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CONSULTATIONS MÉDICALES
■ * ■'
■"
.
1
f;
.
D a n s la cause d’entre C a t h e r i n e
intim ée, et G i l b e r t
L A F O N T ,
L A F O N T , appelant.
L E C O N S E IL SO U S SIG N É , consulté sur la question de savoir
si l’enfanl de Catherine L afon t étoit m ort ou en vie au moment
d e sa naissance;
Ne pouvant établir son opinion sur une question aussi délicate,
que sur les diverses déclarations qui se trouvent dans l’enquête,
pense, après avoir m ûrem ent réfléchi sur ce qui a été dit par les
différens témoins, que l'enfant susdit étoit vivant au moment qu’il
est venu au monde.
L es motifs sur lesquels le soussigné établit son jugement à cet
égard, so n t,
1°. Les mouvemens des bras, répétés trois ou quatre fo is;
2°. Les battemens du cœ ur, observés plusieurs fois ;
3°. Les mouvemens du visage, après l’application des spiritueux;
4°.
Plusieurs soupirs : d’abord un gros, soupir observé par la sage-
femme ; les autres remarqués postérieurement au prem ier, par
Claire Gilet.
O r , il paroit impossible de ne pas reconnoitre la vitalité dans
des phénomènes semblables. .
COUR
D ’A P P E L
DE R.IOM.
�C O
II s u f f i t , pour se convaincre xlé cette' vérité f dé jeter les yeux
' sur les ouvrages de médecine légale ël sur ceux de physiologie. Il
y a plus; l'enfant n ’e ù t-il donné aucun signe de vie, e u t-il pré
senté même tous les signes de m o rt, tels que la froideur, l’immo
b ilité, le défaut de respiration, la roideur des m em bres, etc. e tc .,
on ne pourroit pas pour cela affirmer qu’ il n ’étoit pas viable, puis
que les traités d’accouchemens nous disent, et l’expérience l’a appris
à ceux qui se livrent à cet a rt, qu’on en a rappelé plusieurs à la
v ie , quoiqu’ils fussent dans un état de mort apparente. E h! com
bien ont été précipités au tom beau, qui eussent vécu , si on eût
employé à leur égard les secours que prescrivent en pareil cas la
physiologie et la m édecine!
Mais si on n ’eût pas pu affirmer la m ort de l’enfant de Cathe
rine L a fo n t, lors même qu’il en auroit présenté tous les indices,
hors la putréfaction caractérisée par le détachement de l’épiderme
( d’après les écrits de C else, Zachias, L an cisi, H eister, W in s lo w ,
Bruhier, surtout ceux de Louis et de Portai ), à plus forte raison
est-on admissible à regarder comme vivant un enfant chez lequel,
malgré la longueur de l’accouchem ent, peut-être même malgré
les mauvaises manœuvres de l’accoucheuse , on a observé après
sa naissance, qui a élé 1res-pénible; chez lequel, disons-nous, on
:a' observé les phénomènes de la circulation, de la respiration et de
la sensibilité, qui sont tous les attributs de la vie.
On auroil désiré sans doute entendre les cris de l’enfant : ce signe
de vie eût frappé tous les assistans, et eût porté la conviction dans
tous les esprits. M ais on ne fait pas attention qu’il n ’y a rien de si
commun que de voir des enlans, surtout s’ils se présentent par
les pieds, venir au monde sans crier : il n'est aucun accoucheur
un peu praticien qui n’ait été témoin de ce fait. M ais ne doit-on
pas regarder comme des cris imparfaits les divers soupirs de l’en
fa n t, surtout si on a égard à sa foiblesse ?
L a respiration se compose de deux ordres de fonctions; l’une
par laquelle l’air entre dans la poitrine, et d i s t e n d plus ou moins
Mes poumons; on l’appelle inspiration; l’autre, par laquelle i’uîr
�(s 3))
-test chassé de1 la p o it r in e e t js e ,n o m m e expiration. L e soupir
IIs’exerce au moyen de, cette, dernière. Mais comme la sortit^ de
l ’air suppose son introduction , il faut nécessairement en con
clure que l’enfant chez lequel on l’a observé a respiré, et par
conséquent qu’il a "vécu.
't; T o u s les gens de Part savent que l’enfant ne respire pas, tant
qu’il est dans le sein de sa m ère, et que la circulation est toute
différente alors de ce qu’elle sera quand une fois il est au monde.
Com m ejil n ’est pas possible d’attribuer les mouvemens de la
face au galvanism e, qui n’a point été employé à l’égard de l’en
fant L a fo n t, le soussigné ne s’attachera pas à réfuter une pareille
idée.
Il y a lieu d ’être surpris qu’on ait pu arguer de la mort de
l ’en fan t, sous prétexte qu’il n ’a présenté que les phénomènes de
la vie organique, et nullement ceux de la vie animale. L e savant
B ic h a t, qui a admis ces deux vies, dans son immortel ouvrage
sur la vie et la m o r t, n’a reconnu la plénitude de ces deux vies
que chez l’adulte. En effet, la vie animale étant destinée, d’après
l ’auteur, à établir des rapports entre l’individu et ses semblables,
« entre lui et les objets voisins, à marier son existence à celle de Bichat
» tous les autres êtres, à sentir et percevoir ce qui l’entoure, à
» réfléchir ses sensations, à se mouvoir volontairement d’après
« leur influence, e tc ., » ne peut être l’apanage de I’enfajit au
moment de sa naissance, quelque viable et bien portant qu’on
le suppose. Il e s t, dans les premiers temps de sa vie, totalement
réduit ù la vie organique. D ’ailleu rs, pour nous servir encore
des expressions de B ich at, « chacune des deux vies se compoPag
» sant de deux ordres de fonctions , le premier ordre, dans la
» vie animale , s’établit de l’extérieur du corps vers le cerveau ,
» et le second, de cet organe vers ceux de la locomotion et de
» la voix. L ’impression des objets affecte successivement les sens,
» les nerfs et le cerveau : les premiers reço iven t, les seconds
J» transm ettent, le dernier perçoit cette im pression, q u i, étant
» ainsi reçue, transmise et perçue, constitue nos sensations, a
�(4)
O r , qui ne voit que les attributs de cette vie ne peuvent point
convenir à un e n fa n t, surtout dans les premiers momens de sa
naissance?
Délibéré à
C lerm ont,
le 8
janvier 1806.
B A YAR D,
D o c t. M é d .
L e soussigné , d'après la très-grande majorité des dépositions,
pense aussi que l’enfant est né vivant. L e seul mouvement du
cœ u r, qu'on dit avoir o b servé, suffit pour être de l’avis de
M . Bayard.
, ’
R A Y M O N D ,
Le
so u ssig n é ,
chirurgien.
docteur en m édecine, après avoir lu les mé
m oires, et d ’après les dépositions y contenues, estime que l’en
f ant est né vivant. L a vie est la faculté qu’a un corps organique
vivant d’être affecté par les puissances du dehors, et de réagir.
Cette réaction a eu lieu, parce qu’il est prouvé par les déposi
tions, 1°. que des mouvemens ont été remarqués dans le visage;
2°. qu’il y a eu mouvement des bras ; °. cela est prouvé encore
par la respiration ; °- enfin, par les mouvemens du cœur. Les
stim ulus ont donc produit dans ce petit corps organique une
4
3
réaction sur les puissances du dehors, dont le résultat a été la
vie.
A C lerm ont-F erran d , ce 9 janvier 1806.
D O U L C E T ,
D o c t. M é d t
/
A R .IO M , de l’im prim erie de L a n d r i o t , seul im prim eur de la
C o u r d ’appel. — Janvier 1806.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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Factums Marie
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Description
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Lafont, Catherine. 1806]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Bayard
Raymond
Doulcet
Subject
The topic of the resource
posthume
successions
enfant né viable
médecine légale
accouchement
témoins
vices de forme
actes de naissance
faux
sage-femme
baptême
Description
An account of the resource
Consultations médicales dans la cause d'entre Catherine Lafont, intimée, et Gilbert Lafont, appelant.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1806
1806
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
4 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0723
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0323
BCU_Factums_M0722
BCU_Factums_G1508
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Néris-les-Bains (03195)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
accouchement
actes de naissance
baptême
enfant né viable
Faux
médecine légale
Posthume
sage-femme
Successions
témoins
vices de forme
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626173f899a036f446f360ed9c93fc81
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M
E
M
O
I
R
E
COUR
D ’APPEL
EN
R É P O N S E ,
POUR
L A F O N T , et L o u i s - A u g u s t e
P E T A U T O N , son mari, habitant à Néris-lesB ains, intimés ;
C a t h e r in e
t
-CONTRE
G ilbe r t L A F O N T , J ea
,
n-B a ptiste B O U R -
N E T y J e a n F O R I C H O N , M A r i e et autre
M a r i e L A F O N T \ leursfemmes ¡habitant aussi
à N é r is , appelans.
C e n’étoit pas une assez grande douleur pour une mère
d’avoir perdu, en quelques mois d’intervalle, son époux
et son enfant; il a fallu que, pour satisfaire l'avidité de
A
D E R I 0 M.
�( o
quelques collatéraux, elle fût contrainte d’entendre encore
les plus minutieux détails de ce douloureux sacrifice, et
d’en peser scrupuleusement toutes les circonstances.
Il étoit consolant pour elle de penser que sa fille avoit
eu rang parmi les enfans des hommes, et que des mains
de la religion elle étoit descendue heureuse dans le tom
beau : mais l’intérêt ne compte pour rien les opinions
et les mouvemens de la nature; il ne respecte pas plus la
cendre des morts que le repos des vivans.
Cependant si les tribunaux sont obligés de tolérer d’in
discrètes recherches, ce ne peut être qu’avec un sentiment
d’indignation qui force à désirer qu’elles soient infruc
tueuses ; et sans doute toute la rigueur de l’examen est
réservée à ceux q u i, attaquant les actes les plus sacrés,
s’imposent la tâche de les anéantir.
Cette vérité a servi de base à la décision des premiers
juges. Pour arguer de faux un acte de naissance, les
appelans s’étoient soumis à prouver que l’enfant de Ca
therine Lafont étoit né m ort; mais ils n’ont présenté que
des doutes au lieu des faits positifs qu’ils avoient annoncés.
D e sa part, au contraire, l’intimée a établi clairement la
vérité de l’acte de naissance qui faisoit son titre, et q u i,
pour faire pleine et entière foi, n’auroit eu nul besoin de
preuve auxiliaire.
Néanmoins les appelans ne se sont pas jugés vaincus;
et le secours qu’ils n’ont pu trouver dans leurs enquêtes,
ils l’ont cherché dans des consultations de médecins dont
l’opinion auroit été sans doute bien puissante s’ils avoient
vu , mais qui ont été réduits à ne présenter que des
hypothèses et des incertitudes, et, sur la foi de quelques
�( 3 )
faits insigniiians, à présumer que l’enfant pouvoit être
venu au monde sans vie.
* .
A u reste, la cour ne se rendra qu’à sa propre con
viction dans une cause entièrement réglée par les lois
civiles, et encore plus claire par les faits dont on va lui
rendre compte.
F A I T S .
Catherine Lafont épousa,le 1 4 brumaire an 10, GilbertM arie Lafont, son cousin.
Seule héritière de son père, qui lui abandonnoit dèslors tous ses biens, elle fut assez heureuse pour offrir à
son époux un sort avantageux. Quant à lui, il avoit vendu
tous ses droits successifs à Gilbert L a fo n t, son frère ,
partie adverse, pour une somme modique de 10000 fr.
Les époux stipulèrent un gain mutuel d’usufruit, en
cas qu’il n’y eût pas d’enfans survivans.
Ce mariage n’a duré que dix mois et demi ; et le 27 fruc
tidor de la même année, Lafont est mort à vingt-trois
ans, laissant sa jeune veuve enceinte de six mois.
A u terme de ses couches elle appela, outre une sagefemme, des parentes ou des amies; m ais, loin de sup
poser qu’elle pouvoit survivre à son enfant , plus loin
encore d’avoir réfléchi que cette survie lui donneroit
une succession , le hasard a voulu qu’elle 11e s’entou
rât que de la famille de son mari : car, depuis sa dou
loureuse perte , c’étoit là sa société habituelle , pour
chercher des consolations dans ses entretiens et dans ses
souvenirs.
A 2
�(4)
Ses couches furent extrêm em ent, laborieuses ; ’ mais
n’ayant éprouvé aucune incommodité pendant sa gros
sesse, la vigueur de son âge seconda la nature, et elle
mit au monde une fille.
Il n’est que trop vrai que cette malheureuse enfant
avoit cruellement souffert de ces efforts. Ses mouvemens,
prolongés jusqu’à sa délivrance , indiquoient le besoin
du repos; car la même fatigue qui accabloit la mère dût
à plus forte raison agir sur une foible créature, qui avoit
besoin du plus grand repos pour échapper à la mort.
Mais la raison ne cède que trop souvent aux procédés
de l’habitude. On tourmente les enfaus sous prétexte de
les soulager, et le souffle de vie qui les anime est quel
quefois incapable de résister à ces prétendus soulagemens.
On suivit donc pour l’enfant de Catherine Lafont la
méthode ordinaire. L e cordon ombilical coupé, on cher
cha du vin pour lui frotter le visage et réparer ses forces;
on ne trouva que de l’e a u -d e -v ie , et on ne l’employa
pas moins au même usage. L e résultat du remède ne fut
pas aussi heureux qu’on l’avoit pensé : les muscles du
visage se contractèrent, la respiration repoussée se dilata
par des soupirs, l’enfant remua les bras ; mais ce n’étoit
là qu’un dernier effort de la nature, bientôt la vie acheva
de s’éteindre.
Pendant que l’enfant luttoit encore contre la m ort, le
curé fut mandé; et quoiqu’il n’arrivât que long-tem ps
après l’accouchement, il ne trouva pas moins à cette
enfant des signes de vie, car il lui administra le baptême,
quoique la sage-femme lui eût rapporté l’avoir déjà ondoyée par précaution.
�( 5)
A p rès le b ap têm e, le curé se retira pour aller faire
l’acte de naissance ; car il étoit aussi adjoint et officier
public : il choisit, uvani de p a rtir, ses deux témoins.
Ces témoins en effet allèrent à la m airie, et on les
renvoya au lendemain. Comme alors l’enfant étoit m ort,
les deux actes furent faits l’un à la suite de l’autre, 1g
21 frimaire an i i .
Catherine Lafont étoit héritière de son enfant par la
loi du 17 nivôse, ce qui avoit dû peut-être exciter la
jalousie des adversaires.
Il est naturel qu’ils fussent plus occupés de cette suc
cession qu’elle-même; et tout ce qui s’étoit passé devoit
leur être connu, puisque Catherine Lafont, comme elle
vient de le dire, avoit été entourée de la famille de son
m ari, c’est-à-dire, de la famille des adversaires : la sagefemme elle-m êm e étoit leur tante. Néanmoins, et dans
cet instant malheureux où le sacrifice de sa fortune lui eût
été totalement indifférent, aucun des adversaires n’ima
gina d’élever le moindre doute sur un acte de naissance
q u i, dans une petite commune, et d’après ce qui s’étoit
passé, n’avoit été un secret pour pei’sonne.
Trois mois se passèrent, et les adversaires laissèrent
prendre i la veuve la récolte de quelques vignes dépen
dantes de la succession : après ce temps, ils jugèrent con
venable de commencer sourdement les hostilités.
Comme Gilbert Lafont avoit acheté les droits de son
défunt frère, dont la succession étoit créancière du prix
de ces droits cédés, il se lit faire une saisie-arrêt par ses
beaux-frères Bournet et Forichon, dans la vue d’embar
�( 6 )
rasser Catherine L afon t, et n’osant pas lui-même com
mencer le procès.
Gilbert L afon t, fit encore en ses propres mains une
saisie-arrêt, sans titre ni autorisation; et on en fit une
troisième ès-mains du sieur Soulier, notaire, débiteur
de la succession.
L e premier sentiment de la veuve Lafont fut d’être in
dignée d’une conduite qui paroissoit fondée sur un soup
çon injurieux pour elle; dès-lors elle ne voulut plus rien
ménager, et poursuivit ses adversaires en payement et
main-levée de saisie, le 12 ventôse an 11.
A lors Gilbert Lafont fut forcé de s’expliquer, et il crut
l’intimider davantage en s’inscrivant en faux contre les
deux actes de naissance et de décès ci-dessus rappelés :
mais Catherine Lafont lui fit signifier sur le champ la dé
claration expresse qu’elle entendoit se servir de ces deux
actes, et Gilbert Lafont fut obligé de donner suite à sa
procédure. Gilbert Lafont présenta les faits par lui arti
culés, et offrit de prouver que l’enfant étoit m o rt-n é ,
ayant la pâleur sur son visage, les yeux ferm és, et que
tous les assistans s’écrièrent : V oilà un erifant m ort;
que l’adjoint n’avoit pas vu l’enfant, et n’avoit rédigé
les actes que sur la déclaration de deux témoins.
En vertu de jugement du 3 floréal an 11 , Gilbert
Lafont fit entendre cinq témoins. Il est essentiel de re
marquer qu’il affecta de ne pas appeler celui qui devoit
donner plus de lumières, la sage-femme. Quant à ceux
entendus à sa requête, voici ce qu’ils ont déclaré.
L e premier témoin est le cu ré-ad joint, qui a admi
�( 7)
nistré le baptême et fait l’acte civil. Avant le baptême
il a touché l’enfant et lui a senti de la chaleur.
I<e second témoin , François C o rre, ne sait pas si
l’enfant étoit vivant ou mort.
L e troisième, M arie L a fo n t, fem m e P ig n o t, la plus
proche parente des adversaires, sait tout, et a connu que
l’enfant étoit mort à l’éjection de ses excrémens. La sagefemme lui fit signe qu’il étoit m ort; elle lui dit aussi de
toucher le cœur de l’enfant pour sentir qu’il battoit, mais
le témoin répondit qu’il ne s’y connoissoit pas. La sagefemme lava l’enfant, et lui mit les doigts dans la bouche;
il ne donna aucun signe de vie. Puis la femme Corre le
prit sur ses g en o u x, et" ses genoux tremblèrent par la
crainte qu’elle avoit de la mort de l’enfant, et ce trem
blement se communiquoit à l’enfant. L e curé v in t , le
toucha à divers endroits, et le baptisa ; puis la femme
Corre dit à son mari d’aller faire faire l’acte de naissance,
et de ne pas manquer de dire au curé ( qui venoit de
sortir) que l’enfant étoit né vivant. Après cela elle avoue
qu’elle a dit elle - même à la mère que son enfant étoit
vivant, mais que c’étoit pour la ti’anquilliser; et que lors
qu’elle a voulu dire autrement, Louis Lafont lui a fait
beaucoup de menaces.
L e quatrième tém oin, M arie JBournet, ne sait rien
par elle-même ; elle confirme la proposition faite par la
sage-femme à la Pignot de toucher les battemens du cœur,
et la réponse de celle-ci qu’elle ne s’y connoissoit pas.
Enfin elle a ouï dire dans la maison que l’enfant étoit
vivant.
L e cinquième tém o in , Marguerite L a fo n t , veuve
�( 8)
Bonnefui^ '9. vu la sage-femme inquiète, lorsqu’elle de
manda de l’eau bénite pour ondoyer l’enfant; cependant
elle a dit plusieurs fois qu’il étoit vivant. Quand on a
frotté le visage de l’enfant avec de l’eau-de-vie, elle a
r e m a r q u é qu’il a fait un léger so u p ir, ce qu'elle a re
gardé comme un signe de vie j elle n’en a pas remar
q u é d’autres.
Cette enquête, comme le disent très-bien les adversaires,
étoit parfaitement inutile ; et en effet il n’y avoit rien de
moins prouvé que le faux matériel de la naissance de
l’enfant. Quatre témoins attestoient plutôt la vie que la
m ort; un seul attestoit la mort par ses paroles, et ce
qu’il a indiqué pour la prouver donne plutôt à présumer
pour la vie. Les faits du baptême et de la naissance restoient donc dans toute leur force.
Néanmoins, et par surabondance, Catherine Lafont
voulut aussi faire une enquête; et il ne faut que la par
courir pour être convaincu de la vie de l’enfant.
L e premier témoin est la sage-fem m e; elle sentit les
wiouvcmens de l’enfant dans ses mains : elle sentit les
■pulsations du cœ ur, et proposa à la femme Pignot d’y
toucher. Quand l’enfant fut sorti elle ne sentit plus de
mouvement, c’est pourquoi elle demanda du vin. On lui
porta de l’e a u - d e - v ie , et quand elle en passa sur le
visage de l’enfant, il fit un soupir. A lors ayant à s’occu
per de la m ère, elle a remis l’enfant à la femme Corre
(quatrième témoin ci-après). Elle avoit ondoyé l’enfant;
le curé est venu et l’a baptisé.
L e second témoin, François D u rin , a soupe avec le
curé le soir des couches. L e curé dit avoir vu l’enfant,
avoir
�( 9 )
avoir touclié son estomac, senti de la chaleur, cru re
marquer de la viey et baptisé l’enfant.
L e troisième témoin est Marie Bournet , déjà entendue.
L e quatrième témoin, la femme Corre , a gardé l’en
fant sur ses genoux après que la sage-femme eut fait les
frictions d’eau-de-vie au visage ; elle a elle-même lavé
l’enfant avec du vin lui a vu remuer les bras trois ou
quatre fois, lui a senti battre le cœ ur , a distingué des
mouvemens au visage quand on y passoit du vin , a re
marqué que l'enfant soupiroit ,• mais il est mort sur ses
genoux, sans qu’elle ait pu distinguer l’instant où il a
cessé entièrement de vivre.
L e cinquième témoin, Guiïlernin, a soupé avec le curé
quelque temps après les couches, Il dit qu’il avoit exercé
ses fonctions en baptisant l’enfant, ce qiCil n'aurait pas
f a i t , s'il 11 eût cru s être assuré de son existence, La sagefemme a dit encore au témoin que l’enfant étoit venu
au monde vivant , et qu’elle l’avoit ainsi déclaré ù son
confesseur.
L e sixième tém oin, Georges Forichon, a ouï dire au
curé qu’il avoit senti de la chaleur h. l’enfant, et admi
nistré le baptême, sans pouvoir assurer qu’il fiit vivant.
Il a ouï dire à plusieurs femmes que la Pignot ( celle
qui a dit l’enfant m ort) avoit dit qu’il éloit né vivant;
et qu’elle-même, femme Pignot, lui avoit vu plusieurs
fois porter les bras ¿1 la tête , et avoit remarqué plu
sieurs autres signes de vie.
L e 14 nivôse an 13 les parties en sont venues à l’au
dience où il ne s’agissoit que d’opposer l’acte de naissance
à l’enquête directe, et même les enquêtes entr’elles. 11
B
�C 10 )
est vrai que le procureur impérial vouloit renvoyer la
décision ù deux docteurs en médecine et en chirurgie,
mais le tribunal de Montluçon ne pouvoit se rendre à
cette opinion qui n’en étoit pas une; en conséquence,
après avoir pesé toutes les dépositions et la force des prin
cipes, il a fait droit aux parties par le jugement qui suit.
« Considérant que tous les actes de l’état civil font
« foi jusqu’à inscription de fau x; qu’il est établi par un
« acte extrait des registres de la commune de Néris, que
« l’enfant de Catherine Lafont est né à trois heures et
« demie, le 21 frimaire de l’an 11 ; qu’il est établi par
« un autre acte que le même jour le même enfant est
« décédé à quatre heures après m id i, c’est-à-dire, demi« heure après sa naissance ; qu’ainsi il est prouvé par actes
« authentiques que l’enfant est né vivant; que pour dé« truire ces deux actes, Gilbert Lafont a pris la voie
« de l’inscription en faux incident; que par conséquent
« il s’est imposé la tâche de prouver que cet enfant étoit
« mort avant que de naître ; et il s’agit d’examiner s’il
« l’a remplie ; que le premier témoin par lui produit
« a senti un reste de chaleur à l’enfant, et lui a admi« nistré le baptême à telles fins que de raison, a ensuite
« interrogé, comme oflicier public, l’accoucheuse qui
« lui a attesté que l’enfant étoit né vivant; que le se« cond, quoique témoin dans les deux actes, a déclaré
« ne s’être pas assuré par lu i-m êm e de l’existence de
« l’enfant; que le troisième a toujours regardé l’enfant
« comme mort avant que de naître; qu’il l’a jugé ainsi
« aux excrémens qu’il a vu tom ber, aux signes que la
« sage-femme lui a faits ; que cependant la même* sage-
�( 11 )
« femme lui a dit que le cœur de l ’enfant battoit encore,
« lui a proposé d’y porter la main, ce qu’il n’a voulu
« faire ; qu’après qu’il fut entièrement sorti du ventre
« de la mère, il ne lui a remarque aucun signe de vie,
« quoique la sage-femme l’ait frotté avec de l’eau-de-vie,
« lui ait mis les doigts dans la bouche, et y. ait soufflé;
« que le quatrième ne s’est pas assuré par lui-meme si
« l’enfant avoit vie après sa naissance, mais qu’il a enti tendu dire dans la maison qu’il étoit encoi'e vivant;
« que le cinquième lui a vu faire un léger soupir qu’il
« a regardé comme un signe de vie ;
« Que de ces cinq tém oins, le troisième est le seul
« qui soutienne que cet enfant étoit m o rt, parce qu’il
« le pensoit ainsi d’après la chute des excrémens et les
« signes de l’accoucheuse ; cependant cette même accou« cheuse a dit ensuite que le cœur de l’enfant battoit,
« a proposé au témoin d’y porter la m ain, ce qu’il n’a
« voulu faire,>disarit qu’il n’y connoissoit pas.
« Considérant que le premier témoin a senti de la
te chaleur à l’enfant-, a interrogé l’accoucheuse, qui lui a
« attesté que Fenfant étoit né vivant; que cette même
« accoucheuse l’a ainsi déclaré lorsqu’elle a été appelée
« en témoignage pal* Catherine Lafont; que le quatrième
« témoin a ouï dire dans la maison, après la naissance.
«' de l’enfant, qu’il avoit encore de la v ie ; que le cin« quième lui a vu faire un soupir qu’il a pris pour un
«• signe de vie; que de l’ensemble de ces déclarations il
« résulte plutôt que l’enfant a vécu après sa naissance,
« qu’il n’étoit mort avant que de naître; qu’ainsi Gilbert
« Lafont n’a pas détruit les deux actes de naissance et
B 2
�( 12 )
« de décès, ainsi qu’il se l’étoit proposé ; qu’on en est
« d’autant pins convaincu quand on considère que le
« quatrième témoin oui à la requête de Catherine Lafont,
« Ti qui l’accoucheuse remit l’enfant, pour donner des
« soins à la m ère, a confirmé la déclaration de cette sage« femme, lui a Vu battre le cœ ur, lui a distingué des
« mouvemens dans le visage, et a remarqué qu’il sou
te piroit; que d’ailleurs il paroît constant que cet enfant
« étoit parvenu au terme prescrit par la nature; qu’il
« n’a apporté au monde aucun vice de conformation ,
« ni aucun signe de putréfaction; que ces dernières cir-5
« constances, jointes aux actes de l’état civ il, aux décla« rations des témoins, doivent suffire pour constater la
' v. vie de l’enfant, ou au moins le faire présumer vivant;
« de manière que Catherine L afon t, qui a été m ère,
« qui en a couru les dangers, qui a perdu son enfant,
« doit obtenir la consolation que la loi lui accorde.
« L e tribunal déboute Gilbert Lafont de sa demande
« en inscription de faux, le condamne en l’amende de
« 60 francs, consignée conformément à l’ordonnance de
« 1737, et aux dépens. Fait et jugé à M ontluçon, le 14
« nivôse an 13 , etc. »
Après ce jugement, Catherine Lafont en a obtenu un
second le 23 ventôse suivant, lequel prononce la main
levée des saisies-arrêts, et condamne Gilbert Lafont à
payer ce qu’ il doit au défunt.
Quant aux Forichon et Bournet, autres parties, il avoit
déjà été rendu contre eux un jugement le 19 ventôse
an i i , prononçant aussi contre eux la m ain-levée de
leur saisie-arrêt; mais ils avoient gardé le silence en
�( i3 )
attendant l’événement de l’inscription de faux que Gilbert
L afon t, débiteur, avoit seul osé hasarder. Gilbert Lafont
a interjeté appel du jugement du 13 nivôse an 13 ", les
autres parties ont interjeté appel de celui du 19 ventôse
an 11 : et quoiqu’ils ne se soient pas réunis en première
instance, ils ont fait joindre leurs appels.
M O Y E N S .
La jonction demandée par les Bournet et Forichon
est aussi singulière que le but de leur appel. On concevroit cette jonction, si Gilbert Lafont avoit interjeté
appel du jugement du 23 ventôse an 13 , parce que ce
jugement et celui du 19 ventôse an 1 1 , frappent égale
ment sur des saisies-arrêts. Mais le jugement du 14 ni
vôse an 13 prononce sur une inscription de faux à la
quelle les Bournet et Foriclion n’ont voulu prendre aucune
part. Comment se fait-il donc qu’aujourd’hui ils veuillent
se rendre commun le jugement qui y fait droit ?
Dans leur appel les Forichon ont demandé que les con
clusions par eux prises en première instance leur fussent
adjugées et ils n’en avoient pris aucune. Leur appel
au fait n’a aucune base , car ils n’ont pu fonder leur
saisie-arrêt que sur le faux de l’acte de naissance ; et ce
pendant ce faux n’a jamais été articulé par eux.
Ces réflexions suffisent donc pour répondre à l'appel
de Forichon et Bournet. Il ne reste plus qu’à examiner
les moyens proposés sur l’appel de Gilbert Lafont.
Ils se réduisent à dire i°. que les enquêtes prouvent
le faux de l’acte de naissance; 20. que les signes de vie
�C *4 )
remarques par les témoins ne sont pas suffisans, d’après
les lois et les notions de la médecine.
Ce so n t ces deux prétentions qu’il faut examiner, pour
en démontrer l’erreur.
P r e m i è r e
q u e s t i o n
.
Les enquêtes prouvent-elles le fa u x de Tacte de nais-
' sance ?
Aucun acte ne mérite une foi plus grande que les.
actes de l’état civil;, les ordonnances nous l’enseignent r
et la raison nous: dit qu’il importe au bon ordre de ne
les détruire qu’avec la preuve claire et évidente d’un faux
matériel.
- C a r, comme le dit M . Cocliin, les registres de nais
sance sont des monumens publics auxquels la loi veut
qu’on donne une foi entièi-e, comme dépositaires.de l’état
des hommes.
- Il ne'faut pas etre plus exigeant que la loi; elle se con
tente, pour la déclaration des naissances, du témoignage
du père s’il est vivant, et de celui de la sage-femme ou.
l’accoucheur, si le père est mort ou'absent;;car l’accou
cheur a lui-même- un caractère publie, e t seul il fait foi.
de la naissance. (L o i du 20 septembre 1792, tit. 3 , art 2.
Code civil, art. 56.) Il faut en outre deux témoins, mais
ce n’est pas pour attester la naissance, c’est seulement
pour attester la' déclaration.
::-Enfin il faut que l’enfant soit porté à l’ofiicier public,
ou qu’il vienne.'s’assurer de sa naissance. ( L o i du 20 sepr ;
�( 15>
tembre, tit. 3 , art.
) Voilà tout ce que la loi a exigé.
Quand elle a dit qu’au acte de l’état civil feroit foi, et
que la preuve ne seroit pas reçue contre ce qu’il énonce,
c’est une chose assez bizarre qu’on peiïse l’anéantir, sous
prétexte d’une inscription de fa u x , par la même voie de
la preuve testimoniale. Ce ne seroit qu’un pur changement
de form e, si les tribunaux, en expliquant la loi par le
sens qu’elle présente, ne pensoient que celui qui s’inscrit
en faux s’engage à quelque chose de bien plus positif qu’au
résultat d’une simple enquête, puisqu’un acte publie ne
peut être anéanti par une preuve testimoniale.
Sans doute si on présentoit un extrait de naissance faux,;
la justice ne devroit y ajouter foi que jusqu’à la preuve
du faux; et c’est là le but de l’art. 45 du Code civil : mais
quand il s’agit de démentir la déclaration dont la loi s’est
contentée, sans contredit aucune preuve testimoniale ne
doit suffire pour faire tomber l’acte; ou bien il falloit
dire franchement que les actes de naissance ne faisoient
foi que jusqu’à la preuve contraire.
Ces réflexions, présentées à la prudence de la cour, ne
tendent point à éluder l’examen-des enquêtes; et pour
cela il n’y auroit qu’un seul mot à dire, c’est qu’au lieu
d’y voir la preuve de mort annoncée, on a peine à trouver
qu’un seul témoin ait certifié ce fait sans en douter luiinêtne.
Que devoit prouver Gilbert Lafont? et qu’a-t-il prouvé ?
Ses faits de faux étoient clairs et précis. 11 se soumettoit
à établir, i°. que plusieurs personnes étoient présentes
lors des couches, et que toutes ces personues s’écrièrent :
V oilà un enfant m ort;
�( i6 )
2°. Que la sage-femme ayant frotté l’enfant avec de
l ’e a u - d e - v i e , elle ouvrit sa bouche avec un de ses doigts,
mais que sa bouche se referma de suite; qu’il étoit pale,
et avoit les yeux fermés ;
30. Que François Gorre n’arriva dans l’appartement
que dans l’instant où la sage-femme plioit l’enfant pour
le faire enterrer;
40. Que la femme Corre dit à son époux d’aller avec
Louis Lafont faire faire les actes de naissance et de décès,
qui furent rédigés dans le même instant;
5°. Qu’il n’a été fait aucune réquisition à l’adjoint de
se transporter dans la maison où étoit l’enfant; qu’il n’a
par conséquent remarqué aucuns signes de v ie , et qu’il
n’a rédigé les deux actes que sur la déclaration de deux
témoins, dont l’un étoit l’aïeul, partie intéressée, et l’autre
avoit seulement vu ensevelir l’enfant.
L e premier fait n’est attesté en partie que par un témoin
qui est démenti par tous les autres. Ce ne sont pas toutes
les personnes présentes qui s'écrièrent : Voilà un enfant
mort ; c’est la femme Pignot qui prétend seule l’avoir dit à
Marie Bournet, parce qu’elle a vu tomber des excrémens :
mais Marie Bournet ne le pou firme pas,
Cette Pignot qui a voulu tout dire est tombée dans le
piège ordinaire des menteurs; elle se contredit elle-même
sur tous les points. L ’accoucheuse lui fit signe que l’enfant
étoit m ort, et cependant l’accoucheuse l’engagea à sentir
battre son cœur; elle refusa de s’assurer si l’enfant étoit
viv a n t, parce quV/<? ne s’y comtois soit pus ; cependant
c]le avoit déjà dit que l’enfant étoit mort.
Ces contradictions s’accordent parfaitempilt ayec la dé
position
�(t7 )
position du témoin F oriclion, qui a ouï dire h. plusieurs
femmes que cette-même Pignot leur avait attesté quô
l’enfant étoit vivan t, et qu’elle lui avoit remarqué plu
sieurs signes de vie. Cette malheureuse a ensuite changé
absolument de langage; et ceux qui la connoissent ne s’en
étonnent pas.
Toutes les personnes présentes n’avoient pas dit : V oilà
un enfant m ort; puisque tous les autres témoins présens
ont remarqué des signes de vie plus ou moins prononcés.
L e deuxième fait n’est prouvé par aucune déposition,
si on en excepte la circonstance attestée par la même
P ign o t, que la sage-femme ouvrit la bouche de l’enfant :
fait iso lé, faux et inutile. Mais personne n’a dit que la
bouche se refermât de suite, et que l’enfant eût, en nais
sant, ni de la pâleur, ni les yeux fei'més.
L e troisième fait n’est encore déclaré par aucun té
moin. Corre n’a pas dit être venu seulement quand on
ensevelissoit l’enfant, mais l’avoir vu sur les genoux de
sa femme. L a loi n’exigeoit pas même de l u i , comme
tém oin, qu’il attestât la naissance, elle ne l’exigeoit que
de la sage-femme; et il étoit témoin de l’attestation seule
ment. S’il avoit déclaré la naissance, comme témoin instrumentaire il feroit encore f o i , et ne seroit pas admis
à se rétracter.
L e quatrième fait étoit aussi insignifiant que le précé
dent, et n’est pas déclaré de la même manière par là
P ig n o t, quoique ce soit elle qui ait dicté évidemment
les faits articulés par l’adversaire.
Il y a même.quelque chose d’essentiel à remarquer dans
ce que disent Corre et la Pignot. Celle-ci assure avoir tout
vu depuis les couches jusqu’à l’inhumation, et cependant
C
�( i 8)
Corre dit que c’est elle qui vint le chercher à sa vigne;
elle s’est donc absentée quelque temps.
L e cinquième fait est démontré faux par tous les té
m oins; car bien loin que le sieur R eynaud, adjoint, ait
rédigé ses actes sans se transporter dans la maison où étoit
l’enfant, et sans le v o ir , il dit lui-même y être venu et
l’avoir vu. Tous les témoins parlent de ce fait, et la Pignot
elle-même déclare que le sieur Reynaud toucha l’eniant
à plusieurs endroits, et le baptisa.
A insi rien de ce que Gilbert Lafont avoit offert de
prouver ne l’a été. L ’acte de naissance demeure donc dans
toute sa force.
Quand on ôteroit de son enquête tous les signes de vie
articulés par ses propres témoins, il ne resteroit que des
doutes sur la mort de l’enfant; et des doutes ne détruisent
pas un acte.
Ces doutes encore ne sont communiqués que par un
seul témoin qui a refusé de toucher l’enfant, et qui n’ayant
pas voulu s’éclaircir veut cependant communiquer tous
les éclaircissemens.
Il faut se méfier d’elle, puisqu’elle s’en est méfiée ellemême ; d’ailleurs ses contradictions appellent aussi la mé
fiance, quand elle ne seroit pas personnellement suspecte,
comme la plus proche parente des adversaires. D ’ailleurs
c’est une chute d’excrémens qu’elle a regardée comme
signe de mort. Sur ce fait même, qu’ il est étonnant qu’elle
ait pu vérifier avant la fin des couches, de quel poids
peut être un semblable témoignage? C’est là cependant
la seule preuve de la mort qu’elle donne, ou plutôt la
seule preuve que fournit l’enquête.
�( x9 )
L e curé auroit été un témoin important s’il avoit as
sisté au commencement des couches ; mais il a fallu l’en
voyer chercher et l’attendre : et quoique, dans ce délai
assez lo n g , la vie de l’enfant n’ait pu que dim inuer,
cependant à son ai-rivée il a encore senti de la chaleur;
et si l’enfant avoit été mort - n é , cette chaleur n’auroit
pas duré jusqu’alors , surtout à la fin de décembre. Ce
qu’il y a de certain c’est que le curé n’atteste pas que
l’enfant fût m ort, c’est qu’au contraire il l’a baptisé comme
vivan t, et après un premier baptême. O r , suivant les
règles, ce premier baptême suffisoît, n’y eût-il eu que du
danger, Canonistce dicimt sufficere quod aliquod membrum baptizetur ut sit ijifans christianus.
Ainsi ce second baptême fait par un prêtre est une
présomption authentique de la v ie , d’après les auteurs :
à cette présomption se joint la preuve légale de la vie
par l’acte de naissance fait par le même témoin. A in si,
quand il marqueroit les conjectures de mort les plus
fortes, jamais il n’y auroit lieu d’annuller son propre acte
p u b lic, qui parleroit plus haut que sa déposition.
On voit d’ailleurs dans cette déposition du curé une
retenue qui abrège trop les détails, et qui s’explique assez
par l’inquiétude que devoit lui donner malgré lui une
inscription de faux contre son propre acte.
Mais cette circonspection est corrigée par les témoins
Durin et Guiltemin, à qui le curé a dit à différons inter
valles qu’avant de baptiser l’enfant il s’étoit assuré de
,
soit existence.
Si à cela on ajoute les dépositions de la sage-femme,
de la veuve Bonnefoi et de la femme C o rre , il n’y aura
plus à douter; car les mouvemens de l’enfant dans la main
C 2
�C(2o y
de la sage-fem m e, les battemejis du cœ u r, les soupirs,
les bras remués trois à quatre fo is , la contraction des
muscles du visage, sont sans contredit des signes évidens
d’existence.
Cent tém oins, qui diroient avoir vu un individu m ort,
ne détruiroient pas le témoignage de ceux qui l’ont vu
vivapt. Les apparences de la vie et de la m ort sont sou
vent difficiles à reconnoître, et peuvent d’ailleurs avoir
lieu quelquefois alternativement.
S
e c o n d e
q u e s t i o n
.
Tjôs signes de vie rem arqués p a r les tém oins s o n t-ils
sujjisans ?
Les lois françaises sont muettes sur cette question, et
la jurisprudence s’est toujours basée sur les lois rom aines,
qui ne laissent presque rien indécis.
A peine l’enfant étoit conçu qu’il étoit compté parmi
les créatures, et r é p u t é vivant toutes les lois qu’il s’agissoit de son intérêt.
Si cependant il m ouroit avant de naître, il n’étoit pas
réputé avoir v é c u , parce qu’alors en effet son intérêt
étoit n u l, et il étoit inutile qu’il eût vécu pour l’interôt
d’autrui.
M ais dès l’instant qu’il étoit n é , il devenoit capable de
succéder et de transm ettre, quelle que foible et courte
qu’ait pu être sa v i e , licet i l l i c o decesserit. L . 2 , cod.
D e post. hœr.
Cependant les écoles ne s’accordoicnt pas sur les preuves
de la v ie , lorsqu’il s’agissoit de savoir quand un testa
ment étoit anuullé par la naissance d’un posthume. Les
�( 21 )
proculeïens, qui étoient les rigoristes du droit, vouloient
que Teniant, pour être réputéijvoir vécu, eût crié, cia*
morern emiserit. Mais les sabiniens n’étoient pns de cet
avis, et répondoient que la foible;sse ou un défaut d’or
ganes peuvent empêcher les cris de l’enfant, quoique visi
blement il existe. Justinien termina ce débat par la loi
Quod diù certatum , et dit, en approuvant l’opinion des
sabiniens, que le testament était rompu si l’enfant étoil
né v iv a n t, quand même il seroit mort immédiatement
après sa naissance, et même dans les mains de la sagefemme.
Sabiniani existimabant si vivus iiatus esset
vocem n o n e m is it
e t
si
rumpi testamentum : eoruni etiain
nos laudamus sententiam , et s a n c i m u s s i perfectè liatus e st , licet
illic o
postquam, in terrain cecidit vel
decessit-, ruiiipi testamentum. L o i Quod dià , code D e posth. lib.
in
m in ib u s
o b ste tr ic is
Cette supposition d’une mort aussi.prompte, pour ainsi
dire, que la naissance, marque assez que la,lpijjn’a pas
exigé des signes de vie bien prononcés, puisque'le $pn
de la voix ne lui a pas même semblé nécessaire.
11 y a plus, car la loi encore a prévu le cas où un
accouchement auroit été tellement forcé et difficile que
l’enfant n’auroit pu être extrait qu’en partie. Si la por
tion qui a vu le monde est celle en qui consiste princi
palement l’existence, l’enfant n’en est pas moins réputé
avoir vécu , quoiqu’incapable de conserver la vie; et la
loi en ce cas se contente du moindre souffle.
Si non integrum animal editurn sit, cum
s p ir itu .
tamen , adeo testamentum rumpit, L. 12 ; if. D e liber¿s
et posth.
�( 22 )
Ces principes ont toujours été adoptés par la jurispru
dence ; et les auteurs du droit les enseignent comme des
maximes certaines.
Lebrun se plaint avec éloquence de ceux qui veulent
pour signe de vie avoir entendu la voix de l’enfant j
« comme si, dit-il, la nature attentive à d’autres choses,
« ne pouvoit pas, dans un petit espace de temps, vivre
« et mourir sans se plaindre : au contraire l’on peut dire,
« ajoute-t-il, que l’enfant qui se tait ainsi en naissant,
« subsiste en partie par ce silence, parce que la nature
« ménage ses forces pour prolonger sa v ie , et évite do
« la dissiper en accens superflus. » (L iv re i , chap. 4 ,
sect. 1.)
M . D om at, cité par les adversaires, s’occupe des cas
où l’enfant est né avant le terme ordinaire ; et quoique
dans l’usage on n’ait jamais regardé comme viable un
enfant né avant le septième mois, M . Domat distinguo
le cas où il s’agit de son état personnel, de celui où il
est q u e s tio n de sa v o ir s’il a succédé et transmis la succes
sion.' Dans la première espèce, c’ëst-à-dire, cum agitur
de statu et f i t quœstio statûs, M . Domat pense que l’en
fant^ avant sept mois, n’est pasJréputé avoir vécu : mais
quand il'ne s’dgit que de transmettre la succession à ses
héritiers, >Jcùm l agi fur'de transmissione hcercàitatis, les
raisons ne sont plus les mêmes, et il n’importe plus que
l’enfant ait pu vivre, il suflit qu’il ait vécu; et M . Domat
cite des arrêts qui ont réputé successibles des en fans de
quatre et cinq-mois,-nés même par l’opération césarienne,
( L i v . 1, sect. 1,11°. 5 , p. 2 .) '•
■Remarquons qu’ici il s’agit d’un enfant venu à tonne;
après neuf m ois, et dès-lors légalement viable,•
�( 23 )
Henrys, cite encore par les adversaires, ne leur est pas
plus favorable que Dom at; il parle d’une cause où il s’agissoit d’un enfant q u i, loin d’être regardé connue mort
pour avoir rejeté des excrém cns, n’avoit au contraire
donné d’autres signes de vie constans. V oici littéralement
le fait rapporté par M . Henrys lui-même. « Une mère
« n’ayant pu rendre son enfant qu’avec peine et violence,
« et cet enfant n’ayant donné d’autre signe de vie que
« par les excrémens qu’il avoit rendus, cela fit douter
« s’il avoit survécu la mère ou non. Ceux qui avoient
« intérêt qu’il fût plutôt né vivant que m ort, ne raan« quèrent pas d’user de précaution, et de faire ouïr par
te devant le juge la sage-femme et un médecin. L e pré« texte qu’ils en prirent fut au sujet de l’enterrem ent,
« et sur le refus que le curé pouvoit faire de le mettre
« en terre sainte. Y ayant eu procès en ce siège, nous
« fûmes ouïs pour le procureur du ro i.. .. La sage-femme
« ne s’étant arrêtée qu’à l’éjection des excrémens, et en
« cela n’ayant pu parler que par l’organe du m édecin...
« le rapport nous paroissoit précipité et affecté ; nous
« crûmes qu’il y avoit plus d’apparence d’en oi’donner
« un second.... que puisqu’on n’avoit établi la vie de
cc l’enfant que sur ce signe seul, les médecins en pou« voient aussi-bien juger que s’ils avoient été présens à
« l’enfantement. Nos conclusions furent suivies, et un
« nouveau rapport fut ordonné. Y ayant eu appel au par
oi lement, la cour a cru que le premier rapport devoit
« suffire; en un m o t, que sur le doute, et dans les cir« constances duf a i t , il j'alloit plutôt juger que Venfant
« avoit eu v ie , que d'être mort-né. » ( Quest. 2 1, li v. 6. )
Enfin Acaranza, cité aussi par les adversaires, d it, au
�Cm )
rapport de Bretonnier, dans son traité D e partie, ch. 16,
11°. 32, que le moindre signe de vie suffit s’il est certain.
Dans une cause qui dépend toute entière d’un fait pu^
blic et légalement attesté, que de simples indices ne peu
vent détruire, les réflexions des docteurs consultés par
les adversaires ne conduiront pas la cour à tout l’éclair
cissement qu’elle avoit lieu d’attendre de leurs lumières ^
car ces docteurs n’ont pu se déterminer que par le vague
des enquêtes : aussi leur opinion se réduit-elle à un système.
' Mais quelque brillant que puisse être un système, jamais
l’incertitude n’amena la conviction.
L e raisonnement des docteurs consultés se réduit à ceci :
L a chaleur, les mouvemens de l’enfant, ses soupirs et le
battement de son cœur, peuvent avoir trompé les témoins,
parce que les genoux trembloient à celle qui tenoit l’en
fant sur ses genoux, et ce tremblement, communiqué à
l’enfant, a pu en imposer pour un mouvement qui lui fût
personnel. L e seul s o u p ir e n t e n d u éta n t un dernier soupir,
n’a été qu’un mouvement expiratoire, sans i n s p ir a t io n ,
parce que les poumons n’ont pas eu la force de supporter
le volume d’air nécessaire à la respiration. Les signes de
vitalité remarqués ne sont qu’un reste de çontractililé et
d’irritabilité tels qu’on les observe sur les têtes nouvel
lement coupées, sur le larynx des oies, et au galvanisme.
T o u t cela 11’étoit qu’un indice de la cessation encore
récente de la vie animale.
L a base de ce système est une simple p o ssibilité : le fait
principal qui le motive rrest pas exact, et par conséquent
1A
C système s’évanouit tout entier,
Le
�(*5 )
L e tremblement des genoux, imputé à la femme Corre,
n’est pas attesté par elle; et sans doute sa déposition dévoit
être la plus notable à l’égard d’un fait qui lui étoit per
sonnel.
L e soupir appelé un dernier soupir est encore une
erreur ; car puisque les docteurs ont choisi les témoins
qui parloient de v isu , ils ont dû remarquer que la sagefem m e, après avoir lavé l’enfant avec de l’e a u - d e -v ie ,
entendit un gros soupir ,* puis elle le remit à la femme
Corre pour s’occuper de la mère. O r, à son tour, la femme
Corre lava l’enfant avec du v in , et alors remarqua que
l ’enfant soupiroit, qu’il avoit des mouvemens dans le
visage, qu’il remua les bras trois ou quatre fois, et que
le cœur lui battoit.
Ces soupirs ne sont pas les mêmes que ceux entendus
par la sage-femme quelque temps auparavant. Il n’y a
donc pas, comme l’ont cru les docteurs, un seul et der
nier soupir.
A lo rs , et sans examiner s’il est possible qu’un enfant
sortant du sein de sa mère x*ende de l’air par expiration,
sans en avoir jamais aspiré, il est au moins certain que le
premier de ces soupirs, à supposer qu’il n’y en ait eu que
deux, n’est pas un dernier mouvement expiratoire passif.
Après cette exanimation, il seroit impossible de conce
voir qu’un second soupir eût pu succéder au premier. C’est
bien assez d’admettre un premier soupir dans un nou
veau n é , si ses poumons n’ont pas eu la force de sup
porter le volume d’air nécessaire à la respiration.
Les signes de vitalité remarqués aux têtes fraîchement
coupées ne semblent devoir rien prouver à l’égard d’un
enfant qui ne s’éteint que par foiblesse. Dans une tête
D
�'( **6 )
coupée, la vie surprise, pour ainsi dire, pendant Sa force,
s’arrête encore dans une partie restée saine. Les muscles,
irrités ordinairement ;par la moindre blessure, le sont
bien davantage par leur section entière; et leur contrac
tion communique à tout ce qui en dépend un jeu mé
canique qui n’est pds la v ie , mais qui en est l’apparence.
A u contraire quand un corps entier s’ etéin t par débi
lité ou dissolution, ce mouvement des muscles-ne peut
pas survivre à l’atonie de l’organisation ; à plus forte
raison dans un enfant nouveau, qui n’auroit pas eu la force
de supporter une Seule aspii’ation, toute co n tr a c tilité et
irritabilité semble une chose entièrement impossible.
L e larynx des oies ne répète leur cri que pendant la
durée du souffle qu’on y communique; ainsi il n’y a pas
de vitalité dans ce qui exige une fonction étrangère.
L e galvanisme peut bien, par une combinaison de mé
taux, produire sur des chairs inanimées une commotion
dont nos sens imparfaits ne peuvent pas apercevoir la
cause : m a i s , q u e lle q u ’elle soit, elle est le produit d’un
appareil quelconque ; et jamais un coi’ps n’a répété les
mouvemens galvaniques hors la présence de cet appareil.
‘ Remarquons une vérité frappante. Dans leur propre
opinion les docteurs ont supposé que la vitalité même
qu’ils présumoient dans l’enfant, étoit l’indice de la ces
sation encore récente de la vie animale.
*
Voilà donc une'présomption de mort attachée à la con
viction que l’enfànt vivoit encore un instant auparavant.
O r, cet instant/ou est-il ? qui peut le saisir aujourd’hui,
cjuaud‘ les as'àistans ne l’ont pu recorinoîlre ? Comment,
dans une matiè’re aussi conjecturale que les signes de la
�(
)
m ort, les docteurs assureront-ils que l’enfant de Cathe-r^
rine Lafont, venu à terme en l’an n , soit mort avant,
ou pendant l’extraction, ou une minute après sa,nais
sance, avant, ou pendant son baptêm e, ou in manibusx
obstetricis, suivant le langage de la loi.
L a sage-femme l’a gardé quelque temps; après elle, la
femme Corre l’a gai'dé ; puis le cu ré, mandé pour le
baptiser, est venu; ,et c’est après tojat cela qu’on a été
certain de sa mort.
: ?
>
Quand il n’y auroit pas de signes de vie reconnus, rien
ne seroit plus conjectural que les s^nes de ia m ort, et
en ce cas même il faudroit seulement douter.
C a r,7 comme
le-» * dit M . W in slo w ,7 « si la chaleur du:)
'
« corps et la mollesse des parties flexibles sont des signes
« incertains d’une vie encore subsistante >la pâleur du vi« sage, le froid du corps, la roideur des extrém ités, la
« cessation des mouvemens et l’abolition des sens externes,
« sont des signes très-équivoques d’une mort certaine....
« Il est-incontestable que le corps est quelquefois telle« meut privé de toute fonction vitale, et que le souille
cc de la vie y est tellement caché, qu’il ne paroît aucune
« différence de la vie et de la mort. » ( Dissertation sur
l’incertitude des signes de la m ort, page 84. )
.
E t c’est parce que les signes.de la mort sont plus dou
teux que ceux de la v ie , que les auteurs de médecine
légale se contentent des moindres indices pour présumer
la vie de l’enfant.
Si spiraverit, dit Zaclïias, si membra distenderit, si
se moverit, si sternutaverit, si urinam reddat. ( Quest.
njédico-lég. liv. I er. tit. 5 , n°. 123.) Cependant la plupart
D 2
�( »8 ) '
de ces cas pourroient se prendre encore plus pour de
simples mouvemens de vitalité musculaire.
Foderé marque une notable différence entre le cas où
l ’enfant seroit mort dans le ventre de sa m ère, et celui
; i
-»
7
où il ne meurt que pendant sa naissance. A u premier
cas, l’état qu’il décrit des souffrances de la mèi’e ne laisse
pas de doute; aurdeuxième cas, il indique comme signe
de mort le défaut de pulsation et de chaleur des artères
ombilicales : néanmoins il cite encore des exemples où
ces signes mêmes ont trompé les praticiens. ( Médecine
civile, tom. i , n°. 288.)
M ahon ne pense nullement que la pulsation des artères
soit un simple indice de vitalité et de contractilite. « La
« continuation du battement du cœur et de la circulation
'« du sang en général, dit-il, est un indice bien plus sûr de
« la vie de l’enfant après sa naissance. Cette fonction est,
« de toutes celles qui tombent sous les sens, la plus im« portante de la vie animale. » ( Médecine légale, tom. 2 ,
pag. 393- )
Si donc nous ignorons quand est mort l’enfant de Ca
therine Lafont, au moins ne l’étoit-il pas quand son coeur
battoit encore; et si les mouvemens des bras et du visage
sont, comme les soupirs, des signes douteux de la vie, au
moins tous les raisonnemens de l ’univers ne prouveroient
pas qu’ils sont des signes de mort.
Car il faut pour les adversaires des signes évidens de
m ort, puisqu’ils attaquent un acte de naissance.
.
..
Eh! où en serions-nous, si à chaque mort il falloit élever
autant de doutes et d’incertitudes?
Les hommes sont convenus de regarder comme Tins-
�( 29 )
tant fixe de la mort celui de la cessation totale de la cir
culation du sang, suivie de la roideur des membres; et
les intérêts de toutes les familles se règlent chaque jour
sur la foi de cette croyance. , ■
O n sait bien qu’il est de loin en loin des exceptions
à cette règle, et que des personnes ont vécu, après avoir
eu tous les signes ordinaires de la mort.
Mais on ne voit pas pour cela que ces phénomènes
changent les notions de l’habitude; et certes nul ne certifieroit vivant un homme sans pouls et sans flexibilité de
membres, parce qu’il en auroit vu vivre d’autres ayant
les mêmes symptômes de mort.
Comment donc est-il possible de décider qu’un enfant,
qui conservoit du m ouvem ent, étoit cependant m o rt,
par cela seul qu’il est des exemples que des individus
morts ont quelquefois donné des signes de vie.
Cependant il ne s’agit ici que de fixer l’époque précise
d’une mort reconnue récente; et au lieu de la rechercher
dans des possibilités et dans des hypothèses, pourquoi
ne pas supposer aussi une cause plus immédiate et plus
naturelle?
I<es couches de Catherine Lafont ont été laborieuses;
voilà un fait connu.
• ••.
L ’enfant a dû être très-accablé, et avoir besoin du plus
grand calme ; si on l’a tourmenté on n’a pu que lui nuire :
voilà la première présomption certaine.
Mais au lieu de lui laisser du repos on lui a coupé le
cordon ombilical, on l’a frotté avec de l ’eau-de-vie, puis
avec du vin.
Pourquoi donc ne pas croire que ces opérations ont
�. . .
( 3° )
achevé d’éteindre une vie encore récente, plutôt que '
d’assigner une époque antérieure, sans aucune cèrtitude,
mais par s im p le soupçon.
Ici au moins nous présentons un système qui a une
base, et cette base est assise sur une grande autorité.
« Lorsque l’enfant, dit Hippocrate, est sorti du sein
« de sa mère avec effort, comme il est foible, il ne faut
« pas lui couper l’ombilic qu’il n’ait crié et uriné. »
( Hippocr, de superf, ch. 5. )
Et qu’on n’objecte pas que ce sont là des principes d’an
cienne théorie; Alphonse L ero i, qui les l’appelle, ajoute ;
« Nous développerons ailleurs ce précepte excellent, que
« nous tâchons chaque jour de rétablir, » ( A lp h, L e r o i,
pratique des accouchernens. )
lia section du cordon ombilical a donc pu nuire à un
enfant déjà fo ib lè; des frictions d’eau-d e-vie sur son
visage ont dû même lui causer une révolution qu’il étoit
hors d’état de supporter : c’est en ce moment que ses
soupirs ont annoncé le dernier effort de la nature ; et
quand le spasme a arrêté le battement de son cœ ur, il
a résulté de cette suspension même que c’est alors seu-r
lement qu’il a cessé de vivre.
Si ce‘ n’est là qu’une présomption, elle a pour elle les
dépositions des témoins qui ont vu des mouvemens jus
qu’après la friction d’eau-de-vie : mais d’ailleurs, dans lo
doute même,’ la religion, la physique et les lois présument
que l’enfant a vécu.
Remarquons combien encore la présomption de la vio
est ici plus favorable que dans l’espèce des lois romaines. Là
il s’agissoit de rompre un testament, et c’étoit en pure perte
�( 3* )
Jpotir le posthume , s’il m ouroit illic o , in m anibus obstetricis,* ic i, au contraire, il s’agit de présumer la vie en
faveur d’une m ère, et de supposer que la nature a Suivi
son cours ordinaire, en faisant naître vivant un eufant
'q u i , venu à term e, étoit légalem ent viable. , , -
O n a articulé contre l’acte de naissance des vices de
form e, mais ils sont imaginaires, et n’emporteroient au
cune peine de nullité. L e seul vice conséquent seroit de
n’avoir pas porté l’enfant à la maison commune ; mais
; la loi dit seulement qu’il sera présenté à l’officier public,
et l’officier public l’a vu.
, >
On se fait un moyen de ce que Catherine Lafont a
contracté récemment un second mariage. Mais qui peut
lui reprocher ce que la loi et les bienséances autorisent:
depuis trois ans elle n’a plus le bonheur d’être épouse
ni m ère, et l’obéissance qu’elle doit à son père ne lui a
pas permis de mettre un plus long terme au désir qu’il
manifestoit chaque jour de se donner un nouveau sou
tien. Mais au reste, quelle influence cet événement peut-il
avoir pour la cause, et surtout pour infirmer un juge
ment a n té rieu r ?
Ce n’est pas moins une mère qui réclame la succes
sion de son enfant, luctuosam hœreditatem, suivant le
langage de la loi. On a blâmé les premiers juges d’avoir
dit que celle qui avoit couru'les dangers de la maternité
méritait la préférence dans le doute ; mais ce motif, bien
loin d’être aussi absurde qu’on le prétend, est entière
ment puisé dans la, nature et dans la m orale, comme il
l’est dans l’opinion des plus savans auteurs, et notamment
�( 32 )
de D om at, qui parle de la faveur de la cause du père ou
de la mère qui survivent à leur enfant.
Cujas d it, comme les premiers juges, que la plus favo
rable interprétation devoit être pour la mère en sem
blable circonstance. Benignius est credere ordinem naturoe servasse f o r tunam , ut in dubio matri faveam us ,
quœ in luctu est magno , propter amissum f îlium et
maritum , quàm agnatis, ( Cujac. ad leg. 2.6, D e pact.
dot. )
'• A quels titres en effet seroient plus recommandables
tdes collatéraux, qui ne voyant dans les dangers d’une
mère qu’une expectative, et dans ses malheurs qu’une
succession, veulent tout renverser pour en faire leur
p ro ie , e t, irrités de trouver une barrière dans un acte
authentique, osent rouvrir les tombeaux de leur fam ille,
pour chercher une heure incertaine, et recueillir pour
ainsi dire la vérité dans le néant? La cour ne verra en
eux que des profanateurs avides, qui d’ailleurs, dans leurs
moyens impuissans, sont encore bien loin d’avoir satis
fait à ce qu’ils s’étoient imposés à eux-mêmes pour par
venir à renverser un acte d’ordre p u b lic, par le motif
unique de leur intérêt. particulier.
Me D E L A P C H IE R ,
avocat.
Me . T A R D I F , licencié-avoué.
A RIOM, de l’imprimerie de L a n d r i o t , seul imprimeur de la
Cour d’appel, — Nivôse an 14
�
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Factums Marie
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Description
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A name given to the resource
[Factum. Lafont, Catherine. An 14]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Tardif
Subject
The topic of the resource
posthume
successions
enfant né viable
médecine légale
accouchement
témoins
vices de forme
actes de naissance
faux
sage-femme
baptême
Description
An account of the resource
Mémoire en réponse, pour Catherine Lafont, et Louis-Auguste Petauton, son mari, habitant à Néris-les-Bains, intimés ; contre Gilbert Lafont, Jean-Baptiste Bournet, Jean Forichon, Marie et autre Marie Lafont, leurs femmes, habitant aussi à Néris, appelans.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
An 14
1801-An 14
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
32 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0722
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0323
BCU_Factums_M0723
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Néris-les-Bains (03195)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
accouchement
actes de naissance
baptême
enfant né viable
Faux
médecine légale
Posthume
sage-femme
Successions
témoins
vices de forme
-
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MEMOIRE
EN RÉPONSE
POUR
L A F O N T , *et L o u i s - A uguste
P E T A U T O N , son mari, habitant à Néris-lesBains, intimés;
C a th e rin e
CONTRE
L A F O N T J e a n -B a p t i s t e BOUR.
N E T J e a n F O R I C H O N , M a r i e et autre
M a r i e L A F O N T , leursfemmes, habitant aussi
à N éris, appelans.
G ilb e r t
;
C e n’etoit pas une assez grande douleur pour une mère
d’avoir perdu, en quelques mois d’intervalle, son époux
et son enfant; il a fallu que, pour satisfaire l'avidité de
A
COUR
D ’A P P E L
DE R I OM.
�( o
quelques collatéraux, elle fût contrainte d’entendre encore
les plus minutieux détails de ce douloureux sacrifice, et
d’en peser scrupuleusement toutes les circonstances.
Il étoit consolant pour elle de penser que sa fille avoit
eu rang parmi les enfans des hommes, et que des mains
de la religion elle étoit descendue heureuse dans le tom
beau : mais l’intérêt ne compte pour l’ien les opinions
et les mouvemens de la nature; il ne respecte pas plus la
cendre des morts que le repos des vivans.
Cependant si les tribunaux sont obligés de tolérer d’in
discrètes recherches, ce ne peut être qu’avec un sentiment
d’indignation qui force à désirer qu’elles soient infruc
tueuses ; et sans doute toute la rigueur de l’examen est
réservée à ceux qui, attaquant les actes les plus sacrés,
s’imposent la tache de les anéantir.
Cette vérité a servi de base à la décision des premiers
juges. Pour arguer de faux un acte de naissance, les
appelans s’étoient soumis à prouver que l’enfant de Ca
therine Lafont étoit né mort; mais ils n’ont présenté que
des doutes au lieu des faits positifs qu’ils avoient annoncés.
De sa part, au contraire, l’intimée a établi claii’ement la
vérité de l’acte de naissance qui faisoit son titre, et qu i,
pour faire pleine et entière foi, n’auroit eu nul besoin de
preuve auxiliaire.
Néanmoins les appelans ne se sont pas jugés vaincus;
et le secours qu’ils n’ont pu trou ver dans leurs enquêtes,
ils l’ont cherché dans des consultations de médecins dont
l’opinion auroit été sans doute bien puissante s’ils avoient
vu , mais qui ont été réduits ¡\ ne présenter que des
hypothèses et des incertitudes, et, sur lu foi de quelques
�( 3 )
faits insignifians, à -présumer que l’enfant pouvoit être
venu au inonde sans vie.
A u reste, la cour ne se rendra qu’à sa propre con
viction dans une cause entièrement réglée par les lois
civiles, et encore plus claire par les faits dont on va lui
rendre compte.
F A I T S .
Catherine Lafont épousa, le 14 brumaire an 1 o , GilbertMarie Lafont, son cousin.
Seule héritière de son père, qui lui abandonnoit dèslors tous ses biens, elle fut assez heureuse pour offrir à
son époux un sort avantageux. Quant à lui, il avoit vendu
tous ses droits successifs à Gilbert Lafont, son frère
partie adverse, pour une somme modique de 10000 fr.
Les époux stipulèrent un gain mutuel d’usufruit, en
cas qu’il n’y eût pas d’enfans survivans.
Ce mariage n’a duré que dix mois et demi; et le 27 fruc
tidor de la même année, Lafont est mort à vingt-trois
ans, laissant sa jeune veuve enceinte de six mois.
A u terme de scs couches elle appela, outre une sagefemme, des parentes ou des amies; mais, loin de sup
poser qu’elle pouvoit survivre à son enfant , plus loin
encore d’avoir réfléchi que cette survie lui donneroit
une succession , le hasard a voulu qu’elle ne s'entou
rât que de la famille de son mari : car, depuis sa dou
loureuse perte , c’éloit là sa société habituelle , pour
chercher des consolations dans ses entretiens et dans ses
souvenirs.
A 2
�( 4 )
Ses couches furent extrêmement laborieuses ; mais
n’ayant éprouvé aucune incommodité pendant sa gros
sesse, la vigueur de son âge seconda la nature, et elle
mit au monde une fille.
Il n’est que trop vrai que cette malheureuse enfant
avoit cruellement souffert de ces efforts. Ses mouvemens,
prolongés jusqu’à sa délivrance , indiquoient le besoin
du repos; car la môme fatigue qui accabloit la mèi’e dût
à plus forte raison agir sur une foible créature, qui avoit
besoin du plus grand repos pour échapper à la mort.
Mais la raison ne cède que trop souvent aux procédés
de l’habitude. On tourmente les enfans sous prétexte de
les soulager, et le souffle de vie qui les anime est quel
quefois incapable de résister à ces prétendus soulagemens.
On suivit donc pour l’enfant de Catherine Lafont la
méthode oi’dinaire. Le cordon ombilical coupé, on cher- ^
cha du vin pour lui frotter le visage et réparer ses forces;
on ne trouva que de l’eau -d e-vie, et on ne l’employa
pas moins au môme usage. Le résultat du remède ne fut
pas aussi heureux qu’on l’avoit pensé : les muscles du
visage se contractèrent, la respiration repoussée se dilata
par des soupirs , l’enfant remua les bras ; mais ce n’étoit
là qu’un dernier effort de la nature, bientôt la vie acheva
de s’é teindre.
Pendant que l’enfant luttoit encore contre la mort, le
curé fut mandé; et quoiqu’il n’arrivnt que long-temps
après l’accouchement , il ne trouva pas moins à cette
enfant des signes de vie, car il lui administra le baptême,
quoique la sage-femme lui eût rapporté l’avoir déjà ondoyée par précaution.
�(S)
Après le baptême, le curé se retira pour aller faire
l’acte de naissance ; car il étoit aussi adjoint et officier
public : il choisit, avant de partir, ses deux témoins.
Ces témoins en effet allèrent à la mairie , et on les
renvoya au lendemain. Comme alors l’enfant étoit mort,
les deux actes furent faits^ l’un à la suite de l’autre, le
21 frimaire an n .
Catherine Lafont étoit héritière de son enfant par la
loi du 17 nivôse, ce qui avoit dû peut-être exciter la
jalousie des adversaires.
Il est naturel qu’ils fussent plus occupés de cette suc
cession qu’elle-même ; et tout ce qui s’étoit passé devoit
leur être connu, puisque Catherine Lafont, comme elle
vient de le dire, avoit été entourée de la famille de son
mari, c’est-à-dire, de la famille des adversaires : la sagefemme elle-même étoit leur tante. Néanmoins, et dans
cet instant malheureux où le sacrifice de sa fortune lui eût
été totalement indifférent, aucun des adversaires n’ima
gina d’élever le moindre doute sur un acte de naissance
q u i, dans une petite commune, et d’après ce qui s’étoit
passé, n’avoit été un secret pour personne.
Trois mois se passèrent, et les adversaires laissèrent
prendre à la veuve la récolte de quelques vignes dépen
dantes de la succession : après ce temps, ils jugèrent con
venable de commencer sourdement les hostilités.
Comme Gilbert Lafont avoit acheté les droits de son
défunt frère, dont la succession étoit créancière du prix
de ces droits cédés, il se fit faire, une saisie-arrêt par scs
bcaux-irères Buuruet et Foriclion, dans lu vue u’embar-
�( 6 )
rasser Catlierine Lafont, et n’osant pas lui-même com
mencer le procès.
Gilbert Lafont, fit encore en ses propres mains une
saisie-arrêt, sans titre ni autorisation; et on en fit une
troisième ès-mains du sieur Soulier, notaire, débiteur
de la succession.
Le premier sentiment de la veuve Lafont fut d’être in
dignée d’une conduite qui paroissoit fondée sur un soup
çon injurieux pour elle; dès-lors elle ne voulut plus rien
ménager, et poursuivit ses adversaires en payement et
main-levée de saisie, le 12 ventôse an i i .Alors Gilbert Lafont fut forcé de s’expliquer, et il crut
l’intimider davantage en s’inscrivant en faux contre les
deux actes de naissance et de décès ci-dessus rappelés :
mais Catherine Lafont lui fit signifier sur le champ la dé
claration expresse qu’elle entendoit se servir de ces deux
actes, et Gilbert Lafont fut obligé de donner suite à sa
procédure. Gilbert Lafont présenta les faits par lui arti
culés, et offrit de prouver que l’enfant étoit m o rt-n é,
ayant la pâleur sur son visage, les yeux fermés, et que
tous les assistans s’écrièrent : Voilà un crifant m o rt ;
que l’adjoint n’avoit pas vu l’enfant, et n’avoit rédigé
les actes que sur la déclaration de deux témoins.
En vertu de jugement du 3 floréal an 1 1 , Gilbert
Lafont fit entendre cinq témoins. Il est essentiel de re
marquer qu’il affecta de ne pas appeler celui qui de voit
donner plus de lumières, la sage-femme. Quant à ceux
entendus à sa requête, voici ce qu’ils ont déclaré.
Lo premier témoin est le curé-adjoint, qui a admi-
�. ( 7 )
nisti’c le baptême et fait l’acte civil. Avant le baptême
il a touché l’enfant et lui a senti de la chaleur.
Le second témoin , François C orre, ne sait pas si
l’enfant étoit vivant ou mort.
Le troisième, M arie L a fo n t,fe m m e P ig n o t , la plus
proche parente des adversaires, sait tout, et a connu que
l’enfant étoit mort à l’éjection de ses excrémens. La sagefemme lui fît signe qu’il étoit mort; elle lui dit aussi de
toucher le cœur de l’enfant pour sentir qu’il battoit, mais
le témoin répondit qu’il ne s’y connoissoit pas. La sagefemme lava l’enfant, et lui mit les doigts dans la bouche*,
il ne donna aucun signe de vie. Puis la femme Corre le
prit sur ses genoux, et ses genoux tremblèrent par la
crainte qu’elle avoit de la mort de l’enfant, et ce trem
blement se communiquoit à l’enfant. Le curé vin t, le
toucha à divers endroits, et le baptisa ; puis la femme
Corre dit à son mari d’aller faire faire l’acte de naissance,
et de ne pas manquer de dire au curé ( qui venoit de
sortir) que l’enfant étoit né vivant. Après cela elle avoue
qu’elle a dit elle-m êm e à la mère que son enfant étoit
vivant, mais que c’étoit pour la tranquilliser; et que lors
qu’elle a voulu dire autrement, Louis Lafont lui a fait
beaucoup de menaces.
L e quatrième témoin, M arie B o u rn et, ne sait rien
par elle-même; elle confirme la proposition faite par la
sage-femme à la Pignot de toucher les battemens du cœur,
et la réponse de celle-ci qu’elle ne s’y connoissoit pas.
Enfin elle a ouï dire dans la maison que l’enfant étoit
vivant.
L e cinquième tém oin, Marguerite L a fo n t , v e im
�m
JBojinefoi, a vu la sage-femme inquiète, lorsqu’elle de
manda de l’eau bénite pour ondoyer l’enfant ; cependant
elle a dit plusieurs fois qu’il étoit vivant. Quand on a
frotté le visage de l’enfant avec de l’eau-de-vie, elle a
remarqué qu’il a fait un léger sou p ir , ce qu’elle a re
gardé comme un signe de vie ,• elle n’en a pas remar
qué d’autres.
Cette enquête, comme le disent très-bien les advei’saires,
étoit parfaitement inutile ; et en effet il n’y avoit rien de
moins prouvé que le faux matériel de la naissance de
l’enfant. Quatre témoins attestoient plutôt la vie que la
mort ; un seul attestoit la mort par ses paroles, et ce
qu’il a indiqué pour la prouver donne plutôt à présumer
pour la vie. Les faits du baptême et de la naissance restoient donc dans toute leur force.
Néanmoins, et par surabondance, Catherine Lafont
voulut aussi faire une enquête; et il ne faut que la par
courir pour être convaincu de la vie de l’enfant.
Le premier témoin est la sage-femme ; elle sentit les
mouvemens de l’enfant dans ses mains : elle sentit les
pulsations du CŒur, et proposa à la femme Pignot d’y
toucher. Quand l’enfant fut sorti elle ne sentit plus de
mouvement, c’est pourquoi elle demanda du vin. On lui
porta de l’e a u -d e -v ie ,' et quand elle en passa sur le
visage de l’enfant, il lit un soupir. Alors ayant à s’occu
per de la m ère, elle a remis l’enfant à la femme Corre
( quatrième témoin ci-après). Elle avoit ondoyé l’enfant;
lo curé est venu et l’a baptisé.
Le second témoin, François JDurin , a soupé avec le
curé le soir des couches. Le curé dit avoir vu l’enfant,
avoir
�C9 \
avoir touché son estomac, senti de la chaleur , cru remarquer de la viey et baptisé l’enfant.
Le troisième témoin est Marie B ournet , déjà entendue.
Le quatrième témoin, la fem m e Corre , a gardé l’en
fant sur ses genoux après que la sage-femme eut fait les
frictions d’eau-de-vie au visage ; elle a elle-même lavé
l’enfant avec du v in , lui a vu remuer les bras trois ou
quatre fois, lui a senti battre le cœ u r , a distingué des
mouvemens au visage quand on y passoit du vin , a re
marqué que l’enfant soupiroit j mais il est mort sur ses
genoux, sans qu’elle ait pu distinguer l’instant où il a
cessé entièrement de vivre.
L e cinquième témoin, Guillemin, a soupé avec le curé
quelque temps après les couches. Il dit qu’il avoit exercé
ses fonctions en baptisant l’enfant, ce qu’il n'auroit pas
*f a i t , s iln eût cru s'être assuré de son existejice, La sagefemme a dit encore au témoin que l’enfant étoit venu
au monde viva n t, et qu’elle l’avoit ainsi déclaré à son
confesseur.
Le sixième tém oin, Georges Forichon, a ouï dire au
curé qu’il avoit senti de la chaleur à l’enfant, et admi
nistré le baptême, sans pouvoir assurer qu’il fut vivant.
Il a ouï dire à plusieurs femmes que la Pignot (celle
qui a dit l’enfant m ort) avoit dit qu’il étoit né vivant;
et qu’elle-même, femme Pignot, lui avoit vu plusieurs
fois porter les bras à la tête , et avoit remarqué plu*
sieui's autres signes de vie.
L e 14 nivôse an 13 les parties en sont venues à l’au
dience où il ne s’agissoit que d’opposer l’acte de naissance
4 l’enquête directe, et même les enquêtes entr’clles. 11
B
�( 1° )
est vrai que le procureur impérial vouloit renvoyer la
décision à deux docteurs en médecine et en chirurgie,
mais le tribunal de Montluçon ne pouvoit se rendre à
cette opinion qui n’en étoit pas une; en conséquence,
après avoir pesé toutes les dépositions et la force des prin
cipes, il a fait droit aux parties par le jugement qui suit.
« Considérant que tous les actes de l’état civil font
cc foi jusqu’à inscription de faux ; qu’il est établi par un
« acte extrait des registres de la commune de Néris, que
« l’enfant de Catherine Lafont est né à trois heures et
« demie, le 21 frimaire de l’an 11 ; qu’il est établi par
« un autre acte que le même jour le même enfant est
« décédé à quatre heures apj ès m id i , c’est-à-dire, demi« heure ajDrès sa naissance; qu’ainsi il est prouvé par actes
« authentiques que l’enfant est né vivant; que pour décr truire ces deux actes, Gilbert Lafont a pris la voie
« de l’inscription en faux incident; que par conséquent
« il s’est imposé la tâche de prouver que cet enfant étoit
« mort avant que de naître ; et il s’agit d’examiner s’il
« l’a remplie; que le premier témoin par lui produit
« a senti un reste de chaleur à l’enfant, et lui a admi« nistré le baptême à telles fins que de raison, a ensuite
« interrogé, comme officier public, l’accoucheuse qui
« lui a attesté que l’enfant étoit né vivant; que le se« cond, quoique témoin dans les deux actes, a déclaré
« ne s’être pas assuré par lui-m êm e de l’existence de
« l’enfant; que le troisième a toujours regardé l’enfant
« comme mort avant que de naître ; qu’il l’a jugé ainsi
“ aux excréinens qu’il a vu tomber, aux signes que la
« sage-femme lui a faits ; que cependant la même sage-
�«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
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«
«
«
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«
C ii )
femme lui a dit que le cœur de l’enfant battoit encore,
lui a proposé d’y porter la main, ce qu’il n’a voulu
faire; qu’après qu’il fut entièrement sorti du ventre
de la mère, il ne lui a remarqué aucun signe de vie,
quoique la sage-femme l’ait frotté avec de l’eau-de-vie,
lui ait mis les doigts dans la bouche, et y ait soufflé;
que le quatrième ne s’est pas assuré par lui-même si
l’enfant avoit vie après sa naissance, mais qu’il a entendu dire dans la maison qu’il étoit encore vivant ;
que le cinquième lui a vu faire un léger soupir qu’il
a regardé comme un signe de vie;
« Que de ces cinq témoins , le troisième est le seul
qui soutienne que cçt enfant étoit m ort, parce qu’il
le pensoit ainsi d’après la chute des excrémens et les
signes de l’accoucheuse ; cependant cette même accoucheuse a dit ensuite que le cœur de l’enfant battoit,
a proposé au témoin d’y porter la main, ce qu’il n’a
voulu faire, disant qu’il n’y connoissoit pas.
« Considérant que le premier témoin a senti de la
chaleur à l’enfant, a interrogé l’accoucheuse, qui lui a
attesté que l’enfant étoit né vivant; que cette même
accoucheuse l’a ainsi déclai’é lorsqu’elle a été appelée
en témoignage par Catherine Laiont; que le quatrième
témoin a ouï dire dans la maison, après la naissance.
de l’enfant, qu’il avoit encore de la vie; que le cinquième lui a vu faire un soupir qu’il a pris pour un
signe de vie; que de l’ensemble de ces déclarations il
résulte plutôt que l’enfant a vécu après sa naissance,
qu’il n’étoit mort avant que de naître; qu’ainsi Gilbert
Lafont n’a pas détruit les deux actes de naissance et
B 2
�t
( 12 \
a de décès, ainsi qu’il se l’étoit proposé; qu’on en est
«
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«
d’autant plus convaincu quand on considère que le
quatrième témoin ouï à la requête de Catherine Lafont,
à qui l’accoucheuse remit l’enfant, pour donner des
soins à la mère, a confirmé la déclaration de cette sagefemme, lui a vu battre le cœur, lui a distingué des
mouvemens dans le visage, et a remarqué qu’il soupiroit ; que d’ailleurs il paroît constant que cet enfant
étoit parvenu au terme prescrit par la nature; qu’il
n’a apporté au monde aucun vice de conformation ,
ni aucun signe de putréfaction; que ces dernières circonstances, jointes aux actes de l’état civil, aux déclarations des témoins, doivent suffire pour constater la
vie de l’enfant, ou au moins le faire présumer vivant;
de manière que Catherine Lafont, qui a été m ère,
qui en a couru les dangers, qui a perdu son enfant,
doit obtenir la consolation que la loi lui accorde.
« Le tribunal déboute Gilbert Lafont de sa demande
« en inscription de faux, le condamne en l’amende de
« 60 francs, consignée conformément à l’ordonnance de
« 1737, et aux dépens. Fait et jugé à Montluçon, le 14
« nivôse an 13, etc. »
Après ce jugement, Catherine Lafont en a obtenu un
second le 23 ventôse suivant, lequel prononce la main
levée des saisies-arrêts, et condamne Gilbert L^afont à
payer ce qu’il doit au défunt.
Quant aux Forichon et Bournet, autres parties, il avoit
déjà été rendu contre eux un jugement le 19 ventôse
an 1 1 , prononçant aussi contre eux la m ain-levée de
leur saisie-arrêt ; mais ils avoieut gardé le silence en
�' ( 13 )
attendant l’événement de l’inscription de faux que Gilbert
Lafont, débiteur, avoit seul osé hasarder. Gilbert Lafont
a interjeté appel du jugement du 13 nivôse an 1 3 ; les
autres parties ont interjeté appel de celui du 19 ventôse
an 11 : et quoiqu’ils ne se soient pas réunis en première
instance, ils ont fait joindre leurs appels.
M O Y E N S .
La jonction demandée par les Bournet et Forichon
est aussi singulière que le but de leur appel. On concevroit cette jonction, si Gilbert Lafont avoit interjeté
appel du jugement du 23 ventôse an 13, parce que ce
jugement et celui du ig ventôse an 1 1 , frappent égale
ment sur des saisies-arrêts. Mais le jugement du 14 ni
vôse an 13 prononce sur une inscription de faux à la
quelle les Bournet et Forichon n’ont voulu prendre aucune
part. Comment se fait-il donc qu’aujourd’hui ils veuillent
se rendre commun le jugement qui y fait droit ?
Dans leur appel lës Forichon ont demandé que les con
clusions par eux prises en première instance leur fussent
adjugées ; et ils n’en avoient pris aucune. Leur appel
au fait n’a aucune base , car ils n’ont pu fonder leur
saisie-arrêt que sur le faux de l’acte de naissance; et ce
pendant ce faux n’a jamais été articulé par eux.
Ces réflexions suffisent donc pour répondre à l’appel
de Forichon et Bournet. Il ne reste plus qu’à examiner
les moyens proposés sur l’appel de Gilbert Lafont.
Ils se réduisent h dire i c\ que les enquêtes p ro u v e n t
le faux de l’acte de naissance; 20. que les signes de vie
�.( I 4 )
remarqués par les témoins ne sont pas suffisans, d’après
les lois et les notions de la médecine.
Ce sont ces deux prétentions qu’il faut examiner, pour
en démontrer l’erreur.
P
r e m i è r e
q u e s t i o n
.
Les enquêtes prouvent-elles le fa u x de Tacte de nais
sance ?
Aucun acte ne mérite une foi plus grande que les
actes de l’état civil ; les ordonnances nous l'enseignent,
et la raison nous dit qu’il importe au bon ordre de ne
les détruire qu’avec la preuve claire et évidente d’un faux
matériel.
Car, comme le dit M. Cocliin, les registres de nais
sance sont des monumens publics auxquels la loi veut
qu’on donne une foi entière, comme dépositaires de l’état
des hommes.
Il ne faut pas être plus exigeant que la loi; elle se con
tente, pour la déclaration des naissances, du témoignage
du père s’il est vivant, et de celui de la sage-femme ou
l’accoucheur, si le père est mort ou absent; car l’accou
cheur a lui-même un caractère public, et seul il fait foi
de la naissance. (L o i du 20 septembre 1792, tit. 3, art 2.
Code civil, art. 56.) Il faut en outre deux témoins, mais
ce n’est pas pour attester la naissance, c’est seulement
pour attester la déclaration.
Enfin il faut que l’enfant soit porté à Vofiicier public,
ou qu’il vienne s’assurer de sa naissance. ( Loi du 20 sep-
�( i5 )
tembre, tit. 3, art.
) Voilà tout ce que la loi a exigé.
Quand elle a dit qu’un acte de l’état civil feroit foi, et
que la preuve ne seroit pas reçue contre ce qu’il énonce,
c’est une chose assez bizarre qu’on pense l’anéantir, sous
prétexte d’une inscription de faux, par la même voie de
la preuve testimoniale. Ce ne seroit qu’un pur changement
de forme, si les tribunaux, en expliquant la loi par le
sens qu’elle présente, ne pensoient que celui qui s’inscrit
en faux s’engage à quelque chose de bien plus positif qu’au
résultat d’une simple enquête, puisqu’un acte public ne
peut être anéanti par une preuve testimoniale.
Sans doute si on présentoit un extrait de naissance faux,
la justice ne devroit y ajouter foi que jusqu’à la preuve
du faux-, et c’est là le but de l’art. 45 du Code civil : mais
quand il s’agit de démentir la déclaration dont la loi s’est
contentée, sans contredit aucune preuve testimoniale ne
doit suffire pour faire tomber l’acte; ou bien il falloit
dire franchement que les actes de naissance ne faisoient
foi que jusqu’à la preuve contraire.
Ces réflexions, présentées à la prudence de la cour, ne
tendent point à éluder l’examen des enquêtes ; et pour
cela il n’y auroit qu’un seul mot à dire, c’est qu’au lieu
d’y voir la preuve de mort annoncée, on a peine à trouver
qu’un seul témoin ait certifié ce fait sans en douter luimême.
Que devoit prouver Gilbert Lafont? et qu’a-t-il prouvé ?
Ses faits de faux étoient clairs et précis. 11 se soumettoit
à établir, i°. que plusieurs personnes étoient présentes
lors des couches, et que toutes ces personnes s’écrièrent :
Voilà un enfant mort;
�(i 6 )
2°. Que la sage-femme ayant frotté l’enfant avec de
l’eau-de-vie, elle ouvrit sa bouche avec un de ses doigts,
mais que sa bouche se referma de suite; qu’il étoit pâle,
€t avoit les yeux fermés ;
3°. Que François Corre n’arriva dans l’appartement
que dans l’instant où la sage-femme plioit l’enfant pour
le faire enterrer;
4°. Que la femme Corre dit à son époux d’aller avec
Louis Lafont faire faire les actes de naissance et de décès,
qui furent rédigés dans le même instant;
5°. Qu’il n’a été fait aucune réquisition à l’adjoint de
sc transporter dans la maison où étoit l’enfant; qu’il n’a
par conséquent remarqué aucuns signes de v ie , et qu’il
n’a rédigé les deux actes que sur la déclaration de deux
témoins, dont l’un étoit l’aïeul, partie intéressée,* et l’autre
avoit seulement vu ensevelir l’enfant.
Le premier fait n’est attesté en partie que par un témoin
qui est démenti par tous les autres. Ce ne sont pas toutes
les personnes présentes qui s'écrièrent : Voilà un enfant
mort ; c’est la femme Pignot qui prétend seule l’avoir dit à
Marie Bournet, parce qu’elle a vu tomber des excrémens ;
mais Marie Bournet ne le confirme pas.
Cette Pignot qui a voulu tout dire est tombée dans le
piège ordinaire des menteurs; elle sc contredit elle-meme
sur tous les points. L ’accoucheuse lui fit signe que l’enfant
étoit mort, et cependant l’accoucheuse l’engagea à sentir
Lattre son cœur; elle refusa de s’assurer si l’enfant étoit
vivant, parce, qu "‘elle ne s y connaissait pas : cependant
elle avoit déjà dit que l’enfant étoit mort.
Ces contradictions s’accordent parfaitement ayep la dé
position
�( 17 )
position du témoin Forichon, qui a ouï dire à plusieurs
femmes que cette même Pignot leur avait attesté que
l’enfant étoit vivant, et qu’elle lui avoit remarqué plu
sieurs signes de vie. Cette malheureuse a ensuite changé
absolument de langage; et ceux qui la connoissent ne s’en
étonnent pas.
Toutes les personnes présentes n’avoient pas dit : Voilà
un enfant mort; puisque tous les autres témoins présens
ont remarqué des signes de vie plus ou moins prononcés.
L e deuxième fait n’est prouvé par aucune déposition,
si on en excepte la circonstance attestée par la même
Pignot, que la sage-femme ouvrit la bouche de l’enfant :
fait isolé, faux et inutile. Mais personne-n’a dit que la
bouche se refermât de suite, et que l’enfant eût, en nais
sant, ni de la pâleur, ni les yeux femiés.
L e troisième fait n’est encore déclaré par aucun té
moin. Corre n’a pas dit être venu seulement quand on
ensevelissoit l’enfant, mais l’avoir vu sur les genoux de
sa femme. La loi n’exigeoit pas même de l u i , comme
témoin, qu’il attestât la naissance, elle ne l’exigeoit que
de la sage-femme; et il étoit témoin de l’attestation seule
ment. S’il avoit déclaré la naissance, comme témoin ins
trumentale il feroit encore fo i, et ne seroit pas admis
à se rétracter.
lie quatrième fait étoit aussi insignifiant que le précé
dent, et n’est pas déclaré de la même manière par la
P ign ot, quoique ce soit elle qui ait dicté évidemment
les faits articulés par l’adversaire.
Il y a même quelque chose d’essentiel à remarquer dans
ce que disent Corre et la Pignot. Celle-ci assure avoir tout
vu depuis les couclics jusqu’à l’inhumation, et cependant
C
�( i8 )
Corre dit'que c’est elle qui vint le chercher à sa vigne;
elle s’est donc absentée quelque temps.
Le cinquième fait est démontré faux par tous les té
moins; car bien loin que le sieur Reynaud, adjoint, ait
rédigé ses actes sans se transporter dans la maison où étoit
l’enfant, et sans le v o ir, il dit lui-même y être venu et
l’avoir vu. Tous les témoins parlent de ce fait, et la Pignot
elle-même déclare que le sieur Reynaud toucha l’enfant
à plusieurs endroits, et le baptisa.
Ainsi rien de ce que Gilbert Lafont avoit offert de
prouver ne l’a été. L ’acte de naissance demeure donc dans
toute sa force.
Quand on ôteroit de son enquête tous les signes de vie
articulés par ses propres témoins, il ne resteroit que des
doutes sur la mort de l’enfant; et des doutes ne détruisent
pas un acte.
Ces doutes encore ne sont communiqués que par un
seul témoin qui a refusé de toucher l’enfant, et qui n’ayant
pas voulu s’éclaircir veut cependant communiquer tous
les éclaircissemens.
Il faut se méfier d’elle, puisqu’elle s’en est méfiée ellemême; d’ailleurs ses contradictions appellent aussi la mé
fiance, quand elle ne seroit pas personnellement suspecte,
comme la plus proche parente des adversaires. D ’ailleurs
c’est une chute d’excrémens qu’elle a regardée comme
signe de mort. Sur ce fait même, qu’il est étonnant qu’elle
ait pu vérifier avant la fin des couches, de quel poids
peut être un semblable témoignage? C’est là cependant
la seule preuve de la mort qu’elle donne, ou plutôt la
seule preuve que fournit l’enquête.
�C *9 )
L e cu ré auroit été un témoin important s’il avoit as
sisté au commencement des couches ; mais il a fallu l’en
voyer chercher et l’attendre : et quoique, dans ce délai
assez long, la vie de l’enfant n’ait pu que diminuer,
cependant à son arrivée il a encore senti de la chaleur;
et si l’enfant avoit été mort - n é , cette chaleur n’auroit
pas duré jusqu’alors , surtout à la fin de décembre. Ce
qu’il y a de certain c’est que le curé n’atteste pas que
l’enfant fût mort, c’est qu’au contraire il l’a baptisé comme
vivant, et après un premier baptême. O r , suivant les
règles, ce premier baptême suffisoit, n’y eût-il eu que du
danger, Canonistœ dicunt sufficere quod aliquod mernbrum baptizetur, ut sit irifans christianus .
Ainsi ce second baptême fait par un prêtre est une
présomption authentique de la vie, d’après les auteurs :
à cette présomption se joint la preuve légale de la vie
par l’acte de naissance fait par le même témoin. A insi,
quand il marqueroit les conjectures de mort les plus
fortes, jamais il n’y auroit lieu d’annuller son propre acte
public, qui parleroit plus haut que sa déposition.
On voit d’ailleurs dans cette déposition du curé une
retenue qui abrège trop les détails, et qui s’explique assez
par l’inquiétude que devoit lui donner malgré lui une
inscription de faux contre son propre acte.
Mais cette circonspection est corrigée par les témoins
Durin et Guillemin, à qui le curé a dit à diilerens inter
valles qu’avant de baptiser l’enfant il s’étoit assuré de
son existence.
Si à cela 011 ajoute les dépositions de la sage-femme
de la veuve Bonnefoi et de la femme Gorre, il n’y aura
plus à douter; car les m oum ncns de l’enfant dans la main
C 3
�( *> )
de la sage-femmè, les battemens du cœur, les soupirs ,
les bras remués trois à quatre fois, la contraction des
muscles du visage, sont sans contredit des signes évidens
d’existence.
. Cent témoins, qui diroient avoir vu un individu mort,
ne détruiraient pas le témoignage de ceux qui l’ont vu
vivant. Les apparences de la vie et de la mort sont sou
vent difficiles à reconnoître, et peuvent d’ailleurs avoir
lieu quelquefois alternativement.
S e c o n d e
q u e s t i o n
.
Les signes de vie remarqués par les témoins so n t-ils
suffisons ?
> Les lois françaises sont muettes sur cette question, et
la jurisprudence s’est toujours basée sur les lois romaines,
qui ne laissent presque rien indécis.
A peine l’enfant étoit conçu qu’il étoit compté parmi
les créatures, et réputé vivant toutes les fois qu’il s’agissoit de son intérêt.
Si cependant il mouroit avant de naître, il n’étoit pas
réputé avoir v é c u , parce qu’alors en effet son intérêt
étoit nul, et il étoit inutile qu’il eût vécu pour l’intérêt
d’autrui.
Mais dès l’instant qu’il étoit né, il devenoit capable de
succéder et de transmettre, quelle que foible et courte
qu’ait pu être sa v ie , licet i l l i c o decesserit. L. 2 , cod.
•ZJe post. hœr.
Cependant les écoles ne s’accordoient pas sur les preuves
de la v ie , lorsqu’il s’agissoit de savoir quand 1111 testa
ment étoit annullé par la naissance d’un posthume. Les
�( « )
proculeïens, qui étoient les rigoristes du droit, vouloient
que l’enfant, pour être réputé avoir vécu, eut crié, c/«rnorern erniserit. Mais les sabiniens n’étoient pas de cet
avis, et répondoient que la foiblesse ou un défaut d’or
ganes peuvent empêcher les cris de l’enfant, quoique visi
blement il existe. Justinien termina ce débat par la loi
Quod diù certatum , et dit, en approuvant l’opinion des
sabiniens, que le testament étoit rompu si l’enfant étoit
né vivan t, quand même il seroit mort immédiatement
après sa naissance, et même dans les mains de la sagefemme.
Sabiniani existim abant si vivus natus esset e t s i
v o c e m n o n e m i s i t rumpi testamentum : eorum etiam
nos laudamits sententiam , et sancim us , si perfectè natus e s t , lie et i l l i c o postquam in terrarn cecidit vel
i n m i n i b u s o b s t e t r i c i s decessit, run/pi testamentum. Loi Quod d iù , code D eposth. lib.
Cette supposition d’une mort aussi prompte, pour ainsi
dire, que la naissance, marque assez que la loi n’a pas
exigé des signes de vie bien prononcés, puisque le son
de la voix ne lui a pas même semblé nécessaire.
11 y a plus, car la loi encore a prévu le cas où un
accouchement auroit été tellement forcé et difficile que
l’enfant n’auroit pu être extrait qu’en partie. Si la por
tion qui a vu le monde est celle en qui consiste princi
palement l’existence, l’enfant n’en est pas moins réputé
avoir vécu, quoiqu’incapable de conserver la vie; et la
loi en ce cas se contente du moindre souffle.
S i non integrum anim al editum s i t , curn s p i r i t u
tam en , adeo testamenium rumpit. L. 12 ; lf. D e liberis
et posth.
�( 22 )
Ces principes ont toujours été adoptés par la jurispru
dence ; et les auteurs du droit les enseignent comme des
maximes certaines.
Lebrun se plaint avec éloquence de ceux qui veulent
pour signe de vie avoir entendu la voix de l’enfant ;
« comme si, dit-il, la nature attentive à d’autres choses,
« ne pouvoit pas, dans un petit espace de temps, vivre
« et mourir sans se plaindre : au contraire l’on peut dire,
« ajoute-t-il, que l’enfant qui se tait ainsi en naissant,
« subsiste en partie par ce silence, parce que la nature
« ménage ses forces pour prolonger sa v ie , et évite do
« la dissiper en accens superflus. » (L ivre i , chap. 4 ,
sect. 1.)
M . Domat, cité par les adversaires, s’occupe des cas
où l’enfant est né avant le terme ordinaire; et quoique
dans l’usage on n’ait jamais regardé comme viable un
enfant né avant le septième mois, M . Domat distinguo
le cas où il s’agit de son état personnel, de celui où il
est question de savoir s’il a succédé et transmis la succès*'
sion. Dans la première espèce, c’est-à-dire, cum agiturde statu e tjît qucestio statûs , M . Domat pense que l’en-r
fant, avant sept mois, n?est pas réputé avoir vécu : mais
quand il ne s’agit que de transmettre la succession à ses
héritiers, ciim agitur de transmissione hœreditatis , les
raisons ne sont plus les mêmes, et il n’importe plus que
l’enfant ait pu vivre, il suffit qu^il ait vécu; et M . Domat
cite des arrêts qui ont réputé successibles des enfans de
quatre et cinq mois, nés même par l’opération césarienne.
( Liv. 1, sect. 1, n°. 5 , p. 2. )
Remarquons qu*ici il s?agit d’un enfant venu à leruio
après neuf mois, et dès-lors légalement viable ,
�( 23 )
Henrys, cité encore par les adversaires, ne leur est pas
plus favorable que Domat; il parle d’une cause où il s’agissoit d’un enfant q u i, loin d’être regai-dé comme mort
pour avoir rejeté des excrémens, n’avoit au contraire
donné d’autres signes de vie constans. Voici littéralement
le fait l'apporté par M . Henrys lui-même. « Une mère
« n’ayant pu rendre son enfant qu’avec peine et violence,
« et cet enfant n’ayant donné d’autre signe de vie que
« par les excrémens qu’il avoit rendus, cela fit douter
« s’il avoit survécu la mère ou non. Ceux qui avoient
« intérêt qu’il fût plutôt né vivant que m ort, ne man« quèrent pas d’user de précaution, et de faire ouïr par« devant le juge la sage-femme et un médecin. Le prê
te texte qu’ils en prirent fut au sujet de l’enterrement,
« et sur le refus que le curé pouvoit faire de le mettre
« en terre sainte. Y ayant eu procès en ce siège, nous
« fûmes ouïs pour le procureur du ro i.... La sage-femme
« ne s’étant arrêtée qu’à l’éjection des excrémens, et en
« cela n’ayant pu parler que par l’organe du médecin...
« le rapport nous paroissoit précipité et affecté ; nous
« crûmes qu’il y avoit plus d’apparence d’en ordonner
« un second.... que puisqu’on n’avoit établi la vie de
« l’enfant que sur ce signe seul, les médecins en pou« voient aussi-bien juger que s’ils avoient été présens à
« l’enfantement. Nos conclusions furent suivies, et un
« nouveau rapport fut ordonné. Y ayant eu appel au para lement, la cour a cru que le premier rapport devoit
« suffire; en un m ot, que sur le doute , et dans les cir« constances du f a i t , il fa llo it plutôt juger que Tenfant
« avoit eu vie , que d'être mort-né. » ( Quest. 2 1} liv. 6.)
Enfin Acaranza, cité aussi par les adversaires, dit, au
�C 24
) *
rapport tle Bretonnier, dans son traité D e p a riu , ch. 16,
n°. 32, que le moindre signe de vie suffit s’il est certain.
Dans une cause qui dépend toute entière d’un fait pu
blic et légalement attesté, que de simples indices ne peu^
vent détruire, les réflexions des docteurs consultés par
les adversaires ne conduiront pas la cour à tout l’éclair
cissement qu’elle avoit lieu d’attendre de leurs lumières;
car ces docteurs n’ont pu se déterminer que par le vague
des enquêtes : aussi leur opinion se réduit-elle à un système.
Mais quelque brillant que puisse être un système, jamais
l’incertitude n’amena la conviction.
Le raisonnement des docteurs consultés se réduit à ceci :
La chaleur, les mouvemens de l’enfant, ses soupirs et le
battement de son cœur, peuvent avoir trompé les témoins,
parce que les genoux trembloient à celle qui tenoit l’en
fant sur ses genoux, et ce tremblement, communiqué k
l’enfant, a pu en imposer pour un mouvement qui lui fût
.personnel. Le seul soupir entendu étant un dernier soupir,
n’a été qu’un mouvement expiratoire, sans inspix*ation,
parce que les poumons n’ont pas eu la force de supporter
le volume d’air nécessaire à la respiration. Les signes de
vitalité remarqués ne sont qu’un reste de contractilité et
d’irritabilité tels qu’on les observe sur les têtes nouvel
lement coupées, sur le larynx des oies, et au galvanisme,
Tout cela 11’étoit qu’un indice de la cessation encore
récente de la vie animale.
La base de ce système est une simple possibilité : le fait
principal qui le motive n’est pas exact, et par conséquent
le système s’évanouit tout^entier,
Lo
�( 25)
Le tremblement des genoux, imputé à la femme Corre,
n’est pas attesté par elle; et sans doute sa déposition de voit
être la plus notable à l’égard d’un fait qui lui étoit per
sonnel.
_ Le soupir appelé un dernier soupir est encore une
.erreur ; car puisque les docteurs ont choisi les témoins
qui parloient de visu , ils ont dû remarquer que la sagefemme, après avoir lavé l’enfant avec de l’e a u -d e -v ie ,
entendit un gros soupir ; puis elle le remit à la femme
Corre pour s’occuper de la mère. O r, à son tour, la femme
Corre lava l’enfant avec du v in , et alors remarqua que
l’enfant soupirait, qu’il avoit des mouvemens dans le
visage, qu’il remua les bras trois ou quatre fois, et que
le cœur lui battoit.
Ces soupirs ne sont pas les mêmes que ceux entendus
par la sage-femme quelque temps auparavant. Il n’y a
donc pas, comme l’ont cru les docteurs, un seul et der~
nier soupir.
A lo rs, et sans examiner s’il est possible qu’un enfant
sortant du sein de sa mère rende de l’air par expiration,
sans en ayoir jamais aspiré, il est au moins certain que le
premier de ces soupirs, à supposer qu’il n’y en ait eu que
(deux, n’est pas un dernier mouvement expiratoire passif.
Après pette exanimation, il seroit impossible de conce
voir qu’un second soupir eût pu succéder au premier. C’est
bien assez d’admettre un premier soupir dans un nou
veau n é , si ses poumons n’ont pas eu la force de sup
porter le volume d’air nécessaire à la inspiration.
Les signes de vitalité remarqués aux têtes fraîchement
coupées ne semblent devoir rien prouver à l’égard d’un
enfant qui ne s’éteint que par foiblesse, Dans une tête
D
�( X
)
............................
coupée,la vie Surprise, pour ainsi dire, pendant sa force,
s’arrête encore dans une partie restée saine. Les muscles,
irrités ordinairémerit par la moindre blessure, le sont
bien davantage par leur section entière; et leur contrac
tion communique à tout ce qui en dépend un jeu mé
canique qui n’est pas la v ie , mais qui en est l’apparence.
A u contraire quand un corps entier s’éteint par débi
lité ou dissolution, ce mouvement des muscles ne peut
pas survivre à l’atonie de l’organisation ; à plus forte
raison dans un enfant nouveau, qui n’auroit pas eu la force
de supporter une seule a s p ir a tio n , toute contractilité et
irritabilité semble une Chose entièrement impossible.
Le larynx des oies ne répète leur cri que pendant la
durée du souffle qu’on y communique; ainsi il n’y a pas
de vitalité dans ce qui exige une fonction étrangère.
Le galvanisme peut bien, par une combinaison de mé
taux, produire sur des chairs inanimées une commotion
dont nos sens imparfaits ne peuvent pas apercevoir la
cause : mais, quelle qu’elle soit, elle est le produit d’un
appareil quelconque ; et jamais un corps n’a répété les
mouvemens galvaniques hors la présence de cet appareil.
'
Remarquons une vérité frappante. Dans leur propre
opinion les docteurs ont supposé que la vitalité même
qu’ils présumoient dans l’enfant, étoit l’indice de la ces
sation encore récente de la vie animale.
Voilà donc une présomption de mort attachée à la con
viction que l’enfant vivoit encore un instant auparavant.
O r, cet instant, où est-il ? qui peut le saisir aujourd’hui,
quand les assistons ne l’ont pu reconnoître? Gomment,
dans une matière aussi conjecturale que les signes de la
�( *7 )
mort, les docteurs assureront-ils que l’enfant de Cathe
rine Lafont, venu à terme en l’an n , soit mort avant,,
ou pendant l’extraction, ou une minute après sa ,nais
sance, avant, ou pendant son baptême, ou in manibus
obstetricis , suivant le langage de la loi.
La sage-femme l’a gardé quelque temps; après elle, la
femme Corre l’a gardé; puis le curé, mandé pour le
baptiser, est venu; et c’est après tout cela qu’on a été
certain de sa mort.
Quand il n’y auroit pas de signes de vie reconnus, rien
ne seroit plus conjectural que les signes de la mort, et
en ce cas même il faudroit seulement douter.
Car, comme le dit M . W inslow , « si la chaleur du
« corps et la mollesse des parties flexibles sont des signes
« incertains d’une vie encore subsistante, la pâleur du vi
te sage, le froid du corps, la roideur des extrémités, la
« cessation des mouvemens et l’abolition des sens externes,
« sont des signes très-équivoques d’une mort certaine....
s II est incontestable que le corps est quelquefois telle—
« ment privé de toute fonction vitale, et que le souille
« de la vie y est t e l l e m e n t caché, qu’il ne paroît aucune
« différence de la vie et de la mort. >3 ( Dissertation sur
l’incertitude des signes de la mort, page 84. )
Et c’est parce que les signes de la mort sont plus dou
teux que ceux de la vie, que les auteurs de médecine
légale se contentent des moindres indices pour présumer
la vie de reniant.
Si spirai’erit, dit Zacliias, si.membra distenderit , si
se r/éoverit, si sternutaverit., si urina/n reddat. (Quest.
m édico-lég. liv. i*?1*- tit. 5 ,11°. 123.) Cependant la plupart
D 2
�.
C ¡8 ) '
de ces cas pourroient se prendre encore plus pour de
simples mouvemens de vitalité musculaire.
Foderé marque une notable différence entre le cas où
l’enfant seroit mort dans le ventre de sa mère, et celui
où il ne meurt que pendant sa naissance. A u premier‘
cas, l’état qu’il décrit des souffrances de la mère ne laisse
pas de doute ; au deuxième cas, il indique comme signe
de mort le défaut de pulsation et de chaleur des artères
ombilicales : néanmoins i f cite encore des exemples où
ces signes mêmes ont trompé les praticiens. (Médecine
civile, tom. i , n ° . 288.)
Mahon ne pense nullement que la pulsation des artères
soit un simple indice de vitalité et de contractilité. « La
« continuation du battement du cœur et de la circulation
« du sang en général, dit-il, est un indice bien plus sûr de
« la vie de l’enfant après sa naissance. Cette fonction est,
« de toutes celles qui tombent sous les sens, la plus im« portante de la vie animale. » ( Médecine légale, tom. 2,
pag- 393 - )
Si donc nous ignorons quand est mort l’enfant de Ca
therine Lafont, au moins ne Fétoit-il pas quand son cœur
battoit encore; et si les mouvemens des bras et du visage
sont, comme les soupirs, des signes douteux de la vie, au
moins tous les r a i s o n n e m e n s de l’univers ne prouveroient
pas qu’ils sont des signes de mort.
Car il faut pour les adversaires des signes évidens de
mort, puisqu’ils attaquent un acte de naissance.
Eh ! où en serions-nous, si à chaque mort il falloit élever
autant de doutes et d’incertitudes?
Les hommes sont convenus de regarder comme l’ins-
�( ¿g ) ï
tant fixé de la mort'celui de la cessation totale de la cir
culation du sang, suivie de la roideur des membres; et
les intérêts de toutes les familles se règlent chaque joui*
sur la foi de cette croyance.
On sait bien qu’il est de loin en loin des exceptions
à cette règle, et que des personnes ont vécu, après avoir
eu tous les signes ordinaires de la mort.
Mais on ne voit pas pour cela que ces phénomènes
changent les notions de l’habitude ; et certes nul ne certifieroit vivant un homme sans pouls et sans flexibilité de
membres, parce qu’il en auroit vu vivre d’autres ayant
les mômes symptômes de mort.
Comment donc est-il possible de décider qu’un enfant,
qui conservoit du mouvement, étoit cependant m ort,
par cela seul qu’il est des exemples que des individus
morts ont quelquefois donné des signes de vie.
Cependant il ne s’agit ici que de fixer l’époque précise
d’une mort reconnue récente ; et au lieu de la rechercher
dans des possibilités et dans des hypothèses, pourquoi
ne pas supposer aussi une cause plus immédiate et plus
naturelle?
Les couches de Catherine Lafont ont été laborieuses;
voilà un fait connu.
L ’enfant a dû être très-accablé, et avoir besoin du plus
grand calme; si on l’a tourmenté on n’a pu que lui nuire :
voilà la première présomption certaine.
Mais au lieu de lui laisser du repos on lui a coupé le
cordon ombilical, on l’a frotté avec de l’eau-de-vie, puis
avec du vin.
Pourquoi donc np pas croire que ces opérations ont
�( 3° )
achevé d’éteindre une vie encore récente , plutôt q u e ’
d’assigner une époque antérieure, sans aucune certitude,
mais par simple soupçon.
'
Ici au moins nous présentons un système qui a une .
base, et cette base est assise sur une grande autorité.
« Lorsque l’enfant, dit Hippocrate, est sorti du sein
ce de sa mère avec effort, comme il est foible, il ne fautj
« pas lui couper l’ombilic qu’il n’ait crié et uriné. »
(*Hîppocr. de superf. ch. 5 . )
Et qu’on n’objecte pas que ce sont là des principes d’an*
cienne théorie; Alphonse Leroi, qui les rappelle, ajoute :
« Nous développerons ailleurs ce précepte excellent, que.
cc nous tâchons chaque jour de rétablir, » ( Alph. L eroi,
pratique des accouchemens. )
La section du cordon ombilical a donc pu nuire à un(
enfant déjà foible; des frictions d’eau-der-vie sur son
visage ont dû même lui causer une révolution qu’il étoit
hors d’état de supporter : c’est en ce moment que scs
soupirs ont annoncé le dernier effort do la nature; et
quand le spasme a arrêté le battement de son cœur, il
a résulté de cette suspension meme que c est alors seu-?
lement qu’il a cessé de vivre.
Si ce n’est là qu’une présomption, elle a pour elle les
dépositions des témoins qui ont vu des mouvemens jus
qu’après la friction d’eau-de-vie : mais d’ailleurs, dans le
doute même, la religion, la physique et les lois présument
que l’enfant a vécu.
Remarquons combien encore la présomption de la vie
pst ici plus favorable que dans l’espèce des lois romaines. L à
il s’agissait de rompre 1111 testament, et c’étoit en pure porto
�f
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1pour le'posthum e, ;s’il mouroit■'iffïcù) 'ïn manibus ofotetricis j ici, au contraire, il s’agit de présumer la vie en
-faveur d’une mère, et de supposer que la nature a suivi
son cours ordinaire, en faisant naître vivant un enfant
q u i, venu à terme, étoit légalement viable.
1 On a articulé contre l’acte de naissance des vices de
forme, mais ils sont imaginaires, et Remporteraient au
cune peine de nullité. Le seul vice conséquent serait de
n’avoir pas porté l’enfant à la maison commune ; mais
la loi dit seulement qu’il sera présenté h l’officier public,
et l’officier public l’a vu.
On se fait un moyen de ce que Catherine Lafont a
contracté récemment un second mariage. Mais qui peut
lui reprocher ce que la loi et les bienséances autorisent:
depuis trois ans elle n’a plus le bonheur d’être épouse
ni mère, et l’obéissance qu’elle doit à son père ne lui a
pas permis de mettre un plus long terme au désir qu’il
manifestoit chaque jour de se'donner un nouveau sou
tien. Mais au reste, quelle influence cet événement peut-il
avoir pour la cause, et surtout pour infirmer un juge
ment antérieur ?
Ce n’est pas moins une mère qui réclame la succes
sion de son enfant, luctuosam hœreditatem , suivant le
langage de la loi. On a,blâmé les premiers juges d’avoir
dit que celle qui avoit couru les dangers de la maternité
méritait la préférence dans le doute ; mais ce motif, bien
loin d’être aussi absurde qu’on le prétend, est entière
ment puisé dans la nature et dans la morale, com m e il
l’est dans l’opinion des plus savans auteurs, et notamment
�( 32 )
-de Domat, qui parle de la faveur de la cause du père ou
de la mère qui survivent à leur enfant.
Cujas dit, comme les premiers juges, que la plus favo
rable interprétation devoit être pour la mère en sem
blable circonstance. Benignius est credere ordinem naturoe servasse f ortunam , ut in dubio m atri f aveam us ,
quœ in luctu est m agno , propter amissum f ilium et
m a ritu m , quàm agnatis, ( Cujac. ad leg.26
D e pact.
dot. )
A quels titres en effet seroient plus recommandables
des collatéraux, qui ne v o y a n t dans les dangers d’une
mère qu’une expectative, et dans ses malheurs qu’une
succession, veulent tout renverser pour en faire leur
p roie, e t, irrités de trouver une barrière dans un acte
authentique, osent rouvrir les tombeaux de leur famille,
pour chercher une heure incertaine, et recueillir pour
ainsi dire la vérité dans le néant ? La cour ne verra en
eux que des profanateurs avides, qui d’ailleurs, dans leurs
moyens impuissans, sont encore bien loin d’avoir satis
fait à ce qu’ils s’étoient imposés à eux-mêmes pour par
venir à renverser un acte d’ordre public, par le motif
unique de leur intérêt particulier.
M e, D E L A P C H I E R , avocat,
M e T A R D I F , licencier avoué.
A. R IO M , de l’im prim erie de Landriot, seul im prim eur d e la.
C o u r d'appel
N ivose an 14.
�
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Factums Marie
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Title
A name given to the resource
[Factum. Lafont, Catherine. An 14?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Tardif
Subject
The topic of the resource
posthume
successions
enfant né viable
médecine légale
accouchement
témoins
vices de forme
actes de naissance
faux
sage-femme
baptême
Description
An account of the resource
Mémoire en réponse, pour Catherine Lafont, et Louis-Auguste Petauton, son mari, habitant à Néris-les-Bains, intimés ; contre Gilbert Lafont, Jean-Baptiste Bournet, Jean Forichon, Marie et autre Marie Lafont, leurs femmes, habitant aussi à Néris, appelans.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 14
1801-Circa An 14
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
32 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0323
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
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BCU_Factums_M0722
BCU_Factums_M0723
BCU_Factums_G1508
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Néris-les-Bains (03195)
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