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Text
PIECES JUSTIFICATIVES.
*
P
rocès-verbal
de M . le Ju g e de P a i x .
C e j o u r d ’ h u i , h u i t septembre mil h u it cent d i x-sept, sur les sept heures
du m atin,
nous,
A n t o in e - B e n o ît - h
T éo p h ile D u fa u r e -D e c itr e s ,
ju g e
d e paix du canton de M ontfaucon , d épartem ent de la H a u t e - L o i r e ,
d ’après l ’avis q u i nous a été d on né par M . l ’adjo in t à la mairie de
la co m m u n e de D u n iè res, portant que le sieur Jean C o u rb o n , fils a în é ,
d u lieu des M azets, de cette c o m m u n e , âgé d ’environ trente-sept ans,
venait d ’être trouvé mort tout près des bâtim en s d u sieur Jacques
M assardier, aubergiste audit Du n ières, avec prière de nous transporter
su r les lieux p o u r o rdonner ce q u e de droit ;
Nous étant transporté de suite, avec notre greffier,
vers le lieu
in d iq u é , avons rencontré la personne dudit Courbon dans une position
extraordinaire, ay ant la tête courbée sur la poitrin e , le bas d u corps
portant sur ses pieds, de manière à ne pas toucher terre, tellement
que tout le poids du corps portait sur le cou , la tète étant reployée ,
ce que la nature du terrein pourrait peut-être expliquer, ledit Courbon
étant tombé dans une espèce de fossé adhérant aux bâtimens du dit
Massardier, formant un quarré équilatéral d’ un diamètre d’environ
quatre pieds sur deux et demi de hauteur, N ’ayant à notre disposition
aucune personne de l’a rt, avons ordonné au nommé Duclos-Clocheron
de chercher à donner au corps dudit Courbon une position plus natu
relle , ce qu’il a fait sans aucun succès. L a figure, qui était courbée
contre terre, nous ayant paruc hideuse et décomposée, les membres
généralement roides ; cependant un rente de chaleur nous ayant donné
encore quelques espérances, on a cherché à réveiller ses sens à l'aide
d' eaux spiritueuses introduites par le nez et par la b o u ch e , et dont
la tête lui a été lavée, ce qui a été encore inu tile, ainsi que les autres
Soi ns
qu ont commandé sa malheureuse position.
Désespérant de le r a m e ner à la v ie , nous avons ordonné que son
corps serait déposé dans le clocher dudit Dunières, en attendant l’arrivée de M. le docteur Thomas , de Saint-D id ie r , appelé en remplace
ment de M. Bergeron, absent, q ui avait été pvévenu depuis euviron
i
�deux heurés, lequel étant survenu peu de moraens après,
nous a
rapporté q ue, d ’après l ’inspection du cadavre, et les reclierclies inté
rieures qu ’il a pu y faire, on doit croire que ledit Jean Courhon est
décédé de mort n aturelle, à la suite d’excès de v i n , ce qui a provoqué
une attaque
d ’apoplexie , qui
a été reconnue par l ’ouverture d u
cadavre, qui a présenté les sinus gorgés de sang, ce que l ’on verra
plus en détail dans le rapport écrit de M. le docteur.
.
Désirant cependant savoir si la v o ix publique était en concordance
avec la manière de voir de M . le d o c te u r , et si elle ne désignait per
sonne comme a u te u r , fauteur et complice de la fin malheureuse dudit
C o u r b o n , avons appris qu’elle disait que le décédé était généralement
aimé de tous ceux qui l’approcliaient, et que le malheureux état où il
avait été trouvé était la suite d ’ un ex cès de vin j où il s’était livré dans
le jour avec quelques a m is, ce qui nous a pani prouvé par l ’état d u
cad avre, qui a jeté du vin sur ses liabits, et qui d’ ailleurs était souvent
en état d’ ivresse.
F o u la n t cependant établir ju squ 'à l ’évidence,le genre de mort d u d it
C o u rb o n , avons fait comparaître devant nous Pierre Sellie r, chau
dronnier a m b u la n t, âgé d ’environ quarante-cinq ans , domicilié à
M arsenat, arrondissement de M u r â t , département du C a n ta l, lequel
nous a déclaré que cejourd’liu i, vers les cinq heures du m atin, sortant
de la grange de Massardier., d e D u n iè r e s , où il avait co u c h é , ses y e u x
avaient rencontré un homme qui lui avait paru dans une position
extraordinaire, co qui lui avait fait dire à Claude R o c h e , beau-frère
dudit Massardier : Cet homme est peut-être malade ; a p p e l o n s - l e ; "“co
q u ’ il avait fuit, en disant plusieurs fois : C a m a ra d e! cam arade! en
répétant ces mots d ’une voix très-forte; mais que ne r e c e v a n t aucune
réponse , ils avaient p e n s e qu ’ il é ta it m o r t . E t a n t r e n t r é d e suite dans
la maison de Massardier, il l ’avait engagé à en prévenir l’adjoint de
la comm une; que M. Digonnct, adjoint, étant arrivé, avait reconnu
ledit cadavre pour être celui de Jean Courbon, fils aîné, du lieu des
Mazets. Les signes de mort lui ayant paru évidens, ledit adjoint avait
ordonné (pie l ’individu ne fût pas to u ch é, et que le juge de paix fût
prévenu , pour ordonner ce que de droit.
D( :mandé audit Sellier s’il n’est pas porteur do papiers qui établissent
sa moralité, nous a répondu en nous présentant un passc-port eu
bonne forme.
�C3 )
A l u i dem andé s’ il n’ a e n te n d u crier n i gém ir dans la n u it , a
rép o n d u que non.
Demandé s’il a à sa connaissance quelque indice sur la cause de la
mort de l ’individu dont est question, a répondu que n o n , lequel a
affirmé par serment. Lecture à lui faite de sa déclaration , a dit icelle
contenir vérité , y persister, et a déclaré ne savoir sign er, de ce requis.
Avons aussi fait appeler les nommés Jean Duclos, cloclieron, Claude
Roche et Jacques Massardier, son gendre, le premier commis à la garde
du cadavre par M. l ’adjoint, et les seconds habitant la maison près
laquelle ledit Courbon a été trouvé, lesquels entendus se sont accordés
à dire ce qui est rapporté par le nonuné S e llie r, assurant, les uns et
les autres, que la inort dudit Courbott ne peut ¿Ire attribuée qu’à un
excès de vin, désignant Pierre Courbon, frère du décéd é, comme étant
la dernière personne qui l’ait approché vers les n e u f heures du soir de
la journée du sept septem bre, lequel avait fait des efforts inutiles pour
le ramener avec lui dans son domicile ;
A joutant encore que Courbon avait bu avec Mathieu T a v e m ie r ,
domicilié à J o n zie u x , envers lequel il s’était libéré de certaine s o m m e ,
et avait reçu dudit Tavcrnier son l>iïïet relatif à sa crean ce} qu il I avait
déchiré en présence de Louis Ilispal , de D u n ièrc s, et de Jacques
Galtând , de INIaletavernc ; qu’ il avait remis les morceaux dudit billet
dans sa p oche, que nous avons fait inutilement chercher par le sieur
D uclos, qui n ’a trouvé dans les habits du décédé qu’ un sac de toile
contenant trente-trois francs quatre-vingts centimes, un couteau et uno
c le f , que nous avons remis aux parens dudit Courbon.
Ces renseignemens nous ayant paru suffisamment prouver le genre
de m o r t , et notre zele à le constater, avons ordonné que le corps dudit
Courbon serait remis à sa famille , pour recevoir les honneurs de la
sépulture dus à sa m émoire, ayant été dans sa trop com te vie le soutien
des malheureux indigens, sur-tout dans l ’année calamiteuse d ’où nous
sortons.
Do tout quoi nous avons fait et clos le présent
p r o c è s - ve rb a l,
pour
Être envoyé à ]\J. le procureur du Iloi près le tribunal civil de première
instance séant {, Yssingeanx, que nous avons signé n toutes les pages,
avec le greffier de Dm iièrcs, les jour et an susdits. Signé Dui’iuBE
p e CiTHES , juge de paix , et IionMET, greffier,
�(4 )
R a p p o r t de M .. T h o m a s ,
médecin.
Nous soussigné, m é d e c i n , ha bita n t la v ille de S a in t-D id icr -la -S é a u v e ,
c h e f - lie u d e canton de l ’arrondissement d ’Y s s in g e a u x , en vertu d ’ un
réquisitoire en date de ce j o u r , d e M . le ju g e de paix d u canton do
M o n t f a u c o n , nous sommes transporté au h o u r g de D u u iè r e s , canton d e
M o n t f a u c o n , p o u r constater le genre de m ort d u sieur Jean C o u rb o n ,
des M azets , co m m u n e de Dunières.
A p rès nous être assuré de sa m o r t , avons procédé à l ’autopsie cada-'
vé riq u e. L a
surface externe nous a d ém on tré les caractères suivnns r
C o n stitu tio n a th létiq u e , épaules la r g e s , co u c o u r t , tête grosse ( causes
prédisposantes à l ’a p o p l e x i e ) , figure l i v i d e ,
vaisseaux de la t u n i q u e
a lh u g in ée , les d e u x y e u x injectés , lan gu e g o n f l é e , regorgem ent par ht
L o u c h e d ’ un m élan ge de liq u e u rs fermentées. N ’y ayant trouvé d ’autres
indices de m ort v i o l e n t e , avons fait l ’ ou v ertu re de diverses c a v it é s ,
1° de la tû te, d o n t les vaisseaux q u i abreu v en t son intérieur gorgés de'
S a n g , sans altération de la substance de l ’organe en céph aliqu e , ni epanch c m e n t ; 2° de la cavité t b o r a c h i q u e , d on t nous avons reco nn u le?
viscères dans l’état sain ; 3 ° la cavité p elvien n e o u abdom inale o u v e r t e ,
avons tro u vé Festomac co nten an t u n e assez grande qu antité de liq u e u rs
f e r m e n t é e s , sain d ’a ille u r s , ainsi qu e scs autres viscères y contenus.
D ’après l ’é n o u cé ci- d e s s u s , on d oit rapporter la m ort d u sujet à unef
a tta q u e d ’ a p o p le x i e , d o n t il était m enacé par sa forte c o n s titu tio n , et
d o n t l ’ intem pérance sans cesse répétée a été la cause efficiente,
en;
d éte rm in a n t au cerveau u ne plus' grande affluence de sa n g , ce q u i a;
p r o d u it à cet organe un colaps d on t s’ en est suivi la m ort.
E n foi de quoi nous avons dressé le p ré se n t, à D unières, le lniiC
septembre mil h uit cent dix-sept. Signé Thomas»
E
xtra it
du rapport à M . le Procureur du R oi.
M o n s i e u r , dans la jou rnée du h u i t septembre m il h u it cent <lix-scpt}
j ’ui constaté par un procès-verbal la m ort du sieur Jean C o u r b o n s
tro u vé sans vio vers le p o in t du jour d u h u i t , près la maison de Jacques
M a s s a r d i e r , aubergiste du b o u rg de D unières. C e l l e pièce a di\ vous
tra n q u illis e r sur le genre de m ort de cet in d ivid u ; et le rapport d u
d octeu r Thom as a sans d o u te ach evé d ’élo ig n er d e votre pensée tout
�(55
soupçon àem ort v io len te; c’était aussi, Monsieur, mon intime croyance
et celle de tout ce q ui ni?entoura dans le cours de cette malheureuse
journée : le «lire du chirurgien acheva d’éloigner tous les doutes de ma
conscience. Cette manière de voir était d’ailleurs justifiée par Fétat du
cad avre, qui ne présentait pas même une légère égratignure, et par
F état des •vêtemens nullement en désordre.
L ’ intérieur du corps, étudié avec soin, n’ ayant offert qu ’ un engor
gement vers les vaisseaux qui aboutissent au cerveau , tout concourut à
persuader que l ’excès du vin avait déterminé une attaque d ’apoplexie.
Ce fut le jugement général. U n e seule chose cependant embarrassait
et présentait quelques observations à faire : c ’était la position d u
cadavre, trouvé dans une attitude très-extraordinaire, n ’étant appuyé
que sur la n u q u e , les pieds et un genou. O n se demandait comment
était-il arrivé q u e , dans les angoisses de la m o r t , ce corps ne se fût pas
rapproché de la terre. O n croyait que la nature , en succom b ant, devait
laisser l ’ individu dans un tel état de déb ilité, qu’ il eût dû se jeter vers
la droite ou vers la gauche. On pensait que C ou rb on , venant du midi
et faisant la culbute dans la fosse oii il a été trouvé, devait heurter vers
le m ur opposé , et non a v o i r le corps tourné au sud. On devait s’attendre
aussi à voir sa tête mutilée par le m u r , et le chapeau éloigné de sa
p lace, et non sur la figure, qu ’il couvrait entièrement. Enfin on devait
croire que C o u r b o n , étant tombé du lieu où on a trouvé scs pieds,
devait avoir une partie du corps hors du creux où il était; mais ces
- réflexions s'effacèrent prom p tem ent, et on crut qu ’ il n’y avait rien de
tragique clans la mort de Jcau C o u rb on , et son corps fut livre à sa
famille.
. .
�MÉMOIRE MÉDICO-LÉGAL,
P ar A dolphe R I C H O N D ,
du P u y ( Ifa u te -L o ir e ), sous-aitic-major
à l ’hôpital militaire d ’instruction de Strasbourg, maintenant nommé
chirurgien à l ’hôpital du V a l- d e -G r â c e , à P a r is , _ex~élève intenta
des h ô p ita u x civils et de l ’école-pratique de la même v ille , sur le
genre de mort de J e a n C oo r b o n , de la commune de Dunières ,
département de la Haute-Loire.
Ce Mémoire
•
est
approu vé
,
t
i ° P a r M . E . FODER.E, professeur de médecine légale et de maladies
épidémiques à la fa c u lté de médecine de Strasbourg, membre de
l ’académ ie de m édecine, etc. etc. e t c .;
a° P a r M . C A I Z E F IG U E S , professeur de médecine légale à la fa c u lté
d e M o n t p e lli e r , e t c .
etc. ;
3 ° P a r M . C . C. IN'. M A R C , membre titulaire de F académie royale
de m édecine, médecin de S . A . S . M onseigneur le Duc d ’Orléans ,
membre du conseil de sa lu brité, directeur du secours a u x noyés
e t a sp h ixiés, médecin ju ré-exp ert près la Cour royale du département
de la Seine ;
4 8 E t enfin par M . J. A u g . L U C A S , membre titulaire de Vacadémie
royale de m édecine, chevalier des Ordres de -Saint-Michel et de la
Légion d ’h o n n eu r, premier médecin
de Son A . R .
M
adam e
,
Duchesse d 'A u g o u lê m e , inspecteur des e a u x minérales d e V ic h y ,
L ' a m o ü A «lu m e r v e i l l e u x , o n l e <l<-»ir <lc t r o u v e r d e s c o u p a b le s
n® fa it q n o t r o p
s o u v e n t v o i r «les faits e x tra o rd in a ire ® d a n s l e »
¿ « ¿ n c i n e i i s l e i p lu s s im p le s . C e p e n d a n t , ô v o u s , m ag istra ts c o m m it
p o u r la p r e m iè r e i m i r u c t i o n <Ut p r o c é d u r e s c r im in e lle » j e t v o u s ,
p i é d e c i n s , v o u s n e d e v e z pas i g n o r e r q u e l V s p r i l d e p r c v c u l i o i i
l i e n t u n o p r e m iè r e p la c e p a rm i le s fa ib le s s e s h u m a in e s !
F odsré.
A
p r
¿
s
avoir lu atlcntivcment les diflerenles pitaes relativos
1’aíTaire de C o u rb o n , ¡o n’ ai pas hesité á premlre la plutne,
a
bien
persuade <juc je defendáis ¡’¡n u g ecu ce, et <jue c ’était rendre un scrvico
�(7 )
aux juges, à l'humanité entière, que de faire ressortir dans cette cir
constance l ’énormité de l ’erreur que l ’on a commise en jugeant légè
rement de malheureux pères de famille. E n effet, le jugement qui a
été porté contre eux repose sur des hypothèses gratuites, qu ’ il me sera
facile de renverser, et qui n’auraient jamais dû servir de hase à la con
damnation des accusés. En procédure criminelle, il fa u t, pour pouvoir
condamner un individ u, qu’ il y ait un corps de délit bien manifeste,
et ce n ’est pas sur des probabilités, des demi-preuves, qu ’on s’expose à
flétrir et à rayer de la société des personnes innocentes. Je dis inno
centes; car il ne peut y avoir de coupables, dès qu’il est démontré qu ’ il
n ’y a pas eu de délit ; et c’est là le p o i n t q u ’il me sera facile de rendre
aussi clair que le jour.
D ’après le procès-verbal de M . le juge de paix de M o n tfa u co n , il
conste que Jean Courbon , âgé de trente-sept ans, fut trouvé mort ,
le 8 septembre 1817 , dans un fossé attenant aux bâtimens du sieur
Massardier ; que la position était t e l l e , que la tête était courbée sur
la p o itrin e , le bas du corps portant sur les pieds et un g e n o u , do
manière h ne p a s t o u c h e r t e r r e , t e l l e m e n t que le poids du c o r p s re
posait sur le cou. L a nature du terrein , y est-il d i t , pourrait p eutêtre expliquer celle position bizarre ; les babils étaient en bon ordre ,
la coiffure nullement dérangée, le chapeau placé sur la figure. I l existait
un état de roideur rem arqu ab le, et un reste de chaleur t e l , que des
soins furent prodigués au malheureux : du vin fut trouvé répandu sur
ses habits. L ’ enquête faite par M . le juge de p a i x , sur les habitudes et
les mœurs de C o u r b o n , lui apprit q u ’il était enclin à l ’ivrognerie, et
q u ’ il commettait presque journellement des excès de boissons alkooliqucs ; que d ’ailleurs il était fort aimé dans le p a y s , et n ’avait pas
d ’ennemis connus.
M . le docteur T h o m a s , appelé pour examiner le cadavre de Courbon,
dit que celui-ci était d ’ une constitution athlétique ; qu ’il avait les
épaules larges, le cou c o u r t, la tête grosse, la figure liv id e , les y e u x
injectes, la langue gonflée; qu ’ il y avait^un regorgement, par la bouche,
de liqueurs fermentóos : le corps ne présentait d ’uilleurs aucune traefl
de violence extérieure. L a lô te, ouverte, lui offrit les vaisseaux qui
abreuvent l’ intérieur du crime gorgés de sang, sans altération de l ’or
gane encéph alique, ni épanchcinent. L es organes contenus dans 1«
poitrine lui parurent très-sains; enfin•Tuuvcrlurc de la cavité abdc-
�(•>
minale ne luì fit trouver aucune altération. D ’après tous ces faits','
M. Thomas e n >c o n c lu t , avec beaucoup d é r a is o n , que Courbon était
mort apoplectique; et tous les phénomènes mentionnés dans son rapport
appartiennent réellement à celte affection.
O r , d ’après les faits énoncés dans les procès-verbaux, pouvait-il
ótre intente une accusation contre G a l la n d , Rispai et Tavernier? Lo
rapport du médecin ne devait-il pas être pris en sonsidéràlion ? Les
faits sur lesquels est basée la condamnation étaient-ils prouvés? Avait-on
fait exhumer le cadavre? Avait-on suivi le conseil de M. Bergeron , qui
dit qu’après trois mois il aurait pu encore reconnaître la luxation?
Telles sont les questions que l’on serait en droit de faire, et auxquelles
•
on ne pourrait pas répondre d ’ une manière satisfaisante...........
Mnis, puisque l’erreur a été commise, il importe de la rectifier, et
pour cela de prouver, i° que Courbon est mort apoplectique; 2° qu il
Il y a pas eu cle luxation; 3° qu ’eût-elle existé, elle ne prouvait pas un
m eurtre; 4° i 110 l a position n’avait rien de si extraordinaire, qu ’on no ,
puisse bien l'expliquer ; 5° enfin que la strangulation , la suffocation ne
peuvent avoir eu lieu.
•
*
• Après avoir démontré ces différentes propositions, il me semble qu ’ il
sera prouvé que la mort de Courbon a été naturelle, qu ’ il n ’y a eu
aucune violence extérieure, et que par conséquent les accusés sont
innocens.
’
i° Il sera démontré que Courbon est mort apoplectique, si on a
reconnu en lui toutes les causes prédisposantes à cette affection , el si
sur le cadavre on a trouvé toutes les lésions propres à la caractériser, et
rien autre que ces lésions. O r , le fait est te l, et il sera facile de s’en
convaincre, si on consulto les auteurs qui ont
écrit
sur celle maladie.
C'est ainsi q n H offm an , sJlbinus , P in o t, M. Fodere , P o r ta i, T u ilier ,
frin ito vi, et tousles auteurs le plus justement recommatiilnbles, placent
nu rang des causes prédisposantes, la constitution robuste, le cou court ,
les épaules larg es, le régime succulent, e t c . , et que tous insistent
principalement sur les excès dt\ boissons alcooliques. L ’ivrcss'e en effet
entretient l’engorgement des vaisseaux cérébraux; elle a été cornparéo
à un« demi-apoplexie ; et quand les individus qui se livrent à l'ivrognerio
sont en outre doués do la constitution qu ’on peut appeler apoplectique*
il est ordinaire qu’ ils finissimi leur carrière en succombant h cetlo
Maladie. O n pourra juger de l'importance qu ’on doit donner u l'examen
�(9)
des causés prédisposantes, en faisant attention aux soins qu'ont pris
L o u is, A m broise-P aré, Lancisi, e t c . , de les mentionner dans les rapporta
q u ’ils ont faits en justice , pour faire connaître le genre de mort auquel
avaient succombé des personnes qu ’on supposait assassinées. Les causea
dans lesquelles ils ont été consultés ont trop de rapport avec celle qui
nous occupe , pour que je ne les mentionne pas , et même n’ eu
transcrive des passages entiers.
Mais avant tou t, continuons l ’examen de Courbon. Son cadavre ne
présenta rien qui pût faire supposer une violence extérieure ; l'autopsie,
faite avec soin, ne fît reconnaître qu ’ une injection d e la fa c e et des
y e u x , un engorgement de la langue , un regorgement de liqueurs
ferm en tées, un engorgement des va issea u x céréb ra u x, et tous les
autres organes sains.
O r , toutes ces lésions sont réellement celles qu’ on doit rencontrer
ebez un apoplectique. Voici ce que dit à ce sujet l’auteur de l'article
niort, au Dictionnaire des Sciences médicales :
« De toutes les causes de mort subite, la plus fréquente e6t l ’apo« plexic. II est bien e s s e n t i e l tï’eii connaître les caractères, q u a n d ,
« appelé près d ’ un ca d a v re , on doit constater le genre de m ort a u q u e l
« il a'succom bé ; niais l ’apoplexie laisse après elle des traces évidentes,.
« On trouve souvent un épanchement sanguin dans le crd n e, ou b ie n
« un engorgement des v a isseaux qui s’y trouvent ; le visage est rouge (
v tum éfié, livide ; la langue est gonflée, les j e u x in jectés, la boucha
et écumeuse ou contournée ; la chaleur se conserve long-tems ». O r , ces
phénomènes prennent plus de consistance, quand la personue morte
jouissait de la constitution apoplectique.
,
M orgagny, dans son excellent ouvrage D e Causis ctSedibws morborum,
donne absolument les mêmes caractères. M . F o d é r é , Belloc et tous
les praticiens sont du même avis.
11 est facile de rem arqu er toute la parité qui existe entre les p h én o
m ènes observés ch ez C o u rb o n , et ceu x qu e tous les m édecins rapp ortent
a 1 apoplexie. A u c u n e éq u ivo q u e ne p e u t e x iste r , a u c u n d ou te ne d o it
rester dans 1 esprit ; et il faudrait être bien p r é v e n u , p o u r v o i r dans sa
m ort autre chose q u ’ iu,0 a p o p le x ie , occasionnée par l'in tcn ip éra n ce at
l ’ ivresse, et à laqu elle sa constitution l ’avait prédisposé. L a position
q u e la ch u te lui fit p r e n d r e , en em p ê ch a n t la l ib r e circu la tio n d u sang
venant de la l é t o , d u t e n c o r e
2
favo riser
sa stase dans les vaisseaux
�( 10 )
c é r é b r a u x , et toutes ces causés réunies firent éclater cette m aladie q u i
termina en p eu d ’ instaris sa vie.
Dans le rapport du m édecin , il n ’y avait aucun fait, aucune cir—
constance qui pût donner lieu à l ’instruction d ’ une procédure crimi
nelle ; et il me semble qu ’on ne peut et qu ’on ne doit jamais accuser
des individus de meurtre , avant d ’avoir trouvé au moins q uelque
lésion cadavérique qui puisse donner des soupçons et faire élever dca
doutes.
Mais rien ne prouve qu’ ils fussent ici fondés. A ucune marque do
violence extérieure n ’a été reconnue ; et il n’existait pas même la plus
légère ègratignure ( d i t M. le juge de paix). E t devait-on , dans un cas
aussi important, recourir à des suppositions, à des hypothèses gratuites T
à l’appui desquelles on n’apportait aucun fait? N o n , sans do u te; car
cût-il existe des ecchymoses, des meurtrissures, des plaies même, cela ne
suffisait pas p o u r faire n a îtr e l’ idée d ’ un meurtre , puisqu’il y a v a it des
faits suflîsans pour faire reconnaître l ’apoplexie.
L a lecture des causes célèbres, dans lesquelles Louis et Lancisi ont
rédigé des mémoires justificatifs des accusés, servira, je crois encore , à
¿claircir le fait qui nous occupe.
P
r e m ie r
E
xem ple
.
« C hassagn eux, de M ontbrison, fut un jour trouvé
ic mort dans un chemin public, la face tournée contre terre. Les premières
* personnes qui le virent le mirent sur le dos. L é chirurgien , appi lé
« pour constater son genre de m ort, trouva une plaie contusc sur le nez,
«< avec fracture des os propres, des ecchymoses sur le cou , sur les lombes»
* il trouva un engorgement considérable de la langue, et crut recou«i naître que la plaie du nez avait fourni beaucoup de sang. Satisfait de
« ces signes, il se dispensa d ’ ouvrir le crâne, et en conclut qu il y avait
« eu compression sur le c o u , et q u e , réunie à l'hémorragie occasionnée
« par la plaie, elle avait pu occasionner une mort violente.
n L a voix p ublique, qui appelle toujours une victim e, accusa le fils
* et la b e lle -fille , qui furent condamnés au supplice des parricides.
« Appel au parlement, qui ne vit pas l’allaiie aussi claire que les
« premiers juges, et posa au célèbre Louis les questions suivantes,
« savoir : i° si le rapport (lu médecin avait clé fait convenablement?
« a 0 si des f.iits itHMiliomiés ou pouvait tirer des inductions défavorables
« aux accusés? Le professeur Louis répondit qu'il était de toute nullité.
e L ’exposé des faits, dit cet lioimno illustre, établit que le sujet
�o
>
if était d’ une fo r te constitution; qu ’il était d a n s lc moment échauffé par
« l ’ivresse, et par un violent accès de colcre. Les vaisseaux cérébraux )
te d it- il, sont toujours fort dilatés chez les personnes.sujettes à l'ivresse
h
et à la colère ; ces deux causes avaient produit depuis long-teins.uno
a disposition habituelle, par laquelle, au moment de la c h u te , il sa
« sera fait un refoulement du sang dans les vaisseaux, d u c erveau , et
« leur crevasse par la commotion de ce viscère.
.
, •
;
« L ’ouverture du crâne aurait infailliblement fait reconnaître l’épan-i
« chemeut ou l'engorgement des vaisseaux
cérébraux ,
résultat do
k l'apoplexie. L e crime ne. se présume p a s , a jou te-t-il; il. faut q u ’iL
« soit prouvé; et le médecin , chargé du r a p p o r t , a été bien imprudent f
k p o u r n e pas dire co u p a b le , dans ses assertions hasardées..11 attribua
« la plaie à la ch u te, et les ecchymose»à l’apoplexie ou à une exaltation,
cc sanguine, faite sur le cad a vre, comme cela arrive fré q u e m m e n t« .
Les accusés furent mis en liberté.
I l est facile de remarquer combien cette cause est analogue à celle
qui nous .occupe. Elles diffèrent pourtant l’ une de l’autre, en ce q u e ,
dans la première, il pouvait y avoir des soupçons bases sur les lésions
cadavériques, tandis q u e , dans la dernière, il n ’aurait jamais dû s’en
élever.
Dkuxikme E x c u r t n . rc L a veuve M ontJ)ailly, de Saint-Om er, âgée
« de soixante a n s , d’ un embonpoint extraordinaire, fort adonnée a u x
« liqueurs fortes, avec lesquelles elle s’enivrait journellem ent, fut un
« jour trouvée morte dans sa cham bre, sur un coflrc à angles aigus. L e
« chirurgien appelé observa des ecchymoses au bras droit, au bras gauche,
« à lu poitrine, a la.gorge ; une plaie au-dessous du sourcil : les parties,
a internes furent trouvées dans l’état sain. Il en conclut que la dnmc
« Montbailly avait reçu des cou p s, et était morte d'hémorragie. Son filsi
« et sa belie-fille, accusés d ’assassinat, furent condamnés au supplice
« <le la roue. L e premier subit sa peine; et on ne sursit à l’exécution
« de la deuxième sentence, quo vu la grossesse de la lielle-fille. Pendant
« ce letns-là, nppel fut fuiI au parlement, et le procès fut révisé. L o u is ,
a consulte sur co suj0i f répondit que le rapport <lu médecin était do
i< toute nullité. Il so récria avec raison de ce que le chirurgien n’avait
« pas fait moution , dans son rapport, de la constitution , des habitudes
« de la personne supposée assassinée (chose e ssentielle); c ar, «lit-il,
ff ccltc personne était adonnec ou vin j et a pu mourir dans un état
�( » )
*
d ’ivrésse a ctu e lle , ou dans un état d ’apoplexie, dont l ’habitude d é
« s’ enivrer est reconnue comme une des causes les plus fréquentes ». I l
attribua la plaie à la chute faite sur le coffre, les ecchymoses a l ’apo*
p le x ie ; e t , eu égard à sa décision, la mémoire de Montbailly fut
réhabilitée ; mais , hélas I le crime était consommé !.......,
O n voit ici qu’ il y avait
des lésions propres à faire naître des
soupçons , et que l ’on n’avait pas trouvé le principal caractère de
l ’apoplexie : l ’engorgement
des vaisseaux cérébraux.
jugement fut cassé.
T
r o is iè m e
E
xem ple
Cependant le
7
« Morgagny rapporte l ’exemple d’ un liommo
.
rc âgé de cinquante-cinq ans , q u i , reconduit dans un état d’ivresse, le
k soir du 16 janvier
, fut trouvé le surlendemain mort dans la
« ruelle de son lit. Ce savant professeur en fil la dissection , et trouva
« les vaisseaux de la pie-mère ( enveloppe du cerveau ) et le plexus
« choroiûe excessivement gorgés. C e t h o m m e , q u i s’ en iv ra it souvent r
fc d it- il, d e v a it a vo ir le s v a is s e a u x de l ’intérieur du crd n o tr è s -d ila té s }
« ce qui est, ajo u te -t-il, une disposition à l ’a p o p lexie, à laquelle il a
« succom bé,»
Q
u a t r iè m e
'
E
xem ple
,
,
a Lancisi parle d ’ un homme replet, adonné
« au vin , qui mourut subitement; et il n’omet pas de parler, dans son
<t rapport, ni de l’obésité, ni du penchant à l ’ivrognerie du s u je t,
« q u ’il dit être elle-môme un commencement d ’apoplexie. »
Je pourrais citer encore bien des exemples, qui pourraient fairô
ressortir davantage l’évidence du genre de mort auquel a succombé
Courbon ; mais il paraît que la chose doit ôtre maintenant bien claire
et je crois pouvoir in’abstenir de nouvelles citations.
Je crois donc pouvoir conclure ( e n sûreté de conscience), de tousles faits (pie j’ai rapportés et rapprochés entr’e u x , i° que Courbon
réunissait toutes les causes prédisposantes à l’apoplexie; 20 qu’ il y a
réellement succombé ; 3 ° enfin que l’accusation intentée contre T a v e r nier, et autres, n’est basée sur lieu de positif, sur rien qui puiisa
soutenir l’examen le plus léger.
Mais comme jo ne veux laisser aucun doute sur l ’affaire dont il
s’ a git, que je veux prévenir toutes les suppositions qu’on pourrait faire,
jo vais examiner successivement la position de C ourb on, et les genre*
Je mort violente auxqueU il pourrait avoir succombé.
1° La position de Courbon , ù laquelle on parait avoir attaché beau-*
�C ’
3 )
feoup d ’importance, et qui paraît seule avoir donné lieu à des soupçons
d ’assassinat, ne méritait pas la moindre attention. E n effet, q U’y a-t-il
de si extraordinaire, que cet homme iv r e , chancelant, revenant p eutêtre sur ses pas, se soit précipité tète première dans ce fossé? L a tête
se trouvant la partie la plus déclive , l ’engorgement des vaisseaux céré
b r a u x , déjà occasionné par l ’ivresse, a etc augm enté, et l ’apoplexie
s’en est suivie...........
A u moment de l ’accident, Courbon dut tenter de se relever; mais
comme la tête était pour ainsi dire enclavée , qu’ elle portait contre le
parois opposé du fossé, l ’effort dut se propager aux extrémités. O r ,
comme l ’a démontré le professeur Richerand , les muscles fléchisseurs
étant plus nombreux et plus forts que les extenseurs, la contraction dut
occasionner la flexion des g e n o u x , leur rapprochement du t r o n c , qui
ainsi sera resté en l ’air. T elle est l ’explication bien naturelle et bien
simple de ce qui dut se passer dans ce moment fatal. L a mort survenant
au moment où les muscles étaient en contraction , le corps conserva la
position qu’ il avait au moment où l ’apoplexie se manifesta, et l’équilibrç
l u t conservé.
L a mort par apoplexie, loin de s’accompagner de convulsions , d ’agi
tations, comme le suppose M. le juge de p a ix , est extrêmement tran
quille ; elle s’opère sans douleurs et sans mouvemens. O n ne doit pas
^rouver extraordinaire que le cadavre ne soit pas tombé d’un côté ou
d ’un autre. î ie connaît-on pas, en effet, toutes les positions bizarres
que prennent les ivrognes dans les chutes qu ’ils f o n t , et qui occasionnent
souvent leur mort? De ce qu’ un fait est inexplicable, doit-on l'attribuer
à une cause non naturelle? N o n , sans doute. L ’expérience démontre
tous les jours que les phénomènes vitaux, sont susceptibles d ’ un grand
nombre de variations extraordinaires*
Mais je vais plus loin ; je crois que c’ est précisément parce que la
position de Courbon était b iza r r e , parce que son corps ne s’est pas
ttiïiiisiic, qu’on devait en conclure q u ’il n'y avait pas eu luxation. Ërç
ellet » la luxation de la colonne vertébrale occasionne la compression oi\
l'altération do ln moelle épinière. O r , comme l e s membres, le tronc, etc.,
reçoivent leurs n erfs tic celle partie, il doit en résulter imlispensablem enl suspension des fo n d io n s , et paralysie complète des membres; mais
si cela eût élé , les muscles ne pouvant se contracter, le corps n’eût jms
p u être ainsi soutenu ; île lo u lç niccssilc il {c u r n il iucliuv d ’mi cOté
�ou d'u n autre ; et par conséquent ces phénomènes m an q u a n t, l ’idé«
de luxation devrait nécessairement s’évanouir. Mais je reviendrai encore
sur cet article. Il serait l)ien plus difficile , je crois , de concevoir qu ’ un
cadavre, obéissant à l’impulsion communiquée, pût prendre et conserver
une position semblable : il est encore plus déraisonnable de supposer
que des assassins la lui aient donnée après-la mort. En effet, des meur
triers, à supposer q u ’ils conservassent assez de sang-froid pour recourir
à une pareille r u s e , se seraient bien gardés de rester si long-tems près
de leur victime , dans le voisinage d’ une habitation. D ’ailleu rs, eu
supposant qu ’ ils eussent été assez raffinés dans le crim e, quelle aurait
pu être leur intention, sinon de faire croire à une mort naturelle?
Mais n’est-il pas évident que la position de C o u r b o n , à raison de sa
bizarrerie, devait éveiller l ’attention des magistrats? IN’étail-il pas plus
simplo do l ’étendre tout de son long sur la voie p ublique? ]Vaurait-on
pas cru plus faciloinment à une mort naturçllc? D ’ailleurs, le bon état
des vétemens , de la coiffure de Courbon , tout concourt à prouver qu ’il
s’est précipité de lui-m ém e dans le fossé, et qu ’il y est mort.
Q ue nous reste-t-il donc maintenant à faire , pour mettre au joue
toute la vérité ?
D é m o n trer q u ’ il no p e u t pas y avoir eu luxatio n , strangulation ni
suffocation.
i° L a luxation de la colonne vertébrale parait être le genre de mort
auquel on suppose que Courbon a succombé ; mais sur quoi repose cette
supposition? L ’a -t-o n trouvée sur le cadavre? a -t-o n fait exhumer lo
corps? avait-on enfin quelque fait qui pût y faire croire? K on : l’idée do
luxation était une pure hypothèse; et c ’est sur un fait semblable qu ’est
bâtie une condamnation !.......
Mais eut-elle clé démontrée, M. lo médecin l ’eût-il parfaitement
fcc o n n u c , eût-elle été accompagnée de toutes les lésions propres à cctto
affection , je dis et je démontrerai q u ’on ne pouvait en tirer aucune
induction défavorable aux accusés.
PiinMiKnr. Q
u estio n.
L a l u x a t i o n d e la c o l o n n e v e r t é b r a l e e x i s t a i t - e l l e ?
Non. L ’ union des pièces osseuses qui composent cette colonne est
tcllcmont fortifiée« par des ligamens solides, que leur déplacement exigo
des efforts, destructions considérables, sur-tout pour la produire par
la (lésion de la tôle. O r , comment supposer q u e , pendant que lo
malheureux Courbon luttait avec ses m eurtriers, ou du moins qu ’ U
�c Ï5 )
faisait des efforts pour résistera leur vio lence, il n’ ait éprouvé aucun
désordre dans ses vêtem ens, dans sa coiffure ? C om m ent son cliapeau
n'a-t-il pas été éloigné? Ses cris n’ auraient-ils pas été entendus des
personnes qui couchaient dansila grange voisine? Des assassins eussent-ils
choisi un pareil lieu pour la scène tragique?
Mais supposons que la luxation ait pu être opérée sans b ru it et sans
désordre, dans quel sens aurait-elle été produite ? E n a v a n t, puisque
la tète était fléchie sur la poitrine? mais cette luxation est des plus rares;
elle ne se remarque guère que sur les jeunes enfans; elle ne peut s’opérer
que par le déchirement ou le relâchement des ligamens odontoïdiens ;
e t , dans ce c a s , la t ê t e , loin de rester fléchie et de ne pouvoir pas être'
ramenée à sa rectitude naturelle, peut de plus être portée fortement
en arrière, comme le prouvent les observations d'A n to in e P etit eC
Bohn. L a luxation , dans ce sens, n’existait donc pas ;
2° C e lle par d ép lace m e n t des apophyses a rticu la ires, et q u i s’ o p è r e
p lu s aisément par un m o u v em en t d e t o r s io n , n ’«xistait pas encore. E n
e ffe t, ici la tête est in clin é e d u côté opposé à la lu x a t io n , et ne p e u t “
pas être ramen<5©à sa rootîtndo n a t u r e l l e , tandis q u e chez C o u r b o n lit
tête était directem en t fléchie sur la p o itrine ;
3 ° Enfin la luxation de la colonne vertébrale, quelle qu ’elle f u t , no
pouvait pas exister; car, dans ce c a s , il y aurait eu affaissement, renver
sement du corps , pour les raisons que j ’ai déjà données ; e t , d’ailleurs,
comme la circulation et les autres fonctions sont instantanément sus
pendues, il en résulte « que le cadavre présente line pâleur remarquable ;
« qu ’il n’y a pas de bouffissure; que la face ni les membres ne sont in« jectés, et que l’engorgement cérébral ne se remarque pas ». (Fod ûré).
( J e ne partage pas l ’opinion de M. Bergeron, qui dit que la luxation
peut avoir lieu avec les phénomènes de l ’apoplexie ).
O r , chez C ou rb on , il y avait engorgement des vaisseaux cérébraux,
bouflissure, injection de la face, état de contraction des muscles; doue
il u est pas mort par suite d'une luxation.
S i , contro les expériences de Legallois, su rira principes de la v i e ,
on veut supposer
i c cœur , recevant «les nerfs du cerveau , peut se
contracter, tandis (j«e les autres fonctions sont anéanties, il devrait en
résulter engorgement dos vaisseaux du p ou m on , et dus cavités droites
du cccur ; et on voit que Coin bon n’a pas présenté cet engorgement ;
• 4 ° Mais C ourb on’ fût-il réellement çiort par suite de la luxation d»
�la colonne Vertébrale ( c e que j ’ai prouvé n’élrc p a s ) , je dis qu’on nô
pourrait en tirer aucune induction contre les accusés.
E u effet, d’ une p a r t , nous avons vu les difficultés qu’ il y avait à
opérer ces luxations par des efforts, e t , de l ’autre , nous allons voir qua
les chutes, les culbutes en sont les causes plus fréquentes. « M . D e lp ech ,>
te dans ses Œ u v r e s Chirurgicales , dit que la luxation dont il s’agit peut
fc quelquefois être le résultat de tractions, de torsions considérables ,*
« mais que de toutes les causes, les plus fréquentes étaient les chutes
« sur la n u q u e , la culbute. »
M . Fodérc , ce célèbre médecin légiste, d i t , en parlant de la manière
dont on doit faire les autopsies, « qu ’ il faut bien faire attention aux
« plaies, aux contusions, aux luxations de la colonne vertébrale ; car
« ces accidens, d i t - i l , ne peuvent pas toujours être considérés comme
« une preuve d ’a tten ta t, vu qu ’ils succèdent souvent à la chute *
et résultat d ’ u n e apoplexie. »
A in s i, l ’on voit qu ’à supposer que la luxation eût été démontrée
elle ne prouvait r ie n , puisque Courbon pouvait^se l ’être occasionnéo
par sa chute ; mais elle n ’existait p a s , comme je l’ai démontré ; et
certainement M . Thomas parait être trop bon observateur, pour avoic
laissé échapper une semblable altération , si elle eut existé. A in s i , on
ne pouvait rien conclure , d ’après l ’idée de luxation ; e t , eût-<elle existé,
qn ne pouvait pas condamner les accusés.
Passons maintenant à la question relative à la strangulation.
D
e u x iè m e
Q
u e s t io n
.
L a strangulation peut-elle avoir lieu , sans qu ’ij
en reste des traces extérieures, et sans que les lésions cadavériques
puissent en faire connaître l ’existence? T e lle est la question que je mo
suis proposé de résoudre , et à laquelle je réponds par la négative.
Il est impossible , dit M. le professeur F o d éré, q u e la vie soit enlevée,
Sans qu’ une violence extérieure, exercée par les innins ou des lacs , no
laisse des traces d ’ecchymoses et de lésions profondes. L a partie sur laquelle
la violence a été exercée se présente vio le tte , rouge ; il y a une dépres
sion considérable, correspondant au corps comprimant; la peau e st,
comme l’observe A m b v oisc-P a rè, rid ée, excoriée. O r ,
là-o ù on 110
trouve aucune lésion extérieure, on ne peut pas supposer existence do
s t r a n g u la t i o n . Mais outre ces phénomènes lo ca u x, il est îles caractères
de lésions internes,
fo u t reconnaître ce g e n r e do in o r t, ou plutôt
«jui füitiGent les soupçons que peuvent faire naître les ecchymoses pu
�(
J7
)
dépression du cou. Ces phénomènes sont la couleur bleuâtre de la faCc/
les lèvres, les yeu x livides, la teinte violàcce de la peau , mais princi
palement l’engorgement considérable
des
vaisseaux pulmonaires et
cérébraux.
v Les poumons so n t, clans ce cas, dit M. F o d é r é , gorgés de sang
« livide ; le poumon droit sur-tout en regorge; les cellules pulmonaires
« sont distendues. »
« Ambroise-Paré d i t , à ce sujet, q u e, si l'etranglement a lieu pen
te dant la v ie , la tête et la poitrine sont remplies de sang. »
Littre rapporte, dans les Mémoires de l ’Académie des Sciences, en
qu’ une fem m e,
qui fut étranglée par deux liommes qui lu i
serrèrent la gorge avec les mains, présenta à l ’autopsie les poumons
extrêmement distendus par l’a ir, et la membrane qui les enveloppe
gorgée de sang.
Il est bien évident que si Courbon avait succombé à ce genre dé
m o r t , on aurait trouvé un engorgement considérable des vaisseaux
pulmonaires , des impressions sur le cou , des ecchymoses , etc. O r , tout
ceci n’a pas etc* rencontré ; donc on ne peut pas raisonnablement supposer
q u ’ il ait clé étranglé ou pendu (car les phénomènes sont les mêmes dans
les deux cas).
E n rédigeant cet article , je ne puis m’empêclicr de blâmer les sugges
tions que fait un médecin au substitut du procureur du Roi. Courbon
ne p u t - il pas, d i t - il , être suffoqué p a r u n mouchoir ou autre corpâ
tenu long-tcms sur la bouche et sur le nez? Ce médecin n’ ignorait p a s,
sans d o u te , qu’ un homme de loi est trop étranger aux phénomènes do
la vie , pour pouvoir apprecier les diflerenccs que l’ on doit trouver dans
tel ou tel genre de mort. Il devait bien savoir lui-même ,
que les
caractères de l'apoplexie ne sont pas du tout semblables à ceux de la
luxation , de la strangulation ou de la suffocation ; et , s’ il eut fait
attention au rapport de M. T h o m as, il aurait vu qu ’ il n’y avait rien
qui piU s’ollier à l’idée de suffocation ou de strangulation.
M a i s passons h la d e r n i è r e s u p p o s i ti o n q u e l ’ on p o u r r a i t faire ,
c ’ es t - a - d irc , a c e llo r c l a t i v o à u n e s u f fo c a tio n p r o d u i t e p a r u u c o r p s
m a i n t e n u su r la b o u c h e et su r le n e z.
L ’état du cadavre de C o u r b o n , les phénomènes q u ’ il a p r é s e n t é s ,
p e uvent-ils, en quelque m anière, être alliés à l’ idée de suffocation?
l'io n , sans doute. Ce genre de moit e u tra iu e , duus l’état des organes
3
�(
>8
)
intérieurs, <ïes changemcns si remarquables, qu ’il est impossible de s 'f
méprendre. E n effet, ici l ’engorgement des vaisseaux du poumon est
extrêmement remarquable; les cavités droites du cœur sont gorgées de
sang ; les vaisseaux arrosant les viscères abdominaux sont eux-mêmes;
distendus; les vaisseaux cérébraux sont le plus ordinairement, engorges ;
cependant ils ne le sont pas toujours, comme l’a démontré D chue.
« Dans l ’asphysie, dit B ello c, médecin légiste , on trouve les vaisseaux
« cérébraux et pulmonaires engorgés de sang; la teinte générale est
« liv id e , etc. ; enfin on observe presque tous les phénomènes propres
« à la strangulation (les locaux exceptés). »
O r , à l ’autopsie de C o u r b o n , 011 n’a remarqué aucun engorgement
du p ou m on , du cœur ou des vaisseaux abdominaux; doue il n’est pas
mort suffoque.
Il me semble incontestablement p rouvé, i° que Courbon a succomba
a 1 a p o p l e x i e , à l a q u e l l e sa c o n s t i t u t i o n et ses h a b i t u d e s l ’a va ient p r é
disposé; 2° que la p >sition d u c a t la v ie 11’ é t a it pas i n e x p l i c a b l e . et n(l
devait pas faire présumer un crim e; 3 ° qu ’ il n’a éprouvé ni l u x a t i o n , ,
ni strangulation , ni suffocation ; 4° que par conséquent il n ’y a pas eu
de d é l i t , et qu’ il n’y a pas de coupables.
Puissent les ju g e s , sous les yeu x desquels ce mémoire doit être placéj
partager la conviction intime que j ’a i , qu ’il n ’y a pas eu de d é l i t , et
rendre à leurs familles des m alheureux, victimes d ’ une erreur judi
ciaire !
’
Fait par nous soussigné, Adolphe Richond , du P u y ( lla u l c - L o i r e ) ,
sous-aidc-major à l’hôpital militaire d ’ instruction de Strasbourg.
A Strasbourg, le i 5 uovembre 1820.
Signii A .
R
ic h o n d
.
V u pour la légalisation de la signature «le M. Richond, chirurgien
sous-aide à l ’hôpital militaire de Strasbourg. L e sous-intendant militaire,,
«igné Siot'jiLi'W.
I.r. professeur, soussigné, de médecine légale et des maladies épidé
m iques, à la faculté de médecine de Strasbourg, après avoir pris
c o n n a is sa n c e ,iu Mémoire ci-dessus, en approuve en entier le contenu ;
e t , après avoir examiné les procès-verbaux de MM. 1« j"g e de paix et le
médecin , relalils à l étal où ils onl trouvé le corps de Courbon , il estime
�pa re illem en t q u e c e lu i-c i est m ort a p o p le c t i q u e , et q u ’ il n 'y a a u c u n e
raison pour recourir à une autre cause.
Strasbourg,, le 19 novembre 1820.
Signe F , E . F o d l r é .
V u à la mairie de la ville de S tras b o u rg , p o u r légalisation de la
signature de M . E . F o d é r é , apposée d ’ autre part.
A S tr a s b o u r g , le 20 novem bre 1820, Signe T lacii , adjoint.
V u p o u r légalisation de la signature de M . F l a c l i , adjoint du maire
de la ville de Strasbourg. A S tr a s b o u r g , le 20 n o vem b re 1820. P o u r le
p r é f e t , le secrétaire général d élégu é , signé V i l d e r u e l t .
C
onsultation
de M .
C aizeu gu es.
L e so u ssign é, professeur de m édecine légale à la fa culté de médecinô
d e M o n tp e llie r , a pris une connaissance approfondie des
diverses
pièces
précil élis ; il a m û rem en t réfléchi sur toutes 1rs circonstances qui Oilt
précéd é la mort de C o u rb o n ; il a sur-tout pris en considération l’état
et la position dans lesquels le cadavre a été trouvé ; il a lu avec la plus
grande attention le M ém oire de M . A d o lp h e R ich o n d ; il a analisé ,
avec l’exactitude la plus sc ru p u le u se , tous les faits qui y sont exposés
avec autant de m éthode qu e de précision , ainsi q u e les motifs q u i
a p p u ye n t le jugem ent qu e M . R ic lio n d a émis sur le genre de m ort
du nommé C o u rb o n .
D ’après toutes ces co nsidératio ns, le soussigné
estime
:
Q u e îles preuves m u ltipliées autorisent à reconnaître q u e le nom m é
C >nrbon a succom bé à une m ort natu relle d éte rm in ée par une nttaqun
d ’.ip o p lex ie, occasionnée ellc-in èm e par un excès eu liqueurs spiritueiisf>$, et q u ’ il n’ existe a ucun in d ice qui puisse porter à attrib ue r
ce lle mort à des violences extérieures.
L e sous,i{rm'. sc permettra d 'a jo u ter aux preuves q u ’ 011 a d éjà établies
de l’apoplovii) vineuse chez C o u rb o n , celles q u ’on peut tirer de l’état
de contraction ou d«> rigidité q u 'o n t oil'cil les membres du c a d a v r e , qu f
co iuervait encore un reste de c h a le u r , d ’après le p ro c ès-veib a l de M. lo
ju g e de paix.
Ou lil dans ce procès-verbal, cju’ on a tcaté saus succès de douncr au
�1
{ ‘c
(..)
corps de CourLon une position plus naturelle ( q u e celle qu’il avait dans
sa cliutc ) ; que les membres étaient généralement roides..............
Il est reconnu, en effet, que dans l ’apoplexie qui est la suite de
l ’ivresse, les membres sont affectés d’un état de roideur convulsive. Ce
sym p tôm e, l ’état convulsif, qui est propre à cette espèce d’apoplexie ,
est parfaitement décrit dans cet aphorisme du père de la médecine, q u i
dit :
S i q ui s e x ebrielate voce prive tu r , coiwulsus moritur................
Ai'ii. v , sect. 5 .
O n sait que la perte de la v o i x , ou l ’a p h o n ie , est une expression'
synonime d’apoplexie, dans les Œ u v r e s d’ IIippoerate.
O n sait aussi, et une observation constante nous l ’a appris, que les
muscles conservent de la rigidité à la suite des morts subites et con
vulsives.
V o y e z les T lp ist. a n a t. m e d . d e M o r g a g n y .
O n peut donc assurer que'la rigidité des membres, qu’on a observée'
dans le cadavre de C o u r b o n , rigidité qui peut rendre raison de la
situation singulière de ce c o rp s, doit servir à corroborer les preuves de
la mort par apoplexie vineuse, et à éloigner toute idée de luxation des
vertèbres cervicales. Cette luxation , que l ’on a supposée sans aucun
indice qui pût en justifier le moindre soupçon, loin d ’amener la rigidité
et l’état de contraction des m uscles, détermine nécessairement un état
tout opposé dans ces organes, c’ est-à-dire le relâchement et la paralysie.
Ce (ju’on pourrait objecter de l’état d ’crection de la verge, qu’on a.
remarqué chez les pendus et chez les individus qui ont r e ç u une lésion
insolite et subite de la moelle épinière , ne saurait infirmer notre
assertion, fondée sur l’expérience, puisqu'on même tems qu’ il se ma
nifeste un état spasinodiquc des organes génitaux cliez les sujets qui
éprouvent de fortes compressions ou autres lésions de la moelle de
l ’é p in e , il existe un relâchement paralytique des muscles et des autres
parties situés au-dessous de l’endroit de la moelle épinière, qui reçut
la lésion.
Consultez, sur ce phénomène, M arcellus D onalu s, Pechlin, Iluiscli j
Rain.iz7.iui, l’acch ioni, Sam. Musgravc , etc.
Délibéré à M ontpellier, le i 5 février 1821.
CAIZEnCVES.
�C o n s u l t a t io n s
et
C.
de
C.
M M .
II.
J.
A u g.
Lucas
M arc.
J. Atig. L tjc a s , membre titulaire de l’académie royale de médecine y
clievalier des Ordres de Saint-Micliel et de la L é gio n d ’iio n n e u r ,
premier médecin de S. A . R .
M
adam e
, duclicsse d A n g o u le m e , ins
pecteur des eaux de V icliy ;
E t C. C. H. M a k c , membre titulaire de l ’académie royale de méde
c i n e , médecin ordinaire de S. A . S. Monseigneur le duc d ’OiiLLANs,'
membre du conseil de salubrité, directeur des secours aux noyés et
asphyxiés, médecin juré-expert près la Cour royale du département de
la S e i n e ,
A
vons
e x a m in é
Av e c
i .a
n/us
g ran de
a t t e n t io n
,
i° U n e copie d u
procès-verbal dressé, le 8 septembre 1 8 1 7 , par M . le juge de paix du
canton de Montfaucon, département de la Ilau te-L oire, constatant l ’état
dans lequel on a trouvé le cadavre du nommé Courbon, que l’on a
p r é t e n d u a v o i r é t é assassiné ;
2 0 (Jne copie du rapport du médecin qui a été chargé d’examiner
le cadavre ;
3° U11 dessin représentant l ’attitude dans laquelle on a trouvé 1q
cadavre de C ourb on, dessin exécuté par ordre de l ’autorité judiciaire ;
4 ° U n e notice sur ce qui a suivi la condamnation des nommés
G alla n d , Rispal et Tavernicr ;
5° Enfin une copie d ’ iiu mémoire m édico-légal, concernant celle
affaire, rédigé par M. l l i c h o n d , sous-aidc-major à l ’hôpital militaire
d ’ instruction de Strasbourg, et approuvé par M. F o d é r é , professeur
d e médecine légale a Strasbourg.
C ’est sur ces matériaux, que M. M o n te llic r , avoué-licencié prés lo
tribunal de première instance séant au l*u y ,
ancien défenseur à la
C o u r ciimiiielly du département «le la Ila u le-L o ire , désire que les
médecins soussignés fondent leur o p inion, et déterm inent,
i° Si la mort du nommé Courbon a été naturelle , ou s'il y a eu
homicide ;
20 Quel a été le genre do mort du nommé C ourbon?
L es médecins soussignés se seraient livrés à une discussion détaillée
et approfondie des faits de leur com pétence, dont sc compose c e tu
�'(
22
)
malheureuse affaire, si ce travail n’avait déjà été exécuté avec un véri
table talent, et sur-tout avec beaucoup de clarté, par M. Richond,
E n effet, ils ne peuvent rien ajouter à ce qu ’a dit ce jeune m édecin,
qui a épuisé les argutnens les plus incontestables pour faire valoir son
opinion; ils sc borneront en conséquence à établir la leur d ’une manière
plus sommaire sur ces mômes argum ens, dont ils essaieront de faire
ressortir les plus saillans.
L a cause dont il s’ agit leur présente, avant to u t, une particularité
dont les annales de notre jurisprudence criminelle n’ offrent peut-être
p a s, jusqu’à ce j o u r , un second exemple : c’est l ’absence de tout corps
de délit.
Les causes criminelles où une accusation érronée d ’homicide a été
accueillie, et quelquefois même confirmée p a r le s tribunaux, ne sont
malheureusement pas rares ; mais dans toutes les causes, l ’opinion
matérielle des j u g e s ¿ t a i t du moins c o n s t a m m e n t en h a r m o n i e a v e c les
résultats de l’expertise m é d i c a l e ; e t si d es persécutions, si même des
meurtres juridiques ont été commis , c ’est à l’ignorance, à la légèreté,
en un m o t, aux erreurs des premiers experts qu ’ il faut les attribuer.
Ainsi , pour nous en tenir à un seul des exemples rapportés par
M . Richond, les enfans de Chassagncux , de Montbrison , n’eussent
pas subi une première condamnation, si le chirurgien chargé de cons
tater le genre de mort de leur père n’eùt pas déclaré qu ’il y avait eu
mort violente.
Dans l’affaire qui nous o c c u p e , tout le contraire a ou lieu. M. le
docteur Thom as, seul homme de l’art qui ail examiné le cadavre d'uue
manière formelle, déclare non seulement qu ’il n’a découvert aucune
trace de violence extérieure, mais il indique en outre la véritable cause
de la mort, q u ’ il regarde comme n a t u r e l l e . C e p e n d a n t , bien q ue, pur
cette déclaration, tout corps de délit soit e x c lu , deux pères de famille
sont condamnés à la plus forte des peines allliclives et infamantes, après
la peine capitale , et un
troisième à une peine aillictivc. Quelle
monstruosité ! ...........
Jusque-là notre cœur seul a p urlé, et la source de nos raisonnemens
a été ce bon sens, apanage do tous les hommes doués d’un jugement
sain. INous nous sommes dit : U n premier expert, le seul qui ait
examiné le cadavre, „ ‘y u p„s découvert de traces de mort viólenle;
donc il »’y a Pas <1° corps de délit; donc personne ne peut être acçuscr
�et encore moins convaincu d ’avoir commis un crime dont il n’exislc
aucune trace physique.
Mais il "«»s reste maintenant à examiner, sous le rapport de l ’a rt,
si celte absence d’ un corps de délit a ¿lé réellement établie par les faits
observés et par les inductions que l ’on a tirées de ces faits. Cet examen
sera trèt.-sommaire , et n’offrira principalement que les corollaires des
.travaux des hommes de l ’art, qui, dans l ’espece, ont observé et prononcé
avant nous.
Les phénomènes qui excluent toute supposition d’ une violence exté
rieure et mortelle sur C o u r b o n , sont essentiellement ceux-ci :
i° LVhsence de toute trace de compression, de contusions ou do
lésion quelconque à la surface du-cadavre.
2° L ’absence d’ un désordre quelconque dans les vélemens du défunt J
il es t en effet impossible qu’ un homme doué sur-tout, tel que lui ,
d une constitution athlétique, n’ oppose pas à ses assassins une résistance
quelconque , résistance dont tou jours il se manifeste des vestiges par le
désordre des vêtemens. Cette résistance, quelque faible que soit l ’iudiv i d u , a constamment lie u , à moins rji»e l’iioniiuiclo ne s’opère par un
m oyen i n s t a n t a n é m e n t m o r t e l , com m e, par exemple, un coup de feu ,
un coup de poignard, un coup de massue, etc .; mais, dans l ’espèce,
il n'a jamais été question de pareils m oyens; on a parlé, au contraire,
de l ’exécution du plus difficile de tous, de celui qui exige le plus do
force et d’adresse étrangères, en même teins qu’ il suppose le plus do
résistance de la part de la victime : nous voulons parler de la luxation
des vertèbres cervicales.
3 ° U n concours de phénomènes cadavériques, indiquant d’ une ma
nière non équivoque que Courbon est mort par l’effet d ’ une apoplexie ;
ces phénomènes sont la lividité de la face , l ’ injeclion des vaisseaux do
lu tunique albuginee des deux y e u x , le gonûemcnt de la langue, l'e n
gorgement des vaisseaux cérébraux.
4 " I/alisenee <le tout aulrc désordre intérieur auquel la morl aurait
pu être at tri|>uée.
5° Un ensemble de causes prédisposantes et occasionnelles propres h
déterm iner l'apoplexie».
Aux premières appartiennent la constitution athlétique du défunt, lu
largeur de scs épaules, le peu de longueur de son cou et la grosseur d«
sa téle.
�(
4
)
Parmi les secondes il faut compter l ’intcmpérancc habituelle dô
C ou rb on , intempérance q u i , il ne faut pas en dou ter, a été une des
occasions principales de sa m o rt, puisque son estomac contenait unu
assez grande quantité de liqueurs fennentées, et qu ’il y avait eu régur
gitation de cette liqueur par la cavité buccale, et jusque sur les vêtemens
du défunt.
U n e autre des occasions principales de la mort de Courbon a été la
position dans laquelle on a trouvé son corps. Cette circonstance est
digne d ’ une attention d’autant plus grande, qu ’elle paraît avoir donné
lieu à des inductions funestes aux malheureux condamnés, bien qu ’elle
concorde parfaitement avec la totalité des faits qui établissent quo
Courbon a succombé à une attaque d’apoplexie.
Cette position effectivement était telle, qu’elle devait augmenter les
obstacles au retour du sang de la tête , puisque celle-ci était plus basse
que le reste du corps ; que le poids de ce dernier portait sur le cou , et
que la téte était courbée sur la poitrine.
Si maintenant nous nous enquérons des causes qui ont pu déterminer
l'attitude dans laquelle a été trouve C ourbon, il faut d ’abord en excluro
toute supposition qui tendrait à établir que cette attitude lui aurait été
donnée après la mort. 31. Richond en a trop bien exposé la raison ,
pour qu’ il soit nécessaire de nous arrêter plus long-tcms sur co point.
Mais s i , au contraire, on compare cette position avec celle que l’on
est à même d ’observer tous les jours sur des individus q u i, dans un état
d ’ivresse c o in p le tlc , ont le malheur de faire une c h u te , on s’explique
parfaitement,
et de la manière la plus naturelle, la situation dans
laquelle a été trouvé le cadavre de Courbon.
Lorsqu en effet un individu
ivre tombe la face contre terre , il
cherche a se relev er, cl 011 le voit alors ( q u ’ o n n o u s passe celte ex
pression triviale, mais pittoresque), marcher à quatre pattes, à reculons,
et faire des efforts pour soulever son tronc et sa tête. Si l’ ivresse est
com plettc, il arrive alors q u e , scs efforts devenant vains, l ’ ivrogne fait
de sa tête un point d ’a p p u i , tandis que les muscles des lombes et des
extrémités inférieures agissent seuls, de sorte que le corps entier formo
un angle plus ou moins a i g u , dont le bassin est le so m m et, et dont
la tête et les genoux, ou bien les pieds, sont les extrémités inférieures
des cotes. Si dans ente* posture, qui n é c e ssa ire m e n t d o it augmenter
Vulllux du sang vers le cerveau , il survient une apoplexie foudroyante,
�(»5 )
l a corps peut rester dans la posture où la mort l ’a surpris (t). C ’est bien
certainement ce qui est arrivé à C o u r b o n , soit q u e , tombé accidentel
lem ent, et la tête en avant dans le fossé , il ait tente sans succès de se
relever, soit q u e , descendu dans une intention quelconque dans le
fossé, il y ait fait une chute. D ’ailleurs, en consultant le dessin joiut
aux pièces, ainsi que le procès-verbal du juge de p a ix , on trouve que
îa nature du sol a dû favoriser cette posture; il était m o urant, et la
partie supérieure et postérieure de la tête s enfonçant un p e u , et por
ta n t, ainsi que le c o u , sur une des parois du fossé, cette circonstance
a dû rendre le point d’appui plus fix e , et en augmenter la solidité.
Dans les pièces qui nous ont été soumises, nous trouvons qu ’ il a été
supposé qu ’ une luxation des vertèbres cervicales avait eu lieu. 11 paraît
m ê m e , d ’après un passage du Mémoire de M . R i c h o n d , que c’ est
principalement sur celte supposition que la condamnation a etc basée.
•
Mais., outre que le rapport du médecin qui a examiné le cadavre ne
fait aucune mention d’une luxation p a re ille , eût-elle même existé, il
faudrait encore ne l a c o n s i d é r e r <jne c o m m e u n eflet de l a c h u te ; car
elle n’ e û t pu ê tre effectuée par des mains homicides , chez un sujet
aussi robuste que C ourb on , sans laisser des traces de résistance de la
part de la victim e, et d’efforts violens de la part de ses meurtriers.
Toutefois, l ’état dans lequel a été trouvé le cadavre de Courbon
établit incontestablement qu ’il n’y a eu de luxation sur aucun point
de la colonne vertébrale. S i, en cfl’e t , ce genre de lésion avait eu lieu ,
la paralysie générale qui s’en serait suivie eût déterminé instantanément
un affaissement de tout le corps,
qui n’ eut pu alors conserver la
position dans laquelle il a été découvert ; et le
ballotcmcnt des
membres, de la tête sur-tout, eût élé d’ autant plus sensible, lor;q u ’on a relevé le cad avre, qu’ il conservait encore de la chaleur. Cette
vérité est tellement démontrée par les faits, et entr’autres par les
recherches du c é l è b r e L o u i s ( M é m o i r e sur une q u e s t i o n de jurispru
d e n c e , e t c .,
( 1) L e »
ra rc».
17 6 3 ), qu ’elle seule suffit pour nous dispenser d’insisler
e x e m p le » d e c o p e n r e , «prJ-s île » a p o p le x ie » f o u d r o y a n t e s ,
N ous
c ite ro n »
e n t r ’ n u tie s
f a m i l l e , a v a it a p p ity c s o n
c e lu i
il’ un
> ic illa n l
fr o n t .u r ses m a in » c r o i s é e ) ,
q u i,
n e s o n t pa s t r è » -
é t a n t an s p e c t a c le
l o g e . O 11 c r u t q u 'il »’ éta it e n d o r m i ; m ais a p rè s la fin d e la r e p r é s e n t a t i o n ,
« 'a g it d e s’ e n a l l e r , o n s ’ a p e r r u t «ju’ il » y a jt ç ç s s g
4
«T e c »a
e t s c s c o u d e s su r le b o n i <!<■ >«
il’ ç ji s i e j- ,
e t lo r s q u 'il
�plus longuement sur l'examen d ’un point que M . Richond a ¿ ’ailleurs
discuté de la manière la plus satisfaisante.
,:..0
Nous ne nous arrêterons pas à examiner si Courbon a pu périr p a r
suffocation ou par strangulation ; r i e n , dans les pièces qui nous ont
été soumises , n’en établit même le plus léger indice. A u reste ,
M . R ic h o n d , qui a surabondamment posé ces questions, les a résolues
négativement par des argumens irrésistibles, et auxquels nous ne pour
rions rien ajouter.
*
* A in s i, tout bien considéré, les médecins soussignés concluent de la
manière la plus positive, et avec une certitude mathématique ,
i ° Q u e la mort de Courbon a été naturelle, c’est-à-dire qu’elle n ’a
pas été le résultat de violences quelconques exercées, par des mains
étrangères, sur sa personne ;
20 Q u e la mort de Courbon est uniquement due à une attaque
d ’apoplexie, laquelle attaque a été probablement foudroyante, et pro»
y o q u é e , d ’une p a r t , par une disposition naturelle de son organisation r
e t , d ’ une autre p a rt, par un état d'ivresse, ainsi que par la position
de son c o rp s, position q u i a été une suite de la chute déterminée pas
ledit ctat d ’ivresse.
P aris, le i 3 mars 1821.
Signé M a rc .
A u g . L ucas.
�(
L e ttr e
27
)
d e 3 1 . R ic h o n d à 3 1 . 3I o n te lh e r .
M o n s ie u r ,
E n même tems que les diverses pièces que volts m’avez fait l ’honneur
<le m’adresser, j’ai reçu une note contenant quelques réflexions relatives
4 la position de Courbon. Vous ine demandez la solution d ’ une question^q u e vous craignez qu'on vous adresse, qu’on vous a déjà faite, et qui est
celle-ci : Savoir si Courbon, homicide, aurait pu recevoir de la main de ses
assassins, et conserver la position dans laquelle on l ’a trouvé. Je croyais
avoir suffisamment dém ontré, par mon M ém o ire , que nulle autre causa
.que l ’apoplexie n’avait pu mettre fin à l’existence de Courbon ; e t , en
supposant successivement les derniers genres de niort violente auxquels
i l pouvait avoir succom bé, j ’ai fait voir que des phénomènes, autres que
Ceux qu’on a trouvés, eussent été observés dans ces cas. A l ’article assez
long relatif à la position de C o u rb o n , je croyais avoir prouvé-que la
lu x a tio n des vertèbres cervicales , en paralysant les muscles de presque
toutes les parties, aurait dû s’opposer à cet état de roideur qu ’on
o b se r v a , et lequel était incompatible avec l ’existence d’ une luxation :
je croyais donc avoir prévu toutes les objections. D ’ailleurs, après la
\ lecture attentive des mémoires, par lesquels la mort naturelle de Courbon
est démontrée m athém atiquement, je ne conçois pas qu ’on puisse pré
senter de pareilles objections, qui tendraient à remettre en question le
point généralement adopte. Q ue nous importe , en e ffe t, qu ’ un cadavre
p û t ou non prendre, la position qu’avait C ourbon? Q uelle induction
pourrait-on tirer de cette concession? Pourrait-on en conclure q u ’il y a
eu homicide? U n e supposition gratuite, vide de sens, pourrait-elle
c o n t r e b a la n c e r, dans l'esprit des ju g e s , les preuves si nombreuses qui
.constatent In vérité? P u isq u e le ju g e m e n t i n i q u e , qui a ravi à trois
pères de famille les biens les plus précieux, l ’honneur cl la lib e rté , a
été porte sans p r e u v e s , sans corps de d élit ; puisqu’au mépris de l’avis
du médecin-expert et des autres consultans, l ’idée d’ un crime u’a pu
it r e détruite ; qu’elle a résisté, dans l’esprit des hommes p r é v e n u s, i
toutes les preuves les plus convaiucanles, il ne serait pus impossible qu®
�l ’erreur trouvât aujourd'hui des prosélites ; que le hon sens et I’équîté
fussent foulés aux pieds , et qu ’au mépris de tout ce qui est sacré,
l'injustice prévalût. L a prévention tien t, en e ffe t, la premier rang
parm i les faiblesses humaines ; e t , comme le dit M . C h o m el, la vérité
n'a p lus'de charmes pour celui h q ui l'erreur a su plaire.
Mais quel
puissant m o tif pourrait porter à employer toutes les
ressources de la chicane , et à ne vouloir apercevoir la vérité , que quand
on sera ébloui par son flambeau?
> Serait-ce pour assurer la perte des malheureuses victimes de l ’oppres
sion? P our s'étre tro m p é, croirait-on devoir défendre l'erreur? P ou r
avoir été trom p é, faudrait-il devenir coupable? INon ; j’écarte loin de
moi ces idées affligeantes ; je me plais h croire q u e les juges, commis à
l ’examen de l’affaire à laquelle je m ’intéresse si v iv e m e n t, seront équi
tables , e n n e m i s de l ’oppression , et qu'ils se rappelleront q u ’ in t e r p r è t e s
de la loi , ils n e d o i v e n t user d u g la iv e v e n g e u r , q u e q u a n d ils ont pebO
avec soin toutes les p r e u v e s ; q u a n d , a près a v o ir e x a m i n é scrupuleuse
ment les f a i t s i l s ont acquis une certitude mathématique ; et sur-tout
q u ’ ils sauront se prémunir de cet esprit de prévention, qui fait qu ’ore
considère presque toujours coupable celui qui n’est encore qu’accusé.
s
S o n » l e c o u p a b le e ffo r t d 'u n e n o ir e i n s o le n c e ,
T h cm L s a v u c e n t fo is c h a n c e le r sa b a l a n c c -
T)it Despréaux. Osons espérer que nous n ’aurons pas d’ application &
^ faire de ces vers, et que bientôt une réhabilitation entière permettra»
aux malheureux accusés de goûter le repos et le bonheur.
Mais dans une aiTairc si i m p o r t a n t e , qui doit si vivement intéresser
les amiâ de l’h u m a n ité, on serait coupable , je crois, de négliger un seul
des nombreux moyens propres à faire ressortir la vérité, à détruire le
prestige de l’erreur, et à briser le prisme de la prévention*
C ’est pour cela q u e , quoique les preuves que j ’ai déjà données ailleurs
me paraissent assez fortes pour établir la non culpabilité des accusés, jo
crois devoir uborder la question relative à la position , et tâcher do
démontrer q u e , dans aucuu cas, cllo ne peut être alliée à l'idée d ’ un
homicide.
�( 2i) )
L a question se r é d u it , je cro is, à celle-ci :
C o u r b o n , assassiné, aurait-il pu recevoir des mains*de ses assassins,
et conserver la position dans laquelle il a été trouvé ?
Je réponds par la négative. Je crois entièrement impossible q u ’ un
cadavre puisse conserver une position semblable, liors les cas analogues
à ceux de Courbon ; c'est-à-dire que celte position ne peut pas être
conservée, après avoir élé donnée après la m ort, si tant il est vrai qu’on
eut pu la donner. L ’ observation de ce qui se passe sur les cadavres suflira
pour convaincre de la vérité de ma proposition.
Après la m ort, c’est-à-dire après l ’extinction de celte propriété, en
vertu de laquelle le corps qui en jouissait était soustrait à l ’empire
absolu des lois physiques ordinaires, le corps humain partage les attributs
des autres co rps, et rentre sous l ’empire des lois physiques.
E n o u tr e , après la m o r t , il se développe de la r o id e u r , laquelle
présente cela de particulier et de différentiel, qu ’ une fois détruite, elle
ne reparaît plus. Ce phénomène paraît à des époques variables, suivant
le genre de m ort, l ’â ge, la c o n s t i t u t i o n d u sujet, l ’état atmosphérique ,
la disparition plus ou moins rapide de la chaleur. Quelques professeurs,
et entr’autres M M . Louis et F o d é r é , admettent que la rigidité cadavé
rique commence à se développer immédiatement après la m ort, malgré
l ’existence de la chaleur; mais en lisant attentivement divers autres
passages de l ’excellent Traité de ce dernier professeur, on voit qu’ il
admet que ce phénomène est susceptible de beaucoup de variations, et
q u ’ il est subordonné aux circonstances dont j ’ ai déjà parlé. O n peut
opposer à l’opinion exclusive de Louis , celle du nouveau professeur de
médecine légale de Paris,
M. Oriîla 7 q u i , dans les cours p ub lics,
enseigne que la rigidité cadavérique ne commence jamais à paraître
qu ’après la cessation de la ch aleur, à moins qu ’elle ne soit le résultat
immédiat de la m o r t , et qu ’elle n’ait paru avec elle , comme dans
quelques apoplexies, catalepsies, etc. Je pourrais rappeler l’avis d u
célèbre fheh a t, qui prétend, dans quelques circonstances , n’avoir pas
vu se développer ce phénomène, et celui de l’ illustre phisiologiste H uiler,
q u i , dans son xxx*
liv re ,
I)e M o rte , s'exprime de la manière suivante :
Sæ pè antô rigorem mors perfeetn est; et in proprio v iili puero nullunl
esse rigorem citm tertio jwst morlcm die sepcliretur. Mais on d o i t , je
�crois, rejeter toute opinion exclusive ; et l'examen d ’ un grand nombre
de cadavres m’a permis d'observer que l ’invasion de la roideur >arie
beaucoup ; qu ’elle se manifeste à des époques différentes chez des sujets
de môme con stitution , et placés dans les mêmes circonstances ; mpis
q u e , dans presque tous les c a s , la chaleur et la roideur étaient en raison
inverse l ’une de l ’autre ; qu ’ainsi la roideur augmentait à mesure que la
chaleur diminuait. Mais ce que je dis ici n ’est relatif qu ’aux sujets
morts de maladies plus ou moins’ longues; car la cause de mort subite
fait varier ce phénomène ; et c ’est sur ce point que tous les auteurs sont
d ’accord. M. Fodéré dit que souvent on voit des sujets morts,d’hémor
ragies, de vo m iqu es, présenter instantanément une roideur extrê m e,
et conserver la position qu’ ils occupaient dans des chaises, etc. Morgagny,
dans son ouvrage D e sed. et caus, M o r b ., présente beaucoup de faits
semblables ; et M M . Marc et L ucas en ont cité un exemple dans leur
Mémoire. lïippocrate dit qu ’après les apoplexies , pt sur-tout celles qui
succèdent à l ’ivresse, il existe souvent un ctat de contraction spasmodique
des membres, et l’observation journalière vient appuyer ces faits. A i n s i ,
on observe cette roideur spontanée chez les cataleptiques, chez les
asphixiés; m ais, comme je viens de le dire , elle est instantanée, parait
aussitôt après la m o r t , et ne doit pas être considérée comme un phéno
mène cadavérique : elle est en effet le résultat d ’ une dernière et forte
contraction des muscles, laquelle se prolonge et se confond plus tard
avec la véritable roideur cadayérique ; c ’est dans ce cas , ainsi que dans
le tétanos, que pourrait être admise l ’opinion de feu M . Nystcn , qui
prétendait que la roideur cadavérique était le résultat d ’ une action
vitale.
Mais quand la mort a ¿té le résultat d ’ une cause qui a agi en portant
ptteinte au principe de la contractililé m usculaire, telle que la luxation
des vertèbres, la comm otion, etc. , les muscles restent beaucoup plus
lon"-tems à devenir roides, et ne le restent que pejj de tems. L es
membres deviennent mous et flasques au moment de la m o r t, cornmo
l ’a observé J^ouis, sur les suppliciés par la co rd e , qui succombaient
presque toujours à une luxation des vertèbres, quand ils étaient exécuté»
par le bourreau de Paris,
Dans les asphixics qui ne sont pas suivies de roideur spontanée, Jn
p â l e u r restant assez forte pendant lo n g -tein s, il c*1 résulte quo la
�roideur cadavérique ne doit se manifester aussi que très-tard ; et crest ce
que l ’observation démontre.............
O r , faisons l ’application de ces faits à l ’examen de la position du
corps de Courbon.
E n supposant qu'il a été assassiné (chose que j ’ai démontrée impossible),
il faudrait admettre qu’il a succombé à la luxation des vertèbres, ou à
l ’aspliixie par suffocation.
O r , dans ces deux c a s , la roideur cadavérique n’aurait dû se montrer
que très-tard ; et, à l ’époque à laquelle on trouva le cadavre de Courbon ,
elle n’aurait pas p u être com plète, puisqu’il était encore chaud. I l
aurait donc été absolument impossible aux assassins de faire conserver à
Courbon la position que sa flexibilité pouvait permettre de donner. O n
a v u , en effet, quelle était cette position : elle est des plus forcées ; le
poids du corps repose sur la n u q u e , tandis que le bassin, les extrémités
inférieures sont soutenues par l ’extrémité d’ un pied fortement tendû et
u n genou. O r , cette position exigeait de fortes contractions, et le
consensus d ’action de p r e s q u e tou s les m u s c les p o u v a i t s e u le la faire
conserver. U n cadavre flexible, obéissant à la pesanteur, ne pouvait
donc pas être placé de la sorte et y rester; l ’affaissement du corps vers
le sol se serait infailliblement opéré, et la chute se fût opérée en avant
ou sur les côtés. T o u t le monde a sans doute éprouvé ce fourm illem ent
et cette pesanteur dans la )ambc , après la compression des nerfs qui s’y
distribuent. S i , dans cette circonstance, on veut prendre un point
d ’appui sur ce m em b re, il fléch it, ne peut soutenir le poids du corps ;
et la chute s’opérerait, si le centre de gravité n’était aussitôt transporté
sur l ’autre membre.
O r , ici il n’ existe qu’ une paralysie momentanée et partielle des
muscles de la jambe ; et combien plus marqué doit être cet affaissement,
q u a n d , par la m o rt, toutes les puissances musculaires sont privées de la
contractilito I
D ’nilleurs, pour pouvoir supposer la conservation de cette p o sitio n ,
il faudrait admettre dans le cadavre des manières d ’être qui se détruisent
et sont opposées>Huno à l’autre; il faudrait q n’il existât en même teins
flexibilité et roideur; flexibilité, pour pouvoir trousser ainsi le cadavre;
roideur, pour que la position donnée pùt être conservée. O r , non«
savons déjà qu’ une fois la roideur détruite par les efforts qu’on a faits, et
�( 3* )
les tractions exercées sur les membres., elle ne reparait plus. Il est donc
impossible, en supposant flexibilité .ou roideur du cadavre, que la
position eût pu être donnée et conservée. D ’ailleu rs, si le cadavre
n ’avait été p la c é , dans cette position d éclive, qu’ après un assassinat,
011 n'aurait pas dû trouver cette lividité de la fac e, cette injection deç
y e u x , ce gonflement de la lan g u e ,
qui attestent que la mort s’est
effectuée dans cette position.
Veut-on admettre j malgré toute l ’absurdité d ’une semblable suppo
sition , que les assassins, après avoir placé le cadavre dans le fossé1,
l ’aient maintenu en équilibre et dans la position observée, jusqu’à co
que la roideur survenant l ’ait ainsi fixé. Mais, comme nous l’avons d i t ,
en admettant l’h o m icide, la roideur aurait dû se manifester plus tard ;
et peut-on raisonnablement admettre que des assassins aient reste pen
dant aussi long-tems p r è s de leur victime , froids o b s e r v a te u r s des
phénomènes c a d a v é r i q u e s ? P c u t - o n p e n s e r q u e d es paysans, étrangers il
toutes les connaissances médicales, aient pu présumer que la position
donnée à Courbon ferait naître l’ idée d ’apoplexie, et écarterait cello
de meurtre? A u mépris des dangers qu !ils couraient, auraient-ils été
transporter ayec effort le cadavre, précisément contre une h abitation,
dans uu fosse attenant à une g ra n g e , dans laquelle étaiaut couchées
plusieurs personnes? Pendant Je transport, les vêtem ens, la coiffurc
n’auraient-ils pas été dérangés? L ’idée de chercher à déguiser un crime
par un moyen si difficile, aurait supposé une préméditation. O r , la
préméditation a été éloignée dans le jugem ent, et on a pensé q u ’ il »’y
avait eu que meurtre : c’eût donc été par inspiration, qu’ils se seraient
avisés d ’ un procédé semblable! L e bon sen^ ne devait-il pas au contraire
leur faire s a i l l i r , que plus la position serait b iz a r r e et u x lr a o r d i n a i r e ,
plutôt elle devrait éveiller l'attention des magistrats. S'ils avaient été
aussi rusés qu ’ il faudrait l’admettre , ils auraient tout simplement étendu
le cadavre sur la voie publique , ou bien ils l’auraient pendu , pour faire
naître l’idée d ’un suicide. Mais, pour adopter toutes ces suppositions, il
faudrait admettre un sang-froid qui est incompatible avec l’ idée d ’ un
meurtre ! un raffin em en t dans le crime, qu’on ne pouvait pas trouver chez
des paysans q u i , jusqu’ alors, avaient joui de la considération publique!
E l puisque,
par su ito «lu genre de mort qu'ils a u r a i e n t d o n ne, il no
restait pas de traces de leur crime , d ’iiulices extérieurs , ils auraient dty
�(33
)
être tranquilles, ignorant qu’ un médecin habile doit Interroger les restes
inanimés de la victime , faire parler ses organes , et lire , dans leur alté
ration , l ’accusation , l ’arrêt des coupables !
Toutes ces preuves morales sont bien suffisantes, je crois, pour dis
siper toute incertitude et détruire l’objection; mais en supposant encore
(car je ne
raisonne
toujours que sur des suppositions) que les assassins
soient restés près de leur victime , aient eu le courage et la patience
d ’ûttctidrc, croit-on que la position eut etc conservee? ^ on , sans
doute j car à mcsui’o que la roideur se m anifesteiait, 1 état des parties
devrait changer, l’équilibre serait détruit, et le corps obéirait sans
cesse à la pesanteur. Il aurait f a l lu , pour pouvoir conserver la position ,
soutenir pendant plusieurs heures .'le cadavre, ne pas l’abandonner d ’ un
m oment, pour remédier aux eifets de la roideur;.et il eût fallu attendre
jusqu’à ce que celle-ci eût été com plclte; cela n’ a pas eu lieu ; car la
roideur augmente jusqu’à la disparition de la chaleur, et il est certain
q u ’ici elle était conservée. Il n’ est donc rien , rien du t o u t , qui puisse
faire croire à un hom icide; tous les faits sont opposés à celle i d é e ,
tandis que tous se r a t t a c h e n t n a t u r e l l e m e n t à l 'a p o p l e x i e , et la dé
mon tren t c l a i r e m e n t , ^ ous avons v u , en eifet, que dans les apoplexies,
les catalepsies, il arrive quelquefois une roideur spasmodique plus pro
noncée que celle qui ne se développe que plus la r d ; qu’elle est instan
tanée ; qu’elle peut rendre raison de toutes les positions bizarres
affectées par les cadavres; qu’elle peut coïncider avec la chaleur; d'autre
p a r t , j ’ai démontré que tout ce qui était propre à la faire admettre
avait été trouvé, et rien autre que cela» Il doit donc rester bien dé
montré que Courbon a succombé a une mort naturelle , et qu’en con
séquence il n’y avait pas lieu à une accusation, encore moins à une
condamnation.
Je crois inutile do m’ appesantir davantage sur ces faits de roideur ;
«t il ine semble qu ’ il n’est aucun m o jc n raisonnable de n luler les
nombreuses preuves de la mort naturelle de Courbon : par conséquent
je bornerai ü ,ncs réflexions. Vous voyez , Monsieur, qu ’elles sont
absolument les mêmes que celles dont vous me faisiez paît. Kous ne
différons que sur quelques points théoriques , et j’aurais pu me dis
penser de vous adresser ces lignes, dans lesquelles vous ne pouvez
puiser aucun argument bien puissant.
J ’ espèro recevoir avant peu la n o u velle de l ’ entière réhabilitation de
�O 4 5
ces malheureux accusas, et j ’attends ce jour comme devant ¿tre un dc3 •
plus beaux de ma vie.
V e u ille z , M onsieur, agréer l ’assurance de la haute considération
avec laquelle j ’ai bien l ’honneur d’être ,
V o tre très-humble et obéissant serviteur,
A. MCIIOND,
Sous-aide à l'hôpital militaire de Strasbourg.
Strasbourg, 3 mai 1821.
L e professeur, soussigné, ayant pris connaissance de ce nouveau
M ém o ire, relatif à la position qu ’ayait conservée le corps de Courbon,.
déclare être entièrement du môme avis, et en approuver le contenu
dans sa totalité.
Strasbourg, le l\ mai 1821,
Signé F
C 'eit
' Le
par E rreu r, q u e
le
r a p p o r t t u iv a n t
a étc
im p r im é
le c t e u r r e m a r q u e r a f a c ile m e n t la p l a c e q u e
c n su iv a n t l ’ o r d r e c h r o n o l o g i q u e .
cet
k la Cn
o d Ér L
d e » p iè c e s ju s t ific a tiv e s .
a cte d e v a it O c c u p e r d a n s l e r e c u e i l^
( N o t e Je l ’ imp rimeur)-
�R apport
de
Messieurs D a r le s et D e b r y e ,
à
médecins
Yssingeaux.
N ous, soussignés, François-Paul Césaire Darles, médecin de l'hospice
e t (les prisons de la ville d’ Yssingeaux , et Laurent-Marie D e b r y e , aussi
médecin de cette v ille , d’ après l’invitation qui nous a été faite par
RI. P u r a y , substitut du procureur du Roi près le tribunal de cette v ille ,
h l ’effet d ’émettre notre opinion sur la question de savoir si la situation
dans laquelle a été trouvé le cadavre de Jean C o u r b o n , du lieu du
M azet, commune de D unièrcs, arrondissement d’ Y ssingeaux, résulte
nécessairement de violence extérieure, ou si elle est plutôt l ’effet naturel
d ’ un accident, laquelle invitation est contenue dans un Mémoire à
consulter, signé de M . le substitut, et accompagné de pièces à l ’a p p u i ,
Déclarons qu ’après avoir pris connaissance de ce Mémoire et des
p ièces, qui consistent principalement dans le procùs-verbal du juge do
p a ix , le rapport du médecin , l ’extrait d ’une lettre du même juge do
paix , les dépositions de divers témoins , etc. , il nous parait co n sta n t,
en fait, que Jean C ourbon, ûgé de trente-cinq à trente-six ans, homme
d ’une haute et large stature, ayant la figure livide, le cou court, la tète
grosse, et l ’habitude de s’enivrer, a été trouvé sans v i e , dans la ma
tinée du 8 septembre 18 1^ , dans une fosse placée derrière la maison de
Jacques Massàrttier, aubergiste à Dunières (celte fosse, de quatre à cinq
pieds quarrés en tout sens, sur deux pieds et demi de profondeur, était
attenante à la maison , ot placée tout près de la porte de la g ra n g e , à
droite) ; que dans cette fosse, où étaient quatre ou cinq excrémens h u
mains non écrasés, so trouvait aussi de. la paille peu froissée ; que cet
endroit communiquait à la rue principale d e D u u iè r c s c l à une auberge,
par un sentier très-usité, et était aussi accessible à tout venant; que
Jean C o u rb o n , q u i , la v e i l le , était ivre, ou à peu prés, était placé
dans cette fosse, lorsqu’ on l’y a trouvé le dos en l ’a ir, et suspendu ou
porté uniquement sur ln nuque ( la tûte étant totalement repliée), sur
la pointe du pied gauclie, qui était te n d u , et sur la pointe du pied
droit, et du genou dro it, sur lequel était aussi appuyé« sa main droite;
/juc le chapeau dudit Courbon était placé sur «es épaules; que ses liabits
�(36}
n ’étaient nullement déranges; que l ’aulopsic cadavérique, faite par
M. Th om as, officier de santé, n ’a présenté aucune violence'extérieure,
ni aucune contusion à l a . t ê t e ; que les vaisseaux qui fournissent du
sang au cerveau étaient entièrement engorgés, la langue très-volumi
neuse, les yeu x très-rouges, et les vaisseaux de la sclérotique injectés ;
q u ’ il sortait de la bouche des liqueurs fermentées, qui regorgeaient de
l ’estomac; que le visçère ayant été mis à découvert, ainsi que ceux de
l ’nbdomcn , étaient tous parfaitement sains; que l ’estomac contenait,
dans son intérieur, des liqueurs fermentées; q u e , d ’après des témoins^
contre l’opinion de M. T h o m a s , médecin , la tête était très-mobile t
mouvante, comme une boule sur un b âton ; et q u ’enfin, suivant ces
Jémoins , le cou présentait des taches ou ecchymoses.
D ’après tous ces faits, et un pareil état de choses,
Nous déclarons que la mort de Jean Courhon a pu être l ’effet de la
conjestion du sang au cerveau , remarquée «le l'officier de santé , dans
l ’autopsie cadavérique > soit que cette conjestion• résulte , comme le
prétend M. Thom as, d ’ une attaque d ’apoplexie, soit q u e, effet pure
ment physique, elle résulte des-lois de la pesanteur, et dérive de la
position de l’individu , q u i , ayant la tête plus basse que le corps , et
placée sur la poitrine, a dù succomber à l ’accumulation du sang au
çerveau ,. dont la circulation était moins gênée dans les artères carotides,
que dans la veine ju gulaire, qui participent, davantage à la courbure’
de la tête et aux plis de la peau h à cause de leur position superficielle ÿ
et cette dernière hypothèse nous paraît plus probable, q u ’ une attaque
d ’apoplexie, q u i, étant une fonction maladive ^ n’arrive que par casfo rtu it, et nécessite un concours de circonstances propres à sa mani
festation. ■
,1 : y. ... •
N o u s déclarons ég alem ent q u e la position fiti-a n rd m a ire do cet indi
v id u s’e x p liq u e très-facilement jiar la luxationf<Io» vertèbres cervicales,
luxation d o n t les dépositions de q u e lq u c s 'lé m 6 iiis nous d o n n e n t une1
idée , lorsqu’ ils rapportent q u e la tête était très-mobile sur les épaules.
L es vertèbres n’ o n t p a l p u sc lu x e r sans occasionner des tirnilleinens
iiibiîs dans la m oelle épinière', tira illem en t q u i , a leur t o u r , ont p r o d u it
injtnnt<<n<:mont 1;V'contraction téUiu'iqiie d(|>l'iudivi(lu (dont lVflî*t a étw
la position ex tra o rd in a ire'd u sujet ) j et d l- te n n ilié in mort , 'en p e r m e t la-At ch luôfiic tenv» l’aUlux d u-tdtjg ati corve-iu.
1
�(
)
37
Boyer admet la possibilité de la luxation complète des vertèbres cer
vicales, lorsqu'on citant l’exemple de luxation incomplète des vertèbres
cervicales, dont l’une eut lieu sur un enfant qui faisait des culbutes suï
1111 l i t , il ajoute que ces sortes de luxations, dont on n’ a pas d ’exemple ,
sont très-possibles, et qu ’il doit exister des tiraillemens dans la m oelle
épinière ( V o y e z le Traite des maladies chirurgicales, 2 e éd ition , 18 1 8 ,
page 1 1 7 .)-
(
.
Jean Courbon se sera luxé la vertèbre cervicale en tombant dans la
fosse , ou plutôt en cherchant à se relever. Sa position , comme celle de
tous les ivrognes, devant être celle d’ un homme qui se place pour faite
une cu lb u te , il sera tom b é, par la lassitude des efforts qu’ il aura faits
pour se relever, de tout son poids sur la tète ; et celle-ci se trouvant
engagée sous la poitrine , alors lien n’cmpêche , ou plutôt tout fait pré
sumer que Courbon se sera luxé les vertèbres. On sait que l ’apophyse
oblique des vertèbres cervicales a une position horizontale, et qué 1?
courbure de la tète permet aisément leur luxation. D'ailleurs il est,
comme le dit Fodéré (édition de 1 3 13 , vol. 3 , n os 0 4 1 cl 642) certaines
positions organiques ( Çt ccllos- là peuvent être supposées clif* Jiiau
Courbon, que nous avons connu , et qui avait les fibres lâches et le corps
usé par le y i n ) , où les ligamens sont telloinent relâchés, que le moindre
cfl’ort peut Ici rompre.
On peut prétendre que des assassins ont pu placer un cadavre , devenu
róide , dails la position où 011 a trouvé' Courbon ; mais , outre qu ’il faut
supposer cétte lu x a tio n , cornine nous vénons de le faire, on ne peut»
sans cette supposition, expliquer la mort de Courbon par la congestion
du sang au cerveau, si 011 avait seulement tordu le cou à Courbon., à
moins qu’ il n'y eut en même teins étranglem ent; mais alors les signes
extérieurs do l’étranglement auraient été évidens ; car on 11e doit pa?
prendre pour signe de violence extérieure
quelques taches ou ecchy
moses reconnues par quelques témoins, mais par d ’a u tr e s q u i , appréciés
a leur juste valeur, indiq uen t, par cela seul, qu ’ellcs n ’ont pas été
aperçues par certaines personnes ; q u ’elles 11e devaient pas être très-pro
noncées , et qu ’elles peuvent, en les a d op tan t, être regardées collimo
l’eflet de la luxation «les vertèbres.
O u t r e que ceux q u i m uaient fait subir u n e mort violente à JoaO
C o u rb o n pouvaient trouver un lieu m ieux choisi (¡ne c e l t e fosse, pou r
éviter d'élrc aperçus , et des positions plus convenables
, pour,
faire m p -
�(
33
)
poser une mort n a tu re lle , comment auraient-ils pu déposer le cadavre
dans cette fosse, et l’y arranger dans la position extraordinaire et téta
nique où on l’a trouvé , sans écraser les excrémens qui étaient au fond ,
et sans froisser la paille ?
D ’après toutes les considérations que nous venons d’exposer, et la
discussion dans laquelle nous sommes entrés, nous déclarons, en répon
dant à la question u n iq u e , quoique d o u b le , qu’a posée M. le substitut,
à la fin de son Mémoire à consulter , et qui est conçue en ces termes :
« L a mort de Jean Courbon et sa position extraordinaire dans la fosse
« de Massardier ne peuvent-elles être expliquées que par le fait d’ un
« crime?
« O u b i e n , ne pourrait-on pas plutôt trouver la cause de cette mort
a et de cette position dans un accident n a tu re l, provenant de la ch ute
« de Courbon dans la fosse, et de ses efforts à se r e lev e r, sa tête appuyant
« a te r r e , comme font les ivrognes ? »
Nous déclarons , diso n s-n o u s , q u e la m o r t d e J e a n C o u r b o n et sa posi
tion extraordinaire dans la fosse de Jacques Massardier , p e u ve n t et
d o iv e n t s’e x p liq u e r par t o u t autre fait q u e celu i d ’ un c r i m e ,
E t qu’ il est plus probable que Jean Courbon a péri par congestion du
sang au cerveau , résultant de l ’ivresse et de sa position, et peut-être
aussi en même tems par luxation des vertèbres cervicales, produite par
sa ch ute ou ses efforts à se relever (luxation qui explique très-bien
la contraction tétanique de l ’individu , dont l ’effet instantané aura é té ,
entr’autres, la roideur de la jambe gauebe et la main sur la cu isse),
que par le fait de violence exercée sur sa personne ;
E t enfin nous pensons qu’au lieu de se livrer à des suppositions,
e t a des hypothèses, on doit plutôt s’arrêter aux signes qui in d iq u en t,
d une manière si evidente , la mort naturelle de Jean Courbon.
f a i t à Yssingea u x , le 11 juillet 1820.
S ig n é
D a r le s.
D ebrye,
A R IO M ,
chez J . C
SALLES, IMPRIMEUR. DE LA COUR ROYALE ET DU BARREAU,
,
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Rispal, Régis. 1821?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Subject
The topic of the resource
faux témoignages
travaux forcés
condamnation à mort
homicides
médecine légale
flétrissure
obésité
cabaret
ivresse
alcoolisme
autopsies
rumeurs
juge de paix
témoins
affaire Fualdès
erreur judiciaire
Description
An account of the resource
Titre complet : Pièces justificatives.
Table Godemel : Révision : de procédure et arrêt, au grand criminel. - innocents condamnés.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Chez J.-C. Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1821
1817-1821
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
38 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2518
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2517
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53504/BCU_Factums_G2518.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Dunières (43087)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
affaire Fualdès
alcoolisme
autopsies
cabaret
condamnation à mort
erreur judiciaire
faux témoignages
flétrissure
homicides
ivresse
juge de Paix
médecine légale
obésité
rumeurs
témoins
travaux forcés
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c032847bbaba3958fb99e827be558d63
PDF Text
Text
MÉMOIRE
POUR
R é g is R I S P A L , propriétaire3 habitant du
de Dunières, canton de M ontfaucon ;
Et
lieu
G A L L A N D , propriétaire, habitant du
Maltaverne , mêmes commune et canton.
J a c q u e s
lie u d e
Tous les d eu x condamnés, le 9 mars 18 19 , p a r arrêt
de la Cour d ’assises séant au P u y , département
de la H aute-Loire , a u x travaux forcés à perpé
tu ité à la flétrissure , et exécutés , le 16 ju in
suivant, comme coupables d ’homicide volontaire,
et sans prém éditation, sur la personne de Jean
C ou rbon
■
E t adm is , p a r arrêt de la Cour de cassation , après
condamnation définitive d ’un f a u x témoin , et
annullation de l ’arrêt de la Cour d ’assises de la
H aute-Loire 3 à être jugés de nouveau, sur même
acte d 'a ccusation , pa r la Cour d ’assises du dépar
tement de la Loire , séant à Montbrison.
S a p e oculi et aures v u lg i sunt testes mali.
PubLIE Sxnr seiUculia.-.
17
E n c o r e une méprise de la justice! encore un exemple
effrayant de l 'effet de la prévention! encore une occa
sion de déplorer l ’erreur des jugemens h u m a in s, et de
gémir sur la triste condition des magistrats et des jurés!
Deux citoyens, deux pères de famille ont été arra
chés pour toujours à la société et à leurs affections ;
�( 2 )
un arrêt les a condamnés aux travaux forcés à perpé
tuité et à la flétrissure; cet arrêt a été exécuté; et cesdeux malheureux, livrés aux bourreaux, ne sont des
cendus de l ’échafaud que pour être précipités dans un
bagne, et livrés aux horreurs et aux tourmens de cet
enfer anticipé.
Il est vrai que le crime dont ils étaient et sont
encore accusés est horrible. Ils n ’étaient mus par
aucune espèce de passion ; ils n’avaient aucune haine
à assouvir, aucune vengeance k exercer, aucun intérêt
à conserver; cependant ils auraient entraîné dans leur
propre maison un homme estimé de toute la contrée ,
le soutien et le bienfaiteur des malheureux et des
indigens, 1 ami de tous ses concitoyens ; lh , ils auraient
froidement calculé les moyens de lu i donner la mort;
e t, après avoir essayé différens genres de supplice, ils
auraient étouffé le malheureux C o u rb o n , lui auraient
rompu la colonne vertébrale , et auraient ensuite
transporté leur victime dans une fosse, et placé son
cadavre dans la position qui pouvait le mieux cacher
leur forfait. A h ! si un crime aussi cruel et aussi inu
tile a été commis; si les accusés en sont les auteurs,
pourquoi d’aussi vils assassins existent-ils encore ?
Combien est blâmable l ’indulgence du jury dont la
déclaration leur a conservé la vie !
Mais, dès l’origine des poursuites, les accusés ont
protesté de leur innocence.
« Il n’y a point de crime! se sont-ils écrié; pourquoi
« chercher (les criminels?
«
«
«
«
«
« Courbon n ’a point été assassiné; il est mort d’apoplexie : le procès-verbal du juge de paix l'atteste,'
le rapport du médecin le prouve; sa constitution
physique, les excès auxquels il se livrait habituelleinenl, l’inspection de son cadavre, le lieu où il a
été trouvé, la position dans laquelle il éta it, toutes
�( 3 )
les circonstances de la cause se réunissent pour
confirmer cette vérité.
« S’il n ’y a point de crime; s’il n ’y a point d ’excès
à venger, quels criminels espérez-vous donc décou
vrir? N ’est-ce point assez cjue nous ayons eu à sup
porter une instruction téméraire et inutile ; que
nous ayons été poursuivis lorsque la vérité fonda
mentale, le point essentiel, le fait le plus préalable
de tous les faits, le seul qui puisse servir de base k
une accusation, était prouvé en notre faveur-, lorsq u ’enfîn la non existence dù délit était établie ?
Faudra-t-il encore que vous couriez après l ’om b re ,
dans le tems que vous pouvez saisir et arrêter le
corps ; que vous négligiez la vérité pour chercher la
figure ; q u ’enfin vous préfériez un fantôme qui.
échappe, à une réalité qui s’offre et qui se présented ’elle-même aux yeux de la justice?
« Vous nous opposez des dépositions de témoins ,
des indices, des présomptions ; nous les détruisons
d ’un seul mot : il n ’y a pas eu de crime commis,
donc il ne peut y avoir de coupables.
« Mais faut-il confondre la malice de ces témoins ?
faut-il vous prouver que nous sommes victimes
d’une horrible calomnie? A notre tour nous les
accusons, ces tém oins........... L e tems, les lieux et
les hommes se réuniront pour les convaincre de
m ensonge........ Suspendez votre jugem ent............
Sachez douter encore, et vous n ’aurez bientôt que
des calomniateurs à punir. »
Vaines prières, efforts inutiles......... Les malheureux
descendent vivans dans la to m b e !.........
Mais des cris se font encore entendre ; la société en
est troublée : « Nous sommes innocens ! nous sommes
« innocens ! s’écrient les condamnés ; des témoins
« pervers ont égaré le glaive de la justice : q u ’à leur
« tour ils eu soient frappes j nous renouvelons la
�( 4
)
« plainte que nous avons déjà portée contr’eux : q u ’ils
« soient soumis à une instruction; q u ’ils soient jugés,
« et l ’erreur dont nous sommes victimes sera reconnue ! »
Quelle est cette femme qui vient joindre ses géné
reux efforts aux prières des deux condamnés ? Elle
appartient à une des classes les plus obscures de la
société; l ’éducation n ’a point développé en elle les
dons de la nature; ses mœurs sont simples; ses paroles,
rustiques comme les habits qui la couvrent. Quel faible
appui! Comment parviendra-t-elle à détruire les pré
ventions qui assiègent le temple de la Justice?
Mais elle est sœur., elle est épouse, elle est mère ;
elle reposait auprès de son époux au moment et dans
la même maison où l ’on prétend que Courbon a été
assassiné; elle était encore auprès des condamnés à
l ’instant où un vil imposteur soutient avoir entendu
l ’aveu de leur crime; elle est donc sure de leur inno
cence, et son ame généreuse ne peut que s’indigner de
la malice des hommes.
Par ses soins, la procédure en faux témoignage
commence ; elle ose pénétrer dans cet abîmé et en
sonder la profondeur : elle y porte enfin la lum ière,
et bientôt l ’on apprend,
'
.
. ■
i° Q u ’il n ’y a point eu dô crime commis;
2° Que tous les indices qui s’élevaient contre les
condamnés s’expliquent en leur faveur;
3 ° Enfin que les dépositions qui ont égaré la conscience
du jury sont mensongères et fausses.
CJn faux témoin est traduit aux assises : la femme
Rispal s’y présente; elle est accompagnée de l ’épouse,
non moins courageuse, de Galland : l ’une et l ’autre
viennent couvrir de leur protection des victimes si
chères, et demander la condamnation de l’auteur de
tant de maux. Leurs vœux sont exaucés; elles p e u v e n t
enfin concevoir l’espérance de retrouver des époux.
�(S )
dignes d’elles, (le rendre un père à leurs enfans , ci
des citoyens à la société.
Quelle p itié , quel intérêt, quel attendrissement ne
sont pas en droit d ’attendre def toute ame sensible ces
deux épouses, ces deux mères infortunées! Cependant
elles ne demandent q u ’un examen impartial et réfléchi;
elles se sont imposé la glorieuse tache de faire passer
dans l ’ame de leurs juges la conviction qui les anime.
L ’accomplissement de ce devoir sera facile et aura ses
douceurs, si ceux qui sont appelés à décider d ’aussi
grands intérêts se rappellent que l ’homme qui déclare
l ’homme coupable, et le punit à ce titre , résout un
problème, et exerce un droit où D ieu seul est assuré *
de ne point faillir-, que tous les jugemens seront ju gés5
q u ’ainsi toutes les passions, quelles q u ’elles soient ,
doivent s’en retirer, l ’homme a yan t, dans sa faiblesse
native, bien assez de chances d ’erreur.
.:
F A IT S.
1
L e sieur Jean C ourbon, habitant a:u lieu du M a z e t,
commune de Dunières, appartenait à une famille recommandable; il était riche, et père de trois en fans}
honoré de l ’estime publique, juste récompense de ses
vertus. Il était le protecteur du faible-, et l’indigent,
objet constant de ses sollicitudes , ne réclamait jamais
en vain ses secours} d ’ailleurs, doux et affable avec
tout le monde, fidèle à l ’am itié, observateur exact de
ses engagemens, C ourbon, chéri et respecté de tous scs
concitoyens, n ’avait et 11c pouvait avoir que des amis.
'La constitution physique de Courbon est aussi à
remarquer : il avait les'épaules larges, le cou court et
la tête grosse; son embonpoint élait e xt raordi nair e.
Courbon pesait au moins deux cents livres, et a j oui a it
aux dangcis de cette cou formation , tous ceux qui
naissent de 1 exces habituel des liqueurs iermentees
�(M
;
de toute espèce : aussi, a chaque instant pouvait-on
craindre q u ’ un accident trop facile à prévoir ne vint
enlever ce bon citoyen à sa fam ille, à l’affection de
ses amis, et k la reconnaissance publique.
Tel est l ’homme que l ’on soutient avoir été la
victime d ’un assassinat : la possibilité d ’un autre genre,
de mort a été repoussée avec in d ign ation !,...
Mais quels sont les accusés? Il faut les faire con-*
naître, et ne leur donner d ’autres traits, que ceux
que présentent, et la procédure et les documens les
plus certains.
,
.G alland, Rispal, et Tavernier sont beaux-frères ;
leur sort a été bien différent. Ils étaient accusés du
même crime; cependant Galland et Rispal ont été
condamnés aux travaux forcés k perpétuité, tandis que
Tavernier n’a eu à subir q u ’une année d ’emprisonne-T
ment. Les deu* malheureux, qui figurent aujourd’ hui
seuls dans le procès,, ont dû. se féliciter, au moment
de leur condamnation, de ce que leur beau-frère
n ’était pas obligé à partager leur misère. L ’erreur
ycnait de frapper des têtes; également innocentes; e t ,
si les peines étaient inégales 3 le public pouvait y
Attacher le même degré d ’infamie, llispal et Galland
ont été cependant seuls autorisés, k se pourvoir en
révision de leur arrêt; ils tiennent cette faculté de la
nature de la peine qui a été prononcée c o n tre u x ;
mais si la loi l ’interdit à Tavernier, condamné correctionnellem ent, il trouvera sa réhabilitation dans
justification de ses beaux-frères. Rispal et G a lla n d ,
,en prouvant leur innocence, démontreront également
la. sienne; et si quelque chose pouvait ajouter au
bonheur de leur triomphe, ce serait la douce idée de
le partager avec, cet autre infortuné, dont le front est
resté si long-teins courbé dans la poussière.
Reprenons les,faits.
G alland, habitant du lieu de M altavcnie, commune
�(7 )
rie Dunières, appartient à une famille honnête, et qui
n ’est connue que sous les rapports les plus avantageux.
Cet homme vivait dans une heureuse médiocrité.
Après avoir payé sa dette à la patrie, il s?était retiré
du service, et habitait avec sa femme le lieu qui l ’avait
vu naître5 il y cultivait un domaine qui lui avait été
transmis par sa famille, et qui peut être évalué k
3o,ooo francs.
G a lla n d , satisfait de son humble fortune , était
connu par sa franchise, son désintéressement, son
honnêteté; il aimait à rendre service, et la calomnie
n ’a jamais essayé de flétrir son caractère, en l ’accusant,
ou même en le Soupçonnant capable d’aucun acte de
bassesse.
:c>
G alland joignait à la franchise d’un so ld a t, la brus
querie et l ’orgueil qui en sont les compagnes ordïâaires;
il pouvait lui être difficile de supporter froidement
vin caprice ou une insulte ; peut-être encore q u ’il aima
Si partager avec ses amis les plaisirs de la table ‘r mais
en était-ce assez pour le dépeindre comme un homme
violent, adonné au v in , un querelleur et un mauvais
époux I
.
1
?
Galland a répondu a plusieurs dè ces reproches, en
rapportant les certificats les plus honorables. Ils attestent
q u e , comme soldat, sa conduite était tellement régu
lière , q u ’il n a jamais été condamné à la peine de
police la plus légère; et q u e , comme citoyen^ il<n’â
jamais inspiré aucune crainte h personne, ni provoqué
la surveillance ou les sollicittides de l ’autorité. Son
épouse, h Son to u r, est venue le venger de l ’injure
qui pesait le plus sur son cœur. On l’a VUe aux assises
(le Riom répondre li la calomnie, ■
>en pressant son
époux dans ses bras, et en le baignant de ses larmes.
Régis llispal, autre accusé, habitait Dunières; sa
famille est honnête, et si sa fortune était médiocre, il
y suppléait par sou économie, son industrie et son
�(8 )
activité. L a confiance q u ’il s’était acquise dans . son
état de boulanger lui donnait l ’espoir d ’élever sa fa
mille et d ’augmenter son faible patrimoine. La mora
lité dejcet homme n’est point douteuse; elle est attestée
par le juge de paix. Ce juge, qui veut ensuite que la
maison Rispal soit devenue un repaire d ’assassins, nous
apprend» « que l ’on peut dire de Rispal plutôt du bien
« que du m a l ......... y que l ’on se tait sur son compte j
« que généralement l ’on pense q u ’zï a été trompé ;
« q u ’on dit même q u ’il avait fait entendre des paroles
« de vie. »
Ainsi Rispal est un citoyen honnête; mais faudraitil parler de ses qualités domestiques? Le dévouement
de son épouse n ’est-il pas connu ? ces voyages nom
breux , ces sollicitations pressantes, ces larmes si sou
ven t répandues, ces accens si déchirans du désespoir,
cette abnégation de l ’avenir, qui lui fait abandonner
le soin de sa fortune , sacrifier sa d o t , l ’existence
même de ses e n f a n s c e t héroïsme enfin de l ’amour
conjugal n ’attestent-ils pas que Rispal est le meilleur
des époux comme le plus tendre des pères? • .
U n troisième accusé était présenté aux assises de la
llautc-Loire : c’est Tavernier. L ’instruction n ’apprend
rien de désavantageux sur son compte; 011 y
(IU ^
habite l ’arrondissement de Saint-Etienne, où il est à
la tête d une fabrique de soie, dont il est propriétaire.
Son caractère et ses mœurs sont d ’ailleurs extrêmement
douces; et, depuis sa condamnation, il a toujours pro
testé de son innocence et de celle de ses deux beauxfrères, qui ne l ’avaient point quitté un seul instant.
Il faut ajouter que Tavernier était le seul des trois
beaux-frères, qui eut des relations d ’intérêt avec .lean
Courbon. Ce dernier était son débiteur, par billet,
d ’une somme assez modique, et la lui remboursa la
veille de sa mort.
Ce tableau fidèle de la position sociale, des mœurs,
�(9
)
du caractère et des habitudes du malheureux Coilrboii
et des accusés était indispensable, pour mettre les lec
teurs en état d ’apprécier les faits de cet étrange procès;
et déjà l ’on se demande :
Comment Courbon aurait-il été victime d ’ un assas
sinat? quelle main impie se serait chargée, sans y être
poussée par un vil intérêt, de trancher le iil d ’ une si
belle vie? D ’un autre côté, les accusés n ’ayant aucun
intérêt à la mort de Courbon; n ’étant mus par au
cune passion; n’ayant aucune injure à venger; aimant
Courbon comme tous les habitans de la contrée l ’ai
maient; présentant d ’ailleurs les plus fortes garanties
sociales, auraient-ils tout d ’un coup cessé d ’être sem
blables à eux-mêmes, jusqu’au point d’entrer dans la
carrière du crime par le plus abominable des forfaits?
E t si Ion veut que Galland soit, dans ses emportemens , capable d’excès, llispal et T a v e r n i e r ne sont-ils
pas étrangers à ces (lisposil ions? 11’au rai ent -i l s pas modéré
et c o n t e n u . G al l aï u l? llispal sur-tout aurait-il prêté
sa maison pour en faire .le théâtre d ’un assassinat ?......
Voilà bien des présomptions d’innocence; mais elles
peuvent être détruites par des preuves positives. E x a
minons le fait,
L e 7 septembre 1817 (jour de dimanche), Jean
Courbon était à Dunières : son frère Pierre y était
aussi. On a déjà fait remarquer que Jean Courbon
avait la triste habitude de se livrer aux excès du vin :
c était son seul défaut; mais il lui était impossible do
le vaincre.
Il exisic au lieu de Dunières trois cabarets, l ’ un
tenu par M a u g i e r , l ’autre par Massardier, et le troi
sième par le nommé Samuel. Le 7 septembre Jean
Courbon, après avoir bu chez Massardier, s’est/rendu
chez Maugier; de l’auberge Maugier il est allé dans
celle tenue par Samuel, et u ’u quitté le cabaret de ce
2
�( 10 )
dernier, que pour retourner chez M augier, d ’où
il n’est sorti q u ’à neuf heures du soir, environ. Ainsi
Jean Courbon a employé cette journée entière à fré
quenter les cabarets, et il a été vu par-tout buvant avec
excès du vin et des liqueurs fermentées de toute es
pèce. Sa compagnie habituelle pendant cette journée
a été tantôt les deux accusés et Tavernier, tantôt un.
ou d’eux d ’entr’eux , auxquels il faut ajouter les
sieurs Marnas frères, l ’un notaire et l ’autre percep
teur au lieu de Dunières; enfin Pierre C ou rbo n , frère
de-Jean.
Il est inutile de suivre Jean Courbon dans tous les*
instans de cette journée; mais il est essentiel de fixer
Son attention sur deux points importans, celui de son
entree à 1 auberge Massardier, et celui de sa dernière
sortie de l ’auberge Maugier.
Jean Courbon était descendu chez Massardier avec
le sieur Fourboule de la Brugère, son oncle; là il
trouva les deux accusés, et Tavernier leur beau-frère.
C e dernier, comme on l ’a v u , était créancier de Jean
Courbon du montant d ’un billet à échéance dans
quinzaine; il pria Courbon d ’en anticiper le paiement :
Cou rbon, naturellement obligeaut, y consentit avec
plaisir; il parait même q u ’il emprunta quelqu’argent
pour se libérer. Enfin il paya, retira son b ille t, le
lacéra , et en mit les morceaux dans sa p o ch e, où ils
ont été retrouvés lors de la découverte de son cadavre.
M. le juge de paix avait négligé de constater ce der
nier fait; mais cette omission a été réparée aux assises
par la déclaration de deux témoins, auxquelles il faut
joindre celle du juge de paix lui-même.
Ce procédé de Jean Courbon n ’était sans doute pas
fait pour exciter en Tavernier de mauvaises disposi
tions. Cette obligeance, jointe à la circonstance esserw
Iicilo que Courbon a été vu sou ven t, pendant la
journée du 7 septembre, avec les trois beaux-ii’èrcs,
�* ( 11 )
prouverait même plutôt q u ’il existait entr’eux une
intimité assez étroite, ou q u ’au moins Jean Courbon
fréquentait avec plaisir les deux accusés et Tavernier.
Il est vrai qu ’on a voulu dire que Courbon voyait
Galland avec peine; que sa présence le gênait ; q u e ,
dans la journée du 7 septembre, il cherchait à le fu ir 5
q u ’il y avait eu entr’eux querelle, échange d ’injures,
même des menaces de la part de G allan d ; mais ces
bruits ne sont confirmés ni par les dépositions écrites,
ni par les dépositions orales; au contraire, les témoins
les plus importans, Pierre Courbon lui-mêm e, font
des déclarations tout opposées k cette assertion, et
la détruisent entièrement.
On a vu que Jean C ou rbon , étant entré pour la
seconde fois dans le cabaret Maugier, s’y trouvait
encore a neuf heures du soir : il était avec Pierre
Courbon son frère; les deux accusés et Tavernier b u
vaient aussi dans le mèine lieu. A l ’heure que l ’on
vient d ’indiquer, Pierre Courbon engage son frère k
se retirer; ils sortent ensemble, traversent la place
publique qui conduit du cabaret k la rue principale
de Dunières, et suivent cette rue, k l ’extrémité de
laquelle se trouve, sur la droite, le chemin du Mazet
(lieu où habitent les Courbon) , traçant une ligne un
peu oblique.
Mais k peine les deux frères Courbon ont-ils fait
quelques pas dans la rue, que Jean Courbon veut
s’arrêter. Ils arrivent auprès d ’une forge appartenant
îi Maugier : un char est devant; Jean s’y assied : il
ne veut plus suivre son frère; il résisie k ses instances,
enfin il ue veut point partir, et une discussion assez
vive s engage entre les deux frères.
Pierre C o u rb o n , ne pouvant vaincre la résistance
de son frère, résistance qui pouvait lui paraître l’efFet
de l ’ivresse, et voulant éviter' q u ’il ue se livrât de
nouveau k son intempérance dont il devait craindre
�(
12
)
les suites, retourne précipitamment sur ses pas, pour
défendre à Maugier de servir encore du vin à Jean
Courbon. Ces ordres donnés, Pierre Courbon se hâte
de revenir auprès de son frère; mais, ne le trouvant
plus au lieu où il l ’avait laissé, il pense q u ’il a pris
la-route du Mazet. Alors Pierre continue son chemin
en chantant, dans l ’espoir sans. cloute d ’attirer son
frère, q u ’il supposait être en avant de lui. Tous ces
faits sont fidèlement extraits de l ’instruction et des
débats qui ont eu lieu devant la Cour d ’assises du Puy*
Il e s t . également certain que les trois beaux-frères,
R isp al, Galland et Tavernier , étaient au cabaret
M augier, au moment où les deux frères Courbon en
sont sortis $ q u ’ils y étaient encore au retour de Pierre,
et qu ils ne l ’ont quitté que cinq minutes après le
départ de ce dernier : aussi n’a-t-il jamais été contesté
que Jean Courbon avait disparu du point où Pierre
l ’avait q u itté , et que Pierre avait eu lui-même le
lems de traverser le lieu de D unières, avant que les
trois beaux-frères fussent sortis de la maison Maugier.
C ’est ici le lieu de fixer l ’attention sur les circons
tances qui ressortent du précis des dépositions des
témoins. La vie agitée de Jean Courbon pendant toute
cette journée ; cette fréquentation répétée des trois
seuls cabarets qui existent au lieu de Dunières; ^es
excès auxquels il se livre; les efforts de son frère pour
le ramener a son d o m i c i l e ; le jugement que porte ce
frère sur l’état de Jean, en allant défendre à Maugier
de lui donner encore du vin ; enfin cette manière
extraordinaire d ’cchappcr aux soins et a la vigilance
de l’am itié, tout ne prouve-t-il pas que ce malheureux
était dans un état d ’ivresse tel, q u ’il n ’avait plus le
libre exercice de ses facultés; et déjà ne peut-on pas
prévoir ou craindre quelque accident, si on l'aban
donne un instant à lui-même ?
D ’un autre coté, si l ’on ajoute q u e , p e n d a n t toute
�O
)
celte même journée, Jean Courbon a vu les accusés
sans q u ’il y ait eu entr eux la plus legere dispute; q u e
T av e r n i e r en a au contraire reçu, u n service, comment
supposera-t-on que les trois beaux-frères aient conçu
de mauvais deseins .contre Jean Courbon ?; Comment
sur-tout voudrait-on les. rendre responsables de son
sort, quel q u ’il soit, si l ’on considère que Jean Courbon
était livré aux soins de son irère; que les accusés étaient
au cabaret Maugier, lorsque les deux Courbon en
sont sortis; q u ’ils y étaient encore lorsque Pierre y est
revenu, et q u ’enfin ils n ’ont quitté ce cabaret, que
quelques instans après que Jean Courbon a d isp aru,
et s’est soustrait à la surveillance toute bienveillante
de son frère? E n effet, à quel instant les accusés
au raien t-ils conçu le dessein de leur crime? Quels
étaient leurs moyens d ’exécution? Où attendaient-ils
leur victime? Jean Courbon n ’était-il pas pour eux
livré à la garde de son f rère? l i t existe-t-il un seul
témoignage , une seule prévention de laquelle on
puisse induire que les accusés aient rencontré Jean
Courbon après sa dernière sortie du cabaret Maugier?
Mais continuons. On se souvient de la ]*sition de
Jean Courbon, q u i, le 7 septembre, a neuf heures
du soir environ, était assis sur un char placé an-devant
de la forge Maugier. Depuis cet instant il a disparu,
et son cadavre a ete découvert le lendemain , 8 sep
tem bre, à cinq heures du m atin, gisant dans une fosse
placée derrière la maison de l ’aubergiste Massardier.
Pour se faire une idée juste des conséquences à tirer
de cette découverte, il faut examiner, avec la plus
sein puleuse a tten tion , la situation île la maison
Massardier, celle do la fosse, dont la description inté
rieure et extérieure d o i L être laite avec soin enfin l:i
position et l’éiat du cadavre du malheureux Courbon.
Si l ’on veut connaître la situation de la m a i s o n
Massardier, qui est l ’auberge où Jean C o u r b o n s’est
�(
)
*4
d ’abord présenté lors de son arrivée à Dunières, il faut
pren d re, pour point de d ép art, le cabaret M augier,
situé à une des extrémités du b o u rg , et sur une place
p u b liq u e, qui le sépare de l ’église et du cimetière*
E n sortant de ce cabaret , on traverse la place pu^blique; à la droite se présente ensuite la rue principale,
ou plutôt l ’ unique rue de Dunières, qui se prolonge
jusqu’à l ’autre extrémité du bourg. Si l ’on suit cette
ru e , on trouve à sa gauche la forge Maugier, au-devant
de laquelle était placé le char. E n avan çan t, on arrive
au-devant de la maison L e m o in e , qui est la dernière
du bo u rg, à gauche, et l ’on a en face la maison
Massardier, placée dans un enfoncement, et sur une
place ou terrain vacant , qui la sépare de la r u e , à.
droite.
La maison Rispal est placée à la droite et k l ’extré
mité de cette rue; elle borde la place ou le terrain
vacant sur lequel est située la maison Marrardier; elle
a des jours, soit sur la rue, soit sur cette place, et
d écrit, avec la maison Massardier, un angle droit; de
manière que celui qui se trouverait à l ’extrémité de
la maison Rispal, se rendrait directement de ce point
h. la porte de la maison Massardier, en traçant une
diagonale, qui serait la base d ’un angle décrit, sur la
place pu blique, par les maisons Rispal et Massardier,
et dont le point de jonction de ces deux maisons, sur
cette même place, est le sommet.
Cette description fait déjà pressentir que la princi
pale façade de la maison Massardier est sur la place
publique , qui borde la r u e , à droite ; là est la porte
d ’entrée de l ’auberge, et à cette porte peut commencer
un sentier q u i, longeant la maison Massardier et tour
nant à droite, conduit sur les derrières du bourg de
D u n iè re s, et sert de communication de l'auberge
Massardier 11 l ’auberge Samuel. Ce même sentier, qui
a SOU débouché sur la route de Montfaucon , peut
�( i5 ) _
aussi conduire à l ’auberge Maugier'; de manière q u ’en
revenant au point de départ que l ’on s’est fix é , c’està-dire à la place publique, où est située la maison
M augier, et en suivant la rue de Dunières jusqu’à son
extrémité, on trouve à droite l ’auberge Massardier,
aussi située sur une place publique; tournant ensuite
cette maison à droite, et longeant ses derrières, on
revient sur la place p u b liq u e, qui est au-devant de là
maison Maugier, en laissant à droite l ’auberge Sam uel,
et à .gauche l ’auberge Maugier.
On voit que ce sentier est un moyen cle circulation
bien important pour le bourg de Dunières, et q u ’il
doit être très-fréquenté, sur-tout les dimanches et
autres jours où les habitans des environs se réunissent
dans ce lieu.
Il faut actuellement isoler la maison Massardier et
ses dépendances, et y porter exclusivement son a t
tention.
On connaît sa façade sur la place publique; sur le
derrière est une autre façade parallèle à la première,
donnant sur un hangard, au-devant duquel est encore
un petit vacant limité par le sentier dont on vient
de parler.
L e hangard, au-dessous duquel se trouvent deux fe
nêtres, commence à l’une des extrémités de la maison, et
à la droite de l ’observateur; il se prolonge jusqu’à la ren
contre do la fosse où le cadavre de l ’infortuné Courbon
a été trouvé. Cette fosse est elle-même immédiatement
placée au niveau d ’une fenêtre à quatre carreaux, ser
vant à éclairer l ’évier de la maison Massardier. U n de
ces carreaux était cassé à l ’époque de l ’événement.
Cette fosse, q.ui est limitée à droite par le hangard
de lace par la maison Massardier, l ’est, à gauche^
par la grange de la même maison grange q u i, faisant
suite à la maison Ihspal, et se prolongeant, décrit ,
avec la maison a laquelle elle appartient, un angle
�( 1(5 )
droit renfermant, dans ses deux côtés, le hangard^ la
fosse , et le terrain vacant qui est au-devant. Ce terrain
sert à faciliter l ’entrée de la grange, dont les portes,
tenant presqu’immédiatement à la fosse, sont placées
à une des extrémtés de la grange , et près du sentier
public.
Ainsi la fosse où le cadavre a été découvert tient
à une auberge5 elle est placée dans un village, près
d ’un sentier ou rue publique extrêmement fréquentée,
sur-tout un jour de dimanche; enfin elle est entourée
de fenêtres et de portes qui la mettent entièrement à
découvert.
Cette fosse forme un quarre équilatéral de quatre
pieds de diamètre sur deux de hauteur; et dans son
intérieur 011 remarquait quatre ou cinq excrémens
humains non écrasés, et de la paille peu froissée.
Le cadavre de Jean Courbon gisait dans cette fosse.
Pour connaître sa position , il faut consulter les procèsverbaux, et ce que les dépositions des témoins ont
ensuite appris.
Les vêtemens du malheureux Courbon n ’étaient
dérangés en aucune façon.
Son dos était en l’air, et la tête en bas, de ma
nière que le corps, étant dans une ligne presque per
pendiculaire, n’a v a it , pour ainsi d ir e , de point
d ’appui que sur la nuque, les pieds, et le genou
droit : la main droite du cadavre était sous ce genou.
L a cuisse et la jambe gauches étaient tendues, et se
soutenaient sur la pointe du pied; la main gauche
appuyait à terre; et la tête, recourbée sur la poitrine,
paraissait être entre les cuisses. Au reste, les pieds et
Jes jambes de Courbon étaient tournés du coté du mur
de la maison Massardier., et le corps du coté du chemin';
enfm le chapeau était placé sur le cou ou sur les
épaules.
XjC procès-verbal du juge de paix est de ce jou r,
�V'i))
$ septembre 1817. C et officier'de police judiciaiVe
apprend que la position du cadavre, quelque extraordi
naire q u ’elle puisse paraître, peut être expliquée pai
la nature du terrain et par la chute de Courbon; ih
ordonne de donner au corps une position plus n atu
relle, ce qui est vainement essayé; mais il peut re-r
marquer que la figure est hideuse et décomposée; q u er
les membres sont généralement roides, et que le earps>
a un reste cle.*chcileur Getté>dernière observation le.
frappe même si fortement, q u ’il fait administrer au>
malheureux Courbon des .eaux spiritueuses, que l ’on
introduit dans le n ë z , d a n s la bouche, et dont on lui
lave la tête, pour tâcher, mais vainement, de le rap
peler à la vie.
•iLej cadavre}),transporté au clocher du b o u r g , est
soumis.'a l ’examen du médecin, qui fait de suite le
rapport de son opération à M. le juge de paix. Ce
de rnier consigne, dans son procès-verbal, que le. mé
decin lui a déclaré que, d ’après l ’inspection du ca
davre, et les recherches fintérieures auxquelles il s’est
livré , il est certain que Jean'Courbon est décédé de
mort naturelle, suito d ’un excès de vin; que cet excès
a provoqué une apoplexie p dont l ’existence lui »¡est
prouvée par. l ’examen des sinus, >qui se sont trouvés
gorgés do!sa*ng.
’>
•
;
INI. le juge de paix veut ensuite savoir si la voix
publique s’accorde avec l ’opinion:de l ’homme de l ’art,
sur le genre de mort auquel Jean Courbon a succombé:
il 1 interroge et apprend,
-1 ,
■
Que C ou rbo n était généralement aimé de tout
le monde;
i
• 2 Que Jean Courbon était souvent dans un état
d ’ivresse absolu ; , . \
,
.. ,, .
3 ° Q ue «a mort devait être la suite de» fcxcès de
vin auxquels ce m alheureux s’était livré le jour même
de son décès.
�L e juge de paix adopté cette opinion, et la fortifie
par une observation qui lui est particulière ; il ditq u ’il a effectivement remarqué que le cadavre je ta it
du vin s u t ses habits. >
Enfin cet officier de police judiciaire, ne voulant
rien négliger, entend plus particulièrement cinq té
moins, insère leurs déclarations dans son procès-verbal;
et, tons assurant que la mort de Courbon ne peut être
attribuée q u ’à un excès de v in , il d it , dans la clôture
de cet acte important, que les renseignemens lux ayant
paru suffisamment prouver le genre de nîort de Courboni, et son zèle à le constater y il ordonne que les
restes de cet estimable citoyen seront remis à sa
famille.
L e rapport du docteur, qui a p r o c é d é à l ’autopsie
cadavérique,. ne contient autre chose que. le dévelop
pement de l ’opinion déjà manifestée à M. le juge do
p a ix , et que ce dernier a consignée dans son procèsverbal. r
L e médecin examine d ’abord la surface externe du
cadavre. La constitution physique de Courbon pré
sentait la réunion de toutes les.causes prédisposantes k
l ’apoplexie; et l ’examen extérieur de son corps n’offre
aucun autre indice de mort vio len te, que ceux qui
servent à indiquer’cette espèce d ’accident. L'homme de
l ’art confirme même une des obsèrvatîons du j ngc de
paix , et dit que le cadavre regorgeait, par la'bouch e,
'
un mélange de liqueurs fernientées.
Le médecin procède ensuite à l'ouverture des trois
Cavités qui existent dans l ’organisation de l ’homme.
La l ê i e , les cavités thorachiques, pelviennes ou abdo
minales, sont successivement l ’objet de son attention;
cl après l’examen le plus scrupuleux, et avoir remarqué
que l ’estoniac contenait une assez grande quantité de
liqueurs fermentées., il n ’hésite pas à déclarer qne
Cuuibou est mort d ’attaque d ’apoplexie, accident que
�C*9 )
sa forte constitution pouvait à chaque instant faire
craindre, et qui a été déterminé par les excès répétés
devin et de liqueurs, auxquels ce malheureux se livrait
journellement (i).
C e rapport ne forme q u ’un seul et même acte avec
le procès-verbal du juge de paix. Ces deux pièces sont
si intimement unies, que l ’on peut dire du rap p o rt,
q u ’il n’est que l ’explication du procès-verbal. Il ne
contient en effet autre chose que des développemens
étrangers aux connaissances d ’un juge de paix, et q u ’uu
homme de l’art pouvait seul donner. Il faut ajouter
que l ’examen du ju ge, ses recherches sur la cause de
la mort de C ou rbon, son interrogatoire de diflerens
témoins, ont eu lieu en même tems que l ’autopsie
cadavérique; que tout cela se faisait dans la matinée
nieme du jour où le cadavre avait été découvert; q u e ,
dans cet in stan t, il ne s’élevait a u c u n soupçon, sur la
nature de la mort de C o u r b o n ; q u ’a u c u n coupable
n ’était signalé; q u ’ainsi jiersonne ne pouvait avoir
intérêt à cacher les causes de cette m ort; et q u ’en
supposant que quelqu’un put en être l ’a u t e u r , le soin
de sa conservation l ’obligeait à s’abstenir de toutes
démarches ou sollicitations qui auraient pu le faire
soupçonner. Tout cela ne prouve-t-il pas que le juge
de paix et le médecin agissaient également de bonne
lo i; q u ’ils ne cédaient ni à la crainte ni à l’intérêt que
pouvaient leur inspirer des coupables présumés; mais
q u ’en interrogeant les faits et en en tirant les consé
quences inévitables qui se présentaient naturellement
et sans effort , ils ne faisaient q u ’obéir au sentiment
de leur d evo ir et à l’impulsion de leur conscience?
Il faut donc le dire ici : non-seulement il u ’y a point
( 0 V oyez, à la page \ des piiVcs justificatives, ce rapport, qui est <îft
môme p u r que le procès-verbal d u juge de p a ix , et qui c o u t i e u l tous
les détails de l’autopsie cadavérique dç Courbon.
�•
•
,
» .
jusqu’à présent de crime pro u vé, mais encore Iesi
procès-verbaux excluent la possibilité de l ’existence d’un
corps de délit; et s i, par la pensée, l ’on énumère les
autres faits déjà connus, faits qui jaillissent de l ’ins
truction , et dont M. le juge de paix pouvait être
in stru it, ou dont au moins il lui était si facile de
s’in stru ire , ne sera-t-on pas convaincu q u ’à cette
époque le juge de .paix avait la certitude que Jean
Courbon était décédé de mort naturelle; que si la
société pouvait avoir un accident à déplorer, au moins
il n ’y avait aucun crime à venger; et si dans la suite
quelques combinaisons fortuites, quelques circons
tances difficiles à expliquer semblaient accuser queliqu’un. de ce crime imaginaire et impossible , ces
malheureuses victimes du soupçon et de l ’erreur ne
devaient-elles pas s’attendre à trouver protection et
appui dans l ’autorité toute tutélaire de M. le juge
de paix ?
Cependant des ignorans et des oisifs; des femmes
d ’une imagination faible; le peuple crédule et ami
des nouveautésj pourvu qu'elles aient un caractèreextraordinaire et présentent à l ’esprit des images
effrayantes; toute cette tourbe enfin dont l ’honune
sage dédaigne les opinions, comme étant le produit
de l ’erreur, s’empare de cet événement, le travestit
bientôt en assassinat, et n ’est pas long-tems à en in
diquer les auteurs. Quelques jours sont à peine écoulés,
que le peuple de Duniôres croit aussi fermement à la
mort violente de Courbon , et à la culpabilité de
G a lla n d , llispal et Tavernier, q u ’il peut encore croire
aux revenans, «i ln. sorcellerie et à la magie.
La mort tragique du malheureux Fualdès occupait
alors la France; les détails de cet horrible procès cir
culaient dans les villes et dans les hameaux, sous les
lambris dorés comme sous le chaume : elle était l'objet
de toutes les conversations j et s’il eût été possible d ’y
�( 31 )
ajouter quelque nouvelle horreur, produit d ’une ima
gination vicieuse ou déréglée, le peuple l ’aurait saisie
avec avidité, tout invraisemble d ’ailleurs q u ’elle pût
être.,
L ’accident arrivé au malheureux Courbon appelait
des victimes. Ses parens, ses am is, ceux sur-tout qui
avaient éprouvé les effets de son obligeance et de sa
charité, brûlaient d ’offrir à ses mânes une hécatombe
humaine.
B i e n t ô t l ’assassinat de Courbon parait certain. Il a
cté enlevé, le 7 septembre au soir, à sa sortie du
cabaret Maugier; on l’a entraîné dans la maison Rispal;
là , il a été couché sur un b a n c, et une voix s’est fait
entendre pour demander une hachasse ^ b. l ’effet de
recevoir le sang de la victime. Plus tard, 011 dira que
ce moyen n ’ayant pas réussi, Courbon a été étouffé,
et que les assassins lui o n t rompu la colonne verté
brale; mais toujours ce sera dans la maison Rispal, que
l ’assassinat aura eu lieu. Les inventeurs du crime de
JJunières ne feront autre chose que de s’approprier les
détails du crime de Rhodez, commis dans la maison
Bancal, qu ’ils copieront, corrigeront et augmenteront
suivant les circonstances.
Q u ’est devenu ensuite le cadavre? Les assassins l ’ont
transporté dans la fosse où il a été découvert. Ils
avaient d ’abord le projet de le déposer dans la grange
Massardier, située près de celte fosse; mais, contre
' l ’habitude, la porte de cette grange étant fermée, ils
ont été contraints de le placer dans la fosse, et de lui
d o n n e r la position qui pouvait le mieux faire croire à
une mort nat ur el l e.
Les preuves du l’a it sont le b ru it public; l ’état du.
cadavre; les choses extraordinaires qui se sont passées
pendant la nuit ; les hurlemens lugubres d ’un chien qui
paraissait prévoir quelquesm al lieu rs ; les révéla lions d ’un.
être m ystérieux, d ’un pèlerin q u i aurait pour ainsi dire
�.
. .
(
3 2 )
assisté aux derniers instans de C ou rbon, et entendu ce
malheureux demander la vie à ses féroces assassins. Q u ’à
cela l ’on ajoute tout ce q u ’une imagination fantastique
peut produire; quelques taches de sang observées sur
la terre*, la découverte de cheveux épars ou en toufte;
les inquiétudes occasionnées par l ’insomnie à quelques
habitans de D unières, et l ’on se fera une idée juste de
la fermentation que la crédulité, les passions, l ’amour
du merveilleux, et sur-tout le désir de trouver des
coupables avaient dû exciter dans ce lieu.
Mais tout cela n’était encore q u ’absurde; les procèSverbaux répondaient à toutes les objections : il ne
s’agissait pas, en effet, de suppléer à leur incerti
tu d e; mais il fa llait, contre leur contenu, prouver
le fait d ’un assassinat.
Cette fermentation de propos indiscrets et de bruits
populaires frappe l ’esprit de M. le juge de paix. On
dit que son caractère est naturellement porté aux
affections douces; on lui accorde beaucoup d ’instruc
tio n , jointe à un esprit b rillan t; mais ces qualités
ne suffisent pas toujours pour garantir l’homme qui
en est pourvu, de la prévention, maladie contagieuse
de l’esprit humain; il faut encore une ame forte et
un jugement exquis pour interroger les faits et tic pas
se laisser induire en erreur, en mettant des hypothèses
pompeuses à la place de la vérité.
Ce juge, d ’ailleurs estimable, mais peu accoutumé,
sans doute, à rinstruction des causes criminelles, re
jette sa propre conviction. Plus aveuglé que celui q u i,
à force de fixer une place vid e, où il lui semblerait
voir un objet qui n’y existe pas, finirait par le re
garder comme réel, ce magistrat voit un crime et un
corps de délit constant dans le fait q u ’il avait d ’abord
jugé et démontré en être exclusif; il recueille les ap
parences les plus légères, les indices les plus équi
voques} il accumule renseignement sur r ens ei gne me nt ,
�Ç ?3 )
écoute des personnes bornées ou mal instruites, prêt«
même l’oreille à des témoins pervers,, q u i, en déposant
de ce q u ’ils n ’ont ni vu ni entendu, et en inspirant à
M. le juge de paix des craintes personnelles, amassent
à-la-fois des nuages funestes sur le fait à exam iner,
et excitent la prévention et la haine du juge contre
ceux qui en sont présumés les auteurs.
.. M. le juge de paix ne pouyait se garantir de tant
de pièges; il se décida à devenir , auprès de l ’autorité,
l ’organe d ’une .opinion q u ’il .avait déjà adoptée. Ses
lettres ou rapports sont nombreux ; ils appartiennent
aux accusés, puisqu’il leur en a été délivré copie ; et
.ces derniers, en en donnant l ’extrait, pourraient y
faire remarquer des expressions, des pensées, des désirs,
des suppositions, des phrases entières qui ne peuvent
Ê accorder avec la dignité d ’un magistrat et l ’impassi
bilité qui doit le caractériser. Mais ils restreindront
leurs observations, sur ce jio in t, à faire remarquer,
i°,Q u e chaque information de M. le juge d ’instruc
tion était.précédée d ’une lettre de M. le juge de paix,
contenant des notices sur le personnel des témoins et
sur les dépositions q u ’ils devaient faire; que constam
ment les faits contenus dans ces lettres ont été in
firmés ou adoucis par les dépositions des témoins ;
20 Que ces rapports révèlent des faits d ’ une haute
gravité, et dont les témoins ne parlent pas;
3 ° E n f in , que M. le juge de pai* croyait devoir at
tribuer les réticences ou le silence des témoins à la
terreur que. leur inspirait l ’état de liberté, des trois
beaux-frères; que cependant, depuis l'arrestation de
.ces malheureux, et aux assises même, aucune dépo
sition xi a été changée ni modifiée, si l ’on en excepte
.celle d un seul témoin, qui sera l ’o b je t.d ’un examen
particulier..
Les premiers rapports, en forme de lettres, de M. le
juge de paix, commencent au 24 novembre 1817. Ce
�(»4 5
juge convient que le procès-verbal q u ’il a rédigé , et
celui du médecin , devaient tranquilliser et éloigner
tout soupçon sur le genre de mort de Courbon ; que
sa croyance, alors partagée par tous ceux qui l ’entouraient, était d ’ailleurs justifiée par l ’inspection du
cadavre, qui ne présentait pas même une légère
égratignure , et par l ’état des vêtemeus, qui n'étaient
nullem ent en désordre. Il énonce ensuite dans ce rap
p o r t , et dans deux autres, qui sont sous les dates des
2 et 3 octobre, différens faits qui peuvent se réduire
à ceux-ci :
:
i° Une querelle s’est élevée au cabaret, entre Galland et Courbon ; elle a été suivie de menaces de la
part de Galland;
2° Rispal, Galland et Tavernier n ’ont point établi
l ’emploi de leur tems dans la soirée du 7 septembre,
depuis neuf heures ctdemie du soir jusqu’à onzeheuresj
3 ° Dans cette même soirée, et près de la fosse oii le
cadavre de Courbon a été découvert, on a entendu
une voix s’écriant : « Ne serai-je pas bientôt à cette
« f ...... porte ! » U n instant après, quelque chose de
pesant a été jeté dans la fosse ;
4 ° Galland ayant quitté le bourg de Dunières à
m inuit passé, pour se rendre au lieu <Je M altavcrne,
lieu de son domicile, aurait d it, le 8 septembre 1 8 1 7 ,
à la pointe du jo u r, en allant de Maltaverne au lieu
de Cublaise, oii était son épouse, et eu passant au
lieu de G uignebaude, domicile d e là nommée Colomb e tte, que Courbon avait été trouvé étouffé par le
vin , derrière la maison Massardicr.
M. le juge de paix insistait spécialement sur les
difficultés q u e, suivant lu i, les trois beaux-frères
éprouvaient à justifier de l'emploi de leur teins, depuis
neuf heures du soir jusqu’à onze, et sur la conversa
tion que Galland aurait eue avec la Colombette, dans
Ja mtlliuée du 8 ; conversation contenant un aveu q u i,
�( * s )
vu-les distances, ne pourrait avoir été fait que par
celui qui aurait participé à l ’assassinat de Courbon.
Cependant la justice gardait le silence. Cette
autorité, à la fois vengeresse et tutélaire, recevait
les renseiguemens qui lui étaient donnés; mais elle
n ’en usait q u ’avec la circonspection qui est la pre
mière garantie de la liberté des citoyens. Aucun acte
n ’était encore émané d ’elle, lorsque, le 4 septembre
18 18 , le maréchal des logis de la gendarmerie, en ré
sidence à M ontfaucon, agissant d ’après les ordres de
son lieutenant, ordres délivrés d ’après la clameur
publique, arrête Rispal et Tavernier. G allan d , ins
truit de l ’arrestation de ses deux beaux-frères, vient
de lui-même se remettre entre les mains des gendarmes,
qui les transfèrent à Yssingeaux. Il n ’est pas inutile
de faire observer q u e , soit dans les choses, soit dans
les expressions, l ’ordre de l ’officier de gendarmerie
n ’est que le résumé exact des lettres ou rapports du
juge de paix à M. le juge d ’instruction.
A peine traduits à Yssingeaux, Rispal, Galland et
Tavernier sont séparés et mis au secret-, ils sont in
terrogés isolément, et répondent, d ’une manière aussi
simple q u ’ uniforme, aux différentes questions qui
leur sont proposées, questions qui étaient sans doute
rédigées sur les notes et renseignemens transmis par
M. le juge de paix.
Leurs réponses sur l ’emploi du tems qui s’est écoulé
de neuf heures et demie à onze heures du soir, dans la
soirée du 7 septembre, sont sur-tout remarquables.
Suivant eu x, ils sont sortis du cabaret Maugier à
neuf heures; ils ont parcouru ensemble la rue de
Dumèrcs; mais arrivés au-devant de la maison Rispal,
ce dernier a q u iu é ses deux beaux-frères, est rentré
dans son domicile, s’y est couché, et n ’en est plus
sorti.
Galland et Tavernier ont continué leur route. A
4
�( 26 ) t
neuf heures et demie, ils sontarrivésaucabaretLyonnel,
situé à quelque distance de Dunières; ils ont soupe
dans ce lieu : Tavernier y a même couché; mais Gal
land en est parti pour se rendre à M altaverne, en
passant par Cublaise, où il avait l ’espoir de rencontrer
son épouse.
Ces explications devaient paraître suffisantes; aussi
la chambre d ’instruction signa, le 8 octobre, l ’ordon
nance de mise en liberté de ces trois prévenus. Dans
la même soirée, ces trois malheureux se retirèrent à
l ’auberge Perrot , située à Yssingeaux. La femme
Rispal , portant au bras un enfant q u ’elle allaitait
encore, était venue donner à son mari des secours et
des consolations : elle était aussi descendue à l’auberge
Perrot. Quelle joie d ’y retrouver libre l’époux q u ’elle
croyait dans les fers! que d ’expressions de tendresse!
que de félicitations réciproques ! Les momens de la
douleur sont bientôt oubliés ! — Imprudens! ! ! modérez
ces transports......... Vous êtes libres; mais vos ennemis
sont-ils désarmés? la calomnie n ’a-t-elle plus de traits à
lancer contre vous? ne viendra-t-elle pas vous frapper
au sein même de la joie la plus innocente?.........
Mais il ne faut point anticiper sur les faits; et il
suffit ici de dire que Tavernier et G alland, Rispal r
son épouse^ et leur jeune enfant, passèrent a Yssin
geaux la nuit du 8 au 9 octobre, et couchèrent
ensemble à l’auberge Perrot, dans une chambre à
deux lits.
Le 9 octobre, cette famille rentra dans son domi
cile; elle venait de payer à la société le tribut le plus
cruel q u ’elle puisse imposer : ne devait-elle pas espérer
quelques consolations, sur-tout du magistrat q u i, sui
de simples soupçons, avait momentanément exposé la
réputation, et sacrifié la libçrlé de trois citoyens, de
trois pères de lain il le ?
Mais M. le juge de paix, que sa trop grande promp
�( 37 )
titude avait entraîné dans l ’erreur, la chérissait trop
pour la reconnaître. Par une lettre du in octobre, il
témoigne son déplaisir de l ’ordonnance qui a rendu la
liberté aux prévenus. Les 1 1 , il\, *8, 21 novembre
et 7 décembre, autres lettres, où il expose de nouveau
les circonstances q u ’il regarde comme accusatrices; il
y ajoute des révélations q u ’il prétend avoir été laites
par la mère de llispal; il a grand soin sur-tout de
prémunir le juge d ’instruction contre les témoins ,
q u ’il assure avoir été carressés et corrompus ; et si
son heureuse mémoire lui rappelle « qu a u x gens
« a i s é s les vertus sont fa ciles » la réflexion lui
fait de suite ajouter « que h s témoins sont indigens 3
« et que les accusés ne le sont pas. »
E n fin , les premières informations commencent; les
procès-verbaux sont sous les dates des 2 1 , a5 no
vembre et 9 décembre, et précédés c h a c u n d ’une ou
de plusieurs lettres de M. le juge de paix.
Ces informations apprennent comme faits essentiels:
i° Que Gallaïul et Tavernier, au lieu d ’arriver au
cabaret Lyonnet à neuf heures et demie de la soirée
du 7 septembre, comme ils l ’avaient déclaré dans
leurs interrogatoires, n ’y seraient venus q u ’à onze
heures ;
20 Q u ’il serait vrai que, le B septembre au m atin,
G a lla n d , passant au lieu de Guignebaude, aurait
annoncé à une femme, nommée Colom bette, la mort
de Gourbon. Ce fait n ’était point déposé par la Colom betie, mais semblait ressortir de la déposition de
trois autres témoins;
3 ° Que la nièce de R ispal, enfant alors âgée de qua
torze ans, aurait tenu une conversation qui accusait
son oncle;
4°
pendant la nuit du 7 au 8 septembre, 011
avait entendu des chiens aboyer, des disputes et des
géinissemens ;
�-( =8 )
5° E n fin , une fille de quatorze ans déposait des
on dit qui circulaient dans le bourg de Dunières, et
des projets que l ’on supposait avoir été conçus, de
faire subir à Courbon une mort semblable à celle
du malheureux Fualdès.
Tels sont tous les faits à charge qui ressortent ,
contre les accusés, de ces trois premières informations;
elles apprennent d ’ailleurs que Galland et Courbon
n ’ont point eu de dispute dans la journée du 7 sep
tembre; que ce dernier était dans un état complet
d ’ivresse; enfin, ces informations relatent ou confirment
la majeure partie des faits qui ont déjà été exposés.
O11 doit remarquer aussi un fait essentiel dans cette
première instruction. On voulait que Courbon eût
succombé à une mort violente; mais, dans rincertitude où l ’on était sur le genre de cette m ort, on s’était
enfin arrêté à la rupture de la colonne vertébrale et à
l ’étouiFcment. M. Bergeron, médecin à Mont faucon.,
interpellé sur ce fait, avait répondu que la luxation
des vertèbres pouvait se reconnaître sur le cadavre ,
même après trois mois de sa mort; q u ’il était encore
possible de l ’exhumer; et l ’on avait négligé ce ren
seignement, jusqu’au point de 11e faire aucune re
cherche pour constater un fait que l’on jugeait si
important dans le système de l’accusation.
M. le procureur du lloi et le juge d ’instruction
avaient enfin épuisé tous les renseignemens qui leur
avaient été transmis par M. le juge tie paix. M. le
procureur du Roi avait requis un mandat d ’arrêt
contre les trois beaux-frères; mais le juge d’instruction
ayant fait son rapport à la chambre du conseil, il y
intervint, le 17 décembre 1 8 1 7 , une ordonnance, qui
déclare q u ’ il n’y a lieu à faire droit sur le réquisitoire
de INI. le procureur du Roi, parce q u ’il 11e résulte, des
in formations , ni des preuves ni des présomptions
suffisantes pour priver des citoyens de leur liberté;
�( 2<> )
que d ’ailleurs les bruits publics sont à dédaigner,
lorsque sur-tout il n ’existe aucune preuve m atérielle
du délit.
Cette ordonnance était un hommage rendu aux
principes les plus vrais, et dont le magistrat ne doit
jamais s’écarter dans l ’instruction des affaires criminelles.
Comment, en effet, rechercher des coupables, s’il n ’y a
point de crime constaté? Ne serait-ce pas se jouer des
choses les plus sacrées, et compromettre arbiti’airement
la sûreté, la liberté et la vie des hommes?......
Cet acte, aussi sage que respectable, irrite encore
M. le juge de paix. L a résistance du tribunal à faire
arrêter les prévenus, peut, suivant lu i, faire manquer
l ’effet des poursuites : « L ’affaire de llh o d e z , s’écrie« t-il, n’est cependant pas plus horrible? Le canton
« de Montfaucon n’aurait-il pas les mêmes droits à Ja
« sollicitude de l'autorité? » Il imliquc ensuite de
nouveaux témoins, et recommande spécialement A n n e
Colom bette, dont la m oralité est p lu s que fa ib l e / il
pense même que la crainte d ’être poursuivie p eu t seide
fa ir e p a rler c e t t e i n f e r n a l e f e m m e . . . (Lettres des 5
et 6 janvier 1817 ).
L e 18 février 1818, M. le juge de paix écrit que 1a
famille Courbon-croit le rapport du médecin inexact;
q u ’elle lui reproche de ne l ’avoir livré que six jours
après la visite du cadavre. Ainsi ce juge infirme luimême son propre témoignage; il veut s’être trompé au
, moment où il pouvait tout vo ir, tout examiner et tout
apprécier : peu lui importe q u ’on l ’accuse d ’irréflexion
lorsqu’il dressait son procès-verbal, pourvu que les
bruits populaires et les renseignemens q u ’il recueille
lassent connaître les coupables du crime q u ’il suppose.
Il are et louable modeslie, qui fait abnégation de tout
amour-propre, jusqu’au point de renoncer à une vérité
démontrée, pour s attacher a des apparences étran
gères, et s’efforcer de l^s établir! L a société, qui est
�C 30 )
obligée de rechercher des coupables, mais qui se réjouit
lorsqu'elle découvre des inuocens, lui tiendra-t-elle
compte d’un aussi noble dévouement?
On ne s’arrête point aux autres lettres qui sont
nombreuses, et contiennent des détails exagérés ou
inexacts; il faut seulement dire q u e , dans celle du
i 3 aoi\t 18 1 8 , Peyrache est indiqué comme tém oin,
et devant déposer des excès que Q alland avait exercés
sur sa personne.
L ’instruction se continue. U ne information du 7
janvier 1818 apprend :
i° Q u ’Anne Colom bette, qui était au-devant de la
porte de sa maison au moment de sa conversation avec
G allan d , ne dépose pas q u e ce dernier lui ait parlé de
la mort de Courbon ; ainsi elle i nfirme ou au moins
rend problématiques les dépositions des témoins qui
ont déchiré avoir entendu cette conversation et cet
veu de Galland à la Colombette ;
20 Que le soir du 7 septembre, et sur les neuf
heures, quelqu’un est venu heurter à la porte d ’en li ée
de l’auberge Massardier ; que ne recevant pas de ré
ponse , cet individu est alors monté du coté où
Courbon a été trouvé morl ;
3 ° Que quelqu’ u n , qui couchait auprès de la fosse
où le cadavre de Courbon a été déoouvert, a entendu
dans la soirée , ou pendant la nuit du 7 au 8 septembre,
une voix s’écrier : « Ksl-ce que je n y suis pas encore ! »
4° Que lors de la visite et de l ’autopsie cadavérique
du malheureux Courbon, on a fait inutilement observer
au m édecin, que le mal qui avait causé sa mort n’était
point dans la tête^ mais bien au cou.
L'instruction a ensuite été suspendue pendant sept
mois; elle a été reprise dans le courant du mois
d ’août suivant; et sous les-dates des i/j, o.!\ et 2 (> de
ce mois, se trouvent trois procès-verbaux d ’information 3
( p i appieiiiieul :
�( 31
)
i° Que Galland s’était, à différentes reprises, liv ré ,,
contre plusieurs individus, à des excès et à des actes
de violence; que Courbon avait é té , comme plusieurs
autres, exposé à ces excès; et q u e , dans la journée
du 7 septembre , T avern ier, étant au cabaret avec
C ou rbon, l ’aurait appelé cochonj en proférant cette
épitliète avec un ton colère;
. 2° Que lors de la visite du cadavre, on s’est aperçu
que la tète de Courbon était mobile et tournait en
tout sens; que des taches noires et violettes se faisaient
remarquer vers le cou ; que l ’os du gosier était plus
saillant q u ’à l ’ordinaire; q u ’enfin Je médecin a avoué
que Courbon n ’était pas mort d ’apoplexie;
3 ° Q u e , le 8 septembre, Rispal, s’expliquant sur
la mort de Courbon , a tenu des propos de mauvaise
plaisanterie; que cet homme, se voyant fixé par le
juge de paix, a pâli ; que sa pâleur a s u r - t o u t a u g m e n t é ,
lorsque, sur l' i n t e rp el l a t i o n du juge de paix., l ’auber
giste Massardier a nié avoir vu déchirer par Courbon
le billet q u ’il devait à T avernier, et dont il venait de
se libérer.
Enfin , pour compléter les idées sur ce qui ressort
de ces diverses informations, il faut ajouter q u ’elles
font aussi conntaitre les bruits qui circulaient dans
le bourgo de Dunières. On vc disait :
Que Galland et Tavernier , après avoir étouffé
Courbon, s’étaient réfugiés dans l ’auberge de Lyonnet;
Q u ’ un nommé Saignard avait aidé llispal à porter
le cadavre dans la fosse;
Q u ’enfin un inconnu avait dit que INI. Dufaurc
(le juge de paix) eut à prendre-garde à lu i, Galland
ayant a n n o n c é <ftt’il lu i fe ra it comme à Courbon.
Le tribunal d ’Yssingcaux, pensant que la procédure
était complète, renvoya, par ordonnance du 27 août
1 8 1 8 , cette affaire a la chambre des mises en accusa
tion de lu C o u r royale de Riom.
�(3 0
L e jour même de ce renvoi, M. le juge de paix
écrivait encore. 11 faut extraire de cette dernière lettre
un fait essentiel. 11 annonce que Peyrache , témoin
déjà entendu, lui a rapporté q u ’étant à Yssingeaux ,
et logé à l'auberge Perrot_, il a pu entendre les trois
beaux-frères s’entretenant de leur crime-, q u ’un d ’eux
disait : « N ous avons trop enfoncé le m ouchoir} ce
/< qui a fa it enfler le cou et a éveillé les soupçons »
que si Peyrache n ’a pas révélé plutôt ces propos, c’est
q u ’il a peur de ces coquins, et parce que d ’ailleurs il
n ’a pas été interrogé sur l ’assassinat.
Toutes les lettres de M. le juge de paix étaient
jointes à la procédure : elles semblaient même en faire
par ti e ; elles p o u v a i e n t donc fixer l ’a t t e n t i o n de la
Cour. Cette correspondance a q u e l q u e chose de si
positif; les faits q u ’elle contient sont si graves; les
personnes y sont traitées avec si peu de ménagement ;
la conviction de M. le juge de paix paraissait enfin si
profonde, que la chambre d ’accusation crut devoir,
dans sa haute sagesse, soumettre cette affaire aux
débats des assises. U n des motifs de son arrêt d ’accu
sation, qui est du 2 octobre 18 18 , énonce clairement
la pensée de la C o u r; ce m otif dit textuellement q ue ,
s i les fa its articulés p a r le ju g e de p a ix avaient été
déposés j les indices seraient plus graves ; mais que
les témoins ont été intimidés p a r la fé ro c ité des j)révenus; qu enfin elle espéra <pie les débats des assises
étant dirigés dans le sens des indications du ju g e de
p a ix , fournies avec soin, fero n t ja illir la lumière.
Les informations 11e sont donc pas ce qui décide
positivement la C o u r; elle a constamment son atten
tion fixée sur les faits articulés par le juge de p aix ,
faits qui ne sont pas encore prouvés, mais qui peuvent
l ’être; elle s’indigne, avec raison, de ce que la férocité
des prévenus a pu tenir si long-tems la vérité captive;
plie espère que, lorsque ces hommes dangereux seront sous
�( 33 )
la main de la justice, les témoins s’expliqueront, justi
fieront, par leurs dépositions, les indications données
par M. le juge de paix , et que la société n ’aura plus à
gémir sur l'impUnité du plus horrible attentat.
L ’arrêt d ’accusation renvoie là connaissance de cette
affaire à la Cour d ’assises du P u y , département de la
H aute-Loire; e t , le 27 octobre, l ’acte d ’accusation.
€st dressé ; il ne contient autre chose que le développe
ment des présomptions et des indices qui avaient
motivé la mise en accusation.
C ’est à peu près à cette époque, que G a lla n d , un
des accusés, fut arrêté, et traduit dans la maison de
justice du Puy. Rispal et Tavernier, pensant que leur
procès serait jugé aux assises de décembre, vinrent
joindre leur beau-frère • ils passèrent avec lui une
journée en prison; mais ayant appris q u ’ils étaient
renvoyés aux assises de mars, ils se retirèrent dans leur
dom icile, après eu avoir prévenu, par écrit, M. le
procureur du Roi.
.
■
Cependant la justice faisait de nouvelles recherches.
Le président des assises donne des commissions rogatoires; et des procès-verbaux d’information, sous les
dates des 22 novembre 1818 et 27 janvier 1 8 1 9 , font
connaître,
i° Que de nouvelles conversations de la jeune nièce
de Régis Rispal semblaient prouver que ce dernier était
auteur de la mort de Courbon ;
9.0
Q u e, dans la nuit du 8 au 9 octobre, les accusés,
couchant àYssingeaux, dans l ’auberge Perrot, auraient
lait l ’aveu de leur crime, aveu qui aurait.été entendu
et recueilli par Peyrache, qui se trouvait dans la mêmp
auberge;
3 ° Q u e , pendant la
près de la losse où le
couvert, 011 a entendu
* nous n ’y sommes
nuit dti 7 an 8"Septembre, et
cadavre de Courbon a été dé
une voix, disant : « Est-ce que
pas encore ? >> et une autre
�( 34 )
répondre : « O u i, nous y sommes » 5 que presqu’aussitôt
on a entendu le bruit d’un corps pesant q u ’on jetait.
On arrive au mois de mars 1819.
Les accusés Rispal et Tavernier s’étaient constitués
prisonniers. La simplicité de leurs réponses, la douce
sérénité de leur physionomie, leur attitude à-la-fois
modeste et assurée, tout faisait présumer leur innocence.
Ces accusés furent présentés aux assises; ils étaient
assistés, dans leur défense, de Me M andet, a v o c a t,
et de Me Montellier, avoué, tous les deux si avanta
geusement connus par leurs talens et par la beauté de
leur caractère. Ces deux généreux défenseurs, d ’ailleurs
convaincus de l ’innocence de leurs cliens, venaient ré
clamer justice, et l ’attendaient avec la plus grande
sécurité.
;
On leur avait bien parlé d’intrigues, de témoins
pervers ou corrompus; ils 11e voulaient pas y croire.
« Quel homme oserait, disaient-ils, en imposer à Dieu
« et à la Justice? Quel imposteur assez atroce entre« prendrait d ’égarer la conscience du jury, et ne
« craindrait pas d ’attirer, par une fausse déclaration,
« le glaive de la loi sur des têtes innocentes? L ’igno« rance et là légèreté ont bien pu entraîner quelques
« témoins hors des bornes de la vérité; mais la sain« teté du serment, la solennité de l ’andicnce, la vue
« du mal q u ’ils vont faire, suffiront sans doute pour
h les rendre à eux-rnOmes, et ils avoueront leurs
mensonges. »
On leur-faisait aussi craindre les effets de la Pré
vention, celle ennemie mortelle de la Justice , qui
quelquefois s’assied auprès du magistrat à son insu,
excite son zèle, assiège constamment son esprit, donne
aux erreurs q u e lle lui inspire le caractère de la vérité,
et lui dicte'souvent des arrêts q u ’il voudrait ensuite
eflacer. avec son sang, llien ne peut intimider le cou
rage des deux défenseurs; d ’ailleurs, que peuvent-ils
�(35 )
Craindre devant un tribunal juste, éclairé et impar
tia l, devant un jury attentif et équitable?
Cependant, le 4 mars, les débats sont ouverts.
Trente-trois témoins sont ajoutés à ceux déjà entendus
dans les diverses informations. Voici ce que le procèsverbal, tenu par le greffier, apprend d’essentiel :
Le docteur Thomas persiste dans les faits énoncés
dans son rapport-, il déclare que les lèvres du cadavre
étaient teintes de v in ; il dit q u ’il est faux q u ’on lui
ait fait observer que le mal était au cou; qu ’il est
également faux qu ’il ait déclaré que Courbon n ’était
pas mort d’une attaque d ’apoplexie. Il convient cepen
dant ensuite n’avoir pas visité le cou du défunt.
M. D ufaurc, juge de paix, déclare q u ’il ne croyait
pas à un assassinat, et quelesdires dudocteurThom as
lui firent rédiger son procès-verbal avec trop de légè
reté; il ajoute q u ’tt/i morceau de b illo t, oh était la
signature de Courbon , a été trouvé dans une des
poches de l'habit du défunt. Cette découverte , qui
explique ce q u ’est devenu le billet que Courbon avait
acquitté à Tavernier, le 7 septembre, est encore at
testé par un autre témoin produit aux débats.
Anne Colombette avait déjà été entendue; sa dé
position, contenue dans un cahier des informations ,
était insignifiante : elle anéantissait même la décla
ration de trois autres témoins; mais cette fe m m e,
produite aux débats, dit que, dans la conversation
q u ’elle avait eue avec G alla n d , au lieu de Guignebau d e, et au commencement de la matinée du jour
du 8 septembre, cet accusé lui avait annoncé la mort
de Courbon. Cette déposition s’accordait avec celle de
trois autres témoins, qui déclaraient avoir entendu
cette conversation; et leur force était telle, que l ’on
pouvait en induire que Galland avait eu connaissance
de la mort de C o u r b o n , dans uu instant où il devait
�( 36 )
absolument l ’ignorer, s’il n’en avait été ni l ’auteur ni
le complice.
A l ’audience du 6 mars , Me Montellier requit
que Lardon et la Colom bette, qui déposaient plus
particulièrement de ce fait, fussent conduits hors de
l ’enceinte de la C ou r; que là , en présence des voisins
et d’un de MM. les jurés, qui assisteraient à l ’expé
rience, on fit la démonstration du lieu où était placé
Lardon, respectivement à la Colombette et à G alland,
lorsque Lardon aurait entendu l ’annonce que Galland
faisait à la C o lo m b e tte ,. de la mort de Courbon.
La Cour rejeta ce moyen d ’instruction, comme
Inutile et n’ayant d’autre but que d ’allonger les débats.
L a déposition de Peyraclie donna lieu à un nouvel
incident. Cet homme avait été entendu deux fois;
d ’abord il n ’avait été produit que comme pouvant
déposer d ’excès que Galland aurait exercés sur sa per
sonne : ainsi la nature même de la déclaration q u ’il
devait faire annonçait déjà q u ’il était l ’ennemi de
Galland.
Quoi q u ’il en soit, sa première déclaration est dit
26 août 1818. On a vu que les prévenus ayant été mis
en liberté, le 8 octobre 1 8 1 7 , avaient passé-la nuit
du 8 au 9 à Yssingeaux, dans l ’auberge Perrot; cepen
dant ce n’est q u ’au mois de novembre 18 18 , que
Peyraclie vient apprendre q u ’il était lui-même a ^tssingeaux , dans l’auberge de Perrot, pendant la nuit du
8 au 9 octobre 1818, et q u ’il a entendu les prévenus
faire l’aveu de leur crime. Peyraclie répéta cette dépo
sition aux assises du P u y ; et comme 011 lui opposait
q u ’il n’était point à Yssingeaux les 8 et 9 octobre;
que conséqueimrient il n ’avait point paru à l'hôtel
Perrot; que Perrot et les gens de sa maison déclaraient
même ne l’y avoir jamais v u ; pour appuyer sa déposi
tion, Peyraclie présenta, comme étant sous la date
du 8 septembre 1 8 17 , une quittance do M. L abatie,
�( 37 )
avoué, et soutint que cette pièce prouvait sa présence
à Yssingeaux, au jour q u ’il indiquait. L a rapidité et
la chaleur des débats empêchèrent de donner à l ’examen
de cette quittance toute l ’attention q u ’elle exigeait;
son inspection suffisait cependant pour convaincre
Peyrache d ’imposture. E n effet, cette pièce était bien
du 8 septembre, mais de l ’année mil huit cent d ix h u it , au lieu d ’être de l ’année m il huit cent dix-sept.
Mais ce fait si important n’a été découvert q u ’aux
assises de R iom , où Peyrache osa encore produire cette
quittance, pour soutenir son imposture.
Les choses en cet état^ Me Manclet dit que la dépo
sition de Peyrache était fausse, et requit l ’arrestation
de ce témoin. Il demanda en même tems que la Cour
nommât des commissaires, à l ’effet de vérifier si P e y
rache avait pu entendre, dans l ’auberge Perrot, la
conversation q u ’il -supposait y avoir été tenue par les
accusés, et si Lardon avait aussi pu entendre celle de
Gallantl et de la Colombette, au lieu de Guignebaude.
Cet incident s’était élevé h l ’audience du 9 mars; mais
la Cour., par son arrêt du même jo u r, refusa d ’obtem
pérer à cette réquisition, en déclarant que rien ne
justifiait la fausseté de la déposition de Peyrache, et
'que la vérification demandée 11e pouvait produire
aucun résultat.
Il est très-important de faire observer que les réqui
sitions des accusés étaient autorisées par l ’article 33o
du Code d ’instruction criminelle , qui dispose q u e ,
« si, d’après les débats, la déposition d ’un témoin parait
« fausse le président pourra, sur la réquisition soit
« du procureur général, soit de la partie civile', soit
<1 de l accusé, et même d ’office, faire mettre le témoin
« en élat d ’arrestation...... Dans ce cas, dit l’art. 33 1
« les mêmes parties pourront requérir, et la Cour
« ordonner, même d ’office, le renvoi de i affaire à la
* prochaine session. »
�( 38 )
Les accusés avaient fait leur réquisition; les déposi
tions de Peyrache, de la Colombette et de Lardou
leur paraissaient fausses; mais la C our n’obtempérant
point à ces réquisitions, ju g ea que ces dépositions lui
paraissaient v r a i e s , et leur donna, par son arrêt,
j)lus d ’influence sur l ’esprit des jurés, q u ’elles n’en
auraient peut-être eu, si leur véracité ou leur fausseté
n ’avait pas fait l ’objet d ’une discussion très-vive, et
sur laquelle la Cour était appelée à décider. Ainsi on
ne peut se dissimuler que ces dépositions n’aient puis
samment servi à former la conviction des jurés.
Si l’on parcourt le procès-verbal des assises et toutes
les informations, pour y découvrir les autres charges
qui se présentaient contre les accusés, on y voit :
D ’abord que le jury devait être incertain sur le fait
de savoir ce q u ’était devenu Jean C o u rb o n , après sa
sortie du cabaret Maugier. Il était déposé q u ’à neuf
heures du soir, quelqu'un avait heurté ou loqueté à
la porte d ’entrée de l ’auberge Massardier; que la même
personne s’était ensuite dirigée derrière la maison, et
vers le lieu où le cadavre a été trouvé ; que ce même
soir une personne, couchant dans une chambre don
nant sur le derrière de la maison Massardier, avait
entendu, une voix s’écrier : « Est-ce que je n’y suis pas
encore ? » et bientôt après un bruit semblable à celui
d ’un corps pesant que l ’on jette ou q u ’on laisse tomber.
Il faut même ajouter que, dans la suite, ces expres
sions, « est-ce que je n’y suis pas encore? » avaient été
traduites en celles-ci : « Est-ce que nous n ’y sommes
pas encore? » en y ajoutant la réponse : « O u i, nous
y sommes », qui ferait supposer la présence de plusieurs
personnes près de la fosse.
Deux inductions forcées naissaient de ces faits : ou
C o u rb o n , , cherchant la porte de la grange Massardier,
avait appuyé trop à droite, et s’était laissé tomber
dans la fos;e, placée à une distance de deux pieds do
�( 39 )
cette porte; ou les assassins, qui voulaient déposer le
cadavre dans la grange, ne la trouvant plus ouverté,
l ’avaient jeté dans la fosse, et arrangé comme on l ’a
vu plus h a u t , pour induire en erreur sur les causes de
la mort.
A laquelle de ces deux inductions les jurés s’arrête
ront-ils? L eur choix n’était-il pas forcé, s’ils ajoutaient
quelque confiance aux dépositions de la Colombette et
de L a rd o n , et sur-tout de Peyrache ? E n effet, les
assassins ne s’étaient-ils pas fait connaître par leurs
propres aveux?.........
MM. les jurés avaient ensuite un autre point de
fait à exam iner, l ’emploi du tems des trois accusés
pendant la soirée du 7 septembre.
Il était ce rta in , au procès, que les accusés étaient
sortis du cabaret Maugier quatre h cinq minutes après
les frères C ourb on. Rispal disait q u ’il était de suite
rentré dans son dom icile; G alland et Tavernier sou
tenaient q u ’ils s’étaient rendus au cabaret L y o n n e t,
où ils étaient arrivés à n e u f heures et d em ie, plus ou
moins.
Mais les dépositions de trois témoins semblaient
combattre et détiuire ces assertions; l ’un disait être
arrivé chez Lyonnet à dix heures du soir; y avoir fait
ferrer son cheval; être allé ensuite à Dunières pour
affaires; être revenu, à onze heures et demie, chez
L y o n n et, où il avait trouvé Galland et Tavernier, qui
n ’y étaient entrés que depuis un petit quart d ’heure.
Cette déclaration paraissait en harmonie avec la dé
position de celui qui avait tenu le pied du cheval, et
ineme avec celle du cabaretier Lyonnet.
A in si, sur l ’emploi du tems, on pouvait remarquer
une contradiction entre les interrogatoires des accusés
et les dépositions des témoins, et se demander ce
qu avaient fait Galland et Tavernier pendant l e s sept
quarts d ’heure q u i s’étaieut écoulés depuis n e u f heure»
�......................................( 4o )
jusqu’à dix heures trois quarts; et si on se rappelle
l'influence que devaient avoir les dépositions de la Colorabette et de Peyrache, on croira facilement que
cette circonstance a été interprétée contre les accusés,
et que MM. les jurés ont été convaincus que c’était
pendant ce teins, que Rispal, Galland et Tavernier
avaient exécuté et consommé le crime dont ils sont
accusés.
; Il est vrai que tous graves que ces faits pussent pa
raître, ils ne pouvaient suppléer au défaut de preuves
de l ’existence d ’un corps de d élit, ou plutôt à la preuve
positive q u ’il n’existait pas de crime ; mais lorsque
l ’imagination est frappée d ’une idée q u ’elle adopte
comme pi’incipale, il est difficile q u ’elle ne regarde
pas également comme vrai tout ce qui lui parait n être
que l ’accessoire ou la conséquence de cette première
idée. Ainsi, MM. les jurés étant convaincus, par les
dépositions de Peyrache et de la Colombette, de la
culpabilité des accusés, n ’ont pu supposer q u ’il n exis^tàt pas de crime-, ils ont regardé les indices et les
présomptions, qui ressortaient des dépositions de quel
ques témoins, comme suffisantes pour le démontrer,
et détruire les preuves matérielles et positives contenues
soit au procès-verbal du juge de paix, soit au rapport
du médecin.
E n réduisant tout ce que l ’on vient de dire , on
voit que la preuve de l ’existence du corps do délit est
résultée de la déposition de quelques témoins , qui
miraient déposé de la luxation de la colonne verté
brale, de quelques taches noires ou violettes qui au
raient été remarquées auprès du cou, et sur-tout de
la.position extraordinaire du cadavre de Courbon dans
la .fosse où il a été trouvé;
Que la culpabilité des accusés serait ressortie ,
>
i° De ce que les accusés étaient hors (l’état de rendre
Compte de l ’emploi du teins q u i s’est écoulé depuis
�(40
n eu f heures et demie jusqu’à onze heùres passées de
la soirée du 7 septembre ;
20 De ce que Galland a annoncé, le 8 septembre,
> et avant le lever du jour, k Anne Colom bette , la
mort de Jean Courbon, annonce qui aurait été faite
dans un tems et dans un lieu qui font supposer que
Galland était l ’auteur de cette m ort;
>
3 ° De ce que, dans la nuit du 8 au 9 octobre, les
accusés étant à Yssingeaux, et logés dans l ’aubel^e
P e r ro t, ont fait, dans une conversation particulière,
et q u ’ils croyaient secrète, l ’aveu de leur crime, aveu.'
qui a été entendu par le nommé Peyrache.
Toutes les autres circonstances n’étaient que des
adminicules insignifians^ telles étaient les expressions :
« Est-ce què je n ’y suis pas encore? » traduites en
celles-ci : « Est-ce que nous n ’y sommes pas encore?»
augmentées de la réponse : « O u i, nous y sommes. >»
Les débats de ce tt e affaire o nt duré depuis le 4
jusqu’au 9 mars inclusivement.
^ A cette dernière audience, le jury ayant déclaré
que les accusés Galland et Rispal étaient coupables
d ’avoir commis, sur la personne de Jean C o u rb o n ,
un homicide volontaire, et sans préméditation; d ’avoir
transporté son cadavre dans une fosse attenant k l ’au
berge Massardier; et Tavernier ayant été déclaré com
plice des mêmes faits, mais avec les circonstances
atténuantes , q u ’il avait agi non volontairement
l ’arrêt de la Cour d ’assises du P u y condamna
Galland et Rispal aux travaux forcés k perpétuité ,
et k la flétrissure;
E t ravernier k une année d ’emprisonnement.
Galland et Rispal se pourvurent en cassation. Les
eiForts généreux de M° Odillcm-Barrot, si avantageu
sement connu par des talens qui le plaçent au premier
rang du barreau français, n ’ayant pu réussir, les
condamnés implorèrent la clémence du Roi. Mais uu
�(
4
2
.
monarque aussi éclairé ne p o u v a io u b lie r que le droit
de faire grâce serait nuisible à la société, si le Sou-?
verain n ’en usait avec sagesse; aussi, comme le crime
dont les condamhés étaient convaincus ne pouvait être
excusé; q u ’il portait, au contraire, avec lui tous les
caractères de la plus froide .perversité, leur requête eii
grâce fut rejetée, et l ’arrêt exécuté dans toute sa rigueur*
t..
On arrive à un nouvel ordre de faits.
Les accusés soulevèrent la pierre de la tombe qui
semblait devoir les ensevelir à jamais; leurs gémissemens, répétés par une sœur, une cpouse aussi sensibleque courageuse, fuient entendus de la Justice, et une
nouvelle procédure commença.
Rispal et Gallantl renouvelèrent la plainte q u ’ils
avaient portéedevantia Cour d’assises du P u y . Ils dirent :
: i° Q u ’Anne Colombètte-avait déposé faussement r
çn déclarant que G alland'lui avait d it, le 8 septembre
1 8 1 7 , et à la pointe du jour, q u ’il s’était levé plus
matin q u ’elle, et q u ’on avait trouvé Tainé Courbon,
du Mazet, mort derrière la maison Massardier ;
2° Q u ’Etienne Lardon en avait aussi imposé , en
disant q u ’il avait entendu, le même jour, à la même
heure, et lorsqu’il labouraitT la conversation tenue’
entre Galland et la Coloinbelte •;
3 " Que Joseph Auianier et Pierre Celette avaient
également 'm enti, lorsqu'ils avaient déposé q u e , le
même jou r, à six heures .du matin , Lardon leur avait
annoncé, chez lu i, ce que.Galland vpnait de*dire à la
Colombette;
:
4ÜE n fin , que Peyrarhe avait faussement déposé aux
assises du P u y , en soutenant avoir couché, pendant
la nuit du 8 au 9 octobre, d a n s! l’auberge 'de Perrot,
à Ys.singeau* , e t 'y avoir entendu les'trois condamnés
parler de leur crime-, et en faire l ’aveu. • '
. Le 20 décembre i 8 i y , » l a chambre du conseil du
�'(
43 5
tribunal d ’Yssingeaux ordonna q u ’il serait poursuivi
et informé sur cette plainte,, et que le tribunal pro
céderait, ep corps, aux opérations nécessaires pour
vérifier les dépositions de la Colom bette, Lardon et
Pey radie.
^
L e 20 janvier 1820, la dame Rispal, née G allan d ,
■épouse et sœur des.condamnés, demanda, par une re
quête , à être autorisée à faire toutes les observations
nécessaires dans l ’intérêt de son frère et de son époux.
Cette autorisation lui ayant été accordée, la procédure
én faux témoignage commença ; e t , par suite de l'ins
truction qui a eu lieu , P.eyràche a été condamné
comme faux témoin.
Tout est précieux dans cette procédure, qui a été
faite avec un soin particulier. L e juge d ’instruction,
réuni au magistrat du parquet , a pris les moyens
propres à.expliquer tout ce qui pouvait paraître dou
teux o u i é q u i v o q u e . L es plans des localités o nt étc levés
av eci soin; les experts et les hommes de l ’art ont opéré
en présence des magistrats et des prévenus; les prévenus
et les témoins ont été entendus sur les lieux; on a tenu
note de tous les détails et des moindres explications,
de manière que Ton peut dire que rien n ’a été négligé
pour parvenir à la découverte de la vérité.
L e besoin de la cause pourrait peut-être exiger un
examen approfondi de toutes les pièces de cette volumi?
neuse instruction. Il ne serait pas sans intérêt de
connaître comment la justice est parvenue à soulever
successivement les voiles plus ou moins t?pais qui
couvraient la vérité ; mais comme le teins pourrait
manquer pour un travail aussi long, on se réduira à
exposer, dans quelques paragraphes, ce qui lient le
plus directement à la cause, et à faire connaître les
nouvelles découvertes, qui ont anéanti les faits qui
semblaient avoir entraîné la conviction de MM. les
jurés de la Ilaute-Loire.
�( 44 >
Chacun de ces paragraphes servira à-la-fois à détruire
une erreur de fa it, et à prouver une vérité contraire.
Ainsi l ’analise de cette procédure établira :
i° Que non-seulement Jean Courbon n ’est pas mort
assassiné, mais encore q u ’il a succombé à une attaque
d ’apoplexie ;
2° Q u e , loin q u ’il y ait du doute sur la conduite
des trois beaux-frères, dans la soirée du 7 septembre r
et pendant le tems qui s’est écoulé de neuf heures à
onze heures, les localités, les faits et les témoins se
réunissent pour montrer que ce tems a été employé,
par les trois beaux-frères, d ’une manière si innocente,
que l ’on ne pourrait leur imputer la mort de Courbon
lors m ê m e q u ’il serait établi que ce malheureux a éLc
■victime d ’ u n assassinat;
3 ° Que la déclaration de la femme Colombette n ’esü
pas vraie ; q u ’elle est repoussée par l ’examen des loca
lité s, et par les dépositions des témoins; que la dépo
sition de Lardon est tout aussi fausse; que cette
fausseté est démontrée par les distances, la position
des lieux , et celle des interlocuteurs;
4 ° E n fin , que le condamné Peyrache est un vit
im posteur, qui n ’a rien entendu et ne pouvait rien
entendre, puisqu’il n ’était ni à l ’auberge P e r r o t , ni
même à Yssingeaux, dans la journée et dans la nuit
du 7 au 8 octobre.
Il f a u t se liàter de d évelopper ces p r o p o s i t i o n s , dont
la réunion démontre complettement l ’erreur de MM. les
jurés de la Ilaute-Loire.
!
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NON
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EXISTENCE
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CORPS DE
r.: : ! ,r
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*•
DÉLI T.
I c i , il faut se remettre sous les yeux le procès-verbal
de M. le. juge de paix et le rapport du m édecin, qui
sont, l ’un et l ’autre, sous la date du 8 septembre 1817.
( V o ir les pièces justificatives). Ces deux pièces se
réunissent, comme on le sait, pour établir que Jean
Courbon était décédé des suites d ’une attaque d ’apo
plexie. Lorsque, plus tard, on a voulu équivoquer
sur la preuve qui résultait de ces deux procès-verbaux,
M. le procureur du Roi a consulté le docteur Bergeron,
qui a répondu que si Courbon était mort par suite de
la rupture de la colonne vertébrale, ce point de faiç.
pouvait encore être vérifié , quoique le cadavre fut
inhumé depuis trois mois. L a justice a négligé ce
moyen d ’i n s t r u c t i o n , et s’en est t en u e à. la dépositi on
de q u e l q u e s t é mo in s , qui soutenaient avoir observé des
choses propres k anéantir les résultats établis par les
procès-verbaux.
Lors de la procédure en faux témoignage, M. le
substitut du procureur du R o i, à Yssingeaux, spécia
lement chargé de cette instruction, réunit tous ces
documens. Le procès-verbal } le ra,pport, les dépositions
<le tous les témoins entendus dans la première instruction
ou aux assises, un dessin figuratif de la position de Cour
bon sont transmis, par ce magistrat, aux docteurs Darle
et D ebrie, médecins à Yssingeaux, avec un Mémoire à
consulter, explicatif de tous les faits., où M. le pro
cureur du I\oi demande, « si la mort de Courbon et
« la position extraordinaire de son cadavre, dans la
« fosse où il a été trouvé, ne peuvent s'expliquer que
« p a r le f a i t d'un crim e} ou bien si on 11e pourrait
« pas trouver la cause de cette mort et de cette posi« tio n , dans un accident naturel, p r o v e n a n t ^ 1*
1
�« chute de Courbon dans la fosse, et de ses efforts à se
« relever, sa tête appuyant à terre, comme font les
« ivrognes. »
L e i i juillet 1820, les deux docteurs font leur
rapport, et répondent,
Que la mort et la position de Courbon peuvent et
doivent s’expliquer par tout autre fa i t que par celui
■d’un crim e;
Que Courbon est probablement mort ou par l ’effet
de la congestion du sang au cerveau 3 résultat de
Vivresse et de sa position, ou par suite de la luxation
des vertèbres, qui aurait été produite par la chute de
Courbon, ou par ses efforts pour se relever ;
Q u ’ il est certain q u ’il n ’y a point eu de violences
exercées sur la personne de Courbon*, q u ’il f a ut s’abste-nir de se livrer aux suppositions et aux hypothèses,
pour ne s’arrêter q u ’aux signes qui indiquent si é v i
d e m m e n t u n e MORT NATURELLE (V o ir les pièces
■justificatives.)
’
' C e rapport, fait par ordre de la justice, prouvait
tout ce q u ’il était nécessaire de connaître sur ce point
de •fait; il faisait cesser tous les équivoques que M. le
'juge de paix et quelques témoins s’étaient permis
d ’élever sur les opérations du docteur Thomas. Désor
mais il n’était plus permis de soutenir, • au moins
légalement, que Courbon eût été victime d’un as
sassinat.
Mais la prévention jette des racines si profondes ,
ses fruits sont si amers, que les épouses et les conseils
des condamnés crurent 11e devoir négliger aucun effort
pour la détruire, ou au moins pour la combattre avec
avantage.
1
’
Des Mémoires îi consulter sont rédigés avec soin; on
y joint les pièces et documeus que’ lés docteurs Darle
et Debrie avaient eus sous1 les yeux; on les transmet
autf médecins de notre teins-les plus verstH dans 1 art
�( 47 )
cle la médecine légale, et on les interroge sur les causes
de la mort de Courbon.
M. Fodéré, professeur de médecine légale à Stras
bourg, et auteur d ’un Traité qui est à-la-fois le i'ésumé de la science sur cette matière, et un recueil
d ’observations nouvelles aussi justes que profondes ,
adopte et approuve une consultation rédigée par le
docteur R ichond, sous-aide-major à l ’hôpital militaire
d ’instruction de Strasbourg.
. Ce jeune docteur, dans deux Mémoires étincelans
de beautés, examine les causes réelles de la mort de
Courbon : il déclare d ’abord q u ’il est mort d ’apo
plexie. Portant ensuite ses regards investigateurs sur
les faits avancés par les tém oins, et sur les autrescauses présumées de cet événement, la science, les
exemples et le raisonnement lui servent à démontrer
q u ’il est impossible que la mort de cet homme soit
la suite de la •s t r a n g u l a t i o n , de la suf fo cat io n, ou de
la l ux a t i o n des vertèbres; il prouve enfin que la p o
sition du cadavre de Courbon ne peut être l’effet d ’une
impulsion communiquée; elle e s t , au contraire, une
de celles que C ou rbon, succombant à une attaque
d ’apoplexie, pouvait prendre; et cette position est ellemême une preuve q u ’il n ’y a point eu de luxation des
vertèbres (V oir les pièces justificatives.).
, Ce travail si précieux, «l qui.doit être placé à côte
des consultations médico-légales données par les plus
grands maîtres., est ensuite soumis à l ’examen du doc
teur Caizergues, professeur à l ’école de médecine de
Montpellier. Ce savant observateur, en déclarant ,
dans sa consultation du 15 février iB -ai, que Courbon
est mort d ’apoplexie, ajoute qu'elle a été causée par
un exces do liqueurs; que le genre de mort et s^cause
sont également prouvés par la contraction ou la rigi
dité des membres, et par le reste de chaleur qui se
laisuit remarquer dans le cadavre au moment
1)11
�ï ’a découvert ; q u ’enfin l ’état de rigidité des membres
rend raison de la situation du corps, et éloigne toute
idée de luxation, q u i, loin d ’opérer une contraction,
au ra it, au contraire, laissé le cadavre dans un état
de relâchement et de paralysie (V o ir les pièces justi
ficatives).
Les docteurs Lucas et Marc, tous les deux membres
de l ’académie royale de Montpellier*, le premier, ins
pecteur des eaux minérales de V ic h y , et le second,
ihédecin-juré-expert à P aris, examinent à leur tour
toutes les pièces, rapports, documens, et opinions dont
on vient de donner l ’extrait.
L e u r consultation, qui est du 11 mars 1821 , est
au-dessus des éloges. Que d ire, en effet, qui puisse
rendre di gn em en t les impressions q u e ce b e au tra va il
fait, éprouver, lorsqu’on t ro uve l ’a m o u r de l ’humanité
réuni à la science qui éclaire l ’esprit : il faut admirer
et se taire ! Dans cette consultation, qui doit être lue
avec la plus grande attention, les docteurs concluent,
DE LA MANIÈRE LA TLUS POSITIVE, et AVEC UNE CERTITUDE
m a t h é m at i qu e , que Courbon est décédé de mort natu
relle, et q u ’il n ’y a point eu de violence exercée sur
sa personne; que cet infortuné est mort d ’apoplexie;
ce qui est prouvé par son organisation, par l’état
d ’ivresse dans lequel il était, et par la position de son
corps dans la fosse où il a été trouvé (V oir les pièces
justificatives).
S i , plus ta rd , les condamnés ou leurs conseils désirent
encore qnelques explications sur la position du cadavre
de C o u rb o n , le docteur Lucas répond, le 4 mai 18 2 1,
« que cette position n ’a pu être acquise et conservée
« que par une mort apoplectique ; q u ’il s’était pénétré
« de l ’importance de la mission qui lui était confiée,
« et des devoirs que lui imposait sa conscience; q u ’il
« avait senti le danger de la légèreté, dans l'examen
« d ’une question qui doit rendre à la société des
�C 49 >
« assassins s ou délivrer d ’un jugement... d es innôcens.
Cette lettre se termine ainsi : «Nous protestons , devant
« D ieu et la J u s t i c e , de notre conviction de la mort
« naturelle et apoplectique de J ean C ourbon . »
Voici cependant la chimère que l ’on a poursuivie :
le crime qui a été créé par l ’ignorance et la précipi
tation. Il n’existe pas, ce.crime; mais les malheureuses
victimes de cette cruelle supposition sont flétries et
languissent encore dans les fers! Que de maux évités,
si une sage prévoyance eût inspiré aux magistrats l ’heu
reuse idée de dissiper les doutes qui paraissaient
s’élever sur l ’existence du corps de délit; si du moins
une louable circonspection eût arrêté le glaive de la
justice, au moment où les accusés protestaient de leur
innocence, et accusaient à leur tour des témoins de
fausseté! IS'ulla uncjiiàm de morte hominis cunctatio
longa est.. J uv é n a l , sat. 6 , ,v. 139..
S II*
EMPLOI DU TEMS DES TROIS BEAUX-FRÈRES.
Pour comprendre la démonstration qui doit faire
l ’objet de ce paragraphe , il est indispensable de se
rcmettrc'sous les yeux ce qui a déjà été dit sur certains
points de localités du bourg de Dunières, et cl’y ajouter
les explications suivantes :
S i , partant du cabaret Maugier et en suivant la rue
de Dunières, on s’arrête à la porte d ’entrée de fa maison
llisp a l, située à l'an ire extrémité et à droite de cette
nie , 011 p e u t, en se fixant sur un point auprès de ccitte
p o r t e s e faire l ’idée de d^ux s e n t i e r s l ’un ¿1 droite
et aboutissant au chemin du Mazet, suivi par Pierre
Courbon, qui cheminait en chantant , lorsque son
frère eut quitté le char qui était au-devant de la forge
�C 5o )
Maugier; l ’autre à gauche, aboutissant au chemin deDunières h Saint-Etienne, et que les accusés déclarent
avoir suivi pour se rendre au cabaret Lyonnet^ situé
sur cette route, et à quelque distance de Dunières..
U ne cro ix, placés à soixante pas de ce bou rg, est le
sommet de l ’angle que décrivent ces deux routes, à
partir de ce point.
La forge Maugier est à gauche de la rue de Dunières;
sur la droite de cette forge, et en descendant de ce
point pour se rendre sur la place publique, où est
située la maison M augier, se trouve la maison de
Françoise Colombette; sur la gauche de la même iorge,
et en suivant la rue pour arriver à la maison Rispal,
se t r o u v e n t la mais on du sieur M a r n a s , p e r c e p t e u r ,
et une grange a t t e n a n t à cette m a i s o n , et placée dans
un enfoncement. Cette grange était, en 1817 , habitée
par Catherine Barlet. L a place publique, sur laquelle
est situé le cabaret M augier, la maison Colombette,
la forge Maugier, la maison Marnas et la maison Rispal,
sont disposés de telle manière, que de la maison C o
lombette 011 peut voir, d ’un côté, ce qui se passe au
point occupé par la forge Maugier, e t, de l ’autre, à
celui de la place p u b liq u e , qui correspond le plus di
rectement à l ’auberge Maugier; q u e , de l ’extrémité
de la maison Marnas, on peut également voir ce qui
se passe à la forge Maugier, et, d ’un autre côté, suivre
de l’œil le passant q u i parcourrait la rue, jusqu’à l'ex
trémité de la maison Rispal; point où commencerait
la diagonale tracée sur la place publique, et qui con
duirait, de l ’angle de cette dernière maison, à la porte
d ’entrée de la maison Massardicr.
C ’est le moment d ’extraire les dépositions des té
moins qui étaient placés à ces divers points, et à
l’anberge Lyonnet.
O n y apprend les faits suivans :
\° Les deux frères Courbou ont été vus sortant
�( 5- )
ensemble du cabaret Maugier , et allant jusqu’à la
forge Maugier, où ils se sont arrêtés;
20 Après que Pierre Courbon eut quitté son frère
pour retourner au cabaret Maugier, Jean Courbon a
été vu passant devant un témoin, et se dirigeant vers
la maison Massardier;
3 ° Pierre Courbon a été va revenant de l’auberge
Maugier, marchant assez vite, et faisant, comme il
l ’a dit lui-même, son chemin en chaulant ;
4 ° Le chant de Pierre Courbon a été entendu vers
la maison Lemoine, située à l’extrémité du village,
et près de la route de Saint-Etienne; il a été entendu
quelques petits momens après que l ’on fut venu heur
ter à la porte d ’entrée de la maison Massardier, et
q u ’on se fut dirigé sur le derrière de cette maison; il
a enfin été entendu sur la route du Maz.et, et à un
point qui n ’est distant que de ticnte-Imit pas de la
maison Lyonnct. Da ns ce moment, Lyonnet faisait
boire son cheval à la rivière.
Si l ’on interroge les enquêtes relativement aux ac
cusés, elles apprennent,
i° Que les trois beaux-frères, qui étaient restés chez
Maugier après la sortie des frères Courbon, ne q u it
tèrent ce cabaret q u ’après la seconde sortie de Pierre
Courbon, qui y était venu recommander de ne plus
donner de vin à Jean son frère;
a0 Que les trois beaux-irères, qui étaient accom
pagnés de l’enfant de Rispal, marchaient doucement;
q u ’arrivés à la maison Rispal, on a entendu ce dernier
dire aclieu à ses deux beaux-frères ; q u ’on l’a vu inimédiaiement rentrer chez lui avec son enfant, et
'fermer sa porte-,
3 U Que Calland et Tavcrnier ont continué leur
chemin; q u ’ils ont été vus ayant dépassé les maisons
Lemoine et Massardier (qui sont, à droite et à gauche
de la n ie, les deux dernières de Dunières, et attenant
�C5 0
aux routes (lu Mazet et de Saint-Etienne) , et se diri
geant vers le cabaret L y o n n e t, en prenant la route
de Saint-Etienne;
4 ° Que Galland et Tavernier sont arrives chez
Lyonnet moins d ’/i/z quart heure après que ce dernier
aurait entendu le chant de Pierre Courbon, fait q u ’il
aurait raconté à deux témoins avant l ’entrée des deux
beaux-frères ;
5 ° Q u ’arrivés chez L yo n n et, les deux beaux-frères
ont bu ensemble près de deux heures, au moins; q u ’en
suite Tavernier est resté chez L yo n n et, oii il a couché,
et que Galland est parti pour Maltaverne.
On peut déduire de ces faits des conséquences aussi
simples q u ’évidentes.
L e s trois beaux-frères accusés é ta i ent à l' a ub er ge
Maugier, lorsque les deux frères C o u r b o n en sont sortis
pour la première lois. Ces malheureux étaient encore
dans ce cabaret au moment que Pierre Courbon est
venu défendre à Maugier de donner encore du vin à
Jean : ils n ’ont point suivi Pierre Courbon lors de
cette seconde sortie; donc ils n ’avaient point le des
sein de rechercher , de rencontrer, et encore moins
(Vattaquer Jean Courbon , qu’ils devaient supposer
être sous la garde de son frère.
Jean Courbon avait profité de l ’absence de son frère
pour se relever du char qui était placé devant la
forge Maugier; il s’était immédiatement dirigé sur la
maison Massardier; il avait loqueté a la porte (l’entrée
de celle maison; il s’était même rendu sur le derrière
de ce cabarel, et s’élait probablement laissé tomber
dans la fosse au moment que Pierre Cou rbon, reve
nant de chez Maugier, traversait le village, et coniinnaii sa roule sur le Mazet, en chantant pour attirer
Irère; donc Pierre Courbon n ’avait été assailli
p a r personne ; // s'était raidit de son plein gré à la.
maison SSIassardwry sa chute et sa mort n étaient et
�( 53 )
lie pouvaient être que l ’effet et la suite ¿l’un accident.
Rispal, Galland et Tavernier n ’avaient quitté le
cabaret Maugier que cinq 011 six minutes après la se
conde sortie de Pierre Courbon. Dans ce moment, Jean
Courbon avait disparu ; il était derrière la maison
Massardier, où son cadavre a été retrouvé le lende
m ain; donc les accusés ne l ’ont point rencontré, ne
Vont point attiré ou conduit dans la maison Rispal
pour lui donner la m ort, et ne Vont point transporté
dans la fosse où il a été retrouvé.
Les trois.accusés sont sortis du cabaret Maugier avec
l ’enfant Rispal. Rispal, après avoir salué ses dëux
beaux-frères, est rentré dans son domicile. Galland et
lavernier ont pris la route de S a in t-L lien n e, et sont
arrives a la maison Lyonnet peu de tems après que les
chants de Pierre Courbon s’étaient fait entendre ;
donc Rispal était d a n s sa m aison lo rsqu e J e a n C o u r bon éta it derrière V auberge M a s s a r d ie r ; donc G alland
et T a v e rn ie r étaient su r la route qui conduit chez
J.yonnet, au moment où Pierre Courbon , venant de
quitter son frère , se rendait, en chantant , de D unières au M azet; et comme il est établi (pie Tavernier
a couché chez ly o n n e t, cl cpie G alland n’a quitté
ce lieu que pour se rendre à M a l taverne , il est aussi
évident que les accuses 11 ont pu se réunir h Dunières}
fie n e u f heures et demie à onze heures du soir, pour
concevoir cl exéculer un crime.
I./emploi du tems des trois beaux-frères est bien
justifié. Le chant de Piei Me Courbon, rapproché des
«'îrconsianccs moins -connues, dissipe toutes le>) obscu
rités <|ui pourraient les enveloppe! ; et s'il s’est. élevé
quelques doutes sur ce point important.,- cela tient ,
d une/part, a la difficulté que les habilans de la cam
pagne éprouvent. à énoncer, d ’ une manière positive .
i heure fixe de la nuit; et, de l’autre., au peu d ’atieul
lion que 1 011 a mise a rapprocher les dépositions do>-
�( 54 )
témoins du fait constant et avoué, le chant de Pierre
Courhon.
Ces vérités sont si simples, que ce n’est pas sans
déplaisir que l ’on se voit obligé de les démontrer:
Comment ont-elles pu échapper aussi long-tems à l ’œil
vigilant de la justice? comment, sur-tout, M. le juge
de paix, q u i, dans cette trop célèbre affaire, a donné
tant de renseignemens; q u i, à chaque instant, pou
vait interroger les lieux, les circonstances et les hommes,
n ’est-il parvenu à découvrir que des éléinens d ’erreur,
lorsque la vérité était si facile à saisir? M. le juge de
paix insistait fortement sur le non emploi du terns*
Cette circonstance, si souvent rappelée et commentée
dans toutes ses lettres, était, par la confiance q u ’il
devait i n s p i r e r , regardée c o m m e chose c onst ant e. Si
Cependant ce Fait faux a pu influer sur la conviction
d u ju r y , quel regret 11e doit point avoir celui qui
pouvait si facilement le rectifier, et q u i, pour se con
vaincre de l ’innocence des accusés, n’avait, en se rap
pelant le si ju d ica s, c o g n o s c e q u ’à donner à l ’examen
de la défense et de leurs moyens de justification, uri
des nombreux instans q u ’il accordait avec tant de
bienveillance à leurs ennemis et à leurs accusateurs!'
S III.
PKPOSIXIONS DE J E ANNE
COLOM 1JF.TTE , LARDON ,
EX
ATJLANIEÏl
CI.LKTTE.
L a femme Colombette avait déposé q u ’à la pointe
du jour du 8 septembre 1 8 1 7 , l ’accusé Gallaml ,
passant par G uignebaude, lieu où elle demeure, lui
avait annoncé la mort de C ourbon, en ces termes :
« L ’ainé C ourbon, du M a/et, a été trouvé mort
« derrière la maison Massardier. »
C e lle déposilion; qui n’uvail élé faite q u ’à l ’an
�c. 5 5 }
dience de la Cour d ’assises, quoique la Colombette
eût été entendue dans l ’instruction, pouvait paraître
suspecte , soit par les circonstances qui l ’accompa
gnaient, soit par la mauvaise réputation du témoin;
mais elle était soutenue,
Par Etienne L ard on , qui déclarait avoir entendu,
en labourant, la conversation de Galland et de la
Colombette ,
E t par Joseph Aulanier et Pierre C elette, qui dépo
saient que Lardon leur avait an noncé, sur les six
heures du matin du 8 septembre, et dans sa propre
maison, ce que Galland venait de dire à la Colombette.
C ’est ce corps de preuves, que la plainte en faux
témoignage des condamnés soumettait à l'examen de
la justice. Mais avant de^suivre l ’instruction, il faut
essayer de donner une idée des localités, en c o n s u l t a n t
un plan qui a été levé en v er t u d ’o r d o n n a n c e d u juge.
L e lieu de G u i g n e b a u d e est situé dans la commune
de D u n i è r e s ; la maison de la Colombette est placée
dans le petit vallon qui porte ce nom*, h une certaine
distance, et sur les derrières de cette maison, est une
cote ou monticule qui sépare deux vallons; et au-delà
du second vallon, existe encore un autre monticule,
ou est situé le village de Cublaisc.
Près de la maison de la Colom bette, et au-devant
de sa porte d ’entrée, passe un chemin conduisant
de Guignebaude à M altaverne, domicile de l’accusé
Galland.
La femme Colombette, suivant sa déposition devant
la Cour d ’assises, était au-devant de la porte d ’entrée
de sa maison , lorsqu’elle a eu avec Galland la conver
sation dont elle a déposé 5 et Lardon aurait entendu
celle moine conversation, en labciurant dans une terre
de la Colombette est placée.
Le 28 janvier, une première ordonnance esl rendue;
�elle porle q u ’il sera ‘procédé à la vérification des posi
tions' respectives de la femme Colom bette, Galland et
L ard on , au moment de la conversation présumée, et
que MM. le juge d ’instruction et le procureur du Roi
se transporteront sur les lieux, pour y recevoir les
déclarations de la Colombette et de Lardon.
Ce transport a lieu le 29 janvier, et le procès-verbal
atteste :
Que la Colombelle s’est placée à neuf pas de sa
maison, sur le derrière, et a indiqué la position de
G allan d , à vingt-huit pas d ’elle.
On voit déjà que cette femme se mettait en contra
diction avec elle-même; que non-seulement elle quittait
la porle de sa m ai s on , et se pl aça it sur le derrière, pour
SC mettre en v u e de L a r d o n , mais encore q u ’elle,
s'éloignait de neuf pas du derrière de sa maison , pour
se rapprocher de cet homme. Elle avait aussi grand
soin, en éloignant Galland du chemin de Guignebaude
à Maltaverne, de lui donner une position qui le rap
prochât le plus possible do Lardon.
Cet homme , à son tour , indiqua le point q u ’il
occupait sur la terre de la cime de la còte, lors
q u ’il avait entendu la conversation de Galland et de
la Colombette. Il déclara q u ’il attelait ses vaches,
lorsque Galland passa et parla. ïl avoua cependant
11’avoir pas1 vu Galland. La distance de Lardon à
G allan d , si l’on s’en rapporte aux indications données
par la Colombelle et Lardon , serait de deux cents
mètres, et còlle de la Colombelle à Galland, de vingtqualre mètres.
Les indications données par la Colombelle el Lardon
pouvaient être vérifiées. Difl’érenles personnes étaient'
011 état de donner des renseignemens précieux sur ce qui
s’était passé dans la malinée du 8 septembre. Les unes,
en cil et., travaillaient des terres au-dessous de celles
de Lardon, cl sur un point plus rapproché du vallon
�c 57 )
ou est située la maison de la C olo m bette, tandis que
d ’autres labouraient sur un terrain bien plus éloigné,
et sur la côte, où est situé le village de Cublaise; mais
q u i , étant plus élevées, avaient nécessairement vue
sur la côte où labourait Lardon.
Des informations devenant indispensables, des té
moins sont entendus, les 10, 1 1 , 14? L8 , 22, 23 J
février, et i 3 mars 1820. Il faut en faire connaître
les résultats, en les rapportant à chacun des individus
q u ’elles regardent.
Relativement à J.nne Colombette , ces enquêtes
apprennent :
i° Que cette femme, causant avec sa famille, au
moment où elle a quitté G alland, ne lui a pas rapporté
le propos q u ’elle a ensuite imputé à cet homme ;
20 Que la fille de la Colombette lui a reproché la
déposition q u ’elle avait faite à la C o u r d ’assises du
P u y ; que d ’ailleurs G a l l a n d n ’avait jamais démandé
autre chose à la Colom bette, que de dire la vérité;
3 ° Q ue, jusqu’à la veille de sa déposition devant la
C o u r d ’assises, la Colombette a assuré à plusieurs té
moins, que jamais Galland ne lui avait parlé de la
mort de Courbon, dans la matinée du 8 septembre.
Quant à Lardon , on lit dans les mêmes informations :
i° Que dans la matinée du 8 septembre, cet homme
ne labourait point à l’endroit q u ’il a indiqué, mais
bien dans une terre plus éloignée ;
20 Que Lardon n’a appris la mort de Courbon que
chez un nomme Escofiier, où il travaillait; que cette
nouvelle ne lui a été donnée q u ’à dix heures du matin.
Quant à A ulanicr et Colette, les dépositions an
noncent :
i° Q u ’un témoin leur a appris, le 8 septembre, à
neuf heures du soir, la mort de C o u rb o n , tandis q u ’ils
disent que Lardon la leur avait annoncée à six heures
de la matinée du même jour;
tf/j
'<
�.
( 58 )
_
.
2° Que L ard on , avant d ’aller déposer à Yssingeaux,
était allé voir Aulanier; que leur entrevue leva tou»
les doutes que Lardon se faisait sur ce q u ’il avait
à dire.
On doit placer i c i , comme remarque essentielle,
que ce dernier fait s’accorde parfaitemeut avec le
contenu en une des lettres de M. le juge de paix, e t
q u ’il paraît certain que L ard on , avant sa conversation
avec Aulanier, avait constamment déclaré q u ’il n ’avait
rien en ten d u , ou q u ’au moins il refusait de s’expli
quer. Il faut aussi dire que L a rd o n , ayant été arrêté
et interrogé, avoua que, le jour même où il devait se
rendre à Yssingeaux, et avant sa déposition, il était
allé chez A u lan ier, pour s’assurer de ce q u ’il avait d it
à ce dernier.
Des réflexions propres à faire sentir combien devaient
paraître suspectes les dépositions de ces quatre indi
vid us, seraient ici inutiles et oiseuses.
L e 27 avril 1820, la chambre du conseil ordonna
q u e , le 4 m ai su ivan t, la justice se transporterait au
lieu de G uignebaùde, à l ’eifet de vérifier si Lardon
avait pu entendre la conversation tenue par G alland
et la Colombette; elle voulut en même tems que trois
experts, les sieurs M onnet, de Retournac; M athieu,
de Bas, et B renas, d ’Yssingeaux, procédassent à cette
expérience ; enfin l ’ordonnanee porte que M. le juge
de paix de Montfaucon sera appelé h cette visite.
U ne question se présente ici d ’elle-même : Q u ’avait
à faire le juge de paix dans cette opération? Elle était
ordonnée par une autorité bien supérieure à la sienne.
MM. le juge d ’instruction et le procureur du Roi
devaient y assister ; elle devait être faite par trois
hommes de l’a r t , ayant la confiance du tribunal et
du public : la présence de M. le juge de paix était
doue au moins superflue.
�( 59 ) _ _
.Mais cet officier de police judiciaire avait cru devoir
donner de nouvelles preuves de son zèle.
L e 26 août 1 8 1 9 , il s’était transporté à Guignebaude; et là., sans mission, sans réfléchir q u ’il n ’avait
aucune compétence pour agir, il s’était permis une
opération dont il annonçait les résultats, comme étant
■entièrement avantageux à Lardon et à la femme Colombette. Cela ne paraîtra point extraordinaire, lorsque
l ’on saura que M. le juge de paix, sans doute pour
assurer le succès de son opération, avait arrangé les
choses de telle manière, q u e , d ’une p a r t , l ’interlocuteur qui représentait Galland adressait la parole à
L ard o n , au lieu de parler à la C olom bette, et q u e ,
de l ’autre, le représentant de Galland s’était placé à
soixante pas de la Colom bette, tandis q u ’il ne devait
en être q u ’à dix-huit. C e moyen ingénieux donnait à
Lardon toutes les facilités possibles p o u r e n t e n d r e ,
p u i sq u e c’était à lui que l ’on parlait; puisqu’il en
était p révenu ; puisqu’enfin l ’interlocuteur avait été
placé à une distance, d ’où Lardon pouvait facilement
saisir ses pensées et ses expressions. Il faut eii convenir :
M. le juge de paix réunit à l ’art d ’assembler les pré
somptions et les indices qui accusen t, c e l u i , plus
difficile peut-être, de préparer les moyens qui peuvent
paralyser et détruire l'accusation la mieux fondée.
Quoi q u ’il en s o it, le transport à G uignebau d e, qui
de vait avoir lieu le l\ m ai, fut précédé d ’une nouvelle
information; et l ’on peut extraire du procès-verbal
d ’audition des témoins, qui est sous la date du 29 avril
1 8 2 0 , le fait essentiel :
Que 'Galland, q u i , le 8 septembre, et à l ’aube du
j o u r , aurait parlé à la Colombette de la mort de
C ourbon, n ’en aurait rien dit un quart-d’heure après,
causant avec un de ses amis, et que ce dernier n ’au rai t
lu i-même appris cette nouvelle à Gublaise, q u ’à neuf
heures du matin du même jour.
-
�( 60 )
Le 4 mai 1820, les expériences qui'(levaient être
faites au lieu cle Guignebaude commencèrent. M. le
juge d ’instruction avait eu le soin d ’y faire trouver les
témoins qui pouvaient faire connaître la vraie position
de L a r d o n , et l ’instant précis où cet homme aurait
appris la mort de Courbon.
Ces témoins furent entendus sur les lieux , et
confrontés avec Lardon. Les uns soutinrent que ce
dernier ne travaillait pas à la terre de la cime de la
côte, et au point q u ’il avait indiqué aux magistrats,
le 29 janvier, mais bien à la terre du P r a t , et à un
point plus élevé et plus éloigné que le prem ier, de
quarante-cinq mètres de celui supposé occupé par
Galland.
L ’opération des experts ap pr en d ensuite q u ’entre le
point indiqué par L a rd o n , comme occupé par lui au
moment de la conversation de Galland et de la Colomb e tte , et celui où les témoins le placent, il existe un
rocher et une pente qui interceptent la v u e , de ma
nière à empêcher de voir G uignebaude, à l ’endroit
sur-tout où Lardon et la Colombette faisaient placer
G alland.
U n autre témoin assure q u ’il avait employé Lardon
à travailler, pendant la journée du 8 s e p t e m b r e , et
que. c’est dans la maison de ce témoin, que Lardon a
appris, ii dix heures du m atin, la n ouv el le de la mort
de Courbon.
Il est ensuite procédé aux opérations qui étaient
l ’objet du transport de la justice et des experts. On a
grand soin de conserver les positions que la Colombette
avait indiquées, comme occupées par elle et Galland
dans l ’instant de leur conversation. On place aussi
successivement Lardon sur le point q u ’il disait avoir
occupé pendant cette conversation, et sur celui désigné
p a rle s témoins, et on se convainc bientôt q u ’à quelq u ’eiidroit que Lardon se place, il est impossible q u ’il
�( 6r )
&it entendu
Colombette.
la conversation
de
Galland et de la
Com m ent, en effet, supposer que celui qui adresse
la parole à un interlocuteur placé à trente pas de l u i ,
prendra, sans nécessité, un ton de voix assez élevé
pour être entendu à deux cents pas , c’est-à-dire sept
fois plus loin? Ne sait-on pas que la vo ix, cet organe
si flexible, se modifie suivant les distances, et q u ’il est
rare q u ’elle s’élève beaucoup au-dessus' de ce qui est
nécessaire pour être entendu? D ’un autre côté, il ne
suffit pas toujours d ’avoir des oreilles pour entendre,
il faut encore prêter son attention à ce q u ’on dit-, et
l ’homine qui est sérieusement occupé d ’un o b je t ,
n ’entend pas le plus souvent ce qui se dit à côté de lui.
L a r d o n , pressé par ces dépositions de témoins et
par les vérifications a u x q ue l l es il assistait c o m m e p a r t i e ,
c h e r ch a i t à en repousser les conséquences i n é v i t a b l e s ,
en d is ant q u ’au moment où il avait entendu la con
versation de Galland et de la C olom bette, le soleil
n ’était point encore levé; que le teins était calme et
serein ; tandis que l ’expérience n ’avait lieu q u ’à dix
ou onze heures du m a tin , et que dans cet instant il
faisait vent. Mais ces différences, si elles existaient
ne trouvaient-elles point leur compensation dans la
circonstance, q u ’au moment de l ’expérience*, Lardon
savait ce q u ’on voulait faire, et était prévenu de tout
à mesure que l ’on opérait*, tandis q u ’au moment où
il aurait entendu la conversation de G alland, il était
occupé de son travail, et que rien rte p o u v a i t fixer son
attention sur l ’arrivée et la présence de cet homme
auprès de la C o l o m b e t t e .
On ne peut que rendre hommage à la sagesse et à
la prévoyance des magistrats qui ont dirigé cette ins
truction ; mais ce qui vient d ’être dit conduit, à l ’idée
que la justice pouvait adopter un mode d ’opérations
�( 6» )
bien plus conforme aux intérêts de la plainte qui avait
été portée par les condamnés.
E n effet, étant acquis au procès, que Lardon liait
ou attelait ses vaches au moment où il a entendu la
conversation de Galland (qu’il ne voyait pas) avec la
C olo m b ette, la véritable expérience à faire pour s’as^
surer de la v é rité , ou même de la possibilité du fait
déposé, n ’était-elle pas de placer, sans les prévenir,
trois individus, l ’un liant des vaches au point sup
posé occupé par Lardon , et les deux autres aux points
supposés occupés par Galland et par la Colombette ;
d ’engager ensuite ces deux derniers à ouvrir entr’eux
u n e conversation à haute voix; et, dans cette liypo-»
thèse, croira-t-on q u e le représentant de L a r d o n pût
entendre cette c o n v e rs a t i o n j lo r s q u e , dans u n e ex p é
rience toute favorable à L ard on , on le voit lui-même,
quoique bien prévenu de ce qui allait se passer, être
obligé d ’avouer q u ’il n ’avait pu saisir le moindre mot
de ce qui se disait aux lieux occupés, suivant l u i, par
G alland et la Colombette,
De nouvelles informations succèdent à cette opéra
tion. Il faut encore extraire des procès-verbaux, qui
se trouvent sous les dates des 1 9 , 20 et 24 du même
mois, les faits suivans :
i° Que lu Colombette a une très-mauvaise répu tation ;
2° Que cette femme n ’était pas, le. 8 septembre, au
point q u ’elle a indiqué, sur le derrière de sa maison;
q u ’elle se trouvait, au contraire, placée, toute désha^
b illé e , à un autre point in d iq u é, sur le devant de la
même maison ;
3 ° Que la conversation de Galland et de la Colom
bette a été écoutée par la sœur de cette dernière, qui
n’a pas entendu Galland parler de la mort de Courbon.
Le second fait était propre à rappeler une circons-.
tance bien précieuse, et q u i, jusqu’à ce moment, pa-r
raissait avoir échappé à l'attention des magistrats }
�( » }
on veut parler de la déposition é c r it e / d e la Colombette, sous la date du 7 janvier 1 8 1 8 , qui se réunit à
une lettre de M. le juge de paix, du 24 novembre
18 17 ? pour prouver que cette femme était devant sa
porte au moment de la conversation q u ’elle avait eue
avec Galland.
• Les conséquences immédiates à déduire de ce fait
positif étaient,
Que la Colombette ne pouvant être placée derrière
sa maison, et au point qu ’on avait indiqué à M. le
juge d ’instruction, Galland d evait, à son t o u r , être
mis dans une position qui le rapprochât de la Colom
bette ;
Que le nouveau point où il devenait indispensable
de placer G allan d , l ’éloignant de L ard on , rendait l ’au
dition de sa conversation encore pins impossible ;
Q u ’ainsi tout cela p r o u v a i t q u e lés positions indi
quées à M. le juge d ’instruction , lors de son transport,
du 29 janvier 1820, étaient fausses, et avaient été
combinées avec la Colombette et L ard on , pour essayer
de rendre leurs dépositions probables*
Cette nouvelle découverte exigeait un examen plus
approfondi-, aussi M. le substitut du procureur du
Ilo i, accompagné de l ’expert Brenas, se tran&porlèrentils de nouveau au lieu de Guignebaude.
Il y fut vérifié,
Q u ’en adoptant les indications données par la C o
lombette à M . le juge d’instruction, le 39 janvier, il
n existait ni chemin ni sentier qui pùt conduire au
point prétendu occupé par Galland;
Qu en s’arrêtant, au contraire, au fait que les der
nières informations avaiont révél«7 fait d ’ailleurs con
forme aux renseignemens donnés par M. le juge de
paix, et confirmé par la déclaration de la Colombette,
011 tiouvait que Galland avait pu s’arrêter à un point
où existe uu sentier q u i débouche au-devant de la
�( 64 5
maison Colom belte, et a bo u tit au chemin de Guignebaude à. Maltaverne.
Mais., dans cette dernière position, qui était la seule
possible, G allan d, se trouvant à une distance de huit
pas de la C olo m b ette, était beaucoup plus éloigné de
L a r d o n , ce qui ren d a it, pour ce dernier, l ’impossi
bilité d ’entendre, déjà démontrée, plus grande encore.
Tout ce qui vient d ’être dit prouve jusqu’à l ’évi
dence la fausseté des quatre dépositions examinées dans
çe paragraphe, Les l o c a l i t é s v u e s avec l ’attention la
plus scrupuleuse, se réunisssent en effet aux déposi
tions des témoins, aux hésitations de la Colombette et
de Lardon, aux aveux enfin de ces quatre individus ,
p o u r les accuser et les convain cre d ’ imposture.
Cependant q u ’ é t a i e n t ces q u a t r e m a l h e u r e u x ? Un<£
femme perdue de réputation, ayant tous les défauts ,
et entachée de tous les vices q u ’accoinpagne' 1 habi
tude de la débauche la plus crapuleuse
Des hommes inconnus , sans considération , sans f o r
tu n e , des prolétaires vivant chaque jour des travaux
de leur journée,
'
j
Tous jgnorans, et d ’une faiblesse d ’esprit extrême,
pouvaient-ils se garantir des pièges1 de la séduction ?
ne devaient-ils pas également céder aux impulsions de
l ’espérance et de la crainte? prévoyaient-ils sur-tout
les suites funestes que leurs dépositions pouvaient avoir
pour autrui et pour eu x?...... Les imprudens! . . . ., L a
C our les a mis hors d ’accusation; mais l ’instruction
j-este dans toute sa force pour faire rejeter leur té
moignage......... Q u ’ils se repentent ! q u ’ils appaisfent
celui qui scrute si profondément les consciences des
hommes
Les accusés leur pardonnent.
�(■65
)
S IV.
DÉPOSITION DE PEYRACIIE.
Quant à Peyraclie, si cet homme jouissait encore
d ’une existence sociale; s’il pouvait être présenté à. la
Justice comme témoin; si sa déposition sur-tout devait
avoir la moindre influence sur le sort des accusés, il
faudrait examiner les nombreuses preuves de faux té
moignage qui s’élevaient contre lu i, et prouver q u ’il
avait été excité au crime par la haine q u ’il portait à
G alland, et par les récompenses q u ’il avait reçues et
espérait recevoir encore de la famille Coui-bon, dont
il était l ’agent le plus actif. L ’étude du caractère de
Peyraclie pourrait même être de quelque u tilité; ses
fourberies, ses vices habituels, son esprit toujours in
quiet, le besoin q u ’il é prouvait à chaque instant de
s’éloigner de sa famille, pour porter le desordre et le
trouble chez les personnes qui avaient le malheur de
]e recevoir; son empressement à se mêler des affaires
des autres, pour vivre à leurs dépens; enfin, chacun des
traits de cet homme singulier fournirait une leçon à
suivre et un exemple à éviter.
Ma is la j ustice l’a frappé : Peyraclie n ’a plus ni fa
mille ni concitoyens; son nom, attaché au crim e, 11e
peut plus être prononcé que pour épouvanter ceux qui
seraient tentés de l ’imiter. Peut-être son supplice a-t-il
commencé au fond de son a m e !.............. Respect au.
m alheur, même m érité!
L ’arrèi qui condamne Peyraclie est du 26 mai 1821.
Ija condamnation de cet homme donnait ouverture à
la révision du procès criminel dans lequel Galland et
Rispal avaient succombé.
TJ11 arrêt de la Cour de cassation, du 9 août 18?. 1,
9
�• 6 ^ ''r
(66)
annulant celui rendu par la Cour d’assises du P u y , le
9 mars 18 19 , ordonne que les accusés seront jugés sur
même arrêt d ’accusation, et les renvoie, à cet effet,
devant la Cour d ’assises du département de la L o ire ,
séant à Montbrison.
■
T e l est Fétat de ce procès.
;i '<i
(
�( 61
)
DISCUSSION.
L ’examen détaille et raisonne des faits de ce procès
a prouvé deux propositions, dont la vérité est aujour
d ’hui évidente. La première, q u e, n’existant point de
c rim e , on ne pouvait rechercher des criminels ; la
seconde, q u ’en supposant un corps de délit établi, les
accusés ne pouvaient en être présumés et encore moins
jugés les auteurs.
Les faits seuls et les conséquences q u ’on en doit
déduire suffisant pour démontrer l ’erreur du jury de
la H aute-Loire, et pour dissiper les obscurités dont
la prévention avait entouré cette malheureuse affaire,
il semblerait que toute discussion ultérieure est inutile,
si l’on ne savait que celte erreur est autant de droit
que de fait,,et que MM. les jurés ne se sont t r om pé s ,
q u e parce q u ’ils n ’ont pas assez réfléchi sur les condi
tions nécessaires à la preuve de l ’existence d ’un crim e,
s u r - t o u t lorsqu’il s’agit de meurtre et d ’homicide.
Ce point de droit est cependant d ’une haute impor
tance; il intéresse éminemment la société entière; et
la moindre erreur ou la plus légqre méprise, sur une
vérité aussi fondamentale, est d ’autant plus funeste,
q u ’elle peut à chaque instant compromettre la liberté,
l ’honneur et même la vie des citoyens.
Il faudra donc fixer, sur cette question, l’attention
de MM. les jurés, e t , en en'recherchait les principes,
dans l ’ancienne législation criminelle , leur prouver
que le texte de nos Codes actuels, l’esprit du législa
teur, l’éq ni té et la raison, sans, lesquelles il n’y.aurait
qu arbitraire et despotisme, leur imposent l ’obligation
de s’occuper, avant tout, de l ’existence du corps de
d élit, et que, dans certains cas, ce|,le existence doit
être pioiiAcc par des actes Auxquels il ne peut êtr&
permis de suppléer.
�(C8)_
Mais avant d ’aborder cette discussion, et pour sim
plifier toutes les idées qui se présentent dans ce procès,
il n ’est pas inutile de donner quelques explications sur
la révision des procès criminels, action que nos Codes
ont cru devoir admettre.
L a révision des procès crim inels, autorisée par
l ’ordonnance de 1670 , fut supprimée par les lois de
l ’assemblée constituante. Ayant été rétablie par la loi
du i 5 mars 17 9 3 , pour le cas seulement où deux
condamnations seraient inconciliables , elle fut de
nouveau anéantie par la mise en activité du Code
criminel du i 3 brumaire an 4> q u i , en gardant la
silence sur la révision, déclare abolie toute forme de
procéder et de juger, qui n ’y serait pas t e x t u e l l e m e n t
r appelée. L e s mo tif s de cette omission é t a i e n t , d ’une
p a rt, la crainte que la confiance que devait inspirer
l ’institulion du ju ry ne se trouvât affaiblie, par la
seule supposition q u ’il pourrait tomber dans l ’erreur y
e t, de l ’autre, la crainte que le respect dû aux organes
de la loi et aux arrêts de la justice ne reçût quelque
atteinte d ’une disposition qui , après l ’accomplisse
ment de toutes les formalités, et l ’épuisement de tous
les degrés de ju rid iction , offrirait encore un moyen
d ’attaquer et de faire anéantir un arrêt définitif de
condamnation.
Ces considérations étaient importantes. Soumises h
l ’examen du législateur, elles devaient le porter h fixer
avec circonspection les règles auxquelles serait assujétie
l'a révision ; mais il n ’en était pas moins indispensable
(le rétablir une barrière contre les erreurs possibles,
des jurés et (les juges. E n effet, « tant que les hommes,
« dit un jurisconsulte étranger, n ’auront aucun carac« 1ère certain pour distinguer le vrai du faux , une
« des premières sûretés qu ’ils se doivent réciproque«- m en t, c ’est de 11e point'admettre, sans une nécessite
« démontrée 3 (les peines absolument irréparables.
�C «9 )
« N ’a-t-on pas vu toutes les apparences du crime
« s’amonceler sur la tête d ’ un accusé , dont l ’innocence
« était démontrée, quand il ne restait plus q u ’à gémir
« sur les erreurs d ’une précipitation présomptueuse?
« Faibles et inconséquens que nous sommes ! nous
« jugeons comme des êti’es bornés, et nous punissons
« comme des êtres infaillibles (i). »
L'exercice du droit de faire grâce, rétabli par le
sénatus-consulte du i/j. thermidor an 10 , ne devaitil pas même paraître insuffisant, en faveur de celui
qui aurait été victime d’apparences trompeuses ou de
fausses dénonciations ?
L a révision fut donc de nouveau consacrée par nos
Codes; mais elle fut réduite aux cas où elle paraissait
réclamée par l ’intérêt même de la justice, et sans que
celui de la société p u t e n recevoir atteinte.
Ai n s i , la révision n ’est autorisée q u ’en mat ièr e
c ri m i ne l l e, et jamais en mat ièr e de police c o r r e c t i o n
nelle et de si mple police.
- Cette faculté ne peut être exercée en matière cri
m inelle, que dans trois cas.
11 y a lieu à révision :
• i° Si l ’accusé a été condamné pour un crime à raison,
duquel un autre condamné a été déjà condamné,
lorsque les deux condamnations ne peuvent se conci
lier (art. l\4 3 );
■2° S ’il résulte, des pièces communiquées, des indices
suffisans de l’existencc de la personne prétendue homicidée, et dont la mort supposée a déterminé la con
damnation ;
3 ° Dans le cas de condamnation portée dans un
débat, dans lequel des témoins à charge ont été pré
venus de faux témoignage,-et depuis condamnés pour
raison de ce crime (art. 44 5 ).
(1) Jérémie Bcntham.— Traité de la législation civile ot crimineli*.
\
�( 7d )
C ’est dans ce troisième cas de révision , que les
Condamnés Galland et Rispal ont été placés par la
condamnation du faux témoin P ey radie,
M. Berlier, après avoir fait observer que l ’espèce
prévue par l ’article 44^ était exactement celle qui
forma , il y a plusieurs années, le sujet de la récla-r
mation élevée dans les intérêts des nommés PetitR e y n a u d , condamnés à Besançon , disait q u e , si dans
ce cas l ’erreur de la condamnation ne se montrait pas
avec la même évidence que dans les autres espèces
citées; s’il était strictement possible que le faux témoi
gnage n’eût pas seul dicté la déclaration du ju r y ,
qu ’enfin si Verreur de la condamnation n en résultait
pas évidem m ent, du moins il fallait convenir q u e ce
fait est'assez grave, p o u r é ta b lir une su ffisa n te pré
_
somption (jue l ’accusé a été victim e d ’une horrible
calomnie.
« Dans une telle position, ce serait, disait l ’orateur,
« être sourd à la voix de l ’iuimanité, que de ne pas
« recourir à une nouvelle instruction , dégagée des
« funestes éléniens qui ont corrompu la première (i) ».
C ’est donc d’après une nouvelle instruction , que
MM. les jurés du département de la Loire sont appelés
à prononcer sur le sort de Galland et de R ispal, qui
actuellement ne sont plus ([\i accusés ; et dans les dé
liais qui vont s’ouvrir, chacune des charges doit être
considérée avec la même a t te n t i o n que si elle n ’avait
pas déjà été soumise à l’examen de la justice. MM. les
jurés doivent sur-tout se garantir de l’impression que
pourrait faire sur eux l ’idée q u ’il y a choso jugée. Ce
sentiment, s’il existait, serait un préjugé et une erreur
d ’autant plus condamnables, q u ’il est établi, d ’une
p a r t , que les accusés ont été victimes d ’une horrible
calomnie, et que, de l ’a u tre, il est aussi certain quo
(i) Expose (les jnotifs doM. le Couspillcr d’Elat Bcrlicr, liy. a , tit, 3,
�( 71 5
la décision des jurés de la Haute-Loire a été influencée
par des élémens corrupteurs, q u i, en dénaturant toutes
les circonstances du l'ait, ont puissamment agi sur la
conviction.
Ces idées préliminaires étant expliquées, il faut
examiner ce que c’est q u ’un corps de délit, et comment
il doit être établi pour donner lieu à des poursuites,
et sur-tout pour légitimer une condamnation.
« Si l ’accusé, dit l ’illustre chancelier d ’Aguesseau,
« soutient q u ’il n’y a eu ni assassinat ni meurtre ;
« que le corps mort de celui q u ’on l ’accuse d ’avoir
« assassiné ne porte aucunes marques de blessures ,
« aucuns vestiges de violen ce, aucun caractère de
« l ’assassinat; si saint Athanase, accusé d ’a-voir coupé
« la main d ’Arsène, demande à représenter Arsène à
« ses accusateurs étonnés; s’il oifre de confondre leur
« malice , en l ’obligeant à l e u r m o n t r e r ses deux
«< mains, qui pourra soutenir que de pareils faits ne
« doivent pas être examinés isolément par rapport à
« l ’accusé, par rapport à l ’accusateur, par rapport à
« la justice elle-même, qui ne doit jam ais entrer dans
« ïinstruction d ’un crim e , dont l ’existence peut être
« justem ent révoquée en doute? (i) »
Ce passage si éloquent, inspiré par lTiumanite et
dicté par la raison, n ’est autre chose que le plus heu
reux développement de la Loi S i délietum probatum
fu e r it , et des principes consacrés par l ’ordonnance de
16 7 0 , sur la preuve en matière criminelle.
E n effet,
Sous celte ordonnance , tous les auteurs étaient
d accord que la preuve en matière criminelle devait
avoir nécessairement deux objets q u ’il ne fallait point
diviser, Y u n , de s'assurer de l'existence du crim e,
c est-a-diie, établir le lait particulier, que le crime s
(1)
D ’A g u e s s e à t j , 5 i b
plaidoyer, affaire du LopiyarJiiw.
�( 72 )
«Hé commis, ce que les criminalistes appelaient cons
tater le corps de d élit; l ’autre, de convaincre la per
sonne qui en est accusée , d ’en être l ’auteur ou le
complice.
L e premier soin qui devait occuper le juge était
de s’assurer si le crime avait été effectivement commis;
et cette preuve, dans la plupart des cas, ne pouvait
s’acquérir que par des procès^verhaux du juge et par
des rapports des médecins et chirurgiens.
Relativement à la preuve , on distinguait deux
sortes de crimes, les un s, q u i, comme l ’h o m icid e ,
laissent des traces après e u x , et que les docteurs ap
pellent delicta fa c ti perm anentis; les autres, qui ,
comme le b l as p hè me et les injures verbales, ne laissent
fiucune trace, et pour cela sont appelés delicta fa c ti
transeuntis.
Pour les premiers, la preuve de l ’existence du corps
de délit ne pouvait ressortir que des procès-verbaux
(les ju g es et des rapports d ’experts , parce que ces
crimes laissent des impressions durables, qui les rendent
susceptibles de l ’inspection des yeux. Pour les autres,
il était permis de recourir aux informations et aux
interrogatoires, parce que le corps du délit ne tombait
point sous les sens.
D ans les crimes qui laissent des traces après e u x ,
on distinguait.cn outre ceux dont le corps devait être
constaté par le concours des r a p p o r t s d e x p e r t s
avec les procès-verbaux des juges, tels que Yhomicide
et le poison, crimes dont l ’existence devait être établie
suivant les règles de l ’a rt, de ceux dont le corps pou
vait être constaté par le seul procès-verbal du ju ge,
comme le vol avec effraction, l’incendie, e tc ., dont
tout le monde peut juger à. la simple inspection des
yeux.
'
Ces règles étaient absolues, et n’admettaient d ’ex
ception que dans un seul cas; celui où les traces du
�C ’ 3 ')
crime auraient cessé d ’exister, par le fait de l ’auteur
même, qui en aurait dérobé la connaissance, en jetant
dans la rivière ou en brûlant le cadavre de la personne
q u ’il avait assassinée. Il fallait bien alors recourir aux
informations et aux interrogatoires; mais constamment
l ’aveu de l ’accusé était repoussé, comme insuffisant
pour constater le corps du délit, à moins q u ’il ne se
trouvât d ’ailleurs appuyé par les dépositions des té
moins, ou par quelques-uns de ces indices prochains,
que l ’on connaît en droit sous la dénomination de’
témoins muets.
Ces principes étaient le résultat de l ’expériencè.’
Les erreurs trop fréquentes de la justice avaient enfin
ramené les criminalistes, même les plus farouches,
au respect et à l ’observation de cette maxime : Q u'il
v a u t m ieux risquer cle laisser un crime im puni, que
de s’exposer à cojidamncr un innocent; enfin il n’était*
plus douteux que le délit devait être constant pour
que l ’accusé pût être condamné à la torture; et que
les « rapports des médecins et chirurgiens sont si'
« nécessaires dans les procès où il s’agit d’ homicide
« qu e, faute de pareils rapports de visite, soit q u ’il.
« n’eu ait point été f a it , ou q u ’ils ne soient point
« rapportés, ou q u ’ils soient nuls, on pourrait inférer
« que le blessé n’a point été blessé, et que la personne
« blessée serait morte p a r un autre accident qu ’à
« cause de blessures; en un m ot, en ces sortes d ’oc« casions, c’est le procès-verbal qui établit le corps de
« délit. Différons arrêts ont enjoint à des juges de
<« dresser des procès-verbaux en pareils cas (r). »
Ainsi , sous l ’ordonnance de 1670, il faut tenir
pour certain :
(1) Voir Muynrd tic Vonglnns, de la Division de la P re u v e , lit. 3 ;
François Serpillon, sur le titre 19, article i er do l’ordonnance cle 1670;
r.ny du Rousseau dcL acom bc, T raité des m atières crim inelles, 3e part.,
cliap, 3 , n° 11.
10
�( 74 )
i° Que si un caclavre était découvert, le genre de
mort devait être constaté par la réunion du procèsverbal du juge et le rapport du médecin;
2° Que la preuve de l ’homicide ou l ’existence du
corps du délit ne pouvait résulter que du rapport du
médecin ou chirurgien;
3 ° Q u ’un homme ne pouvait être poursuivi ou mis
en jugem ent, comme prévenu d ’homicide, que lorsque
le fait matériel était établi suivant les formes pres
crites.
,
Qu/aurait-on pensé, sous cette législation, des pour
suites exercées et de la condamnation prononcée contre
deux malheureux, jugés coupables d ’un crime dont
1 existence était prouvée impossible dès l’origine même
d e la procédure ?
Si l’on s’arrête un m o m e n t pour recueillir les leçons*
de l’expérience et consulter la sagesse des siècles, on
lie peut s’empêcher d ’admirer la prévoyance du légis
lateur, qui a cru devoir confier à la médecine seule le.
soin de résoudre les problèmes, plus ou moins diffi
ciles , que l'existence ou la mort de l ’hoinme peuvent
présenter.
L ’étude de la médecine embrasse tant de connais
sances diverses; elle exige un esprit si essentiellement
observateur, des aperçus à-la-fois si profonds et si in
génieux, un cœur si ami de l ’ humanité, que l’on doit
convenir, que s’ il existe quelques moyens de rendre
les hommes plus sages et meilleurs q u ’ils ne l’ont
encore été, ce doit être dans celle science q u ’on doit
les chercher. N ’esl-ce pas, en eftet, à la médecine que
nous devons nos premières lois? Les sages de l’ancienne
Grèce ne réunissaient-ils point à la science de la légis
lation et de la morale, celle des lois de la physique
animale et la connaissance du cœur humain? K t si
l’on parcourt l'immense recueil du Droit romain ; si
l'un étudie sur-tout les règnes des Sévère, des A drien,
�( 75 )
des Antonin j des M arc-Aurèle, ne se convaincra-t-on
pas que ces empereurs, amis des médecins et des phi
losophes, avaient également consulté les écrits d ’Aristote
.et d ’Hippocrate, pour établir leurs décisions sur l ’état
des citoyens et la classification des délits?
L a jurisprudence apprend que par-tout où le Droit
romain était r e »ç u /, les savans et les médecins étaient"
consultés dans les cas extraordinaires; et ort ne peut
s’empêcher de penser que Charlemagne n ’eût cet usage'
en vu e, lorsqu’il dictait ce beau capitulaire, « q u ’un
« juge ne condamne jamais sans être sûr de l’équité
« de son jugement; q u ’il ne décide pas de la vie des
« hommes par des présomptions, mais par des preuves
« aussi claires que le jour; q u ’il sache que ce n’est
« pas celui qui est accusé qui est coupable, mais bien
« celui qui est convaincu; q u ’il n ’y a rien de si dan« gereux et de si inj ust e que de hasarder un jugement
« sur des c o n j e c t u r e s q u e toutes les affaires où la
« preuve ne consiste q u ’en indices, et ne peuvent tout
« au plus former q u ’un d o u te , doivent être réservées1
« au souverain jugement de Dieu ( i) . »
O r , dans les choses qui appartiennent à l ’état ana
tom ique, physiologique et pathologique de l ’homme,
comment le magistrat serait-il sûr de son jugem ent,
sans recourir aux lumières des personnes de l ’a rt? ....
L ’exercice de la médecine dans les Cours de justice,
d a te , en France, du siècle de François I". Bientôt
les ordonnances (le nos Rois érigèrent en lois ce qui
n avait commencé par n ’être q u ’une coutume. La mé
decine, associée aux fonctions de la justice, rendit
des services importans, et contribua puissamment h
détruire des préjugés ou des erreurs nés de l ’état de
( i ) Capitul. , liv. 7— 107.
�( 76 )
crédulité où l ’on vivait alors (x). Il est vrai que les
décisions des médecins n ’ont pas toujours été des
oracles irrévocables ; que plusieurs d ’entr’e u x , dé
pourvus des connaissances indispensables à cette pro
fession, ou du jugement q u i, les mettant en œuvre,,
les dirige vers un but utile, avaient donné lieu à des
scènes ridicules ou sanglantes, dans les tems où les
tribunaux étaient moins éclairés (2). Mais fallait-il
rejeter la science, parce q u ’elle était appliquée par
des hommes inhabiles? Ne valait-il pas mieux s’atta
cher à en régler l ’usage?
C ’est ce qui fut fait; et on trouve, dans les recueils,
sous la date de 1606, des'letlres-patentes , données
par Henri iv à son premier médecin, lui conférant le
droit de nommer deux chirurgiens dans chaque ville,
pour faire les rapports. V in t ensuite l'ordonnance
de 1667, q u i, dans l ’article 3 du t i t r e S , veut que
les rapports soient faits par detrx chirurgiens, nommés
par le premier médecin du Roi. Enfin intervinrent deux
arrêts du Conseil d ’E l a t , en 1G92 et i 6 t)3 , qui
réunirent ces offices aux communautés de médecins et
chirurgiens.
O11 arrive au dix-huitième siècle, à cette é poque où
1 étude des choses sérieuses e t des s c i e n c e s exactes succéda
à l ’enthousiasme des lettres, de la poésie et des beauxarts. On connut alors le doute p h i l o s o ph i qu e. Une
heureuse rivalité, inspirée par le désir d ’être utile aux
hommes, s’établit entre l ’académie de chirurgie cl la
«société de médecine. Bientôt la nature n’eut plus de
secrets; les faits, sagement interrogés, dévoilèrent ses
mystères; e t , à l ’aide d ’obscrvalions souvent répétées
et faites avec la plus grande exactitude, on parvint
(1) Voir Pigray , cTiirurgica (l'Henri n i, et contemporain (l’Antoine
Parié.
(a) Voir Malion , mçJcciuo légale, tome i er, page 2.^
�( 11 )
enfin à expliquer, avec une précision et u'tie,'certitude
presque mathématiques, les phénomènes de la vie et
de la mort.
Il
faut placer à cette époque les travaux du célèbre
Louis. Cet ami si éclairé de l’humanité fut le premier
qui enseigna publiquement l ’art de résoudre certaines
questions médico-légales ; et bientôt des mémoires
consultatifs imprimés , discutant la forme et le fond
des rapports, furent accueillis par les magistrats. L a
publicité a y a n t ensuite fait sentir combien il était
nécessaire d ’apporter du soin a la rédaction de ces
mémoires, l ’on vit l ’éloquence, réunie au savoir, arra
cher à la mort et à l’infamie des accusés qui parais
saient devoir succomber. C ’est alors que l ’on a pu dire,
avec B alde, q u e , dans ces matières/ les- assertions des
médecins ne sont pas un témoignage , mais bien p lu tô t
un ju g em en t .
'''
. . r ..
E a effet, personne n ’ignore les exemples fournis par
les affaires trop célèbres de Montbailly et de Sirven, et
sur-tout par celle de Chassagneux, de Montbrison \ qui
a tant de points de ressemblance'avec celle de Rispal
et G a lla n d , aujourd’ hui soumise à l ’examen du ju ry
de la Loire. Mais, si l ’on étend ses recherches sur des,
espèces moins connues; si l ’on consulte les arrêts de
l ’ancienne jurisprudence; plus on les étudiera, et plus
on sera frappé de cette vérité importante, que ja m a is ‘
aucun accusé n a été convaincu d'un crim e , lorsque
le corps de délit n était point constaté ; que les erreurs
judiciaires naissaient toujours de ce que les premiets^
rapports ayant constaté le corps de d é lit, les déposi
tions, entendues dans l ’instruction, en désignaient, le
coupable. Ma is constamment,, s ’il s'élevait des d iffi
cultés sur ¡‘existence du crim e, ou si un médecin
plus éclairé que le premier montrait que le délit
n ’existait pas ou même était d o u te u x , la justire, dédaignaut et rejetant les preuves qui semblaient con-
�( 78 )
vaincre un coupable, repoussait l'accusation d ’un seul
mot — . L e crime n ’ existe p a s ! ...... L e corps de dél i t
EST INCERTAIN !
Des principes aussi conservateurs dè la vie des
hommes, de l ’honneur et du repos des familles,
auraientrils éprouvé quelque changement , ou subi
quelque altération par l ’émission de nos nouveaux
Codes ? Us étaient la règle du m agistrat, sous une
législation toute défavorable aux accusés; ils les pro
tégeaient, lorsque, privés de communications, livrés^
à eux-mêmes, et plongés dans l ’obscurité d ’un cachot,
ils ignoraient souvent jusqu’à la nature de leur crime;
ils leur servaient encore de bou clier, lorsque, sans
d é f e n s e u r s , ils restaient exposés seuls à la mal ice de
leurs ennemis. C e s principes seraient-ils anéant is ou
méconnus, aujourd’hui que notre législation criminelle
a fait un si grand pas vers le b ie n , en accordant un
défenseur aux accusés, en confiant l ’application des
lois à des juges civils, et en couronnant ce bel oeuvre
par la sublime institution du ju r y ? Est-ce dans le
tems que l ’accusé doit être jugé par ses pairs, par des
hommes non versés dans les subtilités de la procédure,
et dont la règle unique doit être le bon sens et
l ’équité, que quelques novateurs imprudens v o u d r a i e n t
soutenir que le jugement des affaires criminell es ne
devant avoir d ’a u t r e règle que la conviction morale
du ju r y , il lui a p p a r t i e n t de rester c o n v a i n c u du corps
de d é lit, contre le contenu aux procès-verbaux et aux
rapports des médecins ; do prendre pour règle de son
jugement l'ignorance, aussi vaine que présomptueuse,
du quelques témoins; de dédaigner les témoignages des
faits recueillis, interrogés et jugés par les hommes de
l ’art; q u ’enfin les jurés, cédant à une croyance légère,
que l'irréflexion peut confondre avec la" conviction t
in tim e , ont reçu de la loi le pouvoir de créer à-là-foi?
Je crime et le crimiuel?
�, s
( 79 )
66o.
Ali ! s’il en ¿tait ainsi, que le législateur retire hcs
funestes présens : il nous a trompés ! Il s'est égaré
lui-même en croyant établir une innovation favorable
aux accusés : q u ’il nous rende les secrets, le s tortures,
toutes les horreurs enfin de l ’ancienne procédure cri
minelle. Elles faisaient gémir l’humanité; mais le
calcul mathématique des preuves, auquel l ’ordonnance
soumettait le jugement des affaires criminelles, serait
plus favorable à l ’ i nnocent accusé , que la nouvelle
forme qui lui a été substituée.
L a raison repousse un système anti-social, et d ’au
tant plus dangereux , que son effet le plus immédiat
serait de substituer l ’arbitraire à la justice.; et quel
despote que celui qui ne connailrait d ’autre règle que
ses caprices ou son ignorance !
Aussi n’est-ce point ce que la loi a voulu; et l ’en
semble de notre législation prouve clairement que ,
plus que jamais, la jurisprudence doit être spéciale
ment éclairée par la médecine.
E n effet, lesrapports.de la médecine avec le Droit
commencent à se manifester dans le Code civil; et la
plupart des articles renfermés dans les livres I er et 3 e
ne sont que la réunion des décisions médico-légales
consacrées par le lems. Mais, pour 11e pas trop s’éloigner
de son sujet, on se borne à faire remarquer que si la
médecine a été consultée pour établir les règles con
servatrices des biens, des qualités et des litres des
citoyens, dans la jurisprudence criminelle, l ’union de
la médecine aux lois est d ’autant plus nécessaire pour
1 exercice plein et entier de la jnstice, que cetle union
est le seul garant de l ’honneur et de la vie compromis
injustement.
La première idée qui s’est présentée h la pensée du
législateur, lorsqu’il s’est occupé de la réforme des loi*
pénales, a clé d ’aviser aux moyens de donner plus dt*
développement aux connaissances en médecine légale,
�( 8o )
et de rendre cette science populaire. Pour cela, il créa,
par la loi du 1 4 frimaire an 3 , des chaires de méde
cine légale dans toutes les facultés dè médecine; créa
tion qui fit de cette science, dont l ’enseignement était
originairement restreint à l’école de P a r is , un objet
général d ’étude pour tous les français qui se destinaient
h. la profession de médecin.
L e Code des délits et des peines parut bientôt après :
on sait q u ’il est du 3 brumaire an 4 '•>et ses dispositions
s’accordent parfaitement avec les idées que le législa
teur s’était faites de la nécessité de l ’étude de la mé
decine légale j élude d ’ailleurs dont il voulait uiiliser
les fruits.
L ’ article 102 impose au juge de p a i x , aussitôt q u ’il
est informe d ’ u n d élit d o n t l ’existence p e u t être cons
tatée par procès-verbal, de se transporter sur les lieux
pour y décrire en détail le corps du d é lit, avec toutes
ses circonstances et tout ce qui peut servir à convic
tion ou à décharge.
L ’article io 3 veut q u ’au besoin le juge de paix se
fasse accom pagner d ’une ou de deux personnes p ré
sum ées , par leur art ou profession, capables à ’appré
cier la nature et les circonstances d u délit.
E n fin , l ’article 104 est ainsi conçu : « S’il s’agit
» d ’un meurtre ou d ’ une mort dont la cause esi in« connue ou suspecte, le juge de paix d o i t se iairo
« ASSISTER d ’un ou de deux officiers de santé. »
Ainsi, dans ce code, point de délit sans procèsverbal qui le constate; et, dans les cas ordinaires, le
juge de paix doit décrire le corps du délit avec toutes
les circonstances à conviction ou à décharge; les hommes
de l’art peuvent apprécier la nature et les circonstances
du lait; mais s’ il s’agit de meurtre ou de m ort, l’obli
gation imposée au juge de paix devient formelle : il
non’ se luire assister de doux officiers de s a u le , qni
�( 8 .)
Sont appelés seuls à prononcer sur la cause de la mort,
si elle est inconnue ou suspecte.
Ces procès-verbaux et rapports étaient indispen
sables, non seulement pour la poursuite et l ’instruction
de l'affaire, mais encore pour le jugement. « Les jurés,
« dit la l o i , doivent d ’abord examiner l ’acte d ’accu« sation, les procès-verbaux, et toutes les autres pièces
« du procès, à l ’exception des déclarations écrites des
« témoins ». Après cette instruction , qui est en pleine
harmonie avec la procédure exigée, l ’arLiclc 3 7 4 or
donne que la première question tende essentiellement
à savoir si le f a i t qui J'arme le f o n d de l ’accusation
est constant ou non ; et la seconde, à savoir si l ’accusé
est convaincu de l’avoir commis, ou d ’y avoir coopéré.
L ’instruction et le jugement avaient donc en vue
un premier objet préalable à tout autre, celui de s’as
surer de l ’existence du corps de délit. La première
opération du j u r y était de former sa conviction sili
ce point; il ne pouvait rechercher le coupable que
lorsqu’il s’était rendu certain de l ’existence du fait
formant le fond de l'accusation; et sa Conviction de
vait avoir pour unique fondement les procès-verbaux
rédigés par les hommes de l’art. L e Code des délits et
des peines, du 3 brumaire an 4 > était donc en tout
conforme aux principes consacrés par Fordonnance de
1670. Comme celte ordonnance, il ne reconnaissait
d ’homicide et de meurtre que lorsque ces crimes
étaient établis par les rapports des médecins.
Lorsque l ’intérêt p u b lic, le développement de l'in
dustrie, <mi ne peut avoir lieu que lorsque les citoyens
jouissent d ’ un état de liberté, toujours incompatible
avec les pi'<»hibitions, quelles q u ’elles soient, eurent
rendu la suppression des corporations nécessaire ou
vit des hommes sans mission, comme sans études préa
lables, exercer, moyennant patente, Fart de g u é r i r ,
et apporter, dans l ’exercice de la médecine légale, les
11
�( 8a )
malheureux fruits de leur inexpérience, de leur igncw
rance et de leur légèreté ; mais les maux q ui résul
taient de cet abus ayant fixé l ’attention du législateur,
furent aussitôt réparés par la loi du 19 ventôse an 1 1 ,
qui exigea, à peine de n u l l i t é , que les gens de l ’a r t ,
commis aux rapports, eussent été reçus docteurs dans
l ’une des facultés de médecine.
L a médecine légale avait été rendue à sa dignité j
on avait déjà pu apprécier ses heureux effets , lors
q u ’on 1808, le Code d ’instruction criminelle fut pro
mulgué.
Il faut en examiner les dispositions.
L ’ensemble de cette loi fait sentir la nécessité de
dresser des procès-verbaux, à l ’cflet de constater le
corps de délit.
L ’article 3 a exige des procès-verbaux dans tous les
cas.
L ’arlicle 43 veut que le procureur du Roi se fasse
accompagner, au besoin } d ’ une ou de deux personnes
présum ées 3 p a r leur art ou profession , capables d ’ap
précier la nature ou les circonstances du délit.
C e t article est conçu en termes facultatifs; mais
les expressions de la loi deviennent obligatoires, lors
q u' il s’agit de constater une mort violente, ou une
mort dont la cause serait inconnue ou suspecte.
Dans ce cas , dit l ’article 44 1 (<1° procureur du Roi'
« se FF, ha AssisTF.n d ’ un ou de doux officiais de santé,
« q u i f e r o n t leur rapport sur les causes de la mort
a et sur l'état du cadavre. »
On retrouve ici les principes consacrés par l ’ordon
nance de
et adoptés par le Code du 3 brumaire
an 4. Pour constater le d é l i t , d ’ une p a r t , obligation
imposée à l’officier de police judicia ire , de se faire
assister de médecins; de l ’a u t r e , charge à ces méde
cins de constater l ’état du cadavre et les causas de
la mort. L e rapport de Ces derniers est la seule pièce
�q u i puisse inspirer de la confiance à la justice , et
former sa conviction sur l’existence du crime.
Pour faciliter l’intelligence de la lo i, et s’assurer
de la rectitude des idées q u ’elle présente, veut-on
avoir recours aux auteurs les plus graves? que l ’on
consúlteles tra it és, é ga l em ent estimés, de M M . Carriol,
Legraverend et Desquiron.
L e premier, conseiller en la C ou r de cassation , s’ex
pliquant sur l ’article i 4 a du Code d ’instruction cri
minelle, dit :
« Cet article n’est pas simplement fa c u lta tif , comme
« le précédent; il fait un devoir au procureur du lloi
« de se faire assister d’ un ou de deux officiers de santé,
« dans tous les cas de mort violente, ou de mort dont
* la cause est inconnue et suspecte.
« Cela devait être ainsi ordonné; il faut nécessaire« ment un homme de l ’art pour bien apprécier les
« circonstances d ’un pareil événement ; elles ne peu« vent l ’être souvent que p a r Vouverture du cadavre ,
« ou par les procédés q u ’un oilicier de san té , bien
« versé dans Vanatomie , peut seul employer.
<' C ’est pour celle raison, que l ’article 44 charge les
« officiers de sanié d ’être eux-mêmes les rédacteurs
« de leur procès-verbal , qui doit devenir , dans ht
« discussion , la pièce la plus im portante y d ’oii il
« suit que ces officiers doivent apporter la p lu s grande
«< attention à ce qu'il soit rédigé avec cette préci« sion et celle clarté que ne pourrait lui donner le
« procureur du Roi. »
On peut aussi extraire les passages suivans, de
1 excellent. Traité de M. Legraverend, directeur des
affaires criminelles et des grâces, au ministère de la
justice (i).
(i) L e g r a v e r e n d ,
r- 1B2.
T r a ité de la législation
criminelle en France,
t.
i rr,,
�( ?4 )
«
«
«
«
«
o
«
«
«
«
«
« Il arrive fréquemment que des crimes ou de£
délits sont de telle nature que pour être vérifiés }
constatés et appréciés dans leur caractère distinctif
et dans leurs circonstances, on doit employer le
ministère de gens de l ’art. Tous les officiers de
police'judiciaire, tous ceux que la loi a chargé de
dresser des procès-verbaux de ces crimes ou délits,
doivent avoir le plu s grand soin de s ’entourer alors
des lumières nécessaires pour découvrir la vérité, et
d ’appeler de suite auprès d ’eux les hommes q u i ,
par leur profession, sont présumés avoir les connaissances q u ’exigent respectivement chaque espèce
« d ’affaires.
« Ainsi , par exemple , s’a g it - i l d ’un homicide
« consommé ou non, il faut faire vérifier, par des
« officiers de santé, l ’état du cadavre...... Les officiers
<i de santé doivent fa ire leur rapport , suivant q u ’il
« y a lie u , sur les causes de la mort et sur l ’état du
« cadavre ........ L a déclaration des gens de l ’art a et
« doit avoir une influence décisive sur l’instruction
« et sur le résultat de la procédure . » N
Enfin M. Desquiron , jurisconsulte estimé , et
membre de plusieurs sociétés savantes de l’Europe (i) ,
combat l ’opinion des personnes qui ne regardent que
comme incertaine ou nulle, la preuve qui résulte des
rapports - d e s ' m é d e c i n s ou chirurgiens. Il pense an
contraire q u ’un chirurgien habile p e u t éclairer la
religion des magistrats, et préparer ainsi l ’arrêt qui
doit prononcer sur le sort des accusés.
>
Passant ensuite aux preuves de son opinion , il
s’appuie de différons rapports du docteur L ou is; e t,
empruntant les expressions de ce savant chirurgien,
il dit « que les connaissances acquises par l ’étude et
( i ) Desfjuiron , T r a ité de la preuve par témoins en matière crim inelle,
p. i a 7 .
�C 85 )
« l ’exercicè de l ’art ont une utile application dans
« l ’ordre moral. L ’é ta t, la fortune et l ’honneur des
« citoyens ne sont que trop souvent compromis; per« sonne n ’est à l ’abri d ’une imputation calomnieuse,
« que des circonstances singulières pourraient accré« diter; on est exposé à l ’infamie et même au supplice,
« sans l ’avoir m érité, par l ’inattention on par l ’erreur
« de ceux qui ont le droit de prononcer sur le sort de
« leurs semblables. »
L ’a u t e u r reconnaît bien q u e , sur-toïit dans les
petites villes et dans les campagnes, les rapports des
chirurgiens sont écrits quelquefois d ’une manière si
obscure, q u e , dans les débats, ils ne peuvent servir
à fixer l’opinion ; mais il conseille aux officiers de
police judiciaire d ’ user de la faculté qui leur est
accordéej pour 11e faire t o m b e r l eu r choix q u e su r des
h o m m e s d o n t la sagesse et l'expérience puissent donner
Tine gar anti e îi la société, sur-tout quand il s’agit de
constater une mort violente, ou une mort dont la
cause est inconnue ou suspecte ; « car , s’écrie-t-il ,
« l ’histoire des tribunaux contient un grand nombre
« de pages tracées avec du sang, versé par suite des
« erreurs des experts et médecins, »
Les autorités les plus imposantes se réunissent, donc
aux lumières de la raison, à l’esprit et à la lettre de la
lo i, pour apprendre que le corps du délit doit être
constaté par des rapports de médecins et chirurgiens;
que ces rapports sont si indispensables, s u r - t o u t en
inatiere de« meurtre ou d ’ homicide, qu'il ne peut y
etre suppléé par aucun autre genre de preuve; que si
les medecins peuvent èt re su jets à l’erreur, en établis
sant. la culpabilité ou l'innocence, les premiers rapports
peuvent être rectifiés par un second ex am en , confié h
des hommes de l’art pltis instruits ou pins dignes de
la confiance de la justice; mais qu e, sons quelque
point de vue que Tou examine la question, les travaux
�et les opérations des médecins ne peuvent être soumis
à la critique de témoins ignorans ou pervers, aveuglés
par la passion, ou excités, par la haine, à désirer et
préparer, par leurs dépositions, la condamnation d ’un
accusé.
Mais quelle doit être l ’influence de ces procèsverbaux , lorsque le jour du jugement est arrivé ;
lorsque l ’accusé est présenté aux assises, et que le jury
a à examiner le fait qui lui est soumis, et sur lequel
doit porter sa déclaration ? Poser cette question ,
11'est-ce pas, en d ’autres termes, demandersi un homme
peut être convaincu d ’un crime qui n’existe pas? E t
d e v r a i t - o n se l ivrer à l'examen d ’un aussi singulier
paradoxe, si les n o u v e a u x r a i s o n n e m e n s , q u i servent
à le com battre, ne devaient en même tems présenter,
gous un nouveau jour , une vérité tant de fois dé
montrée ?
L ’article 337
Code d ’instruction criminelle dis
pose : « L a question résultant de l ’acte d ’accusation
« sera posée en ces termes : L ’accusé est-il coupable
d ’avoir commis tel m eurtre, tel vol ou tel autre
« crim e, avec toutes les circonstances comprises dans
« le résumé de l ’acte d ’accusation. »
La simplicité de cette question a pour objet de faire
cesser la complication de celles que le Code de brumaire
an l\ exigeait que l’on posât au ju r y ; mais si le Code
d ’instruction criminelle a simplifié les formules, il n’a
point dérogé aux principe.? q u ’il importait de main
tenir. L e jury continue d ’être interrogé sur tous les
points de fait; mais il n’est, interrogé que sur le fait,
et on ne pose plus de questions abstraites, (fui ne ten
daient q u ’à l ’induire eu erreur, et à le luire tomber
en contradiction avec lui-même.
Mais dans chaque lait, le jury doit établir une
division naturelle : c’est1 de connaître si le fait est
constant; et s’il ne trouve pas la constatation du crime
�( ô7 3
suffisamment établie, il doit répondre que l’accusé
n ’est pas coupable : ce u ’est que lorsque le crime est
suffisamment constaté, q u ’il a à examiner la culpabi
lité de l ’accusé.
C ette distinction ressort clairement des dispositions
de l ’article 4 4 ^ du Gode d ’instruction criminelle. C et
article porte :
« L e chef du jury les interrogera, d ’après les ques« tions posées, et chacun d ’eux répondra ainsi q u ’il
« suit :
« i° Si le juré pense que le f a i t n ’est pas constant}
« ou que V accusé n’en est pas convaincu , il dira i
^ « N o n , Vaccusé n’est pas coupable ;
« 2° S ’il pense que le f a i t est con sta n t , et que
« l ’a ccusé en est con vain cu , il dira * O u i , l ’accusé
« est coupable, etc......... »
I Ainsi l ’exam en de la co nsta ta ti on du fait doit être
to uj o ur s séparé de l'e xam en fie la c u l p a b i l i t é de
l ’accusé. L ’accusé doit être a c q u i t t é , si le f ai t jn’ est
pas c on s ta n t , O U s'il n’est pas convaincu d ’en être
Vauteur. L ’accusé ne peut être condamné, que lorsque
le f ai t est co ns t an t , et qu ’il en est d écla ré convaincu.
Mais quelles sont les preuves propres à convaincre le
juré de la réalité et de l ’existence d ’un corps de délit?
On a déjà répondu à cette question : dans les crimes
ordinaires, lés rapports cl les procès-verbaux y lors
q u ’il- s’agit d'homicide ou de m eurtre, les rapports
SEULS DES MÉDECINS*
M. Carnot ( i) établit une distinction entre la preuve
qui est nécessaire pour constater le corps de délit, et
celle qui peut servir à établir la culpabilité de l ’accusé.
II s’explique ainsi :
« C est d ’abord sur la réalité du crim e, que doit
« porter l ’examen du ju r y ; car il ne peut y avoir de
( i ) De l'instru ction c r im in e lle , to m e 2 , page 200.
�lî
(88)
i« coupables, si le crime n ’a pas été commis; et lors« q u ’il n’existe pas un corps de d é lit , comment avoir
« l ’assurance que le crime a été réellement commis?
« Presque toutes les erreurs de la justice ont été
« fondées sur la supposition de Y existence d ’un crime,
« d ’après ‘des apparences trompeuses; ce qui prouve
« mieux que tous les raisonnemens, la nécessité de
« ne s’occuper des preuves à la charge de l ’accusé,
« que lorsque le crime a été commis, de manière à ne
« laisser aucun doute sur sa réalité.
• « Nous pourrions rapporter des exemples"nombreux
« de pareilles erreurs; mais ils se trouvent dans tous
« les livres, et nous ne ferions q u ’user de redites
« inutiles. Nous nous bornerons à observer q u ’il ne
« p e u t y avoir entière c o nv i c t i o n de la c u l p a b i l i t é Je
« l ’accusé, m algré tous les indices, toutes lespreuves qui
« peuvent résulter, à sa charge, de l ’information et des
« débats, tant que le corps du délit n ’est pas constaté,
« de manière à ne laisser aucune incertitude dans
« l ’esprit sur son existence.
« I)e simples traces de délit peuvent bien suffire
« pour faire mettre le prévenu en accusation; mais
« pour le fa ire condam ner, il ne suffit pas d ’une
« simple probabilité que le crime a été commis , il
« FAUT EN AVOIR LA CERTITUDE.,))
L ’auteur examine ensuite quelles 6ont les preuyes
qui doivent démontrer la culpabilité d ’uU accusé.
Elles peuvent être positives> ou ne reposer que sur
des présomptions.
La preuve'positive doit avoir une grande influence;
cependant il faut que les actes et les témoignages,
desquels elle résulte, méritent une pleine confiance.
Quant aux indices, 'quelques graves q u ’ils soien t,
on doit s’en défier; et pour q u ’ ils soient de nature à
établir nue certitude, il fa u t qu'ils excluent la pos
sibilité de l'in n o c e n c e s’ ils n’établissent q u ’une preuve
�( « 9 )'
im parfaite; s’ils n ’excluent pas cette possibilité , ils
.sont insuffîsans; car il faut une preuve parfaite pour
que la condamnation de l ’accusé doive être prononcée.
C e serait, en effet, une grande erreur, de croire que
c ’est une simple possibilité de culpabilité que le jury
doit chercher; ce n’est pas sur la possibilité que l ’rtccusé soit c o u p a b l e q u ’il peut être condamné, mais
sur l ’ IMPOSSIBILITÉ qu ’ il NU LE SOIT PAS.
Ces principes étant certains, la raison de décider
se présente d ’elle-même : Jean Courbon est mort le
7 septembre 18 17; le 8, il a été dressé procès-verbal
de l ’état de son cadavre, et lin rapport de médecin a
fait connaître les détails de son autopsie cadavérique.
Si ce procès-verbal et ce rapport eussent laissé des
doutes ou des incertitudes sur le genre de mort de
Courbon , la justice, en r ec ue il l ant les renseignemens
propres à les lever ou à les Taire cesser, devait com
m e n c er une instruction à l ’effet de connaître quels
pouvaient être les auteurs de cette mort incertaine
mais si, dans la suite, un autre rapport de médecin
11e venait démontrer la réalité du corps de d é lit, ces
poursuites devaient cesser; ou au moins, si des accusés
étaient présentés aux assises, ils devaient être acquit
tés, par cela seul que le corps de délit n'était pas
constant.
Mais dans ce malheureux procès, non seulement il
n ’y a point de corps de délit constant, mais il est
constant q u ’il n ’existe pas de crime. C ’est par le procèsverbal du juge de paix et le rapport du médecin, que ce
point de fait se trouve établi d ’une manière absolue.
Cette vérité si importante était connue dès le 8 sep
tembre au matin : quel est donc le lait qui a pxi
donner lieu à une instruction?........... quels criminels
espérait-on de découvrir, lorsqu’on était certain q u ' i l
¿^’existait point de crime? Pourquoi Kispal, Üulland
12
�Xoo)
et Tavernier ont-ils été poursuivis? comment sur-tout
ont-ils etc condamnés ?
S i , pendant les débats qui ont eu lieu devant les
assises de la H aute-Loire, les dépositions de quelques
témoins ont pu élever quelques doutes sur les causes
de la mort de Courbon, ces doutes pouvaient-ils se
changer en réalité contre le contenu au procès-verbal
et au rapport? Mais aujourd’hui ils n ’existent plus,
ces doutes*, un rapport de médecins, fait par ordre de
la justice, des mémoires consultatifs, demandés par les
accusés, contiennent un nouvel examen des faits con
tenus dans le rapport du médecin Thomas, et dans les
dépositions des témoins, destinés à combattre ce rap
port. C e s f a i t s , consultés et appréciés de n o u v e a u , ,
n ’ont fait que confirmer cette vérité : C o u r b o n n ’ e s t
POINT
MORT
d ’ apoplexie
ASSASSINÉ
IL A SUCCOMBÉ
A UNE
ATTAQUE
: LA SOCIÉTÉ n ’ av a i t NI CRIME A VENGER
NI COUPABLE A PUNIR.
U n cri trop long-tems contenu s’échappe enfin de
tous les coeurs honnêtes : ils sont innocens ! Ils sont
innocens ! et les malheureux , condamnés, flétris ,,
confondus dans un bagne avec les pins vils criminels,
ne sont sortis de ce sépulcre vivant, que pour reprendre
leurs fers, et être présentés de nouveau à la justice.
Hâtez-vous! réparez, réparez p r o m p t e m e n t des maux
aussi grands et si peu mérités! Des jurés peuvent se
tromper; mais ils doivent à la société, à la sainteté
d ’une institution avouée par les idées les plus pures,
digne d ’ailleurs du respect et de l ’amour de tous les
Français, de reconnaître franchement leur erreur.
E t vous tous, qui êtes appelés à décider de la vie
des hommes, appreuez à maîtriser vos émotions et vos
passions; sachez que vous serez toujours placés entre
le plaisir d’avoir été justes et le remords de n ’avoir pas
assez consulté les lumières de votre conscience ; ins
truisez-vous sur-tout : les hommes éclairés sont les
�( 91 )
meilleurs ; eux seuls rendront toujours des décisions
équitables.
Cette cause doit être un grand exemple pour tous les
jurés français; et si la condamnation a la peine capitale,
qui fut prononcée contre le malheureux boulanger de
Venise, de cet innocent qui se trouvait entouré des
présomptions les plus accablantes, fit une impression,
si profonde sur l ’esprit du sénat, q u ’il enjoignit au
greffier de dire aux magistrats, toutes les fois q u ’ils
seraient assemblés pour juger un accusé à. mort , ces
paroles foudroyantes :
« Recordate v i del polvero fornaro, »
u n avocat fidèle a ses devoirs qui pensera que, dansle court espace de l ’existence, il ne peut se présenter
une plus grande chance de bonheur, que de sauver
l ’ honneur ou la vie à u n h o m m e innocent, n ’aurat-il pas le droit, en s’élevant à la dignité de sa pro
fession , de s’écrier désormais :
« Jurés, avant de vous décider, souvenez-vous de
« la condamnation des malheureux Rispal et Gal« land ! ! 1 »
Jn.-Ch. B A Y L E aîné, ancien A vo ca t, à R io m j
»
-
Conseil et Défenseurt des accusés*
ils o n t é té a c q u ité s
�
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Rispal, Régis. 1821?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Bayle, Jean-Ch.
Subject
The topic of the resource
faux témoignages
travaux forcés
condamnation à mort
homicides
médecine légale
flétrissure
obésité
cabaret
ivresse
alcoolisme
autopsies
rumeurs
juge de paix
témoins
affaire Fualdès
erreur judiciaire
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Régis Rispal, propriétaire, habitant du lieu de Dunières, canton de Montfaucon ; et Jacques Galland, propriétaire, habitant du lieu de Maltaverne, mêmes commune et canton, tous les deux condamnés, le 9 mars 1819, par arrêt de la Cour d'assises séant au Puy, département de la Haute-Loire, aux travaux forcés à perpétuité, à la flétrissure, et exécutés, le 16 juin suivant, comme coupables d'homicide volontaire, et sans préméditation, sur la personne de Jean Courbon ; et admis, par arrêt de la Cour de cassation, après condamnation définitive d'un faux témoin, et annulation de l'arrêt de la Cour d'assises de la haute-Loire, à être jugés de nouveau, sur même acte d'accusation, par la Cour d'assises du département de la Loire, séant à Montbrison.
note manuscrite : « Ils ont été acquittés »
Table Godemel : Révision : de procédure et arrêt, au grand criminel. - innocents condamnés.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
s.n.
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1821
1817-1821
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
91 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2517
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2518
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53503/BCU_Factums_G2517.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Dunières (43087)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
affaire Fualdès
alcoolisme
autopsies
cabaret
condamnation à mort
erreur judiciaire
faux témoignages
flétrissure
homicides
ivresse
juge de Paix
médecine légale
obésité
rumeurs
témoins
travaux forcés
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/52990/BCU_Factums_G0512.pdf
2c6d257513519f7cb46df672a208e986
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Text
E
SIGNIFIE
P O U R fie u r M i c h e l B U R I N Seigneur,
des Roziers , Bailli de la V ille & Baronnie de laT o u r , Plaintif & ' Accufe.
CONTRE fieur JEAN-BAPTISTE N E Y R O N
D E CH I R O U Z E S , & A n t o i Ne t t e
D E L C R O S , femme à Antoine Baraduc
Accufés Plaintifs& Dénonciateurs
,
*
,
'*
r
> T-
.
. . "
■v
. *f
,
,
j-jo o a o n q T o ute la Province a retenti des dé+++++4-++-V+
clamations . emportées des ennemis r
++++tt,ttï!'Î
Î^
ÎT^
Î
+*+++++,y-+ du fieur des Roziers : l’excès & le
î ^ î - î - î ' î ’î
nombre des crimes. dont on l ' a ac4-•►♦*•++++++
|o o s !
cufé étoient propresà fixer l’indigna
tion publique on n’a pas moins promis que de
l’accabler fous le poids des preuves ; le Peuple
A
�a
ébranlé par une confiance fi préfomptueuic pourï oit-il ne pas s’attendreauxplus fmiftresévénements?
mais enfin la cataftrophe approche, la toile va tom
ber, que va-t-elle découvrir ? une innocente vi&ir
me de l’envie, contre laquelle la ténébreufe fubornation & la noire calomnie ont armé toutes les p af
fions, lafo ib leiïè, l’ignorance même des hommes
pour l’immoler à la haine & à la p r e' v e n t io n . ■„
1 *---
.u .
A?
F A I• T : r
'
i .
Lefienr desR oziers, né d’une des pins ancien
nes famille^ de fa contrée (¡a), jtient dé fes peres
une fortune honnête*- (b) ; fi elle a reçu quelqu’ac(а) Il compte parmi fes Ayeux deux Lieutenants Généraux
àl’ancien Bailliage Royal de la,Tour, depuisle commencement
du feizîeme fiéde^Ge Bailîiàge'étant dev'éhu Seigneurial par
l’cchange de la principauté de Sed^n avec la Comté d’Auvergne
en 16«; i , Antoine Burin fuccéda immédiatement à fes deux
Auteurs, fous le titre de Bailli »..dansJ’exejxicc de cette Juitice ,
d*où rclevoicnt "alors'iS à' 30 autrfcs J\rftice4Subordonnées;
& cette C h arge-fortiç dafn famill-c qu’au¡commencement
du iicclc , par rapport aux minorircsMék'Deîxènd^nts.du der
nier Titulaire.
Dçs allîanp.es diftinguée^-ôÿt eiicofci illuftré; à chaque géné
ration, cette honorable famille. Elle a.l’honheiir d’étre alliée à
pîuilcüri M^ifdrjî ifirblé*Vqui n’ont*pasUlédaigné de mêler leur ;
fan|j à'celüi‘il*'itne tatfnijcdans, laquelle la ijpjljlqjTe'-des fenti- ;
inents atfmtj^oujpyrs éc4t,héréditaire. ^ ;
' j- j .1 ■
•\
;
(б) Éc^icùrjties Kozi.éis‘ joilit pfoiii1pt^^dfc&ofcoB liv. deviens.
pfo\tènùVilè nota pbre, iiürvn'e rutre? ciio^sj<Tunc Direâe-oû i
Cchfive qui s’étend fur qujnze Villages,.&, qui étoit il y a plu?
de trois lieçies dans fa' Maifon atac quelques* autres qui en for<
fotticT.
‘--'••i.
c-a - ». j of ¡imjl ‘i'Ada i; i
�croiiîement par une rigoureufe économ ie, des
l'oins infatigables &:‘ d’heureuies .entreprîtes., ilrn’a
pas àen rougir, parce qu’il nes’eft jamais écarté dçs
ientiers de l’honneur, dans lefcjuels tes ancêtres
lui avoient appris à marcher, (c)
Mais la baife jaloufie vit-ellé jamais une fortu
ne ié former fans en eirpoifonnér laffoiircc? Tel
cil le principe de l’accu iapdn «fclatïintc de ve
xations, de voies dè fait, de ¿oncuiïions, d’abus,
L
- - - - - - --------(c)
L ’ on a porté fa fortune dans le mé moi re i mpri mé au n o m
de la D e l c r o s à 250000. liv. on nefoupçotinerar.pas aifurément
fes e nvieux ennemis, de l’ avoir diminuée' : en fuppofant ¡qu’ils
ne l’euflent pas exagérée du d o u b l e , elle aurôit groill de 170mi ll e liv. Mais y auroit-il à s’ étonner qu’ün Particulier qui a ya nr
Commencé avec 80000 livres de bien a dû avec de l ’é c o no m ie
mettre en réferve au moins de z o o o liv. par année fur fes re
venus dès les premières a n n é e s , & bien davantage à m e f u r e q u e
fes épargnes accumulées l’ont mis en état de faire des açquiiitions;
q u ’un Particulier qui a été chargé de commiflions lucratives
par les p o ur vo ye ur s des armées dans les guerres, d e Flandres &
d ’ Italie en 1 746 & 1747 , pen dan t le fiege du Por t-Ma ho n en
17 57 , dans les guerres d ’A l l e m a g n e en 1760; qu’ un Particulier qui
pendant plus de 18 années , avant d ’être ni Bailli ni Fermier der
l a T o u r , a v o i t animé 4 à 5 mo nt ag ne s d e M . le Marquis de I3 ro~
g l i o , ou il m ont oi t chaque année d e 6 à 700 bœufs ou vaches ;
q u ’ un Particulier qui a joui de la f erme de la terre d e P r é c h o n 11er , d o n t lesdimes ou les direétesproduifent au mo i ns So o fe ti e rs
de bled & 4.000 cartes d ’a v o i n e , & qui en a joui dans des temps
o u il ve nd oi t d e 12 à 15 liv. le fetier de bled , qu'il n’a voit pas
fur le pied de plus de
liv. dans des temps ou il vendoi t de
18 à z o fo ls la q u a rte d ’a v o in e q u ’il n ’a v o it q u e fur le p ied de
10 fols. Y auroit-il à s’é t o n n e r , d i f o n s - nous r q u ”i 1 e ût aug me nt é
fa fortune de 170 rmlle liv. dans près de 40 années de temps?
11 y auroit bien plus à s’étonner que la fortune toujours rebelle
eût rendu tant d ' éco nomi e , tant de foins , tant d ’ entreprifes
vaines & i nf ru&ue uf es , & cette opulence h y pe rb o l i q u e qu’on lui
f u p p of e ne dépof eroit jamais contre fa probité.
�4,
d’autorité , d’ufurc , formée contre le . fieur des
Roziers, A .
.j
.[
..... Le fieur de jChirouzes, qui s’enorgueillit aujour
d’hui de l’ancienneté de,fa naiifançe,' qui prend la
droite fur le Heur des R oziers, &c croit l’honorer
en le plaçant fur la même ligne , ne rougiiToit pas,
il v a 15 a^is, de, tenir la. ferme de la Baronnie de
la T our , qu’il reprqche au. fieur des Roziers com
me une tache ; 6c s’il.lui eut été libre de conferver
cette tache utile, le fieur des Roziers n’auroit pas
aujourd’hui la douleur de fe voir traiter en crimi
nel mais fon efprit inquiet & dangereux s’étoit
trop fait connoître ; il eut l’affront de voir fes en«
cheres rejcttées au renouvellement du b a il, 6c le
fieur des Roziers avec fes Aiîociés préférés.
Cette préférence eft devenue le germe funeite
de la conjuration formée contre le fieur des Roziers.
Le fieur de Chirouzes avoit preiqu’oublié pen
dant ion bail qu’il devoit environ 160 fetiers de
redevances à la Baronnie de la Tour (J ) , on lui
en rappella bientôt l’effrayant iouvenir ; en vain
il temporife , en vain il chicane (<?), il faut à lafin fe réfoudre à payer.
(d) T a n t fur les biens d o n t il jouit encore que fur ceux q u ’il a
délaiifé depuis à M. des A u lnn ts , fon fils, qui font chargés de
t)L fetiers au feul lot du Heur des Rozi ers.
(e) C e n’eft pasfans peine qu'il fe détermine àf e libérer l o rf qu’ il
n e peut plus reculer. T ou j ou rs il eft en arrérage de no mbr e
<Tannées; & il n’eil. poi nt de difficulté q u ’il n’ait fallu eiluyer
avec l u i ; e n v o i e - i l des grains en na tur e? ce font les balayetires des greniers de fes Mé tay er s : veut - il pa ye r en ar
g en t ? ni la mercuriale du marché , ni le prix auquel il fe
�Le reilèntiment v if & profond qui brûloir ion
cœur depuis que la ferme de la Tour lui avoit
échappé fe réveille & s’enflamme ; ce cœur né
pour les agitations de la haine, dont il ne reçut
jamais que des impreflions fortes Ôc ineffaçables,
jure dans ion dépit une inimitié implacable au
fieur des R oziers, Ôt fe promet de lui faire payer
bien cher la préférence d’une ferme dont il l’a
dépouillé : il faut q iiil quitte le pays ou que je le
quitte, difbit il hautement ( J "), & il ne tarda pas
davantage à répandre les premieres vapeurs, donc
la fermentation lente & fourde a formé avec le
temps cet orage terrible, qui fait retentir toutes
les parties de la Province de fon horrible fracas.
Populaire juiqu’k la familiarité avec le premier ve
nu , il court les cabarets pour faire avaler au peuple le
poifondefon cœur avec la liqueur dont il l ’enivre ; le
lieur des Roziers eft peint avec ces noires couleurs
qui ie retrouvent dans les libelles : on épie toutes
les avions avec une curiofité avide de crimes, &
par-tout une imagination, qui falittous les images
qui s’y peignent, fait trouver des vexations, des
injuiliccs, des ufures ou des abus d’autorité. C ha
que particulier qui a des affaires avec le fieur
des Roziers eft interrogé; quelleinjuftice, s’écrie le
fait payer par fes Cenfitaires , ne font une réglé pour lui. L e
fieur des Rozi ers n’a pas cru devoir encenfer tous ces caprices ;
in dè irœ .
( / ) V o y e z fon interrogatoire au neuvieme rôle de l’e xpé di
tion v e r fo , & les dépofitions des 2.7 & 18«. témoins de l' infor
mation.
�6
fieur de Chirouzes du ton fédu&eur de l’intérêt
compatiifant, au récit de ce qui s’eft paile entr’eux,
& on le renvoie bien perfuadé que le fieur des
Roziers a abufé de fa fimplicité ; des buveurs ftupides écoutent avec étonnement, ôc bénifîent le
Dieu Tutelaire qui leur promet fa prote&ion
contre le Tyran de la contrée qu’il vient de leur
peindre par des traits odieux; au fortir du ca
baret chacun répété à fa façon ce qu’il a entendu
de fon oracle ; les propos volent de bouche en
bouche avec les glofes qui s’y joignent, & de
viennent des bruits populaires dont la fource le
perd ; le fieur de Chirouzes Ôc les particuliers aux
quels il a perfuadé qu’ils avoient été vexés accré
ditent ces bruits,
forment cette renommée à cent
bouches qui menace lefieur des Rosiers de Vanimadverfion des loix (g) ; des efprits foibles <Sc faciles à
prévenir fe laiilènt entraîner ; d’autres reçoivent
d’autant plus facilement le poifon de la calom
nie qu’ils jugent le fieur des Roziers d’après leur
propre conduite ; alors le fieur de Chirouzes
croit qu’il eft temps de faire éclater l’orage ; &
il provoque le zele du Miniftere public par des
Mémoires anonymes.
Mais la fource empoifonnée d’où partoient ces
délations étoit connue du iàge Magiitrat qui vciiloit au maintien du bon ordre; un furcroît de
mépris pour le délateur, qui avoit honte de s’a
vouer, en fut tout le fruit.
(tf) I>aBc p r e m ie re du M é m o ir e du fieur de Chirouzes.
�7.
Cependant cette humiliation ne ralentit pas la
Haine du fieur de Chirouzes; il ne 'perd ni le deffein ni l’efpoir de perdre le fieur des Roziers : Tes
conférences bachiques & fes menées iourdes continuenc, afin de nourrir la fermentation publi-,
que qu’il avoit excitée, jufqu’à ce que des circonk
tances plus favorables lui permettront de nouvelles
tentatives, & bientôt arrive un temps où il croit
toucher à la réuiTite de fon odieux projer.
On parle du mariage de M .des Aulnats-avec M "e.
Teillard; déjà il eft arrêté entre les deux familles ;
mais il faut pour le faire réuiïir que le fieur de
Chirouzes ailüre à ion fils une,bonne partie de fes
biens par une donation entre vifs. M oi me dé
pouiller, s’écrie-t-il, en faveur d’un fils que je ne
reconnus jamais qu’aux convulfions que m’infpire fa préfence! périilènt tous les biens que je poffçde plutôt que d’en faire un tel uiàge.
Toute fa famille fe met en mouvement; on
fait parler tour à tour la raifon & la nature;
inutilement: il reile inébranlable.
Enfin un ami, quiconnoifïbitPempire dclahainc
fur lui, s’avifed’un flratageme fingulier. M . de Sr.
G cn cfl, alors Procureur du R o i à la Sénéchauifée, prenoit le plus vif intérêt à la réuiïicc du ma
riage de M . des Aulnats, ion neveu. On promet
an fieur de Chirouzes que s’il fe rend aux vœux
de (à famille, ce M agiitrat, pour prix de cefacrifice, va ranimer la délation anonyme faite contre le
fieur des Roziers, & introduire fur tou te fa conduite
�'8
.
Vinquifition la plus redoutable. A ces mots, ce.
cœur inacceihble à la voix de la raifon , aux lar
mes de l’amitié , au cri de la nature, fouvre avec
impétuofité à l’ombre même de la vengeance. Hâ
tez-vous,répond-t-il, concluez le mariage de mon
fils ; demandez, rien ne vous fera refufe ; quelque
facrifiçe que je faiîc , n’en ferai-je pas aiïèz payé , fi
je ’puis entendre la foudre gronder fur la tête de
mon ennemi ?
'
Ce fut fous ces noirs aufpices de la fureur pro
digue que s’accomplit le mariage de M . des
Aulnats.
Le fieur de Chirouzes iollicire aufïi*tôt le prix
de fes facrifices ; mais l’inutilité de fes inftances, &
le ton impofant d’un Magiftrat qui condamna tou
jours la pailion à ramper à fes pieds, lui firent aifé’
ment comprendre qu’il avoir été joué, il lui fallut
dévorer fon dépit.
Jufques-là la haine impuiiîante du fieur de
Chirouzes n’avoit reçu que des humiliations, mais
le temps de ion triomphe s’approche.
Un nommé Bralîier entreprend d’ufurper plus
de ■
)o têtes d’herbages fur le communal de N adif (Ji)
qu’il fait entourer d’un large foiïé. La conquête
devoit fe partager avec un Prote&eur ; mais le
fieur des Ro/iers vient traverfer leur projet (i) par
(//) Et tenement des Ribciettes.
( /) Dans le mê me temps le fieur de Chirouzes ou les fiens
avoient fufeité une conteftation à M. le Marquis de H r o g l i o , à
ui ils d emandoie nt le défiftement d ’ une étendue coniidérable
e terrein , prétendue ufurpée fur leur domaine des P or t es ; vé*
a
�CMC»
9
'lin exploit : a’ ce coup deux ennemis nouveaux fe
‘joignent au fieur de Chirouzes. r
■
c n L ’un'd^eux dirige par fes confeils des projets
'jufqu’aloré mal concertés ; les mémoires ànony•mes avoient été les ieules armes avec lefquelles
le fieur des Roziers avoit été attaqué; on va lui
•porter des coups'iplus furs. Une dénonciation cri
:régle prendra, la place de ces délations impuiiTàntes ; il ne'manque plus qu’une occaiion favorable,
&C déjà elle fe préfente.
;. Une rixe s’éleve entre le fieur des R o ziers, Baraduc & fa femme au fujet du défrichement d’une
petite portion de terrein que Baraduc vouloit s’ap
proprier dans un communal auquel il n’a nulle
•forte de droit. (A) Baraduc & fa fem m e, que la
•prore&ion du fieur de Chirouzes, leur parent, avoit
xendu iniolent, fe livrent à la violence, &: vomiifent les inve&ives les plus outrageantes; le fieur
des Roziers rend plainte. Voilà le iignal que fes
ennemis attendoient.
C é to it une entreprife. périlleufe de dénoncer
'eux-mêmes.à la Juftice les crimes dont leur imaginationaudacieuie avoit flétri ^réputation du fieur
dcsRozicrs. La crainte, que foninnocence lui mcrification faite , i! a été reconnu que le fieur de Chirouzes avoic
étendu les bornes de fon d o m a i n e , au lieu que l’on eut ufurpé
f u r lui ; le fieur de Chirouzes n’a pas manqué d ’attribuer ce
mauvais fucccs de fa tentative au fieur des R o z i e r s , qui a été
'obligé de repréfenter les titres de la Haronnie de la T o u r 1-ors
d e cette véri fi cat ion: nouveau fujet d ’aigreur.
(*) L e communal du V i l l a g e d ’A u l i a t ; Baraduc eft habi
tant du Village du Montcl. 1 '
;'
B
�nageant un "honorable triomphe , ils ne fe vident
expofés aux peines de la calomnie démafquée les
avoit retenus; ils cherchoient une ame vile q u i,
fe vendant à leur paillon, prit le rôle de délateur
dont ils redoutoient le danger. D ’ailleurs ils fe
rnénageoient par là le rôle de témoins.
Baraduc ôc fa femme qui, n’ayant rien'aperdre,
pouvoient tout ofer, leur ont paru des perionnages
d ’autant plus propres à leur deilèin , qu’ils étoienc
allures de trouver en eux la même paflion dont
ils étoient animés ; & pour les déterminer à ie
rendre délateurs, ils n’ont eu befoin que de leur en
infpirer l’idée, & de s’engagera les appuyer de
leur témoignage 6c de leur crédit.
Ce parti pris, Baraduc & fa femme fe préfentent à la Juftice pour être interrogés fur le dé
cret d’ajournement perfonnel qui avoit fuivi la
plainte rendue contre eux ; en même temps ils
dénoncent le fieur des Roziers comme un de ces
tyrans fubalternes du bas peuple qui le font
gémir fous l’opprcifion.
A u titre de l’accufation, le zele du Minifterc
public s’enflamme,, l’indignation s’allume, la juf
tice s’arme de fon glaive vengeur, un C om m it
jàire ePc envoyé iubitcment fur les lieux , & la con^
tréc efl: inondée d’ailignations pour dépofer.
' Cependant les dénonciateurs volent de villa
ge en village, dans les places publiques, juiques
.dans le lieu laint pour échauffer les cfprits, &
îiourrir une fermeniation que des pratiques fe-
�,11
crettes & n
ans de déclamations bachiques*
avoient préparée. La confiication des biens du
iieur des Roziers eft annoncée hautement,. on
promet à ceux qui lur ont vendu de leurs biens
lerétabliifement dans leurs poifeilions, a ceux qui
font fes débiteurs leur libération, à tous une bonne
poignée s’ils ofent fe plaindre ; cétoit les expreffions de la Delcros , fem m e. Baraduc.
L ’appas féduiiànt de la diftribution des biens de la
vi&ime vouée à la haine publique entre tous ceux
qui lui porteront des coups, amene en foule
hJcs témoins avides, paffionnes ou préparés. Les
iïeurs de Chirouzes, Brailler , les- h thenes , tous,
les Cabaliftes en un mot jouent le principal rôle
parmi ces témoins ; la famille des dénonciateurs
en groiîit le nombre (7) ; le refte eft pris dans la)
populace, pleine de ces malheureux aigris par ta
mifere , aux yeux defquels tout homme riche eft
crim inel, &. tout créancier injufte.. Le réfultat de
cette terrible & dangereuie inquifition a été un
ajournement pcrfonncl.
Pendant que tout cela fe pailoit, un imprudent
emportement du Sr. de Chirouzes le laiilà voir à dé
couvert , & ne permit plus de douter qu’il ne fut le
reiîort fccrct qui animoit la cabale; un nommé St.
Rouairc fe prélênta pour dépoier: le Sr. de Chirou
zes s’attendoit qu’il joueroit un grand rôle dans l’in*
->
-
a
-
{t) Parmi les témoins il y en a plus de 100 tiirs-proches pa
rents ou alliés de la D e ' c r o s , de Baraduc , fou m a r i , du fieur
de C h i r o u z e s , ou des Athènes.
B 2
�II
formation ; il croit aux écoutes, &c lorfque St.
Rouaire fortic de la chambre où fe faifoit l’in
form ation, il lui demanda s’il avoit dépofé que
le fieur des Roziers lui avoit volé un plein jcira il
un billet de 600 liv. Sr. Rouaire avoua ingénu
ment qu’il avoit manqué de courage pour une fi
horrible calomnie. A lors le iieur de Chirouzes n’efl:
plus maître de fa fureur, il veut forcer ce témoin
à rentrer dans la chambre où il vient de dépoibr
pour confommer le faux témoignage que les re
mords lui avoient épargné ; le témoin réfifte, il
elt outragé, &c cette feene fcandaleuie ne finit
que lorfque M . le Commiflaire, attiréparlebruit,
vient impofer filcnce au iieur de Chirouzes.
* Cet emportement fubit étoit un éclair dont la
vive lumière avoit laiilé à percevoir les fils fecrets
avec lefquels la ténébreufe fédu&ion amenoit des
témoins en foule.
Le fieur des Roziers n’héfite plus à porter ia
plainte en lübornation contre le fieur de Chirouzes.
L e s démarches publiques de la Delcros pour
gagner des témoins la firent affocier à cette ac*
cuiàtion. La plainte a été reçue ; l’information
faite, deux décrets ont fuivi ; l’un d’ajournement
pcrionnel contre la Delcros, l’autre de Ibitouïcontre le iieur Neyron.
Ces deux Accu fes fe font préfentésà la Juflicc,
mais dans quel ciprit ? pour braver infiolemment fes
meiiaces.lls font décrétés pour avoir féduit les foibles,
provoqué les méchants, excité dans tous les ciprits '
�line dangereule fermentation par des déclamations
publiqueS'contre lfe'fieur des Ro^iéra :" comment
viennent-ils fe juftifier} en donnant à ces déclama
tions la publicité' de Timpreffiorii, en répendant
avec profufion des libelles odieux & pleins d’hor-'
reurs pour échauffer la fermentation qu’ils ont fait
naître ; &: qui l’auroit cru ! ils ont ofé terminer
ces horribles manifeftes par demander une iatisfaction publique &c folemnelle de l’injure qu’on leur a fait, en déférant a la Juftice le crime dont ces
libelles font la coniommation. C ’eft la fureur dans
fes plus effrayantes convulfion s , qui vient fans man
que demander la palme' de l'innocence . outragée, i
Julques-la le fieur des Roziers s’ell tii ; mais en
fin il eit temps de rompre le filence, il eit temps :
d’achever de déchirer le voilé de la fubornation
dont un coin eft déjà levé.
La juftification authentique du iieur des Roziers,
des crimes multipliés dont il eft accuie par des té
moins paffionnés ou préparés, fournira une preuve .
irréfiitible de fubornation ; il ne reftera plus'enluite 1
que les miniitres de cette fuborration. a découvrir;
& le iieur Burin & la Dclcros ne. feront pas difH- ’
elles a reconnoître. (//z)
(m) Si l’ on a parlé a ve c force cont re le fleur de C h i r o u z e s , *
fi l’on continue dans la fuite do ce M é m o i r e , la nature de l’af- faire l’exige. Les faits que l’on elt forcé d ’ i mprimer , quelques
fatigants qu’ils foient p our l u i , font la caitfe mcn.c Ôc non .
pas fes dehors.
,»
�.
.
H
P R E M I E R E
PARTIE.
Le concours d’une multitude de faux témoigna
ges ne peut être que l’ouvrage de la fubornation
il en eft par confëquent la preuve. L ’attribuer aux
jeux aveugles du hazard feroit une abfurditér
- Ouvrons donc les informations volumineufès (/z)
faites contre le fieur des Roziers, fi l’on apperçoit
à chaque page des ailertions calomnieufes & dé
montrées raufïès, des faits innocents altérés ou dé-*
figurés pour leur donner l’apparence du crime ;
l’intention toujours calomniée, torique l’a&ion en1
elle-même n’a pas donné de priie au blâme, pour
ra-t-on méconnoître à ces cara&eres les funeftes
effets de la iiibornation ?
On a demandé compte au fieur des Roziers de
toutes fesadions.il eft Juge, on l ’a accufé de préva
rications & d’abus d’autorité : il eft Fermier en partie
, de la Baronnie de la T our, on l’a acculé de concuffion : enfin comme particulier on l’a accufé de voies
de fait, de vexations , d’ufure. Parcourons rapide
ment ces différents chef» d’accufation.
C e n’eft pas fans raifon que pour donner un
air impoiànt a l’accuiation on a évité les détails
dans les libelles , &c que l’on s’en eft tenu a des
(n) Les premières font déjà publiques par la ledhire qui en
fut faite à l ’audience ; les dernieres par l’indifcrétion des témoins
& les foins du fieur de Chirou/es qui , c o mm e 011 le voir dans
f o n M i h u a i r e , eit parfaitement inüruit de ce qu’elles contiennent.
�déclamations vagues : une fimple analyie des pré
tendus délits raiicmbiés dans les informations auroit plus que fuffi pour décréditer la plainte. ( o )
B
U
S
D yA
U
T
O
R
I
T
Él
» A u commencement de la cherté des grains,
» dans ces temps de famine, dont le fouvenir ar» rache des larmes a tout bon citoyen ; le fieur
des Roziers, après avoir amoncelé dans fon grenier une quantité de bled confidérable j rendit
*> en fa qualité de Bailli & fous le vain prétexte
de coriferver les droits feigneuriaux de la ban» nalité du F o u r, une prétendue ordonnance de
« Police, portant défenfes a tous Boulangers de
venir déformais vendre du pain aux Habitants
3> de la Tour & lieux- circonvoifins. Il faut, diioit
3» ce cœur barbare, ou qu’ils périifent, ou que pour
j> appaifer la faim'qui les preile ' en achetant mon
3> bled au prix qu’il me plaira, ils aifouviiïènt la
■
» ioif de l’or qui me devore. 3>
Quelle, ame honnête ne s’ell pis ièntie tranfportée’.d’mdignation a la le&urc de cet éndroit du
libelle publié au nom de la Delcros ?
Mais bientôt le calme du làng froid a ramené
la réflexion : on s’eft demandé : ne me fuis-je pas
laiiîé emporter trop loin par un premier mouvcr
ment ?
(o) O n e nt r er a , l or lqu’il en fera t e m p s , dans tout le détail
q ’-i’cxi ge cette affaire i mmenf e ; ici on doit fe bor ner à un ta
bl eau racourci.
.
• / - • Up S i .
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6
*
»
Une Ordonnance de Police a 'été publiée, dit—
' on, pour fairérdiéféní¿s- aux Bóulángers étrangers
(deJporter dii'pàin à la-'Toiii' ; jufqdes-îà1, en ilippofant l’-cxiitence^de cette Ordonnance imaginaire , je
vois tout au plus une faute / un mal ju g é, mais
j e ne vois pas decrjme. :r ,
, - ,
O ù eiVil donc jcç.crime’ qui mía,,révolté?_dans
• le;'motif fecret que l’oa a donné , a| l’Ordoniiançc
. prétendue. >?' IU faut que mes ' Concitoyens périjf•'» iè n tjo u que pour appaifer la faim qui les preffe 3'jils-ach^tçnt.jmon bled au prix qu’il me
plaira* \»/Voila ce. qui a ioulevé mon cœur.
. , Ainfi ce}font les' penfées fecrettes > les vues inr
. tçncures & cachées du fieùr des Roziers qui forment
ici le corps de délit ; mais qui a lu dans ion cœur,
;pour ofer'iélever ; contre lui une voix fi téméraire?
L e rnpii; Tprojet de'fe rendre ta maître du prix des
grains, fuppofé conçu, n’auroit pu fe manifeiter
au dehors que par les’ préparatifs & l’exécution.
Nous prouve-t-on que le fieur des Roziers, avant
de publier 'fa prétendue Ordonnance , eut fait des
,amas considérables de bled pour les revendre ? Nous
prouve-t-on qu’il en aie efFe£l;ivement revendu (/>) à
( p ) L e fieur des Rozi ers eft bien él oig né de défavouer d ’a
voir. achptd du bled, pendant les dernières années de difette.
'ComVncrit auroït-il fait Ai Hil il e r la m u l t i t u d e dû Cultivateurs
& de D ômcf t iq ue s ’q u’i l l ef t 'obl i gé d ’entretenir p our l’e xpl oi ta
tion de fes bi ens, s’ il n’eut pas acheté d csg rni ns pendant trois
année? de ftériUté aldokie & notoire dans la partie de la P r o
v i nc e qu’il habite? mais en a-t-il fait des amas p our le reven
dre ? un feul témoin le d i t ; mais que ne dit-il pas ? il dit bien
aulli que le fieur des Ro/iers avoit une ii gr an de q u a n t i t é de
cette denrée qu’ il la jettoit par les fenêtres.
l’epoquo
�'bZK
V
•l'époque où l’on place TaiRche de cette Ordonnan
ce ? Nous prouve-t-on enfin que le prix des grains ait
été plus loin alors aux marchés de la Tour.que dans
les marchés voiiins ? Rien de tout cela n’eil prouvé.
i Sur quoi donc fe trouvent étayées les déclama
tions des ennemis du fieur des Roziers ? ilir leur
ièule malignité.
N on } le dit alors l’homme raiionnable & fans
paillon, je ne déshonorerai pas ma nature par un
noir penchant à la ioupçonner, &c déjà le fieur des
Roziers eft juilifié à Tes yeux.
Faut-il le juftifier encore aux yeux de la préven•tion? nous la conduirons dans le dépôt du Greffe,
,1a nous lui dirons, cherchez, 6c montrez-nous ce
monument de icandale , cette Ordonnance qui devroit êtrelapiece de convi&ion contre le fieurdcs
Roziers. Elle cherchera ôc ne trouvera rien, elle cher
chera encore ô i ne trouvera rien. Déjà elle refte in
terdite 6c confuiè de s’être armée contre une chimefre. : mais les ennemis du fieur des Roziers voyant
rfon embarras fe hâtent de la raflùrer d’un cri : ne
.voyez-vous pas,.lui difent-ils, que le iicur des Ro*
ziers a eiTayé de corriger un premier crime par un
fécond en dépouillant le’ Greffe*de ies minutes ?
Ignorez-vous d’ailleurs fa méthode de rendre des
Ordonnances de Police , ôt deles faire afficher fur
fimple papier commun, 6c fans minutes ? (q)
(ÿ) Prouver un cri me par lu fuppofi tion d ’ un a ut re , eft un
expédi ent tout à fait c o m m o d e , & dont l’ invention étoi tréf ervée
au lieur de Chirouzes. Si nous lui de ma ndons qu’il p ro u ve ce
d é po ui l leme nt du G r e f f e , cet ufage de rendre des O r d o n -
c
�Hé bien, parcourons les informations, lui di
rons-nous encore, cherchons-y des traces de l’exiftehce de l’Ordonnance de Police qui ne s’eit pas
trouvée dans les regiftres du Greffe.
’
* *■
Un témoin unique nous atteffcera qu’en l’année
1 7 7 1 le fieur des Roziers avoit fait afficher une
Ordonnance de Police qui défendoit aux Boulan
gers étranger? de porter du pain a la Tour ; (q) mais
.fuirons ce témoin juiqu’a ion récolement, nous le
verrons fe démentir , 6c l’Ordonnance dont il avoit
parlé dans fa dépofition fe métamorphofer en une
limple défenfe verbale.
Un fécond témoin ajoutera que cette défenfe
verbale n’étoit pas abfolue ,* que le fieur des
Roziers n’avoit défendu aux Boulangers forains
de porter du pain à la T o u r, que hors les jours
dé Marché (r).
\
Un troifieme, que la défenfe, Jîmplement verbale
V a duré cjue quatre à cinq jo u rs, 6c qu’après ce
temps le iieur des Roziers, au lieu d’éloigner les
Boulangers, leur avoic permis, pour les attirer,'
de, vendre à un denier par livre au deffus de la
taxe faite pour les Boulangers de la V ille ( / ) . ’
nances de Police fans mi nute , & de les afficher fur papier
co m mu n , il ne lui en coûtera qu’ une troifieme f uppofi tion
plus hardie que les deux pre miè re s; & que coûte une f u p p o
fition de,plus ¿V une imagination f écon dé en impoftures?
(ÿ) V i n g t huitième témoin de l’information.
(r) V i n g t - c i n q u i e m c témoin de l’information.
(/") Qu ar a nt c -d c ux ie me de l’addi ti on.
�1 9
' *
Enfin cette Ordonnance prendra encore ui-tc
nouvelle forme dans la bouche de pluiieurs autres
témoins , parmi lefquels on en trouve un bien initr u it, puilqu’il eft un des Boulangers auxquels
les prétendues défenfes de ne point porter de
pain à la Tour , avoient été intimées. (-f)C e n’eil
plus' de\ défeniès de porter du,pain à la T o u r
dont parlent, ces derniers témoins, mais d’une taxe
que le fieur des Roziers avoit voulu mettre au
pain. Le Boulanger qui dépofe ne manque pas
dç -faire des, plaintes au fujet de cette taxe, &
d’infinuer qu’elle avoit pour but d’éloigner du
Marché les Boulangers forains ; mais au travers
de ces illufions de l’intérêt perionnel la vérité
s’échappe de la bouche. Il nous apprend fans le
vo u lo ir, 'que la’ taxe contre laquelle^il fe recrie,
étoit jufte, puiiqu’il' convient qu’elle lui laiiîôit
du profit : il prouve en même temps qu’elle étoit néceiïàire, puiiqu’iLajoute que fi le iicurdes Roziers
ne l’en eût pas empêché, fon projet -étoit; de ven
dre à un fol par livre au dciTus de la taxe qui
lui fut faite;
• Ainfi la derniere analyfe d;: ce crime affreux,
qui avoit révolté tous les efprits , le réduit à une
taxe du pain , jufte &:» néceiiàire ; taxe qu’il éto t
par conléquent du. devoir d’un Juge de Police
de ne pas négliger.
»
*
!j ! >
. \.
(t) Qu i n z i è m e , 1 6e. & 17*.* témoins de l’information.
C 2
�20'
Le ficur des Roziers le fera toujours honneur
de pareils crimes.
Mais fi l’avidité n’a pas rendu le fieur des Roziers
coupable de monopole, continuera-t-on , au moins
la partialité la rendu fauflaire, p u ifqu il ejl con
vaincu d’avoir prononcé une Sentence contradictoi
re toute en faveur d'une partie , & de l ’avoir rédi
gée enfiiite au profit de celle qui ¿toit condamnée.
Convaincu ! voilà un ton bien plein de confiance.
Lifons les dépoiitions des iicurs Chandefon &
Adm irât, fur lciquclies on fonde cette convi&ion ;
que nous apprendront-elles ? qu’en l’anncc 1767
les iieurs Chandefon 6c Admirât furent pries de
le rendre à la Tour pour aflifter au Jugement
d’un Criminel qu’ils afiifterent auifi à une A u
dience civile , h. laquelle fut portée une caule
entre le ficur Curé de S. Pardoux , & u n nomme
Jalap; que le ficur des Roziers, étant d ’avis con
traire aux deux Gradués fur la décifion de cette
affaire , il propoià un délibéré ; que les deux Gra
dués , ayant perfilté dans leurs avis, il les pria de
ne pas trouver mauvais qu’avant de rien arrêter
il fe coniultat ,1 Clcrm ont ( ce qu’il fit en effet ) ;
qu’enfin la Sentence rendue fur ce délibéré fut
contraire i l’avis des deux Gradués.
Peut-on iànspudeur défigurer allez rroiTierement
la vérité, pour olcr acculer le lieur des Roziers lur le
fondement de ces dépolirions, d’avoir commis un
faux, en mettant lur le plumitit une Sentence
�toute contraire à celle qui avoit été prononcée il
l’Audience ?
Le feul reproche que font au fieur des Roziers
les iieurs Adm irât 6c Chandefon, c’cil d’avoir
luté contre leurs deux avis, 6c de n’avoir pas vou
lu les prendre pour la réglé de la décifion.
Ce procédé pourra être envifagé comme peu
civil. Mais eit il criminel? Lifez, iicur de Chirouzes, liiez l’Arret du Parlement d’A ix , du 19 Mai
173 8 , (v) &c prononcez enfuite.
L ’OiHcial de Grade avoit appelle deux G ra
dués pour le Jugement d’une affaire importante ,
qui lui avoit été renvoyée comme Commiffairc du
Pane, fur l’appel de deux Sentences des OfHcialites d’Embrun & de Vancc. L ’OlRcial opinoit
pour la confirmation ; les deux Gradués , pour
1 infirmation; cette diveriitc d’avis donna lieu a
la queflion de l'avoir fi les AiTcilèurs avoient voix
délibérativc, ou iimplcment confultative. L ’O fficial prétendit qu’ils n’étoient que fes confeils,
6c fit rédiger la Sentence conformément à fon
opinion; les A ille u r s protefterent, ôc il en fut
fait mention. Sur l ’appel comme d’abus Arrêt in
tervint le 19 M ai 1738, qui déclara riy a\oir
abus.
La raifon qui a décidé , dit l’Arrètifle , cil que
(»
Rapporte
Odicuîut.
par D cn i/ard i h n t fi
C ollection,
au m ot
�les AiTèifèurs ne font appelles que comme confeils,
& non comme Juges.
'fourra-t-on ‘maintenant regarder comme une
prévarication dans le iieiir des'Roziers ce qui n’a
pas été jugé un abus dans une Sentence de l’O fficial de Graile ? , ; '
• ; ^,
*Ee fieur de Chirôuzes a bien compris que le
fait préfenté fans déguifement rne laiiToit pas même
entrevoir une ombre de délit ; il l’a défiguré pour
le rendre criminel; mais fon impofture mal-adroite
ne peut qù’attacher fur lui l’indignation qu’ilavoit
vôuKi exciter ;cohtre le fieur des Roziers.* Énfm un acte d’humanité fe transforme encore en
prévarication fous la plume envenimée du fieur de
Chirôuzes. Un nommé Darfeuille, aeçuie d’homi
cide involontaire, étoit dans le1 ¡cas d’obtenir des
lettres de grâce : l^.fiéur'des Roziers fe chargea de
faire paifer a un Secrétaire' du Roi l’argent néceiïàirê pour l’obtention; elles Rirent expédiées, & depuis
elles ont' été entérinées: C et argent que le; iieur
des RôzieVs fit pafTcr au Secrétaire d u‘R oi , le fieur
de C l nroiizes ofe Taccnfer de l’avoir exigé de Darfeüille pour lui communiquer les charges (//), mais
il n’a pas trouvé un feul témoin pour appuyer cette
audac^eufe calomnie.. Apres cela qu’avons-nous a lui
répondre ? nwûïHs 'irnpudcntijjimè.
' 4
(//) Page
ii
du M é mo i re du fieur de Chirôuzes.
�âxt
•2.3
• •-
C o n c u s s i o n s . .
*
,
Comme Juge, le *fieur »dès Roziers n’a point
de reproches à craindre : comme Fermier , ièrçibil digne de blâme ? oui, fi pour généraliser fes exac
tions une quarte plus grande que celle ufitée dans le
Pays a été placée dans ion grenier.
Cette quarte & une coupe, fia dignefillç, jouent
un grand rôle dans les libelles : elles n’avoient pas
été oubliées’dans la plainte , quoique le roman fut
un^peu différent; mais quelques recherches qu’on
ait fait fur ce chef d’accufation
des ouï dire
vagues en ont été tout! le fruit, 6c quelque nom
bres de Cenfitaires : que l’on ait fait entendre,
on n’a pas pu trouver un feul témoin qui
fe plaignit d’avoir payé à une mefure trop forte,
pas un qui dépofat l’avoir v u e p a s un qui parlât
dune quarte moins profonde & plus large que les
quartes ordinaires 6c dont la furface comportât Un
plus grand comble pour la mefure de l’avoine. En
fin la quarte dont le fieur des Roziers s’eit tou
jours fervi à étédépofée au Greffe pour pieçe de con
viction ; l’échantillage en a été fait, 6c qu’en' cft-il
réfulté? cette piece de convi&ion cil: devenue
une piece de jultification.
Tout ce que l’on peut recueillir des informations,
ou plutôt de ¡’interrogatoire du fieur des Roziers, c’elt
qu’il exille à la Tour une mefure particulière pour
.
�' 24
la perception de la leyd e, plus forte que la coupe
ordinaire ; mais cette coupe également dépofée au
G reffe, eft-elle une coupe nouvelle? non, elle eft
' plus ancienne que le fieür des Roziers , & toujours
“ elle a-fait la regle delà perception du droit de leyde.
' Pourquoi ? parce que la coupe ordinaire a la Tour
n’eft qu’un trente - deuxieme du fetier , &c que la
poifeflïon immémoriale du Seigneur, conforme ians
- doute à íes titres, lui en attribue un vingt-huitieme
: ou a peu près pour le droit de leyde.
C e n’eft pas la un phénomene, la relation ne
fut jamais néceffaire entre la coupe du marché
la meiure de la leyde ; & il n’y a preique point de
marché où la mefure de la leyde ne foit plus forte
ou moindre que la coupe ; à St. Amant comme
' à la Tour elle eft plus forte que la coupe : a C lerm on t, au contraire ’avant l’extindion de ce droit
elle étoit moindre.
Mais au rèfte 'qu’a de commun la coupe de la
leyde avec le fieur des Roziers ? s’il y avoit une exac
tion dans la perception de ce droit, elle ne le re• garderait pas, puilque la leyde ne fe leve pas a ion
- profit, & que la coupe n’a pas été faite de fon temps.
A fon égard, les informations conftatent qu’il ne
perçoit les cens qu’à raifon de huit coupes à la quar
te , qu’a-t-on donc à lui reprocher?
On lui fait encore un crime d’empêcher qu’il ne
iè tienne à la Tour des pancartes du prix de l’avoine,
afin d’avoir le choix d’apprécier a fà volonté cette
denrée, qui forme la principale partie des rede
vances
�W p --
2-î
vanees eenfiviere^ de la Baronni^de laiXouû Kjnmis;
les >•informations- >four nifloint, la rréponfei^^>luijeurS'i
témoins'dépoferit quil ne paroît>jamais d’avoine, au->
marché de-la^Toiir) Le moyen de tènir des pan
cartes d’une nature de grains .'que l’on ne porte, ja-.j
mais au triarché.Ktimpoffibiliumi-milia ?zjl \obtiki
gdtlO, 'c 'Xüil 2*i>
i I 1 ioj' w'! .<! Ux Ji .'.'(¿JISI
A u refte il y a de la.' mai-àdréile.' ^attribuer (
ce défaut de pancarte au .prétendu intérêt -que le
fieur des Roziers a de iè rendre maître du prix de .
l’avômei Les pancartes dès/marchés voifins ne font-: ;
elles''pas une taxe; de.laquelle il ne'peut qamais s’é- j
carter ?»'& d’ailleiirs il'n e: s :en tenoït pas plus avant, [
qu’il fi.it Fermier que depuis. /
r
- Il h’y a ni plus de Bonne'foi ^ ni»^plus; de
fondement'dans^fle rreprocHe -qu’on..fâitiau-ij.çvir.j
des ! Rpziers~ dep n e . jainais ;di)aneri.dç^ quittance au» Cenfiftaires
qui 'à force ,¡ d’argent;) croient fe rédimer j de 'iès perfécutionsi f Il n’eft pas
en uiàge de donner quittance y;rloriqu’il' fté| ¡rdçQÎt
quel des>à comptes,fur.1es¿pagéfies iceîa 2ç ft;ivrâif; >
maisJpourqüoL? parce ¿pie4es.:.Gèhijtaiie$.. n<?, îoaï >
pas en ufage d’en.demander .alors, &«qu’ils fe'con
tentent de faire charger la lieve ; mais a-t-il jamais
refufé d^eni donner k eaux qui en. ORt^e^g^?'V1’a~
t-il pas été exaft a donner des quittances finales
Ioríqii’ii*a etc? entièrement payé a-trril- jamaïs
abuie du défaut de quittances t.des paiements à
compte ? queToiij interunge lesLCeniïtyftçgy ils ré- *
pondront tous 'comme-ceux- qui QiuKd.q v clé.pofé *
D ' ‘
'* * c '
�16
que loríque la çagéfie a été remplie ils ont reçu
leurs quiçt^nces finales , & qu’ils ri ont pas été mé
contents des comptes : où. eft la concuiïïon dans
cette conduite ? où eit le crime ? L ’aveu des Cenfitaires qu’ils n’ont pas été mécontents des comptes ,
n’eft-il pas au contraire un hommage, authentique
rendu à la bonne foi du fieur des Roziers <Sc à
l’exaétitude ^de iès lièves ? ! /
Enfin nous avons, encore une fois, à juitifîer les
intentions du fieur des Roziers. O n lui reproche
d?exercer la pagéfie par ¡animofité contre les Parti
culiers qui le refufent à fesinjuftes prétentions : mais
la pagéfie n’eft-elle pas uñe adibn légitime ? jamais
Fermier ne fit plus rarement ufage de ce remede ,
fouvent néceifaire pour iè procurer le paiement in
tégral des redevances ; & loríque ¡le. fieur des R o
ziers aura recours à cette.adionyquLn’ell: qu’une
voie de droit, on pourra l’interroger fiir les motifs
qui le font agir., on pourra lui en prêter de crimi
nels , Ioriqu’il eft fi naturel de ne lui en fuppofer que
de légitimes. Loin du Magiftrat cette manie cruelle
d’envénimer les a&ions les. plus innocentes , elle
ji’cft digne que de la populace.
*
V
e x a t i o n
,
s ,
v o i e s
d e
,
f a i t
.
,
■Dans céttc claíTe fe rangent toutes les injuftices
que l’on reproche au fieur des Roziers, coniidéré
comme Particulier. O n verra par une courte ana~
lyfc qu’elles ne dévoient pas trouver place dans une
�.331
r\
; 2,7
'plainte, & qu’il ne p ou rraiten n aîtretou t aupÎu'S
que des avions purement civiles.
r
S’il faut en croire' les libelles re'pandüs -contre le
rfieüp‘des Rozifcrsy tousses biens à fa; p ortée, foit
propres , ioit com m un au x, iont devenus fa'-proie1;
il s’eft emparé des uns de voie de fait ; il en a en~vahi d’âutres a la faveur de ceiïio n s, de droit liti
g ie u x ; des vtrites :a Vil prix qu’il .s’eft fait ¿oriférïttir par des m alheureux, en profitant de leur mife're ,
l’ont rendu propriétaire du Îurplüs , c’eft ainfi qu’il
a dévoré les biens de cinquante familles , & qu’il
•en à obéré d eu x; cents autres. 1 * - ^
; ^
Q ui ne croirpit à entendre] cette 'déclamation
‘ que le fieur" des 'Roziers' à eiWahi par téutes fortes
de voies tous les biieris qui l’avoifinoient ! qii’il n*a
■formé les domainês dont la poilèiîion fait ion crim e
•aux--yeux de ici- rerihëmis,f^albiiÎxL,lquë- jpàr Ja? réd r.niwh des jpatriméihes: d’ùrié mûkitiide'j'dé G uMÿ J chaifes de leurs foyers ? ëependafrPÎt édfie
9 1
»
(
«■
.
‘‘ dc'Labro3;
^de'St77 ülîën~ dü .Seignel3r ll ë ‘ B rô n 'd e T a dame
ode laChabane & d’autres Particuliers qui neredou"Weïit?,pas'J apurement' la prétendue terreur’de1iün
*" •’ '• rfv-' ‘M
- <1-■
j.V
i.:<>ujj i/io •;
1 nom. rlout cet'qu il aent.<les'l^amcjiihers j -qui dans
‘ l’ihfornlatiô'h font veniiS-trier a l\ifurfiatiflh ’ a (a
*•>::
iv>•-■
M
l'
rrfj.-. - mn.'
- o r .K v ■
1 .-$¡7
vexation.,i a la yilite çlu prix y ne va pas à vingt
feterées de mauvais terrein de montagne ; certes
D z
’
,
. . m
.r w
.
�r.a.8
-vôil'a bien dequqi ruiner cinquante familles & en
.obérer deux cents, (x ) ,
. . ;
L ’exage'rition . n’eit pas moindre au fujet-Jdes
-Communaux. Gette-étendue; immenfp de.terrein
•dont-le fieùr desr^Roziers-' s’étoit empare de voie de
fait fuivant-la plainte, ôç que l’on avoit oie faire
.monter à 2-jOU .300 ieterées , ;fe réduit dans Tinfof_mation .à . l’emplacement du- mur djijnè grange ,
miô.érainéd dis terrain fur le çommuri^l du Montel ,
une feteréd' fur celui de la Ghauderie , enfin onze
feterées iiirje communal de V ailad el, fituç dans
un mas dont le fieur (,1es Roziefs, e[\ feul tenai>ciçr.
fe'l]:e »çes: prétendues ufyrpatiopsj ^foip d’héne:
g r i^ c ^ :paijtiçuliet;sioit de, commuhaux ; c^s ,¿acquifitions fiippoiées faites à vil -prix, tout cela ne
peut pas^faire la rnatiere d’une procédure crimi.flèljej ni( ii^GF) l’atteiiiüpii ^i;; Minifterô, public. Les
w :PQ donne roie/it ouverture
b<&a çles^aiQns^çivijesv ^
Que cçuX qui ofent fe, plaindre de l’uiurpation
_de .lçu^-jbjicps ;app'cll/Eht^ le iîçiür des I^oziers jdaijs
-,les' )T i^bu^atii*/civils I f il, ifer^ ,parôître ^es titres de
qup lys
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(.r) iVfaiit ¿tré bien ha^d/ in^^oftegr pdur' f u p p o f e r q u e d è - p u i s que lcifiour dds R'ozitrs a dcs:l)iens d a ns .l c s vi ll age s de
, M e n i ù t & . d ’t.iuli:u ’ Vre(cIu^ 0HÎ If* l}a¥ catVr*¿e çes deux vil' la&cs orit été oéjigc? de's exriatrîer , tandis qu'il cit. de la plus
filotfc^î^(S^Vib"toslyilÜ^cîrb>KU {llui n ’hii>)itàiit*s-quvilfe n^tn
L c g o t > 011 lOTi «yei
fecrct d e s’arrondir,.fl; biép ,
/ r^fte fpul»i
}
�333
*9
.Particuliers qui font venus fe répandre en regrets
ftériles fur des ventes prétendues.faites à vil prix,
prennent la-route 4e
reicifion qui leur eft ou,rverte: des Experts fixeront leur fort. Que cette
multitude d’habitants qui fe plaignent de l’invaiion
..des communaux, retabliile en pâturages com, muns celui-ci des corps de domaines entiers for- mes dans C e s . mêmes çdmmunaux ; celui-là cin• quante ¿êtes. d’herbage; qu’il s’eft ^approprié,; cet
autre l’emplacement de'
a 20 chards de foin
qu’il a joint à íes prés, le fleur des Roziers eil
; prêt à. fiïivre leur exemple} il; abandonnera quel
ques fetçrçes de terrem^ pour, lefquelles on fait, tant
de bruit ; mais., ont le répété, tout ceci eíl étran
g er à une procédure criminelle.:
Il
en eil de même de ces voies de fait barbarès.
de ces injuilices criantes qu’on lui. j impute envers
les ‘¡colons de fes biens /..qu’il eli :eni;ufage d’expul. ,fèi\r dit-on, d’autorité privée, en s’emparant de
tous leurs meubles, de lcur> belliaux, 6c même
de,leurs immeubles.,
, . f>.,.
. «11 feroit bien étrange que le fie.ur des Roziers,
que l’on flippofe.fi. près de fes intérêts , les enten. dit aiTèz mal pour ic réduire a Timpuiiîànce de
trouver desrcolons ou des métayers, en vexant
tous ceux qui auroient ii faire à lui * mais, il feroit
„ bien pjus :étrange, encore, .que s’il eut commis en; vers.ceax qui font fortis de fes métairies les injui. tices révoltantes dont parlent les libelles, il lui eut été
fi facile de les remplacer.
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D ’un autre côté, il fuffiroit ail fieur des Roziers
<de répondre a ces imputations , qu’elles n’engendrent
que des aéHons civiles : mais d’ailleurs que trou
vons-nous dans les informations ? 'quatre anciens
Métayers des domaines du Montel 6c de Sariènat,
“ ou leurs repréièntants, paroiiîent fur la icene, ia" v o ir , la veuve Graviere , le nommé ChaiTagné ,
~le 'nommé Bouchet 6c les Chaleils. Ils viennent ie
plaindre que le fieur des Roziers à leur fortie de Tes
domaines s^eft prétendu leur créancier, quoiqu’il
fut leur débiteur , 6c qu’il s’eft emparé de leurs
“ meubles de jvoie de fait : mais les procédures faites
contreux 'paroîiïent & viennent confondre leurs
impoftures ; des fentences, des arrêtés de compte
pardevant Notaire font rapportés 6c juilifient qu’ils
reftent encore débiteurs du fieur des Roziers de
ibmmcs considérables.
" ,
_J ~
; Suffira-t-il que des débiteurs de mauvaiiè foi
ioient venus dans une information donner un de
menti a tant d’a&es authentiques, pour les anéantir
6c .les transformer en crimes ? la libération feroit fa
cile iï chacun pouvoit ainfi fe donner ia quittance, 6c
' déshonorer ion créancier par une dépofition dans
fa propre caufe. Un paradoxe fi dangereux ofFenferoit U raifo.n, qui ne compta jamais pour rien
J un témoignage diàé par l’intérêt peribnnel.
/ Àinfi difparoifTent ces abus d’autorité, ces concuflions, ces vexations, ces voies de fait annoncés
avec tant d'éclat : la junification du fieur des R o
ziers n’eil cependant pas complette ; il cit une impu-
�• 3»/
31
tadon dont il doit fe laver , quoiqu’elle n’ait pas
iervi a motiver le décret lancé contre lui : c’eft limputation d’ufure.
U s u r e .
. Tout le monde fait que dans cette matiere dix
témoins ne comptent que pour un ; or dans toute
l’information on en trouve à peine fix qui taxent le
fieur des Roziers d’uilire, ou dire&ement ou par
ouï dire. L ’information ne fournit donc pas feule
ment une fémi-preuve.
Cette iniufîifance de preuve juftifîe le fieur des
Roziers fuivant la loi ; mais il faut le juftificr encore
iuivant l’opinion publique.
Un ièul fait eit conftant par les informations ;
c cft que le fieur des Roziers, pour obliger le fieur
Dumontel, emprunta pour lui fous lettre de change
d’unReceveur desDomaines aClermontune iomme
de 500 liv. le fieur Dumontel dépofe qu’il a payé,
ou que le nommé Athenes a payé pour lui par
délégation l’intérêt de cette 'fomme aux 2 £ pour
livre : le fait eft vrai, ôc le fieur des Roziers en
cil convenu dans fon interrogatoire.
Voila l’aveu d’une uilire bien cara&ériféc, nous
dira-t-on.: encore un moment, & elle diiparoît*
Que l’on ne perde pas de vue la circonftance rap
pcllée par lè fieur Dumontel lui-même, que le
fieur des Roziers n’avoit pas prêté de fes fonds,
qu’il avoit emprunté la même fomme d’un Rece
veur des Domaines ou d’un Banquier.
�'£ < ,
3^
r Le commerce d’argent que font les Receveurs
des Domaines iùr les fonds de leur caiile 'eil: allez
public pour que perionne n’en ignore les condi
tions. Ils ne prêtent que fous lettres de change,
tirées iur Paris, où leurs fonds doivent être voiturés. Ces lettres de change iont toujours a l’échéan*
ce de trois mois , de forte qu’à chaque trimeilre
il faut ou payer - ou renouveller la lettre.
Le Receveur dès Domaines prend l’intérêt a 6
pour i oo ; à chaque trimeftre il en coûte i pour
I oo pour la commiiïion du Banquier , iùr les
fonds duquel a été payée la lettre de change qui
fiit retour , & que l’on renouvelle : les quatre tri—
meilres donnent donc 4 pour 10 0 , qui joints aux
6 pour 100 d’intérêts payés au Receveur, forment
exactement 10 .pour 100 , ou les 2, fols pour'livre
au bout de l’année.
,
:
;
Le fieur des Roziers, pour-avoir obligé le fieur
Dumontel, ne devoit pas (ans doute être en perte ,
il étoit naturel & juftc qu’il reçut de ce der
nier le rembourfcmcnt des mêmes i fols pour
liv. qu’il payoit pour lui;
l’on ne*peut pas (ericufemcnt le taxer d’uliire parce qu’il aura rendu
un fervicc gratuit.
Q u ’on féviiïc contre lui s’il a perçu quelqu’intérêt des fommes qu’il a prêtées de fes propresfonds , il ne dira pas pour s’exeufer que les prêts à
l’intérêt couranr, s’ils ne font pas permis par les
loix du Royaum e, lont tolérés dans l’ufage, <$c
que l’intoléranpc ruineroic le Commerce donc - ils
�font le n erf& l’aliment ; mais.il défiera hardiment
de le convaincre d’avoir jarqais reçiV ni exige de
pareils intérêts ,, malgré qu’il ,ait plus d’une fois
’ ouvert fa. boürfe. a l’arfiiiié'ou au'befoin; & il
aura en fa faveur le témoignage de plufieurs des
témoins mêmes que l’on a produit contre lui.
Tous tes èhahtômes de britne qiie l’on -an con
çoit avec taiitd’éclàt fefontdonc évanouis ; cep'endan t
“ce n’ell pas afiè'z : ‘on nous dira'encore, qu’importe
que votre conduite , comme ’ J uge, comme Fer
mier, comm.é Particulier foit çxempte de crimes ?
vous n’êtes5.pas jiôü r cela 'à Jl’;abri'dû blâme, ; puifquë vous' t ô . Fermier & Juge 'tont^enfemble. Là
réunion fèiile Hé'ces'deux :é tits incompatibles vous
çxpoie toujours à l’animadverfion des Loix. •
Voilk un Hgorifme ¿[ni va; ouvrir un v aile champ
au zçle du Ivlibiileré public' ; qq’il parcoure toutes
les JlifHçefe de 1a Prq v'jî.ncc&;des Pro v ih fcfes1v'ôifiv es j
à peine en trouVcra-t-il le quart .où le Jugé , le. Pro
cureur Fifcal ou le Greffier ne foient pas tout a
ta fois lé$ ' Fermiers du Seigneur/Cet abus,,'‘s’il ¿fi
cil uiiV cll'géilcraleWent' tdlcre.- Sei*ôit-ce #p'6iir Xè
fielir de£ ‘RoiierS feul’cjuc i’ifrçûlerah'cefe réveillcroit ? . . ' ,
D ’ailleurs on convient bicir qu’il ne manque pasde règlements ,qui déclarent .l’état de Fermier
celui de' Jiige 'dé la 'mêrhe’ terfe incompatibles ;
mais qu’on nous en indique qui ouvrent la voie
criminelle contre ceux qui réunifient ces deux et.its
incompatibles.' Lés Airet$‘V : ¡plus rigides nont
, .i/J f ■
J
-JOOr:'. 'il .1
. ■;
�.prononcé . que, des ijnjon&ions d’opter dans
trois ou fix m ois, 6c jamais ces injon&ions n’ont
; été préparées par des procédures â l’extraordinaire.
Le fieur des Roziers pourroit dire ici qu’il .n’eit
point dans le cas précis de la prohibition des régie.m ents,que la Directe
la Juftice.de la Tour
n’appartiennent pas au même Seigneur, .qu’il cil
.Fermier de M . de.Broglio &c Juge de M . de Bouil
lon ; il pourroit ajouter que par le partage des cens
fait entre lès Cofermiers 6c lu i, il ne lui eft: échu
que très-peu de redevances a percevoir dans la Jufr
tice de la T o u r, fi l’on en excepte celles qui font
dues par le fieur de Chirôuzes, qui faura.bien iè
garantir de vexation . mais il va plus loin ; fautil opter entre l’état de JFermier & .celui ,de Juge?
fon option eft: déjà faite ,- la Ferme fera abdiquée
aufli-tpt qq’on le. lui prescrira. Après cela quel,pré
texte de tracafterie reftera-t-il a ies ennemis ?
D ’après ce que l’on vient de dire, l’impartialité
ne voit plus dans .le fieur. des Roziers qu’une malheureufe. victime de'l’envie ; mais la multitude de
témoins, paflionnés qu’} ie ipnt reunis contre lui an
nonce quelque choie de plus, elle annonce une ca
bale, -cherchons’ à, en. connoître les.miniftres. ,
. ^ E C O N D E
\P A
■■
*
R
T Î E .' :
'"
fi
O n demande quel eft le moteur & le miniftre de la
cabale conjurée contre le fielir/des Rozi erïr; chacunj
nomme fans
t * héiîter le Sr.de Chirouies. f a r combien
�3 5 ?,
, ,
d?indices ne s’étoit-il pas decélé en effet avant mê
me qu’une imprudence eut; achevé de Je découvrir ?
La perte du fi>eurrdçs R-ozierséçoit jurçç(y),il fa,i-L
loit donc, lui fairedes crimes imaginaires; &'îfesa,cci$>
diter ; comijieAt y réuifir ? par la iybornation : tout!
projet formé renferme l’adoption des moyens qui,,
peuvent le faire, réuifir. Voila doçç une preuve tout.
au moins mora[lç;du projet d§ fëduire des téiùoins. {
[Voici des. indices dçîl^çcufiQnjj.;; f.,\
?
i°. O n lit la .dépofitionidu fieur [ de' Çhi'rpuzes,
ôc l’on y voit qu’il avoit élevé un Tribunal dans j
fa maifon pou^t .jugçr2tputesj lçs[ a£H.oi>Srj4u fieur
des ;rRpziers 'y c’étpit a-,ce;Tri^ur^l quq chaçyn'jf
npk porter fçs.plaintçs.:;. ;.;; 9_î iojpJte \V.>
Que conclure delà ? que 'le fieur de Çhirou-zcs ,
étoit Pemiemi copnu/du fieur. <Je? Tloziers;;;, cjuç n
iqrfqu’il [irencoptrqjt ,-u|iifiepiiriMtef4ÿ>&*}&}$>d e f ,
pQÎkaire de fpn ^eifçnçim^hci Qui
.Iffo
cœur de l’homme vindicatif, cpiigluï^feilc^re cjuM.7
échauiîbit les germW)d’aigreur par la;Çf\loixmie; que
dans;dcs;plantes,jfan&j;fp^demcp_tjÿ trpuvquj, âjfer ,-|
ment des tors réel?^qy.,eA'un’mKii-reÆyQÿpipl^/n(i;éy./
contents affermis dans 1çu r/.p venri pp, & fd8nsJ cirr, 3
haine : fi ce n’éilpits là uiie iubpçnatiôii ^ que /au- ;
droit—il donc pour , la caraâérifer ? '
-i
; a 0. Oi) ;lit laxlépoiiîi^n fat flu id e , (¿hm iW î.ï & jj
l’on, y trouypttopre: l’jpiprmatio*! cp .rapourci •; il,:
répète ce qu’ont déja;dit'Jes iémpiufc q\Û l’prft précçç , il annonce, ce que; doivent' dire ¡ceujc qui. le iili'.cz les 6e. ôc 7 ci jdéjjoûtioni du l’infoMiiatioa.
*
+ *|“»
L i
,
-r; j
À
�3^
vrorit, & toujours c’eft'd ’après "‘ eux-mêmes qu’il'
parle. Cominenc auroit~il jdu être; ii .bien inilruit
fur ce que' chaqiie témoin avoit ‘dit, ou Jdevoit dire,
avec lui, c’eft donc lui qui eft le centre de réunion
de-la cabale ; ;c’cft- donc lui qui en dirige -toutes *
les'-'opérations
qui diftribue les*rôles ; c’eft donc :i
lui qui a fait altérer y défigurer ou envenimera la
plupart :leis îaits' les plus innocents pour y"trouver
des'¿rimes.-' '
;
■ . •¿
Pourquoi ; les témèiiis‘rontt-ils preique tous
pàife-chesb le /leur de -iGkirdûieS ■•avâïit rd aller '
dépofer ? Pourquoi les a-t-il- preiqub "toujours1 a c - :
co'mpàgrié ? "Pourquoi les! intérrogeôit-il loriqu’ils,
avoierit dépofé ? ;Pourquoi s’eft-il fi bien informç •
duJiidmbre-dés -■
‘témoins “qui rbht iété -entendus dütis1^
cliSiqùë! inforfnàtioh ?,;Taht;; ¿ ’intérêt1 ne? décéle-1
t-il pas'1lé ;fédùâj!üii<?:) 7
! " :
4°. Comment le fieur de Chirouzcs auroit-il1
pu ‘ danà iès libelles- reprocher aux^ témoins d*à* }
vbiff'dépblé'aVe’#'^k^?z7e
j&èï!'!
cFit fetuls'dépdfrttonrè' d ^ va nie? riiàisi s’il ieur-avbit0.
preicriiücurfe duptifitiôn^'il étoit'donc leu rfédu&êür.
Tant d’indices rairtii’fufiiroiehc feulspour por- ’
ter ’ la 'COiWi&rbn dans' les efprits l'èsJpluiiircb(il{es ;
mais s?il ' t'eflôït ün'to-rC ■
' çiüelqud&): lUVageÇ ,Y ün’ ^
derriieii trait idfr liintfürc Va;2fesr-,diiÎipcr.,!'' - 1 - }n
•'Ecoutons pàrlc^'S'ailitroire :cÇt6rti‘oin notts dit, :
que ionant de dépofer irrencçntra, dans la chambre
^ J
�37
à côté le fieur de Chirouzes, qui lui demanda
s’il avoit dépofé que le fieur des Roziers luiavoit volé en pleine place un billet de. Coo livres ;
que fur ia réponfe qu’il n’ên avoit rien d it ,
le fieur de Chirouzes le pouffa pour le faire ren- 5
trer dans la chambre ou étoit M . le CommiJfaire\
pour dépofer ce f a i t \ 6 i que fur la réfiftancë, il
s’exhala en injures, &: lui dit , qu’il leferoit pen-,
dre avec le .fieur des Rosiers. '
.
1
,
* Saiatroire n’eft pas le feul. témoin qui'rende
compte de cette feene, quatre autres fe réunifient
à lui. ( 4
• _:
■• ;;
'Répondez; maintenant, fieur dé, Cliirbüzes' : ne" *
vous voila-t-il pas'bien convaincu d’avoir-employé
la' violence 6c les menaces pour forcer un témoin
à acciiier le fieur des Roziers d’un _crime .capital,
dti Vol d*urv billet5£#) ? fi‘lalfùlViçç •peüt^excu&> de
pareils1excçs, dites-nous ce qu’il, falloit de’plus p p ü f
' mériter’la peine des fubôrnateurs? ' ■ ’ ■:
Uü
Il falloit que ma tentative eut réuiîi, nous dites-j‘
vous' ; vous vous 'trompez. La' fub^rnation fuivie de,
foli effet'prciente4clcux coûpablcs ' a . puni r r l e
bonicur & le faux, témoin.' ‘Mais s’il' ne fç trouve“
pis de faux témoin' a piinîr lôriqiic la fubornatiôn
eitfans fucççs|Vinc rellte-t-il pas toujours un luboE-
V„-i VA: I , ,1
( . Sav'ôl.r Jes5ct- 8e.. 9ei,.£i;ifte. ,fl
i;
••
:'»
/ >••» .r
(/;) L c s g l o f b s du fieur de Chirouzes fur l’apoOrçplieiqii’il cflp.,k
vient avflir fait à $iiintroir<;,çn le,.qualifiant de. W<jvtr\; fes fiQnju
mentaires fur la manicre d o nt il ..le p o u ffa p our • üobl.i ^r à r,
aller a jo ut er a fa depofiti on font ,fi ..pudj-ilcç que ,cc. fftrpic tr^ip
les h ono rer d’ y ré po ndr e' féridufement.
�neur ? l’inutilité de fes efforts n’en diminue jpas la
malice,
ne doit pas l’affranchir par confequent
de la Îçvérité des loix. ( ç),
- ,
' Tout aufïi inutilement nous direz-vous que votre
tentative auprès de Saintroire , poltérieure a la clô
ture de fa dépofition, ne pouvoir rien produire.
' Nous vous répondrons qu’il n’a pas tenu à
A
'y,
»
; •
- \
'
i /
r .
1
vous que 1 on ajoutat a cette clepoliuon ÿ que vous
n'avez pas rougi d^y* inviter M; le Commiffaire
& que, votre ignorance des réglés qui s’y. oppofoient n’excufe pas la malice de votre procédé.
D ’ailleurs, fi votre emportement & vos mena
ces ne pouv.oientr pas produire un effet a£tuel ,
né pou voient-elles pas le produire au récolement ?
' Vous ajouterez fans doute encore que pour vous
déclarer coupable de fubornation il faudroit vous
convaincre d’avoir tenté des. térr.oins pour faire
accu fer le fieur dés .Roziers d ’un crime méçham*
ment fuppofe?hé bien foit. Mais le vol ou £ejcroquerie d’un billet ou contre-lettre de 6oo liv.
dont vous avez voulu faire aeçufer le fieur .des
Roziers n’eft-il donc pas un crime que votre
feule méchanceté â créé?
Quel efl: le témoin qui dépofe de ce prétendu
(<•) Ce tt e réglé que les fubornareurs de faux témoins doivent
errer punis de h -même p c i n c q u e les faux t é m o i n s a Jieu dans
le cas mê me oii le témoin q u ’o n a voulu corrompre; a refufe
de donner-dn faiix témoi gna ge .
.
1
Il
en eiV d e même lorfquç Îçliii qui a c o r r o mp u & ftiborné
des témoins ne les produit point & n’en fait aucun ufage. T r a i
té de U juflice cr imi nell e, tonie 3 , page 41 7.
�M4
39
" vol? vous feul, &: vous, êtes^démenti par Saintrojre, qui a dépofé que le billet que^yous fuppoiiez lui avoir été volé\ excroqué ou enUvji:y car
ce font les termes fynonymes' dont vous vdus
fervez alternativement, avoit été remis gracieuje*
vient & par arrangement. - -,
E t vous êtes ^démenti jbipn plus .authentique
ment encore par un a£le foleninel dont »vous ne
.pouvez pas rejetter le témoignage, puifqu’il cil
de votre propre fait.
Vous étiez créancier de^ Saintroire d’une rente
foncière 6c non rachetable de 8z livres io^fqls,
que vous avez vendue au fieur des Koziers par
contrat du 3 O&obre 1760.
Par cet ade vous vendez cette rente entieré,:.&
vous promettez ^e la fournir &yfaire valoir :._vous
la vendez comme.foncièrej& hon rachetable ; vous
la vendez moyennant la iomme de 1650 livres-,
.dont vous- donnez quittance.
Saintroire .intervient dans-le. même a&e.,/fe;re~
connoît débiteur de, la -rentp ^entierç de 8.2, livres
j;o fols.,.& fe foumet a ,.,en continuer le paiement.
Cependant, s’il faut vous en croire^ avant cette
vente, avant cette, ratification , vqus aviez reçu dé
Saintroire une fomme de. 60.0 livres fur le prin
cipal de la même rente ; ;vous lui aviez donné une
quittance qui portoit faculté de racheter .le furplus;
c’eil cette quittance ( a laquelle vous donnez le nom
de contre-billet') que vousiuppoièz av.oir été extorqué
^ Saintroire.
�4°
Mais rappeliez-vous. iieur de .Chirouzes, que
-.»vous .avez place cette excroquene a une epoque
-<poftérieure (à' la- véiite dont on vient de parler. *
i:.? La' vente'ayant*1été^pajfée^, lejieïir des 'Rosiers,
¿’devenu propriétaire de cette rentej a obligé par au
torité ledit Saintroire a ■
remettre le contre-billet.
C e font les propres termes.1de vôtre dépofition.
Ailleurs vôus appeliez'cétte rem ife:forcée un v o l,
une e£crbquehè\V i : '■
* i: f * i
;Nous vous demanderons1maintenant quel inté
rêt pouvoit avoir le fieur des Roziers à extorquer
le prétendu contre-billet dont vous parlez ? Muni
<d’une vente folemnelle de votre part 6c d’une rati•fiçation authentique de la part de Saintroire',
qu’avoit-il à craindre d’un contre-billet, qui auprès
:de Ton titre n’auroit été qu’un méprifable chiffon ?
•De bônnc^fôi’ voudriez-vous perfùader que le ficur
des'Rôziersf ait employé' la violbnce1' oii’la; furprïfe
pour ie rendre maître d’un chiffon ?
Vous nous apprendrez encore pourquoi vous
avez-vendù aü iïeur des 'Roziers une rente de 8 i
livres ÿavec 'prômejf 'e de la fournir & faire valoir.
Si vous aviez déjà reçu un rembpurfcment fur le
principal, c’eft un fieUionàt.
Vous nous apprendrez pourquoi vous avez
vendu cette rente commé foncière & non racketablc.
Si .vous aviez- amont une partie du capital ,
àccbrdé le rachat du furplus, ce lt un fécond
jhlliomit,
■ Vous voilà au milieu de deux crimes : pérfiitez-vous
�34 ¿
41
tez-vous dans vçtre dépofition ? vous vous déclarez
fteIlion ataire : la défavouez-vous après avoir- pèrfifté
au récolqnent ? vous vpus déclarez parjure: dans
l’un & dans l’autre caá le fieur des Roziers fera égament juftifié. Il le feroit fans contredit par le déiaveu de votre dépofition j , qui renfermerpit un aveu
cle;fbn innocence & de,.votre calomnie ; m àisille
fera encore malgré votre Iperievérançe foit par, la
.dépofition. I;de 5¡aiiitroire, foit par l’a&e de vente
du 3 O âobre 1760 „ d’après lequel il eft impoflible
de trouver-pn/’qqr-jpsrdédélit-:, ainfi.vpus¡étes tombé'
4ans vptrç propre piegq, , & quelquejp^mque vous
preniez^* ^oi?s ne -pouvez ni échapper a. la flétriilùre
du crime , ni méconnoître l’innocence du. fieur des
JRoziers.
Contin^q^.j^c’jdit Une. fi^ppoGtiqjry du menionge
qup le-.fieur 'des¡ Roziers ait avol/é ou extorqué un
. . _____
* r
t
r
.
(a ) Si nous avions b e f o i n d e nouvel les preuves p o u r accabler
l e f i e u r de C h rouze«, nousl és tr ou ve rî ons dans les c o n t r a d i & i o n t
choquantes dans.lesquelles l ’a entraîné un fyf têmp d ’i m p o f t u r e
mal c o m b i n é . ........ ................... ..............................................................._
. I o . Con tr ad iftjon fuJTjla nature .du billet qu’il a acçufé l efieur
des Rozi ers d ‘ avoîr enlève à. Saintroire.
D an s f a.dé po fi ti on' i l n o u s . d i t que c ’^toit une contre-lettre
qu’il avoit d onné àSaintroire pour rendre fa rente racbctable.
L o r f q u ’il veut forcer Saintroire à ajouter i fa dépofition la
p l a i n t e de ce prétendu ë n j e y e m e n t , c ’eil du v o l d ’ un prétendu
billet de 6ooJiv. qu’ il veut.le.fairé dépofer.
z°. Coritrádi£Hoñ|daps l’ efler.dM prétendu enlevenienr.
Suivant-la d é p o f i t i o n , tout, l’avántage qu’çn a retiré le fieur
des Rozi ers s’cil borné à cons e rv er c o m m e foncière une rente
d e ve nu c ra c li e ta bl e .
.
,
Dans l a dépofition qu’ il preferivoit^ à S ai n tr oi r e, l ’objet dç
l ’enle vcme nt a u r o i t ' é t é d e iriponner une f omnic de 600 livres.
F
�42
billet ou contrè-billet de 600 liv. "a Saintroire
on 1-vient dé-le démontrer : cependant* le fieur de
ChiroiizeS, a*dépofé ce fait ; donc il:ëft7convaincu
de fa u x témoignage. Cependant le fieur de C h irouzes a voulu forcer Saintroire a fe joindre à lui
pour affirmer le même fait, donc il -elt convaincu
de fubomaiion. L e fieur 'des Roziers a donc paflé
iès promeflès* il n’àvoit déféré le fieiir de ChirouZes que comme coupable dé fubornatiôn1; il l’a enA.core convaincu de faux-témoignage.
^
'
N é nous arrêtons cependant pas la : quel!affreux
jour ne répandent pas ces-deux: traits'! de lumière
fur toute la trame de là conjuration formée contre
3e fieur des Roziers !
;
» '- 'r • •
La fubornation marche toujours par des routes
fibfcures 6 c détournées, & ’fi elle-ie montre aux re«
gards, curieux , ce n’ëft jamais que foüs-un-voile.
Q u io ferale flatter de la fuivre dans tous fes replis
xortueux, ou de percer toujours le ,voilc fous lequel
elle s’enveloppe ? mais loriqu’une fois elle s’eft laiiE n f i n , d ’ après le M é m o i r e , f o n crime lui a p r o d u i t l’ un fie
Tautre avantage. .
3». C o n t r a d i â i o n dans l’é po qué d e T e n l e v e m e n t .
D ’après la dépofition du fieur d e Chir ouze s, le Billet ch
quertion ne fut e xto rqué qu’après que la vente eut été paiTée.
Suivant le texte du Mé mo ir e, page 1 9 , 1 ’ e n l c ve me nt a précédé.
Enfin , fuivant une n o t e , p ag e 2 0 , ce ni¿me Billet a éré
6té à l’inftant mê me de la paiTation de l’a&e.
.Ce langage plein de conrraui¿Honspcut*il être celui de la vérité?
O n jugera aifément après cela quel de g ré de confiance m é
rite l’aflertion du fieur de Chir ouze s l o r l q u ’ il dit qu’il n ’a reçu
que 900 liv. du fieur des Rozi ers p o u r le pri x du contrat d o n t
¡il s’agir.
�íee furprendre h. découvert, fa marche fec rette fe
íiippofe aifémcnt, 6e il n’eft plus poflible déla mé*
connaître íous le m.afque. (<i)
! '
Ainfi on lie pçut plus s’y méprendre : ce T ri
bunal éleyé chez le fieur de Chirouzes pour ju
ger toutes les avions du fieur des Roziers étoic
un Tribunal de fubornation, 011 une vile popula
c e , qui e ut toujours lefoupçoii dans le*cœur &
la plainte «1 la bouche, cft venue puifer le venin
dont elle s’eft déchargée dans l’information.
Ainfi ces déclamations publiques & confian
tes auxquelles le fieur de Chirouzes s’eft livré du
rant 12. ans pour échauffer les efprits, 6c ces li
belles odieux répandus avec profufion pour ani
mer le feu pendant que l’on informoit, ne préfentent pas feulement la malice de la diffamation;
ce font autant d’artifices de la fubornation; ar
tifices d’autant plus criminels qu’ils étoient plus
dangereux , 6c qu’en féduifant les efprits ils ont
fait des faux témoins fans remords.
Enfin ces invitations publiques faites par la
Delcros à tous ceux qui avoient encore ou oui
avoient eu des affaires d’intérêt avec le fieur des
Roziers de venir porter des plaintes ; ces proméfiés fi puiflantes fur un peuple crédule 6c cor
rompu , que le débiteur qui le plaindroit feroit
libéré, que ceux qui auroient vendu de leurs
(a ) Quant une fois il cil p r o uv é q u ’un témoin a cté f ub o rn é , cette preuve forme déjà une p ré fompt ion que les autres unt
¿t¿ c o r r o m p u s . F a r in u tiu s , quei li on ¿ 7 , no mbr e i<¡6.
F 1
�44«
biens ieroient rétablis- dans leur patrimoine, que
tous rece\roient une bonne poignée ; cette confian
ce intrépide avec laquelle on annonçoit la perte du
fleur des:Roziers comme aifuréey ôc la conjuration
commefoutenuepar de bonnes têtes, tout cela n’eft*
il pas encore des artifices de la fubornation ?
* Nous pouvons donc le dire avec confiance ; par-<
tout On reconnoît 'la! marche du fubornateur dansIa- conduite du fieur de Chirouzes & de la Delcros
ion émiilaire ; cependant l’inftru&ion n’eft encore
que commencée; ( a) combien toutes les preuves déjà
(a ) Il eft bien étrange que le fieur de Chirouzes fe foit bercé
d u fol efpoir- qu’il éviteroit la fuite de l’inièru&ion qui doic
a ch ev ç r de d éco uvr ir Tes manœuvres.
:
L ’accufation principale & raccufarion incidente en fuborna
tion de t émoi ns marchent toujours d ’ un pas é g a l ; fi l’une
ci} une accufation capitale , l’autre l’eft auifi ; la peine de la,
f ubornation devant toujours-être celle qu’a rifqué l’A c c u f é
p r i n c i p a l , contre lequel on a tenté des témoins. ( V o y e z le '
Trai té; de la Jùftice c r i m i n e l l e , tom- 3 , p ag e 4 1 7 . )
Par une jufte Con fé que nce , lorfque l’acculation pri ncipale a
paru afTez g r av e p o ur mériter une inftruéKon complett e par
r é c ol e m e n t & c o n f r o n t a t i o n , la plainte incidente en f ubornatiQn doit être fuivie de la. mê me i n f t r u â i o n .
N ’importe qu’ il y ait des preuves fuflifantes, dé)aacquifes ou .
non , ici (1 n’ en manque p a s , mais d ’ailleurs c ’eft uniquement
le titre de l’accufation ; qu’il faut c o n f i d é r e r . , l o r f q u’il s’aj»it d ’ un r èglement à l’extraordinaire , parce que s’il n’y a pas
d e preuves fuffifantes elles peuvent fe fortifier & deveni r c o m plettes par le récol ement & la fuite des inftru£tions , c o m m e il
a rr ive tous les jours. ( lb id . tom. x , page 331-)
Enfin non feulement l’accufation principale & l’à cc uf it io n
en fubornation do iv en t être fuivies de la même inftru&i on ,
mais elles doivent encore être jointes lorfque l’i nf tr ui üo n cil .
faite , parce q u ’elles font mutuellement d é p e n d a n t e s , & que
le ;fprt de l’ une eft néceilairement lié à l’événement de l’autre.
V o y e z l’ Arrêt du 19 Janvier 167^ d o nt parle l’ Aiiteur de la
•jufticc C r i m i n e l l e , t ome p r em ie r , page 6 1 7 , & M u y a r d de
^ p u g l a n s , Inf lr utüons cr imi ne ll es , page 519.
\
�2JW
45
asquifès vont ;ie fortifier dans le récolement î com
bien de nouveaux myfteres^d’horreur vont iè dévoile^,
dans¡un^^dÿèbfi’d'wfotmation^combien d autres^
à, la confrontation du i fieur- des Roziers avec;les té-a
moins produits contre lui ! ce ne fera qu’après cette !
inftruâion complette-que la, Juftice. pourra biem
mefiirér 'la-pein^ dorit1èllè flétrir^ les fubornaiëurs ^
, P M a . ' ^ i Î v o i ¡A '■¡ïiui*
;.i r , i. /> i
y* • ,
» I
a.l e^ces.jQCelçur Italie,ç.,Ot -ai la,[noirceur i de leurs *
manœuvres '¿/mais, en’ attendant^qui rie fera1révolté^
de voir ces fuborriatèurs, déjà trop convaincus/d’a»
jq /.a
'->i ,- i ^ n o q q s i z b
- .î ià-i'
» 7.1 .• ^i:
! . on".\iiiijp
:a n io iq
vs' - o u
, 2ur\f>;:. ?• \> ti;-il ;ibur
. B U R I N . D E S RO.Z 1 E R S.
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-ti'iR ,
»
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*ni--îi îibui:
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f.i r~;:v •
;fn ï> -u-t --f; ./.jijuj &!. vni'.:- i ¿H.-“ ? i* . '.î«*/?:*. ; y -oï.t.i --Ilot
; . >’ t • '• >'u- t u . ’t , urnoi:';:i> - .yrf'C' / - ■où àüfiSJ
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M*. B E R G I E R , ’Avocat. " 4:,lr/a . ü.,,,E '
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1l. V i L L p T , jeune,
Procureur.
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■_11-i ï . * I . t i ' i ’ ■> I .¡Tjti • 0îfi;r* . 1
1.1. J 'IB' J.Jl' H...
..'I .. v J
■I ■ i
■
II .........i'r . -
Nota. O n ne fera pas ¿ to n n é d e ne p o i n t tr o u v e r dans ce M é
m o ir e des r é p o n fe s d i r e d e y a u x o b fc r v a tio n s p r é lim in a ire s d e
c e l l i i d u fieur d e C h î r o ü z e s , n o n p lu s q u ’à " q u e lq u e s autres
o b je i t i o n s d 'é g a l e - f o r c é . V a lo ie n t« elles la p e in e q u ’o n s’ y
a rréUr‘
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Ardevarit le Notairp r a y a i foufli^né, . & témoins bas. n o m
m é s f u t pré fe hr -Met ' jc ân -Ba pt if t e. N e i r o n , Seignéur d u ’
BuTiîpn & ; d e C h i r o ù ^ s » Hab.it^nr ^ u i B o u r g d e St. P a r d o u x , ' i
lequel a v o lo n ta i re me nt v e n d u , c é d é , quitté.,,remis & tranfporré purement & f i m p l e m e n t , & p our t o u j o u r s , a vec p r c - .
méf ie d e . g a r a n t i r , fournir*. & faire1joiiir en yers & contre tous
à Me. M i c h e l Burin , ; f î ev r de^ Rjo^iers.,! B a i l l i de T a- Vi ll e &
Bi ronn/é d e la T o u r ,' lïabirant; d udi t la T our -1, rpréi ênt &
a c ce p ta nt , : la f oh im e d e r- q u a t r e- vi n g t- d i k li vr es-di x' f o l s d e '
rente foncière', annuelleh5c p e r p é t u e l l e , n o n ra che ta bl e, à lui
due par A n t o i n e Sai nt roi re, L a b o u r e u r , Habitant de C h e z C l ï t o ù x , ParoiiTe de St. P a r d o u x ,<par C o n tr a t e m p h y t é o t i q u e ,
portant délaiffement de f op ds d » trois Mars jmil f é p t cent ci n
q u a n t e - n e u f , reçu Fuibal ,•»Notaire - r o y a l , due ment co nt rô lé
& infinué à T a u v e s ; la GroiTe '& première e x pé di tion , duquel
ledit fieur de Ch ir ouze s p r o m e t de r a p p or t er , rendre & re
mettre audit fieur des R o z i e r s , dans qu in za in e, ladite rente
e mp h y té o t i q u e , p ay a bl ea u vingt-cinq. Mar s de chaque année :
le premier t erme qui ¿chera audit jour d e l’année prochai ne
revi endra & appartiendra audit fieur des Rozi ers , acquéreur.
Ice ll e rente e x e m p t e , franche & quitte de toutes ch arg es, mê me
d e toute retenue de d i x i è m e , v i n g t i è m e , d eux f ol s. po ur livres
& autres prévues & à préy^i r tes ipiid.s^ayant été .Baillés &
dilaifTés ious ces c ondi ti ons &: conventions , laquelle rente
e mp hy té ot iqu e ainfi v e n d u e , ledit fieur de C hi ro uze s p r o me t
d e garantir, f ournir & faire va lo ir c o m m e deifus au profit
du di t fieur des Roziers & d e s l i e ^ s , le filbrogeant en conféquence à l’ effet dudit Con tr at de rente foncière , p o u r en joui r,
ufer & di fpofer à l’avenir c o m m e il avifera bon être.
Ladite v e n t e , ceflion & fubrogtttion ainfi ' f.tire & conve nue
entre les Parties, mo y en n an t le prix & f om me de mil fix cent
cinquante livres , Iaquelledite f omme ledit fieur de Chirouze*
a reconnu avoir eu & reçu comptant dudir fieur des Ro/.icrs,
acquéreur , donr Quittance , avec promci le de la part dudit
fie r de Ch ir ouze s de faire tenir quitte envers & contre tous.
Et à ces préfenres cil intervenu ledit A nt oi ne Saintroire, La
boureur , Habitant dudir lieu de C h e z - C l i t o u x , Paroiffe d udi t
■St. P a r d o u x , débiteur de ladite rente e m p h y té o ti q u e v e n d u e ,
l e q u e l , en ad?iératir & confentnnt à ladite vente & ceilion , a
promi s , i ’cft fournis & o bl ig é au profit dudi t fieur des
P
�R o z i e r s , a cquéreur , p o u r le paiement & preftation annuelle
& perpétuelle de ladite rente e m p h y t é o t i q u e , audit jour vi ng tci nq Ma rs chaque année f ranchement & quittamment de
toute retenue & autres charges , ainfi qu’il a été e x p l i q u é ; , ,
à l ’effet d e qu o i ledit Saintroire a fournis & h y p o t h é q u é
t ous fes Biens préfents & a v e n i r , & fans qu’ une h y p o t h é q u é
d é r o g e à l’autre, fpécialement les héritages e m p hy té o f és &
d é l a i ffés par ledit fieur de C hi r o u z e s audit Saintroire , fuivant
l edi t C on tr at de rente f o n c i è r e , fans préjudice , ni d ér og er au
d i t des Rozi ers à d ’autres droits & a v i o n s contre ledit
Saintroire : Ca r a i n f i , & c .
Fait & p a ffé à la T o u r , mai fon de Me. Ba r th é lé my M o n e ft i e r ,
P r oc ur eu r audit la T o u r , & en fa préfence , & c . l’an mil fept
cent f o i x a n t e , & le trois O ctobre après mi di . Re çu M o u l i n ,
N ot air e R o y a l .
—
-
D e l'imprimerie de P. V IA L L A N E S , près l ’ancien Marché a u Bed. 1774.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Burin, Michel. 1774]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Burin des Roziers
Bergier
Villot
Subject
The topic of the resource
subornation de témoins
diffamation
abus d'autorité
manœuvres dolosives
concussion
généalogie
Burin des Roziers (famille)
dénonciation
faux témoignages
prévarication
four banal
accapareurs
boulangers
fraudes
poids et mesures
pagésie
communaux
métayage
usure
cens
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire signifié pour Michel Burin, seigneur des Roziers, bailli de la ville et baronnie de la Tour, plaintif et accusé. Contre sieur Jean-Baptiste Neyron de Chirouzes, et Antoinette Delcros, femme à Antoine Baraduc, accusés, plaintifs et dénonciateurs.
contrat de rente foncière.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Pierre Viallanes (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1774
1762-1774
1716-1774 : Règne de Louis XV
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
47 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G0512
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G0511
BCU_Factums_G0513
BCU_Factums_G0514
BCU_Factums_G0515
BCU_Factums_G0516
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/52990/BCU_Factums_G0512.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
La Tour-d'Auvergne (63192)
Rights
Information about rights held in and over the resource
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boulangers
Burin des Roziers (famille)
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communaux
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diffamation
faux témoignages
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manœuvres dolosives
métayage
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poids et mesures
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subornation de témoins
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f0757809a78ab6e72458283aab4cbd09
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Text
P O U R
V I N G T
H A B I T A N T S
du village d e Taleizat,oppofants à l'enrégiftrement
des Lettres Patentes obtenues a l’effet de leur
ôter le droit de fecondes herbes dans les prés.
C O N T R E les fleurs C A R R I E R E &
B A R T H O M E U F , fe difants Syndics
du village de Taleizat réellement parties en la
caufe, & demandeurs en enrégift rement def dites
Lettres Patentes.
E T V I N G T - T R O I S autres H A B I T A N T S
, Vagabonds , à qui Ja f uppref f ion du
droit de fecondes herbes eft indifférente , ou qui ,
débiteurs de Carrière & Barthomeuf nofe nt pas
f e def endre,& font obligés d' en paff e rpar leur avis.
' f urp r is
T
Out ce que l’injuftice a inventé de plus étonnant fe trouve en cette caufe. Les fécondes
herbes des prés du village de Taleizat ont, de tout
tem ps, appartenu aux Habitants , qui font fans com
munaux. B arthomeuf, C arriere, la dame de M ontlo u b y , les Héritiers d’un feu fieur P rivat , feuls
A
�w,
a
propriétaires des p rés, ie font apperçus que cet
ufage leur laiibit un tort notable , ils ont voulu le
fupprimer, & à force de furprifes & d’aftuces, ils
en font prefque venus à bout.
Achever de ruiner un village au profit de quatre à
cinq particuliers , détruire un ufage auiîi ancien que
Taleizat, juger contre la coutume, ne pas avoir
égard aux furprifes vifiblement faites a ceux qui
paroiiïent conientir à la fuppreffion des fécondes
herbes, voilà ce que l’on propofe de faire au C o n feil Supérieur, après avoir furpris le R o i , par des
menées auiTi fourdes que criminelles.
F A I T .
Taleizat eit fitué dans la haute A uvergne, a deux
lieues de S. Flour : il n’a que 4. à feterées de com
munaux ; il s’y trouve néanmoins beaucoup de prés,;
mais tous appartiennent aux héritiers P rivât, la
dame de M ontlouby , Carriere & Barthomeuf.
Com m e de tous les temps les chofes ont été
dans cet é ta t, de tous les temps les Habitants, qui
n’avoient pas de quoi elliver leurs beftiaux , ont eu
le droit de fécondés herbes dans ces prés, qui iitués en pleine coutume d’Auvergne , <Sc n’ayant
jamais porté revivres , font régis par l’article 4 du
titre 28 , qui permet de faire pafturer le beftail eç
héritages portants fruits , /oit prés ou terres, iccux
levés.............. f i 11 ejl e% prés où ¿'ancienneté Von
a accoutumé faire revivre.
�3
Le fieur P riv â t, Procureur du R oi a S. P lour,
homme puiiTant'a T aleizat, fut le premier qui con
çut le projet de fupprimer ce droit de fecondeskerbes: il éveilla tous les antres propriétaires au
nombre de quatre , 6c après des prieres, des me
naces , d e 'l’argent prêté , de petits fervices rendusà quelques malheureux de la paroiiîe, il fit cons
truire clie^ lui certain délibératoire du 2 j Juin 1 7 6 5,dans lequel il paroît que vingt-cinq perfonnes qui
font dites tous faifant la communauté ¿'Habitants'
dudit lieu de Taleizat, ont (a) reconnu-qu’ancien
nement les- prés de Taleizat portoient foin 6c re
gain, que depuis quelques années, il s’étoit introduit’
parmi eux unufage iingulier de ne faucher qu’une
fois leurs prés, ce qui étoit contre l’uiàge de tous;
les villages 6c de la Province d’Auvergne ; que les
iecondes herbes dont ufoient les gens de Taleizat
empêchoient la confommation des herbes des pâturaux pendant l’été, attendu que les Habitants-nfcpouvoient eiYiverdebeitiaux qu’autant qu’ils en pouvoient hiverner. Ils dirent que ce droit étoit a char
ge a la communauté , qui par la n’avoit aucun;
iumier pour améliorer les terres , & que la fuppreffion de ce droit, en facilitant le paiement des im
pôts, dont ils étoient furchargés, empêcheroit leur
expatriation.
Le fieur Privât 6c Barthomeuf crurent qu’ils
pouvoient agir en vertu de ce feul délibératoire.
(a) C et extrait eit fidele.
�D ès le lendemain leurs près furent fermes ; mais
les habitants, même ceux qui font en nom en
l’a& e, ignorants ce qui s’étoit pailé , réfiilerent.
Barthomeuf prit desbeiliaux, le village s echauflà,
Barthomeuf craignit, &c s’applaudit de les avoir
rendus , fentant bien que , quoique l’on puniilè le
défefpoir des gens , il n’y si qu’un téméraire qui,
l’excite.
_ '
:
Le fieur Privât m ourut, & en mourant il re
nonça a fes projets odieux , recommandant a fes
domeftiques de mener fes beftiaux aux fécondés
herbes, 6c de le faire avec toute la publicité
Alors Barthomeuf, qui ne travailloit qu’en ious
ordre , devint chef d’un parti, que lui & la dame
de M on tlou by, dont il eil fermier & homme
d’affaires, avoient trop intérêt de ne pas laiilèr étein
dre. O n croit d’abord qu’il agit en vertu du,dé
libératoire : point du tout. O n ne voit ni fes ac
tions, ni fes mouvements; il paroît s’endormir en
176^ , pour ne s’éveiller qu’en 177 3 .
Le délibératoire eftd e 1765 ; au bout de
ans de fom m eil, il obtient 1111 Arrêt du Confeil
d’Etat du R o i, le 21 Août 1770 , qui rend les
prés défenfables juiqu’à la Saint M a rtin ,
il
garde cet Arrêt avec le délibératoire. Trois ans fe
pailènt encore dans le filence le plus profond, ÔC
il obtient des Lettres Patentes, le 12. M ai 17 7 9 ,
qui ordonnent la même chofe, & font adreiTées
à la Cour pour y être cnrégiftrées.
\
�Barthomeuf ne dit rien de touàcela àTalciza*,;
dont les Habitants jouiiïoient toujours des fécon
dés herbes. Arrêt de la C our du
Juillet 1773 ,
q u i, fur la requête de Barthomeuf, ordonne une
enquête de commodo & incommodo. L e 18 cette
enquête fe fait chez la dame de Montlouby par
le Lieutenant Général de Saint-Flour, qui couche
chez Barthomeuf ; dans cette enquête on n’entendque des parents & des amis de la dame de M ont
louby , que l ’on a eu la précaution de ne pas
mettre en caufe , que des. gens étrangers, que des
débiteurs de Barthomeuf. A rrêt du 31 Juillet,
q u i, fur requête, enregiftre les Lettres Patentes.
Com m e l’on v o it, la Procédure a été prompte :
en huit jours de temps tout eft confommé. Le but
étoit de dérober aux Habitants la connoiiTance de
la matiere que l’on traitoit; aufil lorfqu’ils virent
le Juge de Sain t-Flour a Taleizat, fut-on obligé
de répandre le bruit qu’il venoit informer contre
le C uré du lieu.
Barthom euf, muni de fon A r r ê t, voulut le
mettre a exécution ; il faifit les beftiaux de trois
Particuliers , un d’eux fe laiila condamner par
défaut, les deux autres confentirent condamna
tion ,
Barthomeuf, leur rendant leurs beitiaux ,
les tint quittes.
Mais le 0.4. Aouc tout le village, tant ceux qui
paroiiîènt aii délibératoire de 176^ , que ceux
qui n’y font pas, ignorants 6c les Lettres Paten
tes 6c les Arrêts de la C our , abattirent les mu
�6
railles que Barthomeuf 6c Carriere avoient fait
élever autour de leurs prés ; procès verbal en
fut d reiîé, Arrêt intervint le 30 , qui , par
provifion , ordonna l’exécution des Lettres Paten
tes , & permit de faifir les beitiaux qui fe trouveroient dans les prés.
■A lo r s , (■& voici le premier a£te public que
Barthomeuf ait fait ) alors il fit afficher & publier
à la porte de l’Eglife cet A rrê t, q u i remplit de
refpeft 6c d’étonnement tous les Habitants.
Ils efpérerent enfin d’avoir juftice , ceiTerent les
voies de fait dont ils étoient en droit d’ufer , 6c
s’ ailèmblerent pour prendre la voie de l^oppofxtion.
Quelques-uns n’oferent réfifter à Barthomeuf,
&c ne voulurent rien accorder ni contefter* à cet
homme la ; mais trente-un autres prirent leur parti,
£>C délibérèrent de défavouer tout ce qui avoit été
f a it , démandé &: par lui obtenu pour l’autre par
tie du village.
C om m e le PrédéceiTeur de M . l’intendant
avoit homologué le délibératoire de 1 7 6 ^ , celui
de 1773 , qui étoit abfolument contradi&oire , ne
le put être ; mais loin que cet incident rebutât les
O ppofants, ils réfolurent de plaider chacun en
leur n om , puifqu’ils ne pouvoient pas le faire en
nom collectif.
Q u ’a fait Barthomeuf? il a taché d’attirer dans
ion parti plufieurs des oppofants. Il les a fait boi
re , m anger, leur a fourni du tabac 6c prêté de
�■V7
«■
7
l’argent ; huit des oppofants ont défavoué tout cô
que l’on avoit fait pour eux. M ais Barthômeuf, à
qui ils ioutiendront, quand il vou d ra, qu’ils ont
déiavoué tout ce qui s’étoit fait, fans lavoir ni
pourquoi ni comm ent, Barthômeuf oleum perdidit.
Nous rapportons aujourd’hui le défaveu de ces
prétendus déiaveux , un a&e par lequel 2,4. H a
bitants renouvellent leur premiere oppofitio.11, ce
font eux tous qui plaident en préfence de 14 au-*
très qui ne veulent prendre aucun p arti, crainte
de fuccomber ; Barthômeuf n’a donc pas feule
ment quatre mutins a réduire en dépouillant le
village de T aleizat, c’efl: donc plus de la moitié
du village qui s’oppofe a Tes injuftices, 6c voici
fur quoi elle fonde ion oppofition.
M
1
O Y
E N -S .
Les Lettres Patentes iont obreptices êc iiibreptices ; la procédure faite en conséquence, 6c les'
Arrêts intervenus fur icelle font nuls.
. -n rr
P ' R E M
I E R E - P
A R T
i
I E.
7
O b r e p t i o n .
L ’obreptiôn confifte à fuppofer un f a it , pour obtenir quelque ‘grâce qiie l?on neût pas obtenue,
fi ce fait n’avoit été fuppofé.
Pour obtenir la fuppreifion des fécondés her- J obr^ o^ '
�8
bes , Barthomeuf a été obligé de iuppofer dans le
délibératoire que les 27 Habitants y dénommés
faiioient la communauté entiere de T aleizat, il a
été obligé de l’expofer. ainfi dans fa requête au
R o i , qui, n’eut accorde ni A r r ê t, ni Lettres Pa
tentes , fi l’expofé n’avoit été tel.
L e délibératoire porte : Tous ( les dénom
més ci—deiTüs ,) faifant la communauté d'Habitants
dudit lieu de T aleizat, lefquels de leur bon gré ,
L ’À rrêt du Confeil du R oi porte : V u la requete préfentée au R o i ? en fo n Ç o n fe il, par les
Habitants & Laboureurs xde la paroijje de T alei^at.
!
r
• •
11 fuit bien de ces termes que l’on a expofé au
R o i que tous les Habitants de Taleizat demandoient la fuppreifion des fécondés herbes : que
le R oi n’a prononcé' la. iiippreiïion des fécondés
herbes, que parce que tous les Habitants la de
mandaient ; delà deux objets à prouver : l’un ,
qu’il s’en faut plus de la moitié que tous les H a
bitants aient demandé cette fuppreifion : l’autre ,
q u e , pour que cette fuppreifion ait lieu , il faut
que tous les Habitants , ufque cid unum , l’ayent
demandée.
. „
§. I.
L es z y ’ uîénqpinif s au (h’libératoire de ¿765 ne
J ç n t-p o in t la .communauté.
.
;
,
¡,
Il y a 27
perfonnes de nommées dans le
délibératoirc
�délibératoire de 17 65 , qui fait la bafe de la de
mande de Barthomeuf. N ous rapportons le rôle
des Tailles de 1765 , cette piece eft irrécufable ,
ôc nous y trouvons qu’il y a 94. cotes ; de ces
94. cotes il en faut ôter 33 , qui , quoique de
laparoiiîè de T aleizat, ne font pas du village ;
ainfi relient 6 1 fe u x , 61 chefs de famille à T a
leizat. Si donc il ne fe trouve que 27 vocaux dans
le délibératoire de 176$ , il s’enfuit que la moitié
de la paroiiTe n’a pas été appellée
il s’enfuit in
vinciblement que l’on a fait un faux expofé au
R o i , lorfque l’on lui a dit que ces 1 7 vocaux
faifoient tous la communauté cCHabitants de Ta~
lei^at. Il y a obreption, la preuve en eft on ne
peut pas plus claire.
En effet fi on n’eut pas expofé au R o i que ces
27 vocaux faifoient le village entier de T aleizat,
il on lui eut expofé au contraire q u e, pendant qu’il
y avoit 27 demandeurs , il y avoit 34. perfonnes
qui n’avoient point été confultées, ou qui refufoient
de confentir a la ilippreftion des fécondés herbes,
le R oi n’eût accordé ni Arrêt ni Lettres Patentes,
voici pourquoi.
§.
I I.
I I faut que tous les Habitants, ufque ad unum ?
confentent à la JuppreJJion desfécondés herbes. Taleizat n’a point de comm unaux, les fécondés
B
�^
IO
herbes lui en tiennent lieu. L ’on doit Juger des fé
condes herbes comme des com m unaux, & ceuxci étant inaliénables & imprefcfijriibles, celles-là
doivent jouir des mêmes privilèges. Ce n’eft qu’avec
l’autorité.du R oi que l’on peut porter atteinte aux
communaux, les Parties adveries ont eu recours
au R oi pour fupprimer les fécondés herbes. Elles
¡ont donc reconnu que les fécondés herbes devoient
;fe juger comme les communaux ; or in pari caufâ
idem judicîum.
Dix Habitants
Suivant la coutume <le-Nivernois, chap. i %art.
font communauté
t r
I
rr i l r o
.
pour délibérer fatJJ . dlX fOîlt peUlUC OU Cl etÎlbléc'' 'Qt tOUS les A u chofe de pure pofin
\
r ce •
n
lice & non per- teurs dilent que ce nombre lumt pour compofer
«natieme.
.une aifemblée faite pour choie1qui concerne l’adminiflration d’une communauté , charger Procu
reur , nommer Synd ic, parce que ces choies ne
font pas permanentes; tous dilent que les autres
Hjbitants ne peuveht s’en plaindre , parce que c’eiî
à eux à s’imputer la faute de ne s’y pas être trouvés,
il faut les deux Mais tous les Auteurs difent en même-temps que
n'autépôurobliger dix Habitants ne fuffifent- pas, lorfqu’il s’agit d’un
Ja communauté. çmprunt xonfidérable , de paffer tranfa&ion ; qu’il
faut alors au moins les deux tiers des Habitants, &c
c’eil là en particulier le fentiment de Baquet en
foti traité des droits de juilice, chap. 2 9 , n°. 22
& 23 ; de Tronçon fur l’article <51 de la coutume
dç ¡Paris ; de Legrand fur Part. 64 de la coutumede Trbyes , n°. 34. '
11faut latotalité E nfin, ajoutent les mêmes Auteurs avec un
,des Habitants ufi
r •n
vi /'
1
i
„¿«n«*«,pour nombre innnid autres, qu il-leroit trop long de ci-
�11
ter, s il s 'a g i t e d’aliéner partie des communaux,
bois, pâturages, ou même de traiter avec le Sei- pâturages, &c.
gn eu r, s’afiiijcttir à un droit de bannalité , fo u r, *
moulin , corvées & autres fervitudes : il' faut que
tous les Habitants foient afiemblés, fans exception, '
parce que l’exécution s’en fait ab omnibus ut a
jin g u lis, chacun y eft intérefle pour foi, ôt paye de r
fa perfonne ou de fon argent. Etant de principe
que routes les fois qu’il s’agit d ’une chofe’ qui ap
partient a tout un corps, non comme corps, mais
comme appartenante a chacun des membres en
particulier, qui perd quelque chofe, ou eft aiTujet- jti perfonnellement, il faut le confentement de tous.- ^
L a Poix de Fréminville n’elt pas le feul qui pehfe.
ainfi, avant lui Godcfroi fur la loi 1 9 , ff. ad nui- nicip. avoit dit : in his quee jiu nt à plunbns ut^ ab
omnibus, majoris-partis confenfus fujficit ; in his ~
autem quœ Jiunt à pluribus ut à jingulis , non fuffic it majons partis confenfus. Ferriere fur l’art. ?
7 1 de Paris ; DupleiTis, liv. 8 , chap. 2 des fiefs;
Brcdeau fur 71 de Paris, & une infinité d’autres
font la même diilin&ion.
*;
Si donc , pour l’aliénaiion des biens d’une com
munauté , il faut le confentement de tous les Ha- ;
hitants ujque ad unum , comment permettroit-on
cette aliénation , lorfque fur 6 1 Habitants il n’en
paroît que 2 7 , qui encore ont été furpris ou n’o
ient s’en expliquer , lorfqu’encore ces 27 ont é,é •
■dits, fauiîèment au R o i, faire le total de la com
munauté } tandis qu’ils n’en font pas la moitié ,
B 2
1
�IX
ioriqu’enfin il eil clair que le R o i , qui ( comme
on l’a plaidé ) fait to u t, Tachant qu’on ne peut
dépouiller, une communauté, fans que tous ies
membres n’y conientent, n’eut pas accordé iès Let
tres Patentes, s’il n’eut cru que les chofes étoient
dans l’état où on les lui expofoit. Il y a donc obreption dans les Lettres Patentes, & le total des
Habitants n’ayant jamais demandé la fuppreilion
des fécondés herbes , il eil: donc impoiîible de l’or»
donner par l’enrégiflrement de ces Lettres.
Contre ce premier moyen, on a bien ofé plaider
que le délibératoire de 176 5 étoit compofé de 36
perfonnes ; mais quand cela feroit ( ce qui n’eft
pas ) ce nombre ne ieroit pas fuiiifanr. O n a
bien dit que ce nombre faifoit com m unauté, que
les oppofanrs n’éroient qu’au nombre de quatre ;
c’eit à cela que Barthomeuf a réduit tous fes
moyens Mais', comme l’on v o it, cela ne répond
>as au rôle des taillesde 1765 , qui prouve que
’on n’a point appellé tout le village au délibé
ratoire portant aliénation des fécondés herbes ;
cela ne prouve pas que s’il y a 17 demandeurs en
enrégiftrement de lettres , il y a réellement 10
oppofants pour lefquels ce Précis cil: fait, & qu’il
y a i^. perfonnes , qui ne voulant fe mêler de
rien , relient dans l’ina6lion, & p ourrjn t après
le jugement former oppofition a l’ Arrêt. Quand
Barthom euf réuniroit aujourd’hui tout le village,
tout ce qu’il a fait n’en feroit pas moins nul.
H é, pourquoi! c’ eft que le délibératoire de 1765>
Ï
�cp'b
13
portant que les 2 7 vocaux font la communauté
entiere de T a le iz a t, il contient un faux , fur lequel
font intervenus un A rr ê t du C o n fe il d’Etat, des
Letcres Patentes & des A rrêts du C o n fe il Su
périeur ; que tout cela ayant pour bafe un faux
fu ppofé, tout cela eft nul de toute nullité.
L e délibératoire ds 176^ & la R equête pré- Ile. Moyen
fentée au R o i portent qu anciennement tous les D° BRE*T10*'*
prés des Habitants du village de Taleizat por
taient fo in & regain ; que depuis quelques années
il sétoit introduit parmi eux & dans leur village
un ujage fingulier , de ne faucher quune f o is
leurs prés.
C ’ eft encore la un faux expofé. Si en effet les
prés de Taleizat avoient jadis porté foin & re
gain , eft-il pofiible de croire que les propriétaires
de ces prés en euilènt abandonné la fécondé her
be au public? N ’eft-il pas plus naturel de croire,
en voyant Taleizat réduit a 4 a 5 feterées de
communaux , que dans l’origine les fécondés
herbes ont eu lieu, & que quelqu’ eiTai que l’on
ait tait en différents temps pour faire porter revivres
aux prés de T aleizat, on n’a jamais pu y parvenir.
L ’ état des choies eft d’abord une preuve pour les
Oppofants ; cette preuve eft foutenue par l’art. 4
du tit. 2,8 de la C o u t u m e , qui permet de mener
paître les beftiaux dans tous les prés 6c terres où
l’on n’ a pas accoutumé faire revivre.
A cet article de C o u tu m e , à des chofes exiitantes, au défaut de’ pâturaux, a une néceflité de
••
�fécondés herbes attachée au fol d eT a leiza t, qui
n’a point changé, on oppofe un ancien ufage;
& où eft donc la preuve de cet ancien ufage ?
Elle c ft, nous dit-on dernièrement à l’ A u
dience, confignée dans l’enquête de commodo &
incommodo ; mais outre que cette enquête eft
nulle pour avoir été faite en vertu d’A rrèt obrep*
tice,fans parties appellées ; outre qu’elle eft nulle,
parce que tous les témoins en font reprochablcs ,
pour être parents des véritables Parties adveriès ,
)our être leurs débiteurs & ne pas connoître le
o ca l, c ’eft qu’aucun des témoins ne dépofc de
cet ancien ufage. Ils difent bien qu’ils ne favent
pas quand les fécondés herbes ont commencé à
avoir lieu en faveur des Habitants , mais ils ne
difent pas qu’ il y eût auparavant un ufage con
traire : ils ne fixent point les époques de la ceflàtion de l ’un & du commencement de l’autre. Il
n’y a donc pas de preuve, comme le prétendBarthom euf, de cet ancien prétendu ufage.
O n plaida enfuite que ce fait étoit indifférent.
N ’étoit-ce pas plaider qu’il étoit indifférent de
faire un expofé v r a i, eu un expofé faux au R o i,
de lui furprendre .des Lettres Patentes, quelque
moyen que l ’on employât pour les obtenir, pourvu
que l’on les obtint?
O n en vint jufqu’h dire que peu im portoitque
la Coutume fût contraire à la prétention de Barthom euf ; mais eft*cc là répondre à un moyen
d ’obreption "? N ’eft-cc pas là pouiïer l’abfurdité
j u f q u a l'on comble?
Î
�s> *
M
En effet, Barthomeut dit dans fa requête au
R oi que l’ancien ufage privoit les Habitants des
fécondés herbes ; on dit a Barthomeuf qu’il en
a im pofé, que jamais les prés n’ont fait revivre :
on lui ajoute que la coutume autorife en ce cas
les Habitants a prendre les fécondés herbes, qu’il
n’eft pas préiumable que l’ufage des fécondés her
bes fe foit introduit fans raiion en faveur des H a
bitants , qu’il faut que ce droit ait exifté de tous
les temps, que l’article de la coutume n’a pas été
mis fins iujet, qu’il a été fait pour les Paroiiîès
mal fituées 6c fans communaux, 6c il nous répond:
cela eft égal, cela eft indifférent. C ’eft a la C o u r
à juger du mérite de l’obje&ion 6c du mérite de
la réponfe; mais toujours eft-il vrai qu’il s’en faut
bien que la réponfe vaille l’obje&ion.
Barthomeuf a expofé dans fon délibératoire de nie. Moyen
D O B R E P T IO N .
i 7 6j 6c fa requête au R oi que les regains 6c les
revivres étoient d ’ufage dans toute la Pro\ince
d’Auvergne 6c dans tous les autres villages de
Taleizar. .
C ’elV encore là un faux expofé. Toute la Pro-*
vince d’Auvergne n’a pas pour maxime de faire
porter revivre a fes prés. Tous les villages ne {ont
pas privés des fécondés herbes : pour s’en convain
cre , il n’y a qu’à fe rappeller l’article 4 du tit.
de la coutume d’ Auvergne, & l’on y voit que*
naturellement les prés portent revivre ; que ceux
qui ne portent pas revivre font exceptés de la loi ' .
générale, à caufe de la poiîeifion ancienne 6c im.
�16
mémoriaîe où ils font d’être clos & bouchés ; mais
cette poiîèiîion ancienne eft un privilege pour les
propriétaires ôc une privation pour ceux qui ont
droit aux fécondés herbes. D ’où il fuit que Bàrthom euf a non feulement vifiblement trompé le
Prince en lui expofant que les fécondés herbes
n’étoient pas d’ufage dans toute la Province d 'A u
vergne y mais encore qu’il a pouffé les choies au
point qu’il a engagé les Habitants de Taleizat a
fe priver d’un droit qu’ils avoient, pour lui donner
un privilege qu’il n’avoit pas.
a°. C e t ufage de tous les villages circonvoifins
n’eft pas vrai ( b ) ; mais quand il le feroit, que
s’enfulvroit-il ? les villages voifins ne font pas fitués
comme T aleizat, ils ont des communaux , ce ne
font pas 4 a ■
>particuliers qui y pofledent tous le>
prés. Enfin fi dans les villages voifins tous les prés
ont été clos d’ancienneté par les propriétaires au
préjudice des Habitants, c’eft la faute de ces H a
bitants de s’êtrelaifTés priver d’un droit qu’ils avoient,
&: laifîe acquérir fur eux un privilege. L a faute de
ces Habitants ne doit pas faire la condamnation
des Habitants de Taleizat, & quoiqu’en dife Barthomeuf, le droit de la coutume d’Auvergne eft
toujours d’abandonner les fécondés herbes des prés
aux Habitants, puifque fi la coutume ôte ces fè(b) A lla n c h e s & M u râ t , q u o iq u ’a y a n t b eaucoup d e c o m
m u n au x , jouifi'ent du d r o i t d e fécondes herbes : à S. i ’io u r le
p iê.ne d ro it a lieu.
condes
�condes herbes, ce n’ eft que dans le cas où les près
aurcient fait revivre d’ancienneté, que par conféquent c’elf la une exception a lo i, &:!que dans la
faine raifon, pourfaire exception à une; loi ' il faut
qu’il en exille une générale, qui fait le droit com
mun 6c univerfel du pays. C ’eft auffi dans ce fens,
que Barthomeuf a toujours parfaitement bien en
tendu que nous^ propofons notre troifiéme: moyen
d’obrepticn, fondé fur ce que l ’on a trompé le j l o i
fur le droit & l’ufage de la coutume d’Auvergne.
Barthomeuf a expofé au R oi que pendant l’été d*obrepÎ ioh.K
les Habitants de Taleizat ne pouvôieht pas confommer leurs pâturages, n’ayant pas la ‘liberte de ‘
tenir plus de beiliaux qu’ils n’en pouvoient hiver
ner.
• C e f t encore la un faux expofé; Les Habitants r -•
de Taleizat n’ont point dé communaux, ce qu’ils
en ont, ne peut nourrir lé'gros bétail’ 6c ne iùfft-'
roit pas a cent brebis ; tout eft rocher , tout eft
fec , tout cil aride , tout eft ftérile a Taleizat- :
n’eft-ce pas la un fait notoire ¿^comment Bartho
meuf peut-il entreprendre de perfuader le con
traire ?
Que répond-t-il a ce fait que les Oppofants ar
ticulent ? il n’ofe pas le nier ouvertement 6c en
public, du moins ne l’a-t-il pas fait a l’Audience :
il répond que quand les Habitants de Taleizat
n’auroient pas de communaux , il n’y auroit pas
faux expofé : mais quelle abfurdité ! Si Taleizat
n’a pas de communaux, il n’a pas d’herbes * s’il
c
�i8
n’a pas d’herbes’ , comment eft-il vrai qu’il s’en
perd par la trop grande abondance ? comment eftil vrai que les fécondés herbes lui font inutiles ?
comment peut-il lui être avantageux d’en être
privé ? cela étant iènfible, 6c le faux expoie étant
dém ontre, pafïons à la fùbreption.
S E C O N D E
P A R T I E .
S U B R E P T I O N .
.1 . '
1
L a fùbreption confifte à taire des choies q u i,
fi elles eufîènt été feues , eufïènt empêché le Sou
verain d’accorder la grâce que l’on lui demandoit.
: Barthomeuf a tu au R o i, que fi le droit de fé
condés herbes avoit lieu à Taleizat, ce village tenoit ce droit de la Coutume.
Il eft vrai que Barthomeuf a répondu, a l’au
dience , que le R oi favoit to u t, qu’il favoit par
conféquent que l’ancien ufage de Taleizat étoit
contraire à l’ufage aduel.
Mais fi le R oi fait to u t, que deviendra donc
la fùbreption ? il faut donc la rayer du nombre
des moyens que le R oi veut que 1on emploie
contre les grâces qu’il fait , 6c qu’il n’accorde
jamais que fous la condition que. toutes choies lui
ont été expofées dans leur véritable point de vue ?
fi le Roi fait tour, a quoi bon l’adreile qu’il fait
aux Cours de fes Lettres , n’eft-ce pas pour les
�19
^
vérifier ? à quoi iert cette information , de coirtmodo &’ incommodo , n’eft-ce pas pour découvrir
la vérité toujours iuipeétée en pareil cas ? le R oi
ne fait donc pas to u t, puifqu’il veut que l’on vé
rifie les faits ? en difant que le R oi fait tout ,
Barthomeuf convient qu’il ne fait rien lui-m êm e,
qu’il ne voit rien qui puiilè répondre à notre ob
jection.
Barthomeuf a tu au R o i que , fi les villages
voifins n’avoient pas droit de fécondés herbes ,
c’eft qu’ils avoient des communaux , c’eft qu’il y
avoit titre ou poiïeiïion contr’eux de la part des
propriétaires.
Et qu’a-t-il répondu: a cette obje&ion ? la même
chofe que ci-deilus : Le R o i Jait to u t, il favoit
cela, il n’e'toit pas befoin de le lui dire. 'JSJlême
réponfe par conféquent.1 '
Barthomeuf a tu ;au R o i'q u e 'le s‘''pires de T a - n ie . M oyen d*
•1 •
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^
T i\ " ■ /
„
SUBREPTION.
leizat n appartenoient qu a 4011/$ iroprietaires.,
que le relie n’avoit aucun communal , aucun
fo n d s, ou fi peu. que cela nevaloit nas.la peii>e
d’ en parler.
' ; - •_; ■-1 /
™
f
E t Barthom eiif à plaidé1qu’il n ^ voirpas dit
cela au R o i , parce que cé fait étoit faux: “
Les Oppofants perfiftent néanmoins1' dans ce
qu’ils ont dit , & foutiennent; que la' clame de
M ontlotiby B arth om eu f, Càm erpfy Fontanier
& les Héritiers Privât enleVent à; eux *feul’s .tous
les foirts de Taleizat , qu’il n’en appartient pas 100
chars au refte des Habitants.
C *
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�20
T R O I S I E M E
P A R T I E .
t
. N u llité de toute la procédurefaite parBarthomeuf.
!•
■-rt h■
Les Lettres Patences font viciées d’obreption &
fubreption. Barthom euf s’eft préfenté a la Cour
pour les faire entériner. Il a parlé au nom de tout
je village de T aleizat, tandis qu’il n’étoit charge
que par 27 Habitants. Il a induit la C o u r en er
reu r, comme il y avoit induit le R oi. Le premier
A rrê t, rendu par la C o u r eft donc. ,nul comme
obreptice & fubrepticc.
1
C et A rrê t eft d’autanr plus n u lp que s’il eut été
expofé au Confeil Supérieur qu’il n’y avoit que 27
Habitants qui demandoient la fuppreiîion des fé
condes herbes , que fi on eut expofé que tous n’avoient pas donné leur avis, .que fi la Cour eut
iii qu’il y eût eu,un feul Oppofànt, au lieu d ’or
donner fu rie champ une information de commoi/o & ijîçp.mmodQjr elle auroit prdonné,, fuivanc
Tordre de là procédure, que les* 0 [Vpofants ftiilènc
appelles.,pgur. favoir,; leur .radions;?rrleur auroit
permis, cj’articuler,, des ..faits., contraires au de libé
ratoire d e . . a u r o i t 'f a i t , f a i 'r e . l ! i n f o r m a t i o n
^ntradiâD irem cnt.ay.ec.eux. y
-j ,
sJi.> p ' . ' y ^ '•v'1' r Î- \ 1' :
J^
'1 Vd ^
; L înrorm^tiopfh ite a ^ rçquet^ d e ,M ,.lc P r o
cureur Général' eft eiicore,,n.ulle ^..patjce’ qucj M .
le Procureur Général e^bien le jprortîâeur ne des
communautés ; mais- lçs Oppofants aux délibéra-
�toircs doivent être en caufe aufïi-bien cjne lu i,
pour détendre leurs droits, perionne ne les en
tendant mieux que le perionnellement intérefle.
Il a été ordonné que l’information feroit faite à la
requête de M . le Procureur G én éral, parce que
tout Taleizat étant dit confentir & requérir l’enrégiftrement, il n’y avoit que lui que l’on put met
tre en caufe.
Si l’enquête eft nulle , l’A rrêt auquel les vingt
Habitants ont formé oppofition étant toujours
vicié d’obreption 6c fubreption, eft également nul,
rien de tout ce qui s’eft fait ne peut fubfifter.
V oyon s quelles font les raiions avec lefquelles
Barthom euf a prétendu fejuftifier de ces nullités
radicales.
Il pôle pour principe ce qui eft en queftion.
L ’ A rrê t, dit-il, le premier A rrêt de la C o u r ne
porte pas que je vous mettrai en caule. N ous la
vons parfaitement cela. Ce n’étoit pas là le but de
Barthom euf, il s’en faut bien. Mais pourquoi cet
A rrêt ne le porte-t-il pas? c’eft que vous avez
furpris la C o u r, en lui difant que tout le village
de Taleizat étoit d’accord-, que tout le village
.de .Taleizat demandoit U iiippreifion des fécondés
herbes : ce fait étoit faux ; obreption par conléquent.
^ L ’information, dit Barthom euf, n’eft pas nulle,
quoique faite"chei, la dame de M on tlon by, parce
.que, qu oiq u ’elle ait beaucoup de prés à T a leiza t,
Çc que Î’on ait entendu quelques-uns de les parents,
gens qualifiés , cette dame n ’eft point partie en
la caule.
�(ûX
11
M ais v o u s, fieur Barthom euf, vous êtes bien
partie au procès, puifque, fans vous, il n’exiileroit
pas, puifque iî vous n’exiiliez p as, il n’auroit ja
mais exiilé. H é bien! les Juges de S. Flour , qui
ont procédé à cette information , ont couché, bu
& mangé che^ vous & avec vous ; eft-ce là une
nullité?
Dans cette information que vous n’ofez fignifier,
toute avantageufe qu’elle vous eft, pour éviter les
reproches qui pleuvroient fur les témoins qui la
com pofent, l’articulation du contraire des faits qui
y font dépofés, &: bientôt la preuve que ce n’eft
qu’un tiifu de menfonges , dans cette information ,
n’avez - vous pas fait entendre les parents de la
dame de M ontlouby, vos débiteurs, des gens qui
dépendent de vous, des gens qui n’ont peut-être
jamais vu les ccmmunaux de Taleizat, qui n ’en
ont jamais examiné la nature du fol ? ne font-ce
pas là des nullités, qu’avez-vous à dire à cela ?
Réponfes à dautres objections faites par B a ithomeuf
l°. Il oppoÎè une fin de non-recevoir en la for
me , réfultant du filence des Oppofants, jufqu’à la
lignification de l’A rrêt fur requête, qui ordonne
l’enrégiilxcnicnc des lettres.
Pitoyable fin de non-recevoir, vous ères l’ou
vrage d’un défefpéré! rappelions les faits, Bartho*
m euf n’appelle que 1 7 Habitants, lui compris au
�lo2f
délibératoire de 1 7 6 ^ ; il met en poche ce déli
bératoire , ce n’eft que cinq ans après, ce n’eft
qu’en 1 7 7 0 qu’il le préfente au R o i , ôc obtient
un A rrêt du Confeil.
Il met cet A rrêt du Confeil avec le délibéra
toire; ce n’ell: qu’en 177 3 qu’il leur fait voir le
jour
obtient des Lettres Patentes. Pendant ces
huit années perionne ne trouble les Habitants dans
leur pofTeiTion des fécondés herbes, ils ignoraient
les fourdes menées de Barthomeuf, qui n’en parloit
pas même à ces cofyndics, tant il avoit peur de
manquer ion coup.
Il vient a la C o u r, y furprend un A rrêt qui
ordonne une information. Il fait venir des témoins
éloignés qu i, fous prétexte de vifite, vont chez la
dame de Montlouby figner leurs dépofitioris. Le
nombre. des vijîtants excite la curiofité des Habi
tants, ils veulent favoir ce que font les Juges de
Saint-Flour chez la dame de M ontlouby , ils veulent
favoir le fujet des vifites que l’on lui rend ; Bar
thomeuf dit a chacun en particulier & d ’un air
m yftérieux, que l’on informe contre le Curé de
Taleizat , a qui l’on va faire le procès. A u lieu
d’appaiièr les mouvements de curiofité , Bartho
m euf, avec ce menfonge , les excite davantage ,
& r on découvre la vérité.
Auifi-tôt les Habitants prennent le parti de
s’oppoièr à la fuppreflion des fécondés herbes ; ils
vont garder leurs beftiaux : l’Arrèt d’enrégiitre-
¿üi
�M
Ku,
a4
ment fur requête eft du 31 Juillet, le 8 A oût il
eft publié , & le 10 trente-deux Habitants s’a f
femblent pour s’y oppofer.
/
Avant cette publication, cette affiche de l ’A r
rêt , peut-on dire que ces Habitants euilent connoiiîàncé des' démarches de Barthomeuf, puifqu’ils
ne connoiiîoient pas le délibératoire de 1765 ; que
même , quand ils l’auroient connu, il n’étoit pas
préfumable que Barthomeuf , qui l’avoit depuis
8 ans, en eût fait aucun ufage , puifqu’il n’avoic
fait faire aucune ailèmbl e , ni demandé aucun
fonds/A infi point de fin de non-recevoir dans la
forme , puiique la procédure eft non feulement
obreptice , mais encore frauduleufe , tortueuie ,
& 011 ne peut pas plus dangereufe ; car enfin quel
étoit le but de Barthom euf, en cachant ainfi fes
démarches? il favoit parfaitement que 1 7 Habitants
ne pouvoient dépouiller le village ; en habile hom
m e, repréfentant ces 27 Habitants, comme faifànt
la communauté entière, ion projet, fut de faire
clandeftinement toute fa procédure , afin de par
venir a un Arrêt d’enrégiftrement , au nom de
toute la communauté, de fupprimer enfuite le délibératoire , de ne montrer que les pièces qui
parlent purement 6c fimplement de toute la com
munauté, 6c de dire enfuite : l’Arrêt d’enrégiftre
ment fuppofe le délibératoirc, fi cet A rrêt porte
que tout le village a demandé la fuppreifion des
fécondés herbes , perfonne ne peut aujourd’hui
s’y
�s'y oppofer. C ’étoit là le but de Barthomeuf, &
l’on défie d’expliquer autrement fon filence de 8
années fur l’objet dont il s’agit.
a°. Barthomeuf oppofe une fin de non-recevoir , particulière a Antoine. Chaftinel ; il la fait
réfulter de ce qu’apr'es que l’Arrêt d’enrégiftrement a été rendu , ce Particulier oppoiant continua
de mener fes beltiaux , qui furent pris aux fécon
dés herbes , & fut condamné par une Sentence
rendue par le Juge des lieux.
M ais cette fin de non-recevoir eft im aginaire,
parce que Chaftinel n’a été condamné que par
défaut , qu’il a appellé de la Sentence , dont il
pourfuivra l’infirmation quand bon lui femblera.
30. Salus populi fuprema lex ejlo , s’écrie Bar- thom euf ! &: dans quelle bouche fe trouve cette
loi fainte , qui doit faire le premier m otif du ju
gement que le Confeil Supérieur va rendre ici ?
Barthomeuf dit qu’il fe fait un commerce confidérable de Mules a Taleizat ; que fi on n’ôte point
les fécondés herbes aux Habitants c’eft ruiner ce
Com m erce , qui foutient le peuple.
Mais Barthomeuf en im poiè, on ne peut pas
plus lourdement : jamais il n’y a eu de commerce
de Mules a Taleizat. Il eft vrai qu’il a acheté 4.
Mules au mois de M ars dernier, que Fontanier
&: Juilhe, fes adhérents, "en ont acheté chacun
deux , mais on ne voit de Mules que chez’eux. E it-ce
donc là un fonds de commerce? eft-ce là ce corn*
D
�16
mercc tant van te, qui devroit procurer la iubfiftance des gens de Thaleizat ? B arthom euf,
Fontanier & Garriere font-ils le peuple ? pour s’é
crier S alu s popuh ?
Suprema lex ejlo , hé bien, qu’il le ioit donc ;
examinons les inconvénients qu’entraînera la fuppreiïlon des fécondés herbes.
Barthomeuf n’uie plus des raifons employées
dans le délibératoire , il en a fenti la vanité ; peut»
être y reviendra-t-il clandeftinement, fuivons ce
délibératoire pied à pied.
O n y dit que les fécondés herbes étant fupprimées , l’on confommera les pailles par le moyen
de la mêlée qui s’en fera avec le regain , pour
nourrir une quantité fufHiante de belûaux , pour
produire & fournir du fumier qui engraiflera les
terres labourables &C produira l’abondance.
Mais B arth om eu f& fes adhérents raifonnent là,
on ne peut pas plus mal. Ils ne confultent sûre
ment que leurs intérêts, fans prendre garde que
tout le monde n ’eft pas des Barthomeuf.
L ’abondance vient bien des terres labourables
& labourées ; ces terres produifent bien , parce
qu’elles font fumées ; on fait bien du fumier avec
du regain ôc de la paille ; mais pour en venir là,
que Barthomeuf & fes adhérents donnent donc
du regain &c de la paille à 57 maifons qui n?ont
rien en prôpriété, qui n’ont point de communaux,
qui n’ont que les fécondés herbes pour toute reír
?
�4o7
,
X?
.
iou rce, qui, déjà prefque hors d’étàt d’hiverner les
beitiaux qui font leur ioutien & leur v ie , ne pour
ront jamais les eftiver, puifqu’elles n’ont point de
regain , & qu’elles ne pourront acheter de la
paille.
Tant que Barthom euf, qui a du regain <Sc de
la paille autant 6c plus qu’il n’en peut deiirer, dira
qu’il faut l’un & l’autre pour faire du fum ier; tant
qu’il dira de labourer la terre , & que loin
d’en faciliter le labour, il ôtera la nourriture
des befliaux , il eft confiant qu’il conflituera l’Habitant dans l’inipoifibilité d’exécuter ce projet,
d’autant mieux que, convenant que cet Habitant
eft déjà furchargé par les. im p ôts, il ne pourra
acheter ni regain, ni p aille, ni faire du fumier,
ni labourer, ni procurer l’abondance.
Renfermé dans la fphere, Barthom euf raifonne
comme un homme qui a tout ce qu’il lui faut
pour exécuter ce p rojet, qui eft bienfait pour des
propriétaires, mais non pour des malheureux qui
deviendraient les efclaves forcés de ceux à qui les
terres appartiennent. Q ue l’on applique a préfent
cette fameufe loi que Barthomeut nous cite avec
tant d’emphafe. S al u s populi Jùprema lex ejlo ?
Le délibératoire ajoute que les Habitants fe
font apperçus que l’ufage oii ils font d’abandon
ner les p rés, après qu’ils lont fauchés , leur eft
à charge, qu’il tend à leur ruine 6c deflru& ion,
en ce que , pendant l’été , ils ne peuvent confom-
ot
�mer leurs pâturages, n’ayant pas la liberté d’efc
tiver plus de beftiaux qu’ils n ’en peuvent hiverner.
M ais d’abord où lont ces pâturages ? Si Bar
thom euf vouloit les indiquer, s’il pou voit en don
ner d’à peu-pres fuififants , on lui abandonncroic
ici le champ de bataille.
E nfuite, fi l’on fait bien que l’on ne peut eftiver plus que l’on ne peut hiverner, comment peut-il
s’enîuivre que les fécondés herbes ruineront le
village de Taleizat? Les prés appartiennent touc
au plus à cinq particuliers, & comme expedit
imum hominem mori pro populo, on ne voit pas
que Barthom euf entre bien dans l’efprit de la loi
qu’il cite : Salus populi fuprema lex ejio.
Enfin , fi ce droit eft fi à charge, pourquoi
avoir recours à des remedes violents, à des déli
bératoires , des Arrêts du Confeil d ’E ta t, des
Lettres Patentes, des Arrêts de la C o u r, des in
formations ? Si ce droit eft à charge aux Habi
tants de T aleizat, il n’y a qu’à s’en rapporter à
eux, le remede eft tout fimplc , ils n’ont qu’à
n’en plus ufer. La Coutum e le leur confervera
pendant qu’ils uferont du projet œconomique ,
6c un homme qui veut faire le bien des gen s,
leur propofera plutôt de fufpendre l’exercice de
leur droit que d’y renoncer. En effet , fi le pro
jet ne réuilit pas , les Habitants de Taleizat ic
trouveront fans regain, fans paille & fans fécondés
herbes; Barthomeuf & les adhérents, les {culs qui
�2 9
en puiiTent fournir, puilqu’ils ont tous les prés,
y mettront tel prix que bon leur femblera , ÔC
au lieu d’avoir fait le bien du village , on en aura
occafionné la perte , & que deviendra la loi Salus populi fuprema lex efto ?
Le delibératoire continue & porte que fi l’on
rend les prés détenfables, les Habitants auront
l’avantage d’avoir en hiver plus de beftiaux, que
leurs fourages augmenteront, 6i qu’en été ils au
ront lieu d’avoir les beftiaux néceiïaires pour confommer les petites herbes vaines qui fans cela iè
perdent, que l’on payera facilement les impôts
dont on eft furchargé, ôc que l’on ceiTera d’être
vagabond.
Là les mauvaifes raifons manquent, & làauiïi
finiiïènt le délibératoire & la Requête préfentée
au Roi.
L ’attentif Barthom euf a tout compté. Il fem
óle qu’il fait jufqu’au nombre des brins d’herbes
qui peuvent par-ci, par-là, border les chemins de
Taleizat ; mais à quoi fert tout fon calcul, lorfque
1 im posibilité de Ion iyftême eft démontrée par
ion iyftême même.
D ’aprcs lui on eft furchargé d’impôts, on ne
peut les payer, on eft obligé de s’expatrier, 6c
Ion fait tout cela dans le temps où l’on jouit des
fécondes herbes; que fera-ce d o n c , lorfque l’on
ne jouira plus de ce d ro it} Couper un bras à un
homme , eft-ce lui donner le moyen d’être plus
�w>
3°
adroit ? Si avec un fecours, tel que les fécondés
herbes, on peut à peine fuffire à to u t, ne fera-ton pas absolument hors d’état de faire la même
ch o ie, fi l’on diminue les forces, ii l’on ôte ce iecou rs ?
Barthom euf prétend qu’en hiver on aura plus
de beftiaux, mais il n’offre pas d’en payer l’acquiiitio n , & de nourrir ces mêmes beftiaux, qui,
faute des fécondés herbes pendant l’été , auront
ruiné leur maître qui pendant l’hiver ne pourra
fubvenir à leur fubiiftance.
• Il prétend qu’en été ces beftiaux confommeront
les petites herbes vaines qui fe perdent, ôc il ne
fait pas attention qu’il reconnoît la qu’il n’y a pas
de communaux. Pourquoi en effet cite-t-il plutôt
ces petites herbes vaines que ces grands & gras
pâturages communs dont il a coutume de parler
& qui ne giflent que dans fon imagination ?
D ’après cela ne voit-on pas que fi jamais la loi
• Jalus popuh fuprema lex ejlo , a été faite pour être
appliquée a la cauie préfente , ça été pour foudroyer
Barthomeuf & non pour l’en voir abufer comme
il a ofé le foire.
Le refte des obje&ions ne tirant a aucune confequence, trouvant d’ailleurs fa réponfe dans tout
ce qui cil ci-deffus, il ne reile plus aux Oppofants
que de fe réfumer.
Obreption , fubreption dans les Lettres &c les
Arrêts rendus en conféquence ; injuilice , fauifeté ,
furprife, indignité , oppreiïion, vexation de la part
�pg?-------------
■
Hk
3 l1
de Barthomeuf contre les O ppofants, qui ne cefferont d’invoquer la loi fa lu s populi f uprema lex
ef t o , voila à quoi fe réduit la caufe.
Perfuadés qu’inftruite de leur m ifere, la C ou r
les traitera moins comme des mutins puniffables
que comme des pauvres défefpérés qui, manquants
prefque déjà de to u t, fe voient encore dépouillés
par Barthomeuf ; les oppofants demandent juftice
& s’affurent qu’ils l’obtiendront, malgré la brigue
& les démarches fouterraines de cet homme dan
gereux pour tout le village.
M o n f ieur C A I L L O T
A vocat Général.
D E
B E G O N ,
M e. G U Y O T D E STE. H É L É N E , Avocat.
, I m b e r t , Procureur.
A
De
C L E R M O N T - F E R R A N D ,
de P i e r r e V I A L L A N E S , Imprimeur des Domaines
du R o i , Rue S. G enès, près l’ancien Marché au Bled. 1774,
l'im p r im e r ie
W.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Carriere. 1774]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Caillot de Bégon
Guyot de Sainte Hélène
Imbert
Subject
The topic of the resource
communaux
pacage
coutume d'Auvergne
droit de secondes herbes
enquête de commodo & incommodo
troubles publics
subornation de témoins
obreption
faux témoignages
communautés villageoises
consentement
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour vingt habitants du village de Taleizat, opposants à l'enregistrement des lettres patentes obtenues à l'effet de leur ôter le droit de secondes herbes dans le prés. Contre les sieurs Carriere et Barthomeuf, se disant syndics du village de Taleizat, réellement partie en la cause, et demandeurs en enregistrement desdites lettres patentes. Et vingt-trois autres habitants surpris, vagabonds, à qui la suppression du droit de secondes herbes eft indifférente ou qui, débiteurs de Carriere et Barthomeuf, nosent pas fe défendre, et font obligés d'en passer par leur avis.
Table Godemel : Secondes herbes. d’injustice et de violation de la règle salus populi suprema lex esto.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Pierre Viallanes (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1774
1765-1774
1716-1774 : Règne de Louis XV
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
31 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G0603
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Talizat (15231)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53012/BCU_Factums_G0603.jpg
communautés villageoises
communaux
consentement
coutume d'Auvergne
droit de secondes herbes
enquête de commodo & incommodo
faux témoignages
obreption
pacage
subornation de témoins
troubles publics
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53095/BCU_Factums_G0934.pdf
94e73fba3524b36d8b267b105adc9830
PDF Text
Text
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MÉMOIRE
J U
S T
I F I C
A
T
I F ,
' P O U R Me J o s e p h D e s m a r o u x , Notaire Royal &
Procureur au Bailliage Royal de Montaigut en
Combrailles, prifonnier dans les prifons de la Ville
de Riom, accufé.
>
C O N T R E Monfieur le Procureur du R o i de la
Sénéchauffee d'Auvergne & Siège Préf idial de la.
V ille de Riom accufateur.
infortunée de la vengeance & de la calom
nie, je gémis depuis deux mois dans l’horreur des
prifons ; j’éprouve tout ce qui eft deftiné aux fcélérats du premier ordre ; cependant, tout autre que
moi eft coupable du crime qu’on m’impute. Fut-il
A
Vci t i m e
CRIMINEL.
SÉNÉCHAUSSÉE
D ’A U V E R G N E
�jamais d’accufé plus cligne d’être plaint du public &
protégé par la juilice ? Diipenfateurs de ce tréfor
facré, magiilrats intègres, vous devez l’ouvrir à tous
ceux qui le demandent ; s’il pouvoit être fermé pour
un, il pourroit l’être pour tous : le dernier des citoyens
y a le même droit que les puiiTances du royaume;
mais, s’il pouvoit y avoir quelque préférence fur la
diilribution d’un bien fi précieux, la raifon, la nature
& l’humanité ne demanderoient-elles pas qu’elle fût
en faveur du malheureux qui eftinjuftement opprimé?
Père de famille, domicilié, jouiifant de tous les
droits de l’honnête bourgeoifie , j’ai été outragé
dans mon honneur, dans ma perfonne, dans ma
liberté. Chargé par état de la confiance & du fecret
des familles, j’ai depuis long-temps rempli tous mes
, devoirs avec toute l’attention qu’ils exigent : expofé,
malgré ces avantagés, aux coups d’une trame odieufe,
ourdie par le reffentiment, fomentée par la paiîion,
&foutenue par la cabale de quelques ennemis pervers,
je fuis confondu avec les m alfaiteurs, & réduit à
paraître aux yeux de la juftice en criminel.
Mais, qui peut fe-défendre de la calomnie, furtout quand elle eft armée du bouclier impénétrable
-de la tyrahnie, iefecret? Combien de gens honnêtes
Uônt<été à la veille de fuccomber fous le poids de
-i’aCcufation la plus injufte ? La vertu la plus pure
'n ’èit-elle pas tous les jours en 'butte à l’envie A à la
ijaloufie.?
�( 3 )
*
Raiïuré par mon innocence, je pourrois laiiTer le
foin de ma défenfe à la réputation que je me fuis
acquife en vingt-deux ans d'exercice de mes charges
& des différens emplois de confiance donc j’ai été
honoré par plufieurs perfonnes de confidération ; je
pourrois me diipenfer de me donner en fpeétacle au
public, par un mémoire, fi la juftice humaine, meiurant fes coups fur ceux de la juftice divine, pouvoit
çonnoître fur le front des hommes la perverfité dç
leur cœur, & diftinguer le coupable de l’innocent;
fi elle-pouvoit dire en toute aifurance : Defcendams
& videbo utràm clamorem qui venu ad me opere corn-*
pleverint y an non efl ita ut fciam ( æ).
Ma cauie intéreile eifenrieliement la iociété ; c’eü
celle de tous les notaires; c’eft celle de tous les
citoyens, parce qu’il n’y a perfonne qui puiiTe ie
flatter de n’avoir aucun ennemi, & d’être à l’abri de
la calomnie. Des circonftances fi fingulières & fi intéreiTantes pour un homme public, demandent qu’il
faiTe paroître de la fenfibilité; elles veulent qu’il
repouife l’outrage; elles lui mettent les armes à la
main pour ia défenfe. Ce feroit donc mériter de ma
part toutes les injures qui m’ont été faites, que de
n’en pas Taire çonnoître i’injuftiçe aux refpeélables
magiftrats qui doivent me juger, & au public qui
-m’a alfez honoré de fon eftime, pour ne pas me faire
un crime du filence quejje voudrois m’impofer.
(a) Genef. chap. 1 8 , verf. 2 U
A i
�L e fieur de Segonzat, 'feigneur de Champigoux,
fît en ma faveur, par un feul & même a¿le du 24
feptembre 17 7 6 , deux donations : l’une, à titre oné
reux, & l'autre, abfolument gratuite : l’aCle fut reçu
par Giraud, notaire royal à Montaigut; il fut pafie
dans l ’étude du notaire, & écrit de la main de Lougnon
'qui lui' fervoit de clerc pendant les vacances qu’il
paiîoit à Montaigut, chez le fieur Tabardin, notre
beau - frère.
Il eft dit dans la première partie de cette donation,
que le fieur de Segonzat me donne, par donation
:entre-vifs, le bien & fief de Champigoux, fous la
•referve de l’ujfufruit 8c jouilîance de tous les bâtimens,
jardins y attenans, de deux chenevières. . . . . le fieur
de Segonzat fe réferve auiTi la directe fur les objets
'donnés, & y impofe la redevance d’un denier de
cens portant profit. La donation eil de plus faite, à
la charge par moi de payer annuellement au fieur de
Segonzat une penfion viagère de 800 liv. d’acquitter
fes dettes, jufqu’à concurrence de la fomme de
'I0200 liv. ou environ, & de le tenir quitte de la
jfon?me de 593’ liv. qu'il me devoit perfonnellement.
La fécondé clauie de la donation porte que a le
;t> fieur de Segonzat défirant me témoigner la conti» nuation de Ion amitié & de fon affeétion . . . . ma
V donné & me donne gratuitement, & aux miens,
�*» par donation entre-vifs perpétuelle & irrévocable,
. » le domaine appelé des Rondiers, iitué audit lieu
» de Champigoux, coutume de Bourbonnois^ & tous
v les autres héritages en roture, qui lui appartenoient,
» iitués dans les paroiifes de Mourmière & St. E loy,
» avec quatre bœufs . * . . . en quoi que le domaine
■» des Rondiers Si héritages en roture conilftent &
3> puiflent confifler, iàns en rien retenir ni réferver (\z).
Je dois obferverici ( & c’eiHe feul crime qu'on peut
«l'imputer, en iuppofant que.je doive être garant des
faits d’autrui ) qu’à la iliite de cette fécondé partie
de la donation, Giraud qui la diétoit, fit, par igno
rance, ou plutôt dans le deiTein de trahir mes intérêts,
inférer la claufe, que le fieur de Segonzat me donnoic
de plus t o u s s e s b i e n s é c h u s e t a é c h o i r , p r é s e n s
e t a v e n i r ( ¿ ) ; ce qui rendoit la donation radicale
ment nulle, d’après les diipofitions textuelles de l’or
donnance de 17 3 i»
u
l J ’étois dans l’étude de Giraud, pendant qu’il étoit
occupé à compofer cet aéîre; mais je faifois alors la
converfation à l’écart avec le fieur de Segonzat, & ne
. doniiois aucune attention à ce que Giraud di&oit,
, n’ayant garde de fuipeéler fes dellêins, moins encore
( û ) N ota. C ’eft pour ce dernier objet de la donation feulem ent,
que le fermier de M. le duc d’Orléans m’a demandé des droits de lods.:
v
(¿ 5 La mlnut© de la donation étoit compofée de deux feuilles,
cette Claufe fe trouvoit écrite dans la feuille du milieu. ’
■
i :>
�:( * )
de me défîerMe ifon expérience & de ia capacité qui
m’étoient connues : d'ailleurs , on devoit me faire
leélure de Ta&e ; on me l'a fit en effet, & alors je
remarquai la claufe vicieufe : j’en^fis aufli-tôt l’obfervation, & demandai que la minute fût changée, ou
la claufe fupprimée, attendu que je n’étois pas dans
l’intention de fournir aux frais d’une donation qui ne
pouvoit m'être utile. Sur ma repréfentation, Giraud
ayant remontré qu’il iuffifoit de changer la feuille du
milieuy fur laquelle étoit écrite la claufe vicieufe, &
de iiibftituer une autre feuille, dans laquelle on ne
comprendroit point les biens échus & ci échoirs , préfens & à venir, le iïeur de Segonzat 8c moi nous ren
dîmes à fon avis. Dans le même moment, la feuille
étant tranfcrite par Lougnon, la claufe fupprimée &
Taéle figné, je me retirai avec le iieur de Segonzat,
laiifant iur la table de Giraud, & la minute de la
donation, & malheureufement la feuille fupprimée
qu’on auroit dû déchirer dans l'inftant. Mais quél eft
l’homme aiTez prévoyant qui puiiTefe flatter de n’avoir
jamais eu d’imprudence à ie reprocher?
Enfans de Colère & du nienfonge, vous qui êtes
plus confommés en malice que ces fcélérats même,
.dont les crimes ont enrichi l’hifloire au déshonneur
de la nation, mon imprudence va fournir à votre
imagination une vafte carrière, pour exercer vos
talens. Mais.cous vos projets odieux, vos iropoftures,
vos calomnies, viendront fe brifer à l’écueU de-Î’is^
vraifemblance & des contradictions.
�(7)
»
l e s dates font dans cette affaire, de Ja plu? grande
importance.
La donation faite en ma faveur par le fleur dp
Segonza.t, le 24 feptembre 17 7 6 , fut contrôlée &
iniinuée le 16 du même mois. Cette vérité ne peut
paroître équivoque, puifqu’elle eft confignée dan$
des a£tes .publics, dans un certificat du contrôleur,
'& dans fa propre dépofition.
Devois-je m’attendre qu’une libéralité de cettp
nature alloit devenir pour moi le principe de la deftru&ion de ma fortune? Pouvois-je prévoir que des
.héritiers qui avoient refufé d’accepter ce don, au£
mêmes conditions que moi, feligueroient un jour avec
des ennemis jaloux & un fermier avide, pour me perdre
dans l’efprit d’un confeil éclairé, du confeil d’un prince,
à tous égards refpe&able, M. le duc d’Orléans?
- La ligue formée, je fus atteint de fes coups meur
triers, peu de temps après la donation. Je vis éclore
deux procès contre moi, & s’en former un troifième
.qui attend fon exiftence du fort de la plainte qu’on
a fait rendre contre moi.
: Giraud, quel nom viens-je de prononcer! ouï,
«Giraud, ce même notaire qui a di<5té la donation fait/?
;en n>a faveur, par le fieur de Segonzat, ce notaire
qui avoit euja confiance des deux parties, fe montre
¿à-la tête de la cabale; il eft le premier qui cherche
-à me faire dépouiller des biens qui venoient de m’être
¿«donnés en fa préfence. Que ne^oit-on pas craindre
.du rellentiment & dune baiTe jalouüej
�(S )
Depuis la donation, ayant été chargé, en ma qua
lité de procureur, de la défenfe de Jean Rouzille,
auquel Giraud avoit iufcité le procès le plus injufte,
pour la vente de là coupe d’un bois taillis 3 je deviens
un objet odieux pour Giraud. Il faut me venger 9
dit-il, il faut me venger, quand je devrois moi-même
être enveloppé dans ma propre vengeance.
1
Des raiions d’intérêt l’animèrent encôre &■ lui
fuggérèrent le plan qu’il a fuivi, & que fans doute,
il méditoit, en faifant ma donation, puifqu’il a con^•iervé foigneufement cette feuille fatale que je fis
iupprimer. C ’eft cette pièce dangereufe qui lui four
nit le moyen de me nuire. On voit tout d’un coup
l’ufage qu’il en pouvoit faire, & il le fit d’autant ptas
avidement, que le fuccès & l’impunité paroiiToient
infaillibles.
Il voit le fieur de Segonzat, l’engage à fe pourvoir
contre fa donation, & lui fait part des reffources qu’il
lui a ménagées pour'réuiïîr à la faire déclarer nulle.
Ceux qui ont connu le fieur de Segonzat, ne feront
point étonnés que Giraud ait pu le faire varier.
’>
On m’afligne donc le 17 février 17 7 7 en la juftice
de Montaigut, en nullité de cette donation faite cinq
mois avant. Le moyen de nullité eft tiré de ce que
la donation comprend les biens à venir.
Quel abus, Giraud j faites-vous de votre miniftère?
Eft -ce la haine feule qui vous confeille .de vous com
porter -ainii l Non : une efpérance chimérique vous
faic
�(p )
ïïy
fait encore agir. Vous vous étiez periùadé que la
donation faite en ma faveur étant une fois annuilée,
le iieur de Segonzat difpoferoit des mêmes biens en
faveur de Bouttin, beau-frère de votre gendre. C ’eft
le langage que vous avez tenu, & la convention que
vous aviez faite avec le fieur de Segonzat : la preuve
en eft écrite au procès.
Je négligeai de comparaître fur la demande du
fieur de Segonzat, ou plutôt je ne favois quel parti
prendre; car, comment éviter la nullité, s’il failoic
que j’adoptaile le faux aéle, & comment entrepren
dre de pourfuivre mon confrère en action de faux?
comment même prouver la fauiTeté?
Cependant le fieur de Segonzat prit contre moi
une fentence par défaut, le 4 du mois de mars, qui
déclara la donation nulle.
L ’impofture, fière de mon filence & de fes pre
miers fuccès, alla croiifant de jour en jour. Giraud
s’étant retiré pour un moment derrière le rideau, je
vis paraître fur la fcène Salleneuve, fermier de M,
le duc d’Orléans, pour me iufciter un nouveau pro
cès, fous le nom de ce prince. Ce fermier s’étant
figuré que la donation qui m’avoit été faite par le
fieur de Segonzat, étoit une vente déguifée, me fit
aifigner, fous le nom du prince, en la juilice de
Montaigut, le i j du même mois de mars, pour être
condamné à payer les droits de lods.
Ma défenfe fut fimpie, Je ne de vois pas de droits
B
�W
l. :
( I0 )
"de lods pour une.donation gratuite; 8c quand j’en
aurois dû, je ceiTois d’y être aiTujetti, ii, par la four
berie de mon notaire, ma donation devoit demeurer
nulle : ce furent les moyens que j’employai ; je dis
d’abord qu’une donation ne donnoit point ouverture
aux droits feigneuriaux dans la coutume de Bourbonnois ; j’ajoutai fubfidiairement que la donation
fa ite en ma faveur par le Jieur de Segonqat, avoït
été déclarée nulle par une fentence du bailliage de
Montaigut} d’oùje concluois que A i. le duc d3Orléans
ne pouvoit pas exiger de droits feigneuriaux, ju fqu à
ce que la jujïicc eut prononcé définitivement Ju r cette
demande en nullité de la donation > ou que le fieur de
Segon^at s3en fût défifié.
. J ’étois bien loin par ce genre de défenfes, d’ap
prouver la demande en nullité, 8c j’en difois afiez’
pour montrer le cas que j’en faifois, ou du môins
pour convaincre que je ne m’en tiendrois certaine-?
ment pas à la fentence de Montaigut.
. Comment donc la malignité peut-elle me faire un
crime de m’ctre ainfi défendu? Etoit-ce m’approprier
le faux de Giraud, 8c vouloir abufer de la nullité
apparente, que d’en appeler, au contraire, à la jus
tice, 8c d’annoncer que je ne regardois pas commedéfinitif le jugement de Montaigut? d’un autre côté,
fi ce faux devoit produire fon effet, fi je ne pouvois
parvenir à écarter cette prétendue & faufïe nullité,
étoit-il jufte que .je.payaiTe les lods dam bien qui
t
�( ( rï l ) )
-n’étoit pas à moi? c’étoient les termes où j’en étais
lorique je me défendis, & il y a à ce fujet deux circonfîances bien remarquables : lu n e, qu’à l’époque
des défenfes que je fis lignifier le 15 juillet 1 7 7 7 ,
contre la demande de M. le duc d’Orléans, il eft
inconteftable que la fentence qui déelaroit nulle la
donation que m’avoit fait le fieur de Segonzat, fubfiitoit dans toute fa force, puifque je n’attaquai cette
fentence par la voie de l’oppofition qu’au mois d’août
fuivant.
L ’autre, que Giraud, de concert avec Salleneuve,
pour me perdre, ayant eu l’infidélité de lui délivrer
une expédition de la donation dans laquelle il avoit
inféré la claufe des biens échus-& à échoir, préfëns &
à v.enir ; & Salleneuve m’ayant fait lignifier cette
donation dans cette forme, j’avois tout lieu de crain
dre que la perfidie de Giraud ne l’eût encore porté à
faire contrôler & infinuer cette donation dans la même
forme. Il n’y a rien à eipérer d’un ennemi, & tout eft
à craindre de fa part.
Pour terminer mes doutes & fixer mes incerti
tudes, j’allai coniîilter les regiftres des infinuations,
ÔC me fis donner par le greffier une expédition de la
donation. Etant alors bien aiîuré de fa validité, je
formai oppofition à la fentence qui avoit été furprife
contre moi, de la part du fieur de Segonzat, & depuis
il n’a plus été queftion, ni en la juftice de Montaiguc,
ni en la cour de parlement, où 1 affaire fut portée par
�appel,delà fentence obtenuepàrlefîeur de Segônzat,
qui décJaroit la donation nulle. Giraud avoit en fon
pouvoir, & la feuille fupprimée, & celle qui fut fubftituée, au moment de l’aéte ; & cet ennemi juré fe
faifoit un jeu de délivrer des expéditions, tantôt dans
une forme & tantôt dans l’autre : tel eft l’art dange
reux qu’une intrigue adroite fait employer pour fatisfaire l’animofité, Sc compromettre l’innocence.
Inflruit du contenu en l’expédition que javois
retirée du greffe, le fieur de Segonzat ne put fe diffitmuler que la donation étoit valable, Sc que Giraud
l ’avoit induit en erreur, en abufant de fa crédulité;
il s’empreffa à m’en faire part Sc à fe réconcilier avec
moi : la lettre qu’il m’écrivit à ce fujet le 10 août
1 7 7 7 , eil trop elfentielle à ma juftifîcation, pour
que je puiffe me difpenfer de la tranfcrire ici dans fon
entier.
« Monfieur, M. Bidon, mon procureur, m’a dit
1 « que vous avez formé oppofition à la fentence ( du
4 mars 17 7 7 , qui déclaroit la donation nulle, comme
contenant la claufe des biens échus & à échoir, & c. ) ;
» je vous prie de ne point la pourfuivre : M. Giraud,
» quoique votre ami, m’avoit confeillé cette demande,
ï> pour m*engager à faire une nouvelle donation à M .
» Bout tin; il m’aVoit & \tquil s3¿toit réferve , lors de
» la donation, d e q u o i à me fa ire reujfir : je fuis
» trop content de vous, pour me laiifer gouverner
» à l’avenir par de mauvais confeils; faites faire la
�( i3 )
ï > fo u p e ; je vais la m an ger ch e z v o u s , & iu is v o tre
» fe r v ite u r , J i g t i è 3 de S e g o n z a t » .
Il n'y a rien dans cette lettre qui ne foit remar
quable. Chaque phrafe, chaque ligne, chaque mot
découvre la perfidie de Giraud & la noirceur de Tes
intentions : il a confeillé la demande en nullité; il a
confervé d e q u o i à la faire réuiîir ; il a déterminé le
fieur de Segonzat à difpofer en faveur de Bouttin,
des biens qui m’avoient été donnés. Quelles preuves
plus fenfibles pourroit-on exiger pour diftinguer le
coupable de l’innocent! Giraud a confervé, lors de
la donation, de quoi faire réuifir la demande en nullité
du fieur de Segonzat. Ce d e q u o i enveloppé fous
l ’ombre du myftère, peut-il fe référer à autre choiè
qu’à la feuille fupprimée, lors de la donation, dans
laquelle on avoit inféré la claufe des biens échus &
à échoir ? Non, Giraud, vous en êtes convenu vousmême, & les témoins ouïs dans l’information l’ont
attefté à la juftice, d’après les aveux que vous leur en
avez faits.
La perfidie de Giraud étant ainfi découverte,,
la conteftation qu’il m’avoit fait fufciter par le fieur
de Segonzat, fut auifi-tôt. terminée.
Le 12 du meme mois d’août, fut jugée l’inilance
d’entre M. le duc d’Orléans & moi. Par la fentence
«qui intervint, M. le duc d’Orléans fut débouté de ia
demande en paiement de droits de lods, à la charge
par moi d’affirmer & de faire affirmer par le fieur de
�C i4 )
Segonzat, que la donation du, 24 feptemhre
étoit fincère , & quelle ri avoit pas été' imaginée pour
■frujlrer M . le duc d* Orléans , des droits feigneuriaux*
L e iîeur de Segonzac & moi fîmes notre affirma^
lion le même jour fur la fincérité de cette donation;
& j3avois lieu de croire qu'un a<5te auiïi folennel
deiîilleroit les yeux à mes perfécuteurs, & me déli-»vreroit de leur tyrannie. Mais, de quel poids peut
être la religion du ferment pour des hommes dont
les principes ne renferment aucune conféquence,
pour des hommes qui ne confultent que leurs paifions
Sc l’intérêt ?
Giraud & Salleneuve, quoique réunis en fecretj
ne fe font montrés jufqu’à préfent contré moi, que
lu n après l’autre ; mais ils vont marcher de front :
plus animés que jamais, l’un, de ce qu’il n’a plus d’efpérance de me faire enlever les biens du iîeurt de
Segonzat, pour les taire paifer entre les mains de
Bouttin, & l’autre, de ce qu’il craint d’être privé
des droits de lods qu’il m’avoit demandés, fous le
nom de M. le duc d’Orléans, forment un nouveau
fyftême pire que le premier : n’ayant pu parvenir à
déchirer leur viétime, ils tentent la voie de la faire
égorger. Calomniateurs infignes, que ne m’eft - il
poifible de peindre ici toute la noirceur de vos dé
marches dans cette circonftance ? Que n'ai-je dans
ce moment une plume de fer, & le talent d’écrire
eu caractères de feu 2 Mais quel homme peut être
�à l'abri des traits d une cabale odieufe & intéreiTee !
Ces hommes, nés pour le malheur des autres, ces
Kommes qui ne connoiffent que l’intrigue & ne refpirent que la haine; ces hommes que je me félicite
d’avoir pour ennemis, parce que les honnêtes gens
èn auront toujours de tels, tant qu’il y aura des mé
dians, parviennent par leurs iubtilités & leurs manœu
vres, à periiiader au confeil du prince, que je iiiis
un fourbe sunimpojleur3un fauffaire enfin. On invente,
on controuve des faits; on leur donne les couleurs1
les plus vives & les plus éclatantes; on transforme
les allions les plus indifférentes, pour les rendre
douteufes, & toutes ces indignités iè trouvent renfer
mées dans un mémoire qu’on préfente au confeil du
prince, avec une lettre de Giraud qui en attefte la
iincérité.
Ce mémoire, tout infidclle qu’il étoit, a produit
l’effet que mes ennemis s’en étoient promis. Aprèsun arrêt du i l août 1775?, qui infirme la fentence
du juge de Montaigut, & me condamne à payer au
prince ( o u , pour mieux dire, à fon fermier, partie;
principale intéreffée ) les droits ieigneuriaux pour
une partie des objets que m’avoit donné le iieur de1
Segonzat, je me vois, près de cinq ans après, enchaîné
dans les détours d’une procédure criminelle. Les droits
de lods fu r payés au fermier du prince, les frais
'acquittés, la conteilation terminée, je fuis tout à coup
faifi, lié, garrotté Si conduit comme le plus infam»
�c.i 6 )
des criminels, par lin huiifier & la maréchauffée dâni
les priions de la ville de Riom.
Qu’on fe peigne, s’il eft poiîible, l’était affreux ou
je dus me trouver, au milieu d’un cortège auiîi
effrayant : Quelles révolutions étranges la nature n’é
prouve-t-elle pas dans des momens auifi critiques !
Un homme d’honneur n’eil fenfible alors qu’au regret
de vivre encore ; il croit voir d’un feul coup d’œ il,
fa jeuneiTe, fa vie facrifiée, fa fortune envahie, fes.
enlans & tous fes parens couverts de honte, plongés
dans l’opprobre, dans l’indigence, & difperfés : des
objets aufli effrayans ne font-ils‘pas fentir les tortures
les plus rigoureufes, ôc ne confondent-ils pas toutes
les facultés de l’ame.
Il
feroit inutile de m’étendre davantage fur des
images auffi hideufes : il n’eil perfonne qui ne foit
frappé d’un fpeèlacle ii révoltant, & qui, d’après fes
propres réflexions, ne gémiife de voir encore dans la.
fociété des monilres auez barbares pour immoler au
plus vil intérêt tout ce que leurs concitoyens ont de
plus précieux.
Que la nature du décret n’étonne pas : Giraud &
Salleneuve font témoins dans l’information faite contre
moi, à la requête de M. le procureur du roi.
Quelle manœuvre incompréhenfible pour étayer
une plainte ! Giraud & Salleneuve font mes ennemis
jurés, les auteurs de la ligue, mes perfécuteurs, mes:
délateurs : ce font eux qui ont préfenté des mémoires
contre
�C
1
7
>
n
Contre mor au confeil du prince; ce font eux qui one
envoyé au greffe civil de la cour de parlement la
feuille fupprimée de la donation dufîeurde Segonzat;
ce font eux qui ont follicité Si obtenu l’arrêt du 11août 17 7 ^ , Si ce font ces mêmes liommes qui ofent
fe préfenter à la juflice pour être témoins contre moii
Qu’eft-ce donc qu’une accufation pour laquelle on
commence à faire violer les règles les plus inviolables
del’ordre judiciaire? Votre religion a été furprife, ma^
giftrats refpeèhibles : des coupables artificieux, dans la
vue d’éviter ou de diminuer les châtimens dont ils font
menacés, ont eu l ’audace de fe plaindre des perfécutions qu’ils ont fufeitées aux autres h Si d’imputer
leur propre crime à celui qui auroit dû être leur accufateur; mais quel ne doit pas être moneipoir? Eclairés
du flambeau de la juftice, vous avez déjà percé les
ténèbres -où l’on cherchoit à vous égarer; vous avez
déjà pefé .au poids du fan<5luaire la valeur des pref*
tiges qu’on avoit employés pour vous faire illufion,
puifque Giraud, l’un de mes délateurs, a été décrété
d’ajournement perfonnel. Après le récolement Si la
confrontation, n’ai-je donc pas lieu d’attendre que-,
pénétrés de la délicateffe de vos fonctions qui fonc
toujours proportionnées à celles de la confcience ,
l’impofture étant entièrement découverte, & l’inno
cence reconnue, les prévaricateurs fubiront le fore
auquel ils m’avoient deftiné ?
Ces premières réflexions devroient être fuffifante^;
G
t
�'
,
1
i
8
)
pour me juftifier d’un crime, dont je n’ai pu m i
former l’idée ; d’un crime qui auroit tourné con
tre moi, puifqu’il m’enlevoit le fruit d’une donation ,
ou qu’évidemment je n’aurois pu commetre que de
concert avec Giraud, afin qu’après m’être fervi de
la faufle feuiiie pour éviter les lods, je pus rétablir
enfuite la véritable, pour conferver ma donation ; &
cependant il eft démontré que, loin de me fervir de
cette fauffe feuille, j’ai appris que je proteftois contre
la demande en nullité; & ce même Giraud qui feroit
auili coupable que moi, fi j’avois participé au faux,
& qui l’eft feul, puifque le faux n’a été pratiqué que
pour me nuire, eft tout-à-la-fois délateur & témoin
contre moi; il ne manqueroit plus à la fmgularité du
fait, que de l’avoir pour juge avec Salleneuve.
Mais , l’iniquité de mes ennemis les trahit trop,
pour que je néglige de les en accabler, autant que
je le peux. Comme il s’agit ici d’une inculpation des
plus graves, qui attaque tout-à-la-fois mon honneur,
mes états & ma fortune, & qui dépend de l’événe
ment de rinftruétion, je fuis obligé de recourir aux
moyens qui concourent à ma juftification. La juftice
ne fauroit me déiàprouver, puifqu’elie eft elle-même
intéreifée à ne pas fe méprendre fur le choix des cou
pables. C ’eft par l’examen des dépofitions que l’injus
tice fanglante de la calomnie éclatera. Il eft donc
indifpenfàble que j’expofe les différens chefs d’accufation dont (on m'inculpe, Si pour en démontrer
�C ip >
*■
l’injuilice Si la faufleté, que je rende compte de la
qualité des preuves répandues dans les information,
récolemens 8c confrontations, parle moyen defquelles
j’en ai eu connoiifance3 ayant d’ailleurs la mémoire'
aiTez heureufe pour retenir, fur-tout ce qui m’intéreife auili particulièrement. Mais une obfervation doit
précéder cet examen.
On a dû remarquer par le détail des faits, dans
lequel je fuis entré, qu’une donation faite en ma
faveur par le iïeur de Segonzat, cil le principe de mes
malheurs 8c la fource de la ligue qui s’eft formée
contre moi. J ’ai dit, 8c je le répète, qu’à la ieéhire
de cette donation m’étant apperçu que dans la feuille
du milieu on avoit iniéré la claufe des biens échus &
à échoir, préfens & à venir, qui rendoit la donation
nulle, cette feuille fut fupprimée; qu’il en fut fubilituée une autre à la place, 8c que tant la minute de
la donation, que la feuille fupprimée, relièrent fur
la table de Giraud, notaire recevant.
Voilà le fait eilentiel, prouvé, confiant qu’il ne
faut jamais perdre de vue, parce que c’ell la clef du
fyftême d’iniquité enfanté contre moi, 8c la preuvé
convaincante de ma juftifïcation.
Or, cette feuille fatale fut entre les mains de mes
ennemis, comme une épée à deux tranchans ; elle
devoit fervir à m’enlever les biens, & à les faire
paifer à Bouttin, fi le iîeur de Segonzat vouloit y
^ donner fon confentement. Dans le cas contraire, oa
C 2,
�poiivoit l’employer à me faire une affaire criminelle,
& à y intéreffer le prince, en periuadant que j’avois
fubflitué cette fauiîe feuille à la véritable, pour priver
Je prince de fes droits de lods.
C ’étoit, fans doute, un plan bien abfurde 8c bien
contradictoire ; car, s’il arrivoit, comme on devoit
le prévoir, 8c comme il eft arrivé en effet, que je fis
tous mes efforts pour maintenir ma donation & me
garantir de la fauiïeté dont on vouloit me rendre
victime, alors il devenoit évident que ce n’étoit pas
moi qui étois l’auteur de cette fauffeté; mais heureu
sement les méchans ne prévoient pas toujours tout,
8c ils tombent fou vent eux-mômes dans leurs pro
pres filets.
Je me défendis, en effet, comme je l’ai déjà dit,
contre le fieur de Segonzat, 8c il fut lui-même très-'
' prompt à abandonner Terreur dans laquel on l’avoit
^précipité.
Alors Giraud ayant manquéfon but, 8c Salleneuve
craignant toujours que je ¡ne réuifiife à écarter le droit
de lods, par le principe qu’une donation n’y efl pas
-iujette, ils en vinrent, de concert, à l’autre partie
de leur fyflême, qui fut de m’accufer auprès du
; prince, d?avoir falfifié.la minute de la donation. Ils
' adrefsèrent à fon confeilmn mémoire où ils expo
sèrent.
« :i°.'Que le 24 feptembre i77É>, l’aéte de donation fait en ma faveur :par le Jieur de. Segonzat %
»
�ÿ> fut préfenté fur ies dix heures du foir, tout rédigé,
» à Giraud, notaire, qui ne voulut le ligner avec les
» parties, que ;lê lendemain 2,^¡leptembre.
» 2°. Que Faite étant ligné me fut remis pour le
» faire contrôler & infinuer.
» 3°. Que dans l’efpace de trois ou quatre mois,
» qu’on a fuppofé que la minute de la donation avoin
»■relié en mon pouvoir, je l’avois fait changer, trois
» ou quatre fois; que les premières minutes avoient
_» été brûlées ou déchirées, & qu’à chaque change^
y> ment, la relation du contrôle & de i’infinuation
» avoit été remife fur la nouvelle minute que je pré'» fentois moi-môme au contrôleur.
» 4 0. Que dans le temps que j’étois faiii d elà
» minute, j’eus recours à deux ilratagêmes pour me
difpenfer de payer les droits delodsque me deman•» doit Sallenéuve, fous.lé nom du prince. Le pre:3) mier fut de fupprimer dans la minute de la dona,» tion, la feuille du milieu, & d en ,'fubflituer une
» autre qui renfermoit la claufe des biens a venir,
» ce qui-rendoit.la donation nulle,.& faifoit priver
» le prince des droits feigneuriaux. Le fécond fut de
-» confeiller au /leur de Segonzat., de former la de» mande en nullité de la donation- qu’il ma voit faite,
Sc d’oppofer enfuite au prince-, contre fademande
•» en. paiement-des lods , laTentence qui déclaroit la
;» donation nulle., cominè. renfermant la claufe d'es
•jiiàiens. à venir.» -*»» L,{1~
f!~ ^ - ...
�Ce font les mêmes chefs d’accuiàtlon qui ont été
mis fous les yeux de moniieur le procureur général,
& qui ont donné lieu à la plainte qui me retient dans
les fers, avec cette différence néanmoins que dans
le mémoire préfenté à M. le procureur général, on
y a ajouté « qu’après la remife de la minute qu’on
» fuppofe m’avoir été confiée, Giraud s’étant apperçu
» qua la place de la feuille du milieu, j’en avois
» fubilitué une autre qui renfermoit la claufe des
» biens à venir, ce notaire vint comme un furieux
» chez moi, avant quatre heures du matin; qu’il me
» furprit au lit, dans le temps que je dormois; qu’il
» m’intimida, en me préfentantJu r la gorge un piflolet
» garni de trois chevrotines ; qu’auiïï-tôt je me levai,
» j’allai dans mon étude pour remettre la feuille fupv> primée ; que dans ce moment arrivèrent les fieurs
yy de Segonzat & Rance qui relièrent un inftant, allèrent
y> enfuite à la mejf'e, & qu’après leur départ, je remis
» à Giraud la feuille fupprimée qu’il rétablit dans
» la minute, après l’ avoir montrée à Salleneuve, & ôta
» la feuille fauiTe qui contenoit la claufe des biens
» à venir ».
Qui ne. voit dans tout cet expofé un tiiTu de four
beries, d’impoftures 8c d’invraisemblances ? Qui n'y
reconnoît une machination concertée avec art, avec
réflexion, un myftère d’iniquité, un ouvrage digne
de l’exécration publique? En iiiivant pas à pas ces
calomniateurs infâmes, je me flatte de parvenir à le*
�( 23 )
Confondre. Une feule circonilance n’opère pas la
■conviction; mais la réunion des faits ne permet pas
de fe méprendre fur les vrais coupables. Il eil donc
néceifaire de fuivre, de réunir, de combiner leurs
difcours, de les comparer avec l’énoncé en l’a<5te
de donation, avec les déportions des témoins, & de
relever les contradictions dans lefquelies iis font
tombés : c’eft le feul moyen de faire fortir la vérité
du chaos, où l’on a cherché à i’enfeveiir.
P r e m i è r e
i n c u l p a t i o n
.
L ’ a c t e de donation f a it en ma fa v e u r p a r le fic u r
de Segon^at, fu t p r é fente le 24 feptembre 17 7 6 fur
les d ix heures du f o i r , tout rédigé3 à G irau d 3 notaire ,
qui ne voulut le jig n er avec les p a rties , que le len
demain 25 feptembre.
R
é p o n s e
.
A ce premier trait de la calomnie, ne doit-on pas
reconnoître la noirceur du génie de mes perfécuteurs?
peut-on fe difpenfer de croire qu’une paillon aveugle
fait arme de tout; que les vérités les plus feniibles,
les démonftrations même n’ont aucun prix aux yeux
des fourbes animés à calomnier l’innocence ?
Quoi ! ma donation a été préièntée à Giraud,
toute rédigée, le 24 feptembre, & elle n’a été fignée
que le lendemain ! Qui s’eft jamais permis des impoftures auifi évidentes? Lorfque vous avez parié ainii*
�W
'( 24 )
Giraud, vous êtes-vous fouvenu que vous àviez été
le miniftre de l’aéte, que par votre fignatüre vous
en aviez attefté la ilncérité & la date? De deux chofes
l’une : ou vous conviendrez, comme vous l3ave% fa it
à la confrontation, que ma donation a été paiîée le
2.4 feptembre, ou vous perfévérerez à dire qu’elle
ne Ta été que le 2 y. Au premier cas , vos mé
moires, votre lettre au confeil, votre dépoiition,
votre interrogatoire, font un tiifu de fuppoiitions &
de fauifetés ; au fécond cas, il faut que vous conve
niez que vous êtes un fauifaire, puifque l’aéle dedonation qui fait par lui-même probationemprobatamy
ne permet point de douter qu’il ait été paifé le 24
feptembre.
Jepourrois ajouter que Lougnon qui a écrit l’aéie,
a attefté dans fa dépoiition, foutenu dans fon interro
gatoire (tf) & à la confrontation, que c’eft le 24
feptembre 177<5 , qu’il l’écrivit, ainfi que la feuille
fupprimée, dans votre étude & fous votre di&ée ;
mais cette dépoiition, toute ilncère qu’elle eft, ne
peut rien ajouter à la foi d’un a£le qui fait preuve
par lui-même; ainfi Giraud eft néceiTairement un impofteur ou un fauifaire; ce qui ne permet point d’a
jouter loi à fa dépofition.
( a ) N ota. Le fieur Lougnon a été auilî décrété d’ajournement perfonnel. Mes juges ont fans doute voulu apprendre de lui-même les cir—
confiances dans kfquelles l'acls avoit etc paifé, & l’époque à laquellû
il l’avoit écrit.
S
?
e c o n d
^
�,
C
S e c o n d e
•
x
7a*
)
i n c u l p a t i o n
.
L * a c t e de donation étant { i g n é m e fu t remis
pour le fa ir e contrôler & infirmer*
R
é p o n s e
,
s’efl deflaiii de fa minute ! Comment un
officier public oie-t-il faire un aveu de cette efpèce,
s’accufer de prévarication : nemo creditur allegans
turpitudinem fuam. Cet aveu fufliroit feul pour em
pêcher la juftice d’y ajouter foi : mais c’eft encore
une iuppoiïtion démontrée telle par les dépofitions
des témoins ouïs dans l’information en effet. Le fieur
Lougnon a encore attefté que l’aéte de donation étant
écrit & fîgné, les parties fe retirèrent 3 & que la minute
de la donation & lafeuille fupprimée furent laijfées fur la.
table de Giraud. Le fieur Tailhardat de la Fayette,
contrôleur, a dépofé que la minute de la donation lui
fu t remife pour être contrôlée & infinuée par Giraud,
& q u il la remit au même notaire, après le contrôle &
l3infirmation. Le même fait eit attefté par un écrit qui
me fut envoyé par le fieur Tailhardat de la Fayette,
le 9 oétobre 17 7 6 . Cet écrit eft imprimé à la fuite
du mémoire. Peut-on après cela fe diiîimuler que
les inculpations qui me font faites, foient l’unique
fruit de la brigue & de l’impofture l
G ir a u d
D.
■
'V -r
�(aS)
T r o i s i è m e
i n c u l p a t i o n
.
On a ajouté que dans Vefpace de trois ou quatre mois
qu’on a fuppofé que la minute de la donation avoit refté
en mon pouvoir , 'je l3avois fa it changer quatre oucinq fo is; que les premières -minutes avoient été brûlées
ou déchirées, & quà chaque fo is , la relation du con
trôle & de l3inJinuation avoit été remife fu r la nou
velle minute queje préfentois moi-même au contrôleur.>
R
é p o n s e
.
C e t t e troifième imputation dévoile de plus en
plus l’acharnement de mes ennemis à consolider l’ou
vrage d’iniquité, dont ils font les architeéles; mais
la vérité fe dérobe rarement aux yeux perçans de
la juftice , & le crime fe trahit ordinairement par les
fubtilités même qu’on emploie pour le cacher.
»
i° . Il eft fuppofé, il eil faux que la minute de la
donation m’ait été confiée. Que la ligue s’étudie tant
qu’elle voudra à inventer, je la mets au défi de
prouver que j’aie été faifi un feul inflant de cette
pièce.
2°. N eil-ce pas une fable ridicule de prétendre
que dans l’efpace de trois ou quatre mois, la minute
îi été changée jufqu’à cinq fois ? Cette impoflure eil
entièrement détruite, i° . par l’expédition de la dona
tion qui a été tirée des regiilres du contrôle & desinfinuations. On voit en effet, par cette expédition,
»
�'( 2 7 )
qu’elle efl conforme mot pour mot à la minute qui
eft entre les mains de Giraud ; & il n’eft pas à pré
fumer que la minute eût été refaite fi fouvent, fr
l’intention des parties n’avoit pas été d’y faire quelque
changement.
2°. Pour adopter une abfurdité de cette nature ,,
ne faudrot-il pas fuppofer iix fauifaires; deux notaires,
le clerc, le contrôleur & les parties contractantes l
ce qui ne fauroit fe- préfumer.
3 0. Les regiftres du contrôle & des infirmations
ayant paiîe fous les yeux du miniftère public & de
monfieur le lieutenant général criminel, il n’y a été
remarqué ni changement, ni rature, ni furcharge ;
cependant la donation du 24 feptembre fut contrôlée
& infmuée le 26 du même mois.
4 0. Les témoins de l’information difent, favoir;
le fieur Charbonnier, l’un des notaires, q u i l n a (ign é
Vacle de donation , dont il s’agit, qiLune feu le fo is ;
le contrôleur, q u i l ne Va enregiflré quim e f o i s ; le
clerc, q u i l ne Va auffi écrit qu une f o i s , ôc tous les
trois ont déclaré dans leurs dépofitions, récolemens
Sc confrontations , qu’ils reconnoiffoient la minute
qui leur a été repréfentée pour être l a m ê m e q u ils
avoient écrite, fignée , contrôlée & infmuée.
L ’incrédulité elle-même pourroit-elle ne pas céder
à des preuves fi évidentes & fi précifes? Se trouveroit-il dans le public quelques - uns de ces efprits
malheureux qui croient fi facilement le mal fans preuve,
D z
�w
& qui doutent toujours du bien, lors même qu’il efl
prouvé / Ce n’eit pas pour eux que je publie ma déienfe ; & toutefois , fi je ne peux parvenir à les con
vaincre, je vais du moins les confondre par un dernier
moyen fans réplique.
Giraud, principal auteur de cette calomnie , l’a
ainiî préienté, pour fervir Salleneuve, dans le mé
moire envoyé au confeil du prince ; il Ta attefee dans
fa dépofition , & foutenu dans fon interrogatoire ;
mais à la confrontation, la force de la vérité Ta obligé
à venger l’innocence : ce miférable , après y avoir
hardiment répondu aux reproches déshonorans que
je lui oppofois , n’a pu réfifier aux remords de fa con
science ; il s’e/l retraite pofitivement de ce chef de
calomnie; il a avoué q u il iiavoit été fait quune feule
minute de la-donation. Que d’opprobres? quel abus ?
quel jeu de la religion ? & que peut-on en inférer, il
non qu’un tel témoin, qui cil l’un de mes délateurs ,
s’eft proilitué à dépofer au gré de ion complice.
En faut-il davantage pour rendre la preuve com
plète , pour défabuièr l'incrédulité , & pour démon
trer qu’il eft une juilice fupérieure qui frappe les
criminels d’aveuglement, afin de faire foudroyer le
vice Si triompher l’innocence ?
Q
uatrième
i n c ul p a t i on
.
D A N s le temps que.'fétois fa ijid e la minute } f e u s
recours à deux Jlratagênies f pour me difpenfer de p a y er
les droits de lods que me demandait Salleneuve, jo u s
�C'*P )
le nom du prince : le premier fut de fupprimer 3 dans
la minute de la donation , la feuille du milieu, & d’en
fubjütuer une autre qui renfermoitlaclaufe des biens à
venir; ce quirendoit la donation nulle, &fa ifo it priver
le prince des droits feigneuriaux. L e fécond 3 fut de
confeillerau ficur de Segoujat de former la demande en
nullité' de la donation q u il ni avait faite y & d’oppofer
enfuite au prince contre fa demande en paiement des
lods, la fentence qui déclarait la donation nulle comme
renfermant la claufe des biens à venir,
RÉPONSE.
• T o u t ce que la malice peut inventer de plus arti
ficieux , fe trouve renfermédans ce chef d’incuJpation.
Diffamateurs exécrables, comment avez-vous pu vous
garantir du remords déchirant d’avoir outragé la vérité
d une manière fi indigne ? Avez-vous jamais conçu ,
combien il en coûteroit à un accufé, pour rendre ion
innocence auiïï notoire quepourroit l'etre votre diffa
mation l Avez-vous jamais penie qu’un jour de ca
lomnie demandoit des années entières pour l'effacer,
Si que fes blellures , fi elles ne font pas abfolument
incurables, laifient toujours des cicatrices qui quel
quefois partent d’une génération à l’autre ? Mais ,
quelles réflexions peuvent faire des monflres, dont
le cœur ne refpire que la haine Si la vengeance \
Ce neft pas.aifez pour faire punir un crime, de
fuppofer quiÎ a été coinmis ; il faut .le .prouver, 8c
�*74°
'
C30)
.
donner des preuves plus claires que le jour. Que tous
ceux, dit l’empereur, qui veulent intenter une accu
sation capitale, fâchent qu’ils n’y feront point reçus,
s’ils ne la prouvent, ou par des titres inconteflables ,
ou par des témoins fans reproche, ou par des indices
indubitables & plus clairs que le jour. Sciant cunclV
accufatores eam Je rem deferre in publicam notionem
debcre , quœ injlrucla fit aperti^imis documentis , vel
rnwiita idoneis tejlibus 3 vel indicis ad probadonem indubitatis & lace clariorïbus expedita ( ¿z).
Dans la recherche des crimes , en effet, comme
dans le commerce des affaires humaines , l’ufage a
introduit trois différentes fortes de preuves : la litté
rale , lateilimoniale & la conjeéturale.
La preuve littérale eil la moins douteufe & la moins
foupçonnée, parce qu’elle fe tire de la leéture immé
diate des pièces authentiques ; elle prend fon principe
dans la propre autorité de la foi des a<5tes ; mais elle
ne fait foi que de ce qui y eft contenu. Injlrumentwn
nihilaliudprobat, quàmilludquodcontineturin eo (/;>).
Pour cette preuve, deux conditions fontrequifes (c):
lu n e , que la pièce qui fert de titre contienne
prouve immédiatement le fait dont il s’agit . . . car
fi ce titre ne contient rien du crime dont il ejl quejlion ?
.
(
a
(
b ) Bald, ad leg. ad probat, z j , cod de probat.
)
L .fin . cod. de probat.
( c ) M. le V ayer, trait. dela preuv. par com p, dccrit.
�(
i I )
>4!
.Sc qu’on s’en ferve feulement pour en tirer des con
séquences 8c des induélions par conje&ures, alors cette
.preuve ne s’appelle plus preuve littérale du crime ; ce
n’eft plus qu’une preuve littérale d une conjeéture ,
8c par conséquent, elle ne forme plus elle-même
qu’une conjecture Sc un indice.
La fécondé condition néceifaire eft, que la pièce
qu’on produit fa fle fo i par fon autorité propre ; car il
elle ne fait pas foi par fa propre autorité, ce n’eft
point encore une preuve littérale, d’autant que ce n’eit
plus la pièce qui prouve : la preuve vient alors, ou
des témoins, ou des indices qui lui font donner créance ;
Sc ainfi , elle tombe encore dans l’efpèce de la preuve
teflimoniale ou conjeéturale.
La feuille iupprimée au moment de la donation du
24 feptembre 17 7 6 , peut-elle être confédérée comme
une pièce authentique? peut^elle faire foi par ellemême que j’ai voulu priver le prince des droits feigneuriaux ? Il faudroit iuppofer les têtes & les idées
de tout le genre humain renverfées, pour qu’il pûtfe
trouver un feul homme qui osât affirmer des abfurdités auiîi révoltantes. i° . Unepiècequin’aétéiignée,
ni par les parties, ni par un notaire, ne fera certaine
m e n t ’ jamais coniidérée comme un a6te authentique.
2°. La fuppreffion de cette feuille, qui renfermoit la
claufe des biens échus & à échoir 3 préfens & à venir >
peut d’autant moins manifefler mon intention de faire
priverleprin.ee ou fon fermier des droits feigneuriaux j
�( 3 0
que dans le moment de cette donation, j’étois intime
ment convaincu que je n en devois point, d’après les.
difpofitionsdelacoutumedeBourbonnois, fous l’em
pire de laquelle fe trouvent fitués les biens donnés.T
Suivant le langage de mes ennemis , je n’ai gardé
la minute de la donation, que pendant trois ou quatre
mois. Dans cet intervalle, le fermier de M. le duc
d’Orléans, n’a formé, contre moi, aucune demande
pour le paiement des droits de lods, puifque je n’ai
été affigné par ce fermier , fouslenom du prince, que
le i <y mars 17 7 7 , dansun temps où l’on convient que je
n’avois plus la minute de la donation en mon pouvoir.
Or, dès le moment qu’il eft prouvé, par l’aveu même
de mes délateurs , qu’au temps de la demande du
prince , je n’étois pas faiii de la minute , on doit nécellairement convenir que je n’ai pu en fùpprimer là
feuille du milieu pour en fubilituer une autre.
Eft-il croyable d’ailleurs , que, pour me fouftraire
au paiement des lods, j’euife voulu m’expofer, dune
part, à me faire dépouiller des biens donnés; & d’une
autre, à voir ma fourberie découverte, par le moyen
du rapport de l’expédition qu’on étoit dans le cas de
retirer duregiftre des infinuations ? L ’intérêt eft la règle
& la meiùre des avions : on ne fe porte point ordi
nairement aunefcélérateffe,lorfqu’onn’en doit retirer
aucun fruit, nemo gratuité malus ; ôc il ne pourra ja
mais paraître vraifemblable, qu’un quelqu’un s’expofe
3, encourir une accufation qu’il eft le maître.d’éviter«
.Quel
'
�C 3 3 )
7* 's
. 'Q uel ufage, au furplus, ai-je fait de cette feuille,
qui n’a jamais été en mon pouvoir, & que je n’auroiS'
certainement pas remifeà Giraud, ii j’en avois été
Tain ? L ’ai-je oppofée au prince ou à fon fermier? leur
ai-je communiqué quelque expédition, où fe trouve la
fauffe claufe des biens à venirl Salleneuve, quoique
l ’un de mes délateurs, a dit tout le contraire dansfes
dépofition, récolement & confrontation.
. M ais, à propos d’expédition, je me rappelle d’un
ipoyen bien important, pour confondre mes ennemis;
j’ofe même dire qu’il eft décifif. Le voici :
' Dans fa dépofition, Giraud a dit, cp3après que l3aâe
4? donation eut été refait pendant trois fo is , dans l3ef*
pace de deux mois , ou un peu plus & que les pre-"
mières minutes eurent été brûlées ou déchirées en préfence du fieur Charbonnier3 il me délivra une expédi
tion de ta donation , une fécondé expédition au fieur.
Rancey & une troifième à Salleneuve.
De fon côté, Salleneuve a foutenu que je lui avois
communiqué l3expédition que j 3avois retirée ; q u il en
avoit pris une copier q u il Vavoit confiât ée, & q u il
écoit afîuré que la claufe des biens à venir îi3étoit
jfiin t dans cette expédition : cette clauie fe trou voit
néanmoins dans les expéditions délivrées dans le même
temps au fieur Rance ôc à Salleneuve. L ’exiftencede
la claufe, dans ces deux dernières expéditions, eft
atteflée par les dépofitions de Giraud, de Salleneuve
& du fieur Rance *
.
;
E
�74*
C 34 )
" De là réfulte la conféquence nécefTaire, évidente,
que Giraud eft fauteur du faux; car^ il jeTavois com
mis, ¡c’eût été, comme on le iuppofe, pour tromper
Salieneuve, & ce fermier convient que je ne l’ai pas
fa it, puifque je lui ai» communiqué l’expédition del!a£te vrai. Cependant il eft certain qu’il y a eu des
expéditions de l’aéte faux ; que ces expéditions ont
été délivrées par Giraud ; qu’il les a enfuite retiréesou corrigées : donc c’eft Giraud qui a fait le faux >
pour me mettre aux prifes avec le fieur de Segonzat,
ou avec Salieneuve.
r Faut-il indiquer ces preuves, pour démontrer que
Giraud eft feul l’auteur du faux \ cela eft très-facile
on les trouve dans la conduite que Giraud a tenue, &
dans la dépofition de Salieneuve.
Giraud, inftruit que dans le procès que j’avois
avec M. le duc d’Orléans , Salieneuve m,’avoit faic
fignifier une copie de la donation , dans laquelle fe
trou voit inférée la claufe des biens à venir, vint chez:
m oi, me prie de lui communiquer cette copie ; ce
que je fis , fans connoître fes intentions ; & , dans le
moment, Giraud va chez le fieur Coulongeon, pro-.
çureurdu prince, l’engage à raturer la claufe vicieufe,'
& me remet, en cet état, ma copie. Pourquoi faitesvous ces démarches, Giraud \ quel intérêt prenez-vous
h la conteftation qui s’eft élevée entre le prince <3cmoi£
Vous avez,craint que j’appe.rçuife votre fauifeté, que
jedéconcertaiïe vos projets, &que je priifele parti dé
i
�( 3 1 )
vous attaquer le premier; mais ce n’eft pas tout.
Le fieur Rance , créancier du fleur de Segonzat,
Vêtant rendu en la ville de Montaigut, pour prendre
■à ce iujet des arrangemens avec m oi, Giraud , qui
eft inftruit du jour de fon arrivée , l’attend à ma
porte , entre avec lui dans mon étude ; & à peinele
fieur Rance à-t-il dépofé, fur mon bureau, fes titres de
créance, parmi lefquels fe trouvoit l’expédition de ma
donation, qui lui avoit été délivrée par Giraud, que
ce dernier fe faiiit de cette expédition , l’emporta
•fur le champ , ratura la fauiTe claufe, & ne la remit
que plufieurs jours après au fieur Rance qui fit les
• plus vives follicitations pour l’y engager. Lors de la
remife, le fieur Rance s’étant apperçu de la rature, ÔC
en ayant démandé les motifs à Giraud : que répondit-il?
que fon clerc s3¿toit trompé. Quelle invraifemblance i
un copifte fe trompe ordinairement , en omettant
•quelques claufesde l’aéte; maisilne lui arrive jamais,
.lorfqu’il eft de bonne foi, comme fetoit certainement
le clerc de Giraud, d’ajouter dans une copie , des
claufes qui ne fe trouvent point dans l’original. A la
confrontation avec le fieur Rance, Giraud eft coravenu que cette rature étoit de fon fait : cette expédi
tion eft produite au procès.
Giraud ne s’eft pas contenté de raturer la clauiq
vicieufe dans les expéditions qu’il a délivrées ; il s’eft
en outre fait remettre les expéditions, lorfqu’il a pu y.
•parvenir. Ce fait eft attefté par Salleneuve qui dit >•
E 2
�jdans fà dépofition , que' Giraud Vayant p rié de lm
remettre la fauffe expédition q u il lui avoit délivrée, il
yconfentit,en'liddifant: j e n e v e u x p a s l a m o r t
d u p é c h e u r , & je ferois fâché de vous expofer à des
conféquences défagréables.
Giraud eft le pécheur ; Giraudefl/efauffaire ; Giraud
eft le coupable ; il eft néanmoins en liberté , & je fuis
dans les fers. Que de réflexions ne pourrois-je pas me
permettre ici?.mais je fuis hors d’état de les expofer.;
jnaraifon égarée, mon efprit affoibli, toutes les facultés
.démon ame anéanties, ne me permettent point d'ap
profondir un myftère auifi inconcevable.
Qu’on perfifte à préfent à dire, avec quelques ames
corrompues , que mon intention ^toit de me Servir
de la feuille fupprimée, lorfque le prince me demandejo it les droits de lods, & d’oppoferla véritable donation,
lorfque les héritiers Segonzat voudroient m’attaquer,
&que cette fupercherie doit me faire envifager&punir
xommeun criminel? Je répondrai toujours avec fuccès a
cesfuppoiltions, i° . qu'elles font purement gratuites ÔC
contraires à la préfomption de droit; que c’eft Giraud,
-dépofitaire de la minute , qui en a abufé & qui l’a
-faliîfiée : car,.encore une fois, la fauife feuille qui fut
lupprimée lors de la rédaction de l’aéte, & laiflée au
.pouvoir de Giraud , ne fait preuve, par elle-même ,
d’aucun crime. Le crime eft dans l’abus qu’on en a
fait : or, cet abus , à qui l’imputer, qu’à Giraud qui
t8> déliyré de fauife s,exp éditions ;
comment rim*
�(
57 )
_
* *
pùter à- mol, qui en ai reçu une vraie, & qui la i com^
muniquée, comme je lai reçue, félon le dire même
4e la partie intéreiTée, par qui cette affaire m’eftiuAi
cirée?
f 2°. Outre la préfomption de droit, il y a preuve
évidente contre Giraud, par les expéditions qu’il a
délivrées, & par le témoignage de Salleneuve qui
attefte que je lui ai communiqué la vraie.
Ce n’eft pas cependant que j’adopte rien de ce qu’a
pu dépofer Salleneuve. Je fuis obligé d’avouer que
je n’ai nulle mémoire de lui avoir communiqué aucune
¡expédition. Mais enfin, ou fa dépofition eft vraie, ou
elle eft fauife : ii elle eft fauiTe, quel cas doit-on faire
de mes délateurs .? ii elle eft vraie , comment douter
du véritable criminel.
Si jen’étoispasaifez heureux pour avoir des preuves
teftimoniales auili déciiives , ma iituation en feroitelle plus critique ? Je vais démontrer que non,
; J ’ai dit qu’un fécond genre de preuves fur lequelil eil
permis d’aifeoirune condamnation, eft la preuve teftimoniale ; mais quil eft dangereux de fe référer à des
témoignages de cette nature ! Par une eipèce de fatalité
attachée à la condition humaine, la plupart des témoins
ignorent l’importance duminiftère auquel la juftice les
appelle ; & d’autres à qui la diffamation ne paroît plus
qu’un jeu de la fociété, étant vendus au menfongë, ,ne
marchandent que l’honneur & la vie de l’innocent. Une
fonction auift férieufe exige de la réflexion, foutenuQ
a i'
�/
,
w
d’une probité éclairée & fcrupuleufë ; auflî, pour la
preuve teftimoniale , comme pour la preuve littérale,
exige-t-on rigoureufement, en matière criminelle y
deux conditions eifentielles pour la rendre certaine. >
Lapremière, que les témoins qui dépofent d’un fait,
l ’atteftent comme d’une chofe qu’ils favent de pleine
certitude, pour y avoir été préfens 8c l’avoir vu euxmêmes. Inquifitio fiat per examinationem tejlium dicentiumfe àdfuijfe iis quæ gefla fu n t, & vidijfe quoi tune
agebantur ( a ) ; car s’il paroît que la dépofition des
témoins eft vacillante & incertaine, audiendi non
ju n t(b ')\ qu’ils n’ont parlé que d’après des ouï-dire,
ou fur des préemptions , leur témoignage ne peut
plus former de preuve : fie ergo fuâ feientiâ debet
reddere tejlimonium, & de fuâ. præjenda ; de auditu
autem alieno non valet ( c ).
La fécondé condition pour former la preuve com
plète, eft que les témoins qui font entendus en dépo
sition, foient exempts de paiîion contre l’accufé; qu’ils
ne foient point engagés par quelque raifon particu
lière à le faire confidérer comme coupable, & , qu’en
un mot, leur conduite foit irréprochable : intejlimoniis autem d i g n i t a s f i d e s m o r e s g r a f i t a s
examinanda ejl ( d ) .
y
,
,
,
(a) Auih. de fanclif. ejnfcop. cap,
fivero abfunt,
( b ) L. a sff. de teflib.
( O G lof. ad l. tejlium t q f cod, de teflib, vert, praflo»
- (tf) L , z , cod. de teflib,
'
�V 39
V Four démontrer dune manière très-feniible, que la:
preuve teftimoniale confignée au procès ne fauroit
non plus me faire conÎidérer comme coupable du
crime dont on m’accufe, j’expoferai d’abord les motifs
qui doivent faire rejeter les dépofitions de quelques
témoins, & j ’examinerai enfuite s’il peut réfulter quel
que preuve de conviétion du témoignage des autres.
P R E M IÈ R E
PR O P O SIT IO N .
Onconnoît déjà, & les témoins que j’ai dûrécufer^Gîraud&saU
& les motifs qui m’y ont forcé. Les auteurs difent ,!eneuire'
que l’accufé peut, avant la confrontation, demander
le nom de fon dénonciateur à M. le procureur du
roi, pour fa voir fi les témoins font parens ou alliés de
fa partie fecrète, & plufieurs arrêts l’ont ainfi jugé (<z).
La conféquence qu’on doit tirer de cette jurifprudenc* eft facile à pénétrer : on doit en conclure que
les parens du dénonciateur ne pouvant être témoins
contre l’accufé, il en doit être, à plus forte raifon, de;
même des dénonciateurs qui dans cette circonftance
dépofent dans leur propre caufe: or, Giraud & Salleneuve font mes véritables dénonciateurs ; ce font mes
ennemis jurés ; ce font les chefs de la ligue ; ce font
enfin eux qui, avec les héritiers Segonzat, m’ont fait,
fufciter le procès criminel qui eft à juger.
Giraud & Salleneuve, de concert avec les héritiers
( a ) Lacom be,.mat. crimin. part. 3 , chap. 1 3 , n, 3 / j B ou vot, queft,
not. au mot dénonciateur fto m t
2,
queft. i crc*
- s
/
�'< *
Ç 4 0 )'
Segonzat , ont compofé differens mémoires corttre
m oi, qu’ils ont envoyés auconfeil du prince, 8t Giraud
a attefté, par une lettre, la iincérité du contenu dans
çes libelles (a).
Giraud a follicité le iieur Charbonnier à iigner l’un
de ces mémoires ; mais ce notaire, dont la probité
çft reconnue, a conftamment refufé de proilituer ia
plume (h).
Giraud a fait tous fas efforts pour faire annuller la
donation que m’avoit faite le fieur de Segonzat, afin cte
pouvoir enfiiite faire difpofer des mêmes biens en
faveur de Bouttin, beau-frère de fon gendre (c).
Giraud a dit publiquement, avant & depuis fa dépoiition, que mon affaire criminelle feroit bientôt ter
minée, J i je voulais me départir de la donation qui i
7na été fa ite (d). Les héritiers Segonzat tnont fait<
( a ) A la confrontation Giraud eft convenu d’avoir envoyé ces
mémoires au confeil, & il s'ejî ex cu /é , en difant qu ï l y avoit été fo r c é 3
& que ces mémoires lui avoïent étéfu g gércs.
(
b)
Le fieur Bidon a attefté ce fait dans fa dépofition.
( c ) Giraud en a fait l’avçu au fieur B id o n , qui l’ a ainfi dépofé ; &
rA u din , autre tém oin , a attefté que dans le temps que la demande en
nullité de la donation fut form ée, le fieur de Segonzat lui avoit dit que
Giraud lui avoit c'onfervê q u e l q u e
c h o s e p o u r fa ir e
réuflir cette demande.
Ce q u e l q u e c h o s e eft le d e q u o i dont parle 1« iieur de Segonzat
flans fa lettre ; c’eft-à-dire, la feuille fupprim ée., dont Giraud a abufé.
( d)
Il en eft convenu, à la confrpntation.
fa irt
I
�'( 4 r )
'ifdire la même propofttiùn depuis que je fu is privé ie
ma liberté ( a).
Giraud a avoué au procès cpien vertu d ’arrêt du par
lement il a fait dépofer au greffe, tant lafeuille fup■primée, que la minute de la donation : donc ii eil tout-à-la-fois , & l’un de mes dénonciateurs, & témoin
.dans fa propre caufe.
Enfin, Giraud eil le vrai criminel, lefeul coupable
du faux ; il ne m’accufe que pour qu’on ne l’açcuic
pas ; il veut me perdre pour fe fauver, & ce qu’il y a
d’incroyable, c’eil qu’il eil venu à bout contre toute
vraifeinblance, toute raifon, de me mettre à fa place,
& de faire tomber fur ma tête un poids dont il doit
répondre par la iienne.
Salleneuve eil convenu à la confrontation , qu’il
avoit travaillé contre moi pour les héritiers Segonzat
qui ont obtenu un arrêt d’attribution pour tenter
enfuite la voie de faire annuller la donation qui m’a
été faite (b).
A la follicitation de Salleneuve, & d’un curé, dont
( a ) J’en aurois offert la preuve teftimonlaJe ; mais depuis que mon
mémoire eft fous prefle, les héritiers Segonzat m’en ont fourni une
preuve écrite; n’ayant voulu ni pu obtempérer à leurs propofitions dans
la circonftance a&uelle, ils m’ont fait aflîgner le 2¡> mai dernier, pour
être condamné à me défifter des biens donnés.
(¿>) C’eft la cour qui eft commife par cet arrêt, qui eil du î i
novembre .1 7 8 3 , & qui me fut fignifié fans-aflignation, & fans expliquer
E
�( 42 )
le nom eil aiTez connu, un nommé Ja b e y , de la
paroille d’Y b u x, s’efl: rendu dans cette ville le I er oii
le 2e mai dernier, pour porter des plaintes contre moi,
quoique je ne lui aie fait aucun tort ( a ) .
'
Saileneuve a dit hautement qu'il parviendroit à me
fa ir e perdre mes états, & même A M E FAIRE p e n d r e
ou q uilp erd ro it fon nom (/?). Si la loi s’indigne contre
les témoins qui fe préfentent d’eux-mêmes, que doit
doncpenfer le juge, de ceux que je viens de nommer?
Si je me conduifois par les mêmes principes que
mes ennemis, je ne manquerois pas l’occafion de
dévoiler ici des faits qui ne laiiferoient aucun doute
jiir le cas qu’on doit faire de la fidélité des uns ÔC de?
autres, dans les devoirs de leurs états; mais je crois
pouvoir m’en taire, & j’aime à le faire, perfuadé que
^
____ -Wj -jj Sw«a^
■les motifs pour Icfquels il avoit été obtenu, le 1 7 du mois de décembre
luivant.
Sur le retus que j’ai fait, depuis que je fuis dans les liens, de confentir
à ce que les héritiers Segonzat exigent injudement de m oi, j’ai été afligné
en la cou r,àleur requête. Ces procédés permettent-ils de douter que les
héritiers Segon?at fe font réunis avec mes délateurs ? C’efl: à mes juges;
c ’eft au public impartial, à le décider ; c’efl le troifième procès dont j etois
m enacé, & que j’ai annoncé au commencement de mon mémoire.
( a ) Ce tém oin, qui m’efl; venu trouver en prifon , m’a inftruit du
fa it, & il l’avoit auparavant dit à plufieurs perfonnes qui le firent appercevoir de fa démarche inconfidérée.
%
................
<
'
( h ) J’offre la preuve des propos de ce fermier.
r
�4 3 )'
je- peux faire ce facrifice à Teipric de charité , iàn£
compromettre la néceiTité de ma juftification. Ëh !
peut-être la notoriété publique ne fuppléera que trop
à ma difcrétion.
Un fécond motif qui doit faire rejeter le témoi
gnage de Salleneuve, eft l’évidence de la fauifeté de
là dépofition : Salleneuve a Soutenu dans ia dépoli-'
tion, dans le récolement & à la confrontation, que
Giraudne lui délivra une expédition, dans laquelle fe
trouve, la claufe, des biens à venir, qu après que fe u s
fa it lignifier (le r j juillet 1 7 7 7 ) la fentencequi avoic
été rendue contre moi, en faveur du fleur de Segon^at.
Cette allégation eft une impofture démontrée. Jefupplie mes juges de vouloir bien faire attention , en
examinant les pièces produites au procès, que ce fut
le 1 j’ juillet 1777? que je fis lignifier au prince la fen
tence rendue en faveur du iieur de Segonzat, &
qu’avant cette époque du iÿ juillet, Salleneuve, fous
le nom de M. le duc d’Orléans, m’avoit fait fignifier
une copie de la donation, avec la claufe des biens
cchus & à échoir, préfens & à venir. Ce fut la lignifi
cation de la donation dans cette forme, qui me déter
mina à oppoSer iubfidiairement contre la demande du
prince, que la donation étant nulle, je ne pourrois
être dans le cas de payer des droits feigneuriaux ; il
eft donc faux ; il eft donc fuppofé que Salleneuve
n'ait retiré une expédition delà donation, que poftérieurement à la Signification que je fis faire de la Sen^
F 2
�C 4 4 )
tenèe qu£ le iîeur de Segonzat avoit iurpriie contre
moi.
Giraud a d’ailieurs démenti formellement cette
aifertion de Salleneuve : on peut voir, en effet, dans
la'dépofition de Giraud, qu’il y attelle qu’environ trois
ou quatre mois après la donation, qui efl du 24 feptembre 17 7 6 , il en délivra une expédition à Salleneuve dans laquelle étoit la claufe vicieufe ; mais ce
n’efl point là l’unique fauifeté que j’ai remarquée dans
la dépofition de Salleneuve ; il y en a une autre aufli
frappante.
A la repréfentation qui a été faite à Salleneuve de
la minute de la donation & de la prétendue feuille
iiibflituée, ce fermier d e jin t é r e fjé a eu le front de foutenir q i i i l re c o n /io iffo lt l 3a cte é c r it f u r d e u x f e u i l l e s
p o u r être c e lu i q u i c o m p o fo it O R I C I N a i r e m e n t Ici
m in u te d e la d o n a tio n . , e t l a
c e lle
f e u i l l e , p o u r être
q u i a v o it é t é s u b s t i t u é e
ci
la p l a c e d e la
Peut-on s’expofer
à mentir aufli groiîièrement \ Quoi! Salleneuve ofe
attefler qu’il reconnoît l’aéte écrit fur deux feuilles ,
pour être celui qui compofoit o r ig in a ir e m e n t la minute
de la donation? Mais quelle certitude pou voit-il avoir
de ce fait,puifqu’iln’avoitpasétépréfentàla pafTation
de cet aéle l II dit encore qu’il reconnoît la f e u i l l e ,
pour être celle qui avoit été fu b jlit u é e ; mais quelle
connoiffance a-t-il de la prétendue fubflitution? a-t-il
yn iorfqu’elle a été faite a-t-il vu écrire la feuillet
f e u i l l e d u m ilie u d e la d o n a tio n .
�iiibftituée ? m’a-t-il entendu dire que j’étois l'auteur
de cette fubftitution l Te fils debet reddere rationem
d iâ i fu i per fenfum corporalem s putà vifunt vel auditum (a). Salleneuve en a donc impofé dans ces deux
parties de fa dépofmon ; il a défavoué ce qui étoit
de fa connoi/Iance , & il a atteilé ce qu’il n’a jamais
pu connoître; ainfi fa dépoiition eft fauife., au moins
quant à ces faits.
< M ais, quelle eft la règle reçue par les docteurs criminaliftes dans cette matière , & puifëe dans la difpoiition des loix ? il n y en a pas un qui ne dife que
le témoin, convaincu d’être faux en une partie , eft
réputé faux en tout, par rapport au ferment qui ne
le peut diviièr : ex quo juravit dicerc veritatem fuper
.omnibus , tune fi deponit falfum in uno 3 non creditur
■ci in aliquo, tanquamperjuro, dit Alexandre (/>). Menochius ( c ) s’exprime en termes encore plus forts :
S i in modico confflat falfitas tcflis deponentis, prafumiturfalfitas in aliispartibus , etiamfi ignoranter&per
erroremfalfum effet atteflatus, noncnïm ob idexeufatur,
Alciat ( d ) donne trois raiions pour prouver que
( a ) GloJ'. a d L u fiiu m . cod. de tejl, Dimoul. n. 6q.
denomb.
(b ) Tit.2 , conjil.
pag.
17 .
(c)
4 4 .,
7,
,
8 , tic. i , glof>
pag.3 2. Cravetta, tom. 1 , conf. 6 , n .
Bald. lïb. 2 , conf. 2.86’ , n. 4 , pag. 80
Lib. 5 , prœf. 2 2 , n. 1
§
2,
3
,
verf. col. 1,
,pag. 486*.
• ( d ) A d . L' 1 . d t verb. obligat, § J ed f i m ihi, n. 5 2 , 5 ? } 5/j., pag,
& 7.86*
•
'-
28$
�;
_
(4 0
l-ignorance & l’erreur ne' doivent point ex'cufer urt
témoin qui fait une faufTe dépoiition , i °. quia tejlis'
prœfumiturpropter juramentum deponere confideratè &
de eo quodefcertus; 2.0. quia te(lis diccns aliqilid falfum,
commuât contra jus divinum & naturale , undè ignorantia non excufat à dolo ; 3 0. quia in his in quibus
débetprœcedere diiigentia, prœfumiturfeientia &dolus
iilius qui debebat diligenter inqulrere., nec admitdtury
exeufatio ignorantiœ ; d’où il 'conclut, que in dubio
non prœj'umitur ignoranter depofuijfe falfum3 & confequenter in dubio totum diclum annullatur.
'
Je conclurai aufiï, avec ce do<5teur, que la fauiîe
dépoiition de Salleneuve tombe entièrement; que le
ferment qu’il a violé dans une partie, perd fon carac
tère, qui doit être comme la vérité une & invariable;
que , où la vérité n’eft pas entière, la faulTeté eft par
faite , & que ce qui n’eft vrai qu’à demi, eft entière
ment faux : veritas quœ non ejlplena veritas, ejlplena
falfitas : quoi non efi plena probatio y nulla eft probatio , dit Cujas ( a ) .
Giraud eft tombé dans des contradictions révol
tantes. Dans fes mémoires envoyés au confeil, il-y
avoir dit que la donation avoit été refaite, dans l’e f
pace de quatre mois , pendant cinq fo is ; qu’il l’avoic
toujours fignée par complaifance : dans fa dépoiition ,
. \\ , •
( « ) Sur la loi 3 , au cod. ad leg, Ju l, M ag. c’eftaufli l’avis dePapon, en
fes arr. liv.
, tit, 8.
�c 47 y
11 a dit que cette donation n’avoit été refaiteque trois
fo is , Si à la confrontation , il eft convenu que cette
donation navoitjamais été refaite. Dans fon interro
gatoire, ileit convenu en un endroit, que c’étoit par
ion miniftère que la donation avo'u étépa[fée le 24
feptembre 17 7 6 3 Si en un autre endroit , ii dit que
Vacíe lui fu t préfenté tout rédigé le 24 feptembre 3 &
quilne lefigna que le 25. Dans la dépofition , ii a dit
c^x ayant délivré à Sallenéuve une expédition de Vacte3
avec la claufe des biens à venir 3 cefu t Sallencuve qui
fu t le trouver 3 & lui fit remarquer cette claufe ; Si dans
fon interrogatoire , ii a fouteriu qu3il s3étoit apperçu
le premier de ce vice, & qui l fut auffï-tot trouver Salleneuve 3 & le prier de lui remettre Vexpédition. Je ne
finirois pas , ii je voulois rappeler toutes fes incon
séquences S i fes 'contradictions v j
Quelle foi eit-ii permis d’ajouter à des contradic
tions auili frappantes? quoi, Giraud, à chaque inftant
vous dites o u i Si n o n , Si la jufticenelance pointlur
votre tête íes foudres & fes carreaux ! Suis-je donc
deftiné à être le fuppôt de vos in iqu itésil faut nécef
fairement que celaioit, puiiqu’à l’avis même de votre
ami Salleneuve, vous êtes le p é c h e u r ; & perfonne
ne difconviendra que je fubis la peine due à vos for
faits. O uï, il faut que cela foit, puifcju’avant votre
dépofition, Si en vous promenant dans l’antichambre
du parquet , fur les repréfentations qui vous furent
faites, par un eccléilaftique, de ne pas vous expofer
' x
�( 4§)
à dépofer contre la vérité, vous répondîtes que vous
avie{ dans votre poche de quoi vous garantir. Mais
vous garantirez-vous de la peine dont eft menacé un
faux témoin, un impofteur, un prévaricateur, un fauffaire : fouillez dans vos poches, Giraud, vous n’y trou
verez pas de billet de garantie de la part de la juftice.
La contradiction eft l’écueil où fe brifent ordinaire
ment les fourbes & les impofteurs ; non feulement elle
détruit toute la foi du témoignage, mais elle expofe’
encore le témoin àlapeine du crime de faux. Aut tejiis
deponit in uno judicio contrarium ejus quoddixerat in .
aliojudicioy& in hoccafudebetpuniritanquamfalfarius;
aut deponit in uno judicio contrarium ejus cpiodpriiis'
dixerat in eodem judicio, & pariter puniendus e(l de
fa lfo ( a ).
N ’eft-ce pas infulter à la juftice elle-même; n’eftce pas chercher à la furprendre ; n’eft-ce pas l’expofer
à pleurer fur fes propres jugemens, que de lui pré»fenter des témoins de cette nature ? Ah ! s’il étoic
permis d’aiTeoir des condamnations fur de pareils
témoignages, combien d’innocens feroient expofés
à devenir la vi&ime de la fcélérateife \ Ne feroit-ce
point ouvrir un champ libre à la calomnie? ne feroitce point favorifer la noirceur de ces hommes mons
trueux qui n’épargnent ni les moyens ni les fuites
(a )Julius Clarus, lib. 5 , §fdlfurn, n, 5 ,1 . 16 ,jf% de tejîib. 1.2-7 f f 3 ad
l. Cornel. de fa If.
funeftes
�( 4? )
t â
funeiles'cle leur vengeance, pourvu qu’ils fe vengent?
Mais oublions pour un moment ces faux témoins,
pendant que je vais examiner les autres.
SECONDE
PR O PO SIT IO N .
L es autres témoins ouïs dans l’information doi
vent être diftribués dans deux clalfes : lu n e, pour
ceux dont le témoignage n’efl: fondé que fur des
ouï-dire; & l’autre, pour ceux dont la fcience ne
peut jamais être étayée que fur des préemptions ,.
des indices, des conjectures, & le plus fouvent fur
des invraiièmblances. Tout le monde conçoit que
¡^entends parler de la fcience des experts en matière
de vérification d’écriture.
Première clajfe des témoins.
D e tous les tém oins o u ïs dans l ’in fo rm a tio n , il y tes fleurs
i
• r*
i
n
r p «it
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1 t -1
Tailhardat de la
en a deux, qui lont les heurs 1 aiihardat de la rayette Fayette &R am
& Rance, qui ont dépofé avoir ouï-dire quil avoitce>
été fubjütué à une des feuilles de la minute, une autre
feuille s dans laquelle fe trouvoit inférée une claufe
nouvelle qui étendoit la donation aux biens à venir ^
mais quils ne favent par qui cette fubjlitution a été
fa ite.
S’arrêter à contredire ces dépolirions, ne fèroit-ce
point s’occuper à combattre l'évidence ? Il y a une
feuille fùbftituée dans la minute de la donation! qui'
en doute? On a entendu parler de cette fubftitution I
^u’y a -t-il d’étonnant, puifque le fait eil vrai? Mais,
G
�C i? ) ■
quel eft l’auteur de ce faux qui dans ce principe n’en
étoit pas un? On vient d’obferver que la fauffe feuille,,
ou le faux, s’eft trouvé entre les mains de G.iraud ;
ainfi il eft très-aifé de connoître le fauifaire.
Seconde clajfe des témoins.
L a preuve conjeéhiralej ou la preuve par indices,'
qui eft la troifième que j’ai annoncée, eft celle qui
réfulte de la dépofition des experts qui ont été ouïs
dans l’informaticn. Peut-être ai-je à me reprocher
de n’avoir pas obfervé à la confrontation, que ces
experts, connus pour muficiens gagés, qui en font
leur état, n’ont jamais fu écrire que machinalement,
Si fans principes; mais, outre que ce fait eft notoire,:
l’opinion de ces muficiens m’eft d’ailleurs très-indiffé
rente, puifqu’elle ne peut former ni preuve littérale,
ni preuve teftimoniale, Si que ce n’eft que fur l’une
ou l ’autre de ces preuves, que la juftice doit fe déci
der ou à condamner, ou à abfoudre.
Ces experts ont dépofé, fur la repréfentation qui
leur a été faite de la minute de ma donation Si de
la feuille fubftituée, q u ’ i l s e s t i m e n t que les deux
feuilles qui compofent la minute de la donation, ont
été écrites d’un même contexte > avec la même plume }
de la même main & de la même encre, & que la feuille
féparée a aujfi été écrite de là même main, mais d’une
encre différente de celle du corps de la minute; que cer
taines lignes font rejferrées & d’autres efpacées, &dJun
plus gros caraâère ; que le caractère des deux feuilles,qui
�Cs )
_ '
tompofent la minute efl plus uni que celui de la feuilîè
féparée 3 d’où Barbon ( feul ) a eu le courage de
conclure que la feuille féparée a été écrite dans ufi
temps différent de ma donation.
Au récolement, ces experts ont ajouté que la
marge de la feuille féparée nétoit pas égale à celle
des feuilles de la minute3 & q iiils n ont pu juger fi
Vempreinte de ces deux feuilles étoit la même que
celle qui fe trouve dans la feuille féparée qui efl d’un
papier plus fin ; ce qui 3 fuivant eux3 peut provenir
de la pâte, ou de la main de Vouvrier.
De quel poids peuvent être aux yeux de la juilicë
les déportions de ces deux experts? y a-t-il quelqu’un
qui ignore que leur jugement eíl conjetural, incer
tain, & qu'il peut fervir de paife-port au menfonge,
aufil bien qu’à la vérité?
La preuve conjecturale & préfomptive eft inadmiffible en matière criminelle ; elle n’apprend que
des circonilances defquelles on peut fe fervir par
raifonnement, pour découvrir la vérité; mais cela ne
conduit pas à la découverte de la vérité, puifqu’ii
ne s’agit que de conjecturer & d’argumenter pair
conféquences qui ne peuvent déterminer une jufte
concluiion. Quand il s’agit d’accufation capitale, où
il échoit peine afflictive ou infamante, les loix exi
gen t nécelfairement une fcience parfaite, une certi
tude phyfique, de la part des témoins qui dépofeni.
.C’eit pour ve motif qu’on diftingue- deux fortes d§
'i
�fciences & deux fortes de convictions, favoîr ; la
fcience qui produit une certitude morale, & celle qui
produit une certitude phyfique.
La fcience qui produit une certitude morale, eft
celle qui dépend du raifonnement, 8c telle eft la
icience qui n’eft fondée que fur des indices, des pré
emptions & des enchaînemens de conféquences.
La fcience qui produit une certitude phyfique,
eft celle qui dépend immédiatement des fens, telle
qu’eft celle des témoins qui ont vu commettre le
crime. Ces deux différentes efoèces de fciencesforment' les deux différentes efpèces de convictions ;
conviction morale & conviction phyfique : or, la
Icience 8c la conviction morales, quoique capables
de fonder un jugement en matière civile, ne fuffifent
jamais en matière criminelle, contre un accufé, parce
que dans de femblables affaires, les juges doivent
chercher & délirer des preuves toujours claires ,
pour n’être pas furpris ; elles fufHfent en matière
civile, parce qu’il n’y eft jamais queftion que du
droit des parties, Si que les queilions du droit font
de la dépendance de la morale ; mais elfes ne font
pas fufiifantes dans une queftion capitale, par la
raifon qu’il ne s’agit dans cette queftion, que d\i
.fait, & que les queilions de fait ne font point de la
juriidiction de la morale, mais feulement de la pur.e
connoiifance de la phyfique, qui confifte dans l’évi-'
deuce, dans l’expérience 8c les preuves.
JL
�053 )
,Qui oferok direrque Morgeat & Barbon ont une
certitude phyfique du faux dont- on m’accufe? mais
ont-ils été préfens à la paifation de ma donation ?
ont-ils vu écrire la feuille fubftituée ? ont-ils une
connoilTance parfaite , per fenfum corporalem , que
cette feuille a été écrite après ma donation ? Il faudroit être auili impofteur que Giraud 8l Sallcneuve,
pour foutenir 'des aifertions fi évidemment fauifes.
D ’ailleurs, lorlqu’on eft dans l’intention de com
mettre un faux, ne prend-on pas toutes les précau
tions pour empêcher qu’il ne foit découvert? Le fauffaire eft ordinairement très-adroit; il fe cache; il.fe
déguife, & il imite fi parfaitement les écritures, qu’il
n’eft peut-être perfonne à qui il ne foit arrivé d’avoir
été trompé par la reilèmblance des, écritures , &
quelquefois même par la iienne propre.
Qu’on fuppofe donc, comme l’on dit ces experts,
que la feuille féparée. eft écrite d’une encre différente
de celle de la minute; que les lignes font'tantôt plus
reiferrées, tantôt plus éloignées ; que le cara<5tère eft
plus uni dans la minute, que dans la feuille féparée ;
que les marges des trois feuilles .ne font pas les
mêmes , toutes ces préfomptions, ces conjeéhires
c o n d u i r o n t - elles à une certitude phyiique, que la
feuille féparée, a été écrite pofté.rieurement à ma dona
tion ; que c’eft. moi qui ai [ait écrire cette fauiTe
feuille; que je fuis l’auteur du faux, & que je. l’ai
commis pour tromper le prince & fon fermier ! Je
>'
�rie me periiiaderai jamais qu’ily a it un feul Homme,
inftruit' ou non, qui puiife foutenir l'affirmative de"
cette aifertion; il fera plutôt porté à croire que ces’
irrégularités dans la feuille ieparée, font une preuve^
inconteftable, qu’elle a été écrite dans un temps où’
l’on ne pou voit préfumer qu’il pût s’élever des con-'
feftations à cet égard.
Au furplus, l’expérience n’apprend-elle pas que.
la main eft fu jette à des variations’ infinies ? Ceux qui
ont i’ufage d’écrire, n’ont-ils jamais apperçu dans
leurs écritures des. variétés frappantes qui provenoient, foit du changement de l’encre, foit de la
pofition du corps, ou de la main, foit de la'diipofition des idées ? N ’arrive-t-il pas tous les jours à un
clerc qui écrit fous la diétée*, tantôt de reiferrer les’
mots & les lignes, tantôt de les écarter? Cette diffé-1
fence peut provenir de l’attention & de l’application
du copifte, ou de fa négligence, & fouvent de la
nonchalance ou de la précipitation avec laquelle on'
lui di<5te.
Cetté reffemblance & cette difparité que ces experts
prétendent avoir remarquées entré l’écriture dé la!
minute & celle de la feuille féparée, peuvent donc
être l’éffet de différentes caufes; mars fi cela eft ainfi,
y eût-il jamais un figne plus équivoque, un indice
plus incertain, une conjecture plus1 trompeüfe ?
Pour fonder une preuve fur des drgiïmens tirés des
jpi'éfomptions,“ il"fait qu’il n’y aitr rien~d’éqüivo^ùé
�( s i)
$ans‘Jes‘cîrconftances du fait,
qu'il.n'ait pn arriver
dune autre manière qu’on fe l’eft periuadé. Pourquoi
*lonç fuppofer ici un faux, tandis qu’il eft évident
qu’il n’y en a aucun, au moins de ma part? pourquoi
fuppofpr que j ’e n fuis l’auteur, tandis que je n’avois
aucun intérêt à le commettre?
Des experts qui dépofent iur un fait qui ne s’efl
point pafle fous leurs yeux, né peuvent en avoir une
connoiiTance parfaite ; auifi les plus hardis ( tel que
Barbon ) n’ofent-ils avancer autre chôfe, finon qu’ ils
croient 3 quils préfument3 qu ïls ejliment que le fa it
s*ejl pajfé ainfi. Mais, fi ces experts ne favent pas
positivement le fait fur lequel ils dépofent, comment
un juge pourroit-il fonder fur leurs dépofitions une
fcience 8c iine connoiiTance qu’ils conviennent n’a
voir pas eux-mêmes? Y a-t-il un homme de bon fens',
qui fît le moindre cas d’un témoin qui, au lieu de
témoigner qu’il fait le fàit,;dont il dépofe, avec cer
titude, diroit fimplement q uï l a opinion que cela eflï
Qui peut s’aiîurer, a dit un favant, que la penfée Sc
l’opinion d’autrui ne foient pas un menfonge
La dépoiition des experts ne peut produire une
preuve phyfique; elle ne forme pas même un indice
indubitable; il n’y a rien de plus incertain que leur
opinion ; rien de plus trompeur que leurs conjec-*
tures, 8c de là réfuite la conféquence évidente, inconteilable, qu’il, n’exiûe au pro.cès aucune des . trois
�preuves déiîrées par i a l o i , pour forcer la juflice a
punir un accufé (¿z).
,
• Mais ce n’eft pas fur le'feu l défaut de preuves
qu’eft fondée ma juftificatioîï; c’eft principalement
fur l’invraifembiance du faux ^qué 1’pri m’impute ; &
quoique j’aie déjà démontré que ce faux ne pouvoit
être que l’ouvrage de Giraud, je ne dois pas omettre,
pour achever de le .confondre & de le convaincre
d’impoftures & de fauiletés tout-à-la-fois , de dire
deux mots fur la manière dont il a raconté qu’il étoit
parvenu à retirer d’entre mes mains la feuille de la
minute qu’il a fuppofé que j’avois fupprimée.
Au dire de cet impoiteur, il vint chez moi avant
quatre heures du matin; il me iurprit dans iefommeil,
me porta le piftolet fur la gorge ; qu’intimidé j’allai
dans mon étude, où vinrent aujfi-tôt les fieurs de
Segon^at & R ance; qu’ils y relièrent un iniiant, fortirent enfuite pour aller à la mejj'e ; qu alors je lui
remis la feuille fupprimée ; qu’il fortit de chez moi,
§C qu’ayant apperçu Salleneuve dans la ru e, il lui
cria de loin : j e l a p o r t e , j e l a p o r t e .
Quel front ne faut-il pas avoir pour ofer entre( a ) Comme dans le récit des faits j’ai prouvé que la fentence
"obtenue contre moi par le fieur de S egon zat, avoit été follicitce par
Giraud qui avoit intérêt à faire déclarer ma donation nulle pour
obliger Bouttin, je crois devoir m’interdire d’autres réflexions quant
aux reproches qu’on m’a faits, relativement à cette fentence..
. .. j
prendre
�s’attendre dans une pièce qui n’eft qu’un amas monf.
trueux de fauiTetés, de fuppoiitions, & un tiiTu d’intri
gues déteilables ?
Eft-il d’abord à préfumer que il j'euife été faiiî de
la prétendue feuille fupprimée, je l’euiTe remifc à
Giraud, fans exiger qu’il me remît dans le même temps
la feuille iubftituée ? perfonne ne fe le periuadera.
2 °. A quelle époque & à quelle heure s’eft paiTée
la fcène dont parle Giraud? cela eil elfentiel àfavoir,
& il a eu la complaifance de m’en inftruire.
D ’après les aveux de ce notaire & ceux de Salleneuve , je n’ai gardé la minute que trois ou quatre
mois : auiîi-tôt que je l’eus remife à Giraud, il s’apperçut de la ilippreiîion & fubftitution des feuilles ,
ce qui l ’obligea à venir chez moi, pour me forcer à
lui remettre la feuille fupprimée : la remife de cette
feuille fe réfère donc au mois de janvier, ou de février
I 777> puifqu’il y avoit alors quatre mois que ma
donation ( qui eft du ^feptèm bre 1 7 7 6 ) , avoit été
faite. Or, qui pourra fe perfuader que dans la rigueur
de cette faifon, où le jour ne commence à paroître
qu’à fept heures, Giraud s’eil introduit chez m oi,
avant quatre heures du matin? queleiieur de Segonzat,
& le fieur Rance qui demeure à plus de trois lieues
deMontaigut, y vinrent auifidans le même moment?
que Giraud étant fôrti de mon étude, apperçufSalle^
H
�w
neuve dans la rue ( c’étoit apparemment à la faveur
de la clarté de la lune ) , Sc qu’il lui cria de lo in ,
je la porte , je la portel Que d’invraifemblances à-lafois ; mais il eit un principe qui d it, quod non ejl
veriffimile, ejl falfîtatis imago.
Les Jieurs de Segon^at & Rance fortirent de mon
étude pour aller à la mejfe ! en vous expliquant ainii;
Giraud, vous n’avez certainement pas lait attention
que tous vos concitoyens vous donneront un démenti
iur ce fait, en vous rappelant que les premières mefles
ne fe célèbrent point auiïi à bonne heure dans les
églifes de Montaigut. Achevons de confondre l’impoiture de Giraud, par une dernière réflexion.
A la confrontation, j’ai rappelé ces faits à Giraud,
Sc lui ai de plus demandé qui lui avoit prêté le pis
tolet chargé de trois chevrotines, qui lui avoit ouvert
la porte de ma maifon ( je n’avois point alors de
domeftique, ¿k Giraud m’avoit trouvé endormi, ainfi
que ma iamille ) , Sc s’il y avoit de la lumière dans
mon étude. Que m’a répondu ce miférable? quil ne
javoit plus oà il en étoit ; il avoit oublié fa leçon.
Ah ! Giraud, calomniateur infâme, vous ne favez
plus où vous en êtes? la force de la vérité vous acca
ble ; la confcience vous reproche, les remords vous
déchirent :.hé bien ! je vais vous apprendre où vous
en êtes, ou du moins, où vous devriez être : c’eit
à ma place.
Tant d’iniquités > tant d’impoilures, tant de for-
�c 59 y
faits pourroient-ils refter impunis ? quelles couleurs
ne faudroit-il pas emprunter , pour en peindre toute
la noirceur , pour exciter la jufte indignation des
magiftrats & la rigeur des loix /
N ’eft-cepas un crime, en effet, Sc même un crime
énorme , que de charger un officier public d’une
fauife accufation ? N’eft-cepas un crime, &un crime
exécrable , que de m’attaquer dans mon honneur,
dans ma liberté, pour me faire perdre la confiance du
public .? N ’ePc-ce pas un crime , que de m’accufer
^ d’un abus de confiance , de iuppofer que j’ai été
capable de fouftraire une feuille d’un a<5te authen
tique , & d’en fubflituer une autre à la place .?
Perfides calomniateurs, votre complot eit heureufement découvert; vos propos , vos démarches , vos
contradictions , vos aveux même ont décelé votre
honte ôc votre turpitude. Il eft prouvé au procès ,
que ç’eft Giraud qui a foliicité la fentence que le
iieur de Segonzat avoit obtenue contre moi ; que
pour parvenir à faire annuller ma donation, & faire
enfuitepaiferlesbiens du iieur de Segonzat à Bouttin,
Giraud avoit confervé la feuille fafale qui me retient
dans les liens. Il eft prouvé que Giraud eft feul l’au
teur du faux que l’on m’impute , puifque l’inftrument de ce faux s’eft trouvé entre fes mains, &
qu'il en a fait ufage , tantôt pour faire annuller ma
donation, tantôt pour me perdre dans l’efprit de
mes juges ôc du public ; il eft prouvé enfin par l’in-
I
�•sv.
(60)
'
vraifemblance des faits de l’accufation, par la faufleté
des déportions de mes délateurs, par l’évidence des
contradiélions , dans lefquelles ils font tombés , par
les pièces juftificatives que j’ai produites , & par les
dépositions des autres témoins de l’information, que
dans cette affaire, il n’y a d’autres criminels que mes
perfécuteurs. Y a-t-il de fatisfaétion publique, de
dommages-intérêts qui puiffent réparer le tort qué
des injures & des calomnies il odieuies m’ont caufé £
8z arrêter l’effet du poifon de ces mortelles impos
tures l
J ’obferverai en finiffant, que ce n’efl point par
un efprit de haine & de vengeance, que je me fuis
permis quelques déclamations contre mes délateurs ;
c’ëft la néceflité d’une légitime défenfe qui m’y a
obligé : j’y étois d’ailleurs autorifé par les loix_, puiiqu’en même temps qu’elles défendent l’injure, elles
permettent de la repouifer par les termes, les expreffions & les couleurs les plus vives : Licet enim fanguinern fuurti QU a l i t e r , q u al i t e r redimere ( a
Signé, D E S M A R O U X .
( a ) D it M ornac, fur la loi
confciv. Bart, fur la même loi.
1,
de bon, eor. qui ante fentent. mort, ftbi
�C o p i e du billet qui me fu t envoyé par le f ieur
Tailhardat de la Fayette contrôleur, le 9 octobre
1 776.
J
»
»
»
»
e
prie M. Defmaroux de vouloir fe donner la
peine de paffer au bureau, pour me payer le contrôle & infinuation de la donation qui lui a été
faite par M. de Segonzat, que j ' ai remife au notaire..........il obligera fon ferviteur.
Signé T A I L H A R D A T
DE L A F A Y E T T E .
Cet écrit eft produit au procès.
Monfieur C H A B R O L
préfident} lieutenant
général criminel rapporteur.
M e G A S C H O N , avocat.
D e f f a y e s , p ro cu reu r.
Signé, D E S M A R O U X .
A R I O M , chez M a r t i n D É G O U T T E , Imprimeur
Libraire ; près la Fontaine des Lignes, 1784,
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Desmaroux, Joseph. 1784]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Desmaroux
Subject
The topic of the resource
faux
notaires
opinion publique
Duc d'Orléans
donations
droits de lods
droits féodaux
abus de confiance
prison
coutume du Bourbonnais
témoins
faux témoignages
violences sur autrui
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire justificatif, pour maître Joseph Desmaroux, notaire royal et procureur au bailliage royal de Montaigut en Combrailles, prisonnier dans les prisons de la ville de Riom, accusé. Contre monsieur le procureur du Roi de la sénéchaussé d'Auvergne et siège présidial de la ville de Riom, accusateur.
Copie de la pièce d'enregistrement par le contrôleur Tailhardat de la Fayette.
Table Godemel : Faux : dans un acte, reçu le 24 septembre 1776, la feuille du milieu avait été soustraite et remplacée par une autre contenant des altérations essentielles. quel est l’auteur de la substitution ? est-ce celui au profit duquel l’acte avait été consenti, ou le notaire recevant ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Chez Martin Dégoutte (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1784
1776-1784
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
61 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G0934
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G0933
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53095/BCU_Factums_G0934.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Montaigut-en-Combrailles (63233)
Riom (63300)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Abus de confiance
coutume du Bourbonnais
donations
droits de lods
droits féodaux
Duc d'Orléans
Faux
faux témoignages
notaires
opinion publique
prison
témoins
violences sur autrui
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/18/53952/BCU_Factums_B0113.pdf
66ad76188d33020a77dd44593a220e16
PDF Text
Text
M
É
M
O
I
R
JUSTIFICATIF
E
,
P O U R
J
«r
Mc D E S M A R O U X ,
ACCUSÉ.
C O N T R E
M. LE PROCUREUR DU RO I
A C C U S A T EUR.
�CRIMINEL.
M
É
M
O
I
R
E
JUSTIFICATIF,
P O U R Me J o s e p h D e s m a r o u x , Notaire Royal &
Procureur au Bailliage Royal de Montaigut en
Combrailles, prifonnier dans les prifons de la V ille
de Riom, accufé.
C O N T R E Monfieur le Procureur du R oi de la
Sénéchauffée d’Auvergne & Siège Préfidial de la
Ville de Riom } accufateur.
infortunée de la vengeance & de la calomieje
n gémis depuis deux mois dans l’horreur des
prifons ; j'éprouve tout ce qui eft deftiné aux fcélérats du premier ordre; cependant, tout autre que
m o i eft coupable du crime qu’on m’impute. Fut-il
A
Vci t i m e
r
~
�*jamais d’accufé plus cligne d’être .plaint du public 8c
' protégé par -la juftice '1 Diipeniàteurs de ce tréfor
«îacré, magiilrats intègres, vous devez l’ouvrir à tous
ceux qui le demandent ; s'il pouvoit être fermé pour
un, il pourroit l’être pour tous : le dernier des citoyens
' y a le même droit que les puiiTances du royaume ;
mais, .s’il pouvoit y avoir quelque préférence iiir la
diftribution d’un bien il précieux, la raifon, la nature
Sc l’humanité ne demanderoient-elles pas qu’elle fût
. en faveur du malheureux qui eilinjuftement opprimé?
Père de famille, domicilié, jouiiTant de tous les
droits de l’honnête bourgeoise , j’ai été outragé
dans mon honneur, dans ma perfonne, dans ma
-liberté. Chargé par état de la confiance & du f e c r e t
des familles, j’ai depuis long-temps rempli tous mes
devoirs avec toute l’attention qu’ils exigent : e x p o i e ,
"malgré ces avantages, aux coups d’une trame odieufe,
ourdie par le reifentiment, fomentée par la paillon,
- & foutenue par la cabaletdç-^quelques ennemis pervers,
, je fuis confondu avec les malfaiéïeurs, & réduit a
paroître aux yeux de la juilice en criminel.
Mais, qui peut fe ‘ défendre de la calomnie, iur"
t o u t quand elle eil armée du bouclier impénétrable
-¿le ia tyrannie, le fecret! Combien de gens h o n n ê te s
‘ont été à la veille de fuccomber fous le poids de
-raceufation la plus injufte ? La vertu la plus p ^
'n’eft-ellepas tous les jours en butte à l’envie & a ^
�TlaiTuré par mon innocence, je pourrois laifFer le
foin de ma défenfe à la réputation que je me fuis
acquife en vingt-deux ans d’exercice dû
charges
& des différents emplois de confiance dont j ai ete
honoré par plufieurs perfonnes de considération ; je
pourrois me difpenfer de me donner en fpeétacle au.
public, par un mémoire, û la juilice humaine, mesu
rant fes coups fur ceux de la juftice divine, pouvoic
çonnoître fur le front des hommes la perverfité de
leur cœur, & diitinguer le coupable de l’innocent;
fi elle pou voit dire en toute atfurance : Defcendam,
.. 6’ videbo utràm clamorem qui venu ad me opere compleverim an non efl Itd ut fciam ( a ') .
Ma caufe intérelle effentiellement la fociété ; c’eit
celle de tous les notaires; c’eft celle de tous les
citoyens, parce qu’il n’y a perfonne qui puiife fe
flatter de n’avoir aucun ennemi, & d’être à l’abri de
la calomnie. Des circonitances il fingulières & fi inté^
reiTantes pour un homme public, demandent qu'il
faife paroître de la fenfibilité; elles veulent q u i1
repouife l’outrage; elles lui mettent les armes à la
main pour ia défenfe. Ce feroit donc mériter de ma
part toutes les injures qui m’ont été faites, que de
n en pas faire çonnoître l’injuftice aux refpe&ables
luagiftrats qui doivent me juger, & au public qui
!u a allez honoré de fon eitime, pour ne pas me fair^
Vn crime du filence que je voudrois mimpofer.
( tt) Genef, ch'ap. 1 8 , verf. 2 1 .
A
2
�L e fieur de Segonzat, feigneur de Champigoux,
'fit en ma faveur, par un feul & même aéte du 24
feptembre 1 7 j 6 } deux donations : Tune, à titre oné
reux, & l’autre abfoiument gratuite : l’a<5le fut reçu
par Giraud, notaire royal à Montaigut; il fut paifé
dans l’étude du notaire, & écrit de la main de Lougnon
qui lui ièrvoit de clerc pendant les vacances qu’il
paiîoit à Montaigut, chez le iieur Tabardin, notre
beau - frère.
Il eft dit dans la première partie de cette donation,
que le ijfeur de Segonzat me donne, par donation
entre-vifs, le bien & fief de Champigoux, fous la
réferve de l’ufufruit & jouillancede tous les bâtimens,
jardins y attenans, de deux chenevières..........le iieur
de Segonzat fe réferve auifi la dire&e fur les objets
donnés, & y impofe la redevance d’un denier de
cens portant profit. La donation eft de plus faite, à
la charge par moi de payer annuellement au iieur de
Segonzat une penfion viagère de 800 liv. d’acquitter
fes dettes, juiqu’à concurrence de la fomme de
lo a o o liv. ou environ, & de le tenir quitte de la
iorome, de ^ 3 liv. qu’il me devoit perionnellement.
La féconde claufe de la donation porte que « Ie
» fieur de Segonzat déiirant me témoigner la conti» nuation de ion amitié & de fon affe&ion „ . - •
a
* donné & me donne gratuitement, & aux miens*
�» par donation entre-vifs perpétuelle & irrévocable9
» le domaine appelé des Rondiers, fitué audit lieu
« de Champigoux, coutume deBourbonnois, & tous
r> les autres héritages en roture, qui lui appartenoient,
y> fitués dans les paroiiTes de Mourmière & St. Eloy ,
» avec quatre boeufs.......... en quoi que le domaine
y> des Rondiers & héritages en roture confiftent &
» puiiTentconfifter, fans en rien retenir ni réfer ver (a ).
Je dois obferver ici ( & c ’eft le feul crime qu’on peut
m'imputer, en fuppofant que je doive être garant des
laits d’autrui ) qu’à la fuite de cette fécondé partie
de la donation, Giraud qui la dtéloit, fit, par igno
rance, ou plutôt dans le deifein de trahir mes intérêts,
inférer la clauie, que le fieur de Segonzat me donnoit
de plus t o u s s e s b i e n s é c h u s e t a é c h o i r , p u é s e n s
e t a v e n i r (/>); ce qui rendoit la donation radicale
ment nulle, d’après les difpofitions textuelles de l’or
donnance de 1 7 3 1 .
J ’étois dans l’étude de Giraud, pendant q u il étoit
occupé à compofer cet a&e ; mais je faifois alors la
converfation à l’écart avec le fieur de Segonzat, & ne
donnois aucune attention à ce que Giraud di&oit,
n ayant*garde de fufpeéter fes deileins, moins encore
■(û) Nota. C e ft pour ce dernier objet de la donation feulement)
le fermier de M. le duc d’Orléans m’a demandé des droits de lods*
L a minute de la donation étoit compofee de deux feuilles« fit
claufe fe trouvoit écrite dans là feuille du milieu.
�( 6)
de me défier de Ton expérience & de fit capacité qui
m’étoient connues : d’ailleurs, on dévoie mç faire
leéhire de l ’a ile ; on me l’a fie en efiet, & alors
remarquai la claufe vicieufe : j’en iis auiïi-tôt l’obfer-.
vation, & demandai que la minute fût changée, ou
la claufe fupprimée, attendu que je n’étois pas dans
l ’intention de fournir aux frais d’une donation qui ne
pouvoit m’être utile. Sur ma repréfentation, Giraud *
ayant remontré qu’il fuffifoit de changer la feuille du
milieu, fur laquelle étoit écrite la claufe vicieufe, &
de fubflituer une autre feuille, dans laquelle on ne
comprendroit point les biens échus & à échoirs } pré' fens & à venir, le iieur de Segonzat & moi nous ren
dîmes à fon avis. Dans le même moment, la feuille
étant tranferite par Lougnon, la claufe fupprimée Si
l’aéte figné, je me retirai avec le iieur de Segonzat,
laiifant iiir la table de Giraud, & la minute de la
donation, & malheureufement la feuille fupprinuç
qu’on auroit dû déchirer dans l’inftant, Mais quel eft
l’homme allez prévoyant qui puiife fe flatter de n’avoir
jamais eu d’imprudence à fe reprocher?
Enfans de colère & du menfonge, vous qui êtes
plus confommés en malice que ces fcélérats même,
dont les crimes ont enrichi Unitaire au déshonneur
de la nation, mon imprudence va fournir à votre
imagination une vaite carrière, pour exercer vos
talens. Mais tous vos projets odieux, vos impoftur^,
vos calomnies, viendront, fe brifer à l’écueil de lip*
vraifemblance & des contradi&ions.
�(7 )
,
.
..
— -Les dates font dans cette affairé, de la plus 'grande
‘
importance.
'.......
c La donation faite* en ma faveur par le fieur de
^Segonzat, le 2.4 feptembre 17 7 6 y lut contrôlée &
¿nfinuée le 2,6 du même mois. Cette vérité ne peut
iparoitre équivoque , puifquelle eft confignée dans
des aéles .publics, dans un certificat du contrôleur,
& dans fa propre dépofition.
^
Devois-je m’attendre qu’une libéralité de cette
-nature alloit devenir pour moi le principe de la dei‘tru6lion de ma fortune! Pouvois-^je prévoir que des
-héritiers qui avaient refüfé d’accepter ce don, âux
Tnemes conditions que moi, fe ligueroieilt un jour avec
des ennemis jaloux & un fermier avide, pour me perdre
-dans l’efprit d’un confeil éclairé, du confeil d’un prince,
à tous égards refpedjjable, M. le duc d’Orléans?
La ligue formée , je fus atteint de fes coups-meur
triers, peu de temps après la donation. Je vis éclôrfe
deux procès contre moi, & s’en former un troiiîème
-qui attend fon exiftence du fort de la plainte q u oa
a fait-rendre contre moi.
I
‘ Giraud, quel nom viens-je de prononcer î ouï,
Giraud* ce même notaire qui a di&é la donation faitfe
^n ina faveur, par le fieür de Segonzat, cé notaire
jjui avoit eu la confiance des deux parties^ ie montre
^'la^tête de la cabale; il eft le •premieri'qui c'hei'çhe
faire dépouiller ’detf biéiis iqüi venbièiït de m êtrfe
’^ rniés en fa préfencè. Que ne^d'oît - on pas -crâindïb
^ ieifentiment & d’une baiTe jaloufieS
�(8)
Depuis la donation, ayant été chargé, en ma Qua
lité de procureur, de la défenfe de Jean Rouzîiie',
auquel Giraud avoit iufcité le procès le plus>injufte,
pour la vente de la coupe dun bois taillis je deviens
un objet odieux pour Giraud. Il faut me venger,
dit-il, il faut me venger, quand je devrois moi-même
être enveloppé dans ma propre vengeance.
Des raifons d’intérêt l’animèrent encore & lui
fuggérèrent le plan qu’il a fuivi, & que, fans doute,
il méditoit, en faifant ma donation, puifqu’il a confervé foigneufement cette feuille fatale que je fis
iiipprimer. C ’eft cette pièce dangereufe qui lui four
nit le moyen de me nuire. On voit tout d’un coup
l ’ufage qu’il en pou voit faire, & il le fit d’autant plus
avidement, que le fuccès & l ’impunité paroifToient
infaillibles.
Il voit le fieur de Segonzat, l’engage à fe pourvoir
contre fa donation, & lui fait part des reiTources qu’il
lui a ménagées pour réuifir à la faire déclarer nulle.
Ceux qui ont connu le fieur de Segonzat, ne feront
point étonnés que Giraud ait pu le faire varier.
On m’aiTigne donc le 1 7 février 17 7 7 en jufàce
de Montaigut, en nullité de cette donation faite cinq
mois avant. Le moyen de nullité eft tiré de ce que
la donation comprend les biens à venir.
Quel abus, Giraud, faites-vous de votre miniftère?
Eft-ce la haine feule qui vous confeille de vous com
porter ainfi ! Non : une efpérance chimérique vous
�t 9)
fait ,encore agir., Vous vous étiez periuade què ladonation faite en ma faveur étant une fois annullee*
le fieur de Segonzat difpoferoit des mêmes biens en,
faveur de Bouttin, beau-frère de votre gendre. C ’eft
le langage que vous avez tenu, & la convention que
vous aviez faite avec le fieur de Segonzat : la preuve
en eft écrite au procès.
Je" négligeai de comparoître fur la demande du
fieur de Segonzat, ou plutôt je ne favois quel parti
prendre; car, comment éviter la nullité, s’il falloit
que j’adoptaife le faux a<5te, & comment entrepren-v
dre de pourfuivre mon confrère en aèlion de faux!
comment même prouver la fauifeté?
Cependant le iieur de Segonzat prit contre moi.
une fentence par défaut, le 4 du mois de mars, qui
déclara la donation nulle.
L ’impofture, fière de mon filence & de fes pre
miers fuccès, alla croiifant de jour en jour. Giràud
s’étant retiré pour un moment derrière le rideau, je.
vis paroître fur la fcène Salleneuve, fermier de M.
le duc d’Orléans, pour me fufciter un nouveau pro
cès, fous le nom de ce prince. Ce fermier s’étant
figuré que la donation qui m’avoit été faite par le
fieur de Segonzat, étoit une vente déguifée, me fit
aflîgner, fous le nom du prince, en la juftice de
■Montaigut, le 1 ^ du même mois de mars, pour être
c°ndamné à payer les droits de lods.
1
défenfe fut fimple. Je ne devois pas de droits
�Cio)
rde lods pour une donation gratuite;'& quand j’en
aurois dû, je ceiTois d’y être aiîujetti, fi, par la four
berie de mon notaire, ma donation devoit demeurer
nulle : ce furent les moyens que j’employai ; je dis
d’abord qu’une donation ne donnoit point ouverture,
aux droits feigneuriaux dans la coutume de Bourbonnois ; j’ajoutai fubfidiairement que la donation
fa ite en ma faveur par le fieur de Segon^at} avoit
été déclarée nulle par une fentence du bailliage de
Montaigin 3 d3ouje concluois que M . le duc d 3Orléans
ne pouvoit pas exiger de droits feigneuriaux, jufqu à
ce que la jujiice eût prononcé définitivement jiir cette
demande en nullité de la donation, ou que le fieur de
Segon^at s3en fu t déjijlé.
J ’étois bien loin par ce genre de défenfes, d’ap
prouver la demande en nullité, & j’en difois allez
pour montrer le cas que j’en faifois, ou du m o i n s
pour convaincre que je ne m’en tiendrois certaine
ment pas à la fentence de Montaigut.
. Comment donc la malignité peut-elle me faire ufl
crime de m’être ainii défendu l Etoit-ce m ’a p p r o p r i e r
le faux de Giraud, & vouloir abufer de la nullitf
apparente, que d’en appeler, au contraire, à lajuft*te, & d’annoncer que je ne regardois pas comme
définitif le jugement de Montaigut? d’un autre côté,
ii ce faux devoir produire fon effet, fi je ne p o u v o i r
parvenir à écarter cette prétendue & fauiTe nullite>
oit-il jufte que je payaife les lods d’un bien ep*
�< « ')
n’étoit pas à mol! c’étoient les termes ou ) en etok
lorfque je me défendis, & il y a à ce fujet deux circonftances bien remarquables : lu n e, qu’à l’époque
des défenfes que je fis fignifier le i< juillet 17 7 7 t
contre la demande de M. le duc d Orléans , il eft
inconteftable que la fentence qui déclaroic nulle la
donation que m’avoit fait le fieur de Segonzat, fubfiftoit dans toute fa force, puifque je n’attaquai cette
fentence par la voie de l’oppofition qu’au mois d’aouc
fuivant.
L ’autre, que Giraud, de concert avec Salleneuve,
pour me perdre, ayant eu l’infidélité de lui délivrer
une expédition de la donation dans laquelle il avoit
inféré la claufe des biens échus & à échoir préfens &
à venir ; & Salleneuve m’ayant fait fignifier cette
donation dans cette forme, j’avois tout lieu de crain
dre que la perfidie de Giraud ne l’eût encore porté à
faire contrôler & infinuer cette donation dans la même
forme. Il n’y a rien à efpérer d’un ennemi, & tout eft
à craindre de fa part.
« Pour terminer mes doutes & fixer mes incerti
tudes, j allai confulter les regiftres des infinuations,
Sc me fis donner par le greffier une expédition de la
donation. Etant alors bien aifuré de fa validité, je
formai oppofition à la fentence qui avoit été iurpriie
contre moi, de la part du-fieur de Segonzat, & depuis
'1 n a plus été queftion, ni en la juftice de Montaigut,
1X1en ta cour de parlement, où l’affaire fut portée par
,
�'(,1 2
)
"appel, de la fentence obtenue parle iîeur de Segonzat,
qui déclaroic la donation riulle.» Giraud avoit en ion
pouvoir, & la feuille fuppriinée, & celle qui fut iiibftituée, au moment de l’aéte ; & cet ennemi juré fe
faifoit un jeu de délivrer des expéditions, tantôt dans
une forme & tantôt dans l’autre : tel eft l’art dange
reux qu’une intrigue adroite fait employer pour fatisfaire Tanimofité, Sc compromettre l’innocence.
Inftruit du contenu en l’expédition que javois
retirée du greffe, le fieur de Segonzat ne put fe diffimuler que la donation étoit valable, & que Giraud
l’avoit induit en erreur, en abufant de fa crédulité-;
il s’empreifa à m’en faire part & à fe réconcilier avec
m o i l a lettre qu’il m’écrivit à ce fujet le 10 août
1 7 7 7 , eil trop eifentielle à ma juilification, pour
que je puille me difpenfer de la tranfcrire ici dans fon
entier.
!
« Moniîeur, M. Bidon, mon procureur, m’a die
» que vous avez formé oppolltion à la fentence ( du
4 mars 17 7 7 , qui déclaroit la donation nulle, comme
contenant la claufe des biens échus & à échoir, ôcc. ) j
» je vous prie de ne point la pourfuivre : M. G i r a u d ,
» quoique votre ami, m’avoit confeillé cette demande,
pour m'engager à faire une nouvelle donation a
» B outtin j* il m avoit dit q u il s*e'toit refervé, lors de
y> la donation , DE quoi à me faire réujftr : je fuis
,» trop:content de vous, pour me laiifer,gouverner
y) à l’avenir par'de.mauvais confeils; laites,laire w
»
�( 13 )
v» Coupe * je vais la manger chez vous, & fuis votre
r> ferviteur, figné 3 d e S e g o n z a t r>.
. Il n’y a rien dans cette lettre qui ne foit remar
quable. Chaque phrafe, chaque ligne, chaque mot
découvre la perfidie de Giraud & la noirceur de fe’s
intentions : il a confeillé la demande en nullité ; il a
confervé d e q u o i à la taire réuilir ; il a déterminé le
fieur de Segonzat à difpofer en faveur de Bouttin,
des biens qui m’avoient été donnés. Quelles preuves
plus fenfibles pourroit-on exiger pour diitinguer le
coupable de l’innocent? Giraud a confervé, lors de
la donation, de quoi faire réuifir la demande en nullité
çlu fieur de Segonzat. C e d e q u o i enveloppé fous
l’ombre du my itère, peut-il fe réiérer à autre chofe
qu’à la feuille fupprimée, lors de la donation, dans
laquelle on avoit inféré la claufe des biens échus &
à échoir ï Non, Giraud, vous en êtes convenu vousmême, & les témoins ouïs dans l’information l’onc
attefté à la juftice, d’après les aveux que vous leur en
avez faits.
> La perfidie de Giraud étant ainfi découverte ,
la conteftation qu’il m’avoit lait iufciter par le fieur
de Segonzat, fut auifi-tôt terminée.
Le 12 du meme mois d'août, fut jugée r.inilance
d’entre M. le duc d’Orléans & moi. Par la fentence
qui intervint, M. le duc d’Orléans fut débouté de fa
demande en paiement de droits de lods, à la charge
par moi d’affirmer & de faire affirmer par le fieur de
�C 14 >
Segonzat, que la donation du 24 feptetnbre 17 7 6
étoit Jîncère , & quelle 11 œvoit pas été imaginée pouf
frujlrer M . le duc d* Orléans , des droits feigneuriaux.
L e fieur de Segonzat & moi fîmes notre affirma-’
tion le même jour fur la fincérité de cette donation;
& ) avois lieu de croire qu'un aéte auiîi folennel
deiIÎHeroit les yeux à mes perfécuteurs, & me délivreroit de leur tyrannie. Mais, de quel poids peut
être la religion du ferment pour des hommes dont
les principes ne renferment aucune conféquence,
pour des hommes qui ne coniiiltent que'leurs paillons
Sc l’intérêt ?
Giraud & Salleneuve, quoique réunis en fecret,
ne fe font montrés jufqu’à préfent contre moi, que
lu n après l’autre ; mais ils vont marcher de front :
plus animés que jamais, l’un, de ce qu’il n’a plus d’eipérance de me faire enlever les biens du fieur do
Segonzat, pour les faire paiTer entre les mains de
Bouttin, & l’autre, de ce qu’il craint d’être prive
des droits de lods qu’il m’avoit demandés, fous le
nom de M. le duc d’Orléans, forment un nouveau
fyftême pire que le premier : n’ayant pu parvenir *
déchirer leur vi&ime, ils tentent la voie de la faire
égorger. Calomniateurs iniignes, que ne m’eft - ^
pofliBle de peindre ici toute la noirceur de vos dé
marches dans cette circonftance ? Que n’ai-je dans
ce moment une plume de fer, & le talent d’écrirô
en caractères de feu l Mais quel homme peut etrô
�à 'l’abri des traits d’une cabale odieufe & întereffee î
Ces hommes, nés pour le malheur des autres, ces
hommes qui ne connoiflent que l’intrigue & ne res
pirent que la haine; ces hommes que je me félicite
d’avoir pour ennemis, parce que les honnêtes gens
en auront toujours de tels, tant qu’il y aura des mé
dians, parviennent par leurs fubtilités & leurs manœu
vres, à perfuader au confeil du prince, que je fuis
Unfourbe un ïmpojleur, un fau (faire enfin. On invente,
on controuve des faits ; on leur donne les couleurs
les plus vives & les plus éclatantes; on transforme
les avions les plus indifférentes, pour les rendre
douteufes, & toutes ces indignités fe trouvent renfer
mées dans un mémoire qu’on préfente au confeil du
prince, avec une lettre de Giraud qui en attefte la
fincérité.
Ce mémoire, tout infidelle qu’il étoit, a produit
l’effet que mes ennemis s’en étoient promis. Après
un arrêt du n août 17 7 9 , qui infirme la fentence
du juge de Montaigut, & me condamne à payer au
prince ( o u , pour mieux dire, à fon fermier, partie
principale intéreffée ) les droits feigneuriaux pour
line partie des objets que m’avoit donné le fieur de
Segonzat, je me vois, près de cinq ans après, enchaîné
dans les détours d’une procédure criminelle. Les droits
de lods furpayés au fermier du prince , les frais
acquittés, la conteilation terminée, jeiuis tout à coup
lié, garrotté & conduit comme le plus infamô
,
�(t6)
des criminels, par un huiiîier & la maréchaüÎTée 'dànS
les priions de la ville de Riom.
Qu’on fe peigne, s’il eil poifible, l’état affreux où
je dus me trouver, au milieu d’un cortège auflî
effrayant : Quelles révolutions étranges la nature n’é
prouve-t-elle pas dans des momens auiïï critiques \
Un homme d’honneur n’eit feniible alors qu’au regrec
de vivre encore ; il croit voir d’un feul coup d’œ il,
fa jeuneife, fa vie facrifiée, fa fortune envahie, fës
enfans & tous fes parens couverts de honte, plongés
dans l’opprobre, dans l’indigence, & difperfés : des
objets auifi effrayans ne font-ils pas fentir les tortures
les plus rigoureufes, & ne confondent-ils pas toutes
les facultés de l’ame.
Il
feroit inutile de m’étendre davantage fur des
images auifi hideufes : il n’eil perfonne qui ne foin
frappé d’un fpeétacle fi révoltant, & qui, d’après fes
propres réflexions, ne gémiife de voir encore dans la
fociété des monftres aiîez barbares pour immoler au
plus vil intérêt tout ce que leurs concitoyens ont de
plus précieux.
Que la nature du décret n’étonne pas : Giraud &
Salleneuve font témoins dans l’information faite contre
moi, à la requête de M. le procureur du roi.
*
Quelle manœuvre incompréhenfible pour étayer
une plainte ! Giraud & Salleneuve font mes ennemis
jurés, les auteurs de la ligue, mes perfécuteurs, m.es délateurs : ce font eux qui ont préfenté des mémoires
contre
�C 17 )
contre mol au confeil du prince; ce font eux qui ont
envoyé au greffe civil de la cour de parlement 1^
feuille fupprimée de la donation duiieur de Segonzat J
cé font eux qui ont follicité & obtenu l’arrêt du 1 1
août 17 7 9 , & ce font ces mêmes hommes qui ofent
fe préfenter à la juitice pour être témoins contre moi lQu’eft-ce donc qu’une accufation pour laquelle on1
commence à faire violer les règles les plus inviolables
del’ordre judiciaire! Votre religion âété furprife, magiftrats refpedtables : des coupables artificieux, dans la
vue d’éviter ou de diminuer les châtimens dont ils font
menacés, ont eu l’audace de fe plaindre des perfécutions qu’ils ont fufcitées aux autres * & d’imputer
leur propre crime à celui qui auroit dû être leur accufateur; mais quel ne doit pas être monefpoir? Eclairés
du flambeau de la juftice, vous avez déjà percé les
ténèbres où l’on cherchoit à vous égarer ; vous avez
déjà pefé au poids du fanétuaire la valeur des pref- .
tiges quon avoit employés pour vous faire illufion,
puiique Giraud, l’un de mes délateurs, a été décrété
d’ajournement perfonnel. Après le récolement & la
confrontation, n ai-je donc pas lieu d’attendre que,
pénétrés de la délicateife de vos fondions qui fonc
toujours proportionnées à celles de la confcience ,
limpoilure étant entièrement découverte, & l’inno
cence reconnue, les prévaricateurs fubiront le fort:
auquel ils m’avoient deftiné !
Ces premières réflexions çtevroient être fufïifante£
C
�,
c i 8 )
pour me juftifîer d’un crime, donc je n’ai p.u me
former l'idée ; d’un crime rqüi àuroit tourné con-r
tre moi, puiiqu’il m’enlévoic le fruit dune donation,
ou qu’évidemment je n’aürôis pu commetre que de
concert avec Giraud, afin-qu’après m’être fervi de
là fauiîe feuille pour éviter les. lods, je pus'rétablir,
enfuitela véritable, pour conferver ma donation; Si'
cependant il eft démontré que, loin de me iervir de
cette fauiTe feuille, j’ài appris que je proteftbis contre
la demande en nullité; & ce même Giraud qui ièroic
auili coupable que moi ,.ii j’avôis* participé au faux/
Si qui l’eft feul, puifque le faux n’a été pratiqué que;
pour me nuire, eft tout-à-la-fois ¡délateur & témoin
contre moi; ii ne manqueroit plus à la fingulaiité du
lait, que de l’avoir pour juge avec Salleneiiye.
-'»■/Mais, l’iniquité de-mes ennemis les trahit itrop >•
pour que je néglige dç les.<en accabler’, a u t a n t quejé le peux. Connue il s’agit ici d’une inculpation des!
plus graves, qui attaque tout-à-la-fois mon honneur,
mes états Sc ma fortune, & qui dépend de l’événe
ment de i’inilru<*tipn, je (ujs obligé de recourir au*
moyens qui concourent-à ma juftilication.'La juftice
lie làuroit me défaprouver, puifqu’elle eft eiie-meine
intéreilee à ne pas fe méprendre lin [ç choix des coü'
pables. C ’eft par l’examen,des déportions que ttnjufticçi fanglante. 'de; la . calomnie; éclatera. Jl eft donc
indifpenlable que j expdib.lës/différens chefs d^acçufation dont ojr m’inçulpe,,
ppur ejU; démontré
�l’injuilice & la fauiTeté, que je rende compte de a
qualité des preuves répandues dans les information,
récolemens & confrontations, par le moyen deiqueli.es
j’en ai eu cormoiiïanceayant d’ailleurs la mémoire
aiTez heureufe pour retenir, fur-tout ce qui mintereife auili particulièrement. Mais une obfervation doit
précéder cet examen.
On a dû remarquer par le détail des faits, dans
lequel je iliis entré, qu’une donation faite en m'a
faveur par le fieur de Segonzat, eft le principe de mes
malheurs Si la fource de la ligue qui s eit formée
contre moi. J ’ai dit, & je le répète, qu’à la leèlure
de cette donation m’étant apperçu que dans la feuille
du milieu on avoit inféré la claufe des biens échus &
à échoir, préfeus & à venir, qui rendoit la donation
nulle, cette feuille fut fupprimée; qu’il en fut fubftituée une autre à la place, & que tant la minute de
la d o n a t i o n , que la feuille fupprimée, relièrent fur
la table de Giraud, notaire recevant.
Voilà le fait eifentiel, prouvé, confiant qu’il ne
faut jamais perdre de vue, parce que c’eft la clef du
fyftême d’iniquité enfanté contre moi, & la preuve
convaincante de ma juilification.
Or, cette feuille fatale fut entre les mains de mes
ennemis, comme une épée à deux tranchans ; elle
devoit fervir à m’enlever les biens, & à les faire
pafTer à Bouttin, fi le fieur de S e g o n z a t vouloit y
ourier ion conientement. Dans le cas contraire, on,
C2
�/ (2 0 )'
pou voit l’employer a me faire une affaire criminelle,
& à y intérefler le prince, en perfuadant que j’avois
fubftitué cette fauife feuille à la véritable, pour priver
le prince de fes droits de lods.
C ’étoit, fans doute, un plan bien abfurde & bien
contradictoire; car, s’il arrivoit, comme on devoit
le prévoir, & comme il eit arrivé en efiet, que je fis
tous mes efforts pour maintenir ma donation & me
garantir de la fauifeté dont on vouloit me rendre
victime, alors il devenoit évident que ce n’étoit pas
moi qui étois l’auteur de cette fauifeté ; mais heureufement les médians ne prévoient pas toujours tout,
& ils tombent iouvent eux-mêmes dans leurs pro
pres filets.
Je me défendis, en effet, comme je l’ai déjà dit,
contre le fieur de Segonzat, & il fut lui-même trèsprompt à abandonner l’erreur dans laquel on l’avoit
précipité.
*
Alors Giraud ayant manquéfon but, & Salleneuve
craignant toujours que je ne réuiliife à écarter le droit
de lods, par le principe qu’une donation n’y efl pas
fuje.tte, ils en vinrent, de concert, à l’autre partie
de leur fyftême, qui fut de m’accufer auprès du
.prince, d’avoir falfifié la minute de la donation. Ils
adrefsèrent à fon confeil un mémoire où ils expo
sèrent.
« i° . Que le 24 feptembre 17 7 6 , l’aéle de donaj) tion fait en ma faveur par le fieur de Segonzat,,
�( 21 )
>> fut préfenté fur les dix heures du foir, tout rédigé,
y> à Giraud, notaire, qui ne voulut le figner avec les
v parties, que le lendemain 2.5 feptembre.
, » 2 0. Que Faite étant figné me fut remis pour le
» faire contrôler & iniinuer.
» 30. Que dans l’efpace de trois ou quatre m ois,
ï> qu'on a fuppofé que la minute de la donation avoit
y> refté en mon pouvoir, je l’avois fait changer, trois
« ou quatre fois; que les premières minutes avoierit
y> été brûlées ou déchirées, & qu’à chaque change^
» ment, la relation du contrôle & de Tinfinuatiori
» avoit été remife fur la nouvelle minute que je pré» fentois moi-même au contrôleur.
« 40. Que dans le temps que j’étois faiii de la
« minute, j’eus recours à deux ftratagêmes pour me
y> difpenfer de payer les droits de lodsque me deman» doit Salleneuve, fous le nom du prince. Le pre» mier fut de fupprimer dans la minute de la dona» don, la feuille du milieu, & d’en fubilituer une
» autre qui renfermoit la claufe des biens ¿1 venir ,
» ce qui rendoit la donation nulle, & faifoit priver
» le prince des droits feigneuriaux. Le fécond fut de
» confeiller au fieur de Segonzat, de former la de» mande en nullité de la donation qu'il ma voit faite,
» & d’oppofer enfuite au prince, contre fa demandé
** en paiement des lods, la fentence qui déclaroit la
« donation nulle, comme renfermant la claufe des,
biens à venir »
J
�( 22 )
Ce font les mêmes chefs d’accufation qiii ont été
mis fous les yeux de monfieur le procureur général,
& qui ont donné lieu à la plainte qui me retient dans
les fers, avec cette différence néanmoins que dans
le mémoire préfenté à M. le procureur général, on
y a ajouté « qu'après la remife de la minute qu’on
» fuppoie m’avoir été confiée, Giraud s’étant apperçu
» qu’à la place de la feuille du milieu, j’en avoîs
» iiibilitué une autre qui renfermoit la claufe des
» biens à venir, ce notaire vint comme un furieux
» chez moi, avant quatre heures du matin; qu’il me
» furprit au lit, dans le temps que je dormois; qu’il
» m’intimida, en me préfentant fur la gorge un pijlolet
y> garni de trois chevrotines ; qu’aulli-tôt je me levai,
» j’allai dans mon étude pour remettre la feuille fup» primée ; que dans ce moment arrivèrent les fleurs
y> de Segonzat & Rance qui relièrent un inftant, allèrent
y) enfuite à la mejfe, & qu’après leur départ, je remis
» à Giraud la feuille fupprimée qu’il rétablit dans
y> la minute, après Vavoir montrée à Salleneuve, & jôta
r> la feuille fauife qui contenoit la claufe des biens
» à venir ».
Qui ne voit dans tout cet expofé un tiiïii de four
beries, d’impoflures & d’invraiiemblances l Qui n’y
reconnoît une machination concertée avec art, avec
réflexion, un inyflère d’iniquité, un ouvrage digne
de l’exécration publique? En fuivant pas à pas ces
calomniateurs infâmes, je me flatte de parvenir à les
�C 23 )
. ,
confondre. Une feule circonftaiice n’opère pas 1^
conviction; mais la réunion des faits ne permet pas
de fe méprendre fur ies vrais coupables. Il eft dond
néceifaire de fuivre, de réunir, de combiner leurs
difcours , de les comparer avec l’énoncé en l’aéte
de donation, avec les dépofitions des témoins, & de
relever les contradictions dans lefquelles ils fohc
tombés : c’eil le feul moyen de faire fortir la vérité
du chaos, où l’on a cherché à l’enfevelir.
-
PREMIÈRE' INCULPATION,
L * a c te de donation fa it en ma faveur par le fieu/
de Segon^at, fut pre'fenté le 2.4 feptembre 1 7 7 6 , fur
les dix heures du fo ir, tout rédigé 3 à Giraud, notaire
qui ne voulut le figner avec les parties, que le len
demain 2,5 feptembre.
.
j;
R É P O N S E.
- I
A ce premier trait de la Calomnie, ne doit-on pas
reconnoître la noirceur du génie de mes perfécuteurs?
peut-on fe difpenfer de croire quune paifiori aveugle
fait arme de tout; que les vérités les plus feniibles,
les démonilrations même n’ont aucun prix aux yeux
des fourbes animés à calomnier l'innocence ?
Quoi ! ma donation a été préfentée à Giraud,
toute rédigée, le 2.4 feptembre, dz elle n’a été lignée
que le lendemain ! Qui s’eft jamais permis-des impoi’-^
tUres auifi évidentes! Lorfque vous avez parlé Jainii£
�( 24)
fjiraud, vous êtes-vous fouvenu que vôus aviez été
le miniflre de l’a6te, que par votre fignature vous
en aviez attefté la iincérité & la date? De deux chofes
l ’une : ou vous conviendrez, comme, vous l’ ave^ fa it
à la confrontation} que ma donation a été paifée le
2.4 feptembre, ou vous perfévérerez à dire qu’elle
ne Ta été que le 25. Au premier cas , vos mé-^
moires, votre lettre au confeil, votre dépoiition,
votre interrogatoire, font un tiiîu de fuppoiitions &
de fauifetés ; au fécond cas, il faut que vous conve
niez que vous êtes un fauifaire, puifque Ta&e dedonation qui fait par lui-même probationemprobatam9
ne permet point de douter qu’il ait été paifé le 24
feptembre.
Jepourrois ajouter que Lougnon qui a écrit l’a&e,
a attefté dans fa dépoiition, foutenu dans fon interro
gatoire ( a ) & à la confrontation, que c’eft le 24
ieptembre 17 7 6 , qu’il l’écrivit, ainfi que la feuille
fupprimée, dans votre étude & fous votre diélée ;
mais cette dépoiition, toute fincère qu’elle eft, ne
peut rien ajouter à la foi d’un a&e qui fait preuve
par lui-même ; ainii Giraud eil néceifairement un impofteur ou un fauifaire; ce qui ne permet point da*
jouter foi à fa dépoiition.
( a ) Nota. L e fieur Lougnon a été auili décrété d’ajournement per
sonnel. Mes juges ont fans doute voulu apprendre de lui-meme les cir-*
confiances dans lefquelles l^éte ayoit cté pafle, & lçpoque à laquelle
¡1 l’avoit écrit.
S E C O N D S
�O j)
S
e c o n d e
I
i n c u l p a t i o n
.
& a c t e de donation étant (igné a me fut remis
pour le faire contrôler & infirmer.
R é p o n s e
.
G iraud s’eft defiaift de fa minute ! Comment un
officier public oÎe-t-il faire un aveu de cette efpèce,
s’accufer de prévarication : nemo creditur allegans
tiirpïtudinem fuam. Cet aveu fuffiroit ieul pour em
pêcher la juftice d’y ajouter foi : mais c’eft encore
une iuppoiition démontrée telle par les dépofitions
des témoins ouïs dans l’information en effet. Le fieur
Lougnon a encore attefté que l’aéle de donation étant
écrit & figné, les parties fe retirèrent 3 & que la minute
de la donation & lafeuillefupprimée furent laijfées fur la
table de Giraud. Le fieur Tailhardat de la Fayette,
contrôleur, a dépofé que la minute de la donation lui
fu t remife pour être contrôlée & infirmée par Giraud,
& q u il la remit au même notaire, après le contrôle &
Vinftnuation. Le même fait eft attefté par un écrit qui
me fut envoyé par le fieur Tailhardat de la Fayette,
le 9 oétobre 1 7 7 6. Cet écrit eft imprimé à la fuite
du mémoire. Peut-on après cela fe diflimuler que
les inculpations qui me font faites, foient l'unique
ruit de la brigue & de Timpofture l
D.
�( i6 )
T
r o i s i è m e
i n c u l p
a t i o n
;
O nu ajouté que dans Vefpace de trois ou quatre mois
qu’on a fuppofé que la minute de la donation avoit refté.
en mon pouvoir , je Vavois fa it changer quatre ou
cinq fo is ; que les premières minutes avoient été brûlées
ou déchirées, & quà chaque fo is , la relation du con
trôle & de l3infirmation avoit été remife fu r la nou
velle minute queje préfentois moi-même au contrôleur.
R
é p o n s e
.
C e t t e troiiième imputation dévoile de plus en
plus l'acharnement de mes ennemis à confoiider l'ou
vrage d’iniquité, dont ils font les architectes ; mais
la vérité fe dérobe rarement aux yeux perçans de
la juilice , & le crime fe trahit ordinairement par les
fubtilités mcme qu’on emploie pour le cacher.
i° . Il eft fuppofé, il eft faux que la minute de la
donation m'ait été confiée. Que la ligue s'étudie tant
qu’elle voudra à inventer, je la mets au défi de
prouver que j’aie été faifi un feul inftant de cette
pièce.
2°. N ’eft-ce pas une fable ridicule de prétendre
que dans l’efpace de trois ou quatre mois, la minute
a été changée jufqu’à cinq fois ? Cette impoflure eft
entièrement détruite, i° . par l’expédition de la dona
tion qui a été tirée des regiftres du contrôle Sc des
infinuations. On voit en effet, par cette expédition,
�( *7 5
qu’elle eft conforme mot pour mot à la minute qui
eft entre les mains de Giraud ; & il n eft pas à preiumer que la minute eût été refaite il fouvent, fi
l’intention des parties n’avoit pas été d’y faire quelque
changement.
2°. Pour adopter une abfurdité de cette nature,
ne faudrot-il pas fuppofer fix fauilaires; deux notaires,
le clerc, le contrôleur & les parties contrariantes l
ce qui ne fauroit fe préfumer.
3°. Les regiftres du contrôle & des infinuations
ayant pafle fous les yeux du miniilère public & de
“ monfieur le lieutenant général criminel, il n’y a été
remarqué ni changement, ni rature, ni furcharge ;
cependant la donation du 2.4 feptembre fut contrôlée
& infinuée le 2.6 du même mois.
40. Les témoins de l’information difent, favoir;
le fieur Charbonnier, l’un des notaires, q u il n3a figné
Vaâe de donation, dont il s’agit ^ quune feule fo is ;
le contrôleur y q u il ne Va enregiflré quune fo is ; le
clerc, quil ne l3a anffi écrit quune fois , & tous les
trois ont déclaré dans leurs dépofitions, récolemens
& confrontations, qu ils reconnoiffoient la minute
qui leur a été repréfentée pour être l a m ê m e quils
avoient écrite, fig{iée, contrôlée & infinuée.
L ’incrédulité elle-même pourroit-elle ne pas céder
a des preuves fi évidentes & fi précifes? Se trouver°it—
il dans le public quelques - uns de ces efprits
malheureux qui croient fi facilement le mal fans preuve,
D a
�w
êc qui doutent toujours du bien, lors même qu’il eft
p r o u v é C e n'eft pas pour eux que je publie ma défenfe ; & toutefois , fi je ne peux parvenir à les con
vaincre, je vais du moins les confondre par un dernier
moyen fans réplique.
G irau d , principal auteur de cette calomnie , l’a
ainii préfenté, pour iervir Salleneuve, dans le mé
moire envoyé au confeil du prince ; il l’a attefté dans
fa dépoiition , & fou tenu dans fon interrogatoire ;
mais à la confrontation, la force de la vérité l a obligé
à venger l’innocence : ce miférable , après y avoir
hardiment répondu aux reproches déshonorans que
je lui oppofois, n’a pu réfifter aux remords de faconlcience ; il s’eft rétra&é pofitivement de ce chef de
calomnie; il a avoué qu'il iiavoit été fait quune feule
minute de la donation. Que d’opprobres? quel abus ?
quel jeu de la religion \ & que peut-on en inférer , fi
non qu’un tel témoin, qui eft l’un de mes délateurs,
s’eft proftitué à dépofer au gré de ion complice.
En faut-il davantage pour rendre la preuve com
plète , pour défabufer 1 incrédulité , & pour démon
trer qu’il eft une juftice fupérieure qui frappe les
criminels d’aveuglem ent, afin de faire foudroyer le
.vice Sc triompher l’innocence \
Q
uat ri è me
i n c u l p a t i o n
.
D a n s le temps que fé to ïs fiifid e la minute>j ieus
recours à deuxflratagémes , pour me difpenfer depayer
les droits de lods que me demandoit Salleneuve, fous
�('!(> )
le nom du prince le premier fut de fupprimer , dans
la minute de la donation, la feuille du milieu, & d’ en
fubflituer une autre qui renfermoitla claufe des biens à
venir ; cequirendoit la donation nulle, &fu fo itp riv er
le prince des droits feigneuriaux. Le fécond 3 fut de
conjciller aufieur de Segon^at déformer la demande en
nullité de la donation q u il m3avoit faite & d3oppofer
enfuite au prince , contre fa demande en paiement des
lods, la fentence qui déclaroit la donation nulle 3 comme^
renfermant la claufe des biens à venir.
R É P ONS E .
T o u t ce que la malice peut inventer de plus arti
ficieux , fe trouve renfermé dans ce chef d’inculpation»
Diffamateurs exécrables, comment avez-vous pu vous
garantir du remords déchirant d’avoir outragé la vérité
d’une manière fi indigne ? Avez-vous jamais conçu ,
combien il en coûteroit à un accufé, pour rendre fon
innocence auifi notoire quepourroit l’être votre diffa
mation l Avez-vous jamais penfé qu’un jour de ca
lomnie demandoit des années entières pour l’effacer,
Si que fes bleifures, fi elles ne font pas abfolument
incurables, laiifent toujours des cicatrices qui quel
quefois pafl'ent d’une génération à l’autre \ M ais,
quelles réflexions peuvent faire des monftres , dont
le cœur ne refpire que la haine & la vengeance ?
Ce n’eit pas aifez pour faire punir un crim e, de
*uppofer qu’il a été commis ; il faut le prouver, St
�C 3°)
donner des preuves plus claires que'le jour. Que tous
ceux, dit l'empereur, qui veulent intenter une accufation capitale, fâchent qu’ils n’y feront point reçus*
s’ils ne la prouvent, ou par des titres inconteftables ,
ou par des témoins fans reproche, ou par des indices
indubitables & plus clairs que le jour. Sciant ciincli
accufatores eam Je rem dcferre in publicam notionem
debere , quœ injlructa Jît apertifjimis documends , vel
munita idoneis tejlibus , vel indicis adprobationem in-dubitatis & luce clariorïbus expédita ( a ) .
Dans la recherche des crimes, en effet, comme
dans le commerce des affaires humaines , l’ufage a
introduit trois différentes fortes de preuves : la litté
rale , la teftimoniale & la conjecturale.
La preuve littérale eit la moins douteufe& la moins
foupçonnée, parce qu’elle fe tire de la leéture immé
diate des pièces authentiques ; elle prend fon principe
dans la propre autorité de la foi des a<5tes ; mais elle
ne fait foi que de ce qui y eft contenu. Irijlmmentunt
nihilaliudprobat, quàmïllndquodcontineturin eo (b).
Pour cette preuve, deux conditions fontrequifes (V ):
l’une , que la pièce qui fert de titre contienne Sc
prouve immédiatement le fait dont il s’a g it . . . car
fi ce titre ne contient rien du crime dont il ejl quejlion,
( a ) L . fin . cod. de probat.
( b ) B a ld , a d leg. a d probat. Z j , cod de probat.
( c ) M. le V a y e r , trair. dela preuv, par copp.d ecrit*
�( 31 )
$c qu’ori s’en ferve feulement pour en tirer des conféquences & des induCtions par conjeCtures, alors cette
preuve ne s’appelle plus preuve littérale du crime ; ce
neft plus qu’une preuve littérale d’une conjecture ,
& par conféquent, elle ne forme plus elle-même
qu’une conje6ture & un indice.
La fécondé condition néceiTaire eft, que la pièce
qu’on produit fa(]'efoi par fon autorité propre ; car il
elle ne fait pas foi par fa propre autorité, ce n’efë
point encore une preuve littérale, d’autant que ce n’eil
plus la pièce qui prouve : la preuve vient alors, ou
des témoins, ou des indices qui lui font donner créance ;
Si ainii, elle tombe encore dans l’efpèce de la preuve
teftimoniale ou conjeCturale.
La feuille fupprimée au moment de la donation du
24 feptembre 17 7 6 , peut-elle être-confidérée comme
une pièce authentique? peut-elle faire foi par ellemême que j’ai voulu priver le prince des droits feigneuriaux l 11 faudroit fuppofer les tètes & les idées
de tout le genre humain renverfées, pour qu’il pût fe
trouver un feul homme qui osât affirmer des abfurdites auifi révoltantes. i° . Une pièce qui n’a étéfignée,
ni par les parties, ni par un notaire, ne fera certaine
ment jamais confidérée comme un a6te authentique.
■20. La fuppreffion de cette feuille, qui renfermoit la
■claufe ’des biens échus & à échoir , préfens & a venir 3
peut d’autant moins manifefter mon intention de faire
•priver le prince ou fon fermier des droits feigneuriaux.
�( 32 )
que dans le moment de cette donation, j’étois intime
ment convaincu que je n en devois point, d’après les
difpoiitions de la coutume de Bourbonnois, fous l’em
pire de laquelle fe trouvent iitués les biens donnés.
Suivant le langage de mes ennemis , je n’ai gardé
la minute de la donation, que pendant trois ou quatre
mois. Dans cet intervalle, le fermier de M. le duc
d’Orléans, n’a formé, contre moi, aucune demande
pour le paiement des droits de lo d s, puifque je n’ai
été affigné par ce fermier 3 fouslenom du prince, que
l e i j mars 17 7 7 , dans un temps où l’on convient que je
n’avois plus la minute de la donation en mon pouvoir.
Or, dès le moment qu’il eft prouvé, par l’aveu même,
de mes délateurs , qu’au temps de la demande du
prince, je n’étois pas faifi de la minute , on doit néceflairement convenir que je n’ai pu en fupprimer la
feuille du milieu pour en fubftituer une autre.
Eft-il croyable d’ailleurs, que, pour me fouftraire
au paiement des lods, j’euiTe voulu m’expofer, d’une
part, à me faire dépouiller des biens donnés; & d’une
autre, à voir ma fourberie découverte, par le moyen
du rapport de l’expédition qu’on étoit dans le cas de
retirer duregiftre des infinuations 1L ’intérêt eft la règle
Si la meiiire des actions : on ne fe porte point ordi
nairement à une fcélérateife,lorfqu’on n’en doit retirer
aucun fruit, nemo gratuité malus ; & il ne pourra ja
mais paroître vraifemblable, qu’un quelqu’un s’expofe
il encourir une accufation qu’il eft le maître d’éviter.
�(33 )
'Quel ufage, au furplus, ai-je fait* de cette Feuille,
qui n’a jamais été en mon pouvoir, & que je n aurois^
certainement pas remife à Giraud , fi j’en avois été
faifi? V ai-je oppofée au prince ou à Ton fermier \ leur
ai-je communiqué quelque expédition, où fe trouve la
fauife claufe des biens à venirl Salleneuve, quoique
l’un de mes délateurs , a dit tout le contraire dansi’es
dépofition, récolement & confrontation.
Mais , à propos d’expédition, je me rappelle d’un
moyen bien important, pour coniondremes ennemis;
j’ofe même dire quil eft décifif. Le voici :
. Dans fa dépofition, Giraud a dit , qu3après que VaÜe
de donation eut été refait pendant trois fo is , dans l3e f
pace de deux mois , ou un peu plus 3 & que les pre
mières minutes eurent été brûlées ou déchirées en préfence du fieur Charbonnier, il me délivra une expédi
tion de la donation , une fécondé expédition au fieur
Rance , & une troifème à Salleneuve.
De fon côté, Salleneuve a foutenu que je lui avois
communiqué l3expédition que fa vo is retirée ; q u il en
avoit pris une copie ; qu il Vavoit confultée, & q u il
écoit aifuré que la claufe des biens à venir, n3étoic
pnnt dans cette expédition : cette claufe fe trouvoit
néanmoins dans les expéditions délivrées dans le même
temps au fieur Rance & à Salleneuve. L ’exiftencede
'la claufe , dans ces deux dernières expéditions, eft
atteftée par les dépofitions de Giraud, de Salleneuve
•A du fieur Rance.
E
�C 34 )
De là réfulte la conféquence néceflfaire, évidente*
que Giraud eftFauteur du faux; car fi je l’avois com
mis, c’eût été, comme on le iuppofe,pour tromper
Salieneuve, & ce fermier convient que je ne l’ai pas
fait, puifque je lui ai communiqué l ’expédition de
l’aéte vrai. Cependant il eft certain qu’il y a eu des
expéditions de i’a£te faux ; que ces expéditions ont
été délivrées par Giraud ; qu’il les a enfuite retirées
ou corrigées : donc c’eft Giraud qui a fait le faux ,
pour me mettre aux prifes avec le fieur de Segonzat,
9
\
ou avec Salieneuve.
Faut-il indiquer ces preuves, pour démontrer que
Giraud eft feul l’auteur du faux \ cela eft très-facile ;
on les trouve dans la conduite que Giraud a tenue, ÔC
dans la dépofition de Salieneuve.
Giraud, inftruit que dans le procès que j’avois
avec M. le duc d’Orléans , Salieneuve m’avoit faic
iignifier une copie de la donation , dans laquelle fe
trou voit inférée la claufe des biens à venir, vint chez:
m o i, me prie de lui communiquer cette copie ; ce
que je fis, fans connoître fes intentions ; & , dans le
moment , Giraud va chez le fieur Coulongeon, pro
cureur du prince, l’engage à raturer la clauiê vicieufe,
& me remet, en cet état, ma copie. Pourquoi faitesvousces démarches, Giraud? quel intérêt prenez-vous
à la conteftation qui s’eft élevée entre le prince & moi?
Vous avez craint que j.’apperçufle votre faulfeté, que
je déconcertaiTe vos projets, &que je priifele parti de
�*îî:> .
vous attaquer leTpremier ; mais ce n’eft pas tout; x
Le iieur Rance , créancier du fieur de Segonzat,
s’étant rendu en la ville de Montaigut, pour prendre
• à ce iujet des arrangemens avec m oi, Giraud , qui
eft inftruit du jour de fon arrivée , l’attend à ma
.porte , entre avec lui dans mon étude ; & à peine le
iieur Rance à-t-il dépofé, fur mon bureau, fes titres de
%créance, parmi lefquels fe trouvoitl’expédition de ma
donation, qui lui avoit été délivrée par Giraud, que
ce dernier fe faifit de cette expédition , l’emporta
- lur le champ , ratura la fetuife claufe, & ne la remit
que plufieurs jours après au fieur Rance qui fit les
plus vives follicitations pour l’y engager. Lors de la
remife, le fieur Rance s’étant apperçu de la rature, 8c
en ayant demandé les motifs à Giraud : que répondit-il?
que fon clerc s*étoit trompé. Quelle invraifemblance !
un copifte fe trompe ordinairement , en omettant
quelques claufesde i’aéte; mais il ne lui arrive jamais,
lorfqu’il eft de bonne foi, comme l’étoit certainement
le clerc de Giraud, d’ajouter dans une copie , des
claufes qui ne fe trouvent point dans l’original. A la
confrontation avec le fieur Rance , Giraud eft con
venu que cette rature étoit de fon fait : cette expédia
tion eft produite au procès.
Giraud ne s’eft pas contenté de raturer la claufe
vicieufe dans les expéditions qu’il a délivrées ; il s eft
en outre lait remettre les expéditions, lorfqu il a pu y
- parvenir. Ce fait eft attefté par Salleneuve qui dit ,
Ea
�. h * ?
'Hans fa dépoiition , que Giraud Vayant prié de lifiremettre la fau(fe expédition q u il lui avoit délivrée, il
y confentit, en lui difant j e n e v e u x p a s LA MORT
d u p é c h e u r , & je ferois fâché de vous expoferà des.
conféquences défagréables.
1
Giraud eft^/w/zi^r; Giraud eft/f faujfaire; Giraucl
eil le coupable ; il eit néanmoins en liberté , Sc je fuis
dans les fers. Que de réflexions ne pourrois-je pas me
permettre ici? mais je fuis hors d’état de les expofer;
ma raifon égarée, mon efprit affoibli, toutes les facultés
de mon ame anéanties , ne me permettent point d’ap
profondir un myftère auiïï inconcevable.
Qu’on perfifte à préfent à dire, avec quelques amés
corrompues, que mon intention étoit de me fervir
de la feuille fupprimée,lorfque le prince me demande*
roit les droits de lods, & d ’oppoferla véritable donation,
lorfque les héritiers Segonzat voudroient m’attaquer,
&que cette fupercherie doit me faire envifager& punie
comme un criminel? Je répondrai toujours avec fiiccès à.
cesfuppofitions, i°. qu’elles font purement gratuites Sc
contraires à la préfomption de droit; que c’eil Giraud,
dépofitaire de la minute , qui en a abufé & qui l’a
falfifiée : car, encore une fois, la fàuife feuille qui fut
fupprimée lors de la rédaétion de l’a&e , & laiflee au
pouvoir de Giraud , ne fait preuve, par elle-même ,
d’aucun crime. Le crime eil dans l’abus qu’on en a
fait : or, cet abus , à qui l’imputer, qu’à Giraud qui
il délivré de fauiîes expéditions-;
comment Tim^
;
�(37)'
«puter à moi, qui en ai reçu une vrâîe, 8t qui l’ai com
muniquée , comme je l’ai reçue, félon le dire meme
delà partie ùntéreifée, par qui cette affaire m’eftfufcitée \
* 2°. Outre la préfomption de droit, il y a preuve
évidente contre Giraud, par les expéditions qu’il a
délivrées, 8c par le témoignage de Salleneuve qui
attefte que je lui ai communiqué la vraie.
Ce n’eftpas cependant que j’adopte rien de ce qu'a
pu dépofer Salleneuve. Je fuis obligé d’avouer que
je n’ai nulle mémoire de lui avoir communiqué aucune
expédition. Mais enfin > ou fa dépofition eft vraie, ou
elle eit faulfe : fi elle eft fauife, quel cas doit-on faire
de mes délateurs ? fi elle eft vraie , comment douter
du véritable criminel.
Si jen étois pas aifez heureux pour avoir des preuves
teftimoniales auifi décifives , ma fituation en feroicelle plus critique \ Je vais démontrer que non.
J ’ai dit qu’un fécond genre de preuves fur lequelil eft;
-permis d’aifeoir une condamnation, eft la preuve teftimoniale ; mais quil eft dangereux de fe référer à des
témoignages de cette nature 1 Par une efpèce de fatalité
•attachée à la condition humaine, la plupart des témoins
ignorent l’importance duminiftère auquel la juftice les
appelle ; & d’autres à qui la diffamation ne paroît plus
qu un jeu de la fociété, étant vendus au menfonge, nq
^marchandent que l’honneur & la vie de l’innocent. Une
°n£Uon auifi férieufe exige de la réflexion, foutenue
�d’une probité éclairée & fcrupuleufé ; auffi, pour la
preuve teftimoniale , comme pour la preuve littérale,
exige-t-on rigoureufement, en matière criminelle ,
deux conditions eiTentielles pour la rendre certaine.
La première, que les témoins qui dépofent dun fait,
l ’atteftent cûnftne d’une chofe qu’ils favent de pleine
certitude, pour R avoir été préfens & l’avoir vu euxmêmes.' InqulfitiofuH per examinationem tejlium dicentiumfe ddfuïjje iis quæ gefla fu nt, & vidiJJ'e quœ tune
agebantur ( a ) ; car s’il paroît que la dépofition des
témoins eft vacillante & incertaine, audiendi non
Ju n t(b '); qu’ils n’ont parlé que d’après des ouï-dire,
ou fur des préem ptions, leur témoignage ne peut
plus former de preuve.: fie ergofuâ feientiâ débet
reddere tejlimonium, & de fut! prœjenda ; de auditii
autem alieno non valet ( c ).
La fécondé condition pour former la preuve com
plète, eft que les témoins qui font entendus en dépo
sition, foient exempts de paiîion contre l’accufé ; qu’ils
ne foient point engagés par quelque raifon particu
lière à le faire coniidérer comme coupable s 8c, qu en
un mot, leur conduite foit irréprochable : intejlimoniis autem d i g n î t a s 3 f i d e s , m o r e s > g r a v i t a s
examinanda ejl ( d ).
(a ) A uth. de fa n â if. epifeop. cap. z ,$ f iv e r o abfant.
( b ) L. z , J f . de tejlélb.
t e ) G lof, a d l. tejlium i q } cod. de tefiib. verb. prccJÎot
( d ) L . z , cod. de tefib.
�C 39 )
Pour démontrer d’une manière très-fenfible, que la
preuve teittmoniale confignée au procès ne fauroit
non plus me taire confidérer comme coupable du
crime dont onm’accufe, j’expoferai d’abord les motifs
qui doivent faire rejeter les dépoiitions de quelques
témoins, & j’examinerai enfuite s’il peut réfulter quel
que preuve de conviction du témoignage des autres.
PREM IÈRE
PRO PO SITIO N.
Onconnoît déjà, & les témoins que j’ai dûrécuijer, Giraud&s»i& les motifs qui nvy ont forcé. Les auteurs difentleneuve*
que l’accufé peut, avant la confrontation, demander
le nom de ion dénonciateur à M. le procureur du
roi, pour favoir fi les témoins font parens ou alliés de
fa partie fecrète, &plufieurs arrêts l’ont ainfi jugé (a).
La conféquence qu’on doit tirer de cette jurifprudence eft facile à pénétrer : on doit en conclure que
les parens du dénonciateur ne pouvant être témoins
contre l’accufé, il en doit être, à plus forte ration, de
même des dénonciateurs qui dans cette circonftance
dépofent dans leur propre caufe : or, Giraud & Salleneuve font mes véritables dénonciateurs ; ce font mes
ennemis jurés ; ce font les chefs de la ligue ; ce font
enfin eux qui, avec les héritiers Segonzat, m’ont fait
. fufciter le procès criminel qui eft à juger.
Giraud Si Salieneuve, de concert avec les héritiers
( a ) Lacombe, mat. crimin. part. 3 , chap. 1 3 , n. 3 Î > B ou vot, queft^
n0t* au mot dénonciateur-, tom. 2 , queft.
�U ° )
Segonz^t-, onc compofé différens m.çmoires^ .contre;
m oi, qu'ils ont envoyés auconfeil düprincej& ,Giraud
a attefté, par une lettre, la iincérité du contenu dans
ces libelles (rz).
Giraud a follicité le ileur Charbonnier à ligner l’un
de ces mémoires ; mais ce notaire, dont la probité
eft reconnue, a conftamment refufé de proftituer fa
plume (7 >).
Giraud a fait tous Ces efforts pour faire annuller la
donation quem’avoit faite le iieurdeSegonzat, afin de
pouvoir eniuite faire difpofer des mêmes biens en
faveur de Bouttin, beau-frère de fon gendre (c).
Giraud a dit publiquement, avant & depuis fa dépoiition, que mon affaire criminelle feroit bientôt ter
m in ée,^’ je voidois me départir de la donation q u i,
m a été faite (c/). Les héritiers Segoujat ni ont fa it
( a ) A la confrontation Giraud eft convenu d’avoir envoyé ces
mémoires au confeil, & il s’ejl excu/é, en dïfant q u i l y avoit été fo rcé,
& que ces mémoires lui avoient étéJuggérés.
( b ) Le fieur Bidon a attefté ce fait dans fa dépofition.
( c ) Giraud en a fait l’ aveu au fieur Bidon , qui l’a ainfi dépofé ; 8C
'Audin, autre témoin , a atteftc que dans le temps que la demande en
nullité de la donation fut form ée, le fieur de Segonzat lui avoit dit que
Giraud lui a vo it confervé q
Ce
Q U EL Q U E CHOSE
u e lq u e c h o se
eft le
de
QUOI
pour fa ire réuffir cette demande.
dont parle le iieur de Segonzat
dans fa lettre ; c’eft-à-dire, la feuillefupprim ée, dont Giraud a abufé.
( d ) Il en eft convenu à la confrontation.
faire
�(41 )
,
,
i f aire la même propofition depuis que je fuis prive de
.ma liberté (a).
Giraud a avoué au procès cpien vertu d*arrêt du par
lement 9 il afait dépofer au greffe , tant lafeuille fup primée, que la minute de la donation : donc il eft tout,à-la-fois, & l’un de mes dénonciateurs, & témoin
dans fa propre caufe.
Enfin, Giraud eft le vrai criminel, tefeul coupable
du faux ; il ne m’accufe que pour quon ne l’accufe
pas ; il veut me perdre pour fe fauver, & ce qu’il y a
d’incroyable, c’eft qu’il eft venu à bout contre toute
vraifemblance,toute raifon, de me mettre à fa place,
& de faire tomber fur ma tête un poids dont il doit
répondre par la fienne.
Salleneuve eft convenu à la confrontation , qu’il
avoit travaillé contre moi pour les héritiers Segonzàc
qui ont obtenu un arrêt d’attribution pour tenter
enfuite la voie de faire annuller la donation qui m’a
été faite ( b).
A la follicitation de Salleneuve, & d’un curé, donc
( a ) J en aurois offert la preuve teftimoniale ; mais depuis que mon
mémoire eft fous preiTe, les héritiers Segonzat m’en ont fourni une
preuve écrite ; n’ ayant voulu ni pu obtempérer à leurs propofitions dans
la circonftance attuelle, ils m’ont fait aflîgner le 2<j mai dernier, pour
être condamné à me défifter des biens donnés.
( ^ ) C ’eft la cour qui eft commife par cet arrêt, qui eft du lit
novembre 178 3 # & qui me fut figniiié fans afiignation, & fans explique*
?
�C )
le nom eft afiez connu, un nommé Jab ey, de la
paroiife d’Y oux, s’eft rendu dans cette ville le I er ou
.■le 2e mài dernier, pour porter des plaintes contre moi,
-quoique je ne lui aie fait aucun tort ( a).
Salleneuve a dit hautement qu’il parviendrait à me
faireperdre mes états mime A m e f a i r e p e n d r e ,
ou quilperdroit fon nom (b')^ Si la loi s’indigne contre
les témoins qui fe préfentent d’eux-mêmes, que doit
donc penfer le juge, de ceux que je viens de nommer ?
Si je me conduifois par les mêmes principes que
mes ennemis, je ne manquerois pas l’occafion de
dévoiler ici des faits qui ne laiiferoient aucun doute
fur le cas qu’on doit faire de la fidélité des uns & des
autres, dans les devoirs de leurs états; mais je crois
pouvoir m’en taire, & j’aime à le faire, perfua’dé que
les motifs pour lefquels il avoit été obtenu* le 1 7 du mois de décembre
iuivant.
Sur le refus que j’ai fait, depuis que je fuis dans les liens, de confentir
à ce que les héritiers Segonzat exigent injuftement de m oi, j’ai été aifigné
en la cour, à leur requête. Ces procédés permettent-ils de douter que les
héritiers Segonzat fe font réunis avec mes délateurs ? C ’eft: à mes juges;
c ’eft: au public impartial, à le décider ; c’eft le troifième procès dont j’étois
m enacé, & que j’ai annoncé au commencement de mon mémoire,
(a )
C e témoin, qui m’eft venu trouver en prifon , m’a inftruit du
fa it, & il l’avoit auparavant dit à plusieurs perfonnes qui le firent apper-1
c/evoir de fa démarche inconfidérée.
( b ) J ’offre la preuve des propos de cc fermier,
l
�■ C 43 >
je peux faire ce facrifice à l’efprit de charité, fan$
compromettre la néceifité de ma juftification. Eh 1
peutrêtre la notoriété publique ne iuppléera que trop
à ma difcrétion.
Un fécond motif qui doit faire rejeter le témoi
gnage de Salleneuve, eft l’évidence de la fauifeté de
fa dépofition : Salleneuve a foutenu dans fa dépofition, dans le récolement & à la confrontation, que
Giraudne lui délivra une expédition, dans laquelle je
trouve la claufe, des biens à venir, qu après que j 3eus
fa it ftgnifier ( le 15 juillet 17 7 7 ) la fentencequi avoic
été rendue contre moi, en faveur du fieur de Segon^at.
Cette allégation eft une impofture démontrée. Je fupplie mes juges de vouloir bien faire attention, en
examinant les pièces produites au procès, que ce fuc
le 15 juillet 17 7 7 , que je fis fignifier au prince la fentence rendue en faveur du iieur de Segonzat, &
qu’avant cette époque du 15 juillet, Salleneuve, fous
le nom de M. le duc d’Orléans, m’avoit fait fignifier
une copie de la donation, avec la claufe des biens
échus & à échoir, préfens & à venir. Ce fut la lignifi
cation de la donation dans cette forme, qui me déter
mina àoppofer fubfidiairement contre la demande du
prince, que la donation étant nulle, je ne pourrois
être dans le cas de payer des droits feigneuriaux ; il
eft donc faux ; il eft donc iuppofé que Salleneuve
n ait retiré une expédition delà donation, que pofténeurement à la fignification que je fis faire de la fen,->
�............ (4 4)
tence que le iîeur de Segonzat avoit furprife contre
moi.
Giraud a d’ailleurs démenti formellement cette
aifertion de Salieneuve : on peut voir, en effet, dans
la dépofition de Giraud, qu’il y attefte qu’environ trois
ou quatre mois après la donation, qui eft du 24 feptembre 17 7 6 , il en délivra une expédition à Salleneuve dans laquelle étoit la claufe vicieufe; mais ce
n’eft point là l’unique faulfeté que j’ai remarquée dans
la dépofition de Salieneuve ; il y en a une autre aufli
frappante.
• A la repréfentation qui a été faite à Salieneuve de
la minute de la donation & de la prétendue feuille
iiibftituée, ce f ermier defintérefjé a eu le front de foutenir quil reconnoijjoit Vacte écrit ju r deux feuilles ,
pour être celui qui compofoit o r i g i n a i r e m e n t Ici
minute de la donation e t l a f e u i l l e pour être
celle qui avoit é t é s u b s t i t u é e à la place de la
'feuille du milieu de la donation. Peut-on s’expofer
à mentir auifi grolfièrement ? Quoi! Salieneuve ofe
attefter qu’il reconnoît i’aéte écrit fur deux feuilles ,
pour être celui qui compofoit originairement \a minute
île la donation? Mais quelle certitude pouvoit-il avoir
'de ce fait,puifqu’iln’avoitpasétépréfentàla paiTation
•de cet aéle ? Il dit encore qu’il reconnoît la feuille
¡pour être celle qui avoit été fubjlituée\ mais quelle
'connoiflànce a-t-il de la prétendue fubftitution? a-t-il
y u iorfqu’elle a été faite ï a-t-il vu 'écrire la feuille
,
,
,
�(4i >
iubftîtuée ? m’a-t-il entendu dire que j’étois [auteur
de cette fubftitution \ Teftisdebei reddere radonem
'dicli fu i per fenfum corporalent, putà vifum vel ciudi-tum (a ). Salleneuve eh a donc impofé dans ces deux
parties de fa dépoiition ; il a défavoué’ce qui étoit
de fa connoiiTance , & il a attefté ce qu’il n’a jamais
pu connoître; àinfi fa dépoiition eft fauife, au moins
equant à ces faits;
<
M ais, quelle eft la règle reçue par les do&eurs criminaliftes dans cette matière , & puifée dans la difpofition des loix ? il n’y en a pas un qui ne dife que
'le témoin, convaincu d’être faux en une partie , eft
réputé faux en to u t, par rapport au ferment qui ne
fe peut divifer ex quo juravit dicere veritatem fuper
omnibus tune f i deponit falfum in uno } non creditur
-eiinaliquo y tanquamperjnro y dit Alexandre (7>). Menochius ( c ) s’exprime en termes encore plus forts :
»Si in modico conftftat falfitas teflis deponentis, prœfimiturfalfitas in aliis partibus 3 etiamfi ignoranter &per
erroremfalfum effet attejlatus s non enim ob id exeufatur.
Alciat ( d ) donne trois raifons pour prouver que
,
:
( a ) GloJ. ad l. ujiiutn. cod. de teji. DumpuL. n,
§ 8 , tit. i , gloft
denomb.
(b )
T it.% , confil.
44., n. 7 , p a g . 32. Cravetta, tom. 1 , cotif\ G ,
Pa£ ' *7* B ald, î'tb. z , co h f.z2G 3 n. q , pag. 80 , verf. col. 1 •
( O Lib. 5 , p ra f, z z , n. 1 , a , 3 ,p a g . q 26.
'(d) Ad, /, 1 , dt verb,-obligau §jtd fi mihi} n. 5 2
C‘ a86‘.
$4>PaS'
n.iqt
�( 4 i )
l ’ignorance '& l’erreur ne doivent point excufer un’
témoin qui fait une fauife dépofition, i° . quia tejlis
prœfumiturpropter juramentum deponere conftderatè &
deeoquodejicertus; i ° . quia tejlis dicens aliquidfalfums
committit contra jus divinum & naturale , undè igno
rant ¿a non excufat à dolo ; 3 0. quia in his in quibus
debetprœcedere diligenda, prœfumiturfcientia &dolus
illius qui debebat diligenter inquirere, nec admittitur9
-excufatio ignorantiœ ; d’où il conclut, que in dubio
non prœfumitur ignoranter depofuijfe f a l f u m & confequenter in dubio totum diclum annullatur.
Je conclurai aullî, avec ce do&eur, que la fauife
dépofition de Salleneuve tombe entièrement; que le
ferment qu’il a violé dans une partie, perd fon carac
tère, qui doit être comme la vérité une & invariable;
que , où la vérité n’eft pas entière, la fauifeté eft par
faite , & que ce qui n’eft vrai qu’à demi, eft entière
ment faux : veritas quœ non eflplena veritas, eflplena
falfitas : quœ non eft plena probatio s nulla eft probatio y dit Cujas ( a ) ,
Giraud eft tombé dans des contradiélions révol
tantes. Dans fes mémoires envoyés au confeil , il y
avoit dit que la donation avoit été refaite, dans V ef
pace de quatre mois pendant cinq fo is ; qu’il l’avoit
toujours iîgnée par complaifance : dans fa dépofition %
( a ) Sur la loi 3 , au cod, a d leg. Ju l, M a g %c’eft auifi lav is de Papon, en
fes air. liv, % \, tit. S.
�( 47 )
il a dit que cette donation n’avolt été refaite que trois
fo is , & à la confrontation , il eft convenu que cette
donation rfavoitjamais été refaite. Dans fon interro
gatoire, il eft convenu en un endroit, que c’étoit par
ion miniftère que la donation avoit étépa(fée le 24
feptembre 17 7 6 ^ & en un autre endroit , il dit que
Vacle lui fu t préfenté tout rédigé le 24 feptembre 3 &
quilne lefigna que le 2. ÿ. Dans fa déposition , il a dit
qu ayant délivré à Salleneuve une expédition del 3acle>
avec la claufe des biens à venir, ce fu t Salleneuve qui
fu t le trouver, & lui fit remarquer cette claufe\ & dans
fon interrogatoire , il a foutenu quJi/ s3étoit apperçu
le premier de ce vice, & q u il fu t aufji-tôt trouver Salleneuve j & le prier de lui remettre Vexpédition. Je ne
finirois pas ii je voulois rappeler toutes fes inconféquences & fes contradictions.
Quelle foi eft-il permis d’ajouter à des contradic
tions auifi frappantes? quoi, Giraud, à chaque inftant
vous dites o u i & n o n , & la juftice ne lance point fur
votre tête fes foudres & fes carreaux ! Suis-je donc
deftine a etre le iuppot de vos iniquités? il faut nécef
fairement que celafoit, puifqu a 1 avis même de votre
ami Salleneuve, vous etes le pécheur ; & perfonne
ne difconviendra que je fubis la peine due à vos for
faits. O uï, il faut que cela foit, puifqu’avant votre
^epofition, & en vous promenant dans l’antichambre
u parquet , fur les repréfentations qui vous furent
dltes> par un eccléfiaftique, de ne pas vous expofer
�C 4» >
•
5
t
*'
*
à dépofer-contre la vérité, vous répondîtes que voiiï
àvie% dans votre poche de quoi vous garantir. Mais y
Vous garantirez-vous de la peine dont ¿il menacé un
faux témoin, unimpofteur, un prévaricateur, unfauA
faire : fouillez dans vos poches, Giraud, vous n’y trou
verez pas de billet dé garantie de la part de la juftice*.
La contradiélioneftfécueil où fe brifent ordinaire
ment les fourbes & les impofteurs; non feulement elle
détruit toute la foi du témoignage, mais elle expofé
encore le témoin à la peine du crime de faux,
tejlis
deponit in uno judicio contrarium ejus quoddixerat in.
aliojudicio, & in hoccafudebetpuniri tanquamfalfarius\
aut deponit in uno judicio contrarium ejus quodpriàs
Uixerat in eodem judicio a & pariter puniendus e(l de
fa lfo ( a ) .
N ’eft-ce pas infulter à la juilice elle-même; n’eflce pas chercher à la furprendre ; n’eft-ce pas l’expoier
à pleurer fur fes propres jugemens, que de lui préfenter des témoins de cette nature? Ah! s’il étoic
permis d’aiTeoir des condamnations fur de pareils
témoignages, combien d’innocens feroient expofés
à devenir la vi<5time de la fcélératefTe? Ne feroit-ce
point ouvrir un champ libre à la calomnie? ne ieroitce point favorifer la noirceur de ces hommes mon£
'trueüx qui nepargnent ni les moyens ni les fuites
____
‘ - _______
,)
- (a ) Julius Clarus, lib. 5, Sfalfum, n. 5, /. 1 6 ,ff. détêjîib. /. 27 f , ad
/. Cornel, de fa lf.
.
-
^
funeftes
�( 4 9 .
funéites de leur vengeance, pourvu qu'ils fe vengent.
Mais oublions pour un moment ces faux témoins %
pendant que je vais examiner les autres.
SECONDE
PROPOSITION.
L es autres témoins ouïs dans l’information doi
vent être diftribués dans deux claifes : l’une, pour
ceux dont le témoignage r i eft fondé que fur des
o u ï-d ire ; & l ’autre, pour ceux dont la fcience ne
peut jamais être étayée que fur des préfom ptions,
des indices, des conje&ures, & le plus fouvent fur
des invraifemblances. T ou t le monde conçoit que
j entends parler de la fcience des experts en matière
de vérification d’écriture.
Première claffe des témoins.
D e tous les témoins ouïs dans l’information, il y
Le* fieur»
en a deux, qui font les fieurs Tailhardat de la Fayette Fay«ted&
& Rance, qui ont dépofé avoir ouï-dire q u ila v o itce*
été fuhjlitaé à une des feuilles de la minute, une autre
feuille , dans laquelle fe trouvoit inférée une clan.fe
nouvelle qui etehdoit la donation aux biens à ven ir,
mais qu’ ils ne fa v a u par qui cette fubiliiuûon a été
jatte.
'
J
S arreter a contredire ces dépofitions, ne feroit-ce
S
? ccuPer ^ cc>mbattre l’évidence ? Il y a une
eui le fubilituée dans la minute de la donation! qui
qu’ ° Ute‘
a entendu parler de cette iubilitution î
a y a-t-U d’étonnant, puifque le fait eft vrai\ M ais,
Q
�o
°
j
qûel eft l'auteur de ce faux qui dans ce principe n’en
étoit pas un? On vient d’obferver que la faufTe feuille,
ou le faux, s’eft trouvé entre les mains de Giraud ;
ainii il eft très-aifé de connoître le fauifaire.
Seconde clajfe des témoins.
L a preuve conjecturale ? ou la preuve par indices,
Morgeai &
qui eft la troifième que j’ai annoncée, eft celle qui
Barbon.
réfulte de la dépofition des experts qui ont été ouïs
dans l’information. Peut-être ai-je à me reprocher
de n’avoir pas obfervé à la confrontation, que ces
experts, connus pour muficiens gagés, qui en font
leur état, n’ont jamais fu écrire que machinalement,
& fans principes; mais, outre que ce fait eft notoire,
l'opinion de ces muficiens m’eft d’ailleurs très-indiffé
rente, puifqu’elle ne peut former ni preuve littérale,
ni preuve teftimoniale, 8c que ce n’efl que fur l’une
ou l’autre de ces preuves, que la juftice doit fe déci
der ou à condamner, ou à abfoudre.
Ces experts ont dépofé, fur la repréfentation qui
leur a été faite de la minute de ma donation & de
la feuille fubftituée, q u ’ i l s e s t im e n t que les deux
feuilles qui compofent la minute de la donation, ont
été écrites d’un même contexte, avec la même plume ,
de la même main & de la même encre, & que la feuille
fépctrée a auffi été écrite de la même main, mais d’une
chcre différente de celle du corps de la minute; que cer
taines lignes font refferrées & d’autres efpacées, &d’un
¡dus gros caractère; que le caractère des deux feuilles qui
EXPERTS.
�v
C 51 )
•èompofent la minute ejl plus uni que celui de la feuille
féparée 3 d’où Barbon ( feui ) a eu le courage de
conclure que la feuille féparée a été écrite dans uti
.temps différent de ma donation.
Au récolement, ces experts ont ajouté que la
marge de la feuille féparée riétoit pas égale à celle
des feuilles de la minute } & quils n’ ont pu juger J i
Vempreinte de ces deux feuilles étoit la même que
celle qui fe trouve dans la feuille féparée qui ejl d3un
papier plus fui ; ce qui, fuivant eux} peut provenir
de la pâte s ou de la main de Vouvrier.
De quel poids peuvent être aux yeux de la juftice
les dépoiitions de ces deux experts? y a-t-il quelqu’un
qui ignore que leur jugement eft conjeétural, incer
tain, & qu’il peut i'ervir de pailé-port au menfonge,
auiîi bien qu’à la vérité?
La preuve conjecturale & préfomptive eft inadmiiîible en matière criminelle ; elle n’apprend que
des circonftances defquelles on peut fe fervir par
raifonnement, pour découvrir la vérité; mais cela ne
conduit pas à la découverte de la vérité, puifqu il
ne s’agit que de conjeéturer '& d’argumenter par
conféquences qui ne peuvent déterminer une jufte
çoncluiion. Quand il s’agit d’accufation capitale, où
il échoit peine affliétive ou infamante, les loix exi
gent néceftairement une fcience parfaite, une certi
tude ^phyfique, de la part des témoins qui dépofent,
C eit pour*ce motif qu’on diftingue deux fortes'de
�o o
fciences Sc deux fortes de convictions 9 favoir ; la
fcience qui produit une certitude morale, & celle qui
produit une certitude phyfique. >
La fcience qui produit une certitude morale, eft
celle qui dépend du raifonnement, & telle eft la
icience qui n’eft fondée que iur des indices, des pré
emptions & des ënchaînemens de coriféquences.
La fcience qui produit une certitude phyfique,
eft celle qui dépend immédiatement des fens, telle
' qu’eft celle des témoins qui ont vu commettre le
crime. Ces deux différentes eipèces de fciences' for
ment les deux différentes eipèces de convictions;
conviction morale &■. conviétion phylique : or, la
-fcience & la conviction morales, quoique capables
<de fonder un jugement en matière civile, ne fufïifent
jamais en matière criminelle, contre un accufé, parce
que dans de femblables affaires, les juges doivent
chercher & déiirer des preuves, toujours claires.,
•pour n’être pas furpris ; elles 'iufEfent en matière
: civile, parce qu’il n’y eft jamais queftion que du
droit des parties, 8c que les queftions du droit font
de la dépendance de la morale; mais elles ne font
pas fuffifantes dans _une queftion capitale, par la
raifon qu’il ne s’agit dans cette queftion, que du
-fait, & que les queftions de fait ne font point de la
-jurifdiction de la morale, mais feulement delà pure
. connoiffance de la phyfique, qiii'Confifte dans*révi¿.dence, dans l’expérience & les preuv.es,-; .j
�'Cï3>
, Qui ôferoit dire que Morgeat & Barbon ont une
certitude phyiique du faux dont on m’accufe? mais
ont-ils été préfens à la paifation de ma donation l
ont-ils vu écrire la feuille fubftituée ? ont-ils une
connoiifance parfaite , per fenfum corporalem , que
cette feuille a été écrite après ma donation ? II fau
drait être auifi impofteur que Giraud & Salleneuve,
pour foutènir des aifertions ii évidemment fauifes.
: D ’ailleurs, lorfqu’on eft dans l'intention de com
mettre un faux, ne prend-on pas toutes les précau
tions pour empêcher qu’il ne foit découvert? Le fauffaire eft ordinairement très-adroit; il fe cache; il fe
déguife, & il imite fi parfaitement les écritures, qu’il
n’eft peut-être perfonne à qui il ne foit arrivé d’avoir
été trompé par la reilemblance des écritures , 8c
quelquefois même par la iienne propre.
Qu’on fuppofe donc, comme l’on dit ces experts,
que la .feuille féparée eft écrite d’une encre différente
de celle de la minute ; que les lignes font tantôt plus
reiferrées, tantôt plus éloignées; que le caractère eft
plus uni dans la minute, que dans la feuille féparée;
.que les marges des trois feuilles ne font pas les
mêmes, toutes ces,précomptions, ces conjectures
conduiront-elles aun e certitude phyiique, que la
feuille féparée a été écrite poftérieurement à ma dona
tion; que c’eft moi qui ai fait écrire cette fauife
■feuille; que je fuis l’auteur du faux, & que.je l’ai
c°ttU>Tiis pour tromper le prince & Ion fermier.? Jp
�0 4 )
ne me perfuaderai jamais qu’il y ait un Îeul homme,
inftruit ou non, qui puiiTe foutenir l’affirmative de
cette aifertion; il fera plutôt porté à croire que ces
irrégularités dans la feuille féparée, font une preuve
inconteftable, qu’elle a été écrite dans un temps où
l’on ne pouvoit préfumer qu’il pût s’élever des conteftations à cet égard.
Au furplus, l’expérience n’apprend - elle pas que
la main eft iùjette à des variations infinies ? Ceux qui
ont l’ufage d’écrire, n’ont-ils jamais apperçu dans
leurs écritures des variétés frappantes qui provenoient, foit du changement de l’encre, foit de la
pofition du corps, ou de la main, foit de la difpofition des idées? N arrive-t-il pas tous les jours a un
clerc qui écrit fous la diélée, tantôt de reiîerrer les
mots & les lignes, tantôt de les écarter? Cette diffé
rence peut provenir de l’attention 8c de l’application
du copifte, ou de fa négligence, & fouvent de la
nonchalance ou de la précipitation avec laquelle on
lui di<5te.
Cette refiemblance & cette difparité que ces experts
prétendent avoir remarquées entre l’écriture de la
minute & celle de la feuille féparée, peuvent donc
;etre l’effet de différentes caufes; mais fi cela eft ainfi,
y eût-il ‘jamais un figne plus équivoque, un indice
jplus incertain, une conje<5hire plus trompeufe'?
' Pour'fonder une preuve fur des argumens tirés des
préfom ptions, *ii faut qu. il n y ait rien *d'équivoqufe
�'(ff)
'¿[ans tes circonilances du fait, Sc qu’il n’ ait pti arriver
d’une autre manière qu’on fe l’eft perfuadé. Pourquoi
donc iuppofer ici un faux, tandis qu’il eft évident
qu’il n y en a aucun, au moins de ma part? pourquoi
fuppofer que j’en fuis l’auteurtandis que je n’avois,
aucun intérêt à le commettre?
' Des experts qui dépofent fur un fait qui ne s’eft
point paifé fous leurs yeux, ne peuvent en avoir une
connoiffance parfaite; aufli les plus hardis ( tel que
Barbon ) n’ofent-ils avancer autre chofe, finon quiU
c r o i e n t q u i’ ls préfument y quils efliment que le fa it
s’ ejl pajfé ainfi. Mais, fi ces experts ne favent pas
poiitivement le fait fur leqùel ils dépofent, comment
un juge pourroit-il fonder fur leurs dépoiltions une
fcience & une connoiilance qu'ils conviennent n’a
voir pas eux-mêmes?~Y a-t-il un homme de bon fens^
qui fît le moindre cas d’un témoin qui, au lieu de’
témoigner qu’il fait le fait, dont il dépofe, avec cer
titude, diroit fimplement q u il a opinion que cela e(lÎ
Qui peut s’ailurer, a dit un favant, que la penfée &
l’opinion d’autrui ne foient pas un menfonge !
La dépofition des experts ne peut produire une
preuve phyiique; elle ne forme pas même un indice
indubitable; il n’y a rien de plus incertain que leur
opinion ; rien de plus trompeur que leurs conjec
tures , Si de là réiulte la conféquence évidente, incon-’
^ftable^ quil n’exifte au procès aucune des trois
�'C y * ;
preuves déiîrées par la lo i, pour forcer là juilîce a
punir un accufé (¿z).
)
Mais ce n’eil pas fur le feul défaut de preuves
qu’eft fondée ma juftification ; c’eft principaiemenc
iùr l’invraifemblance du faux que l’on m’impute ; &
quoique j’aie déjà démontré que ce faux ne pouvoit
être que l’ouvrage de Giraud, je ne dois pas omettre,
pour achever de le confondre & de le convaincre
d’impoftures & de fauiTetés tout-à-la-fois, de dire
deux mots fur la manière dont il a raconté qu’il étoit
parvenu à retirer d’entre mes mains la feuille de la
minute qu’il a fuppofé que j’avois fupprimée.
v
Au dire de cet impofteur, il vint chez moi avant
quatre heures du matin; il me furprit dans lefommeil,
me porta le piftolet fur la gorge ; qu’intimidé j’allai
dans mon étude, oà vinrent aufji-tôt les fleurs de
Segon^at & Rance; qu’ils y relièrent un infîant, fortirent enfuite pour aller à la meff'e ; qu’alors je lui
remis la feuille fupprimée ; qu’il fortit de chez moi
¿te. qu’ayant apperçu Salleneuvé dans la ru e, il lui
cria de loin : j e l a p o r t e , j e l a p o r t e .
Quel front ne faut-il pas avoir pour oier entre_
( a ) Comme dans le récit des faits j’ai prouve que la fentence
obtenue contre moi par le fieur de Segonzat, avoit été follicitée pac
Giraud qui avoit intérêt à faire déclarer ma donation nulle pour
obliger B ju ttin , je crois devoir m’interdire d’autres réflexions quant
aux reproches qu’on m’a faits, relativement à cette fentence.
*
�.( >7 )
prendre.de perfuader à la juftice des faits auÎTi fau^ç
qu’invraifemblables l mais à quoi ne doit-on pas
s’attendre dans une pièce qui n'eft qu’un amas mons
trueux de fauifetés, de fuppofitions, & un tiifu d’intri
gues déteftables \
Eft-il d’abord à préfumer que fi j'eufle été faifi de
la prétendue feuille Supprim éeje l’euile remife
Giraud, fans exiger qu’il me remît dans le même temps;
la feuille fubftituée? perfonne ne fe le perfuadera.
,
2°. A quelle époque & à quelle heure s’eft paifée
la fcène dont parle Giraud? cela eft elfentiel àfavoir,
& i l a eu la complaifance de m’en inftruire.
,
D ’après les aveux de ce notaire & ceux de Salleneuve , je n’ai gardé la minute que trois ou quatre
mois : auffi-tôt que je l’eus remife à Giraud, il s’apperçut de la iuppreiTion & fubftitution des feuilles ,
ce qui l’obligea à venir chez moi, pour me forcer à
lui remettre la feuille Supprimée : la remife de cette
feuille fe réfère donc au mois de janvier, ou de février
* 7 11 > puifqu il y avoit alors quatre mois que ma
donation (qui eft du ^Septembre 17 7 (5 ), avoit été
faite. O r, qui pourra fe perfuader que dans la rigueur
dé cette faifon, ou le jour ne commence à paroître
qu à fept heures, Giraud s’eft introduit chez m oi,
*^ant quatre heures du matin? que le fieur de Segonzat,
le fieur Rance qui demeure à plus de; trois lieues »
eMontaigut , y vinrent auffi dans le même moment!
^Ue Ç*^,aud étant forti de mon étude, apperçut Salle-*
�C ;8 )
. .
neuve dans la me ( c’étoit apparemment à la faveur
de la clarté de la lune ) , & qu’il lui cria de loin ,
j e la porte, je la porte \ Que d mvraifemblances à-lafois ; mais il eft un principe qui d it, quod non ejl
verifjimile, ejl falfitatis imago.
L,es fieurs de Segon^at & Rance fordrent de mon
étude pour aller à. la mejfe ! en vous expliquant ainfi,
Giraud, vous n’avez certainement pas fait attention
que tous vos concitoyens vous donneront un démenti
iùr ce fait, en vous rappelant que les premières meifes
ne fe célèbrent point aulli à bonne heure dans les
églifes de Montaigut. Achevons de confondre l’impofture de Giraud, par une dernière réflexion.
A la confrontation, j’ai rappelé ces faits à Giraud,
8c lui ai de plus demandé qui lui avoit prêté le piftolet chargé de trois chevrotines, qui lui avoit ouvert
la porte de ma maifon ( je n’avois point alors de
domeftique, & Giraud m’avoit trouvé endormi, ainfi
que ma famille ) , 8c s’il y avoit de la lumière dans
mon étude. Que m’a répondu ce miférable? q u il ne
javoit plus où il en étoit ; il avoit oublié fa leçon. •
Ah ! Giraud, calomniateur infâme, vous ne favez
plus où vous en êtes? la force de la vérité vous acca
ble ; la confcience vous reproche, les remords vous
déchirent : hé bien ! je vais vous apprendre où vous
en êtes, ou du moins, où vous devriez être : c’eft
à ma place.
•.Tant d’iniquités , tant d’impoftures, tant de for-
�C 19 )
faits pourroient-ils relier impunis ? quelles couleurs
ne faudroit-il pas emprunter , pour en peindre toute
la noirceur, pour exciter la juile indignation des
magiilrats & la rigeur des loix
N’eil-cepas un crime, en effet, & même un crime
énorme , que de charger un officier public d’une
faulfe accufation ? N’eil-cepas un crime, & un crime
exécrable , que de m’attaquer dans mon honneur ,
dans ma liberté, pour me faire perdre la confiance du
public ? N’eil-ce pas un crime , que de m’accufer
d’un abus de confiance , de fuppofer que j’ai été
capable de fouflraire une feuille d’un aéle authen
tique , & d’en fubilituer une autre à la place
Perfides calomniateurs, votre complot eil heureufement décoüvert; vos propos , vos démarches , vos
contradi<5lions , vos aveux même ont décelé votre
honte & votre turpitude. Il eil prouvé au procès ,
que c’eft Giraud qui a follicité la fentence que le
fieur de Segonzat avoit obtenue contre moi ; que
pour parvenir à faire annuller ma donation , & faire
enfuite paifer les biens du fieur de Segonzat à Bouttin,
Giraud avoit confervé la feuille fatale qui me retient
dans les liens. Il eil prouvé que Giraud eil feul l’auteur du faux que l’on m’impute , puifque l’inilruïftent de ce faux s’eil trouvé entre fes mains, &
il en a fait ufage , tantôt pour faire annuller ma
nation, tantôt pour me perdre dans l’efprit de
nies juges Si du public; il eil prouvé enfin par im*
�« o .y
vraifemblance des faits $e l’adcufation, par la fauiTeté
des dépofitions de mes délateurs , par l’évidence; des
contradictions , dans lefquelles ils font tombés , par
les pièces juitifîcatives que j’ai produites , & par les
dépofitions des autres témoins de l’information , ques.
dans cette affaire, il n’y a d’autres criminels que mes_
perfécuteurs. Y a-t-il de fatisfaétion publique , dé>
dommages-intérêts qui puiifent réparer le tort que.
des injures & des calomnies ii odieufes m’ont caufé,
& arrêter l’effet du poifon de ces mortelles impos
tures. ?
J ’obferverai en finiiTant, que ce n’eil point par
un efprit de haine & de vengeance, que je me fuis.)
permis quelques déclamations contre mes délateurs ; *
c’eft la néceiîité d’une légitime défenfe qui m’y a
obligé : j’y étois d’ailleurs autorifé par les loix_, puifqu’en même temps qu’elles défendent l’injure , elles
permettent de la repouiïer par les termes, les expre£
fions & les couleurs les plus vives : Licet enirn fanguinem fiium q u a
liter
,
S ig n é ,
qua l it e r
redimere ( a ) .
DESMAROUX.
( a ) Dit M ornac, fur la loi I , de bon, cor. qui ante fentenu mon, fib i »
cortfciv, Bart, fur la même loi.
,
...
j
�-
J
:
C o p i e du billet qui me fu t envoyé par le fieur
Tailhardat de la Fayette contrôleur, le 9 octobre
1 776.
» J E prie M. Defmaroux de vouloir fe donner la
** peine de paffer au bureau, pour me payer le conw trôle & infinuation de la donation qui lui a été
- » faite par M. de Segonzat, que f a i remife au n0w taire. . . . . il obligera fon ferviteur.
s ig n é
'
|
'
(j
T
a i l h a r d a t
de
F
la
>
a y e t t e
.
Cet écrit eft produit au procès.
Monfieur C H A B R O L , préfident
général criminel rapporteur,
j
lieutenant
Me G A S C H O N , avocat.
D
effayes,
procureur*
S ig n é D E S M A R O U X .
D É G O U T T E , ImprimeurLibraire, près la Fontaine des Lignes. I784
A R IO M
c hez M a r t i n
�
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Factums Baron Grenier
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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Title
A name given to the resource
[Factum. Desmaroux, Joseph. 1784]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Desmaroux
Tailhardat de la Fayette
Chabrol
Gaschon
Deffayes
Subject
The topic of the resource
faux
notaires
opinion publique
Orléans (Duc d')
donations
droits de lods
droits féodaux
abus de confiance
prison
coutume du Bourbonnais
témoins
faux témoignages
violences sur autrui
Description
An account of the resource
Mémoire justificatif, pour maître Joseph Desmaroux, notaire royal et procureur au bailliage royal de Montaigut en Combrailles, prisonnier dans les prisons de la ville de Riom, accusé. Contre monsieur le procureur du Roi de la sénéchaussée d'Auvergne et siège présidial de la ville de Riom, accusateur
En annexe : « Copie de la pièce d'enregistrement par le contrôleur Tailhardat de la Fayette. »
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Chez Martin Dégoutte (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1784
1776-1784
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
61 p.
BCU_Factums_B0113
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Baron-Grenier
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_B0114
BCU_Factums_G0934
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/18/53952/BCU_Factums_B0113.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Montaigut-en-Combrailles (63233)
Riom (63300)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Abus de confiance
coutume du Bourbonnais
donations
droits de lods
droits féodaux
Faux
faux témoignages
notaires
opinion publique
Orléans (Duc d')
prison
témoins
violences sur autrui
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/52902/BCU_Factums_G0225.pdf
e5d88d628fe1100f781bfcd47863da17
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¡JA »
I
13
55?
g=g 5a?ífl;
P O U R le fieur J e a n P A R E N T - , Négociant,
demeurant à Euvy , Paroiffe ’ de -Valigny-leMonial , Appellant de Sentence du JLieu tenant
Criminel de Saint-Pierre -le - M o utier , &
Demandeur.
C O N T R E Monf ieur le P R O C U R E U R
G E N E R A L , intimé. 7
E T encore contre N i c o l a s TIXERAND
auf f i Intimé Défendeur &Défaillant
.
,
«
L eft temps que le fieur Parent jouif
P fe du repos que fes Oppreffeurs lui
§o ont ra v i, il eft temps qu’il foit lavé
9
0 des imputations dont on a voulu le
3o o o q iil
noircir. Calomnieufement accufé ,
pourfuivi par de vils Délateurs, dont fes bienfaits
ont tantôt couvert la nudité, tantôt appaifé la
A.
++++++++++
* r » T -¡~T
«► +
+++
L— I
�X
faim (a) , condamné enfuite, malgré la demondration de Fon innocence, il aime,à croire que par
}in retour indifpenfable , les M agiftrats, aux pieds
defqucls il s’eft réfugié, le vengeront de ces odieuiès'perfécutions. Il n’ignore cependant pas que la
ténébreufe cabale qui conjura fa perte,_iî ,y.ajro is
ans , travaille avec un nouvel acharnement à la
réalifer ; il/fait" que l'es Chefs de cette indigne
confédération,, non 'contents ¿ ’avoir-fait-entendre
leurs propres complices dans les informations
qu’on: a ordonnées pour conftater les délits dont
cm 1 accuftit.y,non tcontents d’avoir eux- mêmes
porté dansées informations un témoignage ¡eippoiFonné. p^r la h^ine^.non contants ^nfin d’avoir
provoqué la févérite de fes premiers Juges fur lui,
en ofant lui prêter des difcours offenfants _contreeux (b), ont encore obfcdé ici l’Homme de la
:
■ V
J
■
■ ••
..
. '
v. ^
v ♦ . '•
(d)
C ’eft un nommé W i b i e r , M e n d ian t,Soupçonné de vo l ,
qui a le premier accufé le iieur P a r e n t, & il doit être prouvé
p^r les d ép o rtio n s d’ Antoine Radureau , de Nicolas Auperrin ,
& "rie Gilbert Caron , témoins enténdus dans une information
faite à Lur(ç i-L e v i^ 'd o n t on a ordonné l’apport\aû Greffe d e là
C ou r / q u e le fiêtir Parent a com blé ce même Joub ier & fa fa
mille dé bienfaits. Claude S o r to n , autre témoin entendu dans
les informations- faites à S. P ierre-le-M ou tier contre le fieur
Parent, eft çonvenu du même fait à la confrontation,
(¿) On prétend que Marie Barbartn i veuve le.Borgne ( c’eil
un des témoins de l’information faite contre le fieur Parent )
a d i t , lors d e .fo n , récolenjent, qu’elle avoit ouï dire au fieur
V id a l , Curé de Bardais & de V a lig n y ," q u è le fieur Parent
s’étoit van té’* pouvoir f a ir e cajfer tous les Ju g c i de S. P icrre-leM oiuier i illk voulait. On fent aflez combien il eft abfurde que
je fieur Parent ait tenu ce propos pourquoi donc le lui prê
t e r ?p o u r aigrir fes Juges contre lui ? -- -■ >
;
�loi (c). par. une foule de plaintes,-dont le moindifç
défaut ell fans <knu:e. de „n’êtrè avouées de periprxf
ne. Maiî>(qué li)iji^pnenf>ces noirceurs anonyf
mes? de quebpoids lcnt-elles? ILne fera point ^
la Magiilrature l’aifront de penfer-que ces ma
nœuvres de.la mççhançete'la plus mépr^fable', ppiÇqu’elle eft la plus 1âçhe,>'puifîen t-ê tre},pqujo$n,é,e£
du fuccès que leurs auteurs en attendent«Il.-^i’eft
pas aifèz.malheiireUxrpqur avoir à fe,déf$ndrg en
même temps & des traits de'l’envic |‘ôc des preÇ
tigë$ de la prévention.‘«ainfij il ;Va >rcpq.uiIèrrles
l i n s ,red ou terJcs autres. ;,~c!DiCl il iup.ji .jr m c S
" . u o r -v..-‘A jir , oi'"x/U (. :!• or:,r; T y i b ï i n ï i : 7 : m î o y c i è r I
-,
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. j . fP î F - , i \ ’■¡Xr.uïEt'.> .
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1
î)iIiij-*iVi ;a •,<>
i.'jJü'.i'itifj î
•j'.ni.rî ont: i s i
;L- De; longs, m v a p . ^ frefifis , ^yee.^ardi.'eiîè
lo.utenus! av'écypon&uicft'*;i*ne in d u r i e;d Qrit;l’ac
tivité ne s’eft: jamais^lémeniie^ un 'cjoçnmerçe 4çoi>d u . 6c fou vent; heureux, ,ont-procuré, aujjetjr
lient uneaifaiiee d’aut^nt;plus
^queiayfoyçiCe en,a tpujousféçpxpvire,- Cettç ;^iiàricevajf^èss. ¡ira^f^
dans le pays qu’il habite,-n'a-pas manqué de ibulever l’envie contre lui', & pour ctre coupable aux
yeux de bien de gens,j(il a fuffi que fes foins eu£
fent arraché a-laifortune cScs faveurs:qu’eUc aV.oïc
rc fui ces à leur indolence/ G cil en vain qi'i’il tendôit unè'mainTecourable à fh i^ ^
c’eil en.vain qu’il vérfoit ion >fùperflu rdans le fein
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j , lvj ttioi. ■_-> ,
(c) M. le Procureur General. v>v sb SirallionuoD ■wovü ilWjje
Ax
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des pauvres-(<i) ; il étoit riche, on ne devoir pas
le lui pardonner. Mais commfc il auroit été vifiblement extravagant-de déférer- tin femblable délit
à la' Juftice, on étoit réduit au trifte plaiiir d’en
iùppofer de plus graves au fieur P arent, fauf à
rhereher enfuite des témoins qui voulurent cil
avoir coiihoiiïànce moyennant une rétribution
convenueP* •
• •••
<
*;■
;
: Tandis que ces fémences dé!haine fermentoient,
tandis que l’envie défeipérée poufîoit de ridicules
<lameurs; & tramoit des projets iniques, le lieur
Parent, à qui la Déclaration du R o i du 13 Août
17 6 6 venoit d’inipirer une nouvelle ardeur pour
l’agriculture, s’occupait tranquillement à fertilifer une partie des Landes de la Paroiile de Lurci-Levi, dànslaqùëlie il po(Téde quelques Domaines.
L a récolte duterrein qu’il avoit vivifié, ne devoir
ni dîmes ni tailles; lai Loi qu’on a précédemment
rappellée l’en affrâiichiiibit par une diipoiition
eXpreiîè; mais files Gollé&eurs de là Paroiiïè de
Xurci-Levi furent ailèz raifonnables pour ne rien
_
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(a) L a charité du fieur Parent lui a fait diftribuer aux pau
vres , pendant toutes ces années dernieres., environ quatre ou
cipq mefpres de bled par feruaihe. La rnefure , qu ipefe trente à
Irrerire-trots livres , valoir-cotVimuhénient 3 livres 0113 livres 10
f o ls ; indépendamment de cet a d e d'hum anité, Ie iîe u r Parent
habilloit & habille encore tous lps ans douze 011 quinze pauvres
*<le fa paroiffe : on peut en trouver la preuve dans les dépofi■tions'd’A n n ® Pruneau & de Pierre C olio , témoins entendus dans
les informations faites à S. Pierre-le-Moutier. Le fieur L ’hom m è , témoin entendu datls l’information faite à L w rci-L e vi, peut
auifi avoir connoiiTance de ces Jairs. ...i
,‘i - J . '
�J2J
demander au fieur Parent, relativement à cetobjet,'
le fieur.Gillet, Curé de cette même Paroiiîe, ic
crût dilpenféde fuivre l’exemple “qu’ils lui donnoient, & prétendit n’avoir pas moins de droit
fur les défrichements entrepris depuis 176 6 que
fur les terres cultivées avant cette époque. Une
idée aufii chimérique n’étoit pas faite pour en
crer dans la tête du fieur Parent ; l’avide Pafc
ceur, qui vouloir l’accréditer, ciiàya donc inutile
ment de la lui faire adopter; il ne lui fut pas poffible d’y parvenir. Plus il s’échaufFoit à établir ce
fyftêm e, plus l’agriculteur manquoit de f o i, &
leurs conférences fur ce fujet croient autant de
combats qu’ils le livroient l’un à l’autre. Il n’eft
pas befoin d’annoncer que le fieur Parent fortit
viâorieux de la lice où ce nouvel Adverfaire l’avoit forcé dp deicendre: mais ce triomphe de la
raifon fur l’intérêt valut au vainqueur un enne
mi de plus.
Ce n’eft pas tout. Le fieur V id a l, Curé de Bar
dais, eft en même temps Curé de V alig n y , parce
que l’une de ces deux Paroiiîes n’eft: apparemment
que l’annexe de l’autre. S ’agit-il de percevoir la
dîme dans le Territoire qu’elles embraflent? le
fieur V id a l, qu’on retrouve par to u t, femble iè
•multiplier à fon gré; le temps le plus orageux ne
le retient pas : la plus longue courfe ne peut
l’effrayer ; il gémit de voir fon a&ivité reiîèrrée
dans une fphére auifi étroite : mais faut-il venir de
Bardais à V align y, foit pour faire le Catéchii'mc
�•
6
aux enfants, foit pour préparer un malheureux qui
fc meurt à paroître devant le.tribunal'du Juge iupreme, foit pour inhumer le cadavre de cet infor*
tune, quand la mort l’a enlevé à fa famille, foit
même pour célébrer l’Ofïice divin, lorfque les R h
tes Eccléiiaftiques exigent le plus rmpérieufemenc
qu’on le célébré, tout change en un moment ; le
fie ni* Vidal r concentre dans le Presbytere de Bar*
dais, ne fe fent pas laforce de franchir la diftance
qu’il y a de-là à V aligny ; il cherche dans la tempe*
rature de l’air des raifons pour ne pas fortir déchez lui ;/(i le ciel trop ferein ne les lui fournit
pas , il a recours à d’autres expédients ; deux
ou trois maladies qu’il a quand il veut , &
qu’il complique en cas de befoin, ne man*
quent pas alors de l’attaquer y & ta voilà hors
d’afïàire. Malheur à l’imprudent qui' fe permettroit de douter deces infirmités préméditées!' ma 1heur fur-tout à celui qui s’opiniâtreroit à entraîner
le fieur 'Vidal hors de fon fo yer, fut-ce dans la
circonftance la plus preiïànte 1 l’homme de paix»
que ià fievre ou la migraine >ou toute autre maladie
qu’il leur auroit préférée, n’auroit pas encore eu
le temps d’afioiblir, le feroit infailliblement re
pentir de fa témérité, (f)
>
(e)
Le (leur Parent reprocha au fieur V i d a l , lors de fa con
frontation , d ’avoir donné des coups de p'ofng & des fouffletsau nommé Fontaine & à la femme de Mathieu le C l e r c , qui
u’avoient d’ autre tort envers lui que de l’av o ir folliciti dcrem plir plus exa&ement les fond ions du Miniftere pafloral à
(Y a l i g n y , & ce même fieur V id a l ne difeonvint pas du fait<
�Jxr
Il y avoir déjà longtemps que le fieur Viciai
abufoit ainfi de la patience des Habitants de la P at
roiiTe de Valigny. Les enfants y vieilliiloient fans
inftruction ; une partie des malades y mouraient
fans Sacrements ; les morts y demeuroierit quelque
fois deux ou trois jours fans fépulture ; enfin, les
femmes enceintes les plus foibles
les vieillards
les plus larçguiflànts croient obligés de iè traîner
à' Bardais, ou de renoncer abfolument à la confolation de participer aux faints Myfteres. (J") Ces
abus étoient trop multipliés &: trop choquants,
pour être toujours tolérés ; il s’élevoit de temps
en temps quelques murmures ; les plaintes des
mécontents alloient bientôt retentir jufques dans
le Palais du Prélat, à la Jurifdi&ion Paftorale ,
duquel le fieur Vidal eft aiTujetti : le fieur V idal
prévit l’orage qui fe formoit fur fa tête, mais loin
de changer de conduite , loin de fe prêter avec
plus de complaifance aux juftes vœux des H abi
tants delà Paroiffe de V alig n y , il en fit interdire
. ( / ) Un Procès verbal d’ademblée des Habitants de la Paroide
de V a l i g n y , du 17 Jan vier 1 7 6 8 , qui fera produit fous la
prem ierecote des pieces juiUficatives du fieur Parent, conftarc
c e s f a i t s , & notamment que le fieur V id a l a edeftivemenc
laide mourir Jean B e l l o n , Jeanne Lavalette & deux autres
Particuliers fans Sacrem ents, quoiqu’il eut été averti à temps
de venir les leur adminiftrer. On voit encore dans ce Procès
verbal que le fieur V i d a l , ayant refufé d ’inlnuner un Habi
tant de V a l i g n y , à V a li g n y m ê m e , dans un temps où les che
mins éroient couverts de g la c e , les Parents du Défunt furent
contraints de quitter leurs chaud'ures, & de le porter pieds
nuds au Cimétiere de Bardais, au hazard de l’y fuivre bientôt euxmêmes. 0 religion ! ô charité ! où ¿tes vous ?
t o u s
�fE glife , fous prétexte de quelques dégradations,
dont jufqu’alors il n’avoit point parlé. Triomphant
du fucc'es de ce iîratagême, qui le difpenfoit de
deiîèrvir la Cure de V a lig n y , fans l’empêcher
d’en percevoir les revenus , il fe hâta de transférer
Jes Vafes facrés de cette Paroiife dans l’Egliiè de
Bardais; mais l’avantage qu’il venoit de rempor
ter n’étoit que l’avantage d’un mioment ; la
Paroiiïè de Valigny ayant fait réparer fon Eglife , & s’étant aflèmblée pour délibérer fur le parti
qu’elle avoit à. prendre dans cette eirconftance,
arrêta qu’il falloir faire faifir les revenus de la
Cure dé V alig n y , jufqu’à ce qu’il plût au ficur
V idal de rentrer dans fon devoir, & chargea
le iieur Parent, qu’elle nomma fon Syndic ad hoc,
du foin de remplir fes intentions à cet égard. Il les
remplit en effet, & fes pouriuites plus efficaces
que les prieres auxquelles on s’étoit auparavanE
borné , obligèrent enfin l&fieur Vidal de repren
dre une partie des fon&ionsr qu’il avoit abandonnées : mais il ne fut pas moins haï de ce même
fieur VidaL, qu’il i’étoit déjà du fieurGillet, ôc
fes ennemis eurent deux chefs, au lieu d’un.
C’en étoit trop pour fa tranquillité d’ avoir ofé
déplaire à deux hommes de cette cfpece ( g) ; il
(g) Iî ne tiendroit qu’au fieur Parent de dévoiler ici des m y £
teres qui couvriroient ces deux Prêtres de honte , & qu'ils ont
tlès-lors un intérêt preflant d ’enfevelir dans un éternel oubli ;
il pourroit par exem ple.............. niais le refpe£ï qu’il a pour les
M inières de la religion , dont les mœurs font dignes de ce nom-,
�ne tarda pas de réprouver : à quelle occaiion? nous
allons l’expliquer.
Le Gouvernement Vêtant apperçu que le nom
bre des mendiants s’accroiiToit de jour en jour,
& Tachant d’ailleurs que cette foule de fainéants,
qui couvroit la furface du R oyaum e, n’étoit guere qu’une pepiniere de voleurs 6c d’aflàflins, avoir
renouvellé depuis peu la profeription de la mendi
cité. M . Dupréde Saint-Maur , Intendant du Berr y , ne fe contentoit pas de veiller à l’exécution de
la loi qu’on venoit de promulguer à ce lu je t , il
promettoit des récompenfes à tous ceux qui vou-~
droient concourir avec lui à purger ia Généralité
de ce fléau deftru&eur. (Æ) La MaréchauiTce de
lui impofe filence fur la conduite des autres. Ainii quoique la
néceifité où il eft de défendre fon honneur , injuitement attaquée,
fut fuffifante pour l’autoriferà révéler tout ce q u ife r o it capa
ble d’atténuer les dépofitions des fieurs V id a l & G i lle t , il fe
bornera à ren vo yer aux reproches qu’il a fournis contr’eux à
la confrontation.
. (h) V o ic i ce que ce Magiftrat re fp e £ à b le à tant;d ’é g a r d s , annonçoit à tous les Curés du B e rry dans une lettre circulaire du
23 A v ril *769. f
» J e vous prié. ’. . . deraflurer vos Paroifliens fur les crain» tes mal fondées qui les déterminent fouvent à donner retrai» te aux mendiants , vagabonds & gens fans a v e u , tandis qu’ils
» d vroient au contraire les dénoncer , ou même les arrêter &:
« \es livrer aux Maréchauflees. J e Crôis devoir leur accorder
» pour cet effet les encouragements ci-après.
» i ° . J e ferai donner par forme dtî décharge fur la capirar> tion la fomme de trois livres à tout Labou reu r, Ferm ier ,
» M étayer ou autre perfonne de la campagne qui fera arrêter
» par fes gens & dom eftiqu es, & livrera i la Brigade de, Ma» réchaufléela plus prochaine un m e n d ian t, vagabond ou fans j.
» aveu , qui par l’examen qu’on fera énfuite de fa conduite ’,
B
�IO
Bourges arrêta en conféquence un nommé Joubier
le 14. M ai 17 7 0 , & comme il n’y avoit ni prifon
ni auberge dans le lieu où elle s’en faiiit, & qu’il
étoit déjà aiïèz tard ,*elle le conduiiit chez le fieur
Parent, dont la maiion n’étoit pas éloignée de là.
Ce Joubier, qu’il eit intéreiîant de connoître , parce
que,c’eft: une des principales machines qu’on a em
ployées pour perdre le fieur Parent, étoit un miiérable q u i, pouvant vivre du produit de fon tra
vail, aimoit mieux refter dans loifiveté, & devoir
ia fubfiftance aux fecours humiliants de i’aumô» fe trouvera dans le cas d ’être envoyé & enfermé dans les dé-*
» pots & maifons de force établis pour cet objet. r
» i ° . Si le vagabond ainfi arrêté fe trouvoit dans le cas d’ê» tre condamné aux g a le re s , le Laboureur ou autre qui l’au» roit remis ou fait remettre à la Brigade de MaréchaufTée , fe» ra en outre exempté d’ une des corvées de printemps ou d ’Au» tomne pour laquelle il pourroit être commandé après l’é» poque de ladite capture.
» 30. Si par événement le vagabond eft prévenu de crimes
» qui puirtent lui attirer une peine plus grave & le faire con » d a m n e ra m o r t , j’accorderai à celui qui l’aura fait arrêter,
foit pour l u i , foit pour un de les fils ou domeftiques l’exem p» tion de milice au tirage fubféquent, & ce indépendamment
» des autres privilèges qu’il auroit & feroit valoir fur d ’autres
» enfants ou domeltiques.
» 40. Je me réferve d ’accorder de plus fortes grâces aux
» gens de la campagne q^ii arrêteroient des vagabonds & gens
» fans aveu en bande ou attroupés & prévenus de crimes
« c a p ita u x .
« Je vous prierai. . . . de faire part de mes intentions à vos
» Paroifllens , & de faire enforte qu’ils c o n c o u r e n t , au tant qu’il
» fera en e ux, à rendre aux campagnes la sûreté qu’elles do i» - v e n t avoir , Hcc. »
Cette lettre fera rapportée en entier parmi les picces Juilificatives du fieur P a re n t, cote leconde.
�0<
11
ne. (i) Indépendammentde cette lâcheté, quifufïifoit feule pour juftifier fa capture, il y avoir encore
d’autres raifons de l’arrcter : on lui imputoit d if
férents vols commis dans le voifinage, ôc le gen
re de vie qu’il avoit embraiie, la iituation de la
chaumiere qu’il habitoit, les armes qu’on y trouvoie, pretoient en effet auxfoupçonsquis’élevoienc
contre lui une force à laquelle il étoit difficile de
réfifter. Cependant le iieur Parent le vit à peine
entie les mains de la Maréchauffée, qu’oublianc
tout ce qui devoit le rendre odieux, il ne s’occupa
qu’à foulager fon infortune : au ioin qu’il prit ae
lui faire ôter fes fers , à l’attention qu’il eut eniiiite
de lui procurer la nourriture dont il pouvoit avoir
beioin, il joignit encore un plus grand bienfait,
puifque fes iollicitations réitérées déterminèrent
enfin la MaréchauiTée à lui rendre la liberté, ( j )
Qui pourroit penfer qu’après avoir eu tant à le
louer de l’humanité du iieur Parent, cet homme
n’ait pas craint de le déférer à la juftie ? c’eil pour
tant ce qui efl: arrivé : ce meme homme, dont il
(i) Philippe Libault , François Chardeau , Anne Pruneau ,,
Pierre Colin &: Marie M a ré c h a l, témoins entendus dans les in
form ations, ont dû atteiîer unanimement la mendicité de cec
h o m m e , ils en ont une connoifTance particulière.
( / ) Plufieurs tém oin s, & Claude Sorton entr’ autres, ont v a
Joub ier foiiper dans la cuiiîne du fieur Parent le jour même
de fa cap tu re , & cette circonftance eft confignée dans les in
formation'! : Jacques Defrimais a auiTi dû dépofer que les C a
valiers de M-iréchauiTée , qui avoient arrêté Joubier , lui d ir e n t, ?
eu lui rendant la liberté, aye^ obligation à- Al. P a ren t de ce que
nous vous relâchons.
B a
�11
avoit ii fouvent confoléla mifere,*&: qui n’échappoic à une captivité ignominieuie que par un non-*
vel effet de là bonté, oublia tout-à-coup la recon»
noiflànce qu’il lui devoir, 6c le prêtant aux artificieulès inftru&ions qu’il avoit reçues des iieurs G il
lette Vidal, ofa lui imputer non feulement de l’avoir
dénoncé à la Maréchauilee, mais encore de l’avoir
livré entre fes mains , de 1’avoir fait maltraiter par
elle, & de l’avoir maltraité lui-même , dans le
criminel deiièin de le forcer ainfi à lui vendre le
bien qu’il poiîedoit. Ce prétendu complot auroit
été d’autant plus ridicule , qu’en effet Joubier ne
poiîedoit pour toute fortune qu’un briquet, une
fourche de fer , une beface & un fufil ( £ ) ; cepen
dant le Lieutenant criminel de S. Pierre-le-Moutier , auquel cette plainte fut portée , crût devoir
ordonner une information. On entendit jufqu’aux
iieur Vidal ÔC Gillet, mais foit que leur animofité
commençât de s’éteindre, foit que la religion du
ferment les eût effrayé, ils n’eurent pas eux-mêmes
le front d’appuyer 1 impoiturc de Joubier par
leurs dépofitions. Les autres témoins, qui n’avoienc
abfolument aucun intérêt à faire réuflir le roman
de ce malheureux, chargèrent encore moins le fieur
Parent ; & toute la Procédure, avec quelque appa(k) S’ il jouifloit avec cela de quelques h éritages, ils appartcnoient à fes enfants ; d’ ailleurs la valeur en étoit déjà plus qu’ ab- >
iorbée p ar les dettes hypothécaires dont ils étoient chargés.
Après ces faits, que le iieur Parent ne pouvoit pas ig n o rc r,o n
fent afïez combien ceux qu’on trouve dans la plainte de Joui*
bicr font abfurdes.
�*3
reil qu’ on l’eut inftruite, ne prouva que la capture
de Joubier , qui n’avoit pas befoin d’être prouvée.
Le peu de fucccsde cette tentative ne découra
gea pas la cabale qui l’a voit rifquce ; au contraire,
le dépit que les ennemis du fieur Parent eurent de
le voir échouer, aggrava Tes torts h. leurs yeux : leur
haine, irritée par les obftacles qu’elle rencontroit,
n’attendoit donc qu’une circonftance plus favora
ble pour éclater avec plus d’exces; mais fe préj
fenteroit-elle bientôt cette circonftance ? fi ori
l’efpéroitpeu , au moins le defiroit-on beaucoup :
aufli ne fut-on pas difficile fur le choix?
Joubier, auquel la Maréchaufîee avoit intimé'
d’un côté une défenfe expreiîè de mendier ,do-j
rénavant, & de l’autre , une injonâion précife
d’abandonner incontinent le répaire iuipecc qu’il*
s’ étoit pratiqué fur un grand chemin ( / ) , s’étant
(/) V o ic i la preuve du fait. Claude Sorton ( c’e i l , autant qu’ on
peut fe le ra p p e lle r, le dernier des témoins entendus dans l’in
formation du 3 1 Mai 1 7 7 0 ) après avoir dépofé qu'il ¿toitfaux
aue Jo u b ier eût été maltraité lors de f a capture du 2.4 du même
mois de M a i, ajoute que s’étant rendu le lendemain che1 le fieu r
P aren t, ou il trouva Jo u b ier'q u i mangeoit là fo u pe , un des Ca
valiers de Maréchauffée ,q u i avoit arrêté ledit Jo u b ie r , dit en f a
nrelence & en celle de Simonnet & de D efrim ais : nous voulons
bien , à la conjidération de madame P a r e n t , ne pas amener Jo u bitren p rifo n , vous fere^témoins que de X J livres que nous avons
trouvé hier fu r lu i, nous lui en remettons 3 livres p o u r le fa ir e
fubfifier ju fq u ’à ce qu'il ait trouvé un autre endroit po u r f e retirer.
■Vous jere7^¿paiement témoins que nous depofons les 2.4 livres reftantes entre les mains de madame P a r e n t , pour les remettre à
Jo u b ie r , quand il aura trouvé une autre retraite. Nous ne voulons
pas qu'il demeure dans une loge qui efifu r un g ra n d chemin. Vous
�?4
néanmoins opiniâtré à garder ion appartement 6c
fa beface , & ayant en canféquence été arrêté une
fécondé fois le 3 Juin 1 7 7 0 , on fe hâta de profiter
de perte occafion pour*, inquiéter encore le fieur.
farent. A entendre les fieurs Vidal & Gillet, à
entendre dix ou douze imbécilles , tres-dignes
d’être leurs échos, c’ étoit toujours à fon inftigation , c’étoit toujours pour l’obliger, que la Maréçhauilee avoit-recammencé d ’appréhender ce men
diant au corps (772 ) ; aprbs avoir ainfifuppofe gratuipowrre^ rendre témoignage que nous ne lui avons f a i t aucun mal,.
I l e jlv r a i, continue ce témoin-, que la loge que Joubier s'ejl conf
irait e efi: pT¡écifément f u r le g ran d cherriin du V eurdreà Charantonr
& Jo ubier'prom it effectivement de fe fix er fo n fé jo u r dans un en-*,
¿ro it plu s' habitable. .
(m) Lè contraire eft établi par le fécond procès verbal d e
captuçe de. Joubier. Ecoutons les Cavaliers de MaréchauiTée qui:
l ’ ont rédigé. N ous Etienne Libaut & Barthelmi R o g e r , Cava
liers de MaréchaufTée à la réfidence de D u n - le - R o i, nous étant'
m is en campagne po u r arrêter les mendiants qui inquiettent plusque jam áis les Fermiers & L abou reu rs, & particulièrement pour
arrêter, le nomme G abriel Joubier , qui non feulement mendie de
pu is z<j a n s , mais qui f a i t des menaces de tuer & de mettre le.
feu , fur-tout depuis que la. M a r ¿chauffée Va une fo is arrêté & re
lâché à la requiftion d e là dame P a ren t, fo u s la, promejfe qu 'il
a-voitfa it e de ne plu s m endier, & étant parvenus dans la P a ro iJfe de Lurci , ou il f e retire dans une barraque en. fo rm e de loge ,
fituée dans un champ , le long d ’un g ran d chemin , nous avons fa it
perquifuiun dans ladite barraque , & ne l'y ayant pas trouvé, nous
nous fommes occupés à le chercher dans différentes P aroijfes , &
notamment dans celle de V a lig n y-le-M o n ia l, où le nommé R e g
nard y Syndic de ladite P a r o ijfe , & le, nommé Nicolas , Jea n &
lila ife Àupcrrin- nous ont requis d'arrêter ledit G abriel Jo u b ie r,
m e n d ia n t t menaçant & dangereux a la Société.
* . , Nous fom
mes en confequence retourné c h e jju i dans le cours de la n u it, nous
n’y avons encore trouvé perfon ne, mais nous y étant cachés , tj*
ledit Joubier y étant venu f u r les Jix heures du matin le /j. du-
�S2>J
tementquc cette avanture étoit ion ouvrage; après
avoir peint cette même avantuie comme un atten
tat inexpiable; après avoir cherché à s’aiTurer d’une
certaine quantité de témoins, clifpofés à avoir va
à peu près ce qu’on vouloir qu’ils euifent vu;..on.
paya un vagabond , foi-difant. Laboureur., ppj-iij
rendre une nouvelle plainte Contre lui." ÇÎè vaga-,
bond, dont le nom éft Nicolas TixeranH, pe fe
borna pas à répéter là fable ufée dont o\i vient de
rendre compte ;. s’étant fouvenu que le fieur Pa
rent avoit donné un foufïlet a un aiitre'Particulier$
il y a environ vingt ans ( n ) , i l rie m an q u V p id e
recueillir ce grand événenlent dans*fa chronique ;
il ne manqua pasnon plus de demander vengeance
d’un autre foufïlet qu’il avoit reçu lui-même, il,v a
\ 1 i; J '
“ ' . r ■ I ■* p ■ -.1/103.4.
. •,
/.
presdejdix ans; mais1 comme il lentit que ces ri
dicules doléances n’annonçoient que rimpoiïibiliré
de trouver de véritables crimes à l’honnête Citoyen
qu’il attaquoit, il alla plus loin ; il l’accufa d’avoir
indignement outragé ion propre frere en différents
temps ; de l’avoir, forcé par là à fe dépouiller de
préfent mois ( c’étoit le mois de Juin '17 7 0 ) nous nous en Corn—
mes f a if is , & îa von s arrête à la requête de M . le Procureur du
R o i de la M aréchaujfée, & f u r les requifitiçns çi-dejfus mention
n é e s & c . &c.' &c. Ce procès verjbal.ierapto du it parm i l e i p i e ces juftificarives, cotç tfaiftem e.
t ,v
.
a •»■ ; Il eft donc confiant que, le fieur\Pp.rçnt n’a participé en au
cune m a n i é r é à cet événement."
. .
i . ’
1 -i:
(n) Ce particulier, qui s’ nppelloit Jacques R o i , eut en effet
dans ce temps une rixe avec le fieur Parent >mas c’étoit lui qui
étoit l’agrefleur , & il’ reconnut fi. bien fon tort ,• qo’apaèsavoi#
rend u plainte'à cé 'fujeV, il s’ en déiîfta,
ut
�1 6
tour en fa faveur , & de l’avoir cnfuite jette dans
un puits.
...
Le Lieutenant criminel de S. Pierrc-le-Moutier
ne voyant plus dans le fieur Parent qu’un fcélérat,
coupable d’un forfait voifin du parricide, ordon»
naauiïi-tôt une feçonde information (o ); on aifigna
une foule dê témoins ; Prêtres ? Femmes de mauvaiiè*vie , Ju ges, Laboureurs, Marchands, M a
nœuvres, Artifants, Mendiants, Domiciliés, V a
gabonds ; on n’oublia, pour ainfi dire, perfonne
que, les gens dont, on connoiiToitpl’impartialité*
Il ieroit' bien extraordinaire qu’après cette in1
1
iidieule précaution , tout ce quon împutoit
au fleur Parent ne fut pas établi de la maniéré
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:- ' V
:
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■T- (o) P o u r ju g e r de la; confiance que méritent, la plupart des
témoins, qu’ on ai produîts-!dans cette information , il iuffic d’érc-^uier Gilbert Desfourneaùx , autre témoin entendu dans une
autre1 ïrifoi'mâtiôn qui fut faite quelque temps auparavant par
le J u g e de L u rcÿ-L ev i , & dont la C our a ordonné l’apport en
io n Greffe. Il attefte qu étant allé à B a rd a is , che^le fieur V id a l,
p o u r retirer des p apiers dont i l avoif bejb in , i l y trouva le nomirié J i à n B u ta rd ' qui mangeoit avec ledit fieu r V id a b ;' que quel
quet temps après , ayan t vraifemblablement qtidque chofie â Je di
re , ils montèrent au grenier ¡q u e lui Desfourneaux ayant retiré fe s
p apiers y s’ cri revint en la compagnie dudit B u ta rd jufiquau V il
lage de la Goujfonniere , ParoiJJe de Saint A g n a n ; que ledit B u
tard paroijfoit outré contre le fieur P a r e n t , & d i/’oit qu’i l feroit
tous fies efforts p o u r parven ir à le fa ire décréter ., Q UE p o u r C E T
S F'JF£X ' I L N E F E R O I T P A S A S S I G N E R L E S G E N S QU J L U l \
y O U D R O I t N T D U B I E N , QU’ l L N E S ' A D R É S S E R o i t QU' a
C E U X Q U I L U I F O U D R O I E N T DU MAL.
Cette anecdote qui fe trouvera apparemment dans.la dépo»
fition de Gilbert Desfoiirneaux , eft d’autant plus intéreflànte ,
que c’eft en effet cd même Butard cjui a indiqué prefque tous,
les témoins dos informatipiïs qu’on a faites contre le fieur Parent.
-
,a
�34
la pins Îumîneufe. On ne l’a pourtant convaincu
d’aucun fait qu’on puiife raifonnablement appelpeller un crime.
••
Que réiulte t-il en effet de la derniere information
-qu’on a faite contre lui à S. Pierre-le-Moutier ?
Qu’un jour il excita un chien à fe jetter fur une
chevre. Çp)
Qu’un autre jour il fit un trou au toit d’une
maiion , & quY étant deiccndu , il battit un veau
'qui étoit au coin du feu. ( q)
• Qu’un autre jour il tua trois oies dans un de fcs
prés, ce qui fit d’autant plus de bruit dans le can
ton , que ces trois oies apparcenoient à trois femmes
différentes. (V)
Qu’un autre jour il menaça des Pâtres de les châ
tier, s’ils menoient leurs beftiaux dans fes pâturages.
Qu’un autre jour il donna un foufïlet au nommé
Jacques R o y , 6c pourquoi? parce que ce Jacques
H o y lui en avoit auparavant donné un à luimcme.
Qu’un autre jour il donna un autre foufïlet à
Nicolas Tixerand, parce que ce Nicolas Tixc(p) On airure que c’tft à Pierre Caban , témoin entendu dans
l’inform ation'du n Juin 17 7 0 qu’ on doit la connoifl'ance de
ce démêlé du chien du iieur Parent avec une ch cvredu voifinage.
. .
. . *
(?) Cette hiiloire d ’un v eau , qui avoit un fo ye r pour érable,
& duquel des charbons ardents étoient vrairemblableniciit la li
tière , appartient cxcluiîvement à Marie R o n d e t , autre témoin
produit à l’information du 1 1 Juin 1 7 7 ° '
(r) Magdelaine Bailli ( eft une de ces trois femmes ) elle
a également paru dans l’information du nitnic jour 1 1 juin 17 7 °*
G
�;l8
ranci, qui étoit alors ion M étayer, & par confén
-quent ion domeRique, avoir l’infolence de le traiter
publiquement de B ...... ... d ’âne & tde mangeur de
chrétiens. ( s )
V
Qu’un autre jour ayant trouvé Ton frere qui
mettoit le feu à fa m aifon, il lui donna aufli un
fou filer.
Qu’un autre jour ayant furpris ce même frere
qui portoit un tifon enflammé dans fa Grange,
il l’en écarta à coups de fouets , & que l’ayant re
pris fur le fait quelque temps après, il le pourluivit & le frappa deux ou trois fois avec une ba
guette , qui pouvoir être groiîè comme le petit
(î) Pierre D u ran d , rémoin qui a été confronté au iïeur Pa
r e n t , a dépofé dans l’information du n Juin 17 7 0 que le Curé
de V a lig n y , ayant été obligé d’y rapporter les Vafes fa c r é s qu’i l
avoit transférés à B a rd a is , N icolas Tixerand, qui ¿toit iv re , ra r
rêta à n jju c de V êpres, un jour de Fête , & lui dit.: vous voulie£
voler noire bon D ieu , mais vous ave^ trouvé un homme ( le fieur
Parent ) qui vous Va b ien fa it rapporter ; que dans le moment Etien
ne Sim onet, craignant que ce que Tixerand difoit audit fieur Curé
ne le fâ c h â t , il l’interrompit 6* lui d it : Tixerand , alle^-vous-en
vers votre m aître, i l vous appelle : qu.e pour lors étant allé jo in
dre le fieur P a ren t, qui ri'était p a s loin de l'E g life , il lui deman
da , que me voulez-vous ? à quoi le fi.u r Parent répondit, je ne
te veux rien ; que cela impatienta T ix era n d , qui re p rit, puifque.
vous ne me voulie^ rien, fin e fa llv it pas me d éran ger, vous êtes un
J ] .............. d'âne ( Jean M ailloux , autre témoin , dépofe qu’il
ajouta , & un mangeur de chrétiens ) que le fieur P a r e n t, après lui
avoir long-temps répété inutilement de j e retirer, lui donna enfin
un foufflet ; que Tixerand continuant de l'inveclivcr , il le jet ta p a r
terre , & q u 'il ne fa llo iip a s de grands efforts pour y p a rv en ir, at
tendu qu'il était f i complettcmcnt ivre , £ u 'il ne pouvait pas J e tenir
f u r J i s jambes.
�]9
Quelques témoins dépofent encore qu’ils ont'
ouï dire qu’il a jette fort frere dans un piiits' : '
mais à qui l’ont-ils ouï dire ? au fieur V idarou au '
fieur G illet, qui l’ont inventé/
Un payian ( c’eft un feul payiàn ) dépofè égale
ment que le Curé de V alig n y , ayant voulu chanteç
les Vêpres immédiatement après la MeiTe, il y a en«
viron quinze ans, eut à peine entonné le premier
veriet du premier Pieaume,. que le Heur Parent
fbrtit de l ’Èglife en fredonnant à peu près fur le
même ton , é m o i je m'en vais:.
Un autre témoin, ifolé comme le précédent,
ajoute enfin que le.' fieur Parent voyant le iieur
Vidal tranfporter, les Vafes facrés deTEglife de
Valigny en celle de Bardais, il y-a quelques
années , dit à une demi-douzaine de perfonnes
avec lefquelles il étoit alors woila. lt Diable'qui em.'
porte notre bon Dieu j mais que trouVe-t^on danstout cela ? des propos fans conféquence ,un ouïdire qui n’eft eftè&ivement qu’un ouï-dire des
vivacités néceiîaires' ou du moins excufables ; despuérilités , des abfurdités.
-Il n?y avoitpas'là dequoi attirer l’animadveriion
de la Juftice fur le fieur Parent. Cependant le Lieu
tenant criminel de S. Pierre-le^Moutier, qui d’a
bord l’avoit ailez inconfidérément décrété d’ajour
nement perionnel", ri’a1 point héiiré à prononcer
contre lu i, le 3 Juillet 17 7 2 ,, une Sentence défi
nitive, dont voici les difpofitions. Toutconjidéré ,■
& raccujé ajfis fu r la Sellette au boüt du Bureau ,
C 2.
�fious avons ( eft-il dit) déclaré Jean Parent due~
ment\,attéiqt ,fk con\[aincy dïavoir exercé des. voies
de fa it 'y ' tant envirs Etiennet P a ra ît , fan fre re ,
quenvers Nicolas Tixerand , dit Monbrun ; l a
vons en outre déclaré véhémentementfoupçonné de
plufieurs autres voies d éfa it , ainji que des paro
les indécentes, proférées publiquement contre les
Eccléfiajliques & contre la Religion; en réparation
de.quoi fera ledit Parent mandé en la Chambre du
Coifeil j poury être admonejlé ; lui faifons défenfes de récidiver & d'ufer à l ’avenir de pareilles
voie s y fous telles peines q u i l appartiendra ;. le
condamnons en cent livres de dommages & intérêts.
envers ledit Tixerand, en vingt livres daumône ,
applicables aux pauvres de la Paroijfe de V aligny ,
enfèmbk en tous les dépens faits par le fufdit T i
xerand , & le renvoyons du furplus des conclufions
contre lui prifes au procès.
Ce Jugement qui commande (ans motif le plus
libre de tous les actes , c’eil-à-dire, l’aumône ; ce
Jugement qui tend à recompenfer un domeftique
d’avoir infulté fon Maître ; ce Jugement qui ou
tre ces vices efièntiels , rend la religion d’un Ci
toyen eftimable violemment fufpe£te ; ce Jugement
enfin q ui, pourcqmble d’injuftice, compromet gra
tuitement l’honneur de, ce même Citoyen par
l’admonition à laquelle il le condamne, eft préci13ment le Jugement dont le fieur Parent demande
ici la réformation. On doit déjà préfïcntir coni'
bien il cil fondé àrcfpérer; mais ce ne feroit pas
�J/i I
Il . *
aiîèz pourlui d’être préfumé innocent ; il faut qu’il
foit entieremenr iu (lifté: Il rv a donc'achever dqf.
démontrer l’iniquité de la Sentence qu’il attaque >;■'
perfiiadé qu’après avoir rempli cette tache, il peut
le repoier du refte , fur les auguftes Magiftrats , >
dont il réclame l’autorité.
.
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Il y a deux fortes d’honneur ; le premier qui eft
en nous, eft-fondé furie droit que nos vertus;nous r
donnent à notre propre eftjme ; le fécond qui efti
dans les autres 5_eft^ondé fur-¡ce qu’ils;penfént de
nous.
.
L ’eftime de nous-mêmes eft un bien indépen
dant des caprices du deftin ; rien ne peut nous le
faire perdre que le çrime : il en eft autrement de?
l’eftime des autres, une feule laçcufation calom-t
meule , un feul jugement.injufte-, peuvent nous;
en priver.
!.•,.= i .
Quelque fragile que, foit cet avantage, il n’en
eft pas moins préciçux;;; Tans¡lui plus de confidé-’
r a t i o n , plus de confiance ; ifolé au milieu de la
fociété , on fuit les lieux où vous êtes comme ii
l’on y refpiroit un air contagieux ; on rougit de
vous connoîcre; l’ amitié,l,’amitïç;même , s’éloigne
de vous en détournant les yeiiK , auifi les loix qui
ont prévu toute l’importance de. cette partie elîèntielle de notre exiftence civile, qui confifte dans
l’opinion publique , n’ ont-ellcs permis d’y portée
atteinte que dans les circonftances où l’économie
�.
............
du fyftèmepoîitiquerexigeabfolurnent. On ne doit,
par exe mp1ê,"déce r neru nidécrçc d’ajôurherii'ènr per-(
lonnel 'contre un Citoyen que dans l’e, cas oit les!
iriforaiatiôns;-ànhdncent une peihe?ai‘fli£Hve à infli
ger ; encore’fau t-il, pmi r en venir à cette extrémité,
que la fidélité des dépcriitions foit iuifiiàmmentv
conflatée ; car l’honneur d’un j ’hqmme qui eiTuyeun décret de cette eípece, eft tellement attaqué
dáns l’elpriÉ 'des? autres hommes*, quil ne peut
plus lui être rendu.que par une abfolution folem-;
nélle ; & it icFoit affreux d-imprimer la moindre
fíétriíruréVIrnímjS à-un fimple particulier q û in es’ÿ
ieroit pas expofé, même au dernier des humains*“
qui lie l’an refit pais méritée. (V)Si ce n’eft qu’avec cette
circonfpe&ion qu’tin Jugé, inftruit des limites de l'on
pouvoii?vprononc€ im décret d’ajournementperfonnel contre un^aitifan', contre ün manœuvre^ contreun valet , combien* n’eÆ-il^àsplns réierve quand'ilr
s’agitde ffatuer définitivement fur le fort d’une per—
fonneplus confidéràble,|qui:tenant peut-être à vingt
familles honnêtes!/ qu’un malheureux préjuge envelopperoit jafqu’à-un céitàin point dans, la con
damnation -, les aiîocieroit par confëquent toutes
à fon ignominie ! il faut alors , & que le délit foit*
abfoliimeijtimpardonnable, & que les preuves qui'
s’élevent contre1l’accufé portent l’empreinte d’une
1 '
**
'
1' ■
'__
••
(/) V oyez l'ejfa i f u r Fefprit & les motifs de la procédure crim in d le, nombre X X . Cet ouvrage qui eft de Me. d e . L a v e r d y ,
fó rm e le difeours préliminaire du Code P e n a l, .autre produttion.
du. mémo Auteur.
.
�J/i3
■M3
évidence irréfiftible. Examinons la Sentence'du
3 Juillet dernier d’apres ces principes ; voyons d’a
bord ii fa forme même n’efl pas'vicieufe voyons
.cnfuiteifi les torts quelle impure’au fieur Parent
font ailèz lumineufement prouvés , pour qu’on ne
puifle pas au moins douter qu’il ne les ait, & ii
d’ailleurs ils iont ailcz graves pour'être entierement inexcuiables. t • - j.oi î’ 1;
* i u
L ’article X X !I du titre X I V .d e POrdonnance
de 16 70 eft,, comme on fa it , 'conçu emees ter
mes : f i par devant les premiers Juges, les conclu-fions de nos Procureurs ,.oude céux des Seigneurs,
& en nos Cours les Sentences, dont e f appel^ ou
les conclufions de nos Procureurs Généraux portent
condamnation de peine ajjii clive, les Accufés feront
interrogés fu r la felletîe. On peut donc aifujettir
tout homme que les’ conclufions du Miniftere pu
blic ou un premier jugement menacent d’une peine
afflicKve , à VaiTeoir ihonrcufement .fur ce iiege
iiniftre ; mais il n’en eft pas de même dans une
hypotheie différente. Deux Déclarations du R oi y
l’une du ;io. Janvier* 1 6 8 1 , ôc l ’autre du 13 A vril
1 7 0 3 , veulent quen tous les procès qui Je pourfui
vront -, fo it par devant les Juges des Seigneurs, .
Jo it par devant les Juges Royaux jiib alternes,
fa it dans les Cours
&i qui »auront été réglés
ci Vextraordinaire , à biflruitsupar. récolément &
confrontation, les Accufés f i e n t feulement enten-,
dus par leur bouche, dans la Chambre du Confeil,
derrière le Barreau5 lofqu il n y aura pas de cou-
�, 2-4
dupons ou de condamnations tendantes a une peine,
telle que celle qui ejl indiquée par ü Article X X I
-du titre X I Y de lOrdonnance de-i&yo ci-de[fus
- cité, cefaijant, abroge tous ufages à ce contraires. Le
dit article X X I du titre X 1 JS de VOrdonnance
de i 6j o , fortant auJhrplus fonplein & entier effet..
O r il.eft conftantd’un côté que l’admonition n’efl:
point une peine afïli&ive ; il eft confiant d’un au
tre côté que les conclufions que la Partie publique
a données dans le procès du iieur Parent ne tendoient qu’à une admonition, ainii il eft d’abord
palpable que le..Lieutenant Criminel de S. Pierrele-M outier, qui n’auroit pas ditfaire fubir à ce der
nier l’humiliantè formalité de la fellette, n’auroit
pas dû non plus en faire mention dans fa Sentence.,
Ce n’eft pas uniquement en cela que le Lieute
nant Criminel de.i S„ Pierrc-le-Moutier s’eibpermis d abufer des formules exclufivement affe&ées,
aux grands crimes. Un Arrêt du Parlement deBretagne du 14 Juillet 1 7 1 7 a décidé qu’on ne
devoit. fe fervir des mots atteint & convaincu que
dans les jugements, définitifs des crimes capi
taux (w) ; cette Jurifprudcnce d’autant plus raifonnable, qu’il feroit vifiblement abiurde d ’em
ployer la même forme dans la condamnation d’un
homme qui neferoitacculé qued’avoirdit quelques
injures a' fon voiiin au milieu de la rue , 6c dans
(u) V o y e z le Journal du Parlement de Bretagne, tome p r e
mier , chapicrç 4.7.
•'
__
’ ;
celle
�SAs
.
?**■
celle d’un homme qui auroit commis un parri
cide aux pieds des Autels, n’eft pas feulement la
Jurifprudence du Parlement de Bretagne, c’eil
encore celle du Parlement de Paris. Deux Arrêts
de ce dernier Tribunal, l’un du 2.8 Juin 16 9 1 ,
Fautre du 19 Janvier 1 7 3 1 , ont unanimement ré
glé qu’il n’y avoit pas lieu de prononcer par at
teint & convaincu quand il ne s’agifloit pas de
décerner une peine afîli&ive ou infamante, &
qu’il fufïifoit alors de déclarerl’Accufé convaincu
de tel ou tel délit (v ): il ne falloit donc pas que
la Sentence du Lieutenant Criminel de S. Pierrele-M outier, qui n’impofe ni peine affli&ive, ni
peine infamante au iieur'Pàrent, le jugeât duement
atteint & convaincu des faits quelle lu iattribue; &
puifqu’elle l’en juge duement atteint & convaincu,
c’eft une fécondé irrégularité à ajouter à celle que
nous avons déja remarquée dansfà réda£ltôn.:,:>
Venons-en maintenant au fond. De quôile fiéur
Parent.eft—
il duement atteint & convaincu? c eft, fe
lon la Sentence du Lieutenant Criminel de S*Pierre-le-Moutier, d’avoir exercé des voies defaitytant
contre Etienne Parent , fin fre re , que contre N i
colas Tixerand, dit Monbrun ; elle veut en outre
qu'il fa it véhémentementfiupçonné de plüjieurs au(v) V o y e z A ugeard , tome p r e m ie r , page 1 1 9 , nombre 6 1 ,
édition de 1 7 5 ^ , & le C òd e Criminel de M . Serpillon , tome
2 , page 1 ^ 9 , édition de 176 7 . I l n’eft pas inutile d’ obferver
que T A rrê t du Parlèment de Paris du 19 Jan vier 1 7 3 1 eiï un
A rrêt de règ le m e n t..
D
�i6
très voies de fa it , qu’elle n’indique même pas: elle
veut finalement cjiiil ait proféré des paroles indécentes contre les Eccléfiaftiques & contre la Religion.
Comme chacun de ces objets mérite d’être difcuté
à part, on va les reprendre les uns & les autres
dans l’ordre où ils fe préfentenr.
A ne confidérer que le jugement dont on a
. dansTinftant rappelle les dilpoiitions, on feroic
tenté de penfer que le fieur Parent, apres avoir
extorqué le bien de fon frere par de criminels ex
pédients , a enfuite gouverné ce même frere avec
1111 fcepti'e ,de fer ; mais qu’on s’abuferoit de s’en
rapporter au Lieutçnant Criminel de S. Pierre.:;le-M$uticrr fur ce point! qu’on feroit injufte de
regarder le premier de ces deux Particuliers comme
. le tyran/du dernier ] il eft de notoriété publique
que-la prétendue viâim e de la' barbarie du fieur
Parent n’a jamais(eu qu’à fe féliciter dd ion afïcc. tiou/Si quelqu’un en doutoit, quM interroge le
fieur Du front ( x ) , il apprendra qu’Etienne Parent
ne s’eft défaifi. de fon bien que par un a&ç volontaise.;. qu’il interroge/le fièur GcôifFroi (y ) il ap*1 prendra qu 4 ’4 ^
Etienne Parent;fe fe
roit repenti de ce qivil avoitfait, il n’auroittcmi
qu’à j u i de revenir fur fes pas; qu’il interroge la
: noiflq^cçTSnnc'’PriïncaiT
il apprendra qu.’E■'
Lè'fieiirDumofity'Notaire, à Sancojns, eft un des témoins
v cnrendüs d.ihfe'Vio^rmation de LurcyrLevi.
! ( y.)' Le-iiiitir’Geolfifoi-, Jiotaire à laGuierchc, a aiiffi été en
tendu , comme témoin dans l’information de Lurcy-Levi.
(^)- Anne Pruneau acté entendue dans les informations faires
à S. Pierrc-le-Moutier.
�sa
y
p-7
tienne Parent étoit traité avec une douceur finguliere chez celui qù’on accufe de tant de cruau
tés à fon égard; qu’il, interroge enfin le fieur
Sauvage (& ) , il apprendra qu’Etienne Parent le
noyoit un jour dans un puits 7 fi fon frere n’eut
pas veillé fur lui avec une attention continuelle.
Que faifoit cet Etienne P arent, tandis qu’on
lui prodiguoit ainii les foins les plus tendres ? Tan
tôt il s’emparoit furtivement d’un tifon enflam
mé , qu’il s’emprefloit de porter dans la grange
de fon frere pour y mettre le feu : tantôt il déroboit dans fon mouchoir des charbons ardents dont
t il cherchoit à faire le même ufage. Eft-il étonnant
que le fieur Parent, après l’avoir furpris plufieurs
fois dans ces extravagantes 6c périlleufes opéra
tions , fe foit laiifé emporter un moment à fa
vivacité? Devoit-il fe borner au langage de la raifon avec un infenfé qui ne l’entendoitpas? Une jufte
réprimande, accompagnée d’un foufïlet, 6c fi l’on
veut, de quelques coups de fouet ou,de quelques
coups de baguette échappés a un homme qui n’avoit d’autre but que d’empêcher un fou d’enve
lopper toute fa famille dans un incendie qui l’auroit lui*même confumé, peut-elle jamais être envifagée comme une voie de fait,? Que le Lieute
nant Criminel de S. Pierre-le-Moutier réponde,
qu’il choifiile de défavouer fa Sentence, ou de
foutenir une ablurdité.
(&) Le fieur Sauvage a cté entendu dans l'information faite
à L u r c y - L e v i.
'v
i
‘
i
D i
�, 2,8
On obje&era peut-être aux fieur Parent qu’il
eft allé au delà des limites qui féparent une corre&ion fraternelle d’ une honteufe brutalité ; mais
lur quoi pourra-t-on appuyer cette inculpation?
fin* la dépofition de Claude Blond. Il fubiifte
entre le fieur Parent &c lui un procès trop confidérable pour qu’il n’en ait pas le cœur ulcéré : au
ra-t-on recours au témoignage de Philippe Tixerand ? ce Philippe Tixerand cft le fils d’un des dé
nonciateurs.du fieur Parent 6c le neveu de l’autre :
écoutera-t-on Antoine Berthommier? ileil l’ennemi
capital du fieur Parent qui l’a fait décréter ; 6c c’eft
une réglé univerfellement admife, une réglé puifée dans les loix les plus refpe&ables, une réglé
enfin qui a la raifon 6c l’équité même pour ba
ie , qu’on ne doit entendre -contre un accufé , ni
fes ennemis , ni fes dénonciateurs , ni les pro
ches parents de fes dénonciateurs. ( i) O r en écar
tant les impoftures que Claude B lo n d , Philippe
Tixerand 6c Antoine Berthommier ont avancées,
(x) Teflium fides diligenttr examinanda ej7. Ideoque in perfonâ
eorurn txploranda erunt imprimis conditio cujufque : utrum quis de•curio , an Plebeius fit.: & anhoneflæ , & inculpât ce vit œ , anverb
notatus q u is, & reprehenfibilis. A n locuples, vel egens f i t , utlucri
eau fa , quid facile adrriittat: vel an inimicus ci fit adverjùs quem
tefîimonium f e r t , & c.'D igefl. Lib. X X I I , Titul. V, Leg. H J %
F acilè mentiuntur inimici. Caufâ cognitâ habendafides autnon '
habenda. L . I. § X X I V & X X V . Digefi. de queeft. &c.
Idem Tarinacius, quœfi. 5 5 , n. 3 , £ , 7 Ù 1 1 . Ju ltu s C la ru s,
quœft.x/\.,n.§. Menochcus, de arbitr. judic. cafu i 8 & 1 1 0 . Le traité
•de la Juftice criminelle par Joufl'e , tome acr. page 708. Le
traité des matières criminelles de Bruneau , partie Iere. titre 1 7 ,
maxime i z , & c , & c , & c.
�19
il ne refte que la dépofition de Pierre C olin , &c
ce témoin, quin’avoit aucun intérêt d’en impofer,
cil convenu à la confrontation que le jour
qu’Etienne Parent a , dit-on , été le plus maltrai
té par fon frere , celui ci n’a fait que lui donner
deux ou trois coups de baguette qui ne pouvoient
pas lui faire de mal. Si ce malheureux, égaré par
la démence, a été enlevé quelque temps après par
une mort précoce, c’eil lui-même qui l’a cherchée.
Le fieur Parent efb encore moins coupable en
vers Nicolas Tixerand qu’envers Etienne Parent,
fon frere. Pour s’en convaincre, il n’eil befoin
que de jetter un coup d’œil impartial fur le d if
férent qu’ils ont eu enfemble. Un Payfan qui entendoitun jour Nicolas Tixerand injurier le Cu
ré de Valigny à l’iffue de l’Office divin, cherche
à prévenir les fuites que pourroit avoir cette
iniulte, en faifant accroire à ce Nicolas Tixerand,
qui demeuroit alors chez le heur Parent, que fon
maître rappelle. Nicolas Tixerand aborde auiïitôt le fieur Parent au milieu d’une nombreufe affemblée : que me voulez-vous i3 lui demande-t-il :
je ne te veux rien , répond ce dernier : fi vous ne
me voulez rien , replique-t-il, ce nétoit pas la pei
ne de me déranger : V O U S E T E S U N
B. ....... . D ' A N E E T U N M A N G E U R D E
C H R E T I E N S . Le fieur Parent ordonne à ce
Domeftique, fi mal morigéné, de fe retirer; il n’y
gagne que de nouvelles inve&ives ; il réitéré l’or
dre qu’il avoit déjà donné, c’eft inutilement: il
�. 3°
recommence une troiiieme fois, & ne fait parlà que s’attirer de nouveaux outrages : alors il ne
peut plus le contenir , il donne un loufflet à l’inîblent qui le provoque. Si nous n’avons pas fur
nos domeiliques un pouvoir aulH étendu que ce
lui des 'Citoyens de l’ancienne Rome fur leurs
efclaves ; ii nous ne pouvons pas nous jouer d’eux
avec autant d’impunité, au moins eil-il certain,
qu’ils nous doivent un refpeft particulier, & que les
injures qu’ils nous font exigent une peine plus grave
que celles que des hommes, indépendantes les unes
des autres,peii vent fc faire. Pierre Creifel, convaincu
d’avoir proféré des paroles outrageantes contre la
Dame * * * dont il étoit le Valet de Chambre,
fut condamné par un Arrêt du 9 Septembre 1712*
à être attaché au carcan, à la Croix rouge, ayant
un écriteau, portant ces mots : V J Î L E T D E
C H A M B R E I N S O L E N T . Cefa it rbaiini pour
trois ans & condamné en 10 livres d?amende. Un
autre Domeftique,nommé Pierre Pizel, ciluyafcn
î j j 1 une femblable punition pour un iemblable
délit. (V) Siippofons que les deux perfonnes que
ces deux Arrêts ont ainfi vengées de l’audacieufe
licence de leurs gens, fe fuilent contentées de iouf- fletter les coupables , au lieu de les déférer à la
juftice , ce léger châtiment auroit-il paifé pour un
délit ? Le Parlement auroit-il daigné en prendre
(z) V o y e z le DiiHonnairc de Police de Frém enville , & la
C olle& ion de Jurifprudence de Denifard , au mot Domcjliques.
�31 ,
connoiiîànce ? Non : & qu’auroit fait le Juge donc
eft appel? ce qu’il a fait fans doute.. . . Mais ileft évi
dent que c’eft là iur-toutce qu’il n’auroitpasdu faire.
L a Sentence de S. Pierre-le-Moutier veut en
core que le fieur Parentjo it véhémentement feupçonné deplujieurshutres voies dey#/r,'puifqu’elle ne '
les indique même pas, & qu’au refte le fieur Parent
n’en eft tout au plus que loiipçonné; a-t-on dû ailèoir
une condamnation iùr des fondements aufli vagues
& aufli incertains ? La plupart des témoins qu’on
a entendus contre le fieur Parent , ayant été
choifis expres parmi fes ennemis(3 ) , ne devoit-on
pas plutôtfoupçonner véhémentement qu’ils avoient
par cette raifon fubftitué les murmures i’mpofteurs
de la haine à la voix défmtéreffée de la vérité?
La derniere imputation que la Sentence du
Lieutenant Criminel. det S. Pierre le Moutierfait
au fieur P aren t, eft d'être a iijji foiipçoîiné d'avoir
proféré publiquement des paroles indécentes contre les
Eccléfiajliques & contre la Religion. Lui ioupçonné
d’avoir proféré publiquement des paroles indécen
tes contre les Êccléiiaftiques ôc contre la R eli
gion! eh! s’il les a publiquement proférées ces
paroles, il falloit mieux faire que de l’en ioupconner, il falloit prouver qu’il les avoit dites en
effet. Un Juge ne doit fe borner à des foupçons
que lorfqu’il n’a rien de plus fatisfaifant à eipércr;
il ne doit pas fur-tout fc décider par de pareils
(3) V o y e z la note qui eil au bas de la
page de ce Mémoire.
�' 31
motifs : il feroit révoltant que les douteufes conjeftures d’un efprit qui peut être fafciné par la
prévention influailent iur le mouvement de la
balance où. l’on pefe nos deftins. Qu’eft-ce d’ail
leurs que de {impies paroles ? un vain bruit quife
diilipe dans le moment même où on l’entend.
î> Ouvrons rEfprit des Loix , les difcours , y
» verrons-nous, font fi fujets à interprétations; il
,» y a tant de. différence entre l’indiierétion & la
» malice , & il y en a G peu dians les exprefiions
» qu’elles emploient, que la loi ne peut guere fou» mettre les paroles à une peine.. . . . . . Les pa» rôles ne forment point un corps de d élit.. . .
« La plupart du temps elles ne ngnifient point par
» elles-mêmes, mais par le ton dont on les dir.,
n Souvent en redifant les mêmes paroles on ne
?» rend, pas le même iens; ce fèns dépend de-la
5> liaifon qu’elles ont avec d’autres chofes. . . . .
» Il n’y a rien de fi équivoque que tout cela : com« ment, donc en feire un crime ? Les paroles n’en»> deviennentun, quelbrfqu’elles préparent, qu’el?» les accompagnent ou.qu elles fuivent une a&ion» criminelle. » Examinons cependant celles qu’on
attribue au fieu r Parent : il y a quirrce ans, qu’en
fortant de l’Eglife de V alig n y , après la M ette, il
a , dit-on, fredonné, & moi je ni en vais. D ’abord
il n’y a qu’un témoin qui nous attefte cette anec
dote , regardons-la néanmoins comme légalement
prouvée : nous pouvons fans conféquencc nous,
prêter à cette hypothefe. Qu’y a-t-il là d’injurieux
au
�SS 3
33
an Cierge & de contraire à la foi ? des qu’il s’en'
alloit réellement, il étoit fondé à le dire, & s’il y
a des vérités plus fublimes, il eit inconteilable qu’il
n’y en a point de plus innocentes.
Mais le fieur Parent voyant, il y a quelques
années le iieur Vidal traniporter les vaiès iàcrés
de TEglife de Valigny dans celle de Bardais , a
encore dit r. Voilà Le diable qui emporte notre boit
D ieu . ..... Eft il bien vrai qu’il la it dit? quand il
Tau roit dit, qu’en réfultcroit-il ? la Religion & les
Eccléfiaftiques en général n ont rien» à démêleidans.,ce propos : s’il a été tenu, il ne concernoit
que le fieur. Vidal-, & le'fieur. Vidal lui-même ne
fèroit pas recevable. à s’en< plaindre aujourd’hui 7
car on ne pourroit tout au plus y trouver, qu’une
* injure verbale , t qui dans le cas où: elle auroit
échappé au fieufc P aren t, remonterait à l’époque
de l’interdijEHon de l’Eglife de: V a lig n y ,. ç eft àdire, à l’année 1 766 , ¿e perfonne n’ignore que
les injures de ce genre font cenfées remifes à T offenfeur par un pa&e tacite, quand læ partie o£~
fenfée. a, laiifé écouler feulement une année iàns
en pourfulvre,la réparation. Ces huit mots, dônt
perfonne ne le plaint, & dont perfonnene peut
même fe plaindre n’ayant rien , ni de plus héré
tique, ni de gliis outrageant jxuir Je Clergé, que ces
cinq autres mots, à moijem en vais , où.le.Lieute
nant Criminel de S. Pierre-îe‘Mouticr a-t-il vu que
le fieurParenteùt proféré publiquement des paroles
indécentes contre les Eccléfiaftiques & contre la ReE
4«
�ligion ? eil-cc dans les informations? <?eil en vain
qu’on y chercheroit autre choie que ce qu’on vientde rapporter : eil-ce dans fon imagination ? nul
ne doit répondre .des illufions dont tel ou tel
homme, quel qu’il foit,peut être le jouet.
V oilà tous les crimes du fieur Parent ; voilà
pourquoi on l’a condamné à être admonefté; voilà
pourquoi on l’a condamné en 10 0 liv. de dom
mages & intérêts ; voilà pourquoi on l’a condamné
en xo liv. d’aumône. Ces condamnations qui ont
compromis fon crédit, qui ont altéré fon honneur,
qui ont fait manquer des établiflements avanta
geux à deux ou trois de fes enfants, & qui peuvent
faire le même tort aux autres, fubfiftcront*elles
long-temps à la face delà Juftice qui les défavoue ?
N on : l’innocence une tois reconnue rentrera bien
tôt dans la plénitude de fes droits ; & puifque
le fieur Parent n’eft point coupable, il eft déjà
abfous dans le cœur des -Magiftrats Souverains
dont il implore ici l’équité.
- ¡*
\
. i
Monfieur'ALBO D E CHANAT,'Rapporteur.
M e. S A U T E R E !A U D E B E L L E V A U D ,
Avocat.
( J - ? •' - ; ■ 1 3
i-
. ..
.■
•. *’ .i’’. V.
B
.
Î.
u sc h e,
fi.;
* " 'j;;
Procureur.
.il,.’ .
? i. ‘
;
u.
�JSS
35
A C T E
D E
N O T O R I É T É
des Habitants de la Paroiflè de Valigny-leM o n ial, du 2.3 A vril 17 7 3 .
,,
On a cru devoir imprimer ici cet aefe parce quil contient
un nombre confid&rabh de faits d'après lejqueis on peut
fe former une jujle idée & du (leur Parent & de fes D é
nonciateurs & du Procès même..
,
Ard'evant le Notaire R o y a l, ioufTigné réfidant en la V'ille de Sancoins , & témoins ciaprès nommés, de préfent au Bourg & Paroiflè de
Valigny-lè-M onial, font comparus André Rc~
nard , Syndic & Propriétaire , Antoine Chaput,Procureur & Fabricien de l’Egiife de Vali^ny ,
Pierre Blond'& Louis Simoner, Marchands ,tn m \
cois Bèlierec, Sacriftain , Pierre Derimay & N ico
las & Jean Auperin ,,tous Propriétaires;' Etienne
Bonneau, Charles Sim onet, Jean Bajot & Jean
Délabré, Fermiers , Jacques Pernier& Pierre Rai-,
auili Ferm iers, Jacques Buret, Locataire, Charles
Dumont & Jean Chevalier, Ferm iers, Jean M ayoux, Aubergiûie, Jean Bourgeois & Jean Clerc;
Elifant la plus grande partie & principaux Habi
tants d e ladite Paroiflè de Valigny-le-Moniah
Lefquels ont dit qu’ayant appris que le Procès
qui a été fufeité au fieur Jean Parent, Marchand
& Propriétaire , demeurant en la Paroiflè de
Yaligny-lc-M onial,par les nommés Gabriel JouE i
P
,
�>y>
\.
36
bier & Nicolas Tixerand , de Lurcy & de cette
Paroiiïè, avoit été porté par appel pardevant nos
Seigneurs du Conleil Supérieur de Clermont-Fer
rand, ils ont cru devoir attefter à tous ceux qu’il
appartiendra, & ce pour le feul intérêt de la vérité
& pour contribuer, autant qu’il eft en eu x, à com
pleter la juftification dudit iieur Parent; que le
même fieur Parent, de la vie & des mœurs du
quel ils ont tous une connoiUance particulière,
' eft non feulement un homme pailible, dont perfonne n’ a fujet de iè plaindre , mais encore un
homme d’une probité irréprochable, qu’il aem-'
ployé des fommes confidérables , notamment ces
années dernieres, pour vêtir & nourrir les pau
vres du canton, qu’il porte aux pauvres malades ou
envoie par fes domeftiques pain, vin , viande,
pour leur aider dans leurs befoins ; qu’il remplit
avec Tcxa&itude la plus fcrupuleufe tous les
devoirs que lui impoiè la R eligio n , fait ou fait
faire chez lui les Catéchifmes, pour inftruire les
enfanta, tous les Avcnts & Carêmes ; fait ou fait
faire la priere tous les foirs chez lu i, 011 les perfonnes des Villagcs ou Hameaux voifins vorjt tous
les ibirs ; a fait taire à fes dépens une belle Croix
de M illion devant la porte dans le Village 011 il
demeure & fur le chemin, pour infpirer aux p a f
fants la dévotion, que jamais on lui a entendu pro
férer aucunes paroles équivoques, 6c encore moins
aucuns propos repréheniibles iui* les objets iacrés
de notre culte ; que loin d ’avoir eu la dirrcfé de
�JS1
maltraiter habituellement le fieur Etienne Parent,
fon frere , comme quelques-uns de les ennemis
n’ont pas craint de l’avancer, il a au contraire veillé
avec un zélé, quine s’efi: jamais démenti, à la confervation de fes jo u rs, &. n’a rien négligé pour lui
faire couler une vie plus douce & plus longue; qu’il
eft de notoriété publique que ledit Etienne Pa
rent, dont l’efprit étoit aliéné depuis quelques
années, cherchoit depuis la même époque à le
noyer, qu’on l’a vu fouvent marcher fur la mar
gelle de différents puits du canton, & même des
cendre dans lefdirs puits, & que la mort eft la fuite
de cette imprudence ôc du projet que la démence
mélancolique où il' étoit tombé lui avoir infpiré ; qu’ils ont connoiflance que ledit Jo u b ier, l’un
de fes délateurs, qui avoit fait une petite chaumie«
re furie bord de la Commune d’Euvy , & fur le
grand chemin de Beifais à L u rc y , a mis le feu , &
l ’a faite incendier, ainii qu’un gros chêne de 9 à 10
pieds de tour, qui fervoit pour porter la filière
& le jambage d’entrée, qui aefluyé le même fort,
ainfi que la Haie de féparation de l’Héritage dudit
fieur P aren t'd ’avec celui où ’étoit bâtie ladite
Chaumiere; qui fans lefecours des voifins, des nom
més Gilbert Baudy, G ilbert.C haputC laude Delabre & du nommé Sorton, & plufieurs autres
perfonnes, qui ont accouru , & y ont palle la
n u it, 6c qui ont coupé lefdires Haies, pour évi
ter la continuation du feu , qui en avoit incendié
environ douze ‘toifes de lo n g , auroit continue
ü<{
�j.ufqu’aux Bâtiments du Village d’Eu'Vy,-appar
tenants audit fieur Parent, & fucceÛivement aurolt
rnis le feu dans Le canton ; & ledit Tixerand,
beau-frere dudit Joubier, mendiants leurs pains
journellement dans ladite Paroiilè , ainfi que dans
les voiiines ; gens remplis de mauvaifes volontés
& mauvais propos > dont fa fille quTil fouffre
avec lui, menant une vie fcandaleufc, faifant des
enfants {ans être mariée , ont quitté la Paroiilè, ôc
mendient leurs pains, quoiqu’en état de s’en paifer.
Qu’ils ont auifi connoiiîance que ledit fieur Pa
rent fait lacharité aux pauvres, honteux , les har
bille lors de,.la rigueur du temps ; qu’il a. été
choifi par les Habitants, de V aligny pour aller à
Bourges dans un temps de gelée, pour obtenir
main-levée de l ’interdit deTEglife de ladite Paroiffe de V align y, qui avoit été mendié par le fieur
Guré , pour s’ approprier le revenu fans aucune fervitude, & pour demeurer tranquille dans la Paroifle de Bardais,. dont il eft également Curé ; que
ledit fieur Parent a obtenu main-levée de l’inttrdi&ion r & a auifi obtenu que le même fieur Curé
viendroit deilèrvir ladite Paroiilè de Valigny , ce
qui s’exécute depuis ce tem ps,.à ce moyen l’obli
gation que les Habitants lui en ont;tque pour don
ner des marques de chrétien ledit fieur Parent a
fourni & fait conduire un gros arbre pour faire,
une Croix au devant de l’Eglife , qui cil: toujours
fur la place, dont le fieur Curé empêche dé faire
faire au Procureur fabricien lafaçon ;.qu’ils ont auiîi
�39
connoiilànce que ledit iieur Parent fait un com«
merce depuis longues années de vins d’Auvergne,
qu’ il le vend aux Paroiilès voifines, le plus louvent à crédit ; & aufli Marchand de Bœufs pour la
provifion de P aris, qu’il fait faire des effaras
dansfes terres, pourquoi il emploie plus de cent cin
quante perfonnes par jo u r, & a acheté des avoines
confidérables pour la fourniture des Troupes, ainiï
u’il l’a fait plufieurs fois pour le Régiment de J a ^
.eine, Cavalerie ; en un m ot, pour rendre j'ulticc!
à la vérité, ils déclarent qu’il eU: très-utile dans lc^
Pays,, par ïori Commerce & par les travaux qu’il,
fait faire, ce qui fait vivre nombre d’Ouvriers, &
ont affirmés leur déclaration véritable, pour lervir
& valoir ce que de raifon.
Fait en paiïànt au Bourg de Valigny-le-Monial, après midi * l’an mil fept cent foixante-treize,
le vingt-trois A v r il, préfence de Me. François
Auguftin Beauvais, de Sebaftien/l’EcuyerjH uilfiers royaux, demeurants tous les deux en la V ille
de Sancoin , témoins , de préfent audit Bourg de
V a lig n y , qui ont (ignés avec lefdits Chevalier ôc
M ayoux, & ledit Notaire, fouiTigné ; quant aux
autres comparants ont déclaré ne le lavo ir, de ce
enquis & interpellés; & foit contrôlé la Minute des
préfentes, & fignéeChevalier, M ayoux, Beauvais,
l’Ecuyer & D um ont, Notaire royal, & icelle
contrôlée ôçfcellée àSancoins le vingt-quatre A vril
mil ieptcent foixante-treize ; reçu vingt-huit fols.
Signé , D um ont, 'Commis. »
!■» » w - î
D u m o n t , Notaire Royal"-1
S
�4o
r
*'•*
r
*■
N O u s Jacques Philippe' R u b y de Bergerenne,
A v ocat en P arlem en t, Confeiller du R o i , Préfident , Prévôt, Juge & garde de la Prévôté Royale
de Sancoins , certifions à tous qu’il appartiendra r
que Me. Dumont eft Notaire R oyal "à la réfidence
de' cette V ille y & .que la fignature appofée au bas
de; l’acte'de l'autre. part eft celle dudit M e. Dumo n t, dont il a coutume de fe fervir en fa qua
lité de Notairè R o y a l, que foi doit y être ajoutée
tant en jugement que hors , en foi de.quoi avons,
figné. A Sancoins , ce: vingt-rquatre À vril mil fept:
cent foixante-treize, & fai appofer le fceau de cette
Prévôté , & fait contre-figner ces préfentes par no
tre Greffier ordinaire.
...
S ig n é R U B Y D E B E R G E R E N N E
P a r m ondit S ieur C A Y A R D
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C L E R M O N T - F E R R A N D ,
De l’Imprimerie de P i e r r e V l A L LIA N E S imprimeur de* Domaine s
du.Roi r u e S G e n è s p r è s l'a n c ie n m a r c h é a u b le d 17 7 3
�
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Factums Godemel
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Title
A name given to the resource
[Factum. Parent, Jean. 1773]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Ruby de Bergerenne
Cayard
Subject
The topic of the resource
amendement de terres
exemption
dîmes
taille
contestations
assemblées des habitants
plainte contre un curé
mendicité
faux témoignages
troubles publics
opinion publique
jurisprudence
clergé
fiscalité
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour le sieur Jean Parent, Négociant, demeurant à Euvy, Paroisse de Valigny-le-Monial, Appellant de Sentence du Lieutenant Criminel de Saint-Pierre-le-Moutier, et Demandeur. Contre Monsieur le Procureur général, Intimé. Et encore contre Nicolas Tixerand, aussi Intimé, Défendeur et Défaillant.
Acte de notoriété des habitants de la Paroisse de Valigny-le-Monial.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Pierre Viallanes (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1773
1766-1773
1716-1774 : Règne de Louis XV
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
40 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G0225
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Pierre-le-Moutier (58264)
Lurcy-Lévis (03155)
Valigny (03296)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
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vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/52902/BCU_Factums_G0225.jpg
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