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f702618a802fe521ab0e4208200b6974
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m em oire
.
�Sí
G E N E A L O G I E
DES
PARTIES.
F ra n ço is V e s c lia m b e s,. m arié d eu x fois.
E n secondes noces
a
C a th erin e C o m b a rt.
E n p rem ières noces
M a rie la J a rrig e.
JeanJacq ues,
a
C la u d e .
G e n e v iè v e
la
V a is s iè r e .
M a rg u e rite . M a rg u e rite .
fo rclo se ,
à
F ran ço is
S am son .
C a th e rin e ,
idc n i
à
F ra n ço is
V escham bes.
,
M a rg u e rite , F ra n ç o ise ,
a
Ja cq u es
A n to in e
V a la rc h e r.
D a u z a t.
I
Jeanne,
à A n to in e
F au co n ;
intimés
et
appelan$.
A
¡E n grem y.
!---M ich elle ,
F ra n ço ise
F ra n ç o is ,
m ort sans
p o sté rité
après
le père.
M arg u e rite
à
N . R och e.
A n to in e ,
a in stitu é
Jacques
V a la rc h e r.
C a th e rin e ,
P ie r r e ,
à
m ort sans
Jean
p o s té rité ,
N au fa ri.
a in stitu é
M a rg u e rite
fpm m e
P ierre.
D a u za t.
I
A nue,
à
Jacq u es
de D o u e t.
I
Jeann e,
v îta l
de D ien n e;
appelons..
=JÎ
�P RECI S
E N
R E P O N S E ,
POUR
F r a n ç o i s e V E S C H A M B E S , veuve de Jacques
V a la rch er
; J e a n n e V A L A R C H E R , et
A n t o i n e F A U C O N , son mari , intimés et
incidemment appelans ;
CONTRE
Sieur
D E D I E N N E , et dame J e a n n e M a r i e D E D O U E T , son épouse, appelans
d'un jugement rendu au tribunal civil de M urat,
le II prairial an I I .
L A
V ita l
dam e de D i e n n e o c cu p e dep u is
lon g -tem p s les
t r i b u n a u x , d ’u ne v ie ille r e c h e r c h e sans i n t é r ê t , q u i jus
q u ’ici n ’a e u d ’au tre o b je t q u e d e d iv u lg u e r les m alh eu rs
d e sa fa m ille.
A
�H
( O
Un succès éphémère l’a enhardie dans ses prétentions ?
mais sa proie lui échappe au moment de la saisir ; et si
les intimés avoient été assez heureux pour avoir dans
les mains les titres, dont ils justifient maintenant T l’arrêt
de la cour, du 2 thermidor an 8 , auroit décidé dans un
sens tout contraire.
Mais aujourd’hui les suites de cet arrêt ne sont plus
effrayantes. La dame de Dienne a attaqué, contre ses inté
rêts , un traité de famille qu’elle devoit respecter. Il est
prouvé qu’elle a. plus à rendre qu’elle ne doit espérer
de recouvrer ; elle essaie de lasser la patience de ses cohé
ritiers par des discussions sans nombre ; elle ne viendra
pas à to u t de ses desseins ", elle succombera dans ses.
prétentions..
O n va présenter l’aperçu de cette cause * on élaguera
tous les détails inutiles. La généalogie jointe au mémoire
apprend l’état et les qualités des parties. On analisera
rapidement les titres qui ont donné lieu à la contes^
tation.
F A I T
S.
O n voit que François Veschambes, auteur commun
des parties , a été marié deux fois; qu’il a eu quatre
enfans d’un premier mariage, et cinq du second.
Far son second contrat de mariage avec CatherineCômbart, du février i
, sa seconde épouse se cons
titue une somme de 2700 fr. dont 300 pour meubles.
François Veschambes légitime ensuite ses enfans du pre
5
685
mier lit¿ et ceux (l u* pourront naître du nouveau mariage..
�JS
f
>
3)
Il constitue à Marguerite Yeschambes, sa fille aînée , une
somme de iooo fr. ; à autre Marguerite, 700 f r . , et à Jac
ques Veschambes, 1000 fr. ; et donne, par préciput et
avantage , aux enfans qui proviendront de son second
mariage, et au premier qui naîtra , soit fille o u garçon,
la somme de 3000 fr» de son clief, et aux autres, une
somme de 1000 fr.
L e 24 mars 1696, F r a n ç o is V e s c h a m b e s fit son tes
tament; il légua à A n t o i n e et Catherine Veschambes,
ses enfans du second l i t , et à chacun, une somme de
1000 f r . , et aux autres trois enfans la somme de 700 fr.
chacun.
Il institue pour son héritière générale et universelle
Catherine Com bart, son épouse, à la charge de payer
les légitimes , tant des enfans du premier que du second
lit. Il veut qu’en cas de convoi, sa femme soit privée de
l ’hérédité; qu’elle la rende à un de ses enfans, et du tes
tateur , que bon lui semblera , sans qu’elle soit tenue à
aucune reddition de compte ni payement de reliquat.
Si sa femme vient à décéder sans avoir fait son choix,
il veut et entend qu’Antoine Veschambes soit son héri
tier; mais cette disposition est toujours subordonnée à
l’élection de Catherine Combart.
François Veschambes, testateur, est mort le 23 février
*1700. L e 21 mars suivant, sa veuve prenant la qualité de
tutrice des enfans, tant du premier lit que du second, répu
dia a la succession de son m ari, par acte mis ou greffe de
la justice de Cheylades : il fut nommé un curateur à la
succession vacante ; mais , dans la même année, Jacques
Veschambes, fils aîné du premier l i t , représenté par
A 2
�4
(
).
toutes les parties , et se disant créancier de la succes
sion de son père, obtint une ordonnance du lieutenant
général de Saint-Flour , qui lui permit de jouir des
biens de la succession répudiée, sans qu’on pût en induire
aucune qualité préjudiciable.
Jacques Veschambes s’empara commodément de l’uni
versalité des biens; il afferma, le 13 avril 1700, à un
nommé Hugues Chevalier, un domaine appelé de la Buge.
Cette ferme fut consentie pour six années, moyennant 26
quintaux de fromage pour chacune d’elles : une partie
du prix de la ferme est déléguée à un sieur Dusaillant,
créancier personnel de Jacques Veschambes.
En 1706, un sieur D a n ty , ci’éaneier du père, trouvant
Jacques en possession des biens, le fit assigner en paye
ment de ses créances. En défenses, il oppose la répu
diation du 21 mars 1700, et soutient qu’il ne jouit
des biens que par permission de justice , et comme /
créancier.
L e 19 avril 1708, Jacques Veschambes vendit deux
prés de celte succession, moyennant 360 francs, au sieur
de Cheylades.
L e 31 mai 1708, Jacques Veschambes prit à titre de
bail emphitéotique, du sieur Dusaillant, un petit domaine
situé à la Buge, et voisin de celui de son père, moyen
nant la rente annuelle de 60 francs remboursable en deux
payemens.
Ce premier contrat fut résolu faute de payement5 mais
il lui fut consenti un second bail le 17 septembre 1729.
Il fut procédé à Pifrpcntement des héritages vendus; et
il résulte, du procès verbal des experts, que ce bien est
�(5)
d’une contenue de 12 journaux de p r é , et une septerée
et demie de terre en champ ou jardin.
On voit, d’après tous ces actes, que Jacques Veschnmbes- n’avoit d’auLres propriétés que le petit domaine qui
lui fut concédé à titre de bail emphitéotique. Il ne jouissoit que précairement des biens de son p è r e , et sous le
prétexte qu’il en étoit créancier. Cependant les appelans
veulent faire usage d’un-acte en date du 3 mars 1 7 1 0 ,
par lequel Catherine Combart avoit subrogé Jacques
Veschambes à tous ses droits et hypothèques sur la
succession de son mari. On verra bientôt qu’ils ne peuvent
tirer aucun avantage de cette prétendue subrogation qui
n’a jamais eu aucun effet.
Jacques Veschambes étoit lui-même si convaincu que
la succession de son père étoit absorbée par les dettes,
que, par acte mis au greffe de Cheylades en 1 7 1 2 , il
vient déclarer qu’il a connoissance de la répudiation
faite en son nom, le 21 mars 1700, par Catherine Com
bart, sa belle-mère : il adopte cette répudiation, et la
ratifie, et répudie de nouveau, en tant que de besoin.
Il fait un usage continuel de cette répudiation contre
les créanciers de son père. Une sentence du i mars
1 7 2 1, rendue au bailliage de Cheylades, le renvoie d’une
demande formée contre lui par un nommé M e y, mar
chand ù Billom, attendu la répudiation par lui rapportée,
et sauf aux créanciers à se pourvoir contre le c u r a t e u r
& la succession vacante. Dans cette sentence est visée
l’ordonnance rendue par le lieutenant général de SaintFlour, qui lui permet de jouir des biens de son père
sans se porter héritier.
5
�(6)
Le 21 mars 1729, Jacques Veschambes maria Michelle,
sa iille, avec François Samson ; il lui constitua une
somme de iôoo francs qui dans la suite a été payée
par Jacques Valarcher, représenté par les intimés.
L e 23 novembre 1735 , mariage de Catherine Ves
chambes , autre fille de Jacques , avec François Ves
chambes. L e père lui constitue une somme de 1400 fr.
qui a encore été acquittée par Jacques Valarcher.
Ici commencent les malheurs de la famille. En 1738 ,
Jean Naufary fut tué par Jacques Veschambes, son beaufrère. Ce dernier prit la fuite , et il fut rendu contre lui
un jugement par contumace, qui le condamna à la peine
de mort. Cette sentence fut suivie de la confiscation de
ses biens ; elle fut même exécutée par effigie; mais on ne
rapporte pas le procès verbal d’exécution.
Jacques Veschambes, en fuyant, vendit tout le mo
bilier mort et v if de la succession de son père, et laissa les
biens dégarnis de bestiaux.
L e premier octobre 1738, Antoine et Pierre Vescham
bes, frères, Marguerite, Françoise et Anne Veschambes,
nièces d’Antoineet Pierre, se virent obligés de prendre
à cheptel , d’un sieur Teillard , marchand ù M u r â t ,
vingt-quatre vaches suivies de dix ve a u x , quatre bourrets et deux doublons, m o y e n n a n t 868 francs ; ils ache
tèrent les meubles et outils d’agriculture nécessaires h
l’exploitation des biens : le prix de ce cheptel a encore
été remboursé par Jacques Valarcher.
Ces précautions n’empechèrent pas la saisie de tous les
fruits, de la part des collecteurs, pour les années 1738,
1739 et 1740. Antoine et Pierre Veschambes s’eu ren
dirent adjudicataires.
�f
7)
.
Antoine Veschambes ayant pris connoissance des pa~
piers de la famille , découvrit le testament de son père,
¿le 1696. Il apprit, par cet acte, qu’à défaut d’élection
faite par Catherine Com bart, sa m ère, le titre universel
reposoit sur sa tête. Il fit contrôler ce testament le premier
décembre 1741, se porta héritier de François Veschambes,
son p è re , et obtint, le 22 février 1743* ^ l’élection de
S ain t-F lour, une sentence qui déclara toutes les saisiesde fruits nulles, en fit main-levee à A ntoine Vesehambes,
comme propriétaii’e des biens. Cette sentence fut signifiée
le 23 février 1743, tant aux saisissans qu’à Pierre et
Jacques Veschambes, au dernier domicile de ce dernier,
en parlant à son fils. Cette sentence n’a jamais été atta
qu ée, et a acquis l’autorité de la chose jugée.
L e premier février 1 7 4 1 , Françoise Veschambes con
tracta mariage avec Jacques V alarcher; elle se constitua
tous ses biens , sans entendre néanmois^/àm? aucun acte
préjudiciable.
L e 14 mars 1744, Antoine Veschambes, qm étoit en
possession de tous les biens de Jacques, son père, en vertu
de son testament, fit donation au profit de Jacques Valarclier, de tous les droits par lui acquis, tant par le tes
tament de François Vescham bes, son père , que p a rle
deces de Catherine Com bart, sa mère. Cette donation
comprend même les droits rescindans et rescisoires ; elle
contient tradition actuelle et réelle; elle a été insinuée et
revêtue de toutes les formalités prescrites. Jacques V a îa relier s’est mis en possession de tous les biens de François
Vescham bes, a payé tous les créanciers qui se sont
présentés, et a joui de tous les biens sans trouble de^
puis, le moment de celle donation»
�(8 )
L e 31 mai 1744, mariage de Marguerite Veschambes,
autre fille de Jacques, avec Antoine Dauzat. Pierre Ves
chambes , son oncle consanguin, l’institue son héritière
universelle.
L e 4 juin 1744, traité entre Catherine Veschambes ,
veuve de Jean N aufary, et Pierre Naufary, son fils et
son héritier, et Jacques Valarcher, par lequel la veuve
Naufary et son fils cèdent à Valarcher tous leurs droits,
et tout ce qui peut leur rester dû sur la succession de
Françoise et Jacques Veschambes, en vertu du traité
passé entre Jacques Veschambes et Catherine Combart,
le 3 mars 1710.
L e 16 juillet 1744, mariage d’Anne Veschambes, mère
et belle-mère des appelans, avec Jacques de Douet. Par
ce contrat, Anne Veschambes, majeure, donne pouvoir
à son mari de rechercherions ses biens, traiter et tran
siger d’iceux , et en donner quittance.
L e 23 juillet, même année, cession de Jacques de Douet
au profit de Jacques V alarch er, de tous les droits suc
cessifs paternels et maternels d’Anne Veschambes , même
de ceux qui pouvoient lui revenir du chef de François
Vescham bes, frère et beau-frère commun: cette cession
fut consentie moyennant i 5 oo francs et quelques meubles,
le tout payé par Jacques Valarcher.
La condamnation de mort prononcée contre Jacques
Veschambes avoit entraîné la confiscation de ses biens.
M . de Montboissier, seigneur haut-justicier les réclamoit :
le 10 janvier 17 6 7, il se départit de tous scs droits eu
faveur de Jacques Valarcher et de Françoise Veschambes,
moyennant 60 francs de rente annuelle, et sans retenue;
plus,
�fo j
plus, 300 francs pour frais faits au bailliage de Saint-Flour,
et à Cheylades. Cet acte prouve que tousses biens du fu
gitif consistoient dans le petit domaine qu’il avoit pris
en empliitéose du sieur Dusaillant. L a confiscation ne
frappoit que sur cet objet.
L e 4 juillet 1757 , traité portant cession entre Fran
çois Vescliambes , mari de Catherine, à Jacques Valarc h e r , moyennant une somme de 2200 francs, payée par
ce dernier.
L e p r e m i e r février 1780, mariage de Jeanne V a la r-'
cher, fille de Jacques, avec Antoine Faucon ; elle est
instituée lieritière universelle de ses père et mère, et de
Marg uerite Vescliambes, femme Dauzat, sa tante.
La paix de la famille n’avoit plus été troublée jusqu’au
30 brumaire an 6, que la dame de Dienne et sou mari
imaginèrent d’attaquer les intimés en partage des succes
sions de Jacques Vescliambes et Geneviève la Vaissière^
leurs aïeux communs, pour leur en être délaissé leurs
portions afférentes, ainsi que ce qui devoit leur revenir
par le décès des deux mâles qui avoient profité du droit
d’accroissement d’Anne ? Michelle et Marguerite Vescliambes.
. ..
Les intimés opposèrent à cette demande le traité du 16
juillet 1744; mais les appelons demandèrent la nullité
de ce traité, sur le fondement que Jacques de Douet
n’avoit pas eu la faculté de vendre par son contrat de
mariage; que des-lors il qvoit aliéné des biens dotaux,
contre la prohibition de la coutum e; et ils c h e r c h è r e n t à
prouver que la demande en nullité 11’étoit pas éteinte
par la prescription.
B
-M
�Ils voulurent encore écarter le traité fait avec M . de
Montboissier, et soutinrent que la confiscation n’âvoit
pu avoir lieu, dès qu’on étoit hors d’état de rapporter le
procès verbal d’exécution du jugement de mort.
Toutes les prétentions, les défenses et les explications
données par les parties, n’avoient pour objet que les biens
2?ersonnels de Jacquds Vescliambes ; et sur ces contestations
il intervint au tribunal de S a in t-F lo u r , le 13 ventôse
an 8, un jugement qui déclare nul le traité du 23 juillet
1744, passé entre Valarcher et Jacques de Douet ; con
damne Valarcher et sa femme à venir à partage des biens
de Ja cques Veseham bes et Geneviève la V a issièr e ,
pour en etre délaissé aux appelans un sixième de leur
chef, un tiers dans le sixième que François Veseliamhes,
frère , décédé ab intestat, amendoit de son chef; un tiers
dans les deuxf autres sixièmes que ce même frère amendoit dans les successions du chef des deux filles forcloses ,
avec restitution des jouissances et dégradations depuis le
décès de Jacques Vesehambes et Geneviève la Vaissière.
On excepte de la restitution des jouissances toutes les
a n n é e s qu’a duré le 'mariage de Jacques de Douet avec
A nne Vesehambes. La dame de Dienne est tenue de rap
porter la somme de i oo francs, prix du traité de 1744 ,
et elle est également chargée de conférer proportionnel
lement 'les deux dots des iilles foi’doses ; elle est débou
tée dé sa» demande relative au partage de la succession
cl’Antoine Vesehambes; il est ordonné que les parties
conviendront d’experts, pour procéder au partage; les
dépens sont compensés pour etre employés en frais de
5
partage.
�Appel de ce jugement de la part du sieur Valarchev
et de Françoise Veschambes. La dame de Dienne et son
mari interjettent aussi appel incident de ce jugement, en
ce qu’ils avoient été condamnés au rapport de la somme
de i oo francs reçue par leur père; ils prétendent devoir
être déchargés du rapport de cette somme, parce qu’ils
ne sont pas héritiers de Jacques de D o u e t, leur père et
beau-père.
Il est bon de remarquer que l’appel de Valarcher et
sa femme étoit restreint au seul chef du jugement qui '
avoit prononcé la nullité du traité de 1744, et que, de
leur côté, les sieur et dame de Dienne ont respecté ce
.jugement, quant au chef qui les déboutoit de leur de
mande en partage de la succession d’Antoine Veschambes,
ainsi que de celui qui rejetoit également leur demande
en réduction du testament de 1693, à. raison de ce que
les biens étoient situés en coutume, et que le testateur
n’avoit pu donner que le quart. On ne s’est pas occupé
de ces deux objets , parce que tout est jugé entre les
parties sur ces deux points, et qu’il est inutile de grossir
le volume de la procédure qui n’est déjà que trop con
sidérable.
5
Sur les appels respectifs, arrêt de la cour,, du 22 ther
midor an 8, qui confirme le jugement du tribunal de
Saint-Flour, respectivement à la nullité du traité, et or
donne, avant faire droit sur l’appel incident, que Valar
cher et sa femme feront preuve, tant par titre que par
témoins , que la dame de Dienne a fait acte d’héritier
de Jacques de Douet, son père, en s’em p aran t de tout
B a
�m
( 12 )
ou de partie de sa succession, sauf la preuve contraire:
la moitié des dépens est réservée.
>
? En-vertu de cet arrêt, les experts ont été nommés
pour procéder au parLage. Valarelier et sa femme de
leur côté ont fait procéder à l’enquête sur l’appel incident.
La dame de Dienne a fait aussi une enquête contraire.
Les experts nommés se transportèrent pour vaquer
à leurs opérations ; il fallut établir la consistance de la
succession de Jacques Veschainbes, auteur commun; il
n’avoit laissé autre chose que le petit domaine qu’il avoit
pris à titre d’emphitéose du sieur Dusaillant; et encore
falloit-il en distraire le principal de la rente empliitéotique, qui avoit été remboursé par Jacques Vala relier.
La modicité de cette succession fait disparoître le
prestige. La dame de Dienne voit évanouir ses préten
tions chimériques, ses calculs exagérés, et alors elle veut
soutenir que les biens de François Veschambes, père de
Jacques, doivent entrer dans le partage; elle veut qu’on
y comprenne le grand domaine de la Buge qui avoit
appartenu à François.
Elle feignoit sans doute d’ignorer les répudiations
réitérées de Jacques Veschambes, son aïeul, l’institution
de François, son bisaïeul, au profit d’Antoine; elle vou■
loit mettre également de coté la disposition du jugement
de Saint-Flour qui la déboutoit de sa demande, soit en
réduction du testament de François, soit en partage de
la succession d’Antoine. Les opérations des experts furent
arrêtées; et, le i cr. messidor an 9 , nouvelle demande
des appelanSj tendant ù ce que la succession de Jacques
�3
( ï )
Vcschambcs fût composée, non-sculcmcnt des b'ens pr.r
lui acquis, mais encore cl’un dixième dans la succession
mobilière et immobilière de François Vcschambcs, son
p ore, eu égard au nombre de neuf enfans , Catherine
Combart comptant pour un ; d’un quart dans ceux de
sa mère, eu égard au nombre de quatre enfans; et qu’en
suite les jugemens des 16 ventôse et 22 thermidor an 8
fussent exécutés suivant leur forme et teneur.
C’étoit évidemment revenir contre la chose jugée.
I-e sieur Valareher et sa femme soutinrent qu’ils
étoient non-recevables dans leur demande ; ils récla
mèrent différons prélèvemens sur les biens personnels
de Jacques et sur ceux de François, son fils. Jeanne
"Valarclier, femme F au con , en sa qualité d’héritière
instituée de Marguerite Veschambes, femme Dauzat,
sa tante, demanda à être reçue partie intervenante pour
assister au partage. Toutes les parties ainsi réunies, les
intimés opposèrent que le testamént avoit été approuvé,
et que 'toutes demandes en réduction, comme toutes
réclamations contre la qualité d’Antoine , héritier ins
titué, scroieut évidemment prescrites, si déjà la question
n’étoit jugée, soit par le jugement de Saint - Flour et
1 arrêt de la cour d’appel, soit par la sentence de l’élec
tion de Saint-Flour , signifiée en 1743 , et qui n’étoit pas
attaquée. E11 conséquence les intimés conclurent que sans
s’arrêter à toutes ces demandes, il fût expédié à Jeanne
Valareher , intervenante dans les biens p e r so n n e ls de
Jacques, du chef de Marguerite Veschambcs , femme
D auzat, sa taule, un sixième qui étoit sa p o rtio n affé
rente; que la nia: se de la succession de J a c q u e s suroit
�^14^
seulement composée des biens désignés au bail ernpliitéotique de 1729 ; que cette succession seroit respon
sable, envers Valarclier et Françoise Veschambes, de
l’entier mobilier mort et v if , provenu de la succession
de François Vescliambes , dont Jacques s’étoit emparé et
qu’il avoit vendu lors de son évasion ; qu’elle seroit éga
lement responsable des jouissances par lui faites des biens
de François, depuis 1706 jusqu’en 1738, ainsi que des
intérêts des jouissances et du mobilier; que ces divers
objets seroient imputés et précomptés sur la portion
qu’amendoient les appelans ; que la dame de Dienne fût
condamnée à rembourser préalablement, et avant toute
mise en possession, et toujours dans la proportion de son
amendement, les dots de Miclielle et Catherine Vescliambes , les dettes de la succession de Jacques acquittées par
Valarclier, avec les intérêts ; que de cette succession seroit
distraite la somme de 300 francs que Jacques avoit donnée
à titre de préciput h M iclielle, sa fille, femme Samson,
et qui avoit été payée par Valarclier.
Les intimés firent en même temps donner copie de
tous les titres qu’on a analisés jusqu’ic i, notamment du
bail du 13 avril 1700, consenti par Jacques Vescliambes,
du domaine de la Buge, appartenant à François, son père;
de la répudiation de Jacques Veschambes, du 22 no
vembre 1712; de la sentence du i mars 172 1, rendue
entre Jacques Veschambes, et M e y , marchand à Billom ,
qui décharge Jacques Veschambes des condamnations,
attendu sa répudiation; des extraits des rôles de contri
bution , qui prou voient la jouissance précaire de Jacques
Veschambes.
5
�4
( i5 )
V oici le détail des prélèvemens demandés par lesr
intimés.
D ’abord, comme on l’a d it, la restitution du mobi
lier et des jouissances, les dots de Miclielle et de Cathe
rine Veschambes, le remboursement de la valeur actuelle
des biens immeubles de François Veschambes, vendus
par Jacques au sieur d’Estaing, seigneur de Cheylades,
le 19 avril 1708, la c o m p e n s a tio n jusqu’a due concur
rence avec les jouissances adjugées aux appelans, d u
capital de cheptel du 24 octobre 173^*
Plus, le remboursement des dettes de la succession de
Jacques Veschambes, payées par Jacques Vala relier; les
quelles dettes consistent, i ° . en la somme de 1200 f r . ,
prix principal de la rente empliitéotique de 1729, ainsi
que les arrérages d’icelle, suivant la quittance; 20. la
somme de 261 fr. 90 cent, due i\ René Teillard par
défunt Jacques Veschambes, en vertu de jugemens qu’on
rapporte, tout quoi a été payé par Jacques Valarelier ,
suivant un traité du 26 mai 1744; 30. la somme de 398 fr.
payée pour frais de la procédure criminelle, ainsi qu’il
résulte du traité du 10 janvier 1767; 40. une somme de
63 fr. due par Jacques Veschambes ¿1 défunt GuyonD a u ty , par obligation du 29 décembre 1708, et dont la
condamnation fut prononcée avec les intérêts contre V alarelier, par jngement du
décembre 1761 ; ». en une
somme de 329 fr. avec les intérêts, due par Jacques Vcschambes à sieur Jean-Baptiste Teillard, par obligation
du 19 juin 1736; 6°. une somme de 162 fr. pour arré
rages du bail à rente de 1729, ou blé prêté à défunt
Jacques Veschambes par un sieur llaynal de Tissonuières,
5
5
5
�( x6 )
fermier de Cheylades, et dont la condamnation avoit été
prononcée par sentences des 20 avril 1736 et 23 février
17 3 7 , signifiées le 10 septembre 1758; suivies d’autre
sentence contre Yalarcher et sa femme, du 17 octobre
1758; 7U. une somme de 169 fr. provenant d’arrérages
de la rente de o fr. portée au bail de 1729, et dont la
condamnation avoit été prononcée en faveur de Gilbert
Lagravières, par sentence du
août 1752; 8°. une
somme de 36 fr. pour reste de celle de 80 fr. due
par défunt Jacques Veschainbes à Catherine, sa sœur,
suivant une reconnoissance par lui souscrite, et suivie
d’une sentence de condamnation.
Les intimés se réservèrent tous autres droits.
I-es sieur et dame de Dienne, à leur tour, en persistant
à demander que la succession de Jacques fût composée
de sa portion dans les biens de François, demandèrent
la réduction des avantages faits par défunt François
Vcschambes, au profit de sa seconde femme. Ils pré
t e n d ir e n t que Jacques Vcschambes étoit aux droits de
Marguerite, enfant du second l it , suivant une cession
du 21 octobre 17 14 ; ils demandèrent la portion de
cette Marguerite ; ils conclurent encore à ce que la succes
sion de Jacques fût composée du quart des biens délaissés
par Marie Jarrige, sa mère, d’un tiers de sixième qu’amendoit François V e s c h a in b e s , frère d’A n n e, et décédé
ab in testa t, sans postérité, le tiers de l’accroissement
revenant à François Vcschambes dans les deux sixièmes
qu’amendoit les filles forcloses.
5
5
Cet acte du 21 octobre 1714? ne contenoit pis une
cession de droits successifs de la part de Marguerite Vescluiinbes,
�( *7 )
cbambes , mais seulement un transport d’une -somme ue^
y o fr. que Marguerite Vescbambes prétendoit avoir a
répéter. Il étoit donc ridicule que les sieur et dame de
Piçnne voulussent prétendre que ce transport faisoit cesser
M e t de la répudiation de 1712. C’est ce que repondi-^
rent Jacques Valarclier et sa,femme, et c?cst le,dernier
acte de Jacques Valai’é h e r, qui décéda bientôt après
Jeanne Valarclier, qui ne figuroit d’abord que comme,
partie intervenante, s’est subrogée au lieu et place de son
père; et en cet état, la cause portée eq. l’audience du 11
prairial an x 1 , jugement contradictoire au tribunal civil
de M urât, qui , faisant droit sur toutes les demandes,
déboute les sieur et dame de Dienne de leur demande
tendant à ce que la succession de Jacques Vescbambes
fûteomposée d’une portion des biens deFrançois; ordonne
que cette succession de Jacques sera composée, i°. du
quart des biens de Marie la Jarrige , sa ,mère et des
intérêts à compter de 1738 , époque de l’absence de Jac
ques ; 20. des biens par lui acquis , et des jouissances telles
qu’elles sont fixées par le jugement du tribunal civil du
Cantal , du 16 nivôse an 8 ; 30. de la somme de 760 f r . ,
et de la valeur d’ une bourrète pour le pr,ix de la subro
gation faite à Jacques par Marguerite Vesclnambes, sa
sœur du second lit , le 20 octobre 1 7 1 4 , avec intérêts
h compter de 1738 ; 4«. des créances que la dame de
Dienne et son mari établiront avoir été payées par Jacques
en l’acquit de la succession deFrançois , avec les intérêts
à compter de 1738 , si mieux n’aime la dame de Dienne
rendre compte des jouissances du domaine de la Buge ,
appartenant à François Vescbambes, depuis 1701 ? jour
C
5
�c« Ÿ
du bail fait par Jacques Veschambes, des biens de son
p è r e , sous la déduction de la nourriture et entretien
fournis aux frères et sœurs de Jacques ; auquel cas le
tribunal ordonne que les intérêts des créances ci-dessus
courront à compter de l’époque où elles ont été payées ;
que ceux de la créance de yôo fr. entreront dans la
masse, à compter du premier octobre 17 14 , et ceux de
la portion de la dot de Marie la Jarrige revenant à
Jacques Veschambes , à compter de la mort de Fran
çois , sauf aux sieur et dame de Dienne à tenir compte
aux Valarcher des créances dont ils justifient le paye
ment , suivant la liquidation qui en sera faite par les
experts nommés par les parties, et qui continueront de
procéder au pai’tage. Sur le surplus des demandes, les
parties sont mises hors de cause , les dépens sont com
pensés pour être employés en frais de partage.
Ce jugement est m otivé, i°. sur la répudiation faite
par Catherine Combart, comme tutrice des enfans du
premier et du deuxième l i t , le 2 mars 1700; 2°. sur
l’ordonnance du lieutenant général de Saint-Flour, du
10 avril 1701 , qui permit à Jacques Veschambes de
jouir sans qu’il puisse être réputé héritier; 30. sur la
répudiation de Jacques Veschambes, du 22 décembre
1712 ; 40. sur la sentence du 14 mars 1721 , qui renvoie
Jacques Veschambes de la demande d’un créancier du
père ; renvoi motivé sur sa répudiation ; °. sur le bail
de ferme du i avril 1700 , et sur tous les actes de Jac
ques Veschambes qui prouvoient qu’ il n’avoit jamais
voulu prendre la qualité d’héritier de son père.
Les premiers juges se fondent encore sur le principe
5
5
�Hf
( '9 )
qu’il faut être né et c o n ç u pour succéder ; et que Jacques
Vesehambes n’étant pas encore marié loi’s de sa répudia:- ,
tino, ses enfans ne pouvoient se dire héritiers de leur aïeul.
Par un autre motif du jugement, il est dit que le
transport de Marguerite Vesehambes ne peut donner
aucun droit d’hérédité, parce qu’elle n’avoit vendu qu’une
créance , et n’avoit pas même pris cette qualité.
L e tribunal civil a encore pense que Jacques Vescliambes , a ya n t r e n o n c e a la succession de son p e r e ,
n’étoit pas recevable à critiquer son testament; mais sur
la demande en rapport des jouissances faite par Jacques,
des biens de son père, il a paru aux premiers juges que
tous les enfans avoient joui en commun, et qu’il n’étoit
pas même établi que Jacques Vesehambes eût vendu et
dissipé le mobilier de son père.
Ce jugement ne faisoit pas le compte de la dame de
Dienne qui voyoit évanouir toutes ses espérances , et
elle s’est déterminée à en interjeter appel purement et
simplement; et Françoise Vesehambes et la dame Valar
cher, sa fille, se sont elles-mêmes rendues incidemment
appelantes, en ce que la dame de Dienne n’avoit pas été
condamnée à rendre compte des jouissances perçues par
Jacques Vesehambes dans les biens de François, à res
tituer le mobilier mort et v if qu’il a voit vendu ou dis
sipé ; en ce que ce jugement avoit ordonné que la somme
de 750 f r . , prix du traité du premier octobre 17 14 ,
seroit portée dans la succession de Jacques Vesehambes;
et en ce que les dépens avoient été compensés, pour être
employés en frais de partage. Les intimés ont conclu à
ce que, en émendant quant ù ce le jugement, la dame
C 2
S
�v»;
(
20 \
de D ie n n e fût Condamnée à restituer ces jouissances avec
intérêts, le mobiliër mort et v if iiussi avec intérêts; qu’elle
fût déboutée de sa demiinde relativement au second chef.
f 1‘
I
If-'
f
et qu’enfin elle fût condamnée au x dépens.
Il
fulloit bidri aussi faire statuer sur l’appel incident
interjeté par la dame de D ien n e, du jugement du 16 ven
tôse, an’ Ô, en ce qu’elle avoit été condamnée au rapport
de la somme de i 5 oo fr. , prix de la cession consentie
par Jacques de D ou et, son p è re , en 1744. On se rap•pelle que la cour avoit interloqué les parties sur ce
point ; elles ont enquêté respectivement : les enquêtes
ont été signifiées ; là dame Faucon s’est fait subroger
au lieu et placé de son Jpère; les deux appels ont été
joints par arrêt de la c o u r, et les parties en viennent
aujourd’hui sur le tout. ‘
On sent qu e, d’après l’analise de tous les actes dont
les parties argumentent respectivement, cette cause né
cessite un grand détail auquel on 11e veut pas se livrei*
dans ce moment. On se Contentera de présenter les prin
cipaux moyens des intimés, pour ¿lire confirmer le ju
gement dont est appel dans la partie qui réduit la suc
cession de Jacques Véschambes à sa juste valeur, et pros
crit les prétentions exagérées des appelans.
L e jugement de Saint-Flour , en date du 16 ventôse
an 8 , a débouté les sieur et daine de Dienne de leur de
mande en partage de la succession d’Antoine Vescliambes. Cette disposition’du jugement est indéfinie; aucune
des parties iieTa attaquée dans ce chef : il y a donc chose
irrévocablement jugée, et tftut ce que proposent les appelans à cet égard est 'plus que subtilité.
�in
#
*
c
)
Ils prétendent que, dans le motif de ce jugement, il
y est dit que les sieur et dame de Dienne n’ont pas établi
qu’Antoine Veschambes eût d’autres biens que le mon
tant de la destination à lui faite par son p è r e , et les droits
à lui échus du chef de sa mère.
Aujourd’hui on prétend qu’Antoine est héritier uni
versel de François, son p ère, en vertu du testament de
1696 : il a donc plus que la d e stin atio n qui lui avoit etc
faite ; dès-lors le dispositif doit être subordonné aux
motifs -, ot comme les sieur et dame de Dienne n’ont été
déboutés qu’à raison de ce qu’Antoine n’avoit alors que
sa légitime, ils rentrent dans leurs droits, dès qu’il en
avoit davantage.
Vouloir subordonner le dispositif du jugement aux
motifs qui précèdent, ce seroitun système nouveau. Tous
les jours on rend des jugeinens sages et justes dans leurs
dispositions, quoique les motifs puissent être critiqués :
mais ce n’est que le dispositif qui juge , qui règle les
droits des parties ; et ici la disposition est indéfinie : tout
est terminé pour la succession d’Antoine.
D ’ailleurs, les premiers juges 11’ont-ils pas dit égale
ment qu’Antoine avoit approuvé le testament de son père;
que les sieur et dame de Dienne ne pouvoient s’aider de
son chef, ni de la réduction au quart, d’après la coutume,
ni de la réduction à une portion d’enfunt moins pre
nant , d’après l’édit des secondes noces. Voilà donc d’au
tres motifs qui sufïisoient bien pour faire débouter les
sieur et dame de Dienne. Ce qu’on a dit de plus , quoique
indifférent dans la cause , n’étoit que pour fortifier davan
tage la proposition qui étoit adoptée; c ’ e s t - à - d i r e , quo
/
�les sieur et dame de Dienne étoient étrangers h la suc
cession d’Antoine Vescliambes.
Mais quand on admettroit que le motif n’est pas judi
cieux , tous les jours on confirme les dispositions d’un
jugement sans s’arrêter aux motifs ; et si la chose n’étoit
pas irrévocablement jugée , les intimés n’auroient-ils pas
un moyen plus puissant encore à opposer aujourd’hui ;
le titre universel d’Antoine Vescliambes , son appréhen
sion des biens en vertu de l’institution portée au testament
de son père , la sentence de l’élection de Saint-Flour
q u i , en cette qualité , lui a fait main-levée des saisies de
fruits, sa longue possession depuis cette époque, et enfin
la donation qu’il a faite au profit de Jacques Valarcher.
Mais les sieur et dame de Dienne prétendent que c’est
une erreur d’avancer qu’Antoine étoit héritier institué .
de son j)ère ; qu’il n’avoit qu’une somme de iooo fr. par
ce testament. A la vérité ils conviennent qu’il étoit ins
titué à défaut d’élection de la part de sa mère ; mais ils
soutiennent que la mère ne devoit élire qu’en cas de
convoi ; que le cas prévu n’est pas arrivé , puisque Cathe
rine Combart est restée veuve.
C ’est étrangement raisonner, et commenter singulière
ment un testament qui n’a rien de louche ni d’équivoque.
On voit clairement que François Vcschambcs n’a voulu
faire , au profit de sa femme , qu’une institution fidu
ciaire. A la vérité il veut qu’elle soit privée de l’hérédité
en cas de convoi ; mais, dans un cas contraire, elle doit
également rendre l’hérédité à tel de ses enfansque bon lui
semblera , sans qu’elle soit tenue à aucune reddition de
compte. Dès-lors le convoi Pobligeoit d’abandonner l’hé-
�( 23 )
l'éclîté et de rendre compte ; la viduité l’astreignoit seu
lement à la rendre sans aucun compte de gestion. Aussi
le testateur ajoute-t-il, que dans le cas où sa femme
viendroit à décéder sans avoir nommé tel de leurs enfans
pour h éritier, il veut et entend qu’Antoine Veschambes soit son héritier ; il le nomme dès à présent audit
cas et non autrement ; c’est-à-dire , en cas de décès de
sa femme sans élection. O r, Gathex-ine Combai*t est mox*te
sans élire : c’est donc Antoine qui seul a été valablement
saisi de l’institution ; et en supposant que les sieur et dame
de Dienne n’eussent été déboutés de leur demande en
partage de cette succession que parce qu’Antoine n’avoit
qu’une simple légitim e, ilfaudroit aujourd’hui les déclarer
non-recevables, dès qu’Antoine étoit héritier universel.
Les sieur et dame de Dienne, tournant toujours autour
d’un cex’cle v ic ie u x , disent qu’au moins Antoine n’a eu
de Catherine Combart, sa mèx’e , qu’une destination en
argent. C’étoit Cathexùne Veschambes , sa fille aînée ,
femme Naufaiù, qui avoit été instituée son héritière.
Si Catherine Yesclxambes a fait une cession au pi’oiit
de Jacques Valax-clier , cette cession ne comprend que
des créances des sommes elle l’estées dues -, mais qu’ im
porte au sieur et dame de D ien n e, et que peuvent-ils
avoir de commun avec Catherine Combart? d’une p a r t ,
cette dernière n’avoit porté qu’une dot m obilière, et de
l’autre, les sieur et dame de D ie n n e , qui représentent
un enfant du premier lit , ne pourroient avoir x*ien à
prétendre sur les biens Combart , qui appartiennent
exclusivement aux enfans dxx second lit.
Antoine Veschambes étoit donc le seul px’opriétaxrc des
�( M )
Liens de François. Jacques avoit répudié à la succession
de son père ; s’il a joui des biens , ce n’est point à titre
d’héritier ; il n’en a joui qu’en vertu de l’ordonnance
du lieutenant général de Saint-Flour : sa répudiation a
été produite en jugement , et lui a servi à écarter les
demandes des créaciers de son père. Depuis 1738 , c’està-dire, depuis soixante-quatre ans , Antoine Veschambes
a joui de tous les biens comme héritier : la sentence de
l’élection de Saint-Flour lui a donné cette qualité.
L a dame de Dienne a bien senti que cette sentence
étoit un obstacle invincible à sa prétention ; mais elle
prétend que cette sentence est susceptible d’être attaquée,
et elle déclare en interjeter incidemment appel. Il faut
convenir que cet appel incident est d’un grand poids
contre une sentence qui a été signifiée à Jacques Ves
chambes en 1743 , et qui n’a jamais été attaquée par lui
ni ses descendans.
On a vu également que Jacques Valarcher réunissoit tous les droits de ses beaux-frères et belles-sœurs ,
par les différentes cessions dont on a fait le détail. Les
sieur et dame de Dienne veulent écarter ces différentes
cessions par un acte du 3 mars 1710 , qui émane de
Catherine Combart ; et 011 lui fait dire qu’elle cède ses
droits personnels , ainsi que les droits et portions héré
ditaires de chacun de ses enfans, à Jacques Veschambes ,
à la charge par lui de payer une somme à chacun , sui
vant le règlement fixé par cet acte.
Mais Catherine Combart n’avoit pas qualité pour traiter
valablement des biens doses enfans; elle n’en étoit pas
même la tutrice ; elle ne prend d’autre titre que celui
de
�'
.
(
2 5
)
'
âe mère pieuse. D ’ailleurs cet acte n’a point eu d’exécu
tion ; Jacques Veschambes n’a jamais rien payé du prix ;
les sieur et dame de Dienne n’en rapportent point de
quittances, et sont dans l’impossibilité d’en rapporter;
enfin cet acte n’est qu’un simple transport de créances
que lesenfans pouvoient avoir en vertu du testament de
leur père. Jacques Veschambes n’y pi’end point la qualité
d’héritier de son pèi*e ; Catherine Combart n’y a que celle
de créancière : cet acte n’auroit donc jamais eu l’effet de
faire c o n s id é r e r Jacques Veschambes comme héritier de
François ; et la preuve qu’il n’a jamais voulu l’être, résulte
de sa répudiation et de la sentence rendue contre M e y ;
tous ces actes bien postérieurs ù la prétendue cession
de 1710.
Les sieur et dame de Dienne dissertent longuement
sur la question de savoir si Jacques Veschambes seroit
aujourd’hui non-recevable à critiquer le testament de
son père. Ils savent bien que le jugement de Saint-Flour
a encore rejeté cette prétention ; mais ils croient pou
voir revenir sur cet objet : ils soutiennent qu’il n’est pas
nécessaire d’être héritier pour demander la réduction
portée par l’édit des secondes noces. Suivant e u x , un
fils du premier lit qui a répudié à la succession de son
p è r e , peut tout de même demander le retranchement
de l’é d it, parce qu’il tient ce bénéfice de la l o i , non
comme héritier , mais comme enfant.
En lisant cette dissertation, on peut douter que la dame
de Dienne ait bien compris ce qu’elle vouloit dire. : En
effet, où pourroit la conduire cette réduction ? elle ne
conccraeroit que Catherine Combart qui scroit réduite à
D
0,
�( *6 )
#
une portion d’enfant moins prenant, et q u i , par le tes
tament de son m a ri, n’étoit elle-même qu’héritière fidu
ciaire ; mais alors cette réduction ne profiteroit qu’à l’hé
ritier institué, et cet héritier , c’est Antoine Veschambes.
Jacques qui avoit répudié à la succession de son père,
ne pou voity rien prétendre ; la dame de Dienne n’amendoit rien du chef d’Antoine : c’est encore une chose jugée.
L a cession de Marguerite Veschambes , troisième du
nom , ne oontenoit qu’un transport d’une créance de
y o fr.; ainsi tout ce qu’a dit la dame de Dienne sur ce
point, est une énigme dont on attend la solution ou h
m o t, lorsqu’elle donnera plus de développement à ses
moyens.
Vient l’appel incident de la dame Valarcher et de sa
fille. L e jugement dont est appel a dispensé la dame de
Dienne de restituer les jouissances que son père avoit
perçues dans la succession d’Antôine Veschambes. Elle
est également dispensée de la restitution du mobilier
mort et v if, ainsi que des intérêts du tout. Cependant
il est reconnu par toutes les: parties que Jacques Ves
chambes a joui de tous les biens de son père; qu’il a
vendu et dissipé une portion des immeubles ; qu’il a
également dilapidé le mobilier mort.et vif, et qu’il s’en
fit une ressource , lors de son é v a s io n .
La dame de Dienne même se fait un moyen de la
jouissance de son père, pour soutenir qu’il étoit héritier.
Les intimés prouvent au contraire, soit par la répu
d i a t i o n personnelle de Jacques Veschambes, soit par
l’ordonnance du lieutenant général de Saint-Flour, soit
enfin par la sentence rendue contre M e y , créancier de
5
�«1-2&
\
'
( 27 )
la succession de François Veschambes, que la jouissance
de Jacques n’étoit que précaire ; qu^il n’a possédé ces
biens que sous le prétexte qu’il étoit créancier; et dèslors il en doit nécessairement la restitution, sauf la comr
}
pensation jusqu’à due concurrence , avec les créances
qu’il pourrait avoir acquittées; et il est prouvé qu’il n’en
avoit payé aucune.
' P a r quelle fatalité les juges dont est appel n’ont-ils
donc pas adjugé cette restitution de jouissance, ainsi
que celle du m obilier?
'
1
Ils ont donné pour motif qu’il paroissoit que tous les
enfans avoient joui en commun. Mais, i°. rien n’établit*
cette jouissance commune; il n’y avoit pas même de;icrt-fT
habitation entre les parties. 20. Eli Vdmett.-ùnt 'cette co
habitation , tous les enfans étoient d’un fige à gagner
leur nourriture et entretien , surtout dans la condition
des parties. Il est d’ailleurs établi que Jacques V es
chambes seul avoit ailcrmé‘les'biens ; que le •prix de la
ferme étoit délégué à ses créanciers'personnels , notam
ment au sieur Dusaillant. Le'prix des ventés par lui con
senties a également tourné ù son profit. Ce bail à cheptel
de 1738 prouve encore que Jacques Veséhîimbes avoit
vendu tous les bestiaux. :L a disposition du j u g e m e n t est
donc erronée et injuste en cette partie. E t certes ! si
quelqu’un peut invoquer1 là faveur dans iine cause' de
ce genre , elle serait toute pour ce cohéritier soigneux
et diligent qui a payé les dettes, traité' avec le père de
la dame de Dienne, sur la foi de s;6h 'c o n tr a t de ma•
•
'
f*
n a g e , et qui, quarante ans après, se voit assailli d'une
! ’
*
*
•
•
|
�[ 28 )
demande qui a tout l’odieux d’une vieille recherche ,
absolument sans intérêt.
Les intimés n’ont-ils pas à se plaindre aussi de ce que,
sur une demande exagérée qui tend à revenir contre
la chose irrévocablement jugée, qui a occasionné des
frais aussi considérables, les dépens aient été compensés
pour être employés en frais de partage.
Cette-espèce de compensation fait que chacun supporte
les dépens dans la proportion de son amendement, et
il en résulte que la dame de Dienne n’ayant qu’une
portion très-exigu ë à réclamer dans la succession de
Jacques Yeschainbes, son aïeul, succession qui par ellemême est déjà très-modique, feroit supporter aux intimés
la,presque totalité des dépens qui au moins doivent être
la peine du plaideur téméraire.
, Reste l’appel incident interjeté par la dame de Dienne,
du jugement de Saint-Flour, du 16 ventôse an 8 , qui
l’obligeoit au rapport de la somme de i oo francs,
reçue par son pèi*e. Cet appel ne fait pas honneur à
la délicatesse de la dame de Dienne ; elle ne pouvoit
se soustraire à ce rapport qu’en répudiant à la succession
de son père. En même temps qu’elle attaque la répu -'
diation de son aïeul, et qu’elle veut prouver qu’il est
héritier, elle n’honore pas assez la mémoire de son père,
pour accepter sa succession ; elle veut qu’il soit mort
ir. solvable. Cependant elle s’est emparée de son mobi
lier , de ses armes ; on a vu son mari revêtu de l’habit
écarlate qu’avoit porté défunt son père. O r , d’après
Duplcssis , il n’en faudroit pas autant pour la faire
répu ter
5
�4 «.
U )
( 29 )
réputer héritière. A u surplus, la discussion des enquêtes
respectives apprendra à la dame de Dienne qu’elle auroit
dû au moins s’éviter ce désagrément, et qu’elle ne peut
se dispenser du rapport qu’on lui demande? auquel elle
a été si justement condamnée.
M e. P A G E S ( de R io m ) , ancien avocat
Me. B R U N ,
avoué.
//fcfc f^ r ,-----<*■
S w
Ÿ/~~JtOfc
A R IO M , de l'im primerie d e L a n d r i o t , seul im prim eur de l a
C our d ’appel.
_
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Veschambes, Françoise. An 13?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Brun
Subject
The topic of the resource
renonciation à succession
successions
gain de survie
secondes noces
contumace
généalogie
biens dotaux
droit coutumier
homicides
testaments
confiscations
élevage bovins
experts
longues procédures
Description
An account of the resource
Titre complet : Précis pour Françoise Veschambes, veuve de Jacques Valarcher ; Jeanne Valarcher, et Antoine Faucon, son mari, intimés et incidemment appelans ; contre sieur Vital de Dienne et dame Jeanne-Marie de Douhet, son épouse, appelans d'un jugement rendu au tribunal civil de Murat, le 11 prairial an 11.
Arbre généalogique
Notation manuscrite : 3 ventôse an 13, 1ére section, jugement, après délibéré, statue sur infinité de questions soulevées dans les plaidoiries, et même pendant le délibéré, après production d'une grande quantité de titres et pièces, fixe les droits des parties dans diverses successions et détermine les bases du partage, rapports et prélèvements. »
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 13
1685-Circa An 13
1661-1715: Règne de Louis XIV
1716-1774: Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
29 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1604
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1603
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53278/BCU_Factums_G1604.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Espagne
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
biens dotaux
confiscations
contumace
Droit coutumier
élevage bovins
experts
gain de survie
généalogie
homicides
longues procédures
renonciation à succession
secondes noces
Successions
testaments
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53299/BCU_Factums_G1625.pdf
4257fc9ce2a9db669c386d6a5efa6212
PDF Text
Text
T R I B U N A L
C R I M I N EL.
O B S E R V A T I O N S SOMMAIRES
P o u r C la u d e S O U C H A R D , A u g u s t i n G R O S J E A N ,
J e a n - É t i e n n e G R A C I E U X et J e a n P R A D E , tous
em ployés à la perception du droit de p a s s e , barrière F o n tg iève à Clerm ont-Ferrand , accusés.
Opinionibus vulgi rapimur in errorem.
C ic. d e leg ib . lib . 2 .
L es opinions populaire» nous entraînent dans
l’erreur.
L A
qualité des accusés fait leur unique tort dans cette affaire
ils sont employés à la perception du droit de passe. Entièrement
subordonnés à la volonté du fermier dont ils tiennent leur exis
tence , dépourvus d’éducation et de connaissances pour raisonner
sur la nature de leurs fonctions et en concilier l ’exercice a vec les
égards que la société exige , ils ont pu quelquefois manifester trop
d ’ardeur à servir les intérêts
de leur commettant , quoiqu’il ne
dut en résulter pour eux personnellement aucun bénéfice. Alors
ils croyaient obéir à la loi et satisfaire à leur devoir.
D e là le public , qui a toujours montré de l’opposition à ce d ro it,
e t plus encore au mode de sa perception , n ’a vu qu'avec défaveur
les agens qui y étaient préposés. Quelques personnes se sont r e
gardées comme plus particulièrement vexées ; c ’est ce qui a produit
c ette inimitié qu’on a vu éclater contre les accusés dans les dépo
sitions de plusieurs tém oins enfin c ’est ce qui a fait naître envers eux:
cette prévention fâcheuse qui semble s’efforcer de devenir générale ,
et vouloir gagner même les bons esprits , toujours soigneux de s’en
défendre.
Mais si le droit établi paraît o n é re u x , -si la manière de le p er
cevoir est vicieuse et abusive, faut-il pour cela soumettre les p ré
p o sé s à
une accusation cap itale, et ceder à la prévention
qui
�I5i
2
voudrait les rendre v ictim e s? F a u t-il en in d u ir e , comme
certains
témoins , que . si "on ne les a pas vu commettre l'assassinat qui fait
l ’objet du procès , il n ’y a pas moins lieu de les considérer com
m e capable^ de l’avoir commis , et de les en déclarer coupables ?
Ainsi la haine parviendrait à transformer en preuves positives
et certaines de fausses et vagues conjectures, et à faire prendre
pour la réalité d ’injustes illusions ! Mais est-ce ainsi que l ’on peut
prononcer sur l ’ honneur et la vie des hommes ? E t la loi qui a voulu ,
sur-tout en matièrë criminelle , prémunir la justice contre toute
erreur qui pourrait Végarer , fa ir e disparaître les préventions
personnelles } effacer les impressions lo ca les , enfin, ne négli
ger aucun des m oyens capables de rassurer et défendre les accu
sés contre toute espèce
d'influence défavorable ( 1 ) , serait- elle
sans application et sans f o r c e 3 parce qu’il s’agirait de juger des
commis *de barrière ? non , un arbitraire aussi effrayant
ne peut
se supposer ;les accusés n ’ont point à craindre une telle injustice
de la part des jurés impartiaux et éclairés qui doivent prononcer
sur leur s o r t , ni devant le t r ib u n a l chargé de diriger ^instruction
et d ’appliquer la loi. Il n ’est aucun de le u r s ju g e s q u i, pénétré de
la délicatesse
rem plir ,
vérité , et
si
et de l’importance des fonctions pénibles qu’il doit
ne soit afTeclé à la fois du désir de
reconnaître
la
de la crainte de sacrifier l’innocence. T ous savent que
le repos de la société demande qu’on la délivre
des méchans
qui l’ont troublée par des forfaits, une expérience terrible a aussi
justifié com bien l’on devait se défier des apparences. L e s exemples
malheureux et mémorables , que nous ont laissés les procès des
Sirven , des Calas
des Salmon , et plus récemment encore de
l’ inforfuné Lesurcq (2.), ont appris et ne permettent plus d’ou
blier qu’on ne peut trop , dans ces affaires , apporter la prudence
( l ) In stru ction
du 21 octobre
17 9 1.
(a )L c s n r c q fu t condam ne à m ort en l ’an
«le la Seine , et exécu té com m e
V
, par le trib u n al
c rim in e l .
assassin du c o u rrier do L y o n dans la F orêt
d cS é n a i's; il fu t jugé sur sa ressem blance avec la personne qui a v a it com m is
ce crim e , et sur ce que , pou r écarter l ’accusation , il s’était perm is de
m en tir ,en supposant un a lib i qui fu t trou vé taux. Q u a tre mois après son e x é
cution , le vra i coupable lu t arrêté , reconnu et condam né à m ort. L ’erreu r
�du doute , et la circonspection. E h ! qui pourrait ne pas tremlbler
à ces souvenirs d o uloureux, en voyant que trop s o u v e n t, par une
étrange combinaison de circonstances , par un certain concours
de trompeuses conjectures , l’innocent a succombé et a été voué aux
supplices réservés
pour le crime ?
C ’est donc par des preuves
co n je ctu re s, ni sur la foi
évidentes, et non par de
vaines
trop dangereuse d ’une rumeur p ubli
que presque toujours erronée , que cette affaire doit être
sera certainement jugée ? Mais dès-lors à quoi se réduit-elle
et
et
que p eu t-il y avoir à. rcJouler pour les accusés?
L e 19 floréal dernier, correspondant au 9 m a i , jour de foire ù
C le r m o n t, vers les n euf heures et demie à dix heures du soir , deux
individus , nommés Jean et Nicolas Hastre, frè re s, simples ouvriers
a u lie u d’H e r m e n t , ont été attaqués brusquement par quatre ou
cinq jeunes-gens, sur le grand-chemin allant de Fontgiève au P u y d e-D ô m e , a u n e distance d ’environ 5 oo pas au-dessus de la maison
Fournial, et ont succombé sous leurs coups. Nicolas est resté mort
sur .la p la ce ; son frère ne lui a survécu que peu de jours.
L e rapport des officiers de santé a n n o n c e que les blessures que ces
deux hommes p a r a is s e n t avoir reçues , ont ete faites avec desinstru^
mens a ig u s et tranchans.Au surplus, la déclaration de celui qui a sur
vécu porte qu’ils n’ont reconnu personne dans les assaillans, qu’on ne
lé s a point volés, et qu’aucontraire sur ce qu’ils ont offert leur argent
pour se débarrasser de ceux qui les attaquaient, ceux»ci n ’en ont
point voulu.
Dans cet élat de ch oses, qui a pu faire naître contre les employés
de la barrière
le soupçon qu’ils pouvaient être les auteurs de ce
d é lit , et conduire à les mettre en accusation ?
Ils ne connaissaient point les frères H a str e ; ils n ’avaient jamais
eu de démêlé avec eux ;ils ne les avaient jamais vus ; quel intérêt
donc leur supposer pour se porter à aucune violence envers ces
inconnus ?
Le
assaillans étaient des je u n e s - g m t , et trois des employés
accusés sont âgés de 47 à 55 mis ; le 4 .' a plus de 5 o ans.
f u i proclam ée ; mais L esu rcq n ’élait
plus et 11c po u va it c ire rendu à la
v ie , ni à sa fam ille : source éternelle de chagrins et de regrets p o u r c e u x
q ui avaien t concouru à sa condam nation !
�4
Est ce parce qu’ils sont sortis en patrouille et en armes de leurï u r e a u , vers les 8 heures et demie ou trois quarts d u s o i r ? M a i a
la cause en est connue : c’éfait par ordre du fermier , et pour suivre
des voitures qu’il avait
calculé devoir tomber en contravention
( dépositions des citoyens Bourgoing et Clara ). Mais à n e u f heures ,
ils étaient à l'auberge de Fournial , et Ü3 n’ en sont sortis que pour
revenir du côté de leur bureau où ils sont rentrés à 9 heures un
quart J mais jusque-là nul bruit n'avait été entendu , quoiqu’il passât
sur la route beaucoup de monde (déposition d’Angrem y, gendarme ) ;
l ’assassinat n ’avait pas eu l i e u , il était impossible même qu’à-cettc
heure où les accusés étaient rentrés au bureau , les deux frèresH astre fussent rendus au lieu où ils ont été attaqués , puisqu’il»
étaient encore chez M outon, a u berg iste, où ils demandaient sur les
9 heures du soir à loger ( déposition du citoyen Mouton ) ,
et
qu’ils ne furent trouvés sur le lieu de l ’assassinat qu’après io- heuresdu soir ( déposition des citoyens M agot et Montguillon ).
O n preteild qu’ils s o n t tombés dans quelques contradictions , lorsde leur prem ier interrogatoire,sur la manière dont ils étaient armésr
sur les propos qu’ils avaient tenus aux gendarmes v e n u s à leur rencon
tre pour les soutenir, d ’après un faux avis donné à la barrière qu’on
les maltraitait, sur la connaissance qu’ils avaient d û , le lendemain,,
avoir de cet assassinat ; mais quelle est la personne assez sûre d’ellem êm e , qui puisse répondre de ne pas se lioubler devant l ’appareil
imposant de la justice criminelle ? Qui pourrait ne pas s’eilrayer à
la vue d ’une accusation aussi grave que peu m é r ité e , sur-tout en se
voyant accablé d’ayance sous le poids d ’une prévention aussi terrible
q u 'in ju s t e , qui menacerait de le sacrifier ? Com m ent d’ailleurs r e
p r o c h e r , en une pareille circonstance r à des hommes que leur inno
cence n ’a pas mis dans le cas de se tenir en gardé contre aucuneimputation , de ne pas avoir retenu tout ce qu’ils ont pu faire dans
un moment qui était pour eux indifférent $ de ne pas avoir compté"
à l'heure et à la minute leurs pas et leurs actions ; enfin de ne pas
•v o ir mis toute l'im portance possible» ce qu’ils ont pu d ir e , et do
n ’en avoir pas conservé exactement la mém oire? S ’ils eussent éld
co up ab les, c'est bien alors, au contraire, qu’ils se seraient concertés,
et que leurs déclarations auraient été parfaitement uniformes j i b
�5
auraient eu tout le tenis de les combiner ; disons p in s , îîs auraient
profité des premiers instans du retard qu’on aurait mis à les poursuiyrejpour prendre la fuite et se soustraire aux rechei ches'de la justice.
Laissons donc de côté et la fausse prévention et les conjectures
également
fausses
qu’on voudrait faire ressortir des prétendues
différences qu’on a cru apercevoir dans le langage des accusés. Ces
différences sont vraiement insignifiantes , et ce serait d’ailleurs don
ner à l ’interrogatoire , que la loi n^a établi qu’en faveur de l ’accusé,
pour le mettre à même de donner des explications qui le justifient,
un effet entièrement contraire à son esprit et au but q” ’elle s’est
proposé. On peut bien seservir des contradictions et même des aveux
dans lesquels tombe un accusé pour chercher , en suivant les traces
qui en r é su lte n t, à découvrir les preuves de la vérité j mais on ne
peut jamais les prendre pour base de sa condamnation.
Encore une f o i s , pour prononcer contre un accusé dans une
affaire capitale., il faut des preuves positives, soutenues et plus claires
que le j o u r , luce clariores. C ’est de cette manière seulement que
peut se former la conviction. Par tout où le doute reste , il doit s’ex
pliquer en faveur de l ’innocence.
Dans l ’e sp è c e, aucunes preuves directes } aucuns témoignages
p o s it if s ne sont à la charge des accusés, et s’il faut recourir aux
conjectures, toutes , on peut le d i r e , sont en leur faveur.
Ils ne connaissaient pas les fïè ie s Hastre , et n ’avaient aucun
ressentiment à satisfaire contre eux : on ne peut d o n c , pour leur
imputer le délit, supposer en eux le m o tif de la vengeance.
On ne peut pas supposer davantage le m otif d’une coupable avi
dité ; Jean lla s tr e ayant déclaré que les assassins n ’avaient point volé
ni voulu voler lui et son frère.
On ne pourra point supposer non plus qu’il y ait eu méprise, et
que les accusés soient allés attendre et frapper les frères llastre , en
les prenantpour d’autres. Ils n ’avaient eu de lajournée
aucun e
querelle
ni démêlé avec personne ; ils étaient de sang froid et non ivres, ils
n ’avaient bu à cinq
y ccmpris le nommé Vnsson, qu une bouteille
de vin , à l’auber ge Foui niai.
A u moment où ils sont revenus
d e le u r
patrouille pour rentrer au
b u rea u , aucun bruit n ’avait été entendu. Il p a y a it quantité de moudo
.
�151 >
6
s.ir le chemin. Com m ent croire que , si le fait se fut passé alors , il
ne se fût trouvé une multitude de témoins ? Com ment s u p p o s e r ,
quand on voudrait leur p r ê t e r , sans intérêt ni m o t i f , la mauvaise
intention d ’aller attaquer des voyageurs à qui ils n ’avaient rien à
fa ir e , qu’ils eussent osé se le permettre à une distance si rapprochée
de la maison F o u r n ia l, où ils étaient si parfaitement connus , et à la
vue
de la
foule de personnes qui revenaient de la foire pour
gagner les villages voisins , qui les connaissaient également, et dont la
plupart auraient été loin de vouloir cacher ou excuser leur conduite ?
L e crime ne se commet pas sans émotion , le remords et la crainte
l ’accompagnent toujours j or soit lorsque les gendarmes sont venus
à leur r e n c o n tr e , soit lorsqu’ils sont ensuite rentrés au bureau,
nulle émotion , nulle
inquiétude n’ont
été remarquées dans les
accusés. Ils se sont couchés dans le bureau et ont dormitranquillement
Ils ont montré la même tranquillité pendant les huit jours d’intervale qu on a mis à les arrêter : malgré les murmures que la
malveillance s efforçait de répandre contre eux et de faire retentir
à leurs ore ille s, ils n 'o n t pas quitté l e u r poste , ils n ’ont pas fui ;
Prade , l’un
d ’e u x , s’est même présenté et remis volontairement
entre les mains de la justice.
Il y a plus • Prade n’a point le litre d ’employé ; il n ’avait été
appelé ce jour-là que comme surnuméraire à la perception du droit
de passe , attendu les embarras de la foire ; il peut donc être considéré
comme étranger aux autres. E t comment croire que, si ceux-ci eussent
formé le complot d ’aller exécuter un guet-apens , par partie de
p la isir , ils eussent mis Prado dans leur confidence, et que celui-ci
se fût prêté à se rendre leur complice ?
D ’a illeu rs, nuls indices qui puissent appuyer les soupçons con
tre eux. L e s IVtnes Ilastre se sont défendus ,m êm e vigoureusement
suivant la déclaration de Jean qui a survécu. O r, nuls coups remar
qués sur aucun des accusés, nulle trace de sang trouvée sur leurs
vêtemens ni sur leurs armes , lorsqu’ils auraient dû s’en trouver
couverts , s’ils eussent été les auteurs des blessures faites aux deux
assassinés.
Enliu , et ce qui acheve de porter la conviction sur leur inno
cence et de repousser tous les soupçons , c ’est ce que Jean Ilastro
dit avoir distingué, et accuse des jeu n es-g en s , et qu’ils ne peuvent
�7
être
rangés dans cette
classe, et ce qui est plus décisif encore ,
c ’est qu’il n’a reconnu aucun d ’eux pour ses assassins, et q u ’au
contraire il dit qu'il n’a pas vu que parmi eux i l y
en eût aucun
d ’ une taille aussi avantageuse que Grosjean , ce qui fait re-<
connaître que Grosjean n’y était p as, et par suite que ses trois
camarades
n ’y
étaient pas non plus , puisqu’il est prouvé que
tous quatre ne se sont pas quittés de la soirée.
Ainsi s’évanouissent les impressions défavorables qui ont produit la
mise en jugement des accusés. Que s’ils ont à se reprocher d ’ a v o ir ,
dans l'exercice de leurs fonctions , par un excès de zèle mal entendu,
manqué d’égards envers quelques citoyens , sans doute ils en sont
assez et même trop punis par l’épreuve cruelle à laquelle ils ont été
soumis ; il est donc
tems , lorsque leur innocence ne peut être
révoquée en doute, de les rendre à la liberté et à leurs familles.
Signé F em m e G R A C I E U X .
v
P o u r mon mari et les autres accusés.
'JL
&4AAA^>\
S
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Souchard, Claude. 1791?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Bergier
Subject
The topic of the resource
homicides
preuves
foires
Description
An account of the resource
Titre complet : Observations sommaires pour Claude Souchard, Augustin Grosjean, Jean-Etienne Gracieux et Jean Prade, tous employés à la perception du droit de passe, barrière Fontgiève, à Clermont-Ferrand, accusés.
Particularités : notation manuscrite : « le 24 thermidor les accusés ont été renvoyés de l'accusation ».
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Chez Veysset (Clermont)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1791
1791
1789-1799 : Révolution
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
7 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1625
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Clermont-Ferrand (63113)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
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foires
homicides
preuves
-
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MEMOIRE
POUR
L a d a m e E l e o n o r e R O L L A T , é p o u se d e F r a n c o i s P h i l i p p e C O U R B Y , h a b ita n t à A ig u e p e r s e .
•A U CUNE situation n’est com parable à la m ienne. Mon époux
est accusé d’un crim e horrible dont je n’ose prononcer le nom :
son honneur et le m ien, le sort de ses enfans, seront bientôt dans
la balance de la justice; et ses persécuteurs s’a g iten t, quand luim ê m e , accablé de sa situ a tio n , il fu it la calom nie sur un sol
étranger.
Lorsque pour la prem ière fois cette nouvelle épouvantable
vint jusqu'à m oi, toute m a conviction de l’innocence de m on
époux ne m ’em pécha pas de résister à ses résolutions, et de les
ébranler par mon désespoir. O u i, et je m ’en confesse co u p ab le,
je l'im portunai de mes la rm e s, je séduisis son courage , et sa
•fuite fu t un effort de sa tendresse ; m aintenant je m e dem ande
avec effroi si sa présence ne lui eût pas été plus u tile , et si son
danger, au co ntraire, n’est pas né de m a terreur.
Dans cette cruelle anxiété, que ne puis-je appaiser de m on
sang ceux qui sont altérés de celui de m on époux ! Q ue n ai-je
A
�(o
du moins le droit de me présenter pour lui en jugement, pour
confondre ses accusateurs, pour le défendre....... ? Que dis-je?
me défendre m o i-m êm e; car jusqu’au tombeau ma destinée
h’est-elle pas attachée à la sienne?
JVlais la rigueur des lois me repousse du tribunal qui va juger
ma propre cause. Ainsi la nécessité me dicte mon devoir. J ’ap
prendrai à mes juges une partie de ce que mon époux auroit pu
leur dire, ou du moins quelques-unes des circonstances que des
témoins auroient pu attester.
Je ne me suis point dissimulé combien de difficultés j’aurois
à vain cre, quand je n’aurois à opposer que mon foible langage
à des combinaisons préparées par la méchanceté même. Car
telle est la condition d’un malheureux accusé, que déjà la ca
lomnie a jeté de profondes racines, alors même qu’il peut en
treprendre de la combattre. Que peut sa voix plaintive contre
les cris précurseurs de cette astucieuse ennemie? Et lorsqu’enfin
on consent à l’entendre , combien ne faut-il pas encore qu’il
dévore l ’humiliation de la défiance qu’il excite? car la préven
tion du mal est malheureusement celle qu’on s’obstine le plus à
conserver ; et les esprits même les plus raisonnables semblent
trouver plus commode de croire le crim e que d’en méditer les
invraisemblances.
Ces réflexions pôrtoiént le découragement dans mon Ame ,
quand le souvenir de mes enfans a vaincu ma répugnance, et m’a
élevée pour ainsi dire au-dessus de moi-même. O u i, me suis-je
écriée, je l’entreprendrai cette tâche pénible. La timidité de l’é
pouse cherchera des forces dans l’amour m aternel, et ces deux
titres prêteront peut-être à môn récit un intérêt que mes foibles
accens n’auroient pas eu la prétention d'espérer.
C ’est à des ju ges, au reste, que je veux m’adresser, et ceux-là
ne r e p o u s s e r o n t pas mes paroles avec l’ennui de les entendre ; leur
terrible ministère ne leur donnera de défiance que contre la pré
vention qu’ils craindroient trouver en eux mêmes. Mes récits se
ront donc écoutés comme une explication nécessaire, par ceu *
�( 3 )
que la loi a armés de sa puissance ; car ils trem bleront, sans doute,,
de l’idée seule qu’ils pourroient condamner une famillg honnête 4
l’infamie , et un innocent à la mort.
Les relations de mon époux avec la maison de Murol nç furenjt
pas de ces liaisons soudaines et fortuites , qui ne donnent pas le
temps de s’apprécier, ou de concevoir de justes défiances. G’esjt
depuis son enfance qu’il connolt le sieur de Murol ,fîls aîné , ayant
été élevé avec lui dans le ipéme pensiçnn^t, à ^yon.
Cette habitude de se voir a continué dans un âge plus avancé j
mais l’historique de ces premières liaisons n ’a rien d’essentiel à
remarquer, et je me hâte d’en venir à des époques plus récentes.
Jusques à l’année dernière, je n’a.vois v,u à Aigueperse que les
sieurs de Murol fils , et leur père m’étoit absolument inconnu. Il
me paroissoit même que Courby le connoissoit à peine , et ne ,vi;voit avec lui que sur le ton du respect et des convenances de
société.
N ous ignorions entièrejnent ses affaires, e t n e connoissions
celles de ses fils que par c et extérieur d ’opule.nce, qui fait illusion
au vulgaire tan t qu’on a des ressources ¡pour le soutenir.
Cependant, tin jour de l’été dernier, le sieur de Murol p ère , se
trouvant seul chez son fils cadet avec C ourby, fit tomber la con
versation sur la situation de ses fils , çt syr le mécontentement
qu’il éprouvoit de leurs dépenses excessives.
Cette ouverture pouvoit n’étre que le désir secrçt d’ un père de
faire parvenir ses plaintes à ses fils, par un organe qu’il supposoÿ
plus persuasif peut-être. Mais .le sieur de Murol père ne se borna
pas là. Soit hasard, soit que la première idée lui en fit naître une
seconde, il confia bientôt à Courby qu’il irçéditoit pour son fils
ainé le projet d’une grande alliance, mais qu’il étoit retenu par
des dettes pressantes, dont l’éclat alloit rpiner toutes ses espé
rances.
A lors, comme par réflexion, il demanda à Courby s’il ne pqurroit pas lui faire trouver de l’argent.
A 2
�( 4
)
Un jeune homme ne pouvoit être qu’embarrassé h cette brusque
proposition. Courby fut forcé de lui avouer son impuissance de
lui être utile. « J’ai des dettes m oi-même, lui d it-il, sans avoir à
me reprocher un excès de dépense ; mais j’ai eu la foiblesse de
» cautionner les effets d’un homme que je oroyois incapable de
» me tromper; il a fait faillite, et m’a laissé beaucoup à payer;
» et dans ce m om ent, je cherche moi même 18,000 fr. pour finir
» de m’acquitter.
» Q u’importe ce que vous m’objectez, lui répondit M. de
» Murol; vos ressources pour avoir de l’argent ne tiennent sans
» doute qu’à une signature de plus; je vous offre la mienne pour
» les 18,000 fr. dont vous avez besoin, et à votre tour, vous me
donnerez la vôtre pour me procurer l’argent que je cherche;
m elle me sera utile, parce que vous êtes d’une famille de
« négocians , et que par moi-méme je ne trouve plus à era» prunter : de cette manière , cous nous serons rendu un service
t> mutuel. »
J’igncrai dans le temps cette conversation ; et Courby m’a avoué
depuis que quoiqu’il y eût un côté avantageux pour lui dans la
proposition du sieur de M urol, ces combinaisons d’emprunt et de
signatures brouilloient ses id é es, et confondoient son inexpé
rience ; qu’il s’étoit contenté en conséquence de bégayer un con
sentement évasif, et avoit trouvé un prétexte de se retirer sans
rien terminer.
Mais le sieur de Murol père n’abandonna pas ainsi son plan. Le
20 aoû t, je le vis à Aigueperse. Il parut fâché de ne pas y trouver
C o u tb y , que je l’engageai à attendre. Courby ne revint pas le soir,
et M. de Murol ne partit que le lendemain après dîner. Je ne cher
chai point à savoir le motif de son voyage; je me contentai de le
recevoir avec honnêteté et empressement.
C ’est dans son chemin qu’il trouva Courby ; il le pria de rétro
grader jusqu’à Clermont, et ne le quitta plus jusqu’à ce que les
billets fussent souscrits. Je fus informée de tout cela au retour
de mon époux. Jusqu'alors il m avoit dissimulé l’embarras où
�( 5 )
l ’avoit jeté sa complaisance pour un faux ami ; il me montra pour
18,000 fr. de b illets, qui suffisoient pour le libérer.
Bientôt il s’occupa de placer ces billets à Thiers; et le sieur
de Murol l’ignora d’autant moins, que Courby prit plusieurs fois
un cheval chez lui ( à la Borde ) pour y aller, et je crois même
un domestique.
Dans le courant de septembre, je vis M. de Murol père une
fois à Aigueperse : il parut y être venu pour consulter M. Lagout
sur sa santé, craignant, disoit-il, être atteint d’hydropisie. A son
retour il ne dit rien de la consultation; et cette réserve m’ayant
étonnée, j’en demandai la cause à Courby qui l’avoit accompagné.
Il me répondit q u e , sur les questions de M. L agou t, M. de
Murol avoit avoué qu’une gale traitée avec trop de précipitation
avoit depuis dix ans dérangé sa santé ; qu’il lui sembloit , de
loin en loin, sentir une nouvelle invasion de cette m aladie, et
que sa santé alloit toujours en empirant; que M. Lagout lui avoit
ordonné une certaine eau , dont la recette ou l’adresse étoit
contenue dans un petit imprimé qu’il lui remit.
M. de Murol partit, engageant Courby à aller le voir les der
niers jours de septembre, à la Borde, où ses fils devoient venir
faire une partie de chasse.
C’est au 29 ou 3o septembre qu’on place l’épouvantable ac
cusation qu’ont répandue les sieurs de Murol contre le malheu
reux Courby. Hélas ! ils l’accabloient encore de démonstrations
d’am itié, quand déjà leurs affreux soupçons le signaloient en
public comme un vil crim inel; et le poison qu’ils lui préparoient
étoit bien plus dangereux et plus subtil que celui........ Mais à
quoi tendroit une plus longue réticence; il faut bien m’avouer
à moi-même que Courby est accusé d’un empoisonnement.
C ’est, dit-on, en mangeant des pêches que le. sieur de Murol
père aperçut au fond de son verre un sédiment épais, dont le
gout lui lut désagréable , quoiqu'il eût mangé sans répugnance
les pêches qui avoient été saupoudrées de la même matière. Il
vomit beaucoup, éprouva des douleurs aiguës, eut des ulcères
�( 6 )
dans la b o u ch e, et dit à ses am is, le lendem ain, qu’il croyoit
avoir été empoisonné.
Voilà ce qu’a répandu la famille de M urol, en ajoutant même
que C ou rby, présent ^ disoit en confidence aux assistans : Il n’eu
reviendra pas.
Ici toutes les époques deviennent précieuses, car les événemens postérieurs portent avec eux des conséquences pressantes.
Le jour même de cet événem ent, et le lendemain , les fils
Muro.l, leurs amis, et Courby, firent la partie de chasse projetée.
Le ^6 o cto b re, Courby retourna à la Borde : Murol fds ainé
lui emprunta huit louis pour payer des impositions ce même jour.
Le sieur de Murol père étoit présent, et dit qu’il en faisoit son
affaire.
Le même jo u r , Murol ainé engagea Courby à aller avec lui
voir le curé de Beauregard, et le sieur Parricaud, qu’il n’avoit
pas v u , d it-il, depuis son retour de Paris.
L e 10 octobre, M. de Murol père envoya son domestique à
Aigueperse, avec une lettre d’invitation à Courby pour aller à
la Borde le dimanche suivant, manger un cochon de lait avec
le curé de Beauregard.
En effet, le dimanche suivant, 11 octobre, Courby alla dîner
à la Borde, fit le soir une partie de piquet avec M. de Murol
et le c u ré , et ne revint à Aigueperse que 'le lendemain.
Le 21 octobre, M. de Murol père vint à Aigueperse avec le
nommé Chapus , domestique de son fils. Courby étoit à Gannat,
et j’engageai M. de Murol à dîner.
Quand j’allai donner des ordres à la cuisine, mes domestiques
me recommandèrent de ne pas laisser toucher mes enfans par
M. de M u rol, parce que Chapus leur avoit dit qu’il étoit plein
de gros boutons, depuis un remède que M. Lagout lui avoit
donné.
En attendant le dîner, M. de Murol alla chez M. L agou t,
où Courby de retour alla le chercher.
T ém oin de la prem ière conversation, o n .n e lui cacha pas la
�( 7 )
seconde , et il entendit M. de Murol causer avec M. Lagout de
l’effet de son remède. M. de Murol se plaignit d’avoir eu des
coliques, des vomissemens, et une salivation incommode qui lui
avoit fait naître de petits ulcères dans la bouche. Il termina
cependant par remercier M. Lagout du rem ède, parce que sa
santé étoit, dit-il, beaucoup meilleure depuis quelque temps.
M. Lagout avoua ne pas connoître la composition de l’eau qu’il
n’avoit conseillée qu’en le déclarant ainsi, et sur l’approbation
que sembloient y donner ses confrères. Il ne s’étonna pas des
accidens dont lui avoit parlé M. de M u rol, parce qu’il soupçonn o it, d it-il, que le remède contenoit du mercure.
M. de Murol partit le soir, et recommanda beaucoup à Courby,
s’il venoit à la Borde dans la sem aine, de ne pas traverser l’Allier
qui avoit, dit-il, grossi beaucoup, et où il s’exposeroit.
Il laissa h Aîgueperse une charrette couverte d’un drap , et em
prunta de^Courby une carriole pour faire un voyage àMontluçon.
Le 2Q^3'optombre, le sieur de Murol père vint à Aigueperse
avec un de ses fils, pour rendre la carriole qu’il avoit em pruntée,
et reprendre la sienne avec un cheval de selle que son fils avoit
prêté à Courby depuis deux mois.
Ils parurent désirer reprendre les effets de 18000 francs, si
Courby ne les avoit pas négociés; et Murol fils sembloit seul y
mettre quelque humeur. Courby avoit négocié pour 16400 fr.
d’e ffe ts, pour ses propres dettes ; et il répondit à M. de Murol
p ère, que si la proposition faite par lui-m êm e ne lui conve-
noit plus, il étoit prêt à lui souscrire des effets équivalens; et
il en signa en effet pour 19362 francs , ce qui comprenoit un
intérêt sans doute assez considérable; et je souscrivis moi-méme
ces nouveaux effets dont les sieuçs de Murol sont aujourd’hui
porteurs.
Un mois se passa ensuite sans que j’euS9e rien de commun
avec cette famille. T out d’un coup , au mois de décembre ,
j appris 1 horrible nouvelle que le sieur de Murol accnsoit hau
tement Courby de l’avoir empoisonné, et qu’une procédure cri-
�( 8 )
minelle étoit provoquée par ses fils et lu i, non qu’ils eussent osé
accuser en leur nom , mais à la diligence du magistrat de sûreté
de C lerm ont, qui les faisoit tous entendre comme témoins.
Ce crim e, ces combinaisons, mes idées accablantes, un retour
de comparaison sur les temps cruels des délations et des écha
fauds , tout cela m’ôta le discernement et la réflexion. Je ne
voulus entendre celles de personne. Mon époux partit, et je me
trouvai seule à la vue de ces indifférens qui soupçonnent tou
jours, et ne réfléchissent jamais.
Quoi qu’il en soit, le temps qui s’est écoulé depuis le mois de
décembre a permis à la justice de faire d’exactes recherches. L e
sieur de Murol p è r e , âgé de prés de quatre-vingts a n s , a été
atteint d’une maladie épidémique inflammatoire, à laquelle s’est
jointe une hydropisie. Il s’est mis alors dans les mains d’un ch i
rurgien ignorant, et il est mort dans les premiers jouis d’a v r il,
ayant survécu par conséquent plus de six mois à son prétendu
empoisonnement.
Je n’ai jamais désiré la mort de personne ; mais je le confesse
sans rou gir, la mort de cet homme a ôté de mon cœur un far
deau bien pesant. Ce n’est pas que j’eusse, comme de V itellius,
de la joie à considérer le cadavre d’un ennemi ; loin de moi ce
sentiment de vengeance. Mais je n’ai pu m’empêcher de dire:
C ’est là qu’étoit cachée la vérité ; c’est là que le triomphe de
l’innocent sera écrit par les mains même de la Providence.
Que mes lecteurs me pardonnent .cet aveu d’un mouvement
que je n’ai pu vaincre. Il faut avoir été dans ma position cruelle,
pour sentir qu’elle justifieroit même un sentiment moins légitime.
Me voici donc devant mes juges , incertaine maintenant de
ce qu’il me reste à leur dire; car quand toute la procédure me
ceroit co n n u e, je ne puis sans ridicule me jeter dansja carrière
polémique d’une discussion de droit criminel.
Mais la défense de mon époux sera plus dans la conviction de
íes juges que clans mes efforts. Je n a i voulu que révéler des
faits
�C 9 )
faits de ma connoissance , et sans doute ils vaudront mieux que
mes réflexions.
Un crim e ne se commet pas sans être nécessaire. C o u rb y ,
nanti d’effets signés de M. de M u ro l, n’avoit pas besoin de s©
défaire de lui pour les retenir. On est bien plutôt capable d’un
vol hardi, et sans danger , qu’on ne l’est d’un empoisonnement.
Si le sieur de Murol père est venu tant de fois aprè9 le 29 sep
tembre à A igueperse, et s’il a continué d’appeler Courby à la
Borde, qui pourroit se défendre d’étre convaincu qu’il n’a pa»
cru être empoisonné par lui ; car eût-il cherché la société de1
son assassin ?
Cependant c ’est, dit-on, le jo u r même du déjeûner des pèches,
que le sieur de Murol se crut empoisonné ; c ’est le lendemain
qu’il fit part de ses craintes à ses amis.
S ’il eût soupçonné d’autres personnes , on pourroit se rendre
raison de cette continuation de confiance ; mais le sieur de
Murol a dit encore avoir vu Courby saupoudrer les pèches de
la matière blanche, qui 11e lui répugna qu’au fond du verre, ee
qui lui causa à l’instant même des douleurs et des vomissemeus«
L’idée de l’em poisonnem ent, e t de son au teu r , se seroit d u n e
liée sans intervalle dans son imagination ; et alors com m ent con
cevoir c ette suite de fréquentation jo u rn a liè re , ces repas m ul
tipliés, qui auroient rendu aisée la consom m ation du c rim e ,
et qui n’ont cependant donné lieu au soupçon d’aucune tentative
nouvelle ?
Comment concevoir encore qu’un homme se croyant empoi
sonné le 3 o septembre , se disant tourmenté des douleurs ordi
naires de ce m al, consulte un médecin le 20 octobre , et ne lui
dise pas un mot de ses m aux, ni de se3 terreurs?
Là , au contraire , les vomissemens sont attribués, par le ma
lade lui-méme , à une autre cause. Ils ne l’inquiètent point du
to u t, puisque l’amélioration de sa santé, et le rem e x ciment au
médecin , sont le seul objet de sa visite.
Cette bonne santé se soutient pendant quatre mois consécutifs,
B
�( IO )
fit il tonibe-enfin malade. Est-il mort d’hydropisie ? est-il mort
d’une inflammation dans le ventre ? On dit l’un et l’autre. On
dit aussi qu’il a été traité de l’hydropisie, et que la ponction lui
a été faite deux fois dans le mois qui a précédé sa mort,
r Je n’entends rien en médecine : mais les effets de l’arsenic
sont connus de tout le monde; il passe pour le plus mortel et
le plus prompt des poisons.
Si son action est brûlante et corrosive, si le premier contact
produit des. ulcères dans l’instant même , com m ent concevoir
qu’un homme empoisonné devienne lentement hydropique ;
qu’une surabondance d’eau exige deux ponctions ; qu’il ne se
manifeste d’inflammation que dans le bas-ventre, sans lésion des
viscères supérieurs?
<
Le cadavre a été vu , dit-on, par des docteurs délégués par
la cour criminelle. Je n’ai garde de supposer qu’ils se soient
livrés à des conjectures ; ils n’avoient point, comme les Arusp ic e s , à consulter les entrailles d’une victim e pour présager
l’avenir. Leur tâche plus facile a été de chercher dans le corps
d’un hom m e, mort hydropique, si des traces de poison étoient
visibles , et de vérifier les corrosions qu’auroient dû recéler
l’estomac et les premières voies.
•
'
Si le poison n’a pas été visible à leurs yeux , le sera-t-il à la
conscience du juge?
On prétend que C o u rb y, au lieu de donner du secours à M. de
M u ro l, les 29 et 3o septem bre, a dit à plusieurs valets de la
maison qu’il étoit vieux et ca ssé, qu’il ne guériroit pas ; et de
commentaires en com m entaires, on va presque jusqu’à y voir
un aveu de son crime. C ’est ainsi que la malignité interprète
les expressions les plus indifférentes. Mais comment ne pas voir
qu’un coupable, dans cette position, auroit au contraire affecté
ce qu’il ne sentoit pas , et multiplié ses soins pour n’être pas
soupçonné.
Il à , dit-on encore , demandé à un pharm acien, après l'empoi
sonnement , et dans la r u e , si 1 opium étoit un poison qui fit
�( 11 )
souffrir long-temps. Autre arme de la m échanceté, pour en tirer
xine conséquence à charge. J’ignorois ce fait, et j’ai même des
raisons de suspecter ceux qui l’ont accrédité. En cherchant dans
le passé à quelles époques j’ai vu mon époux attristé de l’embarras
subit où la faillite d’un ami l’avoit je té , je n’ai pas trouvé dans ma
mémoire qu’il ait eu jamais des instans de désespoir, ou du moins
il n’en a pas manifesté en ma présence. Il savoit d’ailleurs que je
viendrois à son secours ; et je suis humiliée que pour 18000 fr. et
surtout pour une dette d’honneur, on puisse croire que mon
époux se trouvât réduit à attenter à ses jours.
<
Quant à toute autre version, je la dédaigne. Quel insensé concevroit l’idée qu’il pourroit faire avaler de l’opium à son ennem i,
c ’est-à-dire, la plus amère des potions, sans qu’il la refusât, ou
qu’il pourroit la glisser à dose suffisante parmi ses alimens?
*
Celui qui pour se défaire d’un homme veut l’empoisonner, a
pour première pensée d’ensevelir en lui même le secret de son
crime. S’adresse - t-il à un pharm acien, il est le premier qu’il
trompe; et à moins de croire l’empoisonneur sans bons sens, on
ne supposera jamais qu’il ait parlé de la inort au pharmacien à qui
il deinandoit du poison.
Mais qu’aura gagné la calomnie à tout cet amas de faits incohérens, et de petits détails exagérés par la passion, ou grossis par
les circonstances? car, s’il n’est pas constaté qu’il y ait empoison
nement , il n’y a pas de coupable à chercher.
Vaut-il mieux abandonner ce qui se présente à l’idée la plus
simple, et substituer des fictions ou des conjectures , à ce qu’ou
conçoit avoir été un effet de l’ordre naturel des choses ?
Et parce qu’un vieillard, d’un tempérament u sé, est mort à
près de quatre-vingts ans, faudra t-il s’obstiner à croire qu’il n’a
dû mourir que d’une mort violente?
S il n étoit mort que du plus subtil des poisons, auroit-il résisté
six mois? auroit-il surtout passé quatre mois dans le meilleur
état de santé qu’il ait eu depuis dix ans?
Certes, je n’ai pas cru un instant qu’aucun homme au monde
B 2
4
�( 12 )
put dire en son âme q u ’il est convaincu de la réalité du crim e,
et que Courby mérite la mort : je l’ai cru encore moins de ses
juges, pour qui le premier devoir est de ne se rendre qu’à l’évi
dence. Mais il m’importoit aussi de détruire jusqu’à l’apparence
d’un crime dont l’idée seule m’accablera jusqu’à ce que le soup
çon même en soit détruit pleinement.
Je ne sens que trop de quelle influence cet événement sera
pour ma destinée future ; car le malheur d’un aussi cruel soupçon
ne peut se réparer qu’à la longue ; et j’ose croire que les cica
trices de la calomnie ne seront point ineffaçables. La conduite
à venir de mon époux se réglera, je l’espère , sur les circons
tances dans lesquelles sa mauvaise étoile l ’a placé.
Je puis donc voir encore le bonheur renaître dans mon asile;
et si c ’est une illusion, que du moins un si flatteur horoscope
ne soit pas enlevé à une mère : mon époux, rendu à sa fam ille,
ne verra dans son infortune passée que le devoir sacré d’en effacer
jusqu’au souvenir. Il peut encore, malgré la calomnie, transmet
tre à ses en fans un nom sans ta ch e, et vivre avec honneur dans
leur mémoire.
C O U R B Y , née R O L L A T .
I
�CONSULTATION. :
L e C O N SE IL SO U SSIG N É , qui a lu le mémoire de la dame
R o llat, femme Courby ,
»
*
, d’après les faits contenus audit mémoire , que si les
médecins délégués par la cour criminelle pour examiner le ca
davre du sieur de M urol, n’ont pas trouvé de traces de poison',
Ou s’ils n’ont pas exprimé une opinion certaine et fondée sur ce
genre de m ort, il paroit impossible qu’un jury se déclare con
vaincu que le sieur Courby est coupable.
E s t im e
O n n’a pas accusé le sieur C ourby d’une simple tentative d ’em
poisonnem ent , mais bien d ’un em poisonnem ent effectué avec de
l’arsenic jeté sur des pèches. P a r conséquent il ne faut pas se
borner à exam iner s’il y a preuve de la ten ta tiv e, mais il faut
savoir s’il y a un em poisonnem ent et un coupable.
La question préalable d’une instruction criminelle est de cons
tater le corps d’un d é lit, de même que la première chose à exa
miner par le jury est de savoir si le délit est constant.
Car il n’est pas besoin de chercher s’il y a un coupable, lors1 qu’il n’y a pas certitude qu’il y a eu un délit : D e re priusquàm
de reo inquirendum est; e t , comme le dit Dom at en son Traité
du droit public : « C ’est le premier et le plus indispensable des
« devoirs. Cette preuve est même tellement essentielle, qu’elle
« ne peut être suppléée ni par les dépositions des témoins , ni
« par des conjectures, ni même par la confession de l ’a c c u s é . »
D après c e la , peut-on bien dire que le corps du délit imputé
au sieur Courby, est constant, et qu’il est c e r t a i n qu’il y a eu.
empoisonnement? R ie n n e paroit au c o n t r a ir e moins prouvé.
�( i4 )
Aucun rapport de médecin ou chirurgien ne paroit avoir pré
cédé la mort du sieur de Murol : lui seul a eu quelques soupçons
que rien n’a vérifiés. Ainsi , jusque-là aucun corps de délit n’est
constaté.
Après la mort du sieur de M u ro l, la cour criminelle a bien
fait ce qui étoit en elle pour constater le corps du délit , puis
qu’elle a commis des hommes de l’art pour visiter le cad avre,
et en décrire l’état. Le rapport qui a dû en être fait sera soumis
au ju ry , s’il est antérieur à l’acte d’accusation ; et c ’est là où
le jury puisera principalement les idées qui appelleront sa con
viction sur le fait de savoir s’il y a un d é lit, c ’est-à-dire, s’il
est constant que le sieur de Murol père est mort empoisonné.
Sans doute la présence du poison n’est pas toujours visible ;
mais son effet n’en est pas moins marqué par des signes exté
rieurs , surtout quand le malade en a été victim e, et quand il
s’agit d'un poison aussi violent que l’arsenic.
Aucun auteur n’a mieux décrit les effets de ce poison , et les
signes auxquels on peut les connoitre , que M. Ma lion , en son
Traité de médecine légale; et c ’est le meilleur guide qu’on
puisse avoir pour raisonner sur une matière aussi grave et épi
neuse.
Les poisons corrosifs, dit cet auteur, tuent très-promptement,
et leurs effets s’annoncent avec une rapidité qui ne.permet guère
de douter de leur emploi. (T o m e 2 , p. 2.yS. )
L ’arsenic est soluble dans tous les liquides ; c ’est le plus in
domptable des poisons : il ne peut être mitigé , ni masqué en
aucune manière, ( Page 276, )
Quand il y a soupçon d'empoisonnement, tout m édecin, avant
d’inspecter le corps , doit s’informer soigneusement de IVige,
du sexe , du tempérament , des forces , du genre de vie du
, s’il étoit sain ou malade
combien de temps il a
vécu depuis, de quelles incommodités il s’est 'plaint , quelle
espèce de régime ou conduite il a observée ap rès, s’il a été
secouru par un médecin expeiimenté ou par des ignoransu
d é f u n t
( Pajje 26G. )
,
�( i5 )
Après cela, l’inspection du cadavre consiste à examiner l’état
des parties extérieures et les signes intérieurs du corps.
Q u a n d l’arsenic n’est pas conservé en nature dans quelques
viscères , ce qui arrive fréquem m ent, sa présence est au moins
manifestée par des traces de lésion et de corrosion assez remar
quables dans toute la route qu’il a parcourue (1) ; son action va
même jusqu’à se manifester au-dehors (2) ; et quelque nombreux
encore que soient ces signes , le médecin , comme le ju ge, ne
peuvent se croire convaincus que par leur ensemble.
Ici il faut d’autant plus de circonspection , qu’il s’agissoit d’un
sujet vieu x, et dont la santé paroissoit altérée depuis long-temps.
Des douleurs internes et des vomissemens sont, dit-on, le seul
indice de poison qu’il a remarqué lui-mémé (3). Mais une foule
(1)« 2°. L ’érosion inflammatoire, gangrène, taches éparses dans l’œsophnge,
l’estomac, le pylore, les intestins, le sphacèle de ces parties. — Quelquefois l’es
tomac p ercé, — le sang coagulé, — le péricarde rempli d’ un fluide jaunâtre ou
corrom pu, les autres viscères ramollis et comme dissous, parsemés d’hydatides,
de pustules, de taches; le coeur flasque et comme racorni; le sang qu’il contient,
noir et presque solide; le foie noirci, ou livide, ou engorgé. »( M alion, pag. 272.)
« On voit enfin, tant extérieurement qu’intérieurem ent, des vessies disper
sées ça et là, remplies d’ une sérosité jaune ou obscure, et presque toujours d’une
odeur désagréable. » ( Ib id , pag. 273. )
(2) « Distension.excessive de l’abdom en, au point d’en menacer la rupture •
— taches de différentes couleurs sur la surface du corps, surtout au dos aux
pieds, à l’epigastre; — la prompte dissolution, quand la personne est morte du
poison. On peut trouver dans la dissection du cadavre des indices certains d’ em
poisonnement: — la roideur des membres, la tuméfaction du ventre, ne sont
pas des signes constans ; — mais ce qu’il y a de constant dans les cadavres des
personnes qui ont péri d’ un poison âcre ou caustique, c’ est de trouver l’oesophage,
l’ estomac et les intestins grêles, atténués, enflammés, gangrenés, rongés et sou
vent percés.... Il suffit de résumer ces signes, pour être convaincu de la néccssilé^de ne jamais se décider que par leur ensemble. » ( Ibid . p. 270, 271 , 307. )
( >) « Quand on n a pas été ci temps d ’examiner la nature du vomissement, que
les sympLÔmes sont passés, que le malade est guéri , peut-on tirer des indices
suffisans de l’assertion du plaignant, et de celles des personnes qui l’ont assisté?
— Je ne le pense pas. » ( Ib id . pag. 3o 6. )
�( 16 )
d’alimens, même très-sains, peuvent fournir les mêmes résul
tats (1).
Il parolt que le sieur de Murol avoit été mal traité d’une
gale. Les empiriques ont pour ces sortes de maux des remèdes
dont la promptitude séduit le m alade, mais dont l’effet double
ment funeste consiste à faire rentrer dans la masse du sang une
humeur vicieuse, dont la nature cherchoit à débarrasser le corps:
et s’ajoute à ce mal réel, le mal plus grand peut-être du remède
lui-même. Aussi est-il constant qu’ une éruption rentrée suffît:
seule pour agir mortellement sur l’individu, et laisser des traces
presque semblables à celles du poison (2).
L ’opinion qu’a pu avoir le sieur de Murol lui-même sur son
état, ne doit pas être d’un très-grand poids; car 011 sait com
bien un m alade, et surtout u n vieillard, est sujet à se frapper
l’imagination : pour peu que ses craintes soient accréditées par
quelque soupçon, il ne trouve plus rien que d’ extraordinaire dans
son état, et il s’obstine à ne pas croire que des maux naturels, ou
la caducité , puissent être l’unique cause de son dépérissement.
Cependant la plupart des maladies vives s’annoncent par une
invasion soudaine ; et cette rapidité même semble tellement inex-
(0 a Q u’ un hom m e ait mangé des alimens difficiles à d ig ére r, ou faciles à
entrer en putréfaction, il peut arriver que quelque temps après il se trouve
très-m al, et qu’il ait tous les symptômes du poison, jusqu’à mourir.
» J’ai vu une châtaigne rô tie, avalée toute entière, donner tous les signes
de l'empoisonnement. Les têtes et pieds de ve au , les écrevisses, les huîtres,
les vins troubles et avariés, ainsi que les vins frelatés, ont très-souvent aussi
produit cet effet. « ( M alion, pag. 299. )
(a) « Certaines maladies laissent sur les cadavres des traces peu différentes
des signes ordinaires du poison. »
a U ne éruption rentrée, une affection scorbutique très-avancée, une bile
très-Acre, etc. — Mais par une contemplation réfléchie des syrtiptômes, ct la
comparaison que le médecin en fera avec les signes que porte le cadavre, il
distinguera aisément les restes d’une maladie violente > d’avec les caractères de
l’empoisonnement. » ( Ib id . pag. 3 i 3. )
p lica b le ,
�( i7 )
plicable, qu’on repasse alors dans sa mémoire jusqu'aux moindres
détails qui ont précédé; les choses quiétoient auparavant les plus
simples se grossissent, la crédulité s’en empare. P o st hoc, ergo
propler h o c , se dit - on ; et ce raisonnement de l’ignorance n’en
séduit pas moins quelquefois les personnes les moins prévenues.
Un soupçon alors, né du plus léger indice, acquiert bientôt de
la consistance, à tel point que les explications les plus naturelle»
sont dédaignées ; le préjugé l’emporte sur l’expérience ; et on ferme
les yeux sur les exemples plus frappans, qu’on a eus souvent sous
les y e u x , des bizarreries de la nature, et des accidens de la vie (1).
Car en cette matière , dit le docteur C o ch in , et quand il s’agit
de juger des poisons, les conjectures les plus vraisemblables ne
sont souvent que des illusions (a).
Le célèbre auteur Zacchias avoit été consulté sur un événe
ment presque semblable à celui du sieur de Murol. Un individu
avoit fait un ample diner avec un am i, et ne tarda pas à éprouver
de grands malaises qui furent suivis d’un prompt dépérissement.
Il devint subitement pâle et exténué, perdit la raison , et mourut.
Le diner ayant été son dernier acte de santé , les soupçons s’é
levèrent contre celui qui l’avoit partagé ; il fu t mis en prison.
L e cadavre fut ouvert, et Zacchias y trouva les intestins trèsenflés, le sang coagulé dans les ventricules du cœ ur, la substance
même du cœur d’une couleur dégénéiée, la tête et les lèvres
grosses, les poumons livides et adhérens, le foie corrompu.
T ou t cela pouvoit paroltre des signes de poison. Mais ce docte
(i) « Il est une infinité de maux sourds, qui augmentant insensiblement en
intensilé, peuvent avoir affligé un homme depuis longues années, sans qu’il
s’en soit lui-même beaucoup aperçu, et q u i, éclatant tout à coup, paraissent
inconcevables à ceux qui ne sont pas au fait des divers accidens de la v ie , et
qui ont l’imagination préoccupée. » ( Ibid. png. 317. )
(a; Qucst. du poison, t. i«r. , png. 4 ' Recherches sur les signes anatomique*
et judiciaire* des signes ¿ ’empoisonnement, par M . de lk t z .
G
*
�I i8 )
médecin no chercha que dans son art et dans son génie des con
séquences que la prévention auroit dénaturées, s’il se fût aban
donné aux fausses impressions de l’opinion publique.
Dans une consultation très-méthodique et très-savante, Zacchias suivit pas à pas tous les symptômes décrits; et il fit résulter
de leur ensemble, que l’homme étoit mort de la jaunisse.
Il ne jugea pas possible que ces sym ptôihes fussent nés du
p o iso n , puisque la natu re n ’avoit pas fait un effort continuel et
sans re lâ ch e , pour se débarrasser de cet ennem i dangereux ( 1 ).
Il y avoit eu un vomissement soudain ; mais il avoit cessé ; mais
il n’y avoit pas eu de ces douleurs opiniâtres et de ces angoisses
toujours croissantes, qui dénotent une prochaine dé génération
des solides Ta).
La corruption du foie et l’adhérence des poumons avoit paru
de quelqu’importance a Zacchias ; mais il pensa que si la cause
en lut venue du poison, l’estomac et le cœur auroient dû. être
lésés et corrodés auparavant (5).
D ’après cela Zacchias n’hésita pas à prononcer que le malade
n’étoit pas mort de poison, mais d’une maladie naturelle (4).
Les auteurs qui ont écrit sur le droit criminel ne conseillent
pas une moindre circonspection dans les jugemens qu’on peut
porter sur de semblables matières.
(1) « A c c id e n c ia , s i e x veneno adm inístralo superveniant , s o len t , cum
Ímpetu quodam , ac vehem entia apparére , non tolerante natura, vim improvistim ipsius veneni.-n ( Z a c h . Consil. 16. )
(aj « V om itas indf.sinens, m olestia in to lera b ilis, d olorespernecabiles ,
•lip olh y m ia , syncopis , et alia. » ( lb id . )
« Primo et antequám hepar leedatur , necease est Itedi stomachum
jitq u e etiam cor. » ( l b i d . )
(4 ) “ Igitlir eX P ratd ic tis p atet N... d propinato veneno n o n fu isse fixlin ctu n i, s e d potiüs á morbo yuodam n a tu ra li.» ( l b i d . )
�(- i 9 )
a Plus l’accusation de poison est grande, d itM . T>rév6t,cé« lèbre crim inaliste, plus on doit examiner avec soin si elle est
u fondée. La mort est tous les jours accompagnée de symptômes
« qui en imposent sur cet article. Ainsi il faut user de beau« coup de prudence, observer avec soin si les accidens dont
« se plaignent les personnes qu’on dit empoisonnées sont ab« solunjent les suites du poison : si la personne empoisonnée
« est m orte, l’ouverture doit apprendre et constater le poison ;
« il se manifeste clairement par les premières v o ie s, etc. »
CPrincipes sur les visites et les rapports, pag. 226. J
Il y auroit donc bien du danger à s’en tenir à de simples
soupçons, ou à des indices équivoques, dans une matière d’aussi
grande conséquence. Car il suffit que d’autres maladies pré
sentent des signes semblables à ceux du poison, pour que dans
l ’incertitude il faille juger qu’il n’y a pas de preuve d’empoi
sonnement (1).
Car qui pourroit, en matière crim inelle, juger par de simples
indices , lorsque les lois elles-mêmes exigent des renseignemens
certains , des indices indubitables , et des preuves plus claires
que le jour (2) ?
Mais que peut-on entendre par ces indices indubitables? Les
criminalistes prennent encore la peine de les signaler de ma
nière à ne pas s’y tromper. Il faut que l’esprit du juge en soit
frappé et même contraint au point de ne pouvoir pencher pour
l’opinion contraire. C ’est la situation de l’â m e , dans laquelle
(1) « N on d icitu r probatum veneni C rim ea, e x probatione continui
vom itus , v el e x livore corporis , a u t spumis e x ore J ìlu e n tib u s , quia
^htec tigna, p o ssim i eliurn e x p estiferà f e b r e , a u t a cu to mot h o , citrà
veneni causam orire. » ( F arin a c. q u a si. 2 , n°. 3 a , p m x . crìm . )
(2) « M u n ita s it ap ertissirn is d o cu m en ti* , v e l in d ic iis a d p ro b a tio *
tionem in d u b ita tis e t lu ce cla rio rib u s. » ( L . S c ia n t , co d . D e proba t. )
�( 20 )
l’esprit se repose sur le parti qu’il vient de prendre comme sur
une découverte assurée et satisfaisante, sans revenir jamais à
hésiter dans la conviction qu’il vient d'acquérir (1).
Ces maximes sont puisées dans la loi elle-m êm e, qui ne veut
pas qu’on puisse condamner un individu sur de simples soup
çons (2), parce qu’en effet l’expérience prouve que celui qui
com m ence à soupçonner, ne voit jamais comme il doit voir (3 );
ce qui a fait dire à M. Domat que le juge doit se défier de la
première impression qu’on lui donne dans une affaire , parce
qu’elle est malgré lui le mobile de sa conduite, et qu’il ramène
tout à cette opinion (4).
Si d’après l’examen de tous ces principes généraux, il faut se
former une opinion, le conseil n’hésitera pas à dire que s i , comme
on paroît le croire , les médecins délégués par la cour criminelle
n’ont pas attesté avoir trouvé dans le corps du sieur de Murol
dès traces de poison , il est impossible de penser qu’il y ait ni
conviction de culpabilité, ni même conviction d’empoisonne
m ent ; c a r, comme le dit la dame Rollat dans son m ém oire,
si le poison n’a pas été visible pour les médecins , comment le
seroit il pour un jury?
Il n’y aura pas de corps de délit , et par conséquent il sera
inutile de chercher un coupable.
Les circonstances qui ont précédé et suivi l’évén em ent, ne
semblent pas même donner lieu à des soupçons bien fondés ; et
(1) « In d iciu m in d u h ita tu m e s t q u o d co a rcta t m entem ju d i c is ila u t
om ninù c r e d a t , neo p o ssit in contrariant in clin a rr. R s t dem onstratio
rei p e r signa su fficien tia p e r <juce anim us in a li quo tanquam ex isten te
36 , n°. 35. )
(2) « Ne suspicionibus quemqnam damnari oportere divus Trajanus
scripsit. » ( Tj. Abs. ff. Pœnis. )
(3) « Q u i tn s p ic a tu r p lu s se videra p u ta t. » ( E x tr a d e testib . )
q u i esc i t , e t p lu s investigare non cu râ t. » ( l'a r in a c. qucest.
(4) T r . du droit public.
le
�( 2.1 î
le résultat achève même de détruire la première impression qu’une
semblable accusation ne manque jamais de répandre.
L e sieur Courby étant dépositaire d’effets signés du sieur de
Murol p ère, quelle qu’en fût la som m e, l’envie de se les appro
prier a bien pu faire croire que l’empoisonnement avoit été un
m oyen d’y parvenir. Mais rien n’empéchoit le sieur Courby de
garder ces effets, et de s’en dire le maître : l’ usurpation des
billets étoit même plus solide sans crime.
La conduite amicale du sieur de Murol envers le sieur Courby,
depuis le 29 septem bre, est le meilleur témoignage que ce der
nier puisse avoir; et si le sieur de Murol a dit à la justice avoir
eu des soupçons' dès le jour m ê m e , ou il a.été bien inconsé
quent , ou ses soupçons ne méritent pas une grande confiance.
On ne voit pas que le 29 septembre il ait appelé à son secours
aucun homme de l’art ; par conséquent il ne faut pas croire qu’il
ait eu d’aussi grandes souffrances , ni une aussi grande terreur
qu’il a pu le dire a p rès, lorsqu’il étoit atteint d’une maladie
chronique.
B ientôt au contraire il reprit son régim e accoutum é. L ’es
tom ac paroit avoir fait ses fonctions com m e auparavant ; et il
est bien difficile de concilier c et état de santé parfaite avec la
dégénération progressive qu’auroit dû opérer la présence de l’a r
senic , en quelque petite quantité q u ’on le suppose.
Il faudroit même admettre que le poison a été pris à grande
d ose, si les pêches en étoient saupoudrées , puisqu’elles ont été
avalées entièrement avec le vin , et que le sieur de Murol n’a
répugné au poison que pour la portion demeurée au fond du
verre. Le véhicule auroit donc été suffisant pour porter une
grande quantité d’arsenic dans les premières voies.
O r , il est impossible que les effets de ce poison eussent cessé
tout d’un coup , et n’eussent laissé aucunes traces.
( Le fait articulé , que le sieur de Murol a subi deux fois l’o
pération de la paracentèze , ou ponction , prouve qu’il a été
�(
22
)
considéré comme atteint d’hydropisie ; et ce traitement achève
de détruire toutes les incertitudes.
Il
y a donc lieu de conclure que les soupçons du sieur de
Murol n’ont eu aucun fondement réel ; qu’à soixante-quinze
an s, et avec les circonstances qui ont accompagné sa m ort,
elle n ’ a eu rien que de très-naturel.
D
é lib é r é
à R iom , le 16 juin 1807.
L. F. D E L A P C H IE R , avocat; B A R TH E LE M Y , doct. m éd.;
A N D R A U D , avocat; C H O SSIER , doct. m éd.; PAGÈSM E IM A C , avocat ; G E R Z A T , doct. méd. ; P A G E S ( de
Riom ) , avocat ; M A L B E T , doct, méd.
A R I O M , de l’imprimerie de L a n d r i o t , seul imprimeur de la
Cour d’appel. — Juin 1807.
�
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Factums Marie
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[Factum. Rollat, Eléonore. 1807]
Creator
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Delapchier
Barthélémy
Andraud
Chossier
Pagès-Meymac
Gerzat
Pagès
Malbet
Subject
The topic of the resource
abus de confiance
prêts
empoisonnement
Murol (famille de)
homicides
Description
An account of the resource
Mémoire pour la dame Eléonore Rollat, épouse de François Philippe Courby, habitant à Aigueperse [suivi de ] Consultation.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1807
1807
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
22 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0613
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
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BCU_Factums_M0334
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aigueperse (63001)
Thiers (63430)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Abus de confiance
empoisonnement
homicides
Murol (famille de)
prêts
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MÉMOIRE
POUR.
L a dame E
P
léonore
h il ip p e
R O L L A T , épouse de F
r a n ç o is -
C O U R B Y habitant à A igueperse.
A . ucune situation n’est com parable à la mienne. Mon époux
est accusé d’un crim e horrible dont je n’ose prononcer le nom :
son honneur et le m ien , le sort de ses enfans, seront bientôt dans
la balance de la justice; et ses persécuteurs s’agitent, quand luim é m e , accablé de sa situation , il fuit la calomnie sur un sol
étranger.
Lorsque pour la prem ière fois cette nouvelle épouvantable
vint jusqu'à m oi, toute ma conviction de l’innocence de mon
époux ne m’em pécha pas de résister à ses résolutions, et de les
ébranler par mon désespoir. O u i , et je m ’en confesse co u p ab le,
je l’importunai de mes larm es, je séduisis son courage , et sa
fuite fut un effort de sa tendresse; maintenant je me demande
avec effroi si sa présence ne lui eût pas été plus u tile , et si son
danger, au contraire, n’est pas né de ma terreur.
Dans cette cruelle anxiété, que ne puis-je appaiser de mon
sang c e u x qui sont altérés de celu i de mon époux ! Que n’ai-je
A
�( a )
du moins le droit de me présenter pour lui en jrgem o n t, pour
confondre ses accu sateu rs, pour le défendre....... ? Q ue dis-je?
me défendre m o i-m ê m e ; car jusqu’au tombeau ma destinée
n ’est-elle pas attachée à la sienne?
Mais la rigueur des lois me repousse du tribunal qui va juger
ma propre cause. Ainsi la nécessité me dicte mon devoir. J'ap
prendrai à mes juges une partie de ce que mon époux auroit pu
leur d ire, ou du moins quelques-unes des circonstances que des
témoins auroient pu attester.
Je ne me suis point dissimulé com bien de difficultés j’aurois
à vain cre, quand je n’aurois à opposer que mon foible langage
à des combinaisons préparées par la m échanceté même. Car
telle est îa condition d’ un m alheureux accu sé, que déjà la ca
lom nie a jeté de profondes ra cin e s, alors m ême qu’il peut en
treprendre de la com battre. Q ue peut sa voix plaintive contre
les cris précurseurs de cette astucieuse ennemie? E t lorsqu’enlin
on consent à l’entendre , com bien ne faut-il pas encore qu’il
dévore l’humiliation de la défiance qu’il excite ? car la p réven
tion du mal est m alheureusem ent celle qu’on s’obstine le plus à
conserver; et les esprits m êm e les plus raisonnables semblent
trouver plus com m ode de croire le crim e que d’en méditer les
invraisem blances.
Ces réflexions portoient le découragem ent dans mon ame ,
quand le souvenir de mes enfans a vaincu ma répugnance, et m’a
élevée p o u r a i n s i d i r e au-dessus de m oi-m ême. O u i, m e suis-je
é c rié e , je l’entreprendrai cette tâche pénible. La timidité de l’é
pouse cherchera des forces dans l’amour m atern el, et ces deux
titres prêteront peut-être à mon récit un intérêt que mes foibles
accens n’auroient pas eu la prétention d ’espérer.
C ’est à des ju g e s , au reste, que je veux m ’adresser, et ceux-là
ne repousseront pas mes paroles avec l’ennui de les entendre; leur
terrible ministère ne leur donnera de défiance que co n tre la pré
vention qu’ils craindroient trouver en eux-m êm es. Mes récits se
ront donc écoutés com m e une explication n é c e s s a i r e , par c e u x
�( 3
)
que la loi a armés de sa puissance ; ca r ils trem bleront, sans d o u te,
de l’idée seule qu’ils pourroient condam ner une fam ille honnête à
l’in fa m ie , et un innocent à la mort.
Les relations de mon époux avec la maison de M urol ne furent
pas de ces liaisons soudaines et fortuites , qui ne donnent pas le
temps de s’a p p récier, ou de concevoir de justes défiances. C ’est
depuis son enfance qu’il connoît le sieur de M urol fils ainé , ayant
été élevé avec lui dans le m êm e pensionnat, à Lyon.
Cette habitude de se voir a continué dans un âge plus avancé;
mais l’historique de ces prem ières liaisons n’a rien d ’essentiel à
rem arquer, et je me hâte d’en venir à des époques plus récentes.
Jusques à l’année d ernière, je n’avois vu à Aigueperse que le*
sieurs de M urol fils , et leur père m’étoit absolument inconnu. Il
m e paroissoit même que C ourby le connoissoit à peine , et ne vivoit avec lui que sur le ton du respect et des convenances de
société.
N ous ignorions entièrem ent ses affaires, et ne connoissions
celles de ses fils que par ce t extérieur d’o p u le n ce , qui fait illusion
au vulgaire tant qu’on a des ressources pour le soutenir.
C ependant, un jour de l’été d ern ier, le sieur de M urol p è r e , se
trouvant seul chez son fils cadet avec C o u rb y, fit tomber la con
versation sur la situation de ses fils , et sur le m écontentem ent
qu’il éprouvoit de leurs dépenses excessives.
Cette ouverture pouvoit n’étre que le désir secret d’ un père de
faire parvenir ses plaintes à ses fils, par un organe qu’il supposoit
plus persuasif peut-être. Mais le sieur de Murol père ne se borna
pas là. Soit hasard, soit que la prem ière idée lui en fit naître une
s e c o n d e , il confia bientôt à Courby qu’il méditoit pour son fils
ainé le projet d’une grande alliance, mais qu’il étoit retenu par
des dettes pressantes, dont l'éclat alloit ruiner toutes ses espé
rances.
A lo rs, comme par réflexio n , il demanda à Courby s’il ne pour
rait pas lu i faire trouver de l’argent.
A
2
�(4)
Un jeune homme ne pouvoit être qu’embarrassé à eette brusque
proposition. Courby fu t Forcé de lui avouer son im puissance de
lui être utile. « J ’ai des dettes m oi-m ém e, lui dit i l , sans avoir à
» m e reprocher un excès de dépense ; mais j’ai eu la foiblesse de
» cautionner les effets d’un homme que je eroyois incapable de
j> m e trom per; il a fait faillite, et m ’a laissé beaucoup à payer ;
53 et dans ce m o m en t, je cherche m oi-m ém e 18,000 fr. pour finis
» de m ’acquitter.
Q u ’importe ce que vous m ’o b je c te z , lui répondit M. de
» Murol ; vos ressources pour avoir de l’argent ne tiennent sans
» doute qu’à une signature de plus; je vous offre la mienne pour
» les 18,000 fr. dont vous avez besoin, et à votre tour, vous m e
» donnerez la vôtre pour m e procurer l’argent que je ch erch e;
» elle me sera u tile , parce que vous êtes d’une fam ille d e
« n égo cian s, et que par m oi-m ém e je ne trouve plus à ern» prunter : de cette m a n iè re , nous nous serons rendu un service
■
j} mutuel. »
J’ignorai dans le temps cette conversation ;^st C ourby m ’a avo u é
depuis que quoiqu’il y eût un côté avantageux pour lui dans la
proposition du sieur de M urol, ces combinaisons d’emprunt et de
signatures brouilloient ses idées , et confondoient son inexpé
rience ; qu’il s’étoit contenté en conséquence de bégayer un co n
sentem ent évasif, et avoit trouvé un prétexte de se retirer sans
rien terminer.
Mais le sieu r de Murol père n’abandonna pas ainsi son plan. L e
20 a o û t, je le vis à Aigueperse. Il parut fâché de ne pas y trouver
C o m b y , q u e je l’engageai à attendre. Courby 11e revint pas le soir,
et M. de Murol 11e partit que le lendemain après dîner. Je ne cher
chai point à savoir le m otif de son voyage ; je m e contentai de le
recevoir avec honnêteté et empressement.
C ’est dans son chem in qu’il trouva Courby ; il le pria de rétro
grader jusqu’à Clerm ont, et ne le quitta plus jusqu’à ce q*ie ^e®
billets fussent souscrits. Je fus informée de tout cela au retour
de mon époux. Jusqu’alors il in’avoit dissimulé l’embarras où
�( 5 )
I avoit jeté sa com plaisance pour un fau x am i ; il me montra pour
18,000 fr. de b ille ts, qui suffisoient pour le libérer.
Bientôt il s’occupa de placer ces billets à T h iers; et le sieur
de Murol l’ignora d’autant m o in s, que Courby prit plusieurs fois
un cheval chez lui ( à la Borde ) pour y aller, et je crois môme
un domestique.
D ans le courant de septem bre, je vis M. de M urol père une
fois à Aigueperse : il parut y être venu pour consulter M. Lagout
sur sa santé, craignant, disoit-il, être atteint d’hydropisie. A son
retour il ne dit rien de la consultation ; et cette réserve m ’ayant
étonnée, j.’en demandai la cause à Courby qui l’avoit accom pagné.
II me répondit q u e , sur les questions de M. L a g o u t, M. de
M urol avoit avoué qu’une gale traitée avec trop de précipitation
avoit depuis dix ans dérangé sa santé ; qu’il lui se m b lo it, de
loin en lo in , sentir une nouvelle invasion de cette m aladie, et
que sa santé alloit toujours en em pirant; que M. Lagout lui avoit
ordonné une certaine eau , dont la recette ou l’adresse étoit
contenue dans un petit imprimé qu’il lu i remit.
M. de M urol partit, engageant Courby à aller le voir les der
niers jours de septem bre, à la B orde, où ses fils devoient venir
faire une partie de chasse.
C ’est au 29 ou 3o septembre qu’on place l’épouvantable a c
cusation qu’ont répandue les sieurs de Murol contre le m alheu
reux Courby. Hélas! ils l’accabloient encore de démonstrations
d’a m itié , quand déjà leurs affreu x soupçons le signaloient en
public com m e un vil crim inel; et le poison qu’ils lui préparoient
étoit bien plus dangereux et plus subtil que celu i........ Mais à
quoi tendroit une plus longue réticence ; il faut bien m ’avouer
à moi-méme que Courby est accusé d’un empoisonnement.
C ’e st, dit-on, en mangeant des pèches que le sieur de Murol
père aperçut au fond de son verre un sédiment ép ais, dont le
goût lui fut désagréable, quoiqu’il eût mangé sans répugnance
les pèches qui avoient été saupoudrées de la m ême matière. Il
vom it beaucoup , éprouva des douleurs a ig u ë s, eut des ulcères
�( 6; )
dans la b o u c h e , et dit à ses a m is, le len d e m a in , qu’il croyoit
avoir été empoisonné.
V oilà ce qu’a répandu la fam ille de M urol, en ajoutant m êm e
que C o u rb y, présent, disoit en confidence aux assistans: Il n’en
reviendra pas.
Ic i toutes les époques deviennent précieuses, car les événemens postérieurs portent avec eux des conséquences pressantes.
L e jour m êm e de cet é v é n e m en t, et le lendem ain , les fils
M urol, leurs am is, et C ourby, firent la partie de chasse projetée.
L e ^6 o c to b re , C ourby retourna à la Borde : M urol fils ainé
lui emprunta huit louis pour payer des impositions ce m êm e jour.
L e sieur de M urol père étoit p résen t, et dit qu’il en faisoit son
affaire.
L e m êm e jour , M urol ainé engagea Courby à aller avec lui
voir le curé de B eauregard, et le sieur P a rrica u d , qu’il n’avoit
pas vu , d it-il, depuis son retour de Paris.
L e 10 o cto b re, M. de M urol père envoya son domestique à
A ig u ep erse , avec une lettre d’invitation à C ourby pour aller à
la Borde le dim anche su iv a n t, manger un cochon de lait avec
le curé de Beauregard.
En e ffe t, le dim anche su iva n t, n o ctob re, Courby alla dîner
à la B orde, fit le soir une partie de piquet avoc M. de Murol
et le c u r é , et ne revint à Aigueperse que le lendemain.
L e 21 octobre, M. de M urol père vint à Aigueperse avec le
nommé C lm pus, dom estique de son fils. C ourby étoit à Gannat,
et j’engageai M. de M urol à diner.
Q uand j’allai donner des ordres à la cuisine, nies domestiques
m e recom m andèrent de ne pas laisser toucher mes enfans par
M. de M u ro l, parce que Chapus leur avoit dit qu’il étoit plein
de gros boutons, depuis un rem ède que M. Lagout lui a v o it
donné.
En attendant le d în er, M. de M urol alla chez M. L a g o u t,
où Courby de retour alla le chercher.
T ém oin de la prem ière conversation, on ne lui cach a pas la
�( 7 )
seconde , et i l entendit M. de M urol causer avec A3. Lagout de
l’effet de son remède. M. de M urol se plaignit d’avoir eu des
coliques, des vomissemens, et une salivation incom m ode q u i lui
avoit fait naître de petits ulcères dans la bouche. Il termina
cependant par rem ercier M. Lagout du rem èd e, parce que ta
santé é to it, d it-il, beaucoup meilleure, depuis quelque temps.
M. Lagout avoua ne pas connoître la composition de l’eau qu’il
n’avoit conseillée qu’en le déclarant ainsi, et sur l’approbation
que sembloient y donner ses confrères. Il ne s’étonna pas des
accidens dont lui avoit parlé M. de M u ro l, parce qu’il soupconn o it, d it-il, que le rem ède contenoit du mercure.
M. de M urol partit le soir, et recommanda beaucoup à C ourby,
s’il venoit à la Borde dans'la sem ain e, de ne pas traverser l’A llier
qui a vo it, d it-il, grossi beaucoup, et où il s’exposeroit.
Il laissa à Aigueperse une charrette couverte d’ un drap , et em
prunta de Courby une carriole pour faire un voyage àM ontluçon.
L e 29 ooptomWe, le sieur de M urol père vint à Aigueperse
avec un de ses fils, pour rendre la carriole qu’il avoit empruntée ,
et reprendre la sienne avec un cheval de selle que son fils avoit
prété à Courby depuis deux mois.
Ils parurent désirer reprendre les effets de 18000 fran cs, si
C ourby ne les avoit pas négociés; et Murol fils sem bloit seul y
m ettre quelque hum eur. Courby avoit négocié pour 16400 fr.
d’e ffe ts , pour ses propres dettes ; et il répondit à M. de Murol
p è re , que si la proposition faite par lu i-m êm e ne lui convenoit p lu s, il étoit prêt à lui souscrire des effets équivalens; et
il en signa en effet pour 19352 francs , ce qui com prenoit un
intérêt sans doute assez considérable; et je souscrivis moi-même
ce s nouveaux effets dont les sieurs de Murol sont aujourd’hui
porteurs.
U n mois se passa ensuite sans que j’eusse rien de com m un
avec cette famille. T o u t d’un coup , au mois de d é c e m b re ,
j'appris l’horrible nouvelle que le sieur de Murol accusoit hau
tem ent C ourby de la v o ir em poisonné, et qu’une procédure cri
�(
8
)
m inelle étoit provoquée par ses fils et lu i, non qu’ils eussent osé
accuser en leur nom , mais à la diligence du magistrat de sûreté
de C lerm o n t, qui les faisoit tous entendre com m e témoins.
Ce c rim e , ces com binaisons, mes idées acca b la n tes, un retour
de comparaison sur les temps cruels des délations et des éch a
fauds , tout cela m’ôta le discernem ent et la réflexion. Je ne
voulus entendre celles de personne. Mon époux partit, et je m e
trouvai seule à la vue de ces indifférens qui soupçonnent tou
jo u rs, et ne réfléchissent jamais.
Quoi qu’il en soit, le temps qui s’est écou lé depuis le mois de
décem bre a permis à la justice de faire d’exactes recherches. L e
sieur de Murol p è re , ¿îgé de près de quatre-vingts a n s / a été
atteint d’une maladie épidém ique inflam m atoire, à laquelle s’est
jointe une hydropisie. Il s’est m is alors dans les m ain s d’un c h i
rurgien ignorant, et il est m ort dans les premiers jours d’a v r il,
ayant survécu par conséquent plus de six mois à son prétendu
empoisonnement.
Je n’ai jamais désiré la mort de personne ; mais je le confesse
sans ro u g ir, la m ort de cet homme a ôté de mon cœ ur un far
deau bien pesant. C e n’est pas que j’eusse, com m e de V itelliu s,
de la joie à considérer le cadavre d’un ennem i ; loin de moi ce
sentim ent de vengeance. Mais je n’ai pu m’em pêcher de dire:
C ’est là qu’étoit cachée la vérité ; c’est là que le triomphe de
l’innocent sera écrit par les mains m êm e de la Providence.
Q ue mes lecteurs me pardonnent ce t aveu d’un m ouvem ent
que je n’ai pu vaincre. Il faut avoir été dans ma position cru elle,
pour sentir qu’elle justifieroit m êm e un sentim ent moins légitime.
M e voici donc devant mes juges , incertaine maintenant de
ce qu’il me reste à leur dire; car quand toute la procédure me
seroit co n n u e, je ne puis sans ridicule me jeter dans la carriè re
polémique d’une discussion de droit crim inel.
Ma is la défense de mon époux sera plus dans la
c o n v ic tio n
de
ses juges que dans mçs efforts. Je n ’ai voulu que révéler des
faits
�( 9 )
faits de tna connoissance , et sans doute ite vaudront m ieux que
mes réflexions.
Un crim e ne se com m et pas sans être nécessaire. C ourby ,
nanti d’effets signés de M. de M urol , n ’avoit pas besoin de s«
défaire de lui pour les retenir. O n est bien plutôt capable d’un
vol hardi, et sans danger , qu’on ne l’est d’un empoisonnement.
Si le sieur de Murol pére est venu tant de fois après le 29 sep
te m b re à Aigueperse , et s’il a continué d’appeler Courby à la
Borde, qui pourroit se défendre d’étre convaincu qu’il n’ a pas
cru être empoisonné par lu i ; ca r eût-il cherché la société de
son assassin ?
Cependant c ’e s t, dit-on, le fo u r même du déjeuner des pèche«,
que le sieur de M urol se crut empoisonné ; c ’est le lendem ain
q u ’il fît part de ses craintes à ses amis.
S ’il eût soupçonné d ’autres personnes , on pourroit se rendre
raison de cette continuation de confiance ; mais le sieur de
M urol a dit encore avoir vu C ourby saupoudrer les pèches de
la m atière b la n c h e , qui ne lui répugna qu’au fond du v e rre , et
qui lui causa à l’instant m êm e des douleurs et des vomisseinens.
L ’idée de l’em poisonnem ent, et de son a u teu r, se seroit donc
liée sans intervalle dans son im agination; et alors com m ent con
cevoir cette suite de fréquentation jo u rn alière, ces repas m ul
tipliés, qui auroient rendu aisée la consommation du c rim e ,
et qui n’ont cependant donné lieu au soupçon d’aucune tentative
nouvelle ?
Com m ent concevoir encore qu’un hom m e se croyant em poi
sonné le 3o septembre , se disant tourmenté des douleurs ordi
naires de c e m al, consulte un m édecin le ao octobre , et ne lui
dise pas un mot de ses m a u x , ni de ses terreurs?
L à , au contraire , les vomissemens sont attribués, par le ma
lade lui-m ém e , à une autre cause. Ils ne l’inquiètent point du
to u t, puisque l’am élioration de sa san té, et le rem erclm ent au
m édecin , sont le seul objet de sa visite.
' Cette bonne santé se soutient pendant quatre mois consécutif*,
B
�( 1° )
f-t il tomba enfin malade. Est-il mort d’hydrôpisie ? est-il mort
d une inflammation dans le ventre ? O n dit l’un et l’autre. O n
dit aussi qu’il a été traité de l’hyd rop isie, et que la ponction lui
a été laite deux fois dans le mois qui a précédé sa mort,
i Je n’entends rien en m édecine.: mais les effets de l ’arsenic
sont connus de tout le m onde; il passe pour le plus mortel et
le plus prompt des poisons.
Si son action' est brûlante et corrosive, si le prem ier contact
produit des ulcères dans l’instant m êm e , com m ent concevoir
qu’un hom m e,hempoisonné devienne lentem ent hydropique ;
qu’une surabondance d’eau exige deux ponctions ; qu’il ne se
m anifeste d’inflammation que dans le bas-ventre,sans lésion'des
viscères supérieurs ? '
L e c a d a v r e a été v u , d it-o n , par des docteurs délégués par
la cour crim inelle. Je n’ai garde de supposer qu’ils se soient
livrés à des con jectures; ils n’avoient p o in t, com m e les Arusp ic e s , à consulter les entrailles d’une victim e pour présager
l ’avenir. L eur tâche plus facile a été de cherch er dans le corps
d’un h o m m e , m ort h yd rop iq u e, si des traces de poison étoient
visibles , et de vérifier les corrosions qu’auroient dû receler
l’estomac et les prem ières voies.
Si le poison n’a pas été visible à leurs yeu x , le sera-t-il à la
conscience du juge?
On prétend que C o u r b y , au lieu de donner du secours à M. de
M u ro l, les 29 et 5o sep tem b re, a dit à plusieurs valets de la
maison qu’il étoit vieu x et ca ssé , qu’il ne guériroit pas ; et de
com m entaires en com m entaires, on va presque jusqu’à y voir
un aveu de son crim e. C ’est ainsi que la m alignité interprète
les expressions les plus indifférentes. Mais com m ent ne pas voir
qu’un coupable, dans cette position, auroit au contraire affecté
ce qu’il ne sentoit pas , et m ultiplié ses soins pour n’étre pas
soupçonné.
Il a , dit-on encore , demandé à un pharm acien , a p r è s 1 em poi
sonnement-, et dans la rue > si l’opium étoit un poison qui fit
�(
II
)
souffrir long temps. Autre arme de la m échanceté / pour en tirer
une conséquence à charge. J’ignorois ce fait , et j’ai m êm e des
raisons de suspecter ceu x qui l’ont accrédité. En cherchant dans
le passé à quelles époques j’ai vu mon époux attristé de l’embarras
subit où la faillite d’un ami l’avoit jeté , je n’ai pas trouvé dans ma
mémoire qu’il ait eu jamais des instans de désespoir, ou du moins
il n’en a pas manifesté en ma présence. Il savoit d’ailleurs que je
viendrois à son secours ; et je suis hum iliée que pour 18000 fr. et
surtout pour une dette d’honneur, on puisse croire que mon
époux se trouvât réduit à attenter à ses jours.
*
Q uant à toute autre version, je la dédaigne. Q uel insensé concevroit l’idée qu’il pourroit faire avaler de l’opium à son ennem i,
c ’est-à-dire, la plus am ère des potions, sans qu’il la refusât, ou
qu’il pourroit la glisser à dose suffisante parmi ses alimens?
C elui qui pour se défaire d’un homme veut l’empoisonner, a
pour prem ière pensée d'ensevelir en lui-m ém e le secret de son
crim e. S ’ad resse-t-il à un pharm acien , il est le premier qu’il
trompe; et à moins de croire l’empoisonneur sans bons se n s, on
ne supposera jamais qu’il ait parlé de la mort au pharm acien à qui
il demandoit du poison.
Mais qu’aura gagné la calomnie à tout cet amas de faits incohére n s, et de petits détails exagérés par la passion, ou grossis par
les circonstances? ca r, s’il n’est pas constaté qu’il y ait empoison
nem ent , il n’y a pas de coupable à chercher.
V aut-il m ieux abandonner ce qui se présente à l’idée la plus
sim ple, et substituer des fictions ou des conjectures , à ce qu’on
conçoit avoir été un effet de l’ordre naturel des choses ?
Et parce qu’un vieillard , d’un tempérament u s é , est mort à
près de quatre-vingts ans, faudra-t-il s’obstiner à croire qu’il n’a
dû mourir que d’une m ort violente?
S’il n’étoit mort que du plus subtil des poisons, auroit-il résisté
six mois? auroit-il surtout passé quatre mois dans le m eilleur
état de santé qu’il ait eu depuis dix ans?
Certes, je n’ai pas cru un instant qu’aucun homme au monde
B 2
�(
12
)
put dire en son âme q u ’il est convaincu de la réalité du crim e,
et que Courby m érite la mort : je l’ai cru encore moins de ses
ju g e s, pour qui le prem ier devoir est de ne se rendre qu’à l’évi
dence. Mais il m ’importoit aussi de détruire jusqu’à l’apparence
d’un crim e dont l’idée seule m ’accablera jusqu’à c e que le soup
çon m êm e en soit détruit pleinement.
Je ne sens que trop de quelle influence ce t événem ent sera
pour ma destinée future ; car le m alheur d’ un aussi cruel soupçon
ne peut se réparer qu’à la longue ; et j ’ose croire que les c ic a
trices de la calom nie ne seront point ineffaçables. L a conduite
à venir de mon époux se ré g le ra , je l’espère , sur les circo n s
tances dans lesquelles sa mauvaise étoile l’a placé.
Je puis donc voir encore le bonheur renaître dans mon asile ;
et si c ’est une illu sio n , que du moins un si flatteur horoscope
pe soit pas enlevé à une m ère : mon ép o u x, rendu à sa fa m ille ,
ne verra dans son infortune passée que le devoir sacré d’en effacer
jusqu’au souvenir. Il peut en co re, malgré la calom nie, transmet
tre à ses en fans un nom sans ta ch e, et vivre avec honneur dansi
leur mémoire.
C O U R B Y , née R O L L A T .
�CONSULTATION.
L e c o n s e i l s o u s s i g n é , qui a lu le m ém oire de la dame
R o lla t, fem m e C ourby ,
, d ’après les faits contenus audit m ém oire, que si les
m édecins délégués par la cour crim inelle pour exam iner le ca
davre du sieur de M u ro l, n’ont pas trouvé de traces de poison,
E s t im e
ou s’ils n ’ont pas exprim é une opinion certaine et fondée sur ce
genre de m ort, il paroit impossible qu’un ju ry se déclare con
vaincu que le sieur C ourby est coupable.
O n n’a pas accusé le sieur C ourby d'une simple tentative d’em
poisonnement , mais bien d’un empoisonnement effectué avec de
l’arsenic jeté sur des pèches. Par conséquent il ne faut pas se
borner à exam iner s’il y a preuve de la ten tative, mais il faut
savoir s’il y a un empoisonnement et un coupable.
L a question préalable d’une instruction crim inelle est de cons
tater le corps d’ un d é lit , de m êm e que la prem ière chose à exa
m iner par le jury est de savoir si le délit est constant.
Car il n’est pas besoin de chercher s’il y a un co u p a b le, lors
qu’il n’y a pas certitude qu’il y a e u un délit : D e re priusquàm
de reo inquirendum est; e t , comme le dit D om at en son T raité
du droit public : « C ’est le prem ier et le plus indispensable des
« devoirs. Cette preuve est m êm e tellem ent essentielle, qu’elle
« ne peut être suppléée ni par les dépositions des témoins , ni
« par des con jectures, ni même par la confession de l’accusé. »
D ’après c e la , peut-on bien dire que le corps du délit im puté
au sieur C ourby, est con stan t, et qu’il est certain qu’il y a eu
empoisonnement ? Rien ne paroit au contraire moins prouvé.
�. (
1 4 }
A ucun rapport de m édecin ou chirurgien ne paroit avoir pré
cédé la mort du sieur de M urol : lui seul a eu quelques soupçons
que rien n’a vérifiés. Ainsi , jusque-là aucun corps de délit n’est
constaté.
Après la mort du sieur de M u ro l, la cour crim inelle a bien
fait ce qui étoit en elle pour constater le corps du d é lit , puis
q u ’elle a com m is des hommes de l’art pour visiter le c a d a v re ,
et en décrire l’état. L e rapport qui a dû en être fait sera soumis
au ju r y , s’il est antérieur à l’acte d’accusation ; et c ’est là où
le ju ry puisera principalem ent les idées qui appelleront sa con
viction sur le fait de savoir s’il y a un d é lit , c ’est-à-dire , s’il
est constant que le sieur de Murol père est mort empoisonné.
Sans doute la présence du poison 11’est pas toujours visible ;
mais son effet n’en est pas m o i n s marqué par des signes exté
rieurs , surtout quand le malade en a été victim e, et quand il
s’agit d’ un poison aussi violent que l’arsenic.
A ucun auteur n ’a m ieux décrit les effets de ce poison , et les
signes auxquels on peut les connoitre , que M. Mahon , en son
T raité de m édecine légale ; et c ’est le m eilleur guide qu'011
puisse avoir pour raisonner sur une m atière aussi grave et épi
neuse.
'
Les poisons corrosifs, dit cet auteur, tuent très-prom ptem ent,
et leurs effets s'annoncent avec une rapidité qui 11e permet guère
de douter de leur emploi. ( T om e 2 , p. 276. )
L ’arsenic est soluble dans tous les liquides ; c ’est le plus in
domptable des poisons : il ne peut être m itig é , ni masqué en
aucune manière. ( Page 276. )
Quand il y a soupçon d em poisonnem ent, tout m édecin , avant
d’inspecter le corps , doit s informer soigneusement de l’àge*
du sexe , du tempérament , des forces , du genre de vie du
défunt , s’il étoit sain ou malade , com bien de temps il a
vécu depuis, de quelles incom modités il s’est p l a i n t , «juelle
espèce de régim e ou conduite il a observée a p r è s , s’il a été
secouru par un médecin expérimenté ou par de> ignoians,
( Page 26G. )
�( i5 )
Après c e la , l’inspection clu cadavre consiste à exam iner l'état
des parties extérieures et les signes intérieurs du corps.
Quand l’arsenic n’est pas conservé en nature dans quelques
viscères , ce qui arrive fréquem m ent , fa présence est au moins
manifestée par, des traces de lésion et de corrosion assez rem ar
quables dans toute la route qu’il a parcourue (1) ; son action va
môme jusqu’à se manifester au-dehors (2); et quelque nom breux
encore que soient ces sig n es, le m édecin , com m e le ju g e , ne
peuvent se croire convaincus que par leur ensemble.
Ici il faut d’autant plus de circonspection , qu’il s’agissoit d’ un
su jet vie u x , et dont la santé paroissoit altérée depuis long temps.
D es douleurs internes et des vomissemens sont, d it-on , le seul
indice de poison qu’il a rem arqué lui-méme (3). Mais une foule
(1)« 2°. L ’érosion inflam m atoire, gan grèn e, taches éparses dans l’ œ sophage,
I’cstoiTiac, le p y lo re , les intestins, le sphiicèle de ces parties. — Q uelquefois l'estom ac p e rc é, — le sang coagu lé, — le péricarde rem pli d ’ un fluide jaunâtre ou
c o rro m p u , les autres viscères ramollis et com m e dissous, parsemés d’ hydatides,
de pustules, de taches; le coeur flasque et com m e racorn i; le sang q u ’il co n tien t,
noir et presque solide; le foie noirci, ou livide „o u engorgé. » (M a h o n , png. 272.)
« On voit en fin , tant extérieurem ent q u ’intérieurem ent, des vessies disper
sées ça et là , remplies d’ une sérosité jaune ou ob scu re, et presque toujours d ’ une
odeur désagréable. » ( Ibid. png. 273. )
(2) « Distension excessive de l’ab d om en , au point d’ en m enacer la ru ptu re ;
_taches de différentes couleurs sur la surface du corp s, surtout au dos, au x
pieds, à l’ epigastre; — la prom pte dissolution, quand la personne est m orte du
poison. O n peut trouver dans la dissection du cadavre des indices certains d ’em
poisonnem ent: — la roideur des m em bres, la tum éfaction du v e n tre , rie sont
pas des signfcs constans ; — mais ce q u ’il y a de constant dans les cadavres des
personnes q u io n tp é ri d’ un poison âcreou cau stiq u e, c’ est de trou ver l’oesophage,
l’ estomac cl les intestins grêles, atténués, enflam m és, gangrenés, rongés et sou
ven t percés.... Il suffit de résum er ces signes, pour être convaincu de la néces
sité de ne jamais se décider que par leur ensemble. » ( Ibid. p. 270, 2 7 1 , 307. )
' (5) « Quand on n’a pas été à temps d’exam iner la nature du vom issem ent, que
les symptômes sont passés, que le malade est guéri , peut-on tirer des indices
Suffisans de l’assertion du plaignant, et de celles des personnes qui l’ônt assisté?
— Je ne le pense pas. » ( Ibid. pag.
3o 6. )
1
�(
}
d’ alim en s, m êm e très-sains, peuvent fournir les mêmes résul
tats (1).
1
6
Il paroit que le sieur de M urol avoit été m al traité d’une
gale. L es em piriques ont pour ces sortes de m aux des remèdes
dont la promptitude séduit le m alad e, mais dont l’effet double
m ent funeste consiste à faire rentrer dans la masse du sang une
hum eur vicieu se, dont la nature ch erchoit à débarrasser le corps:
et s’ajoute à c e mal r é e l, le mal plus grand peut-être du rem ède
lui-m ém e. Aussi est-il constant qu'une éruption rentrée suffît
seule pour agir m ortellem ent sur l’individu, et laisser des traces
presque sem blables à celles du poison (2).
L ’opiuion qu’a pu avoir le sieur de M urol lui-m ém e sur son
é tat, ne doit pas être d’un très-grand poids; car on sait com
bien un m alad e, et surtout un vieillard , est sujet à se frapper
l ’imagination : pour peu que ses craintes soient accréditées par
quelque soupçon, il 11e trouve plus rien que d ’extraordinaire dans
son éta t, et il s’obstine à ne pas croire que des m aux naturels, ou
la caducité , puissent être l’unique cause de son dépérissement.
Cependant la plupart des maladies vives s’annoncent par une
invasion soudaine; e t cette rapidité m êm e sem ble jellem ent inex-
( i) « Q u ’ u n hom m e ait m angé des alim ens difficiles à d ig é re r , ou faciles à
«ntrer en p u tré fa ctio n , il peu t a rriver que qu elqu e temps après il se trou ve
très-m a l, et q u ’il ait tous les sym ptôm es du poison, jusqu’à m ourir.
» J’ai vu une châtaigne r ô lie , avalée toute e n tiè re , don ner tous les signes
de l ’ em poisonnem ent. Les têtes et pieds de v e a u , les ¿crevisses, les h u ître s,
les v in j troubles et avariés, ainsi que les vins frelatés, on t très-souvent aussi
prod u it ce t effet. » ( M a lio n , Pag- 299. )
{*) « Certaines maladies laissent sur les cadavres des traces peu différente*
des signes ordinaires du poison. »
« U n e éru ption re n tré e , une affection scorbu tiqu e très-a v a n cée , une bile
très-Acre, etc, — M ais par une contem plation réfléchie des sym ptô m es, et la
com paraison qu e le m édecin en fera avec les signes que porte le c a d a v re , il
distinguera aisément les restes d’ une maladie v io le n te , d ’avec les caractère* de
l'em poisonnem ent. » ( Ibid. png. 3 i 3. )
p lic a b le ,
�C 17 )
p lica b le, qu’on repasse alors dans sa m ém oire jusqu’aux moindres
détails qui ont précédé ; les choses qui étoient auparavant les plus
simples se grossissent, la crédulité s’en empare. P o s t h oc, ergo
propler h o c , sc d it-011; et ce raisonnement de l’ignorance n’en
séduit pas moins quelquefois les personnes les moins prévenues.
U n soupçon alors, né du plus léger in d ice, acquiert bientôt de
la consistance, à tel point que les explications les plus naturelles
sont dédaignées ; le préjugé l’emporte sur l’expérience ; et on ferm e
les yeu x sur les exem ples plus frappans, qu’on a eus souvent sous
les y e u x , des bizarreries de la nature, et desaccidens d e là vie (1).
Car en cette m atière , dit le docteur C o c h in , et quand il s’agit
de juger des poisons, les conjectures les plus vraisemblables ne
sont souvent que des illusions (2).
• L e célèbre auteur Zacchias avoit été consulté sur un événe
m ent presque semblable à celu i du sieur de Murol. Un individu
avoit fait un ample diner avec un a m i, et ne tarda pas à éprouver
de grands malaises qui furent suivis d’ un prompt dépérissement.
Il devint subitement pâle et e x tén u é , perdit la raison, et mourut.
L e dîner ayant été son dernier acte de san té, les soupçons s’é
levèrent contre celu i qui l’avoit partagé ; il fu t mis en prison.
L e cadavre fut ouvert, et Zacchias y trouva les intestins trèsenflés, le sang coagulé dans les ventricules du cœ ur, la substance
m êm e du cœur d’une couleur dégénérée, la téte et les lèvres
grosses, les poumons livides et ad hérens, le foie corrompu.
T o u t cela pouvoit paroltre des signes de poison. Mais ce docte
i
____________ _____________
(1) « Il est une infinité de maux, sourds, qui augm entant insensiblement en
in ten sité, p eu ven t avoir affligé un hom m e depuis longues années, sans q u ’il
s’ en soit lui-m êm e beaucoup a p erçu , et q u i, éclatant tout à c o u p , paroissent
inconcevables à ceu x qui ne sont pas au fait des divers accidens de la v ie , et
Ibid. pag. 317. )
(2) Quest. du poison, t. Ier. , pag. 4. Recherches sur les signes anatomiques
et judiciaires des signes d’empoisonnement, par M. de Retz.
qui ont l’im agination préoccupée. » (
G
�C 18 )
m édecin ne chercha que dans son art et dans son génie des con
séquences que la prévention auroit dénaturées, s’il se fû t aban
donné aux fausses impressions de l’opinion publique.
D ans une consultation très-m éthodique et très-savante, Zacchias suivit pas à pas tous les symptômes décrits; et il fit résulter
de leur ensem ble, que l’homm e étoit mort de la jaunisse.
Il ne jugea pas possible que ces sym ptôm es fussent nés du
p oison , puisque la nature n’avoit pas fait un effort continuel et
sans re lâ ch e , pour se débarrasser de cet ennem i dangereux (1).
Il y avoit eu un vomissement soudain ; mais il avoit cessé ; mais
il n’y avoit pas eu de ces douleurs opiniâtres et de ces angoisses
toujours croissantes, qui dénotent une prochaine dégénération
des solides iz).
La corruption du foie et l’adhérence des poumons avoit paru
de quelqu’iinportance a Z a cch ia s; mais il pensa que si la cause
en fût venue du poison, l’estomac et le cœ ur auroient dû être
lésés et corrodés auparavant (5).
D ’après cela Zacchias n’hésita pas à prononcer que le m alade
n’étoit pas mort de poison, mais d ’une maladie naturelle (4). *
L es auteurs qui ont écrit sur le droit crim inel ne conseillent
pas une moindre circonspection dans les jugem ens qu’on peut
porter sur de semblables matières.
^1) « jáccidentia, si ex veneno adminístralo superveniant, solcnt, cum
Ímpetu (fuodum, ac veliementia appare re, non tolerante natura virn im
provisa m ipsius vene ni. » (Zac/i. Consil, 16. )
(aj « Vomitus indesinens, molestia intolerabilis, dolorespernecabiles,
lipothymia , syncopis , et alia, » ( Ibid, )
(3) « Primo et antequám hepar ladatur, necesse est leedi stomachum
atque etiam cor. » ( Ibid. )
(4) « lgitur ex prctdictis patet N... d propinato veneno nonfuitse
Une tum , sed potiüs á morbo e¡uodam naturali,» ( Ib id .)
�( i9 )
« Plus l’accnsation de poison est grande, dit M. P ré v ô t, cé « lèbre crim inaliste, plus on doit exam iner avec soin si elle est
u fondée. La mort est tous les jours accom pagnée de symptômes
« qui en imposent sur cet article. Ainsi il faut user de beau« coup de p ru d en ce, observer avec soin si les accidens dont
« se plaignent les personnes qu’on dit empoisonnées sont ab« soluinent les suites du poison : si la personne empoisonnée
« est m o rte, l’ouverture doit apprendre et constater le poison ;
« il se manifeste clairem ent par les premières v o ie s , etc. »
ÇPrincipes sur les visites e t les rapports, pag. 226. J
Il y auroit donc bien du danger à s’en tenir à de simples
soupçons, ou à des indices équivoques, dans une m atière d’aussi
grande conséquence. Car il suffit que d’autres maladies pré
sentent des signes semblables à ceu x du poison, pour que dans
l ’incertitude il faille juger qu’il n’y a pas de preuve d’empoi
sonnement (1).
Car qui pourroit, en m atière crim inelle, juger par de simples
indices , lorsque les lois elles-mêmes exigent des renseignemens
certains , des indices indubitables , et des preuves plus claires
que le jour (2)?
• Mais que peut-on entendre par ces indices indubitables? L es
criminalistes prennent encore la peine de les signaler de ma
nière à ne pas s’y tromper. Il faut que l’esprit du juge en soit
frappé et même contraint au point de ne pouvoir pencher pour
l’opinion contraire. C ’est la situation de 1a m e , dans laquelle
(1)
« Non d ic itu r probaium ven en i crim en t e x probatione concm m
vom itns , v e l e x livore co rp o ris, aut spum is e x ore ß lu e n t ib n s , yitia
licec signa possunt etiam e x pestij'erä f e b r e , aut acuto m orbo, citrä
veneni causam orire. » ( Iuirinac. tjuast. 2 , n°.
,
«M u n ita t i t a p e r tis s im is
,
3 a , prax. crim . )
d o c u m e n t is v e l in d i c i is a d p r o b a tio -
tio n e m in d u b ita tis e t lu c e c la r io r ib u s . »
(L . S c i a n t , c o d .
D e p r o b a t .)
�(
20
)
l’esprit se repose sur le parti qu’il vient de prendre com m e sur
une découverte assurée et satisfaisante, sans revenir jamais à
hésiter dans la conviction qu’il vient d'acquérir (1).
Ces maximes sont puisées dans la loi elle-m êm e, qui ne veut
pas qu’on puisse condam ner un individu sur de simples soup
çons (2), parce qu’en effet l’ expérience prouve que celui qui
com m ence â soup çon n er, ne voit jamais com m e il doit voir (3);
ce qui a fait dire à M. D om at que le juge doit se défier de la
prem ière impression qu’on lui donne dans une affaire , parce
qu’elle est malgré lui le m obile de sa cond uite, et qu’il ram ène
tout à cette opinion (4).
Si d’après l’exam en de tous ces principes gén érau x, il faut se
form er une opinion, le conseil n’hésitera pas à dire que s i , com m e
on paroit le croire , les m édecins délégués par la cour crim inelle
n’ont pas attesté avoir trouvé dans le corps du sieur de M urol
des traces de p o iso n , il est impossible de penser qu’il y ait ni
conviction de culpabilité, ni m êm e conviction d’empoisonne
m e n t; c a r , com m e le dit la dame Rollat dans son m ém o ire,
si le poison n’a pas été visible pour les m édecins , com m ent le
seroit-il pour un ju ry?
Il n’y aura pas de corps de délit , et par conséquent il sera
inutile de chercher un coupable.
L es circonstances qui ont précédé et suivi l’événem ent , ne
sem blent pas m êm e donner lieu à des soupçons bien fondés ; et
(x) « Indicium indubitatum est quod coarctat mentent jtidicis ita ut
omninà cr'edat, nec possit in contrarium ificlificirp, Est demonstratio
rei per signa sufficiently- per tjuas animus in aliquo tant/itam existente
quiescit, et plus investigare non curat. » ( Farinac. qucest. 36 , »°. 35. )
(2) « Ne suspicionibus quemquam damna ri oportere divus Trajanus
scripsit. » ( L. A b s. ff- Pccnis. )
(3) « Qui suspicutur plus se videre putat. » ( Extra de testib■)
(4) Tr. du droit public.
�C
)
le résultat achève même de détruire la prem ière impression qu’une
semblable accusation ne manque jamais de répandre.
L e sieur Courby. étant dépositaire d’effets signés du sieur de
M urol p è r e , quelle qu’en fût la som m e, 1envie de se les appro
prier a bien pu faire croire que l’empoisonnement avoit été un
m oyen d’y parvenir. Mais rien n’em péchoit le sieur C ou rby de
garder ces e ffe ts , et de s’en dire le maître : l’ usurpation des
billets étoit m êm e plus solide sans crim e.
L a conduite am icale du sieur de M urol envers le sieur Courby,
depuis le 29 septem bre, est le m eilleur témoignage que ce der
nier puisse avoir; et si le sieur de M urol a dit à la justice avoir
eu des soupçons dès le jour m ê m e , ou il a été bien inconsé
quent , ou ses soupçons ne m éritent pas une grande confiance.
O n ne voit pas que le 29 septembre il ait appelé à son secours
aucun hom m e de l’art ; par conséquent il ne faut pas croire qu’il
ait eu d ’aussi grandes souffrances , ni une aussi grande terreur
q u ’il a pu le dire a p rè s, lorsqu’il étoit atteint d’une maladie
chronique.
(
'
Bientôt au contraire il reprit son régim e accoutum é. L ’es
tomac paroit avoir fait ses fonctions com m e auparavant ; et il
est bien difficile de concilier cet état de santé parfaite avec la
dégénération progressive qu’auroit dû opérer la présence de l’ar
senic , en quelque petite quantité qu’on le suppose.
Il faudroit m êm e adm ettre que le poison a été pris à grande
d o se , si les pêches en étoient saupoudrées , puisqu’elles ont été
avalées entièrem ent avec le vin , et que le sieur de Murol n’a
répugné au poison que pour la portion dem eurée au fond du
verre. L e véhicule auroit donc été suffisant pour porter une
grande quantité d’arsenic dans les premières voies.
O r , il est impossible que les effets de ce poison eussent cessé
tout d’un coup , et n’eussent laissé aucunes traces.
L e fait articulé , que le sieur de Murol a subi deux fois l’o
pération de la p a ra cen tè ze , ou ponction ^ p ro u ve qu’il a été
�(2 2 )
considéré comme atteint d ’hydropisie ; et c e traitem ent achève
de détruire toutes les incertitudes.
Il
y a donc lieu de conclure que les soupçons du sieur de
Murol n ’ont eu aucun fondem ent réel ; qu’à soixante-quinze
a n s , et avec les circonstances qui ont accom pagné sa m o rt,
elle n’a eu rien que de très-naturel.
D élibéré
à R io m , le 16 juin 1807.
L . F. D E L A P C H IE R , avocat ; B A R T H E L E M Y , doct. m èd. ;
A N D R A U D , avocat; C H O S S IE R , doct. mèd. ; P A G È S M E IM A C , avocat ; G E R Z A T , doct. mèd. ; P A G E S ( de
Riom ) , avocat ; M A L B E T , doct. mèd.
A lUOJVÎ , de l’im prim erie de
L a n d r io t ,
seul
Cour d’appel. — Juin 1807.
im p r im e u r
de U
�
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Factums Marie
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Title
A name given to the resource
[Factum. Rollat, Eléonore. 1807]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Barthélémy
Andraud
Chossier
Pagès-Meymac
Gerzat
Pagès
Malbet
Subject
The topic of the resource
abus de confiance
prêts
empoisonnement
Murol (famille de)
homicides
Description
An account of the resource
Mémoire pour la dame Eléonore Rollat, épouse de François Philippe Courby, habitant à Aigueperse [suivi de ] Consultation.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1807
1807
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
22 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0334
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0613
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53782/BCU_Factums_M0334.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aigueperse (63001)
Clermont-Ferrand (63113)
Thiers (63430)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Abus de confiance
empoisonnement
homicides
Murol (famille de)
prêts
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53324/BCU_Factums_G1721.pdf
2d9a5c6aed0c7d00a0193d87edfb37cc
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Text
MEMOIRE
E T
CONSULTATION.
�MÉMOIRE
POUR
La dame E
P
RO LLAT, épouse de F ra n ç o is COURBY, habitant à Aigueperse.
l e o n o r e
h il ip p e
A u c u n e situation n’est comparable à l a mienne. Mon époux
est accusé d’un crime horrible dont je n’ose prononcer le nom:
son honneur et le m ien , le sort de ses enfans, seront bientôt dans
la balance de la justice; et ses persécuteurs s’agitent, quand luim êm e , accablé de sa situation, il fuit la calomnie sur un sol
étranger.
Lorsque pour la première fois cette nouvelle épouvantable
vint jusqu'à m oi, toute ma conviction de l’innocence de mon
époux ne m’empécha pas de résister à ses résolutions, et de les
ébranler par mon désespoir. O u i, et je m’en confesse coupable,
je l’importunai de mes larm es, je séduisis son courage , et sa
fuite fut un effort de sa tendresse ; maintenant je me demande
avec effroi si sa présence ne lui eût pas été plus u tile , et si son
danger, au contraire, n’est pas né de ma terreur.
Dans cette cruelle anxiété, que ne puis-je appaiser de mon
sang ceux qui sont altérés de celui de mon époux ! Q ue n ’ai-je
A
�(a )
du moins le droit de me présenter pour lui en jugement, pour
confondre ses accusateurs, pour le défendre....... ? Que dis-je?
me défendre moi - même ; car jusqu’au tombeau ma destinée
n’est-elle pas attachée à la sienne?
Mais la rigueur des lois me repousse du tribunal qui va juger
ma propre cause. Ainsi la nécessité me dicte mon devoir. J ’ap
prendrai à mes juges une partie de ce que mon époux auroit pu
leur dire, ou du moins quelques-unes des circonstances que des
témoins auroient pu attester.
Je ne me suis point dissimulé combien de difficultés j’aurois
à vaincre, quand je n’aurois à opposer que mon foible langage
à des combinaisons préparées par la m échanceté même. Car
telle est la condition d’un malheureux accusé, que déjà la ca
lomnie a jeté de profondes racin es, alors même qu’il peut en
treprendre de la combattre. Q ue peut sa voix plaintive contre
les cris précurseurs de cette astucieuse ennemie? Et lorsqu’enfin
on consent à l’entendre , combien ne faut-il pas encore qu’il
dévore l’humiliation de la défiance qu’il excite? car la préven
tion du mal est malheureusement celle qu’on s’obstine le plus à
con sfrver; et les esprits même les plus raisonnables semblent
t ro u v e r plus c o m m o d e de cro ire le c r im e q u e d ’en m éditer les
invraisemblances.
Ces réflexions portoient le découragement dans mon âme ,
quand le souvenir de mes enfans a vaincu ma répugnance, et m’a
élevée pour ainsi dire au-dessus de moi-même. O u i, me suis-je
é c r i é e , je l’entreprendrai cette tâche pénible. La timidité de l ’ é
pouse cherchera des forces dans l’amour m aternel, et ces deux
titres prêteront peut-être à mon récit un intérêt que mes foibles
accens n’auroient pas eu la prétention d ’espérer.
C ’est à des juges, au reste, que je veux m’adresser, et ceux-là
ne repousseront pas mes paroles avec l’ennui de les entendre ; leur
terrible ministère ne leur donnera de défiance que contre la pré
vention qu’ils craindroient trouver en eux mêmes. Mes récits se
ront donc écoutés comme une explication nécessaire, par ceu x
�( 3 )
que la loi a armés de sa puissance ; car ils trem bleront, sans doute,
de l’idée seule qu’ils pourroient condamner une famille honnête à
l’in fam ie, et un innocent à la mort.
Les relations de mon époux avec la maison de Murol ne furent
pas de ces liaisons soudaines et fortuites , qui ne donnent pas le
temps de s’apprécier, ou de concevoir de justes défiances. C ’est
depuis son enfance qu’il connoît le sieur de Murol iils aîné , ayant
été élevé avec lui dans le même pensionnat, à Lyon.
Cette habitude de se voir a continué dans un âge plus avancé ;
mais l’historique de ces premières liaisons n’a rien d’essentiel à
rem arquer, et je me hâte d’en venir à des époques plus récentes.
Jusques à l’année dernière, je n’avois vu à Aigueperse que les
sieurs de Murol fils , et leur père m’étoit absolument inconnu. Il
me paroissoit même que Courby le connoissoit à peine , et ne vivoit avec lui que sur le ton du respect et des convenances de
société.
Nous ignorions entièrement ses affaires, et ne connoissions
celles de ses fils que par cet extérieur d’opulence, qui fait illusion
au vulgaire tant qu’on a des ressources pour le soutenir.
Cependant, un jour de l’été dernier, le sieur de Murol p ère , se
trouvant seul chez son fils cadet avec Courby, fit tomber la con
versation sur la situation de ses fils , et sür le mécontentement
qu’il éprouvoit de leurs dépenses excessives.
Cette ouverture pouvoit n’étre que le désir secret d’ un père de
faire parvenir ses plaintes à ses fils, par un organe qu’il suppohoit
plus persuasif peut-être. Mais le sieur de Murol père ne se borna
pas là. Soit hasard, soit que la première idée lui en fit naître une
seconde, il confia bientôt à Courby qu’il méditoit pour son fils
aîné le projet d’une grande alliance, mais qu’il étoit retenu par
des dettes pressantes, dont l’éclat alloit ruiner toutes ses espé
rances.
A lo rs, comme par réflexion, il demanda à Courby s’il ne pour
rait pas lui faire trouver de l’argent.
A
2
�( 4 )
,
Un jeune homme ne pouvoitëtre qu’embarrassé à cette brusque
proposition. Courby fut forcé de lui avouer son impuissance de
lui être utile. « J ’ai des dettes moi-même, lui dit i l , sans avoir à
» me reprocher un excès de dépense ; mais j’ai eu la foiblesse de
» cautionner les effets d’un homme que je croyois incapable de
» me tromper; il a fait faillite, et m ’a laissé beaucoup à payer;
jj et dans ce m om ent, je cherche moi-méme 18,000 fr. pour finir
de m ’acquitter.
» Q u’importe ce que vous m’objectez, lui répondit M. de
» M urol; vos ressources pour avoir de l’argent ne tiennent sans
» doute qu’à une signature de plus; je vous offre la mienne pour
les 18,000 fr. dont vous avez besoin, et à votre tour, vous me
» donnerez la vôtre pour me procurer l’argent que je cherche;
elle me sera u tile, parce que vous êtes d’une famille de
te nëgocians, et que par moi-méme je ne trouve plus à emj> prunter : de cette manière , nous nous serons rendu un service
y> mutuel. »
J’ignorai dans le temps cette conversation ; et Courby m’a avoué
depuis que quoiqu’il y e û t un côté avantageux pour lui dans la
proposition du sieur de M urol, ces combinaisons d’emprunt et de
signatures bro u illo ie n t ses idées , et co n fon d oien t son in e x p é
rie n c e ; qu’il &’étoit contenté en conséquence de bégayer un con
sentement évasif, et avoit trouvé un prétexte de se retirer sans
rien terminer.
Mais le sieur de Murol père n’abandonna pas ainsi son plan. Le
20 aoû t, je le vis à Aigueperse. Il parut fâché de ne pas y trouver
C o u ib y , que je l’engageai à attendre. Courby ne revint pas le soir,
et M. de Murol ne partit que le lendemain après dîner. Je 11e cher
chai point à savoir le m otif de son voyage; je me contentai de le
recevoir avec honnêteté et empressement.
C ’est dans son chemin qu’il trouva Courby ; il le pria de rétro
grader jusqu’à Clermont, et 11e le quitta plus jusqu’à ce que les
bilh ts fussent souscrits. Je fus informée de tout cela au retour
de mon époux. Jusqu’alors il m’avoit dissimulé l’embarras où
�( 5 )
l ’avoit jeté sa complaisance pour un faux ami ; il me montra pour
18,000 ir. de billets , qui suffisoient pour le libérer.
Bientôt il s’occupa de placer ces billets à Thiers ; et le sieur
de Murol l’ignora d’autant moins, que Courby prit plusieurs fois
un cheval chez lui ( à la Borde ) pour y aller, et je crois même
un domestique.
Dans le courant de septem bre, je vis M. de Murol père une
fois à Aigueperse : il parut y être venu pour consulter M. Lagout
sur sa santé, c r a ig n a n t , d is o it-ilê tr e atteint d hydropisie. A son
retour il ne dit rien de la consultation; et cette réserve m’ayant
étonnée, j’en demandai la cause à Courby qui l’avoit accompagné.
Il me répondit q u e, sur les questions de M. Lagout, M. de
Murol avoit avoué qu’une gale traitée avec trop de précipitation
avoit depuis dix ans dérangé sa santé ; qu’il lui sem bloit, de
loin en loin, sentir une nouvelle invasion de cette m aladie, et
que sa santé alloit toujours en empirant ; que M. Lagout lui avoit
ordonné une certaine eau , dont la recette ou l’adresse étoit
contenue dans un petit imprimé qu’il lu i remit.
M. de Murol partit, engageant Courby à aller le voir les der
niers jours de septembre, à la Borde, où ses fils devoient venir
faire une partie de chasse.
C ’est au 29 ou 3o septembre qu’on place l’épouvantable ac
cusation qu’ont répandue les sieurs de Murol contre le malheu
reux Courby. Hélas! ils l’accabloient encore de démonstrations
d’amitié , quand déjà leurs affreux soupçons le signnloient en
public comme un vil criminel ; et le poison qu’ils lui préparoient
étoit bien plus dangereux et plus subtil que celui........ Mais à
quoi tendroit une plus longue réticence ; il faut bien m’avouer
à moi-méme que Courby est accusé d’un empoisonnement.
C ’est, dit-on, en mangeant des pèches que le sieur de Murol
père aperçut au fond de son verre un sédiment épais, dont le
goût lui lut désagréable, quoiqu’il eût mangé sans répugnance
les pêches qui avoient été saupoudrées de la même matière. Il
vomit beaucoup , éprouva des douleurs aiguës, eut des ulcères«
�( 6 )
dans la b ou ch e, et dit à ses am is, le lendem ain , qu’il croyoil'
avoir été empoisonné.
Voilà ce qu’a répandu la famille de M urol, en ajoutant même
que Courby, présent, disoit en confidence aux assistans : Il n’en
reviendra pas.
Ici toutes les époques deviennent précieuses, car les événemens postérieurs portent avec eux des conséquences pressantes.
Le jour même de cet événem ent, et le lendemain , les fils
M urol, leurs am is, et C o u r b y , firent la partie de chasse projetée.
Le |6 octobre, Courby retourna à la Borde : Murol fils aîné
lui emprunta huit louis pour payer des impositions ce même jour.
L e sieur de Murol père étoit présent, et dit qu’il en faisoit son
affaire.
Le même jo u r , Murol ainé engagea Courby à aller avec lui
voir le curé de Beauregard, et le sieur Parricaud, qu’il n’avoit
pas v u , dit-il, depuis son retour de Paris.
Le 10 octob re, M. de Murol père envoya son domestique h
A igueperse, avec une lettre d:invitation à Courby pour aller à
la Borde le dimanche suivant, manger un cochon de lait avec
le curé de Beauregard.
En e f f e t , le d im a n ch e su iv a n t , i3> o c t o b r e , C o u r b y alla dîner
à la B o r d e , fit le soir une partie de piquet avec M. de Murol
et le c u r é , et ne revint à Aigueperse que le lendemain.
Le 21 octobre, M. de Murol père vint à Aigueperse avec le
nommé Cbapus , domestique de son fils. Courby étoit à Gannat,
et j’engageai M. de Murol à diner.
Quand j’allai donner des ordres à la cuisine, mes domestiques
me recommandèrent de ne pas laisser toucher mes enfans par
M. de M urol, parce que Chapus leur avoit dit qu’il étoit plein
de gros boutons, depuis un remède que M. Lagout lui avoit
donné.
En attendant le dîner, M. de Murol alla chez M. L agou t,
où Couiby de retour alla le chercher.
Tém oin de la première conversation, on ne lui cacha pas la'
�( 7 )
seconde , et il entendit M. de Murol causer avec M. Lagout de
l’effet de son remède. M. de Murol se plaignit d’avoir eu des
coliques, des vomissemens, et une salivation incommode qui lui
avoit fait naître de petits ulcères dans la bouche. Il termina
cependant par rem ercier M. Lagout du rem ède, parce que sa
santé é to it, dit-il, beaucoup meilleure depuis quelque temps.
M. Lagout avoua ne pas connoltre la composition de l'eau qu’il
n’avoit conseillée qu’en le déclarant ainsi, et sur l’approbation
que sembloient y donner ses confrères. Il ne s’étonna pas des
accidens dont lui avoit parlé M. de M u rol, parce qu’il soupconn o it, d it-il, que le remède contenoit du mercure.
M. de Murol partit le soir, et recommanda beaucoup à Courby,
s’il venoit à la Borde dans la sem aine, de ne pas traverser l’Allier
qui avoit, dit-il, grossi beaucoup, et où il s’exposeroit.
Il laissa à Aigueperse une charrette couverte d’un drap , et em
prunta de
une carriole pour faire un voyage à Montluçon.
Le 29 ooptcnfljro, le sieur de Murol père vint à Aigueperse
avec un de ses fils, pour rendre la carriole qu’il avoit empruntée ,
et reprendre la sienne avec un cheval de selle que sou iils avoit
prété à Courby depuis deux mois.
Ils parurent désirer reprendre les effets de 18000 francs, si
C o u r b y ne les avoit pas négociés; e t Murol fils sembloit seul y
m ettre q u e lq u e h u m e u r. C o u r b y avo it n é g o c ié p our 16400 fr.
d’effets , p our ses propres dettes ; e t il répondit à M. d e Murol
p è re , que si la proposition faite par lu i-m êm e ne lui convenoit plus, il étoit prêt à lui souscrire des effets équivalens; et
il en signa en effet pour 19362 francs , ce qui comprenoit un
intérêt sans doute assez considérable; et je souscrivis moi-même
ces nouveaux effets dont les sieurs de Murol sont aujourd’hui
porteurs.
Un mois se passa ensuite sans que j’eusse rien de commun
avec cette famille. T out d’un coup , au mois de d écem b re,
j ’appris l’ horrible nouvelle que le sieur de Murol accusoit hau
tement Courby de l’avoir empoisonné, et qu’une procédure cri
�( 8 )
minelle étoit provoquée par ses fils et lu i, non qu’ils eussent osé
accuser en leur nom , mais à la diligence du magistrat de sûreté
de C lerm ont, qui les faisoit tous entendre comme témoins.
Ce crim e, ces com binaisons, mes idées accablantes, un retour
de comparaison sur les temps cruels des délations et des écha
fauds , tout cela m’ôta le discernement et la réflexion. Je ne
voulus entendre celles de personne. Mon époux partit, et je me
trouvai seule à la vue de ces indifférens qui soupçonnent tou
jours, et ne réfléchissent jamais.
Quoi qu’il en soit, le temps qui s’est écoulé depuis le mois de
décembre a permis à la justice de faire d’exactes recherches. L e
sieur de Murol p é r e , âgé de près de quatre-vingts a n s, a été
atteint d’une maladie épidémique inflammatoire, à laquelle s’est
jointe une hydropisie. Il s’est mis alors dans les mains d’un ch i
rurgien ignorant, et il est mort dans les premiers jours d’a v r il,
ayant survécu par conséquent plus de six mois ,à son prétendu
empoisonnement.
Je n’ai jamais désiré la mort de personne ; mais je leconfesse
sans rougir, la mort de cet homme a ôté de mon cœur un far
deau bien pesant. Ce n’est pas que j’eusse , comme de V itellius,
d e la joie à co n sid érer le c a d a v r e d ’un e n n e m i ; loin d e m o i c e
sentiment de vengeance. Mais je n’ai pu m’empécher de dire:
C ’est là qu’étoit cachée la vérité ; c ’est là que le triomphe de
l ’innocent sera écrit par les mains même de la Providence.
Que mes lecteurs me pardonnent cet aveu d’un mouvement
<jue je n’ai pu vaincre. 11 faut avoir été dans ma position cruelle,
pour sentir qu’elle juctifiecoit même un sentiment moins légitime.
Me voici donc devant mes juges , incertaine maintenant de
ce qu’il me reste à leur dire; car quand toute la procédure me
seroit con n u e, je ne puis sans ridicule me jeter dans la carrière
polémique d’une discussion de droit criminel.
Mais la défense de mon époux sera plus dans la conviction de
«es juges que dans mes efforts. Je n’ai voulu que révéler des
faits
�C9 )
faits de ma connoissance , et sans doute ils vaudront mieux, que
mes réflexions.
Un crim e ne se commet pas sans être nécessaire. C o u rb y ,
nanti d’effets signés de M. de M u ro l, n’avoit pas besoin de sa
défaire de lui pour les retenir. On est bien plutôt capable d’un
vol hardi, et sans dan ger, qu’on ne l’est d’un empoisonnement.
Si le sieur de Murol père est venu tant de fois après le 29 sep
tembre à A igueperse, et s’il a continué d’appeler Courby à la
Borde, qui pourrait se défendre d’étre convaincu qu’il n’a pas
cru être empoisonné par lui ; car eût-il cherché la société de
son assassin ?
Cependant c ’e st, dit-on, le jo u r même du déjeuner des p èch es,
que le sieur de Murol se crut empoisonné ; c ’est le lendemain
qu’il fit part de ses craintes à ses amis.
S ’il eût soupçonné d’autres personnes , on pourrait se rendre
raison de cette continuation de confiance ; mais le sieur de
Murol a dit encore avoir vu Courby saupoudrer les pêches de
la matière blanche, qui ne lui répugna qu’au fond du verre, et
qui lui causa à l’instant même des douleurs et des vomissemens.
L ’idée de l’empoisonnement, et de son auteur, se seroit donc
liée sans intervalle dans son imagination ; et alors comment con
cevoir cette suite de fréquentation journalière , ces repas mul
tipliés, qui auraient rendu aisée la consom m ation du c r i m e ,
et qui n’ont cependant donné lieu au soupçon d ’a u c u n e teutative
nouvelle ?
Comment concevoir encore qu’un homme se croyant empoi
sonné le 3o septembre , se disant tourmenté des douleurs ordi
naires de ce m al, consulte un médecin le 20 octobre , et ne lui
dise pas un mot de ses m aux, ni de ses terreurs?
Là , au contraire , les vomissemens sont attribués, par le ma
lade lui-même , à une autre cause. Ils ne l’inquiètent point du
to u t, puisque l’amélioration de sa santé, et le ieineiclm ent au
médecin , sont le seul objet de sa visite.
Cette bonne santé se soutient pendant quatre mois consécutife,
B
�( IO )
f t il tombe enfin malade. Est-il mort d’hydropisie ? est-il mort
d’une inflammation dans le ventre ? On dit l’un et l’autre. On
dit aussi qu’il a été traité de l’hydropisie, et que la ponction lui
a. été faite deux fois dans le mois qui a précédé sa mort.
Je n’entends rien en médecine : mais les effets de l’arsenic
sont connus de tout le monde ; il passe pour le plus mortel et
le plus prompt des poisons.
Si son action est brûlante et corrosive, si le premier contact
produit des ulcères dans l’instant même , com m ent concevoir
qu’un homme empoisonné devienne lentement hydropique ;
qu’une surabondance d’eau exige deux ponctions ; qu’il ne se
manifeste d’inflammation que dans le bas-ventre, sans lésion des
viscères supérieurs?
L e cadavre a été vu , dit-on, par des docteurs délégués par
la cour criminelle. Je n’ai garde de supposer qu’ils se soient
livrés à des conjectures ; ils n’avoient point, comme les Arusp ic e s , à consulter les entrailles d’une victim e pour présager
Xavenir, Leur tâche plus facile a été de chercher dans le corps
d’un hom m e, mort hydropique, si des traces de poison étoient
visibles , et de vérifier les corrosions qu’auroient dû recéler
l’estomac et les p re m iè re s voies.
Si le poison n’a pas été visible à leurs yeux , le sera-t-il à la
conscience du juge?
On prétend que C o u rb y, au lieu de donner du secours à M. de
M u ro l, les 29 et 5o septem bre, a dit à plusieurs valets de la
maison qu’il étoit vieux et ca ssé, qu’il ne guériroit pas ; et de
commentaires en com m entaires, 011 va presque jusqu’à y voir
un aveu de son crime. C ’est ainsi que la malignité interprète
les expressions les plus indifférentes. Mais comment ne pas voir
qu’un coupable, dans cette position, auroit au contraire affecté
ce qu’il ne sentoit pas , et multiplié ses soins pour n’étre pas
soupçonné.
Il a , dit-on encore , demandé à un pharmacien , après l’empoi
sonnement , et dans la r u e , si l’opium étoit un poison qui fit
�( 11 )
_
souffrir long-temps. Autre arme de la m échanceté, pour en tirer
une conséquence à charge. J’ignorois ce fa it, et j’ai même des
raisons de suspecter ceux qui l’ont accrédité. En cherchant dans
le passé à quelles époques j’ai vu mon époux attristé de l’embarras
subit où la faillite d’un ami l’avoit jeté , je n’ai pas trouvé dans ma
mémoire qu’il ait eu jamais des instans de désespoir, ou du moins
il n’en a pas manifesté en ma présence. Il savoit d’ailleurs que je
viendrois à son secours ; et je suis humiliée que pour 18000 fr. et
surtout pour une dette d’honneur, on puisse croire que mon
époux se trouvât réduit à attenter à ses jours.
Quant à toute autre version, je la dédaigne. Quel insensé con
cevrait l’idée qu’il pourroit faire avaler de l’opium à son ennem i,
c ’est-à-dire, la plus amère des potions, sans qu’il la refusât, ou
qu’il pourroit la glisser à dose suffisante parmi ses alimens?
Celui qui pour se défaire d’ un homme veut l’empoisonner, a
pour première pensée d’ensevelir enlui-m ém e le secret de son
crime. S’adresse-t-il à un pharm acien, il est le premier qu’il
trompe; et à moins de croire l’empoisonneur sans bons sen s, on
ne supposera jamais qu’il ait parlé de la mort au pharmacien à qui
il demandoit du poison.
Mais qu’aura gagné la calomnie à tout cet amas de faits incohé
rent, et de petits détails exagérés par la passion, ou grossis par
les circonstances ? c a r , s’il n’est pas constaté qu’il y ait empoison
nement, il n’y a pas de coupable à chercher.
Vaut-il mieux abandonner ce qui se présente h l’idée la plus
simple, et substituer des fictions ou des conjectures , à ce qu’on
conçoit avoir été un effet de l’ordre naturel des choses ?
Et parce qu’un vieillard, d’un tempérament u sé , est mort à
près de quatre-vingts ans, faudra-t-il s’obstiner à croire qu’il n’a
dù mourir que d’une mort violente?
S'il n’étoit mort que du plus subtil des poisons, auroit-il résisté
six mois? auroit-il surtout passé quatre mois dans le meilleur
état de santé qu’il ait eu depuis dix ans?
Certes, je n’ai pas cru un instant qu’aucun homme au m onde
B *
So5
�( 12 )
put dire en son âme qu’il est convaincu de la réalité du crim e,
et que Courby mérite la mort : je l’ai cru encore moins de ses
ju g e s, pour qui le premier devoir est de ne se rendre qu’à l ’évi
dence. Mais il m’importoit aussi de détruire jusqu’à l’apparence
d’un crime dont l’idée seule m’accablera jusqu’à ce que le soup
çon même en soit détruit pleinement.
Je ne sens que trop de quelle influence cet événement sera
pour ma destinée future ; car le malheur d’ un aussi cruel soupçon
ne peut se réparer qu’à la longue ; et j ’ose croire que les cica
trices de la calomnie ne seront point ineffaçables. La conduite
à venir de mon époux se réglera, je l’esp ère, sur les circons
tances dans lesquelles sa mauvaise étoile l ’a placé.
Je puis donc voir encore le bonheur renaître dans mon asile;
et si c ’est une illusion, que du moins un si flatteur horoscope
ne soit pas enlevé à une mère : mon époux, rendu à sa fam ille,
ne verra dans son infortune passée que le devoir sacré d’en effacer
jusqu’au souvenir. Il peut encore, malgré la calomnie, transmet
tre à ses enfans un nom sans ta ch e, et vivre avec honneur dan«
leur mémoire»
C O U R B Y , née R O L L A T .
�( *3 )
CONSULTATION.
L e C O N SE IL SO U SSIG N É , qui a lu le mémoire de la dame
R ollat, femme Courby ,
E s t i m e , d’après les faits contenus audit m ém oire, que si les
médecins délégués par la cour criminelle pour examiner le ca
davre du sieur de M urol, n’ont pas trouvé de traces de poison,
ou s’ils n’ont pas exprimé une opinion certaine et fondée sur c e
genre de m ort, il paroit impossible qu’un jury se déclare con
vaincu que le sieur Courby est coupable.
On n'a pas accusé le sieur Courby d’une simple tentative d’em
poisonnement , mais bien d’un empoisonnement effectué avec de
l’arsenic jeté sur des pèches. Par conséquent il ne faut pas sé
borner à examiner s’il y a preuve de la tentative, mais il faut
savoir s’il y a un empoisonnement et un coupable.
L a question préalable d ’ une instru ctio n crim in e lle e st de Cons
tater le co rps d ’ un d é l i t , de m ê m e que la p re m iè r e c h o se à e x a
m in er par le ju ry est de savoir si le délit est constant.
Car il n’est pas besoin de chercher s’il y a un coupable, lors
qu’il n’y a pas certitude qu’il y a eu un délit : D e re priusquàm
de reo inquirendum est; e t , comme le dit Dom at en son Traité
du droit public : « C ’est le premier et le plus indispensable des
« devoirs. Cette preuve est même tellement essentielle, qu’elle
« ne peut être suppléée ni par les dépositions des témoins , ni
« par des conjectures, ni même par la confession de l’accusé. »
D ’après c e la , peut-on bien dire que le corps du délit imputé
au sieur C ouiby, est constant, et qu’il est certain qu’il y a eu
empoisonnement? Rien ne paroit au contraire moins p ro u vé .
�( 1 4 }
Aucun rapport de médecin ou chirurgien ne parolt avoir pré
cédé ]a mort du sieur de Murol : lui seul a eu quelques soupçons
que rien n’a vérifiés. Ainsi , jusque-là aucun corps de délit n’est
constaté.
Après la mort du sieur de Murol , la cour criminelle a bien
fait ce qui étoit en elle pour constater le corps du d é lit, puis
qu’elle a commis des hommes de l ’art pour visiter le cad avre,
et en décrire l’état. Le rapport qui a dû en être fait sera soumis
au ju ry , s’il est antérieur à l’acte d’accusation ; et c ’est là où
le jury puisera principalement les idées qui appelleront sa con
viction sur le fait de savoir s’il y a un d é lit, c ’est-à-dire, s’il
est constant que le sieur de Murol père est mort empoisonné.
Sans doute la présence du poison n’est pas toujours visible ;
mais son effet n’en est pas moins marqué par des signes exté
rieurs , surtout quand le malade en a été victim e, et quand il
s’agit d'un poison aussi violent que l’arsenic.
>'f'Au^un auteur n’a mieux décrit les effets de ce poison , et les
signès'«ïf3muels on peut les connoitre , que M. Mahon , en son
Traité de niécjecine légale; et c ’est le meilleur guide qu'on
puisse avoir poiii\,raisonner sur une matière aussi grave et épi
neuse.
Les poisons corrosifs,dit cet auteur, tuent très-promptement,
et leurs effets s'annonceut^nvec une rapidité qui ne permet guère
de douter de leur emploi.\j!Tdme 2 , p. 275. )
L ’arsenic est soluble dan^tte^Lles liquides ; c ’est le plus in
domptable des poisons : il ne^ p ^ étre m itigé, ni masqué en
aucune manière. ( Page 276.
Quand il y a soupçon d’empoisonnement, tout médecin , avant
d’inspecter le corps , doit s’informer soigneusement de lïig e,
du sexe , du tempérament , des iorces , du genre de vie du
défunt , s’il étoit sain ou malade , combien de temps il a
vécu depuis, de quelles incommodités il s’est plaint, quelle
.espèce de régime cai conduite il a observée après , s’il a été
secouru par un inedeoïn expérimenté ou par des ignorans.
( Page 2ÇG. )
�c i5 )
5° ° \
Après c e la , l’inépection du cadavre consiste à examiner l'état
des parties extérieures et les signes intérieurs du corps.
Quand l’arsenic n’est pas conservé en nature dans quelques
viscères , ce qui arrive fréquem m ent, sa présence est au moins
manifestée par des traces de lésion et de corrosion assez remar
quables dans toute la route qu’il a parcourue (1) ; son action va
même jusqu’à se manifester au-dehors (2) ; et quelque nombreux
encore que soient ces signes, le médecin , comme le ju g e , ne
peuvent se croire convaincus que par leur ensemble.
Ici il faut d’autant plus de circonspection , qu’il s’agissoit d’un
sujet vieux, et dont la santé paroissoit altérée depuis long-temps.
D es douleurs internes et des vomissemens sont, dit-on, le seul
indice de poison qu’il a remarqué lui-méme (3). Mais une foule
(1)« 2°. L ’érosion inflammatoire, gangrène, taches éparses dans l’oesophage,
l ’estomac, le pylore, les intestins, le sphacèle de ces parties. — Quelquefois l’estomac percé, — le sang coagulé, — le péricarde rempli d’ un fluide jaunâtre ou
c o r r o m p u , les autres viscères ramollis et comme dissous, parsemés d’hydatides,
de pustules, de taches; le coeur flasque et comme racorni; le sang qu’il contient,
noir et presque solide; le foie noirci, ou livide, ou engorgé. »(M ahon, pag. 272.)
« On voit enfin, tant extérieurement qu’intérieurem ent, des vessies disper
sées ça et là, remplies d’ une sérosité jaune ou obscure, et presque toujours d’une
odeur désagréable. » ( Ibid. pag. 273. )
(2) « Distension excessive de l ’abdom en, au point d ’ e n menacer la rupture ;
— taches de différentes couleurs sur la surface du corps, surtout au dos, aux
pieds, à l’ epigastre ; — la prompte dissolution, quand la personne est morte du
poison. On peut trouver dans la dissection du cadavre des indices certains d’em
poisonnement : — la roideur des membres, la tuméfaction du ventre, ne sont
pis des signes constans ; — mais ce qu’il y a de constant dans les cadavres des
personnes quiontpéri d’ un poison âcre ou caustique, c’ est de trouver l’œsophage,
l’estomac et les intestins grêles, atténués, enflammés, gangrenés, rongés et sou
vent percés.... Il suffit de résumer ces signes, pour être convaincu de la néces
sité de ne jamais sc décider que par leur ensemble. » ( Ibid. p. 270, 2 7 1 , 307. )
(5) «Quand on n’a pas été à temps d’examiner la nature du vomissement, que
les symptômes sont passés, que le malade est guéri , peut-on tirer des indices
sùffisans de l’assertion du plaignant, et de celles des personnes qui l’ont assisté?
— Je ne le pense pas. » ( Ibid. pag. 3o 6. )>
�( 1 6 }
d’alimens, même trés-sains, peuvent fournir les mômes résul
tats (1).
Il paroit que le sieur de Murol avoit été mal traité d’une
gale. Les empiriques ont pour ces sortes de maux des remèdes
dont la promptitude séduit le m alade, mais dont l’effet double
ment funeste consiste à faire rentrer dans la masse du sang une
humeur vicieuse, dont la nature cherchoit à débarrasser le corps:
et s’ajoute à c e mal r é e l, le mal plus grand peut-être du remède
lui-même. Aussi est-il constant qu’ une éruption rentrée suffît
seule pour agir mortellement sur l’individu, et laisser des traces
presque semblables à celles du poison (2).
L ’opinion qn’a pu avoir le sieur de Murol lui-même sur son
état, ne doit pas être d’un très-grand poids; car on sait com
bien un m alade, «t surtout un vieillard, est sujet à se frapper
l’imagination : pour peu que ses craintes soient accréditées par
quelque soupçon, il ne trouve plus rien que d’extraordinaire dans
son état, et il s’obstine à ne pas croire que des maux naturels, ou
la caducité , puissent être l’unique cause de son dépérissement.
Cependant 1a plupart des maladies vives s’annoncent par une
invasion soudaine; et cette rapidité même semble tellement inex-
(1) « Q u ’ un homme ait mangé des alimens difficiles à d ig érer, ou faciles à
entrer en putréfaction, il peut arriver que quelque temps après il se trouve
très-m al, et q u ’il ait tous les symptômes du poison, jusqu’à mourir.
» J’ai vu une châtaigne rô tie, avalée toute en tière, donner tous les signe*
de l’empoisonnement. Les têtes et pieds de veau , les écrevisses, les huîtres,
les vins troubles et avariés, ainsi que les vins frelatés, ont très-souvent aussi
produit cet effet. » ( M alion, pag. 29g. )
(2) « Certaines maladie» laissent sur le« cadavres des traces peu différente«
des signes ordinaires du poison. »
« Une éruption rentrée, une affection scorbutique très-avancée, une bile
très-âcre, etc. — Mais par une contemplation réfléchie des sym ptôm es, et la
comparaison que le médecin en fera avec les signes que porte le cadavre, il
distinguera aisément les restes d’une maladie violente, d’avec les caractères de
l’empoisonnement. » ( Ib id . pag. 3 i 3. )
p lica b le,
�C 17 )
plicable, qu’on repasse alors dans sa mémoire Jusqu’aux moindres
détails qui ont précédé; les choses quiétoient auparavant les plus
simples se grossissent, la crédulité s’en empare. P o st hoc, ergo
propler h o c , se d it-o n ; et ce raisonnement de l’ignorance n’en
séduit pas moins quelquefois les personnes les moins prévenues.
Un soupçon alors, né du plus léger indice, acquiert bientôt de
la consistance, à tel point que les explications les plus naturelles
sont dédaignées ; le préjugé l’emporte sur l’expérience ; et on ferme
les yeux sur les exemples plus frappans, qu’on a eus souvent sous
les yeu x, des bizarreries de la nature, et des accidens de la yie (1).
Car en cette matière , dit le docteur C o ch in , 'et quand il s’agit
de juger des poisons, les conjectures les plus vraisemblables ne
sont souvent que des illusions (2).
L e célèbre auteur Zacchias avoit été consulté sur un événe
ment presque semblable à celui du sieur de Murol. Un individu
avoit fait un ample diner avec un am i, et ne tarda pas à éprouver
de grands malaises qui furent suivis d’un prompt dépérissement.
Il devint subitement pâle et extén ué, perdit la raison, et mourut.
Le diner ayant été son dernier acte de santé, les soupçons s’é
levèrent contre celui qui l’avoit partagé ; il fut mis en prison.
L e cadavre fut ouvert, et Zacchias y trouva les intestins trèsenflés, le sang coagulé dans les ventricules du cœ ur, la substance
même du cœur d’une couleur dégénérée, la tête et les lèvres
grosses, les poumons livides et adhérens , le foie corrompu.
T ou t cela pouvoit paroitre des signes de poison. Mais ce docte
(1)
« Il est une infinité de maux sourds, qui augmentant insensiblement en
intensité, peuvent avoir affligé un homme depuis longues années, sans qu’il
s’en soit lui-mème beaucoup aperçu, et q u i, éclatant tout à coup, paroissent
inconcevables à ceux qui ne sont pas au fait des divers accidens de la v ie , et
qui ont l’imagination préoccupée. » ( Ibid. png. 317. )
(a) Quest. du poison, t. i er. , pag. 4 - Recherches sur les signes anatomique*
et judiciaires des signes d'empoisonnement, par M . de Retz.
G
�M
C 18 )
médecin ne chercha que dans son art et dans son génie des con
séquences que la prévention auroit dénaturées, s’il se fû t aban
donné aux fausses impressions de l’opinion publique.
Dans une consultation très-méthodique et très-savante, Zacchias suivit pas à pas tous les symptômes décrits; et il fit résulter
de leur ensemble, que l’homme étoit mort de la jaunisse.
Il ne jugea pas possible que ces symptômes fussent nés du
poison, puisque la nature n’avoit pas fait un effort continuel et
sans relâche, pour se débarrasser de cet ennemi dangereux (x).
Il y avoit eu un vomissement soudain ; mais il avoit cessé ; mais
il n’y avoit pas eu de ces douleurs opiniâtres et de ces angoisses
toujours croissantes, qui dénotent une prochaine dégénération
des solides (2).
La corruption du foie et l’adhérence des poumons avoit paru
de quelqu’iinportnnce à Zacchias; mais il pensa que si la cause
en fût venue du poison, l’estomac et le cœur auroient dû ^tre
lésés et corrodés auparavant (3).
D ’après cela Zacchias n’hésita pas à prononcer que le malade
n’étoit pas mort de poison, mais d’une maladie naturelle (4).
L e s auteu rs q u i on t é c r it sur le droit cr im in e l ne conseillent
pas une moindre circonspection dans les jugemens qu’on peut
porter sur de semblables matières.
(1) « A ccid en tia , si ex veneno administrate superveniant, soient, cum
impe.tu tjnodam , ac vehementia apparerò, non tolerante naturò vim im
provisant ipsiiis veneni. » ( Zach. Consil• 16. )
(2)« Vom i tus indesinens, molestia intolerabilis, dolores pernecabilet ,
lipothymia , syncopis , et alia. » ( Ibid. )
3
( / « Primo et antequàm hepar lad atu r , necesse ett Ited i stomachum
Otque etiam cor. » ( Ibid. )
4
( ) « Igitur ex pradîctis patet N... à propinato veneno non fuisse tx tinctuni, sed potiùs à morbo quodam naturali. » ( Ibid. )
�( 19 )
J t 2>
u Plus l ’accusation de poison est grande, dit M. P r é v it, céîa lèbre crim inaliste, plus on doit examiner avec soin si elle est
u fondée. La mort est tous les jours accompagnée de symptômes
« qui en imposent sur cet article. Ainsi il faut user de beautc coup de prudence, observer avec soin si les accidens dont
« se plaignent les personnes qu’on dit empoisonnées sont ab« solument les suites du poison : si la personne empoisonnée
« est m orte, l’ouverture doit apprendre et constater le poison ;
« il se manifeste clairement par les premières voies, e tc .»
C Principes sur les visites et les rapports, pag. 226. J
Il y auroit donc bien du danger à s’en tenir à de simples
soupçons, ou à des indices équivoques, dans une matière d’aussi
grande conséquence. Car il suffit que d’autres maladies pré
sentent des signes semblables à ceux du poison, pour que dans
l ’incertitude il faille juger qu’il n’y a pas de preuve d’empoi
sonnement (1).
Car qui pourroit, en matière crim inelle, juger par de simples
indices, lorsque les lois elles-mêmes exigent des renseignemens
certains , des indices indubitables , et des preuves plus claires
que le jour (2)?
* Mais que! peut-on entendre par ces indices indubitables? Les
criminalistes prennent encore la peine de les signaler de ma
nière à ne pas s’y tromper. Il faut que l’esprit du juge en soit
frappé et môme contraint au point de ne pouvoir pencher pour
l’opinion contraire. C ’est la situation de l'â m e , dans laquelle
(1) « Non dicitur probatum veneni crimen, ex probations continui
vomitus , ■pel ex livore corporis, aut spumis ex ore flluentibus , quia
hcec signa possunt etiam ex pestifera feb re , aut acuto morbo, citrà
veneni causam orire. » ( Farinac. qucest. 2, n°.
32
, prax. crim. )
(2) «. Munitfi sit apertissimis documentis , vel indiciis ad probation
tionem indubitatis et luce clarioribus. » ( L, Sciant » cod. De probat. )
�( 20 )
l’esprit se repose sur le parti qu’il vient de prendre comme sur
une découverte assurée et satisfaisante, sans revenir jamais à
hésiter dans la conviction qu’il vient d’acquérir (1).
Ces maximes sont puisées dans la loi elle-m ém e, qui ne veut
pas qu’on puisse condamner un individu sur de simples soup
çons (2), parce qu’en effet l’expérience prouve que celui qui
com m ence à soupçonner , ne voit jamais comme il doit voir (3);
ce qui a fait dire à M. Domat que le juge doit se défier de la
première impression qu’on lui donne dans une affaire , parce
qu’elle est malgré lui le mobile de sa conduite, et qu’il ramène
tout à cette opinion (4).
Si d’après l’examen de tous ces principes généraux, il faut se
former une opinion, le conseil n’hésitera pas à dire que s i , com m e
on paroît le croire , les médecins délégués par la cour criminelle
n’ont pas attesté avoir trouvé dans le corps du sieur de Murol
des traces de poison , il est impossible de penser qu’il y ait ni
conviction de culpabilité, ni même conviction d’empoisonne
m ent ; c a r , comme le dit la dame Rollat dans son mémoire ,
si le poison n’a pas été visible pour les médecins , comment le
seroit-il p ou r un ju r y ?
Il n’y aura pas de corps de délit , et par conséquent il sera
inutile de chercher un coupable.
Les circonstances qui ont.précédé et suivi l’évén em en t, ne
semblent pas même donner lieu à des soupçons bien fondés ; et
(1) « Indicium indubitatum est quod coarctat mentem judicis ita ut
omnind credat, nec possit in contrarium inclinare. E st demonstratio
rei per signa sufficientia per qum animus in aliquo tanquam existente
36
35
quiescit , et plus investigare non curat. » ( Farinac. qucest.
, n°.
.)
(2) « Ne suspicionihus qur.mquam damnari oportere divus Trajanus
icripsit. » ( L. A bs. f f . Poenis. )
3
( ) « Qui suspicatur plus se videre putat. » ( Extra de testib. )
(4) Tr. <lu droit public.
�C 21 1
le résultat achève même de détruire la première impression qu’une
semblable accusation ne manque jamais de répandre.
Le sieur Courby étant dépositaire d’effets signés du sieur de
Murol p ère, quelle qu’en fût la som m e, l’envie de se les appro
prier a bien pu faire croire que l’empoisonnement avoit été un
m oyen d’y parvenir. Mais rien n’empéchoit le sieur Courby de
garder ces e ffe ts, et de s’en dire le maître : l’usurpation des
billets étoit même plus solide sans crime.
La conduite amicale du sieur de Murol envers le sieur Courby,
depuis le 29 septem bre, est le meilleur témoignage que ce der
nier puisse avoir; et si le sieur de Murol a dit à la justice avoir
eu des soupçons dès le jour m êm e , ou il a été bien inconsé
quent , ou ses soupçons ne méritent pas une grande confiance.
On ne voit pas que le 29 septembre il ait appelé à son secours
aucun homme de l’art ; par conséquent il ne faut pas croire qu’il
ait eu d’aussi grandes souffrances , ni une aussi grande terreur
qu’il a pu le dire a p rès, lorsqu’il éloit atteint d’une maladie
chronique.
Bientôt au contraire il reprit son régime accoutumé. L ’es
tomac parolt avoir fait ses fonctions comme auparavant ; et il
est bien difficile de concilier cet état de santé parfaite avec la
dégénération progressive qu’auroit dû opérer la présence de l’ar
senic , e n q u elq u e petite quan tité q u ’on le suppose.
Il faudroit m ê m e adm ettre que le poison a été pris à grande
dose , si les pêches en étoient saupoudrées , puisqu’elles ont été
avalées entièrement avec le vin , et que le sieur de Murol n’a
répugné au poison que pour la portion demeurée au fond du
verre. Le véhicule auroit donc été suffisant pour porter une
grande quantité d’arsenic dans les premières voies.
O r , il est impossible que les effets de ce poison eussent cessé
tout d’un coup , et n’eussent laissé aucunes traces.
L e fait articulé , que le sieur de Murol a subi deux fois l’o
pération de la paracentèze , ou ponction , prouve qu’il a été
�considéré comme atteint d’hydropisie; et ce traitement achève
de détruire toutes les incertitudes.
Il y a donc lieu de conclure que les soupçons du sieur de
Murol n’ont eu aucun fondement réel ; qu’à soixante-quinze
an s, et avec les circonstances qui ont accompagné sa m ort,
elle n’a eu rien que de très-naturel.
D é l i b é r é à R iom , le 16 juin 1807.
L. F. D E L A P C H IE R , avocat; B A R T H E L E M Y , doct. méd. ;
A N D R A U D , avocat; C H O SSIE R , doct. m éd.; PAG ÈSM E IM A C , avocat ; G E R Z A T , doct. méd. ; P A G E S ( de
Riom ) , avocat ; M A L B E T , doct. méd.
A R I O M , de l’imprimerie de L a n d r i o t , seul imprimeur de la
Cour d’appel. — Juin 1807.
�
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Factums Godemel
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A name given to the resource
[Factum. Rollat, Eléonore. 1807]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Barthélémy
Andraud
Chossier
Pagès-Meymac
Gerzat
Pagès
Malbet
Subject
The topic of the resource
abus de confiance
prêt
empoisonnement
Murol (famille)
homicides
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour la dame Eléonore Rollat, épouse de François Philippe Courby, habitant à Aigueperse [suivi de ] Consultation.
Particularités : Notation manuscrite : « 28 octobre 1809, après cinq jours de débats, à la cour de justice criminelle, acquittement sur ma plaidoirie. »
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Juin 1807
1806-1807
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
22 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1721
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0613
BCU_Factums_M0334
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53324/BCU_Factums_G1721.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aigueperse (63001)
Rights
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Domaine public
Abus de confiance
empoisonnement
homicides
Murol (famille)
prêt
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PIECES JUSTIFICATIVES.
*
P
rocès-verbal
de M . le Ju g e de P a i x .
C e j o u r d ’ h u i , h u i t septembre mil h u it cent d i x-sept, sur les sept heures
du m atin,
nous,
A n t o in e - B e n o ît - h
T éo p h ile D u fa u r e -D e c itr e s ,
ju g e
d e paix du canton de M ontfaucon , d épartem ent de la H a u t e - L o i r e ,
d ’après l ’avis q u i nous a été d on né par M . l ’adjo in t à la mairie de
la co m m u n e de D u n iè res, portant que le sieur Jean C o u rb o n , fils a în é ,
d u lieu des M azets, de cette c o m m u n e , âgé d ’environ trente-sept ans,
venait d ’être trouvé mort tout près des bâtim en s d u sieur Jacques
M assardier, aubergiste audit Du n ières, avec prière de nous transporter
su r les lieux p o u r o rdonner ce q u e de droit ;
Nous étant transporté de suite, avec notre greffier,
vers le lieu
in d iq u é , avons rencontré la personne dudit Courbon dans une position
extraordinaire, ay ant la tête courbée sur la poitrin e , le bas d u corps
portant sur ses pieds, de manière à ne pas toucher terre, tellement
que tout le poids du corps portait sur le cou , la tète étant reployée ,
ce que la nature du terrein pourrait peut-être expliquer, ledit Courbon
étant tombé dans une espèce de fossé adhérant aux bâtimens du dit
Massardier, formant un quarré équilatéral d’ un diamètre d’environ
quatre pieds sur deux et demi de hauteur, N ’ayant à notre disposition
aucune personne de l’a rt, avons ordonné au nommé Duclos-Clocheron
de chercher à donner au corps dudit Courbon une position plus natu
relle , ce qu’il a fait sans aucun succès. L a figure, qui était courbée
contre terre, nous ayant paruc hideuse et décomposée, les membres
généralement roides ; cependant un rente de chaleur nous ayant donné
encore quelques espérances, on a cherché à réveiller ses sens à l'aide
d' eaux spiritueuses introduites par le nez et par la b o u ch e , et dont
la tête lui a été lavée, ce qui a été encore inu tile, ainsi que les autres
Soi ns
qu ont commandé sa malheureuse position.
Désespérant de le r a m e ner à la v ie , nous avons ordonné que son
corps serait déposé dans le clocher dudit Dunières, en attendant l’arrivée de M. le docteur Thomas , de Saint-D id ie r , appelé en remplace
ment de M. Bergeron, absent, q ui avait été pvévenu depuis euviron
i
�deux heurés, lequel étant survenu peu de moraens après,
nous a
rapporté q ue, d ’après l ’inspection du cadavre, et les reclierclies inté
rieures qu ’il a pu y faire, on doit croire que ledit Jean Courhon est
décédé de mort n aturelle, à la suite d’excès de v i n , ce qui a provoqué
une attaque
d ’apoplexie , qui
a été reconnue par l ’ouverture d u
cadavre, qui a présenté les sinus gorgés de sang, ce que l ’on verra
plus en détail dans le rapport écrit de M. le docteur.
.
Désirant cependant savoir si la v o ix publique était en concordance
avec la manière de voir de M . le d o c te u r , et si elle ne désignait per
sonne comme a u te u r , fauteur et complice de la fin malheureuse dudit
C o u r b o n , avons appris qu’elle disait que le décédé était généralement
aimé de tous ceux qui l’approcliaient, et que le malheureux état où il
avait été trouvé était la suite d ’ un ex cès de vin j où il s’était livré dans
le jour avec quelques a m is, ce qui nous a pani prouvé par l ’état d u
cad avre, qui a jeté du vin sur ses liabits, et qui d’ ailleurs était souvent
en état d’ ivresse.
F o u la n t cependant établir ju squ 'à l ’évidence,le genre de mort d u d it
C o u rb o n , avons fait comparaître devant nous Pierre Sellie r, chau
dronnier a m b u la n t, âgé d ’environ quarante-cinq ans , domicilié à
M arsenat, arrondissement de M u r â t , département du C a n ta l, lequel
nous a déclaré que cejourd’liu i, vers les cinq heures du m atin, sortant
de la grange de Massardier., d e D u n iè r e s , où il avait co u c h é , ses y e u x
avaient rencontré un homme qui lui avait paru dans une position
extraordinaire, co qui lui avait fait dire à Claude R o c h e , beau-frère
dudit Massardier : Cet homme est peut-être malade ; a p p e l o n s - l e ; "“co
q u ’ il avait fuit, en disant plusieurs fois : C a m a ra d e! cam arade! en
répétant ces mots d ’une voix très-forte; mais que ne r e c e v a n t aucune
réponse , ils avaient p e n s e qu ’ il é ta it m o r t . E t a n t r e n t r é d e suite dans
la maison de Massardier, il l ’avait engagé à en prévenir l’adjoint de
la comm une; que M. Digonnct, adjoint, étant arrivé, avait reconnu
ledit cadavre pour être celui de Jean Courbon, fils aîné, du lieu des
Mazets. Les signes de mort lui ayant paru évidens, ledit adjoint avait
ordonné (pie l ’individu ne fût pas to u ch é, et que le juge de paix fût
prévenu , pour ordonner ce que de droit.
D( :mandé audit Sellier s’il n’est pas porteur do papiers qui établissent
sa moralité, nous a répondu en nous présentant un passc-port eu
bonne forme.
�C3 )
A l u i dem andé s’ il n’ a e n te n d u crier n i gém ir dans la n u it , a
rép o n d u que non.
Demandé s’il a à sa connaissance quelque indice sur la cause de la
mort de l ’individu dont est question, a répondu que n o n , lequel a
affirmé par serment. Lecture à lui faite de sa déclaration , a dit icelle
contenir vérité , y persister, et a déclaré ne savoir sign er, de ce requis.
Avons aussi fait appeler les nommés Jean Duclos, cloclieron, Claude
Roche et Jacques Massardier, son gendre, le premier commis à la garde
du cadavre par M. l ’adjoint, et les seconds habitant la maison près
laquelle ledit Courbon a été trouvé, lesquels entendus se sont accordés
à dire ce qui est rapporté par le nonuné S e llie r, assurant, les uns et
les autres, que la inort dudit Courbott ne peut ¿Ire attribuée qu’à un
excès de vin, désignant Pierre Courbon, frère du décéd é, comme étant
la dernière personne qui l’ait approché vers les n e u f heures du soir de
la journée du sept septem bre, lequel avait fait des efforts inutiles pour
le ramener avec lui dans son domicile ;
A joutant encore que Courbon avait bu avec Mathieu T a v e m ie r ,
domicilié à J o n zie u x , envers lequel il s’était libéré de certaine s o m m e ,
et avait reçu dudit Tavcrnier son l>iïïet relatif à sa crean ce} qu il I avait
déchiré en présence de Louis Ilispal , de D u n ièrc s, et de Jacques
Galtând , de INIaletavernc ; qu’ il avait remis les morceaux dudit billet
dans sa p oche, que nous avons fait inutilement chercher par le sieur
D uclos, qui n ’a trouvé dans les habits du décédé qu’ un sac de toile
contenant trente-trois francs quatre-vingts centimes, un couteau et uno
c le f , que nous avons remis aux parens dudit Courbon.
Ces renseignemens nous ayant paru suffisamment prouver le genre
de m o r t , et notre zele à le constater, avons ordonné que le corps dudit
Courbon serait remis à sa famille , pour recevoir les honneurs de la
sépulture dus à sa m émoire, ayant été dans sa trop com te vie le soutien
des malheureux indigens, sur-tout dans l ’année calamiteuse d ’où nous
sortons.
Do tout quoi nous avons fait et clos le présent
p r o c è s - ve rb a l,
pour
Être envoyé à ]\J. le procureur du Iloi près le tribunal civil de première
instance séant {, Yssingeanx, que nous avons signé n toutes les pages,
avec le greffier de Dm iièrcs, les jour et an susdits. Signé Dui’iuBE
p e CiTHES , juge de paix , et IionMET, greffier,
�(4 )
R a p p o r t de M .. T h o m a s ,
médecin.
Nous soussigné, m é d e c i n , ha bita n t la v ille de S a in t-D id icr -la -S é a u v e ,
c h e f - lie u d e canton de l ’arrondissement d ’Y s s in g e a u x , en vertu d ’ un
réquisitoire en date de ce j o u r , d e M . le ju g e de paix d u canton do
M o n t f a u c o n , nous sommes transporté au h o u r g de D u u iè r e s , canton d e
M o n t f a u c o n , p o u r constater le genre de m ort d u sieur Jean C o u rb o n ,
des M azets , co m m u n e de Dunières.
A p rès nous être assuré de sa m o r t , avons procédé à l ’autopsie cada-'
vé riq u e. L a
surface externe nous a d ém on tré les caractères suivnns r
C o n stitu tio n a th létiq u e , épaules la r g e s , co u c o u r t , tête grosse ( causes
prédisposantes à l ’a p o p l e x i e ) , figure l i v i d e ,
vaisseaux de la t u n i q u e
a lh u g in ée , les d e u x y e u x injectés , lan gu e g o n f l é e , regorgem ent par ht
L o u c h e d ’ un m élan ge de liq u e u rs fermentées. N ’y ayant trouvé d ’autres
indices de m ort v i o l e n t e , avons fait l ’ ou v ertu re de diverses c a v it é s ,
1° de la tû te, d o n t les vaisseaux q u i abreu v en t son intérieur gorgés de'
S a n g , sans altération de la substance de l ’organe en céph aliqu e , ni epanch c m e n t ; 2° de la cavité t b o r a c h i q u e , d on t nous avons reco nn u le?
viscères dans l’état sain ; 3 ° la cavité p elvien n e o u abdom inale o u v e r t e ,
avons tro u vé Festomac co nten an t u n e assez grande qu antité de liq u e u rs
f e r m e n t é e s , sain d ’a ille u r s , ainsi qu e scs autres viscères y contenus.
D ’après l ’é n o u cé ci- d e s s u s , on d oit rapporter la m ort d u sujet à unef
a tta q u e d ’ a p o p le x i e , d o n t il était m enacé par sa forte c o n s titu tio n , et
d o n t l ’ intem pérance sans cesse répétée a été la cause efficiente,
en;
d éte rm in a n t au cerveau u ne plus' grande affluence de sa n g , ce q u i a;
p r o d u it à cet organe un colaps d on t s’ en est suivi la m ort.
E n foi de quoi nous avons dressé le p ré se n t, à D unières, le lniiC
septembre mil h uit cent dix-sept. Signé Thomas»
E
xtra it
du rapport à M . le Procureur du R oi.
M o n s i e u r , dans la jou rnée du h u i t septembre m il h u it cent <lix-scpt}
j ’ui constaté par un procès-verbal la m ort du sieur Jean C o u r b o n s
tro u vé sans vio vers le p o in t du jour d u h u i t , près la maison de Jacques
M a s s a r d i e r , aubergiste du b o u rg de D unières. C e l l e pièce a di\ vous
tra n q u illis e r sur le genre de m ort de cet in d ivid u ; et le rapport d u
d octeu r Thom as a sans d o u te ach evé d ’élo ig n er d e votre pensée tout
�(55
soupçon àem ort v io len te; c’était aussi, Monsieur, mon intime croyance
et celle de tout ce q ui ni?entoura dans le cours de cette malheureuse
journée : le «lire du chirurgien acheva d’éloigner tous les doutes de ma
conscience. Cette manière de voir était d’ailleurs justifiée par Fétat du
cad avre, qui ne présentait pas même une légère égratignure, et par
F état des •vêtemens nullement en désordre.
L ’ intérieur du corps, étudié avec soin, n’ ayant offert qu ’ un engor
gement vers les vaisseaux qui aboutissent au cerveau , tout concourut à
persuader que l ’excès du vin avait déterminé une attaque d ’apoplexie.
Ce fut le jugement général. U n e seule chose cependant embarrassait
et présentait quelques observations à faire : c ’était la position d u
cadavre, trouvé dans une attitude très-extraordinaire, n ’étant appuyé
que sur la n u q u e , les pieds et un genou. O n se demandait comment
était-il arrivé q u e , dans les angoisses de la m o r t , ce corps ne se fût pas
rapproché de la terre. O n croyait que la nature , en succom b ant, devait
laisser l ’ individu dans un tel état de déb ilité, qu’ il eût dû se jeter vers
la droite ou vers la gauche. On pensait que C ou rb on , venant du midi
et faisant la culbute dans la fosse oii il a été trouvé, devait heurter vers
le m ur opposé , et non a v o i r le corps tourné au sud. On devait s’attendre
aussi à voir sa tête mutilée par le m u r , et le chapeau éloigné de sa
p lace, et non sur la figure, qu ’il couvrait entièrement. Enfin on devait
croire que C o u r b o n , étant tombé du lieu où on a trouvé scs pieds,
devait avoir une partie du corps hors du creux où il était; mais ces
- réflexions s'effacèrent prom p tem ent, et on crut qu ’ il n’y avait rien de
tragique clans la mort de Jcau C o u rb on , et son corps fut livre à sa
famille.
. .
�MÉMOIRE MÉDICO-LÉGAL,
P ar A dolphe R I C H O N D ,
du P u y ( Ifa u te -L o ir e ), sous-aitic-major
à l ’hôpital militaire d ’instruction de Strasbourg, maintenant nommé
chirurgien à l ’hôpital du V a l- d e -G r â c e , à P a r is , _ex~élève intenta
des h ô p ita u x civils et de l ’école-pratique de la même v ille , sur le
genre de mort de J e a n C oo r b o n , de la commune de Dunières ,
département de la Haute-Loire.
Ce Mémoire
•
est
approu vé
,
t
i ° P a r M . E . FODER.E, professeur de médecine légale et de maladies
épidémiques à la fa c u lté de médecine de Strasbourg, membre de
l ’académ ie de m édecine, etc. etc. e t c .;
a° P a r M . C A I Z E F IG U E S , professeur de médecine légale à la fa c u lté
d e M o n t p e lli e r , e t c .
etc. ;
3 ° P a r M . C . C. IN'. M A R C , membre titulaire de F académie royale
de m édecine, médecin de S . A . S . M onseigneur le Duc d ’Orléans ,
membre du conseil de sa lu brité, directeur du secours a u x noyés
e t a sp h ixiés, médecin ju ré-exp ert près la Cour royale du département
de la Seine ;
4 8 E t enfin par M . J. A u g . L U C A S , membre titulaire de Vacadémie
royale de m édecine, chevalier des Ordres de -Saint-Michel et de la
Légion d ’h o n n eu r, premier médecin
de Son A . R .
M
adam e
,
Duchesse d 'A u g o u lê m e , inspecteur des e a u x minérales d e V ic h y ,
L ' a m o ü A «lu m e r v e i l l e u x , o n l e <l<-»ir <lc t r o u v e r d e s c o u p a b le s
n® fa it q n o t r o p
s o u v e n t v o i r «les faits e x tra o rd in a ire ® d a n s l e »
¿ « ¿ n c i n e i i s l e i p lu s s im p le s . C e p e n d a n t , ô v o u s , m ag istra ts c o m m it
p o u r la p r e m iè r e i m i r u c t i o n <Ut p r o c é d u r e s c r im in e lle » j e t v o u s ,
p i é d e c i n s , v o u s n e d e v e z pas i g n o r e r q u e l V s p r i l d e p r c v c u l i o i i
l i e n t u n o p r e m iè r e p la c e p a rm i le s fa ib le s s e s h u m a in e s !
F odsré.
A
p r
¿
s
avoir lu atlcntivcment les diflerenles pitaes relativos
1’aíTaire de C o u rb o n , ¡o n’ ai pas hesité á premlre la plutne,
a
bien
persuade <juc je defendáis ¡’¡n u g ecu ce, et <jue c ’était rendre un scrvico
�(7 )
aux juges, à l'humanité entière, que de faire ressortir dans cette cir
constance l ’énormité de l ’erreur que l ’on a commise en jugeant légè
rement de malheureux pères de famille. E n effet, le jugement qui a
été porté contre eux repose sur des hypothèses gratuites, qu ’ il me sera
facile de renverser, et qui n’auraient jamais dû servir de hase à la con
damnation des accusés. En procédure criminelle, il fa u t, pour pouvoir
condamner un individ u, qu’ il y ait un corps de délit bien manifeste,
et ce n ’est pas sur des probabilités, des demi-preuves, qu ’on s’expose à
flétrir et à rayer de la société des personnes innocentes. Je dis inno
centes; car il ne peut y avoir de coupables, dès qu’il est démontré qu ’ il
n ’y a pas eu de délit ; et c’est là le p o i n t q u ’il me sera facile de rendre
aussi clair que le jour.
D ’après le procès-verbal de M . le juge de paix de M o n tfa u co n , il
conste que Jean Courbon , âgé de trente-sept ans, fut trouvé mort ,
le 8 septembre 1817 , dans un fossé attenant aux bâtimens du sieur
Massardier ; que la position était t e l l e , que la tête était courbée sur
la p o itrin e , le bas du corps portant sur les pieds et un g e n o u , do
manière h ne p a s t o u c h e r t e r r e , t e l l e m e n t que le poids du c o r p s re
posait sur le cou. L a nature du terrein , y est-il d i t , pourrait p eutêtre expliquer celle position bizarre ; les babils étaient en bon ordre ,
la coiffure nullement dérangée, le chapeau placé sur la figure. I l existait
un état de roideur rem arqu ab le, et un reste de chaleur t e l , que des
soins furent prodigués au malheureux : du vin fut trouvé répandu sur
ses habits. L ’ enquête faite par M . le juge de p a i x , sur les habitudes et
les mœurs de C o u r b o n , lui apprit q u ’il était enclin à l ’ivrognerie, et
q u ’ il commettait presque journellement des excès de boissons alkooliqucs ; que d ’ailleurs il était fort aimé dans le p a y s , et n ’avait pas
d ’ennemis connus.
M . le docteur T h o m a s , appelé pour examiner le cadavre de Courbon,
dit que celui-ci était d ’ une constitution athlétique ; qu ’il avait les
épaules larges, le cou c o u r t, la tête grosse, la figure liv id e , les y e u x
injectes, la langue gonflée; qu ’ il y avait^un regorgement, par la bouche,
de liqueurs fermentóos : le corps ne présentait d ’uilleurs aucune traefl
de violence extérieure. L a lô te, ouverte, lui offrit les vaisseaux qui
abreuvent l’ intérieur du crime gorgés de sang, sans altération de l ’or
gane encéph alique, ni épanchcinent. L es organes contenus dans 1«
poitrine lui parurent très-sains; enfin•Tuuvcrlurc de la cavité abdc-
�(•>
minale ne luì fit trouver aucune altération. D ’après tous ces faits','
M. Thomas e n >c o n c lu t , avec beaucoup d é r a is o n , que Courbon était
mort apoplectique; et tous les phénomènes mentionnés dans son rapport
appartiennent réellement à celte affection.
O r , d ’après les faits énoncés dans les procès-verbaux, pouvait-il
ótre intente une accusation contre G a l la n d , Rispai et Tavernier? Lo
rapport du médecin ne devait-il pas être pris en sonsidéràlion ? Les
faits sur lesquels est basée la condamnation étaient-ils prouvés? Avait-on
fait exhumer le cadavre? Avait-on suivi le conseil de M. Bergeron , qui
dit qu’après trois mois il aurait pu encore reconnaître la luxation?
Telles sont les questions que l’on serait en droit de faire, et auxquelles
•
on ne pourrait pas répondre d ’ une manière satisfaisante...........
Mnis, puisque l’erreur a été commise, il importe de la rectifier, et
pour cela de prouver, i° que Courbon est mort apoplectique; 2° qu il
Il y a pas eu cle luxation; 3° qu ’eût-elle existé, elle ne prouvait pas un
m eurtre; 4° i 110 l a position n’avait rien de si extraordinaire, qu ’on no ,
puisse bien l'expliquer ; 5° enfin que la strangulation , la suffocation ne
peuvent avoir eu lieu.
•
*
• Après avoir démontré ces différentes propositions, il me semble qu ’ il
sera prouvé que la mort de Courbon a été naturelle, qu ’ il n ’y a eu
aucune violence extérieure, et que par conséquent les accusés sont
innocens.
’
i° Il sera démontré que Courbon est mort apoplectique, si on a
reconnu en lui toutes les causes prédisposantes à cette affection , el si
sur le cadavre on a trouvé toutes les lésions propres à la caractériser, et
rien autre que ces lésions. O r , le fait est te l, et il sera facile de s’en
convaincre, si on consulto les auteurs qui ont
écrit
sur celle maladie.
C'est ainsi q n H offm an , sJlbinus , P in o t, M. Fodere , P o r ta i, T u ilier ,
frin ito vi, et tousles auteurs le plus justement recommatiilnbles, placent
nu rang des causes prédisposantes, la constitution robuste, le cou court ,
les épaules larg es, le régime succulent, e t c . , et que tous insistent
principalement sur les excès dt\ boissons alcooliques. L ’ivrcss'e en effet
entretient l’engorgement des vaisseaux cérébraux; elle a été cornparéo
à un« demi-apoplexie ; et quand les individus qui se livrent à l'ivrognerio
sont en outre doués do la constitution qu ’on peut appeler apoplectique*
il est ordinaire qu’ ils finissimi leur carrière en succombant h cetlo
Maladie. O n pourra juger de l'importance qu ’on doit donner u l'examen
�(9)
des causés prédisposantes, en faisant attention aux soins qu'ont pris
L o u is, A m broise-P aré, Lancisi, e t c . , de les mentionner dans les rapporta
q u ’ils ont faits en justice , pour faire connaître le genre de mort auquel
avaient succombé des personnes qu ’on supposait assassinées. Les causea
dans lesquelles ils ont été consultés ont trop de rapport avec celle qui
nous occupe , pour que je ne les mentionne pas , et même n’ eu
transcrive des passages entiers.
Mais avant tou t, continuons l ’examen de Courbon. Son cadavre ne
présenta rien qui pût faire supposer une violence extérieure ; l'autopsie,
faite avec soin, ne fît reconnaître qu ’ une injection d e la fa c e et des
y e u x , un engorgement de la langue , un regorgement de liqueurs
ferm en tées, un engorgement des va issea u x céréb ra u x, et tous les
autres organes sains.
O r , toutes ces lésions sont réellement celles qu’ on doit rencontrer
ebez un apoplectique. Voici ce que dit à ce sujet l’auteur de l'article
niort, au Dictionnaire des Sciences médicales :
« De toutes les causes de mort subite, la plus fréquente e6t l ’apo« plexic. II est bien e s s e n t i e l tï’eii connaître les caractères, q u a n d ,
« appelé près d ’ un ca d a v re , on doit constater le genre de m ort a u q u e l
« il a'succom bé ; niais l ’apoplexie laisse après elle des traces évidentes,.
« On trouve souvent un épanchement sanguin dans le crd n e, ou b ie n
« un engorgement des v a isseaux qui s’y trouvent ; le visage est rouge (
v tum éfié, livide ; la langue est gonflée, les j e u x in jectés, la boucha
et écumeuse ou contournée ; la chaleur se conserve long-tems ». O r , ces
phénomènes prennent plus de consistance, quand la personue morte
jouissait de la constitution apoplectique.
,
M orgagny, dans son excellent ouvrage D e Causis ctSedibws morborum,
donne absolument les mêmes caractères. M . F o d é r é , Belloc et tous
les praticiens sont du même avis.
11 est facile de rem arqu er toute la parité qui existe entre les p h én o
m ènes observés ch ez C o u rb o n , et ceu x qu e tous les m édecins rapp ortent
a 1 apoplexie. A u c u n e éq u ivo q u e ne p e u t e x iste r , a u c u n d ou te ne d o it
rester dans 1 esprit ; et il faudrait être bien p r é v e n u , p o u r v o i r dans sa
m ort autre chose q u ’ iu,0 a p o p le x ie , occasionnée par l'in tcn ip éra n ce at
l ’ ivresse, et à laqu elle sa constitution l ’avait prédisposé. L a position
q u e la ch u te lui fit p r e n d r e , en em p ê ch a n t la l ib r e circu la tio n d u sang
venant de la l é t o , d u t e n c o r e
2
favo riser
sa stase dans les vaisseaux
�( 10 )
c é r é b r a u x , et toutes ces causés réunies firent éclater cette m aladie q u i
termina en p eu d ’ instaris sa vie.
Dans le rapport du m édecin , il n ’y avait aucun fait, aucune cir—
constance qui pût donner lieu à l ’instruction d ’ une procédure crimi
nelle ; et il me semble qu ’on ne peut et qu ’on ne doit jamais accuser
des individus de meurtre , avant d ’avoir trouvé au moins q uelque
lésion cadavérique qui puisse donner des soupçons et faire élever dca
doutes.
Mais rien ne prouve qu’ ils fussent ici fondés. A ucune marque do
violence extérieure n ’a été reconnue ; et il n’existait pas même la plus
légère ègratignure ( d i t M. le juge de paix). E t devait-on , dans un cas
aussi important, recourir à des suppositions, à des hypothèses gratuites T
à l’appui desquelles on n’apportait aucun fait? N o n , sans do u te; car
cût-il existe des ecchymoses, des meurtrissures, des plaies même, cela ne
suffisait pas p o u r faire n a îtr e l’ idée d ’ un meurtre , puisqu’il y a v a it des
faits suflîsans pour faire reconnaître l ’apoplexie.
L a lecture des causes célèbres, dans lesquelles Louis et Lancisi ont
rédigé des mémoires justificatifs des accusés, servira, je crois encore , à
¿claircir le fait qui nous occupe.
P
r e m ie r
E
xem ple
.
« C hassagn eux, de M ontbrison, fut un jour trouvé
ic mort dans un chemin public, la face tournée contre terre. Les premières
* personnes qui le virent le mirent sur le dos. L é chirurgien , appi lé
« pour constater son genre de m ort, trouva une plaie contusc sur le nez,
«< avec fracture des os propres, des ecchymoses sur le cou , sur les lombes»
* il trouva un engorgement considérable de la langue, et crut recou«i naître que la plaie du nez avait fourni beaucoup de sang. Satisfait de
« ces signes, il se dispensa d ’ ouvrir le crâne, et en conclut qu il y avait
« eu compression sur le c o u , et q u e , réunie à l'hémorragie occasionnée
« par la plaie, elle avait pu occasionner une mort violente.
n L a voix p ublique, qui appelle toujours une victim e, accusa le fils
* et la b e lle -fille , qui furent condamnés au supplice des parricides.
« Appel au parlement, qui ne vit pas l’allaiie aussi claire que les
« premiers juges, et posa au célèbre Louis les questions suivantes,
« savoir : i° si le rapport (lu médecin avait clé fait convenablement?
« a 0 si des f.iits itHMiliomiés ou pouvait tirer des inductions défavorables
« aux accusés? Le professeur Louis répondit qu'il était de toute nullité.
e L ’exposé des faits, dit cet lioimno illustre, établit que le sujet
�o
>
if était d’ une fo r te constitution; qu ’il était d a n s lc moment échauffé par
« l ’ivresse, et par un violent accès de colcre. Les vaisseaux cérébraux )
te d it- il, sont toujours fort dilatés chez les personnes.sujettes à l'ivresse
h
et à la colère ; ces deux causes avaient produit depuis long-teins.uno
a disposition habituelle, par laquelle, au moment de la c h u te , il sa
« sera fait un refoulement du sang dans les vaisseaux, d u c erveau , et
« leur crevasse par la commotion de ce viscère.
.
, •
;
« L ’ouverture du crâne aurait infailliblement fait reconnaître l’épan-i
« chemeut ou l'engorgement des vaisseaux
cérébraux ,
résultat do
k l'apoplexie. L e crime ne. se présume p a s , a jou te-t-il; il. faut q u ’iL
« soit prouvé; et le médecin , chargé du r a p p o r t , a été bien imprudent f
k p o u r n e pas dire co u p a b le , dans ses assertions hasardées..11 attribua
« la plaie à la ch u te, et les ecchymose»à l’apoplexie ou à une exaltation,
cc sanguine, faite sur le cad a vre, comme cela arrive fré q u e m m e n t« .
Les accusés furent mis en liberté.
I l est facile de remarquer combien cette cause est analogue à celle
qui nous .occupe. Elles diffèrent pourtant l’ une de l’autre, en ce q u e ,
dans la première, il pouvait y avoir des soupçons bases sur les lésions
cadavériques, tandis q u e , dans la dernière, il n ’aurait jamais dû s’en
élever.
Dkuxikme E x c u r t n . rc L a veuve M ontJ)ailly, de Saint-Om er, âgée
« de soixante a n s , d’ un embonpoint extraordinaire, fort adonnée a u x
« liqueurs fortes, avec lesquelles elle s’enivrait journellem ent, fut un
« jour trouvée morte dans sa cham bre, sur un coflrc à angles aigus. L e
« chirurgien appelé observa des ecchymoses au bras droit, au bras gauche,
« à lu poitrine, a la.gorge ; une plaie au-dessous du sourcil : les parties,
a internes furent trouvées dans l’état sain. Il en conclut que la dnmc
« Montbailly avait reçu des cou p s, et était morte d'hémorragie. Son filsi
« et sa belie-fille, accusés d ’assassinat, furent condamnés au supplice
« <le la roue. L e premier subit sa peine; et on ne sursit à l’exécution
« de la deuxième sentence, quo vu la grossesse de la lielle-fille. Pendant
« ce letns-là, nppel fut fuiI au parlement, et le procès fut révisé. L o u is ,
a consulte sur co suj0i f répondit que le rapport <lu médecin était do
i< toute nullité. Il so récria avec raison de ce que le chirurgien n’avait
« pas fait moution , dans son rapport, de la constitution , des habitudes
« de la personne supposée assassinée (chose e ssentielle); c ar, «lit-il,
ff ccltc personne était adonnec ou vin j et a pu mourir dans un état
�( » )
*
d ’ivrésse a ctu e lle , ou dans un état d ’apoplexie, dont l ’habitude d é
« s’ enivrer est reconnue comme une des causes les plus fréquentes ». I l
attribua la plaie à la chute faite sur le coffre, les ecchymoses a l ’apo*
p le x ie ; e t , eu égard à sa décision, la mémoire de Montbailly fut
réhabilitée ; mais , hélas I le crime était consommé !.......,
O n voit ici qu’ il y avait
des lésions propres à faire naître des
soupçons , et que l ’on n’avait pas trouvé le principal caractère de
l ’apoplexie : l ’engorgement
des vaisseaux cérébraux.
jugement fut cassé.
T
r o is iè m e
E
xem ple
Cependant le
7
« Morgagny rapporte l ’exemple d’ un liommo
.
rc âgé de cinquante-cinq ans , q u i , reconduit dans un état d’ivresse, le
k soir du 16 janvier
, fut trouvé le surlendemain mort dans la
« ruelle de son lit. Ce savant professeur en fil la dissection , et trouva
« les vaisseaux de la pie-mère ( enveloppe du cerveau ) et le plexus
« choroiûe excessivement gorgés. C e t h o m m e , q u i s’ en iv ra it souvent r
fc d it- il, d e v a it a vo ir le s v a is s e a u x de l ’intérieur du crd n o tr è s -d ila té s }
« ce qui est, ajo u te -t-il, une disposition à l ’a p o p lexie, à laquelle il a
« succom bé,»
Q
u a t r iè m e
'
E
xem ple
,
,
a Lancisi parle d ’ un homme replet, adonné
« au vin , qui mourut subitement; et il n’omet pas de parler, dans son
<t rapport, ni de l’obésité, ni du penchant à l ’ivrognerie du s u je t,
« q u ’il dit être elle-môme un commencement d ’apoplexie. »
Je pourrais citer encore bien des exemples, qui pourraient fairô
ressortir davantage l’évidence du genre de mort auquel a succombé
Courbon ; mais il paraît que la chose doit ôtre maintenant bien claire
et je crois pouvoir in’abstenir de nouvelles citations.
Je crois donc pouvoir conclure ( e n sûreté de conscience), de tousles faits (pie j’ai rapportés et rapprochés entr’e u x , i° que Courbon
réunissait toutes les causes prédisposantes à l’apoplexie; 20 qu’ il y a
réellement succombé ; 3 ° enfin que l’accusation intentée contre T a v e r nier, et autres, n’est basée sur lieu de positif, sur rien qui puiisa
soutenir l’examen le plus léger.
Mais comme jo ne veux laisser aucun doute sur l ’affaire dont il
s’ a git, que je veux prévenir toutes les suppositions qu’on pourrait faire,
jo vais examiner successivement la position de C ourb on, et les genre*
Je mort violente auxqueU il pourrait avoir succombé.
1° La position de Courbon , ù laquelle on parait avoir attaché beau-*
�C ’
3 )
feoup d ’importance, et qui paraît seule avoir donné lieu à des soupçons
d ’assassinat, ne méritait pas la moindre attention. E n effet, q U’y a-t-il
de si extraordinaire, que cet homme iv r e , chancelant, revenant p eutêtre sur ses pas, se soit précipité tète première dans ce fossé? L a tête
se trouvant la partie la plus déclive , l ’engorgement des vaisseaux céré
b r a u x , déjà occasionné par l ’ivresse, a etc augm enté, et l ’apoplexie
s’en est suivie...........
A u moment de l ’accident, Courbon dut tenter de se relever; mais
comme la tête était pour ainsi dire enclavée , qu’ elle portait contre le
parois opposé du fossé, l ’effort dut se propager aux extrémités. O r ,
comme l ’a démontré le professeur Richerand , les muscles fléchisseurs
étant plus nombreux et plus forts que les extenseurs, la contraction dut
occasionner la flexion des g e n o u x , leur rapprochement du t r o n c , qui
ainsi sera resté en l ’air. T elle est l ’explication bien naturelle et bien
simple de ce qui dut se passer dans ce moment fatal. L a mort survenant
au moment où les muscles étaient en contraction , le corps conserva la
position qu’ il avait au moment où l ’apoplexie se manifesta, et l’équilibrç
l u t conservé.
L a mort par apoplexie, loin de s’accompagner de convulsions , d ’agi
tations, comme le suppose M. le juge de p a ix , est extrêmement tran
quille ; elle s’opère sans douleurs et sans mouvemens. O n ne doit pas
^rouver extraordinaire que le cadavre ne soit pas tombé d’un côté ou
d ’un autre. î ie connaît-on pas, en effet, toutes les positions bizarres
que prennent les ivrognes dans les chutes qu ’ils f o n t , et qui occasionnent
souvent leur mort? De ce qu’ un fait est inexplicable, doit-on l'attribuer
à une cause non naturelle? N o n , sans doute. L ’expérience démontre
tous les jours que les phénomènes vitaux, sont susceptibles d ’ un grand
nombre de variations extraordinaires*
Mais je vais plus loin ; je crois que c’ est précisément parce que la
position de Courbon était b iza r r e , parce que son corps ne s’est pas
ttiïiiisiic, qu’on devait en conclure q u ’il n'y avait pas eu luxation. Ërç
ellet » la luxation de la colonne vertébrale occasionne la compression oi\
l'altération do ln moelle épinière. O r , comme l e s membres, le tronc, etc.,
reçoivent leurs n erfs tic celle partie, il doit en résulter imlispensablem enl suspension des fo n d io n s , et paralysie complète des membres; mais
si cela eût élé , les muscles ne pouvant se contracter, le corps n’eût jms
p u être ainsi soutenu ; île lo u lç niccssilc il {c u r n il iucliuv d ’mi cOté
�ou d'u n autre ; et par conséquent ces phénomènes m an q u a n t, l ’idé«
de luxation devrait nécessairement s’évanouir. Mais je reviendrai encore
sur cet article. Il serait l)ien plus difficile , je crois , de concevoir qu ’ un
cadavre, obéissant à l’impulsion communiquée, pût prendre et conserver
une position semblable : il est encore plus déraisonnable de supposer
que des assassins la lui aient donnée après-la mort. En effet, des meur
triers, à supposer q u ’ils conservassent assez de sang-froid pour recourir
à une pareille r u s e , se seraient bien gardés de rester si long-tems près
de leur victime , dans le voisinage d’ une habitation. D ’ailleu rs, eu
supposant qu ’ ils eussent été assez raffinés dans le crim e, quelle aurait
pu être leur intention, sinon de faire croire à une mort naturelle?
Mais n’est-il pas évident que la position de C o u r b o n , à raison de sa
bizarrerie, devait éveiller l ’attention des magistrats? IN’étail-il pas plus
simplo do l ’étendre tout de son long sur la voie p ublique? ]Vaurait-on
pas cru plus faciloinment à une mort naturçllc? D ’ailleurs, le bon état
des vétemens , de la coiffure de Courbon , tout concourt à prouver qu ’il
s’est précipité de lui-m ém e dans le fossé, et qu ’il y est mort.
Q ue nous reste-t-il donc maintenant à faire , pour mettre au joue
toute la vérité ?
D é m o n trer q u ’ il no p e u t pas y avoir eu luxatio n , strangulation ni
suffocation.
i° L a luxation de la colonne vertébrale parait être le genre de mort
auquel on suppose que Courbon a succombé ; mais sur quoi repose cette
supposition? L ’a -t-o n trouvée sur le cadavre? a -t-o n fait exhumer lo
corps? avait-on enfin quelque fait qui pût y faire croire? K on : l’idée do
luxation était une pure hypothèse; et c ’est sur un fait semblable qu ’est
bâtie une condamnation !.......
Mais eut-elle clé démontrée, M. lo médecin l ’eût-il parfaitement
fcc o n n u c , eût-elle été accompagnée de toutes les lésions propres à cctto
affection , je dis et je démontrerai q u ’on ne pouvait en tirer aucune
induction défavorable aux accusés.
PiinMiKnr. Q
u estio n.
L a l u x a t i o n d e la c o l o n n e v e r t é b r a l e e x i s t a i t - e l l e ?
Non. L ’ union des pièces osseuses qui composent cette colonne est
tcllcmont fortifiée« par des ligamens solides, que leur déplacement exigo
des efforts, destructions considérables, sur-tout pour la produire par
la (lésion de la tôle. O r , comment supposer q u e , pendant que lo
malheureux Courbon luttait avec ses m eurtriers, ou du moins qu ’ U
�c Ï5 )
faisait des efforts pour résistera leur vio lence, il n’ ait éprouvé aucun
désordre dans ses vêtem ens, dans sa coiffure ? C om m ent son cliapeau
n'a-t-il pas été éloigné? Ses cris n’ auraient-ils pas été entendus des
personnes qui couchaient dansila grange voisine? Des assassins eussent-ils
choisi un pareil lieu pour la scène tragique?
Mais supposons que la luxation ait pu être opérée sans b ru it et sans
désordre, dans quel sens aurait-elle été produite ? E n a v a n t, puisque
la tète était fléchie sur la poitrine? mais cette luxation est des plus rares;
elle ne se remarque guère que sur les jeunes enfans; elle ne peut s’opérer
que par le déchirement ou le relâchement des ligamens odontoïdiens ;
e t , dans ce c a s , la t ê t e , loin de rester fléchie et de ne pouvoir pas être'
ramenée à sa rectitude naturelle, peut de plus être portée fortement
en arrière, comme le prouvent les observations d'A n to in e P etit eC
Bohn. L a luxation , dans ce sens, n’existait donc pas ;
2° C e lle par d ép lace m e n t des apophyses a rticu la ires, et q u i s’ o p è r e
p lu s aisément par un m o u v em en t d e t o r s io n , n ’«xistait pas encore. E n
e ffe t, ici la tête est in clin é e d u côté opposé à la lu x a t io n , et ne p e u t “
pas être ramen<5©à sa rootîtndo n a t u r e l l e , tandis q u e chez C o u r b o n lit
tête était directem en t fléchie sur la p o itrine ;
3 ° Enfin la luxation de la colonne vertébrale, quelle qu ’elle f u t , no
pouvait pas exister; car, dans ce c a s , il y aurait eu affaissement, renver
sement du corps , pour les raisons que j ’ai déjà données ; e t , d’ailleurs,
comme la circulation et les autres fonctions sont instantanément sus
pendues, il en résulte « que le cadavre présente line pâleur remarquable ;
« qu ’il n’y a pas de bouffissure; que la face ni les membres ne sont in« jectés, et que l’engorgement cérébral ne se remarque pas ». (Fod ûré).
( J e ne partage pas l ’opinion de M. Bergeron, qui dit que la luxation
peut avoir lieu avec les phénomènes de l ’apoplexie ).
O r , chez C ou rb on , il y avait engorgement des vaisseaux cérébraux,
bouflissure, injection de la face, état de contraction des muscles; doue
il u est pas mort par suite d'une luxation.
S i , contro les expériences de Legallois, su rira principes de la v i e ,
on veut supposer
i c cœur , recevant «les nerfs du cerveau , peut se
contracter, tandis (j«e les autres fonctions sont anéanties, il devrait en
résulter engorgement dos vaisseaux du p ou m on , et dus cavités droites
du cccur ; et on voit que Coin bon n’a pas présenté cet engorgement ;
• 4 ° Mais C ourb on’ fût-il réellement çiort par suite de la luxation d»
�la colonne Vertébrale ( c e que j ’ai prouvé n’élrc p a s ) , je dis qu’on nô
pourrait en tirer aucune induction contre les accusés.
E u effet, d’ une p a r t , nous avons vu les difficultés qu’ il y avait à
opérer ces luxations par des efforts, e t , de l ’autre , nous allons voir qua
les chutes, les culbutes en sont les causes plus fréquentes. « M . D e lp ech ,>
te dans ses Œ u v r e s Chirurgicales , dit que la luxation dont il s’agit peut
fc quelquefois être le résultat de tractions, de torsions considérables ,*
« mais que de toutes les causes, les plus fréquentes étaient les chutes
« sur la n u q u e , la culbute. »
M . Fodérc , ce célèbre médecin légiste, d i t , en parlant de la manière
dont on doit faire les autopsies, « qu ’ il faut bien faire attention aux
« plaies, aux contusions, aux luxations de la colonne vertébrale ; car
« ces accidens, d i t - i l , ne peuvent pas toujours être considérés comme
« une preuve d ’a tten ta t, vu qu ’ils succèdent souvent à la chute *
et résultat d ’ u n e apoplexie. »
A in s i, l ’on voit qu ’à supposer que la luxation eût été démontrée
elle ne prouvait r ie n , puisque Courbon pouvait^se l ’être occasionnéo
par sa chute ; mais elle n ’existait p a s , comme je l’ai démontré ; et
certainement M . Thomas parait être trop bon observateur, pour avoic
laissé échapper une semblable altération , si elle eut existé. A in s i , on
ne pouvait rien conclure , d ’après l ’idée de luxation ; e t , eût-<elle existé,
qn ne pouvait pas condamner les accusés.
Passons maintenant à la question relative à la strangulation.
D
e u x iè m e
Q
u e s t io n
.
L a strangulation peut-elle avoir lieu , sans qu ’ij
en reste des traces extérieures, et sans que les lésions cadavériques
puissent en faire connaître l ’existence? T e lle est la question que je mo
suis proposé de résoudre , et à laquelle je réponds par la négative.
Il est impossible , dit M. le professeur F o d éré, q u e la vie soit enlevée,
Sans qu’ une violence extérieure, exercée par les innins ou des lacs , no
laisse des traces d ’ecchymoses et de lésions profondes. L a partie sur laquelle
la violence a été exercée se présente vio le tte , rouge ; il y a une dépres
sion considérable, correspondant au corps comprimant; la peau e st,
comme l’observe A m b v oisc-P a rè, rid ée, excoriée. O r ,
là-o ù on 110
trouve aucune lésion extérieure, on ne peut pas supposer existence do
s t r a n g u la t i o n . Mais outre ces phénomènes lo ca u x, il est îles caractères
de lésions internes,
fo u t reconnaître ce g e n r e do in o r t, ou plutôt
«jui füitiGent les soupçons que peuvent faire naître les ecchymoses pu
�(
J7
)
dépression du cou. Ces phénomènes sont la couleur bleuâtre de la faCc/
les lèvres, les yeu x livides, la teinte violàcce de la peau , mais princi
palement l’engorgement considérable
des
vaisseaux pulmonaires et
cérébraux.
v Les poumons so n t, clans ce cas, dit M. F o d é r é , gorgés de sang
« livide ; le poumon droit sur-tout en regorge; les cellules pulmonaires
« sont distendues. »
« Ambroise-Paré d i t , à ce sujet, q u e, si l'etranglement a lieu pen
te dant la v ie , la tête et la poitrine sont remplies de sang. »
Littre rapporte, dans les Mémoires de l ’Académie des Sciences, en
qu’ une fem m e,
qui fut étranglée par deux liommes qui lu i
serrèrent la gorge avec les mains, présenta à l ’autopsie les poumons
extrêmement distendus par l’a ir, et la membrane qui les enveloppe
gorgée de sang.
Il est bien évident que si Courbon avait succombé à ce genre dé
m o r t , on aurait trouvé un engorgement considérable des vaisseaux
pulmonaires , des impressions sur le cou , des ecchymoses , etc. O r , tout
ceci n’a pas etc* rencontré ; donc on ne peut pas raisonnablement supposer
q u ’ il ait clé étranglé ou pendu (car les phénomènes sont les mêmes dans
les deux cas).
E n rédigeant cet article , je ne puis m’empêclicr de blâmer les sugges
tions que fait un médecin au substitut du procureur du Roi. Courbon
ne p u t - il pas, d i t - il , être suffoqué p a r u n mouchoir ou autre corpâ
tenu long-tcms sur la bouche et sur le nez? Ce médecin n’ ignorait p a s,
sans d o u te , qu’ un homme de loi est trop étranger aux phénomènes do
la vie , pour pouvoir apprecier les diflerenccs que l’ on doit trouver dans
tel ou tel genre de mort. Il devait bien savoir lui-même ,
que les
caractères de l'apoplexie ne sont pas du tout semblables à ceux de la
luxation , de la strangulation ou de la suffocation ; et , s’ il eut fait
attention au rapport de M. T h o m as, il aurait vu qu ’ il n’y avait rien
qui piU s’ollier à l’idée de suffocation ou de strangulation.
M a i s passons h la d e r n i è r e s u p p o s i ti o n q u e l ’ on p o u r r a i t faire ,
c ’ es t - a - d irc , a c e llo r c l a t i v o à u n e s u f fo c a tio n p r o d u i t e p a r u u c o r p s
m a i n t e n u su r la b o u c h e et su r le n e z.
L ’état du cadavre de C o u r b o n , les phénomènes q u ’ il a p r é s e n t é s ,
p e uvent-ils, en quelque m anière, être alliés à l’ idée de suffocation?
l'io n , sans doute. Ce genre de moit e u tra iu e , duus l’état des organes
3
�(
>8
)
intérieurs, <ïes changemcns si remarquables, qu ’il est impossible de s 'f
méprendre. E n effet, ici l ’engorgement des vaisseaux du poumon est
extrêmement remarquable; les cavités droites du cœur sont gorgées de
sang ; les vaisseaux arrosant les viscères abdominaux sont eux-mêmes;
distendus; les vaisseaux cérébraux sont le plus ordinairement, engorges ;
cependant ils ne le sont pas toujours, comme l’a démontré D chue.
« Dans l ’asphysie, dit B ello c, médecin légiste , on trouve les vaisseaux
« cérébraux et pulmonaires engorgés de sang; la teinte générale est
« liv id e , etc. ; enfin on observe presque tous les phénomènes propres
« à la strangulation (les locaux exceptés). »
O r , à l ’autopsie de C o u r b o n , 011 n’a remarqué aucun engorgement
du p ou m on , du cœur ou des vaisseaux abdominaux; doue il n’est pas
mort suffoque.
Il me semble incontestablement p rouvé, i° que Courbon a succomba
a 1 a p o p l e x i e , à l a q u e l l e sa c o n s t i t u t i o n et ses h a b i t u d e s l ’a va ient p r é
disposé; 2° que la p >sition d u c a t la v ie 11’ é t a it pas i n e x p l i c a b l e . et n(l
devait pas faire présumer un crim e; 3 ° qu ’ il n’a éprouvé ni l u x a t i o n , ,
ni strangulation , ni suffocation ; 4° que par conséquent il n ’y a pas eu
de d é l i t , et qu’ il n’y a pas de coupables.
Puissent les ju g e s , sous les yeu x desquels ce mémoire doit être placéj
partager la conviction intime que j ’a i , qu ’il n ’y a pas eu de d é l i t , et
rendre à leurs familles des m alheureux, victimes d ’ une erreur judi
ciaire !
’
Fait par nous soussigné, Adolphe Richond , du P u y ( lla u l c - L o i r e ) ,
sous-aidc-major à l’hôpital militaire d ’ instruction de Strasbourg.
A Strasbourg, le i 5 uovembre 1820.
Signii A .
R
ic h o n d
.
V u pour la légalisation de la signature «le M. Richond, chirurgien
sous-aide à l ’hôpital militaire de Strasbourg. L e sous-intendant militaire,,
«igné Siot'jiLi'W.
I.r. professeur, soussigné, de médecine légale et des maladies épidé
m iques, à la faculté de médecine de Strasbourg, après avoir pris
c o n n a is sa n c e ,iu Mémoire ci-dessus, en approuve en entier le contenu ;
e t , après avoir examiné les procès-verbaux de MM. 1« j"g e de paix et le
médecin , relalils à l étal où ils onl trouvé le corps de Courbon , il estime
�pa re illem en t q u e c e lu i-c i est m ort a p o p le c t i q u e , et q u ’ il n 'y a a u c u n e
raison pour recourir à une autre cause.
Strasbourg,, le 19 novembre 1820.
Signe F , E . F o d l r é .
V u à la mairie de la ville de S tras b o u rg , p o u r légalisation de la
signature de M . E . F o d é r é , apposée d ’ autre part.
A S tr a s b o u r g , le 20 novem bre 1820, Signe T lacii , adjoint.
V u p o u r légalisation de la signature de M . F l a c l i , adjoint du maire
de la ville de Strasbourg. A S tr a s b o u r g , le 20 n o vem b re 1820. P o u r le
p r é f e t , le secrétaire général d élégu é , signé V i l d e r u e l t .
C
onsultation
de M .
C aizeu gu es.
L e so u ssign é, professeur de m édecine légale à la fa culté de médecinô
d e M o n tp e llie r , a pris une connaissance approfondie des
diverses
pièces
précil élis ; il a m û rem en t réfléchi sur toutes 1rs circonstances qui Oilt
précéd é la mort de C o u rb o n ; il a sur-tout pris en considération l’état
et la position dans lesquels le cadavre a été trouvé ; il a lu avec la plus
grande attention le M ém oire de M . A d o lp h e R ich o n d ; il a analisé ,
avec l’exactitude la plus sc ru p u le u se , tous les faits qui y sont exposés
avec autant de m éthode qu e de précision , ainsi q u e les motifs q u i
a p p u ye n t le jugem ent qu e M . R ic lio n d a émis sur le genre de m ort
du nommé C o u rb o n .
D ’après toutes ces co nsidératio ns, le soussigné
estime
:
Q u e îles preuves m u ltipliées autorisent à reconnaître q u e le nom m é
C >nrbon a succom bé à une m ort natu relle d éte rm in ée par une nttaqun
d ’.ip o p lex ie, occasionnée ellc-in èm e par un excès eu liqueurs spiritueiisf>$, et q u ’ il n’ existe a ucun in d ice qui puisse porter à attrib ue r
ce lle mort à des violences extérieures.
L e sous,i{rm'. sc permettra d 'a jo u ter aux preuves q u ’ 011 a d éjà établies
de l’apoplovii) vineuse chez C o u rb o n , celles q u ’on peut tirer de l’état
de contraction ou d«> rigidité q u 'o n t oil'cil les membres du c a d a v r e , qu f
co iuervait encore un reste de c h a le u r , d ’après le p ro c ès-veib a l de M. lo
ju g e de paix.
Ou lil dans ce procès-verbal, cju’ on a tcaté saus succès de douncr au
�1
{ ‘c
(..)
corps de CourLon une position plus naturelle ( q u e celle qu’il avait dans
sa cliutc ) ; que les membres étaient généralement roides..............
Il est reconnu, en effet, que dans l ’apoplexie qui est la suite de
l ’ivresse, les membres sont affectés d’un état de roideur convulsive. Ce
sym p tôm e, l ’état convulsif, qui est propre à cette espèce d’apoplexie ,
est parfaitement décrit dans cet aphorisme du père de la médecine, q u i
dit :
S i q ui s e x ebrielate voce prive tu r , coiwulsus moritur................
Ai'ii. v , sect. 5 .
O n sait que la perte de la v o i x , ou l ’a p h o n ie , est une expression'
synonime d’apoplexie, dans les Œ u v r e s d’ IIippoerate.
O n sait aussi, et une observation constante nous l ’a appris, que les
muscles conservent de la rigidité à la suite des morts subites et con
vulsives.
V o y e z les T lp ist. a n a t. m e d . d e M o r g a g n y .
O n peut donc assurer que'la rigidité des membres, qu’on a observée'
dans le cadavre de C o u r b o n , rigidité qui peut rendre raison de la
situation singulière de ce c o rp s, doit servir à corroborer les preuves de
la mort par apoplexie vineuse, et à éloigner toute idée de luxation des
vertèbres cervicales. Cette luxation , que l ’on a supposée sans aucun
indice qui pût en justifier le moindre soupçon, loin d ’amener la rigidité
et l’état de contraction des m uscles, détermine nécessairement un état
tout opposé dans ces organes, c’ est-à-dire le relâchement et la paralysie.
Ce (ju’on pourrait objecter de l’état d ’crection de la verge, qu’on a.
remarqué chez les pendus et chez les individus qui ont r e ç u une lésion
insolite et subite de la moelle épinière , ne saurait infirmer notre
assertion, fondée sur l’expérience, puisqu'on même tems qu’ il se ma
nifeste un état spasinodiquc des organes génitaux cliez les sujets qui
éprouvent de fortes compressions ou autres lésions de la moelle de
l ’é p in e , il existe un relâchement paralytique des muscles et des autres
parties situés au-dessous de l’endroit de la moelle épinière, qui reçut
la lésion.
Consultez, sur ce phénomène, M arcellus D onalu s, Pechlin, Iluiscli j
Rain.iz7.iui, l’acch ioni, Sam. Musgravc , etc.
Délibéré à M ontpellier, le i 5 février 1821.
CAIZEnCVES.
�C o n s u l t a t io n s
et
C.
de
C.
M M .
II.
J.
A u g.
Lucas
M arc.
J. Atig. L tjc a s , membre titulaire de l’académie royale de médecine y
clievalier des Ordres de Saint-Micliel et de la L é gio n d ’iio n n e u r ,
premier médecin de S. A . R .
M
adam e
, duclicsse d A n g o u le m e , ins
pecteur des eaux de V icliy ;
E t C. C. H. M a k c , membre titulaire de l ’académie royale de méde
c i n e , médecin ordinaire de S. A . S. Monseigneur le duc d ’OiiLLANs,'
membre du conseil de salubrité, directeur des secours aux noyés et
asphyxiés, médecin juré-expert près la Cour royale du département de
la S e i n e ,
A
vons
e x a m in é
Av e c
i .a
n/us
g ran de
a t t e n t io n
,
i° U n e copie d u
procès-verbal dressé, le 8 septembre 1 8 1 7 , par M . le juge de paix du
canton de Montfaucon, département de la Ilau te-L oire, constatant l ’état
dans lequel on a trouvé le cadavre du nommé Courbon, que l’on a
p r é t e n d u a v o i r é t é assassiné ;
2 0 (Jne copie du rapport du médecin qui a été chargé d’examiner
le cadavre ;
3° U11 dessin représentant l ’attitude dans laquelle on a trouvé 1q
cadavre de C ourb on, dessin exécuté par ordre de l ’autorité judiciaire ;
4 ° U n e notice sur ce qui a suivi la condamnation des nommés
G alla n d , Rispal et Tavernicr ;
5° Enfin une copie d ’ iiu mémoire m édico-légal, concernant celle
affaire, rédigé par M. l l i c h o n d , sous-aidc-major à l ’hôpital militaire
d ’ instruction de Strasbourg, et approuvé par M. F o d é r é , professeur
d e médecine légale a Strasbourg.
C ’est sur ces matériaux, que M. M o n te llic r , avoué-licencié prés lo
tribunal de première instance séant au l*u y ,
ancien défenseur à la
C o u r ciimiiielly du département «le la Ila u le-L o ire , désire que les
médecins soussignés fondent leur o p inion, et déterm inent,
i° Si la mort du nommé Courbon a été naturelle , ou s'il y a eu
homicide ;
20 Quel a été le genre do mort du nommé C ourbon?
L es médecins soussignés se seraient livrés à une discussion détaillée
et approfondie des faits de leur com pétence, dont sc compose c e tu
�'(
22
)
malheureuse affaire, si ce travail n’avait déjà été exécuté avec un véri
table talent, et sur-tout avec beaucoup de clarté, par M. Richond,
E n effet, ils ne peuvent rien ajouter à ce qu ’a dit ce jeune m édecin,
qui a épuisé les argutnens les plus incontestables pour faire valoir son
opinion; ils sc borneront en conséquence à établir la leur d ’une manière
plus sommaire sur ces mômes argum ens, dont ils essaieront de faire
ressortir les plus saillans.
L a cause dont il s’ agit leur présente, avant to u t, une particularité
dont les annales de notre jurisprudence criminelle n’ offrent peut-être
p a s, jusqu’à ce j o u r , un second exemple : c’est l ’absence de tout corps
de délit.
Les causes criminelles où une accusation érronée d ’homicide a été
accueillie, et quelquefois même confirmée p a r le s tribunaux, ne sont
malheureusement pas rares ; mais dans toutes les causes, l ’opinion
matérielle des j u g e s ¿ t a i t du moins c o n s t a m m e n t en h a r m o n i e a v e c les
résultats de l’expertise m é d i c a l e ; e t si d es persécutions, si même des
meurtres juridiques ont été commis , c ’est à l’ignorance, à la légèreté,
en un m o t, aux erreurs des premiers experts qu ’ il faut les attribuer.
Ainsi , pour nous en tenir à un seul des exemples rapportés par
M . Richond, les enfans de Chassagncux , de Montbrison , n’eussent
pas subi une première condamnation, si le chirurgien chargé de cons
tater le genre de mort de leur père n’eùt pas déclaré qu ’il y avait eu
mort violente.
Dans l’affaire qui nous o c c u p e , tout le contraire a ou lieu. M. le
docteur Thom as, seul homme de l’art qui ail examiné le cadavre d'uue
manière formelle, déclare non seulement qu ’il n’a découvert aucune
trace de violence extérieure, mais il indique en outre la véritable cause
de la mort, q u ’ il regarde comme n a t u r e l l e . C e p e n d a n t , bien q ue, pur
cette déclaration, tout corps de délit soit e x c lu , deux pères de famille
sont condamnés à la plus forte des peines allliclives et infamantes, après
la peine capitale , et un
troisième à une peine aillictivc. Quelle
monstruosité ! ...........
Jusque-là notre cœur seul a p urlé, et la source de nos raisonnemens
a été ce bon sens, apanage do tous les hommes doués d’un jugement
sain. INous nous sommes dit : U n premier expert, le seul qui ait
examiné le cadavre, „ ‘y u p„s découvert de traces de mort viólenle;
donc il »’y a Pas <1° corps de délit; donc personne ne peut être acçuscr
�et encore moins convaincu d ’avoir commis un crime dont il n’exislc
aucune trace physique.
Mais il "«»s reste maintenant à examiner, sous le rapport de l ’a rt,
si celte absence d’ un corps de délit a ¿lé réellement établie par les faits
observés et par les inductions que l ’on a tirées de ces faits. Cet examen
sera trèt.-sommaire , et n’offrira principalement que les corollaires des
.travaux des hommes de l ’art, qui, dans l ’espece, ont observé et prononcé
avant nous.
Les phénomènes qui excluent toute supposition d’ une violence exté
rieure et mortelle sur C o u r b o n , sont essentiellement ceux-ci :
i° LVhsence de toute trace de compression, de contusions ou do
lésion quelconque à la surface du-cadavre.
2° L ’absence d’ un désordre quelconque dans les vélemens du défunt J
il es t en effet impossible qu’ un homme doué sur-tout, tel que lui ,
d une constitution athlétique, n’ oppose pas à ses assassins une résistance
quelconque , résistance dont tou jours il se manifeste des vestiges par le
désordre des vêtemens. Cette résistance, quelque faible que soit l ’iudiv i d u , a constamment lie u , à moins rji»e l’iioniiuiclo ne s’opère par un
m oyen i n s t a n t a n é m e n t m o r t e l , com m e, par exemple, un coup de feu ,
un coup de poignard, un coup de massue, etc .; mais, dans l ’espèce,
il n'a jamais été question de pareils m oyens; on a parlé, au contraire,
de l ’exécution du plus difficile de tous, de celui qui exige le plus do
force et d’adresse étrangères, en même teins qu’ il suppose le plus do
résistance de la part de la victime : nous voulons parler de la luxation
des vertèbres cervicales.
3 ° U n concours de phénomènes cadavériques, indiquant d’ une ma
nière non équivoque que Courbon est mort par l’effet d ’ une apoplexie ;
ces phénomènes sont la lividité de la face , l ’ injeclion des vaisseaux do
lu tunique albuginee des deux y e u x , le gonûemcnt de la langue, l'e n
gorgement des vaisseaux cérébraux.
4 " I/alisenee <le tout aulrc désordre intérieur auquel la morl aurait
pu être at tri|>uée.
5° Un ensemble de causes prédisposantes et occasionnelles propres h
déterm iner l'apoplexie».
Aux premières appartiennent la constitution athlétique du défunt, lu
largeur de scs épaules, le peu de longueur de son cou et la grosseur d«
sa téle.
�(
4
)
Parmi les secondes il faut compter l ’intcmpérancc habituelle dô
C ou rb on , intempérance q u i , il ne faut pas en dou ter, a été une des
occasions principales de sa m o rt, puisque son estomac contenait unu
assez grande quantité de liqueurs fennentées, et qu ’il y avait eu régur
gitation de cette liqueur par la cavité buccale, et jusque sur les vêtemens
du défunt.
U n e autre des occasions principales de la mort de Courbon a été la
position dans laquelle on a trouvé son corps. Cette circonstance est
digne d ’ une attention d’autant plus grande, qu ’elle paraît avoir donné
lieu à des inductions funestes aux malheureux condamnés, bien qu ’elle
concorde parfaitement avec la totalité des faits qui établissent quo
Courbon a succombé à une attaque d’apoplexie.
Cette position effectivement était telle, qu’elle devait augmenter les
obstacles au retour du sang de la tête , puisque celle-ci était plus basse
que le reste du corps ; que le poids de ce dernier portait sur le cou , et
que la téte était courbée sur la poitrine.
Si maintenant nous nous enquérons des causes qui ont pu déterminer
l'attitude dans laquelle a été trouve C ourbon, il faut d ’abord en excluro
toute supposition qui tendrait à établir que cette attitude lui aurait été
donnée après la mort. 31. Richond en a trop bien exposé la raison ,
pour qu’ il soit nécessaire de nous arrêter plus long-tcms sur co point.
Mais s i , au contraire, on compare cette position avec celle que l’on
est à même d ’observer tous les jours sur des individus q u i, dans un état
d ’ivresse c o in p le tlc , ont le malheur de faire une c h u te , on s’explique
parfaitement,
et de la manière la plus naturelle, la situation dans
laquelle a été trouvé le cadavre de Courbon.
Lorsqu en effet un individu
ivre tombe la face contre terre , il
cherche a se relev er, cl 011 le voit alors ( q u ’ o n n o u s passe celte ex
pression triviale, mais pittoresque), marcher à quatre pattes, à reculons,
et faire des efforts pour soulever son tronc et sa tête. Si l’ ivresse est
com plettc, il arrive alors q u e , scs efforts devenant vains, l ’ ivrogne fait
de sa tête un point d ’a p p u i , tandis que les muscles des lombes et des
extrémités inférieures agissent seuls, de sorte que le corps entier formo
un angle plus ou moins a i g u , dont le bassin est le so m m et, et dont
la tête et les genoux, ou bien les pieds, sont les extrémités inférieures
des cotes. Si dans ente* posture, qui n é c e ssa ire m e n t d o it augmenter
Vulllux du sang vers le cerveau , il survient une apoplexie foudroyante,
�(»5 )
l a corps peut rester dans la posture où la mort l ’a surpris (t). C ’est bien
certainement ce qui est arrivé à C o u r b o n , soit q u e , tombé accidentel
lem ent, et la tête en avant dans le fossé , il ait tente sans succès de se
relever, soit q u e , descendu dans une intention quelconque dans le
fossé, il y ait fait une chute. D ’ailleurs, en consultant le dessin joiut
aux pièces, ainsi que le procès-verbal du juge de p a ix , on trouve que
îa nature du sol a dû favoriser cette posture; il était m o urant, et la
partie supérieure et postérieure de la tête s enfonçant un p e u , et por
ta n t, ainsi que le c o u , sur une des parois du fossé, cette circonstance
a dû rendre le point d’appui plus fix e , et en augmenter la solidité.
Dans les pièces qui nous ont été soumises, nous trouvons qu ’ il a été
supposé qu ’ une luxation des vertèbres cervicales avait eu lieu. 11 paraît
m ê m e , d ’après un passage du Mémoire de M . R i c h o n d , que c’ est
principalement sur celte supposition que la condamnation a etc basée.
•
Mais., outre que le rapport du médecin qui a examiné le cadavre ne
fait aucune mention d’une luxation p a re ille , eût-elle même existé, il
faudrait encore ne l a c o n s i d é r e r <jne c o m m e u n eflet de l a c h u te ; car
elle n’ e û t pu ê tre effectuée par des mains homicides , chez un sujet
aussi robuste que C ourb on , sans laisser des traces de résistance de la
part de la victim e, et d’efforts violens de la part de ses meurtriers.
Toutefois, l ’état dans lequel a été trouvé le cadavre de Courbon
établit incontestablement qu ’il n’y a eu de luxation sur aucun point
de la colonne vertébrale. S i, en cfl’e t , ce genre de lésion avait eu lieu ,
la paralysie générale qui s’en serait suivie eût déterminé instantanément
un affaissement de tout le corps,
qui n’ eut pu alors conserver la
position dans laquelle il a été découvert ; et le
ballotcmcnt des
membres, de la tête sur-tout, eût élé d’ autant plus sensible, lor;q u ’on a relevé le cad avre, qu’ il conservait encore de la chaleur. Cette
vérité est tellement démontrée par les faits, et entr’autres par les
recherches du c é l è b r e L o u i s ( M é m o i r e sur une q u e s t i o n de jurispru
d e n c e , e t c .,
( 1) L e »
ra rc».
17 6 3 ), qu ’elle seule suffit pour nous dispenser d’insisler
e x e m p le » d e c o p e n r e , «prJ-s île » a p o p le x ie » f o u d r o y a n t e s ,
N ous
c ite ro n »
e n t r ’ n u tie s
f a m i l l e , a v a it a p p ity c s o n
c e lu i
il’ un
> ic illa n l
fr o n t .u r ses m a in » c r o i s é e ) ,
q u i,
n e s o n t pa s t r è » -
é t a n t an s p e c t a c le
l o g e . O 11 c r u t q u 'il »’ éta it e n d o r m i ; m ais a p rè s la fin d e la r e p r é s e n t a t i o n ,
« 'a g it d e s’ e n a l l e r , o n s ’ a p e r r u t «ju’ il » y a jt ç ç s s g
4
«T e c »a
e t s c s c o u d e s su r le b o n i <!<■ >«
il’ ç ji s i e j- ,
e t lo r s q u 'il
�plus longuement sur l'examen d ’un point que M . Richond a ¿ ’ailleurs
discuté de la manière la plus satisfaisante.
,:..0
Nous ne nous arrêterons pas à examiner si Courbon a pu périr p a r
suffocation ou par strangulation ; r i e n , dans les pièces qui nous ont
été soumises , n’en établit même le plus léger indice. A u reste ,
M . R ic h o n d , qui a surabondamment posé ces questions, les a résolues
négativement par des argumens irrésistibles, et auxquels nous ne pour
rions rien ajouter.
*
* A in s i, tout bien considéré, les médecins soussignés concluent de la
manière la plus positive, et avec une certitude mathématique ,
i ° Q u e la mort de Courbon a été naturelle, c’est-à-dire qu’elle n ’a
pas été le résultat de violences quelconques exercées, par des mains
étrangères, sur sa personne ;
20 Q u e la mort de Courbon est uniquement due à une attaque
d ’apoplexie, laquelle attaque a été probablement foudroyante, et pro»
y o q u é e , d ’une p a r t , par une disposition naturelle de son organisation r
e t , d ’ une autre p a rt, par un état d'ivresse, ainsi que par la position
de son c o rp s, position q u i a été une suite de la chute déterminée pas
ledit ctat d ’ivresse.
P aris, le i 3 mars 1821.
Signé M a rc .
A u g . L ucas.
�(
L e ttr e
27
)
d e 3 1 . R ic h o n d à 3 1 . 3I o n te lh e r .
M o n s ie u r ,
E n même tems que les diverses pièces que volts m’avez fait l ’honneur
<le m’adresser, j’ai reçu une note contenant quelques réflexions relatives
4 la position de Courbon. Vous ine demandez la solution d ’ une question^q u e vous craignez qu'on vous adresse, qu’on vous a déjà faite, et qui est
celle-ci : Savoir si Courbon, homicide, aurait pu recevoir de la main de ses
assassins, et conserver la position dans laquelle on l ’a trouvé. Je croyais
avoir suffisamment dém ontré, par mon M ém o ire , que nulle autre causa
.que l ’apoplexie n’avait pu mettre fin à l’existence de Courbon ; e t , en
supposant successivement les derniers genres de niort violente auxquels
i l pouvait avoir succom bé, j ’ai fait voir que des phénomènes, autres que
Ceux qu’on a trouvés, eussent été observés dans ces cas. A l ’article assez
long relatif à la position de C o u rb o n , je croyais avoir prouvé-que la
lu x a tio n des vertèbres cervicales , en paralysant les muscles de presque
toutes les parties, aurait dû s’opposer à cet état de roideur qu ’on
o b se r v a , et lequel était incompatible avec l ’existence d’ une luxation :
je croyais donc avoir prévu toutes les objections. D ’ailleurs, après la
\ lecture attentive des mémoires, par lesquels la mort naturelle de Courbon
est démontrée m athém atiquement, je ne conçois pas qu ’on puisse pré
senter de pareilles objections, qui tendraient à remettre en question le
point généralement adopte. Q ue nous importe , en e ffe t, qu ’ un cadavre
p û t ou non prendre, la position qu’avait C ourbon? Q uelle induction
pourrait-on tirer de cette concession? Pourrait-on en conclure q u ’il y a
eu homicide? U n e supposition gratuite, vide de sens, pourrait-elle
c o n t r e b a la n c e r, dans l'esprit des ju g e s , les preuves si nombreuses qui
.constatent In vérité? P u isq u e le ju g e m e n t i n i q u e , qui a ravi à trois
pères de famille les biens les plus précieux, l ’honneur cl la lib e rté , a
été porte sans p r e u v e s , sans corps de d élit ; puisqu’au mépris de l’avis
du médecin-expert et des autres consultans, l ’idée d’ un crime u’a pu
it r e détruite ; qu’elle a résisté, dans l’esprit des hommes p r é v e n u s, i
toutes les preuves les plus convaiucanles, il ne serait pus impossible qu®
�l ’erreur trouvât aujourd'hui des prosélites ; que le hon sens et I’équîté
fussent foulés aux pieds , et qu ’au mépris de tout ce qui est sacré,
l'injustice prévalût. L a prévention tien t, en e ffe t, la premier rang
parm i les faiblesses humaines ; e t , comme le dit M . C h o m el, la vérité
n'a p lus'de charmes pour celui h q ui l'erreur a su plaire.
Mais quel
puissant m o tif pourrait porter à employer toutes les
ressources de la chicane , et à ne vouloir apercevoir la vérité , que quand
on sera ébloui par son flambeau?
> Serait-ce pour assurer la perte des malheureuses victimes de l ’oppres
sion? P our s'étre tro m p é, croirait-on devoir défendre l'erreur? P ou r
avoir été trom p é, faudrait-il devenir coupable? INon ; j’écarte loin de
moi ces idées affligeantes ; je me plais h croire q u e les juges, commis à
l ’examen de l’affaire à laquelle je m ’intéresse si v iv e m e n t, seront équi
tables , e n n e m i s de l ’oppression , et qu'ils se rappelleront q u ’ in t e r p r è t e s
de la loi , ils n e d o i v e n t user d u g la iv e v e n g e u r , q u e q u a n d ils ont pebO
avec soin toutes les p r e u v e s ; q u a n d , a près a v o ir e x a m i n é scrupuleuse
ment les f a i t s i l s ont acquis une certitude mathématique ; et sur-tout
q u ’ ils sauront se prémunir de cet esprit de prévention, qui fait qu ’ore
considère presque toujours coupable celui qui n’est encore qu’accusé.
s
S o n » l e c o u p a b le e ffo r t d 'u n e n o ir e i n s o le n c e ,
T h cm L s a v u c e n t fo is c h a n c e le r sa b a l a n c c -
T)it Despréaux. Osons espérer que nous n ’aurons pas d’ application &
^ faire de ces vers, et que bientôt une réhabilitation entière permettra»
aux malheureux accusés de goûter le repos et le bonheur.
Mais dans une aiTairc si i m p o r t a n t e , qui doit si vivement intéresser
les amiâ de l’h u m a n ité, on serait coupable , je crois, de négliger un seul
des nombreux moyens propres à faire ressortir la vérité, à détruire le
prestige de l’erreur, et à briser le prisme de la prévention*
C ’est pour cela q u e , quoique les preuves que j ’ai déjà données ailleurs
me paraissent assez fortes pour établir la non culpabilité des accusés, jo
crois devoir uborder la question relative à la position , et tâcher do
démontrer q u e , dans aucuu cas, cllo ne peut être alliée à l'idée d ’ un
homicide.
�( 2i) )
L a question se r é d u it , je cro is, à celle-ci :
C o u r b o n , assassiné, aurait-il pu recevoir des mains*de ses assassins,
et conserver la position dans laquelle il a été trouvé ?
Je réponds par la négative. Je crois entièrement impossible q u ’ un
cadavre puisse conserver une position semblable, liors les cas analogues
à ceux de Courbon ; c'est-à-dire que celte position ne peut pas être
conservée, après avoir élé donnée après la m ort, si tant il est vrai qu’on
eut pu la donner. L ’ observation de ce qui se passe sur les cadavres suflira
pour convaincre de la vérité de ma proposition.
Après la m ort, c’est-à-dire après l ’extinction de celte propriété, en
vertu de laquelle le corps qui en jouissait était soustrait à l ’empire
absolu des lois physiques ordinaires, le corps humain partage les attributs
des autres co rps, et rentre sous l ’empire des lois physiques.
E n o u tr e , après la m o r t , il se développe de la r o id e u r , laquelle
présente cela de particulier et de différentiel, qu ’ une fois détruite, elle
ne reparaît plus. Ce phénomène paraît à des époques variables, suivant
le genre de m ort, l ’â ge, la c o n s t i t u t i o n d u sujet, l ’état atmosphérique ,
la disparition plus ou moins rapide de la chaleur. Quelques professeurs,
et entr’autres M M . Louis et F o d é r é , admettent que la rigidité cadavé
rique commence à se développer immédiatement après la m ort, malgré
l ’existence de la chaleur; mais en lisant attentivement divers autres
passages de l ’excellent Traité de ce dernier professeur, on voit qu’ il
admet que ce phénomène est susceptible de beaucoup de variations, et
q u ’ il est subordonné aux circonstances dont j ’ ai déjà parlé. O n peut
opposer à l’opinion exclusive de Louis , celle du nouveau professeur de
médecine légale de Paris,
M. Oriîla 7 q u i , dans les cours p ub lics,
enseigne que la rigidité cadavérique ne commence jamais à paraître
qu ’après la cessation de la ch aleur, à moins qu ’elle ne soit le résultat
immédiat de la m o r t , et qu ’elle n’ait paru avec elle , comme dans
quelques apoplexies, catalepsies, etc. Je pourrais rappeler l’avis d u
célèbre fheh a t, qui prétend, dans quelques circonstances , n’avoir pas
vu se développer ce phénomène, et celui de l’ illustre phisiologiste H uiler,
q u i , dans son xxx*
liv re ,
I)e M o rte , s'exprime de la manière suivante :
Sæ pè antô rigorem mors perfeetn est; et in proprio v iili puero nullunl
esse rigorem citm tertio jwst morlcm die sepcliretur. Mais on d o i t , je
�crois, rejeter toute opinion exclusive ; et l'examen d ’ un grand nombre
de cadavres m’a permis d'observer que l ’invasion de la roideur >arie
beaucoup ; qu ’elle se manifeste à des époques différentes chez des sujets
de môme con stitution , et placés dans les mêmes circonstances ; mpis
q u e , dans presque tous les c a s , la chaleur et la roideur étaient en raison
inverse l ’une de l ’autre ; qu ’ainsi la roideur augmentait à mesure que la
chaleur diminuait. Mais ce que je dis ici n ’est relatif qu ’aux sujets
morts de maladies plus ou moins’ longues; car la cause de mort subite
fait varier ce phénomène ; et c ’est sur ce point que tous les auteurs sont
d ’accord. M. Fodéré dit que souvent on voit des sujets morts,d’hémor
ragies, de vo m iqu es, présenter instantanément une roideur extrê m e,
et conserver la position qu’ ils occupaient dans des chaises, etc. Morgagny,
dans son ouvrage D e sed. et caus, M o r b ., présente beaucoup de faits
semblables ; et M M . Marc et L ucas en ont cité un exemple dans leur
Mémoire. lïippocrate dit qu ’après les apoplexies , pt sur-tout celles qui
succèdent à l ’ivresse, il existe souvent un ctat de contraction spasmodique
des membres, et l’observation journalière vient appuyer ces faits. A i n s i ,
on observe cette roideur spontanée chez les cataleptiques, chez les
asphixiés; m ais, comme je viens de le dire , elle est instantanée, parait
aussitôt après la m o r t , et ne doit pas être considérée comme un phéno
mène cadavérique : elle est en effet le résultat d ’ une dernière et forte
contraction des muscles, laquelle se prolonge et se confond plus tard
avec la véritable roideur cadayérique ; c ’est dans ce cas , ainsi que dans
le tétanos, que pourrait être admise l ’opinion de feu M . Nystcn , qui
prétendait que la roideur cadavérique était le résultat d ’ une action
vitale.
Mais quand la mort a ¿té le résultat d ’ une cause qui a agi en portant
ptteinte au principe de la contractililé m usculaire, telle que la luxation
des vertèbres, la comm otion, etc. , les muscles restent beaucoup plus
lon"-tems à devenir roides, et ne le restent que pejj de tems. L es
membres deviennent mous et flasques au moment de la m o r t, cornmo
l ’a observé J^ouis, sur les suppliciés par la co rd e , qui succombaient
presque toujours à une luxation des vertèbres, quand ils étaient exécuté»
par le bourreau de Paris,
Dans les asphixics qui ne sont pas suivies de roideur spontanée, Jn
p â l e u r restant assez forte pendant lo n g -tein s, il c*1 résulte quo la
�roideur cadavérique ne doit se manifester aussi que très-tard ; et crest ce
que l ’observation démontre.............
O r , faisons l ’application de ces faits à l ’examen de la position du
corps de Courbon.
E n supposant qu'il a été assassiné (chose que j ’ai démontrée impossible),
il faudrait admettre qu’il a succombé à la luxation des vertèbres, ou à
l ’aspliixie par suffocation.
O r , dans ces deux c a s , la roideur cadavérique n’aurait dû se montrer
que très-tard ; et, à l ’époque à laquelle on trouva le cadavre de Courbon ,
elle n’aurait pas p u être com plète, puisqu’il était encore chaud. I l
aurait donc été absolument impossible aux assassins de faire conserver à
Courbon la position que sa flexibilité pouvait permettre de donner. O n
a v u , en effet, quelle était cette position : elle est des plus forcées ; le
poids du corps repose sur la n u q u e , tandis que le bassin, les extrémités
inférieures sont soutenues par l ’extrémité d’ un pied fortement tendû et
u n genou. O r , cette position exigeait de fortes contractions, et le
consensus d ’action de p r e s q u e tou s les m u s c les p o u v a i t s e u le la faire
conserver. U n cadavre flexible, obéissant à la pesanteur, ne pouvait
donc pas être placé de la sorte et y rester; l ’affaissement du corps vers
le sol se serait infailliblement opéré, et la chute se fût opérée en avant
ou sur les côtés. T o u t le monde a sans doute éprouvé ce fourm illem ent
et cette pesanteur dans la )ambc , après la compression des nerfs qui s’y
distribuent. S i , dans cette circonstance, on veut prendre un point
d ’appui sur ce m em b re, il fléch it, ne peut soutenir le poids du corps ;
et la chute s’opérerait, si le centre de gravité n’était aussitôt transporté
sur l ’autre membre.
O r , ici il n’ existe qu’ une paralysie momentanée et partielle des
muscles de la jambe ; et combien plus marqué doit être cet affaissement,
q u a n d , par la m o rt, toutes les puissances musculaires sont privées de la
contractilito I
D ’nilleurs, pour pouvoir supposer la conservation de cette p o sitio n ,
il faudrait admettre dans le cadavre des manières d ’être qui se détruisent
et sont opposées>Huno à l’autre; il faudrait q n’il existât en même teins
flexibilité et roideur; flexibilité, pour pouvoir trousser ainsi le cadavre;
roideur, pour que la position donnée pùt être conservée. O r , non«
savons déjà qu’ une fois la roideur détruite par les efforts qu’on a faits, et
�( 3* )
les tractions exercées sur les membres., elle ne reparait plus. Il est donc
impossible, en supposant flexibilité .ou roideur du cadavre, que la
position eût pu être donnée et conservée. D ’ailleu rs, si le cadavre
n ’avait été p la c é , dans cette position d éclive, qu’ après un assassinat,
011 n'aurait pas dû trouver cette lividité de la fac e, cette injection deç
y e u x , ce gonflement de la lan g u e ,
qui attestent que la mort s’est
effectuée dans cette position.
Veut-on admettre j malgré toute l ’absurdité d ’une semblable suppo
sition , que les assassins, après avoir placé le cadavre dans le fossé1,
l ’aient maintenu en équilibre et dans la position observée, jusqu’à co
que la roideur survenant l ’ait ainsi fixé. Mais, comme nous l’avons d i t ,
en admettant l’h o m icide, la roideur aurait dû se manifester plus tard ;
et peut-on raisonnablement admettre que des assassins aient reste pen
dant aussi long-tems p r è s de leur victime , froids o b s e r v a te u r s des
phénomènes c a d a v é r i q u e s ? P c u t - o n p e n s e r q u e d es paysans, étrangers il
toutes les connaissances médicales, aient pu présumer que la position
donnée à Courbon ferait naître l’ idée d ’apoplexie, et écarterait cello
de meurtre? A u mépris des dangers qu !ils couraient, auraient-ils été
transporter ayec effort le cadavre, précisément contre une h abitation,
dans uu fosse attenant à une g ra n g e , dans laquelle étaiaut couchées
plusieurs personnes? Pendant Je transport, les vêtem ens, la coiffurc
n’auraient-ils pas été dérangés? L ’idée de chercher à déguiser un crime
par un moyen si difficile, aurait supposé une préméditation. O r , la
préméditation a été éloignée dans le jugem ent, et on a pensé q u ’ il »’y
avait eu que meurtre : c’eût donc été par inspiration, qu’ils se seraient
avisés d ’ un procédé semblable! L e bon sen^ ne devait-il pas au contraire
leur faire s a i l l i r , que plus la position serait b iz a r r e et u x lr a o r d i n a i r e ,
plutôt elle devrait éveiller l'attention des magistrats. S'ils avaient été
aussi rusés qu ’ il faudrait l’admettre , ils auraient tout simplement étendu
le cadavre sur la voie publique , ou bien ils l’auraient pendu , pour faire
naître l’idée d ’un suicide. Mais, pour adopter toutes ces suppositions, il
faudrait admettre un sang-froid qui est incompatible avec l’ idée d ’ un
meurtre ! un raffin em en t dans le crime, qu’on ne pouvait pas trouver chez
des paysans q u i , jusqu’ alors, avaient joui de la considération publique!
E l puisque,
par su ito «lu genre de mort qu'ils a u r a i e n t d o n ne, il no
restait pas de traces de leur crime , d ’iiulices extérieurs , ils auraient dty
�(33
)
être tranquilles, ignorant qu’ un médecin habile doit Interroger les restes
inanimés de la victime , faire parler ses organes , et lire , dans leur alté
ration , l ’accusation , l ’arrêt des coupables !
Toutes ces preuves morales sont bien suffisantes, je crois, pour dis
siper toute incertitude et détruire l’objection; mais en supposant encore
(car je ne
raisonne
toujours que sur des suppositions) que les assassins
soient restés près de leur victime , aient eu le courage et la patience
d ’ûttctidrc, croit-on que la position eut etc conservee? ^ on , sans
doute j car à mcsui’o que la roideur se m anifesteiait, 1 état des parties
devrait changer, l’équilibre serait détruit, et le corps obéirait sans
cesse à la pesanteur. Il aurait f a l lu , pour pouvoir conserver la position ,
soutenir pendant plusieurs heures .'le cadavre, ne pas l’abandonner d ’ un
m oment, pour remédier aux eifets de la roideur;.et il eût fallu attendre
jusqu’à ce que celle-ci eût été com plclte; cela n’ a pas eu lieu ; car la
roideur augmente jusqu’à la disparition de la chaleur, et il est certain
q u ’ici elle était conservée. Il n’ est donc rien , rien du t o u t , qui puisse
faire croire à un hom icide; tous les faits sont opposés à celle i d é e ,
tandis que tous se r a t t a c h e n t n a t u r e l l e m e n t à l 'a p o p l e x i e , et la dé
mon tren t c l a i r e m e n t , ^ ous avons v u , en eifet, que dans les apoplexies,
les catalepsies, il arrive quelquefois une roideur spasmodique plus pro
noncée que celle qui ne se développe que plus la r d ; qu’elle est instan
tanée ; qu’elle peut rendre raison de toutes les positions bizarres
affectées par les cadavres; qu’elle peut coïncider avec la chaleur; d'autre
p a r t , j ’ai démontré que tout ce qui était propre à la faire admettre
avait été trouvé, et rien autre que cela» Il doit donc rester bien dé
montré que Courbon a succombé a une mort naturelle , et qu’en con
séquence il n’y avait pas lieu à une accusation, encore moins à une
condamnation.
Je crois inutile do m’ appesantir davantage sur ces faits de roideur ;
«t il ine semble qu ’ il n’est aucun m o jc n raisonnable de n luler les
nombreuses preuves de la mort naturelle de Courbon : par conséquent
je bornerai ü ,ncs réflexions. Vous voyez , Monsieur, qu ’elles sont
absolument les mêmes que celles dont vous me faisiez paît. Kous ne
différons que sur quelques points théoriques , et j’aurais pu me dis
penser de vous adresser ces lignes, dans lesquelles vous ne pouvez
puiser aucun argument bien puissant.
J ’ espèro recevoir avant peu la n o u velle de l ’ entière réhabilitation de
�O 4 5
ces malheureux accusas, et j ’attends ce jour comme devant ¿tre un dc3 •
plus beaux de ma vie.
V e u ille z , M onsieur, agréer l ’assurance de la haute considération
avec laquelle j ’ai bien l ’honneur d’être ,
V o tre très-humble et obéissant serviteur,
A. MCIIOND,
Sous-aide à l'hôpital militaire de Strasbourg.
Strasbourg, 3 mai 1821.
L e professeur, soussigné, ayant pris connaissance de ce nouveau
M ém o ire, relatif à la position qu ’ayait conservée le corps de Courbon,.
déclare être entièrement du môme avis, et en approuver le contenu
dans sa totalité.
Strasbourg, le l\ mai 1821,
Signé F
C 'eit
' Le
par E rreu r, q u e
le
r a p p o r t t u iv a n t
a étc
im p r im é
le c t e u r r e m a r q u e r a f a c ile m e n t la p l a c e q u e
c n su iv a n t l ’ o r d r e c h r o n o l o g i q u e .
cet
k la Cn
o d Ér L
d e » p iè c e s ju s t ific a tiv e s .
a cte d e v a it O c c u p e r d a n s l e r e c u e i l^
( N o t e Je l ’ imp rimeur)-
�R apport
de
Messieurs D a r le s et D e b r y e ,
à
médecins
Yssingeaux.
N ous, soussignés, François-Paul Césaire Darles, médecin de l'hospice
e t (les prisons de la ville d’ Yssingeaux , et Laurent-Marie D e b r y e , aussi
médecin de cette v ille , d’ après l’invitation qui nous a été faite par
RI. P u r a y , substitut du procureur du Roi près le tribunal de cette v ille ,
h l ’effet d ’émettre notre opinion sur la question de savoir si la situation
dans laquelle a été trouvé le cadavre de Jean C o u r b o n , du lieu du
M azet, commune de D unièrcs, arrondissement d’ Y ssingeaux, résulte
nécessairement de violence extérieure, ou si elle est plutôt l ’effet naturel
d ’ un accident, laquelle invitation est contenue dans un Mémoire à
consulter, signé de M . le substitut, et accompagné de pièces à l ’a p p u i ,
Déclarons qu ’après avoir pris connaissance de ce Mémoire et des
p ièces, qui consistent principalement dans le procùs-verbal du juge do
p a ix , le rapport du médecin , l ’extrait d ’une lettre du même juge do
paix , les dépositions de divers témoins , etc. , il nous parait co n sta n t,
en fait, que Jean C ourbon, ûgé de trente-cinq à trente-six ans, homme
d ’une haute et large stature, ayant la figure livide, le cou court, la tète
grosse, et l ’habitude de s’enivrer, a été trouvé sans v i e , dans la ma
tinée du 8 septembre 18 1^ , dans une fosse placée derrière la maison de
Jacques Massàrttier, aubergiste à Dunières (celte fosse, de quatre à cinq
pieds quarrés en tout sens, sur deux pieds et demi de profondeur, était
attenante à la maison , ot placée tout près de la porte de la g ra n g e , à
droite) ; que dans cette fosse, où étaient quatre ou cinq excrémens h u
mains non écrasés, so trouvait aussi de. la paille peu froissée ; que cet
endroit communiquait à la rue principale d e D u u iè r c s c l à une auberge,
par un sentier très-usité, et était aussi accessible à tout venant; que
Jean C o u rb o n , q u i , la v e i l le , était ivre, ou à peu prés, était placé
dans cette fosse, lorsqu’ on l’y a trouvé le dos en l ’a ir, et suspendu ou
porté uniquement sur ln nuque ( la tûte étant totalement repliée), sur
la pointe du pied gauclie, qui était te n d u , et sur la pointe du pied
droit, et du genou dro it, sur lequel était aussi appuyé« sa main droite;
/juc le chapeau dudit Courbon était placé sur «es épaules; que ses liabits
�(36}
n ’étaient nullement déranges; que l ’aulopsic cadavérique, faite par
M. Th om as, officier de santé, n ’a présenté aucune violence'extérieure,
ni aucune contusion à l a . t ê t e ; que les vaisseaux qui fournissent du
sang au cerveau étaient entièrement engorgés, la langue très-volumi
neuse, les yeu x très-rouges, et les vaisseaux de la sclérotique injectés ;
q u ’ il sortait de la bouche des liqueurs fermentées, qui regorgeaient de
l ’estomac; que le visçère ayant été mis à découvert, ainsi que ceux de
l ’nbdomcn , étaient tous parfaitement sains; que l ’estomac contenait,
dans son intérieur, des liqueurs fermentées; q u e , d ’après des témoins^
contre l’opinion de M. T h o m a s , médecin , la tête était très-mobile t
mouvante, comme une boule sur un b âton ; et q u ’enfin, suivant ces
Jémoins , le cou présentait des taches ou ecchymoses.
D ’après tous ces faits, et un pareil état de choses,
Nous déclarons que la mort de Jean Courhon a pu être l ’effet de la
conjestion du sang au cerveau , remarquée «le l'officier de santé , dans
l ’autopsie cadavérique > soit que cette conjestion• résulte , comme le
prétend M. Thom as, d ’ une attaque d ’apoplexie, soit q u e, effet pure
ment physique, elle résulte des-lois de la pesanteur, et dérive de la
position de l’individu , q u i , ayant la tête plus basse que le corps , et
placée sur la poitrine, a dù succomber à l ’accumulation du sang au
çerveau ,. dont la circulation était moins gênée dans les artères carotides,
que dans la veine ju gulaire, qui participent, davantage à la courbure’
de la tête et aux plis de la peau h à cause de leur position superficielle ÿ
et cette dernière hypothèse nous paraît plus probable, q u ’ une attaque
d ’apoplexie, q u i, étant une fonction maladive ^ n’arrive que par casfo rtu it, et nécessite un concours de circonstances propres à sa mani
festation. ■
,1 : y. ... •
N o u s déclarons ég alem ent q u e la position fiti-a n rd m a ire do cet indi
v id u s’e x p liq u e très-facilement jiar la luxationf<Io» vertèbres cervicales,
luxation d o n t les dépositions de q u e lq u c s 'lé m 6 iiis nous d o n n e n t une1
idée , lorsqu’ ils rapportent q u e la tête était très-mobile sur les épaules.
L es vertèbres n’ o n t p a l p u sc lu x e r sans occasionner des tirnilleinens
iiibiîs dans la m oelle épinière', tira illem en t q u i , a leur t o u r , ont p r o d u it
injtnnt<<n<:mont 1;V'contraction téUiu'iqiie d(|>l'iudivi(lu (dont lVflî*t a étw
la position ex tra o rd in a ire'd u sujet ) j et d l- te n n ilié in mort , 'en p e r m e t la-At ch luôfiic tenv» l’aUlux d u-tdtjg ati corve-iu.
1
�(
)
37
Boyer admet la possibilité de la luxation complète des vertèbres cer
vicales, lorsqu'on citant l’exemple de luxation incomplète des vertèbres
cervicales, dont l’une eut lieu sur un enfant qui faisait des culbutes suï
1111 l i t , il ajoute que ces sortes de luxations, dont on n’ a pas d ’exemple ,
sont très-possibles, et qu ’il doit exister des tiraillemens dans la m oelle
épinière ( V o y e z le Traite des maladies chirurgicales, 2 e éd ition , 18 1 8 ,
page 1 1 7 .)-
(
.
Jean Courbon se sera luxé la vertèbre cervicale en tombant dans la
fosse , ou plutôt en cherchant à se relever. Sa position , comme celle de
tous les ivrognes, devant être celle d’ un homme qui se place pour faite
une cu lb u te , il sera tom b é, par la lassitude des efforts qu’ il aura faits
pour se relever, de tout son poids sur la tète ; et celle-ci se trouvant
engagée sous la poitrine , alors lien n’cmpêche , ou plutôt tout fait pré
sumer que Courbon se sera luxé les vertèbres. On sait que l ’apophyse
oblique des vertèbres cervicales a une position horizontale, et qué 1?
courbure de la tète permet aisément leur luxation. D'ailleurs il est,
comme le dit Fodéré (édition de 1 3 13 , vol. 3 , n os 0 4 1 cl 642) certaines
positions organiques ( Çt ccllos- là peuvent être supposées clif* Jiiau
Courbon, que nous avons connu , et qui avait les fibres lâches et le corps
usé par le y i n ) , où les ligamens sont telloinent relâchés, que le moindre
cfl’ort peut Ici rompre.
On peut prétendre que des assassins ont pu placer un cadavre , devenu
róide , dails la position où 011 a trouvé' Courbon ; mais , outre qu ’il faut
supposer cétte lu x a tio n , cornine nous vénons de le faire, on ne peut»
sans cette supposition, expliquer la mort de Courbon par la congestion
du sang au cerveau, si 011 avait seulement tordu le cou à Courbon., à
moins qu’ il n'y eut en même teins étranglem ent; mais alors les signes
extérieurs do l’étranglement auraient été évidens ; car on 11e doit pa?
prendre pour signe de violence extérieure
quelques taches ou ecchy
moses reconnues par quelques témoins, mais par d ’a u tr e s q u i , appréciés
a leur juste valeur, indiq uen t, par cela seul, qu ’ellcs n ’ont pas été
aperçues par certaines personnes ; q u ’elles 11e devaient pas être très-pro
noncées , et qu ’elles peuvent, en les a d op tan t, être regardées collimo
l’eflet de la luxation «les vertèbres.
O u t r e que ceux q u i m uaient fait subir u n e mort violente à JoaO
C o u rb o n pouvaient trouver un lieu m ieux choisi (¡ne c e l t e fosse, pou r
éviter d'élrc aperçus , et des positions plus convenables
, pour,
faire m p -
�(
33
)
poser une mort n a tu re lle , comment auraient-ils pu déposer le cadavre
dans cette fosse, et l’y arranger dans la position extraordinaire et téta
nique où on l’a trouvé , sans écraser les excrémens qui étaient au fond ,
et sans froisser la paille ?
D ’après toutes les considérations que nous venons d’exposer, et la
discussion dans laquelle nous sommes entrés, nous déclarons, en répon
dant à la question u n iq u e , quoique d o u b le , qu’a posée M. le substitut,
à la fin de son Mémoire à consulter , et qui est conçue en ces termes :
« L a mort de Jean Courbon et sa position extraordinaire dans la fosse
« de Massardier ne peuvent-elles être expliquées que par le fait d’ un
« crime?
« O u b i e n , ne pourrait-on pas plutôt trouver la cause de cette mort
a et de cette position dans un accident n a tu re l, provenant de la ch ute
« de Courbon dans la fosse, et de ses efforts à se r e lev e r, sa tête appuyant
« a te r r e , comme font les ivrognes ? »
Nous déclarons , diso n s-n o u s , q u e la m o r t d e J e a n C o u r b o n et sa posi
tion extraordinaire dans la fosse de Jacques Massardier , p e u ve n t et
d o iv e n t s’e x p liq u e r par t o u t autre fait q u e celu i d ’ un c r i m e ,
E t qu’ il est plus probable que Jean Courbon a péri par congestion du
sang au cerveau , résultant de l ’ivresse et de sa position, et peut-être
aussi en même tems par luxation des vertèbres cervicales, produite par
sa ch ute ou ses efforts à se relever (luxation qui explique très-bien
la contraction tétanique de l ’individu , dont l ’effet instantané aura é té ,
entr’autres, la roideur de la jambe gauebe et la main sur la cu isse),
que par le fait de violence exercée sur sa personne ;
E t enfin nous pensons qu’au lieu de se livrer à des suppositions,
e t a des hypothèses, on doit plutôt s’arrêter aux signes qui in d iq u en t,
d une manière si evidente , la mort naturelle de Jean Courbon.
f a i t à Yssingea u x , le 11 juillet 1820.
S ig n é
D a r le s.
D ebrye,
A R IO M ,
chez J . C
SALLES, IMPRIMEUR. DE LA COUR ROYALE ET DU BARREAU,
,
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Rispal, Régis. 1821?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Subject
The topic of the resource
faux témoignages
travaux forcés
condamnation à mort
homicides
médecine légale
flétrissure
obésité
cabaret
ivresse
alcoolisme
autopsies
rumeurs
juge de paix
témoins
affaire Fualdès
erreur judiciaire
Description
An account of the resource
Titre complet : Pièces justificatives.
Table Godemel : Révision : de procédure et arrêt, au grand criminel. - innocents condamnés.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Chez J.-C. Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1821
1817-1821
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
38 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2518
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2517
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53504/BCU_Factums_G2518.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Dunières (43087)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
affaire Fualdès
alcoolisme
autopsies
cabaret
condamnation à mort
erreur judiciaire
faux témoignages
flétrissure
homicides
ivresse
juge de Paix
médecine légale
obésité
rumeurs
témoins
travaux forcés
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PDF Text
Text
MÉMOIRE
POUR
R é g is R I S P A L , propriétaire3 habitant du
de Dunières, canton de M ontfaucon ;
Et
lieu
G A L L A N D , propriétaire, habitant du
Maltaverne , mêmes commune et canton.
J a c q u e s
lie u d e
Tous les d eu x condamnés, le 9 mars 18 19 , p a r arrêt
de la Cour d ’assises séant au P u y , département
de la H aute-Loire , a u x travaux forcés à perpé
tu ité à la flétrissure , et exécutés , le 16 ju in
suivant, comme coupables d ’homicide volontaire,
et sans prém éditation, sur la personne de Jean
C ou rbon
■
E t adm is , p a r arrêt de la Cour de cassation , après
condamnation définitive d ’un f a u x témoin , et
annullation de l ’arrêt de la Cour d ’assises de la
H aute-Loire 3 à être jugés de nouveau, sur même
acte d 'a ccusation , pa r la Cour d ’assises du dépar
tement de la Loire , séant à Montbrison.
S a p e oculi et aures v u lg i sunt testes mali.
PubLIE Sxnr seiUculia.-.
17
E n c o r e une méprise de la justice! encore un exemple
effrayant de l 'effet de la prévention! encore une occa
sion de déplorer l ’erreur des jugemens h u m a in s, et de
gémir sur la triste condition des magistrats et des jurés!
Deux citoyens, deux pères de famille ont été arra
chés pour toujours à la société et à leurs affections ;
�( 2 )
un arrêt les a condamnés aux travaux forcés à perpé
tuité et à la flétrissure; cet arrêt a été exécuté; et cesdeux malheureux, livrés aux bourreaux, ne sont des
cendus de l ’échafaud que pour être précipités dans un
bagne, et livrés aux horreurs et aux tourmens de cet
enfer anticipé.
Il est vrai que le crime dont ils étaient et sont
encore accusés est horrible. Ils n ’étaient mus par
aucune espèce de passion ; ils n’avaient aucune haine
à assouvir, aucune vengeance k exercer, aucun intérêt
à conserver; cependant ils auraient entraîné dans leur
propre maison un homme estimé de toute la contrée ,
le soutien et le bienfaiteur des malheureux et des
indigens, 1 ami de tous ses concitoyens ; lh , ils auraient
froidement calculé les moyens de lu i donner la mort;
e t, après avoir essayé différens genres de supplice, ils
auraient étouffé le malheureux C o u rb o n , lui auraient
rompu la colonne vertébrale , et auraient ensuite
transporté leur victime dans une fosse, et placé son
cadavre dans la position qui pouvait le mieux cacher
leur forfait. A h ! si un crime aussi cruel et aussi inu
tile a été commis; si les accusés en sont les auteurs,
pourquoi d’aussi vils assassins existent-ils encore ?
Combien est blâmable l ’indulgence du jury dont la
déclaration leur a conservé la vie !
Mais, dès l’origine des poursuites, les accusés ont
protesté de leur innocence.
« Il n’y a point de crime! se sont-ils écrié; pourquoi
« chercher (les criminels?
«
«
«
«
«
« Courbon n ’a point été assassiné; il est mort d’apoplexie : le procès-verbal du juge de paix l'atteste,'
le rapport du médecin le prouve; sa constitution
physique, les excès auxquels il se livrait habituelleinenl, l’inspection de son cadavre, le lieu où il a
été trouvé, la position dans laquelle il éta it, toutes
�( 3 )
les circonstances de la cause se réunissent pour
confirmer cette vérité.
« S’il n ’y a point de crime; s’il n ’y a point d ’excès
à venger, quels criminels espérez-vous donc décou
vrir? N ’est-ce point assez cjue nous ayons eu à sup
porter une instruction téméraire et inutile ; que
nous ayons été poursuivis lorsque la vérité fonda
mentale, le point essentiel, le fait le plus préalable
de tous les faits, le seul qui puisse servir de base k
une accusation, était prouvé en notre faveur-, lorsq u ’enfîn la non existence dù délit était établie ?
Faudra-t-il encore que vous couriez après l ’om b re ,
dans le tems que vous pouvez saisir et arrêter le
corps ; que vous négligiez la vérité pour chercher la
figure ; q u ’enfin vous préfériez un fantôme qui.
échappe, à une réalité qui s’offre et qui se présented ’elle-même aux yeux de la justice?
« Vous nous opposez des dépositions de témoins ,
des indices, des présomptions ; nous les détruisons
d ’un seul mot : il n ’y a pas eu de crime commis,
donc il ne peut y avoir de coupables.
« Mais faut-il confondre la malice de ces témoins ?
faut-il vous prouver que nous sommes victimes
d’une horrible calomnie? A notre tour nous les
accusons, ces tém oins........... L e tems, les lieux et
les hommes se réuniront pour les convaincre de
m ensonge........ Suspendez votre jugem ent............
Sachez douter encore, et vous n ’aurez bientôt que
des calomniateurs à punir. »
Vaines prières, efforts inutiles......... Les malheureux
descendent vivans dans la to m b e !.........
Mais des cris se font encore entendre ; la société en
est troublée : « Nous sommes innocens ! nous sommes
« innocens ! s’écrient les condamnés ; des témoins
« pervers ont égaré le glaive de la justice : q u ’à leur
« tour ils eu soient frappes j nous renouvelons la
�( 4
)
« plainte que nous avons déjà portée contr’eux : q u ’ils
« soient soumis à une instruction; q u ’ils soient jugés,
« et l ’erreur dont nous sommes victimes sera reconnue ! »
Quelle est cette femme qui vient joindre ses géné
reux efforts aux prières des deux condamnés ? Elle
appartient à une des classes les plus obscures de la
société; l ’éducation n ’a point développé en elle les
dons de la nature; ses mœurs sont simples; ses paroles,
rustiques comme les habits qui la couvrent. Quel faible
appui! Comment parviendra-t-elle à détruire les pré
ventions qui assiègent le temple de la Justice?
Mais elle est sœur., elle est épouse, elle est mère ;
elle reposait auprès de son époux au moment et dans
la même maison où l ’on prétend que Courbon a été
assassiné; elle était encore auprès des condamnés à
l ’instant où un vil imposteur soutient avoir entendu
l ’aveu de leur crime; elle est donc sure de leur inno
cence, et son ame généreuse ne peut que s’indigner de
la malice des hommes.
Par ses soins, la procédure en faux témoignage
commence ; elle ose pénétrer dans cet abîmé et en
sonder la profondeur : elle y porte enfin la lum ière,
et bientôt l ’on apprend,
'
.
. ■
i° Q u ’il n ’y a point eu dô crime commis;
2° Que tous les indices qui s’élevaient contre les
condamnés s’expliquent en leur faveur;
3 ° Enfin que les dépositions qui ont égaré la conscience
du jury sont mensongères et fausses.
CJn faux témoin est traduit aux assises : la femme
Rispal s’y présente; elle est accompagnée de l ’épouse,
non moins courageuse, de Galland : l ’une et l ’autre
viennent couvrir de leur protection des victimes si
chères, et demander la condamnation de l’auteur de
tant de maux. Leurs vœux sont exaucés; elles p e u v e n t
enfin concevoir l’espérance de retrouver des époux.
�(S )
dignes d’elles, (le rendre un père à leurs enfans , ci
des citoyens à la société.
Quelle p itié , quel intérêt, quel attendrissement ne
sont pas en droit d ’attendre def toute ame sensible ces
deux épouses, ces deux mères infortunées! Cependant
elles ne demandent q u ’un examen impartial et réfléchi;
elles se sont imposé la glorieuse tache de faire passer
dans l ’ame de leurs juges la conviction qui les anime.
L ’accomplissement de ce devoir sera facile et aura ses
douceurs, si ceux qui sont appelés à décider d ’aussi
grands intérêts se rappellent que l ’homme qui déclare
l ’homme coupable, et le punit à ce titre , résout un
problème, et exerce un droit où D ieu seul est assuré *
de ne point faillir-, que tous les jugemens seront ju gés5
q u ’ainsi toutes les passions, quelles q u ’elles soient ,
doivent s’en retirer, l ’homme a yan t, dans sa faiblesse
native, bien assez de chances d ’erreur.
.:
F A IT S.
1
L e sieur Jean C ourbon, habitant a:u lieu du M a z e t,
commune de Dunières, appartenait à une famille recommandable; il était riche, et père de trois en fans}
honoré de l ’estime publique, juste récompense de ses
vertus. Il était le protecteur du faible-, et l’indigent,
objet constant de ses sollicitudes , ne réclamait jamais
en vain ses secours} d ’ailleurs, doux et affable avec
tout le monde, fidèle à l ’am itié, observateur exact de
ses engagemens, C ourbon, chéri et respecté de tous scs
concitoyens, n ’avait et 11c pouvait avoir que des amis.
'La constitution physique de Courbon est aussi à
remarquer : il avait les'épaules larges, le cou court et
la tête grosse; son embonpoint élait e xt raordi nair e.
Courbon pesait au moins deux cents livres, et a j oui a it
aux dangcis de cette cou formation , tous ceux qui
naissent de 1 exces habituel des liqueurs iermentees
�(M
;
de toute espèce : aussi, a chaque instant pouvait-on
craindre q u ’ un accident trop facile à prévoir ne vint
enlever ce bon citoyen à sa fam ille, à l’affection de
ses amis, et k la reconnaissance publique.
Tel est l ’homme que l ’on soutient avoir été la
victime d ’un assassinat : la possibilité d ’un autre genre,
de mort a été repoussée avec in d ign ation !,...
Mais quels sont les accusés? Il faut les faire con-*
naître, et ne leur donner d ’autres traits, que ceux
que présentent, et la procédure et les documens les
plus certains.
,
.G alland, Rispal, et Tavernier sont beaux-frères ;
leur sort a été bien différent. Ils étaient accusés du
même crime; cependant Galland et Rispal ont été
condamnés aux travaux forcés k perpétuité, tandis que
Tavernier n’a eu à subir q u ’une année d ’emprisonne-T
ment. Les deu* malheureux, qui figurent aujourd’ hui
seuls dans le procès,, ont dû. se féliciter, au moment
de leur condamnation, de ce que leur beau-frère
n ’était pas obligé à partager leur misère. L ’erreur
ycnait de frapper des têtes; également innocentes; e t ,
si les peines étaient inégales 3 le public pouvait y
Attacher le même degré d ’infamie, llispal et Galland
ont été cependant seuls autorisés, k se pourvoir en
révision de leur arrêt; ils tiennent cette faculté de la
nature de la peine qui a été prononcée c o n tre u x ;
mais si la loi l ’interdit à Tavernier, condamné correctionnellem ent, il trouvera sa réhabilitation dans
justification de ses beaux-frères. Rispal et G a lla n d ,
,en prouvant leur innocence, démontreront également
la. sienne; et si quelque chose pouvait ajouter au
bonheur de leur triomphe, ce serait la douce idée de
le partager avec, cet autre infortuné, dont le front est
resté si long-teins courbé dans la poussière.
Reprenons les,faits.
G alland, habitant du lieu de M altavcnie, commune
�(7 )
rie Dunières, appartient à une famille honnête, et qui
n ’est connue que sous les rapports les plus avantageux.
Cet homme vivait dans une heureuse médiocrité.
Après avoir payé sa dette à la patrie, il s?était retiré
du service, et habitait avec sa femme le lieu qui l ’avait
vu naître5 il y cultivait un domaine qui lui avait été
transmis par sa famille, et qui peut être évalué k
3o,ooo francs.
G a lla n d , satisfait de son humble fortune , était
connu par sa franchise, son désintéressement, son
honnêteté; il aimait à rendre service, et la calomnie
n ’a jamais essayé de flétrir son caractère, en l ’accusant,
ou même en le Soupçonnant capable d’aucun acte de
bassesse.
:c>
G alland joignait à la franchise d’un so ld a t, la brus
querie et l ’orgueil qui en sont les compagnes ordïâaires;
il pouvait lui être difficile de supporter froidement
vin caprice ou une insulte ; peut-être encore q u ’il aima
Si partager avec ses amis les plaisirs de la table ‘r mais
en était-ce assez pour le dépeindre comme un homme
violent, adonné au v in , un querelleur et un mauvais
époux I
.
1
?
Galland a répondu a plusieurs dè ces reproches, en
rapportant les certificats les plus honorables. Ils attestent
q u e , comme soldat, sa conduite était tellement régu
lière , q u ’il n a jamais été condamné à la peine de
police la plus légère; et q u e , comme citoyen^ il<n’â
jamais inspiré aucune crainte h personne, ni provoqué
la surveillance ou les sollicittides de l ’autorité. Son
épouse, h Son to u r, est venue le venger de l ’injure
qui pesait le plus sur son cœur. On l’a VUe aux assises
(le Riom répondre li la calomnie, ■
>en pressant son
époux dans ses bras, et en le baignant de ses larmes.
Régis llispal, autre accusé, habitait Dunières; sa
famille est honnête, et si sa fortune était médiocre, il
y suppléait par sou économie, son industrie et son
�(8 )
activité. L a confiance q u ’il s’était acquise dans . son
état de boulanger lui donnait l ’espoir d ’élever sa fa
mille et d ’augmenter son faible patrimoine. La mora
lité dejcet homme n’est point douteuse; elle est attestée
par le juge de paix. Ce juge, qui veut ensuite que la
maison Rispal soit devenue un repaire d ’assassins, nous
apprend» « que l ’on peut dire de Rispal plutôt du bien
« que du m a l ......... y que l ’on se tait sur son compte j
« que généralement l ’on pense q u ’zï a été trompé ;
« q u ’on dit même q u ’il avait fait entendre des paroles
« de vie. »
Ainsi Rispal est un citoyen honnête; mais faudraitil parler de ses qualités domestiques? Le dévouement
de son épouse n ’est-il pas connu ? ces voyages nom
breux , ces sollicitations pressantes, ces larmes si sou
ven t répandues, ces accens si déchirans du désespoir,
cette abnégation de l ’avenir, qui lui fait abandonner
le soin de sa fortune , sacrifier sa d o t , l ’existence
même de ses e n f a n s c e t héroïsme enfin de l ’amour
conjugal n ’attestent-ils pas que Rispal est le meilleur
des époux comme le plus tendre des pères? • .
U n troisième accusé était présenté aux assises de la
llautc-Loire : c’est Tavernier. L ’instruction n ’apprend
rien de désavantageux sur son compte; 011 y
(IU ^
habite l ’arrondissement de Saint-Etienne, où il est à
la tête d une fabrique de soie, dont il est propriétaire.
Son caractère et ses mœurs sont d ’ailleurs extrêmement
douces; et, depuis sa condamnation, il a toujours pro
testé de son innocence et de celle de ses deux beauxfrères, qui ne l ’avaient point quitté un seul instant.
Il faut ajouter que Tavernier était le seul des trois
beaux-frères, qui eut des relations d ’intérêt avec .lean
Courbon. Ce dernier était son débiteur, par billet,
d ’une somme assez modique, et la lui remboursa la
veille de sa mort.
Ce tableau fidèle de la position sociale, des mœurs,
�(9
)
du caractère et des habitudes du malheureux Coilrboii
et des accusés était indispensable, pour mettre les lec
teurs en état d ’apprécier les faits de cet étrange procès;
et déjà l ’on se demande :
Comment Courbon aurait-il été victime d ’ un assas
sinat? quelle main impie se serait chargée, sans y être
poussée par un vil intérêt, de trancher le iil d ’ une si
belle vie? D ’un autre côté, les accusés n ’ayant aucun
intérêt à la mort de Courbon; n ’étant mus par au
cune passion; n’ayant aucune injure à venger; aimant
Courbon comme tous les habitans de la contrée l ’ai
maient; présentant d ’ailleurs les plus fortes garanties
sociales, auraient-ils tout d ’un coup cessé d ’être sem
blables à eux-mêmes, jusqu’au point d’entrer dans la
carrière du crime par le plus abominable des forfaits?
E t si Ion veut que Galland soit, dans ses emportemens , capable d’excès, llispal et T a v e r n i e r ne sont-ils
pas étrangers à ces (lisposil ions? 11’au rai ent -i l s pas modéré
et c o n t e n u . G al l aï u l? llispal sur-tout aurait-il prêté
sa maison pour en faire .le théâtre d ’un assassinat ?......
Voilà bien des présomptions d’innocence; mais elles
peuvent être détruites par des preuves positives. E x a
minons le fait,
L e 7 septembre 1817 (jour de dimanche), Jean
Courbon était à Dunières : son frère Pierre y était
aussi. On a déjà fait remarquer que Jean Courbon
avait la triste habitude de se livrer aux excès du vin :
c était son seul défaut; mais il lui était impossible do
le vaincre.
Il exisic au lieu de Dunières trois cabarets, l ’ un
tenu par M a u g i e r , l ’autre par Massardier, et le troi
sième par le nommé Samuel. Le 7 septembre Jean
Courbon, après avoir bu chez Massardier, s’est/rendu
chez Maugier; de l’auberge Maugier il est allé dans
celle tenue par Samuel, et u ’u quitté le cabaret de ce
2
�( 10 )
dernier, que pour retourner chez M augier, d ’où
il n’est sorti q u ’à neuf heures du soir, environ. Ainsi
Jean Courbon a employé cette journée entière à fré
quenter les cabarets, et il a été vu par-tout buvant avec
excès du vin et des liqueurs fermentées de toute es
pèce. Sa compagnie habituelle pendant cette journée
a été tantôt les deux accusés et Tavernier, tantôt un.
ou d’eux d ’entr’eux , auxquels il faut ajouter les
sieurs Marnas frères, l ’un notaire et l ’autre percep
teur au lieu de Dunières; enfin Pierre C ou rbo n , frère
de-Jean.
Il est inutile de suivre Jean Courbon dans tous les*
instans de cette journée; mais il est essentiel de fixer
Son attention sur deux points importans, celui de son
entree à 1 auberge Massardier, et celui de sa dernière
sortie de l ’auberge Maugier.
Jean Courbon était descendu chez Massardier avec
le sieur Fourboule de la Brugère, son oncle; là il
trouva les deux accusés, et Tavernier leur beau-frère.
C e dernier, comme on l ’a v u , était créancier de Jean
Courbon du montant d ’un billet à échéance dans
quinzaine; il pria Courbon d ’en anticiper le paiement :
Cou rbon, naturellement obligeaut, y consentit avec
plaisir; il parait même q u ’il emprunta quelqu’argent
pour se libérer. Enfin il paya, retira son b ille t, le
lacéra , et en mit les morceaux dans sa p o ch e, où ils
ont été retrouvés lors de la découverte de son cadavre.
M. le juge de paix avait négligé de constater ce der
nier fait; mais cette omission a été réparée aux assises
par la déclaration de deux témoins, auxquelles il faut
joindre celle du juge de paix lui-même.
Ce procédé de Jean Courbon n ’était sans doute pas
fait pour exciter en Tavernier de mauvaises disposi
tions. Cette obligeance, jointe à la circonstance esserw
Iicilo que Courbon a été vu sou ven t, pendant la
journée du 7 septembre, avec les trois beaux-ii’èrcs,
�* ( 11 )
prouverait même plutôt q u ’il existait entr’eux une
intimité assez étroite, ou q u ’au moins Jean Courbon
fréquentait avec plaisir les deux accusés et Tavernier.
Il est vrai qu ’on a voulu dire que Courbon voyait
Galland avec peine; que sa présence le gênait ; q u e ,
dans la journée du 7 septembre, il cherchait à le fu ir 5
q u ’il y avait eu entr’eux querelle, échange d ’injures,
même des menaces de la part de G allan d ; mais ces
bruits ne sont confirmés ni par les dépositions écrites,
ni par les dépositions orales; au contraire, les témoins
les plus importans, Pierre Courbon lui-mêm e, font
des déclarations tout opposées k cette assertion, et
la détruisent entièrement.
On a vu que Jean C ou rbon , étant entré pour la
seconde fois dans le cabaret Maugier, s’y trouvait
encore a neuf heures du soir : il était avec Pierre
Courbon son frère; les deux accusés et Tavernier b u
vaient aussi dans le mèine lieu. A l ’heure que l ’on
vient d ’indiquer, Pierre Courbon engage son frère k
se retirer; ils sortent ensemble, traversent la place
publique qui conduit du cabaret k la rue principale
de Dunières, et suivent cette rue, k l ’extrémité de
laquelle se trouve, sur la droite, le chemin du Mazet
(lieu où habitent les Courbon) , traçant une ligne un
peu oblique.
Mais k peine les deux frères Courbon ont-ils fait
quelques pas dans la rue, que Jean Courbon veut
s’arrêter. Ils arrivent auprès d ’une forge appartenant
îi Maugier : un char est devant; Jean s’y assied : il
ne veut plus suivre son frère; il résisie k ses instances,
enfin il ue veut point partir, et une discussion assez
vive s engage entre les deux frères.
Pierre C o u rb o n , ne pouvant vaincre la résistance
de son frère, résistance qui pouvait lui paraître l’efFet
de l ’ivresse, et voulant éviter' q u ’il ue se livrât de
nouveau k son intempérance dont il devait craindre
�(
12
)
les suites, retourne précipitamment sur ses pas, pour
défendre à Maugier de servir encore du vin à Jean
Courbon. Ces ordres donnés, Pierre Courbon se hâte
de revenir auprès de son frère; mais, ne le trouvant
plus au lieu où il l ’avait laissé, il pense q u ’il a pris
la-route du Mazet. Alors Pierre continue son chemin
en chantant, dans l ’espoir sans. cloute d ’attirer son
frère, q u ’il supposait être en avant de lui. Tous ces
faits sont fidèlement extraits de l ’instruction et des
débats qui ont eu lieu devant la Cour d ’assises du Puy*
Il e s t . également certain que les trois beaux-frères,
R isp al, Galland et Tavernier , étaient au cabaret
M augier, au moment où les deux frères Courbon en
sont sortis $ q u ’ils y étaient encore au retour de Pierre,
et qu ils ne l ’ont quitté que cinq minutes après le
départ de ce dernier : aussi n’a-t-il jamais été contesté
que Jean Courbon avait disparu du point où Pierre
l ’avait q u itté , et que Pierre avait eu lui-même le
lems de traverser le lieu de D unières, avant que les
trois beaux-frères fussent sortis de la maison Maugier.
C ’est ici le lieu de fixer l ’attention sur les circons
tances qui ressortent du précis des dépositions des
témoins. La vie agitée de Jean Courbon pendant toute
cette journée ; cette fréquentation répétée des trois
seuls cabarets qui existent au lieu de Dunières; ^es
excès auxquels il se livre; les efforts de son frère pour
le ramener a son d o m i c i l e ; le jugement que porte ce
frère sur l’état de Jean, en allant défendre à Maugier
de lui donner encore du vin ; enfin cette manière
extraordinaire d ’cchappcr aux soins et a la vigilance
de l’am itié, tout ne prouve-t-il pas que ce malheureux
était dans un état d ’ivresse tel, q u ’il n ’avait plus le
libre exercice de ses facultés; et déjà ne peut-on pas
prévoir ou craindre quelque accident, si on l'aban
donne un instant à lui-même ?
D ’un autre coté, si l ’on ajoute q u e , p e n d a n t toute
�O
)
celte même journée, Jean Courbon a vu les accusés
sans q u ’il y ait eu entr eux la plus legere dispute; q u e
T av e r n i e r en a au contraire reçu, u n service, comment
supposera-t-on que les trois beaux-frères aient conçu
de mauvais deseins .contre Jean Courbon ?; Comment
sur-tout voudrait-on les. rendre responsables de son
sort, quel q u ’il soit, si l ’on considère que Jean Courbon
était livré aux soins de son irère; que les accusés étaient
au cabaret Maugier, lorsque les deux Courbon en
sont sortis; q u ’ils y étaient encore lorsque Pierre y est
revenu, et q u ’enfin ils n ’ont quitté ce cabaret, que
quelques instans après que Jean Courbon a d isp aru,
et s’est soustrait à la surveillance toute bienveillante
de son frère? E n effet, à quel instant les accusés
au raien t-ils conçu le dessein de leur crime? Quels
étaient leurs moyens d ’exécution? Où attendaient-ils
leur victime? Jean Courbon n ’était-il pas pour eux
livré à la garde de son f rère? l i t existe-t-il un seul
témoignage , une seule prévention de laquelle on
puisse induire que les accusés aient rencontré Jean
Courbon après sa dernière sortie du cabaret Maugier?
Mais continuons. On se souvient de la ]*sition de
Jean Courbon, q u i, le 7 septembre, a neuf heures
du soir environ, était assis sur un char placé an-devant
de la forge Maugier. Depuis cet instant il a disparu,
et son cadavre a ete découvert le lendemain , 8 sep
tem bre, à cinq heures du m atin, gisant dans une fosse
placée derrière la maison de l ’aubergiste Massardier.
Pour se faire une idée juste des conséquences à tirer
de cette découverte, il faut examiner, avec la plus
sein puleuse a tten tion , la situation île la maison
Massardier, celle do la fosse, dont la description inté
rieure et extérieure d o i L être laite avec soin enfin l:i
position et l’éiat du cadavre du malheureux Courbon.
Si l ’on veut connaître la situation de la m a i s o n
Massardier, qui est l ’auberge où Jean C o u r b o n s’est
�(
)
*4
d ’abord présenté lors de son arrivée à Dunières, il faut
pren d re, pour point de d ép art, le cabaret M augier,
situé à une des extrémités du b o u rg , et sur une place
p u b liq u e, qui le sépare de l ’église et du cimetière*
E n sortant de ce cabaret , on traverse la place pu^blique; à la droite se présente ensuite la rue principale,
ou plutôt l ’ unique rue de Dunières, qui se prolonge
jusqu’à l ’autre extrémité du bourg. Si l ’on suit cette
ru e , on trouve à sa gauche la forge Maugier, au-devant
de laquelle était placé le char. E n avan çan t, on arrive
au-devant de la maison L e m o in e , qui est la dernière
du bo u rg, à gauche, et l ’on a en face la maison
Massardier, placée dans un enfoncement, et sur une
place ou terrain vacant , qui la sépare de la r u e , à.
droite.
La maison Rispal est placée à la droite et k l ’extré
mité de cette rue; elle borde la place ou le terrain
vacant sur lequel est située la maison Marrardier; elle
a des jours, soit sur la rue, soit sur cette place, et
d écrit, avec la maison Massardier, un angle droit; de
manière que celui qui se trouverait à l ’extrémité de
la maison Rispal, se rendrait directement de ce point
h. la porte de la maison Massardier, en traçant une
diagonale, qui serait la base d ’un angle décrit, sur la
place pu blique, par les maisons Rispal et Massardier,
et dont le point de jonction de ces deux maisons, sur
cette même place, est le sommet.
Cette description fait déjà pressentir que la princi
pale façade de la maison Massardier est sur la place
publique , qui borde la r u e , à droite ; là est la porte
d ’entrée de l ’auberge, et à cette porte peut commencer
un sentier q u i, longeant la maison Massardier et tour
nant à droite, conduit sur les derrières du bourg de
D u n iè re s, et sert de communication de l'auberge
Massardier 11 l ’auberge Samuel. Ce même sentier, qui
a SOU débouché sur la route de Montfaucon , peut
�( i5 ) _
aussi conduire à l ’auberge Maugier'; de manière q u ’en
revenant au point de départ que l ’on s’est fix é , c’està-dire à la place publique, où est située la maison
M augier, et en suivant la rue de Dunières jusqu’à son
extrémité, on trouve à droite l ’auberge Massardier,
aussi située sur une place publique; tournant ensuite
cette maison à droite, et longeant ses derrières, on
revient sur la place p u b liq u e, qui est au-devant de là
maison Maugier, en laissant à droite l ’auberge Sam uel,
et à .gauche l ’auberge Maugier.
On voit que ce sentier est un moyen cle circulation
bien important pour le bourg de Dunières, et q u ’il
doit être très-fréquenté, sur-tout les dimanches et
autres jours où les habitans des environs se réunissent
dans ce lieu.
Il faut actuellement isoler la maison Massardier et
ses dépendances, et y porter exclusivement son a t
tention.
On connaît sa façade sur la place publique; sur le
derrière est une autre façade parallèle à la première,
donnant sur un hangard, au-devant duquel est encore
un petit vacant limité par le sentier dont on vient
de parler.
L e hangard, au-dessous duquel se trouvent deux fe
nêtres, commence à l’une des extrémités de la maison, et
à la droite de l ’observateur; il se prolonge jusqu’à la ren
contre do la fosse où le cadavre de l ’infortuné Courbon
a été trouvé. Cette fosse est elle-même immédiatement
placée au niveau d ’une fenêtre à quatre carreaux, ser
vant à éclairer l ’évier de la maison Massardier. U n de
ces carreaux était cassé à l ’époque de l ’événement.
Cette fosse, q.ui est limitée à droite par le hangard
de lace par la maison Massardier, l ’est, à gauche^
par la grange de la même maison grange q u i, faisant
suite à la maison Ihspal, et se prolongeant, décrit ,
avec la maison a laquelle elle appartient, un angle
�( 1(5 )
droit renfermant, dans ses deux côtés, le hangard^ la
fosse , et le terrain vacant qui est au-devant. Ce terrain
sert à faciliter l ’entrée de la grange, dont les portes,
tenant presqu’immédiatement à la fosse, sont placées
à une des extrémtés de la grange , et près du sentier
public.
Ainsi la fosse où le cadavre a été découvert tient
à une auberge5 elle est placée dans un village, près
d ’un sentier ou rue publique extrêmement fréquentée,
sur-tout un jour de dimanche; enfin elle est entourée
de fenêtres et de portes qui la mettent entièrement à
découvert.
Cette fosse forme un quarre équilatéral de quatre
pieds de diamètre sur deux de hauteur; et dans son
intérieur 011 remarquait quatre ou cinq excrémens
humains non écrasés, et de la paille peu froissée.
Le cadavre de Jean Courbon gisait dans cette fosse.
Pour connaître sa position , il faut consulter les procèsverbaux, et ce que les dépositions des témoins ont
ensuite appris.
Les vêtemens du malheureux Courbon n ’étaient
dérangés en aucune façon.
Son dos était en l’air, et la tête en bas, de ma
nière que le corps, étant dans une ligne presque per
pendiculaire, n’a v a it , pour ainsi d ir e , de point
d ’appui que sur la nuque, les pieds, et le genou
droit : la main droite du cadavre était sous ce genou.
L a cuisse et la jambe gauches étaient tendues, et se
soutenaient sur la pointe du pied; la main gauche
appuyait à terre; et la tête, recourbée sur la poitrine,
paraissait être entre les cuisses. Au reste, les pieds et
Jes jambes de Courbon étaient tournés du coté du mur
de la maison Massardier., et le corps du coté du chemin';
enfm le chapeau était placé sur le cou ou sur les
épaules.
XjC procès-verbal du juge de paix est de ce jou r,
�V'i))
$ septembre 1817. C et officier'de police judiciaiVe
apprend que la position du cadavre, quelque extraordi
naire q u ’elle puisse paraître, peut être expliquée pai
la nature du terrain et par la chute de Courbon; ih
ordonne de donner au corps une position plus n atu
relle, ce qui est vainement essayé; mais il peut re-r
marquer que la figure est hideuse et décomposée; q u er
les membres sont généralement roides, et que le earps>
a un reste cle.*chcileur Getté>dernière observation le.
frappe même si fortement, q u ’il fait administrer au>
malheureux Courbon des .eaux spiritueuses, que l ’on
introduit dans le n ë z , d a n s la bouche, et dont on lui
lave la tête, pour tâcher, mais vainement, de le rap
peler à la vie.
•iLej cadavre}),transporté au clocher du b o u r g , est
soumis.'a l ’examen du médecin, qui fait de suite le
rapport de son opération à M. le juge de paix. Ce
de rnier consigne, dans son procès-verbal, que le. mé
decin lui a déclaré que, d ’après l ’inspection du ca
davre, et les recherches fintérieures auxquelles il s’est
livré , il est certain que Jean'Courbon est décédé de
mort naturelle, suito d ’un excès de vin; que cet excès
a provoqué une apoplexie p dont l ’existence lui »¡est
prouvée par. l ’examen des sinus, >qui se sont trouvés
gorgés do!sa*ng.
’>
•
;
INI. le juge de paix veut ensuite savoir si la voix
publique s’accorde avec l ’opinion:de l ’homme de l ’art,
sur le genre de mort auquel Jean Courbon a succombé:
il 1 interroge et apprend,
-1 ,
■
Que C ou rbo n était généralement aimé de tout
le monde;
i
• 2 Que Jean Courbon était souvent dans un état
d ’ivresse absolu ; , . \
,
.. ,, .
3 ° Q ue «a mort devait être la suite de» fcxcès de
vin auxquels ce m alheureux s’était livré le jour même
de son décès.
�L e juge de paix adopté cette opinion, et la fortifie
par une observation qui lui est particulière ; il ditq u ’il a effectivement remarqué que le cadavre je ta it
du vin s u t ses habits. >
Enfin cet officier de police judiciaire, ne voulant
rien négliger, entend plus particulièrement cinq té
moins, insère leurs déclarations dans son procès-verbal;
et, tons assurant que la mort de Courbon ne peut être
attribuée q u ’à un excès de v in , il d it , dans la clôture
de cet acte important, que les renseignemens lux ayant
paru suffisamment prouver le genre de nîort de Courboni, et son zèle à le constater y il ordonne que les
restes de cet estimable citoyen seront remis à sa
famille.
L e rapport du docteur, qui a p r o c é d é à l ’autopsie
cadavérique,. ne contient autre chose que. le dévelop
pement de l ’opinion déjà manifestée à M. le juge do
p a ix , et que ce dernier a consignée dans son procèsverbal. r
L e médecin examine d ’abord la surface externe du
cadavre. La constitution physique de Courbon pré
sentait la réunion de toutes les.causes prédisposantes k
l ’apoplexie; et l ’examen extérieur de son corps n’offre
aucun autre indice de mort vio len te, que ceux qui
servent à indiquer’cette espèce d ’accident. L'homme de
l ’art confirme même une des obsèrvatîons du j ngc de
paix , et dit que le cadavre regorgeait, par la'bouch e,
'
un mélange de liqueurs fernientées.
Le médecin procède ensuite à l'ouverture des trois
Cavités qui existent dans l ’organisation de l ’homme.
La l ê i e , les cavités thorachiques, pelviennes ou abdo
minales, sont successivement l ’objet de son attention;
cl après l’examen le plus scrupuleux, et avoir remarqué
que l ’estoniac contenait une assez grande quantité de
liqueurs fermentées., il n ’hésite pas à déclarer qne
Cuuibou est mort d ’attaque d ’apoplexie, accident que
�C*9 )
sa forte constitution pouvait à chaque instant faire
craindre, et qui a été déterminé par les excès répétés
devin et de liqueurs, auxquels ce malheureux se livrait
journellement (i).
C e rapport ne forme q u ’un seul et même acte avec
le procès-verbal du juge de paix. Ces deux pièces sont
si intimement unies, que l ’on peut dire du rap p o rt,
q u ’il n’est que l ’explication du procès-verbal. Il ne
contient en effet autre chose que des développemens
étrangers aux connaissances d ’un juge de paix, et q u ’uu
homme de l’art pouvait seul donner. Il faut ajouter
que l ’examen du ju ge, ses recherches sur la cause de
la mort de C ou rbon, son interrogatoire de diflerens
témoins, ont eu lieu en même tems que l ’autopsie
cadavérique; que tout cela se faisait dans la matinée
nieme du jour où le cadavre avait été découvert; q u e ,
dans cet in stan t, il ne s’élevait a u c u n soupçon, sur la
nature de la mort de C o u r b o n ; q u ’a u c u n coupable
n ’était signalé; q u ’ainsi jiersonne ne pouvait avoir
intérêt à cacher les causes de cette m ort; et q u ’en
supposant que quelqu’un put en être l ’a u t e u r , le soin
de sa conservation l ’obligeait à s’abstenir de toutes
démarches ou sollicitations qui auraient pu le faire
soupçonner. Tout cela ne prouve-t-il pas que le juge
de paix et le médecin agissaient également de bonne
lo i; q u ’ils ne cédaient ni à la crainte ni à l’intérêt que
pouvaient leur inspirer des coupables présumés; mais
q u ’en interrogeant les faits et en en tirant les consé
quences inévitables qui se présentaient naturellement
et sans effort , ils ne faisaient q u ’obéir au sentiment
de leur d evo ir et à l’impulsion de leur conscience?
Il faut donc le dire ici : non-seulement il u ’y a point
( 0 V oyez, à la page \ des piiVcs justificatives, ce rapport, qui est <îft
môme p u r que le procès-verbal d u juge de p a ix , et qui c o u t i e u l tous
les détails de l’autopsie cadavérique dç Courbon.
�•
•
,
» .
jusqu’à présent de crime pro u vé, mais encore Iesi
procès-verbaux excluent la possibilité de l ’existence d’un
corps de délit; et s i, par la pensée, l ’on énumère les
autres faits déjà connus, faits qui jaillissent de l ’ins
truction , et dont M. le juge de paix pouvait être
in stru it, ou dont au moins il lui était si facile de
s’in stru ire , ne sera-t-on pas convaincu q u ’à cette
époque le juge de .paix avait la certitude que Jean
Courbon était décédé de mort naturelle; que si la
société pouvait avoir un accident à déplorer, au moins
il n ’y avait aucun crime à venger; et si dans la suite
quelques combinaisons fortuites, quelques circons
tances difficiles à expliquer semblaient accuser queliqu’un. de ce crime imaginaire et impossible , ces
malheureuses victimes du soupçon et de l ’erreur ne
devaient-elles pas s’attendre à trouver protection et
appui dans l ’autorité toute tutélaire de M. le juge
de paix ?
Cependant des ignorans et des oisifs; des femmes
d ’une imagination faible; le peuple crédule et ami
des nouveautésj pourvu qu'elles aient un caractèreextraordinaire et présentent à l ’esprit des images
effrayantes; toute cette tourbe enfin dont l ’honune
sage dédaigne les opinions, comme étant le produit
de l ’erreur, s’empare de cet événement, le travestit
bientôt en assassinat, et n ’est pas long-tems à en in
diquer les auteurs. Quelques jours sont à peine écoulés,
que le peuple de Duniôres croit aussi fermement à la
mort violente de Courbon , et à la culpabilité de
G a lla n d , llispal et Tavernier, q u ’il peut encore croire
aux revenans, «i ln. sorcellerie et à la magie.
La mort tragique du malheureux Fualdès occupait
alors la France; les détails de cet horrible procès cir
culaient dans les villes et dans les hameaux, sous les
lambris dorés comme sous le chaume : elle était l'objet
de toutes les conversations j et s’il eût été possible d ’y
�( 31 )
ajouter quelque nouvelle horreur, produit d ’une ima
gination vicieuse ou déréglée, le peuple l ’aurait saisie
avec avidité, tout invraisemble d ’ailleurs q u ’elle pût
être.,
L ’accident arrivé au malheureux Courbon appelait
des victimes. Ses parens, ses am is, ceux sur-tout qui
avaient éprouvé les effets de son obligeance et de sa
charité, brûlaient d ’offrir à ses mânes une hécatombe
humaine.
B i e n t ô t l ’assassinat de Courbon parait certain. Il a
cté enlevé, le 7 septembre au soir, à sa sortie du
cabaret Maugier; on l’a entraîné dans la maison Rispal;
là , il a été couché sur un b a n c, et une voix s’est fait
entendre pour demander une hachasse ^ b. l ’effet de
recevoir le sang de la victime. Plus tard, 011 dira que
ce moyen n ’ayant pas réussi, Courbon a été étouffé,
et que les assassins lui o n t rompu la colonne verté
brale; mais toujours ce sera dans la maison Rispal, que
l ’assassinat aura eu lieu. Les inventeurs du crime de
JJunières ne feront autre chose que de s’approprier les
détails du crime de Rhodez, commis dans la maison
Bancal, qu ’ils copieront, corrigeront et augmenteront
suivant les circonstances.
Q u ’est devenu ensuite le cadavre? Les assassins l ’ont
transporté dans la fosse où il a été découvert. Ils
avaient d ’abord le projet de le déposer dans la grange
Massardier, située près de celte fosse; mais, contre
' l ’habitude, la porte de cette grange étant fermée, ils
ont été contraints de le placer dans la fosse, et de lui
d o n n e r la position qui pouvait le mieux faire croire à
une mort nat ur el l e.
Les preuves du l’a it sont le b ru it public; l ’état du.
cadavre; les choses extraordinaires qui se sont passées
pendant la nuit ; les hurlemens lugubres d ’un chien qui
paraissait prévoir quelquesm al lieu rs ; les révéla lions d ’un.
être m ystérieux, d ’un pèlerin q u i aurait pour ainsi dire
�.
. .
(
3 2 )
assisté aux derniers instans de C ou rbon, et entendu ce
malheureux demander la vie à ses féroces assassins. Q u ’à
cela l ’on ajoute tout ce q u ’une imagination fantastique
peut produire; quelques taches de sang observées sur
la terre*, la découverte de cheveux épars ou en toufte;
les inquiétudes occasionnées par l ’insomnie à quelques
habitans de D unières, et l ’on se fera une idée juste de
la fermentation que la crédulité, les passions, l ’amour
du merveilleux, et sur-tout le désir de trouver des
coupables avaient dû exciter dans ce lieu.
Mais tout cela n’était encore q u ’absurde; les procèSverbaux répondaient à toutes les objections : il ne
s’agissait pas, en effet, de suppléer à leur incerti
tu d e; mais il fa llait, contre leur contenu, prouver
le fait d ’un assassinat.
Cette fermentation de propos indiscrets et de bruits
populaires frappe l ’esprit de M. le juge de paix. On
dit que son caractère est naturellement porté aux
affections douces; on lui accorde beaucoup d ’instruc
tio n , jointe à un esprit b rillan t; mais ces qualités
ne suffisent pas toujours pour garantir l’homme qui
en est pourvu, de la prévention, maladie contagieuse
de l’esprit humain; il faut encore une ame forte et
un jugement exquis pour interroger les faits et tic pas
se laisser induire en erreur, en mettant des hypothèses
pompeuses à la place de la vérité.
Ce juge, d ’ailleurs estimable, mais peu accoutumé,
sans doute, à rinstruction des causes criminelles, re
jette sa propre conviction. Plus aveuglé que celui q u i,
à force de fixer une place vid e, où il lui semblerait
voir un objet qui n’y existe pas, finirait par le re
garder comme réel, ce magistrat voit un crime et un
corps de délit constant dans le fait q u ’il avait d ’abord
jugé et démontré en être exclusif; il recueille les ap
parences les plus légères, les indices les plus équi
voques} il accumule renseignement sur r ens ei gne me nt ,
�Ç ?3 )
écoute des personnes bornées ou mal instruites, prêt«
même l’oreille à des témoins pervers,, q u i, en déposant
de ce q u ’ils n ’ont ni vu ni entendu, et en inspirant à
M. le juge de paix des craintes personnelles, amassent
à-la-fois des nuages funestes sur le fait à exam iner,
et excitent la prévention et la haine du juge contre
ceux qui en sont présumés les auteurs.
.. M. le juge de paix ne pouyait se garantir de tant
de pièges; il se décida à devenir , auprès de l ’autorité,
l ’organe d ’une .opinion q u ’il .avait déjà adoptée. Ses
lettres ou rapports sont nombreux ; ils appartiennent
aux accusés, puisqu’il leur en a été délivré copie ; et
.ces derniers, en en donnant l ’extrait, pourraient y
faire remarquer des expressions, des pensées, des désirs,
des suppositions, des phrases entières qui ne peuvent
Ê accorder avec la dignité d ’un magistrat et l ’impassi
bilité qui doit le caractériser. Mais ils restreindront
leurs observations, sur ce jio in t, à faire remarquer,
i°,Q u e chaque information de M. le juge d ’instruc
tion était.précédée d ’une lettre de M. le juge de paix,
contenant des notices sur le personnel des témoins et
sur les dépositions q u ’ils devaient faire; que constam
ment les faits contenus dans ces lettres ont été in
firmés ou adoucis par les dépositions des témoins ;
20 Que ces rapports révèlent des faits d ’ une haute
gravité, et dont les témoins ne parlent pas;
3 ° E n f in , que M. le juge de pai* croyait devoir at
tribuer les réticences ou le silence des témoins à la
terreur que. leur inspirait l ’état de liberté, des trois
beaux-frères; que cependant, depuis l'arrestation de
.ces malheureux, et aux assises même, aucune dépo
sition xi a été changée ni modifiée, si l ’on en excepte
.celle d un seul témoin, qui sera l ’o b je t.d ’un examen
particulier..
Les premiers rapports, en forme de lettres, de M. le
juge de paix, commencent au 24 novembre 1817. Ce
�(»4 5
juge convient que le procès-verbal q u ’il a rédigé , et
celui du médecin , devaient tranquilliser et éloigner
tout soupçon sur le genre de mort de Courbon ; que
sa croyance, alors partagée par tous ceux qui l ’entouraient, était d ’ailleurs justifiée par l ’inspection du
cadavre, qui ne présentait pas même une légère
égratignure , et par l ’état des vêtemeus, qui n'étaient
nullem ent en désordre. Il énonce ensuite dans ce rap
p o r t , et dans deux autres, qui sont sous les dates des
2 et 3 octobre, différens faits qui peuvent se réduire
à ceux-ci :
:
i° Une querelle s’est élevée au cabaret, entre Galland et Courbon ; elle a été suivie de menaces de la
part de Galland;
2° Rispal, Galland et Tavernier n ’ont point établi
l ’emploi de leur tems dans la soirée du 7 septembre,
depuis neuf heures ctdemie du soir jusqu’à onzeheuresj
3 ° Dans cette même soirée, et près de la fosse oii le
cadavre de Courbon a été découvert, on a entendu
une voix s’écriant : « Ne serai-je pas bientôt à cette
« f ...... porte ! » U n instant après, quelque chose de
pesant a été jeté dans la fosse ;
4 ° Galland ayant quitté le bourg de Dunières à
m inuit passé, pour se rendre au lieu <Je M altavcrne,
lieu de son domicile, aurait d it, le 8 septembre 1 8 1 7 ,
à la pointe du jo u r, en allant de Maltaverne au lieu
de Cublaise, oii était son épouse, et eu passant au
lieu de G uignebaude, domicile d e là nommée Colomb e tte, que Courbon avait été trouvé étouffé par le
vin , derrière la maison Massardicr.
M. le juge de paix insistait spécialement sur les
difficultés q u e, suivant lu i, les trois beaux-frères
éprouvaient à justifier de l'emploi de leur teins, depuis
neuf heures du soir jusqu’à onze, et sur la conversa
tion que Galland aurait eue avec la Colombette, dans
Ja mtlliuée du 8 ; conversation contenant un aveu q u i,
�( * s )
vu-les distances, ne pourrait avoir été fait que par
celui qui aurait participé à l ’assassinat de Courbon.
Cependant la justice gardait le silence. Cette
autorité, à la fois vengeresse et tutélaire, recevait
les renseiguemens qui lui étaient donnés; mais elle
n ’en usait q u ’avec la circonspection qui est la pre
mière garantie de la liberté des citoyens. Aucun acte
n ’était encore émané d ’elle, lorsque, le 4 septembre
18 18 , le maréchal des logis de la gendarmerie, en ré
sidence à M ontfaucon, agissant d ’après les ordres de
son lieutenant, ordres délivrés d ’après la clameur
publique, arrête Rispal et Tavernier. G allan d , ins
truit de l ’arrestation de ses deux beaux-frères, vient
de lui-même se remettre entre les mains des gendarmes,
qui les transfèrent à Yssingeaux. Il n ’est pas inutile
de faire observer q u e , soit dans les choses, soit dans
les expressions, l ’ordre de l ’officier de gendarmerie
n ’est que le résumé exact des lettres ou rapports du
juge de paix à M. le juge d ’instruction.
A peine traduits à Yssingeaux, Rispal, Galland et
Tavernier sont séparés et mis au secret-, ils sont in
terrogés isolément, et répondent, d ’une manière aussi
simple q u ’ uniforme, aux différentes questions qui
leur sont proposées, questions qui étaient sans doute
rédigées sur les notes et renseignemens transmis par
M. le juge de paix.
Leurs réponses sur l ’emploi du tems qui s’est écoulé
de neuf heures et demie à onze heures du soir, dans la
soirée du 7 septembre, sont sur-tout remarquables.
Suivant eu x, ils sont sortis du cabaret Maugier à
neuf heures; ils ont parcouru ensemble la rue de
Dumèrcs; mais arrivés au-devant de la maison Rispal,
ce dernier a q u iu é ses deux beaux-frères, est rentré
dans son domicile, s’y est couché, et n ’en est plus
sorti.
Galland et Tavernier ont continué leur route. A
4
�( 26 ) t
neuf heures et demie, ils sontarrivésaucabaretLyonnel,
situé à quelque distance de Dunières; ils ont soupe
dans ce lieu : Tavernier y a même couché; mais Gal
land en est parti pour se rendre à M altaverne, en
passant par Cublaise, où il avait l ’espoir de rencontrer
son épouse.
Ces explications devaient paraître suffisantes; aussi
la chambre d ’instruction signa, le 8 octobre, l ’ordon
nance de mise en liberté de ces trois prévenus. Dans
la même soirée, ces trois malheureux se retirèrent à
l ’auberge Perrot , située à Yssingeaux. La femme
Rispal , portant au bras un enfant q u ’elle allaitait
encore, était venue donner à son mari des secours et
des consolations : elle était aussi descendue à l’auberge
Perrot. Quelle joie d ’y retrouver libre l’époux q u ’elle
croyait dans les fers! que d ’expressions de tendresse!
que de félicitations réciproques ! Les momens de la
douleur sont bientôt oubliés ! — Imprudens! ! ! modérez
ces transports......... Vous êtes libres; mais vos ennemis
sont-ils désarmés? la calomnie n ’a-t-elle plus de traits à
lancer contre vous? ne viendra-t-elle pas vous frapper
au sein même de la joie la plus innocente?.........
Mais il ne faut point anticiper sur les faits; et il
suffit ici de dire que Tavernier et G alland, Rispal r
son épouse^ et leur jeune enfant, passèrent a Yssin
geaux la nuit du 8 au 9 octobre, et couchèrent
ensemble à l’auberge Perrot, dans une chambre à
deux lits.
Le 9 octobre, cette famille rentra dans son domi
cile; elle venait de payer à la société le tribut le plus
cruel q u ’elle puisse imposer : ne devait-elle pas espérer
quelques consolations, sur-tout du magistrat q u i, sui
de simples soupçons, avait momentanément exposé la
réputation, et sacrifié la libçrlé de trois citoyens, de
trois pères de lain il le ?
Mais M. le juge de paix, que sa trop grande promp
�( 37 )
titude avait entraîné dans l ’erreur, la chérissait trop
pour la reconnaître. Par une lettre du in octobre, il
témoigne son déplaisir de l ’ordonnance qui a rendu la
liberté aux prévenus. Les 1 1 , il\, *8, 21 novembre
et 7 décembre, autres lettres, où il expose de nouveau
les circonstances q u ’il regarde comme accusatrices; il
y ajoute des révélations q u ’il prétend avoir été laites
par la mère de llispal; il a grand soin sur-tout de
prémunir le juge d ’instruction contre les témoins ,
q u ’il assure avoir été carressés et corrompus ; et si
son heureuse mémoire lui rappelle « qu a u x gens
« a i s é s les vertus sont fa ciles » la réflexion lui
fait de suite ajouter « que h s témoins sont indigens 3
« et que les accusés ne le sont pas. »
E n fin , les premières informations commencent; les
procès-verbaux sont sous les dates des 2 1 , a5 no
vembre et 9 décembre, et précédés c h a c u n d ’une ou
de plusieurs lettres de M. le juge de paix.
Ces informations apprennent comme faits essentiels:
i° Que Gallaïul et Tavernier, au lieu d ’arriver au
cabaret Lyonnet à neuf heures et demie de la soirée
du 7 septembre, comme ils l ’avaient déclaré dans
leurs interrogatoires, n ’y seraient venus q u ’à onze
heures ;
20 Q u ’il serait vrai que, le B septembre au m atin,
G a lla n d , passant au lieu de Guignebaude, aurait
annoncé à une femme, nommée Colom bette, la mort
de Gourbon. Ce fait n ’était point déposé par la Colom betie, mais semblait ressortir de la déposition de
trois autres témoins;
3 ° Que la nièce de R ispal, enfant alors âgée de qua
torze ans, aurait tenu une conversation qui accusait
son oncle;
4°
pendant la nuit du 7 au 8 septembre, 011
avait entendu des chiens aboyer, des disputes et des
géinissemens ;
�-( =8 )
5° E n fin , une fille de quatorze ans déposait des
on dit qui circulaient dans le bourg de Dunières, et
des projets que l ’on supposait avoir été conçus, de
faire subir à Courbon une mort semblable à celle
du malheureux Fualdès.
Tels sont tous les faits à charge qui ressortent ,
contre les accusés, de ces trois premières informations;
elles apprennent d ’ailleurs que Galland et Courbon
n ’ont point eu de dispute dans la journée du 7 sep
tembre; que ce dernier était dans un état complet
d ’ivresse; enfin, ces informations relatent ou confirment
la majeure partie des faits qui ont déjà été exposés.
O11 doit remarquer aussi un fait essentiel dans cette
première instruction. On voulait que Courbon eût
succombé à une mort violente; mais, dans rincertitude où l ’on était sur le genre de cette m ort, on s’était
enfin arrêté à la rupture de la colonne vertébrale et à
l ’étouiFcment. M. Bergeron, médecin à Mont faucon.,
interpellé sur ce fait, avait répondu que la luxation
des vertèbres pouvait se reconnaître sur le cadavre ,
même après trois mois de sa mort; q u ’il était encore
possible de l ’exhumer; et l ’on avait négligé ce ren
seignement, jusqu’au point de 11e faire aucune re
cherche pour constater un fait que l’on jugeait si
important dans le système de l’accusation.
M. le procureur du lloi et le juge d ’instruction
avaient enfin épuisé tous les renseignemens qui leur
avaient été transmis par M. le juge tie paix. M. le
procureur du Roi avait requis un mandat d ’arrêt
contre les trois beaux-frères; mais le juge d’instruction
ayant fait son rapport à la chambre du conseil, il y
intervint, le 17 décembre 1 8 1 7 , une ordonnance, qui
déclare q u ’ il n’y a lieu à faire droit sur le réquisitoire
de INI. le procureur du Roi, parce q u ’il 11e résulte, des
in formations , ni des preuves ni des présomptions
suffisantes pour priver des citoyens de leur liberté;
�( 2<> )
que d ’ailleurs les bruits publics sont à dédaigner,
lorsque sur-tout il n ’existe aucune preuve m atérielle
du délit.
Cette ordonnance était un hommage rendu aux
principes les plus vrais, et dont le magistrat ne doit
jamais s’écarter dans l ’instruction des affaires criminelles.
Comment, en effet, rechercher des coupables, s’il n ’y a
point de crime constaté? Ne serait-ce pas se jouer des
choses les plus sacrées, et compromettre arbiti’airement
la sûreté, la liberté et la vie des hommes?......
Cet acte, aussi sage que respectable, irrite encore
M. le juge de paix. L a résistance du tribunal à faire
arrêter les prévenus, peut, suivant lu i, faire manquer
l ’effet des poursuites : « L ’affaire de llh o d e z , s’écrie« t-il, n’est cependant pas plus horrible? Le canton
« de Montfaucon n’aurait-il pas les mêmes droits à Ja
« sollicitude de l'autorité? » Il imliquc ensuite de
nouveaux témoins, et recommande spécialement A n n e
Colom bette, dont la m oralité est p lu s que fa ib l e / il
pense même que la crainte d ’être poursuivie p eu t seide
fa ir e p a rler c e t t e i n f e r n a l e f e m m e . . . (Lettres des 5
et 6 janvier 1817 ).
L e 18 février 1818, M. le juge de paix écrit que 1a
famille Courbon-croit le rapport du médecin inexact;
q u ’elle lui reproche de ne l ’avoir livré que six jours
après la visite du cadavre. Ainsi ce juge infirme luimême son propre témoignage; il veut s’être trompé au
, moment où il pouvait tout vo ir, tout examiner et tout
apprécier : peu lui importe q u ’on l ’accuse d ’irréflexion
lorsqu’il dressait son procès-verbal, pourvu que les
bruits populaires et les renseignemens q u ’il recueille
lassent connaître les coupables du crime q u ’il suppose.
Il are et louable modeslie, qui fait abnégation de tout
amour-propre, jusqu’au point de renoncer à une vérité
démontrée, pour s attacher a des apparences étran
gères, et s’efforcer de l^s établir! L a société, qui est
�C 30 )
obligée de rechercher des coupables, mais qui se réjouit
lorsqu'elle découvre des inuocens, lui tiendra-t-elle
compte d’un aussi noble dévouement?
On ne s’arrête point aux autres lettres qui sont
nombreuses, et contiennent des détails exagérés ou
inexacts; il faut seulement dire q u e , dans celle du
i 3 aoi\t 18 1 8 , Peyrache est indiqué comme tém oin,
et devant déposer des excès que Q alland avait exercés
sur sa personne.
L ’instruction se continue. U ne information du 7
janvier 1818 apprend :
i° Q u ’Anne Colom bette, qui était au-devant de la
porte de sa maison au moment de sa conversation avec
G allan d , ne dépose pas q u e ce dernier lui ait parlé de
la mort de Courbon ; ainsi elle i nfirme ou au moins
rend problématiques les dépositions des témoins qui
ont déchiré avoir entendu cette conversation et cet
veu de Galland à la Colombette ;
20 Que le soir du 7 septembre, et sur les neuf
heures, quelqu’un est venu heurter à la porte d ’en li ée
de l’auberge Massardier ; que ne recevant pas de ré
ponse , cet individu est alors monté du coté où
Courbon a été trouvé morl ;
3 ° Que quelqu’ u n , qui couchait auprès de la fosse
où le cadavre de Courbon a été déoouvert, a entendu
dans la soirée , ou pendant la nuit du 7 au 8 septembre,
une voix s’écrier : « Ksl-ce que je n y suis pas encore ! »
4° Que lors de la visite et de l ’autopsie cadavérique
du malheureux Courbon, on a fait inutilement observer
au m édecin, que le mal qui avait causé sa mort n’était
point dans la tête^ mais bien au cou.
L'instruction a ensuite été suspendue pendant sept
mois; elle a été reprise dans le courant du mois
d ’août suivant; et sous les-dates des i/j, o.!\ et 2 (> de
ce mois, se trouvent trois procès-verbaux d ’information 3
( p i appieiiiieul :
�( 31
)
i° Que Galland s’était, à différentes reprises, liv ré ,,
contre plusieurs individus, à des excès et à des actes
de violence; que Courbon avait é té , comme plusieurs
autres, exposé à ces excès; et q u e , dans la journée
du 7 septembre , T avern ier, étant au cabaret avec
C ou rbon, l ’aurait appelé cochonj en proférant cette
épitliète avec un ton colère;
. 2° Que lors de la visite du cadavre, on s’est aperçu
que la tète de Courbon était mobile et tournait en
tout sens; que des taches noires et violettes se faisaient
remarquer vers le cou ; que l ’os du gosier était plus
saillant q u ’à l ’ordinaire; q u ’enfin Je médecin a avoué
que Courbon n ’était pas mort d ’apoplexie;
3 ° Q u e , le 8 septembre, Rispal, s’expliquant sur
la mort de Courbon , a tenu des propos de mauvaise
plaisanterie; que cet homme, se voyant fixé par le
juge de paix, a pâli ; que sa pâleur a s u r - t o u t a u g m e n t é ,
lorsque, sur l' i n t e rp el l a t i o n du juge de paix., l ’auber
giste Massardier a nié avoir vu déchirer par Courbon
le billet q u ’il devait à T avernier, et dont il venait de
se libérer.
Enfin , pour compléter les idées sur ce qui ressort
de ces diverses informations, il faut ajouter q u ’elles
font aussi conntaitre les bruits qui circulaient dans
le bourgo de Dunières. On vc disait :
Que Galland et Tavernier , après avoir étouffé
Courbon, s’étaient réfugiés dans l ’auberge de Lyonnet;
Q u ’ un nommé Saignard avait aidé llispal à porter
le cadavre dans la fosse;
Q u ’enfin un inconnu avait dit que INI. Dufaurc
(le juge de paix) eut à prendre-garde à lu i, Galland
ayant a n n o n c é <ftt’il lu i fe ra it comme à Courbon.
Le tribunal d ’Yssingcaux, pensant que la procédure
était complète, renvoya, par ordonnance du 27 août
1 8 1 8 , cette affaire a la chambre des mises en accusa
tion de lu C o u r royale de Riom.
�(3 0
L e jour même de ce renvoi, M. le juge de paix
écrivait encore. 11 faut extraire de cette dernière lettre
un fait essentiel. 11 annonce que Peyrache , témoin
déjà entendu, lui a rapporté q u ’étant à Yssingeaux ,
et logé à l'auberge Perrot_, il a pu entendre les trois
beaux-frères s’entretenant de leur crime-, q u ’un d ’eux
disait : « N ous avons trop enfoncé le m ouchoir} ce
/< qui a fa it enfler le cou et a éveillé les soupçons »
que si Peyrache n ’a pas révélé plutôt ces propos, c’est
q u ’il a peur de ces coquins, et parce que d ’ailleurs il
n ’a pas été interrogé sur l ’assassinat.
Toutes les lettres de M. le juge de paix étaient
jointes à la procédure : elles semblaient même en faire
par ti e ; elles p o u v a i e n t donc fixer l ’a t t e n t i o n de la
Cour. Cette correspondance a q u e l q u e chose de si
positif; les faits q u ’elle contient sont si graves; les
personnes y sont traitées avec si peu de ménagement ;
la conviction de M. le juge de paix paraissait enfin si
profonde, que la chambre d ’accusation crut devoir,
dans sa haute sagesse, soumettre cette affaire aux
débats des assises. U n des motifs de son arrêt d ’accu
sation, qui est du 2 octobre 18 18 , énonce clairement
la pensée de la C o u r; ce m otif dit textuellement q ue ,
s i les fa its articulés p a r le ju g e de p a ix avaient été
déposés j les indices seraient plus graves ; mais que
les témoins ont été intimidés p a r la fé ro c ité des j)révenus; qu enfin elle espéra <pie les débats des assises
étant dirigés dans le sens des indications du ju g e de
p a ix , fournies avec soin, fero n t ja illir la lumière.
Les informations 11e sont donc pas ce qui décide
positivement la C o u r; elle a constamment son atten
tion fixée sur les faits articulés par le juge de p aix ,
faits qui ne sont pas encore prouvés, mais qui peuvent
l ’être; elle s’indigne, avec raison, de ce que la férocité
des prévenus a pu tenir si long-tems la vérité captive;
plie espère que, lorsque ces hommes dangereux seront sous
�( 33 )
la main de la justice, les témoins s’expliqueront, justi
fieront, par leurs dépositions, les indications données
par M. le juge de paix , et que la société n ’aura plus à
gémir sur l'impUnité du plus horrible attentat.
L ’arrêt d ’accusation renvoie là connaissance de cette
affaire à la Cour d ’assises du P u y , département de la
H aute-Loire; e t , le 27 octobre, l ’acte d ’accusation.
€st dressé ; il ne contient autre chose que le développe
ment des présomptions et des indices qui avaient
motivé la mise en accusation.
C ’est à peu près à cette époque, que G a lla n d , un
des accusés, fut arrêté, et traduit dans la maison de
justice du Puy. Rispal et Tavernier, pensant que leur
procès serait jugé aux assises de décembre, vinrent
joindre leur beau-frère • ils passèrent avec lui une
journée en prison; mais ayant appris q u ’ils étaient
renvoyés aux assises de mars, ils se retirèrent dans leur
dom icile, après eu avoir prévenu, par écrit, M. le
procureur du Roi.
.
■
Cependant la justice faisait de nouvelles recherches.
Le président des assises donne des commissions rogatoires; et des procès-verbaux d’information, sous les
dates des 22 novembre 1818 et 27 janvier 1 8 1 9 , font
connaître,
i° Que de nouvelles conversations de la jeune nièce
de Régis Rispal semblaient prouver que ce dernier était
auteur de la mort de Courbon ;
9.0
Q u e, dans la nuit du 8 au 9 octobre, les accusés,
couchant àYssingeaux, dans l ’auberge Perrot, auraient
lait l ’aveu de leur crime, aveu qui aurait.été entendu
et recueilli par Peyrache, qui se trouvait dans la mêmp
auberge;
3 ° Q u e , pendant la
près de la losse où le
couvert, 011 a entendu
* nous n ’y sommes
nuit dti 7 an 8"Septembre, et
cadavre de Courbon a été dé
une voix, disant : « Est-ce que
pas encore ? >> et une autre
�( 34 )
répondre : « O u i, nous y sommes » 5 que presqu’aussitôt
on a entendu le bruit d’un corps pesant q u ’on jetait.
On arrive au mois de mars 1819.
Les accusés Rispal et Tavernier s’étaient constitués
prisonniers. La simplicité de leurs réponses, la douce
sérénité de leur physionomie, leur attitude à-la-fois
modeste et assurée, tout faisait présumer leur innocence.
Ces accusés furent présentés aux assises; ils étaient
assistés, dans leur défense, de Me M andet, a v o c a t,
et de Me Montellier, avoué, tous les deux si avanta
geusement connus par leurs talens et par la beauté de
leur caractère. Ces deux généreux défenseurs, d ’ailleurs
convaincus de l ’innocence de leurs cliens, venaient ré
clamer justice, et l ’attendaient avec la plus grande
sécurité.
;
On leur avait bien parlé d’intrigues, de témoins
pervers ou corrompus; ils 11e voulaient pas y croire.
« Quel homme oserait, disaient-ils, en imposer à Dieu
« et à la Justice? Quel imposteur assez atroce entre« prendrait d ’égarer la conscience du jury, et ne
« craindrait pas d ’attirer, par une fausse déclaration,
« le glaive de la loi sur des têtes innocentes? L ’igno« rance et là légèreté ont bien pu entraîner quelques
« témoins hors des bornes de la vérité; mais la sain« teté du serment, la solennité de l ’andicnce, la vue
« du mal q u ’ils vont faire, suffiront sans doute pour
h les rendre à eux-rnOmes, et ils avoueront leurs
mensonges. »
On leur-faisait aussi craindre les effets de la Pré
vention, celle ennemie mortelle de la Justice , qui
quelquefois s’assied auprès du magistrat à son insu,
excite son zèle, assiège constamment son esprit, donne
aux erreurs q u e lle lui inspire le caractère de la vérité,
et lui dicte'souvent des arrêts q u ’il voudrait ensuite
eflacer. avec son sang, llien ne peut intimider le cou
rage des deux défenseurs; d ’ailleurs, que peuvent-ils
�(35 )
Craindre devant un tribunal juste, éclairé et impar
tia l, devant un jury attentif et équitable?
Cependant, le 4 mars, les débats sont ouverts.
Trente-trois témoins sont ajoutés à ceux déjà entendus
dans les diverses informations. Voici ce que le procèsverbal, tenu par le greffier, apprend d’essentiel :
Le docteur Thomas persiste dans les faits énoncés
dans son rapport-, il déclare que les lèvres du cadavre
étaient teintes de v in ; il dit q u ’il est faux q u ’on lui
ait fait observer que le mal était au cou; qu ’il est
également faux qu ’il ait déclaré que Courbon n ’était
pas mort d’une attaque d ’apoplexie. Il convient cepen
dant ensuite n’avoir pas visité le cou du défunt.
M. D ufaurc, juge de paix, déclare q u ’il ne croyait
pas à un assassinat, et quelesdires dudocteurThom as
lui firent rédiger son procès-verbal avec trop de légè
reté; il ajoute q u ’tt/i morceau de b illo t, oh était la
signature de Courbon , a été trouvé dans une des
poches de l'habit du défunt. Cette découverte , qui
explique ce q u ’est devenu le billet que Courbon avait
acquitté à Tavernier, le 7 septembre, est encore at
testé par un autre témoin produit aux débats.
Anne Colombette avait déjà été entendue; sa dé
position, contenue dans un cahier des informations ,
était insignifiante : elle anéantissait même la décla
ration de trois autres témoins; mais cette fe m m e,
produite aux débats, dit que, dans la conversation
q u ’elle avait eue avec G alla n d , au lieu de Guignebau d e, et au commencement de la matinée du jour
du 8 septembre, cet accusé lui avait annoncé la mort
de Courbon. Cette déposition s’accordait avec celle de
trois autres témoins, qui déclaraient avoir entendu
cette conversation; et leur force était telle, que l ’on
pouvait en induire que Galland avait eu connaissance
de la mort de C o u r b o n , dans uu instant où il devait
�( 36 )
absolument l ’ignorer, s’il n’en avait été ni l ’auteur ni
le complice.
A l ’audience du 6 mars , Me Montellier requit
que Lardon et la Colom bette, qui déposaient plus
particulièrement de ce fait, fussent conduits hors de
l ’enceinte de la C ou r; que là , en présence des voisins
et d’un de MM. les jurés, qui assisteraient à l ’expé
rience, on fit la démonstration du lieu où était placé
Lardon, respectivement à la Colombette et à G alland,
lorsque Lardon aurait entendu l ’annonce que Galland
faisait à la C o lo m b e tte ,. de la mort de Courbon.
La Cour rejeta ce moyen d ’instruction, comme
Inutile et n’ayant d’autre but que d ’allonger les débats.
L a déposition de Peyraclie donna lieu à un nouvel
incident. Cet homme avait été entendu deux fois;
d ’abord il n ’avait été produit que comme pouvant
déposer d ’excès que Galland aurait exercés sur sa per
sonne : ainsi la nature même de la déclaration q u ’il
devait faire annonçait déjà q u ’il était l ’ennemi de
Galland.
Quoi q u ’il en soit, sa première déclaration est dit
26 août 1818. On a vu que les prévenus ayant été mis
en liberté, le 8 octobre 1 8 1 7 , avaient passé-la nuit
du 8 au 9 à Yssingeaux, dans l ’auberge Perrot; cepen
dant ce n’est q u ’au mois de novembre 18 18 , que
Peyraclie vient apprendre q u ’il était lui-même a ^tssingeaux , dans l’auberge de Perrot, pendant la nuit du
8 au 9 octobre 1818, et q u ’il a entendu les prévenus
faire l’aveu de leur crime. Peyraclie répéta cette dépo
sition aux assises du P u y ; et comme 011 lui opposait
q u ’il n’était point à Yssingeaux les 8 et 9 octobre;
que conséqueimrient il n ’avait point paru à l'hôtel
Perrot; que Perrot et les gens de sa maison déclaraient
même ne l’y avoir jamais v u ; pour appuyer sa déposi
tion, Peyraclie présenta, comme étant sous la date
du 8 septembre 1 8 17 , une quittance do M. L abatie,
�( 37 )
avoué, et soutint que cette pièce prouvait sa présence
à Yssingeaux, au jour q u ’il indiquait. L a rapidité et
la chaleur des débats empêchèrent de donner à l ’examen
de cette quittance toute l ’attention q u ’elle exigeait;
son inspection suffisait cependant pour convaincre
Peyrache d ’imposture. E n effet, cette pièce était bien
du 8 septembre, mais de l ’année mil huit cent d ix h u it , au lieu d ’être de l ’année m il huit cent dix-sept.
Mais ce fait si important n’a été découvert q u ’aux
assises de R iom , où Peyrache osa encore produire cette
quittance, pour soutenir son imposture.
Les choses en cet état^ Me Manclet dit que la dépo
sition de Peyrache était fausse, et requit l ’arrestation
de ce témoin. Il demanda en même tems que la Cour
nommât des commissaires, à l ’effet de vérifier si P e y
rache avait pu entendre, dans l ’auberge Perrot, la
conversation q u ’il -supposait y avoir été tenue par les
accusés, et si Lardon avait aussi pu entendre celle de
Gallantl et de la Colombette, au lieu de Guignebaude.
Cet incident s’était élevé h l ’audience du 9 mars; mais
la Cour., par son arrêt du même jo u r, refusa d ’obtem
pérer à cette réquisition, en déclarant que rien ne
justifiait la fausseté de la déposition de Peyrache, et
'que la vérification demandée 11e pouvait produire
aucun résultat.
Il est très-important de faire observer que les réqui
sitions des accusés étaient autorisées par l ’article 33o
du Code d ’instruction criminelle , qui dispose q u e ,
« si, d’après les débats, la déposition d ’un témoin parait
« fausse le président pourra, sur la réquisition soit
« du procureur général, soit de la partie civile', soit
<1 de l accusé, et même d ’office, faire mettre le témoin
« en élat d ’arrestation...... Dans ce cas, dit l’art. 33 1
« les mêmes parties pourront requérir, et la Cour
« ordonner, même d ’office, le renvoi de i affaire à la
* prochaine session. »
�( 38 )
Les accusés avaient fait leur réquisition; les déposi
tions de Peyrache, de la Colombette et de Lardou
leur paraissaient fausses; mais la C our n’obtempérant
point à ces réquisitions, ju g ea que ces dépositions lui
paraissaient v r a i e s , et leur donna, par son arrêt,
j)lus d ’influence sur l ’esprit des jurés, q u ’elles n’en
auraient peut-être eu, si leur véracité ou leur fausseté
n ’avait pas fait l ’objet d ’une discussion très-vive, et
sur laquelle la Cour était appelée à décider. Ainsi on
ne peut se dissimuler que ces dépositions n’aient puis
samment servi à former la conviction des jurés.
Si l’on parcourt le procès-verbal des assises et toutes
les informations, pour y découvrir les autres charges
qui se présentaient contre les accusés, on y voit :
D ’abord que le jury devait être incertain sur le fait
de savoir ce q u ’était devenu Jean C o u rb o n , après sa
sortie du cabaret Maugier. Il était déposé q u ’à neuf
heures du soir, quelqu'un avait heurté ou loqueté à
la porte d ’entrée de l ’auberge Massardier; que la même
personne s’était ensuite dirigée derrière la maison, et
vers le lieu où le cadavre a été trouvé ; que ce même
soir une personne, couchant dans une chambre don
nant sur le derrière de la maison Massardier, avait
entendu, une voix s’écrier : « Est-ce que je n’y suis pas
encore ? » et bientôt après un bruit semblable à celui
d ’un corps pesant que l ’on jette ou q u ’on laisse tomber.
Il faut même ajouter que, dans la suite, ces expres
sions, « est-ce que je n’y suis pas encore? » avaient été
traduites en celles-ci : « Est-ce que nous n ’y sommes
pas encore? » en y ajoutant la réponse : « O u i, nous
y sommes », qui ferait supposer la présence de plusieurs
personnes près de la fosse.
Deux inductions forcées naissaient de ces faits : ou
C o u rb o n , , cherchant la porte de la grange Massardier,
avait appuyé trop à droite, et s’était laissé tomber
dans la fos;e, placée à une distance de deux pieds do
�( 39 )
cette porte; ou les assassins, qui voulaient déposer le
cadavre dans la grange, ne la trouvant plus ouverté,
l ’avaient jeté dans la fosse, et arrangé comme on l ’a
vu plus h a u t , pour induire en erreur sur les causes de
la mort.
A laquelle de ces deux inductions les jurés s’arrête
ront-ils? L eur choix n’était-il pas forcé, s’ils ajoutaient
quelque confiance aux dépositions de la Colombette et
de L a rd o n , et sur-tout de Peyrache ? E n effet, les
assassins ne s’étaient-ils pas fait connaître par leurs
propres aveux?.........
MM. les jurés avaient ensuite un autre point de
fait à exam iner, l ’emploi du tems des trois accusés
pendant la soirée du 7 septembre.
Il était ce rta in , au procès, que les accusés étaient
sortis du cabaret Maugier quatre h cinq minutes après
les frères C ourb on. Rispal disait q u ’il était de suite
rentré dans son dom icile; G alland et Tavernier sou
tenaient q u ’ils s’étaient rendus au cabaret L y o n n e t,
où ils étaient arrivés à n e u f heures et d em ie, plus ou
moins.
Mais les dépositions de trois témoins semblaient
combattre et détiuire ces assertions; l ’un disait être
arrivé chez Lyonnet à dix heures du soir; y avoir fait
ferrer son cheval; être allé ensuite à Dunières pour
affaires; être revenu, à onze heures et demie, chez
L y o n n et, où il avait trouvé Galland et Tavernier, qui
n ’y étaient entrés que depuis un petit quart d ’heure.
Cette déclaration paraissait en harmonie avec la dé
position de celui qui avait tenu le pied du cheval, et
ineme avec celle du cabaretier Lyonnet.
A in si, sur l ’emploi du tems, on pouvait remarquer
une contradiction entre les interrogatoires des accusés
et les dépositions des témoins, et se demander ce
qu avaient fait Galland et Tavernier pendant l e s sept
quarts d ’heure q u i s’étaieut écoulés depuis n e u f heure»
�......................................( 4o )
jusqu’à dix heures trois quarts; et si on se rappelle
l'influence que devaient avoir les dépositions de la Colorabette et de Peyrache, on croira facilement que
cette circonstance a été interprétée contre les accusés,
et que MM. les jurés ont été convaincus que c’était
pendant ce teins, que Rispal, Galland et Tavernier
avaient exécuté et consommé le crime dont ils sont
accusés.
; Il est vrai que tous graves que ces faits pussent pa
raître, ils ne pouvaient suppléer au défaut de preuves
de l ’existence d ’un corps de d élit, ou plutôt à la preuve
positive q u ’il n’existait pas de crime ; mais lorsque
l ’imagination est frappée d ’une idée q u ’elle adopte
comme pi’incipale, il est difficile q u ’elle ne regarde
pas également comme vrai tout ce qui lui parait n être
que l ’accessoire ou la conséquence de cette première
idée. Ainsi, MM. les jurés étant convaincus, par les
dépositions de Peyrache et de la Colombette, de la
culpabilité des accusés, n ’ont pu supposer q u ’il n exis^tàt pas de crime-, ils ont regardé les indices et les
présomptions, qui ressortaient des dépositions de quel
ques témoins, comme suffisantes pour le démontrer,
et détruire les preuves matérielles et positives contenues
soit au procès-verbal du juge de paix, soit au rapport
du médecin.
E n réduisant tout ce que l ’on vient de dire , on
voit que la preuve de l ’existence du corps do délit est
résultée de la déposition de quelques témoins , qui
miraient déposé de la luxation de la colonne verté
brale, de quelques taches noires ou violettes qui au
raient été remarquées auprès du cou, et sur-tout de
la.position extraordinaire du cadavre de Courbon dans
la .fosse où il a été trouvé;
Que la culpabilité des accusés serait ressortie ,
>
i° De ce que les accusés étaient hors (l’état de rendre
Compte de l ’emploi du teins q u i s’est écoulé depuis
�(40
n eu f heures et demie jusqu’à onze heùres passées de
la soirée du 7 septembre ;
20 De ce que Galland a annoncé, le 8 septembre,
> et avant le lever du jour, k Anne Colom bette , la
mort de Jean Courbon, annonce qui aurait été faite
dans un tems et dans un lieu qui font supposer que
Galland était l ’auteur de cette m ort;
>
3 ° De ce que, dans la nuit du 8 au 9 octobre, les
accusés étant à Yssingeaux, et logés dans l ’aubel^e
P e r ro t, ont fait, dans une conversation particulière,
et q u ’ils croyaient secrète, l ’aveu de leur crime, aveu.'
qui a été entendu par le nommé Peyrache.
Toutes les autres circonstances n’étaient que des
adminicules insignifians^ telles étaient les expressions :
« Est-ce què je n ’y suis pas encore? » traduites en
celles-ci : « Est-ce que nous n ’y sommes pas encore?»
augmentées de la réponse : « O u i, nous y sommes. >»
Les débats de ce tt e affaire o nt duré depuis le 4
jusqu’au 9 mars inclusivement.
^ A cette dernière audience, le jury ayant déclaré
que les accusés Galland et Rispal étaient coupables
d ’avoir commis, sur la personne de Jean C o u rb o n ,
un homicide volontaire, et sans préméditation; d ’avoir
transporté son cadavre dans une fosse attenant k l ’au
berge Massardier; et Tavernier ayant été déclaré com
plice des mêmes faits, mais avec les circonstances
atténuantes , q u ’il avait agi non volontairement
l ’arrêt de la Cour d ’assises du P u y condamna
Galland et Rispal aux travaux forcés k perpétuité ,
et k la flétrissure;
E t ravernier k une année d ’emprisonnement.
Galland et Rispal se pourvurent en cassation. Les
eiForts généreux de M° Odillcm-Barrot, si avantageu
sement connu par des talens qui le plaçent au premier
rang du barreau français, n ’ayant pu réussir, les
condamnés implorèrent la clémence du Roi. Mais uu
�(
4
2
.
monarque aussi éclairé ne p o u v a io u b lie r que le droit
de faire grâce serait nuisible à la société, si le Sou-?
verain n ’en usait avec sagesse; aussi, comme le crime
dont les condamhés étaient convaincus ne pouvait être
excusé; q u ’il portait, au contraire, avec lui tous les
caractères de la plus froide .perversité, leur requête eii
grâce fut rejetée, et l ’arrêt exécuté dans toute sa rigueur*
t..
On arrive à un nouvel ordre de faits.
Les accusés soulevèrent la pierre de la tombe qui
semblait devoir les ensevelir à jamais; leurs gémissemens, répétés par une sœur, une cpouse aussi sensibleque courageuse, fuient entendus de la Justice, et une
nouvelle procédure commença.
Rispal et Gallantl renouvelèrent la plainte q u ’ils
avaient portéedevantia Cour d’assises du P u y . Ils dirent :
: i° Q u ’Anne Colombètte-avait déposé faussement r
çn déclarant que G alland'lui avait d it, le 8 septembre
1 8 1 7 , et à la pointe du jour, q u ’il s’était levé plus
matin q u ’elle, et q u ’on avait trouvé Tainé Courbon,
du Mazet, mort derrière la maison Massardier ;
2° Q u ’Etienne Lardon en avait aussi imposé , en
disant q u ’il avait entendu, le même jour, à la même
heure, et lorsqu’il labouraitT la conversation tenue’
entre Galland et la Coloinbelte •;
3 " Que Joseph Auianier et Pierre Celette avaient
également 'm enti, lorsqu'ils avaient déposé q u e , le
même jou r, à six heures .du matin , Lardon leur avait
annoncé, chez lu i, ce que.Galland vpnait de*dire à la
Colombette;
:
4ÜE n fin , que Peyrarhe avait faussement déposé aux
assises du P u y , en soutenant avoir couché, pendant
la nuit du 8 au 9 octobre, d a n s! l’auberge 'de Perrot,
à Ys.singeau* , e t 'y avoir entendu les'trois condamnés
parler de leur crime-, et en faire l ’aveu. • '
. Le 20 décembre i 8 i y , » l a chambre du conseil du
�'(
43 5
tribunal d ’Yssingeaux ordonna q u ’il serait poursuivi
et informé sur cette plainte,, et que le tribunal pro
céderait, ep corps, aux opérations nécessaires pour
vérifier les dépositions de la Colom bette, Lardon et
Pey radie.
^
L e 20 janvier 1820, la dame Rispal, née G allan d ,
■épouse et sœur des.condamnés, demanda, par une re
quête , à être autorisée à faire toutes les observations
nécessaires dans l ’intérêt de son frère et de son époux.
Cette autorisation lui ayant été accordée, la procédure
én faux témoignage commença ; e t , par suite de l'ins
truction qui a eu lieu , P.eyràche a été condamné
comme faux témoin.
Tout est précieux dans cette procédure, qui a été
faite avec un soin particulier. L e juge d ’instruction,
réuni au magistrat du parquet , a pris les moyens
propres à.expliquer tout ce qui pouvait paraître dou
teux o u i é q u i v o q u e . L es plans des localités o nt étc levés
av eci soin; les experts et les hommes de l ’art ont opéré
en présence des magistrats et des prévenus; les prévenus
et les témoins ont été entendus sur les lieux; on a tenu
note de tous les détails et des moindres explications,
de manière que Ton peut dire que rien n ’a été négligé
pour parvenir à la découverte de la vérité.
L e besoin de la cause pourrait peut-être exiger un
examen approfondi de toutes les pièces de cette volumi?
neuse instruction. Il ne serait pas sans intérêt de
connaître comment la justice est parvenue à soulever
successivement les voiles plus ou moins t?pais qui
couvraient la vérité ; mais comme le teins pourrait
manquer pour un travail aussi long, on se réduira à
exposer, dans quelques paragraphes, ce qui lient le
plus directement à la cause, et à faire connaître les
nouvelles découvertes, qui ont anéanti les faits qui
semblaient avoir entraîné la conviction de MM. les
jurés de la Ilaute-Loire.
�( 44 >
Chacun de ces paragraphes servira à-la-fois à détruire
une erreur de fa it, et à prouver une vérité contraire.
Ainsi l ’analise de cette procédure établira :
i° Que non-seulement Jean Courbon n ’est pas mort
assassiné, mais encore q u ’il a succombé à une attaque
d ’apoplexie ;
2° Q u e , loin q u ’il y ait du doute sur la conduite
des trois beaux-frères, dans la soirée du 7 septembre r
et pendant le tems qui s’est écoulé de neuf heures à
onze heures, les localités, les faits et les témoins se
réunissent pour montrer que ce tems a été employé,
par les trois beaux-frères, d ’une manière si innocente,
que l ’on ne pourrait leur imputer la mort de Courbon
lors m ê m e q u ’il serait établi que ce malheureux a éLc
■victime d ’ u n assassinat;
3 ° Que la déclaration de la femme Colombette n ’esü
pas vraie ; q u ’elle est repoussée par l ’examen des loca
lité s, et par les dépositions des témoins; que la dépo
sition de Lardon est tout aussi fausse; que cette
fausseté est démontrée par les distances, la position
des lieux , et celle des interlocuteurs;
4 ° E n fin , que le condamné Peyrache est un vit
im posteur, qui n ’a rien entendu et ne pouvait rien
entendre, puisqu’il n ’était ni à l ’auberge P e r r o t , ni
même à Yssingeaux, dans la journée et dans la nuit
du 7 au 8 octobre.
Il f a u t se liàter de d évelopper ces p r o p o s i t i o n s , dont
la réunion démontre complettement l ’erreur de MM. les
jurés de la Ilaute-Loire.
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NON
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CORPS DE
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*•
DÉLI T.
I c i , il faut se remettre sous les yeux le procès-verbal
de M. le. juge de paix et le rapport du m édecin, qui
sont, l ’un et l ’autre, sous la date du 8 septembre 1817.
( V o ir les pièces justificatives). Ces deux pièces se
réunissent, comme on le sait, pour établir que Jean
Courbon était décédé des suites d ’une attaque d ’apo
plexie. Lorsque, plus tard, on a voulu équivoquer
sur la preuve qui résultait de ces deux procès-verbaux,
M. le procureur du Roi a consulté le docteur Bergeron,
qui a répondu que si Courbon était mort par suite de
la rupture de la colonne vertébrale, ce point de faiç.
pouvait encore être vérifié , quoique le cadavre fut
inhumé depuis trois mois. L a justice a négligé ce
moyen d ’i n s t r u c t i o n , et s’en est t en u e à. la dépositi on
de q u e l q u e s t é mo in s , qui soutenaient avoir observé des
choses propres k anéantir les résultats établis par les
procès-verbaux.
Lors de la procédure en faux témoignage, M. le
substitut du procureur du R o i, à Yssingeaux, spécia
lement chargé de cette instruction, réunit tous ces
documens. Le procès-verbal } le ra,pport, les dépositions
<le tous les témoins entendus dans la première instruction
ou aux assises, un dessin figuratif de la position de Cour
bon sont transmis, par ce magistrat, aux docteurs Darle
et D ebrie, médecins à Yssingeaux, avec un Mémoire à
consulter, explicatif de tous les faits., où M. le pro
cureur du I\oi demande, « si la mort de Courbon et
« la position extraordinaire de son cadavre, dans la
« fosse où il a été trouvé, ne peuvent s'expliquer que
« p a r le f a i t d'un crim e} ou bien si on 11e pourrait
« pas trouver la cause de cette mort et de cette posi« tio n , dans un accident naturel, p r o v e n a n t ^ 1*
1
�« chute de Courbon dans la fosse, et de ses efforts à se
« relever, sa tête appuyant à terre, comme font les
« ivrognes. »
L e i i juillet 1820, les deux docteurs font leur
rapport, et répondent,
Que la mort et la position de Courbon peuvent et
doivent s’expliquer par tout autre fa i t que par celui
■d’un crim e;
Que Courbon est probablement mort ou par l ’effet
de la congestion du sang au cerveau 3 résultat de
Vivresse et de sa position, ou par suite de la luxation
des vertèbres, qui aurait été produite par la chute de
Courbon, ou par ses efforts pour se relever ;
Q u ’ il est certain q u ’il n ’y a point eu de violences
exercées sur la personne de Courbon*, q u ’il f a ut s’abste-nir de se livrer aux suppositions et aux hypothèses,
pour ne s’arrêter q u ’aux signes qui indiquent si é v i
d e m m e n t u n e MORT NATURELLE (V o ir les pièces
■justificatives.)
’
' C e rapport, fait par ordre de la justice, prouvait
tout ce q u ’il était nécessaire de connaître sur ce point
de •fait; il faisait cesser tous les équivoques que M. le
'juge de paix et quelques témoins s’étaient permis
d ’élever sur les opérations du docteur Thomas. Désor
mais il n’était plus permis de soutenir, • au moins
légalement, que Courbon eût été victime d’un as
sassinat.
Mais la prévention jette des racines si profondes ,
ses fruits sont si amers, que les épouses et les conseils
des condamnés crurent 11e devoir négliger aucun effort
pour la détruire, ou au moins pour la combattre avec
avantage.
1
’
Des Mémoires îi consulter sont rédigés avec soin; on
y joint les pièces et documeus que’ lés docteurs Darle
et Debrie avaient eus sous1 les yeux; on les transmet
autf médecins de notre teins-les plus verstH dans 1 art
�( 47 )
cle la médecine légale, et on les interroge sur les causes
de la mort de Courbon.
M. Fodéré, professeur de médecine légale à Stras
bourg, et auteur d ’un Traité qui est à-la-fois le i'ésumé de la science sur cette matière, et un recueil
d ’observations nouvelles aussi justes que profondes ,
adopte et approuve une consultation rédigée par le
docteur R ichond, sous-aide-major à l ’hôpital militaire
d ’instruction de Strasbourg.
. Ce jeune docteur, dans deux Mémoires étincelans
de beautés, examine les causes réelles de la mort de
Courbon : il déclare d ’abord q u ’il est mort d ’apo
plexie. Portant ensuite ses regards investigateurs sur
les faits avancés par les tém oins, et sur les autrescauses présumées de cet événement, la science, les
exemples et le raisonnement lui servent à démontrer
q u ’il est impossible que la mort de cet homme soit
la suite de la •s t r a n g u l a t i o n , de la suf fo cat io n, ou de
la l ux a t i o n des vertèbres; il prouve enfin que la p o
sition du cadavre de Courbon ne peut être l’effet d ’une
impulsion communiquée; elle e s t , au contraire, une
de celles que C ou rbon, succombant à une attaque
d ’apoplexie, pouvait prendre; et cette position est ellemême une preuve q u ’il n ’y a point eu de luxation des
vertèbres (V oir les pièces justificatives.).
, Ce travail si précieux, «l qui.doit être placé à côte
des consultations médico-légales données par les plus
grands maîtres., est ensuite soumis à l ’examen du doc
teur Caizergues, professeur à l ’école de médecine de
Montpellier. Ce savant observateur, en déclarant ,
dans sa consultation du 15 février iB -ai, que Courbon
est mort d ’apoplexie, ajoute qu'elle a été causée par
un exces do liqueurs; que le genre de mort et s^cause
sont également prouvés par la contraction ou la rigi
dité des membres, et par le reste de chaleur qui se
laisuit remarquer dans le cadavre au moment
1)11
�ï ’a découvert ; q u ’enfin l ’état de rigidité des membres
rend raison de la situation du corps, et éloigne toute
idée de luxation, q u i, loin d ’opérer une contraction,
au ra it, au contraire, laissé le cadavre dans un état
de relâchement et de paralysie (V o ir les pièces justi
ficatives).
Les docteurs Lucas et Marc, tous les deux membres
de l ’académie royale de Montpellier*, le premier, ins
pecteur des eaux minérales de V ic h y , et le second,
ihédecin-juré-expert à P aris, examinent à leur tour
toutes les pièces, rapports, documens, et opinions dont
on vient de donner l ’extrait.
L e u r consultation, qui est du 11 mars 1821 , est
au-dessus des éloges. Que d ire, en effet, qui puisse
rendre di gn em en t les impressions q u e ce b e au tra va il
fait, éprouver, lorsqu’on t ro uve l ’a m o u r de l ’humanité
réuni à la science qui éclaire l ’esprit : il faut admirer
et se taire ! Dans cette consultation, qui doit être lue
avec la plus grande attention, les docteurs concluent,
DE LA MANIÈRE LA TLUS POSITIVE, et AVEC UNE CERTITUDE
m a t h é m at i qu e , que Courbon est décédé de mort natu
relle, et q u ’il n ’y a point eu de violence exercée sur
sa personne; que cet infortuné est mort d ’apoplexie;
ce qui est prouvé par son organisation, par l’état
d ’ivresse dans lequel il était, et par la position de son
corps dans la fosse où il a été trouvé (V oir les pièces
justificatives).
S i , plus ta rd , les condamnés ou leurs conseils désirent
encore qnelques explications sur la position du cadavre
de C o u rb o n , le docteur Lucas répond, le 4 mai 18 2 1,
« que cette position n ’a pu être acquise et conservée
« que par une mort apoplectique ; q u ’il s’était pénétré
« de l ’importance de la mission qui lui était confiée,
« et des devoirs que lui imposait sa conscience; q u ’il
« avait senti le danger de la légèreté, dans l'examen
« d ’une question qui doit rendre à la société des
�C 49 >
« assassins s ou délivrer d ’un jugement... d es innôcens.
Cette lettre se termine ainsi : «Nous protestons , devant
« D ieu et la J u s t i c e , de notre conviction de la mort
« naturelle et apoplectique de J ean C ourbon . »
Voici cependant la chimère que l ’on a poursuivie :
le crime qui a été créé par l ’ignorance et la précipi
tation. Il n’existe pas, ce.crime; mais les malheureuses
victimes de cette cruelle supposition sont flétries et
languissent encore dans les fers! Que de maux évités,
si une sage prévoyance eût inspiré aux magistrats l ’heu
reuse idée de dissiper les doutes qui paraissaient
s’élever sur l ’existence du corps de délit; si du moins
une louable circonspection eût arrêté le glaive de la
justice, au moment où les accusés protestaient de leur
innocence, et accusaient à leur tour des témoins de
fausseté! IS'ulla uncjiiàm de morte hominis cunctatio
longa est.. J uv é n a l , sat. 6 , ,v. 139..
S II*
EMPLOI DU TEMS DES TROIS BEAUX-FRÈRES.
Pour comprendre la démonstration qui doit faire
l ’objet de ce paragraphe , il est indispensable de se
rcmettrc'sous les yeux ce qui a déjà été dit sur certains
points de localités du bourg de Dunières, et cl’y ajouter
les explications suivantes :
S i , partant du cabaret Maugier et en suivant la rue
de Dunières, on s’arrête à la porte d ’entrée de fa maison
llisp a l, située à l'an ire extrémité et à droite de cette
nie , 011 p e u t, en se fixant sur un point auprès de ccitte
p o r t e s e faire l ’idée de d^ux s e n t i e r s l ’un ¿1 droite
et aboutissant au chemin du Mazet, suivi par Pierre
Courbon, qui cheminait en chantant , lorsque son
frère eut quitté le char qui était au-devant de la forge
�C 5o )
Maugier; l ’autre à gauche, aboutissant au chemin deDunières h Saint-Etienne, et que les accusés déclarent
avoir suivi pour se rendre au cabaret Lyonnet^ situé
sur cette route, et à quelque distance de Dunières..
U ne cro ix, placés à soixante pas de ce bou rg, est le
sommet de l ’angle que décrivent ces deux routes, à
partir de ce point.
La forge Maugier est à gauche de la rue de Dunières;
sur la droite de cette forge, et en descendant de ce
point pour se rendre sur la place publique, où est
située la maison M augier, se trouve la maison de
Françoise Colombette; sur la gauche de la même iorge,
et en suivant la rue pour arriver à la maison Rispal,
se t r o u v e n t la mais on du sieur M a r n a s , p e r c e p t e u r ,
et une grange a t t e n a n t à cette m a i s o n , et placée dans
un enfoncement. Cette grange était, en 1817 , habitée
par Catherine Barlet. L a place publique, sur laquelle
est situé le cabaret M augier, la maison Colombette,
la forge Maugier, la maison Marnas et la maison Rispal,
sont disposés de telle manière, que de la maison C o
lombette 011 peut voir, d ’un côté, ce qui se passe au
point occupé par la forge Maugier, e t, de l ’autre, à
celui de la place p u b liq u e , qui correspond le plus di
rectement à l ’auberge Maugier; q u e , de l ’extrémité
de la maison Marnas, on peut également voir ce qui
se passe à la forge Maugier, et, d ’un autre côté, suivre
de l’œil le passant q u i parcourrait la rue, jusqu’à l'ex
trémité de la maison Rispal; point où commencerait
la diagonale tracée sur la place publique, et qui con
duirait, de l ’angle de cette dernière maison, à la porte
d ’entrée de la maison Massardicr.
C ’est le moment d ’extraire les dépositions des té
moins qui étaient placés à ces divers points, et à
l’anberge Lyonnet.
O n y apprend les faits suivans :
\° Les deux frères Courbou ont été vus sortant
�( 5- )
ensemble du cabaret Maugier , et allant jusqu’à la
forge Maugier, où ils se sont arrêtés;
20 Après que Pierre Courbon eut quitté son frère
pour retourner au cabaret Maugier, Jean Courbon a
été vu passant devant un témoin, et se dirigeant vers
la maison Massardier;
3 ° Pierre Courbon a été va revenant de l’auberge
Maugier, marchant assez vite, et faisant, comme il
l ’a dit lui-même, son chemin en chaulant ;
4 ° Le chant de Pierre Courbon a été entendu vers
la maison Lemoine, située à l’extrémité du village,
et près de la route de Saint-Etienne; il a été entendu
quelques petits momens après que l ’on fut venu heur
ter à la porte d ’entrée de la maison Massardier, et
q u ’on se fut dirigé sur le derrière de cette maison; il
a enfin été entendu sur la route du Maz.et, et à un
point qui n ’est distant que de ticnte-Imit pas de la
maison Lyonnct. Da ns ce moment, Lyonnet faisait
boire son cheval à la rivière.
Si l ’on interroge les enquêtes relativement aux ac
cusés, elles apprennent,
i° Que les trois beaux-frères, qui étaient restés chez
Maugier après la sortie des frères Courbon, ne q u it
tèrent ce cabaret q u ’après la seconde sortie de Pierre
Courbon, qui y était venu recommander de ne plus
donner de vin à Jean son frère;
a0 Que les trois beaux-irères, qui étaient accom
pagnés de l’enfant de Rispal, marchaient doucement;
q u ’arrivés à la maison Rispal, on a entendu ce dernier
dire aclieu à ses deux beaux-frères ; q u ’on l’a vu inimédiaiement rentrer chez lui avec son enfant, et
'fermer sa porte-,
3 U Que Calland et Tavcrnier ont continué leur
chemin; q u ’ils ont été vus ayant dépassé les maisons
Lemoine et Massardier (qui sont, à droite et à gauche
de la n ie, les deux dernières de Dunières, et attenant
�C5 0
aux routes (lu Mazet et de Saint-Etienne) , et se diri
geant vers le cabaret L y o n n e t, en prenant la route
de Saint-Etienne;
4 ° Que Galland et Tavernier sont arrives chez
Lyonnet moins d ’/i/z quart heure après que ce dernier
aurait entendu le chant de Pierre Courbon, fait q u ’il
aurait raconté à deux témoins avant l ’entrée des deux
beaux-frères ;
5 ° Q u ’arrivés chez L yo n n et, les deux beaux-frères
ont bu ensemble près de deux heures, au moins; q u ’en
suite Tavernier est resté chez L yo n n et, oii il a couché,
et que Galland est parti pour Maltaverne.
On peut déduire de ces faits des conséquences aussi
simples q u ’évidentes.
L e s trois beaux-frères accusés é ta i ent à l' a ub er ge
Maugier, lorsque les deux frères C o u r b o n en sont sortis
pour la première lois. Ces malheureux étaient encore
dans ce cabaret au moment que Pierre Courbon est
venu défendre à Maugier de donner encore du vin à
Jean : ils n ’ont point suivi Pierre Courbon lors de
cette seconde sortie; donc ils n ’avaient point le des
sein de rechercher , de rencontrer, et encore moins
(Vattaquer Jean Courbon , qu’ils devaient supposer
être sous la garde de son frère.
Jean Courbon avait profité de l ’absence de son frère
pour se relever du char qui était placé devant la
forge Maugier; il s’était immédiatement dirigé sur la
maison Massardier; il avait loqueté a la porte (l’entrée
de celle maison; il s’était même rendu sur le derrière
de ce cabarel, et s’élait probablement laissé tomber
dans la fosse au moment que Pierre Cou rbon, reve
nant de chez Maugier, traversait le village, et coniinnaii sa roule sur le Mazet, en chantant pour attirer
Irère; donc Pierre Courbon n ’avait été assailli
p a r personne ; // s'était raidit de son plein gré à la.
maison SSIassardwry sa chute et sa mort n étaient et
�( 53 )
lie pouvaient être que l ’effet et la suite ¿l’un accident.
Rispal, Galland et Tavernier n ’avaient quitté le
cabaret Maugier que cinq 011 six minutes après la se
conde sortie de Pierre Courbon. Dans ce moment, Jean
Courbon avait disparu ; il était derrière la maison
Massardier, où son cadavre a été retrouvé le lende
m ain; donc les accusés ne l ’ont point rencontré, ne
Vont point attiré ou conduit dans la maison Rispal
pour lui donner la m ort, et ne Vont point transporté
dans la fosse où il a été retrouvé.
Les trois.accusés sont sortis du cabaret Maugier avec
l ’enfant Rispal. Rispal, après avoir salué ses dëux
beaux-frères, est rentré dans son domicile. Galland et
lavernier ont pris la route de S a in t-L lien n e, et sont
arrives a la maison Lyonnet peu de tems après que les
chants de Pierre Courbon s’étaient fait entendre ;
donc Rispal était d a n s sa m aison lo rsqu e J e a n C o u r bon éta it derrière V auberge M a s s a r d ie r ; donc G alland
et T a v e rn ie r étaient su r la route qui conduit chez
J.yonnet, au moment où Pierre Courbon , venant de
quitter son frère , se rendait, en chantant , de D unières au M azet; et comme il est établi (pie Tavernier
a couché chez ly o n n e t, cl cpie G alland n’a quitté
ce lieu que pour se rendre à M a l taverne , il est aussi
évident que les accuses 11 ont pu se réunir h Dunières}
fie n e u f heures et demie à onze heures du soir, pour
concevoir cl exéculer un crime.
I./emploi du tems des trois beaux-frères est bien
justifié. Le chant de Piei Me Courbon, rapproché des
«'îrconsianccs moins -connues, dissipe toutes le>) obscu
rités <|ui pourraient les enveloppe! ; et s'il s’est. élevé
quelques doutes sur ce point important.,- cela tient ,
d une/part, a la difficulté que les habilans de la cam
pagne éprouvent. à énoncer, d ’ une manière positive .
i heure fixe de la nuit; et, de l’autre., au peu d ’atieul
lion que 1 011 a mise a rapprocher les dépositions do>-
�( 54 )
témoins du fait constant et avoué, le chant de Pierre
Courhon.
Ces vérités sont si simples, que ce n’est pas sans
déplaisir que l ’on se voit obligé de les démontrer:
Comment ont-elles pu échapper aussi long-tems à l ’œil
vigilant de la justice? comment, sur-tout, M. le juge
de paix, q u i, dans cette trop célèbre affaire, a donné
tant de renseignemens; q u i, à chaque instant, pou
vait interroger les lieux, les circonstances et les hommes,
n ’est-il parvenu à découvrir que des éléinens d ’erreur,
lorsque la vérité était si facile à saisir? M. le juge de
paix insistait fortement sur le non emploi du terns*
Cette circonstance, si souvent rappelée et commentée
dans toutes ses lettres, était, par la confiance q u ’il
devait i n s p i r e r , regardée c o m m e chose c onst ant e. Si
Cependant ce Fait faux a pu influer sur la conviction
d u ju r y , quel regret 11e doit point avoir celui qui
pouvait si facilement le rectifier, et q u i, pour se con
vaincre de l ’innocence des accusés, n’avait, en se rap
pelant le si ju d ica s, c o g n o s c e q u ’à donner à l ’examen
de la défense et de leurs moyens de justification, uri
des nombreux instans q u ’il accordait avec tant de
bienveillance à leurs ennemis et à leurs accusateurs!'
S III.
PKPOSIXIONS DE J E ANNE
COLOM 1JF.TTE , LARDON ,
EX
ATJLANIEÏl
CI.LKTTE.
L a femme Colombette avait déposé q u ’à la pointe
du jour du 8 septembre 1 8 1 7 , l ’accusé Gallaml ,
passant par G uignebaude, lieu où elle demeure, lui
avait annoncé la mort de C ourbon, en ces termes :
« L ’ainé C ourbon, du M a/et, a été trouvé mort
« derrière la maison Massardier. »
C e lle déposilion; qui n’uvail élé faite q u ’à l ’an
�c. 5 5 }
dience de la Cour d ’assises, quoique la Colombette
eût été entendue dans l ’instruction, pouvait paraître
suspecte , soit par les circonstances qui l ’accompa
gnaient, soit par la mauvaise réputation du témoin;
mais elle était soutenue,
Par Etienne L ard on , qui déclarait avoir entendu,
en labourant, la conversation de Galland et de la
Colombette ,
E t par Joseph Aulanier et Pierre C elette, qui dépo
saient que Lardon leur avait an noncé, sur les six
heures du matin du 8 septembre, et dans sa propre
maison, ce que Galland venait de dire à la Colombette.
C ’est ce corps de preuves, que la plainte en faux
témoignage des condamnés soumettait à l'examen de
la justice. Mais avant de^suivre l ’instruction, il faut
essayer de donner une idée des localités, en c o n s u l t a n t
un plan qui a été levé en v er t u d ’o r d o n n a n c e d u juge.
L e lieu de G u i g n e b a u d e est situé dans la commune
de D u n i è r e s ; la maison de la Colombette est placée
dans le petit vallon qui porte ce nom*, h une certaine
distance, et sur les derrières de cette maison, est une
cote ou monticule qui sépare deux vallons; et au-delà
du second vallon, existe encore un autre monticule,
ou est situé le village de Cublaisc.
Près de la maison de la Colom bette, et au-devant
de sa porte d ’entrée, passe un chemin conduisant
de Guignebaude à M altaverne, domicile de l’accusé
Galland.
La femme Colombette, suivant sa déposition devant
la Cour d ’assises, était au-devant de la porte d ’entrée
de sa maison , lorsqu’elle a eu avec Galland la conver
sation dont elle a déposé 5 et Lardon aurait entendu
celle moine conversation, en labciurant dans une terre
de la Colombette est placée.
Le 28 janvier, une première ordonnance esl rendue;
�elle porle q u ’il sera ‘procédé à la vérification des posi
tions' respectives de la femme Colom bette, Galland et
L ard on , au moment de la conversation présumée, et
que MM. le juge d ’instruction et le procureur du Roi
se transporteront sur les lieux, pour y recevoir les
déclarations de la Colombette et de Lardon.
Ce transport a lieu le 29 janvier, et le procès-verbal
atteste :
Que la Colombelle s’est placée à neuf pas de sa
maison, sur le derrière, et a indiqué la position de
G allan d , à vingt-huit pas d ’elle.
On voit déjà que cette femme se mettait en contra
diction avec elle-même; que non-seulement elle quittait
la porle de sa m ai s on , et se pl aça it sur le derrière, pour
SC mettre en v u e de L a r d o n , mais encore q u ’elle,
s'éloignait de neuf pas du derrière de sa maison , pour
se rapprocher de cet homme. Elle avait aussi grand
soin, en éloignant Galland du chemin de Guignebaude
à Maltaverne, de lui donner une position qui le rap
prochât le plus possible do Lardon.
Cet homme , à son tour , indiqua le point q u ’il
occupait sur la terre de la cime de la còte, lors
q u ’il avait entendu la conversation de Galland et de
la Colombette. Il déclara q u ’il attelait ses vaches,
lorsque Galland passa et parla. ïl avoua cependant
11’avoir pas1 vu Galland. La distance de Lardon à
G allan d , si l’on s’en rapporte aux indications données
par la Colombelle et Lardon , serait de deux cents
mètres, et còlle de la Colombelle à Galland, de vingtqualre mètres.
Les indications données par la Colombelle el Lardon
pouvaient être vérifiées. Difl’érenles personnes étaient'
011 état de donner des renseignemens précieux sur ce qui
s’était passé dans la malinée du 8 septembre. Les unes,
en cil et., travaillaient des terres au-dessous de celles
de Lardon, cl sur un point plus rapproché du vallon
�c 57 )
ou est située la maison de la C olo m bette, tandis que
d ’autres labouraient sur un terrain bien plus éloigné,
et sur la côte, où est situé le village de Cublaise; mais
q u i , étant plus élevées, avaient nécessairement vue
sur la côte où labourait Lardon.
Des informations devenant indispensables, des té
moins sont entendus, les 10, 1 1 , 14? L8 , 22, 23 J
février, et i 3 mars 1820. Il faut en faire connaître
les résultats, en les rapportant à chacun des individus
q u ’elles regardent.
Relativement à J.nne Colombette , ces enquêtes
apprennent :
i° Que cette femme, causant avec sa famille, au
moment où elle a quitté G alland, ne lui a pas rapporté
le propos q u ’elle a ensuite imputé à cet homme ;
20 Que la fille de la Colombette lui a reproché la
déposition q u ’elle avait faite à la C o u r d ’assises du
P u y ; que d ’ailleurs G a l l a n d n ’avait jamais démandé
autre chose à la Colom bette, que de dire la vérité;
3 ° Q ue, jusqu’à la veille de sa déposition devant la
C o u r d ’assises, la Colombette a assuré à plusieurs té
moins, que jamais Galland ne lui avait parlé de la
mort de Courbon, dans la matinée du 8 septembre.
Quant à Lardon , on lit dans les mêmes informations :
i° Que dans la matinée du 8 septembre, cet homme
ne labourait point à l’endroit q u ’il a indiqué, mais
bien dans une terre plus éloignée ;
20 Que Lardon n’a appris la mort de Courbon que
chez un nomme Escofiier, où il travaillait; que cette
nouvelle ne lui a été donnée q u ’à dix heures du matin.
Quant à A ulanicr et Colette, les dépositions an
noncent :
i° Q u ’un témoin leur a appris, le 8 septembre, à
neuf heures du soir, la mort de C o u rb o n , tandis q u ’ils
disent que Lardon la leur avait annoncée à six heures
de la matinée du même jour;
tf/j
'<
�.
( 58 )
_
.
2° Que L ard on , avant d ’aller déposer à Yssingeaux,
était allé voir Aulanier; que leur entrevue leva tou»
les doutes que Lardon se faisait sur ce q u ’il avait
à dire.
On doit placer i c i , comme remarque essentielle,
que ce dernier fait s’accorde parfaitemeut avec le
contenu en une des lettres de M. le juge de paix, e t
q u ’il paraît certain que L ard on , avant sa conversation
avec Aulanier, avait constamment déclaré q u ’il n ’avait
rien en ten d u , ou q u ’au moins il refusait de s’expli
quer. Il faut aussi dire que L a rd o n , ayant été arrêté
et interrogé, avoua que, le jour même où il devait se
rendre à Yssingeaux, et avant sa déposition, il était
allé chez A u lan ier, pour s’assurer de ce q u ’il avait d it
à ce dernier.
Des réflexions propres à faire sentir combien devaient
paraître suspectes les dépositions de ces quatre indi
vid us, seraient ici inutiles et oiseuses.
L e 27 avril 1820, la chambre du conseil ordonna
q u e , le 4 m ai su ivan t, la justice se transporterait au
lieu de G uignebaùde, à l ’eifet de vérifier si Lardon
avait pu entendre la conversation tenue par G alland
et la Colombette; elle voulut en même tems que trois
experts, les sieurs M onnet, de Retournac; M athieu,
de Bas, et B renas, d ’Yssingeaux, procédassent à cette
expérience ; enfin l ’ordonnanee porte que M. le juge
de paix de Montfaucon sera appelé h cette visite.
U ne question se présente ici d ’elle-même : Q u ’avait
à faire le juge de paix dans cette opération? Elle était
ordonnée par une autorité bien supérieure à la sienne.
MM. le juge d ’instruction et le procureur du Roi
devaient y assister ; elle devait être faite par trois
hommes de l’a r t , ayant la confiance du tribunal et
du public : la présence de M. le juge de paix était
doue au moins superflue.
�( 59 ) _ _
.Mais cet officier de police judiciaire avait cru devoir
donner de nouvelles preuves de son zèle.
L e 26 août 1 8 1 9 , il s’était transporté à Guignebaude; et là., sans mission, sans réfléchir q u ’il n ’avait
aucune compétence pour agir, il s’était permis une
opération dont il annonçait les résultats, comme étant
■entièrement avantageux à Lardon et à la femme Colombette. Cela ne paraîtra point extraordinaire, lorsque
l ’on saura que M. le juge de paix, sans doute pour
assurer le succès de son opération, avait arrangé les
choses de telle manière, q u e , d ’une p a r t , l ’interlocuteur qui représentait Galland adressait la parole à
L ard o n , au lieu de parler à la C olom bette, et q u e ,
de l ’autre, le représentant de Galland s’était placé à
soixante pas de la Colom bette, tandis q u ’il ne devait
en être q u ’à dix-huit. C e moyen ingénieux donnait à
Lardon toutes les facilités possibles p o u r e n t e n d r e ,
p u i sq u e c’était à lui que l ’on parlait; puisqu’il en
était p révenu ; puisqu’enfin l ’interlocuteur avait été
placé à une distance, d ’où Lardon pouvait facilement
saisir ses pensées et ses expressions. Il faut eii convenir :
M. le juge de paix réunit à l ’art d ’assembler les pré
somptions et les indices qui accusen t, c e l u i , plus
difficile peut-être, de préparer les moyens qui peuvent
paralyser et détruire l'accusation la mieux fondée.
Quoi q u ’il en s o it, le transport à G uignebau d e, qui
de vait avoir lieu le l\ m ai, fut précédé d ’une nouvelle
information; et l ’on peut extraire du procès-verbal
d ’audition des témoins, qui est sous la date du 29 avril
1 8 2 0 , le fait essentiel :
Que 'Galland, q u i , le 8 septembre, et à l ’aube du
j o u r , aurait parlé à la Colombette de la mort de
C ourbon, n ’en aurait rien dit un quart-d’heure après,
causant avec un de ses amis, et que ce dernier n ’au rai t
lu i-même appris cette nouvelle à Gublaise, q u ’à neuf
heures du matin du même jour.
-
�( 60 )
Le 4 mai 1820, les expériences qui'(levaient être
faites au lieu cle Guignebaude commencèrent. M. le
juge d ’instruction avait eu le soin d ’y faire trouver les
témoins qui pouvaient faire connaître la vraie position
de L a r d o n , et l ’instant précis où cet homme aurait
appris la mort de Courbon.
Ces témoins furent entendus sur les lieux , et
confrontés avec Lardon. Les uns soutinrent que ce
dernier ne travaillait pas à la terre de la cime de la
côte, et au point q u ’il avait indiqué aux magistrats,
le 29 janvier, mais bien à la terre du P r a t , et à un
point plus élevé et plus éloigné que le prem ier, de
quarante-cinq mètres de celui supposé occupé par
Galland.
L ’opération des experts ap pr en d ensuite q u ’entre le
point indiqué par L a rd o n , comme occupé par lui au
moment de la conversation de Galland et de la Colomb e tte , et celui où les témoins le placent, il existe un
rocher et une pente qui interceptent la v u e , de ma
nière à empêcher de voir G uignebaude, à l ’endroit
sur-tout où Lardon et la Colombette faisaient placer
G alland.
U n autre témoin assure q u ’il avait employé Lardon
à travailler, pendant la journée du 8 s e p t e m b r e , et
que. c’est dans la maison de ce témoin, que Lardon a
appris, ii dix heures du m atin, la n ouv el le de la mort
de Courbon.
Il est ensuite procédé aux opérations qui étaient
l ’objet du transport de la justice et des experts. On a
grand soin de conserver les positions que la Colombette
avait indiquées, comme occupées par elle et Galland
dans l ’instant de leur conversation. On place aussi
successivement Lardon sur le point q u ’il disait avoir
occupé pendant cette conversation, et sur celui désigné
p a rle s témoins, et on se convainc bientôt q u ’à quelq u ’eiidroit que Lardon se place, il est impossible q u ’il
�( 6r )
&it entendu
Colombette.
la conversation
de
Galland et de la
Com m ent, en effet, supposer que celui qui adresse
la parole à un interlocuteur placé à trente pas de l u i ,
prendra, sans nécessité, un ton de voix assez élevé
pour être entendu à deux cents pas , c’est-à-dire sept
fois plus loin? Ne sait-on pas que la vo ix, cet organe
si flexible, se modifie suivant les distances, et q u ’il est
rare q u ’elle s’élève beaucoup au-dessus' de ce qui est
nécessaire pour être entendu? D ’un autre côté, il ne
suffit pas toujours d ’avoir des oreilles pour entendre,
il faut encore prêter son attention à ce q u ’on dit-, et
l ’homine qui est sérieusement occupé d ’un o b je t ,
n ’entend pas le plus souvent ce qui se dit à côté de lui.
L a r d o n , pressé par ces dépositions de témoins et
par les vérifications a u x q ue l l es il assistait c o m m e p a r t i e ,
c h e r ch a i t à en repousser les conséquences i n é v i t a b l e s ,
en d is ant q u ’au moment où il avait entendu la con
versation de Galland et de la C olom bette, le soleil
n ’était point encore levé; que le teins était calme et
serein ; tandis que l ’expérience n ’avait lieu q u ’à dix
ou onze heures du m a tin , et que dans cet instant il
faisait vent. Mais ces différences, si elles existaient
ne trouvaient-elles point leur compensation dans la
circonstance, q u ’au moment de l ’expérience*, Lardon
savait ce q u ’on voulait faire, et était prévenu de tout
à mesure que l ’on opérait*, tandis q u ’au moment où
il aurait entendu la conversation de G alland, il était
occupé de son travail, et que rien rte p o u v a i t fixer son
attention sur l ’arrivée et la présence de cet homme
auprès de la C o l o m b e t t e .
On ne peut que rendre hommage à la sagesse et à
la prévoyance des magistrats qui ont dirigé cette ins
truction ; mais ce qui vient d ’être dit conduit, à l ’idée
que la justice pouvait adopter un mode d ’opérations
�( 6» )
bien plus conforme aux intérêts de la plainte qui avait
été portée par les condamnés.
E n effet, étant acquis au procès, que Lardon liait
ou attelait ses vaches au moment où il a entendu la
conversation de Galland (qu’il ne voyait pas) avec la
C olo m b ette, la véritable expérience à faire pour s’as^
surer de la v é rité , ou même de la possibilité du fait
déposé, n ’était-elle pas de placer, sans les prévenir,
trois individus, l ’un liant des vaches au point sup
posé occupé par Lardon , et les deux autres aux points
supposés occupés par Galland et par la Colombette ;
d ’engager ensuite ces deux derniers à ouvrir entr’eux
u n e conversation à haute voix; et, dans cette liypo-»
thèse, croira-t-on q u e le représentant de L a r d o n pût
entendre cette c o n v e rs a t i o n j lo r s q u e , dans u n e ex p é
rience toute favorable à L ard on , on le voit lui-même,
quoique bien prévenu de ce qui allait se passer, être
obligé d ’avouer q u ’il n ’avait pu saisir le moindre mot
de ce qui se disait aux lieux occupés, suivant l u i, par
G alland et la Colombette,
De nouvelles informations succèdent à cette opéra
tion. Il faut encore extraire des procès-verbaux, qui
se trouvent sous les dates des 1 9 , 20 et 24 du même
mois, les faits suivans :
i° Que lu Colombette a une très-mauvaise répu tation ;
2° Que cette femme n ’était pas, le. 8 septembre, au
point q u ’elle a indiqué, sur le derrière de sa maison;
q u ’elle se trouvait, au contraire, placée, toute désha^
b illé e , à un autre point in d iq u é, sur le devant de la
même maison ;
3 ° Que la conversation de Galland et de la Colom
bette a été écoutée par la sœur de cette dernière, qui
n’a pas entendu Galland parler de la mort de Courbon.
Le second fait était propre à rappeler une circons-.
tance bien précieuse, et q u i, jusqu’à ce moment, pa-r
raissait avoir échappé à l'attention des magistrats }
�( » }
on veut parler de la déposition é c r it e / d e la Colombette, sous la date du 7 janvier 1 8 1 8 , qui se réunit à
une lettre de M. le juge de paix, du 24 novembre
18 17 ? pour prouver que cette femme était devant sa
porte au moment de la conversation q u ’elle avait eue
avec Galland.
• Les conséquences immédiates à déduire de ce fait
positif étaient,
Que la Colombette ne pouvant être placée derrière
sa maison, et au point qu ’on avait indiqué à M. le
juge d ’instruction, Galland d evait, à son t o u r , être
mis dans une position qui le rapprochât de la Colom
bette ;
Que le nouveau point où il devenait indispensable
de placer G allan d , l ’éloignant de L ard on , rendait l ’au
dition de sa conversation encore pins impossible ;
Q u ’ainsi tout cela p r o u v a i t q u e lés positions indi
quées à M. le juge d ’instruction , lors de son transport,
du 29 janvier 1820, étaient fausses, et avaient été
combinées avec la Colombette et L ard on , pour essayer
de rendre leurs dépositions probables*
Cette nouvelle découverte exigeait un examen plus
approfondi-, aussi M. le substitut du procureur du
Ilo i, accompagné de l ’expert Brenas, se tran&porlèrentils de nouveau au lieu de Guignebaude.
Il y fut vérifié,
Q u ’en adoptant les indications données par la C o
lombette à M . le juge d’instruction, le 39 janvier, il
n existait ni chemin ni sentier qui pùt conduire au
point prétendu occupé par Galland;
Qu en s’arrêtant, au contraire, au fait que les der
nières informations avaiont révél«7 fait d ’ailleurs con
forme aux renseignemens donnés par M. le juge de
paix, et confirmé par la déclaration de la Colombette,
011 tiouvait que Galland avait pu s’arrêter à un point
où existe uu sentier q u i débouche au-devant de la
�( 64 5
maison Colom belte, et a bo u tit au chemin de Guignebaude à. Maltaverne.
Mais., dans cette dernière position, qui était la seule
possible, G allan d, se trouvant à une distance de huit
pas de la C olo m b ette, était beaucoup plus éloigné de
L a r d o n , ce qui ren d a it, pour ce dernier, l ’impossi
bilité d ’entendre, déjà démontrée, plus grande encore.
Tout ce qui vient d ’être dit prouve jusqu’à l ’évi
dence la fausseté des quatre dépositions examinées dans
çe paragraphe, Les l o c a l i t é s v u e s avec l ’attention la
plus scrupuleuse, se réunisssent en effet aux déposi
tions des témoins, aux hésitations de la Colombette et
de Lardon, aux aveux enfin de ces quatre individus ,
p o u r les accuser et les convain cre d ’ imposture.
Cependant q u ’ é t a i e n t ces q u a t r e m a l h e u r e u x ? Un<£
femme perdue de réputation, ayant tous les défauts ,
et entachée de tous les vices q u ’accoinpagne' 1 habi
tude de la débauche la plus crapuleuse
Des hommes inconnus , sans considération , sans f o r
tu n e , des prolétaires vivant chaque jour des travaux
de leur journée,
'
j
Tous jgnorans, et d ’une faiblesse d ’esprit extrême,
pouvaient-ils se garantir des pièges1 de la séduction ?
ne devaient-ils pas également céder aux impulsions de
l ’espérance et de la crainte? prévoyaient-ils sur-tout
les suites funestes que leurs dépositions pouvaient avoir
pour autrui et pour eu x?...... Les imprudens! . . . ., L a
C our les a mis hors d ’accusation; mais l ’instruction
j-este dans toute sa force pour faire rejeter leur té
moignage......... Q u ’ils se repentent ! q u ’ils appaisfent
celui qui scrute si profondément les consciences des
hommes
Les accusés leur pardonnent.
�(■65
)
S IV.
DÉPOSITION DE PEYRACIIE.
Quant à Peyraclie, si cet homme jouissait encore
d ’une existence sociale; s’il pouvait être présenté à. la
Justice comme témoin; si sa déposition sur-tout devait
avoir la moindre influence sur le sort des accusés, il
faudrait examiner les nombreuses preuves de faux té
moignage qui s’élevaient contre lu i, et prouver q u ’il
avait été excité au crime par la haine q u ’il portait à
G alland, et par les récompenses q u ’il avait reçues et
espérait recevoir encore de la famille Coui-bon, dont
il était l ’agent le plus actif. L ’étude du caractère de
Peyraclie pourrait même être de quelque u tilité; ses
fourberies, ses vices habituels, son esprit toujours in
quiet, le besoin q u ’il é prouvait à chaque instant de
s’éloigner de sa famille, pour porter le desordre et le
trouble chez les personnes qui avaient le malheur de
]e recevoir; son empressement à se mêler des affaires
des autres, pour vivre à leurs dépens; enfin, chacun des
traits de cet homme singulier fournirait une leçon à
suivre et un exemple à éviter.
Ma is la j ustice l’a frappé : Peyraclie n ’a plus ni fa
mille ni concitoyens; son nom, attaché au crim e, 11e
peut plus être prononcé que pour épouvanter ceux qui
seraient tentés de l ’imiter. Peut-être son supplice a-t-il
commencé au fond de son a m e !.............. Respect au.
m alheur, même m érité!
L ’arrèi qui condamne Peyraclie est du 26 mai 1821.
Ija condamnation de cet homme donnait ouverture à
la révision du procès criminel dans lequel Galland et
Rispal avaient succombé.
TJ11 arrêt de la Cour de cassation, du 9 août 18?. 1,
9
�• 6 ^ ''r
(66)
annulant celui rendu par la Cour d’assises du P u y , le
9 mars 18 19 , ordonne que les accusés seront jugés sur
même arrêt d ’accusation, et les renvoie, à cet effet,
devant la Cour d ’assises du département de la L o ire ,
séant à Montbrison.
■
T e l est Fétat de ce procès.
;i '<i
(
�( 61
)
DISCUSSION.
L ’examen détaille et raisonne des faits de ce procès
a prouvé deux propositions, dont la vérité est aujour
d ’hui évidente. La première, q u e, n’existant point de
c rim e , on ne pouvait rechercher des criminels ; la
seconde, q u ’en supposant un corps de délit établi, les
accusés ne pouvaient en être présumés et encore moins
jugés les auteurs.
Les faits seuls et les conséquences q u ’on en doit
déduire suffisant pour démontrer l ’erreur du jury de
la H aute-Loire, et pour dissiper les obscurités dont
la prévention avait entouré cette malheureuse affaire,
il semblerait que toute discussion ultérieure est inutile,
si l’on ne savait que celte erreur est autant de droit
que de fait,,et que MM. les jurés ne se sont t r om pé s ,
q u e parce q u ’ils n ’ont pas assez réfléchi sur les condi
tions nécessaires à la preuve de l ’existence d ’un crim e,
s u r - t o u t lorsqu’il s’agit de meurtre et d ’homicide.
Ce point de droit est cependant d ’une haute impor
tance; il intéresse éminemment la société entière; et
la moindre erreur ou la plus légqre méprise, sur une
vérité aussi fondamentale, est d ’autant plus funeste,
q u ’elle peut à chaque instant compromettre la liberté,
l ’honneur et même la vie des citoyens.
Il faudra donc fixer, sur cette question, l’attention
de MM. les jurés, e t , en en'recherchait les principes,
dans l ’ancienne législation criminelle , leur prouver
que le texte de nos Codes actuels, l’esprit du législa
teur, l’éq ni té et la raison, sans, lesquelles il n’y.aurait
qu arbitraire et despotisme, leur imposent l ’obligation
de s’occuper, avant tout, de l ’existence du corps de
d élit, et que, dans certains cas, ce|,le existence doit
être pioiiAcc par des actes Auxquels il ne peut êtr&
permis de suppléer.
�(C8)_
Mais avant d ’aborder cette discussion, et pour sim
plifier toutes les idées qui se présentent dans ce procès,
il n ’est pas inutile de donner quelques explications sur
la révision des procès criminels, action que nos Codes
ont cru devoir admettre.
L a révision des procès crim inels, autorisée par
l ’ordonnance de 1670 , fut supprimée par les lois de
l ’assemblée constituante. Ayant été rétablie par la loi
du i 5 mars 17 9 3 , pour le cas seulement où deux
condamnations seraient inconciliables , elle fut de
nouveau anéantie par la mise en activité du Code
criminel du i 3 brumaire an 4> q u i , en gardant la
silence sur la révision, déclare abolie toute forme de
procéder et de juger, qui n ’y serait pas t e x t u e l l e m e n t
r appelée. L e s mo tif s de cette omission é t a i e n t , d ’une
p a rt, la crainte que la confiance que devait inspirer
l ’institulion du ju ry ne se trouvât affaiblie, par la
seule supposition q u ’il pourrait tomber dans l ’erreur y
e t, de l ’autre, la crainte que le respect dû aux organes
de la loi et aux arrêts de la justice ne reçût quelque
atteinte d ’une disposition qui , après l ’accomplisse
ment de toutes les formalités, et l ’épuisement de tous
les degrés de ju rid iction , offrirait encore un moyen
d ’attaquer et de faire anéantir un arrêt définitif de
condamnation.
Ces considérations étaient importantes. Soumises h
l ’examen du législateur, elles devaient le porter h fixer
avec circonspection les règles auxquelles serait assujétie
l'a révision ; mais il n ’en était pas moins indispensable
(le rétablir une barrière contre les erreurs possibles,
des jurés et (les juges. E n effet, « tant que les hommes,
« dit un jurisconsulte étranger, n ’auront aucun carac« 1ère certain pour distinguer le vrai du faux , une
« des premières sûretés qu ’ils se doivent réciproque«- m en t, c ’est de 11e point'admettre, sans une nécessite
« démontrée 3 (les peines absolument irréparables.
�C «9 )
« N ’a-t-on pas vu toutes les apparences du crime
« s’amonceler sur la tête d ’ un accusé , dont l ’innocence
« était démontrée, quand il ne restait plus q u ’à gémir
« sur les erreurs d ’une précipitation présomptueuse?
« Faibles et inconséquens que nous sommes ! nous
« jugeons comme des êti’es bornés, et nous punissons
« comme des êtres infaillibles (i). »
L'exercice du droit de faire grâce, rétabli par le
sénatus-consulte du i/j. thermidor an 10 , ne devaitil pas même paraître insuffisant, en faveur de celui
qui aurait été victime d’apparences trompeuses ou de
fausses dénonciations ?
L a révision fut donc de nouveau consacrée par nos
Codes; mais elle fut réduite aux cas où elle paraissait
réclamée par l ’intérêt même de la justice, et sans que
celui de la société p u t e n recevoir atteinte.
Ai n s i , la révision n ’est autorisée q u ’en mat ièr e
c ri m i ne l l e, et jamais en mat ièr e de police c o r r e c t i o n
nelle et de si mple police.
- Cette faculté ne peut être exercée en matière cri
m inelle, que dans trois cas.
11 y a lieu à révision :
• i° Si l ’accusé a été condamné pour un crime à raison,
duquel un autre condamné a été déjà condamné,
lorsque les deux condamnations ne peuvent se conci
lier (art. l\4 3 );
■2° S ’il résulte, des pièces communiquées, des indices
suffisans de l’existencc de la personne prétendue homicidée, et dont la mort supposée a déterminé la con
damnation ;
3 ° Dans le cas de condamnation portée dans un
débat, dans lequel des témoins à charge ont été pré
venus de faux témoignage,-et depuis condamnés pour
raison de ce crime (art. 44 5 ).
(1) Jérémie Bcntham.— Traité de la législation civile ot crimineli*.
\
�( 7d )
C ’est dans ce troisième cas de révision , que les
Condamnés Galland et Rispal ont été placés par la
condamnation du faux témoin P ey radie,
M. Berlier, après avoir fait observer que l ’espèce
prévue par l ’article 44^ était exactement celle qui
forma , il y a plusieurs années, le sujet de la récla-r
mation élevée dans les intérêts des nommés PetitR e y n a u d , condamnés à Besançon , disait q u e , si dans
ce cas l ’erreur de la condamnation ne se montrait pas
avec la même évidence que dans les autres espèces
citées; s’il était strictement possible que le faux témoi
gnage n’eût pas seul dicté la déclaration du ju r y ,
qu ’enfin si Verreur de la condamnation n en résultait
pas évidem m ent, du moins il fallait convenir q u e ce
fait est'assez grave, p o u r é ta b lir une su ffisa n te pré
_
somption (jue l ’accusé a été victim e d ’une horrible
calomnie.
« Dans une telle position, ce serait, disait l ’orateur,
« être sourd à la voix de l ’iuimanité, que de ne pas
« recourir à une nouvelle instruction , dégagée des
« funestes éléniens qui ont corrompu la première (i) ».
C ’est donc d’après une nouvelle instruction , que
MM. les jurés du département de la Loire sont appelés
à prononcer sur le sort de Galland et de R ispal, qui
actuellement ne sont plus ([\i accusés ; et dans les dé
liais qui vont s’ouvrir, chacune des charges doit être
considérée avec la même a t te n t i o n que si elle n ’avait
pas déjà été soumise à l’examen de la justice. MM. les
jurés doivent sur-tout se garantir de l’impression que
pourrait faire sur eux l ’idée q u ’il y a choso jugée. Ce
sentiment, s’il existait, serait un préjugé et une erreur
d ’autant plus condamnables, q u ’il est établi, d ’une
p a r t , que les accusés ont été victimes d ’une horrible
calomnie, et que, de l ’a u tre, il est aussi certain quo
(i) Expose (les jnotifs doM. le Couspillcr d’Elat Bcrlicr, liy. a , tit, 3,
�( 71 5
la décision des jurés de la Haute-Loire a été influencée
par des élémens corrupteurs, q u i, en dénaturant toutes
les circonstances du l'ait, ont puissamment agi sur la
conviction.
Ces idées préliminaires étant expliquées, il faut
examiner ce que c’est q u ’un corps de délit, et comment
il doit être établi pour donner lieu à des poursuites,
et sur-tout pour légitimer une condamnation.
« Si l ’accusé, dit l ’illustre chancelier d ’Aguesseau,
« soutient q u ’il n’y a eu ni assassinat ni meurtre ;
« que le corps mort de celui q u ’on l ’accuse d ’avoir
« assassiné ne porte aucunes marques de blessures ,
« aucuns vestiges de violen ce, aucun caractère de
« l ’assassinat; si saint Athanase, accusé d ’a-voir coupé
« la main d ’Arsène, demande à représenter Arsène à
« ses accusateurs étonnés; s’il oifre de confondre leur
« malice , en l ’obligeant à l e u r m o n t r e r ses deux
«< mains, qui pourra soutenir que de pareils faits ne
« doivent pas être examinés isolément par rapport à
« l ’accusé, par rapport à l ’accusateur, par rapport à
« la justice elle-même, qui ne doit jam ais entrer dans
« ïinstruction d ’un crim e , dont l ’existence peut être
« justem ent révoquée en doute? (i) »
Ce passage si éloquent, inspiré par lTiumanite et
dicté par la raison, n ’est autre chose que le plus heu
reux développement de la Loi S i délietum probatum
fu e r it , et des principes consacrés par l ’ordonnance de
16 7 0 , sur la preuve en matière criminelle.
E n effet,
Sous celte ordonnance , tous les auteurs étaient
d accord que la preuve en matière criminelle devait
avoir nécessairement deux objets q u ’il ne fallait point
diviser, Y u n , de s'assurer de l'existence du crim e,
c est-a-diie, établir le lait particulier, que le crime s
(1)
D ’A g u e s s e à t j , 5 i b
plaidoyer, affaire du LopiyarJiiw.
�( 72 )
«Hé commis, ce que les criminalistes appelaient cons
tater le corps de d élit; l ’autre, de convaincre la per
sonne qui en est accusée , d ’en être l ’auteur ou le
complice.
L e premier soin qui devait occuper le juge était
de s’assurer si le crime avait été effectivement commis;
et cette preuve, dans la plupart des cas, ne pouvait
s’acquérir que par des procès^verhaux du juge et par
des rapports des médecins et chirurgiens.
Relativement à la preuve , on distinguait deux
sortes de crimes, les un s, q u i, comme l ’h o m icid e ,
laissent des traces après e u x , et que les docteurs ap
pellent delicta fa c ti perm anentis; les autres, qui ,
comme le b l as p hè me et les injures verbales, ne laissent
fiucune trace, et pour cela sont appelés delicta fa c ti
transeuntis.
Pour les premiers, la preuve de l ’existence du corps
de délit ne pouvait ressortir que des procès-verbaux
(les ju g es et des rapports d ’experts , parce que ces
crimes laissent des impressions durables, qui les rendent
susceptibles de l ’inspection des yeux. Pour les autres,
il était permis de recourir aux informations et aux
interrogatoires, parce que le corps du délit ne tombait
point sous les sens.
D ans les crimes qui laissent des traces après e u x ,
on distinguait.cn outre ceux dont le corps devait être
constaté par le concours des r a p p o r t s d e x p e r t s
avec les procès-verbaux des juges, tels que Yhomicide
et le poison, crimes dont l ’existence devait être établie
suivant les règles de l ’a rt, de ceux dont le corps pou
vait être constaté par le seul procès-verbal du ju ge,
comme le vol avec effraction, l’incendie, e tc ., dont
tout le monde peut juger à. la simple inspection des
yeux.
'
Ces règles étaient absolues, et n’admettaient d ’ex
ception que dans un seul cas; celui où les traces du
�C ’ 3 ')
crime auraient cessé d ’exister, par le fait de l ’auteur
même, qui en aurait dérobé la connaissance, en jetant
dans la rivière ou en brûlant le cadavre de la personne
q u ’il avait assassinée. Il fallait bien alors recourir aux
informations et aux interrogatoires; mais constamment
l ’aveu de l ’accusé était repoussé, comme insuffisant
pour constater le corps du délit, à moins q u ’il ne se
trouvât d ’ailleurs appuyé par les dépositions des té
moins, ou par quelques-uns de ces indices prochains,
que l ’on connaît en droit sous la dénomination de’
témoins muets.
Ces principes étaient le résultat de l ’expériencè.’
Les erreurs trop fréquentes de la justice avaient enfin
ramené les criminalistes, même les plus farouches,
au respect et à l ’observation de cette maxime : Q u'il
v a u t m ieux risquer cle laisser un crime im puni, que
de s’exposer à cojidamncr un innocent; enfin il n’était*
plus douteux que le délit devait être constant pour
que l ’accusé pût être condamné à la torture; et que
les « rapports des médecins et chirurgiens sont si'
« nécessaires dans les procès où il s’agit d’ homicide
« qu e, faute de pareils rapports de visite, soit q u ’il.
« n’eu ait point été f a it , ou q u ’ils ne soient point
« rapportés, ou q u ’ils soient nuls, on pourrait inférer
« que le blessé n’a point été blessé, et que la personne
« blessée serait morte p a r un autre accident qu ’à
« cause de blessures; en un m ot, en ces sortes d ’oc« casions, c’est le procès-verbal qui établit le corps de
« délit. Différons arrêts ont enjoint à des juges de
<« dresser des procès-verbaux en pareils cas (r). »
Ainsi , sous l ’ordonnance de 1670, il faut tenir
pour certain :
(1) Voir Muynrd tic Vonglnns, de la Division de la P re u v e , lit. 3 ;
François Serpillon, sur le titre 19, article i er do l’ordonnance cle 1670;
r.ny du Rousseau dcL acom bc, T raité des m atières crim inelles, 3e part.,
cliap, 3 , n° 11.
10
�( 74 )
i° Que si un caclavre était découvert, le genre de
mort devait être constaté par la réunion du procèsverbal du juge et le rapport du médecin;
2° Que la preuve de l ’homicide ou l ’existence du
corps du délit ne pouvait résulter que du rapport du
médecin ou chirurgien;
3 ° Q u ’un homme ne pouvait être poursuivi ou mis
en jugem ent, comme prévenu d ’homicide, que lorsque
le fait matériel était établi suivant les formes pres
crites.
,
Qu/aurait-on pensé, sous cette législation, des pour
suites exercées et de la condamnation prononcée contre
deux malheureux, jugés coupables d ’un crime dont
1 existence était prouvée impossible dès l’origine même
d e la procédure ?
Si l’on s’arrête un m o m e n t pour recueillir les leçons*
de l’expérience et consulter la sagesse des siècles, on
lie peut s’empêcher d ’admirer la prévoyance du légis
lateur, qui a cru devoir confier à la médecine seule le.
soin de résoudre les problèmes, plus ou moins diffi
ciles , que l'existence ou la mort de l ’hoinme peuvent
présenter.
L ’étude de la médecine embrasse tant de connais
sances diverses; elle exige un esprit si essentiellement
observateur, des aperçus à-la-fois si profonds et si in
génieux, un cœur si ami de l ’ humanité, que l’on doit
convenir, que s’ il existe quelques moyens de rendre
les hommes plus sages et meilleurs q u ’ils ne l’ont
encore été, ce doit être dans celle science q u ’on doit
les chercher. N ’esl-ce pas, en eftet, à la médecine que
nous devons nos premières lois? Les sages de l’ancienne
Grèce ne réunissaient-ils point à la science de la légis
lation et de la morale, celle des lois de la physique
animale et la connaissance du cœur humain? K t si
l’on parcourt l'immense recueil du Droit romain ; si
l'un étudie sur-tout les règnes des Sévère, des A drien,
�( 75 )
des Antonin j des M arc-Aurèle, ne se convaincra-t-on
pas que ces empereurs, amis des médecins et des phi
losophes, avaient également consulté les écrits d ’Aristote
.et d ’Hippocrate, pour établir leurs décisions sur l ’état
des citoyens et la classification des délits?
L a jurisprudence apprend que par-tout où le Droit
romain était r e »ç u /, les savans et les médecins étaient"
consultés dans les cas extraordinaires; et ort ne peut
s’empêcher de penser que Charlemagne n ’eût cet usage'
en vu e, lorsqu’il dictait ce beau capitulaire, « q u ’un
« juge ne condamne jamais sans être sûr de l’équité
« de son jugement; q u ’il ne décide pas de la vie des
« hommes par des présomptions, mais par des preuves
« aussi claires que le jour; q u ’il sache que ce n’est
« pas celui qui est accusé qui est coupable, mais bien
« celui qui est convaincu; q u ’il n ’y a rien de si dan« gereux et de si inj ust e que de hasarder un jugement
« sur des c o n j e c t u r e s q u e toutes les affaires où la
« preuve ne consiste q u ’en indices, et ne peuvent tout
« au plus former q u ’un d o u te , doivent être réservées1
« au souverain jugement de Dieu ( i) . »
O r , dans les choses qui appartiennent à l ’état ana
tom ique, physiologique et pathologique de l ’homme,
comment le magistrat serait-il sûr de son jugem ent,
sans recourir aux lumières des personnes de l ’a rt? ....
L ’exercice de la médecine dans les Cours de justice,
d a te , en France, du siècle de François I". Bientôt
les ordonnances (le nos Rois érigèrent en lois ce qui
n avait commencé par n ’être q u ’une coutume. La mé
decine, associée aux fonctions de la justice, rendit
des services importans, et contribua puissamment h
détruire des préjugés ou des erreurs nés de l ’état de
( i ) Capitul. , liv. 7— 107.
�( 76 )
crédulité où l ’on vivait alors (x). Il est vrai que les
décisions des médecins n ’ont pas toujours été des
oracles irrévocables ; que plusieurs d ’entr’e u x , dé
pourvus des connaissances indispensables à cette pro
fession, ou du jugement q u i, les mettant en œuvre,,
les dirige vers un but utile, avaient donné lieu à des
scènes ridicules ou sanglantes, dans les tems où les
tribunaux étaient moins éclairés (2). Mais fallait-il
rejeter la science, parce q u ’elle était appliquée par
des hommes inhabiles? Ne valait-il pas mieux s’atta
cher à en régler l ’usage?
C ’est ce qui fut fait; et on trouve, dans les recueils,
sous la date de 1606, des'letlres-patentes , données
par Henri iv à son premier médecin, lui conférant le
droit de nommer deux chirurgiens dans chaque ville,
pour faire les rapports. V in t ensuite l'ordonnance
de 1667, q u i, dans l ’article 3 du t i t r e S , veut que
les rapports soient faits par detrx chirurgiens, nommés
par le premier médecin du Roi. Enfin intervinrent deux
arrêts du Conseil d ’E l a t , en 1G92 et i 6 t)3 , qui
réunirent ces offices aux communautés de médecins et
chirurgiens.
O11 arrive au dix-huitième siècle, à cette é poque où
1 étude des choses sérieuses e t des s c i e n c e s exactes succéda
à l ’enthousiasme des lettres, de la poésie et des beauxarts. On connut alors le doute p h i l o s o ph i qu e. Une
heureuse rivalité, inspirée par le désir d ’être utile aux
hommes, s’établit entre l ’académie de chirurgie cl la
«société de médecine. Bientôt la nature n’eut plus de
secrets; les faits, sagement interrogés, dévoilèrent ses
mystères; e t , à l ’aide d ’obscrvalions souvent répétées
et faites avec la plus grande exactitude, on parvint
(1) Voir Pigray , cTiirurgica (l'Henri n i, et contemporain (l’Antoine
Parié.
(a) Voir Malion , mçJcciuo légale, tome i er, page 2.^
�( 11 )
enfin à expliquer, avec une précision et u'tie,'certitude
presque mathématiques, les phénomènes de la vie et
de la mort.
Il
faut placer à cette époque les travaux du célèbre
Louis. Cet ami si éclairé de l’humanité fut le premier
qui enseigna publiquement l ’art de résoudre certaines
questions médico-légales ; et bientôt des mémoires
consultatifs imprimés , discutant la forme et le fond
des rapports, furent accueillis par les magistrats. L a
publicité a y a n t ensuite fait sentir combien il était
nécessaire d ’apporter du soin a la rédaction de ces
mémoires, l ’on vit l ’éloquence, réunie au savoir, arra
cher à la mort et à l’infamie des accusés qui parais
saient devoir succomber. C ’est alors que l ’on a pu dire,
avec B alde, q u e , dans ces matières/ les- assertions des
médecins ne sont pas un témoignage , mais bien p lu tô t
un ju g em en t .
'''
. . r ..
E a effet, personne n ’ignore les exemples fournis par
les affaires trop célèbres de Montbailly et de Sirven, et
sur-tout par celle de Chassagneux, de Montbrison \ qui
a tant de points de ressemblance'avec celle de Rispal
et G a lla n d , aujourd’ hui soumise à l ’examen du ju ry
de la Loire. Mais, si l ’on étend ses recherches sur des,
espèces moins connues; si l ’on consulte les arrêts de
l ’ancienne jurisprudence; plus on les étudiera, et plus
on sera frappé de cette vérité importante, que ja m a is ‘
aucun accusé n a été convaincu d'un crim e , lorsque
le corps de délit n était point constaté ; que les erreurs
judiciaires naissaient toujours de ce que les premiets^
rapports ayant constaté le corps de d é lit, les déposi
tions, entendues dans l ’instruction, en désignaient, le
coupable. Ma is constamment,, s ’il s'élevait des d iffi
cultés sur ¡‘existence du crim e, ou si un médecin
plus éclairé que le premier montrait que le délit
n ’existait pas ou même était d o u te u x , la justire, dédaignaut et rejetant les preuves qui semblaient con-
�( 78 )
vaincre un coupable, repoussait l'accusation d ’un seul
mot — . L e crime n ’ existe p a s ! ...... L e corps de dél i t
EST INCERTAIN !
Des principes aussi conservateurs dè la vie des
hommes, de l ’honneur et du repos des familles,
auraientrils éprouvé quelque changement , ou subi
quelque altération par l ’émission de nos nouveaux
Codes ? Us étaient la règle du m agistrat, sous une
législation toute défavorable aux accusés; ils les pro
tégeaient, lorsque, privés de communications, livrés^
à eux-mêmes, et plongés dans l ’obscurité d ’un cachot,
ils ignoraient souvent jusqu’à la nature de leur crime;
ils leur servaient encore de bou clier, lorsque, sans
d é f e n s e u r s , ils restaient exposés seuls à la mal ice de
leurs ennemis. C e s principes seraient-ils anéant is ou
méconnus, aujourd’hui que notre législation criminelle
a fait un si grand pas vers le b ie n , en accordant un
défenseur aux accusés, en confiant l ’application des
lois à des juges civils, et en couronnant ce bel oeuvre
par la sublime institution du ju r y ? Est-ce dans le
tems que l ’accusé doit être jugé par ses pairs, par des
hommes non versés dans les subtilités de la procédure,
et dont la règle unique doit être le bon sens et
l ’équité, que quelques novateurs imprudens v o u d r a i e n t
soutenir que le jugement des affaires criminell es ne
devant avoir d ’a u t r e règle que la conviction morale
du ju r y , il lui a p p a r t i e n t de rester c o n v a i n c u du corps
de d é lit, contre le contenu aux procès-verbaux et aux
rapports des médecins ; do prendre pour règle de son
jugement l'ignorance, aussi vaine que présomptueuse,
du quelques témoins; de dédaigner les témoignages des
faits recueillis, interrogés et jugés par les hommes de
l ’art; q u ’enfin les jurés, cédant à une croyance légère,
que l'irréflexion peut confondre avec la" conviction t
in tim e , ont reçu de la loi le pouvoir de créer à-là-foi?
Je crime et le crimiuel?
�, s
( 79 )
66o.
Ali ! s’il en ¿tait ainsi, que le législateur retire hcs
funestes présens : il nous a trompés ! Il s'est égaré
lui-même en croyant établir une innovation favorable
aux accusés : q u ’il nous rende les secrets, le s tortures,
toutes les horreurs enfin de l ’ancienne procédure cri
minelle. Elles faisaient gémir l’humanité; mais le
calcul mathématique des preuves, auquel l ’ordonnance
soumettait le jugement des affaires criminelles, serait
plus favorable à l ’ i nnocent accusé , que la nouvelle
forme qui lui a été substituée.
L a raison repousse un système anti-social, et d ’au
tant plus dangereux , que son effet le plus immédiat
serait de substituer l ’arbitraire à la justice.; et quel
despote que celui qui ne connailrait d ’autre règle que
ses caprices ou son ignorance !
Aussi n’est-ce point ce que la loi a voulu; et l ’en
semble de notre législation prouve clairement que ,
plus que jamais, la jurisprudence doit être spéciale
ment éclairée par la médecine.
E n effet, lesrapports.de la médecine avec le Droit
commencent à se manifester dans le Code civil; et la
plupart des articles renfermés dans les livres I er et 3 e
ne sont que la réunion des décisions médico-légales
consacrées par le lems. Mais, pour 11e pas trop s’éloigner
de son sujet, on se borne à faire remarquer que si la
médecine a été consultée pour établir les règles con
servatrices des biens, des qualités et des litres des
citoyens, dans la jurisprudence criminelle, l ’union de
la médecine aux lois est d ’autant plus nécessaire pour
1 exercice plein et entier de la jnstice, que cetle union
est le seul garant de l ’honneur et de la vie compromis
injustement.
La première idée qui s’est présentée h la pensée du
législateur, lorsqu’il s’est occupé de la réforme des loi*
pénales, a clé d ’aviser aux moyens de donner plus dt*
développement aux connaissances en médecine légale,
�( 8o )
et de rendre cette science populaire. Pour cela, il créa,
par la loi du 1 4 frimaire an 3 , des chaires de méde
cine légale dans toutes les facultés dè médecine; créa
tion qui fit de cette science, dont l ’enseignement était
originairement restreint à l’école de P a r is , un objet
général d ’étude pour tous les français qui se destinaient
h. la profession de médecin.
L e Code des délits et des peines parut bientôt après :
on sait q u ’il est du 3 brumaire an 4 '•>et ses dispositions
s’accordent parfaitement avec les idées que le législa
teur s’était faites de la nécessité de l ’étude de la mé
decine légale j élude d ’ailleurs dont il voulait uiiliser
les fruits.
L ’ article 102 impose au juge de p a i x , aussitôt q u ’il
est informe d ’ u n d élit d o n t l ’existence p e u t être cons
tatée par procès-verbal, de se transporter sur les lieux
pour y décrire en détail le corps du d é lit, avec toutes
ses circonstances et tout ce qui peut servir à convic
tion ou à décharge.
L ’article io 3 veut q u ’au besoin le juge de paix se
fasse accom pagner d ’une ou de deux personnes p ré
sum ées , par leur art ou profession, capables à ’appré
cier la nature et les circonstances d u délit.
E n fin , l ’article 104 est ainsi conçu : « S’il s’agit
» d ’un meurtre ou d ’ une mort dont la cause esi in« connue ou suspecte, le juge de paix d o i t se iairo
« ASSISTER d ’un ou de deux officiers de santé. »
Ainsi, dans ce code, point de délit sans procèsverbal qui le constate; et, dans les cas ordinaires, le
juge de paix doit décrire le corps du délit avec toutes
les circonstances à conviction ou à décharge; les hommes
de l’art peuvent apprécier la nature et les circonstances
du lait; mais s’ il s’agit de meurtre ou de m ort, l’obli
gation imposée au juge de paix devient formelle : il
non’ se luire assister de doux officiers de s a u le , qni
�( 8 .)
Sont appelés seuls à prononcer sur la cause de la mort,
si elle est inconnue ou suspecte.
Ces procès-verbaux et rapports étaient indispen
sables, non seulement pour la poursuite et l ’instruction
de l'affaire, mais encore pour le jugement. « Les jurés,
« dit la l o i , doivent d ’abord examiner l ’acte d ’accu« sation, les procès-verbaux, et toutes les autres pièces
« du procès, à l ’exception des déclarations écrites des
« témoins ». Après cette instruction , qui est en pleine
harmonie avec la procédure exigée, l ’arLiclc 3 7 4 or
donne que la première question tende essentiellement
à savoir si le f a i t qui J'arme le f o n d de l ’accusation
est constant ou non ; et la seconde, à savoir si l ’accusé
est convaincu de l’avoir commis, ou d ’y avoir coopéré.
L ’instruction et le jugement avaient donc en vue
un premier objet préalable à tout autre, celui de s’as
surer de l ’existence du corps de délit. La première
opération du j u r y était de former sa conviction sili
ce point; il ne pouvait rechercher le coupable que
lorsqu’il s’était rendu certain de l ’existence du fait
formant le fond de l'accusation; et sa Conviction de
vait avoir pour unique fondement les procès-verbaux
rédigés par les hommes de l’art. L e Code des délits et
des peines, du 3 brumaire an 4 > était donc en tout
conforme aux principes consacrés par Fordonnance de
1670. Comme celte ordonnance, il ne reconnaissait
d ’homicide et de meurtre que lorsque ces crimes
étaient établis par les rapports des médecins.
Lorsque l ’intérêt p u b lic, le développement de l'in
dustrie, <mi ne peut avoir lieu que lorsque les citoyens
jouissent d ’ un état de liberté, toujours incompatible
avec les pi'<»hibitions, quelles q u ’elles soient, eurent
rendu la suppression des corporations nécessaire ou
vit des hommes sans mission, comme sans études préa
lables, exercer, moyennant patente, Fart de g u é r i r ,
et apporter, dans l ’exercice de la médecine légale, les
11
�( 8a )
malheureux fruits de leur inexpérience, de leur igncw
rance et de leur légèreté ; mais les maux q ui résul
taient de cet abus ayant fixé l ’attention du législateur,
furent aussitôt réparés par la loi du 19 ventôse an 1 1 ,
qui exigea, à peine de n u l l i t é , que les gens de l ’a r t ,
commis aux rapports, eussent été reçus docteurs dans
l ’une des facultés de médecine.
L a médecine légale avait été rendue à sa dignité j
on avait déjà pu apprécier ses heureux effets , lors
q u ’on 1808, le Code d ’instruction criminelle fut pro
mulgué.
Il faut en examiner les dispositions.
L ’ensemble de cette loi fait sentir la nécessité de
dresser des procès-verbaux, à l ’cflet de constater le
corps de délit.
L ’article 3 a exige des procès-verbaux dans tous les
cas.
L ’arlicle 43 veut que le procureur du Roi se fasse
accompagner, au besoin } d ’ une ou de deux personnes
présum ées 3 p a r leur art ou profession , capables d ’ap
précier la nature ou les circonstances du délit.
C e t article est conçu en termes facultatifs; mais
les expressions de la loi deviennent obligatoires, lors
q u' il s’agit de constater une mort violente, ou une
mort dont la cause serait inconnue ou suspecte.
Dans ce cas , dit l ’article 44 1 (<1° procureur du Roi'
« se FF, ha AssisTF.n d ’ un ou de doux officiais de santé,
« q u i f e r o n t leur rapport sur les causes de la mort
a et sur l'état du cadavre. »
On retrouve ici les principes consacrés par l ’ordon
nance de
et adoptés par le Code du 3 brumaire
an 4. Pour constater le d é l i t , d ’ une p a r t , obligation
imposée à l’officier de police judicia ire , de se faire
assister de médecins; de l ’a u t r e , charge à ces méde
cins de constater l ’état du cadavre et les causas de
la mort. L e rapport de Ces derniers est la seule pièce
�q u i puisse inspirer de la confiance à la justice , et
former sa conviction sur l’existence du crime.
Pour faciliter l’intelligence de la lo i, et s’assurer
de la rectitude des idées q u ’elle présente, veut-on
avoir recours aux auteurs les plus graves? que l ’on
consúlteles tra it és, é ga l em ent estimés, de M M . Carriol,
Legraverend et Desquiron.
L e premier, conseiller en la C ou r de cassation , s’ex
pliquant sur l ’article i 4 a du Code d ’instruction cri
minelle, dit :
« Cet article n’est pas simplement fa c u lta tif , comme
« le précédent; il fait un devoir au procureur du lloi
« de se faire assister d’ un ou de deux officiers de santé,
« dans tous les cas de mort violente, ou de mort dont
* la cause est inconnue et suspecte.
« Cela devait être ainsi ordonné; il faut nécessaire« ment un homme de l ’art pour bien apprécier les
« circonstances d ’un pareil événement ; elles ne peu« vent l ’être souvent que p a r Vouverture du cadavre ,
« ou par les procédés q u ’un oilicier de san té , bien
« versé dans Vanatomie , peut seul employer.
<' C ’est pour celle raison, que l ’article 44 charge les
« officiers de sanié d ’être eux-mêmes les rédacteurs
« de leur procès-verbal , qui doit devenir , dans ht
« discussion , la pièce la plus im portante y d ’oii il
« suit que ces officiers doivent apporter la p lu s grande
«< attention à ce qu'il soit rédigé avec cette préci« sion et celle clarté que ne pourrait lui donner le
« procureur du Roi. »
On peut aussi extraire les passages suivans, de
1 excellent. Traité de M. Legraverend, directeur des
affaires criminelles et des grâces, au ministère de la
justice (i).
(i) L e g r a v e r e n d ,
r- 1B2.
T r a ité de la législation
criminelle en France,
t.
i rr,,
�( ?4 )
«
«
«
«
«
o
«
«
«
«
«
« Il arrive fréquemment que des crimes ou de£
délits sont de telle nature que pour être vérifiés }
constatés et appréciés dans leur caractère distinctif
et dans leurs circonstances, on doit employer le
ministère de gens de l ’art. Tous les officiers de
police'judiciaire, tous ceux que la loi a chargé de
dresser des procès-verbaux de ces crimes ou délits,
doivent avoir le plu s grand soin de s ’entourer alors
des lumières nécessaires pour découvrir la vérité, et
d ’appeler de suite auprès d ’eux les hommes q u i ,
par leur profession, sont présumés avoir les connaissances q u ’exigent respectivement chaque espèce
« d ’affaires.
« Ainsi , par exemple , s’a g it - i l d ’un homicide
« consommé ou non, il faut faire vérifier, par des
« officiers de santé, l ’état du cadavre...... Les officiers
<i de santé doivent fa ire leur rapport , suivant q u ’il
« y a lie u , sur les causes de la mort et sur l ’état du
« cadavre ........ L a déclaration des gens de l ’art a et
« doit avoir une influence décisive sur l’instruction
« et sur le résultat de la procédure . » N
Enfin M. Desquiron , jurisconsulte estimé , et
membre de plusieurs sociétés savantes de l’Europe (i) ,
combat l ’opinion des personnes qui ne regardent que
comme incertaine ou nulle, la preuve qui résulte des
rapports - d e s ' m é d e c i n s ou chirurgiens. Il pense an
contraire q u ’un chirurgien habile p e u t éclairer la
religion des magistrats, et préparer ainsi l ’arrêt qui
doit prononcer sur le sort des accusés.
>
Passant ensuite aux preuves de son opinion , il
s’appuie de différons rapports du docteur L ou is; e t,
empruntant les expressions de ce savant chirurgien,
il dit « que les connaissances acquises par l ’étude et
( i ) Desfjuiron , T r a ité de la preuve par témoins en matière crim inelle,
p. i a 7 .
�C 85 )
« l ’exercicè de l ’art ont une utile application dans
« l ’ordre moral. L ’é ta t, la fortune et l ’honneur des
« citoyens ne sont que trop souvent compromis; per« sonne n ’est à l ’abri d ’une imputation calomnieuse,
« que des circonstances singulières pourraient accré« diter; on est exposé à l ’infamie et même au supplice,
« sans l ’avoir m érité, par l ’inattention on par l ’erreur
« de ceux qui ont le droit de prononcer sur le sort de
« leurs semblables. »
L ’a u t e u r reconnaît bien q u e , sur-toïit dans les
petites villes et dans les campagnes, les rapports des
chirurgiens sont écrits quelquefois d ’une manière si
obscure, q u e , dans les débats, ils ne peuvent servir
à fixer l’opinion ; mais il conseille aux officiers de
police judiciaire d ’ user de la faculté qui leur est
accordéej pour 11e faire t o m b e r l eu r choix q u e su r des
h o m m e s d o n t la sagesse et l'expérience puissent donner
Tine gar anti e îi la société, sur-tout quand il s’agit de
constater une mort violente, ou une mort dont la
cause est inconnue ou suspecte ; « car , s’écrie-t-il ,
« l ’histoire des tribunaux contient un grand nombre
« de pages tracées avec du sang, versé par suite des
« erreurs des experts et médecins, »
Les autorités les plus imposantes se réunissent, donc
aux lumières de la raison, à l’esprit et à la lettre de la
lo i, pour apprendre que le corps du délit doit être
constaté par des rapports de médecins et chirurgiens;
que ces rapports sont si indispensables, s u r - t o u t en
inatiere de« meurtre ou d ’ homicide, qu'il ne peut y
etre suppléé par aucun autre genre de preuve; que si
les medecins peuvent èt re su jets à l’erreur, en établis
sant. la culpabilité ou l'innocence, les premiers rapports
peuvent être rectifiés par un second ex am en , confié h
des hommes de l’art pltis instruits ou pins dignes de
la confiance de la justice; mais qu e, sons quelque
point de vue que Tou examine la question, les travaux
�et les opérations des médecins ne peuvent être soumis
à la critique de témoins ignorans ou pervers, aveuglés
par la passion, ou excités, par la haine, à désirer et
préparer, par leurs dépositions, la condamnation d ’un
accusé.
Mais quelle doit être l ’influence de ces procèsverbaux , lorsque le jour du jugement est arrivé ;
lorsque l ’accusé est présenté aux assises, et que le jury
a à examiner le fait qui lui est soumis, et sur lequel
doit porter sa déclaration ? Poser cette question ,
11'est-ce pas, en d ’autres termes, demandersi un homme
peut être convaincu d ’un crime qui n’existe pas? E t
d e v r a i t - o n se l ivrer à l'examen d ’un aussi singulier
paradoxe, si les n o u v e a u x r a i s o n n e m e n s , q u i servent
à le com battre, ne devaient en même tems présenter,
gous un nouveau jour , une vérité tant de fois dé
montrée ?
L ’article 337
Code d ’instruction criminelle dis
pose : « L a question résultant de l ’acte d ’accusation
« sera posée en ces termes : L ’accusé est-il coupable
d ’avoir commis tel m eurtre, tel vol ou tel autre
« crim e, avec toutes les circonstances comprises dans
« le résumé de l ’acte d ’accusation. »
La simplicité de cette question a pour objet de faire
cesser la complication de celles que le Code de brumaire
an l\ exigeait que l’on posât au ju r y ; mais si le Code
d ’instruction criminelle a simplifié les formules, il n’a
point dérogé aux principe.? q u ’il importait de main
tenir. L e jury continue d ’être interrogé sur tous les
points de fait; mais il n’est, interrogé que sur le fait,
et on ne pose plus de questions abstraites, (fui ne ten
daient q u ’à l ’induire eu erreur, et à le luire tomber
en contradiction avec lui-même.
Mais dans chaque lait, le jury doit établir une
division naturelle : c’est1 de connaître si le fait est
constant; et s’il ne trouve pas la constatation du crime
�( ô7 3
suffisamment établie, il doit répondre que l’accusé
n ’est pas coupable : ce u ’est que lorsque le crime est
suffisamment constaté, q u ’il a à examiner la culpabi
lité de l ’accusé.
C ette distinction ressort clairement des dispositions
de l ’article 4 4 ^ du Gode d ’instruction criminelle. C et
article porte :
« L e chef du jury les interrogera, d ’après les ques« tions posées, et chacun d ’eux répondra ainsi q u ’il
« suit :
« i° Si le juré pense que le f a i t n ’est pas constant}
« ou que V accusé n’en est pas convaincu , il dira i
^ « N o n , Vaccusé n’est pas coupable ;
« 2° S ’il pense que le f a i t est con sta n t , et que
« l ’a ccusé en est con vain cu , il dira * O u i , l ’accusé
« est coupable, etc......... »
I Ainsi l ’exam en de la co nsta ta ti on du fait doit être
to uj o ur s séparé de l'e xam en fie la c u l p a b i l i t é de
l ’accusé. L ’accusé doit être a c q u i t t é , si le f ai t jn’ est
pas c on s ta n t , O U s'il n’est pas convaincu d ’en être
Vauteur. L ’accusé ne peut être condamné, que lorsque
le f ai t est co ns t an t , et qu ’il en est d écla ré convaincu.
Mais quelles sont les preuves propres à convaincre le
juré de la réalité et de l ’existence d ’un corps de délit?
On a déjà répondu à cette question : dans les crimes
ordinaires, lés rapports cl les procès-verbaux y lors
q u ’il- s’agit d'homicide ou de m eurtre, les rapports
SEULS DES MÉDECINS*
M. Carnot ( i) établit une distinction entre la preuve
qui est nécessaire pour constater le corps de délit, et
celle qui peut servir à établir la culpabilité de l ’accusé.
II s’explique ainsi :
« C est d ’abord sur la réalité du crim e, que doit
« porter l ’examen du ju r y ; car il ne peut y avoir de
( i ) De l'instru ction c r im in e lle , to m e 2 , page 200.
�lî
(88)
i« coupables, si le crime n ’a pas été commis; et lors« q u ’il n’existe pas un corps de d é lit , comment avoir
« l ’assurance que le crime a été réellement commis?
« Presque toutes les erreurs de la justice ont été
« fondées sur la supposition de Y existence d ’un crime,
« d ’après ‘des apparences trompeuses; ce qui prouve
« mieux que tous les raisonnemens, la nécessité de
« ne s’occuper des preuves à la charge de l ’accusé,
« que lorsque le crime a été commis, de manière à ne
« laisser aucun doute sur sa réalité.
• « Nous pourrions rapporter des exemples"nombreux
« de pareilles erreurs; mais ils se trouvent dans tous
« les livres, et nous ne ferions q u ’user de redites
« inutiles. Nous nous bornerons à observer q u ’il ne
« p e u t y avoir entière c o nv i c t i o n de la c u l p a b i l i t é Je
« l ’accusé, m algré tous les indices, toutes lespreuves qui
« peuvent résulter, à sa charge, de l ’information et des
« débats, tant que le corps du délit n ’est pas constaté,
« de manière à ne laisser aucune incertitude dans
« l ’esprit sur son existence.
« I)e simples traces de délit peuvent bien suffire
« pour faire mettre le prévenu en accusation; mais
« pour le fa ire condam ner, il ne suffit pas d ’une
« simple probabilité que le crime a été commis , il
« FAUT EN AVOIR LA CERTITUDE.,))
L ’auteur examine ensuite quelles 6ont les preuyes
qui doivent démontrer la culpabilité d ’uU accusé.
Elles peuvent être positives> ou ne reposer que sur
des présomptions.
La preuve'positive doit avoir une grande influence;
cependant il faut que les actes et les témoignages,
desquels elle résulte, méritent une pleine confiance.
Quant aux indices, 'quelques graves q u ’ils soien t,
on doit s’en défier; et pour q u ’ ils soient de nature à
établir nue certitude, il fa u t qu'ils excluent la pos
sibilité de l'in n o c e n c e s’ ils n’établissent q u ’une preuve
�( « 9 )'
im parfaite; s’ils n ’excluent pas cette possibilité , ils
.sont insuffîsans; car il faut une preuve parfaite pour
que la condamnation de l ’accusé doive être prononcée.
C e serait, en effet, une grande erreur, de croire que
c ’est une simple possibilité de culpabilité que le jury
doit chercher; ce n’est pas sur la possibilité que l ’rtccusé soit c o u p a b l e q u ’il peut être condamné, mais
sur l ’ IMPOSSIBILITÉ qu ’ il NU LE SOIT PAS.
Ces principes étant certains, la raison de décider
se présente d ’elle-même : Jean Courbon est mort le
7 septembre 18 17; le 8, il a été dressé procès-verbal
de l ’état de son cadavre, et lin rapport de médecin a
fait connaître les détails de son autopsie cadavérique.
Si ce procès-verbal et ce rapport eussent laissé des
doutes ou des incertitudes sur le genre de mort de
Courbon , la justice, en r ec ue il l ant les renseignemens
propres à les lever ou à les Taire cesser, devait com
m e n c er une instruction à l ’effet de connaître quels
pouvaient être les auteurs de cette mort incertaine
mais si, dans la suite, un autre rapport de médecin
11e venait démontrer la réalité du corps de d é lit, ces
poursuites devaient cesser; ou au moins, si des accusés
étaient présentés aux assises, ils devaient être acquit
tés, par cela seul que le corps de délit n'était pas
constant.
Mais dans ce malheureux procès, non seulement il
n ’y a point de corps de délit constant, mais il est
constant q u ’il n ’existe pas de crime. C ’est par le procèsverbal du juge de paix et le rapport du médecin, que ce
point de fait se trouve établi d ’une manière absolue.
Cette vérité si importante était connue dès le 8 sep
tembre au matin : quel est donc le lait qui a pxi
donner lieu à une instruction?........... quels criminels
espérait-on de découvrir, lorsqu’on était certain q u ' i l
¿^’existait point de crime? Pourquoi Kispal, Üulland
12
�Xoo)
et Tavernier ont-ils été poursuivis? comment sur-tout
ont-ils etc condamnés ?
S i , pendant les débats qui ont eu lieu devant les
assises de la H aute-Loire, les dépositions de quelques
témoins ont pu élever quelques doutes sur les causes
de la mort de Courbon, ces doutes pouvaient-ils se
changer en réalité contre le contenu au procès-verbal
et au rapport? Mais aujourd’hui ils n ’existent plus,
ces doutes*, un rapport de médecins, fait par ordre de
la justice, des mémoires consultatifs, demandés par les
accusés, contiennent un nouvel examen des faits con
tenus dans le rapport du médecin Thomas, et dans les
dépositions des témoins, destinés à combattre ce rap
port. C e s f a i t s , consultés et appréciés de n o u v e a u , ,
n ’ont fait que confirmer cette vérité : C o u r b o n n ’ e s t
POINT
MORT
d ’ apoplexie
ASSASSINÉ
IL A SUCCOMBÉ
A UNE
ATTAQUE
: LA SOCIÉTÉ n ’ av a i t NI CRIME A VENGER
NI COUPABLE A PUNIR.
U n cri trop long-tems contenu s’échappe enfin de
tous les coeurs honnêtes : ils sont innocens ! Ils sont
innocens ! et les malheureux , condamnés, flétris ,,
confondus dans un bagne avec les pins vils criminels,
ne sont sortis de ce sépulcre vivant, que pour reprendre
leurs fers, et être présentés de nouveau à la justice.
Hâtez-vous! réparez, réparez p r o m p t e m e n t des maux
aussi grands et si peu mérités! Des jurés peuvent se
tromper; mais ils doivent à la société, à la sainteté
d ’une institution avouée par les idées les plus pures,
digne d ’ailleurs du respect et de l ’amour de tous les
Français, de reconnaître franchement leur erreur.
E t vous tous, qui êtes appelés à décider de la vie
des hommes, appreuez à maîtriser vos émotions et vos
passions; sachez que vous serez toujours placés entre
le plaisir d’avoir été justes et le remords de n ’avoir pas
assez consulté les lumières de votre conscience ; ins
truisez-vous sur-tout : les hommes éclairés sont les
�( 91 )
meilleurs ; eux seuls rendront toujours des décisions
équitables.
Cette cause doit être un grand exemple pour tous les
jurés français; et si la condamnation a la peine capitale,
qui fut prononcée contre le malheureux boulanger de
Venise, de cet innocent qui se trouvait entouré des
présomptions les plus accablantes, fit une impression,
si profonde sur l ’esprit du sénat, q u ’il enjoignit au
greffier de dire aux magistrats, toutes les fois q u ’ils
seraient assemblés pour juger un accusé à. mort , ces
paroles foudroyantes :
« Recordate v i del polvero fornaro, »
u n avocat fidèle a ses devoirs qui pensera que, dansle court espace de l ’existence, il ne peut se présenter
une plus grande chance de bonheur, que de sauver
l ’ honneur ou la vie à u n h o m m e innocent, n ’aurat-il pas le droit, en s’élevant à la dignité de sa pro
fession , de s’écrier désormais :
« Jurés, avant de vous décider, souvenez-vous de
« la condamnation des malheureux Rispal et Gal« land ! ! 1 »
Jn.-Ch. B A Y L E aîné, ancien A vo ca t, à R io m j
»
-
Conseil et Défenseurt des accusés*
ils o n t é té a c q u ité s
�
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[Factum. Rispal, Régis. 1821?]
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Bayle, Jean-Ch.
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faux témoignages
travaux forcés
condamnation à mort
homicides
médecine légale
flétrissure
obésité
cabaret
ivresse
alcoolisme
autopsies
rumeurs
juge de paix
témoins
affaire Fualdès
erreur judiciaire
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Titre complet : Mémoire pour Régis Rispal, propriétaire, habitant du lieu de Dunières, canton de Montfaucon ; et Jacques Galland, propriétaire, habitant du lieu de Maltaverne, mêmes commune et canton, tous les deux condamnés, le 9 mars 1819, par arrêt de la Cour d'assises séant au Puy, département de la Haute-Loire, aux travaux forcés à perpétuité, à la flétrissure, et exécutés, le 16 juin suivant, comme coupables d'homicide volontaire, et sans préméditation, sur la personne de Jean Courbon ; et admis, par arrêt de la Cour de cassation, après condamnation définitive d'un faux témoin, et annulation de l'arrêt de la Cour d'assises de la haute-Loire, à être jugés de nouveau, sur même acte d'accusation, par la Cour d'assises du département de la Loire, séant à Montbrison.
note manuscrite : « Ils ont été acquittés »
Table Godemel : Révision : de procédure et arrêt, au grand criminel. - innocents condamnés.
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s.n.
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1821
1817-1821
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
91 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2517
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2518
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Dunières (43087)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
affaire Fualdès
alcoolisme
autopsies
cabaret
condamnation à mort
erreur judiciaire
faux témoignages
flétrissure
homicides
ivresse
juge de Paix
médecine légale
obésité
rumeurs
témoins
travaux forcés
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53185/BCU_Factums_G1227.pdf
57c9184ec500b015f0075ea7adcfa28e
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CONSULTATIONS
P O U R la dame veuve D upuy et le sieur M onsenergue fils, accusés et défendeurs;
C O N T R E M . l' Accusateur public , poursuivant ;
E T Contre le sieur Dupuy f i l s , dénonciateur, inter
venant et demandeur.
L e soussigné q u i a vu la procédure criminelle ins
truite au District de Chambon , entre la dame Descise veuve Dupuy , et le sieur Monsenergue fils,
appelant de la Justice seign eurial de Cham bon,
et l’Accusateur public, intimé , et le Mémoire
Est d 'a vis, 1°. que la procédure faite en la cidevant Châtellenie de Cham bon, ne parait présenter
aucune irrégularité frappante dans la forme , sauf
néanmoins ce qui sera dit ci-après sur la plainte et
information.
A la vérité , le procès-verbal du 18 octobre 1790,
A
�a été fait sans y appeler deux adjoints, ce gu i estcontraire h l ’art. V du Décret provisoire de l ’*Assemblée du mois d'octobre *789 ; mais il ne résulte
autre chose de l à , si ce n ’est que le procès-verbal'
ne peut faire aucune foi ; et il ne suit pas de ce
qu’il est vicieux , qu’il vicie le surplus de la procé
dure. 11 n’était pas d’une nécessité absolue dans la
procédure : la plainte du 18 octobre 1790 , et la
dénonciation du même jo u r, pouvaient servir de'
principe à l ’introduction d’une procédure criminelle ,
et le même jour il y à eu un rapport de chirurgie
qui constate le corps de délit, ce qui est suffisant,
abstraction faite du Procès-verbal du 18 octob. 1790.La seconde nullité opposée, est que la plainte a
été présentée en présence des ^sieurs Fargin et Ribière , que le Procureur-fiscal a am&tiès avec l u i , eb
qui ont été choisis -par lu i : o r , dit-on , ces adjoints
devaient être nommés par la M unicipalité et prê
ter le serment à la Commune , suivant l ’art. I,?r du
D écret du 8 octobre 1789.
Ce moyen contre la plainte, est d’uneplus grande
importance que le prem ier, parce que, s’il est légi
time , comme la plainte sert de base à toute la pro
cédure , sa nullité présupposée se communiquerait
par conséquent à cette entière procédure : il faut
donc l ’examiner sérieusement.
L ’art. III du-D écret porte qu’aucune plainte ne ‘
pourra être présentée au Juge qu’en présence de
�;
(3)
deux adjoints, amenés par le p la ig n a n t, et par lu i
p?'is à so?i choix. Il faut observer que le Procureurd ’ofiïce était plaignant ; il semble donc qu’on peut
en conclure qu’il avait le choix des adjoints , et qu ’il
n ’a fait que se conformer à l ’art. III du Décret.
' Mais il faut remonter plus haut. L'art. I. r porte
•que , dans tous les lieux où il j a u n , ou plusieurs
Tribunaux établis, la Municipalité , ou s’il n’y en
a pas d’établie, la Communauté des habitans nom
mera un nombre suffisant de N otables, parmi les
quels seront pris les a djoints.
L ’art. III porte ensuite que la plainte sera rendue
en présence de deux adjoints nommés par le p la i
g n a n t, et par lui pris à son choix. Cette déposi
t i o n est relative a l ’art. I .èr ; ainsi le plaignant n ’a Je
choix que parmi les N otables, qui ont eu d’abord
le vœu des Municipalités et des habitans , et qui
auront prêtés serment devant e u x , suivant Part, du
même Décret : c’est l ’interprétation naturelle de
cette Loi. L ’art. I.cr veut que les adjoints soient choisis
par la Municipalité ; cela comprend tout adjoint.
La Loi ne distingue pas : quand donc ensuite le
plaignant est autorisé par l’art. III à choisir deux
adjoins ; cela s’entend parmi ceux qui auront le
premier choix de la Municipalité.
Dès-lors il faut dislinguer : si le Procureur-d’office
a amené ou choisi deux adjoins qui n’avaient point
•été nommés par la Municipalité 7 la procédure est
A 2
�nulle. En un m o t, il a pu choisir parmi les adjoins
que la Municipalité avait nommés ; mais ii n'a pu
en suppléer, si elle n’en avait pas nommés , ou si
elle en avait nommés d’autres ; et en ce cas toute la
procédure est nulle.
D ’après ces principes, si les adjoins employés dans
la plainte n’avaient pas été nommés par la Muni
cipalité, il y a lieu d’interjetter appel de la sentence
du 7 janvier 1791 , qui statue sur cette procédure
comme valable, et tant le sieur Monsenergue, que
la dame D upuy ont la faculté d’appeler ; le prem ier,
parce qu’il n’a point exécuté la sentence ni donné
aucune marque d’approbation , et la dame D u p u y,
parce qu’en exécutant la sentence qui la concernait,
elle a fait des protestations ; et ces protestations sont
d’autant plus décisives , qu’il n ’y a point de fin de
non recevoir contre les accusés.
On ne dit rien dans le M ém oire au sujet de l ’in
form ation ; la copie qui en a 'été mise sous les yeux
d u Conseil ne parle cependant pas de la présence
d ’aucun ad join t, cependant l ’art. V I l ’exige éga
lement dans les informations. Si cette règle avait été
n égligée, il n’y aurait pas de doute sur la n u llité ,
et le succès de l ’appel de la sentence du 7 janvier
1791 , et de ce qui a suivi, serait assuré , tant de
la part du sieur M onsenergue, que de celle de la.
dame Dupuy. Dans le cas contraire il y aurait encore
lieu de la part du sieur Monsenergue à. l ’appel ; eu
1
�ce que le Décret de prise de corps décerné contre
lui n’a pas été con verii, comme celui de la dame
Dupuy , en Décret d’ajournement personel.
En effet, l’art. IX du Décret d’octobre 1789, porte
qu’aucun Décret de prise de corps ne pourra désor
mais être prononcé contre les domiciliés , que dans
le cas où par la nature de l ’accusation et des char
ges , il pourrait échoir peine corporelle.
O r , il est certain qu’il ne peut échoir peine cor
porelle , ni même de peine iufamante contre le sieur
Monsenergue , en supposant même comme prouvés
les faits exposés dans la plainte ; il est vrai qu’ils
ont élé présentés comme un assassinat ; mais cette
qualification est absolument invraisemblable et
finisse : il pst
p
4 p-,r toutes les informa
tions, que c’est. Dupuy qui aprovoquéMonsenergue.
Si Dupuy n’avait pas paru dans la maison de sa
mère où Monsenergue était ¡pouché, il ne serait
arrivé aucun accident. ; le sieur Monsenergue ne
savait certainement p o in t, et ne pouvait prévoir que
le sieur Dupuy s’introduirait la n u it, et pendant
que lui Monsenergue était cou ch é, dans la maison
où Monsenergue était ; celui-ci qui ne pouvait s’at
tendre à cette visite nocturne, ne jDOuvait donc se
proposer d’assassiner Dupuy.
D ’ailleurs , il est très-prouvé que Dupuy a pro
voqué Monsenergue, qu’il l ’a excité à sortir et l’a
insulté ayant qu’il ait reçu aucun coup de Monse^
�v . r’’>
C6 )
nergue; il est également prouvé que lui ou ses deux
camarades (Hervet et F a y o llet), ont frappé vio
lemment Monsenergue sur le bras ; enfin , si quel
qu’une des parties pouvait être soupçonnée de l ’in
tention à commettre un assassinat, ce serait plutôt
D upuy , puisqu’il s’était associé de deux complices ,
et que d’ailleurs la scène du 17 avait été précédée de différentes menaces de sa p a rt, et de protesta
tions de tuer Monsenergue ou de le faire tuer.
T ou t ce qu’on vient de dire est le résultat des
différentes informations. Dans celle du iS février y
faite à la requête de la veuve D u p u y , la seconde
déposition porte que D upuy avait dit devant le té
moin que , si JVLonsejrergue venait à Chanibon y il
lu i brûlerait la cervelle.
Ce témoin ajou te, ainsi que le troisièm e, que
D upuy disait qu’il se repentait bien de n’avoir pas
pris son fusil chargé à trois balles, qu’il l ’aurait
tiré sur M o n s e n e r g u e , et qu’il avait fait ouvrir une
fenêtre par son frère .dans ce dessein.
Suivant le quatrième témoin , D upuy avait dit
que la première fois que Monsenergue paraîtrait à
Cliambon , i l aurait sa /vie, ou que lui aurait la
sienne y ou bien, ajoute-t-il, il y aura des gens de
Chanibon qui ne vaudront rien , annonçant par là
le complot qu’il avait fait avec euxjiour ôter la vie
à Monsenergue.
Ce mêi^e témoin ajoute que le jour de la rixe ?
�(7)
^
D upuy provoqua Monsenergue en lui disant : Sors
B... de Monsenergue, tu auras ma v i e , ou j'a u r a i
la tienne ; que Monsenergue se contenta de Jui ré
pondre , de se retirer ; que Dupuy revint' un quart
d ’heure après , et tint les mêmes propos ; que Mon
senergue lit la même réj^onse; queFayollet et Hervet
disaient à D upuy : Fais donc sortir ce B.. . de Monse
nergue , nous Vattendons ; que Dupuy revint une
troisième fois , et tint encore les mêmes propos ;
qu’Hervet et Fayollet voulaient empêclier Monse
nergue de se retirer chez lui.
Marie-Anne D u p u y , cinquième témoin ; et le sieur
D upuy , seizième tém oin, ont déposé à-peu-près
des mêmes faits : ces témoins sont frère et sœur
du sieur JDupuy.
Mais le treizième témoin , qui n’est point suspect,
dépose qu’il entendit D upuy qui disait : sors donc,
B ... , sors donc; et qu’un mois avant Dupuy lui avait
dit qu’il brûlerait la cervelle a u x Monsenergue
à Vheure qu’ils y penseraient .le moins.
Le quatorzième témoin atteste tenir "de’ D up uy,
que son intention était de tirer sur M onsenergue avec
son fusil chargé de trois b aies, s’il avait pu entrer
dans la chambre où Monsenergue était couché ; il
ajoute tenir de lui qu'il lui avait donné un coup de
bâton sur le bras , et que son intention avait été
de le porter sur la tête. Le témoin a vu l ’empreinte
du coup de bâton >qu’il dit avoir été très-yiolent.
�*<f*
Enfin , le dix-septième témoin assure tenir du
sieur Dupuy lui-même , que la nuit du 17 au 18 octo-^
bre , il parvint, ayant fait beaucoup de bruit, à faire
sortir Monsenergue; qu’alors il était tombé sur lui
avec un bâton qu’il lui montra; que Dupuy fit des
reproches à ses associés qui n’étaient pas venus à son
secours, comme ils en étaient convenus, mais qu’ils
s’excusaient sur ce qu’un signal convenu n ’avait point
été donné.
Enfin , le dernier témoin , qui est Chirurgien, dit
avoir vu l ’empreinte du coup de bâton reçu par
M onsenergue, et qu’il disait avoir reçu ce coup de
la part d ’une des trois personnes qui voulaient l ’as-
sassiner, qui étaient, a-t-il ajouté, Hervet, F a y o llet}
et Dupuy.
D ’après toutes ces circonstances r il faut écarter le
soupçon d ’assassinat ; chacune des Parties se plai
gnait d’avoir été assassiné, et l’inculpation de l ’un
n ’avait pas plus de fondement que celle de l ’autre;
il s’agit dqnc d’une rixe venue à la suite de plusieurs
autres, et que D upuy lui-même avait provoquée,
où il était même l’àggresseur , non-seulement en.
provoquant, jnais encore en appuyant un violent
coup de bâton sur le bras de M onsenergue, qu’il
youlait même p orter, disait-il, à la tête,
Enfin , le rapport en Chirurgie dit q u ’il n ’y avait
aucun danger dans les plaies que D u p u y avait reçues,
et
�>;Z¿)
êt qu'il n’avait besoin que de trois semaines pour
se rétablir.
’ •
Dès-lors il ne pouvait y avoir lieu à ’aucune peine
ni afflictive , ni même infamante ; le Châtelain de
Chambón ne devait donc pas décréter de prise de
co rp s, et moins ençore le District devait-il confir
mer ce D écret, après' que les évènemens avaient
manifesté que les coups reçus par D ü p u y , n’avaient
eu aucune suite fâcheuse : la sentence du Tribunal
¡de District doit donc être infirmée ? en ce qu’elle a
confirmé purement et simplement un Décret de
prise de corps 7 rendu contre la teneur des Dé-;
crets.
A u surplus , on
r-V«»; à cruoi doit se réi
iduire l ’appel du sieur de Monsenergue, et qu’à l ’é
gard de la dame D u p u y , elle serait m al fondée à'
appeler de la Sentence du 11 février 1 7 9 1 , qui ne
l ’admet à faire entendre des témoins que sur les faits
par elle articulés ; tandis que celle du 1 1 décembre
1790 j ordonne que les témoins de l ’Accusateur pu-;
b lic , seront entendus sur les faits de la plainte
circonstances et dépendances : on dit qu ’en cela r
il y a une contradiction entre les deux jugem ens,
mais ce serait pousser trop loin la délicatesse ; et
les mots circonstances et dépendances sont censés
de droit dans la première Sentence, sans être plus
spécialement prononcés.
Enfin la Sentence n ’a pu admettre, la dame D upuy
B
�C 10 )
à la preuve des faits articulés par elle, et non d’autres
faits , c’est le sens de l ’art. 19 du Décret de 1789 r
oil il est d it , que la preuve sera reçue de tous les
f a it s ju stifica tifs qui seront jugés pertinents. L e
Juge a donc le droit de distinguer ceux des faits
justificatifs qui lui paraissent pertinents ; par con
séquent il faut qu’il les connaisse , et qu’ils lui
soient exposés pour en faire le triage, et il ne peut
pas en admettre la preuve inglobo , s’ils ne sont ex-,
primés.
_ A u fo n d s, .quoique D upuy soit le véritable agrès*«
seur, il paraît le plus maltraité; mais â la rigueur,
tout ce qui pourrait résulter de cette circonstance se
réduirait à des défenses de récidiver contre Monse-,
nergue.
' ; , : .
: Quant à la dame D upuy, il y a rd’autres principes
à consulter ; il est rare de voir un fils rendre plainte
contre jsa mère ;; il est bien plus rare encore de le
voir accueillir : on 11e tolère en général entre père et
mère .eten fan s, comme entre mari et femme 7 que
l ’action civile, à cause de la révérence qui est due
^ux pères et mères par leurs enfans*
Il n’y a eu aucune voie de fait de la part de la damé
P u p u y contre son fils ; il.est seulem ent question de
quelques vivacités, de quelques imprécations de la
part d’une mère couroucée , qui dans ces cas n ’est
pas réputée penser comme elle parle ; d’ailleurs le
sieuj: D u p u y la' provoquait encore en la traitant ; ei;
�<r*i
< 11 >
plusieurs fois, de B ..... de P ......, etc. Et il faut
observer que ces injures sont d’autant plus graves,
qu’elles proviennent d’un fils qui devait du respect
et de la reconnaissance à sa mère. On estime donc
à cet égard que les parties doivent être mises liors de
Cour et de procès.
Ce n’est point par la voie de la cassation que la
sentence du District, et celle qu’il rendra à l’avenir,
doivent être réformées -, c'est par l ’âppel : les Tribu
naux de District ne peuvent rien juger en dernier res
sort, et quoiqu’ils jugent les appels des ci-devant jus-:
tices seigneuriales, ils n ’ont pas plus de droit de pro
noncer en dernier ressort que les ci-devant Baillages
et Sénéchaussées qui connaissaient de ces sortes^
d ’appel.
O u ne conseille point au sieur de Monsenergue J
ûu moins quant à présent, de se réprésenter, parce
que la prison est une peine ; mais il doit appeler de
la Sentence de Janvier 17 9 1, en ce qu’elle a confira
mé le D écret de prise de co rp s, ou attendre qu’il
soit jugé par contumace à Chambon pour se repré
senter , ce qui annullera dès-lors toute la procédure ,
sans qu’il soit besoin d ’appeler.
Enfin s’il appelé, 011 ne croit pas qu’il ait le droit
tle choisir le Tribunal ; quelque faveur que mérite
l ’accusé , les Décrets n’ont pas in tro d u it u n autre
ordre à cet égard pour la procédure criminelle que'
pour la procédure ciyile : il faut se conformer au
B 2
�C 12 J
D écret de 1790 , qui règle la forme singulière des
appels.
Délibéré à Riom, le 7 Mars 1791.
Signé C H A B R O L .
L e Conseil soussigné,' vu toute la procédure ex
traordinaire commencée en la justice de Cliambon
et continuée au Tribunal de la même ville, sur la
dénonciation du sieur D upuy, et la plainte de l ’A c
cusateur p u b lic, contre la veuve D u p u y , mère du
dénonciateur, qui est intervenu pour ses intérêts ci*
v ils , et contre le siexir M onsenergue fils 7
Est d’avis, qu’il n’y a dans cette affaire de vrai
coupable que le sieur D upuy , qui joue cependant
le rôle d’accusateur : la force des preuves que fournit
contre lui l ’information sur faits justificatifs, permise
à sa m ère, et la gravité des inculpations qui lui
sont faites, méritent de fixer sur lui la sévérité de
la Justice. Il n ’est accusé de rien moins par les dé
positions , que d ’un complot formé pour attenter
k la vie du sieur Monsenergue ; et c’est lui qui a
osé dénoncer sa propre m ère, et le sieur Monsener
g u e , comme des assassins ! sans doute que cette
audace excitera l’indignation du T rib u n al, et ar
mera sa sévérité ; sans doute qu’un D écret d ’a
journement personnel au m oins, sera l ’effet de l ’in
formation qui dévoile la lâcheté et la turpitude de
�( i3 )
bet accusé, transformé en accusateur ; mais ce n’est!
pas ce qui doit occuper le sieur Monsenergue. Il ne
cherche point à faire punir un coupable ; il n ’am-:
bidonne que de se justifier, et d’obtenir son renvoi
d ’une accusation injuste et lâche ; et il doit l’atten
dre avec sécurité du Tribunal qui prononcera sur
son sort.
L ’affaire prend sa source dans des projets do
mariage formés entre les sieurs Monsenergue père
et fils , la dame D upuy et sa fille. Ces projets qui
contrariaient sans doute les intérêts du sieur D upuy,
ou ses v u e s , l ’avaient indisposé : la persévérance
des sieurs Monsenergue l’avait irrité. Il méditait
une vengeance
• ut avait annoncé haute
ment , que si le sieur Monsenergue reparaissait
chez sa mère, à Chambon, il lui brûlerait la cervelle ,
qu’il se déferait de l u i , ou qu’il y aurait dans Chant-,
bon des gens qui ne vaudraient rien. V oilà un
complot d’attenter et de faire attenter à la vie du
sieur Monsenergue, bien prouvé. Le sieur Monse-,
jiergue ignorant le danger qui le m enace, se rend à
Cham bon le 17 octobre; soupe chez la veuve D u
puy ; se couche après le souper, et se dispose à y
passer la nuit : le sieur Dupuy ne l’ignore pas , il
n’avait pas soupé chez sa mère; mais son frère
cadet qui avait soupé avec le sieur Monsenergue
l ’en avait- prévenu. C'est le moment de mettre ses
projets criminels u exécution : il s associe les sieurs
�}Herveb f i s et Tayolleb : tous trois'soupenb chez
la Ber géra t , aubergiste, pour se concerter sur les
moyens ; il est arrêté, que le sieur Dupuy ira pro
voquer le sieur M onsenergue, pour le forcer à sortir r
e t Vattirer dans le piège. J^ers les 11 heures du
soir le p la n d ’attaque convenu s’exécute : le sieur
D upuy se rend au-devant de la maison de sa mère ;
s’annonce avec le plus grand fracas ; frappe violera-.
. ment aux portes et aux fenêtres : sa mère et le sieur
Monsenergue reveillés par le b ru it, sont accablés
d ’outrages ; tout ce qu’un fils peut vomir de plus
infâme contre une m ère, le sieur D upuy le vomit
Contre la v eu v e D u p u y : il provoque le sieur M o n
senergue , le défie de sortir ; lui annonce qu’il l’at
tend avec deux camarades : il f a u t que f a i e la,
vie de ce grand j . . . f . . . , s’écrie-t-il ayec fureur ^
ou q u il a it la mienne.
M o n s e n e r g u e rép on d de sang-froid et avec tranquilité : Monsieur D u p u y, allez vous coucher; de
m ain il sera jou r; si nous avons des contestations,
nous les vuiderons. — Le sieur Dupuy se retire en
effet; mais la rage dans le cœur. U n instant après
il revient : même vacarme ; même tentative d’en
foncer portes et fenêtres ; mêmes provocations ;
Jnême sang froid de la part du sieur Monsenergue.
Enfin, un quartd’iieure après, troisième attaque :
les murs du jardin sont escaladés ,* D upuy entre dans
l ’intérieur par une fenêtre ; arriye jusqu’à la porte de
�•
C
)
.â â J
la chambre de sa mère; à force de secouer la porter
vient à bout de faire couler le verrou. Monsenergue vient secourir cette mère infortunée , rétablit
le verrou, et oblige le sieur D upuy à se retirer en-:
core : il croit du moins qu’il est retiré , et pour
faire cesser une scène si scandaleuse, il se décide
à quitter la maison de la dame D u p u y , et à aller
à l’auberge demander un lit. Mais à peine a-t-il mis
Je pied dans la rue , qu’il est assailli de coups de
bâton. Par prudence, il s’était armé en sortant,
non pas d’uii bâton à épée, il n ’en avait point, et
il falut se servir de ce qu’il trouva sous sa main : il
s’arma donc d’une broche de fer à rôtir la volaille,
Meurtri de coup.« ^
. il se met en défense; 1
il pare les coups qu’il lui porte, et en porte de son
c ô té , particulièrement au sieur D upuy qui se pré-,
sente le premier à sa vue dans l ’obscurité de la n u it,
et le blesse, pas dangereusement, mais assez pour
n ’avoir plus à le craindre. Il rentre dans la maison
de la veuve D u p u y , selle son ch e v a l, et quitte à
l ’instant même une ville où il a couru tant de dangers.
L e sieur D upuy exagère la gravité de ses blessures ;
sonne l’allarm e; dénonce le sieur Monsenergue com
m e assassin : cependant en moins de quinze jours
il est parfaitement rétabli.
V oilà dans la plus grande.exactitude le résultat
des charges ; nous avons dit en commençant qu’elles
,?i
�? ifi)
■
ne présentent d’antre coupable à p un ir, que le sieur
D upuy fils ;_et en effet , il n’est pas besoin de
commentaire pour faire sentir toute la lâcheté des
excès auxquels il s’est porté ; mais tout lecteur im^
partial se demandera : Q uel est, dans toute la scène
dont on vient de rendre co m p te, le crime du sieur
Monsenergue ? Et l ’on ne pourrait pas croire qu'il
gémit dans les liens d’un Décret de prise de corps y
pendant que son dénonciateur jouit de la liberté la
plus entière , si cette ,étonnante singularité ne s’ex
pliquait par la circonstance, que la vérité n’a percé
que sur la fin de l ’instruction , et dans l ’information
en faits justificatifs , le n uage dont la scélératesse
l ’avait enveloppée d’abord.
Mais aujourd’hui elle est connue, et elle prépare
au sieur Monsenergue un honorable triomphe de
ses ennemis.
T ou t se réunit pour démontrer que si le sieur
Monsenergue a blessé son ennemi dans la chaleur
d ’une attaque inattendue , ce n'est qu’après avoir
été violemment outragé , insolemment provoqué ?
poussé à bout par des défits insultans, et frappé
le premier.
Il a repoussé une violence par une violence ; c ’est
le droit de l’homme dans l ’état de société, comme
dans l ’état de nature.
Celui qui attaque, trouble l ’ordre social ; il est
coupable^
�coupable. Celui qui se d é f e n d , use d ’un droit natu
rel , la Loi l ’absout ; et q u an t, dans la chaleur de
l ’emportement, il s’échapperait au-delà des bornes
d ’une défense nécessaire, elle l ’excuse.
Prononçons d’après les règles du droit naturel
et du droit civil entre le sieur Monsenergue et le
sieur D upuy ; pourrons-nous balancer un instant à
déclarer l’accusation portée contre le sieur Monse
nergue, téméraire, et à l ’absoudre? Telle sera né
cessairement la décision des Tribunaux. Reste à
tracer la marche à suiyre pour arriver à ce dénoue-)
anent.
Le sieur Monsenergue a à choisir de deux partis ;
ou de se constituer prisonnier auprès du Tribunal
CÎG CilillTil>on y
XJ.6 pGlXt 1 dIllCXil.Txc
se sera mis en état ; ou de se porter appelant devant
un autre T rib u n a l, tant de la Sentence de celui de
Cham bon , qui confirme le Décret de prise de
corps lancé contre lui dans le principe de la procé-;
dure par le Juge seigneurial, que de la Sentence
qui règle l ’affaire à l ’extraordinaire, et ordonne
qu ’il sera prononcé par recolement et confronta?
tion.
Ce dernier parti est préférable sans doute, il épar
gnera au sieur Monsenergue les angoisses et riiu->
jniliation d’une captivité de plusieurs m ois, et cet
avantage est sans prix.
L ’appel du règlement à l ’extraordinaire amener^
C
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( 18 )
l ’évocation du principal, l ’affaire ne méritant pas
une plus ample instruction dès qu’elle se réduit du
côté du sieur M onsenergue, au moins à une simple
rixe dans laquelle tous les torts sont du côté de
son agresseur ; et par ce m o yen , en moins d’un
mois ou six semaines elle sera terminée.
A u reste , lorsque l ’auteur de la Consultation dé
libérée à Riom , le 7 mars 1 7 9 1 , a d it, en finissantT
qu?il ne croit pas que le sieur Monsenergue ait le
droit de choisir le Tribunal auquel il voudra porter
son appel ; il n’a pas fait attention que l ’article 10
du D écret du 12 octobre lui donne ce choix sans
équivoque, entre les sept Districts destinés à recevoir
les a p p els de C h a n ib on . Ainsi il n’a qu’à s’informer
quels sont les sept Districts désignés pour recevoir
les appels de Chambon 7 et se décider pour la pré*
férence. Aussitôt qu’il se sera décidé, il signifiera
tant à l’accusateur public près le Tribunal de Cham-:
b o n , qu’au sieur D upuy , plaintif intervenant, à
la veuve D upuy et à F au gère, co-accusés , un acte
par Huissier dans lequel il déclarera qu’il est ap
pelant tant comme de nullité qu’autrem ent, 10. de
la plainte, inform ations, et Décrets rendus contre lui
en la Justice de C ham bon, et dont l ’instruction a été
continuée au Tribunal de Cham bon; 20. du juge
ment dudit Tribunal d u .... qui confirme le D écret;
3°. du règlement à l ’extraordinaire yprononcé dans
cette affaire ; et de tout ce qui a précédé et suiyi.
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( J9 )
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Il déclarera aussi que, pour prononcer sur son appel,
usant de la faculté à lui attribuée par l ’article îo d u
D écret du 12 octobre 1790, sanctionné le 19, il fait
choix du Tribunal de District de... ; et par m êm e,
il intimera et assignera à ce dernier T rib u n al, à la
huitaine précise, le sieur D u p u y , et les co-accusés.
Le prem ier, pour voir infirmer les Instructions, D é
crets et Jugemens dont est ap p el, voir dire que l’af-r
faire est en état d’être jugée sans plus ample ins
tru ction , évoquant le principal, et y faisant droit,'
voir dire que le sieur Monsenergue sera renvoyé de
l ’accusation , avec dommages-intérêts, et affiches du
jugem ent : la veuve D upuy et F au gère, co-accusés,
pour assister dans la pause d’appel, et voir déclarer
le jugement commun avec eux. Cela fait , 011 fera o r -4.
donner l’apport des charges au Greffe du District, ou
la p p e l sera porté. Le Tribunal de Chambon pourra
dans l’intervalle continuer d’instruire , et même
ju ger; mais s’il jugeait, on en serait quitte pour
interjeter appel incident du4Jugement qu’il aurait
prononcé, dans le cas où l’on aurait à s’en plaindre.,
Délibéré à Clermont-Ferrand, le 18 Mars 1791.
Signé
L
e
B E R G I E R.
S Conseils soussignés qui ont vu copie de la pro
cédure criminelle instruite à la requête du Procureur*
C2
4 -.U
�(no)
fiscal de la Châtellenie de C ham bon, contre la dame
veuve Dupuy de Tornage , le sieur Monsenergue fils
et le Notaire Mathieu Faugère ; les procédures qui ont
été faites sur l’appel interjeté par la dame Dupuy et
le sieur Monsenergue au Tribunal du District d’Év a u x , séant à Cham bon, du Décret de prise de
corps décerné contre eux en la Châtellenie de Cham
bon ; le jugement du 7 Janvier dernier, par lequel
il a été statué sur cet appel ; autres deux jugemens
intervenus au même T ribu n al, par l ’un desquels il
a été permis à l’Accusateur public de faire procéder
par addition d’information , sur la plainte rendue par
3e P ro cu reu r-fiscal, et dont l ’autre p erm et à la dam e
D upuy de faire preuve de différens faits justificatifs ;
l ’addition d’information ; l ’enquête qui a été faite
sur les faits justificatifs et la requête d ’interven
tion présentée par le sieur Antoine Dupuy,
Estiment qu’avant de s’occuper du fond de cette
affaire, et d’examiner quel peut et doit en être l ’évé
nement , en supposant la procédure régu lière, il
est d’un préalable nécessaire de fixer d’abord les
idées sur le mérite de cette procédure quant à la
forme.
La dame D upuy et ses co-accusés l ’arguent dô
deux nullités : ils font résulter l’une, de ce que lors
du procès-verbal du 18 octobre 1790, par lequel le
Châtelain de Chambon a reçu
«f la déclaration'du sieur
E)uPuy ; ce J uge n ’était pas assisté de deux adjoints;
�( 21 )
ainsi que l ’exige l ’art. 5 du Décret de l ’Assemblée
Nationale des 8 et 9 octobre 1789. Suivant eux cette
omission opère la nullité de ce procès-verbal ? et
par une suite de cette première nullité, celle de toute
la procédure à laquelle ce procès-verbal a servi de
fondement.
La seconde nullité consiste, suivant e u x , en ce
que lors de la plainte par lui rendue , le Procureurfiscal amena avec lui deux adjoints par lui choi
sis. Ces adjoints , disent-ils , pouvaient bien être
choisis par le Procureur-fiscal parmi ceux qui de-:
vaient être nommés par la M unicipalité, aux termes
des articles I et II du même Décret. Mais en choi
sissant deux partir»!;«»-«*
n ’étaient pas nommés
adjoints par la Municipalité , le Procureur-fiscal n a
pu leur donner cette qualité ; c'est donc la même
chose que si la plainte eût été reçue par le Ju<*e
seul et sans la présence d’aucun adjoint, ce qui em
porte la nullité de la plainte aux termes de l ’art. III
du même Décret.
En ce qui concerne le premier moyen de nullité,'
il est hors de doute que le défaut d’adjoints au pro-.
cès verbal du 18 octobre 1790, infecte ce procès-ver
bal d’une nullité absolue. Cette peine est textuelle
ment prononcée par l ’art. 5 du Décret ; mais cette
nullité ne pourrait se communiquer au surplus de
la procédure, qu’autant que le procès-verbal serait
l ’unique fondement de cette même ¡procédure. C ’est
�ce que l ’on ne peut raisonnablement soutenir, dés
qu’indépendamment de ce procès-verbal, il y a eu
une dénonciation de la part du sieur D upuy ,
une plainte du Procureur-fiscal, et un rapport en
Chirurgie. C ’est donc ici le cas d’appliquer la ma
xime , Quod super abundat non 'vitiat. .
Le second moyen de nullité serait bien plus tran-i
chant s’il était fondé en point de fait. En effet, l’art. 3
du Décret porte, en termes précis, qu’aucune plainte
ne pourra être présentée au Juge qu’en présence de
deux adjoints amenés par le plaignant et par lui pris
à son choix ; il veut qu’il soit fait mention de leur
présence et de levirs nom s dans l ’ordonnance , et
qu’ils la signent avec Je Juge 7 à peine de nullité.
Cet article, en donnant au plaignant le droit de
choisir les adjoints qu’il veut amener avec lu i, ne lui
donne pas le droit d’en créer ; il ne lui laisse, au con-;
traire , ce choix que sur le nombre de ceux dont ce
D écret avait ordonné la nomination par les Munici
palités dans les deux premiers articles. Cela est trop
évident pour avoir besoin d’un plus grand dévelop-,
pement.
Si donc , il était vrai que le Procureur - fiscal de
Chambon eût choisi pour les deux adjoints , dont il
s’assista lors de sa plainte, deux personnes qui n’eus
sent pas été appelées à celte place par le choix de
leurs concitoyens, et qu’ils n ’eussent pas prêté ser
ment en cette qualité, la plainte devrait être consi-
�( 25 )
¿¡4 ?
'dérée comme ayant été reçue hors la présence ’d ’au-’
cun adjoint. Ce serait donc le cas d’appliqlier ^ cette
p lain te, et à toute la procédure qui s’en est ensuivie,
la peine de nullité qui est prononcée en termes pré
cis par l ’art. 3 du Décret ci-dessus cité.
Mais autant ce moyen serait victorieux, si le fait
supposé par la dame D upuy était exact, autant il
est difficile de se persuader que le Procureur-fiscal
de Cham bon, en même temps qu’il satisfaisait au
D écre t, en s’assistant d’adjoints , eût contrevenu h
cette même L o i, en prenant pour adjoints des ci
toyens qui n’eussent pas été nommés tels par la M u
nicipalité, et qui n’eussent pas été compris dans la
liste qui devait être déposée au Greffe de la Justice.
A n surplus ; c est un im t ci v^xî/îcr j ot s ’il étcliû
éclairci que les deux particuliers présentés comme
adjoints par le Procureur-fiscal, ne fussent pas réel
lement revêtus de cette qu alité, il en résulterait que
la dame D upuy et ses co-accusés seraient en droit dé
se pourvoir contre le Jugement du District du 7 jan
vier dernier.
' En supposant, quant à présent, cette procédure
régulière dans sa forme , le Décret de prise ’de corps
dont l ’information a été suivie , paraît avoir été bien
d écern é, au moins contre le sieur Monsenergue ,
soit contre la dame D upuy et Mathieu F augère,
accusés d’avoir participé au délit.
Si ce Décret ne paraît pas trop rigoureux yis-à-vis
�I H J
du sieur Monsenergue, il l ’était évidemment: contre
la dame D u p u y, à laquelle on ne pouvait reprocher
que d’avoir applaudi aux excès commis par le sieur
Monsenergue , sur la personne de son fils ; aussi ce
Décret a-t-il été converti en Décret d’ajournement
personnel , sur l ’appel qui avait été interjeté au Dis
trict d’E v a u x , séant à Cham bon, par la dame Du-*
puy et le sieur M onsenergue, tant du Décret de
prise de corps , que de toute la procédure instruite
contre eux : c’est, à la vérité , l ’unique «point sur
lequel cet appel ait réussi ; puisqu’au lieu que la
dame D upuy et le sieur Monsenergue avaient conclu
à la nullité de toute la procédure, le Jugement inter-!
Venu sur cet appel prononce u n hors de C o u r sur la
nullité du procès-verbal du îô octobre 1790, et con-j
firme le surplus de la procédure.
Mais d’après ce qui a été d i t , en commençant,'
au sujet du procès-verbal du 18 octobre 1790; et
en le considérant comme un acte inutile et sur
abondant f il est manifeste que ce jugement ne fait
aucun tort à la dame D upuy et au sieur Monse
n ergu e, en mettant à cet égard les parties hors
de Cour.
Il est également évident que ce jugement est à
l ’abri de toute critique dans la disposition qui con
firme la procédure criminelle commencée par le
Châtelain de Cham bon , si le second moyen de nul
lité invoqué pour la dame D upuy et le sieur Monsenergue,
�¿ / ,5
1 î 5 )'
-senergue , se trouve destitué de fondem ent, c ’est-à-’
dire , s’il est vrai que les adjoints , dont le Procureurfiscal s’était assisté lors de la plainte , eussent élé
pris dans le nombre de ceux qui avaient été pré
sumés tels par la Municipalité.
La dame Dupuy et le sieur Monsenergue ne
seraient donc en droit de se pourvoir contre ce
jugem ent, que dans le cas où il serait reconnu que
les particuliers , présentés comme adjoints par le
Procureur-fiscal lors de sa plainte , n’avaient pas
cette qualité ; mais dans ce c a s , ce ne serait pas
par la voie de l’appel, mais bien par celle de la
cassation que ce jugement pourrait être attaqué ayec
succès.
L.e nombre des degrés de jurisdiction a été en effet
réduit à deux par les Décrets de l ’Assemblée N a
tionale ; et toutes les fois qu’un Tribunal de District
prononce sur 1111 a p p e l, le jugement qui intervient
est rendu en dernier ressort, et ne peut être attaqué
que par les mêmes voies par lesquelles les jugemens
en dernier ressort pouvaient être anéantis dans l ’an
cien ordre judiciaire.
Il est absolument indifférent en celte partie que
le jugement dont l ’appel a été interjeté ait été rendu
dans un Tribunal de District ou dans l ’un des an
ciens Tribunaux supprimés. Le jugement dans ce
dernier cas est considéré comme s’il était émane du
Tribunal de D istrict, qui a remplacé le Tribunal
D
''■«>
�(26)
qui a rendu le Jugement ; aussi l ’art. V du Décret
du 12 octobre 1790 ? veut-il que ce soit au Tribunal
de D istrict, qui remplace le Tribunal dont est émané
le jugement attaqué p arla voie de Fappel, que l ’on
procède au choix d’un Tribunal d’ap pel, sur les sept
qui composeront le tableau pour le Tribunal subs
titué à celui qui a rendu le jugement.
D ’après la disposition de cet article , on ne voit pa3
sans étonnement, que l ’appel delà dame D upuy et du
sieur Monsenergue ait été porté devant le Tribunal
de District de Chambon , puisque le Tribunal rem
plaçait la Châtellenie dans laquelle la procédure avait
été instruile. C ette procédure était censée son propre
ouvrage ; il semblait donc que de tous les Tribunaux
du Royaume c ’était celui qui devait le moins con
naître de cet appel.
Cependant, comme aux termes de Fart. II du
titre Y du Décret du 16 août 1790 , il est permis
aux parties de convenir d’un Tribunal d’appel en
tre ceux de tous les Districts du Royaume ; com
me d’ailleurs, du nombre des Juges qui compo
sent le Tribunal de Chambon , il n’y en avait
qu’un qui eût eu connaissance de cette procédure 7
lequel s’est même abstenu du jugement de l’ap p el,
il est hors de doute que d’après la soumission volon
taire des parties , ce Tribunal a pu légitimement
Statuer sur l ’appel.
Il est yrai que Fart, que l ’on, vient de citer exige
�( 27 )
que les parties fassent au greffe leur déclaration y
signée d’elles 011 de leurs Procureurs, spécialement
fondés ; que cette formalité n£ paraît pas avoir été
observée, mais cette omission ne peut faire la moin
dre impression dans la circonstance où toutes les
parties ont volontairement procédé dans le Tribunal
de Chambon , où le jugement n’a été prononcé
qu’après une plaidoirie contradictoire.
Concluons donc que ce jugement a été rendu en
dernier ressort, et qu’il ne pourrait être attaqué
que par la voie de la cassation, mais que cette voie
ne pourrait être employée avec succès qu’autant
que la plainte se trouverait infectée de nullité par
le défaut de qualité
conx dont le Procureurfiscal s’était assisté comme adjoints, sans cela il est
manifeste que l ’instruction de la plainte doit être
continuée dans le même Tribunal de Chambon ,
comme substitué à la Châtellenie où là- procédure
avait été commencée.
Aussi, depuis le jugement porté par ce Tribunal
sur l ’appel, la dame D upuy a-t-elle procédé devant
les mêmes Juges, comme Juges de première ins
tance ; elle a subi devant eux son interrogatoire et
a présenté une requête tendante à l ’admission de
ses faits justificatifs. D e sa p a r t, l ’Accusateur pu
blic a demandé à faire procéder par addition d’in-*
formation , et comme ces demandes respectives ont
donné lieu à quelques inciclens, sur lesquels il est
' D 2
�w
intervenu différens jugem ens, il reste encore, avant
d ’en venir au mérite de l ’accusation , à satisfaire à
quelques questions proposées à cet égardDe neuf faits justificatifs à la preuve desquels la
dame D upuy avait demandé à être adm ise,, sept
seulement ont été déclarés pertinens par un juge
ment du 4 février dernier ; ce sont aussi les seuls
dont la preuve ait été ordonnée. La dame D upuy
n ’a exécuté ce jugement qu’avec des protestations ,
et lorsqu’elle a fait entendre ses témoins , quelquesuns d ’entre eux ont voulu déposer sur des faits autres
que ceux qui avaient été déclarés pertinens. L 'A c
cusateur public s’y étant opposé , le Commissaire
qui procédait à l ’enquête a ordonné un référé au
Tribunal sur ce point.
D ’un autre c ô té , l ’accusateur public ayant fait
procéder à l ’addition d’information , la Dame D u
puy s’est op*posée à ce que les témoins par lui pro
duits , fussent entendus sur d’autres faits que ceux
de la plainte. L ’accusateur p u b lic, au contraire, a
soutenu que ces témoins .pouvaient être entendus 7
non-seulement sur les faits de la plainte, mais en
core, sur les circonstances et dépendances. La D a
me D upuy n’en a pas moins persisté dans son op
position; elle l ’a fondé sur ce que de même que
l ’accusateur public lie voulait permettre à ses témoins
de déposer que sur ceux de ses faits justificatifs qui
avaient été déclarés pertinents ; quoique les autres
�c
>
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faits dont ces témoins étaient en état de rendre'
co m p te, dussent en être considérés comme des
circonstances et dépendances , de même aussi, ne
pouvait-il faire entendre les témoins par lui produits-,
que sur les faits de la plainte et non sur d’autres,
sous le prétexte de circonstances et dépendances.,
. Cet incident a fait la matière d’un second référé ,
ordonné par le Commissaire qui procédait à l ’in- •
formation. Deux jugemens en date du 11 février der
nier , ont statué sur l ’une et l ’autre de ces difficultés :
par l ’un d’iceux, il a été ordonné que les témoins ■
produits par la dame D u p u y, ne seraient entendus
que sur les faits à la preuve desquels elle avait
été admise. L ’A ccu sateu r public a été autorisé à faire
entendre les siens, sur les circonstances -et dépen
dances de la plainte, conformément à l ’ordonnance
de permission d’informer; et c ’est d’après la dispo
sition de ces deux jugem ens, que l ’addition d’in
formation et l ’enquête sur les faits justificatifs ont
été terminées.
Ces deux jugemens paraissent à la dame Dupuy
contradictoires l ’un avec l ’au tre, ou , ce qui est la
même ch o se, ils lui paraissent établir une trop
grande in é ^ h û Pntre la condition de l ’Accusateur
public etla^ifeanfi • puisque l ’Accusateur public, sous
prétexte {^-{¿((ioiistances et dépendances , peut
faire entèridre des témoins sur des faits étrangers à
Ja plainte ; tandisqu’il lui est interdit à elle dame
.
"
�( 3 o )'
D u p u y , de faire ouïr ses tém oins, sur les circons
tances et dépendances de ses faits justificatifs.
' Cependant il ne faut pas beaucoup de réflexions
pour se convaincre que ces deux jugemens sont éga
lement sages , et que la dame D upuy tenterait inu
tilement de les faire réformer.
En effet, l ’article X IX du Décret des 8 et g octob.
1789, en statuant que l ’accusé aurait le droit de
proposer en tout état de cause, ses faits justifica
tifs ou d’atténuation, ajoute que la preuve sera
reçue de ceux qui seront jugés pertinens. Il laisse
donc au Juge, le droit de réjeter ceux des faits
justificatifs proposés par l ’a c c u s é , qui lui paraîtraient
étrangers à l ’accusation ou y avoir un rapport trèséloigné ; et ce serait en vain que cette faculté au
rait été accordée au Juge, si l ’accusé pouvait faire
déposer ses témoins sur les faits mêmes qui ont été
rejetés, en les présentant comme des circonstances
et dépendances de ceux dont la preuve aurait été
admise.
La dame D upuy ne serait donc dans le cas de se
plaindre qu’autant que l ’Accusateur public aurait
poussé trop loin la sévérité de son m inistère, et
qu’en s’attachant trop littéralement au jugement qui
ordonnait la preuve des faits justificatifs^, il aurait
empêché les témoins de la dam e D upuy de parler
sur les circonstances et dépendances des ftfits même
qui avaient été déclarés pertinens ; mais il suffit de
�( 3i )
prendre lecture de l ’enquête de la dame D upuy
pour se convaincre que l’on a laissé à cet égard aux
témoins toute la liberté nécessaire, et que l ’A ccu
sateur public ne s’est opposé qu’à la preuve des
faits qui avaient été rejetés comme inutiles ou impertinens.
A la v é r ité , sur le second jugem ent, l ’Accusa
teur public parait avoir une plus grande latitude,
puisqu’il lui a été permis de faire entendre ses té
moins sur les circonstances et dépendances de la
plainte; mais d’une p art, cette'disposition était une
suite nécessaire de l ’ordonnance de permission, elle
n ’en était qu’une répétition ; de l ’autre , si sous ce
prétexte quelques témoins Je la première information , ou même de la seconde, avaient déposés sur
des faits étrangers à la plainte , ou qui n’y eussent
qu’un rapport éloigné, la dame D upuy et ses co
accusés , n’en auraient pas moins le droit de deman
der le rejet de ces dépositions, et le Tribunal ne
pourrait les prendre pour base de son jugement sur
le fond.
A in si, malgré l ’inégalité d’avantages que la dame
D upuy avait cru que les deux jugemens établissaient
entre elle et l ’Accusateur public , en réduisant à
sa juste valeur la permission accordée à l ’Accusateur p u b lic, de faire entendre ses témoins sur les
circonstances et dépendances de la plainte , il ne
peut en résulter pour la dame D upuy aucun grief
�(S a )
raisonnable, contre l ’un ni contre l’au trë, des Jugemens rendus sur les incidens dont on vient de
parler.
Jusqu’ici nous ne nous sommes occupés que
de la procédure ; mais après avoir satisfait aux
questions à cet égard, il est temps enfin d’en venir
au fond de l ’affaire , d’examiner quel est le délit
imputé à la dame D upuy , au sieur Monsenergue
et à Mathieu Faugère ; quelles sont les preuves qui
résultent , soit de l ’inform ation, soit de l'addition
d’inform ation, soit enfin de l ’enquête qui a été faite
sur les faits justificatifs ; de les balancer les uns avec
les autres , et de déterminer d ’après cet exam en r
quel peut et doit être le jugement à intervenir.
A cet égard , si l’on jette les yeux sur la dénon
ciation faite par Antoine D upuy au Procureur-fiscal
de la Châtellenie de Cham bon, on voit qu’il se plaint
d ’avoir reçu du sieur Monsenergue trois coups d’une
é p é e , que celui ci a sorti d’un bâton; il raconte
ensuite de qu'elle manière les faits se sont passés.
Suivant lu i, il d it, qu’ayant voulu aller se coucher et
heurter à la porte de la maison, 011 lui demanda du de
dans ce qu’il voulait ; que Monsenergue , qui y était
renfermé, le menaçait delui tirer un coup de pistolet,
parce qu’il venait le troubler chez lui; qu’ayant voulu
prendre la fuite , Monsenergue et la dame Dupuy
le suivirent ; que Monsenergue lui donna dans sa
fuite un premier coup d ’épée à la go rge, en présence
de
�( 33 )
^
clé la dame Dnpiiy , qui dit à Monsenergue : Tu ne
lut en a pas assez donné, et audit D upuy ; Tu as
trouvé ceque tu cherchais; queMonsenerguele pour
suivait toujours, et lui donna un second coup d’épée
au côté ; que lui Dupuy , se sentant blessé, et voulant
revenir cliez lui, Monsenergue, toujours accompagné
de la Dame D u p u y , lui donna un troisième coup
d'épée ; qu’alors ., lui D u p u y, sentant son sang sortir
en abondance , il ne voulut point rentrer cliez lu i,
crainte que Monsenergue 11e lui porta les derniers
coups , et se retira dans la maison du sieur Hervet ;
enfin, le sieur Dupuy ajouta que, lorsqu’il alla chez
lu i, Mathieu Faugère, son locataire, ayant entendu
du bruit, dit à la dame D u p u y , qu’il fallait f :rmer
la p o rte, et faire coucher le sieur Dupuy dehors.
Ce sont les mêmes faits qui sont consignés dans
la plainte du Procureur*fiscal, et qu’il y présente
comme un assassinat, qu’il affecte même dé vouloir
rendre plus odieux, eu présentant le’ sieur D u p u y ,
comme mi enfant, quoiqu’il soit âgé de dix-huit à
ilix neuf ans.
Le délit imputé au sieur .Monsenergue et à la
dameDupuy, est également qualifié d’assassinat,dans
Je Décret de prise de corps , décrété çontr’eux ; et,
si Mathieu Faugère n ’est décrété que d’ajournement
-personnel, c’est suivant le même D écret, parce qu'il
;n’est accusé que de complicité.
Le Juge et le Procureur-fis cal ; ne sont même pas
E
�( 3 4 )
les seuls qui veulent envisager les faits de la plainte
sous une face aussi grave. Le sieur D upuy lui-même t
dans une requête d’intervention par lui donnée
le sept janvier dernier, à l’effet d’obtenir des dom
mages et intérêts, pour lesquels il se restraint m o*'
destement à la somme de vingt mille livres , ne rougit
pas de présenter les faits comme un assassinat, com
mis dans sa personne par l ’ordre de sa mère ; il affecte
en conséquence , malgré la cruauté de sa mère , de
craindre pour elle des peines très-rigoureuses ; il
tremble pour ses jou rs, et demande, à titre de-grâce,
qu ’en lui conservant la v ie , la Justice se borne à la
priver de la liberté ; c e r ta in , d it - il, que si sa mèi’e
redevenait libre , il n ’y aurait plus de sûreté pour
lui.
Voyons donc si les charges renferment la preuve^
id’un délit aussi grave , d’une accusation et d’une dé
nonciation aussi révoltante, de la part d’un fils contre
sa mère j mais pour mieux apprécier les preuves
qui en résultent, commençons par l ’examen des faits
justificatifs , proposés par la m ère, et dont la preuve
a été ordonnée par le jugement du 4 février der
nier.
Ces faits justificatifs avancés par la dame D upuy T
»ont au nombre de sept ; le premier e st, que le sieur
D u p u y , avant le dix-sept octobre dernier, avait rne*^cé le fils Monsenergue de lui brûler la cervelle ?
S il venait en la yille de Cliambon.
�Le Second, cfiie ledit jour 17 octobre , le fils
Monsenergue était couché chez Ja dame D u p u y ,
lorsque le sieur Dupuy accompagné des nommés
Hervet et FayolletJfils , qui tous ensem ble, avaient
soupé à l ’auberge de Bergerat , vint faire tapage
chez sa m ère, qu’il cassa le volet de la croisée, en
invectivant la dame D upuy et le sieur Monsenergue,'
par les propos les plus scandaleux ; qu’ensuite , le
sieur Dupuy vint à plusieurs reprises frapper à la
porte du contrevent, en continuant les mêmes pro
p o s, et menaçant sa mère de l ’étrangler, etMonser
nergue de lui brûler la cervelle, défiant Monsener
gue de sortir , ajoutant qu’il l ’attendait avec deux
autres personnes ; que Monsenergue ne voulant pas
sortir, D u p u y
cou ler le verrou «J-e Ja p o r te , et
à force de la secouer; qu’alors, la veuve
Dupuy invita Mathieu Faugère et sa femme , à ve
nir s’opposer au dessein de son fils ; que Monse
nergue, ayant eu le temps de se lever et de s’habiller y
prit le parti de sortir de la maison de la dame Dupuy ;
qu’apeine sorti de cette maison, il fut attaqué, et crin,
au voleur et à l’assassin ; qu’alors la dame Dupuy
se ha ta d’allumer de la chandelle, sortit dans la rue,
<>t invita le nommé Nicoulaud qu’elle rencontra,
à empêcher le malheur qui pouvait arriver.
Le troisième fait est, qu’après l’événement dont
il s’agit au Procès, Dupuy s’étant retiré chez le sieur
H e rv e t, se plaignit de ce que le fils Hervet et Fayollet
l ’ouvrit
E 2
�(36)
qui l’avaient accompagné , n’avaient'pas éxécùté
les promesses qu’ils lui avaient faites, de brûler la
cervelle à Monsenergue fils , quoi qu’ils se fussent
munis de pistolets pour cela , et que ce fut eux qui
eussent excité Dupuy à attaquer Monsenergue , qu’ils
auraient tué aisément, si Hervet et Fayollet avaient
fait comme Dupuy.
Pour quatrième fait,, la dame Dupuy est admise
à prouver que son fils est allé chez Mathieu Fan gère,
avant que celui-ci eût subi interrogatoire ; qu’il n’y
trouva que la femme Faugère , à laquelle il dit 9
que si son mari le chargeait dans son interrogatoire -,
lui Dupuy, le ferait mettre aux cachots, et fit d’autres
menaces pour intimider ledit Faugère , et l ’empêcher
cle dire vérité.
La dame D upuy est chargée de prouver en cin
quième lieu , qu’après l’événem ent, ledit Dupuy a
déclaré que son intention était de brûler la cervelle
M onsenergue ; qu’il avait été déterminé p^r le
fils Hervet et Fayollet ,.à venir attaquer ledit Monsenergue , couché chez la dame Dupuy ; que lesdits
Iiervet et F ayollet, étaient munis de pistolets ; qu’ils
étaient des coquins ; qu'ils l ’avaient abandonné , et
que s’il eût prévu cet événem ent, il se fût muni des
mêmes armes que ses cam arades, et qu’alors il aurait
arrêté plus aisément Monsenergue.
Le sixième fait e s t , que D u p u y a dit être fâché
de ne s’être pas armé de son fusil ; q u ’il avait laissé
�C 37 ?
è si
exprès dans son cabinet, après l ’avoir chargé à trois
balles , pour tirer sur Monsenergue lorsqu’il sortirait
de chez sa mère*
. Enfin , le septième et dernier , que le 2.5 janvier
dernier , les nommés Nicoulaud père et fils , et lèur
domestique, ont dit à la fille aînée de la dame Dupuy,
qu’il n’en avait pas dit assez dans l’information con
tre sa mère ; qu’il se réservait d’en dire davantage
pour faire" pendre la,dame Dupuy et le sieur Mon
senergue*
, Si la preuve de ces différents faits était consignée
dans l’enquête qui a été faite, il serait Jiors de doute
qu'elle ferait disparaître, sans retour, toute idée d’as
sassinat de la part de la dame Dupuy et du sieur
Monsenergue, ; ' qu’elle rejeterait au contraire sur
le sieur D u p u y , le tort de l ’agression. Parcourons
donc cette enquête, et appliquons à chacun des
faits qui viennent d’être rappelés , les dispositions
qui y sont relatives. Le dépouillement une fois fait,
il nous sera plus facile d’apprécier le mérite des
preuves qui peuvent résulter, tant de la première,
qu^ delà seconde information. Un fait dont la preuve
n ’était pas ordonnée, et qui se trouve cependant
prouvé par l ’enquête de la dame D upuy (fait qui
ne peut néanmoins être indifférent clans la contes
tation), c’est l ’habitude où étoit le sieur D upuy de
traiter sa mère* des noms-des plus grossiers et les
plus o d ie u x , de porter meme sur elle des mains
parricides^
�Ï 3 8J.
M ais, quoi qu’il en soit de ce premier fa it, et pour
se. renfermer dans ceux dont la preuve a été ordonnée
par le jugement du 4 février dernier, les menaces
■faites par le sieur D upuy au sieur Monsenergue ,
•de' lui brider la cervelle s’il venait en la ville de
Chambon , sont prouvés, de la manière la plus pré
cise , par les dépositions des second, quatrième,
cinquième et treizième témoins de l’enquête faite
par la dame Dupuy,
Il est également prouvé sur le second fa it, in
terloqué par le langage des quatrième, cinquièm e,
treizièm e, seizième et dix-septième tém oins, que
le sieur Monsenergue était couché dans 1a, maison
de la dame D u p u y , lorsque le üls de celui-ci vin t
avec les sieurs Hervet et Fayollet frapper aux portes
et aux contrevens de sa maison , insulter la dame
D upuy et le sieur Monsenergue par les propos les
plus injurieux, menacer le sieur Monsenergue de
lui brûler la cervelle , le défier de sortir, en lui
ajoutant» qu’il l ’attendait avec deux autres person
nes que le sieur Monsenergue n’est sorti que lors
qu’il a cru le sieur Dupuy retiré ; mais qu’à peine
s o r ti, il a été attaqué , soit par le sieur D u p u y ,
soit par le sieur Hervet et Fayollet ; qu’il a reçu
des uns et des autres des coups de bâtons, et ce
n’est qu’après avoir reçu ces coups-, qu’il a pour
suivi le sieur D u p u y, et lui a porté les coups qu’il
se plaint d ’avoir reçu ; que la dame D upuy loin
�( % }
'¿‘exciter le sieur Monsenergue à maltraiter son fils y
a au contraire imploré le secours des voisins, pour
prévenir le malheur qui pouvait arriver ; et que ce
n ’est que pour arrêter le sieur Monsenergue , qu’elle
l ’a suivi lorsqu’il poursuivait son fils.
La déposition du dix-septième témoin et plusieurs
autres sont également satisfaisantes sur le troisième
fait ; elles apprennent que le sieur Dupuy avait soupé
le 17 octobre dernier dans l ’aubierge de Bergerat,
avec les nommés Hervet et Fayollet fils, et le nommé
Nicoulaud ; que ces particuliers ne l'avaient pas
quitté depuis le souper jusqu’au moment du pré-*
tendu assasinat ; que les fils Hervet et Fayollet
ont été p r is a is èi tout ; qu il y avilit un signal Cou*
venu entre e u x , et que si Ces particuliers ne sont
pas venus au secours de D u p u y , et s’ils n’ont pas
attaqué le sieur Monsenergue, c ’est parce qu’ils ont
prétendu que le signal convenu n’avait pas été
exécuté.
Si l ’on joint à ces dépositions celles par lesquelles
il est établi que Dupuy s’était venté de brûler la
cervelle au sieur Monsenergue, ou qu’il y aurait des
gens de Chambon qui ne vaudraient rie n , il paraît
démontré qu’il y avait un complot formé entre
Dupuy et les sieurs Hervet et Fayollet fils, pour
faire’ périr le sieur Monsenergue ; et que si ce com
plot n’a pas eu les succès qu’ils s’en promettaient,
�( 4° 5
c ’est uniquement parce que le signal convenu n’a’
pas été fait, ou parce que les sieurs Hervet et Fayoliet
n ’ont pas daigné y répondre.
A l ’égard du quatrième fa it, il n’est à la vérité
attesté que par le quatrième témoin , qui est la
femme de Mathieu Faugère; mais ce tém oin, quoi
que femme de l ’un des accusés , n’en mérite pas
moins de confiance , puisque c’est un fait qui lui
est personnel ; puisque d’une autre p a rt, la plainte,
à l ’égard de son m a ri, paraît trop destituée de fon
dem ent, pour que cette circonstance puisse rendre
son témoignage suspect.
Si sur ce dernier f a i t , il n ’y a q u ’un seul témoin j
il n’en est pas de même sur le cinquième. Les pre
miers , quatorzième et dix-septième témoins se réu
nissent à cet égard , pour attester que l’intention
du sieur D upuy était de brûler la cervelle au sieur
Monsenergue ; qu’il s’était réuni pour cela aux sieurs
Hervet et Fayoliet iils , et que si ce projet ne fut
pas exécu té, ce fut parce que les sieurs Hervet et
Fayoliet ne suivirent pas le sieur Monsenergue ainsi
qu’ils en étaient convenu.
Les mêmes témoins , réunis aux second et troi
sièm e, attestent également sur le sixième fait que
le sieur Dupuy avait chargé son fusil à trois balles,
pour attenter aux jours du sieur Monsenergue , qu’il
l ’avait laissé dans son cabinet, et que pour pouvoir
l ’aller prendre, il avait fait ou vrir, par un de ses
frères ;
�( 4 i )'.
frères, les-fenêtresde ce cabinet, et qu’il se repen
tait de ne l ’avoir pas pris dès que Hervet et Fayollet
ne l ’avaient pas secondé dans son projet.
Enfin les premier, second , quatrième et cinquiè
me témoins ne laissent aucun doute sur les disposi
tions haineuses des nommés Nicoulaud envers la
dame Dupuy, sa fille aînée et le sieur Monsenergue ;
ce qui s’applique au septième et dernier fait, dont
la preuve a été admise par le Jugement du 4 Fév.
dernier.
S i, de Fenquête faite par la dame Dupuy, on
passe à la lecture des deux informations qui ont été
faites successivement sur les faits de la plainte , nonseulement le délit imputé au sieur Monsenergue et à
la dame D upuy paraît bien moins grave qu'on ne
pouvait le penser avant cette enquête, mais on de
meure même convaincu que s’il y a eu u n ’délit,
on ne peut l’imputer qu’au sieur D upuy lui-même,
que lui seul a été l ’agresseur, puisque c’est lui qui
a provoqué le sieur Monserfergue, que celui-ci n ’a
fait que repousser les attaques qui lui ont été faites ;
et dès-lors, quand il aurait été plus maltraité que
le sieur Monsenergue, il n’aurait aucun dommages
et intérêts à réclamer.
En e ffe t, si l ’on retranche de cette information
les dépositions des nommés Hervet et Fayollet fils,
.que l’on a déjà vu être les complices du sieur Dupuy, et avoir soupé le même soir avec lui , et ne
F'
�l ’avoir pas'quitté un instant, témoins d’autant plus
suspects, qu’ils affectent dans leurs dépositions y
de passer sous silence tous les faits qui avaient pré
cédé la sortie du sieur M onsenergue, et la provo
cation du sieur Dupuy. Si l ’on écarte également le
témoignage des nommés Nicoulaud , dont l ’un avait
également soupé le même jour avec le sieur Dupuy,
et dont l’animosité contre la dame D upuy et le sieur
Monsenergue se trouve prouvée jusqu’à la démons
tration , l’information ne prouve autre cliose , si ce
n ’est que le sieur D upuy s’est plaint d'avoir reçu
trois coups d ’épée du sieur Monsenergue ; que la
dame Dupuy, au lieu de prendre part au mallieur
de son fils , lui a tenu des propos durs et presque
dénaturés; et que Mathieu Faugère, qui avoit été
prié d’accompagner le sieur Monsenergue à son
départ pour Evaux , s’étant armé d ’un gouyard,.
avait menacé d’en couper la téte au premier qui
approcherait pour maltraiter le sieur Monsenergue.
Ces faits pourraient paraître graves , s’ils étaient
séparés de ceux qui sont consignés dans l’enquête
de la dame Dupuy. Aussi est-cé sans doute le défaut
de connaissance de ces derniers faits qui a déter
miné le Décret de prise de corps contre la dame
D upuy et le sieur Monsenergue, et la confirmation
de ce Décret à l ’égard de ce dernier; mais pour peu
qu’on veuille les rapprocher les uns des autres ,
faire attention que le sieur Monsenergue avait si
�C 43 )
peu le projet d’assassiner le sieur D upuy, qu’il était
couché ; que c ’est au contraire le sieur D upuy qui
est venu outrager sa mère et le sieur Monsenergue,
par les propos les plus offensants, provoquer le sieur
Monsenergue par des menaces et .défis ; qu’il a été
le premier à attaquer le sieur Monsenergue et à lui
porter un coup de bétton, lorsque celui-ci, croyant
profiter de la retraite du sieur Dupuy, a voulu quit
ter la maison de la dame D u p u y , pour se retirer
dans une autre ; qu’en un m o t , ce n’est qu’après
avoir été lui - même m altraité, que le sieur Monse
nergue a poursuivi le sieur Dupuy et lui a porté les
coups qu’il a reçu ; alors, loin de pouvoir qualifier
d ’assassinat le procédé du sieur Monsenergue , il
devient évident qu’il n’a fait qu’user d ’une légitime
défense, et que s’il y avait un délit contre lequel la
Justice eût à sévir, il ne pourrait être imputé qu’au
sieur Dupuy, dénonciateur et intervenant.
La seule circonstance qui pût faire penser que le
sieur Monsenergue eût conçu le projet d’assassiner
le sieur D upuy, serait celle que suivant quelques
témoins, il s’était muni d’une canne à épée, et que
c’est avec cette canne qu’il a frappé le sieur Dupuy,
Mais déjà quand il serait certain que c ’est en effet
avec une canne à épée que le sieur Monsenergue a
porté des coups au sieur Dupuy, les cannes à épée
sont aujourd’hui tellement en usage , que de ce que
le sieur Monsenergue en aurait eu u n e , on ne pourF a
�rait conclure en aucune manière qu’il Peut prise
à mauvais dessein ; d’un autre côté , il n’est pas à
beaucoup près certain , d’après ¡’information , que
ce soit avec une canne à épée que ¡e sieur D upuy
ait été blessé plusieurs témoins disent, au con
traire , que Je sieur Monsenergue n’avait d’autre
arme qu’une broch e, qu’il avait prise dans la mai
son de la dame Dupuy, pour se défendre en cas
d ’attaque.
Si les preuves résumantes- de cette information ,
balancées par celles qui sont consignées dans ¡’en
quête de la dame Dupuy, ne sont pas d’un grand
poids contre le sieur Monsenergue, elles sont en*
core plus faibles vis-à-vis de la dame Dupuy.
En écartant en effet toute idée d’assassinat de la
part du sieur Monsenergue, comme on ¡’a déjà fait,
ü s’ensuit qu’il n’y a pu avoir aucune complicité de
]a part de la dame D u p u y; aussi ¡’information ne
contient-elle , à cet égard , aucune espèce de preuve.
Si la dame D upuy est sortie ¡ors de la rixe entre ¡e
sieur Monsenergue et ¡e sieur Dupuy, ce n ’est que
dans le dessein de ¡es empêcher de se battre. U n
témoin dépose même que Ja dame D upuy ¡’avait
prié d’empêcher ce malheur.
Il est vrai que plusieurs témoins déposent de
mauvais propos tenus par la dame D u p u y , tant à
son iils qii’àson su jet, après la rixe; qu’ils lui font
même tenir des discours qui annonçaient non-seu
�(45)
lement un’ manque de tendresse, mais plutôt de
, l'aversion pour son fils. Mais i° , quand les sentiznens de la dame Dupuy à l ’égard de son fils, se
raient tels qu’on pourrait en juger d’après ces dis
cours , la dame D upuy serait à la vérité , blâmable
d ’avoir conçu des sentimens aussi dénaturés ; mais
ce ne serait jamais un délit qui dut exciter la vigilence du ministère public. 2.9. Il 11e faut pas perdre
de vue que la dame D upuy, lorsqu’elle a tenu ces
propos , venait d’être outragée dans l ’instant même
par son iîls ; que les insultes et les menaces qui
avaient été faites dans la maison au sieur Monsenergue, réjaillissaient sur elle-même. Ce serait donc
dans un moment de colère , que la dame D upuy
aurait lû.cîiô ces discours que son cccur désayoïiflit
sans doute, malgré les torts dont son iîls s’était
rendu coupable envers elle.
Enfin, relativement à Mathieu Faugère, l ’infor
mation ne prouve en aucune manière qu’il ait par
ticipé à la rixe des sieurs D upuy et Monsenergue ;
elle prouve seulement que le sieur Monsenergue ,
étant monté à cheval après la rixe, pour retourner
à E vau x, la dame D upuy pria Faugère de l ’accom
pagner ; que sur cette invitation, celui-ci s’arma
d’un gouyard , et menaça d’en couper la tête au
premier qui approcherait du. sieur Monsenergue :
mais on n ’y voit pas qu’il ait fait aucun geste avec
ce gouyard ? ni qu’il ait tenté d’en porter aucun
�coup K qui que ce soit ; on ne lui reproche, au con
traire , que d'en avoir fait mine avec un sabot.
Comment donc un fait aussi léger a-t-il pu être
envisagé comme une complicitédans.un assassinat?
La continuation d’information n ’offre pas des
preuves plus fortes contre les accusés ; de tous les
témoins qui y ont été entendus , il n’y a que le
premier et le neuvièm e, qui aient déposé sur le véri
table fait de la plainte et sur ses véritables circons
tances.
Mais d’abord à l ’égard du prem ier, il est impor
tant d'observer que c ’est un frère du sieur D upuy,
qui parait s’être ligué avec lui contre la mère com
mune , et avoir épousé sa haine contre le sieur Monsenergue. Quoi qu’il en soit, examinons les faits dont
il rend compte. Suivant lu i, il a entendu dire par
le sieur Monsenergue que le vendredi qui a pré
cédé la rixe, sans deux personnes qu’il nom m e, le
B ... c ’est-à-dire le sieur D u p u y, y aurait passé; mais
que le dim anche, il ne l ’échaperait pas. 11 ajoute
que le sieur Monsenergue étant revenu ce même
dim anche, il demanda à la dame D upuy où était
son fils, qu’il l ’avait échapé belle le vendredi, mais
qu’il ne l ’échaperait pas ce jour là ; que le sieur
Monsenergue avait bien des affaires à L vaux, mais
qu’il avait tout quitté pour venir lui passer son
carrelet à travers le corps , ou pour lui brûler la
cervelle. Ce témoin continue, en disant, que sur
�C 47 )
cela, il avait été avertir son frère du projet formé
contre lu i, pour l ’empêcher de revenir à la maison.
Q u ’au souper, le sieur Monsenergue ayant répété
les mêmes propos, il alla encore les répéter à son
frè re , pour qu’il se tînt sur ses gardes.
Le témoin va encore plus loin ; il prétend avoir
vu le sieur Monsenergue derrière la p o rte, tenant
d ’une main une b âto n , et de l’autre un carrelet ;
que le sieur Monsenergue avait fait épier par mathieu Faugère, les démarches du sieur D upuy j
qu’en un m ot, il avait sellé et bridé son cheval,
pour partir aussi-tôt que le coup serait fait. Le sur
plus de la déposition se rapporte au départ du sieur
Monsenergue, aux craintes que le témoin lui supose
d ’être pendu , et à son a c co m p a gn em en t par M a
thieu Faugère.
Cette déposition est grave sans doute, elle serait
capable de produire les plus fortes impressions, si
elle partait d’un témoin non »suspect ; mais indé
pendamment de la suspicion qui résulte contre ce
témoin de la qualité de frère du dénonciateur et de
la circonstance, sur-tout qu’antérieurement à cette
déposition, le sieur Dupuy s’était déjà rendu partie
au procès, pour réclamer des dommages intérêts,
cette déposition est unique sur le projet de l ’assas
sinat de la part du sieur Monsenergue ; elle est
d’ailleurs démentie par celle d’un témoin étranger
à la fam ille, qui avait assisté au souper chez la dame
�Dupuy, et qui ayant été entendu dans rinformatiorf
sur les faits justificatifs , n’aurait pas manqué de
rendre compte du projet d’assassinat , si vraiment
il en eût été parlé pendant le souper.
Mais il y a plus ; cette déposition est encore invrai
semblable et contradictoire. 11 répugne en effet à la
raison de penser, en supposant même un complot
dassassinat form é, qu’on s’en fût entretenu devant un
enfant : il n’est pas plus aisé de concevoir que le
sieur Dupuy , averti par deux fois du danger qui le
menaçait , eût pris sur lui de venir dans une maison
où il se croyait attendu par son ennem i, sans autres
raisons que d ’y venir clierclier un bonnet de n u i t ,
qu ’il aurait pu aisément se procurer ailleurs.
Abandonnons donc cette déposition, qui n’est que
le fruit de la séduction du sieur D u p u y , sur un frère
plus jeune que lu i, à tout le mépris qu’elle mérite ,
et passons à celle du neuvième tém oin, que nous
avons déjà dit être, avec celle que l’on vient de dis
cu ter, entreles seules importantes de l ’addition d’information.
Celle-ci n’est pas à beaucoup près aussi violente
que celle du sieur D upuy ; le témoin dit seulem ent,
que le 17 octobre, environ m idi, la dame Dupuy
alla clierclier le serrurier ; qu'étant devant sa porte ,
le témoin lui entendait dire, en parlant de son fils:
îl m’a levé une serrure ; le / i... l'a écliapé vendredi
dernier , mais il 11e l ’écliappera pas aujourd'hui.
Lq
�(49)
_
Le témoin ajoute que le même jo u r , environ deux
heures après midi , elle entendit la dame D upuy
qui poursuivait son fils , lui dire : V a , v a , B ... de
■mâtin, tu l ’as échapé vendredi, m aison ne t’échapera pas aujourd’hui. U n autre fait dont le témoin
rend compte , c ’est qu’environ trois semaines avant
le 17 octobre , elle a entendu la dame D upuy dire ,
en parlant de son fils : Il perdra là vie, ou je la perdrai.
D e même que la précédente déposition était uni
que contre le sieur Monsenergue , de même aussi
celle-là l ’est-elle contre la dame Dupuy; mais comme
la précédente , elle est encore démontré par la dé
position du Serrurier, qui rend à la vérité compte
d e s d i s c u s s i o n s d o n t il a é t é tém oin, entre la dame
D upuy est son fils, mais qui ne parle en aucune
manière du propos : Tu Vas échapé 'vendredi ,
mais tu ne Vèchaperas pas aujourd’hui.
■Les autres dépositions de cette continuation ne
portent que sur des faits postérieurs aux coups reçus
par le sieur D u p u y , sur des relations du sieur Dupuy
lui - même , de son frère, ou des sieurs Hervet et
.Fayollet fils , ses complices , ou bien enfin , sur les
procédés de la dame D upuy à l ’égard dë sesj enfans ; elles ne méritent par conséquent pas qu’on s’y
arrête ; quelques-unes enfin semblent avoir eu pour
objet de faire suspecter la sincérité des dépositions
des témoins entendus à la Requête de la dame Dùpuy,
tandis que lôur déposition nfe pouvait être écartée
G
�\ r> f-
( -5o )
que par une preuve contraire, ou par uue plainte
en subornation ; il serait donc inutile de s’arrêter
à les discuter chacune en particulier.
D ’après l’analyse et le rapprochement que l’on
vient de faire des preuves qui ont été faites , soit par
l ’Accusateur public , soit.par la dame Dupuy , il pa
raît démontré qu’il faut écarter toute idée d’assas
sinat prémédité. Le sieur Monsenergue était couché
dans la maison de la dame D u p u y , il ne se pré
parait donc pas à assassiner le sieur D u p u y, il ne
le cherchait donc J)as; c’est au contraire le sieur
D upuy qui est venu le provoquer par des injures-,
des menaces et des défis qui a voulu forcer les
portes et les contrevents. Le sieur Monsenergue a
cru devoir profiter d’un moment de retraite de la
part du sieur D upuy , pour quitter la maison, et faire
cesser une scène aussi scandaleuse; mais le sieur
D upuy ne s’était pas retiré, comme il le croyait. A
peine le sieur Monsenergue a-t-il voulu sortir, qu’il
a été assailli d’un coup de bâton par le sieur Dupuy.
Ce n’est qu’aj^rès avoir reçu le coup que le sieur
Monsenergue a voulu s’en venger , qu’il a poursuivi
le sieur D upuy et lui a porté les coups qui ont été
constatés jiar le rapport en chirurgie.; ce n’est même
pas avec une épée qu’il Fa frappé , mais bien avec
une broche, dont il s’était armé en sortant de chez
la dame D u p u y , dans la crainte d’être attaqué.
C ’est ainsi que les faits paraissent s’êire ¡xissés l
�1 5 1 )'
et si l ’on pouvait y entrevoir un assassinat, il ne
pourrait être imputé qu’au sieur D u p u y , qui ? pour
venir à bout de son projet, s’était assisté des sieurs
Hervet et Fayollet /ils , qui avaient préparé 1111 fusil
chargé à trois balles ; qui s’est plaint ensuite d’avoir
été abandonné par ses com pagnons, et de n’avoir
pas pris le pistolet dont l ’un d’eux était armé.
Mais le prétendu d'élit ne peut et ne doit être
considéré que comme une simple rixe , qui ne pou
vait par sa nature donner lieu à une procédure
extraordinaire. L ’agression du sieur Dupuy paraît
prouvée de la manière la moins équivoque ; et quand
il aurait été plus maltraité que le sieur Monsenergue,
c ’est assez que ce soit lui qui ait provoqué le sieur
Monsenergue, pour qu’il ne puisse se flatter d ’ob
tenir contre lui aucuns dommages et intérêts.
Le sieur Monsenergue n’a frapé le sieur Dupuy
qu’après l ’avoir été lui - même ; et on ne peut, lui
Jpçiireun crime de ce que, dans le premier accès d’une
juste colère , il aurait frapé le sieur Dupuy plus
dangereusement qu’il l’avait été lui-même.
A u x preuves testimoniales que l ’on a déjà invo
quées pour écarter l’idée d’un assassinat prémédité
de la part du sieur Dupuy , il n’est pas inutile
d’ajouter quelques réflexions, qui résultent natu
rellement des dispositions respectives des parties.'
A supposer que la dame Dupuy et le sieur Mon6energue eussent formé le projet d’un double ma-,
G 3
�( 52 )
m g e , entre les sieurs Monsenergue père et filsy
d ’une p a rt, et la dame D upuy et sa fille , de l’autre ,
comme le sieur D upuy l ’expose dans sa requête
d ’intervention; le sieur D upuy ne pouvait évidem
ment former le moindre obstacle à l ’exécution de ce
projet. Quel eût donc pu être le m otif d’aniinosité
et de ressentiment de la part du sieur Monsenergue
contre le sieur D upuy ? L ’assàssinat du sieur Dupuy
aurait seul pu déconcerter les projets qu’il suppose
aux uns et aux autres. Comment donc eussent-ils
formé un complot aussi contraire ? C ’est ce qu’il est
impossible de concevoir.
A u contraire, le sieur D u p u y pénétré , co m m e
il l ’avoue lui-m êm e, de l ’idée que le double mariage
dont on a déjà parlé était arrêté, convaincu que
la dame sa m è re , non seulement par droit de son
affection pour ses enfans , mais qu’elle pourrait
même les frustrer par des dispositions directes ou
indirectes , ne pouvait voir que du plus mauvais
œil les assiduités des sieurs Monsenergue , dans
la maison de sa m ère; il devait donc chercher à
leur donner toutes sortes de dégoûts, et leur sus
citer des querelles pour rompre le mariage qu’il
craignait.
Les preuves morales se réunissent donc aux preu
ves testimoniales , non seulement pour écarter le
soupçon d’un assassinat de la part du sieur Monsenergue, mais encore pour rejeter sur le sieur D upuy
�s
Ç55 )
îe fait d’agression y et le faire considérer comme'
le seul coupable.
Cela p osé, il paraît évident que le sieur MonseJ/
nergue , malgré la gravité du délit dont il est accusé,
ne courrait pas le.moindre danger à se consiituer.
prisonnier, en vertu de Décret de prise de corps lancé
contre lui ; qu’il devrait au contraire espérer d’ob
tenir son élargissement dès le premier interroga-i
toire qu’il aurait à subir ; mais , si le sieur Monsenergue se fait une délicatesse sur ce point, sa con
tumace ne peut empecher qu’il n’obtienne la justice
qui lui est due.
Comme il n’est pas le seul accusé, qu’au con
traire la dame D upuy et M athieu Fougère, ses co
accusés , ont subi interrogatoire, ils pourront pour
suivre le Jugement ; et la preuve ¿les faits justificatifs
qui a été faite p arla dame Dupuy, se trouvant con
signée , elle servira autant à la justification du sieur
M onsenergue, qu’à celle de la dame Dupuy.
Le renvoi de l ’accusation avec domages et inté
rêts , ne paraît pouvoir éprouver aucunes difficul
tés en ce qui concerne la dame Dupuy et Mathieu
Faugère ; au lieu que par rapport au sieur Monse
nergue, les excès respectifs qui ont eu lieu entre
lui et le sieur Dupuy, ne semblent devoir donner lieu
qu’à un hors de Cour.
Si le Jugement qui interviendra au Tribunal de
Chambon s’écartait ouvertement de ces résolutions;
�5 4
ce serait alors le cas, de la part des accusés, de se'
pourvoir par appel à un au tre District ; et dans ce
ca s, le choix du Tribunal d’appel appartiendrait indubitablement aux accusés, aux termes de l’article
X du Décret du 14 octobre dernier.
Délibéré à R io m } le dix-sept M a r s m il sept cent
quatre-vingt-onze.
. 0
Signé T o u ttée , Lapeyre , Andriaud , T o u tée jeune ;
G ren ier ; Massonet ? Beau fa lo n,
A
G U É R E T , de l’imprimerie Nationale
et du Département. 1 7 9 1 ;
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
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Title
A name given to the resource
[Factum. Dupuy. 1791]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Chabrol
Bergier
Toutée
Lapeyre
Andriaud
Toutée jeune
Grenier
Massonet
Beaulaton
Subject
The topic of the resource
conflits de procédures
tentative d'assassinat
témoins
menaces de mort
médecine légale
diffamation
appel circulaire
châtellenie
homicides
Description
An account of the resource
Titre complet : Consultation pour la dame veuve Dupuy et le sieur Monsenergue fils, accusés et défendeurs ; Contre monsieur l'Accusateur public, poursuivant ; et contre le sieur Dupuy fils, dénonciateur, intervenant et demandeur.
Table Godemel : Procédure criminelle : mode de procéder, en matière criminelle, sous l’empire des lois de 1789 et 1790 ; - voies de fait et imputation respective d’assassinat.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie nationale et du département (Guéret)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1791
1790-1791
1789-1799 : Révolution
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
54 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1227
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Chambon-sur-Voueize (23045)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
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appel circulaire
châtellenie
conflits de procédures
diffamation
homicides
médecine légale
menaces de mort
témoins
tentative d'assassinat
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53277/BCU_Factums_G1603.pdf
dbc8525fe9fbb08694164f53f67f527a
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PRECIS
COUR
D ’A P P E L
P O U R
SÉANTE
Sieur V i t a l D E D I E N N E , et dame J e a n n e - M a r i e
D E D O U H E T son épouse, appelans
C O N T R E
F
C
,
V E S C HA M B E S
veuve de Jacques
V a l a r c h e r , J e a n n e V A L A R C H E R , et A n
t o i n e F A U C O N son mari, intimés et incidemment
appelons.
rançoise
ette
contestation est la suite d ’une précédente, jugée par arrêt
de cette c o u r , du 2 thermidor an 8. Elle est tellem ent hérissée
d ’actes, q u ’on a cru ne pouvoir se dispenser d ’en présenter, avant
l ’audience, un aperçu.
François V esch a m b e s , bisaïeul des p a r t ie s , étoit propriétaire
d un domaine appelé de la B u tg e , de valeur aujourd’hui de plus
de 60000 francs.
A
A RIOM.
�'iV
f i )
II s’est m arié en prem ières noces avec M arie Jarrigo.
D e ce mariage sont issus quatre e n fa n s, Jacques, représenté
par les appelans, Jean, M arguerite i " . , et M arguerite 2'. du nom.
D e ces quatre enfans il en est décédé un avant le père, qui n ’en
rappelle en effet que trois dans le testament.
11 a contracté un second mariage avec Catherine C om bard.
D a n s ce contrat de mariage il com m ence par reconnoître à sa fu
ture épouse la som m e de 2700 francs; il réglé ensuite la légitimé
des enfans <ju premier lit. Il destine à Jacques Vescham bes une
som m e de 1000 f r . , à M arguerite 1” . du n o m , pareille somme
de 1000 f r a n c s , à M arguerite 2'. une somme de 700 fr a n c s , et
à Jean celle de 600 francs. 11 prévoit le cas où il décéderoit avant
son épouse; audit cas il lui assure et donne la jouissance d ’une
cham bre dans la m a i s o n , garnie de meubles nécessaires, et la
jouissance de la moitié de ses biens , tant qu ’elle demeurera en
•viduité. P ar une autre c la u s e , il donne par preciput et avantage
a u x enfa ns, est-il d i t , q u i proviendront du présent mariage, au
premier, soit f i l l e ou garçon, de son c h e f la somme deSooofrancs,
et a u x autres la somme de 1000 fra n cs. Il est enfin stipulé un gain
de survie réciproque de 100 francs.
D e ce mariage sont issus cinq enfans^ C ath erin e mariée au
sieur N a u f a r i, A n t o in e , P ierre , tf.onc*ww e , et M arguerite 5 '. du
nom mariée au sieur Roche.
L e 4 m ars 169G , testam ent par lequel il rappelle et confirm e
les destinations déjà faites aux enfans du prem ier lit dans son
second co n trat de m ariage.
Il lègue à A n to in e et C atherin e
•Veschambes , deux, des enfans du second lit , une som m e
de 1000 fr a n c s , et aux autres Irois 700 irancs seulem ent. V en an t
ensuite à l ’institution d ’h éritier, il déclare q u ’il nom m e pour son
héritière générale et universelle Catherine C om bard son épouse;
«V eut et entend que son héritière générale et uni verselle, C atherine
aC o m b a rd
son épouse, n o m m é e , soit privée de l’hérédité en cas
; m ais bien
sem b lera , sans
» q u ’elle vienne à convoler à de secondes noces
rendre
» l ’héréditc à tel de scs enfans que bon lui
qu ’elle
�YS
(3)
n soit tenue à aucune reddition de com pte; et quand la demoiselle
» Com bard viendroit à décéder sans avoir nom m é tel de leurs en» fans pour h éritier, veut et entend que ledit A n to in e Vescliam bes
» soit son vrai héritier qu ’il nom m e pour héritier des à présent
» audit cas et non autrement ; mais au choix et option de ladite
» C om b a rd d ’en nom m er un autre tel que bon lui s e m b le r a , ainsi
» que dit est. »
O n voit q u ’A n toin e n ’étoit no m m é qu’ à défaut d ’d c c tio n ; et la
veuve elle - mêm e n ’étoit tenue de remettre 1 hérédité, et d é lir e
entre les e n f a n s , q u ’en cas de convoi.
L e cas prévu n ’est point arrivé; Catherine C o m b a rd a demeuré
en viduité.
L ’institution faite en faveur de la veuve étoit susceptible d ’une
double réduction,
i°. L e s biens étant situés en pays de co u tu m e , elle ne pouvoit
avoir effet que pour le q u a r t, d ’après la disposition de la C o u tu m e ;
elle étoit de plus réductible à la portion d u moins prenant des
e n f a n s , d ’après l’édit des secondes noces.
F r ançois
cscham bes. est m o r j ^ I ç ^ f é v r i e g 1700.
Jacques V escfîam bes, enfant du premier li t , s’est marié en 1707
avec Geneviève la Vaissière.
En 1710 Catherine V esclia m b e s, une des filles du second l i t ,
a contracté mariage avec Jean N au fari, P ar leur contrat de mariage,
ladite C atherine C om b a rd l’a instituée son héritière générale et.
universelle, à la charge de payer aux autres enfans du second l i t ,
savoir, à A n to in e et Pierre V escliam bes, la somme de 200 fr a n c s ,
et aux autres la somme de 5 oo francs.
En 1738 Jacques V escliam bes, fils du premier li t , m arié avec
Geneviève la V a is s iè r e , fut prévenu d ’un homicide. Il fut obligé
de se réfugier en Espagne. 11 paroît qu ’il y eut une procédure cri
minelle instruite par contum ace, qui n ’existe plus. Il n ’en reste de
traces que dans un acte du 10 janvier 1757 , produit par les ad
versaires, par lequel le sieur de M o n t - Boissier, seigneur hautjusticier de la terre de C h e y la d e , fait remise et abandon à F ran A 2
�«
(4)
çoise Vescham bes et à Jacques V alarclier, du droit qu'il avoit aux
biens de Jacques V e s c h a m b e s , en conséquence du jugement de
m ort rendu par contum ace en la justice de C h e y la d e ; jugement
dont la date est en blanc.
1
Jacques Vescliam bes m ourut peu de temps après, dans les cinq
années de la contumace.
Il avoit eu de son mariage avec Geneviève la Vaissière six enf a n s , cinq filles, et un m â le , François 2*. du nom , qui n’ a pas
survécu long-temps à ses père et mère.
D e s cinq fille s, d e u x , Michelle et C a th e rin e, ont été mariées
du vivant du père avant le fatal.événem ent dont on vient de parler ;
par conséquent forcloses.
D e s autres trois fille s, l ’a în é e , Françoise V e s c lia m b e s , s’est
mariée avec Jacques V alarcher. C e sont les auteurs des intimés*
L a seconde, M arguerite , s’est m ariée en 1744 avec D a u sa t,
après la m o rt du père.
L a troisième, A n n e V e s c h a m b e s , s’est mariée avec D o uh et.
L e contrat de m ariage d ’A n n e V escham bes est du 16 juillet 1 7 4 4 :
elle étoit majeure.:.P.ar..ce contrat, de m j n a g n e l l e çlgnnajiouvoir
au mari de traiter, transiger, de ses biens d o ta u x , les partager,
mais non de vendre.
L e 20 du m êm e môis de juillet 1 7 4 4 > -^nnc V esch a m b es, sous
l ’autorisation de D o u h e t, son m a r i, et celui-ci en vertu dù pou
v o ir , est-il d i t , à lui donné par son contrat de m a riag e, cédèrent
et transportèrent à Françoise V e s ch a m b e s, et V alarcher son m a ri,
tous les droits que ladite Anfte V escham bes pouvoit avoir tant en
son nom que com m e héritière en partie de François 2”. du nom ,
son frère, dans les successions desdils Jacques V escliam bes et G e
neviève V aissières, et encore dans celle de François Vescham bes
1 " . du n o m , m oyenn an t la som m e de i 5 oo francs.
Peu après ce traité mourut A n to in e V escham bes, fils du second
lit de François.
A v a n t son décès il avoit fait deux dispositions en faveur de la
m êm e Françoise V esch a m bes, fem m e V alarch e r, qui s’etoit mise
à la tête de la maison.
�*
*î
( 5)
r P a r un premier acte du 14 ma* 1 7 4 4 > ^ lui fit donation de'tous
les droits, est-il d i t , à lui acquis tant par le testament de défunt
F ran çois VeScham bes, son père, qui l ’y n o m m a pour son héritier,
que par le décès de Catherine C o m b a r d , sa m è r e , et par s,es dis
positions portées dans le contrat de mariage de Catherine V e s •chambes, sœur du do nateur, avec d é fu n t N a u fa r i, nom s, raisons
«t actions rescindantes et rescisoires, sous la réserve d ’une somme
de io o o fr. à disposer.
P a r un second acte du 50 octobre 1 7
il disposa de cette
com m e d e 1000 fr . eneore en sa faveur.
A n n e V es clia m b e s, et D o u h e t son m a r i, qui avaient cédé leurs
droits par l’acte du s 5 juillet 1744> o n t eu f^e
mariage une
fille, Jeanne-M arie D o u h et , qui s’est m ariée avec V it a l de D ienne.
C e sont les appelans.
!
C e tte cession du 23 juillet 1744 ¿toit évidem m ent nulle. D o u h e t ,
par le contrat de m a riag e, avoit pouvoir de transiger, p artager,
m ais non de vendre.
En l’an 6 , ladite D o u h et et ledit V it a l de D ienne ont fait citer
au tribunal civil du C a n ta l ladite Françoise V esclia m b e s, et V a larcher son m a r i , en nullité de ladite cession, en partage de la
succession de Jacques V escliam bes et Geneviève la Vüi&sière, et
encore en partage de la succession d ’A n to in e V escliam bes 1 " . du
n o m , pour leur en être délaissé la portion qu ’A n n e V e s clia m b e s,
leur mère et b e lle -m è re , am endoit dans lesdites successions, soit
de son c h e t , soit du ch e f de François 2*. du n o m , son f r è r e ,
décédé ab intestat .
C o n tre la demande en partage des successions de Jacques V e s cham bes et Geneviève V aissiè re, les adversaires ont opposé la ces
sion. Ils ont soutenu que ce lle cession ne p o m o it être raisonnable
m ent attaquée, s o it d ’dprès le pouvoir donné par A n n e Vescliam bes,
alors m ajeure, à D ouhet son m a r i , dans son contrat de m ariage,
de traiter et transiger, soit d ’après le laps de temps qui s ’éloit
écoulé depuis la cession. Ils ont ajouté q u ’ils ne tenoient point
d ailleurs les biens co m m e héritiers de Jacques Vescliambes ; qu’ils
�H
C 6 )
r e jouissoient point à tilre d ’héritiers, q u ’ils jouissoient en vertu
île l’abandon fait en leur faveur, par le seigneur haut-justicier, de
l ’effet de la confiscation résultante du jugement rendu par contu~mace.
'•
Ces moyens ont été facilem ent écartés.
1
C on tre la demande en partage de la succession d ’A n to in e V e s ch am bes, ils ont rappelé le testament de François. Ils ont dit que
François par son testament avoit institué Catherine C o m b a rd
pour son héritière, et destiné à A n to in e une somme de 1000 francs;
q u ’A n to in e avoit ensuite disposé en leur fa v e u r , par les deux
donations ci-dessus, du m ontant de ladite destin ation, ensemble
de tous les droits à lui échus par le décès de Catherine C o m b a r d ,
desquels droits faisoit partie l’institution testamentaire faite en.
faveur de ladite C o m b a rd par François ; qu’A ntoine n ’avoit pas
d ’autres biens.
L e s sieur et dam e de D ien n e ont répondu que l’institution faite
en faveur de Catherine C o m b a rd étoit doublement réductible; que
la donation des droits échus par le décès de Catherine C o m b a rd
ne pouvoit dès-lors porter sur tous les biens de François.
A
quoi il a été répliqué par V escham bes et V alarch e r q u ’A n
toine leur ayant fait donation du m ontant de la destination à lui
faite par le testament du pcre , il étoit non-recevable, et les sieur
et dame de Dienne de son c h e f , à s’aider de la réduction, soit de
la C o u lu m e au quart, soit du retranchement de 1 edit des secondes
noces ; que si on prétcndoit q u ’ Antoine eût d ’autres biens on devoit
l ’établir. C e sont les propres termes de leur défense consignée dans
le jugement.
En cet état, jugement est intervenu au tribunal civil du Cantal
le iG ventôse an 8 , q u i , en ce qui concerne la demande en partage
de la succession de Jacques V escham bes et Geneviève la Vaissière,
a déclaré la cession du 35 juillet 1744 'm ile; a ordonné le partage
des biens dépendans de la succession de Jacques V escham bes et
Geneviève la V aissière, avec restitution des jouissances depuis lo
d é c è i , à l'exception des années pendant lesquelles avoit duré lo
�C i)
mariage dudit D oülict arec ladite A n n e V escliam bes, à la charge
de rapporter la som m e de i 5oo fr a n c s, prix du traité, perçue par
ledit Douliet.
- E t en ce qui concerne la succession d ’A n t o in e ;
»
A tten d u qu’ A n to in e ayant approuvé le testament de François
Vescfïam bes i*r. du n o m , en disposant de la destination à lu i
faite en faveur des défendeurs , les sieur et dame de D ten n e
ne pouvant s ’aider de son c h e f, n i de la réduction au quart>
d’ après la Coutum e, n i de la réduction a la part du\moins
prenant des en fa n s , d’ après l ’ édit des secondes noces ; que^ les
demandeurs n ’ont p oin t établi que ledit A n to in e eût d’ autres
b ie n s, que le montant de la destination à lu i fa ite par son p ère ,
e t les droits à lu i échus du c h e f de sa m ère , de tout quoi il a
d isp osé en faveur des défendeurs ; a débouté les sieur et dam e
de D ie n n e de leur demande.
: ,
Françoise V escham bes et V alarch er ont appelé de la première
partie du ju g e m e n t, qui ordonnoit le partage des successions des
dits Y esch am bes et la Vaissière.
y.
L e s sieur et dam e de D i e n n e , de leur c ô t é , se sont rendus in
cidem m ent a p p e la n s, en ce q u ’ils avoient été condamnés à rap
porter et faire compte de l ’entier prix du traité de 1744» prix
perçu par ledit D o u h e t , à la succession duquel ils avoient renoncé.
Ils auroient pu aussi interjeter a p p e l, en ce q u ’ils avoient été in
définiment déboutés de la demande en partage de la succession
d ’A n to in e à défaut d ’indication de biens , tandis qu ’ils auroient
d u etre déboutés seulement quant à présent. Ils crurent cet appel
sans objet. Ils étoient loin de prévoir la contestation qui leur a
été suscitée depuis.
Sur les appels re sp e ctifs, arrêt est intervenu le 2 thermidor
an 8 en cette c o u r , par l e q u e l,
E n ce qui louche l ’appel incident des sieur et dame de D ie n n e ,
attendu l’articulation fai le par 1rs adversaires , que lcsdits de
D ienne avoient fait acte d ’ héritier dudit D ouh et en s’emparant
du m o b ilie r , a o r d o n n é , avant faire d r o i t , la preuve de l'im
mixtion.
�X s )
Faisant droit sur l’appel principal de Françoise Vescham bes et
V a la r c h e r , a dit avoir été bien jugé.
Vescham bes et V alarch er se sont pourvus en la cour de cassa
tion contre la disposition de Jarret qui les blessoit, mais inuti
lem ent. *
N ’ayant pu réussir de ce c ô t é , ils ont cherché à venir à leur
bu t d ’une autre manière.
»
« Ils ont p r o d u it ,
i°. U n e r e n o n c ia tio n , ou actes énonciatifs d ’une renonciation
faite après la m ort de François Vescham bes par Catherine C o m b a r d , tant pour ses enfans que pour ceux du premier lit , à la
succession dudit V e s c h a m b e s , par acte reçu au greffe de la jus
tice de C h e y la d e , le 2 mars 1700;
20. U n bail à fe rm e consenti par Jacques V esch a m b e s, n onob
stant ladite renonciation du dom aine de la B u t g e , dépendant de
ladite succession, le i 5 avril 1700;
5% U n e ordonnance sur requête du juge de C h eylad e , du 10
avril 170 0 , qui autorise Jacques V escham bes à jouir des b i e n s ,
sans qu'on puisse en induire aucune qualité préjudiciable ;
4“. U n e vente d u 19 avril -1708, faite par ledit Jacques V e s
c h a m b e s, de trois septerées de terre dépendantes de la succession,
m o yenn an t la som m e de 560 fr. ;
5 °. U n acte du 22 décem bre 17 12 , reçu au g reffe de la m êm e
justice de C h e y la d e , par lequel Jacques V escham bes déclare ap
prouver la renonciation faite par Cath erin e C o m b a rd le 2 mars
170 0, pour, et en son nom ;
6°. U n e sentence du 14 m ars 1721 , rendue contre un créan
cier q u i , en conséquence desdites renonciations , congédie V e s
chambes des poursuites faites contre lui , s a u f au créancier scs
actions contre le curateur nom m é à la succession va ca n te , nomination qui est rappelée dans le vu de la sentence;
7 9. U n acte de ch eptel, du i ,r. octobre 1758, par lequel, après
la disparition de Jacques V escham bes , ses e n fa n s , et A n to in e
et Pierre V e s c h a m b e s , scs f r è r e s , fils du second U t, déclarent
avoir
�r 9 )
nvoir pris à li Ire de cheptel vingt-quatre va ch e s, et autres lêtes
de bestiaux pour garnir le d o m a in e;
8°. D es reçus de re n ie s , et extraits des rôles d'impositions
jusqu'en 1 7 ^ 7 ;
'
1
9°. U n e requête présentée par A n lo iiic Vcscîiàm bes a 1 éjection
de S a in t-F lo u r , le i 5 février 1 7 4 3 , ’daris laquelle il a exposé que
les percepteurs des années 1758 , 1759 et 174° »voient lait saisir
sur Jacques Y escham bes , faute de’ payement des impositions-,- les1
ir.uils pendans par r a c in e , desquels fruits ils s étoîent' rendus ad
judicataires co m m e des biens dudit Jacqües V e s c h a m b e s , ignôrant’
le testament de François Vescham bes , par lequel il avoit été ins-i
titué héritier ; q u ’il venoit de découvrir ce testament ; qu’étànt
héritier il ne pouvoit être adjudicataire de sa propre chose ; qu ’e n 1
¿onséquence il demandoit à être déchargé du prix de l ’ adjudica»-;
lion ; requête suivie de sentence adjudicative des coirclliSiohs, dû
22 du m êm e m o i s , rendue par d é f a u t , tant contre les consuls
que contre Jacques V escham bes.
De
tous ces actes
ils ont
.
conclu que Jacques
V esch a m
bes n^avoit absolument aucun droit sur les biens d e . Françoi'Sj
i ' \ du nom ; que , par s i renonciation et par lèi tèstament
de François , testament qui
avoit été- confirmé
par la sen
tence de l’élection de S a i n t - F l o u r , tous les biens etoient sur
la tête d 'A n to in e , dans la succession duquel A n to in e les sieur
et daine
de D ienne n ’avoienl rien
à réclamer , puisque , par
le m êm e jugement dont ils poursuivoient l’ex é cu tio n , ils avòient
été déboutés de leur deniimde en partage à cet égard ; que dèslors il ne d e v o i t e n t r e r dans le partage ordonné de la succes
sion de Jacques^STilnn>l w
que ses biens personnels , c ’est - à -
d ir e , les biens par lui a c q u is , consistant en un petit domaine
appelé de la C o s t e , et aucun de ceux ayant appartenu à F ran
çois. A insi
les biens
qui d ’abord ,
pouvoir s ’aider de la cession du
et
tant q u ’on
22 juillet
avoit
cru
1 7 4 4 , éloient sur
la tête de Jacques V e s c h a m b e s , se sont trouves (oui à coup
snr la tête d ’Antoine.
B
�i l
( 10 )
D e ces mêmes actes ils ont inféré de plus, i°. que Jacques V e s chambes ayant constam m ent joui, et n ’ayant joui que com m e créan
cier , sa succession étoit comptable de toutes les jouissances par
lui perçues jusqu’en 1738 , s a u f à lui faire raison de ses créances;
2°. Que la succession étoit pareillement comptable de la valeur
des fonds q u ’il avoit aliénés;
5 °* Q u ’elle étoit également com ptable du m o b ilie r , et notam
m ent du cheptel qu ’il avoit dissipé ; que le cheptel avoit été
tellement dissipé, qu ’après sa fuite ses enfans et ses frères avoient
été obligés de prendre d ’autres bestiaux à cheptel pour garnir
le dom aine.
L e s sieur et dam e de D ien n e
ont rép o n d u que la renon
ciation avoit été sans e f fe t , puisqu’il résultoit des pièces m êm es
produites ' par les adversaires q u e , nonobstant la renon ciation,
il avoit v e p d u , a f f e r m é , et constam ment joui.
Ils ont dit que quand on donneroit à la renonciation tout
son e f f e t , il auroit acquis un nouveau droit par les cessions ou
par
le décès ab intestat de presque tous les enfans
tant du
premier que du second lit.
Ils ont produit un acte du 21 octobre 1714» par lequel
M arguerite ,y e s c h a m b e s , autre fille du second l i t , en approu
vant , est-il d i t , tous actes c i - d e v a n t fa its.e t règlemens de ses
d r o its , cède et transporte audit Jacques V escham bes tous sesdits droits , parts et portions èsdites successions de ses défunts
père et mère et autres q u elco n q u e s, m o ye n n an t la somme de
750 fr. et une bourète de ¡vache; a u ( m oyen de quoi elle quitte
et renonce auxdites
successions > et ià toutes
autres
directes
et collatérales échues et à échoir g é y ^ ’alerrrrrtt quelconques.
E n cet é t a t , Jacques Y a la r ch e r est décédé. Françoise Vescham bes , sa femme , a repris l’instance. Jeanne V alarchcr et
A n to in e F a u c o n , ses gendre et fille , sont interven us, et ont
adhéré aux conclusions prises par leur beau-père et belle-mère.
Ils ont répondu à
l’acte du 21
octobre
1714 , produit par
les sieur et dam e de D i e n n e , que cet acte étoit nul
com m e
�<*>£■
( «
/
)
contenant une renonciation à des successions échues et à é c h o ir ,
uniquo pretio.
L a cause portée à l ’audience , jugement est intervenu le 8
prairial an 1 1 , contradictoire entre les p a rtie s, doht voici les1
principaux motifs et le dispositif.
‘
« A tten d u , est-il dit , enlr’autrés motifs , que Jacques Y e s » cliambes ayant renoncé à la succession de son père, ses en'ans
» ne peuvent pas prendre sa place et succéder à leur aïeul.
» ï°. Jacques V esch a m bes n ’étoit pas marie a 1 époque de la
» m o rt de son père ; il ne s’est m arié q u ’en 1 7 0 7 , et son père
» étoit m o rt avant le 2 mars 17 0 0 ; ses enfans n ’étoient à cette
» époque ni nés ni c o n ç u s , et la renonciation de Jacques V e s » chambes ayant un effet rétroactif au m om ent de la m ort de son
» père , ses enfans ne pouvoient pas venir à la succession de
» leur aieuli 20. L e s enfans de Jacques ne pourroient venir à
» la succession de leur aïeul que par représentation de leur
» père : il est de principe consacré par une jurisprudence irrévo» cable , qu ’on ne représente pas une personne vivante.
» A tten d u que par l ’acte du 21
octobre 1 7 1 4 » passé entre
» Jacques Vescham bes et Marguerite sa sœur , du second l i t ,
» par lequel ladite Marguerite a renoncé aux successions de ses
» père et mère , et autres collatérales échues et à échoir , au
» profit
de
Jacques ,
m o yenn an t 760 fr . et
une
bo u rète,
>> ladite M arguerite a déclaré q u ’elle avoit fait des actes , par
» lesquels elle avoit réglé ses droits successifs dans lesdites suc» cessions; que la
som m e de y 5 o fr,
» légitime portion dans
les biens de
étoit sa
juste part
sesdits père
et
et
mère ;
» pour avoir une parfaite connoissance de leur co n sista n ce , et
» qu ’en subrogant par le m êm e
acte sondit frère à tous ses
» droits , pour par lui en avoir son recours sur lesdites succcs» sions , ainsi qu’il aviseroit, elle ne lui a point cédé scs droits
» rescindans et rescisoires, d ’où il résulte q u ’il n ’a e u , en vertu
* de cet acte de 1 7 1 4 » d ’autres droits que celui de demander
B 2
�(' «
)) à la succession de son
père la
)
somme
de 7 5o
fr. , et la
» bourète.
» A tten d u
q u ’ayant renoncé à la succession de son père ,
v Jacquçs Vescham bes s.eroit aujourd’hui non-recevable à criti—
» quer le testament dè son p ère ; et que cette fin de non-rece» voir ne peut être valablement opposée à un héritier repré;> sentant ledit Jacques.
» L e tribunal déboute les sieur et dame de D ien n e de leur de» m ande tendante à .ce que la.succession de Jacques V escham bes
» soit composée d ’une portion des biens de François Y escham bes :
» ordonne que la succession de Jacques Y escham bes sera com posée,
» 1°. du quart des biens de M arie la Jarrige sa m è r e , et des inté-
» rets à compter de 1 7 5 8 , époque à laquelle Jacques V escham bes
« s’est absenté, et a cessé de jouir en com m un des biens de F ra n » cois son, père; 20. des biens par lui acquis,, des jouissances telles
» q u ’elles sont fixées par le jugement du C a n tal , du iG ventôse
» an 8 ; 5°. de la somme de 7^0 fr. et de la valeur d ’une bou» r è t e , pour le prix de la subrogation à lui faite par M arguerite
» V e s c h a m b e s , sa sœur du second l i t , par l’acte du 21 octobre
» 171/f, avec intérêts à. compter de 17 3 8 ; 4 “. des créances que
» les parties de D u bois établiront avoir été payées par Jacques
» en l’acquit de la succession de François V escham bes , avec les
» intérêts à compter de 1 7 5 8 , si mieux n ’aiment les parties de
» D u bois rendre compte des jouissances du domaine de la B u lg e ,
» à compter de 1701 , jour du bail fait par Jacques Vescham bes
a des bienç.fje spn( p è r e , à la. déduction des nourriture et entre» tien des frères et sœur dudit Jacques; auquel c a s , le tribunal
)i ordonne que les intérêts des créances ci-dessus entreront dans
» 1.) tuasse de la succession de Jacques V es ch a m b e s, à com pter
» de l’époque où elles ont été pavées par ceux de la créance de
» 760 fr. et dç la valeur de la bom ète , et entreront dans la
» n ia s s e , de ladite successiot) à çpmptv«’ du 21 octobre 1714 , et
» ceux de la portion de la dot do Marie la Jarrige revenant à
» Jacquts V e s c h a m b e s , à compter de la m ort de François V e s -
�» c h a m b c s , sa u f aux demandeurs à lenir compte aux défendeurs
» des créances que ceux-ci prétendent et justifieront avoir payées
» en l’acquit de Jacques V e s c h a m b e s, suivant la liquidation qui
» en sera faite par les experts qui seront nom m és , et c e , sur les
» pièces que les défendeurs leur remettront : sur le surplus des
» d e m a n d e s, m et les parties hors de c o u r , dépens compensés. »
L e s sieur et dam e de D ienne ont interjeté appel de ce juge
m ent par acte du 6 germinal. L a veuve V alarcher s ’est rendue
aussi appelante par acte du 14 du m êm e mois , en ce que toutes
les conclusions par elle prises ne lui avoient pas été adjugées.
P endant que les parties étoient ainsi en instance au tribunal
de M u r â t , pour fixer la consistance de la succession de Jacques
V e s c h a m b e s , dont le partage a été ordonné par l’arrêt de celle
c o u r , du 2 thermidor an 8 , confirm atif à cet égard du jugement
de S a in t-F lo u r,
elles exécutoient l’autre disposition du même
a rrê t, q u i , avant faire droit sur l'appel incident interjeté p a r le s
sieur et dam e de D ien n e du jugement de S a in t-F lo u r, en ce que
par ce jugement ils avoient été condamnés à rembourser la somme
de i 5 oo f r . , prix du tra ité , nonobstant la renonciation faite à
la succession de D o u h e t , avoit ordonné une enquête sur le fait
d ’imm ixtion. 11 a été procédé de part et d ’autre devant le tri
bunal de M u r â t , com m is à cet e f f e t , à l’enquête et contreenquête.
L a cour a ainsi à statuer sur trois appels:
i°. Sur cet appel in cid e n t;
2°. Sur le nouvel appel interjeté par les sieur et dame de D ienne
du jugement de M u r â t , dont on vient de rendre co m p te;
E l sur l’appel incident de ce m êm e ju g e m e n t, interjeté par la
veuve V alarcher.
L e lout a été joint par arrêt du oo germinal dernier.
On ne s’occupera point ici du premier de ces trois appels; il
suffira de discuter à l’audience le mérite des enquêtes.
O n ne s’occupera que de l’appel respectivement interjeté par les
pnrlies du jugement de M urut , cl on ne proposera m êm e que
quelques réflexions.
�■ l*
( H
)
Depuis leur appel, les sieur et dame de D ie n n e , par la com
munication q u ’ils ont prise des pièces des adversaires, et par la
recherche des actes énoncés dans ces pièces , ont eu connoissance,
i°. D ’un acte passé entre Jacques V escham bes et Catherine
C o m b a rd le 3 mars 1710. Par cet acte , Catherine C o m b a r d ,
tant en son nom propre et privé que com m e m ère pieuse de ses
e n fa n s, et dudit François V e s c h a m b e s , a subrogé ledit Jacques
Vescham bes aux droits et hypothèques, part et portion que sesdits
enfans pouvoient prétendre sur la succession de leurdit défunt
p ère, soit par la destination portée au contrat de mariage de leur
feu père avec ladite C o m b a r d , qu’ autrem ent ; sa vo ir, pour C a th e
rine V e s c h a m b e s , fille a în é e, la som m e de 800 f r a n c s , et en.
p ayem ent d ’ic e lle , la maison , jardin et hérial , quatre brebis
et quelques m eub les; pour M arguerite et Françoise V e s ch a m b e s,
la somme de 600 fr. ch a cu n e ; et pour A n to in e et P ie r re , celle
de 55 o fr. chacun. L ad ite C o m b a rd , traitant ensuite de ses
droits personnels, cède et transporte audit Vescham bes tous ses
d ro its, est-il d i t , actions e t prétentions qu*elle a par préférence
sur les biens de Vescham bes son m ari, en quoi qu'ils consis
tent ou puissent co n sister, e t , par e x p r è s , le m ontan t de ses
conventions matrimoniales rappelées dans l’ acte , m o yen n an t la
som m e de 2700 fr. , dont partie est payée co m p ta n t, et le surplus
stipulé payable à terme. C e t acte a été découvert depuis l’appel'.
20. D u contrat de C atherine V esch a m bes l’alnée des enfans
du second l i t , du 14 mars 1 7 1 0 , par lequel elle se constitue par
exprès la maison , jardin et hérial à elle délaissés par le précédent
acte ; ce qui est de sa part une approbation dudit acte.
5°. D ’ un acte du 4 juin 1744* P ar lequel ladite Catherine V e s
chambes , fem m e N a u fa r y , alors v e u v e , cède et transporte à
Jacques V a la r c h e r , mari de Françoise Veschambes , c e qui pouvoit
lui rester du com m e héritière contractuelle de ladite Catherine
C o m b a r d , des causes du traité dudit jour 5 mars 1 7 1 0 , en ca-?
pilai ou intérêts , m oyenn an t la somme de 2000 fr,
�t)
( i5 )
4°. D ’un acte du i 5 février 1745 en Ire M arguerite Y e sclia m b e s,
qui avoit cédé ses droits à Jacques V e s ch a m b e s, par l ’acte du 21
octobre 1 714 rappelé ci-dessus, d ’une p a r t , et Valarclier d ’autre
p a r t , par lequel les parties , est-il d i t , étant venues à compte des
causes dudit tra ité , il s’est trouvé resté dû à ladite Y e s c lia m b e s ,
en capital ou intérêts, la somme de 749 fr* sur laquelle M arguerite
Vescham bes fait remise de celle de 124 f r . , et Y alarclier paye ou
s ’oblige de payer le surplus.
T e l est l’état de la cause.
Si le jugem ent de Saint - F l o u r , qui n ’ a point été attaqué
en cette p a r tie , avoit déclaré les sieur et dame de D i e n n e , à
défaut
d ’indication d ’autres b i e n s , no n -re ce va b le s
seulement
quant à présent dans leur demande en partage de la succes
sion d 'A n to in e , la question desavoir si les biens é to ien tsu rla tête de
Jacques ou d ’A n to in e seroit oiseuse ; ce qu ’ils n ’auroient pris dans
la succession de Jacques, ils l’auroient pris dans celle d ’A n t o in e ,
sa u f le prélèvement en faveur de V escham bes et V alarcher des
deux donations, de la destination paternelle, et des droits échus
de la m è r e , consistant pareillement dans la destination faite par
celle-ci.
Mais] le jugement les a déclarés indéfiniment non-recevables ,
et les adversaires se prévalent de cette disposition.
A v a n t , tout étoit à Ja cq u e s, et rien à A n t o i n e ; aujourd’hui
tout est à A n t o in e , et rien à Jacques.
L e s sieur et dame de D ien n e ont été exclus du partage de
la succession d ’Antoine. Il a été jugé e ffe c tiv e m e n t, et cette
disposition qui n ’a point été attaquée a acquis l ’autorité de la
chose jugée , q u ’ils n ’avoient rien à y réclamer.
M ais il a été jugé aussi que la succession consistoit unique
m ent dans la som m e de 1000 fr. destinée par le p è r e , et dans
les droits échus par le décès de la m è r e , droits qui se réduisoient pareillement à la destination faite
par lu mère dans le
�V!
( iS
co n lra l de mariage de
)
Callierine V cscham bes avec N a u f a r y ,
par lequel co n lra l de mariage la mère avoil institué ladite C a
therine Vcscham bes pour son héritière.
Les
adversaires ne peuvent pas scinder les dispositions du
jugement.
S ’ils ve u le n t,’ en vertu
du
ju g e m e n t , exclure
les
siéur et dame de D ien n e de la succession , il fa u t q u ’ils reconnoisscnt en même temps que cette succession se réduisoil aux
deux objets ci-dessus , à la destination à lui faite par le p ère ,
et à celle faite par la mère.
S ’il en étoit au tre m e n t, ils profiteroient de leur dol contre
la m a x im e , Nernini sua Jraus 'patrocinan debet.
L orsque pour parer au partage de la succession d ’A n t o i n e ,
ils ont borné la succession au m ontant de la destination pater
nelle
et
maternelle , lorsqu’ils ont
déclaré qu’ il n’ avait pas
drautres biens , ils ont volontairement renoncé à l’ effet de la
sentence de l ’élection de S a i n t - F lo u r , à l ’effet de la renoncia
tion de J a c q u e s , et de tous les autres actes q u ’ils opposent au
jourd'hui.
C e lle observation seule dispenseroit d ’entrer dans une plus
grande discussion ; mais allons plus loin.
P o n r r o i t - o n scinder le ju g e m e n t ; v o u d r o i t - o n
décision du
m o t if ,
faire abstraction
de
la
séparer
déclaration
la
des
adversaires ; il seroit facile d ’établir q u ’A n toin e n ’ avoit effec-*
tivement pas d ’autres biens.
C ’est une erreur d ’avancer qu'il étoit héritier institué du pèrer
il n ’avo it, par le testament du père , qu'une som m e de io o o fr,
A la vérité il est dit q u ’à défaut d ’élection de la part de la
mère , le père le no m m e dès à présent pour son héritier. Maid
ce n ’est q u ’à défaut d ’élection ; et la mère
elle-même n ’ étoit!
tenue d ’élire, e i d e remettre l’hérédité, q u ’en cas de convoi, L a
v o c a t i o n d ’ Antoine à l'hérédité, dependoit d ’une double condi
tion , du défaut d ’élection , et encore du cas de convoi ; et de
ces deux 'conditions subordonnées elle-mémcs l’une à l’autre , la
p rincipale, le cas du co n v o i, n ’est point arrivée. L a sentence de
l ’élecliou
�( *7 )
l'élection de Saint-FIour n ’a pu lui donner un droit qu’il n ’avoit
pas. Cette sentence porte sur un fait inexact. A u surplus , elle
a été rendue par défaut , et elle est susceptible, et d ’opposition,
et d ’appel ; les sieur et dame de D ienne sont encore en temps
utile pour l’attaquer. En e f f e t , par l ’arrêt du 2 thermidor an 8 ,
confirm atif à cet égard du jugement de Saint-FIour , la cession
faite par A n n e V escham bes et son mari de leurs droits dans la suc
cession de Jacques V escham bes , a été an n u llée, et les parties
remises au m êm e et semblable état q u ’elles étoient avant ladite
cession. L a cession est du a 3 juillet 1744*
sentence de l ’élec
tion de S a in t-F Io u r est de 1743. Il ne s’étoit écoulé entre la
sentence et la cession qu ’un an. À
l ’époque de la cession , les
sieur et dame de D ienne étoient donc en temps utile pour atta
quer la sentence, soit par la voie de l ’op p osition , soit par la
voie de l’appel ; et par l’arrêt de la cour ils ont été remis au
m êm e état q u ’ils étoient alors. O11 ne pense pas que les adver
saires insistent sur une sentence évidem m ent surprise à la reli
gion du tribunal qui l ’a rendue. D a n s tous les c a s , les sieur
e t dam e de D ie n n e déclarent subsidiairement s’en rendre inci
d e m m e n t appelans.
A n to in e n ’avoit donc , par le testament du
père , que la
som m e de 1000 fr.
P a r le décès de Catherine C om b a rd , il n ’a eu
également
q u ’une destination en argent. O n a vu que Catherine C o m b a rd
a institué pour son héritière Catherine V escham bes sa fdle aîn ée,
fem m e N a u fa r y .
Q u e les adversaires ne disent pas qu’ils sont également aux
droits de Catherine Vescham bes , au m oyen de la cession et subro
gation que celle-ci leur a consentie par acte du 4 juin 1744; car il
fa u t bien remarquer que cette cession n ’est que particulière. Par
cette cession , Catherine Vescham bes n ’a pas cédé la généralité
de ses droits ; elle n ’a pas cédé l’effet de l’institution contrac
tuelle faite en sa faveur par ladite Catherine Com bard : elle n ’a
cédé que le restant des sommes ù elle dues des causes du traité
C
�( i8
)
ilu S mars 1 7 1 0 , passé entre Jacques Vescham bes et Catherine
C om b a rd .
(¿u'on ne dise pas encore q u ’alors les biens aurolent appartenu
à ladite Catlierine V esch a m b e s, en vertu de l’institution faite en
sa f a v e u r , et que les sieur et dame de D ienne seroient également
sans dro it; c a r , indépendamment de l ’acte du 3 mars 1710 , par
lequel la mère, avant de marier sa fille, avoit déjà cédé et transporté
à Jacques Vescham bes tous les droits, actions et prétentions qu’elle
avoit sur les biens de son m a r i, lesquels n e pouvoient , par con
sé q u en t, faire partie de l’institution, on opposeroit la prescription
.de près d ’un siècle ; prescription que Catherine Vescham bes ne
pourroit écarter sous prétexte de co h a b itatio n , ayant été m a riée ,
et hors de la m a iso n , dès 1710.
E t cette prescription n ’a point p ro fité , m êm e en partie , à
A n to in e . Ici on com battra les adversaires par leurs propres armes.
-Leur défense contre la demande form ée par les sieur et dame de
D i e n n e , du c h e f d ’A n to in e , en réduction de l’institution faite par
François en faveur de Catherine C om b a rd , soit au quart d ’après
la C o u tu m e , soit à la portion de moins prenant d ’après l ’édit des
secondes n o c e s , défense consignée dans l ’attendu du jugement de
S a in t-F lo u r , a été q u ’A n to in e ayant approuvé la destination de lé
gitime à lui faite par le p è r e , il ne p ou v oit, ni les sieur et dame de
D ie n n e de son ch ef, demander laréduction. On va tourner contr’eux
le mêm e m oyen. L e légitimaire qui approuve la destination devient
étranger aux événemens de la succession ; il y est aussi étranger
que la fille forclose : il n ’a pas m êm e droit aux réserves coiiîuniières. C ’e s t , en effet , un principe constant , que le légitimaire
ne peut cumuler la destination et les réserves coutumières. A n
toine ayant approuvé la légitime n ’a donc pu p ro fiter, mêm e en
p a r t i e , de la proscription qui s’est acquise contre Catlierine V e s charnbes.
C V s t donc sans fondement , et contre la teneur des a ctes, que
les adversaires, changeant de langage, ont soutenu an tribunal de
M urât que la propriété résidoit sur la tête d ’A n toin e V escham bes.
�y
c 19 )
L e seul titre apparent à l ’appui de celte prétention in ju s te , est
la sentence obtenue en l ’éleclion de Saint-Flour. M ais cette sen
ten ce , contraire aux termes du te s ta m e n t, susceptible d ’être atta
q u é e , et attaquée en effet par l’appel incident qu ’on a déclaré in
terjeter , ne sauroit être d ’aucune considération.
V oudroit-on donner à cette sentence tout son effet ? elle a con
firmé le testam ent; elle a jugé que l'institution testamentaire devoit profiler à A n to in e : mais elle n ’a , ni p u , ni entendu donner au
testament plus d ’effet q u ’il 11c pouvoit en avoir. O r le testament,
s’il ne pouvoit êlre s u j e t , à l’égard d ’ A .n lo in e , au retranchement
de l ’édit des secondes noces , éloit toujours sujet à la réduction
au quart de la Coutum e. C ette sentence n ’auroil jamais opéré
contre Jacques Vescham bes une forclusion tolale.
E t qu ’on ne dise pas que Yattendu du jugement de Saint-Flour
a jugé que les sieur et d a m e de D ien n e ne pouvoient s’aider de
la réduction j car c ’est du ch e f d 'A n to in e , com m e A n toin e a ya n t
approuvé le testa m e n t, et non du ch e f de Ja cqu es, qui n ’a jamais
rien approuvé , et de la consistance de la succession duquel on ne
s’est m êm e pas occu p é, parce q u ’il falloit avant tout savoir si on
seroit admis au partage de sa succession, si le traité seroit annullé.
Sur qui résidoit la propriété du domaine ? non , encore une. fo is ,
sur la tête d ’A n t o in e , q u i, au contraire , étoit réduit à une légitime
en deniers , tant du c h e f du père que du ch e f de la mère , mais sur
la tête de Jacques , qui à sa portion directe réunissoit, ou à litre
successif par le décès ab intestat * ou par cession et tra n sp o rt, la
portion de presque tous les autres frères et sœurs.
N ous disons à titre successif: les deux enfans du prem ier l i t ,
Jean et Marguerite 1” . du n o m , sont décédés ab intestat cl sans
enfans.
P ar cession : Catherine C o m b a r d , par l ’acte m êm e du 5 mars
1710 , a cédé et les droits q u ’elle am endoit, et les droits et portions
héréditaires de chacun des enfans du second l i t , à la charge par
Jacques V esch a m bes de payer tant à chacun.
�( 20 )
Catherine Vescham bes a ratifié cet acte le le n d e m a in , en se
constituant dans son contrat de mariage ce qui lui avoit été assuré
par ce traité. Elle l ’a ratifié plus expressément encore , en cédant
depuis à V alarch er ce qui lui restoit du des causes dudit traité;
et V alarch er l’a approuvé lui-m êm e en prenant celte cession.
C o m m e aux droits de cette Catherine V escham bes Jacques V e s
cham bes a eu d r o it , non-seulement à la portion héréditaire qu ’elle
a m e n d o it, mais encore à la somme de 5 ooo fr. donnée par préciput au premier des e n f a n s , filles ou m â le s, à naître du mariage.
M arguerite 3*. du nom , veuve R o ch e , l ’a approuvé, el expres
sément par l’acte du 21 octobre 1 7 1 4 > e t ta citem en t, en ne reve
nant point dans les dix ans ni dans les trente.
V en on s au m o t i f qui paroit seul avoir déterminé les juges de
M u r â t à la renonciation de Jacques.
Quelle que soit cette renonciation , le jugement contient d ’abord
une erreur : A tte n d u , porte un des motifs , qu’ ayant renoncé à
la succession de son pcre , Jacques Vescham bes seroit aujour
d’ h u i non-recevable à critiquer le testament de son père. C ’est
en quoi les juges ont erré. Sans d o u te , pour demander la réduc
tion au quart portée par la C o u t u m e , il faut être héritier: mais
il n ’en est pas de mêm e pour le retranchement de l’édit des se
condes noces ; il n ’est pas nécessaire d ’être héritier pour demander
la réduction portée par l ’édit. Q u ’on lise P o t h ie r , L e b r u n , traité
des Successions; R i c a r d , nom bre
i
3 o i ; R e n u s s o n , t ra ité jie la
C o m m u n au té . L a raison e st, qu ’ils tiennent ce bénéfice d e l à lo i,
non com m e héritiers, mais co m m e enfans. L'institution faite par
le testament de François en faveur de Catherine C o m b a r d , n ’étoit
pas seulement réductible au quart d ’après la C ou tu m e ; elle étoit
encore réductible à la portion du
moins prenant par l ’édit des
secondes noces ; et quelque effet qu ’on veuille donner à la renon
ciation de Jacques V e s c h a m b e s , il auroit toujours eu droit au
retranchement. Pour l ’en exclure, il faudroit q u e lle comprit expres
sément le retranchement.
�- M ais quelle est c e lle renonciation ? D e quel poids peut être
une renonciation , qui n ’a été opposée q u ’aux créanciers pour sus
pendre leurs poursuites!, qui a demeuré sans effet dansila fa m ille ;
nonobstant laquelle il a j o u i , et non-seulement jo u i , mais -vendu,
et fait tous les actes de propriétaire.
' E t qui oppose cette renonciation ? une fille du r e n o n ç a n t , F ra n
çoise Vescham bes , qui seroit elle-même exclu e, si la cour s’y
arrètoit.
C e lt e renon ciation, dans aucun cas , ne pourroit com prendre
que la portion directe ; elle ne pourroil comprendre les portions
q u ’il a acquises des frères et sœurs , ou par cession et transport,
ou par leur décès ab intestat , com m e on vient de l’expliquer.
E t dans ces portions des frères et sœurs il auroit r e p r is , en
p a r tie , m êm e la portion directe qui par la renonciation se trou
verait avoir accru à tous les frères.
L e bu t q u ’on se propose dans ce m om ent n ’étant que de don
n er une idée de la c a u s e , on ne s’étendra pas davantage. O n se
réserve de développer à l ’audience les m o yens qui se présentent
pour écarter cette renonciation.
O n ne dira également q u ’un m ot sur le m o t i f que les juges ont
inséré dans le ju g e m e n t, relativement à la cession faite par M a r
guerite V escham bes 3*. du nom , par l ’acte du 21 octobre 1 7 1 4 .
Ils ont décidé que cet acte n ’assuroit à Jacques V escham bes qu ’une
reprise de 750 i r . , et non le droit de réclam er la portion héré
ditaire de ladite M arguerite V es c h a m b e s; parce q u e , d ise n t-ils
elle a annoncé dans cet acte que ses droits avoient été précédem
m e n t réglés , et qu ’elle n ’a pas cédé les actions rescindantes et
rescisoires.
E t quel besoin avoit-elle de céder les actions rescindantes et
rescisoires, puisque c ’est avec Jacques V escham bes lu i-m êm e que
les droits avoient été précédemment réglés par l ’acte du 3 mars
1790?
Q u importe q u ’elle n ’ ait point cédé le« actions rescindantes et
�rescisoires , puisqu’elle n 'a point réclam é ; et que non-seulem ent
elle n ’a point r é c la m é , m ais que soit e lle , soit Jacques V a la r c h e r , on t tout a p p ro u v é , tout ratifié par l ’acte portant arrêté d e;
co m p te , du 15 février
M ' . P A G E S - M E I M A C , jurisconsulte»
M*. C R O I Z I E R , avoué.
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la C o u r d ’appel. '
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[Factum. De Dienne, Vital. An 13?]
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An entity primarily responsible for making the resource
Pagès-Meimac
Croizier
Subject
The topic of the resource
renonciation à succession
successions
gain de survie
secondes noces
contumace
généalogie
biens dotaux
droit coutumier
homicides
testaments
confiscations
élevage bovins
Description
An account of the resource
Titre complet : Précis pour Sieur Vital de Dienne, et dame Jeanne-Marie de Douhet son épouse, appelans ; contre Françoise Veschambes, veuve de Jacques Valarcher, Jeanne Valarcher, et Antoine Faucon son mari, intimés et incidemment appelans.
Arbre généalogique.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 13
1685-Circa An 13
1661-1715: Règne de Louis XIV
1716-1774: Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
22 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1603
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1604
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Coverage
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Cheylade (15049)
Le Buge (domaine de)
Espagne
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
biens dotaux
confiscations
contumace
Droit coutumier
élevage bovins
gain de survie
généalogie
homicides
renonciation à succession
secondes noces
Successions
testaments
-
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b8a9c1d7d443b413222b99c990ad3c15
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Text
AJ^A ¿sJ^Ls. a 3£&
M E MO I R E
P O U R M e- A n t o in e -N o e l C H E V A N T ,
Procureur d’Office. en la Ju ftice.de la M ongie,
: Appellant.
CONTRE Mr. le PROCUREUR GENERAL ;
Intimée
L ' A P P E L eft d’une Sentence de la Sénéchauffée
d’Auvergne du 1 7 A v ril dernier , par laquelle
I’ Appellant a été' condamné à être mandé en la
Chambre du’ Confeil pour y être admonefté, a été
interdit de toutes fonctions de Judicature àTl'avenir,
* & a été condamné en une aumône de cinquante
livres au pain des Prifonniers de la Conciergerie
dudit Siège.
L ’Appellant croit avoir lieu de fe ’pfaindre d’un
Jugement auffi rigoureux envers un Officier de Jufti ce, & de ce que les condamnations qui y font
contenues impliquent une contradiction évidente;.
1 °. Ce Jugement.eft rigoureux en.ce qu'on n’a pu
imputer tout au plus à l’A p p ellant qu’une fimplé im
prudence' qui a dû être jugée pardonnable dans les-A.
�3*
O
)
.
.
circonftances. 2°. Il eit contradi&oire en ce que les
Juges , dont eft appel , n’ont eux - même envifagé
laccufation que fous le point de vuè’ d’une faute, leg e r e , dès qu’ils n'ont ordonné qu’une admonition
qui n’eit point une peine affli&ivev ni infamante ,
& qui'ne rend point l’Officier incapable de fes
fondions :-on ne peut donc concevoir fur quel
motif ces mêmes Juges y font ajouté une interl di£î:ion~ perpétuelle de toutes - fondions de judicature, qui étant une peine féver.e •&> flétriiïànte
ne peut jamais fe concilier avçc l’admonition.,
F A I ' T ’ E 'T
F R O ,C É D U R E
Le 1 0 Décembre 17&3 l’Appellant étant cou
ché avec Marie Laroche fa femme, dans fa maifon au lieu de la Mongie , Jean Hugon Maréchal
du même lieu , homme publiquement connu pour
être très-mauvais & -très - dangereux heurta au
point du jour à la porte de la maifon de l’Appellant. La porte lui ayant été ouverte, Hugon
fe préfenta les bras croifés devant le lit de l’Appellant , & lui demanda d’un ton brufque une fomme
de vingt-quatre liv. à emprunter pour finir une af
faire qu’il difoit avoir avec le nommé Prunaire du
lieu de Gimaux. L ’Appellant lui ayant répondu qu’il
- ne pouvoit lui prêter cette fom me, & que n étant
.pas coniidérable il lui feroit facile de fe la procurer
„ ailleurs OU. par fon induftrie ; Hugon mécontent de
cette réponle ouvrit précipitamment fes bras qui
�3*
(5)
étoient armés d’un marteau de fer:& d’autr,es inftrumens offenfifs, il s’avança <Tun air^furieux , fejêtta
furie lit où l’Appellant & fa femme étaient, couchés»
& 4eur donna pluiieurs coups de fon marteau ¿¿ autres
inftrumens fur la tête & fur pluiieurs autres;parties de
leur corps ¿dont ilsfurentbien-tôt enfanglantés 1 ilîïut
heureux pour eux que pluiieurs Voifins accouruiïènt
à leurs cris & leurs portaiTent un prompt fecours,
fans quoi il étoit évident qu’ils auroient.péris Cous
les coups de l’AiTaiïin.
: Une a&ion aufli horrible exigeoit que FAppellant & fa femme s’en rendiiTent plaignans. Ils donnè
rent à cet effet leur Requête en la Juilice de la
Mongie , ils y déclarèrent qu’ils n’entendoient point
fe rendre parties civiles pour la punition du coupa
ble , & ils conclurent à ce que l’information fut
faite en leur nom , & celui de l ancien Curial de la
Juftice qui feroit en cette partie les fondions de
Procureur d’Office.
Sur l’information Hugon fut décrété de ;prife «.de
corps. Cet Accufé n’ayant pu confommer le rniatin
fes noirs projets envers l’Appellant & fa femme3 n’avoit pas cette pendant tout le jour de les me
nacer qu’ils n’échaperoient point tôt ou tard -à
fa vengeance : ces menaces, de la ,part d’un hom
me capable de tout entreprendre, n’étoient quç
trop puiiTantes pour intimider avec jufte caufô :
il importoit à l’Appellant de prévenir ce..danger
imminent , il fit .donc quelques démarches .pour
�fe mettre à l'abri des fureurs clé cet homme re
doutable , il le fit garder à vue & prit quelques
mefurés pour empêcher fa fuite ,
le faire ar
rêter en vertu du décret qui avoit été décerné
contre lui.
Hugon , après avoir le matin excédé de coups
FAppellant & fa femme, s’étôit réfugié dans fa-maifon , d’où il écartoit à coups de pierres fes furveillans , & ceux qui étoient prépofés pour le capturer:
il entroit de temps en temps dans des accès de fu
reur Ci terribles que fes -Gardes en étoient éfFrayés :
fon évaiion étoit inévitable :fi l’Appellant trop intéreiTé à y mettre 'obftacle, ne'fe fut préfenté , fur
lavis qu’il en eut, pour encourager THuiifier chargé
de la capture , & les perfonnes-qui Taiîiftoient dans
cette expédition dangereufe , à faire :leur devoir :
on avoit mandé les Cuvaliers de MaréchauiTée d’Iffoire, Ville éloignée .de deux grandes lieues de la
Mongie , il falloit néceilairement contenir Hugon
jufqu’à ce qu’ils fuilent arrivés , tel fut le motif qui
occafionna la préfence de l'Appellant, il la crut indifpenfable pour fa propre fureté , & dans les circonftances où il étoit le feul Officier de Juftice re
ndent dans le lieu de la Mongie.
Les Cavaliers de la MaréchauiTée d’IiToire étant
en courfe , on ne put avoir leur aifiitance ce même
jour : Hugon armé d’une pique ferrée faifoit face à
tous ceux qui vouloient l’app ro ch er, étant enfuite
monté dans fon galetas il lança de nouveau des pierres
�S "
«*(£
•
..
( 5)
fur tous ceux *jui intfeftiiroienqfa?maïÎôà‘Jjniais ivôr
yant eflfittqu’it'éteït'faiiS reiîburcèi p’à ur s’évader
, il s’écria commé lin homme defefpéréy
je
veux abfolumem¡Jortirx, & ayant fait’ plufleurs tenïatives:pour réchapper par la "porte qui fermoit ledit
g a l e t a s l ’Appellant crut en' cette .¿c'cafiori pouvoir
•luifaire ipeur pour empêcher.fa fortie.; il prit à :cet
vîdt la
effet le fufil qui étoit entre les mains .du nommé deP0Frann
B erard , Huiffier, & le tira fur le côté de la porte çois G ar:du ;galetas ,i derriere laquelle étoit Hugon-,; ne ,çror deUc*
yant pas pouvoàr l’atteindre, &L n!àyant certainement
aucune intention de le bleifer.: cependant quoique
•la majeure partie du coup eut porté dans Les planches
-qui étaient à côté(de.'la porte dudit galetas ,r fuiyant
l’atteftation de tous les témoins, deux ou trois petits
plombs de cendrée s’écartèrent ôc-bleiferent Hugon
•au bras , dans un moment où il l’avoit paÎTé.à travers
’la porte: cette bleifure fut d’autant plus legere aue
TT
»
1 •
•
•
C
J
- /•
nle depofiHugon ne s en plaignit point <x remonta: dans ion tion.
galetas ; le rapport en chirurgie , doit faire.foi que
la bleflure étoir très- peu coniidérable ; quelque
•temps après Hugon ayant fait de nouveaux efforts
pour & affranchir de fes furveillans $ il fut,faifi &
de cordes par l’Huiffier & fes Afliftans pour,être trâ-duiî dans iersrr priions d’Iifoire comme priions em
pruntées, attendu qu’il n y en a point dans le Jieu de
la Mongie.
. ,
La nuit - approchant , ¿y ayant d e u x ’grandes
lieues de diftance ¿de Ma : Mongie à IiToire & la
�■ 'V :*
-
TÎvîere id 'À IIier.iàr.p aiT erôn ¡fut. contraint d’inr
iroduire? texdii; Hugon. dans.'lune maifçn.;; particu
lière pour yl-attëridi'e 4 e.ijour & l’arrivée des 'Car
paliers de »la Maréchauffee dlffoire dont on avoit
jefTehtiesltemerit befoin [pour- 'fa conduite : il fut
S ab o rd introduit dans lajmaifon'du nommé M enu,
Ühiais'^ ÎHuIffier n y ^'ayant trouvé aucune fûrèté
comme ilLl’a. énoncé dans fôn procès verbal , ÔC
craignant Tenlevement de fon Prifonnier , dont il
■étoit -menacé , il ne -put trouver ’ d er maifon plus
iûfre ^ i i e ; celle de iDamien i-Boft .un de fes ailistâ n s^ u i *l’a rtient à loyer’ deTAppellant:*en 'conÎéijü'eriCje :Hugon y futrconduitfans:queTAppellant
fciieiit la -rtioindre èonnoiifance), s!étant retiré long¡t&fnps^auparavanfc dans ^fa .maifon )de domicile qui
£n_eft’ irès-éloignée. :
■ •
?V-: ■:
H ügonr-ne • tarda pas à rdonner de nouvelles
prreuvçs; qu’il étoit rcâpable:rdè fe ’ porter, aux plus
grands : 'excès : fes .gardes aÿarit’ laiiTé imprudem
ment leurs'armes fur une.table à côté de laquelle
cet Accufé étoit'aiîïs * il eut les mains ailes libres
pour fe faifir dun piftolet qu’il-tira prefqu a bout
touchant' fur Damien:B o fl qül 'en périt à Tinûant
fur la placei
* V
'
i
: C e meurtre'fit la mati'di'e d’une ; nouvellé> pro
cédure . «qui fut inftruite en la Juftice de la Mongie à la requête de l’ancien Curial faifant en cette
ipartic'lcs : fon£lions de .Proaiircur'd'Office , :il fut
jdéc&né-ûn fcconc). d€cte t !debprife : &e> corps ‘coii^
�5*9
(f% 3
tre'Hugon & rinftrfu8i0n de forç procès fut faite
pa/ reqoUeiïjent oç par confrontation.
r
^LA ppellaut
¡décrété, ^aipurnemerit perfonnel
PPWfcifô ¥ i ® W e- ^ç^ide.ntêlle * q ù jï avoit faite à
Hugo^ &; fqn procè^ a,ajuiïï étë *iriftrüit à l^ tr a o r -,
dipaire à la reqpête du même Curial. * 1
° T
Ces procédures furent jointes en la Ju ilic e dè
la'^iopgÿe
furent enfuite. renvoyées par la Cour
en. J ^ Sénéchauffée d'’AuyêrgiieVrr _ V r r ’
Par le Jugement^dé.iînitif ^qui eft intervenu le 1 7
A vril dernier, Hugon a été comdamnë à m ort, & il
a été'ordonné une f admonition contre l’Appellant
avec interçli&iQti de. toutes fondions de judiçaijure
à l’ayenir, ;Ôç cpndemnation d’aumône au pain des
Prifonniers.
■ t. .
" .
Les condamnations ^prononcées contre l’Appellant font les feules qui. l’intereflent ,r i l . en a inter
jette appel en, la C o u r, & il ne doit s^occùper que
du fqin (de fe juftifier ; il efpere que les çircbnftance’s
dont il vient de rendre compte lui mériteront l’in
dulgence de la Cour .fur ce qu’il peut y avoir eu
d’imprudent dans i^.cjonduite : c’eft ce qu’il va tâcher
de développer .le,.plus fucclntement qu’il l u i . fera
poiCble.,
‘ . ,r \\ ■
’
Il ïeft confiant au procès, & par la Sentence mê
me de condemnation qui a été rendue contre Hugon,
qu’il étoijt ven,u, le rg Décçmbrç. 17 6 3 , au’point du
.jour en la.maifqu de l’Àppcllant v & qu’il j ’avoît ex<:édé:çlç coup's.j. aipfi que Marie Larochç fa femme ,
�^ *4 - 'f - !.
t
y
■’
qui etoient^ couchés dans un même lit : ÎI eiî éga
lement, confiant que làns le prompt fecours de
leurs \ÿoifirïs qui les’ virent, couverts de faner de
0 3 1 G7
3IO V5
C'X'ift
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i
toutes parts., ils .auroient lUn & lautre perdu la
*■ Î*îJ |**-À1 X)
I- r ; LO. »■ !î1f? T* *'
r 1*
/
vie : lAppellant ne prit én ce moment d autres precautions que Jcelles.''quéulaI ilécefîité lu i1 fuggeroit *,
elles!^cohfiiîerërir uniquement à fe deffendre au*
tant qu’i r leifrs -fut poffible tdes violences & des
fureurs de leur , meurtrier : à peine enf furent-ili
(délivres1Qu’ils ‘eürent Yécours à la Juülice;.
Hugon,! extrêmement, craint de tous* les habî*
ians 'de la M o n g ie, comme un homme impétueux
io. U/»C01, • V î» t.
i }
j
f
/» j t m«.
• .
v
oç ror.micrapre, quaucune.conlideration ne-pouvoit
arrêter ] s’aifüroit/îur la méchanceté qu’on né feroit
pointaiTés téméraire pour ven ir.le prendre-en fa
maifon. Ce fut dans, cette idée qiril s y retira-, comp
tant pouvoir ÿ Braver. impünéiinent la Juftice : en
<effet
'j Jôn
1Ma •vuidàns
•
. le récit, du ifoit
. avec
* ‘ qu elle-peine
# >
onj parvint‘à i¥ iaifir de lui *:. ce ne fut que fur le
rapport de fa reiiftance opiniâtre que l’Appellant fe
determiha à fe préfentérpo.ur donner désordres re
latifs; !‘,peut-on lui faire uii crimé d’avoir employé
fesToins pour faire arrêter fon meurtrier ^ &r fe met
tre à l’abri des nouveaux excès qu’il avoit à craindre,.
& dont Hugon n avoit ceifé der le menacer dépuis
le matin.
r
li . ' ,
L ’AppeJldm étant plutôt un pénbnbiâreùrqu un.
il n ç'îui’auroit pas été’abfolument in
terdit dé faire ulage dans 'lés éircoiiftàrices de fon
Ji
1*-
■
■<’
<■
�cara&ere cî'Officier public , fur-tout étant le feùl O f
ficier de Juftice qui refide dans le lieu de la Mongie,
néanmoins ce ne fut pas en cette qualité qu’il agit y
& quand il auroit été Aceufateur en fon propre nom,
quoique la bienféance ne permette point à l ’A ccufateur d’être prefent à l’éxécution du décret de
prife de corps contre l’Accufé par rapport aux accidens qui pourroient en arriver , on ne voit aucune
difpofition dans l'Ordonnance de 16 7 0 ,qui défende
à l’Accufateur d’aider &. de donner main-forte pour
faire capturer un Accufé : cette même Ordonnance
prend au contraire toute forte de précautions pour
aiTurer Féxécution des décrets, comme on le voit en
l’art. 3 du titre 2 , &: en l’art. 15 du tir. 10 : au furpjus.il'eft de l’qrdre public que toute perfonne puiiTe
concourir à faire arrêter un AiTaifin.
Si dans un moment où Hugon agiiTant en défefpéré voulut forcer les barrieres qui s’oppofoient à
fonfévaiion , l’A p p ellan t croyant devoir l’intimider
prit un -fufit des mains de l’Huiiïier & le tira pour
lui faire peur , fon intention n’étoit point criminelles
il n’avoit conftamoient d’autre deflein que celui de:
contenir Hugon & d’empêcher fon évaiion : cela fe*
préfume naturellement de l’état de l ’Appellant,, de
lar bonne conduite qu’il a toujours tenue, & de ce:
qp’il eft prouva par les informations qu’il n’avoirpas>
t i r ^ j M I dineQfci&çntoù étpit, H u g o n , mais à'côté,
dfi l’^droifipùi iWioijt.cpuvertp^i: unTetr<tnchèxnenc,
�.
.
(.I 0 )
X •
inettoit pas de croire qu’il peut être blefle du coup :
d’ailleurs le menu plomb dont le fufil étoit chargé
éloigne toute idée que l’Appellant eut voulu attenter
à la vie dudit Hugon : cet événement, plus malheureux
que repréhenfible n’eut même aucune fuite funefte,
puifque Hugon s’apperçut à peine de fa bleflure.
• L ’Appellant n’a donc pas du paroître fi coupable, '
pour fubir une condamnation à être Admonefté, &
fe voir en même-temps interdire de toutes fondions
de Judicature à l’avenir : il .na’commis^aucutie pré-*’
v.arication ni malverfation dans fon^ E m p lo i, il n’a
point agi en qualité de Procureur d’Office , puifque
c’étoit un ancien Curial qui en faifoit les fondions,
il s’eit comporté comme une partie qui avoit inté
rêt de veiller à fa fûreté, & qui cherchoit à fe ga
rantir des nouvelles entreprifes "d’un homme qui
avoit voulu l’aiTaiTiner : en un mot il a cherché à dé
fendre fa propre vie , fu it defenfor propriœ falutis
Il n y a pas lieu non ¡plus de fairè le moindre
reproche à l’Appellant fur ce que THuiffier avoit ï
détenu Hugon en maifon particulière’ foit parcequ’il n’y avoit participé en ancune maniéré, foit
parce que'^ cette détention n’étoit point contraire"
à TOrdonnance 16 7 0 , qui la permet en Tait. 1 6
tit. 10 , lorfqu’il y a péril d’enlçvement , & que
c’eft pendant la conduite de l’Accufé. On a vu
dans le fait que l’enlevement étoit extrêmement
m craindre
• que la nuit étant furvenue il
n’étoit pas poiTiblt ¿ ’entreprendre tle transférer Hu-j
�gon'dans les Priions de la Ville d’IiToire , éloignée,
comme on l’a déjà d it, de deux grandes lieues de
la Mongie avec le paifage d’une grande Riviere :
de plus le lendemain étoit un jour de Foire dans le
lieu de la Mongie où la Brigade des Cavaliers de
la Maréchauflee d’IiToire de voit venir fuivant I’ufag e , & auroit prêté main-forte pour la conduite dé
l’Accule. Dans de telles circonftances le fait de dé
tention en maifon particulière n*a pu -authorifer
aucune condemnation contre 1’/ ppellant, quoique
cette maifon fut tenue de lui à titre de loyer ;
l’Huiffier lui-même en fit le choix de fon propre
motif, fans aucun confentement ni la "moindre connoiflance de l’Appellant, d’où il fuit qu’à tous égards
il n’a pu être refponfable de cette détention, fi elle
a été confidérée comme irréguliére.
Sur cet expofé fidele il ne paroit pas que l’A p pellant ait pu être dans le cas de mériter une ad
monition q u i, quoique peine legere , eft toujours
affligeante pour un Officier. Cruellement maltraité
dans fa propre maifon par un Aflaiîin qui en vouloit à fa vie & à celle de ia Femme , il l’a pourfuivi & a prêté fon fecours pour qu’on s’aflurat de
fa perfonne , il a cédé à ce mouvement naturel
dont tout autre que lui auroit été également fufceptible , eft-il rien de plus pardonnable , & fi c ’eft
une imprudence , nauroit-elle pas été aifez punie
par des défenfes de récidiver ?
Qu’on fuppofc encore pour un moment que les
�*%
/f>k
Juges , dont eft appel , euflent du ordonner une
ad m o n it io n , du moins elVil certain dans les princi
pes qu’ils n’ont pu y joindre une interdiâion de
toutes fondions de Judicature à l’avenir, & que
leur Jugement implique une contradi&ion manifefte?
Il eit de maxime qu’un Jugement qui prononce
une admonition contre un Officier de Juftice , quand
même il feroit accompagné d’une condemnation
d’amende, n’emporte point note d ’infamie , ni par
çonféquent privation des fondions de fon Office.
La Loi verbum i y , cod. ex quibus caufis infamia
irrogatur , eft précife pour dire que l’admonition
.du Juge ne rend .point infâme, & elle le décide
dans un cas où les termes qui accompagnoient l’ad
monition étoient bien griefs, puifqu’il y a dans le
texte de la Loi C
gravatus
& admonitus. La Loi ca>
pitalium 2 8 %: filen t, ff. de pœnis , fuppofe même
que l'admonition n’eft pas une’ peine publique, &
dans notre langue l’admonition 11’eft qu’un terme
de charité & de bonté & non pas une expreffion
pénale : c eft ainiî que s ’explique la fameufe Con
sultation du h Août 1 7 4 1 , rapportée dans le
Supplément au Traité des Matieres criminelles de
Me. G u y RouiTeau de la Combe , où plufieurs A r
rêts de la Cour font cités , dont la Jurifprudence
cil conforme pour défendre de joindre à l’admo
nition aucune peine qui puiife empor ter infamie ,
& C êft fur ce même principe que le dernier Com
mentateur de ¡’Ordonnance criminelle , art. 1 9 , tit#
�0
0
î o ; a obfervé que la peine de l’admonition neft ni
affli&ive, ni infamante, qu’elle ne rend point un
Officier incapable de fes fondions & qu’on ne doit
la joindre qu’avec l’aumône.
Cette Jurisprudence s’eit foûtenue depuis par de
nouveaux Arrêts des z Décembre 17 6 0 & 20 Juin
1 7 6 1 , qui font rapportés par Denizart en fa Colle&ion de dédiions au mot admonition. Dans l’efpece de ces A rrêts, le Curé ‘de Couzon , par Sen
tence du Lieutenant Criminel de Lyon , avoit été
condamné à être admoilefté pour diverfes prévari7^
cations dans fes fondions, & en conféquence déclaré
incapable de poifeder aucunBénéfice à charge d’ames,
ce même Curé , par Sentence de l’Ofîîcial de Lyon ,
avoit été condamné pour les mêmes fautes à jeûner,
à fe retirer au Séminaire, & c. & avoit été déclaré
incapable de poifeder aucun Bénéfice à charge d’a
mes ; fur les deux appels , l’un fimple & l’autre
comme d’abus, la Cour infirma les deux Sentences,
feulement en ce quelles déclaroient le Curé de Cou
zon incapable de poifeder aucun Bénéfice à charge
d’ames, & par conféquent, dit Denizart, il fut jugé
que l’admonition n’emportoit ni infamie, ni incapa
cité de poifeder des Bénéfices, & ce qu’il y eut de
fingulier dans cette affaire, c ’eft que le Défenfeur
du Curé de Couzon n’avoit pas traité la queftion de
l’incapacité. & s’étoit feulement attaché à- jyftificr
ion Client*, au moyen de quoi la queilioii fut jugée
d’Office.
’•
•
�. .
( 14 )
? D 'après un principe auff i clair & fi manifeftement
confacré par nombre d’A rrêts, il eft étonnant que
les Juges, dont eft appel, fi connus pour des Magiftrats pleins de lumieres, ayent pu .s’en écarter,
enjoignant à l’admonition une interdiction infamante.
C ’eft à la Jageffe de la Cour qu’il eft refervé de re
former un pareil Jugement ; les circonftances de
cette malheureufe affaire femblent devoir détermi
ner plutôt à l’indulgence qu’à la févérité.
r
M e. F O N T A N IE R D E L A G A R E N N E , Avocat.
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De l'Imprimerie de René C A N D E Z E , Imprimeur-Libraire
Rue du Palais, près l'Intendance, 1 7 6 4
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A name given to the resource
Factums Godemel
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Title
A name given to the resource
[Factum. Chevant, Antoine-Noël. 1764]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Fontanier de la Garenne
Subject
The topic of the resource
admonestation
violences sur autrui
forcené
homicides
condamnation à mort
jurisprudence
huissiers
Description
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Titre complet : Mémoire pour maître Antoine-Noël Chevant, Procureur d'Office en la Justice de la Mongie, appelant. Contre Mr. Le Procureur général, intimé.
Table Godemel : Admonition : 2. une condamnation à être mandé en la chambre du conseil pour y être admonesté, a-t-elle pû contenir, en outre, l’interdiction de toutes fonctions de judicature à l’avenir ?
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de l'Imprimerie de la Veuve Candeze (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1764
1763-1764
1716-1774 : Règne de Louis XV
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
14 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G0414
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Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
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A language of the resource
fre
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admonestation
condamnation à mort
forcené
homicides
huissiers
jurisprudence
violences sur autrui
-
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ca072d64c358b33a0e516715b9bab1a5
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Text
O U V E R T U R E S
DE
CASSATION,
1*
POUR
F rançois
C H A LU S
et
. C l a u d in e
M A ZU EL
Prétendu homicide par fam ine.
A p r è s avoir langui long-tem s, la femme de Chalus
à perdu la vie : il fallait accuser la maladie et la n a
ture, et l’on a accusé le mari et la personne à qui il
avait confié le gouvernement de sa maison.
O n a inventé que des alimens avaient été refusés à
a malheureuse dont l’heure fatale venait de sonner
et la faim a été le couteau dont on a armé ses assassins.
Quelle a été la source de ces reproches si graves en
eux-mêmes , et si légèrement faits?
U n avide héritier n’avait pas ratifié la donation d'usu
fruit qui avait été faite à Chalus par s a f e m m e il a
voulu l’annuller.
-
Q uelques domestiques n 'av aien t pas pardonné à ClauA ,
�< o
dine M a z u e l, regardée par eux comme leur égale , l’au- torité qu’elle avait exercée sur eux; la jalousie a tenu
des propos, et les propos ont enfanté une accusation.
Des passions étaient en m ouvem ent; un texte avait
été fourni à leurs commentaires, lorsque , Clialus vou
lant assurer une récompense à Claudine M a z u e l, l ’inep
tie d’un notaire avait laissé ridiculement prendre à
l ’acte rénumératoire ,
mariage.
la
forme
d’un
contrat
de
On a expliqué la mort d’ une femme débile , à la
quelle on devait s’attendre , par un crime tellement
nouveau dans son atrocité , qu’ il avait échappé à la
prévoyance de la lo ij par un forfait répandu,pour ainsi
dire, sur on ne sait quel nombre ou de mois ou de jours ,
commis et renouvelle à tous les instans et se multipliant
parles heures et par les minutes.
Ce qu’avaient controuvé de petites passions, on a fini
par le répéter et par le croire : une prévention s’est
établie , qui a tenu lieu de conviction , qui a résisté à
toutes les preuves, d’autant plus inflexible qu’elle était
plus extraordinaire et plus contraire à toute vraisem
blance.
Enfin Chalus a été condamné à vingt ans de fers
et Claudine Mazuel â la m ort, résultat é t r a n g e d'une
accusation fantastique o ù , en supposant le crim e, ce
�(3 )
que la qualité d’époux y a jo u ta it, est oublié et la peine
est attenuée sur la tete la plus coupable.
Il faudra dérouler les feuilles de la procédure, pour
en manifester les vices j éplucher la déclaration des
jurés, pour en décéler l ’incertitude et l ’insuffisance}
•cçinparer le jugement à la lo i, pour en reconnaître
la déplorable inconsistance ; mais il importe de etter
d’abord sur l’accusation mêmejun’eoup-d’œil explorateur.
Telle est la nature de l ’aftaire, que la demande en
cassation ne peut être séparée des élémens qui en com
posent le fond , sans perdre beaucoup de son évidence
et de son energie.
Jeanne-Marie Authier femme Chai us , avait abusé
de la v i e , commis des excès et altéré son tempérainment.
Quand elle fit, le 3 ventôse an 6 , en faveur de son
m a r i, la disposition qui assurait à. ce dernier la jouis
sance de tous ses biens , déjà elle voyait le terme fatal
s’approcher pour elle.
Dès-lors elle sentait les atteintes de la maladie qui
devait la conduire au tombeau : bientôt à la perte des
forces du corps,s’ajouta celle des facultés intellectuelles,
et on la vit décheoir dans une effrayante progression.
On tint ce discours d’elle , à Martin-Gilbert Gomot
A 2
L e fo n d de
l'a ffa ir e .
�(4 )
l ’un des témoins dont les déclarations ont été écrites ,
que « c ’était une femme perdue, au physique comme
»-au m oral, et au moral comme au physique ».
Chalus appeîla en l ’an 8 , auprès de lu i, Claudine
Mazuel dont la famille n ’était pas étrangère à la sienne:
il la chargea, dans son m énage, des soins dont la maî
tresse de la maison n ’était plus capable. Les domestiques
s’etaient accoutumés à l’indépendance et au désordre
ils supportèrent impatiemment la supériorité de la nou
velle ven u e, et plus impatiemment la réforme.
Ils furent ses détracteurs quand elle régla la dépense
et mit fin au dégât ; e t , quand il fallut venir à les
congédier, ils devinrent ses ennemis déclarés.
Cependant l ’état de la malade allait empirant, avec ,
une affligeante rapidité.
»Son appétit dépravé repoussa les alimens auxquels
elle avait été a c c o u t u m é e . Elle ne prit que du pain ,
des racines, du la it , du fromage j elle mangea de la
terre et du plâtre j elle soutint opiniâtrément de
longues abstinences.
Son estomac cessa de faire ses fonctions. Les alimens
ne firent que passer dans un corps où tout ressort était
détendu , et p a r-to u t elle porta avec elle l ’ordure et
l ’infection.
Elle fut sujette à des défaillances dont les paroxisrnes
se rapprochèrent, et durant lesquelles sa bouche rendit
une sale écume.
�Plus rapidement encore elle perdit la mémoire et
1 in
telligence.
N e reconnaissant personne , elle allait disant piteuse
ment , j e n ’ a i rien , j e n ’ a i rien , à tous ceux qui se
présentaient à elle., et savait à peine proférer d’autres
mots.
Errant dans la cuisine, elle jettait des immondices
dans les vases où la nourriture de la maison était pré
parée.
U ne manie s’ empara d’elle, plus dangereuse pour ellemême et pour les autres 5 elle joua avec le feu^ empoi
gna ds-s tisons ardens, les porta sur ses habillemens et
dans ses poclies, et fit craindre l ’embràsement de la
maison.
'
Par respect pour son infortune, on supporta long-tems
le§ inconvéniens de sa situation et le spectacle rebutant
de sa maladie.
Il fallut bien se résoudre à la traiter d’ une autre ma
nière : on choisit une chambre vaste, bien placée , où
l ’air se renouvellait facilement , et on l’y déposa.
E lle cessa d’être libre et non d’être soignée. U ne jeune
servante fut chargée de ppurvoir à sa nourriture , et C lau
dine M azuel, de veiller à ce qu’elle fût tenue aussi pro
prement qu’il était possible.
Insen sible à
cette espèce de captivité , parce qu’elle
n’avait plus la faculté ni de sentir ni de comparer , elle
11e fit entendre aucune p l a i n t e .
/
�(6 )
On lui porta du p a in , du vin ? du lait et du fromage :
elle mangea comme auparavant, ne digéra pas mieux f
ne fut pas moins prompte à répandre l ’ordure sur elle et
autour d’elle»
Si l’on alluma du feu pour la réchauffer quand il fai
sait froid, on fut obligé de ne pas la quitter; car en se
brûlant elle-m êm e, elle aurait incendié la maison.
Elle était entrée dans cette chambre avec une lueur de
vie qui s’éteignit un mois après.
On peut dire q u e , long-tems imprudente et puis victiine,inalade de l’esprit e( du corps,privée d ’intelligence
' et de force, nulle pour elle*mêine et pénible pour les autres^et perdant , chaque jour , un lambeau de ce qui lui
restait d’existence j elle acheva enfin de mourir le 27
prairial an 9.
E l l e f ut sai si e p a r s a d e r n i è r e d é f a i l l a n c e ; e l l e v o m i t
sa dernière éc u m e.
Il
est reconnu, il a été déclaré par tous les témoins
qui ont é.é entendus, que Chalus n’avait cessé de s’oc
cuper affectueusement du sort de sa fem me, de lui
donner personnellement des soins et de la recomman
der à ceux de ses domestiques.
On voit .»ussi qu’ une jeune servante était chargée de
portera la captive ses alimens, et l ’on ne dit pas qu’elle
ail manqué à ce devoir.
\
�‘
7 ^
Aucun soin ne peut prévenir un assassinat ou
empoisonnement ; un instant y suffit : la fairn , au
contraire, est un moyen lent dont le moindre secours
interrompt l’action et prévient l’effet et, s*il est vrai ,
comme les témoins l ’ont dit f que Chalus ait souvent
porté à sa femme le pain , le fromage et le vin de son
déjeûner ^ oxi peut hardiment nier que la faim ait été
la cause de sa mort.
E t il est Lien plus certain que la mort a eu une
autre cfiuse que la faim } si la jeune servante a , même
avec n égligence, accompli son service.
Pourquoi donc Chalus et Claudine Mazuel avaientils donné à l ’acté passé entre eux , le 8 g erm in al, la
forme d’ un contrat de mariage? Ce fait extrêmement
singulier ne peut être expliqué que par la simplicité
d';s deux parties et l ’ignorance grossière du notaire.
Si un projet de mariage avait été lié à celui d ’ un
meurtre , il est évident que celui-là aurait été différé.
Outre qu’ il n’y aurait eu aucnn intérêt de commencer
par la , quelque stupide que l ’on fût , il ¿toit impossi
ble de ne pas voir que, dans cette inutile précipitation >
on fournirait une preuve du crime concerté.
Ce ridicule contrat de mariage est presque un moven
justificatif j il est incompatible
l ’homicide.
avec le complot de
Claudine Mazuel avait passé un an dans la maison
�(
8
)
de Clialus et parmi les peines et les dégoûts : elle n ’v
était pas salariée , et pourtant il était naturel qu’ une
récompense lui fût assurée.
U n e donation que Chalus avait faite à' son frère le
gênait 5 ce fut sa pensée que la forme du contrat de
mariage levait cet obstacle et l ’on prit cette forme.
C ’est ainsi que les parties ont uniformément rendu raison
de ce qu’elles avaient fait.
C ’était une bévue sans doute ; mais elle pouvdit fort
bien entrer dans la tête d ’un ci-devant gentilhomme de
campague et d’une paysanne de vingt-cinq ans.
Il n ’est pas clair qu’elle ne soit pas entrée dans celle
du Notaire qui fit l'acte j et, après tout, elle n ’était pas
plus grossière que celle de constater le dessein d’ un se
cond m ariage,lorsqu’on aurait complotté la dissolution
du premier par un meurtre.
Quand le Notaire a été interrogé
l ’ébruitement de
l ’affaire et ce qu’il en avait entendu dire l ’avaient aver
ti de sa lourde sottise , et il a dit q u’il avait cru les
parties également libres j mais avouant que Chalus était
connu de l u i , comment ne savait-il pas qu’il avait une
femme ? Mais avouant qu’ il ne connaissait pas Claudine
Mazuel , comment prêtait-il son ministère à un acte de
cette importance,, sans prendre aucune information
Il y a une bon-homrnic qui est presque la caution
dç la vérité , dans ce qu’en a déclaré Chalus à son pre
mier
�mier interrogatoire , » qu’il avait dit à cette dernière
» (Claudine M azu el) qu’il voulait lui reconnaître quel» que chose pour la, dédommager de ses peines ; m us
» qu’il ne savait comment s’y prendre , ayant donné a
» son frere tous les biens dont il mourrait vôtu et saisi j
» qu’ alors ladite Mazuel lui dit qu’il pourrait lui recon» naître quelque chose par contrat de mariage...... Qu’ il
» observa.au Notaire que son épouse n’ était pas morte j
» mais qu’elle était dans line si déplorable situation y
» qu’ elle pouvait être considérée comme telle ; qu’à
» cette observation le Notaire rêva un in s ta n t } et puis
» dit au répondant que cela n’ y faisait rien. «
'V o ilà l’incident tout entier de ce contrat de maringe.
I l fut écrit le 8 germinal, et ce fut le 28 floréal que
Clialus fit conduire sa femme dans la chambre où l’on
fut enfin forcé de la retenir et où elle vécut encore un
mois.
Il est cruel d’avoir à faire des calculs de cette nature j
il faut pourtant le remarquer ; dans le plan d’ un crim e,
une telle convention de mariage aurait été trop p r é c o c e ,
ou bien la catastrophe t r op differée.
On avait t e n u d e s d i s c o u r s d ’ a p r è s les domestiques
mécontentés et congédias ; quand,Chalus laissant sa fem
me
errante
dans sa mai on , elle vivait de pommes de
terre , de pain et de fromage 5 quand, retenue dans une
chambre , elle n’y avait p a s d ’auties alimens; quand on
B
�( 10 )
l ’avait entendu répéter , presque pour toute conversa
tion , ces mots qui entraient dans sa manie , j e n ’ a i r ie n ,
j e n ’ a i rien ; ces discours se renouvellerent quand la ma
lade eut fermé les yeux : ce fut un torrent que rien ne con
tint et qui entraîna la crédulité publique , toujours d’au
tant plus facile que les choses le sont moins.
. Tout le monde savait que cette femme infortunée avait
été accablée de symptômes graves et croissans journel
lement en fréquence et en intensité j il était naturel de
voir , dans ce déclin gradu el, la cause de son trépas j la
multitude aima mieux , l'expliquant par un crime f ima
giner ce qui était affreux, mais extraordinaire , que de
rechercher ce qui était v r a i , mais simple.
U n e lettre du maire de Pontaumur informa le juge de
paix de cette mort et de la rumeur dont elle était le sujet,
et le juge de paix assisté de son greffier qui joua depuis
dans cette affaire un autre rôle et de ses assesseurs qui
n'en devaient jouer aucun , alla reconnaître le cadavre
le 28 prairial lendemain de la mort.
Deux chirurgiens procèdent à Couverture et à la véri
fication et ne décident rien. Réunis le 29 avec trois au- 1
très , ils remarquent clans l'œSophage f l’estomac et le
duodœnum, quelques signes d'inflammation ; dans l'es
tomac en particulier l’absence de la tunique veloutée;
dans l e s intestins sept à huit corps de matière argilleusc
�C 1* )
et pierreuse j à cela près v a cu ité totale (c'est leur ex
pression) et , d’ailleurs , tout dans son état naturel.
C
rs
corps argilleuxet pierreux
trouvés
dans les intes
tins , prouvaient cette inanie qu’elle avait eue , de man
ger de la terre et du plâtre.
Cette va cu ité totale pouvait être lV ffet du relâche
ment extrême dont sa continuelle malpropreté avait été
l'indice. Les chirurgiens déposeront depuis avoir apperçu quelques restes de fromage et de beurre, et l'un
d'eux avoir vu dans le rectum, un morceau entier de fro
mage et la v a cu ité totale était un symptôme d'autant
plus équivoque.
*
Cette inflammation des viscères , effet commun de
plusieurs causes , ne dénotait rien par elle-même.
Enfin cette absence de la tunique veloutée, imputée
par eux à la matière argilleuse et pierreuse trouvée dans
les intestins, ainsi expliquée , prouvait seulement que
la défunte avait avalé cette même matière, dont la pré
sence le prouvait encore mieux.
Dans tout cela, la v a cu ité exceptée, qui n’était pas
totale , puisque l’on avait reconnu quelques restes de
fromage et de beurre, i! n’ y avait rien qui dût faire
soupçonner l’action de la faim.
A u moins les chirurgiens n'expliquèrent pas comment
les auties signes par eux énumérés,, concouraient à en
produire le soupçon.
B a
�( 12 )
Et pourtant ils ôtaient appelés , non pas pour d o n n e r
une décision dogmatique sur les causes de la mort ; mais
pour déduire les raisoiis de croire à certaine cause plu
tôt qu’à certaine autre.
En lisant la description imparfaite qui constitue tout
leur rapport, on n’apprend rien. Ils n’allèguent ni prin
cipes ni expérience , la rumeur est leur guide ; ils o n t
entendu crier dans le pays , que l ’on a fait mourir de
faim la femme de Chalus, et ils déclarent que la femme
de Chalus est morte de faim.
Pourquoi n ’ont-ils pris aucune information ? Ils au
raient appris qu’ une longue maladie avait tourmenté la
malheureuse femme dont ils visitaient les restes j qu’elle
avait perdu la santé dans l ’inconduite et dans l ’intempé- *
rance j qu’elle avait été, d ’esprit et de corps, la proie
d ’ une décrépitude prématurée j et tout cela les eût éclai"
rés sur les phénomènes observés par eux.
I ls
auraient
syncopes , elle
appris q u e , sujelte depuis long-tems à des
vomissait dans leurs accès, de l ’écume,
et que sa mort s’était confondue avec un accident du
même genre, signalé par les mêmes symptômes} et peutêtre eussent-ils été amenés à confesser un appauvrisse
ment su ccessf, annonçant ses progrès par cres pâmoi
sons subites et a yan t, dans la dernière, son période
extrême.
G’est ainsi qu’ un rapport de chirurgien
aurait été
�( i3 ")
utile à la manifestation de la vérité ; mais quand ceux
qui ont été appelés, font une opération purement ma
nuelle , ne discutent rien et prononcent d’après un
bruit populaire, il n’y a point de rapport, il n’y a que
le vain et insignifiant récit d’ une inutile décTiiqueture.
On fit comparaître des témoins, tant alors que
depuis, devant le juge de paix, devant le directeur du
jury et devant le tribunal criminel : leurs déclarations
peuvent être rangées dans trois classes.
Il y a d’abord celles des domestiques et habitués de
la maison que le gouvernement de Claudine Mazuel avait mécontentés et qui furent expulsés par elle ou
d’après ses conseils ; ils la chargent de tout leur pou
vo ir, et pourtant tout se réduit aux reproches d’avoir
manqué aux égards et au respect qu’ elle devait à la
défunte, d’avoir engagé Chalus à l ’exclure de sa table
et ensuite à la renfermer dans une chambre , d’avoir
repoussé les personnes qui voulaient la visiter; e t , sur
le refus des alimens , rien que ce discours habituel de la
malade, j e n?ai rien , j e n’ a i rien , et la vague alléga
tion de la mort causée par la faim.
Ensuite il y a les déclarations des personnes qui avaient
donné plus ou moins de confiance à la censure p o p u
laire dont Claudine M azuel avait été l’objet soit a v an t,
soit après la mort de la femme C halus. Celles-ci prouvent
l ’existence d’ une rum eur dont la source était probable-
�( i4 )
menl dans les détractions des domestiques expulsés j
c’est la rumeur elle-même ) mais seulement la rumeur
juridiquement constatée.
On distingue enfin la déclaration des témoins qui, ne
cédant à aucune passion et connoissant le bruit popu
laire sans être entraînés , ont articulé des faits précis, et
affirmé ce qu’ils avaient vu.
C ’est dans cette dernière espèce de déclarations q u e ,
remontant à quelques années et descendant jusqu’au
jour du trépas de la femme Chalus , on trouve le tableau
de sa vie et les causes qui en précipitèrent la fin.
On y apprend comment cette femme éprouva et détrui
sit son tempérament, devint insensée et malade et, de
chute en chûte^ arriva au point extrême de la démence et
do la caducité et aux symptômes déplorables de ce der
nier mois durant lequel, il fut nécessaire de la confiner
dans une chambre.
encore l ’histoire des soins dont elle fut l ’ob
jet. On la voit recommandée par son m ari, mangeant
L à est
à sa table tant que l ’infeçtion qu’elle porte après elle
est supportable,
patiemment épiée lorsqu’elle a la
double manie de couvrir d’immondices la nourriture
des autres, et elle-même de feu , conduite dans une
chambre quand sa liberté est devenue trop rebutante
et t r o p dangereuse, pourvue^ quant aux aliniens, par
une domestique, et, quant à l’habillement, par une autre,
�( iS )
et enfin mourant parce qu’elle n’ était pas immortelle,
non surprenante en ce qu’elle expire alors , mais en ce
qu’elle a traîné si long-tems une si misérable existence.
Ces détails sont l ’extrait fidèle de tous les témoi
gnages qui ont été écrits.
Quand on a tout lu avec attention et avec c a lm e , on
se demande si, destinée à mourir de faim , la femme
Clialus aurait été placée dans une cliambre à deux fe
n êtres, d’où ses plaintes pouvaient se faire entendre audeliors et qui auraient ouvert une issue à. son dé
sespoir.
On se demande si Claudine M a z u e l, ayant résolu cet
homicide barbare , aurait permis qu’ une autre qu’ elle
fût chargée de porter à la prisonnière le pain f le vin et le
fromage dont elle était nourrie.
On se demande si Clialus , complice d’ un affreux com
plot, n’aurait pas pris d’autres mesures pour se dérober à
tous les regards ou s i , attentif à prescrire les soins né
cessaires a sa femme, il n’aurait pas été informé de
1 inexécution de ses ordres.
On se demande si les alimens apportés à la malade
par son mari et par la jeune fille qui en avait l’e m p lo i,
pouvaient lui être enlevés assez promptement par d’au
tres mains et si la pins mince quantité
suffi pour l’empêcher'de mourir de faim.
n’aurait pas
�( 16 )
On se demande s’il se peut que la mort de la femme
Clialus ait été tramée, préparée et causée par ce pro
cédé lent de la faim , sans que non-seulement Chalus
et Claudine Mazuel aient été d ’accord j niais encore
que les deux autres filles qui étaient au service du pre
mier j mais encore que le domestique, ou les domestiques
mâles j mais encore que toutes les personnes qui fré
quentaient la maison aient été complices du crime sans
cesse présent, sans cesse commis , qui n ’aurait pas excité les cris de leur indignation.
O n se demande enfin si le terme naturel d’ une lan
gueur prolongée n’est pas la mort,' et s’il est permis
d ’attribuer à une cause extraordinaire , ce qui a dans
soi-même, son explication.
Toutes ces considérations ont été omises dans la
poursuite dirigée contre Chalus et contre Claudine M a
zuel , et dans le jugement qui les a condamnés : c’est
justement à ce qui était extraordinaire, difficile,impos
sible à co n c e v o ir, qu’ une inconcevable persuasion s’est
aheurtée.
L’accusation.
On form a, le 7 thermidor, la liste d’ un juré spé
cial d’accusation , et Bois , greffier de la justice de paix
de Pontaumur , compris dans cette liste , ne s’excusa
pas : on ne vit pas qu’après avoir pris part , comme
officier,, aux premiers actes de l’instruction , il ne pou
vait
_
�(
17
)
^
-
vait intervenir comme juré dan s l ’exament de 1 ac
cusation.
En lisant l ’acte d’ accusation , on voit la mort préten
due violente de la femme Cholus,en être le m otif uni
que et, depuis, quand la loi le défendait , on ajouta un
prétendu fait de bigamie et une prétendue atteinte a
l ’honnêteté publique.
Bientôt on prépare le jugement défin itif: un premier
tableau de jurés est annullé ; m ais, dans le tableau
nouveau, se trouvent les noms de deux hommes qui
n ’avaient été compris ni dans, la liste des jurés spé
ciaux, ni même dans la liste commune des jurés.
On remplace deux jurés actifs par deux hommes sans
caractère , et l’on remplace un juré adjoint par un
li'Mniue inscrit sur la liste des jurés spéciaux; comme
si la primauté n’avait pas été due au tableau des jurés
actifs.
Ensuite a une première liste de témoins , une se
conde est substituée: des témoins sont retranchés ; un
témoin est ajouté.
Arrive le moment critique où le jury doit s’expli
quer ; il est interrogé sur deux chefs , et il n 'y avait
qu’ un chef d’accusation.
v
U n e tentative de bigamie est niée, ce qui a rapport La .léchn«™
à cet acte réaiunurutoire que Chalus avait fujt Sm
(î" J,lr«
«le-jugement,
c
�( i8 )
la forme d’ un contrat demariage • mais les<jurés affir- .
ment qu’il y a eu action déslionnête et attentat publi
quement fait aux bonnes mœurs.
C ’est ensuite sur un plan et dans des termes singuliers
qu’est établie la déclaration du ju r y , relative à la mort
de la femme Clialus.
Il est constant
9 fait-on dire aux jurés , que cette
femme fut quelquefois maltraitée j
Qu’elle fut enfermée dans une chambre j
Que cette mesure ne fut pas commandée par la né
cessité j
Que Chalus et Marguerite Mazuel ont pris part à
cette mesure j
Que la femme ,Chalus est décédée peu de tems après
dans cette chambre j
«
Q u’ elle n’ est pas décédée de mort naturelle j
Que cette mort est due à une privation d ’ alim ens j
Que cette privation ne fut pas volontaire j
Q u ’elle fut l ’ effe t de manoeuvres étrangères à la
fe m m e Chalus ;
Que François Chalus est convaincu d'avoir concouru
à cette p rivation d 'a lim en s ;
Qu’il y a concouru sciem m ent ;
�0 9 )
Qu'il n 'y a pas concouru avec préméditation j
Que Claudine Mazuel est convaincue d 'avoir concouiu
à cette privation (Valimens ;
Qu’elle y a concouru sciem m ent ;
Qu'elle y a concouru avec prém éditation.
Enfin le tribunal prononce : Clialus est condamné à
la peine de vingt années de fers pour avoir concouru,
sciem m ent et sans prém éditation à la privation d’alimens à laquelle est due la inort de sa fem m e, en vertu
de l’art. 8. sect. 1. tit. 2. part. 2. du code p é n a l, suivant
lequel » l'homicide commis sans préméditation est puni
» ainsi. «
Et Claudine Mazuel est condamnée à la peine de mort
pour avoir concouru à cette privation d'alimens scient*
nient et avec prém éditation , en vertu de l'art. 1 1 por
tant que » l’ homicide commis avec préméditation sera
» qualifie d’assassinat et puni de mort «
Quelle obscurité et quelle indétermination là où la
loi desire tant de précision et tant de clarté !
U ne femme q u e l q u e f o i s maltraitée , enfermée dans
une chambre, par une mesure sans nécessité, à laquelle
on a pris p a r t , décédée dans cette chambre d’ une mort
non naturelle due h une privation d ’alimens non vo
lontaire , effet de manœuvres ; des accusés qui ont co n
couru à cette privation d’alimens , qui y ont concouru
sciemment l'un avec, l'autre sans préméditation !
C 2
I
�( 20 )
Il n 'y a pas un m o t dans cet entortillement qui ne soit
la matière d'un doute et d'un commentaire. Q u ’ e s t - c e
que prendre p a r t à une mesure ? Comment la m o r t
est-elle due à une privation d'aliinens ? Q u ’ e n t e n d - o n
par ces manœuvres dont la privation d’alimens a e t e
l ’effet? Que signifie le mot cojicourir , appliqué à une
privation d’alimens? D e quelle manière Chai us et C lau
dine Mazuel y ont-ils concouru , etc. etc. etc. ?
Et c’est ensuite de cette déclaration vague , quand il
reste tant de sujets de d o u te, et d’après des i n c u l p a
tions qui ne sont pas définies , qu’ un Tribunal r é s o u t
une condamnation à vingt ans de fers et une condam
nation à la mort !
Après avoir tracé ce tableau des faits , de l'instruc
tion , de la p r o c é d u r e , de l ’examen et du j n g e m e n t ,
on est p r e s q u e tenté de s’arrêter là e t, sans discussion ?
de livrer cet incohérent assemblage à la justice et à la
raison des Magistrats qui doivent juger la demande en
cassation.
Pour faire annuller et cette procédure et ce
ju gem en t,
fout-il autre chose que les exposer à nud dans
le u r
pro
pre défectuosité ?
L e s 011 vet lurps
(Je cassation.
C ’est en les renfermant dans le cercle d’ une démons-
�( 21 )
tration abrégée, que l ’ on va indiquer les ouvertures qui
doivent assurer le succès de la demande en cassation.
et
Il faut distinguer la procédure >la déclaration du Jury
le j u g e m e n t e t les vices qui leur s o n t r e s p e c t i v e m e n t
propres.
D e nombreux reproches pourraient être adressés à la La procédure,
procédure ; on ne dira pas tout.
Il y a sur les procès-verbaux du 28 et du 29 prairial
qui en sont la pièce fondamentale , cette premiere re
marque à faire , que des officiers sans compétence y ont
concouru. L e juge-de-paix à qui la loi donnait isolément
le titre d’officier de police ( loi de brumaire an 4 , art.
21 et s u iv .— loi du 7 pluviôse an 9 , art. 4 . ) , le juge-depaix s’ y fit assister de ses assesseurs, adjoints nécessaires
de ses fonctions civiles, étrangers à ses fonctions de po
lice ; et leur présence hétérogène priva ces actes de tout
caractère légal.
a dit q u e ces p r o c è s - v e r b a u x f u r e n t la p i è c e fon
damentale de la p r o c é d u r e . La l o i ne v e u t - e l l e p a s en
effet que » lorsqu’il a été commis un délit dont l’existence
» peut être constatée par un procès-verbal } le juge-deOn
» paix se transporte sur les lieux pour y décrire en détail
» le corps du délit ? «
Telle était la nature du fait , qu’il exigeait le trans\
. •
�'.( aa )
'
port et le procès-verbal ; et si l’acte est n u l, il ne reste
rien de la poursuite dont il fut le principe.
Si les procès-verbaux sont le fondement de la procé
dure, la déclaration affirmative du jury d ’accusation
est la base de toute poursuite déterminée devant le tri
bunal criminel.
Celle que l’on fit donner contre Clialus et contre C lau
dine M azu el, fut rendue défectueuse par la participa
tio n , en qualité de ju r é , du greffier de la justice de
paix de Pontaumur.
Il avait écrit et dû écrire les procès-verbaux du 28 et
du 29 prairial : le premier de ces actes faisait mention de
sa présence et de sa signature j il était terminé par ceg
mots , « et avons signé avec notre secrétaire-greffier. »
O n trouve établie, dans la loi, une incompatibilité pré
cise entre le titre de juge et les fonctions de juré ( loi de
brumaire, art. 484)5 et elle garde le silence à l ’égard du
titre de greffier.
Il s’ensuit qu’absolum ent, un greffier n ’est pas inca
pable j mais il est contre la nature des choses que dans la
même affaire il soit juré, étant ou ayant été greffier. Les
fonctions publiques ont été départies séparément et
une telle confusion n’y peut être reçue.
�(
*3 )
On voit que les accusés furent présentes deux fois au
débat» U ne liste de témoins leur avait été signifiée le
18 fructidor. On leur en signifia une nouvelle le 9 ven
démiaire , où les mêmes témoins ne furent pas tous com
pris , et ensuite on produit au débat un témoin dont le
nom n’ y avait pas été. Contravention à. laloidebrum airej
art. 346.
,
Quand il s’agit de former le tableau du jury de ju
gement, on y inscrit en remplacement de deux jurés qui
t
manquent, deux hommes qui n’ étaient n i sur la liste
spéciale , ni sur la liste com m une, et l’on remplace un
juré adjoint par un homme appartenant à la liste. Con
travention à l’art. 5 i 8 d e là loi de brumaire an 4 , e$ à
la loi du 6 germinal an 8, art. 4 et 5.
V oilà ce qui regarde la procédure.
Il faut passer maintenant à la déclaration du juré
de jugement.
On remarque d’ abord que l’acte d’accusation avait
eu pour objet un seul d élit, celui que l’on supposait
avoir eu pour eifet la mort de la femme Clialus , et il
fallait s’arrêter là; car, selon la lo i, les jurés ne peu
vent prononcer sur d’autres délits que ceux qui sont
portés dans l’acte d’accusation. ( L o i de brumaire
046.)
\
art
Déclaration
du J u ry .
�( H )
On se fait une autre règle : les jurés sont interro
gés, et s’expliquent en premier lieu sur le fuit de ce
ridicule contrat que le notaire Chevalier avait écrit
entre elles.
Dirait-on que la loi ne prononce pas la nullité de la
déclaration où les bornes de l’acte d’accusation sont
ainsi franchies? La nullité est de droit quand on a fait ce
qui était interdit expressément.
Dirait-on que cette partie de la déclaration n’a donné
lieu à l’application d’aucune peine, et qu’il n’y a point
d ’intérêt de s’en plaindre? Il y a toujours un intérêt de
demander que des actes non conformes à la loi ne soient
pas entretenus, et puis n ’y a-t-il pas lieu de soupçonner
que si l’attention des jurés n ’avait pas été partagée, ils
auraient mieux examiné le ch e f d’accusation qui devait
véritablement les occuper ?
,
Relativement à ce ch e f d’accusation, toutes les règles
ont été blessées dans la déclaration des jurés : tout ce
q u ’ il
y fallait essentiellement faire entrer y a été om is,
tout ce qu’il importait d ’éviter y a été employé.
Où est,dans l’ordre tracé pour cette déclaration par le
tribunal, la première question tendant essentielIement
« à savoir si le fait qui forme l’objet de l’accusation
» est constant? (L o i de brumaire , art. 374 ) ”
Pour qu’il y eût un d élit, il fallait, selon le thème de
l ’accusation *
�( 25 )
l’accusation, que la mort cle la femme Chalus fût arri
vée par l ’effet de la faim , des alimens lui étant refu.
ses , et des obstacles étant rnis à ce qu’ elle en reçût.
G’ est à cette définition du délit qee la premiere ques
tion devait répondre.
Que la femme Clialus eÆt été quelquefois maltraitéej
qu’elle eût été enfermée dans une chambre ; qu’ elle fût
morte dans cette chambre ; que sa mort eût été l’effet
d’ une privation d ’ a lin ien s; tout cela pouvait ê tr e ,
sans qu’il y eût un délit, et n ’était par conséquent pas
le fait formant l’oî jet de l ’accusation.
Il est fiit mention ensuite de manœuvres étrangè
res à la Ja n in e ( halus , dont cette privation d }alim ens
fut l’effet ; et c’est dans ces manœuvres que le délit a
dû consister , et que doit être le f a i t qui J'orine l ’ objet
de Vaccusation ; mais quelle idée les jurés ont-ils atta
chée à ces expressions?
Proprement le mot manœuvre signifie l ’attirail d’ un
vaisseau ou l’ action de son équipage et encore le m ou
vement d’ une armée : on l’emploie, au figuré, pour
exprimer des procédés et des moyens appliqués à de
certains desseins ou la conduite qui a été tenue pour
arriver à un certain but j et alors il est vague et par
conséquent équivoque P abstrait
et
par conséquent
obscur.
D
�( *6 )
Il ne convient à des jurés ni de parler au figuré ni de
faire des déclarations abstruses ou énigmatiques. Les
questions qui leur sont faites doivent, comme leurs ré
ponses , se réduire aux termes les plus simples , les plus
facilement intelligibles. Si leur pensée a besoin de tra
vail pour comprendre ce qu’ils ont à vérifier, s’il faut
ensuite que l’on étudie ce qu’ils ont déclaré, ce ne sont
plus des hommes d’entre le peuple appelés pour recevoir
une impression et la manifester $ ce sont des juges char
gés de discuter et les arguties prennent la place de la
conviction«
Quelle est la grande attention de la loi lorsqu’elle règle
la marche de l ’examen par jurés? N ’est-ce pas de faire
en sorte que les résultats soient exempts de toute combi
naison ? Pourquoi distingue-t-elle les questions sur le
f a i t , sur ses auteurs , sur sa m oralité , sur la gravité du
d é lit, sur ses circonstances, sur l’intention qui y fut
apportée, sur les excuses des accusés ( d it art. 3 7 4 ) , si
ce n'est afin que les jurés , à chaque fois qu’on les inter
roge , n ’aient à percevoir qu'un point sim p le, facile à
saisir, et sur lequel il y ait dans l ’affirmation ou la ne
gation , une explication suffisante et pleine ?
!N’est-ce pas encore dans le même objet , que la loi
défend
( art.
les questions
et les déclarations
complexes
3 77 ) ?
Faire consister un délit ou le fait qui fo r m e Vobjet
�( 27 )
d ’ une accusation dans des ‘manœuvres ^c’estne pas fane
aboutir l’examen à ce résultat simple et exempt de corn
lunaison que la loi désire, et contrevenir à ^institution
. des jurés dans son essence. Sur une telle interrogation ,
affirmer ou nier né suffit p a s pour qu’il y ait une expli
cation pleine.
Il reste à Savoir quelles ont été ces manœuvres , quel
rapport elles ont eu avec l ’effet qui a été produit , et
comment elles ontcontracté la nature du délit.
On voit b ie n , pour terminer la discussion de ce pre
mier p o in t, qu’ en énonçant ces manœuvres , dont la
privatiàn d'alim ens fut l’ effet pour là femme Chalus ,
le tribunal a eu la volonté de provoquer, et les jurés
celle de donner une déclaration sur un f a i t f o r m a n t
l’ objet de Vaccusation j mais on eàt forcé en même tems
de reconnaître que cette volonté n’ a pas été accomplie.
Et il- s’ ensuit qu’ il y a eu contravention à. la loi qui
prescrivait une première question, tendant essentiellement a savoir si le fait qui formait l’objet de l ’ accusatioilj était constant ou non.
Selon la méthode de la l o i , la seconde question et la
seconde déclaration devaient avoir lieu sur la conviction
des accusés : avaient-ils commis le délit ou y avaient-ils
coopéré ? voilà ce qu’il y avait à éclaircir. Et l’on a
�\
( *8 ) •
■
continué d’être hérissé d’ambiguité et enveloppé de
ténèbres.
'
Après dénonciation de cette espèce de fait principal
que la femme Chalus fut enfermée dans une c h a m b r e ,
l ’ un» et l’autre accusé est déclaré convaincu d’avoir
p r is p a r t à cette mesure.
Après l ’énonciation de l'autre fait principal des
manœuvres étrangères à la fem m e Chalus d o n t l ’ e f f e t
fut la privation cValimens , l ’ un et l ’autre accusé est
encore déclare convaincu d ’ avoir concouru à cette p r ivation d ’ a lim e n s.
P ren d re p a r t ou
co n co u rir ,
c ’est ,
à
quelques
nuances p r è s, la même chose j mais ces mots , em
ployés ab solum en t, expriment encore des abstractions
qui ont besoin d'être déterminées. Il n ’y a rien de pré
cis jusqu’à ce qu’il soit dit comment il a été p ris p a rt
et comment il a été concouru.
I l se peut que,, sans être coupable } l ’on ait p r is p a r t
ou concouru au fait qui constitue le plus grand crim e,
par des procédés éloignés qui viennent accidentelle
ment s’y rattacher.
Celui qui a retenu violemment un v o y a g e u r, afin
que l ’assassin l’atteignît et le frappât ; a p ris p a r t ,
a concouru au fait du d é l i t , et il est coupable : c e l u i
qui a arrêté le voyageur par quelque acte fortuit sc
�( a9 ) .
trouve fatalement avoir pi'is p a r t , avoir concouru au
fait j et il est innocent.
Il y a cela de remarquable que la privation d ’a limens dans laquelle on place la cause de la mort , est
attribuée à des m anœ uvres, et que ce n ’ est pas à ces
manœuvres que les accusés sont déclarés convaincus
d’avoir concouru ; et l’on sait que l’ action la plus in
nocente peut se trouver en concours avec la plus cri
minelle.
A i n s i , la seconde question prescrite par la loi,m an
que comme la première. On ne v o i t , aucun fait cons
tant dont les accusés aient pu être reconnus les auteurs j
mais sur-tout les accusés ne sont déclarés convaincus
d’avoir commis aucune action déterminée , ni d’avoir
coopéré à aucun fait précis , par aucun procédé défini.
I l y a donc encore contravention à la loi d’après la
quelle une seconde question devait être posée , ten
dante a savoir si les accusés étaient convaincus d’avoir
commis le délit ou d’ y avoir coopéré.
V oilà la déclaration du juré d e j u g e m e n t destituée de
ses deux élémens essentiels ; la, loi n’a pas été mieux
accomplie dans les détails.
Il a été reconnu que la femme C h alu s fut enfermée
dans une chambre , et les jurés ont dit ensuite que
�( 3° )
cette mesure ne fut pas commandée par une indispen
s a b l e nécessité. L a défense des accusés avait consi&té à
objecter l’état d’infection et d’imbécillité de la malade
et son habitude dangereuse de jouer avec le feu. Pour
quoi ces représentations n ’ont-elles été la matière d ’au
cunes questions ? L rs jurés n’auraient pu nier ni l’in
fection , ni l ’im bécillité, ni la risquable habitude; e t ,
d ’après ces circonstances reconnues , qui auraient dû
être considérées en premier lieu comme plus favórables
aux accusés ( dit art. 3 7 4 ) , les jurés auraient été
moins positifs sur la nécessité de la mesure.
Ceci appartenait à la moralité du fait et se trouvait
dans la cause et l ’omission fut une contravention à la
loi qui voulait qu’après les questions principales , on
f î t aux jurés celles « qui , sur la moralité du f a i t , ré» sultaient de l’acte d’accusation , de la défense des
» accusés et du débat , en commençant par les plus
» favorables aux accusés, ( d it art. 374. )
D e même sous le rapport du fait prétendu de la p r i
v a tio n d ’a lim e n s, il avait été allégué, pour la défense
des accusés , que la femme Chalus était parvenue à un
tel point d ’appauvrissement, que son estomac recevait
et renvoyait la nourriture sans la digérer ; que souvent,
par caprice ou par dégoût, elle s’était abstenue de man
ger; qu’elle avait cessé de vouloir d’autres alimens que
du p a i n , du l a i t , du fromage et du v i n ; que tout
�(
3i )
cela lui était porté journellement en plus ou moins
grande quantité; que les recommandations de son mari
étaient à cet égard aussi fréquentes qu’affectueuses ;
qu'une domestique avait été particulièrement chargée
de ce soin , et que le mari le remplissait souvent luimême.
Si l’on avait mis les jurés à portée de s’expliquer su®
ces particularités , après les avoir vérifiées dans les élémens du débat, il eût été difficile qu’ils attribuassent
la mort de cette femme à cette privation d’alimens , à
laquelle leur déclaration s’arrêta si absolument.
D e même encore,, les accusés avaient invité les juges
et les jurés à considérer les syncopes dont la femme:
Chalus avait été travaillée à différens intervalles , longtems avant l’époque où elle fut enfermée dans une
chambre i dans lesquelles , parmi d’autres symptômçs
semblables , elle avait vomi de l’écume comme dans la
pâmoison , qui s’était confondue avec sa mort ; et si
les jurés avaient été avertis par une question positive
de l’attention que méritait cette conformité d’attaques
xnultipliees , ils auraient été moins légers A caractériser
cette mort et ses causes.
C ’est parce qu’il n’y a point de délit là où il n’ y a
point d’intention de mal faire , que la loi a exigé
l’examen et la définition de ce qu’elje appelle la mo*
�( 32 )
r a lité du fait. Les jurés doivent être interrogés sur
l ’intention dans laquelle les accusés ont agi : la néces
sité de cette question fut dans l ’esprit de la loi de bru
maire ( dit art. 374 ) ; elle avait été littéralement
établie dans la loi du 14 vendémiaire an 3 .
On ne trouve dans la déclaration donnée contre Cha
lus et contre Claudine Mazuel f aucune explication sur
l ’intention qu’ils apportèrent dans leur conduite à l ’égard
de la femme Chalus.
A la vérité , les jurés ont dit que les accusés avaient
concouru sciem m ent à la privation d’alimens imposée
à cette femme , et même que Claudine Mazuel y avait
concouru avec prém éditation y mais pour avoir su ce
que l ’on faisait et pour l ’avoir prémédité , on n ’a pas
nécessairement eu la pensée qu’on commettait un
crime.
Si jamais une déclaration relative à l ’intention des
accusés dût être désirée, ce fut dans l ’affaire de Chalus
et de Claudine Mazuel. Aucun fait n ’y était articulé
dont la nature ne fût équivoque.
Même en reconnaissant.qu’il n’avait pas été indispensablement nécessaire de renfermer la femme Chalus
dans une chambre , on pouvait découvrir que les accu
sés , croyant à cette nécessité f s’étaient mépris et
n ’avaient été guidés par aucune pensée criminelle.
M êm e en reconnaissant que la privation d ’ alim cns
avait
�( 33 ) }' “
avait causé la m ort, on pouvait saisir, dans les circons
tances , des raisons de cro ire , si les accusés y avaient
concouru, qu’ ils ne s’étaient pas attendu au résultat
d’une privation qu’ on n’affirmait pas avoir été totale.
En un m o t , la loi voulait que l’on posât la question
relative à l’intention, et que les jurés fussent tenus
« d’y prononcer par une déclaration formelle et dis» tincte, et ce à peine de nullité ; » et la contravention
qui ne saurait être plus évidente , ne doit pas être
impunie.
On a vu que les déclarations principales données
par les jurés contre Chalus et contre Claudine Mazuel
ne remplissaient pas l’objet de la l o i , faute d’avoir leur
sens simple et déterminé ; il suit de là qu’ un autre
principe y a été blessé ; celui qui interdit les déclara
tions complexes , et le même reproche doit être fait
aux jurés à l’égard des articles accessoires.
Sont-ce des questions simples que celles-ci, si la me
sure d’ enfermer la femme Chalus fut commandée par
une indispensable nécessité , et si les accusés sont con
vaincus d’avoir pris part à cette mesure? Les jurés ne
sont-ils pas obligés de combiner, relativement à la pre
mière , la position dans laquelle était la malade et ce
qu’il y avait de raisonnable à faire ; et relativem ent à la
seconde , ce que firent les accusés pt ce que leurs proE
�(34)
cédés eurent de rapport avec la résolution d’enfermer
la femme C h alu s, et avec l’accomplissement de.cette
résolution ?
E t les questions si la femme Chalus est décédée de
iliort naturelle, si cette mort est due à une privation
d ’ a lim e n s , si cette privation fut l ’effet de manœuvres
étrangères à la femme Chalus , si les accusés concou
rurent à cette privation cPalimens , n ’offrent-elles pas
chacune en elle-même , plusieurs points à considérer ?
N e faut-il pas , pour répondre à la première , après
avoir conçu l’idée de ce qu’on appelle une mort natu
re lle , se représenter l ’idée contraire et
faire
com
paraison ?
N ’est-on pas obligé , à l ’égard de la seconde, de v é
rifier d’abord s’il y a eu privation d ’ a lim e n s, ensuite
de se rendre raison de la durée qui put rendre cette
privation mortelle , et enfin de voir si tel fut le cas
et si l ’événement ne peut être rapporté à aucune autre
cause ?
Quand on passe à la troisièm e, n ’a-t-on pas besoin
ds définir les m anœ uvres, d ’en rechercher l’existence
dans les faits , et d’établir le point par lequel ces m a
nœuvres se rattachent àf la privation d*alimens dont
il s’agit ?
Enfin , n ’entre-t-il pas dans la nature de la qua
trième, que, pour la résoudre, on ait à se rendre raison
�(3 5 )
en général de ce qui peut constituer le concours de
quelqu’ un à quelque évén e m en t, ensuite d’ un fait qui
ait constitué ce concours et en dernier terme du rap
port qui lie le fait à l’événement?
C ’est dans l’article 377 de la loi de brumaire qu’ est
cette disposition formelle , qu’ il ne peut être posé aucune
question com plexe, et il est bien clair qu’on ne s’y est
pas conformé dans la déclaration prise et xdonnée
contre Contre Chalus et contre Claudine Mozuel.
On avait annoncé que cette déclaration était contraire
aux règles dont L’observation y était ordonnée j mainte
nant ce reproche est démontré.
Reste le jugement.
Le jugement.
Qu’est-ce qu’ un jugement en matière criminelle? C ’est
l’acte par lequel le tribunal, après avoir comparé au fait
qui a été déclaré, les dispositions de la lo i, applique le
précepte qui y co n vien t, et en ordonne l ’exécution.
C est pour préparer la comparaison et sa conséquence,
que les jurés ont dû déclarer le fait qui a été rendu cons
tant, la conviction q u ia été,acquise contre les accusés
et les circonstances qui déterminent la nature du délit j
ensuite le juge n’ est que l’instrument de la lo i, dont il
prononce les paroles sur l'affaire et sur les accusés.
Et l’application du précepte de la loi qui convient au
E 2
�(3
6
)
cas ainsi défini, est si bien l ’objet unique du jugement
et la seule chose que les juges aient à faire, q u e , si le pré
cepte a été mal choisi dans la loi et ne se trouve pas ré
pondre au délit f il y a ouverture de cassation.
Il y a ouverture de cassation \ dit la loi'de brum aire,
i° . lorsqu’il y a eu fausse application des lois pénales
(art. 456 ).
,
Pour apprécier le jugement rendu contre Chalus et
contre Claudine Mazuel , il faut faire la comparaison
dont il dût être le résultat.
—
Ce n ’est ni de la chambre dans laquelle la femme
Chalus fut enferm ée, ni de cette mesure de l ’enfermer,
ni de la part que les accusés y avaient prise , que la
raison de punir a été tirée.
D u reste, quel est le fait constaté et quelle est la con
viction définie? La femme Chalus est décédée non de
m ort naturelle , mais d’une mort due à une privation
d ’ alim ent qui ne f u t p a s volontaire de la p a rt de la
fe m m e C h a lu s , qui f u t au contraire V effet de m a
nœ uvres étrangères à e lle , et les accusés ont été con
v a i n c u s d ’ a v o ir concouru à cette p riv a tio n d ’ a lim en sy
sciem m en t, et l ’un des deux a v e c prém éditation.
Quelles ont été les dispositions pénales que le tribunal
a regardées comme répondant à ce fait ? Voici celles
qu’il a .transcrites et appliquées.
�( 37 )
Il est dit dans la loi que « l’homicide commis vo» lontairement avec quelques armes , instrumens et
» par quelques moyens que ce soit , sera qualifié et
» puni selon le caractère e t les circonstances du crime. »
(Code pénal,, part. 2 , tit. 2, sect. 1 , art. 7 . )
Que « commis sans préméditation il sera qualifié
» meurtre, et puni de la peine de vingt années de fers,
» (art. 8 .) »
Que « commis avec préméditation il
sera qualifié
» assassinat, et puni de mort, (art. 1 1 .) »
Trouvait-on dans la déclaration des jurés le fait
d’ un hom icide commis volontairem ent avec quelque-S
armes , instrumens et p a r quelque moyen que ce f û t ,
sans prém éditation par l’ un des accusés, et avec p ré
m éditation par l’autre? Alors le tribunal criminel a bien
comparé et bien ju g é , puisqu’il a condamné l’ un des
accusés à vingt ans de fers, (art. 8 , ) et l’autre à la
mort, (art. 11 ) j mais dans le cas contraire il a mal
comparé et mal jugé.
Il y a hom icide lorsqu'une personne a été tuée par une
ou plusieurs autres en employant des a r m e s , des ins
trumens ou d’autres moyens , et cela suppose une ac
tion sans laquelle par conséquent le fait de l ’homicide
ne peut être affirmé.
U n e privation d*alim ens avait été la cause du tré
pas de la femme Chalus, Il n’ y a là point d’action , et par
�(
38 )
dans le sens de la lo i, point d’hom icide.
Les jurisconsultes disent, en matière civile, pour rendre
odieuse la personne qui refuse les alimens qu’elle doit
à une autre, que celle-là semble tuer celle-ci, necare
'videtur; niais en matière criminelle ce n’est pas d’après
ce qu’ un accusé est censé avoir f a i t , c’est sur ce qu’il
a fait réellement qu’on le condamne.
conséquent,
Il s’ensuit de l’adage des jurisconsultes que la per
sonne à qui des alimens sont d u s , a une action relative j
que cette action est urgente, provisoire et favorable;
mais la personne qui la doit est condamnée à la déli—
v ia n c e , et non pas aux fers ou à la mort.
Cette action civile en délivrance d’alimens ne peut
être intentée ni par le pu p ile, ni par l ’insensé incapable
de vouloir j elle appartient, pour eux , à leurs familles.
Pourquoi le frère de la femme C h a lu s, si ardent depuis à
poursuivre son beau-frère, ne s’occupa-t-il point du sort
de sa sœur vivante ?
N e voit-on pas qu’au moyen de ces actions données
pour les alimens , la loi n’ admet pas la possibilité de
l ’homicide par famine? C ’est ainsi que la définition d ’ un
tel homicide ne se trouve pas dans ses dispositions
Dirait-on que la disposition générale embrasse toutj
que la famine est l’un de ces quelques moyens que ce
�( 39 )
io iid o n t il y est fait mention? Cette disposition générale
n’est rien par elle-même ; elle réserve la qualification et
la déclaration de la peine qui en dépend pour les dis
positions suivantes , et c’ est là qu’est véritablement ex
primée la volonté de la loi.
Si la disposition générale avait par elle - même quel
que consistance, tout aurait été expliqué par la distinc
tion de la non préméditation et de la préméditation,
(art. 8 et 1 1 ) } et après avoir dit que l ’homicide com
mis avec préméditation serait qualifié d’assassinat et puni
de m ort, (art. 1 1 ) , on n’aurait pas eu besoin d’ajou
ter que « l’homicide commis volontairement par poison
,J serait qualifié de crime d’empoisonnement et puni de
» mort, (art. 1 2 ) . On n’ajouta pas une qualification
pour l’homicide commis par famine , parce qu’ un crime
ainsi qualifié n ’était pas dans l ’ordre des choses
possible^,.
Quand il y a accusation prouvée d'assassinat, les
juges appliquent l’art. 11 j quand il y accusation prou
vée d empoisonnement , i l s a p p l i q u e n t l ’art. 12 ; ce
n est jamais sur l’art. 7 , dans lequel il n ’ y a a u c u n
précepte pénal, que la c o n d a m n a t i o n est fondée. Quand
il y a accusation d’homicide par famine , alors mêmequ’elle pourrait être prouvée,
les juges ne trouvent
dans la loi aucun texte à appliquer.
Contre Chalus et contre Claudine M a zu e l, on a appli-
�( 4°)
que l’art. 8 et l’art. 11 ; mais il n’y avait déclaration d’au
cun faitauquel l ’ un ni l’autre se rapportât. On reprochait
aux accusés, non d’avoir commis , mais d’avoir omis;
non d’avoir tué 7 mais de n’avoir pas nourri ; et la nature
du fait n’admettait aucune comparaison avec des textes
de lo i, où l’action est toujours supposée.
I l ne peut être nié cependant que l ’homicide } de quel
que inaniere qu’il soit com m is, est un crim e , et que l’a
nalogie des cas prévus et des cas non prévus dans la l o i ,'
donne matiere à argumenter des uns aux autres. C ’est ce
que l’on aurait fait dans l’ancienne jurisprudence , lors
que l’on condamnait pour les cas résultans du procès;
mais la jurisprudence nouvelle ne permet aucune argu
mentation , aucune application de peine par analogie.
Sans doute , il importe que le crim e, de quelque li
vrée qu’il s’enveloppe , soit puni; mais il importe encore
plus que la loi seule punisse et que les juges soient
vmuets quand elle n’a pas parlé.
Dans le fait principal déclaré constant par la
d é c la
ration des ju r é s, de la mort de la femme C h a lu s,
par suite d 'u n e p r iv a tio n da U m ens , il est donc clair
qu’il n ’y avait rien qui pût autoriser la comparaison
avec les textes dans lesquels la loi définit et qualifie
l ’ h o m i c i d e ; c’est ce qui n’est pas moins manifeste lors
qu’on descend aux détails dans lesquels ce fait devient
p e r s o n n e l à Chalus et à Claudine Mazuel.
C ’est
�(4 0
C ’est l’ accusé qui a commis , sans préméditation , ce
que la loi définit un homicide que l’on doit condamner
à vingt ans de fers; c’est à l’accusé, qui a commis avec
préméditation le même homicide , que doit être appli
quée la peine de mort j quand on a lu la déclaration
de jurés donnée contre Chalus et contre Claudine Mazuel , il reste que ni l ’ un ni l’autre n’a rien commis
et que la prétendue mort par p r iv a tio n d ’ alim ens leur
est étrangère.
Des m anœ uvres ont été la cause de cette p riv a tio n
d ’ alim ens. Les jurés ont-ils reconnu que les accusés
aient été les auteurs de ces m anœ uvres ? Nullem ent.
Ont-ils reconnu que,de quelque manière, les accusés y
soient intervenus, y aient pris part? Nullement encore.
Comment entend-on, dans la déclaration, qu’il y a ,
des accusés , au fait dont il s’agit quelque rapport ?
C ’e s t, disent les ju rés, qu'ils ont co n cou ru , non pas
aux manœuvres qui sont le véritable délit ; mais à la
p riv a tio n d ’a lim en s, qui est l ’effet de ces manœuvres*
En sorte que toute cette déclaration, en mettant de
l ’ordre dans les idées qu’elle exp rim e, se réduit à ce ci,
que la femme Chalus est morte pour avoir été privée
d’alimens par l’effet de certaines m an œ uvres, et que
les accusés, sans que ces m anœuvres aient aucunement
été les le u r s, se trouvent cependant avoir concouru
d’ailleurs,on ne sait par quelle co-incidence , avec ces
m anœ uvres 7 un fait de la privation d’alimens.
F
�(40
Vous avez fermé une porte , par laquelle l ’homme
qui a été assassiné uu quart-d’heure après dans la rue,
a u r a i t pu se réfugier chez vous ; vous avez laissé sur
line table le couteau dont l’assassin s’est saisi ; vous
avez concouru à la mort; mais vous n^avez pas con
couru au crime. D e même , la femme Chalus a péri
par l ’effet de certaines m a n œ u v res, e t , sans avoir
été acteurs dans ces manœuvres , Chalus et Claudine
Mazuel ont co n co u ru t la mort qui en a été le produit«
V oilà tout ce qu’il y a à dire d’après la déclaration des
jurés , ce qui diffère grandement de la conviction d’être
auteurs ou complices du fait et d ’avoir commis le crime
d ’homicide avec ou sans préméditation.
Ain si la déclaration , considérée dans son point prin
cipal ou dans ses détails^articuliers , ne peut être mise
à côté des dispositions de la loi ( art. 7 , 8 et 11 ) que
l ’on ne reconnaisse la dissemblance des cas ; et il y a
ouverture de cassation ( loi de brumaire , art. ^56 ) ;
puisque des dispositions pénales ont été tirées hors de
leur cas précis et que c ’est ce déplacement qui consti
tue la fausse application.
Il
est tems de terminer ce développement des raisons
d’annuller et le procès et le jugement dont Chalus et
Claudine Mazuel ont si justement à se ptaindre. Les
ouvertures de cassation qu’ils proposent ne sont pas in-
�( 43 )
certaines j des préventions n ’auront pas atteint le T r i
bunal devant lequel ils sont enfin parvenus \ et c est
avec confiance qu’ils déposent devant lui leur demande
et leur légitime espérance.
' Des préventions ! il est trop vrai que jusqu’à ce jour
elles ont tout fait dans cette malheureuse affaire.
Claudine Mazuel a fait jalouser l’autorité que Clialus
lui avait donnée dans sa maison , et des domestiques
mécontens ont répandu une diffamation vague et té
nébreuse.
•
U n héritier a été intéressé à laisser subsister un pré
jugé qui pouvait un jour lui fournir des armes contre
la donation d’usufruit qu’ il se proposait d’irnpugner.
Dans le public on aime à s’entretenir des faits qui
sortent de l ’ordre commun et même à y croire.
A force de répéter que l ’on faisait mourir de faim la
femme Chalus , on a fini par faire de ces vains discours
une opiuion enracinée.
Ces bruits répandus tireront de la consistance de cette
imprudente bêtise d’ un contrat de mariage passé lors
qu’ un mariage n’était pas permis.
U n .murmure universel établi sur des rapports vagues
qu’on ne vérifia point, précéda et suivit l’événement du
trépas de la femme Chalus. On n’examina rien j on se
l
�(
44 )
plut à croire e t , comme une contagion , cette persua
sion sans cause se communiqua aux Jurés et aux Juges.
O ù était cependant la raison d’expliquer par une cause
si extraordinaire un événement si naturel ?
A près des années de maladie , lorsque , de progrès
en progrès , tous les principes de la vie avaient disparu ,
ne fallait-il pas que la femme Chalus arrivât au terme
fatal ?
Elle mourut parce qu’étant m ala d e,la crise fatale la
surprit : elle aurait pû. expirer plutôt sans que l ’on dût
en être étonné.
Dans sa situation il n’y avait point d’instant qui ne
fût l’ instant possible de la mort.
C H A B R O U D , Défenseur.
D e l ’ im p r im e r ie d e R e n a u d ie r e , r u e d e s P ro m v a ircs t n , 5 6 4
�
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Factums Marie
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Title
A name given to the resource
[Factum. Chalus, François. An 8?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Chabroud
Subject
The topic of the resource
homicide par famine
démence
autopsies
médecine légale
jury d'accusation
condamnation à mort d'une femme
homicides
rumeurs
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An account of the resource
Ouverture de cassation, pour François Chalus et Claudine Mazuel ; Prétendu homicide par famine.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Renaudière (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 8
1798-Circa An 8
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
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44 p.
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An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0711
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Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
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homicides
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M E M O I R E
P O U R
&
M e.
M
iche l
B E S S E D E
, Prêtre , Prieur
Curé du B o u r g - L a f t i c , Défendeur.
C O N T R E les Habitants & corps Commun de. la Paroiffe
du Bourg - Laftic , Demandeurs.
E fieur B e ffede a eff uyé dans la nuit du 3 au 4 janvier
1789 , un incendie qui a confumé tous fes bâtime nt s,
fes effets , fes meubles , fes denrées , fes beftiaux & tout
ce qu’il poffédoit ; atteint alors d’une maladie mortelle ,
on eut beaucoup de peine à le fouftraire lui-même aux
flammes , & fes Paroiffiens viennent aggraver tous fes
malheurs par une foule de demandes injuftes
pourfuivies
avec une chaleur qui peut accréditer les bruits publics fur
les auteurs de l’incendie.
L e fieur B e ffede fut pourvu de la Cure du B o u r g - L a ftic
en 177 5 il fit dreffer le 17 août de la même année un
procès-verbal de l’état du Pre fbytére , & un inventaire des
titres & papiers de la Cu re ; il y eft co nftaté que les papiers
étoient en mauvais ordre, que la plupart avoient été coupés
& lacérés par les rats , ou étoient devenus illifibles par la
L
�pourriture'qu’avoit caufée Thiim idîté des lieu x o ù 'ils â v e ie n t
été tenus ; ces papiers fe trou voien t alors dans une armoire,
du Preibytére , placée à cô té de la chem inée ; la c l e f en
fut remife au fieur Défortiaux , qui étoic alors M arguillie?.
Dans un temps où , com m ’on l’a dit , le fiaur B e ffe d e é to it
malade à toute extrém ité , on eut la m échanceté atroce de
mettre le feu , pendant la nuit ,a u x bâtiments du Preibytére ,
ils furent réduits en cendres avec tous les meubles 6c effets, qui
s’y trouvoient : il y a tout lieu de croire que les autçurs du
crime com ptoient qu’il feroit enveloppé dans l ’incendie g é
néral. C es faits font conftatés par un procès-verba] , qui
fut dreffé par les Officiers de Juftice du li e u , le p janvier
17 8 p.
Il eft très-con fian t que le feu a été mis par des i n c e n
diaires , & qu’il fe communiqua par le déhors à l ’intérieur
de la maifon ; mais on fent aifément la difficulté de la
preuve d’un pareil d é l i t , commis dans l’obfcurité de la
nuit , & au mois de janvier ; le fieur Bsffede n’a pu s’ en
procurer.
Il auroit du s’attendre que fes Paroiiïiens com patiroient
à fa trifte fituation , tout devoit les y engager ; mais au
contraire ils ont cherché à l’empirer. D è s le 1 f juillet
1789 , les Officiers M unicipaux ont tenu une affemblée ,
dans laquelle ils ont délibéré de le faire aiTigner pour être
condamné à rétablir le P reib ytére & les bâtiments en d é
pendants 3 à rapporter de nouvelles expéditions des rcgiftres
& des titres de fo n d a tio n , & à rétablir les linges , vafes ÔC
ornements facrés , de môme valeur que ceux qui a voient
péri dans l ’in c e n d ie ; ils l ’ont fait aiTigner en c o n fé q u e n c e ,
& ils ont conclu contre lui à trente mille livres de dom
mages - intérêts.
Il faut diftinguer les différents objets des demandes de
la M unicipalité
L e premier concerne la réconftruilion de la maifon prefb y t é r a le , ôc des bâtiments acceifoires. Les principes de ce ttç
�3
.
mâtîère font puifés dans les L o i x romaines : fi l’encendie
arrive par la faute de celui qui habite la maifon , il en eft
refponfablé ; mais il ne l ’eft p a s , fi l’incendie arrive par
cas fortuit : la queftion réfide donc à favoir qui doit être
c h a r g é de la preuve ou du cas fortuit , ou de la faute de
l ’habitateur ?
Si c ’eft le propriétaire qui habite lui - même la maifon ,
non un locataire , la préfomption eft en fa fa v e u r, parce
qu’il eft préfumé apporter plus de foin & de vigilance que
le locataire ; c ’eft en effet la décifion de la L o i 11 , fF'.d e
incetid. ruin. & c . elle dit que l’habitateur eft excufable, m ji
tam lata culpa f u i t , ut dolo fît proxima.
O n ne peut pas oppofer la L o i 3 , fF. de Offic. prœf.
vig il. qui dit que le p lu s fo u v e n t, p 1erunique, incendia fiunt
culpâ inhabitantium ; cette Loi n’eft relative que du proprié
taire au locataire entr’eux , 6c puifqu’elle fe borne à dire que
le plus fouvent l’incendie arrive par la faute de celui qui
habite ; il n’y a donc pas à en tirer une conclufion abfolue
& générale com m e l ’a très - bien obiervé H enrys , tom.
I , liv. 4 , queft. 87 ; il ajoute dans la fuite que cette pré
somption qui peut être fa lla ce , n e fi donc pas fufjîfante , q u i l
fa u t quelque chofe de plus , & que le propriétaire ejl obligé de
prouver qu il y a de la fa u te & de la négligence de la part
des locataires ; que c e / l en effet la décifion de la L o i 11 ,
ff- de incend. qu'on a déjà citée.
S i H enrys a été de cet avis pour un lo c a t a ir e , refpe£tivetnent au p ropriétaire, il y a bien moins de difficulté en
faveur du propriétaire lu i- m ô m e , parce qu’il eft préfumé
apporter plus de foin & de diligence dans la chofe qui lui
appartient , que celui à qui elle n’appartient point. Henrys
dit encore qu’il faut inférer de la L o i 11 , précédemment
citée , que l'incendie ejl cen féfo rtu it & a n iv é par malheur ,
s 'il r iy a preuve contraire . . . . 6* que quand i l y auroit quelque préfomption de f a u t e , toujours fur le doute , quod benigniùs fequim ur , il vaut m ieux abfoudre celui qui peut être en.
�4
fa u te j que d'en fa ire fupporter la peine à celui qui p eu t-être
n'a pas f a i t le n ia i, & que ^ décharge e(l toujours plus f a
vorable que la condam nation , lors même que celui quon con
damnerait , a déjà beaucoup Jouffert ; & ce dernier m o tif fe
rencontre bien i'upérieurement en faveur du fieur Beflede.
L 'op in ion d’un grand nombre de Jurifconfultes eft confor
me à celle d ’H enrys ; c ’eil nommément celle de M enochius,
libr. 1 0 , de arbitr.jadic. n°. jp o ; de B ä ld e, en fon C o n fe il
41 , vol. 5 ; d ’A ndré G ail ( c i t é par H en rys ) liv. 2 , chap.
a î defes obfer varions ; de B o u v o t , tom. 1 . verbo brußem ent,
où il rapporte un A rrêt conform e du Parlement de Paris }
contre un fieur de S ery , en faveur même du locataire j
napparoijfant, d i t - i l , que fu ijfe t in lata culpâ aut levi.
H enrys c o n firm e , tom. 2 , liv. 4 , queft. yo , les mêmes
•principes qu’il avoit établis au tom. 1 , ôc dit que de vouloir
f o u t e n i r que régulièrement l ’incendie d'une maifon doit être
impute à ceu x qui y demeurent ,f o it qu'ils foient propriétai
res , fo it q u ils ne fo ie n t que locataires ; c'ejl ce qui n’ a pas
de fondem ent certain , la conféquence en fetoit dangereufe ,
& bien fouvent le maître d’une maifon , après l'avoir perdue
& tous [es meubles , fero it injufiement puni d'un mal qu'il
ri aurait pas f a it , 6* ce fero it ajouter affliclion fur affliâion. . . .
& il n'y a pas un texte qui rende le propriétaire ou le locataire
abfolument refponfible d'un embrajfernent , s ’il ne paroit qu'il
fo it provenu par fa fa u te & négligence ; mais il fa u t que cette
■faute (oit telle , q u e lle tienne en quelque fa çon du dol ; il efi
vrai qu’ en la L o i 3 , iT. de Oif. præf. vig. le Jurifconjulte
f ’tnble établir pour régie que pie/unique incendia fiu n t culpâ
inhabitantium ; mais , outre qu'on peut^ expliquer cela plutôt
des locataires que des maîtres £* propriétaires , ù parce qu’en
ejj'ct ce u x - là ont toujours moins de fo in & de précaution que
c e u x - c i , toujours f a u t - i l avouer (jue le Jurifconfuite n'en
donne point de régie ajfurée , puifqu il dit plerùmque , ce qui
n’efi pas toujours.
H enrys fait enfuitc ufage de la L o i Si quis , §. 9 , ff. loc.
�où il eft décidé q u e , m a lg r é 'q u ’il eut été prefcrit par le bail
à des locataires ut ignern innocentent. habertnt , ils ne doi
ven t cependant pas répondre de l’incendie , s’il n’y a de leur
faute ; enfin il cite a ’A rg en tré , qui diftingue entre le pro
priétaire & le locataire , & il dit fubfidiairement que n y
ayant que préfomption , la condamnation doit être plus douce
& plus modérée. C ela rentre dans l’obfervation de l’auteur
du dernier recueil de Jurifprudence qui affaire que dans ces
fortes de caufes les Juges ont ordinairement allez d’indul
gence pour un malheureux déjà très à plaindre par les pertes
qu’il a lu i- m ê m e fouffertes.
• .
T o u s ces principes, toutes ces confidérations reçoivent
ici l’application la plus favorable ; le fieur BeiTede n’é toit
point locataire , c 'é to it la maifon curiale qu’il o c c u p o i t ; i l
é to it malade , & en danger , on le v e i l l o i t , par conféquent
on veilloit aufli fur les accidents qui pourroient arriver ; &
f i , malgré ces foins , le feu avoit pris par l ’intérieur , on
auroit été à portée de l’éteindre ; toutes les p ré e m p tio n s
fon t en faveur du fieur BeiTede. L a rumeur publique attribue le
feu à des b rigan d s, dont l’un en avoit fait la menace , 6c le
feu fe communiqua par le déhors.
.
.
D ’un autre c ô t é , le fieur BeiTede eft d’autant plus fa vo
ra b le , qu’il a perdu tout le mobilier qu’il pofTédoit, & c ’eft
dans ces circonftances que fes Paroiifiens veulent le rendre
refponfable de la perte des bâtiments mômes.
Ils oppofent que l ’on fauva du feu deux cents cinquante
fetiers feigle , q uatre-vin gt - quatorze louis d’o r , & un grand
nombre de beftiaux ; mais ce font des faits faux , & la plu
part invraifemblables : on ne déroba aux flammes qu’environ
trente fetiers de bled à moitié b r û l é , & mêlé avec beaucoup
de terre ; il fallut que le fieur BeiTede le fit laver & paflfer
au crible différentes fois ; ces travaux lui coûtèrent même
plus qu’il n’en a tiré par la v e n t e ; en effet il . n’a pu les
vendre que douze à treize livres le fetier , tandis quJil fe
vendoit v in g t - huit ; il l’a vendu à crédit à fes Paroiffiens,
�il n’en eft point encore p a y é , & peut-être ne le ferâ jamais ;
à l’égard de l ’argent , il fe trouva vin g t à v in g t- q u a tr e
louis , le refte demeura perdu , ou fo n d u / o u v o l é ; en fin ,
les beftiaux du fieur BeiTedene confiftoient qu’en huit bêtes à
cornes, (dont quatre périrent dans l’incendie) & quatre veaux.
M ais la M unicipalité du Bourg - Laftic , infenfible
aux pertes efluyées par Ton C u ré , veut non-feulem ent l ’o
bliger à rétablir le Prefbytére à fes frais , mais encore l’y
contraindre rigoureufement & fans délai ; l'é ta t a£luel de
ce bâtiment n'eil cependant point à charge à la Paroiïïe ,
le fleur BeiTede sJeft log é à fes fra is , il en paye les loyers.
O n lui reproche de faire un com m erce de beftiaux & de
grains ; on fuppofe qu’il a retiré cinq mille livres de fon
B é n é f ic e , à caufe de la cherté des grains en 17^0.
L e fieur BeiTede ne f a i t & n’a jamais fait aucun com m erce ;
les beftiaux qui ont échappé à l’incendie , 6c deux boeufs
qu’il a remplacés , lui étoient néceiTaires pour l’exploitation
d e fes dîmes , & pour fes aliments & fon ufage.
L ’état de fes revenus de 1790 eft trè s -e x a g é ré , il eft dé
menti d’ailleurs par la déclaration qu’il a été ob ligé d’en faire
en conféquence des D écrets de l’AiTemblée N ationale ; la
plus grande partie de fon revenu eft arriérée , les fieurs Fargeix & Cohadon , qui font eux-m êm es parties en qualité
d’Officiers M unicipaux , ne difeonviendront pas qu’ils ne lui
ont point payé encore les rentes , les fondations 8c les dîmes
abonnées quJils lui d o i v e n t , les autres Habitants refufent de
payer les rentes & fondations de la C u r e , fous le prétexte injufte que les titres ont péri dans l’incendie } & ils font en re
tard , non feulement de l’année dernière, mais des précédentes;
le fieur C o m te de L anghac , qui eft débiteur de la redevance
la plus co n fid é rab le , eft en demeure depuis 1783.
A ces faufles fuppofitions , on en ajoute une autre très*
injurieufe ; 011 lui reproche d avoir confervé fes bleds dans
un temps oîi fa ParoiiTe en manquoit ; au contraire le fieur
Defiede n’a refufé de bled à perfonne , fon grenier a été
�7
o u v e r t , & à c r é d i t , à tous ceux qui en avoient befoin , il
lui en eft dû encore la majeure partie , &. il n’a fatigué au
cun de Tes débiteurs ; on ne rapportera pas une feule affignation qu'il ait fait donner à ce fujet , non feulement dans la
dernière année , mais pour toutes celles qui fe font écoulées
depuis qu’il eft pourvu de la Cure.
Enfin , en réalifant tous ces faits faux , il n'en réfulteroit
pas que le fieur Beifede fut ob ligé de reconftruire le Prefb y té re incendié , à fes f r a is , rigoureufement & fans délai ,
lui qui au contraire a une aftion pour y contraindre la Paroiffe , & qui a le plus grand intérêt à ce que cette réconftru&ion foit faire fans aucun délai , puifqu’il eft chargé provifoirem ent d’un loy er de cent dix livres par an.
A u x violents efforts que font les Officiers M unicipaux du
B o u r g - L a f tic , pour contraindre le fieur Beflede à la répa
ration d’un dommage dont ils connoiflent parfaitement les
auteurs , ils ont l’indécence de joindre le vœ u inhumain de
fa m ort ; il eft âgé , d i f e n t - i l s , & ils rifquent de perdre
leur a£tion ; mais s’ils n’en ont pas, com m e on fe flatte de
'avoir p r o u v é , ils n’ont aucun rifqueà courir , ils n’en co u r
raient pas non plus quand ils auroient à la difcuter avec les
héritiers du fieur Beifede ; mais leur objet n'eft que de fati
guer leur C u ré par un procès odieux , qui ajoute de nou
veaux maux aux pertes qu’il a e f f u y é e s , & à l ’accident en
co re qu’il a éprouvé depuis dans un vo y a g e où fon cheval
l ’ayant terrafé & a b a ttu , il eut une cuiiTe caiTée , il n’eft pas
m êm e rétabli encore de cette chute.
A tous les moyens que le fieur Beifede a fait valoir contre
la demande incivile des Officiers M unicipaux , il faut ajou*
ter une fin de n o n - re c e v o ir qui s’é lève contre eux , fuivant
les D écrets de l’ A flem blée nationale c ’eft aux Départements
& aux Diftri&s que ce foin eft 'dévolu , c ’eft à eux qn’appartient exclufivement l’aftion exercée contre le fieur Beifede.
L e fécond objet des demandes de la Municipalité du BourgJLaftic tçnd à ce que le fieur Beifede foie condam né à réin
�• >■
8
tégrer dans les archives de la M arguillerie l ’expédition des
titres de fondation , & des autres droits & revenus de fon
Bénéfice , qui ont péri dans 1 incendie*
D ’abord les Demandeurs font non-recevables , parce que
les biens de l’ E glife ont été décidés appartenir à la N ation ,
ainfi la N ation feule a droit de rechercher les titres des ren
tes & revenus de l’E glife du Bourg-Laftic.
• E n fécond lieu , de quels titres les Marguilliers deman
d e n t - ils de nouvelles expéditions , eft - ce de cette foule de
p apiers, les uns rongés & dévorés par les rats , les autres
pourris par l'humidité , fuivant que ces faits font conftatés
par l'inventaire ; il eft clair que le fieur BeiTede n eft point
obligé de remplacer des papiers q u i , s’ils -exiftoient, ne feroient d’aucune utilité.
L e m êm e p r o c è s -v e r b a l établit que ce fut à la réquifition des Paroiifiens que le fieur BeiTede fe chargea de rece
voir dans le Preibytére tous les papiers bons & mauvais c o n
cernant fon B é n é f ic e , & ce qui l’y détermina , c eft parce
qu’ils manquoient de local & d’archives pour les placer ; or
il ne peut être garant d’un dépôt v o lo n t a ir e , fait dans fa
maifon par les H a b ita n ts , & l’événem ent qui eft arrivé , re
tombe néceflairement fur eux.
A l’égard des titres non rongés , ni pourris , il n’y a
aucun rifque à courir pour la Nation à qui ils appartiennent,
le iieur BeiTede a retiré des fécondés expéditions du plus
grand nombre , d autres n o n t pas péri dans 1 incendie , par
ce qu’ils étoient produits en juftice , & les fieurs Sucheix >
F a rg eix , C ohadon & Chaderon , Officiers M unicipaux ,
feront très-emprefles fans doute d’apprendre que ceux qui les
conflituent débiteurs de l’E g l i f e , iubfiftent ; d’ailleurs, des
Officiers M unicipaux d une ParoifTe , chargés de donner
des exemples de juftice , n auraient pas tiré avantage de
l’incendie , pour fe difpenfer de payer ce qu’ils devoient ;
il en eft de môme des titres qui concernent le C o m te de
L m ^ h a c 6c la D a m e de R e t z , la veuve T a v e r n i e r , les fieurs
ü
Sertillanges
�9
S e rtillâ n g e s , M o re l , Battu & la veuve des M o rty s . O n a
vu avec furprife que la M unicipalité oppofoit que le fieur
Beflfede n’?uroit pas dû tranfporter ces papiers chez les P r o
cureurs pour pourfuivre les réfra&aires ; re g rette ro n t-ils
donc que les titres de ce qu’ls doivent , n'aient pas été
dévorés par les flammes.
Enfin , il exifte des reçus & des preuves depreftation qui
'fuppléent au petit nombre de titres dont le fieur BeiTede ne
s’eft pas procuré de nouvelles e x p é d itio n s , ou qui nont pas
échappé à l’incendie , & l ’on fait que * fuivant l ’E d it de
M e lu n , dans des cas de t r o u b l e , de pillage & d 'in c e n d ie ,
les preuves de perception , des enquêtes mêmes fuffifent
y o u r fuppléer aux-titres ; l ’E d it en a fait une loi pour l’E g l i f e , & le Parlement en a étendu la difpofition aux Laïcs.
L a N ation fans doute faura faire valoir ces principes ; la
M unicipalité du Bourg-Laftic peut être tranquille ; mais
quelques foient ces difpofitions , elle eft fans qualité pour
a g irL a troifième demande concerne les regiftres de Baptê
mes , M orts ôc iMariages , qui ont péri dans l'incendie ; mais
à cet égard il exifte au G re ffe copie de ces re giftres, il n’en
coûtera pas plus à ceux qui auront befoin de s’en procurer
des e x p é d itio n s , d’avoir recours au Greffe.
N éanm oins le /leur Befiede s’eft préfenté au G reffe pour
fe procurer une expédition générale de tous les regiftres
incendiés ; elle ne lui a pas été refufée , mais le prix qu’on
y a m i s , l ’a épouvanté , & fi la C o u r juge cette fécondé
expédition néceffaire , elle taxera fans d o u te , en faveur de
la Fabrique , le taux des vacations du G r e ffie r , de manière
qu’il foit poiîible de l ’atteindre.
A u refte , J e fieur BeiTede n'eft pas refponfable de l ’é v é
nement de l’incendie , & de même qu'il n’a recours contre
perfonne pour la perte de fes meubles , de fon argent j de
les d en ré es, ôcc. de m êm e nul autre n’a recours contre lui
B
�pour les pertes qu’il a pu effuyer : aufïi res dominé
périt.
L e regiftre de 1788 n a v o it pas encore é té dépofé au
G reffe , puifque l'incendie eft du trois janvier 1785» ; mais
fi l ’accident n ’eft point réparé e n c o r e , quant à cette année
u n i q u e , ce n’eft pas la faute du fieur Beffede , il a invité
au Prône , 6c différentes f o i s , tous fes ParoifTiens à lui in
diquer les années 6c les dates néceffaires .pour rétablir les*
actes dans le même ordre qu’ils avoient été faits, il s’eft même
tranfporté dans des différents villages pour accélérer ce
fécond travail, là il s’en eft procuré la t r è s - g r a n d a g m i e ,
& fans la faute & le retard des Habitants , fon o u ^ f g e fe
trouveroit complet. L es Demandeurs doivent donc être dé
clarés non- recevables fur cet o b j e t , aux offres que fait le
fieur Beffede de rétablir com plettem ent le regiftre fur les
notes ôc indications que fes ParoifTiens feront tenus de lui
donner , 6c dont ils font en retard.
L es Officiers M unicipaux ont hazardé un dernier c h e f ,*
ils ont conclu à ce que le fieur Beffede fut tenu de réin
tégrer dans la Sacriftie tous les ornements , livres , linges
ôc vafes facrés qui ^ feion eux , ont péri dans l’incendie.
Si cette perte étoit réelle , ce feroit un malheur qu'il n e ,
faudrgüt pas imputer au fieur Beffede , mais il eft faux
ait péri dans l’incendie aucun ornement 6c vafes facrés j, par
ce que le fieur Beffede n’en tenoit aucun dans le P re ib y
tére , 6c il eft facile de juger de la mauvaife foi des O ffi
ciers M unicipaux , en comparant les vafes facrés 6c or
nements dont le fieur Beffede fut chargé , lorfqu’il prit
poffeffion , avec ceux qui exiftent encore à préfent.
Il
en eft de même des linges de l ’Eglife , le fieur B e f
fede n'en avoit d ’autres dans fon Preibytére , que • deux
mauvais rochets en toile com m une 6c deux étoles en cam e
lo t , d’auffi mauvaife qualité ; il les tenoit chez lui à
l ’exemple de fes Prédéceffeurs , 6c de tous les C urés ,
�p o u r les vifites qu’il é to it ob lig é de rendre aux malades-,
pendant la n u i t , en cas de néceff ité ; la boîte des Saintes
h uiles , qui étoit d étain , a p é r i , c ’eft
petit
u
n
objet ,
& le fieur Beff ede l ’a re m p lacé il n’y étoit pas tenu t
puifque l'on a prouvé qu’il n' étoit point garant de l ’incend i e mais en fuppofant le contraire , la demande ne feroit
p as moins frivole & fans objet.
,M e. G R A N E T t , Procureur
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Bossède, Michel. 1790]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Granet
Subject
The topic of the resource
incendie
tentative d'assassinat
inventaires
cure
droit romain
doctrine
accapareurs
reconstitution d'état-civil
homicides
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour M. Michel Bessède, Prêtre, Prieur et Curé du Bourg-Lastic, Défendeur. Contre les habitants et corps commun de la paroisse du Bourg-Lastic, demandeurs.
Annotations manuscrites: cause plaidée et le tribunal de district condamne le prêtre a reconstruire le presbytère en quatre années.
Table Godemel : Incendie : 1. le curé, dont le presbytère et dépendances ont été consumés par les flammes, peut-il être tenu, envers les habitans, de rétablir le presbitère et les bâtiments en dépendant, de rapporter de nouvelles expéditions dans le registre de l’état civil, titres de fondations. en d’autres termes l’usufruitier ou locataire qui se refuse à prouver par témoin que l’incendie, qui a consumé l’habitation qu’il occupait et son propre mobilier, est venu du dehors ; n’est-il pas présumé l’avoir occasionné par son fait ou par sa négligence, et, par suite, obligé de garantir le sinistre ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Martin Dégoutte (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1790
1789-1790
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
11 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1022
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Bourg-Lastic (63048)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53120/BCU_Factums_G1022.jpg
accapareurs
cure
doctrine
droit Romain
homicides
incendie
inventaires
reconstitution d'état-civil
tentative d'assassinat
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53188/BCU_Factums_G1230.pdf
07232ad48f1202a55cbbb70473ec00f0
PDF Text
Text
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PRECIS
POUR
le fieur B A I L E
,
Plaignant y
C O N T R E le fieur C O U H E R T , Accufé.
I L
fuffit d ’être honn ête
homme
pour
déplaire au
fieur
C o u h e r t : le fieur Baile a eu la fermeté de réfifter à fes.
injuftes follicitations ; il a refufé de faire une fauffe dépo-,
fition
contre
le
fieur G ra ne t.
Inde mali labes.
Pou r
fe
v e n g e r de cette réfiftanc e , il n ’eft pas de crime dont le
fieur
Couhert
ne fe
foit rendu coupable envers le fieur
Baile.
L e fieur B a i le , en fa qualité d ’huiffier royal , avant é té
c har gé de fignifier un exploit au fieur Beff e y r e , habitant de
la ci-de van t provi nce du Geva ud an , & de le comprendre
en perfonne , che z le fieur C o u h e r t fon b e a u - f r è r e , où il
é toit a l o r s , le fieur C o u h e r t , auffi- t ô t qu’il apperçu: le fieur
B ai l e , le m e n a ç a , l ’infulta & fit
tous
fes efforts pour le
m a ltraiter.
A
�A p r è s c e tte f o r t ie , & c o m m e s’il eût craint que le procèsverbal clu fieur B a ile ne f î t pas une
fois fuffifante de Tes
e x c è s , le iieur C o u h é r t lui fignifia l’a£le le plus in ju r ie u x ,
le plus a u d a c i e u x , un a & e qui ne refpire qlie m é c h a n c e t é ,
que c a l o m n i e , que m enaces ; un afte d o n t on d evro it d o u ter
d e l ’e x ifte n c e , fi les co p ies n ’en euffent pas é té m u ltip lié e s ,
c o lp o rté e s dans toutes les rues de V i v e r o l s , par un fe rg en t
&
deux r e c o r d s , & fi elles n ’é to ie n t lignées du fieur C o u -
h ert lu i-m ê m e . P a r c e t a c t e , le fieur C o u h e r t qualifie le
fieur B a ile
de f a u x
tém oin , de com plice du
dans divers délits ; il lui
copies d 'e x p lo it s ,
(leur G r a n d
im p u te d ’avoir fo u fflé différentes
dont , le bruit p u b lic annonce vaguem ent
des originaux ; de s'être introduit dans f a
cour &
dans f o n
ja r d in , fo u s p r é t e x t e , d i t - il, de lu i porter des copies , tandis
çu il n en remet aucunes & qu étant devenu fo n ennemi G*
f a u x témoin contre l u i , i l ne doit p o in t f e perm ettre d 'e x
,
ploiter contre l u i , n i de venir ch e£ lui. E n co n féq u e n ce, il
protefle de f a u x contre tous actes qui pourraient être fa b riq u es
tant par le (leur B a ile , par le fie u r Chapuis ,
huiffier
à
V iv e r o ls , par C h ap ela in -V illen euve , huiffier à A m b e r t, que
par quelqu autre huiffier de
I l déclaie que fo n
la v ille
refpecl & f a
de V i e , & c.
confiance dans
& c. & c .
les l o i x ,
m algré leur léthargie > qui devient de p lu s en p lu s fu n e jle ,
fe ro n t toujours irréfragables ; mais que dans cet inflant d ’a
narchie , f i h eureu x pour les m échants , la defenfe naturelle
étant le prem ier droit du c it o y e n , i l prendra pour a tta q u e,
agreffion, ou attentat à fes jours , l'introduâion d ’un f e u l ou
de plufieurs defdits dénommés ci - deffus , & particulièrem ent
dèf'dits B a ile , Bernard & C h o u v in s, non feulem ent f u r fo n
habitation à E tr u c h a t, m ais encote f u r aucune de J es p o f-
�7o3
3
fefjions ; q u i l repoufera toute violence par tous les m oyens
n a tu re ls, & q u i l les rend tous corporellem ent & folidairem ene
garans &
refponfables de tous attentais. &
dommages
qui
pourront être portés fur la perfonne dudit fie u r requ éra n t, fu r
c elles des fietis £* f u r Ces b ien s.
L ’on ne fe permettra
ici
aucune réflexion fur c e c h e f-
d ’œ u v re de folie , crainte d ’en affbiblir les ex pre fiions dnergiques ; elles fo n t bien fuffifantes pour cara£tdrifer celu i qui
en eft l ’auteur.
L e fieur B aile c ru t d evo ir à fon état &
fe po urvo ir
en
j u f t i c e : il rendit plainte en la c i - d e v a n t
S é n é c h a u ffé e d’ A u v e r g n e ,
m auvais
à lu i-m ê m e de
traitem ens que lui
tant des
a vo it
infultes , m enaces ÔC
faits le fieur C o u h e r t ,
lors de la fignification q u ’il fit au fieur B e fT e y re , fon beauf r e r e , que des calom nieufes inculpations &
m enaces c o n
tenues dans l ’a & e d o n t on v ie n t de rapporter les termes.
S u r c e tte plainte , le fieur C o u h e r t fut d é c r é té de foito u ï ; mais il n’eût pas
r é c i d i v a , le
p lu tô t
fubi
in terro g a to ire ,
qu Jil
i y d é ce m b re 1 7 8 ^ : il te n o it une audience en
qualité de bailli en la ci-devant juftice feigneuriale de V i v e r o l s ;
a y a n t e ntend u appeller une caufe
pour le fieur C h o u iT i,
ancien ferm ier de la directe de V i v e r o l s , il sJécria c o m m e
un fu rieu x : j e ne v e u x p oin t connoître des caufes de c e t
homme ; mais j e
v e u x fa ir e connoître au p u blic ce frip o n de
B a i l e , qui efl ceffionnaire des arrérages de cens de la fe r m e
du fie u r Chouffu E n cotiféquence j'o ffr e d'être le défenfeur de
tous
c e u x qui
auront à f e plaindre , foit contre
le fieur
Ç h o u fji, fo it contre le fie u r Baile ; j e me charge de les faire,
débouter de toutes leurs demandes
6* même de les fa ir e
condamner à la reflitutioti de tout ce q u ils ont reçu , parce
A 2
�'que la liève du ficar ChouJJi n e j l p oin t
fieur C o u h e r t n ’oublia rien p o u r
en règle.
fo u le ve r
E n fin le
les ce rifitaire s,
& les po rter à des vio le n c es c o n tre le fieur B aile ; & il eft
bon
de
rem arquer qu e
le fieur C o u h e r t
a v o it choifi un
tem ps bien propre à Tes mauvaifes i n t e n t i o n s , c Jé to it c e lu i
où le peuple abufé par les ennem is du bien p u b l i c , s’ima^
g in o it qu’il n ’é to it plus permis d’e x ig e r le paiem ent des c e n s ,
c e lu i
où
une
pareille
erreur
a v o it
o cca fio n n é
tant
de
m eurtres 6c d’incendies. C 'e f t d ’après c e tte p ro cla m a tio n -,
de Ce charger de la déferife de tous c e u x
qui auroient à f e
plaindre des Jïeurs B a ile & Chouffi : c ’eft par
c e tte a£tion
baffe q u ’il e n g ag e a un n o m m é D a u r a t , c e lu i d o n t la ca u fe
v e n o it d ’être â p p e llé e , à lui confier fon affaire.
I l eft effentiel d e rem arquer que , dans c e tte caufe , il
s’a giffoit de trente-fix livres d’argent prêté, & non pas d’ar
rérages de cens ; cepen dant le fieur C o u h e r t qui ne fuivoic
que fa p a i f i o n , fans s’o c cu p e r de l ’in té r ê t de fa p a r tie , fe
livra uniquem ent à critiquer la
liève du fieur C h o u f f i , à
fo u ten ir q u ’il ne lui é to it po in t dû d ’arrérages
de
cens ;
qu’au co n tra ire il d e v o it rem bourfer une partie de ce qu’il
a v o it r e ç u , 8c il v o u lo it que le fieur B aile, q u ’il ne ceffoit
d e qualifier de cejfionnûire du fieur C h o u f l i , ( qu o iq u ’il fu t
très-affuré du c o n t r a i r e , ) en fit le rem b o u rfem en t fur le
cham p. C ro ira - t- o n que le
fieur
C o u h e r t plaida
pend ant
plus de d e u x heures fur le m êm e ton ? L e cro ira - t - on ,
fur-tout quand on faura que le défenfeur du fieur C h o u fli
étant n b f e n t , il ne s’agiffoit que de prendre des conclufions
p o u r a vo ir une fen te n ce par d é fa u t? L e c r o ir a - t- o n e n f i n ,
‘ Quand o n fera inftruit que ç ’eft d e v a n t fon gendre que l e
�y
fîeur C o u h e r t p l a i d o i t , '( i ) après
lui a vo ir c é d é fa place
d e J u g e ? T o u s ces faits fo n t néanm oins c o n fia n ts , ils fo n t
pro u vé s
par
q u e , dans
les
inform ations , & il n ’eft pas moins certain
le cours de c e tte odieufe p la id o ie r ie , le
fieur
'C o u h e r répéta une infinité de f o i s , que le Heur B a ile é to it
un coquin , un frip o n , un v o le u r , un fa u jja ire , un brigand,
un fcele'rat ; en un m o t , le fieur C o u h e r t n ’oublia rien pour
■noircir le fieur B a i l e , &
lu i ,
fous
le
pour fo u le v e r
le peuple co n tre
prétexe fa u x q u ’il é to it ceifionnaire du fieur
•C ho uiïï.
L e charlatanifm e du fieur C o u h e r t , (fi l ’on peut Te ferv i r d e c e tte e x p r e if i o n ,) lui attira deux ou trois autres clients
p o u r l ’audience f u i v a n t e , & c e c o u p - c i , il s’agifioit d ’arré
rages de c e n s; mais le défenfeur du fieur C h o u ifi n ’a yant eu
gardeJe plaider contre le fieufC ouhert, devantfongendre\i\ri é to it
e n c o re queftion que de prendre des conclurions & demander
d é fa u t: mais le but du fieur C o u h e r t q u i é to it de diffamer
en co re le fieur B a i l e , n ’auroit pas été rempli ; il avoit eu
foin de rendre l ’auditoire trè s-n o m b re u x > en faifant a n n o n
c e r p a r-to u t qu’il d e v o it plaider une caufe c é lé b ré . I l plaida
d o n c to u t f e u l , & fans contradicteur , pendant to u te l’au
d ie n c e , qui dura plus de quatre heures. T o u t e s les injures ,
to u tes les h o r r e u r s , toutes les calom nies dont il.a v o it tiifu
( i ) S’il e it expreiTém ent défendu aux Ju ges de q u itter leu r place de J u g e
p o u r fe ch arger de la défenfe des plaideurs dans leurs ju rifd i& io n s ; com bien le
fie u r
C o u h e rt n’é f t - î l pas coupable de n’être
p our fe livrer, aux e x cè s q u ’on lui im pute &
d e v a n t fon g e n d r e ,
co n treven u à cette d é fe n fe q u i
q u i font prouvés ; p o u r s’y liv tfr
fon fécon d lu i- m ê m e , fo n co m p lice d e d ivers d é lits , fon
'•todécrété de p rife-d e-co rp s î.
�r6
fo n prem ier p l a i d o y e r , fu ren t ré p é tée s ; rien ne fut o u b lié *
rien n ’échappa à la langue infern ale du fieur C o u h erc .
L e fieur Baile qui ne d ût fon falut qu’à la c o n fia n c e qu’ il
s’é to it acquife de fes c o n c it o y e n s , en adhérant à fa p ré c é d e n te
pla in te , en rendit une n o u ve lle pour raifon d e tous ces f a i t s ,
& fur les in fo rm atio n s qui ne p o u v o ie n t pas m anquer d’ê tre
c o n c l u a n t e s , puifque les faits s’é to ie n t
paiTés d evan t
d e d e u x cents p e r fo n n e s , le fieur C o u h e r t a é té
une fé c o n d é fois de f o i t - o u ï .
plus
d é c r é té
» - -
E n f i n , le p mai 1 7 ^ 0 , le fieur B a ile &
le fieur B r e u i l ,
O ffic ie r s M u n ic ip a u x du B o u r g de V i v e r o l s , c h e f - lieu de
C a n t o n , a ya n t é t é e n v o y é s en d éputation à la M u n ic ip a lité
d e S a u v e fla u g e s , à l ’o c ca fio n de la fédération p ro p o fé e par
la V i l l e de C l e r m o n t , & p o u r quelques autres objets relatifs
à la M u n ic ip a lité , ils furent o b lig é s de fuivre le chemin
p u b l i c , qui paife auprès de la m aifon du fieur C o u h e r t., 6c
q ui traverfe fes pro priétés ( n ’y ayant pas d ’autre route ).
L e fieur C o u h e r t qui les a v o it vus pafier , alla
fe pofter
au co in de fon é t a n g , d errière un t e r t r e , a ttenan t au c h e
m in ,
pour les atten d re
à
m auvais deffein : il é to it là
leur r e t o u r , &
avec la f i l l e
e x é c u te r
fo n
F erry , dite la
V a illa n t e , au f o l e i l couchant ; ôc lo rfq u e les
fieurs B a ile
& B re u il reven o ien t de S a u v e fla u g e s , le fieur C o u h e r t fo rtit
de d erriere le t e r t r e , & tira un c o u p de piftolet au fieur
B a i l e , en difatit :
g u e u x j e te tiens , h eu reu fem en t q u e
le c o u p n’a tte ig n it que le chapeau du fieur B a ile j qui en
fu t p e rc é .
Le
fieur
B a ile ,
en
adhérant
à fes
deux
p ré céd e n te s
p la i n t e s , a e n c o r e rendu plainte de c e t ajjajfinat prém édité,
fur la p re u ve réfiiltante des in fo r m a t io n s , le fieur C o u h e rc
�7
a
é té d é c ré té d 'ajourném ent perfônnel ; dans la
fu i t e , Ici
p ro cé d u re a é té ré g lé e à l ’e x tr a o r d in a ir e , &: m algré toutes
les m enées du fieur C o u h e rt &
de Tes p a rtifa n s, m a lg ré
fon or , Tes promefles & Tes menaces p o u r féduire les tém o ins
&
les p o rte r à un rétra& ation ;
enfin m algré les aftuces ,
les apoftrophes captieufes du fieur C o u h e r t , pour
les faire
tro u b le r & to m ber dans quelques c o n tra d ic tio n s , la vé rité
a t r i o m p h é , tous les tém oins
fitions au re co le m e n t &
o n t perfifté dans leurs dépo-
à la co n fro n ta tio n . Ils o n t tous
foutenu que le fleu r Couhert a tiré le coup
de piJloU t au
fie u r B a ile ; ils o n t rendu c o m p te du m o m e n t , du lieu ôc
des circonftances de c e c r i m e , a v e c la plus g ra n d e e x a c
titu d e ^ fans que le fieur C o u h e r t ait pu
dans la plus lé g è r e contradiction.
L e fieur C o u h e r t ,
toujours
les faire to m b er,
fe rtile dans
les
reifources
»de la chicane, prévoyant une condamnation inévitable, a
im aginé de faire u f a g e , p o u r la p rem ière f o is , au mois
d ’o & o b re 175)0 , 6c après les re co lem en ts & co n fro n ta tio n s ,
de cinq requêtes de p lain tes qu’il a v o it eu la précau tion de
d o n n er les 1 0 ,
20,
2 7 f é v r i e r , 13
mai &
2 7 feptem bre
175)0; mais les trois prem ières de ces plaintes
lu m e n t étran gères à la
font abfo-
conteftation a& u e lle î ce lle du
15)
fé v r ie r ne co n c e rn e que le fieur G r a n e t ; celles des 20 &
2 7 f é v r i e r , ne fo n t relatives
q u ’à c e qui s’eft paiTé lors de
la nom ination des O fficiers M u n ic ip a u x du bourg de V iv e r o l s , où le fieur C o u h e r t s’avifa de v e n i r , quoiqu’il ne fût
p o in t c ito y e n a£tif du bourg ,
mais feulem ent des villa g e s
de la p a ro ifie , qui fo rm o ie n t une M u n ic ip a lité diftin£te. ( 1 )
( 1 ) Le
dans
fieur C o u h ert
la M u n icip alité
ayan t to u jo u rs e xe rcé
les
droits de cito y e n
a ilif
des villages , n e d e v o it p a s , d’après les D é cre t* c o n ilit u -
�s
C e n’eft d o n c que pour
faire diverfion , p o u r faire perdre
d e vue l ’o b je t e ife n tie l, que
cu m u ler fes
le fieur C o u h e r t
nom breufes plaintes fur
c h e rc h e
lefquelles il
à
n'a pas
feu lem en t pu o b ten ir le plus lé g e r d é cre t.
Q u a n t à fa plainte du 1 3 m a i , c ’eit une pure récrim ina
tion , & c e qui le p ro u ve fans répliqué , c ’eft que le fieur
C o u h e r t n ’a penfé à faire enten d re fes tém o ins , q u ’après
avoir é té d é c ré té fur la
plainte du fieur B a i l e , ôc même-
après les re co llem en ts &
c o n fro n ta tio n .
E n f i n , il ne lui reftoit plus q u ’ une reifource ; la plainte
tio n n els , a flifle r aux aflem blées de
la M u n icip a lité du bourg ; il ne d e v o it pas,
fu r-to u t y v e n ir armé de p ijîo lc ts , &
après a vo ir m enacé d’en faire u fa ge
pour
m ettre, d ifo it-il , de l ’ ordre dans l'ajfem blée. C e fu re n t ces m otifs , bien lég itim es
fans d o ute , q u i firen t exclu re le fieu r C o u h e rt de l’alFemblée. Il c il don c iîn g u lie r
qu’ il ait o ie fe p la in d re , lu i q u i e ft le feul coupable ; mais fa plainte n’a eu pouc¿ u t que d’atténuer celle q u i a vo it été ren due co n tre lui-m êm e &
co n tre fes ad h é.
ren s par pluiieu rs p articu liers. E n vain v o u d ro it-il d iilïm u ler q u ’il a vo it des p iftolets dans fes p oches ; le fieu r B en o ît R ig o d o n , q u ’ il a p ro duit lu i-m ê m e , &
don t par confe'quent le tém o ig n a g e fait p lein e foi co n tre lui , dépofe que «. lo rfq u e
te p luiieu rs m em bres de l’ailem blée e u ren t p ro p o fé de fe f o u ille r , p our favoir
» s’il n ’y en a vo it pas q u i fuiTent arm és com m e le b ru it p ublic Pa/Furoit ; le fie u r
j».
Couhert foutint qu'il ne portoit point d ’ armes ojlenfibles
,
mais qu’ i l lui étoit perm it
» d'en avoir dans fa poche pour fa Jureté pcrfonnelle. » N ’e fl-c e pas là l’aveu le plua
form el qu e le (leur C o u h e rt é to it arm é
de p ifto lets ? Et fi fo u s p rétex te de f^
defenfe perfonnell» , chacun p o u v o it porter des p ifto le ts dans les afTem blées, q u e ls
in c o n v é n ie n ts , quels m alheurs n e p o u r r o it- il pas en réfulter ? Sans chercher des
e xem p les ailleurs , n ’en tro u v o n s-n o u s pas t l; terribles dans la co n d u ite du fieut;
C o a h c r ; ; p su t-o n , fan.» frém ir d’in d ign atio n , le ra p p eller ces menaces q u ’il fit
au fieur B r e u i l, après lui a vo ir lencé l i a t ê t e , dans u n e a lfem M ée, un eh an d elier
des fc ru tjte u rs : j . f , f i j ’ avots mes■
p ijlolets fu r m o i , j e te biûlerois la ca v ella
en pleine ajfcmbléc.
A v e c d’aufli fager. d ifp o fitio n s , le fieur C o u h e rt n’a -t-il pa* bo n n e g r â c e , n ’efti] p-1 bien en d a ji: i L fn u te u ir qu’ il lui cil: perm is de porter d e i p iitc le tx d^tis
Ids
pour fa d ils u f e p ctfo n n e lle ?
en
�5>
¡en fu b o rn a tio n , &
c ’eft c e lle q u ’il a e m p lo y é e par fa requête
du 27 fe p te m b r e ; mais q u o iq u ’il ait fait entend re fo ix a n te f e p t t é m o in s , & qu e fur c e n om bre , il y en ait c in q u a n te - n e u f
de fufpe&s ( I ) &
d o n t le té m o ig n a g e
ne
peut faire foi :
n éanm oin s il n ’ y en a pas un qui dife qu e le fieur B a ile a
fe u le m e n t penfé à fuborner aucun des tém oins.
A la v é r i t é , il y en a pluiieurs qui d é p o fen t a vo ir
oui-
dire par la fem m e T r a q u e le t, ou par d'autres qui l ’avoient
oui-dire par c e tte fem m e T r a q u e l e t , que le fieur Breuil l ’a v o it
ind uite à dépofer c o n tre la vé rité , ôc que le fieur Cauffange,
Juge
d ’A r la n c ,
qui a v o it fait les inform ations par c o m -
m i i f i o n , n’ avoit pas ré d ig é la dépofition de c e tte fem m e
t e lle q u ’elle l ’a vo it rendue ; mais l ’on fen t d ’a va n ce to u te
l ’inutilité de ces d é p o fitio n s , tous les prétendus o u i-d ir e s, y
en eût-il c e n t , fo n t a bfolum ent in fig n ifia n ts , dès que furto u t C a th e rin e T r a q u e le t a p erjîjié dans fa dépofition au re
collem ent & à la confrontation.
E n e ff e t , to u t c e qu ’ un té m o in pourroit dire , toutes les
déclarations m êm e q u ’il p o u rro it donner par éc rit c o n tre
fa d é p o f it i o n , & fu r-to u t lo r fq u ’il y a perfifté au re co lle-
( 1 ) I l n’a pas o u b lié fes c o m p lic e s , au n om bre de d o u z e , décrétés con join te*
m e n t avec lu i d’a jo u rn em en t p e rfo n n e l, à la req u ête du fieur B reu il ; il n 'a pas
o u b lié le fieur C a len u rd , beau-pere de fa f i l l e , non plus qu e l’ A b b é le Blanc ,
(, ci-d e v a n t des M o u lin s ) les fieurs T rica u ts , D a u r e lle , G im e l, & leurs fem m es
& enfan ts , tous do ublem en t parents du fieur C o u h ert & de fa fem m e au trolfiem e
& qu atrièm e d egrés ; & de plus ces trois d e n i e r s , alors fubordonnés par leu r état
d e p rocureurs , a u fieu r C o u h e rt B a i l li , leu r créateur. Enfin il n’a pas o ublie
l 'iv r o g n e , le crap uleux Jean R o u r e , d o n t il a fi in d ign em en t abufé du nom pour
v e x e r le ficut G r a n e t , non plus qu e Jacques P it a v y , fon b e a u -fr e r c , ni C o n t y ,
q u i a fait une don ation frauduleufe de tous fes bien s à fa fe m m e , pour faire p erd re
fes créanciers ; nj la fem m e n i la b clle -fœ u r de çe m êm e C o n t y .
B
�to
m e n t & à la c o n f r o n t a t i o n , eft i n u t i l e ; les lo i x d é fen d e n t
exp re ffém e n t d ’y
avoir é g ard ( i ) &
c e t t e r è g le ce rta in e
nous difpenfera d ’en trer dans le détail des différents repro
ches que le fieur B aile auroit à pro po fer c o n tre les tém o in s
ind ignes de f o i , que le fieur C o u h e r t a e m p lo y é s p o u r faire
a v a n c e r des fauffetés auffi in co n féq u e n te s.
A u r e f t e , quel auroit pu être l ’in té rê t du Heur B re u il 8c
du fieur CaufTange ? ni l ’un ni l ’autre n ’a v o ie n t eu jufques-là
aucun différend a v e c le fieur C o u h e r t. J u f q u e s - l à le fieur
C o u h e r t a v o it fait le plus g ra n d cas du fieur B r e u i l , & il
1 a v o it fi bien reconn u p o u r h o n n ê te h o m m e , q u ’il l’a v o it
pro d u it p o u r té m o in dans deux procès crim inels qu ’il a v o it
e u s , l ’un c o n tre le fieur Im b e rt T r e m i o l l e s , & l’autre c o n tr e
le fieur G r a n e t.
II a prétendu, pour la première fois , lî>rs de la co n fro n ta
tio n , qu e le fieur B reu il é to it fon ennem i ; mais le fieur
B re u il lui a très-bien répondu qu e l’in vra ifem b lan ce de la
p ré te n d u e anim o fité , ré fu lto it de c e q u ’ il a v o it n é g l i g é ,
depuis cin q a n s , de m e ttre à e x é c u tio n
c réa n ce q u ’il a v o it c o n tre l u i ; &
plufieurs titres de
en effet ,
c e n’eft que
depuis l'é p o q u e de la c o n fro n ta tio n , que le fieur C o u h e r t
s’ eft l i b é r é , & il l ’a fait fans qu e le fieur B re u il ait eu en
id é e de lui faire aucuns frais ( 2 ).
______
( I )
»
D éfen d o n s aux J u g e s d’avoir égard aux déclarations faites par les tém oins
depuis l’in form ation , lefq u elles n ou s déclarons n u lles y vo u lo n s qu ’elles fo ien t
re jettée s du p r o c è s , &
néanm oins le tém o in q u i l'aura f a i t e , & la p artie q u i
l’aura p ro d u ite , condam nés chacun en quatre cen ts liv res d’am ende en vers n o u s ,
& autres plus gran des pein es s’il y é ch o it. O rdon n an ce d e 1 6 7 0 , art. X X I du
lit . X V .
(1)
L e fieu r C o u h ert v ie n t de n ou s fo u rn ir lu i-m ê m e u n e p re u ve non équivo»
q u e , q u ’il ne re g a rd o it pas le
fle u r B r e u il co m m e fo n e n n e m i; c’e ft T inter*
I
�xi
Q u a n t au fieur
C a uffa ng e, beau co up plus h e u re u x
tant d ’a u t r e s , il n ’a jamais
mais te l eft l ’ufage de
ennem is tous
ceux
eu à faire
c e lu i- c i ,
qui ne lui
au
que
fieur C o u h e r t ;
de regarder
c o m m e fes
fo n t pas favorables. Q u e
n ’a-t-il pas dit des J u ge s d ’A u r i l l a c , parce q u ’ils l ’o n t d é
c r é té de prife-de-corps ? Q u e n'a-t-il pas dit du fieur C h o u ili
&
d ’un CommifTaire au C h â te le t de P a r i s , parce q u ’ils onc
in fo rm é c o n tre lui ? Q u e n"a-t-il pas dit de tous les tém oins
qui o n t eu le c o u ra g e de d épofer la v é r i t é , & de d é vo ile r
tous fes forfaits ? Q u e n ’a-t-il pas fait c o n tre les avocats ôc
p r o c u r e u r s , qui o n t em braffé la d éfenfe de fes adverfaires ?
Q u e n ’a-t-il pas fait enfin c o n tre les huiiliers ôc les C a v aliers
d e MaréchauiTée qui o n t o f é , fo it lui m e ttre la main au
c o l e t , l’e x é c u t e r , ou fe u le m e n t lui faire la m oind re fignification ? N e
leur a-t-il pas fait à tous les im putations ,
les reproches & les m enaces q u ’il fait au fieur C a u fla n g e ôc
au fieur B reuil : c e que le fieur C o u h e r t im p u te d o n c au
fieur C a u fla n g e & au fieur B r e u i l , ne d o it pas faire la m o in
dre im preifion y c e fo n t les co m p lim e n ts ordinaires du fieur
C o u h e r t.
S i l’in fo rm atio n du fieur B a ile ne fe faifoit qu’a ujourd’h u i ,
ro g a to ire q u ’il a fu b i au tribunal d’A m b e r t , le f fé v rie r J791 , fur un d écret
d ’ajo u rn em en t p e r fo n n e l, ren du à la req u ête du fieu r B r e u il , pour injure r é e lle ,
voie de f a i t , & projet d ’affajjinat : il d cfa vo u e d’avo ir p in cé le fieur B r e u il, de
lu i a vo ir don né des fo u fflets & des co u p s de p o in g s ; il dit qu’ il lu i a vo it feu ?
Iem ent to u ch é la main , le m en to n & la jo u e } en lui diiant : mon cher a m i, j ç
ne vous veux aucun m a l, vivons en p a ix . C o m m e n t, d’après u n e déclaration fi
a m ic a le , le fieu r C o u h e rt o fe r o it-il préten dre q u e le fieur B reuil éto it fon enn em i ;
il ne le p e u t , à m oins q u e , fu iv a n t les c ir c o n fh n c e s où il fe t r o u v e , le fieu r
C o u h e r t ne m étam orphofe à fon g r é fes am is e n e n n e m is , & fes en n em is c e
am is / félon les b efo in s de fa ca u fç.
B î
�12
le fieur C o u h e r t pourroic dire p e u t - ê t r e , a v e c f o n d e m e n t >
q u ’il exifte de l'in im itié en tre lui & le fieur B r e u i l , & que
l ’inim itié réfulte du d é cre t d ’a jo u rn e m e n t p erfo n n el que le
fieur B reu ii a c b te n u c o n tre l u i , & o n z e d e fes c o m p li c e s ,
au tribunal du Diiîri£t d ’A m b e r t , le 22 ja n v ier 175)1 ; mais
les faits qui o n t d onné lieu à c e d é c r e t , ne rem o n tan t qu’au
26
d é ce m b re
1 7 ^ 0 , é p o q u e d’une a ifem b lée o ù
le fieur
C o u h e r t , to ujo urs en h o m m e fa g e & p r u d e n t , ju g e a à p ro
pos de je tte r au fieur B r e u i l , prem ier O ffic ie r M u n i c i p a l ,
& qui é to it alors dans fes fo n d io n s j un c o u p de c h a n d e lier
q u ’il prit fur la table des fcrutateurs & d o n t le fieur B reu il
fu t a tte in t au fro n t &
prefque
terraifé.
L e fieur C o u h e r t
n e c ra ig n ît pas d ’ajouter : j . f . f i j ’avois m es p ijîo lets f u r
m o i, j e
/
te brulerois la cervelle en p lein e affemblee ; 6* en
fo rta n t i l répéta , j e ne J u is f â c h é que de ne l ’avoir p as tu é ,
i l n en aurait été ni p lu s ni m oins.
V o i l à e x a & e m e n t les faits qui o n t d o n n é lieu au p ro c è s
c r i m i n e l , a£luellem ent exiftant
e n tre
les fieurs
B reuil &
C o u h e r t ; ces faits étant poftérieurs & a u x inform ations du
fie u r B a ile & a u x recollem ents & confrontations , le fieur
C o u h e r t ne peut pas en induire que lors de la d épofition du
fieur B r e u i l , il exifto it de l'in im itié e n tre e u x ; to u t c e que
l ’on d o it induire au co n tra ire de c e nouveau p ro cè s c r im in e l,
c ’eft que le fieur C o u h e r t eft un h o m m e vra im en t d a n g e
re u x , un h o m m e capable de t o u t , puifqu’il a ofé m e n a cer
le fieur Breuil de lu i brûler la
nombreufe ; l ’on
d o it croire fans
cap able de tirer un c o u p de
un lieu ifolé , &
cervelle dans une afjem blée
peine
q u ’il
a
é té bien
piftolet au fieur B a ile , dan»
o ù il ne c r o y o it être vu que de la j î l U
v a illa n te } a v e c la q u e lle il é to it c a c h é d errière le tertre.
�•15
Nous
p arce
nous
en tiend ro ns à
ces
fimples
q u e lle s paroifTent fu ffifan tes, &
o b f e r v a t io h s ,
q u ’il faudroit des
vo lu m es entiers fi l’on v o u lo it e n trer dans tous les d é ta ils,
auxquels le fieur C o u h e r t défireroit qu’on fe l i v r â t , en d is
cu ta n t fes plaintes m u ltip lié e s, q u i , c o m m e on Ta déjà d i t ,
n e te n d en t q u ’à furch arger la conteftation & à faire perdre
d e v u e fon vé ritab le o b j e t ;
en nous
réfum ant de tirer les co n fé qu e n ce s qui réfultenc
n a tu rellem en t des faits
On
nous nous co n te n tero n s d o n c
a vu
d o n t on a rendu com pte.
que le. fieur
Couhert
envers
le fieur B a ile d ’une infinité
in fu lté
&
sJeft
rendu
de crim es.
c o u p a b le
i°.
Il
l ’a
m altraité lo rfq u ’il eft a llé c h e z lui pour fignifier
un e x p lo it au fieur B e f l e y r e , fon beau-frère. O r la L o i v e u t
q u e de pareilles vio len ces qui ten d en t à e m p ê ch e r le cours
de
la ju f t ic e , foient furetnent punies,
a 0. Il a c h e rc h é
à
f o u le v e r le peuple c o n tre le fieur B a ile dans deux audien
ces p u b liq u e s, fous le p ré te x te f a u x & de fa pure inven
tion , que
cens du
le fieur Baile é to it ceffionnaire des arrérages de
fieur C h o u iïi ; dans les
d eu x audiences
le fieur
C o u h e r t , après s’être transform é de ju g e en d é fe n fe u r , a
qualifié publiquem en t le fieur B a ile de m alverfa teur,
de
concufjionnaire , de f r ip o n , de brigan'd & de fcélera t. Il eft
difficile
que
de
pareils
excès
d em eurent im p u n is ,
il eft
im p o iïib le q u ’ils n’attirent pas à leur auteur to u te l ’animadverfion des miniftres de la j u f t i c e , chargés de l ’e x é c u tio n
des L o i x .
50. Par l’a& e reco rd é du 31 o tto b re 1 7 8 p , le
fieur C o u h e r t a fait au fieur Baile les inculpations les plus
g r a v e s , il l ’a qualifié de f a u x té m o in , il lui a im puté d 'a
vo ir prevarique dans fon é t a t , il l ’a p ro v o q u é par des mena
c e s tém éraires d ’ufer de f o r c e &
de tous les m oyens natu-t
�I*
rels , en prenant pour attaque, agreffion ou attentat â fes
jo u r s j fo n
introduction ,
non fe u le m e n t dans f a
maifon à
E tr u c h a t, m ais encore dans aucune de Ces p ofjejjio n st q u o i
q u ’il fo it impofTible a u x habitants de V i v e r o ls d ’a ller ni
.U fT o n , ni
à
à A r l a n t , ni à C ra p o n n e , ni à SauveiTauges ,
fans pafler d eva n t la m aifon du fieur C o u h e r t , ni fans trave rfe r fes polTeiTions. L e M a n ifefte du fieur C o u h e r t n ’a v o it
d o n c pour b u t qu e de le m e ttre à c o u v e r t des peines atta
c h é e s au c rim e d ‘ affajfinat qu’i l prem editoit ; mais il s’eft pris
tr o p m a l- a d r o it e m e n t , fon lib e lle eft u n tifîu de m en fo n g e s 6c
<3e fuppofitions fi mal o u r d i e s , qu e la v é r ité p e rc e d e toug
c ô t é s , ta n t il eft vrai qu’ il eft difficile d e d onner au m e n f o n g e les co u leu rs de la v é r ité ; il en eft c o m m e du finge qui
im ite l ’h o m m e , il c o n fe rv e toujours fa laideur qui ne per
m e t pas q u ’o n s’y m éprenne. L e c rim e d ’aiïaiTinac a v o it
é t é p ré m é d ité ; l’a d e du 31 o & o b r e en eft une p re u ve
manifefte ,
concilium .
C e crim e a é té effe£tué le
éventas. I l e ftim p o flib le au fieur
la preuve
en
C o u h e r t de le d iiïim u le r,
eft c o m p l e t t e , quatre t é m o i n s ,
o c u la ir e s , l ’o n t
attefté par leurs d é p o fitio n s ,
au re c o lle m e n t &
p mai 9
d o n t trois
&
fo u te n u
à la c o n fr o n ta tio n ; les propres témoin3
du fieur C o u h e r t lu i-m ê m e , f a chère f i l l e v a lia n te, qui avoic
la co m plaifan ce de lui tenir c o m p a g n ie d errière le t e r t r e ,
e n attendan t le retou r des fieurs B aile &
de c e tte f i l l e ,
le fieur B o r o n &
B r e u i l , la m è re
autres tém oins produits
par le fieur C o u h e r t , tous atteftent q u ’il y a eu un c o u p
d e piftolet tiré.
L e fieur C o u h e r t eft le feul qui n'en c o n
v ie n n e pas ; cepen dan t il n ’a pas o fé im puter au fieur B aile
ni au fieur B reu il de l’avoir t i r é ; il a feulem ent fuppofé qu e
le fieur B reu il a v a n ç o it c o n tre lui le fa b re nud à. la ntain ,
�ce
q u ’aucun té m o in
n’a d é p o fé j il eft d o n c co nfiant que
le co u p de piftolet a é té tiré par le fieur C o u h e r t , ôc il eft
d ’autant m oins permis d’en d o u t e r , que le ca ra& è re & les
m œ u r s du fieur
Couhert
font c o n n u s , ( i ) l ’a& e
du 3 1
o & o b r e fuffiroit pour c o n v a in cre qu'il eft capable de t o u t ;
la co n d u ite qu’il a tenue co n tre le fieur Breuil dans une aiïemb lé e p u b l i q u e , ne laiflfe plus rien à défirer fur c e point ; il
eft d o n c d ém o n tré que le fieur C o u h e r t s’eft rendu co u p a
b le d 'e x c è s & violences co n tre un huiflier
qui rempliflbic.
les fo n d io n s de fon état ; q u ’il s’eft rendu co upable du crim e
d e diffamation 6c de calom nie ; foit par écrit dans l ’a£te du
5 1 o & o b r e , foit verbalem ent dans d eu x audiences publiques»
très-nom breufes ; q u ’il s’eft rendu c o u p a b le enfin du crim e
d ’affajjïnat, de dejfein p rém éd ité, dans un chem in p u b lic. O n
n e peut fe le d i i l i m u l e r , un pareil d élit eft gra ve . S i les
v o y a g e u r s ne fo n t pas fous la fauve-garde des lo ix qui les
p r o te g e n td a n s les r o u te s , il n 'y a plus de fureté p u b liq u e ; il
n ’y a plus de c o m m e r c e , plus de liberté j puifque les c ito y e n s
n ’a u r o n t , pour m ettre leur fo rtu n e , leur h o n n eu r ôc leur',
v ie à l ’a b r i, d’autre p r é fe r v a t if que les murs qui e n v iro n
n e n t leurs maifons. L e s peines de la vindi£le p u b liq u e , pour,
d e pareils c r im e s , fe ro n t fans d o u te f é v è r e s , mais c ’eft au
m iniftere public à co n c lu re ô c à réclam er l ’e x éc u tio n des L o ix .
A c e t égard , le fieur B a ile fe bornera à d e m a n d e r, pour Tes
réparations c i v i l e s , < fo.,ooo liv. des défenfes de r é c id iv e r ,
( 1 ) L es exp reflion s m êm e d o n t !e
fieur C o u h e r t s’e ft fe rv i à la confronta*
l i o n , ne le cara& iîiifen t-elles pas fuffifam m ent ?
Il
d it qu ’il na p o in t tiré d’arm e
à feu au fieur Baile , parce qu’ i l n ’ en avait pas dans ce moment , mais que s ’ i l
tn avait e u , i l en auroit certainement f a i t u ja g t } lorjque le fieu r B reuil a v a n feii
i galop ,
le fa b rt m d à la main.
�16
à peine de punition
c o r p o r e ll e ; l ’impreff i o n
&
affiche du
j u g e m e n t , au n o m b re de 3000 exem plaires.
C e s c o n clu fion s n ’o n t rien d’e x a g é r é ; en e f f e t ,
fi l ’o n
co n fid ere les torts de to u te e f p e c e , qu e le fieur C o u h e r t a
fait au fieur B a ile dans fon é t a t , fa fo rtu n e & fon h o n n e u r ;
fe l’on fe p é n é tre bien de l’a tro cité des in cu lp a tion s qu’il lui
a faites v e rb a le m e n t &
par é c rit ; fi l ’on fait atten tio n
fon a charnem en t à le p e r d r e , à fes récidives pendant
leurs différends é to ie n t fournis à la juftice
j
à
que
& à la nature de
l'affaffi n a t ; fi d ’ailleurs l ’o n ré flé ch it fur la fo rtu n e im m e n fe
du fieur C o u h e r t ; fi l ' on confid ere c o m b ie n
p eu e lle lui a
x
c o û té , c o m b ie n e lle a été r a p i d e , puifque en 1 7 7 4 to u t fo n
a vo ir confiftoit dans un O f f i c e
300
liv. que
de N o t a i r e , qui lui c o û t a
le fieur T r é m io lle s lui prêta , & q u ’a u jo u r
enfin fi l ’on fe rap
d’hui il fe dit riche de 3 0 0 , 0 0 0 liv .
p e lle que pour une lé g e r e r i x e , le fieur C o u h e r t a retiré
3 0 , 0 0 0 liv. de d om m ages intérêts du fieur T r é m io lle s
b ien fa ite u r, &
fon
que depuis c e tte é p o q u e il n’a ceffé de fe
faire des affaires crim in e lle s a vec to u t le m o n d e
en p r o v o
q u a n t a u d acie u fem e n t les ho n n ête s g e n s jufques dans des
affem blées refpecta b l e s , on dem eurera c o n v a in cu qu’on ne
fauroit le mulecter tro p f é v é r e m e n t ,
& que les co n clu fio n s
du fieur B a ile ne p e u ve n t plus être m o d érées.
S ig n é B A I L E .
A
D e l'imprimerie de M
R
a r t i n
Libraire, vis à -vis
I
O
M ,
DE G O U T T E
, Imprimeur-
la Fontaine des Lignes. 179 1
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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Title
A name given to the resource
[Factum. Baile. 1791]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Baile
Subject
The topic of the resource
diffamation
diffamation
huissiers
troubles publics
cens
droits féodaux
tentative d'assassinat
témoins
homicides
Description
An account of the resource
Titre complet : Précis pour le sieur Baile, plaignant, Contre le sieur Couhert, accusé.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de M. Dégoutte (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1791
Circa 1789-1791
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
16 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1230
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Viverols (63465)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
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cens
diffamation
droits féodaux
homicides
huissiers
témoins
tentative d'assassinat
troubles publics
-
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bd10b19b18f18aa74adbbffb5a612b8d
PDF Text
Text
6 ïf-
EMOIRE
DÉPARTEMENT
du
P u y - d e -D ô m e .
T
J U
POUR J . J
S
T
u st in
I F
I C
A
T
I F
,
D U B O IS -L A M M A R T IN IE ,
L i e u t e n a n t surnum éraire des troupes d ’A rtille rie
de la Marine, Accusé.
Do nobis tristis sen tentia fertur.
J UVENAL.
J
E suis accusé d’avoir fait usage d’une fausse com
mission du pouvoir exécutif pour l’enlèvement des
chevaux de luxe. Sur des bruits vagues et sans fon
dement , on m’arrête à Aurillac , on me traîne ignomi
nieusement dans les prisons de C lermo n t , et bientôt
dans la maison de justice du tribunal criminel de ce
département.
A
r ib u n a l
mè
�< V .j
Sans inquiétude, sur une accusation frivole qu’il
m’est aisé de détruire , j ’attendois impatiemment le jour
qui doit éclairer mon innocence , lorsque j ’apprends
que mes ennemis cherchent à prévenir contre moi l’opi
nion publique ; on répand que j ’ai contribué à la mort
de l’infortuné Colinet de Niaucel , l’intime ami de ma
famille, le mari de la sœur de mon beau-frère. On ajoute
que j ’ai participé aux journées désastreuses des 2 et 5
septembre à Paris ; on me représente comme un factieux,
1111 agitateur, un faussaire.
J e dois à ma famille , au public , à moi-même , une
justification complète de ma conduite , et le récit exact
de mon malheur : citoyens impartiaux , qui devez pro
noncer sur mon sort , lisez et jugez !
J ’habite le lieu de Fontenilles, paroisse de Jussac ,
district et canton d ’Aurillac , département du Cantal.
Mon père , originaire de Saint-Céré , département du
Loth , a servi avec distinction ; il a fait toutes les cam
pagnes de l’Hanovre, et s’est retiré capitaine de cavalerie ;
il a épousé Ailarie-Anne Farganel , dont la famille est
illustre par les grands hommes qu’elle a produits.
Mon frère a în é , sert en qualité d’officier dans le
corps d’artillerie de terre, en garnison à Nancy. Mon
frère c a d e t, commande en second le dépôt du 220 régi
ment de cavalerie , ci-devant N avarre, en garnison à
Aurillac.
Voulant suivre la carrière des armes, j ’entrai dans
la marine de la division de Rochefort. Une maladie
considérable occasionnée par l’air des marais qui envi
ronnent cette ville , m'obligea de quitter ce service j
�( 3)
mais depuis, les ministres do n t'je suis connu, m’ont
engagé à me faire inscrire sur la liste des lieutenans sur
numéraires d ’artillerie de la marine: on savoit que j ’étois
expert dans cette partie , et j ’eus la promesse de m’em
barquer sur la première flotte qui armeroit pour la répu
blique.
J e jouissois paisiblement dans mon domicile des
bienfaits de la révolution , lorsque mes concitoyens, qui
connoissoient mon ardent amour pour la chose publique ,
mon respect et ma soumission aux lois , mon empres
sement à les exécuter, me firent l’honneur de me nommer
commandant de la garde nationale de Jussac.
J e me rendis digne de leur confiance en leur inspirant
les scniimens du véritable patriotisme ; c'est-à-dire,
amour de l’ordre , soumission aux l o i s , respect pour les
personnes et les propriétés.
Au mois de mars 1 7 9 2 , une foule d’individus égares
partirent pour Mont-Salvi, et vinrent me solliciter de me
mettre àleur tête ; je refusai constamment de m’y rendre,
quelque danger qu’il y eût dans ce refus. Je prévoyois
des troubles ; je leur écrivis avec fermeté pour les dé
tourner de leur dessein, pour prévenir toute infraction à
la loi ; ma lettre qui fut imprimée dans le temps, fit
le plus grand effet ; elle est jointe aux pièces de mon
procès.
Quelques ennemis de la chose publique , suscitèrent
peu de temps après des troubles dans la ville d’Aurillac ;
je m’y rendis à la première réquisition, à la tête de mes
camarades ; mais j ’arrivai trop tard pour prévenir les
premiers excès } j ’appris avec douleur que l’infortuné
A 2
�<W o
(4 )
Colinet avoit été victime de la fureur du peuple : sa
mort m’arrache encore des larmes ; il ¿toit l’ami de ma
famille , ma sœur a épousé Alexis Vigier de Fumel s
frère de la veuve Colinet.
N e pouvant lui donner des secours, j ’arrêtai les
progrès du m al; je rendis la liberté, au péril de ma v ie, à
plusieurs prêtres réfractaires qui alloient être immolés.
C ’est cette conduite généreuse qu’on voudroit lâchement
calomnier : ces faits néanmoins furent consignés dans
une adresse lue à l ’assemblée nationale par le citoyen
Pages Vixouse , député pour solliciter une amnistie en
faveur de quelques habitans d’Aurillac. Dans cette
adresse , devenue publique par l’impression, on rend
justice à mon zèle dans l ’exercice de mes fonctions, à
mon amour pour la liberté.
E h quoi ! un citoyen généreux, ami de l’ordre et des
lo is , qui a reçu plusieurs fois des éloges publics, seroit-il
donc un faussaire, un factieux? Cette idée me fait fris
sonner d’horreur. Livré à moi-même, confondu avec des
criminels, je croyois du fond de mon cachot inspirer à
ceux qui me connoissent au moins un sentiment de
compassion et de pitié : sentiment bien stérile , mais un
peu consolant; j ’apprends au contraire que l ’acharnement
de mes ennemis ne fait qu’augmenter ; leurs efforts
seront impuissans.
Au mois de mai 1792 , je fus député à Paris ; j ’assistai
à la fédération du 14 juillet ; je fus n o m m é président du
comité de subsistance des fédérés des quatre-vingt-trois
départemens : j ’en ai le certificat dans mes pièces. Ma
conduite m’attira quelque confiance ; le 10 août 3 je
�( 5 )
commandai le peloton qui enleva le drapeau des Suisses
au château des Tuileries ; je m’y iis remarquer par
quelques actions d ’éclat ( i ) ; je n’entends pas m’en
¡prévaloir1; si' dans cette journée mémorable, je fus utile
à laf cliose publique, ma récompense est dans mon cœur,
et mes foibles services ne diminueroient pas la gravité du
délit dont on m’accuse, si j ’en étois coupable.
J e ne dois cependant pas passer sous silence que le
même jour, je haranguai avec courage l’assemblée que je
présidois, et j ’eus le bonheur de ramerier-à des sentimens
de modération une foule de citoyens égarés, qui vouloient
massacrer sans pitié les signataires de la protestation des
vingt-hilit mille v ils durent la vie à mes efforts.
' - J é me' retirai avec calm e, et vécus en citoyen privé :
j ’étois bien 'élôigné de. prévoir les scènes abominables
des 2 e t ' 3 septem bre, moins d’y participer ; je n ’en
appris les détails que par le bruit pu b lic, et le seul
souvenir me fait dresser les cheveux ; affreuses , exé
crables joüPnéés 1 que la> postérité n’apprendra qu-’avec
horreur ; qui seroient l ’opprobre de la nation’ , si on
pouvoit les reprocher aux Français: Mais dans ces grands
mouvemens, il se trouve bien peu de personnes qu’on puisse
étt accuser ; il né faut qu’tin.soélérat, hardi et entreprenant , :la multitude jk’émeut en aveugle , le crime des
mouvemens populaires ne tombe que sur celui qui les
cause.
‘ Oh mb -pardonnera sans doute cette courte réflexion;
( i ) ' J ’ëtt Vâppôrfê' une<atte&fofioïï
H
^oV ( j )
A 3
�IV
/
o
je n ’ai pu résister au plaisir de justifier mes concitoyens
des reproches injustes de nos voisins à la nation française^,
toujours magnanime et généreuse.
j,
J e passai toute la journée et une partie de-la nuit du
2 septembre chez la dame B e lleville, avec le citoyen
Contrastin , prêtre constitutionnel d ’Aurillac ; le lenr
demain, je me rendis dès lè matin chez le citoyen Pages,,
bourgeois, mon compatriote, qui habite Paris, rue Mauconseil, n ° . 50 : j ’y dînai avec une compagnie nombreuse;,
je partis deux jours après pour M elun, avec une commis^
sion de la commune de Paris, et du pouvoir exécutif,,
pour la levée des chevaux de lu x e , que l’assemblée
nationale avoit mis au pouvoir des ministres : ma commis
sion concernoit principalem ent les chevaux des émigrés;.,
je m’en acquittai- avec succès : les papiers publics du temps
vantèrent mon patriotisme, etmonzèle éclairé(1). Enfin,
je revins à Paris avec le projet de me retirer dans ma
famille, où j ’étoisappelé pour quelques affaires; d éjaj’avois
arrêté ma place à la diligence, pour le 12 novembre, ainsi
que je le prouve par la feuille des messageries , lorsque
je me présentai, dans les hureaux des ministres pour,
annoncer mon départ à ceux que je connoissois. Dans ce
temps, l ’armée manquoit. généralement de chevaux : il
étoit naturel, que les chevaux de luxe appartenans aux
émigrés,.fussent employés aussi utilement ; la levée n ’en
avoit pas été faite dans les départemens du C a n t a l, du
L o t h , de l ’Aveyxon.^du Puy-de-Dôme et de la Corrèze...
'*
"
1
■—
1
1
'
11
'
CO Voyez les annales patriotiques du 20septembre, n°,.a6^.
..............
�.
£> v\
(7 )
Orr me crut propre à donner des renseignemens, et m in e
à faire cette levée ; on me dit de passer aii; bureau' de la
guerre, où je recevrais des ordres i^mais , n ’ayant point
trouvé le chef du bureau à qui je devois m’adresser, je
me rendis chez le citoyen B ru n e, commissaire - général
du pouvoir exécutif ; je priai un de ses commis de me
dresser un projet de commission que je devois envoyer
au ministre du premier endroit , où je m’arrêterois ,
parce que la diligence devant partir le même soir, je ne
pouvois retarder mon départ sous aucun prétexte.
L e commis fit le projet; il prit dans le tiroir de son bureau
un cachet du citoyen Brune et l’adapta à ce projet; il me
remit ensuite le tout. J e ne peux pas être soupçonné sans
douted’avoircherchéàcontrefaire les ordres duministre.,ou
le cachetde la république : j ’avois déjà étépourvu de sembla
bles commissions ; je savois qu’elles étoient imprimées, et
celle dont il s’agit est une écriture privée ; je savois que les
véritables commissions sont munies d’un sceau sur lequel
est inscrit : République française > et sur le projet dont il
s’agit,, le sceau qui y a été adapté'porte : Commissairegénéral du pouvoir exécutif. On dit que la signature du
ministre Pache qui se trouve sur ce projet, n ’èst pas le
seing du citoyen Pache ; mais cette signature n’avoit été
mise a p p a rem m en t que pour que le projet fût figuratif;
d’ailleurs il est reconnu que l’écriture de ce projet, et du
seing du ministre , n’est pas la mienne ainsi on ne
peut me faire aucun reproche de l’avoir contrefaite.
J e partis avec ce projet dans ma poche : le plaisir de
me réunir à ce qiie j ’ai de plus c h er, me fît Bientôt
oublier pour quelques instans 3 et le projet de commission^
'
�et les ordres que j ’avois reçus : j ’arrive; màis voulant être
utile à la république, je m’informe à Clerm ont, s’il y a
beaucoup de chevaux de luxe qui appartiennent aux
émigrés dé cette v illè <;1j ’écrià-'ràu ; ministre pour' lui
apprendre1 mon arrrvéé ;''ët lui" dfemaridër'- de nouvéaux
ordres ; je crois pouvoir -m’ouvrir à quelques citoyens; sur
l ’objet de ma mission et de mes'Recherches. J e leur dis
que je-suis commissaire du ■pouvoir exécutif; mais là
preuve que: j e ne voiilois faire aiicun usage d e ;cë projét
de commission, c?ëst que jè^né'-I’ai pas présènté auxxorps
administratifs ; c’èst que je n’ai fait aucune levée , aucune
demande.
•„
*
,
* *j
' 1 [• OI. * ' Í*' '
''
U n jour oïl me conduisit avec affectation Háns l’éciirie
d ’une aubergé, pourm‘y faire vóir qiíátrb chJéVaüx superbes1^
qui appartenóíéñt, disoit-on, ’au’^itqy'én C haret, Amé
ricain , demeurant actuellement°én cette ville de Riom ,
chez la citoyenne . Deçhapte*
sá párente,' Sur une
fdflexio'ïi qui °ínwéchappa‘V que c$s|fch£vaú¿ seroient
plus utilement employés à traîner les charriots dè'i’armée
oii conçut quelques inquiétudes. Ón me'párlá du proprié-2
taire, comme d’un homme honnête et estimable ; on me
vanta l’amabilité et1 les ciiarmes de tsa,parente.; et peu de
' (i
üj
¡
in
,
Tours après on me du qu elle etoit instruite de mes
*• «i»
i :;n*irf «-i oA . .»tôt íji ir
- ir- • • - •
observations, et 'qu’elle .en çtoit alarmée.*
..
■■ :
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Í
115’ il'O ’ 'f
• il
’ .
J ’et oís alóte "sur le point db partir pour Aurïllac ;
d é jà 'j’avois fait mon marché pour m’y Faire conduire' ; je
vins à Riom ; je me présentai chèz la clame Dechaptes
•
: ‘jii - qx/.i
*vî,.?;ri
H
pour la, rassurer sur. ses craintes ; . je ne voulois donner
! ;ii
, *'-fb pjî.i »> u- r
- •su -i ¿.n
uonibraire a personne.; ae retour à Clermont , je.,tus
V; h
II.-- ’ iííiiint ZOUt l /Uî>
'»OJICJC
mande u la municipalité ; on m interrogea; je ne craignis
�<
■
9
-
y
pas de m’ouvrer,ayec confiance au conseil' de;Ia comirume ;
je dis que j ’étois commissaire du pouvoir exécutif ; que
cependant je ne faisois aucun usage des ordres quô
j ’avois reçus ; que je n ’ignorois: pas qu’un, décret de la
convention révoquoit toutes les commissions du pouvoir
exécutif ; que je ne in’étois permis aucune infraction à
cette lo i, et qu’on pouvoit être tranquille.
On me demanda si je comptois faire quelque séjour à
Clermont ; je répondis que j ’y étois encore pour deux pu
trois jo u rs, et tel étoit mon dessein : un -incident que
personne n ’ignore, me fit partir le lendemain ; ce ne fut
point un motif de crainte qui hâta mon départ ; j ’avois
l’intention de revenir peu de jours a p r è s p a r c e que
j ’attendois des ordres. J ’étois d’ailleurs maître de mes
actions , dès que je ne troublois pas, l ’ordre public. Quel
fut mon étonnement, lorsqu’arrivé à Aurillac, je me
vis arrêter en vertu d’un mandat d’amener du juge
de paix de Clermont, qui avoit pris la précaution d’en
envoyer plusieurs expéditions sur les routes circonvoisines ; on me conduisit comme un criminel dans les
prisons ; je fus placé dans un lieu, où la pluie et la neige
pénétroient jusqu’à mon lit. J e contractai une maladie
sérieuse dans un séjour aussi mal sain ; je crus que sans
blesser la ju stic e,.o n pouvoit soulager l’humanité souf
frante ; je fis parvenir ma réclamation aux magistrats
du peuple : des commissaires de la municipalité se trans
portèrent dans ma prison; e t , pour toute réponse , je
leur entendis dire ironiquement , qu’il falloit me faire
faire une cheminée la polonoise, et faire dresser un lit
de damas.
�( 10 )
Enfin , j ’ai été mis en état d ’accusation ; je suis pré
venu d ’avoir méchamment et a dessein Je nuire , présenté
à plusieurs personnes une pièce que je savois sciemment
être fausse , et d ’en avoir fait usage.
J ’ai été transféré dans la maison de justice de ce tri
bunal ; pendant le voyage , on m’a chargé de chaînes
pesantes , et serrées si fortement que j ’en ai été assez
grièvement blessé en plusieurs endroits ; je me ressens
encore de mes blessures.
Sont-ce là les précautions que recommande la loi pour
s’assurer des prévenus ? jé m’abstiens de toutes réflexions
sur un traitement aussi cruel ; je ne cherche point à atten
drir. Fort de mon innocence , je n’ai pas besoin d’em
p lo y e r cette ressource pour co n vain cre mes juges.
J e sais qu’on a fait entendre contre moi un nombre
prodigieux de témoins ; je me réserve de discuter leurs
dépositions, lors de l’instruction publique de mon procès;
j ’ose assurer d’avance que le résultat de toutes ces dépo
sitions ne donnoit pas lieu à un mandat d’amener contre
moi ; il n’est aucun témoin qui ait dit ou puisse dire que
j ’aie jamais fait usage de ce projet de commission ; que je
me sois permis de mettre ;\ contribution aucun citoyen ; '
j ’ajoute même que j ’en aie eu l’intention ; et quand je l’aurois eue , comment juger l’infention ? où est la loi qui la
punisse ? on n ’en trouvera point dans le code pénal ; il ne
peut pas en exister dans le code de l'humanité.
Ci toyens, l’em] loi dont je suis honoré , m’appelle au
service de la république : l’artillerie de la marine sur-tout
a besoin de gens experts dans cette partie. J ’ose dire que
�je serai utile à ma patrie par mes services; je n ’attends
que votre jugement pour voler à mon devoir , et je
l ’attends avec autant de sécurité que de confiance.
D
ubois
-L
A R I O M , D E L’ I M P R I M E R I E
am m artin ie
DE
.
LANDRIOT.
�
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[Factum. Dubois-Lamartinie, J. Justin. 1792?]
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Dubois-Lamartine
Subject
The topic of the resource
faux
prison
marins
contre-révolution
troubles publics
homicides
prêtres réfractaires
réquisition de chevaux
émigrés
témoins
opinion publique
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour J. Justin Dubois-Lamartinie, lieutenant-surnuméraire des troupes d'Artillerie de la Marine, accusé.
Table Godemel : Faux : 3. imputation d’avoir fait usage d’une fausse commission du pouvoir exécutif pour l’enlèvement de chevaux de luxe.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1792
1792
1789-1799 : Révolution
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
11 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1228
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Jussac (15083)
Aurillac (15014)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53186/BCU_Factums_G1228.jpg
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