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MÉMOIRE
^ y?
POUR
L e s s ie u r s A nnet et M
ichel
B O N H O U R S , d ame A
nne
BONHOURS
et le s i e u r J e a n - B a p t i s t e C E L M E , son m a r i , et le s i e u r L o u i s COUR
B O N H O U R S , t u t e u r l é g a l d e ses e n f a n s m i n e u r s , to u s p r o DE
p r i é t a i r e s , h a b i t a n s la v i l l e d e M o n t f e r r a n d , Intimés;
-—
CONTRE
D a m e A n t o i n e t t e B R U N , veuve en premières noces du sieur
G u i l l a u m e B U J A D O U X , et sieur J o s e p h V E R N I E T T E ,
son second m a r i , marchands , demeurant en la 'ville de
Clermont , Appelans.
S ans d o u t e , le droit de transmettre sa fortune à un héritier de
son choix est u n des droits les plus précieux de la société. Tout
acte qui renferme l ’exercice de ce droit, lorsqu’il se présente revêtu
des formes légales et des caractères de la sincérité, mérite la pro
tection de la justice.
Mais aussi la justice frappe toujours de sa réprobation l ’acte
mensonger que l ’on ose faire apparaître sous les couleurs de la
vérité. E lle sait déjouer les manœuvres criminelles, à l ’aide des
quelles on voudrait substituer la fiction à la réalité.
Dans le procès qui s’agite, la dame V er n ie tte , égarée par une
basse cu pi dité, n ’a pas craint de s’arroger la qualité de légataire
universelle du sieur B r u n , son frère. On l ’entend dire et répéter
(que c ’est là un don de la gratitude, de l ’amitié fraternelle. A l ’en
tendre, que n ’a - t - e l l e pas fait pour la mériter! Soins attentifs,
égards , peines , sacrifices , rien n ’a été épargné pour embellir
l ’existence du sieur Brun , ou p o u r la soulager dans les tristes
années d ’une vieillesse infirme.
Q ue faisaient pendant ce tems-là les enfans Bonheurs, neveux
du sieur B r u n ? Ils oubliaient leur oncle, qui disait, s’ il faut en
croire la darne V e r n ie t te , avoir depuis long-tems à s’en plaindre.
C e langage de la dame Verniette respire l ’exagération et la ca
lomnie. Il est démenti par les nombreux élémens de la cause.
La correspondance du sieur Brun , les enquêtes, sagement a p
préciées, réduisent à leur juste valeur les assertions de la dame
Verniette. C e q u ’elles apprennent, c ’est que la dame Verniette,
en attirant son frère à C le r m o n t , eu le recevant chez elle, était:
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.
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dominée par l ’arrière-pensée de s’emparer de toute sa fortune. E lle
savait q u ’ il chérissait les enfans Bonhours, ses neveux ; elle chercha
à les lui rendre odieux. Elle prit soin de les éronduire, toutes les
fois q u ’ils se présentaient pour rendre leurs devoirs à un bon parent.
Doux et tim id e, affaibli par les souffrances', et privé souvent de
l ’usage de sa raison, le sieur Brun était entièrement sous la domi
nation de sa sœur : elle le tenait en charte privée.
C e t état moral ne permettait pas au sieur Brui', de nommer un
héritier testamentaire, quand il l ’eut voulu.
Non; jamais il ne voulut donner tout son patrimoine à la dame
V er n ie tte , et dépouiller ainsi de leur part les Bonhours, ses neveux,
dont il n ’avait point eu à se plaindre. Jamais, dans sa nombreuse
correspondance, dans ses propos, il 11e laissa pressentir une pareille
disposition.
Aussi l ’étonnement fut général, quand on parla dans le public
d ’un testament olographe, qui attribuai t à la dame Verniette toute
l ’ hérédité du sieur Br u n . On ne pouvait y croire : chacun voulait
voir cette pièce.
Tous ceux qui la virent soupçonnèrent sa sincérité; elle apparut
comme une œuvre de fraude.
Les enfans. Bonhours durent l ’a tt a q u e r, par respect même pour
la mémoire de leur oncle. S ’ ils eussent gardé le silence, on aurait
pu l ’accuser d ’injustice a leur égard.
Si le blâme de la société retombe sur la dame V e r n ie t te , elle ne
doit l ’imputer q u ’à elle-méinc. Pourquoi tant d ’avidité? N ’était-ce
pas un assez beau lot que la moitié d ’ une succession qui s’élève à
plus de Go,000 fia lies ?
L ’écrit informe sur lequel elle fait reposer sa prétention n ’a pas
été tracé par la main du sieur Brun . Il n’émanerait pas dans tous
les cas d ’ une volonté libre.
L a vérification qui en a été déjà faite par experts 11e mérite point
de confiance. Les premiers juges l’ont rec onnu’, ils en ont ordonné
une nouvelle.
La p reu ve , qui avait été offerte par la dame Verniette et or
donnée par la C o u r , n ’a point été administrée*, au contraire, le
résultat de celte mesure ajoute encore aux moyens qui tendent à
démontrer la fausseté ou l ’illégalité du testament attaqué.
FATTS.
L e sieur Brun , chirurgien à Montferrand, avait eu trois enfans,
un fils et deux tilles. __________
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Antoinette B r u n , l ’une de ces filles, s’était mariée en premières
noces avec le sieur Bujadoux; en secondes noces, elle est devenue
réponse du sieur Verniette. Ces époux soilt appelans dans la cause.
iV!ici)elle B r u n , sœur de la dame Verniette, avait épousé le sieur
Bonliours, propriétaire à Montfcrrand. Elle est décédée depuis
plusieurs années, laissant cinq enfans, qui sont les intimés.
L e sieur B r u n , frère des dames Verniette et Bonliours, est dé
cédé, sans postérité, depuis 1824. Leu r père était mort quelques
années auparavant.
La surcession du sieur Brun fils est assez considérable- elle est
toute mobilière. Elle se compose du bénéfice de son commerce du
fruit de ses économies et de la valeur de sa part dans l ’hérédité
paternelle.
L a dame Verniette a fait apparaître un prétendu testament,
sous la forme olographe, qui lui assurerait l ’intégralité de la suc
cession de son frère. C ’est l ’appréciation du mérite de ce testament
qui fait l ’objet du procès.
L e sieur Brun fils avait été d ’abord élève en pharmacie. Il aban
donna cette carrière pour embrasser le commerce, et vint demeurer
à Paris en 1802. Il choisit la commission. Il expédiai-t les diverses
sortes de marchandises q u ’on lui demandait. Originaire de Montferrand, les envois de marchandises q u ’il faisait à C l e r m o n t durent
être fréquens, et ses recouvremens dans la même proportion , ce
qui mult iplia les relations q u ’il eut avec cette ville durant un grand
nombre d ’années.
Les élémens de la cause n ’apprennent point quelles furent pen
dant long-tems les personnes chargées de sa confiance à Clermont.
Seulement ia dame Verniette produit plusieurs lettres dont les dates
sont postérieures à 1820, et desquelles il résulte q u ’aux tems où ces
lettres étaient écrites, la dame Verniette était chargée par le sieur
B r u n , son frère, de faire quelques recouvremens. Il l ’accuse même
par fois de négligence à ce sujet.
C e n ’est assurément pas 1111 sentiment de prédilection qui portait
le sieur Brun à s’adresser quelquefois à la dame Verniette pour
l ’aider dans ses recouvremens. Il 11e pouvait la préférer à la dame
Bonliours, qui était alors décédée depuis long-tems; et celte der
nière eu t-e lle vécu, comme elle habitait Montferrand et que sa
famille était nombreuse, elle n aurait pu servir les intérêts du sieur
B r u n , sou frère, sans nuire beaucoup aux siens; inconvénient qui
ne*se rencontrait point à l ’égard de la dame Ver niette, qui a tou
jours habité Clermont.
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L a clame Verniette veut s’emparer exclusivement île l'affection
(le son frère. Toujours, dit-elle, exista entr’eux la plus vive amitié;
amitié q u ’avait entretenue un échange mutuel de soins, de services
et d ’attention , et qui engageait le sieur Brun à venir de tems en
tems à Clermont pour passer quelques semaines avec elle.
A u contraire, dit-elle encore, les rapports du sieur Br un avec la
dame Bonhours et sou époux étaient nuls ou peu agréables; il
éprouvait même pour eux une sorle cl’éloigneinent , dont i l est
in u tile de -rechercher les causes, mais q u ’il a manifesté dans p l u
sieurs circonstances.
C e langage, suggéré par une Lasse c u p i d ité , est outrageant pour
la mémoire de la dame Bonhours. Il est hautement démenti pur
diverses lettres que rapportent les intimés, et qui renferment des
témoignages d ’affection et de confiance de la part du sieur B run
pour les époux Bonhours et leurs enfans; démenti encoie par les
nombreux témoignages invoqués pour éclairer la justice, il n est
rien moins que justifié par la correspondance dont se prévaut la
dame Verniette. O ù sont donc les preuves de sa perfide allégation?
Quelles sont donc les circonstances qui manifestent Véloignem ent
q u ’elle suppose avoir existé entre le sieur Br un et les époux Bon
hours? On la défie même d ’indiquer des causes qui eussent dû
amener ce prétendu-éloignement.
E lle a calomnié la mémoire deson frère.Non, il n ’eut paspour elle
une amitié exclusive. O u i , la dame Bonhours, son époux et ses
enfans , ont partagé son affection , et n’ont rien fait pour démériter.
L o r s q u ’ il venait en Au vergne, avant la-mort de sou p è r e , il té
moignait à ses sœurs une égale affection; et s’il avait quelque pré
férence , c’était pour la dame Bo n h o u r s, bonne mère et bonne
épouse. Tantôt à Montferrand, chez son père ou chez sa sœur; tan
tôt à C le r m o n t , chez la dame Bu jadoux (depuis Verniette), et chez
des amis, il recevait partout un bon accueil.
A u voyage q u ’il fit en 1818 pour le partage de l ’ hérédité pater
nelle, il résida à Montferrand plus long-tems q u ’à Clermont. La
veille de son arrivée était décédée la dame Bonhours, sa sœur; il
en témoigna les plus vifs regrets à son .beau-frère.
11 faisait des cadeaux à la dame Bonhours, à sou époux et à ses
enfans. Il en recevait d ’eux. C ’était ordinairement quelques fûts
tie vin blanc., quelques paniers de pommes choisies que sa sœur et
son bcait-lrèie lui adressaient à Paris. La vérité de cette allégation
est établie par su correspondance avec, les époux Bonhours.
La mort de la dame Bonhours lui causa beaucoup de chagrin. Il
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témoigna sa douleur à son beau-frère. Il le plaignit, en l ’assurant
de son inaltérable amitié, avec ce ton de sincérité qui part du cœur.
C e t événement, si funeste pour les en fans Bonhours, livra le
sieur B r u n , leur oncle, à toute l ’obsession de la dame Verniette.
L ’amitié q u ’il portait aux neveux, bien q u ’elle lut sincère, ne
pouvait pas être aussi vive que celle q u ’il avait eue pour leur mère:
il les connaissait moins.
La dame* V e r n i e t t e , qui convoitait la succession du sieur B r u n ,
craignit moins alors de voir déjouer ses manœuvres pour éloigner
les eu fans Bonhours et leur enlever l ’aiFection de leur oncle. Elle
cherchait à l'aire parade d ’un atLacheinent sans bornes pour un
frère qui sans doute lui laisserait en récompense toute sa fortune.
On ne doit pas s’étonner si, postérieurement à 1820, la correspon
dance du sieur Brun est plus active avec la dame Verniette q u ’avec
le sieur Bonhours et ses enfaris. Une sœur, qui montrait tant d'a
mitié et un zèle aussi apparent pour les intérêts de son frère, de
v a i t , par rapport à ces intérêts, l ’emporter sur des neveux à qui
leur grande jeunesse et leur position 11e permettaient pas de rendre
service à leur oncle. Mais cette correspondance ne prouve p o i n t ,
elle n’indique pas même que son affection leur fut aliénée. Il se
souvint toujours q u ’ils étaient les enfans d ’une sœur chérie.
Au mois de lévrier 1821, et non en 1822, comme elle le dit dans
son mémoire, la dame Verniette se rendit à Paris. A l'entendre,
elle accourut en cette ville, n ’écoutant que khi affection et aban
donnant son ménage et son commerce pour venir entourer de ses
soins un frère malade.
On ignore si le sieur Brun était alors malade; plusieurs lettres
' q u ’il écrivait à sa sœur, dans les mois de janvier et de lévrier,
persuadent le contraire; mais ce qui est positif c ’est q u ’elle était
indisposée en arrivant à Paris; que durant le séjour d ’environ deux
mois q u ’elle lit en cette ville, elle éprouva une forte maladie.
Dans une lettre que le sieur Brun écrivait au sieur Verniette son
beau-frère, sous la date du 29 avril 1821 , il lui annonce que la
dame Verniette part de Paris dans deux heures; « il faut croire,
« ajo ut e-t-i l, q u ’elle s’est rétablie bien promptement, et j ’ai fait
« pour le mieux pour vous la renvoyer en bonne santé et en m eilleu r
« et al (¡ue j e ne l ’ai reçue. »
C e n’était donc pus pour donner des soins h son frère malade que
la dame Vcrnielte était venue à Paris, mais bien pour satisfaire sa
curiosité, et plus encore, aiin de faciliter le traitement de la
maladie dont elle se son lait atteinte.
�tq
( c )
•
L e sieur B r u n avait subi plusieurs faillites. L e chagrin q u ’ il en
éprouva altéra sa santé, qui devint de plus en plus chancelante.
Bientôt arrivèrent les infirmités, et il sentit q u ’il était teins d ’a
bandonner le commerce, de liquider ses affaires , et de réunir sa
for tu ne, q ui était toute mobilière, et qui s’élevait à plus de
60,000 fr.
L a dame Verniet te le savait. Trouver le m oyen de s’approprier
cette fortune fixait continuellement son attention. Elle'sollicita son
frère de se retirer à Clermont. E lle offrit de le recevoir chez elle,
et même d ’envoyer son mari pour prendre soin de lui dans son
voyage. C ’est ce q u ’apprennent deux lettres écrites par le sieur
B r u n , les 26 août 1822 et 8 octobre 182,3.
L a i re de ces lettres apprend aussi toute la peine que ressentait
le sieur Brun d ’être forcé d ’abandonner ses habitudes commerciales.
On voit q u ’à ce sujet il a soutenu une longue lutte avec lui-même.
C e n ’est pas lui q u i , par initiative, a résolu de se retirer à C l e r
mont. Il n ’a fait que céder aux instances de sa sœur, et il n ’a fallu
rien moins, pour l ’ y déterminer, que des infirmités croissantes et
diverses attaqu es, qui le plaçaient momentanément dans un état
de paralysie.
En fin le commerce et P a r i s sont abandonnés par le sieur B r u n ,
q u i arrive à C le n n o u t le 2 novembre 1823. C ’est de ce jour q u ’était
d ’abord daté le testament produit par la dame V e r n ie t t e , tant
elle avait hâte de s’assurer sa proie; depuis on a pensé q u u n e date
plus récente, écrite même par surcharge , conviendrait mieux.
Quoi q u ’il en soit, la dame Verniette a fait apparaître un écrit
q u ’elle prétend être le teslameut de son i r è r e , el q u i est ainsi
conçu :
« Ceci est mon tesmament
« J’ institue mon héritière universelle
« Ma sa u r Antoinette Brun
« A C le rmont-Ferrand , le vingt-trois novembre
« Mil huit cent vingt-trois
B R U N ( M iciiei ,)
Bien de plus informe que ce prétendu testament. Il est écrit eu
six ligues, dont, aucune n’occupe la largeur de la page. Plusieurs
mots sont surchargés. On a employé trois sortes d ’encre. L ’écriture
et la signature n'ont aucune ressemblance avec les écritures el les
signatures qui se trouvent dans la nombreuse correspondance du
sieur B r u n , produite au procès.
On ne peut se faire à l ’idée que le sieur Brun qui écrivait assez
.
�7
correctement, et qui avait la prétention de bien écrire, soit l’auteur
d ’un pareil écrit. Il ne l ’aurait pas laissé subsister tel q u ’il est. Il
aurait eu plutôt recours au ministère d ’un notaire, pour exprimer
régulièrement ses dernières volontés.
Cependant le sieur Brun n ’était arrivé à Clermont que pour
être mis en charte privée chez la dame Verniette, q u i , à ce sujet,
avait intimé ses ord es à son mari et à ses enfans. On l ’obsédait :
on voulait l’isoler de ses connaissances, de ses amis, excepté de ceux
qui de vaieut lui parler constamment dans l ’intérêt de la dame
Verniette. On voulait sur-tout empêcher que les enfans Bonhours,
ses nev eu x, eussent accès auprès de lui. On redoutait l'affection
q u ’ il leur portait; on travaillait à les faire oublier.
Malgré tant de précautions pour les tenir éloignés, deux des
enfans Bonhours, l ’ainé et le plus jeune, an premier jour de l ’année
1824 , surmontant tous les obstacles, parvinrent jusqu’à leur oncle.
Vainement 011 avait cherché à les éconduire. Le sieur Brun expritna
son mécontentement de ce que l'on repoussait ses neveux. 11 té
moigna beaucoup de plaisir de les voir, en les engageant à revenir.
Les souffrances physiques avaient affaissé les forces morales dans
la personne du sieur Brun. E t encore ce qui lui restait de f.icultés
intellectuelles était-il absorbé par des assoupissemens fréquens. Si
le sentiment n’était pas encore é t e i n t , sa raison affaiblie le livrait
entièrement à la domination de la dame Verniette. Il la craignait
et tremblait devant elle. On le traitait comme une personne inca
pable de se conduire seule. Quand il sortait la dame Verniette le
faisait accompagner. S ’il échappait à cette active surveillance, ce
qui lui a r r i v a i t très-rarement, 011 faisait courir après lui : on le
cherchait comme un prisonnier qui a brisé ses fers, tant 011 craignait
ou q u ’il ne révélât au public le traitement q u ’on lui faisait subir
et l ’isolement o ï l on le plaçait, si momentanément sa raison pouvait
lui permettre cette révélation, ou q u ’il ne rendit ce même public
témoin de l’absence de sa raison.
Dans une circonstance, étant parvenu à s’échapper, il était
a r r i v é seul chez le sieur Bergougnoux, pharmacien, son ancien ami,
à qui il s’était plaint de ce q u ’on le tenait en charte pr ivée, et
même de ce q u ’on exerçait sur lui des sévices, tandis q u ’au contraire
011 prétendait q u ’il rendait malheureuses les personnes qui l’appro
chaient pour lui donner dès soins.
C ertes, un pareil langage est loin d ’annoncer que les soins que
prétend avoir prodigués la dame Verniette lui avaient mérité
toute la gratitude de sou frère et obtenu son affection exclusive.
*C*
�Il éloigne au contraire la pensée que le sieur Brun ait jamais eu la
volonté d ’oublier entièrement les enfans Bonhours ses nev eu x,
pour assurer à la dame Verniette l’ universalité de sa fortune.
L a dame Verniet te alla plus loin. Elle trouva sans doute avan
tageux q u ’ une partie de cette fortune passât dans ses mains, même
du vivant du sieur Brun.
U n e procuration générale, portant pouvoir de régir et a d m i
nistrer tous biens; de poursuivre le recouvrem ent de toutes
créa n ces; de donner q u it ta n ce , etc., parut un moyen assez
plausible d ’atteindre ce b u t ( O n se rappelle que la fortune du
sieur Brun était toute mobilière); peut-être aussi voulait-on avoir
la signature du pauvre m alade, tracée en présence d ’un officier
ministériel, afin d ’en faciliter l ’imitation.
C ett e procuration est faite selon le vœu de la dame Verniette.
E l l e porte les signatures de M£* Asteix et Costes, notaires recevant.
TJn incident grave se rattache à la manière dont cet acte fut
confectionné. C ’est le sieur Anglade, aujourd’ hui notaire à Cornon,
et alors maître clerc du sieur A s te ix, qui fut chargé de rédiger
l ’acte. Pour le faire, il dut se transporter chez la dame Verniette.
Il trouva le sieur B r u n , m ala de, souffrant, abasourdi. Les
réponses du malade étaient faites péniblement et presque toujours
par monosyllabes. L e sieur Anglade déclare formellement q u ’il ne
vo ulut point rédiger l ’acte sans en référer au sieur Asteix ; ce q u ’ il
aurait fait s’ il eût trouvé le mandant bien portant. Il fallut que le
sieur Asteix, notaire, vint lui-même chez la dame Verniette pour
connaître l ’état du sieur B r u n , q u i , pendant la lecture de l ’a c t e ,
serait tombé dans un assoupissement et n ’aurait signé l’acte
q u ’après l ’assoupissement dissipé. On ne peut q u ’applaudir à la
délicatesse du sieur Anglade. Nous reviendrons plus lard sur sa
déposition et sur celle de ¡VIe Asteix, que nous mettrons en parallèle.
L e sieur Brun mourut le 29 octobre 1824* L ’ homme moraî.
était déjà éteint chez lui depuis plusieurs mois.
La dame Verniette put alors manifester sa prétention. On lui fit
entendre, sans doute, que par un reste de convenance, et peut-être
encore pour éviter des incidens qui contrarieraient ses vues , il ne
fallait pas q u ’elle présentât, elle-même à la justice le prétendu
testament de son frère. C e fut Me F a b r e , notaire à Clermon t qui
fut chargé de ce soin.
Requis par le sieur Bonhours et ses enfans, MM. Costes, juge de
paix, et llozier, son greffier, devaient se transporter dans l’apparteinent où était décédé le sieur Br un , pour y apposer les scellés.
�•
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\ V J
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Mais ils en furent dispensés par la présentation que leur fît du
testament prétendu la dame Vern iette, q u ’assistait un clerc de
M e Fabre.
Toutefois, cet écrit, examiné par ces deux fonctionnaires publics,
fut frappé de leur réprobation comme on le verra plus bas.
Après l ’accomplissement des formalités exigées en pareil cas,
l ’écrit fut déposé dans les mains de M e Fabre, notaire.
Une ordonnance du 3 décembre i 83 o envoya latlame Yerniette
en possession de l ’ hérédité du sieur Brun.
L ’apparition de cet écrit excila l ’étonnement général. Quo iq u’elle
connût l ’avidité de la dame Verniette, la famille Bonhours ne
jüouvait d ’abord croire k tant d ’audace. Il fallut pourtant se rendre
à l ’évidence du fait.
Bieniot elle se mit en mesure de signaler à la justice cette œuvre
de déception, si l ’on osait s’en prévaloir.
Un e assemblée de f a m ill e, réunie le i 5 janvier 1 8 2 5 , autorisa
Bonhours père à réclamer comme tuteur de ses cnfans, le partage
de l'hérédité du sieur Brun. Si dans la délibération du conseil de
fam ille, on garda le silence sur le prétendu testament, c’est q u ’il
n ’était pas encore légalement connu, et q u ’on espérait encore que
la dame Verniette n ’oseraii le produire et en soutenir la sincérité
devant les tribunaux.
L a demande en partage fut formée le 4 février i 8 a 5 .
E t bientôt après, la dame Verniette fit signifier le prétendu
testament.
A la vue de cet écrit informe, le sieur Bonhours et ses enfans
restèrent convaincus de sa fausseté. Ils savaient d ’ailleurs q u ’avant
la date que l ’on avait donnée au prétendu testament, l ’affaiblis
sement complet de ses facultés morales avait laissé le sieur Brun
dans un élat habituel d'imbécillité et même de démence.
lis déclarèrent alors q u ’ils ne connaissaient ni l ’écriture ni la
signature qui constituaient l ’acte produ it, et formèrent opposition
à l’ordonnance d ’envoi en possession. Ils soutinrent en même tems
que l ’état mental du sieur Brun ne lui aurait pas permis d ’exprimer
une volonté libre et éclairée, même en se reportant à une époque
antérieure à la date du prétendu testament.
U n e vériiication fut ordonnée par un jugement du 3 décembre
1825. LeS experts nommés pour procéder à cette opération étaient
les sieurs Im b ert , avoué à C le rm o nt, Bonjour et Cavy_, notaires.
Sans doute, sous le rapport des qualités qui constituent l'honnèie
Jiomme et le rende.it recomrnauduble aux yeux de ses concitoyens;
3
�sans doute aussi sous le rapport du talent qui rend propre h Lien
remplir l ’emploi d o n f o n est inve sti, il e û t été très-difficile de
trouver une plus forte garantie que celle q u ’offraient les trois
experts nommés.
Mais à côté de tous ces avantages ne se rencontraient pas, on
pe ut le dire parce que l ’événement l ’a justifié, les connaissances
spéciales et nécessaires pour bien re m plir’ la mission qui leur était
confiée. L e résultat a prouvé en effet que l ’art plus ou moins
conjectural de vérifier les écritures leur était peu familier.
L e dépôt du prétendu testament au greffe du tribunal civil de
Clerrnont fut suivi d ’un procès-verbal de description sous la date
du 8 avril 18*26."
'
Diverses pièces de comparaison furent présentées. Les unes
étaient authentiques, les autres sous seing privé.
U n procès-verbal du 17 juin admit les unes, rejeta les autres.
Des pièces produites--par les Bonhours, sont admises quatre lettres
des 17 mai et 29 novembre 1 8 1 5 , 18 août 18 18, et 9 janvier 1821 ;
un acte sous seing ptivé du 6 mai 1818 e t , 11 actes authentiques
de différentes dates et portant la signature du sieur Brun.
T.a dame Verniette avait présenté un grand nombre de lettres;
7 seulement sont admises : elles portent les dates des 2 , 2 1 et 3 1
juillet 1821 , 1 1 juillet et l\ octobre même an n ée, 19 juin et
5 novenibie 1.822.
E lle observe que l ’admission des lettres produites est nécessaire
pour faire connaître la différence qui est survenue dans les é a i t u r e s
et signatures du sieur B r u n , à raison des attaques et m aladies
q u ’ il a éprouvées.
Les experts procèdent à la vérification ordonnée. L e u r procèsverbal est dressé. 11 est clos le 11 août 182G.
Jettons-y un coup d ’œil rapide.
L a dame Verniette, clans scs dires aux experts, articulconze faits,
dans l ’espoir q u ’ils y verront autant de-motifs de proclamer la sin
cérité du testament. L ’énonciation de ces faits devant les experts
était inutile : elle ne pouvait avoir pour b ut que de leur rendre
favorable la cause de la dame Verniette.
E lle ajoute que si quelque différence se remarque dans les écri
tures et signatures du sieur B r u n , cela ne provient que des attaques
et m aladies q u ’ il a éprouvées, ce qui est établi par diverses lettres,
dans lesquelles il dii qu il a la main trem blante et q u ’il n’écrit
q u ’avec beaucoup de pe in en t de difficulté.
�Voici maintenant une analyse rapide des opérations des experts
vérificateurs.*
i° Ils remarquent que « la physionom ie , qui résulte de l ’assem, « blage des caractères du testament, s ’éloigne de celle q u ’off.e la
« contexture des onze lettres missives comparées. Cependant en
« descendant dans les détails de la comparaison, on est obligé de
« reconnaître que la conformation de beaucoup de mots entiers et
« de chaque caractère est très-ressemblante à celle des mots sein« blables et des caractères isolés des lettres missives; q u ’ainsi la
« différence de physionomie des caractères paraît provenir de ce
« que celle de la pièce déniée a été exécutée avec pesanteur et clif« j i c u l l e ', tandis que celle des lettres missives annonce une plus
« grande faci ité d ’exécution.»
C ette dissemblance remarquée par les experts était décisive. L a
physionomie de l éc riture, comme celle de l ’homme^ constate
l'identité.
La ressemblance de quelques caractères, de quelques syllabes,
de quelques mots, n ’avait rien de déterminant. L ’imitation aurait
été bien maladroite si elle ne s’était étendue jusques-là. Il es’t donc
facile de trouver dans onze lettres de trois ou quatre pages cha
c u n e , des mots, à plus forte raison, des syllabes, des caractères
ressemblans ; toutefois il suffit du rapprochement de ces lettres,
de leur comparaison avec la pièce arguée de faux, pour faire
ressortir une diflérence matérielle et frappante;
2° Les experts disent que les actes et titres authentiques qui
leur sont produits ne présentent q u ’un seul mot sur lequel ils
aient à porter leur examen; c ’est la signature du sieur B r u n ; et
à L’exception de ce lle apposée sur la minute de la pr o cu r at io n ,,
reçue A sta ix , le l\ février 18 2 4 , toutes les autres signatures, q u i
ont entr elles et avec ce lles q u i terminent les lettres missives ,
beaucoup de sim ilitu d e , en ont très-peu avec ce lle qui se trouve
su r la p iè ce dentée.
Cet te signature de la procuration Astaix a plus particulièrement
frappé l ’attention des experts. « Llle s éloigné, d i s e n t - i l s , du
«' caractère de la signature ordinaire du sieur Br u n ; mais 011 ne
« peut se refuser à lui trouver une grande ressemblance avec celle
« du testament : ils ne doutent pas q u e lle s aient é té toutes d e u x
« produites p a r la même main. »
Ces explications ne sont rien moins que décisives. Elles décèlent
tout l ’embarras des experts pour asseoir leur opinion. Cette opinion
n ’a rien de ferme, lien de positif : elle reste flottante. Toutes les
�i#
.
i 12 )
frvO sîgnatures l^es pièces comparées, excepté celle (le la procuration
^
de 1824? ont beaucoup de similitude entr’elles et en ont très-peu
avec c e lle de la p iè ce déiùée. Encore les experts reconnaissent-ils
que cette signature de la procuration s’éloigne du caractère de la
signature ordinaire du sieur Brun . E t c ’est pourtant par la ressem
blance de deux signatures isolées que les experts ont déterminé leur
opinion. L ’erreur palpable dans laquelle ils sont tombés ressort et
de leur propre langage et des lacunes q u ’offrent leurs opérations.
Nous le prouverons en son lieu ;
3 ° L a comparaison de quelques-uns des caractères qui forment
les mots de la pièce déniée, avec les caractères des lettres missives,
établit aux yeux des experts une conformation peu exacte, quoique
cependant il y ait assez de ressemblance avec d ’autres lettres.
Les experts qui sont entrés dans des détails m in utie ux , et que
les meilleures intentions ont toujours animés, nous nous plaisons
k leur rendre cette justice, les experts ont négligé un objet trèsim p o r tan t, l ’examen des surcharges q u ’offrent plusieurs mots du
prétendu testament, qui est pourtant on ne peut plus laconique;
4 ° Enfin 011 arrive au résumé qui exprime l ’avis des experts; le
voici :
« Par suite de l ’examen et des observations qui précèdent, les
« experts ont formé leur opi nion , et déclaré, à 1 unanimité, q u ’il
« demeure évident p o u r e u x que l ’acte soumis à leur vérification
« a été écrit et signé de la même main qui a tracé les caractères de
« comparaison. »
C er te s, les premières remarques exprimées pa rle s experts, sur
tout cette dissemblance de physionomie q u ’ils avaient si bien re
connue ne semblait pas devoir amener la conclusion q u ’ils ont
adoptée.
La vérification opérée était loin d ’être satisfaisante. E lle ne pré
sentait point à la justice les garanties, qui seules pouvaient en
faire sanctionner le résultat.
L e sieur Bonheurs et ses enfans la critiquèrent. Ils en signalèrent
les lacunes et en démontrèrent l ’insuffisance : une nouvelle véri
fication lut demandée.
Ils offrirent subsidiairement la preuve de différons faits q u ’ils
articulèrent. Parmi ces faits étaient ceux-ci :
Le sieur Brun avait toujours vécu en bonne intelligence avec son
beau-I1ère et ses neveux Bon hou rs ;
E t a n t tombé malade-à la fin do 1 S a3 , le sieur Verniette alla le
chercher k Paris, et le conduisit à C le r m o u t; depuis cette époque,
�( - 13 )
.
.
w
la dame Verniette avait fait tout ce qui était en son pouvoir pour
éloigner de lui le père et les enfans Bonhours;
La plupart du tems, lorsqu'ils venaient le voir, ils étaient re
poussés avec rudesse;
La dame Verniette le tenait en charte privée, pour empêcher,
autant q u ’il était en elle, q u 'il eût des communications avec ses
parens et amis;
E l l e ' l e maltraitait et il en faisait ses plaintes à ceux qui pou
vaient l ’aborder;
II avait fréquemment des attaques, qui lui faisaient perdre con
naissance, et qui l ’avaient réduit à un état d ’im bécillité.
Ces faits ne sont pas seulement vraisemblables, ils sont vrais et
graves; les enquêtes l ’ont prouvé.
La dame Verniette essaya de les combattre en les présentant
comme erronnés, invraisemblables, non pertinens, en même tems
q u ’elle soutenait que le rapport des experts était tout-à-fait con
c lu an t , et que la justice devait s’empresser de lui en accorder l ’ho
mologation.
Elle fut trompée dans son attente. U n jugement du 2 3 avril 1827
ordonna une nouvelle vérification, et la confia aux sieurs IÎugues,
instituteur et maître d ’écriture à Clermont, et Cailhe et De Murât,
experts écrivains à Kiom.
L a vérification ordonnée sera faite sur les pièces de comparaison
admises entre les parties.
Les experts s’expliqueront sur les surcharges qui existent dans
le testament, notamment sur le mot v in g t, et sur la date qui
existait avant. Us examineront si ce mot vingt a été tracé par la
même main qui a écrit et signé le testament. Ils pèseront enfin dans
leur sagesse les doutes que peuvent faire naître les réflexions
exprimées dans les motifs du jugement.
Ces m otifs , qui sont nombreux, annoncent dans les premiers
juges la conviction que ce testament n ’était pas sincère. On voit
que cette conviction est née de l ’examen qu ils en ont lait euxmêmes, et du rapprochement avec les pièces de comparaison.
Après avoir rappelé, ce qui est vrai, que la science des experlsvérificateurs, en matière d ’écritures et signatures, est conjecturale;
q u ’ils 11e sont obligés d ’adopter leur opinion q u ’autant q u ’elle s’ac
corde avec la leur, et que tout en rendant justice à la moralité et
aux lumières des experts qui ont opéré, leur rapport laisse beau
coup à désirer, les premiers juges expriment les circonstances qui
leur ont fait sentir la nécessité d ’une nouvelle vérification.
�S
A ';-.'
( *4 )
' C ’est d ’abord la conviction que beaucoup de m o ts , beaucoup de
caractères des lettres missives ne ressemblent pas du tout à ceux du
testament ;
Q u ’il y a d ’autant moins lieu de tirer avantage de la ressem
blance de quelques traits, q u ’ il faudrait q u ’un faussaire (Vit bien
maladroit po u r ne pas imiter en quelques points ré critur e q u ’il
cherche à contrefaire;
C ’est que la signature du testament, bien q u ’elle ait paru aux
experts ressemblante à celle de la procuration de 182.4, ne ressemble
en réalité à aucune de celles qui se trouvent sur les pièces de com
paraison; et cependant quelques-unes de ces pièces sont d'une date
peu éloignée de celle du testament : deux entr’autres ne sont anté
rieures que d ’un mois et quelques jours;
Q u e les deux signatures du testament et de la procuration ne
présentent pas de similitude si parfaite q u ’on puisse en induire la
sincérité du testament;
Q u ’il y*a dissemblance de conformation dans la lettre finale ¡7./ \
Q u e le prénom , M i c h e l, qui se trouve à la suite de la signature
du testament, n ’est point contenu dans les autres pièces produites,*
Que*récr itur e du testament, d ’ une exécution plus pénible que
celle des lettres missives, doit, par cette raison, paraître suspecte;
Q u ’il y a dans le testament plusieurs mots écrits sans gène et
avec facilité, notamment ceux de la dernière ligne;
Q ue les experts avaient négligé de parler d ’ un point très-impor
t a n t , celui des surcharges qui se rencontrent dans le testament,
notamment au mot v in g t, qui est écrit en encre plus noire, et q ui
parait couvrir le mot de u x; lequel dernier mot indiquerait le jour
de l’arrivée du sieur Brun à C l e r m o n t , et jetterait du louche sur
la sincérité du testament; car il n’c.'t pas présumable que le jour
même de son arrivée le sieur Br un se fut occupé d ’ un acte aussi
important.
L e laconisme du testament frappe vivement les premiers juges.
Les circonstances ne l ’exigeaient pas, Il parait, au contraire, q u ’il
facilitait l ’ imitation.
Ces motifs, largement déduits par les premiers juges, sont puissans, Si le rapport des oxperts-vérificateurs avait laissé à la dame
Verniette un pressentiment de succès, l’ illusion fut,dissipée par le
jugement qui apprécie ce rapport.
La dame Verniette comprit alors tout le danger d ’ une nouvelle
vérification. Klle 11e pouvait se dissimuler que des circonstances
nombreuses cl entraînantes surgissaient contre la sincérité du tes-
�( -5 )
fit
l a m e n t ; que le seul examen de cette pièce ne pouvait laisser de
doute sur sa fausseté.
E l l e veut de tout son pouvoir empêcher la nouvelle vérification*
elle forme appel du jugement qui l ’ordonne; elle se rattache for
tement au rapport d ’experts, pour lesquels les premiers juges n ’ont
pas eu d ’égard; elle prétend q u ’il est concluant, q u ’il mérite toute
confiance ; cependant elle n ’est pas tellement convaincue de ce
q u ’elle essaie de persuader aux autres, q u ’elle n ’emploie devant la
C o u r ses plus grands efforts à faire admettre la preuve d ’une série
de faits q u ’elle articule comme devant établir la sincérité clu tes
tament. Elle y inet tant d’insistance, la preuve sera si entraînante,
q u ’elle repoussera la nécessité d ’une nouvelle vérification.
L a C o u r , dans sa sagesse, dut ordonner cette preuve.
C ’est ainsi q u e , par son arrêt du i 5 juillet 1829, elle dispose:
« Atten du que, d ’après la nature de l ’affaire et les circonstances
« qui s’y ra t ta ch en t, il ne peut q u ’être utile pour la découverte
« de la vérité, de corroborer l ’existence du testament dont il s’agit
« par des preuves testimoniales; que cette marche est admissible,
« soit dans l ’esprit, soit dans la lettre de la législation romaine et
« de la législation du Code civil:
« Par ces motifs,
« L a C o u r , sans p ré ju d ice des Jin s et moyens , tant de f a i t que
« de droit j qui demeurent réservés aux parties sur le f o n d ,
« ordonne, avant de faire d r o i t , que dans le mois à compter de la
« signification du présent arrêt, faite à avoué en la C o u r , les
« parties d ’Allemand feront preuve, tant par titres que par
« témoins par-devant M. V e r n y , conseiller-auditeur, commis à
« cet effet;
« i° Que la dame Vernietle et ses filles ont soigné le sieur Brun ,
« tant à Paris q u ’à C le r m o n t , pendant les dernières années de sa
« vie, clans les maladies que celui-ci a essuyées, ou à raison de ses
« infirmités;
« 20 Que le sieur B r u n , voulant venir se fixer à C lerm ont à la
« fin de 1823, invita le sieur Vernie!te à venir le chercher à
« Paris, et que le sieur V er n ie tte , cédant à cette invitation, se
« rendit effectivement à Paris et revint à Cle rm on t avec le sieur
« Brun , qui depuis, jusqu’à son décès, a continuellement habité
« avec les époux Verniette;
« 3 ° Q u e le sieur B r u n , depuis son arrivée à Clermont ju sq u’à
« son ‘décès, a reçu et rendu de nombreuses visites et est allé
“ dîner plusieurs fois chez des personnes avec qui il avait eu
�« d ’anciennes relations; que d ’ailleurs il sortait fréquem ment,
« soit pour se promener, soit pour voir ses amis;
« 4 ° Q u ’il a souvent exprimé à diverses personnes son affection
« particulière et sa reconnaissance pour la dame Y e rn ie t ie sa
« sœur, ainsi que sa v o lo n té de lu i donner toute sa fo rtu n e y
« 5 ° Qu e lorsque son testament eut été f a it, ce testament a été
« présenté à des jurisconsultes pour savoir s’il était régulier;
« 6° Qu e depuis la date de ce testament, le sieur Br un a d é cla r é
« p lu sieu rs f o i s q u i l avait d on n é toute sa fo rtu n e à la dam e
« V ern iette sa sœ ur ;
« S a u f aux parties de Godemel (les Bonhours) toute preuve
« contraire dans le même délai, dépens réservés. •>
L a preuve, mise à la charge de la dame Verniette eùt-elle été
complètement faite, n'aurait pas pour conséquence absolue d ’assurer
le triomphe de la prétention de la dame Verniette. Seulement elle
aurait pu la rendre plus spécieuse et entourer de quelque faveur
l ’appréciation matérielle du testament; mais cette preuve n ’a point
été administrée. Si quelques-uns des faits interloqués semblent
établis, d ’autres et les plus importans ne le sont pas. Au contraire,
il ressort des témoignages invoqués que le sieur B run chérissait les
enfans Bonhours comme ses autres parens; q u ’ il n’a jamais rien
d i t , rien fait, qui annonçât de sa part l ’intention de les frustrer
de sa succession; que d ’ailleurs, pendant la dernière année de sa
v i e , l ’affaiblissement de ses facultés intellectuelles ne lui aurait
pas permis d ’exprimer à ce sujet une volonté légale.
L ’analyse des enquêtes amènera aisément la preuve de cette
proposition. Mais comme nous devons suivre l’ordre de discussion,
adopté par la dame Verniette dans son mémoire, nous nous occu
perons en première ligne du rapport des experts.
MOYENS.
L a daine Verniette divise sa discussion en i paragraphes :
i° Examen du rapport des experts;
s>.° Exam en de l ’enquête.
Nous ajouterons un 3 ",e
dont l ’objet sera de démontrer que
le sieur B r u n , au tems de son décès, même à l'époque à laquelle
on reporte la date du prétendu testament, était incapable de lester.
S I".
E x a m en d u rapport des experts.
C e r a p p o r t , dit-on , était aussi satisfaisant que décisif. Puis
arrive l ’éloge obligé des experts, dont l ’opinion est si positive, si
�bien appuyée sur de nombreuses et de puissantes raisons, q u ’elle
mérite toute confiance et ne souffre pas de contradiction. Toutefois
on veut bien descendre ju s q u ’à réfuter les futiles objections que
les intimés ont osé élever contre ce rapport et contre le testament.
C e langage de la dame Verniette, qui affecte beaucoup de
confiance dans la bonté de sa cause, ne peut rendre concluant un
rapport qui ne l ’est pas, ni valable, comme testament, l ’œuvre
d ’un faussaire.
A peine le prétendu testament a-t-il paru, que son état informe
sa contexture insolite fixent l ’attention de tous ceux sous les yeux
desquels il est mis.
M. Costcs, juge de paix , le sieur Rozier son greffier,
M. Chassaing, juge au tribunal civil de Clermont, n’y voient q u ’un
écrit irrégulier et auquel il est impossible d ’accorder quelque
confiance. Ils le frappent de leur réprobation.
Il est difficile, en effet, de ne point s’arrêter à cette opinion,
quand on a vu et examiné l ’écrit; mais du moins n ’y a-t-il pas eu
possibilité de repousser les violens soupçons q u i , dès le premier
moment de son apparition, se sont élevés sur sa sincérité.
L a nécessité d ’une vérification a été reconnue judiciairement.
Il fallait des experts pour l ’op ércr, mais il les fallait capables de
bien remplir la mission qui leur était confiée, c ’est-à-dire, possé
dant les connaissances spéciales qui constituent l ’art de vérifier
les écritures et signatures.
II ne suffit pas que l ’on ait sous plusieurs rapports beaucoup de
ta len t , beaucoup de connaissances, un caractère honorable, une
impartialité qui pe se démentit jamais; avec tous ces avantages, si
l ’on n’a pas les connaissances spéciales qui rendent propres à faire
telle chose, on ne peut convenablement apprécier cette chose.
« Experts sont des gens versés dans la connaissance d ’une science,
« d ’ un a r t , d ’ une certaine espèce de marchandises ou autres
« choses, lesquels sont choisis pour faire leur rapport sur quelque
« point de f a it, d ’où dépend la décision d ’une contestation, et
« q u ’on ne peut bien entendre sans le secours des' connaissances
» fjui sont pro/uns a u x personnes d ’une certaine profession..........
« Par exemple, s’il s’agit de vérifier une écriture, on prend pour
<« experts des maîtres écrivains, et ainsi des autres matières. »
Encyclopé die, verbo experts.
Même avec les connaissances spéciales en matière de vérification
d ’écritures, il est facile de s’abuser sur la ressemblance; à plus forte
�ï
.
) 1 }
raison, en est-il de même si l ’on est étranger ou peu familier avec
ces connaissances.
C ’est ce qui a fait dire à M. T ou ll ier, droit civil, tome 8 de la
troisième édition, page 8/jG, n° 2 3 5 . « Rien en général de plus
« incertain, rien qui soit si peu digne de déterminer l'opinion,
« que l’avis donné par les experts sur la comparaison des écritures,
« lorsqu’il n ’est pas soutenu par d ’autres preuves, au point q u ’on
« doit moins le considérer comme une preuve que comme une
« simple présomption, comme un moyen qui peut éclairer le
•« magistrat et le guider dans la recherche de la vérité. »
De l à , cette conséquence forcée que plus il y a d ’incertitude pour
obtenir un bon résultat d ’ une pareille opération, plus il importa
d ’être sévère sur le choix des expeits qui doivent en être chargés.
Cett e sévérité n ’a point été apportée dans le choix des experts
auteurs du rapport critiqué. Faute de connaissances spéciales, ils
ont évidemment mal rempli la mission qui leur était confiée. L e u r
manière d ’apprécier le prétendu testament, et leur langage décèlent
l ’embarras et l ’incertitude qui les dominaient. Il semble q u ’ils
impliquent contradiction avec eux-mêmes, si l’on compare leur
remarque la plus importante avcc les minimes détails dans lesquels
ils sont descendus et la conclusion q u ’ils en ont tirée.
C e qui les frappe d ’abord, c’est que la j)hysionom ie qui résulte
de l ’assemblage des caractères du testament s’éloigne de c e lle
q u ’offre la contexture des onze lettres missives comparées.
Voilà une observation dominante. On recherche par la compa
raison s’il ÿ a identité entre des physionomies; et l'examen apprend
que cette identité n ’existe pas; q u ’il n’y a pas ressemblance entre
les physionomies comparées. Cependant c ’est par la ressemblance
que se constate l ’identité.
Pour expliquer cette dissem blance , qui les a frappés, les experts
disent q u ’en descendant dans les détails de la comparaison , on est
obligé de reconnaître que la conform ation de beaucoup de mots
entiers et de chaque caractère, pris isolément de la pièce indi qu ée ,
est très-ressemblante à celle des mots semblables et des caractères
isolés des lettres missives; et q u ’ainsi la différence de physionomie*
des caractères paraît provenir de ce que celle de la pièce déniée a
été exécutée avec pesanteur et d i f f i c u lt é , tandis que celle des
lettres missives annonce une plus grande facilité d ’exécution.
L explication n’est pas heureuse. Klle est en opposition avec la
cri table acception du mot..physionom ie.
L a physionomie de l ’écriture comme celle de l ’ homme se c o m p o s e
�( >9 )
fc/pa
d ’ un assemblage de traits et non pas de chaque trait pris isolément.
On voit chez les hommes une foule de visages qui présentent
dans certains traits isolés la ressemblance la plus frappante. Celte
ressemblance existe tantôt aux yeux,, tantôt au n ez , tantôt à la
Lo uche, et de même des autres parties qui composent le visage.
Parfois même elle embrasse presque tous les traits; et pourtant
lorsqu’on vient à considérer dans leur ensemble, tous ces traits,
ce qui seul constitue la physionomie, on ne trouve plus de ressem
blance véritable, quoique la ressemblance partielle subsiste.
Il en est de même des écritures. La comparaison de plusieurs
pièces d'écriture, qui se ressemblent, avec une autre pièce q u ’on
attribue à la même m ai n , peut offrir dans quelques lettres, dans
quelques mois même des traits de ressemblance plus ou moins
saillans; mais la ressemblance cesse quand la pièce d ’écriture est
considérée dans son ensemble. Alors reste une différence de p h y
sionomie que l ’on ne peut méconnaître.
On s’étonnerait si une pièce d ’écriture, signalée comme l ’œuvre
d ’un faux, ne présentait pas quelques traits isolés de ressemblance
avec les écritures véritables de celui auquel on l’attribue. Il faudrait
que le faussaire, qui s’est mis sous les yeux les écritures véritables
q u ’il veut im iter , fût bien maladroit , pour ne pas réussir à
donner le change sur quelques ¡»oints. Pour peu q u ’il ait du savoirfaire, il-parviendra toujours à imiter quelques lettres, quelques
mots entiers; mais l ’imitation n ’atteindra jamais ou presque jamais
la physionomie que forme l ’ensemble de l ’écriture.
La ressemblance de physionomie dans l’ensemble de diverses
pièces d ’écriture peut se reconnaître a i s é m e n t a l o r s même que
quelques-unes de ces pièces sont écrites avec plus ou moins de
hardiesse, en traits plus ou moins déliés, plus ou moins renforcés.
L e faire habituel de l ’écrivain surgit toujours au milieu de ces
variantes.
L a différence dans la physionomie des écrits est donc le principal
moyen qui puisse faire connaître s ils sont vrais ou faux. L t dans
l ’espèce cette différence demeure frappa 11Le aux yeux mêmes des
experts qui onl vérifié le prétendu testament.
Q u ’imporle après c e la q u ’ilsaient remarqué de la similitude dans
la conformation de quelques lettres et de certains mots de la pièce
arguée de faux', avec des lettres et des mots des pièces de compa
raison. Il en résulterait tout au plus que le faussaire aurait obtenu
une imitation partielle; mais imitation manifestement insuffisante
pour imprimer à l’écrit qui eu est l’œuvre les caractères de la sin-
�M
.
.
.
( 20 )
Les détails minutieux auxquels se sont livrés les experts, pour
laire disparaître cette différence de ph ysionom ie, q u ’ils avaient
remarquée avant t o u t , loin de justifier leur opinion définitive,
prouvent seulement q u ’ils n ’ont point épargné les efforts pour la
rendre spécieuse.
Mais en portant ainsi leur investigation sur la pièce déniée, ils
ont négligé des observations très-importantes. Ils n’ont rien dit des
surcharges, rien sur l ’empreinte d ’une griffe soigneusement effacée,
et qui indiquait sans doute le fonctionnaire qui avait fourni la
feuille sur laquelle est écrit le prétendu testament.
Cependant les surcharges à plusieurs mots sont remarquables,
sur-tout au mot vingt du millésime. Le mot vingt a été évidem
ment posé sur le mot d e u x ,%i[\x\ fut écrit primitivement. Les lettres
en sont formées par des traits larges et épatés, et avec une encre
beaucoup plus noire que celle qui a servi à écrire le mot pr im itif
d e u x et les autres mots du testament qui ne sont pas surchargés.
Les surcharges, autres que celles du mot v in g t, sont opérées avec
un certain soin. A-t-on voulu renforcer une écriture trop déliée,,
trop facilement exécutée, pour la faire apparaître d ’une exécution
plus difficile et plus conforme à l ’état de souffrance de ceiui q u ’on
v ou la it en faire croire l’auteur? On ne craint pas d ’adopter l'affir
mative comme une vérité.
Il parait que les experts n’ont vu dans ces surcharges q u ’une
écriture exécutée avec pesanteur et difficulté. Mais alors on de
mandera pourquoi la première et la dernière ligne de l ’écrit, et
plusieurs mots des lignes intermédiaires, sont écrites couramment,
sans pesanteur, sans difficulté? On ne pressent point de réponse
satisfaisante à cette question , dans le système des appelans.
Us ont cl t q u ’il était inutile de constater les surcharges, parce
que telles q u ’elles sont elles n ’infirmeraient point le testament. Il
en serait ainsi peut-être si d ’ailleurs le testament était reconnu
sincère. Si la signature comme l ’écriture n ’en était pas déniée; s’il
ne s’agissait que d ’une irrégularité. Mais les surcharges que présente
un testament argué de faux dans tout son ensemble, doivent, fixer
l ’attention de la justice, comme pouvant aider à la découverte de
la vérité.
C e n ’est pas sans m otif non plus que l ’empreinte de la griffe a
été effacée très soigneusement. On ne voulait pas sans doute que
l ’on put s ' i n f o r m e r auprès de la personne qui aurait fourni la feuille
de papier, à qui et à quelle époque elle aurait délivre celle feuille,
tant 011 craignait les rapprochemens, qui plus tard pouvaient avoir
�D ’autres singularités ont échappé h l ’attention des experts : c’est?
la pose des lignes; ce sont les fautes grossières d ’orthographe.
L e sieur Brun avait de l ’éducation ; il écrivait assez correcte
ment, sous le rapport du style; il faisait rarement des fautes d ’or
thographe. Les experts avaient dû s’en convaincre en lisant, en
examinant sa nombreuse correspondance. Eli bien ! les cinq lignes
qui formeraient le testament n ’occupent point toute la largeur du
papier; elles laissfcnt à droite et à gauche deux grandes marges;
elles sont d ’inégale longueur. La première,' la troisième et la cin
quième, ne sont que des demi-lignes. 11 est difficile de découvrir le
m o t if qui a pu porter l ’écrivain à couper ainsi les lignes; à moins
que l ’on ne suppose que la signature qui est au bas est sincère, et
q u ’ayant été surprise en blanc au sieur B r u n , on a voulu faire con
corder la signature avec le corps de l ’écrit, de manière à ne pas
laisser trop d ’intervalle entre la dernière ligne et cette signature.
E t comme le faussaire aurait commencé trop h a u t, que ce q u ’ il
avait à écrire pouvait être aisément compris dans deux lignes et
demie, et q u ’il s’en serait aperçu assez tôt, en tronquant les lignes,
au lieu de trois il en aurait fait cinq.
Deux fautes d ’orthographe grossières se remarquent dans l ’écrit.
A la première ligne, au lieu de testament 011 à écrit tesmarnent ;
à la dernière ligne, le mot ving t, écrit par surcharge, n ’a pas de t.
L e sieur Brun 11’aurait pas fait de pareilles /ailles, s u r - t o u l la
première. Son amour-propre l ’aurait porté à refaire le testament
après l ’avoir l u ; car ayant survéi u de plusieurs mois à l ’écrit par
lequel il aurait transmis à un seul de ses païens toute son hérédité,
il n’eut pas manqué de lire et de relire cet acte 1111 grand nombre
de fois, lui qui avait toujours montré beaucoup d ’ordre et de soin
dans l'administration de ses affaires. Il parait que l ’on avait d ’a
bord donné au prétendu testament la date du deux novembre, qui
était précisément le jour de l ’arrivée du sieur Brun à Clermont ;
mais comme l ’on s'aperçut q u ’il n ’aurait pas élé présumable q u ’à
un pareil jour il se fût occupé d ’un acte aussi important, on subs l i l u a , par surcharge, le mol v m g l au mot d e u x .
L e laconisme insolite du testament élève aussi contre la sincérité
de cette pièce le plus violent soupçon. Ilien qui n’y soit absolument
indispensable. O11 voit que le faussaire avail hâte de terminer son
œuvre.
A toutes ces réflexions, qui démontrent largement la fausseté du
rorps de l’écrit, vient se joindre la remarque encore plus accablante,
que la signature, mise au bas, 11’esl pas celle du sieur Brun.
�y.?
rCW?
.
)
Les experts qui ont examiné et comparé les nombreuses signa
tures du sieur B r u n , apposées, soit sur des lettres missives, soit
sur des actes authentiques, ont remarqué que la signature du pré
tendu testament s'éloigne du caractère ordinaire de la signature du
sieur Brun . De toutes les signatures prises en comparaison , une
seule leur a paru avoir de la similitude avec la signature déniée;
c ’est celle de la procuration reçue Astaix, notaire^ le 4 février 1824.
O n ne peut se refuser, disent-ils, à lui trouver une grande ressem
blance avec celle du testament.
Mais celte ressemblance avec une signature u n i q u e , lorsque la
dissemblance avec une foule d ’autres signatures est frappante, estelle suffisante pour convaincre de la sincérité de la signature déniée?
L a dissemblance q u ’ils ont reconnue 11e repousse-t-elle pas celte
conviction ?
E t d ’ailleurs, la ressemblance q u ’ils ont cru apercevoir est loin
d ’être parfaite. Q ui sait si le b ut de la procuration du 4 lévrier 1824
n ’avait pas été d ’obtenir sur un acte authentique la signature du
sieur B r u n , afin de pouvoir l ’imiter sur le testament que l ’on v o u
lait créer? Alors , l ’imitation opérée avec soin, a dû établir entre
les deux signatures une espèce de similitude.
Toutefois, entre les deux signatures, il y a beaucoup d<? diffé
rence : celle de la pr ocurat ion, qui serait postérieure de plusieurs
mois, est mieux faite, plus hardie; celle du testament est gênée;
elle annonce le travail méticuleux d ’une servile imitation. L a lettre
finale n n ’a pas la même conformation dans les deux signatures.
Dans l ’un e, celle du testament, le dernier jambage de la lettre n
est supérieur et bouc lé; dans l ’autre, celle de la procuration, ce
dernier jambage est inférieur, et forme dans son entier la figure
informe du chiffre 3 . O11 pensera difficilement q u ’une même main
ait tracé ces deux lettres. Bien plus, la signature du testament est
suivie du prénom M ic h e l, qui 11e se trouve sur aucune des nom
breuses pièces qui ont servi de comparaison. L e faussaire a voulu
trop bien faire; c’esl ici le cas d ’appliquer l’adage nimia /trecaulio
do/us.
T an t et d ’aussi notables dissemblances, d ’aussi étranges irrégu
larités dans la confection matérielle du prétendu testament., 11e
permettent pas de le considérer comme vrai; elles en font ressortir
la fausseté; elles détruisent l'opinion hasardée des experts, qui
n ’ont pas su les apprécier; elles font du moins sentir la n é c e s s i t é
d ’ une nouvelle vérification; par des personnes que leurs connais
sances spéciales rendent propres à une semblable mission,
�( . 23-7
-</£
L ’écrit dénié n ’est donc pas encore un titre : il reste avec toutes®
ses imperfections. Peti importe q u ’il ne soit combattu que par des
héritiers collatéraux. La dame Y e r n ie t te , qui s’obstine à s’en pré
valoir, n ’est aussi q u ’une héritière collatérale, qui vou dra it, par
la manœuvre la plus criminelle, dépouiller les Bonhours, ses ne
ve u x, de droits non moins sacrésoque les siens.
S ’il n ’y a pas déjà conviction entière de la fausseté du testament,
il y a au moins la plus grande incertitude sur sa sincérité; et cer
tes, l ’enquête à laquelle a fait procéder la dame Yerniette n ’a
aucunement dissipé cette incertitude.
S II*
E xa m en des enquêtes.
A v an t de démontrer que celle de la dame Yerniette n ’est rien
moins que concluante, posons les faits interloqués.
i° L a dame Yerniette et ses filles ont soigné le sieur B r u n , tant
à Paris q u ’à C l e r m o n t , pendant les dernières années de sa vie, dans
les maladies que celui-ci a essuyées, ou à raison de ses infirmités;
2° L e sieur B r u n , voulant venir se fixer à Clermont à la fin de
18 23, invita le sieur Yerniette à le venir chercher à Paris; celui-ci
cédant à cette invitation, se rendit effectivement à Paris, et revint
*à Clermont avec le siaur B r u n , qui depuis, jusqu’à son décès, a
continuellement habité avec les époux Verniette;
3 ° L e sieur B r u n , depuis son arrivée à Clermont jus qu’à son
décès, a reçu de nombreuses visites, et est. allé diner plusieurs fois
chez des personnes avec qui il avait eu d'anciennes relations; d ’ail
leur s, il sortait fréquemment, soit pour se promener, soit pour
voi r ses amis ;
4 ° Il a souvent exprimé à diverses personnes son affection parti
culière et sa reconnaissance pour la dame Y ern ie t te, sa sœur, ainsi
que sa v o lo n té de lu i laisser toute sa fo rtu n e y
5 ° Lorsque son testament eut été fa it , ce testament a été pré
senté à d e s jurisconsultes, pour savoir s’il était régulier;
6° Depuis la date de ce testament, le sieur Brun a déclaré p lu
sieurs f o i s q u ’il avait donné toute sa fortune à la dame Y ern ie tte ,
sa sœur.
Les trois premiers faits, isolés des trois derniers, seraient sans
importance. Les trois derniers ofirent plus de gravité ; car, s’ils
étaient établis, ils prouveraient que le sieur Brun avait voulu
donner sa succession à la dame Yerniette ; q u ’il a déclaré l ’avoir
donnée, et que l ’acte qui renfermait le don avait été soumis à
l'examen de jurisconsultes.
�2
Recherchons maintenant si la preuve offerte par la dame Verniette a etc administrée; et l ’appréciation des témoignages invoqués
nous conduira à un résultat négatif.
C hacun des faits interloqués est complexe ou composé.
L e premier est attesté partiellement. Plusieurs témoins déposent
q u ’à son arrivée de Paris à C le ft n o n t, au commencement de no
vembre 182 3, le sieur Br un vint habiter chez le sieur Verniette ;
q u ’il y demeura ju sq u’à sa m o r t , arrivée en octobre 1824; q u ’il
f ut fréquemment m alade, et q u ’il reçut les soins de la famille
Verniette. Mais la preuve de ces particularités était inutile; elles
n ’ont jamais été désavouées. Il en résulte seulement que, durant la
dernière année de sa vi e, le sieur Br un a logé à Clermont chez la
dame Ve rnie tte , et y a été plus ou moins bien soigné. C e n ’est pas
là seulement ce q u ’ il fallait prouver. L a preuve devait encore s’é
tendre à des soins donnés pendant plusieurs années, tant à Paris
q u ’à C le rm o n t ; et il n’est pas établi, il n ’est pas vrai que la dame
Verniette ou ses filles soient venues à Paris pour soigner le sieur
B r u n dans sa maladie. On en a fait courir le b r u i t ; deux témoins
m êm e, le cinquième et le treizième, semblent en attester la vérité
d ’après des ouï dire; mais ce b r u i t , qui repose sur deux voyages
que la dame Verniette et l ’une de ses filles-auraient faits à Paris, à
deux époques différentes, est démenti par la correspondance même
du sieur Brun.
L a dame Verniette fit un voyage à Paris au commencement de
1 8 2 1 ; elle y séjourna quelque teins dans la maison de son frère.
L e principal m o t if qui T y attira fut moins le désir de voir son
frère, que l’espoir de trouver des ressources pour obtenir la guérison
d ’une maladie dont elle était atteinte. Elle n ’y vint donc pas pour
donner des secours au sieur Brun . C ’est ce q u ’apprennent deux
lettres q u ’ il écrivait les 29 avril et 4 mai 1821. Dans la première,
adressée au sieur V e r n ie t te , il dit : J ’a i f a i t p o u r le m ieu x p o u r
v o u s la renvoyer (la dame Verniette) c m bonne santé et en m eilleu r
état que j e ne l'a i reçue.
L ’ une des filles de la dame Verniette était la filleule du sieur
B r u n ; il voulait la faire venir à Paris. 11 s’eft explique dans une
lettre du 9 février 1823 , écrite au sieur Jarton aîné. « ,1e fais venir
« mon espiègle de filleule Amélie; çà lui fera du b ie n ; c’est l ’àge
« pour faire ce petit voyage, »
C e 11e fut point l'espiègle Amélie qui fit le voya ge , mais bien
mademoiselle A g a t h e , sa sœur, qui vint passer auprès de son oncle,
à Paris, cinq ou six semaines, 11011 pour être garde-malade, mais
�^ :*:> ; ----- -------------------- --------- ----pour j o u i r , sous les auspices cle son oncle, de quelques-uns des
agrémens qu'offre cette ville,
Il est. constant désormais que la dame Verniette ni ses filles ne
sont point allées à Paris pour porter des secours au sieur B r u n ,
pour le soigner dans ses maladies, et q u ’elles ne lui ont donné
de soins que pendant la dernière année de sa vie , q u ’il a passée
à Clermont.
- L e premier fait, gisant en preuve, n ’est donc pas établi, puisque
des diverses circonstances qui le composent, une seule est attestée
par les témoins.
L e second l’ait comprend deux circonstances. L a première est de
savoir si c’est le sieur Brun q u i , de l u i - m è m e , avait pris la réso
lution de venir à Clermont et invité le sieur Verniette à venir le
chercher à Paris : la seconde, si après son arrivée à Clermont il
avait continuellement habité avec les époux Verniette ju s q u ’à
son décès.
L a vérité de cette dernière circonstance n ’a jamais été méconnue
par les Bonhours. 11 ne fallait pas d ’enquête pour l ’établir.
A u contraire, la première circonstance n ’est aucunement jus
tifiée. Plusieurs témoins de l ’enquête directe parlent de l ’invitation
du sieur B r u n , du voyage fait par le sieur Verniette à Pari s, pour
en ramener son beau-frère, niais ils ne disent absolument rien sur
la cause première de cette démarche.
L a dame Verniette désirait attirer et fixer son frire à Clermont.
E n offrant de le recevoir et de le garder au sein de sa famille, elle
avail une arrière-pensée que l ’événement a mise au grand jour.
E l l e était persuadée que le sieur Brun ramènerait avec lui sa
f o r t u n e , qui était toute mobilière. L e m ot if ap par en t, q u ’elle
a vo uait, était de l ’entourer de scs soins; le m oti f réel était de
s’emparer plus aisément d ’une hérédité assez considérable, à l’ex
clusion des autres parens. Elle a travaillé à son projet avec per
sévérance.
E lle avait rencontré pendant quelque lems un assez grand
obstacle dans l’attachement du sieur Brun pour ses habitudes com
merciales. Il ne se rendit à ses sollicitations que quand les attaques
q u ’il éprouvait, devenant plus fréquentes, et ses souffrances aug
mentant chaque jour, il perdit l'espoir de voir rétablir sa
nié, et
senli la nécessité d ’abandonner entièrement son commerce.
Dans une lettre du 26 août i 8 '->.3 , le sieur Brun écrivait à sa
sœur : « T u m ’as déjà dit dans ta lettre du 4 août que ça me ferait
« deux saisons, en parlant sans doute des eaux de Néris et des
�T
v\( vendanges, de p a rtir v ite > p o u r p o u v o ir en p ro fite r, mais as-tu
« réfléchi si je le pouvais.» 11 ajoute, q u ’il eût été trop inquiet d ’a
bandonner une maison q u ’il avait formée depuis 12 ou i S a n s . . . Mon
intention depuis p lu s d'un an , et j e dois te l ’avoir dit 3 a é té de
céd er ma suite d'affaires.
C e langage était tenu à la dame Ve rn iette, en réponse à la lettre
q u ’elle avait écrite le 4 du même mois.
E n septembre 1 8 2 3 , elle écrivait à son frère pour l ’inviter à
venir à C le r in o n t, d ’où ils seraient partis pour ÜNéris, où la dame
Ver niette voulait aller, espérant que les bains lui feraient du
bien. E lle le pressait, beaucoup de v e n ir .......
A i n s i , c’est la daine Verniette qui in v ita it, qui pressait son
frère. Déterminé à se rendre à l ’invitation, il en instruit sa sœur
par sa lettre du 8 octobre 1823.
U n passage de cette lettre est rappelé dans le mémoire de la
dame Verniette. Il apprend que le sieur Brun voulait écrire pour
demander que l’on fit p artir le sieur V erniette sou beau-frère,
mais ([ue M. Jarton ou M. Vauglade lui avait dit que cela était
i n u ti le , puisque Ï\J. Bard avait écr t à ce sujet, en lui marquant
de ne pas perdre de teins. Là se termine la citation imprimée par
la daine Verniette. Elle pourrait laisser croire que c’élait le sieur
B run qui avait demandé de son propre mouvement que le sieur
Verniette vint le chercher à Paris. La suite du passage cité per
suadera le contraire. « Je suis lâché que ça se trouve environ dans
les vendanges, continue le sieur B r u n , cependant puisque vou s
l ’avez offert > je pense que ceia se peut.
Plus de doute désormais que le sieur Brun ne soit venu de Paris
à Clerinont habiter chez sa sœur, que sur l’invita lion et l’offre de
celle-ci et de son époux. Il est prouvé que ce n’est pas lui qui a
pris l'initiative. Il n ’a fait que céder aux sollicitations de sa sœur,
sans se douter des vues q u ’elle avait sur sa fortune , et sans lui
accorder une affection exclusive. L ’amour de son pays natal le
ramenant à C le rinont, il 11e pouvait refuser l ’asile qui lui était
offert.
L e troisième fait interloqué a pour objet de détruire cette asser
tion des intimés , que le sieur Brun était tenu en charte [»rivée.
La preuve faite a-t-elle eu ce résultat? Non sans doute.
Que le sieur Brun ail dîné plusieurs fois chez lesieur Jarton aîné,
qui était 1 ami intime des époux V er n ie tte , ainsi que le déposent
le premier et le second témoin, cela ne prouve pas q u ’il fût libre
�de èes actions. Pour assister à ces dîners il était toujours accompagne
de quelques personnes de la famille Verniettc.
II en était de même lorsque sa santé lui permettait de rendre des
visites, d ’aller à la promenade.
L e quatrième témoin, le sieur Bonna baud , médecin, déclare
que le sieur Brun lui a rendu plusieurs visites sans être accompagné
de personne; mais une foule d ’autres témoins, qui l ’ont vu sortir
plus ou moins fréq uem m ent, soit pour des visites, soit pour la
promenade, l ’ont toujours ou presque toujours vu accompagné,
tant on exerçait sur lui une active surveillance.
L e troisième et le quatrième témoin de l ’enquête contraire par
lent d ’une circonstance où il s’était échappé de chez la dame Vern ie t te , et était venu se réfugier chez eux. Peu de minutes après,
la dame Verniette était chez le sieur Bergougnoux pour ramener
son frère. E lle se plaignit de ce q u ’o’n avait ofïert à celui-ci un
demi-verre de vin et un biscuit pour le fortifier. Elle semblait se
plaindre de ses procédés. Il lui répondit avec un ton de colère :
« Vous meniez, madame, vous prétendez que je vous bats, c'est
« au contraire v o u s q u i me battez. » E n causant, le sieur Brun
avait dit q u ’on le tenait en charte p riv é e, et q u ’il était mal chez
sa sœur. Il témoigna au sieur Bergougnoux la crainte d ’en être mal
accueilli, parce q u ’on l ’avait aâsuré que le témoin avait couru de
la haine pour l u i , et q u ’on lui avait d éfen du de v e n u 'le voir.
L e sieur Brun avait demeuré cinq ou six ans chez le sieur Ber
gougnoux, comme élève en pharmacie. Des liaisons,, d ’amitié en
étaient résultées en tr ’eux. La dame Verniette connaissait ces liai
sons ; elle les redoutait, comme une entrave à l ’accomplissement
de ses desseins sur la fortune de son frere; c est pour cela qu elle se
permit d ’employer la calomnie pour l ’éloigner du sieur Bergou
gnoux, chez qui elle montra tant de mécontentement de le trouver.
Le huitième témoin de la contr’enquête parle d ’ une circonstance
où le sieur Brun était arrive chez lui en l u y a n t , sous le pretexte
q u ’on voulait le faire confesser.
Le neuvième témoin atteste la même circonstance; de plus, il
déclare que plusieurs fois il a vu sortir de chez la dame Verniette
le sieur Brun , ayant l ’air de s échapper.
L e dix-septième témoin de l’enquête directe a vu le sieur Brun
se promener, mais toujours accom pagné de (ju eh ju u n de la maison
Verniette.
L e onzième témoin fait la même déposition ; il ne se rappelle
pas l ’avoir vu sc promener seul.
�(.
2
8
)
De même le douzième témoin.
De même le onzième de l ’enquête contraire.
L e treizième témoin de la contr’enquête était la sœur de lait du
sieur Br un. Elle va chez la daine Verniette pour le voir; les de
moiselles Verniette la refusent; elle insiste; alors elles lui disent de
repasser, que leur mère est absente, et q u e lle s n ont pa s la c l e f de
la cham bre du sieur B r u n .
Le témoin se présente un autre jour : nouveau refus. Elle eut
été éconduite encore cette fois, si le sieur Brun , de sa croisée, ne
l ’eùt aperçue dans la rue, et n ’eut exigé q u ’on lui permît l ’entrée
de sa chambre.
Le quatorzième et le quinzième témoins ont vu le sieur Brun qui
f u y a i t , et la dame Verniette et l’ une de ses filles qui le rejoignaient
et le forçaient brusquement à rentrer.
Les en fans Bonheurs se présentaient-ils pour voir leur oncle, la
dame Verniette et sa famille les repoussaient avec colère. On v o u
lait q u ’il restât isolé. Plusieurs témoins parlent de cette circonstance,
e n t r ’autres le neuvième témoin de la contr’enquête.
C om m en t, après de pareils témoignages, persister a soutenir que
le sieur Br un était libre dans ses actions? O u i , par fois on l ’a vu
seul, rendant quelques visites, ou se promenant; mais alors n’estce pas parce q u ’il avait échappé à ses gardiens, trompant leur v i
gilance? Et quand il ne pouvait mettre cette vigilance en d éfau t,
n ’était-il pas poursuivi par la dame Verniette 011 les personnes de
sa maison, jusques chez les amis ou les connaissances chez lesquels
il se réfugiait, et ramené comme un criminel qui se serait évadé?
N ’a-t-il pas dit lui-même q u 'il était tenu en charte p riv é e?
E t pourtant la dame Verniette ose soutenir q u ’ il était libre dans
sa maison! C ’est assurément là une singulière libert é, dont per
sonne ne voudrait.
L e quatrième fait, gisant en preuve, est que le sieur Brun avait
exprimé à diverses personnes son affection particulière et sa recon
naissance pour la dame Verniette, ainsi que sa volonté de lui laisser
toute sa jo r tu n e .
C e f a i t , qui est complexe, n ’est point é tab li, quant à la der
nière partie, (|ui est la plus impor tante, et qui consiste dans la
manifestation de donner toute sa fortune.
Que le sieur Brun ait toujours eu de l’aflVcliou pour la dame
V e r n ie t te , sa sœur, jamais ou a cherché à dire le contraire. Son
aileclion se reportait sur tous ses parens. La dame Bonheurs y avait
�une part non moins grande que son autre sœur; il aimait les enfans
Bonliours après comme avant la perte de leur mère.
L e dixième témoin de l'enquête directe, M. D e b e r t , juge de
paix , pense q u e , ju s q u ’au décès du sieur B r u n } i l a v é c u dans
la p lu s p a rfa ite a m itié et la m eilleure intelligence avec sa sœur
(la dame Bonliours), son beau-frère et ses enfans. La plus p a tfa it e union régnait, notamment dans cette famille en i8 r 8 ,é p o q u e
du partage de la succession du père.
Le treizième témoin de la contr’enquête atteste cette bon ne in
telligence avec la famille Bonliours. L e sieur Brun témoigna beau
coup de regrets de la perte de la dame Bonliours.
Selon le quatorzième témoin, le sieur Brun partageait son a f
fe c tio n entre ses d e u x sceui's.
Le quinzième dépose que le sieur Brun avait une même affection
pour les Bonliours et les Verniette. Il disait q u ’ils seraient tous
égalem ent ses héritiers.
Mais cette affection est exprimée par le sieur Brun lui-même,
dans des lettres q u ’il écrivait ¡1 sa sœur, la dame Bonliours, et no
tamment .dans une qui est sous la date du 29 novembre 181G. Il
embrasse la mère, les enfans et le mari, q u ’il aime bien , parce
qu i l rend sa sœ ur heureuse.
L e 9 janvier 1821 , il écrivait au sieur Bonliours père une lettre
qui renferme des expressions amicales. Il embrassait de cœ ur le
])èie et les enfans.
U ne autre preuve que la bienveillance de l ’oncle pour scs neveux
n ’avait point changé, c ’est le soin q u ’apportait la dame Verniette
d ’empêcher que les neveux n ’arrivassent jus qu’à l ’oncle.
n ’est
q u ’en forçant la consigne que deux d ’entr’eux étaient parvenus
auprès de lui ; ils en avaient été bien reçus.
II importerait peu q ue, dans deux ou trois circonstances, il les
eut mal accueillis. Une pareille réception s’expliquerait par son
état de souffrance, et encore plus par l ’ompire que la dame Verniette avait acquis sur un homme dont les facultés intellectuelles
étaient affaissées par les douleurs physiques. La dame Verniette
l ’obsédant continuellement voulait qu'il ne songeât q u ’à elle, et
q u ’il oubliât completlemenl les enfans Bonliours, ses neveux. Elle*
avait, d ’autant mieux réussi à le maîtriser et à s’en faire craindre,
q u e , mémo en é t a t 'd e santé, le sieur Brun était d ’ un caractère
f a ib le et tim ide ju s q u ’à la p u silla n im ité. C ’est ce qui est attesté
par le premier témoin de la c o n l r ’enquête prorogée, le sieur blatl.in,
�médecin, qui connaissait la maladie du sieur B r u n , et ses causes,
et avait été à portée d ’apprécier son moral.
On ne désavoue pas non plus que le sieur Brun n ’eùt reçu q u e l
ques bons offices de la dame Vern iette; mais ces bons offices étaient
réciproques. L e sieur B r u n , commerçant, avait des relations assez
fréquentes avec Clerinont : tantôt c’était des commissions de mar
chandises à prendre, tantôt des recouvremens à faire. L a dame
Verniette était dans le commerce; il n’est donc pas étonnant que
son frère correspondit quelquefois avec elle, pour l ’aider dans cer
taines opérations. Dans plusieurs lettres de 1821 et 1 8 2 2 , il lui
reproche sa négligence à faire ses commissions, même à lui répondre.
C er te s, ce n ’est pas là exprimer de la reconnaissance. S ’il en devait,
ce n ’était pas au point d ’absorber toute sa fortune.
Mais avant le prétendu te sta m e n t, avait-il exprimé à diverses
personnes la volonté de laisser toute cette fortune à la dame
Verniette sa sœur? On a vainement essayé d ’établir l ’affirmative.
Il fallait pour cela un plus grand nombre de témoignages que
ceux que la dame Verniette a péniblement recueillis.
C e l u i des sieur et dame Jarton ainé ne se rapporte pas au
quatrième fait^ mais bien à la seconde partie du cinqu ièm e, que
nous désignons comme un sixième fait. Nous l ’apprécierons en son
lieu.
L e sieur B o n n a b a u d , quatrième témoin de l ’enquête directe,
qui était le médecin du sieur B r u n , qui l ’a vu fréquemment , qui
avait sa confiance, ne l ’a jamais entendu parler de ses dispositions
bienveillantes en faveur de sa sœur, la dame Verniette.
U n seul témoin, le douzième, a entendu dire au sieur Br un :
Ce (¡lie j e p o ssè d e , j e le laisserai à ma sœ ur T'' en d ette , à q u i j e
conserve beaucoup de reconnaissance. L ’époque à laquelle ce
propos aurait été tenu n ’est point indiquée. 11 aurait été provoqué
par l ’invitation de se m arier , que le témoin faisait au sieur Br un
en plaisantant.
Ce tt e déposition , comme perdue au milieu de nombreuses
dépositions, n ’est fortifiée par rien. Il est étonnant ([lie le sieur
Pmin , s’il avait eu la volonté de tout donner à la dame Ve rn iette,
n’en eut point fait part à ses anciens amis, tels que le sieur
Bergougnoux , à scs vieilles connaissances, telles que la femme
Meteix.
Il est étonnant sur-tout q u ’il ne l ’eùt manifestée dans aucune
des nombreuses lettres q u ’ il écrivit h. la dame Vern iette, durant
les années 1 8 2 1 , 1 8 2 2 , 182.3, Faire espérer, même entrevoir à
�T ? n
cette sœur le don de toute sa fortune, eût été le meilleur moyen
de vaincre la négligence q u ’elle apportait h faire les commissions
dont il la cha rg ea it, négligence q u ’il lui avait reprochée dans
plusieurs lettres.
Ainsi le quatrième fait reste dénué de preuve.
Lorsque le testament eut été f a i t , la dame Verniette le présenta
à des jurisconsultes, pour savoir s’il était régulier. Tel est le cin
quième lait dont la preuve était offerte.
Deux jurisconsultes honorables ont été appelés en témoignage
sur ce fait.
jVL B i a u z a t , l ’ un d ’e u x , déclare que c’est lui qui a donné le
modèle du testament. Il ne peut se rappeler l ’époque précise à
laquelle on lui fit cette demande, ni la personne par qui elle fut
faite. Il a beaucoup réfléchi à cette dernière circonstance, dont il
sent toute l ’importance; mais la faiblesse de sa mémoire ne lui a
pas permis de se rappeler la personne qui a fait cette démarche
au près de lui. I l penche cependant à croire que c est la -dame
V ern iette elle-m êm e.
Plus t a r d , la même personne ou toute autre , lui présente la
copie du testament, q u ’il trouva conforme au modèle.
I l croit bien que le testament déposé au greffe et q u ’on lui a
représenté est le même.
La déposition de INI. Biauzat n ’a rien de positif., si ce n ’est q u ’il
a fourni le modèle d ’un testament.
Quelle est la personne qui lui avait demandé ce modèle? Il croit
que c ’est la dame Verniette; et il se trompe, d ’après la déclaration
de la dame Bernardin , neuvième témoin, qui affirme que c’est elle
qui a demandé et reçu le modèle du testament. A quelle époque?
M. B iauzat l ’ignore.
Il ignore également quelle est la personne qui lui lui a présenté
la copie du testament pour savoir si elle était conforme au modèle.
Il ne précise pas davantage cette seconde époque. L ’incertitude
q ui a présidé à cette déposition en détruit l'influence.
D ’ailleurs le jurisconsulte dit bien que la copie.du testament
q u ’on lui a présentée était conforme au modèle donné (sans doute
quant à la disposition , mais non quant à la confection matérielle;
car on ne peut penser q u ’ il l’eut tracé avec le même nombre de
lignes). Mais il ne s ’explique nullement sur la validité du testament.
A v an t la mort du sieur Brun aucun autre avocat n’a vu le
testament. La dame Verniette a prétendu q u ’elle l ’avait soumis à
l ’examen de M. Boii'ot oncle, qui lui avait déclaré que ce testa
�ment e'tait fo r t régulier. Elle avait instruit de cette particularité
la dame B e rn a rd in , saconfidente, son amie in t im e , celle qui avait
fait des démarches auprès de Me Biauzat.
L e témoignage de MeBoirot est venu démentir formellement cette
assertion. On connaît toute la loyauté de ce vénérable vieillard. Il
déclare sans hésitation et dans le langage le plus positif, que le
testament ne lu i a é té présenté , ni p a r la dam e V ern iette , ni p a r
personne de sa p a r t, soit avant, soit après le décès du sieur B run.
I l assure n ’avoir ja m a is vu ch ez lu i la dam e K ern iette et ne pas
la connaître.
T o u l ce q u ’on a dit et imprimé pour atténuer l ’effet cle cette
déposition , c ’est q u ’i l paraîtra p eu étonnant que Me Boirot ne se
soit pas rappelé un fait qui remonte à plus de 6 ans.
Nous arrivons au sixième fait interloqué. L a dame V ern ietle
s’était soumise à prouver q ue, depuis la date du testament, le sieur
B r u n avait déclaré p lusieurs f o i s q u ’il avait donné toute sa fo rtu n e
à la dame V er nietle sa sœur.
Des nombreux témoignages invoqués, quels sont ceux desquels
on voudrait faire surgir cette preuve?
On se complaît à rappeler celui du sieur Jarton a în é , qui est
lié d ’amitié avec les époux V e r n i e l t e , et qui déclare que le sieur
Br un lui avait manifesté des intentions bienveillantes pour la clame
V er nielte sa sœur, et qui lui avait d i t , à l ’époque où il fit son tes
t a m e n t, époque q u ’ il ne peut préciser, cjn’il avait e x é c u té ce q u ’il
avait toujours eu Vintention de fa ir e .
Mais tout cela signifie-t-il bien que le sieur Brun avait fait un
testament en faveur de la dame V e r n ie l t e , et lui avait donné son
entière hérédité? L'interprétation la plus large craindrait d'adopter
l ’affirmative. L e sien r Brun avait des intentions bienveillantes pour
la dame Ver niette , comme il en avait pour tous ses parons. Il a dit
q u ’ il avait exécuté ce q u ’il avait toujours eu l ’intention cle faire.
Mais q u ’a-l-il exécuté et eu faveur de q u i ? Il ne le dit point. S ’il
n’a exécuté que ce q u ’ il a toujours eu /’intention de faire, il n’a
point dépouiljé les enfans Bnnhours, ses neveu x, de toute partici
pation à son hérédité 5 ca r, lorsqu’ il écrivait à la dame Bonheurs
sa sœur des lettres qui renfermaient des expressions de la plus
franche amitié; que dans une de ces lettres, sous la date du 29
novembre 1 8 1 ( i , il lui disait : Jem b ra sse la m ère, les enfans et
le m ari que j'a im e b ie n , /Jarcequ' il rend ma santr heu reu se, il
n'avait assurément pas l'intention de frustrer de sa succession elle
et ses enfans. 11 11’avait pas celle int ention, quand il déplorait la
�. ( 33 )
’
V V
mort de cette sœur, q u ’il aim ait ; quand il eut témoigne tous ses ^
regrets au sieur Bonhours son beau-frère; q u ’il lui tenait un langage
affectueux dans une lettre du 9 janvier 1821 ^ q u ’il termina en
embrassant les Bonhours de cœur.
L ’intention q u ’il avait toujours eue était, n ’en doutons pas,
de laisser sa fortune àses deux sœursou à leursenfans. Cette intention
était le vœu de son cœur. Elle était commandée par ses affections.
Q u i osera assurer que ce n ’est pas cette intention q u ’il aura dit
au sieur Jarton aîné avoir réalisée ? L ’acte qui en ferait f0£
n ’apparaît point; mais on sait que la dame Verniette a fait main
mise sur l'intégralité de la succession, sans compte ni mesure
sans aucune espèce d ’inventaire. On pressent dès-lors quel aurait
été le sort d'un acte, qui aurait détruit son projet et anéanti le
testament, q u ’elle a osé produire.
Ai nsi , on ne trouve nulle part la preuve que le sieur Brun ait
déclaré, non p a s plusieurs f o i s , mais une seule fois, q u ’il avait
donn é toute sa fo rtu n e à la dame Verniette.
Le sixième fait reste donc dénué de preuves.
L e résultat de l ’examen et de l ’appréciation des enquêtes n ’est
point favorable au prétendu testament. Il est loin d ’en corroborer
V e x iste n c e . Il le la isso sous le poids de tous les vices q u ’on lui
reproche. La preuve offerte n ’est point administrée. N o n , il n ’est
pas prouvé que la dame Verniette et l ’une de ses filles soient allées
à Paris pour porter secours au sieur Brun dans ses maladies. Il n ’est
pas prouvé q u ’il eut, par initiative, invité le sieur Verniette a venir
le chercher à Paris pour le conduire à Clermont. Il est pr ouvé, au
con tr aire , que c ’était la dame Verniette qui l ’avait pressé de se
retirer à Clermont et de prendre chez elle un logement, offrant de
lui envoyer son mari pour l ’accompagner dans le voyage. Il n ’est
pas prouvé que le sieur Brun avait pour sa sœur, la dame Verniette
une affection exclusive, mais il est prouvé que la dame Bonhours
et ses en fans avaient part à cette affection.
II n ’est pas prouvé q u ’il jouissait de la plus grande liberté chez
la dame V er nietle ; mais il est prouvé q u ’il était gêné dans ses
actions; q u ’il était soumis à une active surveillance et tenu souvent
en charte privée.
Il n ’est pas prouvé q u ’il ait annoncé plusieurs fois le projet de
faire à la dame Verniette don de toute sa fortune, ni q u ’il ait dit
à plusieurs personnes q u ’il avait réalisé ce projet par un testament
ou par tout autre acte.
�r
_
•
( 34 )
Ja reconnaissance rlu sieur Br un et le don de toute sa fortu ne,
restent encore à établir, malgré l'interprétation favorable q u ’elle
s’est étudiée à prêter aux dépositions de certains témoins.
Que si les témoignages invoqués par la dame Verniette n ’ont
poi nt corroboré V existen ce du testament qu'elle prod uit, on peut
dire au contraire que plusieurs dépositions de la contr’enquête le
signalent comme un acte informe, irrégulier, comme un mensonge
que l ’on a osé présenter pour la vérité.
E n effet, il a suffi à MM. Costes, juge de paix, Rozier, greffier,
C u l h a t , géomètre, et B o i r o t , oncle et neve u, avocats, de voir
le testament, pour être frappés de ses irrégularités matérielles, et
pour manifester l ’opinion q u ’ils ne le croyaient pas sincère.
E t cependant les deux premiers avaient ainsi condamné ce tes
ta m ent, avant d ’être instruits de la démence dont avait été frappé
le sieur Brun.
s ni.
In c a p a c ité du sieur B run.
Pour faire un testament il faut jouir de ses facultés intellec
tuelles et avoir toute sa raison. Il faut aussi que la volonté du
testateur soit exprimée avec une entière liberté; q u ’elle ne soit
influencée, ni par la crainte, ni par la violence, ni par aucune
suggestion étrangère. Alors il y a capacité légale, autrement cette
capacité n ’existe pas.
Si nous supposons maintenant que le testament attribué au sieur
Brun est écrit de sa m a i n , il nous reste à rechercher si à la date
que porte le testament, le testateur avait la jouissance de scs facultés
morales, l ’exercice de sa raison, e t , en admettant l'affirmative,
s’il avait librement exprimé sa volonté.
Il n ’avait pas sa raison : de nom bi eux élémens concourent à le
démontrer. Il est certain q u ’avant de se retirer à C l e r m o n l , il avait
eu à Paris plusieurs atta qu es , qui avaient porté atteinte à sou
moral et le privaient de tems en teins de sa raison. T1 dit lui-même,
dans une de ses lettres, q u ’il perd la mémoire. Dans une a u t re,
sous la date du i ?. septembre i 8 a 3 , il se plaint d ’avoir un assou
pissement tous les soirs, de pleurer souvent de faiblesse, et d ’é
prouver un accès de jour à autre.
Le sieur Bergougnhoux père , troisième témoin de la contr euquêUî , alla voir le sieur B iu n à Paris, environ un mois avant que
celui-ci se retirât a (deiinont. «Je le trouvai , dit ce témoin , dans
« un état de démence piesqu’absolu ; il divaguait et ne répondait
« exactement à aucune de mes questions. Ses réponses, faisaient
�« rire deux domestiques à la garde desquels il était abandonné.
<. Je sortis de chez lui fort affligé de son état. » C ’est le lendemain
que le sieur Bergougnhoux, rencontrant le sieur Jarton aîné, l ’in
vita à prévenir ,1a famille du fâcheux état dans lequel était tombé
le sieur Brun. Il écrivit pour le même sujet à la dame Bergou
gnhoux son épouse.
Selon le septième témoin, le sieur Brun passait dans le voisinage
pour être tombé dans un état de démence. Il faisait, dit-on, des
extravagances. L a femme Ramade dit un jour au témoin que le
sieur Brun avait mis le f e u à de la paille dans l ’escalier de la
maison qu'il ha bita it, et q u ’on la v a it trouvé se chauffant à ce
fo y e r .
L e huitième témoin parle du bruit qui s'était répandu que le
sieur Brun avait perdu la tête, q u ’il faisait des extravagances. II
raconte que s’étant un jour échappé, il était venu se réfugier chez
le témoin et cherchait à s’y cacher. Ou lui a dit que le sieur Brun
était enfermé dans sa chambre par les personnes de la maison , dans
la crainte q u ’il ne s’échappât.
L e neuvième témoin rappelle le même fait.
Selon le quatorzième témoiu , 011 racontait que le sieur Brun
avait perdu la tête à Paris.
Le sieur B lati n , médecin connaissait les causes de la maladie du
sieur Brun . Il n ’a pas dù les révéler. Elles n ’ont pas peu contribué,
sans d oute, à le faire tomber dans l ’état d'aliénation mentale qui
parait avoir précédé sa mort. Il était aussi d ’une grande douceur
de caractère.
Ces témoignages géminés sont sans doutesuiiisans pour démon trer
([île le §ieur Brun était atteint de démence, même avant de quitter
Paris.
*
Mais la vérité q u ’ils proclament apparaît encore dans un plus
grand jou r, si l’on considère la confection matérielle du testament
et les circonstances dans lesquelles il est intervenu.
L e lecteur n ’a pas perdu de vue que le sieur Brun avait la
prétention de bien écrire, et q u ’en eftet il écrivait assez correcte
ment. Comm ent comprendre alors q u ’il e û t , avec discernement,
jeté sur une feuille dp papier quelques lignes inégales pour disposer
de toute son hérédité; q u ’il eut surchargé plusieurs mots, tandis
que d ’autres seraient traces nett em ent; q u ’il eût fait dans les
mots testament et vingt des fautes grossières d ’orthographe; q u ’il
eût. fait suivre sa signature patroniinique du prénom Michel, qu on
ne voit , nulle autre p a r t , accompagner sa signature.
�Non; il n ’aurait pas laissé subsister cet écrit informe sans
démentir son caractèr e, son amour-propre. Il l ’aurait recopié. Il
en avait eu la facilité, le teins, pu isq u’il a survécu près d ’un an
à la date de l ’écrit.
D ’ailleurs, on ne peut guère supposer que le sieur B r u n , qui
avait l ’intelligence des affaires, eût eu besoin d ’ un modèle pour faire
son testament olographe, ou bien s’il n ’avait pu lui-même rédiger
ses dernièies volontés, il se serait adressé à un notaire pour le
charger de ce soin.
Les précautions que l ’on a prises pour se procurer une feuille de
papier timbré et pour effacer l ’empreinte de la griffe qui aurait in
diqué le nom du fonctionnaire public, par qui cette feuille avait été
fournie, sont aussi un indice de fraude. On redoute la lumière. On met
à contribution la complaisance de certaines personnes. C ’est le sieur
G i l l e t , septième témoin de l ’enquête directe, qui est venu déclarer
q u e , sur l ’invitation de la dame Vern iette, il alla chercher chez
M e Roddier ou chez M. Bonnefoi ou chez Me Bergier , notaire, une
feuille ou demi-feuille de papier. Puis il ne peut préciser si c ’est
le mari ou la femme Verniette qui lui a fait l ’in vi tation , q uoi
q u ’ il ait d ’abord dit que c ’est la femme. Il ajoute q u ’il ne peut se
rappeler non plus si c’est lui ou l ’ un de ses ouvriers, qui serait allé
chercher ce papier, quoique d ’abord i l eût dit que c était lui-m êm e.
L a singularité de cette déposition est frappante.
C ’est la dame Bernardin, neuvième témoin, qui serait allée chez
M e Bi auzat demander le modèle du testament.
Mais ni la dame Bernardin, ni aucun autre témoi n, n ’ont vu le
sieur Br un copier ce modèle. Il n ’a dit à personne q u ’il eût fait un
testament olographe. Cette clandestinité est inexplicable. L e sieur
Brun n ’aurait eu aucune raison de s’y tenir. Il était maître de sa
fortune. Il n ’eut pas craint de manifester par un acte aussi positif
la prédilection exclusive dont la dame Verniette se dit l ’objet.
Qu e si l ’on admet que le testament est vraiment écrit par le
sieur B r u n , et que le testateur savait ce q u ’il faisait, ce testament
ne resterait pas moins vicié d ’ une nullité radicale, comme n ’étant
pas l ’expression d ’ une volonté libre.
E n effet, quand on a lu les enquêtes, 011 ne peut révoquer en
doute que le sieur Br un 11e fut tenu en charte privée. Il l ’a
dit lui-même au sieur Bergougnhoux. Plusieurs autres témoins
l ’attestent, et notamment le treizième à qui les demoiselles
Verniette répondirent, un jour q u ’elle insistait pour voir le sieur
�B run son frère de lait, qu*elles n avaient pas La c l e f de la chambre,
et que leur mère était absente.
La dame V er n ie tte , que l ’on dit douée d ’un caractère ferme
ju s q u ’à la rudesse, maîtrisait complètement son frère par la crainte
q u ’elle lui inspirait. ( O n a même vu q u ’il se plaignait d ’en être
b a t t u ) . Cette domination avait'été facile à acquérir par suite du.
caractère doux et timide du sieur Bru n, caractère que les souffrances
avaient achevé de rendre pusillanime.
Dans cet état m ora l, obsédé continuellement par la crainte que
lui inspirait son ty ra n , il ne pouvait exprimer de volonté.libre sur
le don de sa fortune. Aussi toutes les démarches qui ont facilité
le prétendu testament, sont-elles laites par la dame Verniette ou
par son ordre. Il semblerait q u ’elle dirigea la main qui l ’écrivait.
C ’est elle qui l ’avait en son pouvoir, et qui en f it , contre l ’usage,
la remise à un notaire.
T o u t , comme on le voi t, s’est passé à l ’égard de cet acte, d ’une
manière insolite, extraordinaire.
Ma inte na nt, q u e , selon M. Tou llier, un testament olographe
soit p lu s fa v o ra b le que le testament reçu p a r des notaires; que la
présom ption de sagesse soit toute entière en fa v e u r du testateur
<jui p ren d le soin d ’écrire ses dernières v o lo n tés, nous ne con
testons point cette doctrine; mais nous soutenons q u ’elle ne peut
recevoir d ’application à l ’espèce, parce que l ’écriture et la signature
ne sont point reconnues par les héritiers naturels q u i , au con
traire, en dénient formellement la sincérité; parce que la présomp
tion de sagesse, en faveur du testateur, disparaît devant le double
fait d ’aliénation et de charte privée.
Lorsque tant et de si graves circonstances s’élèvent contre la
sincérité du testament a t t a q u é , quelle confiance pourrait lui
accorder la justice? A h ! sans doute, si la C o u r , dans son amour
ardent pour la justice, ne frappe point immédiatement de sa répro
bation celte œuvre de fausseté et de déception, c’est que les intimés,
jaloux eux-mêmes de voir briller la vé r it é , n ’ont point formé
d ’appel incident pour amener une décision sur le fond, et q u ’ils
se sont bornés à demander la confirmation du jugement qui ordonne
une nouvelle vérification.
F O U L H O U X , A v o ca t.
MA RIE., L ice n cié -A v o u é .
R I OM ,
de
l ’i MPRIMERIE
De
salles
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Bonhours, Annet. 1831?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Foulhoux
Marie
Subject
The topic of the resource
successions
testament olographe
testaments
infirmes
conseils de famille
experts
faux en écriture
expertises graphologiques
signatures
témoins
démence
médecine légale
affection fraternelle
charte privée
abus de faiblesse
procuration
notaires
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour les sieurs Annet et Michel Bonhours, dame Anne Bonhours et le sieur Jean-Baptiste Celme, son mari, et le sieur Louis Bonhours, tuteur légal de ses enfans mineurs, tous propriétaires, habitans la ville de Montferrand, Intimés ; contre dame Antoinette Brun, veuve en premières noces du sieur Guillaume Bujadoux, et sieur Joseph Verniette, son second mari, marchands, demeurant en la ville de Clermont, Appelans.
Annotations manuscrites.
« 19 mai 1931, 1ére chambre… Déclare le testament du sieur Michel Brun, du 20 octobre 1823, vrai et valable. »
Table Godemel :
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Salles fils (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1831
1802-1831
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
36 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2718
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2717
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53555/BCU_Factums_G2718.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Clermont-Ferrand (63113)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abus de faiblesse
affection fraternelle
charte privée
conseils de famille
démence
expertises graphologiques
experts
faux en écriture
infirmes
médecine légale
notaires
procuration
signatures
Successions
témoins
Testament olographe
testaments
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53554/BCU_Factums_G2717.pdf
8acb8c5aae0e52452e0bc041e6564460
PDF Text
Text
COUR ROYALE■
:
MÉMOIRE
DE RIOiM;
Dame
A n to inette
du sieur
B R U N ,
G u illa u m e
V E RNIETTE,
ve u ve, en premières noces,
B U J A D O U X ,
et sieur
J oseph
son second m ar i, marchands, ha-
b it a ns de la ville de C l e r m o n t , appelans ;
CONTRE
L e s sieurs A
n e
nt
et
M ic h e l
B O N H O U R S , dame
B O N H O U R S et sieur J e a n - B a p t i s t e
C E L M E son m ari, et le sieu r Lo u is B O N H O U R S ,
A n ne
tuteur lég a l de ses enfans m ineurs, tous proprié
taires, habitans de Clerm ont, partie de Montf errand,
Intimés.
P
armi
■- J
I re
•
les droits accordés par la loi civile à l ’homme
social, un des plus respectables est celui de trans
mettre son patrimoine à un héritier de son choix.
C hez tous les peuples, les législateurs ont protégé
l ’exercice de ce droit sacré qui nous f a i t , en quelque
sorte, revivre dans la personne dont les affections et
il |
'■
»!
'
POUR
M1
CHAMBRE.
f:
�les services ont mérité un dernier témoignage de nos
souvenirs et de notre reconnaissance.
Mais il est rare que les efforts de l ’intérêt privé ne
cherchent pas à. anéantir les dernières volontés d ’ un
testateur. Pou r tâcher d ’y parvenir, les collatéraux ne
manque nt pas de prétextes-, l ’homme q u ’ils ont oublié
pendant sa vie leur parait inju ste, s i, à sa m o rt, il les
oublie lui- même, s’il gratifie ceux q u i , dans tous les
instans de sa vie , lui ont consacré leurs soins, et q u i ,
pour embellir son existepce ou la soulager dans les
tristes années d ’une vieillesse infirme, n ’ont épargné ni
voyages, ni veilles, ni dépenses.
C ette cause présente un nouvel exemple de ces ten
tatives hasardées, contre sa propre conviction, par l ’es
prit de cupidité qui se laisse bercer de l ’espoir q u ’il
de vra , peut-être à l ’err eu r,
justice éclairée l u i refuserait.
une hérédité q u ’une
L e sieur B run a légué, par un testament olographe,
toute sa fortune à la dame V e r n ie t t e , sa sœur.
T o u t devait faire prévoir cette disposition.
U n e amitié toute particulière unissait le frère et la
sœur ;
C e l l e - c i avait recueilli dans sa maison un frère
infir me, qui avait quitté Paris pour être entouré des
secours d ’une sœur chérie. L à lui avaient été prodigués
les soins les plus m in u t ie u x , et tous les soulagemens
que des infirmités peuvent trouver dans les ressources
de l ’a r t , dans les attentions délicates des sentimens
fraternels;
11 ne voyait jamais les enfans Bonhours, qui sont
�ses neveux, il est vrai, mais dont il disait avoir depuis
long-tems à se plaindre.
L e sieur Brun a tracé, dans l ’écrit qui contient ses
de rnières volontés, des dispositions que son cœur lui
avait dictées; et son testament est tout à-la-fois un
monument d ’affection fraternelle et de gratitude.
Co mm en t pourrait-il être sérieusement critiqué?
Aussi dans l ’embarras où ils se tr ouv en t, les enfans
Bonhours qui attaquent le te st am en t, tantôt sou
tiennent q u ’il n ’est pas l ’oeuvre de la main du défu n t,
tantôt prétendent q u ’il n’est pas celle d ’un esprit sain
et intelligent; n'hésitant pas ainsi, pour se procurer
un succès illégitime, ou à accuser d ’ un faux la dame
Verniette, leur ta n te, ou à flétrir, par la supposition
de la démence, la mémoire de l ’oncle dont ils veulent
envahir la fortune.
Ces argumens, qui se détruisent l ’ un l ’autre par
une choquante contradiction, en les isolant même,
seront faciles à combattre.
^
Déjà une vérification par experts a fait justice de
l ’une de ces déplorables objections.
U n e preuve par témoins, en réduisant l ’autre à sa
vraie valeur, démontrera aussi qu'une volonté cons
tante et éclairée avait préparé, et a consommé les
bienfaits que le testateur s’est plu à répandre sur une
sœur q u ’il chérissait spécialement.
FAITS.
L e sieur Michel B r u n , dont le testa men t a donné
�lieu au procès, avait habité Paris pendant trente ans
environ.
D u r a n t cette longue absence, il n ’avait conservé de
relations intimes q u ’avec la dame Antoinette Brun sa
sœ ¡r, épouse du sieur Verniette, négociant à Glermont.
Il avait cependant une autre sœur, la dame Mich lie
B r u n , qui demeurait à Montferrand, où elle s’était
mariée avec le sieur Bonhours; mais les rapports du
sieur Brun avec cette sœur et avec l^-s Bonhours étaient
nuls ou peu agréables; il éprouvait même pour eux
une sorte d ’éloignement dont il est inutile de recher
cher les causes, mais q u ’il a manifesté dans plusieurs
circonstances.
Au contraire, il avait toujours existé entre lui et la
dame Yer niette une amitié v i v e , q u ’avait entretenue
un échange mutu el de soins, de services et d ’attentions,
et qui engageait le sieur B r u n à faire de tems en teins
■des voyages à C le :m o n t pour revoir sa sœur et pour
passer quelques semaines auprès d ’elle.
Dès 1802, il avait entrepris la commission à Paris-,
et souvent il envoyait à Glermont des marchandises de
diverses sortes. Sa sœur Antoinette lui procurait des
demandes 5 il la chargeait aussi de ses recouvremens.
Ces rapports d ’affaires ajoutaient à leur i n t im it é , et
line correspondance suivie existait entr’eux.
C ett e correspondance est établie par une foule de
lettres qui attestent aussi les sentimens affectueux du
frère envers la sœur; elle n ’a cessé q u ’en octobre 1823,
au moment oii le sieur Br un a quitté Paris pour venir
�habiter auprès et dans la maison même de la dame '
Verniette.
E n i 8 o 5 , il désira être parrain d ’une fille de sa sœur,
alors épouse du sieur Bujadoux; il fit , dans ce b u t , le
voyage de C le r m o n t , logea chez sa sœur, et passa deux
mois auprès d ’elle, sans autre table que la sienne.
E n 1809, il voulut goûter les plaisirs des vendanges
auprès de sa sœur; il occupa chez elle les mêmes appartemens que dans ses précédens voyages, fut traité de
la même manière, et ne la q u i t t a , elle et sa famille,
q u ’avec regret, lorsque ses affaires ne lui permirent
plus de prolonger son séjour. C e fut dans cette circons
tance, que le frère et la sœur se donnèrent réciproque
ment leur portrait.
.
Il serait superflu de parler des différens autres
voyages. Mais 011 ne doit pas passer sous silence celui
que fitle si eurB run, en 1 8 1 7 , q u ’avait rendu nécessaire
la mort de son père, et lors duquel eut lieu le partage
des biens de la famille.
Ces biens étaient situés à Montferrand , ce qui obli
geait M. Brun de se rendre fréquemment dans cette
ville où demeuraient les Bonhours. Cependant jamais
il n ’a couché chez eux; et lorsqu’il s'était vu dans la
nécessité de passer la journée à Montferrand, le soir il
revenait chez sa sœur Antoinette Brun, à Clermont.
L e sieur Brun avait souvent pressé la dame Verniette
de venir le voir à Paris. C elle -c i, mère de famille et
mar chande, n ’avait pu se rendre a son invitation.
Mai s, en février 18 22 , elle apprend que son frère
est malade. Alors l ’affection re m po rte , elle abandonne
�( 6 )
son ménage, son commerce, et va passer auprès de son
frère deux mois q u ’elle consacre à l ’entourer de ses
services. Ce n ’est que lorsqu’elle l ’a rendu à la santé,
q u ’elle quitte Paris pour revenir auprès de sa famille.
Cependant
plusieurs banqueroutes éprouvées par
le sieur Br un pendant l ’année 1 8 2 2 , lui causent des
chagrins qui bientôt altèrent encore sa santé-, des soins
cons'ans lui deviennent nécessaires. Il sent le besoin
de ne pas être livré à. des services mercenaires , e t ,
par une lettre écriteMe 9 février 1823 au sieur Jarton
aînéj marchand à Clermont^ il le prie de déterminer
une des filles de la dame Ve rnie tte , la demoiselle
Amélie Bujadoux sa filleule, à se rendre auprès de lui.
C elle -ci,
qui entrait alors comme novice dans la
communauté des Urs ulines , ne put se rendre auprès
de son oncle; mais elle fut remplacée par sa sœur ainée,
la demoiselle Agathe Bujadoux, q u i a prodigué pendant
plusieurs mois au sieur B r u n tous les services que son
état pouvait exiger.
Indisposée elle-même, et voyant son oncle en conva
lescence ,
la demoiselle Agathe revint auprès de sa
mère en juillet 1823.
L e sieur B run resta encore plusieurs mois à Pari s;
mais sa santé étant chancelante, et ses infirmités p a
raissant s’accroître, il vo ulut quitter les affaires et
venir se fixer à Clermont auprès de sa sœur.
A lo rs , pour se conformer aux désirs prcssans q u ’il
manifesta par plusieurs lettres écrites en octobre 1823,
le sieur Ve rniette son beau-frère alla le chercher.
A v an t de q uit te r Paris, il mit dans ses affaires lo
�( 7 )
'ìS V
plus grand ordre; il résilia le bail de son logement,
régla ses comptes avec ses commis, donna sa procuration
à un notaire de Paris, acheta une v o i tu r e , fit marché
avec un voiturier de Marvejols, et, voyageant à petites
journées, arriva à Clermont le 2 novembre, accom
pagné de son beau-frère Y e r n ie t te , chez lequel il alla
loger, suivant son usage,N.et dans la maison duquel il
est resté jusqu’à son décès.
Les jours qui suivirent l ’arrivée du sieur B run
furent employés par lui à rendre des visites à ses amis,
à régler différens comptes avec ses commettans, et à
quelques autres affaires.
L e i 5 novembre, il acheta divers objets à son usage;
le 1 7 , il acquitta de sa propre main une facture du
sieur Leg oy t et en signa l ’acquit (1).
L e 20 novembre, il fit le testament olographe, dont
les enfans Bonhours demandent la nullité.
C e testament est court; mais il contient tout ce qui
est nécessaire pour sa validité. L e içodèle en avait été
demandé à un jurisconsulte de Clermont. En voici les
termes :
« Ceci est mon testament^: »
« J’institue
mon
« Antoinette Br un.
héritière
universelle
ma sœur
A C le n n o n t-F erran d , le vingt
h novembre mil huit cent vingt-trois.
Signe Brun
« Michel. »
Depuis comme avant ce testament, le sieur Br un
a continué de sortir, le plus souvent seul; de visiter
(1) On rapporte cette facture et son acquit.
'
*
�ses amis; de diner chez eux ; de vaquer librement à
ses différentes affaires; enfin d ’agir et de parler comme
un homme qui jouit de toutes ses facultés morales.
Il donna notamme nt, le 4 février 1824? au sieur
Verniette une procuration qui fut reçue par le sieur
A s t a i x , notaire à C le r m o n t ,
et qui autorisait son
fondé de pouvoirs à traiter avee un sieur M alhie r ,
dont il avait été l ’associé à Paris.
C ’est seulement peu de mois avant sa m o r t , que,
son mal s’aggravant, il a cessé de sortir de la maison
de la dame V e r n ie t t e , où il occupait l ’appartement le
plus commode.
L e sieur Brun est décédé le 20 octobre 1824, laissant
à la dame Verniette une fortune modique , il est v r a i ,
mais précieuse pour elle, comme un gage del à tendresse
de son frère.
Telle est l ’analyse fidèle des faits qui ont précédé la
contestation actuelle.
L e testament fut présenté le 3 o octobre p a r M ' F a b r e /
notaire à Cle rm ont, au président du tribunal civil, L a
description en fut faite, et le dépôt ordonné entre les
mains du même notaire^, e t , par une ordonnance du
3 décembre su iv ant, la dame Verniette fut envoyée
en possession des biens de l ’ hérédité.
Cependant la famille Bonhours annonce bientôt des
projets hostiles.
L e i 5 janvier 1825, un conseil de famille est réuni
pour en obtenir une autorisation afin d ’agir en partage
de la succession de l ’oncle.
C e conseil de famille, dans la délibération d u q u e l il
�(
9
)
n ’est pas parlé du testament olographe, autorise l ’ac
tion en partage, quoique l ’un des parens, un oncle
maternel, refuse son consentement, la demande ne lui
paraissant pas fondée.
Alors, et par exploit du 4 février 1825, fut intro
duite l ’instance.
L a dame Verniette fit notifier le testament.
Les enfans Bonhours déclarèrent n ’en pas connaître
l ’écriture et la signature, et formèrent opposition à
l ’ordonnance d ’envoi en possession. Us alléguèrent aussi
que le sieur Brun ét ait, bien long-tems avant la date
du testament, dans un état d ’imbécillité et de démence,
qui ne lui aurait pas permis d ’exercer une volonté libre
et éclairée.
U n ju gem ent, du 3 décembre 182!}, ordonna une
vérification,
Imberl
et
ancien
nomma,
avoué,
pour experts,
Bonjour et
Cavy,
les
sieurs
tous les.
deux notaires l ’un aux Martres-de-Veyre , l ’autre à
Clermont.
L e choix de ces trois experts,
aussi habiles que
prudens, semblait devoir offrir la plus forte garantie
aux inquiétudes des parties et à la sollicitude de la
justice. O11 verra cependant q u ’ il n ’en a pas été jugé
ainsi.
Cependant des pièces de comparaison furent pré
sentées; les unes étaient authentiques, les autres sous
seing-privé.
Parmi les pièces autlientiques, la seule qui fut ré
cente, était la procuration du 4 février 1824, dont
nous avons déjà parlé, comme postérieure au testa
�ment.
C ett e
pièce
fut
présentée
par
les
enfans
Bonhours.
Les actes sous seing-privé consistaient principalement
en lettres écrites à diverses époques par le sieur Br un.
Les enfans Bonhours en présentèrent quatre dont
les dates étaient anciennes; la plus récente était an
térieure de près de quatre années au décès du sieur
Brun.
L a dame Yerniette consentit à les admettre pour
pièces de comparaison, mais à condition q u ’on a d
mettrait aussi beaucoup de lettres q u ’elle produisit
elle-même, et sur-tout celles qui étaient les plus rap
prochées de l ’époque du testament.
Il en fut autrement. Les plus rapprochées, c ’est-àdire les plus propres k éclairer les experts et la justice
furent rejetées par les Bonhours, qui ne pouvaient se
dissimuler le d a n g e r , p o u r e u x , de la comparaison de
ces écrits récens avec l ’écriture du testament.
Cependant les experts procèdent à la vérification
qui leur était confiée.
Dans leur procès-verbal ils transcrivent les dires des
parties. C eux des époux Verniet te rappellent en subs
tance les faits que nous venons d ’exposer, et la preuve
en est offerte.
Il est ajouté q u e , « s’il existe quelque différence
« entre les écritures et signatures du sieur Brun , cela
« ne peut provenir que des attaques et des maladies
« q u ’il a éprouvées; ce qui est établi dans différentes
« lettres q u ’ il a écrites à plusieurs personnes, dans
« lesquelles il leur dit q u ’il a la main tremblante, et
�(
11
)
« q u ’il n ’écrit q u ’avec beaucoup de peine et de diffi« culté. »
A l ’appui de leurs observations, les époux Vernielte
présentent aux experts plusieurs lettres et une facture
acquittée par le d é f u n t , trois jours avant la date du
testament.
Mais les experts-vérificateurs ne crurent pas devoir
faire usage de ces nouvelles pièces; et se fixant seule
ment sur les pièces adoptées dans le procès-verbal du
commissaire, les rapprochant de la pièce désignée, se
liv ra nt, d ’abord chacun à part soi, à l ’examen le plus
scrupuleux,
s étant ensuite com m uniqué leurs ré
f le x i o n s , ils s ’exprim ent ainsi :
« Nous avons remarqué que la physionomie qui
« résulte de l ’assemblage des caractères du testament
« s’éloigne de celle q u ’offre la contexture des onze
« lettres missives co m p ar ées.' C e p en d an t, en descen« dant dans les détails de la comparaison, on est
« obligé dé reconnaître que la conform ation de beau« coup de mots entiers et de chaque ca ra ctère, pris
« isolément de la pièce indiquée, est très-ressemblante
« à celle des mots semblables et des caractères isolés
« des lettres missives; et q u ’ainsi la différence de phy« sionornie des caractères paraît provenir de ce que
« celle de la pièce déniée a été exécutée avec pesanteur
« et d iffic u lté , tandis que celle des lettres missives
« annonce une plus grande facilité d ’exécution. »
Cet te explica Lion des experts paraîtra foit naturelle^
si l ’on considère que la plupart des lettres missives
étalonL anciennes, et q u ’elles étaient loutes antérieures
�aux attaques et aux maladies qui avaient causé à la
main du sieur B run cette pesanteur et cette difficulté
d ’exécution dont parlent les experts.
Ces hommes de l ’art eussent trouvé plus d ’identité
dans la physionomie, s’ils eussent pu employer, comme
pièces de comparaison, des lettres plus récentes, et
l ’acquit
écrit de la main du sieur Brun l u i - m ê m e ,
le 17 novembre 1 8 23, sur une facture due par le sieur
Lego yt .
Les experts considèrent ensuite les actes aut he n
tiques qui ne leur présentaient que des signatures
isolées et déjà anciennes. L e jplus grand nombre de
ces signatures remontaient à l ’an 1 2 , à l ’an i 3 *et à
l ’an 14 (1804? i 8 o 5 , 18 0 6 ) ; quelques-unes à 1 8 1 8 ;
une seule au 4 février 1 8 2 4 , c ’est-à-dire à une époque
rapprochée de celle du testament , qui est du 20
novembre mil h u it cent vingt-trois.
Les anciennes
signatures
paraissent aux
experts
présenter peu de similitude avec celle de la pièce déniée.
Mais la signature de la procuration reçue A s t a i x ,
notaire, le 4 février 1 8 2 4 , frappe particulièrement
leur attention.
« E lle s’éloigne,
disent-ils,
du caractère de la
« signature ordinaire du sieur B r u n ; mais 011 ne peut
« se refuser à lui trouver une grande ressemblance
« avec celle du testament; et les experts ne doutent
« pas qu e lles aient é té produites toutes d e u x p a r la
« même main. »'
Quo i de plus décisif q u ’ une telle opinion, fondée sur
un acte a u t h e n t i q u e q u ’avaient présenté les Bonh ou rs
�( i3 )
eux-mêmes comme pièce (le cQmparaison, et qui a été
fait presqu’à l ’époque tlu testament, c ’est-à-dire dans
un tems où le testateur était dans le même état p h y
sique, et éprouvait, pour écrire, la même pesanteur
de la main et la même difficulté d ’exécution, effet des
maladies q u ’il avait essuyées.
Les experts descendent ensuite dans des recherches
soigneuses sur la conformation de chaque lettr e, soit
du testament, soit de la.signature; et, comparant cette
conformation* à celle des lettres de la signature de la
procuration et même des caractères et des mots sem
blables q u ’ils aperçoivent dans les lettres missives, ils
démontrent que la même main a dù tracer ces différens
écrits.
Nous ne les suivrons pas dans des détails q u ’il serait
trop long même d ’analyser, mais qui prouvent avec
quelle exactitude, avec quel scrupule les experts se sont
acquittés du mandat que leur avait donné la justice.
Nous nous bornerons à transcrire le résumé de leur
avis. Il est ainsi conçu :
n
« Par suite de l ’examen et des observations qui
« précèdent, les experts ont formé leur opinion et
« déclaré, à Vunanim ité, q u ’il demeure évident pour
« eux que l ’acte soumis à leur vérification a etc écrit
« et signé de la même main qui a tracé les caractères
« de comparaison. »
L e résultat d ’ une telle vérification devait, il semble,
ne laisser aucune ressource aux tracasseries.
Mais les enfans Bonhours ne se découragèrent pas;
ils critiquèrent le procès-verbal des experts, et deman-
�dèrent mie nouvelle vérification 5 subsidiairement ils
offriient la preuve de diverses allégations hasardées,
par lesquelles ils prétendaient que le sieur Br un avait
.toujours vécu en bonne intelligence avec son beau- frère
et ses neveux Bonhours; q u ’étaiit tombé malade, à la
fin de 1823, le sieur Verniette alla le chercher à Paris,
et le conduisit à C le rm o u t; que depuis cette époque,
la dame Ver niette avait fait tout ce qui était en son
pouvoir pour éloigner de lui le père Bonhours et ses
enfans; que la plupart du tems, lorsqu’ils venaient le
voir, ils étaient repoussés avec rudesse sans être admis;
Qu e la dame Verniette le tenait en charte privée
pour empêcher, autant q u ’il était en elle, q u ’il eut
des communications avec ses parens et amis;
Que souvent elle le m altrait ait ,
et q u ’il en faisait
ses plaintes à ceux qui pouvaient l ’aborder;
E n f i n q u ’il avait f ré q u e m m e n t des attaques q ui lui
faisaient perdre connaissance, et qui l ’avaient réduit à
un état d ’imbécillité.
On ne fixait pas d ’ailleurs l ’époque à laquelle avait
commencé cet état d ’imbécillité.
Ces faits n ’étaient ni vrais ni vraisemblables, ni
pertinens. C ’est ce que démontra la dame Verniette
en demandant l ’ homologation du rapport des experts.
I,a cause portée h l ’audience,
le t r ib u n a l , par un
jugement du 23 avril 1 8 2 7 , n ’admit pas la preuve
offerte; mais par de longs considérans, déduits n o
t a m m e n t , de la faculté q u ’avaient les juges de 11e pas
adopter l ’opinion des experts, q u i , dans ces matières,
n ’est que conjecturale; du laconisme du testament qui
�( i5 )
lui parut prêter aux soupçons; de la circonstance que
la physionomie du testament s’éloignait de celle des
lettres missives; de celle q u ’à la signature du testament
était ajouté le mot M ic h e l 3 qui ne se trouvait pas dans
les autres signatures; de la différence que le tribunal
crut remarquer entre Vn finale de la signature du tes
tament et celle de la procuration ; enfin et sur-tout de la
surcharge du mot vin g t dans la date du testament; par
ces divers motifs, le tribunal ordonna une nouvelle véri
fication, en la confiant à MM. Hugues, C a il h eet Murât.
Ces experts furent chargés de s’expliquer sur les
surcharges qui existent dans le testament, notamment
sur le mot v in g t, et sur la date qui y existait avant;
d ’examiner si le mot vingt avait été tracé par la même
main qui avait écrit et signé le testament; de peser
enfin dans leur sagesse les doutes que pouvaient faire
naître les réflexions
énoncées
dans les motifs
du
jugement.
C e jugement se mb lait, par ses motifs au moins,
indiquer aux experts l ’avis q u ’ils avaient à exprimer; et
q u o iq u ’il réservât aux parties tous leurs moyens de fait
et de droit, sa rédaction présentait des singularités qui
devaient nécessairement faire éprouver quelque em
barras aux
personnes chargées de la nouvelle vén-
fiication.
On pouvait s’étonner aussi de ce que les Bonhours
n ’avaient pas été soumis à avancer les Irais de celle
seconde opération q u ’ils avaient demandée.
L a dame Verniette a interjeté appel de ce jugement.
Devant la cour, la dame Verniette a demandé l ’homo-
�logation du procès-verbal de vérification, et a renou
v e l é , subsidiairement, l'offre de la preuve des faits
q u ’elle avait consignés dans le rapport des experts.
Les Bonhours, en concluant à la confirmation du
ju gem ent, ont offert, aussi subsidiairement, la preuve
des mêmes faits q u ’ils avaient présentés eu première
instance.
L a C o u r a rendu , le i 5 juillet 1829, un arrêt ainsi
concu
«» :
« At te n du q u e , d ’après la nature de l ’affaire et les
« circonstances qui s’y rattachent, il ne peut q u ’être
« utile pour la découverte de la vérité, de corroborer
« l ’existence du testament dont il s’agit par des preuves
« testimoniales; que cette marche est admissible, soit
« dans l ’e s p r i t , soit dans la lettre de la législation
« romaine et de la législation du code civil,
« P a r ces m o t i f s ,
« L a C o u r , sans préjudice des fins et moyens, tant
« de fait que de d r o i t, qui demeurent réserves aux
h
parties sur le fonds, ordonne, avant de faire d r o i t ,
« q u e , dans le mois, à compter de la signification du
« présent arrê t, faite à avoué en la C o u r , les parties
« d ’ All em and feront preuve, tant par titres que par
« témoins, par-devant M, V e r n y , conseiller-auditeur,
« commis à cet effet:
« i° Que lu dame Verniette et ses filles ont soigné
u le sieur B r u n , tant à Paris q u ’à C l e r m o n t , pendant*
« les dernières années de sa vie, dans les maladies quo
« celui-ci a essuyées, ou à raison de scs infirmités;
« 20 Qu e le sieur Br u n , voulant venir se fixer à Cler»
�(
*7
)
« mont à la fin de 1823, invita le sieur Verniette à
/
« le venir chercher à Paris; et que le sieur Verniette,
« cédant à cette invitation, se rendit effectivement à
« Paris et revint à Clermont avec le sieur B r u n , qui,
« depuis, ju sq u’à son décès, a continuellement habité
« avec les époux Vern iette;
« 3 ° Qu e le sieur B r u n , depuis son arrivée à Cler« mont jusq u’à son décès, a reçu et rendu de nom« breuses visites et est allé dîner plusieurs fois chez
« des personnes avec qui il avait eu d ’anciennes rela« tions; que, d ’ailleurs, il sortait fréquemment, soit
« pour se promener, soit pour voir ses amis;
« 4°. Q u ’il a souvent exprimé à diverses personnes
« son affection particulière et sa reconnaissance pour
« la dame Verniette sa sœur, ainsi que sa volonté de
« lui laisser toute sa fortune ;
« 5 ° Que lorsque son testament eut été fait, ce
« testament a été présenté à des jurisconsultes, pour
« savoir s’il était régulier;
« Q u e , depuis la date de ce testament, le sieur
« Br un a déclaré plusieurs fois q u ’il avait donné toute
« sa fortune à la dame Ve rnie tte , sa sœur;
« S a u f aux parties de Godemel toute preuve con« traire, dans le même délai et par-devant le même
« commissaire, dépens réservés. »
Comm e 011 le v o i t , la C o u r a ordonne la picuve
offerte par la dame V e r n ie i le ; elle l ’a ordonnée parceq u ’elle l ’a considérée, non peut-être comme rigoureu
sement nécessaire, mais comme utile pour corroborer
V existence de testam ent; elle l ’a ordonnée en autoriT+
0
�sant seulement lesBonhours à faire la preuve contraire.
L ’on verra bientôt que tous les faits articules ont été
prouvés par la dame Ver niette , et que certains de ces
faits sont établis même par la preuve contraire, dont la
plupart des dépositions, d ’ailleurs, roulent seulement
sur de vagues propos ou sur des points non interloqués.
Mais, avant d ’entrer dans l ’exposé de ces preuves
orales, fixons-nous sur celles qui résultent de la vér i
fication de l ’écriture du testament.
DISCUSSION.
S I.
E x a m e n du rapport des experts.
Nous l ’avons dit en commençant : le rapport des
experts était aussi satisfaisant que décisif. 11 était
l ’ouvrage d ’hommes aussi éclairés que soigneux, et que
leur sévère impartialité a toujours désignés à la confiance
des tribunaux. Il a été le résultat de l ’examen le plus
m in u t ie u x , qui s’est fixé sur chaque m o t , sur chaque
lettre de la pièce déniée, pour les comparer aux mêmes
m ots , aux mêmes lettres que présentaient les pièces
reconnues.
Les experts n’ont épargné ni soins ni peines pour la
découverte de la vér ité; et leurs recherches les ont
conduits à déclarer, h l ’u n a n im ité, q u ’il demeurait
évident p o u r e u x que l ’acte soumis à leur vérification
avait été écrit de la même main qui avait tracé les
caractères de comparaison.
C e l t e opinion si positive, appuyée sur de nom
breuses et de puissantes raisons, dev rait, il sem b l o ,
�( *9 )
nous dispenser de combatiré en détail les argumens
des Bonhours.
Mais discutons-les rapidement.
L a physionomie de l ’assemblage des caractères du
t
testament s’éloigue, d i t - o n , de celle q u ’offre la con
texture des lettres missives;
L a signature du testament ne ressemble pas à celle
des pièces produites, si ce n ’est à celle de la procuration;
L a lettre n de la signature de la procuration diffère
de la même lettre dans le testament;
L e mot M ic h e l, ajouté à la signature du testament,
ne se trouve pas aux autres signatures;
Les
experts
n’ont
pas parlé des surcharges , et
notamment de celle du mot vingt ;
Enfin le laconisme du testament est frappant.
Telles sont les objections proposées. Reprenons-les.
L a différence dans la physionomie des écrits n ’est
pas un moyen sérieux. Les experts nous en expliquent
la cause; elle provient, disent-ils, de ce que l ’écriture
de la pièce déniée a été exécutée avec pesanteur et
difficulté, tandis que celle des lettres missives annonce
une plus grande facilité d ’exécution.
On pourrait ajouter que tous les jours l ’on remarque
quelque différence de physionomie dans les écritures
faites en divers tems, quoique par la même personne.
E l l e est produite par le changement de plume, d ’encre,
de disposition dans la m ai n , de soin dans celui q ui
écrit, de largeur ou de longueur donnée aux caractères
suivant le caprice de l ’écrivain.
Aussi tousles homuiesde l ’a r t , appelés à comparer des
�écrits, s’attachent-ils moins à la physionomie générale
q u ’à la conformation de chaque mot et cle chaque lettre.
C ’est ce q u ’ont fait les experts. Ils ont comparé
aux mots du testament une très-grande quantité de
mots semblables, pris dans les pièces de comparaison ;
et ils se sont convaincus, ainsi q u ’ils le déclarent,
d ’après la très-grande ressemblance, soit des caractères
isolés, soit de mots entiers, que la même main avait
écrit la pièce déniée et les pièces reconnues.
E n général, les lettres missives sont d ’une écriture
très-fine, et celle du testament est assez grosse. C ’est
une des principales causes de la différence des physio
nomies. C ett e différence n ’existe pas entre le testament
et l ’acquit écrit et signé, le 17 novembre 1 8 2 3 , par le
sieur B r u n , sur la facture du sieur L egoyt ; pièce qui
n ’est pas suspecte et dont parle un des témoins.
M a is, ajo ui e- t- on , parmi les signatures des pièces
de comparaison, il n ’y a que celle de la procuration de
1 8 2 4 , qui soit semblable à la signature du testament.
O n répondra q u ’il suffit de rapprocher toutes ces
signatures pour reconnaître que la dissemblance n ’est
pas réelle, et que, si elle est un peu apparente d'abord,
c ’es t,
comme nous l ’avons déjà d i t ,
à raison de la
finesse de la plume qui a tracé les signatures des pièces
de comparaison.
Aussi la dissemblance est d ’autant moins grande
que les signatures sont plus grosses. Par exemple, si
l ’on rapproche la signature du testament de celle d ’un
acte au t he n tiq u e , passé le 4 brumaire an 1 4 , devant
Gorse, notaire, on leur trouvera beaucoup d ’analogie.
�( 21 )
Toutes les diverses signatures indiquent, d ’ailleurs,
les mêmes mouvemens et les mêmes habitudes dans la
main qui a écrit.
A u reste,
n ’y eût-il même que la signature de la
procuration de 1 8 2 4 ,
qui fût conforme à celle du
testament,, ne suffirait-elle pas pour établir le mérite
de la pièce déniée? Ces deux actes, faits à deux époques
très-rapprochées, signés l ’ un et l ’autre en caractères un
peu gros, revêtus de signatures identiques, et annonçant
l ’un comme l ’autre de la pesanteur et de la difficulté
d'exécution dans la main, ces deux actes ne doivent-ils
pas se servir mutuellement de contrôle? E t si , comme
on ne saurait le contester, la signature de la procu
ration est vraie, comment pourrait-on douter de la
sincérité de celle du testament? ce n ’est pas au nombre
des pièces de comparaison, que l ’on doit s’arrêter dans
de telles vérifications. C ’est la nature de ces pièces,
c ’est le rapprochement de leurs dates avec celle de la
pièce déniée; ce sont enfin les dispositions physiques
où se trouvait le signataire, que l ’on doit sur-tout
* considérer, afin de reconnaître si la même main a réelle
ment tracé les diverses signatures.
Il serait superflu de se fixer sur u ne remarque faite
par les premiers juges; elle consiste en ce qu à la signa
ture
Brun
, le bas du dernier jambage de 1’« n ’est pas
abso lume nt le même dans les deux actes.
C ette différence, qui est fort légère, avait été aussi
remarquée par les experts; mais elle ne leur avait paru
digne d ’aucuneconsidération. Si les Bonhours l ’ont rele
vée,
c’est q u ’ils ont senti le besoin de faire valoir, même
�les plus futiles objections. Nous nous contenterons d ’y
répondre par une observation générale que f o n t, à ce
s u je t, les experts, et q u ’ ils appliquent en même lems
aux paraphes.
Voici leurs expressions :
« C ett e circonstance nous donne l ’occasion de rap« peler que la signature du sieur B r u n , soit dans le
« corps de l ’écriture, soit pour son paraphe, présente
« cles variations sensibles dans les lettres missives et
« dans les actes q u i nous ont é té présentés. »
Observation des plus justes,
et que l ’expérience
confirme tous les jours.
Q u e l ’on compare, en effet., de nombreuses signa
tures de q ui que ce soit, faites, sur-tout^ à des époques
différentes, on y trouver a, si l ’on v e u t , des caractères
généraux de ressemblance; mais si on les examine avec
trop de scrupule , on remarquera entre toutes des
différences sensibles, auxquelles pourraient s’appliquer,
et avec plus de force m êm e , les minutieuses critiques
employées par les Bonhours contre le testament du
sieur Brun.
L ’addition du prénom M ic h e l à la signature Br un
fournit aussi un argument aux Bonhours.
Mais que peut-on en conclure, si, comme les experts
l ’ont reconnu, le mot M ic h e l est écrit de la main du
d éfunt? lors même que le mot serait i n u t i l e ,
son
addition pourrait-elle nuire à la validité de l ’acte?
qui ne connaît la maxime : Quœ superabundant non
n ocen t? Q u ’on le supprime, si l ’on v e u t , le testament
u’eu sera pas moins valable,
�Mais , dira-t-on , le sieur Brun n ’était pas dans
l'usage de l ’ajouter à sa signature.
Q u ’importe? cette précaution annonce l ’importance
q u ’il attachait à son testament^ et le désir q u ’il avait
de ne laisser aucune équivoque sur la personne du
testateur. C a r le prénom M ic h e l devait aider à le faire
distinguer de toutes les autres personnes qui pouvaient
porter le nom de Brun.
Quelques surcharges dans le testament ont aussi
fixé l ’attention des premiers juges. Ils se sont plaints de
ce que les experts n’en avaient pas parlé.
L e silence des experts, à cet égard, prouve seulement
q u ’ils n ’ont pas pensé q u ’on dùl y attacher la moindre
importance. De légères surcharges, qui ne sont même
apparentes que sur le mot vingt de la da te , devaient
d ’autant moins fixer leur attention que la date était
très-facile à lire. Les experts, d ’ailleurs, ont fait tout
ce q u ’ils étaient chargés de faire; ils se sont assurés, et
ils ont déclaré que le testament entier, et par consé
quent le mot v in g t, un peu surchargé, étaient, comme
les autres, écrits de la main du défunt. Ils s’en sont
assurés par la vérification la plus détaillée et la plus
soigneuse. E n comparant, lettres par lettres, les mots
du testament aux mots des pièces de comparaison, a
ceux des lettres missives notamment, ils leur ont trouvé
une parfaite similitude; en sorte que les lettres de la
pièce déniée leu r ont p a r u , dis en t-i ls, porte/ / emp rein le du caractère habituel et involontaire (¡ne donne
la disposition des organes appliqués à l ’écriture. De
quelle conséquence, d ’après cela, pouvait être l ’appa-
�rence d ’ une surcharge? Pouvait-elle nuire à la validité
de la date? personne n ’ignore le contraire. On sait
que les règles de la loi du 25 ventôse an n ,
sur
les surcharges, ne sont pas applicables aux testamens
olographes.
« L a surcharge de la d a t e , non approuvée dans un
« testament olôgraphe, dit M. T o u ll i e r , n ’est pas un
« moyen de n u l l it é , s i , d ’ailleurs, la date est fixe
( D r o i t civil français, tome 6 , n° 3 6 7 ) .
C ’est aussi c e ’ que j u g e , en thèse, un arrêt de
cassation, du 11 juin 1 8 1 0 , rapporté dans tous les
recueils de jurisprudence (1).
Mais, a-t-on d it , le mot vin g t surchargé paraissait
couvrir le mot d e u x , q u i , se rapportant au mois de
novembre, serait précisément le jour de l ’arrivée du
sieur B run à C le r m o n t ; or, ajoute- t- on , il n ’est pas
présumable q u ’il se fût o c c u p é , ce j o u r - l à , de son
testament.
Ainsi on croit voir, c’est-à-dire on présume que le
mot d e u x a été remplacé par le mot 'vingt.
On présume aussi q u e , le jour de son arrivée de
P a r i s , le sieur Br un n ’a pas dû s’occuper de son testa
m e n t; et c’est en réunissant deux futiles présomptions,
q u ’on s’efforce de jeter de l ’ incertitude sur un seul
mot d ’ une date q ui cependant est très-fixe et très-facile
k lire. — Pitoyable argutie , q ui ne mériterait pas
même q u ’on la discutât!
A u reste, en examinant avec attention le mot sur-
(1) V . le Journal de Dcnevers, 8, i, 370, cl celui <le Sirey, io, 1 , 389.
�(
)
chargé, rien n ’est moins apparent mie la substitution
du mot vingt au mot d e u x . La surcharge parait plutôt
provenir de ce que le mot vingt ayant été d ’abord impar
faitement tracé, soit parle défaut delà plu m e, soit-par
toute autre cause, le testateur, en voulant réparer
cette imperfection , a surchargé les traits et appuyé
davantage sa plume, ce qui a noirci la teinte.
D ’ailleurs, c’est évidemment lamême plume, la même
encre, la même main qui ont écrit et cette surcharge
et le surplus du testament. C ’est ce que prouve l ’inspeclion de la pièce; c ’est ce qui résulte aussi du rap
port des experts, qui ont reconnu que tout avait été
écrit par l ’auteur des diverses pièces de comparaison;
c ’est même ce que démontre la plus simple réflexion.
C a r ne .serait-il pas absurde de présumer q u e , de tous
les mots qui composent le testament, un seul eut été
écrit d ’une main étrangère*!
Mais supposons même que le testateur eut d ’abord
écrit le mot d e u x , et q u ’il y eût, ensuite, substitué le
mot v in g t; quelle conséquence pourrait-on en tirer?
L e testament en serait-il moins valable? Le testateur
n ’était-il pas libre, n ’était-il pas capable de disposer,
le d e u x novembre, comme le vingt du même mois?
N ’avait-il pas aussi pu donner à sa disposition telle
date ou telle autre? ne se pourrait-il pas aussi q u ’il
ne l ’eut consommée par sa signature que le jour même
indiqué par la dernière date, surchargée ou non? Quelle
influence cela pourrait-il
avoir sur la validité du
testament? Portât-il même les deux dates du d e u x et
du v in g t,
4
le testament
olographe serait également
�à l ’abri de toute critique.
C ’est ce q u ’a décidé un
arrêt de la C o u r de cassation, du 8 juillet 1823 ( 1 ) .
C ’est trop nous arrêter, sans dou te, à cette vaine
objection.
Remarquons même que toutes les argumentations
contre le testament,
toutes les petites irrégularités
q u ’on lui reproche en indiquent la sincérité. C a r il
eût été facile de les éviter,
si le testament eût été
l ’œuvre d ’ une main coupable. Mais dans la sincérité de
ses dispositions, le testateur n ’a dû y attacher aucune
importance. Dans sa bonne foi, l ’ héritière n ’a pas dû
elle-même y faire att en tion; et sans cherchera engager
son frère à écrire un nouveau testament où nulle sur
charge n ’aurait été laissée, pour lequel, aussi, aurait
été employée une plume plus fine et plus propre à
donner au testament la physionomie des nombreux
écrits de son frère; sans faire retrancherde la signature
le prénom M ic h e l, q u ’elle savait bien ne pas y être
ordinairement joint; sans avoir recours enfin à aucune
de ces précautions qui décèlent plutôt le dol que la
franchise, la dame Verniette a accepté les bienfaits et
n ’a pas cru devoir s’occuper minutieusement de la
forme de chaque mot de l ’acte qui les consacrait. E l l e
ne po u v a it ,
d ’ailleurs, prév oir,
elle 11e devait pas
même supposer que les Bonhours se hasarderaient,
contre leur propre conviction, non pas à dénier, car
ils ne sont pas allés jusque-là, mais à dire q u ’ ils ne rc( 1 ) Journal de Sircy, tom. 25 , 1 , 3 1.
�( 27 )
connaissaient pas récriture et la signature du testateur.
Enfin les premiers juges se sont étonnés du laconisme
du testament.
Etrange objection ! comme s’il était nécessaire de
dire beaucoup de mois inutiles pour faire une dispo
sition vraie et une disposition saine.
C e laconisme s’exp lique, soit par l ’état physique
du testateur qui a voulu s’épargner les difficultés
d ’ un long écrit, la pesanteur de sa main ne lui per
mettant pas d ’écrire long-tems; soit par la circonstance
que c’est un jurisconsulte qui a donné le modelé du
testament et qui a dû le donner simple mais suffisant.
Le fait a été attesté par ce jurisconsulte lui-m èm e,
entendu dans la cause comme témoin.
L e laconisme critiqué n’a donc rien de surprenant;
on eût pu même être plus concis et notamment suppri
mer, à la signature le mot M ic h e l, qui était absolu
ment inutile.
Nous avons parcouru,
et nous avons réfuté, il
semble, toutes les objections élevées contre le testa
ment. Ce sont, cependant, ces faibles objections qui
avaient déterminé les premiers juges à repousser l ’opi
nion unanime de trois experts des plus recommanda7
bles , dont l ’ouvrage même signalait la scrupuleuse
exactitude comme la capacité; ce sont ces objections
qui les avaient déterminés à ordonner une vérification
nouve ll e, sous prétexte que l ’art des experts était
conjectural, comme si un nouveau rapport, fait par
de nouveaux exp erts, ne devait (rien présenter de
conjectural.
�L ’on remarquera aussi quelespremiers juges n ’ont pas
même chargé les Bonhours des frais de cette seconde vé
rification, quoique ceux-ci eussent d û , dans l ’exactitude
des principes, fournir même aux frais de la première.
C a r c’est à celui qui conteste l ’écriture et la signature
d ’un testament olographe, à démontrer q u ’il n’est pas
l ’ouvrage de la main du défunt-, c’est à lui à faire cette
preu ve , parce q u e , comme demandeur, il doit justifier
sa demande : a ctori incum bit probatio ; parce que le
légataire u n iv e rs e l,
envoyé en
possession
par une
ordonnance du jug e, comme l ’a été la dame Verniette,
a le titre en sa faveur, et que ce titre doit être exécuté
tant que sa fausseté ou sa nullité n ’est pas clairement
établie; parce q u e , d ’ailleurs, le dol et la fraude ne se
présument pas, et que c’est à celui qui les allègue à
les prouver ( C o d e c i v i l , art. i i i G ) .
Telle est la doctrine enseignée par M. T o u ll i e r , dans
son Droit civil français, tome 5 , n° 5 o 3 ; et cette doc
trine a été consacrée par plusieurs arrêts de cassation ,
deux desquels ont été rendus les 28 décembre 1824 et
10 août 1825 (1).
L a daine Verniette a le titre en sa faveur; elle est
non seulement en possession de fai t, mais encore en
possession de droit , en vertu d ’une ordonnance du
président du tribunal de C l e r m o n t , rendue conformé
ment à l ’article 1008 du Code ci vil; elle n ’a pas,
d ’ailleurs, à se défendre contre un héritier à réserve;
elle n’aurait donc rien à prouver elle-même; ce serait,
( 1 ) V o i r le J o u r n a l tic S i r e y , t o m e a 5 , i , pages i
l o m c a G , i , 1 17 , et s ui vantes.
,
58
et s u i v a n t e s ; et
�29 )
au contraire, à ceux qui l ’attaquent à tout prouver
(
pour justifier leurs prétentions; en sorte q u e , y eut-il
même du dout e, l ’exécution du testament devrait être
maintenue.
Mais s’il pouvait rester devant les premiers juges
quelque incertitude dans les esprits sur la sincérité du
testament, les résultats de l ’enquête offerte par la
dame Ver niette , et ordonnée par la co u r, la ferait
entièrement disparaître.
S2.
E xa m en de VEnquête.
L ’enquête est des plus satisfaisantes; c’est ce dont
il est facile de s’assurer en rapprochant de chacun des
faits admis en preuve, les dépositions qui s’y appliquent.
On devait établir, d ’abord, que la dame Verniette
et ses filles avaient soigné le sieur B r u n , tant à Paris
q u ’à C le r m o n t , pendant les dernières années de sa
v i e , dans les maladies que celui-ci avait essuyées, ou
à raison de ses infirmités.
Ces faits sont attestés par un grand nombre de
témoins.
t
L e premier témoin, M. .Tarton aîné, marchand a
C le r m o n t , déclare que « le sieur Brun avait desire
avoir auprès de lui une des demoiselles Bujadoux, dont
il était le parrain; mais que celle-ci n ayant pu se
rendre aux désirs du sieur B r u n , l ’ une de ses sœurs
partit à sa place, et fut accueillie et traitée avec les
marques de la plus entière bienveillance par son oncle. »
�L e témoin
ajoute que
« ce fut lui qui régla et
arrêta le départ de la demoiselle Bu ja doux. »
Il répond, sur l'interpellation de l ’avoué des Bon
h e u r s , « q u ’alors le sieur Br un avait ressenti à Paris
plusieurs attaques. »
Ce témoin dit aussi, « que le sieur B r u n , depuis
« son retour de Paris ju s q u ’à son décès, est constam« ment demeuré chez la dame Yerniette sa sœur, dont
« il a , aussi constamment, reçu les soins. »
L e quatrième té m oin, le sieur B o n n a b a u d , m é
decin ^ qui a soigné le sieur Brun depuis sou arrivée à
Clermont jus qu’à sa m o r t , parle du ton a ffec tu eu x
q u ’avait toujours le sieur Br un en adressant la parole
à sa sœur Verniette ou à ses nièces; il dit ne l'avoir
ja m a is rencontré se u l dans sa ch am bre, mais toujours
¿1 la com pagnie de q u e lq u ’ un de sa f a m i l le , p a rticu
lièrem ent de sa sœ ur et de l a j î l l e aînée.
Il
ajoute q u ’il
occupait
l ’appartement
le p lu s
agréable de la m a ison , ou auparavant i l avait v u la
dam e V ern iette m alade.
L e cinquième témoin a entendu dire par le sieur
B r u n que la fille aînée de la dame Y ern iette avait
f a i t le voyage de P a ris p o u r lu i porter des secours.
L e sixième témoin a vu cette demoiselle à Pa ris,
chez son oncle, qui était alors malade.
L a dame veuve Be rn a rd in , dont la déposition est
la neuvième,
« a été plusieurs fois témoin des soins
« empressés de la dame Y ern iet te pour son fière.
« Elle parle d ’ une c h a m b re qu e la daine Y e r n i e l l o
�( 3, )
« avait fait décorer pour recevoir sou frère, parce q u ’il
« avait l ’habitude d ’être bien logé. »
L e onzième témoin , perruquier du sieur B r u n , « a
« constamment observé q u ’il recevait, dans la maison
« de sa sœur, tous les soins q u ’exigeait son état. »
Il ajoute « q u ’il occupait une chambre au premier
« é t a g e , décorée à neuf. »
L e treizième témoin , sous-maîtresse dans l ’insti
tution de Madame Bachélerie, avait su d e là demoiselle
B u j a d o u x , avec qui elle était liée, q u ’elle allait à
Paris pour donner des soins à son
oncle.
Depuis
l ’arrivée à Clermont du sieur B r u n , elle a su que sa
sœur et sa nièce lui prodiguaient tous leurs soins.
L e dix-septième témoin, Jeanne P e t it , a vu les soins
donnés par la dame Verniette à son frère, notamment
d e u x ou trois mois avant, sa m o rt; elle les indique
et ajoute que ce soin lu i parut tellem ent répugnant
q u ’e lle dit à la dam e T^erniette , q u ’elle était bien
pauvre , mais q u ’elle ne le fe r a it p a s , quand on lu i
donnerait un louis p a r jo u r .
L e troisième témoin de la prorogation d ’enquête a
su que le sieur Brun a été soigné à Paris et à Clermont
par Madame Verniette et par ses demoiselles. Il a vu
la lettre par laquelle M. Brun avait prié sa sœur de
lui envoyer une de ses demoiselles pour lui donner des
secours dans une maladie dont il était alors atteint. Il
a vu aussi une autre lettre de M. Brun qui se loua it
des attentions de sa nièce ; et M. Brun lui en a parlé
lui-même depuis son arrivée à Clermont.
�Toutes ces dépositions ne laissent pas le moindre
doute sur le premier fait interloqué.
L e second fait tendait à savoir si le sieur Brun avait
invité le sieur Verniette à l ’aller chercher a Paris; si
celui-ci s’était rendu à cette invitation, et si depuis
son arrivée à C le n no nt ju squ’à son décès, le sieur
Brun avait
continuellement
habité avec les époux
Verniette.
Toutes les circonstances de ce fait complexe sont
tellement certaines, q u ’on n ’entreprendra pas, sans
d oute, d ’en nier aucune.
Qu e ce soit sur l ’invitation du sieur Brun , que le
sieur V e r n ie t t e , son beau-frère, est allé le chercher à
Paris et l ’a conduit à C l e r m o n t , c’est ce que prouvent
même plusieurs lettres du sieur Br un.
Dans une lettre du 8 octobre 1823, écrite à sa sœur,
il s’exprime ainsi : Je voulais écrire hier p o u r dem ander
que Von fa s s e partir v ite mon b ea u -frère y mais
31 . Jarton ou J^augelade, je crois, me d it q u ’ i l était
in u t ile , et que 31 . B a rd avait écrit en lu i marquant
de ne pas perdre de tems.
Dans une autre lett re, du même mois , au sieur
Verniette, il lui dit : T^olrc départ rn est tout-à-fait
nécessaire et même urgent.
Beaucoup de témoins parlent aussi de cette demande
du sieur B r u n , et du départ du sieur Verniette pour
ramener son beau-frère à Clermont.
C ’est ce que
déposent, notamme nt, le premier témoin, le huitième
et le neuvième de l’enquête directe, le premier et lu
troisième de la continuation do celte enquête.
�Qu ant à la cohabitation constante du sieur Brun
depuis son arrivée à Clermont ju sq u’à son décès, elle
n ’a jamais été désavouée par les Bonhours, q u i , au
contraire, en ont argumenté eux-mêmes. L a preuve
en résulte, d ’ailleurs, de l ’ensemble des dépositions
des deux enquêtes, dépositions dont plusieurs parlent
de la chambre décorée à neuf q u ’occupait le sieur Brun
chez sa sœur.
Par le troisième fait interloqué, la C o u r avait voulu
savoir si le sieur Brun , depuis son arrivée à Clermont,
avait reçu
•> ou rendu de nombreuses visites;/ s’il était
allé dîner chez des personnes avec qui il avait eu d ’an
ciennes relations,
et s’il sortait fréq uem m en t,
soit
pour se promener, soit pour voir ses amis.
Cela tendait à éclairer la C o u r sur l ’allégation des
Bonhours, qui prétendaient que le sieur Br un avait
toujours été tenu en charte privée.
Or,
jamais assertion
ne fut plus contraire à la
vérité. Elle est démentie par la plupart des dépositions
de l ’enquête directe, et même par plusieurs des dépo
sitions de l’enquête contraire.
Ces nombreuses dépositions attestent que le sieur
Brun était très-libre dans la maison de la dame Y e r niette; que ceux qui le connaissaient venaient l ’y voir;
que lui-même allait leur rendre des visites; q u ’il en a
rendu plusieurs, à son médecin notamment, sans être
accompagné de personne; qu il se promenait aussi sur
la place de Jaude, tantôt seul, tantôt avec la dame
Y e rn ie t le ou ses enfans.
Les huitième et onzième témoins de l ’enquête con-
5
�( 34 )
traire déclarent eux-mêmes avoir vu le sieur Br un se
promener, soit devant la porte de la maison Ve rn ie tte ,
soit sur la place de Jaude: ils ajou tent, il est v ra i ,
q u ’il était avec quelqu'un, de la maison V er niette;
mais ce n ’en est pas moins démentir l ’allégation de la
charte privée.
Il est certain, en effet, que le sieur B run n ’a cessé
de sortir et de se promener, ou seul ou en compagnie,
si ce n ’est lorsque l ’augmentation de sa maladie et ses
infirmités s’y sont opposées; c’est-à-dire, comme le dé
clare son médecin B on abaud , quelques mois seulement
avant sa mort.
Il est aussi prouvé par les enquêtes que le sieur Br un
a plusieurs foisdiné ou soupé chez d ’anciens amis. C ’est
ce q u ’attestent, notamment les premier et deuxième
témoins de l ’enquête directe, le troisième et le septième
de la prorogation d ’enquête.
D ’autres témoins ont vu dans diverses occasions le
sieur Brun diner en famille chez la dame Verniette sa
sœur.
L e quatrième fait interloqué tendait à la preuve que
le sieur Br un avait exprimé à diverses personnes son
affection particulière et sa reconnaissance pour la dame
Ve rn ie tte , ainsi que sa volonté de lui laisser sa fortune.'
Ge fait est attesté par beaucoup de témoins.
L e premier témoin, M. Jarton aîné, lié d ’amitié
depuis l ’enfance avec le sieur B r u n , déclare q u i l lu i
avait m an ifesté des intentions bienveillantes p o u r la
dam e V ern iette sa sœur, et q u ’à l ’époque où il fil son
testament, époque que le témoin ne peut préciser, il
�(
35
)
lui avait dit q u 'il avait e x é c u té ce q u i l avait tou
jo u r s eu l ’intention de fa ir e .
C e même témoin d i t , au contraire, sur une inter
pellation de l ’avoué des Bonhours, que le sieur Brun
ne lui avait jamais parlé, avec le ton de l ’affection, de
ses neveux Bonhours. 11 se rappelle q u e , fort peu de
teins après l ’arrivée du sieur Brun à C lerm o nt,
le
témoin et sa femme étant allés lui rendre visite, les
enfans Bonhours vinrent aussi le voir,
et q u ’ils en
furent mal accueillis ; que le sieur Br un leur avait
même dit : « Qu e venez-vous faire ici? je n ’ai pas
besoin de vous. »
L a dame Jarton, second témoin
raconte aussi le
même fait.
L e quatrième té m oin , le médecin Bonabaucl, a re
marqué le ton affectueux q u ’avait toujours le sieur
Bru n en adressant la parole à la dame Verniette et à
ses enfans. Il dit que jamais il ne lui a parlé des enfans Bonhours.
L e sieur Brun a dit au cinquième témoin, dans une
conversation, q u i l se trouvait p lu s h eu reu x dans le
sein de sa fa m ille 3 à C le r m o n t, que lorsqu’il en
était f o r t éloigné.
L e sixième témoin déclare que, « dans les différentes
« conversations q u ’il a eues à Paris avec le sieur Brun,
« il lui a paru que ce dernier portait plus d ’affection à
« la dame Verniette sa sœur, q u ’aux B o n h o u r s ,..........
« et que lorsqu’ il a entendu parler du testament du
« sieur B r u n , il n’en a pas été surpris. »
Le douzième témoin était dans la maison, un jour
�'( 36 )
où l ’un des enfans Bonliours se présenta à son oncle,
q u i le reçut assez froid em en t y le témoin lui ayant
fait observer que c’était son nev eu , il lui répondit
q u ’ i l le savait bien , mais q u ’i l ne v o u la it pas parler.
A une plaisanterie, lors d ’ une autre visite que le
témoin fit au sieur Brun , celui-ci lui répondit :
« Vous voulez que je me m arie, je suis infirme, je
« n ’ai pas une brillante fortune; j ’ai perdu beaucoup;
« heureusement j ’ai eu une bonne sœur et un beau« frère qui m ’ont été utiles (il parlait alors du sieur
« B u ja d o u x ) ; et ce que je possède, je le laisserai à
« ma sœur Verniette , à qui je conserve beaucoup de
« reconnaissance. »
L e troisième témoin de la continuation d ’enquête
déclare que le sieur Brun lui avait dit que la dame
Verniette et lui s’étaient toujours beaucoup aimés; que
« cette in t im it é , qui datait de l ’enfance, tenait à la
« conformité de leurs caractères, et à ce que la seconde
« femme de leur père les avait obligés, jeunes encore,
« de sortir de la maison paternelle. »
L e surplus de la déposition prouve aussi l'affection
particulière du sieur Brun pour sa sœur V e r n i e t t e . '
L a dame Verniette a v a i t , enfin, offert de prouver,
5 ° q-ue, lorsque le testament eut été fait, elle l’avait
présenté à des jurisconsultes pour
savoir
s’il était
régulier, et 6 ° que , depuis la date de cet a ct e, le sieur
Br un avait déclaré à plusieurs personnes q u ’ il avait
donné toute sa fortune à la dame Verniette sa sœur.
Ces deux faits ressortent aussi de l ’enquête.
Sur le premier des deux faits, M* B i a u z a t , avocat
�(
)
37
à C l e r m o n t , a déclaré que c ’était lui q u i avait donné
le modela du testam ent, qu i l s était attache a fcni'c
le p lu s b r e f possible , parce q u ’on lu i avait dit que le
testateur écrivait péniblem ent.
Il ajoute ne pas connaître la personne qui lui avait
demandé ce modèle; mais que plus tard on lu i présenta
la c o p ié de ce testament, écrite sur une dem i-feu ille de
p a p ier tim bré et signée de M ic h e l B r u n , ........ et q u ’il
trouvala copie conform e au m odèle q u ’il avait fo u r n i.
Sur la représentation faite à M e Biauzat du testa
m e n t, il a cru le reconnaître.
L e neuvième témoin , la veuve Be rnardin, a déclaré
être la personne qui était allée chercher le modèle du
testament chez Me Biauzat.
E lle ajoute que la dame Verniette lui avait dit avoir
consulté sur ce testament
fort régulier.
i\ l.
Boirot qui l ’avait trouvé
H
~ M. B o i r o t, entendu dans la contr’enquête, ne s’est
pas rappelé ce fait; ce qui paraîtra peu étonnant, puis
q u ’il s’est écoulé plus de six ans depuis cette époque.
L e sieur Gillet, horloger, septième témoin, est celui
qui procura à la dame Verniette la demi-feuille de
papier timbré dont 011 s’est servi pour la confection
du testament.
C 'é ta it,
dit-il, peu de
tems après
Varrivée du sieur Brun ci C lerm ont} et pendant q u ’on
fa is a it les vins.
Divers autres témoins parlent des dispositions testa
mentaires, comme leur ayant été déclarées par le
testateur lui-même. Il a d i t , notamment au premier
témoin, à l ’époque du testament, q u i l avait e x é c u té
�( 38 )
ce q u ’i l avait toujours eu l ’intention de f a i r e ; au
septième témoin , et à plusieurs reprises, en parlant
de la dame Verniette : e lle p ren d bien assez de peine
p o u r m oi; elle sera mon héritière, v o ilà mon héritière ;
au neuvième témoiu, q u i l avait tout donné à sa sœur.
Les dix-septième et dix-huitième témoins, Jeanne
Petit et Rosalie L e b o r o t , parlent du testament comme
ayant été fait peu de tems après l ’arrivée du sieur Br un
à Clermont.
L a dame B r u n en parla à l ’ une d ’elles à l ’instant où
il venait d ’ètre fait. L ’autre témoin voulait faire des
emplettes dans le magasin
de la dame Verniette ;
celle-ci, qui était dans la chambre de son frère, étant
appelée, ne descendit ,que pour l ’engager à repasser,
disant q u e lle était en a ffa ires/ que le sieur Brun 3 son
fr è r e , fa is a it son testament et lu i donnait tout ce
q u i l possédait.
L e même fait est déclaré par le quatrième témoin
de la continuation d ’enquête, comme l ’ayant appris
de son épouse, dix-huitième témoin.
On le voit. L ’enquête prouve les soins affectueux
donnés au sieur Brun , pendant ses maladies, soit à Paris,
soit à C l e r m o n t , par la dame Verniette et ses enfans;
E lle
prouve que ce fut sur la demande de son
beau-frère, que le sieur Verniette se rendit à Paris
pour le conduire auprès d ’ une sœur qui le chérissait,
et dont les secours lui étaient nécessaires à cause de ses
infirmités;
E l l e prouve q u ’ il est constamment resté chez cette
sœur; mais q u ’ il y jouissait de la plus grande liberté;
�q u ’il y recevait ses amis; q u ’il allait les visiter luimême et manger chez e u x ; q u ’il se promenait à son
gré, ou seul, ou accompagné de ses parens.
Elle prouve enfin son affection, sa reconnaissance
pour la dame Ver niette , ses projets plusieurs fois
annoncés de lui faire le don de toute sa fortune, et
l ’exécution de ce désir par uii testament dont il parle
so u v e n t, depuis sa d a te ,
comme é tant
une juste
récompense des services qui lui avaient été rendus.
Toutes ces preuves sont d ’autant plus puissantes
que l ’enquête contraire ne les affaiblit même pas.
Dans leur enquête contraire, les Bonhours se sont
principalement occupés de faits sur lesquels l ’arrêt
interlocutoire ne portait pas.
Ainsi ils ont fait entendre plusieurs témoins qui
ont déclaré q u ’ils avaient examiné Je testament, q u ’ils
l ’avaient comparé à des lettres missives qui leur avaient
été présentées par les Bonhours, et q u ’ils avaient cru
reconnaître une différence totale entre le testament
et les lettres.
C om m e si elle était digne de quelque considération,
l ’opinion de certaines personnes officieuses, q u i , sans
mandat de la justice, sur la seule invitation
des
Bo nh our s, et sans autres*renseignemens que ceux qui
leur étaient fournis par ces derniers , sans pièces de
comparaison si ce n’est quelques lettres anciennes; en
un mot, sans autre examen q u ’ un coup-d’œil vague et
sur la justesse duquel a pu influer même la préoccu
pation dont on les avait entourées;
comme si une
telle opinion pouvait être mise en balance avec l ’avis
�unanime de trois experts nommés par la justice, qui
ont opéré sur de nombreuses pièces de comparaison,
et qui ont apporté à l ’opération qui leur était confiée
la scrupuleuse attention que l ’impartialité de leur
devoir leur commandait.
L ’ un de ces témoins, le sieur C u l l i a t , expert, qui
a eu la complaisance de se prêtei* aux désirs des
Bonhours et d ’a l l e r , p a r c u r io s ité , d i t - i l , voir au
greffe du tribunal de Cle rmont le testament qui y
était déposé; le sieur C u llia t prétend avoir comparé
cette pièce à la
Mais ,
chose
procuration
singulière ,
du
lorsque
24 février
le
sieur
1824*
Cullia t
eut beaucoup parlé contre le testament, et de la diffé
rence que présentaient les signatures apposées aux deux
actes, le conseiller-commissaire de l'enquête lui ayant
présenté le testament,, il a déclaré ne p a s reconnaître
clans le testament dép osé la même p iè ce q u i lu i avait
é té présentée p a r M . F a u v e r te ix , greffier. Étrange
résultat qui prouve quel degré de confiance on doit
accordera toutes ces dépositions qui n’o n t , d ’ailleurs,
aucun rapport avec les faits interloqués!
Les Bonhours ont aussi (iherché à prouver que le
sieur Br un était en état de démence et 11e pouvait
pas tester; e t , dans ce b u t , ils ont fait entendre le
sieur
Bergougnoux ,
pharmacien
à
Cle rmont ,
et
quelques autres témoins qui n ’ont fait eu général que
redire ce q u ’ils tenaient du sieur Bergougnoux.
Si l ’on en croit le sieur Bergougnoux , il avait vu le
sieur Brun à Paris un mois avant l ’arrivée de celui-ci à
Cle rm on t; et il l’avait trouvé dans un état de démence
�presqu’absolue , divaguant et ne répondant
exacte
ment
dit-il,
à aucune
question;
il avait
même,
chargé le sieur Jarton ainé d ’en prévenir sa famille.
Plusieurs échos , parmi les témoins de la contre
en quête, ont répété la même chose, comme l ’ayant
apprise du sieur Bergougnoux.
Si le fait eût été interloqué, on eût pu interroger
sur ce point M. Jarton ainé, un des témoins de l ’en
quête directe, mais dont la déclaration a précédé celle
du sieur Bergougnoux.
L a déclaration de celui-ci n ’est, au reste, q u ’ une
marque de plus du zèle ardent du sieur Bergougnoux
pou r la famille B o n h o u r s , dont
on prouverait au
besoin q u ’il a dirigé tous les efforts ; elle ne fera ,
d ’ailleurs, aucune sensation, si l ’on considère q u ’elle
est démentie et par les lettres q u ’a écrites le sieur
Brun à l ’époque même dont parle le sieur Bergougnoux,
et par toutes les dépositions de l ’enquête directe, et
même par beaucoup de dépositions de l ’enquête con
traire, qui démontrent que l ’état moral du ’ sieur Brun
était parfaitement
sain , soit avant son départ de
P a r i s , soit depuis son arrivée à Clermout.
L e sieur Brun est arrivé à C le r m o u t , le deux no
vembre 1823 ; et dans les mois d ’aout, de septembre
et d ’octobre précédons, il avait écrit plusieurs lettres,
soit au sieur Jarton je u n e, soit a la famille Verniette,
qui prouvent, q u ’il s’occupait avec beaucoup d intelli
gence de ses affaires de commerce, et q u ’il raisonnait
aussi très-bien sur sa santé.
Dans une de ces lettres, qui est du 12 septembre,
6
�( 4* )
écrite en entier de la main du sieur B r u n , quoi
q u ’elle ait quatre grandes pages et plus de l o n g u e u r , “
le sieur B run donne à sa sœur des détails sur l ’aggra
vation de .sa maladie, sur ses dépenses, lçs tracasseries
q u ’il éprouve, la difficulté q u ’il a à vendre le fonds
de son commerce, etc.
Il y parle aussi clc M. Bergougnoux père q u i , est,
d it -il , toujours à Paris. T o u t le contenu de cette lettre
signale l ’inexactitude de l ’étrange déposition du sieur
Bergougnoux.
Les erreurs de ce témoin sont aussi démontrées par
plusieurs
autres lettres
écrites par le sieur B r u n ,
pendant ce mois d ’octobre 182.3, à la fin duquel il
partit pour Clermont.
Dans deux lettres du même
jour, 8 octobre, écrites l’ une à sa sœur, l ’autre à sa
filleule, dont fut porteur le sieur Jarton ainé qui re
ven ait de Pa ris, il se plaint encore de sa maladie; il
dit combien il est pressé de terminer ses affaires; il ex
prime son désir q u ’on fa s s e p a rtir v ile son beau-frère;
il parle des pertes q u ’il fait depuis un an dans son
commerce, des mesures q u ’ il va prendre pour se rendre
à Cle rm o n t.j T o u t ce q u ’ il écrit annonce une intelli
gence lu c id e , et sur-tout attentive à ses intérêts.
Aussi ne les négligea-t-il pas, ses intérêts, avant de
quitter Paris :
11 traita du fonds de son commerce;
Il prit des arrangemens pour la résiliation de son
loyer, en conservant seulement une d i a m b i c où fut
placé le mobilier q u ’il n ’emportait pas. Ces a rra ng e
mens furent consignés dans un acte sous seing privé.
�(
Nous
43
)
rapportons le double signé
"
du
^
propriétaire ;
celui-ci a entre ses mains le double signé du sieur
Brun ;
Il laissa une procuration authentique à M. L a b b e ,
notaire à N e u i l l i , pour terminer ses affaires;
Il acheta un cheval et une voiture pour voyager à
petites journées;
Il prit en un mot toutes les mesures,, toutes les pré
cautions que les circonstances et son état de santé
pouvaient prescrire à l’homme le plus soigneux, le plus
réfléchi.
L ’on sait, et l ’enquête nous l ’a appris, q u ’à l ’arrivée
du sieur Brun à C le rm on t, ses premiers soins furent
de rendre des visites à ses amis, à ses relations, et d ’en
recevoir d ’eux.
L e lendemain même de son a r r i v é e l e 3 novembre
1823 , il régla avec son voiturier les irais du voyage de
Paris, et en reçut une quittance qui est écrite sur son
agenda, au bas d ’un règlement fait de la main même
du sieur Brun.
L e 17 du même mois il acquitta une facture du
sieur Legoyt. L ’acquit,, p o u r solde de tout compte
ju s q u ’à ce j o u r , est écrit en entier, daté et signé de
la main du sieur Brun.
Le 2.4 février su ivant, il donna sa procuration au
sieur Verniette. Ce fut le sieur Astaix, notaire, qui
la reçuttémoin de la prorogay *) et ce notaire (sixième
^
^
lion d ’en q u êt e), déclare que le §ieur Brun lu i parut
j o u ir de toutes ses fa c u lté s in tellectu elles y que sur
�V
( 44 )
une première lecture qui lui fut faite par le notaire,
le sieur Br un fit quelques observations que personne
ne lui suggéra; q u ’après une seconde l e c t u r e , aussi
don née par le notaire, il prit la procuration et la relut
lu i-m êm e.
Sont-ce là des indices d ’imbécillité ou de démence?
Veut-o n s’assurer davantage de l ’état moral du sieur
B r u n , soit à P a ri s , soit à C le rm ont? q u ’on relise les
dépositions des témoins :
Celle du sieur Jarton jeune , à qui le sieur Br un
avait fait un dernier envoi de marchandises le 22 sep
tembre
1823 f cinq semaines seulement avant son
départ de Paris;
Celle du sieur Jarton a în é , qui était à Paris en
septembre*et en octobre 1 8 2 3 , qui y voyait fréquem
ment M. B r u n , qui rapporta des lettres de lui à sa
famille, q u i , certes, aurait bien remarqué le prétendu
état
de
démence
s’il
avait
été
réel ,
et q u i , au
contraire, déclare q u e , plusieurs mois après, à Clerm o n t , à l ’époque où le sieur Brun lui dit avoir mis
à ex écu tio n ses dispositions fa v o ra b les à sa sœ u r,
P O S S É D A I T T O U T E SA. R A I S O N ;
il
'
•Celles de presque tous les témoins de l’enquête
directe et de plusieurs témoins de l ’enquête contraire,
qui ont vu le sieur Brun se promener seul, ([ni l ’ont
visité, qui en ont reçu des visites, chez quelques-uns
desquels il a même d în é plusieurs fois;
C elle , sur-tout, du sieur Bon ab aud, médecin , qui,
ayant constamment soigué le sieur Brun ju s q u ’à son
#
�( 45 )
décès, é t a i t , plus q u ’ un a u t r e , à portée de ju ger de
la capacité morale de celui q u ’il traitait. O r , ce témoin
atteste que le sieur B r u n jo u issa it com plètem ent de
ses fa c u lté s i n t e l l e c t u e l l e s q u i l avait les fo rm es
très-polies
q u 'il mettait de la recherche dans ses
expressions , q u ’i l recevait toujours avec politesse et
reconnaissance les soins des personnes q u i l ’appro
chaient.
Il ajoute : que le malade a cessé de sortir de son
appartement quatre ou cinq mois avant son d é c è s ,
et que s ix ou sept semaines seulem ent avant sa m ort,
v
les attaques réitérées q u ’i l avait éprouvées , et q u i
depuis p lusieurs mois étaient devenues p lu s m ultipliées,
avaient éteint chez lu i toute sensibilité et l'avaient
rendu indifférent à tout ce q u i se passait autour de
lu i ; cependant il reconnaissait les pei'sonnes. q u i l ’en
touraient , et notamment son m éd ecin ; mais il ne
répondait p lu s que très-lentement et p a r m onosyllabes
a u x questions qu'on lu i adressait.
A i n s i , ce n ’est qu e s ix ou sept semaines avant sa
m o r t , que le sieur B r u n avait perdu sa sensibilité;
encore n ’était-il pas en état de dé m e nc e;
Mais depuis plusieurs mois ses infirmités l'e m p ê
chaient de sortir de son ap partement.
C ’e s t , sans d o u t e , celte dernière circonstance, effet
de la maladie et non .de la c o n t r a i n t e , qui a fourni au
sieur Bergougnoux et à quelques autres témoins de
l ’en qu êt e contraire , un
prétexte
pour
tenait le sieur B r u n en charte privée.
dire
q u ’on
�.)
( 46 )
Une autre partie de la déposition du sieur Bergougnoux annoncerait q u e , 25 jours seulement avant le
décès du sieur B r u n , celui-ci était venu chez l u i , lui
par ut bien porta n t, se plaignit de la dame Yerniet te
qui vint le chercher, et disait q u ’elle le maltraitait
et le tenait enfermé.
Comm ent conciliera-t-on cette promenade du sieur
B r u n , sa bonne santé, sa v i v a c i t é , avec son décès
survenu bientôt après, et avec son état physique attesté
par le médecin?
T o u t démontre que la déclaration du sieur Bergougnoux et celle de son épouse, comme celle des personnes
qui ont redit ce q u ’elles leur avaient entendu dire,
sont indignes de la confiance de la justice.
A u reste, ces prétendus faits n'étaient pas inter
loqués. L a dame »Verniette n ’aurait donc pas à les
combattre.
Ces faits n ’avaient pas même été proposés à la C our
lors de l ’arrêt. On s’était borné à offrir la preuve vague
de l ’imbécillité, sans cotter aucun trait q ui la caracté
risât , sans indiquer même l ’époque à laquelle on la
faisait remonter.
Enfin le moral du sieur Brun se fùt-il affaibli à la
fin de ses jours, et celui-ci eût-il été en état de démence
plusieurs mois avant son décès , quelle conséquence
pourrait-on en tirer contre le testament?
Ne.sait-on pas que ce testament, quoique olographe,
fait foi de sa date; et q u ’ il f aud ra it , par conséquent,
�prou ve r q u e la démence était complette au 20 novembre
1 8 2 3 , époque du testament ( 1 ) ?
O r , non seulement cette preuve n ’est pas faite, mais
il e s t , au c o n t r a i r e , démontré par l ’ensemble comme
par le détail des deux e n q u ê t e s , que le sieur B r u n
jouissait alors c om p le tt e m e nt de toutes ses facultés
intellectuelles.
Ne sait-on p a s , aus si , q u ’ un testament olographe
ne pou rrait être dé tru it , sous prétexte de d é m e n c e,
q u e par les faits les plus graves, les plus caractéris
tiques d ’u ne démence habituelle q u i ne fit pas même
supposer d ’intervalles lucides? C a r
« un
testament
« olographe est plus favorable que le testament reçu
« par des notaires. L a présomption de sagesse est toute
« entière en faveur du
testateur qui prend le soin
« d ’é rire ses dernières volontés. »
( T o u l l i e r , D r o it civil français, tome 5 , n° 5 8 ;
Dagnesseau ,
p la id o ye r sur le
testament
de l ’abbé
d ’Orléans. )
* '
Il
s’a g it , dans la c aus e , d ’ un testament olographe,
d ’ un testament dont la sincérité a été reconnue par
l ’avis unan im e de trois experts chargés de le vérifier,
d ' u n testament dont l ’existence est corroborée par une
preu ve aussi complette q u ’on p ou va it la désirer, d ’un
testament qu i est un acte de sagesse et de reconnaissance,
(1) Voir sur ce point du doctrine les Questions de droit de Mcrün,
au mot testament , $ 7; un arrêt df Cassation , du 11 juin 1810; un
anêt de la Cour du Puis, du 17 juin 1822; 1111 anêt de la Cour de
Riom , cause des héritiers De Rouzat, du 20 janvier 18¿4 i l‘l “ n autre
arrêt de cassation, du 29 avril i 8'<4.
L e pr emi er f i nôt est r appor té par D e n c v e r s , t o m e ' 8 , 1 , 2 7 0 ; le
sec ond, le troisic-me et le q u a t r i è m e par S i r c y , t o i n e a j , 33, et t ome
2 , 2 7 7 , e t , m ê m e t ome , 1 , 27C.
�( 48 )
et qui a été le prix des soins d ’une sœur particulière
ment, chérie. L a C o u r ne s’ exposera pas à anéantir les
derniers vœux d ’ un
testateur ; elle s’empressera de
consacrer par sa justice les bienfaits q u ’à sa mort il
s’est plu à répandre sur celle q u i , seule, pendant sa
v i e , s était devouee à soulager ses tristes infirmités.
V E R N I E T T E , née B R U N .
M e A L L E M A N D , A v o ca t.
M e G R A N E T , A v o u é -L ice n cié .
RIO M ,
IMPRIMERIE
DE
SALLES
FILS ,
PRES
LE
PALAIS
DE
JUSTICE.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Brun, Antoinette. 1831?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Allemand
Granet
Subject
The topic of the resource
successions
testament olographe
testaments
infirmes
conseils de famille
experts
faux en écriture
expertises graphologiques
signatures
témoins
démence
médecine légale
affection fraternelle
charte privée
abus de faiblesse
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour dame Antoinette Brun, veuve, en premières noces, du sieur Guillaume Bujadoux, et sieur Joseph Verniette, en second mari, marchands, habitant de la ville de Clermont, appelans ; contre les sieurs Annet et Michel Bonhours, dame Annet Bonhours et sieur Jean-Baptiste Celme son mari, et le sieur Louis Bonhours, tuteur légal de ses enfans mineurs, tous propriétaires, habitans de Clermont, partie de Montferrand, intimés.
Annotations manuscrites.
Table Godemel : Démence. v. testament. : 2. quel doit être le caractère des faits tendant à établir l’état d’imbécillité ou de démence d’un testateur ? Vérification : Lorsqu’après vérification des écriture et signature d’un testament olographe, les experts ont déclaré, unanimement, dans leur rapport que l’écriture et la signature sont émanés du testateur et que le testament est sincère et véritable ; que cette opinion est fortifiée et corroborée par les preuves contenues dans des enquêtes judiciaires ; les juges ne font-ils pas sagement de refuser un amendement de rapport et une nouvelle vérification d’experts, s’ils reconnaissent que cette vérification prolongerait inutilement le procès, sans espoir d’obtenir de documens plus positifs.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Salles fils (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1831
1802-1831
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
48 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2717
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2718
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53554/BCU_Factums_G2717.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Clermont-Ferrand (63113)
Paris (75056)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abus de faiblesse
affection fraternelle
charte privée
conseils de famille
démence
expertises graphologiques
experts
faux en écriture
infirmes
médecine légale
signatures
Successions
témoins
Testament olographe
testaments
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53276/BCU_Factums_G1602.pdf
7ac09658f8a50b982276f4b998986aba
PDF Text
Text
M
E
M
O
I
R
E
POUR
J oseph
- R aymond - B énigne
,
F rançoise
et A l e x i s D E S A I G N A R D D E C H O U M O U R O U X , propriétaires, h abitans de la ville
d ’Ys s i ngeaux , i ntimés j
COUR
D ’A PP EL
C O N T R E
J
séant
,
M O N T E Y R E M A R D et
J a c q u e s- L o u is M ATH ON
son mari pro
priétaires , habitans du lieu du Bourg-Argental ,
appelans ;
u l ie
-A
n g é l i q u e
EN
,
,
P R É S E N C E
D u sieur G e o r g e s - F r a n ç o i s -A l e x i s D E L A -
,
R O C H E - N E G L Y D E C H A M B L A S pro
priétaire habitant du lieu de Chamblas, com
,
,
mune de Saint-Etienne-Larderol intimé.
P a r un acte sons seing p rivé , du 9 février 174 6 , enre
gistré le 10 octobre 1 7 53 , Catherine T r eveis et M arieM arthe T r e v eis sœurs, aïeule et tante de demoiselle M arieA
A RIOM.
�( Z )
.
.
* r'
M arthe-Françoise de Saign ard, demoiselle de Choum ouroux, donnèrent ordre à Pierre-Louis de Saignard de ^ o i^ -,
m ouroux de , pour et en leur n o m , donner et consti
tuer à demoiselle M arie-M artlie-Françoise 'de Saign ard,
sa fille , petite-fille et petite-nièce desdites daines T re v e is ,
dans le contrat de mariage qu’elle devoit contracter avec
FrançoispAm able de L a ro clie -N e g ly , seigneur de Cham b las, sa v o ir, de la part de Catherine T reveis , la somme
de io o o fr. pour être payée dans trois ans , à com pter
du jour dudit m ariage; et de la part de M arie-M artlie,
la somme de 3000 f r . , pour etre payée en trois payemens é g a u x , dont le prem ier devoit commencer un an
après la date dudit m ariage; et pour lesdites sommes de
1000 fr. et 3000 f r . , lesdites T reveis , chacune en ce
qui la concernoit , prom irent audit de Choum ouroux
de lui,Rembourser ou faire rem bourser icelles aux mêmes
te rm e s, attendu, l i t - o n dans l’acte, qu'U s'obligera de
les payer.
Quatre jours après , et le 13 du môme mois , M arieM artlie-Françoise Saignard de Choum ouroux contracta
m ariage avec François-A m able de L aroclie-N egly , sei
gneur de Chamblas. O n vo it dans le contrat que le sieur
de C houm ouroux et la dame B o n n a fo u x , son épouse ,
donnèrent et constituèrent à la future épouse , leur fille ,
une somme de 18000 fr. ; sa v oir, celle de 9000 fr. pour
droits paternels ; 2000 ir. du ch ef de la dame Bonna
foux ; 1000 fr. que le sieur C houm ouroux avoit ordre
de constituer à la future , du chef de Catherine T r e
veis, son aïeule m aternelle; 3000 fr. du chef de dame
M arthe T r e v e is , veuve P la n tie r, aussi de son ordre.
*1
\
.. *>l
�H'V
( 3)
C’est le payement de ces deux dernières sommes qui
a donné lieu à la contestation sur laquelle la cour a à
prononcer ; et il est inutile de rappeler ici d’oii provenoient ou devoient proven ir les autres 3000 fr. qui dé
voient parfaire la constitution totale de 18000 fr.
L e sieur de C h oum ouroux, tant de son chef que de celui
des dames T re v e is , prom it en son nom propre et p r iv é ,
et solidairem ent, de payer ladite constitution -, et à
compte d’icelle il fut par lui payé au sieur de C ham blas,
futur époux , au vu du notaire recevan t, lu somme de
4000 fr. O u t r e 2000fr. qui avoientétéconstitués àla future
ép o u se, dans le môme contrat de m ariage , par dem oi
selle M arie-A lexis Saignard de Cliazeaux, il restoit encore
à p a y e r, pour parfaire la constitution de 18000 fr. , une
somme de 12000 fr. qui fut stipulée payable en quatre
payemens égaux et annuels de 3000 fr. Suit ensuite
cette clause essentielle pour déterm iner l’origine des dif
férentes sommes formant la constitution totale: M o y en
nant laquelle susdite som m e de i i o o o f r . constituée à
ladite demoiselle ¿future épouse p a r ledit seigneur
de C houm ouroux et dame de B o n n a fo u x , ses père
et mère , elle a renoncé à tous ses droits paternels et
maternels , s a u f droit de succession , substitution , et
loyale échoite le cas arrivant.
L a môme année, et le 30 août 17 4 6 , Catherine T r e v e is ,
veuve de Georges Bonnafoux , au nom de laquelle le
sieur de Choum ouroux avoit constitué ù sa fille une
somme de 1000 fr. , fit son testam ent; entr’autres dispo
sitions , on y lit la confirmation du don qu’elle avoit fait
a sa p etite-fille. Cette confirmation est conçue en ces
A 2
�(4)
termes : P l u s , je confirme la donation que f a i j u i t e
à m adame M a rthe de S a i gnard de C h o u m o u ro u x ,
Jille ainée de M . de C houm ouroux et de dame C a th erine-Francoise B o n n a fo u x , m a jïlle , épouse de M . de
C h a m b la s, de la som m e de t o o o J'r.
Cette môme Catherine T reveis , veu ve B o n n afo u x,
avoit laissé de son mariage avec ledit Bonnafoux trois
filles; Catherine, qui contracta m ariage avec Jean-Gaspard
M onteyrem ard , représentée par J u lie-A n géliq u e M o n tcyrem ard et le sieur M a tlio n , appelans *, Françoise-H yacin th e, qui contracta mariage avec Louis de L a v a l , dont
les descendans ne figurent pas en cause d’appel -, et Cathe
rin e - F ran ço ise, qui épousa P ierre-L ou is Saignard de
C houm ouroux. D e ce mariage sont issus treize en fans,
n euf décédés sans p o stérité, et il n’en est pas question
dans la cause. M arth e, fille aînée, provenue dudit m ariage,
est aussi décédée le 4 juin 1756 : c’est celle q u i, dans son
contrat de m ariage avec le sieur de C ham blas, avoit été
gratifiée par les sœurs T reveis d’une somme de 1000 fr.
et de celle de 3000 fr. ; elle est représentée en la cause
par G eorges-François-A lexis L aroch e-N egly qui y figure
comme intim é. Les autres trois enfans existans s o n t,
Joseph-R aym ond-B énigne, Françoise et Alexis-Francoise
Saignard-Choum ouroux -, ils figurent en cause d’a p p e l,
comme intimés , contre L ouis M athon et son épouse ,
sur la demande en garantie qu’ ils ont exercée contr’eux.
L es trois filles de Catherine T r e v e is , veuve Bonnafoux ,
C ath erin e, F ran ço ise-H yacin th e et Catherinc-Françoise
Bonnafoux , furent instituées héritières par égale p or
tio n , par le testament de leur m ère ; et en exécution de
�( 5)
cc meme testament le partage fut effectué en trois lots
égaux , en 1763 , avec promesse de la part de chacune
d’elles de contribuer, pour un tiei’s au- payement des
dettes et legs dont la succession étoit grevée.
Il n’y avoit encore aucune disposition de la part de
M arthe T reveis , veu ve Plantier , tante commune y le
4 juin i y 56 , époque du décès de M arie-M arthe Saignard
de Chomnoui’o u x , épouse du sieur Ghamblas ■
, en sorte
qu’outre les 3000 fr. que
grand’tante lui avoit donnés
dans son contrat de m ariage, elle avoit à recueillir du
chef de Catherine-Françoise Bonnafoux , sa m è r e , con
curremment avec ses frères et sœurs-, le tiers dans sa suc-'
cession alors ab intestat: mais bientôt après, et le 31
adût 1 7 5 7 , ladite M arthe T reveis fit un testament par
lequel elle nomma et institua pour son héritière uni
verselle dame Catherine B o n n afo u x, sa n iè ce , veuve de
Gaspard M onteyrem ard, à la charge par elle de payer ses
dettes et legs. E lle décéda dans ces dispositions, le 17
janvier 1769 , laissant conséquemment à son héritière
instituée la charge d’acquitter les 3000 fr. promis par son
ordre à M arie-M arth e B o n n afo u x, dans son contrat de
mariage du 13 février 1746.
Peu de jours après sa m ort, e tle 6 février de l ’année 1769,
Catherine B o n n a fo u x , veuve M onteyrem ard , lit con
trôler le testament susdaté ; et comparaissant au bureau
du receveur du centième denier en qualité d’héritière
de dame M arthe T reveis , veuve Plantier , suivant son
testament du 31 août 1767 , elle fit sa déclaration sur
la consistance des immeubles dépendans de ladite suc
cession , qu’elle déclara consister seulement en un champ
sis à E x p a ly , de valeur de 800 fr.
�*0%
( 6 )
Cette qualité prise par la veuve M onteyrem ard, jointe à
une foule d’autres circonstances également déterm inantes,
servira à apprécier les moyens employés par les appelans,
pour se faire considérer .seulement comme héritiers béné
ficiaires de la veuve Planticr.
L ’époque fixée par le contrat de mariage de 1746 ,
pour le payement de la somme de 14000 fr. restée due
pour le payement de la dot de l ’épouse du sieur L aroch eNegly-Cham blns, étoit déjà passée; mais des circonstances
particulières déterm inèrent le sieur de Chamblas et son
épouse à ne pas en exiger le payement.
T o u s les enfans de Clioum ouroux étoient célibataires;
et l’espoir de réunir un jour l’entière succession C h oum ouroux fit suspendre jusqu’en l ’an 5 l ’action des enfans
L aroclie-N egly.
M ais les mêmes considérations qui suspendoient l’exer
cice de l’action de la fam ille C ham blas, n’em pèclièrent
p'as la dame C lioum ouroux et son mari de rappeler
Catherine Bonnafoux , veuve M onteyrem ard , à l ’exé
cution de ce à quoi s’étoit obligée M arthe B on n afou x,
sa tante , et qui l’avoit instituée son héritière. L a veu ve
P la n tie r, comme on l’a déjà v u , avoit chargé le sieur
de Clioumouroux; de constituer pour elle à sa fille , lors
de son mariage avec le sieur Chamblas , une somme
de 3000 IV. qu’elle de voit lui rembourser dans trois ans.
E lle 11’avoit pas com pté celle somme de son v iv a n t; et
quoique ledit Clioum ouroux n’eût pas payé cette somme
à sa fille qui ne l’avoit pas encore dem andée, il n’eu
rappela pns moins à la dame veuve M onteyrem ard l’obli
gation où elle é to it, com m e héritière de sa tante, d’ac-
�( 7 ) .....................................
quitter les 3000 fr. qu’ il a voit constitués à sa fille en
vertu des ordres qu’il en avoit reçus : de là les lettres
en réponses qui form ent la cote 6 de la production prin
cipale des sieur et dames C lioum ouroux.
Dans une prem ière , Catherine Bonnafoux , veuve
M on teyrem ard , offre à madame de Clioum ouroux , sa
sœur , d’en passer par l’arbitrage de celui qu’elle choisira
pour leurs intérêts *, et ces intérêts n’avoient d’autre objet
que le payement des 3000 fr.
Dans une seconde, qui suppose la demande en paye
ment de cette somme m otivée sur l’acte sous seing p rivé
dont on a rapporté les dispositions, elle demande à sa
sœur une copie des billets souscrits par la veu ve P la n tie r,
sa tanle , et un état de tout ce qui pou voit être dû à la
maison C lioum ouroux par ladite Plantier. Cette lettre
est du 13 mars 1760.
D ix ans a p rès, manifestation des mêmes intentions de
la part de C laude-M ichel M on teyrem ard, fils et h éritier
de ladite Catherine Bonnafoux.
P ar une troisième le ttre , qui est présum ée une réponse
à une réitération de demande de la part de la maison
G houm ouroux , il olfre à sa tante C lio u m o u ro u x, par la
m édiation d’ un parent et ami co m m u n , le délaissement
d’ une vigne pour entier payement de ce qu’il peut devoir
à la maison C lioum ouroux , du ch ef de la veuve P lan
tier , en parlant toutefois, pour faire accepter ses offres,
d’un projet de répudiation ; répudiation qu’il 11’étoit plus
à temps de faire.
P ar une quatrième lettre écrite à la dame Clioum ou
ro u x , sa tante , le 17 septembre 17 6 9 , il prétexte des
�c 8 ')
embarras de fa m ille, afin d’obtenir d’elle encore quelque
temps pour parler de leurs affaires.
Enfin , par une dernière lettre qui est datée de 17 7 0 ,
il cherche à intéresser la commisération de sa tante; il
prétend qu’il ne retirera pas ou n’a pas retiré de la suc
cession Plantier la somme de 3000 fr. qu’on lui dem ande;
il dit que sa succession 11’a été acceptée par sa m ère que
sous bénéfice d’inventaire ; qu’ il y auroit trop à perdre
de prendre la qualité d’héritier pur et simple , qualité
cependant que sa m ère et lui avoient prise ; et il l’invite
à avoir pitié de lui et de sa misérable situation.
T elles é to ie n t, dans ces temps plus reculés , les inten
tions des auteurs des appelans. lia dette fut toujours
par eux reconnue ; et la production des lettres qu’ils
écrivirentalors va bientôt contraster avecle plandedéfense
des mariés M onteyrem ard et M athon , d’une manière qui
ne fait honneur ni à leur lionne foi ni à leur délicatesse.
L e mariage de J o se p h -R a y m o n d -B én ig n e Saignard
de Choiim ouroux avec la dame de C o lo n n e , dont elle
a eu un enfant encore existan t, ayant absolument fait
évanouir l’espoir que les enfans Laroche-N egly avoient
eu de recueillir l’entière succession C lio u m o u ro u x , ces
derniers manifestèrent aux frères et sœurs Choum ourou x l ' i n t e n t i o n où ils étoient de les actionner en paye
m ent de la somme de 3300 fr. d’une p a r t , et de celle
de io o o francs d’autre part, que leur père s’étoit obligé de
donner à leur m ère pour et au nom de Catherine T rev e is , veuve Bonnafoux , et de M arthe sa sœ ur, veuve
Plantier.
Les frères et soeurs C lio u m o u ro u x , menacés de pour
suites
�suites judiciaires , voyant que les invitations verbales et
par écrit qu’ils avoient faites aux M onteyrem ard n’avoient
produit d’autre eiFet que de conserver leur action au
b e so in , se décidèrent enfin à em ployer d’autres voies
pour forcer Ju lie-A n g éliq u e M onteyremard , et Louis
M atlion son m a ri, à leur payer cette somme de 4000 fr. ;
et par l’exploit des 6 et 18 prairial an 7 , ils firent
saisir et arrêter entre les mains d’un nom m e B on n eville,
débiteur des appclans, tout ce qu’il pouvoit leur devoir:
mais les appclans avoient eu la précaution de se faire
sousem-e par ledit Bonneville un billet payable au p o r
teur ; ils en ont été payés ; et ces deux saisies-arrets n’ont
conséquemment produit aucun effet.
Les menaces des enfans L aroch e-N egly ne tardèrent
pas à s’effectuer; et le 2 5 prairial an 7 , F ran çois-A lexis,
faisant tant pour lu i que pour ses frères et sœurs et
b e lle s -s œ u r , cita en conciliation le sieur C houm ouro u x et ses deux sœm*s en payement de la somme de
18000 f r . , montant de la constitution de dot de sa mère.
D e u x jours ap rès, et le 27 p r a ir ia l, le sieur de C lioum ouroux et ses deux sœurs citèrent aussi en conciliation
les mariés M atlion et M onteyrem ard , et le sieur L ou is
de L a va l-d ’A rle m p d e , h éritier pour un tiers par repré
sentation de Françoise-H yacinthe B on n afoux, sa grandm ère, de Catherine T r e v e is , femme B onnafoux, bisaïeule
des parties , à l’eifct de les indemniser ou rem bourser
chacun en droit soi de la somme do 4000 fr. qui étoit
à leur c h a rg e , aux offres de payer le surplus de la
dot demandée par les enfans Laroche-N egly.
Les parties com parurent au bureau de paix le 27
B
�(-1°)
messidor an 7 ; et ce ne fut pas sans étonnement que
les frères et sœurs Choum ouroux virent com paraître un
nomm é Biaise B o rt, fondé de pou voir des mariés M allion
et M o n teyrem ard , à qui ils curent l'im pudeur de faire
déclarer pour eux que l’action des frères et sœurs Glioum ouroux étoit n o n -receva b le, parce qu’elle étoit pres
crite et m al fondée , parce que leur créance n’étoit pas
établie , et parce qu’ils n’en avoient jamais entendu
p a rle r: q u a n ta u sieur de L a v a l, il ne com parut pas.
L e procès verbal de non-conciliation fut suivi d’une
assignation au tribunal civil de la Ilau te-L o ire, à la requête
du sieur Choum ouroux et de ses sœurs , donnée tant
aux mariés M atlion qu’au sieur de L a v a l, le 11 ther
m idor suivant.
U n prem ier jugement joignit la demande en garantie
à la demande principale qui avoit été form ée par les
enfans L aroch e-N egly , et accorda à ces derniers 1111e
provision de 3000 fr. contre les frères et sœurs C h ou
m ouroux : cette provision a été payée.
L a demande principale des enfans L a r o c h e -N e g ty ,
outre la demande en payement de 18000 fr. pour la cons
titution de dot faite à leur m ère , avoit encore pour
objet le partage de la succession C h o u m o u ro u x, pour
leur en être délaissée, du ch ef de leur m ère, la portion
qu’elle y amendoit du ch ef de ses irères et sœurs décédés,
oncles et tantes des demandeurs. Sur celle dem ande, des
arbitres avoient été nommés en l’an
5 entre toutes les
parties intéressées ; mais les arbitres 11’avoient pas encore
prononcé.
L es parties en étant venues à l’au d ien ce, au tribunal
�( ii )
de la H autc-I.oire , sur la demande en partage , sur la
demande en payement de la d o t, et sur la demande en
garantie , il y in te rv in t, le 6 germ inal au 8 , un juge
ment q u i, sur la demande en partage , ordonna que
les arbitres respectivement nommés procéderoient ,
dans le délai d’ une décade , au partage des successions
dont il étoit question ; et avant faire droit sur la
demande en payement de la somme de 4000 fr. cons
tituée à la dame Laroche-Negly , du ch ef de Catherine
et M arthe Trevcis , ordonna , sur la demande des mariés
M atlion et M onteyrem ard, qui avoient eu la mauvaise
foi de désavouer la signature desdites T reveis apposée
au sous seing p rivé du 9 janvier 17 4 6 , que par des
experts-écrivains dont les parties conviendroient dans
le délai d’une décade , il seroit procédé à l ’aveu et reconnoissance, par comparaison d’écritu re, de leurs signa
tures.
Les parties n’ayant pas exécuté la prem ière disposi
tion de ce jugem ent, et les arbitres n’ayant pas. prononcé ,
le môme trib u n al, par un second jugement du 24 prai
rial an 8 , ordonna le partage des successions des frères
et sœurs Chouniouroux , décédés, pour en être attribuée
aux en fans Laroche-N egly la portion qu’ ils y am endoient;
il condamna de plus les frères et sœurs C h oum ou roux
ù .payer aux L a r o c h e -N e g ly la somme de 14000 fr.
restée due sur la constitution faite à leur m è re , sauf à
eux ù exercer leur garantie contre les débiteurs princi
paux de partie de cette même dette. L e jugem ent a été
e x é cu té , le partage a été fait; sur les 14000 fr. pour
final payement de la d o t , ic o o o fr. ont été payés par les
B 2
�-M
C 12 )
frères et sœurs C h o u m o u ro u x, en sorte que toute la
contestation, par suite de l’exécution de ce ju g em en t,
se borne à savoir qui doit payer les 4000 fr. du ch ef des
sœurs T reveis : aussi n’est-ce que pour la seconde dis
position de ce jugem ent que les parties ont contesté dans
la suite.
E n exécution de cette dernière disposition du juge
ment , des experts furent en effet nommés par-devant
le tribunal civ il d’Yssingeaux , q u i , après la nouvelle
organisation ju d icia ire, remplaça le tribunal civil du
département. Chainpanhac et P o u z o l, experts nomm és,
convinrent unanimement dans leur rapport du 30 pluvise an 9 , que les signatures apposées à l’acte sous seing
p rivé étoient vraim ent celles des sœurs Catherine et
M arthe Treveis.
L e 8 therm idor an 9 , les appelans firent signifier un
m ém oire dans le q u e l, sans contester les qualités des par
ties , et sans exciper d’aucun m oyen de nullité contre la
procédure , ils se bornèrent à soutenir que l’action des
frères et sœurs C houm ouroux étoit prescrite; dans tous
les c a s , qu’ils ne pouvoient être condamnés qu’en qua
lité d’héritiers bénéficaires ; et ils insistèrent ensuite sur
la nullité de la saisie faite à leur p ré ju d ice , saisie q u i ,
comme on l’a observé , n’em pécha pas la par lie saisie de
payer : ce qui rend ce dernier ch ef de conclusion sans
objet.
E n cetétat, et après plusieurs autres actes respectivement
signifiés , les parties en vinrent à l’audience du 14 fruc
tidor an 9 , jour auquel il intervint au même tribunal un
jugement qui a appointé les parties en d ro it, écrire et
produire.
�( i3 )
Ce fut donc sur productions respectives de la part
des appelans , des sieurs Choum ouroux et des enfans
Laroche-N egly , qu’il fut rendu sur rapport au tribunal
d’ Yssingeaux, le i5 floréal an 10 , contradictoirem ent
entre toutes les parties qui sont en cause sur a p p e l, et
par défaut contre le sieur de L aval qui a acquiescé aux
condamnations prononcées contre lui , le jugem ent sur
le m érite duquel la cour a à prononcer. Ce jugem ent
est également sage dans ses motifs et dans son dispo
sitif. Les motifs ont déjà été transcrits tout ail lon g dans
le m ém oire im prim é des appelans ; on se bornera à en
rappeler le dispositif ; il est ainsi conçu :
« L e tribunal, disant droit aux conclusions principales
«
«
«
«
«
prises par les frères, sœurs et b e lle -sœ u r L aroch eN e g ly , sans avoir égard à celles des frères et sœurs
C houm ouroux, non plus qu’à celles des mariés M atlion
et M onteyrem ard -, vidant l’interlocutoire porté par
le jugement du 6 germ inal an 8 , hom ologue la re-
«
«
«
k
«
lation rendue par les experts C ham panliac-V illeneuve
et P o u z o l, les 7 et 8 pluviôse an 9 ; en conséquence,
déclare la procuration p riv ée , passée le 9 février 1746
par Catherine et M arie-M artlie T reveis sœurs, en faveur de Pierre-Louis Saignard-Choum ouroux , avouée
« et reconnue de conform ité à l’édit de 1684-, e t, saus
« avoir égard aux üns de non-recevoir opposées par les
« mariés M athon et M onteyrem ard , desquelles elles de« meurent dém ises, a condamné et condamne les frères et
« sœurs Choum ouroux à faire payement aux frères, sœurs
« et belle -sœur L a ro ch e-N egly, de la somme do 3666 liv.
« 13 sous 4 deniers, pour reste de la dot constituée à
�«
«
«
«
«
«
«
«
( 14 )
M arthe Saign ard -C h ou m ou rou x leur m è re , lors de
son contrat de mariage avec A m able L aroch e-N egly,
du 13 février 17 4 6 , et ce avec les intérêts encourus,
savoir, de la somme de 666 livres 13 sous 4 deniers,
depuis le 14 février 1749; de la somme de 1000 francs,
depuis le 14 février 174 7 ; d’autre somme de 1000 fr .,
depuis le 14 février 1 7 4 8 ; et enfin , de la somme
de 1000 francs, depuis le 14 février 1749; sous toutes
« les déductions et distractions de droit ; condamne les
« frères et sœurs Choum ouroux aux entiers dépens envers
cc les L aroch e-N egly. Comm e aussi disant droit aux con« clusions prises par les frères et sœurs C h o u m o u ro u x,
« demeurant les instances jointes, sans avoir égard à la
« demande en m ain-levée provisoire et définitive des ban« nim ens mis au préjudice des mariés M athon et M on« teyrcm ard , entre les mains du sieur B onneville , a con
te
«
«
«
damné et condamne le sieur d’A r le m p d e , et les mariés
M athon et M onteyrem ard , en leur qualité de cohéritiers de Catherine T reveis leur bisaïeule, à relever et
garantir conjointement les C h oum ouroux , pour lu
« somme de 666 livres 13 sous 4 deniers, dont la con« damnation se trouve prononcée contr’e u x , en faveur des
« L a ro ch e -N e g ly , et ce avec les intérêts depuis le 14 fé« vrier 17 4 9 , sous toutes déductions et distractions de
« d ro it; et , sans avoir égard aux conclusions subsidiai« res et principales prises p-ir les mariés M athon et M011« tevrem ard, dont les a dém is, les a condamnés et con« dam ne, en leur qualité de successeurs à Catherine B011« n afouv. héritière de M arie-M arlh e T r e v e is , à relever
« et garantir les C houm ouroux de lu condamnation con-
�( i5 )
tr’eux prononcée de la somme de 3000 fran cs, et ce
« avec les intérêts depuis les époques fixées et adjugées
« aux L a ro ch e-N eg ly , et sous les mêmes déductions et
« distractions ; a condamné conjointem ent les mariés M a
te thon et M onteyrem ard, et d’A rlem p d o , ù un tiers des
« dépens, tant de la demande principale que de celle en
« garantie, non compris les frais de la vérification des
« signatures des sœurs T re v e is , ensemble le rapport des
« exp erts, lesquels dépens demeurent à la charge des
« mariés M ath on , ensemble les autres deux tiers des d é-
k
« p e n s, ainsi que les deux tiei’s du coût du ju g em e n t,
« l’autre tiers devant être supporté conjointem ent par les
>« M athon et d’A rlem pde. »
C ’est de ce jugement dont la dame M allion et son
mari ont interjeté appel. E11 prem ière instance 011 ne
s’etoit occupé que du fond de l ’affaire , et les appelans
ne s’étoient pas imaginés p ou voir arguer de nullité toute la
procédure tenue par les frères et sœurs Choum ourpux à
Yssingeaux. M a is, plus pénétrans en cause d’appel , ils
ont produit contre toute la pi-océdure une foule de nul
lité s , q u i, si elles eussent réellem ent existé , nuroient
-cté couvertes .par la défense an fond devant les p re•mieis juges. Les exploits introductifs d e -l’instance , et
tous les actes de la. p ro cé d u re , ont été par eux argués
de nullité , parce qu’ils ne contiennent pas les prénom s
et les qualités des parties , parce qu’ils 11e sont pas
libellés , et parce que le sieur C houm ouroux et le sieuv
Chamblas ont form é leur demande , et poursuivi l’ ins
tance comme procureurs fondés de leurs frères et
sœurs.
�( i6 )
Les frci’es et sœurs C houm ouroux ont suffisamment
répondu à ces moyens de nullité dans leur écritu re;
et les appelans., dans leur m ém oire im p rim é , semblent
eux-m èm esfaire justice de semblables m oyens, en ne les
rappelant que par form e dénonciation et sans y insister.
V enons donc avec eux à la discussion du fond ; e t ,
pour les suivre dans leur plan de défense , examinons
successivement les trois propositions qu’ils ont fait dériver
de l ’exposé des faits et de la procédure.
P r e m iè r e proposition d isc u té e p a r les a p p e l a i s .
L a donation portée au con trat de mariage de 1746
est-elle obligatoire p o u r M a rie-M a rth e T reçeis ou
les appelans q u i la représentent ? A -t-o n pu f o r m e r
une action c o n tr e u x p o u r cet o b je ts
Cette prem ière proposition ne contient pas à beaucoup
près la question à ju g e r; elle n’a jamais été proposée ni
discutée dans le cours de l ’instance , soit en cause prin
cipale , soit dans les écritures faites en a p p e l, jusqu’à la
signification du m ém oire qui la contient. E lle supposeroit que, d’après le contrat de m ariage du 13 février 17 4 6 ,
les eafin s Laroche - N egly auroient form é une action
directe contre les appelans ; et son examen ne tendroit
qu’à discuter la question de savoir si , en vertu de la
clause insérée au contrat de m ariage de M arthe C hou
m ouroux avec le sieur de L a r o c h e - N e g ly , ceux-ci ou
leurs héritiers auroient à exercer une action directe contre
les mariés M atlion et M onteyreinard. C ’est en elï'et sous
ce
�. ( 17 )
ce point de vue qu’elle est discutée dans le m ém oire
signifié •, et cette discussion, sur laquelle on s’est com plai
samment appesanti , sort absolument de la question à
juger. Il n’y a p a s, dans l’espèce , d’action directe de la
part des L aroclie-N egly contre les appelans : ce n est
pas aux appelans que les L a ro clie -N e g ly ont demandé
les 4000 fr. ; il n’y avoit rien de douteux entr’eux et
le sieur de C lio u m o u ro u x , père de la dame LaroclieN egly. L e sieur Clioumouroux lu i constitue une dot ,
tant de son chef que par l’ordre des dames T re v e is, veuves
Plantier et Bonnafoux ; il p r o m e t, tant de son ch ef que
de celui des dames T re v e is, en vertu de la procuration
desquelles il a g it , de payer le montant de la constitution
qu’ il fait à sa fille : rien d’incertain dans cette clause;
l ’exécution de cette obligation ne dépend pas de causes
étrangères : peu im porte que la procuration soit ou non
annexée au contrat de m ariage, pour donner aux futurs
l ’assurance que cette constitution totale leur sera payée.
Cette clause , dans tous les c a s, doit produire tout son
eiîet respectivement à eux ; elle ne peut pas devenir inu
tile par le refus que fèroient les dames T rev eis de
ratifier les ordres ou procuration par elles donnés. Q ue
l’ordre fût révoqué ou non , que l’action résultante de
cet ordre fût ratifiée ou non ; dans ces deux cas point
d’ incertitude de la part des contractons, leurs droits n’en
sont pas moins assurés : l’obligation personnellem ent
con tractée, et solidairement en l’une et l’autre q u a lité ,
en son nom p erso n n el, et com m e ayant ordre de la
part de ses tantes , par le sieur Clioum ouroux , leur
assuroit toujours l’exécution des conventions m alriinoC
�( 18 )
niales. E t en effet, les enfans L a ro ch e-N eg ly , sans s’oc
cuper des dames T reveis , n’ont vu que le sieur C h o u m ouroux com m e seul obligé respectivement à eux ; ils
n’ont dirigé leur action que contre ses héritiers , et ils
ont obtenu contr’eux tout ce qu’ils auroient pu obtenir
contre lui-m êm e , le payement de l’entière constitution ,
sauf à eux à faire discuter la question de garantie avec
les appelans.
C ’est cette seule question de garantie qui a été, devant
les prem iers ju g e s , et qui est encore aujourd’hui l’objet
de la contestation qui divise les parties ; et sans s’occuper
de l’arrêt rapporté par M . L ép in e de G r a in v ille , arrêt
qu’il est inutile de v é r ifie r , p u isq u e, dans aucun cas,
il ne sauroit s’appliquer à l’espèce sur laquelle la cour
a à p ro n o n c e r, au lieu de la question proposée , nous
en poserons une autre qui dérive plus naturellement de
l’exposé de toute la procédure.
P r e m i è r e
Le
q u e s t i o n
a
j u g e r
sous seing -privé souscrit p a r les
.
deux sœ urs
Treveis , le 9 f é v r ie r 1 7 4 6 , étoit-il obligatoire p o u r
elles ?
P ar ce sous seing p r iv é , les deux sœurs Catherine et
M arie - M arthe T reveis chargent le sieur Choum ouro u x
de constituer à sa fille , dans son contint de
m ariage arrêté avec le sieur de Laroche-N egly , l’une une
somme de 1000 fr. , et 1’autre une somme de 3000 fr. ;
les 3000 fr. payables en trois termes annuels et égau x,
�S\
Jté
( 19 )
dont le prem ier devoit échoir un an après le m ariage:
elles s’obligent à lui rem bourser ou faire rem bourser lesdites sommes aùx mêmes term es, attendu q i ï i l s obligera
de les payer.
Cette procuration est aujourd’h u i reconnue et v eriflée,
elle doit donc obliger les dames T reveis ou leurs héritiers,
si réellem ent le sieur de Choum ouroux a constitué à.
sa fille cette somme •, or , il est incontestable qu’en effet,
lors du contrat de mariage de sa fille, il lu i a constitué
pour ses deux tantes cette somme. Il n’a pas, il est v ra i,
relaté dans l’acte la procuration sous seing p rivé’ en vertu
de laquelle il agissoit, parce qu’alors elle n’étoit pas sou
mise à la form alité de l’enregistrement ; mais il a textuel
lement déclaré que c’étoit par l’ordre des damés T reveis
qu’il constituoit ¿t sa fille cette somme de 4000 fr. faisant
partie d’une constitution plus considérable. A u surplus,
nanti de la procuration qui lu i assuroit le rem bourse
ment de ce qu’il auroit avan cé, il en a fait son affaire
personnelle relativem ent aux deux contractans, à qui il
devoit être indifférent alors qu’il y eût procuration, quant
à ce , de la part des sœurs Treveis.
L e sieur Choum ouroux ayant rem pli les intentions de
ses tantes , et s’étant engagé personnellem ent ;\ payer
pour elles la somme de 4000 f r ., maintenant que ses
enfans sont condamnés à payer cette somme com m e ses
h é ritie rs, leur garantie contre les héritiers des dames
T reveis est incontestable ; la promesse de rem bourser
subsiste dans sa force , et elle est obligatoire pour eux.
L e seul moyen apparent de p ou voir la contester seroit
de dire que cette somme de 4000 f r . , comme le surplus
C 2
�1L
C 2° )
de la constitution , a été faite par le père de son ch ef:
mais la lettre de l’acte écarte cette supposition ; il y dit
que c’est par l’ordre des dames T reveis. Il y a plus ,
c’étoit une chose reconnue par toutes les. parties p ré
sentes au contrat de m ariage , et notamment par les
contractans ; car on lit dans le m êm e acte que la future
ép o u se, m oyennant îa susdite somme de n o o o fr. à
elle constituée par ses père et m è r e , renonce à tout
droit paternel et m aternel ; elle reconnoit donc qu’il
n’y avoit de constitution du ch ef de ses pèi’e et m ère
que p o u r une somme de i io o o fr. ; le surplus , pour par
faire celle de 18000 f r . , n’étoit donc p a s, d’après la science
certaine de la fu tu re , constitué par le père et la m ère de
leu r chef j les 4000 fr. n’étoient donc pas donnés et consti
tués par le père de son c h e f, parce qu’alors la constitution
par lui faite, au lieu d ’être de 11000 f r . , auroit été de
18000 fr ., ou tout au moins de iô o o o fr.
L e système des adversaires, qui tend à soutenir que
la procuration est postérieure au contrat de m a ria g e,
est d’abord im aginé sans aucun intérêt *, car enfin , dans
cette hypothèse , l’autorisation , la procuration , ou , si
l’on v e u t, la ratification de ce qui auroit été fait par le
sieur C lioum ouroux , quoique d’une date« postérieure
au contrat de m ariage, n’en seroit pas moins obliga
toire pour les deux sœurs T reveis. M ais il y a p lu s,
ce système ne peut se soutenir; la procuration n’a pas été
relatée , parce qu’elle n’étoit pas encore contrôlée : toutes
les présom ptions tendent à détruire ce système ridicule.
Quand on n’a pas un o rd re, et un ordre par écrit, pour
constituer une somme aussi considérable, on 11’énonce pas
�f a
O O
r
.
,
dans un acte si solennel, et en présence de deux familles
réu n ies, que c’est par ordre de tierces personnes que
l’on constitue telle ou telle -autre- somme en dot:. Il y a
p lu s , les intimés ne sont pas réduits à invoquer de
simples présomptions ; ils trouvent dans deux actes la
preuve par écrit de l’antériorité de la procuration au
contrat de mariage. Catherine T réveis , veu ve Bonnafoux , dans son testament du 30 août 1746 , confirm e
la donation par elle faite ¿1 la dame L aroch e - N egly
d’une somme de 1000 fr. ; il n’y :a pas d’autre donation
-
que la constitution énoncée au contrat de mariage. A ù
contrat de m ariage, ce n’est pas Catherine T reveis qui
donne et co n stitu e, c’est le sieur C h oum ouroux qui
donne et constitue pour elle ; il faut donc une manifes
tation de sa volon té avant le contrat de m ariage : cette
manifestation se trouve dans la procuration. L ’acte sous
seing p rivé est donc antérieur au contrat de m ariage :
et il en est de la procuration de M arthe T reveis , veu ve
P la n tier, comme de celle de Catherine sa sœur-, le m êm e
acte sous seing privé contient les deux procurations.
E n second lieu , on trouve encore la preuve de cette
antériorité dans le contexte même de la procuration. L es
deux sœurs s’obligent à rem bourser à leur neveu les
deux som m es, celle de 1000 fr. et celle de 3000 f r . ,
attendu qu il s obligera de les payer. L e sieur C h ou
m ouroux , lors de la p ro cu ratio n , ne s’étoit donc pas
encore obligé *, il ne s’est obligé que par le contrat de
mariage-, donc le contrat de m ariage est postérieur à
la procuration. Celte conséquence , n’en déplaise aux
appeluns , est un peu plus juste que celle qu’ ils ont tirée
�( 2 2 )
de la même clause dans leur m ém oire im p rim é, page 20.
L a preuve , disent-ils , que cette prétendue procuration
est postérieure au contrat de mariage , résulte des
term es dans lesquels elle est conçue ; il J u i t obliger
les constituantes à lu i rem bourser les som m es , attendu
q u 'il s'obligera de les payer. Les appelans et les intimés
partent du même principe; ils en tirent une conséquence
opposée : la cour pèsera dans sa sagesse quelle est celle
qui est la plus juste,
<
M ais pourquoi les appelans s’épuisent-ils en de vains
efforts pour contester une garantie qu’ils ont eux-m êm es
form ellem ent reconnue? T e l est en général l’em pire de
la vérité sur ceux q u i , mentant à leur conscience j cherclient à s’aveugler sur son existence ; elle përee souvent
au m ilieu même des désaveux de ses détracteurs ; et c’est
ce dont les appelans nous ont fourni la preuve dans
leur écriture et leur m ém oire en cause d’appel. T o u t
en contestant d’abord l’existen ce, et ensuite la validité
de l’obligation contractée par la procuration sous seing
p rivé du 9 février 17 4 6 , ils ne peuvent soutenir jusqu’à
la fin un désaveu et une résistence aussi déloyale ; ils
reconnoissent l’un et l’autre, et il leur échappe des aveux
qui seuls suliiroient pour détruire le plan de défense
qu’ ils ont adopté. A u dernier rôle de leurs griefs signi
fiés le 18 therm idor an j i , ils reconnoissent que la
demande principale des enfans Laroche^Ncgly a pour
objet la condamnation d’une somme de 18000 fr. à lu
charge des héritiers Choum ouroux., ot que la demande
eu garantie de çes derniers a pour •objet.le rem bourse
ment de 4009 fr. , dont 3333 f r . sont ¿1 leur charge.
�( 23 )
N ’est-ce pas convenir de'la m anière la plus form elle qüe
la procuration sous seing p riv é est vraim ent obligatoire
pour eux ? i N ’est-ce pas d étru ire1tout ce qu’ ils avoient
déjà dit et écrit pour contester la garantie ? N ’est-ce pas
reconnoitre qu’ilsson t vrahnent débiteurs de cette somme
envers les héritiers C houm ouroux ? ........
Dans leur m ém oire signifié en iorm e de salvation, on
vo it encoreile même aveu , sinon d’une m aniéré bien ex
presse, au moins d’une manière im plicite. Dans les questions
par eux p o s é e s e t dans la suite de la discussion de ces
mêmes questions, ils s’occupent'uniquem ent de l’obliga
tion que pouvoit avoir contractée M arie-M arth e T r e veis ; ils ne parlent plus de celle contractée par sa sœur*
Catherine ; ils passent en conséquence condam nation ën f
ce qui concerne cette dernière : aucune réclam ation ,
quant à ce ; tous leurs griefs portent uniquem ent sur les
3000 fr. promis par la veu ve Plantier. M ais en ne par
lant plus de l’obligation contractée par Catherine pour
une somme de 1000 f r . , n’est-ce pas reconnoitre la
légitim ité de celle de 3000 fr. souscrite par M arieM arthe sa sœur ? L ’une et l’autre ont la m êm e causé","
la même o rig in e , la même date ; elles sont l’ une et
l ’autre souscrite dans le m ême acte : cet acte n’est pas
susceptible d’être scindé , il faut qu’il vaille pou r l’une
et pour l’autre , ou qu’il ne vaille pour aucune. Si l’obli
gation de 1000 fr. est obligatoire pour C ath erin e, il
faut que celle de 3000 fr. soit aussi obligatoire pour
M arie - M arthe : reconnoitre qu’on est débiteur de la
p rem ière, c’est reconnoitre que l’on doit payer la seconde;
no pas opposer la prescription contre la prem ière créance,
�\\
(H )
c’cst s’interdire la proposition du m oyen de prescrip
tion contre la seconde. O r , en ne demandant pas dans
leur m ém oire la réform ation du jugement dont est appel j
quant à cette prem ière créan ce, les appelans l’ont for
mellement approuvé en cette partie ; cette approba
tion entraîne , par une suite nécessaire, l’approbation de
la seconde. O utre les moyens déjà proposés , il résulte
donc des écrits et m émoires signifiés en cause d’appel
par les mariés M atlion et M onteyrem ard, il résulte même
du contexte durjugcm ent dont est appel q u i, dans un
de ses m o tifs, ¿ a v a n t d ern ier, nous apprend qu’ils n’ont
élevé aucune contestation sur la demande en payem ent
de la somme,de io o o fr. du chef de Catherine T re v e is;
il résulte d o n c, disons - nous, une fin de non - recevoir
contre tous les moyens qui tcndroient à atténuer l’ob li
gation contractée, par M arie -.M arthe T reveis de rem -,
bourser au sieur Clioum ouroux la somme de 3000 f r .’
qu’il devoit payer pour elle.
L es appelans pou rsu ivans, sur leur prem ière p ro p o -i
sition , prétendent inférer la nullité de la procuration
de ce qu’elle n’a pas été rédigée par-devant notaire. Ils ne
von t pas jusqu’à soutenir qu’ une procuration d o it, pour
être valable , être faite par-devant notaire ; mais appli
quant aux procurations les dispositions de l'ordonnance
do 1731 qui n'a trait qu’aux donations, ils veulent faire
dépendre la validité de la procuration des mêmes prin
cipes qui règlent et qui fixent le sort des donations. M ais,
pou r toute réponse à cette objection , il suffira de dire
que l'acte de
1746 11e fut jamais une
donation , et
qu’il ne doit pas être jugé d’après les formes et les prin
cipes
�St
( *5 )
cipes qui ne s’appliquent qu’aux donations entre-vifc.
Présenter aussi, comme le font les appelans , cet acte
comme une contre-lettre au contrat de m ariage, c’est
abuser des expressions , et vo u lo ir absolument faire
prendre le change sur la définition des choses : par
contre-lettre , en fait de contrats de m ariage , on en ten d,
d’après la définition de tous les auteurs , une convention
qui attaque les termes ou la substance d’un contrat de
mariage , qui en détruit les clauses , qui les altère , les
dim inue ou y déroge. M ais a ces caracteres , pou rrat-on jamais reconnoitre l ’acte sous seing p rivé de 1746 ?
Les clauses du contrat de m ariage du 13 février 1746
ne sont-elles pas, quant à leur exécu tio n , absolument in dé
pendantes de ce même sous seing p rivé ? Relativem ent aux
futurs constitués, et au père constituant, sont-elles donc
susceptibles de la m oindre altération , de la m oindre
modification ? Ne restera-t-il pas tou jou rs, indépendam
ment de la procuration , une constitution en totalité , et
telle qu’elle a été promise ? L a fam ille L aroch e-N egly
n’a-t-elle pas toujours la certitude du payement de c«tte
constitution , d’après l’obligation q u ’en a contractée le
sieur Choum ouroux , sauf à lui ou à ses héritiers à
exercer leur recours contre les dames T reveis ou leurs
héritiers. Cette idée de contre-lettres apposées à un con-'
trat de mariage sort donc absolument de l’espèce à jun-er
et l’application n’en est ni juste ni raisonnable.
Passant de cette prem ière proposition u une seconde,
les appelans soumettent à l’examen de la; cour la question
de savoir si l’action des héritiers Choum ouroux n’est pas
prescrite : de là la seconde question.
D
ÍV
�( *6 )
S e c o n d e
>
p r o p o s i t i o n
.
>
TJ action dirigée contre les appelons est - elle ou non
prescrite ?
P o u r établir que cette action est p rescrite, les appelan s, il faut en co n ven ir, auroient bien dû être au moins
un peu plus exacts dans la relation des dates d’où ils
sont partis pour faire com m encer la prescription de l’ac
tion ; on n’auroit pas alors à leur reprocher presqu’autant d’erreurs que de mots dans plusieurs pages du
second paragraphe de leur m ém oire. Us supposent d’abord
que la dame Laroche-N egly a survécu plus de quinze
ans à M arie-M arth e T reveis sa grand’tante ; son acte de
décès est produit au procès, cote 4 de la production Choum o u ro u x ; elle est décédée le 4 juin 1 7 56. M arie-M arthe
T reveis, sa grand’tante, est décédée le 17 janvier 1759-, au
lieu d’avo ir survécu à la veu ve P lantier elle l’a donc
précédée. Ils mettent aussi en fait que l’on n’a pas osé
faire paroître la procuration du vivant de l’aïeule ou de
la tante \ mais la procuration a été contrôlée en dé
cembre 1 7 5 3 , cinq ans avant le décès de M arie-M arthe
T reveis arrivé en janvier 1769. Partant de ces points
de faits dont la fausseté est d ém o n trée, les appelans en
tirent des conséquences qui doivent nécessairement
crouler avec les principes dont ils les font dériver.
M ais leu r'b u t est d’établir une prétendue prescription
qui n’exista jamais que dans leur imagination ; le but des
héritiers C houinouroux est de p rou ver qu’ il n’en existe
�3
C 27 )
pas. Rétablissons les dates, et démontrons que l’action
n’est pas prescrite : nous intervertirons l ’ordre adopté,
par les appelans, et nous établirons d’abord que l’action
principale n’est pas p rescrite, et ensuite qu’il en est ,de
même de l’action en garantie. - ,
c, ■- '
. M arie-M artlie C houm ouroux a contracté m ariage avec
le sieur de L aro ch e-N egly, le 13 février 1746-, l’échéance
des termes de pnyemens pour la somme de 3000 francs
contestée, puisqu’il ne s’agit que de cette som m e, d’après
le mémoire des appelans, et d’après le consentement par
eux donné devant les premiers juges, relativem ent au
payement de leur quote part de la somme de 1000 fr.
du chef de Catherine T r e v e is , est fix é e , par le contrat
de m ariage, au 13 février 1749 : c’est de cette dernière
époque seulement, ainsi que les appelans en sont convenus
dans leur m ém o ire, que doit com m encer à cou rir la
prescription.
Si la prescription eût pu courir contre la dame Cham blas constant son m ariage, il se seroit écou lé, jusqu’à son
décès, sept ans trois mois vingt-un jours utiles à la pres
crip tio n , et non pas plus de d ix ans, comme le sou
tiennent les appelans aux pages 22, 23 , 25 et 26 dq leur
m ém oire: ce qui écarte absolument la discussion à laquelle
ils se sont livré s, et qui devient dès-lors inutile et oiseuse.
L e père Chamblas est aussi décédé le 4 décem bre 1783:
en supposant, ce qui n’est pas, que la prescription, eût
pu courir contre ses enfans pendant sa su rvie, il y auroit
eu encore de prétendue prescription jusqu’à ladite époque
un laps de temps de vingt-six ans trois m ois; du 4 dé
cembre 1783 jusqu’à lu demande du 25 prairial an
cor-
�(28}
responclant au 14 juin 17 9 8 , il se seroit écoulé un laps
de temps de quatorze ans neuf mois dix jours de vrai-1
m ent utiles à la prescription; en sorte qu’en calculanttout le temps interm édiaire depuis le 13 fév rier 1749
jusqu’au 2.5 prairial an 7 , sauf ensuite la distraction du
temps pendant lequel la prescription a été interrom pue,
il se seroit écoulé un laps de temps de quarante-huit ans
quatre mois. M ais du nom bre de ces années il faut dis
traire d’abord les vingt-six ans trois mois qui se sont
écoulés depuis le 4 juin 176 6 , époque du décès de M arieM arth e G houm ouroux, épouse du sieur Cham blas, jus
qu’au 4 décem bre 17 8 3 , époque du décès de ce d ern ier7
ce qui laisseroit seulement vin g t - deux ans et un mois
d’utiles à la prescription. Si l’on doit en effet distraire
ces vingt-six ans trois m o is, dès q u e, par cette distrac
tio n , il ne reste plus que vin gt-deu x ans un m o is, il est
inutile de s’occuper de la question qui tendroit à savoir
si la prescription a pu courir contre la m ère constant le
m ariage, puisqu’en supposant môme l’affirm ative de cette
p ro p o sitio n , il n’y auroit jamais que vingt-deux ans et
un mois drutiles à la p rescrip tion , et non plus de trente
a n s, comme le supposent les adversaires.
M ais la prescription a - t - e l l e été suspendue pendant
les vingt-six ans trois mois qui se sont écoulés depuis le
déct& de M a r ie - M a r th e Choum ouroux jusqu’au décès
du sieur Cham blas, son m a ri? V o ilà la question de la
solution de laquelle d ép en d , en grande partie, le sort
de la demande principale dans, le système des adver
saires, parce q u e , d’après e u x , le moyen de prescription
n’aurait été couvert ni par les lettres ni par les autres
�( i9 )
moyens que les intimés ne font valoir que surabondam
ment pour écarter un m oyen aussi odieux*
S o u te n ir, comme le font les app elans, que la pres
cription court contre le fils de fam ille constant l’ usufruit
de son p ère, c’est heurter de front tous les principes reçusen cette m atière, c’est vo u lo ir m éconnoître l’opinion de
tous les auteurs> la jurisprudence des arrêts, et m&ftie
celle de la cou r d’appel q u i, par divers arrêts, a consacré
le principe contraire. Ce système erroné vient se briée#
contre une foule d’autorités égalem ent respectables : l*atiteur des M axim es journalières du ci-devànt parlem ent dé
P ro v en ce, L o u et et B rodeau, P o th ier, D u n o t, des arrêts
rendus au parlem ent de T ou lou se en 1695 et eri 17 0 2 ,
C atelan, que les adversaires osent in v oq u er, tom e 2 ,
liv . 7 , chap. i 5 , pag. 484, From ental, Serres en ses Ins
tituts, liv . 2 , tit. 8 , pag. 19 3 , ne permettent plus aujour
d’hui de controverser une semblable question. L ’opinion
de ces divers auteurs, les lois romaines sur lesquelles ils
l?ont basée, et les arrêts1 qu’ ils in vo q u en t, sont littéra
lem ent transcrits dans le m ém oire signifié par les frères
Choum ouroux , en prem ière instan ce, le 17 messidor
an 9 , cote 23 de la procédure principale-, et l’on se b or
nera à y renvoyer les appelans, pour éviter des rép éti
tions inutiles, et d’autant plus inutiles que la jurisprudence
de la cour d’appel est, quant à c e , irrévocablem ent fixée.
L a demande principale des en fans L aroch c-N egly n’étoit donc pas prescrite à l’époque de la demande par eux'
formée.
Mais la demande des frères et sœurs Choum ouroux
n’étoit-elle pas elle-même prescrite au m oment où ils l’ont
�IU
C 30 )
exercée contre les mariés M athon et M onteyrem ard? Ces
derniers soutiennent l ’affirmative de cette proposition. Il
n ’y a e u , disent-ils, aucune m inorité dans la fam ille Choum ouroux qui ait pu suspendre ou arrêter le cours de
cette prescription; elle a commencé le 13 février 17 4 9 ,
elle a donc été accomplie le 13 février 1779. M ais, pré
sumant bien que tous les moyens em ployés pour écarter
la prescription de l ’action j)rincipale concourent égale
ment à conserver en son entier l’action en garan tie, ils
veulent que l’action C houm ouroux contr’eux soit une
action prin cipale, distincte et indépendante de celle des
frères et sœurs L aro clie-N cgly : mais comment l’établir ?
I.e père C h o u m o u ro u x, disent-ils, a promis en son nom
personnel de faire le payement de la totalité des sommes
constituées, et de là ils en concluent qu’il n’a pas agi
en qualité de m andataire, et que sa fille et ses enfans
n’ont aucune action contre l’aïeule ou la tante, 11 n’a pas
agi en qualité de mandataire! le fait est fa u x ; il a expres
sément déclaré qu’il ne constituoit la somme de 4000 fr.
que par l’ordre do ses tantes. Il s’est obligé personnelle
ment ! le fait est vrai ; mais il s’est aussi obligé solidai
rem ent comme constituant de son ch ef, et comme ayant
ordre de constituer du ch ef de ses tantes. Les futurs ou
leurs enfans ne dévoient s’adresser qu’à lui pour être
payés de cette somme de 4000 fr. ! cela peut être; mais
l ’action qu’ils dirigeroient dans la suite contre l u i , par
une conséquence forcée, devoit seulement être le prin
cipe et la cause de l’action que le sieur C houm ouroux
au ro it, dans ce cas, à exercer lui-même contre la suc
cession de scs tantys, 011 vertu de l ’ordre qu'il eu avoit
N-
�( 31 )
reçu : jusque-là, n’ayant rien payé pour elles, il n’avoit
rien à leur dem ander, et l’obligation contractée par elles
dans le sous seing p rivé du 9 février 17 4 6 , se rattachoit
à l’exécution du contrat de m ariage; elle ne devoit leur
être rappelée que lorsqu’il auroit payé ou lorsqu’il auroit
été actionné pour payer : de là le caractère distinctif de
sa dem an de, qui ne peut être absolument considérée
comme une demande prin cipale, mais bien comme une
action en garan tie, nécessairement liée avec l’action prin
cipale dont elle n’est qu’une suite et une conséquence.
E n un m ot, le sieur Choum ouroux ou ses héritiers n’ont
eu intérêt d’agir contre la succession des dames T reveis
que lorsque les enfans L aroch e -N e g ly ont exercé leur
demande directe contr’eux : cette demande a été exercée
contr’eux en l’an 7 ; en l ’an 7 ils ont form é leu r demande
en recours; les mariés M athon et M onteyrem ard n’ont
donc pas m êm e à leur opposer un instant de prescription.
Ce n’est donc pas pour user de leur dernière ressource,
que les frères et sœurs C houm ouroux ont em ployé dans
leur production les lettres dont nous avons déjà p arlé ;
ce n’est que par surabondance de m oyens, et pour dém on
trer à la cour que tout l’odieux de cette fin de nonrecevoir doit uniquement retom ber sur le sieur M athon
et son ép ouse, et non sur leurs auteurs, qui n’eurent
jamais l’indélicatesse et la mauvaise foi de désavouer une
dette aussi légitim e. D ire que ces lettres ne contiennent
pas une explication précise de l’objet particu lier, c’est
tout au moins prouver que l’on n’a pas voulu se donner
la peine de les lire. L a seconde lettre parle des billets
souscrits par la veu ve Plantier ; la troisièm e parle du
�M
( 32 )
délaissement d’une v ig n e , en payement de ce que l’on
doit à la maison C h oum ou roux, du clief de la veu ve
P lan tier; et la dernière, qui est de 17 7 0 , parle textuel
lement d’ une.somme de 3000 francs demandée. L a p ro
duction de ces lettres, et surtout de la dernière, sufiiroit
Lien sans doute pour faire absolument évanouir et dis—
paroître le moyen de presci’iption indélicateinent im aginé
par les adversaires. D e 1770 à 17 9 8 , époque de la de
m ande, il n’y auroit pas les trente ans utiles ù la presr
cription.
M aintenant que nous avons suffisamment établi que
la procuration du .9 février 1746 étoit obligatoire pour
la veu ve Plantier ou pou r ses h éritiers, qu’il y a eu ap
probation de cette dette dans les écrits des adversaires,
qu’au surplus ni l’action principale, ni l’action en garan
tie, ne sont éteintes par la prescrip tion , venons à l’exa,.men de la. dernière, proposition qui form e le §. I l l du
m ém oire im prim é.
T R O I S I È M E
PROPOSITION.
P e u t-o n f o i r e considérer les appelons com m e héritiers
purs et simples de M a r ie - M a r t h e Treveis?- ou au
contraire doit-on se borner à leur dem ander le compte
b é n é f i c i a i r e de la succession de la veuve P la n tie r ?
C ’est ici le deruier retranchement des adversaires. Celte
question , qu'ils «voient à peine lait naître dans leurs
griefs, est présentée avec un développem ent plus étendu
dans leur m ém oire : mais ils ne seront pus plus heureux
dans
�6
( 33)
.
'
dans ce dernier moyen que dans les précédens. L es appelans sont héritiers purs et simples de M a rie -M a rth e
T re v e is , et ils doivent être condam nés, en cette q ualité,
à rembourser aux. frère et sœurs C h oum ouroux la somme
de 3000 f r . , ensemble les intérêts.
Rapellons succinctement les principes sur cette ques
tion ; rapprochons ces mêmes principes de la conduite
des appelans ou de leurs auteurs, et de ce rapprochem ent
résultera la conséquence forcée qu’ils ont dû être con
dam nés, non en qualité d’héritiers bénéficiaires, mais en
qualité d’héritiers purs et simples.
L ’héritier bénéficiaire , d’après la définition de tous
les auteurs, est celui qui en appréhendant une succession
en a fait constater le montant par un inventaire fait dans
le temps et dans les formes déterminées par la l o i , et q u i,
par cette précaution , s’est mis dans le cas de ne répondre
des dettes et des faits du défunt que jusqu’à concurrence
de la valeur des biens dont la succession est composée.
O r , à ces caractères reconnoîtra-t-on la qualité d’h é
ritier bénéficiaire de M arie-M artlie T re v e is, d’abord dans
Catherine B on n afoux, ensuite dans C laude-M ichel M o n tê yiem a rd , son fils, et ensuite dans l’épouse du sieur
M athon ?
O n convient d’a b o r d , avec les app elans, qu’en pays
de droit écrit il n’est pas d’ une indispensable nécessité
d’obtenir du prince des lettres de bénéfice d’in ven taire,
pour être admis à prendre la qualité d’héritier bénéfi
ciaire •, mais au moins il est indispensablcment nécessaire
de prendre cette qualité. O r , voyons d’abord si Catherine
Bonnafoux a pris cette qualité.
E
�(
34
)
L a requête du 13 février 1769 ne prouve et n’établit
d’abord rien de semblable : c’est une simple mesure de
précaution qu’elle croit devoir prendre avant de se dé
term iner, d it-elle, à l’acceptation ou à l ’abandon de la
succession de M arie-M arth e T i’eveis. Cette succession ne
pou voit lui être o n éreu se, elle en connoissoit alors la
consistance, elle connoissoit toutes les affaires de sa tante,
elle étoit intéressée dans son commerce. D ’ailleurs, en
1 7 5 4 , et le 12 a v r il, la veu ve Plantier avoit fait ellem ême son in ven taire, il avoit été écrit de sa main ; alors ,
elle n’avoit pas fait son testam ent, qui est sous lu date
du 31 août 1 7 5 7 ; il avoit été com m uniqué à tous les
prétendant droit à sa succession; à Catherine B onnafoux,
qui conséquemment en avoit une connoissance suffisante;
à la branche C houm ouroux : aussi trouve-t-on dans les
papiers relatifs à cette aifaire une copie de ce même in
ven taire, écrite par feu Pierre-Joseph Saignard de C lioum o u ro u x, décédé en maison de réclusion, et avant que
l ’action ait été introduite : à la branche L a va l ; et la preuve
de ce fait résulte d’ une copie du même inventaire, écrite
par la dame L a v a l, qui est décédée depuis plus de vin gtcinq ans (1). O r , cet inventaire fait par la veuve Plan
tier quelques années avant sa m o rt, portoit son actif à
7Ô5oo f r . , son passif à 38100 fr. ; il restoit conséqueininent de net une somme de 36400 f r . , et dès-lors l’incer
titude dont parloit Catherine Boim afoux n’étoit donc
(1) Ces deux copies fo n t partie du résidu : on a cru inutile (l’on
faire une production n o u velle, la qualité d ’héritier pur et simple
étant suffisam ment établie par les pièces produites.
�( s 5 )
vraim ent que de style, et elle n’eut môme pas alors l’intenlion de répudier la succession de sa tante.
A u surplus, eût-elle été vraim ent incertaine sur ce
qu’elle avoit à faire , elle n’avoit pas rem pli alors les
form alités requises pour eti’e admise dans la suite au
bénéfice d’inventaire; l ’inventaire qui fut fait à sa re
quête auroit d û, pour être rég u lier, être précédé d’ une
assignation à toutes les parties qui pouvoient y avoir in
térêt ; elle auroit dû notamment y appeler les créanciers
connus et certains de M arie-M artlie T reveis : la dame
Laroche-N egly ou ses héritiers étoient bien ses créanciers
connus et certains, d’après le contrat de m ariage de 174 6 ,
ou au moins P ie rre -L o u is Saignard de C houm ouroux
qui avoit constitué par son ordre ; et cependant ni les
L aro ch e-N egly, ni le sieur de C houm ouroux ne furent
appelés. E lle n’auroit donc pas rem pli à leur égard, les
formalités requises pour être admise au bénéfice (l’in
ventaire : c’est ce que nous enseigne Serres en ses Insti
tu ts , liv. 3 , tit. 1 9 , pag. 3 1 5 , et une foule d’autres
auteurs qui ont écrit pour le pays de droit écrit.
Mais Catherine Bonnafoux e û t-e lle fait faire un in
ventaire ré g u lie r, elle n’en seroit pas moins héritière
pure et simple de M arie-M artlie T re v e is , et cette qualité
auroit passé sur la tête de l’appelante, sa p e tite -fille .
Il est de principe que la qualité d’h éritier est indélé
b ile , et que celui qui a pris une fois cette q u alité, en
faisant acte d’héritier pur et sim ple, ne peut ni l’abdiq u er, ni la m odifier: Q u i sem cl h care s , semper h ocres.
L e 6 février 1759 , sept jours après l’ouverture du
testament de M arthe T re v e is , Catherine Bonnafoux comE 2
�t
c.36)
paroît au bureau du centième denier a u P u y ; et là , en
qualité d’héritière de la veuve P la n tier, suivant son tes
tament du 31 août 1 7 5 7 , elle fait la déclaration des im
meubles à elle échus dans cette succession. V o ilà la qua
lité qu’elle ne peut plus abdiquer : pro hœrede gerere
non tam Jxicti quam a n im i est. L o i 20 , au ff. de a cq u irejida vel am ittendà hœ reditate. G erit pro hœrede q u i
anim e agnoscit saccessionem licet n ih il attingat hœ reditarium . Ib id . liv . 88. C ’en étoit donc fait; d’après cet
acte elle n’étoit plus recevable à se porter héritière
b én éficiaire, et tous les actes postérieurs où elle auroit
ensuite pris cette dernière qualité ne pourroient effacer
la prem ière, pou r laquelle elle avoit déjà fait son option.
Cette qualité d’h éritière pure et simple fut encox-e
reconnue en elle par le sieur M onteyrem ard son iils;
l ’on vo it en effet que le 7 septembre 17 6 9 , il donna à
M . Chazeaux de C h ou m o u rou x, son cousin, une procu
ration pour toucher d’une denjoiselle M agdeleine D u m as,
veu ve R o c h e , une somme de i 5o fr. qu’elle devoit à la
succession de la veuve P la n tie r, dont sa iiière étoit héri
tière. Cette p ièce, surabondamment produite sur ap p el, ne
fait que confirm er, soit en point de fa it, soit en point de
d ro it, que Catherine Bonnafoux étoit héritière pure et
simple de sa ta n te , et que cette qualité a m êm e été re
connue par son fils.
Cette qualité , qui auroit passé de droit à son fils ClaudeM chel M o n teyrem ard , lui fut encore irrévocablem ent
acquise par son propre fait. O11 ne contestera sans doute
p:is le principe qui nous est enseigné par Serres au lieu
déjà c ité , page 3 1 7 , que l’on fait aclc d’héritier exprès-
�(
37
)
3
sèment par le seul fa it3 lorsque l ’héritier légitim e ou
institué fait quelque acte qu’ il ne pourroit faire qu’en
qualité d’h é ritie r, comme s’il dispose en maître des biens
de la succession par vente ou autrement. T e lle e s t, en
effet, la disposition de la loi 20 déjà citée, pro hccrcde
gerit q u i a liqu id gerit tanqucim hœres.
O r , c’est précisém ent ce qu’a fait Claude-Michel M o n teyrem ard, fils à Catherine Bonnafoux : par acte notarié
du g décem bre 1761 , il a v e n d u , avec promesse de faire
v a lo ir , fo u rn ir et garan tir, un champ dit d’ E xp aly , à
M e. Claude G e n a y , procureur. Ce cham p dépendoit de
la succession de M arthe T re v e is ; et la déclaration de
Catherine B o n n a fo u x, dont nous avons parlé plus h a u t,
ne laisse aucun doute à cet égard. L e principe ci-dessus
invoqué trouve donc ici son application.
A in s i, sans qu’il soit besoin d’avoir recours à une
foule d’au torités, sans qu’il soit nécessaire de rapporter
l ’espèce d’un arrêt rendu au parlem ent de T o u lo u se , le
31 août 1 7 7 2 , arrêt qui a jugé la question in ten n in is ,
et qui est rapporté par Boutaric en ses Instituts, p. 3 18 ,
et de plusieurs autres, et notamment d’un arrêt du par
lement de Paris , du 18 février 1784 , rapporté au R é
pertoire de jurisprudence au m ot h é r itie r , page 3 6 3 ; il
demeure pour constant que C la u d e -M ic h e l M o n t e y r e mard , soit comme h éritier de sa m ère , soit par son
propre fa it, étoit h éritier pu r et simple de M arie-M arth e
Treveis. L ’appelante, sa fille et son h é r itiè r e , ne peut
aujourd’hui se dépouiller d’une qualité qui a irrévoca
blement passé sur sa tête avec la succession de son père.
Son mari et elle ne sont donc plus rccevables ù. se porter
�aujourd’hui héritiers bénéficiaires de la veu ve Plantier;
ils ne sont plus recevables à répudier une succession que
leur père et leur aïeule ont si form ellem ent acceptée : ils
ont donc dû être condamnés comme héritiers purs et sim
ples, et non comme héritiers sous bénéfice d’inventaire.
L es moyens surabonderoient pour mettre à découvert
toute la mauvaise foi des appelans, et pour justifier dans
toutes ses dispositions le jugem ent dont est appel. M ais
à quoi bon entrer dans une plus longue discussion ? L e
droit des intimés est suffisamment établi par les motifs
qui lui ont servi de base; motifs que les appelans ont
eu soin de transcrire en entier dans leur m ém oire. Les
rapporter littéralem ent et ne pas les r é fu te r , c’est en
quelque sorte reconnoître la légitim ité des condamna
tions prononcées contr’eux. L e but des intimés ne fut
jamais d'accabler tout à c o u p , p a r des poursuites rigou
reu ses, la dame M a th o n , cette orpheline si intéressante,
cette orpheline qui semblerait vou loir évoquer les mânes
de son aïeu le, de son père et de son tu teu r, pour leur
demander des renseignemens, des titres et des com ptes(i).
( i ) L a dam e M a t li o n , qui prétend q u ’on a voulu abuser de son
état d ’ignorance, et n ’avoir aucune pièce en son pouvoir, a cepen
dant produit au procès l’inventaire fait les 16 janvier 175«) et jours
suivans, après le décès do la veuve l ’inntier, clos meubles et e ile ls
composant sa succession; elle a cependant produit la requête pré
sentée par son aïeule pour faire apposer les scellés sur les effets de
la m êm e succession, et celle présentée pour parvenir à l ’ouverture
du testament; elle a cependant un arrêté «le compte entre la darne
B o n n a fo u x , sa gran d’m ère, et la veuve Plantier, duquel il r< suite
q u ’il y avoil société de com m erce c n tr ’cllcs; elle a cependant tous
�f t
\
Ils n’ont pas colludé avec le sieur L a r o c h e -N e g ly ( 1 ) .
il sont d'autre intention que d'éxiger de la dame
M athon l’ex écution des obligations contractées par M a rieMarthe , treveisveuve P la n tier d o n t elle est h éritière
par représentation d e s e s auteurs. Si elle n’eut pas eu
l’indélicatesse ,d'opposer une p r e s c r ip tio n c h im é r iq u e ,
les frères et sœurs C h oum ouroux n 'a v o ie n t p a s b e s o i n ,
p our écarter un m oyen si o d ieu x,d
ir
efa
contraster
sa co n d u ite et so n lan g ag e avec la co n d u ite et les écrits
de son père e t d e so n a ie u le . L a fa m ille C h o u m o u ro u x
tient à honneur de ne pas chercher à écarter une demande
légitim e, celle du sieur L a r oche-N egly , par une prescrip
tion odieuse. P ou rqu oi ces sentimens ne sont-ils pas com muns aux appelans .e t a u x in t im é s , q u i d e s
uns les
autres, sortent de la même souch e?
M . C A T H O L , rapporteur.
M e. T A R D I F ,
avoué.
les papiers de la fa m ille , sans en excepter ceux qui serviroient à
établir la légitimité de la demande des intimés : mais ces papiers,
com m e on le présume b ien, sont ceux dont elle a le m oins besoin
dans la cause, et qu’elle a eu grand soin de ne pas produire.
( 1) il y a si peu collusion entre les frères et sœurs C h ou m ou ro u x
et le sieur L a ro che - N e g l y , que ce d e rn ie r, en vertu du jugem ent
du P uy qui lui accordoit une provision de 3ooo f r . , avoit f ait
saisir et arrêter le prix entier des fermages dûs à la maison C houmouroux par divers particuliers. C e lt e saisie fut faite par R e d o n d ,
huissier, le 11 vendémiaire an h uit.
A R l O M , de l ’imprimerie de L a n d RI o
C o u r d ’appel.
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. De Saignard de Chomouroux, Joseph-Raymond-Bénigne. An 13?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Subject
The topic of the resource
donations
successions
droit écrit
créances
expertises graphologiques
experts
signatures
inventaires
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Joseph-Raymond-Bénigne, Françoise et Alexis de Saignard de Chomouroux, propriétaires, habitans de la ville d'Yssingeaux, intimés ; contre Julie-Angélique Monteyremard, et Jacques-Louis Mathon, son mari, propriétaires, habitans du lieu du Bourg-Argental, appelans ; en présence du sieur Georges-François-Alexis de Laroche-Negly de Chamblas, propriétaire, habitan du lieu de Chamblas, commune de Saint-Etienne-Larderol, intimé.
Table Godemel : Donation : 9. une donation faite au nom d’un tiers, par contrat de mariage, en 1746, et sans procuration annexée, est-elle obligatoire pour celui au nom duquel elle a été faite ? Si celui qui s’est porté fort a rempli la donation, a-t-il une action en garantie contre le tiers dont il avait reçu procuration par acte sous signature privée ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 13
1746-Circa An 10
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
39 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1602
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1601
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53276/BCU_Factums_G1602.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Yssingeaux (43268)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Créances
donations
droit écrit
expertises graphologiques
experts
inventaires
signatures
Successions
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53181/BCU_Factums_G1223.pdf
affa94a4d1854b1f53e3b42f4c8bbc74
PDF Text
Text
JSt
MÉMOIRE
p
o
u
J £ i rtl
lU tV U lO
r
.
i**Ur-iy$,
Dame J u l i e - A n g é l i q u e M O N T E R E Y M A R D , et le
sieur J a c q u e s M A T H O N , son m ari, propriétaires, habitans d u lieu de Bourg-Argental,appelans d’un jugement
rendu au tribunal d’Yssingeaux le 1 floréal an d ix;
5
C O N T R E
Cour
D ’a p p e l
SÉANTE
L e s sieurs
J
oseph-
R
a y m o n d
, B
én ig n e
, A
lexis
-
a r io m.
S A I G N A R D -C H O M O U R O U X ,pro- =
priétaires, habitans de la ville d 'Y ssingeaux, intimés ;
F
rançoise
ET
G
ENCORE
C O N T R E
L A R O C H E -N E G L Y ,
propriétaire habitant du lieu de Cham blas, commune
de Saint-Etienne-Lardeyrol , intimé.
eorge-
F
rançois-
A
lexis
Q U E S T IO N
P R IN C IP A L E .
Une donation fa it e au nom d'un tiers , par contrat
de mariage, et sans procuration de sa p a rt, est-elle
obligatoire pour celui au nom de qu i elle est faite ?
C a t h e r in e et Marthe T r eveis étoient sœurs. La pre
mière épousa Georges Bonnafoux, et eut trois enfans,
A
i
j'
£
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A 4»
Vv*Àà
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Ht.
(/ )
%. . Catherine, Francoise-Hyacintlie, et Cathei'ine-Francoise.
seconde épousa Bénigne Plantier; elle est morte sans
enfans. Catherine Bonnafoux, première fille de Catherine
xi+* Treveis, s’est mariée avec Gaspard M ontereymard, et a
eu de son union M ichel M ontereym ard, d’où est issue
dame Julie-A ngélique, épouse de sieur Jacques Mathon.
Ce sont les appelans.
Françoise-Hyacinthe Bonnafoux a contracté mariage
avec un sieur Louis de Laval-d’Arlem pde , et a eu un fils
qui a figuré dans la cause principale, mais n’est pas
partie sur l’appel.
Catherine-Françoise, mariée à Pierre Saignard-Chom ouroux, a eu douze enfans ; il n’en existe plus que
trois et les enfans d’un autre. Les trois existans, parties
au procès comme intimés, sont Joseph Raymond, LouiseFrancoise,
et Alexis-Francoise.
»
M arie-M arthe , quatrième enfant , épousa FrançoisAm able Laroche-Negly ; il en est provenu quatre enfans:
Georges-François, l’un d’eux,est seul en cause sur l’appel.
L e 13 février 1746, par le contrat de mariage de MarieMarthe Saignard-Cliom oroux , avec François - Am able
L aroche-N egly, ses père et mère lui constituèrent une
somme de 18000 ft~; savoir, celle de 9000 pour droits pa
ternels, 2000 1i~ du chef maternel, 1000 ^ que le père
a ordre de constituer à la demoiselle fu tu re épouse,
du c h e f de dame Catherine Treveis, aïeule maternelle
de cette dernière, 3000 *** du c h e f de dame M arie-M arthe
T reveis, veuve de M . P la n tie r , aussi de son ordre,
1000
du c h e f de M . J e a n -A y m é de Saignard-deC hom ouroux, aussi de son ordre, en tant moins des
~1
7
3
�JZ
( 3 )
droits légitimaires qui peuvent lui être dûs du chef
de ses père et m ère, et finalement la somme de 2000 ***
que demoiselle Marie - A lexis de Saignard, présente,
donne et constitue de son chef.
« Laquelle entière constitution, est-il ajouté, ledit sieur
« de Chom ouroux, tant de son chef que de celui des
« dames Treveis aïeule et tante, etc. a promis et prom et,
a en son propre et privé n om , et solidairem ent, payer. »
L e père p a y e, en effe t, jusqu’à concurrence de
12000 t t . Cette dernière somme est stipulée remboursa
ble en payemens égaux et annuels de la somme de 3000 ^
chacun, à commencer en un an lors prochain, et succes
sivement d’année en année, sans intérêts qu’à défaut de
payement.
I/’aïeule ni la tante ne sont présentes à ce contrat.
L e 30 avril de la même année 1746, Catherine Treveis,
aïeule de la dame Laroche-Negly, fit son testament, et con
firma la donation de 1000 ^ portée par le contrat de
mariage de sa petite-fille.
L e 30 août 1757, Marie-Marthe T reveis, veuve Plant ie r , fit aussi son testament. Il contient quelques legs
p ie u x , et une institution universelle, au profit de Ca
therine Bonnafoux , veuve Montereymard , mère des
appelans, et garde le silence le plus absolu sur la dona
tion de 3000 ^ que L o u is-P ierre S a ig n a rd -d e -C h o
mouroux disoit avoir faite par s o j i ordre à la dame
Laroclie-N egly, sa fille, lors de son contrat de mariage.
La succession de M arie-M arthe Treveis étoit fort obé
rée : la dame Bonnafoux ne voulut l’accepter que par
bénéfice d’inventaire, lorsqu’elle connut le testament. Elle
A 2
>5
�. U )
fit procéder à l’inventaire, après en avoir obtenu la per
mission, avec assignation aux parties intéressées. La darne
Laval seule s’y lit représenter pour réclamer une somme
de 2000
qui lui avoit éLé constituée par la défunte,
lors de son contrat de mariage de 172 7; mais la dame
Saignard ne s’y présenta point.
Suivant les titres qui ont été trouvés dans les papiers
de la dameBonnafoux, et qui sont écrits de sa main, l’actif
de la succession de la dame veuve Plantier, dans laquelle
on comprenoit une maison sise en la ville du P u y , se
portoit à 26900
et le passif à 29300
encore ne
comprenoit-on pas dans le passif ni la créance de 2000
de la dame L a v a l, ni la prétendue créance de 3000
répétée par la dame Laroche-Negly.
A in s i, la dame veuve Plantier ne laissoit pas suf
fisamment pour acquitter ses dettes, et il est établi par des
quittances, dont on est en état de justifier, que la dame
Bonnafoux a payé au delà de l’actif, comme aussi qu’elle
a remboursé à la dame Laval les 2000
qu’elle avoit
droit de répéter.
La succession de Marie-Mnvthe Treveis, veuve Plan
tier, ne s’est ouverte qu’en 17^9, deux ans après qu’elle
eut fait son testament. La dame Laroclie-N egly, sa petitenièce, lui a survécu plus de quinze ans, et le mari de
celte dernière a vécu plus de vingt-quatre ans après la
grand’tante de sa femme. Les deux époux , le mari
surtout, maître de la dol mobilière , n’a jamais réclamé ,
ni contre la grand’tante , ni contre scs héritiers, le
montant de la donation portée en son contrat de mariage.
Cependant le sieur Saignard Cliom ouroux, son beau-
�( 5 )
p è re , avoit contracté l’obligation personnelle d’acquitter
le montant de la dot constituée de son chef ou de l’ordre
prétendu de la veuve Plan lier ; il en avoit payé une partie
et avoit pris pour le surplus des termes rapprochés qui
depuis bien long-temps étoient échus.'
, .
Eu général, et surtout en pays de droit écrit, ¡la- dot
est censée payée après dix ans, à compter du dernier
terme échu ; le mari en devient seul responsable : c’est
ainsi qu’on le jugeoit constamment au parlement de T o u - A
lousc , dans le ressort duquel les parties sont domiciliées.
-C e n’est qu’en l’an 7 , et par acte des 18 floréal et,;
7 prairial de la même année, c’est-à-dire, cinquante-trois j
ans après le contrat de mariage de la dame Laroclie-N egly,
que les héritiers Saignard - Chomouroux imaginèrent
une forme de procédure toute nouvelle, et qui a dû paroître extraordinaire, même à Yssingeaux.
A vant aucune demande formée par les héritiers de la
dame L aroclie-N egly, les héritiers Saignard firent faire
des saisies-arrêts, connues dans le pays sous le nom de
bannim ens, entre les mains d’un sieur Bonneville, comme
des biens du sieur Matliori et de son épouse, pour sûreté
du payement de la sommede 4000 lf~, constituée, par ordre
et pouvoir écrit donné par Catherine et Marie Treveis, <1
la dame de Laroclie-N egly, et que ses héritiers, est-il
d it , étaient sur le point de demander en justice.
Il est bon de remarquer que ces héritiers Saignard , si
prévoyans, commençoient leurs poursuites avant aucune
action des Laroclie-N egly, et sans avoir aucun titre contj e
les appelans. Cependant personne n’ignore qu’on ne peut
faire de saisies-arrêts qu’en vertu d’un titre authentique,
�w
\ u .
(
6)
;
ou qu’au moins pour suppléer au titre il faut une per
mission de la justice.
Cette saisie étoit donc irrégulière et nulle ; mais encore
elle est faite à la requête du sieur Saïgnard et de ses deux
sœurs, c’est-à-dire, sans énoncer le prénom de celui qui
est nom m é, et sans qualifier autrement les demoiselles
Saignard, que de cette manière , ses deux sœ urs, qu’il
ne nomme pas. T elle est la manière de procéder dans
le pays.
Les appelans n’ayant pas voulu s’expliquer sur cette
saisie, on fit alors paroître les Laroche-Negly , qui in
tentèrent leur demande en payement de la dot de
leur mère , ainsi que des droits successifs qui devoient
leur revenir dans les successions de leur oncle et tante :
c’est ainsi qu’ils s’expliquent. L ’action est intentée par
Gcorges-François Laroclie-N egly, fa isa n t tant pour lui
que pour ses fr èr e et sœurs ; il cite le sieur Saignard
et ses deux sœ urs, dans les mômes termes, et sans au
cune énonciation, ni du prénom du frère, ni du nom
des deux sœurs.
L e 27 prairial an 7 les appelans reçoivent une dénon
ciation de la cédule des Laroche-N egly en ces termes:
A la requête du cit. Saignard et de ses deux sœurs.
Saignard demande à etre concilié sur l’action en garan
tie de la demande du sieur de L aroclie-N egly, pour
raison de la somme de 4000 ^ constituée à leur mère ,
pour le compte et par l’ordre de Catherine et M arieMarthc Trcveis.
Saignard notifia, par la même copie, un écrit sous
seing privé } portant pou voir, delà part de Catherine et
�7
• ' •
(
)
M arie-M arthe T reveis, de constituer à M arie-M
arthe-j
' '
Françoise Saignard la somme de 4000 ^ , et sous leur
obligation de rembourser la somme à Pierre-Louis Sai
gnard, attendu qu’il s’obligera de les payer. Cet acte pro
duit au procès par les intim és, sous la cote prem ière,
est signé du seul nom de Plantier, sans énoncer le nom
p r o p r e de M arie-M artlieTreveis, ni la qualité de veuve;
il est sous la date du 9 février 1746 , il n’a été enregistré
que le 10 décembre 1753.
L e 11 thermidor an 7, les appelans, ainsi que le sieur
L a v a l, qui n’est pas partie sur l’appel, furent assignés,
toujours à la requête de Saignard et de ses deux sœurs,
comme dans la cédule : on ne donne pas plus de quali
tés aux assignés ; l ’huissier ne dit pas même qu’il s’est
transporté à leur dom icile, mais seulement avoir donné
une copie à la dame Ma thon , trouvée à M ontfaucon,
sans apprendre comment elle se tx-ouvoit là.
Saignard, pour lui et ses sœurs, assigne pour voir
joindre la demande en garantie à la demande prin
cipale; e t, sans libeller autrement sa demande, ni pren
dre de conclusions précises, il demande seulement qu’on
lui adjuge toutes celles prises dans sa céd u le, et toutes
les autres qu’il trouvera bon de prendre dans le cours do
l’instance.
L e 11 fructidor an 7 , jugement qui joint les demandes
principales et récursoires, et adjuge au sieur LaroclieNegly une provision de la somme de 3000 ^ contre
Saignard et ses sœurs.
Les appelans contestent cette demande en recours par
tous les moyens qui militent en leur faveur, et qui se-
�( 8 )
'ront développés dans la suite; ils désavouent également
les signatures apposées au bas de l’écrit qualifié de pro
curation du 9 février 1746.
L e 6 germinal an 8 , il est rendu un second jugement
où tous les cohéritiers Laroche-Negly et tous les Saignard se trouvent en qualité, sans l’avoir été dans les
'exploits introductifs, et sans être intervenus; qui, considé
rant que sur les demandes en partage les parties sont
convenues d’arbitres ( les Laroclie-Negty et les Saignard),
ordonne que dans une décade les ai’bitres procéderont au
partage ; e t , avant faire droit sur la demande en payement
des 4000 tl~, ordonne la vérification des écritures et signa'tui-es Treveis, apposées en la procuration rapportée par
Saignai'd, sur pièces de comparaison.
On assigne les appelans, en vertu de ce jugement, pour
nommer des experts ; ce n’est plus au lieu de BourgArgental, qui est leur domicile, mais en la ville du Puy.
Les experts sont nommés : après de grandes circonlocu
tions, et à travers une foule d’incertitudes, ils inclinent
à penser-que la signature est sincère.
ï^és appelans contestent. Ils ne sont pas héritiers purs
et "simples de Mnrie-Marthe Treveis. Catherine Bonnafoux n’avoit accepté la succession de sa tante que par
bénéfice d’inventaire. La donation de M arie-M arth e
Treveis étoit nulle. L e tiers n’avoit pas de pouvoir. L ’écrit
enregistré en 1763 étoit insuffisant. On ne peut faire de
donation au profit d’un tiers, sans procuration de sa part,
et annexée à l’acte portant donation. L ’action dirigée
contr’eux étoit ’ d’ailleurs ' éteinte par la prescription; ce
'uVst pus après cinquante-trois ans de silence qu’on pouvoit former une semblable demande.
�C 9)
Les parties sont appointées sur toutes ces discussions;
et enfin, le i floréal an 10, a été rendu, à Yssingeuux,
un jugement définitif, par forclusion , contre le sieur
Laval. En voici la teneur :
« Le ti'ibunal disant droit aux conclusions principales
« prises par les frères, sœurs et belle-sœ ur Laroclie« N egly, sans avoir égard à celles des frères et sœurs
« Chom ouroux, non plus qu’à celles des mariés Ma thon
.< et Montereymard ; vidant l’interlocutoire porté par
« le jugement du 6 germinal an 8 ; homologue la re« lation rendue par les experts Champanhac-Villeneuve
« et P ouzol, les 7 et 8 pluviôse an 9 ; en conséquence,
« déclare la procuration privée, passée le 9 février 1746
« par Catherine et Marie - Marthe Treveis sœurs, eu
« faveur de Pierre-Louis Saignard-Chomouroux, avouée,
« et reconnue de conformité à l’édit de 1684; et, sans
a avoir égard aux fins de non-recevoir opposées par les
« mariés Mathon et Montereymard, desquelles elles de« meurent démises, a condamné et condamne les frères et
« sœurs Chomouroux à faire payement aux frères, sœurs
« et b^lle-sœur Laroche-Negly, de la somme de 3666 ^
« 13^ 4 ^ , pour reste de la dot constituée à Marthe Sai« gnard-Chomouroux leur m ère, lors de son contrat de
« mariage avec Arnable Laroche-N egly, du 13 février
ce 1746, et ce avec les intérêts encourus, savoir, de la
« somme de 666 ^ 13^ 4 ^ , depuis le 14 février 1749;
« de la somme de 1000 ^ depuis le 14 février 1747;
« d’autre somme de 1000 , depuis le 14 février 1748;
« et enfin, de la somme de 1000
depuis le 14 février
ce 1749; sous toutes les déductions et distractions de
5
B
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*
f 10 )
droit; condamne lés frères et sœurs Cliomouroux aux
entiers dépens envers les Laroclie-Negly. Comme aussi
disant droit aux conclusions prises par les frères et
sœurs Cliom ouroux, demeurant les instances jointes,
sans avoir égard à la demande en main-levée provisoire et définitive des bannimens mis au préjudice des
mariés Mathon et M ontereym ard, entre les mains du
sieur Bonneville, a condamné et condamne le sieur
d’Arlem pde, et les mariés Mathon et M ontereymard,
en leur qualité de cohéritiers de Catherine Treveis
leur bisaïeule, à relever et garantir conjointement les
Cliom ouroux, pour la somme de 666 ^ 13^ 4 ^ , dont
la condamnation se trouve prononcée contr’e u x , en faveur des Larochc-N egly, et ce avec les intérêts depuis
le 14 février 1749, sous toutes déductions et distractions de droit; et, sans avoir égard aux conclusions
subsidiaires et principales prises par les mariés Mathon
et M ontereymard, dont les a dém is, les a condamnés
et condamne, en leur qualité de successeurs à Catherine Bonnafoux, héritière de M arie-M arthe Treveis,
h relever et garantir les Cliomouroux de la condam
nation contr’eux prononcée de la somme de 3000
et ce avec les intérêts depuis les époques fixées et
adjugeés aux L a ro c lic -N e g ly , et sous les mêmes
déductions et distractions ; a condamné conjointement les mariés Mathon et Montereymard, et d’A r lempde, à un tiers des dépens, tant de la demande
priucipalc que de celle en garantie, non compris les
frais de la vérification des signatures des sœurs T re veis , ensemble le rapport des experts ; lesquels dé-
�/ 4*
( 11 )
pcns demeurent à la charge des mariés M atlion, ensemble les autres deux tiers des dépens, ainsi que les
deux tiers du coût du jugem ent, l’autre tiers devant
être supporté conjointement par les Mathon et d’A rlempde. »
1
Ce jugement est fondé sur une-foule de motifs qu’il
e s t important de connoître pour les apprécier.
Les premiers juges posent d’abord les questions sui
vantes :
« Les réclamations de la famille Laroche-Negly, contre
« les frères et sœurs Saignard, sont-elles prescrites?
« La prescription a-t-elle pu courir étant sous la puis« sance paternelle ? Préjugeant la prescription inter« rompue, faut-il porter la môme décision à l’égard de
« la demande en garantie formée par les frères et sœurs
« Chom ouroux, contre les mariés Mathon et M onte« reym ard, et le sieur Laval-d’Arlempde ?
« Faut-il considérer les mariés Mathon comme héri« tiers purs et simples, ou comme héritiers sous béné« fice d’inventaire de Marie-Marthe T reveis?
' « La main-levée, définitive ou provisoire, réclamée
« par les mariés M athon, peut-elle leur être accordée?
« Considérant que toute prescription n’a pu courir
« contre les enfans Laroche-Negly, pendant le vivant de
« leur père; que tous les auteurs du parlement de Tou« louse enseignent unanimement que le fils de famille
« privé par la loi de l’usufruit de ses biens est censé'’
« ignorer ses droits; qu’ayant les mains liées pendant
« le vivant de son père, et n’ayant pas l’exercice de ses
« droits et de ses actions, toute'prescription, soit d’un
B 2
«
«
«
«
«
�IfvC
C 'i a -)
«. héritage, ou d’une action , doit dormir et demeurer
suspendue , contra nonvcilentem , etc. L e Journal du
Palais , de .Toulouse rapporte deux arrêts , du mois
d’août. 1695 et 1702, conformes à cette doctrine ; il y
est dit : Quoique le père soit le maître des actions à
[ l’égard de son fils ,, cependant, nous jugeons que la
prescription ne court contre le fils de famille que
depuis ,qu’il est sorti de la puissancee paternelle.
« Considérant que les enfans Laroche-Negly ne peu
vent être assimilés à des mineurs qui doivent se faire
restituer dans les dix ans de leur majorité; qu’il existe
même une différence bien prononcée par la lo i, entre
le mineur, et le fils de fam ille; que le mineur a le,
libre exercice de ses,actions; il est nanti de ses titres,
et présumé avoir la jouissance de ses droits assisté d’un
curateur; il peut ester,en jugement : le fils de famille,
au contraire, est privé de l’usufruit de ses biens ; la
loi ne lui accorde, aucune action pour agir ; il ne peut
ester en jugem ent,,et la prescription ne,reprend son
cours que dès l’instant qu’il se trouve affranchi de la
puissance paternelle. .
.
« Considérant,que la dame Chom ouroux, femme La
roche - N e g ly , ajTant contracté mariage le 13 février
1746, et étant décédée le 4 ju in ;i
, il ne court sur
sa tète que.dix ans trois mois de prescription utile;
qu’ayant été interrompue pendant le vivant du père
des.frères et sœurs Laroche-Negly, n’ayant repris son.
; cours qu’à l’époque de son décès, arrivé le 4 décembre
1783, il ne s’est écoulé, jusqu’au jour de l’introduc
tion de l’instance, qu’ un intervalle de quinze ans, ce
756
�Sé&
c
1
3
)
« qui forme un total de près de vingt-six ans; qu’il fai
te loit trente années utiles pour opérer la prescription
« de l’action des frères et sœurs Iiaroche-Negly.
« Considérant que les experts ayant déclaré les signa« tures de Catherine et de M arie-M arthe Treveis sin« cères et véritables, on ne peut se méprendre sur l’in« tention de ces deux sœurs, manifestée dans la procu« ration du 9 février 1746 ; que la constitution de
« 4000
faite à la mère des enfans Laroche-Negly, par
« Louis Chomouroux son père, n’est que l’exécution de
te la volonté des sœurs Treveis; que Louis Chom ouroux
« ne peut être considéré que comme le mandataire des« dites sœurs, ou tout au plus comme leur caution ;
« que, dans ces deux cas, la prescription n’ayant pas
« couru, ou ayant été interrompue sur la tête des suc« cesseurs de Louis Chom ouroux, elle doit subir le même
« sort vis-à-vis les représentais des sœurs T reveis, étant
« de principe certain qu’il n’y a que l’extinction de l’obli« gation principale qui entraîne celle de l’obligation
« accessoire, et que ce n’a été que du jour que les frères
« et sœurs Laroche-Negly ont formé leur demande ju« diciaire contre les successeurs de Louis Chom ouroux,
« que ceux-ci ont pu former leur demande contre les
« mariés M athon, pour l’objet des 4000 ^ donnés par
« les sœurs Treveis.
« Considérant que Catherine Bonnafoux , aïeule des
« mariés M athon, et héritière de Marie-Marthe Treveis^
« ayant requis, par sa requête du 13 février 1759, la
« faction de l’inventaire et l’appréciation du mobilier
« délaissé par la dame M arie-M arthe T re veis, pour en
�c 1 4 }
« connoître la consistance avant de se déterminer à ac
te cepter ou abandonner ladite hérédité; qu’ayant fait sa
« déclaration au bureau de l’enregistrement, où elle ne
« prit point la qualité d’héritière sous bénéfice d’inven« taire ; qu’ayant constamment joui les biens de M arie« Marthe T reveis, en ayant disposé comme de sa chose
« propre, et sans avoir jamais pxùs la qualité d’héritière
« sous bénéfice d’inventaire; qu’ayant encore sollicité,
« par lettres, des délais pour payer, on ne peut se dis« penser de la regarder comme héritière pure et simple,
« et s’étant déterminée, après la faction de l’inventaire,
« à accepter purement et simplement.
« Considérant que M ichel Montereymard, fils de Ca« tlicrinc Bonnafoux, et père et beau-père de Marie
« M athon, a réclam é, par lettres, des termes, et offert
« des biens fonds en payement; qu’il a accepté purement
te et simplement la succession de Catherine Bonnafoux
« sa mère ; qu’il a vendu le champ porto dans la décla« ration faite au bureau de l’enregistrement, sans pren« dre la qualité d’héritier bénéficiaire de sa mère et de
cc la dame T reveis; que la femme Mathon a pareille-'
« ment accepté la succession de M ichel Montereymard
« son père , sans réclamer la division de la succession
« de M arie-M arthe T reveis; qu’il s’est en conséquence
« opéré une confusion dans ces diverses successions.
cc Considérant que le délai pour délibérer présupcc pose que l’héritier a la liberté d’accepter ou d’abancc donner; que s’il laisse passer plus de quarante jours
« après l’inventaire fait de son consentement, sans expli« quer scs intentions, il est tenu de se départir de la
�M S
5
( i )
r faculté que la loi lui accorde, d’accepter sous béné« fice d’inventaire; qu’alors la loi le répute héritier pur
« et simple, et le prive de la faculté de répudier.
«
«
«
«
«
«
«
« Considérant que ne s’étant •élevé aucune eontestation à raison du don de iooo ^ , fait par Catherine
Treveis à la mère des enfans Laroclie-N egly ; qu’il
résulte du testament de cette dernière, que les mariés
Matlion et d’Arlempde sont cohéritiers, pour un tiers,
de la dame Catherine Treveis ; l’on ne peut se dis—
penser d ’en prononcer la condamnation en faveur des
enfans Laroche-Negly.
« Considérant enfin qu’ un débiteur ne peut obtenir
« la main-levée définitive ou provisoire, qu’autant qu’il
« justifie de sa libération, etc. etc. »
Tels sont les nombreux motifs du jugement : il étoit
impossible de les analiser ; on ne peut les faire com
prendre qu’en les rapportant dans leur intégrité.
La dame Montereymard et son mari en ont interjeté
appeL Ils ont attaqué ce jugement par des vices de form e,
et des moyens au fond. Ils ont remarqué que les exploits
introductifs, tous les actes de la procédure, ainsi que les
jugemens rendus, ne contenoient pas les prénoms du
frère Saignard, les noms de ses sœurs, ni les qualités
des parties, qu’aucun des exploits de demande n’étoit
libellé.
<
Us ont invoqué l’article I er. du titre 2 des A jou rnemens, de l’ordonnance de 1667, qui porte « que les
« ajournemens et citations, en toute matière, et en toutes
« juridictions, seront libellés, contiendront les conclu-
ou?
�( 16 )
t< sîons, et sommairement les moyens de la demande, i
« peine de nullité des exploits ; »
L ’article 2 du môme titre, qui dit que les huissiers
exprimeront le domicile et la qualité des parties, ausr
à peine de nullité.
Les appelans ont encore observé que Saignard, comme
Laroche-N egly, ont toujours procédé comme procureurs
fondés. Les citations et les assignations, tant de Saignard
que de Laroche-N egly, sont données à leur requête, tant
pour eux que pour leui’s frères et sœurs.
Quant aux saisies-arrêts, les appelans en ont égale
ment demandé la nullité. Il est de règle constante qu’on
ne peut faire saisir et arrêter qu’en vertu d’un titre au
thentique , ou au moins en vertu d’une permission de
la justice. Ici les Saignard, ou du moins le frère, tant
pour lui que pour ses sœurs , avant aucune demande
formée par les L aroche-N egly, avant que la prétendue
procuration sous seing privé fût vérifiée en justice,
enfin, avant d’avoir un titre quelconque, s’est permis
de faire saisir et arrêter, de son autorité, les revenus des
appelans, entre les mains du sieur Bonneville.
Cette manière de procéder est inouïe et choque toutes
les règles connues. Les appelans insistent sur ces vices
de forme, que la cour appréciera dans sa sagesse. La loi
prononce; il n’est pas possible de s’écarter de sa dispo
sition : les formes sont conservatrices de la propriété,
et il est très-important , surtout pour le pays d’ Yssingeaux, que la cour apprenne enfin, par un grand exem
ple, qu’on doit procéder d’une manière conforme à la loi.
Les appelans ne s’étendront pas davantage sur cette
matière
�7
( i )
matière qui pourra donner lieu à des observations plus
amples lors du rapport : ils se hâtent d’examiner le fond
de la contestation.
On peut la réduire il trois propositions :
i° . La donation portée au contrat de mariage de 1746,
est-elle obligatoire contre M arie-M arthe Treveis ou les
appelans qui la représentent ? A - t - o n pu former une
action contre eux pour cet objet?
. 20. Cette action, si elle a existé , ne seroit-elle pas
prescrite ?
30. Pourroit-on, dans tous les cas, faire considérer les
appelans comme héritiers purs et simples de MarieM arthe Treveis? ou au contraire devroit-on se borner à
leur demander le compte bénéficiaire de la succession
de la veuve Plantier?
§ Iert
La donation portée par le contrat de mariage de
Ma rie-Marthe Saignard-Chomouroux , du 13 février
'17 4 6 , a été faite par Pierre Saignard-Chomouroux, son
p è r e , en ces termes : M ille livres que le père a ordre
de constituer à la demoiselle fu tu r e épouse , du c h e f
de daine Catherine Treveis , aïeule maternelle de cette
dernière. Tois mille livres du c h e f de dame M arieM arthe Treveis , veuve de M . P lan tier , aussi par
son ordre , etc.
11 n’y a point de procuration rapportée de la part de
celles dont on dit avoir l’ordre ; il n’en existe pas d’annexée au contrat : aussi voit-on que le père s’o b lige, en
C
�(' 18 )
son propre et privé nom , au payement des sommes
constituées.
Il falloit bien que le constituant le prît pour son compte,
lies clauses d’un contrat de mariage ne doivent pas être
douteuses ; son exécution ne doit pas dépendre de causes
étrangères. Cependant sans l’obligation du père il n’y
auroit eu rien de certain ; le contrat n’eût plus été un
acte constant et indépendant, quoique l’engagement eût
été formé dans l’espérance d’avoir la somme promise.
Aussi est-il certain, en point de droit, qu’une donation
ne peut être faite au nom d’un tiers sans procuration de
sa part ; une promesse faite au nom d’un tiers ne l’engage pas ; elle peut devenir inutile par le refus de la
ratifier; toutes les promesses faites par contrat de mariage
sont irrévocables de leur nature. On ne peut donc point
autoriser , surtout dans un contrat de mariage, des dis
positions q u i, pouvant être révoquées ou ne produire
aucun effet , laissent les parties contractantes dans un
état d’incertitude qui répugne à la nature du contrat.
M . l’Epine de Grainville rapporte un arrêt du 28
février 1726 , qui a jugé conformément à ces principes.
Dans l’espèce de cet arrêt , un particulier appelé Jean
Gaugery avoit fait à Antoine son frè re , et par le contrat
de mariage de ce dernier , une donation de tous les
biens présens et à venir que lui et Marie sa sœur , avec
laquelle il vivoit en commun , auroient au jour de leur
décès. Celte donation étoit faite comme se portant fort
pour, M arie, et sans procuration : la donation étoit du
27 juillet 1690, et Marie l’avoit ratifiée le i novem
bre : Marie mourut et laissa pour héritiers tous ses
5
�*9
(
)
n eveu x, et entr’autres les enfans d’un quatrième frère
nommé M arcou.
Ces derniers demandèrent la nullité de la donation
faite au nom de M a rie , sans procuration de sa p a rt, et
soutinrent que la ratification postérieure de leur tante
n’avoit pu valider un acte nul dans son principe. L ’arrêt
déclara la donation nulle, sans aucun égard aux moyens
que faisoient valoir les enfans du donataire, qui prétendoient que la ratification devoit avoir un effet ré
troactif, puisqu’elle ne laissoit aucun doute sur le pou
voir que Jean avoit eu de Marie pour faire la donation.
Il est vrai qu’il s’agissoit dans l’espèce d’une donation
de biens à venir, qui ne peut avoir lieu que par contrat
de mariage ; mais cette circonstance ne change rien aux
principes qui s’opposent à ce qu’on ne puisse stipuler au
nom d’un tiers sans son aveu. Une ratification posté
rieure est presque toujours l’effet de la séduction ou
de la complaisance. O n peut arracher le consentement
par importunité , et pour ne pas compromettre celui
qui a pris sur son compte de contracter sans pouvoir.
Ce seroit en quelque manière forcer la volonté , et
engager un tiers malgré lui-même ; ce qui pourroit en
traîner les plus grandes conséquences.
Eu vain les intimés voudroient-ils opposer l’acte sous
seing privé , qu’ils datent du 9 février 1746 , et par
lequel l’aïeule et la grand’tante sembleroient avoir donné
ordre à Pierre Saignard de faire cette constitution pour
leur compte. D ’abord , cette prétendue procuration
n’a été enregistrée que le 10 décembre 1763-, c’est-àd ire , sept années après le mariage : elle n’a donc de
C 2
�*
(
20
)
date qu’à cette époque ; et encore n’e s t-c e pas une
ratification de la libéralité , mais seulement une autori
sation de donner, qu’on voudroit faire remonter avant le
contrat de mariage, et dans un temps où elle n’existoit
pas ? Ce retard dans l’enregistrement prouve que Pierre
Saignard avoit été assez imprudent pour vouloir en
gager Catherine Treveis et sa sœur , à leur insu ; et
comme il s’étoit obligé personnellement au payem ent,
il a voulu avoir un titre, qu’il a sollicité et obtenu de
la complaisance ou de la foiblesse de deux femmes qui
n’ont osé lui refuser. La preuve que cette prétendue
procuration est postérieure au contrat de m ariage, résulte des termes dans lesquels elle est conçue ; il fait
obliger les constituantes à lui rembourser les sommes,
attendu q u il s'obligera de les payer.
O r , comment concevoir qu’on a prévu que Saignard
s’obligeroit à payer ces sommes. Si véritablement il y
avoit eu un pouvoir valable , rien de plus inutile que
l ’obligation personnelle du père; il étoit si simple de
prendre une procuration, de l’annexer au contrat, et
de faire faire la donation par celui qui auroit rempli
la procuration. Il est inusité , il est inouï , de faire
obliger quel ju’un pour celui qui donne; c’est déjà faire
douter de la solvabilité du donateur ; c’est au moins lui
faire injure ; et ce n’est pas ainsi qu’on honore un contrat
de mariage.
Il est bien démontré que le pouvoir n’existoit pas
lors du contrat de mariage. Dans la suite , la procu
ration qu’on a rapportée sous seing privé , ne pouvoit
avoir aucun effet. Cet acte sous seing privé contient une
�//<
\
( 21 )
véritable donation entre-vifs ; e t , d’après l’ordonnance
de 1731 , une donation n’est valable qu’autant qu’elle
est fuite devant notaire. « Tous actes portant donation
« entre-vifs seront passés devant notaires, et il en res
te tera minute, à peine de nullité. » ( Article I er. de l’or
donnance. )
.
:
On sent aisément le motif de la loi , lorsqu’elle a
oi'donné impérieusement cette formalité. Une des qua
lités essentielles de la donation entre-vifs est l’irrévocabilité. Un acte sous seing privé n’a aucune date cer
taine; tous actes emportant hypothèque, faits postérieu
rement, lui seroient préférés; ce serait donc, commel’avoit
dit Ricard antérieurement à l’ordonnance , traité des
Donations, partie i ]e. y chap. 4 , n. 881 , tomber dans
l’inconvénient de la règle donner et retenir, si les dona
tions demeuraient sous seing privé jusqu’au-décès du
donateur , parce qu’il aurait toujours conservé par ce
moyen la liberté de faire qu’elles ne subsistassent plus;
enfin rien ne serait plus facile que de supposer de fausses
donations.
En un mot , il n’existoit aucune obligation des. deux
femmes Treveis lors du contrat de mariage de 1746.
Pierre Saignard a .tout pris sur son compte. Un acte
sous seing privé ne peut produire aucun effet k côté
d’un contrat de mariage ; ce serait une véritable contrelettre au contrat , et toute contre-leltre au contrat de
mariage est absolument n u lle , à moins qu’elle ne soit
signée de tous ceux qui étoient présens au mariage.
On ne saurait donc se tenir trop en garde contre un
acte produit cinquante-trois ans après le mariage. Indé-
*
�( )
22
pendnniment des motifs de suspicion qui naissent aisé
ment contre une production tardive , la procuration est
irrégulière et nulle : Pierre Saignard n’a pas reçu une
autorisation suffisante ; les femmes Treveis pouvoient
révoquer ce pouvoir sous seing p riv é ; elles n’ont pas
valablement donné : d ès-lors il est impossible que ce
prétendu pouvoir puisse faire naître une action contre
les appelans.
§ II.
""
. s
¡
.
• Cette action, dans tous leseas, étoit prescrite à l’époque
où elle a été exercée. L a dame Laroche-Negly , mariée
en 17 4 6 , et qui fut l’objet de la prétendue donation,
a survécu plus de quinze ans à M arie-M arthe T reveis,
sa grand’tante ; son mari a vécu plus de vingt-quatre
ans après : jamais on a osé faire paroître la procuration,
du vivant de l’aïeule ni de la tante. La femme ni le
mari n’ont jamais réclamé de leur vivant. Toutes les
sommes promises par le contrat de mariage devoient être
payées quatre ans après ; comment concevoir que les
sieur et dame Laroche-Negly eussent constamment gardé
le silence , s’ils n’avoient pas reçu le montant de la consti
tution portée au contrat de mariage.
En pays de droit é c rit, et notamment d’après la juris
prudence du parlement de Toulouse, où les parties sont
dom iciliées, le mari devient responsable de la d o t ,
quand-même il ne l’auroit pas reçue, s’il ne s’est fait
payer,par le constituant, au temps et au terme porté par
le contrat de mariage. Catelan , tome 2 , liv. 4 , dit que
le mari çst responsable de la dot constituée par le père
�23
(
)
de la femm e, lorsqu’il a demeuré dix ans après la célé
bration ou le terme du payem ent, sans en faire demande
à son beau-père.
A la vérité , continue Catelan, on ne lui impute pas
s’il n’a pas pressé son beau-père pendant les dix pre
mières années; mais s’il a laissé passer dix ans sans enfaire demande , cette patience trop longue tourne eu
négligence, et le charge de cette d o t , comme s’il l’avoit
reçue. Ce n’est pas alors le cas de la l o i, où la femme ne
peut imputer au m a ri, cur non urserit ,* et il y a un
grand milieu entre presser et laisser passer dix ans sans
faire de poursuites. D ix ans sont d’ailleurs ün temps que
les lois mettent souvent en usage , et qu’elles emploient
pour termes et pour bornes en bien des rencontres. Catelan
rapporte.cinq arrêts £i l’appui de son opinion : l’un, de
1664 ; un second, du mois d’avril de la même année;
un troisième , du mois de mai i
; un autre, du mois
de septembre 1696; et le dernier, du 9 février 1699.
Ce long espace de dix ans , à compter des termes, sans
aucunes poursuites , doit faire présumer le payement;
et cette présomption ne devient-elle pas une certitude ,
lorsqu’on voit que non-seulement le mari ni la femme
n’ont rien réclamé pendant leur vie , mais que ce n’est
qu’en l’an 7 , cinquante-trois ans après , que les héritiers
Saignard forment cette demande contre les appelans ?
Ceux-ci sont donc encore dans l’exception de la pres*cription trentenaire : il n’y a eu dans la famille Chomouroux aucune minorité qui ait pu suspendre ou
arrêter le cours de cette prescription ; elle a commencé
le 13 février 1749? échéance des termes de payement *
elle a donc été accomplie le 13 février 1779.
665
�( H )
• Les frères Saignard - Cliomouroux sont obligés de
convenir qu’il n’y a point eu dans leur famille de mino
rité interruptive de la prescription ; mais ils voudroient
éluder l’exception, sous un prétexte frivole. Ils préten
dent que leur action contre les appelans n’est autre chose
qu’une demande en garantie, qui ne pourroit prescrire
qu’autant que la demande principale des Laroche-Negly
seroit elle-même prescrite : ils s’efforcent ensuite d’éta
blir que l’action principale des Laroche-Negly est tou
jours entière.
Pour répondre à cette objection, il faut d’abord exa
miner la nature de l’action que les Chomouroux vou
droient exercer contre la dame Matlion. Il est facile de
prouver que c’est une action principale, distincte et in
dépendante de celle des frères et sœurs Laroche-Negly.
E n effet, la constitution portée au contrat de mai'iage
de T746 , a été faite par le père Chomouroux à sa fille.
Il annonce bien à la vérité qu’il avoit ordre de la faire
du chef de l’aïeule et de la tante ; mais il prom et, en son
nom personnel, de faire le payement de la totalité des
sommes constituées.
O r , dès que le père s’est obligé en son n om , qu’il
n’a point agi en qualité de mandataire , sa fille ou ses
enfans n’avoient aucune action contre l’aïeule ou la tante;
ils ne pouvoient s’adresser qu’à leur p è re , qui seul étoit
débiteur.
. X a procuration du 9 février 1746 ne donne pas au
père. Chomouroux le droit de se pourvoir contre les
constituantes , en garantie de l’action que les frères et
sœurs Laroche-Negly exerccroient contre lui en payement
des
�S i)
(25)
des sommes constituées. L ’aïeule et la tante promettent
seulement à leur neveu de lui rembourser ou faire rem
bourser ces sommes, attendu q u i l s'obligera de les
payer. Ce ne seroit donc jamais qu’une action en rem
boursement que le père Cliomouroux auroit pu former
contre les constituantes ; action absolument distincte et
indépendante de celle des enfans Laroche-Negly. Si donc
l’action des Chomouroux est principale et indépendante,
ils ont dû l’exercer dans un temps u tile, c’est-à-dire, avant
trente ans, à compter de l’échéance des termes; ils ont
dû m êm e, avant cet intervalle, faire reconnoître le titre
d’où ils prétendent faire dériver leur action.
Il seroit donc fort inutile de vérifier maintenant si
l’action des L aro ch e-N egly contre les Chomouroux est
toujours entière; cette question est sans intérêt pour les
appelans : mais il seroit encore facile de prouver que
même la demande des Laroclie-Negly étoit éteinte par la
prescription, au moment où ils l’ont exercée.
Il ne s’agit point ici d’un immeuble dotal, qui ne peut se
prescrire pendant le mariage, ou pendant l’usufruit du
p ère, mais bien d’une somme m obilière, dotale à la vé
rité, mais dont le mari ou le père étoit le maître, et qu’il
avoit seul le droit de recouvrer.
Catelan, tom. 2, liv. 4, chap. 45 , enseigne que la pres
cription d’une somme due à la femme court en faveur de
son débiteur, quoique la femme ait constitué à son
mari tous et chacun ses biens, et que la prescription n’eût
pas commencé avant le mariage. Il y a cette différence
entre le fonds dotal et une somme m obilière, que le
premier ne peut prescrire pendant le mariage. La raison
D
«".<
�vO
f î6)
de cette différence est prise de ce que la loi JuVa défen
dant toute aliénation d’un fonds dotal, en défend p ir
conséquent la prescription ; mais la loi J u lia ne défen
dant pas l’aliénation d’une dette, rien n’empêche que la
prescription ne courre en faveur du débiteur. On ne peut
opposer, ajoute Catelan, la règle qui dit que la prescrip
tion ne court pas contre celui qui ne peut a g ir, et que
la femme ne pouvant pas agir pendant le mariage contre
son débiteur, il semble qu’il ne peut pas lui opposer de pres
cription; d’autant qu’à l’égard du débiteur il suffit qu’il y ait
une personne qui puisse agir, à qui la somme appartient pen
dant le mariage, tel qu’est le m ari, qui d’ailleurs, pouvant
retirer payement de la dette, et libérer le débiteur, doit
nécessairement donner lieu au cours de la prescription.
Prœ scribens soh’enti sim ilis est. Le laps de trente ans fait
présumer que le payement a été fait au mari.
Serres, dans ses Instituts, liv. 2 , tit. 8 , est du meine sen
tim ent; la loi J itlia , d it-il, ne s’applique qu’au fonds
dotal, mais non à la prescription d’une dette.
Cette doctrine , bien constante dans le ressort du parle
ment de Toulouse, s’applique parfaitement à l’espèce. La
prescription a commencé à courir depuis 1749. L e père
Laroche - Negly n’est décédé que le 4 décembre 1783,
trente-quatre ans après l’échéance des termes. L ’action de
ses ■
héritiers est donc également prescrite.
En vain les enfans Laroche-Negly voudroient-iïs étabJ’r une différence entre la femme et les enfans mineurs
sous la puissance paternelle; en vain voudroient-ils pré
tendre que la prescription ne court pas contre ces derniers
pendant la durée de l’usufruit : ce seroit une erreur en
�( 27 )
point de droit, quia ubi eadem ratio, ibidem jus. L e
père 11’a-t-il pas le d roit, comme le mari , de faire le
recouvrement des sommes mobilières qui reviennent à ses
mineurs? n’a-t-il pas-la faculté d’a g ir ? n’est-il-pas de
principe que les créances personnelle^ d’un mineur, pourvii
d’un tuteur, peuvent prescrire pour le débiteur, sauf
le recours des pupilles contre le tuteur? Mais, dans tous les
cas, les enfans Laroche - Negly n’en seroient pss plus
avancés en point de fait. M arie-M artlie Saignard, leur
itière, a vécu jusqu’en 1774 ; il s’étoit déjà écoulé vingtcinq ans utiles pour la prescription; ce 11’fest qüe quinze
ans après la mort de leur pèrë que lès enfans Laroche-Negly se sont pourvus : leur action, sous tous les rapports,
étoit également prescrite.
Les intimés ne peuvent se refuser à l’évidence; ils voudroient user de leur dernière ressource, et produisent
trois lettres qu’ils attribuent l’une à ra ïeu le , les deux’
autres au père de la dame Mathon : ces lettres, nonreconnues ni vérifiées, et sur lesquelles il s’élève des
doutes, ne peuvent influer sur le sort du procès.
La prem ière, prétendue écrite par la veuve Monte-'
reymard, est sous la date du 13 mars 1760 : il en résu Ite qu'à
cette époque, et plus d’un an après la mort de MarieMartlie Treveis , Catherine Bonnafoux n’avoit aucune
connoissance de ce prétendu titre dé 1746 ; depuis ce
moment jusqu’à la demande, il s’est écoulé trente-neuf
ans.
Celles‘que l’on dit écrites par M ichel Montereymai-d ,
rt’ont aucun rapport avec lap rocu ration .il ne peut s’oc
cuper d’affaires avec Chom ouroux, et prie d’attendre qu’il
D a
�c 28 )
en ait terminé d’autres. Il se plaint ensuite de ce qu’on lui
demande quelque chose sur la succession de M arie-M arthe,
et linit par dire qu’il renoncera à la succession si on exige
le payement de ce qui pourroit être dû. Mais nulle part
on ne voit aucune explication précise de l’objet particulier;
tout annonceroit, au contraire , qu’il n’en avoit aucune
connoissance. E nfin, l’une de ces lettres, sans date, est
adressée au sieur L aval, et ne peut se trouver dans les
mains des Chomouroux que par un abus de confiance : et
Laval n’avoit pas craint lui-même de faire assigner la dame
M athon pour unè somme de 2000^ qu’il prétendoitlui
être due; mais on rapporta la quittance donnée par son
père à l’aïeule de la dame Mathon. Il paroît plus que vrai
semblable que toutes les affaires de famille étoient termi
nées depuis long-temps. On voudroit abuser du peu de
connoissance qu’a la dame M athon de ce qui s’est passé
dans la fam ille; mais un silence de cinquante-ti’ois ans,
sans aucunes poursuites, est un obstacle insurmontable.
L a demande actuelle a toute la défaveur d’une vieille
recherche : en point de droit elle n’est pas fondée, en
point de fait elle est prescrite.
§. I I I .
Les appelans, dans tous les cas, ne sont pas héritiers
purs et simples de Marie-Marthe T reveis; Catherine
Bonnafoux leur aïeule n’a accepté la succession que par
bénéfice d’inventaire.
Ce n’est que très-subsidiairement, et pour ne rien né
gliger en cour souveraine, que les appelans réclament
�( 29 )
contre le chef du jugement qui les a condamnés comme
héritiers purs et simples. Ils croient avoir démonti-é, 1°.
qu’il n’existe aucune obligation des deux femmes Treveis;
20. que les intimés n’ont aucune action contre eux; 30. que
cette action, dans tous les cas, est éteinte parla prescription.
Mais on se rappelle que lors du décès de M arie-M arthe
Treveis, du 16 janvier 1769, les scellés furent apposés
sur ses meubles et effets, à la diligence de dame Catherine
Bonnafoux, aïeule de la dame Mathon. Sa requête, du 13
février de la même année l ’j ôg, présentée au sénéchal
du P u y , tend à la vérification et levée des scellés apposés
par le même juge. Cette requête est suivie d’une ordon
nance de transport pour la vérification des scellés qui
avoient été apposés le 16 janvier précédent, même jour
du dé_cès. Vient ensuite l’inventaire fait par le même juge
en présence du procureur du r o i, après assignation à toutes
les parties intéressées, mais hors la présence des père et
mère des appelans, quoiqu’ils y eussent été appelés. Depuis,
Catherine Bonnafoux n’a pris d’autre qualité que celle
d’héritière bénéficiaire ; c’est en cette qualité que , le 8
novembre 1759, elle fait commandement à plusieurs dé
biteurs de la succession ; c’est en la même qualité que, le
31 mai 1759, elle acquitte une dette de la succession au
profit de M aximilien Gautier-la-Boulaye, créancier de
cette succession.
L ’inventaire n’a jamais été attaqué de fraude ou d’o
mission ; il contient l’énumération de tout ce qui compose
la succession, omnia jura successioms.
Les poursuites actives
passives
et
n’ont été faites qu’en
cette qualité d’héritière bénéficiaire j les appelans pro-
�3
(' ° )
duisent ces actes anciens qui doivent faire foi pleine et en
tière, d’après la maxime h t antiquis enunciativa pro
bant. Ces actes remontent à plus de quarante-cinq ans. En
pays de droit écrit, il n’étoit pas nécessaire d’obtenir des
lettres do bénéfice d’inventaire; la déclaration de l’héri
tier et l’inventaire sufïisoient pour attribuer la qualité.
Comment donc les premiers juges se sont-ils déterminés
à condamner les appelans comme héritiers purs et sim
ples , parce qu’ils auroient accepté purement et simple
ment la succession de leur père et aïeule? cette circonstance
peut-elle influer sur la succession de M arie-M arthe T reveis ? l’une n’a rien de commun avec les autres, et c’est une
injustice de plus, contre laquelle les appelans sont bien
fondés de réclamer.
Ils ne sont parvenusu réunir quelques pièces de famille
qu’avec des soins infinis et des recherches multipliées dans
les dépôts publics. La dame Mathon-, orpheline, fut mise
en tutelle dès le plus bas age; son tuteur est décédé sans
lui avoir rendu compte de sa gestion, et elle s’est vaine
ment pourvue pour obtenir au moins la remise de'ses
pièces; elle se voit accablée tout à coup par des pour
suites rigoureuses des Chom ouroux, q u i, abusant de son
étit d’ignorance, ont voulu surprendre sa foiblesse; ils
sont allés jusqu’à provoquer la demande des enfans Laroche-Negly avec lesquels ils sont d’accord; ils ont attendu,
pour frapper des coups plus certains, que l’aïeule, le père,
et le tuteur de la dame Mathon fussent décédés; c’est alors
qu’ils ont cherché.à faire sortir du tombeau de la pres
c r i p t i o n cíes titres surannés et nuls ; ils ont osé repro
duire une vieille recherche que leurs auteurs a voient con-
�>¿1
31
(
)
damnée à l’oubli : mais leurs intentions perfides ne peu
vent être couronnées d’aucun succès; ils ont négligé ou
méconnu les premières règles de la procédure; le titre
qu’ils invoquent, et qu’ils ont sorti d e la poussière, est
irrégulier et nul. T out prouve que depuis long-temps
les affaires de famille étoient terminées. Enfin, la pres
cription , ce remède légal, vient au secours des appelans;
et certes il ne fut jamais mieux appliqué.
M. C A T H O L ,
rapporteur
.
M e. P A G E S ( de Riom ),
M e. V A Z E IL L E ,
.
ancien avocat.
avoué.
i
A RIOM, de l'imprimerie de L a n d r i o t , seul imprimeur de
la Cour d’appel.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Montereymard, Julie-Angélique. An 10?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Cathol
Pagès
Vazeille
Subject
The topic of the resource
donations
successions
droit écrit
créances
expertises graphologiques
experts
signatures
inventaires
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Dame Julie-Angélique Montereymard, et le sieur Jacques Mathon, son mari, propriétaires, habitans du lieu de Bourg-Argental, appelans d'un jugement rendu au tribunal d'Yssingeaux le 15 floréal an dix ; contre les sieurs Joseph-Raymond, Bénigne, Alexis-Françoise Saignard-Chomouroux, propriétaires, habitans de la ville d'Yssingeaux, intimés ; et encore contre George-François-Alexis Laroche-Negly, propriétaire, habitant du lieu de Chamblas, commune de Saint-Etienne-Lardeyrol, intimé. Question principale : Une donation faite au nom d'un tiers, par contrat de mariage, et sans procuration de sa part, est-elle obligatoire pour celui au nom de qui elle est faite ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 10
1746-Circa An 10
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
31 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1223
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1601
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53181/BCU_Factums_G1223.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Yssingeaux (43268)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Créances
donations
droit écrit
expertises graphologiques
experts
inventaires
signatures
Successions
-
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cbb9dc38f64aa2c6cd8d9b4abe9c2bc1
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Text
■îi
GÉNÉALOGIE DES PARTIES.
N.............
Treveis.
C ath erin e,
à
Georges Bonnafoux.
2
Françoise-Hyacinthe,
à
Louis Laval
d’Arlempde.
Catherine,
à
Gaspard
Montereymard.
I
Laval-d’Arlem pde,
Marie M a rth e ,
morte sans p o sté rité ,
A
a
Bénigne Plantier.
5
CalherineFrançoise,
a«
Pierre
SaignardCliom ouroux.
IVIicliel.
JulieAngélique,
M arieM a rlh e,
à
FrançoisAm able
LarocheNegly.
à
Jacques
M athon,
appelans.
2
GeorgesFrançois,
JosephBênigne,
intim é.
intimé.
5
Joseph
R aym on d ,
A lexisFrançoise,
intim ée.
intim é.
intim ée.
4
JeanneM drieM artlie,
intim ée.
*¡
4
2
LouiseFrançoise,
�M
É
M
O
P O U
I
R
E
R
Dame J u l i e - A n g é l iq u e M O N T E R E Y M A R D , et le
sieur J a c q u e s M A T H O N , son m ari propriétaires, habitans du lieu de Bourg-Argental,appelans d’un jugement
rendu au tribunal d’Yssingeaux le 1 5 floréal an dix ;
C O N T R E
'! .
COUR
D’APPEL
’
SÉANTE
Les sieurs J o s e p h - R a y m o n d , B é n i g n e , A l e x i s - AR I O M .
F r a n ç o i s e S A I G N A R D - C H O M O U R O U X ,p r o
priétaires, habitans de la ville d 'Yssingeaux, intimés ;
et encore C O N T R E
••
n
G eo rg e- F r a n ç o is - A l e x i s L A R O C H E - N E G L Y ,
propriétaire, habitant du lieu de Ch am blas commune
de Saint-Etienne-Lardey r o l, intim é.
Q U E S T IO N P R IN C IP A L E .
Une donation faite au nom d’un t iers par contrat
de mariage, et sans procuration de sa p a r t, est-elle
obligatoire pour celui au nom de q u i elle est f a i t e ?
Ct
a h e r i n e et Marthe T re v eis étoient sœurs. Là pre
mière épousa Georges Bonnafou x et eut trois enfans,
■A
�C2 )
Catherine, Françoise-Hyacinthe, et Catherine-Frnnçoise.
La seconde épousa Bénigne Plantier; elle est morte sans
enfans. Catherine Bonriafoux, première fille de Catherine
T reveis, s’est mariée avec Gaspard Montereymard, et a
eu de son union M ichel M ontereym ard, d’où est issue
dame Julie-1A n géliqu e, épouse de sieùr Jacques Mathon.
Ce,sont les appçlan's. ;î ; a,/ > •'
!
•- r
Françoise-Hyacinthe JBonnafoux a contracté mariage
avec un sieur Loüi$, delLaval-d’Arlerripde , et a eu un lils
qui a figuré dans la cause principale, mais n’est pas
partie sur l’appel.
^
^
Catherine-Françoise, mariée à Pierre Saignard-Chom ouroux, a eu douze e n f a n s il n’en existe plus que
trois et les enfans d’un auti'e. Les trois existans, parties
au procès comme intimés, sont Joseph Raymond, LouiseFrancoise, et Alçxi$7Françpise.
»
7
.. ■ ;
'
:I T >
M arie-M artlie , quatrième enfant , épousa FrançoisAm able Laroche-Négly ;'il en est provenu quatre enfans:
Georges-François, l’un d’eux,'est seul en cause sur l’appel.
L e 13 février 1746, par le contrat de mariage de M arieMarthe Saignard- C hom oroux, avec François - Am able
L aroch c-N egly, se? père et mère lui constituèrent une
somme de 1800b
savoir /celle de 9000 ^ pour droits pa
ternels , 2000 /tVdii clief m a t e r n e l , 1000 ^ que le père
a ordre de constituer à la demoiselle future épouse,
du c h e f de darne Catherine Ti'eveis, aïeule maternelle
de cette dernière, 3 0 0 0 du chef-de darne M arie-M arthe
T reveis, veuve de M . P la n tier, aussi de son ordre,
1000 tt du c h e f de)
:J ea n - A y m é de Saignard-deChoinouroux j aussi.de> son^ordre y en tant moins des
�( 3 ) '
droits légitimaifes qui -peuvent lui être dûs du chef
desespère et m ère, et finalement la somme de 2000 ir
que demoiselle ; M arie - Alexis de Saignard, présente,
donne et c'onstituoi de son fchef.
; ; ¡;
•>: « Laquelle entière constitution, e$t-il ajouté >ledi l.sieur;
« de Chom ouroux, tant. de son chef que' de celui des
« dames Treveis aïeule et tante, etc. a promis et prom et,
« en son propre et privé n o m , et solidairem ent, payer. »
' L e père p aye, en effet, jusqu’à concurrence.! de
12000 tr. Cette dernière som m e est-stipulée remboursa
ble en payemens égaux et annuels d elà somme de 3000
chacun, à commencer en un an lors prochain, et succes
sivement d’année en année, sans iiité,rêts qu’à défaut de
payement.
.
•
r
L ’aïeule ni là tante ne sont présentes à ce contrat.
L e 30 avril de la même année 1746, Catherine Treveis,
aïeule de la dame Laroclie-Negly, fit son testament , et con*
firma la donation de 1000 1t'. portée par le contrat de
mariage de sa petile-fillé.
)(
L e 30 août iy ô y , Marie-Marthe Treveis ^veuve Plan?
lie r , fit aussi son ■
tëstament. Il contient quelques legs
p ieu x , et une institution universelle, au profit de Ca-ttherine Bonnafoux , veuve Montci’eymard , mère de?
appelans , ! et garde le (silence le plusrabsolu sur la dona
tion de 3000 1f~ que! Louis +■
Pierre Saignard-de-C ho-r
m ouroux, disoit avoir faite par so 7i ordre à la dame
L aroclie-N egly, sa fille, lors de son contrat de mariage.
La succession de M arie-M arthe Treveis étoit fort obér
ree : la dame Bonnafoux ne voulut, l’accepter que par
bénéfice d’inventaire, lorsqu’elle connut le testament. Elle
A 2.
�( 4 - ) - .....................................................
fit procéder à l’inventaire, après en avoir obtenu la per
mission , avec assignation aux parties intéressées. La dame
Laval seule s’y fit représenter pour réclamer une somme
de 2000
qui lui avoit été constituée par la défunte,
lors de son contrat de mariage de 17 2 7; mais la dame
Saignard ne s’y présenta point.
Suivant les titres qui ont été trouvés dans les papiers
de la dame Bonnafoux, et qui sont écrits de sa main, l’actif
de la succession de la dame veuve Plantier, dans laquelle
on comprenoit une maison sise en la ville du P u y , se
portoit à 26900
et le passif à 29300
encore ne
comprenoit-on pas dans le passif ni la créance de 2000
de la dame L a v a l, ni la prétendue créance de 3000
répétée par la dame Laroche-Negly.
A in s i, la dame veuve Plantier ne laissoit pas suf
fisamment pour acquitter ses dettes, et il est établi par des
quittances, dont on est en état de justifier, que la dame
Bonnafoux a payé au delà de l’actif, comme aussi qu’elle
a remboursé à la dame Laval les 2000 ^ qu’elle avoit
droit de répéter.
La succession de M arie-Martlie T reveis, veuve Plan
tier, ne s’est ouverte qu’en 17^9, deux ans après qu’elle
eut fait son testament. La dameiLaroche-Negly, sa petitenièce, lui a survécu pilus de iquinzé ans, et le mari de
celte dernière a vécu plus de: vingt-quatre ans après la
grand’tante de sa femme; 'L es deux , époux , le mari
surtout , maître de la dot mobilière , n’a jamais réclam é,
n i contre la grand’tante , ni) contre ses héritiers , le
montant de la donation portée en son contrat de mariage.
Cependant le sieur Saignard Cliom ouroux; son beau-
�( 5 y
p è re , avoit contracté l’obligation personnelle d’acquitter
le montant de la dot constituée de son chef ou de l’ordre
prétendu de la veuve Plantier; il en avoit payé une partie
et avoit pris pour le surplus des termes rapprochés qui
depuis bien long-temps étoient échus.
En général, et surtout en pays de droit écrit, la dot
est censée payée après dix ans, à compler du dernier
terme échu ; le mari en devient seul resp on sable : c’est
ainsi qu’on le jugeoit constamment au parlement de T o u
louse , dans le resso rt d u q u el les parties sont domiciliées.
Ce n’est qu’en l ’an y , et par acte des 18 floréal et
7 prairial de la même année, c’est-à-dire, cinquante-trois
ans après le contrat de mariage de la dame Laroche-N egly,
que les héritiers Saignard-Chom ouroux imaginèrent
une forme de procédure toute nouvelle, et qui a dû paroître extraordinaire, même à Yssingeaux,
A van t aucune demande formée par les héritiers de la
dame Laroche-N egly, les héritiers Saignard firent faire
des saisies-arrêts, connues dans le pays sous le nom de
bannimens ) entre les mains d’un sieur Bonne ville, comme
des biens du sieur Matlron et de son épouse, pour sûreté
du payement de la sommede 4000
constituée, par ordre
et pouvoir écrit donné par Catherine et Marie T reveis, à
la dame de Laroclie-Negly , et que ses héritiers, est-il
d it , étaient sur le point de demander en justice.
Il est bon de remarquer que ces héritiers Saignard, si
prevoyans, commençoient leurs poursuites avant aucune
action des Laroche-Negly, et sans avoir aucun titre confie
les appelans. Cependant personne n’ignore qu’on ne peut
faire de saisies-arrêts qu’en vertu d’un titre authentique,
�c 6 3
ou qu’au moins pour suppléer au titre il faut une per
mission de la justice.
Cette saisie étoit donc irrégulière et nulle ; mais encore
elle est faite à la requête du sieur Saignard et de ses deux
sœurs, c’est-à-dire, sans énoncer le prénom de celui qui
est nom m é, et sans qualifier autrement les demoiselles
Saignard, que de cette m anière, ses deux sœ urs, qu’il
ne nomme pas. T elle est la manière de procéder dans
le pays.
lies appelans n’ayant pas voulu s’expliquer sur cette
saisie, on fit alors paroître les Laroche-Negly , qui in
tentèrent leur demande en payements de la dot de
leur m ère, ainsi que des droits successifs qui dévoient
leur révenir dans les successions de leur oncle et tante :»
c’est ainsi qu’ils s’expliquent. L ’action est intentée par
Georges-François Laroclie-N egly, fa isa n t tant pour lu i
que pour ses frère et sœurs ÿ il cite le sieur Saignard
et ses deux sœ urs, dans les mêmes termes, et sans au
cune énonciation, ni du prénom du frère, ni du nom
des deux sœurs.
'
;
L e 27 prairial an 7 les appelans reçoivent une dénon~
dation de la cédule des Laroclie-N egly en ces termes :
A la requête du cit. Saignard et de ses deux sœurs.
Saignard demande à être concilié sur faction en garan
tie de la demande du sieur de L aro clie-N egly, pour
raison de la somme de 4000 rh constituée à leur mère ,
pour le compte et par l’ordre de Catherine et Marie-*
Marthe Treveis.
Saignard notifia, par la même copie, un écrit sous
seing privé , portant pou voir, delà part de Catherine et
�(7 )
M arie-M arthe T reveis, de constituer à M arie-M artheFrançoise Saignard la somme de 4000 ^ , et sous leur
obligation
de rembourser la somme à Pierre-Louis Sai©
gnard, attendu qu’il s’obligera de les payer. Cet acte pro
duit au procès par les intim és, sous la cote prem ière,
est signé du seul nom de Plantier, sans énoncer le nom
propre de M arie-M artheTreveis, ni la qualité de veuve;
il est sous la date du 9 février 1746 , il n’a été enregistré
que le 10 décembre 1753.
L e 11 thermidor an 7, les appelans, ainsi que le sieur
I ia v a l, qui n’est pas partie sur l’appel, furent assignés,
toujours à la requête de Saignard et de ses deux sœurs,
comme dans la cédule : on ne donne pas plus de quali
tés aux assignés ; l’huissier ne dit pas môme qu’il s’est
transporté à leur dom icile, mais seulement avoir donné
une copie à la dame M ath on , trouvée à M ontfaucou,
sans apprendre comment elle se trouvoit là.
S;)ignard , pour lui et ses sœurs, assigne pour voir
joindre la demande en garantie à la demande prin
cipale; e t, sans libeller autrement sa demande, ni pren
dre de conclusions précises, il demande seulement qu’on
lui adjugé toutes celles prises dans sa cédule, et toutes
les autres qu’il trouvera bon de prendre dans le cours de
l ’instance.
L e 11 fructidor a n 7 , jugement qui joint les demandes
principales et récursoires, et adjuge au sieur LaroclieNegly une provision de la somme de 3000
contre
Sut gnard et ses sœurs.
Les appelans contestent cette demande en recours par
tous les moyens qui militent en leur faveur, et qui se
�( 8 )
ront développés dans la suite; ils désavouent également
les signatures apposées au bas de l’écrit qualifié de pro
curation du 9 février 1746.
>
L e 6 germinal an 8 , il est rendu un second jugement
où tous les cohéritiers Laroche-Negly et tous les Saignard se trouvent en qualité, sans l’avoir été dans les
exploits introductifs, et sans être intervenus; qui, considé
rant que sur les demandes en partage les parties sont
convenues d’arbitres ( les Laroche-Negly et lesSaignai’d ),
ordonne que dans une décade les arbitres procéderont au
partage ; e t, avant faire droit sur la demande en payement
des 4000 tf", ordonne la vérification des écritures et signa-,
tures Treveis, apposées en la procuration rapportée par
Saignai'd, sur pièces de comparaison.
On assigne les appelans, en vertu de ce jugement, pour
nommer des experts ; ce n’est plus au lieu de Bourg-*
A rgentai, qui est leur domicile, mais en la ville du Puy.
Les experts sont nommés : après de grandes circonlocu
tions, et à travers une foule d’incertitudes, ils inclinent
à penser que la signature est sincère.
Les appelans contestent. Ils ne sont pas héritiers purs
et simples do M arie-M artlic Treveis. Catherine Bonna-*
foux n’avoit accepté la succession de sa tante que par
bénéfice d’inventaire. L a donation de M arie ^M arthe
Treveis étoit nulle. L e tiers n’avoit pas de pouvoir. L ’écrit
enregistré en 1753 étoit insuffisant. On ne peut faire de
donation au profit d’un tiers, sans procuration de sa part,
et annexée à l’acte portant donation. L ’action dirigée
contr’eux étoit d’ailleurs éteinte par la prescription; ce
n’est pas après cinquante-trois ans de silence qu’on pou*
voit former une semblable demande.
�(9 )
Les parties sont appointées sur toutes ces discussions ;
et enfin, le i 5 floréal an 10, a été rendu, à Yssingeaux,
uu jugement définitif, par forclusion , contre le sieur
Laval. En voici la teneur :
« Le ti-iLunal disant droit aux conclusions principales
* prises par les frères, sœurs et belle-sœ ur Laroclietç N egly, sans avoir égard à celles des frères et sœurs
« Chom ouroux, non plus qu’à celles des mariés M atlion
c? et Montereymard ; vidant l’interlocutoire porté par
« le jugement du 6 g e rm in a l an 8 ; homologue la re« lation rendue par les experts Champanliac-Villeneuvc
« et P ouzol, les 7 et 8 pluviôse an 9 * en conséquence,
« déclare la procuration privée, passée le 9 février 1746
« par Catherine et M arie - M arthe Treveis sœurs, en
« faveur de Pierre-Louis Saignard-Chomouroux, avouée,
« et reconnue de conformité à l’édit de 1684; et, sans
a avoir égard aux fins de non-recevoir opposées par les
« mariés Mathon et Montereymard, desquelles elles dc« meurent démises, a condamné et condamne les frères et
« sœurs Chomouroux à faire payement aux frères, sœtlrs.
« et bslle-sœur Laroclie-Negly, de la somme de 3666 ***
« 13^ 4$n, j pour reste de la dot constituée à Marthe Sai« gnard-Chomouroux leur m ère, lors de son contrat de
« mariage avec Am ablc Laroche-N egly, du 13 février
« 1746, et ce avec les intérêts encourus, savoir, de la
K somme de 666
13«/ 4^v > depuis le 14 février 1749;
« de la somme de 100 0^ , depuis le 14 février 17 4 7 ;
« d’autre somme de 1000
depuis le 14 février 1748;
« et enfin, de la somme de 1000
depuis le 14 février
“ 1749 » sous toutes les déductions et distractions de
B
�( ÏO }
« droit ; condamne les frères et sœurs Chomouroux aux
« entiers dépens envers les Laroclie-Negly. Comme aussi
« disant droit aux conclusions prises par les frères et
« sœurs Chom ouroux, demeurant les instances jointes,
« sans avoir égard à la demande en main-levée provi« soire et définitive des bannimens mis au préjudice des
« mariés Mathon et M ontereym ard, entre les mains du
« sieur B onneville, a condamné et condamne le sieur
« d’A rlem pde, et les mariés M athon et M ontereymard,
« en leur qualité de cohéritiers de Catherine Treveis
« leur bisaïeule, à relever et garantir conjointement les
« Chomouroux., pour la somme de 666
13^ 4-^, dont
a la condamnation se trouve prononcée eontr’e u x , en fa« veur des Laroclie-N egly, et ce avec les intérêts depuis
« le 14 février 1749, sous toutes déductions et distrac« tions de droit; et, sans avoir égard aux conclusions
« subsidiaires et principales prises par les mariés Mathon
« et M ontereym ard, dont les a dém is, les a condamnés
« et condamne, en leur qualité de successeurs à Cathe« rine Bonnafoux, héritière de Mai*ie-Marthe Treveis,
« à relever et garantir les Chomouroux de la condam« nation contr’eux prononcée de la somme de 3000
« et ce avec les intérêts depuis les époques fixées et
« adjugeés aux L a ro c lie -N e g ly , et sous les mêmes
« déductions et distractions ; a condamné conjointe« ment les mariés Mathon et Montereymard, et d’A r « lempde, â un tiers des dépens, tant de la demande
« principale que de celle en garantie, non compris les
« frais de la vérification des signatures des sœurs T re « -yeis, ensemble le rapport fies experts , lesquels dé-
�( 11 )
pens demeurent à la charge des mariés Ma th on , ensemble les autres deux tiers des dépens, ainsi que les
deux tiers du coût du jugem ent, l’autre tiers devant
être supporté conjointement par les Mathon et d’Ai>
lempde. »
Ce jugement est fondé sur une foule de motifs qu’il
est important de connoître pour les apprécier.
Les premiers juges posent d’abord les questions sui
vantes :
« Les réclamations de la famille Laroche-N egly, contre
« les frères et sœ urs Saignard, sont-elles prescrites?
« La prescription a-t-elle pu courir étant sous la puis« sance paternelle ? Préjugeant la prescription inter« rompue, faut-il porter la même décision à l’égard de
« la demande en garantie formée par les frères et sœurs
« Chom ouroux, contre les mariés M athon et M onle« reym ard, et le sieur Laval-d’Arlem pde ?
« Faut-il considérer les mariés Mathon comme liéri« tiers purs et simples, ou comme héritiers sous béné« fïce d’inventaire de M arie-Marthe T reveis?
« La main-levée, définitive ou provisoire, réclamée
« par les mariés M athon, peut-elle leur être accordée?
a Considérant que toute prescription n’a pu courir
« contre les enfans Laroche-N egly, pendant le vivant de
« leur père ; que tous les auteurs du parlement de Tou« louse enseignent unanimement que le fils de famille
« privé par la loi de l’usufruit de ses biens est censé
K ignorer ses droits ; qu’ayant les mains liées pendant
« le vivant de son p è re , et n’ayant pas l’exercice de ses
« droits et de ses actions, toute prescription, soit d’un
B a
'«f
«
«
«
«
�t iO
héritage ou d’une action , doit dormir et demeurer
suspendue , contra non valentem , etc. L e Journal du
Palais de Toulouse rapporte deux arrêts, du mois
d’août i 6 ç 5 et 1702, conformes à cette doctrine; il y
est dit : Quoique le père soit le maître des actions à
l’égard de son fils , cependant nous jugeons que la
prescription ne court contre le fils de famille que
depuis qu’il est sorti de la puissancee paternelle.
« Considérant que les enfans Laroche-Negly ne peu-*
vent être assimilés à des mineurs qui doivent se faire
restituer dans les dix ans de leur majorité; qu’il existe
même une différence bien prononcée par la lo i, entre
le mineur et le fils de famille ; que le mineur a le
libre exercice de ses actions.; il est nanti de ses titres,
et présumé avoir la jouissance de ses droits assisté d’un
curateur; il peut ester en jugement : le fils de famille,
au contraire, est privé de l’usufruit de ses biens; la
loi ne lui accorde aucune action pour agir ; il ne peut
ester en jugem ent, et la prescription ne reprend son
cours que dès l’instant qu’il se trouve affranchi de la
puissance paternelle.
« Considérant que la dame Cliom ouroux, femme Laro clie -N e g ly , ayant contracté mariage le 13 février
1746, et étant décédée le 4 juin 1766, il ne court sur
sa tête que dix ans trois mois de prescription utile ;
qu’ayant été interrompue pendant le vivant du père
des frères et sœurs Laroche-Negly, n’ayant repris son
cours qu’A l’époque de son décès, arrivé le 4 décembre
1783, il ne s’est écoulé , jusqu’au jour de l’introduc
tion de l’instance, qu'un intervalle de quinze ans, ce
�( 13 )
« qùi forme ün total de près de vingt-six ans-, qu’il fai« loit trente- années utiles pour opérer la prescription
« de l’action des frères et sœurs Laroche-Ncgly.
r
« Considérant que les experts ayant décluré les signa
it tures de Catherine et de M a r i e -M arthe Treveis sin« cères et véritables, on ne peut se méprendre sur l’in« tention de ces deux sœurs, manifestée dans la procu« ration du 9 février 1746 ; que la constitution de
« 4000 if faite à la mère des enfans Lnroche-Ncgly, p;,r
« “Louis Chomouroux son p ère, n’est que l’exécution (le
« la volonté des sœurs Treveis; que Louis Chomoui:ou;x
k ne peut être considéré que comme le mandataire de$« dites sœurs, ou tout au plus comme leur cautiçn ;
« que, dans ces deux cas, la prescription n’ayant pqs
« couru, ou ayant été interrompue sur la tête des suc« cesseurs de Louis Chom ouroux, elle doit subir le même
« sort vis-à-vis les représentais des sœurs T reveis, étai^t
« de principe certain qu’il n’y a que l’extinction de l’obl;•« gation principale qui entraîne celle de l’obligation
« accessoire, et que ce n’a été que du jour que les frères
« et sœurs Laroche-Ne^ly ont formé leur demande ju« diciaire contre les successeurs de Louis C hom ouroux,
« que ceux-ci ont pu former leur demande contre les
« mariés M athon, pour l’objet des 4000 ^ donnés par
« les sœurs T i’eveis.
« Considérant que Catherine Bonnafoux , aïeule.,des
« mariés M athon, et héritière deM arie-M arthe Treveis,
« ayant requis, par sa requête du 13 février 1759, la
« faction de l’ inventaire et l’appréciation du mobilier
« délaissé par la dame M arie-M arthe T rev eis, pour en
�( 14 )
« connoître la consistance avant de se déterminer à ac« eepter ou abandonner ladite hérédité ; qu’ayant fait sa
« déclaration au bureau de l’enregistrement, où elle ne
« prit point la qualité d’héritière sous bénéfice d’inven
te taire ; qu’ayant constamment joui les biens de M arie« M arthe T reveis, en ayant disposé comme de sa chose
« propre, et sans avoir jamais pris la qualité d’héritière
cc sous bénéfice d’inventaire; qu’ayant encore sollicité,
« par lettres, des délais pour payer, on ne peut se dkk penser de la regarder comme héritière pure et simple,.
« et s’étant déterminée, après la faction de l’inventaire,
« à accepter purement et simplement.
« Considérant que M ichel M ontereymard, fils de Ca« tlierine Bonnafoux, et père et beau-père de Marie
« M athon, a réclam é, par lettres, des termes, et offert
« des biens fonds en payement; qu’il a accepté purement
« et simplement la succession de Catherine Bonnafoux
« sa mère ; qu’il a vendu le champ porté dans la décla« ration faite au bureau de l’enregistrement, sans pren« dre la qualité d'héritier bénéficiaire de sa mère et de
« la dame Treveis ; que la femme M athon a pareille« ment accepté la succession de M ichel Montereymard
« son p è r e , sans réclamer la division do la succession
« de M arie-M arthe Treveis ; qu’il s’est en conséquence
« opéré une confusion dans ces' diverses successions.
« C o n sid é ra n t que le délai pour délibérer présup« pose que l’héritier a la liberté d’accepter ou d’aban« donner; que s'il laisse passer plus de quarante jours
« après l’inventaire fait de son consentement, sans expli« quev ses intentions, il est tenu de se départir de la
�t 15 )
« faculté que la loi lui accorde, d’accepter sous be-ne■
« iice d’inventaire ; qu’alors la loi le répute héritier pur
« et sim ple, et le prive de la faculté de répudier.
«
«
«
«
« Considérant que ne s’étant élevé aucune contestation à raison du don de i o o o ^ , fait par Catherine
Treveis à la mère des enfans Laroche - Negly ; qu’ il
résulte du testament de cette dernière, que les mariés
Matlion et d’Arlem pde sont cohéritiers, pour un tiers,
« <le la <lanse Catherine T r e v e is ; l’on ne peut se dis-
« penser d ’en
pro n o n ce r la jccmcLamnation en fa v e u r des
« -enfans L a r o c h e -N e g ly .
« Considérant enfin qu’ un débiteur ne peut obtenir
« ‘la main-levée définitive ou provisoire, qu’autant qu’il
« justifie de sa libération , etc. etc. »
T e ls sont les nombreux motifs du jugement : il étoit
impossible de les analiser ; on ne peut les faire com
prendre qn’en les rapportant dans leur intégrité.
La dame Montereymard et son mari en ont interjeté
appel. Ils ont attaqué ce jugement par des vices de form e,
«t des moyens au fond. Ils ont remarqué que les exploits
Introductifs, tous les actes de la procédure, ainsi que les
:jugemens rendus, ne contenoient pas les prénoms d u '
frère Saignard, les noms de ses sœurs , ni les qualités
des parties, qu’aucun des exploits de demande n’étoil
libellé.
Ils ont invoqué l’article i ev. du titre -2 des A jo u rnemens, de l’ordonnance de 1667, qui porte « que les
« ajournemens et citations, en toute matière, et en toutes
* juridictions, seront libellés , contiendront les co n c lu -
�( i6 )
or sions, et sommairement les moyens de la demande, L
« peine de nullité des exploits ; »
I/article 2 du même titre, qui dit que les huissiers
exprimeront le domicile et la qualité des parties, ausJ
à peine de nullité.
Les appelans ont encore observé que Saignard, comme
Laroclie-N egly, ont toujours procédé comme procureurs
fondés. Les citations et les assignations, tant de Saignard
que de Laroche-N egly, sont données à leur requête, tant
pour eux que pour leurs frères et sœurs.
Quant aux saisies-arrêts, les appelans en ont égale
ment demandé la nullité. Il est de règle constante qu’on
ne peut faire saisir et arrêter qu’en vertu d’un titre au -y
thentique, ou au moins en vertu d’une permission dej
la justice. Ici les Saignai*d, ou du moins le frèi’e , tant
pour lui que pour ses sœurs , avant aucune demande
formée par les Laroch e-N egly, avant que la prétendue
procuration sous seing privé fût vérifiée en justice,
enfin, avant d’avoir un titre quelconque, s’est permis
de faire saisir et arrêter, de son autorité, les revenus des
appelans, entre les mains du sieur Bonneville.
Cette manière de procéder est inouïe et choque toutes
les règles connues. Les appelans insistent sur ces vices
de forme, que la cour appréciera dans sa sagesse. La loi
prononce; il n’est pas possible de s’écarter de sa dispo
sition : les formes sont conservatrices de la propriété,
et il est très-im portant, surtout pour le pays d’ Yssingeaux, que la cour apprenne enfin, par un grand exem
ple, qu’on doit procéder d’une manière conforme ù la loi.
' Les appelans ne s’étendront pas davantage sur cette
matière
�i7 y
matière qui pourra donner lieu à des observations plus
amples lors du rapport : ils se hâtent d’examiner le fond
de lu contestation.
On peut la réduire h trois propositions :
i° . La donation portée au contrat de mariage de 174^* > '
est-elle obligatoire contre M arie-M arthe Treveis ou les *
appelans qui la représentent ? A - t - o n pu former une
action contre eux pour cet objet?
20. Cette action, si elle a existé , ne seroit-elle pas
prescrite ?
dans tous les cas, faire considérer les
appelans comme héritiers purs et simples de M arieMarthe T reveis? ou au contraire devroit-on se borner à
leur demander le compte bénéficiaire de la succession
de la veuve Plantier?
30. Pourroit-on,
§
Ier-
La donation portée par le contrat de mai'iage de
M arie-M arthe Saignard-Chomouroux , du 13 février
1746 , a été faite par Pierre Saignard-Chomouroux, son
p è re , en ces termes : M ille livres que le père a ordre
de constituer à la demoiselle future épouse , du c h e f
de dame Catherine Treveis , aïeule maternelle de cette,
dernière. T ois mille livres du c h e f de dame M arieM arthe Treveis , veuve de M . P la n tier , aussi par
i on ordre , etc.
Il n’y a point de procuration rapportée de la part de
celles dont on dit avoir l’ordre ; il n’en existe pas d’annexée au contrat : aussi voit-on que le père ■
s’ob lige, en
C
�( i s y
son propre et privé nom , au payement des sommes
constituées.
Il falloit bien que le constituant le prît pour son compte.
Les clauses cl*un contrat de mariage ne doivent pas être
douteuses ; son exécution ne doit pas dépendre de causes
étrangères. Cependant sans l’obligation du père il n’y
auroit eu rien cle certain ; le contrat n’eût plus été un
acte constant et indépendant, quoique l’engagement eût
été formé dans l’espérance d’avoir la somme promise.
Aussi est-il certain, en point de droit, qu’une donation
ne peut être faite au nom d’un tiers sans procuration de
sa part ; une promesse faite au nom d’un tiers ne l’en
gage pas ; elle peut devenir inutile par le refus de la
ratifier; toutes les promesses faites par contrat de mariage
sont irrévocables de leur nature. On ne /peut donc point
autoriser , surtout dans un contrat de mariage, des dis
positions q u i, pouvant être révoquées ou ne produire
aucun eiTet, laissent les parties contractantes dans un
état d’incertitude qui répugne à la nature du contrat.
M . l’Epine de Grainville rapporte un arrêt du 28
février 1726 , qui a jugé conformément à ces principes.
Dans l’espèce de cet arrêt , un particulier appelé Jean
Gaugery avoit fait à Antoine son frè re , et par le contrat
de mariage de ce dernier , une donation de tous les
biens présens et à venir que lui et Marie sa sœur , avec
laquelle il vivoit en commun , auraient au jour de leur
décès. Cette donation étoit faite comme se portant fort
pour M arie, et sans procuration : la donation étoit du
27 juillet 1690, et Marie l’avoit ratifiée le i 5 novem
bre : Marie mQiirut et laissa pour héritiers tous scs
�( x9 )
n eveu x, et entr’autres les enfans d’un quatrième frère
nommé M arcou.
Ces derniers demandèrent la nullité de la donation
faite au nom de M arie, sans procuration de sa p art,.et
soutini’ent que la ratification postérieure de leur tante
•n’avoit pu valider un acte nul dans son principe. L ’arret
déclara la donation nulle, sans aucun égard aux moyens
que faisoient valoir les enfans du donataire, qui prétendoient que la ratification devoit avoir un effet ré
troactif, puisqu’elle ne laissoit aucun doute sur le pou
vo ir que Jean avoit eu de M arie pour faire la donation.
Il est vrai qu’il s’agissoit dans l’espèce d’une donation
de biens à venir, qui ne peut avoir lieu que par contrat
de mariage ; mais cette circonstance ne change rien aux
principes qui s’opposent à ce qu’on ne puisse stipuler au
nom d’un tiers sans son aveu. Une ratification posté
rieure est presque toujours l’effet de la séduction ou
de la complaisance. O n peut arracher le consentement
par importunité , et pour ne pas compromettre celui
qui a pris sur son compte de contracter sans pouvoir.
Ce seroit en quelque manière forcer la volonté , et
engager un tiers malgré lui-même ; ce qui pourroit en
traîner les plus grandes conséquences.
En vain les intimés voudroient-ils opposer l’acte sous
seing privé , qu’ils datent du 9 février 1746 , et pap
lequel l’aïeule et la grand’tante sembleroient avoir donné
ordre à Pierre Saignard de faire cette constitution pour
leur compte. D ’abord , cette prétendue procuration
n’a été enregistrée que le 10 décembre 1763 j c’est-àd ire , sept années après le mariage : elle n’a donc de
C 2
�C( 20')
date qu’à cette époque ; et encore n’est - ce pas une
ratification de la libéralité , mais seulement une autori
sation de donner, qu’on voudroit faire remonter avant le
contrat de m ariage, et dans un temps où elle n’existoit
pas ? Ce retard dans l’enregistrement prouve que Pierre
Saignard avoit été assez imprudent pour vouloir en
gager Catherine >Treveis et sa sœur , à leur insu ; et
comme il s’étoit obligé personnellement au payem ent,
il a voulu avoir un titre, qu’il a sollicité et obtenu de
la complaisance ou de la foiblesse de deux iemmes qui
n ’ont osé lui refuser. La preuve que cette prétendue
procuration est postérieure au contrat de m ariage, ré
sulte des termes dans lesquels elle est conçue ; il fait
obliger les constituantes à lui rembourser les sommes,
attendu q iiil s'obligera de les payer.
O r , comment concevoir qu’on a prévu que Saignard
s’obligeroit à payer ces sommes. Si véritablement il y
avoit eu un pouvoir valable , rien de plus inutile que
l’obligation personnelle du père; il étoit si simple de
prendre une procuration , de l’annexer au contrat, et
de faire faire la donation par celui qui auroit rempli
la procuration. Il est inusité , il est inouï , de faire
obliger quelqu’un.pour celui qui donne; c’est déjà faire
douter de la solvabilité du donateur ; c’est au moins lui
faire injure ; et ce n’est pas ainsi qu’on honore un contrat
de mariage.
Il est bien démontré que le pouvoir n’existoit pas
lors du contrat de mariage. Dans la suite > la procu
ration qu’on a rapportée sous seing privé , ne pouvoit
avoir aucun effet. Cet acte sous seing privé contient une
�f 2ï )
véritable donation entrc-vif's ; e t , d’après l’ortlonnan-ce
de 1731 , une donation n’est valable qu’autant qu’elle
est faite devant notaire. « Tous actes portant donation
« entre-vifs seront passés devant notaires, et il en rcs« tera minute, à peine de nullité. » ( A rticle i er. de l’or
donnance. )
On sent aisément le motif de la loi , lorsqu’elle a
ordonné impérieusement cette formalité. Une des qua
lités essentielles de la donation e n tre -v ifs est l’irrévocabilité. Un acte sous seing privé n’a aucune date cer■tüine; tous actes emportant hypothèque, faits postérieu
rement, lui seroient préférés; ce seroit donc, com m el’avoit
dit Ricard antérieurement à l’ordonnance , traité des
D onations, partie i re. , chap. 4 , n. 881 , tomber dans
l’inconvénient de la règle donner et retenir, si les dona
tions demeuroient sous seing privé jusqu’au décès du
donateur , parce qu’ il auroit toujours conservé par ce
moyen la liberté de faire qu’elles ne subsistassent plus;
■enfin rien ne seroit plus facile que de supposer de fausses
donations.
En un m o t, il n’ existoit aucune obligation des deux
femmes Treveis lors du contrat de mariage de 1746.
Pierre Saignard a. tout pris sur son compte- Un acte
•sous seing privé ne peut produire aucun effet h côté
¿ ’un contrat de mariage ; ce seroit une véritable contrcïettre au co n trat, et toute contre-lettre au contrat de
mariage est absolument n u lle , ù moins qu’elle ne soit
signée de tous ceux qui étoient présens au mariage.
On ne sauroit donc se tenir trop en garde contre un
acte produit cinquante-trois ans après le mariage. Inde-
�( 22 )
pendamment des motifs de suspicion qui naissent aiséïnent contre une production tardive , la procuration est
irrégulière et nulle : Pierre Saignard n’a pas reçu une
autorisation suffisante ; les femmes Treveis pou voient
révoquer ce pouvoir sous seing privé ; elles n’ont pas
valablement, donné : d ès-lors il est impossible que ce
prétendu pouvoir puisse faire naître une action contre
les appelans.
§ IICette action, dans tous les cas, étoit prescrite à l’époque
où elle a été exercée. La dame Laroclie-Negly , mariée
en 1746 , et qui fut l’objet de la prétendue donation,
a survécu plus de quinze ans h M arie-M arthe T reveis,
sa grand’tante ; son mari a vécu plus de vingt-quatre
ans après : jamais on a osé faire paroître la procuration,
du vivant de l’aïeule ni de la tante. L a femme ni le
mari n’ont jamais réclamé de leur vivant. Toutes lés
sommes promises par le contrat de mariage devoient être
payées quatre ans après ; comment concevoir que les
sieur et dame Laroche-Negly eussent constamment gardé
•le silence, s’ils n’avoient pas reçu le montant de la consti
tution portée au contrat de mariage.
En pays de droit é c rit, et notamment d’après la juris
prudence du parlement de Toulouse, où les parties sont
domiciliées , le mari devient responsable de la d o t ,
quand même il ne l’auroit pas reçue , s’il ne s’est fait
payer par le constituant, au temps et au terme porté par
le contrat de mariage. Catelan , tome 2 , liv. 4 , dit que
le mari est responsable de la dot constituée par le père t
�(i 23 )
de la fem m e, lorsqu’il a demeuré dix ans après la célé
bration ou le terme du payem ent, sans en faire demande
à son beau-père.
A la vérité , continue Catelan, on ne lui impute pas
s’il n’a pas pressé son beau-père pendant les dix pre
mières années; mais s’il a laissé passer dix ans sans en
faire demande , cette patience trop longue tourne en
négligence, et le charge de cette d o t , comme s’il l’avoit
reçue. Ce n’est pas alors le cas de la l o i, où la femme ne
peut imputer au m a ri, cur non u rserit, et il y a un
grand milieu entre presser et laisser passer dix ans sans
foire de poursuites. D ix ans sont d’ailleurs un temps que
les lois mettent souvent en usage , et qu’elles emploient
pour termes et pour bornes en bien des rencontres. Catelan
rapporte cinq arrêts à l’appui de son opinion : l’u n , de
1664; un second, du mois d’avril de la même année;
un troisième , du mois de mai i 665 ; un autre, du mois
de septembre 1696; et le dernier, du 9 février 1699.
Ce long espace de dix ans , à compter des term es, sans
aucunes poursuites , doit faire présumer le payement ;
et cette' présomption ne devient-elle pas une certitude ,
lorsqu’on voit que non-seulement le mari ni la femme
n’ont rien réclamé pendant leur v i e , mais que ce n’est
qu’en l’an 7 , cinquante-trois ans après , que les héritiers
Saignard forment cette demande contre les appelans?
Ceux-ci sont donc encore dans l’exception de la pres
cription trentenaire : il n’y a eu dans la famille CI10^mouroux aucune, minorité qui ait pu suspendre ou
Jarrêter le cours de cette prescription ; elle a commencé
13 tévi-icr 1749, échéance des termes de payement ;
elle a donc été accomplie le 13 février 1779.
�( 24 )
Les frères Saignard - Chomouroux sont obligés de
convenir qu’il n’y a point eu dans leur famille de mino
rité interruptive de la prescription ; mais ils voudroient
éluder l’exception, sous un prétexte frivole. Ils préten
dent que leur action contre les appelans n’est autre chose1
qu’une demande en garantie, qui ne pourrait prescrire
qu’autant que la demande pi’incipale des Laroclie-Negly
serait elle-même prescrite : ils s’efforcent ensuite d’éta
blir que l’action principale des Laroclie-Negly est tou
jours entière.
Pour répondre à cette objection, il faut d’abord exa
miner la nature de l’action que les Chomouroux vou
droient exercer contre la dame Mathon. Il est facile de
prouver que c’est une action principale, distincte et in
dépendante de celle des frères et sœurs Laroclie-Negly.
En effet, la constitution portée au contrat de mariage
de 17 4 6 , a été faite par le père Chomouroux à sa fille.
Il annonce bien à la vérité qu’il avoit ordre de la faire
du chef de l’aïeule et de la tante ; mais il prom et. en son
nom personnel, de faire le payement de lu totalité des
sommes constituées.
O r , dès que le père s’est obligé en son nam , qu’il
n’a point agi en qualité de mandataire , sa fille ou ses
enfans n’avoient aucune action contre l’aïeule ou la tante;
ils ne pou voient s’adresser qu’à leur p è re , qui seul étoit
débiteur.
La procuration du 9 février 1746 ne donne pas au
père Chomouroux le droit de se pourvoir contre les
constituantes , eu garantie de l’action que les frères et
sueurs Larocho-Ncgly exerceraient contre lui en payement
des
�( *5 )
des sommes constituées. L ’aïeule et la tante promettent
seulement à leur neveu de lui rembourser ou faire rem
bourser ces sommes, attendu qu 'il s'obligera de les
payer. Ce ne seroit donc jamais qu’une action en rem
boursement que le père Chomouroux auroit pu former
contre les constituantes ; action absolument distincte et
indépendante de celle des enfans Laroche-Negly. Si donc
l’action des Chomouroux est principale et indépendante ,
ils ont dû l’exercer dans un temps u tile, c’est-à-dire, avant
trente ans, à compter de l’échéance des termes*, ils ont
dû m êm e, avant cet intervalle, faire reconnoître le titre
d’où ils prétendent faire dériver leur action.
Il seroit donc fort inutile de vérifier maintenant si
l’action des L aro ch e-N egly contre les Chomouroux est
toujours entière ; cette question est sans intérêt pour les
appelans : mais il seroit encore facile de prouver que
même la demande des Laroche-Negly étoit éteinte par la
pi'escription, au moment où ils l’ont exercée.
Il ne s’agit point ici d’un immeuble dotal, qui ne peut se
prescrire pendant le mariage, ou pendant l’usufruit du
p è re , mais bien d’une somme m obilièi'e, dotale à la vé
rité, mais dont le mari ou le père étoit le maître, et qu’il
avoit seul le droit de recouvrer.
Catelan, tom. 2, liv. 4, chap. 45 , enseigne que la pres
cription d’une somme due à la femme court en faveur de
son débiteur, quoique la femme ait constitué à son
mari tous et chacun ses biens, et que la prescription n’eût
pas commencé avant le mariage. Il y a cette différence
entre le fonds dotal et une somme m obilière, que le
premier ne peut prescrire pendant le mariage. La raison
D
�(26)
de cette différence est prise de ce que la loi J u l'a défen^dant toute aliénation d’un fonds dotal, en défend par
conséquent la prescription; mais la loi J u lia ne défen
dant pas l’aliénation d’une dette, rien n’empêche que la
prescription ne courre en faveur du débiteur. On ne peut
opposer, ajoute Gatelan, la règle qui dit que la prescrip
tion ne court pas contre celui qui ne peut a g ir , et que
la femme ne pouvant pas agir pendant le mariage contre
son débiteur, il semble qu’il ne peut pas lui opposer de près- ,
cription; d’autant qu’à l’égard du débiteur il suffit qu’il y ait
une personnequi puisse agir, à qui la somme appartient pen
dant le mariage, tel qu’est le m ari, qui d’ailleurs, pouvant
retirer payement de la dette, et libérer le débiteur, doit
nécessairement donner lieu au cours de la prescription.
Prœ scrihens solventi sim ilis est. L e laps de trente ans fait
présumer que le payement a été fait au mari.
Serres, dans ses Instituts, liv. 2 , tit. 8 , est du même sen
tim ent; la loi J u lia , d it-il, ne s’applique qu’au fonds
dotal, mais non à la prescription d’ une dette.
Cette doctrine , bien constante dans le ressort du parle
ment de Toulouse, s’applique parfaitement à l’espèce. La
prescription a commencé à courir depuis 1749* L e père
Laroche - Negly n’est décédé que le 4 décembre 1783,
trente-quatre ans après l’échéance des termes. L ’action de
ses héritiers est donc également prescrite.
En vain les enfans Laroche-Negly voudroient-ils éta
blir une différence entre la femme et les enfans mineurs
&ous la puissance paternelle; en vain voudroient-ils pré
tendre que la prescription ne court pas contre ces derniers
pendant la durée de l’usufruit : ce seroit une erreur en
�C ¿7 )
point de d roit, quia abi eadem ra tio , ibidem jus. L e
père n’a-t-il pas le d roit, comme le mari , de faire le
recouvrement des sommes mobilières qui reviennent à ses
mineurs? n’a-t-il pas la faculté d’agir ? n’est-il-pns de
principe que les créances personnelles d’un mineur, pourvu
d’un tuteur, peuvent prescrire pour le débiteur, sauf
le recours des pupilles contre le tuteur? Mais, dans tous les
cas, les enfans Laroche - Negly n’en seroient pas plus
avancés en point de fait. M arie-M arthe Saignard, leur
m ère, a vécu jusqu’en 1774» il s’étoit déjà écoulé vingtcinq ans utiles pour la prescription ; ce n’est que quinze
ans après la mort de leur père que les enfans LaroclieNegly se sont pourvus : leur action, sous tous les rapports,
étoit également prescrite.
Les intimés ne peuvent se refuser à l’évidence ; ils voudroient user de leur dernière ressource, et produisent
trois lettres qu’ils attribuent l’une à l’aïeu le, les deux
autres au père de la dame M atlion : ces lettres, nonreconnues ni vérifiées, et sur lesquelles il s’élève des
doutes, ne peuvent influer sur le sort du procès.
1
La prem ière, prétendue écrite par la veuve Montereyrnard, est sous la date du 13 mars 1760: il en résulte qu'à
cette époque, et plus d’un an après la mort de MarieMarthe Treveis , Catherine Bonnafoux n’avoit aucune
connoissance de ce prétendu titre de 1746 ; depuis ce
moment jusqu’à la demande, il s’est écoulé trente-neuf
ans.
Celles que l’on dit écrites par M ichel Montereymard ,
n ont aucun rapport avec la procuration. Il ne peut s’oc
cuper d’affaires avec Clioinouroux, et prie d’attendre qu’il
D 2
�( 28 \
en ait terminé d’autres. Il se plaint ensuite de ce qu’on lui
demande quelque chose sur la succession de M arie-M arthe,
et finit par dire qu’il renoncera à la succession si on exige
le payement de ce qui pourroit être dû. Mais nulle part
on ne voit aucune explication précise de l’objet particulier ;
tout annonceroit, au contraire, qu’il n’en avoit aucune
connoissance. E nfin, l’une de ces lettres, sans date, est
adressée au sieur L a v a l, et ne peut se trouver dans les
mains des Chom ouroux que par un abus de confiance : et
L aval n’avoit pas craint lui-même de faire assigner la dame
Mathon pour une somme de 2000^ qu’il prétendoitlui
être due; mais on rapporta la quittance donnée par son
père ù. l’aïeule de la dame Mathon. Il paroît plus que vrai
semblable que toutes les affaires de famille étoient termi
nées depuis long-temps. On voudroit abuser du peu de
connoissance qu’a la dame M athon de ce qui s’est passé
dans la fam ille; mais un silence de cinquante-trois ans,
sans aucunes poursuites, est un obstacle insurmontable.
L a demande actuelle a toute la défaveur d’une vieille
recherche : en point de droit elle n’est pas fondée, en
point de fait elle est prescrite.
§. I I I .
Xæs appelans, dans tous les cas, ne sont pas héritiers
purs et simples de M arie-M arthe T reveis; Catherine
Bonnafoux leur aïeule n’a accepté la succession que par
bénéfice d’inventaire.
Ce n’est que très-subsidiairement, et pour ne rien né
gliger co cour souveraine, que les appelans réclament
�( 29 )
contre le chef du jugement qui les a condamnés comme
héritiers purs et simples. Ils croient avoir dém ontré, i° .
qu’il n’existe aucune obligation des deux femmes Treveis;
2°. que les intimés n’ont aucune action contre eux; 30. que
cette action, dans tous les cas, est éteinte parla prescription.
Mais on se rappelle que lors du décès de M arie-M arthe
Treveis, du 16 janvier 1769, les scellés furent apposés
sur ses meubles et effets, à la diligence de dame Catherine
Bonnafoux, aïeule de la dame Mathon. Sa requete, du 13
février de la même année 1759, présentée au sénéchal
du P u y , tend à la vérification et levée des scellés apposés
par le même juge. Cette requête est suivie d’une ordon
nance de transport pour la vérification des scellés qui
avoient été apposés le 16 janvier précédent, même jour
du décès. Vient ensuite l’inventaire fait par le même juge
en présence du procureur du r o i, après assignation à toutes
les parties intéressées, mais hors la présence des père et
mère des appelans, quoiqu’ils y eussent été appelés. Depuis,
Catherine Bonnafoux n’a pris d’autre qualité que celle
d’héritière bénéficiaire ; c’est en cette qualité que , le 8
novembre 1769, elle fait commandement à plusieurs dé
biteurs de la succession ; c’est en la même qualité que, le
31 mai 1759, elle acquitte une dette de la succession au
profit de Maximilien Gautier-la-Boulaye, créancier de
cette succession.
L ’inventaire n’a jamais été attaqué de fraude ou d’o
mission; il contient rémunération de tout ce qui compose
la succession, ornnia jura successionis.
Les poursuites actives et passives n’ont été faites qu’en
cette qualité d’héritière bénéficiaire; les appelans pro
�duisent ces actes anciens qui doivent faire foi pleine et en
t iè r e , d’après la maxime ln antiquis enunciativa pro
bant. Ces actes remontent à plus de quarante-cinq ans. En
pays de. droit écrit, il n’étoit pas nécessaire d’obtenir des
lettres de bénéfice d’inventaire; la déclaration de l’héri
tier et l’inventaire suffisoient pour attribuer la qualité.
Gomment donc les premiers juges se sont-ils déterminés
à condamner les appelans comme héritiers purs .et sim
ples , parce qu’ils nuroient accepté purement et simple
ment la succession de leur père et aïeule? cette circonstance
peut-elle influer sur la succession de M arie-M arthe T reveis ? l’une n’a rien de;commun avec les autres, et c’est une
injustice de plus, contre laquelle les appelans sont bien
fondés de réclamer.
Ils ne sont parvenus à réunir quelques pièces de famille
qu’avec des soins infinis et des recherches multipliées dans
les dépôts publics. Lai dame Ma thon-, orpheline, fut mise
en tutelle dès le plus bas âge ; son tuteur est décédé sans
lui avoir rendu compte de sa gestion, et elle s’est vaine
ment pourvue pour obtenir au moins la remise de ses
pièces; elle se voit accablée tout à coup par des pour
suites rigoureuses des Chom ouroux, q u i, abusant de son
ét.'.t d’ignorance, ont voulu surprendre sa foiblesse; ils
sont allés jusqu’à.provoquer la demande des enfans Larochc-Negly avec lesquels ils sont d’accord; ils ont attendu,
pour frapper des coups plus certains, que l’aïeule, le père,
el le tuteur de la dame Ma thon fussent décédés; c’est alors
qu’ils ont cherché- ù faire sortir du tombeau de la pres
cription, des titres surannés et nuls ; ils ont osé repro
duire une vieille recherche que lcux’s auteurs avoienteon-
�( 31 )
damnée à l’ oubli : mais leurs intentions perfides ne p e u
ven t être couronnées d’aucun succès; ils ont n é g lig é o u
m éconn u les premières règles de la pro céd u re ; le titre
q u ’ ils in v o q u e n t, et q u ’ils ont sorti de la poussière, est
irrégulier et nul. T o u t p r o u v e qu e depuis lo n g -te m p s
les affaires de famille étoient terminées. E n f in , la pres
cription , ce remède l é g a l , vient au secours des appelans;
et certes il ne fut jamais m ie u x appliqué.
M.
C A T H O L ,
M e. P A G E S
r a p p o r te u r .
( d e R iom ) , a n c ie n a v o c a t.
M e. V A Z E I L L E ,
avoué.
ARIO M ; de l' imprimerie de L a n d r i o t , seul imprimeur de
la Cour d’appel.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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Factums Godemel
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Description
An account of the resource
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Text
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Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Montereymard, Julie-Angélique. An 10?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Cathol
Pagès
Vazeille
Subject
The topic of the resource
donations
successions
droit écrit
créances
expertises graphologiques
experts
signatures
inventaires
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Dame Julie-Angélique Montereymard, et le sieur Jacques Mathon, son mari, propriétaires, habitans du lieu de Bourg-Argental, appelans d'un jugement rendu au tribunal d'Yssingeaux le 15 floréal an dix ; contre les sieurs Joseph-Raymond, Bénigne, Alexis-Françoise Saignard-Chomouroux, propriétaires, habitans de la ville d'Yssingeaux, intimés ; et encore contre George-François-Alexis Laroche-Negly, propriétaire, habitant du lieu de Chamblas, commune de Saint-Etienne-Lardeyrol, intimé. Question principale : Une donation faite au nom d'un tiers, par contrat de mariage, et sans procuration de sa part, est-elle obligatoire pour celui au nom de qui elle est faite ?
Arbre généalogique.
Table Godemel : Dontation : 9. une donation faite au nom d’un tiers, par contrat de mariage, en 1746, et sans procuration annexée, est-elle obligatoire pour celui au nom duquel elle a été faite ? Si celui qui s’est porté fort a rempli la donation, a-t-il une action en garantie contre le tiers dont il avait reçu procuration par acte sous signature privée ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 10
1746-Circa An 10
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
31 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1601
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1223
BCU_Factums_G1602
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Yssingeaux (43268)
Rights
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