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MÉ M O I R E
P O U R
L e citoyen M E U N I E R , médecin , accusé.
L E public paroît
les détails
d’une accusation qui frappe sur un homme connu par
les services qu’il rend à l’humanité souffrante.
impatient de connoître
O n veut bien lui accorder des talens dans la profes
sion qu’il exerce; il reçoit tous les jours de nouveaux
témoignages de la reconnoissance de ceux qu’il a soignés;
on rend justice à sa droiture et à sa probité ; on se loue
de la douceur de ses m œ urs, de ses attentions obligeantes,
de sa sensibilité m êm e, qui n’est pas toujours la vertu
des médecins ; on s’étonne que ce citoyen, adonné sans
relâche à l’étude et à la pratique de la m édecine, puisse
avoir quelque chose à démêler avec un homme proscrit
dans l ’o p in io n , flétri par des jugemens publics, en u n
m o t, un v il intrigant.
D é p a rtcra cn t
d e l 'a l l i e r
spécial.
.
�( 2 3
l , e citoyen M eunier est bien plus étonné encore de
subir tout l’appareil d’une instruction crim inelle, dans
une affaire qu’ il ne comprend pas, dont il n’a que des
notions imparfaites , et qu’il lui est bien difficile d’ex
pliquer.
T o u t est pour lui d’une obscurité im pénétrable : com
promis par un homme qu’il connoît à peine, avec leq u el
il n’a aucunes liaisons, il examine par quelle fatalité il a
été nommé par L a fo n t-B ra m a n t; comment il peut avoir
quelque chose de commun avec ce particulier ; comment
il peut être accusé de fa u x , lui qui n’a fa it, ni su faire
en sa vie aucune affaire d’intérêts, et ne s’est occupé que
de son état.
Cependant l’accusation est sérieuse: elle estaccompagnée
de circonstances si extraordinaires,.si invraisem blables,
qu’ il devient nécessaire de lui donner une grande publi
cité; et le cit. M eunier sortira triomphant de ce labyrinthe
d’iniquités et d’horreurs*
L e cit. M eunier a eu occasion de connoître le citoyen
S u b e rt, ferm ier de la terre de Bonnefer, située dans le
département de la N ièvre.
L ’accusé jouissoit alors de cette propriété ; Subert faisoit un commerce assez considérable, et avoit la répu
tation de courir à la fortune.
L e citoyen M e u n ie r, naturellement obligeant, sefaisoit
iin plaisir d’aider Subert de ses m oyens, et lui avoit fait
différons prêts, sans nulle pi’écaulion , n é g l i g e a n t même
de prendre les assurances les plus o r d in a ir e s .
T e lle est la manie du citoyen M eunier, de croire à la
probité de tous ceux avec lesquels il a des relations; et
�m
il n’en est pas encore c o rrig é , quoiqu’il ait été souvent
la cîupc de cette extrêm e confiance.'
Il fallut cependant venir à compte avec Subert; et ce
dei’nier souscrivit au profit du citoyen M eunier, le 16
flo réa l an 8 ( la date est essentielle), un billet de 4,800 ir.
dont rfroitie payable en ventôse lors proch ain , et l’autre
m oitié quatre ans après, avec intérêts à cinq pour cent.
O n fit apercevoir à jYXeuuicr, qu’il 11’auroit pas dû
se contenter, pour une somme aussi considérable, d’un
simple billet souscrit sur papier m ort : un commerçant
étoit sujet à beaucoup d’événemens; il étoit utile d’avoir
un titre authentique, avec un bordereau d’inscriptions;
et M eunier en p révin t Subert.
Il fut arrêté qu’011 se rëndroit chez un n otaire, pour
y souscrire une obligation : m ais, dans le môme instant,
M eunier avoit le billet à la main;- Subert le dem ande,
et le met en p ièces, en disant que le billet devenoit
in u tile, puisqu’il alloit consentir une obligation.
L e citoyen M eu n ier, fort mécontent de cette conduite,
en fit des reproches à Subert. C e lu i- c i proposa de se
rendre sur le champ chez le notaii’e: on sort. E n ch em in,
on se rappelle qu’il est temps de déjeuner ; Subert p ro
pose d’entrer au café de la R é g e n ce , pour y prendre
du chocolat : m ais, au moment où il est servi, Subert
feint un besoin, so rt, disparoit, et se fait encoie atteii-1
dre pour aller chez le notaire.
M eunier est assez heureux pour avoir conservé les
m orceaux du billet lacéré ; il les a réunis comme il a
pu avec de la cire \ il le représentera dans cet état au
tribunal.
A 2
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L e nommé Lafont-Bi'am ant, qui joue un grand rôle
dans toute cette affaire, étoit de la connoissanee de Subert:
ce L a f o n t - B r a m a n t est natif de D u n , département de la
C reuse; M eunier est né à Chesnier, même département.
S u b e rt, pendant son séjour à P a ris , visitoit fréquem
m en t M eunier. Il dit ù Lafont-Bram ant, qu’il connoît
un médecin de son pays. L afon t-B ram an t tém oigne à
Subert le désir de faire connoissanee avec un compa
triote dont il a entendu parler. Subert l ’introduit chez
M eunier. V o ilà l ’origine des légers rapports que M eunier
a eus, potir son m a lh e u r , avec ce v il intrigant.
T o u t se passe d’abord en complimens. Bientôt LafontBramant fait l’honneur à M eunier de lui emprunter de
l ’argent ; et celui-ci a la facilité de céder à. ses instances.
Q uelq ue temps après , L afon t-B ram an t se présente
chez M eunier. Il étoit accompagné d’un p articu lier, à
qui il donne le nom de C hâtelain, qu’il dit être agent
de change : et tous les deux racontent à M e u n ie r, qu’ils
ont fait une affaire avec Subert; que celui-ci a souscrit
un billet au p o rte u r, d’une somme assez considérable.
Ils demandent à M eunier si le débiteur est so lvab le, s’il
connoît la signature de Subert. O n lui m ontre la signa
ture seulement , sans lui faire vo ir le corps du billet.
Sur la réporfse affirmative de M e u n ie r, les deux per
sonnages se retirent; et depuis il n’a eu aucune autre
relation avec ces particuliers.
11 est difficile d’indiquer la date précise de cette fatale
visite ; tout ce que sait M eu n ier, qui ne Croyoit pas
être intéressé ù prendre note d’une circonstance indif
férente en elle-m êm e, c’est que ces faits se sont passés
�C O
avant que M eunier eût fait son compte avec Subert.
Plus d’un an se passe avant que M eunier ait entendu
parler de S u b e rt, de L afont et de Châtelain ; il étoit
dans la plus parfaite sécurité relativem ent à ces deux
derniers , avec lesquels il n’auroit pas imaginé avoir
rien à démêler.
T o u t a co u p , en therm idor an 9 , Lafont-Bram ant se
présente à M o u lin s, ayant en ses mains un effet au por
te u r, souscrit par S u b ert, le 16 p ra iria l an 8 , pour
une somme de 14,800 francs.
X ’huissier à qui L afon t veut confier ce billet pour le
faire p ro tester, et en poursuivre l’exécu tio n , aperçoit
plusieurs altérations ; il conçoit des soupçons, engage
L afon t à com m uniquer cet effet au citoyen Cordez ,
b a n q u ier, pour le lui faire examiner. Cordez remarque
comme lu i ces altérations, et conseille à Lafont de ne
pas produire ce b ille t, qui peut lui attirer de fâcheuses
affaires.
L a fo n t, familiarisé avec les accusations, poursuit, et
donne des ordres à l’huissier d’aller en avant.
Subert poursuivi rend plainte le 2.3 therm idor an 9 ,
devant le commissaire du gouvernem ent près le tribunal
crim inel. Il expose q u e, dans le courant de l’an 8 , il
souscrivit un billet de la somme de 4?^°° francs au
profit du citoyen M eu n ier, médecin à P a ris; que ce
billet étoit payable moitié en ventôse an 9 , et le sur
plus quatre ans après.
Il ajoute que depuis il a acquitté la totalité de cette
somme au citoyen M eun ier; que celui-ci lu i en a donné
une décharge le 12 prairial an 9 , attendu qu’à cette
�( 6 )
époque M eunier déclara n’avoir point l’ob ligation ,
mais qu’il prom it la lui rapporter sous deux mois.
Subert observe que ce billet ne lui a point été remis ;
mais q u ’a u j o u r d ’ h u i ( 2 3 thermidor ) il lui a été fait
présentation, par un huissier de cette ville , du même
billet de 4,800 francs ; qu’il a remarqué , i°. qu’au
lieu et place des mots M eun ier m édecin, au profit du
quel il avoit consenti l’effet , on a substitué ceux - c i ,
au p o rteu r, pour rendre l’elle t négociable; 20. qu’au
m ot qua tre, précédant ceux de m ille huit cents liv re s,
On a mis celui de q u a to rze -, 3 0. q u ’au m o t a n , précédé
d e q u a tre, on a substitué celui de ?nois\ 4 0. qu’après,
les mots valeur reçu e, au lieu de ceu x-ci, p a r solde ,
on a mis celui-ci, com ptant; 5 °. qu’en avant du chiffre
mis entre deux b arres, formant la somme de 4,800 ,
on y a ajouté le chiffre 1 , apparemment pour faire 14.
Subert expose que, d’après toutes ces rem arques, il
est convaincu que cet acte avoit été falsifié ; qu’il a
déclaré à l ’huissier , porteur , qu’il éloit décidé à le
laisser protester , et même à le faire saisir entre ses
mains lors du protêt.
Subert ajoute encore que V id il , huissier , l ’assura
qu’il étoit chargé de lui faire le protêt pour un effet
de 14,800 francs , et qu’il lui a aussi présenté un écrit
Irès-m inuté , sur un tr è s -p e tit p a p ier, au bas duquel
est la signature de lui S u b ert, qui aura été coupée au
bas de quelque écrit ou lettx’e par lui signé; p«1' lequel
é crit, visiblem ent fait expi’ès, et en caractères très-fins,
d’une main à lui inconnue, 011 semble lui faire approuver
l’effet de 4,800, pour 14,800 francs, et le faire obliger
�nu payement de cette dernière somme , qu’il ne doit
point en tout ou en partie. -? = . .
'
Sur cette plain te, dont Subert s’est départi, mais qui
a été prise pour dénonciation par le.m inistère public ,
mandat d’arrêt contre Lafont-Braniant, comme prévenu
d’êlrc auteur ou com plice du faux de l’effet que Bramant
a présenté à plusieurs personnes.
Lafont-Bram ant est arrêté et mis au secret. L e procès
verbal de visite de ses papiers constate qu’il a été tr o u v é ,
i° . un projet de citation écrit de 1,1 main de B ram an t,
tendant à faire assigner Subert pour être condam né-,
même par c o rp s, à lui payer la somme de 14,800 fr.
qu’il lui doi t p o u r vente et délivrance de m archandises,
qui lui a }été faite pour <son commerce,, le 16 y ra iria l
an 8, ainsi qu’il en sera justifié en cas de déni de. sa part.
20. U n m orceau de papier sur lequel est écirit l’adresse
suivante : M . M e u n ie r, rue Sain t-T h om as-du-L ouvre,
vis-à-vis le. v a u d e v ille , liôtel de G enève.
O n joint aussi aux pièces le billet dont il s’agit., dont
l’huissier V id il a fait la remise ; et il est d it , dans le
procès vex’b a l, que rhuissier étoit chargé d’en poursuivre
le recouvrem ent, suivant la procuration que L a fo n tlu i,
avoit donnée le 23 therm idor an 9 , à 'l ’effet d’en faire
le protêt.
>
L e billet et la procuration sont reconnus., par L a fo n t,
pour être les mêmes que ceux qu’il avôit remis à rhuis
sier, ain si que les altérations qui existent sur le billet; *
O11 procède ensuite à' l’interrogatoire de Lafont-Bra
mant. 11 est intéressant de conïioitre ce prem ier interro
gatoire. O n lu i demande, d’abord, ç’il est propriétaire
�es )
de l’effet de 14,800 fran cs, souscrit par Subert le jeune,
le 16 prairial an 8. Il répond affirmativement : il dit
qu’il en a fourni la valeur au citoyen Châtelain, qui en
a passé l’ordre au porteur le 10 vendém iaire an 9 , et
qu’il n’a accepté l ’ordre de cet effet qu’avec la garantie
de Châtelain.
O n lui demande de représenter ce billet de garantie ;
mais il l’a laissé chez lui.
A -t-il payé à Châtelain la somme de 14,800 francs
pou r laquelle le billet paroît avoir été consenti ? Il
r é p o n d que o u i , qu’il en a. fait le payem ent en ai’gent
ou effets sur différens particuliers.
Interrogé s’il connoît Châtelain qui lui a passé l’ordre
de ce b ille t, et où il demeure : il répond qu’il le con
noît peu ; mais qu’il s’est dit agent de ch an ge, et qu’il
demeure rue du faubourg Saint-Marceau.
O n lu i demande d’où proviennent les altérations qui
paroissent sur le b illet, notamment sur les mots porteur,
qua torze et comptant.
Il ne sait d’où proviennent ces altérations; il les .a
remarquées lorsque Châtelain lui fit la remise de l’effet,
et c’est ce qui le détermina à prendre la garantie qu’il
a en son pouvoir.
Interrogé par qui a été écrite la reconnoissance qui
est sur un petit m orceau de papier lib re , au bas de
laquelle est la signature Subert jeu n e : à cet égard, il
ignore par qui a été écrite cette r e c o n n o i s s a n c e ; elle lui
fut remise par Châtelain , avec le b ille t , e t , sur la foi
de cette reconnoissance, il se détermina a accepter l’effet.
O n ne voit p a s, dans cet interrogatoire, 1111 seul mot
qui
�( 9 )
qui puisse concerner le citoyen M eu n ier; jusqu’ici il
est absolument étranger à l ’accusation, et son nom ne
se trouve que sur une adresse glissée dans les papiers
de Lafont.
Mais une circonstance rem arquable, c’est que Subert,
lors de sa p la in te, a remis une reconnoissance que l’on
dit écrite et signée de M eu n ier, et sur papier tim bré, et
sous la date du 12 prairial an 9 , par laquelle il déclare
qu’il a reçu de Subert le montant d’une obligation q u ’il
avoit consentie à son profit, écrite de sa m ain , à P aris,
dans le courant du mois de floréal an 8 , d’une somme
de 4,800 fran cs, dont moitié étoit payable au mois de
ventôse, lors d ernier, et le sui’plus quatre ans après,
avec intérêts. Il est a jo u té , d it-o n , ces mots : « N e me
» tro u vant pas ladite obligation sur m o i, l ’ayant chez
» m o i, à Chesnier , laquelle est annullée par la p résente,
» je promets de la remettre au citoyen Su b ert, sous
» deux mois au plus ta r d , h com pter de ce jour ; dé33 clarant que c’est la seule obligation que le citoyen
» Subert m ’ait consentie pour la somme de 4,800 fr. »
Cette pièce est une des plus singulières du procès ;
elle est en des termes inusités. Il paroît extraordinaire
qu’on ait exigé de M eunier la déclaration que cette obli
gation étoit la seule qui lui eût été consentie par Subert.
A quoi bon cette déclaration , si en effet le citoyen
M eunier n’en avoit pas d’autre ?
M ais , au surplus , le citoyen M eunier désavoue avoir
donné cette quittance à Subert ; elle n’est écrite ni signée
de lui ; c’est une pièce fabriquée dans les ténèbres, d’une
maladresse qui dévoile le crime. E t certes il faudroit
B
�C
^
°
)
..............................................................................................................................................
■supposer le citoyen M eunier bien stupide, s’il étoit vrai
q u ’il eût donné cette quittance, d’avoir osé , en même
temps , faire circuler un billet de S u b ert, puisqu’on lui
fait dire que l’obligation de 4,800 francs est la seule qui
lu i ait été consentie, et qu’il reconnoît en avoir reçu le
payement.
U n autre fait bien im portant, c’est qu’il ne faut pas
perdre de vue que l’obligation de 4,800 francs, souscrite
par Su b ert, au profit de M e u n ie r, est du 16 floréal
an 8. L e billet présenté par L afont n’est que du 16 pi*air i a l s u i v a n t . Ce ne peut donc pas être le môme b ille t,
et la preuve que ce n?est pas en effet le m êm e, résulte
de ce que le citoyen M eunier est en état de représenter
le billet de 4,800 francs, qui fut souscrit par S u b e rt, ou
du moins les morceaux qui en ont été c o llé s, après que
Subert eut lacéré malhonnêtement ce même billet. Ces
observations recevront plus de développem ent dans la
suite.
O n raconte encore , qu’au m oment de l’aiTestation de
L a fo n t-B ra m a n t, un gendarme arracha de ses mains
un projet de lettre qu’ il feignoit de d éch irer, et qu’il
écrivoit de M o u lin s, le 23 therm idor an 9 , au citoyen
M e u n ie r.il annonce, par cette lettre, « Q u e Subert s’est
» rendu à M oulins hier au soir ; que ce matin le citoyen
» Corde/, est venu à son auberge, et lui a dit que ce
» billet étoil faux: , que c’étoit une coquineriequ 011 vou» loit faire à S ub ert, qui ne p a y e r o itq u e par la force
» d elà justice ». IL ajoute, par cette même lettre : « Nous
» avons examiné scrupuleusement le billet. M . Cordez
■
» m’a fait rem arquer qu’au mot quatorze il y avoit
�( " )
» quatre', qu’à ceux: porteur de billet, étoit le nom de
5) celui à qui il l’avoit consenti; qu’au mot m o is , il ÿ
» avoit an. M ais que Subert avoit la quittance bien cony> ditionnée de 4,800 francs ; qu’il prouvcroit même le
» faux du b illet; qu’au surplus , après ces m ots, le billet
» étoit écrit et signé de sa main ; qu’il vouloit s’inscrire
» en faux ; qu’il ne payeroit pas un so u , et qu’il man» geroit volontiers la m oitié de sa fortune pour faire
» punir le coquin qui a fait le faux.
» Qu|à l’égard de la déclaration donnée à CliiUelain}
» c’étoit bien la signature de Subert ; mais qu’elle avoit
» été enlevée de quelque écrit ou lettre; qu’au surplus
» une déclaration d’une somme aussi forte se seroit mise
» sur papier timbré.'»
» J ’ai été frappé !, continue L a fo n t, de toutes ces obser» v a lio n s, et je iié puis vous dissimuler que je recon» nois maintenant la contrefactfoh du billet. Je me
» trouve fort embarrassé pour diriger Une action : qui ne
» sait rien , ne doute de rien : m a is, dans tous les ca s,
» vous ne serez pas com prom is; on m’a prononcé votre
» n o m , et je les ai portés à cent lieues de vous ».
Ce p ro jet, écrit sur une dem i-feu ille de p a p ie r, et
qui fut saisi par le gendarm e, fait une des pièces du
procès. Les gendarmes entendus en déposition, n’appren
nent autre cliose, sinon que L a lo n t, lors de son arres
tation , leva une c o u r t e -pointe qui étoit dans le tiroir
d’une commode , en sortit une demi - feuille de papier
écrite qu’il vouloit soustraire, et qu’on lui arraclia.
L afon t-Bramiln t reconnoît ce papier pour etre le m em e
qui lui a été arraché.
B 2
�( *1 3
L a seule induction qui pourvoit résulter de ce projet
de lettre,, seroit que L afo n t-B ra m a n t étoit en corres
pondance avec M eunier. O n verra cependant bientôt
L afon t - B ram ant déclarer qu’il ne connoît pas même
l’écriture du citoyen M eunier.
V id il , huissier, entendu comme té m o in , a déclaré
que le 25 thermidor an 9 , le citoyen Lafont lui porta
un billet de 14,800 francs, souscrit par le citoyen Subert
le je u n e, pour en faire le protêt ; qu’à ce billet étoit
* •
»i
*i
•
jointe une reconnoissance sur un petit morceau de p ap ier,
égalem ent sigrvée Subert. L ’huissier fit envisager à L afont
que ce billet n’é toit pas sur un timbre proportionnel, qu’il
seroit dû une amende, qu’au surplus il a llo itle présenter
a Subert qui se trouvoit k M oulins. Il rencontra effecti
vem ent Subert chez le • citoyen- Cordez. Il lui demanda
s’il, vouloit acquitter le billet : mais celui-ci, après l’avoir
exam iné, déclara qu’il étoit falsifié. Subert convint effec
tivem ent avoir souscrit un billet au profit du citoyen
M eu n ier , d’une somme de 4,800 francs ; mais il dit
qu’il en avtoit la quittance dans sa poche. L ’huissier se
retira. Sur les cinq heures du soir, Lafont revint chez
l u i , et lui donna une procuration pour, faire le recou
vrem ent dé la somme: énoncée au b illet, lui laissa même
le bille(t et la petite reconnoissance; mais peu après le
citoyen l'a llie r . entra dans le cabinet de l’huissier , p r|'a
L afon t de sortir, et l’emmena. Sur les sept heures du soir,
l ’huissier fut invité de se rendre à l ’auberge de la dame
Bourgeois , et y déposa le b ille t, la reconnoissance et
la procuration à lui donnée par Lafont.
¿ a n s une affaire aussi extraordinaire, les plus petites
�C *3 )
circonstances ne laissent pas de frapper. Il paroît surtout
étonnant que S u b e r t, qui habite le département de la
N iè v r e , tjui certes ne devoit pas se douter des pour
suites qu’on vouloit diriger contre lu i, pour un billet
qu’il dit ne pas avoir fa it, se trouve à point nommé ci
M oulins , au moment de l’arrivée de L a fo n t, et qu’il
ait surtout dans sa poche la prétendue quittance qu’il
dit lui avoir été donnée pai* M^eunier , le 12 prairial
an 9. Il n’est pas ordinaire de porter en v o y a g e , et
d’avoir dans sa poche , à point n o m m é, la quittance
d’un b ille t, surtout lorsque cette quittance remonte déjà
à une époque assez reculée ; cette précaution manque
au moins de vraisemblance.
Jacques Cordez , b an qu ier, est aussi entendu comme
tém oin. Il dépose que le 21 du mois de therm idor, i\
cinq heures du so ir, I,afont se présenta chez lui p o u f
lui demander des renseignemens - sur la solvabilité et
situation de Subert. Sur l’assurance que donna le témoin
de la solvabilité et de la m oralité de S u b e r t, L afont
lui présenta une reconnoissance payable au p o rte u r, et
souscrite par Subert , de la somme de 14,800 fran cs,
échue. L afont se (lit propriétaire de cette som m e, et
annonce être venu exprès pour en faire le recouvre
ment. Il dit même au citoyen Cordez, qu’il alloit remettre
cette reconnoissance à un huissier pour faire les pour
suites. Ce dernier l’invite à présenter, avant to u t, celte
reconnoissance au d éb iteur, et de se rendre en consé
quence à la Ferté. Lafont ne voulut y consentir. Il fu t
cependant convenu que lu i, C ord ez, écriroit à Subert
pour l’engager à venir à M oulins , pour s’expliquer
�( i4 )
iivec Lafont. L e lendemain Subert eut une conférence
avec C o rd ez, et Subert soutint n’avoir jamais souscrit
une pareille rcconnoissance. Il fut arrêté que lu i, Cordez ,
verroit le lendemain L a fon t, à l’effet de vérifier le billet.
Cordez se rendit effectivement cliez la fem m e-Bourgeois,
où étoit logé L afo n t; e t, en présence du cit. L a v a le tte ,
il se fit représenter le b ille t, témoigna à L afon t des
motifs de suspicion qui s’élevoient sur la validité de cette
rcconnoissance. L afont répondit qu’en ayant donné la
v a le u r, il vouloit en être payé. Cordez retourne auprès
de Subert, qu i lu i exh ib e xme quittance souscrite dans le
temps par le citoyen M eu n ier, au profit duquel il avoit
originairement consenti la rcconnoissance de 4,800 liv.
Cordez , à la vue de cette quittance , soupçonna que
l ’effet présenté par L afont avoit été falsifié et surchargé.
P o u r s’en assurer, il revient auprès de L a fo n t, et l ’invite
de nouveau à lui fuire vo ir l ’effet dont il étoit porteur.
L afont le lui exhibe : Cordez lui fait rem arquer les mots
qui avoien t été surchargés ou changés , et lui repré
sente que , tenant à. une famille honnête , il courroit
risque de se faire une affaire qui ne lui feroit pas hon
neur. L afon t insiste , observe qu’il étoit obligé de faire
la prem ière pou rsu ite, et qu’à défaut de payem ent, il
cxerceroit une garantie contre celui de qui il tenoit l’effet.
Les autres témoins sont absolument insignifians. Mais
bientôt la scène va changer. Jusqu’ici L a l’o ut-Bramant
n’a voit pas parlé de M eunier. Dans son prem ier inter
rogatoire, il tenoit cet effet d’un nommé Châtelain, qu’il
dit agent de change; il a même pris un billet de garantie
de ce Châtelain , qu’à la v ér ité il avoit laissé chez lui :
�C iS )
mais Subert avoit mis en avant M e u n ie r, parce qu’il
étoit bien aise de faire croire que le billet dont on
lui demandoit le payement , étoit le même que celui
qu’il avoit, souscrit au profit de M eunier. Lafont-B ramant imagine un nouveau système de défense. O n lui
fait subir un second interrogatoire.
O n lui demande ce qu’il est venu faire à M oulins.
Il répond qu’il est venu pour faire le recouvrem ent d’un
billet de la somme de 14,800 fr. souscrit par Subert
le jeune ; et il convient avoir présenté ce billet à diffé
rentes personnes.
Interrogé si l’huissier V id il et le citoyen C ordez ne
lu i avoient pas fait rem arquer que le billet dont il étoit
p o rte u r, étoit altéré et surchargé en différons endroits :
il convient du f a it , et avoue que lui-même avoit fait
pareille rem arque; et que si ces altérations ne l ’a voient pas
frappé aussi fortement que les observations de Cordez
et V id il, c’est parce qu’étoit jointe au billet une décla
ration signée S u b ert, qui approuvoit et ratifioit tous ces
viccs.
Il avoue également que ces altérations et surcharges
existoient lorsque l ’effet lui a été remis. Il ne connoît
pas l’auteur des altérations et surcharges; mais lorsque
le billet lui a été rem is, il étoit dans le même état que
lorsqu’il l’a présenté.
O n lui demande s’il est réellement propriétaire du
billet de 14,800 fr. et s’il en a fourni la valeur à Châ
telain qui en a passé l’ordre , le 10 vendémiaire an 9.
Il r é p o n d que comme ces billets sont payables au
p o rte u r, qu’ils sont présumés appartenir à ceux entre
�(
i6)
les mains de qui ils se trouvent 3 et que celui-ci étant
endossé par Châtelain , il a cru d’abord ne pouvoir se
dispenser de déclarer à l’officier de police qu’il lui apparteu oit, qu’il le tenoit de Châtelain, auquel il en avoit
remboursé le montant : m ais, ayant considéré qu’ un
p orteur de billet lie doit pas être astreint à cette décla
ration , et q u e , dans tous les cas, l’honnête liom me se
doit à la v é r ité , il va la dire tout entière.
E n conséquence, il déclare qu’en rectifiant la réponse
qu’il avoit faite le 23 du même mois de th erm idor, qui
n’a été dictée que par un sentiment d’humanité , il tient
le billet d’un nommé M eunier, se qualifiant de m édecin,
originaire de la commune de Cliesnier, ayant demeuré
long-tem ps à Sain t-P ierre-le-M ou tier, où il a dit avoir
des propriétés , actuellement demeurant h P a ris, logo
grande maison de G en ève, rue Saint-Thom as-du-Louv rc , vis-à-vis le vaudeville.
IL reconnoît qu’il n’a point remboursé le p rix de cet
effet ¿\ M eu n ier; il prétend seulement avo ir été chargé
par lui d’en poursuivre le remboursement. Il en a donné
sa reconnoissance par écrit; et comme cette reconnoissance est au pou voir et entre les mains de M eu n ier,
qu’elle fait mention de la remise d’un effet de
14,800 francs , Lafont-Bram ant invite le directeur du
juri à prendre des mesures convenables et promptes pour
faire apposer les scellés s u j ? les papiers de M eunier.
Lafont-Bram ant a jo u te, que par cette déclaration il
est d i t , que les deux effets sont la p r o p r i é t é de M eu
nier; que dans le cas de r e m b o u r s e m e n t du b illet, M eu
nier se restreint à. la gomme de 12,000 francs l’excédant
devant
,
�C i7 l
-devant appartenu' à L a fo n t, poux- faire face aux frais et
'faux fra is; niais, dans le cas de non-rem boursem ent,
L afont étoit obligé de remettre l ’effet à M eunier.
O n demande à Lafont s i, lorsque M eunier lui fit la
•remise-de ces effets, il ne lui fit pas des observations
isur les1 altérations et falsifications que lui-même avoit ’
remarquées dans ce billet. Lafont ne manque pas de -i'épondre affirmativement : mais alors M eunier lui répon
dit que* ¿ é to it des ,taches d’e a u , et la m auvaise qua
lité dé T 'a n c r e q u i a voient produit cet effet - qu’au .s u r
plus , Subert avoit donné une déclaration à Châtelain,
qui cdüVroit ¡¿tous les vices. Lafont-Bram ànt ne manqua J
pas de demander cette'déclaration', mais M eunier rép on -:'
•dit qu’elle étoit entre les mains de Châtelain, et qu’il se
la procureroit. E n e ffe t, M eunier rapporta à L afont
cette déclaration, telle qu’elle est jointe à la procédure.
I/afont prétend encore avoir fait des observations
•sur la forme de cette déclaration ; mais,-sur la certitude
,h lui donnée par M eunier , qu’elle étoit sincère, il lui
dit qu’il ne voyoit pas d’inconvéniens à ce que M eunier
ou Châtelain poursuivissent le remboursement de l ’effet. >
M eunier lüi répond qii’il avoit eu plusieurs affaires avec
.S ub ert, qui étoit un chicaneur, .qui le feroit plaider h
ne plus en fin ir, qu’il ne vouloit pas avoir affaire avec
lu i, qu’il n e vouloit pas même que son nom fût prononcé.
O n demande à Lafont , si l’ordre qui est au dos du
■billet dont il est p o rte u r, a été mis en sa présence. Il
'répond négativement,, et que la preuve de ce qu’il avance
se tire de ses précédentes réponses.
¡Interrogé si cet ordre n’a pas'été écrit de la main de
C
�(
1
8
} '
M eunier ; iï répond , q u 'il ne connoit n i Técriture d&
M e u n ie r , n i celle de Châtelain.
O n lui demande alors si C hâtelain, qui paroît avoir
passé l’ordre de ce billet , n’est pas un être supposéLafont répond , qu’il demanda à M eunier ce que c’étoit.
que Châtelain dont la signature étoit au dos ’du billet
s’il étoit solvable. M eunier lui dit que c’étôit un agent
de change , qui dem euroit au faubourg de Saint-M arceau
ou de Saint-A ntoine ; mais , qu’il fût solvable ou non
que Subert p ajero it bien l’effet aussitôt qu’il lui seroit pré
senté ; que ees effets provenoÎGnt de la succession de sa
défunte femme ; que c’étoit à peu; près tout l’avoir d’une
fille qu’iL üvoit euô de son mariage avec elle ; et termina;
par recommander à L afont de ne. pas le nommer»
D ’après, cela , l’officieux Lafont prétend avoir écrit
d e u x 'le ttre s, de P a ris, à S u b e r t, les 26 et 27 messidor
an g y par lesquelles il lui disoit qu’il étoit porteur
d’un effet de 14,800 francs, qu’il avoit pins pour com p
tant ; qu’il espéroit qu’il 11’aurôit pas à s’en rep en tir,
quoique ne le connoissant pas. Ces deux lettres ont
demeuré sans réponse.
Q uel tissu d’invraisemblances et de faussetés t quelle
contradiction entre le prem ier et le second interrogatoire !
D ans le prem ier , L afont soutient être propriétaire de
l’effet de 14,800 francs ; il en a fourni la v aleu r h
Châtelain, qui lui en a passé l’ordre; il n’a accepté l’ordre
qu’avcc la garantie de Châtelain ; cette garantie est en sa
possession , mais il ne peut la représenter, parce qu’il
l ’a laissée chez lui ; il a fait le payement du montant du
b ille t, en argent ou effets sur diüércns particuliers; il
�( 19 D
connoît p e u , à la v é rité , C h âtelain, mai à il s’est clit
agent de change , demeurant rue du faubourg SaintM arceau ; il a rem arqué les altérations du billet , et
c ’est ce qui lui a fait prendre la garantie de Châtelain ;
enfin la reconnoissance jointe au billet,- qui en rectifie les
*vices, lui a été aussi remise par Châtelain.
Dans le second inteiTogaloire, il ne connoît pas Châ
telain; il ne sait s’il demeure faubourg Saint-M arceau ou
Saint-Antoine ; ce n’est plus Châtelain qui lui a remis le
billet et la reconnoissance, c’est M eu n ier; il fait dire à
M eunier que les altérations sont produites par des taches
(Peau, ou la m auvaise qualité de Vencre, c’est-à-dire,
qu’il distribue un brevet de stupidité à M eunier.
A -t-o n jamais donné de semblables raisons? Les taches
d’eau seroient-elles tombées précisém ent sur l’endroit fal
sifié , ou la mauvaise qualité de l ’encre n’auroit-elle pra-iluit d’effet que sur ces mômes falsifications ? T ou s ces
dires sont d’une absurdité choquante.
- Ce n’est pas tout : -Lafont-Bram ant n’a pu -payer le
montant du billet ; il n’a pas même de garantie ; il n’est
-qu’un simple com m issionnaire, qu’un officieux h. gages ,
iqui se charge de poursuivre le recouvrem ent d’un billet
qu’il reconnoît falsifié, qui en.court tous les risques pour
un homme qüi ne veut pas se nom m er; qui ne craint
;pas même l’appareil d’une instruction crim inelle., pou r
un modique salaire.
Ce qu’il y a de plus extraordinaire encore, c’est que
Lafont accepte une commission d’un homme avec lequel
il n’a aucun rapport , dont il ne com ioît pas même
t l écriture. I l faut.surtout observer que L a fo n t, dans son
,C .2
�( 20 )
second interrogatoire, a dit que M eunier se contcnteroit
de la somme de 12,000 francs, si le billet étoit payé :
de sorte qu’à cc compte L afont devoit avoir 2,800 ïir.
pour lui ; et cependant, dans un précis im prim é qu’il
a fait répandre , oubliant ce qu’il avoit dit dans son
in terrogatoire, il prétend avoir f a it , avec M eunier r
un marché à raison de 12 francs p a r jour. Que doit-on
croire au milieu de toutes ces contradictions ? Les asser
tions mensongères d’un v il escroc , condamné comme
te l, qui s’est vu plusieurs fois sous la main de la justice,,
qui n’a obtenu sa lib e llé qu’à la faveur d’une amnistie
générale, ainsi que cela est p rou vé par des pièces authen
tiques jointes au procès , poui’roient-ellcs influer sur le
sort dTun homme honnête qui exerce une profession
libérale"? L a déclaration d’un faussaire reconnu peutelle compromet ire la liberté et l ’honneur d’un citoyen
estimable ?
M ais tout est inconcevable et nouveau dans cette cruelle
affaire. C e second interrogatoire de L afont donne lieu
à un mandat d’amener contre M eunier. O n fait perqui
sition de sa personne à G hesnicr, lieu de son dom icile
d’origine. Ce ne sont pas les gendarmes de l’arrondisse
m ent, à qui 011 confie cette mission : les gendarmes do
D u n se transportent dans la maison des père et m ère
de M eunier. Parm i ces gendarmes se tro u ve n t l ’un fe
ue veu et l’antre le filleul de Bramant. O n demande <\
entrer dans une chambre où M eunier n’a voit pas couché
depuis plus de quinze jours. C e premier procès verb al,
en date du 17 fructidor an 9 , ne contient rien de remar
quable: on a tr o u v é , dans la chambre ou M eunier avoit
�( 21 )
co u ch é, des papiers insignifians, un arrêté de compte
bà tonné , signé veuve Filhon.
1-e 2 vendém iaire an d ix , nouvelle perquisition des
mômes gendarmes. L e neveu et le filleul de Lafont s’introüuiscnt seuls dans cette cham bre, écartent, sous diffé
rons pretextes , le troisième gendarme qu’ils envoient
au grenier pour y faire perquisition , et empocher que
M eu n ier ne puisse s’évader.
' D ans cette cham bre,, le gendarme , neveu de L a fo n t,
prétend avoir trouvé sous le lit un portefeuille lié avec
line ficelle; portefeuille extrêm em ent com m u n , et qui
ne pou voit être ù. l’usage du citoyen M eunier.
L e pèi’e et la m ère, instruits de cette prétendue décou
verte , s’écrient qùe ce portefeuille n’est pas à leur fils
qu’il n’a point couelio dans cotte chambre depuis douze
jours. L a m ère, dans un m oment de trouble, d it, d’après
le récit des gendarm es, que le portefeuille lui appar
tien t: on la mène chez le juge de paix pour faire l’ouverture du portefeuille, et il s’y trouve précisément la
reconnoissance donnée par L a fo n t-B ram an t, du billet
de la somme de 14,800 francs ; une lettre adressée à
M eunier par Lafont , en date du 29 messidor an 9 ,
datée de Paris; une autre lettre adressée aussi par M eu n ier
h L a fo n t, du 11 therm idor suivant, et une adresse du
citoven G aud ouin , marchand bijoutier à Paris.
L e piège étoit trop grossier pour faire illusion. Com
ment se fa it- il qu’il ne se soit trouvé dans ce porte
feuille que ces seules pièces , qu’il n’y ait pas d’autres
papiers ? Comment se fait-il encore,, qu’il ne paroisse
que des lettres écrites par Lafont à M eunier; que L afon t
�( 22 •)
i?en ait produit aucune de Meunier«; qu'il 72e-connaisse
pas même son écriture , ainsi qu’il l’a déclaré dans son
interrosiatoire ?
N ’est-il pas évident que ce portefeuille ri’a été placé
sous le lit que par les gendarmes,, et que tout est l’œuvre
de Lafont-Bram ant?
L e citoyen M eunier est en état d’établir, par une foule
d etém o in s, i° . qu’il n’avoit pas couché dans ce lit depuis
quinze jours; que la nuit qui a précédé la perquisition,
ùn étranger avoit couché dans ce l i t , y avoit oublié
sa tabatière , qü’il vint la chei-cher le lendemain avant
l ’arrivée des gendarm es, la trouva sous le l it , et n’y
aperçut aucun portefeuille.
20. Que la dom estique, deux ou trois jours avant ,,
nvoit enlevé les couches et la paillasse de ce lit, pour les
porter à la fen être, et n’avoit point v u le portefeuille.
3^. Q u’une des roulettes de ce même lits ’étant dérangée,
le serrurier fut a p p e lé, renversa le lit pour rétablir la
r o u le tte , et n’y aperçut.aucun portefeuille.
Les jH’opos qu’on attribue à la m è r e , h qui on fait
reconnoîti’e ce portefeuille comme étant le sien, ne sont
p o in t légalement établis , puisqu’elle n’a pas signé le
procès verbal., et n’a pas même été requise de le signez*.
Ces propos, fussent-ils vrais, ne seroient d’aucune con
séquence ; ils auroient échappé dans un m o m ent de
trouble et d’e fir o i, et 11e prouveroient rien contre le
citoyen M eunier.
O n se demande encore comment il est possible qu’il
aie se trouve que des lettres écrites par L a io n tà M eu n ier,
-lorsque la prem ière lettre parle d’une écrite par Meunier.,
�# C a3 ) '
et par laquelle il pressoit Lafont-Bram ant de poursuivre'
le recouvrement de l’effet de 14,800 francs. Pourquoi
L afont ne représen te-t-il pas cette lettre ? comment se
f a i t - i l qu’il ne connaisse pas Vécriture de M eun ier r
lo rsq u e , d’après lu i- m ô m e , ils étoient en correspon
dance ?
C ’est ici une bien grande fatalité ; mais Lafont-Bram ant
n’est étranger à aucun genre de perfidies. Poursuivi
comme escroc, amnistié comme t e l, familiarisé avec le
crim e, on ne doit pas être surpris de ce genre d’adresse
et de ruse.
Q uoi qu’il en so it, Lafont-Bram ant, mis en accusation,
et avant que la cause fût réglée au tribunal sp écial, use
du droit que lui accorde la l o i , de récuser le tribunal
crim inel de la ville i où siège le- directeur du jury qui a
dressé l ’acte d’accusation.
R envoyé au tribunal crim inel de R io m , la procédure
est examinée et déclarée nulle pour défaut de forme. Il
est traduit devant le directeur du jury de C lerm ont, et,,
le 18 ventôse an d ix , il est assez.heureux pour obtenir
une ordonnance de mise en liberté, du directeur du ju r y ,
sans autre examen. Cette mise en liberté est suivie d’un
mandat d’amener contre M eunier; et ce qui paroît avoirdéterm iné le directeur du j u r y , avec trop peu de
réflexion ( on doit le dire ) , « c’est qu’il paroissoit
« q u e L afont n’étoit que le fondé de pouvoir de M eunier >
« q u’il avoit même donné à ce dernier une reconnois« sance du billet dont il s’agit, reconnoissance tro u vée
’ « -chez .M eunier par les gendarmes.. .
1
�'( H )
L ’accusation pèse donc .en entier . sur Meunier¡r X-e'
tribunal spécial examinera sans >.doute , si lü‘)directeur
du jury de Clerm ont n’a pas été trop léger dans fea 1
^conduite; s i, dans une affaire aussi g ra v e , il ne dévoit
]>as prendre ^de plus grandes informations ; s’il pouvoit
p river M eunier du droit de paroître devant son adver
saire , et de le confondre.
.
L e tribunal spécial saura p ren d re, dans sa sagesse,
l e parti qu’il croira le plus convenable; il verra sur
tout s’il 11’est pas indispensable de prendre, des j mesures
rigoureuses contre L afon t-B ram an t.
T e l est le détail de cette affaire siicruelle , èt en même
•temps si extraordinaire.. Il peut avoir échappé quelque )
in exactitude, à raison de Pim possibilité où 011 se trouve
d ’avoir une connoissance parfaite de la procédure; mais
moins on n’a rien omis d’intéressant..
Q uel doit en être le-résultat ? • ■
' » . >■, id
1 °. Il est démontré que le billet de 14,800 francs n’est
pas le même que celui de 4,800 francs , que Subert reconn o î t avoir souscrit au profit du citoyen M eunier. Il y a ;l
différence dans la date. L e billet de Subert est du 16'flo- r
vîiu
réal ; -celui présenté par Lafont-Bram ant est du \i6 prai
rial : et on n’a jamais prétendu qii’il y eût surcharge
•sur la date. L ’ un-est au profit de M eu n ier; l’autre est
■tiré au porteur. Il n’y a donc ideritité ni pour la pei'sonne,
n i pour la. somme,) rirp o u n la \datcj ' -»'Vc
>
2°. Ce ne peut pas être le mêmei'billet!, puisque M e u - v)
nier représente celui de 4,800 francs tsousèrit par Subert, >
oit qu’il avoit lacéré. Les.m orceaux] scuirouvcnt ra&sem- >’
Jtjlés
�( 25 ) '
blés et c o llé s, de manière à ne laisser aucun doute.
3 °. L a quittance que Subert prétend lui avoir été
donnée, est absolument fausse; M eunier désavoue l’avoir
fournie. M al à propos m êm e il auroit dit qu’il n’avoit
pas d’autre billet de Subert : ce dernier en avoit souscrit
antérieurement plusieurs autres , que rapporte encore
M eunier. L a mention qu’on prétend avoir été faite, seroit
extraordinaire et inusitée. E n fin , si M eunier avoit donné
une semblable quittance, à moins de le supposer abso
lum ent in ep te, il se seroit bien gardé de faire circuler
d’autres effets de Subert.
4 °. N ulle relation d’amitié ou d’intérêt entre M eu
nier et Bramant. Im posture''de) Bramant dans ses inter
rogatoires. Dans le p re m ie r, il n?eat m ention que de
Châtelain : c’est avec Châtelain, seul, que Bramant a eu
affaire ; c’est à lui q u ’il a fourrii :lés fonds d u 1billet dont
il demande le recouvrem ent ; c’est de Châtelain qu’il, a
pris une garantie de l’e ffe t, pour' saMsûreté. —
" Ce n?est que dans son second interrogatoire qu’il juge à
propos de com promettre M eühiér :-et alors ce n’est plus un
•billet de garantie'qu’il a voulu prendre ; c:’est une reconnoissonce qu’il-a ' 'donnée-, reednnoissnncè qui contient
des engrtgemens réciproques1.1E t croira-t-on qu’un notaire
exercé ait donné une reconnoissance pour un acte aussi
im portan t, une' somme aussi considérable, sur papier
•moi-fc , et- sans que l’acte fut fdit ^double ¿ntre M eunier
et Bramant1? 1delà seroit d’autant plus étonnant, qu’on
assure que cbtte''reconnoissance contient une note écrite
par B ram an t, par laquelle’ il dit q u 'il seroit à propos
"qu elle f û t f a i t e double. O n peut tirer 'de cette note' la
. -doïl..
■■
■
’ •<*
; D
�C 26 )
conséquence, que cette reconnoissance n’a pas été donnée
en présence, comme le prétend Bram ant; qu’il 11e l’a
faite qu’après cou p, et pour la glisser dans ce fa m e u x
portefeuille.
Quelle confiance peut m ériter un notaire qui s’expose
a un remboursement de 14,800 francs , sans avoir
aucune action pour répéter ses frais, ouïes sommes qu’il
devoit avoir cites pour bénéfice, s’il parvient à faire ren
trer les fonds ?
Bramant n’a-t-il pas d it, dans son interrogatoire, que
M eu n ier se contentoit de 12,000 francs, et que lui devoit
.a v o ir 2,800 francs de bénéfice ?
- r " -■
j Dans son m ém oire, qu’il a fait ¡répandre, 11’a-t-il pas
d i t , au contraire, que ses vacations étoient réglées ù
raison de 12 livres par jour ? Ne voit-on pas-, k chaque
instant, Bramant tomber dans des .^contradictions, cho
q u an tes ?
»¡-, -y •
-l.-tni” '
Bram ant n’a-t-i\,pfls d it ,, dans son interrogatoire-,•qu’il
n e connoissoit, pas l ’écriture.de M eunier ? S’il ne çonnoît pas son écritu re, comment répond-il à ses lettres ?
. pourquoi ne représente-t-il pas celle à laquelle il répond?
Comment se fait-il qu’on ne. trouve précisém ent, dans
.ce fam eux p o rtefeu ille, que JUi reconnoissance donnée
par L a fo n t, et ses lettres écrites de Paris? Si elles sont
. écrites de P a ris, on doit y trouver le timbre de la poste;
et le procès verbal des gendarmes n’en fait/meunemention.
N ’cst-il pas ridicule de faire dire à ‘M eunier, que les
surcharges ou falsifications remarquées sur le b illet, sont
des taches d’eau ou l’effet d’une mauvaise çncçq, et que
ces taches d’eau ou cette mauvaise encre se trouvent pré
cisément aux endroits les plus essentiels ?
�Pourra-t-on jamais croire qu’un médecin connu, qui
a dans ses mains ses certificats d’études dans les écoles
de Paris et de M on tpellier, qui exerce sa profession
avec succès, jouit d’une fortune h on n ête, appartient à
une famille estimable, ait pu s’accoler avec un v il intri
gant, un fripon m aladroit, pour escroquer des sommes
ù un commerçant qui jusqu’ici n’a point eu à se plaindre
de M eu n ier, n ’en a reçu que des services, et a cherchó
lui-m êine c\ le trom per ?
T o u s ceux qui connoissent le citoyen M eu n ier, sont
convaincus qu’il est plutôt fait pour être dupe en affaires
d ’in térêts, que pour être un faussaire ou un escroc. L a
douceur de ses mœurs et de ses habitudes éloigne toute
idée de ce genre.
O n n’aperçoit qu’invraisemblance et confusion. L a
prétendue découverte du portefeuille est d’une gros
sièreté et d’une maladresse si frappante, que, loin d’aiFoib lir les moyens du citoyen M eunier, elle détruit tout le
soupçon, et fait rejaillir la honte sur son auteur.
T Æ C O N S E IL S O U S S IG N É ,. qui a vu les pièces et
le m ém oire du citoyen M eu n ier, ensemble le billet de
4,800 francs souscrit par Subert au profit dudit Meunier.,
le 16 floréal an 8 ;
'
ESTIM E
que l’accusation ne présente rien d’alarmant
pour le citoyen M eu n ier, et que sa justification est com
piè Le.
�(28 )
L a circonstance du rapport du billet souscrit par Subert,
est surtout déterminante , et fait tomber la plainte de
Subert.
Ce billet ne peut pas être le même que celui de
14,800 francs, qu’on présente comme falsifié : différence
dans la d a te , puisque le billet argué de faux n’est que
du 16 p rairial; et point de surcharge sur la date.
Si ce billet n’est pas le même que celui dont parle
Subert dans sa p la in te, la falsification ou les surcliai*gcs
ne peuvent être du fait de M eunier. L e billet est con
senti au profit de tout autre, puisque Subert insiste sur
un point essentiel à relev er, qu’z/
ji’ îi J'ciit
qit’un seul
billet au profit de M eunier.
L a quittance qu’il annonce est désavouée par M eu n ier;
et ou cette quittance est fausse, ou elle est sincère. Si
elle est fausse, Subert est aussi coupable que Lafon tBram ant : ce seroit un concert pratiqué entr’eux pour
com promettre M eu n ier; le prem ier pour se libérer de
ce qu’il doit à M eu n ier, le second pour se faire ren
vo yer de l ’accusation, et en faire supporter tout le poids
à M eunier.
A ussi rem arque-t-on, dans le prem ier interrogatoire
de L afon t - B ram an t, qu’il ne fait aucune, mention de
M eu n ier; qu’il ne parle que de C hâtelain, dont il dit
avoir pris un billet de garantie : et ce n’est que quand
�( 29 ) ■
il a connoissance de la plainte de Subert, des explica
tions qu’il donne contre M e u n ie r, qu’alors Lafont-Bra
mant entrevoit la possibilité de se.tirer d’affaire en com
promettant M e u n ie r, et qu’il change de batterie dans
son second interrogatoire.
S i , au con traire, la quittance est sincère, il n’est pas
possible de présum er que M eunier eût eu la gaucherie
de faire ch’culer un billet de S u b e rt, ni qu’il ait pu
espérer que Subert payeroit sans exam en , et qu’il ne
seroit pas nom m é par Lafont-Bram ant.
A in s i, invraisemblance, impossibilité que le billet dont
il s’agit provienne de M eu n ier, surtout dès qu’il rapporte
le prem ier de 4,800 francs.
R ien n’établit que le projet de lettre, arraché par les
gendarmes lors de l’arrestation de B ram ant, fût adressé
à M eu n ier; ce projet, qui n’étoit écrit qu’à m o itié, n’a
ni adresse ni d ate, et n’a pas même le nom de M eunier.
L a déclaration de Bramant ne prouve pas ce fait :
son affectation de cacher cet écrit, en présence des gen
darm es, apprend assez qu’il se préparoit à l’avance des
moyens contre qui il appartiendroit.
L e portefeuille, qui se trouve si à propos sous un lit
où M eunier n’avoit pas couché depuis quinze jours, est
une jonglerie bien cruelle, inventée par Bram ant, exé
cutée par un gendarme son ueYCU ; (l Lù ne peut influer
�. ( 30 )
sur le sort de l’ affaire. Q uelle apparence que M eunier
eût porté sur l u i , en v o y a g e , des pièces de ce g e n re ,
lorsqu’il étoit instruit de l’arrestation de B ram ant, et
des poursuites rigoureuses qu’on exerçoit contre lu i? se
s c r o it-il muni des pièces de conviction qu’il auroit eu
un si grand intérêt de cacher? Quelle noirceur! quelle
perfidie ! Ce n’est pas ainsi qu’on peut en imposer aux
hom m es, qu’on peut trom per des magistrats éclairés qui
savent découvrir le crim e et venger l’innocence.
Il
est sans doute bien m alheureux que Lafont-Bram ant
ait été mis en liberté aussi légèrem ent; avec quelle facilité
on pourroit le confondre, s’il étoit présent! M ais, dans
tous les cas, le citoyen M eunier ne doit pas douter de
la loyauté et de la justice des magistrats chargés de pro
noncer sur son sort. Il ne s’est élevé contre lui que de
simples soupçons, sur la plainte de Subert : il les détruit
par le rapport du billet de ce dernier-, il ne doit donc
pas redouter l’événement.
D
é l ib é r é
par le jurisconsulte an cien , soussigné,
à
R io m , le 24 nivôse an 11 de la république.
P A G E S ( de Ri o m ).
A R I O M , de l’imprimerie de
L
a n d r i o t
du tribunal d ’appel.
,
seul imprimeur
�
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Description
An account of the resource
Mémoire pour le citoyen Meunier, médecin, accusé.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 11
1800-Circa An 11
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
30 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0730
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Bonnefer (terre de)
Paris (75056)
Chéniers (23062)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53925/BCU_Factums_M0730.jpg
billets
corruption
Créances
falsification
papier mort