fa it, le prifonnier
a dû être interrogé, dans les vingt-quatre heures. L e dépôt a été
fait -, quoiqu’il n’exifte pas dans les groffes envoyées au Greffe
de la Cour. N ous en avons fait venir une expédition pour conftater le fait ; & nous expliquerons bientôt pourquoi ce procèsverbal n’avoit pas été joint à la procédure.
Il
exiiloit d o n c , & la preuve la plus confiante que nous puiffions en rapporter, c’eil que le J u g e , aux term es* de l’Ordonnance , ayant procédé à l’interrogatoire le lendemain de la
capture -& de l’é c ro u , le 2 9 M a rs, nous voyons qu’il a repréfenté cette croix à Simare qui l’a reconnue.
Interrogatoire
de Sim are, du
J9 Mars 1783.
A tin fia m nous avons repréfenté au répondant une croix d'argent,
la tête qui reçoit Vanneau cajfée , Vanneau de ladite croix , & un
rond en form e de bague aujji cajfé , & icelui interpellé de nous dire
f u r la repréfentation de ladite croix ce qu’ i l avifera. L e répondant,
après avoir examiné lefdits e ffets, a dit qu’ i l les reconnoît p ou r
être ceux q u i l avoit f u r lu i lo r fq u il a été arrêté, lejquels appar
tiennent à f a fem m e.
Que- deviennent après une reconnoiffance auiTi formelle les
obje£Kons du Mémoire ?
Sim are a p u f e tromper dans cette reconnoiffance , dit le M é
moire. Peut-être la fupp ofition n a-t-elle pas été f e n fb le à Sim are >
M ém oire,
page 131.
& auroit-elle p u l ’être à la Juflice. Simare en reconnoiffant la croix
a pu articuler certaines circonfances qui excluoient fo n identité avec
la croix réclamée p a r les Thom affm : & a lors, fa u te de verba l, la
Juflice n’ aura p u
pourroit même y
conflater f i ces circonfiances fo n t
en avoir que Sim are n aurait pas
réelles.
Il
apperçues
,
que les Juges appercevrotent, mais ne pourroient v érifier, fa u te de.
�ts
55
Verbal. Enfin l’aveu même d'un accufé , qu’il auroit commis une
effraction , ne pourroit fuppléer un verbal d'effraction : à plus forte
raifon la reconnoiffance que fa it un accufé d’un effet, reconnoif
fance qui peut être bien plus erronée , ne fauroit fuppléer le vet‘bal
de cet effet.
Q uel enchaînement de fuppofitions & de poffibilités ! l ° . S imare a pu fe tromper dans cette reconnoiffance. Q uoi , du jour au
lendem ain? l i a néanmoins reconnu la croix. 2 0. L a fuppofnion
peut-être n’a p as été fenfible à Simare & elle auroit pu Vêtre à la
Juflice. Le Ju ge auroit-il donc pu reconnoître ce qu’il ne connoiffoit pas en co re, & le connoître plus (virement que celui qui
en a été trouvé faifi ? 3 °. Simare en rcconnoiffant la croix s a pu
articuler certaines circonflances de cette croix qui excluoient fon
identité avec la croix réclamée. Simare a reconnu la croix & n’a
point articulé de circonflances. Son interrogatoire en fait foi ;
& la fuppofition des circonflances articulées eft démentie par
le contenu même de cet interrogatoire. 4 0. I l pourroit y avoir des
circonflances que Simare n auroit p as apperçues, & que tes Juges
appercevroient fan s pouvoir les vérifier. Q u’eft-ce que des circons
tances que Faccufé ne peu^ appercevoir dans un effet dont il
étoit porteur , que les Juges appercevroient & ne pourroient
vérifier? Appercevoir des circonflances, ne pouvoir les vérifierj
voilà ce qu’on peut appeller des mots vuides de fens & des pa
roles inutiles. E n fin , l’aveu d'un accufé qu’il a commis une effrac
tion y ne peut fuppléer un procès-verbal d’effraction. Proportion
évidemment fauffe ; parce que fi les témoins dépofent de cette
effraction, fi cette effraéKon exifte , l’aveu de l’accufé conftate
le délit & opere la condamnation. 11 en eft de même de la recon
noiffance d’un effet , fi Faccufé en a été trouvé faifi. S’il le
reconnoît, fa reconnoiffance complette la preuve & opere ia
conviftion. C ’eft nous amufer à combattre des chimeres , puifque
le procès-verbal de dépôt exifte, & que nous l’avons entre les *
mains. Il eft ainfi conçu :
�#6
56
E x trait du Regijlre des dépôts qui fe font au Greffe de la Maréc h a u f f é e de Champagne , au département'de Champagne , p . 4$0.
N °. 139 Lardoife , G uyot, Simare & Bradier.
L e zg M ars i j 8 j , m’a été dépofé p ar le fleur Martin une croix
d’argent, fon anneau détaché & une bague caffée faifis fu r ledit
Sim are............Signé en cet endroit du Regiflre , Maron avec p a
raphe........... C ’eil le nom clu Greffier.
Il eft confiant à préfent qu’il y a eu un procès-verbal de dépôt.
Il n’eft plus étonnant que le jour même de ce d é p ô t, l’AiïeiTeur
de la M aréchauffée ait repréfenté cette croix à Simare dans
l’interrogatoire qu’il lui a fait fubir. Il ne peut plus y avoir de
doute fur l’identité de la croix repréfentée avec la croix faiiie :
& la reconnoiiTance de Simare acheve la démonftration. Nous
avons la décharge du Greffier de R am erupt, où les accufés ont
été transférés : & fi ce procès-verbal de dépôt & cette décharge
n’ont point été joints lorfque la procédure a été envoyée au
Greffe de la C o u r , c’eft que la minute des charges & informa
tions exiile dans un Greffe féparé de celui des dépôts , Sc que
pat un oubli involontaire, on n’a pas extrait dans le Regiftre le
procès - verbal de dépôt ; piece indifférente, puifque la croix
avoit été repréfentée à l’a c c u fé , & qu’il l’avoit reconnue dans
fon interrogatoire.
Il eft difficile de rien oppofer de raifonnable à la reconnoiffance juridique que Simare a faite de cette croix dans fon inter
rogatoire. M ais on a cherché à faire naître des foupçons fur la
reconnoiiTance que Thomaffin & fa femme en ont faite à leur
confrontation avec Simare. Cette reconnoiffance judiciaire a , ditM¿moire, on , été préparée & concertée fu r une repréfentation extrajudiciaire
Pa6e ! 3 2*
faite hors la préfence du Juge. Le Brigadier , en conduifant les
accufés de Troyes à P in e y , viola le dépôt de cette croix , & la.
montra à la Thomaffin. Pour concevoir cette ob jectio n , il faut
fe rappeller que la M aréchauffée n’ayant pas été jugée com pé
tente ,
�57
ten te, la procédure & les pieces de convi&ion , ainfi que les
accu fés, ont été renvoyés devant le Ju ge du lieu du d élit, le
Ju ge de Vinet. L ’Officier de la M aréchauffée étoit chargé de la
conduite des accufés. L e Greffier de fon côté étoit chargé de
dépofer au Greffe de la Juftice les charges & informations. Ce
Greffier a rempli fa m iffion, & nous avons égalem ent entre les
mains le procès-verbal de d ép ô t, ou plutôt la déch arge, de cette
cro ix , donnée par le Greffier de R am eru p t, d’où releve la Juftice de Vinet , attendu la vacance de l’Office de Greffier en
cette Juftice.
D ans la confrontation du Brigadier avec S im are , on a fait
au témoin la repréfentation de la croix. L ’accufé l’a reconnue
comme il avoit déjà fait dans fa confrontation avec les T homaffin , qui ont foutenu que la croix appartenoit & la femme
Thomaffin. L e Brigadier a dit qu’il la reconnoît pour être celle
dont l’accufé étoit porteur lors de fa capture : & il a ajouté
qu’elle avoit été reconnue par la femme Thomaffin le jour que
lui dépofant & le Greffier de T royes ont dépofé au Greffe de
Ram erupt lefdites pieces de convi&ion.
C ’eft de cet aveu fait par le Brigadier qu’on veut faire réfulter un com plot, une prém éditation, un concert , entre ce
Brigadier & la femme Thomaffin pour préparer la reconnoiffance
de cette derniere. Cette indu£lion eft bien étrange. Il eft vraifemblable que la femme Thomaffin s’eft trouvée naturellement,
au Greffe de la Ju ftic e , qu elle a demandé à voir la. croix pour
reconnoitre il c’étoit la fienne , & que le G reffier, foit de la
M arechauflee, foit celui de R am eru p t, ou même le Brigadier,
lui en a donné l’infpe&ion. Articuler un complot fur un fa,it auffi.
le g e r , auffi fimple , auffi indifférent, c’eft vouloir anéantir des
preuves par une allégation invraifemblable.
Vous venez de v o ir , & l’on a fans ceffe avancé que Simare
avoit d’abord foutenu que cette croix étoit celle de fa fem m e, qui
la lui avoit donnée pour échanger. E t l’on a toujours mis en fait
H
�5 8 ,
qu’il n’a jam ais varié fur cette déclaration. Nous nous permet
trons de relever ici cette aiTertion conftamment répétée.
V oici deux réponfes bien différentes dans l’interrogatoire du
2.9 M ars, le lendemain de fon écrou dans les prifons deT royes.
Interrogatoire
d e S i m a r e , du
29 Mars 1783.
Interrogé d’où lui vient une croix d ’ argent dont la tâte qui
recoit [’anneau efl caffée , l’anneau de ladite c ro ix . & un petit rond
/
r
i
rr
rr>
d ’argent en form e de bague auffi cajje'e.
A dit que le tout appartient à f a fem m e y q u i l l ’ avoît apporte
en
c e tte
v ille p o u r la changer.
V oilà qui eft précis ; mais lifons l’interrogation qui fuit im
médiatement après.
Interrogé J î ladite croix n à p a s été arrachée du col de la femme
Thomafp.fi la nuit du z q au 3 0 Janvier dernier.
Q ue répond Sim are ?
A dit qu’ i l n e n f a it rien.
Q uoi ! ce particulier affirme que c’eft la croix de fa femme f
qu’il l’a apportée pour la changer : & dans le même inftant
lorfqu’on lui demande fi cette croix n’a pas été arrachée du col
de la. femme Thomafïin , il dit qu’ i l n e n f a it rien ! Comm ent
a-t-il pu oublier fi fubitement que c’eft une croix que fa femme
lui a remife p ju r échanger parce qu’elle étoit caffée? Et fi c’eft
la croix de fa fem m e, elle ne pouvoit pas avoir été arrachée
du col de la femme Thomaifin.
Cette ignorance affeftée décele l’embarras o ù ,il fe trouvoit.
Après avoir affirmé fur la premiere interrogation que la croix
appartenoit à fa femme , ne devoit-il pas fur la fécondé répondre
auffi affirm ativem ent, qu’il étoit impoffible que ce fût la croix qui
avoit été arrachée du col de la femme Thomaffin ? M ais Fincertitude en pareil cas fe change en préfomption , & devient
pour ainfi dire l’équivalent d’un aveu.
Nous avons établi , en commençant la difeuffion de la pre
mière partie du plan adopté par l’auteur du M ém oire ju jlijic a t if
qu’il ne pouvoit y avoir de nullités dans une procédure que
�'9
celles qui font littéralement prononcées par la Loi. D e toutes les
nullités qu’on a reprochées aux différents P r o c è s - verbaux que
nous venons de parcourir, il n’y en a aucune prefcrite par TOrdonnance. Les Juges ne peuvent pas fuppléer une formalité qui
n’exifte p a s , comme on ne peut pas leur imputer l’omiflion d’une
formalité qui n’eft pas écrite. Il faut donc écarter tous les faux
raifonnem ens, & toutes les fubtilités entaffées dans le M émoire.
L a procédure à cet égard eft régulière, elle eft juridique, 8c par
conféquent à l’abri de tout reproche. V ous avoir remis fous les
yeux le texte de l’O rdonnance, c’eft avoir anéanti les nullités
renfermées dans la première clafTe.
§.
I I.
Examinons à préfent les nullités de la fécondé.
D ans cette divifion, l’auteur ne préfente qu’une feule nullité,
c’eft celle de la dépofition des Thomailin. L e m ari, la femme &
le fils ne pouvoient pas être témoins. Ils n’ont pas dû être con
frontés aux accufés. Leurs dépofitions & leurs confrontations font
donc nulles. T el eft en abrégé le fyftême du M émoire.
Nous entrons ici dans l’examen d ’une queftion d é licate , &
d’autant plus difficile que fa décifion, quelque parti qu’on emhraffe, trouve des partifans. Les u n s, pour l’intérêt même de la
fociété, veulent admettre la néceflité abfolue de la preuve te s
timoniale dans toute^fon étendue ; les autres s’élèvent avec force
contre 1 incertitude d’un genre de preuve dont l’expérience a quel
quefois pu reconnoître le danger. Une queftion aufîi importante
eft vraiment digne de la fageffe des M agiftrats, de la prudence
de notre M iniftere, & de l’attention de tous les Citoyens.
Il s’agit de lavoir fi un dénonciateur peut être entendu en
dépofition comme témoin. Svtr le feul expofé de la queftion , il
nous femble qu’une réclamation prefque univerfelle s’éleve de
toutes parts. L ’auteur & ceux qui penfént comme lui nous deH 2
Nullités de la
11e clafl'e.
Nullité des
depoiitionsdes
Thomaflin*
�,0
6o
mandent fi cette propofition peut fouffrir Fombre de la contradiftion. U n dénonciateur, nous dit-on, n’a-t-il pas intérêt de fout e n ir fa dénonciation ? fa dépofition peut-elle être autre chofe
que fa dénonciation ? les faits qu'il a dénoncés n’ont-ils pas
befoin d’être prouvés par d’autres témoins ; & s’il a befoin de
témoins pour attefter les faits qu’il a dénoncés, peut-il lui-même
être reçu au nombre des témoins admis à dépoier fur les faits
contenus en fa dénonciation ? C e feroit s’expofer à prendre le
menfonge pour la vérité : ce feroit courir le rifque de juger fur
la foi d’un calomniateur. L a L o i n’a-t-clle donc de vigilance que
pour découvrir les crimes ? n’a-t-elle de puifîance que pour punir
les coupables ? ne doit-elle pas "avoir la même a ftiv ité , la même
énergie pour protéger , pour fauver les innocens ? E t s’il importe
à la fûreté générale que le malfaiteur foit reconnu, que le fcélérat foit retranché de la fo c ié té , n’eft-il pas encore plus impor
tant à la fûreté de chaque C itoyen que l’innocence ne puifTe être
compromife & injuilement condamnée fur les délations de la
calomnie ?
C e raifonnement a plus d’apparence que de folidité 5 il eft
plus fpécieux que décifïf. Nous ne nous permettrons pas de le
propofer fans y répondre. Les motifs dont on veut l’étayer paroiflent puifés dans l'amour de l’humanité : mais le zele fe fait
fouvent illufion à lui-même, & fon excès n’eft alors q u e plus
dangereux. C e même amour de l’humanité nous o b lige, nous
fes défenfeurs, de combattre la trop grande généralité des ma
ximes qu’on avance ; & fans fermer notre cœur à la pitié natu
relle que le criminel peut fouvent infpirer, nous n’écouterons
jam ais « cette compailion cruelle, q u ife porte quelquefois à faM. d’Agueffeau.Tom.lv, » crifier l’intéiêt général à la confervation d’un feul. »
p*437*
Attachons-nous donc à examiner fi cette clameur prétendue
tm iverfelle, eft le cri de la raifon & de la vérité. Le préjugé fe
forme infenfiblem ent, la prévention s’empare des efprits j &
quand une fo is . elle eft é co u té e , il eft difficile d ’affoiblir fon
�5
'
61
autorité. Pour la renverfer, il faut fapper les fondemens de fon
empire. Les préjugés fe diflipent à la lumiere des principes.
Commençons par les établir.
T out d élit, de quelque nature qu’il puiffe être, eft une at
teinte plus ou moins grande à l’ordre public ; & l’ordre public
exige qu’on en pourfuive la réparation ou la vengeance. Si le
délit eft léger, & que la réparation puiffe fe réduire à de fimples
dommages &: intérêts, on prend communément la voie civile. Si
le délit eft g ra v e , & donne lieu à une condamnation de peines
afïïi&ives ou infam antes, il faut néceffairement prendre la voie
criminelle.
L a Juftice ne peut ordonner que le délit foit réparé ou p u n i,
que lorfque le délit eft conftant & prouvé. Nous difons confiant
& prouvé ; & nous croyons devoir faire obferver que ces deux
expreffions ne font pas fynonymes. Il y a une différence effentielle entre l’une & l’autre. Un délit confiant eft un délit éviden t,
mais dont on n’a point encore la preuve. Un délit prouvé eft
un délit dont on a convaincu celui qui l’a commis.
Ainfi deux principes inconteftables.
T out crime mérite une punition : le bien public l’exige. Pre
mier principe. L a punition ne peut être prononcée que lorfque.
le crime eft prouvé. Second principe. Cherchons à préfent com
ment on peut en. acquérir la preuve.
Les accufations publiques ont été interdites en France. Aucun
particulier n’a le droit de fe porter pour accufateur dans un délit
public. T el eft l’état a&uel de notre conftitution légale. L a pourfuite du crime eft confiée à unM agiftrat,inconnu dans les Républi
ques G recques, & dans celle de Rome qui n’avoit que des Cenfeurs.
L ’inftitution d’une Partie publique étoit réfervée à notre Légiflation. Il exifte dans tous-nos Tribunaux un Officier chargé fpécialement de veiller à la fûreté & à la tranquillité commune. V oilà le
feul accufateur en France. Il eft l’organe de la L o i, l’homme de la
Nation , le défenfeur né de tous les Citoyens. C ’eft entre fes
\
�Ojk
61
mains que nos Rois ont remis le droit de pourfuivre les crimi
nels, d’appeller fur leurs têtes la vindi&e publique, &: de dénoncer
les coupables pour l’intérêt général de la fociété.
L ’établiffement d’une partie publique a néceiTité une nouvelle
forme de'procédure : & dans cette nouvelle adminiftration de la
Ju ftic e , il n’eil pas indifférent de com parer les anciens ufages
avec ceux qui ont été introduits, fur-tout relativement aux aftes
préalables à l’inftruftion judiciaire.
Origine des
A Rom e on connoiffoit deux fortes d’accufations. La prem iere,
Délateurs, pei
honnête &r publique , avoit lieu lorfqu’un C itoyen en accufoit un
nes établies
contr’eux.
autre , & le citoit devant le Peuple ou devant les M agiftrats. L a
fécondé étoit odieufe & fecrette. Elle étoit cara&érifée par le tirre
de délation , genre d’accufation d’autant plus fufpeft que rarement
le délateur ofoit fe faire connoître.
Arrêtons-nous en ce moment fur ce qui concerne les déla
teurs. Cette difcufïïon fera mieux fentir combien ce que nous
appelions dénonciation eft éloigné de ce que les Romains appelloient délation.
L es délateurs étoient prefque ignorés dans les premiers temps
de la République. Ils le font multipliés fous les Empereurs. A d
mis à la Cour à force de baffeffes, l’accès ne leur fut pas difficile
auprès des P réfets, des Proconfuls & des Préteurs : ils ne tar
dèrent pas à fervir les paiîions ou les intrigues des gens en p lace,
ou de ceux qui afpiroient à l’autorité. M algré l’opprobre attaché
au nom de délateu r, on en fit un métier public fous les régnés
des T ibere & des Néron : & cette efpece d’hommes s’avilit au
point de jouer ce perfonnage odieux pour obtenir une partie de la
confifcation des biens de ceux qu’on vouloit perdre ou remplacer.
Corneille T acite nous trace dans fes Annales un portrait bien
énergique des m onilresqui exiilerent fous’lesfucceffeurs d’Augufte.
« P e u après, Granius M arcellu s, Préteur de B ith y n ie, fut
v> accufé du crime de lefe-Majeffé* par Cæpio Crifpinus fon
» Q u e iïeu r, fur la dénonciation fouferite par Romanus H ifp o ,
�63
♦> q u i, l’un des prem iers, embraiTa un genre de vie que le mal» heur des tems & l’audace des hommes n’ont rendu depuis
» que trop fameux. C e particulier, inconnu & fans fortune,
» d’un caraftere inquiet &: turbulent , s’iniinua d’abord dans
» l’efprit' du Prince , en fervant fa cruauté par des mémoires
» fecrets. Bientôt cet homme obfcur mit en danger les têtes les
» plus illuitres. Puiflant auprès du feul T ib e re , objet de la haine
» univerfelle, il donna l’exemple ; & tous ceux qui l’ont imité
» d e p u is, devenus riches de pauvres qu’ils étoient, redoutables
» autant qu’ils avoient été m éprifés, après avoir été les inftru» mens de la perte d’un grand nombre de citoyen s, ont fini par
» être eux-mêmes les vi&im es de leur infamie. » C O
Pouvions-nous mettre fous vos yeux un tableau plus frappant ?
L e délateur y refpire encore ; on y voit fa marche & fon créd it,
fes détours & fon infamie ; on y reconnoît ces ames vénales ,
dont les Maîtres du m onde, devenus fes fléaux , achetoient à ü
haut prix la corruption.
L a délation eft prefque toujours une calomnie déguifée fous
l’apparence de la vérité. Lorfque les mœurs font entièrement
corrom pues, lorfque le defpotifme a pris la .p la ce de l’autorité
légitim e, lorfque la terreur commande impérieufement le filence,
& que le D efpote rougit à l’afpeft d’une ame vertueufe & d’une
vertu inflexible j les T y ra n s, de "plus en plus foupçonneux ,
croient aifément aux accufations qui les intéreflent. Un mot mal
interprété devient un crime. L ’honnête homme qu’on accufe efl:
cou pable, non parce qu’il a tenu les propos qu’on lui im pute,
(1)
Nec multo poilG ranium Marcellum, Prastorem Bithyniæ, Quæ ftor ipfius Cæ pio C rif-
pinusmajeftatis poftulavit, fubferibente Romano Hifponé, qui fonnam vitre iniit,quam pofièa
celebrem tniieriae temporum & audaciæ hominum fecerunt. Nam egens , ignotui, inquies,
dum ignotis libellis favitiæ Pfincipis adrepic, m o i clariflimo cuique perlculuni ia ce ilit,
potentiam apud unum , odium apud omires adeptus , exemplum dedit quod fc c u ti, es
pauperibus d ivites, ex comemptu roetuendi, perniciem aliis ac poftrereùin f t i inveoere.
Tacit. Ann; Lib. I yn°. 7A.
�64
mais parce que les propos qu’on lui impute font des v érités, dit
à cette o c c a f i o n l’Hiftorien Rom ain ’( i ).
U n Prince jufte , au con traire, eft en garde contre les flat
teurs qui l’approchent & qui l’encenfent ; les Courtifans ont fouvent intérêt de furprendre fa relig io n , & n’y trouvent que trop
de facilité. U ne fage méfiance peut feule le mettre à l’abri des
pièges de l’artifice ; & s’il étoit allez malheureux pour prêter
l’oreille à un menfonge adroitement infinué , qui pourroit le faire
revenir d’une prévention qu’il auroit adoptée fans s’en appercevoir ? L es plus fages ont toujours écarté les délateurs avec au
tant de mépris que d’indignation.
L es délateurs ont été connus autrefois parmi nous. M ais la
1 févérité des L o ix les a , pour ainfi d ire, entièrement bannis ; ou
la crainte les tient dans une fi grande circonfpe&ion , qu’il eft
rare de les voir fe montrer à découvert.
Q ue diront nos Réformateurs m odernes, fi nous leur repréfentons ici quelques fragmens des Capitulaires de Charlem agne,
dont ils invoquent l’humanité ? C e grand Prince déteftoit fi fort
les délations, qu^il femble s’être élevé au-deiïus des réglés an
ciennes , pour arrêter un défordre alors trop commun. Il a en
quelque forte enchéri fur la rigueur des Loix Rom aines. Il pro
nonce contre les délateurs la peine de mort.
« O n coupera la langue au délateur, ou s’il eft convaincu on
» lui tranchera la tête. O r ceux-là font délateurs, qui par envie
v trahiffent les autres ( 2 ) . »
N e peut-on pas attribuer cette rigueur à la jufte indignation
que la trahifon doit infpirer. ? L a L o i femble oublier le crime
pour ne s’occuper que du délateur. L e traître eft à fes yeux en
core plus coupable que l’accufé dont le délit n’auroit peut-être
( 1 ) Q uia vera erant, etiam difta credebantur, Tacit. ibid.
(2) Delatori aut lingua cap u lítu r, aut convifto caput amputctur: delatores autem funt qui
¿liyidia produnt alios. Stcp. B a l u L i b r . ///. Capit. 3 6 0 , pag. u q i , idit. P a t lf .t 6 y j.
�6*
pas été connü. Elle paroît fourde à la délation, parce qu’un per
fide ne mérite pas même d’être écouté. Le langage de la perfidie
ne petit être que celui de l’impofture : c’eft l’atrocité de cette
accufation infâme que la L oi confidere ; c’eft ce défordre quelle
a voulu fupprimer.’
Cette Loi dure & rigoureufe, mais nécefTaire au milieu des
troubles & des faéHons, avoit pour but de maintenir la tran
quillité publique , la paix intérieure des grandes M aifo n s, de
*
prévenir le danger de fouiller dans les foyers du pere de fam ille,
& d’augmenter l’horreur que la perfidie infpire à tous les citoyens
honnêtes & vertueux.
!
L es Loix R om aines, « que toutes les Nations interrogent en- ^
» core à préfent, & dont chacun reçoit des réponfes d’une éter- p.i^.Mercu»nelle vérité , ces Loix aufîi étendues que d u ra b le s,» avoient "e du Magifordonné qu’on traitât les Délateurs avec la même févérité. Conf- trat*
tantin, & Théodofe après Lui, avoient prononcé la même con
damnation.
N ous n’ajouterons qu’une {impie réflexion à de fi grandes
autorités. L ’efclave qui accufoit fon maître étoit repoufTé des
T ribun aux; il étoit même puni* quand la délation étoit volontaire
de fa part. M ais il n’en étoit pas de même quand la Juftice
le forçoit à dépofer ; s’il étoit produit par l’accufateur ou
même par l’accufé , ce n’étoit plus un délateur ; fes réponfes
■faifoient preuve à charge & à décharge. Lorfque nous en
ferons à examiner la grande queftion des témoins nécefTaires ,
nous expoferons à vos yeux la décifîon des Loix Romaines fur
un objet aufïi important : &: vous admirerez la fagefle de ces
profonds Legiflateurs, qui admettoient tous les genres de preuve,
moins pour faire périr un coupable, que pour contenir le refte
deç citoyens dans le devoir par la crainte du fupplice ( i ) .
( ’ ) Omnis enim p an a , non tam ad deli&um quam ad exçmplum
k T itre Ced. de partit.
pertinet. Cujas ,fu ç
•
I
>
�V
(56
L a jufte indignation qu’une ame honnête éprouve-à la feule
Idée d’un d é la te u rn o u s a peut-être entraînés m algré nous-mêmes.
M ais la relation istim e qu’ on fuppofe entre une délation & une
dénonciation, entre un délateur & un dénonciateur, exigeoit que
notre Miniftere entrât dans quelque détail à l’égard du prem ier,
ne fut-ce que pour établir d’avance les cara&eres de la différence
énorme de l’une & de l’autre qualification. Revenons à notre
objet.
M algré la dépravation des mœurs &c des efp rits, les L o ix de
m ort portées, par C o n s t a n t i n , par T h e o d o s e , par C h a r l e m a g n e , font heureufement aujourd’hui fans vigueur ■& fans appli
cation. N ous ne connoiffons plus en France -cette claffe d’hommes
■Cocl.Theod. corrom pus, delatorum execranda pernicies. Leur dénomination cft
t J . t ï d a u ' UIie ™Ju r e > & s’il en e x ifte , leurs menées fourd es, leurs intrigues
ténébreufes n’ont point encore pénétré & ne pénétreront jam ais
dans le Sanftuaire de la Juftice. L e M agiftrat, feul chargé de la
pourfuite des crim es, eit continuellement en garde contre les
furprifes île la calomnie.
U n des principaux a v a n t a g e s de c e t t e inflitution, c’eil que
dans l’ exercice d’un Miniftere aufïi rig o u re u x , cet Accufateur
public ne peut être foupçonné d’animofité ni de vengeance. Il eft
le furveillant de tous les délits ; il n’a pas plus d’intérêt à perdre
un innocent qu’à fauver un coupable : tous' les citoyens font
égaux pour l u i , parce que tous font fubordonnés à fon infpection ; celui qu i dérobe avec ad reffe, comme celui qui vole à
force ouverte ; celui qui cherche à détourner les Peuples de I’obéiffance due à la L o i , comme celui qui attaque avec impiété les
D ogm es facrés de notre Religion fainte ; celui qui déshonore une
famille particulière, comme celui qui trouble la Société en tiere:
nul ne peut fe fouftraire à fa vigilance. Il ne cherche que la
preuve de la mérité ou de la fauffeté des accufations qu’il eil forcé
d’intenter ; & .fo n devoir eft autant de protéger l’innocence que
de faire condamner le criminel convaincu de fon forfait.
�6?
On chercha bientôt à abufer de l'établiffement même de la
Partie publique. O n obten oit, fo u s Ton nom , des permiflions de
faire informer j & l’abus renailToit du reme.de même quon avoit
voulu y apporter, tant il eft difficile d’abolir un ufage invétéré.
Philippe de Valois v o u lu t arrêter ce nouveau défordre ; & par
une Ordonnance p récife, il défendit cette H o u v e lle forme de
procéder.
* Nous ordonnons, dit Philippe V I , qu’à l’avenir aucunes
» informations ne feront faites en vertu de lettres obtenues fous
» le nom de notre Procureur : & qu’aucunes lettres femblables
» ne foient expédiées que de notre fcience certain e, ou fur la
>* demande faite par notre Procureur Général en perfonne ( i ) » «
Cette Loi produifit l’effet qu’on en avoit attendu; & le Pro
cureur G énéral, indépendamment de fes autres attributions, eft
refté en cette partie feul Miniftre effentiel de la Juftice. Il ne
peut cependant veiller par lui-même fur tous les malfaiteurs. Sa
religion a befoin d’être inftruite ; & lorfqu’il eft provoq u é, toute
fon attention fe porte à difcerner le vrai dans la multitude d’avis
qui lui font adreffés. Il s’informe du fait avant de rendre plainte.
Il cherche à fe convaincre comme hom m■
e,7 avant d’agir
en M aO
giftrat. Les Subftituts de M. le Procureur Général agilîent en fon
nom , mais fans pouvoir le compromettre : ils s’affurent eux~
mêmes des faits qu’ils dénoncent à la Juftice. E t cette précau
tion eft d’autant plus fa g e , que leür m iniftere, quoique de ri
gueur, les ren d , en quelque façon , refponfables des fauffes
accufations qu’ils pourroient hafarder, à moins que la clameur
publique n’ait excité leur vigilance.
Les Procureurs du Roi font en effet affujettis à écouter les
D énonciateurs, à recevoir les dénonciations, à les faire figner,
( i ) Qrdinamus ut de cxteto virtute litterarum quse fub nomine Procuratoris noflri
«npetrantur, informationes non fian t: nec litteræ fub nomine Procuratoris noftri conce«lantur nif, ¿g noftr£ expreffâ fcientiâ, vel noftro Procuratore Generali in fuâ perfçrô
pçtente. Ordgn. de 1J44, Yïd. P . G uifnois , Confér, des Ordon, paç, 752.
I *
�68
pour pouvoir en nommer les auteurs toutes les fois que Taccufe
eft déclaré innocent. C ’eft à eux à s’affurer du degré de con
fiance qu’ils peuvent prendre dans les dénonciations qui leur
font fa ite s , & dans la folvabilité des Dénonciateurs.
L a Partie publique une fois iniK tuée, voyons comment elle
peut agir. Nous fommes obligés de rappeller, pour ainfî dire,
les premiers élémens du D roit François, pour en venir à la conféquence qui doit répandre la lurniere fur la queftion des D é
nonciateurs & des Tém oins néceifaires.
Lorfqu’im crime public a été com m is, il peut être pou rfu ivi,
ou fur la dénonciation qui en eft faite de différentes m aniérés,
ou fur l’accufation que la Partie publique intente de fon propre
mouvement.
D ans les cas où le Procureur du R oi agit d’après fes connoiffances perfonnelles, il doit compte à la Juftice du m otif qui a
déterminé fa démarche. Si l’accufation eft jugée calom nieufe,
l’Accufateur légal pourroit être pourfuivi , comme criminel
d’avoir abufé de fon Miniftere. M ais il eft exempt de reproche,
qu an d , pour remplir fon devoir, il accufe un C i t o y e n mal famé
& véhémentement fufpeft. Sa qualité exeufe l’ufage de fes fonc
tions? il ne peut être condam né, que lorfqu’il y a dol apparent
& calomnie évidente j encore faut-il un Jugem ent nouveau , &
qu’il foit permis de le prendre à partie.
L es notions que nous venons de donner fuffifent à l’égard du
Miniftere public. V oyons ce qui concerne les pourfuites crimi
nelles, autres que celles qui font entreprifes du propre m ouve
ment de FOfficier chargé de faire punir les coupables.
D ans les premiers tems après l’établiffement de la Partie pu
blique , on ne s’apperçut pas de l’heureufe innovation qui a exifté
v. les Notes prefque toujours depuis dans les Procédures criminelles. Il y eut
fur rOtdon- deux A ccufateurs, l’un qui pourfuivoit l’intérêt du R oi & de la
datTiîVlec! C^ ° i'e PukKque> & dont la demande tendoit à une punition
de Néron.
exemplaire ou corporelle ; l’autre qui demandoit la réparation
�.2 ?
69
civile du dommage qu’il avoit fouffert à caufe du délit commis
dans fa perfonne & dans fes biens.
Aflez com m uném ent, à moins que le délit ne fût un crime
p u b lic , les Officiers du Roi & ceux des Seigneurs n’entreprenoient aucunes pourfuites fans Inftigateurs & fans Parties civiles.
Ils contraignoient même quelquefois ceux qui avoientété offenfés, j^DuciSurd
à fe rendre P arties, 6c à avancer tous les frais de la procédure; l'bid& la plupart de ceux qui avoient droit de fe plaindre, aimoient
mieux , au grand détriment de la S o c ié té , fe déiifter de la de
mande en réparation , que de s’expofer au danger de faire des
avances très-confidérables , & fouvent en pure peite.
L ’Ordonnance de. 1 5 3 6 , donnée par François Ier, vint au
fecours du bien public. Il ordonna q u e ...........
« Si-tôt que les crimes ou délits auront été commis & perpétrés, les Juges P. Guefnois,
» ordinaires feront tenus d’en inform er ou faire informer ».
Confér.
des
U rdon.p. 756.
L ’Article z du même Chapitre va plus loin.
„
i^é.cha'p.Il,
art. 1 & 2.
« N ’attendront les Juges qu’ils en foient requis par les Parties civiles <k
» intéreflees, qui , le plus fo u v e n t, font fi pauvres & fi indigents, &
» tellement intimidés £ar la puiffance des Délinquants , ou de leurs Parents >
» Amis èc A llié s , q u ’ils n’en font plainte à Ju ilice, &c font contraints de
m compofer pour petites chofes ; tellement que lefdits crimes ou d é lits,
» ni la forme & maniéré de les avoir commis & p erpétrés, ne viennent à
» la lumiere de Juilice
Ce même P rince, dans ÎO rdonnance de V illers-C otterets,
en 1 5 3 9 ? prononce en co re.!
« Si-tot que les Juges auront été inilruits par la plainte, ou autrement Ordonnance
» a ve rtis, ils informeront ou feront informer bien & diligemment ».
de 1^,9, art.
145.
Charles I X , dans l’Ordonnance d’O rléans, voulut de nouveau
prévenir tous inconvénients pour l’avenir.
Il ordonna que les Officiers de Juilice procéderoient contre
les Délinquans ; . . . .
�70
Ordonnance
d’O rl.
i” t'
“ Saiis attendre la plainte des Parties intereffees, ni les contraindre à fe
à'avancer les frais ,- fi .volontairem ent ils ne les offrent
» & veulent fa ire , à peine de privation de leur état »,
I5 6 o , » rendre Parties &
C e remede ne fut pas encore fuffifant : perfonne n’ofoit fe
rendre A ccufateur, &: les crimes demeuroient inconnus & im
punis.
L e même Charles I X , dans l’Ordonriance de Château - B rian t,
ordonna à tous fes Sujets d’avertir les Ju g e s du lieu > des délits qui
pourroient avoir été commis.
L ’article premier eft ainii conçu :
V. P. Guefw S i-tôt que les crimes & délits auront été commis y nos Sujets, 3c
»ois, Confér. » chacun d’eux qui en auront eu la connoiffance, en avertiront les Juges
de^Ordon. p.
¿¿G ens de notre Juftice, ou autres ayant droit de H auteJuftice, les plus
Ordonnance » proches du lieu oît aura etc fait ou commis le d é lit, pour y
p o u rvo ir
Bi«n: artT“ * n *e l^us promptement que faire fe pourra w.
L es L oix du R oyaum e fuppofent donc que le Miniftere pu
blic fera excité par la plainte, ou autrement averti. T ou s les Sujets
du R oi font chargés de donner connoiffance des délits. D elà
font n é e s, ce qu’on appelle en terme de D ro it, les dénonciations
& les accuiations.
A l’égard des Dénonciateurs , il en eft de deux efpeces. L ’une
des Dénonciateurs fe cre ts, l’autre des Dénonciateurs connus.
Il en eft de même des Accufateurs. Q n peut les ranger dans
deux clafles. Les uns rendent plainte fans fe porter Parties civiles î
les autres fe portent Parties c iv ile s, & requierent la ;onâion. du
Miniftere public.
Examinons d’abord ce qui concerne les dénonciations : nous
reviendrons enfuite à ce qui a rapport aux accufations.
Nous avons dit qu’il y avoit deux fortes de Dénonciateurs ,
les uns fe cre ts, les autres connus.
L e D énonciateur fecret eft celui q u i , fans être intéreffé perfonnellement à la vengeance d’un crim e, le dénonce au Pro-
�loi
7 1 «cureur du R o i , foit en nommant les coupables,’ ibit en fe con
tentant de certifier le fait., 8c qui iîgne fa dénonciation. C ’efl
fur la foi de cette fignature que la Partie publique entreprend
la pourfuite du délit qui lui a été dénoncé.
Ce que nous avons déjà dit au fujet de la délation, nous
nous empreflons de le répéter au fujet de la dénonciation.
L e nom odieux de D élateu r, comme nous l’avons dém ontré,
n’appartient q u à ceux qui fe permettent des dénonciations teurs&lesDéfecrettes, méditées par la trahifon , infpirées par le refientim ent, nonciat£urs'
ou achetées à prix d’argent. L e Dénonciateur au contraire n’a
d’autre -motif que fa fûreté perfonneile ou la fûreté générale de
tous fes concitoyens. .
Il y a cette différence entre l’un 8c l’autre , que le Dénon
ciateur ■ri’eft animé que par un fentiment d’honneur , 8c par
l ’amour du bien public ; tandis que le Délateur n’agit que par
il’impulfian d’un vil intérêt, ou pour fatisfaire fa méchanceté. O n
n e peut refufer une véritable eftime à celui qui ne craint pas de fe
n om m er, 8c qu’ un excès de probité 8c l’horreur du crime élevent
au-deffus du préjugé défavorable attaché à la qualité de Dénon
ciateur. M ais le D élateur qui fe cache eft inévitablement l’objet
«le la haine univerfelle &: du mépris le plus profond.
L a plupart des Auteurs ont confondu ces deux qualités.
¡Plufieurs Loix fe font fervi indifféremment des deux exprefiions. O n leur donne encore très-fouvent la même fignification
dans Tufage. D elà on a envifagé les uns 8c les autres avec la
meme défaveur.' N ous nous flattons d ’avoir détruit un pareil
p ré ju g é , par la feule obfervation que le Dénonciateur révélé
un fait certain, 8c qu’il fe nomme comme garant de fa dénon
ciation au lieu que le Délateur marche par des voies obliques 9
fe couvre des ombres du myftcre-, 8c ne configne fa délation
que dans des écrits anonymes. O n regarde ces délations tacites
comme des libelles diffam atoires, fur-tout lorfqu elles font fans
.nom , fans auteur* fans caution. C ’eû .le -cas de dire avec Théo-
�d o ric, R o i d’Italie: « O n ne doit aucune croyance aux delà» tions feciettes & cachées ( i ) » .
I l eft un fécond genre de Dénonciateurs que nous avons
féparé des premiers. C e font les Dénonciateurs publics & connus.
C ette efpece de dénonciation publique a lieu q u a n d , par exem
ple , un c ito y e n , après avoir été attaqué fur un grand chemin
ou dans fa propre m aifo n , après avoir été volé pendant fon
abfence , ou même lui préfen t, par des inconnus * fait fa décla
ration devant le Jv g e de l’attentat commis en fa perfonne ou fur
fes b ie n s, fe contente de dénoncer le f a i t d e donner le fignalement des coupables, de détailler les circôn ftances, fans vouloir
fe porter pour Accufateur , & laiffe au M iniiiere public fa dé
claration , comme un a£le authentique, pour fervir de fondement
à la plainte qu e doivent rendre les V engeurs de la fureté pu
blique.
N ous ne remarquons de différence entre l’une & l’autre ma
nière de dénoncer, fi ce n \f t que la premiere fe fait fans éclat
entre les mains du Procureur du R o i, qu’elle doit être dépofée
dans un Regiftre fecret, foufcrite d’une iignaîure privée, & qu’elle
n’eft jam ais produite au Procès. L a fécon d é, au con n aire, fe fait
publiquem ent entre les mains du Ju ge ; elle eft rédigée en forme
juridique -, elle eft munie de la fignature de l’Offiçicr public qui
l’a reçue ; & prefque toujours elle eft jointe à la procédure , ce
qui lui donne une véritable publicité.
L e Particulier qui dénonce le fait dont il a été témoin , fans
avoir couru le moindre d a n g e r, & par conféquent fans être
intérefTé à la pourfuite du c r i m e a i n f i que le Particulier qui
déclare le vol qui lui a été fait &: le danger qu’il a couru " & q u i,
négligeant fon intérêt particulier, s’en rapporte au Miniftre de
la Loi pour venger l’intérêt p u b lic, fo n t, il eft v r a i, également
Dénonciateurs 5 ils ont néanmoins des cara&eres diflérens aux
(z ) Occulti* fecretifcjue delatlonibus nil credi debet. C^J/ìodort,
yeux
�73
y eu x de la Juftice , & la confiance ne doit pas être la même.
D ans le premier cas le Miniftere public rend feul plainte, parce
que la dénonciation eft fecrette : dans le fécon d, il prend la ,dér
claration pour dénonciation & la joint ordinairement à la plainte,
parce que cette dénonciation eft pu b liqu e, &■ qu’il eft de fon
devoir d’informer des faits qu’elle contient. M ais de ce que le
Miniftere public a pris la déclaration pour dénonciation, il ne
s’enfuit pas que l’auteur de cette déclaration foit un D énon
ciateur proprement dit , parce qu’il n’a déclaré qu’un f a i t ,
fans imputer à perfonne le délit dont il auroit pu rendre plainte
s’il en avoit connu les auteurs.
Il faut convenir encore que l’un & l’autre D énonciateur ont
pu déférer à la Juftice un crime prétendu, un fait calomnieux.
M ais comme le Miniftere public qui rend plainte eft tenu en
définitif de nom m er, s’il en eft re q u is, fon Dénonciateur lorfque
PAccufé eft renvoyé ab fo u s, le D énonciateur, foit fe c re t, foit
public, s’attend à fubir toutes les condamnations qu ’un Calom
niateur peut encourir j de même que le faux témoin eft expoféà la
peine du talion: & la calomnie de tout temps a été fi o d ieu fe,
que les Empereurs n’ont pas voulu que les Calomniateurs fuiTent
exempts de punition par aucune abolition publique ou privée.
Nous venons d’établir qu’il y a deux fortes de Dénonciateurs.
Nous avons à faire voir qu’il exifte de même deux fortes d’Accufateurs. L ’Ordonnance de 1 6 7 0 en fait elle-même la diftinftion.
Le? uns font connus fous la dénomination fimple de Plaignans,
les autres fous le nom général d’Accufateurs.
Le Plaignant eft celui qui rend plainte & l’affirme, fans fe
rendre P a rtie , fans demander qu’il foit inform é, fans conclure à
aucunes réparations , abandonnant la pourfuite du crime à la
vindifte publique. C ar s’il dépend de fa volonté de remettre fon
offenfe, il n’a pas le droit d’impofer filence à l’organe de la L o i :
& par fa plainte, au contraire , il lemble avoir recours à la, Juftice
pour implorer fon autorité,
K
Leg. FalluJ
citer , C od. dt
Culumniâ.
Différence
e i're les De'a
fon dateurs 8c
les
Accuiateurs.
�: \ok
7 4
C e P laign an t, quoique m u et, eft en quelque façon Partie au
Procès ; ou du moins il a une aptitude continuelle à le devenir?
par la faculté qui lui eft accordée de fe rendre Partie civile en
tout état de^caufe : & cette aptitude le fépare du D énonciateur,
q u i, dans aucun c a s , n’eft recevable à fuivre p e r f o n n e l l e m e n t
l’afîio n à laquelle il a donné lieu dans le principe.
L ’A ccu fatéu r, au contraire, eft celui qui rend plainte en fort
nom ,'q u i déclare qu’il fe rend Partie civile , qui demande à faire
inform er, qui adminiftre les tém o in s, & qui pourfuit le Ju ge
ment de l’accufation qu’il a intentée. T outes les fois qu’il s’agit
d’un délit qui trouble l’ordre p u b lic , le Miniftere public fe réunit
à cet A ccu fateu r, ou plutôt il prend la place de celui qui a
rendu plài'rftc , & fe' rend véritablem ent, D om inas litis. D e ce
concours hait une double a£ïion, l’une crim inelle, l’autre civ ilei
car il y a néceilairement deux Parties. L e Particulier ofïenfé
pourfuit la réparation de fôn offenfe, & conclut à des dom m ages
'& intérêts. L e 'Miniftere p u b lic, feul chargé dè la vindi& e pu
blique , coiiclut à dés'peines infamantes ou afïli&ives fuivant
l'exigence des’ cas. L ’Accufitteur, comme intérefle à la conviction
de l’A ccufé, agit concurremment avec le Procureur du R o i, &
l’aéKon civile fe confond dans l’a&ion crim inelle, pour ne re
vivre qu’au moment de la condamnation.
Nous venons de mettre à découvert tous les r e f l o r t s que l£t
prudence des Légiilateurs a pu inventer ; toutes les précautions
que Inexpérience a pu fu g g ére r, pour éviter les furprifes & dé
couvrir les Coupables. Faifons à préfent l’application de ces
Principes à la Queftion que nous avons à décider.
Les DénonR s’agit de fav o ir , fi un Dénonciateur ou un Accufateur peuvent
vent-^isPctrc être entendus en dépofition ; & fi leur dépofition fait charge
contre l’Accufé.
Nous avons diftingué deux efpeces de D énonciateurs, & deux
efpcces d’Accufateurs. Nous commencerons par ces derniers >
comme de plus facile difcuilkm.
�■ioj
<,
7 5
T out A ccufateur, foit qu’il fe rende P artie, foit qu’il fe retire
après fa plainte, ne peut jamais être appellé en témoignage contre
celui qu’il a cru devoir accufer : parce qu’il a un intérêt r é e l,
preiTant & v ifib le,, de juilifier fa p lain te , & d’en éviter les fuites
dans le cas où il auroit intenté une accufation calomnieufe ou
même téméraire. Sa plainte le rend Partie néceifaire au Procès.
L a Juilice ne peut prononcer que fur la dépofition des T ém oin s;
les Témoins fo n t, en quelque fa ç o n , les premiers Ju ges du fait.
L ’Accufateur deviendront alors Ju ge & Partie. C ’eil une vérité
reconnue par la feule force de fon évidence.
En eil-il de même à l’égard des Dénonciateurs ? Ici la vérité
a befoin d’être établie , & l’intérêt public exige la preuve la plus
demonilrative.
D ans une Procédure criminelle, la Juilice a deux o b jets, la
certitude du délit , & la conviélion de l’Accufé. V oilà le but. dé
toute rinilruélion. Comment y parvenir , fi ce n’eil par là dépo
fition des Tém oins ocu laires, ou par la réunion des autres
preuves que les circonilances ont naturellement produites ? Pour
quoi le Dénonciateur ne feroit-il pas entendu en |dépoiition ?>
Parce qu’il eil fu fp efl, dira-t-on. M ais tous les Tém oins'peuvent
égalem ent être fufpefls. Il ne faudra donc jam ais admettre la
preuve teilimoniale. On ajoute que le Dénonciateur eil intéreifc
à foutenir fa dénonciation, parce qu’il a intérêt d’en prouver.la
iincérite ; & la crainte d’être pourfuivi pour la réparation de fa
calom nie, l’oblige,- quand ild é p o fe , à confirmer, fous la religion
du ferm ent, une accufation qu’il lui a même provoquée. Scs dé
p o rtio n s, fes récolemcns, fe s confrontations ne peuvent être que fa
dénonciation rcpetee 0 dèsçuifée fous d’ autres noms.
Pour répondre à cette obje£lion préfentée dans le Mémoire
fous tous les afpeéls poflibles , nous ne ferons ufage que .des
moyens les plus fimples & les plus naturels.
Nous rappellerons d’abord IO rdonnance de Charles I X , de
1ï ^ 5j
porte :
.
K
i
M ém oire t
page i 4 i .
'4
�lo(i
V '-»*'
*
ys
Ordonnance
de C h â t e a u -
B n an t, jupra.
« Sitôt que les crimes & délits auront été commis, nos Sujets & chacun
d»eux qui en auront éu la connoiflance, en avertiront les Juges les plu*
,
,
..
y ,
, ,
}> proenes du lieu ou le délit aura été commis ».
L ’intention du Légiflateur n’a pas été fans d o u te , que ceux
qui avertirent les Ju ges du lieu ne puiTent être entendus en dépoiition. C ar fi tous ceux qui ont eu connoiflance du délit >
alioient le dénoncer, où prendroit-on enfuite des Tém oins pouf
le conftater?
C e n’efl donc pas de cette efpece de dénonciation dont ii
peut être queflion ; elle efl légale, elle efl ordonnée; & le recours
à la Juflice ne peut être regardé comme une injure , ou comme
un m otif de fufpicion.
Mémoire,
En vain on oppofera qu’on ne peut écouter, comme Témoin f
Pag e ‘ 43*
celui qui lui-même fe reconnoit J i reprochable , q u i l demande qui
la Juflice faffe entendre en fa faveur des Témoins .
Un Dénonciateur faire entendre des Tém oins en fa faveur!
A-t-on jam ais avancé une pareille propofition ? Q u’un Accufateur tienne ce la n g a g e , 011 n’en fera pas furpris. Il fe plaint, il
demande réparation, il doit prouver le délit} il a droit de deman
der à faire entendre des Tém oins en fa faveur. Rien de plus
ju fle , rien de plus raifonnable. Cependant c’efl du Dénonciateur
feul que l’Auteur du Mémoire parle en ce moment : il porte encore
plus loin le délire j & s’identifiant dans la perfonne du D énoncia
te u r, il dit :
Ibidem.
Q u o i, j ’ irai trouver le Juge, & j e lui dirai : T e l a voulu m’ a f
faffiner, j e vous demande Juflice : i n f o r m e L e Juge me répondra :
Informer ! I l n’y a pas befoin d’ autres Témoins que vous ; ne ditesvous pas que vous ave^ été affaffiné par te l? Je crois donc que
vous ave^ été affaffiné par tel. Je le condamne à la mort.
JiiJtm
Toujours le langage d’un Accufateur placé dans la bouche du
Dénonciateur'! C e n'efl pas une fuppofition de notre part. L ’Au
teur ajoute tout de fuite : N o n , il n’ efl pas poffible que le même
homnw jo u e , dans la même accujation, Us deux rôles de Dénon dateur & de Témoin,
1
�io f
7 7
Sans nous arrêter à cette m éprife, quoi de plus extravagant
que ce D ialogue entre le Dénonciateur & le Ju g e ? A-t-on jam ais
propofé à un Accuiateur d’être témoin dans fa propre caufe ?
Peut-on fuppofer qu’un Ju g e condamne à mort fur la déposition
ifolée d’un Accufateur ; & la feule le&ure du paflage n’en dé
montre-t-elle pas l’abfurdité ?
Il eft trifte d’avoir à combattre de femblables chimeres : mais
il eft plus affligeant d’avoir pu les enfanter.
Comment l’homme public pourra-t-il veiller par lui-même à
tous les délits dont la Société eft inondée ; comment pourra-t-il
les pourfuivre, s’il ne fe trouve des efprits difpofés à feconder fon
miniftere par l’amour du bien, ou par la crainte d’être un jour la
viftim e des malfaiteurs ? La plus grande partie des crimes feroit
oubliée : l’efpoir de l’impunité enhardiroit encore les criminels ;
ils croiraient toujours échapper à la rigueur des pourfuites , &
déjà coupables d’un forfait, ils ne craindroient pas d’en com
mettre un fécond plus atroce que le premier.
Ce ne font pas les grands crimes qui échappent à la vigi
lance de la Partie publique ; ils fe dénoncent eux-mêmes par
leur éclat : mais les crimes o bfcu rs, les petits délits qui fe com
mettent dans l’éloignem ent, & qui ne font pas moins à redouter
pour tous les Citoyens que les forfaits éclatan s, parce qu’ils font
plus communs. Une multitude de vols fecrets font le plus fouvent ignorés. Les intéreiTés eux-mêmes craignent de les dévoiler
pour ne pas fe compromettre par la difficulté d’en rapporter la
preuve : & quelquefois, comme Charles IX s’exprime dans fon
Ordonnance de i 5 6 0 : Les Parties civiles fon t fi pauvres , f i
indigentes, & tellement intimidées par la puifjance des délinqt/ans ,
qu elles n en fo n t p la in te, & fon t
contraintes de compofer pour
petites chofes.
Si la Partie intéreffée, n’ofant fe plaindre , tranfige fur un
délit p u b lic, le Procureur du Roi reftera dans l’ina&ion & le
coupable triomphera même à l’afpeft de ce Miniftere redoutable.
�78
Pour diffiper l’obfcurité dont le Criminel s’en v elo p p e, la dénon
ciation devient in difpenfable, & le D énonciateur fouvent eft un
témoin néceffaire.
N ous difons fouven t, & m algré cet adouciflem ent, ce mot
effarouche l’indulgente philofophie des prétendus Défenfeurs de
l’humanité. M a is , nous le répétons, o u i, témoin néceffaire ; &
nous le prouverons, après avoir démontré que ii le D énoncia
teur peut être rejetté, il peut de même être admis à dépofer.
Comm ent eara&érifer un D énonciateur ? Nous l’avons déj,a
dit : il en eft de deux fortes, l’un fe cre t, l’autre public. L e D é
nonciateur fecret iigne fa dénonciation & la remet au Procureur
du R oi. L e D énonciateur public fait fa déclaration devant le
Ju g e , & cette déclaration eft dépofée au Greffe. Lorfque l’un &
l’autre font uniquement guidés par des vues de bien public ,
lorfqu’ils ne font point Parties dans la p ro cé d u re , lorfqu’ils ne
demandent rien ; par quelle raifon enlever au Miniftere public
un tém oignage capable d’opérer la conviction du coupable ?
Sans doute leur dépoiition ne fera que la copie de leur dé
nonciation. Si elle y étoit contraire , elle feroit fufpe&e ; & c’eft
parce qu’elle y eft con form e, qu’elle paroît véridique.
Si le D énonciateur n’a dénoncé que le fait en lui-même , s’il
n’a nommé aucun coupable , ii c’eft l’horreur du crim e, le defir
d’être utile à fes femblables , la jufte appréhenfion des entreprifes d’un fcélérat, qui ont difté la dénonciation , qui pourra le
reprocher ?
Sera-ce le M iniftere public ? Il ne l’auroit pas fait entendre.
Sera-ce le Ju ge ? Il n’y auroit fouvent aucune preuve fans ce
premier témoin. Sera-ce enfin la Société ? L a tranquillité pu
blique n’eft-ellc donc pas attachée à la punition des malfaiteurs ?
Q uel eft le C itoyen allez ennemi de lui-même pour oferreprocher ;'i un honnête homme la dénonciation d’un aiTaiîin ?
N ous irons encore plus lo in : il feroit à fouhaiter, qu’à cette
cfpece d’indiffcrence que la plupart des hommes même en place
�79
ont toujours eue pour dénoncer un vol dom eftique, on v it fuccéder un zele ardent pour la fureté & la confervation de leurs
femblables ; que la vertu furmontât cette répugnance funefte i
en un m o t , que chaque C itoyen fe crût refponfable des nou
veaux délits que peut commettre un fcélérat qu’il n’a point livré
à la Ju ftic e , &: qu’ilfed it àlui-même : ce malheureux n’a commis
qu’un crime ; mais je ferai coupable de tous ceux qu’il com'•mettra à l’avenir ( i ) .
Il eft des occafions où il faut s’élever au-deiTus de l’humanité
pour le bonheur mcme de l’humanité. U n D énonciateur honnête
eft toujours dans cette pofition. Il fe facrifie en quelque forte pour
la République.N ous difons, un Dénonciateur honnête, parce qu’il
faut confidérer l’é t a t , la q u alité, le rang & la fortune du D é
nonciateur , fes habitudes &: fa réputation , la conduite qu’il a
tenue & l’efpece d’intérêt qui l’anime. Il faut connoître s’il eft
ennemi de celui qu’il a c c u fe , s’ils ont eu des démêlés qui aient
laifTé entr’eux du reiTentiment ; s’aiTurer enfin du degré de con
fiance qu’on peut avoir en lu i, & fur-tout bien pefer les motifs
de crédibilité de fa dénonciation.
Si le Dénonciateur eft à l’abri de tous reproches par luimême , pourquoi refufer de l’entendre en dépofition, pourquoi
ne pas ajouter foi à fon tém oignage ? Il fait une a&ion honnête,
une aftion lo u a b le , un afte 'd’hum anité, en dénonçant un cou
pable; & parce qu’il veille à la fûreté publique , doit-on le traiter
comme un homme fu fp c ft, & le réprouver comme s’il étoit déjà
convaincu d’impofture ?
Ces réflexions nous conduifent infenfiblement à la grande
queftion de l’admiiïibilité des témoins nécejjaires : & l’Auteur
( i ) Louis X I V difoit à M. de Montauiler , qu’il venoit enfin d’abjndonner à la Juftice
A flaiïin , auquel il avoit fait grâce après fon premier crim e, &
qui avoit tué vingt
hommes. Non , Sire , répondit M . de -Montaufier ; il n en a tué qu'un, 6* vptre Majefli
en a tué dix-neuf. Noble fermeté d’une ame honnête, chargée de l’éducation d’un Dauphin
de France I
�\\o
-I
80
D e I’admifiìon des T é
moins nécefiaires.
du M émoire adopte & pofe en principe la proportion négative*
11 a défendu ce paradoxe avec chaleur ; puiifions-nous avoir
encore plus d’énergie pour défendre les intérêts de la Société.
D epuis long-tems on ne cefle de répéter que l’efprit humain i
en quelque forte ép u ifé, ne peut plus rien enfanter de nouveau»
qu’il ne refte aux penfeurs à venir que le défefpoir d’être réduits
à préfenter fous un nouvel afpeft ce qui aura été imaginé avant
eux. Il elt cependant des enthouiiaftes qui afpirent à la célébrité.
Perfuadés qu’on ne peut parvenir à la gloire que par des routes
inconnues ou abandonnées, ils fe flattent d’acquérir une réputa
tion au moins m om entanée, en attaquant les principes re ç u s,
en critiquant les formes u iitées, en cherchant à renverfer les
établiflemens les plus utiles ; & parce qu’ils ont cru découvrir
quelques lé g e re s, mais inévitables im perîeftions dans l’édifice
immenfe de la L ég iilatio n , ces nouveaux Eroilrates veulent in
cendier le Tem ple de la Juitice. C ’eft fous ce point de vue qu’il
M ém oire,
p ag e 148.
faut envifager la partie du Mémoire que nous allons analyfer.
L ’Auteur commence par développer fa façon de penfer perfonnelle. J e eroyois , d it-il, que la nécejjitè de repoujfer ou de rejetter les dépojidons des témoins intereffés, reprochables , des dénon
ciateurs enfin, étoit d’une jufiice qui ne devoit fouffrir ni conr
tradiclion, ni crainte. V oilà fon fyftême.
L ’Auteur ajoute : Je me fu is trompé. D e s Jurifconfulus , des
M agifirats , des hommes, ont inventé, il y a plufieurs fiecles , dans
une des grandes nuits de l ’efprit hum ain, une exception, une
maxime , un ufiage enfin , qui ôte à ce principe facré Une grande
partie de fon étendue, qui le dépouille de fon univerfalité.
Voici cette maxime , cette exception, cet ufage.
Les t é m o i n s n é c e s s a i r e s d o i v e n t ê t r e , & f o n t e n e f f e t a d m i s d a n s
certaines accufadons criminelles........'
Cette exception , cette maxime , cet ufage regnent aujourd'hui
dans les Ecrits des Criminalifies & dans les Tribunaux: du Royaume >
¿OU- Us envoient 3 il efi vrai 3 tous les ans des inno cens à la m ort!
Heureufemetlt
�lu
81
Heureusement que la raifon, Vintérêt de la focicté , l’intérêt de
Vhumanité , toutes les autorités fouveraines fu r l'univers & fu r les
Mémoire ;
11 *
fiecles, condamnent & proferivent cette -maxime & cet ùfag cT el eft le début de la controverfe que F Auteur entreprend
d’éclaircir. Reprenons le texte qiîe'nous venons d e ‘citer.
D es Jurifconfultes , des M agijlrats , des hommes ont invente , il
y a plufteurs fie des........
Quels font ces Jurifconfultes, ces M agiftrats, ces hommes ?
C e font les Jurifconfultes R o m ain s, les M agiftrats de la Capitale
du Monde , des hommes devenus les- Légiilateurs *de tous les
iiecles & de toutes les Nations.
Q uel eft celui qui ofe les accufer d’erreur ou d’aveuglement ?
Eft-ce un Jurifconfulte, eft-ce un M agiftràt;, un Philofophe ,
■un Homme de L ettres, un fimple Gradué ? ’Nous l’igiiorons. Mais
au moins c’eft un inconnu qui infulte des hommes dont les Loix
immortelles font encore l’admiration de FUnivers.
D e s hom m es ! Q ue c e t t e expreffion eft éloignée du rcfpeil dû
à la majefté du Peuple Romain ! Qui ont inventé. Nous ne connoiffons qu’une L o i defeendue du Ciel ; toutes les autres font
d’inftitution humaine. L ’Auteur 'veut-il s’élever au-deftus de la
fphere de l’humanité? n’eft-il pas un homme lui-même ? A quel
titre ofe-t-il s’ériger en Légiilateur ? fe croit-il donc plus éclairé ,
plus inftruit que tous les ficcles enfemble ? L a poftérité prononce
d ’avance par la bouche de fés contemporains entre lui & les
Sages de l’antiquité. Son aflerti'on fera regardée comme un blafpheme contre la Loi R om ain e, cette mere immortelle de toutes Mémoire
les L o ix qui méritent Vimmortalité.
*
Pa£e * 44Nous lui dirons que les L o ix de ces Républicains aufteres ne
font point une invention ; elles font le réfultat des méditations les
plus lon gues* le foyer des lumières les plus p u res, & le fruit de
•l’étude la plus approfondie des vertus & des défauts de l’Humamté.
L ’admijjion des témoins néceffaires ( continue FAuteur ) a été
inventée dans une, des grandes nuits de l'efprit humain.
h
�t»'
Mémoire y
page a iÿ .
J
Si
Q uoi ! les fiecles les plus brillaiis de la République Romaine
étoient des fiecles de tenébres ! L es fiecles des Conilantin , des
Théodofe , des Juilinien , etoient une nuit profonde ! T outes les
L o ix recueillies par ces Maîtres du m o n d e, font l’ouvrage de
l’erreur ; & la France attendoitune lumiere nouvelle pour épurer
les principes de fa Légiilation 1
C ’eit enfin cet ufage & cette maxime qui regnent dans les
E crits des Criminalifles & dans les Tribunaux du Royaume 3 d’oU
ils envoient des innocens à la mort.............
Cette inculpation faite à tous les Tribunaux du R o y au m e, eft
plus que téméraire. C ’éft une injure d’autant plus gratuite , qu’elle
contient au moins l’aveu que les M agiftrats fe conforment à la
L o i & à la Jurifprudence re çu e , « efpece de Légiilation refpec» ta b le , formée infeniiblement par une fuite non interrompue de
» Jugem ens toujours femblables » ( i ). Les M agiftrats peuvent-ils
donc s’écarter delà L oi fans introduire un droit nouveau ? peuventils abolir un ufage reçu & confacré fans altérer les principes ?
peuvent-ils varier dans leurs dédiions fans une Loi nouvelle ?
L e R oi feul eil Légiilateur dans le R oyaum e ; & les Cours fouveraines , ainii que les Tribunaux inférieurs , ne perdent jam ais
de vue la maxim e inaltérable du Chancelier Bacon : « Q ue les
» Ju ges de la terre fe fouviennent que leur devoir eil de pro» noncer fuivant la L o i , & non pas de la faire » (2 ).
Heureufement (dit le M ém oire) que la raijon, l’intérêt de la fociétè,
l’intérêt de Vhumanité , toutes les autorités fouveraines fu r l’univers &
fu r les fiecles, condamnent & profcrivent cette maxime & cet ufage.
Nous 'ne comprenons point ces expreffions emphatiques ¿ ’au
torités fouveraines fu r l’univers & fu r les fiecles ; à moins que
l’Auteur n’ait voulu défigner ces R éform ateurs, qui fe font déjà
plus d’une fois modeftement attribué le titre de Prophètes &
de Précepteurs du genre hum ain, & que lui-même qualifie de
Miffio/maires de la raifon étemelle.
( 1 ) Sériés non interrupta rerum perpetuò & /¡militer judicatarum.
(a) Meminiflc debent Judices efle fuj jnuneris judicaie , non jus dare.
�,8 3
M ais nous ne craignons point de contrailer ici l’engagement
de prouver, que la raifort, que l’intérêt de la fociété, que l’intérêt
de l’humanité fe réunifient pour confacrer une maxime auffi
précieufe.
Suivons l’Auteur pas à pas dans l’établifTement du fyflême
qu’il fe flatte de faire prévaloir.
Il fe demandé d’abord à lui-même : Qiiejl-ce quun témoin néccffaire ? Il rép o n d , C’efl un homme reconnu & déclaré fu fp ecl p a r
la raifon & p a r la Loi.
Arrêtons-nous à cette définition. Elle n’efl pas exa£le : l’Auteur affe&e de réunir & de confondre la fufpicion qui peut naître
de la qualité & de l’état du témoin , avec la néceffité qu’il y a
d’entendre fa dépofition.
Les témoins nécejjaires font ceiîx qui ont été témoins d’un
crime , & qui peuvent feuls en dépofer , parce qu’ils font les feuls
qui l’ont vu commettre. Q u’on puifTe enfuite les reprocher, qu’on
puiffe faire rejetter leur tém oign age, c’eit une fécondé queflion.
M ais dans l’exa&itude d’une définition, on ne peut pas dire qu’zm
témoin néceffairc efl un témoin fufpecl.
U n témoin peut être fu fp eft, ou parce qu’il a été dénonciateur,
ou parce qu’il efl attaché à la perfonne du dénonciateur. Nous
avons déjà fait voir ce qu’on doit entendre par le terme de dé
nonciateur. Nous avons fait voir qu’ils peuvent être entendus en
tém oignage. L a raifon veut qu’on les accueille. L ’ufage les appelle.
A plus forte raifon doivent-ils être admis toutes les fois que le
crime efl confiant, & qu’il efl impofTible d’en avoir la preuve
autrement que par leur tém oignage.
L ’impunité du coupable feroit un bien plus grand malheur
que le danger de recevoir une dépofition dont l’intérêt public
confacre la néceffité.
Nous avons à préfent à examiner la queflion relativement aux
Domefliques. Sont-ils rçprochables par leur qualité ? D ans quel
cas peuvent-ils être reprochés ? Quelle force doit avoir leur
dépofition ?
L 2
�Il
t-'£■
^4
C ’eil un principe inconteftable qu’un D om eilique n’eft pas
dcmefliqjes, reconnu fufpeft , parce qu’il eil D om eilique. Quelle monilrue-ufe
Témoins
philofophie ! quelle morale odieufe que celle qui déclareront h
probité incompatible avec l’état de dom eilicité! Serions-nous aiTeî
aveugles pour aiîimiler l’homme qu’on appelle communément un
D om eilique , avec les Ilotes de Sparte ou les Efclavcs du Peuple
R om ain? Il n’y auroit tout au plus de fimilitude, encore feroit-elle
imparfaite , qu’avec les Affranchis, qui reiloient au fervice de leurs
anciens M aîtres. Nous difons bien im parfaite; car le Maître fuc.cédoit en vertu de la L o i à fon Affranchi qui n’avoit pas difpofé*
& jam ais,-en F ran ce, un M aître ne s’eil cru en droit de s’appro
prier la dépouille de fon D om eilique, & de mettre la main fui
le fruit de fes épargnes ; le plus grand nombre répudieroit le legs
d ’une telle fucceifion.
. .
U n Dom eftique eil un homme libre, auffi libre que fon M aître,
&r la liberté eil le feul bien qu’il poifede ; le hafard de la naiffa n c e , ou le défaut de fortune l’oblige de louer fa perfonne 7
pour fubvenir à fes befoins ou à ceux de fa famille. L a détreife
le rend à plaindre, mais ne le rend point, infâme. N ’eil-il donc
pas allez malheureux d’être la viflim e des caprices du fo rt, fans
qu’on veuille l’a v ilir, fans qu’on cherche à le dégrader au poinî
de le réduire à la condition d’un Efclave ?
L a fervitude eil fi contraire au droit des G en s, qu’il eil difficile
de concevoir comment le droit de conquête a pu permettre d’at
tenter à la liberté naturelle de l’homme ; & fi quelque chofe doit
paroître étonnant, c’eil: que la fageffe G recque & Rom aine n’aie
point entièrement proferit l’ufage barbare de convertir la capti
vité en efclavage.
Aux yeux de la R aifo n , aux yeux de la Juilice fur-tout, tous
les hommes doivent être égaux par le droit de nature. L ’état
de domeilicité ne peut faire perdre le D roit de Cité. L a Raifon
ne regarde donc point le D om eilique comme incapable d’être'
Tém oin. Si la Raifon humaine ne reconnoît point le Dom ef-
�Il)
85
tique comme inhabile à d ép o fer, nulle L oi ne l’a déclaré fu fp e ft,
fur le fondement de cette qualité.
Nous nous attendons ici à une obje& ion; & l’on nous dit : Ladépoiition du Domeftique n’eft pas rejettéc parce qu’il eft domeftique ; la probité eft de tous les états. Un Serviteur fidele eft un
homme précieux ; l’affeftion qu’il porte, à fon M aître, l’afliduiié
de fon fe rv ic e , la régularité de fa conduite & fon défintéreffement font autant de motifs d’ajouter foi à fon tém oignage. Sans
•doute il peut dépofer dans les affaires qui n’intéreiîent en rien
le Maître auquel il eft attaché. M ais ii cc Maître eft Dénoncia
teur ou Partie dans une Procédure crim inelle, l’attachement du
Dom ëftiqüe le rend fufpeâ: ; la confiance qu’on auroit en lui
dim inue; l’envie qu’il auroit de plaire à fon M aître, la crainte
d’être co n g é d ié , l’efpoir d’une récom pen fe, le danger de la féd u ftio n , une foule de foupçons s’élevent contre lui : la Raifon
repOufle ce T ém oin ,
la Loi le défavoue.
L a Raifon & la L oi s’accordent, il eft v rai, pour croire qu’on
peut quelquefois foupçonner un Dom eftique. Quelque préven
tion néanmoins qu’on puiffe avoir contre les Gens de cette claffe,
quelque légitime qu’elle puiffe paroître , ce n’eft jamais qu’une
poiîibilité, c’eft tout au plus une fufpicion ; & , dans le d o u te,
faut-il enlever à un Dôm eftique tous les droits de C ito y e n , furtout lorfqu’il y a néceffité indifpenfable de recourir à fon témoi
g n a g e , à défaut de tout autre T ém oin ?
S o y o n s ce que la L oi pron on ce, car la Raifon eft muette
devant la Loi. Le raifonnement n’eft qu’une opération d’une
intelligence qui délibéré ; la L o i , qui eft la raifon publique, fixe
les incertitudes. Elle parle / &: tous les raifonnemens s’anéantiffent devant fon autorité.
Nous avons deux fortes de Loix à confulter : la Loi R o m ain e,
& les Ordqnnances de nos Rois. Q uoique la prééminence des
Loix du Royaum e foit inconteftable ; comme on a voulu abufer
du Droit Romain pour renforcer le fyftêm e qu’on entreprenoitr
�86
de défendre, nous nous propofons de defcendre , à notre tour,
dans le détail de la Jurifprudence R om ain e, parce qu’une partie
. de nos L oix émane de cette fource primitive.
N ous croyons devoir prévenir que cette expofïtion fera un
peu étendue; mais la démonftration que le' Public attend de notre.
M iniftçre , exige cette prolixité.
% .•
N ous ne pouvons concevoir une idée plus complette de la
nature d’une Inftru&ion crim inelle, que celle que Ciceron efl
.donne lui-même :
« T oute accufation annonce un crime. Elle doit en fpécifier
» la nature, nommer le co u p ab le , le prouver par des argum ens,
» &: le confirmer par la dépofition des T ém o in s» ( i ) . C e co
rollaire eft l’abrégé de tout ce- que les L o ix ont prefcrit.
Les Légiflateurs Rom ains fe font principalement attachés dans
Ja preuve des délits, foit publics, foit p rivés, à indiquer le choix
des T ém oin s, & à calculer le degré de confiance dû à leur v é
racité.
« L a preuve par T é m o in s, dit la L o i, eft d’un ufage fréquent
& néceflaire » (2 ).
« M ais on ne peut entendre en Ju ftic e , que ceux à qui il eft
» permis de dépofer, & qu’aucune L o i n’a difpenfés de rendre
» té m o ig n a g e » ( 3 ) .
Il faut donc diftinguer ceux qui font admis , ceux qui ont
uile excufe légale pour fe difpeiifer de com paroître, & ceux dont
Je tém oignage eft rejetté.
A R o m e, l’audition des Tém oins fe faifoit en public. L ’A ccu*
fateur & l’Accufé pouvoient en produire ; ils étoient également
en ten d us, & devoient être préfens au Jugem ent. M ais avant de
( 1 ) Accufatio crimen deíiderat, rem ut definiat, hominem u tn o te t, argumento
p ro b e t»
teftu confirmet. Cíe. pro M. C alió, n°. 5.
(2 ) 1 eftimoniorum ufus frequens ac necefiarius eft. /-. / , j¡- Lib. 22 , T i t . v , J e
(3) Adhiberi teñes poflunt hi quibus non interdicitur teftiinonium , nec ul!a leg3 a
dicendo teftimonio excufantur. Ibid,
�87
les adm ettre, le Ju ge s’aiïuroit par lui-même du degre de con
fiance qu’il pouvoit avoir dans leurs déportions. •
Juftinien a placé dans le D igefte une décifion qui renferme tous
les principes de la m atiere , & les développe par la réunion de 3.
tout ce que les HLoix Rom aines avoient prononcé fur cet objet.
Cette ConiKtution eft divifée en cinq Paragraphes.
V oici le commencement de la L oi : « L e Ju g e examinera
» avec foin la foi qui eft due aux Tém oins qui- lui feront pré» fentés (1 ) j & il Fera une grande attention dans leur perfonne
» à la condition de chacun d’eux ( 2 ) . Il faura s’il eft D écurion
» ou Plébéien ( 3 ) . S’il, a mené une conduite irréprochable, ou
» s’il eft noté en *Jugem en t, & repréheniible (4 ). S ’il eft riche
» ou dans l’in d igen ce, & facile à corrompre (5 ). S’il eft ennemi
» de celui contre lequel il vient dépofer, ou ami de celui pour
» lequel il eft entendu » ( 6 ) .
Si le Tém oin ne peut efluyer aucun de ces reproches, il faut
l’admettre : admittendus efl (7 ).
L a fuite de cette Loi eft com pofée de plufieurs Refcrits §’ l°'
d’Adrien lui-m êm e. D ans le premier Paragraphe , l’Empereur
mande à V ivius Varus , Préteur de la Province de C ilicie ,
comment il doit fe conduire dans l’examen des Tém oins.
D ans le fécond, il explique à Valerius V e ru s, qu’il ne peut §•
lui donner des réglés invariables pour déterminer le degré de
confiance qu’on p e u t‘avoir dans les dépofitions.
(1 ) Teftium fides diligenter esaminanda eft.
(2) Idcoque in perfona eorum exploranda erunt conditio cujufque.
(3') Utrumquis D ecurio an Plebeius.
(4 )
An honeftx & incuipatae vitae , an
f it
notatus & reprehcnfibilis.
(5) A n locuples, vel egens ut lucri caufà quid admittat.
(6 ) An inimicus ei fit contra quem teilimonium fert, vel amicus ci fit p-ro quo teftim onium dat.
»
(7) Nam fi careat fufpicione teilim onium , vel propter perfonani à qua fertur, quod
hon eftafit: Vel propter caufamquod neque lucri , ncque grati®, neque inimichi» causi
fit, admittendus eft.
�88
D ans le troifiem e, qui eft un Refcrit adreffé à Junius Rufinus,'
Proconiul de M acédoine ; il rejette l’ufage de recevoir des dé
portion s toutes écrites , par cette déciiion célébré : « Je crois aux
» T ém o in s, & non à leur tém oignage : car je ne reçois pas ces
» fortes de dépofitions ; j ’interroge moi-même les^Témoins » ( r ) .
D ans le quatrième P arag rap h e , Adrien confirme le Refcrit
contenu dans le Paragraphe précédent -, & il en donne le m otif à
Gabinius M aximus : « L ’autoriré d’un Tém oin qui eft préfent
» eil plus forte que celle d’un tém oignage clont on fait la lec?> ture » (2 ).
C es quatre premiers Paragraphes femblent n’avoir trait qu’aux
Affaires C iv ile s, où la dépoiition des Tém oins étoit indifpenfable. M ais il cft effentiel' de ne pas confondre la preuve en M a
tière C iv ile , & la preuve en M atiere Criminelle. L ’une & l’autre
ont des R églés particulières ; & la preuve Criminelle eft beaucoup
plus étendue que la preuve Civile.
L a derniere partie de la Loi concerne les accufations pu
bliques. Q ue porte la’ L o i ?
'
. Elle rappelle l’ancienne L o i Ju lia: D e V i publicâ & privâtâ 3
& prononce.
« L a L oi Julia fur la violence publique ou p rivée, décide
» qu’on ne peut écouter en dépoiition contre un Accufé ( 3 ) , in
>* Reu/n
(C e s mots de la L o i , ainfi que. fon objet qui eft la preuve
du crim e, la placent néceflairement dans la claffê des L o ix
Criminelles. Q uoique R e u s, en latin , fignifie en général celui
contre lequel on forme une a6tion , ici R e u s, fuivant tous les
C om m entateurs, fignifie Accufatus , un Accufé , contre lequel
on a formé une aétion criminelle. )
. C1) Teftibus fe non te il:moniis crediturum ; ctuibus apud me locus non eft, nam ipfos
interrogare folco.
(2) Alia eft autoritas prefentium teiliu m , alia teftimoniorum q u a recitari folent.
(3) Legò Julià de v i cavetur ne hùc le g i in reum teilimonium dicere licerer.
�89
*. « Celui qui aura racheté fa liberté de l’Accufé ou de fon
» Pere » ('i ).
ï
2 °. » L es Impuberes » ( 2 ) .
3°» « Celui qui aura été condamné par un Jugem ent public ,
» ou qui ne feroit pas reftitué entièrement dans fon é ta t» ( 3 ) .
« O u qui feroit encore dans les prifons » ( 4 ) .
4 0. « Celui qui fe fera loué pour combattre contre les bêtes » ( 5).
50. « Celle qui a fait, ou qui fait encore publiquem ent un
» trafic de fa perfonne » (6 ).
6 ° . « Enfin ceux qui ont été jugés & condamnés comme
» ayant reçu de l’argent pour tém oigner ou ne pas témoi
g n e r ,» (7 ).
« C a r , continue la L o i, les uns à caufe du refpeft qu’ils
» doivent à la perfonne de leur Patron » ( 8 ) , (le s A ffranchis).
« Les autres à caufe de la foibleife de leur jugem ent » ( 9 ) ,
( s Impubères ).
« Les autres , parce qu’ils font notés » ( 1 o ) , ( les Condamnés
p a r J u g em e n t , & les Prisonniers ).
« Les derniers enfin ( les Projlituées & les G ladiateurs) à caufe
» de leur infam ie, ne peuvent faire foi en Ju ftic e » ( 1 1 ) .
C e T a b le a u , qui termine la L o i, renferme le dénombrement
de tou& ceux qui ne pouvoient pas être admis à porter témoi(1 ) Q u i fe ab eo parenteve ejui liberaverit.
( 2) Q u iv e impuberes erunt.
(3) Q uique judicio publico damnatus erit, qui eorum in integrum reftitutus non erit.
(4) Q u iv e in vin cu lis, euftodiâque publicâ erit.
( 0 Q uive :l^ keftias ut depugnaret fe locaverit.
(6 ) Q uæ ve palàm quæilum faciat, feceritve.
(7) Q uive °b teftimonium dicendum aut non dicendum pecuniam accepiffe judicatus
vei convi&us erit.
(8) Nam quidam propter reverentiam perfonarum.
'
(? ) Q uidam propter lubricum confilii fui.
(10 ) A lü ve.b propter notam.
( > ') Alii propter infamiam vitæ fu æ , admittendi non funt ad teftimonii fidem. Leg. y ,
Tejl,
M
�9°
gn age contre un Accufé : & il eft facile de reconnoître qu’il
fhlloit jouir des droits de C itoyen pour pouvoir être T ém o in }
e x c e p t é néanmoins dans un cas où les perfonnes Infâmes étoient
Tém oins contre un autre Infâme : Infam is contra Infamem.
Jufqu’à préfent il n’a point été queftion de ce que nous ap
pelions un Témoin D om ejlique, & la L o i n’en connoiiToit pas.
L a raifon en eft bien (impie. L es Rom ains étoient fervis par des
Efclaves. L e D roit Rom ain ne permettoit d’appeller que des
Tém oins libres ( i ) .
N ous trouvons cependant dans le D ig e fte , une L o i dont on
pourroit peut-être vouloir faire ufage. Elle eft ainii conçue :
«Il eft défendu d’entendre les Tém oins produits par l’A ccufateur,
» & qui font de fa maifon (2 ).
Il en eft une fécondé, inférée au C o d e , qui s’exprime à-peuprès de même : « M êm e par le D roit C ivil le tém oignage domef» tique eft réprouvé (3 ) » .
A l’égard de la prem iere, veut-on adapter aux perfonnes con
nues dans nos moeurs fous la dénomination de D om ejliques,
•l’expreifton de domo , em ployée dans la L o i du D igefte ? C e ne
peut être que par un abus manifefte de l’analogie des mots de la
-langue Latine. L ’expreiïïon de domo doit s’interpréter par celle-c i, de gente , de fa m iliâ , au fens propre ; & dans le fens fig u ré ,
ide libéras & manumijjts , qui demeuroient attachés à leurs anciens
M aîtres. L a L oi p a r le , en un m o t, de tous les gens libres qui
demeurent dans la maifon de l’A ccu fateu r, domi commorantibus ;
car il faut faire attention que la L o i les appelle tejles, & il n’y
avoit que les hommes libres qui pouvoient donner un témoi- ’
gn age libre.
(1 ) Liberi teftes ad caufas poßulantur. Leg. 11, Cod. de Prohat.
(2 ) T eiles eos quos accufator produxerit de domo fu ä, interrogari non placuit. Leg, 24 »
. / • de Teflib.
(3 ) Eti<un jure civili, domeftici tsilimonü fide lim probatur. Leg. y , Cod. de Probat;
�12\
91
C ette L o i du D igefte , de dom o, peut encore s’interpréter par
îa L o i 3 au C ode que nous avons déjà rapporté. Il ne faut pas
perdre de vue qu’il s’agit d’une accufation intentée par un
C itoyen contre un autre C ito y e n , où l’un &. l’autre avoient un
droit égal» de produire des Tém oins.
Si l’on demande ce q u e.la L o i entendoit par domejlicum teflimonium, tous les Comm entateurs répondent que c’eft le tém oi
gn age de la parenté, de la famille ou des perfonnes attachées à
la famille ; comme les a llié s, les affranchis, les enfans des affran
chis , m anum ijji, lib erd , libertitii. Il eft donc évident que ce
tém oignage dom eiliqu e, réprouvé par la L o i , n’eft point celui
d ’un Domejlique pris dans la fîgnification où ce mot eil entendu
parm i nous.
Faut-il en rapporter une preuve encore plus évidente ? Nous
la tirerons de la condition même des E fclaves qui tenoient lieu
de dom eftiques aux Rom ains.
Com m ent étoient-ils envifagés chez ce P eu ple, où la liberté
étoit le premier des biens ? C es Efclaves , entièrement dépendans de la volonté de leur M aître , obligés de leur obéir
en t o u t , étoiént en quelque façon des êtres purement paiîifs. U n
M aître avoit fur fon E fclave le droit de vie & de m ort, comme
un pere fur fes enfans, dans les premiers tems de la R épublique.
E t ii par la fuite ce d r o it, toujours tempéré par la îendrefle
paternelle, ( car on ne cite pas un feul trait dans l’H iiloire où
un enfant ait été injuftement mis à mort par fon p e re , ii ce n’eft
l’exem ple de V irgin iu s, qui eft juftifié par le m otif de fauver fa
fille de l’infamie ) fi la puiifance paternelle a été m od érée, le
droit d’un Maître fur fon E fclave a été pareillement adouci ;
m ais il lui a été libre de le faire flageller & de 'le mettre à la
torture ( 1) , pourvu que l’E fclave ne fût pas en danger de la vie.
C e pouvoir arbitraire tiroit fon origine de l’idée qu’on avoit de
( 1 ) Subjîcere verberibus.
-
�l’efclavage. N ous voyons dans le D igefte qu’on compare la Îervi*
tude à la mort ( i ) , & A c cu rfe , en interprétant cette réglé géné
r a le , dit expreffément : Servus pro mortuo habetur. « Un Efclave
» eft comme un homme m ort, » & il en donne la raifon : « car
» il ne peut te/ter, ni être Ju g e , ni être A rbitre» (2 ) :
O n prétendra que cette interprétation n’eft que l’avis d’un
C om m entateur, & qu’il s’agit du fens de la réglé préfentée
comme une réglé générale. Si l’on écarte l’opinion d’A ccu rfe,
c’eit Ulpien lui-même qui v a interpréter la L o i , U lpien qui en
eft l’ Auteur.
Il s’explique en ces term es, dans la regÎe 3 i au même T itre
de regulis Ju ris : « dans le D roit C ivil un Efclave exifte comme
» s’il n’exiftoit pas : pro nullo habetur. Il n’en eft pas de même
» dans le D roit naturel, parce q u e , par le D roit de nature, tous
» les hommes font égaux (3 ) » .
Les Efclaves étoient tellement fous la dépendance de leurs
M aîtres, qu’ils auroient pu les forcer à dépofer d’après leur
volon té; & s’ils avoient refufé de le faire , ou qu’ils euflent
depofé autrement qu’il ne leur avoit été p referit , la flagellation
ou la torture étoient la peine de leur refus ou d e ‘leur défobéif*
fance. L a Loi a prévu cet inconvénient, & elle a déclaré que
» ceux-là n’étoient point capables de faire preuve , à qui l’on
» peut commander d’être Témoins ( 4 ). »
.Remarquons que la L o i emploie encore le mot tefles, & l’on
ne peut pas douter qu’en parlant des Ténloins idonei, elle ne
parle de perfonnes libres par la naiffance ou par le d r o it,
mais obligées d’obéir ou de refpe&er une autorité lé g a le ,
( 1 ) Servitutem tnortalitati comparamus. ff. de Reg. Jur. R . 21g.
(1 ) N am teilamentum facere non p o te ft, nec effe teftis, nec J u d ex , nec ârbiter.
ad hanc Leg.
Aeci
( î ) Q uod attinet ad jus c iv ile, fervi pro nullis habentur. N on tamen & jure n atu rali,
quia quod ad jus naturale pertinet omnes homines æquales funt. ff. de Reg. Jur• R , 32,
(4)
Idonei non videntur effe teftes quibus imperari p o te ft, ut teftes fiant, L . J f i*
Tit. 17. de Te(l,
�93
comme les femmes en puiffance de m ari, les enfans de famille
qui font fous la puiflance paternelle, les affranchis qui font fous
la puiflance révérencielle de leur Patron. O n diftinguoit ces
trois fortes de puiffances : qui bus imperari potejî ratione pauios
potejlatis , vel Dominicæ , vel obediemice ( i ).
L es Commentateurs en ajoutent une quatrièm e, celle du Sei
gneur : numquid V ajfailu s? « L e V affal, difent-ils, ne peut dépofer
» contre fon Suzerain^ parce que le ferment de fidélité eft une
» efpece de fervitude ( x ) » . O pinion tout-à-fait abfurde, p u ifq u e,
dans un F ie f , il feroit fouvent difficile de trouver d’autres T é
moins que les Vaffaux.
Il efl donc confiant qu’en général les Efclaves n’étoient point
adm is à dép ofer, foit en faveur de leurs M a ître s, foit contre
leurs perfonnes. Cependant il efl égalem ent prouvé que dans
les cas particuliers, fur-tout dans lesaccufations de crime p u b lic ,
les E fclaves étoient entendus ; mais ce n’étoit jam ais par forme
de dépofîtion , c’étoit par forme d’aveu ; on com mençoit par les
mettre à la torture, on la faifoit même réitérer pour tirer la
vérité de leur b o u ch e, cum tormentis. Cette efpece de queftion,
préalable à leur dépofîtion, avoit été im aginée pour les fouftraire
à la vengeance de leurs M aîtres, qui les auroient punis pour
avoir d ép o fé, s’ils n’y avoient été contraints par la violence ;
enforte que c’étoit par force qu’on leur faifoit dire la vérité ; Si
le M agiftrat devoit ajouter foi à cette confefîion arrachée au
jnilieu des fouffrances. Il efl vrai qu’on n’avoit recours à cet expé
dient que dans le cas d’une nécefîité abfolue. L*i L oi 7 au D igefte
en eft la preuve. « Il faut croire à la réponfe d’un Efclave ( car
cet aveu fe faifoit dans un interrogatoire ) « lorfqu’il n’y a pas
» d’autre m oyen de découvrir la vérité ( 3 ) » .
_______
•
( 1 ) Glojf. dd L. 6 ff * de tcjl%
^
( 1 ) Q uia juramentum fidelitatis eft fpecies fervitutis. Ibïd.
( 3)
Servi refponfo tune credendum e ft, cùm alia probotio ad «ruendam veritat<an
non eft. L , 7 , ff, ¿ e 7 ^ ,
�94
C ette L o i ne paroît elle pas fuflifante ? N ous pouvons en rap
porter une fécondé.
N ous avons diftingué, en com m ençant, les Tém oins dont le
tém oignage étoit admis & les Tém oins qui a voient une excufe
légale pour ne pas dépofer. L a L o i 8 au D igefte fait rénum éra
tion de ces derniers.
« O n ne peut contraindre à dépofer, les vieillards, les valétu» dinaires, les fo ld ats, ceux qui revêtus de M agiftrature font
« abfens pour le fervice de la République j enfin, ceux à qui
» il n’eft pa:s permis de venir dépofer ( i ) » .
L e judicieux Comm entateur A c c u rfe , le favant Scholiafte
P o n tiu s, M . C u ja s , l’Annotateur G odefroy & autres Jurifconfultes célébrés, nous ont donné l’explication de cette L o i , furtout à l’égard de ceux q u i b n s v c n i r e n o n l i c e t ; & voici leur fentiment unanime. O n ne peut forcer les vieillards de 7 0 ans à
caufe de leur grand âge , les valétudinaires par raifon de fa n té ,
les foldats parce qu’ils font retenus fous leurs' enfeignes, les M agiftrats délégués dans les P ro vin ces, parce qu’ils fervent la R é
publique. Refte donc ceux « à qui il n’eft pas permis devenir ( 1 ) . »
E t quelles font ces perfonnes ? C e font « ceux qui ont été
» chaiTés de la M ilice avec ignom inie ( 3 ) , ceux qui ne peuvent
» p a s reparoître fans honte ( 4 ) ; les Efclaves enfin, qui ne peu» vent pas dépofer contre leur M a ître , parce qu’ils lui appar•» tiénnent ( 5 ) » .
Après avoir ainfi interprêté d’après la L o i , les expreifions mêmes
dont les Légiilateurs fe font ferv is, Accurfe & les autres fe de
m andent : «m ais fi la vérité ne peut être connue que par la con-
(1 )
Inviti teilimonium dare non coguntur. S e n e s, valetudinarii vel m ilites, vel qui
cum Magiftratu R eip u b lics causa abfu n t, ve l quibus venire non lii(?t, L , 8 >jT. de Tcft*
(a)
Quibus venire n on licet.
t, ( 3 ) Q ui iunt de militià mifli cum ignominia.
'
(4 ) Q ui fine dedecore apparere non poiTunt.
(5 ) Seryi : quia domini iunt. GloJJo. ad hanc leg,
..
'
/
"
�\aj
95
» feiîlon des perfonnes couvertes d’ignominie, où réduites à l’ef» clavage ( i ) , quibus venire non licet ? » Ils répondent : « il faut les
» entendre ( 2 ) . O n admet dans le befoin des tém oignages qui
» autrement feroient rejettés ( 3 ) . L ’Efclave qui n’a point de pri» vilege pour s’e x cu fer, n’eft point reçu comme T ém o in , parce
» qu’il eft mort civilem ent ( 4 ) » . On né doit pas même l’inter» roger, parce qu’il appartient à fon M aître ( 5 ) » . V oilà la re g ie,
voici l’exception : « Si ce n’eft à défaut d’autre preuve ( 6 ) ; & il
» eft admis pour ne pas reftreindre la preuve-des délits ( 7 ) » .
O n pourra nous dire , m algré la L o i , Servi refporifo credendum e j l , que l’opinion des Jurifccnfultes n’eft pas une L o i écrite,
& que , fans fon autorité, il eft impoffible de croire que le tém oi
gn age des Efclaves fût écouté.
O n demande une L o i poiitive ; la voici : elle eft de M a r c A urele.
« O n ne mettra point à la queftion les Efclaves , pour les
» faire parler contre leurs M aîtres, excepté clans les cas d’adul» tere, dans les accufations. concernant les deniers pub lics, & dans ,
» le crime de lèfe-Majefté qui intéreffe le falut du Prince (8 ) » .
« D ans tout autre crim e, quoique le Ju g e ne doive pas ap» puyer fon Jugem ent fur ce que l’Efclave aura déclaré contre
» fon M aître ; cependant s’il y a d’autres indices , le m otif de
» profcription d’un tel aveu doit s’évanouir ( 9 ) » .
( 1 ) Sed fx veritas aliter fciri non poterit.
(2 ) Omnes iftos efl'e com pellendos.
(3 ) T eftes in fubfidium & defeflum aliorum admittuntur multr , quia aliàs non a d mitterentur.
( 4 ) Servus quia non habet privilegium , quia pro mortuo habetu r, non admrttitur.
,
(5) Q uia domini eft non interrogatur in eum .
(6 ) Nifi in defe&um probationum.
(7 ) Et ideò admittitur ne anguftetur facilitas probandi, lbld.
(8) Q uxftionem de fervis contra D om inos haberi non o p ortet, exceptis adulterii cr’tn i-
n’>bus, ¡tem fraudati cenfûs accufationibus, & crimine M ajeftatis, quod ad falutem Principia
attinet. L . 1. Cod. de Quœfi'
(9 ) In ca:teris au tem , quanquam ea quæ fervus comrà Dom inum dixit judicaturi fen tentiam formare non d ebeant, tamen ii aliis. quoque probationrbus fides veritatis inveiKg e tu r , præfcriptionis invidia çyanefcit. Ibid,
,
�9
6
L a même L o i finit en ces termes. « M ais dans les caufes où
» il ne s’agit que d’in térêt, il eft manifefte que la difette de
» preuves autorife à interroger :un Efclave contre Ton Maître ( i ). »
C ette L o i contient trois parties. En premier lieu , elle réprouve
en général l’ufage de contraindre un Eiclave à dépofer contre
l'on M a ître , en lui donnant la q u eftio n , qui étoit toujours em
ployée dans ce cas. M ais elle excepte auffitôt les cas où les
Efclaves deviennent témoins néceflaires ; comme celui de l’adultere , la fraude commife dans les fonds p u b lics, & le crime
de lèfe-M ajefté. En fécond lieu , la L oi permet l’ufage de la
queftion dans toute autre c a u fe , lorfqu’elle dit que la déclaration
de PEfclave ne pourra déterminer le Ju ge m en t; par conféquent
elle l’admet à concourir avec les autres preuves : car tous les
•Auteurs conviennent que les Efclaves ne pouvoient être appli
qués à la to rtu re, que lorfqu’il y avoit un commencement de
p r e u v e , cum indiciis.
Enfin dans les caufes même p écu n iaires, dans la difette de
p r e u v e , ex inopiâ probationum , on peut interroger un Efclave
contre fon M aître.
L ’ufage de livrer un homme à la to rtu re, pourra fans doute
nous paroître barbare : mais il faut fe reporter, aux mœijrs du
temps. T o u t ce qui n’étoit p as Rom ain étoit méprifable : & la
multitude d’Efclaves dont les Particuliers étoient propriétaires ,
ne leur paroifloit qu’un vil tro u p eau , fait pour obéir au moindre
fig n e , & deitiné à fe foumettre aveuglém ent à leur volonté. Les
C itoyens Rom ains eux-m êm es étoient dégradés lorfqu’ils tomboient entre les mains des ennem is, en combattant pourlaRépubli-*
que: ils n’étoient plus dignes du titre glorieux de C itoyens Rom ains.
L a captivité les rendoit incapables de jouir des droits de Cité,
Il y avoit une forte d’infamie attachée à la perfonne du prifonnier
( i ) In pecuniariis verb caufis, ex inopià probationum fervos contrà Dom inum interrogari poiTe manifcftum eft. Ibidem.
de
�tzt
9 7
de guerre ; mais pour conferver le privilege du Citoyen , les
Rom ains avoient imaginé ce qu’ils appelloient le droit de retour,
ju s poJîUminii. En vertu de cette fiéH on, le C itoyen captif de
venu lib re , en rentrant fur le territoire de la R ép u b liq u e, rentroit dans tous Tes droits : fa liberté avoit dormi pendant fon
efclavage ; elle avoit feuffert une éclipfe ; il la retrouvoit toute
entiere en fortant de captivité. Il- faut cependant convenir que
le traitement dur & rigoureux qu’éprouvoient à Rom e les En
claves à qui la Juftice vouloit arracher un a v e u , a été modéré fous
les' Em pereurs. Ils ont cru devoir déterminer la maniéré dont ih»
feroient mis à la queftion. L ’humanité di£ta la Loi. Elle eft tirée
du livre d'Ulpien de Adultéras ; ce qui prouve de plus que
dans ce genre de crime , commis dans l’intérieur d’une m aifo n ,
les Efclaves étoient Témoins nécejfaires.
« L ’E fc la v e , dit la L o i , doit être mis à la torture de maniéré
» qu’il foit fain & fau f après que l’Accufé aura été jugé innocent
» ou coupable ( i ) » . O n n’a pas fupprimé la qu eftion, mais on
l’a adoucie.
L es L o ix Rom aines ont donc reconnu qu’il y avoit des
Témoins nécejfaires. Contefter cette vérité , c’eft s’aveugler v o
lontairement. Elle eft de fait : elle eft l’ouvrage des Légiilateurs
les plus fages & les plus amis de l’humanité.
C e n’eft point aflez d’avoir prouvé par les L o ix Rom aines
l’admiffion des témoins néceffaires : c’eft dans notre Légillation
qu’il faut encore trouver la preuve de cette maxime tutelaire
qu’on s’efforce en vain de proferire , comme im pitoyable &
barbare.
C ’eit un ufage commun à toutes les Nations de faire prêter
ferment aux témoins. Il femble que l’on ait voulu joindre le
frein de la Religion & la crainte du p arju re, à l’obligation na
turelle de ne jam ais déguifer la vérité. En tout te m p s, en toutes
(i)
Ita quæftîonem habere oportet u t fervus falvus f it , v e l in n o c e n tiâ , v e l fuppliclo.
L'S- 7 >ff - de Quxfl.
N
�lîtfc
98
rencontres, il eft du devoir d’un homme honnête de dire vrai
m ême contre fes propres intérêts. L e menfonge & l’impofture
font' les premiers de tous les vices. En A n g leterre, on ne fe
contente pas de faire jurer aux témoins qu’ils diront la vérké ,
ils jurent en outre qu’ils diront toute la vérité, & qu’ils ne diront
que la vérité. Cette formule a été adoptée pour anéantir tous les
fubterfuges que l’artifice pourroit fuggérer dans l’efpoir de tromper
la Juftice fous l’apparence de la bonne foi.
N os L o ix fe font contentées d’un ferment beaucoup plus
{im p ie, mais qui renferme dans fa généralité le ferment le plus
étendu. L e Ju g e fait jurer & promettre au témoin de dire la
vérité. Pour un honnête hom m e, tout eft compris dans ce peu
de mots. D épofer faux , ou ne dire qu’une partie de ce qu’on
f a i t , c’cft la même chofe : & l’on eft parjure en diminuant les
circonftances du crim e, comme en les aggravan t. C ’eft altérer
la vérité que d’y apporter le plus léger changement..
; A cette néceiîité , non-feulem ent religieufe , mais m êm e pure
ment hum aine, de dire la v é rité , nos Ordonnances ont ajouté une
obligation non moins effen tielle,'& deiirée par le vœ u unanime
de la Nation.. Elle eft prefcrite par FOrdonnance rendue fur les
plaintes faites par les D éputés des Etats affemblés à Blois en
1 579*
Henri I I I , dans cette L o i , qui eft reconnue
grandes O rdonnances du R o y au m e , enjoin t,
pour une
des
Ordonnance
«• A tous Ju ges, Commiffaires & autres---------- d’ examiner lés témoin^
deBlois,i579, » qUi feront ouis es informations , fur la pleinc vérité du fa it, tant de ce qui
art. 203,
^ concerne la charge que la décharge des accufés, enfemble d’enq\iérir def» dits témoins s’ils font parens ou alliés des Parties, & en quel degré , ou.
>> domefliques & ferviteurs d’icelles, & à en faire mention au comme nce » ment de leurs dépofitions, fur peine de n u llité,
ôc des dommages.
ia-
» terêts des Parties
Cette L o i générale du Royaum e a reçu fon exécution depuisle moment, ou elle a été publiée juiqu’au règne de Louis-le-Crand*.
�9 9
C e M onarque , auiïi attentif à régler l’intérieur de Tes Etats qu’à
défendre fes frontières , crut devoir , pour le bonheur de les
S u je ts, réformer les anciennes Ordonnances. Aux époques de
1 6 6 7 & de 1 6 7 0 , parurent les O rdonnances-C ivile & Crimi
nelle. Elles ont. été ré d ig é e s, difeutées,, approfondies avec la
plus grande folemnité par les M agiilrats les plus intégrés &: les
plus éclairés. Elles ont été publiées: &: l’O rdonnance de 1 6 7 0
Ordonnance
qui fert aujourd’hui de réglé dans les procédures crim inelles, .vid«sinfornu
renouvelle la difpofition contenue dans l’Ordonnance de B lo is , aittcnijours à p e i n e d e n u l l i t é .
C ette injonftion faite aux Ju ges de demander aux témoins s’ils
fon t Dom ejliquas ou Serviteurs des Parties , &. d ’en faire mention y
■
. \
peine de n ullité, prouve évidemment deux,choies,^,l ’un e, que,,
les D om eiliques peuvent être entendus ¡en dppofition(: ( autre-^
rnent il étoit inutile de les admettre à dépofer^-il eut.été plus,,.
{Impie de les rejetter fur leur déclaration ) l’autre, q u ’en adm et
tant leur té m o ig n a g e , mais en les o b ligean t. de: déclarer leur
qu alité, la L p i a voulu mettre l’Accufé à portée de connoître-.
à
plus facilement les reproches qu’il pouvo.it faire contre la perfonne du témoin.
Il
eut été bien plus extraordinaire, que pour la preuve d’un
crime commis pendant la nuit dans une maifon ifo lé e , d’un
crime dont on ne peut apprendre les circonftances que par le
tém oignage de ceux qui habitent cette maifon , la L oi eût rejette
la dépoiition des témoins dom eiliques , des témoins ocu laires,
par conféquen: des témoins n écefiaires, puifqu’il n ’y a qu’eux
feuls qui peuvent rendre com pte du fait & de la maniéré d o n t.
il a été mis à exécution.
.
L a même L o i déclare indéfinim ent, que l e s e n f a n s d e l ’ u n &
de
Vautre
fe x e
, rr
,
a u - d e jjo u s d e l ’ â g e
1
de p u b e rté ,
*
peuvent etre
d é p o fe r .
N 2 ■
l ^7° f Tit.
r e ç u s V id esin fo rm .
C om m ent, dira-t-on, afîeoir une condam nation fur le
tém oignage d’un im pu b ère, qui ne peut avoir ni affez de ju ge
m ent pour bien confidérer ce qu’il v o it , pour bien comprendre
à
Ordonnance
att,a*
�ce qu’il e n t e n d , ni aiTez de raifon pour en dépofer avec certitude,
ni affez d’intelligence pour fentir la force de ce qu’il dépofe?
C ependant la L oi déclare que les impuberes pourront être admis
à dépofer. M ais elle ajoute auffi-tôt une reftri&ion fage & néceffaire : S a u f en jugeant d'avoir p a r les Ju ges tel égard que de
raifon à la néceffité & folidité de leur 'témoignage.
Q uel a été le m otif du Légiilateur ? L ’intérêt public : il im
porte à la Société que le crime ne foit pas impuni. L a L o i, en
Qrdonnant la punition du co u p ab le, cherche moins à retrancher
de la Société le criminel convaincu , qu’à effrayer, par l’exem ple,
ceux qui voudroient l’imiter. « Par - t o u t , dit Accurfe fur la
i> L o i Ju lia , p a r -to u t le fupplice d’un feul eft 'la terreur des
» autres ( i ) » . Un crime commis attcfte qu’il y a un criminel. L a
L o i met tout en ufage pour le découvrir. N i les ombres de la
n u it , ni l’épaiffeur des fo rêts, ni la fuite la plus p ro m p te , ni le
traveftiffement le plus s û r , rien ne peut le dérober aux pourfuites de la Juftice. L e trouble décele le coupable ; un indice le
fait reconnoître ; fa fuite même le trahit. T o u s les Citoyens veillent
pour la L o i : l’enfance même vient au fecours de la Société , au
défaut de toute autre preuve ; fon ingénuité écarte toute dé
fiance. E n fin , « quand la vérité ne peut être manifeftée que par
» le tém oignage de l’enfance ( 2 ) , la Loi admet le tém oignage
» d’un impubere ; non pas comme dit Sén eq u e, parce qu’il n’y
» a point de témoin plus véridique qu’un enfant (3 ) » (c e tte
Sentence du Philofophe R o m a in , declamatorem magis quam ju r isperitum decet ) , « mais uniquement pour avoir la preuve du
» délit (4 ). »
Nous avons obfervé que l’O rdonnance, en permettant de
recevoir la dépofition d’un impubere , ajoute :
( 1 ) Ubique pœna unius eft metus tr.ultorum. Acc.
( 2) Quando veritas aliter feiri non poteil.
(3 ) Nihil puero tefte certius. Sente. Controv. 3 , n*. so.
(4 )
P ro b ation u m d e f e â u im pu n ita re m a n e an t.
�/a i
101
« Sauf avix Juges à avo ir tel égard que de raifon à la néceiïité &
la foli-
» dite du témoignage ».
: Cette reftri&ion annonce tous les motifs de la Loi. Le Juge
examine s’il y a néceiïité. Le Juge pefe également la folidité de
la dépofition , c’eft-à-dire , fi Pimpubere paroît connoître la force
du témoignage qu’il ren d , s’il parle d’après lui-même, fi fa rai
fon eft affez développée pour pouvoir combiner fes idées & dé
tailler les circonftances du fiait dont il rend compte à la Juftice.
Nous obferverons encore que l’Ordonnance , qui laiife à la prutlencedu Juge la facufté d’avoir tel égard que-de raifon à la dépofition
de l’im pubere, ne prononce pas la même reftri&ion à l’égard du
dômeftique qui dépofe. Elle*oblige feulement à conftater fa qua
lité par fa propre déclaration , à peine de nullité y d’ou l’on peut
conclure que la dépofition n’eft pas nulle, lorfqu’il a déclaré qu’il
'
ejl domeflïque ou ferviteur de l’une des Parties. Si la dépofition n’eft
pas n u lle, pourquoi la rejetter ? Si l’on ne doit pas la rejetter,
la réception de fon t é m o i g n a g e n’annonce-t-elle pas que la foi
eft due à ce qu’il a dépofé ?
Mais nous ne craindrons pas de l’avouer : l’obligation impofée
au témoin , de déclarer s’il eft ferviteur ou domefiique des P a rtie s ,
met néceflairement le Juge en garde contre le témoignage qu’il
a fous les yeux ; & nous pouvons affurer qu’il n’eft pas un Juge
qui, de eette feule précaution exigée par la L o i, ne tire la conféquence, q u e, même dans le cas de néceiïité, les domeftiques ne
peuvent être tém oins, que f a u f à avoir tel égard que de raifon à la
véracité de leur témoignage.
L ’Auteur du Mémoire fe récrie en ce moment contre l’excès
même de la délicateiïe du Magiftrat. Cette précaution , d i t - i l , Mémoire
d*avoir tel ègctrd que de raifon à la dépofition d’un témoin fu fp ecl, page 16 7.
ejl une phrafe vuide de fe n s .......... Reprene^ cette phrafe frivole &
cependant perfide , qfui égare la raifon, qui trompe la confidence ,
q u i, en voilant le danger de l’admiffion des témoins nèceffaires ,
raffurc & enhardit les partifans de cette maxime , qui a peut - être
�PA
ID I
.
■empêché jufqu à préfent que Von reconnût combien cet ufage efl
monfîrueitx.
Sophifte aveugle , vous vous diffimulcz à vous-m êm e que
¡’Ordonnance permet d’entendre les domèftiques. Ainiî cette admiiïion n'eiï pas une maxime , n’eiî: pas ùn ufage -, c’eft une Loi!
Mémoire>
page 1J4*
Et quand nous difons que les M agiilrats ne reçoivent ces fortes
de déportions , que fauf à y avoir tel égard que, de raifon , vous
ofez nous dire que cette précaution~eft une précaution perfide,
que ce langage égare la raifon trompe la confidence y que ce que
les Magiftrats font par'équité , les enhardit , & empêche de re
connoitre ce que cet ufage a de monfirueux !
' Détraéleur imprudent , reconnoiiTez votre erreur , rendez
hommage à un principe d’équitc , & faites amende-honorable à
la Loi & à la Magiftrature. .
Il
nous fuffit, fans doute de cet extrait des Ordonnances,
pour établir ce point de Droit. Nous n’avions pas befoin de re
courir aux Loix Romaines , pour établir la Jurifprudence des
Tribunaux. Elles font d’accord avec nos Loix. Mais fuifent-elles
contraires , nous les éçarterions encore. C a r , de même que la
raifon doit fe taire devant la L o i, de même les Loix de toutes
les Nations doivent fe taire devant la Loi du Royaume.
Nous ne parlons point du fentiment des Criminalizes. L ’Au
teur du Mémoire contredit leur opinion fans la détruire.
Nous lui faifons grace du poids de leur autorité. Mais nous ne
pouvons garder le filence fur la fauiTeté des réponfes que l’Auteur fait aux queilions qu’il fe propofe à lui-même.
C ’éil toujours par forme de dialogue que l’Auteur raifonne.
Un mari & une femme , dit-il, dénoncent à la Jufiice un affajfinat
commis contreux. Ils fie préfentent pour dépofer. L a Jufiice d’abord
les repouffe. Quoi I dépofer dans votre intérêt ? U s répondent ;
nous avons été ajfajjinés} & il n y avait p a s de témoins. L a Jufiicc
leur dit : dépofe^.
Ils dépofcnt..
�15 3
103
Vous foutène^ donc , /¿z//* dit-elle , votre dénonciation ?
S a n s doute. — Je condamne ces trois accufés à la mort.
C et apologue eft précis ; mais fi le nouveau Fabulifte a l’ima
gination fertile pour créer des fiftions ^ il manque de jufteiTe
pour en tirer des moralités.
L e ridicule qu’il voudroit répandre fur la procédure par cette
converfation entre la Juftice & les T é m o in s, fe clifllpe de luimême ; & cette- ironie déplacée ,• n’eft appuyée*q.ue fur un raifonnement encore plus àbfurde.
Reprenons l’argum ent du M é m o ir e d é p o u illé des ornemens
de la fable qui lui font étrangers. Mettons à découvert tout
l’efprit de 1*Auteur dans ce dialogue , auiîi plein de malignité'
ibidem*
que d’impofture.
L es trois*A ccufés ont été condam nés,, fuivant le M émoire ,
parce que les Thom affin font des témoins nécelTaires.
Q u e fl-c e
fu fp ecls.
que des Tém oin s néceffaires ?
Ce f o n t des
T ém oins
Hideur,
^
Qu’efl-ce que condamner fu r la fo i de Témoins fufpecls? C efl
condamner fan s preuve.
O r , qu efl - ce maintenant, Critninalifles , Jurifconfultes , M a>
giflrats , Citoyens , R o is , que condamner fan s preuve ?
Cette apoftrophe plus qu’indécente , ces interrogations répé
tées fe détruifent en montrant la foibleile des réponfes & l’abus
du raifonnement..
>
•
Un Tém oin néceflaire n’eft pas un Tém oin fufpe&r C ’eft un*
Tém oin qui a été témoin du crim e, & fans lequel on ne pourroit.
en acquérir la preuve.
Condam ner fur la foi d’un Tém oin qui peut être fufpeft , mais,
qui n’eft pas jugé tel r ce n’eft pas condamner fans preuves. Sadépofition fait foi r lorfque la L o i a permis de l’e n t e n d r e & querien ne détruit ia dépofition.
,
En fuivant ainfi r l’O rdonnance à la main , toutes les allégat
io n s de l’Auteur',, nous avons de la peine à trouver les caprices,»
KIem° ir
�Sïh,
I
M é m o ire ,
p age 1 56.
0 4
les abfurd.ité s, les inconféquences renfermées dans la maxime cle
l’admiflion des Tém oins néceflaires. Nous avons encore plus de
peine à concevoir comment l’efpnt de Claude & üame de Caligula
en anroient ¿té fatisfaits.
A combien plus jufte titre pouvons-nous invoquer ici l’auto
rité des Trajan , -des A d rien , des M a rc -A u re le , & de tous les
Empereurs que l’on a rangés dans la claiTe des bienfaiteurs de
l’hum anité, ou dans celle des Princes Philofophes. Ils auroient
admis la dépoiition de nos dom eftiques, qui font libres, puifqu’ils
avoient permis de mettre à la queftion des e fclav es, « s’il 11’y a
» p a s d’autre m oyen de convaincre le criminel ( 1) » .
M agiflrats & Citoyens, raflurez-vous : C ette maxime de j’admiflion des Tém oins néceflaires n’eft à craindre que pour le crime.
Elle eft fondée fur la raifon , fur la juflice 3 fur üintérêt de la
Société ; la fucceflion des fiecles en dépofe ; toutes les Nations
l’ont adoptée ; l’intérêt général en fait une L o i , & cette Loi eft
Ibidem,
un bienfait pour toute l’humanité.
O n diroit que l’ Auteur a pris à tâche de calomnier tous les
Criminaliftes qui fe font attachés à démontrer la néceflité de cette
Loi.
Nous nous contenterons d’en citer un fe u l, parce que PAuteur
l’a cité lui-même. C ’eft Jo u fle , dont la compilation a acquis de
la coniidération dans les Tribunaux.
Jouffe a écrit c e la , dit. le M ém oire , & Jouffe efl le guide ,
Vefprit , la raifon & la Jurifprudence des Tribunaux.
Il
eft vrai que Joufle eft cité quelquefois. M ais comment
PAuteur ofe-t-il affirmer qu’il eft le gu id e, l’efprit, la raifon & la.
Jurifprudence des M agiflrats ? O n peut le confulter, fans fe dé
terminer par fon opinion. N e diroit-on pas que tout le Royaum e
attendoit fes O uvrages pour adopter des principes qui exiftoient
long-tems avant lui ? Joufle eft un Auteur eftimé y mais un Au-
( 1) Si aüa probatio ad cruçndam veritatem non eft. t.. 7 , jf. de Tefi.
te ux
�tïj
I O J
teur contemporain , & qui n’a point acquis affez de confiftance
pour faire autorité.
L e Préfident Faber jouit d’une plus haute eftime : il a établi
cette néceiïïté en termes bien énergiques.
« S’il eft queftion de prouver un fait qui ne peut être prouvé
» que par la dépofition des Domeftiques , ou que la foi due à
» d’autres témoins au - deifus de toute exception , même à un
» a £ e n o n fu fp eft, s’accorde avec la dépofition des Domeftiques :
»>la qualité de ces derniers n’ôtera rien à la force de leur témoi» gn age, par la feule raifon de leur état de domefticité ( i ) . »
Oferons-nous répéter d’après l’Auteur, que toutes les lacunes de
notre Légijlation Criminelle, f i incomplette, f i découfue, tombant
en ruine, font remplies, font bouchées de maximes de Criminalifles.
Notre Légiilation Criminelle eft incomplette , efl découfue , &
tombant en ruine ! Comment notre Miniftere ne feroit-il pas in
digné de la hardieiTe , de la fauifeté d’une proportion auffi
révoltante? Nous en ferons bientôt voir la fageife & la folidité ;
mais en lui- fuppofant quelques légères imperfe&ions, nous deman
derons , quel eft l’ouvrage que la prudence humaine puiffe fe
flatter de porter à fa perfe&ion. L a malice des hommes eft plus
habile à inventer des moyens d’éluder la L o i , que la.prudence
des Légiflateurs n’eft éclairée pour prévenir les abus. Mais il
fuffit que la Loi exifte : & tant qu’elle fubfiftera, elle doit avoir
ion exécution.
Seroit - ce donc un problème , de favoir s’il eft préférable de
replacer un fcélérat dans la Société , ou de le condamner fur la
foi de témoins néceffaires '{ Faut - i l , par des exemples malheureufenjent trop communs, en donner la folution ? Trem blez, ames
cruelles , qui aiTaffinez le Citoyen en paroiifant le défendre.
( i ) Plané fi probandum id fuit quod nifi per domefticos probaii non potult, aut aliorum
teftium qui omni exceptione majores fu n t, aut etiam inftrumenti alicujus non fufpetti fides
cum domefticis confentiat : nihil de teftium fid e , ob id folum quod domeittei fu erint, der
tfahetur. Fàb. Codice, L it. 4. Tit t f, defin. 66,
o
M ém oire,
page 156.
�*
. 1
i o
6
Un P h ilo io p h e, l’Auteur lui-même eft dans fou cabinet occupé
des affaires de Ion état ; un Particulier fe préfente & lui demande
audience. 11 eft introduit. A peine la converfation eft - elle en
tam ée, que ce m alheureux, déguifé fous une apparence honnête ,
tire un poignard , demande au C itoyen l’argent qu’il peut avoir
en fa pofleffion , & le m enace de lui ôter la vie s’il appelle du
fecours. U n ami p a r o ît, le D om eftique entre pour l’annoncer*
l’un & l’autre font témoins de la fcene. L ’affailin fe fait jour le
poignard à la m ain, & s’évade fans qu’on puiffe l’arrêter. L e
D om icilié lui-même déclare le fait à l’Officier chargé du foin de
la Police. Celui-ci foupçonne le c o u p ab le , & le fait arrêter. L e
Procureur du R oi rend plainte ; on informe. L e M aître, fon
Ami , ainfi que le D om eftique , font entendus en dépofîtion,
font confrontés. Ils reconnoiffent l’aiTaffin. Il eft convaincu ; il eft
condam né.
Légiflateurs aufteres, direz-vous que le C itoyen & fon D o
m eftique ne dévoient pas être entendus, l’un , parce qu’il eft dé
nonciateur, l’au tre , comme fufpeél: par fa qualité de dom eftique:
qu’il n’y a qu’un feul témoin,
un us tcjlis , nullus tcjlis ?
C ependant le crime eft certain: & fi de ces trois dépositions
on en rejette d eu x , le crime demeurera impuni. L a même prémé
ditation peut fe renouveller chez une mere de fam ille, livrée toute
entiere aux détails de fon m énage ; chez un Curé , dépositaire
des au m ô n es, que la charité- des Fideles lui a confiées ; chez ce
C om m erçan t, dont toute la fortune eft en argent com ptant, ou
en effets au porteur.
N ous ne cherchons point à intéreffer par des peintures tou
chantes. M ais quel eft le C itoyen qui ne doit pas trembler dans
fes propres foyers ?
>
Autre exem ple aufli concluant que le premier.
U n Seigneur de Paroiffe , un G entilhom m e, un Bourgeois ,
n’im porte, revient à fon domicile fuivi de loin d ’un feul D om ef
tique. Il faut traverfer une fo rêt.‘ L e M aître a pris les devan ts> il
�i$1
1° 7
e il attaqué par des Brigands à main armée. L e D om eilique paroît : les V oleurs prennent la fuite , & tirent de loin fur le M aître
& fur le V alet. En arriv an t, le M aître envoie chercher la M aréch au fle e , & déclare que des inconnus l’ont attaqué dans la fo rêt,
ont voulu le v o le r , & ont fait feu fur lui & fon dom eilique. L a
M aréchauflee p a r t , fe met à la piile , arrête des gens fufpe£ls ,
mal fam és, & fans dom icile. Ils font reconnus & condamnés pour
vol fur le grand chemin. Dira-t-on que le M aître & fon D o m e f
tique ne devoient pas être entendus, que leur dépoîition eil n u lle,
qu ’il n’y a point de preuves contre les Accufés ? Il faudra donc
laiiTer cet attentat impuni , parce qu’il ne peut pas y avoir
d’autres témoins d’un crime auili m anifeile.
Q u e deviendra la fûreté publique? Ofera-t-on déform ais, dans
un R oyaum e policé , fe mettre en chemin fans fe faire efcorter ?
Q uel inconvénient pour le com m erce; quel danger pour les gens
de cam pagne , qui s’en retournent avec le prix des marchandifes
qu’ils ont débitées !
L e V o y ageu r , le C om m erçan t, le Payfan , doivent donc être
entendus en dépoîition fur les faits que contiennent leurs décla
rations ; parce qu’ils n’ont aucun intérêt à faire punir des coupa
bles qui leur font inconnus. O u ii leur intérêt perfonnel d’éviter à
l’avenir un pareil danger les follicite ; ils ilipulent en même tems
l’intérêt de la Société : c’eil le M iniilere public qui eil feul aocufateur.
N ous pourrions former cent hypothefes toutes différentes 011
la dépoîition du D énonciateur & des iiens eil de néceffité abfolue,
non-feulement pour la punition du crim e, dans le moment où il
a été com m is, mais encore pour ne point autorifer & multiplier
les coupables par la difficulté, difons m ie u x , par l’impoffibilité
d’en acquérir la preuve.
L a qualité de D énonciateur que l’Auteur du M ém oire ne ceflç
d’attribuer aux Thomaflin , eil encore la fource d’un argum ent
qui a fait de l’impreffion fur quelques efprits. Pour y répondre"
O 2
�\'A
108
Mcm. p. t78. il faut le reprendre en fubftance. E n admettant les ThomaJJln à
dépofer , il n’y auroit encore quun fe u l témoignage. C e font deux
perfonnes, il eft v ra i, mais ces deux personnes ne font qu’un témoin,
& ne peuvent former entr’elles qu’un fe u l témoignage.
Page 179 .
/
lbid,
Les époux font intimement unis p ar le double lien d’une deflinée
commune & d’une affection mutuelle j la femme a un troifieme lien
qui ne ferre quelle f l ’autorité maritale. D e ce triple lie n , l’Auteur conclut que toutes les fo is qu’il efl queflion pour la femme de
s ’expliquer, dans les affaires de fon mari , elle efl: contrainte , intéreffée ou féduite ; par conféquent elle n’a qu’une vo ix av ec fon
m a r i, & la dépoiition de l’un & de l’autre ne peut être qu’une
même dépoiition j ainfi le mari & la femme ne font qu’un témoin , parce que la parole de la femme n e fl point la pàtvle d’une
voix } mais d’un écho.
O n a fouvent répété que l’intérêt étoit la mefure des aéH ons,
c’eft-à-dire qu’on ne peut former une demande , intenter une pourfuite , diriger une aftion , qu’autant qu’on a un intérêt réel de
le faire. L ’Auteur qui fait étendre les*principes, ou les reftreindre
à fon g r é , en a fait un beaucoup plus étendu. L e voici. L ’intérêt
eft la mefure des confciences. C ’efl: ainii qu’il l’établit.
Page 180.
L e s confciences font plus ou moins enchaînées p a r l’intérêt : car,
en deux mots , l’intérêt efl la mefure de la liberté de la confcience ;
la liberté de la confcience , la mefure de la faculté de dépofer.
Jam ais aucun Légiilateur ne s’étoit permis d’avancer une maxime
de cette nature ; auiTi l’Auteur convient qu’elle ne fe trouve point
dans notre Ordonnance Criminelle , qu’elle n’eit confacrée par
ltid.
aucune difpojidon littérale ; POrdonnance enjoint aux témoins
de déclarer s ’ils font parents des Parties & à quel degré ; m a is,
ajoute l’Auteur , elle ne flatue rien fu r l’influence que la parenté
& le degré de parenté doivent avoir dans la faculté de témoigner 3
ou dans la valeur des témoignages.
Au défaut de nos O rdon n an ces, l’Auteur invoque les L o ix
Rom aines j elles ont p a rlé , car rien n e fl échappé à la providence de
�i09
ta Législation Romaine ; elle dit formellement ( i ) , uxor pro viro
t'eftis efle non poteft. « L a femme ne peut être témoin pour fon
m ari» , le mari p a r conféquent pour-fa femme ; ils ne peuvent être Mcm.p. -/Si.
témoins l'un pour Vautre dans aucun cas , même lorfqu ils font #ccufés , à plus forte raifon lorfqu ils accufent.
Je conclus donc avec confiance, porte le M ém o ire , que quand les
dépofitions des Thomajfin feroient concluantes , ne pouvant fournir à
elles deux quun feu l témoignage , il n'en réfulteroit aucune charge.
Si l’on pouvoit écouter un pareil raifonnem ent, nous dirions
P.
à l’Auteur que dans fon fyftêm e il n’a pas été aflez lo in , il auroit
dû dire qu’il n’y a pas même un tém oignage ; car dans l’hypothefe où le mari eft accufateur , la femme ne peut pas dépofer ;
&
dans l’hypothefe où la femme a rendu plainte , le mari ne
peut pas être entendu : & par une cortféquence év id en te, le té
m oignage de l’un & de l’autre doit être rejetté.
Il
en eft de même dans l’hypothefe où le mari & la femme
feroient tous les deux dénonciateurs. Si les D énonciateurs ne peu
vent pas être tém oins, il faut encore rejetter la dépofition du
mari & de la fem m e, parce que l’une ne fera que la répétition
de la dépofition de l’autre , & que ni l’un ni l’autre , dans le fyitêm e de l’A u teu r, ne doit être admis à dépofer.
M ais n’eft-ce pas abufer des principes & de leur application ?
L ’Auteur part d’un fait faux en lui-même; c’eft que le mari & la
femme ont rendu plainte , qu’ils font accu fateu rs, qu?ils font au
moins de vrais dénonciateurs. V oici fes expreiïïons. D an s l ’hypo
thefe actuelle où le mari & la femme fe plaignent de délits perfonnels à chacun d’eux , indépendamment de cette alliance générale de
( i ) C ette Maxime eft fans doute dans l’efprit de la Légiflation Romaine. Mais aucune
L oi dans le corps du D roit , ne dit formellement : Uxor pro viro teflis ejfe non potejl. C e
font les G lofes qui tirent cette conféquence des Loix où la Femme eft mife au nombre
des D om ejlici, combinées avec celle du C o d e , de Tcjl. E/iarn Jure Civili domeflici tejlimonii 'fides improbatur. C es G lofes fe trouvent ad L. i , j f . de Senatufc. Sillan. §, S i Vir
& u *or y
Si
ad
L.
Sed
& Si
quis ,
f.
Si quis caut.
§.
Pratéreâ.
L ’ A u teu r, qui méprife tant les Com m entateurs, leu r'fa it ici l’honneur de citer leu »
expreilions comme un T exte formel de Loi Rom aine.
p. ,g u
�•4°
(>u
1I0
leurs intérêts communs, qui engage réciproquement leur p aro le , elle
je trouve encore engagée ici p a r le traité particulier, pour ainji dire >
' de deux■intérêts pe;fonnels. . . . . . . Comment donc veut-on , qu’au
milieu de tant d’intérêts qui étouffent leurs confciences, ils aient une
voix , à plus forte raifon une parole , à plus forte raifon un témoi
gnage , à plus forte raifon deux témoignages.
C ette alliance générale d’intérêts com m uns, ce traité particulier
dç deux intérêts perfonnels, cette progreilion d’une v o ix , d'une
■ parole , d’un témoignage , de deux témoignages , prefentent des
idées bien abftraites $ mais au moins il en réfulte qu’on fuppofe
que le mari & la femme font plaignans & parties dans l’accufation ; & s’ils font accufateurs , l’Auteur a raifon de pofer en prin
cipe qu’ils ne peuvent tém oigner en faveur l’un de l’autre : c’eit
le cas de dire avec la L o i ; « nul ne peut être témoin légitim e
» dans fa propre caufe ( i ) » . M ais nous avons démontré que
les Thomaflin ne font ni accufateurs ni dénonciateurs : c’eit
le Miniftere public feul qui a rendu plainte d’un crime public ,
d’un vol commis avec effraction dans la maifon des Thom aflin;
Il ne s’agit point de la réclamation des chofes volées , des v io
lences exercées pour parvenir au vol -, il s’agit du délit en luimême , du délit public , du délit qui intéreffe toute la Société : &
c’eft parce qu’il a été commis dans la maifon des Thomaflin que
le Miniftere public les a fait entendre. Ils étoient témoins néceffaires , & du moment qu’ils ne font point Parties plaignantes , ils
ne dépofent point en faveur l’un de l’autre. Ils ont été appelles
pour dépofer du f a i t , ils en ont dépofé j ce font deux témoins K
ce font deux déportions ; c e n ’eft plus le cas de dire, le mari & .
la femme ne font qu’un. C et axiome eft vrai relativement à l’union
conjugale ; il eft vrai dans une procédure o ù , foit le mari , foit
la femme , ont in térêt, & forment une dem ande, parce que leur
intérêt eft com m un} mais dans toute affaire criminelle où le mari
( i ) Nullus idoneus teflis in re fuâ intelligitur. Leg, i e ,
de Tejlib.
�Î4 »
11 î !
&: la femme ne font point P arties, ce iorit deux perfonnes
diiHnftes , deux individus fép arés, deux témoins réels.
L ’O rdonnance a obligé les témoins de déclarer s’ils font pareils
des Parties & à quel d e g r é , parce qu’il étoit de fa fagefle d’ex
c lu re , foit au C ivil foit au C rim in el, la parenté jufqu’à un certain
degré ; mais c’eft la premicre fois qu’on a ofé d ire, qu’il falloit
combiner l’influerice que le degré de parenté devoit avoir fur la
valeur d’un tém oignage : il faudroit donc a p p ré c ie r, déterminer
le degré de confiance qu’on doit avoir dans la dépofition d’un'
pere & d’une m e re , d’un pere Ik. d’un fils, d’un gendre & d’unebru , de deux freres , d’un oncle & d’une fœ ur , en un m o t, des
parens au degré prohibé , dans une affaire où l’on ne peut les
reprocher pour caufe de parenté, parce qu’ils ne font attachés par
les liens du fang , ni à l’Accufateur ni à l’Accufé. N e feroit-ce pas
admettre une forte d’inquifition fur les confciences? L ’Autear auroit-il oublié que pour la preuve des faits jurtificarifs , la Juftiçc
ne refufe pas le tém oignage des plus proches parens , qu’ils ne
peuvent être rep ro ch és, & loriqu’il dit que dans tous les cas le
mari & la fem m e, le frere & la fœ u r, ne doivent pas être enten
dus ; cet ami de l’humanité voudroit-il enlever cette reffource à la
juftification de l’innocence ?
,
Si la déclaration que les Thom aiïïn ont faite à la M arcchauffée pouvoit être regardée comme une p lain te , ils feroient
en quelque façon Parties civiles , parce qu’ils feroient Plaignans ;
& quoiqu’ils n’aient pas requis la jonction du Miniftere p u b lic ,
ils n’en feroient pas moins les inftigateurs, & , comme tels, rangés
dans la claffe des Accufateurs.
M ais fi le rapport drefle par la M aréchauflee fur leur décla
ration verbale ne contient aucune p lain te , aucunes répétitions;
s’ils n’ont rien dem andé, s’ils ne demandent rien ; s’ils n’ont fait
que le fimple récit d’un crime commis pendant la n u it, par des
inconnus qui s’étoient introduits dans leur propre m aifon , ils
lie font pas même D énonciateurs ; & quand ils le fe ro ie n t, on
�M cm . p. 145*
112/
ne pourroit encore les regarder comme Parties civiles. Il y a
une différence notable entre la Partie civile & le D énonciateur.
L a Partie civile eft néceiTairement P a rtie ; elle peut fuivreTon
a f t i o n contre les héritiers de PAccufé ; elle eft tenue des dom
m ages-intérêts des Accufés qui font déchargés de raccufation.
L e D énonciateur, au con traire, n’eft jam ais P artie , ne peut pas
le devenir ; n’a aucune a& ion , aucun recours contre les héri
tiers ; & n’eft tenu des dommages-intérêts , que lorfque l’accu*
flation, intentée par le Miniftere public fur fa dénonciation , eft
déclarée calomnieufe. U n feul T é m o in , un foupçon g r a v e , le
met à l’abri du reproche de calomnie.
D ans la déclaration , dans la dénonciation même fi l’on v eu t,
faite par les Thom affin à la M aréchauffée, il ne peut y avoir de
calomnie , qu’autant qu’il y auroit une perfonne calomniée. Ils
n’omit accule que des inconnus. Q ui font ces inconnus? Q ui peut
fe reconnoître à cette dénomination ? Il n’y a donc aucune per
fonne qui puiife fe dire calom niée, puifque les Thomaifin ji’ont
nommé perfonne. Ainfi celui qui déclare un fimple d é lit, qui
détaille les circonftances dont il a été accom pagné , qui rend
com pte du tort qu’il a fo u ffert, des févices qu’il a ép ro u v és, du
danger qu’il a couru , n’eft pas lui-même coupable de calomnie.
C e prétendu D énonciateur peut être T ém oin , parce qu’il n’a
aucun intprêt à charger les A ccu fés, pour fe fouftraire à la con
dam nation des dom m ages & intérêts. Il ignore quels feront les
A c c u fé s, & le P^us fouvent il ne les reconnoît qu a la confron
ta tio n , comme il eft arrivé dans l’affaire des trois malheureux
dont PAuteur du Mémoire a entrepris la juftification.
En vain voudroit-il oppofer l’Ordonnance de P hilippc-le-E el,
qui défend expreffément d'entendre en dépofition les Dénonciateurs
& les P arties infligantes. L ’Auteur du M émoire en tire une indu&ion qui n’eft pas dans la l o i , & qui n’en eft pas. la conféquence. Elle eft d’ailleurs altérée , ou mal copiée dans le texte
qu ’on lit dans une note du M ém oire.
Effayons
�743
113
Eflayons de faire la tradu&ion littérale de cette Loi.
^ Ordonnance
« L e D énonciateur ou UInjlructeur rembourfera à celui qui B el, 1303.
» aura été dénoncé fes dom m ages •& fes dépens. » ( Voilà la Loi
générale : voyons l’exception ). « A moins que le D énoncé ne fût
» d’avance accufé du même délit par la rumeur publique , 011
» q u ’il n'en fût au moins convaincu par un T ém o in , ou enfin qu’il
» ne s’élevât contre le D énoncé une fufpicion probable , à >la
» connoiffance de la C our & des Ju ges : » (V o ic i enfin la pré
tendue prohibition d’entendre le D én o n ciateu r, mais voici à
quoi elle s’ap pliq u e) « de façon néanmoins que le D énonciateur
» ou rinftruclcur ne foit point admis en tém oignage fur les choies.
» deiTus-dites » ( 1 ) . C ’eit-à-diré, qu’il ne peut établir par fon tém oignage ni cette rumeur publique, ni ce foupçon probable , ni
cette conviction p a r un fe u l Témoin. Com m e ces trois p o in ts,
infuffiians pour faire condamner l’A ccu fé, font fuffifans pour dé
charger l’ Accufateur du reproche de calom nie; ce feroit rendre
le D énonciateur témoin dans fa propre c au fe , que de s’en rap
porter à lui fur leur vérité. M ais la L oi ne dit pas que fu r ie délit
même le D énonciateur ne pourra, être entendu. En l’interprétant
ainti, elle deviendrôit inintelligible : on ne pourroit donner aucun
fens à ita tamen ut, à fu per prœdiclis. Il eil encore moins poifible
de la com prendre de la m aniéré dont elle eft rapportée dans le
M ém oire ( 2 ) .
( 1 ) Q u o d denuntiator vel inftru&or reikrciat demmtiato damna & expenfas quas idem
denuntiatus fuilinuerit, nifi de illo deüélo denuntiatus fuit ( fans doute par abbréviation
de fu erit) diffamatus, vel ad minus per unum teftem convi&us , ve l aliàs appareret probabilis fufpicio contrà eum ad cognitionem Curiæ & Judicum : ità tamen quod fuper praidi&is
denuntiator ve l inftruitor in teftem minime admittatur. Ord. des Rois de France, ¿dit. du Louvre.
(a ) LO rdon nan ce de Philippe-le-Bel eft ainfi copiée dans le Mémoire.
Denuntiator vel inflrtivlor refarciat denuntialo damna ù expenfas quas idem denuntiator fujtinuerit, nifi diflo dellElo denuntiatusfuerit diffamatus , vel admiffus per unum tcfhm id^mu/n con
viens , vel aliàs apparet probabilis fufpicio, ità tamen quod fuper prœJiHis denuntiator vel
•inftruflor ir tefiimonium non admittatur.
Que. de fautes ou d’oubü !
-
L e M ém oire porte
diclo deliElo denuntiatusnfuerit diffamatus, ce nui vondroit dire,
“ a roo’ns que le dénoncé ne fût diffamé par ledit délit. » M auvaife interprétation qui n’aH~
P.
M em . p. 14^.
�144
i i
4
Cette O rdonnance fuppofe néceiTairement qu’il y a un D é
non cé, auquel il faut rembourfer fes dom m ages & fes dépens :
refarciat denuntiato damna & expenfas. C e qu’on peut encore
interpréter d’un Accufateur qui feroit Partie dans la Caufi, ,
puifqu’on rembourfe les dépens.
En fécond lieu , c’eft au D énoncé qu’il faut faire ce rembour
sement ; d’où il fuit que la dénonciation indique un coupable ,
c’e ft-à -d ire une perfonne dénommée dans la dénonciation. E t
cette conféquence réfulte encore de l’exception de la L oi : à
moins que le D énoncé ne fût déjà nommé par le bruit p u b lic :
diffamatus. D on c TOrdonnance de Philippe-le-Bel n’a prévu que
le cas où le D énonciateur feroit P a rtie , ou auroit expreilém ent
nommé un coupable.
L e D énonciateur qui ne parle que du d é lit, ne fait tort à
perfonne par le com pte qu’il rend à la JuiHce du tort qu’il a
perfonnellement é p ro u v é, à moins que fa dénonciation ne foit
capable de jetter l’allarme dans la Société. Alors la Juftice feule a
droit de le pourfuivre pour rétablir le calm e dans les efprits.
L ’Accufateur au contraire qui nomme un cou pable, dirige vers
la perfonne qu’il a déiignée, & les idées du M iniftere pu b lic, & fe s
recherches, & fa févérité : il eit refponfable du tort qui réfulte
de cette pourfuite contre la perfonne nommée. M ais quand la
fo it aucune liaifon avec ce qui précédé. A u d i le texte de la Bibliothèque du R o i porte , nifi
dt illo dtliElo. Le fens efl alors abfolument pat fait. « A moins que le dénoncé ne fût déjà
w diffamé fur le délit qu’on lui attribue. »
O n lit dans le Mémoire admijfus per unum tejîem idoneum. L a Loi dit ad minus, & n’ajoute
point idoneum. Nous ne dirons rien fur ce mot qui ie trouve également dans la Conférence
de P. Guefnois.
O n lit dans le M ém oire, apparet au lieu d’ apparent. O n a oublié après ce m o t, contri camy
ad cognitioncm Curia vcl Judicum. Enfin le M ém oire porte non admittatur , & la Loi minimi
admittatur. En rétabliffant le texte de l’ Ordonnance de 13 0 3 , il en réfulte que toutes les
fois que la rumeur publique nomme le dénortcé avant la dénonciation, qu’il y a un témoin »
ou un foupçon probable, il n’eft pas dû de dommages & intérêts, parce que la rumeur pu
blique fuffit pour autorifer les pourfuites & juilifier le dénonciateur. E t fur ces trois'eas,,
fupcr prœ diüu, ie dénonciateur, ou l’inftruilcur pe doivent p a s, minime, être admis e«
témoignage,
�¡4J
w
déclaration ne tombe que fur un délit en général, s’il furvient
un A ccu fé, ce font les charges de la procédure qui indiquent le
co u p ab le, & attirent fur lui le malheur d’être décrété.
C ’eft un principe généralem ent reco n n u , & qui ne peut être
c o n te fté , que ce n’eft ni la plainte ni l’information qui conftituent
l’A ccuie ; c’eft le décret : jufques-là la procédure eft fecrette ,
& tout eft effacé, il la Juftice prononce qu’il n’y a lieu de fuivre
l’inftru&ion.
Il arrive très-fouvent, qu’en faifant à l’Audience la leékire des
Inform ations, le M iniftere public trouve dans une dépoiition un
fait grave qui excite fa vigilance , un fait dont le témoin a cru
devoir parler à l’occaiion de la plainte fur laquelle il a été en
ten du, & qu’il a regardé comme une circonftance eiïentielle pour
attefter la vérité de fa dépoiition. L e Miniftere public .n ’héfite
jam ais à dem ander aéle de ce qu’il prend ce fait pour dénon
ciation. En conféquence , il rend plainte , & l’information eft
ordonnée. Souvent même on décerne des décrets ; & iuivant la
force de la dép o iitio n , & la nature des délits , on a vu des
Accufés décrétés & arrêtés au milieu de l’Audience même.
Cette dépoiition n'eft-elle pas une véritable dénonciation ?
Elle en tient lieu au M iniilere public. A - t - o n jam ais élevé la
queftion de fçavoir , s’il fa llo it, s’il étoit permis de faire en
tendre ce Tém oin devenu D énonciateur ? L e fait contenu dans
la premiere information .étoit un fait étranger à l’accufation pri
m itive : mais il devient la bafe de la nouvelle procédure : 011
fait entendre le Tém oin une fécondé fo is , ou il eft récôlé fur
fon ancienne dépoiition , qui fait alors partie des charges ; &
fon tém oignage ne peut pas être rejetté.
Si le D énonciateur ne devoit pas en certains cas être le pre
mier T é m o in , il feroit fouvent impoiîible d’acquérir la preuve
des délits. En pareilles circonftances la néceiîité fait la loi : ne in
defèclu probatïonum impunita remaniant çrimina. C ette L oi , la
premiere de toutes les L o ix', cette L o i « au-deiTus de toutes les
P 2
�w
1 16
» exceptions ( i ) ». • quand il s’agit de l’intérêt public , force
d’admettre tous les Tém oins > fu r -to u t, cum alla probatio ad
trucndaM veritatem non ejl.
U n Philofophe dira : La preuve qui réfulte de la déposition des:
Tém oins néceffaires n’eft qu’une préfomption ; & fi la Jufïice
condamne fur des préfom ptions, je fuis expofé à périr fur un
échafaud. La Juftice lui répond par notre bouche : La dépofition
d e -d e u x -T ém o in s néceffaires n’eft pas une préfomption ; c’e it
une p reu ve: & fi je la rejette, tous les Citoyens- confiés à m a
garde feront expofés à être égorgés impunément. C ’eft donc le
cas de dire avec la L oi des D ou ze Tables : Salus Popuii 3
fuprema L ex cjlo. « L e falut du Peuple efl la L o i fuprême. »
O h v a nous faire un reproche de mettre la néceffité au nombre
des L o i x , de fonder la tranquillité générale fur un principe que
l’innocence ne peut écouter fans frém ir, & que les plus fages
Lcgiflateurs ont profcrit avec indignation.
N ous adoptons avec un faint refpeft les
que l’humanité diéta aux T r a j a n , aux
C h a r l e m a g n e j nous ne craindrons pas
cher de ces noms auguftes, ceux de L a m
d ’A g u e s s e a u ,
dignes
grandes M axim es
A n t o n i n , aux
même de rappro
o i G N O N & de
cletre placés à côté des plus fages
Légiflateurs. Ces maximes précieufes ne font-elles pas dans le
cœ ur & dans la bouche de tous les vrais M agiftrats? Les prin
cipes que ces grands hommes ont développés font nos guides t
notre efprit, notre raifon , notre Jurifprudence. Nous les fou*
tiendrons , nous les défendrons avec la même fermeté ; non pas
dans le fens du M ém oire, mais dans toute leur étendue, & dans
l’explication littérale du texte des Loix qui nous les ont tranfmis.
Nous difons que ces M aximes heureufes ont été préfentées
dans un fens différent de celui qu’elles renferment : & pour
éviter une difcuiîion peu im portante, nous n’en citerons qu’un
Mém, p. 173. exem ple. C ’eft le R efcrit de l’Empereur Trajan. Satiùs ejl impuni*
(1 ) Om ni exceptione m ajor.
'
"
�14*7
^
1 17 '
tant retinquifacinus noccniis, qucim innocenteni damnâre. L ’Autour
du M émoire l’a traduit ainfi. « Il vaut mieux laiflcr un crime im«
» p u n i, que de courir rifque de condamner un innocent. » Cette
traduétioii n’e il pas tout à fait exa& e : parce que la L oi ne dit pas
d e C o u r ir r i f q u e d e c o n d a m n e r , mais Am plem ent, d e c o n d a m n e r
l’innocent. L a L o i efh ainii conçue. « T rajan confulté par Juliils
»F ro n to , a répondu qu’en matiere de crim es, il ne falloit pas D ig. L. 48 ,
» condamner un abient ( i ) . » A la fuite de cette décifion on lit. Tlt-I9 >Lo‘ 5i « L e même T rajan confulté par Affiduus Severus , a répondu
»> qu’il ne devoit pas condamner même fur des foupçons (2 ). » E t
Voici le m otif que T rajan lui-même donne de ces deux Loix.
! « C ar il vaut m ieux laiiTer le crime de l’Accufé im p u n i, que de
» le condamner innocent (3 ). » C ’eit comme fi T rajan avoit dit.
L ’abfence n’eft pas une preuve du crime -, ce n’eil pas même un
foupçon ; on ne doit condamner , ni pour l’ab fen ce, ni pour uir
foupçon. C ar il v a u t m ieux, fa tiu s enim ejje, (Tnclverbe conjonéhif
enim aim once que l’Em pereur tire une coniéquence ) car il
vaut mieux que le crime de FAccufé demeure im pu n i, que de
k condamner s’il eft innocent.
pour le cas de l’abfence ou
axiom e de D r o it; mais ce qui
voulu parler que de l’abfence
D é cette rcgle particulière donnée
du fimple fo u p ç o n , 011 a fait un
prouve que l’Em pereur T rajan n’a
iîm ple, 011 de l’abfence avec foup
çon , c’eil la fuite même de la L oi. « M ais h l’egard des contumax
» qui n’obéiroientpas aux citations o u a u x E d its desP rocon fu ls(4),
» il faut prononcer contr’eux quoiqu’abfents , comme en affaires
»p riv é e s ( 5 ) , par des peines p écu n iaires, ou par des peines qui» touchent à 1 honneur ( 6 ) . Et s’ils refuient de comparoître après
(1)
. (1)
(3)
A b f e n t e m m c r i m i n i b u s n o n d e b e r e d a m n a r l D i v u s T r a j a n u s J u li o F r o n r o n i rcfcrip fitV
S e d n e c d e fu fp icio n tb u s aliq u e m d am n ari
D i v u s T r a ja n u s A f f i d u o S e v e r o refcrip fit,.
S a tiù s e n im eiïe im p u n itu m re lin q u i facin u s n o c e n tis q u à m in n o c e n te m d a m n â r e .
(4 ) Adversùs contumaces verb qui neque denumiationibus, neque ediitis Præiidum olv*
temperaiTent.
(5 ) Etiam in al/cn tis prommtiari ciportet fecnndirm nldKJin privàtbrum judicioruiuv
(6) Per pecuniarias pœnas vel eas quæ ad exiftimationwrt coîitmgunu
�i i 8
» pluficurs citations, on jugera ; & la condamnation pourra s’étendre
» jufqu’à la peine de l’exil ( i ). » Cette Loi n’eft donc qu’une décifion
donnée pour les cas d’ab fen ce , de fo u p ço n , & de contum ace,
& non pour tous les genres de crime. T rajan décide que l’abfence
fans aucun indice n’éleve pas même de foupçon fur celui qui
cherche à conferver fa liberté ; que la fufpicion n’eil pas ,une
preuve : & s’il permet de punir par l’exil celui qui s’abfente , ■
• c’eft à caufe de fon obftination à ne point obéir à la citation du
P réteu r, & pour le forcer de le préfenter en Juftice. C e Refcrit
tout au plus fera fondé fur un principe général. O n peut en con
venir : & nous dirons avec l’Auteur du M ém oire ; il vaut mieux
fauver un coupable, que de perdre un innocent. E h ! qui peut
douter de cette vérité ? M ais un Accufé qui a contre lui la dépo
sition de deux T ém o in s, n’eft pas cet innocent dont le Refcrit
a p a rlé ; & la M axim e de T rajan ne peut s’appliquer dans una
inftru&ion autorifée par la Loi.
Concluons que la m axim e, ou plutôt la L o i de l’admiffion
des Tém oins néceflaires, n’eft.donc ni abfurdc ni barbare; elle
n’eft condamnée ni par la raifon, ni par Yéquité, ni par l'intérêt
Mém.p. i7i- public, ni par les L o ix , ni par le fa n g innocent quelle a verfé.
L e dcfpotifme ne l’a point introduite à Rome pour des Efclaves.
L e regne de Louis X V I s’honorera d’une L oi diftée par la fageffe
de Louis X I V , & qui étoit en vigueur fous les Rois fes auguftes
Prédéceffeurs.
N ous ne pouvons term iner, fans expofer fous vos y e u x le
dernier trait d’extravagance d’un Auteur agité de la manie de
faire proferire tout ce qui eft contraire à fon opinion. Il s’écrie,
dans fa fureur : Périjfe cette L o i fu r la roue préparée pour mes
Ibidem, {„fortunés Clients. Ou f i vous voule£ quelle fubfifle encore dans
vos Tribunaux, M agiflrats du R oyaum e, quelle y regne encore
entourée de gibets & de roues toujours couvertes d’hommes inno( i ) Si f.epiùs moniti por contumaciam (Jeiint, ftatui poiTe, & ufque ad relegationem procçdU
/ > ff'
4$ > Tit. de pctn'ff.
�1i 9
e<?/2j S tire^-là donc de vos L ivres & de vos Arrêts ; grave^-là en
L o i fu r le bronze & fu r l'airain j attache^-là à des colonnes au
milieu des places publiques j faites-lci afficher au coin de toutes les
demeures 3 & publier de toutes les voix de la renommée, afin du.
moins que les Citoyens, ju fq u ic i déçus p a r le fecret ténébreux où.
elle efl enfevelie , puiffent déformais prendre contr elle les précau
tions nécefjaires........ V ous croyez peut - être que la démence efî: portée- h Ton
dernier degré ; non. L ’Auteur a ofé rédiger en L o i tous les prin
cipes que nous venons de com battre, il propofe d’en faire un
Règlem ent public ; & après avoir eu l’indécence d’en expofer un
m o d èle, tracé par la phrenéiîe , il ne craint pas de ré p é te r:
Vous frémiffe£ , M agiflrats ! E h bien ! cette L o i qui vous fa it hor
reur, c efl votre propre Jurifprudence.
L e délire de l’imagination la plus échauffée n’a jam ais pro
duit de déclamation plus injurieufe , ni de plan plus abominable.
Abandonnons ce phrenétique à fa propre fureur. Le fanatifmc
dont il emprunte la véhém ence n’a rien de redoutable.
N ous ne croyons pas devoir répondre à la citation cent fois
répétée des Arrêts de L a n g l a d e & de C a h u s a c . L ’Auteur a
lui-même fait la réponfe à la diffamation qu’il ne ceffe de renouveller. Il avoit dit que les M agiflrats font des hommes................... Mém.
& qu'on ne peut imputer à crime aux M agiflrats la déplorable con
dition des hommes publics & la foibleffe de l’efprit humain. Q uoi
que la déposition de deux Tém oins uniform es, non valablement
rep ro ch és, appuyée d’indices certains fur un même fa it , doive
palfer pour une preuve com plette, félon toutes les L o ix divines
& hum aines, il eft néanmoins dans la nature des chofes que
deux Tém oins irréprochables fe foient trompés & aient trom pé
les Ju ges. L a Juftice humaine ne peut pas fonder les replis du
cœ ur de l’hom m e; la confcience des T é m o in s, ainii que celle
de PA ccufé, font un livre -fermé aux regards du Ju g e : il n’eft
point à i’abri des complots de la m échanceté ; le M agiftrat le
p .
31
�)>ü
1
„ 1 * 0
-.plus-intégré peut être iu r p r is, .m aisil .ne perd rien de fa dignité
..quand il-s!eft conformé aux volontés de la L o i, réglé unique de
,.fe sJu g e m en s.
o
, . .
U ne Légiilation -vraiment; parfaite je il impoiîible à la fagefle
la plus confommée. L es réformes que l’expérience confeille pour
réprimer les ab u s, deviennent fouvent une fource d’abus plus
dangereux encore. L e plus grand effort de la prudence d?un
- Légiilateur .efl de.tliminuer le nombre des.inconvéniens auxquels
tout homme eil expofé pour n’être pas en danger .de perdre la vie
par la hardieiTc d’un Scélérat ; & l’on pourroit peut-être foutenir
qu’une L o i qui exigeroit des preuves trop fortes & trop multi
p lié e s, feroit une Loi dan gereu fe, une. Loi oppoiee à la fureté
. publique ; elle iiw itcroit au crime par la certitude morale qu’elle
donneroit au M alfaiteur de ne pouvoir pas être convaincu.
Si- tous les hommes étoient.juiles & vertu eu x, les L o ix feroient
inutiles. M ais dans le débordement de vices dont la Société eft
inondée, il faut des L o ix pour prévenir les complots des m échans,
des Tém oins pour les faire reconnoitre , des Peines pour les effrayer.
N ous avons établi l'intervalle immenfe qui exiile entre la qua
lité de D élateur & celle de D én on ciateur; nous avons égalem ent
établi la différence qui fe trouve entre celui qui fait une dénon
ciation juridique, & celui qui fe contente de faire verbalem ent
la déclaration d’un fait qui lui eil perfonnel. Enfin, nous avons
inarqué la diflance qu’on doit mettre entre le D énonciateur & la
Partie civile.
N ous vous avons fait voir que les Thomaflin ne font pas des
Dénonciateurs ; que leur déclaration, ne contient que l’expofé
. d’un délit arrivé, chez eux pendant la nuit, & dont eux ieuls
ont été tém oin s; qu’ils étoient des Tém oins nécejfaires ; que la
néceifité , plus impérieufe en matière criminelle que dans
un délit civil , exigeoit qu’ils fuifent entendus ; que la L oi
perm enoit de. les(entendre ; enfin, .qu’ils n’avoient aucun intéïêï à.
pourfuivre les ¡D écrétés,' puifqu’ils ne formoient contr’eux aucune
demande
�dem ande, ni en reftitution des effets qui ieur on t'été v o lé s , ni
en dom m ages & intérêts, ni en réparation civile. Il n’y a donc
aucunes nullités dans l’inform ation, à cet é g ard , & la Juftice a
p u , d’après les circonftancës, admettre leur tém o ign age, & fe
déterminer par leurs dépôfitions & les autres preuves comprifes
dans la procédure.
Jufqu’à préfent nous avons envifagé les Thom aiîin comme
pouvant être foupçonnés d’avoir été D énonciateurs. Il faut à'
préfent prouver qu’ils ne l’ont jam ais é té , & qu’ils ne peuvent
point être regardés comme tels.
L a prétendue dénonciation qu’on leur oppofe fe trouve con% n é e dans le Procès-verbal du Brigadier de la M aréchauifée ,
du 3 Février 1 7 8 3 , & le vol eft de la nuit du 2 9 au 30
Janvier précédent. C e Procès-verbal eft une fuite des fondions
attribuées à ces Officiers pour le maintien de la fûreté publique.
L ’Ordonnance criminelle a réglé la maniéré dont ils inftruiront les Procès de la com pétence du Prévôt. M ais les anciennes
Ordonnances ont déterminé leur matche & leurs’fo n d io n s, leurs
devoirs journaliers, leurs tournées •& les objets de toutes leurs
viiites , fur les chemins & dans les lieux de leur arrondiiiement :
tout eft preferit.
Un détachement de chaque Brigade eft envoyé en tournée
dans les Chem ins, B o u rg s, V illages, H am eaux, F e r m e s L i e u x
fuipe&s de chaque Diftriél.
D ans ces tournées, la MarécliauiTée s’informera s’il a été
commis quelques crimes ou d é lits, & ii l’on a connoiiTance des
noms & iîgnalemens de ceux qu’on foupçonne en être les auteurs.
Elle doit arrêter les AiTaiTins, Voleurs & autres Délinquans
trouvés en flagrant d é lit, dom iciliés ou non dom iciliés, &
ceux contre lefqueJs la clameur publique'excitera leur miniftere.
Si elle apprend qu’il ait été commis quelque v o l , affaffinat,
incendie, ou autre crim e, elle recueillera toutes les circonfta n c e s, renfeignemens & indices qui pourront fervir h en faire
Q
Les Thom affin ne font pas
même des D é-nonciateurs.
�cônnoître les auteurs. L es Brigadiers en dreffent leurs Procèsverbaux,' qu’ils font tenus d’envoyer fans retard à leur Lieute
nant , fans négliger cependant les recherches nécefTaires pour la
découverte & capture des Coupables.
V oilà le tableau des fon dions journalières d e là M aréch auifée,
& c’eft à cette furveillance que nous devons la Police des grandsehemins du R oyaum e.
%
L a conduite du Brigadier de la M aréchauffée d e T r o y e s , à
la réfidence d’A rc is, y eft exactem ent conforme.
L e Brigadier M artin étoit en tournée le y o Jan vier ; il eft
informé par Thomaffin le fils, qu’il rencontre fur le grandchemin , du délit commis pendant la nuit chez fon pere ; il fe
tranfporte dans la maifon des T hom affin; il y recueille les circonftances du délit ; les T h om affin , pere & m ere, lui détaillent
la maniéré dont les chofes fe font paflees ; ils donnent le iîgnalement des trois inconnus ; & après avoir pris ces inftru& ions, il
fe met à la pourfuite des Coupables.
Cette déclaration des Thom aflîn n’eft qu’une déclaration ver
bale. L e Procès-verbal n’en eft pas rédigé en leur préfence ; ils
ont donné à la M aréchauifée les renfeignemens qu’elle a de
m an dés, mais il n’ont rien fign é, ils n’ont fait aucune dénoncia
tion , ils n’ont point requis la M aréchauffée de marcher à la
découverte ; enfin , le Procès-verbal dreflié par l’Officier de la
M aréchauifée, de ce qu’il a pu apprendre dans fa tournée, eft
une chofe qui leur eft étrangère. Ce Procès-verbal eft l’ou v rage
du Brigadier. Il devoit le dépofer au G reffe, le communiquer à
fon Lieutenant. L e Subftitut de M . le Procureur-Général en
‘ a pris connoiffance; il a rendu plainte des faits. Les Thom affin
ne peuvent être garans ni des particularités qui ont été oubliées
dans ce ra p p o r t, ni des tranfpofitions que le Brigadier a pu
faire dans la fuite même des circonftances ; en un m o t, cet a fte
n’eft pas une dénonciation, il doit être coniidéré comme la
déclaration que fait une perfonne bleffée au Ju g e qui fe tranf-
�1JÍ 2>
1 23
porte en fa maifon de fon propre mouvement & fans requili-
tio n , dans le cas du flagrant délit ou de la clameur publique.
Dira-t-on que la perfonne bleffée ne peut pas être entendue ?
Pourquoi la perfonne volée n’auroit-elle pas la même faculté ?
L es Thomaffin ne font donc point de vrais Dénonciateurs ; ce
font des Témoins nécejfaires, & rien ne peut faire rejetter leur
tém oign age, puifque les A ccufés ont déclaré qu’z/.r navoient
aucuns reproches à faire contreux.
§•
C on fron ta -
j
tio n s.
IH -
PaiToïis à l’examen des autres nullités. Nous en avons î15“lIl.tél de I
1 r
1 la 111 claffeencore trois à parcou rir, celles de la procédure du Ju g e de
i
V in e t, celles de la procédure du Bailliage de C h au m o n t, &
celles qui font imputées à l’Arrêt du 2 0 O ftobre dernier. L es
deux premieres nullités n’exigent pas une difcuffion auffi étendue.
Après avoir juftifié la procédure faite devant les Officiers de
la M aréchauflee de T ro y es , les premiers faifis de la connoiffance du délit par la capture des nommés Lardoife & G uyot,
:
j
■
|
comme M endians fufpefts & mal famés ; procédure dans laquelle
!
il a encore été décerné des D écrets contre deux Q uidam s déiignés
dans les Informations , qui fe font trouvés être Je a n - B aptijle
Sim are , dit Pierrotot, & Charles B rad ier, dit M albroug ; exam i-
j
!
lions ce qui s’eft pafîe dans la Juftice feigneuriale de Vinet.
\
’
j
L e P révôt de la M aréchauiTée, avant de régler le Procès à
l’extraordinaire , a fait juger fa compétence au Préiïdial de
T ro y es. Il a été rendu un Jugem ent par lequel les Accufés ont
ete renvoyés devant les Ju ges qui en devoient connoitre, attendu que
les Accufés ne font en aucun cas de la compétence du Prévôt de la
Maréchauffée , ni p a r leur qualité, ni p a r la nature du délit dont
Nu.,1!t.é
îeJuge deVinet‘
j
Sentence du j
7 /^ 5 ! ^
Avril 1783. ,
ils font prévenus , pour être p a r lefdits Ju ges , le procès auxdits
Accufés continué, f a it & p a r fa it, f i le cas y échéoit. C e .Jugem ent
Préiïdial eft conforme à l’O rdon n an ce, & toutes les formalités
j
preicrites y ont été obfervées.
Q 2
1
�ï 24
L e M ém oire prétendu juftificatif fait mention d’un fecondJugem ent Préfidial du 1 5 Avril 1 7 8 3 , qui renvoie à la JuiK ce
de V inet les prévenus de vol chez les T h o m afïm , & ordonne
qu’on y transférera les Accufés & les charges : d’où i’Auteur du
'I Mém. p. 3 1 M ém oire conclut que les Ju ges du Préfidial ont reconnu, que le
délit dont les Accufés étoicnt -prévenus étoit un vol fimple 3 & par
conféquent de la com pétence du Ju g e ordinaire..
Serons-nous toujours dans la trifte obligation d e relever lesinexa&itudes de l’Auteur ? 11 exifte, il eil v ra i, dans la procédure'
un pareil Ju gem en t, mais ce n’eft point un Jugem ent Préiîdial^
& PAuteur avoit befoin qu’il fût de cette nature, pour attaquer,,
ious ce p rétexte, la procédure faite dans la JuiK ce de Vinetv
C e Jugem ent efl rendu par l’AfTeffeur de la M aréch au ffée,
en conformité des concluions du SubfKtut de M . le ProcureurG énéral au Siège de la MaréchauiTée..
L es Ju ges Préfidiaux de T ro y e s, en jugeant le 7 Avril 1 7 8 3 , .
que la MaréchauiTée n’étoit pas compétente , avoient renvoyé
les Accufés devant les Ju ges qui devoient connaître du délit. L e
Préfidial n’avoit plus rien à décider.
L e Subftitut d e M. le Procureur-Général en la M aréchauffée
demanda en conféquence que les Accufés fuiTent con d u its, fous
bonne & fïïre gard e, dans les P rifon s.du lieu où le délit avoit
etc com m is, & qu’on y renvoyât une expédition des charges &
informations , enfemble les pieces de conviéUon , fi- aucunes il y
avoit. L ’Affeffeur de la M aréchauffée, faifant droit fur les con
Sentence delà
M ai échauffée,
'» î A v r r 1783.
clu io n s de notre Subftitut, ordonne le tranfport & le renvoi de
mandé. L ’Affeffeur de la M aréchauffée prononce feul-j & feul il
avoit droit de prononcer. C e Jugem ent du 1 5 Avril n’eft donc
pas un Jugem ent Préfidial.
On avoit cependant befoin de le qualifier ainfi pour mettre la
Juftice de-Vinet en-oppofition avec le Préfidial de T roy es.
En exécution du Jugem ent de l’AiTeiTeur, les Prifonniers font
transférés y l’expédition des procédures efl apportée au G reffe
�w
cle la Juftice de V in et, & les pieces de convi&ion y font dépo
sées : par qui ? par le Greffier de la MaréchauiTée. Nous avons
entre les mains la décharge qui lui en a été donnée.
L ’Auteur du M ém oire re le v e , en cet en d ro it, une circonftance que nous avons déjà éclaircie ; c’eft que le B rigadier de
P* ;*•
Ici Maréckauffée y avant de remettre les pieces du Procès au Greffe
de V in e t, a été montrer à la fem m e Thomaffin la croix d'argent
trouvée fu r Sim are , lors de fon emprifonnement. Il étoit difficile
que le Brigacdier allât montrer cette croix à la femme Thom aifin :
car il n’étoit chargé que de la conduite des Accufés ; & c’étoit le
Greffier en perfonne qui étoit porteur des procédures & des pieces
de con v iélio n , & c’eft lui qui en a fait le dépôt au Greffe de
R am erupt, attendu qu’il n’y a point de Greffier en la Juftice de
V in e t, qui paroît s’exercer à R am eru p t, V illage voifin, dépendant
de la même Juftice.
L e Brigadier dit bien dans fon réc.olement qu’il a montré la
croix à la femme Thomaffin , qui l’a reconnue ; mais dans fa con
frontation avec S im a re , il fixe le moment : c'eft le jo u r que les Confrotu. da
pieces de convi&ion ont été dépofées au Greffe de R am erupt , Simare‘
que la femme Thom affin avoit reconnu la croix au moment du
dépôt. C om m ent, fur cette in fpeftion , établir les fondemens
d'un com plot prémédité pour perdre les Accufés ?
R evenons à la procédure. L es A ccufés font dans les Prifoni
de la Juftice de V in et; le Ju g e prend connoiffance du r e n v o i;il
fe dépouille lui-même, & croit devoir délaiffer le Procès & les
Accufés au Ju g e R o y a l, au Bailliage de Chaumont.
C ’eft de cette Sentence de la Juftice de V inet que 1*Auteur
du M ém oire veut faire réfulter une nullité.
L e Juge de V in e t , dit - i l , dans -fon O rdonnance, tient un tan- Mém. p, j *
gage différent de celui du Préfidial de Troyes.
L e P réfid ial de T ro y es
n’ a v u , dans toute la p ro céd u re,
qu’«>2 v o l fim ple fans effraction, fan s affaffinat. L e Ju g e de V inet
y voit un cas R o y a l dont il ne peut prendre connoiffance.
�1*6
I
2.6
.11 eft bien étonnant qu’on fe permette de pareilles affertions.
L e Préfidial n’a point cara&érifé la nature du délit. Il a jugé
que ce n’étoit pas un cas P rév ô talj que la M aréchauffée n’étoit
pas com pétente ; & il a renvoyé , non pas en la Juftice de
V in e t, mais devant les Ju ges qui en dévoient connoitre , fans indi
quer quels étoient ces Ju ges. L e Préfidial a fait ce qu’il devoit
faire -, on lui fait dire ce qu’il n’a pas d i t , ce qu’il ne devoit pas
d ire , parce qu’il ne lui appartenoit p as.d e juger la .compétence
entre le Ju ge feigneurial & le Ju ge royal.
D e fon côté , la M aréch auflee, en conféquence du renvoi
prononcé par le Préfidial pardevant les Ju g e s qui en devaient con■ noître, a cru devoir renvoyer les Accufés devant le Ju g e du lieu
du délit, & celui-ci a renvoyé au Ju g e royal. O ù eft donc la
différence entre le langage du Préfidial & celui de la Juftice de
V in et? L ’un n’a pas nommé le Ju g e qui devoit connoitre de
l’accufation ; l’autre a renvoyé dans la Juftice du R oi. C es deux
difpofitions n’ont rien de contradi£loire.
L ’Auteur du M ém oire prétend néanmoins que ce délaiffement
du Ju g e de V inet au Bailliage de C haum ont, renferme deux
Mém p 87 contraventions form elles aux Ordonnances.
P
88
0
/ / efl tout-à-la-fois un attentat à la hiérarchie judiciaire, & un
attentat à Vordre public des Jurifdictions.
D eu x attentats ! L a force de cette expreffion les fera difeerner
plus facilement. Cherchons à les découvrir.
Prem ièrem ent, attentat à la hiérarchie judiciaire > parce que
le Ju g e de Vinet étoit faifi de la continuation de la procédure
par un Jugement fouverain du Préfidial de Troyes......................il
avoit les mains liées, il fallo it 'quïl eût recours, pour les délier, à
Une autorité fu p érieitre.................. il fa llo it q u il f î t caffer avant
tout ce Jugement fouverain.
I l ne s ’efl p a s borné à défobéir à ce Jugement Souverain. I l s ’efl
permis............. d'en faire la critique la plus indécente & en même
tems la plus mal fondée ,
�ijy
'J(l
127
T els font les motifs du reproche éclatant que le Mémoire fait
am Ju g e de V in et, qui doit être bien étonné ..d’avoir commis un
attentat qui n’exifte pas.
Le Préfidial a ju gé par Jugem ent en dernier re ifo rt, que la
M aréchauffée n’étoit pas compétente ; que la procédure devoit
être renvoyée devant les Ju ges qui en dévoient connaître : mais il
n’a pas jugé en dernier refjort que le Ju ge de V inet devoit conti
nuer l’inftru&ion'.
L e Préfidial n’a pas jugé que le délit, imputé aux Accufés étoit
un cas ordinaire ; mais Amplement' qu’il 71 étoit p a s Prevotai : &
le Ju ge de V inet en détaillant au Ju ge R o y a l , qui eft toujours
com pétent, n’a ni commis de défobéiifance , ni fait une critique
aujji indécente que mal fondée d’un Jugement Souverain.
L e Préiîdial auroit même excédé fon p o u v o ir, en renvoyant
devant un Ju g e quelconque. Son attribution eft bornée à prononcer
*fu r la com pétence du Prévôt : & l’O rdonnancé, fans l’autorité du
P réiîd ial, indique le Ju g e qui devient alors compétent.
Seco n d em en t, le M ém oire préfente le renvoi du Ju g e de V inet
comme un attentat à Vordre des Jurifdictions : & voici conime il
la prouve. Quand le Jugement Préfidial ne feroit p a s un Jugement
Souverain s le Ju ge de Vinet ne pouvoit renvoyer..
I l étoit lié p a r fon Office.
I l étoit fa ifi p a r la Loi.
Mém. p.88.!
Car le renvoi du Préfidial étoit fondé fu r la L oi.
L es Ju ges des lieux ne fojit-ils p a s les premiers Ju ges naturels
des Citoyens ?
C e raifonnement eft bien facile à détruire. Les Ju ges des lieux
font inconteftablement les premiers Ju g e s en matiere de délit
ordinaire -, ce principe ne peut être défavoué. M ais la L o i a fait
des exceptions à cette Loi générale. T elle eft entre autres celle
des cas Prévôtaux. II en faut diftinguer de deux fortes , comme
le Préfidial de T ro yes l’a fait dans fon Jugem ent.
L e délit peut devenir Prévôtal
ou par ia n atu re , ou par le
�•t l*
128
qualité des Accufés. D ans i’efpece particulière le Préfidial a décidé
que le délit n’étoit Prévôtal ni en lui-m êm e, ni par la qualité des
A ccufés ; l’exception a donc cefle dans ce m o m en t, & le délit
eft devenu de la com pétence du Ju ge Ployai ou du Ju g e Sei
gneurial. M ais p a r la nature même de l’accufation formée par le
Subftitut de M . le Procureur G énéral , la com pétence du Ju g e
ordinaire pouvoit être conteftée. L a Maréchauffée. avoit commencé
l’infi:ru£Hon comme s’agiflant d’un cas Prévôtal : c’étoit un d é lit,
. prétendu commis par un m en d ian t, reconnu tel de fon propre
aveu , & par des Gens fufpe&s & mal famés , tous accufés d’y
.avoir participé. Auiîi-tôt que le cas a cefTé d’être Prévôtal , la Loi
fans le fccours du Préfidial déféroit la connoiiTance de ce délit
au Ju g e du lieu où il avoit été commis. L e Ju g e de Vinet ayoit
donc le droit d’achever l’inftru&ion renvoyée devant les Ju ges
qui en devoient connoitre ; il rentroit dans tous fes d ro its, dont l a ’
Procédure faite par le-Prévôt d e l à MaréchauiTée avoit fu fpen d*
l’exercice. Il a donc pu légitim em ent juger que le cas n’étoit pas
de ia com p éten ce, comme il pouvoit le faire dans toute autre
circonilance. Il a pu regarder ce délit comme un cas R o yal , &
fe défaifir d’une affaire qu ilu iétoit ren v oy ée, non p a r le P rèjîd ial,
mais p a r les Officiers de la Marcchauffée. Il n’y a donc dans ce
renvoi aucune contradi£lion avec le Jugem ent Préfidial. L ’Auteur
du Mémoire pourroit-il donc ignorer que tous les cas P révôtaux
font des cas R o y au x ., mais que tous les cas R o y au x ne font pas
P révôtaux ? N ous ne pouvons pas préfumer cette ignorance des
premiers élémens de la Procédure preferite par l’O rdonnance de
1 6 7 0 . L e Procès-verbal de fa réda&ion auroit pu lui apprendre
que les, cas Prévôtaux ne font que des cas particuliers choifis
entre les cas R o y a u x , & attribues fpécialement à la connoiiTance
des Prévôts'des M aréchaux , pour accélérer le Jugem ent des C r>
jninels.
Enfin fi le délit'en lui-même eût été fufceptible d’être jugé par
les Officiers de la Jufticc où il a été commis , le Ju g e de Vinet
auroit
�'**h
129
auroit encore pu le délaiffer au Ju g e R o y al : il n’y auroit que le
Seigneur Haut-Jufticier qui eût été fondé à revendiquer les droits
de fa Juftice j & toute réclam ation cefTant de fa p a r t , le Ju g e
R o y a l , com pétent pour connoître. de tous les délits commis dans
l’étendue de fon reffort, pouvoit accepter le délaiffement puifqu’il
exerce la prévention fur les Ju ges Seigneuriaux. Il fuffit en effet
qu’un Ju g e fubalterne néglige de pourfuivre un d é lit , pour que
le^ Ju g e R o y al foit en droit d’en prendre connoiiïance ; à plus
forte raifon doit-il continuer l’inftru&ion , lorfque le Ju g e du Sei
gneur refufe de mettre à fin la Procédure qui lui eft renvoyée
p a r la M aréchauffée déclarée incom pétente. Il n’y a donc dans le
renvoi fait par les Officiers de la Juftice de Vinet au Bailliage de
C h a u m o n t, ni attentat à la Hiérarchie judiciaire , ni attentat à
tordre des Jurifdiciions , ni nullité , ni apparence de nullité.
Croiroii-on que la maxime qui conftitue le Ju g e du lieu du
¿délit, Ju g e naturel de celui qui a été commis dans fon territoire,
fau f les excep tio n s, devient une occafîon à l’Auteur du M ém oire
de faire la fortie la plus vive contre les L o ix en g é n é ra l, & d’a
vancer les propofitions les plus abfurdes.
N ous lifons dans le M ém oire , que les L o ix fo n t malheureufetnent la p lu p a rt, moins des combinaifons réfléchies de la morale
& de la P o litiqu e, que des je u x du hasard, ou des caprices delà force.
N ous lifon s: les L o ix devraient créer les événemens , & ce fo n t
les événemens qui créent les L o ix . G rand D ieu quelles maximes î
N ous ne dirons pas qu’elles ont été inventées dans une des grandes
nuits , mais dans un aveuglem ent volontaire de Vefprit humain.
Q u o i 1 la plupart des L o ix font des je u x du hasard > font l’effet
terrible des caprices de. la force !
. N e croiroit-on pas qu’elles ont été publiées par des Ufurpateurs
ou par des T yran s. Les Em pereurs font-ils donc tous des T i b e r e ,
des N é r o n , ou .des C a l i g u l a ? C es monftres dont la cruauté
enfanglanta l’Univers / n’ont-ils pas eu des Succeffeurs qui ont été
l’ornem ent, la lumiere & les délices de l'humanité ?
.
...
M cm . p. 89.
�130
Si les L o ix anciennes & nouvelles ne font pas le réfultat des
combinaisons réfléchies de la Morale & de la Politique ; û l’exp é
rience n’en a pas démontré la néceffité & l’utilité ; fi la fageife &
l’amour du bien public n’en ont pas difté les difpofitions ; fi elles
ne font par aiforties aux mœurs , au génie , au cara&ere des
Nations qui les ont confervées -, tous les Peuples de la terre doivent
déplorer la triile condition des hommes réunis en fociété. Ils ont
en vain facrifié une portion de leur liberté n aturelle, pour jouir
a vec plus de p lén itu d e, a vec plus de fûreté , de la portion qu’ils
fe font réfervée.
Sferoit-il donc vrai que le hazard tînt en fa main l’urne fatale
où fe forme la deftinée légale de tous les C itoyen s ? Seroit-il vrai
que la force ou le caprice euifent feuls préiidé à la redaflion du
recueil de nos Loix.
Q u el aifemblage bifarre ! Les L oix , c’eil-à-dire les regles de
la vie civile , produites par une com binaifon fortuite du hazard î
le caprice qui di& e les L o ix! la force qui les fait recevoir & exé
cuter ! A-t-on jamais rapproché des idées plus inconciliables ? L a
raifon cherche inutilement fon ouvrage : ce guide éclairé ne reconnoît plus l’homme qu’il doit diriger & conduire; ou p lu tô t, la
raifon déplore la trifte manie qui s’eft emparée de quelques efprits,
aifez malheureux pour s’être pe'rfuadés qu’ils fe rendront fameux
en avançant les paradoxes les plus extraordinaires. Les principes
reçus leur paroiifefit anéantis par la vetuilé. C e qui devroit les
faire refpe&er les fait proferiré. C ’eil: en foutenant les principes
oppofés qu’ils croient fe faire un nom & parvenir à la célébrité.
Q u e diroient les grands Perfonnages de l’antiquité , dont les
noms refpe&ables fe font tranfmis d’âge en â g e , & qui font encore
les objets de la vénération des hommes ? Q u e penferoient ces
Bienfaiteurs des Nations , s’ils pouvoient être témoins du mépris
dans lequel leurs maximes font prêtes à tomber ?
Sortez de vos tom beaux, fages Législateurs des Peuples les plus
éclairés : venez vous réformer à l’E cole des N ovateurs de notre
�■il
iîecle. La raifon vous avoit enfeigné que les'L oix n’étoient intrôduitcs que pour prévenir le trouble dans la Société ; quelles
n’étoient néceffaires que pour punir les coupables , & effrayer
par la terreur du fupplice. D étrom pez vous ; votre prudence
n’étoit qu’une longue erreur. D e nouveaux principes viennent
renverfer les monumens de votre fageffe. L es L o ix doivent créer
Us événemens, & ce font les événemens qui créent les L o ix ( i ) .
Immortel L é g ’ilateur d’A thenes, vous avez penfé qu’il ne falloit point de L oi contre les parricides : vous ne fuppofiez pas
qu’il pût exiiler un fils aflez dénaturé pour porter une main facrilege fur l’auteur de fes jours. La p révoyan ce vous fuggeroit qu’il
feroit imprudent de prononcer des peines contre un crime jufqu’alors inconnu dans la République. V ous avez craint de publier
que l’événement fût p o iïïb le, & vous fremiiTiez en quelque façon
de créer l’événement fi vous euffiez voulu le prévenir. V ous avez
attendu que la nature fît naître un monftre pour prouver la néceffité de la Loi.
O
trop prudent Solon , votre fageiTe n’étoit que pufillanimité.
L a L o i devoït c/éer L'événement : voilà les maximes qu’en veut nous
faire adopter. L ’efprit humain peut-il s’abandonner à un tel excès
d’extravagance & de folie ?
Relions à jamais , relions attachés à ces réglés antiques qu’on
veut en vain traiter de .vieilles eireurs. L e crime appelle- la Loi
vengereiTe ; & la L oi ne doit pas créer un crime qui n’a jamais
encore été commis : difons avec le Légiilateur des A th én ien s,
qu’il c il des crimes fi atroces qu’il y auroit plus que de l’impru
dence à les p révo ir: la L oi qui en ordonneroit la punition, les
réaliferoit en quelque forte ; elle avertiroit du moins que ce genre
( i ) L’ Auteur auroit-il en v u e les loix de S y l l a , qui fem bla ne faire des rcglemtns que pour
établir des crimes. A in (i en qualifiant une infinité d ’aBions du nom de m eunre, i l trouva par
tout des meurtriers, & cette pratique ouvrit des abymes fa r le chemin de tous les Citoyens.
C ette reflexion cft tirée d’un grand Philofophe que l’Auteur du M ém oire a voulu co p ier,
mais qu’il n’a pas fçu comprendre.
R
3.
�*
«V
131
de crime e x ifte , & qu’il eft poiiible de le commettre. L ’ignorance
du mal eft fouvent le principe de la vertu.
M ais ne prévenons point les réflexions que nous avons à préfenter dans notre derniere Partie fur les vices imputés à la Légif-,
lation Françoife. Continuons l’examen du M é m o i r e prétendu
J U S T I F I C A T I F .
*
Nullités de
la IV ClaiTe.
§.
I V.
Nullités de la
A u x nullités reprochées aux procédures faites en la Juftice de
te a ^ B a in i^ e
V i n e t , fuccedent les nullités de la procédure faite au Bailliage
¿g Chaumont. Pour mieux les faire com prendre, il faut expofer
de C haum ont.
fous vos y e u x un tableau très-raccourci de cette même procédure.
L e Juge de V in et , comme on vient de le voir , avoit délaiffé
l’inftruétion au Bailliage de C h a u m o n t, & le Bailliage avoit ac
cepté le délaiifement. O n s’éleve dans le M ém oire contre cette
M ém . p. 93.
acceptation
,
parce que l ’Affeffeur criminel n a pas pu par fon
Ordonnance déclarer lui fe u l fon Tribunal compétent. Nous répon^
Reprife de
dons à cette critique déplacée , que le P ro cè s-v e rb a l d’accep
tation n’étoit pas néceifaire , il fuffit en pareil cas d’ordonner la
continuation de la Procédure: & m êm e fi le Juge de V inet eût gardé
la connoiiTance de l’affaire, & qu’il ne fe fût pas mis en devoir
de l’inftruire, le Juge R o y a l auroit pu l’attirer à l u i , foit comme
préfentant un cas R o y a l dont lui feul pouvoit connoître , foit à
caufe de la négligence du premier Juge. Toutes les anciennes
Ordonnances s’accordent fur ce point de difeipline
& enjoignent
aux Subftituts de M . le Procureur G é n é r a l, de veiller au Juge
ment des Procès dans les Juftices inférieures de leur reffort.
Nous ne disconviendrons pas que les Officiers du Bailliage de
Chaumont auroient pu mettre plus d’a& ivité dans la continuation
de la procédure qu’ils avoient dans le Greffe de leur Jurifdi&ion,
11 s’eft écoulé un temps confidérable entre le délaiifement &: le
premier afte judiciaire fait par le Bailliage. D ire avec l’Auteur
clu M ém oire que cet intervalle a été rempli des iniquités des trois
�I< à
*à'
133
premiers Ju ges & des fouffrances des trois hommes : ce n’eft pas
feulement une inve& ive a tro c e , c’eit une calomnie.
L ’intention du Souverain eft la plus^prompte expédition : & il
y a de la négligence à laiiîer dans- un cachot des malheureux, qui
peuvent être innocens. L e retardement qu’o n -a apporté à l’inftru£Hon eil contraire à toutes les réglés , qui exigent la célérité
fur-tout dans les Procès criminels. M ais on ne peut pas en faire
naître une nullité.
Si nous reprochons cette forte d’irifouciance aux Officiers du
Bailliage de C h a u m o n t, faudra-t-il nous contenter de blâmer le
tableau indécent que le M ém oire préfente de la maniéré dont la
Procédure a été reprife ?
C’ejl p a r les chemins y dit l’Auteur , c èfl en C a m p ag n e ce fu t
une partie de Campagne que la continuation de cette procédure.
L e Ju ge , le Procuieur du R o i & le Greffier , partent un matin
de Chaumont, la Procédure fo u s le bras , & les tt'ois Accufés der
rière.................. Ils confomment en courant la Procédure. .
Quel fpeclacle ! trois malheureux accufés, arrachés de la Prifon..... .
traînés p a r des foldats à la fuite d’un Procureut du R o i , d'un Ju ge
& d'un Greffier.
Vous ave^ oublié les Bourreaux.
Peut-on tracer une peinture plus révoltante ? Et l’atrocité de
cette courte réflexion , vous ave^ oublié les Bourreau^, n’y ajoutet-elle pas un dernier degré d’horreur.
^
Quel eit donc le but de l’Auteur ? A-t-il pu fe permettre cette
infâme plaifanterie, dans un M ém oire qu’il annonce comme deftiné à pafler fous les y eu x du S o u v erain ? A - t - i l cru faire une
description reelle de la marche des Officiers du Bailliage ? Nous
ne pouvons nous empêcher de l’accufer de calomnie. L ’impofture
eft prouvée par la Procédure même. Ilfuffit d’en confulter les aftes.
L ’Aflefleur criminel fe tranfporte à Piney , C h e f- lieu de la
Juftice de V in e t , non pas pour reprendre le Procès renvoyé par
le Ju g e de V in e t , mais pour raifon d’une Procédure commencée
Métn. p. 6 1 .
Tranflation
des Accufés 3
P iney.
�134
contre d’autres Particuliers accufés d’un autre crime. C e premier
fait eft conftant. L e Subftitut de M . le Procureur G énéral faifit
cette occafion pour demander la continuation de la Procédure
contre L a rd o ife , Sim are & Bradier. 11 préfente fon Requifitoire.
Il y expofe , que pour éviter les frais, & épargner aux témoin sun
v o y a g e à plus de vingt lieues de leur dom icile, il a fait transférer
à Piney , attendu le défaut de Prifon en la Juftice de V in e t, les
trois Accufés détenus dans les Prifons du Bailliage.
L e Jugé-, le- Procureur du R o i ne fe font pas fait fuivre par les
A c c u fé s, traînés par des Soldats. C ’eft une tranflation faite par la
M aréchauflee.
C ette tranflation n’eft pas tout-à-fait réguliere : nous en con
venons. Il falloit une Ordonnance qui prononçât l’extra&ion des
A ccufés des Prifons du B a illia g e , pour les conduire dans celles du
lieu du délit. M ais cette irrégularité ne change rien au fait en luim êm e, & o n ne peut pas la transformer en nullité d’Ordonnance^
L es Officiers de la M aréchauflee , plus occupés du foin de
faire ju ger leur com pétence que de conftater le délit , n’avoient
pas drefle le Procès-verbal des efïraét-ions qvii cara£lérifoient le
vol nofturne commis chez les Thom aiïïn. Les Officiers du Préiî
dial de T ro y es qui n’avoient à ju ger que la com pétence du
Prévôt n’avoient pas droit de le faire. L e Ju g e 3 e V in e t , qui
àvoit délaiiTi? au Ju ge R o y a l, ne s’en étoit pas occupé. L a pre
mière démarche du Subftitut de M . le Procureur G énéral fut de
requérir que la Procédure feroit continuée en la Juftice de Piney ;
8c que le Ju g e 8c le Greffier , ainfi que lui Procureur du R o i , fe
tranfporteroient en la maifon dudit Thomaflin pour y conftater
les effraftions intérieures 8c extérieures faites la nuit du 2 9 au
3 o Jan vier 1 7 8 3. L ’Aflefleur en conféquence , faifant droit fur
le Requifitoire ,
lieu de P in e y , il
dés Thomaffin ,
Subftitut de M.
ordonna la continuation de la Procédure audit
ordonna en même tems fon tranfport en la maifon
pour y drefler le Procès-verbal en préfence du
le Procureur Général.
�tÙ
*>
>35
Cette Ordonnance eft du 18 Juin 1 7 $ 5. L e même jo u r }
notre Subftitut préfenta un fécond Requifitoire à l’effet de faire
régler le Procès à l’extraordinaire, & de faire entendre de nouT
veau x Tém oins. Seconde O rdonnance du même jo u r, qui or
donne le récolement & la confrontation , & permet' une, ¡addition
d’information.
.
O n a dit affirmativement dans le M ém oire : Ces deux Ordon
nances n ont point été rendues dans L'Auditoire de P iney , elles
Vont été dans VAuberge du Ju ge. C e ’ton affirmatif eft bien fm-
Mém. p. 35.
Procédure
faite à l’A u r
berga.
gulier. C es deux Ordonnances font rendues le même jo u r,.& à
la fuite l’une de l’autre. L a premiere porté qu’elle a été rendue
dans l’Auditoire de P in ey ; & comme la fécondé eft en quelque
forte du même m om ent, rien ne prouve qu’elle a été rendue dans
l’A uberge du Ju ge. Il eft à préfumer qu’elle -a .été faite de même
dans l’Auditoire : & cet oubli d’indiquer le lieu comme dans la
prem iere, n’eft pas une véritable nullité, parce que le premier
Ju g e n’eft pas aftreint à répondre une R equête de notre Subftitut
dans fon Tribunal.
Il eft encore dit dans le M ém oire , que dans toute cette nou
velle P rocédure, faite avec une précipitation inouie, consommée
en fept jo u r s , pour entendre cinq T ém o in s, en récoler & con
fronter un très-petit n om bre, & dreffer un P rocès-verbal, (eft-ce
donc là une précipitation inouie} ) O n a d it,.n o u s le répétons,
<ju’on a procédé à toutes ces opérations, indifféremment dans
VAuditoire de P in ey , dans VAuberge de P in e y , dans la Maifon
du Curé de Vinet. N ous releverons encore cette m exa& itude.
T ou s les Tém oins ont été récolés & confrontés dans l’Auditoire
de Piney. L es deux premiers Tém oins de la nouvelle Infor
m ation ont été entendus dans l’Auditoire de Piney. Et l’un
de« jours que rAffeiTeur Criminel fe tranfporta à Vinet pour y
dreffer Procès-verbal des e ffray io n s, avant fon tranfport dans la
maifon des Thomaffm , il defeendir dans la M aifon C u riale, &
entendit dans une des falles du P resb ytere, trois Tém oins qui
Ibidem ,
�i.Ov
f a
6
ne s’étoient' pas préfèiités à Piney le 1 0 Juin précéden t, jour
où il avoit déjà entendu les premiers. Nous voyons bien que
ces trois Tém oins avoient été aifignés; ils ont repréfenté l’Exploit d’afîignation avant de dépofer. M ais comme cet Exploit
n’eft jam ais joint à la P rocédure, nous ne pouvons aiTurer s’ils
avoient été aiîignés pour venir dépofer devant l’AfleiTeur, lors
de fon tranfport au V illage de Vinet : on doit pourtant le pré
fum er, car le Ju g e a eu l’attention de déclarer qu’il les avoit en
tendus dans la M aifon Curiale de V in e t; & un Ju g e , qui fe
tranfporte h ors: de fon Siege pour faire une InftrufU on, établit
fon Tribunal dans l’endroit qui lui paroît le plus convenable.
Enfin ce qui détruit toute o b je ftio n , c’eil que ces trois Tém oins
entendus dans la M aifon C u riale, n’ont point été confrontés, &
par conféquent ils ne font pas charge au Procès : ce font des
dépofitions àbfolument inutiles.
13
Procès-verbal
d effray ons.
C e fut après l’audition de ces trois T ém oin s, que rAfleiTeur
defcenteTen la maifon des Thom aifin. 11 y. dreifa fon Procèsv erb al, & la réda& ion n’en put être terminée que dans deux
Séances. Il com m ença le 2.3 Ju in ; l’opération fut interrompue
par la nu it; & à la fin de cette premiere p artie, il continua la
vacation au lendemain 2 4 Juin. O n reproche encore à cette
Mém. p. 96. O rdonnance de continuation du Procès-verbal, quelle ri a point
été rendue dans l'Auditoire de Piney ; quon ne fa it où elle a été
rendue ÿ qu elle ' n efl point datée j que le quantieme feu l y efl ex
primé , m ais que le lieu ne ie fl pas.
Si l’Auteur du M ém oire.avoit pris la le&ure de tout le Procèsverbal , dont il a néanmoins tiré tant d’in du & ion s, il auroit vu ,
i ° . en tête de ce P rocès-verbal, que rAiTeifeur Criminel s’eft
tranfporté à Vinet en la maifon des Thom aiîin , le 23 J u i n , en
exécution de l’O rdonnance du 1 8 Juin précédent.
2°. Il auroit vu à la fin de la premiere S éan ce: E t attendu
qu il cjl fept heures fonnèes, nous avons remis la continuation du
Proccs-verbal à demain Z4 du prêfent, huit heures du matin.
�&
Y37
3 °. Il auroit vu en tête de la fécondé V acation : Et le 1 4 Juin
audit an t heures de huit du matin, nous nous fournies de nouveau
tranfportés y &c.
Ainfi l’Ordonnance qui continue la Séance au lendem ain, n’eft
pas rendue dans l’Auditoire de Piney ; mais elle eft rendue dans le
cours de l’opération , à la fin de la premiere Séance. L ’Aifeifeur
étoit en droit de continuer fon Procès-verbal au lendemain. Elle
eft d a té e , le lieu y eft exp rim é, puifqu’elie fe trouve à la fin de
la Séance du 2 3 Ju in , qui n’a pu finir que dans la maifon m ême
où l’on dreifoit le Procès-verbal. C e détail fans doute eft faftidieux ; mais au moins il fera voir tous les replis que l’Auteur
du M ém oire a fait fur lu i- m ê m e , pour inventer des nullités
qui n’exiftent que dans fon imagination prévenue.
C ’eft en cet état que le Bailliage de Chaum ont a prononcé
le 1 2 A oût 1 7 8 5 , après avoir interrogé les Accufés fur la fellette, & fans avoir ordonné la preuve d’aucuns faits juftificatifs.
L a Sentence déclare les trois Accufés atteints & convaincus du
vol nocturne dont eft queftion j en détaille les circonftances ;
& pour réparation , les condamne aux Galeres perpétuelles.
L ’expofé que nous venons de faire pour l’intelligence de la
P ro cé d u re , fuffit pour écarter les vices légers qu’on accum ule
comme pour faire nombre. Il en eft de plus effentiels que nous
allons parcourir.
L ’Auteur du M ém oire les a divifés en deux claifes. Les pre- Mém.p,z y
mieres annullent les actes particuliers où, elles fe trouvent ; les
fécondés ancandffcnt toute la Procédure.
L es nullités qui ne portent que fur quelques aftes particu
liers de la P ro céd u re, réfultent, ou de l’aéle en lui-m êm e,
com m e les Récolem ens des Tém oins , & les Confrontations
des Thom aflin avec les A ccu fés, eux dont on ne devoit pas
entendre la dépofition ; ou du défaut d’un a& e qui auroit dû
exifter , comme la non-C onfrontation des Tém oins entendus
dans l’Auditoire de P in e y , S i le défaut d’interrogatoire après la
S
�il < 6
in
.
138
! Nullités des n o u v e l l e information j
, eontVontaûons d ,e f f i .a a i o n / .
& après la réd a£io n du Procès t verbal
,
En termes beaucoup plus ilm ples, les Thom aiîin ne devoient
pas être confrontés. ''
L es nouveaux Tém oins devoient être confrontés.
Les Accufés devoient être interrogés fur les faits réfultans cte
la nouvelle Information ÔT'du Procès-verbal d’effra&ion. D e-là
trois nullités : à peine méritent-elles d’être réfutées.
' 'D ’ab ord , à l’égard des ThomaiTm : ils avoient été entendus
en dépoiinon, ils devoient donc être confrontés. Si leur dépoiî-
:'
■
'
tion n’tift pas nulle, la confrontation eft valable.
En fécond lie u , la n o n -confrontation de quelques Tem oifis'
ne peut jamais- être une nullité. Il eft laifle à la prudence du'
Ju g e de déterminer ceux qui doivent être confrontés.
;
I
• Ordonnance
«
Les Juges pourront ordonner le rccolement
&
la confrontation des
15 an ° J TU" » '^ r n o i n s qui n’aura été fa ite , fi' leur dépofition fait charge conftdérable » .
C ’eft donc au Ju g e à décider dans l’Inftru£lion, ii le Tém qLi
mérite ou non d’être confron té; & lors du Ju ge m en t, quand la
dépoiîtion fait charge coniidérable, le Ju g e peut encore ordonner
que le T ém oin fera confronté. Il eft même d’autant plus éton
;
nant qu’on fe plaigne du défaut de c o n fro n ta tio n q u ’un Tém oin
non confronté exifte au Procès comme s’il n’exiftoit pas. L ’O r
donnance dit ftri&ement que ,
.
Mfmc Titre
pir*8.
«' Les témoins qui n’ont pas été confrontés ne font pas p reu ve..... à peine
» de nullité ».
.
-
A l’égard du défaut d’interrogatoire après la nouvelle Information , & après le Procès-verbal d’effra& ion, il eft fouvent néceffaire d’interroger fur les faits nouveaux qui en réfultent ; mais
cet Interrogatoire n’eft pas prefcrit par l’O rdonnance. Elle dit
|
au contraire que ,
Ordonnance
le 1 6 7 0 , T ir .
¡4 , art. 15.
7
<( L ’interrogatoire pourra ctre réitéré toutes les fois, que le cas le re,
» querra ».
,
■
�*
1 3 9
£
k
C ’èft donc une pure faculté. C ’eft au Ju ge à. fentir la nécef• fité d’un nouvel Interrogatoire. M ais ce qui eft purement facul
ta tif, ne peut jam ais'être changé en nullité : elles doivent toujours
être prononcées par l’Of-donnance. D ’ailleurs, cet Interrogatoire
a été fait après la vifite du P ro cès, dans l’interrogatoire d’Office.
•Tous les A'ccufés ont été interrogés fur la fellette. C es interro
gatoires font très-étendus -, ils reprennent tous les faits du Procès.
L e v œ u de l’O rdonnance a donc été rempli.
- :L a fécondé clafle de nullités reprochées à la Procédure faite
au-Bailliage de C haum ont, en préfente qui ont au moins un
prétexte plus fpécieux. Sont-elles mieux fondées ?
L a premiere coniifte dans l’Ordonnance de l’Àiïe fleur qui a
Nullité di
réglé lui feul le Procès à l’extraordinaire.
^’tm^rdin
Prem ièrem ent, ce Règlem ent à l’extraordinaire eil un Ju g e - pr°n°ncépai
7
o
o
unieulJugeJ
ment important.
,
Secondem ent, il feroit abfurde qu ’il fût déterminé par le Com miflaire qui a fait l’Inftru6lion.
T roifien iem ent, il réfulte de plufieurs Articles de l’Ordonriance, que trois Ju ges au moins doivent cdncourir à le rendre.
Quatrièm ement enfin, dés D éclarations ont. expliqué-, 1e vœ u
de rO rdonnânce.
L a réponfe à ces quatre O bje& ions ri’eft pas difficile. L ’O r
donnance eft im pérative dans toutes les R églés qu’elle a p re s
crites ^'mais quand l’O rdonhance eft muette , c’eft T U fage qu’il •
faut consulter ; l’U fagé eft l’interprete de la Loi.
L a Règlem ent à l’extraordinaire eft un Jugem ent im portant;
c ’eft la baie d’un Procès Criminel. M ais quelqu’important que
foit ce R èglem ent, e t n’eft encore qu’un Jugem ent d’Inftru£Hon;
S t dans'îés Tribunaux cjüi jugënt à la charge de l’a p p e l, l’U fage
eft aflez confiant.' L e Lieutenant Criminel feul réglé le Procès
à l’extraordinaire, s’il le ju ge à p ro p o s, ou en fait le R apport à
*a Cham bre dans des accufations d élicates; &: ce Règlem ent
S
2
'£}ut
�* 4°
'
n’eft jamais dangereux, parce que les A ccufés ont la faculté d’en
interjetter appel.
Q uand nous difons que c’eft un ufage, nous n’entendons pas
ïtfage uniquement fondé fur la pratique : c’eit un ufage qui dérive
de la L oi elle-même.
L ’Ordonnance , au T itre 'des Récolem ens &
confrontations
femble avoir décidé la queition. Elle s’explique ainii :
O rdonnance
de 1670, Tit.
15 , art. x.
«
Si l’accufation mérite d’être inftruite, le Juge ordonnera que les témoins
. , .
.
„
• ,
r
w oms es inform ations, & autres qui pourront être 0111s de n o u veau , feront
« récolés en leurs dépofitions, & fi befoin eit confrontés à l’a ccu fé , 8cc.»
L ’Auteur du M ém oire fertile en farcafmes , dit à cette occaque V Ordonnance fo u v e n t a oublié que les A ccu fés étoietlt des
M cm . p. 100. { i o n ?
hommes ) rarement que les Juges en étoient.
E t vo ici comme il prouve fa maxime. L e m o t, Juge, femble 3 à
Ibidem,
la vérité, ne préfenter quun fe u l homme ; mais quon confîdere
qu’ aucun. Membre du Tribunal n e fl Juge quavec le Tribunal entier.
L e Juge ejl ici un teime générique qui comprend toutes les perfonnes
qu i compofent enfemble l ’ être m oral qui prononce. Si cette expreffio n , le Juge f devoit néceffairement s’entendre de tout le T ribu
n a l, & que le Juge ne fût Juge qu’avec le Tribunal ; aucun O ffi
cier ne pourroit recevoir une p lain te, ne pourroit permettre d’in
former , ne pourroit d écréter, ne pourroit ordonner fon tranfport
fur les lieu x, parce que dans tous ces cas il fait fon&ion de Juge :
& d’après l’interprétation du M ém oire, il n’en auroit pas le pou
voir. S’il
y
avoit du doute fur l’étendue d elà fignification du mot
le Juge ordonnera, c’eft par l’ufage qu’elle peut être fixée ; &
dans l’ufage , le Règlem ent à l’extraordinaire eft le plus fouvent
prononcé par les Lieutenans Criminels feuls, ou par ceux qui les
remplacent.
H n’eft donc pas abfurde que ce Règlem ent foit prononcé par
celui qui inftruit la procédure , puifque ce n’eil encore qu’un
Jugem ent d’initru&ion,
�n /
141
Il eft vrai que dans un autre T itre , FOrdonnance s’eft fervi de
la même expreffion, mais au pluriel.
« Les Juges ordonneront que les témoins feront récolés en leurs dépofi» tions, &c. »
C ’eft dans un cas particulier que l’Ordonnance parle ainfi }
mais il ne s’enfuit pas encore de cette difpoiition, que la L o i ait
ordonné dans tous les cas le concours de tout le T rib u n al; parce
que dans tous les cas où elle a em ployé la même expreffion en
nom colleélif, il faudroit conclure de même la néceffité d’aflembler tout le Tribunal. O n pourroit établir avec la même folidité,
qu’il faut lap réfen ce du Tribunal entier pour dreiTer un Procèsvérbal. L ’article i cr du T itre 4 , porte de même.
« Les Juges drefferont fur le champ & fans déplacer procès-verbal, &c. »
L ’article fécond du T itre 5 , porte égalem ent.
« Pourront les Juges ordonner une fécondé v iiit e , & c . »
E t cependant dans l’un & dans l’autre c a s, un Ju ge fuffit. 11
en eft d’autres où l’O rdonnance s’eft encore exprimée de m êm e,
dont on peut tirer la même conféquence. C es exemples fùffilent;
car il feroit abfurde de prétendre qu’il faut la préfence de tous les
Officiers d’un Siege pour dreiTer un P rocès-verbal, ou pour or
donner une fécondé vifite de M édecin & de Chirurgien.
Revenons à l’article cité dans le M ém oire, où FOrdonnance dit :
« Les Juges ordonneront que les témoins feront récolés, &c. »
L e M ém oire ne montre point à quelle occaiion FOrdonnance
s’explique , & cette réticence a befoin d’être éclaircie , au moins
vis-à-vis de tout le Public.
L ’article 1 3 du T itre 1 7 , porte il eft vrai.
« Les Juges ordonneront que les témoins feront récolés, &c. »
N ous pourrions dire que ce m ot, les J u g e s , doit s’entendre
de tous les Ju ges qui travaillent à l’inftru&ion d’un p ro c è s;m a is
cet article ne reçoit pas d’application au Règlem ent à l’extraor
dinaire. Il fuppofe au contraire que le Règlem ent à FextraorcU-
�»
14 2
naire eil prononcé & l’article piév oït le cas oit il' ne peut pas
y avoir de confrontation. Il s’agit du Jugement de contum ace :
FOrdonnance décide q u e ,
'
« Si la procédure eil valablement faite, les Juges ordonneront que les
Ordonnance
'de 16 7 0 , T it. »; témoins feront récolés , & que le récolement vaudra confrontation ».
1 7 , ait. 13.
M ém . p .*100«
S i la procédure ejl valablement f.ùte , Finftru&ion eil donc'
finie : on va juger cette inilruttion. C e n’eil plus un Ju ge qui
prononce , c’eil le Tribunal entier : ce font tous les Ju ges.
L ’Auteur du M ém oire triomphe en ce moment : il s’écrie, le
mot décifif ejl échappé. L es Ju ges...................Non ,' le mot déciiif/
n’eil pas échappé , puifqu’il s’a g it, non d’ordonner une confronta
tion , mais de juger qu’il n’y en <\ura pas , mais de juger que le
récolement vaudra confrontation. L e' mot de Juges eil em ployé
non pas relativement à une Ordonnance de pure inilruéHo.n,
mais relativement à un Ju gem en t, en vertu duquel la contumace
fera déclarée bien & valablement inilruite : puifque l’on iTe peut
01 donner que le récolement vaudra confrontation , que dans le
cas où la procédure, fera valablement faite. E t c’eil le Tribunal
entier qui juge de la validité de la procédure fur contumace.
Pour épuifer toute l’érudition de FAuteur du M émoire , il
nous reile encore un Article de FOrdonnance de 1 6 ~ o , & une
D éclaration du R oi à vérifier. Commençons par FOrdonnance.
C ’eil FArticle 1 o du Titre z 5 : il prononce
« Q u ’aux procès qui feront jugés
la charge de l’appel par les Juges
O rd .T it. 1 $,
!Art. 10.
» R oyau x ou ceux des Seigneurs, efquels il y aura des conclufions à peine'
» a flliû iv e , affilieront au moins trois Juges qui feiont O fik ie rs , fi tant il y
» en a dans le S ie g e , ou Gradués; & fe tranfporteront au lieu où s’exerce la
» Ju llice, fi l’accufé eil p rifon n ier, & feront au dernier interrogatoire ».
C et Article eil abfolument étranger à la queilion a& uelle',
parce qué des conclufions à peines afïliÊlivcs ne peuvent jamais
précéder le Règlem ent à l’extraordinaire. L ’Ordonnance parle des
procès jugés à la charge de l’appel; c’e il-à -d ire des Jugem ens ,
dofit lé Subilitut de M . le Procureur Général eil obligé cl’intcr- ’
�US
I
•14:3
jetter a p p e l, quand même. l’A ccufé ou la P artie'civ ile ne réclameroit pas. C ’cil donc un Jugem ent définitif, & l’Ordonnance
prononce
« Q u ’il y aura au moins trois Juges, fi les conclufions tendent à peine
» affliftive ».
L a préfence de- ces trois Ju ges eil de rigueur. A défaut d’Officiers dans le Siege , il faut appeller des G radués ; & ce nombre
eil fixé pour que le procès foit plus mûrement examiné , les preuves
plus attentivement d ifeu tées, & le Jugem ent plus réfléchi.
Article bien étrange / dit l’Auteur du M ém oire. Car d'après
cette difpofition de F Ordonnance , pourvu que les conclufions ne Mém. p. Ioi,’
foient p a s à peine affliclive , un fc u l Ju ge royal ou feigneurial , un
f u i , peut non - feulement ordonner le Règlement à Vextraordinaire 3
mats encore abjoudre l’Accufé ou le condamner.
L a conféquence eil évidente ; toutes les fois que les conclu
io n s ne font point à peine affliclive, l’aiîiilance de trois Ju ges
n’eil pas ordonnée ; mais où eil l’inconvénient, puifqu’il y a un
appel de d ro it, fi le Ju ge prononce des peines aiïli&ives ? L e
Jugem ent rendu par trois Ju ges ou par un f e u l , n’eil pas plus
authentique. E t foit q u e l e nombre preferit ait ailiilé au Ju gem en t,
foit que la Sentence ait été rendue par un feul Ju g e , s’il n’y a
pas de conclufions à peines aiïli£lives,
que le premier Ju g e en ait
prononcé , ces Ju g e m e n s, étant fournis à l’examen de la C our ,
peuvent être facilem ent réparés ou reélifiés ; à la différence des
procès qui fe jugent en dernier reiTort, dans lefquels l’exécution
luit de près le Jugem ent. L a citation du M émoire prouve donc
qu’il n’eil pas néceifaire de réunir tous les Ju ges pour le R ègle
ment à l’extraordinaire. L ’Auteur en convient lui-même. L ’O r
donnance femble n exiger le concours du Tribunal, . . . . que dans Mém.p. 100,
le ces ou les conclufions font à peine affliclive. FiniiTons par la D é
claration du R oi.
Ceive D éclaration eil celle du 3 OClobre 1 6 9 4 ; qui ordonne
�144
que le Règlem ent à l’extraordinaire fera jugé par le Tribunal entier.'
L ’Auteur ne dit pas ce que prononce cette D éclaration. Il eft
bien étrange d’annoncer une autorité ii déciiive , & de ne pas
rapporter la difpoiition de la L o i ; c ’eft donc .à notre M iniftere
de la faire connoître.
Cette D éclaration ordonne Fexécution de VArticle 1 4 du Titre z
de VOrdonnance de i 6 jo ( 1 ) ; & en conféquence que le R ègle
ment à l’extraordinaire dans les Procès P révôtaux , fera rendu
par le même nombre de Ju ges que le Jugem ent définitif.
L ’Article z 4 du T itre 2 de l’Ordonnance , porte en g én é ra l,
« Qu’aucune Sentence Prévôtale, préparatoire, interlocutoire ou défini» tiv e , ne pourra être rendue qu’au nombre de fept Officiers ou Gradués . . . .
» qui feront ternis de figner la minute, à peine de nullité ».
L a D éclaration de 1 6 9 4 n’a fait qu’interpréter cet Article 2 4
en matiere d’inftruÉKon faite par les Prévôts. Quand la com pé
tence eft ju gée , l’inftruéKon fe fait auiîi prévôtalem ent. Q u ’y ,
a-t-il de commun entre un Procès P rév ô tal, où tout fe ju ge en
dernier reifort, Sc un Procès ordinaire dont tous les a£tes peuvent
être réformés fur l’appel ? N e doit-on pas dire au contraire de ce
qu’il eft ordonné, à peine de nullité, qu’il y aura fept Ju ges même
pour le Règlem ent à l’extraordinaire dans un cas P ré v ô tal, qu’il eft
évident que le nombre fixé pour ju ger un Procès Criminel ordi
naire n’eft pas requis pour ordonner le récolement & la confron
tation. L ’exception confirme la réglé.
L a derniere nullité que PAuteur du M ém oire a relevée dans
la procédure faite au Bailliage de C h a u m o n t, eft tirée du refus
prétendu fait d’admettre les A ccufés à la preuve de leurs faits
( j ) A ces C a u fe s .. . . Voulons & Nous plaît que l’Art. 2 4 , du T it. 2 , de notredite
Ordonnance . . . . foit gardé & obiervé dans toutes les Sentences Prcvôtales , préparatoires,
interlocutoires, ou d éfin itives, même celles ponant que les Tém oins feront récolés 6c
confrontés aux A ccu fés, parles P rév ô ts. . . . lefquelles Sentences ne pourront être rendues
qu au nombre de fept au m oin s. . . . Et feront tenus ceux qui auront afiifté de figner la
jninute , le tout à peine de nullité, Dtclar, du j OU. iÇp^,
juftificatifc.
�a J
1 45
juftificatîfs. Pour éviter une double difcuffion, nous allons exa
miner ce m oyen avec les nullités propofées contre l’Arrêt de la
C o u r , auquel on fait le même reproche.
«
§•
"^*
.Ju fq u ’à préfent aucune n u llité, ni dans la procédure faite en
Nullités d é
la V e claffe.
Nullités par-:
la MaréchaufTée , ni dans la procédure de la Juftice de V in e t, rAriêt?* *
ni dans la procédure faite au Bailliage de Chaum ont : en exiftet-il dans la procédure faite en la Cour ?
L e M ém oire prétendu juilificatif oppofe d e u x * nullités particu- * Il en compte
lieres à la procédure fur laquelle eil intervenu l’Arrêt du 2 0 ce qu’il en fait
1
1
O ctobre dernier.
d e u x d !il!n fle s,d u
"/“?
les faits jufllfica-
Prem iere nullité. D éfau t de rédaction p a r écrit des interrogatoires ^„Vtf/prononl
fu r la fellette.
ccr*
Seconde. R efus d'admettre les fa its juflificatifs propofés p a r le,s
trois Condamnés , & omiffion de prononcer fu r lefdits fa its.
N ous avons interverti l’ordre de ces deux propofitions. L e der
nier interrogatoire étant beaucoup moins important que ce qui D é f o Ï Ï Ï f
concerne les faits juflificatifs , nous commencerons par la nullité ^a®l° n1,.par
j
IV
•
r
1
r 11
écrit de linter-'
de 1 interrogatoire fur la fellette.
rogatoire fur
L ’Auteur com m ence par avouer que le défaut de rédaction p a r lalelle‘tc*
écrit efl un ufage dans le Parlement de P a ris , & peut - être dans
d ’autres ; mais il foutient que ce défaut de rédaction efl une nullité
radicale , & qu’il n’efl en ce moment que Vorgane des Tribunaux
Souverains qui 11 ont point adopté cet ufage.
N ous croyons pouvoir avancer les deux propofitions contraires.
- 1 ° . L ’ufage du Parlement e il de rédiger par écrit l’interrogatoire que
les A ccufés fubiffent fur la fellette. 2 0. L ’Ordonnance n’a point
prononcé la peine de nullité fur le défaut de réda£tion par écrit
de ces fortes d’interrogatoires dans les Cours. Après avoir prouvé
l’une & l’autre propofition, il nous fera permis de douter que l’Au
teur ioit l'organe des autres Tribunaux Souverains du Royaum e.
T
M ém .p, 1 1 6 ,
�146
1
Quatre propofitions viennent à l’appui de fonfyilême?
Mém. p. 116.
Prem ière. U interrogatoire fu r la fellette efl important.
Seconde. L a rédaclion p a r écrit efl néccffaire.
Troifiem e. L ’ Ordonnance l’exige à peine de nullité.
Quatrièm e. L ’ufage contraire d’un Tribunal Souverain ne faurait
en légitimer l’omijfion.
Etablirons d’abord chacun des différens points d’appui fur l e f
quels le fyftêm e du M ém oire efl: fondé. Nous y répondrons, après
l’avoir expofé dans toute fa force.
Premièrement. L ’interrogatoire fur la fellette efl: important :
cette maxime en général n’a jamais été conteftée. M ais l’Auteur
du M ém oire paroît fuppofer qu’elle a éprouvé une apparence de
Wém. ibidem, contradiction. Je f a i s } d it - il p ofltivem en t , quon regarde dans
plufîeurs Tribunaux , le dernier interrogatoire dès Accufés fu r la
fellette , comme peu important en lui-même, comme une vaine fo r
malité qui confomme inutilement le tems précieux de la Juflice.
E t voilà pourquoi3 dans ces T ribunaux, on expédie à la hâte ,
& comme pour la forme , ce dernier interrogatoire.
V^oilà pourquoi ne pouvant s ’en délivrer tout-à-fait , on Vabrégé
du moins autant que l’on peut , en retranchant la rédaclion p a r écrit.
Q uels font ces Tribunaux que l’Auteur c o n n o ît, & qu’il n’a
pas jugé à propos de nommer ? C e ne peut être que le Parle
ment ; car c’eit à lui feul que l’Auteur fait un crime de ne pas
rédiger par écrit cet interrogatoire. C ’efl: donc h. lui feul qu’il
reproche de regarder cet interrogatoire comme une vaine formalité.
L ’Auteur fe fe ro it-il flatté d’en être cru fur fon feul témoi• g n a g e , fans examen , fans vérification. Il y auroit bien de l’amour
propre dans cette perfuafïon. Pourquoi donc s’efl-il permis d’ar
ticuler, de mettre en fa it , qu on expédie à la hâte & pour la forme
cet interrogatoire ? Pourquoi s’efl-il permis une inculpation té
méraire contre une Cour Souveraine , dont l’Ordonnance a telle
ment refpe£lé les u fa g es, qu’en plus d’une difpoiition elle les a;
exceptés de fa réformation ?
�/¡TŸ
H
147
Il n’eft pas difficile d’appercevoir le m otif de l’Auteur du
M ém oire. Il avoit befoin d’articuler un fait abfolument fa u x , pour
être en- droit de faire aux M agiflrats une apoflrophe vive &
infultante. Il v o u lo it, dans un grand m ouvem en t, interpeller le
premier Parlement du R oyaum e & lui dire :
Q u o i, vous appelle^ Vinterrogatoire fu r la fellette dans les Tri- Mém. p. 117,'
bunaux Souverains une form alitéfrivole , greveufe, un tems perdu !...
Un tems perdu , que ce moment fa c r é ............où les Accufés compaToiffent devant les M agiflrats fuprêmes qui , d’un mot & dans une
minute, vont leur permettre de vivre, ou leur ordonner de mourir.
N ous ne fuivrous point l’Auteur dans tous les détails des avan
tages que la Juflice , l’Accufê & l’Accu fa t eur lui-même attendent
de ce moment unique, où les M agiflrats peuvent enfin voir l’Accufé
en fa c e , & l ’entendre parler de près. A quoi bon cette énumération
pathétique des id é e s, des mouvemens , -des réflexions que pro
duit cet événem ent, funefte ou falutaire fuivant fon effet?
O n ne difeonviendra jam ais que le dernier interrogatoire ne
foit d’une grande im portance. Il n’y a que les fcélérats déter
m inés qui perfiftent : le répentir fouvent arraché un a v e u , &
le remords quelquefois fait déclarer la vérité.
L e fécond point d’appui de l’A uteur, efl: la néceffité de rédiger
par écrit l’interrogatoire fur la fellette.
Cette néceflité efl: la même , dit l’A u teu r, lorfque l’on pro
cédé fur le champ aux jugem ent du p ro c è s, & lorfque le ju g e
ment efl: différé.
D ans le premier c a s, la réda& ion par écrit efl: néceflaire pour
pagc
fix e r les réponfes de l ’A ccufé, & les rappeller au Ju ges eux-mêmes
dans le cours des opinions.
D ans le fécond, la réda&ion par écrit efl: encore plus indifpenfable , pour replacer ces réponfes fous les y eu x des M agif
trats , dont la mémoire n’efl pas toujours fid e le , & auroit de la p3g(; II?.;
peine à garder intacle l ’empreinte légere d’un interrogatoire f i fu
g it if
T
2
�148
Mcm. p. no;
Enfin 3 il efl impojjible que des Magijlrats prennent avec fom
un interrogatoire dont ils favent d’ avance, q u il ne rejlera point de
trace 3 qu il ne produira nul effet ,* q u ils regardent par conséquent
comme inutile , greveux même, comme une vraie dijjipation du tems.
Sont - ce là des m oyens de nullité ? C e ft toujours le même
reproche de n’envifager l’interrogatoire fur la fellette que comme
une formalité frivole. M a is, qu’il nous foit permis de le deman
d e r, où l’Auteur a-t-il donc été inftruit de cette façon de penfer
des M agiftrats ? Sur quelles preuves avance-t-il cette aifertion ?
Sur quels indices même peut-il la préfumer ?
C e n’eft point affez de la défavouer publiquement. N otre
M iniftere eft en droit de la regarder comme une véritable ca
lomnie ; & nous rendons juftice à tous ceux qui nous font l’hon
neur de nous é co u te r, en r.epouifant loin du Sanftuaire le doute
injurieux dont l’Auteur veut faire un des principes des Miniftres
de la Juilice.
L ’interrogatoire fur la fellette eft prefque toujours furabondant,
quelquefois néceffaire , fouvent indifpenfable.
Il eft furabondant, quand l’Accufé a contre lui la dépofition
unanime des tém oins, dans un crime fimple où il ne peut y avoir
qu’un co u p ab le, quand il a reconnu les pieces de c o n v i& io n ,
quand il eft convaincu par fon propre aveu dans les interroga
toires précédens & dans les confrontations. O n ne s’en difpenfe
pas néanmoins : parce qu’il eft preferit par l’O rd o n n an ce, parce
qu’il faut au moins s’aifurer par fes n o m s, furnom s, â g e , qualité
& dem eu re, fi c’eft le même accufé qui a paru devant les pre
miers J u ges, & dont les témoins ont parlé dans leurs dépofitions,
auquel ils ont été confrontés & qu’ils ont reconnu.
L ’interrogatoire devient plus néceifaire quand les A ccufés ont
des com p lices, quand il faut arracher de leur bouche les rela
tions qu’ils ont eues les uns avec les au tres, quand il faut confir
mer la vérité du fait par les circonftances même que chaque
A ccu fé adapte à la maniéré dont il raconte le délit. Ces diffé-
�149
tentes nuances répandent la lumiere dans Fefprit des Ju ges : la
contradi&ion dém afque l’artifice, & un mot échappé à un cou
pable opere fouvent la conviéKon de Tes com plices.
Enfin l’interrogatoire eft indifpenfable quand l’Accufé propofe
des faits ju ftificatifs, parce que c’eft dans les réponfes même
de l’Accufé que les M agiftrats doivent choiiir ceux dont ils or
donnent la preuve , fi les faits articulés font de nature à démontrer
fon innocence.
N ous fommes bien éloignés de contefter les maximes que
l’Auteur du M ém oire entaffe à ce fujet dans l’établiftement de
ces deux premieres propofitions. M ais jufqu’ici elles n’ont d’autre
effet que de prouver l’im portance de l’interrogatoire fur la fellette,
& la nécefîité de fa rédaftion par écrit. C es vérités font reconnues,
& aucun M agiftrat ne les a défavouées.
L ’A u teu r, dans fa troifierne p ro po fition , s’étaye de l’O rdon
nance qui exige la ré d a â io n par écrit de l’interrogatoire fur la
fellette à peine de nullité. Cherchons cette nullité dans l’O rdonnance. N otre difcuffion fera m éth odique, & pour arriver à la
dém onftration, nous ferons forcés de retracer des principes qui
vous font fi familiers qu’il fuifira de vous en rappeller le fouvenir.
L e M ém oire cite trois Articles de l’Ordonnance de 1 6 7 0 , fans
fuivre l’ordre dans lequel ils font placés. Nous faifons cette ob»
fe rv atio n , parce que les différens Articles de FOrdonnance ,
quoique d é tach és, ont néanmoins une liaifon in tim e, une correfpondance des uns aux a u tre s, qui ne fubfifte plus dès qu’on
les rapproche indifférem m ent, fans faire attention à ce qui pré
cédé & à ce qui fuit. O n ne peut faifir tout Fefprit de la L oi
qu ’en fuivant la progreflion des idées du Légiilateur.
L es trois Articles cités dans le M ém oire, font FArticIe 1 3 du
T itre 1 4 , FArticIe 22 , & FArticIe 2 1 . N ous ignorons le m o tif
de cette tranfpofition ; m ais fut-il indifférent, replaçons-les dans
leur ordre naturel.
L ’Article 1 3 eft ainfi conçu :
�*
\
v °
« L ’in te r r o g a to ir e fera lu à l’accufé à la fin de chaque féan ce, cotté & pa-
Ordonnance
de 1670, T it. » raphé en toutes fes pages, & figné par le Juge & par l’accu fé, s’il veut ou
14, art. 13.
» s’il fait figner ; fmon il en fera fait mention , le tout
à peine, de n u llité , &C
» de tous dépens, dommages & intérêts contre les Juges ».
O n veut induire de la généralité de cette d ifp oiition , que la
Loi s’applique à l’interrogatoire fur la fellette, comme à tout
M é m o ire,
page 124.
autre interrogatoire. L ’interrogatoire , ou tout interrogatoire, c e jl
la même ckofe j cet article ( le ) embrajfe le premier de tous comme
le dernier.
Raifonnons cependant. A ce mot on nous arrête ; & l’on nous
dit : Q u o i, raifonner fur la L oi ! Il faut s’attacher à la lettre , &
non pas vouloir en pénétrer l’efprit. Q u a n d la L o i a prononcé
une déciilon f o r m e l l e , i l ne s’ a g i t plus d’interpréter, il faut fe
foumettre. Sans doute , le M agiftrat doit obéir lorfque le texte
de la Loi a une application d ire & e , immédiate & littérale à la
procédure pour laquelle la L oi a été portée. Mais lorfque la difpofitiôn de la L o i n’eft pas générale ; puifque le M agiftrat doit
en faire l’application', il faut lui permettre de l’interroger , & il
li e peut l’entendre , qu’en f a iiîf la n t f o n efprit p o u r f a ir e l’appli
cation de la réglé qu’elle a preferite.
Raifonnons donc avec la Loi ; & vo yo n s quelle efl fa m arch e,
Ordonnance
de «670, T it.
14 , art. 1.
dans le T itre con ficré à regler ce qui concerne tous les inter
rogatoires.
L ’Ordonnance yeu t d’abord que :
« Les prifonniers pour crime foient interrogés, & les interrogatoires
» com m encés, au plus tard dans les vin gt-q u atre heures de leur emprifon» nem ent,
peine de dommages & intérêts contre le Juge qui aura fait l’in-
» terrogatoire ».
L e Juge doit de m êm e,
Article 2.
<<Vaquer en perfonne à l’interrogatoire, qui ne pourra en aucun cas être
» fait par le G reffier, à peine de nullité & d’interdi&ion» contre l’un &: l’autre
A rticle 3.
« Les Procureurs du R oi ëc ceux des Seigneurs peuvent donner des Mo"
» moires au Juge, qui s’en fervira ainfi qu’ il avilcra ».
�151
« fl doit être procédé à l’interrogatoire au lieu où Ce rend la Juftice,dans
» la Chambre du Confeil ou de la G eôle ; défenfe de le faire dans la maifon
» du Juge ».
A rtid e 4*
j
« Les accufés pris en flagrant délit peuvent Ctre interrogés par-tout ».
« S’il y a plufieurs accufés, ils feront interroges féparément & fans aflif*» tance de perfonne ».
« L ’accufé doit prêter ferm ent, & en fera fait m ention, à peine de nul» lité ».
A r tid e f.*
j.
« Les accufés, de quelque qualité qu’ ils foien t, tenus de répondre par leur
»> bouche, fans le miniftere de C on feil, » finon ès cas prévus & fpécifiés
dans le même article.
* Pourront les Ju g e s , après l’interrogatoire , permettre aux accufés de
» communiquer avec qui bon leur fem blera, fi le crime n’eft pas capital ».
|i,
A rtid e 6 .
r
A rtid e 7,'
.
A rtid e 8.' ]
ir
1
A rtid e 9.
.
« L o rs de l’interrogatoire, on représentera aux accufés » les pieces de
conviction.
A r tid e 19
« Si l ’accufé n’entend pas la Langue Françoife, » on lui donnera un in
terprète.
« Il n’y aura aucune rature ni interligne dans la minute des interroga» toires »,
A rtid e 1 1 . |
' l
i
A ttid e t i . ’
i
Après cette longue énumération de toutes les formalités à
remplir , des interrogatoires qui fe font dans le principe de la
procédure , l’Ordonnance dit que ,
« L ’interrogatoire fera lu à l’accufé à la fin de chaque féance, cotté tk pa» raphé en toutes fes p a g e s, & figné par le Juge & l’accufé, s’il veut ou fait
»> figner ; finon fera fait mention de fon refus ; le tout à peine de n u llité, Sc
» de tous dépens , dommages & intérêts contre le Juge ».
Rem arquez que l’Ordonnance parle du Juge fe u l, car ¡’Article
ne fait pas même mention du Greffier.
En rapprochant ainii les Articles de l’O rdon n ance, il eil dif
ficile de fe méprendre, fur Ces véritables difpofitions. Ils font tous
jine. conféquence l’une de l’autre ; & le rapport qu’ils ont entr’eux
démontre avec évidence qu’il ne s’agit encore que du premier
interrogatoire, & de ceux que les Accufés fubiiTent dans le cour»
de ririilruélion. Ils font faits par un feul Juge ; il peut y avoir
plufieurs ieances : enfin les dépens , les dommages & intérêts
A rtid e s p
�I
r.5f
qui réfultent de la peine de n u llité, ne font prononcés que* contre
le Juge qui a procédé à l’interrogatoire, & qui n’a pas obfervé
les formes prefcrites par la Loi. La fuite même de l’Ordonnance
eit une nouvelle preuve de l’intention du Légiflateur.
Elle autorife
Article 14.
« Les Commiffaires au Châtelet de Paris à in terroger, pour la premiere
» f o is , les accufés pris en flagrant délit ».
Elle permet de
A rticle 15.
« Réitérer l’interrogatoire, s’il en e ftb efo in ; mais chaque interrogatoire
» doit être écrit dans un cahier féparé ».
Elle défend de
Article 16.
w Prendre aucunes chofes pour les interrogatoires ».
Elle ordonne que
Article 17.
w Le.s interrogatoires feront communiqués à la Partie publique : & elle
» permet d’en donner communication à la Partie civile en toutes fortes de
Article 18. » crimes, & à l’accufé lui-même, pour prendre droit par les charges après
Article 19
M ^on interrogat° i re » s’il n’y a pas lieu à peine affliftive ».
Enfin
Article 20.
w ^ ^es Procureurs du R o i & la Partie civile font reçus à prendre droit par
» l’interrogatoire, & l’accufé par les charges ; la Partie civile pourra donner
» fa requête contenant fes demandes, & l’acçufé fes réponfes, dans un délai
» certain , paiié lequel il fera procédé au Jugem ent, encore que les requêtes
» & les réponfes n’aient pas été fournies ».
Par la progreffion de ce tableau , on voit que l’O rdonnance
dirige la procédure depuis la plainte jufqu’au moment même
du Jugement : &: par la nature même des formalités qu’elle in
troduit , on eit convaincu que tout ce qu’elle a preferit ne
peut recevoir d’application que relativem ent à. l’in itru âion de
la p rocéd u re, avant la vifite du procès.
Com m ent
�,
153
Comment en effet’concevoir que l’Ordonnance ait voulu parler
de l’interrogatoire fur la fellette , lorfqu’elle permet de donner
communication de tous les interrogatoires à la Partie civile en
toutes .fortes de crimes , d’en donner communication à l’A ccufé
lui-même , s’il n’y a pas lieu à peine afRi&ive : & par conféquent
point d’interrogatoireî fur la fellette?
•.
Lorfqu’elle perm et à la Partie civile .de prendre droit par l’in
terrogatoire , & à l’A ccufé par les ch a rg es, en autorifant l’une
à donner fa Requête & l’autre à donner fes réponfes dans un
délai déterminé t & que faute par eux de les fou rn ir, elle ordonne
qu’il fera paffé outie au Jugem ent?
Jamais une Partie civile a-t-elle requis que cet interrogatoire
lui fût communiqué avant de prendre fes concluiions définitives ?
E t comment lui communiquer un afte qui n’exiite pas e n c o re ,
& qui ne peut fe confommer que lorfque la procédure eil fous
les ye u x des Juges , en procédant à la vifite du P ro c è s, après
même cette v ifite , & au moment où le Tribunal va prononcer?
Q uelques défauts que l’Auteur reproche à la L o i , on ne peut
pas lui prêter une pareille abfurdité.
Les formalités jufqu’à préfent prefcrites par l’Ordonnance,"
n’intéreifent donc que la procédure néceifaire pour mettre le
Procès en état de recevoir fa décifîon, Elles font toutes de
rigueur. Les nullités font de droit poiîtif : c’eit un bienfait de la
L o i : il appartient au coupable qui peut le revendiquer. La
puiffance royale elle-même ne peut valider un a& e nul dans une
procedure criminelle.
M.
d’Agueifeau
parloit en Chancelier
rigide obfervateur des regies, quand il écrivoit.
L a form e des injlruclions crim inelles efl f i rigoureufe parm i n o u s ,
qu’ i l fe ro it contraire à l ’ hum anité comme à la ju flic e , d ’em ployer
t'autorité du R o i à p riv er un A c c u fé de la reffource qu’i l p eu t trouver
dans Virrégularité d ’une procédure .
A vant de ju g e r, il eft de regie dans tous les Tribunaux de
faire amener le prifonnier devant les Juges affemblés pour procé-
Y
Mém. p. 123,
�, 154
der au Jugem ent. C ’eft ce-qu’on appelle le dernier interrogatoire,
ou l’interrogatoire d’office. Il ne peut avoir lieu qu’après la viiite
du P r o c è s , quand le rapport eft entièrement term iné, & après
la leélure des conclufions de la Partie publique.
En quel lieu l’A ccufé doit - il être interrogé ? L a L o i a mis
une différence entre les A c c u fé s, que le M iniitere public regarde
d’avance comme coupables d’un crime c a p ita l, & contre lefquels
il requiert des peines infamantes & afïli&ives , & les A ccufés
contre lefquels il n’a pas cru devoir conclurre avec tant d e
févérité.
Elle ordonne q u e ,
« S i , pardevant les premiers Juges les con cluion s de nos Procureurs OU:
» ceux des Seigneurs, & dans nos Cours les Sentences dont eil appel ou les
» con cluion s de’ nos Procureurs G én érau x, portent condamnation de peine
» a ffli& ivê, les accufés feront interrogés fur la fellette ».
L ’Ordonnance ne déterminoit point la place de l’interroga-toire dans le cas où les conclufions ne tendroient point à peine
afïïiéhve. Par une D éclaration du i i Janvier i 6 8 i , & par une’
fcconde du 13 Avril 1 7 0 3 regiftrée en la Cour le 2 8 , confirmative de la premiere , le R oi a ordonné que
« L orfqu’il n’y auroit ni conclufions ni condamnation & peine affiiûive.,
yr les Accufés feroient entendus par leur bouche derriere le Barreau ».
C ’eil ce qui étoit déjà prefcrit par l’O rdonnance, Article 23^ à
l’égard des Curateurs & Interprètes t encore que les Concluions &
la Sentence portent peine affltclive contre l ’A ccufé , parce qu’il n’étoit
pas jufte que les Curateurs & les Interprètes, pour avoir prêté
leur m iniftere, reçuifent une efpece de note d’in fam ie, au m oins
momentanée.
N ous devons vous faire obferver, que l’A rticle'2 1 & le fuivant:
font les feuls où il foit parlé des Cours Souveraines, dans le T itre
de l’Ordonnance qui traite des Interrogatoires des Accufés.
D an s PArticle 2 1 , l’O rdonnance prévoit deux cas : celui d e
l’interrogatoire devant les premiers J u g e s , & celui de l’interro-
�/S i
15 5
gatoire lors du Jugem ent fur l’appel de la Sentence. D ans l’un &
l’autre c a s , elle ordonne im pérativem ent que les Accufés feront
interrogés fu r la fellette. M ais elle ne dit rien de plus ; elle ne
prononce aucune peine ; elle ne dit point que l’interrogatoire
fera lu à FAccufé à la fin de chaque féance ; elle ne dit pas
qu’il fera cotté & paraphé en toutes fes pages ; elle ne dit point
qu’il fera figné par le Ju g e & par l’A ccufé , à peine de nullité.
E t cep en d an t, toutes les fois qu elle a voulu attacher la peine de
nullité , ou une autre peine quelconque , elle eft toujours ex
primée dans l’Article. Les Accufés feront interrogés fu r la fellette:
V oilà fon unique difpofition.
L ’Article fuivant parle de l’interrogatoire fur la fellette, fubi
devant le premier Ju g e ; & il décide qu’il fait partie du Procès
iur l’appel. Cette obfervation n’eft pas à négliger.
Il eft ainfi conçu :
« L ’interrogatoire prête fur la fellette pardevarit les Juges des lieux fera
» envoyé en nos C ours avec le p r o c è s, quand il y aura a p p e l, à peine de
» io o livres d’amende contre le Greffier ».
N ous avons fait mention du dernier Article (le 2 3 e ) qui con
cerne les Curateurs & les Interprètes. N ous n’avons plus à y
revenir.
V o i l à , M e s s i e u r s , le précis de ¡’Ordonnance fur la ma
tière des interrogatoires.
Il en réfulte, 1 °. que tous les interrogatoires qui fe font dans
le cours de l’inftru& ion , doivent être rédigés par é crit, être lus
à 1Accufe à la fin de chaque fé an ce , cottés & paraphés à chaque
p a g e , & fignés par le Ju g e & l’Accufé , à peine de nullité.
Il en refulte , 2 °. qu’avant l’Ordonnance de 1 6 7 0 , on ne
regardoit pas l’interrogatoire fur la fellette comme faifant par
tie du P ro cè s, parce que cet interrogatoire ne fe fait qu’après
la vifite du P ro cè s, lorfque le rapport eft entièrement fin i, avant
les o pin io n s, & qu’il ne paiTe pas fous les y eu x du Miniftere
V
2
�1 56
Public , qui a donné d’avance Tes concluiîons. P eu t-être, anté
rieurement à l’O rd o n n an ce, les Ju ges eux-mêmes regardoient-ils
cet interrogatoire comme un a&e extra]udiciaire , uniquement
deftiné à éclairer leur religion , en les mettant à portée de s’ins
truire , par la bouche des A ccu fés, des circonitances du fait, qui
ne font quelquefois pas aflez détaillées dans le refte de la procé
dure. N ous ne connoiflons point d’Ordonnance où il foit queftion
de l’interrogatoire fur la fellette, autre que celle de 1 6 7 0 , Elle
eft la premiere qui ait parlé de cet ufage.
Il feroit à fouhaiter, dit un Jurifconfulte* très-inftruit, que nos
5 Auteurs nous euflent laiiTé quelque tradition fur i’origine & même
fur la raifon de la.différence entre les interrogatoires lur la félle tte , & les interrogatoires derriere le Barreau. L a formalité dû
la fellette paroît très-ancienne.
D an s un livre intitulé : P ra x is criminis perfequendi , Authore
Joanne M illeo . imprimé à Paris en 1 5 4 1 , avec des figures qui
repréfentent toute l’inftru& ion, on remarque que les Accufés font
repréfentés , à la confrontation , aiîis fur une fellette , & même
q u ’ils font égalem ent ainfi repréfentés dans les premiers interro
gatoires. C es figures peuvent faire penfer que cette maniéré d’en
tendre les prifonniers affis n’a été introduite que parce qu’ils ne
pouvoient fe tenir debout pendant les interrogatoires & les con
frontations , qui exigent fouvent un tems très-confidérabîe. C ’eit
dans ces im ag es, ou gravures , que l’Auteur du M ém oire a été
prendre que les Accufés aujourd’hui entrent à la Tournelle ?
traînons des f e r s , comme vous le verrez dans la defcription
qu ’il fait d’un interrogatoire fur la fellette.
En g é n é ra l, la fellette n’emporte point l’infamie : ce qui fe
concilie parfaitement avec le texte de l’Ordonnance de 1 6 7 0 ,
puifque celui qui eft abfous par les premiers Ju g e s , y eft inter
terregé , s’il y a appel à minimâ de M . le Procureur Général. Iî
en eft de même de celui qui a obtenu des Lettres de remiflion.
E t dans le cas où il y a des conçlufions à peines aiili&ives ou in~
�1 57
fam an tes, l’A ccufé peut être déclaré innocent malgré les conclu
io n s : elles ne rendent point infâme ; c’eft le Jugem ent.
L es Accufés ne fubiiTent aujourd’hui que le dernier interroga
toire fur la fellette. O n a attaché une forte de turpitude à cette
poiîtion. Il eft m alheureux.que ceux q u i , par l’événem ent, font
déclarés innocens , en partagent le déshonneur avec ceux qui font
ju gés coupables. U n honnête homme pourfuivi rougit de cette
formalité humiliante. À l’égard des fcélérats, que leur importe la
hont e ? ils ne la connoiifent pas.
L ’O rdonnance borne prefque toute la procédure en C aufc
d ’a p p e l, à interroger les Accufés fur la fellette ou derriere le
Barreau. M ais il a fallu déterminer la place & fixer le moment.
L a fageiTe du Légiilateur a cm devoir ordonner que les concluiions du M iniftere public fuffiroient pour traiter d’avance un
A ccufé comme un homme dévoué à la mort ou à l’infamie. Il
faut refpe&er fes motifs. M ais il a ordonné en même tems que
cet interrogatoire feroit envoyé avec le P ro cès, quand il y auroit
appel > ce qui annonce , ou qu’on ne le rédigeoit pas par écrit
an ciennem ent, ou qu’on n’étoit pas dans l’habitude de le joindre
au Procès. Et ce qui fe paiîe à cet é g a r d , depuis tant de fiecles,
en la C o u r , dépofe de cet ufage. N ous ne pouvons même nous
difpenfer de remarquer que l’O rdonnance ne prononce d’autre
p e in e , que cent livres d'amende, contre le Greffier qui n’auroitpas
joint cet interrogatoire. C ’eft depuis cette é p o q u e , que l’inter
rogatoire d’office , comme on l’appelloit anciennem ent, a com
m encé à faire partie de la procédure.
Il exifte, comme on le v o i t , une différence réelle entre l’in
terrogatoire fur la fellette & les autres interrogatoires.
Pourquoi l’O rdonnance , Article i 3 , a-t-elle prefcrit que les
premiers interrogatoires feroient rédigés par é crit, lus aux A ccu
fés à la fin de chaque féance , cottés & paraphés à toutes les
p ages , & {ignés du Ju ge & des Accufés ? L a raifon en eft fenÆble, C es attes de procédure fe font entre le Ju g e & l’Accufé 7 .
'
�M
8
ieuls dans l’intérieur du Tribunal. Il a donc été indifpenfable de
c o n ftate r, de rendre invariable par la iignature du Ju ge , par
celle du G reffier, par celle de l’A ccu fé, les réponfes de ce dernier.
L e Greffier & le Ju g e deviennent deux Tém oins qui , indépen
damment de la fignature de l’A c c u fé , atteflent la vérité d’un afte
auffi important. L ’Ordonnance même exige qu’il n’y a i t , ni ra
tures , ni interlignes dans la minute du Procès-verbal d’interro
gatoire , pour diffiper jufqu’au moindre fôupçon ; & , fans cette
précaution, l’A ccu fé, par une dénégation tard iv e, détruiroit tous
fes précédens aveux, ii l’interrogatoire n’en contenoit pas la preuve.
D ans le Procès même a & u e l , nous trouvons un des A ccufés
q u i , ne pouvant détruire un aveu fait dans un précédent inter
rogatoire , dit pour toute réponfe : ils ont écrit ce q u ils ont
voulu. C es dénégations réfléchies difparoiffent, quand les J u g e s ,
en procédant au Ju g e m e n t, ont continuellement fous les yeux
les queflions qui ont été faites à l’Accufé dans ces différens in
terrogatoires , & la défenfe qu’il y a oppofée. Aucune diftra&ion
ne peut alors altérer la force des m oyens qu’il a em ployés pour
fa juilifîcation. C ’eft l’A ccu fé lui-m êm e qui parle à la Ju flice dans
l’interrogatoire que le Ju g e lui a fait iigner. Et lorfqu’il faut pro
noncer fur l’a p p e l, les Cours Souveraines ont entre les mains la
réunion de toutes les preuves qui ont pu influer fur l’opinion des
premiers Ju ges. Elles font plus en état de pefer les motifs du
Ju g e m en t, & , après un examen rigoureux de la procédure m êm e,
d’augm enter ou de diminuer la p e in e , fuivant la nature & la
force des dépofitions.
Pourquoi l’O rdonnance a - t- e lle de même ordonné que l’in
terrogatoire fur la fellette, prêté devant les premiers Ju g e s, feçoit
envoyé avec le refte de la procédure ? C ’eft parce que l’Accufé
p o u v o i t , dans cet in terro gato ire, avoir articulé des faits juflificatifs, dont la preuve , fi elle eût été ad m ife , auroit pu détruire
l’accufation en elle-m êm e, ou rejetter fur un autre coupable le
dont l’Accufé avoit à fe juitiflcr.
crime
�M 9
• ' Les Cours ne peuvent prononcer fur le bien ou le mal jugé
d’une Sentence, qu’après avoir mûrement apprécié tous les genres
de preuves qui exiftoient au moment du premier Jugem ent, même
après avoir fcrupuleufement examiné la forme de l’inftru&ion. Un
vice de procédure peut quelquefois fe rép arer, quelquefois il eft
irréparable. Les nullités , comme nous l’avons d it, font une reffource que la fageife de la L oi accorde à l’humanité ; & plus d’un
coupable a échappé à la condamnation , par l’irrégularité d’une
procédure contraire aux Ordonnances.
L ’interrogatoire fur la fellette n’a aucun in con vénien t, en quel
que maniéré qu’il foit f u b i, dans les Procès qui fe jugent en dernier reiTort dans les Cours Souveraines. C ’eft dans cet interroga
toire fubi devant les premiers J u g e s , qu’eft renfermée toute la
défenfe de l’Accufé. Les preuves fe tirent du refte de l’inilruftion;
C e t interrogatoire en la C our eft le moment où l ’accufé peut
propofer iès griefs contre la Sentence , & par conféquent fa ju s
tification. C ’eft pour cela que dans les Arrêts on met toujours :
ouï ledit Accufé en fe s caufes d'appel & cas à lui impofés.
Il
fe fait après la vifite entiere du Procès. T ous les Juges en
font témoins ; ils peuvent même interpeller l’A ccufé par la bouche
de celui qui préfide. L ’opinion commence auiîitôt que l’A ccu fé
s’eft retiré. L ’on pourroit d ire , en quelque façon , qu’il ne fait pas
partie du Procès : car il n’eft jamais communiqué au Procureur
G é n é ra l, que dans le cas où il donneroit lieu à une nouvelle
inftruftion ; & la Partie civile , qui a droit de demander la com
munication des interrogatoires en toutes fortes de crim es, n’en a
jamais pris connoiflance.
O n inftruit en la C our des procédures de deux eipeces j Sc
l’une & l’autre donnent lieu à un interrogatoire fur la fellette.
La premiere eft celle où la C our prononce après avoir fait ellemême l’inftruÉHon. La féco n d é, qui eft la plus ordinaire, eft celle
où elle prononce fur l’appel d’une Sentence rendue dans l’un des
Tribunaux de fon reffort. Dans le premier
cas, l'interrogatoire
�1
6o
peut-être regardé comme indifpenfable , parce qu’il eft le com plet
ment de la procédure.
D ans le c a s, au contraire , où la Cour prononce fur un a p p e l,
comme la procédure eft complette avant d’être mife fur le Bu
reau , comme l’interrogatoire fur la fellette a déjà été fubi en
premiere inftance; incontinent après la vifite du P ro cès, on mande
l’Àccufé en la C ham bre, plutôt pour conftater fon identité avec
l’Accufé qui a comparu devant les premiers Ju ges , que pour en
obtenir de nouveaux aveux. O n a coutume de lui demander fes
n o m s , fu rn om s, â g e , qualité & dem eure; en quel lieu il éto it,
lorfque le crime a été commis ; s’il étoit f e u l, ou s’il avoit des
com p lices, & autres queftions de cette nature. C et interrogatoire
fe conferve dans un regiftre deftiné à ce dépôt : ufage antique ,
fo lem n el, & pour ainiî dire devenu légal ; car avant l’Ordonnance de 1 6 7 0 , il n’exiftoit aucune L oi fur la forme de cet
interrogatoire. Elle a toujours été la même dans le plus ancien de
tous les Tribunaux du R oyaum e. Il feroit facile d’en rapporter la
preuve par la fuite des regiftres où tous ces interrogatoires font
confignés depuis les tems les plus reculés.
C et u f a g e , d it-o n , quoique confacré par la plus haute anti
quité , ne peut légitim er l’omiffion d’une formalité preferite paç
la derniere Ordonnance.
C ’eft le quatrième m oyen préfenté dans le M ém oire.
Cette L o i ne reçoit-elle pas fon exécution ? N ’e ft-e lle pas
obfervée dans les Jugem ens ? Par q'u’elle fatalité vient-on révo
quer en doute l’attention des M agiftrats à fe conformer à la L o i ?
L ’interrogatoire fur la fellette eft toujours rédigé. L ’Accufé p e u t,
en préfence de fes J u g e s , articuler un fait juftificatif, propofer un
fait évidemment à fa décharge ; en un m o t , offrir de prouver ,•
par des circonftances certain es, qu’il y a erreur dans fa perfonne,
& que le crime a été commis par un autre que par lui.
E t comment la C our pourroit-elle négliger un m oyen auiïï
plécifîf, il eft d’autant plus indifpenfable de faire écrire cet inter-*
rogatoire5
�!9‘
rogatoire , que c’eft dans les faits juftifîcatifs allégués par l’A o
culé , qu’elle doit choiilr ceux dont elle admettra la preuve ?
Comm ent les choifir, s’ils n’exiftent pas au Procès ? Les dépôts du
Greffe fourniroient mille exemples d’interrogatoires rédigé«
toutes les fois que la C our a jugé qu’il y avoit lieu à l’admiilion
des faits propofés par l’Accufé pour fa juftilîcation.
S ’il eft prouvé (nous nous contentons de l’affurer en ce m o
ment , nous le prouverons dans la fuite) , que le dernier inter
rogatoire fe rédige en fo rm e , toutes les fois que la défenfe
légitim e de l’Accufé paroît l’exiger ; quelle relation peut-il y avoir
entre l’interrogatoire & la maniéré incroyable dans laquelle
l’Auteur prétend qu’on le fait fubir aux Accufés ?
O n eft bien malheureux d’avoir reçu de la nature une ima
gination fombre , toujours enveloppée de voiles funéraires , &
qui ne réfléchit d’autres im ages que celles de la douleur & du
défefpoir. Il faut s’être formé une idée bien affreufe des M a g is
trats , pour créer la fcene horrible qui fe lit dans le M ém oire.
V oici quelques traits du pinceau de l’Auteur.
>
On tire l’accufé de fon cachot, on le preffe, on F emmène. Tout-à- Mém.p,«
coupy comme un fpeclre échappé du tombeau, il entre dans le fanctuaire de la Jujlice , tramant des fers. V oilà donc mes Ju g e s , dit-il.
I l les regarde. Que dis-je : à peine a-t-il le tems de leur jetter â
chacun un regard. On le f a it affeoir fu r la fellette ; on lui fa it
prêter ferm ent, ferment de fe trahir lui-même , s ’il efl coupable.
P u is chacun Paccable coup fu r coup, en une minute, d'une multi
tude de queflions qui fe croifent, qui fe heurtent, qui f e combattent.
« O n n’écrit point » d it- il............ Son cœur fe ferre , f a raifon fe
trouble , f a mémoire s ’égare ; il balbutie ; il cherche............ M ais
déjà , en levant les y e u x , il apperçoit l ’ennui fu r le front de fe s
Ju ges , l’impatience dans leurs regards ; & ces Ju ges ont entre leuts
mains f a defliilée. I l tremble; il abrégé ; il fe tait ; on l’entraîne. >.>j
^ peine a-t-il franchi le feu il ; mais je n'ai p a s dit cela ; m ais j e ."»a
X
�i6i
fu is trompé. . . .M alheureux ! cen e flfait j il ne.fl plus tetns ; tu ne
les verras p lus ; & déjà même ils prononcent.
R econ noiffez-vous, à cette p ein tu re, la defeription fidele du
m oment de l’interrogatoire fur la fellette ?
Un Poëte peut s’égarer dans le pays des fixion s ; on lui per
met des licences. M ais la vérité ne veut pas être défendue avec
des fuppofîiions & des impoflures.
Q ue l’Auteur nous dite donc dans quel Tribunal onam ene le
prifonnier traînant des fe r s ............ Q uoi ! des fers dans le Tem ple
de la JuiKce ! des fers au milieu des M agiftrats ! L ’Accufé eft
libre au milieu du Tribunal ; il eft aifis fur la fellette, fans chaînes
& fans G a rd e s, à moins que fes violences dans la prifon n’obli
gent de prendre des précautions contre un accès de fureur. Il eft
auffi libre que l’Auteur lui-même , lorfque fa plume traçoit cet
infâme tableau ( i ) .
On lui f a it prêter ferm ent, ferment de fe trahir lui-même.
Q uel eft donc le Peuple chez lequel un T ém o in , un Accufé
ait été difpenfé du ferment ? Si la feule probité ne fuffit pas
pour infpirer la honte du parjure , ii la terreur du fupplice doit
rendre le coupable néceifairement parjure par l’efpoir d’échapper
à la condam nation, le frein de la Religion eft-il toujours impuiffant ? Il faudra donc abolir le ferm ent, parce qu’il eft fouvent crim inel? C ’eft précifément ce m otif qui fit introduire le
combat judiciaire. G on debau d, R oi de B ourgogne, fut celui qui
l’autorifa le plus ouvertement : & il donne la raifon de fa Loi
dans fa Loi même. « C ’eft afin que nos fujets ne faifent plus de
» faux fennens fur des faits obfcurs , & ne fe parjurent point fur
» des faits certains. »
Les hommes ne font pas changés. Il eft plus que vraifem( i ) Nota. L ’ Auteur paroît avoir confulté les Images du L ivre de Joannes M iU us, im piim i en 154 *'
�> r
V «3
blable que plus d’un Accufé a fait un faux ferment. M ais parce
qu’un Accufé fe rend coupable d’un nouveau crime , faut-il débarrafler fa confcience d’un m otif religieux , qui peut en retenir
un grand nombre ? Si l’Accufé n’avoit d’autre vérité à attcfter à
la Ju ftic e , que celle de fon innocence ou de fon c rim e , il leroit
prefque inutile de l’expofer à un parjure. M ais quel eft l’homme
raifonnable qui ofera foutenir qu’il eft injufte d’exiger d ’un T ém oin
qu ’il faife ferment de dire la vérité ?
L es M oraliftes les plus relâch és, ceux même qui décident
qu’on peut mentir en sûreté de confcience lorfqu’il s’agit de la
v i e , tous conviennent que le ferment eft indifpenfable dans la
I
I
I
I
bouche d’un Tém oin.
Jugeons-les par leur propre décifion. U n Accufé n’eft-il donc
pas tém o in , lorfqu’il dénature les circonftances du crime , de
maniéré à faire retom ber l’Accufation , même fur un inconnu ?
N ’eft-il pas Tém oin , lorfqu’il eft confronté aux Tém oins ? N e
Peft-il pas en fin , lorfqu’il r e y e l e fes com plices ? L ’obligation oii
il fe trouve alors de fe trahir lui-m êm e, peut-elle être balancée
a v e c le danger de l’autorifer à inculper fans remords un autre
!
C ito y e n , dans l’efpérance de fe fouftraire à la punition du crime
q u ’il a com m is?
M ais fi l’Accufé que" l’on foulage de la pefanteur du ferment à
fon in terrogatoire, eft néanmoins dans la néceiîité de le p iê te r**
à fa confrontation , qu’on nous dife donc «la différence qu’il y ^ M. Ta!.
» a entre le ferment de l’interrogatoire, & le ferment de la con- rai , pro
» frontation : » puifquc , dans l’un & clans l’au tre, le Tém oin &
l’Accufé foutiennent égalem en t, l’un la vérité de ce qu’il a dit *670.
dans fa depofition, l’autre la vérité de ce qu’il a repondu dans fon
interrogatoire. L ’obligation d’être véridique eft donc égale ^ elle
doit produire le même e ffe t, la juftification ou la condamnatioif.
L ’ufage de faire prêter ferment aux Accufés eft fi folem nel, qu’il
s’eft établi de lui-même : il eft preferit par les Ordonnances de
X 2
�164
•15 3 5
& I J J 9 » au moins clVia-nt à la confrontation. A in f f Ü
exiftoit déjà depuis plufieurs fie c le s, foit légalem en t, foit par
l’u fa g e , lorfque l’O rdonnance en a impofé la néceifité.
Après avoir juitifié l’obligation du ferm ent, reprenons le ta
bleau dont nous avons détourné un moment votre attention.
C e n’eft plus fur l’Accufé que nous avons à fixer vos regards.
C ’eil fur les M agiftrats eux-mêmes.
D ans quel Tribunal encore TAuteur a-t-il trouvé l’original de
la peinture odieufe qu’il offre à la curiofité publique ? O ù a-t-il
vu que les Ju ges accablent VAccufé en une minute , coup fu r coup,
d ’une multitude de quefiions qui fe combattent ? O ù a-t-il vu que
£ ennui ¿toit peint fu r leur fro n t, Vimpatience dans leurs regards?
O ù a - t-il v u , e n f i n , q u ’o n entraînait l’Accufé m algré hiim ê m e , & qu’il ne lui étoit p lu s permis de reparoître devant les
M agiilrats.
Hâtons-nous de détrom per le Public fur une calomnie d’au
tant plus atroce , qu’elle eft animée des couleurs de la plus vive
déclam ation.
E c o u t e z C i t o y e n s : le M in if le r e p u b lic v o u s l’ a tte fte .
N ous avons été plus d’une fois témoin de l’interrogatoire d’un
A c c u fé , dans ces momens où la C our nous fait avertir pour le
fervice des Audiences.
O n introduit l’A ccu fé; le filence le plus profond regne dans
le Tribunal. Celui qui préfide fait les premieres interrogations; le
R ap p o rteu r, par l’organe du Préfident, propofe enfuite quelques
queftions; chacun des Ju g e s, à fon r a n g , fait dem ander, comme
le R apporteu r, l’éclairciffement de fes doutes; l’Accufé a toujours
le temps de réfléch ir, parce que celui qui préfide la Cham bre
répété la queftion fur laquelle l’Accufé doit s’expliquer ; & l’in
terrogatoire eft terminé quand les Ju g e s, éclairés par les réponfes
de l’A c cu fé , n’ont plus rien à demander pour leur inftruéUon.
E t avant de faire retirer l’A ccu fé, le Préfident lui demande tou
�jo u rs, s’il n’a rien à dire pour fa d éfen fe, ènforte qu’il peut encoré
entreprendre fa junification ; & dans une affaire trop fam eufe,
il y a plufieurs années, le fcélérat D e s r u e s fut entendu pendant
près d’une heure & demie fans être interrompu. Nulle trace
d’en n ui, nul m ouvement d’impatience. E t quel eil le M agiilrat
affez peu maître de lui-même pour ne pas donner toute fon atten
tion à une affaire, où il s’agit de prononcer fur la vie ou fur
l’honneur d’un C ito y e n ?
N ous irons même plus loin encore. Il eil arrivé que des
Accufés , au fortir de l’interrogatoire, fe font rappellés qu’ils
avoient oublié un fait juilificatif. L a Cour les a fait rentrer ; la
C our les a entendus ; & lorfque le fait a paru de nature à
prouver l’in n o cen ce, la C our en a ordonné la preuve. L a gra
vité des Ju g e s, l’appareil du Tribunal n’ont rien qui épouvante
les innocens : les M agiflrats eu x-m êm es les enhardi-flent à fe
juflifier ; ils aident leur mémoire chancelante , par des queilions
qui les mettent à portée de fe rappeller les faits j ils les raffurent ;
ils ne cherchent point des coupables. L e criminel feul s’intim id e , fe tro u b le. tremble & pâlit en entrant dans le fan&uaire
de la Juflice ; fa conviélion intérieure le tourm ente, & preifé
„ par fes rem o rd s, il croit lire fa condamnation fur le vifage des
M agiflrats qui ont à prononcer fur fa deflinée.
L a forme même dans laquelle les interrogatoires fur la fellette
fe fubifTent en la C o u r , efl un obflacle aux fu reu rs, aux emportem ens, au défefpoir dont l’Auteur du M émoire a fait la trifle
peinture.
C et interrogatoire ne roule le plus fouvent que fur le fait prin
cipal. L es queflion.s qu’on fait à l’Accufé font fi fim ples, qu’il n’a
pas la douleur de s’embarraffer dans fes réponfes. U n aveu ou une
dénégation fuffit. Les Ju ges en quelque forte n'ont plus befoin
d’in ilru £lion ;ilexiile déjà un premier interrogatoire fur la fellette;
& cet afte de la procédure réunit ordinairement tous les f a it s ,
�xtt
fous les av etix, toutes les circon ftances, les m oyens de défenfo
& de juftification , en un m ot tous les détails que la C ou f
p o u r r o it exiger.
Nous avons dit que l’ufage en la Cour étoit de coniigner ces
interrogatoires' dans un regiftre p articu lier, où ils font tranfcrits
à la date de l’A rrêt, l’un après l’autre , jour par jo u r , A ccufés par
A ccu fés, procès par p ro c è s, fans aucune interruption; & que
cet ufage étoit confacré par la pofleffion la plus foutenue. L es
R egiftres les plus anciens font perdus , ou ont été enlevés ; mais
depuis 1 4 4 3 , c’eft-à-dire depuis plus de 3 4 0 an s, ils exiftent
tous en nature , année par année. Il eft difficile de rapporter une
preuve plus évidente , & de l’ufage très-ancien, & de la m aniéré
dont l’O rdonnance de 1 6 7 0 a toujours été entendue & exécutée.
L es Arrêts même de condamnation en font foi. Il eft aifé de le
vérifier dans les imprimés. G n ne voit jam ais dans le V û de
l’A r rê t, dans l’énonciation de tous les aftes de procédure qui
précèdent le d ifp o fitif, vû Vinterrogatoire, ce qui annonceroit
qu’il a été rédigé en forme ; on y lit feulem en t, ouis & interrogés
en la Cour lefdits A ccufés, parce que la C our n’a pas ju gé fur un
interrogatoire rédigé en form e, mais fur un interrogatoire prêté
verbalem ent en préfence de tout le Tribunal.
Lorfque les Accufés font admis à leurs faits juftifîcatifs, ils font
de nouveau confrontés aux Tém oins entendus à la requête du Pro
cureur G én éral; ils font de nouveau interrogés fur lefdits récolement & confrontation : malgré cette nouvelle procédure , ils font
encore interrogés fur la fellette; & ce dernier interrogatoire eft
porté fur le regiftre; enforte que , dans le V û de l’A rrêt, on trouve
l’énonciation d e s nouveaux interrogatoires, des récolement & con
frontation ; & à l’égard du dernier , il eft d i t , oui & interrogé :
ce qui démontre que la preuve des faits juftificatifs eft indépen
dante de ce dernier interrogatoire, comme nous l’établirons en
�I
I
<37
examinant dans un inftant les nullités qui concernent les faits
juftificatifs.
P eut-on déformais foutenir que l’ufage dans lequel la Cour
s’eft maintenue depuis tant de fiecles eft un abus véritable. Sans
doute , l’ufagc d'un abus ne peut p a s légitimer un abus : mais il faut Mém. p. 1 17.
prouver qu’il y a un abus. E t où feroit-il donc dans l’efpece par
ticulière ? L es Accufés n’ont-ils pas été interrogés juridiquem ent ?
L a C our les a-t-elle jugés fans les avoir interrogés fur la fellette?
Leurs interrogatoires ne font-ils pas portés fur le regiftre ? L e s
Ju ges avant d’opiner avoient-ils befoin de lire ce qu’ils venoient
d’entendre? T o u t ce que l’O rdonnance e x ig e , c’eft qu’ils foient
interrogés. Ils l’ont été. L ’O rdonnance n’a point dérogé à l’ufage
de la C our ; elle ne ftatue rien de prohibitif à cet égard. L ’ufage
h interprété ce filence ; il ne peut donc y avoir de n u llité, ni de
ce que cet interrogatoire n’a pas été écrit fur du papier tim bré,
ni de ce qu il n’a pas été lu aux Accufés & iigné d’eux avant de
procéder au jugem ent.
N ous venons d’écarter le m oyen de nullité oppofé à l’Arrêt de R! je* N
la C our relativem ent à l’interrogatoire fur la fellette; examinons mettre&omîf.
le fécond m oyen qu’on emploie contre ce même Arrêt. O n le fait
fortir du refus d’admettre & de l’omiflion de ftatuer fur les faits ‘“fo“1115,
juftificatifs.
Avant d’approfondir la réalité de ces deux imputations , nous
devons rappeller les vrais principes en maticre de faits juftificatifs.
T o u s les raifonnemens qui ont été fa its , & ceux que nous ferons
nous-m em es, n ont de folidité qu’autant qu’ils portent lur la bafe
inébranlable de la Loi.
C ’eft d ’a p rè s le s d ifp o fitio n s d es O r d o n n a n c e s d e Louis X I I
& d e François 1er q u e l’O rdonnance d e 1 6 7 0 a é té r é d ig é e .
Au titre d e s faits ju ftific a t ifs o n lit.
« Défendons il tous nos Ju g e s , môme ¿ nos C o u r s , d’ordonner la preuve
O rdo n n .d e
j6 7 o ,T i t . 28.
Arûdc 1.
�168
d’aucun fait jufllficatif, ni d’ entendre aucun témoin pour y p a rv e n ir, qu’a» près la viiîte du procès ».
L e moment de l’admiiïïon ainfi déterminé , quels font les
faits qui peuvent être admis ?
jA .rticle 2 .
» L ’accufé ne fera point reçu à faire preuve d’aucuns faits juilificatifs, que
» de ceux qui auront été choiiis par les Juges, du nombre de ceux que l’ao» cufé aura articulés dans les interrogatoires & confrontations ».
Com m ent la preuve fera-t-elle admife ?
A rticle 3.
« Les faits feront inférés dans le Jugement qui en ordonne la preuve
Eniïn par qui les tém oins, & quand feront-ils propofés?
J^ r tid e 4.
« Le Jugement qui ordonnera la preuve des faits ju ilificatifs, fera p ro » nonce inceffamment à l ’accufé par le Juge, & au plus tard dans les vin gt» quatre heures; & fera interpellé de nommer les témoins par lefquels il
» entend les ju itifier, ce qu’il fera tenu de faire fur le cham p, autrement il
» n’y fera plus reçu ».
A rticle 5.
A rticle 6 .
« Après que l’accufé aura une fois nommé fes tém oin s, il n’en peut plus
» nommer d’autres ».
« Les témoins feront aiïignés à la requête du Procureur du R o i , ou de
» ceux des Seigneurs, & ouis d’office par le Juge ».
T outes ces précautions n’ont d’autre objet que d’empêcher la
fubornation que l’Accufé pourroit pratiquer , pour prouver les
faits que les Ju ges auroient admis comme vraim ent juilificatifs.
N ous avons recueilli toutes les difpofitions de l’O rdénnancc
qui ont trait aux faits juilificatifs. Nous placerons fous vos yeux
les différentes nuances que la fucceifion des temps & les lumieres
de l’expérience ont fait introduire fur l’admiffion & la preuve
des faits juilificatifs. M ais toutes ces L oix ne parlent que des
faits juilificatifs en g é n é ra i, fans fpécifisr ceux qui doivent être
admis & ceux qui doivent être rejettés. L ’Ordonnance de 1 6 7 0
ellçr-m ê*ne7 s’eil renfermée à cet égard dans «n e généralité fi
�1 69
g r a n d e , qu’elle femble avoir beioin du fecours d’une interpré
tation fur la nature des faits pertinens & admiilibles pour opérer
la juiliiication.
Ic i, nous ne craignons pas de l’av ou er, nous avons plus que
jam ais befoin de lumieres. Pouvons-nous fuivre un guide plus
éclairé que l’immortel d’Agueffeau. C ’eil l’abrégé de fes ré
flexions que nous croyons devoir vous préfenter.
« D eu x queilions femblent naître des expreilions même de M.D’Aguef» l’Ordonnance. L ’une regarde la qualité des faits qu’elle appelle f^pivardicr»**
* juilificatifs , l’autre regarde la qualité de celui qui les propofe.» T o m e I V , p.
Q u ’eil-ce qu’un fait juilificatif ? C ’eil M . d’Agueffeau qui v a 438’
répondre. « T o u te accufation renferme deux ç h o fe s, quelquefois
►>in fép arab les, fouvent très-diilin£les, toujours eiTentielles , un
» crime & un Accufé. »
Il eil des circonilances où le crime eil tellement attaché à la
perionne, que l’on ne peut divifer l’une d’avec l’a u tre , comme
dans l’adultere. L a même preuve qui établit la vérité du c rim e ,
établit néceffairement la qualité du criminel.
D ans d’autres évén em en s, on peut féparer la perfonne de
FAccufé du crime dont on Faccufe. L e crime peut être certain ,
& Faccufation téméraire. L a preuve du crime ne renferme pas la
conviélion de FAccufé. Lorfque dans le cas de meurtre , de v o l,
d’incendie, de facrilcg e , le crime eil c o n fia n t, il ne s’enfuit pas
que celui qu’on accufe ioit le véritable criminel.
T oute accufation fuppofe donc un crime dont elle détermine
la qualité ; elle demande enfuite un coupable fur qui l’évidence
des preuves faiTe tomber le poids de Faccufation.
-• D ’après cette d iftin & io n , on ne peut concevoir le terme de
faits juiliiicatifs que fous deux faces différentes ; du côté du
crime , & du çôté de FAccufé.
• T ou t fait juilificatif doit avoir pour b u t, ou de montrer qu’il
n'y a pas de crim e, ou de juiliiier celui h qui il eil imputé. S’il n’y
Y
�1 70
a plus (ie crim e, on chercheroit en vain un coupable. Si l’A ccufé
fe juftifie fans anéantir le crim e, le crime fu bfiite, l’Accufé eit
abfous.
O n ne peut entendre le tenue de fait juftificatif que fous
ces deux acceptions. D ans quel fens l’Ordonnance l’a - t - e l l e
entendu ?
En s’attachant à la lettre , il femble d’abord qu’elle n’a com pris
fous le nom de faits juftificatifs, que ceux qui en laiffant fubfifter le
c rim e , n’ont d’autre objet que de juftifier celui qui eft accufé.
L a L o i différé l’admiffion des faits juftificatifs jufqu’après la vifite
du procès. L a L o i fuppofe donc qu’il y a un crime certain. L a
juftification fuppofe une accufation ; l’accufation fuppofe un
crime ; donc dans la lettre de l’Ordonnance prife à la rig u e u r,
les faits juftificatifs font ceux qui tendent à faire voir que l’A ccufé
ne peut pas être coupable.
Si l’on pafle à l’efprit de la L o i , les motifs de cette difpofition rigoureufe qui laifTe gém ir l'innocent dans la captivité ?
tandis que l’A ccufateur eft lib re , paroiflent ne devoir s’appliquer
qu’aux faits qui combattent la vcritc de l’accufation , & non à
ceux qui attaquent le corps du délit ; & ces motifs font l’impor
tance du fecret & la prom ptitude dans l’inftruftion.
L a plupart des A ccufés , ne pouvant contefter la réalité du
c rim e , font tous leurs efforts pour mettre leur perfonne en sû reté,
lors même qu’ils ne peuvent fe diiTimuler qu’ils font réellement
coupables. C ’eft précifém ent ce travail continuel d’un A ccu fé,
qui a fait remettre la preuve des faits juftificatifs au m om ent
même du jugem ent. L a m alice des hom m es, toujours plus ingénieufe à violer la L o i que la Juftice elle-même n’eft atten
tiv e à la défendre , a démontré que fi on permettoit encore
aux A ccufés de propofer dans le principe de l’accufation leurs
faits juftificatifs, le Jugem ent qui leur accorderoit cette permiffion fatale au bien p u b lic , feroit pour eux un titre &: une
�171
affurance d 5impunité. Sous prétexte de faire leurs p re u v e s, les
A cculés éluderoient indire&em ent celles qui poarroient les con
v ain cre; & diminuant lu fo rce , l’au to rité, le poids des T ém oin s,
fans avoir même prouvé leurs faits ju ftifîcatifs, ils mettroient
fouvent la Juftice hors d’état de p ro n o n cer, & fur le crime &
fur l’innocence.
L a forme introduite par l’Ordonnance de 1 5 3 9 , & renou.vellée par l’Ordonnance de 1 6 7 0 , de n’admettre la preuve des
faits juftifîcatifs qu’après la vifite du p r o c è s , ne peut être criti
quée , même avec apparence de bonne foi. Au moment où le
procès eft rapporté , la Juftice envifage en même temps & les
faits prouvés contre FA ccu lé, &: les faits dont il demande à faire
la preuve. Si les faits font a d m is, l’accufation , qui prévient dans
fa marche la défenfe de l’Accufé pour em pêcher le dépériiTement des p re u v e s, eft obligée d’attendre à fon tour la preuve
des faits juftifîcatifs. Ainfi l’accufation & la défenfe de l’A ccufé
font comme divifées dans l’inftruéHon. M ais elles s’attendent &
fe réunifient au moment du Jugem ent.
Ici r on peut faire une obje& ion. Pourquoi renvoyer la preuve
des faits juftifîcatifs après la vifite du procès ? S ’il n’y a pas de
c r im e , il eft inutile d’inftruire l’accufation : fi l’Accufé attaque
le corps du d élit, fi les faits qu’il articule tendent à prouver
qu’il n’y a point de crime , « Pourquoi hafarder ( c’eft M . d’A-
M.
» gueifeau qui parle) une inftruftion témérairement précipitée , i v ,
» une inftruélion in u tile , ab fu rd e, dérifoire, avant de s’aiTurer
» de 1exiftence du délit qui doit fervir de bafe à l’accufation ?
» C e f t préferer un phantôm e qui s’échappe , à une réalité qui
» s o ffre, qui fe préfente aux y eu x de la Juftice. »
C ’eft peut-être dans ce paffage que l’Auteur du M ém oire a
cru voir la cenfure la plus amere de l’Ordonnance de 1 6 7 0 , Mem
en ce qui concerne les faits juftifîcatifs : c’eft auiîi dans cette
citatio n , que l’erreur fe manifefte. M . d’A gueffeau n’a point en
Y%
�;
17
t
vue de cenfurer la L o i ; il rapporte
peut faire ; il la préfente dans toute
revêtue de fon éloquence naturelle,
én ergie, & voilà ce que i’Auteur n’a
feulement l’cbje£Hon qu’on
fa force. M ais après l’avoir
il la com bat avec la/même
pas voulu v o ir, ou ce qu’il
a voulu difîimuler.
O n diroit qu’il a cherché à en impofer par une grande
a u to rité , non pas à la prudence des Mr.giftrats qui fauront
vérifier le paifage , mais à l’indolence & à la crédulité des.
foibles ou des ignorans , qui croient fur p aro le, & ne fe don
nent jam ais la peine de remonter à la fource.
Com m ent même le Public p o u rro it-il vérifier le texte rap
porté , lorfque l’Auteur du M ém oire ne cite pas même l’en
droit où l’on peut confulter la prétendue cenfure de l’Ordonnance ? Com m ent feuilleter douze volum es des écrits précieux
de ce grand M âgiftrat, pour rencontrer un paifage ifolé, un
M ém .p , 1 14.
paifage qu’on a dénaturé pour en faire une fauife application ?
N ous difons qu’on a dénaturé le paifage de M . d’A g u e ife au , il
eil facile d’en faire la dém onilration. L ’Auteur du M ém o ire, en
parlant l’O rdonnance de 1 6 7 0 , dit que le dernier titre concer
nant les fa its juflificadfs ejl trop rigoureux ; & il ajoute : mais
d yAgueffeau lui~même a déclaré, après en avoir f a it la cenfure la
p lu s amere , qu’il ne refloit aux M agijlrats que la gloire de la faire
exécuter. C ’eft une tranfpofition infidele. M . d’A gueifeau ne parle
point de l’O rdonnance de 1 6 7 0 , m ais de l’O rdonnance de
1 5 3 9 , & voici fes propres termes :
M . d’A g u efieau , T om e
I V , p. 43S.
« A vant l’O rdonnance de 1 5 3 9 , on a p u , dans le doute
» avoir recours aux O racles de la JuriijDrudence Rom aine ; non» feulement on a pu le faire, mais on l’a fa it; il feroit facile
» d’en rapporter plufieurs preuves. M ais enfin la L o i a p a rlé ,
» il ne nous refte plus que la gloire de lui obéir » • Q uelle eil:
la L o i qui a parlé ? c’eft l’O rdonnance de 1 5 3 9 , qui ordonne que
l’inftru&ion du délit foit achevée avaijt de faire la preuve de»
�SZo2>
I
7’
3
fa its' qui tendent à la iuilification de l’Accufé ; & cette
règle, toute rigoureufe qu’elle peut paroître, prévient ies inconvéniens qui doivent naître de la diveriîté & de la contradic
tion de deux inftru&ions qu’on feroit à la fois fur desìi faits
-cppoies. .
.
: î'
.
- Q uelle apparence même que M . ’ d’A gueffeau a it: voulu: fe
permettre une cenfure de la L o i , déplacée dans la bouche du
Miniftere chargé de fon exécution? Il fait l’apologie de l’Ordonnance de 1 5 3 9 .
« Q uand fes motifs nous feroient inconnus , nous devrions m. d. i euef.
» toujours refpe&er fon autorité. M ais ili raifon ne nous eft pas IClUJ’ lbld'
.»m o in s m anifefte; & fans vouloir entreprendre inutilement i de
-»défen d re une L o i que perfonne ne peut attaquer, & de jnl» tifier la Juftice elle-m êm e, contentons-nous.d’obferver q u e , foit
» par rapport à la corruption de la nature, qui femble recevoir tbus
» l e s jours un nouvel accroiffem ent, foit par rapport au génie
: » & au caraélere de notre N a tio n , on a ju gé que rien n’étoit
» en même-tems plus nêceffnire ni plus difficile, que le fecret
. »> & la diligence dans l’inilruftion des procès criminels » .
Il faut dont refpe& er la L o i lors même que la raifon de la
L o i eft inconnue ; elle fe défend par elle-m êm e, & la Juftice
qui la fait exécuter, n’a pas befoin de juftifier fa foumiffion. L a
gloire du M agiftrat eft de lui obéir.
Q ue le fanatifme fe
permette de l’interroger ; qu’il vienne lui demander compte
de fa déciiîon ; qu’il ofe même l’accufer dans fa fureur : fes
efforts trahiffent fon im puiffance, & fes clameurs prouvent fon
aveuglem ent. Une fage circonfpe& ion eft le figne cara&ériftique d’un efprit auffi éclairé que modefte : il s’applaudit d’être
l’Efclave de la L o i , & fa conduite donne l’exem ple de l’obeif»
iance.
V eut-on que M- d’Agueffeau ait eu en vue l’Ordonnance de
’ i 6 7 o ; tout ce que ce M agiftrat a dit fur l’O rdonnance de
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f
François Ii r , auroit encore Ton application fur rO rdonnance de
Louis X I V . En effet, fi notre Légiilation a changé l’ancienne
fo rm e , de quoi les Cenfeurs peuven t-ils fe p lain d re, dans
l’ordre nouveau que la fageife de nos L o is a établi ? M . d’A gueifeau a expofé tout ce qu’on peut obje& er fur l’article con
cernant les faits juftificatifs. Q u ’a-t-il répondu à ces ob je& ion s?
•( E t ce font les mêmes que celles qu’on renouvelle aujourd’h u i,
excepté qu’on les propofoit avec plus de modération ). V o ici fa
réponfe.
M. d’Aguef.
«-Quelques,fpecieux que foient ces raifonnem ens, nous favons
p3s<M4i..
» q u ’on peut leur o p p o fer, qu’ils n’ont qu’une dangereufe &
»
»
»
»
féduifante fubtilité. L ’O rdonnance, en ne diftinguant p o in t,
a condamné par avance la témérité de toutes les diftinétions
qui pourroient diminuer fa force & reftreindre fon autorité.
Il ne faut pas chercher, par de vains raifonnem ens, quel eft
» le fens naturel du terme de faits juftificatifs. L es
»
»
»
»
idées les
plus fimples font toujours les plus fûres. T ou t fait qui juftifie
eft un fait juftificatif. Q ue la juftification a r r iv e , ou par la
fauifeté du crim e, ou par celle de l’accufation, c’eft ce qu’il
importe peu d’examiner. Si le fait allégué peut opérer la dé-
» charge de l’A ccu fé, c’eft un fait juftificatif. L a queftion eft
» décidée par l’Ordonnance : ce fa it, tel q u il f o i t , eft une dé» fenfe prématurée avant le jugem ent ck i Procès » .
Q uel étoit l’objet de la C aufe où M. d’A gueifeau établiiToit
ces grands principes ? Celle du fieur de la Pivardiere. Il étoit
difparu.j ia femme étoit foupçonnée de la v o ir affaffiné. D eux
I
;
Servan tes, dans leurs d ép oiition s, accufoient leur M aîtreife....
N ous remarquerons en paffant que M . d’A gueffeau répondit
M. d’A^uef. expreifément à l’objeéHon de domefticité qu’on faifoit pour écarter
P3âe 456«
i£Ur tém o ign ag e : « c e s o n t d e s T é m o i n s n é c e s s a i r e s ......*>
Après l’inform ation, un Particulier fe préfenta comme étant le
véritable m ari........... C ’étoit véritablement le fieur de la Pivatf»
�2 c J
.
.
.
<j
175
dierc. L e crime étoit éteint par- la repréfentation du mari pré
tendu aflaiTmé. L ’Accufé & fes Com plices étoient juftifiés.
Etoit-il un moment plus favorable pour déroger à la rigueur de
la Loi ? Il paroiiïoit de toute juitice d’interrompre l’initru&ion
de la premiere procédure fur l’accufation d’aflaffinat, & d’en
commencer une nouvelle fur la prétendue exiilence du pré
tendu mari qui fe repréfentoit. Q ue n’auroit pas dit l’Auteur dit
M ém oire dans une pareille poiition ? Q uel vafte ' champ à la
véhém ence de fes déclamations ? M . d’Agueifeau propofa un
fage tempérament pour concilier la rigueur des principes avec
la faveur de l’équité naturelle. L e Particulier qui fe repréfen
toit pouvoit être
conformément
un faux la Pivardiere. L a C our ord o n n a,
aux
con cluion s
du M iniftere public ,
qu’il
feroit informé de l’exiftence ou de la fuppoiition du foidifant la Pivardiere , fans préjudice au Procureur - Général Arr<?t du 13
de continuer l’inftruftion du Procès intenté pour raifon du pré- Fiv*
tendu aiTaffinat.
L e M iniftere public avoit feul rendu plainte ; ce fut auiîi le
Miniftere public qui requit la nouvelle initrucUon, non pas parce
que ce fût un fait juftificatif, ( c ’eût été déroger à l ’Ordonnan-ce,
¿k la C our ne le pouvoit pas ) mais parce que le Particulier
qui fe préfentoit pouvoit être un im p o ileu r, & que cette fuppofition devenoit un nouveau crime hafardé pour parvenir à
détruire l’accufation du premier.
C et Arrêt folemnel laiiTa fubfifter la L o i dans toute fon autorité,
& la raifon ne perdit aucun de fes droits. C ’eft faire injuro à la
raifon & à la L oi d’avancer qu’elles puiffent jam ais être vérita
blement contraires.
Il faut donc conclure qu’il n’y a que deux efpcces de faits
juftificatifs.
D ans la prem iere, nous rangerons tous les faits qui attaquent
»
�1 7
6
la fubftance même du crim e, ou qui regardent la manière dont'
il a été commis.
,
Si le crime eft douteux1, alors il faut diftinguer. Si le fait ne
tend'point à aiTurer ou à détruire le crime en lui-m êm e, c’eft une
preuve inutile , onéreufe même à l’A c c u fé , qui n’en aura peutêtre jam ais befoin, parce que le crime eft incertain. M ais fi, dans
le doute & dans l’incertitude, on propofe un fait qui puifîe con
firmer ou détruire la réalité du crim e, comme dans le fait de
la Pivardiere : ce fait n’eft plus un fait juftificatif, il fait partie
du Procès ; & quand l’Accuie n’en demanderoit pas la preuve ,
la. prudence des M agiftrats l’ordonneroit à notre réquifition,
parce qu’il eft de notre miniftere de fixer u n e preuve q u i, en
m o n t r a n t le c r i m e à : d é c o u v e r t , n e laifle d’obfcurité que fur la
perfonne qu’o n 'accu fe de l’avoir commis.
D ans la fécondé nous placerons les faits q u i, lorfque le crime
eft certain , foit par l’exiftence du corps du délit, foit par un
Procès - verbal juridique , foit par la, dépofition de Tém oins
clignes de f o i , foit par tout autre genre de preuve que ce puifle
ê tr e , tendei;-:' à prouver que l’Accufé ne peut pas être cou
pable. U n fait de cette nature doit être admis pour procurer,
à l’Accufé le m oyen de fe juftifier ; les Ju ges doivent s’ernprefler d’en ordonner la preuve ; leur devoir eil de travailler
en faveur de l’innocence , pro accufati laborare innoccntiâ.
M ais le fait n’eft vraim ent ju ftific atif, n’eft adm iflible, que.
lorfqu’il anéantit l’a cc u ia tio n , ou lorfqu’il rejette le crime fur
un a u tre , ou lprfqu’il démontre que l’Accui’é n e
peut pas en
être foùpçonné.
N ous venons de remettre foüs' vos yeux le texte des’ diffé
rentes Ordonnances , nous en avons développé l’e fp rit, ou
plutôt c’eft le plus inftrüit, c’eft le plus vertueux des M agiitrats qui. vient de vous le développer par notre organe. Le
croirez.-vous ? L ’O rdonnance de 1 6 7 0 , cette Loi fi refp e& ab le,
.
fi
�* 7 7
fi propre à concilier les intérêts de l'humanité a v e c le s intérêts
de la fureté p u b liq u e , l’Auteur l’annonce comme unê L o i qui ,
du droit de fe ju flijîer fa it une g râc e , comme un e,Loi qui .attente^
à la L o i naturelle , i comme uñe L o i qui attente-ùU àtLbi de D ieu
même.
-n-' -• «.*•.
r.¡ 1
E t comme fi ce n’étoit pas aifeir: de ces qualifications infenfé e s, l’Auteur interroge les M ânes de l’illuftre C hancelier qui
fait l ’élogè de FOrdonnance ÿ &: il ofé js ’écrier :
'
• c uAm elpure de d’A^ueffcait ! le M agiflrat qui fâ it. exécuter uni
L o i que fa confcience reconnoit contraire à la JLoi naturùlU, & qui
peut fe démettre , efl-il un honnête homme ?
C et illuilre C h ef de la M agiilrature , appellé à Un fi grand
M iniflere par le voeu public autant que par le¡cKoi% dü PrinCë ,
digne de fa place par les vertus autant que p ar fes lum ierèS,
qui a paifé toute fa vie à m éd iter, à faire, ou à- interpréter les
L oix ; ce M a g iflra t, véritablem ent L é g ifla te u r, ferôit bien
étonné de voir la pureté de fon ame atteflée fur des principes
oppofés aux: premiers préceptes de la raifon.
/ ’’r '
Eh ! quoi fle M agiftrat ofera fe rendre le Ju g e de, la L o i qu’il
a juré de garder & d’obferver? Il ne ctaindfa pas de citer au
Tribunal de fa confcience la L o i dont il a fait voeu d’être le
M in iilre? prêt à violer ce ferment aufïi folemnei que redou
table , il fe permettra d’o p p o fer
volonté publique de la L o i? il
peut faire exécuter une L o i que fet
la L o i naturelle ? il fe dem andera
honnête homme ?
fon opinion paitidbliëré à là
fe demandera à lui-même s'il
confcience fecOftiiùit contraire à
f i , pouvant fe démettre , il efl
Q u ’il nous foit permis d’interpeller l’Auteur à n ôtre tour. Il
prend la défenfe de trois condamnés y n&us lui dÆitiaWderons,
fous le vo ile dont il fe c o u v r e , s’il cflr Jiirifcorn'faite ou M a-
giftrat.
Comme Jurifconfulte , oferojt-il donner & 'aft M a g iftra t , qui
Z
Merci, p.
Page i
�178
vieridroit le confulter, le confeil de prendre fa confcience pour
ju ge entre lui & la L o i ; le confeil de faire prévaloir fon propre
jugement fur la décifion du L ég iflate u r; le confeil enfin d’ab
diquer fes fon& ion s, parce que la L oi lui paroît contraire à fes
lumieres perfonnelles ?
Com m e M a g ijlra t, nous lui dem anderons, quel m otif peut
donc l’attacher à des fon dion s auxquelles fa confcience répu
gn e , à un état qu’il croit incom patible avec la qualité d’hon
nête homme. Pourquoi ne donne-t-il pas l’exemple du noble
iacrifice qu’il exige de la probité de tous ceux q u i, comme
l u i , ont fait ferment de fe conformer aux O rdonnances du
R oyaum e ? Q u ’il choiiiiTe entre l’obfervation fcrupuleufe de la
L o i , & le cri im périeux de fa confcience. Il eil bien fo ib le , iî
l’honneur du titre l’emporte fur l’auftérité de fes principes 1
C e fyftêm e d’indépendance introduiroit bientôt l’arbitraire
dans les T ribunaux. C haquç M agiftrat auroit un guide diffé
ren t, parce que les opinions varient à l’infini ; ou fi la crainte
idéale d’être injufte avec la L o i le forçoit à remettre au Sou
verain le dépôt qu’il lui a con fié, fi l’honneur d’être le G ardien de
la L o i lui paroît un efclavage trop rigo u re u x , le fanétuaire de la
Juftice ièroit bientôt d éfert, & fes Autels abandonnés annonceroient à tous les Sujets du R oi que l’anarchie la plus funefte
a dépeuplé le T em ple de l’union , de la concorde & de la
paix.
N ous n’avons point à redouter cette trifte défertion. L ’ob
fervation de la L o i eil pour nous un précepte de rigueur j nous
lui devons l’hom m age plein & entier de notre opinion ; elle
feule répond des réglés qu’elle fait exécuter. En vain le M a
giftrat fe repofe fur la droiture de fon cœ ur & fur la pureté
de fes intentions. L a probité m êm e , qui ne fe foumet point à
l’empïrc de la L o i, marche au hafard dans les fentiers de la
ju ftice, ou dans ceux de l’iniquité. C ’eft avec la même fécurité
�»<■4
.
1 7 9
qu’elle échappe au danger ou q u elle s'y précipite. Loin de
nous la tentation de faire prévaloir les idées d’équité naturelle
fur les difpofitions poiitives de l’O rdonnance. Plus on auroit de
lumiere , plus . elle feroit à craindre : la L o i eft la confçience du
M agiftrat. ;
- •
• •;.
Q ue nous refte-t-il à préfen t, fi ce n’eft de faire l’applica
tion des principes à la procédure que l’on attaque.
L es premiers Ju g e s, la C our elle-m êm e, ont refufé, dit-on ^
d’admettre les faits juftifîcatifs continuellement offerts par les
A ccufés. Ils n’auroient point été condamnés fi la preuve en eût
été ordonnée.
L es A ccu fés, fans d o u te , pouvoient en p ropofer, pouvoient
dem ander à en faire preuve. D eu x queftions. à cet égard. Ontils propofé quelques faits juftifîcatifs? Les faits qu’on prétend
qu’ils ont propofés étoient-ils adm iffibles? . ‘
Il n’y a de leur part ni demande v erb ale,, ni R equête d’at
tén u atio n , ni conclufions à l’effet d’être admis à la preuve des
faits qu’on avance qu’ils ont articulés. D epuis trois ans ils fe
font défendus. Leurs m oyens de défenfe pouvoient préfenter une,
forte de juftification ; mais n’ayant rien requis ni devant les
premiers Ju g e s , ni en la C o u r, on ne peut pas dire qu’il y ait
eu un refus de les admettre à prouver leur innocence , ni même
qu’ils aient propofé aucun fait véritablem ent juftificatif. L ’O r
donnance n’a pas même fuppofé qu’il pût y avoir un refus de
cette nature. Com m ent auroit-elle pu fonder une nullité , fur
une admiflion qu’elle laiffe à la prudence des Dépofxtaires de
fon autorité ?
. *. . .. ,
C ette pretendue nullité s’évanouit donc avec le prétendu
refus. S’il y avoit une demande form ée, foit dans un interro
gato ire, foit dans une R equête jointe au P rocès; s’il y avoit un
refus juridique de prononcer fur cette dem ande, peut-être il y
auroit une efpece de nullité. N ous d ifo n s, peut - être, parce
Z »
" '
Point de faiti
juftifîcatifs
propolés : par
conféquent
point de refus*
�;
'*>
ilia
que lé Ju g e doit encore examiner fi les faits propofés fo n t
üdmiffibles. Il ne fuffit pas d’articuler une longue fuite d é f a it s ,'
^
d e'm u lfip lier les-indices^ de-cum uler les vraifem blanees; enfin,
de»rapprocher les circonÆ ances, de les féparer encore, & de.
les réunir enfuite dans un récit bien com bin é, & de demander
ai faire, p re u v e'd e ’ ces indices ,ç de ces vraifem blan ces, de ces
faits , & de tout ce qui a précédé ou fuivi le délit : il fauten outre -qttè 'le-rJu g e examiiie en fa confcience fi ces faits
iortt dë:haitttfe à ôtre^admiSi II doit en admettre la preuve dans?
tî-<iîs •h'ypôfc'hèfes-différentes-,' comme nous l’avons établi dans leprincipe.
j V S ’ils anéaptiffent le crime , parce qu’alors l’acculationi.
tombe •<l*êUe-rtiênvé.'-*‘:'•
x 6. S ’ils têjnderit à prouver qu’il y a un autre C o u p ab le, parcequ’alors le premier Accufé 'devient innocent.
3 °. S i , fans indiquer un autre C o u p ab le , ils peuvent ju ftifier que liAccufé ne peut pas être coupable.
D ès faits de cettë nature doivent être éco u tés, feront toujours
a d m i s , n?o n f jamais' été re fu fé s; m ais, encore une fo is, c’eft
au Jü g e à décider fin les faits articulés font de nature à opérer
cette junification. II y a p lu s; c’eft au Ju g e à choifir entre les
faits particuliers, ceux qu’il croit dignes de' l’attention de la Ju fiic e ; & • lorfqu’il n^Drdonne la preuve d’aucun fait, il doit de
m eurer pour cortftant qu’aucun des faits articulés n’étoit admif-fible; L es artid ës de rO rdôim ance ne font pas feulement fac al~
tdtifs y mais de néceffité poür’ le Ju g e . S o n honneur S i f a confcience
répondent des faits qu’il adm et, comme de ceux qu’il ne croit pasdevoir admetü'eV^ "*c
:c; .
1
' D ans quel moment la preuve- peut-elie être ordonnée ? Aprèsla vifite du Procès. Pourquoi l’O rdonnance a-t-elle fixé cet inftant ? C ’eft que le Ju g e voit alors plus fûrement le rapport qu’il
peut y «avoir entre les faits à prouver 8 : les preuves existantes 7
^
�Jll
18i
& qu’il eft en état de connoître ii les faits articulés ne font pas
détruits d’avance par les dépofitions des Tém oins.
L ’A ccufé lui-même ne peut faire preuve que des faits choifis
^ lf*
p a r le Jttge , du nombre de ceiix articulés dans les interrogatoires
& dans les confrontations. Il faut donc que le Ju g e ait fous les
yeux ces in terrogatoires, ces confrontations. Il ne les connoît
parfaitem ent qu’après la vifite du P rocès, & puifque le Juge'
doit faire un ch oix, puifque l’Ordonnance s’eii rapporte à cet
égard à fa p ru d en ce, il ne peut y avoir refus de Ta part où
om iiîio n , quand il ne penfe pas qu’il y ait lieu d’ordonner
la preuve. Il ju ge au contraire qu’aucun fait n’étoit admiiTible ,
&: ce prétendu refus, cette omiiîion lé g a le , ne peuvent opérer
une nullité.
L e Ju g e y reprend l’Âuteur du M ém o ire, eft donc le maître
d ’accorder ou de refufer la ju flif. cation dem andée. S ’en rapporter
à fa pru den ce, c’eft rendre fa déciiïon arbitraire. P lu s la L o i retient Mém. p. i i t ;
dans le filence & les ténebres , pendant le cours de la procédure 3 la
juflification des A ccufés, l’expofe à tous les caprices du f o r t , à
tous les efforts de la c a l o m n i e p l u s auffi lorfquun moment avant
le Jugem ent, & fe rcjfouvcnant enfin , comme p a r hafard , de
l'innocence , cette L o i lui permet alors de paroître & de parler un
moment i p lu s alors du moins cette L o i doit forcer la Juflice à
écouter un moment l ’innocence y à lui prêter fon flambeau.
Faudra-t-il donc toujours juftiiier la L o i? Q uel que foit le
m oyen de juftification que l’Accufé p ro p o fe, ce n’eft pas à lui
à impofer aux Ju g e s la néceiîité de le recevoir. L e Ju ge luimeme ne p e u t, ne doit l’admettre que lorfqu’il eft de nature à
effacer l’a c c u fa tio n jm a is, dans cette hypothèfe m êm e, le Ju ge
ne peut recevoir la v é rité , quelqu’éclatante qu’elle paro iffe,
que des mains de la L o i , & dans les formes qu’elle a établies.
C e n’eft point p a r hafard quelle s ’e.fl rejfouvenue de l’inno•cence3 c’eft avec fagefle qu’elle a renvoyé l’admiflion des faits-
�i 8
z
juflificatifs entre la le£lure des concluions &: l’opinion des Juges.
A-t-on jam ais refufé d’entendre un Criminel dans ce dernier
moment ? O n l’ecoute avec attention ; & nous pourrions citer
,un exemple tout récent & bien c o n n u , où le Scélérat le plus
déterminé *, accufé &C convaincu d’avoir aiTaffiné la mere &
empoifonné l’en fan t, a été entendu près d une heure & demie
fur la fellette , pour perfuader qu’il étoit véritablem ent innocent.
O n reproche à la L o i & aux M iniilres d e là L oi de ne s’occuper
que de la punition des Coupables , & de n’envifager jam ais
les dangers de l’innocence. Les O rdonnances criminelles font
faites pour la punition des délits, pour prefcrire la forme dans
laquelle les délits feront juridiquem ent p ro u v é s, & pour régler
la maniéré dont un Prévenu pourra fe défendre de l’accufation.
Il n’eft donc pas étonnant que le plus grand nombre de fes difpoiîtions ne tombent que fur les crimes & les Criminels, M ais com
bien pourrions-nous rapporter d’articles différens, non pas feu
lement di&és en faveur de l’in n ocen ce, mais en faveur même
des A c c u fé s, lorfqu’il n’y a qu’une preuve fuffifante aux y eu x
des hom m es, mais incom plette aux y e u x de la L oi.
Eft-ce p a r h a f a r d que la L o i fe reifouvient de l’innocence,
quand elle ordonne qu’en cas de partage entre la vie & la
m o rt, entre l’abfqlution & la condamnation ? l’A cçufç fera ren
v o y é abfous ?
Efl-ce p a r h a f a r d qu’cjle prononce qu’à, nombre inégal de
Ju g e s, s’il n’y a d’un côté qu’une voix de p lu s,
de fi*
comme
contre fe p t, le Jugem ent doit palier à l’avis le plus d o u x ?
Eil-ce p a r hafard qu elle ordonne que la dépofition des T é
moins décédés avant le récolement fera re jetté e , &: ne fera
point lue lors de la vifîte du P ro cè s,y ? ce riefl qu ils qillent à la
décharge de l'A ccufé, auquel cas leur dépofition fera lu e ?
Eft-ce p a r hafard qu’après avoir ordonné « que la dépofï» tion des Tém oins récolés & non con fron tés, ue fera point
�213
I
&3
» de preuve » contre l’A ccufé ; elle ordonne que « dans la vifite
» du P r o c è s, il fera fait lefture de la dépofition des Tém oins
» qui vont à la déch arge, quoiqu 'ils riaient été récolés ni con» fro n tés, pour y avoir égard par le Ju g e » : la L o i fourniffant
ainii elle-même d’office des faits juftificatifs, q u i, loin d’être propofés par l’A c c u fé , peuvent lui être inconnus.
Eft-ce p a r hafard qu’en matiere de faits ju ftificatifs, quoiqu’il
ne foit permis à aucun Accufé de produire des T ém o in s, la
L o i fe dépouille de toute fon autorité, anéantit fes difpoiîtions
les plus féveres, & permet à l’Accufé non-feulement de faire en
tendre toutes fortes de T ém o in s, même c e u x , quorum fides in
aliis minus légitima cenfetur, dont le tém oignage ne feroit pas
adm is en toute autre circon ilan ce, mais encore ceux qui lui ont
été confrontés, même ceux qu’il a valablem ent reprochés, fans
fe départir des reproches qu’il peut avoir allégués contr’eux?
Elt-ce enfin p a r h a s a r d qu’oubliant toutes les réglés qu’elle a
prefcrites, elle ne s’oppofe point à ce que l’A ccufé nomme pour
témoins de fon innocence fes p a re n s, fes alliés au degré pro
h ib é , le frere & la fœ u r, le mari pour la fem m e, la femme
pour le m a ri, quoique l’affe&ion du fang les rendent fufpeéts ,
quoique les liens les plus facrés les attachent à la perfonne de
l’A ccufé , & qu’ils foient intéreffés à fa juftification ?
C ette L o i, qu’on s’efforce de repréfenter comme fe reffouvenant à peine de l’in n ocen ce, fe replie néanmoins fur ellemême pour mettre tous les accufés à portée de fe juftifier.
C ’eft l’A ccufé lui-même qui nomme les Tém oins qu’il cioit
en état de depofer fur la vérité de fes faits juilificatifs ; & ii elle
eft rigoureufe fur le choix des fa its , elle eit plus qu’indul
gente fur le choix des Tém oins ; elle veut il eft v ra i, qu e
ces Tém oins foient aflignés à la requête du M iniftere public ;
mais elle porte l’attention jufqu’à ordonner qu’ils feront afpgncs
& ouis
d 3office
par le Ju g e , ceil-à-dire que fi l’Accufé ne trou-
�* •1»
i 84
voit pas dans fa mémoire le nom des Tém oins qu’il peut faire*
entendre, le Ju g e , qui connoît tout le P ro cès, doit fuppléer le
défaut de M em oire de lA c c u fe , & indiquer d’office les Tém oins
dénommés dans les interrogatoires & dans les confrontations j il
doit même rejetter d’office ceux qui font contraires dans leurs
dép ofm on s; en un m o t, le Ju g e qui eft: neutre entre l’A ccufateur & l’A ccufé , eft obligé de faire ce qui eft en lui pour recher
cher l’innocence dont la L o i ne défefpere qu’après que fon
M iniftre a mis tout en œ uvre pour l’établir.
Q u’on ne nous dife donc plus que l’O rdonnance érige la dureté
en fyftêm e , qu’elle ne s’occupe que du crime , quelle ne tend
qu’à accélérer la pun ition , qu’elle eft entourée d’éch afau ds, qu’elle
éjl un attentat à la L o i naturelle , que du droit de fe juflifier elle f a it
une grâce, que le Titre des fa its ju jlijîcatifs efl prefqu effacé depuis un
Mcm.p. 115. Jiecle p a r le fa n g & les larmes des innocens quelle a f a i t condamner.
C ette multitude d’in v e & iv e s, auffi injurieufes à la L o i qu’aux
M agiftrats qui ne peuvent fe dÎfpenfer de la faire exécuter , ces
accufations a tro c e s, vraim ent dignes de mépris ii elles n’étoient
l’ouvrage d’un Profélite qui fe dévoue pour l’honneur de fon
o p in io n , ces reproches féditieux n’ont été raiTemblés qu’au refus
prétendu fait & à l’omiffion d’admettre les A ccufés à la preuve
de leurs faits juftificatifs.
N ous avons déterminé quelle eft la nature d’un fait juftiiicatif.
C herchons à préfent quels font les faits que l’Auteur préfente
F.iits juftificatifs infiiffilans ; par con-
com m e ayant été articulés par les trois condamnés qu’il défend,
JJ f
Jt difficile de les appercevoir dans la P ro cé d u re , nous
#
.
fcqucnt point les trouvons réunis dans le M ém oire. O n les a réduits à n e u f,
deux pour S im are , trois pour Lardoife , trois pour Bradier , &
un dernier commun à tous les Accufés.
V oyon s quel en eft le réfultat.
Simare eft le premier. Il a propofé dit-on deux faits juftifiM’im.p. 103. catifs. L e premier eft que la croix trouvée fu r lu i appartient à f a
fem m e
�JliS
femme f qui la lui avait donnée à échanger en préfence de deux
témoins.
L e fécond qu’il avoit couché la veille , furveille & la nuit du
délit fo rt loin de Vinet. C ’eft le lieu où le délit a été commis.
Exam inons ces deux faits à la lumiere des principes que nous
avons établis.
U n fait eft vraiment juftificatif dans trois cas.
i ° . Lorfqu’il anéantit le crime.
2 0. L o tfqu ’il démontre qu’un autre en eft l’auteur.
3 °. Lorfqu’il tend à prouver que le crime ne peut pas avoir
été commis par celui qui en eft accufé.
C ’eft dans cette derniere efpece de juftification que fe ren
ferment les Accufés & leur Défenfeur. Ils ne difent point qù’il
n’y a pas eu de v o l , ou que les Thom affin fe font volés euxm êm es ; ils ne difent point que le vol a été commis par tel ou
tel autre particulier : ils fe bornent à fe difculper de l’accufation
intentée contr’e u x , ou en établiflant qu’ils étoient dans des lieux
difFérens, m ais peu éloignés de celui du d élit, la nuit où ce délit
a été commis 7 ou en rapprochant des circonftances qui ne font
point incom patibles avec le délit en lui-même.
L es deux faits articulés fous le nom de Sim are dans le M é
moire , font-ils de nature à prouver que Sim are ne peut pas être
coupable du délit en queftion?
L e premier fait concernant la croix d’argent dont Simare a été
trouvé faifi , fe divife en deux parties.
L a première , que cette croix appartenoit à fa femme.
L a fécondé , que la femme de Sim are la lui avoit donnee pour
l’echanger en préfence de deux témoins.
Q uant à la premiere partie", que -la croix appartenoit à fa
fem m e, il eft évident que cette propriété de fa femme , antérieure
au délit du 3 o Janvier , excluroit tout foupçon de vol à cet égr.rd j
il eft encore vrai que Sim are a foutenu dans toute l’m ftru&ion que
cette croix d’argent appartenoit à fa femme.
A 3
/<
�i8
6
t
M ais que devient cette aflertion , lorfqu’on rapproche de cette
déclaration de propriété l’ignorance de Simare‘, auquel on demande
' fi cette croix n’eft pas la même que celle qui a été arrachée du
Interrogatoire col de la femme Thom aflin , & qui répond q u i l nen fa it rien. E t
1783^ MarS l ° rfque dans un fécond interrogatoire on lui objefte à lui-m êm e
cette rép o n fe, il ne fe réforme pas , il n’ofe pas même la dénier;
^ fe contente de dire qu’il croit avoir répondu que cette croix apparJan teno^t à f a femme. Il eft vrai que fur la premiere queftion il avoit
fait cette réponfe ; mais fur la fécondé , il avoit dit q u i l ne fav o it
p a s fi elle avoit été arrachée du col de la femme Thom aflin. Peuton s’arrêter à cette allégation de propriété de la femme S im are ,
lorfque dans la confrontation de Simare avec les Thom aflin , le
m ari & la femme ont égalem ent reconnu la croix comme étant
celle qui leur avoit été volée ? Il faut donc écarter ce fait jufti-
Interrogatoire
fic a tif, parce qu’il y a preuve concluante au Procès contre la
propriété de la femme Sim are.
L a fécondé partie de ce fait eft abfolument indifférente. Il
peut être vrai que la femme Sim are ait remis la croix d’argent à
fon mari en préfence de deux tém oins, & cette remife ne prouve
pas la propriété. Le vol a été fait au 3 0 Janvier 1 7 8 3 ; c’eiH e
2 9 M ars que Sim are a été arrêté. Il eft trouvé faifi de la c ro ix ;
il articule que fa femme lui a donné cette croix pour l’éch an ger,
en préfence de Linceux & de la femme Colfon.
Q u ’on fafle entendre ces témoins ; ils dépoferont de la remife
faite en leur préfen ce, que nous admettons comme un fait vrai.
M ais cette remife ne peut-elle pas avoir été faite à deflein 7
pour fe m énager des tém oins? E t fi l’accufé après le vol a remis
la croix à fa femme , qui la lui donne enfuite en préfence de té^moins pour conftater cette remife , s’enfuivra-t-il que cette croix
n’a pas été volée aux Thom aflin ? C e fécond fait n’eft pas un fait
ju ftificatif, puifqu’il peut fubfifter fans établir la juftification de
fA cciifé.
Alcm. p. 203.
L e fécond fait articulé par Sim are , cfl q u i l avoit couché Ici
�187
veille, la furveille & la nuit du délit fo rt loin de Vinet.
C e fait ne préfente autre chofe qu’un alibi : or qu eft-ce qu’uti
alibi ? C ’eft un fait véritablem ent pérem ptoire, parce que il l'alibi
eft prouvé , il eft démontré que l’Accufé ne peut pas être cou
pable. M ais l’alibi n’eft: adm iiïible, que lorfqu’il en réiulte nonfeulement que l’accufé n’étoit point au lieu du délit , mais même
qu’il en étoit fi éloigné , qu’il n’étoit pas poifible que l’Accufé pût
fe trouver dans le lieu où le délit a été commis , en forte que fon
éloignement établiffe l’impofïibilité d ’être coupable.
Par exemple fi l’Accufé étoit prévenu d’avoir affaflmé un
homme à L y o n , & qu’il offrit de prouver que ce même jour il
étoit à Paris ; la preuve feroit adm ife, parce qu’il y a impoiïibilité que l’Accufé le même jour puiffe fe trouver à Paris & à
L y on. L e crime fubfifte, mais l’Accufé doit être renvoyé de l’accufation.
Si ce Particulier eût articulé , que la nuit du vol il étoit fi
éloigné du lieu du délit, qu’il ne lui étoit pas poifible de s’y tranfporter , le fait eût été de natuie à prouver fon innocence.
O n articule dans le M ém oire , qu’il a toujours fouten u, que
la veille, la furveille & la nuit du délit, il avoit couché fo rt loin de
Vinet. Ce fait eft bien vagu e. Confultons fes interrogatoires. Il
e n a fubi trois. Le premier devant rÆiïefleur de la M aréchauffée,
le fécond devant le Ju ge de Chaum ont , le troifieme fur la fellette.
Et vous allez voir fi ces trois interrogatoires renferment des
faits dont la preuve doive opérer la décharge de l’ Accufé.
En la M aréchauffée, il déclare que depuis dou^e ans il n a point
été à Vinet.
Q u’il étoit le zg à Pleurs , & le 31 à G ay (G a y e ) che^ le nommé
Ju p in , Cabareder & Boulanger audit lieu.
Q u’il ne fe fouvient p a s d'avoir été à Salon che{ D ubois } Cabareticr9 ce même jo u r 31,
Aa 2
�18 8
JV’ a point été la nuit du zg au j o chet' les Thomafjin , croit qtf'tl
¿toit alors à Champfleury.
D evan t les Officiers du Bailliage de Chaum ont.
D éclare qu 'il demeure à Champfleury depuis f a naiffance.
Que la nuit du zg au j o Jan vier il étoit che^ le nommé Jupin l
Caharetier à Guié ( G ay e ) , près Se^anne.
Q u’il a paffé la journée du zg à ta Chapelle-Laffon.
Interrogatoire
O n lui remontre que dans f a confrontation il a dit que c étoit
*u’n le j o Jan v ier q u i l étoit à la Chapelle-Laffon. — P erffle à foutenir
q u i l dit la vérité.
O n lui repréfente que dans l ’interrogatoire fu bi en la M arechauffée , il a dit que le z g il étoit à Pleurs.— Répond ^ que cefl que
pour aller dé Champfleury à Guié (G ay e ) , il fa u t paffer à P leurs.
O n lui remontre q u i l a dit dansfon interrogatoire en la M aréchauffée , que la nuit du zg au j o Janvier il étoit à Champfleury
& n étoit avec perfonne. — A d it, f ic e la efl ainji rédigé, c e fl que
l’on a écrit ce quon a vouhu
Sur ce qu’on lui reprifente q u i l a été reconnu p a r les Thomaffin.
•— D it quon peut écrire ce quon veut : ajoute que s ’il fe trouve
contradictions entre fon interrogatoire en la Maréchauffée & celui-ci,
c e fl quapparemment on n a p a s écrit ce q u i l a dit.
interrogatoire
d u ^ i i A oût
D an s l’interrogatoire fur la fellette il change encore de fy ftêm e.
^ c i nuit du zg au j o Jan vier il étoit che^ lui à Champfleury.
J , iui remontré que dans le précédent interrogatoire il a dit q u i l
étoit cette nuit-là à G ay (G a y e ) che^ Ju p in , CabaretUr.— D it que
c e fl la nuit du z8 au zg qu’il y étoit.
Sufpendons nos réflexions , pour réunir à ces premiers faits
ceux propofés par les deux autres A ccufés -, ils font à-peu-près
femblables & roulent de même fur un alibu
JVîém. p. ioy.,
L ard o ifé, dit-on, en articule trois*
i °. Q u i l a couché la veille ^fuiveille & la nuit du délit f o n loin
de Vinet*
�189
a ° . Q u 'il a demande le jo u r du délit un extrait Baptiflaire
fon Curé , en préfence du nommé Ja u jfo n , pour fe marier..,,, que leCuré, faute de papier timbré, n’a pu lui délivrer cet extrait.
3 °. Que les Fermiers de P e r te , où il a couché l a veille ou la
nuit du délit, lui ont dit avoir été volés à cette époque p a r trois in
connus.
Parcourons , comme nous venons de faire à l’égard de S im are,
les quatre interrogatoires de Lardoife.
D an s fon interrogatoire fubi en la MaréchauiTée.
D it avoir été arrêté à S a lo n , le matin en fe levan t, dans la Ferme Interroga*. do
ou il a couché le Vendredi 31 Ja n v ie r, c’eit-à-dire la nuit du Jeu d i 4
^ *
3 o au V endredi 3 1 , puifqu’il a été arrêté dans la journée du 3 1.
D it avoir couché la veille che{ les Fermiers de Perte. L a veille
eft par conféquent la nuit du 2 9 au 3 o , où le vol a été commis.
On lui demande de nouveau, ou il a couché la nuit du Mercredi 29
au Jeudi 3 0 . — D it avoir couché à Vouarce (W o u a rc e ) , près
Sain t-Saturnin , & q u i l demeure à L a u n a l, Parûijfe du M e t , en
B rie (L a u n a y , ParoiiTe du M e ix , en B rie ).
D an s le fécond interrogatoire, toujours en la M aréchauflee.
Il ne demeure plus ’à L a u n a l, ParoiiTe du M e t , mais demeure Interrogat.au
au B a te a u , Paroiffe dit Got (B u th e a u x , ParoiiTe du G a u l t ) , à *
trois lieues de Se^anne en Brie.
Pourquoi ce changem ent de domicile ?
D it qu’il travaille à L au n al ( L aunay ) depuis J î x femaines :
L au n al ( L aunay ) n e fl éloigné que de trois quarts de lieue de
B ateau ( Butheaux ) : a cru cela indifférent.
C onvient qu’il fe peut faire qu’il ait été le 3 1 chez D u b o is,
C abareticr à Salon , pour conclure un marché.
Interrogé d'oà il venoit. — A dit q u i l avoit couché à la Perte»
Interrogé où il avoit couché la nuit précédente.'— A la Perte.
Où il a
couché la nuit du 29 au 30 Jan vier.— A Saint-Saturnin7
che^ le nommé Jofeph Adiien , Sabotier,
A lui repréfenté q u i l ne dit p a s la vérité, p u i f ju i l a
déclaréa u x
7 ^
�190
Cavaliers de Maréchaujfée qu'il avoit couché la nuit du 29 au j a
dans une Ferme de la B rie.
D it q u i l a couché ladite nuit à
Vouarce ( W o u a r c e ) , che^ le nommé Vanel.
O n lui repréfente que fur les précédentes interrogations il a
dit avoir couché che£ le nommé Jofeph A drien, Sabotier.
Sur la repréfentation de cette contradiéK on, il revient à fon
premier dire.
Interrogat. du
D an s fon troifieme interrogatoire prêté devant le Ju g e de
2 2 ^1 1 1 1 7 8 5 ,
o
r
o
Chaumont.
Demeure à Buteau > Paroijfe de Chaudion (B u th e a u x , ParoiiTe
de C h am pgu ion ).
A p ajfé la nuit du 29 au 3 0 Jan vier che^ Edme V'ergeat, Fer
mier de la Perte.
S ’eft trompé lorfqu il a d * q u i l avoit pajfé cette nuit che{ le
nommé Jofeph-Adrien, S ab o tier, à Saint-Saturnin. C’efl la nuit
i
du 28 au 29 qu il y a p a ffé , & le 29 au matin il a demandé fon
extrait B aptiflaire au Curé.
A connu B rad ier le 3 0 Jan vier 3 che£ D ubois , Cabaretier à
Salon.
D ans le quatrième interrogatoire fur la fellette , perfîfte à dire
que la nuit du 29 au 3 0 Jan vier ir é to it che^ E dm e V'ergeat & la
veuve Godeau
JWéjn.p. 103.
,
Ferm iers au V illa g e de la P e r te ,
Refte le dernier Accufé. L e nommé Bradier.
T rois faits juftificatifs articulés par ce Particulier.
I
°. I l a p ajfé la veille du délit à aller chercher de la paille che£
le Procureur FifcaU
3 °. I l a couche che^ lui la nuit. On en a pour témoin le nommé
V ery , Garde-Traverfîer.
x °. L e lendemain à fept heures du matin , il a été de Libaudierc
( d ’A llibaudière) à Champfleury che^ Simare y de Champfleury, ils
font venus enfemble che^ D ubois à S a lo n , fu r les trois heures
(iprès-midi.
Cherchons ces trois faits dans fes interrogatoires.
�¿z i
191
D ans l’interrogatoire fubi devant la M aréchauffée :
D it qu il a couché che^ lui la nuit du zc) au 3 0 Janvier.
Interrogé où il étoit le j z .-—'D i t qu’il étoit cheç lui.
Interrogé J î ledit jo u r il n a p a s été che^ D ubois , Cabaretier
à S a l o n . — A dit que oui, ayant couché la nuit précédente che£
Sim are .......... ; q u i l n ’y
Interrogat.du
3 1 Mars 1783.
a vu que le nommé L ardoife & un autre
Particulier.
Q u’il a été le même jo u r à Chatnpfleury avec Lardoife & Sim are.
D an s l’interrogatoire prêté devant le Ju g e de Chaumont.
A connu Lardoife au Cabaret de D ubois , le 3 0 Janvier.
S ’efl rendu le même jo u r che^ un Cabaretier à Champfleury.
A couché che£ Simare le même jour.
Interrogat.du
ai Juin 1785.
A couché che^ lui la nuit du zç) au 3 0 . L e nommé Veiy peut
Vattefler.
A p a ffé la jo u rn ée du z8 au zç) che £ lu i ; a em ployé celle du
Zg à aller chercher de la p a ille.
Convient s ’être mis en route le zç) , pour aller à Troycs ; mais
n a p a s été jufques-là.
Bradier tient le même lan gage dans fon Interrogatoire fur la
felletie ; il eft conforme à celui dont nous venons de rendre compte.
Il eft encore un fait juftiiicatif commun à tous les A c c u fé s,
c’eft leur rencontre imprévue, le lendemain du d élit, à Salon
che^ le Cabaretier D ubois dans Vaprès-midi. C e fait eft conftaté par les trois Accufés dans leurs Interrogatoires, par le Procèsverbal de la M aréchauffée, & par la déclaration des principaux
H abitans de Salon , qui difent que quatre Particuliers de figure
fin iflre, ont pailé l’après-midi dans le C abaret de D u b o is, & une
partie de la nuit dans celui de L in ceu x, d’où ils font fortis fans
payer. L ’Auteur du M ém oire prétend induire de cette prétendue
rencontre imprévue des A ccu fés, qu’elle eft une preuve qu’ils
ne font pas les auteurs du délit. Quelle apparence que l’un d’eux
eût été mendier doü\c heures après un vol de tant d’effets en argent
P-103*
Page no.
�10JV
19 1
& en comeflibles. Leur rencontre eft donc l’effet du hafard & non
de la préméditation.
N e peut - on pas en conclure de m êm e, que c’eft une preuve
de ce d é lit, parce qu’ils s’étoient donné ren d ez-v o u s chez ce
Cabaretier ; & que ii l’un d’eux à continué de m en dier, c’eft par
M im . p. 1 0 3 ,
jüg. dern.
h ab itu d e, & pour écarter jufqu’au foupçon ? M ais quelque indu&ion qu’on en t ir e , on ne pourra jam ais en faire réfulter un
fait juftificatif. Revenons aux huit autres faits. V ous les avez
entendus de la bouche même des Accufés.
V oilà donc ces fa its régulièrement propofés , ces fa its fufceptibles de la preuve , véritablement ju flifica tifs, ces faits que les
Accufés ont continuellement offerts, & que les premiers Ju ges
ont refufé d’admertre comme faits juftificatifs.
N ous demandons à tout efprit im partial, ce qu’il voit dans le
com pte que les trois Accufés rendent de leur conduite. O n n’y
trouve qu’un tiiïu de contradi&ions. T an tôt ils ont couché dans
un en d ro it, tantôt dans un autre ; ce qu’ils viennent de d ire ,
ils le démentent dans une autre occafion; û on les fait appercevoir qu’ils fe contredifent eux-m êm es, ils répondent q u ’on n a.
p a s écrit ce qu’ils ont dit j qu’on a écrit ce quon a voulue & fi
on ne leur avoit pas lu leurs In terrogatoires, s’ils ne les avoient
M ctn .p . 107.
pas fîgnés, ils auroient peut-être été jufqu’à attaquer de faux leur
propre tém oignage.
A ux termes de l’O rdonnance, le Ju g e doit choifir
lui-même
les faits juftificatifs, au nombre de ceux propofés par l’A ccufé
dans fes Interrogatoires & dans fes confrontations.
Après avoir lu les Interrogatoires dont vous venez d’entendre
le réfulrat, quel fera le fait que le Ju g e auroit pu admettre comme
vraiment juftificatif?
L ’Auteur du M ém oire eft obligé de convenir que S im are ,
dans fe s Interrogatoires, a tranfpofé les dates ; qu’il a confondu
l(i veillet la furveille & le jo u r du délit; mais il fe corrige en difant ;
cette
�0i
1-93
cette variation fu r les dates ne peut* détruire la vérité de fon alibi.
Il convient de même que Lardoife a varié fu n les.', dates,. &C Mém.p. io8f
il a d’avance annoncé-que ces;-légcres. tranipofitions de dates :
dans P efpace'de trois a n s ôtent -tout[ çu plus$ dans. le, moment >
p re fa it, quelque dégré de vraifemblance.
! ;
>
S ’il n’y avoit que des variations fur les' d a te s, le Ju g e auroit
. ,t.
encore été dans l’incertitude.. M a is,les Accuféd ont varié fur les '
lieux mêmes où ils ont palTé la n u it,.fu r les perfonnes qui les»
ont recueillis^ comment; admettre. la preuve d’un: fait' qui n’a
rien de poiitif? Eft-ce donc ainii qu’on fe ju ftifie? Suppofons*
même que tous ces faits foient e x a â s y qu’ils ont tous réellement;
couché dans un des lieux qu’ils ont^'indiqués ,'q u e lle fera la
preuve qui en réfultera ? 'L ardoife dem ande le 2 9 un e x tra it'd e
Baptêm e pour fe marier ; il le dem ande de grandiiinatin ; tenons
encore ce fait pour vrai : s’enfuit-il que la nuit du 2 9 il n’ait
pas commis un v o l? .'/ / efl difficile , répond le M é m o ire , qu’un Mévn. p.ioî1,'
homme puiffe méditer le même jo u r un mariage. & un vol. Q uelle
lo giq u e! L a dem ande de l’Extraitibaptiftaire ne peut pas anéan
que
tir le crim e, ni démontrer
celui qui a demandé l’A&e b’a çtiftaire, n’étoit pas coupable ? C e n’eft donc p as un fait ju ft'fc a t if, & le Ju g e ne devoit pas y avoir égard. !
Lardoife en propofe un fécon d , c’efi le vol.commis p a r trois
Inconnus che^ leS'.Fenniers de \Perte, ptu dé teins avant les vols
commis che£ les ThotnaJJin p a r trois Inconnus.
C e fait feroit p r o u v é , qu’il n’influeroit en rien fur la juilification des Accufés ; ce feroient deux v ols-au lieu d’un. L é
premier n’eft pas exclufif du fécond , & la preuve admife du
vol dont les Fermiers de la Perte ne fe font pas p la in ts, ne difculperoit jam ais ceux qui font défignés par les. charges & infor
mations pour avoir volé chez.'les Thom ailin.
Enfin la défenfe'générale des trois Accufés eft réduite à préfenter chacun un alibi* Nous répondrons encore q u e ces différens
B b
w
Ihldem>
�nk
*
ït>4
alibi r en l e s regardant comme conftans, ne prouveroient pas que
. . :;l e s A ccufés font in n ocen s,-p arce qu’il n’y a pas allez loin des:
lieux indiqués pour leur retraite pendant la nuit du v o l, au lieu
où le crime a été co m m is, pour que les Accufés n’aient pas pu
s’y tranfporter dans la nuit.
Weci. p. 106,
L a réponfe même de T E n fan t de Bradier, que fort pere & fct
mere font partis, dès fept heures du matin , cette parole pitre &
fimple qui ne peut être fufpe&e y ne prouve encore rien , p arce
que Bradier pouvoit s’être relevé la n u it, être rentré pendant
le fommeil de fon fils, & être forti une fécondé fois avec fa
femme à fept heures du matin.
Il n*y a donc pas un véritable alibi. Nous le répétons , il faut
que Yalibi établifle l’impoffibilité où l’Accufé fe trouve d’être
dans le lieu du délit au moment ou il a été confom m é. Il n’y
a donc dans toutes ces allégations aucun fait juftificatif. L a J u s
tice ne peut les admettre que lorfq.ue la preuve du fait allégué
peut produire une certitude évidente j & ce cara& ere d’évidence
ne fe rencontre que lorfqu’il y . a une telle impofïibilité entre le fait
de X alibi, & le moment où le crime a été com m is, qvv’il foit mo
ralem ent & phyfiquement prouvé que Valibi étant certain, l’A ccufé n’a jam ais pu être coupable du crime dont on l’accufè. La»
réunion de toutes les circonftances qui ont accom pagné la ren
contre des Accufés à Salon chez D u b o is, les motifs qui les ont
déterminés à s’établir dans ce C abaret le £ 0 Ja n v ie r, lendemain
du délit, font abfolument étrangers au« vol de la nuit précédente r
& nous oferons même dire q u e s’il en pouvoit réfulter une pré
e m p tio n elle feroit toute entiere contre les trois Condam nés.
N e pouvons-nous pas à' préfent foutenir avec vérité que Lard o ife , Simare- & Bradier n’ont articulé devant les premiers Ju ges
aucun fait ju ftificatif, qu’il n’en exifte aucun dans la Procédure
dont on pût ordonner la preuve;- il eft inutile d’entendre des»
Tém oins fur des faits dont la preuve complette ne peut pas
�*» *
'91
opérer la con v is io n de l’innocence1, que les faits doivent démon
trer avec une force irréfiftible.
Jufqu’ici nous n’avons puifé nos recherches que dans la Pro
cédure inftruite, foit devant le P révôt de la Maire chauffée de
T r o y e s , qui a commencé l’Inftru& ion, foit devant les Officiers
du Bailliage de C haum ont, qui ont rendu la Sentence définitive.
N ous n’avons trouvé dans les Interrogatoires & dans les C on
frontations , que les Accufés aient articu lé, offert ou propofé
aucun fait qui pût même être qualifié de fait juftificatif.' Peutêtre leur D éfenfeur eût-il été plus h eureux, s’il avoit eu com
m unication de la Procédure faite en la C our fur l’appel j car il
reproche égalem ent à la C our cette omiffion , dont il excip c
com m e d’une nullité prononcée par l’Ordonnance. >
L es faits juftificatifs que les A ccufés auroient pu artic u le r,
dont ils pouvoient demander la p reu v e, & que la C our pouvoit
regarder comme capables d’établir leur juftification, ces faits ne
peuvent être confignés que dans l’interrogatoire qu’ils ont tous
les trois, fubi fur la fellette, au x termes de l’Ordonnance.
. "' L ’Auteur du M ém oire met en dou te, fi cet Interrogatoire
t £ x iile , parce qu’il n'en a pas eu com munication ; il étoit difficile
jqu’il pût en prendre connoiffance, parce qu’il eft dépofé dans
un Regiftre deftiné à ce feul u fa g e , & q u i, par fa n atu re , ne
doit jam ais fortir du Greffe Crim inel de la C our.
N ous avons dit qu’il e x ifto it, & nous avons pris l’engage
ment de le rapporter d’une maniéré authentique. N ous allons en
placer le T ableau fous vos y e u x , & vous verrez s’il contient
fap paren ce même d’un fait juftificatif.
Bb
�195
r-
T A B L E A U
D e s Interrogatoires fu r la fellette des trois Accufés , tel qu’il f c
■.y
trouve f u r le Regiflre pour VAnnée i j 8 b.
.. v.d, ;i_.
r: "
d u
20 O ftob re 1785.
\
N
i c o l a s
L
â g é 4de 33 an s,
-{
,
,
a r d o i s e
,
"
après ferment ¿
Tèrraflier :
Si y la nuit dû: 30. Janvier-..* 7 8 3^, il ne.s’eft pas introduit
.
.dans la maifon des Thom aflin ? !.
N on.
S ’il n’a pas, fait d’effrii&ion ? N on.
S ’il n’étoit pas avec Simare, & Bradierj?
N on .
, • iS’il n’a pas pris à la femme-Thomaflin , 9 liv, & fes clefs? N on .
J
”
e a n
-B
a p t i ’s t e
Si
m a r e
âgé de 4 4 a n s ,
,
après ferm en t,
M archand de ch ev au x :
. S ’i l n e s’eft pas introduit avec Lardoife & Bradier dans
la maifon des T hom aflin?
N on .
S ’il n’a pas pris une croix d’argent ?
!i
N on *
C
S ’il n’a pas porté un coup de couteau à Thom aflin ?
N on.
S ’il n‘a pas pris 5 o ecus dans un cabinet ?
N on.
h a r l e s
B
r a d i e r
âgé de 4 2 ans
,
après ferm ent,
M archand de chevaux r
S ’il ne s’eft pas introduit avec Lardoife & Sim are dans
la maifon des Thom aflin ?
N on*
S ’il n’a pas maltraité Thom aflin S i fa fem m e, & ne les
a pas volés ?
N on i
N ous ajouterons que le Préfident leur a demandé à la fin d e
chaque Interrogatoire, s’ils n’avoient rien à dire pour leur juf-t
tification.
�y
'1 9 7
T e l e ft, M e s s i e u r s , le tableau fidele du Regiftre de la
C our. Vous y v o y e z les principaux faits repris en abrégé ; mais
vous n’y v o y ez aucun fait juftificatif allégué par les Accufés. Ils
* fe font contentés de nier tous les faits fur lefquels ils ont été
interrogés. Si les Interrogatoires prêtés devant les premiers Ju g e s,
ne contiennent aucun fait de nature à opérer leur junification ,
il faut convenir que les Interrogatoires fubis en la C o u r , en profentent encore moins que les premiers.
N ous avons prouvé que cet ufage d’inférer les Interrogatoires
fur les R e g iftre s, fubfiftoit depuis un tems im m ém orial, & que
rla C our en confervoit les R egiftres, fans interruption, depuis
1 -4 4 3 *
j
Il faut à préfent faire connoître co m m en t, fur ces>ffqrtes
d ’interrogatoires, la C our admet à la preuve des faits juftifi
c a t ifs , s’il y a lieu. C e détail répond à tous les argum ens de
l ’ Auteur.
N ous nous fommes fait repréfenter les R egiftres, & nous avons
tiré au hafard différons e x em p le s, relatifs aux différentes, ma
niérés d’admettre 8c de prouver les faits juftificatifs. L es voici.
P
r e m i e r
E
x e m p l e
.
Arrêt du i o D écem bre 1 7 6 1 , qui condamne un Particulier
• ( Jacques B o ttin ) à être pendu pour vol avec effra&ion. Il avoit
un Com plice. L a C our d’office l’admit à la preuve de fes faits
juftificatifs par Arrêt du 4 Jan vier 1 7 6 2 5 & par l’événement le
Com plice fut déchargé de l’accuM ion .
S e c o n d
E x e m p l e .
Sentence du C h âtelet, qui condamne un Particulier ( JacquesMathieu G allois) à la m arque & au banniffcment de trois a n s,
pour vol de mouchoirs à la Foire Saint O vid e.
'*
D ans fon interrogatoire en la C our, G allois propofe des faits
i1
�I 98
juftificatifs ; Arrêt qui l’admet à la preuve ; les faits font énoncés
dans le difpofitif de l’Arrêt ; Procès-verbal de leélure de l’Arrêt ;
nomination de témoins ; enquête faite par le Rapporteur. Second
interrogatoire fu r la fellette ; Arrêt qui infirme la Sentence & pro
nonce un plus amplement informé de trois m o is, & cependant
liberté.
T
r
o
i
s
i
è
m
e
E
x
e
m
p
l
e
.
Jacques Comté, C ocher de place eft banni pour trois ans y
p ar Sentence du Châtelet.
Sur l’appel il fubit interrogatoire en la forme accoutum ée y
m ais il préfente R equête par laquelle il d e m a n d e q u e , dans le
cas où la C o u r ne t r o u v e r o i t pas fa religion luffifamment inftruite,
il foit admis à prouver les faits articulés dans ladite R equête ;
A rrêt du 3 M ars 1 7 6 8 qui adm et à la preuve. L e 4 , Procèsverbal de le& ure dudit A rrêt; nomination des témoins qu’il veut
•faire entendre ; enquête. L e tout communiqué au Procureur
G énéral. N ouvel interrogatoire fu r la fellette ; Arrêt qui infirme la
Sentence & fait défenfes de ré c id iv e r, avec dom m ages & inté^
f ê t s , & dépens,
C es trois exem ples juftifient que la procédure eft différente i
fuivant l’exigence des cas.
L e premier indique la procédure qui s’obferve en la C our ,
quand elle ordonne d'office , fur le vû du procès , la preuve des
faits juftificatifs.
L e fécond conftate quelle ¡.eft la procédure quand l’A ccufé
propofe des faits juftificatifs dans fon interrogatoire,
L e troifieme enfin fait voir la maniéré de p ro cé d e r, quancj
l’Accufé a préfenté fa R equête pour être adm is à faire preuve.
L a C our entièrement convaincue de la pureté de nos inten
tions , ne nous fera point un reproche d’avoir en quelque façon
déchiré le voile du San&uaire , pour montrer au grand jour, fon
iittfichemem à fes anciens u fag e s, fon exactitude à fe conformer «i
�19 9
.
.
la L o i lotfqii il s’agit de condamner , & fa vigilance attentive &
venir d’elle-même au fecours de l’A c c u fé , lorfqu’elle entrevoit la
poflibilité de faire triompher l’innocence. Eh 1 qui peut mieux
diiïiper les terreurs répandues dans un Public prom pt à s'alkirm er,
que les monumens mêmes de la fageffe & de l’intégrité des M agiftrats.
Par un acharnement qui fe renouvelle fur chaque point de
V aria tio ri*
la p ro céd u re, l’Auteur du M ém oire , après les avoir examinés fjjj,1* * dépo"
l’un après l’autre , les rapproche pour tirer de nouvelles indu&ions
de leur com paraifon. Cette maniéré de préfenter les a é te s, pour
ainii dire par lam b e au x , détruit la liaifon intime qui forme
l’enfemble de la procédure ; & en décom pofant ainfi les dépo
rtion s , il n’y a pas de preuve qu’on ne puiffe anéantir.
Il eft prudent de douter dans tout ce qui eft fournis au témoi
gn age des hommes ; mais il eft un terme où le doute doit difparoître. L e doute cefle , quand la preuve requife par la L o i eft:
entiere & complette. C e feroit un abus d’exiger un concours de
preuves qui excédât les bornes néceffaires pour convaincre raifonnablement l’efprit humain. L es M oraliftes modernes voudroient
que toutes les circonftances du fait fuflent prouvées aufîi évi
demment que le fait p rin cip a l, par la dépofition de deux témoins
fur chaque circonftance. Cette réunion de preuves fur chaque
circonftance eft impoiîible , parce qu'il n’y a le plus fouvent que
le fait principal qui ait frappé le témoin. T ou s les hommes ne
voyent pas de même. T e l Speétateur s’attache à des détails qui
ne font point apperçus par un autre. L a même AiTemblée ne
rendroit pas un compte uniforme de ce qui s’eft pafîe dans fon
enceinte. L a multitude dépofera du fait en général ; & chacun
arrangera les acceffoires d’après la maniéré dont il a été affefté.
L e Ju g e ne doit pas chercher toutes les poilibilités pour com
battre une preuve certaine. L a fubtilité du raifonnement peut-elle
détruire la foi due à des témoins oculaires ? C ’eft tomber dans
le pyrrhonifm e que de réduire ? à force de fubterfuges, le M a-
�■
\
206
giftrat à ne rien croire de ce que les témoins ont d é p o fé , à ne
rien voir des preuves qu’il a fous les yeux. L ’invraifemblance
d ’un fait difparoît quand il eft attefté par des témoins dignes de
foi. L e vrai quelquefois peut n’être pas vraifem blable. V ingt
témoins né prouveroient pas un fait impoiîible. M ais ce qui paroît
invraifemblable au premier a fp e ft, fe change en certitude légale
par la force de deux dépofitions juridiques. U n feul témoin rend un
fait probable. C e tém oignage ifolé n’opere pas une démonftration ;
m ais cétte preuve qu’un témoin unique ne peut produire, fe réalife par le concours d’un fécond tém oignage. E t ce genre de '
conviction établi par la L o i fuffit à la Juftice.
L ’Auteur l’a ii bien fen ti, qu’il s’cft attaché à réunir les contrad iftio n s, les invraifemblances, les variations qu’il a cru appercevoir
dans les dépofitions. Afin de les rendre plus fenfibles, il en a préfênté un tableau ou il oppofe lesThom affin à eux-mêmes ; voulant
ainiî ‘détruire la dépofition du m aripar le tém oignage de la fem m e,
& ’le tém oignage de la femme par la dépofition du mari.
Mém.p. 185.
C e tableau eft en double colonne. D ans la premiere eft la
D épofition , dans la fécondé eft la D énonciation ; 8c c’eft par l’efpece de contradiction , qui fe trouve entre cette dénonciation
& les dépofitions, que l’Auteur cherche à établir les variations
dont il argumente.
Nous combattrons les aflertions de l’Auteur du M émoire avcc
fes propres armes. N ous formerons auifi un tableau; mais il tiendra
quatre colonnes. D ans les deux prem ieres, on trouvera tout ce
qui eft dans le M e m o i r e prétendu j u s t i f i c a t i f , en confervant
à la prétendue dénonciation ce titre de dénonciation. D ans les
deux a u tre s, nous oppoferons les termes mêmes des dépofition s,
& ce qui réfulte , foit du Procès-verbal de la M aréchauifée que
nous qualifierons de fimple d éclaration , foit du Procès - verbal
d’eflra&ion , où cette déclaration eft conftatée par la fignacure des
deux Thomafiin.
T A B L E A U,
�D
’
ES MÊ ME S
s u i v a n t
l a
P
F
a
it s
r o c é d u r e
,
; de Dénonciation, & que nous déiignerons fous celui de Rapport) ; fait par le Brigadier
ois jours après fa defcente chez eu x, au Greffe de la Maréchauflce de T r o y e s , pendant
M u r être oppofé comme les mettant en contradiâion avec eux-mêmes. Les circonftances
qt! ceux qui dépofent comme Tém oins oculaires. Le rapport contenu en ce Procès-verbal
qildevoir de fa C h a rg e ,
&
non du fait des Thomaffin. z ° . La narration comprife en ce
a ce qu’ils ont dit réellem en t, & fuppofe par conféquent qu’elle eft fufceptible d’être
rde. 30. Ce Procès-verbal n’a point fait la bafe de l’Inftruûion , mais feulement la Plainte
rant l’arrangement différent dans les dépofitions donne lieu à la Critique de l’Auteur du
dit y a v o ir de confiant que la fubftance des faits, & que les circonftances ne pouvoient
la dépofition de Martin lui-même lorfqu’il a été entendu en l’information par forme
êle o u i-d ire, dans laquelle on ne peut pas s’ étonner qu’il y ait quelques circonftances
d| des fa its, eft celle oii ce Brigadier dépofe de ce qui lui eft p erfon nel, de fes démarches
P
| E A V.
?PO R T rédigé à Troyes le 3 Février.
D é p o s i t i o n .
ayant entendu ce b ru it, a ouvert ladite porte pour donner
Q u ’ayant ouvert la porte qui donne dé
¿uliers.. . . Q u ’à l’inilant lefdits trois Particuliers, armés de gros
fa Cham bre dans l’Ecuric , trois Particu
&..... Après quoi ils ont lié ledit Thom affin.......fur fon lit........
liers......... l’ont affailli de trois coups de
.fi liés ont été de nouveau maltraités à coups de couteau qu’on
bâton &. d’un coup de couteau au bras
1 g o r g e .... Q u e lui Thom affin en a reçu un coup fur le bras
gauche qui le met hors d’état de travailler.
tvement blcffé.
Q u e ces Particuliers s’étant faifis de lu i....
.ce Rapport ne peut pas faire tomber la D é p o fitio n , parce qu’il n’eft pas l’ouvrage des
)al de vifite des lieu x, tous ces Attes font d’accord fur cette circonftance, & placent
onftant qu’il a été porté.
¡
t
a s s a i l l i
la
F
e m m e
D é p o s it io n
•gadier.
.
de Thomaffin.
D
é p o s i t i o n
de f a fem me.
■Qu’ils lui ont lié les bras & les jambes fur le lit ;
Q u e dansle moment où on traînoit fon
im b re i
que fa femme , qui avoit éti dans une autre chambre
mari dans la chambre où ils l’ont lié , elle
jllement
pour appeller du fecours , eft revenue a fes cris dans
y etoit , faifant des cris pour appeller du
ï
celle où il étoit; qu’un des Particuliers s’eft jetté fur
fecours , &. qu’elle a été liée comme fon
elle.
m a ri, & mife fur le même lit.
itoit
: que la femme a été frappée dans la chambre à c o té , mais que la fem m e, qui étoit couchée
;
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P^ri * ‘i 111 s'étoit levé,
15
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T A B L E A U .
V A R I A T I O N S
s u i v a n t
O b s e r v a tio n . p r é lim in a ir e .
D E S
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DES
T É M O I N S
II
M é m o i r e .
s u i v a n t
FA
M Ê M E S
l a
P
I T S
r o c é d u r e
.
Le Procès-verbal de capture de G a y o t & Lardoife ( défigné par l’Auteur du M émoire fous le nom de Dénonciation, & que nous défignerons fous celui de Rapport) ; fait .par le Brigadier
Martin y fur la déclaration verbale des ThomaJJin , en ce qui concerne le délit & fes circonftances, mais rédigé hors leur p réfence, trois jours après fa defcente chez e u x , au Greffe de la Maréchauffée de T r o y e s , pendant
qu’ils étoient à V in e't, qui n’ a point été {igné d’ e u x , & qui ne leur a point été lu dans aucun afte de l’in ftru û io n , ne peut leur être oppofé comme les mettant en contradiâion avec eux-mêmes. Les circonftances
- que ce Brigadier a pu oublier , tranfpofer ou confond re, n’alterent ni la vérité du fait en lui-m ême , ni la fo i çlue au tém oignage de ceux qui dépofent comme Tém oins oculaires. Le rapport contenu en ce Procès-verbal
a hien été le fondement de la Plainte du Procureur du R oi. Mais i° . ce rapport eft du fait du Brigadier qui y étoit obligé par le devoir de fa C h a rg e , & non du fait des Thomaffin. i ° . La narration com prife en ce
ra p p o rt, par cela même qu’elle eft préfentée par le Brigadier comme le réfultat de ce qu’il a appris des T hom affin, fe référé à ce qu’ils ont dit réellem en t, & fuppofe par conféquent qu’elle eft fufceptible d’ être
reûifiée dans fes circonftances par la dépofition de ceux qui ont adminiftré les faits de cette narration dans leur déclaration verbale. 30. Ce Procès-verbal n’a point fait la bafe de PlnftruiH on, mais feulement la Plainte
du Procureur du R o i , qui feule a'été lue aux T é m o in s.'E t cette Plainte ne s’attache point h cet ordre minutieux de circonftances dont l’arrangement différent dans les dépofitions donne lieu à la C ritique de l’Auteur du
M émoire. Le Miniftere Public fentoit bien que dans un ra p p o rt, compofé ainfi de mémoire &c au bout de trois jo u r s , il ne pou v o it y a vo ir de confiant que la fubftance des faits, & que les circonftances ne pouvoient
être fixées que par les Tém oins oculaires. 4 0. E n fin , ce Procès-verbal ne fait partie de Plnftru&ion qu’en tant qu’ il eft devenu la dépofition de Martin lui-même lorfqu’il a été entendu en l’ information par forme
de répétition ; & fous ce point de v u e , la partie du rapport qui concerne les faits arrivés chez T hom affin, n’eft qu’une dépofition de oui-dire , dans laquelle on ne peut pas s’étonner qu’il y ait quelques circonftances
changées ou tranfpofées. La feule partie du Rapport où l’on ait droit d’exiger du Brigadier une conform ité rigoureufe avec la vérité des fa its, eft celle où ce Brigadier dépofe de ce qui lui eft p erfon nel, de fes démarches
p our la perquifition ÔC la capture des deux Particuliers ; ôc fur cette partie il n’eft en contradiction avec perfonne. ( V o y e z page 1 1 1 .)
I.
S u r
l e
c
o
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p
d e
C
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v
.
rédigé d Troyes le 3 Février.
D é n o n c i a t i o n ,
D é p o s i t i o n .
ou Déclaration verbale, de ThomaJJîri, inférée au Rapport
C ’eft au moment de Yaffaïlletnent 8c parmi les coups de
Q u e lu i, T h om affin , ayant entendu ce b ru it, a ouvert ladite porte pour donner
Q u ’ayant ouvert la porte qui donne de
bâtons qu’il a été ainfi frappé d’un coup de couteau au bras
la chafTe auxdits Particuliers.. . . Q u ’à l’inftant lefdits trois Particuliers, armés de gros
fa Chambre dans l’Ecurie , trois Particu
gauche.
b â to n s, l’en ont frappé..... Après quoi ils ont lié ledit Thom affin.......fur fon lit........
liers......... l’ont affaillt de trois coups de
Q u e l’un & l’autre ainfi liés ont été de nouveau maltraités à coups de couteau qu’on
bâton & d’un coup de couteau au bras
leur tenoit même fur la g o r g e .... Q u e lui Thom affin en a reçu un coup fur le bras
gauche qui le met hors d’état de travailler.
gauche dont il eft grièvem ent blette.
Q u e ces Particuliers s’étant faiiîs de lu i.,..
-
, •
: v ,i ( - „ . du Brigadier. •
^
1 II (T h o m a ffin ) étoit déjà, lié fu r le l i t , lorfqu’ il a été frappé
du coup de couteau.
Rapport
■
j :k
D é p o s i t i o n .
O b s e r v a t i o n . Le contenu au Rapport du Brigadier, n’eft pas abftflument conform e au contenu de la D épofition. Mais i ° . ce Rapport ne peut pas faire tomber la D ép o fitio n , parce qu’il n’eft pas l’ouvrage des
Thomaifin. i ° . T ou s les A â es faits & fig n é s par e u x , les D ép ofition s, R écolem ens, D éclaration judiciaire faite lors du Procès-verbal de vifite des lie u x , tous ces A iles font d’accord fur cette circonftance , & placent
le coup de couteau au moment dq Ya[faillement. 30. En quelque inftant qu’on place le coup de couteau, il n’en eft pas moins confiant qu’il a été porté.
II.
;
D E N O N C I A T I O N.
v y,
Sa femme a été aflaillie & excédée dans une-chambre à
côté.
I
S
u r
l a
m a n i é r é
d o n t
l e s
D é p o s i t i o n .
L e femme étant venue dans la chambre où il étoit , un
-des trois inconnus s’eft jetté fur elle.
V o l e u r s
o n t
l a
F e m m e .
DÉPOSITION
R a p p o r t du Brigadier.
de Thomafjirt.
D é p o s i t i o n
de fa femme.
Q u e fa femme qui étoit
Q u ’ils lui ont lié les bras & les jambes fur le lit ;
Q u e dans le moment où on traînoit fon
touchée dans une chambre à
que fa femme , qui avoit été dam une autre chambre
mari dans la chambre où ils l’ont l i é , elle
côté , a
pour appeller du fecours , eft revenue à fes cris dans
y étoit , faifant des cris pour appeller du
celle où il étoit; qu’un des Particuliers s’eft jetté fur
fecours , & qu’elle a été lice comme fon
elle.
m a ri, & mife fur le même lit.
été pareillement
excédée de coups.
O b se rv a tio n .
a s s a i l l i
Le texte du Rapport n’eft pas exaftement cité dans le Tableau du M ém oire. Il n’eft: pas dit dans ce Rapport que la femme a été frappée dans la chambre à côté, mais que la fem m e, qui étoit couchée
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S
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M
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III.
i r
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r
D é n o n c i a t i o n .
DU
T A B L E A U .
.
S
l e
n o m b r e
d e
C E U X
Q U I
1 I È
RAPPORT
D é p o s i t i o n .
U n des trois inconnus a y a n t atteint la f e m m e , l ’a liée fur
O N T
u i v a n t
L A
o
c
du Brigadier.
e
&
U R E ,
D é p o s i t i o n .
Q u ’un desPartieuliers's’eft jetté fur e lle , l’a faifie à la gorge.. .
l i t , & fa femme fur le fien.
fon lit.
r
F E M M E .
Ils ont lié Thom aflin par les pieds & par les mains fur fon
T o u s les trois l’ont liée également fur fon lit.
P
l a
Q u ils l ont également liée aux bras & aux jam besfurle même lit.
Il n’y a p o in t, comme l’on v o i t , de différence entre le Rapport du Brigadier & la D épofition 'de Thom aflin. Il eft bien dit dans celle-ci qu’un des trois Particuliers a faili la femme ; mais-il eft
dit enfuite comme dans le R a p p o rt, ils Vont liée,
U. a0. Quand il feroit dit quelque p a r t , que celui qui a faifi la femme Va lice ; dans un attentat commun à trois perfonnes , ce que l’une d’elles a fait peut s’exprimer par
le pluriel. Il eft dit plus b a s, qu ’i/i ont forcéé une arm o ire, o u vert des co ffres, qu’i/i ont pris une timbale d’argent, deux croix , & c . Certainement tous les trois n’ont pas en même-temps mis la main fur ces effets ni tenu
la broche pour enfoncer l’armoire. 30. Les deux expreflions du Singulier & du Pluriel peuvent être également vraies. C elui qui s’eft jetté fur la femme a pu la lier d’abord dans l’ob fcu rité, & enfuite quand lçs chandelles
O b se rv a tio n .
i°.
ont été allum ées, que les trois Brigands font venus à bout de lier Thomaflin Sc de le mettre fur fon li t , ils ont pu revenir à la femme pour aflurer fes liens.
IV.
S
L i t s
o u
i l s
o n t
l’autre , dans la mêm e chambre.
^
j
O b s e r v a t io n .
l i é s
a p p o r t
l ’ u n
e t
i
l ’a u t r e .
du Brigadier.
h v rr . ■■ '
D é p o s i t i o n
'
D es chandelles qu’ils ont allum ées.. . . de
Ils ont lié l’un & l’autre fur le même l i t , à côté l’un de
L e mari a été lié fur fon lit dans fa chambre ; la femme a été
é t é
R
D é p o s i t i o n .
D é n o n cia t i o n .
liée fur fon lit dans une chambre voifin e.
l e s
u r
Q u ’ils o n t t r a î n é
Thom aifin
de Thowafjîn.
d a n s .u n e c h a m b r e d o n n a n t fu r
la r u e , l’on t p i i s
fu rie
même qu’un grand fe u .. . . fous la cheminée,
lit,
après quoi ils ont lié ledit Thom aflin par
faifoit...‘A fa fem m e, c^ui avoit été dans une autre'cham bre.........eft revenue dans celle
■les mains & par les pieds fur fon l i t , &. fa
où il etoit; qu 'un dei'Particuliers s’eit jetté fur e lle .. . . . Q ii’îlsTon't également lié®
femme fur lefiendansune chambre voifine.
aux bras & aux jambes fur le même lit. {f'oye^ la dépofition de la femme , ci-dcffus n ° .I f)
&
to u s le s tr o is lu i
ont
lié le s b ra s
8c
l e s j a m b e s f u r l e d i t l i t . Q u ’ i ' q u e l q u e s c r i s q u ’il
Le Brigadier de M aréchauflee, dans fon R ap p o rt, a diftingué véritablem ent deux lits & deux chambres. Mais i ° . on pourroit fe contenter de l’obfervation prélim inaire ; c’eft que fon dire ne peut
combattre ni faire fufpeder le tém oignage des deux Thom aflin, mari & fem m e, qui font invariables fur 1identité de chambre & de lit. z°. Il eft aifé de v o ir que le Brigadier a été induit h cette, cohfufion d’idées
par
le s
allées & venues de la femme T h o m aflin , ainfi que par l ’équivoque qu’ils ont faite en lui difant chacun , a vo ir ete lie fu r fo n lit. La même équivoqup fe préfente d’abord dans le Procès-verbal d’effraffion »
lors duquel ils m ontroient le local même au Juge
;
8c la fin cependant montre évidemment qu’ ils ont été liés fur un môme lit. V o ici ce qu’il porte :
*> l’un defdits Particuliers s’eft détaché des deux a u tre s, &
«
S’étant relevée ( la femme) pour pafler à la
ayant atteint ladite Marguerite la R u e lle , l’il liée fur un lit qui étoit &c qui eft encore dans ladite fécondé cham bri.v..
fécondé c h a m b r e ,
Que ; .„tandis. Uque ce dernier lioitr fa
» femme fur fo n l i t , ___les deux autres le tenoient terraflé. . . . Ils ont relevé ledit Thomaflin , &c l’ont entraîné dans ladite fécondé chambre............Q ue les Brigands; ont porté ledit Thomaflin fu r fon l i t , & -l’ont lié' ^
» côté de fa femme». V o ilà la femme fu r fo n l i t , Thomaflin fu r fo n lit. Et c’eft bien clairement un même l i t , dans la même fécondé chambre. Ni dans les D ép o fitio n s,
ni
dans le Procès-verbal
d ’e ffr a ftio n ,
aucune variation fur ce point de fait ; & fi l’Officier de Maréchauflee le donne A entendre autrement dans fon R ap port, ce n’eft pas une preuve que les Thomaflin le lui aient raconté de la maniéré dont il l ’énonce >
mais feulement qu’il a mal conçu ce qu’ ils h’exprimoient pas très-clairem ent,
'
Jt.V
^ ’r ;
a 1: -■
1.
V.
D é n o n c i a t i o n .
M algré les menaces ils n’ont pas voulu declarer ou étoit
leur argent.
S u r
l e s
D
m e n a c e s
é p o s i t i o n
f a i t e s ,
.
Contraints par les m en aces, ils ont déclaré où ¿toit leur
argent.
l e . c o u t e a u
s u r
l a
R a p p o r t du Brigadier.
g o r
g e . ’;i
i
OIT.1
f î i.’ ~ i.‘ . 1
3
V lyn . » c . - . : ’ \ * . r ..o'"' ."i
/u r-œtitoï’ un ul. tir1'1
•
<’
D é p o s i t i o n .
pourleur faire direjûii étoientleur argent &
Ie
couteau furlagorgi . ( Ceci ejl dit hors di-Ufùiti de la narràtïon. Duns le cours du rectt> ,
lçurseffets | quq s'y étant refufçs, ils ont pris,
afirh ¿yair\
dans les poches de la femme Thomaflin,
Q^^uiÇ-^ût^efdjplParticuliers s’étant faifis d'une brodie à rô t, ont enfoncé un cab*0
9 livres qu’ils ont partagées furie champ.
croutïe , y ont pris ^40 ou 150 liv r e s ; o n tv u id é tous les
Q u ’üs les ont maltraités de nouveau.. . .
Q u ’i!s ont pris n eu flivres huit fols dans la poche de fa femme , en lui
de rrrçnawfjifesr)* p .ft/nm b A th eft¡t e l le s allumées
c o ffre s
m ettant
, il ajout*) ' •
& armoires.
O b s e r v a t i o n . 11 n’eft p o in t, comme on v o i t , queilion dans la D épofition que les T hom aflin, contraints par les m enaces, ayent déclaré où étoit leur argent; mais cela fe trouve dans le Procès-verbal d’effraÉKort»
& cependant il n ’y a pas de contradiction entre cette pièce & le Rapport. Leur différence ne vient que du moment différent dont parle l’ une 6c lVutre. V o ici comment le Procès-verbal d’effraftion établit lui-m^1^
cette diftinttion des deux temps : « Q u ’ ils l’ont lié à côté de fa femme.......... Q ue lefdits Brigands les prdflant vivem ent &*av¥c les menacek'lcs j^U9:effr£ry<irîiês d’ indiqitèr l’argent ¡qu’il? ‘p ôirvorèntrivoir, affeiloient
» naffinr 1<' r n iit w
�.4
SUITE
t
** '- * V
S U I VAN T LE
M
é m
•VI.
o
203
S u r
S u i v a n t
l e s
l u m i e r e s
-
r o c è s
v e r s a l
a l l u m é e s
.
R
trouvées à l’aide d’un morceau d’amadou qu’ils ont jette dans
le foyer,
p a r
l e s
P
l a
r
o
c e d
u
r
e
.
V o l e u ' r ' s .
D
D é p o s it io n
du Mari,
a p p o r t
du Brigadier.
Ils ont allumé deux chandelles & une lampe qu’ils avoient
Ils on£ pris trois chandelles qu’ils ont allu m ées, de même
qu’ un grand feu,
TABLEAU.
.
i r e
P
D È N 0 N C VA T I 0 N.
DU
é p o s i t i o n
de la Femme.
PROCks-rE ne
. „ ; Tandis que le troifieme allumoit deux chandelles
Si une lampe qu’ils avoient trouvées dans l eur maifon à
. . . . Autant.qu’il
Q u ’elle a examiné
delles au nombre de trois,
en a pu juger à la
les trois Particuliers
l’aide d’un morceau d’amadou qu’ils avoientjetté dansle
qu’ils ont allum ées, de
lueur de trois chan
par le fecours de trois
fo y er.
même qu’un grand feu de
delles qu’ils ont al
chandelles qu’ils ont
chen evottes, après quoi...
lumées.
allumées.
Se font emparés de chan
__________
( * ) L e P ro c è s -v e rb a l d ’e f f r a f t io n , o u V ifit e des l i e u x , lo rs d u q u e l
l e s T h o m a f l ï n o n t fa it u n e n o u v e l l e D é c l a r a t i o n a u J u g e , ef t d u 2 i
Juin 17S5 ,-joftifrieur a u x R é ç o le m e n s
O b s e r v a t i o n .
V o ilà donc enfin les ThoinafTm qui différent d’avec eux-mêmes! Car
d'effraction ( * ) .
a l
ii C o n f r o n t a t i o n s .
v o it que dans leurs D épolirions ils o n t , ainii que le Brigadier dans fou R a p p o rt, nommé trois chandelles. N ’étoit-ce pas
011
toujours trois lumieres ? E t n’eft-ce pas montrer le befoin de tirer parti de to u t, que d’exiger ainii de malheureux Payfans une préciiion d’expreiîion abfolument indifférente à la circonftance ? Le nombre des lumicres
ne l’étoit p a s, parce que l’entreprife des V oleurs étoit mieux éclairée avec trois lumieres qu’avec deux feulement. Mais que fur les trois lumieres , l’une fût une lam p e, au lieu d’être auiïl une chandelle, c’eil ce q u i
certainement ne vaut pas la peine d’être relevé , parce que deux chandelles fuffifoient'aux V oleurs pour aller d’une chambre à l’autre , v o ir ôc fouiller dans les coffres Si armoires. C e changement dans l’expreiTion n’ en
produit aucun dans la chofe.
VII.
D
é n o n c i a t i o n
.
Sur
m o m e n t
Q U
I LS
O N T
A L L U M E
,
Rapport
Ils l’ont liée dans l’obfcurité.
du Brigadier.
P
Ils ont lié la femme à la lumiere^
le
r o c è s
-
v e r b a l
L E S
D
L U M I E R E S .
é p o s i t i o n
du Mari.
Q u e ces Particuliers s’étant faifis de lui dans
P
r o c e s
-
v e r b a l
d'effraction.
Les Brigands étant ainfi parvenus à éclairer leur en-
T h o m a ilin
..... Un grand feu
l’obfcurité, ils ont fait tous leurs efforts pour le lier....
treprife crim in elle, ont porté ledit
de chenevottes ,
Q u e n’ayant p u y parvenir alors, ils l’ont traîné......
l i t , & 1ont lié à côté de fa femme. ( Et auparavant il efl
après quoi ils ont
Q u ’ils l’ont mis fur le lit & l’ont lié. Q u e fa femme
dit : ) Q u e tandis que ce dernier lioit fa femme fur l'on
lié T h o m a flïn ,...
étant revenue........, un des Particuliers s’eft jette fur
l i t , les deux autres le tenoient ren v erfé.. . . Le troifieme
fur fon lit j & fa
elle........ .. ils l’ont liée........ Q ue le Particulier qui
étant venu à leur fecours.. . . ils l’ont relevé.. • • entraîné
femme fur le fien.
s’efb jette fur fa femme eft épais.........autant qu’il en
dans la deuxieme cham bre, où deux le tenoient tandis
a. pu juger à la lueur.
que le troifieme allumoit.............
fur fon
O b s e r a ATIOn. En diftinguant, comme nous avons fait fur le n°. 3 , & comme l’ indique le rapprochement des D é p o rtio n s, deux ligatures de la fem m e, tout s’explique fans aucune contradi&ion. Le mari faifi dans l’obfçurité
fe débat & crie. La femme veu t revenir à fon fecours. Simare (car c’eil lui qu’elle a reconnu
la confrontation) court,à e lle , & la lie à tâton fur fon lit. Il revient fur Thom ailin : on l’ entraîne dans la même chambre où étoit
fa fem m e, ou on le tient toujours terraffe. Simare (car c’eil encore lu i) allume des chandelles. T ou s les trois enfemble meitent Thom ailin fur le lit , ¿k lui lient les pieds & les mains. T ous trois aulli lient plus étroitement
la femme. D e cette façon il eft vra i & qu’elle a été liée par un dans Vobfcurite, & Hcc par tous à la lumière.
VIII.
D
é n o n c ia t io n .
N ulle mention du
fait,
D
é p o s i t i o n
du Mari.
Nulle mention du fait.
R ÉC O L E M E N T.
L ’un des Particuliers a porté la fcclé-
l ’a t t
e n t â t
Pr
o cè s -te n
nA L .
U n d’eux a porté la main fur
rateiTe jufqu’à enfoncer la n u in ............
tout le corps de fa femme avec
avec tant de v io le n c e , qu’elle en a été
la plus grande indécence.
incommodée.
O b s e r v a tio n .
S u r
C O M M I S
R
S U R
la
fe m m e
.
a p p o r t
D é p o s i t i O N du Mari.
R Ê C O L E M E N T du-Mari.
P r o c è s - v e r b a l d'effraction.
du Brigadier.
Q u e fa femme lui a dit qu’ils
Q u e l’un des Particuliers a porté
La femme o b fe rv c .. . . qu’on a
l’avoient fouillée par-tout, & qu’en
la fcélératefle jufqu’à enfoncer la
porté la main fur toutes les parties
lui mettant le couteau fur la g o rg e,
main...........avec tant de violenca
de fon corps avec la plus grande in
ils avoiçntpris dans fes poches......
qu’elle en a été long-temps incom
décence , & même dans les endroits
modée.
les plus fecrets.
N ulle mention
du fait.
ï° . Si le Rapport ne parle point de cet attentat, ce n’eft pas une contradiction avec les témoignages poftérieurs & judiciaires qui en parlent. C ’ eil: une omiiïion faite par le Brigadier, &z non par les
T hom aflin, & qui prouve feulem ent, ou qu’il avoit oublié cette vo ie de fa it , ou qu’il l’avoit jugée étrangère au v o l , ou , fi l’on v e u t , que les T h o m a ilin ('iiv-mîm!«: avnient om it rV> lm f>n narW Maie j-piiv-t! n’ ômipnt
�SUITE
204
S uivant
que fon témoignage eil fo rm é , co m p let, &
le
DU
TA BLEAU.
||
M émoire.
S uivant
la
P ro c e d u r ë .
cligne d’être regardé comme l’expreflion de la vérité. 30. Il n’eit peut-être pas exa& de dire que le mari n’en .parle pas dans fa dépofition. Cette expreiïïon qu'on Vavolt
fouillée par-tout, qui précédé le v o l fait dans les poches le couteau fur la gorge , peut bien a vo ir cté em ployée pour indiquer cet attentat. 4 0. La fem m e, non-feulement en a parlé dans fa dépofition & a perfiilé
à fon récolem ent ; mais à la confrontation elle a foutenu à Simare « que c’eil lui qui a allume les chandelles , qui a porte un couteau a manche noir à fa gorge............ qui lui a en outre enfoncé la main dans...............
» &C qui lui a arraché la C ro ix de ion col ». Le mari lui a foutenu la même chofe. L ’Auteur du M ém oire s’eil recrie fur 1expreiîion , jufquau coude ; c eil chercher bien gratuitement matiere
la déclamation .& à la cenfure.
Q uel autre que lui peut v o ir dans cette expreiîion rien de plus qu’ une hyperbole de Payfan ? ^°. Le Procès-verbal d effraâion eil moins exagere dans les term es, mais il ne dit pas feulement comme dans le Tableau
du M ém oire, qu’on a porté la mai n f u r tout le corps de la femme ; il caraftérife l’atten tat,
IX .
D
S u r
,
én o n c ia t io n
l e
m o t i f
d e s
Pr
-
o cès
&
V
dit qu’ on a porte la main fur toutes les parties du corps de la femme.......... & meme dans les endroits les plus fecrcts.
o l e u r s
verbal
l ’a t t e n t a t
p a n s
Pas un mot.
s u r
l a
,D ¿ . P O S I T I O N
R a p p o r t
du Brigadier.
.
Pour fçavoir s’il n’y avoit rien de caché;
Pour l’empêcher de crier.
c o m m i s
F e m m e .
de la Femme.
P RO C ES - V E R B A L
d'effraction.
Q u ’un defdits Particuliers.. . . l’a faifië à la gorge , & dans un
La femme obferve qu’on a porté la
endroit que la décence ne permet pas de nom m er, &. lui enfon
m a in .. . . dans les endroits les plus fecrets,
çant le bras jufqu’au coude* lui a dit de fe taire, ou qu’on la tueroit.
pour v o ir s’il n’y avoit rien de caché.
O b s e r v a t i o n . L ’Auteur du M ém oire pr£te au Rapport une abfurdité qui n’y eil: pas & n’y peut pas être , puifque cette pièce ne parle pas même de l ’attentat. D ’ailleurs on n’a jamais commis de telles violences , &c
bleflé une femme , pour l’empêcher de crier. Mais il arrive fouvent qu'en l’infultant brutalem ent, & même en lui faifant mal , on parvienne, par des menaces , à l ’empêcher de crier, E t c’eil ce que d i t , non le R a p p o rt,
mais la D ép ofition de la femme. Ainfi cette dépofition a rticu le, non le m o tif, mais une circonilance de la violence. C ’eil dans le P r o c è s- verbald’efïraûion qu’il eil queilion de m o tif, pour voir s 'il n ’y avoit rien de caché. Mais
que ce fo it ce m o tif ou un autre \ que la femme Thom afiin s’y foit trompée ou n o n , cela ne fait rien à l’attentat en lui-m eme. Les Tém oins doivent a la Juilice la v e n te fur les faits j leurs conjectures fur les intentions font
prefque toujours indifférentes.
X.
D
é n o n c i a t i o n
.
Ils or.t forcé deux coffres & une armoire avec une broche.
S u r
P
l e s
r o c è s
-
C o f f r e s
v e r b a l
o u
.
Ils ont ouvert le coffre qui y eft placé avec la c le f qu’ils avoient
trouvée dans fa poche. Ils ont trouvé l’autre coffre ouvert,
l e s
V o l e u r s
o n t
f o u i l l é .
P r o c è s -VERBAL
D
Lefdits particuliers
Etant partes dans la premiere chambre......... ... ils avoient ouvert le Coffre qui y
A v e c une broche ,
s’étant faifis d’une bro
eil p la cé , à l’ajde d e là clef qu’ils avoient trouvée dans fa poche (J la femme Tho-
ils ont forcé un cabi
che à r ô t, ont enfoncé
majjin ) ........... & dans un autre coffre à c ô té , qu’ils ont trouvé o u v ert..........,
net trouiTé dans lequel
un cabinet trouiTé , y
n’ayant trouvé aucune fom m e............ l’un d’eux c il retourné fur la femme T h o -
ils ont pris i l o H; qu’ils
ont pris 1^0 ou 150 *;
m aiîtn ..
ont forcé enfuite deux
ont vuidé tous les c o f
ils fe font faifis d’une broche............
coffres & une armoire.
fres Si armoires.
é p o s it io n
.
(Teffraction.
R a p p o r t
du Brigadier.
, ils l’ont forcée de dire où étoit fon a rg en t.. . . . ; fur cette indication
O b s e r v a t i o n . x°. Le Rapport eil différent des D épofitions ainfi que du Procès-verbal d ’effraclion, parce que le Brigadier a toujours mis les f«its comme en bloc , fans s’attacher à diilinguer ni les momens ni les circonilances.
Il fa it o b fe r v c r cependant que , quoique le Rapport dife que les coffres ¡k. l’armoire ont été forcés , il ne dit pas que ce foit avec une broché. Quand on veut relever les variantes d’ une P rocéd u re, il 11e faut pas au moins
en créer. 1°. Les D épofition s, ainfi que le P rocès-verb al, s’accordent enfemble. Dans la D é p o fitio n , l’opération de forcer avec une broche n’eil: appliquée qu’au cabinet trouffè, ou ( comme l’explique le P rocès-verb al) petite
armoire à côté du l i t , où les V oleurs ont pris 140 ou 1 j'o livres. A l’égard des coffres & armoire , il n’eil pas dit comment les V oleurs les ont o u v e r ts , mais feulement qu’ils les ont vuidés. Le Procès-verbal explique de plus
que le premier coffre a été ouvert avec la c le f prife dans la poche de la femme Thom ailin , &c que l’autre étoit tout ouvert. Il n y eil pas dit non plus comment ils ont ouvert 1armoire.
X I.
D
é n o n c i a t i o n
.
Ils ont pris , dans l’armoire ou un c o ffr e , deux C ro ix ,
l’uue d’or Si l’autre d ’argent,
D
S u r
é p o s i t i o n
l a
C r o i x
.
Ils ont pris dans l’armoire une C ro ix d’o r , &. une C ro ix
d’argent au col de fa temme.
d ’a r
g
e n t
v o l é e .
R a p p o r t du Brigadier.
D
é p o s i t i o n
du Mari.
P RO C E S - V E R B A L d'effraction.
O nt vuidé tous les coffres & armoires.......... &
O b ferve ladite Fem m e que l’un des Urigand5
ou coffre , une
prit tout ¡0 linge fin de fa fe m m e .. . . une C roix
lui a alors arraché la C roix d’argent qu’eile avo‘£
timbale d’argent marquée...
d’o r , Si une d’argent qui étoit au col de la feinme.
à fou col.
Q u ’ils ont anfli pris, dans
l’armoire
deux C r o ix ,
l ’une d’o r ,
l’autre d’argent.
La femme, dans f i dépofition, rend le même compte.
�~a~v i x £*
S u i v a n t
le
M é m o i r e
t/
ü
t a b l e a u
Y
.
Il
.
S
u
i
v
a
n
t
l
P
a
r
o
c
e
d
v
r
e
.
^
entendus, leur dépofition feule pouvoit faire charge. Aufli le Juge , en repréfentant h Simare la C ro ix d’argent > ne luî a pas demande fi c’ étoit celle qu’il avo it prife dans un coffre ou armoire, mais fi ce n’étoit pas celle
qui avoit été arrachée du col de la femme Thomaflin. z°. L ’Auteur infifte (Mémoire page3 8 ) fur ce que Thomajjin fils ne voit plus la Croix de fa bellc-men dans le coffre où elle étoit renfermée. L ’A uteur veut faire entendre
la Croix d'argent. Mais il y en avo it une d’or dans le coffre. (Procès-verbal. « Ils ont v o lé dans ledit coffre une C ro ix d’o r , trois'Jupons........ » ) Ht quand on dit la C roix, fans addition, & qu’il y en a d eu x, l’une
d’o r , l’autre d’argent, il eft bien évident que ce n’eft pas de la moins précieufe que l’on parle.
XII.
S
u r
l a
s o r t i e d e s
D é p o s i t i o n .
D é n o n c i a t i o n .
Les V oleurs , munis de tous ces effets , ouvrent la prin
Il
V
o l e u r s
R a p p o r t
ne fçait par où les Voleurs s’en font allés ; car il a trouvé
cipale porte de leur m aifon , qu’ils avoient eu la précaution,
toutes les portes de fa maifon ferm ées, lorfqu’il a été en état
(n entrant, de barrer a vec une broche.
de voir & d’examiner les lieux.
.
du Bdgadier.
D
Ils ont ouvert la principale p o r te , qu’ils avoient eu la
précaution de barrer avec une broche, & s’en font allés.
é p o s i t i o n
Ils font fortis de chez lui
ayant
.
¿teint toutes les lumières
,
fans qu’il fâche par où ils font paffés , ayant trouvé toutes les
portes fermées.
t
%
O b s e r v a t i o n . Ici la contradi&ion paroît plus fenfible, & le Rapport du Brigadier devient moins étranger aux Thom aflin que dans les autres articles, parce qu’il n’eft pas probable qu’il ait imaginé cette circonftance
de la porte barrée avec une broche , s’ils ne lui en avoient point parlé. Mais il eft encore poiïïble de concilier ce Rapport avec les D époiïtions. Les Thomaflin avoient v u les V oleurs barrer la porte après leur entrée ; &
ne trouvant plus après leur fortie cette broche à la p o r te , ils en ont conclu que c’étoit par cette porte que les Brigands étoient fortis. Ils ont communiqué cette conjcûure au B rigadier, q u i , dans le Rapport inféré
en fon P rocès-verb al, l’a énoncée comme un point de fait. Mais les mêmes Thomaflin appellés en dépofition , n’ont déclaré que ce qu'ils fçavoicnt. E t comme avant de fo rtir, les Voleurs avoient éteint les lumières , &
que les portes fe font trouvées également fermées ; ils ont d i t , èc dévoient dire malgré leur co n je& u re, qu’ ils ne fçavoicnt pas par où les Voleurs s’en font allés.
-
D
e n
XIII.
S u r
lars à lui inconnus.
r e c o n n o i s s a n c e
D éposition.
ONCIATION.
L e 30 Janvier 178 }. T rois Particu
l a
U n des P articuliers, qu’il a appris depuis
ôtre le nommé M albroug.
d e
BRADIER
R É C O LE M E N T .
,
d i t
MALBROUG,
Rapport
du Brigadier.
a u
D é p o s i t i o n du M a ri.
d u
d é l i t .
D é p o s i t i o n de la Femme.
R é c o l e m e n t .
T rois Particuliers inconnus, mais
A jo u te que lorfque les Brigands, dont
Rédigé le 3 Fé
connus , Si qu’il pourroit re
q u elle pourroit reconnoitre s’ils lui
il a parlé dans fa dépofition ,fe font livrés
Malbroug , qui peu auparavant lui avoit
vrier 178 3.) Nous
connoitre s’ils lui étoient re
étoient repréfentés. E t en les figna-
envers lui & fa femme à toutes fortes de
rendu des cochons.
ont dit que 3 Par
présentés. E tà L ifn : Q u e le
lant comme foH mari.......... Menton
violences......... il a reconnu que l’un
ticuliers
troifieme e il de la taille de 5
pointu, qu’elle Dépofante a revu de
d’eux étoit le nommé Malbroug, dem eu
pieds
t r a p u . , menton
puis dans les rues, & qu’elle a appris
rant à la Libaudiere ( Alhbaudiere) ^qui
pointu ; qu’il a appris depuis
fe nom m erparlobriquet, Malbroug.
peu avant avoit vendu des Cochons a
Le 19 Juin
1785. Il avoit reconnu
parmi trois Particuliers ,
Bradier ,
'
dit
(
tenté
duire.
avoient
de s’intro
T rois Particuliers à lui in
être le nommé Malbroug.
O b se rv a tio n .
m o m e n t
lui Dépofant.
i ° . C e n ’eft pas dans le R a p p o rt, mais dans la D épofition , que les trois Particuliers font d its , à:lui inconnus. C ette remarque ne change rien aux conféquences qu’on peut tirer de la contradiftion
apparente ; mais cette tranfpofition du texte de la D épofition avec celui du Rapport ( * ) , fait v o ir avec quelle négligence ccsf prétendues variations ont été vérifiées par l’Auteur du M é m o ir e , qui cependant y
attache tant d’importance. z ° . Il n’y a point réellement de variation en cet endroit. Le Récolement eft é ta b li, comme nous l’avons déjà d it, pour donner lieu au Tém oin de réparer les erreurs ou omiflîons de fa
mémoire , expliquer ou re£Hfîer fes expreflions. Ce n’eft qu’après le Récolement que la dépofition eft consommée , que le témoin n’efl: plus reçu à rien changer , & que s’applique la m axim e, Tcjlesqui adverfus fidem ttflationis
y&cillant audiendi non j'iint (M ém . p. 18 9 ). Le Récolement & la D épofition ne font qu’un feul 8c liniqlie tém oignage, partagé en deux aftes &£ deux féances. Un Tém oin q u i, dans fa D ép û iition , diroit avoir v u un
f r it , &C dans fon Récolement diroit ne le fça vo ir que par o u i-d ire , feroit en contradiction avec lui-m êm e ; parce qu’il ne pourroit pas fe faire que , dans l’une ou l’autre de ces aflertions, il n’eût menti feiemment.
.
.
Mais i<......................
au
qu’:
qui le maltraitoit avec 1homme qui lui avoit vendu des Cochons. Pour mieux faire fentir l’abfence de toute contradi&ion , fondons enfemble le Récolem ent 6c la D ép ofition , & vo yo n s s’ils préfenteront une phrafe
côntradi&oire. « Q ue trois Particuliers à lui inconnus , mais qu’il reconnoîtroit s’ils lui étoient repréfentés, & dont même il a reconnu l’u n , dans le temps même du délit, pour être venu peu de jours avant lui vendre
» des Cochons , font entres chez l u i . . . . »
Et lorfqu’il donne le fignalement : « Le troifieme....... menton pointu, le même qu’il avo it reconnu poiir fon vendeur de C o c h o n s, 8C qu’il a depuis appris fe nommer Malbroug. »
. ette explication eft d’autant plus plaufible , qu 011 v o it par la depciition de la femme T hom aflin , qu’elle a appris depuis fon nom en le voyant paffer dans la rue. Ainfi jufques à quelques jours après le d élit, il etoit
nrr>rp 111connu aux Thomaifin qua,nt à fon n o m , jnais il nç l’étoit pas entièrement au mari quant
la figure_,_quoiqu’o n n e puiiTc uas dire jablblument que l’on connoît un homme quand on ne l’a v u qu’une fois; &
�T05'
S U I T E '
S
u i v a n t
M
le
DU
X I V ,
D
r
1.
é n o n c i a t i o n
_
---- -
yn.
T a ille m édio
Cheveux plats. cre.
V ifage noir.
C heveux blonds.
Parole brufque.
V e ile blanche.
Bonnet de nuit fur
Epais.
V e ile rouge.
Cheveu x
-
courts ,
noirs.
la tête.
Chapeau noir fur
le bor.net.
Barbe noire.
Cheveux noirs &.
V e ile brune.
plats.
Vilage maigre.
r y
r
S
u
i
v
a
n
t
l a
R A P P O R T
C inq pieds.
T rap u .
C h eveux
1châtains
P
r o c e d u
( Comme dans le
-,
Tabllau du M é
blonds-
moire. ) •
J,m
i"ij-iT1*8-*—’■
*
11 .
I.
III.
Epais.
V e ile rouge.
T a ille de cinq pieds.
Grande taille.
Bonnet de laine , & fur ce bon
Trap u.
C heveux co u rts, noirs.
net , chapeau noir.
C h eveux blonds-châtains;
Barbe noire.
C h eveu x bruns 6c plats.
M enton pointu.
V ifage pâle.
V ifage maigre.
V e ile
V e ile b ru n e, autant qu’il a pu
T a ille de cinq pieds quelques
& plats.
de
r e ,
D É P O S I T I O N ’.
du B rigadier.
111.
11 .
/.
I l 1.
n
I G N A L E M E N S.
A
1 1-
Habit gris.
s
D É P O S IT IO N .
.
--—
~
i m
i
.
é m o i r e
im e r
Ratine
juger à la lueur.
grifâtre.
Barbe rouffe.
> Menton pointu.
pouces.
Q u ’il a appris depuis' être le
nommé
M albroug ,
vêtu
alors
d’une v e ile grifâtre.
V efie rouge.
Cinq pieds quel
ques pouces.
•
O b s e r v a tio n ,
i ° , Un artifice de l’Auteur a été de tranfpofer les fignalemens des deuxième & troiiiem e Particuliers, en afFe&ant de fuivre littéralement l’ordre différent dans lequel ils ont été indiqués
au Brigadier, & dans la Dépofition.
. Dans le Signalement du prem ier, la feule différence qui puiSTe paroître im p ortante, efl celle d’un habit g r i s ,
a u ta n t q u 'il en a p u ju g e r à la lueur. Et d’ailleurs l’habit n’eft pas la v e fle ; il a pu être gris avec une vefte brune.
non pas à une vejle brune iim plem ent, mais à une vejle brune
30. Dans les fignalemens du deuxieme &Z du troifiem e, on ne v o it que des détails ajoutés qui ne
s’étoient pas préfentés à la mémoire dans les premiers momens de trouble ; mais aucun ne détruit les premiers qui ont été donnés.
’
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*
*•
•
*»
,
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N ous avons obfervé que la prétendue dénonciation n’eit point une dénonciation , que c e n eft pas même un a£te effentiel à la procédure; ce n’eit qu’un fïmple Procès-verbal dreffé
par le B r ig a d ie r de la M aréchauffée , dans lequel il a inféré ce qui lui a été dit par les Thomaflm , lors d e fa tournée dans le village d e Vinet & dans les environs. C e Procès-verbal n’eSt
pas Signé
d e s
T h o m a iïin
;
ils n’en ont pas même entendu la le ftu re , puifqu’il a été rédigé au Greffe de la M aréchauffée de T r o y e s ,
au moment de l’écrou des nommés Lardoife &
G uyot , arrêtés l’un comme m e n d i a n t &: fu r ion Signalement, l’autre à’ la c la m e u r des Habitans d e V in e t, qui s’en étoient emparés.
Comment donc oppoier aux Thom aflm un Procès-verbal oü ils ne font-pas P a rtie s? E t , fi le Brigadier de la M aréchauffée , en dreflant ce P rocès-verbal de m ém oire’, a o u b lié,
changé ou tranfpofé quelques circonstances ; p e u t-o n raisonnablement attribuer ces différences aux Thom aflin qui ignorent ce qui s’eSt paffé en leur abience ?
n
*
1• f.
O n ne peut mettre en parallèle avec leur déposition, que, la déclaration juridique par eux faite dans le Procès-verbal d’effraction dreffé par les Officiers du Bailliage de Chaumont.
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11.
H
C
Y , noirs.
V efte rouge.
Bonnet de laine , & fur ce bon
net , chapeau noir.
C h eveu x bruns & plats.
P
V ifage maigre.
tant qu’il a pu
T a ille de cinq pieds quelques
pouces.
IÏL
T a ille de cinq pieds.
Trapu.
C h eveu x blonds-châtains;
Barbe rouflfe.
• M enton pointu.
Q u ’il a appris depuis' être le
nommé
M albroug ,
vêtu
alors
d’une v e û e grifâtre.
(le fuivre littéralem ent l’ordre différent dans lequel ils ont été indiqués
au habit "ris, non pas à une vejle brune Am plem ent, mais à une v&Jie brune
autin deuxieme &C du tro iiiem e, on ne v o it que des détails ajoutés qui ne
s’él
ntiel à la procédure ; ce n’eft qu’un iïmple Procès-verbal drefle
pa; le village de V in et & dans les environs. C e Procès-verbal n’eil
pa.ie T r o y e s ,
au moment de r'écrou des nommés Lardoife &
ç tnt emparés.
lauflee , en dreiTant ce P rocès-verbal de
mémoire, a
o u b lié,
ch'ent ce qui s’eft paiTé en leur abfence ?
¿ ’effraction drefle par les Officiers du Bailliage de Chaumont.
�iW
207
' O11 voit par ce tableau le degré de confiance qu’on doit ac
corder à celui inféré dans le Mémoire jujlificatif. Nous ne nous
permettrons aucunes réflexions à ce fujet. Nous conviendrons
même qu’il y a quelques légeres variations. L ’Auteur du Mémoire
les regarde comme eflentielles. Nous pen ion s, au contraire, qu’elles
ne portent que fur des faits acceifoires, & tout-à-fait indifîiérens,
Q u ’im porte, en e ffe t, que le coup de couteau ait été donné à
Thom aifin au moment de Uajfaillement ou lorfqu’il a été lié fur
fon l i t , ii le coup de couteau a été donné réellement ? L a plaie
eft certaine ; elle a été panfée par M e Bertrand . Chirurgien à
A ubigny j la preuve en eft acquife par les dépolirions des témoins
qui ont vu couler le fang & panfer la bleffure; elle eft certifiée
par Thom aiïin lui-m êm e, qui peut encore en démontrer la cer
titude pur la cicatrice.
Q u ’importe que fa femme ait été excédée de co’ips dans une •
chambre voifine ou dans la même chambre ; qu’elle ait été liée
fur le même lit ou fur deux lits; par un feul des Accufés ou par
tous les trois ; qu’ils aient allumé trois chandelles , ou deux chan
delles & une lampe ; que la femme Thomaifin ait été liée dans
l’obfcurité ou à la lum iere? Ces différences ne fe trouvent que
dans le Procès - verbal de la M aréchauffée où les Thom aiïin ne
font pas Parties.
%
Q u ’importe que l’attentat commis fur la femme Thomaffin ait
eu pour objet de l’empêcher de crier , ou de favoir ii elle n’avoit
pas caché de l’argent ? C es circonftatices ne font que des accei
foires du fait principal ; les Thomaiïin n’ont point varié fur les
faits principaux, ils ont perpétuellement foutenu, affirmé, d éclaré,
que trois particuliers s’étoient introduits chez eux à force ou verte,
qu’ils les avoient liés & excédés de cou ps, que lui Thom aiïin
avoit reçu un coup de couteau , qu’on leur avoit volé différeus
effets & de l’a rg e n t, dont ils font le détail. V oilà les faits eiîenîiels : voilà les faits qui cara&érifent le vol nofturne avec vio-
C c
�i o 8
lence & effra&ion : voilà les faits fur lefquels on ne peut leur
reprocher aucune contrariété.
<
A u x variations imputées aux témoins entendus dans l’information , nous devons faire fuccéder les prévarications dont on
accufe tous les Juges qui ont prêté leur M iniftere ,* foit à i’inftru & io n , foit au jugem ent de cette grande affaire.
L ’Auteur du M ém o ire, fîdele au fyftêm e qu’il a embraiTé , a
bien fenti qu’il ne pouvoit établir l’innocence de fes clients ,
qu’en attaquant la p rocédu re, les Magiftrats & les L oix j & il a
eu l’intrépidité de rem p lir la tâche qu’il s’étoit impofée. Nous
venons d’examiner les prétendues nullités de la procédure j nous
examinerons bientôt les prétendus vices de l’Ordonnance j atta
chons-nous en ce moment aux reproches particuliers aux trois
premiers Juges qui ont confommé l’inftruftion.
Tous les actes de la procédure font des attentats à l’équité & à
la Juflice , . . . . & les trois premiers Ju ges fe font jou és comme
à l’en vi, durant trois a n s , de la liberté, de l’innocence & du mal
heur. T e l eit le début des inculpations, des perfonnalités, des
reproches prodigués à la Maréchauftee de T r o y e s , au Juge Sei
gneurial d e V in e t, aux Officiers du Bailliage R o y a l de Chaumont.
E t tous les m oyens de nullité oppofés à chacun des a&es de la
P ro céd u re, font des,preuves de la partialité de chacun de ces
trois Tribunaux.
Elle éclate cette partialité dans la détention des trois Accufés ,
pendant deux m ois, en cliartre privée dans les prifons de la Maré-
chauffée ; elle éclate dans le décret de prife de corps, décerné contre
le nommé Gityot ; elle éclate' dans V Ordonnance de renvoi du Ju ge
de V inet, qui ne pouvoit p a s fe défaijlr de la connoiffance de cette
affaire.
Elle éclate dans la qualification donnée de Cas R o y a l à un fim plt
délit , reconnu tel p a r le Préfîdial de Troyes.
Elle éclate dans la lenteur des Officiers du B ailliage de Chau
mont } dans la tranflation des prifonnieïs dans les p/ifons de la-
�209
Jujllce de P'iney , dans la précipitation de la procédure faite fu r le
lieu du délit s dans la rédaction du Procès-verbal d'effraction après
le plus long intervalle., dans le défaut de repréfetitation des pieces Mém. p. 2315
de conviction à quelques témoins, dans le défaut de confrontation
des témoins qui ne faifoient p a s charge contre les Accufés ; enfin ,
dans le choix des faits dont la Sentence déclare que les Accufés font
atteints & convaincus en ce qu on a admis les vraifemblables &
exclu les invraifemblabiés, en ce qu’on en a fubilitué de poffibles à
d ’autres qui étoient impofftbles ,• & après cette longue énuméra
tion des preuves de partialité, l’Auteur demande : Ju ges de T royes,
de V in et, & fur-tout de Chaumont, quelle efl votre jtiflification ?
Il efl bien facile d’inculper des Ju g e s, quand 011 traveflit ainfi
chaque piece de la procédure en un a£le de prévarication. N ous
ne favons lequel doit vous étonner le plus en ce m om en t, ou
du courage de l’Auteur à entaifer ainfi griefs fur griefs pour
inculper les premiers Ju g e s, ou de notre confiance à rapporter
icrupuleufem ent chacune de ces inveélives.
Q ue ne dirions-nous, pas fur le ridicule infultant jetté fur les
Officiers du Bailliage qui fe mettent en chemin , la procédure
fo u s le bras .............. traînant les trois Accufés à leur fuite , les Mém. p. 61.’
fe rs aux pieds & aux mains , comme de vils efclaves de la Juflice.
M ais ce ne font que des injures ; nous avons à nous élever contre
un tort bien plus g r a v e , c’eft contre la calomnie.
L ’Auteur donne à entendre que la procédure faite en la
Ju flice de Piney , par les Officiers du Bailliage de Chaum ont,
com pofée de 4 0 0 rôles, c’e fl-à-d ire de 800 p a g e s , n’a pas pu
être confommée en fept jours. Cette maniéré indireÉle de laiffer
le lefteur realifer lui-même le fo u p ç o n , ne conduit-elle pas à
penfer que les Ju ges ont commis des faux , ou qu’ils ont pris de
fimples notes qu’ils ont enfuite rédigées en aéles de procédure?
L e calcul des 4 0 0 rôles de procédure , o.u de 8 0 0 p a g e s, eil
une adreife pour augm enter le volume des écritures. C e font
des grofTcs, & le nombre des pages ne doit influer en aucune
Ce
x
Page 131,
Page $0»
�1 ^0
1
I o
maniéré fur l'opinion qu’on doit prendre de la réda&ion des
différens a ft e s , fur - tout en y comprenant les expéditions des
'
interrogatoires d office faits à Chaum ont, des conclufions définiti
v e s, de la Sentence & de l’inventaire. T oute la procédure faite dans
le tranfport des Officiers du B ailliage, comprend à peine 3 9 rôles
de minure , ce qui fait à-peu-près cinq rôles & demi par jour ,
y compris l’intitulé des aétes , les blancs pour la fignature du
Juge , du G reffier, des Tém oins & des A ccufés , qui font des
Vuides confidérables dans la minute.
Nous pouvons demander fi cette portion de la procédure an
nonce un travail fo rcé , un ouvrage rédigé après coup & fur de
fïmples notes. Mais ce qui doit écarter tout fou pçon , c’efl que
tous ces a&es font fig n é s des A c c u f é s , & qu’on ne peut pas préfumer qu’on leur ait fait donner leurs fignatures après leur retour
dans les prifons du Bailliage.
Cependant l’Auteur annonce que les trois A ccufés lui ont dit
Mcm. p. 222. qriils riavoient point été interrogés à P in e y , q u ils riontparu qu une
feule fo is à P iney pour leur confr ontation.
Com ment concilier cette affertion du M ém oire , avec l’exiftence réelle au procès de trois interrogatoires ; deux du 2 1 Juin
1 7 8 5 & un du 2 2 . Interrogatoires bien en forme , qui ont été
lus aux A ccufés , qu’ils ont fig n é s , & qui font également fignés
du Juge ?
'
»
Comment concilier un fait auffi important avec les confrontations
des 1 9 & 20 Juin de la même année, & régulièrement rédigées ?
L ’Auteur , toujours porté en faveur de fes cliens , femble
ajouter plus de foi à leur tém oign age,qu ’à un afte de procédure
revêtu de toutes'les formes qui en conftatent l’authenticité. Pour
quoi donc cette efpece de crédulité? C ’efl: pour avoir le droit de
Jkd.
faire une réflexion digne de tout le M émoire. Alors j e me fu is
rappellé , dit PAutcur, q u il étoit bien difficile en effet que les Juges
dé Chaumont euffent pu avoir le tem s, dans l ’ejpace de fepi jours ,
1/ inflruirc une procédure f i volumineufe.
�3. T 1
-
Les A ccufés conviennent cependant «voir fubi dans les pri
ions de Ramerupt un interrogatoire devant le Juge de V inet. m i.
C et interrogatoire n’exifte pas. N ’eft-il pas plus que vraifemblable
quils confondent cet interrogatoire avec celui du.B ailliage de
Chaumont ?
Eft-il un genre de calomnie plus dangereux ? C e n’eft point
en atteftant ce fait, qu’on cherche à prévenir contre des Officiers
d ’un Bailliage R o yal ; c’eft en jettant du louche fur la régularité
de leurs opérations. L e piège eft d’autant plus adroit, que c’eft la
m alignité publique qui tire la conféquence , & fe prévient contre
des Officiers qui font à i’abri d’une inculpation auffi mal-adroite:
la foi eft due à l’afte jufqu’à l’infcription de faux ; c’eft une reffource qu’on auroit pu préfenter aux trois condamnés pour anéan
tir toute cette procédure.
Suppofer un concert fe cre t, un com plot infâme pour perdre
trois malheureux , n’eft - ce pas abufer du droit légitim e de les
défendre ? C ar enfin quels feroient les auteurs de cette prém é
ditation fi peu vraifem blable? C e feroien t, fans doute, les Juges
eux - mêmes que l’Auteur s’eft flatté d’en avoir con vain cu , &
contre lefquels il fe répand en déclamations injurieufes. En ferionsnous réduits à approfondir ce foupçon ? Cherchons la vérité dans
le nuage même de la vraifemblance.
Accuferons-nous les Officiers de la M aréchaufïee ? O n a cônftitué prifonniers des gens fufpe&s , des mendians, des gens que
la clameur publique fembloit indiquer -, le M iniftere public rend
plainte; il oublie même de faire conftaterles effra&ions pour faire
juger la com p éten ce; la nature &: la qualité du crime reftent
incertaines. L affaire eft ren voyée devant les Juges qui en doivent
connoître. La M aréchaufïee fe dépouille. O it trouver la trace
d’un complot dans toute la marche de cette premiere inftru&ion ?
Accuferons - nous le Juge de la Juftice de V inet ? Il n’a pas
même pris connoiffance de l’affaire : ou fi la procédure a pafle
feus fes y e u x , il n’a pas voulu la continuer. Il a délaiffé les Acr
�cufés & le procès au Bailliage de Chaum ont, parce qu’il a pré
tendu qu’il s’agiffoit d’un cas royal. S’il eût été d’intelligence avec
les T h om aifin, a u ro it-il abandonné une inftru&ion qui lui étoit
ren voyée , fans qu’il eût réclamé les droits qui pouvoient lui
appartenir comme Juge du lieu du délit ?
Si cette procédure eft le fruit de la prévarication , il ne refte
plus à accufer que les Officiers du Bailliage de Chaumont. Mais
leur impartialité ne paroîtra jamais dans un plus grand jour que
lorfqu’on examinera s’ils font véritablement coupables.
Com ment fup pofer, en e ffe t, que- l’Affeffeur & le Procureur
du R oi du Bailliage fe foient prêtés à condamner trois A c c u fé s ,
qu’ils n’avoient jamais v u s , qu’ils ne connoiffoient que par le
crime dont ils étoient prévenus, & qui leur avoient ete directement
renvoyés par les premiers Juges ?
Com ment croire que tout un Tribunal foit compofé des com
plices fecrets & des Miniftres de l’animofité des Thom aiïin ?
Comment fe perfuader que ce Tribunal foit dévoué à l’injuftice
& à la p artialité, lorfqu’on l’accufe d’avoir mis tant de lenteur
dans fes opérations, qu’on diroit qu’oubliant fon cara&ere , il a
laiffé languir les A ccufés dans les prifons , comme s’il étoit d’in
telligence avec eux pour ne pas prononcer fur l’accufation ?
Com ment enfin concilier la rigueur du Jugement avec la négli
gence de l’inftruéfcion ? O n lui reproche de n’avoir pas eu l’a6liv ité d’un Juge attentif ; & l’on veut qu’il ait eu toute la méchan
ceté d’un prévaricateur.
C ’eft ainfi qu’à force de perfonnalités &
de fuppofitions,
la calomnie éleve des nuages , fur l’intégrité des Juges qui ont
toujours' joui de la réputation la plus entiere. Mais ne fommesnous pas en ce moment aveuglés nous-mêmes, p a r l’excès de la
confiance que notre M iniftere doit avoir dans l’exaftitude des
Officiers qui adminiftrent la Juftice dans les Provinces ? Non ,
fans doute : & l’Arrêt que vous avez rendu juftifie au moins la
conduite des premiers Juges,
�***
a 13
Nous n’avons point la préfomption des grands Ecrivains du
iiecle qui veulent que leur opinion foit une décifion infaillible.
L Auteur du M ém oire a pris le ton affirmatif de l’école. I l efi dé- Mém. p. 22.01
montré , dit-il , que tous les H abitans du Royaume peuvent plutôt
s ’identifier avec les trois voleurs inconnus > que les trois accufiés.
J ’ai voulu les voir 3 les entendre, leur parler. Je les ai vus , je
Page 224.
les ai entendus , j e leur ai p a rlé , i l s s o n t i n n o c e n s .
Nous n’entrerons point dans le détail pathétique de cette converfaiion durant laquelle l’A u teu r , qui r i a ja m a is été f i tranquille
quavec ces trois affaffins. . . . , à la lueur d’une lumière qui vacilloit fu r
leurs vifages , cherchoit leur innocence fu r leur front p â le , dans leurs
traits am aig ris, dans leurs y e u x caves où brilloit un rayon d’efpérance, dans leur contenance & fous leurs lam beaux, & la trouvait
par-tout.
Mais ne pouvons-nous pas à notre tour lui dire : V os cliens
ont été condam nés, vous ne voulez pas qu’on préfume qu’ils font
coupables. E h! pourquoi préfum ez-vous que les Juges font des
prévaricateurs ? Q u el intérêt avoient-ils de faire périr trois mal
heureux? quelle preuve rapportez-vous de leur in iqu ité? Il eft
inconcevable qu’un Ecrivain qui montre tant de fenfibilité pour
les cliens dont il a entrepris la d éfen fe, ne rougiiTe pas de prêter
tant de cruauté à ceux que l’Etat a chargés de la fon&ion d u re ,
pénible, & néceilaire de prononcer fur le fort des coupables.
Il
n’entre point dans la miffion dont la Cour a bien voulu
nous h o n orer, de pefer les motifs du Jugement qu’elle a. rendu.
Accoutum é à refpefrer fes décifions, notre Miniftere fe borne à
les préparer, & quoique la Cenfure publique foit confiée à notre
vigilance , nous ne nous permettrons pas de juger la Jullice ellemême. Les trois condamnés ne peuvent nous paroître innocens,
puifque le premier Tribunal du Royaum e les a déclarés coupa
bles. L ’état cruel d’incertitude où ils font depuis près d’une a n n ée,
cft une mort qui fe renouvelle à chaque inftant. Nous ferions des
vœ u x pour que la bonté de notre A u gu ile M onarque voulût pré-
�j :
‘i T 4
' '
férer mîféricorde à jujlice , en commuant la peine qu'ils ont
m éritée, û les inftru&ions que notre'M iniftere -nous met à portée
de recevoir tous les jours ne nous faifoient trembler pour l’avenir ,
parce qu’elles renferment de nouvelles preuves du délit dont ces
trois malheureux font convaincus. La Juftice éternelle eft lente
quelquefois , mais elle eft toujours inévitable ; tôt ou tard elle
fait reconnoître l’iniquité, 8c appefantit fa vepgeance .fur le Cri-
iji
minel.
TROISIEME
r
L e M émoire
■R e n ie n t
""aùx
injures prodiguées
contre
les Magîftrats,
!& "contre
*ïes
Légiflateurs.
PARTI E.
A p r e s avoir écarté la foule de Nullités qu’on a réunies , ou
plutôt im aginées
pour cenfurer une Procédure véritablement
légale , malgré les imperfe&ions 8c les irrégularités qu’elle peut
b
il
1
•
i r
îr
renferm er; nous allons en ce moment nous livrer a une dilcumon
beaucoup plus intéreifante. C ’eft la juftification du Droit public
¿ g ja F rance ? fi la L oi a befoin d’être juftifiée. L a prudence de
notre Légiilation , en matiere criminelle , doit former le com plé
ment du com pte que la C our attend de notre M imftere.
Dans la diviiion de notre plan nous avons annoncé c^u - nous
examinerions dans cette troifieme Partie les reproches honteux
accumulés contre nos O ïdonnances , & contte la M agiftrature
gardienne & dépofitaire des Loix.
Les Légiflateurs & les Loix fixeront d’abord notre attention.
Nous nous expliquerons enfr.ite fur L s injures groflieres, prodiguées
aux M agiftrats, pour prouver l’innocence des trois condamnés.
A vant de n o u s occuper de notre Légiilation , nous ne pouvons ,
nous difpcnfer de jetter un coup d’œil fur les Loix en général,
fur le£ difierens fyftêm es de Loi qui ont exifté ou qui exiftent
!
encore aujourd’hui : & -en faifant le parallèle de l’efprit des unes
& des a u tre s, on fera en état de décider quelle eft la Légiilation
q u i, au jugem ent d’un homme im partial, doit tneriter la pr-éfé-*
rençe.
•
L ’homme
�7 -4 J
îi5
Lliom tfie a reçu du C iel la raifon en partage. Mais ce guide
éclairé ne fuffit pas pour le conduire. Les principes innés de la
L o i naturelle fe font bientôt effacés de fa mémoire ; il a fallu créer
des L oix pour enchaîner les m éch an s, &
ces L o ix ont été un
nouveau bienfait de la D ivinité.
Soumis aux conventions de l’ordre f o c ia l, l’homme fe relïouvient toujours qu’il eft né libre j tous fes efforts tendent à brifer
les chaînes que la néceffité lui a fait adopter. U ne grande partie
des humains afpirent à l’indépendance : & le plus grand malheur
de l’humanité eft de confondre fans ceffe l’indépendance & la
liberté.
L a liberté confifte dans l’exercice libre que chaque C itoyen
peut faire de fa volonté , conformément à la difpoiition de la L o i ,
qui gêne & contrarie cette volonté dans tous les cas où le bien
générai a exigé le facrifice d’une portion de la liberté naturelle.
O n eft libre en faifant tout ce que la L oi permet. O n croit fe rendre
indépendant en fe permettant tout ce qui eft défendu par la L oi :
& l’on ne fait pas attention qu’en faifant tout ce que la L oi inter
dit , il n’y a plus de liberté ré e lle , parce que les autres hommes
auroient le même privilege & le même pouvoir.
L a L oi eft donc la réglé des allions des hommes réunis fous un
même Gouvernem ent : & l’ufage plein & entier de la liberté natu
re lle , lorfqu’elle fe trouve en oppofition avec la défenfe prononcée
par la L o i , eft une lic e n c e , devient un a b u s, & quelquefois un
crime. L ’intérêt de tous les C ito y e n s , la tranquillité co m m u n e ,
la fureté publique, ont exigé que la violation de la L oi fût promp
tement réprimée & févérem ent p u n ie, fuivant la nature, 1 impor
tance & la gravité de l’infra&ion.
L a mefure de la liberté dépend donc des réglés établies par
la conftitution politique des différens Empires ; la forme de cette
conftitution légale garantit à chaque Particulier fa fureté perfon«
nelle.
Les accufations publiques ou privées font une atteinte portée
D d
�2 I
6
à la fureté de celui qu’on a c c u fe , par le danger où il eil expofé
de perdre fa liberté ,
on peut en conclure a vec un Ecrivain
profon d, que la liberté civile dépend principalement de la perfection
des L o ix criminelles.
Chaque Peuple s’eft formé un corps de Légiilation appropriée
à fa maniéré d’être &
de penfer. D elà les bifarreries qui fe
trouvent dans les L oix des différens Peuples. Solon interrogé
fur le C ode qu’il venoit de donner aux Athéniens , répondit :
q u i l ne leur avoit p a s donné les meilleures L o ix poffibles , mais
les plus conformes à leurs efprits &' à leurs caractères. Les moeurs
pefent fur les L o ix : les L o ix
entretiennent les m œ u rs, &
confervent l’efprit national.
L a raifon p olitiqu e, qui a di£té la Loi, influe également fur la
forme de procéder pour parvenir à la convi& ion d’un coupable.
C haque Peuple a toujours eu une forme particulière pour intenter,
initruire & ju ger les accufations. Elle ne peut pas être la même dans
un Etat pop u laire, & dans une M onarchie. La forme des Jugemens ne peut dépendre que de la Puiifance légiilative ou de la
Puiifance exécu trice, & fouvent de ces deux PuiiTances réunies.
Dans les Républiques de la G rece , & dans la République
Rom aine , tout C ito yen avoit droit d’accufer un autre C ito yen .
L'accufation étoit publique : mais auifi tout C itoyen avoit droit
de prendre la défenfe d’un C ito y en accufé. Cette liberté indé
finie droit fa fource de Pefprit du Gouvernem ent. T o u t Romain
fe cro yoit obligé de veiller à la fureté publique : & tout Rom ain
fe croyoit obligé de défendre le dernier des C itoyens. Cette ba
lance entretenoit l’harm onie, & maintenoit les droits du Peuple.
Indépendamment de cette raifon p o litiq u e, il en cil une autre
plus fenfible. Elle dérive de la nature même de l’accufation &:
de la défenfe , des vues qui pouvoient faire entreprendre l’une
ou l’autre , & des effets qui devoient en réfultcr.
Celui qui faifoit le rôle d’A ccufateur , intéreifé ou non à pourfuivre la vindi& e publique, pouvoit avoir des motifs fecretsd’in
�217
tenter Paccufation. D e même celui qui fe chargeoit de prouver
I innocence, pouvoit avoir intérêt de juftifier l’Accufé. L e D éfen
deur devoit donc jouir du même privilege que l’Accufateur. Auiîi
l’accufation & la défenfe marchoient d’un pas égal ; & la preuve
de Tinnocence fe faifoit en même temps que celle du crime.
L e concours des deux preuves avoit fon avantage & fon
utilité. C e genre d ’inftru&ion devoit être admis chez un Peuple
qui conferva long-temps l’auftérité de fes mœurs. D ’ailleurs la
préfom ption eil toujours en faveur de l’innocence : & il y auroit
un danger évident de fouffrir que l’A ccufateur, engagé en
quelque forte à faire trouver un Accule cou pable, eût l’avantage
de completter fa preuve , tandis que l’Accufé eût été contraint
de garder un filence rigoureux. L ’auilere équité de ce Peuplé
vraim ent C itoyen , exigeoit au moins le plus parfait équilibre
pendant l’inftruétion , parce que l’Accufateur & l’Accufé avoient
égalem ent droit de réclamer les fecours & l’autorité de la L o i.
M ais ce qu’il ne faut jam ais perdre de vue , c’eft que le Peuple
Rom ain étoit feul Ju g e d’un Citoyen Rom ain : que toujours oppofé au S én at, il lui difputoit la PuifTance L é g iila tiv e , parce qu’il
étoit jaloux de fa liberté , & ne lui conteftoit point la Puiiîance
exécutrice , parce qu’il étoit jaloux de la gloire du nom Rom ain.
II abandonnoit au Sénat le droit de faire la guerre ou la paix , &
ne fe réfervoit que le droit de confirmer les aftes du Sénat &
des G énéraux. « L es Confuls ne pouvoient pas prononcer de
>> peine capitale contre un C itoyen Rom ain ( 1) , & la Loi Porcia
» avoit de même défendu de mettre à mort un Citoyen » . Il n’eft:
donc pas étonnant que ce Peuple , qui oublioit rarement qu’il
étoit Légiflateur , fc fût attribué le droit de juger , le droit de
punir ou de faire grâce. L ’accufation , la défenfe , la condam
nation , tout étoit p u b lic , parce que la caufe d’un C itoyen étoit
(0
§•
D e capitecivis R o m a n i injuffu Populi non ctat permiffum jus dicere. Pompon,£•
de Ong, /uns,
Dd
î
3>
�2 I 8
celle de tout le P e u p le , & le Peuple vouloit être Ju g e dans ia
propre caufe : il devenoit le Ju g e des Sénateurs eux-mêmes ; &
cette forme , précieufe dans une République , n’avoit été intro
duite qu’en faveur des AiTemblées P o p u laires, & pour favorifer
l’égalité Républicaine.
C e droit antique s’eft encore confervé fous les premiers C éfars:
avec le titre m odefte, m ais perpétuel, des M agiftratures anciennes,
ils accoutum èrent infeniiblement le Peuple au jo u g de leur auto
rité. L es Em pereurs s’arrogèrent bientôt le droit de vie & de mort
fur un Peuple dégénéré ; & la liberté difparut.
L ’ufage néanmoins de la double inftru£fcion n’a point été enfeveli fous les débris de la R épublique Rom aine. Il fu b iîfte encore
aujourd’hui d a n s le s T r i b u n a u x d e l’A n g le t e r r e ; c’eft une des L o ix
de la conftitution nationale j tous les A ccufés y font jugés publi
quem ent, & parleu rs Pairs. C ette forme y eft entretenue par fon
analogie avec la conftitution d’un E tat où la N ation jouit de la
PuiiTance lé g iila tiv e , infpefte le M iniftere par fes R epréfen tan s,
veille fur l’Admimftration , s’oppofe à fes projets , délibéré fur les
im p ô ts, difpofe d e s fonds p u b lic s , e n u n m o t p a r t a g e l’a u t o r i t é ,
& reconnoît les droits du S o u v erain , lors même qu’elle lui contefte l’étendue de la Prérogative R o y ale.
D an s les crimes ordinaires les Ju g e s écoutent l’Accufateur ;
l’Accufé fait préfenter fes m oyens de défenfe ; les témoins font
entendus , repro ch és, confrontés publiquem ent ; & pendant toute
l’inftru£Uon, l’Accufé eft libre en donnant caution de fa perfonne.
L es Jurés décident , mais ne décident que la queftion de fait. L a
L o i feule inflige la peine ; le Ju g e n’eft que l’organe qui prononce
les paroles de la L o i , fans pouvoir en modérer la force ou la
rigueur , fans pouvoir en expliquer la lettre ou en interpréter
l’efprit.
D ans les crimes d’E tat au con traire, quoique la forme foit
la même , la Cham bre des Com m unes , com pofée des Repréfen
tans de la N a tio n , eft en même tems accufatrice & Ju g e , parce
�2
19
que les droits de la N ation font attaqués. C ’eft la N ation qui
prononce par la bouche de fies R ep réfen tan s, parce qu elle feule
peut fe p lain d re, & elle feule peut venger fon injure.
L e s L o ix Britanniques portent l’empreinte du génie & des
mœurs des Peuples qui les ont établies; L a légéreté ou l’inquié
tude de quelques efprits voudroit naturalifer parmi nous cette
forme de procéder. L es Anglomanes François connoiiïent-ils bien
cette Légiilation dont ils fe déclarent les admirateurs ? Q uel eft
celui d’entre eux qui ne craindroit pas d’être abandonné à la d is
crétion de douze Ju g e s connus fous le nom de Ju r e s , qui n’ont
d’autre façon de donner leur opinion que ces mots , Coupable,
ou N on coupable, il c’eft un fimple C itoyen : S u r mon honneur
i l efl innocent, ou S u r mon honneur il ejl coupable, ii c’eft un Pair
du R oyaum e.
- Encore ces J u g e s , choifis dans chaque claffe de C itoyens
relativem ent à l’état ou à la profeflion de l’A ccuie , reftent - il*
en ferm és, fans pouvoir fo r tir, jufqu’à ce qu’ils foient d’un avis
unanime j efpece de C o n c la v e , où celui que la nature a doué
de la plus forte com plexion , peut obliger par befoin fes co-aflociés à revenir à fon opinion fur l’innocence ou la conviftion de
l’Accufé ; enforte qu’un feul Ju ré peut faire la deftinée du cou
pable ou de l’innocent.
L égiilation iinguliere l.mais appropriée aux goûts d’un Peuple
efclave de fon am our pour la lib e rté , & qui aim e m ieux tolérer
quelques abus , facrifier une portion de la fûreté publique , &
enhardir le crime par l’efpoir de l’im pu n ité, que de renoncer à
l’efprit d’in dépen d an ce, qu’il fomente pour entretenir une force
égale Ja n s toutes les parties du Gouvernem ent.
Q uelque foit le genre d’inftruéKon dans une affaire crinùnelle , la forme en eft aflez indifférente , pourvu qu’elle foit
connue & toujours in v aria b le , pourvu que la force des preuves
ne puiflfe être altérée , ni les m oyens de défenfe enlevés aux
A ccufés , pourvu enfin que celui qui fait l’inftru&ion ait une
�m arché tracée par la L o i , dont il ne lui foit pas permis dè s’écarter.
V ous venez de voir que , dans les Etats Populaires ou SémiPopulaires , l’accufation , la défenfe & le Jugem ent fe faifoient
publiqu em en t, parce que c’étoit le Peuple qui prononçoit entre
l’Accufateur & l’A c cu fé , égalem ent intérefles à l’événement.
Il n’en eft pas de même dans la conftitution de notre M onarchie.
Les Capitulaires de C h arlem agne, peuvent faire foupçonner qu’on
a fuivi quelquefois les formes qui avoient été en ufage devant le
M agiftrat Rom ain ; mais ce point de fait n’elt pas afîez établi
pour en faire même la matiere d’un problèm e. D an s ce dépôt
de l’efprit & du Gouvernem ent N ational , on trouve les réglés
de l’honneur mêiées avec les principes de la R e l ig i o n , les
droits d’un Conquérant étendus fu r le s P e u p le s con q u is, la v o
lonté du S o u v e r a in c o n f a c r é e par le confentement unanime de fes
Sujets , & la Jurifprudence Rom aine accom m odée aux préjugés
du-fiecle ; monument de la grandeur d’un Prince qui réunit fous
fa domination prefque tout le Continent de l’E u ro p e , & dont le
vafte Em pire fubfifteroit encore aujourd’hui , ii Louis le D ébon
naire n’avoit pas eu la foiblefle.de le divifer.
...
C e partage fut la fource de bien des maux. C haque Sou
verain voulut fe former un C ode particulier. L a légiilation
perd fon a u to rité , quand une fois le principe en eft altéré.
L es L o ix de Charlem agne furent négligées fous le regne de la
féodalité , qui fit renaître celles de Théodoric & d e.G on d eb au d ,
L o ix p écu n iaires, où tous les crim es, jufqu’au meurtre , font
évalués à une fomme d’a rg e n t, R ecueil qui ne contient q u e 1le
tableau de la violence des B a rb a re s, le tarij des peines, ou plutôt
Vabonnement de l ’impunité.
A ces loix informes , a fuccédé la L o i plus abfurde encore
du com bat judiciaire : le fort de l’accufation dépendit alors de
la force .& de l’adrefle des combattans. Etrange aveuglem ent
eje l’efprit hum ain, qui croyoit que la T ou te-P u iflan ce célefte
deyoi.t intervenir pour faire triompher la vérité. C ’eft dans ce
�as\
; iî l
p réten d u Jugem ent du C iel qu’il faut chercher l’origine de ce
point d’honneur redoutable , toujours fubiiftant malgré l’expé
rien ce, & la plus longue exp érien ce, qui démontre que l’incer
titude de l’événement eft égale, des deux côtés.
L a force du préjugé fuffit-elle.donc pour juftifier un homicide
v o lo n taire, fur-tout quand celui qui demande une réparation fang la n te , peut ê tr e , comme il eft fo u v e n t, la viftim e de fon
reifentim ent?
V
^
■
.<>• — ■
Louis IX abolit le com bat judiciaire dans fes Dom aines. L ’abo
lition de cet ufage b a rb a re , la fuppreffion de l’ufage , plus infenfé
e n co re , des épreuves par -l’eau & par le feu , ont rétabli le. .cours
ordinaire de la 'Ju ftic e . O n v it paroître les ETABLisSEMEî}Srjde
S. L o u is , C ode difté par la ra ifo n , heureux m oyen que la fageiTe
de ce Prince religieux em ploya pour préparer la renaiifancë dp
D roit Public. L ’efprit humain parut fortir d’une1longue léthargie ;
on fe hâta , non pas de revenir aux formes uiïtées chez les Rqm ains, mais à'ieurs L oixÿ à ces L oixim m ortelles, quine préfentent M. d’Aguçff,
p a s tant le D ro it particulier d'un Em pire, que le D ro it ¡général des
N ations. L a L o i des Lom bards fut abolie : fans êtrè
a b ro g é e ,
elle tom ba d’elle-m êm e, & fut abandonnée jufque. dans le terri
toire où elle avoit pris naiifance.
.f<j
L a France connut alors-une légiflation plus conforme», à la
Juftice ; mais en s’élevant au-deifus des idées populaires , on
conferva toujours quelques,teintes des antiques préjugés : & ce
n’eft que dans la fucceffion des âges., que ,nos Loix font en
quelque forte parveniies au, degré* de perfe& ion dont la légiilation humaine eft fufceptible.
r
C e n’eft point aifez de faire l’éloge de nos L o ix , il faut encore
en démontrer la iageife. Q uand la Puiifance légiilative eft entre
les mains du P e u p le , la décifiôn de la Loi & la forme des Ju gemens ont une analogie indifpenfable av e c 1?. nature du G o u ver
nement populaire. T ou t eft p u b lic, parce que le Peuple feul eft
Ju g e fouverain,
a ..
-,
�Il en eft de même dans le Gouvernem ent d’un M onarque ; la
L o i participe du cara& ere 4 e la. M onarchie. L e R.oi feul eft
Légiflateur en France. Rendre la juftice eft le prem ier devoir
d'un Sou v erain , & les Edits de nos R ois reglent la maniéré
dont elle doit être adminiftrée. L es O rdonnances rendues , foit
du propre mouvement du Prince , foit fur les dem andes des Etats
aflfemblés, fönt lesL o ix générales du R oyaum e. Elles reçoivent leur
exécution aufli-tôt après qu’elles ont été vérifiées & p u b liée s} elles
fubfiftent tant qu’elles nè font pas révoquées ; elles ne peuvent
l’être que de la même maniéré qu elles ont été établies -, & la
fource dont elles font-ém anées leur .aifure la préém inence fur
toutes les L o ix , mêmé du Peuple R om ain^ fi c e . n ’ e ft en pays
de D r o i t é c r i t p o u r la p o r tio n qui en a ete. adm ife comme Lo,i
territoriale. T
'
r
L e premier objet du Légiflateur eft toujours le bonheur & la
tranquillité de fes Sujets. L a févérité des châtimens que la L q i
p ro n o n ce, èft moins la jufte punition du c o u p a b le , qu’une fage
précaution pour prévenir le c rim e , & une. expeftative de mort
ou d’infamie annoncée à tous les fcélérats qui oferoient troubler
l’ordre public, i
L a P u iifa n c e , en quelque main qu’elle réiîd e, ne peut arrêter
le sd é fo rd re s fa n s(cefle renaifïans ÿ que par la terreur d’un fupplice proportionné à la grandeur des délits , ou à la facilité de les
commettre. L a fixation des peines , la forme de l’inftru&ion >
la nature des p re u v e s, la longueur des d é la is, la com pétence
des T rib u n a u x , le nombre des J u g e s , le degré d’autorité qui
leur eft confié, tous ces acceifoires , objets effentiels de la L oi ,
ont exigé fans doute une lente & mûre délibération. L e génie ,
le caraétere, les m œurs de la N ation , fes goûts & fes habitudes,
ont p u , & ont dû même influer fur la douceur & la rigidité de
la Loi. C ’eft au Légiflateur à bdlancer ces grands intérêts ; mais
aufli-tôt que la L oi eft p u b liée, aufli-tôt qu’ello a reçu fa fanétion,
elle eft à l’abri du reproche d’injuftice 8c d’inhumanité ; rien ne
�123
doit en fufpendre l’exécution. L e mépris des L o ix a toujours
été le fignal de la décadence des Em pires.
L e M agiftrat, M iniftre des volontés de la L o i, doit le premier
l'exem ple de la foumiflion \ le refpeft qu’il lui porte en affermit
l’autorité. S ’il s’écarte des réglés qui lui font im pofées , cet a ile
d’indépendance , cet efprit de révolte devient un des plus grands
fléaux de la fociété. L ’harmonie ne fubfifte que par la réaction
continuelle de la Juftice fur le malfaiteur que la loi intimide , &:
d u malfaiteur fur la L o i , dont il reconnoît la préfence & la
néceifité.
A vilir la L o i aux yeux des P e u p le s, c’eft les encourager à
enfreindre fes difpoiitions ; répandre le foapçon & la calom nie
fur les M agiftrats, c’eft altérer cette confiance gén érale, qui cft
le principe de l’ordre & de la fécurité publique ; injurier la
L o i & fes M in iftres, c’eft outrager le Légiflateur lui-méme.
U ne légiilation fixe & in v ariab le, fondée fur les mêmes prin
cipes , animée du même e fp r it, dont enfin toutes les parties ten
dantes au même b u t, puiflent par un effort commun fe foutenir
& fe défendre , voilà le caraftere effentiel d’un G ouvernem ent
fage. L a prudence hum aine, il eft v r a i , ne peut pas tout prévoir.
L ’expérience indique des changem ens utiles j les abus même
néceflitent de nouveaux R églem en s; les circonftances les font
naître ; l’ufage fait connoitre ce qu’il faut reflerrer & ce q u ’il faui
étendre; & la fageffe d’accord avec l’humanité adopte ces retranchemcns S i ces extenfions. M ais cette jufte réforme ne change
rien à l’efprit général de la Loi. Il eft toujours le même & les
nouvelles décifions, incorporées à l’ancien fy ftê m e , eu aiTurent
■de plus en plus la permanence & la ftabilité.
>
L e L cg iib teu r a toujours un m otif dans l’établiflement de fes
L o ix : ce m otif caclié ou apparent eft la bafe -de tout l'édifice.
D étruire ce p rin cipe, c’eft anéantir toutes les diftributions du bâ
timent- ; i\ faut un édifice nouveau. Il eft impofiible de faire un
to u t de parties qui ne fe rapportent pas cutr’cllcs.
Ec
�114
Q ue penfer d’un Ingénieur qui croiroit une Ville frontière dans
le meilleur état de défenfe poifible , après la fuppreflion des ou
vrages a v a n c é s, & qui pour mettre le corps de la Place à l’abri
de toutes furprifes, -propoferoit d’abattre fes remparts ?
Q ue penfer d’un Archite& e qui veut renverfer un Palais majeitu eu x, dont l’enfemble bien régulier annonce la juileiTe des
p rop ortion s, & dont la folidité garantit la fûreté de tous c e u x
qui l’habitent, pour é le v e r, fur les débris de ce grand monu
m en t, un Edifice lég er, facile à s’em brâfer, ouvert de tous cô
té s, & dont rien ne défend les approches aux entreprifes des
brigands ?
V oilà cependant l’im age du fyilêm e qu’on propofe.
L a V ille fortifiée dont on veut détruire l’enceinte , c’eft la
Société ; les L o ix font les remparts des Citoyens » le P alais.,
c’eil le T em ple de la Juftice.
Ofera-t-ori nier qu’il eft de la prudence de maintenir un C ode
de L ég iila tio n , quand il exifte depuis plufieurs fiecles, précifément parce qu’il exifte ? O n connoît les inconvéniens de la Légiflation qui eft en vigueur y on ne connoîtra que par l’expé
rience les inconvéniens' de la Légiilation qu’on y voudra fubftiiu e r , fu r-tou t quand on veut partir d’un principe abfolument
oppôfé au principe des L o ix anciennes. U n changem ent prompt
'& inopiné peut ébranler la conftitution p o litiq u e, & une L o i
nouvelle a quelquefois été le principe d'une révolution.
C es M axim es ne font point celles de l’Auteur du M ém oire.
Il femble vouloir prémunir la fageife de notre augufte Souverain
contre la fagefî’e de fes auguftes PrédécefTeurs. N e croye\ p o in t,
Mcitî. p. ï’.jj. S I R E < , dit cet enthoufiafte de la réform ation, ceux qui vous
■diront qu il fa u t maintenir des L o ix qui ont des fiecles. L a raifon
& Vhumanité font éternelles. M ais ne s’agit-il pas de fçavoir fi
nos Légiflateurs ont confulté l’humanité & la raifon ?
Mém.p. 24ï.
N ous conviendrons avec l’Auteur que les L o ix font faites
pour les hommes, c’e ft- à - d ir e pour gouverner les h o m m es, &
�115
I
garantir leurs perfonnes & leurs propriétés ; nous ajouterons que
I
les hommes font faits pour obéir aux Loix & les refpe&er :
qu’un particulier, qui fc permet d'en faire une cenfure injurieufé i
en ôtant le m otif du re fp eft, ôte égalem ent le m otif de l’obéiffance : c’eft une efpcce de cri féditieux, d e dire à la Nation quelle*
eft. gouvernée par des L o ix injuftes, b arb ares, ’ inhumaines ; &
j
quelle affreufe fermentation ne peut-il p as réfulter de cette propo*
iition a tro c e , que rien ne peut ■déshonorer davantage nos L o ix , Mém.p.*45^
que cette rouille : de. la barbarie ■qui les couvre , ^ou le fa n g des
\
inno cens dont elles-dégoûtent.
•'
1 •
« F a u t - il, s’écrioit M . d’A g u effëau , faut-il que c h a cu n , s’é- m . d’A g u ef
» rig e a n t en L égiflateur, accufe'tém érairem ent là L o i d’injuftice,
1V) p
» le s Ju ges d’ignorance , & le Mittiftere public d’un excès de
♦»fév érité?» Cette exclamation d’un M agiftrat 'ii m o d é ré , ne
,
fommes-nous pas en droit de la renouveller, nous fes fuccefleurs,
e
nourris des mômes prin cipes, & deftinés à les transmettre à ceux
q u i doivent nous remplacer ? M ais eût-il gardé cette fage m odé
ra tio n , en lifant que /’ Ordonnance- criminelle, originaire de l ’In- Mém. p. 234
•quijition & des Tribunaux de Tibere , puifée dans une L o i tyran- ^
n iqu e. . . . rédigée avec tant de précipitatioh , de négligence & d'auto rite. . . accufée p ar lui-même . . . . n-efl p lu s défendue1que p a r le
nom de L ouis X I V .
J
D e quelle jufte indignation n’eû t-il pas été faifi à la vu«
d e cet autre paiTage encore plus incroyable ?
Quoi donc ! les p au v res, les miférables, <$*,■ comme-dit l'orgueil,
la lie de la N atio n , vingt millions ethommes, feroicnt-ils réduits à
Page 136; .j
Lavenir,
a n apprendre q u ils ont un R o i ¿¡ùs pàr les vexations
des Traitans , des Alagijlrcits qu’à la vue dés échafauds, &' un Dieu,
iju après leur mort.
... —
- Q ue de crimes réunis dans un fi petit nombrie de mots ! Un
R ° i qui n’eft connu que p a r les vexations des Traitans. Eft-il un
j
;
fclafphême ¡plus horrible contré la M ajefté R oyale ? D es M agiftrats
q u o n 11e connoît qwà la 'v u e des échafauds» Eft-il un outrage
j
�1l 6
plus cruel contre les Miniftres de la L o i ? M ais quelle impiété
de préfenter les Peuples , vingt millions d’hommes, comme ré
duits à n’apprendre qu’ils ont un D ieu qu’après leur mort. V oilà
le fruit de la liberté que réclament nos grands Ecrivains ; mais il
faut convenir aufli que c’eft le délire de la liberté.
C ’eft avec de pareilles im ages qu’on effaie de donner une
com m otion générale ; c’eft av ec des traits auffi hardis qu’on
parvient à foulever la multitude. C e genre de fédu&ion eft tout
l’art des Réformateurs politiques. Il n’eft pas un d’entre eux qui
ne fe donne à lui-même fa miffion : il reçoit fes titres de fon
propre génie. D ans le feu d e là compofition les objets fe g r o ffifle n t
à fes y eu x é b lo u is ; fon im a g in a t io n lu i cree des phantom es
pour les com battre. D ans la folitude de fa retraite, il voit à fes
côtés l’Humanité tremblante qui lui tend les b r a s , la Patrie échevelée qui lui montre fes p la ie s, la N ation entiere qui emprunte
fa v o ix , & lui ordonne de parler en fon nom.
Eh b ien ! écoutons les gémiffemens de la Patrie ; répondons
aux demandes de la N ation ; allons au lecours de l’Hum anité.
O n attaque le corps de la Légillation Françoife , on veut une
réformation. L a raifon la plus apparente eft d’a d o u c ir, de tem
pérer les rigueurs de la Loi. L es changemens qu’on propofe
font ordinairement revêtus de prétextes plaufibles, & appuyés
fur les motifs les plus favorables. 11 eft rare qu’on attaque ou
vertem ent les difpofitions fondamentales de la Loi. On ne.laifle
d’abord entrevoir fes deiTeins qu’avec timidité & circonfpe&ion ;
mais bientôt on ne craint point de fecouer le jo u g , & après
avoir ufé d’une forte de m énagem ent, on accufe d’inhumanité la
prévoyance de la L o i, & fa févérité de barbarie.
O n n’a pas même ufé de cet artifice dans le M é m o i r e
prétendu j u s t i f i c a t i f . D e quoi y eft-il queftion? D e prouver
que trois m alheureux condamnés font innocens. Le but eft' de
faire anéantir le Jugem ent par les vices imputés a. la pro céd u re,
ou d’obtenir leur g r â c e , en faifant entrevoir leur innocence.
�Quel m oyen fisM # jy o p io y é ï Q n
a,!? R w » JS 5 / u£pe-s <°nt
pr.éyajiq.ué ; la px.çcçdyje ejl » # e ; h S&M miïSÛPP ^ A £ jy .%
C es ^motifs ito ie n t ,ia$S .dp,Vie -fuirai}? ppy.r avertir la ju ftice
d’un Souverain ; attentif ,*ui ¿tojjJjejjr .de jfe$ Sujets. M,ais coçim e
£ on vouloir faire yioiencç & j[a bojptç du îyionarque 7 on
ajoute ; les Lç,i# fp i# çfintrpiref $ M JLpi naturelle y à la. L o i de
P ie u même ■>qu i t jjt le premier fégifl.Qtcur.
etn.p. n j
L es M agijlrats adoptent des M ax içicf homicides, érigent la R é fle x . infià
dureté en fyfiév\e j & la voix de,s Criminalifles menace . . . . . . .
l ’innocence, Je malheur 3 & le Peuple .dans t0U(te lptendue du Mim. p. 133
R oyaum e.
L e croiroit-on? la réunion de tant d ’injures a pour unique fon
dement le fecret avec lequel toutes les procédures s’inftruifent
dans les Tribunaux. C e fü en ce, d it - o n , eft infultant pour la
N a tio n ; &: dans une Brochure a n o n y m e , jettée dans le P ublic,
pour juftjfier le Mémoire prétendu ju jlific a d f on s’eft permis de
Réflexior
faire envifager ce filence comme « l’équivalent de la L o i an- jj““ gVadué*
» ciennement établie en Corfe , où le Gouverneur G énois faifoit
»tu e r un homme
e x
in f o r m a t a
c o n sc ie n t ia
.
» E t l’ufage des
C ours d’inférer dans leurs A rrêts, pour les Qas réfultans du procès ,
couvre le deffein coupable de fe réferver le droit de rompre , ou de
garder le jilence , fuivant des motifs particuliers.
L ’Auteur du Mémoire prétendu ju flifîca tif eft au moins plus
m odefte; il ne fuppofe point aux -Magiftrats des deifeins pervers,
des motifs h o n te u x , une prévarication combinée. Il attribue le
fecret de la procédure au Chancelier P oyet. D ans fon O rdon
nance , il n’a fongé qu’à trouver des co u p ab les, qu’à trouver
des p re u v es, q u’à trouver des témoins. L a feule chofe dont il
ne fe foit pas occupé , c’eft de trouver des innocens.
Il faut donc détromper l’A uteur, .& lui dém ontrer, par la
fucceilipn des L o ix du R o y au m e, que cette L o i exiftoit depuis
long-temps avant l’infortuné P o y e t, & q u e lle .étoit en ufage au
moins depuis le regne de Louis I X .
�1
z 8
N ous avons fait voir que l’abolition du com bat judiciaire avoit
néceffité une nouvelle forme de procédure. L ’inftitution d’un Acc u fa te u r public écartoit tous les foupçons de h ain e, de vengeance,
& de frau d e , qui accom pagnoient les accufations publiques. L e
Procureur G énéral du R o i , par lui ou par fes Su b ftitu ts, étoit feul
chargé de cet important miniftere. E t l’Ordonnance de Philippe V I,
de 13- 34, nous apprend qu’on ne pouvoit informer qu’à fa re
quête , & fouvent avec des Lettres émanées du grand fceau. L a
procédure ne pouvoit plus être publique , puifque* le R o i lui -même
fe chargeoit de la pourfuite des criminels par le miniftere de fon
Procureur Général : & c’eft cet établiiTément qui eft la véritable
caufe du fecret tant reproché dans la forme de n o tr e inftru&ion
criminelle. Q uelle e ft n é a n m o in s la r a ifo n q u i fait que la procé
dure eft abfolument ignorée jufqu’au moment du décret? C ’eft
qu’il n’y a que le décret qui conftitue l’Accufé , à moins que le
délinquant n’ait été furpris en flagrant délit. M ais indépendam ment
de ce premier m o tif, il en eft un bien plus p ré c ie u x , & qui
journe égalem ent à l’avantage de l’innocence & du coupable.
N o u s a u rio n s de la peine à le t r o u v e r d an s le s m o n u m e n s des
premiers R ois de la troifieme R ace. A peine en eft-il échappé
quelques-uns à l’injure des temps. M ais Louis X I I ,
le
P erl,
du
, nous l’apprendra dans fon O rdonnance donnée à Blois
en 1 4 9 8 ,
D ans les tems de la plus haute antiquité , les Accufés connoiifoient par l’information publique , & le crime qu’on leur
P euple
im putoit, & les Tém oins qui pouvoient dépofer contr’eiix. C ette
publicité laiifoit néceifairement une porte ouverte à la fraude ,
&: la fubornation étoit d’autant plus facile , que l’Accufé avoit
droit de faire entendre des Tém oins pour fa juftification.
C e font ces m achination s, ces complots concertés dans les
tén èb re s, & toujours trop tard reconnus, fouvent impcffllbles à
pénétrer , que les L oix ont cherché à prévenir dans le principe.
Par nos anciennes O rdonnances , tk par les*Stiîes. Criminels
�3.Z9
les plus antiques, on reconnoit que les procédures’ s’inftruifoient
dans, l’intérieur des premieres Jurifdi& ions ; qu’elles étoient ap
portées au Greffe de la C our par un Officier prépofé à cet e m p lo i,
& qui étoit chargé en même tems de la. conduite des crimineux.
Charles V II ordonna que :
« Les Prifonniers feroient amenés tout droit ès priions du Parlem ent,
Ordonnance
» fans p ou voir arrêter en aucun en d roit, à peine par l’Exécufeur qui les donnée à Morvtils-lez-Toufs*
» menera, ( c ’eft le nom qu’on donnoit à l’Officier chargé de la co n d u ite) Avril 1443.
» à peine -de perdition d’Office & d'amende arbitraire ».
Article 30.
L ’Article fuivant ajoute :
« Incontinent que ledit Crim ineux fera mis ès prifons denotredite C o u r,
V . Rcc. de
Néron.
Art. 3i,//« n .
» ceux qui l’auront amené mettront pardevers icelle notredite C o u r , les
» inform ations, confeflions, charges & procès touchant la matiere d’iceluî
» Crim ineux ou Prifonnier , & c . ».
E t par une derniere difpofition, il eft
..
« Défendu de laiffer parler à aucune perfonne icelui Prifonnier, fans une
» ordonnance e x p re ffed ela C o u r , à peine par le G eôlier d’en être gricve» ment puni ».
Il étoit donc d’ufage d’apporter les pieces de la procédure au
Greffe de la Cour. L e conducteur des Accufes ne pouvoit les
laiffer voir à perfonne pendant la route , & le prifonnier ne pou
voit communiquer avec qui que ce fût fans un ordre fpécial de
la C our. C ’efl dans cette fo rm e, très-ancienne à cette époque ,
.qu il faut chercher l’origine du fecret.
L a procedure ne pouvoit refter toujours couverte d’un voile
im pénétrable.; elle ceffoit d’être fecrette au moment de ia con
frontation.
L e Ju g e alors o rd o n n o it, p a r'u n même Ju g e m e n t, que les
Tém oins produits par PAccuiàteur feroient récolés & confrontés ,
en même tems que l’Accufé nommeroit les .Tém oins par les
quels il entendoit juftifier fon innocence.
Article 33;
�...
■.-Í2>&
; ^,Í0
i«
t
C 'eíl ía diípoíitidn de ^O rdonnance donnée à Blois en 1 4 9 8
par Louis X I I , que nous avons déjà annoncée.
Q ue porté cette Ordonnance ?
'
,
1
J
.
Ordonnance
w Incontinent ierorit montrées íes informations & cdrifeflions des A jour
ne Louis X II, » n é s , arrêtés & em prifonnés, à nos Procureur & A v o c a t, pour requérir
à B l o i s , Avril
Ar
/.
,
.
y /i• ' a
¡il"
1 1498,3«. 107. w c e q u ils verron t etre a requerir pour le bien deJultice ou notre in térê t,
V
[
Ij
Recueil de » fans
rién ért foit montré dii communiqué aux Parties ».
Néroii.
V o ilà déjà le fecret impofê fur l’information & fur1 Hnterro.
1
gatoire. Cette L oi ne fe conteñte pas d ^ c e tte premiere difpo!
j
iîtion , elle va plus loin encore.
Article 110.
’
;
« Quant aux Priformiers ou autres accufés de crime auxquels il faudra
» faire procès crim inel, ledit procès fe fera le plus diligemment & fecrete>> rrient que faire fe pourra , en maniere qu’aucun n ’tn foit averti pour
» éviter les fubornations & forgemens qui pourroient fe faire en telle
» matiere ».
E t l’A rticle fuivant détermine le moment où l’À ccufé aura
Cônnoifiahcô de la procédure , fans lui dohncr encore une véri
table publicité.
Article n i
)
’
w
^eront toutes ^cs diligences néceflaires, de plus amples inform ations,
» récolemfenî & confrontation de tém oins, ôu pour la vérification de Valibi
» ou autre fa't juftificatif, fi aucun y én a recevable, pour ou contre le Pri» fonnier-, le plus diligemment &: fecretément q u e.faire fe pourra , en
» maniere que aucun n’en foit averti ».
Il n’y a pas d’apparence que cétte L oi fût.une L oi nouvelle ;
mais elle attefte au moins quelle étoit la forme dé procéder en
matiere" crim inelle fôùs lé regne de Louis XII. L à procédure
i
teilo it irtcôrtnùô ■àux A cêu’f é s , jufqu’aù moment de la confron
tation } & auflitôt après la confrontation, on admettoit la preuvfe
tics faits juftifièa'tifs -, j î ‘hucïm ÿfôit ïÇ&vSTe.
C ette O rdonnance éft là plWs ‘ài¥èfè't\nc ‘de's tifri* t'ôfïfracs qui
•fe forent directement c'Kplii}liées 'fur
4è
iccret dé la procédure.
Celles qui précédent le font préfum er.
Elle
�Elle ordonne d’abord que le Miniftere public prendra commu
nication des informations & confeifions des A c c u fé s, fans que
rien en foit communiqué aux Parties : ce qui fuppofe qu’il y a
un Accufateur autre que le Procureur Général. Ni le plaignant,
ni l’Accufé ne doivent avoir connoiflance de la procédu re, même
en matiere légere.
- Elle ordonne , en fécond lie u , qu’à l’égard des A ccufés de
crime , le Procès leur fera fait le plus diligemment. & fecratement
que faire 'fe p o u rra, en maniéré qu aucun rien fo it averti , pour
éviter les fubom ations & forgemens qui pourroient fe faire en telle
matiere.
L e m otif de la L o i a donc été de prévenir la fubornation , fi
facile dans une procédure publique ;
ce fecret eft im p o fé ,
autant pour empêcher l’innocence d’être inculpée par les com
plots des Accufateurs , que pour empêcher les coupables de fe
fouftraire à la punition par la dépofition de Tém oins aflidés. E t
l’on nous dira que nos L oix ne fe font occupées que de punir les
criminels , & qu’elles n’ont jam ais fongé qu’un Accufé pouvoit
être innocent !
E n fin l’Ordonnance prefcrit, en troifieme lie u , que les récolemens & le s confrontations, même la vérification de Yalibi ou autre
f a i t , s’il y en a de recevable pour ou contre le prifonnier, ie
feront le plus fecretement que faire fe pourra , en maniéré qu aucun
rien fo it averti. Cette O rdonnance eft plus rigoureufe que
toutes celles qui ont fuivi j car il en réfulte que c’étoit le Ju ge
q u i , d’office , admettoit les faits juftificatifs , fans même que
l’Accufe en fût averti. V oyons à préfent à qui cette Ordonnance
peut etre attribuée. Quel étoit le Chancelier de Louis X II a cette
époque ? C ’étoit G u y de R o c h e fo rt, nommé le 9 Juillet 1 4 9 7 ,
& mort le 3 1 Janvier 1 5 0 7 . Pierre G uefnoys , dans fa Confé
rence, cite l’article 9 0 d’une Ordonnance de Louis X I I , donnée
pour la N orm an die, qui ordonne que les Ordonnances de
VII &
VIII feront
g a rd é e s, & qui
Charles
Charles
entièrement
Ff
�132
contient la même difpcfition que celle de 1 4 9 8 . C ette fécondé
parut en 1 5 ° 7 > fous le Chancelier Jean de G an n ay , fucceifeur
de G u y de Rochefort ; mais nous n’en avons trouvé le texte
dans aucuns f de nos Recueils.
Après la mort de Louis X I I , François Ier renouvella ces L o ix
dans fon Ordonnance donnée à Y z-fu r* T ille au mois d’O fto b re
ï 5 3 5 , pour la Provence. On trouve au Chapitre 1 3 , des pro~
tédures à obferver dans les Procès criminels , Articles 23 & 2. 6 ,
les mêmes expreffions concernant le fecret, les mêmes motifs de
fubornàdon & de forgement , & la même difpoiïtion fur les faits
’
|.;
;
!
t
|
;
‘
juftificatifs : qui feront vérifiés en maniéré qu’aucun n’en fo it averti.
O n n’a fait encore que tranferire littéralement les Art. 1 10
&: 1 1 1 de FOrdonnance de 1 4 9 8 .
C e fecret tant recommandé h’en étoit pas plus religieufement
obfervé ; les mêmes inconvéniens de corruption & de fubornation firent tomber en défuétude la double initru&ion du crime &
de l’innocence auflitôt après la confrontation.
Il y auroit cependant eu plus que de l’inhum anité, d’enlever
aux Accufés le droit naturel d’établir leur juftification par des
faits pGrtinens & admiifibles.
L ’O rdonnance donnée par François Ier à V a le n c e , pour la
Bretagne , en 1 5 3 6 , introduifit une nouvelle forme.
Elle ordonne que :
VU P G u e fn
" - ^ P r ^ s ^e s confrontations faites & parfaites, le Juge verra le p ro c è s;
p. 7 4 0 , a rt. 19. » & s’il v o it qu’il y ait des faits juftificatifs & qui foient perem ptoires,
O rd o n n a n c e » ou faits de reproches recevables, lefquels v é rifié s, le Prifonnier ne defenccéC>ouVîâ ” meurera fuffifamment convaincu; il ordonnera que lefdits faits feront
B re ta g . 1536. » extraits & montrés au Prifonnier pour nommer témoins par lefquels il
>> entend in form er; ce qu’il fera tenu de faire promptement & fans lui
» donner délai pour ce faire ».
C e n’étoit pas ôter le droit de juftification , c’étoit en retar
der l’exercice. L a L o i non - feulement recule le moment où
l’A ccufé pouvoit être admis & avoit coutume de propofer fes
�235
•
faits juftificatifs ; mais elle ne laiiTe pas aux Juges la faculté d’ad
mettre indifféremment tous les faits juftificatifs propofés par l’Accüfé ; elle les oblige à faire eux-mêmes le choix de ceux qui feront
recevables pour opérer la juftification, ou pour valider les re
proches.
C es deux O rdonnances, quoiqu’en voyées, l’une en Provence
l’autre en B retagn e, étoient deilinées à devenir une L o i générale.
Peu après leur publication , faite fous le Chancelier Antoine
D ubourg , nommé en Juillet 1535, & mort au mois de Novem bre
1 5 3 8 , on vit paroître l’Ordonnance de 1 539. Elle fut adreflee à
tous les Parlemens du Royaum e * & nous ne voyons pas qu’au
moment de la vérification, elle ait occafionné aucune réclam ation.
Cette Ordonnance , datée de Villers - Coterets , renferme
plufieurs difpofitions, relativement à la procédure en matiere
criminelle.
L a premiere concerne les récolemens &: confrontations.
« Quand les témoins comparoîtront pour être confrontés, ils feront
Ordonnance
»• incontinent récolés par le Juge, & par ferm ent, en l’abfence de l’Ac-
de 1 5 3 9 , art.
» c u fé , & fur ce qu’ils perfifteront & qui fera à la charge de l’A c c u fé , lui
» feront incontinent confrontés féparément &
*53-
p a rt, &c l’un aprcs l’autre >\
C et Article ordonne que tous les Tém oins feront récolés ; & s’ils
perfiilent, & que leurs dépofitions faifent charge contre l’A c cu fé ,
ils feront confrontés féparément.
Pour avoir l’intelligence de cet Article , il faut fe rappeller
qu anciennement le récolement & la confrontation fe faifoient,
pour ainfi dire , au même inftant, par un même a é le , peut-être
pourroit-on dire , l’Accufé préfent avec tous les Témoins.
C ’eft M . lé Procureur Général Bourdin qui nous l’attefte. Il dit
dans fa paraphrafe fur cet article :
« Ici cft décrite la forme & la maniéré de réçoler & de con» fronter les Tém oins , parce qu’une bonne partie des Juges
» s’abufoit fouvent en c e la , récolant & confrontant les Tém oins
F fz
Rccuei! de
Néron, p. 50
�134
» tous enfemble & à une feule fo is, contre la forme de droit ».
Il eft évident, par le texte même de cette O rdonnance, qu’elle
a voulu réformer un abus qui s’etoit introduit contre la forme de
d r o it . Seront incontinent confrontés } f¿parement & à f a r t , & l’un
après l’autre.
Il faut encore obferver que le récolement n’a été introduit qu’en
faveur de l’A ccufé, & parce que le Ju ge ne procédoit pas lui-même
à l’audition des Tém oins dans l’information. Fon tan on , dans une
note fur cet A rticle, obferve «q u e les N o taires, Tabellions &
» G reffiers, & ceux qui procédoient alors à la confe&ion des
» inform ations, de TO rdonnance du Ju g e , fe comportoient fort
» mal en ce devoir, & par malice ou ign o ran ce, c h a n g e o i e n t ou
» e x a g e r o i e n t les d é p o r t i o n s , d’où s’e n f u i v o it un grand m a l, s’il
» n ’ é t o it corrigé par le m oyen du récolement ».
M ais fi l’Article eft précis Iorfqu’il ordonne que tous les Tém oins
qui feront charge feront confrontés, il n’a pas ’la même précifion
quant à ce qui concerne les récolemens. Il dit iimplement qu’ils fe
ront récolés par le Ju g e , fans s’expliquer s’ils doivent tous être récolés.
Il paroît que cette queftion étoit alors très-agitée : & il réfulte
de ce que la chofe étoit mife en queftion , que le récolement fe
faifoit à l’arbitrage du J u g e , qui étoit libre de récoler les uns & de
ne pas récoler les autres.
A cette o ccafio n , Dumoulin demande « ii, fur trois ou quatre
» T é m o in s, il n’y en a qu’un feul qui ait dépofé à. déch arge,
»> doit-il être récolé ( i ) » ?
« O n ne le fait pas ordinairement, & le Ju ge n’eft pas obligé
»> de le faire (2 )
« M ais pourquoi ordonne-t-il donc en général que tous les T é » moins comparaîtront devant lui (3) » ?
(1)
Q u k l ergo
fi e x t r i b u s v c l q u a t u o r t e f t i b u s e f t u n u s q u i t a n t u m
n o n ¡lie d e b e t r e c o la r i.
(1)
C erte
n o n fo let n e c tc n ctu r ju d e x .
( 3 ) Q llîrc erB ° ju bet in gencrc teftci a Jd u c i.
décharge l'Accufé
�Z 0
9
235
« . . T T .. Il eft évident ( conclut ce Jurifconfulte ) que le Ju ge
* doit faire venir tous les T ém oin s, qu’il doit les récoier, meme
» celui qui opere la juilification, autrement il fait tort à l’Ac» cufé ( i ) » .
Cette concluiion ne feroit pas bien intelligible , ii nous n’avions
pas expliqué d’avance que le Juge ne faifoit pas lui-même les in
formations : c’étoient les N otaires, les Greffiers, même les Huiffiers ;
enforte qu’il faut interpréter le verbe Latin a u d ir e , par le verbe
François réco ier , & le récolement étoit, pour ainfi d ire , une
fécondé audition des T ém o in s, mais faite devant le Ju ge en perfonne ; quand un Tém oin a été affigné, jamais on n’a fait difficulté
de l’entendre, lorfqu’il dépofe de l’innocence d’un Accufe.
C ’eft néanmoins fur l’ufage de ne point récoier le Tém oin qui
dépofoit à déch arge, que Dumoulin s’eft récrié : « V o y ez l’injuf» tice d’uae L o i qui enleve même la défenfe d’un Accufé (2.) ».
M ais , qu’il nous foit permis de le dire, il n’y a que les T émoins
confrontés qui faftent charge contre l’A ccu fé , il ne s’agit encore
que de la preuve du crime ; il fera queftion enfuite de la preuve
de l’innocence ; la dépoiition du Tém oin qui parle à décharge n’eft
pas rejettée du P rocès; -elle y demeure , & c’eft peut-être dans la
dépoiition de ce Tém oin nonrécolé que le Juge prendra les faits
juftificatifs. Alors ce Tém oin fera récolé & confronté; le Ju g e , en
faifant la viiite du P ro cès, ordonnera le récolement & la confron
tation , fi la dépoiition peut opérer la juftification de l’Accufé.
L ’article i <4 réglé la forme de la confrontation.
o
« L ’accufé & le témoin doivent en préfence l’un de l’autre prêter fer» ment de dire vérité : & avant la le£hire de la dépoiition en preience
» de l’a ccu fe , le Juge lui demandera s’il a re p ro ch es h fournir; enjoint de
» les dire prom ptem ent, autrement n’y fera jamais re ç u , dont il fera bien
» expreflcment averti par le Juge ».
( 1 ) Patet quod etiam jtitlex debet jubcrc omnes teftes venire , & debet audire etiam
e u m qui ad juftificationcm tantum facit, aliàs gravat.
(2 ) V i d e duritiem iniquiflimam per quam etiam defenfio aufertur. Molin. Opir. T. a.
P. 791.
, 0r(icnnan(:e
de 1 5 3 9 , a n .
15 4 .
1
�2, 3 6
C e m om ent, fixé pour fournir de reproches, paroît encore un
grief à Dum oulin, parce qu’il femble exclure la plainte en fubor■nation.
L ’article 15 5 décide :
Article i j ) .
« Q ue fi l’accufé propofe de bailler fes reproches par é c r it, il n ’y fera
» point admis ».
E t M c Dumoulin convient que il auparavant la confrontation
l’Accufe avoit fait écrire fes reproches , & vouloit em ployer cette
écriture pour reproches fans autrement les réciter, il n’y feroit pas
recevable ; C a r ce pourroit ctre une occafion de faire forger des fa its
de reproches p a r A vocats, & puis les employer.
L ’article 1 56 ordonne :
Article 157.
_ « Q ue les Procureurs du R oi donnent leurs conclufions incontinent après
» les confrontations faites & parfaites ».
M ais l’article 157 ajoute :
« Et s’ il fe trou ve que l’aCcufé ait allégué aucun fait pérem ptoire fer» vant à fa décharge ou innocence, ou aucuns faits de reproches légitimes
» Sc recevables, il ( notre Procureur ) requerra que l’accufé foit prom pte» ment tenu de nommer les témoins par lefquels il entend prouver lefdits
» faits juftificatifs ou de reproches, finon prendra fes conclufions défïni» tives ».
L ’article 15 8 prononce :
Article 15 S.
« Et fur lefdites conclufions, verra le Juge diligemment le p ro c è s , &
» fera extrait des faits recevables, fi aucun y en a à la décharge de l’accu fé,
» foit pour juilification ou reproche , lefquels il montrera à l’accufé , 6c lui
» ordonnera nommer promptement les témoins par lefquels il entend in» former defdits fa its, ce qu’il iera tenu de fa ire , autrement n’y fera jamais
» reçu ».
Enfin l’article 159 porte :
t ■
Ar t i c l e 15 9.
« V oulons que les témoins que ainfi feront nommés par les accu fés,
>» foient ouis & examinés ex ojjîcio par les Juges ».
�2 37
Nous venons de mettre fous vos yeux l’abrégé de FOrdonnance
d.e ï 539 > & nous fommes entrés dans ce détail pour démontrer
que cette Loi n’eft que le Commentaire des Ordonnances de
Louis X II, en 1498, de François Ier, en 1535, pour la Provence,
8c du même Prince, en 153<5, pour la Bretagne»
5 i ? à l’occaixon de cette L o i, ou plutôt de, quelques articles de
cette J-oi,
la dureté naturelle à M? Charles Dumoulin, a laiffé
échapper de fa plume l’expreffion d'impie, qu’il donne au Chan
celier Poyet dans des Notes rédigées à la hâte, comme le ftyle
moitié François,' moitié Latin, femble l’indiquer j Notes que ce
gr^nd génie avoit faites pour lui feu l, 8c qui font fouvent û énig
matiques , qu’il feroit à fouhaiter que les Le&eurs enflent autant
de facilité à les comprendre, que Dumoulin a eu d’activité à les
produire ; peut-on en conclure que la venueufe indignation de l’un
des plus célébrés Jurifcpnfukes François, fpit une raifon fuffifante
pour fe- permettre de blâmer tout le contenu de ^’Ordonnance
de 1539 ?
> Dumoulin a recueilli toutes les idées qui fe font préfentées
à fon efprit ; & cette C o lle& io n , à laquelle l’Auteur n’a
pas mis la derniere m ain, a été commencée pendant qu’on in£*
truifoit le Procès d’un Chancelier accufé de prévarication. D u
moulin a eu l’attention de iixer l’époque où il travailloit, & il
attelle que le Chancelier Poyet fut jugé fur la Loi qu’il avoit
lui-même fait publier, c’eft-à-dire qu’on ne lui confronta que les
Témoins qui avoient dépofé à charge contre lui, ainii qu’il eil
porte dans l’article 153 de cette Ordonnance, & c’eit à ce fujet
que cet Oracle de la Jurifprudence fe récrie :
« Quelle durete plus inique que celle d enlever même la de» fenfe à un Accufé ! Mais la Juilice divine 1a fait retomber fur
» fon Auteur, parce que la plus grande partie des Juges a voulu
» conferver cette difpoiition de la Loi dans le Règlement du pré-
�238
» fent mois d’061obre 1544; niais la conféquence eit très-peis
» nicieufe ( 0 ” •
Un peu plus lo in , dans le même Commentaire, fur ce quel’Ordonnance porte que l’Accufé nommera promptement fes Tém oins,
ïmon qu’il n’y fera plus reçu , Dumoulin s’écrie encore : « V oyez
» l’opinion tyrannique de cet impie Poyet (2) ».
Dumoulin s’eft trompé quand il reproche au Chancelier Poyet
le peu de délai accordé à l’Accufé pour nommer fes Témoins ;
cette difpofition exiftoit déjà dans l’Ordonnance de 1536, publiée
fous Antoine Dubourg.
Le fecret a toujours été la bafe de notre Légiilation criminelle :
à l’égard des moyens de juftification, il y a une gradation dans nos
Loix.
D ’abord, le Juge choifiiToit feul les faits, & faifoit entendre les
Témoins ex officio.
Enfuite le Juge choifiiToit les faits, mais il les montroit à l’Accufé qui indiquoit les Tém oins, & cette communication fe faifoit
aufli-tôt après la confrontation.
Enfin, on a remis la preuve des faits juftificatifs après la \ifite du
Procès, & l’Accufé a été admis à préfenter lui-même fes faits juf
tificatifs.
Mais les invc&ives de Dumoulin, au moment où la Loi venoit
d’être publiée, peuvent-elles être répétées par la bouche d’un
inconnu? Peuvent-elles être préfentées comme un moyen de
prolcription, fur-tout quand l’Ordonnance de 1539a été refondue
dans toutes les grandes Ordonnances du Royaume ?
Cette Loi avoit pour objet 1abréviation des Procès, d’empêcher
les Tribunaux Eccléfiailiques d’entreprendre fur les Juftices ordi
naires, & d’ordonner la rédaction de tous les a6ïes publics en lan( 1 ) Vicie duritiem iniquiifimam per qiiam etiain defenfio aufertur. Sed nunc judiclo
D e i jufto redundat in authorem, quia major pars judicum voluit hanc fervare conilitutionem hoc menfe oûobris 1 544. Sed eft pïrniciofiflima confvqucm ij( üurnoul. loco ciiJto,
(3 ) \ ¡de ryrunnicam opinionem illius îinpii Poyet}.
g ag e
�*39
gage François. Elle n’introduit pas un droit nouveau en matiere
crim inelle, elle n’a fait que renouveller, étendre, interpréter ce
que les Loix précédentes avoient déterminé. L ’Auteur du Mémoire
veut là faire envifager comme une L o i barbare & inhumaine.
E lle s’eft préfentée fous un afpe 61 bien différent à l’Auteur de l’abrégé
chronologique de l’Hiftoire de France. L e Préfident H ain au t, dans
fes Réflexions à la fin de chaque r e g n e , partie la plus eftimée de
fon O uvrage, obferve « qu’on avoit attendu bien long-tems à faire
» une ii fage Ordonnance » ; & M . le Chancelier d’Aguefîeàu en
fait un éloge qui ne peut pas être fufpeft dans la bouche du M a-
¿ait.
p*633*
Tome II,
giilrat le plus ami de l’humanité.
* C e reproche de barbarie eft uniquement fondé fur quelques
articles vraiment rigoureux ; mais cette extrême févérité a été
adoucie dans la pratique, d’après le tém oignage même de M . le
Procureur-Général Bourdin, dans la Paraphrafe qu’il a faite de
cette Ordonnance ; & ce qu’il y avoit de trop rigide n’a jamais
reçu d’exécution littérale que contre le Chancelier qui en a réuni
les difpoiitions.
Cette obligation de nommer fur le champ les Tém oins fans
pouvoir être dans la fuite admis à les indiquer, ne s’exécute jamais
à la rigueur vis-à-vis des Accufés ; « car il faut grandement favoRecueil de
» rifer l’in n ocen ce: (d it le même Procureur G én éral) ii les Neron’ P*-5Q*
» Accufés ne font pas m ém oratifs, s’ils ont mis en oubli quelque
» ch ofe, on leur accorde un bref d é la i» ; mais qui n’eft jamais
aifez long pour pouvoir s’alfurer des Tém oins qu’ils voudroient
faire dépofer en leur faveur; & ii le Miniftere public, rigide obfervateur de la ré g lé , fe’ permet d’ufer d’une condefeendance qui ne
peut être contraire à l’efprit du Légiflateur, peut-on fuppofer qu’on
ne trouvera pas la même indulgence dans le cœur de tous les
M agiftrats ?
L ’Ordonnance de 1539 a reçu fa pleine & entiere exécution
depuis le moment où elle eft devenue une L oi générale du Royaum e ;
Gg
�140
malgré les obfervations de D um oulin, elle a confervé toute fen
autorité. Nous fommes convenus que certaines difpofitions poüvoient paroître rigoureufes à ceux qui préferent l’intérêt d’un feul
à l’intérêt général ; mais il y a loin de la rigueur à la barbarie.’
N ous ne ceflerons de le répéter , il faut que le crime foit puni ;
la Juftice doit tout faire pour découvrir le coupable : la fûreté pu
blique en démontre la néceffité. M ais plus l’inilruélion a été rigoure u fe , plus le Ju ge devient circonipeft lorfquil faut condamner.
Il s’eft
armé de févérité dans la recherche du Criminel ; l’humat
nité fe fait entendre au moment du Jugement. D e quoi peut-on
juftement fe plaindre dans l’ordre que la fageife de nos Loix a
établi ? Si la juftification paroît avoir été négligée pendant le
cours du P ro c è s, c’eft dans le Procès même que la preuve doit
fe chercher. Après la v ifite, l’innocence jouit du droit de fe dé
fendre} elle fe fait écouter ; le M agiftrat faifit tous les indices qui
peuvent la faire connoître j il en ordonne lui-même la p reu ve, &
dans le d o u te, le Jugem ent eft d’autant plus favorable que l’inftruiKon a été plus févere.
U ne obfervation qui ne nous doit pas échapper, fe fait jour au
milieu des grandes Ordonnances du Royaum e. L ’Ordonnance de
V illers-C oterets-eft de 1539, l’Ordonnance d’Orléans de 1 5 6 0 ,
rOrdonnance* de-Moulins de 1566, & l’Ordonnance de Blois de
1579. Elles font toutes du même fiecle ; elles ont toutes pour
objet la réformation de la Juftice. L es trois dernieres ont été ren
dues fu r les plaintes, doléances & remontrâmes. des trois E tats du
Royaume. O n ne s’occupoit que de. nouvelles formes & de nou
veaux Réglem ens ils fe font fuivis avec tant, de rapidité, qu’on
pourroit penfer que ce fiecle a produit plufieurs C odes différens.
E t dans toutes, ces L oix folem nelles,*oii la Nation demandoit pour
ainfi dire juftice à fon Souverain, on ne trouve aucune réclamation
ni contre la forme de procéder, ni contre la barbarie de l’O rdon
nance-de François Ier. Eh qu o i! la Nation 'fcntiere,. aflemblée pour
délibérer fur fes intérêts, a été aflez aveugle pour ne pas deman-
�2 7 /
*1-
141
cîer en cette partie la réformation d’une Légiilation bizarre & con
traire à la L o i naturelle, L o i innée & gravée en cara&eres ineffa
çables dans le cœur de tous les humains! L a France., dans l’inac
tion, fembloit attendre qu’il parût un génie plus entreprenant, qui
vint réveiller la Nation fu r de grands intérêts trop long-tems oubliés !
Mais n o n ; le François, content de fa L égiilation, ne s’occupoit
pas même du deiïr d’en créer une nouvelle.- L ’Auteur du M é
moire en donne une double raifon. Si l’on invoque la fageffe de Mém. p. 219.
nos peres , il répond que toute l’hifloire étoit le témoin & le réfultat de
leur barbarie & de leur ignorance. L e tableau n’eft pas flatteur pour
nos ancêtres : barbarie du fiecle, barbarie des efprits, barbarie des
Loix j l’Auteur ne voit par-tout que la rouille de la barbarie ; & les
grands hommes qui ont préparé la renaiffance des Lettres, n’étoient encore qu’au crépufcule de la lum iere, qui vient diffiper
jufqu’aux ténebres où l’eiprit humain efl demeuré enfeveli.
Si l’on ofe parler de la fageffe des Légiilateurs attentifs aux
plaintes de leurs Su jets, & qui fe font prêtés à leurs inquiétudes ,
l’Auteur du M émoire juftificatif ne craint point d’accufer nos Sou
verains d’indifférence & de cruauté pour les peuples fournis à leur
Gouvernement \ L a Jurifprudence criminelle, dit-il, a été jujqu'ici
abandonnée aux Criminalifles par nos Monarques, trop occupés la Mém. p. 117,
plupart d'accroître leur puijfance pour s'occuper du bonheur de leurs
Sujets, trop accoutumés à prodiguer le fang de leurs Peuples fous le
glaive de la victoire, pour le ménager dans les Tribunaux criminels
fous le glaive de la Juflice.
.
Nous avons beaucoup de peine à concevoir ce que l’Auteur veut
dire par une Ju rif prudence abandonnée à des Criminalifles. Nous
connoiffons deux fortes de Jurifprudences ; l’une qui embraffe les
L oix générales de la Nation & les Loix particulières, comme les
C outum es, les P rivilèges, les Réglemcns faits dans chaque T ri
bunal.
•
L a féconde eft la Jurifprudence qui fe forme par une fuite non
interrompue d’Arrêts -toujours les m êm es, dans les mêmes circonfGg 2
�m
242
tances. N ’eil-il pas conforme à la. faine raifon d’avoir recours h
l’autorité de la chofe ju g é e , quand il fe préfente un point de fait fur
lequel la L oi n e s’eil pas expliquée ? Les plus grands. M agiilrats font
toujours convenus que l’ufage étoit le plus fur interprête de la Loi.
Dans l’une & dans l’autre efpece, & fur-tout en matiere criminelle,
la Jurifprudence n’eil abandonnée ni aux Com m entateurs, ni'aux
Arrêtiiles. Les Commentateurs cherchent à pénétrer le fens d e .la
L o i ; ils en donnent l’interprétatjon ; ils propofent leurs fentimens :
mais jam ais cette opinion n’a fait L o i dans les Tribunaux. O n les
confulte pour s’inilruire, -pour concilier les contradictions appa
rentes ou effe£tives de l’elprit hum ain, pour fe former une idée
plus juite par la diverfité même de l’avis des Auteurs qui ont agité
la queiliçm. Dans ce com bat, qu’une fage méfiance fait naître
entre le Jug~ & ceux dont ilp e fe les ctéciiîons, il eil fouvent forcé
d’en revenir au fens littéral des articles de l’O rdonnance, & le
Légiflateur ja. toujours la prépondérance fur la pénétration des
Jurifconfultes les plus profonds.’
r~
Quant aux Arrêtiiles , ils ne s’attachent qu’à recueillir les d é d
iions du moment , à propofer le véritable état* de la difficulté ,
à rapprocher de l’Arrêt les motifs fur lefquels il a été rendu.
C es Recueils de d é d iio n s, quand elles font uniformes fur le
même o b je t, pourroient peut-être former un C ode authentique,
fi l’efp ece , les circonilances & les motifs étoient exactement rap
portés, ou fidelement appliqués par celui qui veut en tirer avan
tage. M ais comment rendre cpmpte à la poilérité des faits,,
des aveux , des preuves qui ont pu fervir de bafe à la con
damnation ou à l’abfolution d’un Accufé ? U n Arrêt tranferit par
vingt Auteurs fur la foi du prem ier, feroit un flambeau trop incer
tain , & les M agiilrats ne font point accoutumés à fe déterminer
¡jar des Iumieres auffi dangereufes.
Emprcifons-nous donc d’écarter ces grands mots de maximes,
Ménup. 227, barbares que les Crlminaliflcs ne cejfcnt d'établir.
L a L o i feule cil le guide du M agiilrat ; il interroge la lettre des
�3
M3
Ordonnances j il en combine les difpoiitions ; il les rapproche
pouf mieux en pénétrer l’efprit ; & quand il eft <convaincu, il en
fait l’application d’après fes propres lumieres & dans le témoignage
de fa confcience. L a véritable inhumanité eft de donner à penfer
au Public que l’opinion des Crim inaliftes, quelqu’éclairés qu’on
les fu pp ofe,foit la bouffole & la réglé des Tribunaux ( i ) .
( i ) Q u i l s fonl ces Cr'iminaliiles qu’on accufé de tant de barbarie ? C e f o n t , pour la
plupart, gens en place, & généralement eftimés.
Jean-Imbert de la R o ch e tte, Lieutenant Particulier à Fontenai-le-Comte. Son O uvrage
eft intitulé InJlitutioneiForenfes. 11 parut en 1 5 3 5 , avant l’Ordonnance de V illers-C oterets,
& dépofe des formes alors ufitees.
Julius Clarus, Confeiller à M ila n , Auteur d’un Livre qui a pour titre Pratica Crim'tnalis, 1559.
M . L iz e t, Premier Préfident au Parlement de Paris, Pratique civile & criminelle. 1584.
Pierre A y r a u l t , Lieutenant Criminel à Angers. L'ordre & la formalité qui doit être obfervée dans les matières criminelles. 1598.
Profper Farinaceus, Jurifconfulfe Romain. Praüica & Theorid Criminalis. 1618.
M . Bourdin , Procureur Général au Parlement de Paris. Paraphrafe de l'Ordonnance de
>539 > f e trouve au Recueil de Néron.
M 'F o n t a n o n , Avocat aii Parlement de Paris. Addition à la Paraphrafe de M . le Pracureur Général Bourdin. Recueil de Néron.
.
»
M ' Charles Dumoulin. Commentaire fur la même Ordonnance. Même Recueil.
M* Gui C oq u ille, M e Jean D u r e t , M* Philibert Bugnion. Remarques fur les Ordor.►
nances de Villers-Coterets , Orléans, Moulins & B lo is. Mîme Recueil.
A c c u r fe , dans fa Glo/e fur les L o ix Romaines.
Rebuffe.
Pierre Guefnoîs , Lieutenant Particulier au Bailliage d’Iffoudun. Conférences des Ordon
nances Royaux , avec les Annotations de Laurent Bouchel & de Charondas. 1610.
Philippe B orn ier, Lieutenant Particulier en la Sénécliaufice de Montpellier. Conférences
des nouvelles Ordonnances. ‘ 1678.
François B o u ta n c , Profefleur en D roit François del'UniyerfitédeTonloufe. Obfervarion»
fur l'Ordonnance de 1670»
Claude P revoft, Avocat. Les L o ix Criminelles. >739 '
Gui Duroufleau Delacom be. Traité des Matières Criminelles. 1740.
François Serpillon * Lieutenant Criminel à Autuii. -Code Criminel. 1 76 7.
M . JouiTe, Confeiller au Préfidial d’Orléans. Traité de la Jujl'tce Criminelle, 1 7 7 1 .
Nous n’avons pas voulu donner une lifte exaile de tous los Auteurs qui fe (ont occupé»
�244
L e Public équitable ne fe biffera pas entraîner par le ton affir
m atif d’un C en feu r, q u i, non content de calomnier la L égiilation,
ne craint point de répandre l’amertume de fon fiel jufques fur les
Légiflateurs.
C e .n ’eft plus la L oi que le M ém oire accu fe, ce font les Sou
verains eux-m êm es, ce font les Auteurs de la L o i, c’eil- contre la
M ajeffé R oyale que l’on s’eil permis le reproche le plus outra
geant pour les auguiles Prédéceffeurs d’un Monarque également
feniible & bon. Nous n’oferions répéter cette inveélive cruelle, iî
ce n’étoit pour en mieux faire fentir l’injuilic-e & l’atrocité. Q uoi l
dans un Mémoire qu’on annonce comme deftiné à être mis fous les
yeu x du R o i, on lui dira que fes Ancêtres ont abandonné la Jurifprudence aux maximes des Criminaliftes ; on lui dira qu’ils étoient
t r o p o c c u p é s l a p l u p a r t d’ a c c r o î t r e leur pilijJcin.CC pour s’occuper du
bonheur de leurs Sujets ; on lui dira quVZr étoient trop accoutumés à
prodiguer le fan g des Peuples fu r les champs de bataille, fous le glaive
delà victoire, pour le ménager dans les Tribunaux criminels fous le
glaive de la Juflice !
‘
Q u el contraile odieux & quel horrible blafphême ! N ’eil-ce
donc pas îtu milieu des lauriers de la gloire, cueillis fur nos fron
tières, que la France a vu nâître l’olivier de la paix pour l’intérieur
du Royaum e ? N ’eft-ce pas dans le moment où Louis X IV étoit
obligé de foutenir les droits de fa C ouronne, tandis qu’il étoit
lui-même en Flandres à la tête de fes A rm ées, qu’on vit fe former
ce confeil de Légiilation, d’ou font forties les deux Ordonnances
.qui font aujourd’hui les fondemens les plus folides de notre JurifVidc la
d"
fin prudence ? Et marchant fur les traces de fon auguite B ifaïeu l,
ce n ^ o lr-
donnance.
Louis X V ne nous a-t-il pas donné l’Ordonnance des fubilitutions,
datée du Camp de la Commanderie du V ieux-Jon c , un niois après
la viÉloire de Lawfeld.
de la Jurifprudence C rim in elle, nous n ’avons fait qu’indiquer les principaux. Malheur à la
Nation qui ofera placer le Mémoire prétendu juilificatif au rang de» fourecs où la jeunefle
pourra 'puifer des inftru&ions 1
�2 45
L a Poftérité retrouvera avec plaifir dans l’Hiftoire le nom des
grands Magiftrats qui ont concouru à la rédaction des nouvelles.
Ordonnances Civile & Criminelle du Royaum e. « Jam ais on n apporta tant de folemnité à un O uvrage àüiîi important ».
C es O rdonnances, qui méritent à jufte titre le nom de L o ix , ont
été préparées par les plus fameux Jurifconfultes.
M . PulTort en propofa toutes les difpofitions ; elles furent difcu*
tées en préfence du C h ef de la Magiftrature ( M . le Chancelier
Segu ier) , & des CommiiTaires nommés par le Roi. M. le Premier
p^'^ron.
F ra n ce, édit.
p. 63 3.
’
Préiïdent de Lam oignon , ce M agiftrat’fi éclairé, fi in tègre, fi hu
main , étoit à la tête des CommiiTaires de la C our, auxquels étoient
réunis M M . T a lo n , de H arlay , & Bignon , Avocats & Procureur
Généraux.
En lifant le P rocès-verbal de la réda&ion de l’Ordonnance de
1670 , de cette L oi fi utile & fi néceflaire, on croit aififter à ces
conférences favantes dans lefquelles chaque article a été convenu
ou rédigé de nouveau ; on y voit la fa g e fie , la p rév o y an ce,
& l’étendue des lumieres d’accord avec l’expérience. Epoque
m ém orab le, où le Légiûateur a , pour ainfi d ire , confulté fes
Sujets dans la réunion de tout ce que la Magiftrature avoit
de plus inftruit, pour qu’ils puiTent regarder la L o i comme l’ou
vrage de leur propre volonté ! monument augufte du zele dont
un grand Roi étoit animé pour le bien de la Juftice ! C ’eft
cependant cette L o i formée par le concours des efprits les plus
profonds , les plus p ru den s , les plus expérimentés , cette Loi « fi
» fage dans fes motifs , fi refpe&able par fon autorité, fi inviolable
» dans fon exécution», qu’on ne rougit pas de préfentera un M o
narque bienfaifant, comme attentatoire à la L o i naturelle , comme
échappée des Tribunaux de Tibere & d e s . cachots de VInquisition
,
comme digne de ia m e de Claude & de Caliguta. Combien les mânes
îlluftres des L a m o i g n o n * & des d ’ A g u e s s e a u , des M o l é & des
T a l o n , ne font-ils pas étonnés d’entendre foutenir que cette Loi
eft fondée fur une maxime inventée dans'une des profondes nuits de
M . d’Agueff.
1v > P-
�V .
146
Vide les faits
juftifkatifs, &
ce qui concer
ne les Interro
gatoires.
Vefprit humain ? L e fiecle de Louis X I V , le rival du fiecle d’A ugufte,
un iiecle de ténebre & de barbarie ! Etoit-il donc r é f é r é à notre
Miniftere de répondre à des aflertions auffi indécentes ?
Nous ne reviendrons pas fur les difpofitions de l’Ordonnance de
1 6 7 0 , que nous avons déjà rapportées ; nous nous contenterons
d’obferver que l’on n’y retrouve plus la févérité tant reprochée aux
L çix anciennes ; & l’intolérance des regles peut feule y trouver de
la rigueur. M ais parcourons en peu de mots les principales obje&ions
qu’on lui oppofe.
L a premiere eft lç fecret de la procédure pendant toute l’inftruction. Nous avons déjà répondu que ce fecret eft la bafe inébranlable
■de la Loi. Il eft prefcrit pour éviter les pie'ges de la mauvaife f o i ,
& prévenir les com plots de la fubornation. Il eft prefcrit, parce
qu’il, n’y a d’autre Accufateur que le Procureur G én éral, & qu’en
aucun c a s , il ne peut être foupçonné de pourfuivre un Accufé par
Procès-verbal
de l’Ordon.
C r i m i n .ti t.i l ,
art. 7.
vengeance ou par animoiité. Il eft prefcrit enfin, parce que la Partie
publique n’a point intérêt de faire déclarer coupable un Accufé ;
& M . PuiTort lui-m êm e, ce M agiftrat auquel on attribue un carac
tère ft d u r, ii inflexible, M. Puflort dit que « les Procureurs G é» néraux font JParties en matiere criminelle , mais Parties fi défin» téreflees, que leur office principal eft de chercher la juftification
» bien plus que la condamnation de l’A ccu fé». Q uel eft donc le
M agiftrat dont le cœur inhumain goûte quelque fatisfa£Uon à trou
ver un coupable ? Il eft des ames ftoïques , que l’intérêt public
anime , & que la punition du criminel ne peut jamais émouvoir i
m a is, en condamnant le coupable , le M agiftrat le plus févere
regrette de n’avoir pas à prononcer en faveur de l’innocence.
D ’ailleurs le fecret de la procédure ne cefle-t-il pas d’être un
fecret après la confrontation ? L ’Accufé n’a-t-il pas eu connoiflance
des charges ? N ’a-t-il pas une forte de liberté dans la prifon ? On
ne lui interdit plus la faculté de conférer avec les perfonnes du
dehors. Il eft libre de communiquer avec fon Avocat & fon Pro
cureur, Les Accufés ne préfcntent-ils pas des Requêtes de toute
efpece ?
�147
efpece ? E t les trois Condamnés peuvent attefter que depuis même
leur condamnation , il leur a été permis de parler à un C o n ie il, &
de lui donner tous les blancs feings qu’il a exigés de leur confiance.
• L a iecon.de obje£Hon fe tire du défaut'de Confeil que l’Ordonnance interdit ftux Accufés. l*a Loi Romaine laifloit le droit de fe
défendre à ceux-mêmes; qu’elle avoit dépouillés de la liberté : S i
vous ri ave.^ p as ck Défenfeurs ( leur crioit - elle ) , je. vous en
donnerai (1).
*
• ^ L a L oi Romaine étoit conforme aux «principes de la Légiflation de la République.- Q u’on ie fouvienne que tout crime fe
jugeoit publiquement dans l’aiTemblée du Peuple , Ou devant les
M agiftrats. L ’accufation étoit publique ; la défenfe étoit publique ;
le Jugem ent fe prononçoit en public. Eût-il été raifonnable que
rA ccufé n’eût pas le droit de ie défendre , lorfque l’Accufateur
s’étoit fait entendre contre lui ? S’il ne fe préfentoit aucun C itoyen
pour parler en faveur de l’innocence', la L o i nommoit un D éfen
deur. E go dabo.
Cet ufage fe pratique encore dans nos Tribunaux. Quand une
Partie ne peut pas trouver d’A v o cat, la Cour en nomme un d’of
fice ; & nous avons vu plus d’ime fois ces Défenfeurs déiintéreifés
fe faire gloire du Miniftere que la Juitice leur avoit confié.
M a is,e n matiere de Grand-Crim inel, de quelle utilité un A vocat
peut-il être ? L ’expérience nous apprend que, fi l’on permet un Con
feil, la preuve du crime s’évanouit au milieu des formalités preferites
pour préparer le Jugem ent. L ’Accufé 11e fait-il pas ce qu’il a
fait ou 11 a pas fa it, auiîi certainement que le T é m o in fait ce
qu’il a vu ou ce qu’il a entendu ? D ans un P r o c è s crim inel, il n ’y
a , le plus fouvent^ qu’un fait principal. Il s’agit d’avouer ou de
nier ce fait ; de prouver que le crime a été commis par un autre ,
011 que l’Accufé n’a pas pu le commettre. Pour répondre fur un fait
fi fim ple, un Confeil cft inutile. L a préparation marque bien plus
( 1 ) S i non habetis A d vo catu m ego daboi
M ém .
[3.237
�ti
n
24^
le defir de trahir la v é rité , que la volonté de lui rendre hommage#
Exam inons néanmoins il l’O rdotyiance eft auffi rigoureufe qu’on,
le donne à penfer fur l’admiffion d’un Confeil.
M em . p. 235.
Elle fe fu fe , dit-on , eHe ravit aux A ccufés , contre le voeu de la
raifon & de Fhumanité, & de Lamoignon , le droit ûaturel de f e dé
fendre, par le fecottrs d’un Confeil. L e vœ u de la raifon & de l’huma*
nité pourroit faire la matiere d’un lo n g dialogu e, où la Juitice ellemême puiferoit de grandes lumieres. M ais puifque l’Auteur du M é
moire a mis entiers M . le Préfïdent de L am oignon , nous nerefuferons pas le tém oignage d’un M agiftrat vertueux, ami de l’une & de
l’autre. Nous ne craignons pas même de le prendre, pour arbitre j
nous invoquons auffi fon fuffrage ; il va décider la queftion.
M . de L am o ign o n , dans ie Procès-verbal de l’Ordonnance de
1 6 7 0 , propofa, fur Tadmiffion bu le refus d’un Confeil aiix A ccufés >
tout ce que la raifon & l’humanité pouvoient em ployer de moyens,.
& vo ici le réfultat de fon opinion.
Il
dit que l’A rticleV III du titre X IV « accordoit aux A ccufés plus
» que L'ufage ne le perm ettoit , & qu’ il leur ôtoit ce qu’ on leur avoit
» confervé jufqu alors»
» Q u e , dans de certains crim es, la L o i nouvelle leur permettoit
» de communiquer avec leur C om m is, même avant la confronta» tion : ce qui étoit la même chofe que de leur donner un Confeil.
» Q ue dans l’ufage a n cie n , au contraire, on ne permettoit aux
» A ccu fés aucune communication ni aucun C o n fe il, qu’après la
» confrontation, afin qu ils ne pujfent pas corrompra les Témoins.
» Q ue cependant l’Article défend aux Juges de donner ConfeiL
m aux A ccufés ("hors les cas fpécifiés ) , même après la confron>♦tation : ce qui eit nouveau à legard de l’u fa g e, & rigoureux en» vers les A ccufés.
. » Q u ’ il efl vrai que quelque fo is le Confeil leur fert pour eluder
» la Jufiice y pour tirer les Procès en longueur ; & que quelques
» Criminels fe font exemptés des peines ? par le m oyen du Confeil
» qu’on leur avoit donné.
�*49
»
»
>►
»
»
»
» Q ue , fi le Confeil avoit fauve quelques C oupables, il pourroit arriver que des Innocens périroient faute de Confeil.
w Q u’entre tous les maux qui peuvent arriver dans la diftribution
de la Juftice , aucun n’eft comparable à celui de faire mourir un
Innocent, & qu’il vaudroit mieux abfoudre mille Coupables ; que
c’étoit une des maximes que le Parlement avoit le plus religieufement obfervées; & que le Confeil n’étoit pas un p riv ile g e ,
mais une liberté acquife par le droit naturel ».
Il
étoit difficile de plaider la caufe de l’humanité avec plus de
force & plus d’énergie. M ais M. de Lam oignon ajoute :
« Q u’à la vérité , il ne feroit p a s raifonnable d’adminifirer
» Confeil en toutes fortes 'de crimes, & à tous les Accufés ; que ,
»
»
»
»
»>
«
quand il n’eft queftion que d’un iimple f a i t , d’une aftion où
l’Accufé n a qu’à dénier ou confeifer, alors il n’eil pas néceffaire
de lui donner des perfonnes pour prendre confeil für ce qu’il
doit dire ou fur ce qu’il doit faire ; mais que , quand il y a beaucoup de procédures, quand l’accufation cil com pofée d’un grand
nombre de faits qui demandent une longue difeuffion, on ne peut
» lui refufer ce fecours.
» Q u ’il efl bon de défendre aux Juges de donner Confeil, f i la
» qualité du crime ne le requiert p as ; mais qu’il n’eft pas poiïible
» de déterminer tous les cas où ils doivent le faire ».
C e réfumé des m otifs, fur lefquels M . le Préfident de Lam oignon
appuya fon o p in ion , démontre combien le fyftêm e que lui prête
1 Auteur du Mémoire juflificatif, eft éloigné de fon fentiment. T ou s
les Magiftrats adoptèrent fon avis. M . Puffort lui-m ême convint
« qu on ne pouvoit pas donner un Confeil indiftin&ement dans
» toutes fortes de crimes , autrement il n'y aurôit pas de fuite que
» les Accufés ne miÎTent en ufage pour interrompre le cours de la
» Procédure.
» Q ue l’on fait combien ces fortes de Confetis font féconds en ou»> vertures, combien ils inventent de fubtilités pour faire trouver des
»> nullités dans la procédure , & pour faire naître une infinité d'inciHh 2
�; Mo
150
r -
» dens. C epen d an t, comme l’on ne refufe rien à un A c cu fé , qu’il
» faut lire toutes les pieces. du Procès , aufîi bien celles qui font à
» fa décharge , que celles qui vont à fa conviction, pourvu qu’il
». eût moyen de foire travailler beaucoup d’A vocats, & de fournir
» aux frais, les expédiens ne lui manqueront pas pour immortalifer
» fon procès. Q ue l’expérience faifoit conrioître que le Confeil
» qui étoit donné , Je faifo it honneur & fe croyoit perm is, en toute
» sûreté de confcience , de procurer p a r toutes voies l'impunité à
» l’Accufé. M ais q u e , dans les cas mêlés de civil & de crim inel,
» il faudra néceifairement permettre aux Accufés de communiquer
» avec un Confeil ».
Enfin M . T alon ajouta «que robfervation exa£te de l’Ordonnance
» de 1539 mettoit l’innocent en danger de périr injuilem ent: mais
» que l'ufage avoit tempéré la trop grande févérité de la L o i ; mais
»
»
»
»
que , de ce qui ne fe devoit faire qu’en connoiifance de caufe &
avec beaucoup de circonfpeêtion, on avoit fait une maxime gén érale, & l’on s’étoit perfuadé que tous les Accufés avoient droit
de demander Confeil.
» Que , pour prévenir les abus , il ne falloit pas accorder de
» Confeil dans dçs crimes qui dépendent purement de la dépofition
»
»
»
»
des T ém o in s, & dans lefquels l’Accufé ne doit fe défendre que
par fa bouche ; car alors le Confeil ne fert qu’à retarder le Jugement du Procès p a r des appellations , des Requêtes civiles &
d’autres expédiens de chicane ; m ais, dans les accufations OÙ il
» y a des pieces rapportées pour la COnvi&ion de l’A c cu fé , & où
» il en peut produire pour fa défenfe , il eft indifpenfable de lui
» permettre de communiquer avec un ConfeiL
Les trois M agiftrats qui opinerent dans cette conférence , fe
trouvèrent d’accord dans leur façon de penfer, L ’A rticle, en conféquence , fut rédigé de maniéré qu’il n’a pas été permis de don
ner un Confeil dans les crimes fimples dont la preuve ne dépend
que de la dépofition des témoins ; mais que , dans tous les crimes
Tit. 14, art. 8. com p liqu es, tel que lepéculat} la concuffion 3 les banqueroutes fraiir
�251
duleufes, le v o l de Commis ou A ffocié en finance ou de banque, fauffetc
de pieces , fuppofition de p a r t, où i l s’ agira de l’ état des perfonnes, les
Juges pourront ordonner , f i la matière-le requiert, après l ’ interrogatoire ,
que les Accufés- communiqueront avec leurs Confiais ou leurs Commis.
Nous làiÎTons à'rprëient à juger fi TOrdonnat'ice ëft aufïi barbare
qu’on s’eft permis de le dire -, s’il eft vrai que M . de'Lam oignon
fe foit récrié fur ■''l’inhumanité d’unè) L o i!,q u i, contre le vœu dé
'Ici r a if m JJtnleve^audc 'bccitfésule ■
d ro îîvNaturel de f e
défendre ) Ci
les Maglftrats enfin ri’ôrit- pâà' Tuggéré' à la fagëfTe du Légifla&ur
tous les tempéramens qu’exigent -d’un ■côté la0 jufte févëriié^dahs
la pourfùite 'du ' crime , & de l’autre, la faveur dùè à l’innocence
injtftem ent àcc'tifée. »
•
• :,i-
”' :I
':i 3 a ix\ 1' ?l
•*
' ' ' Ori vbudik'fâris’dÔürtd ÇnfiÆër^hcore^ 8Ë IW n o li^ d è ttW d é rà
pourquoi., même- dans un crime fimplé'i' iië pds doniiëi'üii'Gèhfeii
'à dès Hommes à uxqùeü i l efl phyfiqiiehient1impôfjt&lé'd’enïéndré'ld :L o L
Noué pourrions dire que celui qui eft capable1 de cbmïnèttre un '
crime , eft en état de fe juitifier -, mais on diroit.'qüevcettC réj3onfë
•eft1d7un'Crim inàlifte. L a 1Véritable'ëft^êcrite diir&~ l’Ordom iance j
•les^Aètltifês'ont' iln Confeil né , qui veillé ' à ' lié ürs’'interêts ; r c,eil:
•
»
f
■
rr\
M . le Procureur Général ; également chargé de les' pôurfuivre &
de les défendre, fon miniftere ne voit qu’un C itoyen dans le
^Criminel qu’il accufe. L a L o i m ê m e 'lu i'én : fait un devoir. Elle
ordonne que là dépofition de' chaque témoin fera rédigée à chargé
& â{ décharge. L ’Ordonnance de Blois côritient la même diipofition.
Elle preferit aux Juges d'exam iner les témoins f u r la pleine vérité du
f a i t , tant pour ce qui concerne la chargé que la décharge des A c c u fé si
L e Miniftere Public (eft l’homme de la L o ij C ’eft en fon nom qu’il
agit. Vengeur du trouble apporté dans la Société , il eft en mêmetems le confervateur de la vie , le gardien de Fhomiéur de tous
les Citoyens.
O n fera encore une obje&ion. Si l’on accordoit un Confeil dans
tous les crimes p oifib les, ce Confeil auroit au moins le droit de
connoître, d’exaitiiner la procédure & de profiter du bénéfice de
�it
;
151
L r L o i , qui veut que les nullités tournent au profit du Criminel
lui-même. M. T alon a déjà répondu à cette obje& ion, & la pré
tendue juiìi^cafion des. trois condamnés prouve combien fon aiTer;
tion., était jfondée.y. A , 1a, feule ..lefture.'dé ce M ém oire , on eil
convaincu du R anger, d ’adn^ttre ¡un Confeil dans toutes les affaires
crim inelles, 3quelqu’en puiife être l’objet. Q ue de nullités créées
pour la défenfe des acçufés! Q ue de reproches entaffés pour écarter
les témoins'! Q ue.d’impoitures accum ulées pour.faire illufion ! Q ue
d’abu^nç yerroit-on pas naître tous les jours de la communication
dçsîpropéçlures à de c e r t e s Confeil?
^ D u m o v ilia ay^i^pr^iTejniti le danger d’accorder un C on feil, &
l’abus que les accufés pourroient en faire, ou plutôt l’abus q œ
les Coijfeils, fer oient de leur miniftere. H v;eut q u e l’açpufé propofe
fes reproches par / a pfopre bouche,; il ije vei}^ pas qu’il puiiTe
les-préfenter par é c r it, il n’y eil: pas recevable ^ car ce, pourroit
Duæouün, ¿¡re une occufion. de forger des fa its , de reproches, p a r A v o c a ts,
furï’art.i 5 5 de c
l'Ordon.
* 539*
de
Ordon. de
1 6 7 0 ,tit,X I V ,
an.8.
•
1
t
puis les ertrpLoy^ ¿ d i!w
t * .uutn* .<•' .!)
•
Oi.i.O
L ’Ordonnanqeira cijporeiprdyft,le>- Teg)foçli,e-idqnfi\ilUté qu’on
pourroit élever contre une partie^ ou contre la totalité de l’inilruftion.
E lle a lailTé au devoir & à . la Religion des Juges d'examiner avant
le Jugement s ’il r iy a point de nullité dans la procédure,
r
J
1
„
.
,
.
L A u te u r,fc perm ettra-tr-il d,articuler que cette o b ligatio n ,
impofée aux M agiftrats fpr leur honneur & fur leur con fcien ce,
ne fait aucune irçprelTiôn dans leur efprit, & qu’un C on feil, pour
l’intérêt de fon C lie n t, feroit plus attentif, plus clairvoyant que
des J u g e s , qui ne confiderent que l’intérêt de la Société ?
O
déplorable condition de la Magiftrature ! Elle fe dévoue toute
entiere au bien p u b lic, & l’on oferoit foupçonner ce dévouement !
elle facrifie tout au bonheur g é n é ral, & l’on cherche à empoifonner ce facrifice généreux ! elle fe renferme dans les difpofitions
de la L o i , & on lui demande pourquoi tout fe pajfe dans l'ombre
du fccret y comvte f i l'on craignait que l'Accufé ne j e déj'cndtt trop
bien t que le Public ne jugeât les Juges, & ne fournit leur conduite
�>**3
Pnr quel efprit de contradiction veut-on ici accufenen. même
uîçnis, la'Lojt, i$c le -jyfiniiirc de la Loi ?..Peût70fi. faire un crime au
vMagiihrait du feçret de,la procédure'orcjorjné par J a ^ o i .; du refus
d’un C o n feil, excepté dans les cas prévus p ar: rO;.dormance-; -de
•la prompte !t?xécutiori'des Ju gem en s, que- la Lpi prefcrit pour le
J o u r même qu’ils-.ontété.prononcés ? Le Public eit trop équitable
„pour :r-endrfe; la Jyiagiftfitfurç ¡refppn^bfe 4 ujie0fdiipoimpn ,qu’on
vôudroitï faire -retgaïder/commc? uft v ic e d a n s J$.;Lç^i.flatjon ; ;mpjs
ilesiMagiftrats foijt ^ p p ^ c ^ i i ^ potfrffiftron^qr ^ f es d,éclamation^,
qu’on veut .transforme^ en,:ppit}ipn publique. 11. exiile un certain
.nombre .d’çjp.nts'. çntreprQiiànï, q u i, ¡da^s.la gigiid^ppiniç-n qu’ils
•o;it d’cux-njêm es, fero n t periu^déSjqu’ijsiCompoijçiCjiit à eux feuls
.tQUÎlle Public., 'ou.au JAoinSifÎy’ils ç tp ien ^ ap p d lés’pour l’éciairer
■& povirilanifruire v,il^iprétèi-icjêmiî;ti^aîtriier-ion opinion, la diriger
à leu r:gré , -¡la.-changer fuivant déurs caprices ; iils. ib font les ar
bitres des réputations, & leur am our ¡propre, ^ pouffe .le fanatilme
jufquVi,.annoncer, q u é ^ u r - opiyùqft pe/fçm nelle'étoit j a réglé de
l ’opinion, générale! : jih ■oni; itrqujvé ,de$npiafély tes dans tous ■le^
étatS ; & ! la Juiltce'plle-ihêincleil: furpqfc d e’compter des ennemis
iecrçts auntm ibre dç>s.. Miniltres chargés du foin de ; maintenir les
jLQÛ< & :de 1^ fan‘e (hx.é)G.uter. ;
••
- , ;•
r
îi-. -Qucllev calomnies n’àittP jipipint imaginéçs contre notre Lcgiflatjô.n ! © n oie reprocher à l a Ju$iee-la.!fornYe. § : la : lecteur' dç
&s inftru^ions , . le J ’e cret .de. fes, procédures, :la-rigueur de fes
décrets. 8c.la févérité^e.fçs, chàtifnens. .Ces Réformateurs indulgens
yeuniiTent toué; ,leiirs • effortÿ• popr^aiTurer l’impunité du^ çriine ; ils
ont- appcllé des déciijoi$;dp :la: Loi .au T ribun al‘de l’humanité ,
comme fi les a n c ie n s.Législateurs e n avoient été les ennemis irré
conciliables ; comme ii le M im ilre-de-la Loi n’étoit occupé qu’à
chercher Sc à punir des coupables ; comme fi la Loi n’étoit pas
l’égide & la.fauve-garde de tous les Citoyens ; Comme fi enfin la
�;M 4
«gravite des peines & f Horreur de Féchafàùd n’avoient pas eté'intro-duites V’autant pour prévenir le crime par là terreur de -l’exem ple
que pour le-punir jpar la févérité d’un fupplice momentané qui rie
-peut pas lé réparer. ' u
•v °
- i} :i " " ' - t
r,t -*• ' - 13
N ous entendons de tous côtés s’écrier, l’humanité! l’hum anité!
E t depuis quand l’humanité n’eft-elle plus refpe&ée ? Q uel eft le
-mortel aidez barbare pour né ’pas défendre1fes droits ? 'Sans doute
l ’humanité doit être le guide de la L o i & déterminer la mefufe
■des peines que la L o i prononce: mais'4 e : Légiilateur ne doit-il
porter toute fon attention que fur l’humanité dans la perfonne d’un
fc é lé ra t? Il n’oublie, point-qu’un affaffin eft un homme , mais fa
p r é v o y a n c e p e u t - e lle f a ir e e n t r e r e n comparaifon une mort meritée
-& utile à la fo cié té , avec un affaifiriat prémédité qui prive T E tat
■d’un C itoyen vertueux, une femme de fon m ari, des enfan’s de
leur pere & de leurs alimens ? 'Comment concevoir de-la pitié
pour un monftre qui de fang froid égorge fon ¡Concitoyen fans
arm és & fans défende. C ’eft donc l’humanité en péril que la L o i
•doit confulter ; c’eft l’humanité expirante que: la L o i doit venger j
c ’eft l’humanité entiere que la Loi doit protéger. L a sûreté
publique peut - elle s’apprécier ? N ’eft - elle pas incommenfurable ? & la punition d’un malfaiteur prévenu d’un grand crim e,
( foit qu’ on le fequeftre de la Société en lui laiffant la» vie , parce
qu ’il n’y a pas affez de preuves pour le' ■con vain cre,-<& qu ’il y
en a t r o p pour le déclarer in n ocen t, foit qu’on le retranche du
nombre des Citoyens en le condamnant à la mort parce qu’il eft
-convaincu ) ; c e t t e punition, quelque rigoureufe cju’on la fuppofe,
n’eft-elle pas légitime & néceffaire , dès qu’îl s’agit de la tranquillité publique & du bonheur com m un? Quoi-des cœurs infendibles' k l’intérêt de leur propre sûreté , .autant q u ’ù l’intérêt de la
sûretc publique, des cœurs ftoïques veulent paroiwe •s’attendrir
Jûr le' fort d’unn\alheurpux q u i n’a-pas eu pitié de fon iemblable i
Etrange
�2-5 5
Etrange barbarie ! compaffion vraiment inhumaine ! Sous le prétexte^
d’une équité auifi faufle que féduifante, on ne craindra point d’expofer l’honneur, la fortune & la vie du plus grand nom bre, pour
replacer dans la Société un malheureux qui s’en eft féparé volon
tairement par l’atrocité des forfaits dont il eft coupable aux yeux de
l’hom m e,s’il ne l’eftpas aux yeux desM agiftrats ( i ) . L a L o i eftjufte,
quelle que foit fa déciiion , parce qu’elle eft Loi. Elle eft la même
pour tous, elle eft la fauve-garde du C itoyen qui dort tranquille-*
ment dans fes foyers ; il repofe fur la L o i , & la L oi veille à fa
sûreté. M ais elle eft auifi la terreur du coupable prêt à commettre
le crime qu’il - m édite, elle l’épouvante par l’horreur du fupplice
avant même qu’elle puiiTe le condamner. L a véritable humanité
n’eft pas celle qui pleure fur le fort d’un fcélérat; c e ft celle qui
ceife d’être feniible, celle qui paroît cruelle, pour la p aix, le
repos & la confervation du genre humain.
T els ont été les principes que nos fages PrédéceiTeurs nous ont
tranfmis , & une fainte indignation nous tranfporte à la vue des
principes contraires, qui trouvent aujourd’hui des partifans. C ’eft
l’opinion "de quelques Enthoufiaftes, que l’on veut fubftituer à
l’o pinion publique.
( i ) O n dit tous les jours : je fuis certain d’un fait comme hom m e, mais je ne le
trois pas comme Juge. Cette maxime triviale a befoin d’être interprétée. Elle ne peut
avoir d’autre fens, fi ce n’eft : Je crois à la véracité de telle ou telle perfonne qui m’a
raconté ce fait ; & la certitude que j’ai de fa probité me fait croire à fan récit : mais la
certitude que j’ai comme homme ne fuffiroit pas en J u ilic e, parce qu’il fa u t, pour juger y
que deux perfonnes au m o in s, dignes de fo i, dépofent du meme fait, après avoir fait
ferment de
dire la
vérité. Les propos fugitifs qui fe tiennent dans la Société, n’obtiennent,
jamais le degrc de confiance que l’on accorde à dés témoins qui dépofent ious la religion
du ferment,
8i
qui fayent que leur dépofition doit opérer la
condam nation
ou la juftifi-^
cation d’un accufé. Le ferment (ait partie de la dépofition. La crainte du parjure fuffifoit
autrefois pour contenir les hommes les plus pervers; & il eft à remarquer qu on ne
s’eft jamais élevé avec plus de force contre le
philofophiques répandus fur la vérité de la
ferm ent des A ccufés, que depuis les doutes
Religion. Il faut cependant avouer qu en
matiere de preuve teftimoniale, la nêcefTité du ferment donne plus de poids à la dépo
fition
du témoin , & ce motif de crédibilité infpire plus de fécuiité au Magiftrat qui doit
prononcer.
.
1\
�Défions-nous du zele immodéré d’un Réformateur am bitieux,
qui cherche à détruire, non pas pour reconilruire fur un plan
plus avantageux, mais qui change les formes parce qu’une colonne
lui paroît plus folide qu’un pilaftre ( i ). Avant d’établir cette
forme n o u velle, qui pourra juger la n éceifité, l’utilité , les avan
tages & les dangers du nouveau fyftême ? Suppofons, pour un
m om ent, qu’il y ait des raifons plaufibles pour engager à ce chan“ g em e n t, ne faut-il pas encore examiner fi les motifs que les
Réformateurs font valoir n’ont pas été p révus, difcutés, appro
fondis lors de l’établiflement de la L oi qu’ils veulent faire abroger ?
Si ces motifs ont été p rop ofés, il faut fçavoir pourquoi ils ont
¿té rejettés ; il fau t, en outre , démontrer que des difpofitions
aétuelles de la L o i , il eil réfulté de grands inconvéniens , des
maux réels , & qu’elles font entièrement contraires au bonheur
de la Nation. E n fin , s’il falloit revenir fur une L oi établie avec
tant de folem nité, fur une Loi a g ité e , combattue & interprétée
avant fa publication par les Magiflrats les plus équitables &: les
plus éclairés, quel fera donc aujourd’hui FOracle que la fagefle
du Légiflateur pourra confulter dans une matiere auifi. importante ?
Q u i ofera régler de nouveau la forme de la procédure, la nature
des délits, le genre de l’inilruftion, l’authenticité des preuves , le
nombre des tém oins, leur qu alité, les degrés de crédibilité, la
gravité des peines & la durée des a&ions ? Q ui ofera déterminer
la jufte proportion entre la peine & le délit? Sera-ce un méditatif
ifo lé , un obfervateur inconnu , qui ne fçait pas même douter, &
qui décide d’avance en Légiflateur fuprême ?
S’il etoit indiipenfable de revenir fur les diipofitions des anciennes
O rdonnances, ne feroit-il pas naturel de prendre l’avis du Miniftre
prudent que le Roi lui-même a placé à la tête de toute la Magiftrature du Royaum e? N ’efl>il pas l’œil du Souverain, & l’organe
de fa volonté ? C e M agiftrat, ami des L oix & de la Juftice, ob( 0 O iru ir, a d ifiç a t, mutât quadrata rotundis,
JJorat, S û t.
�257
fervateur des réglés , & fait pour les m aintenir, ç ë fe fera-t-il
pas lui-meme un devoir d’interroger, de confulter tous ceux qui
par une expérience habituelle, par un travail de tous les jours,
font à portée de connoître les a b u s, s’il en ex ifte , & de propofer
le remede le plus analogue à l’état aétuel de la L égiflation , s’il
faut la réformer? Q ui mieux que les Jurifconfultes ou les M agiftrats, peuvent être écoutés fur une matiere qu’ils pratiquent depuis
tant d’an n ées, & dont eux feuls connoiiTent la fageife pu les
inconvéniens ?
1 ai
1 '
Mais l’Auteur les a déclarés fufpeCts. Il les accufe de partia
lité. Il les relegue dans les obfcurs labyrinthes de la Juflice civile & Mém. p. ivj.
criminelle. Il les place dans la claife des Criminalifles, dont ils font Page nS.
devenus les efclaves. Leurs raifons riofant fe fier à ijelles-mémes &
marcher feules , fentent quelles chancellent.. . . Ils r i ont p as p ris leur
part des progrès de la raifon humaine dans les relaxions faciales, &
dans les Ouvrages des grands Ecrivains du fîe c le .... E t leurs yeux
accoutumés aux ténebres feroient bleffés d’une clarté trop imprévue &
trop vive.
N e diroit-on pas que les prétendus Sages du iîecle ont le pri
vilège exclufif de la raifon ? N e diroit-on pas que les Magiftrats
ont un grand intérêt à maintenir la Légiilation dans l’état de
défordre & de confuiion qu’on ofe lui reprocher ? En vain nous
entreprendrions ici de la juftifier. Quand la Sageife elle-même
ëléveroit la voix , pourroit-elle fe faire entendre au milieu des
acclamations du préjugé ? Q uel courage ne faut-il pas avoir pour
s expofer à la fureur de la contradiction ? L ’expérience fe tait
quand elle n eit pas confultée ; elle fe dérobe au tourbillon qui
cherche à l’entraîner, 8c forme une enceinte pour fe préfervet
de la contagion.
Loin de nous ces fyftêmes de réforme g én érale, dont les fuggcftions font d’autant plus dangereufes, que c’eil toujours au nom
de l’Humanité quelle s’annonce. Loin des Tribunaux ces plans de
Légiflation , propofés par l’amour de la nouveauté ? accueillis pat
Ii 2
�2
la crédulité , accrédités par une certaine hardiefle de penfer
qui en im p o fe, & q u i, fous prétexte de rétablir l’Homme dans
tous fes droits, ne ferviroient au contraire qu’à troubler l’ordre &
l’harmonie de la Société.
Nous l’avons déjà dit -, nous le répéterons fans ceiTe : ce mot
d’Humanité n’eft qu’un mot de ralliement. Il a quelque chofe de
dou x, de flatteur: il. eft fait pour émouvoir les cœurs fenfibles,
pour entraîner les ames vertueufes. Mais il ne peut être le mot de
la L o i. Dans le doute, elle fait pencher la balance du côté de
KHumanité. M ais lorfqu’elle doit s’armer de toute fa rigueur,
l’humanité de fon Miniftre ne feroit qu’une vertu trom peufe, &
la clémence une véritable prévarication.
L ’Auteur du Mémoire prétendu ju jlijic atif, plus fage que la
L o i, plus éclairé que les Légiflateurs, plus inftruit que les Jurifconfultes’ les plus profon ds, qui entend mieux les intérêts de la
Nation que la Nation elle-m êm e, qui préféré le falut d’un Cri
minel à la fûreté de tous les C ito y en s, qui invoque, en un m ot,
l’Humanité en faveur des ennemis du Genre Humain , ce Réfor
mateur am bitieux, a mis tant d’indécence, tant d’orgu eil, tant
de faite dans fa réclamation , qu’il eft évident qu’il ne s’eft
propofé d’autre but, que d’élever un grand P aradoxe, & de
donner lieu à une grande conteftation. O n peut lui fuppofer le
projet de dénaturer les idées reçu es, de changer les P rin cipes,
& d’intervertir toutes les Formes Judiciaires. C e n’eft pas ainfï
que la Vérité s’annonce : c’eft avec m odeftie, c’eft avec fim plicité,
avec timidité m êm e, en propofant des doutes refpe£lueux. Elle
ne prend point le ton M agiftral, fur-tout lorfqu’il s’agit de toucher
à l’ordre établi depuis tant de fiecles, de renverfer un édifice
conftruit par les mains les plus expérim entées, & affermi par le
COnfentement unanime de la'N atio n . S’il pouvoit y avoir des
changemens. à faire dans quelques parties de notre Légiflation,
il eft de la prudence d’en conferver l’efprit. Si l’on veut fuivre la
jnafche des difpofitions de l’Ordonnance de 1 6 7 0 , obfcrver les
�M 9
rapports quelles ont les unes envers les autres, combiner & rap
procher les différens articles, en un m o t, envifager le plan du
Légiflateur tel qu’il eft tracé en tête du Procès-verbal de fa réda&ion ; loin de trouver un bâtiment antique & tombant en ruines,
on y trouvera un édifice régu lier, folide , diftribué avec fageffe :
& après l’avoir examiné avec l’attention qu’il m érite, on admirera
l’économie de l’ouvrage. Les efprits prévenus, qui auroient pu fe
biffer furprendre aux inculpations qu’on fait à l’Ordonnance d’a
voir été établie avec précipitation, négligence & autorité, revien
dront' de leur erreur, & conviendront qu’elle eft le fruit de la
réflexion la plus f u i v i e d e s connoiffances les plus étendues, &
de l’expérience la plus confommée. On ne fait pas attention , d’un
c ô té , que l’Ordonnance préfente un fyftême lié & fu iv i, un en
chaînement de difpofitions qui fe correfpondent, & que cet
enfemble contient la réunion des Réglés qu’on doit obferver dans
l’ordre de la Procédure pour faire une InftrucKon valable} d’un
autre côté , que l’Ordonnance ne renferme aucune diipofition
relative à la nature des p ein es, à leur étendue, & à leur propor
tion avec la gravité des délits. Il feroit peut-être à défirer que le
Légiflateur les eût moins abandonnées à l’arbitrage, qu’il en e û t,
pour ainfi dire, fixé les d egrés, & qu’on eût réglé la punition
fur l’énormité du crime ou la facilité de le commettre. M ais cette
mefure, eft-il poiïible d’en faire une jufte combinaifon ? Qui pourra
fixer une exafte proportion entre* la peine & le d é lit, entre la faci
lité de commettre un crim e, & la punition à infliger pour le pré
venir, entre l’atrocité d’un forfait, & la nature du châtiment établi
pour le reprimer ? Qui ofera enfin déterminer le degre d influence
que la terreur d’un fupplice plus ou moins rigoureux doit avoir iur
l efprit des feelerats, relativement à la furete gencrale de la So
ciété ? Comment propofer à la Puiffance Légiflative un calcul auiïi
arbitraire ? Mais quelle que foit la Réglé que la fageffe du Sou
verain veuille ad o p ter, les Magiftrats dépofitaires de l’A utorité,
applaudiront toujours à la bienfaifançe d’un M onarque qui con-
�z6o
fultera l’Humanité, lors même que fa juftice le force de punir les
coupables.
En invoquant cette H um anité, 1*Auteur cherche à intérefler, la
bonté paternelle du Souverain : mais il veut lui -donner à entendre
que la Loi enleve à fes Sujets le recours à f a juflice s ’ils font innocens
le recours à f a bonté s ’ils font excufables , le recours à f a clémence
s ’ils font ¿coupables. Il ne craint pas daiTurer que tous les gens de bien
P- 24 î- demandent la réforme de la Légiflation Criminelle ; comme s’il n’y
avoit dans le Royaum e de gens de bien que l’Auteur & fe s adhérens.
' ' M ais s’il n’a pas refpe&é la L o i & le L égiflateur, la M agiftratu re , convaincue de la fageiîe des L oix qu elle a juré de faire
obferver, doit-elle être étonnée des injures atroces prodiguées à
fon attachement à fes anciens principes ? O n diroit que l’Auteur a
cherché à leur donner plus de force par la violence même des
expreffions.
Les M agiftrats, animés de l’efprit de Tibere & de N éron, le
Tem ple de la Juftice , comparé aux Tribunaux de FInquifition, ne
font que de foibles traits échappés à l’animofité de fon efprit. Il
accufe tous les Parlemens du Royaum e d’ufurper une partie de la
& 248. fouveraineté. C ar, Sire , ileflbon que vous le fachie^ ; ce n’efl prefque
236.
plus la juflice de nos R ois que l’on difpenfe dans vos Tribunaux Cri
minels , cefi la juflice des Crtminalifles.
Nous ne releverons point les autres inveélives que nous n’avons
d éjà que trop fait fentir. Il en eft une cependant que nous ne de
vons pas oublier ; c’eft le trafic honteux qu’il reproche des pieces
fecretes de la procédure ; il femble que les Magiftrats tolerent cet
abus criminel.
L a mifere des Accufes eft un pretexte pour faite une nouvelle
inculpation. O u i, dit l’A u teu r, s ’ils riavaient p a s été pauvres ,
comme les riches ils auroient eu des Confeils ; comme les riches ils
auroient fa it appel ; comme les riches ils auroient connu le fecret de
la procédure à l’Audience, ou ils l’auroient acheté dans les Greffes.
Ainfi j tout eft venal dans les dépôts de toutes les JurifdidHons ?
�i6i
C e m oyen de fe procurer à prix d’argent les pieces fecretes
d’un p ro c è s, eft apparemment un des principes d’équité adoptés
par les Réformateurs. Que ne fe permettroient-ils pas pour fouftraire un Accufé à la Juftice ? E t quand nous avons fait attention
au grand nombre de notes marginales tracées en crayon ( i ) ,
dont les informations font furchargées, ainii qu’aux différentes
citations comprifes dans le M ém oire, & véritablem ent, quoique
peu fidelem ent, extraites de la procédure, nous aurions été en
danger de préfumer que l’Auteur avoit p e u t-ê tre em ployé la
fédu&ion pour fe procurer la connoiifance de la procédure, fi le
Procès-verbal du 7 Mars dernier ne nous offroit la preuve du con
traire , lors même que nous fommes en état d’attefter la fidélité des
dépôts de la Cour. Nous nous contenterons de dire avec l’Auteur
du M ém oire, ceflun fecret de la Providence qu il ne fa u t pas chercher
à pénétrer.
Nous avons peine à concevoir quel eft le m otif de cet acharne
ment contre la Magiftrature , à imaginer quel eft le but que l’Auteur s’eft propofé. A-t-il l’intention de diminuer la confiance des
Peuples dans les Miniftres de la L o i ? a-t-il voulu prévenir le Sou
verain contre les Dépofitaires de fon autorité ? a-t-il cherché à
foulever les Sujets contre la Légiflation? Son projet eft incompréhenfible ; la défenfe des trois Condamnés n’exigeoit ni la fatyre
indécente qu’il a faite de la Légiflation, ni le torrent d’injures qu’il
a prodigué contre la M agiftrature, ni les blafphêmes qu’il a vomis
contre l’humanité &: la fageffe de nos Rois. Nous pourrions même
dire que le reproche que cet Ecrivain téméraire ofe hafarder contre
nos anciens Souverains , de n’être occupés que d'accroître leur puiffance , & de négliger le bonheur de leurs Sujets 3 de prodiguer le fang
des Peuples dans les champs de la victoire, Ù de ne pas le ménager
fous le glaive de la Juflice , eft une efpece de crime de leze-M ajefté.
T out ce qui tend à refroidir l’attachement des Peuples eft un attentat
O)
Nous avons eu la précaution d’en faire dreffer proces-vetbal avant de
communication la procédure.
prendre «n
�-
i6t
public ; tout ce qui tend à altérer le refpeét dû à la L oi eit un cri
de fédition. Mais nous n’avons rien à redouter : l’amour des Fran
çois pour leurs Souverains eit une vertu nationale ; le bonheur de
les chérir & d’en être chéri fait en quelque forte le fondement de
la conilitution de notre M onarchie.
Nous ne croirons pas nous écarter des fentimens du Corps entier
de- la M agiftrature, en nous permettant de penfer qu’il n’eft pas
de la dignité du premier Tribunal de France de s’occuper d’un
Auteur qui ne doit fa célébrité qu’à fon audace. Les M agiilrats,
dans le San&uaire repréfentent le Prince fur le Trône de la
Juftice : ils acquittent la dette de la Souveraineté. La L oi eft leur
oracle : l’honneur & la con fcien ce, voilà leurs guides. Et parce
qu’ils font les organes de la Majefté R o y a le , ils doivent avoir la
même élévation de fentimens.
Théodofe a donné un Refcrit folemnel qui femble fait pour la
circonitance.
\
« Si quelqu’u n , porte cette L o i, oubliant tout fentiment de
» modération & de pudeur, fe permet-d’attaquer notre perfonne
» par des propos audacieux & infultans, ou q u e , dans l’ivreife
» d’un efprit fa& ieux, il ofe inculper les principes de notre Gou» vernem ent, nous voulons qu’on ne lui inflige aucune p ein e, &
» qu’on n’ufe à fon égard d’aucune voie de rigueur ». V o ici la
raifon que l’Empereur donne de fa clém ence. « Si c’eil par légé» reté , f i ex levitatc, on doit le m éprifer, contcmnendum ejl. Si
»' c’eft par fo lie, y? ex infaniâ, on doit le plaindre, rniferatione
» dignijjinmtn. Si c’cft par une méchanceté réfléchie, f i ab injuria}
» on doit lui pardonner, remittendum ( i ) ».
( i ) Si qiii<modcRi*'C nefeus &. pudoris ignarus, improbo petulantique malcdiit©
uomina noftra crediderit Iaccffanda , ac temulcntii turbulcmus obtre&ator temporum
noftrorum fuerit ; eum poenœ nolumus fubjugari, neqiio du mm “ïiHquid ncc afperum
fuftinei« ; quoniam fi id ex levitatc proceflerit contemnenduin efl ;
ex infaniâ mifera-
tipnc digniflimum ; fi ab injuria, remittendum. Undc integris omnibus hoc ad noilram
(gientiam referatur, ut ex perfonis hominum difia pcnletmis , & utrum prictuiniitti ¿n
e>cjuiri debeant, ccnfeamiiî.
Lege utùcâ Codke, Libr. p” . tuuh
�263
L a Loi finit par ordonner le renvoi devant le P rin ce, qui jugera
par lui-même la gravité des injures fu r la qualité des perfannes , '&
décidera fi le délit doit être abandonné ou pourfuivi.
C e que l’Empereur preferivoit au Préfet du Prétoire 7 qui repréfentoit fa p erfon n e, & auquel il avoit confié la plénitude de fa
puifîan ce, ne pouvons-nous pas le propofer au Sénat dépoiitaire
de l’autorité de nos R o is, q u i, fans chercher à venger fon injure
perfonnelle, ne doit être affe& é'que de celle faite à la L o i & à
ion Souverain ?
,
M ais en abandonnant l’Auteur à la févérité. des Loix qu’il a
o utragées, & au mépris de la Nation qu’il cherchoit à induire ea
erreur, nous ne devons pas oublier le Mémoire en lui-même & 1^.
Confultation qui en a autorifé la diftribution. .
.
D éjà plus d’une fois nous nous fommes élevés, contre cet abus.
L es M ém oires, q u i, dans l’origin e, n’ont été admis que pour
l’inftruftion des Ju ges & du Barreau , font aujourd’h u i, plus que
jamais ,, un objet d’amufement & -de curiofité poux le Public ; nous
pouvons même dire une affaire de com m erce dans la Librairie
une fpéculation d’intérêt poür les Parties. O n les colporte dans les
places & les promenades publiques ; on les vend à la porte des
Jardins & des Speftaclcs ; ils font étalés fur les Quais &: fur les
boutiques des Libraires y on a foin de les orner d’épigraphe’s &
de fentences qui en annoncent l’efp rit, & l’on a porté l’extrava
gance ju fqu a les faire accom pagner, du portrait des malheureux
pour lefquçls ils font rédigés. Faut-il donc s’étonner fi le ton grave
du Barreau fe perd infenfiblem ent, fi la plaisanterie prend la place
de la décence , & fi le fiel & l’amèrtume fuccedent ù .1 honneteté
& à la m odération? Autrefois on fe faifoit un devoir de refpefler
l’erreur même d e s'Ju g e s dont on a t t a q u o i t les. Jugem ens ; trèsfouvent aujourd’hui on s’imagine les faire réformer, en les accufant
de partialité & de prévarication. L ’honneur & la probité du M agiftrat n’étoient jamais compromis j on ne craint point de lés
K k
�164
accufer d’injuitice & de corruption. Les anciens Mémoires ne
préfentoient qu’une narration fim ple, naturelle & au moins vraifemblable des faits , une expoiition claire & précife , facile &
méthodique des moyens. Com bien n’en avons-nous pas vus de nos
jours qui ne contiennent que des avantures romanefques , des
épifodes fab u leu x, ou des peintures adroitement v o ilé e s , quel
quefois même trop licencieufes, ou placées avec tant d’art dans un
demi-jour favorable , que l’im agination, prompte à s’enflammer,
croyoit voir des objets qui n’exiftoient pas même dans le tableau,
& ajoutoit à l’indécence des perfonnages ? Com bien en pourrionsnous citer où l’on s’eft permis de couvrir de ridicule les Adverfaires, qu’il ne falloit que combattre ou détromper? Com bien enfin
où l’on a immolé à la vengeance l’honneur des C ito y en s, l’honneur
qui ne peut jamais être confondu avec les torts, & qui doit, être
toujours refpe&é.
Puiffe un affreux prefîèntiment ne jamais fe réalifer : mais à la
vue de cet oubli des premiers devoirs d’une profeffîon auffi an-»
cienne que la M agiflrature, n’eft-il pas à craindre que la C o u r ,
accoutum ée à voir le premier Barreau de la France exercer fur Im
même une difcipline r ig o u r e u fe n o b le apanage de fa liberté &
sûr garant de l’indépendance qu’il efl fi jaloux de conferver ; la
C our qui a de tout temps maintenu l’ordre des Avocats dans
l’honorable poffeffion d’être les Cenfeurs de leurs propres écrits;
qui pour l'intérêt même de la Société, les laiffe s’affujettrr au joug
volontaire des Loix féveres, mais hon orables, qu’ils regardent
eomme la prérogative la plus précieufe
8c
là fauve-garde de leur
état ; qui enfin a toujours envifagé avec une vraie fatisfaftion les
liens de confraternité feuls propres à entretenir lunion de C itoyen s
qui fe confacrent à la défenfe de l’honneur, de la v i e , de la for
tune de leurs C oncitoyens ; nreft-il pas à craindre, difons-nous ,
que la C o u r , en établiffant la cenfure fur les Mémoires qui fe dis
tribuent dans l’enceinte du P alais, ne reprenne cette diftinftioa
�2¿>5
que la fageiTe & la confiance avoient méritée aux Jurifconfultes
de tous les âges, & qu’elle ne faiTe exercer cette efpece d’infpeftion légale par des Députés choifis dans l’Ordre m ôm e, pour
lui conferver fes antiques ufages'^ & ramener-une jeuneiTe inconfidérée à cet efprit de modération qui a toujours caraftérifé une
aiTociation lib re , d’hommes exempts de paiïibn , & qui attendent
leur confédération de l’eftime & de la confiance de tout le Public.
S’il eft douloureux pour notre miniftere» d’être contraints de
relever en ce moment de.s, abus auffi dangereux, c ’eft un furfcroît
d’affli&ion pour nous d’ufer de rigueur contre un jeune A vo ca t j
connu de tous fes Confrerespar fon défintéreflem ent, fa probité
& fes fentimens. Nous aimons à lui rendre ju ftice, même en cenfurant fa conduite. C ’eft fans doute une légéreté in co n cevab le,
une indifcrétion g ra v e , un oubli impardonnable de fa part d’avoir
autorifé, par fa fignature , l’impreffion du Mémoire prétendu jujlific a tif, & d’être ainfi la caufe , peut-être in nocente , d’un fcandale
inconnu jufqu’à nos jours. Mais enfin malgré toute la force de
ce rep roche, ne doit-il pas nous être permis de diftinguer l’Auteur du M ém oire
d’avec l’Auteur de la
Confultation ? L e premier
n’a entrepris de défendre la Caufe des trois Accufés que pour
avoir l’occafion d’injurier la L oi & les Miniftres de la Loi : le
fécond , en accordant fa fignature par un excès de zèle, a cru
défendre la Cauie de l’humanité : & il eft au moins à préfumer
qu’il a regardé le Mémoire comme néceftaire pour fauver la vie
il trois infortunés.
'
.
La levérité de notre miniftere eft prefque défarmée par l’efpece
d interdi&ion provifoiue que l’Ordre des Avocats a prononcee
contre un Membre qui n’a pas fenti l’imprudence d accorder fa
fignature pour autorifer l’impreflion d’un O uvrage plutôt fait pour
animer les efprits que pour les éclairer. Nous aimons à nous per
suader que M° Legrand de Lalcu n’a pas connu le danger de fa
complaifance : ■
& s’il a cru faire un ajfte d’humanité envers trois
Kk
2
�lofs
2.66
,
hommes condam nés. au dernier fupplice, la modération dont nous
ufons envers lu i, lui apprendra pour l’avenir à fe défier même
de fes bonnes intentions, lorfqu’il en peut réfulter un éclat capable de troubler /l’ordre public. Sa faute même pourra tourner
à fon av an tag e, fi Ton efprit ne s’eft pas laiffé féduire au preflige
du n e célébrité éq u iv o q u e, & fi reconnoifTant fon erreu r, il fe
pénètre de cette v érité, que le premier devoir d’un Jurifconfulte,
eift de fe conformer aux réglés de fon é ta t, de ne laifTer imprimer
fur: fa fignature que fes propres O uvrages , de donner .l’exemple
de l’obéiffance à.la L o i, & denne jamais s’écarter du refpeft qu’il
doit aux M agiftrats gardiens des O rdonnances & dépofitaires de
Réflexions
tTun C itoyen
son gradué,
-l’autorité.
N ous devrions terminer ici le compte que la Cour nous,a char
gés de lui tendre. M ais depuis l’impreffion du Mémoire prétendu:
-jtiflifivâtif\ il a paru une Brochure irripjimée pour venir à l’appui*
d’un fyftêm e auffi dangereux. C e font les mêmes principes & les;
aflêmes inve& ives; le même efprit & la même arrogance. L ’Ècri-vain, en louant le courage de M c Le grand de L a ie u , n’a pas cru’
devoir fe .nommer : 5 c tout aufïi prudent que l’Auteur du Mémoire
prétendu ju jlificatif \ il veut être anonym e comme lui. Semblable
à ces hommes perfides, qu i, fous le voile de la Religion y & même
a u pied des A u tels, ofent. frapper d’un flilet caché celui qu’ils
tremblent d’attaquer à force ouverte & à vifage découvert, cç
nouvel Inconnu dirige iès coups contre le Corps entier de la Ma*
giflrature jufques dans le San&uaire de la Juftice.
C e /l, dit-il y L’éloquence du Défenfeur des trois Condamnés, qui a'
produit cet effet prodigieux dont le Parlement ejl irrité & humilié.Pourquoi la Cour feroit-elle irritée ou humiliée d un tiiTu de phrafesampoulées & d’amplifications laborieufés, dignes de fon mépris
•bien plus que de fon animadverfion ?
L ’Auteur ajoute q u il efl de l'intérêt du Parlement & defon devoir?
■de renoncer <i fe s vues d'ambition odieufes aux bons Citoyens, à des•
T
i
f
f j
�2.Ó7
préjugés que la N a tio n s ’indigne de lui voir partager, à une intolé
rance qui la révolte 9 a un mépris p ou r les hommes 3 a une dureté de
principes , à une négligence. de f e s devoirs 3 à une chaleur p our f e s
prétentions, -qui a altéré notre confiance,
refpecl.
. '
& détruit notre antique
,
: ,.
C ’eíl toujours au nom de la Nation que parlent les Réform a
teurs : on diroit qu’ils font-fondés de fes pouvoirs pour infulter fes
Magiflrats. C e n’efl heureufement que dans leurs écrits, que la Nation
s’indigne des préjugés que le Corps de la Magiflrature con ierve,
parce que ces prétendus préjugés ne font que les anciens principes,
avoués de la Nation elle-même. Quant à la confiance qu’on pré
tend altérée , à cet antique refpeft qui fe détruit fous la plume d’un
Ecrivain u lcéré, ce n’eft ni de lu i, ni de fes Partifans qu’on peut
être flatté de mériter l’approbation. D e même que l’hypocrifie efl
un hommage que le vice rend à la vertu ; de même les injures de
la calomnie font un hommage que la Philofophie du iîecle rend
à la Magiilrature.
. . .
■ L ’Auteur demande que les Juges fupériturs aient un Tribunal q u i
Jes ju g e . Son inquiétude lui en feroit bientôt demander un troi-
fieme pour juger.les deux premiers. E t , comme nous l’avons déjà
dit, la mauvaife foi ne manqueroit jamais de prétexte pour épuifer
to u sles degrés. Mais ce nouveau Tribunal n’eil. pas difficile à
reconnoitre. ’
r-,
,¡
,
L e Parlem ent , dit PAuteur , doit garder le filenc-e f u r le M ém oire
prétendu j u f l i f c a t i f I I rie fl pas de f a dignité de combattre l ’opinion
publique p a r des A rrêts qui lui donneraient p lu s de fo rce , & de montrer
p a r une conduite imprudente q u i l fe n t le p r ix de l’ opinion publique }
mais qu i l ainte m ieu x f e fouflraire à fo n ju g em en t, que de la mériter.
Nous l’avons preflenti : c’eil à fon propre Tribunal que l’Auteur
ne craint point d’appeller le premier Parlement du Royaum e. Il
lui trace la marche qu’il doit fuivre ; il le menace de la févérité
de cette opinion publique, dont il doit fans doute di&er le juge
�268
ment. Mais c’eft à cette AlTemblée toujours fubiîftante que nous
ofons en appeller.
Q u ’efl-ce que l’opinion publique ? Eft-ce le fentiment dun cenfeur qui fe cache au milieu de la m ultitude, & qui s’arroge le
droit de parler en Ton nom , qui donne Ton avis particulier pour le
vœ u général du Public rafl’em b lé, qui fe cqm pofe un Aréopage
ténébreux, dont il ne fort que des décidons marquées au coin de
l’indépendance & de l’animofité ? N on , fans d o u te, on ne reconnoitra jamais l’opinion publique à ce caraftere de partialité.
L ’opinion publique eft le concours de toutes les lum ieres, le
produit de toutes les réflexions,. le réfultat de tous les fuffrages,
la réunion de tous les ientim ens, un concert d’avis uniform es,
&c en quelque forte le rapprochement de tous les efprits. C ’eft
une voix com pofée de toutes les voix qui rendent les mêmes
fo n s , qui préfentent les mêmes images , qui tendent au même
but. C ’efl: un vœ u généralement exprimé , & dont l’autorité eft
d’autant plus forte , que ceux qui le prononcent fe trouvent réunis
par la même façon de fentir & de penfer fans s’être confultés, fe
rapprochent fans fe connoître , & s’accordent le plus fouvent fans
le vouloir. V oilà ce qu’on peut appeller l’opinion p u bliqu e, la
feule q u il faut confu lter, la feule qu’on peut écouter , la feule
qu’on doit être jaloux de fixer & d’obtenir.
TJn Corps, dont l’eiTence efl: d’être invariable dans fes principes,
ne fe livre jamais à ces efïervefcences d’un moment, qui peuvent
reflembler quelque temps à l’opinion publiq ue, par la multitude
des Enthoufiaftes qu’elles échauffent, mais dont la lumicre de la
raifon diffipc le faux éclat. L’homme la g e , étonné d’avoir été fédu it,
rejette des maximes qui tiennent de trop près à l’efprit de parti :
& l’èfprit de parti ne peut jamais être l’efpr h général de la Nation.
Elle envifageril le Mémoire prétendu jufiijîcatif comme un
aflemblage monitrueux de paradoxes & de fauffetés. Elle y trou
vera le fanatiiine pÀrté au dernier excçs ; la liberté de tout écrire
�i6cf
pouflée jufqu’à l’aveuglem ent ; la mauvaife foi déguifée fous une
interprétation arbitraire de la L o i , & les principes les plus féditieux
voilés fous des ptoteftations de refpeét & de foumifîion.
C es juftes reproches font les motifs des C on clu ion s par écrit
que nous laiffons à la C our avec le M ém oire qui nous a été com
muniqué.
't
E t fe font les Gens du R o i re tiré s, après avoir laiiTé fur le
Bureau lefdits M émoire & C on fultation, & les Conduirons par
eux prifes par écrit fur iceux.
Eux retirés.
V u l’imprimé in-4 0. intitulé: M é m o i r e j u s t i f i c a t i f pour
trois hommes condamnés à la roue, à P a r is , de l’imprimerie de
Philippe - D en ys P ie rres, premier Imprimeur ordinaire du R o i ,
M . D C C . L X X X V I . ledit Imprimé fans nom d’A uteur, contenant
2 4 9 pages d’im preffion, com m ençant par ces mots : Le 11 Août
i j S b , une Sentence du B ailliage de Chaumont, & c . & finiflant
par ceux-ci : E t font innocens comme eux. Vous êtes R oi ; foufcrit
d’une c r o ix , pour tenir lieu de la iïgnature de Lardoife y & figné
Jean-Baptiile Simare & Charles B rad ier, à la fuite defquelles trois
fignatures fe trouve une note commençant par ces mots : N ous
fourrions répéter, & finiflant par ceux-ci : D e connaître la vérité..
V u aufli la Confultation étant à la fuite dudit Imprime ,,
contenant deux p a g e s d’impreflxon , numérotées 2 5 0 & 2 5 1 , ,
commençant par ces mots : L e Confeil fouffign é, qui a vu le
Mémoire ci-deffus , & finiflant par ceu x-ci : Combien il cùme <r
épargner les pleurs & le fa n g des hommes. D élibéré à Paris le 14
Février 1 7 8 6 , & figné L e g r a n d d e L a l e u . Conclufions du
�27°
Procureur G énéral du R oi. O u i le rapport de M c G abriel Tand e a u , Confeiller. La matiere mife en délibération.
LA
COUR
ordonne que lefdits M ém oire & Confultation
imprimés feront lacérés & brûlés en la cour du P alais, au pied
du grand efcalier d’ic e lu i, par l’Exécuteur de la H a u te-J u ftice,
comme contenant un expofé faux des faits, & un extrait infidèle
de la procédure , des textes de L o ix auffi fauifement rapportés
que fauifement ap pliqués, calom nieux dans tous leurs reproches
hafardés contre tous les T rib u n a u x , injurieux aux M agiftrats,
tendant à dénaturer les principes les plus fa c ré s , deftru&ifs de
toute confiance dans la L ég ifla tio n , & dans les M agiflrats qui
en font les gardiens & les dépofitaires , . tendant à foulever les
Peuples contre les Ordonnances du R oyau m e, & comme atten
tatoires à l’autorité & à la M ajefté R o yale : enjoint à tous ceux
qui en ont des Exemplaires de les apporter au Greffe de la
C o u r , pour y être fupprimés : fait très-expreffes inhibitions &
défenfes à tous L ib raires, Im prim eurs, d’irpprim er, vendre &
débiter lefdits M ém oire
C on fu ltation , & à tous C olporteurs,
Diftributeurs & au tres, de les colporter & diftribuer, fous peine
de punition exemplaire : donne a£le au Procureur Général du
R o i'd e la plainte qu’il rend contre les Auteurs defdits M ém oire
& Confultation : ordonne qu’à fa requête il fera in form é, pardevant le Confeiller-R apporteur , que la Cour com m et, pour les
iénïoins qui fe trouveront à P a ris , & pardevant les Lieutenans
Criminels des Bailliages Sz. Sénéchauffées du reffo rt, pourfuite
diligence des Subftituts du Procureur G énéral du R oi efdits
S iè g e s , pour les témoins qui font hors de ladite V ille , contre
les Auteurs defdits Mémoire & C on fu ltation , pour les informa
tions -faites, rapportées & communiquées au Procureur Général
du R o i , être par lui req uis, & par la C our ordonné ce qu’il
appartiendra ; ordonne à cet effet qu’un
Exemplaire
defdits
�271
M ém oire &
Consultation fera déposé au Greffe de la C our ,
pour Servir à l’inftruction du procès. Ordonne en outre que le
.présent Arrêt fera imprimé , publié & affiché par-tout où befoin
fe ra , & copies collationnées envoyées aux Bailliages & Sénéchauffées du reff o r t , pour y être l u , publié & regiftré enjoint
aux Subftituts du Procureur Général du R o i efdits Sièges d’y
tenir la m ain , & d’en certifier la C our dans le mois. Fait en
P arlem en t, toutes les Chambres affem blées, le onze A oût mil
Sept cent quatre-vingt-fix. Collationné
L u t t o n .
Signé L E B R E T .
E t le Vendredi d ix-h u it A oût mil fept cent quatre-vingt-fîx ,
lefdits Mémoire & Confultation imprimés, énoncés en L’Arrêt cideffus , ont été lacérés & brûlés par l'Exécuteur de la Haute-Jujtice ,
au pied du grand efcalier du Palais en préfence de moi FrançoisLouis Dufranc , E cuyer, l ’un des Greffiers de la Grand’ Chambre 3
afjifté de deux Huif f iers de la Cour.
Signé D U F R A N C .
L 1
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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Description
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Arrêt de la Cour de Parlement. 1786]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Lebret
Dufranc
Subject
The topic of the resource
censure
injures aux magistrats
diffusion du factum
opinion publique
remise en cause d'une ordonnance criminelle
Description
An account of the resource
Titre complet : Arrêt de la Cour de Parlement, qui ordonne qu'un imprimé in-4°. Intitulé : Mémoire justificatif, pour trois hommes condamnés à la roue ; à paris, de l'Imprimerie de Philippe Denys Pierres, 1786, commençant par ces mots : le 11 août 1785, une sentence du bailliage de Chaumont, et finissant par ceux-ci : et sont innocens comme eux. Vous êtes Roi ; souscrit d'une croix pour tenir lieu de la signature de Lardoise, et signé J. B. Sinare et Charles Bradier ; et la consultation étant à la fuite dudit imprimé, commençant par ces mots : Le conseil soussigné qui à vu le mémoire ci-dessus, et finissant par ceux-ci : combien il aime à épargner les pleurs et le sang des hommes. Délibéré à Paris le 14 février 1786. Signé Legrand de Laleu, feront lacérés et brûles en la cour du palais, au pied du grand escalier d'icelui, par l'exécuteur de la Haute-Justice, comme contenant un exposé faux des faits et un extrait infidele de la procédure, des textes de loix aussi faussement rapportés que faussement appliqués, calomnieux dans tous les reproches hasardés contre tous les tribunaux, injurieux aux magistrats, tendant à dénaturer les principes les plus sacrés, destructifs de toute confiance dans la législation et dans les magistrats qui en sont les gardiens et les dépositaires, tendant à soulever les peuples contre les ordonnances du royaume, et comme attentatoires à l'autorité et à la Majesté royale.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Chez P. G. Simon et N. Nyon (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1786
1783-1786
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
271 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G0702
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Chaumont (52121)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
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Censure
diffusion du factum
injures aux magistrats
opinion publique
remise en cause d'une ordonnance criminelle